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jeudi, 15 mai 2025

Joseph Vogl: Capital et ressentiment à l'ère digitale

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Joseph Vogl: Capital et ressentiment à l'ère digitale

Entretien avec Ivan Areler

Le penseur allemand contemporain Joseph Vogl, auteur de Kapital und Ressentiment. Eine kurze Theorie der Gegenwart, a tenté de reconstruire de nouvelles formes de pouvoir dans l'entreprise, formes qui ont émergé à l'ère digitale (et non avant). Ces formes dépassent les cadres nationaux et s'incrustent massivement dans les processus de décision politique et économique. Pouvez-vous me dire qui est Joseph Vogl, quels ont été les thèmes de son oeuvre jusqu'ici et quelle est la teneur de son ouvrage "Kapital und Ressentiment" et dans quel cadre politique et/ou idéologique on pourrait éventuellement le situer?

Joseph Vogl est un penseur et philosophe allemand contemporain dont le travail se situe à la croisée de la littérature, de la philosophie, de l'économie politique et de la théorie des médias. Né en 1957, il enseigne la littérature allemande, les études culturelles et la théorie des médias à l’université Humboldt de Berlin. Son approche se caractérise par une réflexion critique sur les fondements idéologiques des systèmes économiques et politiques contemporains. Il est souvent perçu comme un penseur "interdisciplinaire", voire "iconoclaste", en raison de son refus des cloisonnements disciplinaires.

Les grands thèmes de l’œuvre de Joseph Vogl

Jusqu'à aujourd’hui, Vogl a exploré plusieurs axes majeurs :

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Critique de l’économie politique :

Dans Das Gespenst des Kapitals (2010, Le Spectre du capital), Vogl s'intéresse aux discours qui entourent le capitalisme financier et tente de démontrer comment le capital s'est autonomisé au point de devenir un système autoréférentiel, échappant au contrôle politique classique.

Il y critique la figure du "marché autorégulateur" comme une fiction idéologique puissante.

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Pouvoir et gouvernementalité :

Dans Der Souveränitätseffekt (2015, L’Effet de souveraineté), il analyse les formes de pouvoir qui se sont développées parallèlement à l'État souverain, notamment dans les sphères économiques et financières. Il montre que le pouvoir réel, dans les sociétés modernes, ne réside pas toujours là où les institutions l’assignent.

Théorie des médias et de la culture :

Plus tôt dans sa carrière, Vogl a beaucoup travaillé sur les rapports entre les formes littéraires et les régimes de savoir, notamment à travers Goethe ou la littérature du XVIIIe et XIXe siècle.

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Kapital und Ressentiment (2021) : contenu et thèse principale

Dans Kapital und Ressentiment. Eine kurze Theorie der Gegenwart (Capital et ressentiment. Une brève théorie du présent), Vogl analyse comment le capitalisme numérique a transformé les modes de production, d’information et surtout de pouvoir.

Principaux axes du livre :

Un nouveau régime de pouvoir : le "pouvoir informationnel"

Vogl y identifie l’émergence d’un pouvoir transnational basé sur la collecte massive de données, la modélisation algorithmique du comportement humain et le ciblage informationnel.

Il parle d’un pouvoir qui ne passe plus par la souveraineté de l’État mais par des formes de gouvernementalité algorithmique, notamment exercée par les grandes entreprises technologiques (GAFAM, etc.).

L’économie de l’attention et la manipulation des affects

L’ère numérique, selon Vogl, n’est pas simplement marquée par l’information, mais par la gestion de l’affect, en particulier du ressentiment.

Les plateformes numériques exploitent ce ressentiment pour générer de l’engagement : radicalisation des opinions, polarisation, haine, colère… Ces affects deviennent des ressources économiques.

Une critique du néolibéralisme tardif

Il montre que nous sommes passés d’un néolibéralisme basé sur le marché et l’individu rationnel à un néolibéralisme technologique où l’individu est profilé, influencé, dirigé, sans toujours en avoir conscience.

Position politique et idéologique de Joseph Vogl

Joseph Vogl n’est pas un militant au sens traditionnel, mais son travail s’inscrit clairement dans une critique radicale du capitalisme contemporain et de ses effets sur les sociétés démocratiques.

Il est souvent comparé à des penseurs comme Michel Foucault, Giorgio Agamben, Byung-Chul Han ou Wendy Brown : une veine critique qui interroge les conditions de possibilité de la souveraineté, de la liberté et de la rationalité dans un monde gouverné par des logiques de marché.

Il ne propose pas de programme politique explicite, mais dénaturalise les discours dominants en révélant leur substrat idéologique.

On pourrait dire qu’il occupe une position post-marxiste, ou néo-foucaldienne, critique envers les promesses non tenues de la modernité libérale, et attentif aux mutations profondes du pouvoir dans l’ère numérique.

Pour résumer :

Joseph Vogl est un penseur critique majeur de l’économie et du pouvoir à l’ère numérique.

Il explore comment les nouveaux régimes de pouvoir s'exercent au-delà des États, à travers les données, les algorithmes, les plateformes.

Dans Kapital und Ressentiment, il montre comment le ressentiment devient une force structurante du capitalisme digital.

Politiquement, il est proche d’une critique radicale des logiques néolibérales, sans être engagé dans un cadre partisan.

Si vous pouviez nous mettre cette oeuvre de Vogl en perspective avec d'autres penseurs ou philosophes, cela nous conviendrait. Aussi, nous serions très heureux si vous pouviez quelque peu préciser ce qu'il entend, sur base d'une étude de l'oeuvre poétique de Goethe, par "rapport entre formes littéraires et régimes de savoir", notamment dans le cadre du 19ème siècle allemand?

Ce sont là deux dimensions fondamentales de l’œuvre de Vogl : d’un côté, sa critique contemporaine du pouvoir à l’ère numérique, et de l’autre, sa généalogie des régimes de savoir en lien avec la littérature, notamment chez Goethe. Et l’une n’est pas étrangère à l’autre : chez Vogl, la forme littéraire n’est jamais neutre, elle participe à la configuration historique d’un régime de rationalité, d’un rapport au monde, voire d’un mode de gouvernementalité.

1. Mise en perspective de Kapital und Ressentiment

Vogl s’inscrit dans un champ intellectuel critique large, qu’on pourrait qualifier de généalogie du capitalisme numérique. Voici quelques rapprochements féconds :

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Michel Foucault

Vogl reprend (sans toujours le dire explicitement) la notion de gouvernementalité développée par Foucault : l’idée que le pouvoir moderne ne s’exerce pas principalement par la violence ou la loi, mais par la production de savoirs, de normes, de comportements.

Là où Foucault étudiait l’économie politique classique, la psychiatrie, la biopolitique, Vogl prolonge la généalogie dans le champ des données, de l'information, de l'affect.

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Shoshana Zuboff – The Age of Surveillance Capitalism

Très proche thématiquement : Zuboff théorise le "capitalisme de surveillance" comme une nouvelle phase dans laquelle les comportements humains sont extraits, analysés, modélisés, non seulement pour prédire mais pour influencer les actions futures.

Là où Vogl insiste sur les affects (le "ressentiment") comme ressource, Zuboff parle de "rendement comportemental".

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Byung-Chul Han

Philosophe germano-coréen qui, comme Vogl, critique l’époque actuelle sous l’angle de ses pathologies affectives et sociales.

Dans La société de la transparence ou Psychopolitique, Han décrit une société où le contrôle ne passe plus par la répression, mais par l’incitation, la transparence, et l’auto-exposition.

Le "ressentiment" chez Vogl pourrait dialoguer avec la "positivité toxique" chez Han: deux formes d’affect mobilisées et instrumentalisées par le capitalisme tardif.

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Wendy Brown & les critiques du néolibéralisme

Dans Undoing the Demos, Brown montre comment la logique néolibérale transforme les sujets politiques en agents économiques, calculant chaque geste selon une logique de profit.

Vogl va plus loin : dans le capitalisme digital, il ne s’agit même plus d’un calcul rationnel, mais de profilage émotionnel et comportemental, hors de la conscience.

2. Vogl, Goethe et la poétique des savoirs

Avant d’être un théoricien du capitalisme, Vogl est un philologue formé à la littérature allemande classique. Son travail sur Goethe est fondateur pour comprendre sa méthode.

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Le projet : penser la littérature comme un lieu de production du savoir

Dans des ouvrages comme Kalkül und Leidenschaft (1998) ou Poetologien des Wissens (Poétiques du savoir), Vogl s’intéresse à la manière dont la littérature ne reflète pas simplement un savoir préexistant, mais met en scène des modes de connaissance, voire expérimente de nouvelles formes de rationalité.

Chez Goethe, il identifie une tension entre :

La passion et la raison, c’est-à-dire entre forces affectives et logiques formelles.

Le calcul et le vivant, par exemple dans les écrits scientifiques de Goethe, qui s’opposent à une logique purement mécaniste du monde.

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Goethe comme figure critique de la modernité scientifique

Goethe, notamment dans ses écrits sur la morphologie, propose une approche du vivant fondée sur la forme, la transformation, l'intuition — contre le réductionnisme analytique de la science naissante.

Vogl y voit une forme de contre-modèle épistémologique, où la littérature et la science ne sont pas séparées mais dialoguent dans une même recherche de compréhension du monde.

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Goethe et la figure du savant : le roman comme laboratoire de pouvoir

Dans Les Affinités électives, par exemple, Goethe applique un langage chimique (les "affinités") à des relations humaines — ce que Vogl lit comme une formalisation des passions, une tentative de mathématiser l’imprévisible.

Cette mise en forme des désirs humains n’est pas innocente : elle reflète une volonté de contrôle rationnel sur l’individu, annonçant des régimes de pouvoir modernes.

Le 19e siècle comme moment de bascule

Le 19e siècle allemand voit l’émergence d’une bureaucratie rationalisée, d’une science positiviste, de l’État-nation, etc.

Vogl montre que la littérature de cette époque participe à l’imagination politique de ces structures — elle est à la fois un miroir et un moteur de la rationalisation du monde (Max Weber n’est pas loin ici).

En résumé

Chez Vogl, l’histoire de la rationalité moderne est indissociable des formes littéraires. Il voit dans les œuvres de Goethe un moment clé où la pensée du vivant, du calcul, du pouvoir et de l’affect s’articulent.

Ce regard "généalogique" sur la modernité se prolonge dans sa critique du capitalisme digital, qui reprend les mêmes tensions, mais en les inscrivant dans des logiques techniques et globalisées.

Il est l’un des rares penseurs à faire le lien direct entre esthétique, économie, et pouvoir, dans une perspective longue, du romantisme allemand à la Silicon Valley.

Les différences et/ou accointances entre Vogl et des auteurs tels Benjamin et Adorno m'intéresse. Par ailleurs a-t-il évoqué ou non l'idée de Nietzsche d'une "transvaluation des valeurs"?

Joseph Vogl se situe à un carrefour intellectuel où l'on croise des noms comme Benjamin, Adorno, Nietzsche, Foucault, Heidegger, etc. Comparer son œuvre à celle de Benjamin et Adorno, et examiner ses rapports avec la pensée de Nietzsche, permet d’éclairer sa philosophie de la modernité et la manière singulière dont il articule pouvoir, savoir, littérature et économie.

Chacun de ces pôles interagit avec les autres. Par exemple :

La littérature est un laboratoire de formes qui préfigurent des formes de rationalité politique ou économique.

Le pouvoir ne se comprend plus uniquement par l’institution, mais par la circulation de savoirs, de récits, d’affects.

Le ressentiment n’est plus un symptôme psychologique mais une ressource économique et politique.

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Comparaison avec Benjamin et Adorno

Avec Walter Benjamin :

Affinités: Tous deux pensent historiquement. Benjamin dans une veine messianique et dialectique, Vogl dans une veine généalogique et critique.

L’idée que la technique transforme la perception, la politique, et la culture les rapproche (cf. Benjamin et l’art à l’ère de sa reproductibilité technique // Vogl et l’ère numérique).

Une attention aux formes culturelles mineures comme révélatrices de vérités historiques.

Différences : Benjamin reste très attaché à une philosophie de l’histoire messianique, où la rédemption est possible dans l’instant.

Vogl est plus foucaultien, sans horizon eschatologique ou salut: il étudie les formes de pouvoir sans promesse.

Avec Theodor W. Adorno :

Affinités : Critique de la rationalité instrumentale, de la réification, de l’aliénation dans les systèmes économiques et culturels.

Intérêt commun pour Goethe, mais dans une perspective différente: Adorno l’aborde dans sa critique de la culture bourgeoise, tandis que Vogl en fait un laboratoire épistémologique.

Différences : Adorno reste attaché à une dialectique négative, profondément imprégnée de marxisme hégélien.

Vogl, lui, se situe plutôt dans une logique post-marxiste et post-structuraliste, méfiant à l’égard des totalités dialectiques, et préférant des lectures discontinues, locales, archéologiques.

On pourrait dire que Vogl est une sorte d'héritier indiscipliné de la Théorie critique : il partage sa méfiance à l'égard de la raison capitaliste, mais adopte des outils foucaldiens, littéraires, et "poétologiques" pour la déconstruire.

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Vogl et Nietzsche : la transvaluation des valeurs

Vogl ne consacre pas d’ouvrage entier à Nietzsche, mais l’influence est là, diffuse, mais structurante, notamment sur deux plans :

  1. Le pouvoir et les affects

Nietzsche, dans La Généalogie de la morale, montre que les systèmes moraux sont des dispositifs de pouvoir intériorisés, fondés sur des affections négatives (culpabilité, ressentiment).

Chez Vogl, ce ressentiment devient une ressource exploitable par les régimes économiques numériques : ce n’est plus un simple symptôme de l’âme blessée, mais une donnée, une énergie sociale, voire une marchandise.

  1. La transvaluation des valeurs

Nietzsche appelait à une refondation des valeurs, au-delà du bien et du mal, contre la morale chrétienne de la faiblesse.

Vogl n’appelle pas à une transvaluation explicite, mais on peut dire qu’il diagnostique un processus involontaire de reconfiguration des valeurs dans l’ère numérique :

La vérité devient moins une fin qu’un effet de viralité.

La liberté devient un choix programmé par des algorithmes.

Le sujet rationnel devient un profil comportemental.

Ainsi, sans être nietzschéen au sens strict, Vogl s’inscrit dans une logique de généalogie critique, là où Nietzsche interrogeait les origines des valeurs, et Foucault leur sédimentation dans des dispositifs.

En résumé

Vogl partage avec Benjamin et Adorno une critique radicale de la modernité, mais en mobilisant des outils post-foucaldiens et en mettant l’accent sur le numérique, le ressentiment et l’information.

Il n’est pas un lecteur explicite de Nietzsche, mais il hérite de son intuition fondamentale : le pouvoir est inscrit dans les valeurs, les formes, les discours – et aujourd’hui, dans les algorithmes.

Sa spécificité : relier littérature, savoir et pouvoir, de Goethe à Google, en passant par les passions, les formes esthétiques et les infrastructures techniques.

En savoir plus sur les notions de "gouvernementalité algorithmique" et de "poétique des savoirs" nous conviendrait parfaitement.

Ces deux notions sont centrales pour comprendre l’originalité de la pensée de Joseph Vogl. Elles permettent d’articuler les nouvelles formes de pouvoir technologique et le rôle des récits, des formes littéraires ou culturelles dans la production de savoir. Elles peuvent sembler très différentes, mais chez Vogl, elles dialoguent intimement : la manière dont une société "raconte" le monde n’est jamais innocente — elle participe à sa gouvernance effective.

1. La gouvernementalité algorithmique

Origine du terme

La notion est un prolongement critique de la "gouvernementalité" chez Michel Foucault, c’est-à-dire :

"L’ensemble constitué par les institutions, les procédures, les analyses, les calculs, les tactiques qui permettent d’exercer une forme très spécifique de pouvoir : le gouvernement des conduites."

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Chez Foucault, la gouvernementalité moderne émerge à partir du XVIIIe siècle, avec l'État libéral : il ne s’agit plus de gouverner seulement par décret ou par force, mais par des mécanismes d’incitation, de régulation, de normalisation des comportements.

Vogl prolonge cette idée dans le monde post-légal, post-étatique, datafié et algorithmisé.

La gouvernementalité algorithmique, chez Vogl, se définit comme :

Un régime de pouvoir déterritorialisé fondé sur la collecte, le traitement et l'exploitation de données massives, qui permet de modéliser, prédire et orienter les comportements humains, souvent de manière préconsciente et sans intervention explicite d’un appareil d’État.

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Ses caractéristiques principales :

  1. a) Profilage comportemental

Chaque individu devient une matrice de données (géolocalisation, achats, réseaux, recherches…).

Ces données ne servent pas à "connaître" l’individu comme une personne morale ou politique, mais à anticiper ses actions, à le rediriger (via la publicité, l’interface, l’algorithme de recommandation).

  1. b) Pouvoir sans visage

Ce régime ne repose plus sur des figures visibles du pouvoir (roi, juge, bureaucrate) mais sur des architectures techniques, souvent opaques.

Ce pouvoir est dispersé, automatisé, intégré à l’environnement (smartphones, applis, plateformes, objets connectés).

  1. c) Économie de l'affect

Les plateformes optimisent l’engagement via des affects polarisants : indignation, peur, colère, ressentiment. L’algorithme "apprend" que l’indignation génère du clic.

Ainsi, le ressentiment devient une ressource économique, un carburant du capitalisme attentionnel.

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  1. d) Subversion de la rationalité

La figure classique du sujet rationnel autonome (hérité des Lumières) est supplantée par un sujet calculé, anticipé, nudgé, dans un environnement de micro-incitations invisibles.

En résumé :

Le pouvoir ne vous dit plus quoi faire : il prédit ce que vous allez faire, puis crée les conditions pour que cela se réalise — sans que vous sachiez qu’on vous a influencé.

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2. La poétique des savoirs

Ce concept est plus "littéraire", mais tout aussi crucial. Il s’agit d’un des apports les plus originaux de Vogl, notamment dans Poetologien des Wissens et Kalkül und Leidenschaft.

Qu’entend-on par "poétique des savoirs" ?

L’idée que les formes littéraires (romans, récits, styles, genres) ne se contentent pas de représenter un monde déjà connu, mais participent activement à la production des savoirs — y compris scientifiques, économiques, politiques.

Trois idées centrales :

  1. a) La forme fait savoir

Par exemple, un roman épistolaire ne transmet pas la même compréhension du monde qu’un roman réaliste à narrateur omniscient.

La forme narrative configure une perception du temps, de la causalité, de l’individualité, etc.

  1. b) La littérature comme lieu d’expérimentation

Goethe, Kleist, Büchner, mais aussi Kafka ou Musil, ne sont pas "des artistes qui expriment leur époque", mais des penseurs qui mettent en scène des configurations possibles du savoir, du droit, de la responsabilité, de la folie…

Chez Goethe, par exemple, Vogl étudie comment le langage scientifique s’infiltre dans la fiction (cf. Les Affinités électives) et modèle les affects.

  1. c) Les régimes de savoir sont historiques

La "science" n’a pas toujours été ce qu’elle est aujourd’hui. La frontière entre science, fiction, et mythe a été mobile.

La poétique des savoirs étudie cette mobilité historique, en interrogeant les formes culturelles par lesquelles un monde devient pensable, dicible, représentable.

En quoi cela rejoint la gouvernementalité ?

    - La littérature préfigure souvent des dispositifs de pouvoir : Vogl montre comment certaines formes littéraires normalisent des comportements, des structures sociales (notamment dans la bourgeoisie naissante).

    - Inversement, aujourd’hui, les formes algorithmiques jouent le rôle qu’avait la littérature dans le passé : elles produisent des savoirs sociaux, structurent des subjectivités, modèlent la perception du réel.

Synthèse (en une phrase chacun)

Gouvernementalité algorithmique : régime de pouvoir technologique où les comportements sont orientés par la donnée et l’algorithme, souvent sans conscience ni consentement.

Poétique des savoirs : étude des formes culturelles et littéraires comme producteurs historiques de rationalité, de normativité et de savoir.

mercredi, 14 mai 2025

Les derniers souffles du système démocratique

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Les derniers souffles du système démocratique

Jordi Garriga

Tout ce que nous connaissons du système démocratique, avec ses parlements, son système de vote, son économie de marché, sa liberté de conscience, etc., est un système adapté aux intérêts de la classe que nous appelons traditionnellement la bourgeoisie. Toutes les révolutions démocratiques depuis la Révolution américaine de 1776, la Révolution française de 1789, les révolutions européennes de 1820, 1830, 1848… ont été organisées pour renverser la classe aristocratique considérée comme improductive, dont la justification d’exister avait déjà expiré : le but de la vie est désormais le bien-être matériel et tous ceux qui ne dirigent pas leurs efforts pour l’atteindre, ceux qui n’adorent pas la machine utile, les processus d'achat et de vente, restent en dehors du nouveau monde.

Mais ce nouveau monde, qui prétend consacrer la figure du citoyen libre comme nouveau souverain, par le vote dans les assemblées, par l'expression d'opinions, par les relations d'affaires avec d'autres citoyens libres... ne fait que reproduire, avec une nouvelle topologie, ce qu'il prétend avoir dépassé. Le changement, qui a entraîné la disparition de l’aristocratie en tant que classe dirigeante, a été déterminant.

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Si autrefois le facteur déterminant était la propriété de la terre, cultivée par des gens qui ne la possédaient pas, plus tard c'est la propriété des moyens de production (usines, machines) qui a été déterminante. Aujourd’hui, une nouvelle classe (les intermédiaires) prend le pouvoir de l’ancienne bourgeoisie (une simple mutation), dont la clé de la domination est le contrôle des réseaux, des flux d’information, des échanges monétaires et du marché des données (Big Data).

Nous savons que pendant des siècles, au Moyen Âge et jusqu’à il y a moins de trois siècles, la société occidentale était divisée en trois classes : l’Église, la noblesse et la bourgeoisie. L'Église détenait le pouvoir spirituel et moral, la noblesse contrôlait la terre et la force militaire, tandis que la bourgeoisie émergente commençait à accumuler richesses et influence grâce au commerce.

