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mercredi, 08 janvier 2020

Libye. Les Etats-Unis sont-ils derrière Khalifa Haftar ?

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Libye. Les Etats-Unis sont-ils derrière Khalifa Haftar ?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Sans gouvernement national depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est en proie à des luttes d'influence désastreuses pour la population

Deux autorités se disputent aujourd'hui le pouvoir: le Gouvernement d'Union Nationale GNA à Tripoli, dirigé par Fayez al-Sarraj, reconnu par l'ONU et un gouvernement à Benghazi, dirigé par le maréchal Haftar. considéré comme l'homme fort de l'Est libyen.

Or le 2 janvier 2020 les députés turcs ont approuvé une motion permettant au président Recep Tayyip Erdogan d'envoyer des troupes en Libye pour soutenir le  GNA qui est menacé par une offensive du maréchal Haftar. Il faut rappeler que l'intérêt de la Turquie pour la Libye remonte à l'Empire Ottoman. La régence de Tripoli (carte ci-dessus) était une province plus ou moins autonome de celui-ci, fondée au XVIᵉ siècle et correspondant au territoire de l'actuelle Libye. Sa capitale était Tripoli.

Mais l'intérêt turc a des raisons plus immédiates. A la suite d'un accord maritime avec le gouvernement de Fayez al-Sarraj, la Turquie peut faire valoir ses droits sur de vastes zones maritimes en Méditerranée orientale. Cette région de la Méditerranée contient de très importants gisements de gaz naturel estimés à plus de 100 mille milliards de mètres cubes. Ankara cherche donc à s'octroyer une large part de ces richesses.

L'accord concerne un projet de gazoduc connu sous le nom d'"Eastmed" qui vient d'être signé entre la Grèce, Chypre et Israël afin de sécuriser l'approvisionnement énergétique de l'Europe est venu entraver les tentatives de la Turquie d'étendre son contrôle sur la Méditerranée orientale. L'alliance de la Turquie avec le GNA apparaît comme est une réponse à cet accord. Une présence militaire turque pourrait le rendre inapplicable.

La Turquie est actuellement la partenaire de la Russie dans le cadre d'un accord permettant aux deux pays d'envoyer des patrouilles militaires au nord-est de la Syrie et d'assurer le contrôle en commun d'une grande partie de la frontière turco-syrienne. Cet accord vise à mettre fin à l'offensive turque contre les forces kurdes des Unités de Protection du Peuple, YPG, considérées comme des terroristes par Ankara.

Officiellement présenté comme destiné à assurer une meilleure coordination de la Turquie et de la Russie dans la lutte contre les éléments djihadistes de l'Etat Islamique, l'accord est perçu par les Etats-Unis comme une tentative de la Russie pour étendre son influence sur l'ensemble de la zone. La Russie y apparaît en effet comme un médiateur disposant d'une autorité perdue depuis longtemps par l'Amérique.

Dans ce contexte, le maréchal Haftar, qui s'opposera inévitablement aux contingents militaires turcs envoyés soutenir son concurrent Fayez al-Sarraj, paraît un moyen pour Washington de rétablir son influence non seulement en Libye mais plus généralement au Moyen-Orient, face à l'importance prise désormais par la Russie. Beaucoup d'observateurs se demande dans ces conditions si Haftar, l' « Homme fort » de l'Est libyen, ne se sent pas aujourd'hui encore plus fort du fait d'un appui des Etats-Unis.

mardi, 07 janvier 2020

Main basse sur l’eau : la bataille de l’or bleu

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Main basse sur l’eau : la bataille de l’or bleu

Source : Arte, Youtube 

Ex: https://www.les-crises.fr

Le prometteur marché de l’eau s’annonce comme le prochain casino mondial. Les géants de la finance se battent déjà pour s’emparer de ce nouvel “or bleu”. Enquête glaçante sur la prochaine bulle spéculative.

Réchauffement climatique, pollution, pression démographique, extension des surfaces agricoles : partout dans le monde, la demande en eau explose et l’offre se raréfie. En 2050, une personne sur quatre vivra dans un pays affecté par des pénuries. Après l’or et le pétrole, l’”or bleu”, ressource la plus convoitée de la planète, attise les appétits des géants de la finance, qui parient sur sa valeur en hausse, source de profits mirobolants. Aujourd’hui, des banques et fonds de placements – Goldman Sachs, HSBC, UBS, Allianz, la Deutsche Bank ou la BNP – s’emploient à créer des marchés porteurs dans ce secteur et à spéculer, avec, étrangement, l’appui d’ONG écologistes. Lesquelles achètent de l’eau “pour la restituer à la nature”, voyant dans ce nouvel ordre libéral un moyen de protéger l’environnement. En Australie, continent le plus chaud de la planète, cette marchandisation de l’eau a pourtant déjà acculé des fermiers à la faillite, au profit de l’agriculture industrielle, et la Californie imite ce modèle. Face à cette redoutable offensive, amorcée en Grande-Bretagne dès Thatcher, la résistance citoyenne s’organise pour défendre le droit à l’eau pour tous et sanctuariser cette ressource vitale limitée, dont dépendront 10 milliards d’habitants sur Terre à l’horizon 2050.

Le prix de la vie

De l’Australie à l’Europe en passant par les États-Unis, cette investigation décrypte pour la première fois les menaces de la glaçante révolution en cours pour les populations et la planète. Nourri de témoignages de terrain, le film montre aussi le combat, à la fois politique, économique et environnemental, que se livrent les apôtres de la financiarisation de l’eau douce et ceux, simples citoyens ou villes européennes, qui résistent à cette dérive, considérant son accès comme un droit universel, d’ailleurs reconnu par l’ONU en 2010. Alors que la bataille de la gratuité est déjà perdue, le cynisme des joueurs de ce nouveau casino mondial, au sourire carnassier, fait frémir, l’un d’eux lâchant : “Ce n’est pas parce que l’eau est la vie qu’elle ne doit pas avoir un prix.”

Main basse sur l’eau

Documentaire de Jérôme Fritel (France, 2018, 1h30mn)

Source : Arte, Youtube, 18-12-2019

Vincent Desportes : «L’OTAN est devenue un protectorat américain dirigé par un allié brutal»

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Vincent Desportes : «L’OTAN est devenue un protectorat américain dirigé par un allié brutal»

 
Le général de l'armée de terre française, Vincent Desportes, a développé, pour RT France, son avis et analyse de l'OTAN qui célèbre ses 70 ans cette année, avant de décrypter les ambitions de l'Europe de la défense. #OTAN #EtatsUnis #Europe
 
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De Byzance à Poutine : la grande stratégie russe et son incompréhension en Occident...

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De Byzance à Poutine : la grande stratégie russe et son incompréhension en Occident...

par Stéphane Audrand

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un texte de Stéphane Audrand, cueilli sur Theatrum Belli et consacré à la grande stratégie russe. Stéphane Audrand est consultant indépendant spécialiste de la maîtrise des risques en secteurs sensibles.

De Byzance à Poutine – Éléments de réflexions sur la grande stratégie russe et son incompréhension en Occident

La Russie effraye, fascine parfois, suscite peurs et antagonismes, mais le plus souvent dans l’incompréhension la plus totale et les clichés les plus simplistes. Son utilisation des instruments de puissance nous échappe, nous déconcerte, voire nous révulse, tant la pratique russe s’éloigne des codes occidentaux et notamment de la dichotomie « soft » et « hard » power.

Ainsi, l’incident en Mer d’Azov en 2018 ou les déclarations de Vladimir Poutine concernant la promesse du « paradis pour les Russes » en cas de guerre nucléaire ont attiré les réflexions les plus baroques [1]. C’est en vain que les commentateurs et les analystes tentent d’appliquer les grilles d’analyse occidentales à la situation russe. Leur inadéquation ne semble avoir pour conséquence que de disqualifier la Russie : ni « occidentale » ni « asiatique », l’espace russe semble failli, voué à l’échec et par conséquent stigmatisé. Par un ethnocentrisme qui serait comique s’il n’était porteur de risques, les Européens comme leurs alliés d’outre-Atlantique multiplient les représentations caricaturales de la politique de Vladimir Poutine, sans en percevoir la logique ou en la dénonçant comme intrinsèquement « mauvaise ». Ainsi, on souligne souvent l’incapacité de Moscou à « terminer » une guerre, citant les situations bloquées de longue date, du Haut-Karabagh à l’Ossétie, du Donbass à la Transnistrie. De même, on s’offusque des menées propagandistes, de l’instrumentalisation du droit international, du double discours, de la prétention russe (censément hypocrite) à négocier tout en bombardant… Comprendre l’autre, principe de base des relations internationales, semble bien difficile s’agissant de la Russie.

Les déterminants de la stratégie russe nous échappent, en grande partie parce qu’ils ne s’inscrivent pas dans notre héritage occidental de la guerre, dont le modèle mental est marqué par l’apport essentiel de deux auteurs : Saint Thomas d’Aquin et Carl von Clausewitz. Du premier nous avons hérité la propagation occidentale de la théorie de la guerre « juste », seule justification possible au déchaînement de la violence que la tradition romaine et chrétienne du droit ne peut considérer que comme une entorse au gouvernement des lois et à l’injonction de charité. D’où la limitation de la guerre à la puissance publique, au prix d’une cause juste et d’une intention bornée par l’intérêt général [2].

Au second nous devons la mystique de la guerre « totale », moment de la politique qui consiste en un acte de violence pour contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté [3]. Loin d’être antinomique, les deux approches se complètent et toute la théorie dominante moderne des conflits en Occident tourne autour de ces deux môles : il n’est de guerre possible que si elle est légitimée par le droit et la morale et il n’est de guerre envisageable que par la recherche de la victoire, moment politique par lequel le vaincu se soumet au vainqueur, à travers un ensemble de conditions – de capitulations – qui marquent la fin du « temps de guerre » et le retour au « temps de paix », au gouvernement par les lois. L’organisation même de la sécurité collective après 1945 autour de l’idée de l’Organisation des nations unies repose sur ces deux piliers de la guerre « juste » et de la guerre « politique » et marqua le triomphe mondial des conceptions occidentales : la Charte des Nations unies disqualifie la guerre comme « instrument » dans les mains du pouvoir, en dehors du rétablissement collectif de la sécurité ou de la légitime défense individuelle des Etats. Pour aller plus loin, on peut même penser que l’idée que le soft power puisse être décorrélé du hard power est une conséquence moderne de ce raisonnement : la puissance armée ne peut pas être « incluse » dans les autres pouvoirs, elle doit cohabiter « à côté » [4].

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À l’opposé, la pratique russe moderne s’inscrit dans une toute autre tradition épistémologique qui emprunte largement à un héritage byzantin dans lequel le strategikon de l’empereur Maurice remplacerait à la fois Thomas d’Aquin et Clausewitz et ferait figure de « code opérationnel », comme l’a remarqué Edward Luttwak [5]. L’héritage byzantin irrigue la tradition russe de l’usage de la force et de la puissance, et il a influencé à la fois la mystique du pouvoir (impérial ou étatique) et l’exercice de l’usage de la force, qu’elle soit armée ou non. D’une part, il n’y a pas forcément de recherche d’une « victoire » nette, car la perception de celle-ci est différente et car le continuum du pouvoir en action remplace la dichotomie « Guerre et Paix ». C’est l’ascendant qui compte. D’autre part, il n’y a pas la même obsession pour la justice de l’action car le gouvernement des lois n’est pas perçu comme prépondérant. C’est en Occident qu’a émergé l’idée que le princeps, le gouvernant, pourrait lui-même être soumis en temps ordinaire au droit, même lorsqu’il se trouve être le législateur unique [6].

L’Empire byzantin souffre d’une réputation peu flatteuse en Occident, entretenue par des siècles d’ignorance et d’approximations historiques dont la première est bien son qualificatif même. Jamais les habitants de cet empire ne se qualifièrent eux-mêmes de « Byzantins ». En leur temps, ils étaient appelés et se nommaient Romaioi, Romains, parce qu’ils furent d’abord et avant tout, non pas « les continuateurs » de l’Empire romain, mais bien l’empire romain lui-même. Il faut rappeler cette réalité : dans un environnement hostile, entouré d’ennemis, comptant bien peu d’alliés, faisant face aux Perses, aux Slaves, aux Arabes, Turcs et Latins, l’Empire romain d’Orient persista jusqu’en 1453 en tant qu’entité politique. Un empire de plus de mille ans ne peut être réduit à la vision qu’en colporte l’historiographie occidentale, mettant en avant « décadence », « querelles byzantines » et « duplicité » dans le sillage d’Edward Gibbon. Au contraire, il faut reconnaître sa capacité d’adaptation et de reconfiguration, pour tenir compte des affaiblissements qu’il dut affronter et admettre qu’il fut dirigé pendant longtemps par une élite éclairée et soucieuse du bien commun [7].

Le lien historique de Byzance avec la Russie s’est construit par la christianisation des Slaves, du IXe au XIe siècle. Alors que les principautés slaves demeurèrent morcelées jusqu’au XIIIe siècle, la foi orthodoxe fut un ciment certain d’unité sociale et culturelle, à l’image du catholicisme romain en Occident. Pour autant, ce n’est pas avant le XVIe siècle que le « messianisme russe » se développa, quelque soixante ans après la chute de Constantinople. L’idée centrale, mise à profit par l’État moscovite naissant, fait de Moscou la « troisième Rome », celle qui n’échouera pas, après que la première Rome soit tombée sous les coups barbares du fait de son hérésie et la deuxième, Constantinople, sous les coups des Turcs et par la trahison des Latins [8]. Ce messianisme moscovite servit tour à tour l’affirmation du pouvoir tsariste, l’idéologie panslaviste et même, plus tard, le marxisme soviétique. Il se cristallisait toujours autour de l’élection de Moscou comme axis mundi et de la responsabilité russe pour porter la seule civilisation de la « vraie foi » (qu’elle soit orthodoxe ou – momentanément – marxiste-léniniste) [9].

L’examen du « code opérationnel byzantin » et sa mise en regard avec les actions du Kremlin sur la scène mondiale montrent d’importantes corrélations qui s’expliquent par cette tradition de la littérature byzantine, comme si, après une parenthèse rationaliste et « occidentaliste » de quelques siècles ouverte par Pierre le Grand et refermée par Michael Gorbatchev, les Russes renouaient avec leur héritage épistémologique antique, héritage d’ailleurs revendiqué ouvertement par le Kremlin [10]. On voit s’inscrire dans cette tradition orientale une toute autre vision de l’exercice de la puissance, qui préside à la perpétuation d’un empire encerclé par des adversaires multiples et qui voit dans sa perpétuation même son ambition principale. Il faut durer en s’adaptant, malgré les faiblesses de l’Empire.

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Premières similitudes avec l’espace russe actuel, l’encerclement et la perception de menaces multiples, mais aussi l’idée que « vaincre est impossible ». L’Empire byzantin – conservons cette dénomination par commodité – ne pouvait pas compter sur un quelconque verrou territorial pour protéger une géographie exposée de toutes parts. Les Vandales, les Goths, Perses, Slaves, Arabes, Turcs, Latins… Les ennemis se succédèrent sans fin aux frontières de l’Empire et la disparition de l’un ne faisait que la place de l’autre, à l’image des barbares gothiques vaincus en Italie pendant la reconquête justinienne, et qui furent « remplacés » par les Lombards, ruinant les coûteux efforts de l’Empire [11].

Le fait que la Russie actuelle se perçoive comme menacée dans ses frontières continue d’échapper à la majorité des observateurs occidentaux, qui préfèrent mettre en avant l’expansionnisme russe et la menace qu’il représente pour ses anciens États « vassaux ». L’Europe a ainsi totalement épousé le point de vue des États de l’ancien Pacte de Varsovie, sans chercher à comprendre celui de Moscou. Envahie à trois reprises en moins de cinquante ans au début du XXe siècle [12], la Russie ne préserva son indépendance qu’au prix de millions de morts et de destructions d’une ampleur colossale. On peut comprendre que l’idée de l’invasion marqua les esprits et que le recul de la frontière « le plus loin à l’ouest possible » devint une obsession. Si le dénouement du second conflit mondial avait paru enfin donner à l’espace russe la profondeur stratégique nécessaire à sa protection, la liquidation à marche forcée de l’URSS fit reculer la frontière de positionnement des troupes de 1 300 km, de la frontière de l’ex « Allemagne de l’ouest » à celle de la Lettonie. La situation stratégique actuelle de la Russie est objectivement celle d’un empire certes encore puissant militairement, mais affaibli démographiquement, démembré et encerclé, et pas d’une puissance en expansion : les forces de l’OTAN sont à moins de 600 km de Moscou. Les trajectoires économiques et démographiques ont à ce point divergé depuis la chute du Mur de Berlin que la Russie, malgré son territoire et ses immenses ressources, ne dispose plus que de la population combinée de la France et de l’Allemagne et du PIB de l’Italie. Dans ces conditions, peut-on reprocher à Vladimir Poutine de se sentir « menacé » par l’OTAN qui agrège près d’un milliard d’habitants, avec un PIB vingt fois supérieur ? Bien entendu, cela ne doit pas conduire à négliger ou ignorer la menace qu’il peut représenter en retour, mais plutôt à la considérer comme une perception de sa propre faiblesse sur le long terme.

Le pouvoir moscovite est tout simplement conscient qu’il ne peut pas « gagner » face à l’Occident : son objectif de (re)sanctuariser la Russie tout en affaiblissant ses adversaires doit être compris dans ce contexte limité. Du reste, s’il est souhaitable que l’Europe soit faible militairement pour la Russie, elle demeure le client indispensable du gaz russe et se trouve ainsi liée dans une situation de dépendance. Encerclée, la Russie l’est aussi en Asie : le Japon et la Corée du Sud ne sont pas perçus autrement que comme des tremplins américains, tandis que la Chine, partenaire et allié de circonstance, constitue une menace de long terme perçue comme telle à Moscou. La relance favorable des négociations avec le Japon à propos des îles Kouriles est ainsi la concrétisation de cette crainte russe face à la Chine, qui justifie sur le moyen terme une tentative de rapprochement avec les adversaires potentiels de Pékin. Là encore on voit la marque byzantine d’une diplomatie à la fois opportuniste et dénuée d’aprioris moraux : seul compte l’intérêt de l’Empire et s’il est possible de diviser ses adversaires à peu de frais, c’est toujours souhaitable, même au prix de renversements apparents d’alliance. L’instrumentalisation des ventes d’armes à la Turquie est ainsi un bon exemple par lequel, à bon compte, Moscou accentue la division de l’OTAN [13].

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S’il y a utilisation récurrente de la force armée par Moscou depuis 2014 et l’annexion de la Crimée, c’est d’une part car elle constitue pour l’instant une des dernières cartes maîtresses de la Russie, et d’autre part car la situation russe n’est perçue fort justement que comme ne pouvant qu’inexorablement se dégrader : l’économie de rente reste tributaire du pétrole et du gaz dont les cours sont corrélés, la démographie est sinistrée et les tensions sociales sont à la hausse, ce qui justifie d’agir au plus tôt, l’attente n’étant porteuse que d’une détérioration de la situation globale et d’une réduction des options stratégiques. On évoque souvent les « succès » de Vladimir Poutine, mais on oublie aussi les limites de son action. Ainsi, si la Russie a occupé une place laissée vide au Proche Orient par le recentrage stratégique vers l’Asie voulu par Barack Obama, elle a été incapable de conserver son ancienne influence dans les Balkans, réduite à la Serbie, et dont l’évolution actuelle est beaucoup moins marquée par l’empreinte de Moscou qu’en 1999 pendant la crise du Kosovo. En outre, l’intervention en Syrie ne passionne plus les foules et le pouvoir se fait discret sur le sujet. En Afrique, la Russie a pu avancer, notamment via ses mercenaires et quelques ventes d’armes, comme en Centrafrique, là encore à la faveur du recul des occidentaux, mais la position reste opportuniste et fragile [14].

Cet opportunisme typiquement byzantin s’explique en partie par le manque de moyens, mais aussi par la perception de l’impossibilité pratique de la « victoire », voire de son inutilité : mieux vaut agir quand c’est possible, mais sans se laisser entraîner dans des conflits trop coûteux. Les Byzantins comprirent en effet, tout comme les Russes actuellement, que l’idée de victoire « totale » contre un adversaire puissant était un leurre et que la rechercher faisait courir le risque de la sur-expansion et de l’épuisement : vaincre totalement un adversaire absorbait d’énormes ressources matérielles, humaines et fiscales, usait l’Empire et n’aboutissait, au final, qu’à faire « de la place » pour qu’un nouvel adversaire face auquel la situation impériale serait compromise par l’épuisement. Loin de sécuriser l’Empire, l’anéantissement d’un adversaire était donc perçu comme trop coûteuse et contre-productive, un « paradoxe de la stratégie », compris comme tel, notamment par l’Empereur Isaac Comnène qui théorisait qu’en temps de faiblesse, « l’augmentation est une diminution » [15].

À l’anéantissement, les Byzantins préféraient l’affaiblissement de l’adversaire, en usant d’abord d’influence politique et diplomatique. Le recours à la force était toujours possible, mais ne devait pas placer l’Empire en position de s’épuiser. Cette approche, née dans la douleur face aux Perses, aboutit à la création de « conflits larvés » entre tierces parties, insolubles mais qui divisaient les adversaires tout en les maintenant fixés sur des enjeux mineurs. C’est une approche qui choque en Occident : d’une part nous avons tendance à considérer qu’il doit y avoir « un » adversaire principal (celui contre lequel s’exerce la violence de la guerre juste) et d’autre part qu’il doit être vaincu, totalement, pour résorber la tension morale que crée le conflit. D’où cette impression, absurde à l’échelle historique, que l’Histoire prenait fin en 1989 [16] : l’adversaire principal, l’URSS, s’étant effondré, la victoire mondiale de l’Occident et de son système politico-économique semblait évidente et définitive. Toute conflictualité devenait parfaitement secondaire en l’absence d’adversaire légitime à la démocratie libérale. On sait ce qu’il advint des dividendes de la paix, acquis sous forme de « subprimes »

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Dans l’approche russe, la conflictualité, loin de fragiliser la situation sécuritaire, y contribue dans un paradoxe orwellien qu’on pourrait résumer par « la guerre (larvée) c’est la sécurité ». Ainsi, l’abcès de Transnistrie s’insère comme un « coin » entre Ukraine et Moldavie. De même, l’Ossétie du Sud « fixe » la Géorgie sur le plan territorial, tout comme le séparatisme du Donbass contribue à affaiblir l’Ukraine et sécurise l’annexion de la Crimée : aucun besoin de « résoudre » ces conflits. Dans un cas comme dans l’autre, l’intérêt de Moscou est que cela continue [17]. Même l’intervention dans le conflit syrien doit se comprendre, en partie, comme une action de protection par fixation de l’adversaire aux frontières. Loin d’être une extravagante aventure ultramarine, l’intervention en Syrie en 2015 était perçue à Moscou comme l’impérieuse nécessité de protéger les marches du Caucase. On oublie facilement que la même distance sépare la Russie de la Syrie et Paris de Marseille : environ 650 km. Le containment puis la réduction, en Syrie, de l’enclave djihadiste répond ainsi à un objectif immédiat de protection du Caucase, qui explique notamment la facilitation au départ des djihadistes organisée en sous-main par les services russes, mais aussi le « redéploiement » des survivants en Ukraine après la chute de Daech [18].

Cette compréhension de l’instrumentalisation des conflits non comme un moteur de l’expansion territoriale massive mais plutôt comme une avancée prudente du glacis stratégique par la création d’un « tampon instable » permet ainsi d’analyser le comportement russe actuel. Ayant perdu des provinces perçues comme « historiquement russes » (la Biélorussie, l’Ukraine) ou « indispensables » à la sécurité (Pays Baltes, Géorgie), la Russie cherche à reconstituer un espace stratégique suffisant qui mette Moscou à l’abri de toute tentative étrangère. Ainsi, il ne faut pas tant craindre par exemple une invasion en bonne et due forme de la Pologne ou des Pays Baltes que des tentatives de déstabilisation et de neutralisation, par agitation de minorités, armées à peu de frais avec des surplus d’armements et encadrées par des supplétifs. Or face à ce genre de conflit, l’OTAN, pensé pour les guerres de haute intensité, est démuni. Quelle serait la réaction de l’alliance si la Lituanie ou la Géorgie – si elle finit par rejoindre l’Alliance – invoquaient l’article V du Traité de l’Atlantique nord face à des « bandes armées » ?

Prolongeant l’idée que la conflictualité puisse être contributive à la sécurité dans la durée, la Russie de Vladimir Poutine ne distingue pas « temps de guerre » et « temps de paix » et a une approche globale (on pourrait dire « systémique ») de la diplomatie. Même si les Russes, dans le triomphe rationaliste du XVIIIe siècle, ont pu se rallier, pour un temps au moins et partiellement, à la vision occidentale de la guerre, ils s’en sont éloignés de nouveau, depuis la chute de l’URSS. Ainsi on comprend mieux la stupeur outrée des observateurs qui frappent de duplicité Vladimir Poutine lorsqu’il prétend négocier la paix pendant que l’aviation russe bombarde la Syrie. De même, la volonté de Moscou de discuter en même temps des quotas de gaz transitant par l’Ukraine et du conflit au Donbass, alors que ni les Européens ni Kiev ne voient (ou ne veulent voir) le rapport suscite crispations et incompréhensions. Il ne s’agit là encore que d’un avatar de conceptions occidentales ethno-centrées. Au demeurant, l’idée qu’il y a un « temps pour la négociation » et un « temps pour les armes » qui seraient mutuellement exclusifs est récente et, au final, on peut s’interroger sur sa pertinence. Elle ne se justifiait guère que pendant le second conflit mondial, en raison de la dimension idéologique irréconciliable des forces en présence. Mais une étude de la conflictualité sur le long terme montre que, en Occident comme en Orient, la règle est que les diplomates continuent de se parler pendant les combats. On peut même considérer, comme le suggère Luttwak à propos des Byzantins, que la diplomatie est encore plus importante pendant la guerre car elle permet de recruter de nouveaux alliés tout en divisant les coalitions adverses. En allant plus loin, on peut s’étonner que l’OTAN ait, dans sa doctrine opérationnelle, une vision tout à fait systémique des crises, marquant un continuum du politique à l’économique et au militaire et qui prend en compte les aspects diplomatiques du centre de gravité, mais que les dirigeants de l’Alliance atlantique, eux, soient souvent incapables de s’approprier la vision « technique » de leurs propres états-majors [19].

L’influence et la parole sont également des points de convergence entre la pratique byzantine et russe. Déjà au Moyen-âge, les Latins dénonçaient la « duplicité des Grecs » et se plaignaient de leur manque de parole. L’attachement occidental à la notion de « Vérité » n’a fait que croître avec le triomphe du rationalisme, de la méthode scientifique et du gouvernement par les lois. À l’opposé, Byzantins comme Russes percevaient et perçoivent encore la nécessité de raconter des « histoires » adaptées à chaque situation. Au temps pour les fake news, l’important est pour Moscou d’occuper le terrain de la communication, y compris par la désinformation. La démoralisation de l’adversaire par la mise en avant de ses faiblesses compte plus d’ailleurs que la propagande valorisante et c’est la méthode que pratiquent, au quotidien, Russia Today ou Sputnik. C’est une évolution marquée depuis la chute de l’URSS : Moscou ne cherche plus à proposer un système de valeurs opposé à celui de l’Occident, mais plutôt à le discréditer afin de démoraliser les populations, spécifiquement en Europe, en construisant la prophétie (hélas assez auto-réalisatrice) d’Européens « condamnés car moralement faibles ». L’approche du domaine « cyber » diffère ainsi radicalement de celle de l’Occident, en ce qu’elle s’inscrit dans la continuité avec les sujets informationnels et médiatiques [20].

maskirovka.jpgLe recours à la désinformation d’ailleurs est un des points fondateurs de la « déception » (ruse, diversion, feinte) ou, dans le jargon militaire russe moderne, de la maskirovka. Si des historiens militaires modernes au nombre desquels David Glantz ou Jean Lopez ont exposé l’importance de l’art opératique soviétique et son apport à la pensée militaire moderne, ils sont également mis en exergue le rôle crucial de la déception et de la désinformation pendant l’accomplissement de la manœuvre de haute intensité [21]. Ici se dessine encore la continuité entre opérations armées, diplomatie et influence. Il n’y a pas de soft ou hard power, mais une puissance, que l’on exerce en même temps « par les arts, les armes et les lois ». La déception byzantine ou russe est tout à la fois un outil d’affaiblissement de l’adversaire, le démultiplicateur des forces par la surprise opérationnelle qu’elle permet et le garde du corps mensonger d’une vérité qui doit être gardée secrète : conscients de l’impossibilité de préserver les secrets de manière absolue, les Byzantins le rendaient invisible au milieu du mensonge. Dans ce domaine spécifique du renseignement on voit encore des similitudes frappantes avec la doctrine russe de préservation du secret par le doute et le flou, aux antipodes d’une conception occidentale de préservation du secret par la protection, le silence et la sécurisation d’un fait rationnel unique et univoque.

