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mercredi, 24 février 2010

Postmortem Report: Cultural Examinations from Postmodernity

Dr. Sunic' Newest Book !

Paperback: 224 pages
Publisher: Iron Sky Publishing; 1ST edition (February 11, 2010)
ISBN-10: 0956183522
ISBN-13: 978-0956183521
 
 
 
Postmortem Report: Cultural Examinations from Postmodernity (collected Essays)
 
 
 
 

Postmortem Report: Cultural Examinations from Postmodernity

(collected Essays) (Paperback)

Tomislav Sunic (Author), MacDonald Kevin (Foreword)

Editorial Reviews

Product Description

Tomislav Sunic is one of the leading scholars and exponents of the European New Right. A prolific writer and accomplished linguist in Croatian, English, French, and German, his thought synthesizes the ideas of Oswald Spengler, Carl Schmitt, Vilfredo Pareto, and Alain de Benoist, among others, exhibiting an elitist, neo-pagan, traditionalist sensibility. A number of themes have emerged in his cultural criticism: religion, cultural pessimism, race and the Third Reich, liberalism and democracy, and multiculturalism and communism. This book collects Dr. Sunic’s best essays of the past decade, treating topics that relate to these themes. From the vantage point of a European observer who has experienced the pathology of liberalism and communism on both sides of the Iron Curtain, Dr. Sunic offers incisive insights into Western and post-communist societies and culture. Always erudite and at times humorous, this highly readable postmortem report on the death of the West offers a refreshing, alternative perspective to what is usually found in the cadaverous Freudo-Marxian scholasticism that rots in the dank catacombs of postmodern academia.

 

T. Sunic: Amérique réelle, Amérique hyperréelle

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Synergies Européennes – Bruxelles / Zagreb – février 2009

 

Tomislav SUNIC :

Amérique réelle, Amérique hyperréelle

 

Un phénomène important est survenu dans les relations entre les élites américaines détentrices du pouvoir et les élites médiatiques. Au début du 21ème siècle, l’Amérique, contrairement aux autres pays européens, se vante ouvertement qu’elle garantit une liberté d’expression totale. Pourtant, les médias américains osent rarement soulever des thématiques considérées comme contraires à l’esprit postmoderne de l’américanisme. De fait, la « médiacratie » américaine postmoderne opère de plus en plus en liaison avec le pouvoir exécutif de la classe dominante. Cette cohabitation se déroule sur un mode mutuellement correcteur, où les uns posent des critères éthiques pour les autres et vice-versa. Les principales chaînes de télévision et les principaux journaux d’Amérique, comme CNN, The New York Times ou The Washington Post suggèrent aux hommes politiques la ligne à suivre et vice-versa ou, pour un autre sujet, les deux fixent de concert les critères du comportement politique général qu’il faudra adopter. Parmi les citoyens américains, l’idée est largement répandue que les médias représentent un contre-pouvoir face au système et que, de par leur vocation, ils doivent être par définition hostiles aux décisions prises par les élites au pouvoir. Mais en réalité, les médias américains ont toujours été les porte-paroles et les inspirateurs du pouvoir exécutif, bien que d’une manière anonyme, sans jamais citer les noms de ceux qui, au départ de la sphère gouvernementale, leur filaient des tuyaux. Depuis la première guerre mondiale, les médias américains ont eu une influence décisive, dans la mesure où ils ont créé l’ambiance psychologique qui a précédé et soutenu la politique étrangère américaine, en particulier en poussant les politiques américains à bombarder au phosphore les villes européennes pendant la seconde guerre mondiale. La même stratégie, mais avec une ampleur réduite, a été suivie, partiellement, par les médias américains lors de l’engagement US en Irak en 2003.

 

Médias et classe dominante : opérations conjointes

 

Dans le choix des mots, la classe dominante américaine et ses courroies de transmission dans les médias et l’industrie de l’opinion ne fonctionnent plus d’une manière disjointe et exclusive l’une de l’autre ; elles opèrent conjointement dans le même effort pédagogique de « répandre la démocratie et la tolérance » dans le monde entier. « Qu’il y ait ou non un soutien administratif au bénéfice des médias », écrit Régis Debray, « ce sont les médias qui sont les maîtres de l’Etat ; l’Etat doit négocier sa survie avec les faiseurs d’opinion » (1). Debray, figure de proue parmi les théoriciens de la postmodernité, ne révèle au fond rien de neuf, sauf que dans la « vidéo-politique » postmoderne, comme il l’appelle, et qui est distillée par les médias électroniques modernes, les mensonges des politiciens semblent plus digérables qu’auparavant. En d’autres mots, le palais présidentiel n’a plus d’importance politique décisive ; c’est la tour de la télévision qui est désormais en charge de la « haute politique ». L’ensemble des discours et récits politiques majeurs ne relève plus de la « graphosphère » ; il entre dans le domaine de la « vidéosphère » émergente. En pratique, cela signifie que toutes les absurdités que pense ou raconte le politicien n’ont plus aucune importance de fond : quel que soit leur degré de sottise, il faut qu’elles soient bien présentées, qu’elles suscitent l’adhésion, comme sa propre personne, sur les écrans de la télévision. Il peut certes exister des différences mineures entre la manière dont les médias, d’une part, et la classe dominante américaine, d’autre part, formulent leur message, ou entre la façon dont leur efforts correcteurs réciproques se soutiennent mutuellement, il n’en demeure pas moins vrai que la substance de leurs messages doit toujours avoir le même ton.

 

La télévision et les médias visuels ont-ils changé l’image que nous avons du monde objectif ? Ou la réalité du monde objectif peut-elle être saisie, si elle a été explicitée autrement qu’elle ne l’est par les médias ? Les remarques que les universitaires ou d’autres hommes politiques formulent et qui sont contraires aux canons et aux vérités forgées par les médias se heurtent immédiatement à un mur de silence. Les sources et informations rebelles, qui critiquent les dogmes de la démocratie et des droits de l’homme, sont généralement écartées des feux de la rampe. C’est vrai surtout pour les écrivains ou journalistes qui remettent en question l’essence de la démocratie américaine et qui défient la légitimité du libre marché.

 

Significations à facettes multiples

 

Les hommes politiques américains contemporains ont de plus en plus souvent recours à des références voilées derrière un méta-langage hermétique, censé donner à ses locuteurs une aura de respectabilité. Les hommes politiques postmodernes, y compris les professeurs d’université, ont recours, de plus en plus, à une terminologie pompeuse d’origine exotique, et leur jargon se profile souvent derrière une phraséologie qu’ils comprennent rarement eux-mêmes. Avec la propagation rapide du méta-discours postmoderne au début du 21ème siècle, la règle, non écrite, est devenue la suivante : le lecteur ou le spectateur, et non plus l’auteur, devraient devenir les seuls interprètes de la vérité politique. A partir de maintenant, le lexique politique est autorisé à avoir des significations à facettes multiples. Mais, bien sûr, cela ne s’applique pas au dogme du libre marché ou à l’historiographie moderne, qui doit rester à tout jamais en un état statique. Le discours postmoderne permet à un homme politique ou à un faiseur d’opinion de feindre l’innocence politique. De cette manière, il est libre de plaider l’ignorance si ses décisions politiques débouchent sur l’échec. Ce plaidoyer d’ignorance, toutefois, ne s’applique pas s’il osait tenter ou s’il désirait déconstruire le proverbial signifiant « fascisme » qui doit rester le référent inamovible du mal suprême.

 

Dans un essai de 1946, un an après la défaite totale du national-socialisme, Orwell notait combien le mot « fascisme » avait perdu sa signification originelle : « il n’a maintenant plus aucune signification sauf dans la mesure où il désigne quelque chose qui n’est pas désirable » (…). On peut dire la même chose d’un vaste éventail de référents postmodernes, y compris du terme devenu polymorphe de « totalitarisme », qui date du début des années 20 du siècle passé, quand il est apparu pour la première fois et n’avait pas encore de connotation négative. Et qui sait s’il aura toujours cette connotation négative si on part du principe que le système américain, monté en épingle, pourrait, en cas d’urgence, utiliser des instruments totalitaires pour garantir sa survie ? Si l’Amérique devait faire face à des affrontements interraciaux de grande ampleur (on songe aux clivages raciaux de grande envergure après les dévastations causées par l’ouragan Katrina à la Nouvelle Orléans en 2005, qui pourrait être le prélude de plus graves confrontations ultérieures), elle devra fort probablement adopter des mesures disciplinaires classiques, telles la répression policière et la loi martiale. On peut imaginer que la plupart des théoriciens postmodernes n’émettraient aucune objection à l’application de telles mesures, bien qu’ils esquiveront probablement le vocable « totalitaire ».

 

Incantations abstraites

 

Il y a longtemps, Carl Schmitt théorisa et explicita une vérité vieille comme le monde. Notamment, que les concepts politiques acquièrent leur véritable signification si et seulement si l’acteur politique principal, c’est-à-dire l’Etat et sa classe dominante, se retrouvent dans une situation d’urgence soudaine et imprévue. Dans ce cas, toutes les interprétations usuelles des vérités posées jusqu’alors comme « allant de soi » deviennent obsolètes. On a pu observer un tel glissement après l’attaque terroriste du 11 septembre 2001 à New York (un événement qui n’a pas encore été pleinement élucidé) ; la classe dirigeante américaine a profité de cette occasion pour redéfinir la signification légale d’expressions comme les « droits de l’homme » et la « liberté de parole ». Après tout, la meilleure façon de limiter les droits civiques concrets n’est-elle pas d’abuser d’incantations abstraites sur les « droits de l’homme » et sur la « démocratie » ? Avec la déclaration possible d’un état d’urgence à grande échelle dans l’avenir, il semble tout à fait probable que l’Amérique finira par donner de véritables significations à son vocabulaire politique actuel. Pour les temps présents, toutefois, la postmodernité américaine peut se décrire comme une sémantique transitoire et un engouement esthétique parfaitement idoine pour assumer une surveillance dans les sphères académiques et politiques, sous le masque d’un seul terme : celui de « démocratie ».

 

Contrairement au mot, le concept de postmodernité désigne un fait politique ou social qui, selon diverses circonstances, signifie tout et le contraire de tout, c’est-à-dire, finalement, rien du tout. La postmodernité est tout à la fois une rupture avec la modernité et sa continuation logique sous une forme hypertrophiée. Mais, comme nous avons déjà eu l’occasion de le noter, en termes de dogme égalitaire, de multiculturalisme et de religion du progrès, le discours postmoderne est resté le même que le discours de la modernité. Le théoricien français de la postmodernité, Gilles Lipovetsky, utilise le terme d’hypermodernité lorsqu’il parle de la postmodernité. La postmodernité est hypermodernité dans la mesure où les moyens de communication défigurent et distordent tous les signes politiques, leur font perdre toutes proportions. De ce fait, quelque chose que nous allons considérer comme hypermoderne doit simultanément être considéré comme ‘hyperréel’ ou ‘surréel’ ; c’est donc un fait gonflé par une prolifération indéfinie de mini-discours ; des mémoires historiques et tribales travesties en panégyriques aux commémorations de masses honorant les morts de la guerre. De nouveaux signes et logos émergent, représentant la nature diversifiée du système mondial américanisé. Lipovetsky note que « très bientôt, il n’y aura plus aucune activité particulière, plus aucun objet, plus aucun lieu qui n’aura pas l’honneur d’un musée institué. Depuis le musée de la crêpe jusqu’à celui des sardines, depuis le musée d’Elvis Presley jusqu’à celui des Beatles » (2). Dans la postmodernité multiculturelle, tout est objet de souvenir surréel et aucune tribu, aucun style de vie ne doit se voir exclu du circuit. Les Juifs se sont déjà taillé une position privilégiée dans le jeu global des cultes de la mémoire ; maintenant, c’est au tour d’une myriade d’autres tribus, de styles de vie ou de divers groupes marginaux cherchant à recevoir leur part du gâteau de la mémoire globale.

 

Obsession de la « race »

 

Officiellement, dans l’Amérique multiculturelle, il n’y a ni races ni différences raciales. Mais les quotas de discrimination positive (« affirmative action ») et l’épouvantail du racisme ramènent sans cesse le terme ‘race’ à l’avant-plan. Cette attitude qui se voit rejetée, de manière récurrente, par l’établissement postmoderne américain, est, de fait, une obsession ressassée à l’infini. Les minorités raciales réclament plus de droits égaux et se font les avocates de la diversité sociale ; mais dans les termes mêmes de leurs requêtes, elles n’hésitent jamais à mettre en exergue leur propre ‘altérité’ et le caractère unique de leur propre race. Si leurs requêtes ne sont suivies d’aucun effet, les autorités courent le risque de se faire accuser d’ ‘insensibilité’. De ce fait, pourquoi n’utiliserait-on pas, dès maintenant, les termes d’Hyper-Amérique hyperraciale ? Ce qui importe, ici, c’est que le lecteur saisisse ces termes dans leur sens aléatoire car la postmodernité, selon les circonstances, peut se donner des significations contradictoires.

 

L’Amérique est un pays aussi moderne qu’il a voulu l’être. La modernité et la religion du progrès font partie du processus historique qui l’a créé. En même temps, toutefois, les éléments méta-statiques de la postmodernité, en particulier l’ ‘overkill’, les tueries excessives, que l’on voit à satiété dans les médias, sont désormais visibles partout. La postmodernité a ses pièges. Afin de les éviter, ses porte-paroles font usage d’approches particulières du discours moderne en recourant à des qualifiants apolitiques et moins connotés. Dans le monde postmoderne, écrit Lipovetsky, « on note la prédominance de la sphère individuelle sur la sphère universelle, du psychologique sur l’idéologique, de la communication sur la politisation, de la diversité sur l’homogénéité, de la permissivité sur la coercition » (3). De même, certaines questions sociales et politiques apparaissent désormais sous les feux de rampe alors qu’elles étaient totalement ignorées et inédites au cours des dernières décennies du 20ème siècle.  L’éventuelle impuissance sexuelle d’un candidat à la présidence  est désormais considérée comme une événement politique de premier plan —souvent plus que sa manière de traiter un thème important de la criminalité publique. La mort d’un enfant en bas âge dans une Afrique ravagée par les guerres en vient à être considérée comme une affaire nationale urgente. Même le supporter le plus ardent du multiculturalisme aurait eu grand peine à imaginer, jadis, les changements phénoménaux qui se sont opérés dans le discours pan-racialiste des élites américaines. Même le progressiste américain le plus optimiste de jadis, avocat de la consommation à outrance, n’aurait jamais imaginé une telle exhibition colossale de permissivité langagière ni l’explosion de millions de signes de séduction sexuelle. Tout chose se mue en sa forme plus « soft » que suggère la nouvelle idéologie ; depuis l’idéologie du sexe jusqu’à la nouvelle religion du football en passant par la croisade idéologique contre le terrorisme réel ou imaginaire.

 

Transformations sémantiques

 

La culture de masse à l’âge de la néo-postmodernité, comme l’écrit Ruby, facilite le développement d’un individualisme extrême, au point où la plus petite parcelle d’une existence humaine doit dorénavant être perçue comme une commodité périssable ou hygiénique. « La personnalité de quelqu’un est jugée d’après la blancheur de ses incisives, d’après l’absence de la moindre gouttelette de sueur aux aisselles, de même d’après l’absence totale d’émotion » (4). La culture des mots en langue anglaise a, elle aussi, été sujette à des transformations sémantiques. Actuellement, ces mots transformés existent pour désigner des styles de vie différents et n’ont plus rien en commun avec leur signification d’origine. C’est pourquoi on pourrait tout aussi bien appeler l’Amérique postmoderne « Amérique hypermoderne », désignation qui suggère que, dans les années à venir, il y aura encore plus d’hyper-narrations tournant autour de l’hyper-Amérique et du monde « hyper-américanisé ».

 

Et qu’est-ce qui viendra après la postmodernité ? « Tout apparaît », écrit Lipovetsky, « comme si nous étions passés d’un âge ‘post’ à un âge ‘hyper’ ; une nouvelle société faite de modernité refait surface. On ne cherche plus à quitter le monde de la tradition pour accéder à la modernité rationnelle mais à moderniser la modernité, à rationaliser la rationalisation » (5). Nous avons donc affaire à la tentative d’ajouter toujours du progrès, toujours de la croissance économique, toujours des effets télévisés spéciaux pour, imagine-t-on, nourrir l’existence de l’Amérique hyperréelle. Le surplus de symbolisme américain doit continuer à attirer les désillusionnés de toutes races et de tous styles de vie, venus de tous les coins du monde. N’importe quelle image télévisée ou n’importe quelle historiette de théâtre sert désormais de valeur normative pour une émulation quelconque à l’échelle du globe  —ce n’est plus le contraire. D’abord, on voit émerger une icône virtuelle américaine, généralement par le truchement d’un film, d’un show télévisé ou d’un jeu électronique ; ensuite, les masses commencent à utiliser ces images pour conforter leur propre réalité locale. C’est la projection médiatique de l’Amérique hyperréelle qui sert dorénavant de meilleure arme propagandiste pour promouvoir le rêve américain. Nous voyons se manifester un exemple typique de l’hyperréalité américaine lorsque la classe politique américaine prétend que toute erreur générée par son univers multiculturel ou tout flop dans son système judiciaire tentaculaire pourrait se réparer en amenant dans le pays encore plus d’immigrants, en cumulant encore davantage de quotas raciaux ou en gauchisant encore plus ses lois déjà gauchistes. En d’autres termes, la hantise d’une balkanisation du pays, qu’elle ressent, elle croit pouvoir s’en guérir en introduisant encore plus de diversité raciale et en amenant encore plus d’immigrants de souche non européenne. De même, les flops du libre marché, de plus en plus visibles partout en Amérique, elle imagine qu’elle leur apportera une solution, non pas en jugulant la concurrence sur le marché, mais en acceptant encore davantage de concurrence grâce à plus de privatisations, en encourageant plus encore la dérégulation économique, etc. Cette caractéristique de l’ ‘overkill’, de la surenchère postmoderne est l’ingrédient constitutif principal de l’idéologie américaine, qui semble avoir trouvé son rythme accéléré au début de l’âge postmoderne. Jamais il ne vient à l’esprit de l’élite américaine que le consensus social dans une Amérique multiraciale ne pourra s’obtenir par décret. Pourtant, si l’on recourrait à des politiques contraires à tous ces efforts hyperréels en lice, cela pourrait  signifier la fin de l’Amérique postmoderne.

 

Tout doit pouvoir s’expliquer selon des formules toute faites

 

Déjà à la fin du 20ème siècle, l’Amérique a commencé à montrer des signes d’obésité sociale. C’est la nature irrationnelle de la croyance au progrès qui a crû démesurément à la manière des métastases et qui, de ce fait, annonce, le cas échéant, la fin de l’Amérique. Lash notait, il y a déjà pas mal d’années, que tout à la fin du 20ème siècle, les narcisses américains savoureraient les plaisirs sensuels et se vautreraient dans toutes les formes d’auto-gratification. ‘Prendre du plaisir’ est une option qui a toujours fait partie des prescrits de l’idéologie américaine. Cependant le narcisse américain postmoderne à la recherche du plaisir, comme le nomme Lipovetsky, a d’autres soucis actuellement. Son culte du corps et l’amour qu’il porte à lui-même ont conduit à des crises de panique et des anxiétés de masse : « L’obsession à l’égard de soi se manifeste moins dans la joie fébrile que dans la crainte, la maladie, la vieillesse, la ‘médicalisation’ de la vie » (6). Dans l’Amérique hyperrationnelle, tout doit absolument s’expliquer et s’évacuer à l’aide de formules rationnelles, peut importe qu’il s’agisse de l’impuissance sexuelle d’une personne particulière ou de l’impuissance politique du président des Etats-Unis. La nature imprévisible de la vie représente le plus gros danger pour l’homo americanus parce qu’elle ne lui offre pas sur plateau une formule rationnelle pour lui dire comment éviter la mort ; l’imprévisibilité de la vie défie par conséquent la nature intrinsèque de l’américanisme. Tout effraye l’homme américain aujourd’hui : du terrorisme au rabougrissement de son plan retraite ; de l’immigration de masse incontrôlée à la perte probable de son emploi. Ce serait gaspiller du temps de dénombrer et de chiffrer les maux sociaux américains en ce début de troisième millénaire : songeons à la pédophilie, à la toxicomanie, à la criminalité violente, etc. Le nombre de ces anomalies croîtra de manière exponentielle si la marche en avant du progressisme postmoderne américain se poursuit.

 

Tout est copie grotesque de la réalité

 

Chaque postmoderne utilise un méta-langage qui lui est propre et donne sa propre interprétation aux significations de l’histoire. Si nous acceptons la définition de la postmodernité que nous livre le théoricien français Jean Baudrillard, alors tout dans l’Amérique postmoderne est une copie grotesque de la réalité. L’Amérique aurait donc fonctionné depuis 1945 comme un gigantesque photocopieur xérographique, produisant une méta-réalité, qui correspond non pas à l’Amérique telle qu’elle est mais à l’Amérique telle qu’elle devrait être pour le bénéfice du globe tout entier. La seule différence est la suivante : à l’aube du 21ème siècle, le rythme doux et allègre de l’histoire de jadis s’est modifié continuellement, s’est mis à s’accélérer pour passer à la cinquième vitesse. Les événements se déroulent à la vitesse d’une bobine de film, comme détachés de toute séquence historique réelle, et s’accumulent inlassablement jusqu’à provoquer un véritable chaos. Selon Baudrillard, qui est à coup sûr l’un des meilleurs observateurs européens de l’américanisme, l’hyperréalité de l’Amérique a dévoré la réalité de l’Amérique. C’est pourquoi une question doit être posée : pour parachever le rêve américain, les Américains du présent et de l’avenir ne sont-ils pas sensés vivre dans un monde de rêve projeté ? L’Amérique ne se mue-t-elle pas dans ce cas en une sorte de « temps anticipatif » (« a pretense »), en une sorte de fiction, de métaréalité ? L’Amérique a-t-elle dès lors une substance, étant donné que l’américanisme, du moins aux yeux de ses imitateurs non américains, fonctionne seulement comme un système à faire croire, c’est-à-dire comme une « hypercopie » de son soi propre, toujours projeté et embelli ? Dans le monde virtuel et postmoderne d’internet et de l’informatique, toute mise en scène d’événements réels en Amérique procède toujours déjà d’un modèle de remise en scène antérieur et prêt à l’emploi, sensé servir d’instrument pédagogique pour différents projets contingents. Par exemple, les élites militaires américaines disposent de toutes sortes de formules possibles pour tous cas d’urgence qui surviendrait, en n’importe quel endroit du monde. On peut dès lors parier en toute quiétude qu’un scénario, selon l’une ou l’autre de ces nombreuses formules, pourra aisément correspondre à un événement réel sur le terrain. En bref, raisonne Baudrillard, dans un pays constitué de millions d’événements « fractaux », bien que surreprésentés et rejoués à satiété comme ils le sont, tout se mue en un non événement. La postmodernité rend triviales toutes les valeurs, même celles qu’elle devrait honorer pour sa propre survie politique !

 

De nouvelles demandes sociales émergent sans fin

 

L’Amérique et sa classe dirigeante pourraient peut-être un jour disparaître, ou, même, l’Amérique pourrait se fractionner en entités étatiques américaines de plus petites dimensions ; dans l’un ou l’autre de ces cas, l’hyperréalité américaine, cependant, continuera à séduire les masses partout dans le monde. L’Amérique postmoderne doit demeurer le pays de la séduction, même si cette séduction fonctionne davantage auprès des masses non européennes et moins auprès des Américains de souche européenne qui, en privé, rêvent de se porter vers d’autres Amériques, non encore découvertes. Dans un pays comme l’Amérique, écrit Baudrillard, « où l’énergie de la scène publique, c’est-à-dire l’énergie qui crée les mythes sociaux et les dogmes, est en train de disparaître graduellement, l’arène sociale devient obèse et monstrueuse ; elle se dilate comme un corps mammaire ou glandulaire. Jadis, cette scène publique s’illustrait par ses héros, aujourd’hui elle s’indexe sur ses handicapés, ses tarés, ses dégénérés, ses asociaux —tout cela dans un gigantesque effort de maternage thérapeutique » (7). Les marginalisés de la société et les marginaux tout court sont devenus des modèles, qui ont un rôle à jouer dans la postmodernité américaine. La « vérité politique » est d’ores et déjà devenue une thématique de la scène privée et émotionnelle, dans le sens où le membre d’une secte religieuse ou le porte-paroles d’un quelconque « lifestyle » (mode de vie) peut émettre sans frein ses jugements politiques nébuleux. Un toqué bénéficie d’autant de liberté de beugler publiquement ses opinions politiques que le professeur d’université. Il arrive qu’un serial killer devienne une superstar de la télévision, aussi bien avant qu’après ses bacchanales criminelles. En fait, comme la quête de diversité ne cesse de s’élargir, de nouveaux groupes sociaux, et, avec eux, de nouvelles demandes sociales émergent sans fin. Le stade thérapeutique de la post-Amérique, comme l’appelle Gottfried, est le système idéal pour étudier tous les comportements pathologiques.

 

En ces débuts du 21ème siècle, les postmodernistes aiment exhorter tout un chacun à remettre en question tous les paradigmes et tous les mythes politiques, mais, en même temps, ils adorent chérir leurs propres petites vérités étriquées ; notamment celles qui concerne l’une ou l’autre « vérité » de nature ethnique ou relevant des fameux « genders ». Ils continuent à se faire les avocats des programmes d’ « affirmative action » (= de « discrimination positive »), destinés à « visibiliser » les modes de vie non européens et à valoriser les narrations autres, généralement hostiles aux Blancs. Le terme « diversité » est devenu le mot magique des postmodernistes : c’est une diversité basée sur une légitimation négative, dans le sens où elle rejette toute diversité d’origine européenne en mettant l’accent sur la nature soi-disant mauvaise de l’interprétation que donne l’homme blanc de l’histoire.

 

Les narrations postmodernes ne peuvent être soumises à critique

 

Bien que la plupart des postmodernistes tentent de déconstruire la modernité en utilisant l’œuvre de Frédéric Nietzsche et en s’en servant de fil d’Ariane, ils persistent à soutenir leurs propres ordres du jour, micro-idéologiques et infra-politiques, basés sur la valorisation d’autres races et de modes de vie différents. Ce faisant, ils rejettent toute autre interprétation de la réalité, surtout les interprétations qui heurtent de front le mythe omniprésent de l’américanisme. L’approche intellectuelle sous-tendant leurs micro-vérités ou leurs micro-mythes ne peut être soumise à critique, en aucun circonstance. Leurs narrations demeurent les fondements sacro-saints de leur postmodernité. Pour l’essentiel, la narration de chaque tribu ou de chaque groupe apparaît comme un gros mensonge commis sur le mode horizontal, ce qui a pour effet que chacun de ces mensonges élimine la virulence d’un autre mensonge concurrent. Le protagoniste d’un mode de vie quelconque et bizarre, présent sur la scène américaine, sait pertinemment bien que sa narration relève de la fausse monnaie ; mais il doit faire semblant de raconter la vérité. Finalement, et dans le fond, le discours de la postmodernité est un grand discours de méta-mensonge, de méta-tromperie.

 

Si vous adoptez la logique de la postmodernité permissive et la micro-narration hyperréelle d’un zélote religieux ou d’un quelconque tribal de la planète postmoderne, indépendamment du fait qu’il souhaite ou non devenir l’hôte d’un talk show télévisé, ou devenir une star du porno, ou le porte-paroles imaginaire d’une guérilla, alors vous devez implicitement accepter également l’idée d’un « post-démocratie », d’un « post-libéralisme », d’une ère « post-holocaustique » et d’une « post-humanité » dans une post-Amérique. Comme toutes les grandes narrations de la modernité mourante peuvent être remises en question en toute liberté, on peut trouver plein de bonnes raisons pour remettre en question et pour envoyer aux orties la grande narration qui se trouve à la base de la démocratie américaine. En utilisant le même tour de passe-passe, on pourrait remettre au goût du jour en Amérique des penseurs, des auteurs et des hommes de science qui, depuis la fin de ce Sud antérieur à la guerre civile ou, plus nettement encore, depuis la fin de la seconde guerre mondiale en Europe, ont été houspillés dans l’oubli ou ont été dénoncés comme « racistes », bigots ou « fascistes » ou ont reçu l’un ou l’autre nom d’oiseau issu de la faune innombrable de tous ceux que l’on a campés comme exclus. Les auteurs postmodernes évitent toutefois avec prudence les thèmes qui ont été dûment tabouisés. Ils se rendent compte que dans la « société la plus libre qui soit », les mythes antifascistes et anti-antisémites doivent continuer à prospérer.

 

Tomislav SUNIC.

(extrait du livre « Homo Americanus – Child of the Postmodern Age », publié à compte d’auteur, 2007, ISBN 1-4196-5984-7, pp. 146 à 156 ; trad. franc. : Robert Steuckers). 

 

Notes :

(1)    Régis DEBRAY, Cours de médiologie générale, Gallimard, 1991, p. 303.

(2)    Gilles LIPOVETSKY/Sébastien CHARLES, Les temps hypermodernes, Grasset, 2004, p. 124.

(3)    Gilles LIPOVETSKY, L’ère du vide, Gallimard, 1983.

(4)    Christian RUBY, Le champ de bataille postmoderne, néo-moderne, L’Harmattan, 1990.

(5)    Gilles LIPOVETSKY/Sébastien CHARLES, Les temps hypermodernes, Grasset, 2004, p. 78.

(6)    Ibidem, p. 37.

(7)    Jean BAUDRILLARD, Les stratégies fatales, Grasset, 1983, p. 79. 

mardi, 23 février 2010

Soyons différentialistes!

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995

 

Soyons différentialistes!

 

Un professionnel du marketing me disait, il y a quelques semaines, la nécessité, dans notre monde mo­derne régi par la publicité, d'être identifié rapidement. Ainsi, on a accès aux médias parce que l'on est ca­talogué socialiste, gaulliste, nationaliste, écologiste, etc. Ce sont là des étiquettes commodes mais somme toute très réductrices. Cette règle actuelle, qui consiste à passer sous les fourches caudines de la “réduction”, nous sera appliquée que nous le voulions ou non. Dès lors, ce professionnel du marketing m'a demandé: vous, les synergétistes, comment vous définiriez-vous en un seul mot? C'est le terme “différentialiste” qui n'est apparu comme le plus proche de notre démarche.

 

Etre différentialiste, en effet, c'est être pour le respect des différences, des variétés, des couleurs, des traditions et donc hostile à toutes les tentatives d'uniformiser le globe, de peindre le monde en gris, de sérialiser outrancièrement les gestes de la vie quotidienne et les réflexes de la pensée.

 

Etre différentialiste, c'est être fondamentalement tolérant et non pas superficiellement tolérant comme se piquent de l'être beaucoup de vedettes du prêt-à-penser. Etre différentialiste, c'est respecter les forces numinales qui vivent en l'autre, de respecter les valeurs qui l'animent et s'incarnent en lui selon des mo­dalités différentes des nôtres.

 

Etre différentialiste, c'est donc être hostile à cette sérialisation planétaire à l'œuvre depuis plus d'un siècle, c'est refuser que tous les peuples soient soumis indistinctement aux mêmes règles dites univer­selles. C'est reconnaître à chaque communauté le droit de se développer selon ses rythmes propres. C'est être du côté de la loi de la différAnce, du processus de différAnce générateur de différEnces provi­soires, pour reprendre le vocabulaire de Derrida, c'est-à-dire du côté de la créativité, des mutations per­manentes et constructives, qui suscitent à chaque seconde des formes durables mais mortelles, mar­quées de cette finitude qui oblige à l'action et sans laquelle nos nerfs et nos neurones s'étioleraient, se laisseraient sans cesse aller aux délices de la mythique Capoue.

 

Le différentialisme est en fait une rébellion constante pour préserver ce travail permanent de différAnce à l'œuvre dans le monde, pour empêcher que de terribles simplificateurs ne le bétonnent, ne l'oblitèrent. Mais pour que différAnce il y ait, il faut que soient préservées les différEnces car c'est sur le socle de dif­férEnces en expansion ou en déclin que les hommes dynamiques ou réactifs créeront par différAnce les formes nouvelles, qui dureront le temps d'une splendide ou d'une discrète différEnce. Le différentialisme est donc une rébellion pour garder la liberté de se plonger dans le processus universel de différAnce, armé des vitalités ou des résidus d'une différEnce particulière, qui est nôtre, à laquelle le destin nous a liés.

 

Pour nous l'Europe sera différentialiste ou ne sera plus! Une Europe soustraite par les terribles simplifica­teurs au processus universel de différAnce, privée de ses différEnces vivaces ou abîmées, ne sera plus qu'une Europe étouffée par l'asphalte des idéologies-toutes-faites, une Europe qui n'aura plus la sou­plesse intellectuelle pour faire face adéquatement aux défis planétaires qui nous attendent. Nous ne voulons pas d'un modèle américain, de plaisirs sérialisés, nous voulons sans cesse de l'originalité, nos critères nous portent à aimer le cinéma ou la littérature d'un Chinois inconnu des pontifes médiatiques, d'un Latino-Américain brimé par sa bourgeoisie ou ses militaires aux ordres de Washington, d'un Africain qui n'a pas accès aux pla­teaux de Paris ou de New York, d'un Indien qui refuse les modes pour faire re­vi­vre en lui, à chaque ins­tant, la gloire de l'univers védique! Notre différentialisme est donc ouverture per­ma­nente au monde, com­bat inlassable contre les fermetures que veulent nous imposer la “political correc­tness” et le “nouvel ordre mondial”.

 

Mais cette propension à tout bétonner est aujourd'hui au pouvoir. Comme l'écrivait Pierre Drieu la Rochelle dans son Journal:  «J'ai mesuré l'effroyable décadence des esprits et des cœurs en Europe». Or depuis la rédaction de ce texte, la chute n'a fait que s'accélérer. C'est contre elle que nous avons voulu réagir en nous implantant partout en Europe: pour dialoguer, comparer nos héritages à ceux des autres, pour op­poser nos différEnces et participer ainsi au processus de différAnce, pour épauler ceux qui agissent en dehors des grands circuits commerciaux d'une culture homogénéisée, mise au pas, stérilisée.

 

Notre mouvement s'accroît, bon nombre d'initiatives s'adressent à nous pour œuvrer en commun: j'en veux pour preuve les associations allemandes ou italiennes qui vont participer conjointement à nos uni­versités d'été, qui nous fournissent des orateurs, qui travaillent chacune sur leur créneau, j'en veux pour preuve les journaux, grands et petits, qui s'adressent à nos cadres pour remplir leurs colonnes, j'en veux pour preuve ce théâtre de rue lombard qui pratique, de concert avec “Synergies”, le gramscisme dans sa version la plus pure. En effet, Antonio Gramsci pariait justement sur ce théâtre spontané des rues et des masses, animé par des “intellectuels organiques”, pour jeter bas le cléricalisme dominant à son époque. Berthold Brecht ne disait pas autre chose. La contestation radicale de cette fin de siècle est notre camp, notre seul camp. Nous ne luttons pas pour faire advenir en Europe une grande idéologie verrouillée, un iron heel  de nouvelle mouture, mais justement pour préserver ces spontanéités culturelles qui corrodent les raides certitudes des bigots de toutes espèces.

 

Gilbert SINCYR.

lundi, 22 février 2010

Bertrand de Jouvenel, analyse du pouvoir, dépassement du système: l'impact de la revue "Futuribles"

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Bertrand de Jouvenel, analyse du pouvoir, dépassement du système: l'impact de la revue Futuribles

Intervention de Laurent Schang lors de la 6ième Université d'été de "Synergies Européennes" (Valsugana/Trento, 1998)

 

BERTRAND_DE_JOUVENEL.jpgSingulier destin que celui de Bertrand de Jouvenel des Ursins, aristocrate républicain, non-conformiste des années de l'entre-deux-guerres et fédéraliste européen fondateur du Club de Rome, titulaire de chaires académiques à Paris mais aussi à Oxford, Manchester. Cambridge, Yale ou Berkeley, auteur d'une trentaine de traités théoriques en politologie et sciences économique et sociale, témoin et acteur de cinquante ans de haute diplomatie mondiale (tour à tour en tant qu'envoyé spécial puis conseiller expert auprès des principales instances dirigeantes, membre de la Commission des Comptes de la Nation et de la Commission au Plan), président-directeur général de la S.E.D.E.I.S. (Société d'Etude et de Documentation Economique, Industrielle et Sociale), directeur de revues de prospective dans lesquelles il mit en équation parmi les premiers la méthodologie de la prospection dans le domaine des ³sciences² sociales (l'art de la conjecture ou stochastique: sagesse du philosophe et prudence du politique) synthétisée en un néologisme, Futuribles, qui devait donner l'intitule d'une revue créée et dirigée par son fils, Hugues de Jouvenel, et qui sur la fin de ses jours dut intenter un procès à l'historien Zeev Sternhell, qui dans sa somme Ni Droite ni Gauche, I'idéologie fasciste en France,I'évoquait en une figure prédominante de l'intelligentsia pro-fasciste française. On se souvient que Denis de Rougemont, à qui bien des convergences doctrinales reliaient Bertrand de Jouvenel, se vit lui aussi obliger de traîner Bernard Henri Lévy devant les tribunaux pour les mêmes accusations publiées dans le livre L'idéologie française.

Singulier destin en effet pour ce fils né le 31 octobre 1903 de Henry de Jouvenel, sénateur et ambassadeur français radical-socialiste mais de tradition familiale catholique et royaliste, et de Sarah Claire Boas, fille d'un riche industriel juif et franc-maçon. Jean Mabire, dans sa bio-bibliographie Bertrand de Jouvenel, la mauvaise réputation, écrit: ³Curieux personnage qui a toujours été décalé, en avance ou en retard sur son temps, jamais en prise sur le réel, mais d'une singulière lucidité sur l'évolution du monde qu'il a regardé toute sa vie avec un mélange de scepticisme et d'enthousiasme, qui l'apparente par plus d'un trait à son vieil ami Emmanuel Berl².
 

De l'économie dirigée aux Futuribles

Solidement appuyé sur ses brillantes études de droit et sciences à l'Université de Paris, Bertrand de Jouvenel se passionne pour la politique internationale et devient reporter auprès de la Société des Nations, cependant qu'il s'attèle très tôt à relever et théoriser l'essence du pouvoir dans ses multiples expressions et échafaude sa pensée-monde. Ses reportages pour La République, un quotidien parisien, lui assure la reconnaissance de ses pairs. L 'Economie Dirigée, formule qu'il crée pour la circonstance, est publiée en 1928, Vers les Etats-Unis d'Europe en 1930. Pacifiste, ardent promoteur de la réconciliation franco-allemande, et conscient de l'étroitesse de la dichotomie Droite-Gauche, il constitue avec Pierre Andreu et Samy Béracha La Lutte des Jeunes, hebdomadaire non-conformiste à la pointe des idées planistes, personnalistes et fédéralistes où l'on peut lire Jean Prévost, Henri De Man ou Pierre Drieu la Rochelle. Peu de temps attiré par l'expérience prolétaro-fasciste du PPF, il s'en eloigne vite, et, résistant, il passe la frontière suisse en 1943, poursuivi par la Gestapo. Il reprendra après guerre ses fonctions de penseur et analyste, enseignera a l'I.N.S.E.A.D. de 1966 à 1973, à partir de quand il professera au C.E.D.E.P.. Professeur honoris causa de l'Université de Glasgow, il crée entre 1954 et 1974 deux périodiques: Analyse et Prévision, Chroniques d'Actualité et ¦uvre au sein du Comité International Futuribles et de I'Association Internationale Futuribles. Bertrand de Jouvenel s'éteint en 1987.

Mais, une fois évoqués ces quelques éléments d'éclaircissement biographique, nous n'avons encore rien dit, et tout reste à définir du monumental travail théorique, analytique et prospectif de Bertrand de Jouvenel. Ainsi sa pensée, englobant la totalité des connaissances issues des sciences humaines, doit-elle être abordée d'un point de vue politologique comme une tentative de mise en relation hiérarchique des trois partenaires de tout mouvement social: I'individu, la société, l'Etat/nation, intégrée dans la vaste perspective d'ensemble du devenir éternel de la civilisation. ³Quelle Europe voulons-nous?², cette question essentielle doit être comprise comme le fil conducteur de sa pensée critique.


L'Etat, Minotaure absolutiste

Guidé par sa volonté de puissance, I'Européen a conquis la planète, et l'histoire de l'Occident est devenue l'histoire du monde.. Comment donc expliquer ³la balkanisation² de l'Europe post-1945, son écartèlement entre les puissances asiatique et américaine, le dépérissement du citoyen libre à la base de la philosophie européenne en producteur/consommateur; comment mesurer, enfin, dans l'optique de dégagement des futurs possibles (sur lesquels nous reviendrons) la dégénérescence des structures sociales dans leur articulation organique en un Tout mécanique parasité par l'Etat, ³Minotaure² absolutiste auquel l'individu-citoyen est jeté en pâture, cellule impuissante devant la mégamachine statocratique? La réponse, pour Bertrand de Jouvenel, se trouve dans cette même volonté de puissance. Pour mobiliser les énergies et rationaliser cet appétit insatiable de supplantation de la nature par la culture, la civilisation s'est dotée de l'arme idéologique, et tout le travail des temps modernes consistera à renforcer la souveraineté nationale et l'autorité illimitée du souverain au détriment du citoyen. Ce que le Pouvoir, minoritaire, exige, la majorité nationale doit s'y soumettre.

Au centre du système, la démocratie, qui, indissociable du principe national, consacre non pas le règne de la personne et de la communauté, expression la plus directe du génie européen, mais celui d'un ³self-government² autocratique, prétendant exprimer la volonté majoritaire et modeler le genre de vie de tous ses ressortissants. Le droit se substitue à l'esprit, la liberté devient axiome.
Avec le gonflement de l'Etat, le Pouvoir s'est affirmé, droit illimité de commander au nom du Tout social par la destruction progressive (le mot a son importance) de tous les corps intermédiaires. Le passage de la monarchie à la démocratie, considéré comme un progrès dans le gouvernement des hommes, est davantage progrès dans le développement des instruments de coercition: centralisation, réglementation, absolutisme. Avec la démocratie, le serpent se mord la queue et la civilisation, de puissance, devient
impuissante, privée de ses ressources légitimes que sont la spiritualité, I'esprit d'entreprise ou l'association libre.

Que le pouvoir soit toujours égal à lui-même, indépendamment des expressions idéologiques dont il se pourvoit, seulement mené par son égoïsme ontologique et usant des forces nationales à cette fin, ne fait aucun doute pour Bertrand de Jouvenel dont l'¦uvre, magistrale et trop ignorée, peut se décomposer comme suit:
-connaissance de la politologie;
-des sociétés aristocratiques à l'avènement de la démocratie, le triomphe du Pouvoir;
-³Quelle Europe?² Thésée contre le Minotaure;
Bertrand de Jouvenel, analyse du pouvoir et dépassement du système:
 

I. Connaissance de la politologie:

La science politique est une discipline hybride,  ‹³instaurée par des immigrants de la philosophie, de la théologie, du droit et, plus tard, de la sociologie et de l'économie, chaque groupe apportant sa propre boîte d'outils et s'en servant²,‹  qui présente deux aspects complémentaires: l'efficacité, qu'incarne Bonaparte sur le pont d'Arcole, debout, prêt à charger, entraîneur exalté; la précision, magnifiée par le roi Saint Louis, assis, serein, conciliateur. (cf. De la Politique Pure, v. aussi De la Souveraineté).

Dans ses Lettres sur l'esprit de patriotisme (Letters on the Spirit of Patriotism, 1926), Bolingbroke indique quatre déterminants du politique:
1) - I'objectif patriotique;
2) - une grande stratégie mise en ¦uvre pour atteindre son but;
3) - une série de man¦uvres actives et souples destinées à mener à bien cette stratégie;
4) - le plaisir intense attaché à son exécution.
 

Dix constantes   invariables en sciences politiques

Cette conception sportive du politique, Bertrand de Jouvenel la reprend mais pour en atténuer sensiblement le caractère de noblesse: ³L'observation nous permet, malheureusement, de craindre que le plaisir de manipuler les hommes ne soit goûté pour lui-même, alors même que l'opération ne s'inspire d'aucun but élevé, ne se consacre à aucune fin salutaire²..
Jouvenel dénombre dix constantes invariables relatives aux sciences politiques:
- I'élément identifiable le plus petit dans tout évènement politique, c'est l'homme faisant agir l'homme.
- est politique, tout ce qui est accompli dans le registre ³du champ social pour entraîner d'autres hommes à la poursuite de quelque dessein chéri par l'auteur². De fait, ³la théorie politique est collection de théories individuelles qui figurent côte à côte, chacune d'elles étant impénétrable à l'apport de nouvelles observations et à l'introduction de nouvelles théories² (richesse des théories normatives et pauvreté en théories représentatives).
- faisant sienne la définition de Leibniz, Bertrand de Jouvenel considère la société comme ³complexe d'individus réunis par un modèle de comportement où l'individu exerce sa liberté².
- il convient de distinguer l' eventus opération préparée et contrôlée tout au long de son déroulement, et l' eventum, sans auteur identifiable, rencontre d'enchaînements créant un phénomène incontrôlable.
- I'Etat comporte dans sa définition deux sens antagonistes: une société organisée avec un gouvernement autonome ou chacun est membre de l'Etat; un appareil qui gouverne hors des membres de cette société.
- le problème politique, du ressort des sciences humaines, n'est pas soluble, ³il peut être réglé, ce qui n'est pas la même chose²,
- pour la même raison, ³il est particulièrement hasardeux de supposer que dans la politique les hommes agissent d'une manière rationnelle².
- I'essence même du Pouvoir tient dans sa dualité, égo-ïsme et socialisme, car le principe égo-ïste fournit au Pouvoir la vigueur de ses fonctions, le socialisme attestant la préservation de l'ascendant des dirigeants.
- par conséquent le pouvoir ne se maintient que par sa vertu à préserver l'obéissance des citoyens, et leur croyance dans sa légitimité.
- les trois valeurs cardinales de tout Pouvoir étant: légitimité, force, bienfaisance.
Il n'existe qu'une finalité au Pouvoir, se maintenir en toujours croissant. Pour ce faire, I'appareil d'Etat use de ses services rendus. Le commandement qui, en dehors de tout altruisme, se prend pour fin, est amené à veiller sur le bien commun, ayant besoin du consentement des forces sociales pour assurer son hégémonie parasitaire. Dans son Pseudo Alcibiade, dialogue entre Socrate et Alcibiade inspiré de Platon, Jouvenel fait dire à Alcibiade ces propos qui résonnent comme une profession de foi:  ³Pour le politicien qui désire obtenir d'un grand nombre de gens et dans un bref délai une certaine décision ou action, il faut absolument faire appel à l'opinion actuelle que les gens ont du bien, accepter cette opinion telle qu'elle est; et c'est elle, précisément que tu as pour but de changer. Ce que les gens considèrent aujourd'hui comme le bien, voilà la donnée sur laquelle se fonde le politicien, celle qu'il emploie pour faire agir les gens comme il le désire. Voilà la façon dont le jeu se joue².
 