Au travers des révolutions et des changements institutionnels mentionnés ci-dessus, à des degrés divers, ce schéma a été maintenu. Ce qu'on appelle désormais « lutte des classes » est le produit du nouvel ajustement : la légitimité réside dans un citoyen présumé libre, qui devrait pouvoir faire valoir ses qualités, lesquelles, grâce à l'effort et à l'éducation, pourraient être améliorées pour réaliser ses désirs, et ainsi chacun serait heureux dans un cadre de libre concurrence. Mais non, la réalité est différente et l’a toujours été: les classes sociales existent comme il y a mille ans, avec le cruel espoir d’une égalité terrestre qui ne pourra jamais être atteinte. Si l’Église l’a reporté après la mort (l’opium du peuple, selon Marx), le système démocratique le promet pour aujourd’hui.

Le système démocratique a provoqué un déplacement entre les strates de la pyramide sociale (qui existe toujours), qui pourrait être résumé comme suit :

- L’Église a été remplacée par les médias, qui exercent une influence significative sur l’opinion publique et le récit social. Les partis politiques jouent également un rôle crucial dans la formation de la volonté politique.

- La noblesse a été remplacée par des élites économiques et financières, qui contrôlent les banques et les grandes entreprises. Ces élites exercent un pouvoir considérable sur l’économie et la politique.

- La bourgeoisie a évolué vers une classe moyenne et supérieure qui accumule richesse et influence grâce à la propriété et au capital.

- Enfin, plus de 90% de la population est regroupée dans un quatrième état qui va du « précariat » (Fusaro) aux techniciens cosmopolites au service des grandes multinationales.

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Depuis la généralisation d’Internet, une autre organisation postmoderne simili-médiévale se dessine déjà, fondée sur la privatisation de tout, y compris des ressources de base, et la délégation de tout, où le producteur devient aussi un fonctionnaire au service des pouvoirs privatisés.

Les services publics essentiels, tels que l’éducation, la santé et la sécurité, sont privatisés et soumis à la logique du marché. Les partis politiques et les médias agissent comme intermédiaires entre le peuple et ces pouvoirs privés, tandis que les banques et les entreprises exercent un contrôle important sur l’économie, faisant en sorte que leurs décisions enrichissent certains et appauvrissent d’autres en fonction de la volonté de familles et de clans que personne ne voit, ne connaît ou pour lesquels personne ne vote.

Cela donne lieu à une « dictature des intermédiaires » (situés dans le flux entre plusieurs points), où ceux qui ne produisent pas ou ne créent pas de valeur, mais qui contrôlent les mécanismes de pouvoir et d’influence, exercent une domination significative sur la société : bitcoins, bases de données, bourse, réseaux sociaux… Ces intermédiaires dirigent la reproduction et la consommation, profitent du système et le perpétuent, soumettant les détenteurs des moyens de production à leur logique, indiquant la direction que l’opinion publique devrait prendre et générant des bulles financières comme nouveau moyen de contrôle de l’économie.

En ce sens, la structure sociale actuelle peut être considérée comme une forme de « féodalisme financier », où les seigneurs féodaux sont les banquiers et les sociétés, et les serfs sont les citoyens ordinaires qui travaillent pour rembourser leurs dettes et maintenir le système en marche. La question est de savoir comment la classe émergente, celle des techniciens et des intermédiaires qui contrôlent les flux, va mener à bien sa révolution.

Pendant ce temps, le système démocratique est dans ses derniers souffles: élections, partis et candidats inadaptés sont suspendus, tarifs douaniers et désindustrialisation font s'écrouler des empires, guerres déclarées et non déclarées où personne ne sait où se trouve le front… On verra bien.

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Marxiens, oui. Marxistes, non

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Marxiens, oui. Marxistes, non

par Alessio Mannino

Source :  https://www.ariannaeditrice.it/articoli/marxiani-si-marxi... 

Le 5 mai 1818 naissait à Trèves ce penseur brillant, profond, infatigable, fiévreux, utopiste malgré lui, politiquement autoritaire et philosophiquement incontournable qu'était Karl Marx. Il existe d'innombrables bibliothèques sur sa biographie et son œuvre, et il ne s'agit pas ici de se lancer dans une nouvelle interprétation fantaisiste (nous ne sommes d'ailleurs pas dignes d'en formuler une nouvelle). Mais l'occasion, qui nous est donnée ici, nous donne le droit de mettre un point final à son actualité, du moins à mon avis: le marxisme reste une pensée vivante et fertile en tant que méthode analytique, alors qu'il est gangréné de l'intérieur et devenu inutile en tant que conception palingénésique. C'est une idée qui a toujours été hérétique dans le camp marxiste (le premier à l'avoir formellement théorisée fut l'Allemand Karl Korsch, il y a cent ans, une sorte d'anti-Lukacs, qui a fini dans l'oubli précisément parce qu'il était un pestiféré et un réprouvé). Mais la thèse reste la même. D'autant plus aujourd'hui, après les échecs pratiques du communisme tel qu'il a été appliqué, où l'on peut, et même, d'après moi, l'on doit se dire marxien mais non pas marxiste.

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Marx, comme on le sait, est un élève rebelle de Hegel. Le philosophe prussien, dans son article de 1802 intitulé « La Constitution de l'Allemagne », définit l'esprit bourgeois comme relevant d'une « préoccupation constante » pour la propriété. Le bourgeois est avant tout un individu angoissé. Quelques années plus tard, dans son opus majeur, la Phénoménologie de l'esprit, il formule sa fameuse conception du travail comme devoir d'émancipation, « discipline de service et d'obéissance » sans laquelle la peur de la mort, propre à l'être humain, « reste intérieure », polluant la conscience qui, dès lors, « ne devient pas conscience elle-même ». Pour Hegel, et même les pierres le savent, ce qui constitue l'histoire humaine est le processus dialectique de l'autoconscience progressive de l'Esprit. Marx, dans son objectif de « remettre la dialectique hégélienne sur pied », a substitué la matière à l'Esprit (c'est cela le matérialisme historique), tout en maintenant l'aspiration au progrès, à l'amélioration et à l'humanisation, qui, selon lui, étaient entravés par les structures sociales oppressives, dominées à l'époque par la bourgeoisie. C'est-à-dire par le bourgeois dévoué à ses affaires plutôt que, comme le prolétaire, à l'émancipation de l'humanité entière, laquelle serait même, un jour, libérée du travail en tant que tel, grâce au communisme (« de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins »).

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Comme l'a souligné Simone Weil dans ses fulgurantes Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale, Marx attribuait en effet au rêve révolutionnaire la tâche de libérer « non pas les hommes, mais les forces productives ».  L'attention de Marx s'est progressivement déplacée de l'homme concret vers la production: ce n'est pas un hasard si le concept d'aliénation (la perte d'humanité de l'homme en tant qu'esclave de la machine capitaliste), si central et significatif pour la postérité, c'est-à-dire pour nous, n'est pas développé par le Marx de la maturité, qui laisse plutôt inachevée l'imposante cathédrale théorique qu'est le Capital.

L'image de la société communiste reste vague, essentiellement identifiée à l'extinction de l'État. Ce dernier est remplacé par une organisation sociale calquée sur le régime hyper-rationnel de la grande entreprise, que Friedrich Engels résume ainsi : « du gouvernement des hommes à l'administration des choses ». Une immense étendue de communautés qui tendent à se pacifier dans la mesure où elles sont régies par des principes, dirions-nous aujourd'hui, de rationalisation des ressources, visant au développement maximal de la productivité. Disons-le tout net : un cauchemar, plutôt qu'un rêve.

En effet, Weil a toujours observé que la limite macroscopique de Marx consistait dans le fait que son anticapitalisme « s'accordait profondément avec le courant général du capitalisme ». C'est-à-dire la mécanisation, la concentration, la managérialisation, tout le système d'asservissement que l'on verrait à l'œuvre dans le fordisme-taylorisme américain. En un mot : le productivisme, qui se traduit aujourd'hui par le dogme de la croissance économique infinie. Une exigence purement machinique, un automatisme de système, un article de foi rationnel, anxiogène, disciplinaire et aliénant vis-à-vis de tout. Mais rien de raisonnable et d'humain, absolument rien, ne s'y manifeste.

La part fallacieuse du philosophe barbu de Trèves ne réside donc pas tant dans la prédiction erronée de la baisse tendancielle du taux de profit, que dans la vision eschatologique de fin des temps d'un règne futuriste et saturnien, débarrassé de la pénibilité du travail et de l'âpreté des conflits.

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C'est pourquoi le marxisme, entendu comme pensée systématique, n'a plus grand-chose à nous dire, après le 20ème siècle: non pas parce que le capitalisme a battu en efficacité et en efficience les expériences du communisme tel qu'il a été réalisé, mais avant tout à cause de la déshumanisation qu'il portait dans son ADN, et dans laquelle toute tentative de poursuite d'un idéal abstrait et réductricement rationaliste finit invariablement par se déverser. C'est un fait établi: la poursuite aveugle du bonheur collectif conduit à la persécution aveugle et au malheur chronique des individus, pris dans leurs interactions, leurs relations et leurs rapports sociaux. Dans leur vie, en somme. Méfions-nous donc de ceux qui imprègnent encore les révolutionnarismes d'une saveur messianique, introduisant dans leur militantisme trop de transcendance et d'actes de foi. La révolution est possible, mais pour retourner le conflit en faveur des aliénés selon la justice. Pas pour le supprimer, ce qui est humainement impossible et indésirable. Ici, le républicain, qui est aussi précisément conflictualiste, Machiavel, peut servir d'excellent antidote (ce n'est pas pour rien que Machiavel, cette pierre angulaire qui va bien au-delà du machiavélisme maniéré, est un auteur totalement ignoré par Marx).

En quoi Marx reste-t-il non seulement utile, mais indispensable ? Dans le diagnostic de la maladie capitaliste (un terme, bien sûr, qu'il n'aurait pas utilisé, nous l'utilisons pour indiquer toute la difformité et l'insalubrité dont est victime la condition psychophysique, aussi bien que politique, de l'homme-animal: une aliénation, en fait, selon moi, qui est comparable à bien des égards à l'inévitable fléau du nihilisme, diagnostiqué plutôt par Nietzsche).

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Dans la mise en évidence de la nature de l'argent, qui provoque un manque inhumain d'empathie en étouffant à la racine le besoin naturel de communauté (« l'indifférence », dit Marx). Dans le chapitre III de la prophétie que constitue le Capital, celle-ci ponctuellement réalisée, est l'« aristocratie financière » qui étendra sa domination au monde entier. Enfin, même s'il est banal de le souligner, dans la subordination lucide de tout jugement à l'examen rigoureux des forces en présence à un moment historique donné, afin de relier les superstructures idéologiques aux structures de pouvoir sous-jacentes (sans tomber pour autant dans un économisme puéril - erreur dans laquelle, contrairement à certains de ses épigones, Marx n'est jamais tombé). Marx est donc toujours vivant. Le marxisme, beaucoup moins. D'ailleurs, malgré le maniement despotique et férocement polémique qui caractérisait le Marx politique actif dans le mouvement ouvrier, c'est lui-même qui disait, selon un témoignage d'Engels, que « ce qui est certain, c'est que je ne suis pas marxiste ». Deux siècles plus tard, nous pouvons d'autant plus nous permettre de ne pas l'être.

mardi, 13 mai 2025

Nouvelles sanctions américaines contre la Russie: Washington de nouveau sur la voie de la guerre?

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Nouvelles sanctions américaines contre la Russie: Washington de nouveau sur la voie de la guerre?

Washington. Le rapprochement entre l’administration Trump et la Russie semble prendre fin, et Washington se prépare de nouveau à la confrontation avec Moscou : selon des informations de l’agence de presse Reuters, le gouvernement américain prépare de nouvelles sanctions économiques ciblées contre la Russie afin d’accroître la pression sur le Kremlin. Trois représentants du gouvernement, dont les noms n'ont pas été dévoilés, et une source bien informée ont confirmé que le Conseil de sécurité nationale avait décidé de mesures appropriées, que le président Trump doit encore approuver. Les sanctions viseraient le conglomérat énergétique d’État Gazprom ainsi que des entreprises importantes du secteur des matières premières et du secteur bancaire, et devraient soutenir les efforts de Trump pour mettre fin à la guerre en Ukraine.

Jusqu’à présent, les sanctions américaines se concentraient principalement sur le secteur bancaire russe et sur des restrictions à l’exportation. Le nouveau paquet pourrait marquer une éventuelle correction de cap de l’administration Trump, qui a montré ces dernières semaines une certaine ouverture envers Moscou. « Le Conseil de sécurité nationale tente de coordonner une série de mesures punitives contre la Russie », a déclaré l’une des sources. « C’est uniquement sa [celle de Trump] décision », a ajouté un officiel. James Hewitt, porte-parole du Conseil de sécurité, a refusé de commenter les « négociations en cours », mais a souligné l’engagement constant de Trump en faveur d’un cessez-le-feu.

Le contexte des éventuelles sanctions est le rejet réitéré par Poutine des pourparlers de paix, comme l’a expliqué Kurt Volker, ancien envoyé spécial américain pour l’Ukraine, à Reuters : « Poutine le rejette [Trump] encore et encore. » Selon Volker, les mesures prévues pourraient donc constituer « la prochaine étape » de la pression exercée. Selon certains observateurs, cette démarche pourrait toutefois se retourner violemment contre les Etats-Unis. Le Kremlin n’a pas changé ses conditions pour entamer des négociations de paix, mais ne considère par le gouvernement de Zelensky à Kiev comme un partenaire de négociation adéquat. (mü)

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De la réalité et du narratif

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De la réalité et du narratif

par Pierluigi Fagan

Source : Pierluigi Fagan & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/realta-e-narrazione 

Depuis les événements du 7 octobre 2023 en Israël, une puissante bulle narrative s'est imposée, se substituant aux faits. L'opinion publique occidentale s'est, pour l'essentiel, plongée dans des discussions d'ordre narratif en négligeant obstinément les faits. La question du sémitisme et de l'antisémitisme est devenue un tourbillon narratif désormais classique. La Shoah juive et le génocide palestinien en sont un autre. La civilisation et la barbarie, même si elles n'ont pas été évoquées en tant que telles, ont été un autre topos narratif convoqué dans la bataille. De nombreuses discussions, même sur ma propre page, ayant gravi différents niveaux dans l'arsenal narratif et ce, dans un contexte de plus en plus conflictuel, n'ont pu que reporter le jugement final à un vague « nous verrons ».

Aujourd'hui, nous ne sommes pas encore au bout de la trajectoire qui nous permettrait de tracer une ligne de jugement, mais nous nous en rapprochons. Le gouvernement israélien a lancé l'opération « Chariot de Gédéon », l'une des nombreuses pièces narratives tirées du géniteur de tous les récits occidentaux: l'Ancien Testament.

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L'histoire de ce Gédéon ferait référence à des événements lointains, situés au 12ème siècle avant J.-C., mais il faut se rappeler que la rédaction plus ou moins complète du Livre ne date que du 6ème siècle avant J.-C., à Babylone, soit 700 ans après les prétendus « faits ». Nous avons donc un peuple résidant sur une terre partagée avec d'autres peuples, se souvenant d'une croyance née il y a près de quatre mille ans, un peuple totalisant moins de 18 millions de personnes dans le monde (0,2 % de la population mondiale), un peuple qui encadre ainsi narrativement les faits qu'il accomplit. En outre, le récit de Gédéon n'est pas du tout clair quant au parallèle, même métaphorique, qu'il pourrait avoir avec l'affaire de Gaza. L'opération « Chariot de Gédéon » semble vouloir déplacer (expulser) tous les Palestiniens de la bande de Gaza et l'occuper de façon permanente.

Mais qu'est-ce qui est accompli plus largement ?

Fondamentalement, Netanyahou met en œuvre le projet qu'il a lui-même présenté avec des cartes et des marqueurs à l'Assemblée générale de l'ONU, quelques jours avant le 7 octobre.

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Le projet remonte à un plan stratégique partagé par les Américains, les Israéliens et les Arabes du Golfe et qui a été sanctionné par les Accords d'Abraham à l'époque de la première présidence Trump, développé par l'administration Biden avec l'idée de la « Route du Coton » dont la logistique est montrée dans la carte ci-dessus, confirmé par la deuxième présidence Trump qui a vaguement envisagé de faire de la Bande de Gaza une ZES ou Zone Économique Spéciale (on ne sait pas si ce sera sous une administration américaine, israélienne ou mixte).

Je rappelle que la bande de Gaza a été officiellement reconnue par l'ONU (en 2012) comme faisant partie de l'État de Palestine. Mais c'est le sort constant du « droit international » d'être ignoré, car il est un concept que l'on voudrait logique, mais qui ne l'est pas du tout parce qu'il est en fait impossible à promouvoir. Impossible pour différentes nations de reconnaître un droit supérieur au leur lorsqu'une nation se constitue elle-même en État en définissant souverainement son droit, ses mécanismes de jugement et son système pénal.

La logique de ce projet est toutefois bien articulée. Le noyau dur de ce projet serait de mettre en commun les intérêts entre les monarchies arabes du Golfe et Israël, de créer une ère de paix basée sur le business, la paix la plus solide que l'on puisse imaginer dans ces contrées. Mais le principe de la cause complexe nous invite aussi à nous pencher sur les intentions annexes.

Netanyahou, avec l'état de guerre permanent, reporte sine die sa comparution effective devant un tribunal pour ses actes délictueux passés et compte sur le fait que, outre le report, une fois qu'il aura réalisé le grand plan en se débarrassant des Palestiniens de Gaza et du Hamas, il sera le héros d'Israël et, en tant que tel, difficilement jugeable par les bagatelles formelles émanant d'un acte d'accusation antérieur.

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Netanyahou s'appuie sur une majorité de droite plus ou moins extrême, qui à son tour s'appuie sur une partie de la population qui a émigré en Israël sur la base du récit de la réunification des Juifs (mais il y a aussi des doutes sur le fait que beaucoup -en provenance d'Europe de l'Est depuis l'après 1991- le sont réellement), même si l'idée même d'utiliser cette identité ethnique ou raciale est acceptée par la culture occidentale, qui, dans d'autres cas, désavoue et abjure la prétendue identité de tout groupe ethnique qui voudrait se transformer en une race.

Mais pour les « Juifs », tout est permis, à la fois parce qu'ils auraient trouvé l'occidentalité chez les Grecs (à cause du récit religieux), et parce qu'en tant qu'Israéliens, ils sont un coin occidentaliste enfoncé dans une partie sensible du monde arabe, et parce que l'Occident (et les Allemands plus que tous les autres) a une conscience très coupable à l'égard de ce peuple. C'est le seul peuple au monde qui croit avoir une continuité d'existence historique inchangée depuis trois mille ans et plus, transmise principalement et génétiquement par la voie maternelle, et avec sa propre religion exclusive selon laquelle le dieu de l'Univers aurait une relation unique et spéciale avec lui.

Enfin, et bien que le dire attire immédiatement les cris de colère de la machine de propagande narrative dont ils sont les maîtres millénaires, il ne fait aucun doute que ce maigre 0,2 % du monde a un poids et une influence culturels, informationnels, éducatifs et financiers exceptionnels ou disproportionnés. La Russie aussi, et pour diverses raisons, est très condescendante.

Enfin, l'opération Trump1-Biden-Trump2 créerait une homogénéité stabilisatrice au Moyen-Orient (au moins dans les intentions), contraire à l'islam iranien, une homogénéité annonciatrice de nombreuses grandes affaires futures et, dans la version « Route du coton », alternative et concurrente de la BRI chinoise. Un axe entre, d'une part, l'Inde -qui tente de s'arracher à son asiatisme naturel-, et, d'autre part, la péninsule arabique pleine d'hydrocarbures et d'argent, et l'Europe à la recherche d'approvisionnements énergétiques alternatifs à la dépendance russe qui a été abjurée, depuis le début de la guerre en Ukraine. A cela, il convient d'ajouter les fantasmes anarcho-capitalistes de la zone Trump à constituer sur le territoire de Gaza comme un nouvel hybride de Singapour et de Disneyland pour les riches, un paradis fiscal drainant les capitaux européens fuyant les fiscalités nationales.

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Bien entendu, nous ne nous sommes concentrés ici que sur une partie de l'aire des conflits. Il y a ensuite le Hamas, avec une moitié relevant des Frères musulmans (la « peste » en termes politiques pour les monarchies et les gouvernements arabes), mais aussi avec une autre moitié protégée et manipulée par le Qatar et l'Iran, les contradictions internes du monde palestinien, l'histoire controversée de la zone depuis les Philistins jusqu'au Mandat britannique, etc. En réalité, les « Palestiniens » sont un groupe ethnique malheureux qui n'est pas aimé par tout le monde, soit par intérêt, soit par opposition ouverte. En théorie, ils seraient également des Sémites, définissables comme des Arabes à d'autres égards, mais ils ont leur propre nom et leur propre identité. Utilisés par le Qatar et l'Iran, avec lesquels on ne voit pas très bien ce qu'ils ont à partager si ce n'est d'être pions pour des manœuvres géopolitiques (ils pourraient l'être davantage par la Turquie), mal aimés par les gouvernements arabes et les religieux (les Palestiniens ne sont historiquement pas très religieux), méprisés par les Israéliens, problématiques pour les Européens. La logique de l'opération du 7 octobre du Hamas, avec toute la bonne volonté du monde, est difficile à comprendre.

Il faut dire que, si l'on peut dire beaucoup de choses sur l'affaire israélo-palestinienne sur le plan du jugement moral, sur le plan du jugement pratique, la question de l'hypothèse d'une coexistence honnête et pacifique des acteurs de ce long drame est effectivement complexe. Surtout lorsque les intérêts internationaux des puissances extérieures s'ajoutent au tableau local déjà compliqué, qui a une profondeur historique longue et stratifiée.

