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samedi, 05 décembre 2009

Bertrand de Jouvenel, son amitié pour Pierre Drieu La Rochelle et les non-conformistes français de l'entre-deux-guerres

jouvenel.jpgSéminaire de «Synergon-Deutschland», Nordhessen, 31 octobre 1998

 

Bertrand de Jouvenel, son amitié pour Pierre

Drieu la Rochelle et les non-conformistes

français de l'entre-deux-guerres

 

Le 11 novembre 1918, à onze heures, le vieux continent bascule dans le XXième siècle. L'Europe, qui dépose enfin les armes au soir de quatre années de lutte fratricide, peut contempler horrifiée les derniers vestiges de sa grandeur déchue. Élevés dans le culte positiviste du demi-dieu Progrès, fils de la déesse Raison, dix millions d'hommes, de frères, sont venus expirer sur les rivages boueux, semés de ferraille, tendus de barbelés, de la modernité. Nouveau Baal-Moloch d'une nouvelle guerre punique. Le premier, le poète Paul Valéry baisse les yeux devant tant de gâchis, et soupire: «Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles (…) Nous sentons qu'une civilisation a la même fragilité qu'une vie». Malgré les sirènes bergsoniennes, dont le cri s'est depuis longtemps emparé des prophéties de Nietzsche, la France se réveille seulement de ses utopies. Il lui aura fallu pour en arriver là un million et demi de morts, deux fois plus de mutilés, une économie exsangue, un peuple tout entier anémié. Si pour les politiques unanimes, le responsable du massacre, c'est l'Allemand dans son essence, du Kaiser au plus petit fonctionnaire des postes impériales, la jeunesse pour sa part sent confusément que c'est toute l'Europe qui entre en décadence, menaçant jusqu'en leur tréfonds les bases de la civilisation.

 

De quelque nationalité qu'elle soit, le diagnostic de l'intelligentsia européenne est le même: 1918 marque l'entrée fracassante dans la «crise de civilisation». Des voix s'élèvent, d'Allemagne bien sûr avec Oswald Spengler et son Déclin de l 'Occident en 1922, mais aussi depuis la Grande-Bretagne, en les personnes de Norman Angel et le Chaos européen en 1920, ou Arnold Toynbee, qui publie L 'Eclipse de l 'Europe en 1926. Mais aussi depuis les exilés russes avec le Nouveau Moyen Age de Nicolas Berdiaeff (1924) sans oublier la France, Henri Massis et Défense de l'Occident en 1926, René Guénon, La Crise du Monde Moderne (1927) et André Malraux. Celui-ci, porte-parole des littérateurs à tendance révolutionnaire qui n'ont pas connu l'expérience de la guerre, embrasse toute la problématique de son époque dans son opuscule paru en 1926 et intitulé La Tentation de l'Occident .Il écrit: «La réalité absolue a été pour vous Dieu puis l'homme; mais l'homme est mort, après Dieu, et vous cherchez avec angoisse celui à qui vous pourriez confier son héritage. Vos petits essais de structure pour des nihilismes modérés ne me semblent plus destinés à une longue existence...». A droite comme à gauche de l'échiquier politique la désorientation et la révolte sont grandes, et l'on s'insurge contre une société qui a ainsi pu envoyer à la boucherie ses enfants pour le seul bénéfice de la bourgeoisie capitaliste. Beaucoup cherchent alors le salut à venir dans la révolution et se tournent vers un ordre nouveau qui mobiliserait toutes les énergies pour sauver le pays du marasme. Foulant au pied les vieilles chapelles partitocratiques, la jeunesse intellectuelle entre en ébullition dans ses deux décennies 1920-1930, appelant de ses vœux à l'Europe par-delà les patries, à une véritable tabula rasa contre la vieille bourgeoisie molle, fautive du charnier européen, tombeau de la civilisation.

 

Une mentalité générationnelle propre

 

Transcendant les querelles idéologiques, aspirant à prendre les rênes du pouvoir, cette fraction militante, éclatée en divers courants communément regroupés sous l'étiquette «non-conformiste», voit émerger quelques figures marquantes, pour la plupart issues des grands partis traditionnels. L'historien Philippe Burrin, discutant les thèses exprimées par Zeev Sternhell sur le «fascisme français», est arrivé au fil de ses recherches à sérier une mentalité générationnelle propre, unie dans la multiplicité des personnes, des revues, des cercles. Sur le débat non encore clos autour de l'imprégnation du phénomène fasciste sur ses différents mouvements, et par ricochet leur propre part de responsabilité dans l'émergence d'un large courant d'opinion favorable au fascisme (la thèse de la «nébuleuse concentrique fascistoïde» développée par Zeev Sternhell), il est convenu de scinder «l'esprit des années 30» en trois tendances:

- la Jeune Droite de Thieny Maulnier, brillant khâgneux dissident de l'Action Française,

- Esprit d'Emmanuel Mounier,

- et Ordre Nouveau d'Alexandre Marc.

Trois courants autour desquels gravitèrent de plus petites structures telles que Combat ou Réaction. Toutes convergeant vers une commune volonté de rompre avec le «désordre établi» pour un cornmunautarisme fédéral européen

 

Mais à trop focaliser leur travail sur les seules années 30 —relégant par là le mixtum compositum non-conformistes à une émanation supplémentaire de la pensée de droite face à l'hitlérisme—, les chercheurs en sont venus à oblitérer deux faits majeurs de la généalogie non-conformiste: la large provenance d'éléments de gauche, à l'apport théorique considérable pour le développement futur du courant personnaliste, et ce qu'on pourrait définir par esprit de contradiction d'«esprit des années 20», où seront jetées toutes les données de la mouvance.

 

Parmi cette nébuleuse, deux personnalités radicales-socialistes émergent: Bertrand de Jouvenel et Pierre Drieu la Rochelle. En marge du non-conformisme, dans le sillage du politicien Gaston Bergery, Jouvenel et Drieu seront de toutes les aventures intellectuelles de l'entre-deux-guerres. De la collaboration au périodique La Lutte des Jeunes à l'écriture d'essais théoriques inspirés de Henri de Man et au New Deal, en passant par des sommets d'amitié franco-allemande et l'engagement désespéré auprès du PPF doriotiste à la veille de 1939.

 

«De ces groupes, note le ténor du non-conformisme Jean de Fabrègues dans son livre Maurras et son Action Française, à ceux qui font la revue Plans avec Philippe Lamour ou à Alexandre Marc, ou à la Lutte des Jeunes avec Bertrand de Jouvenel et Pierre Andreu, ou à l'Homme Nouveau (...) ou même à Esprit avec Mounier et Izard, court une sorte de commune réaction. On écrira un jour: «la génération de 1930» et c'est vrai». Drieu Jouvenel, deux vies dans le siècle.

 

Deux voyageurs dans le siècle:

 

«Une génération forme un tout. Ceux qui lui appartiennent ont beau différer par leurs principes, leurs conditions, leurs natures? Ils sont plus près les uns des autres que de leurs pères ou de leurs fils. A subir les mêmes contagions, à se mêler aux mêmes combats, à se soumettre aux mêmes modes, aux disciplines sociales, aux conséquences des mêmes découvertes, ils ont acquis une unité morale, une ressemblance physique qu'ils ne remarquent point mais qui paraîtra flagrante à la postérité lorsqu'elle lira leur œuvre ou regardera leurs images». Ce n'est pas à Bertrand mais à son père, Henry de Jouvenel (1), qu'il revient d'avoir le mieux exposé dans La Paix Française, témoignage d'une génération (1932), ce que Denis de Rougemont nommera, pour sa part, «communauté d'attitude essentielle» dans le Cahier des Revendications de la NRF.

 

Dès à partir du milieu des années 20, «années décisives» s'il en est, la contestation s'est amplifiée parmi les rangs de la gauche. Motivé par la marche sur Rome victorieuse de Mussolini, par l'inquisition anti-trotskiste et l'excommunication de l'Action Française, le projet d'une «troisième voie» nationale se fait jour. Rénovation du politique, dynamique jeune, égale réfutation des modèles collectiviste et libéral, libération spirituelle et matérielle de la personne sont au centre des priorités. Tandis que Georges Valois, ancien animateur des Cahiers du Cercle Proudhon, fonde le Faisceau en 1925, un sémillant député radical-socialiste, Gaston Bergery, coordonne la fronde des «Jeunes Turcs» où s'illustre un journaliste fraîchement sorti de l'Université, Bertrand de Jouvenel, qu'inspire le thème de la «Quatrième République» défendu par Bergery. 1928 sera une année capitale pour Jouvenel.

 

Brillant combattant de 14-18, Bergery est rejoint au sein de la tendance réformatrice par un littérateur avec qui il s'est lié en 1916, Pierre Drieu la Rochelle. Mis en présence l'un et l'autre, Jouvenel et Drieu se rejoignent sur leurs espoirs européens, leur foi dans la SDN. Drieu a déjà publié quatre essais pro-européens à l'époque, Etat Civil (2), Mesure de la France (3), Le Jeune Européen (4) et Genève contre Moscou (5), où quatre thématiques essentielles se rejoignent:

- le patriotisme européen,

- la haine de la démocratie libérale,

- la crise spirituelle de l'Europe devant l'essor technologique,

- le socialisme éthique.

«L'Europe se fédérera, ou elle se dévorera, ou elle sera dévorée», écrit-il dans Mesure de la France.

 

Dans l'orbite de Bergery gravite un jeune éditorialiste, Jean Luchaire. Directeur du mensuel pacifiste Notre Temps depuis 1927, il n'hésite pas à ouvrir ses colonnes tant à l'équipe du Faisceau de Valois qu'aux idées révisionnistes du Belge Henri De Man, dont le planisme est divulgué en France par l'opuscule d'André Philip, Henri De Man et la crise doctrinale du socialisme.

 

Européisme et socialisme

 

jouvenel7777.jpgParues en 1928, les thèses de De Man impressionnent vivement Jouvenel, cependant que de nouveaux cercles d'inspiration planiste se constituent: X-Crise, Plans, Nouvelles Equipes. Le 31 octobre 1928, le premier exemplaire du journal La Voix sous la direction de Jouvenel sort de presse. De préoccupation socio-économique, le périodique expose un programme dirigiste qui entend se conformer aux nouvelles nécessités du temps:

«Assurer à la classe ouvrière un niveau de vie convenable par une politique de logement et un vaste système d'assurances (...)

«Assurer au peuple entier l'instruction gratuite, la sélection des plus aptes (...)

«Assurer le développement méthodique de la production de la production, selon un vaste plan qui encourage l'initiation individuelle.

«Assurer à l'Etat la compétence, à l'administration la promptitude, par la mise en œuvre des principes syndicalistes.

«Assurer la paix entre les peuples par l'arbitrage obligatoire

«Assurer la solution des problèmes économiques et sociaux par leur internationalisation.

«Voilà notre programme».

 

Simultanément paraît aux éditions Valois son premier livre, L'Economie Dirigée— Le Programme de la Nouvelle Génération. Jouvenel n'est pas le premier intellectuel du milieu luchairien à être publié par Georges Valois dans sa «Bibliothèque Nationale». Gaston Riou y a déjà sorti Europe, ma patrie et Luchaire s'apprête lui-même à y imprimer Une génération réaliste pour janvier 1929.

 

Européisme et socialisme réformiste forment les bases des revendications communes aux non-conformistes de gauche. Ni exaltée, ni utopiste, L'Economie Dirigée arrive en librairie pour son 25ième anniversaire. La recherche d'une marche économique socialement bénéfique cimente l'ouvrage. L'idée de plan est omniprésente. D'esprit saint-simonien selon ses propres propos, L'Economie Dirigée assigne aux industriels une mission sociale dans le développement harmonieux de la nation. Son dirigisme n'impose pas, mais incline la production grâce à la création d'un inventaire des possibilités de production nationale dont disposeraient les gouvernants. Novateur, son ouvrage récuse Wall Street comme Moscou et envisage un système de répartition des richesses équilibré, ni libertarien ni étatiste. «Au XlXième siècle, le travail a été la vache à lait du capital, au XXième siècle, le capital sera la vache à lait du travail» écrit-il alors, plein d'enthousiasme. Gorgée d'espoir, son corpus doctrinal élaboré, la jeune intelligentsia «rad-soc» marche à l'Europe. Le tremblement de terre américain du krach de 1929 est encore loin de faire ressentir ses secousses de ce côté de l'Atlantique, et les non-conformistes entendent œuvrer à la réconciliation franco-allemande concomitamment aux efforts de la Société des Nations. La jeunesse à la rescousse de ses pères. Non-conformistes et révolutionnaires-conservateurs se rencontrent pour relever l'étendard de Prométhée.

 

«Europe, Jeunesse, Révolution!»

 

«L'esprit de revanche de l'Allemagne a hanté ma jeunesse». La confession de Bertrand de Jouvenel n'est pas celle d'un cas isolé. La signature du Traité de Paix, où pas un Allemand ne fut convié à discuter des articles, est vécue par la jeune génération comme une injustice sans précédent dans l'histoire des relations européennes. L'article 231 du Traité de Versailles, qui reconnaît seule fautive l'Allemagne, entérine son dépeçage et la surcharge d'indemnités écrasantes, offense l'esprit européen qu'est censée défendre la Société des Nations. Et malgré la ratification des accords de Locarno, on sait l'édifice briandiste fébrile.

Humiliée, rejetée dans la crise économique par l'occupation de la Ruhr, I'Allemagne weimarienne peut à tout moment basculer. A l'esprit de réconciliation, la NSDAP montant rétorque par l'esprit de revanche. C'est à la jeunesse, pensent Jouvenel et Drieu, qu'il incombe de réaliser l'unité européenne.

 

Visionnaire mais surtout alarmiste, Drieu clame à qui veut l'entendre que «l'Europe ne peut pas vivre sans ses patries, et certes elles mourraient si en les tuant elle détruisait ses propres organes; mais les patries ne peuvent plus vivre sans l'Europe». Jouvenel et Drieu conjuguent leurs efforts et achèvent coup sur coup les manuscrits de Vers les Etats-Unis d'Europe (6) et L'Europe contre les Patries, deux essais prophétiques, pacifistes et antimilitaristes, fédéralistes et socialistes, en librairie en 1931. Raillant la devise de l'Action Française, «Tout ce qui est national est nôtre», Jouvenel place en sous-titre l'exorde suivant: «Tout ce qui est international est nôtre». Et de fait, depuis 1929, les jeunes radicaux se sont joints en un «front commun de la jeunesse intellectuelle», associant deux groupes:

- «l'Entente franco-allemande des étudiants républicains et socialistes» (lié au Deutscher Studentenverband)

- et le «Comité d'Entente de la jeunesse pour le rapprochement franco-allemand»,

initié par Jean Luchaire et Otto Abetz, dont le destin croisera à maintes reprises les routes de Drieu et Jouvenel.

 

Une connivence qui se matérialise en juillet-août avec la tenue des premières rencontres du «Cercle de Sohlberg», suivies en septembre d'un sommet à Mannheim, en août 1931 du congrès de Rethel auquel participe Jouvenel avec Pierre Brossolette. Au cours de ces réunions étudiantes, les deux parties s'entendent à récuser unilatéralement les clauses de Versailles et prônent de concert une réponse organique énergique au déclin de la civilisation.

 

Placées sous le credo de «révolution spirituelle», les intervenants du F.C.J.I. divergent cependant, césure majeure, sur la forme que devra prendre le nouvel ordre européen. Au nationalisme classique des Français, politique et culturel, s'oppose l'idée de «Reich» allemand, d'essence völkisch pour la plupart. Mais refus du nationalisme intégral comme de l'internationalisme réunissent les collectifs présents. Malheureusement ces rencontres se solderont par un échec. Deux événements de première importance dans le devenir des relations franco-allemandes vont torpiller les projets du Front Commun. En France d'abord, où la crise a atteint l'économie en 1931, la victoire ingérable du Cartel des Gauches aux législatives en 1932 débouche sur l'instabilité politique. Ni les Tardieu, Blum, Daladier ou Laval ne paraissent en mesure de répliquer à l'inertie qu'avaient manifestée avant eux les Clemenceau, Poincaré et Briand. Précipitées par la récession économique et la corruption des institutions les émeutes du 6 février 1934 poussent les intellectuels français à se repositionner par rapport a une nouvelle donne: fascisme et antifascisme. En Allemagne, par l'accession à la chancellerie d'Adolf Hitler en 1933, qui enterre la détente franco-allemande et sonne le glas du rêve lorcanien de désarmement. Déjà, la mort d'Aristide Briand, le 7 mars 1932, le jour même où Hitler obtint ses fatidiques 37% aux élections présidentielles, n'avaient pas manqué d'éveiller les craintes du Cercle de Sohlberg. Chacun avait compris que s'évanouissait le rêve d'une Europe fédérale. Au congrès de Francfort mené en février 1932 par Alexandre Marc d'Ordre Nouveau et Harro Schulze-Boysen de Planen succède en avril 1933 une rencontre à Paris sous l'impulsion de Luchaire avec, aux côtés de Drieu, Jouvenel et Fabre-Luce, des représentants des Jeunesses Radicales, du Sillon Catholique, de Jeune République, et du côté allemand des émissaires du nouveau régime. Ce colloque marque la fin des illusions et entérine le déclin du Front Commun.

 

Les réunions de Berlin et du Claridge, organisées par Jouvenel, Abetz et Kirchner, rédacteur en chef de la Frankfurter Zeitung passé au national-socialisme, destinées à «jeter les bases d'une société de coopération intellectuelle groupant l'élite (des) deux pays» (7), scellent logiquement le refroidissement des gouvernements français et allemand, dans un contexte nouveau de radicalisation des positions idéologiques. Des rencontres rhénanes ne subsistera que le goût amer d'un parallélisme d'idées dans le rejet, non dans les solutions proposées. A l'arrivée de Hitler, Bergery opposera désormais au “ni Droite ni Gauche” une nouvelle ligne stratégique marquant le retour du politique dans une logique de tensions nationale et internationale: démocratie contre totalitarisme.

 

Un exercice tercériste: “La Lutte des Jeunes”

 

La victoire du Cartel des Gauches en 1932 n'apporte que déception à Gaston Bergery, qui trahit son ambition d'un parti unitaire de la gauche. Rongeant son frein, il claque la porte du parti radical-socialiste en mars 33 et annonce simultanément la formation d'un Front Commun, anticipant le Front Populaire de 1936, qu'il veut antifasciste et anticapitaliste. Déat au nom des néo-socialistes et Doriot, venu sans autorisation du Parti Communiste, répondent présents. Drieu et Jouvenel rejoignent le mouvement et lancent début 1934 un bimensuel, La Flèche, qui expose les vues du Front Commun.

 

Drieu se cherche alors et oscille entre sa fascination pour l'efficacité communiste et son attirance pour l'héroïsme fasciste. L'idée d'une troisième voie lui apparaît de plus en plus comme une vue de l'esprit. Son chef-d'œuvre, Gilles, où Bergery parait sous les traits de Clérences, évoque ses tergiversations. La réponse ne se fait pas attendre. Pareils à Gilles, Drieu et Jouvenel vivent le 6 février 1934 comme un véritable électrochoc. Jouvenel prend la décision de fonder son hebdomadaire, qu'il intitule La Lutte des Jeunes. Au sentiment sourd d'une France passive, avachie a répondu la jeunesse descendue dans la rue. Mounier dans Esprit s'exalte pour cette «nouvelle génération», «neuve et hardie, qui sauve notre pays d'être le plus réactionnaire d'Europe»; Drieu, au comble de la joie, écrit: «On chantait pêle-mêle la Marseillaise et l'Internationale. J'aurais voulu que ce moment durât toujours». Plus circonspect, Jouvenel mesure pourtant l'émergence opportune d'un bloc de la jeunesse. Fidèle à la ligne non-conformiste, La Lutte des Jeunes s'adjoint la collaboration d'intellectuels d'horizons aussi divers que Mounier, Brossolette, Gurvitch, Beracha, Lacoste, Andreu. Et toujours Drieu.

 

Si Zeev Sternhell ne voit la que «fascistes, anti-démocrates et anticapitalistes» optant pour «un régime autoritariste et corporatiste» (simple préfiguration en somme de la Révolution Nationale pétainiste), le programme publié en première page de La Lutte des Jeunes est autrement plus réformiste et d'orientation planiste: «(...) Il faut “désembouteiller” les professions en permettant aux vieux de se retirer. Et il faut ainsi assurer l'embauchage des jeunes. Il ne suffira point de multiplier les stades, de faciliter la pratique du sport, il faudra encore permettre aux jeunes de vivre en pleine campagne durant un mois de l'année au moins (...) Où est la solution? Dans les camps de jeunesse qui peuvent être établis sur les domaines de l'Etat (...) C'est dans de pareils camps qu'une partie de la jeunesse chômeuse pourra être établie, y suivent des cours de formation professionnelle, travaillent dans des ateliers coopératifs».

 

Jouvenel rompt à son tour avec le Parti Radical mais se démarque de Bergery dont il pressent la perte de vitesse. Drieu devient le théoricien de la convergence. Seul il se réclame dorénavant du fascisme, écrivant le 11 mars 1934 dans sa chronique: «Il faut un tiers parti qui étant social sache aussi être national, et qui étant national sache aussi être social (...) il ne doit pas juxtaposer des éléments pris à droite et à gauche; il doit imposer à des éléments pris a droite et à gauche la fusion dans son sein». Il s'agit de ramener «les radicaux désabusés, les syndicalistes non fonctionarisés, les socialistes français, les anciens combattants et les nationalistes qui ne veulent pas être dupes des manœuvres capitalistes». Telle est la thèse de son livre Socialisme fasciste (8). Dans la foulée, Jouvenel lance des «Etats Généraux de la Jeunesse» auxquels prennent part une cinquantaine de groupes.

 

Le planisme de De Man, l'Union Nationale de Ramsay McDonald et le New Deal de Roosevelt

 

Où que se tourne le regard de Jouvenel, le triomphe du planisme le convie à s'en faire le propagateur français. En Belgique, c'est l'alliance que concluent à la Noël 33 Paul Van Zeeland, du parti catholique, premier ministre, et Henri De Man, vice-président du Parti Ouvrier Belge (POB), nommé ministre de la «résorption du chômage». En Grande-Bretagne, c'est la constitution d'un cabinet d'Union Nationale par Ramsay Mc Donald, chef du Labour Party et premier ministre britannique. Aux USA enfin, avec le 4 mars 1933 I'investiture de Franklin Delano Roosevelt, qui réoriente l'économie selon le modèle du New Deal. Un premier voyage effectue en Amérique fin 1931, ponctué d'un livre, La Crise du capitalisme américain, avait convaincu Jouvenel des tares intrinsèques, «génétiques» du système capitaliste. La victoire des Démocrates signe le retour de Washington sur Wall Street, d'un pouvoir volontaire, héroïque, d'un gouvernement qui gouverne. Le keynésianisme rooseveltien, que Jouvenel définit comme jumeau du socialisme alternatif de De Man, intègre pleinement sa vision économique: «Mais ce qui intéresse la prospérité de la nation, et du même coup sa puissance, ce sont les dépenses faites par les entreprises pour produire et pour investir en vue de produire plus et autre chose, et ce sont les dépenses faites par les travailleurs pour consommer plus et autre chose. L'harmonie entre ces catégories de dépenses et leur continuité, voilà qui est incomparablement plus important que l'équilibre budgétaire». Des propos criants d'actualité.

 

La Lutte des Jeunes n'était initialement conçue par Jouvene1 que comme le tremplin vers une nouvelle formation politique résolument d'avant-garde, et Drieu ne pense pas autrement. Aussi, quand les «Etats Généraux» marquent leurs premiers signes d'essoufflement, les deux intellectuels reportent aussitôt leur attraction sur la formation la plus originale de l'époque, le Parti Populaire Français de Jacques Doriot.

 

Grandeur et misère du doriotisme

 

En mai 1934, alors que paraissait le premier numéro de La Lutte des Jeunes, Jacques Doriot, meneur chahuteur et adulé du PC, est exclu de l'Internationale Communiste. Maire de Saint-Denis depuis 1931, le 6 février 1934 a pour lui aussi été décisif. Sans attendre la permission du parti. Doriot a mis sur pied un comité antifasciste dans sa ville et appelé à l'union de la gauche. Mal lui en prend car à l'époque la formule stalinienne du «social-fascisme» est encore de rigueur. Réélu maire en 1935, député en 1936, il fonde le PPF le 28 juin 1936 en réaction au Front Populaire.

 

D'emblée, le «Grand Jacques» attire à lui de nombreux intellectuels, dont Drieu et Jouvenel, qui le choisissent, l'un pour son attente d'un «nationalisme révolutionnaire» authentique, l'autre dans l'optique d'un programme planiste complet. Tous deux collaborent à la rédaction des périodiques L'Émancipation Nationale et La Liberté. Si Drieu justifie son adhésion par le nihilisme qui le gagne: «Il n'y a plus de partis en France, il n'y en a plus dans le monde... Il n'y a plus de conservateurs parce qu'il n'y a plus rien de nouveau. Il n'y a plus de socialistes parce qu'il n'y a jamais eu de chefs socialistes que des bourgeois et que tous les bourgeois depuis la guerre sont en quelques manières socialistes», Jouvenel s'appuie pour sa part sur les propres dires de Doriot: «Je ne veux copier ni Mussolini, ni Hitler. Je veux faire du PPF un parti de style nouveau, un parti comme aucun autre en France. Un parti au-dessus des classes (...)».

 

Accédant avec Drieu au bureau politique du parti en 1938, Jouvenel se fait l'avocat du planisme. Une fois de plus, la déconvenue est à la hauteur de leurs souhaits. Privé de son électorat traditionnel, le PPF compense ses pertes par un vote de droite qui l'attire vers le conservatisme le plus étriqué. Alors que Drieu s'éloigne, accusant Doriot d'abandonner son «fascisme révolutionnaire» pour un «fascisme réactionnaire» de compromission, Jouvenel constate l'échec du «socialisme à la française» qui l'avait mené au doriotisme. Définitivement sevré du PPF au soir des accords de Munich, que Doriot par pacifisme applaudit, Jouvenel rend sa carte en janvier 1939, ulcéré de la dérive antisémite du parti. Non sans avoir publié, ultime rebuffade devant les orages qui naissent au-dessus du continent, Le réveil de l'Europe. Relégué parmi les penseurs d'extrême-droite, Jouvenel devra s'adresser à Gringoire et Candide pour ses articles. Drieu poursuivra en solitaire sa carrière finalement plus anarchique que fasciste.

 

Faisant le point sur ses dix ans de revendication non-conformiste, Jouvenel confiera, dans son recueil de mémoires Un voyageur dans le siècle: «Nous étions une génération raisonnable, soucieuse de l'avenir, souhaitant que ce fut un avenir de réconciliation et de paix, et un avenir de progrès économique et social. Nous ne faisions pas de rêves. C'étaient hélas nos dirigeants qui rêvaient». Drieu suicidé en 1945, après que Jouvenel, réfugié en Suisse pour actes de résistance, ait vainement tenté de le retenir lors d'une de ses visites en 1943, celui-ci poursuivra son œuvre. Dénonçant l'inadaptation des appareils philosophiques et politiques aux mutations du monde moderne.

 

Aujourd'hui réduit à l'archéologie de l'histoire des idées, le courant anti-conformiste aura considérablement pesé après-guerre sur la génération fédéraliste des années 50, à l'origine du Conseil de l'Europe. Et quoi qu'en dise Zeev Sternhell, «l'esprit des années 30» n'aura pas été que le compagnon de route du fascisme. Michel Winock, historien issu des rangs d'Esprit, rappelle à juste titre le foisonnement de points de vue que Drieu et Jouvenel illustreront dans leur amitié: «Beaucoup de matière grise avait été dépensée. De tous ces plans, de ces programmes, de ces utopies, il reste seulement des archives quand la critique des souris n'a pas eu le temps de faire son œuvre. Néanmoins, quelques idées-forces germèrent, certaines pour alimenter la Révolution Nationale, où bon nombre de ces jeunes gens se retrouvèrent (ndlr: on pense à Luchaire, Doriot et Bergery), d'autre pour nourrir les programmes de la Résistance pour une France libérée et rénovée. On avait assisté à un feu d'artifice de la jeunesse intellectuelle. Les étincelles de quelques fumées persisteront». (extrait de Le Siècle des intellectuels, Seuil, 1997).

 

Nul doute que la pensée fédéraliste, telle que définie par Bernard Voyenne, aura abondamment puisé dans le personnalisme. Pilotes du mouvement, les revues La Fédération et Le XXème Siècle Fédéraliste compteront ainsi parmi leurs parrains les signatures de Halévy, Andreu, Daniel-Rops, Rougemont et bien sûr Jouvenel.

Juste reconnaissance pour celui qui dépassant les clivages aura aussi bien collaboré à Vu qu'à Marianne, à L 'Œuvre qu'à Paris-Soir. Pour autant, Jouvenel se détachera rapidement des tumultes politiques de l'après-guerre, navré de l'imprévision des hommes: «De 1914 à 1945, I'Europe se sera quasiment suicidée, de même que la Grèce dans sa guerre de Trente Ans. Et comme la Grèce s'était retrouvée par la suite exposée aux influences contraires de la Macédoine et de Rome, de même l'Europe entre la Russie et les Etats-Unis». Après La défaite, livre publié chez Plon en 1941, signifiait son abattement: «Il n'est pas douteux que la France aurait pu faire à temps sa propre révolution de jeunesse. Le fourmillement des manifestes, d'idées, de plans, de petits journaux et de jeunes revues qui suivit le 6 février 1934 en témoigne amplement. Les mêmes tendances anticapitalistes et antiparlementaires s'exprimaient dans la jeunesse de droite et dans la jeunesse de gauche, qui d'ailleurs multipliaient les contacts». Son maître-livre, Du Pouvoir, imprimé à Genève dès 1945, demeure la désillusion de toute une élite. La mort volontaire de Drieu n'y aura sans doute pas été étrangère.

 

Laurent SCHANG.

 

(1)     directeur du quotidien Le Matin, ministre de l'instruction publique (1924), haut-commissaire au Levant (1925-1926). Epoux de Colette.

(2)     1921.

(3)     1922.

(4)     1927.

(5)     1928.

(6)      qui paraît chez Valois.

(7)     où sont présents Fernand de Brinon, Jean Luchaire, Jules Romains, Paul Morand, Drieu la Rochelle.

(8)     publié en 1934.

 

 

jeudi, 03 décembre 2009

Le cauchemar de Marx

Le cauchemar de Marx

Ex: http://unitepopulaire.org/

 

« Au cours des trois ou quatre dernières décennies a dominé une idéologie du dépérissement de l’État, partagée aussi bien par les libéraux que par les sociaux-démocrates. Et ce n’était pas qu’une idéologie. On a tenté et on tente encore de mettre en place des institutions supra-étatiques pour une "gouvernance mondiale", sous l’égide cependant de l’État le plus fort, les USA. On prétendait passer ainsi du "gouvernement des hommes à l’administration des choses", selon une formule de Saint-Simon reprise par Marx et Engels… Mais la crise remet les choses à l’endroit : on retourne aux États-nations, les seules réalités effectives. La "gestion" de la crise par les puissances européennes le montre à l’envi. […]

marx_karl_nodeimage.jpgChez Marx, dans Le Capital, le véritable sujet de la révolution sociale, c’est-à-dire de "l’expropriation des expropriateurs", ce sont les "producteurs associés", c’est-à-dire tous ceux qui jouent un rôle nécessaire dans la production, et cela va de l’agent d’entretien au directeur. L’idée de Marx était que le détenteur de capital était de plus en plus en dehors du procès de production et de plus en plus parasitaire, puisque son travail d’organisation et de direction était effectué par des salariés fonctionnaires du capital. Ensuite, à partir de la social-démocratie s’est inventé autre chose : l’idée que la classe ouvrière devenait la classe rédemptrice. Mais ça, ça ne découle pas de la théorie de Marx. C’est une nouvelle religion pour classes dominées… et qui doivent le rester, comme le dit très bien mon ami Costanzo Preve. Le vrai problème, c’est qu’une classe dominée transformée en classe dominante est une contradiction dans les termes ! Le prolétariat est défini pas sa soumission à la domination. La dictature du prolétariat est aussi impossible à concevoir qu’un cercle carré. […]

Il y a des mouvements de résistance anti-systémiques qui entraînent des fractions de toutes les classes de la société, à partir de motivations différentes mais qui peuvent converger vers un communisme non utopique. […] Le communisme dans sa seconde phase, tel que le définissent Marx en 1875 et la tradition marxiste, c’est le développement illimité des forces productives, l’abondance et la fin du travail (à chacun selon ses besoins), l’extinction de l’État. En fait, ce communisme-là, c’est du pur christianisme millénariste. Le développement des forces productives est limité par la capacité de la planète (et nous n’en avons pas d’autre accessible). L’abondance est, pour cette raison, une rêverie creuse. Et la fin de l’État supposerait que les deux précédentes utopies soient réalisables. Mais une fois ces utopies abandonnées, il reste pas mal de choses à faire et des transformations sociales radicales sont possibles, qui ne feront pas de ce monde un paradis mais éviteront qu’il ne se transforme en enfer. »

 

Denis Collin, auteur de Le Cauchemar de Marx : Le Capitalisme est-il une Histoire sans Fin ? (Editions Max Milo, 2009), entretien accordé à Lettres Françaises, 5 septembre 2009

samedi, 28 novembre 2009

Lévy-Strauss fut-il un progressiste?

claudelevystrauss.jpgLévi-Strauss fut-il un progressiste ?

À entendre les éloges funèbres, Claude Lévi-Strauss, aujourd’hui unanimement encensé, aurait été le plus politiquement correct des philosophes : antiraciste avant l’heure, anticolonialiste, promoteur des civilisations « premières », quelle meilleure référence ?

Il est certes incontestable qu’il défendit l’idée, fondamentale dans son œuvre, que les cultures dites primitives sont aussi complexes que les cultures modernes.

À cette figure d’hagiographie, les fines bouches objectent cependant tel ou tel propos de jeunesse sur l’inégalité des races ou paraissant hostile à l’islam. Mais avant 1945 — cela est complètement oublié aujourd’hui —, dans presque toutes les familles politiques et pas seulement les pro-nazis, il était naturel de parler de race et de s’interroger sur leur éventuelle inégalité. C’est à partir de la catastrophe hitlérienne que les mentalités changèrent et encore très progressivement. Lévi-Strauss était d’ailleurs resté plutôt discret sur ces questions.

Ce n’est en tous les cas pas pour cela mais pour une toute autre raison qu’il fut considéré dans les années soixante comme un fieffé réactionnaire.

La mode du « structuralisme »

Connu seulement des spécialistes, Claude Lévi-Strauss a passé la rampe de la célébrité, au moins dans le grand public cultivé, quand fut lancée, vers 1966, la mode du « structuralisme ». Il s’agissait au départ d’une expression journalistique, comme plus tard les « nouveaux philosophes » regroupant de manière approximative des penseurs qui ne se connaissaient pratiquement pas et dont les préoccupations étaient en réalité fort différentes.

Lévi-Strauss avait tiré de la linguistique de Ferdinand de Saussure (Cours de linguistique générale, 1916) l’idée que les phénomènes humains sont organisés comme des systèmes (structures), de telle manière que si on bouge tel élément — d’une langue pour Saussure, d’un système de parenté ou de représentations mythologiques pour Lévi-Strauss (les Structures élémentaires de la parenté, 1949) —, c’est tout le système qui est affecté et pas seulement la pièce que l’on a bougée. Cela parce que les différents aspects de telle ou telle réalité humaine sont reliés par des logiques invisibles qui expliquent ce genre d’effets, dits « effets de structure » : un peu comme quand on modifie l’un des quatre angles d’un parallélépipède, les trois autres en sont automatiquement affectés.

À Saussure et Lévi-Strauss, furent rattachés le psychanalyste Jacques Lacan, qui lui aussi travaillait depuis longtemps mais n’était pas encore très connu, lequel allait répétant que « l’inconscient est structuré comme un langage », et Michel Foucault qui montra dans les Mots et les Choses (1966) comment des éléments apparemment étrangers d’une même période de la culture (son analyse du XVIIe siècle français fut exemplaire) étaient reliés par des analogies secrètes qu’on pouvait aussi qualifier de structures. Théorisant le structuralisme, Foucault dit également que l’étude de l’homme passe désormais par différents sciences humaines dont chacune construit son objet à sa manière, produisant un éclatement de la notion d’ « homme », désormais dépourvue de sens.

Il n’y eut pas d’économiste structuraliste, mais l’économie de marché fonctionne de manière si évidente selon une logique structurale que personne ne ressentit alors le besoin de le relever.

La critique marxiste

Tout cela était-il de nature à provoquer la controverse, voire la haine ? Oui, parce que les marxistes — dont on a oublié l’hégémonie idéologique au cours des années soixante, mai 68 compris, supérieure peut-être à ce qu’elle avait été au sortir de la guerre — virent dans le lancement du structuralisme un nouvel artifice inventé par la bourgeoisie pour contrer le marxisme. Pourquoi ?

Parce que le marxisme-léninisme standard reposait sur l’idée d’une infinie plasticité de la nature humaine : sinon comment prétendre sculpter l’homme nouveau du communisme ? Ce dogme avait conduit Staline à soutenir, contre toute raison, les biologistes anti-mendéliens et anti-darwiniens Mitchourine et Lyssenko. Lié à cette plasticité, le primat de l’histoire sur la structure : c’est dans un processus historique concret que l’homme se produit lui-même sans être entravé par des structures prédéterminées. Or, personne n’avait osé le dire explicitement, tant cela eut paru une grossièreté (seul, un peu plus tard, Edgar Morin s’y risqua dans le Paradigme perdu, 1973) : le structuralisme ressuscitait l’idée de quelque chose comme une nature humaine.

levysrtaussoeuvres.jpgPour Lévi-Strauss, il n’y avait certes pas un seul système de parenté, de type monogamique occidental (c’est en cela qu’il était « tiers mondiste ») mais tous les systèmes de parenté n’étaient pas pour autant possibles. L’humanité a dressé de manière inconsciente une sorte de tableau de Mendeleieff des systèmes de parenté et il est condamné à aller de l’un à l’autre, sans échappatoire. Même chose pour Lacan : la castration du désir œdipien primitif est une constante de l’homme, un destin originel auquel nul n’échappe. Le pessimisme de Lacan — prolongement de celui de Freud — était exprimé en termes suffisamment cryptés pour qu’un public soixante-huitard avide de nouveautés mais ne comprenant pas bien ce qu’il disait lui fasse une ovation.

Seul Gilles Deleuze (l’Anti-Œdipe, 1972) saisit combien cette pensée pouvait être « réactionnaire » car désespérante pour toute idée de progrès. Les linguistes découvrent eux aussi des règles permanentes qui régissent l’évolution des langues. La pensée de Foucault est en revanche moins nette sur ce sujet : on n’a jamais su le statut épistémologique des concordances qu’il mettait au jour à telle ou telle époque.

Tentatives de synthèse

Tandis que les intellectuels communistes officiels se déchaînaient conte la vague structuraliste, il y eut des tentatives de synthèse entre le marxisme et le structuralisme. Un anthropologue aujourd’hui oublié, disciple de Lévi-Strauss et soigné par Lacan, Lucien Sebag, s’y essaya dans un brillant essai justement appelé Marxisme et Structuralisme (1964). Peut-être conscient d’une impasse, il se suicida l’année suivante.

Mais l’homme qui se trouva, bien malgré lui, au carrefour des deux courants de pensée fut Louis Althusser. Il était à la vérité plus marxiste que structuraliste et surtout influencé par Bachelard, mais en considérant qu’une configuration économique et sociale donnée était une réalité globale dont toutes les parties étaient solidaires, il a paru faire une lecture structuraliste du marxisme. Cela lui valut une solide méfiance du Parti communiste. Il fut en revanche le maître à penser des premiers maoïstes mais pour une tout autre raison : Althusser considérait que le mode de pensée idéologique (par opposition au mode de pensée scientifique) ne s’arrêtait pas avec la révolution mais que dans une première phase, le pouvoir « prolétarien » avait besoin d’une idéologie pour se consolider , une théorie qui justifiait à bon compte tous les délires, tant staliniens que maoïstes, à un moment où le parti communiste dénonçait au contraire le « culte de la personnalité ».

Claude Lévi-Strauss, dont le nom fut utilisé bien malgré lui dans ces querelles germanopratines, se tint largement sur la réserve. D’abord parce qu’il était souvent sur le terrain, ensuite parce que son tempérament distant et le souci de la rigueur scientifique le tenaient naturellement éloigné des tumultes de l’agora.

Source : Liberté Politique [1]


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Hommage à Panajotis Kondylis

Panajotis_Kondylis2222.gifArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Hommage à Panajotis Kondylis

(1943-1998)

 

Toute fama passe. C’est un adage que Panjotis Kondylis, philosophe grec né en 1943, a médité calmement. Il savait que si son œuvre était publiée d’abord en langue grecque, elle n’aurait guère d’impact. Kondylis s’est demandé s’il devait publier en anglais, en allemand ou en français. Finalement, il s’est décidé pour l’allemand. Aussi, dès cette décision prise, il a passé chaque année de sa vie six mois dans les bibliothèques de Heidelberg, six mois dans sa patrie hellénique.

 

La vie de Kondylis était celle d’un savant isolé, espèce en voie de totale disparition aujourd’hui. Kondylis était indépendant sur le plan matériel car il était issu d’une famille fortunée. Cette indépendance matérielle garantissait son indépendance d’esprit.

 

Son premier ouvrage, publié en 1979 et épais de 700 pages était la continuation d’études entamées à Heidelberg (Die Entstehung der Dialektik  - Eine Analyse der geistigen Entwicklung von Hölderlin, Schelling und Hegel bis 1802;  = La naissance de la dialectique. Analyse d’une évolution intellectuelle de Hölderlin, Schelling et Hegel jusqu’en 1802). Ensuite, il a publié Die Aufklärung im Rahmen des neuzeitlichen Rationalismus  en 1981 (= L’idéologie des Lumières dans le cadre du rationalisme moderne). Kondylis n’interprétait pas les Lumières comme une idéologie découlant des principes de la rationalité (sapere aude)  mais comme une réhabilitation de la sensualité. Le livre témoigne d’une immense culture livresque, même s’il apparaît un peu sec dans sa volonté opiniâtre de démontrer une thèse unique. Kondylis n’aimait pas les gris. Son ouvrage le plus connu, édité en 1991, Der Niedergang der bürgerlichen Denk- und Lebensform  - Die liberale Moderne und die massendemokratische Postmoderne (Le déclin de la forme de pensée et de vie bourgeoise - La modernité libérale et la postmodernité démocratique de masse), était en fait une analyse du phénomène de la masse, de la société et de la démocratie des masses.

