samedi, 25 janvier 2025
Le curieux cas azéri
Le curieux cas azéri
Par Enrico Tomaselli
Source : Giubbe Rosse & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/lo-strano-caso-az...
L’Azerbaïdjan, un pays bien situé dans la zone stratégiquement croissante de l’Asie centrale, se trouve, d’un point de vue géopolitique, dans l’orbite des pays turcophones et constitue sans aucun doute le meilleur allié d’Ankara. Le gouvernement de Bakou a récemment ravivé ses revendications envers l’Arménie, tant concernant l’enclave du Haut-Karabagh (question réglée par le rapide conflit de septembre 2023) que, surtout, sur la question du corridor de Zanguezour, censé relier la République autonome du Nakhitchevan au reste de l’Azerbaïdjan, en passant par la région arménienne du Syunik.
De son côté, l’Arménie, traditionnellement située dans l’orbite russe, a récemment amorcé un rapprochement progressif avec l’Occident (UE, OTAN), s’éloignant de Moscou. Après la désastreuse défaite de 2023, dont Erevan porte une part importante de responsabilité, ce rapprochement s’est encore accentué, notamment via la France – un pays traditionnellement ami, qui accueille une importante communauté issue de la diaspora arménienne.
La question du corridor de Zanguezour est en effet au cœur de tensions plus larges, car l’Iran s’y oppose fermement. Sa création couperait les voies de transit iraniennes vers le nord-ouest, via l’Arménie. De plus, l’Azerbaïdjan – grâce aux oléoducs turcs – est un fournisseur clé de pétrole pour Israël, avec lequel Bakou entretient d’excellentes relations, notamment dans le domaine de la défense. Téhéran a donc plusieurs raisons de se retrouver en conflit avec son voisin.
Par ailleurs, Bakou et Ankara manœuvrent pour mettre l’Iran sous pression, notamment dans le domaine énergétique. La société d’État azérie Socar a annoncé des investissements de plus de 17 milliards de dollars en Turquie, principalement dans la production de composants nécessaires au raffinage. Ainsi, le pétrole azéri, acheminé par l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan qui transporte le brut de la mer Caspienne à la Méditerranée via la Turquie, sera raffiné sur place, renforçant encore davantage le lien entre les deux États.
Cependant, la région du Moyen-Orient élargi est un tel enchevêtrement d’intérêts qu’il peut s’y passer n’importe quoi.
Et voici qu’un accord trilatéral (en cours de définition) entre la Russie, l’Iran et l’Azerbaïdjan est annoncé. Celui-ci prévoit la construction d’un gazoduc qui, traversant l’Azerbaïdjan, fournira initialement à l’Iran 2 milliards de mètres cubes de gaz par an, avec pour objectif d’atteindre 55 milliards de mètres cubes. La capacité maximale prévue de ce gazoduc devrait être équivalente à celle du Nord Stream. Cet accord, d’une durée de 30 ans, permettra de livrer du gaz russe à l’Iran, tant pour la consommation intérieure que pour les pays voisins.
Bien que l’Iran détienne la deuxième plus grande réserve mondiale de gaz naturel (34 trillions de mètres cubes, après la Russie), il fait face à une pénurie de carburant, la demande en gaz dépassant la production. La plupart des réserves restent inexploitées en raison des sanctions imposées par les États-Unis, qui bloquent les investissements et les avancées technologiques. De plus, les principaux gisements de gaz iraniens sont situés dans le sud du pays, alors que les principaux consommateurs se trouvent dans le nord, où le climat est particulièrement rigoureux. Ainsi, en hiver, l’Iran doit faire face à un déficit quotidien d’au moins 260 millions de mètres cubes de gaz, mettant à rude épreuve l’approvisionnement en électricité.
Évidemment, Bakou, en plus de tirer des revenus des droits de passage, pourrait également bénéficier d’une partie du gaz transporté. Si, comme cela semble probable, l’accord est finalisé, une situation d’intérêts partagés plus forte pourrait se créer entre les trois pays. Cela pourrait, à terme et dans une certaine mesure, mener à une résolution négociée des différends entre l’Iran et l’Azerbaïdjan, ainsi qu’à une réduction limitée de l’influence turque dans la région.
En somme, le grand jeu géopolitique continue…
13:48 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : azerbaïdjan, caucase, actualité, iran, russie, géopolitique, politique internationale, gaz, gazoducs, hydrocarbures | |
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Réalisme croate et fantaisies allemandes
Réalisme croate et fantaisies allemandes
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/realismo-croato-e-fantasie-tede...
Zoran Milanović a été réélu président de la Croatie. Rien d’extraordinaire. Sa popularité est indiscutable, et il y avait peu de doutes quant à sa reconduction.
Cependant, ce qui compte vraiment, et qui, à bien des égards, étonne, c’est son discours d’investiture.
Un discours décidément inconfortable. Duquel, évidemment, nos grands médias n’ont pas soufflé mot.
Car Milanović a repris les récentes déclarations de la ministre des Affaires étrangères allemande, sans même la citer nommément. Quand je dis "la citer", je parle de Madame Annalena Baerbock, qui aderrière elle une brillante (enfin, façon de parler) carrière d’écologiste chez les Verts, mais sans la moindre expérience en politique internationale.
Et pourtant, depuis 2021, elle dirige le ministère des Affaires étrangères en Allemagne. Elle s’est distinguée par quelques initiatives louables, comme celle qu'elle fit en faveur du Nigeria: la restitution de milliers d’objets d’art entreposés dans les musées allemands.
Pour le reste, son rôle en tant que ministre des Affaires étrangères de Berlin s’est surtout fait remarquer par un alignement total sur les décisions de l’administration Biden: soutien inconditionnel à Zelensky et guerre contre la Russie.
Oui, « guerre ». Car c’est bien le mot qu’a utilisé la maladroite ministre à plusieurs reprises.
Que les dirigeants de l’UE, surtout ceux qui ne sont pas élus, comme les bureaucrates de la Commission, fassent la guerre à la Russie, c’est chose connue et évidente. Cependant, par souci de bienséance, on évite de le dire. D’autant plus qu’au front, ce sont les Ukrainiens qui combattent et meurent, grâce au zèle de Zelensky.
Mais, apparemment, cela ne suffit pas à la belliqueuse ministre allemande, totalement ignorante des règles non écrites, mais bel et bien en vigueur, de la diplomatie. Elle se laisse aller à de telles déclarations, mettant encore plus en difficulté le pauvre Scholz. Ce chancelier, encore en fonction pour un temps limité, a toujours tenté, en vain pour l’essentiel, de donner l’impression que l’Allemagne n’est pas une marionnette entre les mains de Biden et de ses alliés. Et surtout, qu’elle ne mène pas une guerre contre Moscou.
Une fiction pitoyable, et même un peu ridicule, certes. Mais qui, au moins, cherchait à sauver les apparences.
Puis arrive Madame Baerbock et… Je suppose qu’à ce stade, le pauvre Scholz doit attendre avec impatience la fin de ce calvaire.
Le président croate, quant à lui, en profite. Il déclare – rappelons-le, à peine réélu – que si l’Allemagne est en guerre avec la Russie, il lui souhaite bien du courage. Surtout, ajoute-t-il, "espérons que cela ne finisse pas comme la dernière fois…".
Au-delà de la plaisanterie, le discours de Milanović montre clairement une chose:
De plus en plus de pays européens manifestent leur exaspération face à cette politique de confrontation avec Moscou.
De plus en plus, ils revendiquent leur indépendance, leur droit à décider sans subir les diktats de la Commission de Bruxelles.
Les positions bellicistes de cette dernière sonnent de plus en plus faux. Surtout parce que ce ne sont pas les bureaucrates de Bruxelles qui doivent aller combattre et mourir. Et encore moins se priver de quoi que ce soit. Bien au contraire...
La Croatie a clairement exprimé son opinion sur cette guerre. Elle n’est ni la seule, ni la première à le faire.
L’Allemagne, de son côté, se rapproche des élections. Après quoi, vraisemblablement, Madame Baerbock retournera s’occuper des pinsons et des phoques moines. À condition, bien sûr, que les Verts existent encore au Bundestag, ce qui est loin d’être certain.
13:29 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : croatie, allemagne, europe, affaires européennes, zoran milanovic, annalena baerbock | |
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vendredi, 24 janvier 2025
La cage d'acier de Weber et le néo-totalitarisme libéral-démocratique
La cage d'acier de Weber et le néo-totalitarisme libéral-démocratique
par Tiberio Graziani
Source: https://www.ariannaeditrice.it/articoli/la-gabbia-d-accia...
Dans le contexte contemporain, caractérisé par l'omniprésence croissante des nouvelles technologies de la communication dans les processus de formation de l'opinion et de prise de décision, les réflexions sociologiques de Max Weber sur la « cage d'acier » s'avèrent être un outil fructueux pour comprendre les avertissements de ce que l'on peut définir comme les dérives du système néo-libéral-démocratique.
En effet, le lien entre rationalisation technocratique, éthique utilitariste et conformisme social et culturel, bien décrit par Weber, trouve aujourd'hui un nouveau souffle dans l'instrumentalisation croissante du phénomène de l'intelligence artificielle, la montée du politiquement correct et la transformation des démocraties occidentales en régimes présentant des traits de néo-totalitarisme.
L'intelligence artificielle : la face rationnelle de la cage d'acier
L'intelligence artificielle (IA), appliquée aux processus industriels, représenterait en quelque sorte l'apogée de la rationalisation théorisée par le penseur allemand. Il s'agit essentiellement d'une technologie qui promet - et permet - l'efficacité et l'optimisation, mais - si elle n'est pas gérée de manière critique et appropriée - au prix d'une aliénation croissante et généralisée. En effet, les décisions automatisées, basées sur des algorithmes, pourraient réduire la capacité de l'individu à influencer les résultats des processus sociaux : du point de vue de la critique du pouvoir, l'utilisation de ces algorithmes semble renforcer une structure bureaucratique qui se nourrit d'elle-même, contribuant à la création d'une « cage d'acier » numérique. Cette « cage d'acier » numérique, apparemment neutre, imposerait ainsi une logique instrumentale qui vide les valeurs humaines de leur sens, poussant les classes dirigeantes vers un contrôle de plus en plus prononcé, envahissant et déshumanisant des sociétés.
L'IA - telle qu'elle est gérée actuellement - se présente comme un instrument supplémentaire de consolidation du pouvoir des classes dirigeantes des États les plus avancés sur le plan technologique et des groupes de pouvoir au sein des grandes sociétés financières et industrielles, produisant des inégalités structurelles dans les sociétés et les sphères de travail. L'accès aux technologies les plus avancées est réservé à quelques acteurs mondiaux, tandis que les citoyens ordinaires deviennent de simples rouages d'un système qu'ils ne semblent pas comprendre. La promesse de liberté, typique du discours néolibéral, se transforme en une forme d'« esclavage algorithmique », où la capacité d'autodétermination est de plus en plus limitée.
Le politiquement correct : symptôme du néo-État éthique occidental
Le politiquement correct, souvent perçu et surtout véhiculé comme un progrès civilisé, peut être interprété - dans le contexte de la critique du comportement social actuel et de l'évolution politique de la société occidentale - comme un symptôme concret de l'affirmation d'un État éthique occidental. Par un contrôle rigide du langage et de l'opinion, on tente de conformer la société à un ensemble de valeurs considérées comme universelles, mais qui reflètent en réalité l'idéologie des classes dirigeantes. Ce phénomène, loin d'être une forme d'émancipation, devient un instrument d'homologation culturelle.
L'imposition du politiquement correct ne restreint pas seulement la liberté d'expression, mais trahit une hétérogénéité des finalités. Les démocraties libérales, nées pour protéger le pluralisme et la diversité, finissent par adopter des pratiques totalisantes qui visent à éliminer la dissidence. C'est ainsi que se réalise une nouvelle forme de totalitarisme doux, dans lequel le consensus se construit par la pression sociale et l'isolement des « déviants », à travers, entre autres, des formes sophistiquées de mise au pilori médiatique (la fameuse « machine à boue »), l'attribution de liens, de relations et de comportements perçus comme embarrassants, socialement et politiquement répréhensibles, et même susceptibles d'être sanctionnés par la coercition.
Totalitarisme et hétérogénéité des fins
La pensée démocratique néolibérale, qui met l'accent sur le marché, les droits individuels et le progrès technologique, semble donc incarner l'apogée de la modernité. Cependant, elle se révèle paradoxalement, dans son explicitation pratique, comme l'aboutissement du cycle historique libéral-démocratique. La recherche incessante de l'efficacité, liée à la concentration croissante du pouvoir économique et financier entre les mains de quelques groupes, comme l'a bien décrit Alessandro Volpi, a conduit à un système qui restreint de plus en plus la liberté réelle, transformant les citoyens en sujets d'un ordre rationalisé et globalisé, dans lequel le débat démocratique, là où il s'exerce encore, prend au mieux le caractère d'un simple rituel sclérosé, au pire, compte tenu de la virulence polarisante croissante qui le caractérise actuellement, d'une forme singulière de névrose.
L'hétérogénéité des fins - le principe selon lequel des actions conçues et entreprises dans un but précis aboutissent plutôt à des résultats opposés impensables - est clairement évidente dans la pratique de la démocratie libérale contemporaine. Les démocraties, telles que nous les connaissons sur notre continent au moins depuis la Révolution française jusqu'à aujourd'hui, nées pour protéger l'individu de l'arbitraire du pouvoir, se sont transformées, en l'espace de quelques décennies, en systèmes qui contrôlent largement la vie des citoyens. Les mécanismes de surveillance, la censure implicite et la manipulation de l'information constituent quelques-uns des instruments d'un pouvoir qui ne se présente plus visiblement comme autoritaire, mais parodiquement paternaliste et salvateur, enveloppé dans une superstructure rhétorique empruntée aux réflexions de Popper.
La nécessité et l'urgence d'une nouvelle critique de la modernité
Raisonner sur la métaphore de la « cage d'acier » de Weber, actualisée au contexte d'aujourd'hui, permet de réfléchir aux dérives du modèle néolibéral-démocratique que nous connaissons actuellement. L'instrumentalisation de l'intelligence artificielle, le politiquement correct et la dynamique d'hétérogénéité des finalités sont des symptômes clairs de la trajectoire d'un système autoréférentiel qui semble se diriger vers l'effondrement.
Pour contenir et échapper à cette nouvelle forme de totalitarisme, il est nécessaire et urgent de retrouver la valeur de la pensée critique et la pratique de l'action collective. Ce n'est qu'en reformulant les rapports entre technologie, éthique et politique qu'il sera peut-être possible de construire un avenir qui ne soit pas dominé par la logique impersonnelle de la « cage d'acier », mais qui redonne une place centrale à l'être humain et à sa dignité.
21:21 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, libéralisme, libéralisme totalitaire, totalitarisme libéral | |
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Trumpisme et biopolitique
Trumpisme et biopolitique
par Daniele Perra
Source : Daniele Perra & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/trumpismo-e-biopo...
J'ai déjà parlé du trumpisme comme d'une opération biopolitique « foucaldienne ». Je vais essayer de mieux expliquer ce concept. Tout d'abord, je pense qu'il est nécessaire de souligner l'importance des médias (en tant qu'instruments de la « production de pouvoir ») pour l'étude et l'analyse géopolitiques. Déjà Karl Haushofer, en 1928, face à l'impétuosité de la politique de masse, avait compris l'importance de porter les dynamiques géopolitiques à la connaissance de l'opinion publique, même si l'information devait nécessairement être de nature simplifiée et adaptée à l'orientation du public. En d'autres termes, Haushofer a compris avant d'autres que la représentation médiatique fait partie intégrante de la dimension géopolitique et qu'elle est un outil utile pour obtenir un soutien émotionnel (et donc non critique) à l'action.
La sphère de la communication revêt donc une importance fondamentale pour la géopolitique, et les médias eux-mêmes sont interprétés comme les instruments qui représentent la (géo)politique et le pouvoir.
La « géopolitique critique » (née dans les années 1980) étudie en effet le contenu des médias afin de comprendre les intérêts particuliers et le « pouvoir réticulaire/circulaire » des médias. En effet, les représentations spatiales du pouvoir jouent un rôle décisif dans la compréhension des stratégies politiques. En même temps, il faut reconnaître que, assez souvent, ce qu'on appelle le « journalisme géopolitique » devient lui-même un instrument de pouvoir et/ou un producteur de propagande. Par propagande, nous entendons la production délibérée et systématique de représentations médiatiques stéréotypées dans le but de manipuler, sélectionner ou dissimuler des faits et des phénomènes et d'orienter l'opinion publique par des sujets politiques et/ou économiques représentant les centres de pouvoir (pensons aux cas emblématiques de l'Ukraine et de la Palestine).
Or, cette utilisation « stratégique » des médias a historiquement toujours existé. Pendant ce qu'on appelle le « Grand Jeu » ou le « Tournoi des ombres » (la « guerre froide » du 19ème siècle entre la Grande-Bretagne et la Russie en Asie centrale), par exemple, les journaux britanniques n'ont jamais cessé de décrire l'Empire tsariste comme une entité maléfique. Ou encore, plus anciennement (même à l'époque médiévale), la façon dont les émissaires papaux décrivaient Frédéric II.