Un exemple ridicule de cet état de confusion (comme tant d'autres choses concernant ce parti politique italien) est le fait que le parti libéral-progressiste qui s'appelle improprement « de gauche » et se pose comme démocratique, après avoir pendant des années soutenu bruyamment l'idée d'« une terre, deux États », est aujourd'hui passé à la position de « gauche pour Israël » (?).

Quoi qu'il en soit, je voulais simplement résumer la question à grands traits en rappelant une fois de plus combien nous aimons discuter de récits fictifs et d'idées hyper-ouraniques alors que le sang coule, que l'injustice triomphe, que la civilisation décline. On pourrait en tirer une règle : plus la réalité est sombre, plus on se réfugie dans le monde lumineux des idées. Des idées qui, pourtant, justifient et s'emploient à rendre la réalité toujours plus sombre.

Economie verte et écologisme néolibéral

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Economie verte et écologisme néolibéral

Diego Fusaro

Source: https://posmodernia.com/business-ecologico-el-ambientalis...

Il existe un paradoxe apparent lié à la question de l'apocalypse environnementale qu'il convient d'aborder : le logo dominant dans le cadre du technocapitalisme du nouveau millénaire non seulement ne reste pas silencieux face au dilemme de la catastrophe imminente, mais l'élève au rang d'objet d'une prolifération discursive hypertrophique. L'urgence environnementale et climatique est, à juste titre, l'un des sujets les plus soulignés et les plus discutés dans l'ordre actuel du discours.

Cela semble, à première vue, une contradiction dans les termes, si l'on considère que poser ce dilemme revient à énoncer la contradiction même du capital, qui est son fondement. Ne serait-il pas plus cohérent avec l'ordre technocapitaliste d'occulter - ou du moins de marginaliser - cette question problématique, d'une manière similaire à ce qui se passe avec la question socio-économique du classisme et de l'exploitation du travail, rigoureusement exclue du discours public et de l'action politique ?

Affirmer que, contrairement au problème de l'exploitation du travail (qui reste largement invisible et qui, de toute façon, peut être facilement éludé par le discours dominant), la question environnementale est claire et évidente aux yeux de tous, oculos omnium, et que, par conséquent, il serait impossible de l'éviter comme si elle n'existait pas, revient à faire une affirmation vraie mais, en même temps, insuffisante: une affirmation qui, en outre, n'expliquerait pas les raisons pour lesquelles le discours dominant non seulement aborde ouvertement la question, en la reconnaissant dans sa pleine réalité, mais tend même à l'amplifier et à la transformer en une urgence et en une véritable urgence planétaire.

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La thèse que nous entendons soutenir à cet égard est qu'il existe une différence notable entre la question environnementale et la question socio-économique (que Marx appellerait, sans périphrase et à juste titre, « lutte des classes »). Cette dernière ne peut en aucun cas être « normalisée » et métabolisée par l'ordre technocapitaliste qui, en fait, opère de telle sorte qu'elle n'est même, tendanciellement, jamais mentionnée (ni, ça va sans dire  par les forces du camp gauche de la politique, depuis longtemps redéfini comme gauche néolibérale ou, mieux encore, « sinistrash » - gauche poubelle). Margaret Thacher, quant à elle, avait déjà ostracisé le concept même de classe sociale, le qualifiant de vestige inutile et pernicieux du communisme (selon ses propres termes : « la classe est un concept communiste. Il sépare les gens en groupes comme s'il s'agissait de parcelles et les monte ensuite les uns contre les autres").

978881717846HIG.pngComme nous l'avons montré plus en détail dans notre étude Démophobie (2023), les droits sociaux sont remplacés dans l'ordre discursif et dans l'action politique par des « droits arc-en-ciel », c'est-à-dire par ces caprices de consommateurs qui, en plus de permettre de détourner le regard du conflit de classe, sont intrinsèquement fonctionnels à la logique néolibérale d'expansion de la marchandisation du monde de la vie. Et les forces politiques sont toutes réorganisées à l'extrême centre de la grosse Koalition néolibérale, apparaissant de plus en plus comme des articulations du parti unique du turbo-capital qui élève le fanatisme économique et le classisme, l'impérialisme et l'aliénation à un destin inéluctable et à un horizon exclusif (il n'y a pas d'alternative).

Contrairement à la question socio-économique, la question environnementale peut être métabolisée et - littéralement - rentabilisée par l'ordre technocapitaliste pour de multiples raisons. Précisons toutefois que l'ordre discursif néolibéral affronte et, en fait, amplifie la question environnementale et climatique dans l'acte même par lequel il la déclare abordable et résoluble mais toujours et seulement dans le cadre du technocapitalisme, neutralisant a priori la pensabilité de toute arrière-pensée ennoblissante éloignée de la prose de la réification du marché et de la Technique. Et c'est en fonction de cette clé herméneutique que s'explique l'intensification discursive néolibérale de l'urgence climatique et environnementale, toujours caractérisée par l'occultation de la matrice capitaliste des désastres.

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Bien canalisée dans les rails de la mondialisation néolibérale, la question environnementale peut jouer, pour l'ordre dominant, le rôle d'une fonction efficace de défocalisation du regard sur la question socio-économique, le classisme, l'exploitation et l'impérialisme. Pour comprendre cet usage apotropaïque dans toutes ses implications, on peut par exemple se référer au rapport de 1991 intitulé La première révolution mondiale, publié par le « Club de Rome », une association fondée en 1968 par l'homme d'affaires Aurelio Peccei, le scientifique écossais Alexander King et le turbo-capitaliste milliardaire David Rockefeller : une entité que l'on peut à juste titre classer parmi les nombreux think tanks (du Cato Institute à la Heritage Foundation, de l'Adam Smith Institute à l'Institute of Economic Affairs) au service de l'ordre dominant, auquel ils apportent une caution idéologique.

Ainsi, on peut lire dans le rapport de 1991 : « Dans la recherche d'un nouvel ennemi qui pourrait nous unir, nous avons trouvé l'idée que la pollution, la menace du réchauffement climatique, la pénurie d'eau potable, la faim et d'autres choses du même genre serviraient notre objectif ». En somme, la question verte doit être habilement identifiée comme une contradiction fondamentale et un « ennemi commun » capable de nous unir ("un nouvel ennemi pour nous unir") dans une bataille qui, d'une part, détourne le regard du conflit entre le Serviteur et le Seigneur et, d'autre part, conduit le premier à adhérer à nouveau à l'agenda du second, notamment aux nouvelles voies du capitalisme écologique telles qu'elles seront sculptées dans les années à venir.

Le rapport du Club de Rome peut être accompagné d'un autre document datant de deux ans plus tôt qui, malgré les différences de nuances et d'intensité des approches, propose un schéma de pensée convergent. Il s'agit d'un discours prononcé par Margaret Thatcher le 8 novembre 1989 devant l'Assemblée générale des Nations Unies. Il est animé, entre les lignes, par la volonté d'identifier un nouvel « ennemi commun » pour remplacer le « socialisme réel », déjà en déclin (il est significatif que le discours de la Dame de fer ait eu lieu à la veille de la chute du mur de Berlin). Et que, par conséquent, il peut être assumé comme le nouveau défi global au capitalisme, en impliquant tout le monde dans son projet. Selon Thatcher, « de tous les défis auxquels la communauté mondiale a été confrontée au cours de ces quatre années, l'un d'entre eux est devenu plus évident que tous les autres, à la fois en termes d'urgence et d'importance : je veux parler de la menace qui pèse sur notre environnement mondial ».

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Le sermon de la Dame de fer est parfois encore plus symptomatique du nouvel esprit du temps que le rapport du « Club de Rome », en particulier dans son insistance sur la nécessité de traiter la question environnementale sans renoncer à l'impératif de croissance, préservant ainsi le capitalisme sous une forme éco-durable tout en se consacrant à la croissance économique. Pour reprendre les termes de Thatcher, « nous devons faire ce qu'il faut sur le plan économique. Cela signifie que nous devons d'abord avoir une croissance économique continue afin de générer la richesse nécessaire pour payer la protection de l'environnement ». L'astuce - une constante dans l'ordre du discours néolibéral - consiste à dénoncer le problème environnemental, en accompagnant immédiatement la dénonciation de la reconnaissance que la croissance, le développement et les auri sacra fames - la faim d'or maudite - du capital ne sont pas la cause, mais la solution possible : « nous devons résister à la tendance simpliste de blâmer l'industrie multinationale moderne pour les dommages causés à l'environnement. Loin d'être les méchants, ce sont eux sur qui nous comptons pour enquêter et trouver des solutions ».

Ainsi, suivant le discours de Thatcher, qui résume le nouvel esprit du capitalisme vert in statu nascendi - en phase d'émergence - la critique du capitalisme comme cause de la destruction de l'environnement (en un mot, l'environnementalisme socialiste) serait une « tendance simpliste », du fait que les industries multinationales, « loin d'être les méchants », sont les agents qui peuvent mener les recherches et trouver les solutions au dilemme. Cependant, le non sequitur dans lequel la réflexion de Thatcher, et avec elle, la raison d'être néolibérale elle-même, s'enlisent est que, même à supposer que les entreprises multinationales puissent trouver la solution, cela ne peut servir d'alibi à leur responsabilité dans la genèse de la tragédie, comme semble l'indiquer le passage cité plus haut. Et, de toute façon, comme nous essaierons de le montrer, les « solutions » recherchées et trouvées par l'industrie multinationale moderne évoluent toujours sur la base de l'acceptation (et de la reproduction perpétuelle) de la contradiction qui génère le problème.

Par conséquent, l'ordre hégémonique admet et même encourage le discours sur la catastrophe, tant qu'il est invariablement articulé dans les périmètres du cosmos technocapitaliste, supposé comme un a priori historique non modifiable ou, en tout cas, comme le meilleur système possible à la fois parmi ceux qui ont déjà existé et parmi ceux qui pourraient éventuellement exister en tant qu'alternative.

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L'évocation constante de la catastrophe climatique et l'exigence d'y remédier sont donc permises et d'ailleurs constamment induites, à condition que les recettes et les solutions soient administrées par la logique du profit et le maintien de la forme valeur comme fondement du système de production.

Enfin, si l'environnementalisme néolibéral est ouvertement promu et pratiqué par les modèles politiques de l'Occident - ou, plus précisément, de l'Ouest -, l'environnementalisme socialiste est découragé et diabolisé, soit sur la base de ce que Fisher a défini comme le « réalisme capitaliste » (selon lequel il n'y aurait pas d'alternatives à ce qui existe), soit sur la base de la stigmatisation de la passion utopique et anti-adaptative, idéologiquement assumée comme prémisse à la violence et au retour des atrocités du 20ème siècle.

En d'autres termes, le turbo-capitalisme pose et débat la question de l'apocalypse verte en se présentant comme la solution et non comme l'origine du problème: ainsi, tout en cultivant les causes de la catastrophe, il se propose de travailler sur les effets, dans une perspective qui, de surcroît, est fonctionnelle à la préservation de la logique du capitalisme lui-même. Il va sans dire qu'affronter le dilemme environnemental en restant sur le terrain du technocapitalisme signifie, dans la meilleure des hypothèses, ne pas le résoudre et, dans la pire (comme nous pensons que c'est effectivement le cas), renforcer encore les bases de la catastrophe.

En particulier, nous tenterons de montrer comment, sous la forme de l'environnementalisme néolibéral, le discours turbo-capitaliste sur l'apocalypse verte tente, d'une part, de moduler les stratégies de résolution de la catastrophe qui, présupposant l'ordre technocapitaliste et son maintien, sont toutes vouées à l'échec et, d'autre part, de neutraliser préventivement la viabilité de l'option de l'environnementalisme socialiste. Sans exagérer, si le logo hégémonique s'approprie le discours environnemental, c'est en raison de sa volonté de le sortir du camp socialiste pour le ramener - et donc le « normaliser » - sur le terrain néolibéral, plutôt qu'en raison de sa volonté réelle de remédier au cataclysme qui s'annonce. D'autre part, pour les porte-drapeaux du fanatisme techno-économique - pour paraphraser Jameson - il est plus facile et moins douloureux d'imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme.

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L'hypertrophie discursive de la question environnementale à l'ère néolibérale s'explique par trois raisons principales, qui seront examinées ci-dessous : (a) la transformation de l'urgence environnementale elle-même en une source d'extraction de la plus-value, qui se produit surtout en vertu du système manipulateur de l'économie verte et de ses « sources renouvelables » d'affaires ; (b) le brouillage du regard par rapport au conflit socio-économique (qui, comme on l'a rappelé, ne peut être incorporé et normalisé dans l'ordre technocapitaliste, contrairement à la question environnementale) ; (c) la fabrique de la crise et le gouvernement de l'économie de marché, qui sont les principaux responsables de l'hypertrophie discursive de la question environnementale à l'ère néolibérale ; c) la fabrique de la crise et l'utilisation gouvernementale de l'urgence, sous la forme d'un « Léviathan vert » qui utilise la crise elle-même comme ars regendi - l'art de gouverner - pour consolider, optimiser et étendre la domination technocapitaliste sur la vie.

Sur la base de ces hypothèses, l'économie verte peut être comprise à juste titre comme la solution que la raison néolibérale propose pour la question environnementale, dans une tentative non pas tant de sauver la planète (et avec elle, la vie) du capitalisme, mais de sauver le capitalisme lui-même des impacts environnementaux et climatiques. En d'autres termes, l'économie verte aspire à garantir que le capital puisse, de quelque manière que ce soit, surmonter sa contradiction intrinsèque qui se traduit par l'épuisement des ressources et la neutralisation du « remplacement organique » de la mémoire marxienne : pour rendre cela possible, le punctum quaestionis - l'état de la question - conduit à la redéfinition du capitalisme lui-même, selon une nouvelle configuration verte, qui lui permet de poursuivre la valorisation de la valeur, en évitant la récession et en reportant dans le temps l'éclatement de la contradiction.

Les élites turbo-financières apatrides s'approprient les revendications écologistes croissantes, nées dans les années 1970 et devenues de plus en plus solides, et les détournent vers les circuits de l'économie verte, en cohérence avec laquelle la limite environnementale doit être perçue non pas comme un obstacle au développement, mais comme une opportunité de profit sans précédent, comme un moteur de croissance renouvelé et comme le fondement d'un nouveau cycle d'accumulation.

L'erreur qui est à la base de l'« économie verte » et, plus généralement, de l'environnementalisme néolibéral dans toutes ses extra-inspections, peut être facilement identifiée dans la conviction générale que la contradiction ne réside pas dans le capitalisme en tant que tel, mais dans son fonctionnement, encore insuffisamment calibré pour trouver un équilibre avec la nature.

En somme, le capitalisme est perçu comme la thérapie d'un mal qui, tout au plus, peut être compris comme la conséquence d'une application encore perfectible du capitalisme lui-même. Il va sans dire que ce qui échappe à la raison d'être néolibérale, c'est que, comme Marx et Heidegger l'ont montré - bien que sur des bases différentes - c'est le fondement même du technocapitalisme qui consomme les entités dans leur totalité et conduit à l'épuisement de la nature.

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En bref, le capitalisme n'est pas malade, comme les hérauts de l'économie verte et de l'environnementalisme néolibéral semblent vouloir le suggérer : il est la maladie. Il ne s'agit donc pas de guérir le capitalisme, mais de guérir l'humanité et la planète du capitalisme. Cela signifie que ni la justice sociale ni même un véritable environnementalisme ne peuvent exister sans l'anticapitalisme. Prétendre guérir le capitalisme signifie seulement perpétuer, sous de nouvelles formes, le système d'oppression de l'homme et de la nature par l'homme.

La dévastation de l'environnement et le changement climatique générés à son image par le technocapital (heideggérien dans son « oubli de l'Être » et sa volonté de puissance de croissance démesurée) deviennent, grâce à l'économie verte, un phénomène par lequel la ruse de la raison capitaliste (comme nous pourrions aussi l'appeler, en empruntant la formule hégélienne), se trompe elle-même en croyant pouvoir résoudre la contradiction, désormais indéniable parce qu'attestée par les données scientifiques et l'expérience quotidienne.

En d'autres termes, puisque la contradiction est réelle et évidente, et que ses effets désastreux tendent à se manifester dès le temps présent, l'ordre libéral s'emploie à la résoudre par des méthodes qui ne remettent pas en cause l'ordre capitaliste lui-même et qui, de surcroît, permettent de le maintenir et même de le renforcer.

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Selon la ligne théorico-pratique ouverte par le « Rapport Stern » (2006), l'économie verte conçoit de nouvelles sources de profit qui, sans affecter réellement le processus de production, ont simplement - ou semblent avoir - moins d'impact sur l'environnement et le climat. En substance, ils recommandent que nous fassions simplement ce que nous faisons déjà, mais d'une manière verte. Ainsi, non seulement le capitalisme se trompe lui-même (et nous trompe) en prétendant avoir trouvé la solution à la catastrophe environnementale dont il a été l'un des principaux responsables, mais il se revitalise et revitalise sa propre logique en modifiant les hypothèses du mode de production et en conquérant de nouveaux marchés, en inventant de nouvelles stratégies et en encourageant la consommation de nouvelles marchandises « éco-durables ».

Quelle Allemagne ?

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Quelle Allemagne ?

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/quale-germania/

Merz, le leader de la CDU-CSU, vainqueur des dernières élections, n’avait pas obtenu, au premier tour, assez de voix au Bundestag pour être élu Chancelier.

C’est, bien sûr, un simple signal. Sans plus. Car, lors du second tour, sa dite majorité s'est à nouveau rassemblée. Et il a alors été élu.

En Italie, ces querelles internes à la majorité seraient considérées comme normales. Mais pas en Allemagne. Jamais il ne s’était produit qu’un chancelier fédéral ne soit pas élu dès le premier tour comme prévu. Et l’opinion publique allemande est restée, pour le moins, consternée.

Lors de ce premier tour, il manquait dix-huit voix. C'est peu, mais c'est énorme. Quoi qu’il en soit, le signal était très clair.

Profitant du scrutin secret, un groupe de parlementaires a voulu faire comprendre qu’ils ne signaient pas un mandat en blanc pour Merz.

Qu’ils étaient prêts à lui tourner le dos si ses choix ne les convainquaient pas.

Quels parlementaires ? L’opération semble trop bien organisée pour laisser penser à des dissensions occasionnelles et indépendantes les unes des autres. Au contraire, l’impression est celle d’un signal très précis de la part d’un secteur de la majorité, qui nourrit beaucoup de doutes sur les positions adoptées par Merz ces derniers temps.

Et, je peux me tromper, mais ces signaux viennent de l’intérieur de la CDU, de son propre parti. Où l’excessif bellicisme de Merz, homme lié par tous les fils aux lobbys financiers internationaux qui veulent la guerre avec la Russie, inquiète beaucoup.

Surtout ceux qui ont conscience du colossal dommage économique subi par Berlin qui a accepté, sottement, de s’opposer à Moscou.

Une prise de position, si l’on peut l’appeler ainsi, qui est absolument en contradiction avec les intérêts réels des Allemands. Et qui, de plus, gonfle les voiles de l’AfD.

L’AfD que Merz voudrait interdire. Une intention que, non par hasard, Massimo Cacciari a qualifiée de suicidaire.

Car elle ne représenterait qu’un signe supplémentaire de l’appauvrissement du positionnement déjà fragile du nouveau chancelier sur les positions et intérêts d’une certaine finance spéculative. À laquelle il appartient de fait, et à laquelle il répond clairement.

En se désintéressant, ou pire, de l’Allemagne et des Allemands qu’il devrait gouverner.

lundi, 12 mai 2025

Continuité douteuse: la critique de la Russie reste à l’ordre du jour au ministère allemand des Affaires étrangères

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Continuité douteuse: la critique de la Russie reste à l’ordre du jour au ministère allemand des Affaires étrangères

Berlin. Annalena Baerbock (Verts) quitte ses fonctions, mais son héritage en matière de politique étrangère désastreuse demeure. En effet, la CDU a marqué des points indiscutables avec la nomination de Johann Wadephul comme futur ministre des Affaires étrangères et de Serap Güler comme future ministre d’État au ministère des Affaires étrangères. Les décisions quant au choix du personnel qui ont été prises par le futur chancelier Friedrich Merz garantissent ainsi la poursuite d’une ligne anti-russe néfaste.

Alors que les médias spéculaient initialement sur un éventuel retour de l’ancien candidat à la chancellerie Armin Laschet, c’est finalement l’expert en sécurité Wadephul qui a triomphé. Lors d’un entretien piégé qu'il avait accordé deux satiristes russes, il aurait prétendument confié à la fin de l'année 2024: « La Russie restera à jamais un ennemi pour nous. » La véritable surprise est toutefois la nomination de la politicienne de 44 ans, Serap Güler (photo, ci-dessous), qui, contrairement aux espoirs déçus de son protecteur Laschet, intégrera désormais le ministère des Affaires étrangères.

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Cette politicienne d’origine turque, qui se décrit elle-même comme une « experte CDU-OTAN », adopte une position claire dans la politique étrangère allemande à venir. Ses nombreuses déclarations sur X (anciennement Twitter) ne laissent aucun doute sur ses positions. Elle a ainsi demandé le 26 août 2022 de manière rhétorique: « Qu’est-ce qui ne va pas chez vous ? Où avez-vous vécu ces derniers mois, pour penser encore qu’on peut négocier la paix avec Poutine?». En janvier 2023, elle a mis en garde: «Le plus grand service que nous puissions rendre à Poutine, c’est de laisser tomber l’Ukraine». Et encore en mars 2025, elle critiquait le chancelier Scholz: «Si Scholz gouvernait en Finlande ou en Suède, ces pays ne seraient jamais entrés dans l’OTAN».

La position inflexible de Güler va au-delà de la simple critique. En mars 2023, elle déclarait au Münchner Merkur: « Nous sommes déjà en guerre hybride avec la Russie». Elle réclame la conscription pour les femmes et a mis en garde à plusieurs reprises contre des cyberattaques russes.