Privation des libertés, recul des corps intermédaires

Or, possédant désormais les rouages de l'Etat, les grands dossiers, les représentants du Pouvoir se convainquent de leur souveraineté; de délégués du souverain, ils se muent en ³maîtres du souverain² (cf.. Proudhon, in Théories du mouvement constitutionnel au XIXième siècle). De cette situation se nourrit le dualisme du Pouvoir. Sa croissance apparaît moins aux individus comme une entreprise continuelle de privation des libertés que comme un facteur de libération des contraintes sociales. Ainsi le progrès étatique induit-il le développement de l'individualisme, et vice-versa, la nation livrée au Pouvoir, niant systématiquement toute distinction entre ses intérêts et ceux propres de la société civile.

Comment le progrès de l'intrusion étatique a-t-il coïncidé avec le nivellement de la Nation? Le fait que ce travail de sape soit dans la destinée même de l'Etat ne suffit pas à expliquer ce recul des corps intermédiaires. La raison profonde est à rechercher dans la crise ouverte par le rationalisme, philosophie du progrès qui a accompagné à partir du XVIlième siècle la technicisation de l'Occident. Déjà les rêveries platoniciennes, héritières d'utopies plus anciennes encore, avaient entretenu dans la pensée antique la confusion sur un gouvernement attaché en tout temps aux seules aspirations des gouvernés. Cette dangereuse chimère, méconnaissant la nature humaine, a entravé la constitution d'une science politique véritable et engendré toutes les révolutions qui menacent périodiquement la civilisation. A l'origine du processus, le Contrat Social, vue de l'esprit qui réduit la société à l'état d'un club de célibataires et oublie la nature fondamentalement communautaire de l'Homme, dépendant du groupe (avant d'être homo sapiens, l'individu est d'abord homo docilis), et agissant ³dans un environnement structuré²..

De l'atomisation ainsi provoquée s'impose l'obéissance au Pouvoir, la croyance dans sa légitimité, l'espoir dans sa bienfaisance. La soumission à la souveraineté, ³droit de commander en dernier ressort de la société², introduit la suprématie arbitraire d'un représentant ou groupe de représentants, titulaire de la volonté générale, laquelle est censée participer au débat à travers l'opinion, coquille vide, majorité floue n'obéissant qu'aux passions du moment, guidée par la propagande, incapable de dégager une ligne politique cohérente: ³De simples sentiments ne peuvent rien fonder en politique. Il y faut une pensée, consciente des éléments du problème, qui connaisse les limites dans lesquelles il est susceptible de solution, et les conditions auxquelles il peut être résolu² (extrait de Quelle Europe?). La partitocratie n'agit pas autrement, qui s'adresse non à l'intelligence du militant, mais à son partiotisme prosélyte, sa fidélité servile au centralisme démocratique du parti.
 

Le tandem police/bureaucratie

Pour avoir retiré au droit sa force transcendante, le rationalisme a condamné la législation à n'être plus que convention utilitariste, dénuée de morale, seule expression de la versatile volonté humaine. La Raison érigée en dogme a inauguré l'ère des despotes éclairés, sceptiques, incrédules, et convaincus de devoir corriger le peuple pour le conformer à la Raison au moyen du tandem police bureaucratie.

Ainsi, à chaque Pouvoir nouveau correspond une notion du Bien, du Vrai, du Juste aussi éphémère que lui et indéfiniment modifiable au gré des opinions de l'époque. Rien ne retient plus la machine dès lors, puisque, si l'autorité doit se conformer au droit, le droit n'est que l'ensemble des règles édictées par elle, sous couvert de représentation populaire. L'autorité législatrice ne peut qu'être juste, par définition.
 

Mise en place de la démocratie totalitaire

D'espace de liberté, le droit devient à son tour sujet du Pouvoir; I'Homme, de réalité physique et spirituelle, devient ³légal².. Consécration du monisme démocratique, ³l'exécrable unité² de Bainville, la centralisation ne connaît plus de limite: ³anéantissement des pouvoirs locaux devant le pouvoir central, développement des exigences du pouvoir central à l'égard des sujets et rassemblement entre ses mains des moyens d'action² (Du Pouvoir). Son contrôle est total: direction de l'économie nationale, direction de la monnaie nationale, contrôle du commerce extérieur, contrôle des changes, monopole de l'éducation, mainmise sur l'information.

La confusion démocratique du pouvoir et de la liberté du peuple est à la source du principe despotique moderne. Armé de l'anonymat que lui confère son identification au peuple, le Pouvoir n'en écrase que mieux l'individu sous le poids de la totalité, opprime l'intérêt particulier au nom de l'intérêt général. Le Tout veut, le Tout agit, le régent a l'autorité du Tout. La démocratie totalitaire est en place.  On le voit, la politologie selon Jouvenel ne tient aucun compte de l'armature idéologique des régimes: ³Les discussions sur la démocratie sont frappées de nullité car on ne sait pas de quoi on parle². Le discours omniprésent des philosophes camoufle à peine leur travail de justification des politiciens en place. Remontant à l'essence du Pouvoir, Jouvenel délivre la science politique de son fardeau de concepts et s'astreint à ne traiter que de Realpolitik au sens le plus pur du terme.

Et où la démocratie entend la marche de l'Histoire au sens marxiste comme un inexorable progrès vers la libération de l'individu aliéné, Jouvenel dresse le panorama de deux mille ans de régression planifiée.


 

II. Des sociétés aristocratiques à l'avènement de la démocratie, le triomphe du Pouvoir

Si la grande mutation de notre civilisation peut être datée au tournant des XVlIIième et XlXième siècles avec l'acquisition toujours accélérée de forces nouvelles qui dégagèrent l'Homme de l'emprise du Créateur, la marche du Pouvoir, elle, lui est bien antérieure, et correspond à l'émergence même d'une autorité constituée et légitimée au sein des sociétés les plus primitives.

D'origine gérontocratique et ritualiste, le Pouvoir primitif, par essence conservateur, est supplanté par l'essor de la classe guerrière, qui répond au besoin d'ébranlement social caractéristique des périodes de trouble.

Le déplacement d'influence observé engendre une nouvelle élite, l'aristocratie regroupée en une pyramide gentilice bientôt mutée en ploutocratie au fil des conquêtes. Noblesse devient synonyme de richesse du temps de la Grèce homérique.

Parallèlement, I'expansion nécessite la nomination d'un chef à l'autorité absolue, concédée par les autres chefs de gentes regroupés dans le Sénat. L'histoire conservera le souvenir de l'lmperium extra muros de Rome, où la fonction politique du dux s'associe au caractère religieux du Rex. Cette dualité historique du pouvoir royal, ³symbole de la communauté (...) sa force cohésive, sa vertu mainteneuse (...) il est aussi ambition pour soi (...) volonté de puissance, utilisation des ressources nationales pour le prestige et l'aventure².
 

Un appareil stable et permanent

Le roi, ainsi nanti, ne tarde pas à s'opposer aux gentes dont la puissance propre l'oblige à composer et pour acquérir l'autorité directe, indiscutable qui lui fait défaut, il se tourne vers les couches plébéiennes. L'appui de la plèbe transforme la royauté en monarchie, comme Alexandre le Grand soutenu par les Perses contre les chefs macédoniens.. Bureaucratie, armée, police, impôt construisent un appareil stable et permanent qui jamais plus ne sera démenti: I'Etat.

L'apport du christianisme à la souveraineté, en lui conférant un droit divin, selon la formule de Saint Paul: ³Tout Pouvoir vient de Dieu², avertit le roi qu'il est serviteur des serviteurs de Dieu, protecteur et non propriétaire du peuple. Le système médiéval fondé sur la Loi divine et la Coutume populaire incite le Pouvoir pendant de longs siècles à la modération. Saint Paul dans ses épîtres ne se réfère-t-il pas à la tradition juridique romaine, laquelle place la souveraineté dans les mains du Peuple!

Il faudra la crise de la Réforme et les plaidoyers de Luther en faveur du pouvoir temporel pour que le Pouvoir se défasse de la tutelle papale et que soit introduite la remise en cause de l'intercession de l'Eglise entre Dieu et le Roi. Au siècle suivant Hobbes déduira le droit illuminé du Pouvoir non de la souveraineté divine mais de la souveraineté du peuple. A sa suite, Spinoza dans son Traité théologico-politique rompt définitivement avec la tradition augustinienne et annonce le souverain despote. Dieu terrestre au pouvoir seulement limité par le droit accordé aux sujets. ³Est esclave celui qui obéit au seul intérêt d'un maître. Est sujet celui qui obéit aux ordres dans son intérêt². Rousseau et Kant assignent pareillement un droit illimité au commandement, mandaté par le peuple empêché de l'exercer par lui-même. Mais, à l'opposé de Montesquieu, il méconnaît la représentativité parlementaire: ³La Souveraineté ne peut être représentée (...) les députés du peuple ne sont donc et ne peuvent pas être représentants (...) Le peuple anglais pense être libre: il se trompe fort; il ne l'est que durant l'élection des membres du Parlement, sitôt qu'ils sont élus, il est esclave, il n'est rien². (in Du Contrat Social).
 

L'Occident: un processus ininterrompu de croissance étatique

L'Occident, depuis sa segmentation en royaumes rivaux, a connu un processus ininterrompu de croissance étatique. La volonté d'agrandissements, la soif d'expansion explique l'organisation d'infrastructures toujours plus efficaces. Les périls extérieurs ont permis de démultiplier les droits de l'Etat se présentant comme étroitement lié aux intérêts du peuple. ³Ainsi la guerre accouche-t-elle de l'absolutisme², ce que magnifia Richelieu: ³ne permettre aucune division à l'intérieur, les entretenir toutes à l'extérieur, ne point souffrir de partisans de l'étranger mais avoir partout les siens².

La Nation se forme autour du Trône. Le Roi incarne les peuples agrégés en un Tout à la seule validité psychologique. Aussi la Révolution ne doit-elle être envisagée qu'en tant que rénovation et renforcement du Pouvoir de la part d'un corps social qui, de spectateur de la monarchie, entend s'approprier le commandement. Bertrand de Jouvenel écrit ³le trône n'a pas été renversé, mais le Tout, le personnage Nation, est montré sur le trône². Et d'ajouter: ³Qu'on cesse donc d'y saluer des réactions de l'esprit de liberté contre un pouvoir oppresseur. Elles le sont si peu qu'on ne peut citer aucune qui ait renversé un despote véritable². La fonction historique de la Révolution n'est pas à rechercher dans la punition morale du despote mais bien plus dans la sanction biologique de son impuissance.

Et dans ce plein essor du sentiment national, Hegel théorise le premier une doctrine cohérente du phénomène nouveau qu'est l'Etat-Nation, ³ce qui commande souverainement à nous et à quoi nous sommes incorporés². Hegel voit dans l'Etat la conception à venir de la société, être collectif, infiniment plus important que les individus, au pouvoir bureaucratique et savant, à la volonté qu'il qualifie non arbitraire mais connaissance de ce qui doit être et doit pousser le peuple dans le but que lui assigne la Raison.
 

Suffrage universel, méritocratie, droits del 'Homme

L'organicisme de Spencer et Durkheim, le positivisme de Comte et les théories transformistes de Lamarck et Darwin, héritiers de l'enthousiasme industriel du XlXième siècle, iront tous dans le sens de l'accroissement indéfini des fonctions et de l'appareil gouvernemental.

Pour se maintenir, le Pouvoir, dont les dimensions actuelle ont pris, avec le développement des moyens de communication, une importance inégalée, dispose de trois armes imparables:
- le recours au suffrage universel, ce qu'avaient déjà compris Napoléon, Bismarck et Disraeli qui consacre le césarisme, la large classe des dépendants se reposant sur l'omnipotence étatique contre l'aristocratie bourgeoise, puissance financière mais sans assise populaire;
- la ³méritocratie², très relatif renouvellement des élites qui facilite beaucoup l'extension du pouvoir en offrant à tous la perspective d'une participation au Pouvoir, complicité spécifique à la démocratie;
- les Droits de l'Homme, qui répandent l'illusion de la garantie des intérêts absolus de l'individu contre la société convention collective, mais que contourne aisément le Pouvoir, qui jouit du prestige de la Souveraineté, et de la collusion tacite liant l'individualisme social avec la philosophie politique absolutiste d'un gouvernement se réclamant des masses.

Le triomphe de la démocratie dans la cohésion opérée entre l'Etat et la Nation prend une tournure téléologique. Bertrand de Jouvenel parle d' ³incubation de la tyrannie².
 

III. Quelle Europe? Thésée contre le Minotaure.

³L'Etat moderne n'est autre chose que le roi des derniers siècles, qui continue triomphalement son labeur acharne, étouffant toutes les libertés locales, nivelant sans relâche, et uniformisant². Régulateur impérieux de toutes les existences individuelles, il ne protège pas les droits locaux, particuliers, mais réalise une ³idée², I'idée nationale et sociale mêlée. Le paradis plané. Le partisanisme agressif, I'étatisme spoliateur, le nationalisme fiévreux, I'idéalisme cynique concourent à son succès. Le pouvoir de faire concentré, ne reste plus à l'individu que celui de consommer, fonction irresponsable, le pouvoir d'achat, qui porte toutefois en germe le ferment possible d'une révolte, provoquée par la paupérisation et l'inégalité quantitative croissante des pouvoirs de consommation, derrière quoi pourrait se profiler de nouvelles revendications sociales, morales et politiques. Quelle ligne adopter? Bertrand de Jouvenel postule cinq fronts à établir en vue de restaurer la civilisation:
- nier et ¦uvrer au démantèlement de l'Etat national unitaire, monstrueuse concentration de pouvoir et unique impulsion à toutes les forces et toutes les vies de la société. ³Le mal serait en voie de guérison si l'Etat cessait d'être un appareil à travers lequel une volonté générale dicte à chacun ce qu'il doit croire, faire et sentir².

- supprimer la dichotomie producteur-citoyen, renouer avec l'antique conception de l'homme libre, I'habitant, le citoyen accompli dans sa capacité à s'affirmer comme personne, comme Etre et Devenir.

- procéder à l'étude critique des penseurs à l'origine de la Civilisation de Puissance: Hobbes, Rousseau, Kant, Bentham, Helvétius et Destutt de Tracy, conceptions fausses et mortelles de la société.

- reprendre conscience que la nation n'est pas sentiment d'association mais d'appartenance commune à une foi, une morale unanimement respectées. Un droit inviolable parce que hors d'atteinte du Pouvoir.

- instaurer une nouvelle charte des peuples, reposant sur les particularismes linguistiques, culturels, traditionnels et coutumiers. Un libertarisme féodal que Jouvenel traduit par ces mots ³le traditionalisme, I'esprit conservateur des gloires et des coutumes propres au groupe, une fierté de corps qui préfère des conduites spécifiques à d'autres qu'on lui propose comme plus rationnelles, une adhésion affective à la localité plutôt que le dévouement à l'idéologie qui transcende le cadre géographique².


 

Un libertarisme de type féodal

Une position non-conformiste éminemment proche du personnalisme, qui met l'accent sur la personne humaine, le fédéralisme, la liberté d'association spontanée, I'appartenance à la communauté contre l'omnipotence du Pouvoir. ³Il faut des hommes internationaux par croyance, comme étaient les clercs du Moyen Age² (in Quelle Europe?). Jouvenel opte pour une autorité internationale ayant une prise morale directe sur les peuples, gouvernement des gouvernements, ³ultramontanisme² fédéral à l'échelle européenne sur le modèle de la ³République chrétienne².

Nécessité historique, ce super-gouvernement européen n'aura aucune prétention à l'universalisme du type O.N.U., dont la vanité ne lui échappe pas: ³Ne commet-on pas une erreur lorsqu'on préfère un édifice universel et théorique, à un édifice plus limité, mais réalisable² (in: Quelle Europe?). C'est de la solidarité des instincts, de l'union des sentiments, du respect commun des coutumes particulières que fécondera la résistance à l'hégémonie nationale étatique, ultime rempart de la civilisation européenne.

Ainsi le régime de l'anonymat consacre-t-il non l'ère libertaire des philosophes mais l'ère sécuritaire des tyrans. L'acquisition de droits sociaux s'est accompagnée de l'abandon correspondant des droits individuels les plus élémentaires. L'envahissement de la protection sociale a pris une telle arnpleur qu'il réclame à son tour qu'on s'en protège. Si l'Utile a pris le pas sur le Bien, la faute en revient d'abord aux philosophes modernes.

³Où est donc votre fleuve que je m'y désaltère? Mirages. Il faut retourner à Aristote, Saint Thomas, Montesquieu. Voilà du tangible et rien d'eux n'est inactuel². Sachons, nous aussi nous montrer réceptifs au message anti-étatique et communautariste de Bertrand de Jouvenel. Pour que vive l'Homme Européen, responsable, citoyen, libre!


* * *

 

Avant de clore cet exposé nécessairement succinct parce que synthèse d'une ¦uvre qui s'est voulue analytique, il convient de parfaire notre connaissance de Bertrand de Jouvenel par quelques éclaircissements sur le concept des Futuribles. Plutôt qu'un historique de la revue du même nom, dirigée par son fils, Hugues de Jouvenel, voyons ensemble ce que recouvre ce terme: ³Futuribles² est un néologisme repris par Bertrand de Jouvenel à un jésuite du XVIième siècle, Molina, théologien espagnol, contraction des mots ³futurs² et ³possibles². Il désigne les différents avenirs possibles selon les différentes manières d'agir. En ce sens, Bertrand de Jouvenel publie en 1964 un essai intitulé L'art de la conjecture, traité théorique où Jouvenel expose le procédé employé par lui dans la réalisation, depuis 1961, de travaux de prospective sur les modifications structurelles du système social et politique. Prévoyance comme action de l'esprit qui considère ce qui peut advenir et non futurologie (pseudo-science proposée par Ossip Flechtheim en 1949 sur la base de la connaissance), ce à quoi il oppose le principe de la ³conjecture raisonnée².
 

Les péchés mortels de la politique

Au sortir de 1945, Jouvenel jetait les bases de cet aspect proleptique de sa réflexion: ³Si terribles qu'aient été leurs conséquences, ces erreurs sont moins coupables dans leur principe que les fautes, véritables péchés mortels de la politique, qui sont causées par l'impuissance des dirigeants à calculer les répercussions lointaines de leurs actes, par le mépris des règles établies et des maximes avérées de l'art de gouverner²..

En préface de L'art de la conjecture, Bertrand de Jouvenel ajoute: "Susciter ou stimuler des efforts de prévision sociale et surtout politique, tel est le propos de l'entreprise Futuribles, formée, grâce à l'appui de la Fondation Ford, par un petit groupe offrant un éventail de nationalités et de spécialités, assemblé par une commune conviction que les sciences sociales doivent s'orienter vers l'avenir (...) Ainsi l'avenir est pour l'homme, en tant que sujet agissant, domaine de liberté et de puissance, et pour l'homme, en tant que sujet connaissant, domaine d'incertitude. Il est domaine de liberté parce que je suis libre de concevoir ce qui n'est pas, pourvu que je le situe dans l'avenir; j'ai quelque pouvoir de valider ce que j'ai conçu (...). Et même il est notre seul domaine de puissance, car nous ne pouvons agir que sur l'avenir: et le sentiment que nous avons de notre capacité d'agir appelle la notion d'un domaine ³agissable²".
 

Les quatre règles des "Futuribles"

 

Quatre règles fondent la démarche:
1) sans représentation, pas d'action.
2) l'action suivie, systématique, s'adresse à la validation d'une représentation projetée dans l'avenir.
3) l'affirmation du futur vaut toutes choses égales d'ailleurs, selon la vigueur de l'intention.
4) l'homme qui agit, avec une intention soutenue, pour réaliser son projet, est créateur d'avenir.

Depuis, colloques, séminaires, projets soumis à la D.A.T.A.R. (Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale) se sont accumulés, que renforcent depuis 1974 la revue Futuribles et la publication régulière d'actes et de livres. ³A mesure que l'avenir devient plus flou et offre une marge de liberté plus grande à nos actions² (cf. La Revue des revues, n°20), Futuribles poursuit le travail initié par Bertrand de Jouvenel et conserve en ligne de mire la mise en garde de Martin Heidegger (in: Le Tournant): Ne pas ³prendre purement et simplement en chasse le futur pour en prévoir et calculer le contour - ce qui revient à faire d'un avenir voilé la simple rallonge d'un présent à peine pensé².
 

dimanche, 21 février 2010

La leçon du philosophe et sociologue Hans Freyer

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1987

La leçon du sociologue et philosophe Hans Freyer

Ex: http://vouloir.hautetfort.com/

 


freyer.jpgPour Hans Freyer (1887-1969), sociologue allemand néo-conservateur (« jeune-conservateur », jungkonservativ) qui sort du purgatoire où l'on avait fourré tous ceux qui ne singeaient pas les manies de l'École de Francfort ou ne paraphrasaient pas Saint Habermas, la virtù de Machiavel n'est pas une "vertu" ou une qualité statique mais une force qui n'attend qu'une chose : se déployer dans l'aire concrète de la Cité, dans l'épaisseur de l'histoire et du politique. Fondateur de l’École de Leipzig, d’où seront issus les meilleurs cadres de la sociologie historique de Weimar (il est parmi les fondateurs, avec Werner Conze, de la nouvelle histoire sociale allemande), puis de la sociologie nazie et une grande partie des sociologues conservateurs allemands d’après-Guerre (not. Helmuth Schelsky), ce sociologue a une solide formation de philosophe, dont l’ouvrage fondateur, Theorie des objektiven Geistes (1928) qui poursuit les pensées de Hegel et de Wilhelm Dilthey, va préparer le projet sociologique, not. dans son ouvrage Soziologie als Wirklichkeitswissenschaft (1930), d’une « révolution de droite » qui prendrait acte de l’anomie de la société industrielle et de l’échec de la lutte des classes, en lui opposant un État autoritaire. Ayant pris ses distances avec le nazisme – il sera professeur à Budapest entre 1941 et 1945 – il est l’exemple même du penseur conservateur, du théoricien de cette Révolution conservatrice qui aura grand mal à se justifier au moment de la dénazification. Il n’en est pas moins l’un des premiers sociologues professionnels qui, après la mort de Max Weber et de Georg Simmel, dont il ne cesse de se nourrir de manière critique, va lancer des projets innovateurs en sociologie industrielle, des organisations et de l’administration publique.

 

Victor Leemans, qui avant-guerre avec Raymond Aron introduisit en Belgique et en France les grands noms de la sociologie allemande, écrivait, à propos de Hans Freyer, dans son Inleiding tot de sociologie (Introduction à la sociologie, 1938) :

« Pour Freyer, toute sociologie est nécessairement "sociologie politique". Ses concepts sont toujours compénétrés d'un contenu historique et désignent des structures particulières de la réalité. Dans la mesure où la sociologie se limite à définir les principaux concepts structurels de la vie sociale, elle doit ipso facto s'obliger à prendre le pouls du temps. Elle doit d'autant plus clairement nous révéler les successions séquentielles irréversibles où se situent ces concepts et y inclure les éléments de changement, Les catégories sont dès lors telles : communauté, ville, état (Stand), État (Staat), etc., tous maillons dans une chaîne processuelle concrète et réelle. Ces concepts ne sont pas des idéaltypes abstraits mais des réalités liées au temps. (...)

Selon Freyer, aucune sociologie n'est donc pensable qui ne débouche pas dans la connaissance de la réalité contemporaine. À ce concept de réalité ne s'attache pas seulement la connaissance des structures immédiatement perceptibles mais aussi et surtout la connaissance des volontés de maintien ou de transformation qui se manifestent en leur sein. La connaissance sociologique opte nécessairement pour une direction déterminée découlant d'une connaissance de la Realdialektik (dialectique réalitaire [ou dialectique réelle, c'est-à-dire non simplement discursive])... ».

 

Une sociologie de l'homme total

 

­Malgré cette définition courte de l'œuvre de Freyer, définition qui veut souligner le recours au concret postulé par le sociologue allemand, nous avons l'impression de nous trouver face à un édifice conceptuel horriblement abstrait, détaché de toute concrétude historique. Ce malaise, qui nous saisit lorsque nous sommes mis en présence de l'appareil conceptuel forgé par Freyer, doit pourtant disparaître si l'on fait l'effort de situer ce sociologue dans l'histoire des idées politiques. Avec les romantiques, les jeunes hégéliens (Junghegelianer), Feuerbach et Karl Marx, le XIXe siècle montre qu'il souhaite abandonner définitivement l'homme des humanistes, cet homme perçu comme figure universelle, comme espèce générale dépouillée de sa dimension historico-concrète. Désormais, sous l'influence et les coups de boutoir de ces philosophies concrètes, l'épaisseur historique sera rendue à l'homme : on le percevra comme seigneur féodal, comme serf, bourgeois ou prolétaire.

 

Une « objectivité » qui doit mobiliser l'homme d'action

 

Mais ces hégéliens et marxistes, qui dépassent résolument l'idéalisme fixiste de l'humanisme antérieur au XlXe, demeurent mécaniquement enfermés dans la vision de l'homo œconomicus et n'explorent que chichement les autres domaines où l'homme s'exprime. À cette négligence des matérialistes marxistes répond l'hyper-mépris des économismes d'un Wagner ou d'un Schopenhauer, d'un Nietzsche ou d'un Jakob Burckhardt. L'homme total n'est appréhendé ni chez les uns ni chez les autres. Pour Freyer, les essayistes et polémistes anglais Carlyle et John Ruskin nous ont davantage indi­qué une issue pour échapper à ce rabougrissement de l'homme. Leurs préoccupations ne les entraînaient pas vers des empyrées légendaires, néo-idéalistes ou spiritualistes mais les amenaient à réfléchir sur les moyens de dépasser l'homme capitaliste, de restituer une harmonie entre le travail et la Vie, entre le travail et la création intellectuelle ou artistique.

Dans deux postfaces aux travaux de Freyer sur Machiavel (ou sur l'Anti-Machiavel de Frédéric Il de Prusse), Elfriede Üner nous explique comment fonctionne concrètement la sociologie de Freyer, qui cherche, au-delà de l'abstractionnisme matérialiste marxiste et de l'abstractionnisme humaniste pré-mar­xiste, à restaurer l'homme total. Pour parvenir à cette tâche, la sociologie et le sociologue ne peuvent se contenter de décrire des faits sociaux passés ou présents, mais doivent forger des images mobilisatrices ti­rées du passé et adaptées au présent, images­ qui correspondent à une volition déter­minée, à une volition cherchant à construire un avenir solide pour la Cité.

La méthode de Freyer repose au départ, écrit Elfriede Üner, sur la théorie de "l'esprit objectif" (Theorie des objektiven Geistes). Cette théorie recense les faits mais, simultanément, les coagule en un programme revendicateur et prophétique, indiquant au peuple politique la voie pour sortir de sa misère actuelle. Le sociologue ne saurait donc être, à une époque où le peuple cherche de nouvelles for­mes politiques, un savant qui fuit la réalité concrète pour se réfugier dans le passé : « Qu'il se fasse alors historien ou qu'il se retire sur une île déserte ! », ironisera Freyer. Cette parole d'ironie et d'amertume est réellement un camouflet à la démarche "muséifiante" que bon nombre de sociologues "en chambre" ne cessent de poser.

Les écrits de sociologie politique doivent donc receler une dimension expressionniste, englobant des appels enflammés à l'action. Ces appels aident à forger le futur, comme les appels de Machiavel et de Fichte ont contribué à l'inauguration d'époques historiques nouvelles. Fichte parlait d'un « devoir d'action » (Pflicht zur Tat). Freyer ajoutera l'idée d'un « droit d'action » (Recht zur Tat). « Devoir d'action » et « droit d'action » forment l'épine dorsale d'une doctrine d'éthique poli­tique (Sittenlehre). L'activiste, dans cette optique, doit vouloir construire le futur de sa Cité. Anticipation constructive et audace activiste immergent le sociologue et l'acteur politique dans le flot du devenir historique. L'activiste, dans ce bain de faits bruts, doit savoir utiliser à 100 % les potentialités qui s'offrent à lui. Cette audacieuse mobilisation totale d'énergie, dans les dangers et les opportunités du devenir, face aux aléas, constitue un "acte éthique".

 

Une immersion complète dans le flot de l'histoire

 

L'éthique politique ne découle pas de normes morales abstraites mais d'un agir fécond dans la mouvance du réel, d'une immersion complète dans le flot de l'histoire. L'éthique freyerienne est donc "réalitaire et acceptante". Agir et décider (entscheiden) dans le sens de cette éthique réalitaire, c'est rendre concrètes des potentialités inscrites dans le flot de l'histoire. Freyer inaugure ici un "déterminisme intelligible". Il abandonne le ­concept de "personnalité esthétisante", individualité constituant un petit monde fermé ­sur lui-même, pour lancer l'idée d'une personnalité dotée d'un devoir précis, celui de fonctionner le plus efficacement possible dans un ensemble plus grandiose : la Cité. L'éthique doit incarner dans des images matérielles concrètes, générant des actes et des prestations individuels concrets, pour qu'advienne et se déploie l'histoire.

Selon cette vision freyerienne de l'éthique politique, que doit nécessairement faire sienne le sociologue, un ordre politique n'est jamais statique. Le caractère processuel du politique dérive de l'émergence et de l'assomption continuelles de potentialités historiques. Le développement, le changement, sont les fruits d'un déplacement perpétuel d'accent au sein d'un ordre politique donné, c'est-à-dire d'une politisation subite ou progressive de tel ou tel domaine dans une communauté politique. Le développement et le changement ne sont donc pas les résultats d'un "progrès" mais d'une diversification par fulgurations successives [fractales], jaillissant toutes d'une matrice politico-historique initiale. La  logique du sociologue et du politologue doit donc viser à saisir la dynamique des fulgurances successives qui remettent en question la statique éphémère et nécessairement provisoire de tout ordre politique.

 

Une sociologie qui tient compte des antagonismes

 

Cette spéculation sur les fulgurances à venir, sur le visage éventuel que prendra le futur, contient un risque majeur : celui de voir la sociologie dégénérer en prophétisme à bon marché. Le sociologue, qui devient ainsi "artiste qui cisèle le futur", poursuit, dans le cadre de l'État, l'œuvre de création que l'on avait tantôt attribué à Dieu tantôt à l'Esprit. L'homme, sous l'aspect du sociologue, devient créateur de son destin. Au Dieu des humanistes chrétiens, s'est substitué une figure moins absolue : l'homo politicus... Cette vision ne risque-t-elle pas de donner naissance aux pires des simplismes ?

Elfriede Üner répond à cette objection : la reine Rechtslehre (théorie pure du droit) du libéral Hans Kelsen, idole des juristes contemporains et ancien adversaire de Carl Schmitt, constitue, elle aussi, une "simplification" quelque peu outrancière. Elle n'est finalement que repli sur un formalisme juridique qui détache complètement le système logique, constitué par les normes du droit, des réalités sociales, des institutions objectives et des legs de l'histoire. Rudolf Smend, lui, parlera de la "domination" (Herrschaft) comme de la forme la plus générale d'intégration fonctionnelle et évoquera la participation démocratique des dominés comme une intégration continue des individus dans la forme globale que représente l'État.

Cette idée d'intégration continue, que caressent bon nombre de sociaux-démocrates, évacue tensions et antagonismes, ce que refuse Fre­yer. Si, pour Smend, la dialectique de l'es­prit et de l'État s'opère en circuit fermé, Freyer estime qu'il faut dépasser cette situation par trop idéale et concevoir et forger un modèle de système plus dynami­que, capable de saisir les fluctuations tragi­ques d'une ère faite de révolutions. L'idéal d'une intégration totale s'effectuant progressivement ne permet pas de projeter dans la praxis politique des "futurs imaginés" qui soient réalistes : un tel idéal s'abrite frileusement derrière la muraille protectrice d'un absolu théorique.

 

À droite : utopies passéistes, à gauche : utopies progressistes

 

La dialectique de l'esprit et du politique (de l'État), c'est-à-dire de l'imagination constructive et des impératifs de la Cité, de l'imagination qui répond aux défis de tous ordres et des forces incontournables du politique, n'a reçu, en ce siècle de turbulences incessantes, que des interprétations insatisfaisantes. Freyer estime que la sociologie organique d'Othmar Spann (1878-1950) constitue une impasse, dans le sens où elle opère un retour nostalgique vers la structuration de la société en états (Stände) avec hiérarchisation pyramidale de l'autorité. Cette autorité abolirait les antagonismes et évacuerait les conflits : ce qui indique son caractère finalement utopique. À "gauche", Franz Oppenheimer élabore une sociologie "progressiste" qui évoque une succession de modèles sociaux aboutissent à une société sans classes et sans plus aucun antagonisme : cet espoir banal des gauches s'avère évidemment utopique, comme l'ont indiqué quantité de critiques et de polémistes étrangers à ce messianisme. Freyer renvoie donc dos à dos les utopistes passéistes de droite et les utopistes progressistes de gauche.

Ces systèmes utopiques sont "fermés", signale Freyer longtemps avant Popper, et trahissent ipso facto leur insuffisance fondamentale. Les concepts scientifiques doivent demeurer "ouverts" car l'acteur politique injecte en eux, par son action concrète et par son expérience existentielle, la quintessence innovante de son époque. Freyer privilégie ici l'homo politicus agissant, le sujet de l'histoire. Les acteurs politiques, dans l'opti­que de Freyer, façonnent le temps.

L'idée essentielle de Freyer en matière de sociologie, c'est celle d'une construction pratique ininterrompue de la réalité [les époques sont en relation les unes aves avec les autres dans la dynamique de la continuité historique]. Aux époques politiquement instables, les normes scientifiques (surtout en sciences humaines) sont décrétées obsolètes ou doivent impérativement subir un aggiornamento, une re-formulation. L'histoire est, par suite, un chantier où œuvrent des acteurs-artistes qui, à la façon des expressionnistes, recréent des mondes à partir du chaos, de ruines. Freyer, écrit Elfriede Üner, glorifie, un peu mythiquement, l'homme d'action.

 

Le peuple (Volk) est le dépositaire de la virtù

 

Le personnage de Machiavel, analysé méthodiquement par Freyer, a projeté dans l'histoire des idées cette notion expressionniste/ créatrice de l'action politico-historique. Le concept machiavelien de virtù, estime Freyer, ne désigne nullement une "vertu morale statique" mais représente la force, la puissance de créer un ordre politique et le maintenir. Virtù recèle dès lors une qualité "processuelle", écrit Elfriede Üner. Par le biais de Machiavel, Freyer introduit, dans la science sociologique jusqu'alors "objective" et statique à la Comte, un ferment de nietzschéisme, dans le sens où Nietzsche voyait l'existence humaine comme un imperfectum qui ne pouvait jamais être "parfait" mais qu'il fallait sans cesse façonner et travailler.

Le "peuple", dans la vision freyerienne du social et du politique, est, grâce à sa mémoire historique, le dépositaire de la virtù, c'est-à-dire de la "force créatrice d'histoire". Le peuple suscite des antagonismes quand les normes juridiques et/ou institutionnelles ne correspondent plus aux défis du temps, aux impératifs de l'heure ou au ni veau atteint par la technologie. Un système "ouvert" implique de laisser au peuple historique toute latitude pour modifier ses institutions.

Le système freyerien est, en dernière instance, plus démocratique que le démocratisme normatif qui, à notre époque, prétend, sur l'ensemble de la planète, être la seule forme de démocratie possible. Quand Freyer parle de « droit à l'action » (cf. supra), corollaire d'un « devoir éthique d'action », il réserve au peuple un droit d'intervention sur la trame du devenir, un droit à façonner son destin. En ce sens, il précise la vision machiavelienne du peuple dépositaire de la  virtù, oblitérée, en cas de tyrannie, par l'arbitraire du tyran individuel ou oligarchique.

 

Relire Freyer

 

Relire Freyer, contemporain de Schmitt, nous permet de déployer une critique du normativisme juridique, au nom de l'imbrication des peuples dans l'histoire et du décisionnisme. L'État de droit, c'est finalement un État qui se laisse réguler par la virtù enfouie dans l'âme collective du peuple et non un État qui voue un culte figé à quel­ques normes abstraites qui finissent toujours par s'avérer désuètes.

­Et cette volonté freyerienne de s'imbriquer totalement dans le réel pour échapper aux mondes stérilisés des réductionnismes matérialistes, économistes et caricaturalement normatifs que nous lèguent les marxismes et libéralismes vulgaires, ne pourrait-on pas la lire parallèlement à Péguy ou aux génies de l'école espagnole : Unamuno avec sa dialectique du cœur, Eugenio d'Ors, Ortega y Gasset ?

 

► Robert STEUCKERS, Vouloir n°37/39, 1987.


1) Hans FREYER, Machiavelli (mit einem Nachwort von Elfriede Üner), Acta Humaniora, Weinheim, IX/133 p.

2) Hans FREYER, Preussentum und Aufklärung und andere Studien zu Ethik und Politik (herausgegeben und kommentiert von Elfriede Üner), Acta Humaniora, Welnheim, 222 p.

 

¤ Compléments bibliographiques :

 

  • Les Fondements du monde moderne - Théorie du temps présent, H. Freyer, Payot, coll. Bibliothèque scientifique, 1965.
  • « Romantisme et conservatisme. Revendication et rejet d'une tradition dans la pensée politique de Thomas Mann et Hans Freyer », C. Roques, in : Les romantismes politiques en Europe, dir. G. Raulet, MSH, avril 2009.
  • « Die umstrittene Romantik. Carl Schmitt, Karl Mannheim, Hans Freyer und die "politische Romantik" », C. Roques, in : M. Gangl/ G. Raulet (dir.), Intellektuellendiskurse in der Weimarer Republik. Zur politischen Kultur einer Gemengelage, 2. neubearbeitete und erweiterte Auflage, Frankfurt/M., Peter Lang Verlag 2007 [= Schriftenreihe zur Politischen Kultur der Weimarer Republik, Bd. 10]. [cf. sur ce thème : Les formes du romantisme politique]
  • Nationalité et Modernité, D. Jacques, Boréal, Montréal, 1998, 270 p.
  • The Other God that Failed : Hans Freyer and the Deradicalization of German Conservatism, J. Z. Muller, Princeton Univ. Press, 1987. Cf. [pt] Reinterpretar Hans Freyer.
  • « The Sociological Theories of Hans Freyer : Sociology as a Nationalistic Program of Social Action », Ernest Manheim in : An Introduction to the History of Sociology, H. E. Barnes (éd.), Chicago Univ. Press, 1948.

 

¤ Citation :

 

  • « Il faut une volonté politique pour avoir une perception sociologique ».

 

¤ Liens :

 

 

¤ Évocations diverses :

 

1) LE CARACTÈRE INHUMAIN DU CAPITALISME : Mais comment se présente plus précisément le capitalisme moderne comme système d’action? Un grand sociologue humaniste du XXe siècle, Hans Freyer, peut nous aider à répondre. Dans son livre Theorie des gegenwärtigen Zeitalters (Théorie de l’époque actuelle, 1956), il parle des "systèmes secondaires" comme de produits spécifiques du monde industrialisé moderne et en analyse la structure avec précision. Les systèmes secondaires sont caractérisés par le fait qu’ils développent des processus d’action qui ne se rattachent pas à des organisations préexistantes, mais se basent sur quelques principes fonctionnels, par lesquels ils sont construits et dont ils tirent leur rationalité. Ces processus d’action intègrent l’homme non comme personne dans son intégralité, mais seulement avec les forces motrices et les fonctions requises par les principes et par leur mise en œuvre. Ce que les personnes sont ou doivent être reste en dehors. Les processus d’action de ce genre se développent et se consolident en un système répandu, caractérisé par sa rationalité fonctionnelle spécifique, qui se superpose à la réalité sociale existante en l’influençant, la changeant et la modelant. Voilà la clé qui permet d’analyser le capitalisme comme système d’action. (S. Magister)

 

2) En ce qui concerne la tradition sociologique allemande, qui est marquée par l'influence de nombreuses conceptions philosophiques (notamment celles du système de Hegel), elle subit en particulier l'influence néfaste de la distinction opérée par Wilhelm Dilthey (1833-1911) entre les systèmes de culture (art, science, religion, morale, droit, économie) et les formes «externes» d'organisation de la culture (communauté, pouvoir, État, Église). Cette dichotomie fut encore aggravée par Hans Freyer (1887-1969) qui distinguait les « contenus objectifs » ou « signification devenue forme », qui sont les « formes objectivisées de l'esprit » dont l'étude relève des « sciences du logos », de leurs « être et devenir réels » qui sont l'objet des « sciences de la réalité ». Le caractère insupportablement artificiel de cette opposition ne saurait être mieux démontré qu'en rappelant que dans cette conception, le langage lui-même est défini comme un « assemblage de mots et de significations, de formes mélodiques et de formations syntaxiques », comme si on pouvait appréhender le langage indépendamment de l'organisation sociale des hommes qui l'emploient. Bien entendu, les langues (Langage) présentent aussi des structures intellectuelles qu'on ne peut expliquer par la sociologie sans tomber dans l'erreur du sociologisme; mais ces structures ne constituent que la moitié du problème. En outre, les entités intellectuelles objectives ne peuvent jamais être opposées au devenir social, mais seulement former avec lui une corrélation fonctionnelle dans des complexes d'action culturelle (A. Silbermann). Dilthey lui-même adoptait à cet égard une position radicalement plus ouverte, aussi bien dans ses explications réelles, opposées à son projet, que dans beaucoup d'autres occasions, comme le prouvent ses tentatives pour établir les fondements psychologiques des sciences humaines et ses tentatives périodiques pour mettre sur pied une éthologie empirique (que l'on pourrait également définir comme une science empirique de la culture). Le danger que recèle cette distinction consiste avant tout dans ce qu'elle ouvre la voie à une sorte de distinction hiérarchique à une culture « supérieure », en quelque sorte proche de l'« esprit », et une culture « inférieure » ; celle-ci se confond facilement avec le concept de « civilisation » (matérielle), ce qui introduit dans toute cette approche du problème une évaluation patente. Il semble préférable de passer de ces conceptions fortement teintées de philosophie à une approche plus réaliste. Après la destruction totale de l'ancienne théorie des aires culturelles par l'ethnologie moderne, la dernière possibilité apparente de séparer certains contenus culturels de leurs rapports fonctionnels avec la société a définitivement disparu. (R. König)

 

3) La conférence « Normes éthiques et politiques » que Freyer a tenue en mai 1929 devant la Kant-Gesellschaft, souligne encore la primauté de l'État [comme fondement de la vie politique] sur le peuple. « L'État est celui qui rassemble et éveille les forces du peuple au service d'un projet culturel caractéristique ; sa politique est le fer de lance dans lequel le peuple devient historique ». Deux ans plus tard [en pleine crise de la République de Weimar], Freyer voit la signification véritable de la « révolution de droite  » dans la résolution avec laquelle elle mobilise le peuple contre l'État. Et trois ans plus tard, il est avéré, pour Freyer, « qu'il existe aussi un véritable esprit du peuple en dehors des frontières politiques de l'État-Nation ». L'esprit du peuple, lit-on alors dans un sens tout à fait national-populiste, « doit être autre chose qu'un contexte fondé sur la politique. Le peuple doit être autre chose qu'un rassemblement d'hommes au sein d'un système étatique » (1934). Les singulières variations qui caractérisent la définition par Freyer du rapport de l'État et du peuple sont bien mises en valeur chez Üner (Soziologie als „geistige Bewegung“. Hans Freyers System der Soziologie und die „Leipziger Schule“, 1992). (S. Breuer)

samedi, 20 février 2010

Réflexions sur la chute des empires

Colloque de Londres, 19 novembre 1995

 

Réflexions sur la chute des empires

(Intervention de Robert Steuckers)

 

downfall_wallpaper2.jpg1.

Lorsqu'après la perestroïka, après la chute du Mur de Berlin, après le retrait des troupes soviétiques hors d'Europe orientale, après l'effondrement des structures étatiques soviétiques en 1991, les Etats-Unis sont demeurés la seule et unique superpuissance en lice sur la scène internationale et le Président Bush pouvait effectivement espérer qu'un “Nouvel Ordre Mondial” allait émerger sous la direction de son pays, béni par le Tout-Puissant. Mais la tâche de diriger le monde n'est pas aisée, si l'on se souvient des pro­phécies du Prof. Paul Kennedy sur l'“hypertrophie impériale”. Bon nombre d'empires dans l'histoire ont sombré dans le déclin jadis simplement parce qu'ils ne pouvaient plus contrôler tous les territoires se trouvant sous leur juridiction ou, pour être plus précis, toutes les grandes voies de communication de l'Empire sur terre comme sur mer. Cette tâche nécessite une mobilisation constante de tous les moyens militaires, diplomatiques et économiques.

- Mobiliser les moyens militaires coûte très cher et soumet la nation impériale au risque de négliger ses problèmes domestiques, comme l'éducation et la santé. L'écroulement de l'empire peut alors avoir pour cause un manque de dirigeants et de gestionnaires qualifiés pour les grandes entreprises ou même pour les armées, ou par un le poids excessif des classes sociales exclues.