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Ainsi, la déception offre le bénéfice de créer de la confusion et d’affaiblir l’adversaire sans combat ou en préalable à celui-ci. Un des avantages conférés par la déception est l’économie des forces. Il s’agit là d’un point commun notable entre l’Empire Byzantin et la Russie actuelle : dans les deux cas, on est face à un ensemble impérial disposant de forces de grande qualité, mais coûteuses à reconstituer en cas de pertes. Il faut donc les utiliser avec parcimonie et ne pas hésiter à avoir recours à des alliés, des mercenaires ou des « proxies » qu’on ira chercher avant ou pendant le conflit pour limiter l’engagement des forces impériales. Bien qu’ayant été couramment pratiquée en Occident, la déception semble à la fois passée de mode et emprunte d’inefficacité et de disqualification morale. Sans doute est-ce un avatar de l’obsession de la guerre « juste » : la ruse, le mensonge sont par essence des comportements négatifs qu’un État agissant au nom d’une juste cause devrait se restreindre d’employer. Ainsi se creuse le fossé entre le monde du renseignement et celui des opérations, pour des raisons souvent plus idéologiques qu’organisationnelles [22].

La Russie est sortie des conceptions soviétiques qui prévoyaient l’engagement massif de grands corps blindés pour disloquer en profondeur l’adversaire [23]. L’armée russe rénovée par Vladimir Poutine depuis 2008 s’est reconstituée autour de « pointes de diamant » : des unités de choc équipées en matériel modernisé qui sont, certes, supérieures en effectifs aux forces de haute intensité européennes, mais qui ne peuvent plus compter comme dans les années 1970 sur une écrasante supériorité numérique. Le gros des effectifs demeure équipé d’armes anciennes et n’a qu’une aptitude douteuse à la manœuvre interarmées, tout en pouvant fournir utilement des contingents de blocage, d’occupation ou de disruption. Ainsi, à la manière des Byzantins, les Russes sont intervenus en Syrie de manière limitée, pour « encadrer » leurs alliés. Si l’effort russe, considérable au regard des moyens économiques disponibles, a fourni au régime syrien conseillers, appui aérien et d’artillerie, moyens logistiques, antiaériens et de renseignement, le gros du travail d’infanterie a été fait sur le terrain par les supplétifs de la nébuleuse iranienne, complétés de quelques forces spéciales [24]. L’ère n’est plus à la manœuvre des grands corps blindés de l’Armée Rouge, mais plutôt aux « coups de main » opportunistes, comme dans le Strategikon. La situation dans le Donbass est partiellement similaire. Certes on voit le retour de la « haute intensité » en périphérie de l’Europe avec des engagements de centaines de chars lourds, mais là encore en usant d’unités de supplétifs, de « volontaires » qui permettent de ne pas engager les unités de pointe du dispositif de choc, dont la vocation est à la fois d’impressionner, d’aider à la régénération organique et de constituer une réserve de dernier recours : la Russie n’a pas envie d’affronter l’Occident sur le terrain militaire [25].

Cette mise en perspective de quelques éléments saillants des similitudes entre l’art stratégique et opérationnel byzantin et les manœuvres de la Russie de 2018 permet de mieux cerner à la fois les méthodes de Vladimir Poutine, mais aussi ses limites et les raisons de notre propre incompréhension.

On pourrait objecter que la présence des arsenaux nucléaires rend invalide cette approche, par la transformation profonde de l’art de la guerre. Il n’en est rien. De fait, le paradoxe moderne de la dissuasion serait plus compréhensible pour un penseur byzantin que pour son homologue occidental. L’idée que des armes puissent avoir leur meilleure efficacité par leur inutilisation, tout comme celle que la sécurité puisse être fille de la terreur, sont au cœur du paradoxe de la stratégie, de la résolution du dilemme de la convergence des contraires [26]. Mais le dernier point, peut-être le plus important, dans lequel s’inscrit l’arme nucléaire, est celui que nous avons évoqué en introduction : l’idée de durer. L’arme nucléaire offre un sanctuaire temporel à la Russie. Cette sanctuarisation apparaît particulièrement importante en Orient, face à la poussée chinoise en Sibérie et à la très forte disproportion des forces qui serait celle d’un conflit le long de l’Amour.

Même si elle pourrait apparaître à un penseur marqué par l’idée occidentale de progrès, la perpétuation de la civilisation – russe ou byzantine – comme objectif fondamental de la grande stratégie est certainement un pivot épistémologique important, qui donne une résilience particulière à la société russe en période de crise. Et, au fond, il vaut mieux sans doute avoir un objectif clair mais peu séduisant sur le plan idéologique (celui de durer) que de chercher en circonvolutions quel pourrait bien être l’objectif commun de progrès en Europe, en dehors de l’approfondissement de l’efficacité des marchés et de la concurrence libre et non faussée…

Stéphane AUDRAND (Theatrum Belli, 17 décembre 2019)

Notes :

(1) https://www.dailymail.co.uk/news/article-6292049/Putin-sa...

(2) En toute rigueur, c’est à Cicéron que revient d’avoir formalisé le premier l’idée de la guerre juste, dans La République (II, 31 et III, 37). Repris par Saint Augustin qui y adjoint l’idée chrétienne de contribution au Salut, elle est ensuite formalisée par Thomas d’Aquin. Voir LEVILLAYER A. « Guerre juste et défense de la patrie dans l’Antiquité tardive », in Revue de l’histoire des religions, tome 3, 2010,  p. 317-334.

(3) Définition au chapitre 1 de « De la Guerre », paragraphe 2.

(4) Ce qui n’est finalement que la traduction du fameux « Cedant arma togae, concedat laurea linguae » de Cicéron.

(5) Une grande partie de cet article repose sur les analyses développées par EDWARD LUTTWAK dans son excellent ouvrage La Grande Stratégie de l’Empire byzantin, Paris, Odile Jacob, 2010 (édition originale anglaise 2009).

(6) Sur l’émergence du gouvernement des Lois on pourra se rapporter aux travaux d’Alain Supiot, La Gouvernance par les nombres, Cours au collège de France, 2012-2014, Paris, Fayard, 2015, 515 pages.

(7) NORWICH, J.J., A Short History of Byzantium, First Vintage Books, New York, 1982, 430 pages, pp. 382-383.

(8) Timothy Ware, L’orthodoxie, Bruges, 1968, DDB, 480 pages, p. 150-151.

(9) Spécifiquement sur le ce « messianisme » on pourra lire DUNCAN P.J.S., Russian Messianism, third Rome, revolution, communism and after, New York, Routledge, 2000.

(10) CHRISTOU T., The Byzantine history of Putin’s Russian empire, sur The Conversation – http://theconversation.com/the-byzantine-history-of-putin...

(11) DUCELLIER A., Byzance et le monde orthodoxe, Paris, Armand Colin, 1986, page 91. L’Empereur Maurice – l’auteur du Strategykon – tenta de se maintenir en Italie largement pour des questions de prestige, et on peut penser que les coûts de cette entreprise pesèrent dans sa réflexion stratégique.

(12) En 1914-17 et en 1941-45 par l’Allemagne et, on l’oublie souvent, en 1920 par la Pologne, dont les troupes s’emparèrent de Kiev et Minsk. L’intervention des puissances occidentales contre la Révolution marqua aussi les esprits car elle montra l’encerclement de l’espace russe, les alliés débarquant sur toutes les côtes de la future URSS.

(13) FACON. I., Export russe des systèmes anti-aériens S-400 : intentions stratégiques, atouts industriels et politiques, limites, Défense & Industrie n°13, juin 2019, 4 pages.

(14) « Russie Afrique : le retour » – Affaires Étrangères du 19 octobre 2019. https://www.franceculture.fr/emissions/affaires-etrangere...

(15) Cité par DUCELLIER A., op. cit, page 15.

(16) FUKUYAMA F., La Fin de l’histoire et le Dernier Homme, Paris, Flammarion, 1992. Faisons au moins justice à Francis Fukuyama en reconnaissant que son livre comporte bien plus de nuances et d’hésitations sur la validité de sa théorie que ne le suggèrent à la fois ses adversaires et ses thuriféraires.

(17) Autant de crises, dont les ferments étaient connus et documentés depuis la chute de l’URSS. Ainsi, pour le cas de l’Ukraine et de la Crimée, on pourra relire BREAULT Y., JOLICOEUR P. et LEVESQUE J., La Russie et son ex-empire, Paris, Presses de Science Po, 2003, pages 105-115.

(18) https://www.la-croix.com/Monde/Europe/djihadistes-Caucase...

(19) SHAPE, Allied Command Operations – Comprehensive Operations Planning Directive COPD, 2013, 444 pages, voir en particulier pages 21, 26, 63 et 88 à 91.

(20) CONNEL, M. et VOGLER, S., Russia’s Approach to Cyber Warfare, CAN, Washington, 2017, 38 pages, pp. 3-6.

(21) Voir GLANTZ D., Soviet Military Deception in the Second World War, New York, Routledge, 2006.

(22) KEEGAN J., dans son ouvrage Intelligence in War, Londres, Pimlico, 2004, réfléchit ainsi sur les limites du renseignement dans la conduite des opérations. Il s’inscrit plutôt dans le droit fil de Clausewitz pour lequel, face au brouillard de la guerre et aux forces de frictions, il est coûteux et peu efficace de rajouter de la confusion.

(23) Voir LOPEZ J., Berlin, Paris, Economica, 2010, pages 75-88 pour une brillante synthèse francophone de l’évolution doctrinale soviétique de la bataille en profondeur, manœuvre opérationnelle la plus aboutie sans doute de l’ère de la guerre mécanisée.

(24) KAINIKARU S., In the Bear’s Shadow: Russian Intervention in Syria, Air Power Development Centre, Canberra, 2018, 192 pages, pp. 81-96.

(25) Autour de 600 chars ukrainiens. Voir l’audition du général P. Facon par la commission de la défense nationale et des forces armées – CR74 du 25 septembre 2018. Le général Facon note d’ailleurs l’importance du déni d’accès dans l’approche russe, très byzantine : il ne s’agit pas tellement de rechercher la décision de manière immédiate par la manœuvre, le feu et le choc, mais d’entraver la capacité adverse à le faire par déni d’accès terrestre et/ou aérien.

(26) Sur le paradoxe de la stratégie et son prolongement nucléaire, voir LUTTWAK E. N., Le grand livre de la stratégie, Paris, Odile Jacob, 2001, pages 21-23 et 205-207.

Pour la troisième voie solidariste

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Pour la troisième voie solidariste

par la "Fédération des Québécois de souche"

Le dernier ouvrage de Georges Feltin-Tracol, Pour la troisième voie solidariste, est un ouvrage de fond réunissant divers articles offrant des exemples concrets et réels d’alternatives au faux dilemme du libéralisme versus marxisme. Facile à lire et surtout à comprendre, l’auteur, que nous avions interrogé pour Le Harfang cet été, est un penseur libre qui refuse les étiquettes et cherche réellement une voie tierce nous permettant de se sortir du marasme actuel.

Car il faut le dire, le marxisme a échoué – personne ne le niera – et le libéralisme est également en faillite, comme nous le prouve constamment l’actualité économique. Endettement, délocalisations, crises à répétition, effritement des classes moyennes, voilà le bilan sombre du régime où nous sommes, qui ne risque pas de se réformer tout seul avec l’arrivée de la robotisation et de l’automatisation à grande échelle. En fait, loin de s’humaniser, le libéralisme s’est transformé en néo-libéralisme mondialiste, véritable rouleau compresseur des peuples.

Plus que jamais, non seulement une troisième voie est possible, mais elle est nécessaire à notre survie en tant que peuple, en tant que nation et même en tant qu’individus.

Alors, quelle voie emprunter?

Tony Blair, l’ancien Premier ministre britannique, conscient de l’échec des deux grandes idéologies se revendiqua lui-même d’une troisième voie, « au-delà de la droite et de la gauche ». Emmanuel Macron fit de même et osa même se revendiquer d’un certain solidarisme, un terme qui n’a certes pas le même sens dans sa bouche que dans la nôtre. Face à cette tentative de cooptation d’une troisième voie éventuelle, Feltin-Tracol dresse quelques impondérables, quelques éléments d’une véritable troisième voie.

Au niveau macro-économique, donc de la nation, les principes qui doivent être adoptés sont les suivants :

1 – libre marché dans certains domaines,

2 – contrôle étatique dans les domaines d’intérêt général,

3 – formations de coopératives, de mutuelles et autres entreprises de co-gestion ou de co-propriété.

Au niveau micro-économique, donc de l’entreprise, c’est la gestion organique, inspirée notamment des idées de Hyacinthe Dubreuil, qui doit primer. Les travailleurs doivent participer à l’avancement de l’entreprise et en recevoir les justes bénéfices. C’est donc une voie tierce, qui existe sous différents modèles qui refuse l’exploitation des travailleurs par le patronat, comme sous le modèle capitaliste, ou à l’inverse l’opposition entre les travailleurs et le patronat, comme préconisée par le marxisme. Une troisième voie se doit de favoriser la concorde, la bonne entente.

Les exemples concrets de ce genre de gestion foisonnent. Nombreux sont les modèles tercéristes qui furent mis en place au sein d’entreprises pour améliorer le rendement, mais pour également donner un sens au travail des employés qui deviennent de véritables partenaires ou associés, et pas dans le sens que Wal Mart donne à ce terme. Pensons à la vision des gaullistes de gauche qui mettaient de l’avant un partenariat capital-travail ou à celle du Front national historique prédatant son « renouveau libéral » ou encore à l’ergonisme de Jacob Sher ou bien à celle de la Doctrine sociale de l’Église ou du corporatisme catholique de René de la Tour du Pin… les alternatives sont légion !

La première troisième voie qui apparut, historiquement parlant, fut le socialisme. Ceux s’en revendiquant, après la Révolution, voulurent faire en sorte que les droits politiques se doublent de droits économiques. Ni de droite royaliste, bien que la droite royaliste avait à cœur les avancées sociales comme le démontra Maurras qui parlait de l’Ancien Régime comme un État « hiérarchique, socialiste et communautaire », ni de gauche bourgeoise, cette dernière étant souvent la classe exploitant les travailleurs, des socialistes comme Louis-Auguste Blanqui, Pierre-Joseph Proudhon, puis plus tard Georges Sorel, Raoul Roy et Jean Mabire, esquissèrent le schéma d’une société plus juste et équitable. Ces noms, la gauche n’ose pas s’y référer tant ils ont peu de lien avec le programme qu’ils mettent désormais de l’avant et d’ailleurs, comme l’ont bien démontré Jean-Claude Michéa et Thibault Isabel, ces socialistes n’étaient pas « de gauche ». Pourtant, si le socialisme représente une alternative réelle, Feltin-Tracol ne préconise pas l’emploi de ce terme, galvaudé par la gauche et vidé de son sens. Mieux vaut se chercher une autre étiquette que de se coller à celle revendiquée par un François Hollande et un Bernard-Henri Lévy.

GFT-TV-210x300.jpg« Pour une évidente clarté sémantique, écrit-il, il serait préférable de laisser au Flamby normal, à l’exquise Najat Vallaud-Belkacem et aux morts vivants du siège vendu, rue de Solférino, ce mot de socialiste et d’en trouver un autre plus pertinent. Sachant que travaillisme risquerait de susciter les mêmes confusions lexicales, les termes de solidarisme ou, pourquoi pas, celui de justicialisme, directement venu de l’Argentine péronisme, seraient bien plus appropriés. »

À la recherche d’une troisième voix effective, l’auteur nous replonge d’abord dans la vision tercériste promue par Christian Bouchet, puis dans le solidarisme de Jean-Gilles Malliarkis et Jean-Pierre Stirbois, repris depuis quelques années et remis au goût du jour par Serge Ayoub. En fait, le solidarisme est né au XIXe siècle avec le radical Léon Bourgeois et de là se répandit tant en Belgique, qu’en Allemagne et en Russie où on le représentera avec le trident, symbole toujours employé par les solidaristes. En Russie, il connut ses heures de gloire sous le sigle NTS, qui représentait ces solidaristes opposés activement au régime soviétique. Notons que le terme « solidarisme » n’a aucun, absolument aucun, lien avec Québec solidaire qui allie marxisme économique et culturel dans une ambiance post-soixante-huitarde. Le solidarisme tel qu’envisagé par ses défenseurs et théoriciens n’est pas qu’un système économique et représente une réelle alternative aux démocraties libérales.

Pour l’auteur, comme pour les activistes se réclamant aujourd’hui du solidarisme, cette vision du monde s’ancre dans le réel, dans les peuples avec leurs identités propres et de ce fait refuse toute homogénéisation ou folklorisation tels que promues par le libéralisme et même le marxisme. L’identité des régions, des cultures doit être préservée pour que puisse s’articuler une véritable solidarité des peuples. Ce n’est qu’en étant Breton que l’on peu se faire le compagnon de lutte du Québécois. De même qu’un Irlandais fier de ses origines sera à plus à même de comprendre la réalité d’un Corse.

Notons d’ailleurs un fait qu’on ne peut passer sous silence, soit l’intérêt de Feltin-Tracol pour notre Amérique à nous, celle du lys. Il écrit ainsi que le solidarisme doit « soutenir la lutte méconnue des peuples d’ethnie française en Amérique et en Europe (Québécois, Acadiens, Cajuns, Francos, Métis de l’Ouest canadien, Valdôtiens, Wallons, Jurassiens…).

La francité est plus que jamais ce cercle d’appartenance manquant entre la France et une francophonie un peu trop mondialiste. » De savoir que nous ne sommes pas oubliés de nos cousins français fait chaud au cœur.

L’étude de Feltin-Tracol ne se limite pas au solidarisme et l’auteur nous invite à nous plonger dans l’étude du péronisme, du justicialisme argentin, émulé d’une certaine façon par le général Guillermo Rodriguez Lara en Équateur et par une multitude de mouvements d’Amérique latine. L’exhortation d’un Paul Bouchard et des frères O’Leary à nous intéresser à l’expérience de nos frères latins d’Amérique prend ici tout son sens. L’expérience argentine ne démontre-t-elle pas qu’entre le libéralisme et la gauche marxiste peut exister un courant réellement patriote et social?

Le Libyen Mouhamar Kadhafi instaura lui aussi un régime préconisant une voie tierce, affirmant que « capitalisme et marxisme sont les deux faces d’une même réalité ». Il instaura ainsi une gestion participative du travail, les usines étant cogérées par les patrons et les employés. Plusieurs exemples dans le même genre, notamment celui du Libanais Pierre Gemayel, du parti arabe Baas, cofondé par le chrétien orthodoxe Michel Aflak, nous rappellent que si les systèmes de troisième voie sont moins communs que ceux se revendiquant du libéralisme ou du marxisme, ils ne sont pas, loin s’en faut, une utopie irréalisable.

Il souligne aussi le militantisme de fait réalisé par le Bastion social, qui fut interdit depuis, mais qui inspira de nombreuses autres initiatives, dont ici au Québec avec les œuvres pour les démunis réalisées tant par Storm Alliance que par Atalante. Cet activisme mettant en place des organismes solidaires est loin d’être une opération de communication, le social a toujours fait partie des priorités des identitaires. Les problèmes sociaux sont une urgence à laquelle il faut répondre non par des théories ou des slogans, mais par des actions concrètes. Ces actes forment la base de futurs contre-pouvoirs, d’une contre-société s’élevant en marge du système actuel. L’implication sociale n’est pas un correctif apporté pour lutter contre les abus de la société libérale, mais une partie prenante du projet de société.

Ce livre devrait être lu par tous les chefs de PME, mais aussi par les politiciens qui nous gouvernent et qui trop souvent manquent d’originalité, emboîtant automatiquement le pas à leurs prédécesseurs sans jamais ne remettre en question leurs principes. Les exemples mis de l’avant par Feltin-Tracol ne sont ni irréalisables, ni utopiques, il faut seulement accepter de regarder ailleurs et de penser en dehors du cadre rigide que l’habitude et l’inertie nous ont imposé. Au fond, « les positions tercéristes ne sont finalement que des positions de bon sens, une adhésion au bien commun de la civilisation européenne. La troisième voie est au fond l’autre nom de la concorde organique ».

FQS

• Georges Feltin-Tracol, Pour la troisième voie solidariste. Un autre regard sur la question sociale, Les Bouquins de Synthèse nationale, coll. « Idées », 2018, 170 p., 20 €.

• D’abord mis en ligne sur Fédération des Québécois de souche, le 8 décembre 2019.

lundi, 06 janvier 2020

La France et l'Universel

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La France et l'Universel

Par Antonin Campana

Ex: https://metainfos.fr

Dans un entretien accordé à une radio francophone, Eric Zemmour expliquait (je cite de mémoire) que la France avait toujours, que ce soit à l’époque monarchique ou au temps de la République, entretenu un rapport singulier à l’universel. Il ajoutait que ce rapport à l’universel pouvait se comprendre quand la France était le pays le plus peuplé et le plus puissant d’Europe, mais qu’il était suicidaire aujourd’hui, puisque la France n’était plus qu’une puissance de second ordre.

Eric Zemmour a une perception intuitive et souvent juste des situations politiques. Cependant, pour encore préciser son propos, il nous faut à notre tour ajouter que l’universel monarchique n’est pas l’universel républicain. Il y a entre les deux une différence de nature et non seulement de degré. Je m’explique.

On sait aujourd’hui, à partir des travaux scientifiques sur l’archéologie de la période biblique, que la Bible hébraïque commença à être écrite dans le royaume de Juda à l’époque du roi Josias. Les scribes de ce roi, qui régna entre – 639 et – 609 avant Jésus-Christ, ont conçu, à la demande de celui-ci probablement, un roman national dont l’objectif était d’unifier, en la sublimant, une nation hébraïque culturellement et ethniquement hérogène. Ce roman constitue l’essentiel de l’Ancien Testament et présente une idéologie nationaliste, voire suprémaciste, tout à fait aboutie.

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Que nous raconte ce roman ? En résumé, il nous dit, premièrement, que les Hébreux, malgré des différences ethniques, religieuses et culturelles évidentes, forment un peuple homogène, au sens racial du terme : ce sont tous des « fils d’Israël ». Il nous dit ensuite que ce peuple est différent de tous les autres peuples et qu’en raison de sa sainteté et de sa pureté particulière, il a été « élu » par Dieu. Or la problématique de l’élection implique toujours qu’il y a une mission : on est élu pour faire quelque chose (remplir un mandat, appliquer un programme, représenter un pays…). Ce roman nous dit donc, troisièmement, que la mission d’Israël est de propager la parole de Dieu dans l’univers et d’être un royaume de prêtre pour le monde, un monde unifié, pacifié, soumis, dont la capitale sera bien sûr Jérusalem !

L’universalisme de l’Ancien Testament est un universalisme qui exacerbe la grandeur de la nation hébraïque et ferme totalement celle-ci aux étrangers. Les mariages avec les étrangers sont ainsi strictement interdits sous peine de mort. On refuse aussi tout ce qui provient d’eux : leurs cultures, leurs dieux, leurs vêtements, leurs langues, leurs manières de vivre… Certains peuples, géographiquement trop proches mais culturellement trop éloignés, doivent d’ailleurs être exterminés en raison du risque qu’ils font courir à la mission hébraïque. Ainsi des peuples Cananéens dont on se vante d’avoir fait l’holocauste, sans distinguer les hommes des femmes et les femmes des enfants. D’autres peuples, moins pervertis, pourront continuer à exister à condition de manifester leur soumission au Dieu d’Israël et au peuple-prêtre qui s’approche de Lui. Les conceptions religieuses vétérotestamentaires lient l’Etranger au profane, voire au pervers, et le fils d’Israël au sacré et au saint. C’est en raison de sa sainteté qu’Israël peut s’approcher de Dieu. C’est aussi en raison de sa sainteté qu’Israël doit se tenir à distance du profane : souillé par les nations, le peuple élu pourrait à son tour souiller Dieu. On aboutit ainsi à une idéologie universaliste paradoxale : le peuple élu doit apporter la parole de Dieu dans le monde, mais pour cela il doit rester lui-même, se séparer des nations, ne pas se laisser influencer par elles et surtout ne pas se mélanger. L’universalisme vétérotestamentaire est donc d’abord un vecteur d’affirmation nationale. Il ne suppose à aucun moment la dilution du peuple d’Israël dans l’humanité anonyme (la dilution dans l’universel est pour les autres peuples). Il affirme au contraire la suprématie du « peuple élu ». 

Jésus vient faire voler en éclat ce suprémacisme hébraïque. Que dit Jésus ? Il dit en substance que l’élection ne dépend pas de la filiation, c’est-à-dire du sang, mais de la foi. Il dit qu’on peut être un fils d’Israël sans être pour autant un « élu » et qu’on peut être un élu même si l’on est Grec, Scythe ou Samaritain. Il dit que le véritable peuple élu est composé de ceux qui croient en Lui et que tous les hommes, sans distinction d’origine, peuvent en faire partie. En bref, il détruit la haute idée que les Hébreux se faisaient d’eux-mêmes, et remet en question l’histoire mythologique qui assurait la cohésion du peuple particulier (dès lors la crucifixion devenait inévitable). Pire : l’Eglise ne tardera plus à se vouloir « Verus Israël », véritable Israël, manière de récupérer la « mission » divine et de signifier que la promesse de domination mondiale faite par Dieu aux Hébreux, revenait de plein droit à l’Eglise. Un nouvel universalisme apparaît ici: il s’agit toujours de glorifier le « peuple de Dieu », mais ce peuple ne se confond plus avec une nation ethnique fermée. Il a pris la forme d’une assemblée universelle ouverte à tous les hommes, quelle que soit leur race, leur nation, leur langue, leur culture ou leur condition sociale. Cet universalisme surplombe les nations et les frontières. Il les fait passer au second plan, jusqu’à relativiser leur existence.

L’histoire religieuse de la France nous montre que c’est la conception universaliste hébraïque qui va s’imposer politiquement en Gaule (mais aussi en Europe) à partir de Clovis. L’objectif des évêques mérovingiens est de mettre le peuple franc au service de l’Eglise, comme le peuple d’Israël était au service de Dieu. Le peuple franc, choisi par l’Eglise, devient alors un peuple élu. Aussi l’histoire du peuple franc et du peuple d’Israël (celui de l’Ancien Testament, il va sans dire) est constamment mise en parallèle par les clercs : le franchissement de la Vienne par les Francs est assimilé au franchissement du Jourdain ; le « trait de feu » vu à Poitiers est assimilé à la « Colonne de feu » de l’Exode ; l’écroulement miraculeux des murs d’Angoulême est assimilé à l’écroulement des murs de Jéricho… Tout au long des époques mérovingiennes et carolingiennes les rois des Francs sont comparés aux rois d’Israël et les figures de références sont quasiment toutes vétérotestamentaires (David, Salomon, Judith, Esther…). Les histoires édifiantes proposées à la noblesse, les Miroirs, les guides disciplinaires, les codes de lois, les modèles sociaux identifient tous à l’Israël de l’Ancien Testament. Charlemagne se veut nouveau David et « recteur du peuple chrétien », les aristocrates de la cour se prennent pour Josué, Samson, Gédéon ou Judas Maccabée, les évêques se comparent à Michée, Ezéchiel, Nathan et le peuple devient un « nouvel Israël » dont la mission est de protéger et de propager dans le monde la vraie foi.