Cette « utilisation stratégique » a connu une fortune remarquable à l'époque du totalitarisme et, bien qu'elle n'ait jamais cessé, elle a connu une évolution très particulière avec l'avènement d'Internet. En effet, si les médias traditionnels ont une approche verticale (choix, formation et couverture des « nouvelles » par le haut), Internet a une approche horizontale dans laquelle les nouvelles, en apparence, circulent de manière plus fluide et plus libre. En réalité, la multiplication des médias et des plateformes sociales ne correspond pas à une réelle plus grande liberté d'information. Les entreprises qui contrôlent les flux du réseau, pour la plupart (du moins les principales), sont basées aux États-Unis et appartiennent à d'imposantes concentrations industrielles avec des intérêts considérables directement liés à la politique et à la guerre (qui de la politique est la continuation par d'autres moyens, Clausewitz docet). En ce sens, comme les agences de notation, les ONG, les fonds d'investissement, les groupes de pression, les plateformes sociales (Facebook, X, etc.) produisent aussi du pouvoir. Et elles le font d'une manière très particulière. Celles-ci, en effet, comme la finance transnationale, réduisent les espaces et les distances en ce sens qu'elles permettent au pouvoir de s'exercer même dans des sphères extrêmement éloignées de son centre réel. Ce faisant, le réseau exerce un pouvoir fluide capable d'une expansion illimitée.
Par conséquent, à l'ère du capitalisme/impérialisme numérique, le trumpisme s'impose avant tout comme un processus de restructuration du système de pouvoir nord-américain : un processus de substitution entre anciennes et nouvelles oligarchies industrielles dont les intérêts géopolitiques à long terme ne divergent que partiellement (le « méchant “ russe est remplacé par le "super-vilain" iranien ou chinois). Cependant, ce processus de restructuration nécessite ce qui a été décrit précédemment comme un « soutien émotionnel fondé sur une base non critique », bourré de propagande (souvent « visionnaire »). Voici donc l'alignement presque total des plateformes sociales nord-américaines sur l'intérêt stratégique du centre et la création d'un supposé « espace nouveau ou renouvelé » produit par l'interaction entre les « nouvelles/anciennes puissances » qui se stratifient et se solidifient dans l'imaginaire de l'Occident collectif.
21:06 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, états-unis, biopolitique, média | |
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Dominique de Villepin, notre Victor Hugo
Dominique de Villepin, notre Victor Hugo
par Claude Bourrinet
Villepin, c'est bien joli, et l'homme ne manque ni de talent oratoire, ni de caractère, ni de courage face à la meute sioniste, mais il est, hélas, l'un des pires symptômes de la civilisation française, qui a pris aux Romains l'art de faire vibrer l'air de pathos et d'inanités sonores, mais sans persévérer dans la force. Villepin aurait peut-être été, en d'autres temps, Danton, ou Robespierre (qui avaient la force), ou même peut-être de Gaulle.
De Gaulle fascinait non par la peur qu'il inspirait, mais par son cabotinage grandiloquent. Les Français étaient pendus au petit écran, comme des mouches, quand il apparaissait, logeant à peine dans le cadre, qu'il outrepassait presque. Car la puissance du Grand Charles résidait surtout dans son verbe, c'est-à-dire dans le vent qu'il expirait, et qui frisait les crânes déjà creux des Français, lesquels n'aspiraient qu'au repos des braves gens.
Cependant, De Gaulle garda en main le gouvernail de la France durant dix ans. Les discours emphatiques et étincelants, c'est surtout beau et bon quand on a, avec la toge, les armes. Donc le pouvoir. Villepin fut premier ministre des Affaires étrangères de Chirac pendant seulement deux ans. Certes, il tint tête aux Américains, comme l'on sait, en 2003, à l'occasion de l'invasion criminelle de l'Irak, et il faut lui en être reconnaissant. Cependant, si l'Allemagne n'avait pas refusé de se joindre aux envahisseurs yankee, cette posture aurait-elle été possible ? L'axe, si plein d'espérances (on a rêvé, alors !) Berlin - Moscou - Paris, est d'abord une initiative allemande. Le chancelier Schröder était très proche des Russes, et l'Allemagne avait beaucoup à gagner à la persistance d'un lien privilégié avec un pays qui lui octroyait des matières premières à volonté et à bon marché. On voit actuellement les conséquences ruineuses de la politique inverse. Il paraît que la diplomatie française a quelque peu traîné des pieds, et s'est laissée persuader. Le ver était dans le fruit. Il ne faut pas oublier que Chirac eut la lâcheté de suivre l'Otan, sans mandat de l'ONU, dans son agression criminelle de la Serbie, en 1999, et qu'à cette occasion, qui ne fut pas la dernière, un tsunami de propagande nauséabonde se déversa sur le pays. Et il aura suffi de l'intrusion d'un agent américain et furieusement sioniste, Sarkozy, pour vider notre politique étrangère comme un poulet. Entre-temps, Villepin a commémoré en grandes pompes, envoyant pour ce faire le Charles-de-Gaulle à l'embouchure de la Tamise, le désastre de Trafalgar, tandis que la misérable Alliot-Marie était projetée en mission sur le plateau d'Austerlitz, sans flonflons ni trompettes.
Villepin fait irrésistiblement penser à Lamartine, à Hugo, à Camus, et à tant de nos Grandes Âmes, qui, pour le monde, sont fâcheusement emblématiques de notre nation. Des enfileurs de poncifs pompeux et des brasseurs de mots vagues et creux, qui ne tourneboulent le coeur que parce qu'ils portent dans les nuages les sanglots de l'émotion (et me voilà moi-même à filer, comme eux, des métaphores foireuses !).
Le problème, avec ce type de chansons, c'est qu'elles sont des chansons, des airs que l'on fredonne en rêvant. La morale, c'est bien, ça soude une grande partie du monde, qui n'est, au fond, pas si méchant que ça, et surtout ça fait pleurer Margot. Une Margot qui pose son petit derrière sur le siège de la balançoire, mais qui n'a pas les pieds sur terre. On a peine à créditer un chef d'Etat qui condamnerait le "pouvoir", la puissance contraignante, voire meurtrière, pour assurer, quand il en est besoin, l'indépendance, ou l'autorité du pays.
Un chef d'Etat incapable de faire la guerre n'est pas digne de ce nom. Poutine a pris ses responsabilités, et la Russie est bien gouvernée. Nous sommes bien d'accord qu'il y a des limites à ne pas dépasser si l'on veut rester une nation qui aura sa place dans le concert des nations civilisées, ce qui n'est pas le cas d'Israël. Mais mettre sur le même plan l'Etat hébreu et l'Etat russe, c'est commettre une faute impardonnable de la part d'un homme qui, apparemment, ambitionne les plus hautes fonctions.
A moins que ce ne soit de la pure propagande électoraliste, et qu'il ne veuille pas se brouiller avec certaines officines de gauche plus ou moins russophobes.
Encore une fois, il vaut mieux Villepin que rien du tout, ou, pire, que ces veules chacals qui pullulent dans les médias, et déshonorent la France en soutenant un criminel tel que Netanyahou, ou bien qui rampent comme des bêtes dressées devant le maître américain.
Mais, finalement, ce qui sauva De Gaulle, qui avait été élevé du temps de Déroulède et de Barrès, c'était son cynisme. Il avait, tout de même, le sens des réalités, et n'hésitait pas à employer, quand il le fallait, les pires moyens, même les plus immoraux. Si l'on est intelligent, de cette intelligence du monde qui tente d'éviter de verser dans la bouillie sentimentale, une intelligence cruelle, certes, et même dégueulasse, il faut reconnaître que la rude réalité humaine n'est pas un système binaire, où il serait aisé de trouver la voie du Bien, en s'opposant au Mal. Cela, il faut le laisser aux gobeurs de propagande, et aux journalistes.
18:16 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, france, europe, affaires européennes, dominique de villepin | |
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Le monde d'aujourd'hui et de toujours: la géopolitique d'un océan à l'autre
Le monde d'aujourd'hui et de toujours: la géopolitique d'un océan à l'autre
Alberto Hutschenreuter
Source: https://nomos.com.ar/2025/01/06/el-mundo-de-hoy-y-de-siem...
La géopolitique n'a jamais quitté la scène mondiale, malgré l'hypocrisie des puissances occidentales qui ont tenté de la faire oublier.
L'ironie du sort veut que, plus de trente ans après avoir décrété la « fin de la géopolitique », ce soit précisément la géopolitique qui menace aujourd'hui la mondialisation et la possibilité de construire un ordre international.
Cela démontre que le volontarisme est de peu d'effet face aux régularités de l'histoire; et nous rappelle, d'une certaine manière, le moment où, à la fin des années 1920, fut signé le Pacte Briand-Kellog ou Traité de renonciation à la guerre (illustration, ci-dessous), un accord qui, selon le polémiste français Gaston Bouthoul, équivalait à ce que les médecins signent un document proclamant la fin des maladies.
Les excès de l'idéalisme en politique internationale conduisent souvent à ce genre de déclarations ou d'aspirations, jusqu'à ce que le mur solide de la réalité s'y oppose et rétablisse l'équilibre.
La géopolitique n'a jamais eu bonne réputation, car elle a été associée à l'annexion de territoires, à la capture de régions riches en ressources, à des sphères ou blocs d'influence, à des « frontières vivantes », à des intentions ou ambitions cachées de la part d'États de se développer au détriment de la sécurité d'autres États, entre autres choses.
Ce discrédit de la discipline a été amplifié par le fait que le régime allemand des années 1930, révolutionnaire d'un point de vue géopolitique, l'a transformée en une méthode basée sur le sol et la race, orientée vers la guerre. C'est sans doute dans ce contexte que la réputation de la géopolitique a été ternie.
Après la Seconde Guerre mondiale, le terme est abandonné, mais non sa pratique. Après tout, qu'est-ce que la guerre froide si ce n'est un affrontement mondial pour contrôler les espaces sis entre des blocs idéologiques et géostratégiques rigides ?
Avec la fin du bipolarisme, la géopolitique semblait avoir disparu en même temps que le conflit qui a dominé la majeure partie du 20ème siècle. De plus, la mondialisation a rapidement « géo-économisé » les relations internationales, laissant peu de place aux phénomènes de rupture. La géopolitique n'a pas disparu, bien sûr, mais elle a acquis un sens presque « sur mesure ». Tout devient alors géopolitique: du paysage financier aux phénomènes climatiques. Par exemple, on a parlé de la « géopolitique de Katrina », comme si l'ouragan obéissait aux logiques politico-territoriales des États.
Or, dans ce monde, il s'est produit des événements où l'interaction entre les intérêts politiques, les territoires et la puissance, c'est-à-dire les composantes qui définissent et animent la géopolitique, était catégorique.
Il a fallu un événement profondément géopolitique, impliquant directement un acteur puissant à l'histoire territoriale marquée (la Russie), pour que des experts autorisés commencent à parler du « retour de la géopolitique ».
En fait, l'annexion par la Russie de la péninsule ukrainienne de Crimée en 2014 a ramené la géopolitique au centre des débats. Depuis, les études sur la discipline se sont multipliées. La géopolitique est « revenue ».
Mais à proprement parler, la géopolitique n'a jamais vraiment disparu. Si nous jetons un regard plus critique et réfléchi sur les événements qui se sont déroulés depuis les années 1990, nous nous rendons compte que la géopolitique est présente dans tous ces événements. Par exemple, l'expansion de l'OTAN et l'attaque du terrorisme transnational sur le territoire le plus sûr du monde, en ce funeste 11 septembre, sont des événements dans lesquels la relation entre l'intérêt politique et le territoire est évidente. Alors que le premier a représenté un déplacement de pays et de moyens militaires vers des zones russes de plus en plus stratégiques, le second a été la conséquence d'une orientation territoriale globale du terrorisme de nouvelle génération.
En outre, non seulement la géopolitique n'a jamais disparu, mais de nombreux nouveaux thèmes ont contribué à sa pluralisation. C'est le cas du segment ou plan numérique, l'une des « nouvelles territorialités » qui s'ajoute aux anciennes, bien que, contrairement à elles, il s'agisse d'un champ incommensurable. Son utilisation à des fins pernicieuses permet finalement aux États de se dédouaner de leur responsabilité pour des actions menées contre d'autres, grâce à la prolifération de hackers patriotes, globaux et « souverains ».
L'espace extra-atmosphérique est un autre territoire « nouveau mais ancien ». Ce qui est nouveau dans ce « domaine », comme le soulignent les experts américains Dave Baiocchi et William Welser, c'est sa « démocratisation ». Cela signifie qu'en plus de la prolifération des missions spatiales, l'actuelle course à l'espace n'est pas seulement le fait des États. La technologie a rendu l'espace plus accessible que jamais, permettant à de nouveaux acteurs d'y entrer.
À côté de ces réalités, le vitalisme géopolitique se manifeste dans de nombreuses autres situations: des mouvements des puissances dans l'océan Arctique et le continent Antarctique, à la projection régionale, continentale et mondiale de la Chine. Il comprend également l'acquisition d'espaces environnementaux propres par des puissances qui ont presque épuisé les leurs, l'ouverture de nouvelles routes commerciales (comme celle de l'Arctique), le développement de politiques de préservation des espaces maritimes - qui, dans la pratique, reflètent des logiques de pouvoir et de contrôle de la part des puissances, ce que l'on appelle la « diplomatie de la défense » -, la projection vers des régions riches en ressources anciennes et nouvelles, et le développement d'une culture de la sécurité, la projection vers des régions riches en minerais anciens et nouveaux (comme le lithium et les terres rares), l'endiguement multidimensionnel perpétré par les États-Unis contre la Chine, la configuration possible de blocs technologiques ou d'interintelligence artificielle (BI-IA), la revitalisation territoriale possible du terrorisme (en envisageant, par exemple, un scénario de chaos en Syrie), le renouveau du « navalisme » et de la « géopolitique sous-marine ».
Enfin, dans les « deux guerres et demie » en cours dans le monde - en Ukraine, au Moyen-Orient et autour de la plaque indo-pacifique (cette dernière centrée sur la rivalité croissante entre la Chine et les Etats-Unis) - la prééminence de la géopolitique et même les causes de ces guerres ont des racines politico-territoriales.
Comme la guerre et d'autres phénomènes, la géopolitique ne revient pas, tout simplement parce qu'elle n'a jamais vraiment disparu. Par conséquent, au-delà des processus d'interaction sociale et du déclin apparent de l'anarchie internationale, conséquence de l'émergence de nouveaux acteurs et de l'avancée presque inéluctable de la technologie, il est impératif de penser le monde du point de vue des intérêts, des territoires et de la puissance - en particulier pour un « pays-continent » comme l'Argentine, un acteur doté de vastes extensions terrestres, maritimes, aériennes et numériques, mais qui ne dispose pas encore de la puissance nationale nécessaire pour protéger ce statut privilégié.
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jeudi, 23 janvier 2025
La droite fluide choisit l’anarcho-capitalisme de Musk et oublie Bannon
La droite fluide choisit l’anarcho-capitalisme de Musk et oublie Bannon
Enrico Toselli
Source: https://electomagazine.it/la-destra-fluida-sceglie-lanarc...
Bannon ou Musk ? Giorgia Meloni, unique représentante de l’Union européenne à la cérémonie d'investiture de Trump, ne doit pas seulement jouer le rôle de servante dans la colonie Europe, mais elle doit aussi décider si elle doit recevoir des ordres de Bannon ou de Musk. En d’autres termes, choisir de diriger une droite plus traditionnelle sur le Vieux Continent, toute d'ordre et de discipline – ou du moins toute telle en discours et en apparences – ou bien suivre le joueur de flûte du transhumanisme, un anarcho-capitaliste dans les faits.
Le choix de Giorgia, en réalité, est déjà plus qu’évident, mais il se heurte à une réalité embarrassante. Car la droite de Musk, au-delà de ses objectifs finaux plus ou moins discutables, repose sur un point de départ difficilement compatible avec l’entourage de Meloni. En effet, elle part du principe de l’intelligence. Une qualité qui ne semble pas abonder dans le cercle magique de Meloni à l’intérieur du Grande Raccordo Anulare de Rome.
Cependant, la droite fluide au pouvoir semble de plus en plus éloignée des idées de Bannon. Elle se prépare donc à soutenir les programmes de Musk, renonçant ainsi à faire preuve de toute capacité propre. Elle apportera aux peuples européens la parole de Musk en défense des sacro-saints droits du multimilliardaire.
D’ailleurs, après le film Fascistes sur Mars, voici enfin le personnage capable de transformer cette fiction cinématographique en réalité.
Il vaut donc mieux se préparer à une droite fluide italienne et européenne qui parle anglais, qui rêve de transformer les États européens en États américains ou, au pire, en colonies officielles.
Il faut aussi les comprendre, les néo-melonistes. Autrefois, la Nouvelle Droite italienne pouvait se mesurer à la Nouvelle Droite française, autour d’une culture européenne renouvelée, avec une vision du monde et des changements en cours.
Aujourd’hui, la droite fluide n’a plus qu’un choix: décider quel maître américain suivre en salivant de bonheur.
19:02 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, droite fluide, elon musk, steve bannon | |
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Trois projets régionaux en confrontation
Trois projets régionaux en confrontation
Ali Reza Jalali
Avec l'effondrement de la Syrie, trois projets géopolitiques différents s'affrontent désormais plus directement, sans plus aucun tampon : la Turquie, Israël et l'Iran.
L'espace géographique qui s'étend du golfe Persique à la mer Méditerranée, et qui comprend ce que le jargon arabo-islamique définit généralement comme le Sham (littéralement, le « Levant », c'est-à-dire la partie orientale du monde arabe, par opposition au Maghreb, l'« Occident ») - c'est-à-dire les États nationaux actuels d'Irak et de Syrie (sans oublier le Liban, sorte d'extension de la « Grande Syrie ») - doit être considéré comme le champ de bataille d'un « grand jeu » au Proche-Orient. Cette région a toujours été au centre des rivalités régionales au cours de l'histoire: Hellènes et Perses, Romains et Perses, Arabes et Byzantins, Safavides et Ottomans se sont tous disputé la domination de cette région. Toutefois, au cours des dernières décennies, le « Levant » arabe a été au centre d'un conflit entre au moins trois projets géopolitiques: le « Grand Israël » des sionistes, le « néo-ottomanisme » des Turcs et l'« axe de la résistance » des Iraniens.