- Mobiliser tous les moyens diplomatiques implique une recherche constante de nouveaux alliés fiables. Mais l'art de la diplomatie nous enseigne qu'il faut éviter de trop se fier aux alliés qui risquent de devenir trop puissants et de vous lancer un défi ultérieurement. Aujourd'hui, les Etats-Unis, en tant que seul su­perpuissance demeurant en lice, essaiyent de mobiliser des musulmans modérés autour de la Turquie, des musulmans fondamentalistes-conservateurs autour de l'Arabie Saoudite, des musulmans fondamen­talistes révolutionnaires autour du Soudan, afin d'acquérir un certain contrôle de l'Asie Centrale, de la ré­gion du Golfe ou de l'Afrique du Nord. Ce constat doit nous amener à poser une question: ces nouveaux alliés seront suffisamment fiables à long terme? Une partie d'entre eux, ou même l'ensemble, ne pourrait-elle pas évoluer comme l'Iran et devenir en un tourne-main des ennemis fanatiques de la superpuissance dirigeante? Les philosophes parmi nous se remémoreront la dialectique du Maître et de l'Esclave chez Hegel. L'Esclave obéira aussi longtemps qu'il ne pourra pas faire autrement, tant qu'il sera payé pour ac­complir sa tâche. Il se rendra indispensable. Mais dès qu'il prendra conscience de son pouvoir en tant qu'adjoint ou qu'allié, il défiera son Maître. C'est là une loi de l'histoire bien connue.

- Mobiliser tous les moyens économiques implique de dépenser des sommes considérables pour la dé­fense et de rogner dans les autres domaines, comme la santé et l'éducation. Sur le long terme, avec une telle politique, la solidarité nationale s'évanouit, la nation cesse d'être une communauté, le sens du res­pect mutuel disparaît, la moralité publique demeure un vague souvenir et la cohésion du pays ne peut plus œuvrer pour soutenir la puissance de l'Etat sur la scène internationale. Le manque d'investissements dans le domaine de l'éducation conduit à engager du personnel enseignant à l'étranger, même dans des pays potientiellement ennemis. Les Etats et les peuples soumis à la superpuissance impériale peuvent ti­rer avantage du fait que les charges militaires sont supportées par la puissance hégémonique et investir dans les affaires sociales domestiques, gagnant du même coup en cohésion et en qualité d'enseignement, c'est-à-dire en pariant sur une politique qui leur donnera très vite de meilleures gestion­naires et de meilleurs ingénieurs.

 

A cause de l'“hypertrophie impériale” et à certaines faiblesses domestiques, les Etats-Unis doivent au­jourd'hui pratiquer la politique suivante dans le monde:

- Premièrement, contrôler l'Asie Centrale pour contenir la Russie;

- Deuxièmement, contrôler la région du Golfe pour contenir et l'Irak et l'Iran ou pour empêcher toute affir­mation européenne ou japonaise dans cette zone recelant les plus grands gisements de pétrole du globe;

- Troisièmement, contrôler tous les pays situés entre la Méditerranée et la Corne de l'Afrique;

Cette triple nécessité implique d'ores et déjà de déléguer du pouvoir à la Grande-Bretagne, pour qu'elle négocie avec les challengeurs islamiques en Algérie; à l'Allemagne, pour qu'elle négocie directement avec l'Iran, comme l'a annoncé officiellement la semaine dernière le Ministre des Affaires Etrangères al­lemand, Klaus Kinkel, dans les colonnes du plus important des hebdomadaires de l'Europe continentale, Der Spiegel  (Hambourg). Si le boycott de l'Iran est la politique officielle de Washington, la nouvelle poli­tique de Berlin à l'égard de Téhéran sera celle du “dialogue critique”.

 

Déléguer de telles tâches à Londres ou à Berlin constitue en fait un recul de la stratégie impériale améri­caine parce que cela signifie réintroduire Londres et Berlin dans des zones d'où ces pays avaient été ex­clus au cours des événements de ce siècle par une intervention directe ou indirecte des Etats-Unis. Il nous reste à poser une question: les Etats-Unis seront-ils capables de contrôler entièrement la politique des diplomates et des industriels allemands en Iran, surtout sur les Allemands agiront dans les premières étapes de leur “dialogue critique” avec l'accord tacite de Washington? La délégation de pouvoir indique que l'hypertrophie impériale n'est déjà plus gérable.

 

2.

Mais outre la difficulté croissante à contrôler tout ce qui devrait être contrôlé, comment l'impérialisme se présente-t-il aujourd'hui?

a) L'IMPÉRIALISME MILITAIRE. L'impérialisme militaire de la seule superpuissance de 1995 consiste en résidus d'alliances forgées au temps de la Guerre Froide. L'OTAN ne peut évidemment plus avoir le même but et les mêmes objectifs aujourd'hui qu'il y a dix ans lorsque Berlin était encore divisé par un Mur et des champs de mines et quand les troupes russes étaient concentrées en Thuringe, à 70 km de Francfort, où l'on trouve l'aéroport stratégique le plus important d'Europe Centrale. L'évolution la plus logique que pour­rait subir l'OTAN dans les années à venir serait une fusion du pilier européen avec l'UEO et un désenga­gement graduel des Etats-Unis sur le théâtre européen. L'UEO, en tant que pilier européen de l'OTAN, ab­sorbera dans une seconde phase des nouveaux pays comme l'Autriche, la Hongrie, la Slovénie et la République Tchèque, donnant à l'alliance un profil beaucoup plus européen et de moins en moins atlan­tique. Ensuite, nous devons espérer une fusion graduelle de l'UEO et de l'OSCE, afin d'établir la paix dans toute l'Europe et en Asie septentrionale et centrale. Espérons que cette OSCE acquerra de plus en plus de substance dans les décennies qui viennent.

 

b) L'IMPÉRIALISME DIPLOMATIQUE. La première tâche que se donnera Washington, c'est de susciter du désordre partout dans le monde, spécialement dans les régions d'importance hautement stratégique, afin qu'aucune autre puissance ne soit en mesure de les contrôler et de glâner quelques bribes d'hégémonie régionale. ce désordre mobilisera des forces qui ne pourront plus consacrer leurs énergies à des fusions régionale ou à des processus de pacification ou à des processus impériaux au sens antique et non impérialiste du terme. La tâche que s'assignera Washington  —comme le fait généralement toute puissance hégémonique—  sera d'éviter l'émergence de tout challengeur. Mais sera-t-il possible, sur le très long terme, de confiner la Turquie dans un rôle mineur si la Turquie reçoit pour mission de coordonner les énergies des peuples turcophones d'Asie Centrale et deviendra ainsi une puissance hégémonique sur un groupe de pays comptant plus de 130 millions d'habitants? Sera-t-il possible d'obliger Berlin à suivre gentiment toutes les politiques suggérées par Washington si l'Allemagne, en tant que pays industriel très puissant et très efficace, amorce un travail en tandem avec une grande puissance pétrolière comme l'Iran, potentiellement forte aussi sur le plan militaire? Surtout si l'on se souvient que la première guerre mondiale a éclaté en partie parce que l'on voulait éviter que l'industrie de l'Allemagne de Guillaume II n'exerce une domination hégémonique sur le Moyen-Orient...

 

c) L'IMPÉRIALISME TECHNOLOGIQUE. Washington contrôle le commerce mondial par le biais du GATT ou du FMI. Mais l'idéologie qui se cache derrière ces structures nées immédiatement après la seconde guerre mondiale est une idéologie du libre-marché, visant à détruire toutes les barrières douanières pro­tectrices, pour créer, en bout de course, un monde unifié, heureux et uniforme, soit le monde que crai­gnait de voir émerger un Georges Orwell. Les barrières douanières était un système utilisé par les pays les moins puissants au niveau industriel pour aider leur population à développer en toute autonomie une industrie nationale, capable d'évoluer selon les schèmes culturels du peuple autochtone. Entre 1944 et 1946, les Etats-Unis, étant devenus le pays industriel le plus puissant, désiraient maintenir le monde tel qu'il était à ce moment-là de l'histoire, où Washington régnait sur de vastes groupes de pays dévastés ou sous-équipés. Le développement du Japon et de l'Allemagne, de même que celui des Nouveaux Pays Industriels (NPI) d'Asie orientale, constituent un danger pour le marché domestique américain lui-même, tout simplement parce que le Japon, l'Allemagne, Taïwan et Singapour n'ont pas la charge de financer une armée colossale et une technologie militaire hautement avancée capable d'intervenir partout dans le monde. Le résultat est que les voitures et les gadgets japonais envahissent les magasins aux Etats-Unis, en vertu du principe du libre marché imposé jadis par Roosevelt et Truman, mais les voitures et les gad­gets américains n'envahissent pas les boutiques japonaises...

 

Mais dans un domaine, l'Amérique se défend sans efforts avec un indéniable succès: dans les médias. Elle garde un atout gagné lors de la seconde guerre mondiale: l'utilisation généralisée d'un anglais appau­vri à travers le monde entier, comme une sorte de nouveau pidgin. Mais ce phénomène de “pidginization” permet à l'Amérique de lancer partout dans le monde des produits scientifiques ou culturels, de mettre sur pied des banques de données et de contrôler l'industrie informatique. Mais cet état de “pidginization” ne constitue-t-il pas une situation temporaire? Des méthodes pour apprendre la langue anglaise ont été ré­pandues dans le monde, si bien qu'une élite pragmatique, qui n'est ni américaine ni britannique, est dé­sormais capable d'utiliser cette langue correctement et d'envoyer des informations en anglais dans les banques de données ou sur internet. C'est déjà le cas, surtout dans les pays européens où l'anglais s'apprend et s'enseigne facilement parce que les langues locales lui son apparentées, comme en Allemagne, en Scandinavie et dans les pays du Bénélux. De ce fait, des informations reposant sur une base culturelle différente peuvent désormais modifier l'idéologie dominante en utilisant la langue de l'idéologie dominante. D'autres schèmes philosophiques ou spirituels peuvent d'ores et déjà avoir un cer­tain impact sur l'idéologie globale et relativiser ses certitudes. A la fin du processus, l'idéologie globale ne sera plus la même. Les cultures dominées infiltreront le discours dominant. Un processus semblable se déroulera du fait de l'anglicisation de l'Inde. D'ores et déjà les Indiens écrivent et impriment en anglais et injectent simultanément des conceptions et des modes de pensée indiens dans l'ensemble de la sphère anglophone ou dominée par l'anglais. L'Inde devient ainsi, petit à petit, la première voix du monde non-eu­ropéen et non-blanc, directement dans la langue d'origine européenne la plus répandue dans le monde.

 

3.

Comment lutter contre ces diverses formes d'impérialisme?

a) Contre l'IMPÉRIALISME MILITAIRE, la meilleur politique que l'Europe puisse suivre aujourd'hui est une politique d'inertie, une politique qui s'interdit d'embrayer sur les bellicismes américains et les condamna­tions unilétérales d'ennemis désignés par Washington. La meilleur chose que les puissances euro­péennes puissent faire, c'est d'attendre, de retarder les paiements dans le cadre des alliances avec les Etats-Unis, de développer lentement le pilier européen et de favoriser à terme la fusion avec l'UEO. Mais nous devons également être fort attentifs et ne pas nous faire dérober des opportunités au Moyen-Orient, ne pas nous faire barrer l'accès à des voies maritimes ou fluviales ou à des marchés équilibrés avec des puissances de moindres dimensions en dehors d'Europe, puissances que nous ne pourront jamais consi­dérer comme des semi-colonies mais toujours comme des partenaires à part entière.

b) Face à l'IMPÉRIALISME DIPLOMATIQUE, les journalistes, politiciens, intellectuels, professeurs d'université, initiatives privées européens doivent sans cesse suggérer des alternatives à l'actuel Ordre mondial, qui est basé sur une idéologie accordant trop d'importance à l'argent et trop peu d'importance à la culture, l'éducation, la recherche, les traditions et la religion. Nous devons combler le “vide spirituel” qui s'est constitué au fil des décennies, justement parce que nous n'avions pas de “vide technologique”.

c) Contre l'IMPÉRIALISME TECHNOLOGIQUE, nous devons absolument focaliser nos attentions sur la responsabilité de chacun pour les atouts irremplaçables que nous offre la Terre-Mère, c'est-à-dire focali­ser nos attention sur les matières écologiques, parce que l'environnement malade de ce XXième siècle finissant nous a fait découvrir que toutes les choses que recelait la Terre avaient des limites et qu'il n'est plus possible désormais d'ignorer ces limites purement et simplementn comme nous l'avait enseigné une certaine philosophie étroitement rationaliste et cartésienne, surtout dans le cadre de nos pratiques éco­nomiques. Nous devons également respecter le principe de RÉCIPROCITÉ au niveau global. Ce n'est pas une bonne politique de laisser des continents entiers mourir de faim ou plongés dans les plus affreux dé­sastres de la guerre, du génocide ou des dissensions civiles. Nous ne pouvons pas offrir à l'Afrique une solution qui serait purement et simplement une reprise du vieil impérialisme colonialiste ni accentuer le néo-colonialisme financier en Amérique latine: seul sera cohérent l'avenir qui généralisera les principes de coopération et de réciprocité. Par exemple, les productions bon marché des pays du Tiers-Monde doivent être taxées si elles sont importées chez nous mais de la façon suivante: les pays du Tiers-Monde expor­tateurs doivent avoir la chance d'acheter des produits de haute technologie dans les pays riches qui im­portent les biens qu'ils produisent, de façon à ce que les travailleurs des pays développés puissent con­server leur emploi; l'économiste français Lauré suggère une TVA pour les produits du Tiers-Monde qui se­rait thésaurisée pour acheter des produits de plus haute technologie ou d'autres biens nécessaires au pays importateurs; en effet, les pays industriels ne peuvent tolérer une dialisation de leurs propres socié­tés, ou quelques happy fews  viveraient dans l'opulence à côté de masses clochardisées. Les sociétés duales émergent quand les marchandises bon marché du monde extérieur remplacent les mêmes mar­chandises produites dans le cadre domestique. Une telle situation crée les problèmes que nous connais­sons: chômage et misère dans les pays développés, pas de décollage et famine dans les pays en voie de développement. Un cul-de-sac dont nous devons tous sortir.

 

Et si le GATT vise en dernière instance à interdire les douanes, il ne dit rien de bien précis quant aux normes. La stabilisation des marchés domestiques pourrait dès lors s'opérer dans l'avenir non pas en appliquant des tarifs douaniers mais en imposant des normes de qualité afin de protéger des branches performantes de l'économie domestique et d'éviter ainsi le chômage, de conserver l'emploi et d'empêcher toute dualisation de la société.

 

Les chutes d'empires au cours de l'histoire ont toujours obligé les peuples à agir localement, à se tourner vers la planification régionale. Ce fut le cas immédiatement après l'effondrement de l'empire romain en Europe. Aujourd'hui, l'aménagement territorial sur base régionale est redevenu une nécessité, surtout dans les régions demeurées en marge, comme l'“Arc Atlantique” (du Portugal à la Bretagne) ou le Mezzogiorno. Même aux Etats-Unis, l'idée d'un vaste réaménagement territorial sur base régionale est aujourd'hui perçue comme une nécessité plutôt urgente, ainsi que nous le constatons dans les mouve­ments biorégionalistes et communautariens, qui peuvent être considérés comme les deux projets poli­tiques les plus intéressants d'Outre-Atlantique à ce jour. Mais ce retour aux racines et aux faits régionaux est possible aujourd'hui en interaction avec des technologies globales telles Internat. La coopération, les échanges d'informations, l'éducation interculturelle sont désormais possibles sans violence ou sans con­trôle colonial, c'est-à-dire sans qu'il ne soit nécessaire de perdre ses racines ou ses traditions. Etre membre d'un peuple spécifique, parler une langue très difficile et très ancienne, apprendre les langues antiques, mortes ou subsistantes, s'immerger totalement dans une tradition religieuse ou culturelle seront des atouts et non plus des inconvénients. Mais pour atteindre cette diversité globale, nous allons devoir nous armer de patience. La route sera longue qui nous mènera à cette diversité. Mais nous invitons tous les hommes à marcher joyeusement avec nous dans cette direction.

 

Comme l'écrivait récemment Hermann Scheer, un ingénieur allemand spécialisé en énergie solaire, dans son ouvrage Zurück zur Politik  (Piper, Munich, 1995), nous devons combattre pour construire un ordre économique global permettant à chaque Etat de forger sa propre politique énergétique et écologique, afin de démanteler les monopoles en économie, en politique et dans les médias, de lutter pour imposer un nouvel ordre agricole débarrassé des monopoles céréaliers et des manipulations génétiques, pour restau­rer l'agriculture écologique et créer des systèmes de communication respectueux de l'environnement.

 

Comme l'écrivait le philosophe italo-slovène Danilo Zolo (in Cosmopolis,  Feltrinelli, Milano, 1995), “le vieux modèle hiérarchisant... sera remplacé par une nouvelle logique, la logique du pacifisme faible, c'est-à-dire un pacifisme qui n'est pas le pacifisme habituel et conventionnel, visant à supprimer définitivement les guerres dans le monde, mais un pacifisme nouveau qui respecte la diversité des cultures et accepte la compétition entre les intérêts divergents”. Mais sans planétariser les guerres et les conflits.

 

Atteindre une anti-utopie de ce type est possible. Mais, comme je viens de le dire, le chemin qui y mène est très très long. Et je répète: marchons joyeusement dans cette direction.

 

Robert STEUCKERS.

00:05 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, déclin, décadence, empires | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

vendredi, 19 février 2010

Der Engel der Vernichtung

Der Engel der Vernichtung
Angriff gegen den aufklärerischen Optimismus, verdunkelt von Kraftworten: Zum 250. Geburtstag von Joseph de Maistre

Günter Maschke - Ex: http://www.jungefreiheit.de/ 

JMaistre.jpgLa neve sulla tosta, ma il fuoco nella bocca!", rief ein begeisterter Italiener aus, der das einzige überlieferte Portrait Joseph de Maistres betrachtete, das kurz vor dessen Tode entstand. Das Haupt weiß, wie von Schnee bedeckt und aus dem Munde strömt Feuer: De Maistre gehört zu den wenigen Autoren, die mit zunehmenden Jahren stets nur radikaler und schroffer wurden und sich der sanft korrumpierenden Weisheit des Alters entschlungen, gemäß der man versöhnlicher zu werden habe und endlich um die Reputation bemüht sein müsse. Fors do l'honneur nul souci, außer der Ehre keine Sorge, war der Wahlspruch des Savoyarden, und zu seiner Ehre gehörte es, immer unvermittelter, schonungsloser und verblüffender das Seine zu sagen.

Der Ruhm de Maistres verdankt sich seinen Kraftworten, mit denen er den ewigen Gutmenschen aufschreckt, der sich's inmitten von Kannibalenhumanität und Zigeunerliberalismus bequem macht. "Der Mensch ist nicht gut genug, um frei zu sein", ist wohl noch das harmloseste seiner Aperçus, das freilich, wie alles Offenkundige, aufs Äußerste beleidigt. Beharrliche Agnostiker und schlaue Indifferenzler entdecken plötzlich ihre Liebe zur Wahrheit und erregen sich über den kaltblütigen Funktionalismus de Maistres, schreibt dieser: "Für die Praxis ist es gleichgültig, ob man dem Irrtum nicht unterworfen ist oder ob man seiner nicht angeklagt werden darf. Auch wenn man damit einverstanden ist, daß dem Papste keine göttliche Verheißung gegeben wurde, so wird er dennoch, als letztes Tribunal, nicht minder unfehlbar sein oder als unfehlbar angesehen werden: Jedes Urteil, an das man nicht appellieren kann, muß, unter allen nur denkbaren Regierungsformen, in der menschlichen Gesellschaft als gerecht angesehen werden. Jeder wirkliche Staatsmann wird mich wohl verstehen, wenn ich sage, daß es sich nicht bloß darum handelt, zu wissen, ob der Papst unfehlbar ist, sondern ob er es sein müßte. Wer das Recht hätte, dem Papste zu sagen, daß er sich geirrt habe, hätte aus dem gleichen Grunde auch das Recht, ihm den Gehorsam zu verweigern."

Der Feind jeder klaren und moralisch verpflichtenden Entscheidung erschauert vor solchen ganz unromantischen Forderungen nach einer letzten, alle Diskussionen beendenden Instanz und angesichts der Subsumierung des Lehramtes unter die Jurisdiktionsgewalt erklärt er die Liebe und das Zeugnisablegen zur eigentlichen Substanz des christlichen Glaubens, den er doch sonst verfolgt und haßt, weiß er doch, daß diesem die Liebe zu Gott wichtiger ist als die Liebe zum Menschen, dessen Seele "eine Kloake" (de Maistre) ist.

Keine Grenzen mehr aber kennt die Empörung, wenn de Maistre, mit der für ihn kennzeichnenden Wollust an der Provokation, den Henker verherrlicht, der, zusammen mit dem (damals) besser beleumundeten Soldaten, das große Gesetz des monde spirituel vollzieht und der Erde, die ausschließlich von Schuldigen bevölkert ist, den erforderlichen Blutzoll entrichtet. Zum Lobpreis des Scharfrichters, der für de Maistre ein unentbehrliches Werkzeug jedweder stabilen gesellschaftlichen Ordnung ist, gesellt sich der Hymnus auf den Krieg und auf die universale, ununterbrochene tobende Gewalt und Vernichtung: "Auf dem weiten Felde der Natur herrscht eine manifeste Gewalt, eine Art von verordneter Wut, die alle Wesen zu ihrem gemeinsamen Untergang rüstet: Wenn man das Reich der unbelebten Natur verläßt, stößt man bereits an den Grenzen zum Leben auf das Dekret des gewaltsamen Todes. Schon im Pflanzenbereich beginnt man das Gesetz zu spüren: Von dem riesigen Trompetenbaum bis zum bescheidensten Gras - wie viele Pflanzen sterben, wie viele werden getötet!"

Weiter heißt es in seiner Schrift "Les Soirées de Saint Pétersbourg" (1821): "Doch sobald man das Tierreich betritt, gewinnt das Gesetz plötzlich eine furchterregende Evidenz. Eine verborgene und zugleich handgreifliche Kraft hat in jeder Klasse eine bestimmte Anzahl von Tieren dazu bestimmt, die anderen zu verschlingen: Es gibt räuberische Insekten und räuberische Reptilien, Raumvögel, Raubfische und vierbeinige Raubtiere. Kein Augenblick vergeht, in dem nicht ein Lebewesen von einem anderen verschlungen würde.

Über alle diese zahllosen Tierrassen ist der Mensch gesetzt, dessen zerstörerische Hand verschont nichts von dem was lebt. Er tötet, um sich zu nähren, er tötet, um sich zu belehren, er tötet, um sich zu unterhalten, er tötet, um zu töten: Dieser stolze, grausame König hat Verlangen nach allem und nichts widersteht ihm. Dem Lamme reißt er die Gedärme heraus, um seine Harfe zum Klingen zu bringen, dem Wolf entreißt er seinen tödlichsten Zahn, um seine gefälligen Kunstwerke zu polieren, dem Elefanten die Stoßzähne, um ein Kinderspielzeug daraus zu schnitzen, seine Tafel ist mit Leichen bedeckt. Und welches Wesen löscht in diesem allgemeinen Schlachten ihn aus, der alle anderen auslöscht? Es ist er selbst. Dem Menschen selbst obliegt es, den Menschen zu erwürgen. Hört ihr nicht, wie die Erde schreit nach Blut? Das Blut der Tiere genügt ihr nicht, auch nicht das der Schuldigen, die durch das Schwert des Gesetzes fallen. So wird das große Gesetz der gewaltsamen Vernichtung aller Lebewesen erfüllt. Die gesamte Erde, die fortwährend mit Blut getränkt wird, ist nichts als ein riesiger Altar, auf dem alles, was lebt, ohne Ziel, ohne Haß, ohne Unterlaß geopfert werden muß, bis zum Ende aller Dinge, bis zur Ausrottung des Bösen, bis zum Tod des Todes."

Im Grunde ist dies nichts als eine, wenn auch mit rhetorischem Aplomb vorgetragene banalité supérieure, eine Zustandsbeschreibung, die keiner Aufregung wert ist. So wie es ist, ist es. Doch die Kindlein, sich auch noch die Reste der Skepsis entschlagend, die der frühen Aufklärung immerhin noch anhafteten, die dem Flittergold der humanitären Deklaration zugetan sind (auch, weil dieses sogar echtes Gold zu hecken vermag), die Kindlein, sie hörten es nicht gerne.

Der gläubige de Maistre, der trotz all seines oft zynisch wirkenden Dezisionismus unentwegt darauf beharrte, daß jede grenzenlose irdische Macht illegitim, ja widergöttlich sei und der zwar die Funktionalisierung des Glaubens betrieb, aber auch erklärte, daß deren Gelingen von der Triftigkeit des Glaubens abhing - er wurde flugs von einem bekannten Essayisten (Isaiah Berlin) zum natürlich 'paranoiden' Urahnen des Faschismus ernannt, während der ridiküle Sohn eines großen Ökonomen in ihm den verrucht-verrückten Organisator eines anti-weiblichen Blut- und Abwehrzaubers sah, einen grotesken Medizinmann der Gegenaufklärung. Zwischen sich und der Evidenz hat der Mensch eine unübersteigbare Mauer errichtet; da ist des Scharfsinns kein Ende.

Der hier und in ungezählten anderen Schriften sich äußernde Haß auf den am 1. April 1753 in Chanbéry/Savoyen geborenen Joseph de Maistre ist die Antwort auf dessen erst in seinem Spätwerk fulminant werdenden Haß auf die Aufklärung und die Revolution. Savoyen gehörte damals dem Königreich Sardinien an und der Sohn eines im Dienste der sardischen Krone stehenden Juristen wäre wohl das ehrbare Mitglied des Beamtenadels in einer schläfrigen Kleinstadt geblieben, ohne intellektuellen Ehrgeiz und allenfalls begabt mit einer außergewöhnlichen Liebenswürdigkeit und Höflichkeit in persönlich-privaten Dingen, die die "eigentliche Heimat aller liberalen Qualitäten" (Carl Schmitt) sind.

Der junge Jurist gehörte gar einer Freimaurer-Loge an, die sich aber immerhin kirchlichen Reunionsbestrebungen widmet; der spätere, unnachgiebige Kritiker des Gallikanismus akzeptiert diesen als selbstverständlich; gelegentlich entwickelte de Maistre sogar ein wenn auch temperiertes Verständnis für die Republik und die Revolution. Der Schritt vom aufklärerischen Scheinwesen zur Wirklichkeit gelang de Maistre erst als Vierzigjährigem: Als diese in Gestalt der französischen Revolutionstruppen einbrach, die 1792 Savoyen annektierten. De Maistre mußte in die Schweiz fliehen und verlor sein gesamtes Vermögen.

Erst dort gelang ihm seine erste, ernsthafte Schrift, die "Considérations sur la France" (Betrachtungen über Frankreich), die 1796 erschien und sofort in ganz Europa Furore machte: Die Restauration hatte ihr Brevier gefunden und hörte bis 1811 nicht auf, darin mehr zu blättern als zu lesen. Das Erstaunliche und viele Irritierende des Buches ist, daß de Maistre hier keinen Groll gegen die Revolution hegt, ja, ihr beinahe dankbar ist, weil sie seinen Glauben wieder erweckte. Zwar lag in ihr, wie er feststellte, "etwas Teuflisches", später hieß es sogar, sie sei satanique dans sons essence. Doch weil dies so war, hielt sich de Maistres Erschrecken in Grenzen. Denn wie das Böse, so existiert auch der Teufel nicht auf substantielle Weise, ist, wie seine Werke, bloße Negation, Mangel an Gutem, privatio boni. Deshalb wurde die Revolution auch nicht von großen Tätern vorangetrieben, sondern von Somnambulen und Automaten: "Je näher man sich ihre scheinbar führenden Männer ansieht, desto mehr findet man an ihnen etwas Passives oder Mechanisches. Nicht die Menschen machen die Revolution, sondern die Revolution benutzt die Menschen."

Das bedeutete aber auch, daß Gott sich in ihr offenbarte. Die Vorsehung, die providence, leitete die Geschehnisse und die Revolution war nur die Züchtigung des von kollektiver Schuld befleckten Frankreich. Die Furchtbarkeit der Strafe aber bewies Frankreichs Auserwähltheit. Die "Vernunft" hatte das Christentum in dessen Hochburg angegriffen, und solchem Sturz konnte nur die Erhöhung folgen. Die Restauration der christlichen Monarchie würde kampflos vonstatten gehen; die durch ihre Gewaltsamkeit verdeckte Passivität der Gegenrevolution, bei der die Menschen nicht minder bloßes Werkzeug sein würden. Ohne Rache, ohne Vergeltung, ohne neuen Terror würde sich die Gegenrevolution, genauer, "das Gegenteil einer Revolution", etablieren; sie käme wie ein sich sanftmütig Schenkender.

Die konkrete politische Analyse aussparen und direkt an den Himmel appellieren, wirkte das Buch als tröstende Stärkung. De Maistre mußte freilich erfahren, daß die Revolution sich festigte, daß sie sich ihre Institution schuf, daß sie schließlich, im Thermidor und durch Bonaparte, ihr kleinbürgerlich-granitenes Fundament fand.

Von 1803 bis 1817 amtierte de Maistre als ärmlicher, stets auf sein Gehalt wartender Gesandter des Königs von Sardinien, der von den spärlichen Subsidien des Zaren in Petersburg lebt - bis er aufgrund seiner lebhaften katholischen Propaganda im russischen Hochadel ausgewiesen wird. Hier entstehen, nach langen Vorstudien etwa ab 1809, seine Hauptwerke: "Du Pape" (Vom Papste), publiziert 1819 in Lyon, und "Les Soirées de Saint Pétersbourg" (Abendgespräche zu Saint Petersburg), postum 1821.

Die Unanfechtbarkeit des Papstes, von der damaligen Theologie kaum noch verfochten, liegt für de Maistre in der Natur der Dinge selbst und bedarf nur am Rande der Theologie. Denn die Notwendigkeit der Unfehlbarkeit erklärt sich, wie die anderer Dogmen auch, aus allgemeinen soziologischen Gesetzen: Nur von ihrem Haupte aus empfangen gesellschaftliche Vereinigungen dauerhafte Existenz, erst vom erhabenen Throne ihre Festigkeit und Würde, während die gelegentlich notwendigen politischen Interventionen des Papstes nur den einzelnen Souverän treffen, die Souveränität aber stärken. Ein unter dem Zepter des Papstes lebender europäischer Staatenbund - das ist de Maistres Utopie angesichts eines auch religiös zerspaltenen Europa. Da die Päpste die weltliche Souveränität geheiligt haben, weil sie sie als Ausströmungen der göttlichen Macht ansahen, hat die Abkehr der Fürsten vom Papst diese zu verletzlichen Menschen degradiert.

Diese für viele Betrachter phantastisch anmutende Apologie des Papsttums, dessen Stellung durch die Revolution stark erschüttert war, führte, gegen immense Widerstände des sich formierenden liberalen Katholizismus, immerhin zur Proklamation der päpstlichen Unfehlbarkeit durch Pius IX. auf dem 1869 einberufenen Vaticanum, mit dem der Ultramontanismus der modernen, säkularisierten Welt einen heftigen, bald aber vergeblichen Kampf ansagte.

Die "Soirées", das Wesen der providence, die Folgen der Erbsünde und die Ursachen des menschlichen Leidens erörternd, sind der vielleicht schärfste, bis ins Satirische umschlagende Angriff gegen den aufklärerischen Optimismus. Hier finden sich in tropischer Fülle jene Kraftworte de Maistres, die, gerade weil sie übergrelle Blitze sind, die Komplexität seines Werkes verdunkeln und es als bloßes reaktionäres Florilegium erscheinen lassen.

De Maistre, der die Leiden der "Unschuldigen" ebenso pries wie die der Schuldigen, weil sie nach einem geheimnisvollen Gesetz der Reversibilität den Pardon für die Schuldigen herbeiführen, der die Ausgeliefertheit des Menschen an die Erbsünde in wohl noch schwärzeren Farben malte als Augustinus oder der Augustinermönch Luther und damit sich beträchtlich vom katholischen Dogma entfernte, der nicht müde wurde, die Vergeblichkeit und Eitelkeit alles menschlichen Planens und Machens zu verspottern, - er mutete und mutet vielen als ein Monstrum an, als ein Prediger eines terroristischen und molochitischen Christentum.

Doch dieser Don Quijote der Laientheologie - doch nur die Laien erneuerten im 19. Jahrhundert die Kirche, deren Klerus schon damals antiklerikal war! -, der sich tatsächlich vor nichts fürchtete, außer vor Gott, stimmt manchen Betrachter eher traurig. Weil er, wie Don Quijote, zumindest meistens recht hatte. Sein bis ins Fanatische und Extatische gehender Kampf gegen den Lauf der Zeit ist ja nur Gradmesser für den tiefen Sturz, den Europa seit dem 13. Jahrhundert erlitt, als der katholische Geist seine großen Monumente erschuf: Die "Göttliche Komödie" Dantes, die "Siete Partidas" Alfons' des Weisen, die "Summa" des heiligen Thomas von Aquin und den Kölner Dom.

Diesem höchsten Punkt der geistigen Einheit und Ordnung Europas folgte die sich stetig intensivierende Entropie, die, nach einer Prognose eines sanft gestimmten Geistesverwandten, des Nordamerikaners Henry Adams (1838-1918), im zwanzigsten und einundzwanzigsten Jahrhundert zur völligen spirituellen, aber auch politischen und sittlichen Anomie führen würde.

Der exaltierte Privatgelehrte, der in St. Petersburg aufgrund seiner unbedeutenden Tätigkeit genug Muße fand, sagte als erster eine radikale, blutige Revolution in Rußland voraus, geleitet von einem "Pugatschev der Universität", was wohl eine glückliche Definition Lenins ist. Die Prophezeiung wurde verlacht, war Rußland doch für alle ein Bollwerk gegen die Revolution. Er entdeckte, neben Louis Vicomte de Bonald (1754-1840), die Gesetze politisch-sozialer Stabilität, die Notwendigkeit eines bloc des idées incontestables, Gesetze, deren Wahrheit sich gerade angesichts der Krise und des sozialen Atomismus erwies: Ohne Bonald und de Maistre kein August Comte und damit auch keine Soziologie, deren Geschichte hier ein zu weites Feld wäre. De Maistre, Clausewitz vorwegnehmend und Tolstois und Stendhals Schilderung befruchtend, erkannte als erster die Struktur der kriegerischen Schlacht und begriff, daß an dem großen Phänomen des Krieges jedweder Rationalismus scheitert; der Krieg war ihm freilich göttlich, nicht wie den meist atheistischen Pazifisten ein Teufelswerk; auch ihn durchwaltete die providence.

Endlich fand de Maistre den Mut zu einer realistischen Anthropologie, die Motive Nietzsches vorwegnahm und die der dem Humanitarismus sich ausliefernden Kirche nicht geheuer war: Der Mensch ist beherrscht vom Willen zur Macht. Vom Willen zur Erhaltung der Macht, vom Willen zur Vergrößerung der Macht, von Gier nach dem Prestige der Macht. Diese Folge der Erbsünde bringt es mit sich, daß, so wie die Sonne die Erde umläuft, der "Engel der Vernichtung" über der Menschheit kreist - bis zum Tod des Todes.

Am 25. Februar 1821 starb Joseph de Maistre in Turin. "Meine Herren, die Erde bebt, und Sie wollen bauen!" - so lauteten seine letzten Worte zu den Illusionen seiner konservativen Freunde. Das war doch etwas anderes als - Don Quijote. 

Joseph de Maistre (1753-1821): Außer der Ehre keine Sorge, lautete der Wahlspruch des Savoyarden, und zu seiner Ehre gehörte es, immer unvermittelter und schonungsloser das Seine zu sagen

Günter Maschke lebt als Privatgelehrter und Publizist in Frankfurt am Main. Zusammen mit Jean-Jacques Langendorf ist er Hausgeber der "Bibliothek der Reaktion" im Karolinger Verlag, Wien. Von Joseph de Maistre sind dort die Bücher "Betrachtungen über Frankreich", "Die Spanische Inquisition" und "Über das Opfer" erschienen.


jeudi, 18 février 2010

Réalité virtuelle et économie

Archives de Synergies Européennes - 1995

RÉALITÉ VIRTUELLE ET ÉCONOMIE

 

realitievirtuelle.jpgLa lecture d'Aristote nous enseigne que l'argent naquit pour faciliter le troc, et que dès lors il est une con­vention, un artifice, un signe. Ce signe alimenta l'imagination et développa l'illusion qui corrompit les âmes et les sociétés, car il magnifia la richesse créée par l'argent-papier en lieu et place de la richesse réelle is­sue de la production de biens et de services. L'éthique aristotélicienne se fondait sur le concept de la limi­tation des richesses; tant que l'économie de troc fonctionnait, il ne pouvait y avoir de richesse illimitée car, par exemple, la récolte de grains est limitée comme le sont les semailles. Mais l'argent introduisit le concept de richesse illimitée; et contrairement aux grains de céréales, les monnaies peuvent s'accumuler indéfiniment, et quand cela survient, la richesse se transforme en une fin en soi, et non plus en un moyen; l'homme ne vit plus de la richesse, il vit pour elle.

 

Le Moyen Age condamna le développement des taux d'intérêt, considérés comme anti-naturels sur base d'une éthique aristotélicienne; cependant, le judaïsme et le protestantisme les prirent à leur compte, dé­veloppant ainsi le commerce et l'économie en général. Actuellement, les chroniques économiques journa­lières qui nous retracent les turbulences économico-financières mondiales nous révèlents par la même occasion l'hégémonie décisive de la sphère financière sur le plan réel de la production, l'investissement, l'emploi et le salaire. Ceci est un phénomène à portée planétaire, mais dont le pouvoir de nuisance nous semble se manifester avec une véhémence toute particulière dans les économies périphériques (notamment en Amérique latine, ndt), excessivement dépendantes des financements externes. La globa­lisation financière est à l'origine de la concetration d'énormes actifs dans les mains de quelques méga-opérateurs qui obtiennent de forts taux d'intérêt, aux dépens des pays périphériques qui se trouvent ainsi sous leur pouvoir direct. Du reste, il est significatif que le commerce mondial ne dépasse pas 4000 mil­liards de dollars tandis que l'argent électronique qui circule dans le “marché ouvert” atteindra les 210.000 milliards à la fin de 1995.

 

En 1990, le Prix Nobel d'économie fut octroyé à un trio de fins connaisseurs dans l'art de maximiser les rentes speculatives: Harry Markowitz, Merton Miller et William Sharpe. Plus tard, en 1991 (Ronald Coase) et en 1994 (John Nash, Reinhard Selten et Janos Harsanyi), les Prix Nobel récompensèrent les travaux apportant les signes d'une science encore plus fine dans ce domaine. Nous y voyons une manifestation éblouissante de la dérive financière et des significations qu'elle est en mesure de proposer. Sous le doux euphémisme de “produits dérivés”, l'ingénierie financière sauvage invente tout un large éventail d'accords financiers d'où naît une immense timballe financière grâce à laquelle des sommes énormes peuvent être gagnées après avoir parié des sommes bien plus minimes. Spéculer avec des instruments aussi volatiles crée des risques élevés: dès que le moindre maillon de la chaîne s'interrompt, il en résulte des pertes as­tronomiques; par exemple, si un pays en voie de développement entre en cessation de paiements, ce sont des milliards de dollars “dérivés” qui volent instantanément en fumée.

 

Un système développé de satellites, ordinateurs et autres moyens technologiques à portée globale am­plifient la dimension des transactions financières de tous types qui débordent le monde de l'économie réelle, en rapidité comme en intensité. L'argent électronique dégage une chaleur moite: cette fiction est propice au pullulement de la faune “yuppy”, qui jongle tour à tour avec des profits mirobolants et avec des banqueroutes foudroyantes, au rythme éperdu des capitaux lancés dans leur course à travers les divers marchés de capitaux.

 

A l'ère de la réalité virtuelle, quand les signes se rebellent envers les réalités, il est nécessaire de récupé­rer l'essence des valeurs philosophiques. Les finances doivent être remises dans un état de subordina­tion à l'égard des productions réelles de biens et de services, car c'est de là que des possibilités naissent pour l'être humain de se réaliser en tant que tel. La dépendance des populations humaines envers le pou­voir diffus et essentiellement cruel du monde financier est extrêmement dangereuse, elle annule le pou­voir décisionnel des gouvernements et ne saurait avoir qu'un impact social traumatique. Les stratégies de développement qu'il nous faut créer, une fois pour toutes, seraient basées sur la production et les expor­tations: la production des choses au-dessus du règne des signes.

 

Manuel Agustin GAGO.

(article tiré de Disenso, n°4, hiver 1995).

mercredi, 17 février 2010

Culture médiatique

Archives de Synergies Européennes - 1995

Alberto Buela:

Culture médiatique

medien.jpgA en croire l'intuition du philosophe danois —sans doute le plus grand d'entre eux, Søren Kierkegaard (1813-1855), pasteur protestant contre sa religion, le protestantisme, père de la philosophie existentia­liste—, la culture médiatique trouverait sa source en Luther: «Oh, Luther, combien énorme est ta respon­sabilité! Car plus j'y songe, plus j'entrevois que si tu as entrepris d'abattre le Pape... c'est pour introniser le Public. Tu as enseigné aux hommes à vaincre par la force du nombre» (Journal intime, 1854).

 

Un des ingrédients de la culture médiatique est le public comme masse de consommateurs. Les peuples deviennent des marchés solvables. Et, à coup sûr, la valeur d'un programme télévisuel est proportion­nelle aux indices d'écoute. Nous entendons par “culture médiatique” l'ensemble des manifestations émises par les mass media qui tendent à fondre en un même amalgame uniforme le message émis et l'homme qui le reçoit.

 

La culture médiatique est une culture d'interposition entre l'homme et les choses. Mais à vrai dire, c'est en matière de culture au vide intersidéral qu'elle correspond. Car la culture est essentiellement l'activité de l'homme cultivant son propre être, son humanitas.  Et c'est ce devenir humain qui est, sans plus, la racine ultime de la culture. D'où cette contradictio in terminis  lorsqu'il est fait mention de cette sorte d'entité mi-chair mi-poisson qu'est la culture médiatique.

 

Par rapport à celle-ci, l'homme en est réduit purement et simplement à un consommateur: en tant que lec­teur, auditeur ou téléspectateur. Les messages médiatiques sont indifférents aux individualités aux­quelles ils s'adressent; maigre exutoire, celui proposé par certains journaux dans le “courrier des lec­teurs”. Tous ces messages sont uniquement conçus en fonction d'un accroissement escompté de la consommation des produits dont la publicité soutient économiquement les mass media. Publicité et con­sommation, telles sont les finalités auxquelles l'être humain est confronté, dans ce qui pourrait être quali­fié de “cercle herméneutique de production de sens”.

 

De pas son exaltation paroxystique du public, la culture médiatique est l'expression la plus achevée de la modernité; elle gave un public anesthésié d'images télévisées à travers cette immense vitrine que consti­tuent les innombrables écrans de télévision. L'existence en est réduite au niveau de celle des stocks de marchandises, si sagement alignés, par la publicité qui ne connaît d'autre vocation que de vendre: et en l'occurence, de tout vendre. Le sens ultime de l'existence est compris dans ce tout.

 

la société opulente, celle de l'ostentation, des shoppings, a réduit la domaine du privé au dégré zéro: de­puis la mise à nu de l'inconscient par Freud jusqu'aux dernières manipulations génétiques, depuis les bombardements défoliants sur la forêt amazonienne jusqu'aux cartes de crédit qui rendent impossible l'intimité des dépenses, depuis les édifices en verre jusqu'aux vêtements transparents.

 

Toute vie privée, comprise comme domaine d'expression de la singularité et de l'unique, ayant été ba­layée par le message homogénéisant de la culture médiatique, la voie est largement ouverte à l'anéantissement des identités des hommes et des peuples, pour en arriver au règne du blue jeans et du light, adoptés par un homme moderne qui n'est plus que pure apparence d'humanité.

 

Apparences dans le vêtement, dans le langage, par un baby talk monosyllabique qui permet de paraître plus rude, par la démarche, en se balançant pour paraître plus méchant, par l'allure, en affichant une barbe de quelques jours pour faire “bonne impression”. Mais, bien sûr, paraître ne suffit pas: l'essentiel est d'apparaître. Il faut se montrer en public. Le leitmotiv sera d'attirer l'attention par un aspect de “transgresseur light”. Avec des vêtements paraissant défaits et vieillis mais de bonnes marques. Avec des cheveux à l'indienne mais soigneusement couverts de gel. Avec un mouchoir qui pend un peu à la fa­çon tzigane mais en soie italienne. Est-il malaisé d'ironiser sur l'intensité des soucis que de tels trans­gresseurs peuvent causer aux tenants du pouvoir en place? La dissidence pourrait-elle être plus finement domestiquée?

 

Tel est l'empire des choses et, pour ainsi dire, des entités, qui, n'obéissant qu'à la loi de leur inertie, écran­sant l'être humain et donnent ainsi le ton de cette fin de millénaire. Ainsi donc, être signifie avoir. Et cela va jusqu'à acheter des choses dans le seul but de les posséder, indépendemment de l'usage qui peut en être fait. Le zapping, succession d'images tronquées, devient une attitude générale face à la vie. L'image, apparence de la réalité, s'est imposée en lieu et place des concepts véhiculés jadis. Ne voyons-nous pas la part des photos s'accroître dans la presse, les textes se faisant au contraire de moins en moins denses.

 

Les voyages de masse, le pélérinage des touristes qui voudraient être partout mais qui en définitive ne se dirigent nulle part, nous montrent l'homme moderne sous son jour le plus authentique: un voyeur qui veut tout regarder, même s'il a du mal à voir. Car pour voir il faut posséder une vision préalable de l'objet re­cherché. Connaissance préconceptuelle. Le regard qui voit est celui qui s'insère dans une totalité de sens. Platon affirmait: «La meilleure preuve qu'une nature soit douée ou non de sagesse, c'est la capa­cité que seul le sage possède, d'avoir une vision d'ensemble» (République,  537a, 10-15).

 

Or, c'est à une succession ininterrompue d'images tronquées et sans aucun sens que se livre l'homme médiatique. Lorsque celui-ci se spécialise en quelque chose, c'est dans l'art que nous pourrions qualifier de “minimalisme”. Le profil de l'homme médiatique est light,  sa pensée est faible, privée de convictions. Seul savoir en mesure de l'intéresser: celui de savoir ce qui se passe; il ne songe à poursuivre nulle in­vestigation personnelle ni a fortiori nul changement en quoi que ce soit. Moralement, il ne parvient même pas à être un hédoniste: il ne cherche pas le plaisir, il ne fait qu'être permissif. De cette permissivité il glisse vers un scepticisme et une indifférence généralisée envers toute vérité. L'interminable tolérance qui l'anime en toutes circonstances est le berceau douillet de son relativisme et de son atomisme social.

