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lundi, 23 septembre 2019

Fred Reed et la débandade militaire américaine

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Fred Reed et la débandade militaire américaine

Par Nicolas Bonnal

Source nicolasbonnal.wordpress.com

L’effondrement de nos libertés accompagne notre déclin intellectuel moral, militaire, économique. Nous ne sommes bons qu’à détruire les restes de notre civilisation. Il n’y a plus de socialisme, plus de capitalisme, juste un système infect – un ultra-capitalisme bonimenteur et gaspilleur – bon à creuser des dettes immondes pour remplacer ses populations et saccager des vies. Notre hyper-apocalypse n’offre même pas la grandeur épique dont nous eussions rêvé en des temps plus reculés. C’est un environnement crade qui se contente de ruiner la qualité de la vie tout en doublant le prix de tout à chaque instant.

Il faudra écrire un livre sur le rôle de la technologie, arrogante, puérile, envahissante, dans le déclin de la civilisation technicienne occidentale. Déclin des transports, du nucléaire, de la construction, de la pharmacie, de l’espace, de l’alimentation… Depuis les années 70, la technologie américaine infantilise d’un côté (les jeux, « l’information ») et de l’autre elle rend vicieuse des élites qui copient les investisseurs qui ont remplacé l’industrie par l’agiotage. La technologie a tué le cinéma dont les effets spéciaux sont devenus ridicules, comme ceux des Marvel-Mossad comics. Et ce n’est pas avec des sabres laser que nos zélés infantilisés mettront au pas russes, iraniens, chinois ; déjà qu’on pleurniche avec le Yémen ou le Hezbollah…

Il faut évoquer les deux historiens impériaux Samuel Huntington et Victor Davis Hanson. Car on assiste à la fin du « monopole de la violence » occidentale, de sa « culture du carnage » qu’Hanson fait remonter aux guerres médiques. Mais Hanson oublie la victoire des Parthes contre Crassus (lisez sa vie par Plutarque) et la chance historique contre les mongols qui firent demi-tour (Batu khan) pour des raisons familiales avant de raser de près le petit cap asiatique. Quant à Huntington toujours mal lu, il affirmait que l’occident s’était imposé par sa violence organisée (« superiority in applying organized violence »), pas par la supériorité ontologique de sa civilisation…

Fred Reed s’est magnifiquement défoulé sur unz.com, alors on va le laisser parler. Fred Reed rappelle sa carrière :

Pendant quelques décennies, j’ai couvert les questions militaires pour diverses publications, comme le Washington Times et Harper’s, et j’ai tenu une chronique militaire pour le Universal Press Syndicate. Je suivais le principe bien connu des journalistes avisés : « Ne demandez pas ce que vous pouvez faire pour le journalisme, mais ce que le journalisme peut faire pour vous. » Vivre au rythme militaire était un excellent passe-temps, permettant de voler dans des avions de combat et de naviguer dans des sous-marins. Mais si vous prenez l’étude au sérieux, comme je l’ai fait, vous apprenez des choses intéressantes. Comme par exemple le fait qu’une guerre contre un « vrai » pays, comme la Russie, la Chine ou même l’Iran, serait une aventure insensée.

Reed évoque la sinistre fonction de l’armée US :

Les armées inutilisées se détériorent. La flotte américaine n’est plus entrée en guerre depuis 1945, ni l’armée de l’air depuis 1975, ni l’infanterie dans une vraie guerre depuis le Vietnam. Le bombardement de paysans sans défense, la principale fonction de l’armée américaine, n’est pas la guerre.

Sur la conscription, Reed souligne une débandade morale :

Les États-Unis ne peuvent pas mener une grande guerre terrestre, comme par exemple contre la Russie, la Chine ou l’Iran. Une telle guerre nécessiterait de recourir à la conscription. Le public ne l’accepterait pas. Les États-Unis ne jouissent plus du genre d’unité patriotique qu’ils avaient au début de la guerre contre le Vietnam. De lourdes pertes seraient intolérables. Les gens d’aujourd’hui sont beaucoup plus disposés à désobéir au gouvernement fédéral. Notez que de nombreux États ont légalisé le cannabis au mépris de la loi fédérale et que de nombreuses juridictions du pays refusent tout simplement d’aider les autorités fédérales en matière de lois sur l’immigration. Toute tentative d’envoyer des femmelettes au combat entraînerait une désobéissance civile généralisée.

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Sur la marine US devenue invalide, il dit :

Un porte-avion est une vessie de carburéacteur enrobant de puissants explosifs. Les implications sont considérables. Un missile balistique hypersonique plongeant, guidé en phase terminale, perforant le poste de pilotage et explosant dans le pont du hangar, enverrait n’importe lequel d’entre eux dans les chantiers de réparation pour une année. Les Russes et les Chinois développent ou ont déjà mis au point des missiles spécifiquement conçus pour éliminer ces porte-avions. Notez que la portée de certains de ces missiles est beaucoup plus grande que le rayon de combat leurs avions. Oups.

Pour Reed, le soldat US devient une poule mouillée :

Jusqu’au Vietnam, les guerres américaines ont été menées par des jeunes hommes coriaces, souvent issus de milieux ruraux, connaissant bien les armes à feu et le travail physique pénible. Je le sais bien, ayant grandi et ayant servi avec eux dans la marine. La discipline, si elle n’est pas vraiment brutale, était très stricte. Les exigences physiques étaient élevées. En AIT (entraînement avancé d’infanterie), au Camp Lejeune, c’était «La compagnie S sur la route ! » à 3h30 du matin, suivie d’une course à pied et d’un entraînement intensif aux armes jusqu’à minuit. Oui, les vieux aiment se rappeler comment c’était à l’époque, mais c’était vraiment comme ça.

Aujourd’hui, l’Amérique a une armée corrompue par une politique de justice sociale. Les recrues ne sont plus taillés comme des bûcherons. L’obésité est commune. Le Pentagone a abaissé ses standards physiques, caché les problèmes raciaux, assoupli son entraînement. Les officiers ont peur du nombre grandissant de femmes militaires au sein des unités de combat. Une plainte pour sexisme et c’en est fini de votre carrière.

Trait important, il y a le pourrissement du corps des officiers :

En temps de paix prolongée, le corps des officiers se désintègre. Tous les officiers du second tour sont des politiciens, surtout au-dessus du lieutenant-colonel. On ne bénéficie pas de promotion en suggérant que les hauts gradés mentent pour des raisons politiques, mais en insistant sur le fait que la guerre en Afghanistan est en train d’être gagnée. Le temps de paix encourage les carriéristes qui avancent en ne faisant pas de vagues. Dans une grande guerre, de tels généraux d’éclat n’ayant fait le coup de feu que sur PowerPoint doivent être éliminés à un coût élevé en vies humaines.

L’armée d’aujourd’hui ne fera rien de bon dans un combat égal contre des Afghans, des Russes ou des Iraniens. L’armée américaine n’a pas réussi à vaincre les villageois afghans en dix-huit ans avec un immense avantage en termes de puissance aérienne, de cuirassés, de blindés, d’artillerie, de soins médicaux et d’équipement. Que pensez-vous qu’il arriverait s’ils devaient combattre les Talibans sur un pied d’égalité : sandales, fusils, lance-roquettes et pas grand-chose d’autre ?

Incompétence et corruption sont la norme :

Pourquoi donc construire ces armes ? Parce que Northrop-Grumman a tellement d’argent que ses lobbyistes utilisent des pelles à neige pour remplir les poches des membres du Congrès. À l’époque où je couvrais le Pentagone, chaque fois qu’une nouvelle arme était achetée, par exemple l’hélicoptère d’attaque AH-64, le contractant principal communiquait une liste de sous-traitants dans de nombreux États – dont les membres du Congrès soutiendraient l’arme afin d’obtenir les emplois. Tout est une question d’argent. Parfois, le Congrès oblige l’armée à acheter des armes qu’elle dit explicitement ne pas vouloir, comme un plus grand nombre de chars M1 de l’usine de Lima, dans l’Ohio. Pour les emplois.

En bref, de nombreuses armes sont achetées pour des raisons économiques et non pour une utilisation en temps de guerre. De mon temps, j’ai vu de nombreuses armes non utilisables. Le B1, B2, DIVAD, le véhicule de combat Bradley, le M16, le V-22, le LAW. Rien n’a changé.

Reed rappelle comme Philippe Grasset la nullité des nouveaux équipements :

Mais nous avons maintenant le F-35, le dernier chasseur à tout faire aux coûts grotesques. On dirait un coucou mal conçu et souffrant de problèmes infinis. Selon la presse technique, il s’agit d’une reine de hangar ayant des taux de sortie très bas, une préparation médiocre et nécessitant une maintenance électronique complexe, souvent à des échelons distants.

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Alors l’efficacité est remplacée par la folie :

Supposons que Bolton [ou Pompeo] obtienne sa guerre contre l’Iran. Les conseillers lui disent qu’elle sera brève et facile, chirurgicale, une promenade de santé. Avons-nous déjà entendu cela ? La Marine affirmé qu’elle peut garder le détroit d’Ormuz ouvert, grrr, waf ! Mais s’il se trouve que l’Iran ne suit pas le scénario, ne se rend pas. Et que la marine, à sa grande surprise, ne trouve pas les missiles anti-navires profondément enterrés et transportés par camion qui continuent de frapper les pétroliers. Ceux-ci continuent à brûler. Bientôt, personne ne les assurera. Ils arrêtent de circuler. Trois semaines après le début de la guerre, le monde réclame du pétrole à grands cris, il n’y a pas de fin en vue, Trump ne peut admettre qu’il a fait une gaffe, et Bolton [ou Pompeo] veut lancer une bombe nucléaire contre Téhéran.

Ou Washington pousse trop fort dans la mer de Chine méridionale, une collision accidentelle se transforme en un échange de tirs, et les Bannonites Pompeo-Boltoniens ordonnent à la flotte de donner une leçon aux Chinetoques. Malheureusement, les missiles anti-navires chinois s’avèrent plutôt meilleurs que prévu, un porte-avion est détruit et trois destroyers transformés en tas de ferraille.

Que fait-on maintenant ? Les egos surdimensionnés et mal informés à Washington ne peuvent accepter la défaite. D’une part, cela mettrait fin à la crédibilité américaine en tant que puissance hégémonique, et tout le monde voudra acheter des missiles anti-navires chinois. La vanité joue un plus grand rôle dans les affaires mondiales que ne le disent les manuels. Washington, bêtement mais inévitablement, irait dans la surenchère et commencerait une guerre totale contre la Chine. À ce stade, les choses deviendraient imprévisibles.

Puis Reed rappelle que la guerre nucléaire envisagée par l’ahuri que le Donald a mis à la place du regretté Bolton n’est pas gagnable :

Les hommes d’une stupidité incalculable et d’une insuffisance sexuelle probable parlent d’une guerre nucléaire comme gagnable. Ils peuvent toujours rêver. Réfléchissez : les villes américaines ne peuvent pas se nourrir elles-mêmes. Trois jours sans envois de nourriture et les New-yorkais auront vidé les rayons des supermarchés. Une semaine et ils tueraient pour des conserves de thon. Deux semaines et ils se mangeraient les uns les autres. Un très petit nombre de bombes nucléaires sur les centres de transport empêcherait la distribution de nourriture pendant des mois. Même un plus petit nombre encore de bombes au cobalt, conçues pour produire un maximum de radiations persistantes, rendraient les zones fermières mortellement radioactives pour une décennie.

Les «intellectuels de la Défense», généralement tellement stupides qu’ils devraient vivre dans des arbres, discutent de la domination par l’escalade, du facteur d’intimidation et de la défense antimissile imperméable. Ils sont complètement fous. Ce dont ils ont vraiment besoin, c’est d’une coquille et d’un abonnement à Pornhub Premium.

Et Reed de conclure :

C’est la raison pour laquelle c’est vraiment une très mauvaise idée d’avoir un dingue psychopathe, deux chrétiens fanatiques et un fils-à-papa pathologiquement agressif en mesure de déclencher une guerre.

On a compris qu’il ne reste à ces élites technophiles infantiles, que le fanatisme théologique et messianique pour justifier le rôle princier que les hallucinés indices boursiers leur concèdent encore.

Il faudra le mettre au pas cet occident. Il lui reste son marché, ses dollars, ses marottes écolos ou humanitaires. Mais sa manière de s’auto-halluciner, un peu comme un dealer qui succombe à sa dope, le rend de plus en plus inopérant.

Srinagar ne répond plus

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Srinagar ne répond plus

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Le 5 août dernier, en séance plénière de la Rajya Sabha, la chambre haute du Parlement qui représente les États et les territoires de l’Union indienne, le ministre fédéral de l’Intérieur, Amit Shah, par ailleurs président du BJP (Parti du peuple hindou) au pouvoir, lisait un décret présidentiel supprimant l’exception constitutionnelle du Cachemire indien.

Malgré la rébellion maoïste naxalite au Bengale-Occidental, au Karnataka et au Bihar, la question du Cachemire demeure le facteur principal de tension entre les trois puissances nucléaires indienne, pakistanaise et chinoise. À l’indépendance en 1947, la partition de l’ancien empire britannique des Indes s’effectue selon le critère religieux, ce qui favorise la formation d’un État musulman, le Pakistan alors constitué de deux territoires bien distincts : le Pakistan occidental, soit l’actuel Pakistan, et le Pakistan oriental qui accèdera à l’indépendance en 1971 sous le nom de Bangladesh.

Au moment de la partition territoriale, des millions d’hindous et de musulmans abandonnent leurs domiciles et s’installent dans leurs nouveaux États respectifs. Plusieurs souverains mahométans dont les sujets sont hindous auraient souhaité intégrer le Pakistan, mais leurs territoires enclavés en Inde furent prestement annexés et démembrés par les autorités centrales indiennes. Le maharadjah du Cachemire, Hari Singh, était lui un hindou régnant sur une population musulmane. Il rêvait d’un État indépendant, mais, face aux manœuvres pakistanaises, il décida finalement d’intégrer la jeune Union indienne, ce qui provoqua en partie la première des trois guerres indo-pakistanaises (1947, 1967 et 1971). Le Cachemire se retrouve depuis divisé. Le Pakistan contrôle le Nord-Ouest, les régions de Gilgit – Baltistan et de l’Azad Cachemire (« Cachemire libre » en ourdou). L’Inde en conserve le Sud-Est qui reçoit en 1950 le statut d’un État fédéré autonome, le Jammu-et-Cachemire. En 1962, au terme d’une guerre-éclair, l’Inde perd la vallée de Shaksgam au profit de la Chine qui la nomme Aksai Chin. Aujourd’hui, le glacier de Siachen est revendiqué par Pékin, La Nouvelle-Delhi et Islamabad. Alliée du Pakistan, la Chine reconnaît à demi-mot les revendications pakistanaises sur l’ensemble du Cachemire à l’exception bien sûr de l’Aksai Chin.

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Le décret du président Ram Nath Kovind, avec l’approbation du Premier ministre triomphalement réélu ce printemps, le nationaliste Narendra Modi, abroge les articles 370 et 35 A de la Constitution. Au 31 octobre prochain, le Jammu-et-Cachemire sera rétrogradé au rang de territoire de l’Union scindé en deux entités différentes : d’une part, le Jammu-et-Cachemire proprement dit avec le Jammu à majorité hindouiste et la vallée musulmane du Cachemire, d’autre part, le Ladakh à majorité bouddhiste. La révocation de ces articles constitutionnels supprime de facto la discrimination légale qui réservait la propriété foncière et immobilière aux seuls Cachemiris. Le gouvernement indien entend faire du Cachemire ce que les Chinois font aux régions rétives du Tibet et Xinjiang ouïghour, à savoir faciliter le peuplement massif des hindous.

Le matin du 5 août, le Jammu-et-Cachemire était coupé du monde : plus de communications, lignes aériennes interrompues, routes bloqués par des barrages militaires, touristes évacués la veille en urgence. La capitale, Srinagar, était soumise à un état de siège informel. La démonstration de force est aisée. L’armée indienne y maintient de nombreuses troupes en raison d’un voisinage conflictuel et du soulèvement indépendantiste plus ou moins islamiste lancé en 1989. Cette insurrection est encouragée et soutenue par les redoutables services secrets pakistanais.

Depuis quatorze mois, le Jammu-et-Cachemire traversait enfin une grave crise politique. En juin 2018, le BJP se retirait de la coalition gouvernementale locale, renversait le gouvernement et rendait l’État fédéré ingouvernable. En l’absence d’un parlement régional suspendu, il revenait dès lors au gouverneur de l’État, le représentant officiel du gouvernement indien, Satya Pal Malik, d’administrer directement la région et d’entériner la décision présidentielle.

Une course de vitesse démographique s’engage désormais. Les musulmans du Cachemire expriment leur impatience; ils pourraient dans les prochains mois ou dans les prochaines années renforcer la révolte séparatiste afin de devenir pakistanais ou d’obtenir l’indépendance. Le BJP veut par cet exemple entamer l’« hindounisation » du pays. Fin août, des milliers d’habitants de l’Assam ont été déchus de leur nationalité indienne. Le réveil national de l’Inde vient de commencer.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 139, mise en ligne sur TV Libertés, le 16 septembre 2019.

Michéa, Mitterrand et la destruction du peuple français

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Michéa, Mitterrand et la destruction du peuple français

Les Carnets de Nicolas Bonnal

Pour gouverner, il faut d’abord changer le sens des mots. Après on peut remplacer les gens.

Depuis 1984, une gauche libérale-libertaire aux affaires domine le paysage politique et culturel et enfonce le petit peuple dans des termes féroces. On a cité Thierry Pfister et sa lettre ouverte, on recommandera aussi le très effrayant pamphlet de Guy Hocquenghem qui en 1987 expliquait – Houellebecq le refera -  cette conjonction des forces du marché et de la subversion/dérision. La page de gauche des magazines pour recommander un lobby ou une intervention en Afghanistan, la page de droite pour vendre du Vuitton. Habitué à être ainsi traité, le cerveau humain n’a plus rien d’humain et devient cette mécanique-canal humanitaire à réagir fluo et à consommer bio.

Jean-Claude Michéa a récemment rappelé ce qui s’est passé après le virage au centre de Mitterrand. Le sociétal allait remplacer le social. On l’écoute :

Mitterrand_(arms_folded).jpg« Plus personne n’ignore, en effet, que c’est bien François Mitterrand lui-même (avec la complicité, entre autres, de l’économiste libéral Jacques Attali et de son homme à tout faire de l’époque Jean-Louis Bianco) qui, en 1984, a délibérément organisé depuis l’Elysée (quelques mois seulement, par conséquent, après le fameux “tournant libéral” de 1983) le lancement et le financement de SOS-Racisme, un mouvement “citoyen” officiellement “spontané” (et d’ailleurs aussitôt présenté et encensé comme tel dans le monde du showbiz et des grands médias) mais dont la mission première était en réalité de détourner les fractions de la jeunesse étudiante et lycéenne que ce ralliement au capitalisme auraient pu déstabiliser vers un combat de substitution suffisamment plausible et honorable à leurs yeux. »

La farce sociétale se met encore en place, alors on peut taxer le pauvre et puis le remplacer. Insulté et ringard, ce beaufn’est plus digne de l’attente de nos grands commentateurs. Nota : pour imaginer la jeunesse  française d’avant l’ère Mitterrand, découvrez le rebelle de Gérard Blain.

Michéa encore :

 « Combat de substitution “antiraciste”, “antifasciste” et (l’adjectif se généralise à l’époque) “citoyen”, qui présentait de surcroît l’avantage non négligeable, pour Mitterrand et son entourage, d’acclimater en douceur cette jeunesse au nouvel imaginaire No Border et No limit du capitalisme néolibéral (et c’est, bien entendu, en référence à ce type de mouvement “citoyen” que Guy Debord ironisait, dans l’une de ses dernières lettres, sur ces « actuels moutons de l’intelligentsia qui ne connaissent plus que trois crimes inadmissibles, à l’exclusion de tout le reste: racisme, anti-modernisme, homophobie »). »

Il était alors important pour le capital, qui avait eu peur du peuple pendant plus de cent ans, de se montrer branché/progressiste, et de rejeter le prolétaire promu homme de la rue dans les poubelles de l’histoire - avec la complicité achetée/enthousiaste de tous les médias. Rappelons pour les plus jeunes de nos antisystèmes que les communistes quittèrent le bateau ivre de la présidence Mitterrand en 1984, et que dans 1984, le ministère de la vérité s’abrite dans une… pyramide.

 

Post-Scriptum

On vient d’apprendre qu’EDF va disparaitre. L’électricité de France viendra d’ailleurs, comme le peuple.

Nouvelles formes de guerre. Les UCAV ou drones de combat

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Nouvelles formes de guerre: les UCAV ou drones de combat

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Le remarquable article en anglais de Anthony Cordesman référencé ci-dessous pose la question de savoir si des pays tels que les Etats-Unis ont bien compris les difficultés que posent à leurs forces armées et ministères (Department) de la Défense des armes telles que les drones de combat qui ont vraisemblablement lancé les missiles ayant frappé récemment les sites pétroliers saoudiens.

Ces frappes ont été revendiquées par les « rebelles Houthis » du Nord Yémen que l'Arabie saoudite avait prétendu neutraliser. Mais beaucoup d'experts pensent que ces missiles provenaient d'un grand pays. Washington incrimine, il est vrai sans preuves décisives, l'Iran.

Ces missiles n'étaient pas de simples missiles. Ils avaient probableblement été lancés par des drones de combat passés inaperçus. Ces drones nommés unmanned combat aerial vehicle (UCAV)  peuvent avoir l'envergure d'un petit avion, mais ils peuvent être bien plus petits. Ils sont généralement contrôlés par un émetteur externe, mais ils disposeront de plus en plus de capacités d'autonomie. Celles-ci leur permettront non seulement de sélectionner seuls certains objectifs mais de choisir les trajectoires et les altitudes leur permettant d'échapper aux défenses anti-aériennes classiques, radars, artilleries et contre-missiles notamment. De plus, ils utiliseront en phase finale d'approche non seulement des relevés GPS précis mais des caméras ou système visuels analogues identifiant la cible avec une grande fiabilité. 

Aucune information n'est évidemment disponible concernant l'origine des missiles ayant atteint les champs pétroliers de l'Arabie saoudite. De rares systèmes de défense anti-aérienne sont à ce jour capables d'essayer de déjouer les attaques d'UCAV. La Russie a mentionné à cet égard un système dit 9K331-Tor-M1-SA-15 Gauntlet qu'elle avait précédemment fourni à l'Iran.

Des renseignements indiquent que, outre la Russie et l'Iran, la Corée du Nord, la Chine et sans doute d'autres pays ont mis au point des systèmes industriels capables de fabriquer des UCAV en quantité suffisante pour représenter une menace militaire. La France s'y intéresse. Les Etats-Unis disposent de drones, tels le MQ-9 Reaper, qu'ils ont vendu à la France, mais pas à une échelle suffisante, malgré un budget militaire annuel dépassant celui de tous les autres Etats réunis. Ils ont préféré construire des porte-avions d'un coût considérable, aujourd'hui sans défenses efficaces contre un UCAV bien positionné.

Le nouveau type de guerre que préfigurent les UCAV a été nommée guerre hybride ou guerre de zone grise ( gray area warfare). Elle n'entraîne pas de réponse de type « destruction mutuelle assurée » comme dans le domaine nucléaire, fut-ce avec l'utilisation d'armes nucléaires de faible intensité. Ceci dit, dans ce dernier cas, l'utilisation d'UCAV dotés de têtes nucléaires de faible intensité serait beaucoup plus efficaces qu'une nucléarisation à grande échelle.

Source

Iran, Yemen, and the Strikes on Saudi Arabia: The Changing Nature of Warfare
https://www.csis.org/analysis/iran-yemen-and-strikes-saud...

By Anthony H. Cordesman

jeudi, 19 septembre 2019

The Breakdown of Order in Late Mass Democracy

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The Breakdown of Order in Late Mass Democracy

By John Derbyshire

Ex: http://www.hlmenckenclub.org

Good morning, ladies and gentlemen. Thank you for being here, and thanks to Paul  for what already looks like another very successful conference.

First somewhat of an apology. The title of my talk is misleading. I have the heart and soul of a freelance journalist, and we don’t bother much with titles. Titles to articles in newspapers and magazines were traditionally supplied by subeditors—the people responsible for headlines and photo captions. Where titles are concerned, a freelancer has to take his chances with the subs.

That’s not precisely what happened here. What actually happened was, Paul asked me if I’d join a panel on anarcho-tyranny. I said I’d be delighted. Paul asked if there was any particular subtopic I wanted to focus on. I said: “Nah, just give me a topic and I’ll run with it.” Paul then listed my topic as: “The Breakdown of Order in Late Mass Democracy.”

I tell you this to make it plain that I don’t, from long habit, take titles very seriously; and this is not Paul’s fault.

So I can now tell you that, after pondering the title Paul has supplied me with, I don’t in fact think there will be a breakdown of order in what—yes, I do agree—we can rightly call “late mass democracy.”

Not only do I think there will not be a breakdown of order, I fear the opposite thing: an intensification of order.  Let me explain that.

I think the distinguishing characteristic of late mass democracy is the elites getting their mojo back.  After a Century of the Common Man, elites are now saying to themselves, in the current popular idiom: “We’ve got this.”

To explain what I mean, let me take a brief historico-literary detour.*

When I was getting my secondary education back in England in the early 1960s, a common exercise for sixth formers—that is, high school juniors and seniors—was to read George Orwell’s Nineteen Eighty-Four, and then to read Aldous Huxley’s Brave New World, and to write an essay declaring, with supporting arguments, which of the two books you thought the actual future would more closely resemble.

BNW-AH.jpgBoth these books presented the reader with a dystopia—a dark view of humanity’s future.  The two dystopias were radically different, though.

In Orwell’s vision, as I’m sure is well known, the human spirit had been tamed by terror. A ruling elite, divided into an Inner Party and an Outer Party, maintained itself by fear.  Outer Party members, who did the administrative grunt work, were kept under constant vigilance by the Thought Police. Dissidents were hauled away to be tortured and killed. A great sullen mass of proles, with no political rights, were kept pacified by a coarse kind of popular culture and frequent spasms of war fever, and were also under watch by the Thought Police, so that potential troublemakers could be quickly identified and eliminated.

Huxley’s dystopia was altogether different.  Huxley’s planet is unified and at peace. Its affairs are managed by ten regional Controllers. Marriage, childbirth, and family life have been abolished, along with all kinds of suffering — even such minor kinds as disappointment and frustration. Also gone are the nation-state, war, religion, ethnicity, and all profound art and literature. Disease has been banished. Old age has been banished too, very nearly: Citizens are healthy, vigorous, and attractive until about age 60, when they decline quickly to death. Everyone lives in a state of contented hedonism, assisted by regular doses of soma, a freely available narcotic with no side- or after-effects. Sex is promiscuous and recreational, with universal free access to contraception and abortion.

The necessary work of Huxley’s society is carried out via a system of castes, with bright and capable Alphas at the top, then betas, gammas, deltas, down to dimwitted Epsilons at the bottom. Caste is determined in the Hatcheries, where good-quality eggs and sperm are mated to produce Alphas. Inferior zygotes are assigned to the lower castes and cloned. The production of well-adjusted citizens is completed in Conditioning units.

All this is accomplished so successfully that society is well-nigh self-regulating. The Controllers, though in theory they’re possessed of despotic powers, in fact have very little to do.