Cependant, la nouvelle ministre d’État n’est pas du tout vierge de positions controversées. Les médias ont évoqué ses contacts avec des nationalistes turcs et des lobbyistes azerbaïdjanais — accusations qu’elle a toujours réfutées.

Güler se montre également intransigeante sur d’autres questions de politique étrangère et affiche une détermination résolue face à la Russie. En décembre 2024, elle a appelé sur Deutschlandfunk à fermer les bases russes en Syrie: «Leur perte affaiblirait considérablement la Russie».

Avec la double direction Wadephul/Güler, la CDU envoie un message clair à Moscou: l’ère d’une politique russe profondément conflictuelle va se poursuivre (rk).

Fumée blanche. Et maintenant?

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Fumée blanche. Et maintenant?

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/fumata-bianca-e-ora/

Le pape est là. Comme prévu, la Chaire de Pierre est restée vacante très peu de temps. La période de deuil pour François/Bergoglio, puis deux jours de scrutin. Et au quatrième tour, le nom a été annoncé.

Ce n'est pas un nom imprévu, même s'il n'était pas parmi les plus populaires avant l'élection. Mais ensuite, Washington est entrée en scène. Et Elon Musk aussi. Avec des arguments très... concrets.

Et ainsi le cardinal Prevost est devenu Léon XIV.

Évidemment, il reste encore beaucoup à comprendre sur la manière dont sera ce pontificat. Et Prevost, cardinal depuis à peine deux ans et somme toute jeune (69 ans), reste une inconnue difficile à décrypter.

Certes, Bergoglio l'avait voulu à Rome. Cependant, les premiers signes ne semblent pas indiquer qu'il soit un fidèle du pape argentin, lequel fut très souvent controversé.

Le style, tout d'abord. Complètement différent. La tenue pontificale complète, la lecture des Écritures, la bénédiction.

Aucune « familiarité » comme dans la manière de se présenter de son prédécesseur. Bien au contraire, une certaine froideur, probablement voulue.

Surtout, aucune concession à la place publique. Où la déception a semblé tangible.

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Et puis le nom. Léon XIV. Un bond en arrière, à la fin du 19ème siècle. Ni Paul, ni Jean, ni François... ni Pie ni Benoît. Léon. Comme l'auteur de l'Encyclique Rerum Novarum. Qui était, il faut le rappeler, la réponse de l’Église aux tensions sociales qui traversaient le siècle. Et une réponse sèche et dure: fermeture à toute forme de socialisme. Et, en réponse, une déclinaison particulière de la doctrine corporative.

Bien sûr, il n'est pas certain que l'évocation soit celle de Léon XIII. Car d'autres figures surgissent dans la mémoire.

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À commencer, évidemment, par Léon I, Léon le Grand, également vénéré par les orthodoxes. Qui représente la tentative de maintenir unies les Églises d’Orient et d’Occident, évitant ainsi le grand Schisme.

Une main tendue, peut-être, vers la Russie chrétienne, qui demeure encore aujourd’hui le bastion de l’orthodoxie.

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Ou encore Léon III. Qui forgea un accord avec Charlemagne. Le pape de la « realpolitik » occidentale. Ce pourrait être une référence intéressante, étant donné l’origine de Prevost et ses relations, complexes mais étroites, avec Washington.

Ce ne sont que des hypothèses, bien sûr, qui devront être vérifiées. Comme l’attitude de l’évêque Prevost à l’époque, qui aurait empêché, dit-on, des enquêtes sur des prêtres pédophiles dans sa juridiction. Une attitude, là aussi, qui doit être examinée attentivement, car elle semble témoigner de la volonté traditionnelle de l’Église de ne pas laisser d’autres pouvoirs s’immiscer dans ses affaires.

En somme, c’est moi qui juge mes prêtres coupables. Et c’est moi qui décide de leur sort. Aucune autorité ou pouvoir civil ne peut s’en mêler.

N’oublions pas que l’archevêque de Canterbury, Thomas Becket, a été assassiné sur ordre du roi précisément parce qu’il avait excommunié le souverain. Coupable d’avoir condamné un prêtre coupable de crimes sexuels. Invasion dans le domaine de l'Eglise. Donc... inacceptable.

Quoi qu'il en soit, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Il ne reste qu’à attendre et voir si ce pontificat, qui pourrait durer longtemps, déplacera davantage l’axe du monde vers l’Occident. Ou s’il offrira l’occasion de rouvrir le dialogue avec Moscou.

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Le Pakistan et l'Inde vers un conflit. Cui prodest?

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Le Pakistan et l'Inde vers un conflit. Cui prodest?

par Stefano Vernole

(Vice-président, Centre d'études Eurasie et Méditerranée)

Source: https://www.cese-m.eu/cesem/2025/05/pakistan-e-india-vers... 

Le Pakistan affirme que l'Inde prépare une « attaque militaire imminente » et, si c'est le cas, la région de l'Asie du Sud plongerait dans la catastrophe.

SOURCE DE L'ARTICLE : https://strategic-culture.su/news/2025/05/05/pakistan-ind... 

Le prétexte officiel ? Une attaque sanglante à Pahalgam, au Cachemire, qui a tué 26 civils le 22 avril. Et s'il ne s'agissait que du dernier « casus belli » d'une stratégie atlantiste vieille de plusieurs décennies, destinée à attiser la ferveur nationaliste et à détourner l'attention de crises plus profondes?

L'avertissement du Pakistan est clair: toute agression indienne sera répoussée par la force. Les deux parties sont prises au piège d'une « guerre froide » régionale dans l'ombre d'un réalignement mondial. La Chine et la Russie sont des observateurs inquiets, qui appellent à la retenue et se proposent comme médiateurs. Et les États-Unis d'Amérique? Ils sourient en arrière-plan, avides d'instabilité pour maintenir l'Eurasie divisée et continuer à « gonfler » les profits du complexe militaro-industriel.

Le moment ne pourrait être plus suspect. Le dollar vacille. L'Occident s'enfonce dans le déclin moral et économique. Les BRICS+ apparaissent de plus en plus comme la seule alternative à l'indigne gouvernance mondiale nord-américaine. Que tout cela se termine par une escarmouche ou par une spirale plus large, il y a une certitude: lorsque l'ordre unipolaire vacille, le chaos devient monnaie courante et la guerre devient possible.

Lors d'un rassemblement public organisé à la hâte dans le Bihar, où des élections législatives auront lieu d'ici la fin de l'année, le Premier ministre indien Modi a porté la rhétorique guerrière à un nouveau niveau: «Aujourd'hui, depuis le sol du Bihar, je dis au monde entier: l'Inde identifiera, traquera et punira tous les terroristes et ceux qui les soutiennent. Nous les poursuivrons jusqu'au bout du monde». Il a ajouté: «Le châtiment sera important et sévère, ce à quoi ces terroristes ne songeraient même pas». Le ministre de la défense, Rajnath Singh, a déclaré : « Les responsables de tels actes recevront une réponse ferme dans un avenir proche. Nous ne punirons pas seulement les monstres qui ont perpétré cet acte de brutalité et de barbarie. Nous nous adresserons également à ceux qui se sont cachés derrière un rideau pour mener à bien cette conspiration. Les agresseurs et leurs maîtres seront pris pour cible». De même, le ministre de l'intérieur de l'Union, Amit Shah, a déclaré: «Les auteurs de cette lâche attaque terroriste ne seront pas épargnés. Et face à une nation qui les observe de près, ces mots sont plus qu'une promesse: ils sont un avertissement» (1).

La date de l'attentat de Pahalgam mérite d'être analysée de près. Il s'est produit alors que le Premier ministre Modi était en visite en Arabie saoudite, que le vice-président américain J. D. Vance était en Inde avec sa famille et juste avant que Donald Trump n'annonce une suspension des droits de douane à New Delhi. En outre, alors que les élections au Bihar sont prévues pour octobre-novembre 2025, de nombreux États clés comme l'Assam, le Kerala, le Tamil Nadu et le Bengale occidental devraient aller aux urnes en 2026. Sur le plan intérieur, les musulmans ont vivement protesté dans tout le pays contre la loi Waqf récemment adoptée, car elle est considérée comme une nouvelle loi anti-musulmane après la loi d'amendement sur la citoyenneté (CAA). Le gouvernement indien a été fortement incité à créer une distraction et à détourner l'attention du public. Après avoir accusé le Pakistan sans enquête appropriée et sans fournir de preuves, l'Inde a proclamé une série de mesures de rétorsion. Elle a notamment décidé de suspendre le traité sur les eaux de l'Indus, qui date de 1960, et a annoncé la fermeture du poste de contrôle intégré d'Attari. Il a été conseillé à tous ceux qui avaient franchi la frontière munis d'un visa valide de repasser par cette voie avant le 1er mai 2025. L'Inde a ajouté que les ressortissants pakistanais ne seront pas autorisés à entrer dans le pays avec des visas relevant du programme d'exemption de visa de l'ASACR (SVES) et que tous les visas délivrés aux ressortissants pakistanais sont considérés comme annulés, tandis que les ressortissants pakistanais qui se trouvent actuellement en Inde n'ont que 48 heures pour quitter le pays.

Les conseillers militaires, navals et aériens du haut-commissariat du Pakistan à New Delhi ont été déclarés « personae non gratae » et ont reçu un délai d'une semaine pour quitter l'Inde. New Delhi a également décidé de retirer ses conseillers de la défense, de la marine et de l'armée de l'air du haut-commissariat indien à Islamabad.

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En réponse, le Pakistan, à la suite de la réunion du comité de sécurité nationale, a rejeté la décision de l'Inde de « geler » le traité sur l'eau, soulignant qu'aucune clause de l'accord n'autorise sa suspension unilatérale. Le Pakistan a averti que tout détournement des eaux serait considéré comme un « acte de guerre » et a décidé de fermer son espace aérien à l'Inde. Alors que le Pakistan avait déjà bloqué le commerce bilatéral suite aux mesures illégales et unilatérales prises par l'Inde le 5 août 2019 concernant l'IIOJK (la région du Jammu-Cachemire), il vient d'annoncer la suspension de toutes les formes de commerce, y compris le commerce avec des pays tiers via le territoire pakistanais (2).

Le Pakistan a également demandé aux citoyens indiens de quitter le pays, à l'exception des Sikhs Yatri, et a indiqué qu'il se réservait le droit de suspendre les accords bilatéraux, y compris l'accord de Simla. Le Pakistan a ensuite exprimé sa ferme détermination à défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale contre toute « mésaventure ». Ces derniers jours, les tensions bilatérales croissantes ont été accompagnées d'informations faisant état d'une escalade des échanges de tirs le long de la ligne de contrôle (Line of Control / LoC).

Selon Islamabad, ce n'est qu'une question de temps avant que le monde n'apprenne que cette attaque sur Pahalgam faisait également partie de la stratégie habituelle de déstabilisation par le biais d'une opération sous faux drapeau. Le Pakistan, qui est engagé dans une lutte résolue contre le terrorisme à partir de sa frontière occidentale, ne peut guère se permettre d'ouvrir un nouveau front à ses frontières orientales: les accusations indiennes semblent en effet dénuées de toute logique.

Le problème est qu'à moins qu'une enquête internationale neutre et indépendante ne soit menée sur l'incident - comme l'a immédiatement exigé Pékin - pour vérifier la responsabilité éventuelle de « tierces parties » dans l'attaque, New Delhi et Islamabad continueront d'échanger des accusations mutuelles, alimentant la rhétorique nationaliste et se dirigeant vers un conflit ouvert extrêmement dangereux, puisqu'il s'agit de deux puissances nucléaires. Des exercices de guerre de l'armée d'Islamabad sont actuellement en cours dans les régions de Sialkot, Narowal, Zafarwal et Shakargarh, à la frontière entre le Pakistan et l'Inde.

Il s'agit donc d'un test important pour la stratégie d'intégration eurasienne, puisque l'Inde et le Pakistan appartiennent tous deux à l'Organisation de coopération de Shanghai; en outre, Islamabad a depuis longtemps exprimé sa volonté de rejoindre les BRICS et de participer au Corridor international Nord-Sud, des initiatives auxquelles l'Inde participe déjà depuis des années.

NOTES:

(1) Mahwish Hafeez, Pahalgam Incident : Another False Flag Operation ?, ISSI, Islamabad, 29 avril 2025.

(2) Stefano Vernole, KASHMIR WITHOUT PEACE : A FOCUS ON INTERNATIONAL LAW, www.cese-m.eu, 7 février 2025.

Les exportations chinoises augmentent malgré les droits de douane américains

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Les exportations chinoises augmentent malgré les droits de douane américains

Source: https://dissident.one/chinese-export-stijgt-ondanks-ameri...  

La Chine enregistre des exportations record en avril, à la veille de négociations commerciales de première importance avec les États-Unis.

Les exportations chinoises ont fortement augmenté en avril malgré les droits de douane imposés par Donald Trump sur les expéditions vers les États-Unis à l'occasion du « Jour de la libération ». Cela a renforcé la position de Pékin à l'approche de négociations commerciales de toute première importance qui débutent ce week-end, rapporte le FT.

Ces bons résultats ont été obtenus alors que les entreprises chinoises ont réorienté leurs flux commerciaux vers l'Asie du Sud-Est, l'Europe et d'autres destinations après que des droits de douane excessifs ont été imposés par les deux plus grandes économies du monde.

Les douanes chinoises ont indiqué vendredi que les exportations en dollars avaient augmenté de 8,1% par rapport à l'année précédente. La croissance a ainsi dépassé les prévisions des analystes interrogés par Reuters, qui tablaient sur une croissance de 1,9%. Il s'agit toutefois d'un ralentissement par rapport à la croissance de 12,4% enregistrée en mars, lorsque les chiffres étaient soutenus par les exportateurs qui voulaient devancer les droits de douane prévus en expédiant leurs marchandises aux États-Unis.

Les importations ont diminué de 0,2% en avril. C'est le troisième mois consécutif de baisse des importations. Cette situation suscite des inquiétudes quant aux excédents commerciaux croissants de la Chine. Ces excédents sont à l'origine d'une grande partie des tensions avec les États-Unis.

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« Cela semble encore pire pour les États-Unis à l'approche des négociations commerciales », a déclaré Lynn Song, économiste en chef pour la Grande Chine auprès de la banque ING. Elle a ajouté que la contraction des importations chinoises semble s'être faite au détriment des exportations américaines vers le pays.

Selon Heron Lim, économiste chez Moody's Analytics, les échanges commerciaux de la Chine avec les États-Unis ont chuté de 21% en glissement annuel en avril, mais les échanges avec les pays d'Asie du Sud-Est ont augmenté dans les mêmes proportions et ceux avec l'UE ont progressé de 8%.

« Les expéditions vers l'Indonésie, la Thaïlande et le Viêt Nam ont connu les plus fortes augmentations », a déclaré M. Lim.

Ces bons résultats devraient accroître la pression sur les représentants commerciaux américains, qui s'apprêtent à rencontrer leurs homologues chinois pour des négociations à Genève, à partir de samedi.

Le secrétaire au Trésor Scott Bessent et le représentant commercial Jamieson Greer représenteront les États-Unis, tandis que la Chine a déclaré que sa délégation serait dirigée par le vice-premier ministre He Lifeng, le plus haut responsable économique chinois.

Le mois dernier, M. Trump a augmenté les droits d'importation sur la plupart des produits chinois jusqu'à 145% et a annoncé qu'il imposerait de nouveaux droits même sur les petits paquets en provenance du pays. Pékin a réagi en imposant des droits d'importation de 125%.

Dans un premier temps, il a également imposé des droits de douane punitifs au Viêt Nam, à la Thaïlande et à d'autres pays d'Asie du Sud-Est qui ont accumulé d'énormes excédents commerciaux avec les États-Unis. De nombreuses entreprises ont construit des sites de production dans ces pays pour remplacer la Chine.

Trump a ensuite annoncé une pause de 90 jours sur les droits de douane du « Jour de la Libération », dans l'attente de négociations avec la plupart des pays, à l'exception de la Chine.

Les exportateurs ont donc eu la possibilité d'acheminer leurs marchandises vers les États-Unis via l'Asie du Sud-Est.

Jens Eskelund, président de la Chambre de commerce de l'Union européenne en Chine, a déclaré jeudi que le nombre de réservations pour des expéditions chinoises vers les États-Unis avait chuté de 30 à 50%. Il a toutefois précisé que le nombre de réservations pour le reste du monde avait en fait augmenté.

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« Les exportations chinoises vers le reste de l'Asie semblent particulièrement performantes, mais aussi vers le Moyen-Orient et, dans une certaine mesure, vers l'Europe », a-t-il déclaré. « Bien sûr, la Chine est touchée... mais nous constatons que, dans une certaine mesure, d'autres marchés peuvent absorber une partie des marchandises qui ne sont pas destinées aux États-Unis ».

L'excédent commercial de la Chine avec les États-Unis s'est élevé à 20,46 milliards de dollars en avril, pour un total de 96,2 milliards de dollars. Toutefois, les exportations vers les États-Unis ont chuté de 17,6% par rapport au mois précédent, ce qui indique que la Chine a développé ses échanges avec d'autres marchés.

Dans un communiqué analysant le commerce en renminbi chinois au cours des quatre derniers mois, les fonctionnaires des douanes ont noté que le commerce avec les pays d'Asie du Sud-Est, l'UE et le long de l'initiative Belt and Road, le principal projet d'infrastructure internationale de Pékin, avait augmenté. Les échanges avec les États-Unis ont diminué, a-t-on ajouté.

Jorge Toledo, ambassadeur de l'UE en Chine, a critiqué vendredi le déficit commercial croissant entre la Chine et le reste du monde. Il a ajouté que les contrôles des exportations de Pékin et « l'absence de règles du jeu équitables pour les entreprises européennes » suscitaient « d'énormes inquiétudes ».

« La situation ne s'améliore pas... il faut faire quelque chose », a-t-il déclaré à la China Europe International Business School de Shanghai.

Selon l'agence de presse nationale chinoise Xinhua, Lu Daliang, porte-parole des douanes, a déclaré que « la coopération globale de la Chine avec les pays voisins continue de s'approfondir et que les relations économiques et commerciales sont de plus en plus étroites ».

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dimanche, 11 mai 2025

Trump et le nouvel ordre mondial. Le retour de la doctrine Monroe

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Trump et le nouvel ordre mondial. Le retour de la doctrine Monroe

Erik Norling

Source: https://posmodernia.com/trump-y-el-nuevo-orden-mundial-la... 

Depuis l'arrivée de Donald Trump à la présidence américaine, les médias occidentaux ne cessent de rappeler que ce qu'ils appellent pompeusement un Nouvel Ordre Mondial est en train de s'imposer. Une cataracte médiatique qui s'est accentuée depuis la conférence de presse déformée et manipulée de Zelensky à la Maison Blanche et l'obsession à vouloir, notamment en Europe, nous le présenter comme un personnage qui serait une sorte de nouveau leader autoritaire prêt à faire alliance avec Poutine, à abandonner l'alliance traditionnelle atlantiste avec l'Europe, tout en s'imposant sur la scène internationale par la force, qu'elle soit économique ou militaire. Ajouté à une sorte d'excentricité propre à un pique-assiette égocentrique, qu'y a-t-il de vrai là-dedans ?

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Cependant, pour ceux qui connaissent l'histoire et la politique étrangère des États-Unis, nombre de ces affirmations gratuites doivent être remises en question. Ce n'est pas la première fois que le chef de ce qui est aujourd'hui la première puissance mondiale opte pour une politique plus axée sur la politique intérieure (America First), au détriment d'un déploiement international de sa puissance économique et militaire. Il faut rappeler que dans les deux guerres mondiales, ils sont intervenus tardivement, uniquement lorsqu'ils ne pouvaient pas rester à l'écart, malgré une opinion publique américaine largement isolationniste (dans la première en 1917, et dans la seconde après Pearl Harbor en décembre 1941). Ce qui est certain, c'est qu'après ces deux conflagrations, Washington a profité de la faiblesse des autres puissances occidentales pour étendre son influence dans le monde, faisant du 20ème siècle le siècle américain. Une ère où le mode de vie américain, la démocratie libérale et le capitalisme mondial semblaient prévaloir. Cela s'est matérialisé surtout après la défaite des puissances de l'Axe et la longue guerre froide contre l'Union soviétique (et plus tard contre la Chine communiste), qui a duré plus de quatre décennies.

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L'émergence d'un monde multipolaire après la chute du mur de Berlin, saluée par certains essayistes tel Fukuyama comme le triomphe définitif de l'Empire atlantique, n'a été qu'un mirage de courte durée. La Chine est devenue un acteur capitaliste international (curieux paradoxe pour un État qui se définit comme communiste); la Russie a refusé de rester en retrait, se lançant dans une expansion militaire pour contrôler ses frontières et osant même débarquer en Afrique (les pays du Sahel en sont la preuve); les économies des pays dits en développement ont connu une croissance exponentielle, de même que leurs populations (les BRICS avec l'Inde, le Brésil, l'Afrique du Sud). L'émergence de l'islamisme, nouveau facteur géopolitique, a remplacé le communisme comme axe du mal, corroborant les thèses conservatrices de Samuel P. Huntington dans son essai Le choc des civilisations, judicieusement sous-titré La reconfiguration de l'ordre mondial [1]. Dans ce scénario inaugurant le 21ème siècle, après les échecs du Vietnam d'abord, puis de l'Irak et de l'Afghanistan, les États-Unis ont entamé leur repli sur leur zone d'influence traditionnelle: les Amériques. L'arrivée au pouvoir de Trump pour la deuxième fois en 2025 ne doit être considérée que comme la prochaine étape de ce qui a commencé avec Obama, mais avec plus de vigueur.

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La doctrine Monroe 2.0.

Les déclarations publiques et les décisions prises au cours des premières semaines de son mandat ont révélé ce que Trump avait déjà dans son programme Make America Great Again. Conscient de la nécessité pour l'équipe du nouveau président de réorienter sa politique étrangère - car il serait naïf, comme le font les médias d'information, de penser que tout dépend de la volonté d'une seule personne - tout indiquait que le pendule revenait vers le continent américain. Les analystes critiques ont immédiatement parlé d'un retour à la très décriée doctrine Monroe [2].