 

En 1992, parait Planetarische Politik nach dem Kalten Krieg  (= Politique planétaire après la Guerre Froide). En 1996, Montesquieu und der Geist der Gesetze (= Montesquieu et l’esprit des lois). Mais dans les rangs des divers conservatismes, deux livres ont surtout mobilisé les attentions: Macht und Entscheidung  (1984; = Pouvoir et Décision) et Konservativismus  - Geschichtlicher Gehalt und Untergang  (1986; = La conservatisme: contenu historique et déclin). Effectivement, sur le conservatisme, peu de livres ont donné une description aussi fouillée du phénomène. La conclusion de Kondylis, contenue déjà tout entière dans le sous-titre de l’ouvrage, a suscité pas mal de critiques. Kondylis affirmait effectivement: «Le conservatisme est mort. Il est historiquement lié à une époque, celle de la noblesse. Tout ce qui, ultérieurement, s’est donné le nom de “conservatisme”, devrait plus être qualifié de “vieux-libéralisme”, car une telle appelation serait plus exacte. Car ces conservatismes sont dorénavant soumis aux conditionnements de la modernité...». Mais c’est surtout sa thèse principale qui a été rejetée comme trop “mécanique”, malgré l’admiration de toute sa corporation pour une certaine pertinence de sa démonstration et pour son enquête à travers toutes les sphères culturelles de l’Europe: Kondylis affirmait qu’avec la dissolution des restes de la société civile médiévale, c’est-à-dire avec l’abandon de la féodalité et l’élimination des avantages juridiques et publiques de la noblesse, le conservatisme politique avait factuellement cessé d’exister.

 

Enfin, au moment de sa mort, Kondylis, le réaliste qui méprisait la “lourdeur moralisante”, travaillait à un ouvrage en trois volumes sur la “socio-ontologie”. Hélas, la Grande Faucheuse l’a emporté le 10 juillet, quelques heures avant qu’il ne quitte Athènes pour se rendre à Heidelberg.

 

Hans B. von SOTHEN.

(hommage paru dans Junge Freiheit, n°30/1998).      

 

 

vendredi, 27 novembre 2009

Tussen nationaal en internationaal kapitaal

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Tussen nationaal en internationaal kapitaal

Geplaatst door yvespernet op 20 november 2009

Inleiding

Bedrijven klagen graag over wetten en regels die staat uitvaardigt m.b.t. interventie in de economie. We stellen echter ook vast dat de meeste bedrijven zich zullen uitspreken in voorkeur voor een staat. De staat kan immers de bedrijven beschermen en een economische politiek voeren waar zij baat bij hebben. Ook de arbeiders hebben baat bij een staat die zorgt voor sociale wetgeving en dus sociale rust, waar de bedrijven op hun beurt dan weer baat bij hebben. Algemeen gezien kan men stellen dat een volksnationalistische staat zorgt voor de nodige economische, politieke en sociale stabiliteit om in een degelijk niveau van welzijn én welvaart te voorzien. Maar tegenover deze bedrijven staan de grote multinationals van het grootkapitaal die net zullen ijveren naar zo weinig mogelijk staatsingrijpen. Dit omdat hun vertakkingen immers internationaal zijn en van zo een grote omvang dat zij enkel nog maar kunnen tegengehouden worden door staatsingrijpen. Zonder dat ingrijpen zouden zij immers monopolieposities kunnen innemen en volledig hun zin doen, vaak met desastreuze ecologische, sociale en economische gevolgen . Het is dus zeer belangrijk om in te zien dat men niet kan spreken van “hét kapitaal”, maar dat we een onderscheid moeten maken tussen het nationaal kapitaal en het internationaal (groot)kapitaal. Voor we dus verdergaan over de rol van de staat is het even nodig om stil te staan bij het verschil tussen deze twee.

Het verschil tussen nationaal en globaal kapitaal

Het nationaal kapitaal verkiest zich te hechten aan een staat en diens inwoners om zijn economische activiteiten te ontplooien. Ze zullen hun best doen om zoveel mogelijk van de subsidies in handen te krijgen om hun activiteiten op nationaal niveau uit te bouwen. Eventueel zijn daar wel internationale vertakkingen bij, maar deze vorm van kapitaal blijft zijn zwaartepunt in één land houden en zal bij besparingen ook in dat land als laatste besparen.

Het internationaal grootkapitaal heeft geen binding meer met één land. Hun hoofdvestiging is niet uitgekozen vanwege een emotionele verbinding, maar vanwege pure machtspolitiek. Zij zullen zich vestigen in een sterke staat die ze kunnen gebruiken om andere landen onder druk te zetten. Zodra zij echter kunnen, zullen zij echter de macht van de staat op de economie ondermijnen om hun activiteiten te vergroten. Voor het grootkapitaal telt enkel winst en nog meer winst.

Dit verschil is belangrijk voor onze strijd aangezien we vriend van vijand moeten kunnen onderscheiden. We zijn geen marxisten die alle kapitaalbezitters smeerlappen vinden, wij wensen ook niet een communistisch systeem te organiseren waarbij vooral de armoede collectief bezit is. Het is echter wel onze strijd dat wij wensen te strijden tegen entiteiten die onze eigenheid en onafhankelijkheid aanvallen. En momenteel is het grootkapitaal “goed” bezig met dat te doen en helaas met succes. Daarom moeten we ook onze bondgenoten gedeeltelijk zoeken in het nationale kapitaal, zonder daardoor blind te worden voor het feit dat ook in het nationale kapitaal elementen zitten die maar al te graag tot het internationale grootkapitaal willen horen.

De legitimatie van de staat

Liberalen en anarcho-kapitalisten stellen het bestaan van de staat en diens macht over maatschappij regelmatig in vraag. De eersten willen nog een minimum aan staat behouden, anarcho-kapitalisten willen echter alle vorm van staat afschaffen en alles overlaten aan de bedrijven en de vrije markt. Voor ons solidaristische volksnationalisten is dit echter onmogelijk. Wij beschouwen de staat immers als een hulpmiddel en een verdediging van de volksgemeenschap. In onze visie dienen de staatsgrenzen getrokken te worden rond de grenzen van volkeren en niet omgekeerd. Vanuit die optiek is de volksgemeenschap dus de kern en drijvende motor van het bestaan van de staat en tevens de oorzaak en middel van die staat om te functioneren. Verder stellen wij ook dat door het bestaan van de staat de volksgemeenschap en diens economie kan worden beschermd tegen het grootkapitaal dat enkel denkt aan winst en niets geeft om sociale wetgeving, of de ecologische en sociale gevolgen van hun manier van zaken doen.

Maar het is belachelijk om te denken dat een staat altijd perfect functioneert. Indien dat wel het geval zou zijn, zouden we niet met de problemen van vandaag de dag zitten. Het is dan ook belangrijk om een nationaal besef van plicht in te bouwen in de mensen die de bureaucratie van de staat bemannen. Wanneer de staat immers geplaagd wordt door grote corruptie en belastingsgelden het centrale gezag niet bereiken, zullen mensen de staat gaan beschouwen als een manier op zich om winst te maken. Waarop het centrale gezag vervolgens zal reageren door de staat te gaan gebruiken als een verzameling middelen die verkocht kunnen worden om aan geld te geraken. Niet enkel in de huidige corrupte Afrikaanse staten kunnen we dit terugvinden, ook bij ons hebben we dit probleem gehad in de geschiedenis van de staatsvorming. Kijken we maar naar de 16de eeuw waarbij posities in de staat verkocht worden. Als deelnemer aan het parlement van Parijs moest men gewoon 6.000 livres betalen in 1522, tegen 1600 was dit 60.000 livres geworden , om deze functie te krijgen. Normaal vereiste dit juridisch onderwijs en kunnen, maar doordat het centraal gezag constant geld nodig had, door het ontbreken van een vaste stroom belastingen en de visie op de staat als een manier van persoonlijke verrijking, en dus dit soort functies verkocht.

Sterker nog, een nachtwakerstaat zoals vele liberalen voorstellen is net veel kwetsbaarder voor dingen als een staatsgreep. Het principe van een staat houdt immers nog steeds in dat een staat de volledige autoriteit heeft binnen de bevoegdheidsgrenzen die door de staat worden gesteld. Maar wanneer de staat zijn handen aftrekt van belangrijke en winstgevende economische sectoren, kweken zij een groot ongenoegen naar de bevolking toe. Dit doordat dit meestal gebeurt in landen waar multinationals opeens enorm veel macht krijgen en allesbehalve ethisch handelen. Dit leidt tot sociale onrust waar de staat, wegens gebrek aan financiële middelen, niet kan ingrijpen. Landen waar de staat de controle afgeeft op economisch vlak zijn dan ook kwetsbaarder voor militaire staatsgrepen . Kijken we bvb maar naar landen waar de staat zich volledig heeft teruggetrokken uit de oliesector en die bedrijven grote macht hebben. Nigeria is daar een goed voorbeeld van, waar de Movement for the Emancipation of the Niger Delta, vecht tegen het beleid van Shell. Shell heeft ook in het verleden reeds voorvechters van de bevolking daar laten vermoorden. In het geval van de Niger delta en Shell heeft Shell meerdere keren in het verleden zelfs geweigerd om te betalen voor de door hen veroorzaakte milieuschade . Pas onlangs hebben zij een minimum aan schadevergoeding betaald voor de moord op een emancipatievoorman. Ook moeten we onthouden dat een machtsvacuüm altijd opgevuld zal worden. Als het centrale gezag ondermijnd wordt, zal het gezag steeds op een lager niveau worden hersteld . Het resultaat van het uitvoeren van dit soort anarchistische avonturen zal dan ook enkel leiden tot het opkomen van lokale krijgsheren die de volksgemeenschap enkel verdelen.

Een andere kritiek die vaak wordt gehoord over de staat is de stelling dat staatsbedrijven hopeloos inefficiënt zijn en gigantisch veel verlies draaien, ten koste van de gemeenschapsgelden van de belastingen. Het is een feit dat staatsbedrijven vaak door politieke spelletjes beperkt worden in hun werking en ook dringend gesaneerd moeten worden. We mogen ook de dubieuze rol van sommige vakbondsmilitanten niet negeren. De vakbond is een organisatie die wij dienen toe te juichen, maar zoals bij andere organisaties zitten ook daar rotte appels die liever staken omdat dat spannender en leuker is. Het is dan ook nodig dat het personeelsbeleid bij de overheid op kwaliteiten en werkinzet worden gebaseerd en niet op vaste benoemingen moet steunen, al mogen we natuurlijk niet raken aan het principe van sociale wetgeving en bescherming.

Maar we mogen ook een andere visie hierop niet vergeten: overheidsbedrijven die niet geprivatiseerd geraken, zijn vaak de sectoren waar bedrijven (nog) geen winst op kunnen maken. Wanneer de staatsbedrijven immers geprivatiseerd worden, zien we niet een daling in prijzen en een verhoging in aanbod. Integendeel, de liberalisering van de energiesector in België zorgde ervoor dat energieprijzen hier 30% naar boven gingen. De liberalisering van het spoorwegsysteem in Groot-Brittannië zorgde voor grote prijsstijgingen, een grote stijging in ongelukken en het bijna instorten van het spoorwegsysteem . Het hebben van staatsbedrijven die betaald worden door belastingsgeld heeft reeds in het verleden aangetoond dat het een beter aanbod kan geven dan de liberalisering van die bedrijven. Kijken we maar naar de voornoemde voorbeelden of als we verder van huis willen kijken: Indië. Een Indische studie naar tevredenheid van klanten over dienstverlening en aanbod van producten in de banksector had als resultaat dat de overheidsbank Bank of India op alle vlakken het best scoorde . Een ander heikel punt met het bestaan van de staat zijn de belastingen.

De staat en belastingen

Wanneer we de grenzen van soevereiniteit tussen bedrijven en de staat, en dus tussen economie en politiek beleid, willen bespreken, is het nodig om de zaken concreter te bekijken. Immanuel Wallerstein heeft in zijn “World System Analysis” gesteld dat de soevereine staten proberen om in de volgende zeven gebieden zoveel mogelijk autoriteit op te bouwen : (1) Staten zetten de regels uit waar de voorwaarden bepaald worden waarin kapitaal, goederen en arbeid hun grenzen mogen overschrijden. (2)Staten bepalen de wetten met betrekking tot eigendomsrechten. (3) Staten bepalen de regels met betrekking tot arbeids- en loonsbeleid. (4) Staten bepalen welke kosten bedrijven moeten internaliseren. (5) Staten bepalen welke economische sectoren gemonopoliseerd mogen worden en in welke mate en vorm. (6) Staten bepalen de mate, vorm en inning van belasting. (7) Staten kunnen ingrijpen in het beleid van bedrijven binnenin hun grenzen, waarmee zij echter ook indirect de beslissingen van andere staten bepalen.

We hebben elders in dit artikel reeds besproken dat het internationale grootkapitaal ijvert om zoveel mogelijk beperkingen op de vrije handel af te schaffen. Hiertegenover staan dan de arbeidersbewegingen die net staatsinterventie willen om zo sociale wetgeving af te dwingen. Het is echter ook duidelijk dat vele grote bedrijven toch wel een zekere vorm van staat willen behouden om bepaalde dingen af te dwingen. In het begin van dit hoofdstuk hebben we het reeds gehad over hoe de centrale staat in de eerste plaats zijn macht uitbreidde om zoveel mogelijk belastingsgeld naar de staat te kunnen doen vloeien. Om uit te leggen waarom vele van de grote bedrijven toch nog steeds een zekere vorm van staat willen, is het nodig om het principe van belastingen en de gevolgen van het gebruik daarvan van naderbij te bekijken.

Één van de meest gehoorde, en favoriete, kritieken op het principe van de staat is dat zij belastingen heffen. Sterker nog, heel het principe van belastingen heffen is net één van de kernpunten geweest waar heel het principe van de staat rond gebouwd is geweest in vroegere eeuwen. Er wordt wel eens gezegd dat niemand graag belastingen betaalt, maar eigenlijk is dit helemaal niet zo. Al zullen velen het niet graag toegeven, bijna iedereen, zowel bedrijven als personen, wilt belastingen afdragen zodat de staat kan zorgen voor bepaalde voorzieningen die opgebouwd en onderhouden worden met belastingsgeld. De grote kritiek op belastingen komt eigenlijk neer op twee bedenkingen:

Het belastingsgeld wordt niet nuttig besteed: deze kritiek komt neer op de bedenking dat het belastingsgeld niet gebruikt wordt om diegenen te helpen die het braaf afdragen, maar om politici, bureaucraten, de staat zelf of vreemdelingen te onderhouden. En we kunnen inderdaad stellen dat in vele West-Europese staten het belastingsgeld op deze manier wordt misbruikt.

Hoe meer belastingen voor de staat, hoe minder geld de anderen hebben: belastingsgeld afdragen betekent eigenlijk het plaatsen van persoonlijke financiële middelen in één grote gemeenschappelijke pot, waarover de controle in handen ligt van de vertegenwoordigers van de gemeenschap, maar niet in de handen van de individuele leden van die gemeenschap.

Wanneer we kijken naar de tweede bedenking, botsen we ineens op een praktisch gevolg van belastingsgeld. De staat herverdeelt het belastingsgeld via sociale voorzieningen, openbare voorzieningen en subsidies. Dit gecombineerd met het feit dat de staat tevens de controle heeft over de wetten m.b.t. personen- en goederenverkeer geeft de staat eigenlijk enorm veel macht. Zodra de staat echter die macht gebruikt, kunnen we niet spreken over neutraliteit. Elke beslissing die de staat neemt op dit vlak is automatisch een bevoordeling of benadeling van de vele groepen, personen of bedrijven in de samenleving. Er bestaat dan ook geen neutrale houding van de staat wanneer het op ingrijpen in de markt aankomt, net omdat de staat de beschikking heeft over grote financiële stromen, namelijk de belastingen. Door het aanwenden van deze belastingsgelden bepaalt de staat een zeer groot deel van de samenleving. De subsidiëring van bepaalde culturele initiatieven en het niet-subsidiëren van anderen kan zeer diepgaande effecten hebben op de ontwikkeling van de geesten in de maatschappij.

Vanuit die optiek is het dus naast monetaire politiek ook zeer belangrijk om als staat een controle te behouden over de inning van de belastingen. Met het gebruik van deze collectieve pot geld kan men immers meer doen dan de staat onderhouden en in openbare voorzieningen voorzien, het kan ook een cultuurbeleid en een mentaliteit sturen. Het kan ook een economie wijzigen door bepaalde sectoren, of zelfs individuele bedrijven, te bevoordelen. Dit is dan ook één van de redenen dat bedrijven nog steeds een zekere mate van staat zullen aanvaarden. Door het huidige systeem waarbij de politieke elite samenspant met de economische en culturele elites, is het beheersen van de staat handig om zo aan extra gelden voor het bekomen van een agenda. Ondanks het feit dat ik in de vorige stukken heb gesteld dat een staat soeverein moet zijn in zijn gebieden, volgens de zeven stellingen van Immanuel Wallerstein, sluit dit echter toch niet uit dat een staat invloed heeft op het beleid van een andere staat zonder dat daarbij noodzakelijk sprake moet zijn van geweld.

Conclusie

We kunnen dan ook stellen dat voor ons solidaristische volksnationalisten het van vitaal belang is om een functionerende staat te hebben die de volksgemeenschap en diens economie ondersteunt om zo het algemeen belang te dienen. Offensieven van het internationale grootkapitaal hiertegen dienen tegengehouden worden door een nieuw nationaal verbond van werkgevers en werknemers. Die eersten kunnen gemotiveerd worden om hier te blijven door speciale verankeringswetten (belastingsvoordelen als een bedrijf minstens x-aantal jaar gegarandeerd hier blijft en bij eventueel faillissement onder tijdelijke overheidscuratele komt). De staat dient ook zijn legitimatie uit de volksgemeenschap te halen omdat hij anders zijn volledige bestaansrecht verliest. Onze revolutie dient dan ook niet alleen een volksnationale revolutie te zijn, ze dient ook een revolutie in de structuren te zijn. Edgard Delvo zei het nog het beste door te stellen dat een volksgemeenschap dient ondersteunt te worden door een volksstaat.

Aldus, laten we strijden voor de Dietse Volksstaat!

Yves Pernet

Bronnen

  1. ROBIN, M.-M., “De wereld volgens Monsanto”, Uitgeverij De Geus, Breda, 2009
  2. WIENSHER-HANKS, M., “Early Modern Europe, 1450-1789”, Cambridge University Press, Cambridge, 2006, pp.96-97
  3. WALLERSTEIN, I. “World system analysis: an introduction”, Duke University Press, Durham, 2004, p.53
  4. <http://globalguerrillas.typepad.com/globalguerrillas/2006/05/journal_shell_r.html> (nagekeken op 17 juni 2009)
  5. “In the ongoing war between Shell Oil and Nigeria’s open source guerrilla movement (MEND), has reached a new level. Shell Oil was ordered by a Nigerian court (likely with Nigerian government support) to pay $1.5 billion in reparations for environmental damage to the Niger delta. Shell has refused to pay”
  6. WALLERSTEIN, I. “World system analysis: an introduction”, Duke University Press, Durham, 2004, p.53
  7. BROWN, E., “The Web of Debt”, Third Millenium Press, Baton Rouge, 2008, p.415
  8. HUMMEL, W., “A Plan for Monetary Reform”, < http://wfhummel.net/>
  9. WALLERSTEIN, I. “World system analysis: an introduction”, Duke University Press, Durham, 2004, p.46

Panajotis Kondylis: Pouvoir et décision

kondy13k.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Panajotis Kondylis: Pouvoir et décision

 

Les livres les plus intéressants de Panajotis Kondylis, décédé en juillet dernier, sont: Geschichte des Konservativismus, Theorie des Krieges, Der Niedergang der bürgerlichen Lebensform  et Macht und Entscheidung  (= Histoire du conservatisme, Théorie de la guerre, Le déclin de la forme vitale bourgeoise  et Pouvoir et décision). Dans Pouvoir et décision,  Kondylis plaide pour une forme de la pensée qui a été copieusement décriée au cours des dernières décennies, et qui est le fondement de la démarche philosophique de Carl Schmitt. Kondylis justifie l’option de Schmitt en défendant le décisionnisme, tombé dans le discrédit depuis que les penseurs “héroïques” de la “révolution conservatrice” s’en sont emparé. Dans son ouvrage sur la décision, Kondylis démontre, appuyé sur ses innombrables connaissances, que toutes nos identités collectives et individuelles, y compris leurs expressions philosophiques ou rationnelles les plus élevées, reposent sur un fondement inaliénable qui est toujours une décision initiale, irrationnelle en dernière instance, révélant un rapport ami/ennemi.

 

Les idées sont dès lors des armes, qui servent l’objectif biologique de la lutte pour la survie ou pour l’accroissement de ses propres forces. La croissance et l’augmentation volontaire de ses potentialités dépendent étroitement, en fin de compte, de l’impératif de survie, auquel on ne peut se soustraire. Justement, c’est dans les périodes de crise que les individualités et les collectivités reviennent aux racines de leur propre identité, pour se renforcer et maintenir leurs forces. De ce fait, dans la formation des systèmes de pensée identitaires, la logique est un moyen parmi d’autres moyens, mais auquel on peut finalement renoncer.

 

Dans les systèmes théologiques, les principes de l’homme-créé-àl’image-de-Dieu et la faillibilité humaine constituent des contradictions sur le plan logique; de même, dans l’anthropologie de l’émancipation (Aufklärung), on trouve une contradiction: l’homme est une fraction de la nature, et, en même temps, les normes culturelles conditionnent le libre exercice de la volonté. Mais ces contradictions s’évanouissent dès qu’on les considèrent comme l’expression d’une volonté de pouvoir légitime. Les idées et les formes du savoir ne cherchent pas à “reflèter” la réalité: elles sont bien plutôt des constructions et des interprétations qui servent d’armes dans la confrontation ami/ennemi.

 

Comme Odo Marquard l’a remarqué: vouloir exprimer des vérités éternelles soustraites au temps est l’illusion majeure de la classe bourgeoise, qui pense qu’elle est au-dessus de toutes les autres classes. Les mythes, les religions et les idéologies sont donc des décisions au niveau de la Weltanschauung, qui assurent la permanence et la stabilité des identités. Souvent, la situation historique fait qu’il devient nécessaire de faire subir aux identités des mutations complètes, parce que la communauté politique ou nationale doit survivre. Le maintien de l’identité est un impératif existentiel que l’on ne peut toutefois pas détacher des circonstances spatio-temporelles. Même si l’identité est une fiction, elle demeure un impératif inaliénable. Si une individualité se rencontrait elle-même en temps que personne, mais dans un état antérieur à celui qu’elle revêt aujourd’hui, elle ne s’identifierait pas nécessairement à elle.

 

Holger von DOBENECK.

(article paru dans Junge Freiheit,  n°34/1998; trad. franç.: Robert Steuckers).

 

mercredi, 25 novembre 2009

Pour sortir de l'hyperconsommation

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Pour sortir de l'hyperconsommation

Ex: http://unitepopulaire.org/

« La définition du bien-vivre a profondément changé au cours de ces dernières années, de même que l’importance accordée à la réussite économique et à la consommation ostentatoire. Que faut-il changer aujourd’hui ? Selon moi, il faut éradiquer ou, à tout le moins, largement tempérer cette obsession de l’achat qui est devenue le principe organisateur de la vie occidentale. […] Le lien avec la crise économique actuelle est évident. Dans une culture où l’envie impérieuse de consommer domine la psychologie des citoyens, les gens sont prêts à tout pour se donner les moyens d’acheter : trimer comme des esclaves, faire preuve de rapacité au travail et même enfreindre les règles pour maximiser leurs gains. C’est également pour cela qu’ils achètent des maisons au-dessus de leurs moyens et multiplient les crédits. On peut dire sans risque de se tromper que l’hyperconsommation a elle aussi joué un rôle dans le désastre économique. Toutefois, il ne suffit pas de la pointer du doigt pour la faire disparaître du cœur de nos sociétés. Il faut la remplacer par quelque chose d’autre. […]

L’expérience montre que, lorsque la consommation sert de substitut à l’objet des besoins supérieurs, elle est semblable au tonneau des Danaïdes. Plusieurs études ont révélé que, dans les pays où le revenu annuel moyen par habitant est supérieur à 20’000 dollars, il n’y a aucune corrélation entre l’augmentation des revenus et le bien-être des populations. Ces travaux indiquent en outre qu’une grande partie des habitants des pays capitalistes se sentent insatisfaits, pour ne pas dire profondément malheureux, quel que soit leur pouvoir d’achat, parce que d’autres personnes gagnent et dépensent encore plus qu’eux. Ce n’est pas la privation objective qui compte, mais le sentiment relatif de privation. Et comme, par définition, la plupart des gens ne peuvent pas consommer davantage que les autres, l’hyperconsommation nous renvoie toujours à ce dilemme. […]

L’hyperconsommation ne touche pas seulement la classe dominante des sociétés d’abondance ; les classes moyennes et populaires sont elles aussi concernées. Un grand nombre de personnes, toutes catégories sociales confondues, ont le sentiment de travailler pour tout juste parvenir à joindre les deux bouts. Pourtant, un examen attentif de leur liste courses et de leurs garde-robe révèle qu’elles consacrent une bonne part de leurs revenus à l’achat de biens liés au statut social, comme des vêtements de marque et autres produits dont le besoin n’est pas réel. Cette mentalité peut sembler tellement ancrée dans la culture occidentale que toute résistance serait vaine. Mais la récession économique a déjà poussé bon nombre d’individus à acheter moins de produits de luxe, à freiner sur les fêtes somptueuses et même à accepter de réduire leur salaire ou de prendre des congés sans solde. Jusqu’à présent, la plupart de ces comportements ne sont pas volontaires ; ils sont dictés par la nécessité économique. Il faut toutefois voir là l’occasion d’aider les gens à comprendre qu’une consommation réduite ne reflète pas un échec personnel. C’est le moment ou jamais d’abandonner l’hyperconsommation pour se consacrer à autre chose ! […]

Une société qui résisterait au consumérisme au profit d’autres principes organisateurs ne se contenterait pas de réduire la menace d’une crise économique et de rendre ses membres plus heureux. Elle présenterait également d’autres avantages. Elle consommerait par exemple moins de ressources matérielles et aurait donc beaucoup moins d’effets nocifs sur l’environnement. Elle favoriserait aussi une plus grande justice sociale. »

 

Amitai Etzioni, Prospect (Londres), janvier 2009

mardi, 24 novembre 2009

Samurai: storia, etica e mito

Samurai: storia, etica e mito





La società giapponese

La società giapponese del XVI secolo aveva una struttura definibile come feudalesimo piramidale.
Al vertice di questa ideale piramide vi erano i signori dell’alta nobiltà, i daimyo, che esercitavano il loro potere tramite legami personali e familiari. Alle dirette dipendenze dei daimyo vi erano i fudai, ovvero quelle famiglie che da generazioni servivano il proprio signore. In questo contesto i samurai rappresentavano una casta familiare al servizio dei daimyo, ne erano un esercito personale.
Accadeva che durante le guerre feudali, il clan sconfitto, per non perdere le proprietà precedentemente conquistate, entrava a far parte dello stato maggiore del clan vincitore con funzioni di vassallaggio.
In questa organizzazione politica, quella militare dei samurai aveva caratteristiche e funzioni proprie al suo interno. Divisi in 17 categorie, i samurai avevano il compito di rispondere alla chiamata alle armi del daimyo cui facevano riferimento combattendo con armi proprie. Al di sotto dei samurai propriamente detti, ma facenti parte della stessa famiglia, vi erano i sotsu (“truppe di fanteria”) a loro volta divisi in 32 categorie.
Alla base della piramide troviamo gli ashigaru, cioè la maggior parte dei combattenti (soldati semplici diremmo oggi) che erano per lo più arcieri e lancieri o semplici messaggeri. Nei periodi di pace gli ashigaru svolgevano mansioni come braccianti del samurai incaricato al loro mantenimento.


Excursus storico sui samurai


L’epopea dei samurai comincia nel periodo Heian (794-1185).
Alla fine del XII secolo il governo aristocratico di Taira subì una sconfitta nella guerra di Genpei cedendo il potere al clan dei Minamoto. Minamoto Yoritomo, spodestando l’imperatore, assunse di fatto il potere col titolo di shogun (capo militare) e fu lui a stabilire la supremazia della casta dei samurai, che fino a tal periodo svolgeva il ruolo di classe servitrice in armi estromessa da questioni di natura politica. Nei 400 anni a venire la or più accreditata casta guerriera avrebbe svolto un ruolo decisivo nella difesa del Giappone da tentate invasioni esterne, – come quella mongola del XIII secolo –, e nelle faide interne tra i vari feudatari (daimyo), tra le quali vanno ricordate quella del periodo Muromachi (1338-1573) in cui gli shogun Ashikaga affrontarono i daimyo, e quella del periodo Momoyama (1573-1600) in cui i grandi samurai Nobunaga (in foto) prima e il suo successore Hideyoshi dopo si batterono per sottomettere il potere dei daimyo e riunificare il paese.

La politica interna troverà stabilità al termine della battaglia di Sekigahara (1600), nella quale il feudatario Tokugawa Ieyasu, col titolo di shogun, sconfiggendo i clan rivali, assumerà pieni poteri sul paese insediando il suo “regno” nella città di Edo (odierna Tokyo) e inaugurando il periodo che da tale città prese nome (1603-1867), mentre l’imperatore rimaneva di fatto confinato nell’antica capitale Kyoto.
In questo periodo la pace fu garantita dal fatto che i daimyo giurarono fedeltà, di fatto sottomettendovisi, allo shogunato e a loro volta mantennero all’interno dei loro castelli contingenti di soldati e servi. Le conseguenze per la casta dei samurai furono immediate. Divenuta una casta chiusa e non essendoci più motivi di gerre feudali, il suo ruolo guerriero assunse sempre più toni di facciata: i duelli, in un contesto dove regnava la pace tra clan, divennero per lo più di tipo privato. Lo sfoggio di abilità guerriere e l’uso della spada (per il samurai un vero e proprio culto religioso) avveniva, in maniera sempre più frequente, soltanto per scopi cerimoniali; mentre le funzioni a cui venivano sempre più spesso preposti erano di tipo burocratico ed educativo, integrandosi sempre di più nella società civile. Un segnale della trasformazione del ruolo dei samurai è testimoniato dai rapporti che questi intrapresero con il disprezzato ceto chonin (borghesia in ascesa). Tale avvicinamento ha avuto tuttavia una grande importanza per aver “esportato” i valori della “casta del ciliegio” nella società civile fino ad oggi.

Una classe di samurai che fece la sua comparsa in questa epoca di pace fu quella dei ronin (“uomini onda” o “uomini alla deriva”). Si tratta di quei soldati rimasti senza signore perché soppresso il feudo di appartenenza; in sostanza samurai declassati.
Con la caduta dell’ultimo shogunato, vale a dire quello di Yoshinobu Tokugawa, ebbe inizio l’era Meiji (1868-1912). Fu questo un periodo di radicali riforme, note con il nome di “rinnovamento Meiji”, le quali investirono a pieno anche la struttura sociale del Sol levante: l’imperatore tornava ad essere la massima figura politica a scapito dello shogunato, lo Stato fu trasformato in senso occidentale e i feudi soppressi. La casta samurai abolita in funzione di un esercito nazionale.


L’arte e l’onore. La morte e il ciliegio


hana wa sakuragi, hito wa bushi (“Tra i fiori il ciliegio, tra gli uomini il guerriero”)

La costante ricerca di una condotta di vita onorevole si fondeva, nell’etica della guerra del samurai, con una disciplina ferrea nelladdestramento marziale. Anche durante la pace del lungo periodo Edo, i samurai coltivarono le arti guerriere (bu-jutsu, oggi budo). Le principali discipline praticate e di giorno in giorno perfezionate erano il tiro con larco (kyu-jutsu, oggi kyudo), la scherma (ken-jutsu, oggi kendo) e il combattimento corpo a corpo (ju-jutsu, oggi più comunemente conosciuto come ju-jitsu).

La katana (“spada lunga”) era il principale segno di identificazione del samurai e lacciaio della lama incarnava tutte le virtù del guerriero; ma più che questa funzione meramente riconoscitiva, la spada rappresentava un vero e proprio oggetto di culto. L’attenzione rivolta nel costruirla (sarebbe più preciso dire crearla), nel curarla e nel maneggiarla dà l’impressione che la spada venisse venerata più che utilizzata.
Trattando la figura del samurai non è possibile scindere l’allenamento fisico da quello spirituale, così come non è possibile scindere l’uomo dal soldato; tuttavia, per fini esemplificativi, potremmo dire che se il braccio era rafforzato dalla spada, lo spirito era rafforzato dalla filosofia confuciana. Fin da bambino, il futuro guerriero, veniva educato all’autodisciplina e al senso del dovere. Egli era sempre in debito con l’imperatore, con il signore e con la famiglia e il principio di restituzione di tale debito era un obbligo morale, detto giri, che accompagnava il samurai dalla culla alla tomba.

Il codice d’onore del samurai non si esauriva, tuttavia, nel principio giri, ma spaziava dal disprezzo per i beni materiali e per la paura, al rifiuto del dolore e soprattutto della morte. È proprio per la preparazione costante all’accettazione della morte che il samurai scelse come emblema di appartenenza alla propria casta il ciliegio: esso stava infatti a rappresentare la bellezza e la provvisorietà della vita: nello spettacolo della fioritura il samurai vedeva il riflesso della propria grandezza e così come il fiore di ciliegio cade dal ramo al primo soffio di vento, il guerriero doveva essere disposto a morire in qualunque momento.
Se morte e dolore erano i principali “crimini”, lealtà e adempimento del proprio dovere erano le principali virtù; atti di slealtà e inadempienze erano (auto)puniti con il seppuku (“suicidio rituale”, l’harakiri è molto simile, ma è un’altra cosa...).
Il codice d’onore del samurai è espresso, dal XVII secolo, nel bushido (“via del guerriero”), codice di condotta e stile di vita riassumibile nei sette princìpi seguenti:

- , Gi: Onestà e Giustizia
Sii scrupolosamente onesto nei rapporti con gli altri, credi nella giustizia che proviene non dalle altre persone ma da te stesso. Il vero Samurai non ha incertezze sulla questione dell’onestà e della giustizia. Vi è solo ciò che è giusto e ciò che è sbagliato.

- , Yu: Eroico Coraggio
Elevati al di sopra delle masse che hanno paura di agire, nascondersi come una tartaruga nel guscio non è vivere. Un Samurai deve possedere un eroico coraggio, ciò è assolutamente rischioso e pericoloso, ciò significa vivere in modo completo, pieno, meraviglioso. L’eroico coraggio non è cieco ma intelligente e forte.

- , Jin: Compassione
L’intenso addestramento rende il samurai svelto e forte. È diverso dagli altri, egli acquisisce un potere che deve essere utilizzato per il bene comune. Possiede compassione, coglie ogni opportunità di essere d’aiuto ai propri simili e se l’opportunità non si presenta egli fa di tutto per trovarne una.

- , Rei: Gentile Cortesia
I Samurai non hanno motivi per comportarsi in maniera crudele, non hanno bisogno di mostrare la propria forza. Un Samurai è gentile anche con i nemici. Senza tale dimostrazione di rispetto esteriore un uomo è poco più di un animale. Il Samurai è rispettato non solo per la sua forza in battaglia ma anche per come interagisce con gli altri uomini.

- , Makoto o , Shin: Completa Sincerità
Quando un Samurai esprime l’intenzione di compiere un’azione, questa è praticamente già compiuta, nulla gli impedirà di portare a termine l’intenzione espressa. Egli non ha bisogno né di “dare la parola” né di promettere. Parlare e agire sono la medesima cosa.

- 名誉, Meiyo: Onore
Vi è un solo giudice dell’onore del Samurai: lui stesso. Le decisioni che prendi e le azioni che ne conseguono sono un riflesso di ciò che sei in realtà. Non puoi nasconderti da te stesso.

- 忠義, Chugi: Dovere e Lealtà
Per il Samurai compiere un’azione o esprimere qualcosa equivale a diventarne proprietario. Egli ne assume la piena responsabilità, anche per ciò che ne consegue. Il Samurai è immensamente leale verso coloro di cui si prende cura. Egli resta fieramente fedele a coloro di cui è responsabile.

Che i Samurai, nei tanti secoli della loro storia, si siano sempre e comunque attenuti a questi princìpi, è un elemento di certo secondario, né tantomeno spetta a noi il compito di ergerci a giudici. Ciò che rimane indelebile e si manifesta in tutta la sua grandezza è invece lo spirito autentico e “romantico” di un’etica guerriera (ma non solo guerriera) fondata sul rispetto, l’onore, la lealtà, la fedeltà, il coraggio e l’abnegazione: valori che furono incarnati da molti samurai i cui nomi sono stati – a buon diritto – consegnati alla storia. E in una società che sembra aver smarrito la bussola, sempre timorosa (finanche di se stessa), l’etica samurai potrebbe rappresentare un ausilio, una salda coordinata per un recupero dell’autocoscienza e della padronanza di sé; sicuramente un ottimo strumento per il rifiuto di un’esistenza meschina ed esclusivamente materiale e per una riscoperta del proprio spirito. Lo stesso spirito che animò i “guerrieri-poeti” i quali, grazie alla lama della loro spada e al tenue turbinare dei fiori di ciliegio, seppero coniugare sapientemente Poesia e Azione.

Percorrere e tracciare i lineamenti fondamentali della storia dei samurai non è cosa facile perché alla mera ricostruzione evolutiva dei fatti si intreccia inevitabilmente la visione, più romantica che storica, della figura del guerriero in sé, il samurai appunto. Per il giapponese questa figura non è la semplice “protagonista” di un certo periodo storico; è, al contrario, il periodo storico, il tempo a trovarsi in una posizione di sudditanza rispetto al mito e alle tradizioni che intorno a tal mito sono state costruite, tanto che il tempo stesso risulta avere un ruolo secondario di fronte al “protagonista” che questo tempo ha vissuto. Cosicché parlare di “etica della guerra” e di “cultura samurai” ci appare come un discorso sempre attuale, che esula dalla visione della storia come “trattato dello ieri” e ci pone in quella che è la giusta visione della storia, vale a dire la storia come “metafora del mito”. Utile ribadire che ogni area geografica e culturale ha avuto (ha) i suoi (e di tutti) miti eternamente attuali.

lundi, 23 novembre 2009

Meltdown

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February 19, 2009

By Joe Priestly / http://bnp.org.uk

It seems like every day brings with it a new and significant development and always more evidence of the conspiracies and cock-ups of Brown and co. It’s impossible to keep pace with events – this feels like meltdown. Nothing works and nothing makes sense; reality is catching up with the liblabcon fantasy.

Over the past sixty years or so the liblabcons have been spinning a web of lies to justify the destruction of British culture and the genocide of the British people. Their common purpose is to remake Britain as a society consisting of peoples and cultures from every corner of the earth. The responsibility for putting in place the final pieces of this multicultural jigsaw fell to the New Labour government, ably supported of course by the ‘opposition’. The economy was the key. It was essential that people had money to spend on the latest distractions. Hence the government-sponsored credit boom; it was a smokescreen behind which they hid our demise.

They didn’t want us to trouble ourselves with concerns about immigration, Islam, asylum, education, crime, the EU… just in case we came to the wrong conclusion. So they gave us easy credit and unbridled consumerism and added the big match and the soaps to stop us thinking about what really matters.

But a financial storm blew away their easy-money smokescreen and left the liblabcons with nowhere to hide. People are now counting their pennies and thinking less about hi-tech toys and the latest Big Brother controversy and more about the state of the nation and its impact on their lives and futures. They’re waking up to the mess that the liblabcons have made of this country.

The establishment is ideology-led and has convinced itself that nature can be moulded to fit its plan. And it’s this thinking that’s brought Britain to its sorry state. But perhaps it had to come to this. Maybe nothing short of crisis would have woken us from our slumber – that is the British way isn’t it? It seems to me though that we’re waking up now. What’s that they say about the problem being the catalyst for its own solution? And we can see it in action in the increasing number of people who are making the connection between the ideology and its manifestations.

The establishment is founded on a lie so monumentally absurd that it’s spent all its life lurking between the lines and only ever appearing as hint and suggestion. Stripped of all its camouflage the bare-faced lie is that the genocide of the British people is good for the British people – little wonder they had to sugar-coat it with a billions tending towards trillions credit boom.

But that alone wasn’t enough. It was necessary also for them to rework every aspect of society to discourage dissent and to encourage the British people’s acquiescence in their own genocide. It worked for a long time and that and the booming economy encouraged the liblabcons to think that the good times would last forever and that their transformation of Britain would proceed unnoticed.

That was then; the party finished a while back. Post party, in the cold light of a looming depression, the changes imposed on Britain are not all that their liblabcon architects had painted them to be. What they said would be utopia looks increasingly like chaos – and that’s before the lights start going out. The consequences of the lie are beginning to be felt and it’s dawning on British people that the reality of the lie is their destruction.

And as Nazi Propaganda Minister Goebbels* observed, “The lie can be maintained only for such time as the state can shield the people from the political (and) economic… consequences of the lie.” And he should know. The British political and media establishment used the credit boom to soften the impact of its ideology on the population; they encouraged people to focus on personal gain while they got on with the job of creating 21st century multiracial multicultural Britain. But the boom has turned to bust and their lie is there for all to see.

Politicians, power brokers, celebrities, and mainstream media-types have staked their reputations (read fortunes) on their sick lie and its bastard child multiracial multicultural Britain. The maintenance of the lie is all that separates them from ruin; without it they’d be irrelevant. They are the status quo and everything they do is aimed at holding that position; they have no choice but to maintain the lie. But now the spend fest is over. The cupboard is bare and winter approaches; the liblabcons have run out of the means to shield the British people from the consequences of the lie. The reality of mass third world immigration is upon us.

If we take fact as truth then a lie is a deliberate distortion of fact. In respect of mass immigration and its impact on British society the establishment distorts the facts so as to paint a positive picture of its creation the multiracial multicultural society. But the nearer a disaster looms the more it is recognised for what it is, irrespective of official explanations. Ignoring facts doesn’t make them go away nor does it diminish their truth.

The establishment lost the argument years ago and their position now is entirely dependant upon those members of the population that remain indifferent to politics and politicians until they impact on them personally. But the collapse of consumerism and the maturation of the multiracial multicultural society is encouraging even the formerly indifferent to pay attention to the shenanigans of people in power. The establishment sold out for short term advantage and the short term is almost up; the theft of a nation from under the noses of its people isn’t something that can go unnoticed forever. The British people are waking up to the liblabcons’ crimes.

Having distorted the facts for six decades the British establishment is in no position to face them. Facing facts will expose the lie and their world will come crashing down. Britain is a multiracial multicultural society because the establishment ignored the facts; in spite of the fact of the chaos of third world multiracial multicultural societies, Britain’s political and media elite facilitated the importation of millions of third world aliens into our midst as part of a plan to make Britain into such a society. Now the predictable is happening; multiracial multicultural chaos is playing on our streets.

Of course they never would have predicted it. Their world view, their equality dogma, prohibits any such prediction. And whereas a growing number of the rest of us are coming to believe that the liblabcons were negligent in failing to anticipate the chaos that would accompany mass third world immigration, the liblabcons continue the charade of the multiracial multicultural society as utopia – in the face of growing evidence to the contrary. You’ve got to laugh.