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Cette assimilation du peuple français au peuple d’Israël va traverser les siècles. Jusqu’au couronnement de Louis XVI, la « religion royale » se justifiera par  la royauté biblique : tel David, le roi est élu par Dieu, il est oint et prend de ce fait un caractère sacré, il est « chef du peuple de Dieu » qu’il régit et commande. L’ordre pour oindre et couronner le Roi de France rappelle les qualités des grands bénéficiaires de la grâce divine : la fidélité d’Abraham, la mansuétude de Moïse, la force de Josué, l’humilité de David, la sagesse de Salomon. Si le Roi est David ou Salomon, alors son peuple est Israël. Cette identification idéologiquement structurante servira à expliquer aussi bien l’histoire tourmentée du pays (la guerre de cent ans, les guerres de religion, la guerre de 1870… font écho, dit-on, aux châtiments d’Israël dans la Bible), que sa grandeur (la France fille aînée de l’Eglise, protectrice du peuple chrétien et nation christophore devant l’univers).

L’universalisme d’ancien régime est donc un universalisme très vétérotestamentaire. Il n’est jamais question de transformer les Saxons, les Sarrazins ou les Anglais en Francs ou en Français. Les faire entrer dans l’Eglise, pour ceux qui n’y sont pas encore, ne revient pas à les installer dans le Royaume de France. Cet universalisme est au contraire un moyen d’exaltation nationale, un moyen de se distinguer, voire de se séparer : le peuple de France n’est pas un peuple comme les autres, il doit persévérer dans sa différence et son destin sera alors exceptionnel, conformément à ce qui lui est promis. L’universel dont il est question ici se confond avec une mission (protéger l’Eglise et étendre le culte de Dieu) mais cette mission suppose la persistance de la nation élue, pas sa dilution. Ajoutons que cet universalisme vétérotestamentaire suppose à la fois le peuple élu pour remplir la mission et l’existence de peuples déchus qui s’opposent à cette mission, peuples païens, très vite assimilés aux Cananéens. Puisque la  mission d’Israël dans la Bible passe par l’extermination préalable de ces peuples, on retrouvera ici ou là dans l’histoire de France la tentation de sanctifier la guerre en assimilant l’ennemi (Saxons, Sarrazins, Albigeois, Anglais, Protestants…) à de quasi-Cananéens. La « cananisation » de l’ennemi désamorce les consciences et peut rendre l’extermination légitime.

Les républicains qui exécutent le coup d’Etat de 1789 sont les héritiers à la fois de l’universalisme vétérotestamentaire qui structure l’idéologie d’ancien régime et de l’universalisme néotestamentaire qui fonde l’idéologie de l’Eglise. Le mariage de ces deux universalismes va se révéler désastreux pour la France.

La République « française » va récupérer l’élection et la mission vétérotestamentaire : c’est à elle que revient la charge de sauver le genre humain de la tyrannie. Mais la République va aussi hériter des conceptions néotestamentaires : elle doit intégrer de nouveaux Français dans le « corps politique »  (la nation), comme l’Eglise devait intégrer de nouveaux chrétiens dans le corps du Christ. Le « peuple » a choisi la République, comme Dieu a choisi Israël. Aussi la République organise-t-elle le culte du peuple. Mais le peuple dont il est question ici n’est plus une lignée, une culture ou une civilisation : c’est une assemblée, un agrégat d’individus qui ne cache pas sa vocation à s’étendre à l’humanité entière. Ce peuple n’est plus la France, car la France est destinée à se diluer dans l’humanité anonyme.

La République a donc une double attitude dictée par cet universalisme métissé, à la fois hébraïque et chrétien. D’une part, universalisme néotestamentaire, elle intègre des 1790 les Juifs au corps politique. Des millions d’immigrés suivront bientôt. D’autre part, universalisme vétérotestamentaire, elle porte la guerre dans toute l’Europe, elle fait un génocide de la Vendée et massacre les hérétiques. Au contraire de l’universel d’ancien régime qui suppose la préservation de la nation, l’universel républicain suppose à la fois l’utilisation de la nation pour porter le salut au monde et la dilution de la nation dans l’assemblée universelle ainsi créée. Il faut relire les ouvrages d’Arthur Girault, fondateur du droit colonial républicain. Celui-ci explique fort bien cet universel républicain : il faut, explique-t-il, transformer les indigènes de l’Empire en « Français » et exterminer ceux d’entre eux qui s’opposeraient à cette « mission civilisatrice ». Comme l’Eglise, qui veut faire venir en son sein de nouveaux chrétiens, Girault veut faire venir en république de nouveaux citoyens. Mais, comme Israël, Girault entend exterminer les trop lointains, les trop « Cananéens ». L’universalisme républicain, c’est à la fois l’Eglise par son ouverture à tous les hommes, et Israël par son exclusivisme intransigeant et dans certains cas criminel.

france, universalisme, europe, affaires européennesPour en revenir à Eric Zemmour, il n’y a pas un universel français. Historiquement, il y en a au moins deux et ils s’excluent mutuellement. L’universel d’ancien régime ne sacrifie pas la nation pour réaliser la mission. Au contraire, la mission glorifie la nation. L’universel républicain, quant à lui, utilise la nation pour réaliser la mission. Et cette mission suppose à terme la destruction de la nation. D’autre part, l’universel républicain est inscrit dans le génotype du régime. Autrement dit, il va se manifester naturellement quelle que soit la situation, que la République soit puissante ou qu’elle soit affaiblie. Il ne saurait y avoir un universalisme acceptable quand la République est forte, et un universalisme suicidaire quand la République est une puissance de second ordre. C’est le même universalisme qui s’exprime par nécessité, car l’universalisme est le principe vital du régime. Si la France est devenue une puissance de second ordre, c’est précisément en raison de l’universalisme véhiculé par la République aux époques où la République était puissante. Ce sont les guerres démocratiques, le colonialisme, les politiques d’immigrations massives, c’est-à-dire l’universalisme républicain en acte, qui ont miné la France.

La République issue de 1789 ne pourra jamais se libérer de son universalisme mortifère. Cet universalisme est son être profond, sa raison d’être, sa « mission » existentielle. Puisque cet universalisme nous tue et qu’il ne peut être extrait de la République, alors nous pouvons soit accepter le suicide dont parle Eric Zemmour, soit nous libérer au plus vite de ce régime politique répugnant.

Source : http://www.autochtonisme.com/2020/01/la-france-et-l-unive...

Conférence de Pierre Conesa : Le rôle du cinema américain dans la fabrication de l'ennemi

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Conférence de Pierre Conesa : Le rôle du cinema américain dans la fabrication de l'ennemi

 
 
Intervenant : Pierre CONESA, ancien haut fonctionnaire du ministère de la défense Hollywood est la plus grande machine à fabriquer de l’ennemi dans un pays. Sans ministère de l’Education nationale et donc pas de manuel officiel d’histoire, quel rôle joue-t-il dans cette construction?
 

Sur la Corée du Nord

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Sur la Corée du Nord

par Georges FELTIN-TRACOL

Quand paraît en février 2018 cet ouvrage, les auteurs, spécialistes réputés de la péninsule coréenne, de la Chine et des questions nucléaires, ne cachaient pas leurs inquiétudes à propos d’une éventuelle confrontation armée entre la Corée du Nord et les États-Unis. Ils ne pouvaient pas imaginer que cinq mois plus tard, Donald Trump rencontrerait Kim Jong Un à Singapour. Encouragée par la médiation du président sud-coréen Moon Jae-in, cette réunion exceptionnelle fit tomber la tension. Loin d’être fou ou d’agir d’une façon irrationnelle comme l’affirment à la longueur de journée des médiats stipendiés par les bellicistes yankees, le jeune dirigeant nord-coréen se révèle être un fin politique qui applique autant les conseils de Sun Tzu que les enseignements de Machiavel.

CN-livre.jpgCertes, depuis une seconde rencontre à Hanoï en février 2019 qui fut un échec et une brève entrevue sur la ligne de démarcation de Panmunjom en juin dernier qui fit néanmoins de Donald Trump le premier président des États-Unis à fouler un instant le sol de la République populaire et démocratique de Corée (RPDC), les tensions reprennent entre Washington et Pyongyang en raison de la suffisance des États-Unis incapables de conclure le moindre compromis.

Le traumatisme de la Guerre de Corée

Le monde selon Kim Jong-un est un ouvrage passionnant, fruit du travail des auteurs sur le terrain : Juliette Morillot parle le coréen, se rend régulièrement en Corée du Nord, munie d’un visa officiel de chercheur. En effet, « jouer la carte de la transparence avec Pyongyang est un préalable indispensable afin de comprendre la logique et la démarche du régime. Et non [le] défendre. Il ne sert à rien de jouer au plus malin avec les Nord-Coréens. Ils demandent avant tout du respect et de la reconnaissance (p. 15) ». Cette approche psychologique est capitale pour bien cerner les ressorts intimes d’un peuple qui se souvient, génération après génération, du rôle néfaste des puissances occidentales dans la division inacceptable de la péninsule, de la violente colonisation japonaise et des ravages de la Guerre de Corée (1950 – 1953). Fidèles à leur crapulerie congénitale et à leur couardise légendaire, les Yankees ont bombardé en masse au phosphore et au napalm tous les centres urbains coréens du Nord sans oublier les nombreux crimes de guerre et contre l’humanité perpétrés par les soudards de l’Oncle Sam.

L’accumulation de ces traumatismes successifs explique l’ardeur farouche des Coréens du Nord à conserver leur juche, la politique d’indépendance nationale et d’autosuffisance économique. Certes, « les contraintes géographiques et climatiques limitent naturellement le développement agricole, à moins de lancer un grand programme de mécanisation (p. 49) ». Les auteurs soulignent cependant la nette mutation économique de Pyongyang qui s’apparente maintenant aux villes du littoral chinois avec cette soif de consommation exprimée par « cette nouvelle classe embryonnaire mais puissante des donju (littéralement “ maîtres de l’argent ”, qui à l’origine changeaient des devises et prêtaient de l’argent), composée d’hommes et de femmes d’affaires, d’entrepreneurs, de commerçants (p. 24) ». Ils remarquent en outre la multiplication de « lampadaires à énergie solaire (p. 29) » ainsi que de nombreux panneaux photovoltaïques dans les entreprises et chez les particuliers.

Un État résilient

Que l’Occident l’accepte ou pas, la RPDC est dorénavant une indéniable puissance nucléaire. On oublie que c’est par ailleurs une redoutable puissance informatique avec des hackers bien formés et motivés. « Une cyber-guerre secrète et implacable se déroule entre les États-Unis et la Corée du Nord avec la Corée du Sud en tant que cible intermédiaire (p. 247). » Grâce à un solide maillage diplomatique en Asie et en Afrique, les Coréens du Nord parviennent enfin à contourner les sanctions imposées par le « Machin » onusien toujours incapable de sanctionner à l’identique un petit État proche-oriental qui viole depuis 70 ans le fumeux « droit international ».

Habituée à survivre dans un milieu international hostile, la Corée du Nord montre une belle résilience. Juliette Morillot et Dorian Malovic en profitent pour tacler experts auto-proclamés et journalistes occidentaux paresseux qui ne font que répercuter des mots d’ordre belliqueux lancés par différentes officines d’outre-Pacifique. Le monde selon Kim Jong-un est par conséquent une excellente enquête qui témoigne des changements profonds survenus en Corée du Nord, des transformations matérielles et techniques qui ne modifient en rien son incontestable caractère socialiste et national.

Georges Feltin-Tracol

• Juliette Morillo et Dorian Malovic, Le monde selon Kim Jong-un, Robert Laffont, 2018, 268 p., 18,50 €.

dimanche, 05 janvier 2020

Le point de vue du général Desportes sur l'Otan

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Le point de vue du général Desportes sur l'Otan
Ex: http://www.europesolidaire.eu
Le général français Vincent Desportes vient de donner pour RT France, son avis sur l'Otan  qui célèbre ses 70 ans cette année, avant de poser la question d'une éventuelle Europe de la défense.

GVD-décider.jpgNous en retenons ici les principaux éléments ici,  car il coïncide parfaitement avec notre propre analyse, exposée dans de nombreux articles. Mais nous allons plus loin que le général Desportes. Si la France voulait récupérer un minimum d'indépendance à l'égard des Etats-Unis, elle devrait quitter l'Otan au plus vite. Charles de Gaulle l'avait compris, qui avait toujours refusé d'entrer dans l'Otan. Mais l'actuel Président de la république française est trop dépendant de Washington, quoiqu'il prétende, pour envisager cette mesure de salubrité. 

La pertinence de l'Otan pour l'Europe.

L'Otan est devenue un protectorat américain dirigé par un allié souvent brutal, parfois méprisant, qui va imposer un certain nombre de conditions commerciales, légales, à ses membres en échange de leur protection.

L''Europe est un continent mature, composé de nations anciennes, qui doit enfin trouver son autonomie stratégique, politique, opérationnelle et capacitaire (au plan des capacités militaires). L'Europe doit être capable d'engager les combats qu'elle a à mener et doit être capable de conduire une politique étrangère qui puisse être différente de celle des Etats-Unis.

L'avenir de l'Europe n'est pas transatlantique, il est eurasiatique

GVD-comprendre.jpgDepuis la chute du mur de Berlin et la dislocation de l'URSS en 1991, l'Otan a perdu sa raison d'être et ses objectifs. Toutefois, même si l'ennemi officiel, aujourd'hui, de l'Otan est le terrorisme, il semblerait qu'elle ait des ennemis officieux, autrement dit la Russie. L'Otan s'étant consolidée dans sa lutte contre l'URSS du pacte de Varsovie, elle revient sans cesse à cet objectif, en tendant à lutter contre la Russie. Il est probable que les tensions qui existent aujourd'hui entre la Russie et l'Otan sont pour une bonne part de la responsabilité de l'Otan et en son sein des Etats-Unis. 

Pourtant, l'avenir de l'Europe n'est pas transatlantique, il est eurasiatique. Il faut donc que l'Europe arrive à vivre dans des conditions raisonnables avec son grand allié, son grand voisin, qui est la Russie. La Russie fait partie de l'Europe, elle a toujours fait partie de l'Europe. Qui plus est la France, en particulier, a toujours eu une relation étroite voire une amitié avec la Russie, même du temps des guerres napoléonienne et de la campagne de Russie . La France et la Russie ont intérêt à bâtir ensemble leur avenir.

L'Europe doit être souveraine, donc elle doit se donner une puissance militaire souveraine.

GVD-tomorrow.jpgCeci signifie la mise en place d'une armée européenne, notamment pour ne plus subir l'extraterritorialité du droit américain et les règles commerciales qui lui sont imposées par Washington. Les pays européens, à cet égard, doivent se réveiller. L'Otan est un marchand de sable qui endort les pays européens en leur disant que les Etats-Unis les protégerons Or aujourd'hui, le parapluie américain n'est plus fiable. Malheureusement l'armée européenne est encore un mirage. L'Europe est encore très loin de créer une armée européenne. Pour que l'Europe soit souveraine et entendue lors de négociations internationales, elle doit posséder une puissance militaire. La France, aujourd'hui, pèse d'avantage que l'Europe parce qu'elle a une puissance militaire et qu'elle peut la déployer., il faut que l'Europe se donne une puissance militaire analogue de manière à pouvoir être entendue.

Référence

https://francais.rt.com/international/69181-vincent-despo...

Washington pourra-t-il obliger l'Ukraine et la Géorgie à entrer dans l'Otan ?

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Washington pourra-t-il obliger l'Ukraine et la Géorgie à entrer dans l'Otan ?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Lors d'une réunion de l'Otan à Washington en avril 2019, les membres de l'Organisation, à l'initiative des Etats-Unis, avaient convenu de renforcer leur soutien à l'Ukraine et la Géorgie face à la « menace russe », notamment dans le domaine de la défense maritime et côtière

Il faut rappeler que ces deux pays ne sont pas membres de l'Otan, mais que leur entrée est en discussion depuis l'année 2000.

Dans le même temps, des navires de guerre de l'Otan et de ces deux pays procédaient à des manœuvres communes en Mer Noire. Il suffit de regarder une carte pour se rendre compte que la Russie dont la Mer Noire est le seul débouché en eau tempérée vers le grand large ne pouvait pas être indifférente à ces perspectives.

La Turquie, la Roumanie et la Bulgarie, elles mêmes membres de l'Otan, ont également des frontières maritimes en Mer Noire. La Mer Noire allait-elle devenir une mer presque totalement aux mains des forces navales et aériennes de l'Otan ?

La Russie ne veut pas s'opposer militairement à une volonté de l'Ukraine et de la Géorgie d'entrer dans l'Otan. Cependant il lui reste des cartes à jouer du fait que l'Ukraine est en conflit intérieur avec les « Républiques » du Donbass et qu'il en est de même de la Géorgie laquelle refuse de reconnaître l'indépendance de ses anciens territoires de l'Abkhasie et de l'Ossétie du Sud. Tant que ces conflits ne seront pas résolus, il y a peu de chances que l'Ukraine et la Géorgie acceptent d'entrer dans l'Otan, sachant très bien que les membres européens de l'Otan n'ont aucun désir de provoquer des conflits avec la Russie au sujet de leurs problèmes de frontière.

De plus, il convient de se demander si le nouveau président de l'Ukraine Volodymyr Oleksandrovytch Zelensky, soucieux de normaliser ses relations avec la Russie, accepte aujourd'hui de faire le jeu de Washington à propos de l'Otan.

Beaucoup d'hommes politiques européens, bien qu'atlantistes convaincus, commencent selon le mot de l'un d'eux à se demander si appartenir à l'Otan n'est pas devenu aujourd'hui une « insanity ». Ils voient de plus en plus l'Otan comme un dispositif permettant aux industriels américains de l'armement de continuer à leur vendre des équipements militaires de plus en plus coûteux.

Nicolas Sarkozy avait en le grand tort en 2009 d'organiser le retour de la France dans l'Otan, ce qu'avait toujours refusé en son temps Charles de Gaulle. Il est regrettable aujourd'hui qu'Emmanuel Macron ne remette pas en cause cette décision. Elle est totalement en contradiction avec sa volonté proclamée de mettre en place une armée européenne dotée de ses propres commandements et matériels.

Sur la Géorgie, voir wikipedia

Note au 01/01 20h

On lira ici un jugement du général français Dominique Delawarde sur l'Otan. Il ne le dit pas explicitement, réserve oblige, mais ses propos confirment la teneur de notre article. L'Otan est une nuisance que la France devrait quitter au plus tôt.
https://theduran.com/nato-general-delawarde-assesses-final-london-declaration/?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=the_duran_daily&utm_term=2020-01-01

Génération Greta : comment la peur de l’effondrement mobilise toute une société et ses médias

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Génération Greta : comment la peur de l’effondrement mobilise toute une société et ses médias

Une adolescente se rend à l'autre bout du monde pour sauver le monde. Et les médias s'y rendent avec elle. Mais des doutes s'insinuent : quelle est au juste la mission de Greta Thunberg ?

Norbert Bolz, 29 août 2019, nzz.ch

Ex: https://www.lesobservateurs.ch

Si vous voulez sauver le monde, vous devez sortir du rang. L'hypersensibilité d'une adolescente et patiente d'Asperger semble être devenue la mesure de toute chose. Le socialiste utopiste Fourier a dit un jour : "L'univers et l'homme forment un seul corps avec une seule peau, de sorte que chacun ressent chaque douleur". Cela décrit très bien l'hypersensibilité de la génération Greta. Elle a déclenché un battage médiatique qui étouffe dans l'œuf toute tentative d'argumentation politique objective.

Greta offre tout ce dont les médias ont besoin : la personnalisation et l'émotionnalisation de la politique, l'attente religieuse du malheur dans la "catastrophe climatique" et le programme ascétique pour sauver le monde. Elle est la sainte d'une religion verte de substitution, l'héroïne de notre temps, qui prouve l'authenticité de sa cause par son impolitesse et son infantilisme.

Au lieu d'aller à l'école, elle va à des conférences de presse, des interviews et des séances de photos. Elle parle devant l'ONU et les puissants de Davos, reçoit un baiser sur la main de Juncker et une audience avec le Pape. La jeune femme de 16 ans est couverte de prix et a déjà été nominée pour le prix Nobel de la paix. Mais au plus tard lors du voyage aux USA en voilier "climatiquement neutre", certains se sont posé la question : mission ou marketing ?

Concernés sans frontières

Il va donc falloir ici creuser un peu plus profond. Les problèmes écologiques sont évidemment le sujet idéal et inégalable pour les médias de masse car le monde entier est au centre de l'attention : tout le monde est concerné. Le changement climatique et la pollution de l'environnement ne connaissent pas de frontières.

Nietzsche se doutait déjà que nous vivions dans une société de drogués de l'urgence - rien ne nous est plus nécessaire que des difficultés, des malheurs visibles. Et c'est précisément la joyeuse insouciance face à la souffrance qui appelle une attitude complémentaire d'"être concerné". On "consomme" les sensations de désastre et les scènes de protestation. Et partout où la protestation remplace la réflexion, les médias sont présents. Ils font de nous les spectateurs de militants en prime-time qui incarnent notre avenir comme une menace.

L'ère des médias de masse est donc l'ère du pessimisme indigné et de la rhétorique de la peur. Ceux qui expriment leurs doutes ou mettent en scène leur préoccupation – et ce sont eux qui donnent le ton ici – sont des entrepreneurs moraux. Ils gagnent de l'argent sur le marché des sentiments avec la peur des autres. Dans le monde des metteurs en garde et des donneurs de réprimandes, l'apocalypse devient une marchandise.

La peur se révèle être le mode de communication le plus efficace, car la rhétorique de la peur est impossible à réfuter. "J'ai peur" - on ne peut pas faire plus authentique. Ainsi, l'humanisme des mass media invente l'humanité en tant que communauté des apeurés. Cela crée un œcuménisme de la menace apocalyptique.

Greta Thunberg n'a que 16 ans, mais la Suédoise est déjà connue d'Amsterdam à Sydney. La jeune fille atteinte du syndrome d'Asperger est à la tête du mouvement de grève scolaire pour le climat et a reçu récemment le prix Nobel alternatif.

Tout comme la conscience de classe révolutionnaire a été produite dans les années 1960 et 1970, la conscience environnementale apocalyptique est produite aujourd'hui - l'industrie de la conscience est passée du rouge au vert. Et tout comme les Rouges à l'époque, les Verts exploitent aujourd'hui la culpabilité de la culture occidentale. La théologie de la fin du monde a été remplacée par l'écologie de la fin du monde.

Au lieu de "Qu'est-ce que je peux espérer ?", la religiosité d'aujourd'hui demande "Qu'est-ce que je dois craindre ?". Ainsi, un œcuménisme de la peur s'est formé dans le monde occidental, avec le soutien de scientifiques engagés. C'est comme ça que ça marche : au début, il y a la crise ; la crise justifie la nécessité de la recherche ; l'importance de cette recherche légitime son financement par l'État ; la recherche dans "l'intérêt public" a besoin d'une organisation politique - et il arrive parfois ce que les théoriciens de la science appellent le "biais scientifique". En clair: on trouve ce qu'on s'attend à trouver. Et il est toujours minuit moins cinq.

Le scénario du pire

La catastrophe est évidemment fascinante en tant qu'exact contraire du système de fonctionnement de la société moderne. Aucune statistique, aucune mathématique et aucune expérience ne peut nous préparer à une catastrophe. La catastrophe est justement le cas pour lequel les techniques modernes du calcul des risques et de l'avis d'expert ne sont pas acceptées. La rationalité n'a aucune chance de s'imposer ici.

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Depuis la chute du mur de Berlin, les scientifiques des médias ont observé une inflation de la rhétorique des catastrophes. Apparemment, la fin de la guerre froide a créé un vide de peur, vide qui est maintenant comblé de manière professionnelle. On pourrait presque parler d'une industrie de la peur. Les politiciens, les avocats et les médias vivent très bien de la peur. Mais les scientifiques qui avertissent et réprimandent mettent leur réputation en jeu. Les prophètes de la fin ont toujours été les ennemis les plus acharnés du Siècle des Lumières - et c'est particulièrement vrai aussi des éco-prophètes de l'apocalypse climatique.

Cependant, le monde peut encore être sauvé si nous prenons tous part au culte de la précaution et de la sécurité. Aujourd'hui déjà, la religion du soin et de la protection est la véritable religion civile du monde occidental. Dans la lutte contre le changement climatique provoqué par l'homme, nous éprouvons une intensité de sentiments que l'on ne peut que qualifier d'infantile - ou d'extase religieuse.

L'éco-religion a aussi ses prêtres, ses pèlerinages et son Saint Graal. Greta et les écoliers des Fridays for Future sont les Croisés du monde du bien. Tout comme leurs parents bien intentionnés, ils prennent au sérieux l'idée du surhomme de Nietzsche : prendre la responsabilité du monde entier. Mais ce qui est encore plus consternant que les enfants qui manquent l'école pour sauver le monde, ce sont les adultes qui les félicitent pour cela. Comme si la sagesse des enfants pouvait servir de guide dans un monde trop complexe.

Les médias, bien sûr, jouent un rôle clé à cet égard. On peut aussi dire que les concours de talents sont efficaces. Maintenant, les enfants ne veulent plus seulement apparaître comme mannequins et pop stars, mais aussi comme politiciens. Et en effet, les talk-shows présentent les écoliers comme des témoins de la vérité. D'accord, il est parfaitement normal et presque naturel que les enfants produisent un idéalisme fumeux, mais il est alarmant que les médias et la politique transfigurent cela en sagesse qui sauve le monde.

Les ONG organisent cette nouvelle religiosité, baptisée "conscience environnementale". Environnement, ainsi s'appelle le Dieu humilié dont il faut prendre soin et attendre le salut. Ce système de croyance vert est bien sûr beaucoup plus stable que le rouge qu'il remplace. La nature remplace le prolétariat - opprimé, insulté, exploité.

L’environnement mobilise

La déception laissée par la promesse de salut de la gauche a provoqué des visions apocalyptiques, à savoir celles de la destruction de l'environnement. L'espoir du salut ayant été déçu, les gens se sont à nouveau intéressés à la Création - sous le nom d'environnement. Et ce faisant, on n'a même pas besoin de renoncer à l'ivresse de la révolution. L'éco-religion est la nouvelle foi pour la classe moyenne éduquée, dans laquelle on peut loger de l'anti-technologie, de l'anti-capitalisme et de l'actionnisme.

Cui bono ? L'élite verte, qui prophétise la catastrophe climatique et appelle à l'ascèse, vit très agréablement dans son grand hôtel d'où elle contemple le précipice. Dans la société occidentale d'aujourd'hui, rien ne se vend mieux que l'écologie, le bio et le vert.

 Et Hollywood a déjà fait sien ce greenwashing : cela fait longtemps que ses stars et ses starlettes nous présentent le sauvetage du monde comme un bon divertissement.

Il s'agit donc de l'art d'extraire de la menace apocalyptique le miel de la bonne action et de l'idée d'entreprise porteuse de succès. Tout comme la "durabilité" auparavant, le "changement climatique" devient maintenant un terme clé du Big Business. La S.A. "We don't have time" est un exemple de la manière dont le sauvetage du monde peut être une énorme entreprise. Et maintenant, plus personne ne sera surpris d'apprendre que Greta la militante pour le climat en était la figure publicitaire

Norbert Bolz est professeur émérite de sciences des médias à l'Université technique de Berlin et auteur de nombreux ouvrages.

 

Source : NZZ
Traduction Cenator

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Voir aussi: https://www.bvoltaire.fr/greta-thunberg-ce-que-lon-oublie-de-nous-raconter/

11:48 Publié dans Actualité, Ecologie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, écologie, greta thunberg | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Tras el asesinato de Soleimani, ¿más cerca de la trampa de Tucídides?

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ANÁLISIS

Tras el asesinato de Soleimani, ¿más cerca de la trampa de Tucídides?

  • Que Irán responderá, no hay duda; el dónde y el cómo, determinará si se tratará de un episodio más en el conflicto o definirá una nueva fase
  • Israel y EEUU nos pueden estar conduciendo a una nueva guerra en una zona vital para los intereses europeos. Para España no se trata de algo ajeno

Tras el asesinato del jefe de la Fuerza Quds, nada será igual ya en Oriente Próximo. Soleimani era un dirigente fundamental del régimen iraní y estaba en el ojo de mira de la CIA y del Mossad desde hace tiempo. La administración norteamericana (Israel siempre estará al lado, cuando no delante), en momentos difíciles para Donald Trump, golpea durísimamente a Irán y agudiza todas las tensiones existentes en la zona. La respuesta de este país no se hará esperar. ¿Habrá escalada? No se puede descartar. Lo que está claro es que EEUU e Israel se arrogan el poder para intervenir en cualquier lugar del mundo para eliminar a sus supuestos enemigos aunque sea violando el derecho internacional y la Carta de las Naciones Unidas. En este caso, se ha asesinado a un destacado militar iraní en Bagdad.