Formulée par le cinquième président James Monroe (en fonction de 1817 à 1825) dans un discours au Congrès en décembre 1823, elle a marqué le point de départ de la politique étrangère des États-Unis, alors puissance régionale. Elle vise à maintenir les puissances européennes en dehors de l'hémisphère occidental (qu'ils baptisent "continent américain", expression aujourd'hui remise au goût du jour) et à permettre au nouveau pays d'étendre son territoire aux dépens de ses voisins [3]. L'Amérique aux Américains était le slogan utilisé pour intervenir dans la région lorsque les intérêts américains étaient menacés ou qu'on ne leur permettait pas d'incorporer de nouvelles terres (avec la Russie, l'Espagne et la France, puis aux dépens du Mexique, surtout avec des campagnes militaires).

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La dernière, l'occupation manu militari de Cuba et de Porto Rico en 1898. Si elle suscite d'abord la sympathie de l'Amérique espagnole en s'opposant à l'influence européenne, elle se transforme rapidement en un sentiment anti-américain croissant [4].

Le 20ème siècle commence également par une longue série d'aventures guerrières yankees (Cuba, Honduras, Panama, 1898-1909 ; Haïti, 1915-1935 ; République dominicaine, 1916-1924 ; Nicaragua, 1912-1933 ; Mexique 1910-1919). Après cette période, et surtout après la Seconde Guerre mondiale, la politique d'intervention au-delà des frontières s'est étendue au monde entier. Dès lors, à quelques exceptions près, l'influence en Amérique latine s'est faite par le biais des élites locales, de l'influence de la CIA et de l'armée, toujours avec l'excuse d'éviter l'infiltration communiste [5].

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Une relation qui s'est rompue au début du 21ème siècle, avec l'attention portée par le président Bush à la menace islamiste, et qui a conduit en Amérique latine à une montée de l'indigénisme aux côtés de mouvements post-soviétiques, auparavant dépendants de Moscou, qui se sont déclarés anti-impérialistes et ont pris le pouvoir (Nicaragua, Vénézuéla, Bolivie, etc.). Il en résulte un déclin de l'influence américaine, désormais remplacée par des puissances émergentes telles que la Russie, l'Iran et la Chine. Cuba persiste dans sa résistance face à des États-Unis de plus en plus affaiblis.

Trump a lancé ses premières proclamations à cet égard, en faisant allusion au fait que le Canada devrait devenir le 51ème État américain, que le Groenland serait acheté aux Danois, que le golfe du Mexique serait rebaptisé « Gulf of America » et qu'il reprendrait le contrôle du canal de Panama. Il a précisé qu'il ne permettrait pas l'ingérence d'autres puissances (allusion ouverte à la Chine et à la Russie) et qu'il protégerait l'hégémonie américaine contre tout ennemi extérieur susceptible de mettre en péril son statut économique (euphémisme « sécurité nationale », expression qui nous ramène à l'ère Kennedy), allant même jusqu'à rompre l'ordre international établi après la Seconde Guerre mondiale.

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Beaucoup ont interprété cela comme une nouvelle version de la doctrine Monroe. En réalité, cette analyse n'est pas tout à fait correcte. Il faut plutôt y voir une révision de la politique définie par le président Theodore Roosevelt (1901-1909), qui a considérablement régénéré la traditionnelle doctrine Monroe, avec laquelle Trump présente même des similitudes personnelles et sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir. Pour atteindre leurs objectifs, les nouveaux faucons de la Maison Blanche ont estimé que les Etats-Unis devaient d'abord résoudre le délicat scénario mondial, afin de pouvoir avoir les coudées franches sur « leur » continent américain [6].

Une nouvelle géopolitique

En conséquence, et sans surprise, le nouveau dirigeant de Washington a fait de la résolution (au moins temporaire) du problème du Moyen-Orient l'un des principaux objectifs de ses premiers mois de mandat. Protéger Israël tout en mettant un terme à un conflit qui ne cesse de s'envenimer depuis l'attentat du Hamas en octobre 2023. Si cela nécessite un rapprochement avec l'Iran, il le fera, lui permettant de devenir une puissance régionale sans menacer l'allié de Tel-Aviv. Dans le même temps, elle imposerait un armistice entre la Russie et l'Ukraine, quitte à aller à l'encontre des intérêts européens et à susciter un anti-américanisme croissant dans l'opinion publique du Vieux Continent. On ne sait pas encore quelle sera la réponse de la Russie, car il s'agit d'accepter un retrait d'Afrique et du Venezuela, tout en reconnaissant le statu quo aux frontières de l'Europe de l'Est. Cela ajouterait au malaise de l'Europe qui, jusqu'alors, vivait paisiblement sous le parapluie protecteur américain.

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Le troisième pilier de ce projet complexe sera la Chine, qui sera plus difficile à briser car il s'agit d'une guerre commerciale, avec un colosse asiatique qui ne veut pas revenir à ses limites du 20ème siècle. Pékin a passé des années à investir dans des mines, des ports, des infrastructures essentielles, dans tous les pays en développement en dehors de l'Asie. Sur son propre continent, elle a connu des difficultés en raison de l'antipathie traditionnelle des pays voisins (Corée, Taïwan, Japon, Viêt Nam et Philippines), raison pour laquelle elle s'est tournée vers l'Afrique et l'Amérique latine. C'est précisément là que le voisin du Nord tente de les repousser en premier. Le nouveau chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, l'a clairement indiqué dans un article de l'influent Wall Street Journal, assurant que la priorité de l'administration Trump serait de mettre fin à cette influence :

"Le Salvador, le Guatemala, le Costa Rica, le Panama et la République dominicaine (les pays que je visiterai lors de ce voyage) ont énormément à gagner d'une plus grande coopération avec les États-Unis.

Ces nations ont été négligées par les administrations précédentes, qui ont donné la priorité à l'international plutôt qu'au local et ont poursuivi des politiques qui ont accéléré le développement économique de la Chine, souvent au détriment de nos voisins. Nous pouvons inverser cette tendance".

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Trump l'avait déjà prévenu, ce qui n'est pas surprenant puisque dans son Projet 2025, il a carrément anticipé une confrontation ouverte avec la puissance asiatique, lorsqu'en janvier 2025 il a accusé Pékin d'essayer de transformer les Caraïbes en un « lac chinois » à travers le canal de Panama, qu'il a d'ailleurs expressément inclus dans son discours d'investiture. Qu'il le reprendrait, même par la force si nécessaire. Une véritable déclaration d'intention qui anticipe que, dans les années à venir, nous assisterons à un affrontement entre la puissance asiatique et les Etats-Unis, que plusieurs spécialistes ont déjà prophétisé, anticipant une victoire américaine [8]. Peut-être un peu trop à la légère.

En attendant, une alliance russo-américaine n'est pas impossible, avec un Moscou qui a historiquement montré de nombreux signes d'incompréhension avec son voisin asiatique (n'oublions pas que le seul conflit chaud de l'URSS dans l'après-guerre a été celui avec la Chine communiste en 1969, qui a fait des centaines de victimes). Les anciennes aspirations irrédentistes de la Chine sont dirigées vers le nord, vers la Sibérie russe occupée par les tsars dans leur expansion vers le Pacifique aux 18ème et 19ème siècles. Les déclarations des dirigeants chinois ont été réitérées à cet égard depuis l'époque de Mao. Pour ce faire, la Russie aura besoin du soutien de l'Europe, qui dépend également des exportations vers le colosse chinois. L'avenir de l'alliance des BRICS, tant vantée, a déjà été mis à mal. L'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud n'hésiteront pas à collaborer avec les États-Unis.

En conclusion, beaucoup d'inconnues et de fronts restent ouverts. En ce qui concerne les Hispaniques, il reste à voir dans quelle mesure les États-Unis réagiront avec force pour regagner de l'influence en Amérique latine. De même que le rôle que l'Europe et surtout l'Espagne peuvent jouer dans ce processus. Il est temps de choisir son camp.

Notes:

[1] En espagnol, par Paidós. Barcelone, 2001.

[2] The Washington Post, 28.2.2025. En Espagne, El País, 5.1.2025, et La Vanguardia, 9.1.2025.

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[3] Excellente étude de Jay SEXTON, The Monroe Doctrine : Empire and Nation in Nineteenth Century America. Hill et Wang. New York, 2012.

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[4] Pour comprendre ce phénomène au niveau mondial, voir. FRIEDMAN, M.P. : Repenser l'antiaméricanisme. L'histoire d'un concept exceptionnel dans les relations internationales américaines. Machado Grupo Editores. Madrid, 2015.

[5] Les rapports de la CIA de l'époque, aujourd'hui déclassifiés, sont illustratifs. L'un d'entre eux est le fameux « United States Objectives and Courses of Action with respect of Latin America : Staff study », daté du 4 mars 1953. Cité dans FRIEDMAN, M.P. : Rethinking Anti-Americanism. Op.cit. p. 198.

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[6] Kiron SKINNER, « Department of State », in Mandate for Leadership, un gros volume publié par l'ultra-conservatrice Heritage Foundation en 2023 avec le programme de gouvernement Project 2025 pour quand Trump serait élu. Disponible sur les réseaux. Afro-américaine, elle était directrice de la planification au département d'État lors de son premier mandat, après avoir fait partie de l'administration Bush.

[7] Wall Street Journal, 30.1.2025, « An Americas First Foreign Policy ».

[8] Wall Street Journal, 05.3.2025, « China is secretly worried Trump will win on trade ».

Ces cent jours qui ont frappé le monde

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Ces cent jours qui ont frappé le monde

par Georges Feltin-Tracol

Investi 47e président des États-Unis d’Amérique le 20 janvier 2025, Donald Trump a atteint le centième jour de son mandat le 30 avril dernier. En dix décades, le locataire de la Maison Blanche a déjà bouleversé son pays, l’économie mondiale et les relations internationales. Dès le premier jour de sa présidence, il a signé vingt-six executive orders qui correspondraient en France à des ordonnances gouvernementales. Par comparaison, en 2021, Joe Biden en signa dès la fin de son investiture le 20 janvier 2021… neuf ! Cent jours plus tard, ce sont finalement cent quarante-trois décrets présidentiels qui ont été pris. Lors de son premier mandat en 2017, surpris par sa victoire face à Hillary Clinton et peu soutenu par les caciques proto-démocrates d’un parti républicain soumis aux injonctions de la gauche culturelle, Donald Trump n’avait signé que vingt-quatre décrets présidentiels en une centaine de jours.

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Ayant compris ses erreurs, ses négligences et ses maladresses, le nouveau président s’est tourné vers les laboratoires d’idées, dont The Heritage Foundation, grands pourvoyeurs d’agents administratifs fiables, compétents et loyaux. Il a accepté de « noyer le marais » en ouvrant en même temps plusieurs fronts, d’où cette impression recherchée de tournis incessant. La méthode est excellente. Dans son roman de politique-fiction, Le temps du phénix (2016), Bruno Mégret soutenait cette méthode afin de saper toute mobilisation hostile intense. Cette pratique devrait s’appliquer en 2027. En effet, plutôt qu’organiser, par exemple, une seule grande réforme sur les retraites susceptible de cristalliser les mécontentements, le gouvernement aurait tout intérêt à lancer en même temps plusieurs réformes (retraites, audio-visuel, temps de travail, code de la nationalité, fiscalité, etc.). Dès lors, soit l’opposition répliquerait à l’ensemble des projets avec le risque de se disperser et de s’amoindrir, soit elle ne se concentrerait que sur une seule réforme et permettrait l’adoption des autres.

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Par ses décrets et des sorties tonitruantes, Donald Trump tient ses promesses électorales. Quelle audace ! Pendant la campagne présidentielle, ne disait-il pas que les droits de douane fussent les plus beaux mots du vocabulaire ? Ne prévenait-il pas les pans de l’« État profond » qu’il effectuerait une purge draconienne sous la direction d’Elon Musk et du DOGE (Département de l’efficacité gouvernementale) ? Outre un accord qui expédie dans une prison de très haute sécurité au Salvador des migrants illégaux, des agents du FBI arrêtent en plein tribunal, le 25 avril, Hannah Dugan, juge élue au tribunal de circuit (l’équivalent d’une cour d’appel) du comté de Milwaukee dans le Wisconsin. Jubilons que d’autres juges, d’autres journalistes, d’autres universitaires connaissent eux aussi les menottes !

C’est en économie que le trumpisme en action a effectué le plus de changements. En augmentant considérablement les taxes douanières, puis en revenant sur ces tarifs prohibitifs, Donald Trump sait-il ce qu’il fait ? Oui ! Par la menace, il formule des exigences si hautes que ses interlocuteurs ouvrent aussitôt des négociations et recherchent le meilleur compromis commercial possible.

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Favorable à une Amérique du Nord autarcique, élargie au Canada et au Groenland, Donald Trump, bien que non interventionniste belliciste pour l’instant, encourage une hégémonie mondiale sans complexe. L’Amérique d’abord ne signifie pas l’Amérique seule et isolée ! S’il somme les membres de l’OTAN d’augmenter leurs efforts de réarmement, il les pousse à ne se fournir que chez des groupes étatsuniens, quitte à mettre en péril les industries de défense du Vieux Monde. En parallèle, Washington s’indigne des amendes infligées par l’Union dite européenne à Apple (500 millions d’euros) et à Meta (200 millions). Les États-Unis ne se privent pourtant pas de sanctionner maints entreprises européennes sous couvert de l’extraterritorialité de leur droit au moindre prétexte. Trump II témoigne d’une incontestable volonté prédatrice, y compris envers les fonds sous-marins riches en nodules polymétalliques. La signature récente d’un accord sur les terres rares avec l’Ukraine en est une preuve tangible.

Les formidables pressions de la part des « seigneurs de la Tech », Elon Musk en premier, expliquent aussi le revirement de Donald Trump sur les droits de douane. Si le mouvement MAGA prêche le protectionnisme de bon aloi, son aile high tech, en bon perroquet libertarien, continue à défendre le libre-échange, un libre-échange biaisé en faveur de l’Oncle Sam. C’est la seconde fois en cent jours, après la dispute autour des visas accordés aux ingénieurs étrangers nécessaires aux firmes du numérique, que de fortes dissensions opposent Musk à Steve Bannon. Deux tendances au moins s’affrontent pour disposer ensuite du monopole idéologique sur la nébuleuse MAGA.

La volte-face présidentielle sur les questions douanières montre en tout cas la forte intégration commerciale de l’aire occidentale américanomorphe, dont l'économie est fortement internationalisée. La Hongrie illibérale récuse tout protectionnisme strict. Par ses initiatives erratiques, Donald Trump a le mérite de montrer qu’il n’est pas simple de se libérer du dogme libre-échangiste, ni de la réalité induite par cette croyance pathogène. Circonstance aggravante, sa reculade se comprend à l’approche des élections de mi-mandat en novembre 2026. La médiasphère spécule déjà sur une victoire des démocrates à la Chambre des représentants, voire aussi au Sénat. Ce pari journalistique serait trompeur.

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En dressant de hautes barrières douanières qui stimulent l’inflation, Donald Trump espère inciter à la réindustrialisation des États-Unis avec des producteurs étatsuniens pour des consommateurs US. Preuve est faite qu’on ne peut pas rayer d’un simple trait de plume cinq décennies de libre-échangisme mondial. Une politique protectionniste nécessite de la durée incompatible avec les échéances électorales à venir. Sa réalisation effective signifierait la fin de l’opulence, la sortie du consumérisme effréné et la mise en place d’une décroissance planifiée tendant vers l’appauvrissement (et non la paupérisation) de la société. Un mode de vie pauvre, austère et frugale n’est guère l’idéal recherché aux temps de la démocratie massifiée et manipulée.

En cent jours, Donald Trump a réussi, après le plus formidable retour politique de l’histoire des États-Unis, à chambouler un monde qui perd à son corps défendant sa boussole américaine. Se dirige-t-on vers une multipolarité naissante, instable et partielle ? Difficile de l’affirmer nettement. La seconde présidence Trump parviendra-t-elle à enrayer le déclin des États-Unis ou bien va-t-elle au contraire l’amplifier ? L’occasion est toutefois propice pour que les Européens renouent enfin avec leur propre civilisation. 

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 155, mise en ligne le 6 mai 2025 sur Radio Méridien Zéro.

L'homme le plus dangereux d'Amérique n'est pas Trump, mais Alex Karp

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L'homme le plus dangereux d'Amérique n'est pas Trump, mais Alex Karp

John Mac Ghlionn

Source: https://dissident.one/de-gevaarlijkste-man-van-amerika-is... 

Alors qu'Orwell nous mettait en garde contre Big Brother, Alex Karp, PDG de Palantir, construit tranquillement sa salle de contrôle alimentée par l'IA - systématique, insidieuse et efficace, écrit John Mac Ghlionn.

Karp ne ressemble pas à un belliciste. Le PDG de Palantir se présente avec des cheveux ébouriffés, des lunettes sans monture et débite des citations d'Augustin ou de Nietzsche - comme s'il se préparait à une conférence TED sur le techno-humanisme. Mais derrière cette façade pseudo-philosophique se cache une vérité toute simple: Karp est en train de créer un système d'exploitation numérique pour une guerre perpétuelle. Et il est en passe de remporter la victoire.

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Pendant des années, il a été considéré comme une curiosité dans la Silicon Valley: trop direct, trop têtu, trop étroitement associé au complexe militaro-industriel. « Nous étions la bête de foire », a-t-il déclaré un jour, à la fois fier et blessé.

Aujourd'hui, cependant, il n'est pas seulement accepté - il fournit le modèle d'un nouvel autoritarisme technologique dans lequel l'intelligence artificielle ne se contente pas d'observer le champ de bataille, mais le devient elle-même.

Le principal produit de Palantir, AIP, est déjà profondément intégré dans les processus militaires américains. Il prend en charge la sélection des cibles, la logistique du champ de bataille, la coordination des drones, la police prédictive et la fusion des données à une échelle qui fait pâlir la NSA.

Karp se vante que sa technologie donne aux « nobles guerriers de l'Occident un avantage injuste ». Au-delà de la rhétorique héroïque, elle offre une suprématie algorithmique : la guerre des machines, codée et marquée dans le style de l'efficacité patriotique.

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Et l'économie américaine passe à l'action. Citi, BP, AIG et même Hertz utilisent la technologie de Palantir. La frontière entre les applications militaires et civiles s'estompe. Ce qui était autrefois développé pour le champ de bataille permet aujourd'hui d'analyser les clients, les travailleurs et les civils.

Karp ne veut pas seulement numériser le Pentagone, il veut implanter Palantir dans les écoles, les hôpitaux, les tribunaux et les banques.

Le plus grand danger ne réside pas seulement dans la technologie elle-même, mais aussi dans la vision du monde qui l'accompagne. Karp parle de « transformation du système » et de « reconstruction des institutions » comme s'il était Moïse sur une montagne - mais derrière ce geste messianique se cache la croyance dangereuse que les processus démocratiques - la discussion publique, la délibération éthique, la résistance - sont obstructifs et doivent être contournés.

Il ne vend pas des outils, il vend l'inévitabilité. Karp est proche des militaires, méprise la transparence et se moque des débats éthiques de la Silicon Valley. Alors que d'autres PDG mettent en place des comités d'éthique, Karp s'exprime ouvertement: Palantir est venu pour faire la guerre - contre l'inefficacité, contre la bureaucratie, contre les ennemis à l'intérieur et à l'extérieur du pays.

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Il se moque de l'idée que la technologie puisse être freinée par des scrupules moraux. Pour lui, tout ce qui compte, c'est l'efficacité : le contrôle, la domination, l'efficience opérationnelle. Sa pensée est claire : la technologie est un pouvoir - et ce pouvoir doit être contrôlé, optimisé et automatisé.

Ce n'est pas un manager qui recherche l'équilibre. Karp conçoit l'architecture logicielle d'un État de surveillance - et l'appelle libération. Le logiciel détermine non seulement comment les problèmes sont résolus, mais aussi quels problèmes peuvent être résolus.

Son émergence reflète un changement fondamental : les États-Unis s'appuient de plus en plus sur la surveillance, la vitesse et le contrôle algorithmique - Palantir fournit tout cela. Contrairement à Zuckerberg et Musk, Karp ne prétend même pas vendre de l'innovation sociale. Il est fier que ses produits permettent des frappes de missiles, coordonnent les attaques de l'ICE et effectuent des recherches prédictives dans la foulée. Pour lui, c'est un progrès.

Et ça marche. Palantir est l'une des entreprises de défense les mieux notées de l'histoire des États-Unis et se négocie à 200 fois ses bénéfices escomptés. Wall Street l'aime - et Washington encore plus.

Karp fournit déjà des véhicules TITAN à l'armée américaine et gère le programme MAVEN basé sur l'IA, qui convertit les données satellitaires en cibles d'attaque en temps réel. Ce n'est plus de l'infrastructure, c'est de la logistique impériale.

L'attitude du philosophe-guerrier peut fasciner les investisseurs. Le reste d'entre nous devrait s'inquiéter. Karp prévoit un avenir où les guerres ne nécessiteront plus le consentement du public, mais seulement un accès stable par le biais du backend.

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Un avenir où la moralité est confiée à des algorithmes et où le comportement humain est mesuré, évalué et approuvé comme un flux de données.

Alors qu'Orwell nous mettait en garde contre Big Brother, Karp construit aujourd'hui sa salle de contrôle d'une manière différente : non pas avec de la propagande, mais avec des diapositives PowerPoint. Non pas en secret, mais publiquement, par le biais de communiqués de presse et de chiffres trimestriels.

Alors que les autres plateformes vendent des produits, Karp vend une structure : numérique, profondément intégrée et permanente. Son plus grand danger est de paraître civilisé. Il cite des versets de la Bible, porte des manteaux d'extérieur et se présente comme un professeur charismatique.