Le Grand Israël
Les immigrants juifs en Palestine avaient un grand rêve : non seulement créer un petit État national juif sur la rive orientale de la Méditerranée, mais aussi étendre les frontières de cette entité, les faisant passer « du Nil à l'Euphrate ». Cela signifie avoir des ambitions dans des contextes tels que le Liban, la Syrie et l'Irak. Au moment où j'écris ces lignes, l'armée sioniste occupe certaines zones du Sud-Liban, ce qui ne s'est jamais produit dans ces conditions au 21ème siècle. En Syrie, l'occupation israélienne s'est étendue ces derniers jours à des zones jamais occupées auparavant, pas même pendant les conflits israélo-arabes du 20ème siècle.
En outre, certains groupes ethnico-confessionnels de la Syrie « libérée » du « dictateur » Assad, comme les Druzes dans le sud de la Syrie et les Kurdes dans le nord-est, ont explicitement demandé le soutien d'Israël. Certains groupes druzes ont même appelé à une annexion à l'État juif, sur le modèle du Golan occupé. Au-delà de l'échiquier syrien, en Irak, la région autonome du Kurdistan représente un allié solide pour Israël dans la construction du plus grand État sioniste. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le seul gouvernement du Moyen-Orient à soutenir explicitement l'indépendance du Kurdistan irakien est celui de Tel-Aviv.
Le néo-ottomanisme
L'entrée triomphale à Damas du « Comité pour la libération du Levant » (Hay'at Tahrir al-Sham), c'est-à-dire de l'ancien « Front Al-Nusra » - la branche syrienne d'Al-Qaïda - dirigé par Muhammad Al Jolani, qui était l'adjoint de l'Iman Al Zawahiri (le successeur de Ben Laden) pour les affaires syriennes, et la chute du gouvernement Assad qui s'en est suivie, ont marqué une victoire importante pour le projet d'Erdogan au Proche-Orient. Les islamistes sunnites turcs de l'AKP (une sorte de Frères musulmans d'Anatolie) ont toujours eu le rêve caché de reconstituer l'Empire ottoman, si ce n'est au niveau de l'État, du moins en tant que sphère d'influence. Dans les plans d'Erdogan, après la Syrie, ce serait le tour de l'Irak.
Pour être juste, la chute d'Assad était prévue entre 2011 et 2013, mais une série de facteurs, comme la résistance de l'Armée arabe syrienne, des milices populaires syriennes (Quwāt ad-Difāʿ al-Watanī, « Forces de défense nationale ») et de l'axe russo-iranien - résistance désormais épuisée et effondrée entre fin novembre et début décembre 2024 - ont retardé d'une dizaine d'années la réalisation du rêve néo-ottoman. En tout état de cause, la victoire turque en Syrie ouvre la voie aux projets du gouvernement d'Ankara dans le Levant arabe qui, avec l'aide du Qatar et des factions irakiennes alliées comme les islamistes sunnites locaux, tentera de promouvoir une sorte de « Comité de libération de l'Irak » sur le modèle syrien.
L'axe de la résistance
Depuis le triomphe de la révolution islamique iranienne, les dirigeants religieux et politiques de Téhéran ont cherché à tisser un réseau de relations privilégiées avec les groupes paramilitaires arabes. La nécessité de cette approche sui generis est née du fait que les entités étatiques régionales n'ont jamais vu d'un bon œil l'expérience khomeiniste. Pour preuve, tous les pays arabes ont soutenu l'effort de guerre irakien contre les Iraniens entre 1980 et 1988. Tous sauf un: la Syrie de Hafez Assad.
Pour cette raison, l'axe de résistance iranien (appelé « croissant chiite » par ses détracteurs, en raison de la prédominance de la composante religieuse dans l'alliance entre l'Iran et les groupes politico-militaires en Irak et au Liban) n'avait, entre hauts et bas, qu'un seul allié stratégique au Moyen-Orient parmi les Etats-nations. Avec la fin de l'expérience baasiste à Damas, le projet régional de l'Iran a subi un coup dur. Non seulement la Syrie est tombée entre les mains des concurrents régionaux de l'Iran - les sionistes et les Turcs - mais la ligne reliant Téhéran au Hezbollah libanais, via Bagdad et Damas, a été interrompue. Sans cet axe, l'approvisionnement de la résistance islamique libanaise ne sera certes pas totalement coupé (les voies de Dieu sont infinies...), mais il sera certainement plus problématique.
L'Irak : la prochaine étape de la confrontation régionale dans le Levant arabe après la Syrie
Le dossier syrien étant clos au détriment de l'Iran et en faveur d'Ankara et surtout de Tel-Aviv - démonstration que la Syrie d'Assad était littéralement un katechon antisioniste - la dispute se déplacera probablement vers l'Irak. Avant d'analyser la situation en Irak, je voudrais faire une brève réflexion sur la Syrie.
Le grand gagnant de la chute d'Assad jusqu'à présent est, comme on l'a dit, Israël. Au-delà des déclarations officielles, la liberté de manœuvre des sionistes en Syrie est sans précédent. Il est vrai qu'Assad n'a pas réagi aux attaques israéliennes, mais en permettant aux Iraniens d'opérer sur son territoire pour soutenir le Hezbollah, c'est comme si les Syriens réagissaient à leur manière aux bombardements et aux sabotages sionistes. Ce n'est pas un hasard si, lorsque Israël a commencé ses opérations terrestres au Sud-Liban à la fin du mois de septembre dernier, la première mesure prise par Tsahal a été de bombarder les routes reliant la Syrie au Liban, dans le but de stopper le flux d'armes.
Bien sûr, rien ne justifie l'absence de réaction d'Assad face aux attaques sionistes de ces derniers mois, puisque tout pays souverain a le droit et le devoir de se défendre contre les attaques étrangères. Cependant, on ne peut comparer l'immobilisme formel d'Assad vis-à-vis d'Israël avec l'immobilisme formel et substantiel d'Al-Jolani face aux bombardements sans précédent effectués par les sionistes après la chute d'Assad en Syrie (certains évoquent l'utilisation d'armes nucléaires tactiques qui auraient provoqué des tremblements de terre) et, surtout, face à l'avancée terrestre de Tsahal à quelques dizaines de kilomètres de Damas. Israël cherche à éliminer ce qui reste du potentiel militaire de la Syrie, dans le but de faciliter le démembrement du pays, ce qui permettrait de créer des zones autonomes alliées à Israël dans toute la région.
Pour la Turquie, la situation est différente. Le problème de l'indépendance kurde, alimenté par Tel-Aviv et combattu par Ankara, fera bientôt retomber les contradictions syriennes sur les Turcs, créant une sérieuse concurrence entre l'expansionnisme sioniste et l'expansionnisme turc. Le scénario le plus probable pour l'avenir de la Syrie est le suivant : une guerre interne dans l'ancien front anti-Assad, qui comprend divers groupes islamistes, des Druzes, des Kurdes, sans oublier les Alaouites de la côte. Dans un contexte de guerre civile permanente et sans gouvernement central fort, le parallèle qui vient à l'esprit est celui du Liban des années 1970 et 1980. Des milices qui s'affrontent sur des bases idéologiques, ethniques et religieuses, sans vainqueur ni vaincu, avec une forte ingérence étrangère et des alliances qui changent tous les jours. C'est le meilleur scénario pour que les Iraniens tentent un retour en Syrie.
Bien sûr, une telle situation n'aura plus l'apparence d'une alliance avec un gouvernement central fort, mais elle servira à démontrer que l'axe de la résistance est toujours vivant et actif, malgré la défaite d'Assad et l'affaiblissement du Hezbollah.
En ce qui concerne l'Irak, nous assistons à court terme à des tentatives d'affaiblir le rôle de l'Iran en faveur de la Turquie par le biais de la diplomatie, tout comme cela a été fait avec Assad. Actuellement, le gouvernement officiel de Bagdad envisage, sous la pression des États-Unis, de dissoudre les milices pro-iraniennes. Si cette option n'aboutit pas, tout comme la demande faite jadis auprès d'Assad d'expulser les Iraniens de Syrie, une nouvelle vague d'attaques contre les groupes proches de Téhéran dans le sud de l'Irak est probable ; une opération qui serait menée par des factions idéologiquement alignées sur le groupe d'Al-Jolani. Après tout, ce dernier a combattu dans le mouvement djihadiste international qui a plongé le Moyen-Orient dans le chaos au cours des deux dernières décennies, et l'existence d'un réseau entre la Syrie et l'Irak sur le modèle d'ISIS n'est pas à exclure, avec des cellules dormantes prêtes à passer à l'action sous la tutelle des services turcs ou israéliens.
En conclusion, les trois projets continueront à s'affronter en Syrie et en Irak, avec des alliances tactiques qui peuvent changer en fonction des opportunités. Dans un contexte, nous pouvons voir - dans un rôle anti-Assad et anti-Iran - les Turcs et les Israéliens unis, mais dans d'autres, la situation peut changer complètement. Par exemple, la relation entre les Kurdes de Syrie et d'Irak et les trois protagonistes du soulèvement arabe est très difficile à déchiffrer. Les Israéliens, les Turcs et les Iraniens ont tous des amis et des ennemis potentiels parmi les Kurdes. Par exemple, s'il est vrai que les Kurdes syriens et irakiens sont en contact avec les sionistes, l'Iran exerce également une réelle influence, notamment parmi les Kurdes irakiens; et il n'est pas exclu que, dans un rôle anti-turc, cette collaboration intermittente s'étende à l'est de l'Euphrate en Syrie, une zone que les Iraniens connaissent bien en raison de la guerre contre ISIS dans les régions voisines.
Source : Eurasia
18:26 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : géopolitique, actualité, irak, syrie, turquie, iran, israël, grand israël, néo-ottomanisme, axe de la résistance, proche-orient, levant | |
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Sur la question de la sécurité pan-eurasienne
Sur la question de la sécurité pan-eurasienne
Leonid Savin
Il y a quelques jours, le ministre russe des affaires étrangères, Sergei Lavrov, a déclaré que la Russie était prête à discuter de garanties de sécurité pour un pays « aujourd'hui appelé Ukraine », mais que le contexte eurasien serait déterminant pour la conclusion d'un accord.
Le haut diplomate a clairement indiqué que « la partie occidentale du continent [de l'Eurasie] ne peut pas s'isoler de géants comme la Chine, l'Inde, la Russie, le golfe Persique et l'ensemble de l'Asie du Sud, le Bangladesh et le Pakistan. Des centaines de millions de personnes peuplent cette région. Nous devons développer le continent pour faire en sorte que les questions relatives à sa partie centrale, l'Asie centrale, le Caucase, l'Extrême-Orient, le détroit de Taïwan et la mer de Chine méridionale soient traitées par les pays de la région plutôt que par l'ancien secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, qui a déclaré que l'OTAN opérerait dans la région parce que la sécurité de l'alliance dépendait de la région indo-pacifique ».
Si l'on considère qu'à la fin du mois de janvier, il y aura un changement dans l'administration américaine qui, en la personne du président nouvellement élu Donald Trump, parle déjà de la nécessité de redessiner géopolitiquement la carte du monde, il est possible de tirer des conclusions sans équivoque que les négociations avec la partie américaine sur l'Ukraine et l'Eurasie dans son ensemble ne seront pas faciles.
Toutefois, les discussions sur la sécurité à l'échelle de l'Eurasie sont importantes et nécessaires. Elles correspondent non seulement à l'esprit du temps, mais reflètent également la même logique historique. Cela n'est pas seulement dû à l'idée d'une grande Eurasie et d'un espace économique unique de Dublin à Vladivostok. Dans son livre Guns, Gems, and Steel, le scientifique américain Jared Diamond explique qu'en Eurasie, l'échange d'informations, d'expériences et d'inventions techniques a été plus rapide qu'ailleurs, ce qui a conduit à une sorte d'« intégration » bien avant que le mot n'apparaisse.
Cela aurait dû contribuer au rapprochement entre les peuples à l'époque moderne, et encore plus aujourd'hui, quand on parle du triomphe du progrès et de la science. Cependant, l'ère moderne a coïncidé avec l'ère des grandes découvertes géographiques et, dans le même temps, certains peuples de l'Eurasie, dans sa péninsule occidentale, appelée Europe, sont tombés dans une terrible ignorance, qui a conduit à l'émergence d'idées de supériorité raciale, puis au nazisme et au fascisme. La fin de la Seconde Guerre mondiale était censée mettre fin aux conflits et penser à une coexistence pacifique (cette formule a été développée plus tard par la Chine et l'Inde). Mais ici, le Royaume-Uni et les États-Unis sont intervenus activement et ont commencé à participer au destin des peuples eurasiens non seulement politiquement et économiquement, mais aussi idéologiquement, en disant effectivement aux pays européens ce qu'ils devaient faire.
Aujourd'hui, en tant que satellites de Washington, l'UE est devenue l'otage des intérêts anglo-saxons et sape sa propre économie au détriment de ses propres pays et de ses propres peuples. D'autre part, la lassitude face à l'impasse dans laquelle se trouvent les peuples et une partie des élites politiques de l'UE est manifeste. Dans ce contexte, les possibilités d'émergence de partis et de mouvements plus appropriés se multiplient.
Si aux États-Unis, au moins sur le plan rhétorique, la nouvelle administration entend réimposer la doctrine Monroe (les discours sur le Canada, le Groenland, le golfe du Mexique et le canal de Panama font partie de l'espace des Amériques), leurs partenaires européens sont néanmoins condamnés à coopérer sur le continent eurasiatique.
Et la question clé est de savoir ce qu'il en sera. Soit la confrontation de type guerre froide se poursuivra, soit il y aura un dégel des relations et une architecture de sécurité commune sera créée ensemble.
L'option de la confrontation est assez probable, au moins parce que l'administration Trump tentera d'inciter l'UE et d'autres partenaires à agir comme un seul bloc contre la Chine. La Russie n'est pas considérée par Trump et les siens comme une menace existentielle pour les États-Unis, mais la Chine, qui est le principal partenaire stratégique de la Russie, demeure le problème numéro un tant pour Biden que pour Trump, notamment en raison de la croissance rapide de la puissance de ce pays et de l'extension de son influence géopolitique.
En outre, Xi Jinping a parlé ouvertement au chef du Conseil européen de l'importance de la coopération commerciale et économique et du soutien de Pékin à l'autonomie stratégique de l'UE. Cette autonomie signifie une moindre dépendance à l'égard des États-Unis en termes politiques et stratégico-militaires.
Cependant, à côté de l'UE, l'OTAN, qui couvre un territoire plus vaste que l'UE, y compris la Turquie, continue d'exister. Les États-Unis continuent de jouer un rôle de premier plan au sein de l'Alliance.
Outre l'UE, le Royaume-Uni, qui a quitté l'UE mais continue de jouer un rôle actif dans la politique du continent, représente une certaine menace pour la sécurité pan-eurasienne. Historiquement, le Royaume-Uni a contrôlé de vastes territoires en Eurasie, de l'Égypte au sous-continent indien et à la Chine, et possède toujours un territoire dans le détroit de Gibraltar.
Le Royaume-Uni tente d'exploiter les contradictions actuelles et de renforcer sa position dans divers domaines. Par exemple, le British Council on Geostrategy note que le pays est confronté à des vulnérabilités critiques dans ses chaînes d'approvisionnement logistiques et ses capacités de transport maritime. L'approvisionnement des forces armées est menacé par des capacités de transport maritime limitées et vieillissantes, contrôlées par le gouvernement, par une flotte marchande en perte de vitesse et par une dépendance excessive à l'égard des affrètements spéciaux.
La nostalgie du bon vieux temps est clairement visible ici, lorsque la Grande-Bretagne s'autoproclamait maîtresse des mers. Aujourd'hui, elle souhaite faire revivre ce statut dans de nouvelles circonstances.
Le site web du Conseil affirme le rôle central de la Grande-Bretagne dans la zone de responsabilité euro-atlantique et dans l'OTAN. Il convient d'ajouter que cette organisation a un projet appelé China Watch, qui surveille un large éventail d'activités chinoises qui menaceraient les intérêts de Londres. En outre, il existe une initiative trilatérale (Grande-Bretagne, Pologne et Ukraine), dont l'un des objectifs déclarés est « une campagne de lutte économique et politique contre la Russie, afin de briser la machine militaire russe et d'affaiblir l'influence du Kremlin dans les pays dits du “juste milieu”, notamment en Afrique, en Amérique du Sud et dans d'autres endroits ».
Ainsi, la sorcière britannique continuera à jeter ses sorts à la fois sur la Russie et sur la Chine. Par conséquent, dans les affaires de l'Eurasie, une attention particulière doit être accordée aux initiatives britanniques qui, ouvertement ou secrètement, viseront toujours à saper l'unité de l'Eurasie.
Quant à la consolidation des efforts des principaux centres, elle ne concerne pas seulement l'interaction entre la Russie et la Chine. La signature de l'accord de partenariat global dans tous les domaines entre la Russie et l'Iran renforce l'axe eurasien. La Russie et la Corée du Nord ont déjà conclu un accord similaire, bien que les Coréens ne jouent pas un rôle aussi important dans la sécurité de l'ensemble du continent et se concentrent davantage sur les problèmes de la péninsule coréenne et de l'impérialisme américain.
L'Inde est un autre pôle du monde multipolaire émergent, également intéressé par le renforcement de la sécurité régionale. Outre la question non résolue du Cachemire (à laquelle s'ajoutent les intérêts du voisin nucléaire du Pakistan) et les questions litigieuses avec la Chine, New Delhi coopère dans plusieurs domaines avec les pays de l'UE, et les sanctions à l'encontre de la Russie entravent clairement cette interaction. D'autre part, l'Inde est impliquée dans le développement du corridor Nord-Sud à travers l'Iran et la Russie et s'intéresse également au développement de l'Arctique. Dans le contexte du développement d'un monde multipolaire, le gouvernement Modi agit de manière tout à fait rationnelle, étant également membre des BRICS et de l'OCS.