 

Ces jours-ci (15 décembre 1994), le projet de “télévision interactive” a connu une première phase d'accomplissement. Le firme nord-américaine Time Warner a installé dans cinq foyers de la ville d'Orlando un ordinateur, une télévision et une imprimante grâce auxquels les usagers visionneront des films choisis parmi une cinquantaine, commanderont leurs courses dans plusieurs magasins de la ville, dialogueront avec leurs voisins, utiliseront le service de coursiers et liront sur écran les nouvelles locales du journal Orlando Sentinel.

 

Tout indique que désormais la télévision, la vidéo, le téléphone, le courrier, l'informatique et beaucoup d'autres éléments s'intègreront dans une autoroute informatique dont le vecteur sera la fibre optique. L'interactivité intégrera l'homme en tant que simple apparence, son image parlant à sa place tandis que l'homme en chair et en os en sera réduit à taper sur le clavier de son terminal.

 

Autrefois, avant même que n'apparaisse la télévision, Leopoldo Marechal affirma: «Bien rares sont ceux aujourd'hui qui ne reconnaissent et ne vénèrent la radiotéléphonie, un des miracles de la science qui a le plus contribué à exlater la foi en un avenir plein d'artifices admirables, qui, en meublant leurs maisons et en démeublant leurs âmes, permettra aux humains d'atteindre le règne d'une béatitude débarrassée de tout casse-têtes».

 

Meubler leurs maisons de divers appareils électro-domestiques et démeubler leurs âmes: l'homme perd la capacité d'instaurer des valeurs, construire un monde lorsque seuls des désirs préfabriqués l'anime. Sa liberté n'est plus qu'une illusion. Son pouvoir est celui que les mass media lui offrent. Le développement des communications nous a fait passer de l'ère atomique à l'ère satellitaire ou informatique; le sens natu­rel du monde, comme lieu pour habiter, est annulé: le monde devient un écran où la virtualité supplante la réalité.

 

L'accès instantané à l'informatisation, la planétarisation des produits choisis par les mass media incitent l'homme dérivé de la culture médiatique à croire que ce qui apparaît est réel. L'éloignement de l'homme envers lui-même ne connaît dès lors plus de frontière. Dans les sociétés dépendantes comme sont les nôtres, en ce cône méridional du continent américain, l'aliénation médiatique atteint des niveaux invrai­semblables. La boîte à assomer, autrement dit la télévision, s'adresse à une population dont 40% survi­vent dans la pauvreté absolue pour proposer une vision totalement mercantile du monde. Notons que 85% de cette même population possède un téléviseur.

 

Serait-ce par hasard, à cause précisément de cette masse d'hommes et de femmes constamment mena­cés de noyade par les flots déchaînés de la misère, et qui parviennent de temps à autre à émerger pour assister au spectacle de la société de consommation, que nos technocrates de service appellent nos sociétés du doux euphémisme d'“émergentes”? Songeons aux 15.000 Mexicains qui tous les ans meurent de diarrhée dans la région de Chiapas. Qu'en est-il de ceux qui périssent, en dehors de toute statistique, en Bolivie, au Pérou, au Paraguay et au Brésil, emportés par le choléra?

 

Ce sont des millions de personnes qui vivent le nez collé à l'écran, voyant, désirant, rêvant un monde au­quel ils n'auront jamais accès, et qui pour eux existe réellement, alors que, pour notre part, nous savons qu'il n'est que virtualité et apparence.

 

A l'adage hégélien, selon lequel tout ce qui est rationnel est réel et tout ce qui est réel est rationnel, nous pouvons rétorquer désormais que tout ce qui est apparent est réel et que tout ce qui est réel est apparent. L'illusion rationaliste a véritablement été éventrée par la mystification, plus puissante et plus radicale, qu'est la culture médiatique. L'homme conditionné par celle-ci, après avoir pris l'image pour une réalité, en finira par jeter sur sa réalité environnante un regard lourd de scepticisme: car sa réalité finit par être moins réelle à ses yeux que les images télévisées. De ce fait, il marquera son renoncement face à l'entreprise médiatique de déculturation et de colonisation culturelle. L'homme abandonne sa capacité d'être soi-même en perdant son appartenance, son enracinement, ses valeurs, son langage.

 

L'homme médiatisé ne médiatisera rien qui lui soit propre; au contraire, il est l'objet de cette médiatisation qui accapare son être. Combien de fois n'entendons-nous pas affirmer innocemment: «Je ne peux vivre sans la télévision, la radio, le walkman, le journal, etc.». L'homme secrété par la culture médiatique réali­sara les travaux les plus abrutissants, les plus aliénants, comme si la réalité dans laquelle il baigne ne fût telle; la réalité s'efface et il n'a de cesse de s'identifier au message que les mass media lui envoient sans discontinuer. Deux exemples extrêmes illustrent cette dialectique. Nous trouvons le premier dans les transports en commun, à Buenos Aires, avec les colectiveros:  faune si commune et quotidienne, dont la réalité s'écarte notablement de celles des passagers et dont le souci n'est pas de prendre soin de cette clientèle mais bien d'accomplir leur mission au rythme des messages que les radios, tournées à plein vo­lume, leur divulguent: telle est la réalité illusoire dans laquelle ils se plongent. A l'autre extrême se trou­vent les yuppies de la Bourse, engloutis dans la masse des données que leur vomissent leurs ordina­teurs, contemplant les va-et-vient de leur fortune. La transaction financière est douée d'une vélocité bien supérieure à celle de l'opération commerciale, d'où une “mobilité électronique”, ainsi dénommée par l'économiste Marcelo Lascano, qui permet au spéculateur de réaliser plusieurs transactions financières, totalement fictives, sur une opération commerciale réelle. Couronnées de succès, de telles transactions transforment le yuppie en un millionnaire virtuel, fermé certes à toute considération quant à la virtualité de sa richesse. Son contact avec la réalité, à travers les revers de fortune occasionnels, le remplira de per­plexité.

 

Ce chemin est-il sans retour? Existe-i-il une sortie? Il se trouve des sociologues, des anthropologues, des intellectuels, qui se fondent sur un volontarisme optimiste pour parier que notre société et nos peuples d'Amérique latine ont suffisamment de forces inconscientes pour rejeter les valeurs de la contre-culture imposée par les mass media. Nous voyons, pour notre part, une possibilité de sortie non pas dans un appel romantique adressé au Volksgeist  mais en une prise de conscience qui nous permet, face aux mass media et à leurs techniques, leur toute-puissance, de dire: NON. Mais NON peut se dire de plusieurs façons. L'une de ces façons consiste à clôturer toute possibilité de contact. Il faut éteindre la télévision a conseillé Jean-Paul II l'année passée. L'autre de ces façons, tournée vers le discours heideggerien, est de dire “NON et OUI” aux objets techniques. Avoir la capacité de nous en emparer dans la seule mesure de leur utilité. L'utile étant ce que détermine l'être.

 

Il s'agit d'une désaffection, un détachement envers les choses, envers la technique comme déesse sal­vatrice, envers la consommation. Ce qui conduit nécessairement à une conduite austère. Heidegger ca­ractérise cette attitude par l'antique vocable germanique Gelassenheit, sérénité. Ainsi affirmait-il, “la sé­rénité envers les choses et l'ouverture aux mystères nous ouvrent la perspective d'un nouvel enracine­ment”. Les philosophes grecs dénommaient phroneseos  cette sorte d'hommes, ce qui, par la suite, a été mal traduits par “prudents”. Nous préférons traduire, comme le philosophe italien Giorgio Colli (1917-1978), par “savants”. Mais “savant” au sens véritablement, profondément, étymologique, dérivé de sapio, qui signifie “saveur” (et non au sens donné par le terme hellénique sophos). N'est pas sage celui ayant englobé de vastes quantités de données encyclopédiques, à la façon des érudits, mais celui capable de prendre son temps pour goûter la vie.

 

Nous voyons ainsi comment la dialectique médiatique, apparemment sans retour, peut être dépassée par la science de se donner le temps nécessaire à donner à chaque chose sa place.

 

Prof. Alberto BUELA.

(article tiré de Disenso, n°4, hiver 1995).

mardi, 16 février 2010

Slavoj Zizek: le philosophe le plus dangereux d'Occident

s_zizek.jpg

 

Slavoj Zizek : le philosophe le plus dangereux d'Occident

Ex: http://unitepopulaire.org/

« Slavoj Zizek – philosophe issu de la minuscule Slovénie, dont la renommée sulfureuse est devenue mondiale : le bandeau entourant son dernier le présente comme “le philosophe le plus dangereux d’Occident” – fait paraître ces jours-ci un essai qui vise à requinquer l’idée communiste. Après la tragédie, la farce ! est un livre hirsute, aux accents prophétiques : dressant le bilan d’un capitalisme libéral rongé par des contradictions insurmontables, il prédit même que l’avenir devrait se jouer entre le socialisme et le communisme. Féru de psychanalyse lacanienne, le philosophe résume son programme par une formule qui pastiche Marx : Dans nos sociétés, les gauches critiques n’ont fait jusqu’à présent que souiller ceux qui sont au pouvoir ; ce qui importe, c’est de les castrer... Slavoj Zizek résiste toujours mal au plaisir d’une bonne provocation.

Son succès doit sans doute beaucoup à ce tempérament. On se délecte du personnage mal peigné, agité, tonitruant, zézayant, qui plonge la philosophie dans un bain d’extravagance balkanique. Le lire est un exercice parfois éprouvant, en particulier quand il brasse le jargon lacanien. Sa désinvolture intellectuelle peut agacer. Ses concepts restent souvent fumeux (comme cette idée communiste qu’il manipule sans vraiment la définir). Mais on sort de ses livres intrigué, dérangé, stimulé et récompensé par quelques passages d’une grande drôlerie : Slavoj Zizek est un marxiste de tendance Groucho.

Aux Etats-Unis, ses conférences sont prises d’assaut. A Buenos Aires, près de 2500 personnes se sont massées pour l’écouter philosopher en plein air. A Londres, Tokyo ou New Delhi, sa réputation n’est plus à faire. La France, en revanche, s’est longtemps montrée plus réservée sur ce philosophe sorti de nulle part.

A cet égard, une page est en train de se tourner. La récente venue de Slavoj Zizek à Paris aura été l’occasion d’une véritable intronisation. […] Le Nouvel Observateur a décidé d’organiser le match au sommet en opposant l’énergumène slovène au champion hexagonal, Bernard-Henri Lévy. […] “Vous savez, glisse Zizek, quel est le problème de Bernard-Henri Lévy ? Cela fait des années qu’il essaie de pénétrer le marché américain, avec le soutien de CNN, mais ça ne marche pas! Pour lui, c’est un mystère: comment se fait-il qu’Alain Badiou, le philosophe le plus radical de la gauche européenne, réussisse mieux que lui aux Etats-Unis ? Moi, j’y vois plutôt un bon signe. Cela montre qu’on ne doit pas sous-estimer intellectuellement les Etats-Unis !” »

 

L’Hebdo, 21 janvier 2010

Un  Esprit  Libre :  Slavoj  Zizek

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Les visions d'Europe à la base de la "Révolution Conservatrice"

Université d'été de la F.A.C.E. (juillet 1995) - Résumé des interventions

Vendredi 28 juillet 1995 (après-midi)

 

Les visions d'Europe à la base de la “Révolution Conservatrice”

(Intervention de Robert Steuckers)

 

fidus-kyberspruch.gifPremière question: la révolution conservatrice allemande a-t-elle développé des visions d'Europe nou­velles et vraiment spé­cifiques? Réponse: pas vraiment. Des visions d'Europe très différentes se bouscu­lent dans les corpus théoriques de ceux qu'Armin Mohler compte parmi les représentants de ce courant de pensée, né au cours d'une longue “période axiologique” de l'histoire, soit une période où de nouvelles valeurs se pensent, s'insinuent (lentement) dans les esprits et s'installent dans la société et dans le con­cert des nations. Les valeurs que représente la “révolution conservatrice” sont des valeurs qui entendent remplacer celles mises en avant pas les formes involuées de christianisme anorganique et par l'idéologie des Lumières, in­duite par la révolution française. L'idéologie de la révolution conservatrice ne date donc pas de ce siècle. Elle n'est pas tombée subitement du ciel après 1918.

 

La RC consiste en un interprétation nouvelle de l'héritage nationaliste, protestant et hégélien (où la “nation” particulière, en l'occurrence la nation allemande) est l'instrument du Weltgeist); elle est une tra­duction idéologico-politique des philosophies de la Vie, mâtinée de darwinisme ou de biologisme matéria­liste (Haeckel) voire d'une interprétation vitaliste du “mystère de l'incarnation” cher à beaucoup de catho­liques populistes et/ou conservateurs; enfin, elle est un espace idéologique où l'on tente de concrétiser la vision nietzschéenne de la volonté de puissance ou la notion bergsonienne d'“élan vital”.

 

En ce qui concerne les visions d'Europe, la RC a aussi des antécédents. A l'époque des Lumières, les in­tellectuels européens décrivent l'Europe comme un espace de civilisation, de “bon goût”. Mais un certain pessimisme constate que cette civilisation entre en déclin, qu'elle est inadaptée aux premières manifes­tations d'industrialisme, que le culte de la raison, qui est son apa­nage, bat de l'aile et que le modèle fran­çais, qui en est le paradigme, vient à être de plus en plus souvent contesté (hostilité à la “gallomanie”, non seulement dans les pays germaniques, mais aussi dans les pays latins).

 

Herder propose dans ce contexte une vision, une manière de voir (Sehweise), qui met en exergue le sens de l'individualité historique des constructions collectives. Contrairement à Rousseau, qui raisonne en termes d'individus, de nations et d'universalité, et qui juge, péremptoire, que l'Europe est “moralement condamnable”, Herder voit des peuples et des cultures enracinés, dont il faut conserver et entretenir les spécificités. L'Europe qu'il appelle de ses vœux est un concert de peuples différents et enracinés. L'Europe, telle qu'elle existe, n'est pas “moralement condamnable” en soi, mais il faut veiller à ne pas ex­porter, en dehors d'Europe, une européisme artificiel, basé sur les canons de la gallomanie et du culte figé d'une antiquité greco-romaine ad usum delphini. L'Europe dont rêve Herder n'est pas une so­ciété d'Etats-personnes mais doit deve­nir une communauté de personnalités natio­nales.

 

Tel était le débat juste avant que n'éclate la révolution française. Après les tumultes révolutionnaires, Napoléon crée le bloc continental par la force des armes. Ce bloc doit devenir autarcique (Bertrand de Jouvenel écrira dans les années 30 l'ouvrage le plus précis sur la question). Napoléon a à ses côtés des partisans allemands de ce grand dessein continental (Dalberg, Krause, le poète Jean-Paul). Ce bloc doit être dirigé contre l'Angleterre. A Paris, le Comte d'Hauterive décrit ce bloc autar­cique comme un “système général”, orchestrée par la France, qui organisera le continent pour qu'il puisse s'opposer effica­cement à la “mer”. Dès 1795, le Prussien Theremin, dans un ouvrage écrit en français (Des intérêts des puissances continen­tales relativement à l'Angleterre),  s'insurge contre la politique anglaise de colonisation commer­ciale de l'Europe et des Indes. Le système libre-échangiste anglais est dès lors un “despotisme maritime” (idée qui sera reprise par l'école des géopolito­logues, rassemblée autour de la personne du Général Haus­ho­fer). Le Baron von Aretin (1733-1824), revendique une “Europe celtique”, fusion de la romanité fran­çaise et de la germanité catholique de l'Allemagne du Sud, qui s'opposerait au “borussisme”, à l'“anglicisme” et au “protestantisme” particulariste. Après 1815, les “continentalistes” ne désarment pas: Welcker propose une alliance entre la Fran­ce et la Prusse pour réorganiser l'Europe; Glave, lui, propose une alliance entre la France et l'Autri­che, pour exclure la Russie et l'Empire ottoman du concert européen. Woltmann, dans Der neue Leviathan, pro­pose une Gesamteuropa  contre l'universalisme thalassocra­tique, thèses qui annoncent celles de Carl Schmitt. Bülow sug­gère l'avènement d'une “monarchie eu­ro­péenne universelle” qui procèdera à la conquête de l'Angleterre et unifiera le continent par le truchement d'un projet culturel, visant à éliminer les petits particularismes pouvant devenir autant de prétextes à des ma­nipulations ou des pressions extérieures.

 

Parmi les adversaires conservateurs et légitimistes de Napoléon, nous trouvons les partisans d'un équi­libre européen, où toutes les nations doivent s'auto-limiter dans la discipline (principe en vigueur dans l'Europe actuelle). Les Républicains natio­nalistes (Fichte, Jahn) qui se sont opposés à Napoléon parce qu'ils l'accusaient de faire du “néo-monarchisme” veulent un repli sur le cadre national ou sur de vastes confédérations de peuples apparentés par la langue ou par les mœurs. Les parti­sans de la restauration autour de Metternich plaident pour un bloc européen assez lâche, la Sainte-Alliance de 1815 ou la Pentarchie de 1822. La Restauration veut réorganiser rationnellement l'Europe sur base des acquis de l'Ancien Régime, remis en selle en 1815. Franz von Baader, dans ce contexte, suggère une “Union Reli­gieu­se” (qui sera refusée par les catholiques intransigeants), où les trois variantes du christianisme eu­ro­péen (catholicisme, protestantisme, orthodoxie) unifieraient leurs efforts contre les principes laïques de la révolution française. A cette époque, la Russie est considérée comme le bastion ul­time de la religion (cf. les textes du Russe Tioutchev, puis ceux de Dostoïevski, notamment le Journal d'un écrivain). Cette russophilie conservatrice et restauratrice explique l'Ostorientierung de la future RC, initiée par Moeller van den Bruck. Le continentaliste russophile le plus cohérent est le diplomate danois Schmidt-Phiseldeck qui plai­de, dans un texte largement ré­pandu dans les milieux diplomatiques, pour un eurocentrage des for­ces de l'Europe, contre les entreprises colonialistes; Schmidt-Phiseldeck veut l'“intégration intérieure”. Il avertit ses contemporains du danger américain et estime que la seule ex­pansion possible est en direction de By­zance, c'est-à-dire que la Pentarchie européenne doit lever un corps expéditionnaire qui envahira l'Em­pire Ot­to­man et l'incluera dans le concert européen. Cette volonté d'expansion concertée et pan­eu­ro­péenne vers le Sud-Est sera reprise en termes pacifiques sous Guillaume II, avec le projet de chemin de fer Ber­lin-Bagdad qui suscitera la fameuse “question d'Orient”. Görres, ancien révolutionnaire, voit dans l'Al­le­magne recatholicisée l'hegemon européen paci­fique, contraire diamétral du bellicisme moderne napo­léo­nien. L'Allemagne doit joue ce rôle parce qu'elle est la voisine de presque tous les autres peuples du con­tinent: elle en est donc l'élément fédérateur par destin géographique. L'universalité (c'est-à-dire l'“eu­ro­péanité”) de l'Allemagne vient de l'hétérogénéité de son voisinage, car elle peut intégrer, assimiler et syn­thé­tiser mieux et plus que les autres.

 

Constantin Frantz met en garde ses contemporains contre les fanatismes idéologiques: l'ultramontanisme ca­tholique, le parti­cularisme catholique en Bavière, le national-libéralisme prussien, le capitalisme, etc. Le Reich doit organiser la Mitteleuropa, se doter d'une constitution fédéraliste, conserver et renforcer sa pla­ce au sein de l'équilibre pentarchique européen. Mais ce­lui-ci est en danger, à cause de l'extraversion que provoquent les aventures coloniales de l'Angleterre, qui se cherche un des­tin sur les mers, et de la Fran­ce, qui s'est embarquée dans une aventure algérienne et africaine. Les Occidentaux provoquent la guer­re de Crimée, en prenant le parti d'un Etat qui n'appartient pas à la Pentarchie (la Turquie) contre un E­tat qui en est un pilier constitutif (la Russie).

 

Sous Guillaume II, les plans de réorganisation de la Mitteleuropa, plans tous parfaitement extensibles à l'ensemble de notre sous-continent, se succèdent. La plupart de ces projets évoquent une alliance et une fusion (d'abord économique) entre l'Allemagne forgée par Bismarck et l'Empire austro-hongrois. Dans l'op­ti­que des protagonistes, il s'agissait de parfaire une élargissement grand-allemand du Zollverein, en mar­che depuis le milieu du siècle. Le Français Guillaume de Molinari, “doctrinaire” du libéralisme, envisage une alliance entre l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, la France, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark et la Suis­se, dans un article qui connaîtra un grand retentissement dans les milieux industriels et diplo­ma­ti­ques: «Union douanière de l'Europe centrale» (in: Journal des économistes, V, 4, 1879, pp. 309-318). Paul de Lagarde, l'orientaliste aux origines intellectuelles du mouvement pangermaniste (Alldeutscher Ver­band)  et, pour certains, du national-socialisme, la “Mitteleuropa” devait se limiter aux espaces ger­ma­ni­ques et s'organiser comme un bloc contre la Russie. Paul de Lagarde est ainsi le premier homme de droi­te, élaborant des projets européens, qui est russophobe et non pas russophile. La russophobie étant une tradition de gauche au XIXième siècle. La tradition pangermaniste/pré-nationale-socialiste est donc rus­sophobe et la RC, initiée par Moeller van den Bruck, reste russophile, en dépit de l'avènement du bolche­visme. Telle est la grande diffé­rence entre les deux mouvements. En 1895, l'industriel et écono­miste au­trichien Alexander von Peez exhorte les Européens à prendre conscience des dangers du panaméricai­nisme, incarné par les actions de la Navy League de l'Amiral Mahan. Pour von Peez, l'Europe doit se constituer en un bloc pour s'opposer à la Panamérique, sinon tous les peuples de la Terre risquent de périr sous les effets de l'“américanisation universelle”. Plus tard, ce type d'argumentation sera repris par Adolf Hallfeld, Giselher Wirsing et Haushofer (dans sa dénonciation de la “politique de l'anaconda”).

 

Les libéraux de gauche Ernst Jäckh et Paul Rohrbach restent russophobes, parce que c'est la tradition dans le milieu politico-idéologique dont ils sont issus, mais suggèrent une alliance ottomane et militent en faveur du chemin de fer Berlin-Bagdad. En fait, ils reprennent l'idée d'un contrôle européen (ou simple­ment allemand) de l'Anatolie, de la Mésopotamie et de la Palestine que l'on trouvait jadis chez Schmidt-Phiseldeck. Mais ce contrôle s'effectuera dans la paix, par la coopération économique et l'aide au déve­loppement et non pas par une conquête violente et un peuplement de ces régions par le trop-plein démo­graphique russe. L'alliance entre les Empires européens et la Sublime Porte sera une alliance entre égaux, sans discrimination reli­gieuse. Paradoxalement, ce faisceau d'idées généreuses, annonciatrices du tiers-mondisme désintéressé, hérisse les Britanniques, déjà agacés par l'accroissement en puissance de la flotte allemande, créée non pas pour s'opposer à l'Angleterre mais pour faire pièce à la Navy League américaine. Ce n'est donc pas le pangermanisme, dénoncé effectivement dans les propagandes anglaise et française, qui est le véritable prétexte de la première guerre mondiale. Les discours nationa­listes et racialistes des pangermanistes ne choquaient pas fondamentalement les Anglais, qui en tenaient d'aussi radicaux et d'aussi vexants pour les peuples colonisés, mais cette volonté de coopération entre Européens et Ottomans en vue de réorga­niser harmonieusement les zones les plus turbulentes de la pla­nète.

 

Robert Steuckers n'a pu, en deux heures et demie, que nous donner une fraction infime de ce grand tra­vail sur l'Europe. A la suite des thématiques et des figures analysées, son texte écrit compte une analyse de la situation sous Weimar, les pourpar­lers entre Briand et Stresemann, la vision européenne des con­servateurs catholiques et de Hugo von Hoffmannstahl, la logique paneuropéenne dans l'école de hausho­fer et plus particulièrement chez Karl C. von Loesch, les idées de Ludwig Reichhold, celles du Prince Karl Anton Rohan (ami d'Evola), du grand sociologue Eugen Rosenstock-Huessy, de l'esthète Rudolf Pannwitz, de Leopold Ziegler, la diplomatie classique de Staline pendant la seconde guerre mondiale (qui explique la russo­philie d'une bonne part de la droite allemande, conservatrice ou nationaliste). Le texte paraîtra in extenso sous forme de livre.

dimanche, 14 février 2010

Günter Maschke: Der Fragebogen

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Günter MASCHKE: Der Fragebogen

 

◊ Wo möchten Sie jetzt am liebsten sein?

 

Ich bin, wo ich bin.

 

◊ Wofür lassen Sie alles stehen und liegen?

 

Für ein bestimmtes Antiquariat.

 

◊ Was bedeutet Heimat für Sie?

 

Die Möglichkeit, arglos zu sein.

 

◊ Was ist Ihnen wichtig im Leben?

 

Lesen.

 

◊ Was haben Ihnen Ihre Eltern mitgegeben?

 

Vom Vater hoffentlich Durchblick.

 

◊ Welches Buch hat Sie nachhaltig beeinflusst?

 

Von Adorno „Minima Moralia“ und von Carl Schmitt „Der Begriff des Politischen“.

 

◊ Welches Ereignis ist für die Welt das einschneidendste gewesen?

 

Die Entdeckung Amerikas.

 

◊ Was bedeutet Musik für Sie?

 

Der frühe Udo Lindenberg, Chansons.

 

◊ Was möchten sie verändern?

 

Die Mentalität der Deutschen.

 

◊ Woran glauben Sie?

 

An Gott.

 

◊ Welche Werte sollen wir unseren Kindern weitergeben?

 

Resistenz gegenüber der veröffentlichten Meinung.

 

◊ Welche Bedeutung hat der Tod für Sie?

 

Er wirkt im Voraus erzieherisch,und er hält zur Bescheidenheit an.

 

(Erst im Heft Nr. 24/1998 der „Jungen Freiheit“ (Berlin) erschienen).

 

mardi, 09 février 2010

Mandelbrot repose le problème: le chaos, nouvelle science

mandelbrot_img.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1988

Mandelbrot repose le problème

 

Le chaos, nouvelle science

 

par Manuel TOHARIA

 

«La Science classique s'arrête là où débute le chaos».

Cet aphorisme communément accepté est valable depuis à peine une décennie. L'ancienne géométrie ne résoud plus les problèmes. Mais ces dernières années, les scientifiques se sont de plus en plus penchés sur le problème des désordres, des turbulences, des discontinuités, des «monstruosités». Et les philosophes, les sociologues, les politologues se sont élancés dans leur sillage…

 

Les défenseurs des nouvelles théories du chaos prétendent que le siècle prochain n'aura en mémoire, de la science du XXième siècle, que trois disciplines: la relativité, la mécanique quantique et le chaos. Il s'agit probablement d'une exagération; bien que, en y pensant bien, le monde dans son ensemble, si l'on dépasse ce qui est simplement anthropocentrique, soit  effectivement dirigé par la relativité dans le macrocosmos, par les lois quantiques dans le microcosmos, et… est-il également mené par le chaos, à notre échelle humaine, pour tout ce qui ne s'explique pas par l'ordre?

 

Qu'entendons-nous réellement par chaos? Depuis que les physiciens essaient de comprendre le monde, la science a fait abstraction des désordres de l'atmosphère, de la mer turbulente, des oscillations au sein des populations animales et végétales, des variations, sans explications parfois, des rythmes du cerveau et du cœur, bref, de la nature, quand elle montre son côté irrégulier, discontinu, et donc chaotique.

 

Dans les années 70, un groupe de scientifiques, qui étaient généralement isolés et qui ne s'étaient pas consultés au préalable, s'intéressèrent, en même temps, aux questions qui, apparemment, n'étaient pas soumises aux lois scientifiques et qui, par conséquent, s'avéraient incompréhensibles. Les physiologistes découvraient l'existence d'un certain ordre, assez surprenant, dans le chaos qui se produit dans un cœur humain, lors d'une mort subite. Les écologistes étudiaient les oscillations survenant dans le nombre d'individus existants au sein de l'espèce du ver à soie, le rombix mori. Les économistes prétendaient appliquer de nouvelles analyses aux cracks  financiers et, en général, aux mouvements boursiers. Les météorologistes voulaient comprendre pourquoi les nuages ont telle ou telle forme et pourquoi les rayons tombent de telle ou telle façon. Les astrophysiciens voulaient expliquer la concentration de matière dans les étoiles et dans les galaxies. Les mathématiciens, finalement, lançaient de nouvelles théories sur les systèmes dynamiques et analysaient les nouvelles figures géométriques ramifiées de façon apparemment capricieuse… Il y a un plus de dix ans, un physico-mathématicien français déchaîna une polémique scientifique en affirmant que la turbulence dans les fluides était à mettre en relation avec un certain élément étranger, relié à la notion mathématique  —et non physique—  de l'infini, élément qu'il baptisa «élément attractif étranger».

 

Toute cette inquiétude, soulignée par Mandelbrot, s'est aujourd'hui généralisée sous le nom global de chaos, tout un mouvement de restructuration scientifique  —et en même temps, de la pensée humaine dans tous les domaines—  qui met en question l'essence même de la science en tant qu'édifice des savoirs acquis.

 

Un symptôme exprimant bien l'intérêt éveillé par cette nouvelle approche de la science apparaît dans le fait qu'aux Etats-Unis, le Pentagone, la CIA et le Département de l'Energie consacrent des sommes sans cesse croissantes aux recherches menées sur des phénomènes du chaos dans tous les domaines de l'activité humaine. Et dans les universités et les grands centres de recherches du monde entier commencent à proliférer des instituts se livrant à des recherches sur le chaos et sur les problèmes y afférant.

 

L'image du désordre

 

Cette nouvelle science a conçu, grâce à certaines méthodes informatiques très particulières, d'étranges images de synthèse pour tenter de décrire la subtilité surprenante des structures les plus complexes et les plus arbitraires que l'on puisse imaginer. Et, au cours de ces premiers balbutiements, s'est créé un nouveau langage à base de néologismes que peu de gens comprennent, comme les fractales et les bifurcations, les intermittences et les périodicités, les diféomorphismes de la serviette pliée et les applications des escargots planes… Ce sont les nouveaux concepts d'une science nouvelle, les équivalents des quarks et des gluons que durent inventer les physiciens quand ils allèrent au-delà du proton et du neutron.

 

Pour certains, la physique du chaos devient la science des processus plus que la science des états fixes; quelque chose comme la science du devenir au lieu de la science de ce qui est. Tout cela devient fort abstrait, mais derrière cette obscurité du langage innovateur qui prétend expliquer ce qu'auparavant personne n'expliquait, on trouve des phénomènes naturels, bien courants: la fumée d'un cigare qui monte en volutes désordonnées, le drapeau qui oscille de son propre mouvement, le jet d'eau qui sort du robinet et qui change de forme sans raison apparente… Le chaos est présent autour de nous, sans que nous nous en rendions compte: dans les nuages, dans les bouchons des autoroutes et des routes, dans le vol d'un avion, dans la façon dont tombent les feuilles d'arbres à l'automne, dans la circulation du sang dans les artères et dans les veines, dans l'apparition soudaine d'un conflit violent entre régions d'un même pays que des mois auparavant, le monde entier appelait Yougoslavie…

 

Préceptes pour l'avenir

 

Les scientifiques disent que tous ces phénomènes peuvent être décrits par les nouvelles lois du chaos, qui sont valables tant pour le nuage de tempête que pour les décisions d'un exécutif d'assurances. Ce qui vient à signifier, dans un certain sens, que le chaos élimine les barrières existant, actuellement, entre les différentes disciplines scientifiques. Ainsi l'élimination des spécialisations qui commençaient, ceci dit en passant, à s'asphyxier l'une l'autre à cause de l'isolement qu'elles finissaient par engendrer.

 

Pour revenir aux trois révolutions de la pensée scientifique qui resteront peut-être comme échantillon du génie des hommes du XXième siècle, un physicien du chaos a dit: «La relativité a éliminé l'illusion newtonienne d'un espace et d'un temps absolus, la mécanique quantique a supprimé le rêve newtonien d'un procédé unique de mesure des phénomènes physiques, qui soit contrôlable et non indéterminé, et finalement, le chaos élimine l'utopie laplacienne de la prédictabilité déterministe».

 

Curieusement, et en dépit des difficultés suscitées par ces nouvelles façons de penser, le chaos est ce qui se rapproche le plus de nous, celui qui s'exerce à notre échelle humaine, dans l'univers que nous touchons et que nous voyons. Les grands monstres de l'astrophysique relativiste, comme par exemple les trous noirs, ne sont pas aussi étranges que les monstres infimes —quarks, leptons— gouvernés par la tyrannie quantique. En échange, la fumée d'une cigarette, les embouteillages du vendredi, l'arrêt cardiaque subit ou la forme d'un nuage d'été nous sont familiers, ils sont bien proches de nous.

 

Pourtant nous nous rendons maintenant compte que les scientifiques ne possèdent aucune explication pour beaucoup de ces phénomènes. En effet, ce que nous savions peut-être, c'est comment se comportait une seule molécule de matière, mais pas comment se comportent, ensemble, des millions de millions de molécules. Ce qui nous manquait peut-être, c'était une nouvelle science capable de franchir l'abîme séparant la connaissance du comportement d'un objet isolé  —par exemple, une goutte d'eau, un cheveu, une cellule de tissu cardiaque ou épithélial, un neurone, une particule de fumée, une voiture sur une route dégagée—  de la connaissance du comportement de millions d'objets égaux et rassemblés.

 

Il nous faut un nouveau savoir capable de relier la science et les chaos. Apparemment, nous le possédons déjà: il s'agit simplement de la science du chaos.

 

Manuel TOHARIA.

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lundi, 08 février 2010

Neue Formen der Weltpolitik

spengler-vers-1913-jpg.jpgNeue Formen der Weltpolitik

Ex: http://rezistant.blogspot.com/
Der Bolschewismus in seiner ältesten Form, die man heute mit dem Namen Lenin bezeichnen darf und die mit dem Tode Lenins nach meiner Überzeugung abgeschlossen ist, hat daran nichts geändert. Der ursprüngliche Bolschewismus ist seiner ganzen Gedankenwelt nach und auch nach der Herkunft eines grossen Teils seiner Träger europäisch, das heisst westeuropäisch. Er hat nichts daran geändert, daß Asien weiterhin als Mittel zu europäischen Zwecken eingesetzt wird. An Stelle der grossen Botschafterposten, mit denen der Zar arbeitete, ist die Gruppe der grossen bolschewistischen Parteien getreten, mit denen die jetzige Regierung in Russland arbeitet, und der Gedanke der heiligen Allianz Alexanders I. ist wieder aufgelebt in dem Gedanken einer Allianz des Proletariats unter dem Sowjetstern. Es handelt sich nach wie vor darum, Westeuropa in irgend einer Form russischen Interessen zu unterstellen und russische Ideen für die Länder des westlichen Europas nutzbar zu
machen.

Oswald Spengler, Aus einem Vortrage "Neue Formen der Weltpolitik", gehalten am 28. April 1924 im Überseeclub zu Hamburg.

http://www.ueberseeclub.de/vortrag/v...1924-04-28.pdf

Ondergang van het Avondland - Het decadentiebegrip bij Spengler en Evola

ONDERGANG VAN HET AVONDLAND

HET DECADENTIEBEGRIP BIJ SPENGLER EN EVOLA

door Peter LOGGHE

Ex: http://www.peterlogghe.be/

spenglerqqqqqqq.jpgDecadentie, verval van beschaving, het houdt de mensheid – en in elk geval het bewuste, het denkende deel ervan – al eeuwen in de ban. Het klinkt banaal, maar net als mensen hebben culturen, beschavingen geen eeuwigheidsduur en voelt iedereen bijna met de elleboog aan wanneer wij ons in een opgaande fase of in een neergaande fase van onze beschaving bevinden. Decadentie is een niet eenduidig te vatten fenomeen, er werden ganse boekenkasten over volgeschreven : niet alleen zijn er verschillende vormen van decadentie en verval, economisch, cultureel, demografisch, militair en tenslotte politiek, maar de verschillende vormen kunnen elkaar versterken of de invloed van deze of gene vorm afzwakken. Twee vragen houden geïnteresseerden bezig :
- Hoe ontstaat decadentie ? Wat is decadentie en waardoor ontstaat ze ?
- Zijn er wetmatigheden werkzaam ? Verloopt decadentie overal en altijd volgens een bepaald stramien en kunnen we m.a.w. het verloop, de uitkomst van de decadentie voorspellen ? Kunnen wij het proces positief beïnvloeden ?



1. OVER DE ACTUALITEIT VAN HET DENKEN OVER DECADENTIE


Niet alleen historici, cultuurfilosofen en sociologen hadden en hebben oog voor deze vragen, Evola, Spengler en Nietzsche zijn namen die in dit verband automatisch in het oog springen, maar ook natuurwetenschappers als Konrad Lorenz of prof. Eibl-Eibesfeldt laten zich in dit verband niet onbetuigd. Zo noteerde Karl Heinz Weissmann in TeKoS 113 : “Lorenz liet zich niet afschrikken en duidde de eigenlijke ondermijning van elk organisme aan als “decadentie”. Onder decadentie verstond hij als bioloog het “verstoren van de totaliteit van het systeem” (…) “ (1). Maar wij kunnen nog een stap verder zetten. Ook het fenomenale boek van J. J. Tolkien, In de Ban van de Ring – met de meesterlijke verfilming – kan zonder enig probleem in de literatuur over decadentie worden ondergebracht. Dreiging van buiten (Sauron !) wordt gecombineerd met interne zwakte (Theoden in Rohan, tot hij door Gandalf wordt geholpen, en Denethor in Gondor).

Over decadentie is eigenlijk in veel culturen nagedacht, de meeste traditionele maatschappijen hadden er zelfs mythes over – we komen er nog op terug. De eerste moderne denker over decadentie, meent althans Gerd Klaus Kaltenbrunner (2), was Niccolo Machiavelli (gestorven in 1527). Hij noemt hem zelfs een groot theoreticus van de decadentie. Machiavelli studeerde vlijtig op de antieke geschiedenisschrijvers en als diplomaat en politicus in het politiek zeer woelige en verdeelde Italië – de periode van De Medicis - deed hij ervaringen op, die hij combineerde met de conclusies die hij uit zijn studies trok. Hij ontwikkelde een theorie over de oorzaken van het politieke verval en de voorwaarden voor politieke grootheid, vernieuwing en regeneratie, heropstanding zeg maar. Hij droeg zijn Discorsi op aan die jongeren van zijn tijd die het verval afwezen en een nieuwe virtu voorbereidden. De necessità, waarover Machiavelli het heeft, staat los van elk determinisme en daarom kan Niccolo Machiavelli eigenlijk in geen enkel opzicht worden beschouwd als een pessimist. Want het is steeds mogelijk – houdt Machiavelli ons voor – met scheppingskracht het verval tegen te houden. En die kringen die het algemeen belang kunnen terugbrengen tot haar kern, houden ook het welzijn van de gemeenschap het best in stand. Die staten, die institutionele voorzorgsmaatregelen tot zelf-vernieuwing afwijzen, schrijft Machiavelli, zijn het best toegerust en hebben veruit de beste toekomstperspectieven, want het middel om zich te hernieuwen, bestaat erin terug te keren tot de eigen oorsprong. Want alle begin moet iets goeds hebben ! Het moet dus mogelijk zijn, schrijft een historicus-filosoof in de 16e eeuw, om met oorspronkelijke inzichten vanuit dit begin opnieuw te starten.

Op zich een optimistische ingesteldheid, misschien kenmerkend voor de renaissance-mens van de late Middeleeuwen. Latere cultuurfilosofen zullen opnieuw aanknopen bij de cyclische theorieën, en ipso facto het geheel eerder pessimistisch inkleuren.

Is er iets actueler te vinden dan het fenomeen decadentie ? Is er een prangender vraag dan : houdt Europa het vol ? Worden wij niet onder de voet gelopen ? Hoe een economie draaiende houden met een demografische ontwikkeling zoals in gans Europa ?

De laatste decennia toonden ons een eigenaardige revival – een eigenaardig woord in dit verband – van het nadenken over decadentie. Een nieuwe oogst aan filosofen en theorieën over ondergang. Er was niet alleen Fukuyama - het einde van de geschiedenis, u weet wel – of Samuel Huntington met Botsende beschavingen (3), wij moeten het niet eens meer zo ver zoeken om de relevantie en de toepasbaarheid van het begrip decacentie en de cultuurtheorieën vast te stellen. Concreet : het opiniestuk van filosoof Paul Cliteur in De Standaard van 14 en 15 februari 2004, met als titel Het decadentie cultuurrelativisme. Het artikel mag gekoppeld aan het recente boek van dezelfde Paul Cliteur, Tegen de decadentie (4). Zonder de stellingen van de heer Cliteur aan een kritisch onderzoek te onderwerpen, wil ik er gewoon even op wijzen dat de filosoof een rechte lijn trekt tussen het antieke Griekenland en Europa. Hij legt ons de volgende redenering voor : Een beschaving, die open staat voor àlle tradities, die alle waarden de moeite waard vindt, is decadent, is een beschaving die niet meer in zichzelf gelooft, is voorbestemd om ten onder te gaan.

Wij blijven rond de centrale vraag draaien : wat is decadentie ? Is ze onvermijdelijk ? En is het stellen van de vraag of onze beschaving decadent is geworden, niet onmiddellijk het beste bewijs dat wij inderdaad decadent zijn ?
Toevallig een artikel in Junge Freiheit voor ogen, Die heroische Existenz im Geistigen (5).
Daarin stelt de reeds geciteerde Weissmann de filosoof-socioloog Arnold Gehlen (1904-1976) aan het publiek voor, de man die zich vooral bezighield met het bestuderen en het koel analyseren van “het verval”. Wanneer begint het proces van verval in een gebouw, dat mensen hebben opgetrokken en dat ze in een relatief korte tijdspanne zien ontbinden ? Gehlen is dé anti-romanticus, en wie probeert zijn conservatisme te verklaren vanuit een nostalgische blik op het Wilhelminische Duitsland bijvoorbeeld, wens ik veel geluk toe. Arnold Gehlen verwierp het streven naar voormoderne toestanden, dit leek hem totaal nutteloos en zinloos, zonder doel. De fase van de sociale ordening zijn we endgültig voorbij, schrijft de Duitse auteur kort na de Tweede Wereldoorlog, die tijden komen niet meer terug. Wij bevinden ons in het tijdperk van Mensch und Technik, culturele vormen verstenen, grote geestelijke opwellingen zijn niet meer te verwachten. Pessimisme pur sang ? Later zou Gehlen hier en daar wel correcties aanbrengen en zou hij proberen de mens weer iets centraler te zetten en opnieuw het statuut van “natuurlijk wezen” meegeven. Maar hij bleef een pessimist. Hij ziet uiteindelijk maar twee mogelijke houdingen : ofwel, wat hij omschreef als de nihilistische houding, het grote Opgeven, het meedrijven met de stroom, “het zal mijn tijd wel doen” – ofwel de heroïsche houding, bereid zijn dat oorspronkelijke, dat aparte te realiseren, maar in het besef dat de wereld waarschijnlijk toch verloren is.


Even terugkomen op Paul Cliteur, die de superioriteit van de Westerse moderne wereld dik in de verf zet. De betreurde Julien Freund, Frans socioloog, had het in zijn bijdrage voor één van de dossiers “H” van de uitgeverij L’Age d’Homme (6) over de decadentietheorie van J. Evola. En in tegenstelling tot diegenen die de superioriteit van de moderne wereld poneren, beklemtoonde de Italiaanse filosoof juist “de decadente natuur van dezelfde moderne wereld”, wat ook betekent dat ze gedoemd is om te verdwijnen.

Deze inleiding besluiten ? Het fenomeen decadentie heeft zowat iedereen beziggehouden, wetenschappers van alle slag en soort, politieke denkers, filosofen, schrijvers van alle politieke gezindten en overtuigingen. Elkeen probeerde het begrip in te passen in het eigen denk- en waardensysteem. Zelfs marxisten als Lukacs – het marxisme is toch eerder een liniair gerichte filosofie ? – vonden het thema zo interessant dat ze erover publiceerden. Maar decadentie is een thema bij uitstek van rechts, van het conservatieve kamp. Anderen leggen het conservatieve kamp graag een verkrampte houding t.o.v. decadentie in de mond. Maar : “Lorenz hield het decadentieproces echter niet voor onvermijdelijk. En rechts neigt er slechts uitzonderlijk naar om de idee van een involutie aan te houden, de idee dus van een onvermijdelijke neergang, hoe sceptisch hij voor de rest ook staat tegenover het begrip “vooruitgang”. Normaal gezien vindt men (in het conservatieve kamp) voorstanders van de idee van een wisselend spel van opgang en verval, van een alternerend proces, waarin decadentie en hergeboorte elkaar opvolgen.” (7)

Het kan wellicht nuttig zijn de twee belangrijkste epigonen van het conservatief denken over decadentie, tevens de filosofen met de meest uitgesproken – én tegelijk de meest omstreden - mening hierover, aan u voor te stellen. Het is de bedoeling van deze bijdrage om de aandacht te richten op het begrip decadentie bij de Duitse filosoof Oswald Spengler, auteur van het veel geciteerde maar minder gelezen Untergang des Abendlandes (8) verschenen in 1923, en bij Julius Evola, de Italiaanse filosoof en auteur van o.a. Rivolta contro il mondo moderno (9), verschenen in 1934.



2. OSWALD SPENGLER – met Duitse Gründlichkeit



Belangrijkste werken van Oswald Spengler :

1918 Untergang des Abenlandes, Band I
1920 Preussentum und Sozialismus
1921 Pessimismus
1922-1923 Untergang des Abendlandes, Band I + II
1924 Neubau des deutschen Reiches
1924 Politische Pflichten der deutschen Jugend
1931 Der Mensch und die Technik
1932 Politische Schriften
1933 Jahre der Entscheidung

Postume uitgave bezorgd door Hildegard Kornhardt
1937 Reden und Aufsätzen
1941 Gedanken

Postume uitgaven bezorgd door Anton Mirko Koktanek
1963 Briefe 1913-1936
1965 Urfragen
1966 Frühzeit der Weltgeschichte

.
Op het leven zelf van Oswald Spengler gaan wij niet uitgebreid in, maar geïnteresseerde lezers willen wij graag doorverwijzen naar de studie van Frits Boterman (10). Een zo uitgebreide en goed gedocumenteerde studie dat wij in de loop van deze bijdrage nog graag wat zullen verwijzen naar de bevindingen van de heer Boterman.