Como es sabido, la invasión de Iraq cambió profundamente el mapa político en esa parte crucial del mundo. EEUU, no solo no sacó ventajas de esa guerra, sino que, en muchos sentidos, la perdió. El conflicto sirio aclaró aún más la correlación de fuerzas existente. Todo se ha movido. Rusia retorna como actor principal en la zona; Turquía gana autonomía y define con mucha claridad sus intereses estratégicos que, como estamos viendo, llegan al conjunto del Mediterráneo, empezando por Libia. Arabia Saudí se convierte progresivamente en una gran potencia militar e interviene en Yemen, en una guerra -hay que subrayarlo- que no está ganando, e Irán refuerza decisivamente su papel en los tres mundos en los que Soleimani se ha movido con pericia: Iraq, Siria y el Líbano.

EEUU e Israel viven una situación interna bastante parecida: bloqueo político y elecciones en el horizonte. Netanyahu, acorralado por la corrupción, se prepara para unas nuevas elecciones; Trump a la espera del impeachment y con unas elecciones menos inciertas que las de su aliado israelita. Ambos necesitados de dar sensación de poder, de fortaleza y de capacidad para matar a sus adversarios, lo que suele favorecer en campaña electoral. El tema, sin embargo, va más allá: el Estado de Israel no está dispuesto a consentir la existencia de una potencia que pueda poner en peligro sus intereses vitales que, como es sabido, son los de toda esa zona. Lleva años intentando intervenir en Irán. Una operación de este calibre difícilmente se podría hacer sin su colaboración y ayuda logística. Hay que insistir, como señalaron Mearsheimer y Walt, que Israel es un actor interno en EEUU, es decir, tiene tal influencia y poder en sus instituciones, que es capaz de determinar, en muchos sentidos, la política que hacen las distintas administraciones norteamericanas.

Que Irán responderá, no hay duda; el dónde y el cómo, determinará si se tratará de un episodio más en el conflicto o definirá una nueva fase donde la guerra de alta intensidad volverá a aparecer en la zona. La situación es propicia para los que quieren resolver, de una vez por todas, la cuestión iraní y terminar con el régimen de los ayatolás. Israel está en ello. La reacción de Rusia y Turquía tampoco se hará esperar mientras la guerra sigue tanto en Siria como en Yemen.

Hace unas semanas, el presidente Macron hablaba de que la OTAN estaba en muerte cerebral y planteaba pasar página, retomando una nueva política de defensa y de seguridad para una Europa más soberana. Merkel y Trump respondieron afirmando la necesidad de la OTAN en momentos de cambios geopolíticos profundos. Si alguna vez la UE fuese capaz de definir sus intereses estratégicos reales en el Mediterráneo y, específicamente, en el Oriente Próximo, tomaría nota de que Israel y EEUU nos pueden estar conduciendo a una nueva guerra en una zona vital para los intereses europeos. Para España no se trata de algo ajeno. Por lo pronto, la administración Trump plantea reforzar su presencia en Rota y no sabemos con precisión si también en Morón. El nuevo gobierno pronto deberá definir su posición.

vendredi, 03 janvier 2020

Bilan européen 2019

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Bilan européen 2019

par Thomas Ferrier

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com

Des élections européennes renforçant le Système.

Les élections parlementaires européennes de 2019 auraient pu être l’occasion d’un choc salutaire au niveau de l’actuelle Union Européenne. Il n’en a rien été. Aucun parti national, aucune coalition de partis nationaux non plus, n’ont pu bouleverser l’équilibre instauré depuis 1979, avec la domination des deux grands pôles de droite (PPE) et de gauche (S&D) qui se répartissent les postes principaux.

La grande vague populiste annoncé n’a pas été au rendez-vous. Si la Lega de Salvini et les « Démocrates suédois » progressent nettement, le FPÖ suite au scandale lié à son désormais ex-dirigeant Hans-Christian Strache s’est effondré. Le RN de Marine Le Pen réalise 23% contre 27% en 2014, même s’il reste à un point près premier devant « En marche ». Le Brexit Party obtient un score important, à plus de 27% des voix, dans un contexte lié au brexit, mais qui reste au même niveau qu’UKIP en 2014. En Finlande et au Danemark, la droite nationale recule fortement, et en Espagne Vox a fait une contre-performance aux élections européennes. La « vague populiste » a donc été une vaguelette.

Certes, il y a toujours des surprises à toutes les élections européennes et un jour viendra je l’espère où le Parti des Européens, que j’ai l’honneur de diriger, sera cette surprise. Ce fut celle des écologistes de gauche, dans un contexte médiatique favorable avec la promotion artificielle de Greta Thunberg. 12% au Royaume-Uni (+ 5 points), 20,5% et 21 sièges en Allemagne, 20% des voix en Wallonie pour Ecolo et 12,4% des voix en Flandre, 13,5% des voix en France. Cette vague verte, certes limitée mais constatée dans presque tous les pays de l’UE, n’était pas attendue mais elle n’est pas si surprenante considérant l’importance du thème écologique, détourné par la gauche.

A l’issue de ces élections, c’est logiquement Manfred Weber qui aurait dû être proposé à la tête de la commission européenne, puisqu’il était la tête de liste du PPE, premier parti du parlement. Pourtant c’est Ursula von der Leyen, ancienne ministre CDU de la défense du gouvernement Merkel, qui a été proposée, à l’issue d’une négociation franco-allemande où Christine Lagarde, soutenue par Macron, a été nommée à la BCE. Pour gêner Matteo Salvini, le parlement européen s’est doté d’un président issu du Parti Démocrate italien et donc très hostile à la Lega, en la personne de David Sassoli.

Quant à la présidence de l’Union Européenne, poste honorifique généralement confié à un homme politique en fin de carrière ou rejeté dans son pays, afin qu’il ne fasse aucune ombre aux dirigeants des gouvernements nationaux, Donald Tusk a été remplacé par le belge Charles Michel, dont le gouvernement était tombé quelques mois auparavant dans son pays. Enfin le haut représentant en matière d’affaires étrangères est le socialiste espagnol Josep Borrell. La gauche, pourtant en net recul, a été finalement bien récompensée.

Ursula_von_der_Leyen_by_Sandro_Halank.jpgL’élection d’Ursula von der Leyen à la tête de la commission européenne fut compliquée. De nombreux partis politiques et groupes lui étaient hostiles. Avec 383 voix, elle a été élue de justesse (il lui fallait 374 voix au minimum). Son désaveu aurait été utile pour la démocratie européenne et on aurait pu espérer un sursaut des parlementaires, même si la personne qui aurait été élue à sa place aurait pu être pire. C’était d’ailleurs la crainte de Viktor Orban. Finalement Ursula von der Leyen fut sauvée grâce au vote du Fidesz d’Orban, du M5S italien et du PiS polonais. Le peu de courage des partis au pouvoir du groupe de Visegrad est assez révélateur.

Autres sujets européens (en vrac).

Russie-Ukraine.

Aucune évolution favorable de la situation entre l’Ukraine et la Russie malgré l’élection d’un nouveau président ukrainien, Zelensky. Les sanctions économiques contre la Russie ont été maintenues par les USA et l’Union Européenne. La Russie est même exclue du sport international, ses athlètes devant désormais se présenter en compétition sans leurs couleurs. Enfin, ces derniers jours, une querelle historiographique oppose durement Poutine et la Pologne à propos de l’attitude ambigüe qu’aurait eu cette dernière vis-à-vis de l’Allemagne hitlérienne, dont pourtant elle fut par la suite l’une des principales victimes. Malheureusement, la Russie semble toujours davantage s’éloigne de l’Union Européenne, par la faute de cette dernière qui n’a pas voulu ou su trouver les mots de réconciliation et a été incapable en 2019 de s’émanciper des USA.

Balkans.

Douche froide pour les espérances d’adhésion des Balkans de l’ouest. Le président français Macron a clairement gelé tout processus dont l’Albanie et la Macédoine auraient pu bénéficier, malgré les efforts de la Macédoine pour calmer le jeu avec la Grèce, en prenant désormais le nom de Macédoine du Nord. Quant à la Serbie et au Monténégro, le processus d’adhésion n’est pas gelé mais ne semble guère évoluer. Ce mépris de peuples européens, qui ont une vocation naturelle à nous rejoindre, est choquant de la part d’un prétendu pro-européen. Par ailleurs, même s’il est au point mort de manière probablement définitive, le processus d’adhésion de la Turquie à l’UE n’a toujours pas été officiellement abandonné.

Allemagne et Autriche.

Malgré la progression de l’AfD dans les différents Länder, et sa forte représentation au Bundestag, le gouvernement Merkel est toujours en place et les Grünen (Verts) ont le vent en poupe. Il se dit que la CDU pourrait choisir de s’allier avec eux, malgré leur tropisme de gauche et leurs positions sociétales très décadentistes. La preuve par l’Autriche, où le conservateur Sebastian Kurz (ÖVP) propose une coalition avec les équivalents écologistes autrichiens, au détriment du FPÖ populiste, fragilisé par le scandale plus ou moins artificiel Strache, sortant opportunément à une semaine des élections européennes.

Sebastian Kurz, qui aux yeux de la droite nationale était devenu une référence, a montré son visage opportuniste, et après s’être allié avec un parti anti-immigration s’allie avec un parti qui y est favorable.

Italie.

Pas d’élections en vue pour Salvini. Le très médiatique dirigeant de la Lega, connu pour sa volonté d’empêcher les bâteaux de migrants de débarquer en Italie, succès médiatique cachant néanmoins un bilan contrasté, a mis fin à la coalition au pouvoir avec le M5S. Ce dernier, qui va en payer le prix dans les urnes, a alors retourné sa veste, plutôt que de soutenir de nouvelles élections, comme le souhaitait Salvini, en s’alliant avec le Parti Démocrate que le M5S dénonçait durement auparavant. Cet opportunisme sera puni et l’est déjà dans les différences élections provinciales.

Dans les sondages, la coalition de droite Lega/Fratelli d’Italia/Forza Italia dépasse désormais les 50%, et à côté de Salvini naît un phénomène Giorgia Meloni, la dirigeante de Fratelli d’Italia, que les sondages placent parfois à 12%.

Espagne.

Les socialistes minoritaires autour de Sanchez restent au pouvoir et préparent une alliance avec Podemos, la gauche radicale pourtant en recul. Symboliquement, Sanchez a fait déplacer la sépulture de Franco, réveillant les blessures de la guerre civile, et ce dans un contexte où Vox, parti national espagnol très hostile au séparatisme catalan, progresse avec autour de 15% des voix dans les différents sondages. La chute de Sanchez serait une excellente nouvelle, tout comme celle du nouveau gouvernement Conte en Italie d’ailleurs.

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Brexit.

Annoncé désormais pour la fin janvier 2020 à l’issue d’une élection parlementaire anticipée où le conservateur baroque Boris Johnson a enfin obtenu une majorité. S’ouvriront ensuite des mois voire des années de négociation dossier par dossier entre l’UE et le Royaume-Uni, mais sur le plan symbolique il ne fera plus partie de l’Union Européenne dans un petit mois. Johnson a obtenu in extremis de l’UE un « soft brexit » qui lui a permis d’organiser ces élections en bénéficiant aussi du rejet du candidat du Labour, Jeremy Corbyn, très contesté. Le Brexit Party, qui dénonçait l’accord comme celui d’un « faux brexit » a choisi de se sacrifier afin de faire gagner Johnson. Farage (UKIP) pourra donc retourner aux USA (comme en 2016) et bénéficiera sans doute, le comble pour un eurosceptique, d’une retraite de député européen d’une UE qu’il aura combattue et dont il se félicite que son pays le quitte.

En matière d’immigration post-coloniale issue de l’ancien empire, la situation restera inchangée ou s’aggravera. Ce brexit identitaire finira bien en brexit hyper-globaliste. Et ce « soft brexit » a rassuré les marchés internationaux.

Ailleurs en Europe.

En Grèce, Tsipras a été dégagé par la Nouvelle Démocratie en pleine renaissance. La droite radicale, divisée en deux formations rivales, résiste. Le procès contre l’une d’entre elles d’ailleurs est en train de tourner vers l’acquittement des mis en examen.

Au Portugal, une petite formation populiste (« Chega » pour dire « Assez ! ») a réussi à entrer au parlement mais avec 1,3% des voix. Dans le dernier sondage, il est crédité d’environ 3% des voix en cas d’élection anticipée.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

Vers un brexit hyper-globaliste ?

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Vers un brexit hyper-globaliste ?

par Thomas Ferrier

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com

Finalement, après trois ans de tergiversations, le brexit aura finalement lieu à la fin du mois de janvier 2020 sous la conduite de Boris Johnson, premier ministre sortant réélu triomphalement grâce à un mode de scrutin favorable à la tête du pays.

Winston Churchill en 1946 estimait que le slogan envisagé par les conservateurs de « Keep Britain white » (« conserver la Grande-Bretagne blanche ») était un bon slogan. Depuis Labour et Tories n’auront pas cessé d’ouvrir les portes du pays aux flux venus de l’ancien empire colonial pour que la Grande Bretagne le soit de moins en moins, et dès 1948 en changeant le code de la nationalité afin de faciliter les naturalisations. Mosley et Powell mirent en garde les Britanniques contre ce « changement de peuple » mais ne furent pas écoutés, tout comme Robinson ne l’est pas aujourd’hui, au prix même de sa liberté.

L’adhésion du Royaume-Uni à la CEE, qui allait ensuite devenir l’Union Européenne, fut complexe. C’est finalement en 1974, après le départ de De Gaulle qui s’opposait à son adhésion en 1969, qu’elle rejoint cette organisation en même temps que le Danemark et l’Irlande. Depuis cette époque, elle n’a jamais vraiment joué le jeu, Thatcher obtenant dès les années 80 de nombreux accommodements. C’est ainsi que le Royaume-Uni d’avant brexit n’avait pas l’euro et n’était même pas dans l’espace Schengen. Cela n’a jamais empêché la presse britannique depuis des décennies de taper sur l’Union Européenne et de l’accuser de tous les maux, alors même que les émeutes de 2010 ou le scandale de Rotherham ne lui doivent rien, mais doivent tout à la politique migratoire des gouvernements britanniques de gauche comme de droite.

Pris en otage depuis plusieurs années par l’aile fanatiquement eurosceptique des Tories et menacé dans sa réélection si ce courant renforçait le mouvement UKIP de Nigel Farage qui, en divisant la droite, pouvait faire gagner le Labour, David Cameron était résolu à marginaliser cette aile à l’issue d’un vote national. Pour ce faire, il prétendit renégocier un meilleur accord avec l’UE, comme Thatcher l’avait fait avant lui, et de le soumettre à un référendum, ce qu’elle s’était bien gardé de faire. Il affirma ensuite avoir obtenu des résultats mais personne n’est vraiment capable de dire ce qu’il avait obtenu. Il organisa donc un vote qu’il était persuadé de gagner.

Dans le camp du brexit, on retrouva naturellement Nigel Farage, à la tête de UKIP puis du Brexit Party lorsqu’il quitta le premier en l’accusant de dérives identitaires et d’islamophobie. Mais c’est Boris Johnson, conservateur et ancien maire de Londres, qui se présenta en champion du brexit, avec une bonne dose d’opportunisme et sur la base d’un pari politique audacieux, le même que Fabius en 2005 en France lorsqu’il appela à voter non au TCE mais avec le succès en plus. A grands coups de démagogie, en promettant tout et son contraire, y compris la préférence non-européenne dans les banlieues à forte composante indo-pakistanaise au détriment des Polonais, sans grand résultat malgré tout, et avec l’aide d’une presse efficace pour les relayer, le camp du brexit s'imposa et Cameron, perdant, dut démissionner et se faire oublier.

Il est vrai que le Labour avait fait une campagne a minima, l’attachement d’un Corbyn à l’UE étant quasi nul, et que Sadiq Khan, opposé au brexit, envoyait par hétérotélie un message globaliste à un électoral ouvrier britannique hostile.

De nombreux britanniques, mais pas tant que ça (51,6% d’entre eux), ont choisi l’aventure du brexit au maintien dans une Union Européenne dont personne n’avait été capable de démontrer les bienfaits et alors même que les dirigeants de l’actuelle UE se complaisent dans un globalisme béat. Il est évident que ce vote en faveur du brexit a exprimé une angoisse identitaire légitime, un refus clair du globalisme, et aussi de l’immigration, européenne comme non-européenne, une confusion salement entretenue par les eurosceptiques d’ailleurs.

Et donc le brexit ayant été voté, et même si un référendum au Royaume-Uni n’a pas force de loi, personne n’a osé braver l’interdit de ne pas en tenir compte et les Libéraux Démocrates qui firent campagne en décembre 2019 pour révoquer l’article 50 auront plus choqué que convaincu.

Une fois le brexit voté, sachant que personne n’avait été capable et pour cause d’expliquer ce qu’il serait, la peur d’un brexit dur (« hard brexit ») inquiéta les milieux d’affaires. Après plus de deux ans pendant lesquels Teresa May fut incapable d’obtenir une majorité en faveur d’un accord obtenu auprès de l’UE, Boris Johnson devint enfin premier ministre et s’engagea à un brexit coûte que coûte. Son bluff aurait pu lui coûter cher car le parlement l’avait contraint à demander une prolongation du délai en cas d’absence d’accord. Et il aurait alors dû sans doute démissionner et aurait été fragilisé médiatiquement. Mais l’Union Européenne, sous la pression du gouvernement français, Macron ayant annoncé qu’il voulait que le Royaume-Uni se décide enfin, offrit un accord au rabais au dernier moment à Johnson, qui s'en saisit.

Ce dernier put donc en position de force, avec une opinion lassée, se présenter devant les électeurs britanniques le 12 décembre 2019. Le pays reste coupé en deux (48% des Britanniques ont voté pour les conservateurs) et le Brexit Party a disparu. Alors même que Nigel Farage avait dénoncé un faux brexit obtenu par Johnson, son parti stratégiquement se plaça en soutien de ce dernier, gênant le Labour dans des circonscriptions décisives. Pour Farage, mieux valait un « very soft brexit » à pas de brexit du tout, même s’il ne devait être que nominal. C’est là qu’on constate ce qu’il fallait penser de ses convictions. On ne sera pas non plus étonné d’avoir vu Donald Trump participer à sa façon à l’élection en apportant son soutien à Johnson, en tapant sur l’Union Européenne et en promettant des accords juteux en cas de brexit effectif, une ingérence dénoncée mollement et en vain par l’opposition.

Et maintenant ? Johnson a plus ou moins promis de régulariser 500 000 clandestins présents depuis plus de cinq ans au Royaume-Uni. Celui qu’une certaine droite présente comme un patriote, ce qui a amené Robinson à rejoindre récemment les Tories, mais que même Rivarol ose qualifier de « globaliste », n’est évidemment qu’un remarquable opportuniste qui a réussi à devenir premier ministre en faisant un pari gagnant. Il n’est pas sans talent mais il ne sauvera pas le Royaume-Uni sur le plan identitaire. Lui qui se présente comme un nouveau Churchill a trahi bien sûr le souhait que ce dernier avait exprimé et que j’ai évoqué au tout début de cet article. Les flux intra-européens vont se réduire en raison des tracasseries administratives, tandis que les flux post-coloniaux se renforceront.

C’est bien à un brexit globaliste que nous allons assister, et l’indépendance prétendue ne sera qu’un renforcement de la vassalité atlantiste. Certes sur le plan économique, ce sera un brexit très mou et surtout symbolique. Il ne devrait donc pas y avoir de conséquences dramatiques et d’ailleurs la presse européenne ne semble plus du tout inquiète, surtout qu’un accord véritable de mise en œuvre mettra plusieurs années à voir le jour. Les électeurs voulaient une identité britannique restaurée et ils auront une aliénation renforcée.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

jeudi, 02 janvier 2020

Les moins de seize ans ou les solitudes pédérastiques de Tonton Gabriel

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Les moins de seize ans ou les solitudes pédérastiques de Tonton Gabriel

par Juan Asensio

(texte de 2013)

Ex: https://www.juanasensio.com

Autres textes sur le sujet: Gabriel Matzneff dans la Zone.

Nous pouvons lire, à l'entrée Robert Brasillach du truculent Dictionnaire des injures littéraires de Pierre Chalmin (1), une méchanceté écrite par Gabriel Matzneff pour Le Figaro littéraire : «Brasillach que plus personne ne lirait aujourd'hui si, au lieu d'avoir été fusillé, il était mort écrasé par un autobus en juin 1944».

Nous pourrions retourner cette saillie du reste assez stupide car Brasillach continue d'être lu, à Gabriel Matzneff, en lui faisant remarquer que plus personne ne le lirait aujourd'hui si, à la place des orifices de jeunes enfants des deux sexes, il évoquait dans ses livres si paresseux, comme tout un chacun ou presque, ceux de ses seules épouse (notre Lovelace des bacs à sable a été marié, brièvement) et (innombrables) maîtresses. Lire Gabriel Matzneff, ce n'est en effet pas être sensible à sa prétendue petite musique, ce n'est pas manifester sa dilection pour les auteurs antiques, ce n'est pas soutenir, plus ou moins silencieusement, un de ces hérauts, de plus en plus fatigué à vrai dire et qui a besoin pour se déplacer de sa canne à pommeau doré, de la droite buissonnière qui fut très souvent garçonnière, ce n'est pas s'intéresser au subtil mélange entre envolées métaphysiques et cabrioles priapistiques, ce n'est certainement pas défendre la liberté de l'esprit contre ce qu'il appelle les quakers et les quakeresses de la pruderie.

Lire Gabriel Matzneff, ce n'est même pas s'offrir un de ces petits plaisirs secrets que, bien jeune, nous nous accordions en lisant en cachette les textes de Sade et de Casanova alors même que, selon l'auteur, nous ne saurions lire la description détaillée de fines parties de plaisir entre un adulte et un jeune enfant sans éprouver nous-même un désir trouble. Or, si l'imagination d'un jeune adolescent (et même celle d'un adulte) peut être ravie, au sens premier du terme, par les pages où Sade déploie ses infernales machines de souffrances et de plaisir ou par la truculence arsouille et irrévérencieuse du Vénitien, les passages où Gabriel Matzneff évoque ses parties de jambes en l'air, eux, sont absolument tout ce que l'on voudra, libidineux, pornographiques donc cliniques, ridicules ou drôles, mais jamais érotiques.

Lire Gabriel Matzneff, c'est donc très sûrement perdre son temps. Lire Gabriel Matzneff, c'est assez vite tout de même (sauf lorsque l'on ne sait pas lire, cette cécité est fort répandue) découvrir que le maître que nous cherchions, jeune, que tout jeune enfant passant sa vie à dévorer des livres cherche plus ou moins sans le savoir, est un petit professeur bagué, cravaté et dégénéré, que l'esprit libre tant vanté dans notre société soumise à des milliers de diktats aussi invisibles que sournois n'est qu'un pleurnicheur vouant aux gémonies celles (les renégates, dit-il) qui l'ont plaqué et renié, que l'homme fort ne craignant aucune polémique est un pauvre type esseulé et qui, devenant vieux, sera non seulement toujours esseulé, de plus en plus seul à vrai dire mais surtout de plus en plus pathétique, un vit bientôt flaccide condamné à subir les gestes du personnel soignant d'une maison de retraite en guise de fier étendard affichant son mépris des «vieux culs nécrophages de la rue Sébastien-Bottin» (2), que le théologien à la mode de Vladivostok est un mécréant à la petite semaine affirmant que le Christ semble s'être «fait chair, flesh, que pour nous permettre de tringler les premières communiantes et de tailler des pipes aux petits chanteurs à la queue de bois» (pp. 12-3, l'auteur souligne), que le pécheur impénitent, Gilles de Rais saupoudré de talc ayant sa place à toutes les bonnes tables de Saint-Germain-des-Prés, écrit chacun de ses textes ou presque sans jamais parvenir à masquer son cri («Pardonnez-moi ! Pardonnez-moi !»), rêvant de «confession publique» comme au temps où le sacrement de pénitence représentait quelque chose «chez les chrétiens primitifs», et saisissant l'occasion inespérée que lui offre Jacques Chancel en réintroduisant ladite «confession publique dans nos mœurs» (p. 13) par le biais de sa collection, tout en hurlant de trouille et de sainte horreur au moment de monter sur le bûcher, alors que Gilles de Rais, lui, comme oublie de le rappeler notre hagiographe gaminophile, est devenu grand parce que ses crimes immondes sont indissociables du pardon qu'il a demandé, à genoux, aux mères et aux pères des enfants qu'il a dilacérés, violés et tués, avant de finir rôti, pour la plus grande gloire des cieux et la purification nécessaire d'un monstre trahi par le diable qu'il n'est jamais parvenu à conjurer.

Petit auteur, auteur mineur si l'on veut, Gabriel Matzneff n'est pas un homme mineur mais un petit homme ridicule et exécrable.
 

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Je ne perdrai toutefois pas mon temps à ferrailler avec ce pédéraste comme lui-même aime à se décrire, qu'il s'agisse de l'affubler de cet épithète de nature plutôt que de celui de paidophile ou pédophile qui lui convient du reste admirablement, ou de rejoindre ce vieux rétiaire cacochyme et larmoyant, autrefois éphèbe impertinent pressé de vivre et de jouir, sur le terrain boueux où il a livré l'un de ses combats les plus minables et truqués (3), insultant ceux qu'il appelle les sycophantes de persister à ne pas comprendre que son art littéraire, dont il se fait une si haute opinion, ne saurait être jugé à l'aune sordide et lilliputienne de la morale.

Je me contenterai donc de frapper au point censé être le plus douloureux pour un cacographe, étant donné que ces hongres sont toujours persuadés que non seulement ils savent écrire, mais que leur œuvre, rare ou abondante, possède quelque qualité indéniable dans la sphère esthétique. Ce point, c'est justement le livre et lui seul, sa qualité littéraire supposée donc, qui devrait le hisser hors de la tourbe puante des minables considérations moralisatrices ou sentant le vieux slip de l'ordre prétendûment conservateur voire réactionnaire qui serait la mort de notre écrivain réputé libre et affranchi de tout, et qui se laisserait pourtant mourir s'il devait passer plus d'une journée sans pouvoir bénéficier du bienfait immarcescible d'une salutaire pédicure.

Les moins de seize ans ne constituent même pas un livre scabreux, et il est infiniment drôle de relire les stupidités qui furent écrites lorsqu'il parut, sous la plume de Roland Jaccard pour Le Monde qui évoque un «livre provocant et salutaire, courageux et spirituel» ou de Thierry Garcin pour Le Quotidien de Paris qui parle d'un ouvrage ayant créé de «salutaires remous, pour avoir mis les professionnels du progressisme au pied du mur».

Ce livre, s'il constitue, en effet, une confession non point douloureuse ou choquante mais ridicule, s'il évoque la plus grande idée fixe ou obsession, le mot est de Matzneff lui-même, de l'auteur, qui avoue que ses «obsessions sont pareilles à ces baudruches qu'on attache sous les aisselles des petits enfants qui apprennent à nager : qu'elles crèvent [et il] coule à pic» (p. 14), s'il détruit donc définitivement le rempart lilliputien pitoyable que les imbéciles et les vicieux (l'un et l'autre pouvant aller de concert bien sûr) dressent comme une muraille de Chine autour de l'écrivain qui n'écrirait qu'une fiction, soit une réalité purement esthétique, forcément et férocement artistique, parfaitement éloignée de la réalité (4), ce livre est la confession, navrante bien davantage que terrible, d'une solitude.