When I got this assignment around age 17, I pondered the matter and came down on the side of Huxley as having given us a more probable picture of the future. I can’t honestly remember my arguments, but I suspect my choice was mainly esthetic.  Orwell’s vision was plainly horrible. It even smelled bad: remember how Winston Smith’s apartment building stank of boiled cabbage? Huxley’s world, on the other hand, didn’t sound bad at all. Universal peace; no more diseases; pop a harmless pill if you’re unhappy; guilt-free recreational sex; what’s not to like? When you read Brave New World, you know there’s something badly wrong with it; but it’s surprisingly difficult to say what, exactly, that is.  Speaking as a bookish intellectual, I would say that what’s wrong is the stasis, the end of any quest for knowledge, for deeper understanding of the world.

When I look at the trends of our own time, it seems to me that my 1962 judgment was correct, however accidentally.  Of course, Huxley’s vision was only very approximately predictive. He got a lot of things wrong. We don’t need a caste of dimwitted Epsilons to do the industrial work, we can have robots do it.

BNW-2-AHux.jpgMore glaringly, he did not foresee the great explosion in the populations of hopeless people seeking to escape chaotic nations—the crowds we have seen on our TV screens this past few weeks heading up through Mexico; with, looming up behind them, the prospect of—what is the latest UN projection? Four billion, is it?—desperate Africans by the end of this century.

Still, if the civilized world can find some way to deal with those issues, or can just fence itself off from them, the trendlines for our society are Huxleyan.  Soma, the universal tranquillizer, is not yet with us, but with a couple more cycles of pharmacological advance, it likely will be. An alpha class of genetically superior humans could arise quite naturally and commercially from techniques of embryo selection already available. Something like it is anyway emerging naturally, from assortative mating among our meritocratic elites.  As has often been noted: doctors used to marry nurses and lawyers used to marry their secretaries. Now doctors marry doctors and lawyers marry lawyers. Huxley’s feelies—entertainment fed in through all the senses—are not far from the Virtual Reality gadgets already on the market.

As for social disorder: well, Pat Buchanan—who turned eighty yesterday, by the way: Happy Birthday, Pat!—reminded us in a column just last month how very disorderly the USA, and the rest of the civilized world, was fifty years ago. The Weathermen and the Black Panthers; the Symbionese Liberation Army—remember them? The Red Brigades and the Baader-Meinhof gang; political assassinations; the 1968 Democratic Convention; Kent State and Cornell; …

Antifa put up a good show; and yes, I certainly agree that they illustrate the principle of anarcho-tyranny very well, controlling the streets while leftist politicians stand down the police forces. As a force for generalized disorder, though, they are not impressive. Antifa would run like chickens from a whiff of grapeshot.

The overall trend of our societies is Huxleyan.  It is the trend Steven Pinker has famously described in his book Better Angels: towards a pacified, tranquillized, hedonistic caste society.

Here in the USA the trend lines can actually be traced some way back.

In every organized society there is a tension between order and liberty. We Americans love our liberty, of course; but my love of liberty stops well short of loving your liberty to break my leg or pick my pocket. There needs to be social order.

albionseed.jpegOur own conception of social order is a fermented brew whose original ingredients were sketched out by David Hackett Fischer in his 1989 classic Albion’s Seed. Fischer described how the four main stocks of British settlers in the 17th and 18th centuries each contributed an ingredient to the national culture, and in particular to our notions of social order.

  • The Puritans of New England, drawn heavily from England’s literate artisan classes, had a conception of social order Fischer defines thus: “A condition where everything was put in its proper place and held there by force if necessary … a condition of organic unity.”  Crime stats tell the story. Further quote from Fischer: “Crimes against property were more common than crimes against persons. But crimes against order were the most common of all.” [My italics.]  The examples Fischer gives are: violations of the sabbath, blasphemy, sexual offenses, idleness, lying, domestic disorder, or drunkenness.

  • The “distressed cavaliers” and rustic, illiterate English peasants and house servants who populated Virginia and the Tidewater South had a much less egalitarian, much more hierarchical notion of social order, with county sheriffs appointed in the name of the Crown, not elected constables as in New England.  There was much more interpersonal violence here; but the violence too was hierarchical. Fischer: “It was often used by superiors against inferiors, and sometimes by equals against one another, but rarely by people of subordinate status against those above them.” Crimes of violence were more common than property crimes.

  • The Quakers of the Delaware Valley based social order on tolerance, forbearance, and the Golden Rule.  Quote from Fischer: “There were no crimes of conscience in the Quaker colonies before 1755.” Social order meant social peace. Criminal penalties were generally lighter than in the other colonies; but, says Fischer: “They punished very harshly acts of disorder in which one citizen intruded upon the peace of another … Penalties for crimes of sexual violence against women were exceptionally severe.”

  • And then there were the Scotch-Irish of the back-country, drawn from the half-civilized border lands where England meets Scotland, and from those same border folks’ Protestant settlements in Northern Ireland. These people had the least structured notion of social order among all the colonists. Fischer: “The prevailing principle was lex talionis, the rule of retaliation. It held that a good man must seek to do right in the world, but when wrong was done to him he must punish the wrongdoer himself by an act of retribution that restored order and justice in the world … A North Carolina proverb declared that ‘every man should be sheriff on his own hearth.’” That didn’t leave much for government to do. This was a very individualistic culture. Property crimes were punished much more severely than crimes of violence. One 18th-century court gave the following sentences: for hog stealing, death by hanging; for the rape of an 11-year-old girl, one shilling fine.

Overlaid on these original order traditions were the political arrangements thrashed out by the founders of our republic. Just to remind you, in very brief: Anti-Federalists favored localism and democracy modeled on the classical age, as updated by Locke and Montesquieu—a loose collection of self-governing cantons with minimal central control. Federalists argued for a stronger central government as better suited for defense and financial stability. Out of these arguments emerged our Constitution and Bill of Rights.

The Constitution was supposed to have settled this question: Could a republic of the classical democratic or aristocratic type, as somewhat modernized by recent thinkers, be scaled up to continental size, given that the only pre-modern unitary states of that size had been despotic empires?

You can make a case that the answer was “No” for the first hundred years or so of the U.S.A.; that the Civil War, whatever its proximate cause, showed the fundamental instability of the 1789 model; but that the model was then rescued, from the late 19th century on, by technology—particularly by mass communication, mass transportation, and mass education.

And thus we arrived at mass democracy: and not only us, but much of the rest of the world. And of course I am over-simplifying: the relevant developments have roots back in the 16th century, with printing and the Reformation—what the Third Duke of Norfolk dismissed with disgust as “this new learning.”

But we arrived at mass democracy, and the 20th century was the Century of the Common Man.  We still had elites, of course; but under mass democracy—or, in the context of my title, early mass democracy—the elites had to pretend to be just lucky commoners.  They had to practice the common touch.

The transformation is easier to see in cultures that came later to the party.  Japanese elites used to wear fantastically elaborate uniforms. Palace flunkies used to stain their teeth black to distinguish themselves from the common herd.  Now Japan’s elites strive to look just like middle-class salarymen. Or perhaps you’ve seen that juxtaposition of two photographs of female undergraduates at an Egyptian university, one taken in 1950 where they are in Western frocks and blouses, a westernized elite, the other much more recent with them all in burkas like peasant women.

Now, in the 21st century, the elites are making a comeback.  They’ve had a bellyful of this Common Man stuff.  How to do it, though? The traditional hierarchy of rank and genealogy—the pattern of order that shaped Europe and the old Tidewater South—is long gone. The violent egalitarianism of the Scotch-Irish has been corralled off into a few localities none of us ever need visit: inner-city ghettos and remote mountain villages.  The totalitarian order of the big old 20th-century despotic utopias proved a bust, though it lingers on in a few hell-holes like North Korea.

What system of order is appropriate to an age of unbounded material plenty, ample leisure, an internet panopticon, and rapid growth of understanding in the human sciences and biotechnology?  I think the goodthinking consensual model of Puritan Massachusetts set the model; except that, with sophisticated conditioning, a free ration of soma, and endless hedonistic distractions, there’ll be no need to burn witches or hang Quakers.

If we can just find some way to manage, or contain, those swelling tides of the hopeless heading for our borders, we shall reach the Brave New World at last.

mercredi, 18 septembre 2019

A false open society

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A false open society

By Keith Preston

Ex: http://hlmenckenclub.org

The Myth of the Open Society

One of the pervasive myths of our time is that we live in an open society where contentious issues, and serious questions of public policy, are supposedly addressed by means of Socratic dialogue, or open discourse reflecting the principles of Voltaire, Thomas Jefferson or John Stuart Mill. For reasons that I will explain, this claim of an open society is false. I could certainly discuss multiple ways in which the open society claim is problematic. For example, I could examine many parallel difficulties such as over criminalization, overregulation, increasingly greater centralization, and ever pervasive bureaucratization. However, for the purpose of this discussion, I want to focus on ideological conformity, and the way in which ideological conformity is enforced in liberal democratic societies.

“Liberal Illiberalisms”

We live in an era of what has been called “liberal illiberalisms” by the libertarian writer Cathy Young. Young has provided multiple examples of how enforced ideological conformity works. Many such illustrations can be found and I will briefly mention a few examples.

  • In 2015, Yale’s Intercultural Affairs Council issued a warning against potentially offensive Halloween costumes. A professor named Erika Christakis objected that such a directive had the effect of undermining the students’ freedom of expression.  The reaction was a barrage of indignation being levied against Christakis by members of the Yale academic community, including students as well as faculty and staff members. Christakis and her husband, also a faculty member, were physically confronted by student protestors. The students subsequently demanded that the couple be terminated by the university. The Yale University administration failed to support the Christakises who subsequently stepped down from their positions.

  • In 2015, a photo shoot took place in England to promote the film Suffragette, which is about the battle for the right of English women to vote. In the film, Meryl Streep plays the role of Emmeline Pankhurst, a leading British suffragist. Streep and three other actresses were shown wearing a T-shirt with a quote from Pankhurst that read, “I’d rather be a rebel than a slave.” The slogan was attacked for supposedly “trivializing the black experience of slavery and allowing white women to claim it as their own.” Others criticized the use of the words “rebel” and “slave,” claiming these terms amounted to the glorification of slavery as practiced during the Confederacy, even though the film had nothing to do with the Confederacy, or American history generally.

  • In 2014, the British National Student Union rejected a motion condemning ISIS on the grounds that the resolution could promote Islamophobia.

  • In 2015, the same reason was cited by the University of Minnesota to oppose a commemoration of the victims of the September 11, 2001, terrorist incident.

  • Cathy Young points out how accusations of cultural appropriation are used to attack everything from yoga classes (which were banned at the University of Ottawa, apparently on the grounds that yoga involves the appropriation of Hindu culture) to white people wearing the dreadlocks hairstyle to a kimono exhibit at the Boston Museum of Fine Arts.

  • Ethnic food has been attacked as form of cultural appropriation. For instance, a burrito shop in Portland was closed after its white female owners’ described their having collected recipes white on a vacation in Mexico. Because of this, they were accused of stealing from Mexican culture, and practicing what was called “culinary white supremacy.”

  • Among others that have been attacked in this way was a professor who was reprimanded for “merely mentioning the belief that transgender identities are ‘not real’” or “female students having a ‘slut-shamey’ conversation about a fellow student described as a ‘bro-hopper.’”

  • Some universities have put up posters warning against the use of supposedly offensive words and phrases such as “crazy,” “you guys,” “illegal alien,” or “did you lose weight?”

  • The University of California established guidelines for avoiding microaggressions such as “asking an immigrant where she or he is from, encouraging a quiet Asian-American or Latino to speak up, or expressing the opinion that women in America today have the same opportunities as men.”

  • Within the pro-choice movement, pro-abortion rights activists have been asked to “avoid gender-specific language (such as ‘women’) so as to be inclusive to female-bodied individuals who may get pregnant and seek abortions but identify as male or non-binary.”  Likewise, “an abortion rights fundraising event humorously dubbed ‘Night of a Thousand Vaginas’ was met with anger from offended activists who thought it excluded transgender women.”

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Certainly, many other similar examples of thought and speech control could be cited. But the question that arises involves the matter where sentiments and actions such as these originate from.

Political Correctness as an Ideological Superstructure

At times, I am asked by leftists why I pay so much attention to this issue when surely my time might be better spent focusing on hate crimes, or other matters that are considered to be more substantive. I do so because the ideological extremism that I just described is presently a rising force in the wider society, concentrated in influential sectors, and gradually becoming part of the elite’s ideological superstructure. In fact, in order to understand the phenomenon that I am presently describing it may be helpful to engage in the intellectual appropriation of certain insights from Marxist theory. According to Marx, all societies have an ideological superstructure that is used to justify the existing society’s dominant institutions. In the ancient world, the superstructure may have been rooted in the idea that the emperor was a descendent of the sun-god. In medieval societies, the divine right of kings served as the superstructure. In modern democracies, the superstructure is derived from the idea that the government is elected by the people. However, Marx argued that beneath this ideological superstructure is a material base that he described as a substructure. The substructure involves certain sectors of the economy or forms of production that are associated with the interests of particular classes.

I would suggest that at present there is indeed an ideological superstructure that exists in societies like our own, and that there is a system of enforced conformity to this ideology. The ideological superstructure is what is commonly called “political correctness.” It is also important to understand that political correctness comes in multiple forms. An individual that frequently reads and comments on my work has used an analogy to the Church. We might say that there is a high church liberalism and a low church liberalism. Low church liberals are simply those who sincerely favor equal opportunity in education and employment, being nice to gay people, holds to the “melting pot” view of immigration, or perhaps favor universal healthcare. I know many people like this.

However, there is also a high church liberalism that is obsessed with the eradication of offensive history, promotes concepts such as cultural appropriation and micro-aggressions, insists on calling a manhole a “people hole,” and that takes offense to Halloween costumes, or to the serving of tacos in a university cafeteria. Recently, a representative of the People for the Ethical Treatment of Animals made the claim that milk is a symbol of white supremacy. These are the kinds of people that think it is perfectly fine if a 12 year old undergoes transgender surgery. It should also be acknowledged that there is a far-left and a center-left version of political correctness. The far-left version is represented by the campus protestors, the Antifa, the neo-Maoists, and other representatives of the extreme left. The center-left version is often manifested as a blend of PC culture with the American civil religion or civic nationalism. For example, it will be said that the reason the United States is a great nation is because we have gay marriage.

The Enforcement of Ideological Conformity

For the most part, this ideological superstructure is not enforced through traditional state repression, such as a knock on the door in the middle of the night which results in someone getting tossed in a gulag. However, there are some disturbing trends in this area, such as the fact that Marine Le Pen was recently ordered by a French court to undergo a psychiatric examination. This practice of declaring political dissidents to be mentally ill and responding with coercive psychiatric intervention is straight out of the Soviet playbook. But for the most part, there is little formal censorship in the Western democracies (with some exceptions related to fringe areas like Holocaust denial).

Instead, the enforcement of ideological conformity is farmed out to other institutions, such as the media, educational institutions, corporations, and technology companies. The means of enforcement involve the use of social, economic, and professional sanctions rather than the outright criminalization of dissidents. Ideological conformity is also enforced by means of extra-legal methods, such mob violence, shouting down speakers, the harassment political opponents or public figures in public places or even at their private homes, and the aggressive vigilante activities of groups such as the Antifa. It is for this reason that it is often necessary for gatherings of dissidents to take place on a clandestine basis. The proponents of the ideology of political correctness are heavily concentrated in influential sectors of society. Among the more significant examples are the electronic media and professional journalism, universities and public schools, the entertainment industry, left-wing professionals such as attorneys and healthcare specialists, the left-wing of clergy, the public sector bureaucracy, social services and human services, advertising, public relations, and corporate human resources and diversity officers.

However, one of the most significant sectors of these kinds involves technology companies. For example, Facebook recently purged over 800 pages with millions of followers, including pages with left-wing as well as right-wing perspectives, with the common denominator being that all of the purged pages represented some kind of anti-establishment perspective. It is also interesting to note that similar methods are used by the professional “watchdogs,” which typically focus most of their attention on the Right, but also attack leftist, African-American or other minority perspectives that are also considered to be outside the realm of acceptable liberal opinion.

The Socioeconomic and Demographic Basis of Political Correctness

It should also be noted that what I have called high church liberalism represents only a very small number of people when compared to the general public. A recent study involving the present political divisions in the United States was conducted by More in Common, a British organization that studies political conflict around the world. In their recently released report called “Hidden Tribes,” a term that was used to describe America’s major political divisions, it was observed that political correctness is overwhelmingly unpopular among all races, classes, religions, genders, and political affiliations in the United States.  Approximately 80% of Americans expressed opposition to political correctness. The study also found that political correctness is more unpopular among Native Americans, Asians, and Hispanics than among whites, and only slightly more unpopular among whites than among blacks, with nearly three quarters of African-Americans expressing opposition to political correctness.

The authors of the report suggest that Americans are politically divided into seven so-called “tribes” with progressive activists constituting 8%, traditional liberals 11%, passive liberals 15%, the politically disengaged 26%, moderates 15%, traditional conservatives 19%, and devoted conservatives 6%.The only political affiliation of the seven where the majority of the “tribe” expressed a favorable view of political correctness was “progressive activists” who are only 8%.  Even a substantial minority of progressives expressed criticism of political correctness (about 30%). The identity of the “progressive activist” political tribe was overwhelmingly white, affluent, and educated, along with a smaller group of elites among traditional minorities. In other words, the proponents of political correctness are largely concentrated in the left-wing of the upper middle class, among urban cosmopolitan professionals, and the newly rich from outside the traditional elite whose wealth has been generated by newer, high-tech industries. These sectors constitute what we might call the “left-wing of capitalism.”

It is interesting that many on the Right continue to fetishize capitalism when it has to be considered that present day capitalism differs considerably from the capitalism of the elite, top hat wearing plutocratic families of the nineteenth and twentieth century. Today, capitalism is just as likely to be represented by Silicon Valley, Hollywood, and Madison Avenue as it is by the Chamber of Commerce, and by figures such as Mark Zuckerberg, Bill Gates, Jeff Bezos, Oprah Winfrey, Warren Buffet or George Soros. In fact, the sociologist Joel Kotkin, himself a centrist Democrat, has argued that an alliance has developed what he calls the “techno-oligarchs” of Silicon Valley and the mass media, and what he terms the “new clerisy” associated with the various sectors that are involved with ideas, ranging from journalism to education to advertising.

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As an aside, I would note that, contrary to another myth, from a historical perspective it was the left-wing of the upper-middle class that was the class base of leftist revolutions. It could be reasonably argued that the liberal revolutions of the eighteenth and nineteenth century were driven by the left-wing of an upwardly mobile middle class whose political ambitions were frustrated by the existing political order. I would also suggest that the real class basis for the Marxist revolutions of the twentieth century likewise originated from left-leaning middle class sectors. For example, the famous Communist leaders from the twentieth century were mostly teachers, doctors, lawyers, and other middle class professionals, with only Stalin himself originating from what could be considered a proletarian background. I would suggest that present day political correctness is a manifestation of the rising left-wing of the upper middle class. Political correctness is the foundation of their ideological superstructure with the technology industry and the various professional sectors previously mentioned being their material base.

Solutions

If there are any solutions to be found to the challenges that are presented by this forced ideological conformity, one of these might be to extend First Amendment jurisprudence to corporations, media companies, technology companies, schools and universities, and cyberspace. In early American history, the Bill of Rights was considered by American jurisprudence to apply only to the states and localities. As the power of the federal government has grown, and the states and localities have largely been reduced to administrative units, constitutional jurisprudence has been extended to the states and localities. It may be necessary to extend the Bill of Rights to the aforementioned institutions since these institutions are essentially the equivalent of private states. For example, I would suggest that technology companies are not private businesses, but crony-capitalist or state-capitalist institutions that have made billions of dollars by piggybacking on technology that was developed by the government with taxpayer money. Therefore, cyberspace should be regarded as public space (like parks, streets, and sidewalks), and the fight for free speech in cyberspace might be compared to free speech fights in the early 20th century by the labor movement,  or Free Speech movement of the 1960s. At present, the center-right has come to dominate the Supreme Court, and much of the federal judiciary. Therefore, this may be an opportunity, perhaps the last there will ever be, for constitutional jurisprudence regarding the First Amendment to be revised in the way that I have suggested.

 

lundi, 16 septembre 2019

Le somnambulisme des peuples

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Le somnambulisme des peuples

par Georges FELTIN-TRACOL

Discours tenu à la Fête de la Ligue du Midi,

8 septembre 2019

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers Camarades, Chers Amis,

Le thème de ce dimanche convivial se place sous une actualité brûlante : la « révolte des peuples ». En effet depuis sept – huit ans environ, de fortes réactions populaires que les chiens de garde médiatiques de la Caste mondialiste qualifient avec un dédain certain de « populistes » parcourent l’Europe, voire le monde entier. On peut d’un point de vue historique situer l’acte initial – le détonateur – aux années 2013 – 2014 avec La Manif pour Tous et ses millions de manifestants hostiles à la loi Taubira. Cette vive contestation rappelait aux plus anciens les manifestations pour l’école libre en 1984 et, un an auparavant, la protestation des étudiants en droit et en médecine contre la loi du socialiste Savary. Mais cette agitation a ensuite été dépassée par la crise des Gilets Jaunes.

En Allemagne, l’ouverture des frontières et l’accueil d’une main-d’œuvre immigrée corvéable à merci ébranle le gouvernement de la soi-disant chrétienne-démocrate Angela Merkel, ancienne militante zélée des Jeunesses communistes en RDA, et permet à l’AfD (Alternative pour l’Allemagne) de s’opposer à la « Grande Coalition » sociale-démocrate-chrétienne. Le terrain fut préparé par les nombreuses manifestations du mouvement PEGIDA dès 2014. En Flandre belge, au soir du 26 mai dernier, après une décennie au moins de purgatoire électorale, le Vlaams Belang devient sur une ligne nettement sociale et anti-mondialiste la deuxième force politique du royaume derrière les nationaux-centristes de la Nouvelle Alliance flamande du matois Bart De Wever. En Italie, en 2012 – 2013, les Forconi (les « Fourches ») se soulevèrent contre le fisc, la corruption et les dysfonctionnements étatiques. Il en découla en 2018 l’entente gouvernementale inédite entre la Ligue de Matteo Salvini et le Mouvement Cinq Étoiles anti-Système de Luigi Di Maio qui a tenu quatorze mois avant que le « Capitaine » de la Lega ne décide de rompre. Qu’a fait Salvini pendant cette période ? Beaucoup d’esbrouffe. Les clandestins continuent à débarquer dans la péninsule. À sa décharge, il a contre lui l’administration, les médiats, les instances pseudo-européennes, les ONG, la « justice » et la cléricature conciliaire aux ordres de Bergoglio.

L’eurocratie bruxelloise avait déjà été atteinte par la terrible déflagration du Brexit de 2016. L’hyper-classe mondialiste au sens que l’entend Michel Geoffroy dan son essai (1) reçut une autre gifle, cinq mois plus tard, avec l’élection inattendue de Donald Trump à la Maison Blanche. Les prescripteurs officiels d’opinion s’inquiétèrent alors de l’émergence en Hongrie, en Pologne et en Turquie des démocraties illibérales. Le coup de grâce arriva avec le président russe Vladimir Poutine qui proclameait au Financial Time du 28 juin 2019 que « l’ère libérale est devenue obsolète » !

Au printemps de cette année, les Indiens viennent d’accorder au Premier ministre nationaliste Narendra Modi un second mandat et une majorité parlementaire écrasante pour le BJP (Parti du peuple indien). En place depuis six ans et demi, le Premier ministre national-conservateur japonais Shinzo Abe souhaite abroger l’article constitutionnel d’importation étatsunienne niant à l’Empire du Soleil Levant le droit souverain de déclarer la guerre. On pourrait poursuivre la litanie au point d’effrayer la clique ploutocratique qui ressasse l’antienne du « retour aux années 30 ». Si seulement elle avait pour la circonstance raison !

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Si on prend la peine de se pencher avec attention sur le soulèvement civique des peuples, on comprend vite que ce n’est pas une révolution. Les Gilets Jaunes témoignent d’une exaspération exceptionnelle qui n’induit aucune conséquence politique. Pour preuve, le bilan français des élections européennes. Dans un contexte d’agitation sociale élevée et de grandes menaces terroristes islamistes, la majorité présidentielle malgré une tête de liste technocratique et insignifiante arrive en deuxième position à 0,87 point du Rassemblement national, soit un écart de 207 924 voix. En dépit d’une progression notable de la participation, l’abstention atteint néanmoins 49,88 %. Pis, en pourcentage, la liste frontiste perd 1,52 % par rapport à 2014. Si on additionne les listes de Jordan Bardella, de Nicolas Dupont-Aignan, de Florian Philippot, du Gilet Jaune Christophe Chalençon et de l’écrivain impolitique Renaud Camus, on obtient un total de 6 233 226 voix, soit un déficit de 4 405 249 suffrages comparé au résultat de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle de 2017. C’est sciemment que la liste de la Reconquête présentée par La Dissidence Française n’intègre pas ce calcul. Elle doit représenter un indéniable aiguillon nationaliste-révolutionnaire et identitaire capable à terme de dynamiser le vaste camp (cloaque ?) national. Emmanuel Macron s’en sort bien mieux puisqu’il peut compter sur le report certain des deux tiers des électeurs Verts, d’un tiers des électeurs du centre-droit et d’un cinquième des électeurs de gauche. Les élections européennes de 2019 marquent donc pour le Rassemblement national une indiscutable victoire à la Pyrrhus.

Et pour quels effets pratiques au Parlement européen ? Le groupe héritier d’Europe des nations et de la liberté, Identité et Démocratie, compte 73 membres, principalement issus de la Lega, du RN et de l’AfD. Mais le grand groupe eurosceptique tant vanté au cours de la campagne n’existera jamais ! Différents protagonistes n’en veulent pas. Le Parti du Brexit du national-mondialiste Nigel Farage siège chez les non-inscrits. Le Fidesz de Viktor Orban demeure bien au chaud au sein de la droite gestionnaire et mercantile du Parti populaire européen (PPE) plutôt que de se compromettre avec un RN inapte à s’emparer du pouvoir. Quant aux Polonais de Droit et Justice de Jaroslaw Kacynzski, ils gardent leur propre groupe, Conservateurs et réformateurs européens, dont le tropisme ultra-atlantiste et russophobe les empêche de négocier avec un RN et une AfD bien trop « moscou-centrés » à leurs yeux…

Bien que cinquième groupe du Parlement européen en nombre de membres (un de moins que les Verts historiquement alliés aux régionalistes !), Identité et Démocratie pâtit du cordon sanitaire. Aucun de ses membres ne préside de commission et tous sont ostracisés. La faute en revient ici au mode de scrutin proportionnel qui favorise l’éclatement politique, les combinaisons politiciennes et les majorités transversales autour du PPE, des socialistes, des libéraux et des Verts. L’instabilité gouvernementale chronique en Italie, en Belgique, en Espagne, voire en Allemagne et en Autriche, résulte de l’application de la proportionnelle qui paralyse l’exécutif. Le scrutin majoritaire a lui aussi de très grands défauts. L’imbroglio tragi-comique du Brexit le prouve. L’existence des partis politiques rend les députés de la Chambre des Communes incapables et pleutres. Ils reflètent aussi leurs électeurs dépassés par les événements.