The liblabcons put me in mind of a kind of circus act that I saw on TV years ago but haven’t seen since. I don’t know what it’s called but it involved spinning plates (crockery) on canes. Those that know what I’m talking about please hum along for a moment while I explain for those that don’t… A number of canes (at a guess about 50) is set vertically and fixed at the lower point, the ‘artist’ gyrates each cane in turn and sets a plate spinning on the upper point so that it balances under its own momentum, he does the same with each cane until each has a plate spinning on it. He then attempts to maintain this equilibrium by moving from one cane to another to tend to those plates in danger of slowing beyond the critical and crashing to the floor. In a short while his movement has become a rush from one cane to another as the plates lose momentum faster than he can maintain it. And then the inevitable happens. First one plate then another and another until almost in unison the rest crash to the floor.

Their situation is analogous to that of the circus artist upon the realization that the inevitable is, well, inevitable. The plates haven’t yet all crashed to the floor but they’re going to. Like the circus artist the liblabcons have created something that can’t be maintained but unlike him they can’t just throw up their hands and walk away from the crashing plates; they’ve got far too much invested in keeping things spinning for as long as possible.

But in a meltdown everything goes wrong. And the liblabcons’ frantic effort to keep their metaphorical plates spinning merely draws attention to the illogic of setting them spinning that way in the first place. Our economy and our society aren’t working because they’re founded on an ideological fallacy, universal equality and the theory of the interchangeability of man. Yet the liblabcons’ solutions to the problems caused by their way of thinking is yet more of the same; they’re trying to solve society’s problems with the same thinking that created them. And they’re beginning to look ridiculous because of it; every time they open their mouths they contradict themselves. Their world view is in meltdown, and yet it looked so good on paper – or so they used to say.

To paraphrase Karl Marx, Marxism is collapsing under the weight of its own contradictions. There’s so much going wrong now in this country that our establishment and its idiotic thinking are permanently under the spotlight and both are being revealed as barrels of contradiction. That’s why no liblabcon type will ever stand his ground – they haven’t got a coherent argument so they avoid argument. It’s a variation on the no-platform theme. Even establishment media persons are shuffling their feet away from liblabcon egalitarianism. The lie is being found out and every time an establishment mouthpiece attempts a cover up they succeed only in shoving their foot further down their throat. Everything they do is founded on a lie and the lie is being undone by its own contradictions.

British society today is a manifestation of liblabcon equality ideology. The alienation that we feel is a consequence of society following the incoherent ideology of egalitarianism, which quite literally doesn’t make sense. It is smoke and mirrors and it’s survived to this point, since WWII, on a combination of bullying, bullshit, and brass neck. It’s bullied, bullshit, and brass necked its way to intimidating the rest of us into going along with its world view. But in spite of the power of its ‘followers’, equality ideology has never convinced more than a committed few. Tolerance of its ‘inherent contradictions’ requires a dedication far beyond the means of most people; the majority of those that go along with equality ideology do so because it’s the direction of least resistance.

The reality is that equality ideology has a fundamental weakness; it lacks continuity. Its argument is riddled with inconsistencies and so its proponents always seek refuge in vagueness. These people need plenty of room for manoeuvre.

Yet their room for manoeuvre is shrinking. It’s becoming clearer by the hour that the problem is the liblabcons and their equality thinking – the logical conclusion of which is the state of Britain today, economically, socially, and spiritually. Having created this mess, the establishment is now in the unfortunate position of not only having to defend it but to promote it as well. And so naturally incoherence features in every aspect of everything that the establishment does and says. Whatever the policy, whatever the department, whatever the statement, you know it won’t make sense. There are countless examples of the idiocy of liblabcon thought in action; three which immediately come to mind are free movement of labour, the incarceration of immigrants, and the Afghanistan ‘war’.

In their blind pursuit of ‘equality’ the liblabcons sanctioned the free movement of labour and in so doing signed away this country’s right to favour its own workers on its own soil over foreign workers on its soil – surely the most treasonable act ever committed. I wonder if they think they’re going to get away with that one forever. And as if that wasn’t bad enough, from the liblabcons’ long term health point of view that is, by severing their commitment to their own population they sort of compound their problems by effectively making themselves redundant. If they’re not there to represent our interests what exactly are they for? Is that what they mean by an unintended consequence, or was it intended and part of a conspiracy of extreme subtlety? I can never work out whether their determination to have us see them as lying, idiotic, thieving, hypocritical, treacherous cowards is due to incompetence or whether it’s part of a cunning plot that’s beyond my wit to understand.

It seems to me they’re paying the price of living a lie and the lie is coming back to haunt them.

Having said that, I’m sure I could put the case for the liblabcons better than they do. Consider the gaga they offer in explanation for the statistical over-representation of ethnic minorities in prisons and in secure mental health institutions. You don’t need me to tell you what it is – they parrot the Marxist line, that these inequalities of outcome are a consequence of the racism of the criminal justice and mental health systems. Any other explanation would set in motion a train of thought that leads back to the source of the problem, equality dogma and its application; the Marxists’ intention is to set the train of thought on a wild goose chase after whites as the cause of the problem. It’s the easy option and it’s the only one that doesn’t question their insane world view.

But there’s a nice irony in this; their explanation is a perfect example of the inconsistency it was intended to disguise. For them the problem is not the equality idea but opposition to the idea. And so every explanation they offer for any of society’s problems must always be tailored to protect the easily bruised equality idea. It’s this that has them tripping over their own feet.

Ethnic minorities are over-represented in prisons and mental hospitals either because they’re more inclined to criminality and mental health problems or because they’re not treated the same as the majority population. If it’s not one it’s the other. And that’s a no brainer for the establishment whose equality dogma dictates that ethnic minorities can never be the cause of any problem. The problem therefore is the majority population. It’s that catch-all again, racism, the only explanation that doesn’t question the equality idea.

But it’s here they get their wires crossed. According to them the criminal justice system is racist because it treats ethnic minorities differently from ethnic Britons, and the mental health system is racist because it treats ethnic minorities the same as ethnic Britons and fails to take into account cultural and ethnic difference in behaviour when diagnosing mental illness. Doesn’t that just sum up these gibbering liblabcon wrecks? The criminal justice system is racist because it discriminates; the mental health system is racist because it doesn’t discriminate.

They’re less concerned with the soundness of their argument than they are with arriving at the right conclusion; equality ideology must never be seen to be a problem. All their roads lead to racism.

The “racism” accusation began as a tactic, it developed into a strategy, and now it looks increasingly like a last ditch effort. You can tell they’re no longer comfortable with it, it’s like they’re suddenly aware that British people are sick to death with the accusation and contemptuous of its argument. But when liblabcon backs are against the door – it’s either racism or the admission that their thinking has been wrong all along.

Nothing they say makes sense because their argument is founded not on hard facts but on wishful thinking. Their explanations run contrary to the facts and as the facts become clearer so do the holes in the explanations. That’s what’s happening now; the reality of the multiracial multicultural society is hitting home and the liblabcons’ equality/diversity sweet talk is at such odds with the facts that it’s encouraging the scepticism it’s designed to stop.

Consider the conflict in Afghanistan: The establishment is putting our soldiers’ lives on the line in Afghanistan allegedly to protect Britain from terrorism yet at the same time it keeps Britain’s borders open to any Tom, Dick, or Harry who cares to cross them. Anybody else see the contradiction here? Yet the liblabcons don’t get it – their idiotic ideology won’t allow them to.

 They’re in denial. It’s a common response to overwhelming collapse. They’re taking the only option open to them, they’re burying their faces in their comfort blankets and singing nursery rhymes about joy and diversity. Liblabcon thought is reaching its logical conclusion – illogicality. They’re in meltdown.

dimanche, 22 novembre 2009

Imaginaire et réinformation

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Imaginaire et réinformation

Deuxième journée d'études sur la réinformation, organisée le 24 octobre 2009 par la Fondation Polémia

Communication de Grégoire Gambier / Ex: http://polemia.com/

L’imaginaire recèle de nombreuses définitions, renvoyant pour l’essentiel à ce qui est irréel, fictif, fabuleux ou encore, de façon plus majorative, au monde des légendes et du mythe. Sans renier cette dernière approche, nous retiendrons dans le cadre du présent exposé la définition du substantif proposée par Le Petit Robert (1987) : « Produit, domaine de l’imagination ». Etant entendu et espéré avec Gide, aussi singulièrement que brusquement remis dans l’actualité à propos de « l’affaire Mitterrand »  par Gérard Longuet (décidément très pince-sans-rire)», que « quantité de gens sont plus sensibles à l’imaginaire qu’au réel »…

Livrer une définition de la « réinformation » est plus complexe encore, s’agissant autant d’un état d’esprit que d’une panoplie de modes opératoires. Retenons l’essentiel, à savoir son objectif, tel que défini dans la présentation de ce séminaire : « Contribuer à réveiller le sens critique : rappeler en permanence qu’une "monstration n’est pas une démonstration" ; que tout ce qui nous est montré n’est pas vrai ; et que bien des faits, bien des évènements, restent cachés surtout lorsqu’ils sont essentiels ».

« De quoi s’agit-il ? »1

Face au règne de Big Mother, qui nous surveille moins qu’elle ne nous aveugle et prétend nous nourrir, et qui peut constituer un assez juste représentation du système actuel d’« information », la problématique posée tient dans cette relation toute dialectique entre « imaginaire » et « réinformation ».

Il y a a priori opposition entre les deux termes : l’imaginaire renvoie au domaine de l’imagination, quand la réinformation entend opérer un retour au réel, au principe de réalité, derrière l’écume des faits, l’illusion informationnelle, les dits et surtout les non dits de la médiasphère.

Cette opposition n’est qu’apparente.

Notre thèse est qu’au contraire l’imaginaire, du fait même de sa relation aux mythes, au monde sensible, est une voie d’accès et d’écriture de la réalité. Mieux : que le recours à l’imaginaire est un moyen de « subversion métaphysique » contre l’emprise du système informationnel. Comme l’affirme le romancier francophone d’origine haïtienne Dany Lafferrière : « La réalité imaginaire est aussi vraie, aussi réelle, que celle du quotidien », ajoutant : « Ce que je rêve est encore plus nécessaire pour ma vie que ce que je vis ».2

Il s’agira ici de privilégier l’illustration, la suggestion, plutôt que la démonstration.

Proposer des pistes comme autant de chemins de traverse contournant les « autoroutes de l’information », renouant les fils nous reliant à notre « plus longue mémoire » (Nietzsche), disant la continuité sans laquelle la solidarité n’est qu’un mot, à rebours des « déliaisons de la société de la concurrence » justement décriées par Régis Debray, à savoir : « tout-à-l’égo ; sacre de l’instant ; idolâtrie de la compétitivité ; nihilisme institutionnel ; dévoration par l’info ; (…) amnésie satisfaite et congélation des héritages ».3

Car c’est bien dans la geste médiologique chère à Debray qu’il s’agit d’inscrire ce propos, cette geste qui abat « la cloison entre l’examen du monde des choses et celui des âmes, entre la technosphère d’un côté et la "noosphère" de l’autre », celle qui entend, « contre la dégradation symbolique, sauvegarder la saveur et l’irréductibilité des cultures, toutes ces continuités cumulatives, ces singularités têtues qui rendent humaine notre espèce ».4

Mais contrairement à Régis Debray, nous estimons certes qu’il y a urgence, mais pas détresse. Car subsistent précisément des voies de passage, des points d’appui et des leviers d’action face au diktat de la Communication, « qui a dompté l’espace », pour un retour à la Transmission, donc à l’imagination, « qui lutte avec et contre le temps ».5

Temps biologique, temps culturel : l’imagination transpire d’abord par tous les sens primaires (vue, odorat, toucher…) avant d’utiliser tous les vecteurs de l’intelligence (lecture, musique, image – celle véhiculée par le cinéma comme par Internet).

L’imagination par les sens : « le recours aux forêts »

Héraclite, qui justifie et inspire les travaux de POLEMIA, le notait déjà : « La nature aime les contraires : c’est avec elle qu’elle produit l’harmonie ».

La première voie nous permettant de renouer avec l’imaginaire et toutes ses potentialités nous est fournie par notre environnement primal, de mammifère mal dégrossi : à savoir la nature.

Et en son sein, c’est sans conteste la forêt qui parle le mieux à nos âmes de Vieux Européens. Profondément enracinée, tendant vers les étoiles, ambivalente et mystérieuse, passage obligé de tous les contes et récits initiatiques de notre culture populaire, elle est l’une des plus puissantes manifestations de la vie, autant que la plus évidente représentation de notre inconscient.

Pas en tant que représentation de nos terreurs et paniques enfouies, comme le pensait Jung et avec lui l’école psychanalyste, mais comme le sanctuaire par excellence de nos valeurs les plus intimes et les plus sacrées.

Dans son « Traité du Rebelle », Ernst Jünger a réaffirmé la possibilité - et même la nécessité - du recours aux forêts. Non comme une fuite, mais comme un ressourcement. Un retour à l’essentiel.

Comme de juste, Dominique Venner lui emboîte le pas, estimant que la promenade familiale et dominicale en forêt est à même de constituer, face à la grisaille utilitariste du quotidien, un véritable acte de foi.6

Ainsi, jusque dans son sacrifice symbolique lors des solstices d’été, la forêt, et au-delà la nature dans son ensemble, attestent de la possibilité d’une réalité toute autre que celle décrite dans les éditoriaux du « Figaro madame » ou les chroniques hebdomadaires de BHL.

L’imagination par le texte : les valeurs subversives du roman

Nous disposons dans ce domaine de nombreux exemples particulièrement propices à l’évocation de notre monde « en dormition », qui nous susurrent qu’il existe d’autres religions que celles des droits-de-l’homme, d’autres valeurs que celles qui s’échangent « à la Corbeille », d’autres passions que celles de l’égalité, du confort et de la marchandise.

Comme l’affirme l’universitaire et journaliste Jean-Paul Picaper : « Cela passe par des mots. Qui crée le langage, dicte des idées ».7

Et pour les besoins du raisonnement, autant citer des auteurs à succès, voire pour certains institutionnellement établis.

C’est le cas de Michel Déon, sans doute le plus grand romancier français de l’Après-Guerre. Dans une œuvre prolifique, toujours marquée par la recherche du Beau, et donc empreinte d’une légitime mélancolie, retenons « Les Poneys sauvages » (Prix Interallié en 1970), une ode déjà crépusculaire, mais encore pleine de bruit et de fureur, en hommage à un monde dominé par les « mâles blancs » aujourd’hui si décriés : leurs rêves, leurs volontés, leur éthique de l’amour et du combat - bref leurs valeurs.

Une autre grande figure du roman français est Pierre Schoendoerffer. L'auteur et cinéaste rescapé des camps de redressement du Viet-minh a été primé à de multiples reprises, notamment pour « La 317e Section » (1963, prix de l'Académie de Bretagne), « L'Adieu au Roi » (1969, prix Interallié), « Le Crabe Tambour » (1976, grand prix du roman de l'Académie française) ou encore « Là-Haut » (1981). Ses auto-adaptations cinématographiques ont pour l’essentiel connu le même succès, alors que Schoendoerffer aborde dans son œuvre des thèmes aussi proprement réactionnaires que le sens de l’honneur, l’amitié et la fidélité viriles, le goût du risque et de l’engagement, la soif de sacré… Citons simplement « L’aile du papillon » (Grasset, 2003), dans la mesure où Polemia en a fait une critique raisonnée en y voyant, à l’image de l’œuvre de Schoendoerffer dans son entier, « une allégorie brutale et poétique du devenir d'une humanité en déshérence, mais dont une minorité peut encore retrouver un sens à son destin, en puisant au fond d'elle-même les raisons et les ressorts de sa sur-vie ».9

Plus récent et dans un style de fait un peu plus débraillé, voire quasi-« houellebecquien », Olivier Maulin est une valeur sûre, qui a obtenu le prix Ouest France / Etonnants voyageurs en 2006 pour son premier roman, « En attendant le roi du monde », truffé de citations de Nietzsche et de José Antonio. Il a depuis publié « Les Evangiles du Lac » et « Petit monarque et catacombes », confirmant un talent indéniable de conteur pour mieux dynamiter le nihilisme d’une société, la nôtre, désertée par le sacré. Dans ce dernier ouvrage, paru en octobre 2009 dans la collection L’Esprit des péninsules des éditions Balland, il fait déclamer à l’un de ses personnages : « Le monde est un grand symbole parce qu’il présente sous une forme sensible des réalités invisibles. C’est la clé de tout. Mais le problème, c’est précisément que ces formes sensibles ont dégénéré et cessé de représenter les réalités invisibles. Bilan : le grand symbole s’est fané ».10

Ce choix trinitaire d’auteurs certes connus est par nature excessivement sélectif, et beaucoup de romanciers mériteraient d’être ici signalés. En particulier Jean Raspail bien sûr, dont les « mondes imaginaires », éternellement gardés par la dynastie des Pikkendorf, constituent autant de digues face à « la montée du soir » - pour paraphraser Déon.

Il convient cependant de signaler dans un registre différent, toujours à titre d’illustration, « Le Cercle de la Croix ». Ce succès mondial de l’Anglais Iain Pears constitue, sur la base d’un roman à clé construit autour d’une enquête de nature policière dans l’Angleterre du XVIIe siècle, l’une des charges les plus totales, brutales et définitives, contre le puritanisme protestant, et fait écho à la dénonciation tout aussi virulente de la Révolution par les Français HubertMonteilhet, sous un mode des plus caustiques avec « Les Bouffons » (Le Livre de Poche 2006), et Pierre Bordage, dans le domaine de la littérature fantastique, avec la trilogie de « L’Ejomineur » (L’Atalante, 2004-2006).

Dans le registre fantastique se développe d’ailleurs toute une littérature dont le style, les valeurs et le propos sont autant d’actes de défiance à l’égard de la « société officielle ». Dans une production bouillonnante, et pour tout dire de qualité inégale, il convient de signaler le cycle du « Trône de Fer » de l’Américain Georges R. R. Martin, où transparaît l’âpre mélancolie d’un monde de feu et de fer - justement.

Et dans le domaine de la littérature pour enfants et adolescents enfin, où le meilleur côtoie là aussi le pire, surnagent les livres déjà nombreux d’Erik L’Homme, dont le succès commercial s’accompagne d’une vision du monde sans concession vis-à-vis des ravages de la modernité triomphante.

L’imagination par la musique, âme d’un peuple

Ce seul thème justifierait une étude en soi : « Sans musique, la vie serait une erreur » (Nietzsche).

A des fins d’illustration toujours, signalons seulement deux exemples significatifs, dans la mesure où il s’agit d’artistes extrêmement populaires dans leur pays, réunissant des dizaines de milliers de spectateurs à chaque concert, et qu’ils sont connus en France essentiellement par le buzz internet assuré par les militants identitaires.

A savoir :

  • Le groupe « néo-trad » québecois Mes Aïeux, dont le nom constitue déjà tout un programme, et sa chanson phare « Dégénérations » (www.youtube.com/watch?v=Z1eUMVjwuAE), qui dénonce de façon festive et éloquente l’avènement de la société de facilité, moderne, urbaine, jouisseuse - mais finalement désenchantée. Ce morceau a été désigné « Chanson francophone de l'année 2006 » par les auditeurs de Radio Energie lors du plus important vote radiophonique annuel au Canada, et l’album « En famille », dont il est extrait, a été  certifié double platine en décembre 2006 (soit 200.000 exemplaires vendus). Et ce, alors que le groupe était ignoré depuis 10 ans, bien sûr, par les radiodiffuseurs institutionnels. Tandis que plus de 100.000 internautes ont déjà visionné, sur YouTube, le clip de cette chanson « en live » lors de la Fête nationale du Québec de  2006.
  1. Le chanteur pop afrikaner Bok van Blerk, dont l’un des titres les plus connus dans le monde (et lui aussi disque de platine en 2007) est tout bonnement dédié au général boer Koos De La Rey, et se veut une ode à la fierté et à la résistance de la nation afrikaner (www.youtube.com/watch?v=nlHqKJyo3GQ). Lors d’un concert donné par Bok van Blerk au stade de Pretoria en 2006, plus de 22.000 spectateurs en ont entonné le refrain avec le chanteur. Ce chant est désormais régulièrement repris par les jeunes Afrikaners lors des concerts et des rencontres sportives, et joue quasiment le rôle d’un nouvel hymne national afrikaner. Une nation devenue souterraine, mais qui continue de vivre à travers son peuple.

L’imagination par l’image : le cinéma

Restons dans l’art populaire pour signaler encore une fois quelques exemples parmi les plus significatifs :

  1. « Excalibur » de John Boorman (1981), directement et pour ainsi dire religieusement inspiré de « La morte d'Arthur » de Thomas Malory, qui reste à ce jour la vision la plus pénétrante et la mieux aboutie du mythe arthurien jamais portée à l’écran.
  2. La trilogie du « Seigneur des Anneaux » de Peter Jackson (2001-2003), qui constitue également un summum dans l’adaptation au cinéma d’un monument de la littérature européenne, et qui a captivé des millions de spectateurs dans le monde.
  1. « Gladiator », de Ridley Scott (2000), porté par l’acteur Russel Crowe : c’est une évocation historique, dure et flamboyante, de la grandeur de Rome, et des hommes qui en ont fait, par la force et l’honneur, la capitale du premier empire européen.

Et dans le domaine de l’anticipation, propice par objet à l’extension du domaine de l’imaginaire : « Blade Runner », encore de Ridley Scott (1982), qui se déroule en 2019, dans une Los Angeles des plus cosmopolites, et où Rutger Hauer incarne de façon tout à fait convaincante un androïde (ou « réplicant ») nietzschéen, découvrant la dimension tragique de la vie, à savoir sa propre finitude, alors qu’il en avait fait « un poème » (Mishima). Son monologue à cet instant précis est en soi un manifeste :
« J’ai vu tant de choses, que vous, humains, ne pourriez pas croire...
De grands navires en feu surgissant de l’épaule d’Orion…
J’ai vu des rayons fabuleux, des rayons C, briller dans l’ombre de la Porte de Tannhaüser.
Tous ces moments se perdront dans l’oubli,
comme les larmes dans la pluie…
Il est temps de mourir. »

Evidemment, il est préférable de visualiser la scène, sous la pluie, accompagnée par la musique de Vangelis, mais cela donne une idée du ton – et des boulevards métaphysiques ainsi ouverts à des millions d’adolescents pré-pubères qui ont fait, à l’époque, de ce film une œuvre culte.

« Les Fils de l’homme » enfin, film britannique réalisé par le mexicain Alfonso Cuarón (2006), reste dans le domaine de l’anticipation, décrivant un monde, là encore, étonnamment, submergé de flux migratoires incontrôlés – et nous sommes loin des publicités Benneton des années 80 ! Adapté du roman homonyme à succès de P.D. James (1992), ce petit chef d’œuvre dépeint une humanité agonisante à force d’individualisme, devenue littéralement stérile : condamnée à vivre dans des lieux où ne résonnent plus de rires d’enfants. Un véritable choc, notamment visuel avec l’usage de longs plans-séquence, dont une scène de guérilla urbaine particulièrement spectaculaire.
Nous sommes ici dans un cas assez typique de « réinformation par l’imaginaire » : le film développe un propos, certes ambigu, mais vaguement de gauche, tandis que ce qu’il donne à voir dénonce cruellement les impasses à venir, si loin de la démocratie de marché, des progrès technologiques et de la mondialisation heureuse…

Quand la « blogosphère » contribue au réenchantement du monde

Avec la diffusion d’Internet, et même sa tendance croissante à supplanter les mass médias en termes d’usage, et de temps d’usage, toutes ces visions alternatives aux discours et aux images autorisés dans les émissions télévisées, par exemple, ont trouvé de nouveaux espaces d’expression.

Le recours à Internet ne permet pas seulement d’acquérir, et bientôt de lire intégralement, des ouvrages devenus introuvables, voire sulfureux. Ou d’écouter des rythmes et des chansons également « maudites » - et en tout cas interdites des « bacs de la Fnac ». Il permet également, cette fois au plus grand nombre, de découvrir ou plus exactement re-découvrir une iconographie que l’on croyait disparue, remisée dans les combles des musées ou réservées à quelques cercles militants initiés.

La blogosphère est particulièrement féconde en la matière.
Signalons simplement l’un des blogs les plus visités de la Toile, François de souche (
www.fdesouche.com), dont le bandeau en page d’accueil constitue en soi un manifeste nationaliste. Et pour les sites classiques, celui de Dominique Venner (www.dominiquevenner.fr) constitue un modèle, par sa sobriété même, d’esthétique « vieille européenne », où se dégage, là aussi en bandeau, le grand cerf de nos forêts sauvages, symbole de la fécondité, des rythmes cosmiques et donc de toutes les renaissances.

L’esthétique est sans conteste porteuse d’éthique.

En guise de conclusion…

Le recours à l’imaginaire, au domaine du sensible, de l’évasion, n’est pas un moyen d’échapper au monde, de fuir le réel : c’est une autre façon de l’ensemencer, de s’en affranchir pour mieux le dominer, bref de « chevaucher le Tigre » (Julius Evola).

L’imagination ne nous porte pas à travailler contre le monde moderne, mais dans ses interstices : « Etre dans ce monde sans être de ce monde », comme l’a théorisé Guillaume Faye.

Et, dans sa virtualité même, par ses mensonges les plus grossiers, par les tabous dont il s’entoure et entend corseter la pensée, rien n’indique que le système informationnel, en tant que représentation du monde actuel, soit, en soi, porteur de réalité - ou soit tout simplement réel.
Ce n’est qu’un système de représentation parmi d’autres.

Certes, il dispose de l’apparence et des attributs du pouvoir.
Et nos valeurs, notre propre vision du monde, sont aujourd’hui sans conteste « en dormition ».

Mais rien ne nous empêche d’estimer et mieux encore de croire :

qu’Yggdrasil est bien l’axe du monde ; qu’Excalibur incarne la quintessence de l’esprit européen ; que le réveil de l’Europe, l’affranchissement de nos peuples et le retour du Roi sont davantage que des hypothèses portées par l’urgence ou la nécessité, voire des espérances trop facilement désolées, mais bel et bien des possibilités.

Il ne s’agit plus que de contribuer, à notre niveau mais à chaque instant, à rendre évidents, et accessibles, tous les possibles.

Rester prêts pour l’aventure.

© POLEMIA
24.10.2009

Notes :
1 Précision utile aux amateurs d’exactitude et de vérité qui se reconnaissent dans Polemia : attribuée à Foch, cette célèbre formule a en fait été empruntée par le maréchal français au général von Verdy du Vernois, l’un des principaux conseillers du stratège prussien von Moltke (source : Pascal VALENTIN, in « La pensée stratégique : une vocation pour l’Ecole militaire », n° hors-série de Défense nationale et sécurité collective, juillet 2009, p. 191,

2 Cité par Le Monde des Livres du 6 octobre 2009, p. 25.

3 « Relier ». Editorial de la revue Médium n°1, Automne 2004, Editions Babylone, Paris, p.3. www.mediologie.org/medium/medium.html et www.regisdebray.com/content.php?pgid=medium

4 Ibid., pp. 5-6.

5 Ibid., p. 6.

6 Cf. notamment Dominique VENNER, « Dictionnaire amoureux de la chasse », Plon, octobre 2000, http://www.amazon.fr/Dictionnaire-amoureux-chasse-Dominique-Venner/dp/2259191983/ref=sr_1_1?ie=UTF8&s=books&qid=1257008264&sr=1-1-spell

7 Jean-Paul PICAPER, « Crise du langage : la guerre des mots – Quelques procédés de la propagande », Eurbag n°19, janvier 2009, www.eurbag.eu/archives.htm

10 Olivier MAULIN, « Petit monarque et catacombes », L’esprit des péninsules, 2009, p. 189., http://www.amazon.fr/Petit-monarque-catacombes-Olivier-Maulin/dp/2353150667/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1257008485&sr=1-1-fkmr0. Pour être exhaustif, il convient de signaler du même auteur « Derrière l’horizon » (mars 2009), mais où l’imaginaire tient une place nettement plus secondaie, tant dans l’intrigue que dans le cractère des personnages.

Grégoire Gambier

samedi, 21 novembre 2009

La resurrezione europea

La resurrezione europea

Luca Leonello Rimbotti / http://www.centrostudilaruna.it/

Quando, nei primi anni Trenta, Ernst Jünger vedeva la crisi della borghesia superata dall’avvento di una nuova civiltà, guidata dall’Arbeiter, era decisamente ottimista. Oggi siamo costretti a registrare che il borghesismo è la classe universale che organizza in prima persona il processo di sgretolamento dell’Europa. Quando invece vaticinò «la fine di contesti millenari», volendo dire che era giunta la fine della tradizione europea, vide giusto. Solo che, in luogo del nuovo dominatore metallico dei tempi di rivolgimento, abbiamo più modestamente il protagonismo di un materiale umano di infimissima specie, un “tipo” antropologicamente di lega povera. Le note “caste” oggi al potere rappresentano il contrario di quella razza della nuova “età del ferro” preconizzata dall’intellettuale tedesco, essendo il frutto dell’inopinata affermazione di un’epoca plastificata. Gestita da elementi eticamente e culturalmente inferiori e in base a ideali non eroici, ma da termite.

le-declin.jpgE dire, però, che quando Jünger faceva le sue ipotesi tutto un mondo ribolliva per davvero di volontà di rovesciamento degli idoli borghesi. La stagione jüngeriana, tuttavia, se misurata in tempi spengleriani, durò un attimo. Il 1932 – anno in cui fu scritto L’operaio – è passato da un pezzo, morti e sepolti sono i tentativi storici di rianimare l’Europa con cure radicali attinte da quello stesso bacino eroicizzante, e tutto ormai riposa sulla quiete di un dominio mondiale di energie corrosive ben paludate da ideali positivi. Lo stesso Jünger, col passare dei decenni, abbandonò le sue immagini faustiane e i suoi affondo nichilistici e si mise ad argomentare in termini di “fine della storia”, di difesa ecologica della Terra, acconciando il suo genio letterario a belle riproduzioni fantasy del romanzo metastorico. Disse di non comprendere i catastrofismi che erano stati di Spengler. Però scrisse che si aspettava una prossima epoca “dei Titani”, «molto propizia alla tecnica ma sfavorevole allo spirito e alla cultura». Titani magari no, ma questo pare proprio il mondo in cui viviamo, in cui il tecnocrate, il politicante e l’uomo-massa di annunci come quelli di Jünger e di Spengler non sanno che farsene.

Ma è a personaggi come i due dioscuri tedeschi che l’Europa deve il fatto di avere ancora un’anima. Sfaldata e minacciata da vicino, ma viva. Non è possibile immaginare una ripresa europea sul ciglio dell’abisso, se non tornando a imbracciare quell’ideologia – poiché proprio di idee armate si trattava – che accomunò Jünger e Spengler come in un sogno europeo di rinascita a tutti i costi. Persino dietro al “tramonto” preconizzato da Spengler, difatti, c’era una promessa di nuovo inizio. E ovunque in Jünger si coglie la volontà di indicare la forma che si imporrà, una volta gestito e fatto placare il caos nichilista.

Dinanzi alla crisi provocata – oggi come allora – da uno scomposto e distruttivo procedere della modernità, l’anelito dell’uomo in ordine con le leggi della vita non può che essere verso «l’esigenza di una vita nuovamente ordinata e strutturata all’interno di una dimensione di compattezza e stabilità». Ha scritto queste parole Domenico Conte, autore di Albe e tramonti d’Europa. Ernst Jünger e Oswald Spengler, appena pubblicato dalle Edizioni di Storia e Letteratura di Roma.

È una frase chiave. Solo apparentemente innocua. Essa infatti mostra come il pensiero del realismo eroico, della mobilitazione totale e del cesarismo militante non fosse espressione anch’esso dell’epoca del nichilismo e dell’aggressione delle masse, ma, al contrario, intendesse utilizzare gli strumenti della modernità per abbatterla e costruire in sua vece un nuovo ordine gerarchico. «Questo mondo della mobilitazione e del movimento non è che un interludio», scrive Conte, e con questo ci fa capire che la fase della lotta è necessaria non in sé, ma per raggiungere ciò che egli definisce la «utopia della stabilità». Insomma: la Rivoluzione Conservatrice – e con loro i regimi nazionalpopolari che bene o male ne misero in pratica i presupposti – è una macchina moderna, d’accordo, ma antimodernista. Oltrepassati i confini della storia e della politica, Jünger e Spengler, ognuno per suo conto, ma con idee sovente intrecciantesi, guardarono al di là, immaginando forme ulteriori, stili post-moderni, accadimenti di primordiale potenza rifondatrice. Osservato fino in fondo l’incubo della tecnica e della società moderne, questi due artigiani dell’idea europea di dominio non hanno fatto filosofia reazionaria, non hanno espresso conservatorismi inetti, ma hanno dato strumenti di rivolta: «con l’impazienza e il radicalismo – soggiunge Conte – di chi non credeva più nella storia o vi credeva solo nel senso del vedervi l’imperare e l’agitarsi di più alte potenze, votarsi alle quali parve cosa necessaria e bella».

In effetti, se Jünger fu il collaboratore dei fogli di punta del nazionalismo politico post-bellico e vicino agli ambienti dell’oltranzismo nazionalrivoluzionario, Spengler non gli fu da meno: in rapporti con personaggi come Franz Seldte, futuro ministro nazionalsocialista, era ammiratore del mondo dei Männerbünde, le milizie armate al seguito di un capo tipiche dell’epoca, dagli squadristi italiani alle SA e allo Stahlhelm, nelle quali vedeva l’affermarsi di un prosssimo cesarismo carismatico. Contestualmente, Jünger osservò ne L’operaio che «la massa comincia a secernere dal proprio corpo organi di autodifesa». Questo considerare le cose dal punto di vista dell’organico, del vitale, dell’ancestrale biologico è forse la dimensione che meglio accomuna Jünger e Spengler e che meglio ne spiega il terribile, seducente, incantatorio talento da affrescatori. Entrambi analisti dell’uomo e della società, entrambi evocatori di scenari cosmologici, di rivolgimenti apocalittici, di ipotesi di riaffermazione di “tipi” elementari e originari, di razze mutanti, di arcaismi giacenti nell’inconscio e riattivati dall’uso della tecnica e dalla volontà impersonale, il tutto da indirizzare – con forte senso politico – contro l’affastellamento informe del Moderno. Profetizzarono uomini nuovi, secondo «cambiamenti fisiognomici intercorrenti nel passaggio dal mondo borghese dell’individuo al mondo tipico dell’Operaio». L’uno e l’altro giudicarono – sbagliando profezia, ma non importa – che presto al borghese, «sfornito di qualsiasi rapporto con forze elementari» sarebbero succeduti esemplari. Quasi campionature di un’inedita stirpe lavorata dai fatti, dal carattere, da un destino epocale.

qsj_junger_i.jpgSono inquadrature formidabili, bisogna ammetterlo. Quanto di meglio potrebbe chiedersi, per ridare oggi anima e vita a una qualche minoranza in grado di riarmare lo spirito e di intraprendere la lotta contro il mondo moderno, se solo da qualche parte ne esistesse una. Uno dei meriti dello scritto di Conte è quello di presentarci la riflessione tedesca del Novecento rappresentata da Jünger e da Spengler come in fondo un unico strumentario di lotta filosofica, metafisica e politica, bene in grado di raddrizzare il piano inclinato su cui corre la modernità. E si tratta di strumenti da estrarre dai più reconditi giacimenti della natura occulta, veri archetipi in riposo che attendono soltanto di essere risvegliati: l’energia formatrice, ad esempio, la Gestaltungskraft, che a giusto titolo Conte indica come termine essenziale dell’Arbeiter, e che è la stessa forza che, ne L’uomo e la tecnica, Spengler vede agire per catastrofi immediate, risolutive: le mutazioni che aprono vie impensate ai progetti della storia.

Conte batte sul tasto delle naturali differenziazioni tra i due pensatori, ma ribatte pure su quello delle organiche similitudini. E ci rende noto un esemplare dettaglio, di gran valore filologico e immaginale. Una lettera scrittagli da Ernst Jünger nel 1995, a un mese dal compimento del suo centesimo anno, in cui conveniva con lo studioso napoletano che Spengler aveva svolto in qualche modo su di lui il ruolo di maestro: «Lei ha ragione a supporre che Oswald Spengler abbia esercitato un’influenza significativa sulla mia evoluzione spirituale…». Assodato che Spengler era senza mezzi termini considerato da Jünger «decisivo per la sua concezione della storia», Conte indica come elemento tra i più visibili di questa fratellanza ideale il «collegamento fra Operaio e prussianità», quello fra Operaio e Germania, e soprattutto la visuale copernicana della storia, nel senso di una storia e di una politica mondiali, ma «in un’ottica in realtà germanocentrica». Un sano relativismo di prospettiva che non sviliva, ma al contrario rafforzava sia in Jünger sia in Spengler l’ostilità verso l’individualismo cosmopolita borghese e quella «contro i partiti politici, i parlamenti, la stampa liberale e l’economia di libero mercato».

Un altro dei numerosi spunti offerti da Conte è il commento a un libro dell’americano John Farrenkopf, recentemente dedicato a Spengler come “profeta del declino”. Un caso singolare di “spenglerismo” negli USA? Un momento… vediamoci chiaro… Farrenkopf condivide le prognosi infauste di Spengler circa il futuro dell’Occidente, formula un suo pessimismo circa la decadenza del mondo occidentale (pacifismo, crisi demografica e culturale, ottusa pratica di esportare tecnologia ai nemici dell’Occidente, etc.), ma alla fine non manca di sostituire l’America alla Germania come quella struttura imperiale auspicata da Spengler per contenere gli sviluppi verso il basso della civilizzazione. E, da buon americano, non manca neppure di indicare in qualche scritto giovanile del filosofo del tramonto accenni di apprezzamento per la democrazia. Non sono tanto questi aspetti che importano. Conte demolisce alla svelta il tentativo di americanizzare Spengler e di confondere l’impero con l’imperialismo di bottega. Da parte nostra, noi segnaliamo il valore irrinunciabile della duplice lezione di Jünger e di Spengler: la presenza pesante di due autori dal messaggio forte, attualissimo, il cui pensiero di contrasto radicale va strappato di mano ai depotenziatori – certi salotti della new age jüngeriana, amanti del romanziere criptostorico, ma muti sull’ideologo nazionalrivoluzionario… adesso lo Spengler democratico e americanomorfo… – per rimetterlo al centro di un possibile recupero del tradizionalismo rivoluzionario europeo…

Domenico Conte, ben noto al pubblico italiano per essere uno dei pochi esegeti non prevenuti della Rivoluzione Conservatrice – e autore tra molti altri di quell’eccellente libro-monstre che è Catene di civiltà. Studi su Spengler, pubblicato dalle Edizioni Scientifiche Italiane nel 1994 – parla non a caso di albe e tramonti d’Europa. Il pensiero tragico e le prospettive catastrofiste di Jünger e di Spengler nascondono allo stesso modo tutto un tracciato di proiezioni futuribili, assegnando alla nostra civiltà spazi di insorgenza e di contro-storia ancora percorribili. Spengler, fortemente interessato ai momenti aurorali e dinamici della Kultur, era in realtà un agitatore di destini. E Jünger, nel suo Arbeiter, scrisse la frase rivelatrice: «ogni tramonto è preparazione». Entrambi, e insieme ad esempio a un Heidegger, e in maniera tra l’altro non dissimile dal nostro vecchio Oriani, videro il futuro dell’Europa nel suo saper riconoscere una nuova alba, fatta di istinto, volontà e mobilitazione.

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Tratto da Linea del 11 ottobre 2009.

vendredi, 20 novembre 2009

La géopolitique entre modernité et post-modernité

wereldbol.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1996

La géopolitique entre modernité et post-modernité

Intervention de Louis Sorel lors de la 4ième Université d'été de «Synergies Européennes», Madessimo, 1996

 

à Claire

 

INTRODUCTION:

 

Auteur d'une première Géographie universelle décrivant le monde antique alors sous domination romaine, le Grec Strabon (63 av. JC-25 ap. JC) définissait sa discipline comme étant la “science des princes et des chefs militaires”. De fait, c'est pour le compte de l'impérialisme athénien que son illustre prédecesseur Hérodote d'Halicarnasse (484-424 av. JC), tout aussi bien père de la géographie que de l'histoire, parcourait le bassin méditerranéen. Par la suite, ainsi que l'ont démontré les travaux de Paul Claval et d'Yves Lacoste, la géographie s'est développée en étroite connexion avec les différents pouvoirs, qu'ils soient politiques, militaires ou économiques.

 

Ainsi définie, la “géographie fondamentale” (Yves Lacoste) ressemble fort à la géopolitique. Pourtant les réflexions et les pratiques d'ordre géopolitique, tout aussi anciennes que les problématiques pouvoirs-territoires, sont longtemps restées empiriques et confinées aux milieux dirigeants. C'est du XVIième au XXième siècle que cette réflexion sur les rapports entre espace et puissance prend progressivement forme pour devenir une discipline autonome et instituée, avec les travaux de l'Américain Alfred Thayer Mahan (1840-1914), du Britannique Halford MacKinder (1861-1947) et de l'Allemand Karl Haushofer (1869-1946). Aujourd'hui largement vulgarisées, les thèses des “pères fondateurs” sont à l'origine d'un corpus doctrinal longtemps hégémonique. Pour le désigner, nous parlerons indifféremment de géopolitique classique ou encore de géopolitique moderne.

 

Ce corpus doctrinal a inspiré la réflexion stratégique des dernières décennies et permet d'analyser de manière cohérente, dans leur dimension spatiale, les rapports de puissance et les conflits du XXième siècle. Ultime étape d'une histoire objectivement européocentrée depuis la Renaissance, la fin du conflit Est-Ouest est aussi la fin d'une période qui a “in-formé” (donné forme [à]) la géopolitique dite moderne. Le déclin démographique des peuples de souche européenne et inversément la forte croissance des populations du Sud, la montée en puissance économique et technologique de l'Asie confucéenne, les turbulences de l'aire arabo-islamique et la renaissance du pantouranisme, phénomènes auxquels il faut ajouter la persistance des écarts de développement et la prolifératlon des armes de destruction massive, ouvrent des temps radicalement autres. Le corpus doctrinal Mahan-MacKinder-Haushofer ne permet pas de déchiffrer ces mondes nouveaux. Née de la Modernité, la géopolitique classique est aujourd'hui bousculée par la “mondialisation”. Une géopolitique post-moderne prend ses marques et d'actifs débats sémantiques ont déjà permis de préciser ses contours.

 

I. LA GÉOPOLITIQUE CLASSIQUE: LE CORPUS DOCTRINAL MAHAN-MACKINDER-HAUSHOFER

 

UNE GÉOPOLITIQUE WESTPHALIENNE

 

Le corpus Mahan-MacKinder-Haushofer est l'expression doctrinale d'un monde d'Etats. Né au sortir du Moyen-Age des décombres de l'ordre féodal, l'Etat moderne est un type d'unité politique délimité par des frontières linéaires (et non des marches ou un limes), au territoire homogène sur le plan linguistique, culturel et juridique (ou tendant vers l'homogénéisation), caractérisé par la centralisation des pouvoirs (1). Cette forme politique a été consacrée par les traités de Westphalie. Signés à Munster, le 8 septembre 1648 (entre la France et l'Empire), et à Osnabruck le 6 août de la même année (entre l'Empire, la Suède et les puissances protestantes), ces traités mettent fin à la Guerre de Trente Ans. Le principe “cujus regio ejus religio”, précédemment invoqué lors de la paix d'Augsbourg (1555), affirme l'idée d'un Etat sécularisé; la Chrétienté en tant qu'espace politique se dissout. Quant aux clauses territoriales et constitutionnelles, elles abaissent l'Empire et fragmentent l'Allemagne en 343 entités quasi souveraines (principautés, villes libres, évêchés). Les traités de Westphalie instituent donc un ordre étatique et territorial, émancipé de toute autorité supra-nationale (Papauté et Empire). Dans les siècles qui suivent, l'Etat moderne s'impose jusquà devenir hégémonique, au cœur du XXième siècle. Le droit des gens en fait le seul acteur légitime des relations internationales (2).