Oswald Spengler werd geboren in 1880 en stierf in 1936, drie jaar na de machtsovername door Hitler, en drie jaar voor het begin van de Tweede Wereldoorlog. Boterman beschrijft Spengler als een man die zowel thuis hoort in de 19e eeuw – romantisch, visionair en met een zwak voor metafysici – als in de 20e eeuw – met zijn nuchterheid, diagnosticerend, futurologisch, en een groot zwak voor techniek. Hij erfde van zijn moeder de gevoelige geest, zijn sterk geworteld pessimisme en een bepaald künstlerisches aanvoelen. Spengler zelf zag zich graag als een dromer, een dichter en een visionair. Hij wilde de geschiedenis niet wetenschappelijk aanpakken, omdat de geschiedenis daarmee te kort zou worden gedaan. Neen : “Geschichte wissenschaftlich behandeln zu wollen, ist im letzten Grunde immer etwas Widerspruchvolles. Natur soll man wissenschaftlich behandeln, über Geschichte soll man dichten” (11). Maar Boterman ziet tegelijkertijd de gladschedelige beursmakelaar, met harde ogen, totaal illusieloos, vol cynisme, het gezicht van de andere Spengler, die tot politieke daden bereid was, die Mussolini vereerde, en de Weimardemocratie verafschuwde. Hij zag in de autoritaire staat de voorbode van een nieuw, imperiaal caesarisme, misschien één van de laatste overlevingsfases van de Avondlandse beschaving.



Het geschiedenisbeeld van Oswald Spengler

In wezen is Oswald Spengler dus een introvert, gevoelig persoon, een kunstenaar, een romantische estheet. En reeds zeer vroeg kwam hij tot de bevinding dat de lijnvormige of dialectische vooruitgangsidee op een leugen berustte, berustte op wishfull thinking eerder dan op de realiteit. Spengler hield het bij het bestaan van een aantal soevereine culturen, waarvan elk apart haar eigen leven, wil, voelen en lotsbestemming had. En deze culturen, die met de kracht van de oerwereld in een bepaald gebied ontstaan, zijn eigenlijk het best te vergelijken met plantaardige organismen, die opbloeien, rijpen, verwelken en tenslotte afsterven. Dit biologisme, dat ook in andere wetenschapstakken zijn invloed liet gelden, werd tevens één van de aanvalspunten van tegenstanders van Spengler : waarom zouden culturen, die niets plantaardigs hebben, een ontwikkeling doormaken als planten ?

Spengler onderscheidde 8 culturen – organismen :

De Egyptische (met inbegrip van de Kretenzische en de Minoïsche)
De Babylonische cultuur
De Indische cultuur
De Chinese cultuur
De Grieks-Romeinse cultuur
De Arabische cultuur
De Oud-Amerikaanse, Mexicaanse cultuur
De Avondlandse cultuur

In het Rusland van Dostojevski’s figuren zal Spengler de kern zien van een nieuwe cultuur, in zoverre Rusland erin slaagt zich te ontdoen van het uit het Westen geïmporteerde marxisme.

Elke cultuur, meent Oswald Spengler, is een in zich gesloten gansheid, een vensterloze monade, waarin alle niveau’s morfologisch samenhangen. Boterman schrijft dat ze de uitdrukking is van een onvervangbare ziel, die elke cultuur belichaamt. Zelfs de meest prozaïsche uitdrukkingen, instellingen, etc., hebben ook steeds een symbolische waarde. Ze zijn de getuigen, samen met de mythes, de religies, kunst en filosofie, van een supra-individueel levensgevoel, een fundamentele houding ook t.o.v. tijd en ruimte, verleden en toekomst. Binnen de Avondlandse cultuur hebben luidsprekers, een cheque, de dubbele boekhouding geen geringere symbolische waarde dan de gotische dom, het contrapunt in de muziek.

De cultuur van Griekenland en Rome omschrijft de auteur als apollinisch : ze is gericht op het heden, is a-historisch, en valt voor het genie van de plastiek (beeldhouwwerk bvb.), ze is somatisch. De Arabische cultuur, waar Spengler ook de Perzische, de vroegchristelijke en de Byzantijnse wereld toe rekent, krijgt het etiket magisch mee : haar oersymbool is de grot, en in de centrale koepelbouw vindt het grotgevoel haar hoogste uitdrukking, net als in de apocalystiek en de alchemie, en de goudgrond van de Byzantijnse mozaïeken. De oud-Egyptische cultuur is “een incarnatie van de zorg”, en die grondhouding vindt men terug in de bewateringsaanleg, de beambtenhiërarchie en de mummiecultus, het hiëroglyfenschrift, en de keuze voor basalt en graniet voor de beeldhouwwerken. De auteur omschrijft de Avondlandse cultuur als faustisch. Ook deze cultuur, waarvan het grondsymbool de ruimte is – let op de gotische dom, in de hoogte gebouwd, fuga’s van Bach, de moderne techniek – is ondertussen aan haar verval begonnen, bevindt zich in de fase van de beschaving, de laatste fase van elke cultuurcyclus. Elke cultuurcyclus omvat ongeveer een periode van duizend jaar.

Kritiek kreeg Oswald Spengler met emmers over zich: de marxistische theoreticus George Lukàcs had het in zijn boek Die Zerstörung der Vernunft over het dilettantisme van Spengler, de cynische openheid, absurditeiten en mystiek van de auteur. Thomas Mann, de liberale rationalist Theodor Geiger (“één van de ergste boeken van onze eeuw”), iedereen had wel iets over de theorieën in Untergang des Abendlandes te zeggen (12). Gerd-Klaus Kaltenbrunner schat de situatie juister in als hij vermeldt dat zoveel schuim op de mond van critici meestal een teken is van de armoede van de tegenargumenten. En een figuur als Theodor Adorno vindt dat Oswald Spengler zijn tegenstander nog steeds niet heeft gevonden.

Frits Boterman past het geheel goed samen : Untergang des Abendlandes was het meest gelezen geschiedenisfilosofisch werk van de Republiek van Weimar, en zijn auteur heeft de 20e eeuw heel duidelijk mee bepaald (13).

Welke kenmerken zijn er Boterman nu bijgebleven als zeer belangrijk ? Wij sommen ze even op :

Spengler heeft de bedoeling met zijn Untergang de diagnose van de cultuurcrisis te stellen en tegelijkertijd een prognose over de ondergang van faustische cultuur. Aan de hand van de zgn. morfologische methode probeerde de Duitse filosoof culturen met elkaar te vergelijken en de crisis van de westerse cultuur in zijn laatste fase, die van beschaving, te beschrijven. Boterman stelt dat Spengler de bedoeling had niet louter de populaire cultuurgeschiedenis te schrijven maar hij wilde doordringen tot een diepere laag van de historische werkelijkheid, de fundamentele vragen des levens aansnijden, en de metafysische kern van het leven vatten (leven, tijd, lot). Boterman noemt dit de metafysische laag in het werk van Oswald Spengler, hij was op zoek naar de “metaphysische Struktur der historischen Menschheit” (14), hij wilde op een intuïtieve manier doordringen tot een diepere laag van de werkelijkheid en de “onzichtbare” patronen van de geschiedenis blootleggen. Spengler verweet anderen dat ze zich te weinig met metafysica bezighielden, en zal door Julius Evola hetzelfde verwijt krijgen toegespeeld !

Het cultuurcyclisch systeem. Naast de metafysische kern van het leven is er het leven zelf, de ontwikkeling ervan, het biologische leven van de cultuur als een organisme. Culturen zijn organismen die te vergelijken zijn met dieren of planten. Hiermee maakt hij ook de evolutie van cultuur naar beschaving duidelijk. Dit is de tweede laag, de cultuurmorfologisch-cultuurcyclische laag

Er is de derde laag: het geheel van de politieke consequenties die Oswald Spengler uit zijn cultuurfilosofie trok. Vooral in het tweede deel van zijn Untergang worden zijn politieke ideeën verder ontwikkeld. Ze werden ook op een later moment aangebracht dan de vorige twee niveau’s. De drie niveau’s bevatten een hoge samenhang en de uitspraak van Tracy B. Strong, aangehaald door Frits Boterman, vat het geheel goed samen : “Paradoxaal genoeg is hij zowel een onbuigzaam reactionair als ook een mysticus” (15). Wat Spengler op politiek vlak nastreefde, was Duitsland een nieuwe zonnereligie geven, en een wereldrijk. Vergeten we de tijdsomstandigheden niet : het eerste deel van Untergang des Abendlandes was grotendeels reeds in 1913 geschreven en werd gepubliceerd in 1918. Het tweede deel, met de focus op de politieke gevolgtrekkingen van een en ander, pas in 1922-1923.


Spenglers ergste vijand, Heinrich Rickert, verweet hem zijn modern biologisme. En van dat biologisme een verband leggen naar Nietzsche is heel eenvoudig, want ook de filosoof met de hamer is schatplichtig aan dit biologisme, dat leert dat zijn niet alleen betekent dat het zijnde moet worden behouden, maar zich moet vermeerderen, vergroten, aan uitbreiding doen. De Wille zur Macht. De cultuurmorfologie van Spengler wordt door Rickert op een hoopje geworpen met Nietzsche.

Nu kan de invloed van Friedrich Nietzsche op de auteur van Untergang moeilijk worden overschat, maar het zou een fout zijn niet te wijzen op de invloed van de filosoof Danilevski en van de historici E. Meyer en Friedrich Schiller.

Oswald Spengler sprak zich meermaals uit tegen absolute waarheden en eeuwige waarden, wat in zijn cultuurfilosofie regelmatig terug komt. Er is géén universele geschiedenis van de mensheid en elke moraal is cultureel bepaald. Ook Spengler is iemand die zich verzet tegen een eurocentrische benadering van de mensheid, zonder daarom ook maar even te vervallen in de in bepaalde milieus zo mondain staande “weg-met-ons”- mentaliteit. Spengler laat echter ook aan duidelijkheid niets over : het Westen gaat onvermijdelijk ten onder, de vrijheid van de mens is uiterst beperkt, en elke filosofie was en is tijdsgebonden, dus relativistisch en perspectivistisch. Hij legde als cultuurcriticus bloot wat er aan cultuurwaarde, religie, bezieling en geestelijke vitaliteit was verdwenen. In tegenstelling tot Nietzsche geloofde de auteur van Der Untergang niet meer in regeneratie van cultuur : Nietzsche heeft als geen ander – vandaar zijn invloed op zovelen, ook nu nog – de culturele symptomen van zijn tijd geanalyseerd en geïnterpreteerd als tekenen van verval en achteruitgang. Hij merkt overal de tekens van vermoeidheid, van uitputting en decadentie. En waar een figuur als Thomas Mann blijft steken in zijn Bildungsbürgertum, is Friedrich Nietzsche een stuk verder gegaan en kan men in zijn Uebermensch het Nietzscheaans genezingsproces zien. De therapie van Nietzsche is heel radicaal en superindividueel : enkelingen zullen de therapie van Nietzsche wel kunnen volgen – en genezen ? – maar daar heeft een ganse cultuur of natie niet veel aan, natuurlijk. Mann schreef over Nietzsche de volgende waarderende woorden : “..als vielmehr der unvergleichlich grösste und erfahrenste Psycholog der Dekadenz” (16). Alleen de Uebermensch kan de decadentie overwinnen. Decadentie bij Friedrich Nietzsche is veel minder een mechanisch, een automatisch proces dan bij Spengler. Decadentie ontstond – althans volgens Nietzsche – op het moment dat duidelijk werd dat God dood was en dat de mens in zichzelf de zin van het leven moest vinden. Wie kan zich met deze waarheid staande houden ? Alleen de Uebermensch, de mens die brug is geworden, en die gedreven is door de gedachte van de eeuwige wederkeer en door de wil tot macht is bezield.

Ze zijn beiden decadentie-filosofen, Nietzsche en Spengler, maar hun visie op het ontstaan en de uitrol van de decadentie is erg verschillend, dus ook de “oplossingen”. Maar ook gelijkenissen springen in het oog. Zo stelde Nietzsche vast dat de decadentie in de Griekse wereld – het ijkpunt voor Nietzsche en zovele andere 19e en 20e eeuwse denkers – dan is gestart op het moment dat de cultuur geïntellectualiseerd werd. Dit gebeurde door een figuur als Socrates die alles in vraag begon te stellen en die het weten tot grootste deugd verhief (17).
Ook Spengler zag een en ander analoog gebeuren, en zal hieraan het begrip Zivilisation verbinden. Maar waar Spengler deze versteende cultuur onvermijdelijk op haar einde zag toestappen, ontwaarde Nietzsche wel degelijk ontsnappingswegen. Lebensbejahung, Wille zur Macht, hetgeen wij hierboven reeds opsomden. Maar in de Griekse cultuur gebeurde juist het tegenovergestelde : reeds verzwakt door de socratische levenshouding wordt ze volledig vernietigd door de overwinning van de christelijke moraal.

Maar Spengler nam veel over van Nietzsche, zoveel is duidelijk : hij geloofde sterk in diens Umwertung aller Werte, de antithese cultuur-beschaving is zonder Nietzsche niet te begrijpen. Spengler voltooide de Nietzscheaanse boodschap en gaf er een metapolitieke en politieke inhoud aan. Hij heeft Nietzsche misbruikt, zullen anderen zeggen. Voor Spengler was de figuur van de Uebermensch een echt Luftgebilde, Spengler geloofde niet in de verbetering van de menselijke natuur en deelde de ondergang in bij de onvermijdelijkheden. Hij zag Nietzsche als de laatste romanticus. Politiek gezien brak de periode aan voor de nieuwe Caesars, niet voor een nieuwe Goethe. Nietzsche daarentegen was geen politiek denker, hij was op zoek naar individuele waarheden en oplossingen, terwijl Oswald Spengler geloofde in collectiviteiten, waaraan de mens is overgeleverd (18). Omdat de cultuur in de visie van de ondergangsfilosoof Spengler niet meer te regenereren was, moest zijn cultuurfilosofie in dienst staan van de harde politiek van het Duits imperialisme en zijn nieuwe Caesars – de laatste fase van de Zivilisationsperiode. De laatste doet dus het licht uit.



De levensfilosofie van Oswald Spengler


De Duitse cultuurfilosoof was duidelijk een man van de moderne wereld, hij gebruikte heel wat moderne begrippen en had heel wat te danken aan Nietzsche. Frits Boterman wees hier in zijn biografie op. Toch merkt dezelfde auteur op dat Spengler zich ook verzette tegen de rationalistische en natuurwetenschappelijke werkelijkheidsconceptie van zijn tijd. Op die manier sloot de Duitser zich aan bij de filosofische stroming van de Lebensphilosophie, een verzameling van - zowel naar methodiek als naar afbakening van interessegebied – antirationalisten (19). De heer Boterman stelt vast dat – hoewel we het ons nog moeilijk kunnen voorstellen – het Leben hét centrale thema was in de Duitse filosofie tussen 1880 en 1930. De Lebensphilosophie legde de nadruk op het intuïtieve, irrationele en gevoelsmatige van het leven, en was gericht tegen het natuurwetenschappelijk positivisme. Spengler kwam dus met zijn cultuurfilosofie niet zomaar uit de lucht vallen in Duitsland. Zijn zoektocht naar de “achterliggende” waarheid lag in dezelfde lijn als Schopenhauer, Nietzsche, Dilthey, Freud en Sorel. De invloed van deze levensfilosofische school reikte ver, buiten Duitsland en in geheel Europa.

Frits Boterman onderneemt een meer dan verdienstelijke poging om de algemene lijnen van de Lebensphilosophie samen te vatten; wij geven de grote lijnen (20) :

De levensfilosofie gaat er in het algemeen van uit dat er geen transcendente realiteit bestaat, behalve het bestaan zelf. Het vertrekpunt is de Diesseitigkeit (het leven op aarde).
T.o.v. het primaat van het rationeel positivistisch denken stelden de levensfilosofen het primaat van het gevoel, de beleving, de intuïtie (de Tiefenerlebnis van Oswald Spengler). Belangrijk zijn dus de emotionele momenten die de mens zijn plaats in de totaliteit van het leven doen beleven.


Spengler moet worden gesitueerd in de brede stroom van deze Lebensphilosophie. Merkwaardig is wel dat hij hier niet helemaal in past : immers, Frits Boterman merkt op dat, hoewel de Duitser de natuurwetenschappelijke werkelijkheidsconceptie bestreed, hij haar bestaansrecht helemaal niet betwistte.

In bijlage, de drie vergelijkende tafels uit Der Untergang des Abendlandes, waarin Oswald Spengler steeds op een analoge manier enkele culturen naast elkaar zet.

Op het vlak van de filosofie en de geesteswetenschappen zette hij in deze vergelijking de volgende culturen naast elkaar : de Indische, de Antieke, de Arabische en tenslotte de Avondlandse cultuur.
In de 2e vergelijking – op het vlak van kunst : de Egyptische, de Antieke, de Arabische en de Avondlandse
En tenslotte op het vlak van de politiek : de Egyptische, de Antieke, de Chinese en de Avondlandse

De vergelijkende tabellen worden in de oorspronkelijke, Duitse taal gebracht, een Nederlandse vertaling heb ik immers niet gevonden.





3. JULIUS EVOLA – met Romeinse virtù




Belangrijkste werken van Julius Evola :

Julius-Evolaqqqq.jpg1926 L’uomo come potenza. I tantri nella loro metafisica e nei loro metodi di autorealizzazione magica.
1928 Imperialisme pagano. Il fascismo dinnanzi al pericolo euro-cristiano
1931 La tradizione ermetica. Nei suoi simboli, nella sua dottrina e nella sua “Arte Regia”
1932 Maschera e volto dello spiritualismo contemporaneo. Analisi critica delle principali correnti moderne verso il « sovranaturale ».
1934 Rivolta contro il mondo moderno
1937 Il mistero des Graal e la tradizione ghibellina dell’Impero
1950 Orientamenti. Undici punti
1953 Gli uomini e le rovine
1958 Metafisica del sesso
1961 Cavalcare la tigre
1963 Il cammino del Cinabro



De metafysica die Julius Evola (1898-1974) in zijn werken uiteenzet (in Rivolta, zijn hoofdwerk, maar ook in andere werken), en die hij steeds zelf heeft omschreven als “transcendent realisme”, omvat een involutionistische filosofie van de geschiedenis (van beter naar minder dus), gebaseerd op het dubbele axioma dat geschiedenis een proces van verval is, en de moderne wereld een fenomeen van decadentie. Deze geschiedenisfilosofie identificeert zich eigenlijk totaal met de wereld van de Traditie. Wat men in de moderne wereld als “politiek” omschrijft, betekent in het perspectief van de Traditie slechts een geheel van gedegradeerde vormen van een superieure vorm van politiek, gebaseerd op de ideeën van autoriteit, soevereiniteit en hiërarchie.


Involutie is de zin van de geschiedenis, zegt Julius Evola

Volgens Pierre-André Taguieff in Politica Hermetica, nr. 1, 1987 (21) is het Evoliaans denken eerder een denken over decadentie dan een denken over restauratie. Zijn radicale kritiek op de moderne wereld is even coherent als overtuigend, terwijl zijn politieke ideeën bepaald zijn door nostalgisch utopisme, irrealistisch – nog eens, volgens de auteur Taguieff. Hij (Evola) streeft een ideaal regime na, dat echter door elke historische realiteit wordt verraden, want in de realiteit omgezet. Dat is de voornaamste reden waarom wetenschapper Taguieff vindt dat Evola sterker staat in het bepalen van decadentie, dan in het neerpennen van politieke alternatieven. Maar zijn interpretatie en zijn onderzoek naar het decadentiebegrip bij Julius Evola is zo helder geschreven, dat wij hem in ons artikel
meermaals zullen moeten citeren.

Het thema van de decadentie kan elke aandachtige lezer terugvinden in alle vruchtbare periodes in Evola’s leven. Natuurlijk is er veel plaats voor het thema van zijn metafysica van de geschiedenis ingeruimd in het hoofdwerk, Rivolta, het volledige tweede deel van het werk. Het thema van de “decadentie” neemt een centrale plaats in in het werk van de Italiaanse filosoof : de fundamentele thesis is de idee van de decadente natuur van de moderne wereld, en is te vinden in de Rivolta (22). Maar ook in de andere werken, La dottrina del Risveglio. Saggio sull’ascesi buddista en Cavalcare la tigre en tenslotte Gli uomini e le rovine, zijn veel verwijzingen terug te vinden. Het voornaamste werk heeft als kern, de vraag hoe te reageren in een tijdperk van algemene, uitsluitende dissoluzione.

In tegenstelling tot heel wat moderne denkers, die vertrekken van een sociologische vaststelling van wat is en wat verkeerd loopt, vertrekt Evola in zijn studie over het begrip decadentie – en hierin is hij toch wel origineel – van de primordiale wereld van de Traditie, de oorspronkelijke Traditie, als absoluut referentiepunt. De moderne wereld wordt bestudeerd vanuit dit ijkpunt, en niet omgekeerd. Een drieledig standpunt : een axiologische visie, als een legitiem systeem van normen en als enige authentieke weg dus.
En de decadentie, aldus Evola, is een ziekte die al heel lang in deze samenleving sluimert, maar die geen mens durft uit te spreken. Ook bleven de symptomen lange tijd verborgen, door allerlei ogenschijnlijk positieve ontwikkelingen aan ons oog onttrokken. “De realiteit van de decadentie is nog verborgen door de idee van vooruitgang, door idyllische perspectieven, ons door het evolutionisme aangeboden” (23), gemaskeerd dus door de idee van vooruitgang, en “gesecondeerd door de superioriteit van de moderne beschaving”. Zo zal het gevoel van de val ons maar duidelijk worden tijdens de val zelf. Om weerstand te kunnen bieden, moet de kleine minderheid, aldus Evola, het referentiepunt, de Traditie, leren kennen. En de twee modellen die Evola naar voren schuift om het involutieproces dat de geschiedenis is, te leren kennen, ontwikkelt hij uit de traditionele leerstellingen : de doctrine van de 4 tijdperken en de wet van de regressie van de kasten.


De doctrine van de 4 tijdperken

In het tweede deel van zijn Rivolta stelt Julius Evola een “interpretatie van de geschiedenis op traditionele basis” voor (24). De geschiedenis evolueert niet, maar volgt het proces van regressie, van involutie, in de zin van het zich loskoppelen van de suprawereld, van het verbreken van de banden met het transcendente, van het macht van het “slechts menselijke”, van het materiële en het fysieke. Dit juist is het onderwerp van de doctrine van de vier tijdperken. En de moderne wereld past als gegoten in de vorm van het vierde tijdperk, de Kali Yuga, het IJzeren Tijdperk. Reeds Hesiodos beschreef de vier tijdperken als het Gouden Tijdperk, het Zilveren, het Bronzen en het IJzeren Tijdperk. Het zelfde thema vinden wij terug in de Hindoetraditie (satya-yuga – tijdperk van het zijn, de waarheid in transcendente zin, tretâ-yuga – tijdperk van de moeder, dvâpara-yuga – tijdperk van de helden, en kali-yuga of het sombere tijdperk) naast zovele andere mythen over zowat de ganse (traditionele)
Wereld. Evola heeft deze cyclustheorie van René Guénon, die ze opnieuw in Europa binnenbracht.

De metafysica van de geschiedenis had een belangrijk gevolg : als de geschiedenis inderdaad het proces van progressieve involutie volgt, van het ene, hogere tijdperk naar het lagere tijdperk, dan kan het eerste tijdperk – althans de doctrine – niet dat zijn van de primitief, van de barbaren, maar wel dat van een superieure staat van de menselijke soort. Het gevolg was dat Evola, naast andere auteurs, onmiddellijk ook de evolutietheorie afwees.

De metafysica van de geschiedenis schrijft een onontkoombaar lot voor, een onweerlegbare koers. Evola legt er de nadruk op dat “hetgeen ons in Europa overkomt, niet arbitrair of toevallig gebeurt, maar voortkomt uit een precieze aaneenschakeling van oorzaken” (25). En “net als de mensen hebben ook beschavingen hun cyclus, hun begin, hun ontwikkeling en hun einde… Zelfs als de moderne beschaving moet verdwijnen, zal ze zeker niet de eerste zijn die verdwijnt en ook niet de laatste…. Cycli openen zich en sluiten af. De traditionele mens was bekend met de doctrine van cycli en alleen de onwetendheid van de moderne mens heeft hem en zijn tijdgenoten doen geloven dat zijn beschaving, die haar wortels heeft in het tijdelijke en het toevallige, een ander en meer geprivilegieerd lot zou kennen” (26)

Wanneer begonnen zich de eerste tekenen van decadentie te manifesteren volgens de Italiaanse cultuurfilosoof ? “De eerste tekenen van moderne decadentie zijn reeds aan te wijzen tussen de 8ste en 6e eeuw voor Christus…. Het komt er dus op aan het begin van de moderne tijden te laten samenvallen met wat men de historische tijden heeft genoemd…. Binnen de historische tijden en in de westerse ruimte duiden de val van het Romeinse Rijk en de komst van het christendom een tweede etappe aan van de vorming van de moderne wereld. Een derde etappe tenslotte doet zich voor met het ineenstorten van de feodale en Rijkswereld van het Middeleeuwse Europa, en bereikt haar hoogtepunt met het humanisme en de reformatie. Van dan af aan, en tot in onze dagen, hebben machten – al dan niet openbaar – de leiding genomen van alle Europese stromingen op het materiële en spirituele vlak” (27)

De etappes van de decadentie – de wet van het verval van de kastes

Het is in het 14e en 15e hoofdstuk van het tweede deel van zijn Rivolta dat we de belangrijke uitleg krijgen over de objectieve wet van de val van beschavingen. Ook hier is er opnieuw zwaar tol aan René Guénon betaald, zoals ook P. A. Taguieff opmerkte (28). De wet van de vier kastes beantwoordt grotendeels aan de doctrine van de vier tijdperken, want in de vier kastes vindt men de waarden terug die volgens deze doctrine opeenvolgend domineerden in één van de vier tijdperken van de regressie. Voor Evola verklaart deze wet ten volle het involutieve karakter in alle sociaalpolitieke aspecten. In alle traditionele maatschappijen zou er een gelijkaardige stratificatie hebben bestaan : aan de top staan overal de vertegenwoordigers van de spirituele autoriteit, daarna de krijgsaristocratie, erop volgend de bezittende burgerlijke stand en tenslotte de knechten. Deze vier “functionele klassen” corresponderen aan bepaalde levenswijzen, elk met zijn eigen gezicht, eigen ethiek, rechtssysteem in het globale kader van de Traditie (29). “De zin van de geschiedenis bestaat nu juist in de afdaling van de macht en van het type van beschaving van de ene naar de andere van de vier kastes, die in de traditionele maatschappijen beantwoorden aan de kwalitatieve differentiering van de belangrijkste menselijke mogelijkheden” (30). Evola vatte in zijn autobiografisch werk Le chemin du cinabre deze regressie en het belang ervan voor de geschiedenis als volgt samen : “Na de val van die systemen die berustten op de zuivere spirituele autoriteit (“sacrale maatschappijen”, “goddelijke koningen”) gaat in een tweede fase de autoriteit over in handen van de krijgsaristocratie, in de cyclus van de grote monarchieën, waar het “goddelijk recht” van de soeverein nog slechts een restecho is van de waardigheid van de eerste leiders. Met de revolutie van de Derde Stand, met de democratie, het kapitalisme en de industrialisering gaat de effectieve macht over in handen van de derde kaste, de eigenaars van de rijkdom, met een even grote transformatie van het type van beschaving en van de heersende belangen. En uiteindelijk kondigen socialisme, marxisme en communisme – en realiseren het ook ten dele - de ultieme fase aan, de komst van de laatste kaste, de antieke kaste van de slaven, die zich organiseren en de macht veroveren. Zij zet de regressie door tot in de laatste fase” (31). Op de creditzijde van de Italiaanse filosoof mag in elk geval genoteerd worden dat hij ook op momenten dat het niet “opportuun” werd geacht, want men moest zijn beschermheer niet de haren in strijken, er steeds op gewezen heeft dat Europa door Amerika werd bedreigd : niet militair, maar politiek, economisch en vooral cultureel. Amerika, dat is voor Evola een perversie van de waarden, en deze perversie leidt onvermijdelijk tot bolsjewisme. Amerika doekte in Europa de laatste restanten op van een feodale en traditionele maatschappij. De Amerikaans liberale weg leidt de beschaving naar haar laatste fase. Metafysisch plaatst de Italiaan Amerika en Sojwet-Rusland in hetzelfde kamp : het zijn twee kanten van dezelfde munt. Communisme is de laatste fase van de involutie, die wordt voorafgegaan door de derde fase, die van de liberale bezitters.


De tweedeling van de beschaving : traditionele versus moderne maatschappij


Het zal onze aandachtige lezers natuurlijk al duidelijk geworden zijn dat er tussen moderne maatschappij en traditionele maatschappij een bijna letterlijk te nemen “onmacht tot communiceren” bestaat, toch in het concept van Julius Evola. En uit de wet van de regressie van de kasten valt al evenzeer een vergankelijkheid van de moderne wereld af te leiden, wat ook heel wat “modernen” zal choqueren. Het verdwijnen van de moderne wereld heeft voor de filosoof slechts “de waarde van het puur toeval” (32) En bovenop het beschavingspluralisme, waarover Spengler het heeft, moet u in Evola’s model rekening houden met het “dualisme van de beschaving”. Er is de moderne wereld en er zijn aan de andere kant die beschavingen die haar vooraf zijn gegaan, tussen die beiden is er een volledige breuk, het zijn morfologisch gezien totaal verschillende vormen van beschaving. Twee werelden waartussen bijna geen contact mogelijk is, want zelfs de betekenis van dezelfde woorden verschilt. Een begrip van de traditionele maatschappij is derhalve voor de grote meerderheid van de modernen onmogelijk (33).
En zoals in de vertaling van een artikel, dat wij in TeKoS (34) afdrukten, vermeld, kunnen tijds- en ruimtebeschavingen terzelfdertijd en naast elkaar bestaan. Moderne wereld en traditionele maatschappijen : twee universele types, twee categorieën.

Tekens van decadentie – diagnose van het heden als geheel van regressieve processen

Als denker van de Traditie heeft Julius Evola een misprijzen voor de moderne westerse wereld, en daarin wordt hij gevolgd én voorafgegaan door nogal wat denkers van de Conservatieve Revolutie. De symptomen waren voor de meeste auteurs in dezelfde hoek te zoeken, alleen over de remedies was men het minder eens. Ook het alternatieve staatsmodel, welk mechanisme de staats- of rijksordening moest leiden, was voor de meesten verschillend.

In hetzelfde artikel over het decadentiedenken van Julius Evola somt auteur Taguieff de symptomen op (35) :

1. Het egalitarisme, pendant van het universalisme van het joods-christelijk type. En Evola benadrukt de christelijke wortels van de egalitaire wortels.
2. Het individualisme. Samen met Guénon bestrijdt Evola het individualisme, want door het bestaan ervan wordt elke transcendentie genegeerd, te beginnen met die die “de persoon” belichaamt. De moderne vergissing : persoon met individu verwarren.
3. Het economisme, de overwaardering dus van productie (productiviteit, aanbidden van de afgod van de materiële vooruitgang, het integraal economisch materialisme, vergoddelijking van geld en rijkdom. Evola is schatplichtig aan Werner Sombart.
4. Het rationalisme, de ideologische implicaties van het paradigma van de “moderne wetenschap” – de neoreligie van de Vooruitgang, het scientisme – verwerping van elke contemplatieve gedachte t.v.v. een weten, gestuurd door een technische actie.
5. De ontbinding van de staat, van de macht, en vooral van de spirituele macht, van de idee zelf van hiërarchie, in en door democratie, liberalisme en communisme. De massificatie van de volkeren, zodat gedragingen, geëgaliseerd en geïnfantiliseerd, beter controleerbaar worden.
6. Het humanisme in zijn historische vormen: het humanisme of het humanitaire cosmopolitisme, de bourgeoisie met haar fundamentele sociale, morele en sentimentele aspecten, en het valse koppel van het liberaal utilitarisme (gericht op de opperste waarde van het welzijn, gebaseerd op de norm van profijt) en het “spiritueel evasionisme”.
7. De verschillende vormen van “seksuele revolutie”, met daarin de hegemonie van de vrouwelijke waarden (broederschap, veiligheid), de groeiende gelijkmaking en uitvlakken van de seksuele verschillen, het oprukken van psychoanalyse als “de demonie van de seksualiteit”, waardering van de “derde sekse”.
8. Het verschijnen van valse elites, oligarchieën van verschillende types, plutocratie, dictators en demagogen, moderne intellectuelen. Twee signalen onderzocht Evola nauwkeurig : het verlies aan zin voor aristocratie, de kracht ervan en de originele traditie, en aan de andere kant de ontbinding van de artistieke vormen, getuige daarvan de twijfel van de moderne muziek tussen intellectualisering en primitieve hypertrofie van zijn fysieke karakter.
9. De ondergang van hetgeen Evola superieure rassen noemt, ras niet te begrijpen in een biologische opvatting.
10. Opkomst van allerlei vormen van neospiritualisme, de zgn. tweede spiritualiteit, met een term eigen aan Spengler. Het vernielen van de traditionele vormen van religie en ascese, hertaald in een “humanitaire democratische moraal”. Evola omschrijft dit neospiritualisme als de evenknie, het evenbeeld van het westers materialisme.
11. De overbevolking. Evola behoort niet tot de natalistische vleugel van de Conservatieve Revolutie: bezorgd is hij niet door ontvolking, hij zoekt menselijke kwaliteit, géén kwantiteit.
12. Het totalitarisme, mogelijk gemaakt door het organisch concept van de staat te vernietigen, en belichaamd door een nieuwe paradoxale formatie : de idôlatrie van de staat en de atomisatie van de gemeenschap. Vanaf dan reflecteert hetgeen beneden is, niet meer hetgeen boven is, want er is geen boven meer. Elke afstand is afgeschaft. De totale horizontaliteit van de geatomiseerde maatschappij – de som van perfect uitwisselbare individuen – is de voorwaarde voor het verschijnen van de pseudostaat, die de totalitaire staat in wezen is.
13. Tenslotte het naturalisme in al zijn varianten : biologisme, materialisme, collectivisme, ja, zelfs nationalisme.

Slotopmerking : wat is decadentie voor Julius Evola ?


Het moet al duidelijk geworden zijn : de negatie van de Traditie is het beginpunt van decadentie en verval. Decadentie kan in de ogen van Evola het best omschreven worden als het toaal verlies aan “oriëntatie naar het transcendente” (36). Had ook Friedrich Nietzsche het niet over “God is dood” als beginpunt van het Europees nihilisme ? In die mate is de moderne maatschappij dan ook volledig tegengesteld aan de traditionele maatschappij en is de toegang naar het transcendente voor haar afgesloten. In zijn later werk Orientamenti zal de Italiaan de lijn doortrekken en noteren dat het antropocentrisme eigenlijk het begin betekent van de decadente moderniteit. Hierin ligt trouwens de scherpste kritiek van Evola aan het adres van Oswald Spengler, iets wat we nu gaan ontdekken.




4. JULIUS EVOLA OVER OSWALD SPENGLER


De twee belangrijke cyclisten, beiden actief in wat men later de Conservatieve Revolutie is gaan noemen, moesten elkaar vroeg of laten wel ontmoeten. Evola kwam een aantal keren in Duitsland spreken voor bvb. de Herrenclub, maar tot een ontmoeting tussen de beide filosofen is het nooit gekomen. We mogen ervan uitgaan dat Spengler de Italiaan niet kende en ook zijn werken niet had gelezen. Vergeten we trouwens niet dat het magnus opum van Evola pas in 1936 verschijnt, en dat Spengler hetzelfde jaar overleed. Maar Spengler kende bvb. ook de naam van Vico niet, wat erop kan duiden dat hij weinig kennis had over de Italianen. Evola kende het werk van Spengler wel, hij las alle werken van de Duitser, niet alleen Der Untergang des Abendlandes, maar ook zijn Jahre der Entscheidung. En in een tweetal artikels ging de Italaanse filosoof dieper in op de betekenis van Spengler voor het traditioneel denken en poogde hij tevens een traditionele kritiek te formuleren op de fundamenten van het Spengleriaans denken. Evola vertaalde Der Untergang des Abendlandes in het Italiaans in 1957 en vatte in zijn inleiding enkele punten van kritiek samen. Verder schreef hij in Vita Italiana in 1936 over de Duitse ondergangsfilosoof. De beide artikels werden in 1997 in het Frans vertaald en uitgegeven (37).

Voor Julius Evola is Spengler géén moderne auteur, in die zin dat hij met zijn werk het gevoel wekt reëel te zijn, te appelleren aan iets dat groter is dan zichzelf. De beschaving, aldus Spengler, ontwikkelt zich niet volgens het ritme van een continue vooruitgang naar de “beste” beschaving. Er bestaan slechts verschillende culturen, afzonderlijk van elkaar. Tussen culturen bestaan hoogstens verbindingen van analogie, maar er is géén continuïteit.
Evola merkt op dat dit de centrale ideeën van Spengler zijn, die op geen enkele manier terug te brengen zijn tot een persoonlijke filosofische stelling. Want op een of andere manier leefden dezelfde ideeën ook reeds in de antieke wereld, onder de vorm van cyclische wetten die de culturen en de volkeren leidden. Alleen, dit maakt ook direct dé grote zwakte uit van Spengler, want op geen enkel moment wordt er ook maar gewag gemaakt van het transcendente karakter van de cyclische wetten van de culturen : “Hij ontwierp zijn wetten als nieuwe naturalistische en deterministische wetten, als een reproductie van het somber lot dat planten en dieren (…) te wachten staat: ze worden geboren, groeien en verdwijnen. Zo had Spengler geen enkel begrip van de spirituele en transcendente elementen die aan de basis liggen van elke grote cultuur. Hij is de gevangene van een laïcistische stelling die de invloed onderging van de moderne ideeën van de levensfilosofie, het Faustisch activisme en het aristocratisch elitisme van Friedrich Nietzsche” (38). En Evola komt tot de essentie : Spengler heeft niet begrepen dat er boven de pluraliteit van culturen en hun ontwikkelingsfasen een dualiteit van cultuurvormen bestaat. Hij benaderde dit concept nochtans op het moment dat hij culturen in opgang plaatste tegenover culturen in neergang, en cultuur t.o.v. beschaving. Maar, zegt Evola, hij slaagde er niet in om de essentie van de tegenstelling bloot te leggen.

legromsss.gifDe Spengleriaanse opvatting van de aristocratische cultuur is schatplichtig aan Nietzsche, Julius Evola had er al op gewezen, de Duitse filosoof van Der Untergang zal er nooit van loskomen : “Het ideaal van de mens als een prachtig roofdier en een onverwoestbaar heerser bleef het geloofspunt van Spengler, en referenties naar een spirituele cyclus blijven bij hem sporadisch, onvolmaakt en verminkt vanuit zijn protestantse vooroordelen. De aanbidding van de aarde en de devotie voor de klassen van knechten, de graafschappen en de kastelen, intimiteit van tradities en corporatieve gemeenschappen, de organisch georganiseerde staat, het allerhoogste recht toegekend aan het ras (niet in biologische zin begrepen, maar in de zin van gedrag, van diep ingewortelde viriliteit), dit alles is het fundament van Spengler, waarin volkeren zich in de fase van de cultuur ontwikkelen. Maar eigenlijk is dit alles te weinig… In de loop van de geschiedenis is een dergelijke wereld eerder te vinden reeds als het gevolg van een eerste val. We bevinden ons dan in de cyclus van de “krijgersmaatschappij”, het traditionele tijdperk dat vorm krijgt eens het contact met de transcendente realiteit verbroken werd, en die ophoudt de creatieve kracht van de beschaving te zijn” (39). Oswald Spengler gaat dus in de eerste plaats niet ver genoeg in zijn analyses, en verder haalt hij ook niet de juiste referenties aan. Daarom, schrijft Julius Evola op pagina 11, “komt Spengler ons eerder voor als de epigoon van het conservatisme, van het beste traditionele Europa, die haar ondergang bezegeld zag in de Eerste Wereldoorlog en het ineenstorten van de laatste Europese rijken”.

Toch kan Evola zich vinden in de beschrijving van de beschaving in verval : “Massacultuur, anti-kwalitatief, anorganisch, urbanistisch en nivellerend, diep anarchistisch, demagogisch en antitraditioneel”. En verder wijdt hij enkele zinnen aan de twee wereldrevoluties die het Westen in Spengleriaans opzicht zullen nekken : “Een eerste, interne, heeft zich al gerealiseerd, de sociale revolutie van de massificatie en assimilatie (…). De tweede revolutie is zich aan het voorbereiden, de invasie van de gekleurde rassen, die zich in Europa vestigen, zich europeaniseren en die de beschaving naar hun hand zullen zetten” (40). En dan opnieuw de kritiek van de Italiaanse filosoof : als antwoord op deze bedreigingen “weet Spengler slechts het ideaal van het mooie beest op te roepen, het eeuwige instinct van de krijger, latent aanwezig in periodes van ondergang, maar klaar om op te springen als de volkeren zich in hun vitale substantie bedreigd voelen (…). Dit beantwoordt volledig aan de visie van een tragische Faustische ziel, dorstend naar het eeuwige, wat voor Spengler juist model stond voor het Leitmotiv van de westerse cyclus”. Deze weg vindt Evola zeer vaag en onduidelijk, want de opkomst van de grote rijken, met hun binoom massa-Caesar, waren de emanatie van de kanker van het vernietigend cosmopolitisme, van het demonisch karakter van massa’s en dus uitingen van de decadentie zelf. Het echte alternatief zou er juist in bestaan de massa’s als massa te vernietigen en in haar nieuwe articulaties te provoceren, nieuwe klassen, nieuwe kasten (41). Niets van dit alles bij Spengler, stelt Evola bijna teleurgesteld vast, er is maar één ankerpunt, zijn Pruisen, zijn Pruisisch ideaal. Spengler zag Pruisen niet in nationale dimensies, maar eerder als een levenswijze : niet hij die in Pruisen is geboren, kan zich Pruis noemen, maar “dit type kan men overal vinden, het is een teken van ras, van gedisciplineerde toewijding, van innerlijke vrijheid in het uitvoeren van de taak, autodiscipline”. Evola besluit met te stellen dat dit Pruisen op zijn minst een solide traditioneel referentiepunt is, maar betreurt toch dat Spengler niet verder is gegaan.


5. ENKELE VERDIENSTEN VAN DE BEIDE HEREN

De betreurde Armin Mohler vatte de betekenis van Oswald Spengler in een aantal rake punten samen. Wij kunnen de voornaamste punten bij uitbreiding ook toepassen op de Italiaanse ondergangsauteur :

Spengler trekt in crisissituaties ondergrondse stromingen van het denken met een radicaliteit in het bewustzijn, wat voor hem hoogstens door een Georges Sorel werd voorgedaan. En die gedachtenstroming is een denken over de realiteit, gestart door de Stoa en Herakleitos, dat vanaf de start afzag van valse troostende gedachten of van de voorspiegeling van ordenende systemen. Dit denken – dat ook dat van Spengler is – staat boven elk optimisme of pessimisme. Geschiedenis is een in elkaar lopend proces van geboorten en ondergang en er blijft de mens niets anders over dan deze realiteit met heroïsche aanvaarding te ondergaan.

Een tweede verdienste, schrijft Mohler, is het opnieuw in baan brengen van het cyclisch denken, vanuit een stroom van Europese en buiten-Europese denkers. T.o.v. het aan invloed winnende liniair denken - zeker na de overwinning van het liberaal kapitalistische mens- en maatschappijbeeld - is het nodig en noodzakelijk dat een alternatief, ook op intellectueel vlak, geboden wordt op de vooruitgangsidee (42). De originaliteit bestaat hierin dat hij het organisch concept van de Duitse Romantiek overbracht op de cyclische gedachte en deze van toepassing verklaarde op zijn acht cultuurkringen. Hij combineerde de cyclische idee met het probleem van de decadentie en het verval van de cultuur. Een fundamentele breuk dus met de optimistische liberale vooruitgangsidee, en vooral nuttig in het doorprikken van de zeepbel, als zou er slechts één manier bestaan om naar de wereld te kijken.

Werd er van wetenschappelijke hoek vaak kritiek uitgebracht op de cyclische cultuurfilosofen – vooral het determinisme werd als onwetenschappelijk van de hand gewezen – dan is diezelfde kritiek even goed van toepassing gebleken op het liniaire beeld van de geschiedenis : ook hier speelt een determinisme mee, dat wetenschappelijke kringen al evenmin kunnen accepteren. Match nul, zullen wij maar zeggen, of is de eerste helft pas gespeeld ? Het is belangrijk te beseffen dat Spengler er samen met Toynbee, Sorokim Pitrim en anderen, voor heeft gezorgd dat de liniaire geschiedenisfilosofie – een uitvloeisel van de drie monotheïstische godsdiensten en hun wereldlijke realisaties – een cyclisch geschiedenisbeeld tegenover zich kreeg, dat eerder of opnieuw aanknoopte bij de oude, heidense, polytheïstische godsdiensten : een tijdlang hield de liniaire geschiedenisfilosofie vol, dat zij en zij alleen wetenschappelijke waarde had. Sinds het oprukken van de cyclische geschiedenisfilosofie kan zij dit niet meer volhouden.

Tenslotte heeft niemand zo duidelijk en onverbiddelijk als Spengler gewezen op de sterfelijkheid en vergankelijkheid van culturen en tot het einde toe doorgedacht. Sommige one-liners moeten toch doen denken : “De blanke heersers zijn van hun troon gestoten. Vandaag onderhandelen zij waar ze gisteren nog bevalen en morgen zullen ze moeten smeken om nog te mogen onderhandelen. Ze hebben het bewustzijn verloren van zelfstandigheid van hun macht en ze merken het niet eens”.