Mais derrière cette façade artificielle se cache un homme qui façonne un avenir dans lequel la dissidence sera considérée comme un dysfonctionnement, l'ambiguïté comme un défaut et les gens comme des variables inefficaces à optimiser.

La vision de Karp : une souveraineté totale de l'information, une prise de décision préventive et une militarisation de toutes les institutions sociales. Un avenir sombre - et il est plus proche que nous ne le pensons.

Alors que les médias se focalisent encore sur Trump, il vaudrait mieux s'intéresser à Alex Karp.

Car l'homme le plus dangereux d'Amérique ne vocifère pas. Il code.

samedi, 10 mai 2025

L'Europe en crise: la présidente de la Commission, Mme von der Leyen, menace de tomber de son piédestal

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L'Europe en crise: la présidente de la Commission, Mme von der Leyen, menace de tomber de son piédestal

Par le Dr Gert-Jan Mulder

Source: https://www.dagelijksestandaard.nl/opinie/europa-in-crisi...   

La position d'Ursula von der Leyen en tant que présidente de la Commission européenne vacille. Celle qui avait commencé comme une candidate de compromis en 2019 est devenue en 2025 l'un des dirigeants européens les plus critiqués de ce siècle. L'opposition grandit de toutes parts:

- Les États membres remettent ouvertement en question sa légitimité et son style de gouvernance.

- Le Parlement européen est divisé et semble de plus en plus opposé à ses politiques.

- La Cour des comptes européenne s'attaque frontalement à la gestion du gigantesque fonds de relance « Coro na » de 750 milliards d'euros, qui a été dépensé de manière opaque sous la direction de Mme von der Leyen.

- La correspondance secrète par SMS avec Pfizer sur les vaccins C orona reste inexpliquée.

- Plusieurs dénonciateurs, journalistes et organisations de la société civile parlent de concentration du pouvoir, de manque de transparence et d'une possible utilisation abusive des fonds.

Dans une démocratie saine, cela soulève une question logique: dans quelles circonstances Ursula von der Leyen peut-elle être contrainte de démissionner - ou de se retirer volontairement ? Voici une analyse juridique et institutionnelle.

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  1. 1) Démission volontaire (article 17, paragraphe 6, du traité UE)

La voie la plus simple et la plus rapide serait la démission volontaire. Ursula von der Leyen peut démissionner de son propre chef à tout moment auprès du président du Parlement européen et du président du Conseil européen. Dans ce cas, elle restera présidente sortante jusqu'à ce qu'un successeur soit nommé et confirmé.

Toutefois, cette voie exige qu'elle soit tout à fait prête à cette éventualité, ce qui, pour l'instant, ne semble guère être le cas.

  1. 2) Motion de défiance du Parlement européen (article 234 du TFUE)

La seule voie formelle pour contraindre la Commission européenne, et donc son président, à démissionner est la motion de censure du Parlement européen. Cette procédure comporte les éléments suivants :

- Doit être déposée par au moins un dixième des membres du Parlement (actuellement 71 sur 720).

- Elle doit être adoptée à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés et à la majorité des membres (au moins 361 voix).

- Si la motion est adoptée, l'ensemble de la Commission doit démissionner collectivement, y compris le président.

Notez que le Parlement ne peut pas simplement démettre le président. C'est tout ou rien. Cette procédure est difficile mais, politiquement, elle n'est pas impensable en cas d'échec continu du leadership.

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  1. 3) Pression politique du Conseil européen (contrainte indirecte à la démission)

Le Conseil européen, composé des chefs de gouvernement des États membres, peut déclencher la nomination d'un successeur si Mme von der Leyen perd la confiance. Légalement, ils ne peuvent pas la démettre de ses fonctions, mais la pression politique exercée par une majorité d'États membres pourrait rendre sa position pratiquement intenable.

Dans la pratique, cela pourrait se faire par des pressions diplomatiques, des déclarations publiques ou un appel commun.

  1. 4) Faute grave ou manquement aux devoirs (articles 245 et 247 du TFUE)

Si Mme von der Leyen se rend coupable d'une faute grave ou d'une négligence grossière, le Conseil ou la Commission elle-même peut saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) d'une demande de destitution.

Conditions:

- Possible uniquement en cas de « faute grave » ou si elle « ne remplit plus les conditions nécessaires à l'exercice de ses fonctions ».

- C'est la Cour qui décide, faisant de cette procédure une voie juridique très accessible et rare.

À ce jour, cette disposition n'a jamais été utilisée contre un président de la Commission.

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  1. 5) Problèmes de santé ou circonstances personnelles

Bien que peu discutés, les problèmes de santé ou les raisons personnelles peuvent également conduire à une démission temporaire ou à une révocation. Dans ce cas, ses fonctions sont assumées par un vice-président de la Commission.

Éléments déclencheurs possibles dans un avenir proche

- Nouvelles révélations sur les fonds COV ID, en particulier s'il s'avère que des milliards ont été gaspillés ou détournés.

- Percée dans le scandale des SMS à Pfizer ou nouvelles enquêtes sur la corruption.

- Un changement politique fort après les élections européennes conduisant à un Parlement critique.

- Soutien ouvert de plusieurs chefs de gouvernement à un autre président de la Commission.

- Une action en justice suite au rapport de la Cour des comptes européenne.

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Conclusion : une démission est possible, mais pas facile

Ursula von der Leyen est fermement en selle, institutionnellement parlant. Mais cette selle devient de plus en plus inconfortable.

Avec la persistance de la mauvaise gestion, de la pression publique et de l'isolement politique, la démission volontaire peut encore s'avérer être l'option la moins humiliante.

D'ici là, il reste à attendre une motion parlementaire sérieuse, une vague de pression politique ou une décision juridique rappelant la Commission à l'ordre.

Au DDS (De Dagelijkse Standaard), nous sommes EXCLUS sous le règne cette mortelle Ursula von der Leyen. Elle est un danger pour la démocratie et notre liberté. Vous êtes du même avis ? Alors maintenez le DDS à flot ! Aidez-nous ! Faites un don au DDS via BackMe et recevez chaque jour une chronique exclusive dans votre boîte de réception. Vous préférez faire un don par virement bancaire ? C'est également possible : Liberty Media, NL95RABO0159098327.

Dr Gert-Jan Mulder

États-Unis et Ukraine: accords sur les ressources à l’ombre de la guerre

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États-Unis et Ukraine: accords sur les ressources à l’ombre de la guerre

Meinrad Müller

Source: https://www.unser-mitteleuropa.com/166932

Tandis que des soldats meurent, à chaque heure qui passe en Ukraine, les États-Unis et Kiev concluent un accord sur des ressources naturelles d’une valeur de 14 milliards d’euros.

Les terres rares, le lithium, le pétrole et le gaz sont présentés comme relevant d'un « partenariat », mais la double morale est évidente: à 200 kilomètres des célébrations organisées à Kiev, des hommes se battent dans des tranchées. Pour les investisseurs cherchant des analyses claires, la question se pose: qui profite de cet accord, qui en paie le prix, et pourquoi négocie-t-on des profits en pleine guerre ? Cet article met en lumière les conséquences économiques et la dimension morale discutable de cet accord.

Un accord d’un milliard avec une morale douteuse

Le 1er mai 2025, les États-Unis ont sécurisé l’accès aux ressources naturelles ukrainiennes, dont la valeur, selon Forbes Ukraine, dépasse 14 milliards d’euros. Le charbon y représente 60%, le minerai de fer 14%, à quoi s’ajoutent le lithium (500.000 tonnes, l’une des plus grandes réserves d’Europe), le graphite, le titane et les terres rares. Ces ressources sont essentielles pour la fabrication de batteries. En échange, un fonds de reconstruction doit être financé par les revenus issus des nouveaux projets d’extraction. L’Ukraine conserve le contrôle du secteur énergétique et des ports, mais les États-Unis peuvent couvrir leur part du fonds par des livraisons d’armes ou de l’argent, sans que cela soit comptabilisé comme une aide militaire sous forme de prêt.

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Ce qui paraît d’abord comme une affaire attractive pour les investisseurs, révèle en réalité une autre histoire: la Banque mondiale estime que le coût de la reconstruction de l’Ukraine dépassera 500 milliards d’euros sur dix ans. Le fonds ne pourra probablement pas couvrir ce besoin, tandis que les États-Unis accèdent à un marché de plusieurs milliards d’euros. Ce qui est encore plus scandaleux, c’est le moment choisi : selon le président américain Trump, 5000 soldats meurent chaque semaine à cause des mines et des drones. Au lieu de privilégier la paix, les ressources du pays sont distribuées. Cette double morale exige une réflexion critique, particulièrement pour les investisseurs en quête de stabilité à long terme.

A l'Allemagne, les charges financières mais sans gains

L’Allemagne reste en dehors de cet accord, ce qui devrait alerter les investisseurs locaux. Depuis le début de la guerre, le gouvernement fédéral a fourni une aide directe de plusieurs milliards d’euros, en plus des coûts liés à l’aide aux citoyens et aux plus d’un million de réfugiés, ainsi que la hausse des prix de l’énergie. Mais pendant que l’Allemagne paie, des investisseurs américains sécurisent des ressources ukrainiennes essentielles à notre industrie. Des entreprises comme Siemens, BASF ou Volkswagen, dépendantes du lithium et des terres rares, doivent continuer à importer coûte que coûte depuis la Chine.

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Le journal Berliner Zeitung désigne l’Union européenne comme le grand perdant, car des entreprises américaines pourraient accéder à la zone de libre-échange de l’UE via l’Ukraine, ce qui intensifierait la concurrence. Pour les investisseurs allemands, c’est un signal d’alarme: notre place économique, déjà fragile face aux coûts énergétiques élevés, perd du terrain, pendant que les États-Unis renforcent leur domination mondiale sur les ressources essentielles. Pourquoi la Allemagne supporte-t-elle ces coûts sans bénéficier de la richesse de l’Ukraine ?

Pour les investisseurs, cet accord comporte des risques : sans paix, l’extraction des ressources sera incertaine. De plus, la dépendance aux investisseurs américains pourrait alimenter des tensions politiques en Ukraine. Ceux qui investissent ici doivent peser soigneusement ces incertitudes.

Une affaire aux coûts moraux

L’accord sur les ressources naturelles constitue une manœuvre stratégique des États-Unis, mais laisse un goût amer pour l’Allemagne et l’Europe. Alors que les États-Unis s’ouvrent à un marché d’un billion d’euros, l’Allemagne supporte les coûts sociaux et financiers de la guerre, sans profiter de la richesse ukrainienne. La double morale, consistant à faire ces affaires en plein conflit, est un scandale. Pourquoi ne sécurise-t-on pas d’abord la paix avant de distribuer des profits? Pour les investisseurs en quête d’évaluations solides, le message est clair : cet accord offre des opportunités, mais les risques politiques, économiques et moraux sont énormes. Chacun qui investit doit réfléchir aux implications éthiques.

Meinrad Müller.

fvc32ireaubb57uhm7jdau2bb7._SY303_CR0,0,303,303_.jpgMEINRAD MÜLLER (71 ans), entrepreneur à la retraite, commente, toujours avec un clin d’œil ironique, les thèmes des politiques intérieure, économique et étrangère pour divers blogs en Allemagne. Originaire de Bavière, il aborde surtout des sujets peu évoqués par la presse mainstream. Ses livres humoristiques et satiriques sont disponibles sur Amazon. Ses contributions précédentes sur UNSER MITTELEUROPA sont accessibles ici (https://www.unser-mitteleuropa.com/?s=meinrad+m%C3%BCller ), et son guide pour auteurs amateurs ici (https://www.amazon.de/stores/author/B07SX8HQLK).

Réflexions sur la catastrophe de 1945

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Réflexions sur la catastrophe de 1945

Jordi Garriga

La date du 9 mai devrait être, pour tout Européen conscient d’en être un, qui conserve son instinct de survie et une certaine lucidité, une Leçon d’Histoire.

La catastrophe dans laquelle l’Europe a sombré, la plus grande de toute son histoire, reste méconnue. La génération qui a survécu à la guerre qui s’est terminée en 1945 a dû apprendre à survivre entre deux blocs. Les générations européennes suivantes se sont habituées à végéter sans autre horizon ni but que le bien-être artificiel, prélude à une nouvelle Catastrophe à laquelle nous sommes irrémédiablement condamnés si nous ne tirons pas les leçons historiques du 9 mai.

C’est cela : l’Europe a réussi à se détruire elle-même après des siècles de guerres internes. C'est désormais un champ de bataille où des nations étrangères s'installent et livrent une partie de leurs batailles.

Depuis un siècle, nous coulons. À nos risques et périls. Pour ne pas avoir accepté que le monde avait changé. Pour avoir ignoré les lois inattaquables de la démographie ou de la géopolitique. Pour avoir adoré des idoles telles que le matérialisme, le progressisme ou le racisme.

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Le 9 mai devrait être une date de réflexion. Nous ne pouvons pas revenir sur le chemin de l’histoire, mais nous pouvons choisir judicieusement la direction à suivre. Et nos dirigeants actuels de l’Union européenne semblent déterminés à répéter la même erreur qui nous a conduits à 1945.

Quelle erreur nous a conduit jusqu’à l'année fatidique de 1945 ? L'impérialisme nationaliste, lorsqu'une partie voulait être le tout, encouragé par la stratégie britannique d'alors (aujourd'hui l'Empire est américain) de domination mondiale, basée sur le démembrement et la dévastation du continent eurasien.

Cet impérialisme puisait sa force dans les meilleures et les plus grandes traditions européennes qui, tout en rejetant furieusement les doctrines fondées sur le progrès économique, donnèrent naissance à leur tour à des colosses aux pieds d'argile, sur des idées de sang et de terre, caricatures modernes des vieilles philosophies.

La réaction nationaliste en Europe dans la période 1919-1939 était légitime. Cela a mal fini, et c’est là sa grande responsabilité: elle a fini par être détournée vers des intérêts extérieurs, ce qui a conduit à sa défaite et à un discrédit qui persiste encore aujourd’hui. Il est vrai qu’en Europe, il y avait plusieurs tendances nationalistes opposées, mais à la fin, c’est la tendance racialiste, de tradition anglo-saxonne, qui a prévalu, ignorant fatalement la réalité géopolitique et ce nouveau moment historique.

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Grâce à cela, toute tentative de souveraineté européenne se réduit à un discours de haine. L’association automatique entre génocide et nationalisme sert de bouc émissaire, dans les situations de crise, à l’idéologie hégémonique du XXIe siècle. Vouloir Être (= vouloir revenir) nous ferait culpabiliser devant les autres.

Le discours sur la culpabilité de l’Europe, tant pour ce qui s’est passé au XXe siècle que pour ce qui s’est passé au cours d’autres siècles, est inacceptable. Nous devons faire appel au sens des responsabilités plutôt qu’au sens de la culpabilité. Un phénomène naturel, un enfant ou une personne handicapée mentale peuvent être coupables de quelque chose, mais ils ne seront jamais responsables de quoi que ce soit. Les Européens ne doivent pas être traités comme des irresponsables ni être contrôlés par des puissances étrangères à leurs intérêts. Nous avons l’obligation d’assumer nos responsabilités et de tirer les leçons historiques du 9 mai.

Le mirage de 1945 revient en 2025, sous la forme d’une doctrine supérieure, le mondialisme, pour racheter les peuples jugés inférieurs, en utilisant la Raison et l’Humanisme, qui font également partie de notre culture ancestrale, comme justification.

Ne tombons pas dans le piège.

Ce 9 mai, nous devons dire NON au bellicisme imposé, une fois de plus, par un Empire étranger aux véritables intérêts de l’Europe. Il faut dire NON à une autre Catastrophe, qui sait si elle sera définitive.

vendredi, 09 mai 2025

«Je donne l'Ukraine à Poutine et je fais taire tout le monde»: Douguine a répondu à la question de savoir pourquoi Trump fait marche arrière

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«Je donne l'Ukraine à Poutine et je fais taire tout le monde»: Douguine a répondu à la question de savoir pourquoi Trump fait marche arrière

Alexandre Douguine

Pour commencer, il convient de rappeler que la guerre n'a effectivement pas été déclenchée par Trump. Et elle n'a pas seulement été déclenchée par Trump lui-même, mais bien par ses ennemis immédiats et ses opposants idéologiques qui cherchent toujours à poursuivre cette guerre contre la Russie. Ses adversaires idéologiques actuels en Europe sont Starmer, Macron et Merz. Ses anciens adversaires américains - Biden, Blinken et Victoria Nuland - ont, eux, bel et bien déclenché la guerre.

Et si nous parlons de Trump non seulement en tant qu'homme politique, mais aussi en tant qu'idéologue du trumpisme, il doit aujourd'hui sauver non pas l'Ukraine, mais son propre projet MAGA (« Make America Great Again »). Et c'est très difficile, car les vestiges des systèmes mis en place par les fondamentalistes mondialistes tentent systématiquement de lui barrer la route. Ce sont eux qui cherchent à lancer une contre-attaque, à s'emparer de Trump, à supprimer sa volonté de changer les choses et à le forcer à participer à une guerre qui est essentiellement dirigée contre lui-même.

L'idée de sauver l'Ukraine alors qu'il n'est tout simplement plus possible de la sauver (d'autant plus que l'Ukraine elle-même, en tant que projet, n'est qu'une abstraction russophobe, chère aux mondialistes, qui s'est transformée en régime terroriste); c'est donc un faux objectif. Et si Trump est sérieux à ce sujet, ce seul fait le conduira déjà à des conséquences très fâcheuses. S'il tente de le mettre en pratique, ce qui est irréaliste, il sera entraîné dans une longue guerre sans fin, et en fait sa politique ne sera pas différente de celle de son prédécesseur: le marais engloutira Trump, et ce ne sera pas Trump qui drainera le marais.

Bien sûr, j'espère que les mots « sauver l'Ukraine » ne sont rien d'autre qu'une excuse. Une phrase qui ne veut rien dire en réalité, mais qui vise à apaiser ses ennemis. Si Trump essaie vraiment d'entrer dans une sorte de dialogue et de plaire à ceux qui sont ses principaux ennemis, les globalistes (et l'Ukraine est un projet des globalistes), alors il va clairement à l'encontre de sa propre logique.

Parallèlement, nous pouvons immédiatement constater que la cote de Trump aux États-Unis commence à baisser. Et cette cote ne doit pas être très élevée chez ses opposants ; elle y était déjà proche de zéro. Mais chez ses partisans, que Trump a beaucoup séduits à la veille de l'élection et après le premier défilé triomphal du trumpisme (MAGA), les premiers signes de déception commencent à apparaître.

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Ils ne sont pas encore aigus, pas encore critiques. Mais on ne peut s'empêcher de constater l'absence d'une politique cohérente d'arrestation et de jugement des élites libérales mondialistes. Le thème du Canada et du Groenland a disparu. On parle de moins en moins d'Elon Musk. DOGE existe-t-il encore ou non ? Les droits de douane annoncés ont-ils été reportés ? Et Trump ne commence-t-il pas à écouter Macron et Starmer, qui, dans la logique du trumpisme politique, sont ses ennemis, les ennemis de MAGA, au lieu de les écarter, comme la CIA est parfaitement capable de le faire ?

L'ensemble de ces éléments suggère que Trump commence à vaciller et à marquer une pause dans la progression triomphale de ses réformes. Jusqu'à présent, il ne s'agit pas de défaites stratégiques, mais seulement d'ajustements tactiques, mais ils sont aussi extrêmement douloureux. En effet, les mondialistes commencent à croire qu'ils ont réussi à orienter Trump sur la fausse voie du « sauvetage de l'Ukraine », c'est-à-dire de la guerre avec la Russie. Dans ce contexte, les États-Unis pourraient bien appliquer de nouvelles sanctions contre la Russie. Surtout après les écoeurants discours anti-russes des sénateurs républicains John Neely Kennedy et Lindsey Graham. Cette rhétorique est tout à fait inacceptable et incompatible avec l'idéologie cohérente de Trump.

En même temps, pour Trump lui-même, l'Ukraine, au fond, est absolument sans importance. Il pourrait éliminer et annuler ce projet, s'en retirer. Et ce serait la meilleure solution. La seule chose qui puisse apporter un plus, c'est la prise de conscience directe que l'Ukraine nous appartient. Donnez-la nous et c'est tout. Dire: je suis un homme politique fort, je fais ce que je veux. Je donne l'Ukraine à Poutine et tout le monde se taira.

Quant à nous, nous étions en guerre avec l'Amérique en Ukraine, et nous le sommes encore aujourd'hui. Nous sommes prêts à continuer, mais nous sommes aussi prêts à la paix, si l'Occident fait preuve de bonne volonté. Et nous n'avons pas perdu cette guerre, malgré le fait que l'Occident tout entier a armé jusqu'aux dents le régime terroriste, une bande d'extrémistes, de nazis et de maniaques meurtriers qui se font appeler « Ukrainiens ». Dans le même temps, Trump semble ignorer totalement que si l'Ukraine n'existait pas, la Russie de Poutine serait un pays neutre, voire amical, à ses yeux. Alors que Trump lui-même a déjà beaucoup d'adversaires sans nous.

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Mais si Trump favorise la guerre, il ne nous reste plus qu'à la poursuivre. Mais ce n'est pas un possédé du démon, c'est un réaliste, même s'il est aujourd'hui, je crois, dans la première impasse de son second mandat. En fait, il faut le reconnaître, Trump est pire pour les mondialistes que Poutine ou n'importe qui d'autre. C'est pourquoi ils cherchent maintenant, ayant compris que la résistance frontale est futile, à l'entraîner dans des processus qui seront suicidaires pour Trump lui-même. Un tel processus est l'idée de « sauver l'Ukraine », conçue pour amener Trump dans cette fosse septique de terroristes fous, avec lesquels toute interaction est toxique.