Reste le bloc arabo-musulman d'Eurasie, où la région souffre clairement de l'attention excessive des États-Unis - l'occupation de l'Irak et de la Syrie, le soutien d'Israël au génocide des Palestiniens, la pression sur le Liban et le maintien de bases militaires américaines au Qatar, à Bahreïn, en Jordanie et en Arabie saoudite. Mais si l'on tient compte des cas concrets concernant la Palestine et l'occupation israélienne, il est évident que le monde arabo-musulman est aujourd'hui clairement divisé et enclin à la pensée tribaliste-nationaliste, ce qui réduit considérablement les possibilités d'une large coopération pour résoudre divers problèmes avec les centres eurasiens. Une autre raison est l'attitude attentiste de certaines élites de la région, qui espèrent un nouveau déclin de l'hégémonie américaine, lorsqu'il sera possible de ne pas avoir peur d'agir plus ouvertement.
Toutefois, d'une manière générale, la consolidation des efforts de la Russie, de la Chine, de l'Iran et de l'Inde indique déjà l'existence d'un bloc non seulement en Eurasie, mais aussi dans la majorité mondiale, avec une position commune sur des questions d'une importance fondamentale.
11:24 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Eurasisme, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, europe, asie, affaires européennes, affaires asiatiques, eurasie, géopolitique | |
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mercredi, 22 janvier 2025
Il n'y a pas d'histoire sans philosophie
Il n'y a pas d'histoire sans philosophie
Alexandre Douguine
L'histoire est une séquence de blocs sémantiques appelés « événements ». Ceux-ci comprennent des personnalités, des processus, des changements, des oppositions, des catastrophes, des réalisations, des paysages sur lesquels tout cela se déroule et, en fin de compte, tout ce riche bloc de réalité à plusieurs niveaux s'élève jusqu'à sa signification. Et la signification d'un événement, à son tour, est inextricablement liée à la signification d'autres événements. C'est ainsi que se tisse la trame de l'histoire. En même temps, le sens d'un événement inclut la richesse infinie de ce qui constitue sa nature, son fondement.
L'histoire est donc quelque chose de spirituel, qui ne se révèle qu'à l'esprit philosophique rompu à la pratique de la contemplation des idées. L'histoire est un concept philosophique et même théologique; ce n'est pas par hasard que l'on parle d'histoire sacrée, où le sens des événements est révélé par des dogmes et des axiomes religieux, qui à leur tour révèlent ces dogmes et ces axiomes de manière détaillée et riche.
Toute l'histoire est structurée comme l'histoire sainte. Seules les versions séculières ont des dogmes et des axiomes différents - athées et matérialistes. Ici, à la place de Dieu, de l'Alliance, de l'Incarnation, du Salut, de la Providence, de l'eschatologie, se trouvent les lois immanentes de la terre, de la société, de la bio- et physio-logie, de la lutte inter- et intra-espèces, du destin, du climat, de la technologie, de la volonté de puissance, des formations historiques, etc.
L'histoire n'existe pas en dehors d'un système religieux ou idéologique
L'histoire n'existe pas en dehors d'un système religieux ou idéologique. Nous sommes aujourd'hui sur la voie des Lumières historiques. Il y a tout un décret présidentiel à ce propos. Mais nous n'avons pas de décret sur l'idée russe et la philosophie russe. Cela reste facultatif. De même, l'histoire reste suspendue dans un vide dogmatique et axiomatique. Pour l'un, cet événement signifie une chose, pour l'autre une autre, un troisième nie la signification même de cet événement, un quatrième en nie la réalité. Et il est impossible de réduire de force ce chaos et cet arbitraire en quelque chose d'unifié par un décret portant sur la seule histoire. Dans le meilleur des cas, un modèle artificiel superficiel sera formé, qui ne vivra de toute façon pas, même s'il est imposé à tous.
Nous devons nous engager à fond dans la philosophie
Jusqu'à présent, les autorités n'y prêtent aucune attention et la société ne s'y intéresse pas. Or, la philosophie, c'est le travail sur le code de programmation de la société. C'est le travail des programmateurs spéciaux de l'Esprit. Si nous n'avons pas de programmateurs souverains de l'Esprit, toutes nos disciplines historiques, sociales et humanitaires seront créées en dehors de la Russie, ce qui signifie que nous ne pouvons pas parler de souveraineté. Si l'État-Civilisation n'a pas de philosophie souveraine, cette souveraineté n'est finalement qu'une fiction.
Les philosophes sont en charge du sens des événements. Cela signifie qu'ils gèrent aussi les événements eux-mêmes. Il n'y a d'histoire à part entière que dans la société où il y a une philosophie à part entière. Sinon, la société et le pays vivent à la périphérie d'une autre civilisation, extérieure, dont les codes sont définis à l'extérieur et restent incompréhensibles. L'absence de souveraineté fait d'une société sans philosophie, et sans histoire, une société contrôlée de l'extérieur.
C'est pourquoi nous, Russes, n'avons pas de consensus sur les débuts de la Rus - sur les Slaves, Rurik, la tradition pré-chrétienne, l'acceptation du christianisme.
Nous n'avons pas de consensus sur l'État kiévien, ni sur sa fragmentation, ni sur les conquêtes mongoles et l'existence de la Russie en tant que partie de l'empire de Gengis Khan et de la Horde d'or.
Nous n'avons pas de consensus sur Ivan le Terrible, la zemshchina, l'oprichnina et la théorie de Moscou-Troisième Rome. L'interprétation de la relation de notre Église avec le Phanar n'est pas claire.
Nous n'avons pas de consensus sur les premiers Romanov, et nous comprenons encore moins le schisme russe.
Nous avons une divergence d'opinion totale sur le 18ème siècle pétrinien.
Nous n'avons pas de vision commune du 19ème siècle et de son tournant conservateur. La querelle entre slavophiles et occidentaux est réduite à peu de choses, elle est abandonnée, bien qu'elle ne soit pas terminée.
Il n'est pas surprenant que nous n'ayons pas de consensus sur les événements de 1917. Aujourd'hui, nous ne comprenons apparemment pas la signification de ces événements et sommes enclins à croire qu'ils n'ont pas eu lieu du tout.
Nous ne comprenons pas du tout pourquoi l'URSS a pris fin et comment il se fait que les années 90 ont commencé et que le pays s'est effondré et a perdu sa souveraineté, se transformant en une colonie de l'Occident.
Nous ne comprenons pas comment et d'où vient Poutine en tant que phénomène historique. Nous comptons beaucoup sur lui, mais nous ne sommes pas en mesure de l'expliquer ou de l'interpréter, ni de comprendre les conditions qui ont conduit à son règne. Je veux dire dans le contexte historique où la philosophie fonctionne.
Nous ne comprenons pas la raison d'être de Medvedev, ni ce qu'il fait aujourd'hui sur son canal Telegram.
Nous ne comprenons pas bien pourquoi nous avons commencé l'Opération militaire spéciale en 2022 et pourquoi nous ne l'avons pas fait en 2014. Il n'y a pas de consensus. Chacun à sa manière de voir et d'interpréter l'événement.
Personne n'est déconcerté par le fait qu'au cours des 40 dernières années, presque la même élite russe a changé à plusieurs reprises d'idéologie pour en adopter une autre, mais avec une apparence intelligente et importante, aujourd'hui grise et décrépite, elle continue à enseigner au peuple aveugle quelque chose qui lui est propre et que l'on ne comprend guère. Nous ne pouvons expliquer à personne, et d'abord à nous-mêmes, comment un membre du Komsomol devient un libéral, et un libéral devient un anti-libéral et un patriote, et ensuite, très probablement, un libéral et un anti-patriote à nouveau. La seule clé d'interprétation dont nous disposons est la célèbre chanson de la popstar Instasamka (photo).
Mais à partir de tout cela, il est tout simplement impossible de tresser le tissu spirituel de l'histoire russe. Et une nation qui n'a pas d'histoire n'a pas d'avenir. Or, l'avenir est aussi l'histoire, sa dimension nécessaire.
Dans un récit de Yuri Mamleyev, il y avait un personnage, une femme victime de violence, qui, lorsque le juge lui demandait s'il y avait eu violence ou non, bégayait soudain et répondait une seule phrase étrange : « C'est tombé tout seul ». C'est à cela que ressemble notre histoire: quelque chose est tombé tout seul. On ne sait pas très bien quoi, quand, où, qui l'a poussé, pourquoi... Mais ce n'est pas ce qu'est l'histoire. Ce n'est pas du tout cela.
18:47 Publié dans Actualité, Histoire, Nouvelle Droite, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : actualité, russie, alexandre douguine, hisoire, philosophie, nouvelle droite, nouvelle droite russe | |
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Le rôle des États-Unis dans l'attaque ukrainienne contre TurkStream
Le rôle des États-Unis dans l'attaque ukrainienne contre TurkStream
Interview de Mehmet Perinçek et Onur Sinan Güzaltan au quotidien russe Izvestia
Le ministère russe de la défense a annoncé que l'armée ukrainienne avait attaqué, à l'aide de drones, une station de compression de la région de Kransnodar qui fournit du gaz naturel au gazoduc TurkStream. La déclaration indique que les neuf drones utilisés dans l'attaque ont été détruits par les systèmes de défense aérienne et que le gazoduc a continué à fonctionner normalement.
Mehmet Perinçek et Onur Sinan Güzaltan, auteurs à l'UWI, ont évalué l'attaque des drones de l'armée ukrainienne contre le gazoduc TurkStream pour le quotidien russe Izvestia.
L'Ukraine et l'accord avec les États-Unis contre le TurkStream
Perinçek a déclaré que l'attaque ukrainienne n'était pas surprenante et a évalué la question comme suit : « Cette attaque n'est pas surprenante, car il ne s'agit pas de la première tentative. Kiev avait déjà essayé de détruire le gazoduc TurkStream, il y a donc eu d'autres tentatives. Et non seulement cela, mais ils ont également annoncé officiellement qu'ils voulaient interférer avec le travail du TurkStream, ils ont signé un mémorandum avec Washington il y a 5 ou 6 ans. Les États-Unis et l'Ukraine ont officiellement annoncé qu'ils voulaient coopérer contre le TurkStream ».
Il ajoute que le projet de fonder un « régime de Kiev » a été créé artificiellement, car les autorités ukrainiennes ne reflètent pas la volonté du peuple. Par conséquent, a souligné l'interlocuteur de la publication, ce projet est dirigé non seulement contre la Russie, mais aussi contre la Turquie, dans le contexte de la politique américaine et dans le cadre de la crise au Moyen-Orient.
« Les plans américains en Ukraine, en Syrie et en Méditerranée orientale sont tous liés. Par conséquent, la réponse à cette attaque [des forces armées ukrainiennes] ne peut se faire qu'en coopération avec la Russie et d'autres pays qui souffrent également de l'agression américaine », a conclu l'expert.
Perinçek a souligné que pour assurer la sécurité dans la mer Noire, la Turquie et la Russie devraient travailler selon un plan commun.
L'attaque de TurkStream en Ukraine et la rencontre Trump-Poutine
Güzaltan, quant à lui, a attiré l'attention sur le fait que l'attaque s'est produite au moment où la rencontre entre Trump et Poutine avait été prévue et il a énoncé l'analyse suivante :
« Je pense que l'« État profond » américain est derrière ces attaques, ainsi que les Britanniques, et je suis sûr qu'il s'agit d'une attaque majeure contre les relations turco-russes. Ils ont déjà attaqué les gazoducs Nord Stream pour endommager et perturber les relations russo-européennes. Et je crois qu'ils essaient maintenant de faire la même chose contre les relations turco-russes, pour que la Turquie condamne la Russie ».
Selon lui, le gouvernement turc comprend que cette provocation a eu lieu
Cette attaque a eu lieu juste avant les négociations prévues entre le président américain nouvellement élu, Donald Trump, et le dirigeant russe Vladimir Poutine. L'expert a admis qu'Ankara condamnerait l'attaque. « Aujourd'hui, le problème de l'énergie est le problème numéro un dans le monde. Et bien sûr, le gaz russe joue un rôle très important pour la Turquie. De plus, ces gazoducs sont également importants pour l'Europe. Je veux dire que maintenant que le passage du gaz de la Russie à l'Ukraine vers l'Europe est bloqué, l'Europe souffre. Par conséquent, ceux qui ont causé le problème du gaz en Ukraine essaient de causer le même problème entre la Turquie et la Russie. Mais la cible principale sera l'Europe », a conclu M. Güzaltan.
Article original par United World International :
https://unitedworldint.com/36228-the-uss-role-in-the-ukra...
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mardi, 21 janvier 2025
Trump et le Groenland
Trump et le Groenland
Par Joakim Andersen
Source: https://motpol.nu/oskorei/2025/01/11/trump-och-gronland/
Lorsque le futur président américain Donald Trump revendiqua à la fois le Groenland et le canal de Panama, sans exclure l'utilisation de moyens militaires, cela suscita une certaine surprise dans le monde entier. Le gouvernement français réagit notamment en déclarant que l'UE n'accepterait pas que des frontières soient modifiées par la violence. Les dirigeants du Danemark et du Groenland soulignèrent que le Groenland n’était pas à vendre. Cela soulève plusieurs questions intéressantes. D'une part, Trump est connu pour sa rhétorique « stratégiquement dramatique », qui fait partie de son « art de l'accord ». Ce qui commence par des menaces de violence et des discussions sur une vente pourrait bien se terminer par l'implantation de quelques bases militaires américaines supplémentaires au Groenland. D'autre part, cette déclaration suggère également une réelle volonté américaine de prendre le contrôle du Groenland, une idée que Trump a déjà abordée par le passé. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a commenté cette situation en affirmant que « l’Europe doit se réveiller », car nous entrons dans un nouvel ordre international caractérisé par le « droit du plus fort ». Vae victis.
Géopolitiquement, cela rappelle la faiblesse de l’Europe. L’Europe n’est pas un acteur sur la scène internationale, ce qui tient en partie aux fondements impolitiques qui servent de base à son unité politique. L’Europe réelle devrait être une communauté fondée sur autre chose que la bureaucratie et l’économie, comme l’ont écrit Jünger, Storey et Evola. Cela signifie que le projet eurocratique est devenu une menace pour les peuples européens et pour leur essence, au lieu de constituer un outil et une expression de celle-ci. Les dirigeants européens d’après-guerre ont largement été des vassaux de l’empire américain, agissant contre les intérêts de leurs propres peuples (voir Jordis von Lohausen).
Sous la présidence de Trump, cela prend une tournure plus aiguë. Nous nous retrouvons dans une situation où, par exemple, Macron représente fréquemment une ligne en politique étrangère qui laisse sous-entendre l'existence d'une force européenne, tout en soutenant une ligne intérieure de faiblesse européenne (en particulier en ce qui concerne la politique d’immigration). Comparé à cela, Trump est souvent favorable aux États-Unis sur le plan intérieur, mais pas toujours aussi bénéfique pour l’Europe sur le plan extérieur. Cela pourrait même, comme le prévient Barrot, signifier que la politique des États-Unis envers les États vassaux européens entre désormais dans une phase d’exploitation et de pillage plus ouvert. Un Europe forte est alors entravée par le politiquement correct et une idéologie hostile aux peuples, et le nœud gordien réside dans l’immigration massive et la légitimité déficiente qu’elle entraîne.
Qu'aucun des deux, le Danemark ni l’Europe, ne doive vendre le Groenland est évident. Cela est d’autant plus vrai qu’une majorité de Groenlandais eux-mêmes sont pour plus d’indépendance et pour une adhésion à l’UE. Le processus d’indépendance se poursuit depuis des décennies et le Groenland reprend progressivement sa souveraineté sur différents domaines. En même temps, le pays reste économiquement dépendant du Danemark: « L’État danois accorde chaque année un soutien financier au Groenland qui s’élevait en 2024 à 4,3 milliards de couronnes. De plus, l’État danois couvre directement des dépenses de plus d’1 milliard de couronnes pour des domaines tels que la défense, la police et le système judiciaire. » Plus d’un Groenlandais sur quatre vit d’ailleurs au Danemark. Les liens entre le Groenland et le Danemark sont considérables, que ce soit sur les plans économique, génétique, onomastique, historique ou religieux. Le paysage politique du Groenland ne semble pas non plus particulièrement compatible avec Trump et le MAGA.
Le parti au pouvoir, Inuit Ataqatigiit, est décrit comme socialiste et a notamment affirmé: « Inuit Ataqatigiit dit non à l’extraction et à l’exportation d’uranium et d’autres minéraux radioactifs… La nature arctique est la réserve alimentaire du Groenland, tout comme de nombreux autres peuples arctiques vivent encore largement de ressources naturelles. C’est pourquoi nous, habitants de l’Arctique, avons un intérêt particulier à ce que la nature arctique ne soit pas polluée par l’extraction d’uranium radioactif et d’autres matières premières toxiques, par des matériaux radioactifs provenant d’accidents dans les centrales nucléaires ou dans des navires à propulsion nucléaire, ou par le dépôt de déchets nucléaires. Nous pensons également que les grandes puissances mondiales doivent procéder à un désarmement surtout sur le plan des armements nucléaires. L’Arctique est et doit rester pacifique. » Le parti démocrate-socialiste Siumut est également très influent au Groenland. Politiquement, le Groenland appartient davantage à l’Europe qu’aux États-Unis.