De verdienste van Julius Evola in dit alles : de Italiaanse filosoof verruimde de blik van Spengler en voegde er een transcendente, spirituele dimensie aan toe. Verder wees hij erop dat het proces van het sombere tijdperk, de finale fase dus, zich eerst bij ons heeft ontwikkeld. Daarom is het niet uitgesloten dat we ook de eersten zullen zijn om het nulpunt te passeren, op een moment waarop andere beschavingen zich nog in de fase van ontbinding zullen bevinden.



Voetnoten


(1) Weismann, K., Het rechtse principe, TeKoS, nr. 113, pag. 5
(2) Kaltenbrunner, G-K, Europa, Seine geistigen Quellen in Porträts aus zwei Jahrtausenden, regio – Glock und Lutz, Sigmaringendorf, 1987, pag. 36 e.v.
(3) Huntington, S., Botsende beschavingen, Uitgeverij Anthos, Baarn, 1997, ISBN 90 763 4115 x
(4) Cliteur, P., Tegen de decadentie, Arbeiderspers, Amsterdam, 2004, 223 blz., 16,95 euro)
(5) Weismann, K., Die heroische Existenz im Geistigen, in Junge Freiheit, nr. 6/04, 30 januari 2004, pag. 17
(6) Freund J., Evola ou le conservatisme révolutionnaire, in Guyot-Jeannin, A., Julius Evola, Les dossiers H, L’Age d’Homme, Lausanne, Suisse, 1997, pag. 187
(7) Weissmann, K., Het rechtse principe, TeKoS, nr. 113, pag. 5
(8) Spengler, O., Der Untergang des Abendlandes. Umrisse einer Morphologie der Weltgeschichte, Verlag C. H. Beck, München, 1973, eerste uitgave 1923,1249 pagina’s
(9) Evola, J., Rivolta contro il mondo moderno, Ulrico Hoepli, Milano, 1934, 482 pagina’s
(10) Boterman, F., Oswald Spengler, Der Untergang des Abendlandes, Cultuurpessimist en politiek activist, Van Gorcum, Assen/Maastricht, 1992, ISBN 90-232-2695-X, 402 pagina’s.
(11) Kaltenbrunner, G-K, Europa, Seine geistigen Quellen in Porträts aus zwei Jahrtausenden, Regio – Glock und Lutz, Sigmaringendorf, 1987, pag. 396
(12) Kaltenbrunner, G-K, Europa, Seine geistigen Quellen in Porträts aus zwei Jahrtausenden, Regio – Glock und Lutz, Sigmaringendorf, 1987, pag. 397-398
(13) Boterman, F., Kultur versus Zivilisation: Oswald Spengler en Nietzsche, in Ester, H., en Evers, M., In de ban van Nietzsche, Damon, Dudel, 2003, pag. 161-176
(14) Spengler, O., Untergang des Abendlandes, pag. 3
(15) Strong, T. B., Oswald Spengler – Ontologie, Kritik und Enttäuschung, in Ludz, P. C., Spengler heute, München, 1980, pag. 88
(16) Mann, T., Betrachtungen eines Unpolitischen, geciteerd in Ester, H., en Evers, M., In de ban van Nietzsche, Damon, Dudel, 2003
(17) Evers, M., Het probleem van de decadentie : Thomas Mann en Nietzsche, in Ester, H., en Evers, M., In de ban van Nietzsche, Damon, Dudel, 2003, pag. 130
(18) Boterman, F, Kultur versus Zivilisation: Oswald Spengler en Nietzsche in Ester, H., en Evers, M., In de ban van Nietzsche, Damon, Dudel, 2003, pag. 175 e.v.
(19) Boterman, F., Oswald Spengler, Der Untergang des Abendlandes, Cultuurpessimist en politiek activist, Van Gorcum, Assen/Maastricht, 1992, pag. 67
(20) Boterman, F., Oswald Spengler, Der Untergang des Abendlandes, Cultuurpessimist en politiek activist, Van Gorcum, Assen/Maastricht, 1992, pag. 68
(21) Politica Hermetica, nr. 1, Métaphysique et Politique – René Guénon, Julius Evola, L’Age d’Homme, Paris, 1987, 204 pagina’s
(22) Evola, J., Rivolta contro il mondo moderno, misschien gemakkelijkst in zijn Franse vertaling te lezen. Révolte contre le monde moderne, Les Editions de l’Homme, Montréal-Brussel, 1972, 501 pagina’s
(23) Evola, J., Révolte contre le monde moderne, Les Editions de l’Homme, Montréal-Brussel, 1972, pagina 9
(24) Evola, J., Il cammino del Cinabro, in Franse vertaling te lezen : Le chemin du Cinabre, Archè, Milano, 1982, pagina 123-124
(25) Evola, J., Révolte contre le monde moderne, Les Editions de l’Homme, Montréal-Brussel, 1972, pagina 487
(26) Evola, J., Révolte contre le monde moderne, Les Editions de l’Homme, Montréal-Brussel, 1972, pagina 493
(27) Evola, J., Révolte contre le monde moderne, Les Editions de l’Homme, Montréal-Brussel, 1972, pagina 493 e.v.
(28) Taguieff, P. A., Julius Evola, penseur de la décadence, in Politica Hermetica, nr. 1, Métaphysique et Politique – René Guénon, Julius Evola, L’Age d’Homme, Paris, 1987, p. 27
(29) Evola, J., Le chemin du cinabre, Arché-Arktos, Carmagnola, 1982, pagina 125
(30) Evola, J., Révolte contre le monde moderne, Les Editions de l’Homme, Montréal-Brussel, 1972, pagina 449
(31) Evola, J., Le chemin du cinabre, Arché-Arktos, Carmagnola, 1982, pagina 125
(32) Evola, J., Révolte contre le monde moderne, Les Editions de l’Homme, Montréal-Brussel, 1972, pagina 12
(33) Evola, J., La tradition hermétique, Ed. Traditionelles, Paris, 1975, pagina 26
(34) Evola, J., Waarom tijdsbeschavingen en ruimtelijke beschavingen een verschillende geschiedenis hebben, in TeKoS, nr. 57, pagina 13 en volgende
(35) Taguieff, P. A., Julius Evola, penseur de la décadence, in Politica Hermetica, nr. 1, Métaphysique et Politique – René Guénon, Julius Evola, L’Age d’Homme, Paris, 1987, p. 31 en volgende
(36) Evola, J., Chevaucher le tigre, Trédaniel, Paris, 1982, pagina 269
(37) Evola, J., L’Europe ou le déclin de l’occident, Perrin & Perrin, 1997
(38) Evola, J., L’Europe ou le déclin de l’occident, Perrin & Perrin, 1997, pagina 7-9
(39) Evola, J., L’Europe ou le déclin de l’occident, Perrin & Perrin, 1997, pagina 10
(40) Evola, J., L’Europe ou le déclin de l’occident, Perrin & Perrin, 1997, pagina 14
(41) Ibidem
(42) Evola, J., L’Europe ou le déclin de l’occident, Perrin & Perrin, 1997, pag. 15-16
(43) Mohler, A., Oswald Spengler (1880-1936) in Criticon, nr. 60-61, pagina 160-162

samedi, 06 février 2010

Wessen Gegner?

agon_web.jpgWessen Gegner?

Ex: http://rezistant.blogspot.com/
Die Begriffe von Kapitalismus, Sozialismus, Nationalismus, Kommunismus, Faschismus usw. sind in ihren bisherigen Bedeutungen verbraucht, sie beweisen von Tag zu Tag mehr ihre Inhaltslosigkeit.

Doch diese Begriffe sind so mit Gefühlen, mit dem Lebenssinn wie mit der Feindschaft von Millionen berknüpft, dass es schon deshalb für den einzelnen, der aus der Phrase zur Einsicht in die Tatsachen zu gelangen sucht, ungeheuer schwer ist, sich hindurchzukämpfen.

Im Kampf gegen die Unklarheiten des Denkens und die Unaufrichtigkeit des Wollens will der "Gegner" den einzelnen helfen, zu weitsichtigeren übergeordneten Meinungen zu gelangen. Er bekämpft ebenso die falschen Hoffnungen der Schlagwort-Idealisten wie die Hoffnungslosigkeit, d. h. Trägheit und Müdigkeit derer, die keinen Boden mehr unter den Füssen fühlen.

In allen Lagern mehren sich die Menschen, die sich auf der Suche nach Erkenntnis der wirklichen Zusammenhänge in dem heutigen Geschehen nicht mehr mit den Parteischlagworten und der Schuld der anderen begnügen können. Der "Gegner" stellt sich denen, die auf neuen und vergessenen Wegen den Sinn dieser Zeit und die Lösung der uns brennenden Fragen zur erfahren streben, zur Verfügung.

Vielleicht sind manche Perspektiven irrig, manche Anschauungen sogar falsch. Wem schadet das?

Wir sammeln die Fragestellungen in den Bewusstsein, dass überall unter dem Chaos der Meinungen das Wissen um die Zeit, das Bewusstsein für das, was im Grunde vor sich geht, zu wachsen und zu reifen beginnt.

Man möge sich darüber beruhigen, dass der "Gegner" kein "Programm" habe, es gibt heute Wichtigeres zu entwickeln als Programme. Es gilt die Konzeption einer neuen einheitlichen Weltanschauung, die hier und dort bereits sichtbar wird. Denn erst eine neue an dem riesenhaften Wissen früherer Kulturen geschulte Sinngebung wird die bedeutenden Teilergebnisse der heutigen offiziellen Wissenschaften und die ungeheuren Wirtschaftskräfte, die diese jetzt vergehende Epoche herausgebildet hat, für Deutschland, für Europa, für alle Länder der Erde fruchtbar machen können.

Bewusst oder unbewusst - der Mythos der Zeit bildet uns bereits, und wir ihn.

Erst grosse, aus tiefen Erkenntnissen stammende Gedanken und Aufgaben werden die von den verschiedenen Grundeinstellungen zum gemeinsamen Werk vordringenden Gegner wirklich verbinden können - hierzu ist der "Gegner" eine Vorarbeit.

Der Gegner, Heft 1/2, 1932.

Das Wesen der Aufklärung

Das Wesen der Aufklärung

MOD_LUM_000.jpgEx: http://rezistant.blogspot.com/
Bar jedes historischen Rechtsempfindens ist das Vernunftrecht der Aufklärung. Als Naturrecht ist es eine Verstandeskonstruktion, die nicht mehr, wie das mittelalterliche Naturrecht, aus dem Ordo des Seins erfragt, was rechtens ist. Die Toleranz der Aufklärung entsprang einer Vergleichgültigung der religiösen Wahrheit, die ihre Vernunftreligion in allen Religionen der Erde als allgemein-menschliche moralische Überzeugungen finden wollte. Ihre Humanität hatte ein Auge nur für dieses Allgemeinmenschlich-Kosmopolitische der Menschenwürde, aber nicht für dessen besondere Ausfaltung zu persönlicher Individualität und zu geschichtlich-volkhafter Prägung. Ihre Geschichtsauffassung war, dem entsprechend, nur an dem allen Gemeinsamen interessiert, an der einen Vernunft und der überall gleichen Vernunftmoralität. Und so war die Aufklärung trotz historisch-kritischen Blicks und trotz mancher historischer Leistung auf dem Gebiet der Profan- und Kirchengeschichte im tiefsten Grunde unhistorisch. Ihr philanthropisches Streben nach Allgemeinbildung war einseitig intellektualistisch, nur auf Aufnehmen und Lernen von Wissensstoff gerichtet. Ihre Menschlichkeit im Strafrecht übersah, da ihrem Nutzdenken die Strafe zu allererst nur Besserungsmittel war, den tieferen Sinn im inneren Zusammenhang von Schuld und Sühne. Und ihre kirchlichen Reformen, die in katholisches und protestantisches Christentum tief eingriffen, waren, ihrem Intellektualismus gemäss, von allzu wenig Ehrfurcht vor dem undurchdringlichen Mysterium im Kult und vor der göttlichen Autorität im Glauben getragen. Vernunft und Moral - das war im Grunde das eins und alles der Aufklärung. Das war ihr Dogma und ihre Religion. Es war ein hoher, grosser Glaube, dem all diese Vernünftigkeit entsprang: Glaube eben an die Vernunft im Menschen, Glaube an den Menschen selbst und seine Eigenkraft und Autonomie in Selbsteinsicht und Selbstleistung. Es war ein neuer Pelagianismus im Christentum, der mit der Aufklärung einsetzte, wie ja Pelagius in der antiken Kirche der autonome Stoiker, und die Stoa Vernunftzuversicht und humane Menschenliebe, Philanthropie, gewesen war.

[...]

Und selbst die Moral, dieses Urgebiet der Freiheit, soll ein "Gesetz" der Freiheit finden, das moralische Gesetz in mir, in Parallele zu dem Gesetz der Himmelsmechanik, dem gestirnten Himmel über mir, das Gesetz: allgemeingültig zu handeln, wie Kants kategorischer Imperativ es fordert.

Dieses Gesetzesdenken will etwas. Alle Aufklärung ist zweckhaft. Es will herrschen. Erkenntnis ist nicht mehr Staunen und Betroffensein vom Seienden und seiner Fülle, wie es die griechische "Theorie" gewesen war, ujnd wie sie das gesamte abendländische Denken bisher vertreten hatte. Das aufgeklärte Wissen will rechnen ujnd darin absehen von allen qualitativen Gehalten, die man ja nicht errechnen kann. Es will nicht mehr Substanz, es will Funktion, Regel, Verbindung immer gleichen Geschehens, das man in Quantität, in Zahl und mathematischer Formel ausdrücken kann. Und es will - so sagt Kant äusserst charakteristisch - der Natur als der uns Menschen erkennbaren Erscheinungswelt ihre Gesetze, ihre Regelhaftigkeit in Gemässheit unseres Denkens über sie "vorschreiben". Es will verfügen, gebieten, ordnen und verwerten. Es will herrschen gemäss dem praktischen Sinn aller Aufklärung: es will die Welt gestalten gemäss der Einsicht in ihre Gesetzlichkeit. Und eben da schlägt die Geburtsstunde unserer modernen Technik. Sie ist das legitime Kind der Aufklärung, ihr Erbe an das 19. Jahrhundert und nicht zuletzt auch uns selbst. Verwertung der Naturgesetze zur Lebensgestaltung: das ist der Wille der aufgeklärten Wissenschaft von der Natur.

Theodor Steinbüchel, Zerfall des christlichen Ethos im XIX. Jahrhundert. Josef Knecht, Frankfurt am Main 1951.

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vendredi, 05 février 2010

Le bourgeois selon Sombart

Werner_Sombart_vor_1930.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1979

Le bourgeois selon Sombart

 

par Guillaume Faye

 

Dans Le Bourgeois,  paru en France pour la première fois en 1926, Werner Sombart, une des figures les plus marquantes de l'école économique "historique" allemande, analyse la bourgeoisie comme l'effet d'une rencontre entre un phénomène de "psychologie historique" et des faits proprement économiques. Cette analyse le sépare de la pensée libérale comme des idées marxistes.

 

Comme pour Groethuysen, le bourgeois représente d'après Sombart, "l'homme de notre temps". "Le bourgeois", écrit-il, représente la forme la plus typique de l'esprit de notre temps". Le bourgeois n'est pas seulement un type économique, mais "un type social et psychologique".

 

Sombart accorde au bourgeois l'"esprit d'entreprise"; et c'est, effectivement, de notre point de vue, une de ses caractéristiques jusqu'au milieu du XXème siècle. Mais Sombart prophétise qu'à la fin du XXème siècle, la bourgeoisie, largement "fonctionnarisée" et créatrice de l'Etat-Providence aura perdu cet esprit d'entreprise au profit de la "mentalité du rentier".

 

Cependant, elle a conservé ce que décelait Sombart à l'origine de sa puissance: "la passion de l'or et l'amour de l'argent ainsi que l'esprit de calcul", comme le note également d'ailleurs Gehlen.

 

"Il semblerait, écrit Sombart, que l'âpreté au gain (lucri rabies)  ait fait sa première apparition dans les rangs du clergé. Le bourgeois en héritera directement".

 

Sombart, décelant le "démarrage" de l'esprit bourgeois au Moyen Age, en relève une spécificité fondamentale: l'esprit d'épargne et de rationalité économique (1), caractère qui n'est pas critiquable en soi, à notre avis, mais qui le devient dès lors que, comme de nos jours, il est imposé comme norme à toutes les activités de la société (réductionnisme).

 

Il ne faut donc pas soutenir que l'esprit bourgeois ne fait pas partie de notre tradition culturelle; de même, Sombart remarque que le mythe de l'or était présent dans les Eddas et que les peuples européens ont toujours été attachés à la "possession des richesses" comme "symboles de puissance".

 

Dans notre analyse "antibourgeoise" de la civilisation contemporaine, ce n'est pas cet esprit économique que nous critiquons "en soi", c'est sa généralisation. De même l'appât des richesses ne peut être honni "dans l'absolu", mais seulement lorsqu'il ne sert qu'à l'esprit de consommation et de jouissance passive.

 

Au contraire, le goût de la richesse (cf. les mythes européens du "Trésor à conquérir ou à trouver"), lorsqu'il se conjugue avec une volonté de puissance et une entreprise de domination des éléments s'inscrit dans nos traditions ancestrales.

 

La figure mythique  -ou idéaltypique-  de l'Harpagon de Molière définit admirablement cette "réduction de tous les points de vues à la possession et au gain", caractéristiques de l'esprit bourgeois.

 

Pour Sombart, le "bourgeois vieux style" est caractérisé entre autres par l'amour du travail et la confiance dans la technique. Le bourgeois "moderne" est devenu décadent: le style de vie l'emporte sur le travail et l'esprit de bien-être et de consommation sur le sens de l'action. En utilisant les "catégories" de W. Sombart, nous pourrions dire, d'un point de vue  anti-réductionniste, que nous nous opposons au "bourgeois en tant que tel" et que nous admettons le "bourgeois entrepreneur" qui doit avoir sa place organique (3ème fonction)  dans les "communautés de mentalité et de tradition européennes", comme les nomme Sombart.

 

L'entrepreneur est "l'artiste" et le "guerrier" de la troisième fonction. Il doit posséder des qualités de volonté et de perspicacité; c'est malheureusement ce type de "bourgeois" que l'univers psychologique de notre société rejette. Par contre, le "bourgeois en tant que tel" de Sombart correspond bien à ce que nous nommons le bourgeoisisme  -c'est-à-dire la systématisation dans la société contemporaine de traits de comportements qualifiés par W. Sombart d'"économiques" par opposition aux attitudes "érotiques". Sombart veut dire par là que la "principale valeur de la vie" est, chez le bourgeois, d'en profiter matériellement, de manière "économique". La vie est assimilée à un bien consommable dont les "parties", les unités, sont les phases de temps successives. Le temps "bourgeois" est, on le voit, linéaire, et donc consommable. Il ne faut pas le "perdre"; il faut en retirer le maximum d'avantages matériels.

 

Par opposition, la conception érotique  de la vie  -au sens étymologique-  ne considère pas celle-ci comme un bien économique rare à ne pas gaspiller. L'esprit "aristocratique" reste, pour Sombart, "érotique" parce qu'il ne calcule pas le profit à tirer de son existence. Il donne, il se donne, selon une démarche amoureuse. "Vivre pour l'économie, c'est épargner; vivre pour l'amour, c'est dépenser", écrit Sombart. On pourrait dire, en reprenant les concepts de Sombart, que le "bourgeoisisme" serait la perte, dans la bourgeoisie, de la composante constituée par l'esprit d'entrepreneur; seul reste "l'esprit bourgeois proprement dit".

 

Au début du siècle par contre, Sombart décèle comme "esprit capitaliste" l'addition de ces deux composantes: esprit bourgeois et esprit d'entreprise.

 

L'esprit bourgeois, livré à lui-même, systématisé et massifié, autrement dit le bourgeoisisme contemporain, peut répondre à cette description de Sombart: "Type d'homme fermé (...) qui ne s'attache qu'aux valeurs objectives de ce qu'il peut posséder, de ce qui est utile, de ce qu'il thésaurise. Grégaire et accumulateur, le bourgeois s'oppose à la mentalité seigneuriale, qui dépense, jouit, combat. (...) Le Seigneur est esthète, le bourgeois moraliste".

 

wernerbourgeois.jpgSombart, opposant la mentalité aristocratique à l'esprit "bourgeois proprement dit" (c'est-à-dire dénué de la composante de l'esprit d'entreprise), note: "Les uns chantent et résonnent, les autres n'ont aucune résonnance; les uns sont resplendissants de couleurs, les autres totalement incolores. Et cette opposition s'applique non seulement aux deux tempéraments comme tels, mais aussi à chacune des manifestations de l'un et de l'autre. Les uns sont artistes (par leur prédispositions, mais non nécessairement par leur profession), les autres fonctionnaires, les uns sont faits de soie, les autres de laine". Ces traits de "bourgeoisime" ne caractérisent plus aujourd'hui une classe (car il n'y a plus de classe bourgeoise) mais la société toute entière. Nous vivons à l'ère du consensus bourgeois.

 

Avec un trait de génie, Werner Sombart prédit cette décadence de la bourgeoisie qui est aussi son apogée; décadence provoquée, entre autres causes, par la fin de l'esprit d'entreprise, mais également par cet esprit de "bien-être matériel" qui asservit et domestique les Cultures comme l'ont vu, après Sombart, K. Lorenz et A. Gehlen. Le génie de Sombart aura été de prévoir le phénomène en un temps où il était peu visible encore.

 

Le Bourgeois, livre remarquable, devenu grand classique de la sociologie contemporaine, se conclut par cet avertissement, dont les dernières lignes décrivent parfaitement une de nos principales ambitions: "Ce qui a toujours été fatal à l'esprit d'entreprise, sans lequel l'esprit capitaliste ne peut se maintenir, c'est l'enlisement dans la vie de rentier, ou l'adoption d'allures seigneuriales. Le bourgeois engraisse à mesure qu'il s'enrichit et il s'habitue à jouir de ses richesses sous la forme de rentes, en même temps qu'il s'adonne au luxe et croit de bon ton de mener une vie de gentilhomme campagnard (...).

 

Mais un autre danger menace encore l'esprit capitaliste de nos jours: c'est la bureaucratisation croissante de nos entreprises. Ce que le rentier garde encore de l'esprit capitaliste est supprimé par la bureaucratie. Car dans une industrie gigantesque, fondée sur l'organisation bureaucratique, sur la mécanisation non seulement du rationalisme économique, mais aussi de l'esprit d'entreprise, il ne reste que peu de place pour l'esprit capitaliste.

 

La question de savoir ce qui arrivera le jour où l'esprit capitaliste aura perdu le degré de tension qu'il présente aujourd'hui, ne nous intéresse pas ici. Le géant, devenu aveugle, sera peut-être condamné à traîner le char de la civilisation démocratique. Peut-être assisterons-nous aussi au crépuscule des dieux et l'or sera-t-il rejeté dans les eaux du Rhin.

 

"Qui saurait le dire?"

 

Guillaume FAYE.

(janvier-février 1979).

 

(1) La vie aristocratique et seigneuriale était plus orientée vers la "dépense".

 

jeudi, 04 février 2010

Zum 150. Todestag von Ernst Moritz Arndt

Arndt.gifKarlheinz Weissmann:

Arndt, Diwald, der Patriot schlechtin

Ex: http://www.sezession.de/

Zum 150. Todestag von Ernst Moritz Arndt

Am 27. Januar 1970 hielt Hellmut Diwald vor der Siemens-Stiftung in München einen Vortrag über Ernst Moritz Arndt. Das Datum lag kurz vor dessen 110. Todestag, einen Monat nach dessen 200. Geburtstag. Das Gedenken war dürftig gewesen, der neue Zeitgeist duldete keinen Bezug auf jemanden, der im Ruch des Nationalisten und Antisemiten stand.

Diwald wußte das genau und also auch, daß er mit seinem Thema und der Art der Darstellung ein Tabu brach, ein junges Tabu zwar, aber eines, das rasch, geschickt und mit erheblicher Wirkung etabliert worden war: das Tabu, sich anders als negativ über die deutsche Nationalgeschichte zu äußern.

Diwald, der zu dem Zeitpunkt politisch noch ein unbeschriebenes Blatt war, wollte gegen dieses Tabu verstoßen. Sein Vortrag entwickelte das Thema unter dem Gesichtspunkt der Rolle Arndts für das „Entstehen des deutschen Nationalbewußtseins“. Damit war die Absicht verbunden, ältere wie jüngere Verzeichnungen zu korrigieren. Arndt erschien bei Diwald nicht als Teutomane, sondern als jemand, der um den Anteil am Gemachten jeder Nation wußte, der nicht naiv an das Organische glaubte, sondern von der Notwendigkeit überzeugt war, die Nation zu erziehen und zu mobilisieren, der kaum etwas hielt von der selbstverständlichen Güte des einfachen Mannes, aber Respekt vor dem Volk hatte, und insoweit Demokrat war, aber nicht der Jakobiner, zu dem ihn Metternich im Negativen, die DDR im Positiven machen wollten, keinesfalls ein Reaktionär, obwohl er der monarchischen Idee anhing, eher ein konservativer Revolutionär im präzisen Sinn: „Die Schwächlichen und Elendigen fliehen zu dem Alten zurück, wo ihrer Furcht vor dem Neuen graut.“

Diwald wollte der Persönlichkeit Arndts Gerechtigkeit widerfahren lassen, sie in den historischen Zusammenhang einordnen, des Spätabsolutismus und der Französischen Revolution, des Idealismus, der Romantik, der „Deutschen Bewegung“, der Befreiungskriege und des Vormärz. Das persönliche – auch das in Teilen schwere – Schicksal Arndts trat dagegen zurück, und Diwald setzte die Akzente so, daß selbst Arndts übel beleumdete Schrift Über den Volkshaß ihren Sitz im Leben erhielt, die ganz abgeblaßte Lage Deutschlands unter dem napoleonischen Joch wieder hervortrat.

Diwald war aber nicht nur als Historiker interessiert. Er schloß seinen Vortrag mit den Worten: „Wir haben später diesen `deutschen Lehrer, Schreiber, Sänger und Sprecher´ nicht bei seinen lorbeerbekränzten, adagio handelnden, sich mit der Obrigkeit arrangierenden Zeitgenossen, unseren Olympiern, einziehen lassen. Das wäre ungerecht gewesen, eine Kränkung Ernst Moritz Arndts, denn gerade ihm ist die gleichgültige Reverenz nicht zuzumuten, mit der wir schon so lange die herausragenden Figuren unserer Geschichte sterilisieren und festgerahmt an die Wände der Museen hängen.“

Es lag darin Bewunderung für ein konsequentes Leben, wenn auch wohl keine Prognose für das eigene Schicksal, obwohl man sagen könnte, daß die Erfahrungen, die Diwald in den folgenden Jahren machen mußte, denen Arndts ähnelten. Und ihn erwartete nicht einmal der Trost, den das Alter für Arndt bereitgehalten hatte, nur dasselbe Bewußtsein, dem inneren Gesetz Genüge getan zu haben.

Abbildung: Umschlag eines Reprints aus dem DDR-Verlag der Nation, 1988!


Article printed from Sezession im Netz: http://www.sezession.de

URL to article: http://www.sezession.de/11446/arndt-diwald-der-patriot-schlechthin.html

dimanche, 31 janvier 2010

Citation de Gustave Le Bon

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On rencontre beaucoup d’hommes parlant de libertés, mais on en voit très peu dont la vie n’ait pas été principalement consacrée à se forger des chaînes.

 

Gustave Le Bon

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Quelle philosophie politique de l'écologie?

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1990

Robert STEUCKERS

Quelle philosophie politique de l'écologie?

 

Les bons scores des Verts français à la suite des dernières campagnes électorales dans l'Hexagone, la per­sistance des Grünen  ouest-allemands et les sondages favorables aux listes écologistes en Belgique pour les prochaines élections (12% à Bruxelles!) obligent tous les militants politiques, de quelque horizon qu'ils soient, à développer un discours écologique cohérent. En effet, pour la décennie qui vient, pour les premières décennies du XXIième siècle, se dessine une nouvelle bipolarité entre, d'une part, les nationaux-identitaires, animés par une forte conscience historique, et, d'autre part, les Verts, soucieux de préserver le plus harmonieusement possible le cadre de vie de nos peuples. Cette bipolarisation est appelée à refouler graduellement dans la marginalité les anciennes polarisations entre partisans du laissez-faire libéral et par­tisans de l'Etat-Providence. C'est en tout cas ce qu'observe un professeur américain, Peter Drucker (1), dont la voix exprime des positions quasi officielles. Toutes les formes de libéralisme, malgré le sursaut tapageur des années Reagan, sont appelées à disparaître en ne laissant que les traces de leurs ravages mo­raux et sociaux; en effet, les impératifs de l'heure sont des impératifs globaux de préservation: préserver une conscience historique et préserver un cadre de vie concret contre les fantasmes de la «table rase» et contre le messianisme qui promet, avec un sourire vulgairement commercial, des lendemains qui chantent. Ces impératifs exigent des mobilisations collectives; dès lors, beaucoup de réflexes ne seront plus de mise, notamment l'engouement dissolvant pour l'individualisme méthodologique, propre du libéralisme, avec sa sainte horreur des obligations collectives structurantes qui, elles, parient sur le très long terme et ne veulent pas se laisser distraire par les séductions de l'instant (le «présentisme» des sociologues).

 

Le libéralisme politique et économique a engendré la mentalité marchande. C'est un fait. Même si d'aucuns, dans des clubs agités par une hayekite aigüe, croient pouvoir prouver que les choses auraient pu tourner autrement. On connaît le bon mot: avec des "si", on met Paris en bouteille. L'histoire est là qui montre l'involution lente mais sûre du libéralisme théorique d'Adam Smith à la déliquescence sociale to­tale que l'on observe chez les hooligans de Manchester ou de Liverpool, chez les consommateurs de crack du Bronx ou dans la déchéance ensoleillée et sidaïque de San Francisco. Le fantasme libéral de la perfecti­bilité infinie (2), qu'on lira à l'état pur chez un Condorcet, a induit les peuples à foncer bille en tête vers les promesses les plus fumeuses, dans une quête forcenée de plaisirs éphémères, de petits paradis d'inaction et de démobilisation. La jouissance hédoniste de l'instant est ainsi devenue le telos (le but) des masses, tandis que les gagneurs, plus puritains, tablaient sur la rentabilité immédiate de leurs investis­se­ments. Jouissance et rentabilité immédiates impliquent deux victimes: l'histoire (le temps), qui est ou­bliée et refoulée, et l'environnement (l'espace), qui est négligé et saccagé, alors que ce sont deux catégories incontournables dans toute société solidement assise, deux catégories qui résistent pied à pied aux fan­tasmes du «tout est possible - tout est permis» et qu'il sera toujours impossible de faire disparaître tota­lement.

 

Ce résultat navrant du libéralisme pratique, de cette vision du monde mécanique (qui a le simplisme ex­trême des mécaniques) et de ces suppléments d'âme moralisants (participant d'une morale auto-justifica­trice, d'une morale-masque qui cache l'envie intempérante de tout avoir et tout maîtriser), nous force à adopter

1) une philosophie qui tienne compte du long terme, tout en préservant

a) les ressources de la mémoire historique, laquelle est un réceptacle de réponses acquises et con­crètes aux défis du monde, et

b) les potentialités de l'environnement, portion d'espace à maintenir en bon état de fonctionne­ment pour les générations futures;

2) une pratique politique qui exclut les discours moralisants et manipulateurs, discours gratuits et a for­tiori désincarnés, blabla phatique qui distrait et endort les énergies vitales.

Enfin, l'état du monde actuel et la bipolarisation en train de s'installer nous obligent à déployer une stra­tégie précise qui empêchera 1) les rescapés du bourgeoisisme libéral d'investir le camp des «identitaires historicisés» et 2) les rescapés de l'égalitarisme caricatural des vieilles gauches, vectrices de ressentiments, d'investir le camp des «identitaires éco-conscients». Cette stratégie peut paraître présomptueuse: com­ment, concrètement, réaliser un double travail de ce type et, surtout, comment affermir une stratégie en apparence aussi détachée des combats quotidiens, aussi régalienne parce que non partisane et non mani­chéenne, aussi réconciliatrice de contraires apparemment irréconciliables? Les traditions gramsciennes et la métapolitique nous ont enseigné une chose: ne pas craindre les théories (surtout celles qui visent la coin­cidentia oppositorum), être attentif aux mouvements d'idées, même les plus anodins, être patient et garder à l'esprit qu'une idée nouvelle peut mettre dix, vingt, trente ans ou plus pour trouver une traduction dans la vie quotidienne. Organiser une phalange inflexible d'individus hyper-conscients, c'est la seule recette pour pouvoir offrir à son peuple, pour le long terme, un corpus cohérent qui servira de base à un droit nouveau et une constitution nouvelle, débarrassée des scories d'un passé récent (250 ans), où se sont mul­tipliés fantasmes et anomalies.

 

Une société de pensée a pour mission d'explorer minutieusement bibliothèques et corpus doctrinaux, œuvres des philosophes et des sociologues, enquêtes des historiens, pour forger, en bout de course, une idéologie cohérente, souple, prête à être comprise par de larges strates de la population et à s'inscrire dans la pratique politique quotidienne. Les idéologies qui nous ont dominés et nous dominent encore dérivent toutes d'une matrice idéologique mécaniciste, idéaliste, moralisante. Le libéralisme dérive des philoso­phies mécanicistes du XVIIIième siècle et de l'idéalisme moralisant et hédoniste des utilitaristes anglais. Ce bricolage idéologique libéral ne laissait aucune place à l'exploration féconde du passé: dans sa métho­dologie, aucune place n'était laissée au comparatisme historicisant, soit à la volonté de se référer à la geste passée de son peuple pour apprendre à faire face aux défis du présent, à la mémoire en tant que ciment des communautés (où, dans une synergie holiste, éléments économiques, psychologiques et historiques s'imbriquent étroitement), si bien qu'un Jacques Bude (3) a pu démontrer que le libéralisme était un obscu­rantisme, hostile à toute investigation sociologique, à toute investigation des agrégats sociaux (considérés comme des préjugés sans valeur).

 

Par ailleurs, la philosophie linéaire de l'histoire que s'est annexée le libéralisme dans sa volonté de parfaire infiniment l'homme et la société, a conduit à une exploitation illimitée et irréfléchie des ressources de la planète. Pratique qui nous a conduit au seuil des catastrophes que l'on énumerera facilement: pollution de la Sibérie et de la Mer du Nord, désertification croissante des régions méditerranéennes, ravage de la forêt amazonienne, développement anarchique des grandes villes, non recyclage des déchets industriels, etc.

 

Le marxisme a été un socialisme non enraciné, fondé sur les méthodes de calcul d'une école libérale, l'école anglaise des Malthus et Ricardo. Il n'a pas davantage que le libéralisme exploré les réflexes hérités des peuples ni mis des limites à l'exploitation quantitative des ressources du globe. En bout de course, c'est la faillite des pratiques mécanicistes de gauche et de droite que l'on constate aujourd'hui, avec, pour plus bel exemple, les catastrophes écologiques des pays naguère soumis à la rude férule du «socialisme réel». A ce mécanicisme global, qui n'est plus philosophiquement défendable depuis près d'un siècle, se substituera progressivement un organicisme global. Les pratiques politico-juridiques, l'idéologie domi­nante des établissements, notamment en France et en Belgique, sont demeurées ancrées solidement dans le terreau mécaniciste. L'alternative suggérée par le mouvement flamand, appuyée par les sociologues de la Politieke Akademie créée par Victor Leemans à Louvain dans les années 30 (4), a été soit éradiquée par l'épuration de 1944-51 soit récupérée et anémiée par la démocratie-chrétienne soit refoulée par une in­quisition têtue qui ne désarme toujours pas. Or cette alternative, et toute autre alternative viable, doit se déployer au départ d'une conscience solidissime de ses assises. Ces assises, quelles sont-elles? Question qu'il est légitime de poser si l'on veut prendre conscience de la généalogie de nos positions actuelles, tout comme les néo-libéraux avaient exhumé Adam Smith, Mandeville, Condorcet, Paine, Constant, etc. (5), au moment où ils se plaçaient sous les feux de la rampe, avec la complaisance béotienne de la médiacratie de droite. L'archéologie de notre pensée, qui conjugue conscience historique et conscience écologique, a ses propres chantiers:

1) Les textes de la fin du XVIIIième siècle, où on lit pour la première fois des réticences à l'endroit de la mécanicisation/détemporalisation du monde, portée par des Etats absolutistes/modernistes, conçus comme des machines entretenues par des horlogers (6). L'idéologie révolutionnaire reprendra à son compte le mé­canicisme philosophico-politique des absolutismes. L'hystérie des massacres révolutionnaires, perçue comme résultat négatif du mécanicisme idéologique, induit les philosophes à re-temporaliser et re-vitaliser leur vision du politique et de l'Etat. Dans sa Critique de la faculté de juger (1790), Kant, auparavant expo­sant des Lumières, opère une volte-face radicale: les communautés politiques ne sont pas des systèmes d'engrenages plus ou moins complexes, mais des Naturprodukte (des produits de nature) animés et mus par une force intérieure, difficilement cernable par la raison. Le poète Schiller prendra le relais du Philosophe de Königsberg, popularisant cette nouvelle attention pour les faits de monde organiques. Dans ce Kant tardif, l'organicisme que nous défendons prend son envol. Intellectuellement, certains libéraux, cosmopolites et universalistes qui battent l'estrade du petit monde parisien depuis quelques années, se re­vendiquent d'un Kant d'avant 1790; le philosophe de Königsberg s'était pourtant bien rendu compte de l'impasse du mécanicisme désincarné... Remarquons, par ailleurs, qu'un Konrad Lorenz a puisé énormé­ment de ses intuitions dans l'œuvre de Kant; or, ne l'oublions pas, il pourfend simultanément deux maux de notre temps, a) l'égalitarisme, stérilisateur des virtualités innombrables et «différenciantes» des hommes, et b) le quantitativisme, destructeur de l'écosystème. Notre axe philosophique part de la volte-face de Kant pour aboutir aux critiques organicistes très actuelles et pionnières de Konrad Lorenz et, de­puis son décès, de l'épistémologie biologique de ses successeurs (Rupert Riedl, Franz Wuketits). De cette façon, nous formulons une double réponse aux défis de notre fin de siècle: 1) la nécessité de replonger dans l'histoire concrète et charnelle de nos peuples, pour ré-orienter les masses distraites par l'hédonisme et le narcissisme de la société de consommation, et 2) la nécessité de prendre les mesures qui s'imposent pour sauvegarder l'environnement, soit la Terre, la Matrice tellurique des romantiques et des écolos...

 

2) La révolution épistémologique du romantisme constitue, pour nous, la carrière immense et féconde, où nous puisons les innombrables facettes de nos démarches, tant dans la perspective identitaire/nationale que dans la perspective éco-consciente. C'est un ancien professeur à la faculté des Lettres de Strasbourg, Georges Gusdorf (7), qui, dans son œuvre colossale, a dévoilé au public francophone les virtualités mul­tiples du romantisme scientifique. Pour lui, le romantisme, dans sa version allemande, est mobilisateur des énergies populaires, tandis que le romantisme français est démobilisateur, individuo-subjectif et nar­cissique, comme l'avaient remarqué Maurras, Lasserre et Carl Schmitt. En Allemagne, le romantisme dé­gage une vision de l'homme, où celui-ci est nécessairement incarné dans un peuple et dans une terre, vi­sion qu'il baptise, à la suite de Carus (8), anthropocosmomorphisme. Gusdorf souligne l'importance capi­tale du Totalorganizismus de Steffens, Carus, Ritter et Oken. L'homme y est imbriqué dans le cosmos et il s'agit de restaurer sa sensibilité cosmique, oblitérée par l'intellectualisme stérile du XVIIIième. Nos corps sont des membres de la Terre. Ils sont indissociables de celle-ci. Or, comme il y a priorité ontolo­gique du tout sur les parties, la Terre, en tant que socle et matrice, doit recevoir notre respect. Philosophie et biosophie (le mot est du philosophe suisse Troxler) se confondent. Le retour de la pensée à cet anthro­pocosmomorphisme, à ce nouveau plongeon dans un essentiel concret et tellurique, doit s'accompagner d'une révolution métapolitique et d'une offensive politique qui épurera le droit et les pratiques juridiques, politiques et administratives de toutes les scories stérilisantes qu'ont laissées derrière elles les idéologies schématiques du mécanicisme du XVIIIième.

 

3) Dans le sillage de la révolution conservatrice, le frère d'Ernst Jünger, Friedrich Georg Jünger (1898-1977), publie Die Perfektion der Technik  (1939-1946), une sévère critique des mécanicismes de la philo­sophie occidentale depuis Descartes. En 1970, il fonde avec Max Himmelheber la revue Scheidewege qui paraîtra jusqu'en 1982. Cette œuvre constitue, elle aussi, un arsenal considérable pour critiquer le fan­tasme occidental du progrès infini et linéaire et dénoncer ses retombées concrètes, de plus en plus percep­tibles en cette fin de siècle.

 

4) Enfin, dans les philosophies post-modernes, critiques à l'égard des «grands récits» de la modernité idéo­logique, le fantasme d'un monde meilleur au bout de l'histoire ou d'une perfectibilité infinie est définiti­vement rayé de l'ordre du jour (9).

 

Dans la sphère métapolitique, qui n'est pas «sur orbite» mais constitue l'anti-chambre de la politique, la tâche qui attend cette phalange inflexible des militants hyper-conscients, dont je viens de parler, est d'explorer systématiquement les quatre corpus énumérés ci-dessus, afin de glâner des arguments contre toutes les positions passéistes qui risqueraient de s'infiltrer dans les deux nouveaux camps politiques en formation. Traquer les reliquats de libéralisme et les schématisations d'un intégrisme religieux stupide­ment agressif  —qui relève davantage de la psychiatrie que de la politique—  traquer les idéologèmes dé­sincarnants qui affaiblissent en ultime instance le mouvement écologique, traquer l'infiltration des réflexes dérivés de la vulgate jusqu'ici dominante: voilà les tâches à parfaire, voilà des tâches qui exigent une atten­tion et une mobilisation constantes. Mais elles ne pourront être parfaites, que si l'on a réellement intério­risé une autre vision du monde, si l'on est intellectuellement armé pour être les premiers de demain.

 

Robert Steuckers,

Bruxelles, 15 août 1990.  

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samedi, 30 janvier 2010

Manu as a weapon against egalitarianism: Nietzsche and Hindu political philosophy

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Manu as a weapon against egalitarianism:

Nietzsche and Hindu political philosophy

 

Dr. Koenraad Elst

 

 

Introduction

 

Friedrich Nietzsche greatly preferred the ‘healthier, higher, wider world’ of the Hindu social code Mânava-Dharma-Shâstra (‘Code of Human Ethics’), also known as Manu-Smrti (‘Manu’s Classic’), to ‘the Christian sick-house and dungeon atmosphere’ (TI Improvers 3). We want to raise two questions about his eager use of this ancient text:

 

Firstly, a question of historical fact, viz. how correct was Nietzsche’s understanding of the text and the society it tried to regulate?  The translation used by him suffers from some significant philological flaws as well as from interpretative bias, to which he added an agenda-driven reading of his own.

 

Secondly, to what extent did Nietzsche’s understanding of Hindu society play a role in his socio-political views? At first sight, its importance is quite limited, viz. as just an extra illustration of pre-Christian civilization favoured by him, as principally represented by Greece. Crucial pieces of Manu’s worldview, such as the centrality of a priestly Brahmin class and the notion of ritual purity, seem irrelevant to or in contradiction with Nietzsche’s essentially modern philosophical anthropology. To others he didn’t pay due attention, e.g. Manu’s respect for asceticism as a positive force in society, seemingly so in conflict with the Nietzschean contempt for ‘otherworldiness’, resonates with subtler pro-ascetic elements in Nietzsche’s conception of the Übermensch. Yet, a few specifically Indian elements did have a wider impact on his worldview, especially the notion of Chandâla (untouchable), to which however he gave an erroneous expansion unrelated to Manu.

 

 

1. What is the Manu-Smrti?

 

Friedrich Nietzsche greatly preferred the ‘healthier, higher, wider world’ of the Hindu social code Mânava-Dharma-Shâstra, the ‘Textbook of Human Ethics’, also known as Manu-Smrti, ‘Manu’s Classic’, to what he called ‘the Christian sick-house and dungeon atmosphere’ (TI Improvers 3). In a letter to his friend Peter Gast, he wrote:

 

This absolutely Aryan testimony, a priestly codex of morality based on the Vedas, of a presentation of caste and of ancient provenance – not pessimistic eventhough priestly – completes my conceptions of religion in the most remarkable manner. (KSA 14.420)

 

To his mind, the contrast between Manu’s classic and the Bible was so diametrical that ‘mentioning it in one breath with the Bible would be a sin against the spirit’ (AC 56). So, at first sight, he was very enthusiastic about this founding text of caste doctrine, though we shall have to qualify that impression. We want to raise two questions about his use of this ancient text, one of historical accuracy and one of the meaning Nietzsche accorded to this acknowledged source of inspiration in his view of society. But first of all, a few data about the Manu-Smrti must necessarily be stated before we can understand what role it could play in Friedrich Nietzsche’s thinking.

 

 

1.1. Manu, the patriarch

 

There is no indication that Nietzsche had much of an idea about who this Manu was after whom India’s ancient ethical code had been named. In Hindu tradition as related in the Veda and in the Itihâsa-Purâna literature (‘history’, comparable to Homer or to the Sagas, and ‘antiquities’, i.e. mythohistory comparable to Hesiod or the Edda), Manu was, through his numerous sons, the ancestor of all the known pre-Buddhist Indian dynasties. He himself is often described as a ‘son of Brahma’, though his full name, Manu Vaivasvata, implies that he was one of the ten surviving sons of Vivasvat, himself a son of Sûrya, the sun.