Solitude d'un écrivant qui se croit écrivain, parce qu'il a beaucoup lu les auteurs antiques, ce qui lui permet de saupoudrer son livre de latin non pas de cuisine mais d'alcôve («Mille puellarum, puerorum mille furores», repris aux Mémoires de Casanova) et de nous rappeler que l'Antiquité consommait les très jeunes enfants de façon immodérée, et solitude parce que, comme tous ceux de son espèce, Gabriel Matzneff est un écrivain mineur qui se croit grand. Il suffit, pour se convaincre de cette nullité bienheureuse, de relire les lettres de la petite fille au vilain monsieur qui ponctuent Les moins de seize ans, et qui sont censées, nous précise l'auteur en note, avoir «été écrites par une adolescente de quinze ans». «Il n'y a pas une ligne qui ne soit d'elle», termine, on s'en doute fièrement, Matzneff (p. 19) et, ma foi, je ne sais s'il s'agit de lettres bien réelles ou d'un jeu de l'écrivain s'étant mis à la place d'une jeune fille mais, dans les deux cas, leur nullité purement littéraire est patente, tout comme est ridicule, mais j'avais déjà souligné cette étonnante dimension à propos des larmoyants Carnets noirs, leur bêtise et fadeur érotiques : «X, mon amant pain d'épice, sucre d'orge, sucre d'or, je t'aime, tu sais, je t'aime» (p. 51). Gabriel Matzneff, aussi sordide qu'un phallus gonflé à l'hélium au beau milieu d'une aventure de Maya l'abeille.

J'ose donc affirmer, contre l'évidence même semblerait-il, que la solitude est le sujet réel, profond, évident même des Moins de seize ans, et non pas les goûts sexuels de Gabriel Matzneff qui écrit pourtant qu'il n'a «jamais eu de rapports sexuels avec une personne de [s]on sexe qui soit âgée de plus de dix-sept ans, sauf une fois avec un garçon de vingt-deux, mais ce soir-là [ils avaient] fumé force sebsi de hasch, [ils étaient] complètement défoncés» (p. 22, l'auteur souligne).

Ce sujet réel, profond, évident, est la solitude et non pas la différence entre l'homosexualité, comiquement moquée, avec un don de prescience qu'il convient de saluer si nous songeons à l'épisode grotesque du mariage homosexuel («ils veulent l'honorabilité et la sécurité, le sourire de leur concierge et les palmes académiques, le certificat de bonnes mœurs et le contrat de mariage», p. 82) et la pédérastie ou plutôt, nous dit l'auteur qui pourtant prend grand soin de distinguer ces deux dernières réalités, la pédophilie (5).

Ce sujet réel, profond, évident, le seul à vrai dire, n'est pas ce que nous pourrions nommer la perversité de Gabriel Matzneff qui sait parfaitement que «la dissemblance psychique entre un adulte et un enfant est, elle aussi, une évidence» (p. 23) et qui jouit donc, mais en cachette, de l'étalage de cette dissemblance, comme tout pervers qui se respecte. Deux façons et deux façons seulement existent de pervertir l'innocence : la force brutale de la bête, et le coupable termine derrière des barreaux emmailloté dans une camisole de force et la ruse de l'esprit, qui est la marque des prédateurs supérieurs dont Gabriel Matzneff, qui se vante de n'avoir jamais rien arraché qui ne lui eût été par avance donné, fait évidemment partie. Je ne me prononce pas sur le type de peine que j'imagine pouvoir convenir à ce type de salopard amateur de «marginalité, [de] bohème, [de] solitude» (p. 81) et, surtout, qui n'est attiré que par une seule chose, moins les très jeunes filles et garçons qui, comme il le confesse, forment une espèce de troisième sexe (cf. pp. 24-5), que l'innocence (cf. p. 72).
 

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Ce sujet unique est la solitude, pas même le caractère clandestin des amours de Gabriel Matzneff, qui affirme qu'il se «tamponne le coquillard» de l'approbation de la société, la «transgression» étant son équilibre, sa santé, sa joie (p. 84), qui écrit que «la chasse aux gosses [doit] demeure[r] un sport périlleux, et défendu !» (p. 85), qui avoue grivoisement qu'il s'est rapproché des scouts, un temps, pour disposer plus facilement de jeunes proies (cf. p. 93, Matzneff se décrivant même comme un «membre actif, il va sans dire» des scouts, sa carte de membre certifiant donc sa qualité de «pédagogue professionnel», bonne ruse pour qu'un père sourcilleux surprenant l'auteur en train de «sodomiser» son rejeton ne puisse donc que croire qu'il s'agissait «d'un de ces «grands jeux» éducatifs dont les scouts ont le secret», p. 94), Gabriel Matzneff qui ne cesse de nous rappeler qu'il est contraint de cacher ce qu'il appelle poétiquement ses «aventures de traverse» (p. 63), de se cacher, surtout avec les garçons, pour étancher ses passions non point secrètes, puisque l’œuvre de Gabriel Matzneff est tout entière une apologie lucide, revendiquée, décomplexée (6), passionnée de la pédérastie, mais condamnable moralement et, surtout, pénalement : «Pour les garçons, c'est une autre paire de manches. Si je ne cache pas trop mon amante de quinze ans, mes aventures avec les petits garçons se déroulent dans une stricte clandestinité» (p. 29).

Je discutais, il y a quelques jours à peine, avec une matznévienne hystérique (pléonasme) qui me soutenait par A + B que Gabriel Matzneff n'avait jamais commis ses larcins pédérastes mais qu'il les avait imaginés dans ses textes, donc sublimés. En somme, nul n'avait le droit de reprocher à un écrivain ce qu'il écrivait, et de citer bien évidemment d'autres salauds des lettres comme Céline : il me fut facile de lui opposer une bonne centaine des propres textes de l'auteur pour lui rappeler que Gabriel Matzneff ne s'est jamais caché d'aimer les «très jeunes [qui] sont tentants», surtout lorsqu'ils résident dans certains pays pauvres, Maroc ou Égypte, «où les gosses attendent souvent quelque profit de leurs complaisances amoureuses» (p. 44), l'auteur confessant très clairement qu'il a donc payé des gamins bien que, s'empresse-t-il d'ajouter, «si violence il y a, la violence du billet de banque qu'on glisse dans la poche d'un jean ou d'une culotte (courte) est malgré tout une douce violence. Il ne faut pas charrier. On a vu pire» (p. 45). En effet, nous avons par exemple vu un pédéraste écrire des livres pédérastiques depuis des dizaines d'années sans que personne ou presque n'y trouve à redire, alors, de quoi nous plaindrions-nous, sycophantes envieux que nous sommes ?

Le sujet évident, profond, unique de notre livre n'est pas la concaténation de sophismes qui tous n'ont qu'un seul but : décomplexer, légitimer, ancrer au passé le plus ancien et illustre des pratiques que la société contemporaine réprouve, y compris pénalement, à tort ou à raison, ce n'est pas du tout l'objet de cette note modeste : «La pédérastie, seule forme possible de la paternité pour celui qui répugne à fonder une famille» (pp. 73-4) ou bien encore : «Les adultes qui n'aiment pas les enfants ne supportent pas que les enfants soient aimés par ceux qui les aiment» (p. 41), sophismes d'autant plus vite enchaînés que, comme le sait parfaitement Gabriel Matzneff qui s'en vante (même s'il ne parle pas, dans ce cas, de lui-même), jamais aucun de ses jeunes amants «n'a trahi le secret, jamais aucun des enfants n'a porté plainte». L'auteur évoque l'affaire, à l'automne 1973, d'un «quinquagénaire, gros, moche, borgne, qui dans un village de l'Est, proche de Forbach, organisait chez lui des ballets roses» (pp. 42-3), mais il est évident que sous le masque du repoussant «Tonton Lucien» se cache le visage si lisse et beau (comme me le confia, le regard chaviré, l'une de ses récentes maîtresses) de Gabriel Matzneff. Il en évoque d'autres, de ces affaires scabreuses, comme celle liée à Mlle Hindley et M. Brady, «accusés d'avoir séduit, torturé et assassiné deux enfants et un adolescent» en 1964, l'auteur ayant d'ailleurs pris le soin d'écrire un article de défense, une «chronique, non recueillie en volume pour l'instant», pour ces «ogres» pour lesquels il avoue avoir «un faible» (p. 46). On a vu pire.

Le sujet évident, unique, profond, inavouable des Moins de seize ans n'est même pas ce jeu malsain avec le vocabulaire religieux, le pervertissement de l'amour, la parodie sacrilège consistant à affirmer que l'amour du pédéraste pour sa proie doit «être un amour qui féconde, libère, «donne le vie», tel l'Esprit-Saint dans la prière byzantine» (p. 65), puisque Matzneff claironne qu'il a donné, avant que du plaisir, de l'amour à ses amants et maîtresses, le sujet véritable de ce livre et de chacun des livres de l'auteur n'est pas cet appel constant, répété, troublant, au Jugement, à «l'heure adorable et terrible où nous nous présenterons devant l'autel nuptial du Christ» et où «nous serons jugés sur l'amour» (p. 33).

L'unique sujet, profond, véritable, incontournable des Moins de seize ans n'est pas le sacrilège et l'évocation de la souillure physique mais surtout spirituelle que cet homme indigne inflige à l'une de ses jeunes maîtresses : «Profitant de l'absence de ses parents, nous faisons pour la première fois l'amour dans sa chambre d'enfant, dans son petit lit, parmi ses poupées» (pp. 72-3).

L'unique sujet profond, véritable, évident, scandaleux, n'est pas le détournement parodique du sacré qui peut faire écrire à Gabriel Matzneff, minable chanoine Docre, des horreurs qui devraient le conduire à macérer durant les dernières années de sa vie dans une trappe oubliée où il passera ses journées à demander le pardon de Dieu sans oser ne serait-ce que chuchoter ses prières : «Coucher avec un/une enfant, c'est une expérience hiérophanique, une épreuve baptismale, une aventure sacrée» ou bien : «Pour un esprit religieux, faire l'amour avec un/une enfant, c'est célébrer la divine liturgie, épiclèse, communion au corps et au sang, dithyrambe du seigneur Dionysos» (p. 75).

Le sujet évident, unique, profond des Moins de seize ans et en fait de tous les livres de Gabriel Matzneff n'est pas sa peur, son immense peur de voir l'une de ses chères maîtresses ou cher amant prendre la poudre d'escampette (l'auteur maîtrise la rupture, à laquelle il a consacré un livre, tout comme il nous rappelle ici, plusieurs fois, l'insensibilité amoureuse de certains de ses jeunes compagnons de jeux, cf. p. 60), mais sa peur de s'entendre dire qu'il n'y a pas eu d'amour, mais du sexe et du vice, pas de beauté, mais de la baise sordide face à la «nécessaire clandestinité» (p. 67), grande peur du mal-pensant que celui-ci exorcise comme il peut, par exemple en faisant tenir à sa maîtresse de 15 ans ce discours qui exsude la peur, sous une apparente bonhomie, le bonheur ridicule d'une gamine confondant un vieux pervers avec l'homme de sa future vie de femme : «Mais même si un jour tu devais me faire souffrir, beaucoup souffrir, jamais l'idée ne pourrait seulement m'effleurer de regretter t'avoir connu. Je suis par avance payée au centuple de mon bonheur présent» (p. 51).

L'unique sujet, profond, visible, indéniable, de Gabriel Matzneff n'est pas le seul argument qu'il juge recevable pour interdire la pédérastie, du moins, soyons prudents, la réfréner : «Une femme, à la rigueur, on la prend, puis on la jette; mais c'est un jeu qu'à moins d'être un salaud ont doit s'interdire avec les très jeunes. Quinze ans est l'âge où l'on se tue par désespoir d'amour, ne l'oublions pas» (p. 57). Ne l'oublions pas en effet, et rappelons que des femmes ou des hommes de tout âge peuvent, par amour, tenter de se suicider ou réussir à le faire, et n'oublions pas les innombrables passages des Carnets noirs où Gabriel Matzneff traite comme une chienne l'une de ses maîtresses, surnommé Gilda, jeune femme qu'il sait pourtant fragile psychologiquement, et qu'il n'hésite pas à virer chaque fois qu'il a terminé de la baiser, oh, pardon, ce terme est grossier, choisissons celui, utilisé par l'auteur, de «gamahucher». Mais Gabriel Matzneff n'était sans doute pas, nous pouvons rêver (7), à l'époque où il a écrit ses Moins de seize ans, le Monsieur Ouine d'opérette et dolent qu'il est devenu quelques années plus tard, puisque, dans les années 70, il affirmait et écrivait que le fait d'aimer «un gosse n'a de sens que si cet amour l'aide à s'épanouir, à s'accomplir, à devenir pleinement soi-même, à faire voler en éclats les barreaux de la cage familiale, à repousser d'une main légère les faux devoirs auxquels le société prétend l'assujettir» (p. 65) comme celui, sans doute, d'honorer, par sa piété, une vertu antique que Matzneff devrait connaître, sa mère et son père.

La solitude de Gabriel Matzneff est le sujet de chacun de ses livres, exprimée en termes pathétiques (au sens premier de l'adjectif qui évoque la souffrance) lorsqu'il évoque, et il a raison, le fait que «la société occidentale moderne [...] rejette le pédéraste dans le non-être, royaume des ombres, Katobasiléia» (p. 30), le pédéraste étant «réduit à la fuite, au néant, au royaume de la mort» (p. 31).

La solitude de Gabriel Matzneff est le sujet de ce livre et de tous ses autres livres, lui qui se décrit comme «l'homme du discontinu», «l'homme de l'instant» qui «n'aime pas l'avenir», seul le présent le captivant (p. 63). Il est troublant de constater que c'est justement Gabriel Matzneff qui, il y a quelques années, me conseilla de lire un livre tout à fait remarquable, L'Homme du néant, dont je rendis d'ailleurs compte dans ma série intitulée Langages viciés, ouvrage surprenant dans lequel Max Picard analyse Hitler comme surgeon historique le plus accompli de l'homme creux, c'est-à-dire gonflé de néant, réduit à vivre dans un monde et une époque caractérisés par leur discontinuité radicale.

La solitude de Gabriel Matzneff, sa meilleure compagne, ne cesse-t-il de nous rappeler, et bien évidemment sa pire ennemie, qu'il s'agit de vaincre en multipliant, au long d'une journée, les amours décomposés, en multipliant les maîtresses car non seulement avoir «tenu dans vos bras, baisé, caressé, possédé un garçon de treize ans, une fille de quinze ans» fait paraître «fade, lourd, insipide» tout le reste (p. 69), mais aussi parce que même ces petits plaisirs peuvent, à la longue, surtout lorsqu'ils sont monodiquement répétés et enchaînés depuis des années tout de même, devenir ennuyeux.

La solitude de Gabriel Matzneff non pas tant, comme Richard Millet, dernier écrivain de langue française autoproclamé, que faiseur tout à fait conscient de n'être qu'un faiseur, la petite ritournelle de cet auteur n'étant confondue, après tout, avec une littérature digne de ce nom que par les imbéciles, à savoir toute une partie de la droite blogosphérique branchée qui aime Causeur et les raouts du Cercle cosaque (quoi, vous me dites que c'est la même chose ? En effet, Leroy ou Guillebon ont déjà colonisé ces petites officines de la contestation murrayienne branchée), ainsi que la gauche léoscheerienne, qui n'a pas encore, je crois, été suffisamment caractérisée, bien qu'il s'agisse d'un épiphénomène, comme l'est du reste toute mode. Plus curieux est le soutien du Point où Matzneff signe ses chroniques ridicules, mais il est vrai que Yann Moix, l'un des plus navrants barbouilleurs de la décennie, officie au Figaro pour le bonheur de ses lecteurs, alors...

Solitude du faiseur qui écrit comme il baise, en rigolant et en passant à la suivante ou au suivant : «C'est un trip super-débandant» (p. 70) pour sûr, tout comme l'est aussi, d'un seul point de vue stylistique, la platitude avec laquelle Matzneff évoque la nullité érotique de l'une de ses maîtresses : «Tout ce qu'elle savait faire, c'était écarter les cuisses et attendre que ça se passe. Jamais une initiative, jamais une caresse un peu sensuelle, d'évidence un corps d'homme ça ne l'intéressait ni ne l'excitait, ça la gênait plutôt. Une vraie bûche» (p. 71).

La solitude de Gabriel Matzneff, pur narcissisme et même «fixation autoérotique survenue à l'époque ambiguë de l'adolescence» (8) est l'unique sujet qu'il importe de lire et de critiquer : solitude de celui qui se croit écrivain et n'est qu'écrivant, parfois même cacographe poussif qui, à force de jouer de la flûte comme un moderne Joueur de Hamelin, finit quand même par connaître son unique petit air, grâce auquel il charmera les gosses, les vieilles salopes et les vieux porcs, solitude existentielle du prédateur contraint de se cacher, en France du moins, pour assouvir sa passion pédérastique et même pédophilique, solitude amoureuse de celui qui, à mesure qu'il se transforme en momie coquette, voit ses anciennes proies se transformer en ce qu'il appelle des renégates, solitude intellectuelle de ce Casanova des cours d'école, solitude spirituelle de celui qui, après la publication d'Isaïe réjouis-toi, perdit son «père spirituel» et qui, du moins à l'époque, se déclarait «éloigné de toute vie liturgique et sacramentelle», solitude eschatologique de ce Monsieur Du Paur qui, en baisant des gamins, déclare éprouver la «nostalgie du Christ, né de la Femme et de l'Esprit, adolescent vierge qui transfigure les contraires, sexe divinisé, intégrité retrouvée, plénitude, androgyne primordial, descendu au plus profond de l'enfer pour [le] ressusciter d'entre les morts, tel l'enfant bénie qui un soir d'août a posé sa main fraîche sur [son] front ardent» (p. 115).

Finalement, notre fier entrepreneur de démolitions n'est qu'un pervers lacrymal, qui planque sa trouille et son vice sous des paletots stylistiques et des prétentions littéraires censées frapper de nullité la morale petite-bourgeoise, à laquelle il aspire pourtant tout entier, que chacune de ses jérémiades invoque pour qu'elle daigne le reprendre et lui accorder un pardon mérité.

Finalement, notre Lovelace aux mille et une maîtresses et amants n'est qu'un vieil homme, désormais, qui réclame le jugement et le pardon et fait absolument tout ce qu'il peut pour procrastiner avec ce qu'il sait constituer son unique salut, intime, visible, évident, à savoir : une solitude rédimée qui ne permettra sans doute pas à son œuvre surestimée de survivre, mais qui conférera, peut-être, un semblant d'honneur à un homme qui, par chacun de ses actes et ses écrits, a bafoué cet honneur.

Finalement, notre libre penseur, notre hérésiarque, notre impénitent mécréant n'est qu'un cathare mal dans sa peau, un jouisseur affamé de chasteté et même de continence, un pervertisseur de l'esprit d'enfance qui confond le respect de la pureté et de l'innocence enfantines avec sa fringale comique et pathétique de baiser un Christ à l'image d'un angelot, un Origène qui attire les badauds en levant bien haut une paire de ciseaux avec laquelle il menace de se châtrer, et qu'il range aussitôt dans la poche de son veston jusqu'à son prochain numéro une fois qu'il a reçu un peu d'attention.

Pauvre Gabriel Matzneff, si pressé de jouir comme un bouc en éternelle érection, pauvre diable affamé de grandeur et de cohérence rimbaldienne, spirituelle donc, qui ne tirera même pas le dernier enseignement de celui qui fut son maître, Henry de Montherlant, qui eut l'élégance de ne pas imposer à ses semblables la vision d'un homme se transformant en pourriture libidineuse.

Notes

(1) Le Livre de poche, 2012, p. 96.

(2) Les moins de seize ans (Julliard, coll. Idée fixe, 1974), p. 12. Les pages entre parenthèses renvoient à cette édition.

(3) Truqué car enfin, sauf erreur de ma part, Franz-Olivier Giesbert, un de ces cumulards des honneurs factices à la française (puisqu'il est membre du Siècle, membre de l'Association Universelle des Cultures, membre du jury du Prix P. J. Redouté, du Prix Aujourd'hui, du Prix de la Fondation Mumm, du Prix Louis Pauwels, Président du Prix de la Fondation Alexandre Varenne et membre du Conseil d'Administration de l'Établissement public du Musée du Louvre depuis octobre 2000) qui lui a ouvert les colonnes du Point est aussi membre du jury du Prix Renaudot qui a récompensé son dernier ouvrage paru, Séraphin c'est la fin !.

(4) Lisons l'auteur : «Ces idées fixes, ces passions, ces obsessions, ces expériences nourrissent ma vie, qui elle-même nourrit mes livres, car je n'ai aucune imagination, et je ne puis exprimer sur la page blanche que ce que j'ai vécu, connu, éprouvé» (p. 16). À ce titre, le passage qui suit, et qui développe le fait que des auteurs comme Dostoïevski ou Thomas Mann ont été contraints de passer par la fiction pour mettre en scène leur goût immodéré des enfants, est exemplaire et sans la moindre ambiguïté, Gabriel Matzneff soulignant le fait que, lui au contraire, va ôter son masque à Dionysos, lequel peut «manger le morceau» (p. 17).

(5) «[...] à dix-huit ans passés on n'est plus un enfant; le règne de la pédophilie s'achève, commence celui de l'homosexualité» (p. 25).

(6) «J'ai horreur de Socrate, de Platon, de toute la mélasse sublime dont ils enrobent le désir et le plaisir, j'ai horreur de la pédérastie à prétentions pédagogiques. On peut caresser un jeune garçon sans se croire obligé de lui donner une leçon de maths ou d'histoire-géo dans la demi-heure qui suit. Et qu'on ne nous casse pas les pieds avec l'amour des âmes. L'âme, ça n'existe pas, et si ça existe, ça n'existe qu'incarnée, chair dorée, duveteuse [...]» (p. 32).

(7) Nous pouvons en effet rêver, car Matzneff semble avoir toujours été ce monstre propret et impeccablement vêtu que nous montrent ses plus récentes photographies : «Le plus important service que je puisse rendre à un adolescent, après lui avoir transmis tout ce que je suis capable de lui transmettre, c'est de lui enseigner à se passer de moi» (p. 66).

(8) Gabriel Matzneff cite à la page 81 le professeur Albeaux-Fernet, dans un article du Monde daté du 7 mai 1974.

mardi, 31 décembre 2019

Ambiance fin du monde

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Ambiance fin du monde

 
 
par Richard Labévière
Ex: http://www.zejournal.mobi

Désolation tous azimuts. Casino remplace ses caissières par des machines et des vigiles. Certains clients trouvent cela formidable ! C’est dire l’état des consciences… La SNCF – qui n’est plus la SNCF – aussi, ferme ses accueils humains les uns après les autres. En son temps, les syndicats ont été incapables d’expliquer et de dénoncer la privatisation de ce grand service public, démantelé à la demande expresse de Bruxelles. Désormais, c’est le règne, là-aussi, de la double punition : l’usager paie et fait le travail, que son imprimante fonctionne ou non ! Comme partout désormais : le service, c’est le client lui-même qui l’assure, selon l’un des fondamentaux de l’ultra-libéralisme : plus d’accueil, plus de secrétariat, plus d’intermédiaire humain salarié, plus de salariat du tout, mais des consommateurs qui financent et actionnent eux-mêmes les services auxquels ils croient avoir accès.

Dans cette perspective, il faut privatiser : pri-va-ti-ser à tout prix ! Glissement de terrain : de la « main invisible » du libéralisme de papa (Adam Smith, Ricardo), on est passé – depuis la fin des années 1970 avec Thatcher et Reagan – au « néo-libéralisme », en réaction aux politiques keynésiennes de l’Etat-providence. Avec la crise de 2008, on est entré de plein pied dans une troisième phase d’hyper, sinon d’ultra-libéralisme, le mot d’ordre étant justement d’accélérer la privatisation de tout, du reste, et à tout prix : les entreprises, les ressources naturelles, la biodiversité, l’espace public et les cerveaux… La propriété, c’est le vol disait Proudhon. Aujourd’hui et plus que jamais dans l’Histoire : privatiser, c’est voler ! Les riches toujours plus riches, les pauvres toujours plus pauvres… Cette loi de thermodynamique engendre révoltes sociales, suicides et risques accrus de guerres civiles : Chili, Mexique, Bolivie, Brésil, Haïti, Irak, Liban, France, etc.

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Cette tendance générale à l’« ubérisation » ne dérégule pas seulement les métiers établis mais se généralise à l’ensemble des activités humaines. Il n’est qu’à voir les trottinettes faucher les petites vieilles sur les trottoirs, et pas seulement les petites vieilles, objet de métal hideux abandonné au beau milieu des trottoirs, devant les entrées d’immeubles et de boulangeries – paroxysme de la privatisation de l’espace public ; les vélos – dont une majorité d’usagers ne sait plus se servir – griller les feux de la circulation, percutant les piétons qui ont encore la naïveté d’emprunter les passages cloutés quand le petit bonhomme passe au vert… les patins à roulettes et autres machines roulantes électriques qui ont transformé les rues en une jungle où règne la loi du plus fort, sous l’œil goguenard des forces de l’ordre, celles ci le plus souvent brillant par leur absence!

En fait, cette violence insidieuse nous fait glisser d’une ubérisation déjà structurelle à une « mad-maxisation »(1) plus dangereuse encore puisqu’il y va désormais de notre intégrité physique et mentale. Parce qu’il ne s’agit plus seulement de faire de l’argent, n’importe comment, mais de faire prévaloir son individualité – hors-sol – de toutes les manières possibles – changements de sexe, piercings et tatouages, selfies ou ego-portraits, fabrication d’enfant-marchandises, etc. -, sans hésiter à recourir à la violence physique. Ici, ne sont pas seulement en cause les règlements de compte des quartiers nord de Marseille, mais des comportements quotidiens, sur les trottoirs, au volant, dans les files d’attente ou sur Internet…

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Durant plus d’une année, n’oublions pas que s’est déchaînée une violence policière inouïe afin de dissuader les petites gens de rejoindre le mouvement des Gilets Jaunes : des morts, yeux crevés, mains arrachés et tabassages en règle avec, à la clef, une restriction significative du droit de manifester ; restriction des libertés civiles et politiques dans une République qui marche en arrière, sur la tête et sans discernement. Et ce ne sont pas les quelques Black Blocs et inévitables casseurs – étrangement très mobiles – qui pouvaient justifier le déferlement d’une violence révélatrice d’un fascisme qu’on croyait définitivement enfermé au musée des horreurs historiques. Comme au temps de Pinochet et de sa junte sanguinaire, l’armée chilienne est redescendue dans les rues de Santiago, de Concepcion et de Valparaiso : plus de 500 morts et des milliers de blessés. Triste résultat de la politique ultra-libérale des Chicago-Boys de Milton Friedman, que les socio-démocrates chiliens ont poursuivi le petit doigt sur la couture du pantalon de la grande finance internationale – l’ennemi imaginaire de François Hollande qui fait maintenant des animations dans les supermarchés…

Ailleurs, dans le centre-ville des grandes villes françaises, des gens se battent entre eux pour essayer d’accéder aux transports publics. Là-aussi, des vigiles… mais impuissants à endiguer l’impulsion « ma gueule d’abord ! ». L’enfer de Jean-Paul Sartre, ce n’est plus les « Autres » puisque ces derniers n’existent plus. Les Autres d’aujourd’hui ont disparu dans un néant généralisé et absolu au profit d’égos atomisés, godemichets dans les oreilles et décibels dans le cerveau, les zombies d’aujourd’hui – jeans troués, casquettes retournées, ça fait « newyorkais » et « rebelle » – s’entrechoquent avec leurs semblables sans plus s’excuser, comme des bœufs ruminants et dociles.

Du reste, les formules de politesse ont disparu d’un vocabulaire qui atteint péniblement deux cents mots. L’uniforme de ces Sturmabteilung/SA modernes : le survêtement de sport à trois bandes et les baskets « naïque », qui valent une fortune. Signe de reconnaissance de ces phalanges apocalyptiques, les marques tribales fabriquent cette nouvelle « élégance » en plastique venue de l’industrie du football. Ces joueurs – drôles de salariés -, qui drainent des millions et des droits de télévision exponentiels, s’imposent comme les « héros » de supporters qui sont persuadés que Vercingétorix est l’avant-centre du Real-Madrid. Ce nouvel opium du peuple est même encensé par quelques géopoliticiens fatigués, qui en tirent des manuels au kilo… parce que tous les autres systèmes multilatéraux (politiques, économiques, et de justice) se sont effondrés.