La géopolitique n’est cependant pas tout. Il existe également des raisons mythiques et psychologiques profondes de ne pas rompre les liens entre le Nord scandinave et l’Arctique. Le Groenland possède de riches traditions et une mythologie fascinante. Il existe aussi une tendance eurartique dans l’inconscient scandinave, comparable au « Drang nach Osten » allemand, les peuples nordiques s'étant maintesfois orientés vers le Nord. On peut citer ici l’expédition d’Andrée, l’intérêt authentique d’Ossian Elgström (photo) pour les Inuits et les Samis, ainsi que les descriptions d’Evola sur l’origine polaire, sur Hyperborée et Thulé. Nous avons déjà écrit sur ce sujet, notamment dans mes textes sur Ödun et l’ours polaire et sur la mythologie antarctique. Notre tradition vient ultérieurement des chasseurs de mammouths dans l’Arctique, et rompre les liens avec l’Arctique équivaudrait, psychologiquement et mythiquement, à une sorte d’effondrement.
20:57 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : donald trump, groenland, états-unis, danemark, europe, actualité, affaires européennes, géopolitique, politique internationale | |
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Indonésie: le Géant oublié
Indonésie: le Géant oublié
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/il-gigante-dimenticato/
L’Indonésie est un géant. Un géant dont nous, Européens, et surtout nous, Italiens, prétendons ignorer l’existence.
Une fiction rassurante entoure l'Indonésie sous nos latitudes. Parce qu’au mieux, nous considérons ces terres comme pétries de pur folklore. Une sorte de pays d'opérettes, une destination de vacances privilégiée pour les riches. Ou pour ceux qui prétendent l’être.
Une myopie due à l’ignorance fondamentale avec laquelle nous regardons le monde. Avec une perspective qui reste celle d’il y a quatre-vingts ans : l’Amérique, ou plutôt les États-Unis, et la petite Europe occidentale. Voilà le monde… le reste, simplement, ne compte pas. Ou pire, n’existe même pas en nos têtes.
Et pourtant, l’Indonésie est une réalité bien différente. Une réalité avec laquelle nous devrons, bientôt, commencer à composer. Et ce ne seront pas des compromis faciles, ni, surtout, à notre avantage.
Car ce colosse insulaire, doté d’une agriculture extrêmement riche et d’un potentiel minier – pétrole, gaz, or… – tout aussi extraordinaire, a officiellement demandé à intégrer les BRICS. Autrement dit, la coalition économique qui conquiert progressivement la primauté mondiale. Provoquant bien des maux de tête pour les finances américaines. Sans parler de notre petite Europe, de plus en plus réduite à l’insignifiance économique. Et pas seulement économique.
La décision indonésienne est sans aucun doute un événement important. Fondamental, à bien des égards.
Jakarta a en effet toujours été étroitement liée aux États-Unis. Un lien non seulement économique, qui a profondément marqué son histoire récente et tourmentée.
Demander formellement à rejoindre les BRICS – qui, par ailleurs, courtisaient l’Indonésie depuis longtemps – représente donc un changement de politique profond et mûrement réfléchi.
Chercher de nouveaux marchés, augmenter de 20% les exportations vers la Chine et de 8% vers l’Inde, et s’ouvrir à la Russie ainsi qu’aux autres pays associés aux BRICS.
Mais bien au-delà, ce choix de Jakarta signifie une prise de distance claire vis-à-vis des États-Unis. En effet, l’Indonésie se rebelle ouvertement contre l’hégémonie du dollar, qui a longtemps conditionné et limité sa croissance.
Au sein des BRICS, elle peut trouver des alternatives viables et moins coûteuses, tant sur le plan strictement économique que, peut-être encore plus, sur le plan politique.
Ainsi, la décision indonésienne marque un tournant, probablement radical, dans les équilibres économiques et géopolitiques mondiaux.
Cependant, en Italie, cet événement est quasiment ignoré par les grands médias. Comme s’il ne nous concernait pas ou ne nous impliquait en aucune manière.
Comme si l’Indonésie n’était pas un géant économique, mais un pays exotique, joyeux et festif, un pays pour touristes repus et satisfaits. Une affaire d’opérette, en somme.
Alors que nous devrions prendre conscience de la réalité. Et comprendre que c’est nous, désormais, qui sommes le… pays des opérettes.
19:09 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, indonésie, brics, asie, affaires asiatiques, politique internationale, géopolitique | |
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lundi, 20 janvier 2025
Zelensky attaque le Turkstream pour mettre l’Europe à genoux tout en lui demandant plus d’argent
Zelensky attaque le Turkstream pour mettre l’Europe à genoux tout en lui demandant plus d’argent
Enrico Toselli
Source: https://electomagazine.it/zelensky-attacca-il-turkstream-...
Nous avons là un nouvel acte dans la guerre de Zelensky contre l’Europe. Le criminel de Kiev a lancé une attaque contre le Turkstream, le gazoduc qui approvisionne non seulement la Turquie, mais aussi une partie des pays d’Europe orientale et sud-orientale. De la Grèce à la Bulgarie, de la Macédoine du Nord à la Serbie, de la Roumanie à la Hongrie.
Une attaque visant à reproduire le désastre provoqué en Europe occidentale par la destruction des deux gazoducs Nord Stream qui transportaient le gaz russe vers l’Allemagne. Un attentat qui a lourdement endommagé l’économie européenne – pas seulement l’économie allemande –, mais que les euro-incompétents ont soigneusement évité de sanctionner. Après tout, ce sont les citoyens soumis qui paient pour les manigances d’Ursula et de son complice Zelensky.
La bande de Kiev exige donc plus d’argent de l’Europe, alors même que ses attaques contre les gazoducs appauvrissent davantage ce même continent. Enrichissant par la même occasion les États-Unis, qui peuvent vendre leur gaz liquéfié à des prix plus élevés, empocher des profits et réduire la compétitivité du Vieux Continent.
Seuls les serviteurs au pouvoir dans les pays européens peuvent croire qu’il s’agit de manœuvres improvisées, non coordonnées pour nuire à l’économie européenne. Et malgré une désinformation qui a désormais atteint des sommets aussi vertigineux que ridicules, les peuples européens commencent à s’en rendre compte. Tandis que ces mêmes journaux qui, en 2022, assuraient que Moscou n’avait plus de missiles et que les soldats russes combattaient avec des pelles, prétendent aujourd’hui que la Russie a déjà perdu la guerre parce qu’elle n’a plus d’argent.
21:25 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : affaires européennes, actualité, ukraine, europe, gazoducs, gaz, turkstream, mer noire, hydrocarbures | |
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dimanche, 19 janvier 2025
Syrie, Iran: une nouvelle spirale d'escalade menace-t-elle avec de nouvelles guerres au Proche-Orient?
Syrie, Iran: une nouvelle spirale d'escalade menace-t-elle avec de nouvelles guerres au Proche-Orient?
Source: https://report24.news/syrien-iran-droht-eine-neue-eskalat...
Avec la chute du président Assad et la prise de pouvoir par les islamistes en Syrie, une nouvelle spirale d'escalade menace le Proche-Orient. L'Iran, en particulier, est dans la ligne de mire des fanatiques mondialistes, zélotes des changements de régime. La situation est-elle réellement explosive ?
Les récents développements au Proche-Orient dressent un tableau inquiétant où l'on perçoit des glissements de pouvoir de nature géopolitique et l'émergence d'alliances douteuses. Ce qui a commencé il y a plus de 20 ans avec la révélation explosive du général Wesley Clark d'un plan du Pentagone visant à « éliminer sept pays en cinq ans » semble aujourd'hui se manifester avec une clarté effrayante.
La situation actuelle en Syrie n'est que la partie émergée de l'iceberg. Alors que l'Occident présente l'ancien commandant d'Al-Qaida Al-Jolani, aujourd'hui chef du mouvement islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS), comme un prétendu réformateur, une réorganisation dramatique de la région se déroule en arrière-plan.
Le rôle de la Turquie du président Erdogan est particulièrement significatif. Son récent soutien aux groupes djihadistes contre Assad marque un nouveau tournant dans sa course politique qui va à la dérive entre l'Est et l'Ouest. Depuis la tentative de putsch avortée de 2016, au cours de laquelle les services secrets russes lui ont peut-être sauvé la vie, Erdogan manœuvre habilement entre les grandes puissances.
Les liens économiques parlent d'eux-mêmes: les banques chinoises financent les grands projets turcs, tandis que la Russie est un partenaire important en matière d'infrastructures. Parallèlement, Ankara maintient ses livraisons de pétrole à Israël - malgré une rhétorique virulente contre la politique de Tel-Aviv.
Les conséquences de ces développements s'étendent bien au-delà de la région. L'Arabie saoudite observe la situation avec une inquiétude croissante, ce qui pourrait également avoir des conséquences pour l'alliance BRICS. Le projet d'oléoduc Qatar-Turquie semble difficilement réalisable au vu de l'instabilité croissante en Syrie.
Des experts comme Chris Macintosh mettent en garde : la région pourrait devenir un nouvel Afghanistan, avec des conséquences imprévisibles pour l'architecture de sécurité mondiale. Les prochains mois montreront si la communauté internationale est encore en mesure d'empêcher une nouvelle escalade - ou si nous entrons dans une nouvelle phase d'affrontements militaires.
19:28 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, proche-orient, levant, moyen-orient, iran, syrie, géopolitique, politique internationale | |
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D’abord Zelensky, maintenant von der Leyen: la cheffe de l’UE reçoit le prix Charlemagne. Parce qu’elle a fait de l’UE un appendice des États-Unis ?
D’abord Zelensky, maintenant von der Leyen: la cheffe de l’UE reçoit le prix Charlemagne. Parce qu’elle a fait de l’UE un appendice des États-Unis ?
Wolfgang Koydl
Source: https://weltwoche.de/daily/erst-selenskyj-jetzt-von-der-l...
Recevoir des prix internationaux, c’est toujours un exercice délicat : on peut facilement se tromper.
Le prix Nobel de la paix a été attribué à Henry Kissinger, Yasser Arafat et Barack Obama. Les premiers après avoir eu d’innombrables morts sur la conscience, le dernier avant que des innocents ne deviennent les victimes de ses guerres de drones à travers le monde.
Le prix Charlemagne d’Aix-la-Chapelle est une sorte de prix Nobel d’Europe centrale. Il est décerné pour des mérites liés à l’unification européenne, mais les critères ne sont pas toujours stricts. Car on ne saurait assurément attribuer ce mérite au peuple ukrainien et à son président – lauréats en 2023.
Cette année, le comité veut jouer la sécurité : le prix sera décerné à la "grande Européenne Ursula von der Leyen".
Mais n’est-ce pas le travail de la présidente de la Commission européenne de s’occuper de l’Europe ? Elle ne reçoit pas le prix pour des efforts exceptionnels, mais pour son travail quotidien.
Cette pratique est devenue une tradition : de Jean-Claude Juncker à Martin Schulz en passant par Donald Tusk, les Européens professionnels ont été honorés à la chaîne.
Mais ces derniers tenaient à l’Europe. En ce qui concerne von der Leyen, des doutes sont permis. Depuis son entrée en fonction, elle a réduit l’Europe à un rôle secondaire. L’Union européenne est devenue un appendice et un porte-voix des États-Unis.
Que ce soit en Ukraine, au Moyen-Orient ou en Chine, l’UE de von der Leyen n’a ni opinion propre, ni voix dans le monde, et donc ne suscite aucun respect.
Dans le domaine du cinéma, cela vaudrait une Framboise d’or, mais certainement pas un Oscar.
18:47 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ursula von der leyen, volodymir zelenski, europe, affaires européennes, prix charlemagne | |
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Relire Thucydide et l'histoire des guerres du Péloponnèse
Relire Thucydide et l'histoire des guerres du Péloponnèse
L'Ukraine, l'hégémonie impériale et la dislocation de l'ordre européen et mondial
Irnerio Seminatore
La guerre était-elle inévitable ?
Dans les pages où Raymond Aron analyse les grands bouleversements de la guerre du Péloponnèse entre Athènes et Sparte et questionne à travers "Les dimensions de la conscience historique" le récit de Thucydide sur le caractère accidentel ou fatal de la confrontation entre les cités grecques de l'époque (5ème siècle av. J. Ch ), une question émerge, brusque et presque instinctive, à propos des alignements militaires des deux coalitions et peut se résumer ainsi: "la guerre était-elle inévitable?" Avait-elle un caractère de nécessité ou, en revanche aurait-elle pu ne pas éclater, stabilisant l'hostilité entre les deux camps ?
Une deuxième grande question fait suite immédiatement à la première: "pourquoi des compromis n'ont pas été possibles?" Pourquoi le "parti de la guerre", présent dans les deux camps, a voulu chercher désespérément la victoire, poussant à une confrontation de plus en plus brutale ? La raison de la guerre décrite par Thucydide reposait sur la crainte de Sparte et des cités doriques pour la montée en puissance d'Athènes et visait son orgueil de puissance autoritaire et démesurée. Il s’agissait d’une lutte à mort entre la puissance continentale de Sparte et la puissance maritime d’Athènes, éducatrice de la Grèce ancienne.
Il a été remarqué que la guerre n'est pas seulement une affaire d'intérêts géopolitiques et stratégiques, mais une rivalité d'amour propre ou une lutte pour la reconnaissance d'un statut, la revanche d'un affront ou le lavage d'une humiliation. Elle fut, en son fond, un désir primitif de domination et un antagonisme hégémonique dans lequel une démocratie affrontait une oligarchie. Dans cet affrontement l'écart entre les sentiments collectifs, les prétextes invoqués et les motifs immédiats des hostilités, ou encore, entre les justifications initiales et les ravages et destructions des combats furent telles que la poursuite de la guerre fut attribuée à la nature des régimes politiques et aux responsabilités personnelles des chefs de guerre. En ses répercussions elle représenta une rupture entre deux époques. Il n'est pas un analyste de l'antiquité qui ne voit pas un parallélisme et une similitude avec l'actualité du conflit ukrainien. Cependant puisque l'histoire n'est pas une chronique mais une interprétation globale du devenir, penser l'histoire des guerres du Péloponnèse, signifie d'instaurer un dialogue entre passé et présent, sous l'orientation du dernier.
La guerre d'Ukraine et le principe de rupture entre deux époques
La guerre d'Ukraine, de manière semblable à la guerre du Péloponnèse, représente-t-elle un principe de rupture entre deux époques, sous forme de prise de conscience précédant la désagrégation finale d'un monde, celui post-moderne d’un Occident épuisé et le réveil parallèle de deux univers endormis, russe et chinois ? La réconciliation entre les deux camps après le conflit, se fera-t-elle dans la servitude à un nouvel hegemon et qui en sera l'incarnation future, la Russie ou la Chine ? Dans cette perte de rôle et de sens, périra seulement la démocratie ou, en revanche une conception globale de l'homme, de la vie et de la société, bref le système lui-même et sa civilisation ? Vu de plus près, le conflit extérieur se mêle étroitement aux multiples conflits intérieurs aux deux camps, puisqu'il existe plusieurs "partis de la guerre" et plusieurs "partis du compromis" et de la cessation des hostilités.
Dans cette inextricable complexité, le seul à faire défaut c'est un courant d’opinion de la raison ou plutôt de l'espoir. Règne, en revanche, le magma grandissant de la confusion, de la ruse et de la tromperie. Entre la crainte et l'inquiétude, gonfle énormément la phase d'attente de l'homme du salut (Trump), dont le passage du Rubicon s'annonce imprévisible et propice aux aventurismes de l'action et du verbe.
Du côté européen, Macron semble avoir une attitude semblable à celle d'Alcibiade qui avait entraîné Athènes vers la défaite et vers la ruine. Or, qui, dans cette descente vers l'égarement de la raison peut être comparé à Périclès et à sa stratégie modérée ? Orban peut-être (toute proportion gardée ? Pourquoi le compromis ne serait-il pas possible, au nom du réalisme et sans recours à la rhétorique de la liberté ? Pourquoi le « parti de la guerre » de l'Europe de l'Ouest, n'arrivant pas à faire gagner Zelenski sur le champ de bataille, parviendrait-il à mettre en œuvre un système d'engagements et de promesses, avec l'Union européenne, qui pourra s'assurer l'appui de l’hegemon, puissance extérieure au système européen, mais considérée comme décisive au niveau mondial. La démocratie athénienne passant, aux yeux des autres cités grecques, pour impérialiste, contrairement à l'oligarchie spartiate, celle-ci semblait incarner la liberté des cités qui subissent l'oppression d'Athènes. Or le régime démocratique fondé sur le concept d'égalité, n'oublie-t-il pas sa corruption virtuelle, celle de conduire à des régimes instables ou à des formes autocratiques du pouvoir, par la substitution d'une oligarchie organique par une oligarchie artificielle et dépolitisée (UE).
Sur le révisionnisme contemporain
En termes de personnalités, l'émergence d'un chef ou d'un homme providentiel, ne représente pas seulement une remise en cause du régime démocratique mais une contestation des vieilles structures d'appareil, dont le compactage engendre des formes d'opposition obstinées et des stratégies contradictoires. Qu’en est-il des stratégies de Biden et de Poutine ou de Poutine et de Trump ? Quid de Zelenski et de Macron ? N'assistons-nous pas, dans cette phase d'hésitation du destin à un révisionnisme général et à un retour de l'idée de nation, de souveraineté, et de puissance, assurant la sécurité internationale et la cohésion interne des différentes unités politiques ?
Quant à la France, qui a assuré la naissance et l'adoption de ces idées jusqu'à en devenir une référence symbolique, elle porte en soi un principe d'autodestruction, pour avoir appliqué à des populations étrangères et hostiles les principes adoptés initialement pour ses seuls citoyens. En revenant à la manière par laquelle l’Europe a pensé la paix, par cosmopolitisme et par individualisme moral, elle a montré le visage d'un même renoncement et d'une même opposition, celle de la raison à la réalité de l'histoire et d'une démocratie égalitariste, opposée à celle du monde antique et prémoderne de Thucydide. Le bilan à tirer de la surprise stratégique du conflit ukrainien est que l'incertitude domine notre monde et un changement d'époque est devant nous.