 

Aboutissement d'une réflexion systématique sur ce qui fait la richesse et la puissance des nations, réflexion amorcée par le mercantilisme (3), la géopolitique moderne et l'ordre étatique ont partie liée. C'est à la charnière des XIXième et XXième siècles, lorsque les Etats européens sont à leur apogée  —dotés de vastes empires coloniaux, ils contrôlent un espace économique aux dimensions de la planète—  que nait la géopolitique en tant que discipline autonome. L' âpreté des luttes entre nations pour le contrôle des marchés extérieurs est telle qu'elle dissipe alors l'utopie ricardienne d'une division internationale du travail harmonieuse. Aussi, un nouveau discours, la géopolitique, prend-il ses marques. Théorisation des rapports de puissance entre Etats nationaux dans un monde européocentré, la géopolitique classique est une géopolitique westphalienne.

 

L'OPPOSITION TERRE-MER

 

Les Temps Modernes s'ouvrent avec les Grandes Découvertes. Mis en mouvement par le dynamisme politico-religieux des croisades puis, en terre ibérique, de la Reconquista, les Européens du Ponant, Portugais et Espagnols et dans leur sillage, Hollandais, Anglais et Français, cherchent à s'affranchir des routes continentales de la soie et des épices. Née dans les steppes du Sud de l'actuelle Russie, la civilisation européenne s'élance sur les mers du globe et dès lors, la Terre doit être appréhendée comme totalité (4).

 

Conscients du rôle central de l'Océan mondial (71% de la superficie du globe) dans le “jeu mondial”, les “pères fondateurs” de la géopolitique moderne ont vu dans l'opposition entre puissances continentales/telluriques et puissances maritimes/thalassocraties le moteur de l'histoire universelle. Avec bien des nuances cependant. Apôtre du Sea Power, A. T. Mahan croit en la victoire inéluctable du maître de la mer. Il joue un rôle non négligeable dans l'abandon des principes isolationnistes et continentalistes des présidents Georges Washington et James Monroe, les Etats-Unis se préparant, dès la fin du XIXième siècle, à prendre la relève de la thalassocratie britannique (5). A l'inverse, H. MacKinder, et à sa suite K. Haushofer, est un partisan convaincu de la supériorité continentale. Hors de portée des coups du maître de la mer, le Heartland (la Terre centrale, qu'il place en Russie sibérienne) serait en mesure, grâce aux liaisons ferroviaires, de valoriser ses immenses ressources naturelles et, en cas de conflit, pourrait manœuvrer avec rapidité sur ses lignes intérieures. Le “théorème” qui suit résume en quelques mots sa pensée: «Qui contrôle le cœur du monde commande à l'île du monde (L'ensemble Eurasie-Afrique. NdA), qui contrôle l'île du monde commande au monde». En bon diplomate britannique, il s'efforce pourtant de maintenir divisé le Heartland.

 

Appliquée aux deux conflits mondiaux, cette grille de lecture s'est révélée prospective. Remaniée par les soins de Nicholas John Spykman (1893-1943), elle a ensuite été reprise comme modèle d'interprétation de la guerre froide et largement vulgarisée au cours des années soixante-dix (6). Dans sa version continentaliste, la théorie de l'éternel affrontement entre Terre et Mer a profondément imprégné la culture géopolitique des milieux grand-européens.

 

LA GÉOPOLITIQUE COMME “SCIENCE DES SCIENCES”

 

Plus ou moins explicitement définie par ses initiateurs comme science, et même comme “science des sciences” couronnant l'ensemble des connaissances humaines, la géopolitique classique veut établir les “lois objectives” gouvernant les sociétés humaines dans leurs interactions politiques. Ainsi Friedrich Ratzel (1844-1904) entendait-il fonder une véritable “technologie spatiale du pouvoir d'Etat” (Michel Korinman) grâce à laquelle la politique tendrait vers “la forme correspondant aux lois de la nature” (7). A sa suite, Karl Haushofer voit en la géopolitique une “science appliquée et opérationnelle” dont l'objectif final serait le “grand registre de la planète” pour “mettre en ordre le monde”. Bien que réputée plus pragmatique, l'école anglo-saxonne de géopolitique n'est pas sans partager le déterminisme et le scientisme de l'école allemande. La philosophie de l'histoire sous-jacente aux travaux d'A. T. Mahan et d'H. MacKinder  —fatalité de l'affrontement entre Terre et Mer, victoire inéluctable de l'élément maritime pour le premier, terrestre pour le second, puissance des “causalités géographiques”—  en témoigne. Ces traits se retrouvent chez nombre de leurs successeurs, notamment les Américains Ellen Churchill Semple et Ellesworth Huntington et la géographie politique française elle-même, présentée depuis Lucien Febvre comme “possibiliste”, n'est pas immunisée contre le déterminisme (8). Cette volonté de scientificité explique, entre autres facteurs, le primat accordé à la géographie physique  —la stabilité des configurations naturelles se prête plus à la formulation de lois, fussent-elles illusoires—  et l'intérêt porté aux sciences de la vie dont les méthodes font à l'époque autorité.

 

Par son scientisme, la géopolitique classique s'inscrit dans la modernité triomphante du XIXième siècle. Les géopolitologues d'alors partagent avec leurs contemporains, peu ou prou, une conception absolutiste de la science, la croyance en l'existence de lois (géographiques) de l'histoire, et une volonté faustienne de dominer la Nature qu'illustrent les citations précédemment extraites de l'œuvre de K. Haushofer. Lointain aboutissement du projet cartésien de “mathésis universalis”, cette science qui se veut totale entreprend d'arraisonner le monde (9). A l'évidence, la géopolitique classique est frappée du sceau de la modernité. Aujourd'hui, les formes ultimes prises par cette modernité —mondialisation/globalisation des relations politiques, économiques et culturelles internationales—  tendent à invalider ses principaux schèmes.

 

II. LA MONDIALISATION

 

LA FORMATION D'UN MONDE FINI(10)

 

Sur le plan géographique, la mondialisation doit être définie comme une mise en relation généralisée des différents lieux de la Terre. Elle se traduit par une connaissance quasi-exhaustive de la planète  —tout point du globe est soumis à la surveillance des multiples satellites mis en orbite ces dernières décennies—  l'appropriation des superficies émergées que recouvre le pavage des Etats (exception faite du continent antarctique), et un treillage de puissants réseaux de communication supportant des flux massifs et divers, qu'ils soient matériels (matières premières et produits énergétiques, produits alimentaires, biens manufacturés) ou immatériels (informations, sons et images), sans oublier les mouvements de population (11).

 

Pendant de longs millénaires, le monde a été constitué de “grains” (sociétés humaines) et d'“agrégats” (ensemble de sociétés humaines regroupées sous la direction d'une autorité unique) ou “empires-mondes” dont les relations, quand elles existaient, étaient trop ténues pour modifier en profondeur les comportements. C'est avec les Grandes Découvertes que l'on passe “des Univers à l'Univers” (12). L'économie-monde européenne s'étend progressivemen à l'ensemble de la planète et dès le XVIIIième siècle, une première economie universelle existe. Cependant, ses réseaux sont encore lâches, l'intérieur des continents échappant aux “jeux de l'échange” animés par une succession de villes-centres (Venise, Anvers, Gênes, Amsterdam), ensuite évincées par les Etats territoriaux (13).

 

Au XIXième siècle, la révolution industrielle et la constitution de vastes empires coloniaux aux mains des Européens imposent l'échelle mondiale. La Terre est une sphère désormais unifiée par la marine à vapeur, le cheval de fer et le câble télégraphique (14). C'est pour faire la théorie de cet espace-temps cosmopolite  —réseau serré où s'entremêlent facteurs géographiques (géographie physique), démographiques, économiques, ethno-culturels et religieux—  et fonder une science de l'action et du pouvoir adaptée à ce milieu complexe que la géopolitique se constitue en discipline autonome. Il faut pourtant attendre la crise de 1929, dont on connaît la rapide propagation à l'ensemble des économies modernes, pour que l'on prenne véritablement conscience de la généralisation des interdépendances. Alors Paul Valéry peut écrire, dans son avant-propos aux Regards sur le monde actuel (1931): «Le temps du monde fini commence».

 

DE LA MONDIALISATION A LA GLOBALISATION

 

La crise économique des années trente et ses effets  —contraction des échanges internationaux, cascade de dévaluations monétaires, fragmentation de l'espace capitaliste en zones distinctes—  puis la 2ième guerre mondiale ont marqué un coup d'arrêt à la mondialisation. Elle reprend ensuite de plus belle. Les Etats-Unis définissent un nouvel ordre mondial, économique (les accords monétaires de Bretton Woods, signés en 1944, et les accords commerciaux dit du GATT, signés en 1947, en sont les deux piliers) et stratégique (doctrine du containment  en 1947, Alliance atlantique en 1949, pactomanie des années 50). C'est dans ce cadre que le monde dit libre, structuré de l'extérieur par la menace soviétique, connaît une expansion exceptionnelle (les Trente Glorieuses) et une interdépendance croissante entre les trois grands pôles capitalistes (Etats-Unis, Europe de l'Ouest, Japon).

 

La Grande dépression déclenchée par le choc pétrolier d'octobre 1973 ne remet pas en cause le processus de mondialisation. Les grands groupes industriels poursuivent leur expansion à l'étranger  et le libéralisme doctrinaire de l'ère Reagan-Thatcher renforce la dynamique libre-échangiste (15). Enfin, la “révolution financière” des années 80 (dérèglementation, interconnection des places financières par la télématique) permet 1e développement d'un méga-marché financier mondial. Avec l'extension de ce “modèle” de développement au Sud et à l'Est, suite à la désintégration du communisme entre 1989-1991, un nouvel anglicisme vient désigner ce néo-capitalisme planétaire et hégémonique, celui de “globalisation”. Alors même que la mondialisation-globalisation triomphe, ce processus ne fait pourtant plus sens, ses conséquences sociales, culturelles et écologiques invalidant l'idée de progrès dont il était le vecteur. En Occident, tout horizon d'attente a disparu, et l'unification techno-économique du monde débouche non pas sur “l'unité du genre humain” mais sur l'explosion des revendications identitaires. Le vague optimisme historique qui avait succédé, suite au “rapport Khrouchtchev” (1956) dénonçant le stalinisme, aux “lendemains qui chantent” se meurt; le saint-simonisme de la commission Trilatérale et du Forum de Davos ne fait plus recette (16).

 

MONDIALISATION ET GÉOGRAPHIE

 

Le triomphe de la mondialisation a généré la représentation d'un monde réticulé et fluide, à l'image de l'océan financier qui nous submerge. Les énormes masses de capitaux qui circulent 24 heures sur 24 à la vitesse de la lumière sont à même, les attaques récurrentes contre le Système monétaire européen le montrent, de se muer en ouragans planétaires mettant à bas les politiques économique d'Etats solidement constitués. Arguant de ces faits, d'aucuns en ont déduit “la fin de la géographie” (17). Les frontières étatiques devenues poreuses et les distances effacées par la révolution des communications, l'espace-temps de la globalisation serait devenu un espace-temps technologique, sa maîtrise dépendant des seuls facteurs techniques. La Terre lisse comme une boule de billard, l'inégale distribution des facteurs naturels et culturels sans influence sur la localisation des activités économiques et la circulation des cartes de la puissance, la géographie céderait le pas à une trajectographie. Toute communauté de citoyens étant nécessairement localisée, la fin de la géographie signifierait par voie de conséquence la fin du politique.

 

Une étude plus approfondie des réalités économiques et financières montre pourtant le caractère superficiel et réducteur des thèses émises par les tenants de 1a “géographie-zéro”. La progressive structuration de trois macro-régions  —Etats-Unis/Amérique du Nord, Europe, Japon/Asie-Pacifique—  par le facteur proximité est un phénomène de polarisation géographique. A l'échelle des entreprises, y compris dans l'espace-temps financier, les contraintes territoriales existent. En théorie, rappelle Philippe Moreau-Defarges, “l'opérateur financier n'ayant besoin que d'écrans et de lignes téléphoniques, il serait en mesure de s'installer n'importe où; en fait, il faut à cet opérateur une imprégnation quotidienne de rumeurs, d'informations, qu'il n'obtient que dans des endroits bien précis (d'abord, les grandes places financières)» (18). Et, doit-on ajouter, la localisation des têtes financières du système-Monde est elle-même liée à la répartition des centres de pouvoir, d'information (agences de presse), d'innovation, sans oublier l'existence de traditions commerciales fortes. Bref, la face de la Terre demeure rugueuse et différenciée, et la mondialisation ne saurait échapper aux rêts de la géographie. Mais elle impose une nouvelle grammaire de l'espace. Ainsi Roger Brunet et Olivier Dollfus ont-il dressé une première géographie de la globalisation avec ses espaces centraux, animés par des métropoles ordonnées en mégalopoles que relient de puissants flux circulant aux latitudes tempérées de l'hémisphère Nord (l'anneau de la Terre); à proximité, des périphéries dites intégrées, mises en valeur par les centres d'impulsion; plus loin, des périphéries délaissées qu'enjambent les réseaux de communication les plus modernes; oubliés des médias, des chaos bornés, zones grises où sévissent narco-trafiquants et guérillas reconverties en “PME de guerre”. On est loin du “village planétaire” décrit par les thuriféraires du capital transnational, le monde est en fait un “archipel-monde” (Michel Foucher), cette forte expression rendant compte tout à la fois de la globalité des flux et interconnexions et de la fragmentation politico-stratégique de la planète (19).

 

La mondialisation n'a donc pas banalisé l'espace; la géographie demeure et partant la géopolitique. Mais une géopolitique recomposée.

 

III. ACTUALITÉ DE LA GÉOPOLITIQUE

 

LA FIN DU MODELE WESTPHALIEN

 

La géopolitique classique est, on l'a vu, une géopolitique des Etats. Consacré par les traités de Westphalie, l'Etat moderne s'est progressivement universalisé; d'abord en principe, le rayonnement intellectuel de la civilisation européenne permettant à la philosophie politique moderne d'essaimer, puis dans les faits, avec la décolonisation et tout récemment la fin du communisme (démembrement de l'URSS, éclatement de l'ancienne Yougoslavie, divorce à l'amiable des Tchèques et des Slovaques). Avec 186 Etats membres de l'ONU (auxquels il faut ajouter une quinzaine d'Etats)  —ils étaient 50 en 1945 et 110 en 1961—  nous vivons dans un monde étatiquement plein. Mieux: le principe de territorialité a été étendu à l'élément marin. Autrefois res nullius, la mer est devenue dans l'après-1945 mondiale objet d'appropriation, révolution juridique qu'a entérinée la convention sur le Droit de la Mer conclue à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982. Entrée en vigueur le 16 novembre 1994, elle donne aux Etats côtiers la possibilité d'étendre leurs eaux territoriales jusqu'à douze milles nautiques du littoral (environ 22 km), et surtout de se découper des ZEE (zones économiques exclusives) à 188 milles au-delà, c'est-à-dire jusqu'à 370 km des côtes. Les thèses de John Selden, auteur au XVIIième siècle d'un Mare clausum, prennent donc le pas sur les théories libérales exposées par Grotius dans sa “Dissertation sur la liberté des mers” (20).

 

L'ordre étatique semble donc régner et pourtant, le triomphe du modèle westphalien n'est qu'apparent. Animés par des “acteurs exotiques et anomique” (Lucien Poirier)  —firmes transnationales, organisations non-gouvernementales, églises, sectes, mafias et narco-trafiquants, guérillas et groupes terroristes—  réseaux et flux transnationaux cisaillent les territoires étatiques. Des formes politiques concurrentes se réveillent ou sont en gestation: Cités-Etats au cœur de la logistique des affaires, à l'instar de Singapour, et regroupements multi-Etats susceptibles de donner naissance à de “grands espaces” (21). L'Américain Samuel P. Huntington n'hésite pas à compter au nombre de ces nouvelles puissances politiques 1es civilisations. Certes, celles-ci sont loin d'être des acteurs institués et autonomes, et nombre de conflits mettent aux prises des sous-blocs culturels participant d'une même aire de civilisation. Mais les empires que certains politologues voient se profiler ne sont-ils pas l'expression politique et institutionnelle de patriotismes de civilisation? Les thèses de S. P. Huntington ont par ailleurs le mérite de souligner le rôle des facteurs ethno-linguistiques et religieux dans les relations internationales. Les populations de l'archipel-monde étant reliées par des sons et des images, l'instance culturelle est devenue un champ majeur de confrontation (22).

 

L'Etat moderne n'est donc plus le seul maître du jeu mondial. N'en déduisons pas trop hâtivement la fin de cette forme politique; l'histoire est polyphonique et plusieurs types de politie sont appelées à coexister. Par contre, la période d'hégémonie du modèle westphalien est assurément close. Une Realpolitik doctrinaire qui ignorerait ces faits, par nostalgie de l'ordre classique du XIXième siècle européen, manquerait son objet. La complexité et l'hétérogénéité du système-Monde nous rapproche plus du XVième siècle que du XIXième siècle, et il nous faut prêter attention aux géopolitiques “d'en bas”, celles des acteurs infra-étatiques (collectivités locales, firmes, etc.), aux géopolitiques “d'en haut”, celles des regroupements multi-Etats et des aires de civilisation, aux géopolitiques de l'“antimonde”, celle des trafics en tous genres et de la flibusterie.

 

LE TRIANGLE TERRE-MER-AIR

 

Paradigme fondateur de la géopolitique classique, la théorie de l'éternelle opposition entre Terre et Mer appelle un certain nombre de remarques.

 

Ce modèle géopolitique n'exprime pas une vérité transhistorique. De la Haute Antiquité aux XVième-XVIième siècles, rappelle Gérard Chaliand, le conflit relevant de la longue durée est celui qui met aux prises nomades d'Asie centrale et sédentaires de l'Ancien Monde. Quant au conflit Chrétienté-Islam, il commence au VIIIième siècle et perdure jusqu'au cœur du XVIIIième siècle, quand 1e déclin ottoman devient alors irréversible (23). En fait, l'opposition entre Terre et Mer ne devient centrale qu'à partir des Temps modernes, avec quelques entorses par rapport à la théorie. Ainsi voit-on à plusieurs reprises puissances maritimes et continentales alliées contre un pertubateur du rimland, ces territoires qui, de la Norvège à la Corée, ceinturent le heartland, dont N. J. Spykman a montré l'importance: Grande-Bretagne et Russie contre Napoléon Ier puis Guillaume II, puis Etats-Unis et URSS contre Hitler.

 

Il n'y a pas d'issue déterminée à l'affrontement entre Terre et Mer. Certes, suite aux victoires des thalassocraties anglo-saxonnes en 1918 et en 1945, A. T. Mahan semble l'avoir emporté sur H. MacKinder. Sur le plan géo-économique, c'est évident. La primauté des réseaux océaniques est écrasante, ils assurent les 3/4 des échanges internationaux, et les économies se maritimisent. Sur le plan géostratégique, le bilan est plus équilibré. Les flottes de guerre jouissent toujours d'une liberté d'action planétaire —“aujourd hui, écrit Hervé Coutau-Bégarie, un porte-avions et son groupe peuvent parcourir plus de 1000 kilomètres par jour. Lors de la guerre du Golfe, la plupart des hommes et des matériels sont venus directement des Etats-Unis, en faisant la moitié du tour de la Terre”—  et les missiles de croisière embarqués menacent le cœur des continents. A une échelle plus restreinte, précise-t-il , “avec le chemin de fer, complété ensuite par l'automobile, la puissance terrestre devient capable de déplacer ses forces aussi vite que la puissance maritime” (24). De surcroît, dans une mer aux dimensions de la Méditerranée, une flotte moderne doit compter avec les missiles sol-mer. Les thèses unilatéralistes et déterministes trouvent donc rapidement leurs limites et on leur préférera la dialectique de l'Amiral français Raoul Castex: «Un élément ne peut vaincre l'autre que s'il va l'affronter chez lui». Pour vaincre, la puissance maritime doit débarquer à terre et la puissance continentale se projeter sur mer. Avec l'avènement de l'arme aérienne, forces aéroterrestres puis aéronavales, cette relation dialectique entre Terre et Mer est d'autant plus équilibrée (25).

 

Venant s'ajouter à la Terre et à la Mer, l'élément aérien au sens large (espace endo- et exo-atmosphérique) est aujourd'hui déterminant. Dès l'entre-deux-guerres, le Général italien Giulio Douhet, théoricien de l'Air Power, ei ses épigones  —William Mitchell et Alexandre de Severski aux Etats-Unis, Hugh Trenchard et Stanley Baldwin en Grande-Bretagne—  prennent la mesure de 1a révolution stratégique amorcée. Plutôt que de s'acharner à défaire les forces militaires adverses, ils préconisent de s'attaquer aux racines mêmes de la puissance en bombardant les centres industriels et démographiques de l'Etat ennemi. Les conséquences géopolitiques sont majeures: la souveraineté territoriale est démantelée par le haut, et le Heartland lui-même n'est plus invulnérable (26). Après 1945, la révolution balistico-nucléaire et la mise sur orbite de satellites, nouvelle rupture dans l'ordre géopolitique et stratégique, viennent donner tout leur poids à l'élément aérien. «En termes mythiques, écrit Raymond Aron, on est tenté de dire que la terre et l'eau subissent désormais la loi de l'air et du feu» (27). Les trois éléments sont cependant étroitement intégrés. Ainsi la maîtrise des cieux, le Space Power des stratèges américains, permet-elle le contrôle et la mise en valeur de espaces terrestres. L'action diplomatico-stratégique, mais aussi la prospection minière et énergétique et la gestion du système alimentaire mondial passent par l'utilisation du Cosmos. Mais l'exploitation d'un réseau satellitaire est elle-même conditionnée par l'existence d'une chaîne de points d'appui et de “cailloux” océaniques. En retour, les satellites sont largement utilisés pour la navigation maritime et le contrôle des mouvements à la surface des océans. Au duopole Terre-Mer, on substituera donc le triangle géopolitique-géostratégique Terre-Mer-Air.

 

De cette mise au point se déduit la nécessité, pour une géopolitique grand-européenne, de ne pas céder au syndrôme de Metternich, cet européocentrisme doublé d'un géocentrisme oublieux de l'Océan (28). L'espace mondial unifié par le liaisons océaniques et aériennes, le “milieu” qui nous baigne est un monde océano-spatial. Vérité scientifique depuis Erastothène de Cyrène (vers 275-195 av. J.C.), le premier à évaluer de façon exacte la longueur de la circonférence de la Terre, la rotondité de celle-ci est aussi une vérité géopolitique et stratégique. Défions nous donc de toute vision étriquée du monde.

 

POUR UNE GÉOPOLITIQUE MODESTE

 

La géopolitique classique se veut scientifique, mais si l'on en croit le Français Yves Lacoste, cette discipline ne saurait prétendre à un tel titre. S'appuyant sur les travaux épistémologique de Michel Foucault, il définit la géopolitique-méthode non pas comme une science mais comme un savoir scientifique combinant, à l'instar de la médecine ou encore de l'agronomie, des outils de connaissance produits par diverses sciences (sciences de la matière, sciences de la vie, sciences sociales), en fonction d'une pratique. Eminemment politique et stratégique, donc pluriel et polémique, ce “savoir-penser-l'espace”, pour y agir efficacement, est profondément empirique. Il n' a pas vocation à énoncer les lois de l'histoire, ni à établir une théorie générale des rapports de puissance. Tout au plus les géopolitologues peuvent-ils, à partir des corrélations et similarités observées, esquisser des théories partielles (29).

 

L'“image du monde” élaborée par les sciences du chaos impose également à la géopolitique d'en rabattre sur ses ambitions. L'univers politique et stratégique dans lequel les peuples se meuvent est un système hypercomplexe et chaotique, c'est-à-dire imprédictible. Les entreprises des nombreux et divers acteurs du système-Monde interfèrent dans un espace mondial encombré et clos, leurs effets se composent, et la moindre perturbation est désormais susceptible de se transformer en ouragan planétaire. Le recours à la notion de système  —ensemble d'éléments interdépendants—  ne doit donc pas induire en erreur. Totalité contradictoire, le système-Monde n'est pas régulé.

 

La nouvelle “image du monde” qui se substitue à la “mécanique céleste” de Pierre Simon de Laplace implique une rupture avec l'hybris propre à la modernité. Simple méthode d'analyse multidisciplinaire des rapports de puissance, la géopolitique ne saurait fonder en raison une entreprise de domination planétaire. Quant au projet titanique de soumettre la Nature, on sait aujourd'hui quelles en sont les conséquences écologiques: épuisement des sols, pénurie planifiée d'eau douce, saturation de l'atmosphère. La pression du système-Monde sur le système-Terre est telle que les exigences du milieu naturel, prétendument domestiqué, s'imposent à nouveau (30). Aussi l'antique principe d'autolimitation, dont Alexandre Soljénitsyne a souligné avec force les vertus (Discours du Lichtenstein, 1993), vaut pour la géopolitique. L'heure est à la géosophie.

 

Louis SOREL.

 

NOTES:

 

(1) Le territoire de l'Etat moderne n'est pas la simple projection géographique d'une communauté politique mais l'un des éléments constitutifs de la dite communauté: “(le principe de territorialité) suppose que le pouvoir politique s'exerce non pas à travers le contrôle direct des hommes et des groupes, mais par la médiation du sol”, in Bertrand Badie, La fin des territoires, Fayard, 1995 , p.12.

(2) Sur l'importance des traités de Westphalie dans la genèse de l'ordre étatique et territorial, cf. Bertrand Badie, op. cit., p.42-51.

(3) Sur les conceptions mercantilistes de la richesse et de la puissance, cf. François Fourquet, Richesse et puissance. Une généalogie de la valeur, La Découverte, 1989.

(4) Sur les routes de la soie, cf. François-Bernard et Edith Huygue, Les empires du mirage, Robert Laffont, 1993.

(5) A. T. Mahan est le théoricien de la maîtrise de la mer par destruction de la flotte adverse au moyen d'une bataille décisive. Les éditions Berger-Levrault ont publié en 1981 un certain nombre de ses textes, présentés par Pierre Naville (Mahan et la maîtrise des mers). Pour une critique du mahanisme, lire Hervé Coutau-Bégarie, La puissance maritime, Fayard, 1985.

(6) N. J. Spykman a reformulé les schèmes de H. MacKinder en soulignant l'importance du croissant intérieur, cette ceinture d'Etats amphibies qui court de la Norvège à la Corée, qu'il rebaptise rimland. Il formule un nouveau théorème: «Qui contrôle le rimland contrôle l'Eurasie». Le centre de puissance planétaire n'est plus le heartland mais le monde atlantique. Cf. Olivier Sevaistre, «Un géant de la politique: Nicholas John Spykman», in Stratégique, n°3/1988, Fondation pour les études de défense nationale.

(7) Citation de F. Ratzel extraite de Claude Raffestin, Géopolitique et Histoire, Payot, 1995, p. 53. Pour une approche plus pondérée de cet auteur, se reporter à Michel Korinman, Quand l'Allemagne pensait le monde, Fayard, 1990. Lire également André-Louis Sanguin, «En relisant Ratzel», in Annales géographiques  n°555, 1990.

(8) Sur E. Churchill Semple et E. Huntington, cf. Pierre-Marie Gallois, Géopolitique. Les voies de la puissance, Plon, 1990.

(9) Precisons que ce scientisme coexiste, chez certains auteurs, avec des tendances mystiques. Ainsi Haushofer écrit-il: «Au commencement de l'Etat, il y avait le sol sur lequel il se trouvait, il y avait le caractère sacré et saint de la Terre; c'est là-dessus d'abord que l'homme bâtit, développa l'économie et fit surgir la puissance et la civilisation». Alain Joxe rappelle qu'il distingue ensuite “un deuxième niveau génétique: celui du peuple et

de la race; puis un troisième niveau, celui de la réflexion socio-politique”. Cette stratification renvoie, note A. Joxe, à la tripartition fonctionnelle mise en évidence par Dumézil: «Le sol des géopoliticiens allemands joue le rôle fondamental (et féminin) de la fécondité, de la production et de la richesse; le peuple met en œuvre le courage guerrier, et 1e socio-politique appartient au philosophe; le géopoliticien est le moderne philosophe, dominant par l'esprit le rapport du peuple et du sol» Cf. A Joxe, Le cycle de la dissuasion (1945-1990), La Découverte-FEDN, 1990 p. 58-59.

(10) Ce titre reprend celui du premier chapitre de Philippe Moreau Defarges, La mondialisation. Vers la fin des frontières?, Institut français de relations internationales-Dunod, 1993.

(11) Dans L'Empire et les nouveaux barbares, Lattès, 1991, le politologue Jean-Christophe Rufin souligne la réapparition des terrae incognitae de puis un peu plus d'une décennie: ce sont des zones de guérilla où les mouvements armés, déconnectés de la géopolitique mondiale depuis la fin du conflit Est-Ouest, et donc privés de subsides, se sont reconvertis en “PME de guerre”; les grandes mégapoles du Sud; les territoires d'Etats fermés comme l'Arabie Saoudite, le Soudan, la Birmanie ou encore la Chine. Bien sûr, ces lieux ne sont pas inaccessibles mais leur connaissance géographique, en l'absence de statistiques fiables et de cartes réactualisées, régresse. La mondialisation “oublie” donc certains espaces.

(12) Cf. Pierre Léon, L'ouverture du Monde, Armand Colin, 1977.

(13) Cf. Fernand Braudel, La dynamique du capitalisme, Champs-Flammarion, 1985.

(14) Sur l'importance des câbles sous-marins dans la géostratégie de la Grande -Bretagne entre 1870 et 1914, cf. Paul Kennedy, Stratégie et diplomatie. 1870-1945, Economica, 1988.

(15) La revue Alternatives économiques a publié un hors-série (n° 23/l995) sur la mondialisation.

(16) Sur l'implosion du sens et la fin des “Lumières”, cf. Zaki Laidi, Un monde privé de sens, Fayard, 1994.

(17) Cf. Richard O'Brien, «La fin de la géographie», in Marie-Françoise Durand, Jacques Lévy, Denis Retaillé, Le monde. Espaces et systèmes, Fondation nationales des sciences politiques-Dalloz, 1992.

(18) Cf. Philippe Moreau Defarges, Introduction à la géopolitique, Points, 1994, p.182.

(19) Sur la géographie de la mondialisation, cf. Roger Brunet (Dr), Géographie universelle, tome I, Hachette/Reclus, 1990. Dans L'Espace Monde, Economica, 1994, Olivier Dollfus propose une synthèse de qualité.

(20) Il est à noter que ce sont les Etats-Unis, puissance thalassocratique attachée au principe de la liberté des mers, qui ont amorcé cette révolution juridique, lorsque Harry S. Truman a proclamé en 1945 leur souveraineté sur les gisements de pétrole “hors rivage” du Golfe du Mexique. Ils ont pourtant refusé d'adhérer à la convention de Montego Bay.

(21) Sur la notion de “grand espace”, cf. Carl Schmitt, Du politique, Pardès, 1990. Nous avons résumé sa théorie dans Eléments pour une pensée-monde européenne, Synergies Européennes, 1996.

(22) Cf. Samuel P. Huntington, «Le choc des civilisations», in Commentaire, n°66, 1994, p. 238-252. Voir également F. Thual, Les conflits identitaires, Ellipse, 1995.

(23) Cf. Gérard Chaliand, Anthologie mondiale de la stratégie, Robert Laffont, 1990, p. XVIII-XXIII.

(24) Cf. Hervé Coutau-Bégarie, «Essai de géopolitique et de géostratégie maritimes», in Hervé Coutau-Bégarie (Dr), La lutte pour l'empire de la mer, Economica, 1995, p. 38-41.

(25) Sur l'œuvre de Raoul Castex, cf. Hervé Coutau-Bégarie, La puissance maritime, op. cit.

(26) Le n°3/1995 de la revue Stratégique, publié par l'Institut de stratégie comparée chez Economica, est consacré à la stratégie aérienne.

(27) Cf. Raymond Aron, Paix et guerre entre les nations, Calmann-Lévy, 1962 (réédité en 1988), p. 214.

(28) Dans sa postface au Terre et Mer de Carl Schmitt (Le Labyrinthe, 1985), intitulée «La thalassopolitique», Julien Freund emploie le terme de “géocentrisme” pour souligner le caractère excessivement tellurique de certaines analyses géopolitiques.

(29) Cf. Yves Lacoste, «Les géographes, l'action et le politique», in Hérodote n° 33-34, 2°-3° trimestres 1984.

(30) Dans le n°43 de la revue Géopolitique (automne 1993), Paul-Marc Henry se demandait si l'humanité mourrait de faim ou de soif (p.42-43). Le premier terme de l'alternative n'est pas exclu, la sécheresse (40% des terres émergées) et l'épuisement des sols menaçant la sécurité alimentaire mondiale. Ainsi les chercheurs du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI) en appellent-ils à une croisade agricole (réunion de Lucerne, 9-10 février 1995). Mais 1a réussite de cette croisade —mal choisi, ce terme laisse à penser qu'il s'agit de persévérer dans la logique productiviste de l'agriculture moderne—  est conditionnée par la maîtrise de l'eau. Et la fonte des glaces de l'Arctique, les cyclones, les inondations  —tous phénomènes manifestant, au même titre que la désertification, la réalité de déséquilibres climatiques provoqués par le modèle productiviste— ne doivent pas nous abuser. Selon P. M. Henry, “l'humanité entière (...) est entrée dans un cycle de rareté et de cherté concernant l'élément sans lequel la vie disparaîtrait de la surface de la terre”. Les faits sont probants. En apparence l'eau abonde; l'hydrosphère, soit la quantité totale d'eau, est de 1,4 milliards de km3. Mais l'eau douce ne représente que 2% de ce chiffre, dont les 3/4 à l'état solide: inlandsis, icebergs, glaciers. En définitive, seules les eaux continentales, superficielles et souterraines, sont aisément accessibles. Et elles sont inégalement réparties: 1/5° des terres émergées ne dispose d'aucune ressource fluviale propre et dépend de nappes phréatiques et de fleuves allogènes. Les ressources en eau sont donc limitées mais les besoins des sociétés humaines ne cessent de croître. Ils devraient tripler dans le quart de siècle à venir, ceci s'expliquant par la croissance démographique du Sud, le développement des “pays émergents” et la diffusion du mode de vie occidental. En conséquence, l'eau est une ressource stratégique, enjeu et moyen de géopolitiques antagonistes. Leur champ d'application délimite des aires hydro-conflictuelles, la plus “chaude” étant le Moyen-Orient. Deux puissance hydrauliques régionales, Israël et la Turquie  —la première s'est assurée la maîtrise le Jourdain, les aquifères de Cisjordanie, le lac de Tibériade et ses sources; la seconde contrôle les sources du Tigre et de l'Euphrate, au grand dam de la Syrie et de l'Irak—, dominent la région. D'autres zone hydro-conflictuelles existent. L'Egypte, le Soudan et l'Ethiopie rivalisent d'intérêt pour le Nil. Aux confins du Sahel, le Sénégal et la Mauritanie s'affrontent autour du fleuve Sénégal. L'Asie des moussons n'est pas épargnée: Inde et Bangladesh s'y disputent le Gange et le Brahmapoutre; Inde et Pakistan, le bassin de l'Indus. En Amérique du Nord, entre les Etats-Unis et le Mexique, le partage et l'utilisation des eaux du Rio Grande et de la nappe souterraine transfrontalière ne vont pas sans problème. Enfin, l'Europe compte aussi des zones hydro-conflictuelles. On connaît par exemple le différend entre Hongrois et Slovaques, relatif au Danube. Du moins ces deux pays ont-ils eu la sagesse de s'adresser à la Cour internationale de justice de La Haye. Ressource vitale, l'eau est donc un enjeu universel et des “guerres de l'eau” ne sont pas à exclure. Un autre mode de développement s'impose, faute de quoi le siècle à venir pourrait bien être celui des affrontements géo-planétaires.

 

jeudi, 19 novembre 2009

Approche polémologique du système-monde

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

APPROCHE POLÉMOLOGIQUE DU SYSTèME-MONDE

Communication présentée à Varese, le 31 juillet 1997, dans le cadre de l'université d'été de Synergies Européennes

 

Amorcée au XVIième siècle avec les Grandes Découvertes, la mondialisation s'est accélérée au XIXième lorsque les Européens ont achevé le partage des terres émergées. Les guerres et les crises du premier XXième siècle ont ensuite porté un coup d'arrêt au processus mais les flux d'échanges ont connu une nouvelle expansion lors des Trente Glorieuses d'abord, des Vingt Piteuses ensuite, les «révolutions libérales» initiées par Margaret Thatcher et Ronald Reagan aidant (voir notamment la déréglementation des marchés financiers). La massification continue des flux de tous ordres  —commerciaux, financiers, médiatiques—  a abouti à la formation d'un système global, fluide et transnational qui double et déborde le système interétatique. Bref, nous sommes immergés dans un système-Monde hyper-complexe et chaotique.

 

Globalisé sur les plans économique et médiatique, cet univers n'en est pas moins politiquement et stratégiquement fragmenté. L'expression d'«archipel-monde» (Michel Foucher) semble plus adéquate au réel que celle de «village planétaire» (Marshall Mac Luhan). Cet univers multi-risques, où Béhémoth l'emporte sur Léviathan, est dès lors justiciable d'une approche polémologique, lato sensu, la polémologie étant ici définie comme sociologie des conflits et non des seules guerres. Cette communication a donc pour objet de faire le tour des phénomènes conflictuels à la surface de la Terre, dans le Monde post-guerre froide. Après avoir montré que le monde demeurait un champ de forces et repris quelques notions-clefs (puissance, ami et ennemi), nous dresserons une typologie des conflits empiriquement observables. Pour finir, nous passerons en revue les outils de puissance à disposition des unités politiques.

 

GÉOPOLITIQUE DU SYSTÈME-MONDE

 

Géopolitique doit ici être entendu au sens large, en opposition à la thèse de la «dégéopolitisation» du monde avancée par les géographes de Sciences Po-Paris. Arguant de la puissance des acteurs et flux transnationaux qui «cisaillent» les territoires nationaux et du tissu d'interdépendances en résultant, Jacques Lévy et ses collègues affirment que peu à peu émerge et se structure une société-monde fondée sur la libre circulation des valeurs, l'homogénéisation des styles de vie et la formation d'une opinion publique planétaire. Les rapports de cooperation prédomineraient sur les rapports de puissance, les jeux à somme positive sur les jeux à somme nulle, d'où la thèse de la «dégéopolitisation», nouvelle mouture du thème saint-simonien de la fin du politique et des conflits. Cette thèse a été vigoureusement réfutée par Yves Lacoste, à partir de la simple observation des faits: litiges frontaliers et affrontements nationalitaires; manœuvres diplomatico-stratégiques autour des territoires-ressources; fondation de nouvelles unités politiques. Le monde demeure conflictuel, structuré par des rapports de force, et la puissance est toujours au cœur des relations internationales.

 

Le fait est pourtant qu'à l'ère des réseaux, les critères de la puissance, et ses modes d'exercice, ont connu un certain nombre de bouleversements. Abordons tout d'abord les critères de la puissance. Les analyses classiques privilégiaient le territoire (taille, position, configuration, ressources), la démographie (nombre) et la force militaire. Aujourd'hui, ces différents facteurs sont relativisés et d'autres mis en avant: la puissance économique et financière; le facteur K (knowledge), le rayonnement idéo-culturel et la capacité d'action collective, elle-même conditionnée par le niveau d'homogénéité et de consensus de la population et la vitalité des institutions. Rappelons que le rang d'une nation repose non pas sur un seul de ces facteurs mais sur une combinaison d'entre eux.

 

Passons aux modes d'exercice de la puissance. Pascal Boniface avance la thèse selon laquelle les démocraties de marché, suite au naufrage du monde communiste, ne désireraient plus la puissance pour elle-même et privilégieraient la tranquillité et la prospérité. Dans un monde «helvétisé», les volontés de puissance laisseraient place au «cocooning stratégique». Ces vues ont été discutées par François Thual qui ne peut que constater la pérennité des volontés de puissance à l'échelle macro-régionale. Selon cet auteur, le repli des Etats les plus «lourds» géopolitiquement n'est qu'apparent, la quête de puissance passant par de nouveaux modes de domination (cf. la réévaluation des critères de puissance).

 

Dans un système mondial toujours régi par des logiques de puissance, la polarité ami/ennemi mise en exergue par Carl Schmitt demeure fondée mais là encore les choses sont plus complexes depuis la fin du conflit Est-Ouest. Sont à prendre en compte: la disparition de tout adversaire global et identifié; la caducité des représentations du monde fondées sur les repères cardinaux; la multiplicité des niveaux d'agression (ontologique, écologique, territorial, économique, techno-scientifique). Conséquences: plus d'ennemi désigné pour les démocraties de marché, situation totalement nouvelle par rapport à la période 1870-1989; corrélativement, plus d'ami désigné, ce qui pose «la question d'Occident».La dissolution de l'Est en tant que configuration géopolitique invite en effet à remettre en cause la réalité d'un Ouest vigoureux et homogène, regroupé autour des Etats-Unis. Nous sommes donc dans un monde où personne n'est totalement ami ou ennemi, les conflits pouvant éclater tous azimuts. Il est à noter que selon Samuel P. Huntington, la dialectique ami/ennemi serait aujourd'hui déterminée par une dialectique Même/Autre, fondée sur des données ethno-culturelles, linguistiques et religieuses. Nous y reviendrons.

 

TYPOLOGIE DES CONFLITS

 

Après la deuxième guerre mondiale, la guerre s'est décomposée et le spectre conflictuel s'est élargi, la compétition entre unités politiques sanctuarisées, ou du moins nucléarisées, devant emprunter d'autres voies-et-moyens que la violence armée, toujours susceptible de déboucher sur un affrontement nucléaire suicidaire donc irrationnel. La typologie ici dressée repose tout à la fois sur les déterminants (économie, culture) et les formes (militaires) des conflits actuels et potentiels.