 

During the Flood, Manu had led a party of survivors by boat up the Gangâ to the foothills of the Himâlaya, then founded his capital in Ayodhyâ. His son Ikshvâku founded the ‘solar dynasty’ which retained the city of Ayodhyâ. Ikshvâku’s descendent Râma, hero of the Râmâyana epic, ruled there. The Buddha belonged to a minor branch of the same lineage, the Shakya clan which was so jealous of its noble ancestry that it practised the strictest endogamy. The later Gupta dynasty, presiding over India’s ‘golden age’, likewise claimed to be a branch of the solar dynasty. Another of Manu’s sons, Sudyumna, or alternatively his daughter Ilâ, founded the ‘lunar dynasty’ with capital at the Gangâ-Yamunâ confluence in Prayâga. His descendent Yayâti established himself to the west in the Saraswatî basin, present-day Haryânâ, where his five sons founded the ‘five nations’, the ethnic horizon of the Vedas.

 

Yayâti’s anointed heir was Puru, whose Paurava nation was to compose the Rg-Veda, the foundational collection of hymns to the gods. The Vedic age started with the Paurava king Bharata, after whom India has been named Bhâratavarsha or just Bhârat (as on India’s post stamps). In his clan, dozens of generations later, an internal quarrel developed into a full-scale war, the subject-matter of the Mahâbhârata, the ‘great (epic) of the Bhârata-s’. A key role in this war, which marked the end of the Vedic age, was played by the fighting brothers’ distant cousin Krishna, a descendent of Yayâti’s son Yadu. Yet another son of Yayâti’s, Anu, is said to be the ancestor of the Asura-worshippers, i.e. the Iranians, who were at times the enemies of the Deva-worshipping Vedic people..

 

So, Manu is known as the ancestor of all the Ârya people (vide §1.2), preceding all the quasi-historical events reported in Sanskrit literature. The account by Seleucid Greek ambassador Megasthenes of Hindu royal genealogy, where Manu is identified with Dionysos, times his enthronement at 6776 BC (Arrian: Indica 9.9, Pliny: Naturalis Historia 6.59, in Majumdar 1960 223 and 340), an intractable point of chronology that we must leave undecided for now.

 

The Vedic seers repeatedly call Manu ‘father’ (1.80.16, 1.114.2, 8.63.1) and ‘our father’ (2.33.13), and otherwise mention him over a hundred times. They pray to the gods: ‘May you not lead us far from the ancestral path of Manu’ (8.30.3).  They address the fire-god Agni thus: ‘Manu established you as a light for the people’ (1.36.19).  The Vedic worship of ‘33 great gods’ (often mistranslated as ‘330,000,000 gods’, koti meaning ‘great’ but later acquiring the mathematical sense of ‘ten million’), mostly enumerated as earth, heaven, eight earthly, eleven atmospheric and twelve heavenly gods, is said to have been instituted by Manu (8.30.2). Moreover, one common term for ‘human being’ is manushya, ‘progeny of Manu’.

 

Because of his name’s prestige, the ancient patriarch is also anachronistically credited with the authorship of the Manu-Smrti (‘Manu’s Recollection-Classic’) or Mânava-Dharma-Shâstra (translatable as both ‘Manu’s Ethical Code’ and ‘Human Ethical Code’), a text edited from slightly older versions in probably the 1st century CE. Friedrich Nietzsche exclusively refers to Manu as the author of the Mânava-Dharma-Shâstra, seemingly unaware of his legendary status as the progenitor of the Ârya-s.

 

 

1.2. The Code of the Ârya-s

 

For at least two thousand years, the word Ârya has meant: ‘noble’, ‘gentleman’, ‘civilized’, and in particular ‘member of the Vedic civilization’. The Manu Smrti uses it in this sense and emphatically not in either of the two meanings which ‘Aryan’ received in 19th century Europe, viz. the linguistic sense of ‘Indo-European’ and the racial sense of ‘white’ or ‘Nordic’. Thus, MS 10.45 says that those outside the caste system, ‘whether they speak barbarian languages or Ârya languages, are regarded as aliens’, indicating that some people spoke the same language as the Ârya-s but didn’t have their status of Ârya. As for race, the Manu Smrti (10.43f.) claims that the Greeks and the Chinese had originally been Ârya-s too but that they had lapsed from Ârya standards and therefore lost the status of Ârya. So, non-Indians and non-whites could be Ârya, on condition of observing certain cultural standards, viz. those laid down in the MS itself. The term Ârya was culturally defined: conforming to Vedic tradition.

 

But at least in the two millennia since the Manu Smrti, the only ones fulfilling this requirement of living by Vedic norms were Indians. When, during India’s freedom struggle, philosopher and freedom fighter Sri Aurobindo Ghose (1872-1950) wrote in English about ‘the Aryan race’, he meant very precisely ‘the Hindu nation’, nothing else. In 1914-21, together with a French-Jewish admirer, Mirra Richard-Alfassa, he also published a monthly devoted to the cause of India’s self-rediscovery and emancipation, the Ârya. In 1875, a socially progressive but religiously fundamentalist movement (‘back to the Vedas’, i.e. before the ‘degeneracy’ of the ‘casteist’ Shâstra-s and the ‘superstitious’ mythopoetic Purâna-s) had been founded under the name Ârya Samâj, in effect the ‘Vedicist society’. If the word Ârya had not become tainted by the colonial and racist use of its Europeanized form Aryan/Arier, chances are that by now it would have replaced the word Hindu (which many Hindus resent as a Persian exonym unknown to Hindu scripture) as the standard term of Hindu self-reference.

 

Against the association of the anglicised form ‘Aryan’ with colonial and Nazi racism, modern Hindus always insist that the term only means ‘Vedic’ or ‘noble’ and has no racial or ethnic connotation. This purely moral, non-ethnic meaning is in evidence in the Buddhist notions of the ‘four noble truths’ (chatvâri-ârya-satyâni) and the ‘noble eightfold path’ (ârya-ashtângika-mârga). So, the meaning ‘noble’ applies for recent centuries and as far back as the Buddha’s age (ca.500 BC), but not for the Vedic age (beyond 1000 BC), especially its earliest phase. Back then, against a background of struggle between the Vedic Indians and the proto-Iranian tribes, the Dâsa-s and Dasyu-s, we see the Indians referring to themselves, but not to the Iranians, as Ârya; and conversely, the Iranians referring to themselves, but not to the Indians, as Airya (whence Airyânâm Xshathra, ‘empire of the Aryans’, i.e. Iran). And if we look more closely, we see the Vedic Indians, i.e. the Paurava nation, refer to themselves but not to other Indians as Ârya. So at that point it did have a self-referential ethnic meaning (Talageri 2000 154 ff.).

 

Possibly this can be explained with the etymology of the word, but this is still heavily under dispute. Köbler (2000 48 ff.) gives a range of possibilities. It has been analysed as stemming from the root *ar-, ‘plough, cultivate’ (cfr. Latin arare, aratrum), which would make them the sedentary people as opposed to the nomads and hunter-gatherers; and lends itself to a figurative meaning of ‘cultivated, civilized’. Or from a root *ar-, ‘to fit; orderly, correct’ (cfr. Greek artios, ‘fitting, perfect’) and hence ‘skilled, able’ (cfr. Latin ars, ‘art, dexterity’; Greek arête, ‘virtue’, aristos, ‘best’), which may in turn be the same root as in the central Vedic concept rta, ‘order, regularity’, whence rtu, ‘season’ (cfr. Greek ham-artè, ‘at the same time’). Or from a root *ar, ‘possess, acquire, share’ (cfr. Greek aresthai, ‘acquire’), an interpretation beloved of Marxist scholars who interpret the Ârya class as the owner class.  Or, surprisingly, from a root *al-, ‘other’ (cfr. Greek allos and Latin alius, ‘other’), hence ‘inclined towards the other/stranger’, hence ‘hospitable’, like in the name of the god Aryaman, whose attribute is hospitality. It is the latter sense from which the ethnic meaning is tentatively derived: ‘we, the hospitable ones’, ‘we, your hosts’, hence ‘we, the lords of this country’. The linguists are far from reaching a consensus on this, and for now, we must leave it as speculative.

 

At any rate, the form Ârya, though probably indirectly related with words in European languages, exists as such only in the Indo-Iranian branch of the Indo-European language family. The common belief that Eire as ethnonym of the westernmost branch of the Indo-European speech community is equivalent with Ârya, is etymologically incorrect, as is the eager linkage of either with German Ehre, ‘honour’. This is one reason why the use of the English word ‘Aryan’ for the whole Indo-European language family was misconceived and has rightly been abandoned.

 

The main point for now is that the legendary Manu was the patriarch and founder of Vedic or Ârya civilization. His name carried an aura, so the naming of a far more recent book after him was merely a classic attempt to confer more authority on the book. The name of the book’s real author or final editor is unknown, but he must have lived at the very beginning of the Christian age. Older versions of the Dharma-Shâstra-s have been referred to in the literature of the preceding centuries, citing injunctions no longer extant in the classical versions. This confirms to us moderns, though not to the disappearing breed of traditionalist Hindus, that the law codes including Manu’s are products of history, moments in a continuous evolution, rather than an immutable divine law laid down at the time of creation.

 

 

1.3. Is the Manu Smrti a law book?

 

In 1794, Bengal Supreme Court judge Sir William Jones (1746-94), discoverer or at least herald of the kinship of the Indo-European languages in 1786, translated the Manu Smrti in English. Soon the British East India Company made the Manu Smrti the basis of the Code of Hindu Law in its domains, parallel with the Shari’a for Muslim Law. Colonial practice was to avoid trouble with the natives by respecting their customs, so British or British-appointed judges consulted the MS to decide in disputes between Hindus. But this was the first time in history that the book had any force of law.

 

It is an important feature of the Manu Smrti that it explicitly recognizes that laws are changeable. That doesn’t mean that anything goes, for the right to amend the laws is strictly confined to Brahmins well-versed in the existing law codes (12.108), so that they will preserve the spirit of the law even while changing its letter. Nonetheless, this provision for change helps to explain why Hindus have been far more receptive to social reform than their Muslim compatriots, for whom Islamic law is a ‘seamless garment’: pull out one thread and the whole fabric comes apart. On the other hand, this openness to reform never led to serious changes in social practice until the pressure from outside became immense, viz. under British colonial rule with its modernizing impact. But at least the principle that the Manu Smrti was perfectible and changeable was understood from the start and is implied in its classification as a Smrti, a man-made ‘memorized text’ or ‘classic’, or Shâstra, a man-made ‘rule book’, in contrast with the Shruti literature (‘glory’, often mistranslated as ‘heard text’ in the sense of ‘divinely revealed text’, like the Qur’ân), i.e. the Vedas, which had by then been exalted to divine status, and which don’t have the character of rule books but of hymns addressed to the gods.

 

Manu (as we shall call the anonymous author) explicitly acknowledges the validity of customary law: ‘He must consider as law that which the people’s religion sanctions’ (7:203). Much of what he describes was nothing but existing practice. Until the enactment of modern laws by the British and the incipient Indian republic, the final authority for intra-caste disputes was the caste pañchâyat (‘council of five’), for inter-caste disputes the village pañchâyat, in which each local caste was represented and had a veto right. These councils were sovereign and not formally bound by the Manu Smrti or any other Shâstra-s, though these could be cited in the deliberations by way of advice.

 

Apart from Manu’s own Shâstra, there were quite a few rival texts written with the same purpose. In anti-Hindu polemics arguing for the utter inhumanity of the caste system, Manu is often accused of laying down the rule that ‘if an untouchable listens attentively to Veda recitation, molten lead must be poured into his ears’ (because his unclean person would pollute the Vedic vibration, with detrimental consequences for the whole of society…). This rule is nowhere to be found in Manu. Yet it is authentic, but it is from the less prestigious Gautama-Dharma-Sûtra (12.4). The most famous Dharma-Shâstra apart from Manu’s is probably the one credited to Yajñavalkya, the Vedic philosopher who introduced the crucial notion of the Self (âtman) in the Brhadâranyakopanishad. But here again, the extant text, more streamlined and contradiction-free than Manu’s, is a number of centuries younger than its purported author.

 

Though not law books stricto sensu, these Shâstra-s (presented exhaustively in Kane 1930 ff.) do communicate a legal philosophy and directive principles for how people should conduct themselves in society and how rulers should organize it. Their most striking feature when compared with modern law, though not dissimilar to most pre-modern law systems even in West Asia and Europe, is that they allot different rights, prohibitions and punishments to different classes of people. In particular, and to Nietzsche’s great enthusiasm, it thinks of the social order in terms of the varna-vyavasthâ, approximatively translated as the ‘caste system’.

 

Thus, the murder of a Brahmin is punished more heavily than the murder of a low-caste person. For theft, a high-caste person received a heavier punishment than a low-caste person (Gopal 1959 190). And in a rule to which Friedrich Nietzsche alludes (14[176] 13.362), a labourer is not punished for drunkenness, but a Brahmin is, because according to Nietzsche, ‘drunkenness makes him sink to the level of the Shudra’. From the Hindu viewpoint, the rationale for the latter rule was more probably that a drunken Brahmin might desecrate the Vedas by reciting them in a jocular or mocking manner, which would be highly inauspicious, whereas a labourer’s loss of self-control is less consequential. So, while Manu is unabashedly non-egalitarian, Nietzsche overdoes this focus on inequality because he doesn’t empathize with other, religious considerations that were crucial to Manu.

 

In Manu’s view, everyone has to do his swadharma, ‘own duty’, which implies distinctive rules as well as privileges. This is not conceived in an individualistic sense (as in Nietzsche’s Zarathustra calling to ‘walk the one road no one can walk but you’) but as one’s caste duty. It is mostly because of its casteism that the Manu-Smrti is abhorred by Indian and Western egalitarians, and that it was admired by pro-aristocratic thinkers such as Nietzsche.

 

 

1.4. Reconciling Vedic theory with Hindu practice

 

In his letter to Peter Gast of 31 May 1888, Nietzsche called the Manu-Smrti ‘a priestly codex of morality based on the Vedas’ (KSA 14.420).  Manu’s understanding of ‘Vedic’, like that of modern Hindus, and like Nietzsche’s borrowed idea, is not certified by scholars as historically Vedic. More than a thousand years had elapsed between the final edition of the Vedas and the composition of the Manu-Smrti, and society had evolved considerably. One of Manu’s self-imposed tasks was to offer justification from the Veda-s, then already an old and little-understood corpus, for the mores and social ideals of his own day.

 

Nietzsche thought these ancient laws, Manu’s as much as Moses’, were endowed with authority through the pious lie of divine sanction. In fact, Manu does not claim a divine origin for his code the way Moses did, but the distinction is only technical; the attribution of the MS to the ancient patriarch and the mere fact of its use of the sacred Sanskrit language gave it a religious aura. Manu was a great trend-setter for the later and current Hindu tendency to back-project all later Hindu practices (e.g. idol-worship, astrology) and beliefs (e.g. in reincarnation, inviolability of the cow) unhistorically onto the Vedas. In particular, Manu’s account of caste relations has no precedent in the Vedic corpus, which apparently reflects the simpler social structure of a simpler age.

 

The Rg-Veda, and then only its youngest book, mentions the four varna-s (castes) as springing from the different body-parts of the Cosmic Man: the Brâhmana from his face, the Kshatriya from his upper body, the Vaishya from his lower body, the Shûdra from his feet (RV 10.90.12).  It is thus literally a corporatist explanation of society, with the social classes united in purpose as the limbs of a single body, similar to the corporatism found in Titus Livius’ account of Menenius Agrippa’s speech against class struggle, and in Saint Paul (1 Corinthians 12). This founding text is of course quoted approvingly by Manu (1:93).

 

However, the Rg-Veda doesn’t yet mention the really operative units of Hindu society, the thousands of jâti-s, or endogamous groups. Nor does it link the varna-s to hereditary profession, another important feature of caste. It is merely stated that these four functions exist in late-Vedic society, as they do in most developed societies. Presumably, just as the relation between the sexes was demonstrably more flexible in the Vedic as compared with the classical Hindu period (Altekar 1959), the relations between the social strata was likewise not as rigid yet. The Manu Smrti marks the phase of crystallization of the system of caste segregation.

 

The notion of inborn ritual uncleanness or untouchability (asprshyatâ) doesn’t figure in the Rg-Veda either. That is why modern Hindu social reformers could appeal to the Rg-Veda as scriptural justification for abolishing untouchability. The first apparent mention of untouchables is probably in the Chândogya Upanishad (5.3-10), where the Brahmins Uddâlaka Gautama Aruni and his son Shvetaketu find that they don’t know the answer to questions about life after death on which a prince has quizzed them. They go to the king who tells them that his own Kshatriya caste wields power thanks to the secret knowledge which until then they never shared with the Brahmins, viz. that man reincarnates. At once he adds the retributive understanding of reincarnation: ‘Those who are of pleasant conduct here, the prospect is, indeed, that they will enter a pleasant womb, either the womb of a Brahmin, the womb of a Kshatriya, or the womb of a Vaishya. But those who are of stinking conduct here, the prospect is, indeed, that they will enter a stinking womb, either the womb of a dog, or the womb of a swine, or the womb of a Chandâla’ (5.10.7).  

 

In theory, the meaning of Chandâla in this early context is open, it could be an ethnonym for some feared or despised foreign tribe (arguably the Kandaloi mentioned in Ptolemy’s Treatise on Geography 7.1.66) which got incorporated only later as a lowly caste. However, the term’s appearance in contrast with the explicitly named upper castes indicates that it already refers to an unclean or untouchable caste. By Manu’s time, the Chandâla’s or ‘fierce’ untouchables (possibly a folk etymology for what was originally a non-Sanskritic ethnonym) were an established feature of Hindu society. They were also called avarna, ‘colourless’, ‘without caste pride’. But it would be wrong to translate this as ‘casteless’, for they too live in endogamous jâti communities.

 

Nowadays, jâti is often infelicitously translated as ‘subcaste’, but ‘caste’ would be more accurate, i.e. endogamous group. The British colonizers initially translated this term as ‘tribe’ (as in ‘the Brahmin tribe’), which inadvertently held the key to the jâti-s’ historical origin. As a general rule, jâti-s originated as independent tribes that got integrated into the expanding Vedic society, whose heartland was limited to the region around present-day Delhi. It was part of the Brahminical genius to let them keep or even strengthen their separate identities, founded in their endogamy, all while ‘sanskritizing’ them, i.e. bringing them into the Vedic ritual order (somewhat like the Catholic Church facilitated the christianization of the Pagans in the Roman Empire by integrating some of their customs and institutions). Secondarily, some specific jâti-s originated by division (or, in the modern age, fusion through intermarriage) of pre-existing jâti-s.

 

The four varna’s were originally not endogamous by definition. They were hereditary, but only through the paternal line, as we see in a number of inter-varna couples in the Vedic literature and the epics. A man could marry a woman from any caste (though preferably not from a higher caste), she would move into his house and his varna community, and their children would naturally become part of their father’s varna. However, intermarriage between varna-s also went out of use, and Manu reports the practice but expresses his disapproval. The effective unit of endogamy was the jâti, not the varna, but since most jâti-s were classified under one of the varna-s, any inter-varna marriage would be an inter-jâti marriage and hence forbidden. While a hypergamous marriage between a higher-born man and a lower-born woman would be frowned upon but often tolerated (though least so in the Brahmin caste), a hypogamous union was strictly out of bounds: ‘If a young girl likes a man of a class higher than her own, the king should not make her pay the slightest fine; but if she unites herself with a man of inferior birth, she should be imprisoned in her house and placed under guard. A man of low origin who makes love to a maiden of high birth deserves a corporal or capital punishment’ (MS 8.365f.).

 

Hindu reformists often claim that caste was never hereditary, and that the Bhagavad-Gîtâ, the most authoritative source in everyday Hinduism, edited in about the same era as the MS, defines a person’s varna by his guna, ‘quality, aptitude’ and karma, ‘work’ (4.13). But those criteria are not given in opposition to heredity, on the contrary: in terms of work and aptitude, people in pre-modern societies tended to follow in their parents’ footsteps, statistically speaking. Moreover, the Gîtâ itself is explicit enough about the understanding of caste identity as hereditary and implying endogamy. When its hero Arjuna shies away from battle and displays a failing in the martial quality (guna) befitting a warrior, his adviser Krshna does not tell him that by guna he clearly isn’t a Kshatriya and hence free from military duty, but instead tells him to overcome his doubts and do his Kshatriya duty, for regardless of his personal traits he just happens (viz. by birth) to be a member of the Kshatriya caste.

 

When the two argue opposing positions regarding the justice of waging the fraternal war, they do so with reference to the same concern, viz. the need to avoid varna-sankara, roughly ‘mixing of castes’. Both say that the other’s proposed line of action, viz. fighting c.q. avoiding the war, would lead to the ‘immorality of women’ and thence to breaches of caste endogamy. (BG 1.41-43, 3.24).  When in a society two opposing arguments are based on the same value, you know that that value is deeply entrenched in that society,-- i.c. caste as an hereditary communal identity guarded by endogamy.

 

 

2. Nietzsche’s understanding of the text

 

Friedrich Nietzsche didn’t share the enthusiasm for all things Indian evinced by many of his contemporaries. Thinkers critical of Christianity from Voltaire to Arthur Schopenhauer and Ernest Renan had been using the glory of Indian civilization as a counterweight against the ideological influence which Christianity still wielded even among nominal unbelievers. Indology had been arousing a lot of interest in its own right, but was also instrumentalized in Europe’s self-discovery and self-glorification through the study of the Indo-European language family and the presumed civilization underlying its original expansion. Moreover, there was always the titillating element in India’s exotic features, charming or horrifying, such as the much-discussed custom of widows’ self-immolation (satî). All this seems to have left Nietzsche cold. At any rate none of it figures in his published works, except for his references to Manu’s thinking on caste.

 

The extant literature on the understanding of Manu in Nietzsche’s work is limited in quantity. This is logical, given that Nietzsche’s own discussion of Manu amounts to only a few pages in total. In a short but important paper, Annemarie Etter (1987, further built upon by Berkovitz 2003 and 2006, Smith 2006, Bonfiglio 2006; while Lincoln 1999 101-120 seems to have worked independently on the same theme) draws attention to the poor quality of the Manu Smrti translation which Nietzsche used, viz. the one included in Louis Jacolliot’s  book Les Législateurs Religieux: Manou, Moïse, Mahomet (1876), to be discussed here in §2.4. But apart from flaws in the text version used by Nietzsche, there are three more sources of distortion in his understanding of caste society, viz. Manu himself, Jacolliot’s personal additions to his translation of the received text, and Nietzsche himself.

 

 

2.1. Errors in Manu

 

The Manu Smrti is usually referred to, especially by its modern leftist critics in India, as the casteist manifesto pure and simple. This is fair enough in the sense that there is no unjustly disregarded anti-caste element tucked away somewhere in Manu’s vision of society; the text is indeed casteist through and through. However, the scope of the Manu Smrti is broader, dealing with intra-family matters, the punishment of crime, the king’s (in the sense of: the state’s) duties, money-lending and usury, et al. Matters are further complicated by the fact that the text itself contains contradictions, e.g. allowing niyoga or levirate marriage (9.59-63) only to disallow it in the next paragraph (9.64-69, as pointed out by Kane 1930.I.331); recommending meat-eating on certain ceremonial occasions (5.31-41) yet imposing strict vegetarianism elsewhere (5.48-50); describing the father as equal to a hundred Vedic teachers, then reversing this by calling the teacher superior to the father (2.145f.).

 

Part of the treatise’s self-imposed mission was to reconcile ancient Vedic injunctions, then already obsolete, with social mores actually existing in India around the turn of the Christian era. This seriously muddles Manu’s account of caste, e.g. first allowing a Brahmin man to marry a Shûdra woman (2.16, 3.12f.), as was clearly the case in the Vedic age, then prohibiting the same (3.14-19).

 

In order to fit the observed reality of numerous jâti-s into the simple Vedic scheme of four varna-s, Manu develops a completely far-fetched theory that each jâti originated from a particular combination of varna-s through inter-varna marriage. This makes no historical or logical sense. In fact, many jâti-s were tribes whose existence as distinct endogamous groups predated the Vedic age, let alone the MS’s age, and even the more recently originated jâti-s didn’t come into being the way Manu suggested.

 

Manu despises the lowest jâti-s not on account of race, nor ostensibly because of unclean occupations, but because they were born from sinful unions. Most of all he condemns the marriage uniting people from the varna-s at opposing ends of the varna hierarchy and thus most contrary to the ideal of varna endogamy. Not always consistently, but the general thrust of his teaching on endogamy is clear enough. And as if in punishment for their parents’ sins, the children of inter-caste unions became the people performing the lowliest and most unclean tasks.

 

The Dharma-Shâstra–s give a completely far-fetched theory of the origins of the castes, e.g. the Gautama-Dharma-Shâstra (4.17) relays the view that the union of a Shûdra woman with a Brâhmana, a Kshatriya or a Vaishya man brings forth the Pârashava c.q. the Yavana (‘Ionian’, Greek or West-Asian) and the Karana jâti. Likewise, Manu claims that ‘the Chandâla-s, the worst of men’ are the progeny of a servant father and a priestly mother (10.12).  Clearly, the Chandâla-s were looked down upon already, mainly because of their unclean labour (any work involving decomposing living substances, esp. funeral work, sweeping, garbage-collecting, leather-work), possibly also because of a memory of them as originally being subjugated enemy tribes, decried for having first terrorized the Ârya-s and thus ‘deserving’ their reduction to the lowliest occupations. Manu then used this existing contempt in his plea against caste-mixing, by depicting the latter as the cause of the well-known degraded state of the Chandâla-s.

 

Here, Manu gives in to a typically Brahminical (or intellectuals’) tendency of subjugating reality to neat little models, in this case also with a moralistic dimension. Practice of course is both simpler and more complicated than Manu’s model of caste relations. Low-castes are typically the children of low-castes, not of mixed unions between people of different higher castes. And children of mixed unions do not form new castes, they are accepted into one (usually the lower) of the two parental castes. But Nietzsche is not known to have taken an interest in such historical and sociological detail, neither for its own sake nor for the purpose of giving a verified groundwork to his Manu-based speculations.

 

 

2.2. Manu and race

 

In one respect, Manu’s idea of blaming social disorder on intermarriage seemed attractive to Western readers in the late 19th century, for it agreed with one of the tenets of the flourishing race theories, viz. that race-mixing has a negative effect on the individuals born from such unions. Better a negro than a mulatto, for the latter may have inherited a share of ‘superior’ Caucasian genes, but he will be plagued by an internal conflict between the diverging ‘natures’ of the two parent races. Likewise, the promiscuous servant woman described by Manu may have felt flattered by the interest her Brahmin lover took in her, but for her offspring it would have been better if she had restricted her favours to someone of her own caste. So, a pure low-caste ends up superior to a mixed offspring of high and low castes.  While it remains absurd to posit that sweepers and funeral workers (the lowest castes) came into being as children of unions between priests and maidservants, or between the princess and the miller’s son, Manu’s little idea resonated with a cherished belief of Nietzsche’s contemporaries.

 

In another respect, though, this contrived idea of Manu’s, and Nietzsche’s injudicious acceptance of it, conflicts with 19th -century racial thought. It was then generally believed that the ‘Aryan race’ had invaded India, bringing the Sanskrit language and proto-Vedic religion with them, then subjugated the natives and locked them into the lower rungs of the newly-invented caste system, a kind of apartheid system designed to preserve the Aryan upper castes’ racial purity. (For a critical review of this theory, vide Elst 2007).

 

In that connection, the reading of varna, ‘colour, social class’, as referring to skin colour, was upheld as proof of the racial basis of caste. To put this false trail of 19th -century race theory to rest, let us observe here that neither the Rg-Veda nor the Manu Smrti connects varna to skin colour. The term varna, ‘colour’, is used here in the sense of ‘one in a spectrum’, just as the alphabet is called varna-mâla, ‘rosary of colours’, metaphor for ‘spectrum (of sounds)’. So, the varna-vyavasthâ is the ‘colour system’, i.e. the ‘spectrum’ of social functions, the role division in society. Just as the existence of social classes in our society doesn’t imply their endogamous separateness, the Vedic varna-s were not defined as endogamous castes.

 

Physical anthropology has refuted the thesis of caste as racial apartheid long ago (Ghurye 1932), refuted at least according to the scientific standards of the day. Today the science of genetics is fast deepening our knowledge of the biological basis of caste, including the migration history involved in it. As the jury is still out on the genetic verdict, we cannot use that fledgling body of evidence as an argument in either sense here. But the use of colours as a purely symbolical, non-racial marker of social class is attested in several other Indo-European-speaking societies, the closely related Iranian society but also the distant and all-white Nordic class society of jarl (nobleman) with colour white, karl (freeman) red, and thraell (serf) black, as described in the Edda chapter Rigsthula.

 

In the predominant racialist view of the 19th century, the lowest castes were the pure natives, the highest the pure Aryan invaders, and the intermediate castes the mixed offspring of both. But Manu’s view, though often decried as ‘racist’ in pamphlets, is irreconcilable with this, for it classifies the lowest castes as partially the offspring, even if the sinful offspring, of the highest castes. The caste hierarchy as conceived by him is not a racial apartheid system. As an aspiring historian of caste society, Manu may have been seriously mistaken; but if read properly and not judged from simplifying hearsay, he was not an ideologue of racial hierarchy.

 

However, though the castes may not have originated as genetically distinct groups, their biological and social separation by endogamy over a number of generations was bound to promote distinctive traits in each. Nietzsche sees Manu’s proposed task as one of ‘breeding no fewer than four races at once’ (TI Improvers 3), each with distinct qualities. As a classicist, Nietzsche was certainly aware of the eugenicist element in Plato’s vision of society and he hints at the similarity with Manu: ‘[…] but even Plato seems to me to be in all main points only a Brahmin’s good pupil’ (letter to Peter Gast, KSA 14.420).  As for the medieval European society with its division in endogamous nobility and commoners: ‘The Germanic Middle Ages was geared towards the restoration of the Aryan caste order’ (14[204] 13.386).  Indeed:

 

Medieval organisation looks like a strange groping for winning back those conceptions on which the ancient Indian-Aryan society rested,- but with pessimistic values stemming from racial decadence. (letter to Peter Gast, KSA 14.420)

 

It was mainly European nostalgics of the ancien régime who got enamoured of the caste system. Yet, the rising tide of modern racism also managed to incorporate its own analysis, unsupported by the Hindu sources, of the Hindu caste ‘apartheid’ as a design to preserve the ‘Aryan race’. Nietzsche remained aloof from that line of discourse.

 

 

2.3. Manu, priest-craft and legislation

 

One element in Manu which isn’t easy to fit into Nietzsche’s viewpoint, is his pro-Brahmin bias. On the one hand, Nietzsche couldn’t fail to appreciate the determination of a whole society to set aside resources for a separate caste fully devoted to spiritual and intellectual work. Could a non-caste society have achieved the Brahminical feat of transmitting the Vedas and the ancillary texts and sciences through several thousands of years’ worth of all manner of turmoil?  On the other hand, he couldn’t muster much enthusiasm for a system placing the priestly class on top.

 

Manu is candid and explicit about this: ‘The priest is the lord of the classes because he is pre-eminent, because he is the best by nature, because he maintains the restraints, and because of the pre-eminence of his transformative rituals’ (10.3).  In theory, and because it was Brahmins who did all the writing, the Brahmins were the highest caste, and Nietzsche doesn’t seem to question this. But the tangible power in Hindu society lay with the Kshatriya-s, the counterpart of the European aristocracy, which enjoyed Nietzsche’s sympathy far more than any priestly group. For all his sympathy with Manu’s vision, Nietzsche had to criticize Manu’s ‘priest-craft’, debunking it as just a ploy for wresting power:

 

Critique of Manu’s law-book. The whole book rests on a holy lie: […] Bettering man – whence is this purpose inspired?  Whence the concept of the better?  We find this type of man, the priestly type that feels itself to be the norm, the peak, the highest expression of humanity: out of itself it takes the concept of the ‘better’. It believes in its superiority, and wants it in fact: the cause of the holy lie is the will to power. (15[45] 13.439)

 

Nietzsche, however, fails to question Manu’s implicit and explicit claims for Brahminical legislative authority. Through the format of his book, Manu creates an impression (which Nietzsche swallowed whole) that he is laying down a law, but when read more closely, his work proves in fact to be more descriptive than normative, not a law book but rather a treatise on existing social norms and values. ‘Manu prohibits X’ should in most cases be replaced with ‘Manu disapproves of X’ or ‘Manu notes that X is prohibited’. The many contradictions are also quite misplaced in a law book, but perfectly normal in a treatise dealing with the sometimes irregular or conflicting customs in a living society and with ideals versus realities. Moreover, Manu enjoins the ruler to restrain his zeal for law-making and instead respect existing customs in civil society. Manu’s treatise is antirevolutionary, holding off all revolutionary changes whether imposed from above or from below.

 

Therefore, it bears repeating that Manu with his limited ambitions was not a law-giver gate-crashing into society to impose his own designs. Once caste went out of favour, Manu and the Brahmins were often blamed for having created and imposed the caste system. Yet in fact, as B.R. Ambedkar, a born untouchable who became independent India’s first Law Minister, observed, it was quite outside their power to impose it:

 

One thing I want to impress upon you is that Manu did not give the law of caste and that he could not do so. Caste existed long before Manu. He was an upholder of it and therefore philosophized about it, but certainly he did not and could not ordain the present order of Hindu Society […] The spread and growth of the caste system is too gigantic a task to be achieved by the power or cunning of an individual or of a class […] The Brahmins may have been guilty of many things, and I dare say they were, but the imposing of the caste system on the non-Brahmin population was beyond their mettle. (Ambedkar 1916 16) 

 

Ambedkar held that castes had evolved from tribes, self-contained communities that maintained their endogamy and distinctness after integrating into a larger more complex society. This continuity has been confirmed from the angle of anthropological research (Ghurye 1959). Nietzsche speaks of the caste system as a grand project of breeding four different nations, but the system simply didn’t come about as the result of a project. Then again, Manu’s choice to preserve and fortify a system already in existence, was also a ‘project’, the alternative being to allow for negligence in caste mores ending in the mixing of castes, of the kind that in the 19th and 20th century started drowning the distinctive identity of the European nobility through intermarriage with the bourgeoisie.

 

Yet, in other places, Nietzsche drops the idea of a ‘project’ and acknowledges that Manu’s caste scheme is little more than an explicitation and perhaps a radicalization of an entirely natural and spontaneous condition. Like seeks like, people avoid intermarriage with foreigners or with people located much higher or much lower in the social hierarchy, so there is a natural tendency towards endogamy (jâti). Even more natural is the differentiation of social classes (varna) in duties, rights and privileges, i.e social inequality:

 

The order of castes, the highest and dominant law, is only the sanction of a natural order, a law of nature of the first rank, over which no arbitrariness and no ‘modern idea’ has any power. (AC 57).

 

In Nietzsche’s books, this counts as a plus for Manu: the Hindu lawgiver didn’t go against the way of the world, whereas Christianity intrinsically militates against nature.

 

 

2.4. Jacolliot’s errors

 

When Nietzsche quotes Manu in his Antichrist and Twilight of the Idols, and in loose notes from the same period (Spring 1888), it is from the French translation by Louis Jacolliot, included in his book Les législateurs religieux, Manou, Moïse, Mahomet (Paris 1876). He says so himself in his letter to Peter Gast. Colli and Montinari  remark that ‘the book of Jacolliot about the Indian Law of Manu made a big, indeed exaggerated impression on him’ (6.667). 

 

Jacolliot had served as a magistrate in Chandernagor, a small French colony in Bengal (later he also served in Tahiti), and claimed to have travelled ‘all over India’ in the 27 months he spent in the country. In his attempts at scholarship, he was an amateur and inclined to far-fetched speculations, especially tending to derive any and every philosophy and religion in the world from Indian sources. In his own account, he made his translation with the help of South-Indian pandits. The text from which they worked (and which is apparently lost) was fairly deviant, missing more than half of the standard version, and was apparently already a Tamil translation from Sanskrit. Though his travel stories were very popular among the greater reading public, Jacolliot was not taken seriously by the philologists, finding himself openly denounced as a crackpot by such leading lights as Friedrich Max Müller.

 

Some parts of Jacolliot’s rendering, including two passages quoted by Nietzsche, do not appear in the standard version of the text. Moreover, in his list of ‘protective measures of Indian morality’ (in TI Improvers 3), Nietzsche makes the additional mistake of quoting as Manu’s text what is in fact a footnote by Jacolliot. This faulty reading is so significant for Nietzsche’s thought that we will consider it separately in §2.5.

 

Etter notes that until 1987, for a whole century, no Indologist seems to have noticed the textual errors in Nietzsche’s quotations from Manu, though at least Nietzsche’s friend Paul Deussen and later Winternitz (1920) did care to mention Nietzsche’s enthusiasm for Manu. Doniger (1991 xxii), though unaware of Etter’s work, does note a faulty quotation (in Antichrist 56) from Manu 5.130-133, where Nietzsche cites Jacolliot’s non-Manu phrase: ‘Only in the case of a girl is the whole body pure’, as illustration of Manu’s sympathy for women. However, she doesn’t look in a systematic way into the problem of Nietzsche’s source text. This indicates that the eye of the Indologists had not been struck by any serious injustice done to Manu’s message by Nietzsche. Even if the letter of his text was flawed, it did nevertheless carry the gist of Manu’s social vision.

 

So we shouldn’t make too much of his reliance on a distorted text version, at least in so far as he deals with Manu’s ideology of caste. Indeed, as we shall see, Nietzsche’s faulty understanding of a particularly strange claim made by Jacolliot does not pertain to Manu’s own subject-matter, the caste system, but to a subject entirely outside Manu’s horizon, viz. a supposed role of emigrated Chandâla-s in the genesis of West-Asian religions.

 

One reason why, in spite of relying on Jacolliot’s flawed translation for quotation purposes, Nietzsche doesn’t do injustice to Manu’s thought, is that he must have been familiar with Manu’s outlook through indirect sources. Indo-European philology was a hot item in 19th century Germany, partly because it had ideological ramifications deemed useful in the political struggles of the day. Indocentrism was most strongly in evidence in Arthur Schopenhauer, a principal influence on Nietzsche. Johann Wolfgang von Goethe had propagated Kâlidâsa’s play Shakuntalâ in Germany. Even G.W.F. Hegel (1826), by no means an Orient-lover, had written a comment on the Bhagavad-Gîtâ, including reflections on the caste system.

 

So, it is likely that Nietzsche had had a certain exposure to the then-available knowledge of the caste system as outlined by Manu. In particular, he may have already been exposed to Johann Hüttner’s German translation (Die Gesetze des Manu, Weimar 1797, based on William Jones’s English translation, 1796), at least indirectly. If only through his Indologist acquaintances and through general reading, he must have acquired  a broad outline of Manu’s caste philosophy.

 

Nietzsche’s preference for Jacolliot’s over more scholarly Western editions of the MS is a bit of a mystery. He had sufficient training in and practice of philology, as well as philologist acquaintances, to see through Jacolliot’s amateurism. This strange error of judgment remains unexplained, short of the rather sweeping solution of seeing it as a prodrome of his loss of sanity, which befell him only a year later.

 

 

2.5. Jacolliot and the Jews

 

There is one very serious mistake in Jacolliot that seems to have made an important difference to Nietzsche’s thought: his far-fetched speculation that the Chandâla-s left India in 4000 BC (Jacolliot dates the Manu-Smrti itself to 13,300 BC!) and became the Semites. The point here is not the eccentrically early chronology. The exact age of the Vedas was a much-discussed topic, still not entirely resolved, and dating at least the Rg-Veda to beyond 4000 BC, as against Max Müller’s estimate of 1500 to 1200 BC, was not uncommon even among serious scholars like Hermann Jacobi (1894). The point is the alleged Indian and low-caste origin of the ‘Semites’.

 

Nietzsche hesitates whether to believe Jacolliot on this:

 

I cannot oversee whether the Semites have not already in very ancient times been in the terrible service of the Hindus: as Chandalas, so that then already certain properties took root in them that belong to the subdued and despised type (like later in Egypt). Later they ennobled themselves, to the extent that they become warriors […] and conquer their own lands and own gods. The Semitic creation of gods coincides historically with their entry into history. (14[190] 13.377f.)

 

To the ignorant reader, this hypothesis is strengthened considerably by Jacolliot’s additional claim, uncritically quoted in full by Nietzsche (TI Improvers 3, referring to the demeaning features of Chandâla existence enumerated in Manu 10.52), that the Chandâla-s were circumcised. This is based on a mistranslation of daushcharmyam in a verse (MS 11:49) which strictly isn’t about Chandâla-s but about the karmic punishment for the student who has slept with his guru’s wife, either in this or a former lifetime. The mistranslation first appeared in a commentary on Manu by Kullûka from the 13th century, when Northern India had been conquered by Muslims. The word means ‘having a skin defect’ but was reinterpreted as ‘missing skin (on the penis)’, hence ‘circumcised’. The medieval Hindu commentator’s purpose clearly was to classify Muslims as contemptible Chandâla-s. Some Hindu scribes were very conscientious in rendering texts unaltered, others felt it would be helpful for the reader if they updated the old texts a bit, which seems to have happened in this case.

 

An anomaly in Nietzsche’s reference to male circumcision as an alleged link between the Chandâla-s and the Jews is that he extends the alleged Chandâla observance of ‘the law of the knife’ to ‘the removal of the labia in female children’ (TI Improvers 3). Female circumcision, in origin a pre-Islamic African tradition, is a common practice in some Muslim communities. Among South-Asian Muslims, it is rare but not non-existent. However, it is not a Jewish practice, certainly not among the Ashkenazi Jewish communities Nietzsche knew in Germany, and it is not part of the commandments in Moses’ law. So, his own assumption that the Chandâla-s (with whom Kullûka associated the Muslims) practised female circumcision should have put him on guard against the deduction of a connection with the Jews.

 

At one point in his unpublished speculations about Manu’s caste rules, Nietzsche actually uses the term ‘circumcised one’ where the context indicates that he means someone at the bottom end of the caste hierarchy:

 

The killer of a cow should cover himself for three months with the skin of this cow and then spend three months in the service of a cowherd.  After that he should make a gift to the Brahmin of ten cows and a bull, or better even, all he possesses: then his fault will have been evened off.  He who kills a circumcised one, purifies himself with a simple sacrifice (whereas even killing a mere animal demands a penitence of six months in the forest, unshaven). (14[178] 13.363)

 

Through Jacolliot’s clumsy translation, this seems to refer to the authentic passage listing the different punishments for killing people belonging to different social classes, as well as for killing different categories of animals (MS 11.109-146).  There, for instance, the punishment for killing a member of the servant class is candidly evaluated as rather unimportant: it is fixed at one-sixteenth of the punishment for killing a priest (11.127). Nietzsche’s information that a cow-killer should cover himself with the cow’s skin as part of his penance is also correct (MS 11.109). That killers doing penance should live in the forest unkempt and with matted hair is stipulated in MS 11.129. So, in broad outline, Nietzsche is conveying a genuine tradition. However, this passage from Manu doesn’t specify any particular level of punishment for the case of untouchables, the lowliest subset within the ‘servant’ class. Even conceding that Nietzsche correctly renders Manu’s general intention in allotting only a minimal punishment for the killing of people with minimal standing in the caste hierarchy, the fact remains that the authentic passage contains no reference to ‘skin-defective’ people, let alone to Kullûka’s and Jacolliot’s interpretation of that term, viz. ‘circumcised ones’. But Nietzsche had genuinely interiorized the notion that Indian low-castes in the first century CE were circumcised. In calling them ‘circumcised ones’ off-hand, he treats the alleged circumcision of the Chandâla-s as a given.

 

Compounding this important mistake, Nietzsche (TI Improvers 3) further quotes from Jacolliot’s Manu version an insertion by the medieval commentator to the effect that the Chandâla-s used a right-to-left script, allegedly because writing from left to right like in the Sanskritic script, and even the use of the right hand, was forbidden to them. Like circumcision, the leftward script is a feature of Muslim culture. But to confuse matters further for Nietzsche, both features are also in evidence among the Jews, whose alphabet has a common origin with the Arabic one. Joining the dots, Nietzsche concludes that: ‘The Jews appear in this context as a Chandala race’, and explains the Jewish people’s alleged priestly leanings from their supposed origins as a class of underlings of the Hindu priestly caste, ‘which learns from its masters the principles by which a priesthood becomes master and organizes society’ (letter to Peter Gast, KSA 14.420).

 

As an exercise in genealogy, this hypothesis of Nietzsche’s is highly unconvincing. If something is to be explained about the Jews by their purported provenance from specific Indian low-castes, wouldn’t it be more logical, and certainly simpler, to let them continue the cultural features of low-caste life, as is effectively the case with the Gypsies?  Conversely, if the Jews had to be of Indian origin and if they were suspected of ‘priest-craft’, shouldn’t they rather be descendents of the Brahmin caste? 

 

The question is all the more poignant when we consider that the idea of a Jewish-Brahmin connection was already quite ancient. In his plea Contra Apionem (1.179) the Jewish-Roman historian Flavius Josephus quotes Aristotle’s pupil Clearchos of Soli as having claimed that Aristotle had been very impressed once with the discourses of a Jewish visitor, and more so with the steadfastness of his dietary discipline, and had concluded that in origin the Jews had been Indian philosophers. A similar claim is found in the Hellenistic-Jewish philosopher Aristoboulos. So, two millennia before Nietzsche, an Indian origin was already ascribed to the Jews. (A Brahminical connection is still attributed to the Jews in today’s India, both by Hindu nationalists who believe everything of value originates in India and invoke the superficial phonetic similarity between ‘Brahma/Saraswati’ and ‘Abraham/Sarah’, and by low-caste activists whose anti-Brahminism borrows the rhetoric of international anti-Semitism, attacking the Brahmins as ‘Jews of India’, e.g. Rajshekar 1983 2.)

 

Unlike Jacolliot, Nietzsche was interested in Judaism and its purported Chandâla origin mainly as an angle from which to attack Christianity. As Lincoln (1999 110) observes,

 

he came to be infinitely more critical of Christianity than of Judaism, and he saved some of his most scathing contempt for those (like Wagner, Bernhard Förster, and others of the Bayreuth circle) who were only anti-Semites in the narrowest sense, that is, Christians who failed to realize that everything wrong in Judaism was amplified and exacerbated in Christianity.