Deux âges de l'historicité
Le retour de la guerre en Europe représente-il-une rupture d'époque entre deux âges de l'historicité et dans notre cas, de la post-modernité démocratique et oligarchique ? Une rupture, qui précède la désagrégation d'un monde et l'implosion d'un système de relations internationales héritées de la Renaissance et des idées des Lumières ? Replacer la dimension du conflit ukrainien dans la perspective historique signifie de le situer au carrefour de deux univers semblables à ceux de la guerre du Péloponnèse entre le monde antique et les mondes des empires naissants, macédoniens, perses et romains.
Carrefour de conflits, qui n'épargneront aucun des belligérants, à l’issue desquels pourrait s’élaborer un autre principe constitutif du gouvernement des peuples et des nations, et passer du régime de la démocratie à d’autres types de stabilité, d'hégémonie et d'empire. Thucydide saisit les antagonismes de la rivalité violente entre la démocratie athénienne et l'oligarchie spartiate et le style de la conduite diplomatique et stratégique propre aux puissances de la terre et de la mer et comprend la supériorité conceptuelle et politique de la liberté des cités entre elles, sur les querelles internes ou personnelles, ou encore de la "Grande Politique" sur les ambitions des disputes de la "politique domestique". La spécificité de la compétition de puissance entre cités indépendantes et souveraines reste un point-clé pour la délimitation d'un système de relations, fondé sur le calcul du rapport des forces, ou, en termes modernes, de la "Balance of Power".
Originalité de notre conjoncture
Les conséquences des trois crises majeures de 1914-18, 39-45, 1990-1991
Si la dislocation d'un système a toujours donné naissance à des successions belliqueuses qui ont élargi l'espace du pouvoir revendiqué par l'hegemon montant, le 20ème siècle est celui qui a porté en soi le plus de ressemblances et d'enseignements sur la contemporanéité du siècle de Thucydide et rendu plausible les comparaisons avec ses récits. En effet, dans cette analogie entre catastrophes, une interprétation réaliste exigera l’adoption de paradigmes différents de ceux de l’histoire traditionnelle, afin d’en dégager l’originalité et la différence. De manière générale, nous assistons à la montée des Etats périphériques d'Asie, d'Afrique et d'Océanie, au partage du monde de la part d'Etats-continents se revendiquant "Etats-civilisations" et au retour de politiques marquées par la logique de puissance. Il en résulte une modification dans le calcul du rapport des forces, un renversement de la géopolitique mondiale et une perception des défis et des menaces, influant sur la nature même des unités politiques.
Sur la dimension des changements
Athènes à la fin du 5ème siècle av. J. C., mit en péril son statut d'hegemon et la libertés des cités grecques. L'Allemagne et l'Autriche-Hongrie en 1914, tranchèrent dans la rivalité germano-slave dans les Balkans dont le théâtre principal était l'Europe et provoquèrent une scission du système de l'équilibre en deux coalitions, des empires centraux (empire wilhelminien et empire austro-hongrois) et entente franco-anglaise et Russie tsariste de l’autre côté, de telle manière que les grandes puissances eurent le sentiment de lutter pour leur existence et leurs libertés. La guerre de 1914 surgit à la manière d'une guerre ordinaire et se termina avec la chute des empires centraux, la défaite de la Russie désormais soviétique et l'écroulement de l'empire ottoman, se soldant par le diktat de Versailles. Ce fut un armistice entre les deux tentatives de l'Allemagne de tenter d'obtenir l'hégémonie sur le continent.
Par ailleurs le conflit qui avait débuté avec des équipements des sociétés traditionnelles se termina avec des armements des sociétés industrielles et des armées de masse. Or, puisque le statut territorial de Versailles ne reflétait plus le rapport des forces entre vainqueurs et vaincus, l'impuissance temporaire des deux grands États continentaux, Russie et Allemagne, dans le but d'atteindre leurs objectifs marqua l'évolution historique de l'Europe et du monde. En effet, les deux pays ne jouèrent plus leur rôle historique de défenseurs de leurs intérêts et, au même temps de l'ordre établi (Etats baltes indépendants, frontières orientales de la Pologne avancées vers l'Est, Bessarabie devenue roumaine, influence prépondérante sur l'Europe du Centre et de l'Est).
L’intervention des Etats-Unis et leur nouveau rôle hégémonique
Après l’effondrement de la Russie, il fallait l’intervention de l’Amérique pour faire pencher la balance du continent du côté occidental et ce fut avec et après Versailles que s’imposa durablement l’hégémonie des Etats-Unis, comme celle de Rome après la deuxième guerre punique, aboutissant à la pacification impériale de la Méditerranée. Puisque l’histoire de l’Europe ne s’est jamais déroulée en vase clos, depuis la découverte de l’Amérique, l’enjeu de puissance du deuxième conflit mondial qui allait se dessiner, se joua dans l’alternative fatale entre hégémonie continentale du Reich ou équilibre de puissance.
L’Allemagne, qui avait succombé en novembre 1918 à la coalition de la Russie tsariste, de la France et des puissances anglo-saxonnes eut recours à une stratégie de revanche en 1939, sous l’impulsion d’une passion nationale, encouragée par les idées de la Révolution Conservatrice, les promesses d’un Ordre Nouveau et l’affaiblissement spirituel et moral des démocraties. La victoire de 1918, qui fut remportée, au plan historique par les puissances maritimes, confirma que la solidarité des puissances de la mer, désormais sous la tutelle des Etats-Unis n’avait pas remis en cause le modèle de guerre de Thucydide. Or, l’enjeu du deuxième conflit mondial resta le même, un enjeu hégémonique, fondé cependant sur le socle d’une hétérogénéité nationale des puissances à l’intérieur d’un même espace de civilisation. Ainsi les vrais sujets de l’histoire du monde devinrent non plus les nations (Ranke), non pas les cultures (Spengler), ni l’humanité (Marx), ou la pluralité des époques (Meineke), mais l’empire et spécifiquement l’empire américain, le nouvel hegemon prenant vite conscience de ses nouvelles responsabilités planétaires. Par ailleurs après 1945, s'est poursuivie, en Europe, tout au long du "rideau de fer" et pendant la deuxième partie du 20ème siècle, la confrontation de l’Ouest avec l’empire soviétique, creusant l’écart de dissociation entre les unités militaires nationales et l’intégration diplomatico-stratégique impériale (Otan, Pacte de Varsovie).
Vers un retour des empires
Si, en 1990-91, avec la dislocation de l’Union Soviétique, s’ouvre la plus grande amputation géopolitique du siècle, c’est en 2022 avec l’opération militaire spéciale des Russes en Ukraine, que s’ouvre le grand débat sur la crise de légitimité des régimes représentatifs et la rupture historique entre démocratie et oligarchie, semblable à celle de la guerre du Péloponnèse, ouvrant une brèche intellectuelle sur le retour des empires. Se conclut ainsi un cycle historique de cinq siècles, débuté à l’aube de la Renaissance et marqué dans le monde par la prédominance de l’Occident et la diffusion de son hégémonie et, avec elle, d’une nouvelle religion, le globalisme démocratique.
Ainsi, le parallélisme ouvert par la relecture de Thucydide peut-il se résumer avec la même question "si la guerre du Péloponnèse a été la ruine de la Grèce, la guerre d’Ukraine sera-t-elle la ruine de l’Europe ?" Thucydide n’a guère donné de réponse aux deux interrogations concernant la fatalité du conflit et l’exigence de négocier, mais il a abordé la recherche d’une issue dans le principe du "calcul des forces", ou du déterminisme essentiel au réalisme. A la lumière de ce dernier il a repéré, dans l’exigence de négocier, la logique pragmatique de l’usage régulateur de la raison, dans le but d’orienter le mouvement historique, refusant l’alibi de la lâcheté pour la justification de la défaite imminente. Dans l’issue prévisible de la guerre et dans le brouillard d’un tournant historique, il a œuvré pour le renoncement aux mythologies ou aux fanatismes partisans. C’est toujours dans l’amère compréhension d’une situation globale que Thucydide, comme bien d’autres, a identifié le principe du salut dans l’espoir, au nom duquel mûrissent les grandes décisions et les passions éternelles de l’homme.
Bruxelles, le 17 janvier 2025
16:37 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : irnerio seminatore, actualité, ukraine, europe, affaire européenne, thucydide, guerre du péloponnèse, théorie politique, philosophie politique, sciences politiques, politologie | |
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samedi, 18 janvier 2025
La Roumanie est en crise: le peuple contre la corruption et le mensonge
La Roumanie est en crise: le peuple contre la corruption et le mensonge
par Irina Sokolova
Source: https://www.cese-m.eu/cesem/2025/01/la-romania-e-andata-i...
Bucarest est devenue le centre des manifestations qui se déroulent actuellement en Roumanie. Des partisans du candidat de l'opposition, Călin Georgescu, dont la victoire au premier tour des élections présidentielles a été annulée par les autorités roumaines via les tribunaux, se sont rassemblés dans la capitale en provenance de tout le pays. Les défenseurs de Georgescu, qui avaient appelé à la cessation de l'aide à l'Ukraine et à la levée des sanctions contre la Russie, ont exigé un second tour des élections. Les manifestants ont paralysé le fonctionnement des institutions. Bucarest n'avait pas vu de telles manifestations depuis longtemps.
Les troupes de l'OTAN surveillent les manifestations
Pour les États-Unis, la Roumanie est un pays stratégiquement important sur le flanc est de l’OTAN, car elle abrite des installations militaires américaines et participe activement aux missions et programmes de l’alliance. Tout changement dans la politique étrangère, notamment en cas de victoire d’un candidat favorable à une réduction de la coopération avec l’OTAN ou à des relations plus étroites avec la Russie, susciterait inévitablement des préoccupations à Washington.
La Roumanie joue également un rôle clé pour les États-Unis dans le domaine de la politique énergétique, étant devenue un partenaire important dans la recherche de nouvelles sources d’énergie et de routes d’approvisionnement en gaz vers l’Europe, notamment pour contourner la Russie. Tout changement menaçant ces projets pourrait être perçu aux États-Unis comme une remise en question de leurs intérêts à long terme.
Une possibilité de « reset » ou un approfondissement des divisions ?
Le candidat indépendant à la présidence roumaine, Călin Georgescu, qui a remporté les élections, a été accusé d’« influence russe » et a été marginalisé politiquement. Par la suite, il a été prouvé qu’il n’y avait eu aucune influence extérieure exercée sur les électeurs, mais les résultats ont tout de même été annulés par précaution. De nouvelles élections sont prévues au printemps, et tout recommence.
Le nouveau vote pose un dilemme difficile pour la Roumanie: soit réaffirmer son soutien à la voie actuelle, axée sur l’UE et l’OTAN, soit ouvrir la porte à ceux qui prônent un nouveau modèle de souveraineté nationale – potentiellement avec une attitude plus critique envers l’intégration européenne.
Pour la société roumaine, épuisée par la corruption et l’instabilité politique, ces élections pourraient représenter un tournant. D’un côté, le « reset » pourrait stimuler des réformes visant la transparence et la lutte contre les structures oligarchiques. De l’autre, la profondeur des divisions, exprimée par le conflit entre « européistes » et « souverainistes », ainsi que par l’incompréhension entre l’électorat urbain et rural, persiste et risque de s’aggraver.
Quand les élections sont injustes
Le scrutin de mai en Roumanie ne se limitera pas à des enjeux nationaux; il représentera également un signal pour l’ensemble de la communauté euro-atlantique. Si les institutions démocratiques résistent à l’épreuve et si la justice démontre son indépendance, la Roumanie pourrait sortir de la crise avec une plus grande légitimité. Cependant, si des doutes persistent quant à la transparence et à l’équité du processus, la méfiance envers le système électoral pourrait s’approfondir non seulement en Roumanie, mais dans toute la région de l’Europe de l’Est. Dans ce cas, Bucarest et les capitales voisines devront faire face à des périodes de turbulences, marquées par les protestations de l’opposition.
L’issue du vote, quel qu’il soit, influencera les intérêts stratégiques des États-Unis, pour qui la Roumanie demeure un partenaire clé dans la région. En ce sens, la répétition des élections pourrait réellement offrir une « opportunité de reset » – ou, à l’inverse, marquer une crise de plus en plus profonde de la démocratie aux frontières orientales de l’espace euro-atlantique.
18:19 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : europe, actualité, affaires européennes, roumanie, élections roumaines | |
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La sécurité énergétique de l’Europe au bord du gouffre : l’Ukraine provoque délibérément une escalade autour des gazoducs
La sécurité énergétique de l’Europe au bord du gouffre: l’Ukraine provoque délibérément une escalade autour des gazoducs
Source: https://report24.news/europas-energiesicherheit-am-abgrun...
À travers une vaste attaque de drones, les forces armées ukrainiennes ont tenté de détruire une station de compression de gaz naturel en Russie. Cela aurait pu paralyser l’approvisionnement de la Turquie et de l’Europe du Sud-Est via TurkStream, plongeant le marché énergétique européen dans le chaos. Kiev joue là un jeu très dangereux pour la sécurité énergétique européenne.
Dans le contexte de tensions croissantes entre la Russie, l’Ukraine et l’Europe sur la scène énergétique, une attaque de drones particulièrement préoccupante visant le gazoduc stratégique TurkStream a suscité de nouvelles inquiétudes. Neuf drones ukrainiens ont attaqué une station de compression dans la région de Krasnodar, au sud de la Russie – un incident qui aurait pu sérieusement compromettre l’approvisionnement énergétique de l’Europe.
La défense antiaérienne russe a réussi à abattre tous les drones, et l’installation n’a subi que des dommages mineurs. Cependant, cet incident révèle la situation précaire de l’approvisionnement énergétique européen. Actuellement, environ 31% du gaz naturel importé en Europe transite par TurkStream – principalement à destination de la Hongrie, de la Serbie, de la Bulgarie et de la Grèce.
Depuis le 31 décembre 2023, Kiev refuse de signer de nouveaux contrats de transit pour le gaz russe. Cette décision, soutenue par la Commission européenne, réduit encore de 30% les importations de gaz en Europe. Les 39% restants arrivent sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL), principalement en provenance des États-Unis et de la Russie.
Une attaque réussie contre TurkStream aurait éliminé en un instant une part importante des importations européennes de gaz, explique Stephen Bryen, ancien vice-ministre américain de la Défense. Les conséquences auraient été dévastatrices: ni les États-Unis, ni la Russie, ni d’autres fournisseurs comme le Qatar ne pourraient augmenter suffisamment leurs livraisons de GNL pour compenser des pertes aussi massives. Le déséquilibre énergétique commence déjà à se faire sentir : l’Allemagne est en récession, et la coalition Scholz a échoué. Avec la fermeture des centrales nucléaires et la destruction quasi complète de Nord Stream, la situation ne cesse de s’aggraver.
La motivation de Kiev pour cette stratégie risquée reste énigmatique. Des experts soupçonnent une tentative désespérée de forcer l’Europe à fournir davantage de soutien – selon le principe : « Aidez-nous, ou nous compromettrons votre sécurité énergétique. » Et comment l’Europe réagit-elle face à ces tentatives de chantage ouvertes ? Jusqu’à présent : un silence gêné. De plus, un succès de l’attaque aurait probablement privé Kiev de tout soutien de la Turquie.
La situation s’apparente à une partie de poker dangereuse, où l’Europe perd de plus en plus le contrôle. Les États-Unis pourraient certes tirer profit d’une augmentation des exportations de GNL, mais le prix à payer pourrait être élevé : un affaiblissement supplémentaire de l’alliance de l’OTAN, dans un contexte déjà turbulent.
17:47 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : europe, affaires européennes, actualité, turk stream, gazoducs, gaz, mer noire, ukraine | |
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Ce que veut Pékin
Ce que veut Pékin
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/cio-che-vuole-pechino/
Pékin est, à tous égards, le "convive de pierre" de la scène internationale. Celui, parmi les grands acteurs, dont on parle le moins ou dont on cherche même à ne pas parler. Pourtant, sa présence est constante dans chaque scénario, chaque tension et conflit, qu'il soit déjà en cours ou encore latent.
Cependant, la capitale chinoise demeure, en effet, de pierre. Silencieuse. Dans l’ombre. Peu, très peu ostentatoire, volontairement discrète et prête à se dévoiler uniquement lorsque cela est strictement nécessaire.
Les déclarations de ses représentants, de Xi Jinping en particulier, relèvent d’un chef-d'œuvre de diplomatie orientale. Courtoises, toujours, voire extrêmement polies. Et mesurées. Si bien qu’elles laissent seulement entrevoir, difficilement, la pensée de l'oligarchie qui dirige le géant asiatique.
Et pourtant, la Chine est loin d’être un géant endormi. Elle agit, à plusieurs niveaux, avec une grande détermination et une intelligence remarquable.
D’un côté, l’objectif principal des maîtres de la Cité interdite est la croissance intérieure, poursuivie avec une extrême cohérence, dans un pays où, depuis des siècles, la majorité de la population vivait d’une économie de simple subsistance. Une économie pauvre et essentiellement agricole.
Aujourd’hui, le développement industriel de la Chine est impressionnant. Le géant asiatique est devenu le plus grand producteur de biens de toutes sortes. Compétitif, souvent victorieux face à ses concurrents, en particulier les États-Unis, qu’il parvient désormais à égaler, voire à surpasser, en termes de qualité de production dans de nombreux secteurs clés.
Cette croissance industrielle impressionnante réduit les zones de pauvreté dans le pays, bien que cela ne se fasse pas sans chocs ni contraintes. Les conditions de travail ne sont certes pas comparables à celles des travailleurs occidentaux. Cependant, elles doivent être comprises dans le contexte historique du géant asiatique, marquant une amélioration constante malgré de nombreuses contradictions, parfois violentes.
C’est toutefois sur le plan de la politique étrangère que la Chine doit, aujourd’hui, être évaluée avec une grande attention.