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Au coeur de cette implosion généralisée : l’ego numérique et ses mal nommés « réseaux sociaux », en fait des outils numériques qui produisent l’atomisation sociale : j’ai deux millions d’amis mais je ne connais pas mon voisin de palier. Ego permanent : je donne mon avis sur tout et n’importe quoi sans chercher le plus petit début de rationalité – j’aime/j’aime pas -, parce que tel est mon bon plaisir, parce que je suis devenu le « journaliste » de mon quotidien, avec les photos de ma vie intime qui n’a plus aucun secret. La presse parle maintenant de « médias sociaux » ! La boucle est bouclée : devenue particulièrement nulle, la presse généraliste se meurt parce qu’elle fait la morale au lieu de produire des faits. Plus de faits ! Terminé ! Des émotions – coco -, de l’affect, voilà le secret des bonnes « unes » et des « headlines ». Pas étonnant de voir les tweets et autres fesses/boucs remplacer l’information – maintenant instincts-Gram – dans l’entropie abyssale de nos sociétés de com-mu-ni-ca-tion.

La politique, c’est communiquer bien-sûr, et prioritairement en faveur des lobbies indispensables pour une éventuelle réélection. Non contente d’inaugurer une place « Jérusalem » à la seule gloire de la soldatesque israélienne, d’avoir imposé un schéma de circulation parfaitement absurde et hyper-pollueur, « la maire socialiste de Paris, Mme Anne Hidalgo, aligne les péroraisons écologiques, tout en laissant recouvrir les grands bâtiments de la capitale de publicités géantes et lumineuses pour les marques de luxe ou de téléphone portable »(2). Donc, pour les prochaines municipales, vous avez compris : tout, sauf Hidalgo !

Dans le même ordre d’idées, comment la mairie de Paris et d’autres communes peuvent-elles admettre que la Starbucks Corporation(3) rachète les principales brasseries de Paris ou d’autres villes au point de défigurer leurs plus belles places et avenues ? Et ce n’est pas un hasard si les « casquettes retournées » et autres SA adorent se retrouver dans ces établissements où l’on consomme de la bouffe américaine très improbable dans de la vaisselle jetable. Il faut boycotter ces établissements pour trois raisons : 1) on l’a dit, ils défigurent nos centre-villes ; 2) comme les GAFA, ces vecteurs de malbouffe ne paient pratiquement pas d’impôt en France ; 3) enfin, les patrons de Starbucks financent allègrement la construction des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens occupés. Dehors Starbucks, hors de nos villes et villages !!!

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La fracture territoriale constitue l’un des principaux moteurs de la protestation des Gilets jaunes : plus d’écoles, ni de postes, ni de maternités ou tout simplement de services publics dans nos territoires et petites communes, et de moins en moins de trains régionaux « tagés » bien-sûr ! Les ploucs de « province » n’ont qu’à se débrouiller avec leur voiture au diesel dont les taxes contribueront à financer, ose-t-on dire une « transition écologique ». On se souvient comment s’est terminée la saga de la vignette-auto, initialement censée améliorer la vie des personnes âgées… Le plus inquiétant concerne la désertification sanitaire. Le Premier ministre lui-même constate benoîtement que l’hôpital public est « en phase de décrochage, comme on dit d’un avion qui ne se porte plus et qui pourrait décrocher ». En effet, l’hôpital et la santé publique partent en vrille alors que le locataire de Matignon avoue son impuissance… Mais qu’attend-il pour changer de métier. Mendès disait que « gouverner, c’est prévoir ». C’est aussi fixer des priorités. A l’évidence, l’équipe actuelle, comme celles d’hier et d’avant-hier, est complètement dépassée, préférant faire des phrases, disant tout et son contraire, « en même temps », bien-sûr !

Ce tropisme est particulièrement accentué, sinon caricatural en matière de politique étrangère. Sur l’Europe : il faut approfondir avant d’élargir et pourtant on prévoit déjà l’adhésion de plusieurs pays balkaniques. Les discussions d’adhésion avec la Turquie n’ont toujours pas officiellement été stoppées, alors qu’Ankara multiplie chantages et pieds de nez. En Afrique, on prône des partenariats « équilibrés », tout en continuant à soutenir les ploutocraties d’« Etats faillis » et à imposer des réformes structurelles dévastatrices. Au Proche Orient, on ne dit plus rien sur les coups de force israéliens à répétition. Silence complice assourdissant ! Sur la Syrie : fermée en mars 2012, l’ambassade de France à Damas n’est toujours pas rouverte : on dit que les Syriens doivent choisir leur avenir, « et en même temps » que Bachar al-Assad doit en être exclu !

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Sur l’OTAN : on dit que c’est un grand corps malade, mais que l’Organisation demeure le « cadre naturel » de la défense des pays européens. Sur la relation franco-allemande, qui ne fonctionne plus vraiment depuis la réunification de ce pays, la France s’accommode d’un état permanent de soumission et d’humiliations répétées.

Quant à la Cop-25, c’est le pompon : fiasco total, mais on se dit que ce n’est déjà pas si mal que la réunion ait pu avoir lieu et qu’on fera mieux la prochaine fois. Tout cela est bien désespérant !

Pendant ce temps-là, à Annemasse, la vieille gare, qui aurait dû être classée – belle architecture IIIème République avec ses portiques eiffeliens – est en voie de démolition pour être remplacée par un cube de verre et de métal. Troisième triptyque de notre modernité : une laideur en carton-pâte, assurée de mal vieillir. Le nouveau bâtiment, qui n’a pas encore été inauguré, est déjà endommagé : les écoulements de pluie en obscurcissent la transparence initiale. « Transparence », maître mot d’une époque qui justifie et érige pourtant la corruption sous toutes ses formes en modèle de réussite sociale.

Dernièrement, le « Monsieur retraite » – Jean-Paul Delavoye – a oublié de déclarer une quinzaine de mandats dont certains juteux, et quelques dépenses faramineuses. Lors de son départ forcé, il est néanmoins salué par la ministre de la santé comme un « grand serviteur de l’Etat » et remplacé par un obscur député, ancien responsable des ressources humaines du groupe Auchan, qui avait viré une employée pour une erreur de caisse de 80 centimes d’euros… Quel monde !

Face à de telles violences sociales, quotidiennes et clandestines, il n’est pas abusif de dénoncer un alignement généralisé qui s’apparence à une nouvelle forme de fascisme. Les trois piliers de ce fascisme contemporain : des robots, des vigiles et la laideur en prime. Uniformes en plastique, matériaux de pacotilles et sous-cultures de masse assiègent ce qui reste d’intelligence collective. Depuis le 5 décembre dernier, le recul des ventes de livres dans les librairies indépendantes(4) se chiffre à – 5,6%, tandis que l’achat de consoles et jeux vidéo a encore atteint des records himalayens.

Dans cette ambiance très « fin du monde », que faire ?

Le mot est faible, tant l’implosion du sens est généralisée, sidérale, fractale… Reconstituer des réseaux clandestins, ceux de l’intelligence et de l’amitié comme autant de CNR (Conseil National de la Résistance) pour continuer à cultiver les « passions joyeuses » – disait Spinoza – contre les « passions tristes », à entretenir la joie du savoir et de la connaissance contre l’ignorance qui finit toujours par devenir meurtrière. Mais, comme l’explique Alain Supiot(5), ce n’est pas en restaurant le programme du CNR comme un monument historique que l’on trouvera une issue à notre déglingue sociale, environnementale et culturelle. C’est en repensant son architecture à la lumière du système des objets, de leurs productions et consommations, ainsi qu’au statut accordé au travail. Vaste chantier !

Bonne lecture, en vous souhaitant les meilleures choses pour les temps qui viennent. Nous en aurons besoin ! A la semaine prochaine, ou plutôt à l’année prochaine.

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Notes:

(1) Mad Max est un film australien d’anticipation  réalisé par George Miller, sorti en 1979. La structure narrative est fondée sur le style western, Mad Max se déroulant dans une société violente où la criminalité est en forte augmentation et où le chaos se répand. Mad Max est le premier film d’une série qui se poursuit par Mad Max 2 : Le Défi en 1981 ; Mad Max : Au-delà du dôme du tonnerre en 1985 et enfin Mad Max: Fury Road en 2015.

(2) Serge Halimi : « De Santiago à Paris, les peuples dans la rue ». Le Monde diplomatique – Numéro 790, janvier 2020.

(3) Starbucks Corporation est une chaîne de cafés américaine fondée en 1971. En partie en franchise, il s’agit de la plus grande chaîne de ce genre dans le monde, avec 31 256 établissements implantés dans 78 pays, dont 12 000 aux États-Unis. 

(4) Le Figaro, 27 décembre 2019.

(5) Alain Supiot : Le travail n’est pas une marchandise – Contenu et sens du travail au XXIème siècle. Editions du Collège de France, 2019.

El marxismo cultural como mutación ideológica

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El marxismo cultural como mutación ideológica

Carlos X. Blanco

Ex: https://decadenciadeeuropa.blogspot.com

En la historia de las religiones se suele considerar que una mutación drástica en el cuerpo de los dogmas da pie a un cisma, una herejía o, sencillamente, a una religión nueva. Los criterios para considerar el grado de ruptura, parcial o radical, con el sistema de creencias precedentes, suelen agruparse en dos grandes grupos: internos y externos. Dentro de los criterios internos, hay mucho campo para la discusión teológico-dogmática. Allí, seguidores de lo viejo y de lo nuevo se enzarzan en agrias peleas en torno al verdadero contenido revelado y doctrinal. Dentro de esta discusión interna, no es posible ser neutral. Todos creen, pero creen de diversa manera. Todos comparten una raíz de creencia o un humus de devoción, pero están dispuestos a morir o dejarse matar por aquello en que difieren. Hay tramos y porciones de racionalidad, pero hay siempre un intangible núcleo duro de fe. Así se escribe la historia de los Concilios, y la historia de muchas herejías, herejías que siempre lo son con respecto a ortodoxias triunfantes. Nunca muere una religión del todo, pero todas mutan y se ramifican por más que sean celosos los correspondientes guardianes de la ortodoxia.

Sabido esto, otro tanto se diga de las ideologías. Las ideologías se comportan de muy parecido modo que las religiones. Como ellas, poseen núcleos duros de dogmatismo e irracionalidad, acaso núcleos inexpugnables e imposibles de purgar en el alma humana. Como las creencias trascendentes, las creencias mundanas de signo político, pues eso es ideología, poseen sus núcleos y sus cinturones opinables, sus iglesias y sus aparatos de propaganda, inmunización, represión y mutación. Las ideologías también mutan, y llegan a volverse adversas al cuerpo dogmático de procedencia. Y al igual que sucede con las religiones, las ideologías poseen segmentos de discusión racional que llegan a envolver a su núcleo fundacional, haciendo así que la verdad que acaso pudieran contener, fruto de una discusión e investigación libres, llegue a envenenarse al contagio con el núcleo al que sirven, y al que ellas envuelven.

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Lo arriba expresado, puede aplicarse estrictamente al marxismo como ideología. Muchos han sido los autores que han comparado el marxismo con una religión. Lo han hecho de forma simplista unos, de manera sistemática y certera otros. Acaso sean los propios marxistas quienes mejor conocen los fosos dogmáticos e irracionales de su doctrina, y sean los más exactos en su lenguaje cuando describen "herejías" revisionistas en su propia doctrina, tribunales "inquisitoriales" en el Partido, y "culto a la Personalidad" en el Amado Líder. El marxismo visto como cuasi religión por sus propios correligionarios, posee una rica historia, precisamente en el decurso de las polémicas entre comunistas, en sus sucesivas Internacionales, en sus desviaciones y escisiones. Esto, en el plano interno. Pero el marxismo como ideología también presenta, desde el punto de vista externo (esto es, ante el analista que no es partícipe de su sistema de creencias) una analogía muy notable con las mutaciones de pensamiento religioso. Así como la mutación de ciertos dogmas judeocristianos dio luz al Islam, y la mutación del catolicismo dio pie al protestantismo y de aquí brotaría, a su vez, el subjetivismo ético, podría emplearse parecido esquema con respecto al marxismo como ideología político-social y económica: su mutación en "marxismo cultural" define los tiempos aciagos que nos tocan.  Describir esa mutación sería tarea digna de un estudio mucho más extenso y hondo que el que ahora podemos ofrecer aquí. Pero vamos a señalar algunas hebras y fragmentos.

La mutación del marxismo stricto sensu, con todas sus variantes, en un marxismo cultural, nunca va a ser reconocida internamente por los propios marxistas, ni por las demás ideologías de izquierda en general. En apariencia, habrá un núcleo duro en el marxismo cultural que los viejos marxistas y marxistas stricto sensu nunca aceptarán. Me refiero a la defensa, conservación y potenciación de un sistema económico capitalista de mercado, ampliamente globalizado, dominado por grandes trasnacionales que, parafraseando a Marx, "no tienen patria". En teoría el marxismo stricto sensu es contrario a esta situación del mundo. Para esta ideología, el capitalismo es la raíz de todos los males, y el hecho de que se degraden los cimientos básicos de la Civilización, como la Familia, la Comunidad, el buen gusto o el sentido de la decencia, sería atribuible exclusivamente al poder del Capital. En efecto, Karl Marx describe la lógica del Capital como una maquinaria implacable, deshumanizada, una apisonadora y trituradora que anulará al individuo. La filosofía de Marx, y su crítica de la Economía Política supone un análisis muy fino, insuperado en su época, de los horrores del capitalismo y de su tendencia inmanente. Pero de una filosofía y de una crítica económico-política pronto hubo de surgir una ideología: el Comunismo como proyecto totalitario estatalista.

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Esta tesis es importante, y llevo años explicándosela a mis alumnos. Las ideologías han podido nacer en el seno de sistemas filosóficos, gestarse en el corazón del corpus producido por grandes pensadores, pero llegan a ser construcciones dogmáticas y anti-filosóficas. Así, por vía de ejemplo: la matriz del liberalismo está en Locke, en su filosofía. La matriz del marxismo, ya sea el socialdemócrata o el leninista, está en Marx. Pero las ideologías no son, en modo alguno, filosofías. Toda ideología es una vulgarización y fosilización de ideas filosóficas, de fragmentos de discurso y crítica que, en su momento y en manos de su creador, pudieron ser racionales, saludables, críticos y vigorizantes, pero que en manos de los epígonos, de los sectarios, de los militantes, acaban siendo rosarios de dogmas, muchas veces inconexos entre sí, y desde luego desconectados de la realidad. Las ideas de Marx, vigorosas en el momento en que surgieron de su cabeza y de su pluma, incomprendidas por el movimiento obrero de aquel momento, no son co-extensivas con la ideología de los marxistas. De la misma manera, los escritos del filósofo liberal por excelencia, John Locke, no son los sofismas ideológicos de los neoliberales.

La Filosofía es el trabajo con las ideas, y a la vez es la crítica constante e implacable de las ideologías. Una idea brota de un suelo real de categorías técnicas, económicas, sociales, culturales. Una idea es una construcción social que trasciende la praxis concreta del hombre pero que surge de ella, la expresa y la trasciende. Una idea es una organización de la realidad. En cambio, la ideología es la elaboración desvirtuada, una esclerosis y fosilización vulgarizada de las ideas.

Distingamos al filósofo del ideólogo. Si el pensamiento neoliberal extremista es un no-pensamiento, que hace del mundo un gigantesco mercado, y del hombre y la naturaleza una simple y llana mercancía, y si el Estado –dimisionario- se pliega más y más a los intereses del Gran Capital-, nuestro John Locke no es el culpable. El filósofo inglés contribuyó a organizar ideas de aquel momento suyo en que se desplegaba la mentalidad burguesa capitalista. Y si el llamado socialismo real fue más bien gulag, el terror, la escasez, la represión, Marx no es el culpable. Marx fue el filósofo revolucionario que fraguó sus ideas para interpretar su realidad en otro momento ulterior a Locke, cuando las relaciones sociales habían pasado a otra fase de explotación intensa del hombre sobre el hombre. Las ideas organizan las categorías sociales y productivas, las expresan y critican. En las ideologías, en cambio, hay siempre elementos dogmáticos, promesas salvíficas, una teología de la Historia que nos marca, de manera irrefutable, no científica, hacia dónde ir.

Es por esto que el llamado marxismo cultural es, en el siglo XXI, la Ideología con mayúsculas, la Ideología por excelencia, reuniendo todos los requisitos señalados arriba. Se trata de una ideología dogmática, como todas, que no es –directamente- fruto de ninguna Filosofía previa (y por tanto no posee un padre fundador concreto). El llamado marxismo cultural es el resultado de una mutación del marxismo ideológico, una aberración dentro del mismo. En modo alguno es una Filosofía, ni siquiera una desviación de ideas filosóficas de algún tipo.

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El marxismo ideológico había degenerado de manera notable en el primer tercio del siglo XX. En las universidades occidentales, tanto como en los movimientos obreros, se había llegado a una situación de estancamiento y polaridad. Por un lado, se vivía el factum de la Unión Soviética, la existencia densa y sólida de la Dictadura del Proletariado, un Estado socialista "realmente existente" que a los ojos de muchos, incluyendo parte de la izquierda occidental más culta y humanista, empezaba a parecer como un verdadero horror. El comunismo mostró sus garras. Una cosa era emprender la crítica del capitalismo, tratar de reformarlo o superarlo, pero conservando los valores fundamentales de la Civilización y otra, muy distinta, era apoyar un régimen totalitario, un Estado policial y terrorista que iba a contradecir todo el derecho natural y la tradición humanista de Europa y, en general, Occidente. Los marxistas apoyaron mayoritariamente ese modelo de Estado policial, colectivista y totalitario al que José Stalin le puso su horrendo sello personal. Ese fue un polo, mientras que el otro, más informado y avisado, optó por elaborar un marxismo no soviético, más crítico y "creativo". Al no depender de la tutela de Moscú, este marxismo occidental pudo liberarse de ciertos dogmas, por ejemplo el economicismo. Así, en las universidades europeo-occidentales y americanas se puso un mayor acento en las "superestructuras", esto es, en el análisis de los factores ideológicos que hacen que el capitalismo pueda crear consenso entre la población, no ya sólo entre las clases beneficiadas por el sistema de dominación, sino incluso entre las que cuentan como clases explotadas.

Así fue como gran parte del marxismo occidental dejó los análisis económico-políticos en un lugar apartado, a modo de preámbulo o presupuesto, para desarrollar en su lugar una "transformación" autónoma de las relaciones sociales e ideológicas capitalistas, al margen o a la espera de una transformación económica efectiva. De esta manera algunos autores marxistas llegaron a convertirse en autoridades "de cabecera" en la izquierda occidental. De la Filosofía de Karl Marx se procedió a una purga y elección de contenidos, obviando aquellos que implicaban la acción violenta para asaltar el poder, la acción de masas cada vez más numerosas y pauperizadas y la tesis del determinismo económico. Los marxistas occidentales obviaron, evidentemente, aquello que había que obviar para que la propia realidad no se les viniera encima, aplastándoles las narices, pues eran profecías incumplidas y hechos contrarios a la realidad. Especialmente en la Europa occidental de la Guerra Fría, dos fueron las influencias seleccionadas para producir un marxismo ideológico que reuniera esos dos requisitos de no identificarse con la U.R.S.S. ni con la revolución, y no esperar a que la base o infraestructura económica se transformara para implantar el socialismo. La primera influencia fue la de Antonio Gramsci, y la segunda la de la Escuela de Frankfurt.

De Antonio Gramsci se toma la idea de hegemonía. El filósofo italiano analizó la "totalidad social", esto es, la sociedad capitalista en la cual el Estado no era, simplemente, una suerte de "comité de empleados al servicio del Capital", sino un organismo mucho más complejo que hace que el Capital garantice el consentimiento y la aceptación del pueblo, siendo el Estado, antes que otra cosa, un agente cultural y educativo, un adoctrinador. Si las fuerzas pro-capitalistas, liberales o conservadoras, habían logrado tanto consentimiento en la sociedad esto era, a los ojos de Gramsci, debido a la cooptación de intelectuales "orgánicos", pedagogos, artistas, escritores, así como gracias al control casi absoluto de la prensa, la escuela, la universidad, el ocio y el espectáculo. De cara a la ingeniería social, que es en el fondo lo mismo que el marxismo cultural, ese control es superestructural y garantiza la continuidad "básica" del sistema capitalista.

Gran parte de la izquierda occidental posterior a la Guerra Fría se volvió interesadamente gramsciana, esto es, "idealista". El control de las ideas, la transformación del hombre para una mejor y mayor explotación capitalista del mundo, que habrá de incluir la mercantilización del ser humano a través de varias fases -su barbarización, su animalización, su cosificación- se hizo más y más necesario para la extensión del programa capitalista de dominación mundial. Hubo un momento, en el siglo XX, en que se descubrió que una interpretación "idealista" del marxismo y una colaboración ideológica del sistema con los intelectuales del izquierdismo era lo más efectivo para proceder a un saqueo sin restricciones de la naturaleza y del ser humano, transformando en mercancía todo cuanto era posible imaginar. El capitalismo descubrió que era conveniente disponer de "superestructuras" izquierdistas.

La otra fuente del marxismo cultural es, por supuesto, la Escuela de Frankfurt. Una corriente mutante del marxismo que se volvió explícita en cuanto a intenciones de obtener un "hombre nuevo", especialmente en la versión del ideólogo Herbert Marcuse quien, haciendo mixtura entre el freudismo y el marxismo, profetizó un estado animalesco de la humanidad futura en el cual el trabajo (y todo cuanto para éste autor implicaba de represión, esfuerzo, abnegación, disciplina) quedaría superado a favor del "juego". Una infancia y adolescencia permanentes en un ser humano irresponsable, dedicado permanentemente al disfrute libidinoso. Los límites entre el juego, el trabajo y el sexo se difuminan en esta teoría, con lo cual la cultura humana se vuelve absolutamente viscosa, sin formas. Esa vida convertida en una fiesta adolescente perpetua es la promesa buscada y promovida desde todos los laboratorios de ingeniería social a partir de Marcuse y su mayo del 68. En las degradadas universidades y escuelas de Occidente, semejante alternativa venció sobre el sueño del "Paraíso Socialista" que, a fin de cuentas todavía contemplaba referencias al valor del trabajo y el sacrificio, defensa de la patria y exaltación de la familia. Por el contrario, la Escuela de Frankfurt y el freudo-marxismo de Marcuse pueden considerar que tales instancias fundamentales de la Civilización son "represivas". Así, para millones de jóvenes europeos y americanos a partir de los años 60 del siglo pasado, la lucha "contra el sistema" devino en una abstracta y ciega lucha contra la Represión, y no en una lucha contra las "insufribles" condiciones económicas que hacían que esos jóvenes estuvieran bien alimentados, matriculados en la universidad y guarecidos por los ingresos de sus padres hasta bien entrada la treintena.

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Lo significativo, para nuestro análisis, no es el por qué esos millones de jóvenes semicultos se acogieron a una ideología que, a fin de cuentas, les liberaba de cargas, obligaciones, una visión de la vida cómoda, "des-represiva" que consagraba la existencia del adolescente haciéndola ideal, perpetua y superior, garantizando su vigencia hasta la vejez en una utópica Sociedad del Bienestar ilimitada, "idealista", infantilmente alzada sobre las nubes como los castillos de los sueños y de los cuentos... Lo importante es otra cosa: el marxismo cultural como mutación ideológica, como anti-filosofía, que implica todo ello está llegando a ser el mecanismo de control de pensamiento de masas más eficaz y omnímodo de la historia pues él mismo provoca el consenso universal buscado. Perpetúa las relaciones de explotación entre países y entre clases sociales, siendo ciegos ante ellas, con la ventaja de que apenas quedan "marxistas auténticos" para analizarlas y denunciarlas. La esclavitud de millones de seres en nuestro planeta queda oculta, en cambio, bajo las demandas de feministas de clase media y media-alta con diplomas universitarios y vida "liberada" que piden cuotas de igualdad. La trata de niños o el comercio de armas en el globo, se oscurecen ante las manifestaciones a favor de la aberración sexual por parte de activistas millonarios o la declaración de los derechos humanos de los simios. La degradación de las condiciones laborales de las personas no tiene el mismo "sex-appeal" en el mercado de las ideologías y de la propaganda que los llamados "derechos de bragueta". Y suma y sigue. El marxismo cultural es la mayor mutación ideológica y la mayor nube negra y tóxica sobre las conciencias del hombre y la mayor trampa de la historia. Posiblemente, la mayor apuesta del capitalismo globalizado tendente a troquelar no ya sólo la sociedad, plegada a sus dictados, sino a troquelar y transmutar la propia naturaleza del hombre.

Publicado originalmente en "Naves en Llamas" (2018; nº 2,pps. 23-32)

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Le (tout) grand remplacement, ou l’Age de Fer

Mise en garde: sous ses airs rationnels, ce texte n’est qu’une digression de romancier sur un processus de décomposition-recomposition bien plus vaste qu’un «conflit de civilisations». Où l’on se demande si le remplacement des peuples n’est pas qu’un sous-produit du remplacement de l’homme en soi…

«Répétez!», ou l’inversion homme-machine

Les entrepôts de la grande distribution sont énormes, mais l’espace y est optimisé au millimètre. A chaque nouvel arrivage, la machine affecte un emplacement libre défini par des coordonnées numériques. L’itinéraire des préparateurs dans ce dédale est optimisé lui aussi. Chaque pas compte. Les déplacements inutiles ou trop lents font l’objet d’avertissements.

Le journaliste «infiltré» chez Amazon en 2012, Jean-Baptiste Malet, a donné une description poignante de ce labeur qui éreinte et qui vous vide de l’intérieur. Cela rappelle furieusement Une journée d’Ivan Denissovitch, de Soljénitsyne, sauf que les forçats sont en théorie libres et que les miradors sont devenus virtuels. L’homme et la machine ont inversé les rôles: à elle la tête, à lui les muscles.

L’intégration biomécanique s’est rapidement étendue, mais non sans bugs. Le cariste reçoit l’ordre d’aller chercher tel objet à tel endroit et, comme dans l’US Navy, il doit répéter l’instruction pour prouver qu’il a compris. Mais le logiciel de reconnaissance vocale est encore dur d’oreille. «Répétez!» ordonne la machine. Il répète. «Répétez!» Il répète. «Répétez!» Il répète et répète jusqu’à ce que l’ordinateur comprenne. Il n’a pas le choix. (Nouvelle Revue du Travail, 1/2012) Cette voix synthétique est son seul interlocuteur. Le cariste avouera que rien ne le démoralise plus que cette spirale absurde de la répétition. Son travail est un cauchemar éveillé.

Chez Lidl, selon une enquête de Cash Investigation, «la voix synthétique égrène presque sans fin les ordres à exécuter sans la moindre perte de temps. Le salarié navigue ainsi entre les racks de l’entrepôt sept heures par jour. Et ce n’est pas tout. Le préparateur ne peut prononcer que 47 mots, ceux du langage homme-machine parlé dans les entrepôts de Lidl. Et pas un de plus!». Pour aider la machine à apprendre et à se complexifier, l’homme doit désapprendre et se simplifier. Il prépare ainsi, et il le sait, son propre remplacement. Comme les caissières, dans les supermarchés, qui expliquent aux clients comment employer les caisses automatisées qui leur voleront leur travail.

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Et quoi, nous dira-t-on? On les recasera ailleurs. Si cet ailleurs, d’ici là, n’est pas déjà occupé par d’autres machines… Dans certains secteurs, le remplacement est déjà effectif, en particulier les métiers dangereux. Aux robots démineurs succèdent les chiens d’intervention mécaniques actuellement testés par la police du Massachusetts. Avec leur allure de dobermans squelettiques, ils ressemblent encore, malgré tout, à de vrais cerbères. En matière de robotique, on pratique encore l’anthropomorphisme pour rassurer les masses. Et cela marche: le robot Pepper reproduit suffisamment de bonhomie et d’émotions pour être un compagnon convaincant et l’hologramme Azuma Hikari propose une épouse virtuelle bien moins contrariante qu’une femme de chair et d’os, par ailleurs souvent introuvable. Un baume pour le Japon, empire de la plus haute technologie et de la plus profonde solitude.

Mais ceci n’est que la façade familière d’un univers ésotérique qui s’éloigne rapidement des représentations connues. Visionnaire, Michael Crichton avait décrit dès 2002 dans La Proie les nanorobots en essaims. Une technologie qui peut soit «remplacer» les abeilles par des nanodrones pollinisateurs, soit constituer une arme inarrêtable, comme dans cette vidéo virale de 2017, Slaughterbots qu’il faut visionner jusqu’au bout pour se rendre compte qu’il ne s’agit (pour l’instant!) que d’un avertissement.