Le mieux serait encore un parlement désigné par les familles, les instances territoriales et les structures socio-professionnelles par le biais du tirage au sort et de la cooptation. L’élection et le vote dans l’isoloir sont des gestes de pure modernité. Avant la césure anthropologique de 1789 préparée plusieurs décennies auparavant par ce que Paul Hazard nomma dans sa remarquable étude éponyme, la crise de la conscience européenne (2), les communautés d’habitants pratiquaient rarement le vote. Elles préféraient la recherche du consensus et s’en remettaient au sort (3). Le simple fait de se porter candidat dénature déjà en soi l’acte politique. Quant aux partis politiques, leur présence dévalorise l’art politique. Comme le soulignait la philosophe Simone Weil dans sa Note sur la suppression générale des partis politiques, rédigée en 1940 et publiée après sa mort en 1950, il importe de se libérer de l’emprise partitocratique et, plus généralement du kratos, de la cratie, afin de mieux privilégier l’archie. Témoin attentif d’une Post-Modernité florissante en initiatives sociétales foisonnantes, moment obligé d’une crise de la conscience occidentale, Michel Maffesoli insiste sur l’avènement d’un monde baroque. Ce choc néo-baroque emportera tout sur son passage, y compris et surtout les illusions démocratiques conservatrices.

maurras-mes-idees-politiques-1ere.pngLe corps électoral est conservateur au sens que l’entend Charles Maurras dans Mes idées politiques. L’électeur craint que le suffrage populaire perturbe son confort petit-bourgeois proche de celui du Dernier Homme de Nietzsche. Souvenons-nous de sa méfiance lors du second tour de la présidentielle de 2017 en ce qui concerne le projet de sortie de la Zone euro proposée par Marine Le Pen sur les conseils de Florian Philippot. On l’observe encore à l’occasion du récent scrutin européen. En Italie, les listes sœurs ennemies de CasaPound et de Forza Nuova ne recueillent que 0,46 %. En Espagne, les électeurs ignorent l’alliance conclue entre la Phalange espagnole des JONS, Alternative espagnole, la Phalange et Démocratie nationale (0,05 %) et votent pour Vox, la dissidence droitière du Parti populaire. En Grèce, la répression policière et les entraves multiples fomentées par les syndicats, les maires, les journalistes et les juges ont fait perdre à Aube dorée tous ses députés, le 7 juillet dernier aux législatives anticipées. Hors de l’Union dite européenne, les Ukrainiens, lassés par la corruption endémique et l’absence de résultats économiques tangibles, dégagent le président sortant Petro Porochenko et choisissent largement l’acteur comique Volodymyr Zelenski. À peine investi, celui-ci dissout la Rada, le Parlement monocaméral, et permet à son parti, créé en quelques mois, Serviteur du peuple (du nom de la série télévisée qui fit connaître Zelenski) de remporter la majorité absolue pour la première fois depuis l’indépendance en 1991 ! Les électeurs se sont détournés des candidats nationalistes radicaux coalisés de Svoboda, de Secteur droit et du Corps nationalBataillon Azov.

Que penser alors du chaos en cours dans l’Anglosphère ? Séduits par la rhétorique protectionniste, isolationniste et anti-interventionniste, les démocrates pro-Trump de la « Ceinture de la Rouille » (Pennsylvanie, Virginie-Occidentale, Ohio, Indiana, Michigan, etc.) en 2016 s’estiment-ils trahis par un président en partie sous la coupe des faucons néo-conservateurs bellicistes ? En bon larbin de la finance anonyme et vagabonde, le 45e président des États-Unis criminalise la République bolivarienne du Venezuela, la République islamique d’Iran ainsi que le mouvement de résistance libanais Hezbollah. Quant à l’avenir de la Grande-Bretagne en plein Brexit, on ne peut que saluer une fois de plus la vision prophétique de Charles De Gaulle qui refusait l’adhésion de Londres dans l’ensemble européen. Boris Johnson a évincé la très guindée Theresa May. Des responsables supposés nationalistes en Europe ont salué cette arrivée au 10, Downing Street. Ce n’est pas parce que Le Monde, Libération et Arte dépeignent Alexander Boris de Pfeffel Johnson en méchant populiste qu’il faut prendre le contre-pied systématique. Ce natif de New York, rejeton d’une famille cosmopolite, fut de 2008 à 2016 le maire multiculturaliste de Londres. Cet admirateur de deux criminels de guerre britanniques, Winston Churchill et Margaret Thatcher, est foncièrement un ultra-libéral financiariste qui rêve de transformer Londres en « Singapour-sur-Tamise » et son pays en « Global United Kingdom », c’est-à-dire en un Royaume Uni mondialisé. Y voyez-vous un quelconque triomphe pour l’identité, l’enracinement et les traditions ? Souhaitons seulement que le Brexit favorise in fine l’indépendance de l’Écosse, l’autodétermination du Pays de Galles, le rattachement de l’Ulster à la République d’Irlande, le retour de Gibraltar à l’Espagne et la réintégration des îles Malouines à l’Argentine.

Presidente_Jair_Messias_Bolsonaro.jpgLe président brésilien Jair Bolsonaro appartient lui aussi à cette coterie nuisible d’imposteurs grotesques qui déforme et bafoue le combat identitaire, délaisse la priorité sociale anti-libérale et sous-estime l’enjeu écologique enraciné. « Les populistes sincères devraient s’interroger à chaque fois qu’on leur propose un candidat trop détesté par la gauche, prévient avec raison Julien Langella. Ce n’est souvent qu’un cuck, diminutif de cuckservative, “ conservateur cocu ” dans la langue du général Lee : défenseur des valeurs morales ou de la famille mais ouvert au libre-échange et donc aux attaques sur les anticorps spirituels de la nation (4). » Victimes d’une classe politicienne corrompue et d’une insécurité record, les Brésiliens ont soutenu sans aucune hésitation un obscur député fédéral de Rio de Janeiro qui tenait un discours exagéré et provocateur d’ordre, d’autorité et de discipline. Mais Bolsonaro n’a rien d’un continuateur de l’Action intégraliste de Plinio Salgado. C’est évident quand le gouvernement brésilien aligne sa diplomatie sur la centrale mondiale du terrorisme d’État, les États-Unis, s’affiche sioniste chrétien, accélère la déforestation de l’Amazonie et nie tout droit aux peuples autochtones amérindiens. Ces tribus sont elles aussi frappées par un « grand remplacement » pratiqué par les industries agro-alimentaires, les sectes évangéliques et les grandes compagnies minières. Défendre le principe intangible d’« une terre, un peuple » implique par conséquent le rejet de tout apport exogène moderniste ou progressiste ainsi que de toute tentative d’assimilation à la Mégamachine mondialiste génocidaire. « Si par “ exploitation rationnelle ”, il s’agit de transformer les petits fermiers indiens, pauvres mais libres, en ouvriers agricoles inhalant du glyphosate toute la journée, ou en employés des mines dont l’horizon se borne au plateau-repas devant Hanouna, alors, que les Indiens utilisent tous les moyens même légaux pour conserver leurs terres, écrit encore Julien Langella. Si c’est pour intégrer les Indiens à une société occidentale consumériste en phase terminale, alors nous ne pouvons que souhaiter aux Indiens de résister de toutes leurs forces contre le rouleau-compresseur de l’uniformisation mondiale. Si, par “ êtres humains comme nous ”, Bolsonaro entend “ consommateurs zombies déracinés ”, alors que les Indiens ne lâchent rien ! (5) » Les Amérindiens sont chez eux en Amazonie comme les Albo-Européens le sont en Europe et les Hispaniques sur des terres mexicaines volées en 1848 par la grande catin étoilée. Le 2 août dernier, un certain Patrick Crusius déclenchait une fusillade, tuait vingt-deux personnes et en blessait vingt-quatre autres parce qu’il condamnait l’« invasion latino » à El Paso, dont le nom même assure de l’antériorité évidente des Anglo-Saxons à cet endroit…

Greg-johnson-seattle-1_headcrop.jpgSurgi des franges les plus loufoques de l’Alt Right nord-américaine, le nationalisme blanc est propagé par le Californien Greg Johnson (photo, ci-contre) dont les écrits sont diffusés en France par une obscure maison d’édition se croyant dissidente qui soutient par ailleurs un traducteur syldavo-poldève au caractère aigri et suffisant. Le nationalisme blanc peut éventuellement résoudre les tensions sociales et ethniques inhérentes à la psychopathologie collective propre à l’âme américaine du Nord en prônant la sécession territoriale. Cette option séparatiste est en revanche pour l’Europe une dangereuse fiction. Le nationalisme blanc sert les desseins d’une faction de l’État profond étatsunien. Contrairement à ce qu’assène Greg Johnson, ce qu’il qualifie avec dédain de « nationalisme grandiose » (6), à savoir la quête d’un Imperium paneuropéen, constitue l’ultime recours des peuples autochtones d’Europe.

Parler dans ces conditions de « révolte des peuples » sonne faux à l’aune de ce décryptage politiquement très incorrect. Les peuples ne se révoltent pas; ils maugréent. Colonisés par l’idéologie de la marchandise, ils expriment une insatisfaction chronique, soudaine et passagère. Certains femmes Gilets Jaunes interrogées au début du mouvement expliquaient leur engagement sur les ronds points par leur impossibilité de se payer de temps en temps un restaurant le samedi soir. Bien des Gilets Jaunes ne veulent pas changer le Système en place; ils souhaitent au contraire s’y conformer, d’où l’échec des quelques tentatives de noyautage par la « droite radicale » et l’entrisme croissant de la part de certaines centrales syndicales et de militants gauchistes.

Dominique Venner disait souvent que l’Europe est pour l’heure en dormition. Mais un jour viendra où elle s’éveillera. Son sacrifice dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 21 mai 2013, incitait à ce réveil. Romantique politique, l’auteur de Baltikum était optimiste. Malgré tous les efforts louables et les appels au sursaut salvateur, les peuples européens ne bougent pas ! Toutes les manifestations électorales qui terrorisent tant les médiacrates n’expriment qu’un somnambulisme tenace. Ce somnambulisme politique désigne le comportement collectif des Européens, voire des Occidentaux, qui se complaisent dans une suave et mortelle léthargie. Ce renoncement se caractérise aussi par une profusion de faux héros réactionnaire ou contre-révolutionnaires.

ThM-CR.jpgQu’est-ce que le faux héros contre-révolutionnaire ou réactionnaire ? Le philosophe catholique d’origine hongroise Thomas Molnar qui vécut longtemps aux États-Unis et qui conseilla Viktor Orban pendant son premier mandat (1998 – 2002), l’explicite dans un essai méconnu La Contre-Révolution. Le faux héros « est en partie le produit de circonstances que l’on peut bien identifier et qui se retrouvent de temps à autre. Si l’on pouvait en dresser un portrait, cela donnerait un personnage né ou élevé dans un milieu contre-révolutionnaire, ou du moins dont on suppose qu’il partage les convictions contre-révolutionnaires. L’opinion publique le classe comme un contre-révolutionnaire et, par conséquent, il a des partisans et des adversaires, un profil politique défini. L’impression est d’autant plus marquée que son style de vie et son style de pensée, choses plus importantes que les jugements intellectuels, divisent automatiquement les gens en amis et ennemis, en sympathisants et adversaires. Pourtant, une ambiguïté considérable s’attache à lui du fait que le style et le contenu de sa pensée ne sont pas toujours en harmonie : jusqu’à ce qu’il détienne fermement le pouvoir, il ne laisse pas découvrir de quel côté penche la balance. Dans la période que précède la prise du pouvoir, cette ambiguïté garantit au faux “ héros ” contre-révolutionnaire une grande liberté d’action; ce n’est qu’au moment décisif qu’il se découvre, explique Thomas Molnar : il accepte l’autorité que lui proposent les contre-révolutionnaires, mais sa politique suit le schéma révolutionnaire et en fin de compte favorise la cause révolutionnaire. Son succès vient donc de son art d’utiliser le temps, et s’il domine le facteur temps c’est précisément que ni ses partisans ni ses adversaires naturels ne sont capables de calculer ni d’évaluer à l’avance quels seront ses faits et gestes; leur perplexité permet au faux “ héros ” de gagner du temps, ce qui est essentiel pour qu’il puisse réaliser ses manœuvres compliquées (7). » Écrites en 1969, ces lignes s’attardent ensuite sur Charles De Gaulle, Paul VI et Richard Nixon.

En 1996, Jean Renaud interroge Thomas Molnar et insiste sur cette notion clé de « faux héros ». « La droite, qui se plaît dans le rôle de l’éternelle victime et qui en est paralysée, n’a pas le choix, répond Thomas Molnar. Du fond de son désespoir, elle accueille ses pires ennemis, du moment que ceux-ci, pour des raisons tactiques et électorales, lui jettent quelques mots à demi rassurants. Le “ faux-héros ” recueille tous les avantages de cette situation. S’il possède assez de caractéristiques pour plaire à la droite, assure Thomas Molnar, il n’en reste pas moins que sa décision est depuis longtemps prise : faire une politique de gauche, la seule qui lui permette de gouverner dans une relative tranquillité (8). » Thomas Molnar prédisait avec une décennie d’avance le quinquennat calamiteux de l’ineffable Nicolas Sarközy. Sarközy, c’est François Hollande en pire. L’ancien maire de Neuilly a même reconnu que s’il avait été réélu en 2012, il aurait poussé encore plus loin l’« ouverture ». Jusqu’où ? À Bernard Tapie ? À Ségolène Royal ? À Olivier Besancenot ? Des trumpistes français peuvent rétorquer que Donald Trump ne gouverne pas dans la quiétude, bien au contraire ! Ayant contre lui l’ensemble de la médiacratie ainsi que divers cénacles influents du Complexe militaro-industriel bankstériste, le New Yorkais dirige dans le feu et la fureur. Ces conditions matérielles difficiles n’en font pourtant pas la réincarnation de Nathan Bedford Forrest, le fondateur du Ku Klux Klan.

« Encore une fois, ajoute Thomas Molnar, la droite n’a pas le choix : autoexilée de la politique, elle déplore cet exil qui promet d’être permanent, elle ferme les yeux et préfère s’illusionner. La principale illusion réside dans ce personnage ambigu du faux héros, capable d’endormir la droite juste le temps nécessaire pour consolider son règne (9). » Ce qu’expose le philosophe politique ne concerne pas que des personnalités publiques, politiques ou intellectuelles; son avertissement s’applique pleinement à certains slogans creux, stériles et finalement incapacitants comme l’« union des droites ».

ISSEP-Marion-Marechal-1.jpgL’« union des droites » serait une merveilleuse panacée. Future retraitée de la vie politique, Marion Maréchal estimait en 2017 que « la stratégie victorieuse réside dans l’alliance de la bourgeoisie conservatrice et des classes populaires. C’était la synergie qu’avait réussie Nicolas Sarkozy en 2007. […] Ce qui reste possible, c’est l’union des hommes. Il existe aujourd’hui une zone blanche, entre certains courants chez Les Républicains, que je qualifierais de droite nationale conservatrice, Nicolas Dupont-Aignan, ceux qui sortent du champ politique, comme Philippe de Villiers, certains élus et cadres de la droite, et le FN. Dans cette zone blanche, il y a une recomposition à opérer, qui s’apparenterait à l’union de certaines droites. Mais sans doute pas avec cette droite des Républicains, qui est une droite reniée (10) ». On doit lui reconnaître une réelle persévérance avec son école lyonnaise de cadres qui n’ose avouer sa véritable finalité et le soutien intéressé de quelques titres imprimés (L’Incorrect, Causeur, bientôt Conflits).

Cette « union des droites » est aussi l’antienne principale de la fameuse « droite hors les murs » qui, de Robert Ménard à Érik Tegnér, rêve d’un candidat apte en 2022 de battre Emmanuel Macron en réunissant les libéraux-conservateurs bourgeois coincés de Wauquiez et de Bellamy, les nationaux-conservateurs de Nicolas Dupont-Aignan, et l’électorat populaire radicalisé du Rassemblement national. Une congruence que pourrait susciter Éric Zemmour si celui-ci n’était pas un essayiste talentueux qui se refuse d’aborder les rivages de la politique. Dans une « union des droites », les floués seraient les catégories populaires déclassés de la mondialisation libérale. N’oublions jamais que si le « mariage pour tous » a indigné les beaux quartiers de Paris, de Lyon, de Bordeaux et de Versailles, ces mêmes beaux quartiers se félicitent de la généralisation du travail dominical et encouragent à l’encontre de toute étude sérieuse l’augmentation du temps de travail hebdomadaire.

todd-qui-est-charlie.jpgReconnaissons en revanche la clairvoyance de l’intellectuel souverainiste républicain de gauche Emmanuel Todd dans son livre polémique Qui est Charlie ? (11). Il examine une France de « catholiques – zombies ». Les récentes élections européennes confortent son analyste. L’électeur catho-zombie déteste les Gilets Jaunes, justifie l’impitoyable répression de Galliffet – Castener et donne son vote à La République en marche, formation politique idoine en matière de contre-populisme avéré. Même Patrick Buisson en convient aujourd’hui volontiers; l’« union des droites » ou, pour être plus précis, la combinaison du conservatisme et du libéralisme est désormais révolue. Il encourage maintenant l’« union des anti-libéraux » (12). Encore faut-il comprendre ce qu’il entend… S’agit-il d’une simple entente contre la mondialisation libérale ou bien un vrai front contre le libéralisme culturel et économique, soit l’alliance effective de Pierre-Joseph Proudhon et de Carl Schmitt ?

À l’heure des réseaux sociaux abrutissants, du numérique envahissant et d’Internet censeur implacable, la révolte concrète des peuples se révèle éphémère sinon impossible. Sur l’échelle du temps, ce ne sont que des soubresauts qui marquent la transition du XXe au XXIe siècle. Parfois violentes, ces agitations populaires ne s’inscrivent pas dans la durée, car il leur manque le facteur déterminant de la jeunesse. Les révolutions en Europe entre les XVIIIe et le XXe siècles provenaient d’hommes jeunes : Robespierre avait 36 ans quand il monta sur l’échafaud, Danton 34 ans au moment de son exécution, Napoléon devient Premier Consul à 30 ans, 39 ans pour Benito Mussolini à sa nomination à la présidence du Conseil. Cet élan de trentenaires manque fortement pour alimenter d’authentiques brasiers populaires et sociaux.

Avec la propagande qu’ils subissent à l’école, sur Internet, dans les films et par la publicité, les jeunes générations préfèrent marcher pour le climat au côté de la gracieuse Greta Thunberg. En faisant la grève scolaire contre le réchauffement climatique, les adolescents montrent leur inconséquence, eux qui sont les premiers à se plaindre dès qu’ils perdent leurs smartphones au coût écologique exorbitant en métaux rares et en transports.

La victoire n’est ni pour demain, ni même pour après-demain. Elle se détournera même de la modeste phalange que nous formons tant que les peuples du Vieux Continent persisteront dans leur périlleux somnambulisme. La mort paraît toujours plus douce quand elle arrive en plein sommeil.

Je vous remercie.

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : Michel Geoffroy, La super-classe mondiale contre les peuples, préface de Jean-Yves Le Gallou, Via Romana, 2018.

2 : Paul Hazard, La crise de la conscience européenne (1680 – 1715), Boivin – Librairie générale française, 1935.

3 : cf. Olivier Christin, Vox populi. Une histoire du vote avant le suffrage universel, Le Seuil, coll. « Liber », 2014.

4 : Julien Langella, « Bolsonaro, les Indiens et nous : le populisme en question », dans Présent du 20 juin 2019.

5 : Idem.

6 : cf. Greg Johnson, « Nationalisme grandiose » mis en ligne sur Counter-Currents, le 27 mars 2016.

7 : Thomas Molnar, La Contre-Révolution, La Table Ronde, 1982, pp. 175 – 176.

8 : Thomas Molnar, Du mal moderne. Symptômes et antidotes, entretiens avec Jean Renaud, Éditions du Beffroi, 1996, p. 97.

9 : Thomas Molnar, Du mal moderne, op. cit., pp. 97 – 98.

10 : « Le testament politique de Marion Maréchal – Le Pen (entretien avec Geoffroy Lejeune) », dans Valeurs Actuelles du 18 mai 2017.

11 : Emmanuel Todd, Qui est Charlie ? Sociologie d’une crise religieuse, Le Seuil, 2015.

12 : cf. Patrick Buisson, « Il n’y a aucune convergence possible entre libéralisme et populisme (entretien) », dans L’Opinion du 31 juillet 2019.

Conférence prononcée à l’invitation de la Ligue du Midi en Occitanie, le 8 septembre 2019.

jeudi, 12 septembre 2019

Les dirigeants européens sont atteints du syndrome de Stockholm face aux intimidations états-uniennes

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Les dirigeants européens sont atteints du syndrome de Stockholm face aux intimidations états-uniennes

par Finian Cunningham 

Ex: http://www.zejournal.mobi

La situation psychologique connue sous le nom de syndrome de Stockholm, dans laquelle les otages sympathisent de manière irrationnelle avec leurs ravisseurs, pourrait très bien s’appliquer aux dirigeants européens face aux intimidations états-uniennes.

Les États-Unis ont toujours été le parti dominant – et dominateur – de la relation transatlantique. Mais les administrations précédentes, à Washington, avaient pris soin de présenter les États européens comme des «partenaires» dans une alliance «apparemment» mutuelle.

Sous le Président Donald Trump, les pressions et les harcèlements dont sont l’objet les Européens mettent en lumière leur véritable statut de simples vassaux de Washington.

Prenez le projet Nord Stream 2. Le gazoduc sous-marin d’une longueur de 1 220 km, qui augmentera considérablement la capacité de livraison de gaz en Europe, devrait être achevé d’ici la fin de l’année. Cette nouvelle offre profitera à l’économie de l’Union Européenne, en particulier à celle de l’Allemagne, en fournissant du gaz moins cher pour les entreprises et pour le chauffage des logements.

Eh bien, la semaine dernière, le sénateur américain Ted Cruz a déclaré que son pays avait le pouvoir d’arrêter l’achèvement du projet. Cruz fait partie de la commission des affaires étrangères du Sénat US qui a adopté en juillet dernier un projet de loi imposant des sanctions aux entreprises impliquées dans la construction du pipeline. L’Allemagne, l’Autriche, la France et la Grande-Bretagne font partie du consortium de construction, aux côtés de la société russe Gazprom.

Ironiquement, le projet de loi du Sénat US s’appelle «Protéger la sécurité énergétique de l’Europe». C’est une bien curieuse forme de «protection» lorsque les sanctions appliquées par les USA pourraient priver les entreprises européennes et les consommateurs de gaz à un prix abordable.

Cruz, comme le Président Trump, a accusé la Russie d’essayer de resserrer son emprise économique sur l’Europe. Plus proche de la vérité et plus cynique, Washington souhaite que l’Europe achète son gaz naturel liquéfié, plus coûteux. Le Texas, la plus grande source de gaz américain, est l’État d’origine de Cruz. Son projet de loi devrait peut-être être renommé «Protection des exportations américaines d’énergie».

À cela s’ajoute l’imposition plus large, par Washington et l’Europe, de sanctions à l’encontre de la Russie depuis 2014. Plusieurs raisons ont été invoquées pour justifier les mesures punitives prises contre Moscou, notamment une prétendue déstabilisation de l’Ukraine et une «annexion» de la Crimée, une ingérence présumée dans les élections et l’affaire Skripal. Cette politique de
sanctions a été largement initiée et promue par Washington, suivie servilement par l’Europe.

La semaine dernière, les représentants de l’UE ont voté en faveur d’une prolongation des sanctions de six mois, alors qu’elles sont beaucoup plus dommageables pour l’économie européenne que pour celles des États-Unis et que les entreprises allemandes, en particulier, s’opposent à l’hostilité économique contre-productive à l’égard de Moscou.

L’absence de toute opposition européenne à une ingérence aussi flagrante de la part des États-Unis dans leur prétendue souveraineté et leur indépendance sur des questions d’intérêt vital est tout simplement stupéfiante.

Un autre exemple frappant est la façon dont l’administration Trump insiste pour que les États européens abandonnent d’importants projets d’investissement avec la société de télécommunication chinoise Huawei pour moderniser les infrastructures de téléphonie mobile et d’Internet. Washington a menacé de sanctions de représailles si l’Europe s’associait à Huawei. Les États-Unis ont également averti qu’ils pourraient empêcher le « partage de renseignements » des « alliés » européens sur les risques liés à la sécurité et au terrorisme. Fait-on cela à un « ami » ?

Là encore, les dirigeants européens font preuve de la même velléité d’acquiescement, au lieu de s’opposer aux États-Unis pour qu’ils s’occupent de leurs propres affaires.

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L’accord nucléaire conclu entre le JCPOA et l’Iran est une autre preuve éclatante de la relation fondamentalement abusive que Washington entretient avec l’Europe. Cette semaine, l’administration Trump a rejeté la proposition française d’étendre une ligne de crédit de 15 milliards de dollars à Téhéran. La proposition française visait à atténuer la pression économique sur l’Iran et à le maintenir dans l’accord nucléaire défaillant.

Washington a simplement déclaré « qu’il sanctionnera quiconque achètera du pétrole brut iranien« . Il n’y aura pas de dérogations ni d’exceptions aux sanctions américaines. Cela impose à peu près à l’Union Européenne d’oublier ses efforts hésitants pour sauver l’accord nucléaire avec l’Iran, dont elle est signataire, aux côtés de la Russie et de la Chine.

Donc, comme Trump s’est écarté de l’accord, cela signifie, dans sa vision dominatrice, que les Européens doivent également le faire,. De toute évidence, l’UE n’a pas la liberté d’agir indépendamment du diktat américain. Détruire les relations entre l’Europe et l’Iran mettra en péril les intérêts économiques et les préoccupations de sécurité liées aux conflits et à la non-prolifération des armes dans la région. Les préoccupations européennes sont-elles si peu pertinentes pour Washington ?

Maintenant, accrochez-vous à la formidable double pensée suivante. Le Secrétaire américain à la Défense, Mark Esper, a incité la semaine dernière ses «amis» européens à faire preuve de plus de vigilance pour lutter contre les supposées malignités russes et chinoises.

Tenu devant le groupe de réflexion du Royal United Services Institute à Londres, ce discours a été présenté comme le premier discours majeur d’Esper depuis qu’il est devenu chef du Pentagone en juillet.

« Il est de plus en plus clair que la Russie et la Chine veulent perturber l’ordre international en obtenant un droit de veto sur les décisions économiques, diplomatiques et de sécurité d’autres nations« , a-t-il déclaré.

«En termes simples, la politique étrangère de la Russie continue de faire fi des normes internationales», a ajouté, sans aucune honte, l’ancien lobbyiste de Raytheon et d’autres fabricants d’armes américains.

Quelle a été la réponse de l’Europe ? Les dirigeants européens et les médias ont-ils éclaté de rire devant une telle absurdité, hypocrisie et inversion accusatoire ? Existe-t-il des déclarations officielles ou des éditoriaux sévères invitant le représentant américain du complexe militaro-industriel à ne pas insulter la simple intelligence ?

La tolérance de l’Europe aux comportements abusifs de son «partenaire» américain est bien un problème de syndrome de Stockholm. Bien sûr, parfois les dirigeants européens tels que Merkel ou Macron s’interrogent sur la nécessité de renforcer leur indépendance par rapport à Washington, mais quand les cartes sont minces, ils témoignent tous d’une allégeance méprisable pour la politique américaine, même si cela nuit réellement à leurs intérêts nationaux.

Lorsque Trump a recommandé que la Russie soit admise au récent sommet du G7 en France, le mois dernier, le reste du groupe a réagi avec horreur en demandant le maintien de l’exclusion de Moscou. Comment expliquer cette attitude ? Des chefs européens pathétiques veulent rester dans un club avec leur plus grand bourreau – Washington – tout en excluant un pays voisin et un partenaire stratégique potentiellement important. Comment peut-on faire plus irrationnel?

Les psychologues expliquent le syndrome de Stockholm en tant que «mécanisme d’adaptation» pour traiter les traumatismes. Il est observé parmi les otages, les prisonniers de guerre, les survivants des camps de concentration, les esclaves et les prostituées.

La sympathie irrationnelle envers un parti qui inflige des difficultés et des blessures est un moyen de minimiser les traumatismes en semblant adopter les mêmes valeurs.

Apparemment, le syndrome peut être traité et guéri. Les victimes doivent être progressivement familiarisées avec la vérité objective de leur situation. L’Europe doit se réveiller de ses illusions sur son «allié américain».