Une politique extrêmement expansive, bien qu’elle s’inscrive sous la devise de Xi Jinping : expansion sans conflits.
Il est évident que la direction de Pékin évite à tout prix de s’embourber dans des guerres ou des conflits de quelque nature que ce soit. Elle privilégie un outil de pénétration économique, apparemment pacifique. Et ce, non seulement dans la région voisine, appelée Extrême-Orient, mais dans le monde entier.
La présence chinoise est, en effet, de plus en plus massive en Afrique subsaharienne, où elle se fait sentir notamment dans l’organisation industrielle et le contrôle d’une production à faible coût, mais de qualité croissante, tout en créant de l’emploi pour les populations locales.
Pékin n’a pas d’intérêt pour une expansion territoriale. La mentalité historique chinoise reste, somme toute, liée à l’image ancestrale de l’Empire du Milieu, centre autour duquel gravite le reste du monde.
Son objectif demeure essentiellement d’étendre son influence économique, en liant ainsi à elle divers peuples, les soumettant de fait de manière douce, sans recourir, ou en recourant le moins possible, à la force.
Cependant, cela n’implique en aucun cas une quelconque limitation de l’usage de la force. Pékin est toujours prête à y recourir si ses intérêts et ses objectifs sont menacés.
La menace provient aujourd’hui de la concurrence des États-Unis.
À Washington, la Chine est désormais perçue comme le véritable, et d’une certaine manière l’unique, concurrent géopolitique.
Et c’est ici qu’intervient une différence profonde.
Américains et Chinois sont désormais convaincus que le conflit direct, le choc frontal pour la suprématie, n’est qu’une question de temps.
Mais la manière de concevoir et de mesurer le temps est profondément différente.
Les Américains sont pressés et agissent en conséquence avec une extrême rapidité, parfois, et même trop souvent, avec une précipitation excessive. C’est leur façon d’être. Après tout, leur histoire a commencé il y a un peu plus de deux siècles.
Pour les Chinois, c’est tout autre chose. Ce qui peut nous apparaître comme de la lenteur découle d’un passé plurimillénaire. Le premier empire, celui de la dynastie Shang, remonterait même au Néolithique.
De plus, l’élite de Pékin est convaincue que le temps joue en sa faveur, une conviction fondée sur des faits précis.
Ils ne sont pas pressés, mais cela ne signifie pas qu’ils ne se préparent pas à un affrontement frontal avec l’Amérique.
Bien au contraire…
16:23 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, chine, asie, affaires asiatiques, états-unis, politique internationale | |
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vendredi, 17 janvier 2025
Trump, Lénine et le combat libre de la politique mondiale
Trump, Lénine et le combat libre de la politique mondiale
Markku Siira
Source: https://markkusiira.com/2025/01/08/trump-lenin-ja-maailmanpolitiikan-vapaapaini/
« Avec le retour potentiel de Donald Trump, il pourrait être pertinent de tenter de mieux le comprendre », suggère Bruno Maçães, ancien ministre des Affaires européennes du Portugal, journaliste et écrivain. Selon lui, le phénomène Trump « n’est ni épisodique, ni véritablement déviant, mais frappant dans sa clarté ». Trump a une vision du pouvoir américain qu’il expose ouvertement.
Maçães estime que Trump considère que le pouvoir doit être exercé directement. Cela représente un changement radical par rapport au modèle précédent, où le pouvoir américain était (plus ou moins efficacement) dissimulé derrière des règles et des institutions. Jusqu’à présent, on s’appuyait sur des règles commerciales, des alliances militaires et des principes politiques.
« L’ordre international libéral » a été l’outil de l’hégémonie des États-Unis. Ces dernières années, il est devenu de plus en plus difficile pour Washington d’obtenir les résultats souhaités. Les États-Unis se sont retirés d’Afghanistan et les talibans sont revenus au pouvoir. La guerre en Ukraine pourrait se figer, tandis que l’influence de la Chine ne cesse de croître.
Dans cette période de bouleversements géopolitiques, un second mandat de Trump pourrait bien être marqué par une politique de puissance décomplexée, peu soucieuse de légitimité ou de normes. « Comment interpréter les horreurs de la guerre de Gaza, sinon comme une acceptation délibérée d’un pouvoir qui ne se soucie plus de la légalité, mais la remplace par un sentiment de supériorité civilisationnelle ? », s’interroge Maçães (photo).
Le premier mandat de Trump, marqué par la pandémie, a désorienté beaucoup de monde. Cette fois, son imprévisibilité pourrait de nouveau servir les intérêts des élites du pouvoir. Comme l’ont révélé ses anciens conseillers, Trump « ne voit pas le monde comme une communauté globale régie par des règles et des institutions, mais comme une arène où les nations, les acteurs non étatiques et les entreprises s’affrontent ».
« Nous sommes au cœur d’un moment révolutionnaire », affirme Maçães, en se tournant dans ses réflexions vers la figure embaumée de Lénine, idéologue bolchévique. Lénine pensait qu’une « situation révolutionnaire » surgit lorsque les gouvernants deviennent incapables de gouverner, que les gouvernés ne supportent plus d’être dominés et que la résistance s’organise.
Dans l’actuel contexte de crises multiples, les « gouvernants », c’est-à-dire la classe politique occidentale au service de la corporatocratie, apparaissent incompétents et faibles. L’hégémonie américaine subit une forte pression, perceptible notamment dans le contexte ukrainien. Les États-Unis ont imposé des sanctions contre leurs rivaux, qui, dans ce « moment révolutionnaire », se sont unis face à un ennemi commun.
L’affaiblissement d’un pouvoir hégémonique crée inévitablement un sentiment de menace qui exige une réponse plus musclée. Ainsi, les démocraties occidentales adoptent rapidement les traits qu’elles projetaient sur leurs rivaux : le culte de la force et l’indifférence aux principes de légalité. « L’orientalisme est de retour », prédit Maçães.
Une époque instable favorise des joueurs comme Trump, qui ne se cachent plus derrière le masque d’un libéralisme hypocrite. L’élite qui gouverne le monde est, au moins pour le moment, prête à revenir à l’usage brutal de la force, aux instincts qui ont fait la grandeur originelle de l’Amérique. Dans ce processus de démantèlement de l’ancien ordre, Trump peut bien continuer à lancer des déclarations intempestives et à semer l’incertitude.
Maçães reste toutefois convaincu que tout ne se déroulera pas exactement comme prévu. L’usage de la force « consomme trop de ressources et engendre de nouvelles hostilités ». Il « éloigne les amis et les alliés, qui se sentent de plus en plus humiliés à mesure que les normes et les institutions qui reconnaissent leur statut sont abandonnées ».
Les véritables détenteurs du pouvoir préfèrent rester dans l’ombre, mais, à l’image d’un catcheur professionnel luttant pour divertir les foules, Trump a de nouveau été placé sous les projecteurs pour combattre, attirer l’attention, donner et recevoir des coups. Que sortira-t-il de ce spectacle ? On peut douter que cela fasse rire les euro-atlantistes.
18:15 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bruno maçaes, donald trump, états-unis | |
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Démocraties à liberté limitée
Démocraties à liberté limitée
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/democrazie-a-liberta-limitata/
Les nouvelles sont rares. Et, de surcroît, elles ne sont pas rapportées par les grands médias. Une petite note de bas de page, en somme.
Thierry Breton est un ancien commissaire européen. Un Français. Il a quitté la Commission en controverse avec Ursula von der Leyen. Pour des raisons internes aux équilibres complexes du sommet bureaucratique européen. Mais ce n'est pas cela qui nous intéresse aujourd'hui.
Car Breton reste un représentant important de la France. Avec un long passé de ministre, en vérité toujours des affaires intérieures. Un technicien, si l'on veut. Et même cela, franchement, serait d'un intérêt extrêmement relatif pour nous.
Mais aujourd'hui, il s'exprime sur les prochaines élections allemandes. Ce qui est déjà étrange... et ce qui l'est encore plus, c'est que Breton s'exprime. Il dit haut et fort que oui, la démocratie, c'est bien, et les élections, c'est bien... mais seulement si les résultats de celles-ci sont conformes à la ligne adoptée par l'Union européenne.
Sinon, elles ne comptent pas. Et elles doivent être refaites.
Maintenant, abstrayons-nous de notre ineffable Français - qui a pourtant donné une voix claire au mode de raisonnement de certains sommets européens - et raisonnons un peu. Dans les grandes lignes.
Ainsi, les hommes et les femmes qui gravitent autour de la Commission européenne, ou qui en font partie, sont évidemment pour la démocratie. Même si, rappelons-le, ils n'ont jamais été élus, mais choisis par des sommets bureaucratiques. Exemptés de tout contrôle électoral.
Ils sont pour la démocratie... tant qu'elle confirme leurs décisions. Sinon... cela ne compte pas et on recommence. On refait les choses jusqu'à ce que le résultat des élections soit conforme à ce qu'ils ont décidé a priori.
Par essence, la démocratie, en Europe, ne sert qu'à confirmer, et inévitablement à renforcer, les choix de ces soi-disant élites qui n'ont jamais été élues par qui que ce soit. Choisies de droit divin, évidemment. Ou, plus précisément, parce qu'elles sont les représentantes de certains intérêts, de cercles fermés qui n'ont rien à voir avec les peuples et leur volonté. Au contraire.
Des peuples d'ailleurs méprisés. Parce qu'ils sont considérés comme immatures, stupides, obtus. Et qui doivent s'adapter aux décisions de leurs suzerains. Ou, plus précisément, de ceux qui, dans l'ombre, les commandent et les manœuvrent.
Tout cela est clair et, en vérité, extrêmement simple à comprendre. Ici, dans le monde occidental, ce truc s'appelle la Démocratie. Avec une majuscule. Et malheur à vous si vous ne vous inclinez pas, voire si vous ne vous prosternez pas devant elle. On risque d'être considéré comme un paria, un fasciste, voire pire.
Mais cela vaut aussi, et surtout, lorsque les décisions de ces dirigeants éclairés vont à l'encontre des intérêts du plus grand nombre. Ou, même, lorsqu'ils planifient notre réduction en nombre - lire notre extinction massive -, le refoulement du plus grand nombre dans la misère et d'autres aménagements similaires.
Il faut le comprendre. Et garder à l'esprit. Ce qui, malheureusement, est rarement le cas. La plupart des gens regardent la télévision. Et ils avalent tout ce qu'on leur donne à manger.
Ainsi, Poutine est méchant. Les Chinois sont méchants et de mauvaise foi. Nous vivons dans le meilleur des mondes possibles... de quoi faire frémir le Candide de Voltaire.
16:59 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Définitions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : totalitarisme, surveillance, europe, actualité, démocratie, censure, union européenne, thierry breton | |
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Le « Trumpisme » et la subalternité proclamée de l'Europe
Le « Trumpisme » et la subalternité proclamée de l'Europe
par Daniele Perra
Source: https://www.ariannaeditrice.it/articoli/il-trumpismo-e-la...
Selon A. Douguine, le « Trumpisme » (qui assume le rang d'une véritable idéologie) serait une sorte de « force multipolariste passive », dans le sens où il n'aurait rien contre la réalisation d'un ordre mondial multipolaire et, par conséquent, ne ferait rien de concret pour l'empêcher. Une telle considération découlerait d'une interprétation problématique (à mon avis) de la soi-disant « doctrine Monroe » qui est (toujours à mon avis) indûment opposée à la « doctrine Wilson » ; comme si les deux approches géopolitiques étaient aux antipodes au sein de cet agglomérat que l'on pourrait très généralement définir comme l'« idéologie américaine » (fondée essentiellement sur les thèmes théologico-protestants de la « prédestination », de l'« exceptionnalisme » et du « mythe de la frontière »). Ayant lu (et non oublié) Carl Schmitt, en revanche, j'ai tendance à considérer la « Doctrine Monroe » comme la première manifestation réelle de l'impérialisme américain et, par conséquent, la « Doctrine Wilson » comme son évolution, pas nécessairement en contraste avec la première.
Schmitt rappelle d'ailleurs que l'insistance sur le thème de la « prédestination » (la croyance en la « prédestination ») n'est « que l'intensification extrême de la conscience d'appartenir à un monde autre que le monde corrompu et condamné au déclin ». Il en fut ainsi pour les Pères pèlerins qui quittèrent l'Europe ; il en est ainsi pour le "Trumpisme", qui cherche à s'imposer comme une nouveauté par rapport à la "culture progressiste" décadente d'une partie des élites oligarchiques nord-américaines.
En ce sens, toujours selon A. Douguine, la nouvelle élection de Donald J. Trump représenterait une sorte de « révolution ». La réalité semble bien différente. Le « trumpisme », en effet, pour un étudiant attentif de la géopolitique (sous tous ses aspects), ne peut apparaître que comme l'une des innombrables formes de « reproduction constante des formes d'appartenance ». Prenons un exemple classique.
À la fin des années 1970, entre scandales et défaite désastreuse au Viêt Nam, les États-Unis semblaient avoir perdu leur élan vital en tant que leader du soi-disant « monde libre ». L'ascension de Ronald Reagan à la Maison Blanche (plus ou moins les mêmes années que le triomphe entrepreneurial hautement facilité de Trump) a été perçue comme le début d'une « nouvelle ère », sous la bannière d'un esprit patriotique renouvelé étroitement lié au mythe du marché libre et du néolibéralisme. Dans ce cas, les « espaces libres » du marché ont en quelque sorte remplacé l'esprit de conquête de la frontière et l'appropriation conséquente de nouveaux espaces. De même, l'élection de Trump est perçue par les « apologistes de l'Occident » comme une catharsis nécessaire à partir de laquelle redémarrer pour restructurer (et peut-être étendre) leur monde corrompu, éprouvé par la décadence, et proche de la défaite sur plusieurs théâtres.
A cet égard, il faut d'ailleurs rappeler que depuis la fin du 19ème siècle (au moment où le « mythe de la frontière » s'achève), des courants de pensée, qui ont vu le jour au sein des Etats-Unis, ont soutenu la thèse selon laquelle, pour rendre le rêve américain viable, il était (et est toujours) nécessaire que le « mythe de la frontière » susmentionné soit projeté vers l'extérieur afin de « reproduire constamment le sentiment d'une appartenance nouvelle et renouvelée » et de « continuer à vivre la tension réalisatrice » d'un « monde de lumière » (perçu comme tel -soit l'espace pensé à l'origine par les groupes protestants arrivés en Amérique du Nord) qui s'oppose naturellement au « monde des ténèbres » (c'est-à-dire tout le reste, tout ce qui n'a pas été créé par les protestants et qui ne l'a pas été; tout le reste, c'est-à-dire tout ce qui n'a pas été homologué à l'esprit américain).
Le « trumpisme » n'est pas étranger à cette dynamique (pensez au rêve expansionniste vers l'Arctique, avec l'éventuelle et conséquente « territorialisation » de la mer Arctique elle-même). Au contraire, dans un monde où l'État (malgré la mondialisation) reste le détenteur privilégié de la force de coercition, le « Trumpisme » se manifeste comme la tentative ultime de donner à l'Occident hégémonisé par les États-Unis une structure pseudo-impériale dans laquelle les appareils de sécurité sont sous-traités à des agences privées directement liées au centre (à Washington, qui détient la suprématie technologique et économique au détriment des zones périphériques du « pseudo-empire »). Une chose que même les soi-disant « élites mondialistes » n'ont pas réussi à faire.
En d'autres termes, il se présente comme une étape supplémentaire vers la « démocratie dirigée »: une forme politique centrée sur des formes de surveillance numérique dans laquelle les élites ploutocratiques utilisent la technologie informatique et les algorithmes pour réduire l'expérience humaine à des facteurs mesurables, observables et (naturellement) manipulables.
De plus, la prétendue ouverture à la « liberté d'opinion » sur les plateformes de Musk et Zuckerberg ne doit pas tromper ici.
Par conséquent, le prétendu « multipolarisme trumpiste » se résout en une « construction idéale » dans laquelle non seulement les États-Unis maintiennent inchangée leur primauté hégémonique d'appropriation spatiale et de force coercitive au niveau mondial, mais solidifient davantage leur contrôle sur l'Europe: la véritable victime sacrificielle sur l'autel de leur restructuration politique, économique et industrielle.
15:52 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, affaires européennes, europe, états-unis, donald trump | |
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La démocratie est-elle une source de guerre?
La démocratie est-elle une source de guerre?
Irnerio Seminatore
Hypothèse abusive ou objet de réflexion ?
Depuis le reaganisme, le thatchérisme, le poutinisme, les régimes géorgien, ukrainien, coréen, biélorusse, roumain et chinois, peut-on encore parler de la démocratie comme d’un régime d’intégration des conflits, de stabilité politique et d’alternance gouvernementale et, in fine, de rejet de la guerre ?
A partir de l’affirmation de la démocratie aux 18ème et 19ème siècles, comme "gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple", la guerre est devenue l'apanage des représentants élus des nations, qui débattent de concepts militarisés mais dépolitisés, partisans, mais inessentiels au règlement des litiges.
En effet, les représentants du peuple ne peuvent traiter de l'immanence du conflit dans la vie des nations mais seulement de la contingence d'une conjoncture d'exception, celle de la menace, qui est ramenée à une « rupture » de l'ordre juridique dominant. La guerre, tenue pour une catégorie fondamentale de la vie des sociétés exclut toute conception universaliste du droit international et n’autorise pas à concevoir l'ordre du monde, désormais planétaire, sans antagonismes ou sans usage de la violence. Seul l’emploi de la force jette une lumière éclairante sur le cours de l'histoire, le tragique du monde et les conjonctures de changement. "Nul grand Etat ne s’est constitué sans recourir à la contrainte, sans absorber des communautés étroites. Si l’usage de la force est coupable absolument, tous les Etats sont marqués par une sorte de péché originel. Dès lors, celui qui veux comprendre l’histoire, ne doit pas s’en tenir à l’antinomie de la force et des normes juridiques..." (R. Aron).