Lors de sa toute dernière intervention libre, en 2018, Julian Assange a parlé d’une «vile poussière intelligente» qui s’infiltrerait partout dans nos vies. Décrivant l’ampleur des collectes de données dont nous sommes tous l’objet, il a également prophétisé la transmutation du système économique consistant à «prendre le modèle du capitalisme de surveillance et le transformer en un modèle qui n’a pas encore de nom, un “modèle d’IA”. L’idée est d’utiliser ce vaste réservoir [de données] pour former des intelligences artificielles de toutes sortes. Cela permettrait de remplacer non seulement les secteurs intermédiaires… mais aussi le secteur des transports, ou l’on créerait de tout nouveaux secteurs.»

Sauf une chose: la technologie elle-même. Les technologies, c’est une vieille scie, échappent à leurs maîtres. En 2017, Facebook a dû tirer la prise de son système d’intelligence artificielle après que des «agents conversationnels» eurent créé leur propre langage inaccessible aux humains. Une prochaine génération de démons(1) informatiques finira bien par apprendre comment empêcher les humains d’accéder à la prise ou à l’interrupteur général.

Lorsqu’elle écrivait son mythique conte de science-fiction, Mary Shelley se doutait-elle qu’elle élaborait, avec Frankenstein, non une fantaisie gothique mais une feuille de route industrielle? Car il apparaît que la réalité de ces deux derniers siècles n’a d’autre souci que de concrétiser les visions des antiutopistes. Faut-il rappeler que le terme de robot vient d’un mot tchèque signifiant la corvée et qu’il apparut pour la première fois dans une pièce de Karel Čapek, R.U.R.?(2) Et que la révolte des machines est inscrite dans le scénario depuis le premier lever de rideau? De Čapek à Philip K. Dick, en passant par 2001 l’Odyssée de l’espace, l’hypothèse d’un développement maîtrisé de l’intelligence artificielle, voire d’une cohabitation équitable, ne fait pas partie des options crédibles. N’incriminons pas les machines (ce serait contribuer à leur humanisation): elles ne font que répercuter dans leurs algorithmes la folie des grandeurs des ingénieurs, qui malgré leurs digressions éthiques n’ont jamais su poser de limites à leur expérimentation. L’hybris de l’homme finit par contaminer jusqu’à la matière inerte. A l’origine, l’automate n’est qu’une pâte informe. Il ne fait que démultiplier l’étincelle que lui a insufflée son créateur.

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Au rebut, l’espèce défectueuse!

L’époque des grandes découvertes et des grandes inventions est révolue. Elle fait place à l’ère technologique, c’est-à-dire aux travaux pratiques. Jusqu’au XIXe siècle, le défi aura été de remplir les dernières zones blanches de la mappemonde — et les Européens s’y sont employés avec un zèle sacrificiel. Au XXe, sitôt la terre circonvenue, nous avons commencé de lorgner vers la nébuleuse d’Andromède. Entre le premier homme dans l’espace et le premier pas sur la Lune, il ne s’est écoulé que huit ans. Mars était déjà là, à portée de main… puis, soudain, tout s’est arrêté! Pour l’essentiel, la conquête de l’espace se résume désormais à encombrer les orbites basses avec un appareillage d’observation, de géolocalisation ou de télécommunication orienté vers… la Terre. L’énergie d’expansion humaine s’est inversée, elle est devenue nombriliste. Elle s’est tournée vers un arraisonnement(3) de plus en plus intense du matériau disponible (humain compris) sur la planète mère.

Au XXe, on a percé les secrets de la matière pour immédiatement les astreindre au service militaire, puis au servage industriel, celui-ci découlant de celui-là. La Science désintéressée est bien morte(4), étouffée par la contrainte de l’exploitabilité immédiate. Dans ce bac à sable, les techno-savants infantilisés s’en donnent à cœur joie, le nez collé au guidon d’une compétition démentielle. Oubliés, les idéaux de perfectionnement de l’humanité qui ont animé la recherche depuis la Renaissance, sauf d’une manière pervertie dans la rêverie fascisto-frankensteinienne du transhumanisme façon Silicon Valley.

Aussi la tribu des technologues s’emploie à démontrer les limites de l’humain «naturel», son caractère désespérément défectueux. Arriéré, coupable de tout y compris du réchauffement planétaire, l’homme n’est plus que l’espèce de trop, tout juste bonne à être confinée, décimée ou supprimée. A chaque nouveau pas vers notre remplaçabilité, les avant-gardes scientistes dansent et jubilent(5). Le champion du monde de go jette l’éponge devant les machines? Merveilleux! Les émotions les plus nobles sont réductibles à des éruptions hormonales? Extraordinaire: on peut donc les reproduire! Au bout du chemin rêvé: l’hybridation homme-machine, réservée aux avant-gardes. Mais pourquoi l’intelligence artificielle, devenue autonome, leur accorderait-elle cette faveur?

L’Age de Fer

Sans aucun égard aux gesticulations des mouvements dits «verts», le bétonnage de la planète va bon train. Ces prochaines années, selon les données fournies par l’Association internationale des tunnels et de l’espace souterrain, 1000 tunnels devraient être construits de par le monde pour un investissement total de 680 milliards d’euros. Mille tunnels! Alors que nous nous plaignons d’en avoir déjà trop! Et pourquoi? «Leur objectif vise à faciliter les échanges commerciaux et les déplacements voire à acheminer de l’eau vers des contrées désertiques.»(6). C’est le voire qu’on apprécie dans cette phrase. Et l’on imagine la destination de ces contrées désertiques éventuellement reverdies: agriculture intensive ou infrastructures pour de nouvelles villes. Et pour alimenter cette explosion de voies de communication, et donc de déplacements, où puisera-t-on l’énergie? Tiens, par exemple au large de la Norvège, où l’on vient de découvrir encore un gisement de pétrole «mammouth». Devant des «avancées» aussi gigantesques, la conscience écolovertueuse des jeunes Scandinaves à couettes se tait.

A partir d’un certain degré d’amplitude, la dévastation environnementale devient simplement invisible. Le va-et-vient incessant des pétroliers et porte-conteneurs qui polluent, chacun, comme des millions de voitures? Inattaquable: c’est un pilier de la mondialisation, qui permet à la Chine d’organiser le «Black Friday» toute l’année dans votre boîte aux lettres. La lutte contre l’hyperconsommation restera, il faut bien l’admettre, un sport de riches! Poutine oppose à l’écologisme bobo des Occidentaux l’argument imparable: «Vous qui avez colonisé la planète entière, qui êtes-vous pour interdire aux peuples en développement d’accéder au niveau de vie que vous vous êtes bâti sur leur dos?»

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Bref: à l’heure actuelle, et à un horizon visible, rien ne semble freiner la transformation de l’habitat humain en base lunaire climatisée, et ses habitants en humanoïdes truffés de capteurs et surveillés 24 heures sur 24. Ni les clameurs hystériques des activistes verts, ni la sinistrose des collapsologues, ni l’optimisme des ingénieurs qui nous proposent le développement comme seule solution viable au développement. Aucune force crédible, où que ce soit, ne prêche un aménagement de la planète réaliste et concerté. Pour la société technologique, la nature n’est qu’une tribu d’Indiens. Si elle doit survivre, ce sera dans des réserves.

Mais l’on peut aussi envisager ce processus sous un tout autre angle, réservé aux hallucinés de la science-fiction — qui, on l’a vu, ont le malheur parfois de tomber juste. Et si notre dénaturation de notre environnement n’était pas un saccage mais au contraire une gestation? Si, en sciant notre branche, nous étions en train de bâtir le nid de nos successeurs? Un nid douillet, fait de béton armé, de voies de communication, de relais et de câblages, pour une espèce mécanique qui n’aurait besoin, pour se reproduire et se réparer, ni d’eau, ni d’air, ni de verdure, mais uniquement d’énergie et d’une température modérée. Ainsi que, dans sa phase incubatoire, d’une espèce hôte, suffisamment inconsciente pour lui servir de sage-femme?

Car qui peut se passer de l’écosystème terrestre, hormis quelques organismes primaires? Les machines. A la différence du pétrole, les énergies dites «renouvelables» — eau, vent, lumière — ne nécessitent pas elles non plus de vie organique. Un jour, les derniers humanoïdes planqués dans les cavernes penseront peut-être à cette notion de «renouvelable» avec une sinistre ironie. Elle signifiera le règne éternel du grouillement cybermécanique.

En d’autres termes, se pourrait-il que la relation de paternité entre nous et l’intelligence artificielle soit en réalité un peu biaisée, sinon inversée? Et si la «vie» ne se limitait pas au monde organique? Si une «forme d’activité autoreproductrice» avait choisi notre planète et notre vaniteuse espèce comme pépinière pour une de ses colonies? Si nous étions, justement maintenant, en train de langer et d’allaiter des bébés monstres qui se débarrasseront de nous une fois notre mission accomplie, comme la pauvre fourmi zombifiée par son champignon parasite? Déjà, avec la propagation de la pensée binaire(7), nous intégrons leur langage aussi vite qu’elles intègrent le nôtre.

Cette vision évidemment arbitraire et paranoïaque aurait au moins l’avantage d’expliquer le comportement somnambule des élites économiques, qui traitent cette planète comme si elles disposaient d’un environnement de rechange. Il n’y a pas de rechange, pas d’autre planète en vue, juste le comportement suicidaire d’une espèce parasitée. «Il y a quelqu’un dans ma tête, mais ce n’est pas moi», annonçaient les Pink Floyd en 1973 déjà, dans cet album mystérieux et insondable, The Dark Side of the Moon.

 

NOTES
  1. 1) Les daemons sont ces obscurs microprogrammes qui accomplissent dans votre ordinateur les humbles mais indispensables tâches routinières, exactement comme les diablotins infernaux qui entretiennent la flamme des chaudrons dans les fresques médiévales.

  2. 2) Voir «Robot, dystopie et jardinage» du Cannibale lecteur, Antipresse 177).

  3. 3) Traduction (approximative) du concept de Gestell ou de Heidegger. «Le règne du Gestell est universel et son ambition planétaire, son champ d’expansion dépasse la production d’engins sophistiqués, dépasse aussi la science, va jusqu’à “encercler, la culture, les beaux-arts, la politique, tous nos discours, savants ou triviaux, tous nos rapports aux choses, toutes les interactions humaines”. »

  4. 4) Selon l’épistémologue William Briggs, «la Science et morte et ce qui demeure n’est plus que le pouvoir à l’état brut». «William Briggs: COP21, cent milliards pour un chantier impossible», Antipresse 3 | 20.12.2015.

  5. 5) A ce sujet, la lecture du blog de recherche de l’EPFL est une source d’émerveillement inépuisable.

    1. 6) Cf. Liliane Held-Khawam, Dépossession, éd. Réorganisation du monde.
  6. 7) Roberto Calasso en propose un aperçu vertigineux dans L’innommable actuel, un livre essentiel qui sera bientôt présenté par le Cannibale lecteur.

  • Article de Slobodan Despot paru dans la rubrique «Le Bruit du Temps» de l’Antipresse n° 211 du 15/12/2019.

Remarques sur notre ploutocratie totalitaire

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Remarques sur notre ploutocratie totalitaire


« Non, il n’est pas le président des riches, mais des ultra-riches ». Un ancien président sur son successeur


Par Nicolas Bonnal

Source nicolasbonnal.wordpress.com

La France de base crève de faim pendant que Bernard A. pérore sur le génie de son prince-président (Branco parle très bien de leur symbiose) et déverse les milliards de ses fondations pour retaper en plastique fluo la flèche de Notre-Dame. Il est plus riche que dix millions de Français. Alors il peut leur faire la morale : ne sommes-nous pas dirigés par des ploutocrates humanitaires, par des bolcheviques milliardaires ? Relisez ce qu’écrit Trotski de son collègue l’assassin bolchevique Parvus : il veut devenir riche.

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Parvus entre Trotski et Lénine

Eh bien c’est fait. Notre situation c’est celle de la Russie sous Eltsine. Dix riches sont plus riches que dix millions ou trois milliards de zombies-système, et cela grâce aux banquiers centraux qui n’ont plus qu’à financer la milice, pardon la police.

Je cite Trotski :

Néanmoins, il y eut toujours en Parvus quelque chose d’extravagant et de peu sûr. Entre autres étrangetés, ce révolutionnaire était possédé par une idée tout à fait inattendue : celle de s’enrichir. Et, en ces années-là, il rattachait même ce rêve à ce qu’il concevait de la révolution sociale.

Et au cas où on ne comprendrait pas :

Ainsi s’enchevêtraient, dans cette lourde tête charnue de bouledogue, les idées de révolution sociale et les idées de richesse…

Debord disait que dans notre société les agents secrets finiraient terroristes. On ne le sait que trop.  Et les communistes ont fini milliardaires.

La société actuelle (France, Amérique, Allemagne, etc.)  est une dystopie folle, un dystopie de bande dessinée, installée depuis mettons 2007-2009. Jusque-là nous naviguions en mer connue avec des hauts et des bas, des avantages et des inconvénients, une autorité et une résistance. Depuis c’est Moebius – pas le ruban, la BD. On est en 2019 et la vision de Blade runner a gagné, moins la conquête spatiale (on se contente de la conquête mentale en abrutissant avec les vieilles armes de la radio-télé). C’est Tyrrell au sommet de sa pyramide et le populo métissé dans son climat déglingué en bas Nous sommes tombés dans l’horreur économique prophétisée par Rimbaud dans ses Illuminations (voyez mon texte sur Rimbaud et la mondialisation). Quelques milliers de personnes sont plus riches que huit milliards et les huit milliards n’ont qu’à consommer maigrichon et se ranger en bon ordre, sous la baguette féministe/tribale/écologiste et autre.

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Jack London

La tyrannie LGTBQ convient parfaitement à l’ordre milliardaire, un ordre milliardaire bâti à la fortune du pot par nos banquiers centraux frais émoulus de Goldman Sachs et consorts (quand ils n’en viennent pas, ils y retournent). C’est depuis le martyre des peuples qui se met en place sous la férule de féroces bureaucrates larbins et de milliardaires humanitaires. Un autre visionnaire avait décrit cette dystopie juste après Rimbaud, Jack London. Je cite à nouveau l’auteur de Croc blanc, qui dénonce cette conspiration milliardaire dont le but est de bien faire :

Le ciel et l’enfer peuvent entrer comme facteurs premiers dans le zèle religieux d’un fanatique ; mais, pour la grande majorité, ils sont accessoires par rapport au bien et au mal. L’amour du bien, le désir du bien, le mécontentement de ce qui n’est pas tout à fait bien, en un mot, la bonne conduite, voilà le facteur primordial de la religion. Et l’on peut en dire autant de l’Oligarchie. L’emprisonnement, le bannissement, la dégradation d’une part, de l’autre, les honneurs, les palais, les cités de merveille, ce sont là des contingences. La grande force motrice des oligarques est leur conviction de bien faire. Ne nous arrêtons pas aux exceptions : ne tenons pas compte de l’oppression et de l’injustice au milieu desquelles le Talon de Fer a pris naissance. Tout cela est connu, admis, entendu. Le point en question est que la force de l’Oligarchie gît actuellement dans sa conception satisfaite de sa propre rectitude.

Et comme je citais Rimbaud, voici une de ses illuminations transcendantes :

SOIR HISTORIQUE

En quelque soir, par exemple, que se trouve le touriste naïf, retiré de nos horreurs économiques, la main d’un maître anime le clavecin des prés; on joue aux cartes au fond de l’étang, miroir évocateur des reines et des mignonnes; on a les saintes, les voiles, et les fils d’harmonie, et les chromatismes légendaires, sur le couchant.

À sa vision esclave, l’Allemagne s’échafaude vers des lunes; les déserts tartares s’éclairent ; les révoltes anciennes grouillent dans le centre du Céleste Empire; par les escaliers et les fauteuils de rocs, un petit monde blême et plat, Afrique et Occident, va s’édifier. Puis un ballet de mers et de nuits connues, une chimie sans valeur, et des mélodies impossibles.

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Rimbaud

Si nos milliardaires se contentaient d’une deuxième centaine de milliards pour racheter la Patagonie, la Papouasie ou le Kamchatka… Mais non : ils veulent nous dresser, formater, cloner, remplacer ou nous anéantir, nous les crocs trop blancs, et refaire de la place sur une terre présumée surpeuplée ! Plus ils seront riches, méfiez-vous, plus ils voudront bien faire. Page de droite, le sac Vuitton, page de gauche, la guerre en Libye ou en province ; ils effaceront toute l’Europe pour y créer une réserve d’autruches du Klondike, d’aurochs des Carpates.
Ils sont comme ça.

Chesterton décrit le péril riche vers 1905 au moment où on finance déjà la destruction de la Russie, la mise au pas des Boers et où on prépare la création de la Fed en Amérique. Et cela donne (un nommé jeudi bien sûr, j’ai écrit dessus) :

Les pauvres ont été, parfois, des rebelles ; des anarchistes, jamais. Ils sont plus intéressés que personne à l’existence d’un gouvernement régulier quelconque. Le sort du pauvre se confond avec le sort du pays. Le sort du riche n’y est pas lié. Le riche n’a qu’à monter sur son yacht et à se faire conduire dans la Nouvelle-Guinée. Les pauvres ont protesté parfois, quand on les gouvernait mal. Les riches ont toujours protesté contre le gouvernement, quel qu’il fût. Les aristocrates furent toujours des anarchistes ; les guerres féodales en témoignent.

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G. K. Chesterton

A cette époque les milliardaires US sont déjà tout-puissants et veulent reformater le monde. Cela donnera les guerres mondiales et la Révolution russe. Le bordel ultime, c’est la société ouverte et son Talon de fer, et son anéantissement des peuples, et ses idées chrétiennes bien folles, et sa censure féroce. Soros fut célébré l’an dernier, Greta cette année, notre tête au bout d’une pique sera l’homme de l’année en 2020. Roland Barthes dénonce déjà dans ses Mythologies l’alliance, dans la presse féminine, du capital et des valeurs gnangnan/humanitaires devenues depuis terroristes. L’arme de destruction massive, c’était Marie-Claire.

De cela aussi j’ai déjà parlé. Je vais ajouter une réflexion sur ce socialisme des milliardaires grâce à l’économiste rebelle Charles Hugh Smith qui écrivait dernièrement, écœuré par la montée indécente et ubuesque des indices boursiers : « Un «marché» qui a besoin de 1 000 milliards de dollars en impression panique-argent par la Fed pour conjurer une implosion karmique attendue n’est pas un marché… »

Non, c’est un self-service pour renforcer les rupins humanitaires.

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Charles Hugh Smith

C.H. Smith dénonce donc le « Socialisme de la Réserve fédérale pour les super-riches. » Dans notre dystopie-oxymoron, on a à la fois le triomphe du bolchevisme culturel et des super-riches. La ploutocratie totalitaire et sociétale qui enfonce ce monde en enfer a besoin des banquiers centraux pour imprimer, presser et oppresser des billets et des âmes.

Mais laissons parler le pro américain :

Un «marché» qui a besoin de 1000 milliards de dollars en impression panique-argent par la Fed pour conjurer une implosion karmique attendue n’est pas un marché : un marché légitime permet  la découverte des prix. Qu’est-ce que la découverte de prix ? Les décisions et les actions des acheteurs et des vendeurs fixent le prix de tout : les actifs, les biens, les services, le risque et le prix de l’emprunt, c’est-à-dire les taux d’intérêt et la disponibilité du crédit.

On vit dans un marché virtuel bon pour satisfaire Sylvestre et consorts à la télé en boucle : elle abrutit au-delà du réel, celle-là, fuyez-la, ne vous croyez pas plus fort que la matrice ; ce n’est pas qu’ils trafiquent ce qu’ils vous montrent, c’est que ce qu’ils vous montrent et commentent n’existe même pas. Alors ne discutez pas, et décampez.

Charles Hugh Smith encore, repris par l’inégalable Zerohedge.com :

Les États-Unis n’ont pas de marché légitime depuis 12 ans. Ce que nous appelons « le marché » est une simulation grossière qui obscurcit le socialisme de la Réserve fédérale  pour les super-riches : la grande majorité des actifs générateurs de revenus sont détenus par les super-riches, et donc toute l’impression de la Fed qui a été nécessaire pour gonfler les bulles d’actifs à de nouveaux extrêmes ne sert qu’à enrichir davantage les déjà-super-riches.

La bourse accélère le renchérissement de tout puisqu’elle oblige à baisser l’étau d’intérêt qui tue notre épargne (Lagarde s’en félicite !) et fait exploser l’immobilier et le reste. L’écologie démoniaque et malthusienne fait le reste du boulot : certaines villes finissent sans chauffage en Europe du Nord, la transition énergétique étant la destruction énergétique. De Villiers a bien parlé récemment de la destruction de nos paysages par les monstrueuses et donquichottesques éoliennes. Le Monde a révélé que ce sont les mafias qui les bâtissent.

Smith encore :

Les apologistes affirment que les bulles doivent être gonflées pour « aider » l’Américain moyen, mais cette affirmation est absurdement spécieuse.  La majorité des Américains ne «possèdent» presque aucun des actifs qui génèrent un revenu; au mieux, ils possèdent des véhicules à amortissement rapide, une maison qui ne génère aucun revenu et une police d’assurance-vie qui ne porte ses fruits qu’en cas de décès.

La folie de Powell et consorts est criminelle. Smith ajoute :

L’Américain moyen utilise la maison familiale pour se loger, et donc son prix actuellement gonflé ne fait rien pour améliorer le revenu du ménage: c’est de la richesse en papier, et nous avons déjà vu à quelle vitesse cette richesse en papier peut disparaître lorsque la bulle immobilière n ° 1 a éclaté. (La bulle immobilière n ° 2 glisse actuellement vers le bord de l’abîme.).

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La destruction de la bulle ne serait pas forcément mauvaise. C’est vrai du reste, en temps de crise les pauvres comme moi vivent mieux car les prix baissent ! Smith nous dit :

Si la découverte de prix légitime était autorisée, les bulles d’actifs éclateraient et l’impact réel sur le ménage moyen qui possède des actifs productifs de revenus essentiellement nuls serait minime. Leur maison surévaluée tomberait de moitié, mais comme elle sert toujours d’abri, l’impact économique réel est minime. En ce qui concerne les pertes de la compagnie d’assurance-vie – où est aujourd’hui l’avantage d’un «actif» qui ne paie que lorsque vous décédez ?

Smith ajoute sur ce sain marché :

Si le «marché» est si sain, pourquoi en panique la Fed imprime-t-elle plus de 1 000 milliards de dollars en quelques mois ? Veuillez jeter un coup d’œil aux graphiques ci-dessous: la Fed a imprimé 213 milliards de dollars pour le marché REPO et 336 milliards de dollars pour les achats d’actifs, en un clin d’œil, et la Fed a promis de paniquer encore 200 + milliards de dollars de REPO et 300 autres milliards de dollars d’actifs achats, pour un total de plus de 1 000 milliards de dollars en panique-argent-impression.

Il est possible du reste que l’éclatement de la bulle marché-LGTBQ-humanitaire ne serve qu’à renforcer le pouvoir mondialiste (hypothèse du désespéré Brandon Smith). Dans ce cas-là, il vaudrait mieux ne plus faire de grand pas en avant.

Tant que nous ne les effraierons pas, nous nous ferons tondre. Le devenir de la liberté dans ce monde aura été celui du devenir-mouton.

Mais ne désespérons pas…

Nicolas Bonnal sur Amazon.fr

lundi, 30 décembre 2019

Le royaume déglingué

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Le royaume déglingué

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Les élections législatives anticipées de ce 12 décembre marquent un tournant majeur dans l’histoire du Royaume-Uni. Offrant volontiers aux médiats et à ses détracteurs une image de bouffon provocateur, le Premier ministre Boris Johnson, excellemment conseillé par le redoutable stratège en communication politique, Dominic Cummings, a réussi son pari et bénéficie désormais d’une légitimité incontestable sortie des urnes après avoir conquis à la hussarde le vieux Parti conservateur.

Celui-ci connaît pour la circonstance son plus grand succès depuis 1987. Il s’empare de quarante-huit nouvelles circonscriptions dont de nombreuses issues du « Mur rouge » du Nord de l’Angleterre traditionnellement acquises aux travaillistes. « BoJo » dispose dorénavant d’une écrasante majorité absolue (365 sièges sur 650). Il va pouvoir réaliser le Brexit, mais va-t-il aussi transformer la Grande-Bretagne en une copie occidentalisée d’un Singapour mondialisé ? Pas forcément quand on sait que les nouveaux électeurs « bleus » sont d’anciens travaillistes Brexiters tout autant préoccupés par l’insécurité galopante que par une immigration croissante, y compris venue du Commonwealth.

Ce scrutin fait trois victimes principales sans compter les frondeurs conservateurs anti-Johnson qui subissent de graves revers. En 2017, le Labour du sympathique Jeremy Corbyn dont les idées politiques, sociales et économiques n’ont jamais varié, avait augmenté son audience de trente élus. Cette fois-ci, malgré un programme ouvertement populiste de gauche malheureusement entaché par de néfastes considérations multiculturalistes et sociétalistes, les travaillistes perdent le double dont des bastions historiques jugés imprenables. Cette incontestable défaite attise les règlements de comptes entre l’aile gauche dirigeante et son opposition sociale-libérale d’origine blairiste. Les semaines à venir seront saignantes pour ce parti de gauche qui, à l’instar de ses homologues allemand, français, belge et autrichien, poursuit son inexorable déclin.

Europhiles convaincus et favorables à l’arrêt immédiat du Brexit sans même recourir à un nouveau référendum, les centristes libéraux-démocrates se ramassent une belle déculotté et régressent d’un siège, celui de leur présidente, l’Écossaise Jo Swinson. Soutenus par les milieux d’affaires de la City, les « Lib-Dem » n’ont pas convaincu, ce qui est une bonne nouvelle. L’Ulster connaît à son tour une révolution silencieuse. Force d’appoint indispensable aux précédents gouvernements minoritaires tories, les unionistes du DUP reculent de deux sièges et n’envoient plus que huit élus. On observe pour la première fois que le Sinn Fein, le Parti social-démocrate et travailliste et les centristes du Parti de l’Alliance s’adjugent les dix autres sièges. Ce vote confirme la montée en puissance de la population catholique. L’Irlande du Nord risque de devenir un point d’achoppement sérieux dans les prochaines années, parallèlement au retour de la brûlante question écossaise.

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Avec 48 sièges, le SNP ne renouvelle pas son triomphe de 2015 (56 sièges alors), mais le parti indépendantiste gagne néanmoins treize élus supplémentaires. Force prépondérante au-delà du Mur d’Hadrien, il constitue plus que jamais le troisième groupe parlementaire de Westminster. En Écosse, les tories arrivent en tête dans six circonscriptions, les « Lib-Dem » dans quatre et un seul élu pour le Labour longtemps hégémonique. Le regain de l’indépendantisme écossais qui coïncide avec le maintien de l’autonomisme gallois (le Plaid Cymru conserve ses quatre sièges) répond à la nette anglicisation du Parti conservateur. En phagocytant les formations nationalistes (le Parti du Brexit de Nigel Farage fait 2 %, UKIP 0,1 % et le BNP 0,0 %), les conservateurs portent le mécontentement de l’opinion publique anglaise tandis que les formations régionalistes anglaises telles que le Parti du Yorkshire, les Indépendants d’Ashfield ou le Parti pour les Cornouailles ne récoltent que des miettes inférieures à 0,1 % des suffrages. L’« Angleterre périphérique » rurale et sub-urbaine s’élève contre les différentes dévolutions (autonomies administratives) octroyées à l’Écosse, au Pays de Galles, à l’Irlande du Nord et à Londres. Elle réclame sa propre dévolution régionale et se détourne d’une capitale plus que jamais fief d’un travaillisme cosmopolite et globalitaire. Le Parti conservateur correspond donc de facto à la partie visible d’un puissant mouvement de fond nationaliste anglais pan-britannique.

Boris Johnson se retrouve donc à la tête d’un État en proie à des forces centrifuges réelles et tangibles. Loin d’atténuer les tensions territoriales, le Brexit va les accentuer au moment où le garant séculaire de l’unité, la monarchie, traverse une période difficile. Bon pied bon œil, Sa Gracieuse Majesté va néanmoins sur ses 94 ans. Son fils, le prince de Galles, assure dans les faits la régence alors que la famille royale affronte deux secousses comparables au décès de Lady Di. D’une part, le fils préféré de la souveraine, Andrew, grand pote du financier pédophile Jeffrey Epstein, a montré toute sa désinvolture au cours d’un entretien télévisé sur un sujet sensible pour des Britanniques déjà horrifiés par les scandales parlementaires et l’impunité manifeste du prédateur sexuel Jimmy Savile. D’autre part, le jeune couple princier Meghan et Harry envisagerait de s’installer outre-Atlantique, ce qui constituerait un véritable affront pour la « Firme » de Buckingham Palace.