Traduit de l’anglais par Dominique Delawarde


- Source : RT (Russie)

mercredi, 11 septembre 2019

L'impuissance militaire américaine dans la zone indo-pacifique

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L'impuissance militaire américaine dans la zone indo-pacifique

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

La zone indo-pacifique, priorité militaire pour le Pentagone

L'auteur de l'article de Strategic Culture cité en référence indique que selon le secrétaire de la Défense américain Mark Esper, le retrait des Etats-Unis du traité INF (Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire ) n'a pas été motivé par la volonté d'établir des bases américaines dotées de tels missiles aux frontières de la Russie, mais de rassembler tous les moyens militaires disponibles pour faire face à une éventuelle attaque chinoise dans la zone indo-pacifique.

Mark Esper a confirmé que, conformément aux prescriptions du récent rapport sur la stratégie nationale de défense américaine, c'est la Chine et ensuite la Russie qui représentent le plus grand danger auquel sont confrontés les Etats-Unis. Il serait temps selon lui, de se préparer à passer de conflits de basse intensité avec ces deux pays pouvant se prolonger pendant des années à des conflits dits « de haute intensité ». Comme chacun sait, ceux-ci pourraient dégénérer en affrontements nucléaires.

On notera que Mark Esper n'a pas hésité à réaffirmer ceci au moment même où Donald Trump et Xi Jinping envisageraient une atténuation des « sanctions américaines » contre la Chine et des contre-sanctions chinoises. Cette atténuation est vivement souhaitée par les entreprises américaines qui vivent des échanges économiques entre les deux pays. Mais on peut penser que le Pentagone et ses alliés, notamment au Japon et en Corée du Sud, sont de plus en plus préoccupés par les missiles hypersoniques dont se dote actuellement la Chine, avec l'aide de la Russie. Un seul de ceux-ci, comme nous l'avons indiqué précédemment, pourrait s'il était bien placé envoyer par le fonds un porte-avions américain,

Ce qui les inquiète particulièrement aujourd'hui est l'acquisition d'armes anti-aériennes et anti-missiles du type du système anti-missile russe S400 par des pays essentiels à la sécurité américaine tels que l'Inde, la Turquie, la Syrie et même les Emirats Arabes Unis. Les stratèges américains reconnaissent que la supériorité militaire américaine est mise en échec par de tels bases ou navires équipés de ces missiles. Ceux-ci pourraient rendre impuissantes les forces armées américaines dans le Pacifique en seulement quelques heures de conflit.

Mais, comme l'écrit Strategic Culture, les Etats-Unis n'ont pas profité de cette situation pour proposer des accords de coopération avec la Chine et ses alliés. Au contraire, ils voudraient maintenant négocier avec leurs alliés la mise en place d'un Otan du Pacifique. Compte tenu des difficultés que les Américains rencontrent actuellement à utiliser l'Otan nord-atlantique pour établir des relations de coopération entre les membres de cette dernière, on doute que la perspective d'un Otan du Pacifique intéresse beaucoup d'alliés de l'Amérique dans cette zone.

Pour en savoir plus, voir

https://www.strategic-culture.org/news/2019/09/02/america...

L'auteur en est Matthew Ehret, fondateur et responsable de la Canadian Patriot Review et de la Rising Tide Foundation

Note au 05/09

Il convient de relativiser l'impuissance américaine  en mer de chine méridionale. L'US Navy vient de conduire des manoeuvres communes avec les marines de l'ASEAN, comme le relate l'article ci-dessous. Il est vrai que selon cet article, la Chine pratique de son côté de telles manoeuvres.  L'ASEAN ou Association des nations de l'Asie du Sud-Est est une organisation politique, économique et culturelle regroupant dix pays d'Asie du Sud-Est

https://www.asiatimes.com/2019/09/article/us-asean-float-...

 

Mettre l’Union européenne à l’heure suisse

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Mettre l’Union européenne à l’heure suisse

par Georges FELTIN-TRACOL

Chers Amis de TV Libertés,

Ancien directeur de La Tribune de Genève et député à l’assemblée cantonale de Genève d’abord sous l’étiquette démocrate-chrétienne, puis comme indépendant, le Russo-Suisse Guy Mettan vient de signer un essai qui mécontentera les européistes « bruxellobéats » et agacera les souverainistes nationaux, Le continent perdu. Plaidoyer pour une Europe démocratique et souveraines (les Éditions des Syrtes, 2019, 266 p., 19 €).

Il jette en effet un regard extérieur sur la question européenne ou, pour être plus précis, sur le devenir de l’Union européenne. Guy Mettan commet toutefois une erreur fréquente, celle de confondre l’Europe et l’Union dite européenne. L’auteur ne cache pas avoir été un chantre de l’adhésion suisse au grand ensemble continental voisin. Il en est aujourd’hui revenu au point de le qualifier de « machine déréglée (p. 109) » au « circuit législatif abscons (p. 123) » qui pratique « un coup d’État judiciaire permanent (p. 121) ». Il juge les institutions actuelles de l’UE ne pas être à la hauteur des défis.

Fort des précédents historiques, Guy Mettan s’inquiète de l’inertie croissante du processus européen qui suscite en revanche une décomposition étatique inouïe avec le Brexit, générateur d’une incroyable instabilité politique outre-Manche, les revendications indépendantistes de la Catalogne, de l’Écosse, de la Flandre ou les tentations illibérales en Europe centrale. Ces phénomènes politiques profonds affaiblissent des États européens qui deviendront bientôt des proies faciles pour la Chine ou l’Inde. Il craint par ailleurs que le destin des nations européennes soit de finir digérées par les États-Unis comme les cités grecques le furent par Rome…

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L’auteur déplore en outre la confrontation stérile entre de faux européistes qui croient l’UE comme un accélérateur de dépolitisation du monde au profit d ela technique, du droit et de l’économie, et des souverainistes populistes qui préfèrent se rétracter sur le seul cadre national. Guy Mettan ose pour sa part proposer un projet européen souverainiste et fédéraliste, ce qui peut paraître contradictoire pour un esprit français. Pas du tout quand on s’inspire de l’exemple helvétique. Ainsi défend-t-il que « l’Europe, plutôt que de vouloir devenir un empire non impérial, devrait au contraire avoir l’ambition de se transformer en un “ anti-empire ”, en un État fédéral fort, libre, démocratique, souveraine et respectueuse des autres (p. 222) ».

Hormis l’emploi dans une acception courante, inexacte et polémique du concept d’empire, l’auteur avance, à rebours de la doxa dominante, que le processus européen ne peut se concrétiser qu’autour de « la neutralité (ou le non-alignement) comme principe d’action (p. 248) ». Certes, « évoquer cette perspective, concède-t-il, fera naturellement bondir les atlantistes fanatiques et les intellectuels partisans de l’ingérence humanitaire et de la mission civilisatrice de l’Europe, censées apporter les lumières de la démocratie et des droits de l’homme au reste du monde plongé dans les ténèbres de la barbarie (idem) ». Si la neutralité coïncide à la spécificité suisse, correspondrait-elle à l’âme européenne définie naguère par Robert Dun ? Or il existe une subtile différence entre la neutralité et le non-alignement.

Charles De Gaulle esquissa aux débuts de la Ve République une diplomatie non-alignée en vive opposition avec le bloc atlantique anglo-saxon. La neutralité suisse est par nature dépolitisante puisqu’elle récuse toute puissance. Or, l’hypothétique non-alignement alter-européen qui impliquerait au préalable la fin de l’OTAN et la présence militaire étatsunienne serait quant à lui résolument politisé, axé sur la notion de puissance, et s’incarnerait dans une « Europe cuirassée » comme l’entendait Maurice Bardèche. L’État européen de demain (ou d’après-demain ?) pourra bien sûr se mettre à l’heure de Genève mais à la condition impérative de se placer au centre du grand jeu tragique des rapports de forces géopolitiques et non point à l’écart.

Bonjour chez vous !

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 136, mise en ligne sur TV Libertés, le 29 juillet 2019.

Pourquoi cette rupture entre la Ligue du Nord et le Mouvement Cinq Etoiles ?

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Pourquoi cette rupture entre la Ligue du Nord et le Mouvement Cinq Etoiles ?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

En Italie, la rupture qui vient de se produire le 7-8 Août entre les deux mouvements politiques La Ligue du Nord et le Mouvement Cinq Etoiles (M5S) jusqu'à présent alliés pour se partager le pouvoir, était prévisible aux yeux de beaucoup.

Ceux-ci sont profondément différents. La Ligue représente les puissants intérêts industriel de Turin et Milan, Cinq Etoiles voulant incarner les petites et moyennes entreprises de l'Italie centrale où le tourisme joue un rôle important.

Certes il y a un an ils s'étaient rapprochés pour combattre les nouveaux impôts que prévoyait le gouvernement précédent soumis aux impératifs de rentabilité imposés par l'Union Européenne. Mais la tension entre les deux alliés était apparente depuis de longs mois. Notamment depuis les élections européennes, au mois de mai 2019, qui se sont traduites par un triomphe de la Ligue et un échec retentissant pour le Mouvement 5 étoiles.

Des oppositions personnelles entre Matteo Salvini, chef de la Ligue  et Luigi di Maio, chef du L5S, étaient évidentes. Tous deux manifestement ambitionnaient d'exercer seuls le pouvoir, à titre personnel mais aussi au regard des multiples avantages que confère l'exercice du gouvernement dans un pays où règne encore une forte corruption.

Une intervention d'Outre Atlantique

Mais ceci n'est pas la seule explication. Il convient aussi de se demander si le gouvernement dit « populiste » qu'ils incarnaient au sein de l'Union européenne n'a pas provoqué l'alliance de tous les intérêts extérieurs à l'Italie qui craignaient de voir de leur fait remettre en cause l'influence qu'ils exercent sur l'Union européenne elle-même.

On doit penser notamment que le complexe militaro-industriel qui gouverne de fait à Washington a voulu arrêter ce qu'il considérait comme une dérive dangereuse du gouvernement italien, sous l'autorité de Matteo Salvini. vers un désengagement à l'égard d'une Union Atlantique dominée par les Américains, non seulement au plan économico-financier mais au plan diplomatique, ceci afin d'en faire une machine de guerre contre la Russie et la Chine.

Matteo Salvini avait en effet laissé entendre qu'il préparait une rencontre à Moscou avec Vladimir Poutine ou l'un de ses représentants les plus influents. L'objet en aurait été d'examiner le rôle que pourrait jouer l'Italie pour désamorcer les tensions, pour ne pas parler des menaces de conflits militaires, que préparait le Pentagone contre la Russie, coupable à ses yeux de combattre l'influence prise, en Europe du Nord et en Europe méditerranéenne, par les forces armées américaines.

Son tort encore plus grand avait été de favoriser l'ouverture de l'Italie au grand programme chinois dit des Nouvelles Routes de la Soie ou OBOR. Washington voit dans ce programme, non sans raison, une menace pour la domination quasi absolue qu'exercent encore les intérêts économiques et militaires américains en Europe.

 

mardi, 10 septembre 2019

Macron et la déshérence du projet occidental

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Macron et la déshérence du projet occidental

Par Nicolas Bonnal

Source nicolasbonnal.wordpress.com

Philippe Grasset a eu le nez creux en relevant ce texte extraordinaire. Que se passe-t-il quand le représentant du système se met à parler juste, quand il nous coupe l’herbe sous le pied ? Car Macron peut désintégrer son opposition antisystème avec ce discours aux ambassadeurs, qui succède à un faux G7-simulacre où le Donald s’est fait piéger comme un alevin.

Macron avait reçu Poutine après son élection, et il l’a revu à Brégançon, mettant fin à la débile/soumise diplomatie héritée des années Hollande-Obama. Et comme en plus il reconnaît la violence de l’ordre néo-libéral financiarisé et la logique des révoltés… en bref, on a un chef d’État qui a compris, ce qui vaut mieux qu’un chef d’État qui fait semblant de nous avoir compris. On étudiera ici la justesse de la pensée, et pas les résultats d’une politique qui nous indiffère du reste.

Et dans ce long discours (17 000 mots) dont on a surtout apprécié la première partie analytique, on a relevé cette observation sur la fin de la domination occidentale :

Nous le vivons tous ensemble ce monde et vous le connaissez mieux que moi, mais l’ordre international est bousculé de manière inédite mais surtout avec, si je puis dire, un grand bouleversement qui se fait sans doute pour la première fois dans notre histoire à peu près dans tous les domaines, avec une magnitude profondément historique. C’est d’abord une transformation, une recomposition géopolitique et stratégique. Nous sommes sans doute en train de vivre la fin de l’hégémonie occidentale sur le monde.

Puis, comme un savant synthétiseur qu’il est, Macron rappelle finement :

Nous nous étions habitués à un ordre international qui depuis le 18ème siècle reposait sur une hégémonie occidentale, vraisemblablement française au 18ème siècle, par l’inspiration des Lumières ; sans doute britannique au 19ème grâce à la révolution industrielle et raisonnablement américaine au 20ème grâce aux 2 grands conflits et à la domination économique et politique de cette puissance. Les choses changent.

Oui, l’Angleterre c’était l’usine, l’Amérique la guerre (froide, tiède, interminable, et il le fait bien comprendre). La France c’était la culture.

Ensuite, surtout, ce président incrimine la médiocrité occidentale et ses méchantes manières :

Et elles sont profondément bousculées par les erreurs des Occidentaux dans certaines crises, par les choix aussi américains depuis plusieurs années et qui n’ont pas commencé avec cette administration mais qui conduisent à revisiter certaines implications dans des conflits au Proche et Moyen-Orient et ailleurs, et à repenser une stratégie profonde, diplomatique et militaire, et parfois des éléments de solidarité dont nous pensions qu’ils étaient des intangibles pour l’éternité même si nous avions constitué ensemble dans des moments géopolitiques qui pourtant aujourd’hui ont changé.

Puis on remarque que le monde est de facto multipolaire malgré les tweets de Dumb-Trump et Dumber-Bolton :

Et puis c’est aussi l’émergence de nouvelles puissances dont nous avons sans doute longtemps sous-estimé l’impact.

La Chine au premier rang mais également la stratégie russe menée, il faut bien le dire, depuis quelques années avec plus de succès. J’y reviendrai. L’Inde qui émerge, ces nouvelles économies qui deviennent aussi des puissances pas seulement économiques mais politiques et qui se pensent comme certains ont pu l’écrire, comme de véritables États civilisations et qui viennent non seulement bousculer notre ordre international, qui viennent peser dans l’ordre économique mais qui viennent aussi repenser l’ordre politique et l’imaginaire politique qui va avec, avec beaucoup de force et beaucoup plus d’inspiration que nous n’en avons.

Essentiel aussi, on souligne l’habileté et la stratégie de ces nouveaux venus (encore que l’Inde de Modi fasse plutôt grimacer) qui contraste avec l’absence de méthode des américains, digne du colonel Kurz :

Regardons l’Inde, la Russie et la Chine. Elles ont une inspiration politique beaucoup plus forte que les Européens aujourd’hui. Elles pensent le monde avec une vraie logique, une vraie philosophie, un imaginaire que nous avons un peu perdu.

L’occident, coquille vide qui a perdu le sens, cela nous fait un beau débat, qui va de Goethe à Valéry… Enfin un qui a compris que la Chine et la Russie sont dirigées de main de maître.

Vient une autre surprise. Le commis présumé des banques et des oligarques reconnaît que la matrice a fourché… Et cela donne :

D’abord elle s’est profondément financiarisée et ce qui était une économie de marché, que certains avaient pu même parfois théoriser en parlant d’économie sociale de marché et qui était au cœur des équilibres que nous avions pensé est devenue une véritable économie d’un capitalisme cumulatif où, il faut bien le dire, d’abord la financiarisation puis les transformations technologiques ont conduit à ce qu’il y ait une concentration accrue des richesses chez les champions, c’est-à-dire les talents dans nos pays, les grandes métropoles qui réussissent dans la mondialisation et les pays qui portent la réussite de cet ordre.

L’économie de marché nous replonge dans la pauvreté après un siècle et demi de succès :

Et donc l’économie de marché qui jusqu’à présent par la théorie des avantages comparatifs et tout ce que nous avions sagement appris jusque-là et qui permettait de répartir la richesse et qui a formidablement marché pendant des décennies en sortant de manière inédite dans l’histoire de l’humanité des centaines de millions de concitoyens du monde de la pauvreté, a replongé et conduit à des inégalités qui ne sont plus supportables. Dans nos économies, la France l’a vécu ces derniers mois, très profondément mais en fait nous le vivons depuis des années et dans le monde entier. Et cette économie de marché produit des inégalités inédites qui au fond viennent bousculer en profondeur là aussi notre ordre politique.

C’est l’économie des manipulateurs de symboles dont nous avions parlé en citant Robert Reich (« The work of nations« ).  Macron reconnaît et donc comprend la colère des classes moyennes :

Quand les classes moyennes qui sont le socle de nos démocraties n’y ont plus leur part, elles doutent et elles sont légitimement tentées ou par des régimes autoritaires ou par des démocraties illibérales ou par la remise en cause de ce système économique…

Et sur les britanniques qui ont voulu sortir de cette Europe bureaucrate notre orateur remarque :

Et au fond, ce que les brexiteurs ont proposé au peuple britannique qui était un très bon mot d’ordre : reprendre le contrôle de nos vies, de notre nation. C’est ce que nous devons savoir penser et agir dans une nation ouverte. Reprendre le contrôle. Fini le temps où on expliquait à nos concitoyens la délocalisation, c’est l’ordre des choses, c’est une bonne chose pour vous. Les emplois vont en Pologne ou en Chine, au Vietnam et vous allez retrouver le … on n’arrive plus à expliquer cette histoire. Et donc, nous devons trouver les moyens de peser dans la mondialisation mais aussi de repenser cet ordre international.

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Une bonne petite mise au point sur les américains :

Les États-Unis d’Amérique sont dans le camp occidental mais ils ne portent pas le même humanisme. Leur sensibilité aux questions climatiques, à l’égalité, aux équilibres sociaux qui sont les nôtres n’existe pas de la même manière.Il y a un primat de la liberté qui caractérise d’ailleurs la civilisation américaine très profondément et qui explique aussi nos différences même si nous sommes profondément alliés. Et la civilisation chinoise n’a pas non plus les mêmes préférences collectives pour parler pudiquement, ni les mêmes valeurs.

Car Macron voudrait éviter la soumission à un bloc ou à l’autre. Il faudrait donc l’Europe.  Il ajoute étonnamment :

Le projet de civilisation européenne ne peut pas être porté ni pas par la Hongrie catholique, ni par la Russie orthodoxe. Et nous l’avons laissé à ces deux dirigeants par exemple, et je le dis avec beaucoup de respect, allez écouter des discours en Hongrie ou en Russie, ce sont des projets qui ont leurs différences mais ils portent une vitalité culturelle et civilisationnelle, pour ma part, que je considère comme erronée mais qui est inspirante.

Il préfère se réclamer de la Renaissance et des Lumières. Aucun commentaire.

Il nous rassure sur son armée :

Nous sommes en passe de devenir de manière indiscutable la première armée européenne par les investissements que nous avons décidé, par la loi de programmation militaire, par la qualité de nos soldats et l’attractivité de notre armée. Et aujourd’hui, en Europe, personne n’a cette vitalité et personne n’a décidé ce réinvestissement stratégique et humain. Ce qui est un point essentiel pour pouvoir peser. Et nous restons une grande puissance diplomatique, membre permanent du Conseil de sécurité, au cœur de l’Europe et au cœur de beaucoup de coalitions.

Il met en garde sur la Russie, tel John Mearsheimer :

Je pense en plus que pousser la Russie loin de l’Europe est une profonde erreur stratégique parce que nous poussons la Russie soit à un isolement qui accroît les tensions, soit à s’allier avec d’autres grandes puissances comme la Chine, qui ne serait pas du tout notre intérêt.

Une mise au point pour l’Amérique :

Mais pour le dire en termes simple, nous ne sommes pas une puissance qui considère que les ennemis de nos amis sont forcément les nôtres ou qu’on s’interdit de leur parler…

Et d’ajouter sur cette architecture de confiance et de sécurité qui lui avait valu les gluants sarcasmes du Donald :

Nous sommes en Europe, et la Russie aussi. Et si nous ne savons pas à un moment donné faire quelque chose d’utile avec la Russie, nous resterons avec une tension profondément stérile. Nous continuerons d’avoir des conflits gelés partout en Europe.

Je crois qu’il nous faut construire une nouvelle architecture de confiance et de sécurité en Europe, parce que le continent européen ne sera jamais stable, ne sera jamais en sécurité, si nous ne pacifions pas et ne clarifions pas nos relations avec la Russie.Ce n’est pas l’intérêt de certains de nos alliés, soyons clairs avec ce sujet.

On rappelle les faiblesses de la Russie – en les outrant certainement :

… cette grande puissance qui investit beaucoup sur son armement, qui nous fait si peur a le produit intérieur brut de l’Espagne, a une démographie déclinante et un pays vieillissant, et une tension politique croissante. Est-ce que vous pensez que l’on peut durer comme cela ? Je pense que la vocation de la Russie n’est pas d’être l’alliée minoritaire de la Chine…

Sur la Chine il rappelle :

Nous respectons les intérêts et la souveraineté de la Chine, mais la Chine doit elle aussi respecter pleinement notre souveraineté et notre unité, et sur ce plan la dynamique européenne est essentielle. Nous avons commis des erreurs profondes il y a 10 ans sur ce sujet.

Que d’erreurs occidentales décryptées… Et pour parler comme Laetitia, « pourvu que ça dure », cette lucidité et ce rapprochement avec la Russie. Pour le reste, les rassemblements nationaux et autres France insoumises ont du souci à se faire. Et les antisystèmes aussi…

Le fait d’avoir assimilé le basculement mondial de ces dernières décennies et d’avoir pris la mesure des inégalités créées par une économie postindustrielle ne donne pas à cette présidence une garantie pour échapper à l’échec ou à la manip’ ; mais reconnaissons aussi que pour la première fois depuis longtemps un esprit présidentiel est capable de saisir et d’analyser les grandes transformations de cette époque étrange.

The System that Kills the Peoples: The Birth of Neoliberalism

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The System that Kills the Peoples:
The Birth of Neoliberalism

Quinn Slobodian
Globalists: The End of Empire and the Birth of Neoliberalism
Cambridge: Harvard University Press, 2018

QS-glob.jpgOne of the seminal ideological battles of recent history has been that between internationalism, in one form or another, and nationalism. Countless words have been devoted to dissecting the causes, effects, merits, and drawbacks of the various incarnations of these two basic positions. Neoliberalism has, however, succeeded in becoming the dominant internationalist ideology of the power elite and, because nationalism is its natural antithesis, great effort has been expended across all levels of society towards normalizing neoliberal assumptions about politics and economics and demonizing those of nationalism.[1] [2] This all seems obvious now, almost like second nature to those involved in the conflict, but despite this – or rather because of this – it is necessary to investigate the intellectual history of neoliberalism so as to better understand how it took hold of the imagination of the world’s elites. The recent book by Canadian historian Quinn Slobodian, Globalists: The End of Empire and the Birth of Neoliberalism, is an excellent, thought-provoking work on the subject and should be required reading for all White Nationalists. The book can serve as both an introduction to a serious study of neoliberalism and a valuable addition to any scholar’s library.

Slobodian argues that neoliberalism arose at the end of empire “not to liberate markets but to encase them, to inoculate capitalism against the threat of democracy, and to reorder the world after empire as a space of competing states in which borders fulfill a necessary function” (p. 2). Readers might be surprised by his statement about the neoliberal conception of borders. This, after all, differs remarkably from popular understanding, but the key to resolving this seemingly odd position can be found in the “two worlds theory” articulated by Carl Schmitt in 1950. Slobodian writes:

One was the world partitioned into bounded, territorial states where governments ruled over human beings. This he called the world of imperium, using the Roman legal term. The other was the world of property, where in people owned things, money, and land scattered across the earth. This was the world of dominium (p. 10).

As the author points out, for Schmitt this was “something negative, an impingement on the full exercise of national sovereignty” (p. 10), but neoliberals found in it an accurate description of precisely that which they had been trying to preserve and enhance for many years. This is a fundamental point and it underlies much of what is to follow. The neoliberal project is not one of anarchic, borderless economic activity but rather a supranational security apparatus designed to protect capitalism as a system of laws, both formal and informal, based on the ideas of individual consumer sovereignty, mobile capital, the human rights of capitalists and corporations, and an almost religious faith in market forces which take precedence over national interest. The author refers to this as “militant globalism.” Simply put, borders are for people and people are always secondary to capital in the neoliberal order. The nation-state and its borders are tolerated by neoliberalism only to the extent that they can be made useful to global capitalism.

QS-portraitr.jpgSlobodian begins with the dramatic shift in political and economic conceptions of the world following the First World War. As he observes, the very concept of a “world economy,” along with other related concepts like “world history,” “world literature,” and “world affairs,” entered the English language at this time (p. 28). The relevance of the nineteenth-century classical liberal model was fading as empire faded and both political and economic nationalism arose. As the world “expanded,” so too did the desire for national sovereignty, which, especially in the realm of economics, was seen by neoliberals as a terrible threat to the preservation of the separation of imperium and dominium. A world in which the global economy would be segregated and subjected to the jurisdiction of states and the collective will of their various peoples was antithetical to the neoliberal ideal of free trade and economic internationalism; i.e., the maintenance of a “world economy.”

Many of the economists who were troubled by the rise of nationalism and who were sympathetic towards empire as a quasi-internationalist free trade system were at this time centered in Austria. Slobodian provides a valuable history of their activity, with a focus on Ludwig von Mises, the Jew who laid the groundwork for much of what became neoliberal orthodoxy. Mises was highly anti-democratic, approved of state violence against workers, and supported the use of military power to open overseas markets (p. 33). The author writes that, for Mises, the state “could find its legitimacy only in its defense of the sanctity of private property and the forces of competition” (p. 33). In a 1921 policy paper in which he advocated free trade for Austria, he also suggested “[lifting] prohibitions on imports and ports . . . privatizing pubic enterprises, eliminating food subsidies . . . [and] lifting entry and residence requirements for foreigners ” (p. 43). In 1930, while Mises was an adviser to the Vienna Chamber of Commerce, the organization urged the government to pass an “anti-terror law” to combat worker strikes (p. 46). But much of his efforts and those of his colleagues were directed towards the elimination of tariffs, including international propaganda missions on behalf of this idea through the International Chamber of Commerce, an organization that tried to liberalize the global economy in a fashion similar to what the League of Nations was trying to do in the realm of politics.

The Great Depression made their job harder by further weakening popular faith in the free market. Following its end, a number of important economists, including Friedrich von Hayek, moved to Geneva to escape what were for them unfavorable political conditions in various parts of Europe. It was here that the Geneva school of economists was born and neoliberalism coalesced as an ideology. One of the fundamental shifts that occurred here at this time was a shift away from the heavy reliance on statistics, data, and economic models which had been a feature of the earlier work of neoliberals, but had also grown in importance across the discipline as economists attempted to explain business cycles. Neoliberals now saw this as nascent economic planning and began “to take a step back and contemplate the core enabling conditions of the grander order itself” (p. 84). They began to believe that the world economy was “unknowable,” but that “this was not a dead end but the starting point for designing the order within which the world economy could thrive” (p. 84). They realized that theirs was an ideology that transcended the purely economic, or as the author puts it, ” . . . the defense of the world economy . . . was too important to be left to the discipline of economics” (p. 92).

Supposed libertarians like Mises and Hayek were quite comfortable with international governance, in violation of the ideals those who admire them today claim to hold. Slobodian describes how, during the 1930s, neoliberals had finally realized that the “self-regulating market was a myth,” decolonization was inevitable, and “that the era of the nation was irreversible” (p. 95). Their mission was to exert political pressure to manage this new reality in order to ensure that these developments did not allow for the rise of economic nationalism. Their answer was “loose federations within which the constituent nations would retain control over cultural policy but be bound to maintain free trade and free capital movement between nations” (p. 95).