 

A l'ère du «turbo-capitalisme», les conflits entre grands pays développés prendraient, selon Edward N. Luttwak, des formes économique, commerciale et financière, et l'avenir appartiendrait au geoeconomic struggle. A cela deux raisons. Primo: les bases de la recomposition mondiale seraient avant tout technico-économiques, ces facteurs de puissance déterminant la place des Etats dans la hiérarchie internationale du pouvoir. Parts de marché, masses de devises et de capitaux constitueraient aujourd'hui les véritables enjeux de puissance et l'économie ferait le politique (triomphe posthume de Karl Marx). Secundo: la guerre, dans les pays développés, est dévaluée en tant qu'instrument politique; elle ne paie plus (les risques sont supérieurs aux enjeux) et les opinions publiques n'en supportent plus le coût humain (voir la crise de la fécondité des pays développés et la rareté de l'enfant). Aussi les démocraties de marché ne se font-elles pas la guerre mais les rivalités géo-économiques en sont d'autant plus âpres. Elles mettent aux prises les pôles de la Triade (Union européenne, Etats-Unis, Japon), le Groupe de Cairns (Australie, Nouvelle Zélande, Argentine...) pour les questions agricoles, et les «pays émergents» (Asie-Pacifique). Ce modèle de déchiffrement des turbulences du système-Monde peut légitimement être critiqué  —l'intégration économique mondiale est loin d'être réalisée et la théorie de la «paix démocratique» ne fait pas l'unanimité—,  mais ses vertus heuristiques sont indéniables.

 

Au paradigme géo-économique de E. N. Luttwak, S. P. Huntington oppose sa propre lecture du monde, fondée sur le primat des affrontements géoculturels. Les racines des conflits ne seraient plus le nationalisme (XIXième siècle) et l'idéologie (XXième siècle) mais les différences ethno-culturelles, linguistiques et religieuses. La planète est fragmentée en huit aires de civilisation, formant autant de regroupements géopolitiques potentiels, et le proche avenir serait dominé par l'affrontement entre la civilisation occidentale et l'«axe islamico-confucéen». Ce conflit se traduirait d'ores et déjà par des heurts, au sein des instances internationales, pour définir les normes de comportement à l'échelle internationale: voir les conférences de Vienne sur les droits de l'homme, du Caire sur les questions démographiques, de Pékin sur le statut de la femme, organisées par l'ONU. S. P. Huntington n'exclut pas à terme de véritables guerres de civilisation.

 

Ces vues ont été abondamment critiquées et le fait est que le découpage des aires culturelles est discutable; d'autre part, les civilisations ne correspondent pas à des acteurs institués et nombre de conflits mettent aux prises sous-blocs et pays membres d'une même aire. Ceci dit, cet auteur a le mérite d'attirer l'attention sur le rôle de facteurs trop longtemps négligés dans les relations internationales. Avec la mondialisation des flux d'information, de sons et d'images, l'instance culturelle est devenue de fait un champ majeur de confrontation. François Thual a par ailleurs théorisé un type de guerre relevant des conflits géoculturels, les «guerres identitaires». Ces affrontements ethniques/nationalistes, aux formes fantasmatiques et existentielles (les protagonistes s'estiment victimes d'un complot mettant en jeu leur existence même) nous mènent à l'étude des guerres du système-Monde contemporain.

 

Raymond Aron distinguait trois types de guerre: la guerre nucléaire, que l'on prépare pour ne pas faire; les guerres classiques/inter-étatiques; les guerres civiles/intra-étatiques. Ces dernières représentent 80 des 82 conflits armés recensés entre 1989 et 1994 et éclipsent les guerres classiques, toujours plus rares. Ces «vraies guerres» correspondent à ce qu'Olivier Dolfuss a nommé des «chaos bornés».

 

Leurs caractéristiques sont au nombre de trois.

- Primo: ce type de guerre est lié à la faillite des «Etats importés», dans de larges parties du Sud. L'ordre territorial s'effondre sous les effets conjugués du sous-développement, des clivages internes et de la perte des soutiens financiers extérieurs, conséquence logique de la fin du conflit Est-Ouest.

- Secundo: les acteurs de ces conflits (ONG, factions et guérillas, organisations internationales) cherchent à jouer de l'«effet CNN» pour attirer l'attention du monde extérieur. A géométrie variable, la médiatisation influe sur le déroulement et les formes de ces conflits et peut déboucher sur une intervention extérieure.

- Tertio: l'internationalisation est aléatoire. Les grandes puissances, les Etats-Unis au premier chef, ont aujourd'hui une vision sélective de l'espace mondial («utile»/«inutile») et les terrains d'intervention sont choisis de manière de plus en plus discriminatoire. Hors l'environnement immédiat (les marches) et les espaces à intérêts spécifiques (zones pétrolifères, zones de prolifération nucléaire), les stratégies d'évitement prévalent. Dans ces angles-morts du système-Monde s'opposent, les armes à la main, différents groupes niant l'ordre étatique (factions de type clanique, ethnique, confessionnel ou mafieux), ces «PME de guerre» réorganisant l'économie locale sur des bases criminelles. Dans ces trous noirs, la guerre y est tout autant fin que moyen. Fondé sur l'affrontement d'Etats territoriaux mobilisant leurs ressources pour maximiser leurs gains politico-stratégiques, le modèle clausewitzien est impuissant à analyser ce type de conflit. On est ici plus proche de la guerre-pulsion de Gaston Bouthoul.

 

Quelques mots sur le terrorisme. Le grand terrorisme, de type messianique, a disparu avec l'URSS et la multiplication des conflits locaux et régionaux a pour conséquence la fragmentation des enjeux. Les objectifs d'un terrorisme appelé à rester endémique sont donc plus réduits et s'inscrivent dans des perceptions géopolitiques rétrécies.

 

LES OUTILS DE LA PUISSANCE

 

Les unités politiques les plus actives sur la scène mondiale conduisent des politiques de puissance à l'aide d'outils diversifiés: moyens géoéconomiques, militaires et idéo-culturels.

 

La géoéconomie-appliquée recouvre l'ensemble des mesures et des moyens mobilisés dans le cadre des conflits technico-économiques. Jean-Paul Charnay la définit ainsi: utilisation de l'économie comme instrument de coercition dans les relations inter-étatiques. Trop restrictive, cette définition réduit la géoéconomie-appliquée au maniement des mesures d'embargo et de boycott. E. N. Luttwak a une vision plus large de la gamme de ressources mobilisables: «Dans cette géoéconomie, les capitaux investis ou drainés par l'Etat sont l'équivalent de la puissance de feu; les subventions au développement des produits correspondent aux progrès de l'armement; la pénétration des marchés avec l'aide de l'Etat remplace les bases et garnisons militaires déployées à l'étranger ainsi que l'influence diplomatique». Cette définition inclut l'arme économique (embargos et boycotts), mais aussi les différents modes d'intervention étatique (subventions, prêts bonifiés, protections...) mis en œuvre dans une logique de puissance et toutes les mesures visant à renforcer l'«offre territoriale», la compétitivité et l'attractivité d'une nation (investissements dans les infrastructures et le capital immatériel: éducation, recherche; facilités fiscales...). Relèvent également de la géoéconomie-appliquée l'«intelligence économique»  —contrôle et exploitation des réseaux et flux d'information qui font aujourd'hui la richesse et la puissance des nations—  et la maîtrise cognitive de l'environnement et des territoires économiques. Cette ample vision correspond à une définition large de la géoéconomie. Sous la plume d'E. N. Luttwak, ce néologisme désigne la pensée, la conception et la pratique d'une stratégie économique tendue vers la puissance et la prospérité de l'Etat. Les pratiques sont parfois anciennes  —voir le mercantilisme des monarchies d'ancien régime, l'espionnage économique du Japon de l'ère Meiji, les blocus mis en œuvre par les thalassocraties du passé—  mais elles sont désormais systématisées en temps de paix et, au Nord, se substituent à la guerre.

 

Dévaluée au Nord, la violence armée n'en demeure pas moins l'ultima ratio du Politique dans un système-Monde chaotique et la manœuvre stratégique (au sens militaire du terme) reste au cœur de l'action étatique. Bref, l'appareil militaire est toujours outil de puissance. L'arme atomique en tout premier lieu, la fin du conflit Est-Ouest ne marquant nullement l'avènement d'une ère post-nucléaire: les arsenaux existants sont énormes et les risques de prolifération incontournables. Précisons cependant que l'arme nucléaire n'est pas un outil de coercition. Son emploi n'est crédible que pour des conflits existentiels, mettant en jeu des intérêts vitaux (intégrité territoriale et substance démographique du sujet politique). Son champ d'application est nécessairement limité.

 

Destinée à empêcher un agresseur potentiel de passer aux actes, non pas de le contraindre à faire ce qu'il n'entend pas faire, la stratégie de dissuasion nucléaire doit donc être complétée par une stratégie d'action, fondée sur des moyens classiques (non-nucléaires). Dans un monde interdépendant, où les enjeux sont de plus en plus délocalisés, cette stratégie d'action est nécessairement extérieure et les grandes puissances développent des systèmes de forces souples, modulables et adaptables pour se projeter à distance. Ces moyens militaires sont aériens, maritimes et spatiaux; ils conditionnent l'aptitude à la présence globale.

 

La maîtrise de l'espace ou space power mérite quelques développements. Le déploiement de systèmes spatiaux (observation, écoute et télécommunications, navigation, météorologie, alerte) et la «révolution de l'information» permettent une «perception situationnelle» quasi totale et un usage optimal de la force militaire. Ainsi les Etats-Unis fondent-ils leur hégémonie au sein de l'Alliance atlantique sur la «dominance informationnelle» et, paraphrasant Halford MacKinder et Nicholas Spykman, les géopolitologues d'outre-Atlantique martèlent cette vérité politique et stratégique: «Qui commande l'espace circumterrestre commande la planète Terre». Basée sur la capacité à sanctuariser son territoire d'une part, à projeter ses forces à l'extérieur d'autre part, la puissance militaire permet toujours de briser les volontés adverses pour atteindre les buts fixés par le Politique.

 

Reste à envisager la culture et l'idéologie comme ressources de pouvoir. Le politologue américain Joseph Nye distingue le hardpower, pouvoir de commander/d'imposer sa volonté, du soft power, pouvoir de persuasion/de séduction. Le soft power permet à son détenteur de convaincre les autres de vouloir la même chose que lui. A la rencontre des théories gramsciennes de l'hégémonie, J. Nye a en fait théorisé une pratique déjà ancienne, les Etats-Unis considérant depuis l'après-1945 la culture et l'idéologie comme la quatrième dimension des relations internationales (les trois autres sont la diplomatie, la stratégie et l'économie). Ces ressources de pouvoir permettent de façonner les goûts et croyances des pays subordonnés, d'édicter les normes et valeurs mondiales, bref de produire du sens et d'«habiller» sa domination, perçue comme bien fondée et légitime. Cet impérialisme sociétal des Etats-Unis repose sur la maîtrise des industries culturelles  —créatrices de mythes, de signes et pourvoyeuses de thèmes mobilisateurs—  et sur un dispositif d'appui à l'expansion des «valeurs américaines»: la United States International Communication Agency, dont le directeur participe aux réunions du Conseil national de sécurité; les majors  d'Hollywood, les agences de presse et autres media (CNN); un réseau de fondations et d'institutions particulièrement actives (Ford, Rockfeller, Soros). Acteurs publics et acteurs privés s'épaulent pour mettre en œuvre une stratégie culturelle remarquablement efficace.

 

Ce rapide tour d'horizon nous a donc permis d'appréhender les lignes de force du milieu conflictuel dans lequel évoluent les unités politiques: mondialisation des enjeux et complexification du système d'acteurs; renouvellement des bases et modes d'exercice de la puissance. Dans cet univers global et clos, traversé d'asymétries, le surpeuplement et la promiscuité exacerbent la compétition. Les configurations ami/ennemi variant selon le niveau d'agression considéré, elle se livre tous azimuts et les activités humaines dites ordinaires véhiculent, elles aussi, le langage de la puissance.

 

Si la polémologie est de l'ordre du savoir et dissèque le phénomène-conflit depuis Sirius, ses enseignements débouchent nécessairement sur des considérations stratégiques. Dans l'ordre de l'agir, pour survivre et peser sur les évolutions mondiales, les unités politiques doivent penser, concevoir et conduire des stratégies multipolaires et multidimensionnelles, stratégies dites «totales» (André Beaufre) ou «intégrales» (Lucien Poirier). L'avenir appartient aux polémarchies.

 

Louis SOREL.

 

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE:

 

- BONIFACE Pascal, La volonté d'impuissance, Seuil, 1996.

- CHARNAY Jean-Paul, La stratégie, PUF, 1995.

- DURAND Marie-Françoise, LÉVY Jacques, RETAILLÉ Denis, Le Monde. Espaces et systèmes, Fondation nationale des sciences politiques-Dalloz, 1992.

- HUNTINGTON, Samuel P., Le choc des civilisations, Odile Jacob, 1997.

- LACOSTE Yves, «Les géographes, la science et l'illusion», Hérodote, n°76, janvier-mars 1995, La Découverte.

- LOROT Pascal et THUAL François, La géopolitique, Montchrestien, 1997.

- LUTTWAK Edward N., Le rêve américain en danger, Odile Jacob, 1995.

mercredi, 18 novembre 2009

A Call to the Alternative Right

pgottfried1.jpgA Call to the Alternative Right
 

As one might surmise, one doesn’t get rich by serving the HL Mencken Club. Unlike other organizations, which have claimed the “conservative” label, belonging to our club is not a ladder to social acceptability or a means of increasing one’s income or deferred annuity allowance. Investing time and energy in an organization like ours is not a wise career move but something reminiscent of the fate that Mustafa Kemal thought would await Turkish troops as they prepared for the British attack at Gallipoli in 1915: “I am not asking you to stand and fight here; I am asking you to die in your tracks.” I doubt that even my favorite American military commander, the grim Stonewall Jackson, would have given his cavalry troops orders that were as bleak as this. But this is what the future founder of the Turkish republic said to his soldiers. I mention this not because I intend to order anyone to his death, but because I’m underlining the extraordinary dedication shown by those who have joined our ranks.

I’m especially impressed by those young people who are here. To say they have embraced the non-authorized Right indicates more than simply an ideological address. It betokens their willingness to become non-authorized dissenters, that is, to turn their backs on the characteristically stale conversations of media debates and the allowable differences of opinion within the Beltway.

Turning one’s back on this prescribed discourse means forfeiting the perks that flow from those in power. It also means being labeled as a troublemaker or extremist—and for those who persist in their orneriness, this choice may also mean being pushed out of magazines for which one previously wrote and having one’s books snubbed by the arbiters of acceptable political concerns.

A question I sometimes hear from my Republican son is this: Why do we believe that what we discuss here could not be discussed at conservative foundations or, say, on FOX-News? Presumably our conversation would be welcome in such outlets, unless we did something as shocking as badmouthing ethnic minorities. But there are two problems with this contention. One, the fact that we, or at least most of us, are kept from these outlets would suggest that whatever we discuss most definitely does not suit Republican- or neoconservative-sponsored forums or publications. This is the case even though we do not seek to insult any ethnic or religious group.

Two, we are obviously raising issues that for ideological or social reasons movement conservative organizations do not engage. A few illustrations might help make this point. Arguing that democracy and freedom are on a collision course, that modern liberal democracies, which combine universal rights with massive welfare states, necessarily undermine communal and family authorities, and that character and intelligence are largely fixed by heredity are not positions that neoconservative Beltway foundations would be eager to take on.

And if one considers the tight connection between movement-conservatives and the Republican Party, having authorized conservative organizations think outside the two-party box becomes even more problematic. After all, GOP partisans and clients do not want to hamper Michael Steele and the Republican National Committee from reaching out. And “reaching out” in this context means frantically trying to raid the other party’s base. Although GOP operators don’t hesitate to put down Democrats, what this amounts to is railing against the high costs of Democratic programs, while ignoring those incurred by the GOP in power.

Movement conservatives have assumed the task of airbrushing positions that GOP politicians are taking or would like some people to think they’re taking. Movement conservative publicists, for example, tried to convince us that Republican presidential candidates Rudolph Giuliani and Mitt Romney had shifted their social views, shortly before the presidential primaries in 2008. These supposedly genuine conversions had occurred on such delicate issues as late-term abortion, gay marriage, and the treatment of illegal immigrants. Nonetheless we were urged to take these timely shifts seriously, because someone at National Review or Weekly Standard has a thing for Rudy or struck up a friendship with Mitt. We were assured that Rudy was solid on the war and that he had once stiffed some Arab leader who came to New York. I would also call attention to a law prepared by Heritage, and introduced in 2005 by Governor Romney in Massachusetts, making sure that every Massachusetts resident had health insurance. Although this measure has contributed to towering state deficits, former Governor Romney, we are told, had nothing to do with this folly. It was supposedly altered by a Democratic legislation beyond recognition. Thus movement conservatives proclaimed, after they had tried to explain away Romney’s earlier support for gay marriage and other positions identified with the social Left.

Conservative journalists have done the GOP establishment other noteworthy favors. They scolded black civil rights leaders and more recently, former President Carter for suggesting that opponents of Obama’s health care plan are driven by racism. But this torrential indignation was almost entirely absent from GOP congressional leaders. Republican whip in the House, Eric Cantor of Virginia, pointedly refused to respond to the charge against his party. Cantor side-stepped the question when it came up in a press interview. Senate Minority leader Mitch McConnell became equally taciturn when confronted by the same charge.

What speaks volumes about how the GOP is handling Carter’s reproach is what GOP National Chairman Michael Steele said at a black institution Philander Smith College, in Little Rock, on September 22. Steele stressed his party’s urgent need to win over the black vote, and he denounced “the subtle forms of racism” that blacks encounter in both employment and college admissions. The GOP would take steps to deal with these subterranean forms of prejudice, and this audience should have no trouble figuring out what these countermeasures are. At last we can see the real value of movement conservative outcries against Democratic accusations of Republican racism. The apparent outrage is a mere diversionary noise for Republican politicians who are trying to make nice to the civil rights lobby. Some movement conservatives may have noticed this but are too ambitious or too comfortable to point out what is taking place.

Also illustrating the difference between us and movement conservatives, especially those who are joined at the hip with the GOP, are the differing ways in which we and they would react to something that recently happened at my college, which was the introduction of an elaborate plan for diversity training among students and faculty. This is something movement conservatives and the alternative Right may conceivably agree about, but here first impressions can be deceiving. Of course, we and they might scoff with equal disdain at our “Five-Year Plan for Strengthening Campus Diversity”—entitled “Embracing Inclusive Excellence”—which talks about the malice being vented against the handful of Jews, Muslims, and Hindus on campus. There is no evidence of these malicious outbursts, and the only evidence for discrimination cited is a methodologically dubious survey answered by 5 students, who were asked if they noticed white Christian students “glancing” suspiciously at them.

We and the neoconservative establishment would recognize (I hope) that these reports were invalid; and even if they were not, the solution offered, recruiting inner-city populations and providing them with scholarships, would not likely end the marginalization of Hindus. We might also have objected with equal annoyance to the plan for sending our faculty to affirmative-action training sessions; finally our two sides might have ridiculed the lop-sided 5 to1 majority by which the diversity plan passed the faculty—without any expectation that this document would be amended to conform to reality.

But having noted this conceivable area of agreement, I would also stress the divergence between our sides when it comes to extricating ourselves from the multicultural fever swamp. Possible neoconservative alternatives to what I’ve described, by such characteristic advocates as Lynne Cheney, David Horowitz and Bill Bennett, might include a compulsory course on the American heritage. This course would showcase our country as a self-perfecting global democracy; and it would take students on an inspirational journey from the Declaration of Independence’s proclamation that “All men are created equal” through FDR’s Four Freedoms down to Martin Luther King’s “I Have a Dream” speech. This and other similar measures would be used to teach students of all races and creeds “democratic values,” the spread of which, we would be told, is the high moral end for which the U.S. was brought into existence.

We might also hear a recommendation from neoconservative social commentator Dinesh D’Souza, calling for extraordinary efforts to integrate college students of all different ethnic backgrounds. D’Souza would accuse our administration of not going far enough to commit students and faculty to a universally exportable democratic way of life. We would also likely be told that recruiting minorities for the wrong reasons would create islands of separateness on our campus instead of making everyone into a member of the world’s first global nation. Finally we might be warned, perhaps by Cal Thomas or David Horowitz, that lurking behind calls for diversity is a hidden plea for anti-Zionism or a defeatist response to the War On Terror. Such hidden agendas characterize the advocates of diversity; who in any case are deviating from the goal of the saintly Martin Luther King, a firm opponent of all forms of quotas, even for black Americans.

Needless to say, I couldn’t think of anyone on the Alternative Right who would take any of these stands. Our side would stress that not every adolescent can do college work. Colleges that are serious about traditional disciplines might appeal to, at most, 20 percent of the young, which is the percentage of those who have the cognitive skills for doing college-level study. Given the fraudulent product that now passes for college education, it is not surprising that most students and faculty can neither learn nor teach what was once deemed appropriate as college subjects.

One could easily point to speakers at this conference who have taken the positions outlined. These fearless critics have questioned the transformation of American higher education into a devalued consumer product, made available to those who are incapable of real learning. Small wonder that colleges are turned into centers of multicultural social experiments and diversitarian gibberish! What better use could one find for a falsely advertised institution that is trying to entertain young social work, communication and primary education majors while taking their parents’ money!

Neoconservative educationists, we might also hear from the Alternative Right, have their own fish to fry. They are seeking to defend their version of the democratic welfare state as the best of all governments. They also have another far-reaching goal that is explicit or implicit in their college outreach. Neoconservatives, to speak about them specifically, wish to limit any disagreement on campuses generated by their aggressively internationalist foreign policy. In pursuit of this end, they happily falsify or obscure certain embarrassing historical facts, e.g., the massive deceit applied to pushing the U.S. into past foreign wars, and the published views of such neocon heroes as Churchill and Wilson dealing with racial and ethnic differences.

Neoconservatives and their defenders would accuse our side of taking positions that have no chance of being accepted. And they might be right on this last point. Our positions would infuriate the educational establishment and much of the public administration apparatus. Many of us, moreover, are strict constitutionalists, who would argue, to the consternation of the political class, that the federal government is excessively entangled in state and local education. It should be of no concern to public administrators whether a private college has or has not been recruiting designated minorities. Academic education should not be an occasion for government social planners to impose their vision on the private sector. Indeed private colleges, if they were truly concerned about being independent, would reject federal and state aid, and they would do all in their power to keep our managerial government from interfering with their institutions.

Note I am not defending “our side” in these debates. I am only making clear that we and they do not hold the same views about American education or about how its problems are to be engaged. I would also concede the obvious here, namely, that some people on our side of the divide may occasionally work for those on the other side and that the GOP out of power will occasionally get behind books and authors presenting arguments that would not please Republican administrations. Not all who make the arguments of the alternative Right have been subject to equally oppressive sanctions or have been uniformly denied a place in the sun. There are disparities in the ways that the GOP-movement conservative establishment has treated individual critics on the right. What seems beyond dispute however is that we and they disagree fundamentally on a wide range of questions, far more than we in this room would disagree with each other. The conventional conservative movement is therefore justified in recognizing that we are more different from their movement than establishment conservatives are from those on the center left. Movement conservatives and neoconservatives dialogue openly with the liberal Left while ignoring or ridiculing us—and this happens for a very good reason. The authorized version of the conservative movement understands that we and they are not of the same spirit. Unlike them, we do not serve the GOP; nor are we obliged to go along with neoconservative whims and fixations lest we lose our jobs or media outlets.

Most of us have already been confined to outer darkness; and there is no way we can change this unless we force our way, screaming and kicking, into the neoconservative-liberal conversation. The reason we must exist is that we dare to raise the questions that are anathema to the conventional media. And this is the reason that we lack corporate money and that our devotees are not writing for the Wall Street Journal, New York Times or Washington Post. We stand outside the egalitarian, managerial-state consensus, a consensus that in the end moves in only in one direction, which is leftward.

Those who opposed this trend were long an isolated minority, but now dissenters can be heard on talk radio, some of whom are even gaining a widespread popular appeal. This for me is a heartening development, despite the sad fact that most of us remain excluded from this turn of events, and although what is being described lacks any deep intellectual content. Note that nothing in these remarks would question the shallowness and histrionics of what I’m characterizing as the conservative talk-show phenomenon. As anyone who knows me can testify, it is hard for me to listen to Limbaugh or Beck for a protracted length of time without suffering an upset stomach. But what I’m noting here are long-range trends. There are forces on the American Right which have attracted mass-democratic attention, forces that the neoconservative media do not entirely own and which they can only provisionally preempt. This may bedevil our adversaries, especially if such populist heroes as Rush Limbaugh, Glenn Beck and Mike Savage strike out on their own, that is, decide to go after the GOP and the neoconservatives with the same fury that they’ve vented on the Democrats.

As the onetime isolated Right continues to gain adherents and visibility, what increases apace is the possibility for a breakthrough. And as one observes the sudden rise of our group, it seems to me that those who were once marginalized have become like lilies in a junkyard. Let us hope this junkyard, which is the conservative movement of programmed party-liners and GOP hacks, will eventually become something else. Perhaps the lilies that have sprung up amid the trash and debris will come to replace the present movement conservative wasteland—together with its FOX-News contributors.

La subsidiaridad, entre la libertad y la autoridad

LA SUBSIDIARIEDAD, ENTRE LA LIBERTAD Y LA AUTORIDAD

 

Stéphane Gaudin (*)

¿Qué se puede esperar de la subsidiariedad hoy en día? Este principio que levanta muchas interrogantes ha sido puesto de actualidad por el Tratado de Maastricht, así como gracias a numerosas obras que le han sido dedicadas. Puede resultarnos útil por tanto estudiar un poco más a fondo este concepto que ocupa hoy en día un lugar central en el cuerpo doctrinal de los eco-federalistas europeos.

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Durante la Antigüedad el subsidium era un método de organización militar: una línea de tropa permanecía en alerta, por detrás del frente de batalla, dispuesta a dar auxilio en caso de debilidad. Con el tiempo, este método se convirtió en un principio que se extendió al orden filosófico, jurídico, social y político. Sus raíces son muy antiguas, incluso aunque el término "subsidiariedad" parece más reciente. Los trabajos de Aristóteles, de Tomás de Aquino, de Althusius, de Proudhon, la Encíclica Rerum Novarum del Papa León XIII (1891), más la Quadragesimo Anno de Pío XII tienen su inspiración en este principio. Más tarde aún, el Papa Pío XII en su Discurso a los Cardenales, el 20 de febrero de 1946, precisará que: "toda autoridad social es por naturaleza subsidiaria".

LOS ORÍGENES DE LA SUBSIDIARIEDAD

En su obra "Política", Aristóteles describe una sociedad orgánica -la Polis- en cuyo seno encajarían jerárquicamente los grupos: familias - pueblos. Cada uno de estos grupos tratarían de ser autosuficientes, pero sin jamás conseguirlo del todo; a excepción de la Polis, considerada como un espacio político total. Aquí es el único cuerpo autónomo - y por tanto perfecto (la autonomía, Autarkeia, era considerada por los antiguos griegos como sinónimo de perfección) - en el que el ciudadano puede desplegar sus potencialidades, de cara al bien común. Este "estado natural", permite a los grupos de los que está constituido, ser "capaces de sobrevivir en el dominio de sus propias actividades":

1. Actividades que se complementan pero que no se solapan entre sí. De esta forma, la Polis respeta la autonomía (auto nomos: que se da a sí mismo sus propias leyes) de los grupos que son competentes para asegurarse a sí mismos sus propios asuntos. Tomás de Aquino retomará por su parte este antiguo principio, con este importante matiz: la persona sucede a la Polis como "substancia primera" (Boecio). La persona es, a imagen de Dios, única, a través de su voluntad, de su conciencia, de sus actos y de su libre albedrío. "La idea de persona, salida del pensamiento cristiano y hasta cierto punto de la cultura escandinava, consagra la dignidad de esta substancia autónoma, a la que ninguna autoridad le está permitido ignorar su existencia utilizándola como medio".

2. El hombre trasciende por tanto a su a su pertenencia por su relación íntima e individual con Dios, "es miembro de la sociedad en tanto que ser dependiente, obligado a captar de su alrededor, en su entorno social, los elementos vitales y de su desarrollo físico, intelectual y moral. Puesto que es un ser espiritual, cuyas acciones propias son inmanentes , la persona transciende el medio social en el que se encuentra incrustado".

3. Para el pensamiento tomista, el principio de subsidiariedad está al servicio de la persona (que pertenece a pesar de todo a una colectividad) mientras que para Aristóteles, se encuentra al servicio directo de los múltiples grupos - espaciales, "los clanes"; y temporales, los "linajes" - que conforman la Polis.

ALTHUSIUS, PRECURSOR DEL FEDERALISMO

A principios del siglo XVII, un jurista germánico y calvinista, Althusius (1557-1638), rector del Escuela Jurídica de Herborn desde 1602, escribió la gran obra "Política methodice digesta" (1603) que le hará célebre hasta convertirle, hoy en día, en uno de los precursores de la "doctrina" federalista.

Hombre de decisión y de acción, se propone poner en práctica sus ideas en el seno del Síndico de la ciudad portuaria de Emden, en Frisia oriental, para luchar contra la autoridad del conde soberano Enno. Permanecerá en ese cargo hasta su muerte. Althusius es un hombre de su tiempo, que defiende la tradición comunalista y los cuerpos intermedios que son muy numerosos en su época (familias, corporaciones, ligas, gremios, ciudades, provincias...).

Considerando que para ser solidario, es necesario, por encima de todo, ser libre y autónomo, Althusius es un feroz defensor de las comunidades en las que sus miembros respetan las leyes a través del "pacto jurado". Para él, "la política es la ciencia que consiste en unir a los hombres entre ellos para mejor integrarlos en la vida social, de forma que la comunidad permanezca mejor y más fuertemente conservada entre los asociados". A esto es lo que denominará "simbiótica". En esta frase se transluce la influencia aristotélica. Como él, Althusius considera que la sociedad humana no está formada por individuos sino por comunidades que se articulan alrededor de un principio de armonía. Estas comunidades orgánicas, en tanto que "persona representata" (personas morales) son, como cada ciudadano, sujetos de derecho, y gozan de las mismas libertades. Para subsistir, prosperar, realizarse y proyectarse, los hombres se asocian voluntariamente con el fin de paliar los deseos que solos, nunca hubieran podido satisfacer. Si la asociación se reconoce entonces insuficiente, más asociaciones se pueden reunir y se prestan a formar un "jus foederis" (o una confederación) para el bien común. Esta alianza no tiene necesariamente en cuenta necesariamente la proximidad geográfica. Dos comunidades alejadas la una de la otra pueden encontrar intereses e ideales comunes. Dentro de esta perspectiva Althuseriana, solo el pueblo detenta la soberanía "puesto que vive en esferas ya soberanas y casi autosuficientes. La participación en el poder solo se justifica por la autonomía social, que es ante todo un hecho, y se convierte en un derecho por su necesidad natural". Recordemos que en aquella época Alemania era una mosaico de pequeños estados, de ciudades libres y de minúsculos reinos (unos 350). El Estado, en aquella época, no debía intervenir en el interior de estas comunidades; sino que se debía ocupar de asuntos que se delegaban en su competencia, es decir la paz, la defensa, la policía, la moneda. El principio de subsidiariedad era un instrumento jurídico y un freno a las potenciales derivas totalitarias.

Su pertenencia al Síndico de Emden, permite a Althusius concretizar socialmente este principio que había quedado como algo puramente filosófico en Aristóteles y Tomás de Aquino. Este pensamiento se iba a perpetuar de nuevo en la época contemporánea con Proudhon.

LA SUBSIDIARIEDAD EN PROUDHON

El principio de subsidiariedad está en el centro mismo de la teoría federalista de Proudhon; la subsidiariedad, según Proudhon, permite equilibrar las relaciones por lo general tirantes entre la autoridad y la libertad. Demasiada autoridad conduce al despotismo, demasiada libertad a la anarquía.

En su obra: "El Principio Federativo", aparecido en 1862, afirmaba: "El problema político (...), reducido a su expresión más simple, consiste en encontrar el equilibrio entre dos elementos opuestos, la autoridad y la libertad. Todo falso balance se traduce inmediatamente para el Estado, en desorden y ruina, y para los ciudadanos, en opresión y miseria. En otros términos, las anomalías o perturbaciones en el orden social resultan del antagonismo de estos dos principios; éstos desaparecerán cuando los principios se encuentren coordinados de forma que no se puedan perjudicar el uno al otro". Esta "coordinación" ideal se encuentra en el principio de subsidiariedad. El ciudadano oscila entre estos dos polos (autoridad y libertad), con sus competencias, al servicio de las comunidades simples (familias, talleres, sindicatos) y de las comunidades más complejas (comunas, cantones, regiones, Estados). El fin buscado en cada uno de los escalones es siempre el de la autosuficiencia. El ciudadano conserva, en cada nivel, una parcela de soberanía que le convierte en un actor responsable en el seno de una ciudad federalista, ya no natural -el pacto- sino contractual -el contrato-. La forma del contrato prima sobre la del régimen. Para Proudhon, el enemigo principal sigue siendo primordialmente el centralismo estático y nivelador, ya sea democrático o monárquico. El centralismo beneficiándose de la "incapacidad ciudadana" (criterio por lo demás muy subjetivo) intentará progresivamente inmiscuirse en todos los asuntos sociales privados o públicos, transformando así al ciudadano-activo en sujeto-pasivo. El pensamiento proudhoniano nos advierte que la sociedad debe, en la medida de lo posible, superar al Estado si pretende la mejor vida.



En la misma época, los Papas, buscarán inspiración principalmente en los escritos del italiano Taparelli, del obispo alemán Kettele y del francés La Tour du Pin, para elaborar la "doctrina social de la Iglesia". En fin, los tres tienen en común el pretender rehabilitar los cuerpos intermedios. Para Ketteler (1848): "en tanto que familia, la comuna se basta para cumplir su fin natural, por lo que debemos dejarle libre autonomía...El pueblo gobierna por sí mismo sus propios asuntos: es necesario una escuela práctica de política en la administración comunal, donde se reproducen a pequeña escala los asuntos que son tratados a gran escala en los parlamentos. De esta forma el pueblo adquiere la formación política y la capacidad que hace al hombre sentirse independiente", así el autor podrá añadir las bases necesarias a la práctica de una "ciudadanía ascensional". Taparelli sugiere que: "el todo debe venir en ayuda de la parte y la parte del todo, es decir que la parte no desaparezca en
el todo y que el todo no absorba la parte en su unidad". La Tour du Pin, por su parte, propone construir un orden orgánico, natural y jerarquizado, fundado en gran parte sobre las corporaciones. Es necesario, afirma, acabar con el hombre pervertido por el reinado del dinero y de la usura restableciendo una moralidad de la solidaridad e inyectando "Edad Media" en una sociedad cada vez más industrializada. La nostalgia social de La Tour du Pin acabaría inspirando el régimen fuertemente corporativista de Salazar, en Portugal; y en menor medida, el de Mussolini, en Italia.

"EL NUEVO ESTADO" DE FRANÇOIS PERROUX

El economista francés François Perroux ya intuyó los defectos que iban a presentar estos regímenes excesivamente corporativistas, inadaptados a la época contemporánea, indicando que "sin intervención rigurosa del Estado, un sistema corporativo conduce de forma irremisible a la formación de neo-feudalidades económicas". Por tanto, Perroux propone un "Estado Nuevo", puesto que estimaba que el Estado liberal no iba a ser capaz de superar las graves crisis sociales de los años treinta. Fundando, en parte, su teoría económico-social sobre las comunidades de trabajo, compuestas de representantes, de patronos, de asalariados, Perroux estimaba que era necesario contar con un ejecutivo fuerte y una descentralización de funciones sociales: numerosas competencias que hoy en día se confían al Estado estarán aseguradas igual de correctamente, con la misma eficacia y con menor coste en el marco regional, dotado de una existencia, de unos medios de acción efectivos incluidos los relacionados con la comunidad de trabajo. Estos órganos como los engranajes administrativos propiamente dichos se encuentran en situación de asegurar la regularidad y la continuidad de los intercambios entre el Estado y la sociedad. La Revolución Francesa destruiría los cuerpos intermedios, últimos vestigios del feudalismo. El 4 de agosto se hizo tabla rasa de las instituciones medievales para que primaran los engranajes de la República. Poco a poco, el recién creado ciudadano se encuentra solo cara al todopoderoso Estado cada vez más centralizador. El siglo XIX vio surgir el liberalismo triunfante, responsable de numerosos males sociales, siendo el del éxodo rural el más característico. El hombre había dejado de ser la "piedra angular" de la sociedad, puesto que el dinero le había reemplazado. Para contrarrestar esta involución, los Papas van a elaborar la "doctrina social de la Iglesia". Oscilando entre la ingerencia y la no-ingerencia del Estado, la Iglesia critica los excesos del materialismo que disuelve la dignidad, y por tanto la libertad humana. La encíclica Quadragesimo Anno, hace de la subsidiariedad el eje de su reflexión: "Como no se puede quitar a los individuos y dar a la comunidad lo que ellos pueden realizar con su propio esfuerzo e industria, así tampoco es justo, constituyéndose un grave perju¡cio y perturbación de recto orden, quitar a las comunidades menores e inferiores lo que ellas pueden hacer y proporcionar y dárselo a uña sociedad mayor y más elevada, ya que toda acción de la sociedad, por su propia fuerza y naturaleza, debe prestar ayuda a los miembros del cuerpo social, pero sin destruirlos y absorberlos" (Q.A.79; p.93).

UNA "TERCERA VIA" ESPIRITUAL

Los Papas, en particular León XIII, no pretendían una vuelta a una utópica Edad Media, sino que deseaban un proyecto cristiano de cara a la industrialización de una sociedad, una nueva actitud de cara al materialismo y al individualismo que afectaban de forma especialmente dramática a las clases más desfavorecidas; una "tercera vía" espiritual entre el capitalismo y el socialismo a través de un humanismo teocéntrico, respetuoso de la diversidad y de la riqueza del cuerpo social. Precediendo a la Rerum Novarum, la encíclica Humanum Genus (1884) precisaba: "Mas como no pueden ser iguales las capacidades de los hombres, y distan mucho uno de otro por razón de las fuerzas corporales o del espíritu, y son tantas las diferencias de costumbres, voluntades y temperamentos, nada más repugnante a la razón que el pretender abarcarlo y confundirlo todo y llevar a las leyes de la vida civil tan rigurosa igualdad. Así como la perfecta constitución del cuerpo humano resulta de la juntura y composición de miembros diversos, que, diferentes en forma y funciones, atados y puestos en sus propios lugares, constituyen un organismo hermoso a la vista, vigoroso y apto para bien funcionar, así en la humana sociedad son casi infinitas las diferencias de los individuos que la forman; y si todos fueran iguales y cada uno se rigiera a su arbitrio, nada habría más deforme que semejante sociedad; mientras que si todos, en distinto grado de dignidad, oficios y aptitudes, armoniosamente conspiran al bien común, retratarán la imagen de una ciudad bien constituida y según pide la naturaleza."

Así pues, durante mucho tiempo conducido por la Iglesia Católica a través de su doctrina social, el principio de subsidiariedad volverá a la esfera política en el siglo XX gracias al protagonismo dentro de su cuerpo doctrinal que le asignarán los grupos federalistas militantes por una nueva Europa democrática. Este término ya era familiar en los Estados dotados de estatutos de tipo federal o confederal como Alemania (Länder), Suiza (Cantones) o España (Comunidades Autónomas)...Solo el Estado francés, unitario y centralista desde hace siglos parece alérgico a este concepto; hasta el punto de que el término se encuentra aun ausente de la mayor parte de los diccionarios de la lengua francesa. Hoy en día este principio reaparece correlativamente a la construcción del espacio europeo y con la cuestión de la repartición de las competencias entre las Comunidades y sus Estados miembros (especialmente en el famoso artículo 3b del Tratado de Maastricht)[1], y viene bien recordárselo a ciertos "euroescépticos" asustados por la deriva centralizadora y burocrática bruselense.

¿HACIA UN NUEVO CONCEPTO DE SUBSIDIUM?

Pienso no obstante que conviene evitar considerar el principio de subsidiariedad como el remedio milagroso a nuestro estado de deficiencia democrática. Creo que hoy en día no se dan las condiciones mínimas en la base necesarias para una correcta aplicación de este principio. En efecto, las sociedades modernas industrializadas sufren una fragmentación del cuerpo social en una miríada de individuos reagrupados en estructuras antagonistas y que defienden sus intereses a corto plazo. Consustancial a esta atomización social y a la pérdida de referencias identitarias que supone, desaparece progresivamente el sentimiento natural de pertenencia comunitaria, a menudo en favor de una cultura de empresa artificial y pobre. Añadamos a todo esto la pérdida de la reflexión y de espíritu crítico de nuestros contemporáneos, distraídos de sus deberes de ciudadanía por los medios audiovisuales. Además, las estructuras nacional-estatales están dispuestas a integrarse (y desintegrarse) en la "Megamáquina" (Mumford, Bahro, Latouche) de la economía globalizada cuyos principales corolarios son: el nacimiento de las macro-regiones económicas (ALENA, MERCOSUR, UE, ANSEA..), la intensificación de los intercambios de mercancías, de personas y de capitales, la deslocalización de industrias, la sobreproducción, la aceleración de las transferencias de información, la disminución de los costes de transporte y el aumento del poder de las organización internacionales (ONU, OTAN, etc...).

Atenazada entre la mundialización de los objetivos y la individualización de las servidumbres, este tipo de sociedad no está en disposición de preservar su autonomía y su soberanía. En este contexto, las instituciones de Bruselas tienen todas las de ganar al reclamar la utilización de este principio, que de aplicarse hoy en día, entrañaría de hecho, la instauración de un principio de ingerencia insoportable y sin contrapartida en los asuntos nacionales, regionales y locales de los países europeos. El principio de subsidiariedad necesita para ser efectivamente aplicado la previa recomposición del cuerpo social alrededor de principios mutualistas. Esta recomposición ya está en curso, pero irá cada vez más contra las instituciones legales nacional-estatales y europeas. La legítima voluntad de los pueblos a hacerse cargo de su destino a través de la aparición de estas nuevas comunidades generatrices de solidaridades concretas y de verdadera convivencia, se nutrirá irremediablemente del sistema de partidos y de lobbys portadores de ideologías obsoletas, y que son hoy en día, los únicos beneficiarios del sistema oligárquico vigente.


[1]

 

" La Comunidad actuará dentro de los límites de las competencias que le atribuye el presente Tratado y de los objetivos que éste le asigna.

En los ámbitos que no sean de su competencia exclusiva, la Comunidad intervendrá, conforme al principio de subsidiariedad, sólo en la medida en que los objetivos de la acción pretendida no puedan ser alcanzados de manera suficiente por los Estados miembros, y, por consiguiente, puedan lograrse mejor, debido a la dimensión o a los efectos de la acción contemplada, a nivel comunitario.

Ninguna acción de la Comunidad excederá de lo necesario para alcanzar los objetivos del presente Tratado."

Artículo 3 B del Tratado de la Comunidad Europea,(TCE):

 
 (*) Stéphane Gaudin para Breizh-2004, Movimiento Federalista Bretón y Europeo.

lundi, 16 novembre 2009

Apoliteia

apo16220666.jpgApoliteia

Ex: http://ernst-juenger.blogspot.com/

Through much of my last rereading of Julius Evola’s “Ride the Tiger” I have not been able to overlook spiritual and practical parallels of Evola’s ‘differentiated’ type of man to Jünger’s anarch. These become so obvious in the chapter “States and Parties: Apoliteia”, that I must comment.