 

So, in Nietzsche’s view, the alleged Chandâla traits, especially resentment against the noble and the successful, though carried over by Judaism, were in fact at their most powerful and noxious in Christianity:

 

Christianity, which has sprung from Jewish roots and can only be understood as a plant that has come from this soil, represents the counter-movement to every morality of breeding, race or privilege:- it is the anti-Aryan religion par excellence: Christianity the transvaluation of all Aryan values, the victory of Chandala values.  (TI Improvers 4)

 

Though not very important in quantity, the Chandâla statements in Nietzsche’s work have made a mark on his whole anthropology, with the Chandâla as the lowest extreme in the range of human diversity. Sentences like the one just quoted corroborated the emerging dichotomy of ‘Jewish’ and ‘Aryan’, which was by no means intrinsic to the concept of ‘Aryan’ even after its somewhat distortive adoption into European languages from Sanskrit. They also helped make Nietzsche’s image as an incorrigible anti-egalitarian who burdened the lower classes with a caste-like inborn inferiority. Even if his anti-egalitarianism was not of the racist or anti-Semitic kind, it was nonetheless in sharp conflict with the rising tide of liberalism and socialism. Any ‘leftist Nietzscheanism’ was thereby forever doomed to a contrived denial or uneasy management of this contradiction between the freedom-loving element in Nietzsche and his condemnation of certain communities to a permanent position of contempt. That is one reason why Monville (2007) speaks of ‘the misery of leftist Nietzscheanism’. As his book’s reviewer in the Belgian Communist Party paper Le Drapeau Rouge (Oct. 2007) sums it up: ‘This German philosopher was openly racist and endowed with a remarkable and odious contempt for the social condition of the losers in the caste struggle.’

 

 

2.6. Nietzsche’s errors

 

Nietzsche has been accused of being very selective in what he retained and quoted from the Manu Smrti, especially its most un-Christian pieces of praise for the female sex, e.g. that all good things including access to heaven ‘depend upon a wife’ (MS 9:28). On that basis, he waxes eloquent about the woman-friendliness of the Hindu sages:

 

I know no book in which so many gentle and nice things are said to women as in Manu’s law book; these old greybeards and saints have a manner of being kind to women that has perhaps not been outdone. (AC 56)

 

The quotations are by and large genuine, but ought to be counterbalanced by far less flattering quotations from the same text. Wendy Doniger (1991.xxi) chides Nietzsche for this one-sided representation and quotes Manu (9.17): ‘The bed and the seat, jewellery, lust, anger, crookedness, a malicious nature and bad conduct are what Manu assigned to women.’ 

 

However, Nietzsche’s selectiveness doesn’t really misrepresent Manu’s attitude in what was to him the relevant issue, for this much remains true, that Manu genuinely values the role of women as wives and mothers. They were not equal with men (‘It is because a wife obeys her husband that she is exalted in heaven’, 5.155), just like in most other cultures, and Manu too considered them fickle and untrustworthy and what not, but fundamentally they were a very auspicious part of the cosmic order. The good thing about women was not their equality with men, which would have been a ridiculous notion to Manu just as it was to Nietzsche, but that they provided pleasure in life and perpetuated the species. For the same reason, sex is treated in a matter-of-fact manner because even if a delicate subject with problematic ramifications in day-to-day human relations, in essence it is an auspicious cornerstone of the cosmic order. Nietzsche contrasts this with an alleged woman-hating and anti-sexual tendency in Christianity as well as in Buddhism.

 

On the whole, Nietzsche does justice to Manu’s view of man and society. His main error does not consist in false or mistaken assertions about Manu’s position, only in a limited grasp of the Indian historical context. He was too much in a hurry to enlist Manu in his own ideological agenda to familiarize himself with the actual reality as well as with the philosophical background of caste society.

 

 

3. Nietzsche’s use of Manu

 

To what extent did Nietzsche’s idealized view of Hindu caste society play a role in his views of socio-political matters and of religion?

 

 

3.1. Favourable contrasts with Christianity

 

For Nietzsche, Manu’s vision contrasts favourably with Christianity in several specific respects. Firstly, its goal is not to deform mankind and clip its wings, but to ‘breed’ it, to direct its natural growth and evolution in a certain direction. Consistently with this difference in goals, there is a different approach: while Christianity ‘tames’, Manu ‘breeds’, i.e. he manipulates natural tendencies in a chosen direction. He does not destroy but shapes up. He shows no resentment against the existing order but tries to preserve and ‘improve’ it (AC 56f.).

 

Secondly, Nietzsche applauds Manu’s candid acceptance and promotion of inequality, which follows naturally from an acceptance of life:

 

And do not forget the central point, the fundamental difference between it and every type of Bible: it lets the noble classes, the philosophers and warriors, stand above the crowd; noble values everywhere, a feeling of perfection, saying yes to life,- the sun shines over the entire book. All the things that Christianity treated with its unfavourable meanness, procreation for instance, women, marriage, are here treated with seriousness, with respect, with love and trust. How can you really put a book into the hands of children and women when it contains that mean-spirited passage: ‘To avoid fornication, let every man have his own wife and every woman her own husband: it is better to marry than to burn.’ [Paul: 1 Cor.6:2-9 - KE] (AC 56)

 

Thirdly, he welcomes Manu’s intolerance towards pessimism: even the ugly and lowly are part of the world’s perfection. There is no need to ‘cure’ the world of their presence, they are given a place somewhere in the system.

 

Fourthly, asceticism is present in Brahmanism as much as in Christianity, but its outlook and motivation is radically different. It does not stem from nor aim at life-denial, it is the joy of the strong who thereby feel and enjoy their strength of character. It is significant that the ascetic tradition originated in the martial Kshatriya caste, to which the Buddha and Mahâvîra Jîna, founders of the surviving ascetic sects of Buddhism and Jainism, belonged by birth. The Indian ascetic’s striving is of the heroic type, seeking to achieve liberation by conquest of the self, not by imprecating divine favours. His celibacy is not a matter of prudery or distrust of sexuality, but of preserving one’s sexual energy and of not diluting masculine standards by symbiosis with women and children.

 

And whereas these ascetic traditions would still fail to earn Nietzsche’s full approbation because of their hostility to the worldly vale of tears (though their assumption of suffering as the profound nature of all experience might also resonate with the sceptical-pessimist streak in Nietzsche), the Brahminical ascetic tradition as expressed in the Upanishads bases its inner quest on the perception of joy as the intrinsic nature of all experience. According to the Taittiriya Upanishad (2.5), the innermost level of consciousness, underneath the physical, energetic, mental and intellectual ‘sheaths’ covering the Self (âtman), is the sheath consisting of bliss (ânandamaya kosha):

 

Verily, other than and within that one that consists of understanding [= the intellect – KE] is a self that consists of bliss. […] Pleasure is its head; delight, the right side; great delight, the left side; bliss, the body; Brahma, the lower part, the foundation.

 

So, the level of consciousness into which the yogi sinks when he stills his thought processes, is one of natural bliss. This illustrates how asceticism as a practice of profound self-mastery need not be based on a sense of tiredness and loathing of the world. The focus in this case is not on the painful experiences from which yoga delivers us, but on the joy which is ever-present and can be awakened further by yoga. To complete this more positive conception of asceticism, Manu does not define the ascetic as one who rejects family and society (the way the Buddha did, or the way Christian monks do), nor as one who spurns normal life for the ascetic life; but as one who completes normal life with an ascetic phase, one who fulfils his social duties first and then, in middle age, crowns his career with the promotion to the ascetic’s lifestyle:

 

When a man has studied the Veda in accordance with the rules, and begotten sons in accordance with his duty, and sacrificed with sacrifices according to his ability, he may set his mind-and-heart on freedom. (MS 6.36)

 

Eventually, Nietzsche never got farther than a mere glimpse of this alternative view of asceticism, which contrasts so promisingly with the Christian one of self-punishment. He was locked in his European freethinker’s struggle with the Christian heritage. In the brief months of mental clarity that remained, he didn’t find the time or the appetite to explore the potential help that Hindu thought could have offered him in resolving his very European questions.

 

 

3.2. Goddamn this priest-craft

 

Anything good that may have sprung from Manu has come about thanks to the cunning schemes of Hindu priest-craft, for Nietzsche invariably a vector of the ‘lie’. Given Nietzsche’s views on ‘the uses and drawbacks of truth for life’, the use of this despised priest-craft becomes acceptable because it ends up serving the aims of life rather well. That’s better than the alleged life-denying impact of the Christian lie, but it’s still a lie. Only with that limitation can we say Nietzsche was enthusiastic about Manu.

 

While Christianity keeps its flock in check with promises and threats of the consequences in the afterlife, Manu achieves the same control with promises and threats of the karmic results in the next incarnations. That at least was and is the common view, and Nietzsche was not sufficiently versed in the subject to know and point out that among Hindu classics, Manu stands out by making only  a limited use of the reincarnation doctrine and actually making much more reference to the promise of achieving, or the threat of withholding, access to swarga, ‘heaven’. Numerous times heaven is held up as reward, hell as punishment, only rarely is karma invoked, e.g. an unfaithful wife will be reborn as a jackal (9.30). This afterlife with heaven and hell is the old view of the Vedas, where the heroes go to some kind of exuberant paradise, the way the Greek warriors went to the Elysean Fields, the Germanic ones to the Walhalla, or the Islamic jihâd fighters to Jannat where numerous houri-s (nymphs) shower them with their attentions. By contrast, the notion of reincarnation was a later Upanishadic and Shramanic (i.e. monastic, principally Jain and Buddhist) innovation. Both views of the hereafter get mixed up in Manu, e.g. the punishment for perjury is that the culprit is ‘helplessly bound fast by Varuna’s ropes for a hundred births’ (8.82, meaning he will suffer dropsy during that many incarnations, vide Doniger 1991 160), but also that he ‘goes headlong to hell in blind darkness’ (8.94).

 

From Nietzsche’s distant viewpoint, however, this made little difference, for either way, priests were exploiting supernatural beliefs about people’s invisible fate after death to impose their law on their people: ‘Reduction of human motives to fear of punishment and hope for reward: viz. for the law that has both in its hand’ (14[203] 13.385).

 

In this respect, Nietzsche classifies Manu along with Moses, Confucius, Plato, Mohammed as just another religious law-giver, i.e. an immoral liar who tricked his society into a certain morality by means of a pious fantasy. They were all the same, e.g.: ‘Mohammedanism has learned it again from the Christians: the use of the hereafter as organ of punishment’ (14[204] 13.386).

 

It is the way of priests to present the mos maiorum, or whichever innovation they wanted to introduce into it, as divinely revealed:

 

A law book like that of Manu comes about in the same way as every book of law: it summarizes the experience, shrewdness and experiments in morality of many centuries, it draws a conclusion, nothing more. (AC 57)

 

To prevent further experimentation by communities affirming their human autonomy,

 

                a double wall is set up […]: first, revelation, that is the claim that the reason behind the law is not of          human provenance, has not been slowly and painstakingly looked for and discovered, but instead has a               divine origin, [arriving] whole, complete, without history, a gift, a miracle, simply communicated…     And second tradition, that is the claim that the law has existed from time immemorial, that it is                 irreverent to cast doubt on it, a crime against the ancestors. The authority of the law is founded upon       the theses: God gave it, the ancestors lived it. (AC 57)

 

Therefore, Nietzsche rejects a certain anti-Semitic rhetoric then common in ex-Christian circles, and pleads that in this respect, the Aryan Manu is no better than the Semitic Bible, whose priestly vision actually had Aryan origins:

 

There is a lot of talk nowadays about the Semitic spirit of the New Testament: but what one calls by that name is merely priestly,- and in the Aryan law book of the purest kind, in Manu, this type of ‘Semitism’, i.e. priestly spirit, is worse than anywhere.  The development of the Jewish priestly state is not original: they got to know the blueprint in Babylon: the blueprint is Aryan. If the same returned to dominate again in Europe, under the impact of the Germanic blood, then it was in conformity with the spirit of the ruling race: a great atavism. (14[204] 13.386)

 

Once, in an unpublished note, Nietzsche expresses a healthy modern scepticism towards the pious caste order with its touch-me-not-ism:

 

[…] the Chandala-s must have had the intelligence and the more interesting side of things to themselves. They were the only ones who had access to the true source of knowledge, the empirical. Add to this the inbreeding of the castes. (14[203] 13.386)

 

So, to the modern man Nietzsche, the uptight purity rules against inter-caste contact and the distance which the upper castes kept from activities that would get their hands dirty, remains too stifling for comfort. While generally inclined towards the aristocratic system, he did not want to spend his energies campaigning against class- or race-mixing, unlike many Europeans and Americans during the century preceding 1945. Indeed, his ‘genealogical’ speculations largely aimed at disentangling the different components of Europe’s culture and value system, for he was fully aware of the mixed character of the European civilization and nations. In the caste system, he admired the elitist spirit, but not to the extend of trying to uphold its obsessive purity rules in modern society. And while caste ensured stability, a condition cherished by priestly types, Nietzsche was temperamentally more favourable to scenarios of upheaval. In that respect, the modern world was more congenial to him than medieval European or ancient Indian hierarchies, which he preferred to admire from a comfortable distance.

 

 

3.3. The racism Nietzsche didn’t borrow from Manu

 

In Nietzsche’s day, racism was a fully accepted and even dominant paradigm. Nietzsche himself was not its champion or its mastermind, but neither did he stand as a rock against the racially-inclined spirit of the times. The term ‘race’ had a wider range of meanings then, from ‘family’, ‘clan’ and ‘nation’ to phenotypical ‘race’ to the ‘human race’ (exactly the range of meaning that jâti has in colloquial Hindi). In Nietzsche’s case, it only rarely seems to have the fully biological sense that was gaining ground then:

 

His not infrequent use of the expressions ‘classes’ and ‘estates’ along with ‘races’ strengthens the suspicion that Nietzsche saw the ‘Aryans’ and ‘Semites’ in the first place as social units, rather as ‘peoples’ or societal ranks, less as ‘races’ in the modern sense. They are what they are because they have lived in specific ‘environments’ for a long time. (Schank 2000 60)

 

Nietzsche shows some knowledge of the findings of Indo-European philology, especially the theories about the wanderings of the ‘Aryans’ and the resultant substratum effect of pre-Indo-European native languages on the language of the Indo-European settlers (Schank 2000 54). Thus, non-Indo-European roots borrowed from lost substratum languages account for nearly 30% of the core vocabulary in Germanic and nearly 40% in Greek, and the differentiation of Proto-Indo-European into its daughter languages is partly due to the respective impact of different substratum languages on its dialects. Nietzsche fully accepted the then-common view that the native Europeans had adopted their Indo-European languages from tribes immigrating from the East, an Urheimat located anywhere between Ukraine and Afghanistan.

 

Early in the 19th century, this line of research originally had a fairly Indocentric focus, with India itself being the favourite Urheimat, but as India’s status declined from a mystical wonderland to just another colony, the preferred homeland moved westward. The quest for the early history of Indo-European was interdisciplinary avant la lettre in that it brought proto-sociological insights into its historical-linguistic speculations. Thus, what is now called the ‘elite dominance’ model of language spread, in which the dominant Indo-Europeans imparted their language to the substratum populations, included considerations of the caste system.

 

The Hindu caste system was widely interpreted in racial terms, viz. apartheid between Aryan conquerors and pre-Aryan natives. Likewise, the situation of the Greeks in Greece, with a vocabulary including numerous pre-Indo-European loanwords and the coexistence of free Greeks with a lower class of helots and slaves, was commonly understood as reflecting the subjugation of a native race by the superior invading Aryan race. Nietzsche accepted this racial scenario to an extent in the case of Europe, but most remarkably did not apply this paradigm to Indian society. Adopting Manu’s view, he saw the difference between high and low castes as not being one between superior and inferior races, but between pure and mixed lineages: ‘good proper marriages bring forth good children; a bad one, bad ones’ (14[202] 13.385). To Manu, good marriages are endogamous marriages, e.g. a marriage between two low-caste people is good.

 

It is only in a very loose sense of the term that Manu could still be described as a racist, viz. in the sense that he did derive people’s rights from the kinship group to which they belonged. These groups need not be distinguished by phenotypical traits, as races in the modern conception are, but just like races they are communities to which one belongs through birth. That is why recent UN campaigns against racism have tended to include casteism as a peculiar case of racism.

 

Where Nietzsche did (unsystematically) espouse ideas that were later incorporated in the prevalent racist discourse, he definitely didn’t get them from Manu. Thus, the notion of the ‘blonde Bestie’, which, according to Lincoln (1999 104 ff.), cannot be uncoupled from racial thought, has nothing whatsoever in common with Manu’s view of mankind. Firstly, Nietzsche goes along with the then-common identification of ‘Aryan’ with ‘blond’, as when he speaks of ‘the blond, that is Aryan, conqueror-race’ (GM I 5). This idea was totally unknown to Manu, who may well never have seen a blond person in his life yet lived in the centre of what he called Ârya society. But let us add that Nietzsche doesn’t go all the way in this identification of blondness with superiority, for in the same paragraph he goes on to include the warrior aristocracies from Arabia and Japan.

 

Secondly, Nietzsche’s glorification of the unbridled norm-breaking wildness as a privilege of the conquerors and ruling class, personified as the ‘blond beast’, is without parallel in Manu or the other masterminds of Hindu civilization. In Nietzschean terms, Manu stands for the ‘Apollinian’ values of order, balance, clarity and stability, not at all for the disruptive ‘Dionysian’ exuberance of the ‘blond beast’.

 

 

3.4. The antisemitism Nietzsche didn’t borrow from Manu

 

Nietzsche did not posit a simple division of the world’s religions in two categories, such as ‘Abrahamic’ vs. ‘Pagan’. Even in typologically similar and genealogically related religions, he sees the opposition between deeper psychological tendencies. Thus, both the ‘Aryan’ and the ‘Semitic’ religions show the same division in ‘yes-saying’ and ‘no-saying’ attitudes:

 

What a yes-saying Aryan religion, born from the ruling classes, looks like: Manu’s law-book. What a yes-saying Semitic religion, born from the ruling classes, looks like: Mohammed’s law-book, the Old Testament in its older parts. What a no-saying Semitic religion, born from the oppressed classes, looks like: the New Testament, in Indian-Aryan terms a Chandala religion. What a no-saying Aryan religion, grown up among the ruling classes, looks like: Buddhism. It is perfectly in order that we have no religion of oppressed Aryan races, for that would be a contradiction: a lordly race is either on top on going extinct. (14[195] 13.380f.)

 

Note that his judgment of the Jewish Old Testament, with its wars and love stories, is less negative than that of the Christian New Testament. Not that he failed to share some of the common opinions about the Jews, e.g. that they are only middlemen, not creators: ‘The Jews here also seem to me merely “intermediaries”/“middlemen”, they don’t invent anything’ (KSA 14.420).  He also seems to have seconded the ancient view that the Jews were motivated by hatred of the rest of mankind:

 

These measures are instructive enough: in them we have at once the Aryan humanity, wholly pure, wholly original,- we learn that the concept of ‘pure blood’ is the opposite of a harmless concept.  On the other hand, it is clear in which people this hatred, the Chandâla-hatred of this ‘humanity’, has been eternalized, where this hatred had become a religion, where it has become genius. (TI Improvers 4)

 

And though Judaism was less harmful to man than Christianity, the latter’s Chandâla resentment has ‘sprung from Jewish roots and is only understandable as a plant from that soil’ (TI Improvers 4).

 

Yet, it bears repeating here that Nietzsche refused to conclude from these common opinions that an anti-Jewish mobilization as envisaged by the rising (self-described) anti-Semitic movement was necessary or even desirable. In a letter to Theodor Fritsch, a declared anti-Semite, he stated:

 

Believe me: this terrible eagerness by tedious dilettantes to speak up in the debate on the value of people and races, this subjugation to “authorities” which are rejected with cold contempt by every thinking mind […], these continuous absurd falsifications and applications of the vague concepts ‘Germanic’, ‘Semitic’, ‘Aryan’, ‘Christian’, ‘German’ -- all this could end up seriously infuriating me and bringing me out of the ironic benevolence with which I have so far watched the virtuous velleities and phariseisms of the contemporary Germans. -- And finally, what do you think I experience when the name Zarathustra is uttered by anti-Semites? (KSA 14.420f.)

 

On the other hand, Nietzsche’s linking the Jews with the lowly Chandâla-s, though borrowed from Jacolliot (and unknown to  Manu), remains largely his own original contribution to modern anti-Jewish thought. Many things had been said against the Jews, but that one was quite new. It is simply counter-intuitive. If at all Jews, with their distinctive dress and hairdo and cumbersome ritual observances, had to be linked with any Hindu castes, then the purity-conscious and ritual-centred Brahmins (apart from the money-savvy Vaishyas) would seem a more logical choice.

 

Chandâla-s are the people who do deeply unclean work involving intimate contact with decomposing substances. While notions of clean and unclean exist in many cultures, the specific institution of untouchability is peculiar and is foreign to most societies, probably including the ancient Vedic society of North India. Its origin arguably lay in the Dravidian-speaking society of South India, where the lowest caste is called the Paraiya-s, famously anglicised as Pariah. According to Hart (1983 117):

 

Before the coming of the Aryans […] the Tamils believed that any taking of life was dangerous, as it released the spirits of the things that were killed. Likewise, all who dealt with the dead or with dead substances from the body were considered to be charged with the power of death and were thought to be dangerous. Thus, long before the coming of the Aryans with their notion of varna, the Tamils had groups that were considered low and dangerous and with whom contact was closely regulated.

 

The Jews, far from seeing themselves as similarly unclean, had their own set of cleanliness rules protecting their religious personnel from polluting contacts. Thus, the hereditary priestly clan, the Kohanim, have to stay away from funerals to protect their religious charisma from the uncleanness of death. Nor are they allowed to marry converts to Judaism, let alone non-Jews. There is nothing Chandâla-like about this pattern, which closely resembles the Brahmanical attitude. Conversely, orthodox Judaism practises a certain discrimination, though nothing quite as deep and permanent as with the Indian untouchables, against people doing unclean work.

 

Thus, it has been argued that Saint Paul, who made his living as a tent-maker working for the Roman army and frequently using animal skins, became so eager to renounce Jewish law precisely because by occupation he was unclean under that law (Wilson 1999 43). Even today, missionaries recruiting converts among the Dalit-s (‘broken’, oppressed, the current self-designation of  militant ex-untouchables) and trying to make the Gospel relevant to their situation, typically tell them that the shepherds tending the cattle that was to be sent for sacrifice to the temple in Jerusalem, the ones who came to praise Christ in His cradle, were themselves barred from entering the temple. This way, they establish a parallel between Christianity’s superseding Moses’ law with the Indian convert’s emancipation from Manu’s law.

 

 

3.6. The politics Nietzsche doesn’t discuss

 

Nietzsche discourses in general terms about a system of law but doesn’t pay the least attention to the actual laws (or proposals of law, or law-recipes) enumerated in the Manu Smrti or implemented by rulers who took inspiration from this classic. Worse, he pays no attention to the institutions that make caste society possible, e.g. the authority vested in caste pañchâyat or intra-caste council governing caste matters and internal disputes; or in the village pañchâyat, the inter-caste council in which each caste, even the lowest, had a veto right. A consensus had to be reached between the castes, which meant in practice that the harshest discriminations were somewhat mitigated. (Likewise, the ruling council of ancient India’s ‘republics’, composed exclusively of Kshatriyas, had to decide by consensus.) 

 

Conversely, Nietzsche was apparently also unaware of the attempts to reform or abolish the caste system by the Ârya Samâj and other contemporaneous movements. In his own day, the institution of caste was under attack, both from low-caste rebels and from high-caste nationalists who sought to unite their nation across caste divisions. This led to a whole pamphlet literature by reformers and also by defenders of the old system, to court cases and legislative initiatives in British India. In short, for a student of the pros and cons of caste, there were plenty of revealing polemics with freshly mustered data for the taking. And there was an implicit appeal to take sides in that social struggle.

 

In spite of this, Nietzsche never discussed the actual politics of the caste system. In the ongoing debate on whether he was a political or a non-political thinker, his treatment of Manu weighs in on the side of the second position. His fondness for Manu was a purely theoretical position, less concerned with India’s quaint social divisions as with the underlying spirit of elitism and of accepting the inequality that nature has imposed on mankind.

 

 

3.7. The Übermensch connection

 

With his merely incipient knowledge of Hindu tradition, Nietzsche missed a number of links between his own philosophy and Hindu tradition. His friend Paul Deussen saw a resemblance between the notion of ‘eternal return’ and the Hindu cyclical view of the universe. He rejected Nietzsche’s ‘eternal return’, though, on grounds that are not specifically Hindu. Whereas Nietzsche deduced the inevitability of eternal return from the finiteness of the number of possible combinations of all particles in the universe, Deussen in his Erinnerungen an Friedrich Nietzsche (1901) argues against this that, on the contrary, ‘the game of evolution of the world will have infinite variations’ (quoted in Smith 2005 147).

 

Likewise, others have seen the potential conceptual kinship between Nietzsche’s notion of the Übermensch and the ‘awakened’ yogi:

 

Both understand human being as an ever-changing flux of multiple psychophysical forces, and within this flux there is no autonomous or unchanging subject (“ego”, “soul”). Both emphasise the hierarchy that exists or can exist not only among individuals but among the plurality of forces that compose us. For Nietzsche the pinnacle of that hierarchy is the Übermensch, a goal not yet achieved although a potential at least for some; for Buddhism that potential was attained by Shakyamuni Buddha, and at least to some degree by many after him, for it is a potential all human beings are able to realise. (Loy 1998 129)

 

In Hindu tradition, the sannyâsin or ascetic stands outside the caste order. In spite of all his regulations for a caste-based society, Manu provided for a position outside the caste order. Upon being initiated, the sannyâsin performs his own funeral rites, gives up his name and caste and family ties, and becomes free. That is the job of the Hindu ascetic: to be free. The only ‘work’ he is expected to do, is to subdue in himself all his weaknesses and attachments. The royal road to achieve this is yoga, i.e. quieting the mind, disciplining the monkeys of our thoughts.

 

The common denominator with Nietzsche’s ideal is self-overcoming, in combination with a spurning of the comforts and certainties of ordinary life. Nietzsche did not explore or develop this connection: ‘To use [the concepts of Übermensch and eternal return - KE] the way he did shows Nietzsche to have been oblivious of the obvious Indian parallels’ (Smith 2005 147). It could have saved him a lot of misinterpretation by admirers who conceived of the Übermensch in eugenic terms.

 

 

3.8. Missed opportunities regarding God

 

Deconstructing God and rethinking the universe as godless were among Nietzsche’s central projects. From Voltaire onwards, many European freethinkers had used India in their personal freedom-struggle as a reference for counterbalancing Christianity. In that light, it is surprising how Nietzsche failed to exploit data from the history of Hindu philosophy in his anti-Christian crusade.

 

In the period of the late-Vedic handbooks of ritual, the Brâhmana-s, i.e. the apogee of Brahmanical ritualism, the idea dawned on the ritualists that the gods they invoked weren’t really heavenly persons who were listening at the other end of the line and then responded to the human imprecations by granting the hoped-for boon, but mere name-tags for the unseen phases of the magical mechanism which led from the performance of the ritual to the materialization of the requested boon (Clooney 1997). This idea was theorized further by the Mîmânsâ school of philosophy. Likewise, the subsequent shift from ritualism to asceticism (tapas, ‘heat’) proclaimed man’s supreme power to subject the gods to his own will.

 

The point is illustrated in the life-story of many ascetics including the Buddha, where Indra and Brahma and the other gods come and congratulate him for achieving his awakening (bodhi). In many stories, the gods are afraid of the increasing power of the ascetic and send seductresses to make him abandon his practice. Tapas or asceticism is a Promethean exercise, in which man steals the gods’ thunder. The ascetic schools in the pre-Christian centuries were mostly inclined towards atheism. In the philosophical schools of Sâmkhyâ and early Vaisheshika, and in the non-Vedic school of Jainism, the gods disappear from sight.  The Manu-Smrti obliquely testifies to this climate of theism’s lowest ebb. That gods are worshipped is a fact which Manu acknowledges as part of the human landscape, but he hardly concedes any agency to them. The envisioned rewards and punishments for good or evil conduct are not conceived as handed out by a heavenly person, but rather as mechanical (karmic) results of one’s own actions.

 

Though Nietzsche never published any reflections on this genesis of a kind of atheism within the late-Vedic tradition, his Nachlass indicates he was summarily aware of it:

 

‘With God, nothing is impossible’, the Christian thinks. But the Indian says: ‘With piety [for] and knowledge of the Veda, nothing is impossible: the gods are submissive and obedient to them. Where is the god who can resist the pious earnestness and prayer of a renouncing ascetic in the forest?’ (14[198] 13.382)

 

Or, more forcefully: ‘The Brahmin is an object of worship for the gods’ (14[178] 13.363). Like modern man, the sages of India believed in themselves rather than in God.

 

However, in dealing with ancient Hindu atheism, Nietzsche would also have had to face the subsequent resurgence of theism. Not just in popular religion did theistic devotion (Bhakti) gain an all-India upper hand in the course of the first millennium CE, it also conquered philosophical systems which had started out as atheistic. Consider the increasing impact of a doctrine of a supreme God in the successively emerging schools of Sâmkhyâ (‘enumeration’ of the universe’s components), Vaisheshika (‘distinction-making’, atomism) and Nyâya (‘judgment’, logic):

 

It hardly had any access into the classical Sâmkhyâ system which at that time was already paralysing and declining. And the branch of the school which accepted the notion of a supreme God, did not attain any great importance. […] In [Vaisheshika - KE] we see clearly how the doctrine of a supreme God gradually forced its way and became established. […] The matter is again quite different with the youngest of these systems, the Nyâyah. In it the concept of God appears in the sûtras themselves and quickly gains importance. (Frauwallner 1955.35-36)  

 

Likewise, in Patañjali’s Yoga Sûtra, the non-theistic core text which describes yoga practice as a purely human endeavour, is overlaid with theistic additions to the extent that modern teachers of Hindu philosophy classify Yoga as a theistic system. Even Buddhism often ended up replacing its original emphasis on individual effort with devotional surrender to a quasi-deity like the Amitabha Buddha (‘of the infinite light’). The monistic Vedânta philosophy initially rejected the distinction between sentient beings down here and a supreme being up there, but in the Middle Ages, it developed theistic variants which are now completely dominant in numerical terms.

 

Modern Hindus who want to flaunt the liberal virtues of their religion, like to say that ‘a Hindu can even be an atheist’. That may be true in theory, but today, a Hindu is typically a devotional theist. So, in the polemic over the death of God, religious people could take heart from the Hindu precedent of God’s resurrection.

 

 

Conclusion

 

At first sight, the importance of Nietzsche’s discovery of the Manu-Smrti is quite limited, viz. as a collateral illustration of pre-Christian civilization glorified by him, principally represented by Greece but now also found to have flowered in the outlying Indian branch of the Indo-European world. Crucial pieces of Manu’s worldview, such as the centrality of a priestly class (Nietzsche’s sympathy being more with the martial aristocracy) and the notion of ritual purity, seem irrelevant to Nietzsche’s ultimately very modern philosophical anthropology. They are sometimes mentioned disparagingly, while other Hindu ideas are not given due attention, e.g. dharma as caste-specific duty. In particular, the transparently priestly character of Manu’s code, with its dangling of supernatural rewards (c.q. punishments) after death in order to keep people in line, is dismissed as but a variation on similar ‘tricks’ in the much-maligned Judeo-Christian tradition. Yet, a few specifically Indian notions did have a wider impact on Nietzsche’s worldview.

 

Principally, the notion of Chandâla became a cornerstone in Nietzsche’s view of mankind, representing the most lowly and contemptible type of man, who broods on revenge against superior types. In a far-fetched departure from Manu’s use of the term, he relates the concept of Chandâla to the psycho-sociological origin of the Jewish national character and thence to the psychology of resentment allegedly underlying Christianity. Secondly, Manu’s strict opposition to caste-mixing tallied with Nietzsche’s aristocratism, which values people’s genealogy and encourages the differentiation of mankind into specialized classes. In the spirit of the times, however, it was also susceptible to co-optation into the then-emerging racialist reading of human reality as well as of Nietzsche’s own work. But the philosopher never committed himself to any Manu-inspired politics.

 

Finally, Manu’s respect for asceticism as a positive force in society (though best left to a class of specialists, not a norm for all), seemingly so in conflict with Nietzsche’s contempt for ‘otherworldliness’, resonates with subtler pro-ascetic elements in Nietzsche’s philosophy, especially in his conception of the Übermensch. But this, along with the budding atheism in ancient Hinduism, was to remain one of the potential Hindu sources of inspiration that Nietzsche left unexplored.

 

 

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vendredi, 29 janvier 2010

La décense commune contre l'égoïsme libéral

La décence commune contre l'égoïsme libéral

http://unitepopulaire.org/

« Un noir pessimisme imprègne la conception libérale de la nature humaine. L’homme est un loup pour l’homme. L’égoïsme constitue le fond de son caractère. A la suite des sanglantes guerres de religion, les penseurs qui furent plus tard rangés sous la bannière libérale en sont sûrs : tout homme est une canaille irrécupérable. […] La vision pessimiste de la nature humaine est-elle absolument correcte ? Nous voudrions montrer que, comme le dit Chamfort, la vérité est au milieu, un peu au-dessus de ces deux erreurs symétriques que sont l’optimisme et le pessimisme.

liberalisme.jpgLe bien, c’est ce qui existe. Chaque jour, à chaque heure, en tout lieu, des personnes tiennent les promesses qu’elles ont faites ; des enfants naissent d’amours réelles ; des parents élèvent leurs enfants ; des couples demeurent fidèles, des familles restent unies ; des écoliers apprennent quelque chose à l’école ; nombreux sont ceux qui se lèvent le matin en vue de bien faire leur travail ; des artistes se perfectionnent et produisent de belles œuvres ; des vieillards quittent ce monde dans la sérénité. […]

Pour s’en tenir au domaine politique, on se fiera à George Orwell. Socialiste monarchiste, anarchiste conservateur, il a insisté sur la notion de common decency que les traducteurs nomment en français décence ou honnêteté communes. La décence commune résume un certain nombre de règles que presque tout le monde (à part les enfants-rois et les intellectuels post-modernes) connaît et pratique : on ne dénonce personne, on ne triche pas, on ne frappe pas un homme à terre, on ne s’attaque pas à un plus faible que soi, surtout pas en bande, on est galant avec les dames, on respecte les vieillards, on est spontanément bienveillant, on aide ses proches, etc.

Dans une société où règne la décence commune, le don est premier. Chaque enfant reçoit de ses parents la vie et le langage. L’anthropologie montre que la triple obligation de “donner, recevoir, rendre” fonde l’ordre interne de maintes communautés. Les milieux “avancés” semblent vouloir échapper au cycle du don et lui substituer la devise du Figaro de Beaumarchais, valet malin, désireux de grimper dans le monde et de devenir maître : “demander, recevoir, prendre”. C’est la mentalité d’aujourd’hui, minoritaire mais insidieuse, qui unit dans la même attitude le prédateur et la victime. Dans les sociétés bien réglées, “ça ne se fait pas de demander”. Dans un régime de prédateur-victime, je demande parce que j’ai droit à tout, je reçois ce qui m’est dû, je le prends en chassant de mon esprit toute idée de dette, puis je recommence jusqu’à plus soif.

Par aveuglement idéologique, certains veulent conformer la nature humaine à un modèle libéral, efficace seulement à courte échéance, l’encourager à l’égoïsme, à la compétition pour la compétition, à faire carrière plutôt qu’à exercer un métier, le soumettre à une concurrence illimitée et à une consommation obligatoire, jusqu’à créer ce que les psychologues appellent des addictions. C’est rendre le monde invivable. »

 

Jacques Perrin, “Le bien, banal et fragile”, La Nation, 15 janvier 2010

00:20 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, libéralisme, sociologie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

jeudi, 28 janvier 2010

Sobre el disenso como método

Sobre el disenso como método

Alberto Buela (*)

 

 

Disenso.gifLos filósofos como los científicos más que probar teorías, disponen de teorías para explicitar lo implícito en el caso de la filosofía y para ampliar los alcances de la ciencia en el caso de los científicos.

Esta verdad que resulta una verdad a plomo, que cae por su propio peso, que es evidente por sí misma ha sido y es de difícil aceptación pues, en general, se dice que se tienen teorías o se quiere probar una teoría. Lo cual no es correcto.

 

El hecho de darse cuenta, que uno puede disponer de una teoría facilita el trabajo de investigación pues la teoría se transforma allí en un medio de acceso a la verdad y no un fin en sí misma como erróneamente es tomada.

La realidad, los entes para hablar filosóficamente, son la consecuencia del proceso de investigación y las prácticas científicas que vienen a convalidar la teoría. Así, si esa teoría es  verdadera confirma esa realidad, esos entes.

 

La atribución de verdad, de realidad, de coherencia, de consistencia, de adecuación es lo que permite avanzar en el camino del conocimiento. En una palabra, no se avanza justificando teorías sino que se avanza disponiendo de teorías que las prácticas científicas en el caso de la ciencia o las prácticas fenomenológicas en el caso de la filosofía pueden atribuir verdad .

La ciencia, y la filosofía lo es, puede ser pensada en este sentido como un conjunto de representaciones que se manifiestan como teorías (Aristóteles), paradigmas (Kuhn), programas (Lakatos), modelos (Popper), tradiciones (MaIntayre) que se confirman en las prácticas y no meramente en la representación.

 

Nosotros, en nuestro caso, hemos dispuesto de una teoría: La teoría del disenso a partir de la cual intentamos explicar al hombre, el mundo y sus problemas desde una mirada no conformista y alejada del pensamiento único, típico de nuestra época.

El disenso entendido como otro sentido al dado y establecido nos ha permitido crear teoría verdaderamente crítica y no “nominalmente crítica” como ha sucedido en definitiva con la Escuela neomarxista de Frankfurt.

Recuerdo a Conrado Eggers Lan lo enojado que estaba cuando en Estados Unidos lo recibió Marcuse del otro lado de un soberbio escritorio judicial, cómodamente apoltronado y criticando al capitalismo, siendo que era un satisfecho del sistema capitalista como pocos.

La producción de teoría crítica desde el disenso exige un compromiso no solo político sino existencial. Es que el otro para la teoría del disenso no es el del ómnibus, colectivo o subte es aquel que me opugna y disiente y al que “localizo” existencialmente. En este sentido el

disenso rompe el simulacro de la mentalidad ilustrada de “hacer como si tengo en cuenta al otro” por una exigencia civilizada cuando en realidad lo que busco es distanciarme sin que se de cuenta. La filantropía, como alejada ocupación del otro (por ej. con un cheque un filántropo salva su conciencia, aun cuando ese dinero termine en los bolsillos de un sátrapa en compra de armas para matar a quienes se dice ayudar) reemplazó en la modernidad a la caridad que es la ocupación gratuita del otro, pero entendido como singular y concreto. Por ello se habla en el catolicismo de “las caridades concretas” y nuestros viejos padres criollos nos exigían incluso “tocar físicamente” aquel a quien se auxilia.

 

Es sabido que todo método es un camino para llegar a alguna parte, en este sentido el disenso como método no se agota en el fenómeno como la fenomenología sino que además privilegia la preferencia de nosotros mismos.  Parte del acto valorativo como un mentís profundo a la neutralidad metodológica, que es la primera gran falsedad del objetivismo científico, sea el propuesto por el materialismo dialéctico sea el del cientificismo tecnocrático. Rompe con el progresismo del marxismo para quien toda negación lleva en sí una superación progresiva y constante. Por el contrario, el disenso no es omnisciente, pues puede decir “no sé” y así se transforma en un método también del saber popular, que se caracteriza por no negar la existencia de algo que es o existe sino que cuando niega, sólo niega la vigencia de ese algo.

En cuanto a la preferencia de uno mismo siempre se realiza a partir de una situación dada, un locus  histórico, político, económico, social y cultural determinado. En nuestro caso el dado por la ecúmene iberoamericana. Esto obliga a pensar el disenso como un pensamiento situado que tiene como petición de principio el hic Rhodus, hic saltus (aquí está Rodas, aquí hay que bailar) de Hegel al comienzo nomás de su Filosofía del Derecho.

 

Esto nos ha permitido establecer un pensamiento de ruptura con la opinión pública, que hoy no es otra que la opinión publicada.

Este pensamiento de ruptura, o mejor, pensamientos de rupturas, nos ha permitido dar respuestas breves a esa multiplicidad de imágenes truncas que nos brinda la postmodernidad respecto de la vida hoy. A esos  analfabetos culturales locuaces (Fayerabend) que son los periodistas y locutores que hablan de todo sin decir que nada es verdadero o falso o, peor aun, cuando lo hacen siempre se encuentran del lado de la falsedad. Ello es así, porque son simples voceros del pensamiento único y políticamente correcto. De esta forma de ver y pensar las cosas y los problemas que nace desde los grandes gestores culturales (los famosos en cada disciplina) que no buscan otra cosa que la consolidación del estado de cosas tal como está. Es que la realidad tal como se da en todos los órdenes es la que les permitió ser lo que son, y la metafísica enseña que todo ente busca perseverar en su ser.

La ruptura por parte del disidente, en general rebelde y marginado, de este círculo hermenéutico (de interpretación de lo que es) se ha transformado así en una masa compacta e impenetrable pues si se atacan las teorías de los famosos (en filosofía el humanismo, en ciencia el objetivismo, en arte el subjetivismo caprichoso y arbitrario, en religión el ecumenismo de todos por igual, en política el progresismo democrático) sale uno del mundo, queda marginado, alienado, cuando no demonizado.

 

Sin embargo, la única posibilidad que se vislumbra es la creación de teoría crítica a partir del disenso como método que es quien rompe el consenso de los satisfechos del sistema tanto en las sociedades opulentas como en las otras.

 

(*) alberto.buela@gmail.com

G. Faye: L'Essai sur la violence de M. Maffesoli

maffesoli.gifArchives « Guillaume Faye » - 1985

Guillaume FAYE:

L’ “Essai sur la violence” de Michel Maffesoli

 

Michel Maffesoli n’aime pas le “devoir-être”; la sociologie qu’il a fondée, orientée vers l’analyse de la “socialité” quotidienne et imprégnée de paganisme dionysiaque, échappe autant à l’énoncé de solutions historiques et politiques pour notre temps qu’à l’alignement sur les prêts-à-penser idéologiques. “Laissant à d’autres le soin d’être utiles, note-t-il dans la préface de la deuxième édition de ses “Essais sur la violence”, il me semble possible d’envisager les problèmes sociaux sous l’angle métaphorique (…). On est loin de ce qu’il est convenu d’appeler la demande sociale ou autres fariboles de la même eau. C’est de l’esthétisme. Peut-être faut-il en accepter le risque”. Cet esthétisme donne lieu en tous cas à un travail très complet et fort sérieux: la réédition des “essais sur la violence”, publiés en 1978 dans un ouvrage maintenant épuisé (« La violence fondatrice », Ed. du Champs Urbain, Paris, avec une préface de Julien Freund) offre à la réflexion l’une des meilleurs approches sur le statut et la fonction sociale de « cette mystérieuse violence » qui est, dit l’auteur, « peut-être préférable à l’ennui mortifère d’une vie sociale aseptisée ».

 

Prenant le contre-pied de l’humanisme chrétien qui, comme la plupart des idéologies contemporaines qu’il a innervées, considère la violence  —sociale ou politique—  comme une anomalie anthropologique. Maffesoli, dans la lignée de Max Weber et de Carl Schmitt, voit dans la violence, la lutte et l’hostilité, « les moteurs principaux du dynamisme des sociétés » (p. 13). A une société « monothéiste » qui prétendrait éliminer toute violence pour uniformiser les valeurs, Maffesoli voit dans la reconnaissance de la violence comme trame du social, la marque d’un esprit polythéiste et antitotalitaire.  Analysant la « dynamique » de la violence, son « invariance », son caractère « dionysiaque » et expliquant comment une violence ritualisée et intégrée par la société civile  —par le peuple—  peut constituer un moyen de défense de la communauté organique contre les impératifs et les normes (autrement violents) de l’Etat égalitaire. Maffesoli met en lumière l’ « ambivalence » de la violence : elle est à la fois structurante  —si elle s’avère ritualisée et organique—  et déstructurante  —si elle s’éprouve comme délinquance chaotique dans une société policée et sécurisée—, libératrice et totalitaire, créatrice et destructrice à l’image du Scorpion, le signe zodiacal de Maffesoli lui-même !

 

S’appuyant parfois sur les travaux des éthologistes, Maffesoli qui échappe  —chose rare aujourd’hui—  aux angélismes et aux utopies du siècle, souligne le caractère fondateur de la violence dans la dynamique des rapports sociaux, qu’ils soient institutionnels ou privés, exceptionnels (le « débridement passionnel orgiastique ») ou ressortissant de la banalité de la vie de tous les jours.

 

essai-sur-la-violence-banale.jpgMais, quoiqu’il prétende ne pas toucher à l’idéologie politique, Maffesoli donne tout de même en cette matière une importante leçon. En refusant de légitimer ou de ritualiser la violence, en s’en arrogeant aussi le monopole sous une forme « rationnelle » et « neutre », l’Etat égalitaire moderne fonde paradoxalement « la violence totalitaire, l’abstraction du pouvoir par rapport à la socialité », comme la définit Maffesoli, qui ajoute : « ce qui se dessine (…), c’est que la maîtrise de cette menace organisée, en étant déliée d’un enracinement social, devienne le lot d’un Big Brother anonyme, contrôleur et constructeur de la réalité » (p. 17). Dès lors que la violence est « décommunalisée », abstraitement et légalement détenue par une technocratie et qu’elle n’est plus légitime au sein de la société civile qui savait la ritualiser, dès lors donc que la société est sécurisée par l’Etat, on assiste paradoxalement à l’émergence de la violence irrationnelle, « terrifiante et angoissante », celle de l’insécurité d’aujourd’hui : « La mise en spectacle rituelle de la violence permettrait que celle-ci fût en quelque sorte extériorisée. Sa monopolisation, son devenir rationnel tend au contraire à l’intérioriser » (p. 18).

 

Guillaume FAYE.

(recension parue dans « Panorama des idées actuelles », mars 1985 ; cette revue des livres et des idées était dirigée par le grand indianiste français Jean Varenne, disparu prématurément en 1997 ; avec l’aimable autorisation de l’auteur).

 

Michel MAFFESOLI, Essai sur la violence banale et fondatrice, Librairie des Méridiens, paris, 1984, 174 pages.