A world federation or federations could guarantee the separation of imperium and dominium. The nation-state would remain useful as a legal entity to ensure territorial compliance with the federation’s legal structure, which, by design, would be unaccountable to the public and render the nation-states’ sovereignty “ornamental” (p. 112). It is of some interest that these ideas, supported by Mises and Hayek, were also pushed by Wilhelm Röpke (a German economist who fled Germany in opposition to Hitler’s anti-Semitism) as a way to prevent Germany from regaining its economic self-sufficiency following the Second World War (p. 113).

Slobodian next delves into the neoliberal use of rights in their quest for the security of global capitalism. He writes:

Against human rights, they posed the human rights of capital. Against the stateless person, they posed the investor. Against sovereignty and autonomy, they posed the world economy and the international division of labor. Their ‘national’ was both a person and a company (p. 125).

The author calls these “xenos rights,” from the Greek word meaning “guest-friend” (p. 123). As one might expect, for neoliberals the citizen is secondary to the cosmopolitan capitalist in the same way that the nation-state is secondary to the world economy. As such, in their conception of human rights, “the alien investor must actually have more rights than citizens” (p. 137). An example he discusses is the “Capitalist Magna Carta,” Deutsche Bank’s Hermann Josef Abs’ 1957 attempt to enshrine this concept into international law, which was supported in the United States by Emmanuel Celler, the infamous Jew behind the 1965 Hart-Celler Act.

The subject of race gets a chapter in the book as well. With the emergence of the Global South, often acting as a bloc on the world stage and often with political and economic demands quite different from those of the neoliberals, and with the simple reality of biological differences as factors in civilizational progression and any honest analysis thereof, race was bound to be a part of the discussion to some degree. But most neoliberals did not think in terms of race, and when they did, it was to minimize its importance, as in, for example, the case of Hayek, who publicly denounced apartheid in South Africa (p. 151). Worse than “racism,” however, were attempts to breach the separation of imperium and dominium with sanctions and other tools of economic control. “Moral demands,” writes the author, “even those legitimized through international organizations, had no mandate to disrupt the economic constitution of the world” (p. 180). Thus, neoliberals tended to oppose interference in South Africa and Rhodesia despite objecting to their “white supremacy.”[2] [3]

Slobodian discusses at length the race-consciousness of Wilhelm Röpke, one of the few neoliberals who defended white rule in South Africa. He was less concerned with the Soviet threat than the brown threat and envisioned a white alliance spanning the Atlantic Ocean (p. 156). Slobodian quotes him:

The more the non-European great powers emerge . . . and the civilizations of other continents begin to regard us with condescending self-confidence, the more it becomes natural and necessary for the feeling of spiritual and moral homogeneousness among Europeans to increase powerfully . . .the spiritual and political integration of Europe . . . only makes sense as part and parcel of a higher combination and organization of the resistance potential of the entire western world on both sides of the Atlantic (p. 156).

He received a great deal of support among American conservatives like William Buckley and Russell Kirk, who saw in him a sensible attitude towards race as well as an identifiable Christianity lacking in other neoliberals (pp.164-174). A case could be made that in a strange and tragic way, Röpke did far more harm to American conservatism than Hayek or Mises by helping to popularize destructive economic ideas and an (at least partially) foreign ideology in American Rightist discourse by way of simply having sane racial attitudes in insane times.

The relationship between neoliberals and the European Economic Community is the subject of one of the final chapters of the book. In it, the author describes two different strains of neoliberal thought regarding Europe: the universalists (including Röpke), who saw in European integration a large protectionist scheme and in talk of Eurafrica (the incorporation of former colonies into the EEC) an extension of empire, versus the constitutionalists (influenced by Hayek), who believed that “the EEC was an example of how to integrate a market with a legal structure able to enforce competition across borders” (p. 214). Both sides held nearly identical views of the world but, as the author notes, the universalists were purists whose ideas “lacked the mechanism of enforcement” (p. 215). The constitutionalists were willing to work with available tools and make ideological compromises to lay the foundations for a future supranational government. Slobodian argues that their disagreement was fundamentally a matter of perspective: the Euroskeptic universalists thought exclusively in terms of globalism and saw the EEC as a move away from international free trade, while the constitutionalists saw in the EEC “new means of enforcement and oversight that the neoliberal federalists in the 1930s had not dreamed of themselves” (p. 215).

Throughout the 1970s, developing nations accelerated the assertion of their interests. In the United Nations, the G-77 demanded various forms of economic intervention, which to neoliberals was a “misuse of state sovereignty to unsettle world economic order” (p. 222). The nature of the threat was in the unequal economic treatment demanded by these nations and could only be remedied by legal equality. This legal equality was justified by what the author calls “cybernetic legalism,” an approach to law based on Hayek’s study of cybernetics and systems theory. It “saw individual humans as units within a self-regulating system for which the lawmaker had the primary responsibility of transforming the system’s rules into binding legislation” (p. 224). For neoliberals, the market is a fundamentally unknowable domain of nearly infinite transactions, always in motion, always fine-tuning itself, and always guided by a sort of wisdom. The role of a government is to provide a legal framework within which this sacred progression towards equilibrium can continue without interruption. Hayek had begun to think in terms of “self-generating order” and “self-generating structure” (p. 225). As the author notes at the end of the chapter, it was in the 1970s that references to and images of the globe and globalism became prevalent in popular culture (p. 258). Hayek’s cybernetic legalism seems perfectly in tune with the “spiritual but not religious” secular mysticism of globalism, intertwined as it is with faith-based egalitarianism and Whig history.

Though nearly a century old, Mises’ ideas sound contemporary and all too familiar. The neoliberal notions of a world of interdependent and largely interchangeable individuals absorbed into a system of economy with a mysterious yet sacred logic requiring international treaties and opaque supranational organizations to ensure its security from the suspicious or disaffected masses, wars against “terror” with clear economic motives, and various policies designed to benefit capitalists but bejeweled in the language of humanitarianism are so commonplace in contemporary political discourse that most people barely give them a moment’s notice. Neoliberalism is now the baseline of political thought across the mainstream spectrum. The ideas of Mises, the Jew who “conceded somewhat cheerfully that his understanding of the world coincided in many ways with that of Karl Marx” (p. 107), and those which developed from his contingent of capitalist enforcers, have managed to grip the globe. Even Wilhelm Röpke, who had at least a partial understanding of the reality of race, was complicit in the global steamrolling of national sovereignty and the reduction in the quality of life of countless white men and women (and indeed countless non-whites), all forced into a fundamentally unnatural world order beyond their control and without their consent.

Neoliberalism, a term widely misused and an ideology widely misunderstood, has been a threat to nationalist movements worldwide for a century. It is a secretive, unaccountable, supranational world order designed to cripple national autonomy. Neoliberals, of course, know this: remember that a happy byproduct of their model was the prevention of German self-sufficiency in the post-war years. So whenever a neoliberal begins espousing the benefits of his ideology for a specific country, he is simply lying. Neoliberalism is at its core a corrosive imperialism, absorbing all it touches into its global empire with largely unseen violence and without its subjects ever being entirely sure to whom or what they are subjected: It is an imperialism of cowards and bureaucrats, the most ignoble form of an ignoble system. Neoliberalism was born at the end of empire in the traditional sense, but it did not replace it; it merely reconfigured it with new emperors, new armies, and different weapons.

Notes

[1] [4] The author rightly differentiates between “international” and “supranational,” but over time the two concepts have become roughly interchangeable in the popular imagination and so I will defer to common usage – barring a few specific exceptions.

[2] [5] The Jew Milton Friedman managed to be correct in his prediction about black rule in Rhodesia. Slobodian quotes him: “. . . [black rule] would almost surely mean both the eviction or exodus of most whites and also a drastically lower level of living and opportunity for the masses of black Rhodesians” (p. 178).

 

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lundi, 09 septembre 2019

Dans les coulisses de la construction européenne

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Dans les coulisses de la construction européenne

par Georges FELTIN-TRACOL

« L’affichage d’une super-nation européenne n’est qu’un discours d’apparence. On voit bien qu’il n’y a pas d’« Europe-puissance » en vue, qu’il n’y en a jamais eu. Et que tous les protagonistes ont toujours fini par renoncer, de gré ou de force, à l’Europe européenne. Au contraire, on fabrique, en secret, une Europe de la diminutio capitis vassalisée, aliénée, soumise, et donc impuissante (p. 150). » Désormais retiré de la vie politique active, Philippe de Villiers résume dans ce nouvel ouvrage ses recherches dans les archives consacrés au processus européen.

Depuis la campagne du « non » à Maastricht en 1992 et la liste eurosceptique de 1994 sur laquelle figurait le milliardaire franco-britannique Jimmy Goldsmith, il pourfend une certaine Europe, celle des atlantistes, des fonctionnaires et des financiers. Il adopte les mâles propos de l’ancien Garde des Sceaux du Général De Gaulle, Jean Foyer, pour qui « leur Europe n’est pas un but, c’est une “ construction ” sans fin : elle se définit par son propre mouvement. Ce traité a été pensé, écrit même, pour faire coulisser un nœud coulant invisible. Il suffit de resserrer chaque jour le nœud : celui dont les juristes, les commissaires, tiennent la corde, et plus encore le nœud prétorien, le nœud des juges qui vous glissent la corde autour du cou (p. 153). » Député français au Parlement européen par intermittence entre 1994 et 2014, l’ancien président du Mouvement pour la France (MPF) a assisté à la neutralisation politique de l’Union européenne, corollaire de la prépondérance bureaucratique, car « selon la théorie fonctionnaliste qui vient des États-Unis, la plupart des questions appellent des réponses techniques (p. 135) ».

Contre le trio fondateur

PhV-fil.jpgPhilippe de Villiers en vilipende les fondements intellectuels. Ceux-ci reposeraient sur un trio infernal, sur une idéologie hors sol ainsi que sur un héritier omnipotent. Le trio regroupe Robert Schuman, Walter Hallstein et Jean Monnet. Le premier fut le ministre démocrate-chrétien français des Affaires étrangères en 1950. Le deuxième présida la Commission européenne de 1958 à 1967. Le troisième incarna les intérêts anglo-saxons sur le Vieux Continent. Ensemble, ils auraient suscité un élan européen à partir des prémices du droit national-socialiste, du juridisme venu d’Amérique du Nord et d’une défiance certaine à l’égard des États membres. Quant à l’héritier, il désigne « le fils spirituel (p. 255) », George Soros.

J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu est un gros pamphlet au ton partial. L’ancien président du conseil général de Vendée accuse par exemple Robert Schuman, né à Luxembourg, d’avoir été Allemand pendant la Première Guerre mondiale, puis d’être resté pacifiste au conflit suivant. Villiers regrette ouvertement que la famille Schuman n’ait pas choisi la France en 1871. Il cite à contre-sens l’un de ses biographes, François Roth dans son Robert Schuman (1), pour qui « Schuman n’avait pas le sens de la frontière, car il se sentait chez lui dans tout l’espace lotharingien, en Lorraine, en Alsace, au Luxembourg, en Belgique et dans les pays du Rhin (p. 66) ». En homme du bocage de l’Ouest, Villiers ne peut pas comprendre ce sentiment propre aux marches de l’Est, qui dépasse la sotte « Ligne bleue des Vosges », cette nostalgie rémanente qui liait Robert Schuman au Chancelier Konrad Adenauer, favorable au début des années 1920 à l’autonomie de la Rhénanie, et à l’Italien Alcide De Gasperi, longtemps sujet de l’Empire d’Autriche – Hongrie en tant que natif du Trentin – Haut-Adige – Tyrol du Sud. Ils concevaient la politogenèse européenne comme la reconstitution de l’Empire carolingien sur une assise territoriale franque correspondante à la Francie médiane de l’empereur Lothaire, l’aîné des petits-fils de Charlemagne.

Le parti-pris de Philippe de Villiers l’entraîne à considérer que « les architectes de l’Europe n’étaient pas des réfractaires à l’ordre de la peste brune : Schuman fut frappé d’« indignité nationale », il n’a jamais résisté, il était à Vichy. Monnet s’appuya sur la pensée d’Uriage, c’est-à-dire de Vichy. Il n’a jamais résisté non plus. Le troisième “ Père de l’intégration européenne ”, Hallstein, fut un officier instructeur du nazisme. Il a servi Hitler. Il prétendait même que la grande Europe connaissait là ses premiers épanouissements. L’assimilation des eurosceptiques au prurit fasciste des années trente est insupportable. L’européisme fut nourri au lait de ses premières comptines dans le berceau de la Collaboration et du nazisme. Et, depuis soixante-dix ans, on nous l’a caché (pp. 268 – 269) ». Il veut faire croire au lecteur qu’il vient de découvrir un scandale historique. Il n’est guère étonnant que la bibliographie ne mentionne pas « L’Europe nouvelle » de Hitler de Bernard Bruneteau (2) qui étudie l’« européisme des années noires ». Sans ce malencontreux oubli, Villiers n’aurait pu jouer à peu de frais au preux chevalier.

Un antifa qui s’ignore ?

hallstein.jpgOutre le rappel du passé national-socialiste de Hallstein, il insiste que Robert Schuman, « le père de l’Europe fut ministre de Pétain et participa à l’acte fondateur du régime de Vichy (p. 67) ». Oui, Robert Schuman a appartenu au premier gouvernement du Maréchal Pétain. Il n’était pas le seul. Philippe de Villiers ne réagit pas quand Maurice Couve de Murville lui dit à l’occasion d’une conversation au Sénat en juillet 1986 : « Je me trouvais à Alger […] quand Monnet a débarqué. J’étais proche de lui, depuis 1939. À l’époque, j’exerçais les fonctions de commissaire aux finances de Vichy (p. 109). » L’ancien Premier ministre du Général De Gaulle aurait pu ajouter que membre de la Commission d’armistice de Wiesbaden, il était en contact quotidien avec le Cabinet du Maréchal. Sa présence à Alger n’était pas non plus fortuite. Il accompagnait en tant que responsable des finances l’Amiral Darlan, le Dauphin du Maréchal !

L’auteur oublie facilement qu’en 1918 – 1919, la République française réalisa une véritable épuration ethnique en expulsant des milliers d’Allemands installés ou nés en Alsace – Lorraine depuis 1871. Il considère par ailleurs l’École des cadres d’Uriage comme la matrice intellectuelle de la pensée officielle eurocratique. Or il ne cite jamais la somme magistrale de Bernard Comte, Une utopie combattante (3), qui montre qu’après sa fermeture en 1942, bien des élèves d’Uriage ont rallié les maquis et la France combattante. Philippe de Villiers n’a-t-il pas lu ce qu’a écrit Éric Zemmour à ce sujet ? « Paul Delouvrier, qui aménagera le quartier de La Défense sous les ordres du général de Gaulle, penant les années 1960, écrit son commensal à La Rotonde, avait été formé par l’école des cadres d’Uriage, créée par Vichy. Cette même école où Hubert Beuve-Méry, fondateur du journal Le Monde, avait fait ses premières armes (4). » Villiers verse dans le manichéisme le plus simpliste.

Il a en revanche raison d’insister sur Jean Monnet dont « l’œuvre à produire [ses mémoires] a […] été commandée et financée par les Américains (p. 36) ». L’actuelle Union dite européenne sort tout droit des vœux cosmopolites du négociant bordelais. « Ni Europe des États ni Europe-État, l’Union est une broyeuse œuvrant au démantèlement progressif des lois et réglementations nationales et à la régulation au moyen d’un abondant flux de normes introduites dans les systèmes juridiques nationaux. Ce réaménagement bouleverse l’ordonnancement hiérarchique des pouvoirs, c’est-à-dire des États, des souverainetés et des relations internationales telles qu’elles s’étaient construites après-guerre (p. 160). » En effet, « on ne saurait mieux dire que, sous le beau nom d’« Union européenne », se cache une entreprise de liquidation de l’Europe et des Européens véritables, une entreprise littéralement antieuropéenne (p. 229) ». Qui en porte la responsabilité ? L’auteur ne répond pas vraiment. Certes, il mentionne « l’European Council on Foreign Relations, le premier think tank paneuropéen (p. 130) » et s’attarde sur les pages 162 à 164 sans jamais entrer dans les détails le Club Bilderberg. « Jean Monnet s’est trouvé ainsi au point de rencontre de la Révolution bolchevique et de la haute finance anglo-saxonne. Peut-être a-t-il cru, comme tant d’autres Anglo-Saxons, à l’époque, qu’un mariage était possible entre les deux systèmes, et que ce mariage des contraires enfanterait un monde unifié, sous clé américaine (p. 94). » Jamais l’auteur ne cite les travaux précurseurs de Pierre Hillard qui se penche sur le sujet depuis au moins deux décennies. Il aurait pu seulement se reporter à sa récente préface au Nouvel Ordre mondial de H.G. Wells (5). Villiers garde le silence sur la Commission Trilatérale et sur d’autres officines mondialistes d’origine anglo-saxonne tout aussi nuisibles que celles qu’il cite. Pis, il croit révéler que la CIA finançait dans les années 1950 et 1960 les organisations paneuropéennes dont les mouvements de l’ancien résistant Henri Frenay. Or Robert Belot dans sa biographie sur ce dernier (6) y consacrait plusieurs chapitres dès 2003 !

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Impuissante union

Le fondateur du Puy du Fou a en revanche bien compris l’intérêt des Étatsuniens de se servir de l’Union dite européenne comme d’un domestique efficace et obéissant. « Cette entreprise s’alimenta de la conviction profonde chez les Américains que leur architecture fédérale devait être transplantée en Europe, et ailleurs dans le monde. Les Américains sont convaincus de la supériorité de leur Constitution sur toutes les autres, en ce qu’elle permettrait le vivre-ensemble de populations venues de la terre entière qui se reconnaîtraient ainsi comme les nationaux d’une puissance universelle (p. 115). » De quoi de plus normal que déplorer dans ces conditions l’impuissance volontaire de l’entité pseudo-européenne ? « Où est donc le “ bouclier ” qu’était censé incarner l’euro, quand les entreprises européennes doivent fuir d’Iran sur injonction américaine, au nom des privilèges extraterritoriaux du “ roi dollar ”, et quand les banques européennes sont tétanisées dès qu’il est question d’un contrat avec un partenaire russe ou iranien ? Que peut donc bien signifier l’affichage d’une politique de défense européenne, alors qu’en réalité c’est à l’OTAN, c’est-à-dire aux États-Unis, que celle-ci est déléguée, avec, pour contrepartie, l’obligation de s’approvisionner en armements américains ? Le choix récent du chasseur F35 américain par la Belgique pour moderniser sa flotte de combat est emblématique (p. 277). » Il en résulte une monstruosité historique, géopolitique et juridique sans précédent. « Cette Europe-là a immolé son enveloppe charnelle, c’est une Europe sans corps. C’est l’union post-européenne. Elle se présente comme un marché ouvert et un espace en extension indéfinie, aux domaines de compétences eux-mêmes en expansion illimitée. L’Union européenne est un espace et un marché sans existence particulière, sans être propre, bientôt pulvérisée en une poussière d’impuissances et d’insignifiances. Ayant stérilisé la vie, elle s’avance dans le troisième millénaire au pas lourd d’un éléphant en phase terminale. Elle n’a pas cherché à être un corps politique, elle n’est qu’un corpus juridique : peu à peu, elle se retire pour faire la place à l’Autre (p. 213). » Pourquoi ? « Jean Monnet ne voulait pas d’une super-nation européenne qui viendrait fondre les nations préexistantes, à l’inverse de quelques-uns de ses disciples. […] “ Le plus grand danger pour l’Europe, ce serait un patriotisme européen ” (p. 160). » Incroyable aveu de la part du Bordelais ! Il convient par conséquent de détourner l’idée européenne en l’orientant vers un authentique esprit identitaire et une véritable aspiration à la puissance géopolitique propre à ce grand espace civilisationnel invertébré. Promouvoir un patriotisme européen, voire un « souverainisme », un « nationalisme » ou même un nouvel intégralisme continental, est une impérieuse et vitale nécessité.

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Digne successeur de Jean Monnet, un personnage interlope combat cette perspective, lui qui s’épanouit dans la fluidité et la plasticité du monde occidental. L’auteur cite la remarquable enquête de Pierre-Antoine Plaquevent, (7). On connaît la nocivité, sinon la malfaisance de George Soros. Philippe de Villiers ajoute que « Soros pèse sur d’autres organisations supranationales. Son influence sur la nomination des juges auprès de la Cour européenne des droits de l’homme est de plus en plus visible et redoutée. Plusieurs juges de la CEDH sont des “ anciens ” de chez Soros, car le règlement de cette cour permet à une personne d’être nommée juge même si elle n’a jamais exercé auparavant la fonction de magistrat. Ainsi, les anciens “ militants des droits de l’homme ” deviennent les arbitres du contentieux entre les citoyens et leurs États respectifs, et imposent leur vision radicalement déformée de la nature humaine pour travailler à un véritable changement de civilisation (pp. 265 – 266) ». Un peu comme au Conseil constitutionnel français qui accueille à peu près n’importe qui, mais jamais un Jean-Marie Le Pen ou un Bruno Gollnisch…

Méconnaissance du fédéralisme

Épris du modèle westphalien de l’État-nation, Philippe de Villiers juge que « l’Europe n’a pas de langue commune, ni de frontières véritables ou définitives. Au contraire des États-Unis et de toutes les nations fédérales du monde, il n’y a pas de peuple fédéral en Europe. Et l’on ne fait pas de fédération sans fédérateur. À moins de le choisir à l’extérieur (p. 116) ». Il ignore sûrement que le modèle fédéral concerne des citoyens de peuples différents. Les États-Unis d’Amérique constituent un cas très particulier puisqu’ils représentent le plus vaste dépotoir génétique ultra-individualiste de l’histoire seulement tenue par les médiats, une « justice » intéressée et la croyance suprémaciste en la « destinée manifeste ». Si chaque fédération est spécifique, la plupart des ensembles fédéraux savent inclure divers peuples, langues et religions, d’où des institutions complexes et bigarrées. Sans aller jusqu’à étudier l’Inde, Philippe de Villiers aurait pu se focaliser sur la seule Suisse. Nulle part dans son ouvrage, l’auteur ne mentionne l’hégémonie de l’anglais, ou plus exactement du globish, dans les institutions pseudo-européennes, y compris à l’heure du Brexit. Une fois la Grande-Bretagne sortie de la pétaudière bruxelloise, l’anglais devrait perdre son rang de langue d’usage au sein de l’UE puisque aucun des 27 n’a désormais la langue de Shakespeare comme langue officielle (Malte et l’Irlande, deux États anglophones au quotidien, ont le gaélique et le maltais). Ce silence surprenant.

Malgré tout le tintamarre orchestré autour de J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu, ce livre n’éclaire qu’une partie du désastre. L’Hexagone est lui aussi pleinement infesté par ce que dénonce l’auteur à l’échelle européenne et qui atteint aussi les patries charnelles. Pourquoi se tait-il à propos de la French American Foundation ? N’a-t-il jamais rencontré au cours de sa carrière politique des habitués aux soirées de l’ambassadeur yankee à Paris ? Philippe de Villiers révèle finalement bien peu de choses à l’esprit averti féru de questions européennes. Son livre reflète toutefois la pesanteur accrue d’une formidable chape de plomb qui asphyxie toute réflexion intellectuelle en France. Un universitaire souverainiste lui déclare à propos des documents parus en annexes : « — Ce n’est pas de la timidité, c’est de la prudence. Les universitaires ne sont pas téméraires.

— Il y aurait vraiment des risques à publier la copie des archives ?

— Oui, le risque de perdre sa chaire, sa charge d’enseignement, son job, son éditeur… (p. 20) »

Comme l’aventure européenne, l’Université française ressemble toujours plus à un navire en perdition. L’américanisation de ses structures et le nivellement par le bas des étudiants projettent à vive allure les générations dans le mur, sinon vers le précipice. Le mensonge est total; il a été très bien assimilé par la population.

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : François Roth, Robert Schuman, Fayard, 2008, p. 201.

2 : Bernard Bruneteau, « L’Europe nouvelle » de Hitler. Une illusion des intellectuels de la France de Vichy, Éditions du Rocher, coll. « Démocratie ou totalitarisme », 2003.

3 : Bernard Comte, Une utopie combattante. L’École des cadres d’Uriage, préface de René Rémond, Fayard, coll. «Pour une histoire du XXe siècle », 1991.

4 : Éric Zemmour, Destin français, Albin Michel, 2018, p. 526.

5 : H.G. Wells, Le Nouvel Ordre mondial, préface de Pierre Hillard, Éditions du Rubicon, coll. « Influences », 2018.

6 : Robert Belot, Henri Frenay. De la Résistance à l’Europe, Le Seuil, coll. « L’univers historique », 2003.

7 : Pierre-Antoine Plaquevent, Soros et la société globale. Métapolitique du globalisme, avant-propos de Xavier Moreau et postface de Lucien Cerise, Le retour aux sources, 2018.

• Philippe de Villiers, J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu, Fayard, 2019, 415 p., 23 €.

mercredi, 21 août 2019

Se rapprocher de la Russie, une urgence pour la survie de l'Europe ?...

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Se rapprocher de la Russie, une urgence pour la survie de l'Europe ?...

par Caroline Galactéros

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Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli dans Marianne et consacré à l'indispensable rapprochement entre l'Union européenne et la Russie. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et intervient régulièrement dans les médias. Elle a créé récemment, avec Hervé Juvin entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

Se rapprocher de la Russie n'a jamais été aussi urgent pour la survie de l'Europe

A l’heure où j’écris ces lignes, depuis le sud d’une Europe étourdie de torpeur estivale telle l’insouciante cigale de la fable, un calme étrange semble régner sur les grandes affaires du monde. Un silence inquiétant aussi, comme celui qui précède l’orage en montagne ou le tsunami en mer. En matière de guerre comme de paix, le silence est toujours un leurre. Il se passe en fait tant de choses « à bas bruit » qui devraient mobiliser les chancelleries occidentales et leur faire élaborer des politiques nouvelles, ne serait-ce même que de simples « éléments de langage » disruptifs.

Le nouveau partage du monde n’est pas une césure infranchissable. L’approfondissement du discrédit moral et politique des États-Unis, notamment depuis l’arrivée de Donald Trump, président grandement sous-estimé mais jugé imprévisible et changeant souvent de pied, pousse les acteurs de deuxième rang, pour survivre en dessous du nouveau duo de tête sino-américain, à ne plus mettre tous leurs œufs dans le même panier, tandis que Washington détruit méthodiquement tous les mécanismes et instruments multilatéraux de dialogue.

Rééquilibrage mondial

La crise du détroit d’Ormuz creuse les fractures attendues, comme celle qui oppose les Etats-Unis, Israël et l’Arabie saoudite à l’Iran secondé par Moscou et Ankara sous le regard gourmand de Pékin. Elle révèle aussi l’approfondissement de rapprochements plus insolites, tel celui de Moscou et de Ryad, chaque jour plus visible en Syrie au grand dam de Washington. En témoigne, outre leur rapprochement pour maintenir les cours du pétrole, l’amorce d’une coopération militaire entre les deux pays avec des achats de S400 par Ryad (comme d’ailleurs par Ankara dont l’opportunisme ne connait plus de limites). Ryad achètera aussi aux Chinois des technologies de missiles et des drones.