Both Evola’s differentiated man and the anarch have recognised the unworthiness of the ideas, motives and goals given by life and politics today. This makes them apoliteia....

From Evola:

“After taking stock of the situation, this type can only feel disinterested and detached from everything that is “politics” today. His principle will become apoliteia, as it was in ancient times”.
“Apoliteia” refers essentially to the inner attitude…. The man in question recognizes, as I have said before, that ideas, motives, and goals worthy of the pledge of one’s true being do not exist today….”

And from Jünger:
"As a historian, I am convinced of the imperfection – nay, the vanity – of any effort. I admit that the surfeit of a late era is involved here. The catalogue of possibilities seems exhausted. The great ideas have been eroded by repetition; you won’t catch any fish with that bait.”

Inner detachment, apoliteia, brings freedom to their life-involvements, such as employment or even politics itself. They are equally free to be, as not to be, involved with any particular activity or role....

From Evola:
“As conceived here, apoliteia creates no special presuppositions in the exterior field, not necessarily having a corollary in practical abstention. The truly detached man is not a professional and polemic outsider, nor conscientious objector, nor anarchist. Once it is established that life with its interactions does not constrain his being, he could even show the qualities of a soldier who, in order to act and accomplish a task, does not request in advance a transcendent justification and and a quasi-theological assurance of the goodness of the cause. We can speak in these cases of a voluntary obligation that concerns the “persona”, not the being, by which – even while one is involved – one remains isolated”.
“Apoliteia” is the inner distance unassailable by society and its “values”; it does not accept being bound by anything spiritual or moral. Once this is firm, the activities that in others would presuppose such bounds can be exercised in a different spirit.”
“Apoliteia, detachment does not necessarily involve specific consequences in the field of pure and simple activity. I have already discussed the capacity to apply oneself to a given task for love of the action in itself and in terms of an impersonal perfection.”

And from Jünger:
“I have to succeed in treating my work as a game that I both watch and play…. It presumes that one can scrutinize oneself as from a certain distance like a chess figure – in a word, that one sees historical classification as more important than personal classification. This may sound exacting; but it used to be required of any soldier. The special trait making me an anarch is that I live in a world which I ‘ultimately’ do not take seriously. This increases my freedom; I serve as a temporary volunteer.”
“I serve the Condor, who is a tyrant – that is his function, just as mine is to be his steward; both of us can retreat to substance: to human nature in its nameless condition.”
“Working somewhere is unavoidable; in this respect, I behave like a condottiere, who makes his energy available at a given moment, but, in his heart of hearts, remains uncommitted. Furthermore, as here in the night bar, work is a part of my studies – the practical part."

Liberated from aspirations or beliefs in no-longer existent higher causes within life, both Evola’s type and Jünger’s anarch are free to take on life involvements, such as employment or even political associations - either because they simply appeal to them or because they are useful to their practical self-perfection. Any such commitment is temporary, conditional and ultimately superficial, that is, it remains outside their true inner being.

Psychologically speaking, neither figure identifies themselves with their life-roles and associations; these have useful functions, but are not substantial, do not regard their true inner being. The resulting detachment allows them life involvements which for others would require or presume inner identification with the external cause, be it the tyrant’s, the democracy’s or the religion’s. Neither driven nor limited by such moral or spiritual beliefs, their involvement in life is of a freer, less compulsive nature.

A job is a function of life, which engages only the persona, to use Evola’s term, the historical classification in Jünger’s. The soldier or the condottiere also sees their involvement with the cause in this context, as the involvement of the external persona with the external historical situation. But beyond or above the persona, inner substance or being protects the anarch as it does Evola’s differentiated man, provides them with an inviolable inner fortress - as a base for excursions into life and as a sanctuary to retreat to from life.

 

Les leçons de Vladimir Volkoff sur la désinformation

volkoff.jpgLes leçons de Vladimir Volkoff sur la désinformation

 

Intervention de Philippe Banoy lors de la 10ième Université d’été de “Synergies Européennes”, Basse-Saxe, août 2002.

 

I. Volkoff et la subversion

 

Vladimir Volkoff, fils d’immigrés russes en France, est principalement un romancier prolixe, qui s’est spécialisé dans le roman historique, dont les thèmes majeurs sont la Russie et la guerre d’Algérie, et dans le roman d’espionnage.

 

Lorsqu’il servait à l’armée, il a entendu, un jour, une conférence sur la guerre psychologique. Pour la petite histoire, il fut le seul, parmi ses camarades, à avoir apprécié ce cours. Ses compagnons tournaient ce genre d’activité en dérision. Volkoff, lui, s’est aussitôt découvert un intérêt pour ces questions.

 

Son héritage familial le  prédisposait à être attentif aux vicissitudes du  communisme et aux techniques mises au point par les Soviétiques en matières de manipulation. Poursuivant ses investigations, Volkoff  découvre le livre de Mucchilli, intitulé La subversion, où la guerre subversive se voit résumée en trois points:

◊ 1. Démoraliser la nation adverse et désintégrer les groupes qui la composent.

◊ 2. Discréditer l’autorité, ses défenseurs, ses fonctionnaires, ses notables.

◊ 3. Neutraliser les masses pour empêcher toute intervention spontanée et générale en faveur de l’ordre établi, au moment choisi pour la prise non violente du pouvoir par une petite minorité. Selon cette logique, il convient d’immobiliser les masses plutôt que de les mobiliser (cf. : les révolutionnaires professionnels de Lénine, avant-garde du prolétariat).

 

Après le succès de son roman Le retournement, dont le thème central est l’espionnage soviétique en France, Volkoff est engagé par le SDECE pour écrire un autre roman, sur la désinformation cette fois et avec la documentation que le service avait rassemblée. Volkoff commence par réfléchir, puis accepte cette mission. Résultat: son livre intitulé Le montage. Il connaît vite un succès important. Sollicité par ses lecteurs, qui veulent savoir sur quoi repose ce livre, il publie Désinformation, arme de guerre, une anthologie de textes sur le sujet. Rappelons  que Volkoff, dans Le montage, fait référence à Sun Tzu et à l’objectif du stratège de l’antiquité chinoise : gagner la  guerre avant même de la livrer. Citations : «Dans la guerre, la meilleure politique, c’est de prendre l’Etat intact; l’anéantir n’est qu’un pis aller». «Les experts dans l’art de la guerre soumettent l’armée ennemi sans combat. Ils prennent les villes sans donner l’assaut et renversent un Etat sans opérations prolongées». «Tout l’art de la guerre est fondé sur la duperie». Sun Tzu, et à sa suite, Volkoff, formule ses commandements :

◊1. Discréditez tout ce qui est bien dans le pays de l’adversaire.

◊2. Impliquez les représentants des couches dirigeantes du pays adverse dans des entreprises illégales. Ebranlez leur réputation et livrez-les, le moment venu, au dédain de leurs concitoyens. 

◊3. Répandez la discorde et les querelles entre citoyens du pays adverse.

◊4. Excitez les jeunes contre les vieux. Ridiculisez les traditions de vos adversaires [Volkoff ajoute : Attisez la guerre entre les sexes].

◊5. Encouragez l’hédonisme et la lassivité chez l’adversaire.

 

Comme le fait remarquer Volkoff, la subversionne peut faire surgir du néant ce type de faiblesses. Comme dans toute pensée de l’action indirecte, il faut savoir détecter, chez l’adversaire, toutes formes de faiblesse et les encourager. Tout peuple fort, en revanche, échappe à cette stratégie indirecte; il n’est pas aussi facilement victime de ces procédés.

 

2. De ce que n’est pas la désinformation

 

Avant d’expliquer ce que n’est pas l’information, il convient de formuler une mise en garde et de bien définir ce qu’est l’information à l’âge de la “société de l’information”. Le militaire distingue l’information, d’une part, et le renseignement, d’autre part. L’information est ce qui est recueilli à l’état brut. Le renseignement, quant à lui, est passé par un triple tamis : a) l’évaluation de la source (est-elle fiable ou non fiable, est-elle connue ou inconnue, quelles sont ses orientations philosophiques, politiques, religieuses, etc.?); b) l’évaluation de l’information (est-elle crédible ou non?); c) le recoupement de l’information. Dans toute information ou pour tout renseignement, il y a un émetteur et un récepteur. Les questions qu’il faut dès lors se poser sont les suivantes : Pourquoi l’émetteur émet-il son message? Pourquoi le récepteur est-il visé par l’émetteur et pourquoi écoute-t-il son message? L’officier de renseignement, en charge du recoupement, doit savoir que chacun est marqué par sa subjectivité. Il doit pouvoir en tirer des conclusions. Ce qui nous amène à constater que l’objectivité, en ce domaine, n’existe pas. Ceux qui prétendent donner une information objective sont soit idiots soit malhonnêtes.

 

volk1938773693_small_1.jpg◊A. LA DéSINFORMATION N’EST PAS DE LA PROPAGANDE.

Quand on fait de la propagande, on sait que c’est de la propagande. On sait qui émet et on sait qui est visé. La propagande est claire. Elle vise à convaincre en semblant s’adresser à l’intelligence mais, en réalité, elle vise les émotions.

◊B. LA DéSINFORMATION N’EST PAS DE LA PUBLICITé.

Le but de la publicité n’est pas de tromper mais de vendre. Le mensonge n’est qu’un moyen d’influencer le consommateur. Elle s’adresse aux pulsions et à l’inconscient des gens. La propagande feint de convaincre, alors que la  publicité cherche à séduire, et son but est clair : “achetez Loca-Laco” ou “votez Clinton”.

◊C. LA DéSINFORMATION N’EST PAS DE L’INTOXICATION.

Elle ressemble à la désinformation puisqu’elle vise, via des informations, à tromper et à manipuler subtilement une cible. Mais l’intoxication ne vise que les chefs, pour les amener à prendre une mauvaise décision, qui doit causer leur perte.

 

3. Qu’est ce que la désinformation?

 

La désinformation dépend de trois paramètres:

◊1. Elle vise l’opinion publique, sinon elle serait de l’intoxication.

◊2. Elle emploie des moyens détournés, sinon elle serait de la propagande.

◊3. Elle a des objectifs politiques, intérieurs ou extérieurs, sinon elle serait de la publicité.

Ce qui nous conduit à la définition suivante : la désinformation est une manipulation de l’opinion publique, à des fins politiques, avec une information traitée par des moyens détournés.

 

4. Comment la désinformation est-elle conçue?

 

Au niveau de la méthode, nous relevons une analogie avec la publicité.

◊A. On doit définir qui est le bénéficiaire de l’opération : c’est celui pour qui l’opération est montée.

◊B. On doit disposer de celui qui va réaliser l’opération : l’agent (CIA ou KGB).

◊C. On doit procéder à une étude de marché : quel message va-t-on utiliser  pour arriver au but et comment toucher la cible?

◊D. On doit déterminer les supports : la télévision, la presse, une pétition, internet, un intellectuel, etc.

◊E. On doit déterminer les relais : les “idiots utiles” et les agents payés dans les sphères de la télévision, de la presse écrite, des pages de la grande toile, les artistes, les acteurs, les écrivains, etc.

◊F. On doit déterminer les caisses de résonnance : tous les individus qui, touchés par l’information fausse, la répandent en toute bonne foi, la lancent et la propagent sur un mode idéologique ou autre.

◊G. On doit déterminer la cible : elle peut être la population du pays adverse dans son ensemble; elle peut aussi viser une partie de la population (par exemple, les enseignants) voire des pays tiers (p. ex. : l’opération “swastika” à la fin des années 50, pour faire croire à une résurgence du nazisme en Allemagne).

 

La diabolisation est une forme de désinformation, car elle vise à détruire l’image de l’adversaire (ou de ses chefs) par des méthodes pseudo-objectives. Quelles sont-elles? Quelques exemples : a) Diffuser de faux  documents “officiels”; b) diffuser de fausses photos ou de vraies photos décontextualisées (exemples récents : un cliché de morts serbes avec une légende qui les désigne comme “kosovars”); c) fabriquer de fausses déclaration ou un montage; d) diviser les antagonistes en “bons” et en “mauvais”, en donnant à ce manichéisme des airs “objectifs”; dans la foulée, on passe sous silence les crimes des “bons”, et on s’abstient de toute critique à leur égard. 

 

5. Comment la désinformation se pratique-t-elle ?

 

◊ a. On nie le(s) fait(s) ou on utilise le mode interrogatif ou dubitatif quand on les évoque. Les  formules privilégiées sont : “On dit que... mais il s’agit d’une source serbe, ou néo-nazie, ou paléo-communiste, ou...”. On discrédite ainsi immédiatement l’information vraie que l’on fait passer pour peu “sûre”.

◊ b. On procède à l’inversion des faits.

◊ c. On procède à un savant mélange de vrai et de faux.

◊ d. On modifie le motif d’une action, par exemple, l’agression des Etats-Unis et de l’OTAN contre la Serbie a été présentée non pas comme une action militaire classique mais comme une “mission humanitaire”. Pour l’Irak, la volonté de faire main basse sur les réserves pétrolières du pays est camouflée derrière une argumentation reposant sur le “droit international”.

◊ e. On modifie les circonstances ou on ne les dit pas. Ce procédé est souvent utilisé dans les informations relatives au conflit israélo-palestinien ou à la guerre civile en Irlande du Nord.

◊ f. On noie l’information vraie dans un nuage d’informations sans intérêt.

◊ g. On utilise la méthode de la suggestion, conjuguée au conditionnel. Exemple : “Selon nos sources, il y aurait eu des massacres...”.

◊ h. On accorde une part inégale à l’adversaire dans les temps consacrés à l’information. Un exemple récent : on a accordé trois minutes d’antenne à Le Pen au second tour des Présidentielles françaises du printemps 2002, ainsi qu’à Chirac, mais, avant cette distribution “égale” du temps d’antenne, on a présenté pendant vingt minutes des manifestations anti-Le Pen.

◊ i. On accorde parfois la part égale en temps, en invitant les deux camps à s’exprimer : le premier camp, qui est dans les bonnes grâces des médias, est représenté par un universitaire habitué à parler sur antenne; l’autre camp, auquel les médias sont hostiles, est alors représenté par un chômeur alcoolique.

◊ j. On estime que chaque camp a une part égale en responsabilité. Dans le cas du conflit israélo-palestinien, les Palestiniens lancent des pierres, les Israéliens ripostent avec des chars. Le conflit est jugé insoluble : les deux camps sont de “mauvaise volonté”. Ainsi le conflit perdure au bénéfice du plus fort.

◊ k. On présente l’information en ne disant que la moitié d’un fait. Exemple pris pendant la crise du Kosovo : “Les Serbes ont utilisé des gaz”. Sous-entendu : des “gaz de combat” ou des “chambres à gaz”. En réalité, la police serbe avait dispersé une manifestation avec des gaz lacrymogènes.

 

6. Comment réagir face à la désinformation ?

 

◊ 1. Il faut d’abord rester modeste et ne pas prétendre simplifier à outrance des réalités complexes. L’homme libre, l’esprit autonome, pose un jugement historique (généalogique, archéologique), profond, sur les réalités politiques du monde.

◊ 2. Il faut, dans tous les cas de figure, rester méfiant. Il faut systématiquement recouper les informations, s’interroger sur la plausibilité d’une information médiatique, se méfier des répétitions et des appels systématiques à l’émotion.

◊ 3. Il faut s’informer soi-même, lire des ouvrages élaborés sur les peuples, les régions, les régimes, les situations incriminées dans les grands médias. Une culture personnelle solide permet de repérer immédiatement les simplifications journalistiques et médiatiques.

◊ 4. Il faut lire des ouvrages et des journaux ouvertement idéologiques, non conformistes, qualifiés de “marginaux”, car ils expriment des vérités autres, mettent en exergue des faits occultés par les grands consortiums médiatiques. Lire ces ouvrages et cette presse doit évidemment se faire de manière intelligente et critique, pour ne pas tomber dans des simplifications différentes et tout aussi insuffisantes.

◊ 5. Il faut créer et animer des cercles alternatifs d’analyse, afin de ne pas laisser “sous le boisseau” les vérités que l’on a glânées individuellement par de bonnes lectures alternatives.

 

Philippe BANOY.

dimanche, 15 novembre 2009

La réinformation par l'Histoire, les valeurs et les permanences

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La réinformation par l'Histoire, les valeurs et les permanences

Deuxième Journée d’études sur la réinformation, organisée le 24 octobre 2009 par la Fondation Polémia.

Communication de Timour Jost / Ex:
http://polemia.com/

 

L’identité est un postulat. Elle est vraie parce qu’elle repose sur la vie, sur les conditions mêmes de l’existence. Maurice Barrès disait : « Vous préféreriez que les faits de l’hérédité n’existassent pas, que le sang des hommes et le sol du pays n’agissent point, que les espèces s’accordassent et que les frontières disparussent . Que valent  vos préférences contre les nécessités » (1).

L’Histoire donne à l’identité une constance dans le temps. Elle inscrit dans la longue durée les permanences de l’inné. Qui sommes nous ? D’où venons nous ? Où allons nous ?

A l’inverse de l’Histoire, l’actualité s’inscrit dans le temps court, le présent immédiat. Un évènement chasse automatiquement l’autre. Les faits apparaissent comme désarticulés, sans connecteurs logiques. Face au péril de ce « présent permanent », l’Histoire pose un fil conducteur, celui de notre « plus longue mémoire ».

La réinformation s’organise autour de l’observation des faits. L’Histoire est donc un formidable outil pour la réinformation car la réalité l’emporte toujours sur l’abstraction idéologique.

L’observation des faits

La première règle à respecter pour un réinformateur est l’observation des faits. Sentiments, emportements doivent être laissés de coté. L’idéologie ne doit pas se substituer aux faits. Bossuet disait à ce sujet que « le plus grand dérèglement de l’esprit consiste à voir les choses telles qu’on le veut et non telles qu’elles sont ».

Trop souvent l’observation froide des évènements est délaissée au profit du plaquage d’idées préconçues. Ainsi, pour nombres de commentateurs, l’identité est une illusion. Elle relève du mirage, de la fixation, de la reconstruction tardive. Si l’on suit le discours colporté par les élites mondialisées, il n’y a pas de choc des civilisations. Tout juste quelques déraillements ponctuels et regrettables de la grande machine à uniformiser la planète.

Mais pour qu’elle raison devrions-nous emprunter de tels prysmes déformants ? Nous savons que si les réalités, géographiques, historiques, identitaires,  pèsent encore tant sur les destinées collectives, c’est parce qu’elles sont des constances que des millénaires de progrès scientifiques, techniques, et d’innovations idéologiques n’ont jamais réussi à effacer.

Le 18 avril 1984, huit ans avant que la Yougoslavie n’implose, des milliers de manifestants protestent à Sarajevo contre le pouvoir communiste, cela en brandissant non pas des drapeaux de l’OTAN ou des Etats-Unis mais ceux de l’Arabie Saoudite et de la Turquie. Les habitants de Sarajevo en agissant de la sorte, voulaient montrer combien ils se sentaient proches de leurs coreligionnaires musulmans et montrer au monde qui étaient leur vrais amis et donc par jeu de miroir leurs vrais ennemis (2).

Un observateur avisé aurait pu prédire au vu d’une telle démonstration, les signes annonciateurs du processus de décomposition de l’Etat yougoslave et la création d’Etats islamiques dans les Balkans.

Le temps long

La deuxième règle à respecter repose sur le principe de causalité. Etudier un fait conduit mécaniquement à se poser la question de son origine. Les commentateurs, par paresse intellectuelle, délaissent trop souvent cet exercice de remonter dans le temps. Un événement politique ne surgit jamais au hasard. Il est l’aboutissement d’un processus, qui au cours du temps conduit à son paroxysme. Comme le précise l’historien Jacques Bainville, « D’ordinaire en politique les effets sont aperçus quand ils commencent à se produire, c’est- à dire quand il est trop tard » (3).

Le 16 octobre 1994 à Los Angeles, cent mille personnes ont défilé dans les rues dans une mer de drapeaux mexicains. Il s’agissait de protester contre la proposition 187 qui allait faire l’objet d’un référendum populaire. Celle-ci stipulait que les immigrés illégaux et leurs enfants n’auraient plus accès aux subsides de l’Etat californien. Des commentateurs candidement s’étonnèrent : « Pourquoi défilent-ils sous la bannière mexicaine alors qu’ils exigent des Etats-Unis le libre accès aux études et autres prestations sociales ? Ils auraient du se munir de la bannière étoilée » (4).

Les causes d’un tel phénomène sont toujours à rechercher dans le temps long. Les permanences, les lignes de césure civilisationnelles, s’inscrivent dans ce cadre ; certains conflits identitaires, dits conflits d’antériorité, font référence à la fixation ancienne de populations sur une terre pour légitimer un contrôle territorial.

En 1848, suite à la guerre américano-mexicaine, le Mexique est contraint de céder par le traité de Guadalupe Hidalgo, plus de 40% de son territoire soit plus de 2 millions de Km2. Les Etats de Californie, du Nouveau-Mexique, de l’Arizona, de l’Utah, du Colorado sont rattachés à Washington. Ce traumatisme n’a depuis lors jamais cessé de hanter l’imaginaire national des Mexicains. Loin de se considérer comme étrangers en Californie, ils estiment qu’ils n’ont pas traversé la frontière mais que c’est la frontière qui les a traversés… Par conséquent, ils n’ont pas à arborer les couleurs de la puissance occupante.

Vouloir remonter le fil du temps empêche de s’arrêter à un temps figé. Si les causes sont anciennes, il faut être apte d’aller à leur rencontre jusque dans les époques les plus reculées ; et il faut ensuite les accompagner à travers les siècles pour souligner les redondances de leurs effets.

Les permanences
 
La troisième règle à respecter réside dans la compréhension des permanences. En politique disait Bainville « Il n’y a pas de politique nouvelle. Il y a la politique tout court, fondée sur l’expérience historique, sur la connaissance des hommes et des peuples » (5).

La connaissance de notre passé est une clef irremplaçable pour la compréhension de notre monde. « Les morts gouvernent les vivants », remarquait Auguste Comte. Outre les dates, les évènements, le reinformateur doit tenir compte de la nature humaine et de sa pluralité. Il n’existe pas d’homme abstrait et interchangeable de l’Amazonie au Caucase, mais un homme réel enraciné, tributaire de son identité. A travers les âges, les mêmes données, politiques, religieuses, civilisationnelles entraînent les mêmes conséquences.

Quelle différence entre le djiadhisme terroriste d’aujourd’hui et celui conduit par les compagnons du Prophète Mahomet ? Aucun. Tous les deux prennent leur source dans le Coran.

En réalité, la technique contemporaine ne fait qu’accélérer ce phénomène en intensité et en violence sans en altérer la nature profonde. Si on considère le périmètre qu’occupe l’Islam, on peut en conclure que les musulmans vivent difficilement en paix avec leurs voisins. Or les musulmans ne représentent qu’un sixième de la population planétaire. Cette propension de l’Islam à la violence s’explique par sa nature. Religion du glaive, l’Islam glorifie l’esprit de conquête. Il a pris naissance dans les tribus belliqueuses de la péninsule arabique, accoutumées aux pillages et aux razzias. Autre facteur déterminant  est l’inassimilation des musulmans. Elle est double : les pays musulmans ont des problèmes avec leurs minorités non-musulmanes, tout comme les pays non-islamiques en ont réciproquement avec leur communauté islamique. L’expulsion des populations morisques d’Espagne au XVIIe siècle, le génocide arménien trois siècles plus tard sont autant d’exemples frappants. Plus encore que d’autres religions monothéistes, l’Islam est une foi totale qui unit religion et politique. Il marque une distinction claire entre l’ami et l’ennemi. Ceux qui font partie du Dar al-Islam et du Dar al-Harb. Cette permanence se vérifie dans tous les conflits inter-religieux de ces vingt dernières années. En 2009, le New York Times a localisé quelques soixante-deux conflits ethniques à travers le globe. Dans la moitié des cas, il s’agissait d’affrontements entre musulmans et non musulmans (6).


Dans le monde d’après la guerre froide, l’identité, la tradition ont retrouvé une place centrale. Les permanences du passé sont autant de clefs pour comprendre les convulsions du temps présent. Ce qui régit la réalité ce n’est pas  la bonté ou une quelconque morale droit de l’hommiste. Ce n’est pas « à force de plaintes et de tribunaux moraux que l’on se débarrasse des faits » disait Oswald Spengler (7). Sur le fond, la nature humaine ne change pas car animée des mêmes désirs, des mêmes soifs d’absolu ou de pouvoir, surtout quand elles se superposent à des constances géographiques, historiques ou religieuses. En fait, comme le rappelle Bainville, «  L’homme, à toutes les époques et dans tous les siècles, se ressemble, il a les mêmes passions, les mêmes rêves. C’est le point capital. Hors de là, il n’y a qu’erreur et fantaisie» (8) .

Notes :
1) Maurice Barrés, Scènes et doctrines du nationalisme, Editions du Trident, Paris, 1988, p.441.
2) Samuel Huntington, Le choc des civilisations, Editions Odile Jacob,  Paris, 2001, p.15.
3) Jean Montador, Jacques Bainville, Paris, Editions France-Empire, 1984, p.108.
4) Op.cit. (2).p.16.
5) Op.cit.(3).p.88.
6) New-York Times, 22 janvier 2009.
7) Oswald Spengler, Ecrits historiques et philosophiques, Copernic, Paris, 1980.p.155.
8) Op.cit (3).p.243.

Timour Jost

D. Venner: Secret Aristocracies

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Secret Aristocracies

Translated by Greg Johnson

Jean-Paul Sartre once said of Ernst Jünger: “I hate him, not as a German, but as an aristocrat . . .”

Sartre had some grave defects. In his political impulses, he was mistaken with a rare obstinacy. Fairly cowardly during the Occupation, he turned into an Ayatollah of denunciations once the danger had passed, castigating his colleagues who did not commit themselves with all necessary blindness to Stalin, Mao, or Pol Pot. Along with an infallible instinct for error, he had a keen sense for any elevation of spirit, which horrified him, and, conversely, for any baseness, which attracted him.

He was not wrong about Jünger: “I hate him, not as a German, but as an aristocrat . . .” Jünger was not an aristocrat by birth. His family belonged to the cultivated middle-class of Northern Germany. If he was an “aristocrat”—in other words, if he continually showed nobility and poise, moral and physical—it was not because he was born with a “von,” for that alone does not shelter one from baseness in one’s heart or deeds. If he was an “aristocrat,” it was not a matter of rank, but of nature.

Heroic warrior in his youth, sensational writer of the “conservative revolution,” who then became a contemplative sage of sorts, Jünger had an exceptional life, traversing all the dangers of a dark century and remaining free of any stain. If he is a model, it is because of his constant “poise.” But his physical poise did nothing more than manifest a spiritual poise. To have poise is to hold oneself apart. Apart from base passions and the baseness of passion. What was superior in him always repelled the sordid, infamous, or mediocre. His transformation at the time of On the Marble Cliffs might be surprising, but there is nothing vile about it.  Later, the warrior-botanist reinvented himself, writing in his Treatise on the Rebel that the age required recourse other than the schools of yoga. These are the sweet temptations that he now kept at bay.

I have just written that Jünger was not an aristocrat by birth. I was wrong. He was. Not by family origin, but by a mysterious inner alchemy. In the manner of the little girl and the concierge in Muriel Barbery’s novel The Elegance of the Hedgehog (L’élégance du hérisson, Gallimard, 2006). Or in the manner of Martin Eden in Jack London’s novel of the same name. Born in the depths of poverty, Martin Eden had a noble nature. Mere chance puts any young person in a refined and cultivated milieu. He fell in love with a young woman who belonged to that world. The discovery of literature awoke in him the vocation of writer and a fantastic will to overcome himself, to completely leave his past behind, which he accomplished through tremendous ordeals. Having become a famous writer, he discovered simultaneously the vanity of success and the mediocrity of the young bourgeois woman whom he thought he loved. Thus he committed suicide. But that does not affect my point.  There are Martin Edens who survive their disillusionment, and there always will be. They are noble, energetic, and “aristocratic” souls. But for such souls to “break out of the pack,” as one says of good hunting dogs, and rise to the top, role models are absolutely necessary. Living exemplars of inner heroism and authentic nobility down through the ages constitute a kind of secret knighthood, a hidden Order. Hector of Troy was their forerunner. Ernst Jünger was an incarnation in our time. Sartre was not wrong about that.

From Nouvelle Revue d’Histoire, no. 45

samedi, 14 novembre 2009

J. Evola: La doctrina del despertar

cop_evola-dottrina.jpgEDICIONES HERACLES ANUNCIA LA REEDICIÓN DE:

JULIUS EVOLA

LA DOCTRINA DEL DESPERTAR

ENSAYO DE ASCESIS BUDDHISTA

Este estudio sobre ascesis buddhista realizado por el eminente estudioso de la Tradición, Julius Evola, representa una originalidad sin igual en un tiempo en el cual también dicha cosmovisión ha sido vulgarizada y deformada aceptándose como dogmas sagrados pertenecientes a la misma las teorías reencarna-cionistas, el humanitarismo, el pacifismo y la democracia espiritual. Aquí nuestro autor, con suma sagacidad, diferencia entre lo que podría ser el simple budismo y el buddhismo, el primero occidentalizado y decadente que representa una verdadera falsificación doctri-naria y el otro el buddhismo pâli originario que significó un intento de retorno a los principios que informaron la espiritualidad viril y aria de los tiempos primordiales de la humanidad, anteriores a la edad de hierro en que nos hallamos, en una revuelta altiva y heroica en contra de la decadencia personificada por el ritualismo brahmánico que regía en ese entonces en la India. Por último, en la medida en que el buddhismo, en su variantes pâli y más tarde Zen, ha enfatizado en la vía de la acción liberadora a través del despertar ascético, representa un camino adecuado para la espiritualidad del hombre occidental caracterizada también por la primacía otorgada a la acción aunque en los tiempos últimos se encuentre degradada hasta los límites más bajos y bestiales del materialismo y del consumismo hoy vigentes.

Índice

 

 

Introducción......................................................... 7

 

El Saber

 

I.     Acerca de las variedades de las “Ascesis”........... 21

II.    Arianidad de la doctrina del despertar............. 34

III.   Lugar histórico de la doctrina del despertar..... 45

IV.   Destrucción del Demon de la dialéctica............ 66

V.    La llama y la conciencia samsárica................... 74

VI.   La Génesis condicionada................................. 90

VII.   Determinación de las vocaciones................. 110

 

 

La Acción

 

I.     Las cualidades del combatiente y la “presencia” 137

II.    Defensa y consolidación............................... 151

III.   Derechura................................................... 165

IV.   La presencia sidérea. Las heridas se cierran...... 179

V.    Los cuatro Jhâna. Las “Contemplaciones irradiantes” 198

VI.   Los estados libres de forma y la extinción........ 221

VII.   Discriminación de los “poderes”................... 243

VIII. Fenomenología de la gran liberación........... 253

IX.   Trazos de lo sin semejanza............................. 267

X.    “El vacío” “si la mente no se quiebra”............. 278

XI.   Hasta el Zen................................................. 287

XII. Los Ariya moran aún en el Pico del Cóndor..... 301

 

Fuentes          309

jeudi, 12 novembre 2009

L'"Arthasastra" de Kautilya: aux sources de la pensée politique indienne

kautilyas_arthasastra_and_social_welfare_idi618.jpgL'«Arthasastra» de Kautilya: aux sources de la pensée politique indienne

 

L'Arthasastra de Kautilya est un grand texte classique indien en sanskrit consacré à l'art de gouverner. Il fut traduit intégralement en anglais pour la première fois en 1915. Les éditions du Félin viennent d'en publier une partie en français. Gérard Chaliand écrit dans son avant-propos: «L'Arthasastra  est un monument considérable qui témoigne de la puissance et de l'originalité de la pensée politique indienne. L'Arthasastra est un traité sur l'Etat, le pouvoir et l'usage de la force. Ecrit matérialiste, pourrait-on dire, aux antipodes d'une conception théocratique, le traité de Kautilya pourrait être qualifié de machiavélien si l'anachronisme n'était flagrant, le discours indien précédant la réflexion du Florentin d'environ quinze siècles (...). Selon la tradition, le traité serait l'œuvre du ministre et conseiller du premier empereur de la dynastie des Maurya, contemporain d'Alexandre le Grand, qui régna au dernier quart du VIième siècle avant notre ère. En fait, la datation de l'œuvre est incertaine (elle varie du Iier avant au IVième après notre ère). On tend aujourd'hui à la situer aux alentours du Iier siècle. Bref, l'ouvrage a environ deux mille ans et son titre, Artha,  désigne la prospérité et sa recherche, quête éminemment matérielle, qui, pour l'Etat, consiste à acquérir et conserver richesse et puissance. L'Arthasastra, ou science du politique, est un traité comprenant quinze livres  —soit cinq cents pages—  dont on ne trouvera ici qu'une modeste partie, mais qui me semble essentielle si l'on veut saisir l'essence de ce chef-d'œuvre politique. Car l'Arthasastra  est à la naissance du politique ce que Sun Zi est à la naissance de la stratégie: une élaboration d'une originalité absolue» (J. de BUSSAC).

 

Kautilya, Arthasastra. Traité politique et militaire de l'Inde ancienne, Editions du Félin, 1998, 122 pages. 100 F.

 

mercredi, 11 novembre 2009

Innerlichkeit und Staatskunst - Zum Wirken Friedrich Hielschers

hielscher.jpgInnerlichkeit und Staatskunst -

 

Zum Wirken Friedrich Hielschers

 

 

 

"Zwei Tyrannen tun dem Deutschen not: ein äußerer, der ihn zwingt, sich der Welt gegenüber als Deutscher zu fühlen, und ein innerer, der ihn zwingt, sich selbst zu verwirklichen."

- Ernst Jünger

 

 

 

Verfasser: Richard Schapke

 

 

 

Der am 7. März 1990 auf dem Rimprechtshof im Schwarzwald verstorbene Friedrich Hielscher gehörte mit Sicherheit zu den originellsten Ideologen der Konservativen Revolution. Da er sich nach dem Zweiten Weltkrieg noch weniger als ohnehin schon um öffentliche Breitenwirkung scherte, gerieten seine Arbeiten in fast vollständige Vergessenheit, auch wenn Hielschers Name des öfteren in Jüngers "Strahlungen" auftaucht. In jüngster Zeit ist eine regelrechte Wiederentdeckung des unkonventionellen Nietzscheaners zu bemerken - Grund genug für einen Versuch, sich Friedrich Hielschers Leben und Werk zu nähern. Wir greifen hierbei oftmals auf Originalzitate zurück, um den Gegenstand unserer Betrachtung in seinen eigenen Worten sprechen zu lassen. Mitunter sind Zitate und Analysen aus der nach dem Zweiten Weltkrieg veröffentlichten Autobiographie "Fünfzig Jahre unter Deutschen" eingeflochten. Aus inhaltlichen Gründen gehen wir hierbei von der Chronologie der Veröffentlichung ab.

 

1. Herkunft

 

Friedrich Hielscher wurde am 31. Mai 1902 in Guben (nach anderen Angaben in Plauen/Vogtland) in eine nationalliberale Kaufmannsfamilie hineingeboren. Gerade 17 Jahre alt geworden, absolvierte er sein Kriegsabitur am Humanistischen Gymnasium, um sich fast unmittelbar darauf einem der gegen Spartakisten und Separatisten oder in den Grenzkämpfen im Osten fechtenden Freikorps anzuschließen. Dieses Freikorps Hasse ging im Juni 1919 aus der MG-Kompanie des ehemaligen Infanterieregiments 99 hervor und kam in Oberschlesien gegen polnische Insurgenten zum Einsatz. Zu den Freikorpskameraden Hielschers gehörte Arvid von Harnack, der später durch seine Mitarbeit in Harro Schulze-Boysens Roter Kapelle zu Berühmtheit gelangen sollte. Die Einheit bewährte sich und wurde in die Reichswehr übernommen, aber Hielscher quittierte den Dienst im März 1920, da er eine Beteiligung am überstürzten Kapp-Putsch gegen die Republik ablehnte.

 

Es folgte ein Jurastudium in Berlin, das von regelmäßigen Besuchen an der Hochschule für Politik begleitet wurde. Dem Brauch entsprechend schloß Hielscher sich einer Studentenverbindung an und wählte die Normannia Berlin. Nach einer vorübergehenden Mitgliedschaft im Reichsclub der nationalliberalen Deutschen Volkspartei (DVP) traten in Gestalt des aus der SPD hervorgegangenen nationalen Sozialisten August Winnig und des Geschichtsphilosophen Oswald Spengler prägendere politische Einflüsse an ihn heran. Von Winnig übernahm Hielscher die Überzeugtheit von einer weltgeschichtlichen Mission Deutschlands, vom Spengler das zyklische Geschichtsbild. Hinzu kam das in den Werken Ernst Jüngers herausgearbeitete Kriegertum.

 

Im Jahr 1924 erfolgte der Wechsel nach Jena, wo Hielscher das Referendarexamen bestand und im Dezember 1926 mit Auszeichnung zum Doktor beider Rechte promovierte. Die ungeliebte Beschäftigung als Verwaltungsjurist im preußischen Staatsdienst wurde nach nicht einmal einem Jahr im November 1927 aufgegeben. Die Anforderungen des Studiums behinderten nicht den häufigen Besuch des Weimarer Nietzsche-Archivs. Friedrich Nietzsche sollte dann auch über seine Schwester Elisabeth Förster-Nietzsche der letzte wirklich prägende Bestandteil des sich allmählich herauskristallisierenden Weltbildes sein. Von Dauer war die weitere Beteiligung als Alter Herr am Verbandsleben der Normannia Berlin, wo Hielscher die Bekanntschaft von Persönlichkeiten wie Horst Wessel, Hanns Heinz Ewers und Kurt Eggers machte.

 

2. Innerlichkeit

 

Am 26. Dezember 1926 betrat Friedrich Hielscher mit dem Aufsatz "Innerlichkeit und Staatskunst" die Bühne der politischen Publizistik. Der junge Jurist hatte sich auf Rat Winnigs dem nationalrevolutionären Kreis um die Wochenzeitung "Arminius" angeschlossen, dem nicht zuletzt Ernst Jünger das Gepräge gab. Aus der Begegnung mit Jünger entstand eine lebenslange Freundschaft. "Innerlichkeit und Staatskunst" enthält bereits alle wesentlichen Aspekte des Hielscherschen Weltbildes und soll daher ausführlicher dokumentiert werden.

 

hielscher13551837n.jpg"Seien wir ehrlich: wir stehen nicht am Beginn eines neuen Aufstieges, sondern vor dem Ende des alten Zusammenbruches. Dieses Ende liegt noch vor uns. Wir müssen erst noch durch das Schlimmste hindurch, ehe wir ans neue Werk gehen können. Jeder, der jetzt schon mit irgendeinem Aufbau beginnt, tut sinnlose Arbeit. Das will folgendes heißen. Jede kriegerische Vorbereitung, die auf einen Befreiungskrieg in der Gegenwart oder der nahen Zukunft abzielt, ist wertlose Spielerei und grob fahrlässige Dummheit. Jeder geistige Versuch, einigende Bünde, Verbände, kulturelle Vereinigungen, Weisheitsschulen, oder wie man das Zeug sonst nennen mag, in der Gegenwart zu gründen, ist Selbstbetrug und Unehrlichkeit der inneren Haltung.

(...) Beweise haben in der Welt der Tatsachen keinen Sinn.. Es ist noch nie vorgekommen, daß man politische Gegner durch Beweise bekehrt oder in ihrer Stellung erschüttert hätte. Aber es ist nötig, daß die sich einig werden, die im Grunde ihres Wesens Träger ein und desselben Zieles sind: des heiligen Deutschen Reiches. Zu dieser Einigung bedarf es des gegenseitigen Verständnisses. Dieses Verständnis fehlt. Ihm dient die folgende Begründung. Sie bildet sich nicht ein, daß an dem kommenden deutschen Zerfall irgend etwas zu ändern sei. Aber sie ist der Überzeugung, daß es jetzt schon an der Zeit ist, an der geistigen Haltung zu arbeiten, von der aus der spätere Aufbau allein beginnen kann.

Seit die Germanen in Berührung mit der kraftlos gewordenen und überreifen römisch-byzantinisch-christlichen Kulturenvielfalt gekommen sind, die den Ausgang des sogenannten Altertums bildet, ist ihre innere Haltung unfrei. Seit sie das Denken dieser fremden Welten übernommen haben, unfähig, die kaum zum Ausdruck gekommene eigene Art gegen das jeder Unmittelbarkeit längst entwachsene, zu Ende gedachte fremde Wesen zu schützen, seit dieser Zeit ist die deutsche Haltung zweispältig (sic!). Der Deutsche bejaht den Kampf als solchen; aber die müde Sittlichkeit der Fremden sucht den Frieden. Seit also der deutsche Geist überfremdet ist, wird jede deutsche Kampfhandlung mit schlechtem Gewissen getan, wird halb, kommt nicht zum endgültigen Erfolge und sinkt nach oft prachtvollem Aufschwung immer wieder in sich zusammen. Staatskunst ist die Fähigkeit, die eigenen Kampfhandlungen mit dauerndem Erfolg nach außen zu verwirklichen. Seit der Deutsche überfremdet ist, steht die deutsche Staatskunst allein und hat die deutsche Innerlichkeit nicht geschlossen hinter sich. (...)

Mit Bismarcks Entlassung verwandelte sich das Bismärckische Reich in den Wilhelminischen Staat, in ein Verfassgebilde, dessen Untergang unvermeidbar war. Diese Unvermeidbarkeit zeigte sich im Weltkriege. Wenn kriegerisches Heldentum ein Schicksal wenden kann, dann mußten wir siegen. Aber wir mußten die Fahnen senken, weil hinter dem deutschen Krieger nicht die deutsche Heimat stand als eine Einheit innerlichsten Glaubens, Wollens, Denkens, als eine Welt der ungetrübten reinen und abgrundtiefen Zuversicht. So kam die Niederlage. Der Staat der Weimarer Verfassung ist nicht ein neues Gebilde, das von seinem Vorgänger irgendwie wesentlich verschieden wäre, sondern nur die letzte Gestalt des Wilhelminischen Staates, die dessen alberne, wertlose, erbärmliche Seiten in vorbildlicher Deutlichkeit und - freilich unbewußter - Ehrlichkeit zeigt.

So ist hier nichts mehr zu halten und zu retten. Je eher dieser Staat zugrunde geht, um so besser ist es für die deutsche Sache. Sein weiteres Schicksal ist uns vollendet gleichgültig. Soll ich noch deutlicher werden? Also ist hier nichts mehr zu verbessern. Wenn das noch möglich wäre, dann würde zudem nicht das kindische Hurraschreien scheinkriegerischer Aufzüge von Wert sein, sondern einzig und allein ein verbissenes, unterirdisches, schweigendes und selbstverleugnendes Arbeiten, das vom Kleinsten anfängt, wie Friedrich Wilhelm der Erste angefangen hat. Aber weil es nicht möglich ist, an diesem Staat noch Hand anzulegen, bleibt nur eins übrig: in sich zu gehen, und aus der Tiefe des eigenen Herzens die Zuversicht, den Glauben heraufzuholen, der die deutsche Zukunft tragen und ohne den das neue Werk nicht begonnen werden wird. (...)"