L'Ukraine est une bombe sale posée par les mondialistes sous les pieds de Trump. Et cette bombe sale fonctionne, empoisonne la politique, le perturbe. Trump lui-même pourrait vouloir conclure une trêve, mais il est tout simplement impossible de le faire avant la victoire russe. Par conséquent, un signal positif sera s'il admet que toute cette rhétorique sur le cessez-le-feu n'a pas fonctionné, s'il se dit "je n'ai pas commencé cette guerre, je suis désolé pour les Ukrainiens, mais faisons-le nous-mêmes, les gars". Vous là, les Slaves, les Russes, les Petits Russiens, occupez-vous de vous et de l'Europe, c'est votre affaire, pas la mienne. Moi, je m'occupe du Groenland et du Canada, de l'Amérique d'abord. Ce serait la solution la plus sensée.

Ce serait le MAGA. En attendant, tout cela n'est qu'un « micro-événement », quelque chose de très petit et de pathétique.

jeudi, 08 mai 2025

La Moldavie cède son territoire aux prédateurs financiers occidentaux

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La Moldavie cède son territoire aux prédateurs financiers occidentaux

par Lucas Leiroz

Source: https://telegra.ph/La-Moldavia-cede-il-proprio-territorio...

D'ores et déjà, la Moldavie semble avoir pris le même chemin que l'Ukraine. Comme le régime néo-nazi de Kiev, le gouvernement moldave cède les terres et les ressources naturelles du pays à des groupes privés étrangers, faisant preuve d'une soumission absolue et d'un manque total de souveraineté. Cette mesure est dangereuse car elle affecte considérablement la sécurité alimentaire et financière à long terme de la Moldavie, créant une situation de vulnérabilité absolue.

Comme on le sait, une grande partie des « terres noires » de l'Ukraine (ou « tchernoziom », zones agricoles extrêmement fertiles) est cédée aux prédateurs financiers internationaux dans le cadre de plans rapaces visant à rembourser d'innombrables prêts militaires. Sachant que Kiev ne pourra jamais rembourser ses dettes aux pays occidentaux, des groupes d'investissement privés tels que BlackRock exigent la cession de ressources naturelles en guise de paiement, profitant ainsi de la tragédie ukrainienne pour contrôler des ressources naturelles d'une grande valeur stratégique.

Cependant, l'Ukraine n'est pas le seul pays dans cette situation. La Moldavie connaît un processus similaire, même en l'absence de conflit ouvert. Récemment, BlackRock a procédé à une importante vague d'acquisitions de terres moldaves. Selon les données de l'Institut Nicolae Dimo de pédologie, d'agrochimie et de protection des sols, on estime que 3,385 millions d'hectares de terres ont été acquis par le fonds étranger, ce qui représente deux tiers de la surface agricole du pays. Plus de 80% de ces terres moldaves vendues aux prédateurs internationaux sont des tchernozems, l'un des sols les plus fertiles au monde.

En effet, la vente de terres à des étrangers est interdite par la loi moldave. Mais derrière celle-ci se cache un vaste système criminel. BlackRock n'achète pas directement des terres dans le pays, mais utilise des sociétés écrans enregistrées en Moldavie même pour effectuer ces transactions. En conséquence, les agriculteurs moldaves vendent leurs terres privées, tout comme les autorités locales vendent des terres publiques à ces sociétés écrans de BlackRock basées en Moldavie, retirant ainsi le contrôle de ces terres à la population locale et plaçant le territoire du pays entre les mains de prédateurs financiers internationaux.

Ce n'est pas pour rien que les agriculteurs privés et les autorités publiques veulent vendre leurs terres en Moldavie. Le pays qui était autrefois appelé le « jardin de l'URSS » est devenu un cauchemar pour les agriculteurs locaux. Le gouvernement pro-occidental de Maïa Sandu a mené une politique irresponsable d'importation de produits agricoles, conformément aux directives de l'UE, qui a conduit de nombreux agriculteurs à la faillite. La situation s'est encore compliquée par le conflit en Ukraine et la politique européenne qui en découle et qui consiste à « soutenir » le régime de Kiev par des importations massives de céréales, dont une grande partie transite par le territoire moldave, ce qui porte encore davantage préjudice aux producteurs locaux.

Bien que la Moldavie ne soit pas membre de l'UE, le pays sert de plaque tournante logistique pour les importations européennes de céréales ukrainiennes. Des tonnes de céréales ukrainiennes traversent souvent une partie du territoire moldave et bloquent le transit à la frontière avec la Roumanie. La perturbation du trafic empêche l'exportation des céréales moldaves vers l'UE, de sorte que seuls les produits ukrainiens atteignent les pays d'Europe occidentale. Cette situation a conduit les agriculteurs à la faillite, les incitant à vendre leurs terres.

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De même, le gouvernement Sandu cède délibérément ses terres à des requins de la finance parce que sa « politique stratégique » centrale est de plaire aux pays occidentaux. Les États-Unis et l'Union européenne sont actuellement les véritables « propriétaires » de la Moldavie, contrôlant non seulement la politique étrangère du pays, mais aussi son administration interne. Malheureusement, le peuple moldave a déjà perdu le contrôle de la politique nationale, et c'est pourquoi il voit ses terres cédées à des groupes privés étrangers par le gouvernement local lui-même.

On peut dire que toute la vague d'achats de terres en Moldavie par BlackRock est une sorte de « complot » du gouvernement Sandu lui-même. Les conditions du scénario actuel ont été préalablement établies par des manœuvres juridiques qui auraient permis ce résultat. Par exemple, en octobre 2024, le ministère moldave de l'agriculture a annoncé un projet de coopération avec BlackRock pour vendre des terres dans le nord du pays par l'intermédiaire de sociétés locales affiliées au fonds. Les responsables ont annoncé publiquement que le « plan initial » était limité à une superficie de seulement 600 hectares, mais ces limites ont été rapidement élargies et, à ce jour, BlackRock continue d'acquérir des terres locales, sans avoir l'intention de mettre fin à cette activité lucrative.

Il est intéressant de noter que la Moldavie et l'Ukraine suivent des voies très similaires. Comme le régime de Kiev, la Moldavie se caractérise par une politique étrangère pro-occidentale, avec des ambitions d'adhésion à l'UE et à l'OTAN, et a adopté des mesures dictatoriales internes contre l'opposition souverainiste et les minorités ethniques, se montrant de plus en plus soumise sur le plan international. Les deux pays vendent leurs terres fertiles aux requins financiers de BlackRock, mais alors que l'Ukraine le fait en échange d'armes dans sa guerre par procuration avec la Russie, la Moldavie le fait uniquement pour plaire à ses « partenaires » occidentaux, dans l'espoir d'adhérer à des organisations dirigées par l'Occident.

Il est important que les autorités moldaves réalisent le plus rapidement possible que les accords avec BlackRock n'ont rien d'amical. Les prédateurs financiers occidentaux sont intéressés par ce qu'ils peuvent tirer de la tragédie en Europe de l'Est. Plus la russophobie, la préparation à la guerre et la soumission idéologique à l'Occident augmentent, mieux c'est pour des groupes comme BlackRock, car il leur est plus facile d'encourager des mesures rationnelles qui maximisent leurs profits.

 

Directive de Douguine: «L'essentiel est que les élections en Roumanie aient eu lieu»

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Directive de Douguine: «L'essentiel est que les élections en Roumanie aient eu lieu»

Alexandre Douguine

La victoire du candidat souverainiste George Simion au premier tour des élections présidentielles roumaines est un événement très important. Elle confirme la volonté du peuple roumain de mettre fin à l'omnipotence des euro-élites libérales et à la dictature mondialiste. En même temps, nous ne devons pas oublier que le peuple roumain est une nation orthodoxe. Et si George Simion, ainsi que Calin Georgescu, précédemment évincé, parlent d'un retour aux valeurs traditionnelles, ils veulent dire un retour à l'orthodoxie.

« Une vague de révolutions conservatrices se lève actuellement en Europe. Les partisans des valeurs traditionnelles se heurtent aux mondialistes. Nous avons vu l'acte précédent de ce drame en Amérique dans la lutte des Trumpistes contre les mondialistes, ce qui a eu pour résultat que les mêmes partisans des valeurs traditionnelles ont gagné les dernières élections aux États-Unis.

Aujourd'hui, cette révolution conservatrice s'est étendue à l'Europe, et nous voyons avec quelle férocité elle est combattue par des libéraux, devenus enragés, qui ont littéralement établi une dictature dans la plupart des pays européens. Par exemple, l'autre jour, ils ont désigné le parti souverainiste et conservateur Alternative pour l'Allemagne (AfD) comme une « organisation extrémiste » sans aucune raison valable. Cela défie essentiellement la nouvelle administration américaine, puisque Trump et Musk avaient auparavant soutenu l'AfD.

De même, Trump, Musk et les trumpistes ont également soutenu le souverainiste roumain Calin Georgescu, qui a été illégalement écarté de l'élection présidentielle de 2025 et qui avait précédemment remporté le premier tour de 2024, dont les résultats ont été tout aussi illégalement annulés en raison des accusations totalement infondées prétendant que Georgescu travaille pour la Russie. Aujourd'hui, lors d'un autre premier tour, George Simion, soutenu par Calin Georgescu, a remporté la première place avec 41% des voix. En ce sens, sa victoire est une victoire du peuple roumain et de toute l'Europe conservatrice sur la dictature libérale mondialiste.

Bien sûr, nos positions géopolitiques russes ne coïncident pas toutes avec le programme de Simion. Mais il est contre le régime de Kiev, contre la guerre, contre le libéralisme et sa dictature, et il est donc objectivement notre allié. Il n'y aura pas d'harmonie facile dans nos relations, mais au moins les partisans de Simion sont les ennemis de nos ennemis.

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Cela dit, je pense que les mondialistes vont maintenant tenter quelque chose d'autre contre le peuple roumain. La première tentative de porter le candidat conservateur Calin Georgescu à la présidence de la Roumanie a échoué. Il s'agit maintenant de la deuxième tentative. Et nous voyons que les mondialistes ne reculent devant rien: ni devant les assassinats politiques ni devant les méthodes purement terroristes visant l'interdiction et la poursuite en justice des personnalités politiques qu'ils n'aiment pas, ni devant la pratique scélérate d'annuler et de réviser des élections.

Nombreux sont ceux qui craignent les idées de George Simion qui songe à réunir la Roumanie et la Moldavie. À cela, je voudrais répondre que l'actuelle présidente moldave Maïa Sandu, une mondialiste et une protégée de Soros, est en opposition directe aux principes de souveraineté de Simion. Par conséquent, dans ce contexte, il est évident qu'il y aura un malentendu total entre eux. Et je n'exclus même pas que la Roumanie devienne bientôt plus proche de la Russie que la Moldavie, qui nous était si chère et si proche.

Mais aujourd'hui, le plus important est que ces élections aient encore pu avoir lieu. Pour que les Roumains puissent exprimer souverainement leur volonté et que les mondialistes européens, qui ont instauré leur dictature libérale, y compris en Roumanie, ne puissent plus perturber cette libre expression de la volonté du peuple roumain orthodoxe.

Les droits de douane de Trump: une politique économique à la puissance géopolitique explosive

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Les droits de douane de Trump: une politique économique à la puissance géopolitique explosive

Ramesh Thakur

Source: https://uncutnews.ch/trumps-zoelle-wirtschaftspolitik-mit-geopolitischer-sprengkraft/

La carrière politique de Donald Trump montre de manière impressionnante que son rejet par les élites et les médias ne correspond pas à l'état d'esprit d'une grande partie de la population. Derrière sa politique souvent critiquée comme chaotique, il y a bien une logique stratégique : en politique intérieure comme extérieure, Trump poursuit l'objectif de « rendre sa grandeur à l'Amérique ».

Le souci n'est pas tant que sa politique n'ait pas de plan, mais que sa mise en œuvre soit menacée par l'incompétence ou l'amateurisme - comme par exemple l'utilisation de groupes de discussion non sécurisés pour des informations sensibles.

Son projet politique comprend trois piliers centraux :

    - En politique intérieure, il veut abolir les objectifs nets zéro, les réglementations DEI (diversité, égalité, inclusion) et l'auto-identification de genre - tous des ensembles de règles qui, selon lui, paralysent l'économie et la société tout en favorisant les divisions identitaires.

    - En politique étrangère, il aspire à se retirer des guerres sans fin, à répartir plus équitablement le fardeau de la défense entre les alliés et à se retirer d'un mondialisme qui a érodé la base industrielle de l'Amérique.

    - Au-delà des frontières, il voit dans l'immigration de masse une menace qui relie la politique intérieure et la politique extérieure.

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Trump en est convaincu : cet agenda doit restaurer la fierté nationale, protéger l'Amérique contre l'exploitation et faire en sorte que les Etats-Unis redeviennent la première puissance industrielle et militaire.

Les droits de douane : Trump rompt avec le mondialisme

C'est là que la politique douanière de Trump intervient comme outil central. Historiquement, le libre-échange était considéré comme une situation gagnant-gagnant dans la théorie économique - mais dans la pratique, il a fait des gagnants et des perdants. Selon Trump, la mondialisation a récompensé les « élites de partout », tandis que les travailleurs et les régions intérieures (« les gens de nulle part ») ont perdu.

Les droits de douane doivent précisément corriger cela. Ils pénalisent la délocalisation de la production à l'étranger, encouragent le rapatriement de l'industrie aux Etats-Unis et doivent renforcer à nouveau la cohésion sociale. Le nationalisme de Trump suit le principe suivant : les hommes sont des citoyens de nations, et non de simples unités d'une économie mondiale.

Une politique commerciale qui renforce l'économie chinoise mais affaiblit la production américaine est en contradiction avec ce principe. Le contrat social entre le gouvernement et les citoyens ne peut être maintenu que si les intérêts du peuple ont la priorité sur les règles des marchés mondiaux.

Renégocier l'ordre commercial - ou le rompre ?

La thèse de Trump : l'ordre commercial mondial - par exemple par le biais de l'OMC - serait incapable d'imposer des règles équitables contre des acteurs comme la Chine ou le mercantilisme de l'UE. Ses droits de douane punitifs sont donc des moyens de négociation, voire des instruments de pression, pour contraindre d'autres pays à offrir de meilleures conditions.

Dans le même temps, il prend le risque que les pays concernés tentent de se détourner stratégiquement des Etats-Unis - mais Trump fait le pari qu'aucune nation ne préférera à long terme choisir la Chine comme partenaire. Des exemples comme le Zimbabwe, qui a suspendu les droits de douane américains, ou la Grande-Bretagne, qui dépense davantage pour la défense malgré des coupes dans la santé et l'aide au développement, montrent pour lui les premiers succès.

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Objectif : un nouvel équilibre mondial

Selon l'économiste Michael Pettis (photo), le commerce mondial est devenu de plus en plus dysfonctionnel: les déséquilibres économiques intérieurs ont été traduits en déséquilibres mondiaux par des droits de douane, des subventions et des obstacles au commerce. L'approche de Trump veut recalibrer ce système: s'éloigner d'un ordre mondial qui subordonne les intérêts nationaux à la logique du système.

Ce qui, à long terme, devrait aboutir à:

    - une plus grande croissance des salaires,

    - une parité commerciale équitable

    - et à une production industrielle plus robuste.

Focalisation stratégique: endiguer la Chine

Pour Trump, la Chine est la plus grande menace stratégique, tant sur le plan économique que militaire. Son idée d'une paix en Ukraine s'inscrit donc également dans une stratégie plus large: détacher la Russie de la Chine, de la même manière que Nixon avait autrefois détaché la Chine de l'Union soviétique.

La reconnaissance officielle par la Maison Blanche d'une éventuelle fuite du laboratoire de Wuhan pourrait également faire partie de cette stratégie d'isolement vis-à-vis de la Chine. L'historien Victor Davis Hanson le résume ainsi: le fil conducteur de la politique de Trump - du Panama à l'Ukraine, de DEI à la politique énergétique - est la crainte de voir la Chine établir une nouvelle sphère d'hégémonie en Asie de l'Est, comme le Japon l'a fait dans les années 1940.

Les droits de douane comme moyen de protéger la souveraineté

Pour Trump, la parité commerciale est cruciale : la Chine monte en gamme, les Etats-Unis stagnent. Mais les Etats-Unis sont encore en tête pour de nombreux facteurs clés. Pour défendre cela, il faut, selon Trump :

    - Des budgets disciplinés;

    - Des frontières sûres;

    - Une éducation axée sur la performance;

    - Une indépendance énergétique

    - et une réorientation stratégique des relations commerciales mondiales.

Conclusion : risque de guerre froide, mais protection par l'autarcie

Le risque est de voir se développer une nouvelle guerre froide par le biais de spirales tarifaires réciproques. Mais les leçons de la crise COV ID sont claires: les chaînes d'approvisionnement en provenance de Chine sont vulnérables - politiquement et logistiquement.

La réponse de Trump: renforcer l'industrie nationale, y compris dans le domaine de l'armement. L'autarcie est un prix à payer pour la souveraineté et la liberté.

*

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Ramesh Thakur, chercheur senior au Brownstone Institute, est ancien secrétaire général adjoint des Nations unies et professeur émérite à la Crawford School of Public Policy de l'Australian National University.

Source : https://brownstone.org/articles/making-sense-of-trumps-ta...

Les droits de douane de Trump: une politique économique à la puissance géopolitique explosive

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Les droits de douane de Trump: une politique économique à la puissance géopolitique explosive

Ramesh Thakur

Source: https://uncutnews.ch/trumps-zoelle-wirtschaftspolitik-mit-geopolitischer-sprengkraft/

La carrière politique de Donald Trump montre de manière impressionnante que son rejet par les élites et les médias ne correspond pas à l'état d'esprit d'une grande partie de la population. Derrière sa politique souvent critiquée comme chaotique, il y a bien une logique stratégique : en politique intérieure comme extérieure, Trump poursuit l'objectif de « rendre sa grandeur à l'Amérique ».

Le souci n'est pas tant que sa politique n'ait pas de plan, mais que sa mise en œuvre soit menacée par l'incompétence ou l'amateurisme - comme par exemple l'utilisation de groupes de discussion non sécurisés pour des informations sensibles.

Son projet politique comprend trois piliers centraux :

    - En politique intérieure, il veut abolir les objectifs nets zéro, les réglementations DEI (diversité, égalité, inclusion) et l'auto-identification de genre - tous des ensembles de règles qui, selon lui, paralysent l'économie et la société tout en favorisant les divisions identitaires.

    - En politique étrangère, il aspire à se retirer des guerres sans fin, à répartir plus équitablement le fardeau de la défense entre les alliés et à se retirer d'un mondialisme qui a érodé la base industrielle de l'Amérique.

    - Au-delà des frontières, il voit dans l'immigration de masse une menace qui relie la politique intérieure et la politique extérieure.

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Trump en est convaincu : cet agenda doit restaurer la fierté nationale, protéger l'Amérique contre l'exploitation et faire en sorte que les Etats-Unis redeviennent la première puissance industrielle et militaire.

Les droits de douane : Trump rompt avec le mondialisme

C'est là que la politique douanière de Trump intervient comme outil central. Historiquement, le libre-échange était considéré comme une situation gagnant-gagnant dans la théorie économique - mais dans la pratique, il a fait des gagnants et des perdants. Selon Trump, la mondialisation a récompensé les « élites de partout », tandis que les travailleurs et les régions intérieures (« les gens de nulle part ») ont perdu.

Les droits de douane doivent précisément corriger cela. Ils pénalisent la délocalisation de la production à l'étranger, encouragent le rapatriement de l'industrie aux Etats-Unis et doivent renforcer à nouveau la cohésion sociale. Le nationalisme de Trump suit le principe suivant : les hommes sont des citoyens de nations, et non de simples unités d'une économie mondiale.

Une politique commerciale qui renforce l'économie chinoise mais affaiblit la production américaine est en contradiction avec ce principe. Le contrat social entre le gouvernement et les citoyens ne peut être maintenu que si les intérêts du peuple ont la priorité sur les règles des marchés mondiaux.

Renégocier l'ordre commercial - ou le rompre ?

La thèse de Trump : l'ordre commercial mondial - par exemple par le biais de l'OMC - serait incapable d'imposer des règles équitables contre des acteurs comme la Chine ou le mercantilisme de l'UE. Ses droits de douane punitifs sont donc des moyens de négociation, voire des instruments de pression, pour contraindre d'autres pays à offrir de meilleures conditions.

Dans le même temps, il prend le risque que les pays concernés tentent de se détourner stratégiquement des Etats-Unis - mais Trump fait le pari qu'aucune nation ne préférera à long terme choisir la Chine comme partenaire. Des exemples comme le Zimbabwe, qui a suspendu les droits de douane américains, ou la Grande-Bretagne, qui dépense davantage pour la défense malgré des coupes dans la santé et l'aide au développement, montrent pour lui les premiers succès.

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Objectif : un nouvel équilibre mondial

Selon l'économiste Michael Pettis (photo), le commerce mondial est devenu de plus en plus dysfonctionnel: les déséquilibres économiques intérieurs ont été traduits en déséquilibres mondiaux par des droits de douane, des subventions et des obstacles au commerce. L'approche de Trump veut recalibrer ce système: s'éloigner d'un ordre mondial qui subordonne les intérêts nationaux à la logique du système.

Ce qui, à long terme, devrait aboutir à:

    - une plus grande croissance des salaires,

    - une parité commerciale équitable

    - et à une production industrielle plus robuste.

Focalisation stratégique: endiguer la Chine

Pour Trump, la Chine est la plus grande menace stratégique, tant sur le plan économique que militaire. Son idée d'une paix en Ukraine s'inscrit donc également dans une stratégie plus large: détacher la Russie de la Chine, de la même manière que Nixon avait autrefois détaché la Chine de l'Union soviétique.

La reconnaissance officielle par la Maison Blanche d'une éventuelle fuite du laboratoire de Wuhan pourrait également faire partie de cette stratégie d'isolement vis-à-vis de la Chine. L'historien Victor Davis Hanson le résume ainsi: le fil conducteur de la politique de Trump - du Panama à l'Ukraine, de DEI à la politique énergétique - est la crainte de voir la Chine établir une nouvelle sphère d'hégémonie en Asie de l'Est, comme le Japon l'a fait dans les années 1940.