Quant aux Émirats arabes unis, ils ont annoncé au salon IDEX 2019, des acquisitions d’armements divers à la Russie pour 5,4 milliards de dollars et notamment de systèmes anti-aériens Pantsir-ME. Les enchères montent. Autre signe de ce « rééquilibrage », le récent jeu de chaises musicales au sein des services syriens de sécurité, sous la pression de Moscou, au profit de personnalités sunnites adoubées par Ryad, contre l’influence iranienne jusque-là dominante. Même le Hezbollah prendrait quelques ordres à Moscou désormais. De là à penser que la Russie mènera pour longtemps la danse en Syrie, mais souhaite néanmoins favoriser un règlement politique ayant l’imprimatur discret de Washington, Ryad et Tel Aviv – et donc défavorable au clan Assad (le bras-droit du frère de Bachar el-Assad, Maher, putatif remplaçant, vient d’être arrêté) et à son tuteur iranien – il n’y a qu’un pas…

Ce qui ne veut pas dire que Moscou laisse tomber Téhéran. Elle s’en sert pour optimiser son positionnement entre Washington et Pékin. La Russie vient d’annoncer de prochaines manœuvres militaires conjointes. L’Iran, étouffé de sanctions, ne peut évidemment tolérer d’être empêché de livrer même de toutes petites quantités de brut qui assurent la survie politique du régime et la paix sociale. La République islamique a donc répliqué à l’arraisonnement par les Britanniques – à la demande de Washington – du Grace One près de Gibraltar le 4 juillet dernier (pétrolier transportant du pétrole brut léger) et prend la main : saisie le 13 juillet, du pétrolier MT-RIAH puis, le 19 juillet, du britannique Stena Impero…. et enfin le 4 août, par celle d’un troisième bâtiment.

Iran/Etats-Unis : qui a la main sur qui ?

Téhéran menace désormais d’interdire le Détroit d’Ormuz (un tiers du transit mondial d’hydrocarbures) dont elle partage la propriété avec Oman et les Émirats arabes unis (la passe étant par endroits trop étroite pour constituer des eaux internationales) et tolère l’usage international à certaines conditions par les seuls signataires de la Convention maritime internationale de 1982. Il est vrai que Washington met de l’huile sur le feu jour après jour et vient d’imposer illégalement de nouvelles sanctions à l’encontre du ministre des Affaires étrangères iranien Mohammad Javad Zarif- peut être l’ultime et plus compétent négociateur pouvant arrêter l’escalade – notamment pour entraver ses déplacements. Qui veut la paix ? Qui veut la guerre ? De provocations en enfantillages, certains dirigeants semblent avoir perdu tout sens de leurs responsabilités envers la paix mondiale. Car si le Détroit d’Ormuz venait à être véritablement interdit par Téhéran au passage des tankers, l’explosion du prix du brut qui s’ensuivrait serait très vite insupportable pour l’économie mondiale et une gigantesque récession surviendrait. En dépit des apparences, c’est donc l’Iran qui tient le sort des États-Unis et de l’économie occidentale entre ses mains.

La « pression maximale » crânement brandie comme un trophée par le président Trump à l’encontre de Téhéran s’exerce donc dans les deux sens. Cette folle politique de Washington qui prétend contraindre le pouvoir à élargir le spectre de l’accord sur le nucléaire de 2015 (attente parfaitement utopique ou trompeusement avancée pour provoquer un conflit) est un échec patent. Certes, Londres par la voix de son nouveau premier ministre Boris Johnson, dont le pedigree personnel dessine une possible et gravissime double allégeance, a choisi, as usual, « le Grand Large » comme en a témoigné l’arraisonnement du Grace One. L’Allemagne se montre quant à elle prudente, cherchant à ménager la chèvre et le chou et à profiter du manque de discernement de la France.

Bientôt un Yalta 2.0 ?

Paris en effet, s’oppose (pour combien de temps) à une coalition pour garantir la circulation dans le détroit d’Ormuz que demande évidemment Washington, et essaie de s’accrocher à l’Accord moribond… après avoir commis l’insigne faute d’appeler à son extension aux questions balistiques pour complaire à Washington et Tel Aviv. Nous avons donc encore une fois joué, inconsciemment faut-il l’espérer, une partition américaine qui contrevient à tous nos intérêts et précipite la guerre.

Ce focus sur l’actualité internationale du moment ne fait que manifester l’ampleur des enjeux du Yalta 2.0 qui s’annonce. Mais « le Rideau de fer » de ce nouveau partage s’est déplacé vers l’Oural, à l’extrême est de l’Europe, et cette translation met clairement la Russie dans le camp de l‘Europe. En effet, si l’Oural sépare géographiquement l’Europe de l’Asie, à sa verticale se trouvent précisément les ex-républiques soviétiques d’Asie centrale, qui font toujours partie de la ceinture de sécurité de la Russie et sont désormais convoitées par la Chine. Or, si l’Eurasie est toujours au cœur des convoitises des grands acteurs (dont les États-Unis), il est une autre opposition que nous ne voyons pas alors qu’elle devrait pourtant focaliser notre capacité d’analyse stratégique et notre action diplomatique : c’est la rivalité montante entre la Chine et la Russie pour la domination économique et politique de l’Asie centrale et même du Caucase.

Les tracés nord (Chine-Kazakhstan-sud Russie-nord Caucase jusqu’en Mer noire sur le territoire russe) et centre (Ouzbékistan-Turkménistan-Iran-Turquie) des Nouvelles Routes de la Soie visent en effet à mettre sous dépendance économique progressive les « Stans », et donc, au prétexte de la lutte contre les Ouigours musulmans, à permettre à Pékin de disposer progressivement d’un levier de déstabilisation économique et sécuritaire important sur Moscou. L’influence est aussi (et souvent avant tout) faite de capacité de nuisance.

Et l'Union européenne dans tout cela ?

En conséquence, « l’Europe de l’Atlantique à l’Oural » – englobant la partie européenne de la Russie – n’a jamais été aussi nécessaire et urgente pour la sauvegarde de l’Union européenne, si cette dernière espère compter entre États-Unis et Chine et éviter le dépècement et la dévoration. Pourtant le rapprochement de l’Union européenne avec la Russie reste ignominieux, inconcevable, indéfendable à nos dirigeants piégés par une vision idéologique et faussée de leurs intérêts comme des nouveaux rapports de force du monde. C’est l’impensé, l’impensable, l’angle mort de la projection stratégique de l’Europe. Pour les élites et institutions européennes, la Russie – que l’on assimile toujours à l’URSS -, est par principe vouée aux Gémonies, l’Amérique idéalisée, le péril chinois minimisé, l’Inde ignorée, le Moyen-Orient déformé et l’Afrique sous-estimée. Les ravages de « la pensée magique » touchent malheureusement aussi la politique extérieure.

Pour entraver une dérive collective vers une nouvelle loi de la jungle internationale qui ne s’embarrassera même plus de gardes fous juridiques imparfaits, il est urgent de retrouver les bases d’une coexistence optimale entre les grands acteurs et ensembles régionaux. Urgent surtout de cesser de croire en la chimère d’un magistère moral occidental ou simplement européen qui a volé en éclats. Dans un saisissant paradoxe, le dogmatisme moralisateur ne passe plus la rampe et une révolution pragmatique et éthique de la pensée stratégique occidentale s’impose. La France peut encore en prendre la tête et entrer en cohérence avec elle-même pour se protéger, compter et convaincre.

Caroline Galactéros (Marianne, 6 août 2019)

mardi, 20 août 2019

Le citoyen-soldat, le seul système d'arme apte à restaurer la cité...

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Le citoyen-soldat, le seul système d'arme apte à restaurer la cité...
 
Entretien avec Bernard Wicht
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Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Bernard Wicht à l'Académie de géopolitique de Paris dans lequel il évoque l’articulation entre puissance militaire et légitimité politique et le rôle du citoyen-soldat. Universitaire, historien des idées et spécialiste en stratégie, Bernard Wicht a récemment publié Une nouvelle Guerre de Trente Ans (Le Polémarque 2011), Europe Mad Max demain ? (Favre, 2013), L'avenir du citoyen-soldat (Le Polémarque, 2015), Citoyen-soldat 2.0 (Astrée, 2017) et Les loups et l'agneau-citoyen - Gangs militarisés, État policier et citoyens désarmés (Astrée, 2019).

L’entretien de Géostratégiques : Bernard Wicht

citsollivre3.jpgQuestion : Pourriez-vous nous expliquer pourquoi votre démarche de stratégie prospective se place le plus souvent au niveau des problématiques fondamentales de l’articulation entre puissance militaire et légitimité politique, et la question récurrente dans vos analyses du citoyen-soldat ?

Bernard Wicht : Au plus tard avec les travaux de Clausewitz, la stratégie moderne a opéré une distinction stricte entre armée / gouvernement / population. Cette dernière est alors complètement passive ; elle n’est plus un sujet mais seulement objet de protection. Cette distinction trinitaire fonctionne tant que l’Etat-nation demeure la forme d’organisation politique la plus appropriée pour faire la guerre, c’est-à-dire pour combattre un autre Etat, un ennemi extérieur commun au moyen d’armées régulières. Cette réalité est codifiée par la formule clausewitzienne, « la guerre est la poursuite de la politique par d’autres moyens ». En d’autres termes, la guerre est alors un acte politique à la disposition exclusive de l’Etat. Ce dernier est désormais pacifié à l’intérieur, toute forme de justice privée est bannie et le crime est poursuivi par la police et la justice – l’ennemi est à l’extérieur et le criminel à l’intérieur.  Mais une telle situation est aujourd’hui caduque : avec l’effondrement des nations européennes au cours de la tragédie Verdun-Auschwitz-Hiroshima et, ensuite à partir de 1945, avec le développement exponentiel de la guérilla, des guerres révolutionnaires et des mouvements de libération populaire, le peuple maoïste ou marxiste-léniniste fait son grand retour comme acteur central de la stratégie. Il importe dorénavant de l’encadrer, de lui montrer la voie de sa libération, de lui expliquer les raisons de son combat et de lui fournir le récit idéologique correspondant. Il serait faux de croire que la chute du Mur de Berlin, puis l’implosion du bloc soviétique ont mis fin à ce tournant « populaire » de la stratégie et que celle-ci peut revenir « tranquillement » au modèle clausewitzien de la guerre comme acte étatique au moyen d’armées professionnelles, voire de mercenaires (contractors, sociétés militaires privées). Daech et ses épigones, les gangs latino-américains et les milices ethniques de tout poil en ont fait malheureusement la « brillante » démonstration aux yeux du monde entier : les techniques maoïstes ou marxistes-léninistes de prises en main des populations se sont franchisées (au sens du franchising commercial), elles se sont dégagées du message révolutionnaire, elles sont au service du djihad ou tout simplement d’un contrôle des populations (des favelas, des bidons-villes, des banlieues) par la terreur. On a pu penser un temps que tout ceci ne concernait que le « Sud », que les sociétés n’ayant pas le niveau de modernisation des pays occidentaux. Avec les attentats, les fusillades et les tueries en France, au Royaume-Uni, en Belgique, en Espagne et ailleurs, il a fallu déchanter. Cette réalité a désormais franchi la Méditerranée ; elle est désormais présente chez nous en Europe occidentale, dans les banlieues des grandes métropoles et c’est la principale menace qui pèse aujourd’hui sur nous …. et sur nos enfants – l’ennemi est à l’intérieur !

Après cette longue entrée en matière, je peux répondre assez simplement à votre question en disant que le paradigme clausewitzien n’est absolument plus pertinent et qu’il est impératif d’en trouver un autre remettant au centre de la réflexion stratégique l’interface armée/cité. C’est pourquoi j’insiste tant sur l’articulation entre puissance militaire et légitimité politique et, surtout, sur ce système d’arme qu’est le citoyen-soldat parce qu’il est un acteur politique et militaire incontournable, le seul et unique apte à restaurer la cité. On le retrouve chez des auteurs aussi différents que Machiavel, Locke, Rousseau, Mirabeau ou Jean Jaurès. En ce qui me concerne, je suis plutôt machiavélien : la res publica, la liberté comme droit de participer à la gestion des affaires de la cité et le peuple en armes. Je suis convaincu que le paradigme machiavélien peut nous apporter des outils de raisonnement décisifs dans le contexte actuel. N’oublions pas que le Chancelier florentin vit une période assez semblable à la nôtre avec la lutte entre factions rivales au sein de la cité, l’importance des intérêts privés au détriment du bien commun et une importante fracture sociale entre citadins riches et paysans pauvres.

Question : Comment expliquez-vous la difficulté pour les Etats européens de canaliser par la motivation et la mobilisation, le capital guerrier des jeunes générations ?

Bernard Wicht : L’Etat-nation est en panne de cause. Le récit national est clôt ; il n’est plus en mesure de fournir les repères nécessaires pour se projeter « en avant » et, surtout, il n’est plus adapté pour opérer la distinction ami/ennemi. L’Etat ne parvient donc plus à mobiliser les énergies autour d’un projet commun. Par ailleurs, l’économiste italien Giovanni Arrighi le dit clairement : « L’Etat moderne est prisonnier des recettes qui ont fait son succès », c’est-à-dire l’Etat-providence. Mais, il ne s’agit plus de l’Etat providence au sens bismarckien, garantissant à chacun sa place dans la pyramide sociale sur le modèle des armées nationales. La révolution de 1968, les crises économiques des années 1970, la disparition de l’ennemi soviétique et la globalisation financière ont complètement ébranlé cette pyramide. Aujourd’hui, l’Etat-providence ne parvient plus à garantir « à chacun sa place » ; il n’est plus qu’un distributeur d’aides et de subventions cherchant à maintenir un semblant de stabilité sociale. Tout ceci explique que le capital guerrier des jeunes générations ne s’investit plus dans les institutions étatiques (l’armée notamment). L’historien britannique John Keegan en faisait le constat dès le début des années 1980. De nos jours, le capital guerrier des jeunes a plutôt tendance à migrer vers des activités et des groupes marginaux, là où ils retrouvent un code de valeurs, une forte discipline, la fidélité à un chef et d’autres éléments similaires de socialisation. Le phénomène de radicalisation et de départ pour le djihad en est une illustration particulièrement frappante.

Question : Pourquoi l’organisation militaire actuelle des Etats est de moins en moins adaptée à la nouvelle donne stratégique ? Et pourquoi affirmez-vous que l’émergence de nouvelles forces sociales est une rupture civilisationnelle ?

Bernard Wicht : Les différents groupes armés qui s’affirment depuis la fin du XXème siècle, représentent un modèle d’organisation politico-militaire en adéquation parfaite avec la mondialisation parce qu’ils savent 1) se brancher sur la finance globale (en particulier le trafic de drogue), 2) s’adapter à la révolution de l’information en diffusant un récit et une mobilisation des énergies via internet et les médias sociaux, 3) se déplacer furtivement en se fondant dans les flux migratoires. Face à cela, les armées régulières apparaissent comme des dinosaures d’un autre temps : elles sont incapables de fonctionner sans infrastructures lourdes (bases, aéroports, etc.), leurs chaînes de commandement sont à la fois lourdes et excessivement centralisées. Elles n’ont aucune liberté d’action au niveau stratégique. En revanche, les groupes armés bénéficient d’une flexibilité remarquable leur permettant d’agir aussi bien de manière criminelle que politique : c’est ce qu’on appelle l’hybridation de la guerre. Ainsi, un groupe armé subissant des revers sur le champ de bataille conventionnel est capable de basculer très rapidement dans la clandestinité pour entreprendre des actions terroristes. Il ne s’agit pas là d’un simple avantage tactique ou technique, mais d’une mutation en termes structurels. En effet, la formation de ces nouvelles formes d’organisation politico-militaire que sont les groupes armés, relève d’une dynamique d’ensemble à contre-pied de la mondialisation libérale : c’est la réponse-réaction des sociétés non-occidentales qui n’ont pas réussi à accrocher le train de la mondialisation – là où les structures étatiques se sont affaissées (les Etats faillis) – et qui, par réflexe darwinien de conservation, se sont retournées vers des modes d’organisation politique simplifiés et pré-étatiques aussi rustiques que la chefferie et l’appartenance à une forme de « clan » assurant protection. Cette dynamique n’est donc ni irrationnelle, ni passagère ; elle révèle une mutation de l’ordre mondial, une vague de fond. Forgés ainsi à l’aune de la survie, ces groupes armés sont les nouvelles machines de guerre à l’ère de la mondialisation, au même titre que la chevalerie a façonné le Moyen Age et que les armées révolutionnaires françaises ont façonné l’écitsollivre2.jpgpoque moderne. C’est pourquoi il est possible de parler de rupture civilisationnelle. En outre, ces nouvelles machines de guerre ne représentent pas qu’une adaptation réussie de l’outil militaire aux conditions de la mondialisation. Elles s’inscrivent dans une dialectique empire/barbares traduisant la résistance à l’ordre global.

Question : Pourquoi pensez-vous que la nouvelle forme de conflit n’est plus celle du choc classique de puissance mais bien une longue suite de conflits de basse intensité conduisant à l’effondrement progressif des sociétés européennes ?

Bernard Wicht : Selon les théories du système-monde proposées par Immanuel Wallerstein et d’autres auteurs à sa suite, les successions hégémoniques d’une grande puissance à une autre sont généralement le fruit de ce qu’ils appellent « une grande guerre systémique ». Typiquement, les guerres de la Révolution et les guerres napoléoniennes accouchent de l’hégémonie anglaise qui se maintiendra jusqu’en 1914. De même, la Première- et la Deuxième Guerre mondiale accouchent de l’hégémonie étatsunienne. Ceci présuppose cependant que le système international soit dominé par plusieurs grandes puissances en concurrence les unes avec les autres. Une telle situation disparaît au plus tard avec la désintégration du bloc soviétique. Et, si aujourd’hui la super-puissance américaine est en déclin, il n’y a aucun challenger digne de ce nom capable de disputer l’hégémonie mondiale et, par conséquent, susceptible de déclencher une guerre systémique de succession hégémonique comme l’Allemagne l’a fait en 1914. De nos jours en effet, la Chine est économiquement très dynamique, mais elle reste un nain en termes financiers et son outil militaire n’est en rien comparable à celui des Etats-Unis. C’est pourquoi, dans ces circonstances, certains historiens de la longue durée émettent l’hypothèse que la prochaine grande guerre systémique pourrait être, en fait, une longue suite de conflits de basse intensité (guérilla, terrorisme épidémique, guerres hybrides, etc.). Or cette hypothèse me paraît particulièrement plausible compte tenu de la réalité actuelle de la guerre. A titre d’exemple, depuis la guerre civile libanaise (1975-1990) le Proche- et Moyen-Orient s’est peu à peu complètement reconfiguré sous l’effet de ce type de conflits : d’anciennes puissances militaires (Syrie, Irak, Lybie) sont en pleine déconstruction tandis que de nouveaux acteurs locaux-globaux (Hezbollah, Hamas) s’affirment avec succès dans la durée ; longtemps acteur stratégique central de cette région, Israël est aujourd’hui totalement sur la défensive. A moyen terme, l’Europe risque fort de subir le même sort. Car j’interprète les actes terroristes intervenus à partir de 2015 comme des signes avant-coureur d’un phénomène semblable ; la dynamique enclenchée au sud de la Méditerranée a atteint dorénavant sa masse critique. Pour reprendre une comparaison tirée de la médecine, la tumeur cancéreuse moyen-orientale commence à diffuser ses métastases. C’est la vague de fond, la mutation à laquelle je faisais référence précédemment.

Question : Qu’est-ce que la « guerre civile moléculaire » ?

Bernard Wicht : Pour tenter de conceptualiser la menace susmentionnée à l’échelle de l’Europe, nous avons utilisé la notion de « guerre civile moléculaire » empruntée à l’essayiste allemand Hans-Magnus Enzensberger. Il me semble qu’elle est bien adaptée pour décrire la forme de violence qui touche nos sociétés, à savoir au niveau de la vie quotidienne (sur les terrasses, dans des salles de spectacle, dans des trains), en plein cœur de la foule, employée par des individus seuls ou par de très petits groupes (des fratries dans plusieurs cas) à la fois complètement atomisés dans- et en complète rupture avec le corps social : d’où la pertinence de cette notion mettant en évidence, d’une part, la dimension civile de cette nouvelle forme de guerre et, d’autre part, l’échelle moléculaire à laquelle elle se déroule. Ceci permet également de re-positionner l’équilibre de la terreur. Ce dernier se place désormais non plus au niveau étatique (équilibre militaro-nucléaire), mais à celui immédiat du citoyen qui est devenu tant la cible que l’acteur de cet affrontement. Autrement dit, le couteau, la hache ou le pistolet remplacent l’arme atomique comme outil de dissuasion : d’où l’urgence de repenser le citoyen-soldat dans ce contexte, non plus comme conscrit, mais comme système d’arme à part entière, comme la nouvelle unité militaire de la société. En ce sens, la diffusion du port d’armes et l’échelle du citoyen armé ayant une existence politique et étant acteur stratégique, redeviennent pertinentes face à la nouvelle menace C’est ce que nous nous sommes efforcés d’expliquer dans ce petit ouvrage.

Question : Du constat terrible que vous faites de la situation des sociétés européennes, ne devrions-nous pas en tirer la conclusion de la nécessité du « tout sécuritaire » ?

Bernard Wicht : Selon la doctrine classique de l’Antiquité grecque, seul l’hoplite peut restaurer la cité, c’est-à-dire dans notre cas le citoyen-soldat. Comme je l’ai dit plus haut, c’est lui le système d’arme, c’est lui le dépositaire des valeurs civiques de la communauté politique. Aujourd’hui malheureusement, l’Europe prend exactement le chemin inverse ; on assiste à une dérive pénal-carcéral de l’Etat moderne dont la principale préoccupation est précisément le désarmement de ses propres citoyens (voir la nouvelle Directive européenne à ce sujet, élaborée rappelons-le à la demande expresse de la France suite aux attentats de 2015). C’est une réaction typique, mais aussi une grossière erreur que l’on retrouve presque systématiquement lorsque l’Etat se sent menacé de l’intérieur. Plutôt que de chercher l’appui de ses concitoyens, celui-ci se centralise au point de devenir un Etat policier qui finit par s’aliéner toute la population précipitant ainsi, à terme, son propre effondrement. Le spécialiste australien de la contre-guérilla et du contre-terrorisme David Kilcullen qui a fait ses classes sur le terrain au Timor oriental puis en Irak, souligne dans un de ses derniers livres que l’Etat voulant absolument éradiquer le terrorisme, va obligatoirement détruire l’essence même de sa substance, à savoir la société civile et la démocratie. C’est aussi l’analyse que fait le politologue israélien Gil Merom dans son ouvrage, How Democracies Lose Small Wars. Signalons que l’historien français Emmanuel Todd n’est pas très éloigné de telles considérations dans son étude intitulée, Après la démocratie.

Question : Votre ouvrage ne réduit-il pas exagérément le rôle de la relation politique dans la Cité ?

Bernard Wicht : Permettez-moi une réponse que vous jugerez sans doute iconoclaste. Hormis les utopies pacifistes du type flower power considérant chaque individu comme un « petit flocon unique et merveilleux », toute forme d’organisation politique viable est généralement basée sur la relation protection contre rémunération. Hobbes est probablement le philosophe qui a le mieux décrit cette équation dans le cas de l’Etat moderne. Dans le Léviathan, il poursuit sa réflexion en rappelant toutefois que le droit à la légitime défense est un droit naturel de la personne humaine que celle-ci récupère immédiatement si l’Etat ne remplit plus son obligation de protection. Or c’est précisément la situation qui se met en place à l’heure actuelle. Le problème, à mon avis, est que le discours politique contemporain brouille complètement les cartes à ce propos : le citoyen n’est plus présenté que comme un contribuable, le peuple qui vote contre l’avis de sa classe politique est victime des sirènes du populisme, toute solution durable ne peut venir que du niveau supra-national et, last but not least, le défi sécuritaire posé par le terrorisme nécessite une limitation drastique des libertés. Répétées en boucle, ces affirmations créent un brouillard suffisamment dense pour laisser croire que la relation politique dans la cité est devenue si complexe, si délicate à gérer, que le citoyen n’est plus en mesure de la saisir et doit, par conséquent, se contenter de payer ses impôts.

Bernard Wicht (Académie de Géopolitique de Paris, 10 juillet 2018)

 

Il est temps de revenir a une politique plus réaliste avec la Russie

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Il est temps de revenir a une politique plus réaliste avec la Russie

Par Hubert Védrine *

Propos recueillis par Eugénie Bastié et Guillaume Perrain

Le 19 aout, Emmanuel Macron recevra Vladimir Poutine à Brégançon, avant le G7 de Biarritz. Comment analysez-vous ce geste ?

Hubert Védrine. – C’est une tentative très  ulile pour sortir la France et si possi­ble l'Europe d'une impasse, d'une guerre de positions stérile engagée depuis des années, avec des torts partagés des deux côtés, notamment depuis le troisième mandat de VJadimir Poutine, et qui a abouti à une absurdité stratégique : nous avons des rapports plus mauvais avec la Russie d'aujourd'hui qu'avec l'URSS pendant les trois dernières décennies de son existence! Ce n'est pas dans notre in­térêt. Essayer d'entamer un processus différent m'apparaît très justifié, même s'il ne faut pas attendre de cette rencontre des changements immédiats. La date choisie par Emmanuel Macron pour ce geste est très opportune : il reçoit Vladi­mir Poutine juste avant le G7 de Biarritz, qu'il préside. Le G7 était devenu G8, mais la Russie en a élé exclue en 2017 à la suite de l’annexion de la Crimée. Tout cela aurait pu être géré autrement. La volonté américaine d’élargir l’Otan à l’Ukraine était malencontreuse, mais il faut regarder l’avenir.

Certains évoquent une « complaisance du président français à l’égard d’un autocrate ?

Ce genre de propos ne conduit à rien. L'Occident a été pris d'une telle arrogan­ce depuis trente ans, d'une telle hubris dans l'imposition des valeurs au reste du monde, qu'il faut réexpliquer le b.a.-ba des relations internationales: rencontrer ce n' est pas approuver; dis­cuter, ce n’est pas légitimer ; entretenir des relations avec un pays. œ n'est pas être «amis » C'est juste gérer ses intérêts. Il faut évidemment que la France entretienne des relatioons avec les dirigeants de toutes les puissances, surtout quand est en jeu la question cruciale de la sécurité en Europe, aJors que les grands accords de réduction des armements conclus à la fin de  la guerre froide par Reagan puis Bush et Gorbatchev sont abandonnés les uns après les autres et ne sont encore remplacés par rien. Cette rencontre n'indigne que de petits groupes enfermés dans une attitude de croisade antirusse. Ils ne proposent aucune solution concrète aux problèmes géopolitiques et se contentent de camper dans des postures morales inefficaces et stériles.

« L’idée libérale est devenue obsolète », a déclaré Poutine au Financial Times. Que pensez de pareille déclaration ?

Depuis le début de son troisième mandat, Vladimir Poutine aime les provocations, assez populaires dans son pays. Durant ses deux derniers mandats il avait tendu la main aux occidentaux qui ont eu le tort de ne pas répondre vraiment. Même Kissinger pense ça ! Poutine est loin d’être le seul à contester l’hégémonie libérale occidentale. D’autres l’ont théorisé avant lui, notamment plusieurs penseurs asiatiques de la géopolitique. Eux considèrent même, à l’instar du Singapourien Kishore Mahbubani, que nous vivons la fin de la « parenthèse » occidentale.  Je préfère quant à moi parler de la fin du « monopole » occidental sur la puissance et les valeurs. Par ailleurs, on ne serait pas aussi vexé et ulcéré par les déclarations de Poutine si les démocraties occidentales n’étaient pas contestées de l’intérieur par les populismes, sous-produit de la perte de confiance des peuples dans les élites qui ont la mondialisation et l’intégration européenne. Poutine ou pas, il faut trouveer à ce défi des réponses chez nous, par nous-mêmes.