 

Wir fassen zusammen: Der Zusammenbruch der liberalkapitalistischen Ordnung ist nicht in vollem Gange, sondern er steht erst noch bevor. Vor diesem Kollaps sind jede Aufbauarbeit und jede politische Partizipation zwecklos. Das deutsche Wesen wurde vom westlich-christlichen Materialismus überfremdet, und daher war die Niederlage des verwestlichten Kaiserreiches im Weltkrieg unvermeidbar. Die Republik ist die Fortsetzung des wilhelminischen Staates in anderem Gewande und ebenso wie er dem Untergang geweiht.

 

Am 30. Januar 1927 legte Hielscher den Aufsatz "Der andere Weg" nach: "Will ein unterworfenes Volk frei werden, so muß es dazu zweierlei tun: es muß erstens innerlich einig werden und zweitens seine staatskünstlerische Begabung betätigen...Für die Betätigung unserer staatskünstlerischen Begabung fehlen uns die Mittel." Der Hauptfeind waren nicht die unterdrückten asiatischen Völker, sondern die "Träger der europäischen Zivilisation...Aber wir bestreiten, daß wir zur Freiheit, d.h. zum selbstherrlichen Gebrauch unserer eigenen Kräfte gelangen können, ohne in entscheidenden Gegensatz zu Europa zu treten...Daher ist es geboten, unsere ganzen Fähigkeiten auf den anderen Weg zu richten, dessen Begehung ebenfalls unumgänglich notwendig ist, auf die endliche Einigung des deutschen Geistes." Angezeigt ist die "mephistophelische Schlangenhaftigkeit und Gewandtheit in der Verschleierung der tiefsten Gründe und Hintergründe". In diesem Kampf sind alle Mittel erlaubt, solange man die eigene Treue nicht verletzt. "Ersichtlich setzt eine solche Handlungsweise eine Sicherheit der inneren Haltung voraus, die kaum überbietbar ist." Der geistige Kampf gilt nicht etwa der etwaigen Undurchsichtigkeit des Handelns, sondern der Vielfältigkeit der fremden Einflüsse. Einzig auf eigenen Willen gegründet ist die Welt eines neuen Geistes, einer machtwilligen Seele zu errichten. "Das ist das Ziel. Der Weg zu ihm führt über eine rücksichtslose strenge Selbsterziehung eines jeden Einzelnen. Er führt über das eindeutige Bekenntnis zu dem Glauben, an den sich die Dichter der alten Sagen, an den sich Eckehart, Luther, Goethe und Nietzsche hingegeben haben. Er führt über die Gestaltung jener Erziehung aus diesem Glauben heraus zur Züchtung eines Geschlechts, das im Opferdienst am deutschen Glauben einig und deshalb, und nur deshalb, berufen ist, das staatskünstlerische Werk zu vollbringen, zu dem die Gegenwart ebensowohl aus einem Mangel an äußerem Willen wie aus innerer Glaubenslosigkeit nicht geeignet ist."

 

Am 13. Februar 1927 folgte "Die faustische Seele": "Die seelische Zugehörigkeit zum Deutschtum ist das Grunderlebnis der deutschen Menschen. Der letzte große Versuch, sich mit diesem Grunderlebnis im Bewußtsein auseinanderzusetzen, ist Spenglers Lehre von der faustischen Kultur. Der deutsche ist der faustische Mensch. Die faustische Kultur ist das deutsche Seelentum. Spengler sieht es aus dem unendlichkeitsverlorenen Walhall mit seinen tiefen Mitternächten herabsteigen in die Tiefen der Mystik, sieht es zu endlosen Kämpfen, gleichgültig gegen den Tod, das Schwert ziehen, die gotischen Dome wollen den Himmel stürmen, der lutherische Bauerntrotz schlägt drein, ins Grenzenlose schreitet die wälderhafte nordische Musik, unter den zartesten und weltseligsten Melodien ihre gewaltige Einsamkeit verbergend oder sie hinausschreiend in Sturm und Gewitter, aus Not und Elend und Blut steigt das Preußentum empor, und als dem Faust der Zarathustra folgt, erschüttern Wagners Posaunen die Welt und der Preuße Bismarck holt die Krone aus dem Rhein. Dann folgt der Zusammenbruch, und von neuem beginnt der alte Kampf (...)

Ich sehe einen langen Weg. Im Urdämmer der Sage stehen der deutsche Machtwille und die deutsche Innerlichkeit zueinander und sind untrennbar verbunden....Friedrich Nietzsche, der letzte große Träger der deutschen Innerlichkeit, hat den Willen zur Macht gelehrt und so die alte Weisheit wieder geweckt, die von den Tagen der Götter, von den Tagen Sigfrids und Hagens her die deutsche Sittlichkeit verkündet. Wenn unsere Innerlichkeit wieder gelernt haben wird, ihr zu folgen, wenn der deutsche Machtwille nicht mehr alleinstehen wird, erst dann, aber dann sicher, wird die deutsche Zwietracht aufhören, wird sich das deutsche Menschentum vollenden und in seiner Vollendung heimfinden zu dem ewigen Brunnen, aus dem es entstiegen ist."

 

Verdeutlicht wird diese Darstellung der faustischen Seele durch den Aufsatz "Die Alten Götter". Sagen, Märchen und die germanisch-keltische Mythologie bilden die Heimat der deutschen Seele. Hielscher betont den Kampf als Daseinsprinzip: "Das versteht nur ein Deutscher, daß man sich gegenseitig die tiefsten Wunden schlagen und dennoch die beste Freundschaft halten kann. Denn der Deutsche ist in seinem Innern selber so: hundert- und tausendfältig zerrissen, ein Schlachtgebiet aller holden und unholden Geister, und aus dieser Zerrissenheit seinen Stolz herausholend und eine höhere Einheit, die über allem Ernste sich ein Lächeln bewahrt hat, und über allen Abgründen eine einsame und lichte Höhe, die ihren Glanz in alle Tiefen schickt....Der Kampf ist das Nein, und die Vollendung ist das Ja. Die Geburt des Ja aus dem Nein, die Vollendung im Kampfe, das ist das Lied von den alten Göttern. Es ist das Lied, das alle großen Träger der deutschen Innerlichkeit verkündet haben. Wenn Eckehart die brennende Seele lehrte, in der doch eine ungetrübte schweigende Stille herrscht, wenn Luther im Wirken und durch das Wirken Satans die Allmacht Gottes geschehen sah, wenn Goethe alles Drängen und Ringen als ewige Ruhe in Gott erlebte, wenn endlich Nietzsches Welt des Willens zur Macht, diese Welt des Ewig-sich-selber-Schaffens und Ewig-sich-selber-Zerstörens als endloser Kreislauf zu sich selber guten Willen hatte, so war das immer nur das alte Lied" (der nordischen Mythologie). "So wird der Kampf zum Selbstsinn, und die Treue in diesem Kampfe ist das Höchste. Es gibt nichts anderes. Um des Kampfes willen ist die Innerlichkeit da, weil sie die Kraft zu diesem Kampfe gibt...Das ist eine ganz andere Treue, als die Gegenwart sie kennt. Das ist die Treue, die alles opfert, den Schwur, die Ehre, das eigene Blut; die Treue, die nur das eigene Werk und seine Vollendung im Kampfe kennt."

 

Das Leben der Völker bemißt sich nach Völkerjahren mit den vier Jahreszeiten. Hielscher zieht zahlreiche Allegorien mit dem Vegetationszyklus eines Baumes. Die Deutschen befinden sich derzeit im Stadium des Winters, ausgelöst durch die "Verstofflichung", den Materialismus der westlichen Zivilisation. Die Entstehung des Materialismus verortet Hielscher bereits zu Zeiten der Renaissance, aus der sich der Frühkapitalismus entwickelte. Der Mensch will nicht mehr gebunden sein, sondern wider seine Natur nur noch von sich selbst abhängen. Religion, Volk, Tradition und Kultur weichen dem Individualismus. Die Menschen haben die Wahl, ob der Winter "die Umkehr oder den Tod bringen (wird), nach unserer Wahl und nach der zukommenden Gnade der Götter".

"Wer die Kälte der Oberfläche ändern wollte, würde als Schwarmgeist scheitern. Desgleichen steht nicht in der Hand der Wurzeln und der Wintersaat  und nicht in der Hand des Menschen. Vielmehr ist uns diese Kälte vorgegeben." Jeder Winter birgt den Keim des Frühlings, nicht zuletzt symbolisiert durch die Sonnenwende.

 

"An der Quelle muß der Strom versiegen, an der Wurzel muß das Unheil absterben. Und in Quelle und Wurzelgrund muß das Heil von neuem gewonnen werden." Das Reich ist noch nicht stark genug, um oberirdisch gedeihen zu können. Es ist verborgen im Inneren seiner Glieder, eines neuen Menschentypus, keine sichtbare Gestalt. Innerlichkeit und Wille zur Macht verknüpfen sich miteinander.

So geht es heute nicht mehr um das Retten des alten abendländischen Leibes, sondern um das Bilden des neuen." Soziale Herkunft und Interessen der Unterirdischen sind gleichgültig. "Und jeder mag unter den Vorbildern sich seinen Helden wählen."

 

3. Staatskunst

 

Nachdem Hielscher dergestalt die Notwendigkeit unterstrichen hatte, ein neues Bewußtsein als Grundvoraussetzung erfolgreichen Handelns zu schaffen, wandte er sich außenpolitischen Fragen zu. Im März 1927 veröffentlichte der "Arminius" seinen vielbeachteten Aufsatz "Für die unterdrückten Völker!", der Hielscher gewissermaßen zum Erfinder des Befreiungsnationalismus machen sollte. Wir merken an, daß derartige Gedankengänge auch schon im Werk Moeller van den Brucks auftauchen.

 

Der Erste Weltkrieg hatte die Völker aller Kontinente aufgerüttelt, so daß jede politische Maßnahme ihre Wirkung verhundertfachte. Auf dem Brüsseler Kongreß der unterdrückten Völker hatten die Farbigen erstmals einmütig ihre Stimme gegen den Westen, gegen Imperialismus und Kolonialismus und für den Nationalismus erhoben. Unter den Bestimmungen des Versailler Diktats war Deutschland mit seiner dem Westen hörigen Demokratie kein souveräner Staat, sondern ebenfalls eine Kolonie. Kein Kontinent stand mehr für sich alleine, sondern neue Aufgaben, Freundschaften und Ziele entwickelten sich. Im Zentrum der Hoffnung Hielschers stand das Erwachen des Giganten China, Indiens oder der arabischen Welt, weniger die Sowjetunion, die ihre "russische" Ideologie allen anderen Völkern aufzwingen wollte und damit kein echter Partner der nach Freiheit strebenden Völker war.

 

Deutschland ist kein Teil des westlichen Europa, sondern ein Teil des asiatischen Ostens. In der Verehrung des Ostens verbeugt sich der Deutsche "vor einer weiten unendlichen, durchaus uneuropäischen und geheimnisvollen Welt einer sehnsüchtigen und zutiefst ruhigen Weisheit und Selbstsicherheit, aus der er seine Kraft strömen fühle". Die deutsche Innerlichkeit ist ein Widerspruch gegen den Westen und dessen Zivilisationsdenken. "Die Völker des Ostens glauben an unverrückbare Kräfte, denen sie sich verdienstet wissen, aus denen ihre Art entspringt, und zu der sie zurückkehrt, wenn ihre Stunde geschlagen hat. Der Deutsche gehört zum Osten und nicht zum Westen. Der Westen ist Zivilisation, der Osten ist Kultur. Die Zivilisation ist auf dem Gelde und der Berechnung aufgebaut und kennt keine Innerlichkeit. Die Kultur errichtet auf dem Grunde einer unerschütterlichen Gewißheit die Werke einer hohen Kunst, eines demütigen Denkens, einer hingebenden Weisheit. Die Völker des Westens sind Zivilisationsvölker, die Völker des Ostens tragen ihre großen Kulturen."

 

hielscher-u-frau.jpg

Im Gegensatz zum kapitalistischen Westen ist der Osten sozialistisch, wobei Sozialismus hier als eine innere Haltung und nicht als theoretisches System zu verstehen ist. Während der Kapitalismus den Menschen seinen Taten entfremdet und dem Nutzen unterwirft, will der Sozialismus die Leistung und das Werk. Die Menschen sind keine Einzelwesen, sondern Glieder von Gemeinschaften. "Der Westen kennt nicht Ideen, sondern Konzerne; er kennt keine Gemeinschaften, sondern wirtschaftliche Verbundenheit."

 

"Der Westen ist Imperialismus, der Osten ist Nationalismus. Der Nationalismus ist die Folge des Glaubens an die eigene Kultur, der Wille zur Durchsetzung ihrer eigenen Art, der Wille zum Dienst an der Gemeinschaft, die auf der eigenen Kultur beruht. Der Imperialismus ist die Benutzung der nationalen Mittel zur Erlangung wirtschaftlichen Profites, die Umfälschung nationaler Ziele in Wirtschaftsinteressen."

"Wir deutschen Nationalisten werden mit den Nationalisten des Ostens zusammengehen; wir fordern den gemeinsamen Kampf gegen den westeuropäisch-amerikanischen Imperialismus und Siegerkapitalismus, wir fordern die Abkehr der deutschen Wirtschaft von den westlichen Verbundenheiten, die Abkehr der deutschen Geistigkeit vom Westen. Im Osten kämpfen die unterdrückten Völker den gleichen Kampf, den Kampf der Kulturnationen gegen die Zivilisationsvölker, den Kampf der Tiefe gegen die Oberfläche. Verbünden wir uns ihnen. Scheuen wir kein Opfer. Der Osten wartet auf uns. Enttäuschen wir ihn nicht. Wir sind der Vorposten des Ostens gegen den Westen. Der Westen wankt, und der Sturm aus dem Osten hat begonnen. Die deutsche Stunde schlägt."

 

Hielschers Ausführungen, die sich im übrigen jeder Rassist und Xenophobe einmal etwas intensiver durch den Kopf gehen lassen sollte, trafen auf ein gemischtes Echo. Der Kampfverlag der NS-Parteilinken unterstützte Hielschers internationalistisch-nationalistische Thesen ebenso wie Franz Schauweckers "Standarte". Bezeichnenderweise kam vom hitleristischen "Völkischen Beobachter" und von den Vereinigten Vaterländischen Verbänden schroffe Ablehnung.

 

Mit seinem philosophisch-politischen Programm stürzte Hielscher sich in die Politik, zunächst eine Reihe geopolitischer Analysen nach obigem Muster im "Arminius" veröffentlichend und jegliche Mitarbeit am Weimarer System heftig kritisierend. Im Juli 1927 beteiligte er sich an der von August Winnig gegründeten Berliner Sektion der Alten Sozialdemokratischen Partei, einer "rechten" Abspaltung der SPD. Als Gruppenorgan fungierte die Zeitschrift "Der Morgen", zu deren Autoren neben Hielscher die Nationalrevolutionäre Eugen Mossakowsky und Karl Otto Paetel gehörten. Anhang aus der Arbeiterschaft konnte kaum gewonnen werden, dafür kamen die bürgerlichen Rebellen.

 

4. "Das Reich"

 

Spätestens das ASP-Experiment überzeugte Hielscher von der Sinnlosigkeit tagespolitischer Aktivitäten. In seinen Memoiren "Fünfzig Jahre unter Deutschen" analysiert er die Situation im Nachhinein so: "Will man sich den Ort der Einzelgänger vor Augen führen, so stelle man sich die Parteien als ein Hufeisen vor, an dessen einem Flügel die Nationalsozialisten, an dessen anderem die Kommunisten standen.

Dann finden wir neben den Nationalsozialisten die Deutschnationalen Hugenbergs, neben ihnen die Deutsche Volkspartei Stresemanns und neben ihr das katholische Zentrum, das die Mitte tatsächlich bildete. Links davon sehen wir die Demokraten, hernach die Sozialdemokraten und schließlich die Kommunistische Partei.

Aber mit ihnen schloß sich der Kreis nicht, sondern zwischen ihnen und den Nationalsozialisten klaffte eine Lücke, die sich um so weniger schließen konnte, als die Nationalsozialisten und die Kommunisten bereits nur noch dem Namen nach Parteien waren, in Wirklichkeit aber Horden, und zwar Horden in Bundesgestalt und mit parlamentarischer Maske. Sie wollten Massenbewegungen sein, gaben sich vor ihren gutwilligen Anhängern das Gesicht eines Bundes und spielten nach außen die Partei, um nicht verboten zu werden.

Den Bund kennzeichnet im Aufbau die gegenseitige Verpflichtung zwischen Haupt und Gliedern, im Wesen der Geist, der sie verbindet, sei es nun ein Glaube oder auch nur eine besondere Menschlichkeit, im Sinne der freiwilligen Dienste an diesem Geiste und im Zwecke das Ziel, das er dem Haupte und den Gliedern aufgibt.

Der Horde mangelt im Aufbau die Gegenseitigkeit, im Wesen der Geist, im Sinne der freie Wille und im Zwecke das Ziel. An die Stelle der Gegenseitigkeit tritt der einseitige Gehorsam, an die Stelle des Geistes das Programm, an die Stelle des freien Willens der Zwang und an die Stelle des Zieles der erstrebte Vorteil und Nutzen, sei es des Hordenführers allein, sei es zugleich seiner Garde oder der ganzen Horde.

Die Gestalt des Bundes anzunehmen empfiehlt sich der Horde, wenn das Volk sich wieder nach Bund und Verbundenheit sehnt, weil die Lüge am besten in Gestalt der Wahrheit zu wirken vermag und von ihren abgesplitterten und selbständig genommenen Teilen allein lebt. Mit der Wahrheit zu schwindeln, ist nicht nur die beste, sondern es ist auch die einzige Art der Lüge, die Erfolg haben kann.

Und die Maske der Partei schließlich bietet sich von selber an, weil in Verfallszeiten nicht das Volk, sondern der Bürger herrscht, welcher in den Zweckverbänden der unverbindlichen Parteien sich am besten darzustellen und zu entfalten vermag. (...)

So sehen wir nicht nur an den äußeren Flügeln des Parteienhufeisens zwei offenkundige Horden in Bundesgestalt und mit scheinbündischen Gliederungen wie hier der SA oder der SS und dort dem Rotfrontkämpferbunde, sondern auch bis fast in die Mitte heran jede Partei bemüht, sich eine Horde heranzubändigen oder sich eines Bundes zu versichern. (...)

Zwischen den beiden Hordenflügeln aber kochten die Einzelgänger ihren Trank und bildete sich Bund. Hier schlugen die Flammen von rechts nach links herüber, um der Feuerzange die nötige Glut zu geben."

 

Auf den Zerfall der "Arminius"-Gruppe folgte ab Oktober 1927 die Zeitschrift "Der Vormarsch", ursprünglich ein Blatt von Kapitän Ehrhardts Wikingbund. Die Schriftleitung lag bei Ernst Jünger und Werner Lass, dem Führer der Schill-Jugend, einem ehemaligen Gefolgsmann des Freikorpsführers Roßbach mit starkem Einfluß in der HJ. Hielscher variierte hier weiterhin seine bekannten Thesen. Der "Vormarsch" wurde zum Zentrum einer bewußt provokativen Militanz. Es kam zur Bildung kleiner revolutionärer Zirkel, die über die Grenzen der Bünde und Parteien zusammenarbeiten. Engere Verbindungen unterhielt der "Vormarsch"-Kreis zur NSDAP, die sich durch ihren sozialrevolutionären Charakter zusehends von den anderen Rechtsverbänden absonderte. Unterhalb der agitatorischen Ebene verkehrte Hielscher in diversen Zirkeln, von denen vor allem der Salon Salinger zu nennen ist. Der jüdischstämmige Hans Dieter Salinger, Beamter im Reichswirtschaftsministerium und Redakteur der "Industrie- und Handelszeitung", versammelte hier einen bunt zusammengewürfelten Kreis um sich. Neben Hielscher sind hier Ernst von Salomon, Hans Zehrer, Albrecht Haushofer, Ernst Samhaber oder Franz Josef Furtwängler, die rechte Hand des Gewerkschaftsführers Leipart, zu nennen.

 

Im Frühjahr 1928 bildete Friedrich Hielscher, wohl inspiriert durch Salingers Kontaktpool und durch den Schülerkreis des Dichters Stefan George (vor allem in Aufbau und Methode), einen eigenen Zirkel um seine Person. Diesem Kreis fiel beispielsweise indirekt das Verdienst zu, den Brecht-Weggefährten Arnolt Bronnen für die revolutionäre Rechte zu gewinnen. Nach dem Rückzug Jüngers übernahm Hielscher im Juli 1928 gemeinsam mit Ernst von Salomon die Leitung des "Vormarsches", dessen Auflage auf 5000 Exemplare gesteigert werden konnte. Der NS-Studentenbund warb um den unter Studenten und Bündischer Jugend zugkräftigen Intellektuellen, um ihn als Veranstaltungsredner für sich zu gewinnen. Das Verbandsorgan der Ehrhardt-Anhänger und rechten Paramilitärs entwickelte sich zu einer übernational-antiimperialistischen Monatszeitung, die jedoch durch die wirtschaftliche Inkompetenz von Verlagsleiter Scherberning behindert wurde.

 

Dem Zeugnis Ernst von Salomons zufolge war der Hielscher-Kreis in seiner Anfangsphase jedoch ein Tummelplatz menschlicher Intrigen und Eitelkeiten. Im Herbst 1928 reagierte Hielscher auf die sich abzeichnende Bauernrevolte in Norddeutschland mit der schwächlichen Forderung nach Verminderung der Steuern und einer Agrarreform - offensichtlich hatte er das revolutionär-anarchistische Potential der entstehenden Landvolkbewegung nicht erkannt. Der verärgerte Salomon urteilte im Februar 1929: "Hielscher hat sich für mein Empfinden völlig ausgeschöpft, was er betreibt, ist Leerlauf, schade um ihn. Aber er erkennt das selber nicht, will die Dinge forcieren und erreicht dadurch erst recht nichts. Außerdem führt er einen absonderlichen Lebenswandel, der an seinen Nerven zehrt. Dabei haben die ganzen Leutchen...dickste Illusionen im Kopp..." Hielscher bilde sich ein, "man könne Politik ohne Macht, allein durch Geist und gute Verbindungen machen". Zugleich hielten die heftigen internen Auseinandersetzungen im Hielscher-Kreis mit Intrigen, Verleumdungen und Verdächtigungen an. Salomon kehrte dem "Vormarsch" daraufhin mit der Bemerkung, hier müsse noch einmal "bannig femegemordet" werden, den Rücken und schloß sich den Landvolkterroristen an.

 

Trotz eines Hitler-Verdikts gegen den "Vormarsch", der angeblich mit dem "asiatischen Bolschewismus" liebäugele, stellte sich der mächtige Gregor Strasser am 25. Oktober 1929 hinter die Gruppe. Ernst Jünger, Franz Schauwecker oder Friedrich Hielscher seien Beispiele für die steigende Tendenz, "daß der Nationalsozialismus beginnt, magnetgleich andere Kreise, andere bisher in ihrer Sphäre festgefügte, gleichwertige Geister an sich zu ziehen." Am gleichen Tag schrieb Hielscher in den "Kommenden": "Stoßen wir also bei unserer nationalistischen Arbeit auf politische Handlungen der russischen Außenpolitik, die gegen den Westen gerichtet sind, so werden wir diese Handlungen begrüßen und nach Möglichkeit fördern. Stoßen wir auf die kommunistische Ideologie selbst, die auf dem dialektischen Materialismus beruht, so werden wir ihr das idealistische Bekenntnis zur Deutschheit entgegenzustellen haben; und wir werden nicht zu vergessen haben, daß der Sozialismus, den wir wünschen, die Unterordnung der Menschen unter den nationalistischen Staat auf wirtschaftlichem Gebiet bedeutet, während der Sozialismus, den Marx anstrebt, das staatenlose, größtmögliche Wohlergehen der größtmöglichen Zahl will."

 

Im Sommer 1929 legte Hielscher die Chefredaktion des "Vormarsch" nieder, um sich einem eigenen Zeitschriftenprojekt und einem weltanschaulichen Grundlagenwerk zu widmen. Die Monatsschrift "Das Reich" sollte sich zu einem der maßgeblichen Blätter der nationalrevolutionären Szene entwickeln, in der die brillantesten Köpfe aus der Grauzone zwischen NSDAP und KPD zu Wort kamen. In der Rubrik "Vormarsch der Völker" gewährte man den antikolonialen Befreiungsbewegungen und ihren Vertretern breiten Raum, folgerichtig spielten auch vulgärgeopolitische Betrachtungen eine Rolle. Um die Jahreswende 1930/31 beteiligte Hielscher sich gemeinsam mit Jünger und Paetels Sozialrevolutionären Nationalisten an der Deutsch-Orientalischen Mittelstelle zur Förderung des antiimperialistischen Befreiungsnationalismus. Gelder beschaffte Franz Schauwecker vom Stahlhelm-nahen Frundsberg-Verlag, und neben dem altgedienten Putschisten F.W. Heinz sollte Schauwecker sich zu einem der enthusiastischsten Hielscher-Gefolgsleute entwickeln. Weitere Finanzmittel kamen vom unvermeidlichen Kapitän Ehrhardt. Die Debütausgabe des "Reiches" erschien am 1. Oktober 1930, und kein Geringerer als Ernst Jünger steuerte zur Eröffnung einen Beitrag bei.

 

Hielscher selbst schrieb in "Die letzten Jahre", Weimar und mit ihm die Wilhelminische Ordnung seien im Zerfall begriffen, es gehe wie seine Parteien bis hin zu NSDAP an Selbstzersetzung infolge von Unfähigkeit der Führer zugrunde. Die Weltwirtschaft kranke an der Weimarer Republik wie an einer unheilbaren Wunde. Asien blicke gärend auf Deutschland, von wo der Funke kommen sollte, der den letzten Sprengstoff entzündet:  "Die Versuche des Westens, von der Wirtschaft her die kommende Gefahr zu bannen, verfangen nicht mehr. Die Mächte des Ostens tasten eine jegliche nach einem neuen Halt; aber keine hat die Lösung. Niemand weiß weiter. Und in dem deutschen Raum inmitten dieser tausendfältigen Verwirrung brodelt es unaufhörlich.

Hier ist der Ort und hier liegt die Aufgabe für die Menschen des Reiches, die durch den Weltkrieg hindurchgegangen sind; des heimlichen Reiches, das inmitten der Völker sichtbare Gestalt annehmen will. Wer dem Weltkriege seine Haltung und seine Zuversicht verdankt, weiß, daß er ein Sieg des Reiches gewesen ist, den Osten erweckend, den Westen zersetzend, den Zusammenbruch des wilhelminischen Fremdkörpers vorbereitend...

Die Wissenden erkennen sich auf den ersten Blick. Sie haben einander gefunden und finden sich weiter, seitdem die Verwandlung des Weltkrieges ihr Bewußtsein erfüllt hat. Seit dieser Zeit ist die Unruhe zur Arbeit geworden und die Suche zum Entdecken...Die Menschen des unsichtbaren Kerns haben einander entdeckt. Sie rühren keinen Finger gegen den Westen, der sich imn Staat der Weimarer Verrfassung so guit wie jenseits des Atlantischen Ozeans von selbst zerstört. Was heute Erfolg heißt, ist ihnen gleichgültig. Sie haben die große Geduld.

Denn die Entscheidung, die sich heute vorbereitet, liegt tiefer als irgend eine Entscheidung der bisherigen Geschichte. An ihr sind alle Mächte beteiligt. Der Weg zu ihr ist Bekenntnis und Staatskunst zugleich. Nur wo beides ineinanderwirkt, geschieht d a s  R e i c h."

 

Neben dem "Reich" widmete Hielscher sich weiteren publizistischen Projekten, beispielsweise beteiligte er sich am 1931 von Goetz Otto Stoffregen herausgebenenen Sammelband "Aufstand - Querschnitt durch den revolutionären Nationalismus".  Im Beitrag "Zweitausend Jahre" hieß es: "Das Kennzeichen, durch welches sich unsere Geschichte von der jedes anderen Volkstums unterscheidet, ist die wechselseitige Verschlungenheit von Innerlichkeit und Macht. Unsere Innerlichkeit enthält den Willen zur Macht; und unsere Macht enthält den Willen zur Innerlichkeit." Innerlichkeit und Machtwille wurden durch den Einbruch des Christentums getrennt. Der Weg der Innerlichkeit führt von der Ursage über Mystik, Reformation und Idealismus bis hin zu Nietzsche. Der Weg der Macht wiederum verlief von Theoderich den Großen über Heinrich VI von Hohenstaufen, Gustav Adolf und Friedrich den Großen bis zu Bismarck. Die wechselseitige Bezogenheit von Innerlichkeit und Macht hatte niemals aufgehört. Immer wieder erfolgten Anläufe, die Einheit beider Begriffe herzustellen, und unter der Macht des Reiches alle germanischen Stämme zu einen. "So ist nun in dreifachem Anlauf vor aller Augen das Ziel errichtet worden, das die Macht des Reiches zu verwirklichen bestimmt ist; und es bedarf der Waffe, mit der die Deutschen das ihnen jetzt sichtbare Ziel erreichen können. Diese Waffe heißt Preußen. Preußen ist kein Stamm, sondern eine Ordnung. Es gibt nur Wahlpreußen. Aus allen Stämmen des Reiches strömen die wagemutigsten, abenteuerlichsten, kriegerischsten Herzen zusammen; es entsteht der Staat Friedrich Wilhelms I und Friedrichs des Großen."  Ziel war der Kampf gegen den westlichen Materialismus, "und gerade gegenüber diesem bereits in Deutschland eingedrungenen Gift."

"Ob Luther gegen Rom kämpft, oder ob Goethe den Beginn des Johannesevangeliums neu übersetzt: ‚Im Anfang war die Tat' - immer drängt die Innerlichkeit zum Tun; sie enthält den Willen zur Macht, die Sehnsucht, die das Amt herbeiglaubt und die Menschen zum Werke drängt.

In Nietzsche vollends wird dieser Drang zum bewußten Wollen: die Innerlichkeit erkennt ihr Getriebenwerden als Willen zur Macht." Nietzsche forderte den "ins Geistige gesteigerten Fridericianismus", bindet dieses neue Menschentum an Gestalten wie Friedrich II von Hohenstaufen und Friedrich II. den Großen. Auf Nietzsche und Bismarck folgte der Weltkrieg, der "trotz der scheinbaren Niederlage den größten Sieg bedeutet, den Deutschland jemals errungen hat". "Zum ersten Mal, seit die Erde steht, gibt es keine voneinander abgetrennten Kampffelder mehr, so wie es z.B. den ostasiatischen, den vorderasiatischen oder den Kulturkreis des Mittelmeeres gegeben hat, sondern die Erde ist ein einziges Schlachtfeld geworden, ein Chaos, in welchem alle Kräfte zugleich um den Sieg streiten, ein Chaos, das alle Kräfte durch diesen Streit verwandelt und von Grund auf umschöpft."

 

hielschercover_leitbriefe_72.jpgIm gleichen Jahr legte Friedrich Hielscher sein mit Hilfe des Frundsberg-Verlages herausgebenes Grundlagenwerk "Das Reich" nach. Ein Volk entsteht Hielscher zufolge aus der Gemeinschaft von Schicksal und Bekenntnis. Das Blut erhält seinen Rang durch eine Entscheidung und nicht durch die Biologie. Deutschtum/Deutschheit leiten sich nicht durch Abstammung und staatliche Definition, ab, sondern aus Gesinnung und Glauben. Der Reichsbegriff wird vom politischen zum religiös-metaphysischen, in der Geschichte wirkenden Prinzip einer föderativen Ordnung Europas - unter Führung des preußischen Geistes. Die Nationalstaaten sollten sich in Stämme und Landschaften auflösen, und aus diesen verkleinerten Einheiten war etwas Größeres zu schaffen, das über die Nationalstaaten hinausging.

 

Ergänzend heißt es in "50 Jahre unter Deutschen": "In Wahrheit muß...im Innern des Menschen angefangen werden, im eigenen zuerst und dann im Bunde mit denen, die des gleichen Willens sind. Aber das ist mit keiner noch so reinen Sittlichkeit zu schaffen, schon gar mit keiner Moral und vollends nicht mit Anordnungen und Vorschrift." Sondern nur der Glaube "gibt uns das Gesetz als das Gebot der Götter"

 

"Das Reich": "Die schöpferische Kraft kann nicht auf dem einen Gebiet wirken und auf dem anderen nicht. Sie kann nicht vor dem Alltag halt machen oder vor den Umständen oder der Not. Sie erfüllt den ganzen Menschen. Er mag anpacken, was er will, er mag versuchen, sich in nichtige Dinge zu flüchten: Die schöpferische Kraft folgt ihm, sie treibt ihn weiter, und am Ende erkennt er, daß alles, was er angefaßt hat und was ihm begegnet ist, notwendig und gut gewesen ist um seines Werkes willen, für das er lebt, für das er gelebt wird, das durch ihn hindurch wirkt. Darum bilden alle Menschen, hinter denen ein und dasselbe Wesen steht, nicht auf irgendwelchen einzelnen Gebieten, sondern ihr ganzes Leben hindurch, in jeder Hinsicht unabdingbar eine Einheit des Wirkens. Es müssen ein und dieselben Ereignisse sein, die sie fördern oder hemmen: ein und dieselben Begegnungen müssen für sie Tiefe oder Licht bedeuten: sie haben dasselbe Schicksal, das heißt aber: sie sind ein Volk. Kein Ding in Raum und Zeit bindet endgültig: nicht die Abstammung, nicht die Sprache, nicht die Umgebung. Dem alleine steht der einzelne frei gegenüber. Allein seine schöpferische Kraft, die seinen Willen überhaupt erst bildet, aus dem sein Wille in jedem Augenblick gebildet wird, bindet ihn notwendig, sie ist der Kern seines Wesens. Damit unterscheidet sich ein Volk von einem bloßen Abstammungsverband und von jeder Verbindung, die nur durch äußere Umstände zusammengehalten wird...Nur die seelische Besessenheit durch dieselbe schöpferische Kraft gestaltet aus einer Vielheit vertretbarer Menschen ein Volk, indem ein und dieselbe Wirklichkeit durch die Tat bezeugt wird. Das Volk ist Einheit des Bekenntnisses und des Schicksals. (...) Geduld ist die oberste Tugend dessen, der verwandeln will. Wer keine Geduld hat, erreicht nichts.

Die Entscheidung, die sich hier vorbereitet, bedeutet die vollkommene Vernichtung der heutigen Ordnungen und Güter; und es ist an der Zeit, mit jenen hoffnungslosen Gedanken aufzuräumen, die noch retten wollen, was zu retten ist. Es ist nichts mehr zu retten. Alle äußeren Gestaltungen der Gegenwart brauchen und unterstützen die westliche Verfassung des öffentlichen und des Einzellebens. Sie setzen die Heiligkeit des uneingeschränkten Eigentums voraus, den Verdienst als treibenden Anreiz des Handelns und die Wohlfahrt aller als Ziel der Gemeinschaften. Hier darf nichts gerettet werden. Die inneren Güter aber, die nicht des Westens, sondern des Reiches sind, sind unzerstörbar. Wer sie für gefährdet hält, kommt für die deutsche Zukunft nicht in Frage. Denn er glaubt nicht an sie. Wer glaubt, zweifelt nicht.

Die Vernichtung dessen, was heute besteht, ist sogar notwendig. Denn daß der Westen die Entscheidung gerade in dem Raume zwischen Rhein und Weichsel sucht, liegt an dem Rang, den dieses Gebiet innerhalb der - westlichen - Weltwirtschaft besitzt. Weil China, Indien und Rußland bereits zum größten Teile aus ihr heraus gefallen sind, darf sie Deutschland nicht auch noch verlieren, um keinen Preis. Sonst ist sie selbst verloren. Darum setzt der Untergang des Westens die Vernichtung dessenh voraus, was heute Deutschland heißt, was mit dem Wesen des Reiches nur mehr den Namen gemeinsam hat.

Die Ereignisse des Dreißigjährigen Krieges werden gering vor dieser Zukunft. Er hat die Erde noch nicht aufgerufen. Aber der Erste Weltkrieg hat es getan; und dadurch wird die Wucht der nächsten Jahre, der nächsten Jahrzehnte, der nächsten Jahrhunderte größer, als die der fünftausend Jahre bewußter Erdgeschichte, auf die wir zurückblicken können. Wer von dem Werke, das ihm obliegt, die Erhaöltung und Bewahrung überkommender Dinge erwartet, zeigt nur, daß er die Größe der Verwandlung nicht erkannt hat, in der die Völker seit 1914 leben.

Es gibt heute keine sichtbaren Werte des Reiches. Es lebt inwendig in den Herzen; oder es würde nicht leben.Zerschlagen muß das Eigentum werden, das dem Westen gehört, das den westlichen Menschen gehört. Der Westen würde längst besiegt sein, wenn er nicht die Geister der Menschen gefangen hätte, wenn nicht wirklich jeder, der um seines Vorteiles willen lebt, damit zum Werkzeuge, zum Untertan und Helfer des Westens würde. Zerschlagen muß die ständische Haltung werden, weil die hierarchische Befriedung der Stände, die - gutgläubig oder nicht gutgläubig - vom Süden her verkündet wird, nur der pax Romana, der friedevollen Herrschaft Roms sich einfügt, welche die Völker dem Heiligen Stuhle unterwirft, und weil die Ziele Roms mit denen des Westens gemeinsam auf die Erhaltung des Staates der Weimarer Verfassung gerichtet sind. Zerschlagen muß die Möglichkeit der kolonialen Ausdehnung werden, weil der Herrschaftsanspruch des Reiches nichts mit dem kolonialen Märktekampf zu tun hat, weil, nicht nur der Begriff der ‚Kolonie', sondern auch jedes koloniale Streben dem Willen zur prosperity und nicht dem Willen zur Macht dient.

Man darf gewiß sein, daß die allernächsten Jahre diese Vernichtung vorbereiten und fördern werden. Jener Gleichlauf der Selbstzersetzung des Westens und des Aufbaus der Reichszellen, jene langsame und zögernde Annäherung zweier Bahnen, die sich erst im Augenblick der Entscheidung überschneiden, deren Überschneidung der entscheidende Augenblick ist, prägt sich bereits heute - und von Tag zu Tag mehr - in der Verelendung des Volkes aus. Es wird nicht fünf Millionen, sondern fünfundzwanzig Millionen Arbeitslose geben. Es wird nicht mehr Haß und Hoffnung geben, sondern nur noch Verzweiflung und Zuversicht.

Diese Zuversicht, welche die kommende Vernichtung bejaht, glaubt an das unvernichtbare ewige Wesen des Reiches. Sie weiß, daß im Wandel der sichtbaren Geschichte immer nur die unsichtbare Wirklichkeit lebt. Sie weiß, daß eine jede Kraft des Ewigen selber unwandelbar und ewig ist, und daß kein Werk, kein schöpferisches Tun um des zeitlichen Seins willen geschieht, sondern immer und nur um der Macht des Reiches willen, welches sein zeitliches Reden und Schweigen, Tun und Stillesein, sichtbares oder verborgenes Bildnis heraufführt, wie es ihm beliebt. Das kriegerische Herz verwechselt die zeitliche Erhaltung nicht mit der göttlichen Unsterblichkeit. Es ist unsterblich und freut sich der zeitlichen Vernichtung als der Bürgschaft seiner unüberwindlichen Gewalt. Der Untergang, dem sich die Deutschen, und das heißt immer und immer wieder: die Menschen des Reiches, heute aussetzen, führt die Freiheit herauf, um die seit der ersten Schlacht des Ersten Weltkrieges gekämpft wird, die Freiheit, welcher als erwünschtes Werkzeug der Westen selber dient, dessen Griff über die Erde das Zeitalter der großen Kriege des Reiches ermöglicht."

 

5. Unterirdisch im Dritten Reich

 

Die Nationalisten alten Schlages und die KPD konnten hier begreiflicherweise nicht folgen. Ernst Niekisch urteilte: "Das ist ja nicht mehr Nationalismus". Alfred Kantorowicz erkannte in der Vossischen Zeitung am 14. September 1931 als einer der wenigen, wohin die Reise ging: Das sei weder Politik noch Philosophie, sondern Theologie. Otto-Ernst Schüddekopf bemerkt sehr treffend, die Disproportion zwischen dem engen deutschen Nationalismus des 19. Jahrhunderts und den heraufnahenden globalen Machtkämpfen suchte man im radikalen Nationalismus Weimars zu überwinden. Der Sprung in die Freiheit durch die Idee des "Reiches" der Deutschheit, die mit den Voraussetzungen des deutschen Nationalstaates nichts mehr zu tun hat - der Nationalsozialismus bedeutete demgegenüber einfach Reaktion. Kollektivistisches Denken und bolschewistische Lebensform wurden als typenbildende Kraft akzeptiert. So konnte man die alten Massenparteien aus den Angeln heben und sich selbst als die die Zukunft des Reiches bestimmende Kraft definieren.

 

Nach der NS-Machtergreifung stellte Friedrich Hielscher die Herausgabe des "Reiches" ein, um sich der unterirdischen Arbeit gegen den Hitlerismus zu widmen. Ziemlich zutreffend rechnete er mit einer Dauer des Tausendjährigen Reiches von ca. 12 Jahren, während der Großteil der nationalrevolutionären Parteigänger Hitler zu diesem Zeitpunkt nicht ernst nahm. Während Persönlichkeiten wie Schauwecker sich der neuen Ordnung anpaßten, blieben Friedrich Hielscher, die Gebrüder Jünger und Ernst Niekisch als intellektuelle Kristallisationspunkte des nationalrevolutionären Untergrundes. Der Hielscher-Zirkel entwickelte sich zu einer kleinen Untergrundzelle, zu der auch der ehemalige Ehrhardt-Adjutant Franz Liedig gehörte. Über Liedig und August Winnig hielt die Gruppe lockeren Kontakt zu oppositionellen Militärs. Verbindungen bestanden zur sozialdemokratischen Gruppe um Mierendorff, Leuschner, Haubach und Reichwein.

 

Von größerer spiritueller Bedeutung war die 1933 nach dem Umzug nach Potsdam erfolgte Gründung der Unabhängigen Freikirche UFK als heidnisch-pantheistischer Glaubensbewegung auf indogermanischer Grundlage: "Ich glaube an Gott den Alleinwirklichen. Ich glaube an die ewigen Götter. Ich glaube an das Reich." Heidnische Elemente aus der deutschen Klassik und Romantik wurden mit dem ketzerischen Pantheismus eines Johannes Scotus Eriugenas, Nietzsche und dem überlieferten keltisch-germanischen Volksglauben verknüpft zu einer sehr bald für Außenstehende äußerst schwer zu erfassenden theologischen Einheit. Die Theologie der UFK war kein statisches Gebilde, sondern wie das Reich eine dynamisch weiterzuentwickelnde Aufgabe.

 

1934 beteiligte Hielscher sich am von Curt Horzel herausgegebenen Sammelband "Deutscher Aufstand" und veröffentlichte wahrhaft prophetische Sätze: "Erster Satz: Der wilhelminische Staat hat den Krieg verloren, aber Deutschland hat ihn gewonnen.