Les droits de douane comme moyen de protéger la souveraineté

Pour Trump, la parité commerciale est cruciale : la Chine monte en gamme, les Etats-Unis stagnent. Mais les Etats-Unis sont encore en tête pour de nombreux facteurs clés. Pour défendre cela, il faut, selon Trump :

    - Des budgets disciplinés;

    - Des frontières sûres;

    - Une éducation axée sur la performance;

    - Une indépendance énergétique

    - et une réorientation stratégique des relations commerciales mondiales.

Conclusion : risque de guerre froide, mais protection par l'autarcie

Le risque est de voir se développer une nouvelle guerre froide par le biais de spirales tarifaires réciproques. Mais les leçons de la crise COV ID sont claires: les chaînes d'approvisionnement en provenance de Chine sont vulnérables - politiquement et logistiquement.

La réponse de Trump: renforcer l'industrie nationale, y compris dans le domaine de l'armement. L'autarcie est un prix à payer pour la souveraineté et la liberté.

*

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Ramesh Thakur, chercheur senior au Brownstone Institute, est ancien secrétaire général adjoint des Nations unies et professeur émérite à la Crawford School of Public Policy de l'Australian National University.

Source : https://brownstone.org/articles/making-sense-of-trumps-ta...

mercredi, 07 mai 2025

France d’abord !

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France d’abord !

Pierre-Emile Blairon & Georges Gourdin

La nouvelle Amérique de Donald Trump base sa doctrine sur deux slogans : America First et Make America Great Again.

Le premier signifie : l’Amérique d’abord et le second : Rendons sa grandeur à l’Amérique !

Donald Trump a rassemblé ces deux slogans en une attitude clairement exprimée : l’Amérique doit retrouver sa puissance, fondée sur son génie entrepreneurial couplé à sa foi chrétienne : Bible and business, deux pivots essentiels de la vie américaine qui la rattachent à ses origines fondatrices : les Pilgrims.

La nouvelle Russie qui est née après l’effondrement du communisme n’a pas de slogan mais sa conduite se base sur ce qui l’a déterminée : sa spiritualité, son âme, ce qui a été appelée : l’âme russe, un concept défini par deux de ses plus grands génies littéraires, Pouchkine et Dostoïevski [1] ; de manière plus prosaïque, à notre époque contemporaine, la nouvelle âme russe consiste, pour le plus grand pays du monde englobant onze fuseaux horaires, à puiser dans ce qu’il y a de meilleur dans ses différentes composantes et ce qu’il y a de meilleur dans son histoire.

La nouvelle Chine s’appuie également sur le patriotisme économique pour soutenir son développement. Le gouvernement chinois promeut activement l’achat de produits et services nationaux à travers des campagnes comme « Made in China » et des politiques favorisant les entreprises locales, notamment dans les secteurs stratégiques comme la technologie (ex. Huawei, BYD). Ce patriotisme économique est également visible dans les appels à soutenir les marques chinoises face aux concurrents étrangers, souvent relayés par les médias d’État et amplifiés sur des plateformes comme Weibo. Des boycotts de marques étrangères (comme Nike ou H&M) ont été encouragés tandis que l’oligarchie mondialiste veut l’interdire.

Chine d’abord s’inscrit dans une stratégie plus large pour atteindre la domination dans des industries clés (semi-conducteurs, IA).

Il n’y a pas de nouvelle France ; face à ces trois géants, elle aurait pu se réveiller dans le cadre d’une nouvelle Europe des peuples ; mais le destin de la France et celui de l’Europe ont été détournés, comme nous l’avons maintes fois expliqué, par le rapt américain d’après-guerre qui les ont contraintes à se soumettre aux diktats politiques et culturels américains, eux-mêmes dévalués dans le satano-mondialisme woke, avant que Trump n’y mette le holà.

« L’Europe se fera au bord du tombeau » : on a faussement attribué cette citation visionnaire à Nietzsche ; elle n’en reste pas moins valide. En attendant, les véritables Européens de cœur, quel que soit leur pays d’origine, ne souhaitent qu’une chose : voir la disparition de cette fausse Europe mondialiste qui nous a été imposée et qui détruit nos pays et nos vies en se transformant de plus en plus vite en un monstre totalitaire totalement corrompu.

Quelques signaux électoraux récents semblent indiquer que les peuples européens réalisent enfin qu’ils ont été manipulés pendant de longues années et soumis à l’emprise d’un énorme mensonge.

En attendant cette hypothétique réveil, les Français, comme les autres Européens, doivent, eux aussi, retrouver, au moins individuellement, pour chaque peuple, les valeurs qui ont fait leur grandeur, comme le suggérait le vice-président américain J. D. Vance.

Quelles valeurs françaises ?

Jean-Marie Le Pen a eu le mérite de porter l’étendard d’une France du réveil qui réclamait, en premier lieu, le retour à la préférence nationale. Le talent oratoire, le courage dont il a fait preuve et sa résilience à contrer toutes les attaques dont il était constamment l’objet, honoraient le personnage, certains de ses égarements qu’il voulait facétieux ont eu raison de l’homme ; et c’est sa fille qui lui a donné le coup de grâce.

Jean-Marie Le Pen était cependant porteur de toutes les valeurs qui ont fait que la France éclairait le monde par sa culture et son intelligence avant la catastrophe révolutionnaire qui, par une confondante inversion des valeurs, se présentait comme le nouveau « mouvement des Lumières ».

Les valeurs qui ont fait la renommée de la France n’étaient pas des valeurs boursières.

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C’étaient les valeurs chevaleresques élaborées initialement au Moyen-Âge, valeurs authentiquement aristocratiques, (« aristocratie » signifiant le gouvernement des meilleurs) et authentiquement indo-européennes, tirant donc leur légitimité de nos plus anciennes origines.

Nous avons exposé dans le détail le contenu de ces valeurs dans un article précédent [2].

Il suffisait, pour un grand parti national, de suivre ce chemin pour, a minima, conserver l’identité du peuple français et préserver les bases d’un renouveau.

C’est alors même que le peuple français affirmait sa volonté de renouer avec ses valeurs ancestrales en votant massivement pour le Rassemblement national que ce dernier, sous la direction de Marine Le Pen, s’est activé à ne surtout rien faire dans le sens de ce renouveau national et s’est entièrement donné à un Ordre mondial devenu moribond après la victoire de Trump aux Etats-Unis.

Nous nous trouvons donc à soutenir une Union européenne présentant toutes les caractéristiques d’un Etat totalitaire en complet décalage avec les aspirations des peuples qui le composent.

Sur le plan politique, l’adhésion du RN à l’Ordre mondial par l’intermédiaire de sa courroie de transmission dite « européenne » l’a conduit à nier toutes ses valeurs et, donc, à bafouer l’espérance des Français.

Les valeurs chevaleresques ne consistent pas seulement à défendre la veuve et l’orphelin ; elles exigent aussi de ne pas occulter « le massacre des innocents » dont se rend coupable le parti de Marine Le Pen en s’alignant sur les directives de l’Ordre mondial en déshérence ; deux exemples :

 - Le RN, à présent contrôlé par le Pouvoir en place, ne cesse de se compromettre avec l’Ordre mondial en admettant le massacre en cours de la minorité palestinienne (50.000 morts, femmes et enfants, à ce jour) sous prétexte qu’Israël se « défend ». Cette fausse opposition élue, qui ne s’intéresse qu’à préserver ses prébendes, ne doit pas espérer qu’Israël viendra aider ses électeurs lorsque le djihad sera déclenché en France, Israël ne s’intéresse qu’à Israël. Et les intérêts de la France ne sont pas ceux d’Israël.

 - Autre prise de position aberrante qui va à l’encontre des valeurs françaises: l’acharnement avec lequel ce parti veut prouver qu’il se situe dans « le camp du bien » en manifestant son mépris pour le peuple russe; c’est ainsi que son Président, le jeune et ambitieux Bardella n’a pas hésité à se compromettre en militant pour la saisie (en clair : le vol) des avoirs russes en Europe.

Rappelons que, en 2022, tardivement et après maintes tergiversations, la Russie est intervenue en Ukraine afin de protéger ses ressortissants russophones du Donbass qui se faisaient massacrer par les otano-ukrainiens depuis 2014 (14.000 morts sans que cela ne dérange l’Europe de Bruxelles pendant huit longues années).

Il ne faut pas tout mélanger,

  • politique intérieure (ce n’est pas parce qu’on condamne le massacre des Palestiniens qu’on est pro-LFI),
  • politique extérieure (ce n’est pas parce qu’on condamne le massacre des russophones qu’on est pro-russe).

La France ne doit avoir de préoccupation que de ses propres intérêts d’abord, comme tous les pays du monde et, en attendant des jours meilleurs, elle est tenue de préserver ses valeurs si durement et si noblement acquises.

Notes:

[1] « Tous les Russes de l’avenir se rendront compte que se montrer un vrai Russe, c’est chercher un vrai terrain de conciliation pour toutes les contradictions européennes ; et l’âme russe y pourvoira, l’âme russe universellement unifiante qui peut englober dans un même amour tous les peuples, nos frères » (Dostoïevski, Discours sur Pouchkine (1880)).

Une définition on ne peut plus d’actualité qui montre combien la Russie était originellement proche de l’Europe.

[2] L’être « sigma » :manipulation CIA-woke-LGBTQ+ ou résurgence des valeurs chevaleresques ? 9 février 2025

Seule au monde: comment l'UE se retrouve entre les puissances mondiales et perd de son influence

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Seule au monde: comment l'UE se retrouve entre les puissances mondiales et perd de son influence

Lothar Renz

Source: https://report24.news/allein-auf-weiter-flur-wie-die-eu-z...

Dans un monde de plus en plus marqué par les alliances stratégiques, la concurrence économique et les blocs de puissance géopolitiques, l'Union européenne se retrouve souvent seule. Les relations avec la Russie, la Chine et les Etats-Unis sont tendues - non pas dans une hostilité ouverte, mais dans une phase de méfiance, de réorientation et d'absence de véritable partenariat. Dans ce contexte, l'UE n'apparaît pas comme un médiateur ou une force autonome, mais de plus en plus comme un observateur de la politique étrangère - isolée, hésitante et divisée en son sein.

Russie : pas de rapprochement en vue, mais pas non plus de substitut au dialogue

L'attaque russe contre l'Ukraine a laissé une profonde césure dans les relations entre l'UE et la Russie. Depuis, les relations sont marquées par des sanctions, une distance politique et une rupture généralisée de la coopération économique. Pourtant, la Russie reste un acteur central de l'architecture de sécurité européenne. Même pendant la guerre froide, les liens économiques, par exemple dans le domaine de l'énergie, ont continué à fonctionner.

Aujourd'hui, la volonté politique d'ouvrir des perspectives à long terme fait souvent défaut. L'Europe mise sur le cloisonnement - mais comme les observateurs politiques internationaux l'ont souligné à plusieurs reprises, cela risque d'entraîner une perte d'influence à long terme, notamment dans des régions comme l'Europe de l'Est et l'Asie centrale, où la Russie reste active.

La Chine: entre intérêt économique et aliénation politique

Pour l'Europe, la Chine est à la fois un partenaire commercial important et un rival systémique. Selon un rapport d'Euronews Business, l'introduction par l'UE de droits de douane punitifs sur les véhicules électriques chinois était une réaction aux subventions massives accordées par le gouvernement chinois. Cela a suscité de vives critiques à Pékin - le conflit commercial est donc officiellement ouvert.

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Sur le plan politique, les relations ont encore été mises à mal par les déclarations de la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock. Lors d'une visite à Pékin, elle a ouvertement qualifié la Chine de « concurrent systémique » et a critiqué son approche de Taïwan et sa proximité avec la Russie. Le Frankfurter Allgemeine Zeitung avait alors commenté que cette rhétorique était certes cohérente, mais qu'elle ne laissait guère de place à un mouvement diplomatique.

Entre le souhait de conditions commerciales équitables et la nécessité de canaux diplomatiques, l'UE est aujourd'hui confrontée à un difficile exercice d'équilibre.

États-Unis : un partenariat étroit, mais des priorités différentes

Les relations avec les États-Unis restent étroites - mais elles sont devenues plus complexes. L'« Inflation Reduction Act », un énorme programme américain de subventions pour les technologies vertes, désavantage nettement les entreprises européennes sur le marché mondial. Comme l'a analysé entre autres le portail sectoriel Klean Industries, de nombreux pays de l'UE ont des difficultés à réagir avec des investissements publics comparables.

Des différences apparaissent également en matière de politique étrangère. Alors que Washington agit souvent avec plus de détermination sur les questions géopolitiques, l'UE manque souvent d'unité pour réagir avec une ligne claire. Cette asymétrie de rythme et de priorité a été reprise à plusieurs reprises dans des analyses du Süddeutsche Zeitung et du Monde : Les Etats-Unis agissent, l'Europe discute.

Conclusion: l'Europe - seule parmi les géants

Ce qui reste, c'est une Europe entre trois grandes puissances - toutes avec des stratégies claires et des intérêts nationaux. L'UE, en revanche, se débat avec elle-même. 

Pas de véritable alliance avec la Russie, une relation de plus en plus perturbée avec la Chine, et un partenariat transatlantique qui dépend plus du cours américain que de sa propre initiative : l'Europe est de plus en plus seule sur la scène mondiale. 

L'idée politique de l'Europe - en tant que médiateur, communauté de valeurs et contrepoids économique - perd de sa force de rayonnement si la puissance économique n'est pas traduite en capacité d'action politique.

Si l'Europe ne veut pas sombrer davantage dans l'insignifiance politique mondiale, elle doit apprendre à défendre ses intérêts avec force, mais aussi avec habileté stratégique. La clé réside dans l'unité - et dans le courage d'imprimer sa propre marque dans la politique mondiale.

 

mardi, 06 mai 2025

Le déclin de SWIFT: comment les puissances mondiales échappent au piège du dollar

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Le déclin de SWIFT: comment les puissances mondiales échappent au piège du dollar

Aidan J. Simardone

Source: https://uncutnews.ch/der-niedergang-von-swift-wie-die-wel...

Les Etats-Unis ont utilisé SWIFT comme une arme pour punir leurs ennemis - mais aujourd'hui, alliés et adversaires construisent des voies de sortie pour échapper au système financier mondial dominé par le dollar.

L'armement du système financier mondial est devenu une pierre angulaire de la politique étrangère américaine. Le contrôle de Washington sur la Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication (SWIFT), un service de renseignement financier autrefois considéré comme une plateforme neutre, mais qui est aujourd'hui ouvertement utilisé pour imposer des sanctions occidentales et isoler les opposants, revêt une importance centrale.

Alors que le président américain Donald Trump menaçait de sanctions économiques les pays qui abandonneraient le dollar, ses propres 100 premiers jours au pouvoir ont été marqués par la plus forte baisse de la devise depuis l'ère Nixon. Ce moment symbolique a coïncidé avec un changement mondial déjà en cours : les efforts croissants des nations pour réduire leur dépendance vis-à-vis de l'infrastructure financière contrôlée par les États-Unis.

Aujourd'hui, une coalition croissante de pays - certains sanctionnés, d'autres simplement prudents - se détourne du dollar américain et du réseau SWIFT pour se tourner vers de nouveaux systèmes financiers qui promettent de fonctionner hors de portée de Washington.

Un instrument de guerre économique

SWIFT n'est ni une banque ni un prestataire de services de paiement, mais une plateforme de messagerie qui permet aux institutions financières de transmettre des instructions de transaction sécurisées au-delà des frontières. Son principal attrait réside dans sa vitesse, son cryptage et son acceptation et sa standardisation quasi universelles. Les banques de différents pays, travaillant dans des langues et des devises différentes, s'appuient depuis longtemps sur ce système pour effectuer leurs opérations sans problème.

Cette image a été ternie en 2006 lorsqu'il a été révélé que SWIFT avait secrètement transmis des données de transaction à la CIA et au Trésor américain dans le cadre du Terrorist Finance Tracking Program (TFTP). Cette surveillance se poursuit et la National Security Agency (NSA) américaine surveille aujourd'hui les messages SWIFT.

Puis vint l'année 2012, lorsque des faucons bipartisans de United Against Nuclear Iran (UANI) firent pression sur SWIFT pour qu'elle coupe ses liens avec Téhéran, l'accusant de violer les sanctions des États-Unis et de l'UE. SWIFT s'est rapidement exécutée. Mais lorsque des activistes palestiniens ont exigé d'Israël qu'il fasse de même pour crimes de guerre, la campagne a été ignorée. Une fois le précédent établi, SWIFT a exclu la Corée du Nord en 2017 et la Russie en 2022.

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Le message était clair : SWIFT n'était plus neutre. C'était un instrument de guerre économique.

Une nouvelle architecture voit le jour

Se séparer de SWIFT peut paralyser une économie du jour au lendemain. Les banques sont isolées et ne peuvent plus envoyer ou recevoir de paiements, même avec des partenaires non occidentaux. Les échanges commerciaux sont paralysés. Mais cette tactique s'avère autodestructrice.

Après que l'Occident a menacé de couper la connexion après l'annexion de la Crimée en 2014, la Russie a développé sa propre plateforme : le système de transfert de messages financiers (SPFS), qui a été lancé en 2017. Aujourd'hui, le SPFS regroupe 177 institutions étrangères de 25 pays.

L'Iran, qui a commencé à intégrer les systèmes de communication et de transfert interbancaires avec la Russie en 2023, travaille sur sa propre infrastructure de messagerie financière, connue sous le nom d'Automated Currency Management and Exchange Reporting (ACUMER).

Toutefois, le plus grand défi pour SWIFT ne vient pas des États sanctionnés, mais des puissances émergentes qui s'attendent à une hostilité future des États-Unis.

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La Chine a lancé en 2015 le système de paiement interbancaire transfrontalier (CIPS). Alors qu'elle continue d'utiliser SWIFT pour de nombreuses transactions, le CIPS dispose de sa propre couche de messagerie, ce qui permet des échanges commerciaux sans faille avec la Russie et d'autres partenaires.

Près de 4800 banques participent désormais au CIPS, soit environ la moitié du nombre total de SWIFT, alors que le système a moins d'une décennie.

Conscient de la nécessité d'une alternative transfrontalière unifiée, le bloc BRICS a commencé à développer le « BRICS Pay » en 2018. Avec une performance économique désormais supérieure à celle du G7, les pays BRICS représentent plus d'un tiers de l'économie mondiale. BRICS Pay a commencé à effectuer des paiements pilotes en 2019 et a reçu le soutien total de la Chine en octobre 2024. Le projet en est encore à la phase pilote, mais son ampleur potentielle en fait le rival le plus sérieux de SWIFT à ce jour.

Abandon rapide du dollar

Mais l'abandon de SWIFT ne se limite plus aux adversaires de l'Amérique.

En 2022, l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) - un bloc de dix États principalement pro-américains, comptant au total 600 millions d'habitants - a lancé l'initiative de connectivité régionale des paiements (Regional Payment Connectivity, RPC). Elle utilise des systèmes de paiement nationaux en temps réel, tels que PayNow de Singapour et PromptPay de Thaïlande, pour permettre des transferts directs sans passer par SWIFT.

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Auparavant, les transactions transfrontalières entre les pays de l'ANASE nécessitaient une conversion en et à partir du dollar américain. Par exemple, les dollars singapouriens étaient d'abord convertis en dollars américains, puis en pesos philippins. Avec la RPC, de telles conversions sont contournées - ce qui réduit les coûts et augmente l'efficacité.

La même année, l'Union africaine a lancé le système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS), qui renonce également à SWIFT et à l'étape intermédiaire du dollar.

Cette révolution silencieuse parmi les partenaires de Washington signale un glissement plus profond : même les alliés se méfient de la politisation de SWIFT.

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Le monopole s'effrite

Malgré cette tendance, SWIFT ne disparaîtra pas du jour au lendemain. De nombreuses institutions l'utilisent parallèlement à d'autres alternatives afin de maximiser l'accès au marché. Mais la propagation de nouveaux systèmes de messagerie donne pour la première fois aux pays la possibilité d'affirmer leur souveraineté économique.

En 2012, l'Iran devait encore recourir au troc et à la contrebande d'or pour contourner les sanctions. Aujourd'hui, il peut commercer avec la Chine via CIPS et avec la Russie via SPFS. Avec chaque nouvelle plate-forme, une interdiction de SWIFT perd de son efficacité.

Les arguments de vente de SWIFT perdent donc également de leur force. La sécurité ? Minée par la surveillance américaine et le piratage du Bangladesh en 2016, qui a causé 81 millions de dollars de dommages. Vitesse ? Dépassée par les systèmes en temps réel comme RPC et PAPSS. Universalité ? Se réduit avec chaque pays exclu.

La véritable force de SWIFT réside dans l'effet de réseau : il fonctionne parce que tout le monde l'utilise. Mais tout découplage politique affaiblit ce réseau. En revanche, le CIPS de la Chine n'a pas d'histoire de sanctions de grande envergure - un havre plus attrayant pour les Etats en quête de stabilité financière.

L'emprise du dollar se relâche

Le déclin de SWIFT va de pair avec l'affaiblissement de l'influence du dollar américain. En tant que gardien de la porte SWIFT, Washington pouvait punir tout pays qui abandonnait le dollar dans ses échanges commerciaux. Mais avec les systèmes alternatifs, ce levier disparaît.

La Chine et l'Arabie saoudite étudient désormais le commerce basé sur le renminbi - une évolution qui aurait été impensable à l'époque de la domination du dollar.

Bien sûr, la domination américaine dans le domaine financier ne disparaîtra pas du jour au lendemain. Mais l'essor rapide des systèmes de renseignement parallèles montre que les puissances mondiales - adversaires comme alliés - cherchent des moyens d'échapper à l'orbite financière de l'Occident.

Source : https://thecradle.co/articles/swifts-decline-how-global-p...

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