La force et le droit
La formation des Etats ou leur délimitation territoriale, suppose la force, avant son couronnement par le droit. Le « statu quo » ou le changement politique ne peuvent être assurés par un débat sur le droit, ni sur le juste ou l'injuste au sein d'une assemblée, ni par une vision conciliatrice ou utopique de l’ordre mondial, mais par un calcul des intérêts et des influences et par le coût des ressources nécessaires à leur sauvegarde. Penser la guerre, c’est penser stratégique, car la guerre, - faut-il s‘en étonner - est la manifestation de la force et la force est la source du droit de tous les régimes (Proudhon).
Les thèmes chéris en revanche par les tribunes publiques demeurent la solidarité internationale, la moralisation des litiges, les doctrines des droits de l’homme et la sécurité collective (Cour pénale internationale, ONU ou autres). Dans ce même esprit la sécurité européenne est renvoyée à la défense des démocraties occidentales, de l’Alliance Atlantique et de l'hegemon, ou encore, à la répartition stratégique du monde en aires d’influences, intégrées à une conception multipolaire du système et à un nouveau « nomos » de la terre. En effet le « tempo » de la démocratie est celui des équilibres précaires et des compromis disputés entre deux périodes de stabilité, souvent impériales. C’est le temps des incertitudes et des débats ! Les accords ukrainiens (Minsk I et Minsk II), l’annulation des scrutins et les coups d'Etats à répétition (Roumanie, Géorgie, Corée du Sud, Afrique, Amérique Latine…), sont là pour le prouver ! La politique démocratique ne peut être qu'une politique d’étroitesse domestique et guère une « Grande Politique », car il y règne l’inversion des primats, celui des hommes et des buts personnels, au lieu de celui des nations, de la géopolitique et de la grande stratégie.
La politique internationale, comme antagonisme radical de l'ami et l'ennemi continue et perdure, en tant qu'activité fondamentale de l'activité humaine, car la souveraineté du pouvoir oppose en réalité l'exception à la norme et donc la guerre à la paix, au sein d'un contexte où règne la hiérarchie de la force et la menace existentielle. Dans ce contexte la seule gouvernance crédible est celle de la lutte armée et du jury des combats (Ukraine, Gaza, Liban, Syrie..).
Le dépassement de la démocratie représentative et de l’individualisme démocratique est inscrit dans la crise qui corrode les régimes politiques occidentaux, où on identifie l’épuisement de leurs formes de gouvernement à l’épuisement et à la fin de l’Occident comme forme de civilisation (Nietzsche, Spengler, Ortega y Gasset).
La démocratie et la guerre
On a trop demandé à la démocratie, fille originelle de l’égalité de s’emparer, par le droit, de l’autorité et de la justice, alors qu’une dimension radicale du pouvoir lui a échappée, soit le pouvoir de la guerre, comme délibération impérieuse, comme contrôle exigeant et comme issue inévitable.
Sauvegarder l’indépendance et la liberté est en fait le principal problème du « demos » pour éviter le chaos et l’anarchie dans un monde hostile, et « gagner la paix » est le « défi extérieur » plus dramatique qui impose d’abord d’anéantir l’adversaire et de rechercher un autre type de stabilité, plus favorable à nos intérêts.
Rétrospective historique
En réalité et en survol, une sommaire rétrospective historique suggère l’idée, non seulement que la démocratie est un régime politique d’incertitude et d’adversités violentes, mais qu’elle est un régime de transition entre deux types d’équilibres politiques. Telles furent la République romaine avant l’accession d’Octave au « Principat », en l’an 30 av J-C, après la mort de César (44 av, J.C), la République d’Angleterre en 1650, après la Glorious Revolution, dont Olivier Cromwell, devint le Lord Protector , la « Révolution Américaine » de 1776 et la « Grande Révolution » française de 1789 ! Impossible d’oublier la « Commune » de Paris de 1871, insurgée contre Thiers, le coup d’État et le seconde empire de Louis Napoléon en 1851, la Révolution bolchévique d’Octobre 1917 en Russie, la « Révolution conservatrice » de Weimar » de 1918 à 1933, de ces changements de régimes et des formes comme le furent la Révolution fasciste de 1922 en Italie, puis la Révolution populaire chinoise de 1949.
Avec le problème de la légitimité, le trait commun à toutes ces expressions de l’action historique, c'est la promesse de liberté et d’affranchissement. Puis la répression, la « guerre civile » et la concentration des pouvoirs. Et encore le passage à la guerre inter-étatique et à la stabilisation impériale. La démocratie a toujours cultivé en son sein son antidote mortel, l’absolue tyrannie d’un principe corrupteur, la concentration des pouvoirs dans une seule main. Ainsi, pendant deux siècles, le dénominateur commun furent la démocratie et le républicanisme, portes d’accès au règne des masses et aux longues périodes d’instabilité, caractérisées par des hostilités continues et par le changement insatisfaisant des figures de l’ennemi public.
Kant et la paix perpétuelle
Revenons à Kant et à son rêve de paix perpétuelle et donc aux Européens du 21ème siècle et à l’Union Européenne. A la manière par laquelle l’Europe a pensé la paix après ‘45. Par évolution et guère par révolution ! Par le fédéralisme égalitariste et par cosmopolitisme humaniste, autrement dit, par les deux visages d’un même renoncement et d’un même rêve, celui de la paix perpétuelle. D’ailleurs leur principe a été identique, l’opposition de la raison à la réalité de l’histoire. Cette opposition a fait triompher la solidarité sur l’antagonisme, et la lâcheté sur la responsabilité. En son principe et en ses répercussions elle a dépolitisé la démocratie la privant de son essence, l’opposition. Or, il n’y a de démocratie que par son opposition, puisque le fait démocratique lie tous les citoyens par une même obligation et un même devoir en une moralité commune. Seul l’immersion dans un engagement universel exonère les militants des droits de l’homme des devoirs de servir une obligation commune. En réalité toute distance établie entre l’homme et le mal du monde (misère, illégalité, tyrannie, crimes, despotisme et conflits), est un escamotage et une fuite, un héroïsme de supermarché, car toute valeur établie en dehors du réel n’existe que pour cacher l’existence du mal du monde et « l’insurmontable malignité de notre cœur (E. Kant) ».
Or, l’acte de naissance de la Realpolitik s’inscrit dans la prise de conscience de l’unification nécessaire de la politique de puissance et de l’emploi de la force, mais également dans le refus de la démocratie comme relation d’égalité principielle entre humains en tout dissemblables. Cela a pour corollaire le refus de l’acceptation de l’Union Européenne, telle qu’elle est, le refus de la démocratie représentative telle qu‘elle est, le refus de l’identité avec les êtres les plus divers tels qu’ils sont ! C’est ainsi, dans cette précision que la démocratie représentative comme illusion est la négation de la vérité factuelle de l’histoire, qu’elle est source de conflit, de revendications insatisfaites et de guerre. Sans emphase ni apothéose du tragique, mais au nom de la réalité du devenir et donc de l’unité hégélienne de l’histoire et de la raison, que Tolstoï découvre « la doctrine du monde » par opposition à « la doctrine du Christ ». Et, dans la crainte que le refus de la guerre implique le refus de l’histoire et ce dernier le refus de la civilisation, il conclut par une question, que beaucoup d’européens formulent en leur for intérieur : « Peut-être n’est ce que nous sommes victimes d’une illusion puissante, que nous prétendons critiquer la guerre au nom de la civilisation et de la culture ? ».
Peut-être -ajoutons nous- jugeons-nous la guerre à partir d’une illusion puissante, celle de la démocratie, comme source de paix et non de guerre ?
Bruxelles, 29 décembre 2024.
13:11 Publié dans Actualité, Définitions, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : démocratie, guerre, irnerio seminatore, définition, théorie politique, politologie, sciences politiques, philosophie politique | |
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jeudi, 16 janvier 2025
L'implication indirecte de l'Asie dans les affaires européennes
L'implication indirecte de l'Asie dans les affaires européennes
Janne Berejnaïa
Compte rendu d'un commentaire du spécialiste du Japon Jeffrey W. Hornung
On parle beaucoup aujourd'hui de l'implication de la Chine, de la Corée du Nord, de la Corée du Sud et du Japon dans les affaires de la Russie et de l'Occident. Mais quel type d'implication prennent-ils réellement ? Dans un commentaire publié sur le site web du portail de la RAND, Jeffrey W. Hornung, chef de la division des études de sécurité nationale de la RAND au Japon et Senior Fellow de la RAND, a fait part de ses réflexions sur les intérêts des quatre pays dans les affaires de l'Occident et de la Russie, et sur le soutien que chaque partie leur apporte.
Le commentaire met en lumière un détail important mais souvent négligé du conflit actuel en Ukraine : l'implication croissante des pays d'Asie de l'Est. L'auteur nous rappelle que des doutes sur la durabilité du soutien américain à l'Ukraine sont apparus bien avant que Donald Trump ne remporte l'élection, suscitant des inquiétudes sur la capacité de Kiev à poursuivre sa propre défense. Mais un autre aspect clé est souligné : l'expansion du conflit au-delà de l'Europe, avec l'implication de nouveaux acteurs venus d'Asie. Dans le même temps, il convient de mentionner que les États-Unis continuent de fournir une aide importante à l'Ukraine. Après la victoire électorale de Trump, les États-Unis ont alloué une aide militaire de 275 millions de dollars à l'Ukraine. Et le 3 décembre, on a appris l'existence d'une autre enveloppe de 725 millions de dollars. Cela ressemble à une ultime tentative des démocrates de donner un peu de puissance à la partie ukrainienne, car les choses pourraient se terminer rapidement, comme le promet Trump. Pour l'instant, cependant, ce ne sont que ses paroles. Qui sait comment la situation évoluera.
L'article définit une guerre par procuration : il s'agit d'un conflit dans lequel deux pays s'affrontent indirectement en soutenant des camps opposés dans un pays tiers. Ces guerres étaient caractéristiques de l'époque de la guerre froide - l'auteur mentionne les crises du Congo et de l'Angola, où les États-Unis et l'URSS ont financé et armé les parties locales au conflit, en évitant de s'impliquer directement. En analysant la situation actuelle, nous pouvons conclure que le conflit en Ukraine devient non seulement une crise européenne, mais aussi une crise mondiale où les intérêts des principales puissances mondiales se croisent. L'implication des pays asiatiques le confirme et indique également un nouveau niveau de tension internationale.
L'article souligne la nature fluide des conflits par procuration, montrant que ces confrontations ne suivent pas toutes des modèles standard. Parfois, le soutien à l'une des parties conduit à l'intervention directe d'une force extérieure, comme ce fut le cas avec l'engagement progressif des États-Unis dans la guerre du Viêt Nam ou l'intervention soviétique en Afghanistan. Dans ces cas, les superpuissances sont restées impliquées même lorsque les efforts de leurs « mandataires » se sont relâchés pour empêcher l'autre camp de l'emporter.
L'auteur suggère que le conflit entre la Russie et l'Ukraine présente toutes les caractéristiques d'un conflit par procuration. Il est important de noter que Jeffrey W. Hornung affirme que « Moscou a déclaré à plusieurs reprises que l'Ukraine n'était pas une entité indépendante et que la véritable cible de l'invasion russe était l'Occident, en particulier les États-Unis ». Et si l'on a parlé de l'absence d'indépendance de l'Ukraine, on n'a jamais entendu du côté russe qu'il s'agissait du véritable objectif de l'Opération militaire spéciale, à savoir attaquer l'Occident. Les objectifs ont été définis par le président russe Vladimir Poutine en février 2022, lors d'un discours dans lequel il a annoncé cette « opération militaire spéciale » visant à « démilitariser et dénazifier l'Ukraine ».
L'objectif principal est de protéger les territoires qui ont rejoint la Fédération de Russie lors du référendum. En fonction de la situation sur le champ de bataille, certains points des objectifs sont transformés, mais ne changent pas fondamentalement. Il convient de noter que toutes les autres déclarations de l'auteur ont été étayées par des références à des sources, alors que cette déclaration plutôt tapageuse n'a pas fait l'objet d'une telle attention. La Russie a déclaré que l'Occident manipule l'Ukraine et ne fait que prolonger le conflit avec son aide. Cependant, elle n'a jamais dit qu'elle attaquait les États-Unis de cette manière. Les États-Unis eux-mêmes « expriment le désir » de s'impliquer.
Ils ajoutent que, d'autre part, les pays de l'OTAN et leurs alliés soutiennent l'Ukraine par des livraisons d'armes. Bien que l'objectif officiel de l'Occident soit de défendre l'Ukraine, ses actions sont en réalité dirigées contre la Russie. C'est ce que souligne la déclaration du secrétaire américain à la défense, Lloyd Austin, qui a affirmé que « nous voulons voir la Russie affaiblie ». En analysant cette dynamique, on peut voir comment le conflit contemporain dépasse le cadre traditionnel d'un conflit entre deux pays. L'Ukraine devient une arène où l'Occident et la Russie s'affrontent pour la suprématie stratégique. Le conflit prend donc un caractère de plus en plus global, chaque partie cherchant à affaiblir son adversaire géopolitique.
Bien entendu, la majeure partie du commentaire se concentre sur l'implication des pays asiatiques dans tout cela. Selon l'auteur, le soutien de la Chine à Moscou est caractérisé par la flexibilité et la stratégie. Bien que Pékin refuse de fournir directement des armes à la Russie, elle contribue activement à maintenir l'équilibre économique de la Russie. La Chine s'oppose aux sanctions occidentales et utilise ses liens diplomatiques avec les pays du Sud pour tempérer la condamnation internationale des actions de la Russie. L'implication économique de la Chine est également significative. Selon les données citées dans l'article, la Chine représente environ 90 % des importations russes de microélectronique et 70 % des importations de machines-outils. Il convient toutefois de noter que la part de la Russie dans la production de microélectronique et de machines-outils est actuellement en augmentation.
En outre, la participation de la Chine à des exercices militaires au Belarus, près de la frontière polonaise, envoie à l'OTAN un signal fort de coordination militaire et politique croissante avec la Russie. L'auteur indique également que la Corée du Nord agit encore plus ouvertement. Pyongyang a fourni de l'artillerie, des missiles balistiques et envoyé quelque 10.000 soldats au combat. Il n'y a cependant aucune confirmation officielle. Par exemple, le site web de l'agence de presse Ura.ru publie un article indiquant que le commandant de l'AFU a déclaré qu'il n'y avait aucun signe de la présence de Nord-Coréens dans la zone de l'Opération militaire spéciale. Zelensky a affirmé que des soldats de la RPDC avaient été tués et blessés, mais personne ne les a vus, il n'y a aucune confirmation. Et ce, à « l'ère de la technologie ».
Le Japon et la Corée du Sud se limitent à une aide à plus petite échelle à l'Ukraine. Le Japon est devenu l'un des principaux partisans des sanctions contre la Russie, qu'il coordonne activement avec ses partenaires occidentaux. Tokyo fournit également une aide financière et technique importante à Kiev, notamment des drones, des gilets pare-balles et d'autres équipements militaires non essentiels. L'aide cumulée du Japon à l'Ukraine a déjà dépassé les 12 milliards de dollars. Le Japon a également revu ses restrictions sur les exportations d'armes, ce qui lui permet de conserver le stock américain de missiles Patriot utilisés pour défendre l'Ukraine. Sur le plan diplomatique, Tokyo joue également un rôle important en faisant avancer le dossier ukrainien grâce à sa présidence du G-7 et à son engagement auprès des pays du Sud.
La Corée du Sud agit plus prudemment, mais fournit également une aide financière et certains équipements militaires, montrant ainsi son soutien à l'Ukraine dans le cadre de son alliance avec les États-Unis. La Corée du Sud traverse également une période difficile dans le pays en ce moment, et qui sait dans quelle mesure elle pourrait utiliser les armes dont elle dispose. Cette situation de loi martiale pourrait déplacer leur intérêt pour les conflits étrangers pendant un certain temps. Même si la loi martiale sera révoquée lors de la réunion du gouvernement, il y a déjà eu certaines actions en faveur d'un conflit à l'intérieur du pays. Il sera important pour Yoon Seok-yeol de conserver le pouvoir et de stabiliser la situation. C'est peut-être précisément ce qui influencera son implication dans les conflits occidentaux.
L'auteur estime que les actions de la Chine et de la Corée du Nord confirment leur volonté d'affaiblir l'influence occidentale et de renforcer leur position en tant qu'acteurs mondiaux. La Chine soutient la Russie, en évitant un conflit direct mais en renforçant la stabilité économique et militaire du Kremlin. La Corée du Nord, quant à elle, se comporte comme l'allié le plus loyal qui soit, en fournissant non seulement des ressources mais aussi des troupes. Le soutien du Japon et de la Corée du Sud à l'Ukraine, bien que moins agressif, montre l'importance des alliés asiatiques pour l'Occident. Ils contribuent à maintenir l'équilibre face à la montée des tensions et font preuve de solidarité avec la communauté internationale.
Les pays d'Asie de l'Est participent activement à cette nouvelle phase de rivalité internationale, chacun avec ses propres intérêts et stratégies. Le commentaire de l'auteur vise à montrer que le conflit en Ukraine a dépassé le cadre régional et est devenu une arène de rivalité mondiale, impliquant même des pays géographiquement éloignés de l'Europe. L'auteur se concentre sur l'implication des pays d'Asie de l'Est et analyse leurs actions dans le contexte d'une guerre par procuration. L'objectif principal du commentaire est de démontrer comment le conflit en Ukraine s'inscrit dans une confrontation géopolitique mondiale dans laquelle l'Asie de l'Est joue un rôle important mais souvent sous-estimé.
20:31 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, europe, asie, ukraine, russie, chine, japon, corée du sud, corée du nord, affaires asiatiques, affaires européennes, politique internationale | |
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