Zweiter Satz: Deutschland hat den Krieg nicht nur dadurch gewonnen, daß es neue innere Kraftquellen erschlossen hat, sondern auch durch die Erschütterung der ganzen Erde, durch die alle Voraussetzungen aller Völker ins Wanken geraten sind.

Dritter Satz: durch die von Deutschland ausgehende Erschütterung ist es zum entscheidenden Lande auch des vor uns stehendem Zweiten Erdkrieges geworden." Diesen hatten schon Nietzsche, Trotzki und Ludendorff prophezeit. "Es leuchtet ein, daß dort, wo alle Kräfte sich überschneiden, die Entscheidung fallen muß." Der Kampf zwischen Imperialismus und Revolution wird hier ausgefochten, zwischen Bolschewismus und Hochkapitalismus, zwischen Asien und West. Deutschland als Land der Mitte sucht nach einer Synthese zwischen den Gegensätzen. Als Ausweg forderte Hielscher den Kontinentalblock Deutschland-Sowjetunion-China.

 

Eine beinahe antik anmutende Tragödie nahm ihren Anfang, als Hielschers Freund und Schüler Wolfram Sievers 1935 zum Geschäftsführer der SS-nahen Kulturstiftung Ahnenerbe avancierte. Die völkisch-indogermanischen Elitevorstellungen der Hielscher-Gruppe trafen sich durchaus mit denjenigen der SS. Hatte Hielscher sich in den Elfenbeinturm zurückgezogen, so versuchte der aktivistische Praktiker Sievers nun, das Konzept in die Tat umzusetzen und geriet außer Kontrolle. Zunächst beteiligte der Geschäftsführer sich daran, das bäuerlich-defensive Element des Reichsnährstandes aus dem Ahnenerbe hinauszudrängen und stattdessen dem soldatischen Charakter der SS-Ideologie mehr Platz zu verschaffen. Von Bedeutung war neben frühgeschichtlichen, volkskundlichen und indogermanologischen Forschungen z.B. der Versuch, die deutschen Hochschulen zwecks Schaffung eines neuen wissenschaftlichen Geistes von der Schutzstaffel infiltrieren zu lassen. Im Januar 1941 legte Sievers in einem internen Memorandum die Ziele der Erforschung von Raum, Geist und Tat des nordischen Indogermanentums dar: "Hauptziel ist es, vom Kulturellen her in Deutschland selbst das Reichsbewußtsein neu zu wecken, bezw. zu vertiefen, von dessen einstiger Größe beispielsweise ein Straßburger Münster, die Prager Burg, das Fuggerhaus auf dem Warschauer Altmarkt, die flandrischen Tuchhallen noch heute Zeugnis ablegen über Jahrhunderte hinweg, in denen das Reich schwach und im böhmisch-mährischen Raum, in den Niederlanden, im Flamentum, in der Schweiz das Gefühl der Zugehörigkeit zum Reich verloren gegangen war. Es wird notwendig sein, die Verbindungen bloß zu legen, die dennoch niemals abgerissen sind, die Überfremdung durch Kirche, Liberalismus, Freimaurerei und Judentum hinwegzuräumen und die Wiedervereinigung der Menschen germanischen Blutes im Reich zu erleichtern, das - lange seiner selbst durch internationale Ideologien entfremdet - trotz allem germanische Art am stärksten gewahrt hat."

 

Mit Kriegsausbruch verstrickte das Ahnenerbe sich in kulturelle Beutezüge im besetzten Europa und in verbrecherische Menschenversuche, die Sievers nach dem Zusammenbruch die Hinrichtung einbringen sollten. Immerhin gestattete die Tätigkeit für das Ahnenerbe ab 1937 auch Hielscher, unter dem Deckmantel wissenschaftlicher Aufträge umherzureisen und Verbindungen zu Oppositionellen zu halten. Am 2. September 1944 wurde er in Marburg wegen seiner Beziehungen zu Mitverschwörern des 20. Juli verhaftet und ins Berliner Männergefängnis an der Lehrterstraße verbracht. Die Gestapo übersah die Beziehungen zu Franz Liedig oder Hartmut Plaas und interessierte sich vor allem für die Kontakte zu Haubach, Reichwein und dem Grafen von der Schulenburg. Der alarmierte Sievers erwirkte am 19. Dezember 1944 die Haftentlassung. Hielscher mußte sich zur Frontbewährung melden, die er bei einer Ersatz-Nachrichtenabteilung verbrachte, ohne auch nur einen Schuß abzugeben. Nach dem Zusammenbruch konzentrierte Friedrich Hielscher seine wissenschaftliche und weltanschauliche Arbeit auf das studentische Verbandsleben und die Unabhängige Freikirche.

 

"Der Blick auf die Vergangenheit lehrt uns die Notwendigkeit, der Blick in die Zukunft lehrt uns die Freiheit. Die Vergangenheit zeigt, was vorgegeben, die Zukunft, was uns aufgegeben ist. Die Zeit ist weder unser Herr, noch unser Feind oder Freund, sondern die Zeit sind wir selber als die Wandelnden und sich Verwandelnden, und jeder ist es zu seinem Teile. Wer also der Zeit absagt, sagt damit entweder anderen ab oder sich selbst und seiner eigenen Aufgabe. Und zwar Anderen, die heute so herrschen, wie man nicht herrschen sollte, oder sich, indem er jenen gehorcht.

Das Zweite liegt uns fern. Und damit sind wir gebunden, der unrechten Herrschaft die Wurzel abzugraben. Also doch gebunden? Jawohl; und wir haben nur die Wahl, entweder gebunden im Gewissen und damit frei vor der Welt, oder unverbindlichen Gewissens und damit der Welt untertan zu leben.

Auch ist festzuhalten, daß die Freiheit oder Untertänigkeit vor der Welt von anderer Art ist als die Gebundenheit oder Ungebundenheit des Gewissens. Dort geht es um unsere Bewegungsfreiheit, die wir zu verteidigen oder preiszugeben uns entschließen müssen, hier um unsere Willensfreiheit, mit der wir uns an das binden oder nicht binden, was uns im Gewissen geboten ist.

Und verknüpft sind beide, die Willens- und die Handlungsfreiheit, nur insoferne, als sich über kurz oder lang der zweiten begibt, wer die erste mißbraucht." (Fünfzig Jahre unter Deutschen)

 

 

 

Literaturhinweise:

 

Peter Bahn: Glaube - Reich - Widerstand. Zum 10. Todestag Friedrich Hielschers, in: wir selbst 1-2/2000

Louis Dupeux: "Nationalbolschewismus" in Deutschland 1919-1933, München 1985

Friedrich Hielscher: Innerlichkeit und Staatskunst, Arminius 26.12.1926

Friedrich Hielscher: Der andere Weg, Arminius 30.01.1927

Friedrich Hielscher: Die Faustische Seele, Arrminius 13.02.1927

Friedrich Hielscher: Die Alten Götter, Arminius 20.02.1927

Friedrich Hielscher: Für die unterdrückten Völker! Arminius 20.03.1927

Friedrich Hielscher: Fünfzig Jahre unter Deutschen, Hamburg 1954

Friedrich Hielscher: Das Reich, Berlin 1931

Curt Hotzel: Deutscher Aufstand, Stuttgart 1934

Michael H. Kater: Das "Ahnenerbe" der SS 1935-1945. Ein Beitrag zur Kulturpolitik des Dritten Reiches, Stuttgart 1974

Markus Josef Klein: Ernst von Salomon. Eine politische Biographie, 1994 Limburg an der Lahn

Susanne Meinl: Nationalsozialisten gegen Hitler. Die nationalrevolutionäre Opposition um Friedrich Wilhelm Heinz, Berlin 2000

N.N.: Das Innere Reich, in Sturmgeweiht, Ausgabe Sommer 1995

Karl O. Paetel: Versuchung oder Chance? Zur Geschichte des deutschen Nationalbolschewismus, Göttingen 1965

Otto Ernst Schüddekopf: Linke Leute von Rechts. Nationalbolschewismus in Deutschland von 1918-1933, Stuttgart 1960

Sonnenwacht. Briefe für Heiden und Ketzer, Ausgabe 12, 2000

Goetz Otto Stoffregen (Hrsg.): Aufstand. Querschnitt durch den revolutionären Nationalismus, Berlin 1931

ZIRKULAR, Ausgaben 1 bis 3, 2001

 

 

mardi, 10 novembre 2009

La mort de Claude Lévy-Strauss

afp2005_1209828660.jpgLa mort de Claude Lévi-Strauss

Trouvé sur: http://rodionraskolnikov.hautetfort.com/

L'ethnologue Claude Lévi-Strauss est décédé en fin de semaine dernière à l'âge de 100 ans, a t-on appris mardi. Ses obsèques ont eu lieu lundi en toute intimité, à Lignerolles en Côte-d'Or. Né le 28 novembre 1908, Claude Lévi-Strauss a exercé une influence considérable sur les sciences humaines du XXè siècle. Il est notamment l'auteur de Tristes Tropiques (1955). Philosophe de formation, ce pionnier du structuralisme qui arpentait le monde pour en étudier les mythes, ce précurseur dans le domaine de l'écologie a notamment oeuvré à la réhabilitation de la pensée primitive. Voici le portrait que Pierre-Henri Tavoillot dressait du grand homme dans Le Point du 24 avril 2008 :

Jusqu'au mois d'octobre 2007, Claude Lévi-Strauss continuait à se rendre deux fois par semaine à son bureau du laboratoire d'anthropologie sociale au Collège de France. L'accès n'est pas facile ; il faut prendre un petit escalier en colimaçon. La pièce domine la bibliothèque de recherche et une large fenêtre s'ouvre sur les jeunes chercheurs qui y travaillent. Le maître les contemple et ils contemplent le maître. C'est ce "regard éloigné" et surplombant qui semble le mieux définir le grand ethnologue. L'âge n'est pas en cause, même s'il reconnaît appartenir à un autre temps : "Mon oeuvre termine une époque ; elle est encore ancrée dans le XIXe siècle". C'est surtout l'absence de toute complaisance envers son époque comme envers lui-même qui frappe chez lui : "J'ai le sentiment de n'avoir pas fait ce que j'aurais dû", avoue-t-il. Son rêve pour une vie réussie : "L'art, et surtout la musique", parce qu'"elle se suffit à elle-même" et n'a pas besoin de discours d'accompagnement. On dit que sa tétralogie sur les mythes sauvages (les quatre volumes des "Mythologiques") est composée comme un opéra ; mais "ce n'est qu'un ersatz", regrette-t-il.

Est-ce cette distance critique qui lui a permis de traverser aussi bien les époques et les modes ? Celui qui reste aujourd'hui comme le dernier monstre sacré de la grande époque structuraliste voit les hommages et les études biographiques se multiplier. La pensée de Lévi-Strauss est-elle passée dans le domaine public, s'est-elle diluée dans l'air du temps ou conserve-t-elle intacte sa puissance de séduction ?

La cause des "primitifs"

Le premier apport incontestable de Lévi-Strauss aura été de contribuer à tordre le cou à la vision ethnocentrique des civilisations telle qu'elle était encore véhiculée par la philosophie marxiste de l'histoire : les "primitifs" seraient une étape "culturellement sous-développée" de l'humanité. Aujourd'hui que la valorisation des identités et des différences culturelles est devenue un dogme, on a du mal à mesurer l'importance de cette critique. Et pourtant, sans que nous y prenions garde, le fond de cette conception n'a pas disparu, ne serait-ce que dans l'idée, spontanée, que les sociétés sauvages seraient "plus proches de la nature" que les sociétés civilisées. Que l'on perçoive l'absence de civilisation comme un défaut (idéologie du progrès) ou comme une vertu (critique de la modernité), la même idée sous-jacente est présente : les primitifs relèvent plus de la nature que de la culture. C'est contre cela que Lévi-Strauss concentre sa critique : ces sociétés ne représentent pas un stade infantile et inférieur de l'humanité-Lévy-Bruhl parlait en 1910 d'une "mentalité prélogique" -, mais des organisations complexes qui n'ont rien à envier aux nôtres en termes d'élaboration intellectuelle et culturelle. Ce sont les formes de cette culture sauvage que Lévi-Strauss va mettre au jour dans deux directions principales : l'analyse anthropologique des structures de parenté et l'analyse idéologique du récit mythologique, c'est-à-dire les faits sociaux fondamentaux et les discours collectifs qui les accompagnent.

Sociologie et idéologie des sociétés sauvages

La première entrée dans la culture sauvage s'opère par l'étude des systèmes de parenté comme base première de la reproduction sociale. Au départ de toute société et de toute culture, il y a une nomenclature des êtres sociaux classés en deux groupes : les conjoints possibles et les conjoints prohibés. L'emblème fondamental de cet ordre est la prohibition de l'inceste, comportement immuable par-delà la diversité des sociétés humaines. Lévi-Strauss y perçoit le plus petit élément culturel dans le fond naturel : "La prohibition de l'inceste, écrit-il, exprime le passage du fait naturel de la consanguinité au fait culturel de l'alliance... [...] elle est, à la fois, au seuil de la culture, dans la culture et en un sens la culture elle-même." C'est à partir de cette analyse que Lévi-Strauss construit le schéma de son maître livre : "Les structures élémentaires de la parenté" (1949).
A cette première approche de la culture sauvage viendra s'ajouter l'étude des discours mythologiques qui lui donnent sens : tel est l'objet de "La pensée sauvage" (1962), puis, à partir de 1964, des quatre volumes des "Mythologiques", pour lesquels il recueille un matériau ethnographique considérable de récits amérindiens. Là encore, Lévi-Strauss va s'attacher à mettre au jour des structures fondamentales, les "mythèmes", éléments d'une grammaire des mythes qui lui permettront d'envisager une interprétation d'ensemble. Leur fonction principale, montre-t-il, est de raconter et de mettre en scène la différence entre la nature et la culture. Ainsi va-t-il repérer comment les récits mythiques apportent l'explication de l'origine de la cuisson des aliments, opération culturelle par excellence puisqu'il s'agit de faire passer les aliments du cru au cuit (culture) en évitant la dégradation du cru au pourri (nature). Le message mythologique n'est plus du tout anecdotique ou seulement pittoresque ; il est essentiel, voire vital : la vie humaine et sociale doit se préserver de deux dangers également menaçants, celui d'une nature sans culture (où tout serait voué au pourrissement) et celui d'une culture sans nature (où les ressources se tariraient ou brûleraient du feu de la technique). Les deux excès conduiraient inexorablement à la famine et à la disparition. Le mythe raconte à la fois cette fragilité et la nécessité de maintenir cet équilibre instable : bref, une forme de vision du monde et... de sagesse.

Critiques et controverses

On comprend que cette oeuvre vaste, située au carrefour des sciences de la nature et des sciences humaines, repoussant la version sclérosée de la philosophie pour mieux en assumer les interrogations fondamentales, ait autant fasciné. On comprend aussi qu'elle ait suscité tant de contestations, qui aujourd'hui s'effacent dans l'unanimité de l'hommage. Rappelons-en pourtant les quatre principales.

Il y aurait d'abord chez lui une certaine forme de scientisme. Et, en effet, la volonté de mettre de l'exactitude dans les sciences, dites "molles", de l'homme et de la société rattache Lévi-Strauss à la tradition sociologique française qui, d'Auguste Comte à Emile Durkheim, a caressé le projet de traiter "les faits sociaux comme des choses" . Le danger pourtant est clair : à vouloir fonder l'objectivité des sciences de l'homme sur le modèle des sciences de la nature, ne court-on le risque de perdre ce qui fait la spécificité du monde humain, fait d'intentions, de choix, bref, de liberté ? Pourtant, avec le recul, Lévi-Strauss se défend de cette prétention : sans illusion sur la possibilité de parvenir à une "physique sociale", il souhaitait à l'époque "contribuer plus modestement à mettre un peu d'ordre" dans les sciences humaines et surtout à les rendre autonomes d'une philosophie idéaliste et abstraite, qu'il a toujours détestée : "La philosophie , écrivait-il dans "L'homme nu" [1971], a trop longtemps réussi à tenir les sciences humaines emprisonnées dans un cercle, en ne leur permettant d'apercevoir pour la conscience d'autre objet d'étude que la conscience elle-même [...] Ce qu'après Rousseau, Marx, Durkheim, Saussure et Freud cherche à accomplir le structuralisme, c'est dévoiler à la conscience un objet autre : donc la mettre, vis-à-vis des phénomènes humains, dans une position comparable à celle dont les sciences physiques et naturelles ont fait preuve qu'elle seule pouvait permettre à la connaissance de s'exercer."

Deuxième reproche fait à son oeuvre : l'oubli de l'Histoire. En insistant sur les structures éternelles, le structuralisme aurait contribué à dénier toute espèce d'importance à la succession des événements : "La mythologie comme la musique sont des machines à supprimer le temps" , écrivait-il dans "Le cru et le cuit" (1964). Lévi-Strauss refuse pourtant cette objection : "Rien ne me passionne davantage que l'histoire ; c'est même l'objet principal de mon activité de lecteur." En fait, ce qu'il visait alors, c'était moins l'histoire comme récit de la contingence des faits passés que la philosophie idéaliste de l'Histoire qui régnait alors, c'est-à-dire cette espèce de prophétisation de l'advenu, fondée sur ce raisonnement spécieux : il était nécessaire que cela arrivât, la preuve, c'est arrivé !

L'accusation de relativisme lui a été faite à la suite de sa conférence sur " Race et Histoire " prononcée en 1951 à la tribune de l'Unesco. On lui reprochait alors de confondre dans une même dénonciation impérialisme et universalisme et d'interdire ainsi la constitution d'un cadre juridique commun à l'humanité. Voici comment il évaluait quelques années plus tard cette prise de position : "J'ai commencé à réfléchir à un moment où notre culture agressait d'autres cultures dont je me suis alors fait le défenseur et le témoin. Maintenant, j'ai l'impression que le mouvement s'est inversé et que notre culture est sur la défensive vis-à-vis des menaces extérieures, parmi lesquelles figure probablement l'explosion islamique. Du coup je me sens fermement et ethnologiquement défenseur de ma culture" (propos recueillis par Dominique-Antoine Grisoni, "Un dictionnaire intime", in Magazine littéraire , hors-série, 2003).

Il admet en revanche la dernière critique, celle qui relève son puissant pessimisme. A ses yeux, rien n'invite à se réjouir : le spectacle de la disparition corps et biens du continent mythologique, des sociétés sauvages et de pans entiers de la culture humaine n'est guère propice à une vision euphorique du devenir humain. Pas plus que la frénésie civilisationnelle de l'homme contemporain à augmenter sa propre puissance et sa propre maîtrise. Après le crépuscule des dieux, celui des hommes serait-il venu ?

On le perçoit, à travers ces polémiques, l'oeuvre de Lévi-Strauss est riche, ample et protéiforme. Si elle a tracé son sillon sans tenir compte de l'air du temps et parfois à contre-courant, elle l'a aussi profondément influencé. Sans doute est-il encore trop tôt pour mesurer sa postérité, mais l'on peut être, à cet égard tout au moins, raisonnablement plus optimiste que son auteur.

lepoint.fr

http://www.lepoint.fr/culture/2009-11-03/la-mort-de-claud...

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L'ironie de Diogène à Michel Onfray

diogenes.pngArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1999

Introduction au thème de l'ironie:

L'ironie de Diogène à Michel Onfray

 

Dans la philosophie grecque et européenne, toute démarche ironique trouve son point de départ dans l'ironie socratique. Celle-ci vise à aller au fond des choses, au-delà des habitudes, des conventions, des hypocrisies ou des vérités officielles. Les conventions et les vérités officielles sont bourrées de contradictions. L'ironie consiste d'abord à laisser discourir le défenseur des vérités officielles, un sourire aux lèvres. Ensuite, lui poser des questions gênantes là où il se contredit; faire voler en éclats son système de dogmes et d'idées fixes. Amener cet interlocuteur officiel à avouer la vanité et la vacuité de son discours. Telle est l'induction socratique. Son objectif: aller à l'essentiel, montrer que le sérieux affiché par les officiels est pure illusion. Nietzsche, pourtant, autre pourfendeur de conventions et d'habitudes, a raillé quelques illusions socratiques. Ce sont les suivantes: croire qu'une vertu est cachée au fond de chaque homme, ce qui conduit à la naïveté intellectuelle (a priori: nul n'est méchant); imaginer que la maïeutique et l'induction peuvent tout résoudre (=> intellectualisme); opter pour un cosmopolitisme de principe (Antisthène, qui était mi-Grec, mi-Thrace, donc non citoyen de la ville, disait, moqueur, que les seuls Athéniens purs, non mélangés, étaient les escargots et les sauterelles). Il n'empêche que ce qui est vérité ici, ne l'est pas nécessairement là-bas.

 

Pour nous, le recours à l'ironie socratique n'a pas pour objet d'opposer une doctrine intellectuelle à une autre, qui serait dominante mais sclérosée, ou de faire advenir une vertu qui se généraliserait ou s'universaliserait MAIS, premièrement, de dénoncer, démonter et déconstruire un système politique et un système de références politiques qui sont sclérosés et répétitifs; deuxièmement, d'échapper collectivement à toutes les entreprises de classification et, partant, d'homologation et de sérialisation; troisièmement, d'obliger les hommes et les femmes qui composent notre société à retrouver ce qu'ils sont au fond d'eux-mêmes.

 

Nietzsche critique Socrate

 

Mais comme Nietzsche l'avait vu, la pensée de Socrate peut subir un processus de fixation, à cause même des éléments d'eudémonisme qu'elle recèle et à cause des risques d'intellectualisation. Après Socrate viennent justement les Cyniques, qui échappent à ces écueils. Le terme de “Cyniques” vient de kuôn (= chien). Le chien est simple, ne s'encombre d'aucune convenance, aboie contre l'hypocrisie, mord à pleines dents dans les baudruches de la superstition et du conformisme.

 

Première élément intéressant dans la démarche des Cyniques: leur apologie de la frugalité. Pour eux, le luxe est un “bagage inutile”, tout comme les richesses, les honneurs, le plaisir et la science (le savoir inutile). La satisfaction, pour les Cyniques, c'est l'immédiateté et non un monde “meilleur” qui adviendra plus tard. Le Cynique refuse dès lors de “mettre sa sagesse au service des sots qui font de la politique”, car ces sots sont 1) esclaves de leurs passions, de leurs appétits; 2) esclaves des fadaises (idéologiques, morales, sociales, etc.) qui farcissent leurs âmes. Les Cyniques visent une vie authentiquement naturelle, libre, individualiste, frugale, ascétique.

 

La figure de proue des Cyniques grecs à été Diogène, surnommé quelquefois “le Chien”. On retient de sa personnalité quelques anecdotes, comme sa vie dans un tonneau et sa réplique lors du passage d'Alexandre, qui lui demandait ce qu'il pouvait faire pour lui: «Ote-toi de mon soleil!». Le Maître de Diogène a été Antisthène (445-365). Antisthène rejetait la vie mondaine, c'est-à-dire les artifices conventionnels et figés qui empêchent l'homme d'exprimer ce qu'il est vraiment. Le danger pour l'intégrité intellectuelle de l'homme, du point de vue d'Antisthène, c'est de suivre aveuglément et servilement les artifices, c'est de perdre son autonomie, donc le contrôle de son action. Si l'on vit en accord avec soi-même, on contrôle mieux son action. Le modèle mythologique d'Antisthène est Héraklès, qui mène son action en se dépouillant de toutes les résistances artificielles intérieures comme extérieures. L'eucratia, c'est l'autarkhia. Donc, avec Antisthène et Diogène, on passe d'une volonté (socratique) de gouverner les hommes en les améliorant par le discours maïeutique, à l'autarcie des personnes (à être soi-même sans contrainte). L'objectif d'Antisthène et de Diogène, c'est d'exercer totalement un empire sur soi-même.

 

Contre les imbéciles politisés, l'autarcie du sage

 

Diogène va toutefois relativiser les enseignements d'Antisthène. Il va prôner:

- le dénuement total;

- l'agressivité débridée;

- les inconvenances systématiques.

Le Prof. Lucien Jerphagnon nous livre un regard sur les Cyniques qui nous conduit à un philosophe français contemporains, Michel Onfray.

Première remarque: le terme “cynique” est péjoratif aujourd'hui. On ne dit pas, explique Jerphagnon: «Il a dit cyniquement qu'il consacrait le quart de ses revenus à une institution de charité»; en revanche, on dit: «Il a dit cyniquement qu'il détournait l'argent de son patron». Dans son ouvrage d'introduction à la philosophie, Jerphagnon nous restitue le sens réel du mot:

- être spontané et sans ambigüité comme un chien (pour le meilleur et pour le pire).

- voir l'objet tel qu'il est et ne pas le comparer ou le ramener à une idée (étrangère au monde).

Soit: voir un cheval et non la cabbalité; voir un homme et non l'humanité. Quand Diogène se promène en plein jour à Athènes, une lanterne à la main et dit aux passants: «Je cherche un homme», il ne dit pas, pour “homme”, anèr (c'est-à-dire un bonhomme concret, précis), mais anthropos, c'est-à-dire l'idée d'homme dans le discours platonicien. Diogène pourfend ainsi anticipativement tous les platonismes, toutes les fausses idées sublimes sur lesquelles vaniteux, solennels imbéciles, escrocs et criminels fondent leur pouvoir. Ainsi en va-t-il de l'idéal “démocratique” proclamé par la démocratie russe actuelle, qui n'est qu'un paravent de la mafia, ou des idéaux de démocratie ou d'Etat de droit, couvertures des mafiacraties belge, française et italienne. Dans les démocraties modernes, les avatars contemporains de Diogène peuvent se promener dans les rues et dire: «Je cherche un démocrate».

 

Jerphagnon: «La leçon de bonheur que délivrait Diogène (...): avoir un esprit sain, une raison droite, et plutôt que de se laisser aller aux mômeries des religions, plutôt que d'être confit en dévotion, mieux vaut assurément imiter les dieux, qui n'ont besoin de rien. Le Sage est autarkès, il vit en autarcie» (p. 192).

 

Panorama des impertinences d'Onfray

 

Cette référence au Cyniques nous conduit donc à rencontrer un philosophe irrévérencieux d'aujourd'hui, Michel Onfray. Dans Cynismes. Portrait d'un philosophe en chien (1990), celui-ci nous dévoile les bases de sa philosophie, qui repose sur:

- un souci hédoniste (en dépit de la frugalité prônée par Antisthène, car, à ses yeux, la frugalité procure le plaisir parce qu'elle dégage des conventions, procure la liberté et l'autarcie).

- un accès aristocratique à la jouissance;

- un athéisme radical que nous pourrions traduire aujourd'hui par un rejet de tous les poncifs idéologiques;

- une impiété subversive;

- une pratique politique libertaire.

 

Dans La sculpture de soi. La morale esthétique (1993), Onfray parie pour:

- la vitalité débordante (on peut tracer un parallèle avec le vitalisme!);

- la restauration de la “virtù” de la Renaissance contre la vertu chrétienne;

- l'ouverture à l'individualité forte, à l'héroïsme;

- une morale jubilatoire.

 

Dans L'Art de jouir. Pour un matérialisme hédoniste (1991), Onfray s'insurge, avec humour et sans véhémence, bien sûr, contre:

- la méfiance à l'égard du corps;

- l'invention par l'Occident des corps purs et séraphiques, mis en forme par des machines à faire des anges (=> techniques de l'idéal ascétique). Le parallèle est aisé à tracer avec le puritanisme ou avec l'idolâtrie du sujet ou avec la volonté de créer un homme nouveau qui ne correspond plus à aucune variété de l'homme réel.

Il démontre ensuite que ce fatras ne pourra durer en dépit de ses 2000 ans d'existence. Onfray veut dépasser la “lignée morale” qui va de Platon à nos modernes contempteurs des corps. Onfray entend également réhabiliter les traditions philosophiques refoulées: a) les Cyrénaïques; b) les frères du Libre-Esprit; c) les gnostiques licencieux; d) les libertins érudits; etc.

 

Dans La raison gourmande (1995), Onfray montre l'incomplétude des idéaux platoniciens et post-platoniciens de l'homme. Cet homme des platonismes n'a ni goût ni olfaction (cf. également L'Art de jouir, op. cit.). L'homme pense, certes, mais il renifle et goûte aussi (et surtout!). Onfray entend, au-delà des platonismes, réconcilier l'ensemble des sens et la totalité de la chair.

 

Conclusion: nous percevons bel et bien un filon qui part de Diogène à Onfray. Un étude voire une immersion dans ce filon nous permet à terme de détruire toutes les “corrections” imposées par des pouvoirs rigides, conventionnels ou criminels. Donc, il faut se frotter aux thématiques de ce filon pour apprendre des techniques de pensée qui permettent de dissoudre les idoles conceptuelles d'aujourd'hui. Et pour organiser un “pôle de rétivité”.

 

Robert STEUCKERS.

 

Bibliographie:

Sur Socrate et les Cyniques en général:

- Lucien JERPHAGNON, Histoire de la pensée. Antiquité et Moyen Age, Tallandier, 1989.

- Yvon BELAVAL, «Socrate», in: Brice PARAIN (éd.), Histoire de la philosophie 1. Orient - Antiquité - Moyen âge, Encyclopédie de la Pléiade, Gallimard, 1969.

- Jean BRUN, Socrate, PUF, 1960-1988.

- Jean BRUN, «Les Socratiques», in: Brice PARAIN (éd.), Histoire de la philosophie 1. Orient - Antiquité - Moyen âge, Encyclopédie de la Pléiade, Gallimard, 1969.

- Lambros COULOUBARITSIS, Aux origines de la philosophie européenne. De la pensée archaïque au néoplatonisme, De Boeck-Université, Bruxelles, 1994.

- Vladimir GRIGORIEFF, Philo de base. Le miracle grec. Les défis religieux. Réforme et révolution. Le 20° siècle, Marabout, Verviers, 1983.

 

Ouvrages de Michel Onfray:

- Michel ONFRAY, Cynismes. Portrait du philosophe en chien, Grasset, 1990.

- Michel ONFRAY, La sculpture de soi. La morale esthétique, Grasset, 1993.

 

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lundi, 09 novembre 2009

Promotie over Heidegger en Jünger

Promotie over Heidegger en Jünger  bereidt nieuw soort denken voor

Voorsprong na techniek

Thomas Blondeau / http://www.vincentblok.nl/


Afgelopen week promoveerden twee filosofen aan wat gekscherend wel eens de ‘Leidse Heideggerschool’ genoemd wordt.  Mare sprak met één van hen. Dr. Vincent Blok over zijn proefschrift dat in een confrontatie tussen schrijver Ernst Jünger en filosoof Martin Heidegger een omwenteling van de menselijke bestaanswijze voorbereidt.

martin-heidegger_1207721773.pngDe Duitse filosoof Martin Heidegger (1889 – 1976) zag zich vanaf het allereerste begin van zijn denken, geconfronteerd met de alomtegenwoordigheid van de techniek. Zijn inzet is geweest om een antwoord op het wezen ervan te formuleren.

De Duitse schrijver Ernst Jünger (1895 – 1998) formuleerde in zijn boek Der Arbeiter hoe het mensenslag van de arbeider in een technische wereld nihilisme kan overwinnen en de ontdekker kan zijn van nieuwe filosofische horizonten.

In zijn proefschrift Rondom de vloedlijn. Filosofie en kunst in het machinale tijdperk, een confrontatie tussen Heidegger en Jünger dat verleden week verdedigd werd, betoogt dr. Vincent Blok in navolging van Heidegger dat techniek alomtegenwoordig is en geen uitzondering toelaat. Ook protest tegen deze heerschappij is doortrokken van techniciteit. Wil de mens kunnen nadenken over techniek zonder ermee samen te vallen, dan moet worden gevraagd naar onze methode van spreken. Hier komt de filosofie van Heidegger en het dichten van Jünger om de hoek kijken. Hoewel het stellen van vragen in techniek gemarineerd is, toch een paar vragen aan Blok.

Wat heeft u bewogen tot het schrijven van dit proefschrift?

‘Vroeger begreep ik mijn eigen doen en laten in termen van het anti-imperialisme. Ik zat in de kraakbeweging en hielp mee met acties tegen de Zuid-Afrikaanse apartheid. Aan mijn anti-imperialistische houding lag de ervaring van de principiële “onwaarheid” van het imperialisme ten grondslag, en het ideaal van een alternatieve bestaanswijze die niet aan machtsuitoefening gebonden was. Als je op een gegeven moment bemerkt dat het imperialisme van bedrijven en staten een politiek-economische vertaling is van de struggle for existence als aard van het leven, dan is het anti-imperialisme geen reële optie meer. Ook het anti-imperialistisch verzet is dan doortrokken van de struggle for existence, dus van imperialisme. De ‘onwaarheid’ van het imperialisme kan dan alleen nog worden getoetst door de filosofische vraag naar het wezen van de macht. Zo ben ik tot mijn bezinning op het wezen van het imperialisme in het proefschrift gekomen.’

Martin Heidegger
Kun je de vraag van het proefschrift samenvatten in hoe men in het tijdperk van de techniek nog kan denken en dichten?

‘Als je vraagt naar het wezen van de macht, dan is niet duidelijk hoe je spreekt. Een uitspraak over het wezen van de macht die zelf van machtswellust doortrokken is, heeft haar onderwerp al in de rug. Ik kan dit misschien illustreren aan de hand van een voorbeeld.

‘Als ik zeg: “de huidige tijd is van een diepe slaap doortrokken”, dan heb ik twee mogelijkheden. Ofwel mijn uitspraak behoort tot de slaperige tijd, waarmee ze het risico loopt zelf slaperig en daarmee onwaar te zijn. Ofwel mijn uitspraak behoort niet tot de slaperige tijd, wat de uitspraak daarover ondermijnt. Klaarblijkelijk is de tijd niet zo slaperig, want deze uitspraak erover staat er buiten.

‘Hier ligt dan ook de grond om aan te sluiten bij het denken van Heidegger. Hij pretendeert een methode van denken te hebben gevonden die kan nadenken bij de techniek zonder ermee samen te vallen en zonder een alternatief of uitweg te zoeken. Het zijn de Leidse filosofen van Dijk en Oudemans geweest, die dit methodische karakter van het denken van Heidegger hebben opgenomen en tot zwaartepunt van het hedendaagse filosofisch nadenken hebben verklaard. Dat wordt dan wel eens gekscherend de Leidse Heideggerschool genoemd.’

Rondom de vloedlijn is de titel van het proefschrift. Waarom? Vanwege de ambiguïteit die het uitdrukt?

‘Het vervelende van een methodisch denken is dat het ook direct voor dit interview opgaat. Ik bemerk bij mijzelf de tendens om verhaaltjes op te hangen. Daar kan de filosofie natuurlijk niet in bestaan. Ik zal toch iets proberen te zeggen.

‘Uw vraag is welke ambiguïteit het woord ‘vloedlijn’ uitdrukt. Een antwoord op die vraag stelt die ambiguïteit voor, dat wil zeggen dat ze present wordt gesteld voor de lezer. Daarmee is de ambiguïteit zelf bij voorbaat al vernietigd en opgeheven. Wat is dat voor tendens in al onze vraag- en probleemstellingen, dat ze erop zijn aangelegd de zaken te verhelderen en beschikbaar te stellen? In die zucht tot presentie – en dat is wat techniek is - onttrekt zich de ambiguïteit, zo zou je kunnen zeggen.

‘Precies die verhouding tussen presentie en onttrekking speelt bij een vloedlijn. Een vloedlijn markeert niet de hoogste lijn van het water op het strand. In de vloedlijn onttrekt de vloed zich door achterlating van een lijn van schelpen en strandresten. Aan de vloedlijn kun je het afscheid van de vloed bemerken, zonder dat je daarover uitspraken kunt doen. Vandaar dat je alleen kunt verkeren in de nabijheid, rondom de vloedlijn. Daarmee is de aard van het methodische denken bij de techniek aangeduid.’

In uw proefschrift noemt u het werk van Jünger ‘dichten’? Zijn werk bestaat toch niet uit gedichten?

‘Jünger noemt zijn eigen manier van spreken Dichtung in zijn hoofdwerk Der Arbeiter. Ik benadruk dit omdat in zijn spreken een ambiguïteit schuilgaat. Heidegger zegt dat Jünger van voor tot achter schatplichtig is aan de metafysica van de wil tot macht bij Nietzsche.

‘Hoewel hij gelijk heeft in zijn plaatsbepaling van Jünger, ziet hij daarmee de andere zijde van Der Arbeiter over het hoofd, namelijk het dichterlijke van de gestalte van de arbeider. Waarom zou dit dichten niet thuishoren in het voor- en daarmee presentstellen?

j%C3%BCnger+heidegger.JPG‘Jünger zegt bijvoorbeeld dat de gestalte van de arbeider zoals die in het boek naar voren komt, niet is en ook niet van deze wereld is. Daarmee wordt duidelijk dat Jünger in Der Arbeiter de gestalte niet voorstelt. Hoe spreekt Jünger dan wel? Op een gegeven moment zegt Jünger dat “de heerschappij van de gestalte in wezen al is gerealiseerd maar nog uit haar anonimiteit te voorschijn moet worden gehaald”.

‘Daarmee wordt duidelijk waar het in Der Arbeiter om draait, namelijk het dichten als naamgeving. Dat is een mogelijke weg van de kunst in ons technisch tijdperk.’

U zegt dat het dichten en denken van Jünger en Heidegger in het teken van een overgang van de menselijke bestaanswijze bestaat. Waarin bestaat die overgang? En zag Heidegger die niet op een gegeven moment in het nationaal-socialisme?

‘Heidegger zegt dat wij de vanzelfsprekende bepaling van de mens als het denkende subject moeten verlaten, willen wij oog krijgen voor ‘onze verhouding tot het wedervarende’, de betrekking die altijd al bij voorbaat onze omgang met de dingen structureert. Voor het subject is elke bepaling subjectief of objectief, terwijl hij geen oog heeft voor de subject-objectverhouding die zijn bestaanswijze bij voorbaat altijd al heeft getekend.

‘Deze omwenteling van de menselijke bestaanswijze is niet zondermeer door te voeren. Ze is niet een beslissing van de mens als het denkende subject, maar vergt volgens Heidegger een ‘Anspruch’ (=appel, TB) die door het denken alleen kan worden voorbereid.’

In de jaren dertig dacht hij dat het moment van de omwenteling aangebroken was. Nadat hij rond 1938 inzag dat de nationaal-socialistische revolutie van Hitler niets te maken had met de door hemzelf beoogde omwenteling, verschoof hij haar naar een übernächste Generation. In dat opzicht is ook mijn eigen denken in het proefschrift voorbereidend van aard.’

Gaat u ervan uit dat in deze ‘tijd van onbehagen’ een absoluut nihilisme heerst? Probeert u op deze toestand een antwoord te formuleren?

‘U wijst met deze zinsnede op de titel van het boek van Ad Verbrugge. Wat hij cultuurverlies noemt en de heerschappij van het consumentisme, wijst op de ervaring van het nihilisme als onze ‘Normalzustand’. Ik deel zijn intuïtie van de ‘onwaarheid’ van de mens als consument van harte. Voor mij is evenwel de vraag waar in de wereld je bevestiging voor deze intuïtie kunt vinden. Ik ervaar geen tijd van onbehagen, want het nihilisme reikt zo ver dat het de cultuurkritiek evoceert en ook de oplossing voor elk onbehagen aanreikt. Voor mij speelt hier primair het methodische vraagstuk hoe ik kan nadenken bij het nihilisme.

‘Ik mag dat misschien illustreren aan de hand van het boek van Verbrugge. Hij wijst op onze wereld van de consumentistische behoeftebevrediging en zegt tezelfdertijd dat ‘in de mens de behoefte leeft aan een ‘zin’ die groter is dan hijzelf. Mijn vraag is dan of deze behoefte aan zin nu weer onderdeel uitmaakt van de behoeftebevrediging? ‘Is die gemeenschapszin als gedeelde dimensie er, of is het een bevredigde consumentistische behoefte? Volgens mij zou het verschil tussen zijn authentieke vraagstelling en de consumentistische behoeftebevrediging daarin moeten bestaan, dat hij uitziet naar een zin die als zodanig verre is, om zo de nabijheid ervan te ontberen. ‘Dit ontberen kent de consumentistische behoeftebevrediging niet. Die blijft nimmer onbevredigd achter en slokt alles op in een alomtegenwoordige beschikbaarheid.

Ik hoop dat hiermee duidelijk wordt waar voor mij het zwaartepunt ligt. Het is jammer dat die titel op de achterflap van mijn boek is gekomen, want ik wil mijn eigen denken helemaal niet in oppositie met Verbrugge gedefinieerd zien.’

Dit boek is een must voor kunstenaars, filosofen en anderen die vragen wat de mens vermag in ons machinale tijdperk.’ Dat staat te lezen in de perstekst die uw promotie begeleidt. Waarom is het boek een must?

‘Ik verwees net naar het nihilisme als onze ‘Normalzustand’. Ik geloof niet dat de vraag daarnaar minder speelt in de kunsten dan in de filosofie. Mijn boek onderscheidt zich doordat het geen alternatieven zoekt maar een nuchtere confrontatie zoekt met de techniek. Het laat zien wat filosofie en kunst vermag in ons technisch tijdperk en schetst daartoe een weg van het denken en een weg van de kunst en confronteert die met elkaar.’

In uw nawoord schrijft u dat de Amerikaanse bombardementen op Irak en de Al-Qaida aanslagen secundair zijn ten opzichte van de vraag naar het filosofische principiële, de semantische grond ervan. Is het niet schizofreen om dat te moeten zeggen, terwijl u tegelijkertijd in uzelf de neiging bespeurt om zich af te vragen of dergelijke aanslagen niet het teken zijn van ‘een breuk tussen de Westerse beschaving en een nieuw barbarendom’?

‘Een schizofrenie duidt op een gespletenheid, waarbij de remedie gevonden wordt in de opheffing ervan. Daardoor ontstaat eenheid en helderheid. In de filosofie gaat het erom empirisch te blijven, dat wil zeggen dat ik bij die gespletenheid zelf blijf zonder hem op te willen heffen. Nu is de vraag of ik niet evengoed de gespletenheid ophef door de aanslagen van Al-Qaida tot een secundair verschijnsel te reduceren. Voor mij is volstrekt duidelijk dat de heftigheid van de aanslagen van 11 september slechts aangeven hoezeer de islamitische samenleving wordt bedreigd – uiteindelijk wil ook elke Afghaan een televisie en een koelkast. Maar afgezien van dit voorbeeld heeft u wel een punt. Het is de vraag of het filosofisch principiële noodzakelijkerwijze de reductie van de ‘zijnden’ tot secundaire verschijnselen impliceert. Ik herinner mij dat Heidegger ergens spreekt van een aanval op het wezen van de mens door de middelen van de techniek, dat wil zeggen technische instrumenten. Daar zouden we ons verder op moeten bezinnen.’

Van dit stuk verscheen een kortere versie in de papieren versie van Mare 29.

Vincent Blok
Rondom de vloedlijn, Uitgeverij Aspekt. € 22,95
Te bestellen via
www.vincentblok.nl
Promotie was 20 april