Plusieurs centaines d’opposants ont été arrêtés lors de manifestations réclamant des élections libres. N’est-ce pas le signe d’un durcissement préoccupant ?

Les Occidentaux se sont fait des illusions sur une démocratisation rapide de la Russie, illusions comparables à celles qu’ont eues les Américains sur l’entrée de la Chine à l’OMC en 2000, qui allait selon eux apporter mécaniquement la démocratie libérale. Ce n’est pas ce qui s’est produit : loin de se transformer en démocrates scandinaves, les Russes sont restés… russes. On leur en veut pour cela. Ce n’est ni un un régime démocratique à notre façon ni une dictature comme avant. Une partie der l’opinion occidentale enrage, mais, c’est ainsi : nous ne changerons pas la Russie, elle évoluera d’elle-même, à son propre rythme et selon sa manière. Nous nous sommes beaucoup trompés : il est temps de revenir à une politique plus réaliste tout en souhaitant publiquement un meilleur  respect des règles électorales et démocratiques. Cela ne devrait pas empêcher, au contraire, un dialogue musclé avec Vladimir Poutine sur toutes ces questions et tous les sujets de désaccord ou d’inquiétude. Mais, pour cela, il faut qu’il y ait un dialogue régulier.

Précisément, comment devraient évoluer les relations entre l’Europe et la Russie ? La France a-t-elle un rôle particulier à jouer ?

L’objectif très juste, formulé à plusieurs reprises par Emmanuel Macron, est de « réarrimer la Russie à l’Europe » et donc de corriger la politique occidentale inconséquente des dernières années qui a poussé la Russie vers la Chine. Notre relation doit être exigeante et vigilante sans être vindicative et prosélyte. Il faut établir, ou rétablir, de bons rapports de force dans les domaines militaires, spatial et numérique. Mais aussi redevenir pragmatiques car nous aurons toujours à gérer les relations de voisinage avec la Russie. Et donc parler, discuter, négocier, faire des propositions. L’urgence est celle de la sécurité : il faut rebâtir, en repartant presque de zéro, une politique de contrôle des armements et de désarmement équilibrée. Je pense que nous avons bien d’autres terrains de coopération : la lutte contre le terrorisme islamiste, mais aussi l’écologisation de nos économies, enjeu principal du 21e siècle. Macron essaye, et il a raison. S’il arrive à déclencher un processus, d’autres pays européens suivront, et il pourrait y avoir un effet d’entraînement plus large. Il faut réinventer nos rapports avec la Russie sans attendre Trump, qui, s’il est réélu, réenclenchera une dynamique entre les Etats-Unis et la Russie sans tenir aucun compte des intérêts de l’Europe.

(*) Hubert Védrine est l'ancien ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Lionel Jospin de 1997 à 2002. Il a été secrétaire général de l'Elysée de 1991 à 1995.

Source : Le Figaro 17/08/2019

lundi, 01 juillet 2019

Au lendemain des européennes, quel bilan pour la radicalité ?

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Au lendemain des européennes, quel bilan pour la radicalité ?

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Dans Charlie Hebdo du 5 juin dernier, le politologue Jean-Yves Camus se félicite de la très faible audience des formations de droite radicale enregistrée aux récentes élections européennes.

L’entente électorale entre les phalangistes et les nationalistes en Espagne ne pèse que 0,05 %. En France, la « Ligne claire » de l’écrivain impolitique Renaud Camus plafonne à 0,01 % tandis que l’excellente « Liste de la Reconquête » de Vincent Vauclin ne réalise que 0,02 % des suffrages, mais il fallait imprimer soi-même le bulletin. Le Parti national rénovateur au Portugal passe de 0,46 à 0,49 %. Si le Parti national slovène stagne à 4 %, le Jobbik hongrois perd 8,33 points et se retrouve à 6,39 %. Sa dissidence plus radicale, le Mouvement Notre Patrie, obtient dès sa première élection 3,31 %.

L’unique député allemand au Parlement européen du NPD, Udo Voigt, perd son siège. En effet, le NPD ne fait plus que 0,27 %. Outre un vote utile en faveur de l’AfD, il a pâti de La Droite, créée en 2012 sur l’héritage de la DVU (Union du peuple allemand), et de Troisième Voie, lancée en 2013, qui obtiennent respectivement 0,07 et 0,03 %. Victime d’une formidable répression étatique de la part du gouvernement gaucho-bancaire du Grec Alexis Tsipras, Aube Dorée perd 4,51 points et un siège pour ne faire que 4,88 %. L’alliée officielle du RN, Nouvelle Droite, reste à 0,66 % tandis qu’une coalition entre le Front national, la Ligue patriotique et le Mouvement des lions ne recueille que 0,19 %.

À côté des Vrais Finlandais (13,80 % et deux sièges), le quidam d’Helsinki épris de radicalité pouvait choisir entre le mouvement Finlandais d’abord (0,10 %) qui exige la sortie de la Finlande de l’UE et de la Zone euro, et le Mouvement Sept Étoiles (0,90 %), lui aussi hostile à l’immigration extra-européenne, directement inspiré du Mouvement Cinq Étoiles italien et des « Gilets jaunes » français. En République tchèque, l’allié du RN, Libertés et démocratie directe de Tomio Okamura fait 9,14 % (deux élus). Un autre allié de Marine Le Pen et de Matteo Salvini, le Vlaams Belang devient, avec 19,08 % soit une hausse de 12,32 points, la deuxième force politique de Flandre. Suite à ces résultats, le roi des Belges Philippe a pour la première fois reçu son président, Tom Van Grieken.

pispologne.jpgEn Pologne, avec 45,38 %, Ordre et Justice (PiS) bénéficie d’une réelle adhésion populaire et écrase tous ses concurrents à droite. Troisième force politique à la Diète, Kukiz’15 du chanteur punk proto-nationaliste Pawel Kukiz n’obtient que 3,69 %, un peu moins que la Confédération (4,55 %), un assemblage hétéroclite de libertariens, de catholiques de tradition, de monarchistes et de nationalistes populistes. À Chypre, malgré 8,25 % des votes et une progression notable de 5,56 points, le Front populaire national (ou ELAM) n’a aucun élu. C’est une vraie déception en partie compensée par un beau succès en Slovaquie. L’allié habituel du FN de Jean-Marie Le Pen, le Parti national slovaque s’effondre à 4,09 %. Son électorat rallie maintenant le Parti populaire – « Notre Slovaquie » de Marian Kotleba. Déjà quatrième à la présidentielle de ce printemps avec 10,60 %, ce mouvement anti-UE, anti-corruption et anti-OTAN gagne 12,07 % et envoie deux députés européens. Ils pourraient travailler en liaison avec les deux euro-députés d’Aube Dorée.

lowelleuropa.jpgEnfin, si le Mouvement patriotique maltais, très hostile à l’islam, ne recueille que 0,30 %, la troisième place revient, avec 3,17 % et en constant progrès, à Imperium Europa. Fondé en 2000 par l’écrivain, artiste et spécialiste en arts martiaux Norman Lowell, ce mouvement lui aussi opposé à l’immigration de peuplement prône une véritable union des peuples européens dans le cadre d’un authentique empire géopolitique grand-continental. Aussi se réclame-t-il de l’œuvre de l’essayiste euro-américain martyr Francis Parker Yockey. Ce résultat venu du Sud est prometteur pour l’avenir.

On le constate volontiers, ce panorama non exhaustif présente de nombreux contrastes. Il confirme qu’une prise de conscience identitaire émerge dans la plupart des États européens. Il est toutefois regrettable qu’elle soit pour l’instant aussi tournée contre le principe même d’Europe aux Albo-Européens. Mais les cas maltais, slovaque et chypriote montrent que tout reste possible à condition que se poursuive et s’accentue la saine radicalisation des opinions publiques du Vieux Continent.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 131, mise en ligne sur TV Libertés, le 24 juin 2019.

mercredi, 26 juin 2019

Un Etat, plusieurs langues ?

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Un Etat, plusieurs langues ?

par Eugène Guyenne

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com

Puisque le Parti des Européens propose à l’Europe, la solution d’un Etat unitaire, il n’en reste pas moins complexe d’aborder toutes les questions qui s’y poseraient en conséquence. Comme la question de la langue. Si les États-nations sont basés majoritairement sur une même langue, une langue « nationale », il n’en reste pas moins qu’il existe des contre-exemples d’États-nations reconnaissant officiellement plusieurs langues à la fois, ne constituant donc pas des « langues nationales » mais des langues dédiées à des communautés distinctes.

En Europe notamment, on trouve comme contre-exemples des États comme la Suisse, la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, la Russie, l’Irlande et encore Malte. On pourrait même aller plus loin en évoquant d’autres territoires, non reconnus comme États, mais « pays » (au sens large) et où pourtant y sont parlées plusieurs langues. Comme les divers territoires britanniques (Écosse, Pays de Galles, île de Man, de Guernesey, Jersey, Gibraltar), la Catalogne, l’Alsace, le Pays de Bade, la Wallonie ou encore la Silésie.

En effet, prenons 3 cas : Malte, Belgique, Russie. A Malte, on y parle la langue locale, reconnue comme « nationale », le maltais (langue chamito-sémitique). Et l’anglais, langue du dernier occupant. En Belgique, cas très particulier, on n’y parle pas plus le belge (dialecte celtique) depuis l’Antiquité ce qui fait qu’il n’y a pas de « langue nationale », au sens où la langue rassemble les gens de même naissance. Il y a trois langues officielles, toutes issues des anciennes puissances frontalières ayant occupé le territoire (Royaume de France, Provinces-Unies, Saint-Empire-Romain-Germanique).

En Russie et dans de nombreux territoires (oblasts, kraïs), on y parle la langue « nationale », le russe (langue slave). Plus d’autres langues propres aux régions autonomes (pour ne citer qu’un exemple, l’ingouche pour l’Ingouchie), tirant des souches non indo-européennes, qu’elles soient caucasiennes (adyguéen, kabarde, ingouche, tchétchène), altaïques (bouriate, kalmouk, bachkir, iakoute, tatar, touvain, khakasse, tchouvache, altaïen), ouraliennes (komi, mari, oudmourte) ou finno-ougriens (vote, vepse). Seule la langue ossète, composante du groupe iranien est parlée en Ossétie du Nord, région rattachée à la Fédération.

Pour revenir au thème principal, oui il est possible d’avoir plusieurs langues officielles, car il ne s’agit que de cela, dans un Etat. Pour la « cohésion nationale » est-ce que cela remet en cause les principes de l’Etat-nation, du bien commun et d’entente d’une même société ? Non. Le problème de la Suisse et de la Belgique n’est pas la répartition entre trois communautés européennes. Le problème de la Russie, État disparate sur le plan ethnolinguistique, est plutôt lié aux valeurs qui y sont véhiculées notamment par des gens comme le tchétchène Ramzan Kadyrov.

Alors quelle(s) langue(s) officielle(s) pour l’Europe de demain? Certains germanophobes vous répondront l’allemand. Certains anglophobes vous répondront l’anglais. Le latin était un choix de proposition de Gérard Dussouy, en y faisant mention dans son ouvrage « Fonder un Etat européen » parut en 2013, « langue de la civilisation européenne par excellence […] longtemps pratiquée par toutes les populations éduquées d’Europe » (voir l’interview de Thomas Ferrier le 2 juin 2013). L’ « europaiom » (proto-indo-européen modernisé) est une des pistes d’ouverture à étudier. Le Parti des Européens a un avis sur cela : les langues les plus parlées par les Européens devront être reconnues et praticables sur l’ensemble du territoire (sans être un chiffre conséquent ni exhaustif) : 7. Soit l’anglais, le français, l’allemand, l’espagnol, l’italien, le russe et le polonais, soit deux langues germaniques, trois langues romanes, deux langues slaves. Plus les langues régionales, propres aux régions (le dialecte navarrais, badois, mannois, vénitien, etc…).

Eugène Guyenne (Le Parti des Européens)

La droite nord-américaine fait fausse route

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La droite nord-américaine fait fausse route

par Rémi TREMBLAY

En Amérique, tant au Canada qu’aux États-Unis, l’immigration illégale – ou les « migrations irrégulières » pour employer le novlange d’Ottawa – défraie les manchettes depuis quelques années.

Au sud du 51e parallèle, l’immigration illégale, principalement en provenance des pays de l’Amérique latine, est un phénomène majeur, mais ne date pas d’hier, contrairement au Canada où c’est le fameux Tweet « Bienvenue au Canada » lancé par Justin Trudeau sur le réseau social Twitter qui a enclenché le phénomène à l’hiver 2017.

Depuis, ce sont des dizaines de milliers de clandestins qui ont franchi la frontière américano-canadienne pour être accueillis à bras ouverts par les autorités canadiennes. C’est énorme pour une population comme celle du Canada, bien que le phénomène soit beaucoup moins important qu’aux États-Unis où les clandestins sont au minimum 10 millions selon le Pew Research Center qui présente un nombre probablement bien en deçà de la réalité.

La volonté de Donald Trump de bâtir un mur entre le Mexique et les États-Unis et d’appliquer une ligne dure envers l’immigration illégale explique en partie son élection à la Maison Blanche et a eu un impact beaucoup plus important qu’une quelconque intervention russe.

Au Canada, la campagne électorale n’a pas encore été officiellement déclenchée, mais déjà le conservateur Andrew Scheer, le principal adversaire de Trudeau fils, attaque le premier ministre sur cet enjeu qui risque de devenir un élément marquant de sa campagne.

Mais le problème avec cet enjeu est qu’il reste relativement secondaire. Certes, il va de soi qu’un gouvernement doit contrôler ses frontières, ce qui est la base même de toute souveraineté. Il est aussi crucial que dans un État de droit, une démocratie libérale comme les États-Unis et le Canada, les règles soient respectées. Ces pays ont renié toute identité nationale ou ethnique; l’appartenance au pays nécessite une adhésion à ses lois et institutions.

C’est la seule façon dont ces états de plus en plus artificiels, car de plus en plus coupés de leur identité nationale et ethnique au profit d’une approche inclusive, peuvent perdurer.

Mais ce n’est justement pas les institutions et l’État qu’il faut préserver, mais la nation, le peuple qui est à son origine. Les institutions peuvent changer, l’État peut s’écrouler, peu importe, tant que la nation survit. L’exemple russe qui a connu le régime tsariste, la révolution, la tyrannie et la violence avant de renaître de ses cendres nous le démontre bien. Et quand on parle de survie nationale, ce n’est pas l’immigration illégale et statistiquement marginale qui importe, mais l’immigration de masse, tout à fait légale qui est orchestrée par les élites.

Le Grand Remplacement ne se fait pas de façon clandestine et illégale, mais bien au grand jour à travers l’immigration de masse. Au Canada, celle-ci a explosé, passant d’un niveau ingérable d’un quart de million de nouveaux venus annuellement pour une population totale de moins de 40 millions à un tiers de million chaque année et les chiffres continuent de grimper. C’est là le véritable enjeu. Les quelques milliers qui parviennent à entrer au pays ne représentent qu’une goutte d’eau dans le tsunami migratoire que nous impose Trudeau.

Si les Conservateurs voulaient vraiment enrayer le Grand Remplacement, ils s’attelleraient tout de suite à ce dossier. Mais voilà, ce n’est pas ce qu’ils souhaitent.

Rémi Tremblay

• D’abord mis en ligne sur Euro-Libertés, le 19 juin 2019.

mardi, 25 juin 2019

La question des minorités ethniques européennes en Europe

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La question des minorités ethniques européennes en Europe

par Eugène Guyenne

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com

Afin d’éviter tout malentendu, cet article n’aura pas pour but de réveiller une quelconque velléité de domination d’une communauté ethnolinguistique envers une autre. Mais au contraire, d'essayer d’aborder une problématique devenue (heureusement) marginale au niveau européen, quoique encore présente dans certaines régions (Balkans, Caucase), à travers l’histoire contemporaine (suivant le schéma universitaire post-1789), ce qu’il en est aujourd’hui et les possibilités pour demain.

Pour faire un petit rappel historique, la problématique des « nationalités », des minorités ethniques en Europe remonte au milieu du XIXe siècle et plus précisément sous l’empire austro-hongrois, où la double couronne rassemblait à l’intérieur des Germains (Allemands, Autrichiens), des Slaves (Tchèques, Slovaques, Slovènes, Polonais, Ukrainiens, Serbes, Croates), des Latins (Italiens, Roumains) et des Magyars (Hongrois). Avec une multiplicité de différences religieuses : chrétiennes (à l’écrasante majorité, un peu moins de 95% : catholiques, protestants, orthodoxes), juive et musulmane (1,3%).

Après les révolutions en 1848, deux courants se sont développés tels que le panslavisme et l’austro-slavisme. Le premier courant visait à l’unification politique des différents territoires slaves. Le second courant visait au contraire au rattachement politique des Slaves sous la double-couronne. On peut aussi mentionner e cas de l’empire russe, où la couronne tsariste rassemblait des Slaves (Russes, Ukrainiens, Biélorusses, Polonais), des Finno-Ougriens (Finnois, Estoniens), des Latins (Moldaves), des Turcs (Tatars, Kirghizes dont Kazakhs, Turkmènes, Ouzbeks) et des Caucasiens (Géorgiens, Arméniens, Ingouches, Tchétchènes, Tcherkesses). Avec une multiplicité de différences religieuses là aussi : chrétiennes (majoritairement : orthodoxes, catholiques, uniates et protestants) et musulmanes. Ces minorités ethniques vont perdurer au cours du XXe siècle, malgré la révolution russe de 1917 et la recomposition territoriale en Europe centrale et orientale après la Grande Guerre. Puisque la Russie ou Grande-Russie, calquée sur un système impérial socialement marxiste, sera constituée d’une multitude de républiques socialistes : le Tatarstan en 1920 (pour les Tatars), la Kabardino-Balkarie en 1936 (pour les Kabardes), l’Adyguée en 1922 (pour les Adyguéens), l’Arménie en 1920 (pour les Arméniens), la Géorgie en 1921 (pour les Géorgiens), l’Ukraine en 1919 (pour les Ukrainiens).

La recomposition territoriale en Europe centrale et orientale, via les traités de paix, avait prévu la dissolution de l’empire austro-hongrois et du retour à une petite-Autriche et une petite-Hongrie. Pour ce qui est de l’Europe centrale, la Tchécoslovaquie émerge sous la forme de la Première République en 1918, incluant des territoires exclusivement slaves (tchèques, slovaques, ruthène subcarpathique jusqu’en 1945). D’abord unitaire puis fédérale, la Tchécoslovaquie va ensuite perdre la Ruthénie subcarpathique qui sera rattachée en 1945 à la RSS d’Ukraine. Après le coup de Prague (1948), elle va devenir centraliste, totalitaire, socialement communiste via le parti unique au pouvoir, avant de mourir lors de la "révolution de velours" (entre le 16 novembre et 29 décembre 1989) dont Vaclav Havel fut l’un des plus célèbres partisans, provoquant ainsi petit à petit la scission entre Tchèques et Slovaques, avant d’être définitive en 1993.

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Pour ce qui est des Balkans, la Yougoslavie émerge via le « Royaume des Serbes, Croates et Slovènes » après un front commun en 1912 mené par la Ligue Balkanique (comprenant la Grèce, la Serbie, le Monténégro) contre l’Empire ottoman, la même année où l’Albanie prend son indépendance. Cette première Yougoslavie comprenait donc les royaumes serbe, monténégrin, croate et les régions de langue serbo-croate de Voïvodine (majoritairement orthodoxe, avec des minorités allemandes, magyares ou encore roumaines), de Bosnie-Herzégovine (avec des religions orthodoxe, musulmane et catholique) et de Slovénie (de langue slovène et de religion catholique). Après les défaites de l’Italie fasciste et de la Croatie oustachi, la Yougoslavie devient un régime dictatorial de type socialiste, que Tito, après une rupture avec l’URSS de Staline à la fin des années 1940, va diriger de 1953 à 1980.

A sa mort, c’est Slobodan Milosevic, deuxième homme du KPJ (Parti Communiste Yougoslave), qui après avoir organisé des révolutions en Voïvodine et au Monténégro, va décider de supprimer le statut d’autonomie du Kosovo en 1989, réveillant le nationalisme albanais où Ibrahim Rugova va faire de cette région une république par une déclaration constitutionnelle. Réveillant ainsi le début du conflit contemporain où l’Histoire montre que ce territoire n’était qu’une succession d’occupations politiques serbes et turques et entre populations serbes et albanaises (dont la première population était illyrienne, ancêtre des Albanais, occupation serbe entre le XIIe et XIVe siècle puis entre 1912 et 1939, occupation ottomane entre le XIVe et XIXe siècle) qui s’étaient pourtant battus ensemble en 1389 (car les Albanais, minoritaires encore à l’époque, étaient catholiques ou orthodoxes).

Sous la République socialiste d’Albanie, Enver Hoxha va interdire la pratique religieuse en 1967 et « désislamiser » le pays. Alors aujourd’hui qu’en est-il de ces minorités ethniques européennes ? En Russie, les minorités turciques, mongoles et caucasiennes bénéficient d’un statut à part de « république autonome », tout en étant intégrées à la Fédération. Et les présidents de ces territoires appartiennent majoritairement au parti du gouvernement « Russie Unie ». C’est le cas de Murat Kumpilov en Adyguée, de Alexey Tsydenov en Bouriatie, de Vladimir Vassiliev au Daghestan, de Vladimir Volkov en Mordovie, de Rustam Minnikhanov au Tatarstan ou encore de Ramzan Kadyrov en Tchétchénie.

Globalement, les Balkans connaissent une nouvelle prospérité. Malgré le conflit serbo-kosovar évidemment, qui a vu récemment une nouvelle modification territoriale. Comme le changement de nom pour la Macédoine slave, devenue « Macédoine du Nord » pour être différenciée de la Macédoine hellénique. Malgré la chute de la Yougoslavie, il existe toujours des minorités ethniques. Représentées par des partis politiques. En Serbie, avec des minorités albanaise et hongroise représentées respectivement par la Coalition albanaise de la vallée de Presevo et la Coalition hongroise. En Grèce, avec une minorité macédonienne par le Vinozhito. En Roumanie, il y a une minorité hongroise, représentée par le Parti Populaire Hongrois de Transylvanie. En Italie, il y a des minorités germaniques et slovènes, représentées respectivement par le Süd-tyroler Freiheit et le Slovenska Skunopost. Et en Autriche, avec une minorité slovène via l’Entna Lista.

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Si comme on l’a dit, les conflits ethniques sur l’ensemble du territoire européen se sont globalement apaisés, et il faut s’en réjouir, ces minorités n’ont pas trop leur mot à dire dans les Etats dans lesquels ils sont (puisque la seule langue reconnue en Serbie est le serbe, l’Autriche, l’allemand, le grec en Grèce, le roumain en Roumanie, etc…). Demain, la République européenne ne reconnaîtra plus les Etats-nations actuels existants. Puisqu’ils sont jacobins pour la plupart et divisent l’Europe. Seul un modèle d’Etat européen unitaire et décentralisé pourra régler une bonne fois pour toutes cette question. Il y a déjà cette erreur française consistant à de confondre « nationalité » et « citoyenneté ». Lié à l'idée de "naissance", "nation" et "nationalité" doivent s'interpréter comme des notions d'ascendance commune partagée.

Un basque n'a pas forcément la même "nationalité" qu'un occitan et pourtant tous deux ont factuellement la "citoyenneté" française. Il n’y aura donc pas plusieurs nations au sein de l'Europe-Nation, puisque la "nation" n’a pas seulement un sens de "natif". C’est un préalable mais ça ne fait pas tout : car ils doivent aussi témoigner d'une conscience d'appartenir à une même communauté. Après cet examen de conscience, cela se traduira par une révolution (qui sera démocratique), puis par l'établissement d'un État en finalité où ceux-ci ne forment plus qu'un politiquement. Il y a des nationalités aujourd’hui mais ça n'en fait pas des nations ! Les exemples sous la Double-Couronne et la couronne tsariste ont été démontrés. Aujourd'hui, les minorités ethniques slovènes en Italie et Autriche, sont-elles pour autant une "nation" ? Des nationalités éparpillées auprès de leur Maison-Mère ! L'Europe a vocation a être une Nation, puisque réunissant au préalable des Européens de même souche civilisationnelle. Nous sommes encore au stade encore de la prise de conscience commune. Les minorités garderont leur "nationalité" mais qui ne sera pas juridique. En revanche ils seront de nationalité ("citoyenneté") européenne, celle-ci définit uniquement sur le principe d'ascendance.

Eugène Guyenne (Le Parti des Européens)

lundi, 24 juin 2019

Éclairer l’Europe !

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Éclairer l’Europe !

par John Manzanares

Ex: http://www.thomasferrier.hautetfort.com

L’énergie nucléaire, c’est cet équilibre à l’échelle atomique qui permet à nos villes de fonctionner. Elle est le résultat de longue recherche d’abord en Allemagne , puis mis en pratique aux Etats-Unis et en URSS à grande échelle en premier lieu pour le civil.

L’énergie nucléaire pour résumer c’est la création de chaleur qui génère de la vapeur d’eau pour entraîner un alternateur, résultant du fait de casser des atomes d’uranium 235, ce que l’on appelle concrètement la fission. Cela provoque la perte de masse des atomes d’uranium donc la création d'énergie, donc de la chaleur pour chauffer l’eau. Aujourd’hui 10% de l'énergie mondiale vient du nucléaire; pour l’Union européenne la part est de 25% et pour la Russie de 18%. La France à elle seule représente 48% de la production européenne totale ce qui est considérable, lui conférant une avance technologique indéniable dans ce domaine à l’échelle mondiale.

Cette énergie est la plus écologique de toutes pour plusieurs raisons. En premier lieu, elle nécessite très peu de matière première en comparaison des centrales thermiques classiques. Ainsi 1 gramme d’uranium produit autant d’énergie que 2 tonnes de charbon. Cela permet d’économiser beaucoup de ressources et d'éviter de polluer autrement. Il est également plus dangereux pour la santé de vivre proche d’une centrale à charbon que d’une centrale nucléaire. Vivre à côté d’une centrale nucléaire est aussi dangereux que de dormir à côté de quelqu’un pendant 100 ans. Ou encore qu’être un fumeur régulier qui par sa pratique ingère une dose de radiation chaque année équivalente à 300 radios du thorax à cause d’un isotope radioactif contenu dans la cigarette.

L'inconvénient majeur est la gestion du combustible usé de haute radioactivité. Pour le moment, ceux-ci doivent être enterrés pour les plus dangereux à plus de 300 mètres sous terre dans des couches géologiques stables. Ou être retraités en étant ré-enchéris. La part du combustible nucléaire recyclé représente 10% de la production d’électricité française. Ceux non-recyclables sont divisés en deux parties: 90% des déchets nucléaires actuels sont dits à “durée de vie courte” , ainsi ils perdent la moitié de leurs radioactivité en 30 ans seulement. Les autres sont transformés en blocs de verre inaltérables prêts pour enfouissement. À titre de comparaison une centrale nucléaire classique du calibre de celle de Fessenheim produit par an autant de déchet dangereux qu’ils pourraient rentrer dans votre salon, soit 10 mètres cube.

Contrairement aux centrales thermiques où les résidus viennent se stocker dans vos poumons, le but d’entreposer ces déchets s'inscrit dans l’attente de trouver une solution pour soit les réutiliser soit les détruire définitivement sans risque. Ainsi on peut supposer que les envoyer dans le soleil serait une bonne solution. Mais il faut pour cela attendre que les fusées soient moins chères et que leurs carburants soient plus sûrs.

Où trouver l’uranium dans le cadre d’une grande Europe ? Pour ne pas dépendre des ressources venant de pays du tiers monde pour leurs bien et le nôtre ? Déjà il faut enterrer le mythe que l’uranium vient en grande partie du continent Africain. Actuellement les réserves d'uranium mondial sont au Kazakhstan, en Australie, au Canada et plus récemment en Russie avec 9% des réserves mondiales en 2013 selon la dernière prospection. Donc une grande Europe n’aurait aucun problème d'approvisionnement d’une part car elle comprendrait la Russie. Puis rien n'empêche de faire des partenariats avec des nations proche comme l'Australie ou le Canada. Le Kazakhstan également par proximité et son histoire avec la Russie serait aussi un partenaire viable.

Quand vous dites "centrale nucléaire", vous pensez forcément au tristement célèbre réacteur n°4 de la RSS d’Ukraine et de la catastrophe qu'a engendrée l’explosion du réacteur RBMK de la centrale de Tchernobyl en 1986. Argument souvent utilisé par les anti-nucléaire pour dire de fermer les centralesa, alors que la centrale a accumulé les défauts de conception comme l’absence de structure de confinement pour limiter les coûts de construction et servait à un usage militaire couplé à l’usage civil pour produire du plutonium militaire. Ajoutons à cela les erreurs des opérateurs qui ont pris une succession de mauvaise décisions causant la catastrophe lors d’un test qui n’aurait jamais dû être fait avec un réacteur connu pour être instable à faible régime.

La série Chernobyle diffusée sur HBO dépeint très bien les événements et a été repris par la propagande des "écologistes" de gauche. Le message de cette série est en réalité de montrer que les mensonges de la bureaucratie soviétique sont les uniques responsables de la catastrophe et de rendre hommage aux liquidateurs. Ainsi les futurs réacteurs nucléaires pourront permettre à la grande Europe d’avoir l’énergie la plus propre et la moins chère au monde.

D’autant que l’évolution technologique du nucléaire donnera naissance à des réacteurs encore plus puissants, plus propres et plus sûrs. Caractéristiques développées dans le cahier des charges du forum “génération IV” ,nom donné aux futures centrales. Le travail en Europe reste à faire , car il reste de nombreuses centrales à charbon dont les plus polluantes se trouvent au Royaume-Uni, en Allemagne et en Pologne . Le nouveau combat pour les partisans de la vraie écologie qui préserve réellement notre environnement et qui n’est pas un énième moyen de prendre de l’argent aux contribuables est de défendre cette énergie propre et abordable face aux faux écologistes !

John Manzanares (Le Parti des Européens)

Le danger d’une politique mono-thématique

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Le danger d’une politique mono-thématique

par Georges FELTIN-TRACOL

Quelques jours après les élections européennes, les Danois votaient une nouvelle fois, le 5 juin 2019, pour choisir leurs 179 députés du Folketing, leur Assemblée nationale. Ces législatives ont vu la victoire des sociaux-démocrates qui gouverneront le Danemark avec les Verts.

dahl.jpgLe fait marquant du scrutin reste l’effondrement du Parti du peuple danois (DF) qui, à 8,73 %, perd 12,4 points et vingt-et-un sièges pour n’en conserver que seize. Ce mauvais résultat confirme et amplifie le scrutin européen au cours duquel le parti de Kristian Thulesen Dahl n’a obtenu que 10,76 % et gardé qu’un unique siège au Parlement européen qui rejoint le nouveau groupe Identité et Démocratie composé par les euro-élus du RN et de la Lega.

La déroute du DF s’explique d’abord par la présence de deux autres listes concurrentes. Créée en 2015 par des dissidents du Parti populaire conservateur, la Nouvelle Droite réalise 2,36 % et gagne quatre sièges. Son président, Pernille Vermund, pourra utiliser cette tribune publique pour défendre sa vision économique libertarienne, conspuer la mollesse supposée des politiques anti-immigration appliquées par les gouvernements de droite avec l’assentiment du DF, et proposer la sortie de Copenhague de l’Union européenne. Lancée en 2017 par l’avocat médiatique Rasmus Paludan, la Ligne dure ne recueille que 1,8 % et aucun élu. Tenant des positions ethno-nationalistes, identitaires, libérales et à 1 000 % anti-islam, son fondateur, proche des néo-conservateurs occidentalistes, a l’habitude de brûler en public des exemplaires du Coran. On attend qu’il fasse de même avec la Déclaration des droits de l’homme ou un quelconque bouquin féministe…

Le Parti du peuple danois a commis l’erreur stratégique de se focaliser sur la seule immigration au point que son discours a été récupéré par l’ensemble des formations politiques dont les sociaux-démocrates qui feraient maintenant passer Jordan Bardella pour un auxiliaire zélé des ONG pro-migrants… Ce net recul sonne comme un avertissement au moment où réapparaît en France ce serpent de mer qu’est la soi-disant « union des droites ». Se contenter de refuser un destin de Tiers-Monde à la France tout en professant par ailleurs des lubies libérales conduit tôt ou tard au déclin électoral et à l’échec politique.

Il est au contraire primordial d’associer le défi identitaire (la lutte indispensable contre l’immigration sauvage) à l’impératif écologique (au nom de l’enracinement charnel et de l’indépendance énergétique) ainsi qu’aux enjeux économiques. Refuser la mondialisation et le Diktat des banksters implique de concevoir une troisième voie économique et sociale qu’on peut qualifier de « solidariste » ou de « justicialiste ».

Faire des travailleurs les coresponsables de leur entreprise par des formules d’intéressement, de participation et de cogestion renforcerait le pilier socio-économique d’un mouvement politique radical et démontrerait ainsi ses intentions ouvertement révolutionnaire-conservatrices.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 130, mise en ligne sur TV Libertés, le 17 juin 2019.

dimanche, 23 juin 2019

Homo festivus sur le cours Mirabeau

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Homo festivus sur le cours Mirabeau

par Pierre-Emile Blairon

 

L’homo festivus est un type d’homme très commun à notre époque dans le monde occidental. On le verra se répandre sur toutes les places et les artères de nos villes européennes, sur le cours Mirabeau, les Champs-Elysées ou la Promenade des Anglais, la Piazza del Duomo ou la Puerta del Sol, à la recherche d’étourdissement et de paradis artificiels. Il a besoin de la foule de ses semblables pour ne pas se sentir seul. Il est l’homme des derniers jours.

Le vendredi 14 juin 2019, L’une des plus anciennes, des plus belles et des plus fameuses artères de notre pays, le cours Mirabeau à Aix-en-Provence, était investie par un étrange ballet de semi-remorques ; affairés à l’arrière des camions, des hommes en noir déversaient des échafaudages qui furent montés en un temps record ; Quelques temps après, on entendait de formidables explosions qui faisaient trembler l’eau des fontaines ; les techniciens testaient le son qui jaillissait des énormes enceintes. Le soir même, des milliers de jeunes gens se trémoussaient tout le long du cours aux injonctions saccadées de la musique techno qui avait envahi la totalité de la ville ancienne.

Le charme discret de l’aristocratie

Je ne connaissais pas Aix-en-Provence quand je suis arrivé à la fin des années 60 (XXe siècle) pour y poursuivre quelques études (à moins que ce ne soit le contraire). Quoiqu’il en soit, je n’ai plus voulu en partir ; j’avais été séduit par cette atmosphère de sérénité, de légèreté paisible, qui se dégageait de ses ruelles, quelques notes de piano qui dégoulinaient d’un balcon, le murmure cristallin des fontaines, émerveillé par la beauté des façades dont nulle faute de goût ne venait rompre l’harmonie ; la ville tout entière était un pur chef-d’œuvre, délicat et fragile. Aix-en-Provence était alors vouée entièrement à l’art, à l’étude, à l’éloquence, à la musique classique, à la flânerie, à une certaine qualité de vie qui correspondait bien à sa personnalité issue des traditions les plus élaborées de son prestigieux passé. Cette lente maturation de ce que le génie européen avait produit de plus beau avait fini par constituer une valeur incontestée, immuable et transcendante, un recours auquel pouvait se raccrocher tous ceux qui se sentaient en perte de repères, un lieu sacré éternel, sorte de temple urbain inviolable. Inviolable ? Vraiment ?

Les coups de boutoir des progressistes

Les progressistes mondialistes portent leurs coups de boutoir en priorité contre tout ce qui les dépasse – le passé les dépasse, il est trop riche - tout ce qui est enraciné profondément dans la terre et la pierre. Dans un premier temps, le patrimoine rural fut la cible prioritaire des destructeurs : musées, châteaux, église, abbayes… tous ces marqueurs traditionnels furent systématiquement dégradés par des spectacles, des expositions ou des architectures hors-sol accolées aux monuments visant à les dévaloriser. Ils en viennent maintenant à attaquer les villes anciennes elles-mêmes.

Une ville de culture et de tradition comme Aix-en-Provence va attirer la haine et la jalousie de tous ceux qui veulent faire table rase du passé.

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Ils y emploieront tous les moyens dont ils disposent pour dégrader et ridiculiser cette richesse patrimoniale qui leur fait horreur ; rien que le mot : patrimoine contient la notion de père et de patrie. L’art contemporain, l’architecture mondialiste, la publicité, la mode, la musique déracinée, les minorités revendicatives, l’homme nomade sans feu ni lieu, L’homo festivus, fabrications superficielles et éphémères (mais renouvelables à l’infini) du Système constituent la panoplie non exhaustive de ces moyens.

Des platanes emmaillotés

La première agression contre cette identité dont je me souviens a été visuelle. L’art dit contemporain avait envahi la ville. C’était en 2013 ; la cosmopolite métropole marseillaise, désignée alors ville de culture européenne, avait poussé ses manifestations modernistes et pathétiques jusque dans les cours de nos aristocratiques hôtels particuliers ; les platanes du cours Mirabeau avaient été emmaillottés d’un tissu rouge à pois blancs, la cour de la mairie ornée de personnages en plastique rouge vif moulé, et l’entrée du palais de justice, solennelle comme il sied à cette vénérable institution, ridiculisée par d’improbables « sculptures » aux couleurs bigarrées qui en barraient l’accès.

On commence à comprendre aujourd’hui que l’art contemporain est essentiellement une imposture destinée à devenir une monnaie virtuelle mondiale[1].

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Symbolisme de pacotille

En ce qui concerne l’architecture contemporaine, qu’il faudrait nommer plus clairement mondialiste[2] (comme l’art tout aussi « contemporain »), nos édiles ont eu, jusqu’à présent, la sagesse de l’autoriser uniquement à l’extérieur du périmètre ancien. Ainsi a pu se construire un « pôle culturel » qui ressemble à un alignement hétéroclite d’égos d’architectes nomades venus poser là leur dernière lubie. Ah ! Chacun y est allé de sa référence à un symbolisme de pacotille pour justifier son caprice, en feignant d’avoir recours à la « tradition ». Ainsi, le Pavillon noir, Centre de danse, conçu par Rudy Ricciotti, évoque pour certains l’emplacement proche de l’ancienne manufacture des allumettes, aujourd’hui bibliothèque Méjanes, et la disposition des croisillons qui constitue la trame de l’édifice rappelle le mikado, ce jeu de bâtonnets jetés d’une manière aléatoire ; mais l’architecte lui-même, qui se confie au Monde[3], va plus loin : « Il y a ici une sexualité particulière ; un côté un peu sado-maso, un peu latex, un peu cuir, moulé, très près du corps … C'est un bâtiment pour les initiés et pour Pythagore sous l'emprise de l'absinthe » (imaginer Pythagore sous l’emprise de l’absinthe, c’est… gore.)

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Le japonais Kengo Kuma assure, lui, avoir été inspiré par l’art traditionnel du pliage japonais (origami) en construisant le Conservatoire de musique qui jouxte le Pavillon noir ; fort bien, mais quel rapport avec la tradition provençale ?

Quant au GTP, Grand Théâtre de Provence, situé juste en face du Pavillon noir et du Conservatoire de musique, son architecte italien Vittorio Gregotti a souhaité "faire écho à la montagne Sainte-Victoire, et intégrer l’œuvre dans son paysage aixois". L’aspect massif, genre buncker, du bâtiment, effectivement, plaide pour ce rapprochement un peu facile.

Le mirage de la modernité

L’évocation de cette salle nous ramène au cours Mirabeau. La modernité est le lien entre tous ces domaines culturels. La modernité, c’est cette fuite en avant qui consiste à rechercher sans cesse ce qui peut être « tendance », qui peut constituer une « avancée » (mais de quoi ?) ; c’est comme la mode qui a, comme la modernité, cet aspect momentané (la mode est ce qui se démode) mais à un niveau qui globalise l’ensemble des facettes de la vie, qui consiste à rejeter tout ce qui fait partie du passé pour le prochain « coup de cœur » éphémère, qu’il soit d’ordre culturel, politique, matériel, etc. La modernité, autrement dit, c’est le dogme du progrès qui a été imposé dès notre plus tendre enfance par les partisans de ce qui était encore une utopie, devenue le Système lui-même. Dans cette perspective, aucun élément du passé ne trouve grâce aux yeux des progressistes, toujours prêts à tout démolir selon le goût du moment pour s’enticher d’une nouvelle coqueluche. C’est la société du tout-à-jeter. Le syndrome kleenex.

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La société du spectacle

L’homo festivus, selon la formule de Philippe Muray, est l’individu qui se donne avec enthousiasme à la société du spectacle, selon le titre d’un livre de Guy Debord. Il n’y a là rien de bien nouveau ; c’est le fameux « panem et circenses » de la fin de l’Empire romain ; donnons au peuple du pain et des jeux (du cirque, à l’époque) afin de le soumettre plus facilement à nos lois, même si elles sont iniques.

La majorité des individus de notre fin de cycle ne dispose pas d’une formation suffisante lui permettant l’accès à des activités culturelles de qualité. Elle ne pense, pour ses moments de loisir, qu’à s’étourdir dans la fureur, dans le bruit et dans la consommation de substances alcooliques ou stupéfiantes. C’est déjà un bon début pour le Système, qui a pour ambition d’asservir les « masses ».

Il est à parier, dans ce contexte, que la drogue sera bientôt en vente libre.

Mais pourquoi la municipalité accepte-t-elle ces violentes intrusions ?

Le GTP a coûté 45 millions d’euros pour une capacité d’accueil de 1382 personnes. Mais une salle encore plus grande (8000 spectateurs) a vu le jour fin 2017 : l’Arena. Elle a coûté 50 millions d’euros H.T. En juin, l’Arena a accueilli deux spectacles.

Alors se pose la question : pourquoi diable la municipalité qui a construit ou aménagé des salles de spectacle innombrables (bien d’autres salles existent dans le Pays d’Aix) se croit-elle obligée d’offrir le cours Mirabeau et la quasi-totalité du centre ancien aux bruyants « teufeurs » (on disait « fêtards » à une autre époque) ?

Pourquoi prend-elle le risque de mécontenter une grande partie des habitants de la ville qui ne sont pas spécialement des adeptes de ce genre de musique, ou, tout simplement (pour des motifs qui ne peuvent échapper à personne) ont peut-être envie de dormir la nuit, alors que des salles construites à grands frais sont disponibles pour ce genre de manifestation ? On ne parle pas des dégâts adjacents que tout le monde peut imaginer dans ce genre de circonstances (insalubrité et saleté) qui n’existent pas dans ces équipements modernes qui disposent de tout le confort adéquat, c’est bien le moins.

Il faut dire que le domaine artistique n’est pas le seul bénéficiaire de ce laxisme. Des dizaines de stades ont été aménagés tout autour de la ville qui persiste à accueillir à grand bruit et charroi sur ce même cours Mirabeau des manifestations sportives qui n’ont pas vocation à s’y produire.

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Pourquoi ? Mais parce que la plupart des décideurs municipaux font eux-mêmes partie, consciemment ou inconsciemment, de cette caste de destructeurs avec le sentiment d’être du côté du « bien ». Et c’est le cas dans toutes les structures administratives, nationales, locales ou régionales de notre pays, gangrenées depuis bien longtemps par l’illusion du progrès, méprisant tout ce qui tient encore debout.

L’Homo festivus, comme toutes les minorités, considèrerait comme outrageant et discriminatoire d’être cantonné dans une salle réservée à une activité particulière, serait-ce la sienne. Il veut investir l’espace public, comme il ne viendrait pas à l’idée des cyclistes d’aller exercer leur sport sur un vélodrome, plutôt que sur les routes, ou aux trottinettistes de respecter un quelconque code de déplacement spécifique, ou aux membres des groupuscules LGBT-UVWXYZ d’aller manifester leurs « fiertés » ailleurs que sur les endroits stratégiques des cités les plus en vue (leur exhibitionnisme souffrirait, bien sûr, d’une moindre exposition). Notre pays est livré à la dictature des minorités. Mais ce sera le sujet d’un prochain article.                                                                                                                   

Pierre-Emile Blairon

Notes:

[1] http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2018/09/23/l-art-de-la-provocation.html

[2] Il s’agit d’une architecture qui n’a aucune attache avec le sol où elle est construite ; on peut la retrouver n’importe où dans n’importe quel pays de n’importe quelle culture.

[3] 20 octobre 2006

samedi, 22 juin 2019

L'Europe occidentale et orientale au grand tournant - Mort de l'intégration et retour aux souverainetés nationales?

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Institut Européen des Relations Internationales
 
L'Europe occidentale et orientale au grand tournant
 
Mort de l'intégration et retour aux souverainetés nationales?
 
Irnerio Seminatore

Le verdict du 26 mai a-t-il sonné la "mort de l'intégration" et le retour aux souverainetés nationales? Assistons nous "à une insurrection d'ampleur mondiale contre l'ordre libéral progressiste post-1989"? (Ivan Krastev)

Au delà des résultats, ces élections marquent un tournant idéologique et un changement d'époque et constituent un démenti sur l'illusion du triomphe planétaire de la démocratie libérale et sur la régulation mondiale de l'humanité par le droit et le marché.

La photographie électorale des pays-membres, après le verdict des urnes, a fait ressortir une grande différenciation européenne, de sociétés, de gouvernance, de convictions, d'espoir et de prises de conscience sur l'avenir.

A quoi ressemble-t-elle cette Europe du grand tournant?

A l'incertitude et à l'absence de perspectives aux milieu de l'échiquier politique, à la colère et à la révolte aux deux extrêmes.

Les européens de l'Ouest et de l'Est, par leur vote, ont considéré que leurs espoirs ont été trahis. En effet, dans le cadre de ces élections les partis de centre et de gauche ont été désavoués et la montée des souverainistes confirmée.

Partout on s'interroge sur les causes du suffrage et partout les vérités sont apparues fragmentaires et partielles. Les média ont fait éclater le visage du continent, émiettant les ensembles sociétaux et leurs sens.

Ainsi l'ère des grands principes s'est éloignée et la toute puissance des instincts violents oppose désormais les européens de souche et les immigrés sur les grands thèmes du présent et de l'avenir.

Fédérer une nébuleuse d'opinions, les progressistes pro-européens, les nationalistes anti-intégrationnistes, les eurosceptiques, les conservateurs, les centristes et les écologistes, les "gilets jaunes" et les "gilets noirs", est une tâche existentielle qui ressemble à la fatigue de Sisyphe, de telle sorte que la "société de confiance" du passé cède le pas à une société de "contrainte" ou de "régression", simplificatrices et radicales.

L’idolâtrie de "l'homme fort" prend le pas désormais sur la démocratie "discutidora" et sur la "pensée faible" et permissive.

Il en ressort que le fait démocratique est désavoué par le 38% des jeunes entre 18 et 34 ans (Rapport sur la démocratie dans le monde, sous la direction de D.Reynié) et trouve confirmation la vieille expression du Léviathan, anti-rationaliste et décisionniste, selon lequel : "Auctoritas , non veritas, facit legem!"

La hiérarchie devient désormais une valeur rassurante et la force, comme il se doit, le fondement de tout pouvoir.

Depuis la chute du mur de Berlin, l'Europe est entrée dans un cycle de turbulences internes et extérieures, qui l'ont fait passer de la grande illusion sur le projet européen, à la désillusion et au ressentiment diffus et, selon certains, à une forme de totalitarisme "soft".

Ainsi, un sentiment de menace pour son identité et pour son sentiment d'appartenance, ont conduite l'U.E, étape par étape, à la crise destructrice du Brexit.

Suite aux élections du parlement européen, l'Europe a tremblé sur ses bases et ses idoles sont tombés dans la fange. Thérèsa May, Angela Merkel et leurs médiocres copies européennes, J.C.Juncker, D.Tusk, A.Tajani, ont glissé irrésistiblement vers la porte de sortie et sur une pente descendante.

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En termes d'idées, les pays de l'Europe centrale (Pologne et Hongrie) ont reproché à l'Ouest d'avoir abandonné les vielles racines chrétiennes pour un laïcisme relativiste et un immigrationnisme débridé. A l'heure où l'équilibre géopolitique des forces passe à l'Est du continent, le centre de gravité des alliances politiques se colore d'une opposition nationaliste et anti-européenne.

Sous cet angle, l'affrontement entre Macron et Orban va bien au delà de l'échiquier parlementaire et peut être lu comme un épisode de la lutte entre la marche éradicatrice de l'anti-traditionalisme et la défense de la foi chrétienne. C'est un retour au principe de souveraineté comme droit inaliénable de décider sur la menace existentielle et surtout de choisir son destin.

L'échec cuisant du PPE et du PSD pour leur représentation au Parlement européen,rend nécessaire une recomposition politique des droites, que les craintes de politique étrangère et les tentatives de rééquilibrage vis à vis de la Russie rendent difficile pour la Pologne, dans une vision purement eurocentrique.

La rafale de démissions politiques en France et en Allemagne (Wauquiez et Nahles) souligne l'émiettement politique et l'importance des alliances comme clé de résolution des problèmes. Mais elle met en évidence aussi l'absence de programmes et le vide d'idées, qui constituent désormais un espace de manœuvre pour des coalitions élargies ou pour des tentatives de refondation institutionnelle.

En France, où il est bon de vivre pour des idées et mourir pour des utopies, un mouvement tectonique est en train de modifier en profondeur la structure représentative des démocraties modernes, que, selon certains analystes, de bi-polaire deviendrait tripolaire (P.Martin IPL). Les conséquences en termes d'options  stratégiques seront décisives pour la place de la France dans le monde.

Dans ce laboratoire social, se confondent et s'entremêlent en effet, des tendances étatistes et bonapartistes inextirpables, des pulsions anarchistes et libertaires passionnelles, des frustrations globalistes et néo-libéristes rêvant d'une révolution cyber-numérique et une haine anti-traditionnaliste du monde moderne, de lointaine origine religieuse.

L'alchimie politique qui en résulte est l'apparition simultanée d'un mélange de modération et d'extrémisme au sein des trois pôles, de droite, "les conservateurs identitaires", de centre, "les libéraux mondialisateurs", et de gauche, les "démocrates éco-socialistes".

Cependant, rappelle J. Juillard (le Figaro du 3 juin), l'accession au pouvoir est toujours conditionnée, dans une élection, par la prédominance des modérés sur les extrémistes, car le suffrage est le meilleur garant de la paix sociale.

En passant à la situation européenne et aux verdicts électoraux, il apparaît difficilement contestable que l'Europe des dernières années a été secouée d'en bas par le peuple, d'en haut par le Brexit, de l'extérieur par Trump, Poutine et Xi-Jin-Ping, et de l'intérieur, par Orban, Kacszynski, Kurz, Salvini, Marine le Pen et Nigel Farrage.

Que faire donc? Abattre l'édifice ou le restaurer?

A l'heure où l'on pose à Bruxelles et ailleurs le problème de la légitimité politique de l'Union Européenne et, implicitement le problème de la souveraineté (qui décide et sur quoi ?), et celui de la démocratie (le rôle de l'opposition et de la politique), comment ce changement de méthode et de système institutionnel est il ressenti dans les différents pays (en Allemagne, en Italie, en Autriche, en Hongrie, en Espagne ou en Pologne?).

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En Allemagne, la sanction historique contre la coalition conduite par Angela Merkel entre la CSU/CDU et le SPD a fait détourner de ces deux partis une grande masse d'électeurs, dont le vote s'est porté sur le parti écologiste, réincarnation diluée de l'utopie socialiste.

Ici les deux piliers traditionnels de la démocratie allemande sont entrés en crise et le défi majeur pour la recherche de nouveaux équilibres a été identifié par Götz Kubischek, dans une nouvelle orientation de l'échiquier politique, le bipolarisme des Verts et de l'AfD. Leur opposition résulte d'une lecture irréconciliable de la situation du pays, fondée pour les Verts sur l'individu et l'humanité et pour l'AfD, sur la famille, le travail et la nation.

La remise en cause de la coalition, qui favorise les alternatives et les extrêmes, priverait l'Allemagne de ses capacités d'agir en Europe et dans le monde et la conduirait à des longs mois d'immobilisme. Il en suivrait alors une situation caractérisée par une crise gouvernementale irrésolue ou à une campagne électorale permanente.
Par ailleurs, si à l'Ouest du pays les Verts dominent l'échiquier politique, l'inverse est vrai pour l'Est, où la réunification du pays n'a pas encore été absorbée et la crainte de l'immigration hante en permanence les esprit.

En Allemagne, comme en France, il faudra choisir: être ou non avec Macron et Angela Merkel. De son côté Marion Maréchal en France a appelé "un courant de droite à accepter le principe d'une grande coalition avec le Rassemblement national".

Ainsi ce scénario, qui coaliserait contre Macron,représentant de l'alliance des bourgeoisies de droite et de gauche, une union des droites, sur une base "national conservatrice, ne pourrait réconcilier, sur un projet européen-progressiste la totalité des sensibilités qui composent  l'échiquier souverainiste du pays et rendrait caduque l'existence d'un parti fédérateur de droite (RN).

Dans ce contexte les forces de gauche, tentent de survivre à la ruine qu'elles ont elles mêmes contribuées à créer. Ainsi, aucune remise en cause à gauche, dans le but de promouvoir une recomposition impossible, ce qui renforce le camp des "marcheurs", régressés mais survivants.

Par ailleurs, en Autriche, l’événement et la surprise ont été représentés par la destitution du Chancelier Kurz par un vote de défiance venu paradoxalement du Parlement, au lendemain de son succès européen et après avoir brisé, aux législatives d'octobre 2017, la grande coalition socialistes-conservateurs.

Même tremblement de terre au Royaume-Uni, où le "Brexit Parti" de Nigel Farrage a anéanti au même temps les Tories et le Labour, polarisant l'électorat britannique entre partisans d'une sortie de l'U.E sans accord, "No Deal" et citoyens d' une ultérieure remise en cause du référendum, "No Brexit".

Pas du tout dissemblable la situation de l'Italie, où le pays a renouvelé la confiance au "gouvernement du changement" et les deux composantes de la majorité gouvernementale ont vu inverser les rapports de forces au profit de l'une d'entre elles, la "Lega" de Salvini, devenu de facto l'inspirateur volontariste des réformes.

L'équilibre entre les deux forces paraît cependant fragilisé dans un situation où des élections anticipées pourraient assurer une majorité suffisante au Parlement aux deux forces de droite, "Fratelli d'Italia" et "La Lega", dans une conjoncture où la Commission européenne, qui a déclenché une procédure pour endettement excessif, est susceptible de radicaliser la fracture pro et anti-européenne du pays, jadis euro-entousiaste.

Rare exception en Espagne pour le socialistes, non sanctionnés par leurs électeurs et qui arriveront au Parlement de Strasbourg et à Bruxelles pour revendiquer des portefeuilles-clés, démontrant la confiance qu'inspire à ses partenaire une Espagne europhile, mais sans boussole sur la direction de marche de l'Union de demain, dans un contexte général europhobe ou euro-sceptique.

C'est d'un dessein ambitieux dont l'Union a besoin pur survivre et pour se reformer, si elle ne veut pas périr de l'inévitable bouleversement qui affecte dans tous les domaines la vie des nations et si elle veut éviter les cataclysmes périlleux d'une conjoncture tectonique.

Bruxelles 5 juin 2019

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