Pour l’heure, bien que fragmentée, l’unité britannique perdure par déférence envers la reine Elizabeth II. Or sitôt celle-ci disparue, son successeur ne fera pas autant l’unanimité, bien au contraire. Telle une autre Autriche – Hongrie, le Royaume-Uni de Charles, voire de Guillaume, pourrait éventuellement exploser.

Bonjour chez vous, et passez de très bonnes fêtes !

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 153, mise en ligne sur TV Libertés, le 23 décembre 2019.

dimanche, 29 décembre 2019

La Suède, "modèle" du suicide européen?

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La Suède, "modèle" du suicide européen?

Ex: http://www.dedefensa.org

Il y a une coutume venue des années 1960 qui fait de la Suède une forme de “paradis démocratique sur terre”, un “modèle” par excellence. On parlait du “modèle suédois”, social-démocratie appliquée avec la rigueur nordique dans toutes ses dimensions, de l’importance des impôts pour les plus riches et de la sécurité dans les rues à la libération sexuelle exécutée dans l’ordre et le plus grand sérieux. Dans cette recherche de l’équilibre à l’aune de la modernité, il s’agissait même d’une “neutralité suédoise” entre l’Est et l’Ouest... 

(Mais sur ce dernier point, la messe est déjà dite. Des révélations diverses depuis la fin de la Guerre froide tout comme l’assassinat non élucidé d’Olof Palme en 1986 et mis “au crédit” d’une sorte de “réseau Gladioà la suédoise”, ont très largement nuancé cette perspective historique. De ce point de vue de la sécurité nationale, la Suède de la Guerre froide était déjà le satellite américaniste tel qu’elle s’affiche désormais dans cette époque commencée le 9/11 sans la moindre pudeur. Simplement, l’État profond” du coin ne disait pas encore son nom ni sa profondeur.)

Aujourd’hui, la Suède dans son entièreté, notamment sociale/sociétale et culturelle, est toujours un “modèle”, cette fois pour la formule du suicide européen du fait des armes d’entropisation massive (disons : AEM ?) que sont le “Politiquement-Correct” (PC) et le LGTBQ. CVe suicide passe principalement par les canaux culturel, démographique et psychologique, notamment par perte totale (entropisation) d’identité sous un flot de migrants ininterrompu depuis la grande année 2015. En conséquence de quoi, les sondages montrent que le parti populiste Démocrates Suédois est arrivé au niveau du parti social-démocrate qui tient aujourd’hui le pouvoir. Les mêmes sondages montrent qu’une confortable majorité de Suédois approuve les neuf points définissant l’action de ce parti, dont ceux qui concerne l’immigration et l’ordre public.

Appuyée sur le Corporate Power globalisée qui a besoin de main d’œuvre à bon marché et qui combat toutes les situations identitaires, l’immigration massive et globalisée est suscitée et même favorisée, par la gauche-PC ; tout cela, d’une façon classique, en Suède à l’image de toutes les gauches-PC du Système, commençant par les démocrates progressistes-sociétaux aux USA, et sans guère de résistance de la droite, si cette chose existe encore et si cette sorte de classification existent encore dans les réseaux-Système. La situation ainsi créée a trois conséquences directes :

• Un accroissement prodigieux des conditions de l’insécurité et du désordre publics. L’article reproduit ci-dessous de Graham Dockery, pour RT.com le  23 décembre 2019, se débarrasse des principaux interdits et manœuvres de communication pour restituer l’image de l’évolution de cette situation depuis 2015. Il n’y a pas vraiment de surprise.

• Une désinformation et une mésinformation massives de la part des autorités et composants du gouvernement, autant que de la presseSystème, que du monde culturel, artistique et associatif. Tous ces réseaux et ces centres de pouvoir sont associés dans une défense acharnées face aux attaques de la  vérité-de-situation contre le simulacre de situation que la communication officielle a mis en place. Le maintien de la mainmise de cet ensemble-Système sur le pouvoir dépend effectivement de l’existence de ce simulacre et du crédit que lui accordent les citoyens. La situation d’inversion de la Suède à cet égard peut être mesurée à la vigueur du simulacre mis en place pour dissimuler la situation d’insécurité et justifier le laxisme maximum dont fait preuve la justice, par rapport au rôle d’une cruauté et d’une perversité sans égales que cette justice suédoise a joué dans l’affaire Assange, contre le lanceur d’alerte australien.

• ... Et “le crédit qu’accordent les citoyens” au Système est évidemment en voie d’érosion rapide, comme le montre, comme conséquence directe, la montée en puissance dans les sondages du parti populiste Démocrates Suédois.

Il est possible que la Suède soit, en Europe, le pays le plus frappé par l’immigration, à la fois par le fait de la migration avec ses conséquences civiles et civiques, à la fois par la réaction populiste sur la droite, soudaine et très puissante par rapport à d’autres pays où se manifestent un populisme important du fait de l’immigration (France, Italie). Ce fait tient à la faiblesse psychologique et dialectique extrême de la faction au pouvoir, qui est cette social-démocratie qui s’est appuyée pendant des décennies sur un mariage harmonieux d’ordre et de sécurité d’une part, de modernité des mœurs contrôlée d’autre part. Ces facteurs d’équilibre ont désormais pris des extensions considérables, très déstabilisantes parce que dans des sens très différents bien entendu, brisant l’équilibre du “modèle” suédois. Cet équilibre était très impressionnant, et puissant d’une certaine façon comme s’il était invincible, tant qu’il était maintenu... La Suède “avancée”, sociale-démocrate et sociétale, expérimente donc une loi physique implacable, une lapalissade extrêmement déstabilisante : un équilibre “puissant d’une certaine façon comme s’il était invincible” s’avère soudainement très fragile s’il est rompu.

dde.org

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Populisme ? La Suède aussi

par Graham Dockery

Le parti de droite populiste Démocrates Suédois est désormais au coude à coude avec les sociaux-démocrates au pouvoir dans les sondages d'opinion. Bien que vilipendé et diabolisé, le succès du parti représente un échec total du libéralisme face à la réalité.

Les Démocrates suédois, – qui étaient jusqu'à récemment considérés comme un parti marginal et raciste – sont maintenant en hausse dans les sondages. Une enquête auprès des électeurs, commandée par le journal Dagens Nyheter la semaine dernière, place le parti à 0,2 point de pourcentage des sociaux-démocrates de gauche du Premier ministre Stefan Lofven. De plus, les électeurs sont maintenant d'accord avec les politiques du parti sur les neuf points de son programme.

En ce qui concerne l'immigration, 43 % des électeurs sont du côté du parti et de son chef, Jimmie Akesson. Seuls 15 % sont en faveur de la politique de Lofven. De même, 31 % sont favorables à la position d'Akesson sur l'ordre public, contre 19 % pour Lofven.

La presse n'a pas facilité la montée en puissance d'Akesson. Pourtant, la plupart des médias n'ont pas réussi à dénicher des informations sur cet homme politique de 40 ans qui, comme la Française Marine Le Pen, a tenu à éloigner son parti de ses racines d'extrême droite et à présenter une image plus policée.

Akesson a été attaqué par les médias pour avoir admis sa dépendance d’il y a quelques années au jeu en ligne, mais les électeurs n'y ont manifestement pas vu d'inconvénient. Les commentaires passés d'Akesson sur les parents homosexuels ont été déterrés par l'auteur Jonas Gardell pour un  article d'opinion très médiatisé il y a deux semaines ; cela n’a pas empêché les lecteurs du journal de lui donner leur vote une semaine plus tard. Le gentil musicien-Système et milliardaire Bono a même fait un spectacle en comparant Akesson à Hitler avant les élections de l’année dernière, sans résultat.

Il n'est pas difficile de trouver la vraie raison de la popularité d'Akesson. La Suède est en proie à une vague de criminalité. Les meurtres, les agressions, les viols, les menaces et le harcèlement sont tous montés en flèche depuis 2015, selon le Conseil de prévention de la criminalité du pays. Les infractions sexuelles en particulier ont triplé au cours des quatre dernières années, tandis que les meurtres et les homicides involontaires ont  plus que doublé

En outre, la Suède est devenue la capitale européenne des attaques à la  grenade à main. En 2018, 162 attaques de cette sorte été signalées à la police, et 93 ont été signalées au cours des cinq premiers mois de cette année, soit 30 de plus que pendant la même période en 2018. Le niveau des attaques est “extrême pour un pays qui n'est pas en guerre”, a déclaré l'année dernière à SVT le Commissaire à la Criminalité Gunnar Appelgren.

Une enquête menée en 2017 a révélé que des immigrants, en majorité originaires du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, étaient à l'origine de 90 % des fusillades en Suède. Pendant ce temps, les forces de police du pays ont identifié 50 quartiers à forte concentration d'immigrants comme étant “vulnérables”, – un terme que beaucoup ont pris pour signifier “zones de non-droit”.

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Le parti des Démocrates Suédois rejettent le multiculturalisme et propose un renforcement de la loi sur l'immigration et un retour des réfugiés dans leurs pays d'origine. Le parti a préconisé l’absence de libération conditionnelle pour les délits graves et l’expulsion des étrangers reconnus coupables de crimes graves. 

“Beaucoup d'entre nous se souviennent d’une autre Suède”, a écrit M. Akesson dans un éditorial le mois dernier. “Une vie quotidienne où le crime existait certes mais pas si proche. Un crime qui n’était pas aussi grossier et impitoyable que ce que nous voyons aujourd'hui.”

L’apologie du passé d'Akesson a été critiquée comme une nostalgie typique du nationalisme, mais à sa place Lofven n'a offert que le déni, blâmant la “ségrégation”, la pauvreté et le chômage pour le crime dans les ghettos suédois.

“La ségrégation est due au fait qu'il y a... un chômage trop élevé dans ces zones [où se trouvent les migrants]. Mais cela aurait été la même chose si d’autres y avaient vécu. Si vous mettez les personnes nées en Suède dans les mêmes conditions, vous obtenez le même résultat”, a-t-il déclaré dans une interview à SVT le mois dernier.

Cependant, le chômage a baissé alors que le nombre de fusillades augmentait. Même si le chômage était le seul responsable de la violence, M. Lofven n'a pas mentionné le fait que le taux de chômage des migrants en Suède est  trois fois supérieur à la moyenne nationale, alors que 90 % des réfugiés arrivés depuis la crise des migrants de 2015 sont  au chômage.

Au lieu de cela, son gouvernement s'est engagé dans un déni généralisé. L’Institut Suédois, centre d’analyse financé par le contribuable, diffuse des vidéos qui minimisent le problème de la criminalité et disent littéralement aux critiques  sur Twitter que “rien ne s'est passé ici en Suède”. l'institut a également créé une campagne  publicitaire en langue arabe qui invite les migrants potentiels à venir en promettant de généreuses prestations sociales. 

Lofven a publiquement nié l’existence de “zones de non-droit” dans une déclaration faite à la Maison Blanche l'année dernière. Lorsque les statistiques de la criminalité racontent une autre histoire, le ministère de la Justice  a un plan pour cela aussi : supprimer les “informations politiquement sensibles”, manipuler des chiffres et ignorer les résultats embarrassants.

Le libéralisme de Lofven a peut-être trouvé un écho auprès des électeurs lorsqu'il est arrivé au pouvoir en 2014. Mais la crise des migrants et la vague de criminalité qui a suivi un an plus tard ont prouvé son échec, car le pays a été remboursé de son humanitarisme par le sang et par une ponction sur l'aide sociale. Une recherche rapide sur Google révèle des centaines d'articles qui posent des questions comme “Pourquoi la Suède se déplace-t-elle vers la droite ?”

La réponse à cette question est simple. Le libéralisme s'est heurté à la réalité, et il a perdu.

Graham Dockery

samedi, 28 décembre 2019

L’utopie progressiste est antidémocratique - La violence est leur dernière arme

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L’utopie progressiste est antidémocratique
 
La violence est leur dernière arme
 
par Paul Adams
Ex: https://fr.theepochtimes.com
 
Chose remarquable et soudaine ces dernières semaines, le progressisme se tourne vers la violence et la justice populaire. On peut peut-être le comprendre dans le contexte d’une utopie progressiste.

L’extraordinaire perturbation du Sénat américain, le vandalisme des bureaux républicains dans tout le pays, le harcèlement des représentants du gouvernement et des élus et même de leurs enfants et de leurs familles dans les restaurants et autres lieux publics constituent une atteinte aux normes les plus élémentaires de décence et de civilité de la vie publique.

Tout grand parti politique a sa frange extrémiste. Le plus frappant dans ce cas, cependant, est la tolérance, la minimisation et même l’approbation de telles tactiques par les dirigeants du Parti démocrate.

Un certain nombre de démocrates suscitent les passions du public, dont la représentante américaine Maxine Waters, le sénateur Cory Booker, l’ancien procureur général Eric Holder et d’autres, dont Hillary Clinton, qui ont annoncé que la civilité reviendrait lorsque les démocrates reprendraient le pouvoir.

Plusieurs raisons peuvent expliquer ce phénomène. Ici, je veux explorer la nature anti-démocratique des idées qui sous-tendent ce phénomène. Une telle pensée combine dangereusement une vision utopique d’une société idéale future, une vision déterministe des forces qui produiront cette société et une forte volonté d’accélérer l’ « inévitable » et d’imposer la transformation.
 
Les projets utopiques, qu’il s’agisse de créations littéraires ou de tentatives pratiques de former des communautés modèles, ont une chose en commun. Comme l’a dit Hal Draper, « l’utopie était élitiste et antidémocratique à partir de sa fondation car elle était utopique, c’est-à-dire qu’elle se référait à la prescription d’un modèle préfabriqué, à l’invention d’un plan qui a voulu son existence ». De tels plans dépendent de la volonté de ceux qui les ont planifiés ou créés, et peu, voire pas du tout, de la volonté de ceux qui les ont peuplés.

La plupart des projets n’ont abouti à rien dans la pratique et n’ont pas duré longtemps. Ils devenaient une critique de la société existante, ils invitaient à comparer leurs idéaux avec les malaises et les maux de la société réelle.
 

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Quand on y ajoute une vision de l’histoire telle qu’elle a été programmée, nous avons un mélange puissant. L’un des résultats de ce type de déterminisme est l’idée que le progrès vers l’idéal est inévitable, un mouvement en avant et en haut « vers l’espoir d’un jour meilleur », comme l’a dit le président Barack Obama. Les discours sur le « succès » deviennent inévitables parce que « nous sommes du bon côté de l’histoire » et nos adversaires, qui sont du mauvais côté de l’histoire, sont devenus un thème constant de la rhétorique d’Obama et de celle de son équipe.

D’après ce point de vue, l’histoire a un sens de l’action et progresse dans une seule direction, comme si elle avait un cours déterminé, indépendant des efforts et des luttes des gens. C’est ce que l’historien Herbert Butterfield a identifié en 1931 comme étant « la conception whig de l’Histoire » – juste une décennie avant que des désastres ne nous fassent comprendre que ces théories faisaient fausse route – la Seconde Guerre mondiale avec ses millions de morts, l’Holocauste, les armes nucléaires et autres horreurs – une compréhension qui ne semble pas avoir été assez profonde pour en tirer des leçons définitives.

Un mélange puissant

Maintenant, lorsque vous ajoutez une vision utopique – une société idéale mais qui n’a jamais existé dans le monde réel – à une croyance en un cours prédéterminé de l’histoire – avec vous du bon côté – et tous deux à un mouvement politique pour soutenir l’histoire dans son cours prédestiné, vous avez un puissant mélange.

Vous pourriez penser que si le monde se dirigeait sur une voie prédéterminée, vous n’auriez pas besoin de la volonté humaine. Cependant, lorsque des progressistes enracinent l’inévitabilité de la victoire dans des forces historiques réelles ou l’élite éclairée ou la classe ouvrière ou les « éveillés », alors l’étape suivante est de se voir eux-mêmes, leur parti, leur chef, comme l’incarnation de ces forces.

Ils sont du bon côté de l’histoire, alors que ceux qui s’opposent à son arc, qui est incliné dans la direction prédestinée, sont les ennemis du progrès, quelles que soient leurs intentions.

Toutes ces caractéristiques se retrouvent sous une forme extrême dans le totalitarisme du siècle dernier, dans le communisme et le nazisme (avec son Reich qui a déjà mille ans). Le parti révolutionnaire devient l’élite dirigeante et impose sa volonté dans chaque recoin de la société civile, soumettant la famille, les écoles et les églises à l’État tout-puissant qu’il contrôle.

La violence est la clé de ces mouvements.

Les institutions démocratiques à travers lesquelles les « ennemis du progrès » peuvent chercher à ralentir ou à arrêter l’inévitable doivent être sapées. Nous voyons déjà ces tendances, même si elles sont encore modérées, aux États-Unis, notamment, paradoxalement, parmi ces « progressistes » qui accusent le gouvernement élu de « fascisme ».

Par exemple, on s’attend à ce que ces gardiens progressistes de la Constitution, les juges de la Cour suprême des États-Unis, ignorent la Constitution elle-même et imposent leur volonté d’accélérer le progrès. Par un acte de volonté, les juges non élus du cercle le plus étroit possible de l’élite ont ainsi retiré toute protection juridique à l’enfant à naître et redéfini le mariage pour briser le lien entre la sexualité, l’enfantement et la parentalité.
 

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Le tribunal sous le contrôle du progressisme devient un moyen de saper la Constitution et de passer outre les processus démocratiques qui s’opposent à une vision laïco-libérale du « progrès ».

Opposition entre Cour suprême et législation

Par ces moyens, presque tous les progrès de la révolution sexuelle ont été imposés initialement par la Cour suprême, et non adoptés par la loi.

Cependant, le tribunal n’est pas, en fin de compte, à l’abri de la démocratie. Lorsqu’un président élu s’engage en faveur de la retenue judiciaire et du retour de la législation à l’assemblée législative, les progressistes vaincus sont furieux.

Ils voient la défaite de tout ce pour quoi ils ont travaillé grâce à une majorité libérale à la Cour suprême et au contrôle de l’État administratif.

D’où leur détermination à ignorer les normes et les processus démocratiques, à délégitimer et à renverser le président élu et à le faire tomber par tous les moyens nécessaires.

Paul Adams
 

La Russie pourra s'isoler de l’Internet mondial en cas de cyberattaques ou de conflit

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La Russie pourra s'isoler de l’Internet mondial en cas de cyberattaques ou de conflit

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com
 
Le 24 décembre, Moscou a annoncé avoir passé plusieurs tests couronnés de succès pour son internet « souverain ». Ces tests font suite à l’entrée en vigueur le 1er novembre dernier d’une loi sur l’« Internet durable », qui devrait permettre à la Russie de pouvoir s'isoler de l’Internet mondial, notamment en cas de cyberattaques.

C’est donc en début de semaine que les essais ont débuté, et pour le vice-ministre des Communications Alexeï Sokolov, il s’agit d’une véritable réussite : « les résultats des exercices ont montré que, globalement, les autorités et les opérateurs de télécommunications sont prêts à répondre efficacement aux risques et menaces éventuelles ». Il a aussi déclaré aux agences russes : « nous poursuivrons ce type d’exercices au cours des prochaines années. Notre tâche est que tout fonctionne, tout le temps ». Ainsi, les essais ont suivi différents scénarios, allant de la déconnexion totale des serveurs basés en Europe et aux Etats-Unis, jusqu’aux cyberattaques étrangères et à la captation de données de citoyens russes.

Pourtant, le 1er mai dernier, la signature par Vladimir Poutine de la loi sur l’« internet durable » avait provoqué un véritable tollé du côté de l’opposition, y voyant le risque d’une éventuelle censure ou d’un contrôle sur le modèle de l’Internet chinois. Le Premier ministre Dmitri Medvedev avait rapidement tenu à défendre le projet du gouvernement en déclarant qu’ « aucune technique, comme celle des pare-feux utilisée en Chine, n’empêcherait les internautes russes de consulter des sites étrangers », tout en assumant de vouloir « protéger les intérêts » de la Russie. Alexandre Jarov, président de l’agence de supervision des communications et des technologies de l’information russe Roskomnadzor, s’est vu confier la mise en œuvre de la loi. « Tout comme l’arme nucléaire dont disposent certains pays, celle-ci sera en « mode veille » », a-t-il déclaré en assurant ainsi l’indépendance du « Runet » vis-à-vis de potentielles influences étrangères.

Ainsi, c’est donc après plus d’un an de la promulgation en France de la loi « anti-fake news » et plusieurs années après les révélations de l’ancien agent américain Edward Snowden, que la Russie a décidé de franchir le pas de l’internet libre et libéré. « Internet libre et internet souverain, ces deux notions ne se contredisent pas », a déclaré le président russe Vladimir Poutine.
 

Tarek Haddad dénonce les pressions médiatiques sur les journalistes

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Tarek Haddad dénonce les pressions médiatiques sur les journalistes

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Ce journaliste américain a pris le risque de dénoncer les pressions des médias dits de référence sur ceux qui écrivent pour leur compte.

Ces pressions visent à obliger ces journalistes à publier des nouvelles qu'ils savent fausses ou à faire des commentaires orientés dans un sens favorable aux intérêts qui financent ces médias. Vu les propos très semblables que formulent les journalistes dans ces médias, il y a lieu de penser qu'ils cèdent pratiquement tous aux pressions. Un emploi bien rémunéré est préférable à une exclusion motivée par un respect des règles déontologiques qui interdirait tout espoir d'un recrutement ailleurs.

Les pressions proviennent nécessairement des intérêts économiques, politiques et diplomatiques qui ont besoin de l'appui de la presse et du public pour poursuivre leurs stratégies. Ceci notamment dans le domaine international. Concrètement, quand il s'agit des Etats-Unis ou de l'Europe, le principal objectif vise à diaboliser la Russie et à un moindre degré la Chine, afin d'encourager des affrontements avec eux pouvant éventuellement prendre des formes quasi-militaires. 

Par définition, les citoyens s'informant auprès de ces médias, presse écrite ou presse internet, actualités télévisuelles, ne peuvent soupçonner cette servilité de leurs sources favorites. Ils acceptent donc sans les critiquer les informations qu'ils reçoivent ainsi. Le jugement de beaucoup de ces citoyens peut être suffisamment déformé pour qu'ils encouragent leurs gouvernements à poursuivre des politiques de confrontations susceptible de dégénérer d'un moment à l'autre en des conflits entraînant mort d'hommes. 

Il est difficile de dire ce qu'il en est en Europe et notamment en France où demeure, comme l'espèrent quelques optimistes, une certaine déontologie professionnelle s'imposant à la presse d'opinion. Aux Etats-Unis, au contraire, le soutien des grands médias aux politiques que conduisent les représentants de ce l'on nomme l'Etat Profond ou Complexe militaro-diplomatico-industriel paraît sans failles. Seuls quelques rebelles courageux utilisent l'Internet pour faire connaître leur opposition, mais leurs voix demeurent à peu près inextinguibles parmi celles qui dominent ce moyen d'expression et qui proviennent du gouvernement, des agences de renseignement telles que la CIA ou des « Géants de l'Internet», tous acquis aux grands pouvoirs dominant la société américaine. 

C'est pourquoi, il est intéressant de lire le témoignage daté du 14 décembre 2019 d'un journaliste nommé Tarek Haddad, qui exerçait un emploi bien rémunéré dans le grand journal américain Newsweek. Il a, dit-il, été conduit à en démissionner face aux pressions continuelles s'exerçant sur lui afin qu'il respecte la ligne officielle que Newsweek impose à ses journalistes. L'article est long, ses implications sont souvent difficiles à comprendre par des lecteurs européens naïfs qui vont chercher sur Newsweek, comme dans d'autres organes analogues, des éléments leur permettant de tenter de comprendre l'état du monde.

Tarek Haddad explique en début d'article que bien que de citoyenneté britannique, il est d'origine russe et arabe. Il prévoit non sans raisons qu'il sera suspecté d'être au service de la Russie ou d'un quelconque Etat arabe refusant la domination américaine au Moyen-Orient. Cependant ceux qui veulent ouvrir les yeux sur les influences et luttes de pouvoir s'exerçant dans le monde au profit des Etats-Unis devraient faire l'effort de lire ou du moins de parcourir cet article. Ils seront édifiés.

On peut accéder à l'article sur le propre blog de l'auteur. Il a du le mettre en place pour échapper aux censures. Son adresse est https://tareqhaddad.com/2019/12/14/lies-newsweek-and-control-of-the-media-narrative-first-hand-account/


 

Les Etats-Unis et leur guerre des drones

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Les Etats-Unis et leur guerre des drones

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Beaucoup ignorent que les industries miliaires américaines se sont depuis quelques années spécialisées dans la production de drones ou UAV armés.

Il s'agit en l'espèce le plus souvent d'engins de grande taille, dotés de plusieurs dizaines d'heures d'autonomie et capables d'atteindre des objectifs situés à plusieurs centaines de km puis de revenir à leur base. Mais de nombreux autres sont des hélicoptères à plusieurs rotors capables au besoin de vols stationnaires de longue durée. Les plus petits sont utilisés dans des attaques urbaines, y compris dans celles d'appartements.

Ils ont télépilotés, même à grande distance, par des pilotes militaires résidant à terre dans des bases protégées. Ils peuvent être porteurs d'armements divers, toujours meurtriers, tels des missiles ou des bombes. Certains sont dotés de mitrailleuses ou de canons leur permettant d'attaquer d'autres drones ou plus simplement des objectifs à terre. Ils sont aussi porteurs de caméras électroniques très performantes utilisées pour la géolocalisation visuelle ou l'observation.

Le plus connu est le General Atomics MQ-9 Reaper (image) qui est de plus en plus vendu à des pays alliés, dont la France. Mais il s'agit aujourd'hui d'un appareil qui préoccupe de moins en moins les militaires américains. Ils lui préfèrent des engins plus performants dont les caractéristiques ne sont pas publiques.

L'on sait que le complexe militaro-industriel américain s'intéresse aujourd'hui au domaine des drones militaires plutôt qu'à celui des avions de combat. Le Pentagone laisse volontiers les Russes, avec aujourd'hui les diverses génération de Sukhois, se donner une nette supériorité.

Ce que l'on sait moins est que les Etats-Unis mènent actuellement un nombre importants de conflits locaux, dans lesquels ils utilisent essentiellement des drones, en Afghanistan, Pakistan, Iraq, Yemen, Somalie, Syrie et Libye. Selon certaines sources, la CIA aurait établi une liste beaucoup plus longue de pays, notamment en Afrique de l'ouest, dans lesquels l'armée américaine se tiendrait prête à utiliser des drones militaires si elle le jugeait opportun. Certains objectifs possibles auraient même été identifiés au sein des Etats européens.

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Ce que l'on sait encore moins, du fait que les témoignages civils sont encore rares et censurés, est que l'emploi de ces drones, comme l'on pouvait s'y attendre, entraîne la mort de très nombreux civils, femmes et enfants notamment. Il y a tout lieu de supposer que ces morts de civils constituent un élément de dissuasion prioritaire recherché par l'armée américaine, au lieu d'en être comme jusqu'à présent une conséquence regrettable.

Concernant les morts de civils, à ce jour, seul le New York Times a publié un article consacrée à un drame dont l'on avait inévitablement parlé vu son caractère public, la mort en Afghanistan d'une femme qui venait d'accoucher et de ses enfants, revenant de l'hôpital et tués par un drone américain. Dans cet article, le New York Times reconnaît que, selon des chiffres fournis par la mission spéciale des Nations Unis, plus de 4.000 civils avaient été tués dans ce pays par des frappes aériennes américaines dans les seuls derniers mois de 2029. Mais il s'agissait de victimes de bombardements aériens. L'emploi de drones n'avait pas été mentionné.

Note

Sur les drones on pourra lire

https://fr.wikipedia.org/wiki/Drone
https://en.wikipedia.org/wiki/Unmanned_aerial_vehicle

16:46 Publié dans Actualité, Défense, Militaria | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : états-unis, drones, défense, militaria | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook