jeudi, 06 janvier 2022
Hiérarchie de la connaissance: plus d'Aristote et moins de pédagogie
Hiérarchie de la connaissance: plus d'Aristote et moins de pédagogie
Carlos X. Blanco
L'homme est un animal étrange. Il y a en lui une impulsion, une force qui, par nature, le conduit vers la connaissance, l'oblige à s'échapper de l'enceinte de la sensation et de la fantaisie.
Πάντες ἂνθροποι τοῦ εἰδέναι ὀρέγονται φύσει (980e 21). [Aristote, Métaphysique. Dans cet article, je cite selon l'édition de García Yebra, éditorial Gredos, deuxième édition, 1982].
Connaître et comprendre entrent pleinement dans la sphère du désir humain. C'est une appétence (ὀρέγω). Les choses dignes d'être aimées sont l'objet d'une aspiration. L'animal humain, même s'il n'a besoin de rien à un moment donné, et au-delà du besoin concret, est un animal qui étend son âme - pour ainsi dire - aux objets de son intérêt.
En dehors de toute approche évolutionniste, bien sûr, Aristote met en évidence une gradation dans l'échelle zoologique. Certains animaux ne vivent que d'images (φαντασία), d'autres ajoutent la mémoire à leur vie (μνήμη), qui est déjà le germe de l'expérience, bien qu'à un faible degré. Mais l'homme, comme le souligne le Stagirite dans le livre I de la Métaphysique, "participe à l'art et au raisonnement" (980b 26).
L'expérience découle de multiples souvenirs, qui sont "noués ensemble", pour ainsi dire. Et, de même, les expériences sont à leur tour nouées à un niveau supérieur dans l'" art " (τέχνη). Aucun autre animal, au-delà de la simple prévention des dangers, n'est "rusé" et capable d'utiliser les multiples expériences nouées : seul l'homme.
Le Philosophe comprend ici que la τέχνη découle de l'empirique et se fonde sur lui. Le concept (ὑπόληψις) est universel dès lors qu'il naît (γίγνομαι) d'expériences multiples (981e). Naître ou devenir : tel est le sens du verbe γίγνομαι : on ne parle jamais d'un résultat mécanique ou constructif. Ces dernières significations doivent être réservées aux psychologues cognitifs modernes, déjà imprégnés d'un esprit entièrement mécaniste. Par expérience, l'homme avec τέχνη peut revenir au singulier. Ainsi au médecin, dont les connaissances lui permettent de soigner Calias, comme un homme individuel, comme un patient singulier. Ce n'est que de manière "non essentielle" que nous dirions que le médecin guérit l'homme et non cet homme singulier appelé Calias. Le médecin exclusivement théorique n'est pas un vrai médecin.
Étendons l'analogie au domaine de l'éducation ou à tout autre domaine professionnel ("technique") de l'être humain. Ces "pédagogues" qui n'ont jamais enseigné à des enfants, ces pédagogues qui, bien qu'ayant une connaissance approfondie de la législation et des théories didactiques les plus en vogue, n'ont jamais mis les pieds dans une classe autre qu'universitaire... quel "art" possèdent-ils? Quelle doit être leur τέχνη, au sens où ils font véritablement autorité et sont efficaces? Chaque τέχνη est enracinée dans des expériences artisanales, qui sont elles-mêmes des systèmes de sensations "nouées". Mais il faut distinguer le "technicien" (expert, connaisseur d'un sujet, τεχνιτης) de l'empiriste (ἔμπειπος). La différence est donnée par la connaissance de la cause. Le technicien est le professionnel avisé qui est en possession d'une théorie née de ses expériences, une théorie qu'il "retourne" à son tour à ce fond empirique pour mieux les comprendre et agir sur elles. En revanche, l'artisan manuel (χειροτέχνης) ne connaît que le quoi, pas le pourquoi. L'ouvrier se forme, il contracte des habitudes qui le rendent capable, et cela par habitude (δι᾽ ἔθος) [981b].
Seul celui qui sait peut enseigner, celui qui possède l'art et pas seulement la compétence d'un métier.
La pédagogie officiellement imposée en Espagne, surtout après la L.O.G.S.E. (1991), s'inspire d'une série de théories de lignée marxiste et pragmatiste. Dans ces théories, il n'y a pas de distinction entre "savoir quoi" et "savoir pourquoi" et, de plus, on prétend que toute connaissance se réduit à "savoir comment". Pour cette raison, et dans une direction totalement anti-aristotélicienne, les métiers (formation professionnelle, "cycles de formation", "modules professionnels") sont entrés de plain-pied dans les écoles secondaires, sous un même toit, sous une direction et une administration uniques. Même dans l'enseignement secondaire obligatoire, la terminologie la plus généraliste et "ouvriériste" a imprégné les noms des matières et des activités ("ateliers" de langue ou de mathématiques, "ressources" pour l'apprentissage, "technologie", etc.)
L'approche aristotélicienne ne doit pas nécessairement être considérée comme une théorie dérogatoire à l'égard des métiers manuels, même si, dans la société hellénique du IVe siècle avant J.-C., ils étaient traités comme "subalternes" et "serviles". AD, ils étaient traités comme des "subalternes". Les métiers sont absolument nécessaires à la vie, et être compétent en la matière, c'est s'élever au-dessus du niveau moyen d'une vie digne et civilisée. Les sociétés sous-civilisées ne sont pas conscientes de l'importance de l'artisanat et des connaissances empiriques. Mais seule notre société de consommation de masse a tenté de masquer les différences de classe, de profession, de préparation et de talent (différences inévitables dans toute culture humaine) au moyen d'un amalgame pédagogique, comme l'amalgame entre l'apprentissage des métiers et la formation intellectuelle et morale des personnes. De manière parasitaire, les apprentissages sont logés sous les mêmes toits institutionnels et dans les mêmes chapitres budgétaires que l'enseignement secondaire à caractère intellectuel et préparatoire à l'université. Faire des Instituts et des Universités des "ateliers" à l'atmosphère de plus en plus ouvrière, ainsi que penser la science et la connaissance exclusivement en termes de production, sont les traits qui caractérisent la pédagogie imposée aujourd'hui, tant dans son volet marxiste que dans le volet plus proche du pragmatisme américain. L'étudiant est un travailleur qui "manipule des outils", tuant ainsi ce qu'il y a de plus précieux en l'homme: sa curiosité, sa capacité d'émerveillement, sa soif de connaissance. Dans ces écoles qui veulent préparer les jeunes à l'usine, toutes pareilles, l'homme est animalisé, formé et instruit, s'il a un peu de chance, mais pas éduqué.
Aristote souligne dans le livre I de la Métaphysique comment la science naît du loisir, et rappelle qu'elle a été rendue possible par l'existence d'une classe sacerdotale en Égypte (981b 25). Il est facile de tomber dans le réductionnisme sociologique et de transférer tout le contexte d'une civilisation esclavagiste, avec toutes les considérations précédentes, à aujourd'hui. Considérations sur une sagesse séparée du travail manuel et utilitaire, un savoir suprême, hiérarchiquement élevé au-dessus des métiers et des techniques. Les idéologies, mais pas la philosophie authentique, ont tenté à l'époque moderne d'étendre un continuum entre la pratique utilitaire et la contemplation désintéressée. Ne pouvant ou ne voulant pas abolir la division en classes sociales, tout un public candide et "moyen" (car il s'agit d'une partie de la société qui vit d'un travail qui n'est ni entièrement manuel ni entièrement intellectuel) se leurre, "naturalisant" et donc niant le saut entre la praxis et la théorie (en invoquant Gramsci, Dewey, Piaget ou quelque autre saint de leur dévotion), niant le hiatus entre le savoir subalterne et le savoir suprême. Ne pouvant abolir les classes sociales (égalitarisme, communisme), ils ont décrété l'abolition de la hiérarchie gnoséologique.
En termes de politique éducative, l'amalgame des savoirs traduit par une image horizontale des enseignants nous a été présenté comme "progressiste": dans un I.E.S. (établissement d'enseignement secondaire) coexistent des instituteurs, des professeurs de baccalauréat, des techniciens de la formation professionnelle, des professeurs d'atelier, des coiffeurs, des mécaniciens, des professeurs de gymnastique, etc. Ils reçoivent tous le même traitement, presque le même salaire, et bien sûr la même considération sociale. Les professeurs de coiffure, de gymnastique, de technologie et de cuisine partagent déjà leurs prérogatives d'éducateurs avec les professeurs de mathématiques, de philosophie ou de grec. Le fait qu'elle [la sagesse, la première science] ne soit pas une science productive est déjà évident chez les premiers philosophes. Car les hommes commencent et ont toujours commencé à philosopher par admiration..." (982b 11). (982b 11).
Cette homologation, et la tentative de nous offrir tout ce fatras comme "éducation" est le signe de notre temps. Il est difficile de lutter contre ce signe car très vite le débat est interprété comme une lutte idéologique entre égalitaristes et réactionnaires. Les philosophes classiques (Platon, Aristote, Saint Thomas) ont déjà fermement affirmé qu'il existe des hiérarchies entre les connaissances, que la sagesse est censée commander et non obéir. Les sages doivent être obéis par les moins sages. La science universelle, la connaissance du tout, règne sur la connaissance particulière, prisonnière de la nécessité et de l'urgence. Déjà les premiers philosophes, dit Aristote, étaient des hommes libres qui ont créé une science libre : "
Ὄτι δ'οὐ ποιητική, δῆλον καὶ ἐκ τῶν πρώτων φιλοσοφησάντων- δὰι γὰρ τὸ θαυμάζειν οἱ ἄνθροποι καὶ νῦν καὶ καὶ τὸ πρῶτον ἤρζαντο φιλοσοφεῖν.
Le sage désintéressé, comme l'amoureux des mythes, entreprend sa quête par admiration.
διὸ καì ὁ φιλόμυθος θιλόσοφός πώς έστιν- ὁ γὰρ μῦθος σύγκειtαι ἐκ θαυμαγίων- [982b 18].
Toutes les sciences sont plus nécessaires que la philosophie (entendue comme sagesse et science des principes et causes premières) mais mieux, aucune.
ἀνακαιότεραι μὲν οὖν πᾶσαι ταύτης, ἀμεινων δ' οὐδεμία [983a 10].
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Le Kazakhstan: la nouvelle cible
Le Kazakhstan: la nouvelle cible
Daniele Perra
Ex: https://www.geopolitica.ru/it/article/obiettivo-kazakistan
Avant-propos
Avant de tirer des conclusions hâtives sur la nature des manifestations actuelles au Kazakhstan, il est nécessaire de développer une vision globale permettant de situer le pays dans un paysage géopolitique international de plus en plus complexe.
À cet égard, plusieurs facteurs méritent une attention particulière. En premier lieu, on ne peut éviter de souligner que la Russie et la Chine, surtout au cours des dix dernières années, ont développé des stratégies capables de contrebalancer (et, à certains égards, d'empêcher) la force propulsive des tentatives occidentales de réaliser les soi-disant "changements de régime". Les cas les plus évidents à cet égard sont l'endiguement des manifestations à Hong Kong (en ce qui concerne la Chine), la réponse russe au coup d'État atlantiste en Ukraine et la récente crise entre la Pologne et le Bélarus. Les deux derniers exemples en particulier ont fait " jurisprudence ". En ce qui concerne l'Ukraine, en 2014, la Russie est même allée jusqu'à utiliser le concept de "responsabilité de protéger" (la fameuse R2P largement exploitée par l'Occident en Serbie et en Libye) pour justifier l'annexion de la Crimée: en d'autres termes, elle a utilisé un instrument "occidental" pour mener à bien une action qui, en réalité, est en totale contradiction avec le positivisme normatif qui règne dans le droit international américano-centré. Il en va de même pour la récente crise migratoire à la frontière entre la Pologne et le Belarus (qui a également été au centre d'une tentative ratée de révolution colorée). Nous avons encore une fois assisté à l'utilisation d'une arme typiquement occidentale (le flux migratoire visant à déstabiliser la politique interne du pays qui le subit) contre un pays occidental (plus ou moins la même chose que ce qui est arrivé à l'Italie, mais perpétrée par des alliés supposés) qui a contribué à créer ces vagues migratoires grâce à sa participation active aux guerres d'agression des États-Unis et de l'OTAN (la Pologne faisait partie de la fameuse "coalition des volontaires" qui a attaqué l'Irak en 2003 avec la Grande-Bretagne, l'Australie et les États-Unis).
Sur la même longueur d'onde, on peut interpréter l'attitude russe envers l'Arménie de l'ancien Premier ministre pro-occidental Nikol Pashynian. Ce dernier, arrivé au pouvoir à la suite d'un exemple typique de "révolution colorée", après n'avoir rien fait pour éviter un nouveau conflit avec l'Azerbaïdjan, a naturellement dû se heurter à la réalité d'un Occident peu intéressé par la santé du peuple arménien et beaucoup plus intéressé par la création du chaos aux frontières de la Russie. Une prise de conscience qui l'a inévitablement conduit à chercher une solution du côté russe pour assurer sa propre survie et celle de l'Arménie elle-même.
Deuxièmement, il est nécessaire de garder à l'esprit que la pénétration occidentale (en particulier nord-américaine) en Asie centrale est ancienne. Sans s'embarrasser de la doctrine de "l'arc de crise" de Brzezinski et de ses associés, avec ses suites terroristes, il suffit dans ce cas de rappeler la formule C5+1 (les anciennes républiques soviétiques plus les États-Unis) inaugurée sous l'administration Obama et renforcée sous la présidence Trump. L'objectif de cette formule était (et est toujours) de favoriser la pénétration américaine dans la région, notamment en termes de "soft power" et de services de renseignement, afin de contrer le projet chinois de la nouvelle route de la soie. À cet égard, il ne faut pas négliger le fait que Washington n'a jamais cessé de rêver à la rupture de l'axe stratégique Moscou-Pékin. Et il n'est pas si improbable que ce soit précisément le Kazakhstan (un pays dans lequel la pénétration nord-américaine est plus forte qu'ailleurs) qui ait été chargé de cette tâche (ce que l'on ne pourra commencer à évaluer que dans les prochains jours). On ne peut pas non plus exclure que la Russie et la Chine en soient parfaitement conscientes.
Pénétration nord-américaine du Kazakhstan
Le Kazakhstan entretient de solides relations diplomatiques et commerciales avec les États-Unis depuis son indépendance. Washington a été le premier à ouvrir un bureau de représentation diplomatique dans l'ancienne République soviétique après son indépendance et Nursultan Nazarbayev a été le premier président d'un État d'Asie centrale à se rendre aux États-Unis. En fait, le Kazakhstan a cherché à mettre en œuvre une stratégie d'équilibre substantiel entre les puissances eurasiennes voisines (Russie et Chine) et la puissance mondiale hégémonique (les États-Unis). Si cette tentative d'équilibrage géopolitique (d'équilibre multi-vecteurs entre les puissances) a porté ses fruits dans les deux premières décennies de la vie de la République, il n'en va pas de même à partir du moment où la compétition entre l'Occident et l'Eurasie (malgré les efforts de la Chine pour échapper au "piège de Thucydide") s'est davantage aggravée. En effet, une telle stratégie (dont nous sommes peut-être en train d'observer les résultats), dans un contexte international où la crise permanente est devenue une normalité (due également à l'anxiété stratégique de la puissance hégémonique qui sent sa primauté remise en cause), devient particulièrement problématique. Et avec cela, le risque d'être englouti dans les mécanismes d'une nouvelle guerre froide devient de plus en plus élevé.
Il est bon de souligner que le pays reste l'un des principaux alliés de la Russie et de la Chine. Il est fermement ancré dans l'Union économique eurasienne et l'Organisation du traité de sécurité collective (ces deux institutions, pourrait-on dire, n'auraient aucun sens sans le Kazakhstan). En même temps, elle fait partie intégrante de l'Organisation de coopération de Shanghai et joue un rôle central dans le projet chinois d'interconnexion eurasienne de la nouvelle route de la soie.
Cela n'a pas empêché le pays de développer davantage ses liens étroits avec Washington. À une époque où de nombreux pays d'Asie centrale se sont désintéressés des États-Unis (considérés comme n'étant plus indispensables pour contrebalancer l'influence russe et chinoise), leur préférant la Turquie pour des raisons d'affinités culturelles, le Kazakhstan est resté accroché aux États-Unis. Sa relation avec Washington, contrairement à ses voisins immédiats, n'était en aucun cas associée à la présence américaine en Afghanistan. Les entreprises américaines gèrent toujours une grande partie de la production pétrolière du Kazakhstan, qui représente 44 % des recettes de l'État. Plus précisément, 30 % du pétrole du Kazakhstan est extrait par des sociétés nord-américaines, contre 17 % par les sociétés chinoises CNPC, Sinopec et CITIC et 3 % par la société russe Lukoil.
En 2020, les échanges commerciaux entre les États-Unis et le Kazakhstan se sont élevés à environ 2 milliards de dollars. Il s'agit d'un chiffre plutôt faible si on le compare aux 21,4 milliards de dollars d'échanges avec la Chine (qui a ouvert son énorme marché intérieur aux produits agricoles kazakhs) et aux 19 milliards de la Russie (où l'industrie de l'armement joue un rôle majeur). Toutefois, les 2 milliards d'échanges avec les États-Unis sont presque trois fois plus élevés que les 600 millions d'échanges totaux avec les autres pays d'Asie centrale [1].
En outre, depuis 2003, le Kazakhstan organise chaque année des exercices militaires conjoints avec l'OTAN. En outre, de 2004 à 2019, les États-Unis ont vendu au Kazakhstan des armes pour une valeur totale de 43 millions de dollars (un chiffre qui n'est pas particulièrement élevé, mais qui indique bien que le Kazakhstan a toujours essayé de créer des canaux alternatifs aux fournitures russes).
Il n'est donc pas surprenant que la rhétorique officielle de la République et de ses principaux médias soit totalement dépourvue des invectives anti-occidentales qui caractérisent les autres pays de la région. L'actuel président Kassym-Jomart Tokayev (un sinologue diplômé de l'Institut d'État des relations internationales de Moscou), par exemple, n'a jamais pris parti pour Moscou sur les questions internationales, essayant toujours de maintenir une vague neutralité. Et tant Moscou que Pékin n'ont pas manqué de critiquer le Kazakhstan lorsque le pays a permis aux États-Unis de rouvrir et de poursuivre le développement de certains laboratoires biologiques de l'ère soviétique. En particulier, de nombreux doutes ont été émis quant aux réelles activités nord-américaines dans les laboratoires d'Almaty et d'Otar (près des frontières avec la Russie et la Chine). L'accusation (même pas trop voilée) est que des armes biologiques sont développées dans ces sites. Cette accusation ne semble pas si infondée si l'on considère que les États-Unis disposent de laboratoires similaires dans 25 pays. Ces laboratoires sont financés par la Defence Threat Reduction Agency (DTRA), dont les gestionnaires des programmes militaires sont des entreprises privées qui ne sont pas directement responsables devant le Congrès américain. Et c'est précisément dans ces laboratoires que les expériences sur les coronavirus ont eu lieu (et ont encore lieu) [2].
Les protestations
Qu'est-ce qui a motivé les protestations de ces derniers jours ? Tout d'abord, il est nécessaire de garder à l'esprit que ce n'est pas la première fois que de telles manifestations ont lieu au Kazakhstan. En 2011, par exemple, 14 travailleurs de l'industrie pétrolière ont été tués à Zhanaozen lors d'une manifestation contre les conditions de travail difficiles et les bas salaires.
Il n'est pas surprenant que les manifestations de ces derniers jours aient commencé plus ou moins dans la même région, non seulement en raison de l'augmentation exponentielle du prix du carburant, mais aussi des licenciements massifs mis en œuvre par la gestion "occidentale" de l'industrie pétrolière et de la politique économique fondée sur des modèles néolibéraux. Les travailleurs protestataires sont principalement issus de la société Tenghizchevroil (50% Chevron, 25% ExxonMobil et 20% KazMunayGas). L'une des raisons de cette protestation est le fait que 70 % de la production pétrolière kazakhe est destinée à l'Occident.
Cela devrait, du moins en théorie, démontrer le caractère essentiellement spontané des premières manifestations. A première vue, il ne semble pas possible de parler d'une réponse occidentale (au cœur de l'Eurasie) aux avancées diplomatiques chinoises en Amérique latine. Cela n'exclut toutefois pas que les manifestations puissent être utilisées pour créer le chaos et déstabiliser le pays (une possibilité non négligeable si l'on considère le réseau dense d'organisations occidentales présentes, le rôle néfaste de la "cinquième colonne" d'oligarques pro-occidentaux et l'intérêt croissant de certaines agences de presse pour ce qui se passe en ces heures), peut-être même en exploitant les tensions potentielles entre les différentes communautés ethniques qui composent la population kazakhe.
En conclusion, ce que les dirigeants politiques de nombreux pays de l'ex-Union soviétique (et de l'ancien bloc socialiste) n'ont pas encore compris, c'est que tenter de devenir amis avec l'Occident n'est pas en soi une garantie de survie politique. L'Ukraine, par exemple, est un État en déliquescence que l'OTAN cherche à exploiter comme champ de bataille (fourrage à abattre en cas d'agression contre la Russie). La Pologne doit sa "bonne fortune" à sa situation géographique entre la Russie et l'Allemagne, etc. Sans parler des innombrables cas dans lesquels les États-Unis se sont acharnés sur leurs anciens alliés et leurs outils géopolitiques extemporanés : de Noriega à Saddam, en passant par Ben Laden et Al-Qaïda.
Dans ce contexte, le rôle de la Russie et de la Chine sera à nouveau d'empêcher le chaos: d'empêcher la déstabilisation du Kazakhstan et d'éviter que cela n'affecte le processus d'interconnexion de l'Eurasie.
Source première: https://www.eurasia-rivista.com/obiettivo-kazakistan/
NOTES
[1] T. Umarov, Can Russia and China edge the United States out of Kazakhstan, www.carnagiemoscow.org.
[2] Voir The Pentagon Bio-weapons, www.dylana.bg.
10:52 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, asie, affaires asiatiques, kazakhstan, russie, chine, asie centrale, géopolitique, politique internationale | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mercredi, 05 janvier 2022
Dr Tomislav Sunić : "Multiculturalisme et démocratie ne vont pas ensemble".
Dr Tomislav Sunić: "Multiculturalisme et démocratie ne vont pas ensemble"
Interview réalisée par Andrej Sekulović
Ex: https://demokracija.eu/focus/dr-tomislav-sunic-multiculturalism-and-democracy-do-not-belong-together/
Nous avons parlé avec l'essayiste et ancien diplomate croate, le professeur Tomislav Sunić, du conservatisme, des tabous sur les questions de race et de racisme, des racines communes du libéralisme et du communisme, et d'autres sujets intéressants.
DEMOKRACIJA : M. Sunić, la traduction slovène de votre livre Post-mortem Report, qui constitue une recherche culturelle sur l'ère postmoderne, a été récemment publiée par Nova obzorja. Que pouvez-vous nous dire sur le livre lui-même ?
Sunić : Tout d'abord, je voudrais remercier M. Primož Kuštrin pour la traduction de mon livre et la maison d'édition Nova obzorja, qui a publié le livre. Le livre lui-même n'a pas d'ensemble thématique, sauf, bien sûr, qu'il s'agit d'un livre d'obédience conservatrice, révolutionnaire et nationale. Il est divisé en cinq parties. Il s'agit d'un recueil de mes essais dans lesquels je me concentre davantage sur les points de vue et les idées d'autres auteurs que sur l'expression de ma propre opinion, auteurs qui ne sont malheureusement pas très connus aujourd'hui dans les cercles universitaires occidentaux ou en Slovénie et en Croatie. La raison en est qu'ils sont souvent classés comme des auteurs pro-fascistes et pro-national-socialistes, alors qu'ils n'appartiennent pas nécessairement à cette catégorie.
DEMOKRACIJA : Le livre est divisé en cinq parties. Quels sont les sujets que vous y abordez ?
Sunić : Dans la première partie, je me concentre sur la religion et les différences entre monothéisme et polythéisme, ainsi que sur la façon dont celle-ci, sous sa forme séculaire, affecte la conscience politique contemporaine. Dans la deuxième partie, je me concentre sur le pessimisme culturel. Le livre comprend un essai détaillé sur Spengler et un essai sur Emil Cioran. Dans la troisième partie, je parle de la race, ainsi que du Troisième Reich. Dans la quatrième partie, je me concentre sur le libéralisme et la démocratie. Ma thèse principale est que le libéralisme et la démocratie ne vont pas toujours de pair, mais que le libéralisme peut être l'opposé de la démocratie. Dans la cinquième et dernière partie, je parle principalement du multiculturalisme. En général, je soutiens que le multiculturalisme et la démocratie ne vont pas de pair. Dans un pays multiculturel, chaque nationalité ou minorité aura sa propre définition de la démocratie. Après tout, nous l'avons constaté en Yougoslavie également.
Photo de Tomislav Sunić, ci-dessus, par Polona Avanzo
DEMOKRACIJA : Pouvez-vous nous expliquer votre déclaration dans le cas de la Yougoslavie ?
Sunić : L'idée d'une Yougoslavie démocratique, de la création d'une société mixte dans laquelle tout le monde serait égal, a pu sembler sympathique. Cependant, lorsque les gens sont confrontés à des crises économiques ou autres, ils cherchent des solutions et la protection de leur tribu. Nous en avons été témoins en Slovénie lorsque de nombreux communistes, dont Kučan, ont adopté l'option nationale. Il en a été de même dans les milieux de Tudjman en Croatie. En tant qu'ancien diplomate, je peux vous dire que les communistes et les Yougoslaves se sont rassemblés autour de lui et sont devenus des Croates convaincus du jour au lendemain. Aujourd'hui, ils peuvent servir d'exemples spécifiques aux militants en faveur du multiculturalisme américain au sein même du processus de balkanisation des Etats-Unis. Bien que les gauchistes s'obstinent à nier ce fait, on ne peut tout simplement pas dissuader les gens de recourir à leur tribu, leur nation ou leur secte en quête de protection et d'identité. Ce phénomène est particulièrement marqué aujourd'hui aux États-Unis, où la société est fortement polarisée, notamment en termes de divisions démographiques, raciales et ethniques. Un Américain d'origine japonaise comprendra que l'origine japonaise passe avant tout.
DEMOKRACIJA : Vous mentionnez la balkanisation des États-Unis, où vous avez vous-même vécu pendant de nombreuses années. Quelle a été votre expérience dans les États-Unis libéraux et multiculturels ?
Sunić : L'une des raisons pour lesquelles je suis retourné en Croatie, que j'ai quitté la Californie en 1993, était que les États-Unis connaissaient déjà une balkanisation et une montée de l'intolérance raciale, qui est encore plus prononcée aujourd'hui qu'hier. Ce faisant, je rejette les affirmations selon lesquelles les racistes sont exclusivement blancs et que toutes les autres races sont tolérantes. Aujourd'hui, il y a environ 55 % d'Américains blancs aux États-Unis et 45 % de la population est d'origine non-européenne. Même si des changements démographiques spectaculaires font des Blancs une minorité ou même s'ils disparaissent progressivement, vous pouvez être sûr qu'il y aura des conflits raciaux majeurs entre les Afro-Américains et les Latinos. Aujourd'hui déjà, il y a surtout des affrontements entre les gangs latino-américains et les gangs noirs, et non entre les Blancs et les Noirs. Les statistiques du FBI que l'on peut trouver en ligne montrent que plus de 50 % des meurtres et des crimes violents se produisent entre Noirs eux-mêmes, et dans le cas des statistiques interraciales, ce sont surtout les Noirs qui en sont les auteurs et les Blancs les victimes. En outre, je tiens à souligner que j'ai eu une expérience très agréable aux États-Unis avec mes étudiants d'origine afro-américaine ou asiatique, mais qu'en revanche, j'ai eu la pire expérience de ma carrière avec des Croates conservateurs et "bornés". Je ne porte donc pas de jugement de valeur, je ne fais qu'énoncer certains faits.
DEMOKRACIJA : Aujourd'hui, la question de la race, sur laquelle vous écrivez vous-même, est devenue un grand tabou parmi les Européens.
Sunić : Parfois, le mot "race" n'avait pas de signification négative ou péjorative. Jusque dans les années 1970, ce mot était utilisé dans un sens neutre, même dans l'Europe de l'Est communiste. Cependant, le mot "race" doit être distingué du terme "racisme", qui a une connotation négative, car il signifie l'exclusion raciale ou la croyance qu'une autre race est inférieure. Aujourd'hui, cependant, le mot "race" est dans certains endroits même aboli par la constitution. Ainsi, il y a quelques années, une décision a été prise en France d'abolir purement et simplement ce mot. De même, les gauchistes et les libéraux soutiennent que la race n'est qu'une "construction" et que nous sommes tous pareils. En agissant ainsi, nous revenons en fait aux idéologies du libéralisme et du communisme. Indépendamment de leurs différences, il convient de noter que les libéraux et les communistes partent tous deux de la conviction que l'homme est une "tabula rasa", que nous sommes tous une feuille de papier vierge sur laquelle nous pouvons écrire ce que nous voulons. Cette croyance est observée chez Locke et surtout chez Rousseau, qui a dit que l'homme est complètement libre quand il naît, et que nous pouvons en faire un génie et un nouvel Einstein ou un travailleur ordinaire. Or, ce n'est pas vrai. La recherche scientifique de ces cent dernières années, de Darwin à la sociobiologie et à la génétique modernes, confirme le fait parfaitement sensé que chaque être humain hérite de certains traits. Cependant, lorsque les sociobiologistes en parlent aujourd'hui, ils doivent utiliser des termes vagues tels que génotype ou haplotype afin de ne pas être qualifiés de racistes.
DEMOKRACIJA : Veuillez nous en dire plus sur les résultats concernant les différences raciales.
Sunić : Richard Lynn a écrit sur les différences de QI entre les nations. Il a inclus les Croates et les Slovènes dans le groupe des nations d'Europe centrale, mais d'un autre côté, selon ses recherches, les Éthiopiens et les Africains ont un QI bien inférieur à celui des Européens. De telles affirmations ne sont en aucun cas racistes, car il s'agit de simples constatations sur les caractéristiques de certaines personnes. Prenez, par exemple, les lauréats du prix Nobel, qui sont pratiquement tous des Européens ou des Blancs, quelle que soit la catégorie dont on parle. Je ne porte donc pas de jugement de valeur et je ne prétends pas non plus que les Européens sont meilleurs que les Noirs, mais seulement que nous devons être conscients des différences qui existent entre nous et qu'au lieu d'être contraints par le marxisme et le consumérisme mondial, les gens devraient être autorisés à avoir leur propre identité façonnée par leurs vertus spécifiques et le climat dans lequel ils vivent. L'imposition même du monde global est le plus grand mal pour toutes les nations.
DEMOKRACIJA : Vous avez mentionné les différences entre la question de la race et le racisme, mais il semble qu'aujourd'hui seuls les Européens blancs soient traités de "racistes".
Sunić : Le racisme et l'exclusion raciale doivent certainement être condamnés. Je dois cependant souligner qu'il est erroné et injuste d'attribuer de manière répétée le racisme uniquement aux Blancs et de prétendre que seuls les Blancs sont racistes. Ce n'est pas du tout vrai. J'ai vécu suffisamment longtemps en Afrique et en Asie, ainsi qu'aux États-Unis, pour pouvoir affirmer, sur la base de ma propre expérience et de mes observations, que ce n'est pas vrai. À San Francisco et à Seattle, où vivent de nombreux Américains d'origine chinoise, vous verrez très rarement une belle femme américaine d'origine asiatique marcher dans la rue avec un homme noir. Pour eux, c'est tout simplement inacceptable. Il s'agit simplement d'une certaine exclusion raciale, car ils ne veulent pas se mélanger.
DEMOKRACIJA : Vous écrivez dans votre livre que les Grecs et les Romains de l'Antiquité étaient déjà conscients de leur identité raciale. Comment ont-ils vécu la race ?
Sunić : Les anciens Grecs et Romains ne connaissaient pas Mendel, qui a été le premier à proposer la théorie de l'hérédité, mais ils n'étaient pas stupides. Ainsi, dans l'Antiquité, ils ne connaissaient pas certaines règles de la génétique, mais ils observaient les gens et leur physionomie. L'écrivain romain Juvénal et l'historien Salluste, par exemple, se sont vivement opposés à l'immigration de Chaldéens et d'Asiatiques de l'Est à Rome. Il n'est certainement pas nécessaire de s'occuper de sociobiologie et de connaître l'expression complexe de la génétique, mais il suffit d'observer un groupe de personnes ou d'enfants et leur comportement pour tracer certains liens entre eux et leurs ancêtres. Les anciens Grecs et Romains ne disposaient pas de méthodes scientifiques d'analyse des gènes, des chromosomes et des haplogroupes, mais ils avaient un simple bon sens. Ils savaient bien quel serait le produit en fonction de qui épousait qui.
DEMOKRACIJA : Vous mentionnez plusieurs auteurs "conservateurs" dans le livre. Cependant, le "conservatisme" est un concept assez large, alors peut-être pourriez-vous dire quelque chose sur cet "isme" lui-même.
Sunić : Dans certains pays, nous ne connaissons qu'une seule forme de conservatisme, mais il existe également un type de conservatisme auquel nous n'avons pas suffisamment prêté attention. Il s'agit de celui qui est inspiré par Nietzsche, Cioran, Spengler et d'autres. Ce sont des adversaires acharnés non seulement du libéralisme et du communisme, mais aussi du monothéisme et du judéo-christianisme. Dans le livre, je mentionne de nombreux auteurs conservateurs, notamment de la République de Weimar, qui ont très peu en commun avec ce que nous appelons aujourd'hui le conservatisme à Ljubljana ou à Zagreb. Lorsque nous parlons des différentes formes de conservatisme, j'ajouterais également que les conservateurs sont aujourd'hui considérés comme arriérés, mais ce n'est pas le cas. Vous seriez surpris de voir combien d'auteurs de la révolution conservatrice allemande étaient ultramodernes. Je suis très moderne à certains égards. J'aime écouter du rock et, dans mes jeunes années, j'ai vécu en Inde comme un hippie. Je ne rejette pas non plus les révolutions conservatrices catholiques et chrétiennes, je soutiens seulement que ce n'est pas la seule forme de conservatisme. Les conservateurs peuvent aussi être athées, nietzschéens, païens ou polythéistes. Comme le disait le roi de Prusse Frédéric II le Grand : "Que chacun honore son dieu à sa manière".
DEMOKRACIJA : Comment compareriez-vous le libéralisme moderne au communisme ?
Sunić : Aujourd'hui, nous ne pouvons pas lutter efficacement contre le communisme si nous ne sommes pas critiques à l'égard de sa base. Le communisme est né du libéralisme. Ce n'est pas mon opinion: Marx a écrit à ce sujet au 19e siècle. Le libéralisme et le communisme sont, en fait, les deux faces d'une même pièce. En 1991, nous avons vécu l'effondrement du communisme en Europe de l'Est précisément parce que les aspirations communistes, l'égalité, les flux de capitaux et la disparition de l'État étaient mieux réalisés en Europe occidentale et aux États-Unis. Bien sûr, pas au nom du communisme, mais au nom du multiculturalisme. En Europe de l'Est, il ne s'agissait donc pas tant d'une révolte contre l'oligarchie communiste que du constat que la vie à l'Ouest était plus "communiste", puisque les retraites et les prestations sociales étaient plus élevées et que les minorités avaient plus de droits.
DEMOKRACIJA : Alors, le libéralisme d'aujourd'hui, qui devient de plus en plus totalitaire, est-il une continuation de la mentalité communiste ?
Sunić : Si nous voulons combattre efficacement le communisme, nous devons critiquer le libéralisme. Le libéralisme a réussi ce que l'Union soviétique n'a pas réussi à faire. Par conséquent, les communistes ou les marxistes ont accepté l'option paléo-communiste occidentale. Par conséquent, nous assistons aujourd'hui à la disparition de l'État dans l'Union européenne, car l'UE est également fondée sur ces principes paléo-communistes de disparition de l'État. Toutefois, cette disparition ne concerne pas seulement les frontières, mais aussi la suppression des frontières. Je ne veux pas que la Slovénie ou la Croatie deviennent un simple centre touristique pour les riches touristes d'Europe et des États-Unis. Je voudrais qu'elles conservent leurs traditions, qui s'estompent de plus en plus aujourd'hui. Il est vrai que la répression libérale n'utilise pas de méthodes aussi radicales que l'effusion de sang, mais je n'exclus pas la possibilité que cela se produise à l'avenir.
Biographie
Le Dr Tomislav Sunić est un professeur d'université croate à la retraite, diplomate, essayiste et l'un des plus éminents représentants de l'école de pensée de la "nouvelle droite". Il est né en 1953 à Zagreb. De 1983 à 1992, il a vécu en tant que réfugié politique aux États-Unis, où il a obtenu un doctorat en sciences politiques et a ensuite enseigné à l'université de Santa Barbara en Californie. Il est l'auteur de plusieurs livres, essais et autres contributions en anglais, français, allemand et croate.
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mardi, 04 janvier 2022
Trêve armée dans le Caucase, mais la volonté impériale d'Ankara ne s'arrête pas pour autant
Trêve armée dans le Caucase, mais la volonté impériale d'Ankara ne s'arrête pas pour autant
par Clemente Ultimo
Ex: https://www.destra.it/home/tregua-armata-nel-caucaso-ma-la-spinta-imperiale-di-ankara-non-si-arresta/
Un an après la fin de la guerre qui a embrasé le Nagorno Karabakh, ce coin du Caucase est loin d'être apaisé. En fait, la situation est encore plus tendue et potentiellement plus dangereuse qu'elle ne l'était à minuit le 10 novembre 2021, lorsque le cessez-le-feu négocié par le Kremlin et signé par Erevan et Bakou est entré en vigueur.
Un cessez-le-feu qui n'a pas résolu les causes profondes du conflit, se limitant à figer - une fois de plus - les résultats de l'affrontement sur le champ de bataille : cette fois, la victoire est revenue aux Azerbaïdjanais, capables de récupérer non seulement les sept districts annexés par les Arméniens du Haut-Karabakh après la guerre victorieuse du début des années 90 du siècle dernier, mais aussi de larges portions - dont la ville de Chouchi - de la petite République d'Artsakh (non reconnue internationalement). Seule une intervention décisive de la communauté internationale sur le statut de la République d'Artsakh aurait pu avoir un impact réel sur l'avenir de la région, reléguant enfin la coexistence entre Azéris et Arméniens au tronc des rêves impossibles et reconnaissant - enfin ! - de jure de l'indépendance de facto du Nagorno Karabakh. Mais ce ne fut pas le cas, et l'on préféra accepter les résultats de l'offensive azerbaïdjanaise victorieuse lancée le 27 septembre 2021.
Mais c'est précisément sur la vague de ce résultat incontesté - et incontestable, pour les résultats obtenus après trente ans de défaites - que Bakou a constamment fait monter les enchères dans la confrontation avec Erevan.
La chronique de ces treize derniers mois a été ponctuée d'incidents frontaliers répétés - dans certains cas de véritables batailles avec utilisation d'armes lourdes - qui, nouveauté non négligeable, ne se sont pas limités à la ligne de démarcation entre l'Azerbaïdjan et le Haut-Karabakh, mais ont impliqué l'Arménie elle-même. En d'autres termes, pas les frontières d'un "État fantôme" comme la République d'Artsakh, mais celles d'une nation indépendante depuis trente ans et reconnue par toutes les instances internationales.
Prenant pour prétexte la délimitation incertaine des frontières entre ce qui était alors deux républiques "sœurs" de l'Union soviétique, l'Azerbaïdjan d'Aliyev a effectué une série de coups d'État dans des régions stratégiques (zones minières dans le nord), carrefours routiers et autres) qui n'ont presque toujours été résolus que grâce à l'intervention des unités russes présentes dans la région ou, toutefois, par la médiation du Kremlin, appelé à un difficile exercice d'équilibrage entre deux pays - l'Arménie et l'Azerbaïdjan - tous deux utiles à la politique caucasienne de Moscou. Mais l'objectif clair et déclaré de Bakou va bien au-delà de quelques ajustements de la ligne frontalière, le but à atteindre est le contrôle du "corridor de Zangezur", c'est-à-dire une ligne reliant l'exclave azerbaïdjanaise du Nakhitchevan, un territoire séparé du reste de l'Azerbaïdjan par la province arménienne de Syunik.
En outre, le neuvième point du cessez-le-feu qui a mis fin à la deuxième guerre du Haut-Karabakh, consacré au rétablissement de la circulation dans les régions touchées par le conflit, contient une disposition expresse selon laquelle l'Arménie s'engage à garantir "la sécurité des liaisons de transport entre les régions occidentales de la République d'Azerbaïdjan et la République autonome du Nakhitchevan" et "avec l'accord des parties, la construction de nouvelles infrastructures reliant la République autonome du Nakhitchevan aux régions d'Azerbaïdjan sera lancée".
Plus que la reconquête du Nagorno Karabakh interne, c'est donc l'objectif principal de Bakou. Et pas seulement ça. Les ambitions des Azerbaïdjanais sont soutenues par la Turquie : après tout, sans l'apport décisif d'hommes, de moyens (à commencer par les meurtriers drones TB2 Bayraktar qui ont littéralement anéanti les positions et les colonnes du Karabakh, ainsi que leurs équivalents fabriqués en Israël) et de technologies en provenance d'Ankara, la guerre de l'automne 2020 ne se serait guère terminée par une issue aussi favorable aux Azerbaïdjanais. Le soutien turc à l'Azerbaïdjan va toutefois bien au-delà d'un appel générique à la solidarité panturque ou à l'hostilité envers l'Arménie, il s'inscrit plutôt dans une vision stratégique à long terme. "Avec la victoire dans le Haut-Karabakh - écrit Daniele Santoro - la Turquie et l'Azerbaïdjan ont ainsi formalisé la promesse de mariage annoncée par Mustafa Kemal lors du dixième anniversaire de la fondation de la république, lorsque le Gazi a averti ses neveux de ne jamais oublier la communion de destin qui lie Turcs et Azerbaïdjanais pour l'éternité. En les incitant à adopter leur peuple frère dès que l'occasion se présente "*.
Ici, cependant, il ne s'agit pas seulement d'"adopter" les Azéris, mais de créer un continuum territorial - grâce au "corridor de Zangezur" - qui unit physiquement la Turquie et l'Azerbaïdjan, c'est-à-dire capable de projeter Ankara au cœur de l'Asie centrale. Lui redonner cette profondeur impériale que, du côté occidental, la Turquie est en train de construire en renforçant son emprise sur la partie nord de Chypre - cette République turque de Chypre du Nord qui n'est pas reconnue internationalement - et sur la Tripolitaine. Dans cette Libye coupable, abandonnée par l'Italie.
Compte tenu de cette dynamique, il est évident que le Caucase restera une région chaude dans un avenir proche. Malgré les signes de détente observés ces derniers jours, caractérisés par un échange de prisonniers entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan qui a suivi la réunion trilatérale à Bruxelles le 14 décembre. Le "corridor de Zangezur" restera un point de friction entre le bloc turco-azerbaïdjanais et l'Arménie, avec le risque réel que si Erevan ne cède pas à la pression azérie, le conflit pourrait déborder du Haut-Karabakh vers la région de Syunik, déclenchant des réactions imprévisibles parmi les pays de la région, à commencer par l'Iran.
Un scénario aussi complexe devrait pousser les chancelleries européennes à ne pas sous-estimer la position de l'Arménie, qui a actuellement à Moscou le seul soutien réel, reléguant les affaires du Karabakh et du Syunik dans l'univers vague des effets à long - peut-être très long - terme de la dissolution de l'Union soviétique. La poussée impériale turque ne concerne pas seulement le Caucase et l'Asie centrale - des régions déjà stratégiques en soi - mais aussi le Levant et la Méditerranée tout proches. Jusqu'à présent, seuls Paris et Athènes semblent l'avoir compris : il est grand temps que l'Europe - avant même le fantôme appelé Union européenne - en prenne acte.
* Pourquoi la Turquie doit redevenir un empire d'ici 2053 dans Limes "La redécouverte du futur" Octobre 2021
15:40 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, europe, affaires européennes, nagorno-karabach, azerbaïdjan, arménie, caucase, politique internationale, géopolitique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
lundi, 03 janvier 2022
Logique capitaliste et logique géopolitique, leur compatibilité et leur incompatibilité
Logique capitaliste et logique géopolitique, leur compatibilité et leur incompatibilité
par Roberto Buffagni
Source : Roberto Buffagni & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/logica-capitalistica-e-logica-geopolitica-loro-compatibilita-e-incompatibilita
Pistes de réflexion : logique capitaliste et logique géopolitique, leur compatibilité et leur incompatibilité.
À mon avis : a) après la défaite du socialisme réel, personne, je dis bien personne, n'a aujourd'hui une idée globale, cohérente et praticable de la manière de sortir de la logique capitaliste systémique par un changement de paradigme.
b) par conséquent, la logique capitaliste systémique s'identifie aujourd'hui à la société industrielle avancée (ou, si vous voulez, à la "cage d'acier" wébérienne, ou à la technique selon Heidegger). Aucun pouvoir étatique ne peut se soustraire à cette logique, pour la simple raison qu'il développe une puissance technologique et scientifique incomparable, sans laquelle on est balayé par ceux qui la possèdent.
c) La logique systémique capitaliste, cependant, est à certains égards conflictuelle et incompatible avec d'autres logiques, non moins impérieuses, comme, en premier lieu, la logique géopolitique, qui guide le conflit entre les puissances.
d) La logique géopolitique, en effet, a pour critères principaux des éléments comme la position géographique, la démographie, la culture, la cohésion sociale, etc. qui existaient avant la logique systémique, qui existait avant la logique systémique capitaliste et qui existera aussi après sa fin (rien n'est éternel). En revanche, la logique capitaliste systémique, après l'implosion de l'URSS et la mondialisation économique qui en découle, qui n'est qu'un aspect de l'hégémonie mondiale des États-Unis, se mondialise également, tend à être globale et à faire fi des différences entre les États, les cultures, les peuples, etc. : sa conclusion logique serait un gouvernement mondial, qui n'advient cependant jamais parce que les différences continuent d'exister, et le conflit est la caractéristique permanente de la dimension politique, qui à son tour est inhérente à la constitution anthropologique de l'homme (la concorde universelle ne sera jamais atteinte, c'est un objectif eschatologique, pas historique.
e) Le conflit entre la logique systémique capitaliste et la logique géopolitique, et leur incompatibilité partielle mutuelle, est très clair dans le fait historique macroscopique de la délocalisation massive de l'industrie manufacturière américaine vers la Chine après l'implosion de l'URSS. Du point de vue de la logique capitaliste, il s'agit d'une démarche rationnelle (théorie des coûts comparatifs de Ricardo), du point de vue de la logique géopolitique, c'est une folie, car les États-Unis ont ainsi fourni à la Chine, une puissance de leur taille, les facteurs de puissance économique, scientifique et technologique qui lui manquaient : des facteurs nécessaires pour qu'elle devienne leur principal ennemi et menace leur hégémonie mondiale.
f) Que doivent donc faire les puissances anti-hégémoniques, la Chine et la Russie, pour résister à l'hégémonie américaine et la contrer ? D'une part, ils doivent obéir à la logique capitaliste systémique, c'est-à-dire développer le pouvoir économique, accepter le marché, etc. ; d'autre part, ils doivent obéir à la logique géopolitique, c'est-à-dire donner au Politique la suprématie sur l'Économique. C'est pourquoi ils sont tous deux, sous des formes différentes, des États autoritaires (au sens de non libéraux ou "illibéraux") et c'est pourquoi et comment ils limitent la logique capitaliste systémique. Pour conclure : ni la Chine ni la Russie ne dépassent le capitalisme en implantant un système social qualitativement différent ; mais toutes deux lui imposent des limites politiques et culturelles, parce qu'elles veulent et doivent suivre une logique géopolitique afin de se défendre contre les États-Unis et, à long terme, de les supplanter.
13:16 Publié dans Actualité, Définitions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : définition, actualité, capitalisme, géopolitique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Le nouvel Afghanistan: les minorités
Le nouvel Afghanistan: les minorités
Par Vincenzo D'Esposito
Ex: https://www.eurasia-rivista.com/il-nuovo-afghanistan-le-minoranze/
La crise afghane de cet été a bouleversé le système fragile qui régissait le pays jusque-là et qui, selon les plans de Washington, aurait dû marquer une rupture nette avec le passé. Le retour rapide et, somme toute, simple au pouvoir des milices talibanes a cependant complètement détruit une structure gouvernementale que les États-Unis avaient mis vingt ans à créer, sans réelle correspondance avec les souhaits du peuple afghan. La nécessité de clarifier la composition de la réalité définie comme le peuple afghan se fait sentir. Avec le nouveau gouvernement taliban, en fait, la division entre les groupes ethniques qui détiennent le pouvoir et ceux qui en sont systématiquement exclus est plus évidente que jamais. La stabilité de l'architecture de l'État dans les années à venir sera également affectée par cet arrangement particulier.
Une image ethniquement diversifiée
L'Afghanistan est un État sans nation de référence claire. Le concept de Volk, le peuple autour duquel la machine étatique est construite et qui partage un bagage commun de coutumes, d'habitudes et de langue, est totalement absent ici. Le terrain extrêmement accidenté a caractérisé le pays de manière à assurer, d'une part, une capacité prolongée de défense contre les attaques extérieures, comme cela a été le cas lors des invasions soviétique et américaine, mais, d'autre part, à le priver de la capacité de s'autogérer pleinement de l'intérieur. Les montagnes et les déserts divisent la population afghane en divers groupes autonomes qui, n'entrant pas vraiment en contact sauf dans certaines régions, n'ont pas connu l'amalgame nécessaire pour fournir un minimum de dénominateur commun de valeurs partagées entre les différents groupes ethniques. En fait, dans la plupart des cas, ils représentent un continuum avec les groupes présents dans d'autres États voisins, l'État afghan n'étant guère plus qu'une simple expression bureaucratique.
La morphologie particulière du territoire afghan a favorisé une répartition pulvérisée des habitants, regroupés autour de structures claniques, souvent en contraste amer les unes avec les autres. Cette structure est rendue possible par le très petit nombre de grandes villes, qui existent et représentent le point le plus avancé de la société afghane. Si avancée, en fait, qu'elle a conduit à une coupure substantielle entre leurs habitants, moins attachés à une vision fondamentaliste de la société, et le reste du pays, strictement conservateur. Dans ce contexte, cependant, il existe un autre problème lié à la difficile recomposition nationale, due à la coexistence de nombreux groupes ethniques différents.
Le groupe ethnique dominant, bien que non majoritaire en termes absolus, est le groupe pachtoune. Répandu dans les régions du centre-sud et de l'est, près de la frontière avec le Pakistan, il représente 42% de la population afghane totale. Les Pachtounes ont toujours joué un rôle central dans la vie politique afghane, sauf pendant de brèves périodes.
Guerrier pachtoune, peinture d'Alain Marrast
Les Pachtounes sont reconnaissables au fait qu'ils parlent une langue perse, pratiquent la religion musulmane sunnite et ont un mode de vie essentiellement sédentaire. Ils représentent environ 27% de la population totale et sont situés dans la partie centrale et orientale de l'Hindu Kush. Les Tadjiks sont également l'un des groupes ethniques qui ont le plus contribué à façonner la politique afghane.
Le troisième groupe ethnique en Afghanistan est celui des Hazara, une population turco-mongole de religion musulmane chiite. Les Hazaras représentent 9% de la population afghane et sont installés dans la partie occidentale de l'Hindu Kush. Ils constituent un groupe ethnique marginalisé et exclu de la gestion du pouvoir, souvent victime d'attaques violentes en raison de leurs croyances religieuses différentes.
L'autre groupe important en termes de nombre est celui des Ouzbeks, qui représentent également 9 % de la population. Répartis dans le nord du pays, ils ont réussi à naviguer à travers les différentes phases politiques de l'Afghanistan, en restant presque toujours sur la crête de la vague.
Près de la frontière avec le Turkménistan, on trouve une minorité visible d'Afghans d'origine turkmène, qui représentent 3 % de la population totale, tandis qu'au sud, dans les territoires désertiques de l'Afghanistan, sont installés les Béloutches, qui représentent 2 % des habitants du pays. Les autres groupes ethniques se partagent les 8% restants.
Les Talibans et le retour de l'hégémonie pachtoune
Un tableau ethnique aussi fragmenté est particulièrement exposé aux tensions qui éclatent entre les différents groupes. Un exemple est la compétition entre les groupes ethniques hazara et pachtoune pour la possession et l'utilisation des terres dans les régions où ils coexistent, comme dans le centre de l'Afghanistan. La position de force historique dont jouissent les clans pachtounes a fait pencher la balance en faveur de ces derniers, même si, tant pendant l'invasion soviétique que lors de la récente invasion occidentale, leur rôle prédominant a été réduit au profit des autres groupes ethniques. Le retour au pouvoir des talibans a toutefois entraîné une situation de déséquilibre interne, en recentrant le pouvoir entre les mains des Pachtounes.
Les milices talibanes sont majoritairement issues de cette communauté. Il entretient des liens étroits avec le Pakistan et partage une vision politisée de la foi islamique, qui a montré toute son influence au cours des derniers mois. Cela était particulièrement évident à Kaboul et dans les grandes villes afghanes, où la vie sociale était plus sécularisée que dans les campagnes et les villages isolés. En raison de l'extrême fragmentation de l'État, le retour au pouvoir des talibans et l'éviction du gouvernement de Ghani ont toutefois été facilités par l'incapacité à ancrer bon nombre des coutumes répandues au sein de la petite population urbaine et opposées à la morale islamique la plus stricte. L'impopularité de l'ancien président et la corruption qui règne dans le pays ont fait le reste et ont ramené l'horloge vingt ans en arrière.
L'affirmation de l'ethnie pachtoune s'est progressivement imposée malgré les annonces conciliantes répétées des talibans. Le gouvernement qu'ils ont formé est à forte majorité pachtoune, au détriment des autres minorités, notamment les Tadjiks et les Hazaras. Les Hazaras, en particulier, ont été témoins de nombreuses attaques et de véritables attentats qui ont laissé des milliers de personnes sur le carreau. La haine religieuse anti-chiite a attiré l'attention de l'Iran, la principale puissance chiite, qui a entamé des contacts avec l'autre État directement intéressé par la dégradation de la situation des minorités en Afghanistan : le Tadjikistan.
La minorité tadjike s'est montrée la plus hostile à un retour des milices talibanes au pouvoir, comme en témoigne la résistance anti-talibane des communautés de la vallée du Panjshir. Le président du Tadjikistan, Emomali Rahmon, a pris une position orientée vers la défense des droits de la minorité tadjike en Afghanistan, plus pour reconfigurer son consensus interne que pour avoir une réelle capacité à influencer la politique afghane. Cela l'a toutefois amené à se rapprocher de l'Iran pour tenter de faire pression sur les talibans afin qu'ils fassent des concessions sur la participation et les droits des minorités.
Milices tadjiks en Afghanistan.
L'Ouzbékistan et le Turkménistan, qui ont également des minorités d'Ouzbeks et de Turkmènes de l'autre côté de la frontière, ont adopté une attitude beaucoup plus orientée vers le dialogue, à la fois parce qu'historiquement ils ont une relation beaucoup plus détachée avec les minorités en Afghanistan que le Tadjikistan, et parce qu'ils ont d'importants intérêts économiques et commerciaux dans la région. Le Turkménistan, en particulier, souhaite protéger le projet de gazoduc TAPI qui devra traverser l'Afghanistan et qui ne peut se permettre d'être mis en danger par les talibans, tandis que l'Ouzbékistan a adopté une approche pragmatique et fondée sur le dialogue avec Kaboul afin d'éviter tout retour du terrorisme en Asie centrale, notamment dans la vallée de la Fergana.
L'ingouvernable "Tombeau des empires"
Avec le retour des talibans, l'Afghanistan est entré dans une nouvelle phase, marquée par le retour du fondamentalisme dans la vie publique et la prise de pouvoir par la majorité relative pachtoune. L'histoire d'amour entre les talibans et les Pachtounes est sans précédent dans le pays, étant donné que les premiers sont en grande partie issus des rangs des seconds et représentent dans de nombreux cas leurs revendications. Dans un système clanique et fragmenté comme celui de l'Afghanistan, cela signifie essentiellement la mise à l'écart des autres minorités, ce qui suscite l'inquiétude de certains États ayant des intérêts majeurs dans la région, notamment l'Iran et le Tadjikistan.
Bien que les nouveaux Talibans veuillent se présenter comme plus ouverts et dialoguant tant envers les minorités ethniques qu'envers les autres grands exclus du processus de construction du nouvel Etat, les femmes, dans la pratique leurs déclarations n'ont pas été suivies d'actions concrètes. La vision fortement conservatrice de la majorité relative du pays, qui chez les talibans est une majorité absolue, a commencé à se manifester de plus en plus au fil des semaines et des mois qui ont suivi la prise de Kaboul.
Le climat constant de confrontation entre les factions opposées, typique de l'Afghanistan, ne fait cependant que maintenir le pays dans des sables mouvants, sans réel progrès économique et social. L'absence de recomposition nationale, qui aurait dû conduire à un renforcement de l'architecture de l'État, est la cause d'une oscillation constante du pouvoir entre les différents groupes ethniques, sans qu'aucun terrain commun de coopération ne soit trouvé. Ce n'est qu'en surmontant progressivement les mécanismes claniques qui gangrènent le pays qu'il sera possible de parvenir à une pacification interne et de stabiliser la politique afghane. Sinon, il faut s'attendre à de futurs renversements de pouvoir, comme ceux auxquels nous avons assisté jusqu'à présent.
13:09 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, politique internationale, géopolitique, afghanistan, asie, affaires asiatiques, pachtounes, hazaras | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Le concept de counter economics chez Samuel Konkin et son application stratégique possible
Le concept de counter economics chez Samuel Konkin et son application stratégique possible
Michael Kumpmann
Ex: https://www.geopolitica.ru/de/article/samuel-konkins-konzept-der-counter-economics-und-seine-moegliche-strategische-anwendung
Les membres des mouvements anti-mondialistes de droite et de gauche, ainsi que de la quatrième théorie politique, tentent souvent de stopper les mondialistes par des mesures politiques. Cela a souvent conduit à un succès plutôt mitigé. Les systèmes politiques occidentaux sont aux mains des mondialistes, c'est pourquoi chaque parti qui veut être reconnu dans un tel système est obligé de faire des compromis avec "l'ennemi". C'est pourquoi, sur le plan politique, il ne reste généralement à la résistance qu'à tenter quelques petites réformes sans pouvoir changer quoi que ce soit de fondamental.
La politique, au sens usuel du terme, peut donc être oubliée pour le long terme en tant que force et instrument de réforme. La nouvelle droite recommande le domaine de la culture (généralement pour la jeunesse) comme "champ stratégique de la métapolitique", mais celui-ci se résume toujours à être un soutien quelconque à la politique (politicienne) et en particulier à l'une ou l'autre campagne électorale. C'est pourquoi il devrait y avoir des possibilités de compléter le schéma politique/métapolitique de la Nouvelle Droite par des moyens qui ne visent pas directement un changement formel de pouvoir, mais qui contournent l'Etat et son pouvoir. L'une des variantes anarchistes de la première théorie politique pourrait y contribuer. Il s'agit de l'agorisme imaginé par Samuel Konkin III. (Dérivé d'agora = marché en grec.) Également appelé contre-économie.
L'agorisme (qui se situait entre le libéralisme, l'anarchisme de gauche et la nouvelle gauche) est en gros une forme d'anarchisme et a un principe simple : les acteurs du marché qui collaborent avec l'État doivent être rejetés et plus un acteur entre en conflit avec l'État, plus il est "sympathique". Il s'agit donc d'une distinction classique entre amis et ennemis. Cela pourrait être adapté à la quatrième théorie politique (de Douguine) de la manière suivante : "Les acteurs du marché et les structures qui collaborent avec les mondialistes (par ex. les entreprises de censure comme Facebook et Google) sont à rejeter. Mais les acteurs qui sont en conflit avec les mondialistes sont bons. On peut y compter aussi bien les marchés noirs que, par exemple, les paysans africains qui ne veulent pas acheter des semences transgéniques coûteuses brevetées par Monsanto).
La stratégie des agoristes peut être résumée par le fait qu'il ne faut pas soutenir des structures parallèles étatiques ou contre-étatiques afin de priver l'État de son énergie. Les agoristes aiment généralement parler de "marchés noirs". Mais cela est dû à la faiblesse de la première théorie politique, qui considère toute interaction sociale comme une forme de marché. Les structures religieuses et autres, qui ne visent pas à acheter et à vendre, peuvent également être agoristes, pour autant qu'elles s'opposent d'une manière ou d'une autre à l'État. L'objectif est d'avoir une structure qui n'est pas contrôlée par l'État, mais qui a plus d'influence que ce même État. Cela revient donc à l'ironie suivante : des marchés totalement libres comme moyen d'affaiblir le pouvoir politique des États libéraux.
On peut peut-être décrire la stratégie des agoristes comme l'équivalent économique de ce que représente le partisan dans la lutte armée. En même temps, il s'agit également d'une variante économique de l'idée de gauche consistant à utiliser des éléments plus ou moins indésirables par l'idéologie de l'Etat comme moyen de pouvoir (voir par exemple Herbert Marcuse.)
Un exemple montrant que des structures parallèles agoristes peuvent apporter un succès politique est clairement la nouvelle gauche. En commençant par le hippie avec un penchant pour les substances interdites, jusqu'aux Verts et certaines minorités sexuelles (On n'est pas obligé d'approuver cela, mais cela montre qu'il y a un potentiel de pouvoir politique derrière ce genre de choses). On sait aussi très bien que Limonov aimait fréquenter des cercles sociaux "marginaux" et y nouer des alliances. Ces deux exemples montrent que l'agorisme recèle un potentiel de pouvoir politique (On peut également voir certaines stratégies de migrants islamiques européens et leurs "sociétés parallèles" comme autre exemple).
La Corée du Nord tolère même aujourd'hui plus ou moins de nombreux marchés noirs (appelés "jangmadang"), et leur donne des places officielles [1] [2]. Cela permet également au pays de contourner les sanctions occidentales (L'Etat libre de Fiume de Gabriele d'Annunzio n'a pu survivre que grâce aux marchés noirs. Sinon il aurait été détruit bien plus tôt).
Quels seraient les avantages d'un agorisme ? Premièrement, on aurait un lien métapolitique direct. Les choses qui sont soit illégales, soit sur le point d'être légalisées, soit sous le feu de la légalité, ont souvent une certaine sous-culture autour d'elles. Par exemple, à gauche, les scènes enthéogènes/de la drogue, et à droite, tout le complexe du Second Amendment militia aux Etats-Unis. En menant une stratégie d'agorisme, on peut également influencer ces sous-cultures et établir des liens (Des gens comme le philosophe hippie Terence McKenna, ou Ernst Jünger montrent aussi qu'il y a un potentiel étonnamment grand pour une synthèse des "scènes enthéogènes" et de la pensée traditionaliste).
Ensuite, il se trouve que, par l'agorisme, on ne construit pas seulement une structure politique, mais une infrastructure économique qui peut diriger de l'argent vers des acteurs politiques ou des ONG. Le "libéralisme 2.0" actuel n'est pas une primauté de l'économie, mais une synthèse dangereuse de la politique, de l'économie et de la sociologie technocratique. C'est pourquoi le "marché blanc" peut très vite être utilisé pour nuire à des acteurs politiques. On le voit bien avec la menace d'Antifa et consorts de faire perdre leur emploi aux dissidents. Mais aussi dans des cas comme le fait que des personnes comme Martin Sellner voient leurs comptes bloqués en permanence. Si les partisans d'une quatrième théorie politique mettent en place leurs propres structures parallèles, on pourrait mettre un terme à ce genre de dérapages (L'exemple le plus réussi d'une telle stratégie est sans aucun doute le bitcoin, ainsi que d'autres crypto-monnaies. Mais des alternatives comme Telegram et d'autres moyens de communication sont également de telles structures parallèles. [3])
Et dans le cas d'une éventuelle méga-catastrophe qui verrait le système occidental s'effondrer d'un seul coup (ce dont certains à droite et à gauche, par exemple Terence McKenna et Guillaume Faye, discutent sous des termes tels que "convergence des catastrophes" ou "onde de temps zéro"), un agorisme réussi aurait directement une structure parallèle qui pourrait rapidement prendre le relais. Cela constituerait un facteur de puissance stratégique, tout en apportant des points positifs au sein du peuple (Le Japon est un exemple de ce genre de choses : après une catastrophe naturelle, les yakuzas sont souvent les premiers à intervenir pour reconstruire. Cela donne aux yakuzas beaucoup d'influence politique, de sympathie dans la population, et rend difficile pour l'Etat d'éliminer les yakuzas. Un autre exemple est Casa Pound en Italie et son aide aux pauvres et aux sans-abri) [4].
En même temps, un agorisme est aussi en dessous de la politique. Les trafiquants noirs ne s'intéressent pas au fascisme, au communisme ou au libéralisme. C'est pourquoi un agoriste ne doit pas choisir son camp. Personne ne peut vous rejeter en tant que "salaud de communiste" ou "méchant nazi", puisque la politique ne joue aucun rôle.
De plus, comme il n'y a pas de politique, les résultats sont plus rapides. Il faudrait probablement des siècles, voire des millénaires, pour que l'AFD ou le FPÖ puissent exiger la réintroduction d'un État corporatiste traditionnel décrit par Evola. Une révolution armée est plutôt une entreprise dangereuse et nécessite le soutien du peuple, qui n'existe pas sous la forme d'une armée révolutionnaire potentielle . Et une action militaire de la Russie signifierait une guerre nucléaire potentielle avec les États-Unis. Mais si quelques personnes veulent fonder une colonie de type "Amish" ou autre, elles mettent l'Etat devant le fait accompli et les Verts et consorts pourrent d'abord se plaindre, mais rien ne changera (De nombreuses minorités comme les vieux croyants ou les juifs européens ont pu défendre leur tradition contre une résistance extrême grâce à des structures parallèles non étatiques. C'est pourquoi l'agorisme est aussi stratégiquement important dans le sens de la préservation de la tradition). Si l'on pouvait un jour retrouver un "no man's land sans État" à la Kowloon à Hong Kong, on aurait même exclu le pouvoir de l'État.
Et bien sûr. Tout marché blanc est soumis à l'impôt. On peut détester autant qu'on veut le genderisme, le Great Reset, les guerres pour la promotion de la démocratie au Proche-Orient, etc. Dès que l'on vit en Occident, on doit financer ces conneries avec l'argent de ses impôts. L'agorisme crée des marchés sans (ou avec beaucoup moins) d'impôts. Il prive donc l'adversaire d'énergie. Et la lutte contre les structures parallèles consomme des matières premières étatiques.
Le principal danger de cette stratégie est que l'on crée quelque chose de potentiellement incontrôlable, ce qui peut importer des choses positives ou négatives dans le système. Par exemple, dans le débat sur les drogues. Ernst Jünger a pris du LSD. Le cannabis, l'ayahuasca, les champignons et autres ont été utilisés lors de nombreuses cérémonies religieuses légitimes dans le monde. Mais d'un autre côté, on ne veut pas créer une infrastructure qui permette un apport incontrôlable d'héroïne ou de crystal meth.
Et bien sûr, devenir criminel place les gens sur le radar des autorités (et de toute façon, on ne devrait pas commettre de délits). Pour l'activisme politique, il est important de rester suffisamment sous le radar des pouvoirs publics. C'est pourquoi il est nettement préférable de se concentrer sur des choses légales, des zones grises juridiques ou sur des choses qui sont sur le point d'être légalisées. Ou, à la manière de "Silk Road", de ne rien faire soi-même, mais seulement de construire des infrastructures pour les autres. Selon le principe "Ici, tu as une plate-forme. Ce que tu en fais est de ta responsabilité".
Notes:
[1] Au sujet de la Corée du Nord, il convient également de noter son implication dans les cryptomonnaies. Voir à ce sujet : https://www.bbc.com/news/technology-58719884 et https://thewalrus.ca/north-korea-cryptocurrency/ L'Iran semble également adopter une stratégie similaire à celle de la Corée du Nord : https://cvj.ch/fokus/hintergrund/bitcoin-als-bedeutender-wirtschaftszweig-im-iran/
[2] Ce document décrit en détail le système de marché noir de la Corée du Nord : https://www.scirp.org/journal/paperinformation.aspx?paperid=93739
[3] Les structures de communication parallèles sont extrêmement importantes, car les Big Tech et l'État agissent à la fois contre la gauche et contre la droite en essayant de priver ces groupes de moyens de communication. L'interdiction de Linksunten Indymedia (https://www.sueddeutsche.de/medien/indymedia-verbot-bundesverwaltungsgericht-1.4773367 ), les tentatives de destruction du site américain "Counter Currents" (https://counter-currents.com/2017/08/counter-currents-under-attack-2/), l'action du Verfassungsschutz contre Compact Magazin ( https://www.tagesschau.de/inland/innenpolitik/compact-magazin-101.html ) ainsi que les blocages de personnes comme Alex Jones, Martin Sellner, Oliver Janich et d'autres sur Youtube en sont des exemples. Beaucoup de ces groupes et individus ont pu s'en sortir en utilisant VK.com, Telegram ou le Darknet. D'un point de vue stratégique, on constate malheureusement souvent un esprit de clocher. Par exemple, la droite se plaint lorsque Compact est attaqué, mais se réjouit en même temps de l'interdiction d'Indymedia. Cela devrait être évité. D'un point de vue stratégique, il serait plus judicieux de se positionner publiquement contre de telles stratégies de censure. Car cette guerre de la communication concerne tout le monde, que ce soit à gauche ou à droite. Et en fait, le libéralisme était autrefois "ce que tu dis me déplaît, mais je me bats pour ton droit à le dire", avant que les valeurs de Monsieur Popper ne changent cela au nom de la société ouverte.
[4] Il existe dans le libéralisme 2.0 une tactique selon laquelle des activistes poussent les membres de groupes minoritaires vulnérables à la dépendance de l'État par le biais de sous-groupes tels que Neurodiversity ou une partie de Black Lives Matter via des pseudo-programmes d'aide et utilisent ensuite ces groupes comme actifs pour des objectifs politiques (parfois appelé "bioléninisme".) D'autres personnes pourraient facilement torpiller ce genre de choses par des mouvements de base.
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2021: Douze mois de politique
2021: Douze mois de politique
Daniel Tarasov
Ex: https://www.geopolitica.ru/article/dvenadcat-mesyacev-politiki
L'année de la pandémie, de la guerre froide, de l'Afghanistan et de la crise migratoire
L'année 2021, malgré les restrictions persistantes qui ont défini une faible mobilité mondiale et un désagrément particulier au sein de chaque État, a été riche en événements géopolitiques qui, d'une manière ou d'une autre, modifient l'avenir de la politique mondiale. Une nouvelle souche de coronavirus, l'élection de chefs dans de grands pays étrangers, la sortie progressive de la Grande-Bretagne de l'Union européenne et les crises migratoires ne sont qu'une petite partie des raisons qui ont marqué les douze mois de cette année 2021 et marqueront la suivante. Et le fait de faire le point et d'identifier les grands courants de l'histoire en marche permettra de prévoir ce qui pourrait nous attendre dans les mois de 2022 à venir.
Le premier drapeau rouge sur la ligne de temps a été l'élection de Joe Biden, 78 ans, du parti démocrate, comme 46ème président des États-Unis. Tout le monde n'était pas sûr du bon départ du nouveau dirigeant, mais ses activités à l'intérieur et à l'extérieur du pays ont réussi à faire changer d'avis les sceptiques: dès les premiers jours de son "règne", il a annulé certains des ordres controversés de son prédécesseur (notamment la construction d'un mur à la frontière avec le Mexique et la volonté de quitter l'OMS) et a entrepris de modifier la position géopolitique des États-Unis. La vieille habitude du président est évidente : bien qu'il vive au XXIe siècle, une époque qui a enchaîné les pays du monde entier par le truchement d'internet et des satellites qu'il implique, des voyages aériens abordables et des armes nucléaires, M. Biden pense selon les principes du XXe siècle, définissant un "axe du mal", des "ennemis de la démocratie" et polarisant le monde comme il l'entend. Sa première déclaration au sujet du président russe en exercice (une interview sensationnelle au cours de laquelle Joe Biden a répondu par l'affirmative à la question "Vladimir Poutine est-il un meurtrier ?") a semblé nous ramener aux années 1960, aux paroles fortes et expressives des dirigeants occidentaux au sujet de l'Union soviétique. À l'époque, la "menace rouge" semait la panique dans l'électorat, ce qui leur permettait de rester au pouvoir en s'appuyant sur la crainte des citoyens d'une éventuelle invasion de l'Est.
Le "Sommet des démocraties" a été le signe le plus clair de la nouvelle politique étrangère américaine. La délimitation rigide du monde selon les principes "les nôtres et les autres", "le bien et le mal", "les loyaux et les infidèles", caractéristique du siècle dernier, renaît sous la direction de M. Biden et sous la forme d'une nouvelle conférence de rythme annuel. "Le sommet semble être une version des Nations unies où les États-Unis auront toujours le dessus, sans avoir à affronter le veto d'adversaires géopolitiques tels que la Chine et la Russie, qui ne seront jamais invités. En déterminant les participants, les intervenants et l'ordre du jour général, Washington déclare la formation d'une éventuelle coalition amicale, qui, outre le désir de démocratie, influencera implicitement les décisions des géants "non démocratiques" (ce n'est pas pour rien que Taïwan et l'Arménie ont participé à la conférence). En 2021, la polarisation finale du monde commence - une nouvelle guerre froide s'annonce.
Outre la nécessité de déclarer le vecteur de sa nouvelle politique à l'égard de la Chine et de la Russie, le Sommet des démocraties résulte de la perte des forces armées américaines au Moyen-Orient, de la fuite des Américains après la prise définitive du pouvoir à Kaboul par des groupes terroristes. La grave crise des démocraties armées américaines a affecté le classement général du pays en matière de soft power. Afin de se réhabiliter en tant que "grand combattant de la démocratie mondiale", le pays doit affirmer sa primauté dans la définition des "démocraties proprement dites". Le sommet s'est avéré être l'exercice de relations publiques le plus simple et le plus efficace, ce qui lui a permis de le faire de la manière la plus rentable et la plus efficace.
Le contrôle continu de l'Amérique latine par Washington démontre la forte dépendance de la région aux injections financières de son voisin. En agissant comme régulateur de la politique intérieure de chacun des États de l'hémisphère occidental, l'Amérique dépasse ses limites, s'immisce trop profondément dans les affaires intérieures de pays tiers et montre sa domination évidente par le biais de sanctions politiques et économiques. Cette approche reflète le droit prédominant des États-Unis de décider des affaires intérieures des États, de leur intérêt et de leur dépendance, qui contraste avec la liberté revendiquée de chaque pays de déterminer sa propre vectorialité. En 2021, cela s'est surtout manifesté à l'égard des deux pays soutenus par le gouvernement russe, le Nicaragua et le Venezuela. Une autre élection à Managua, qui a laissé le dirigeant sortant Daniel Ortega au pouvoir, a fait l'objet d'un bilan peu flatteur de la part de Washington, et a montré un nouvel ennemi des États-Unis dans la région de l'Amérique latine. On peut dire deux mots de la politique américaine actuelle en général : elle est dure et sans limites.
Il n'y a pas que dans l'hémisphère occidental qu'il y a eu des changements notables dans les cercles dirigeants. L'un des principaux événements survenus dans l'Ancien Monde a été le départ de la chancelière allemande Angela Merkel, en poste depuis le 22 novembre 2005. C'est sous elle que la république fédérale allemande est devenue l'une des principales économies d'Europe et a acquis le statut d'arbitre dans les conflits eurasiens. Malgré la participation active de Berlin à l'imposition de sanctions anti-russes après les événements de 2014, la possibilité de leur levée progressive avait été envisagée sous l'ancienne dirigeante. Olaf Scholz, le nouveau leader de la politique allemande et chef du parti social-démocrate, a une position moins équilibrée: il fait passer sa rhétorique de neutre à pro-américaine. Le nouveau gouvernement allemand est désormais composé en grande partie d'anciens extrémistes de gauche ayant une formation marquée par les principes libéraux.
Le politologue Mikhail Golovanov note l'attention accrue que les nouveaux dirigeants allemands - le chancelier et les ministres - portent à la question du climat, ce qui pourrait avoir une incidence notable sur l'utilisation de Nord Stream 2, le gazoduc qui traverse la mer Baltique. Le germaniste Golovanov attire également l'attention sur l'étrange dotation en personnel du nouveau gouvernement: "Des observateurs indépendants évoquent les risques de manque de professionnalisme, citant en exemple les candidats du Parti vert. Par exemple, la zézayante Annalena Baerbock semble un peu étrange en tant que ministre allemand des affaires étrangères, tandis que la nomination de Cem Ozdemir, un Turc d'origine, fervent opposant à la consommation de viande, en tant que ministre de l'alimentation et de l'agriculture, est également inattendue".
En Italie, depuis le début de l'année, on assiste à une sorte de "Santa Barbara" politique : le début de l'année 2021 était lié à la crise gouvernementale, qui a complètement changé tous les acteurs de la politique italienne. L'un des dirigeants du Conseil des ministres, le fondateur et représentant du parti Italia Viva, Matteo Renzi, a refusé de soutenir le Premier ministre Giuseppe Conte, rappelant deux ministres et l'accusant d'une politique économique ratée à l'ère de la pandémie. S'en est suivi le départ de M. Conte, la dissolution complète du Conseil des ministres et la formation rapide d'un nouveau Conseil sous la direction de Mario Draghi, homme politique à succès et ancien président de la Banque centrale européenne, qui avait le soutien du président Sergio Matarella et des principaux acteurs politiques Matteo Salvini et Silvio Berlusconi.
Au cours des douze derniers mois, les passions se sont apparemment apaisées, mais les changements imminents de cabinet et la prochaine élection présidentielle attisent déjà les flammes dans le palais du Quirinal. Avec le départ d'Angela Merkel et la séparation de la Grande-Bretagne d'avec l'Union européenne, la fierté nationale et l'espoir d'une amélioration de la position de l'Italie dans la région renaissent chez les Italiens : alors que la crédibilité d'Olaf Scholz est faible parmi les Européens et que Londres, à sa manière, est périodiquement en conflit avec ses voisins immédiats, Rome pourrait vouloir retrouver ses jours de gloire passés. Il est encore difficile de prédire si les Italiens, assez capricieux, réussiront dans cette entreprise. Une chose est sûre, en 2022, il y a une grande probabilité de voir revenir dans l'arène de la politique mondiale l'ami de longue date de la Russie et le vieux lion expérimenté Silvio Berlusconi, qui après des années n'a pas perdu la main.
Quelques années après le référendum qui a défini le nouvel avenir indépendant du Royaume-Uni, la Manche devient une frontière de plus en plus tangible entre l'île et l'Europe continentale. Un hiver froid s'installe pour les anciens alliés - des rancœurs et des griefs précédemment cachés sont révélés sous une mince couche de bonne volonté qui s'estompe. Le scandale de la pêche qui se développe activement en 2021 et qui concerne les eaux côtières de l'île de Jersey, placées sous le patronage de la couronne britannique, et l'accès des navires français à ces eaux, a une cause plus lourde. Londres, contournant Paris, a négocié l'un des contrats les plus lucratifs d'Europe pour la fourniture de sous-marins à l'Australie. Cela n'a évidemment pas plu au gouvernement français et a défini une nouvelle faille dans les relations entre les voisins. L'évolution du conflit en 2022, dans les prochains mois, dépendra presque entièrement des prochaines décisions du parlement de Boris Johnson, mais il est d'ores et déjà clair qu'un nouveau cap géopolitique est tracé par la Grande-Bretagne, qui défend exclusivement ses propres intérêts.
Il convient également de mentionner la rhétorique agressive de l'Alliance de l'Atlantique Nord qui, en raison des exercices militaires russes près de la frontière ukrainienne, a décidé de menacer Moscou d'une manière inhabituelle - avec une réunion de l'OTAN en Lettonie et les manœuvres de chars qui ont suivi à quelques centaines de kilomètres de Saint-Pétersbourg. Apparemment, la présomption d'innocence ne s'applique plus à la communauté internationale, et la Russie est automatiquement désignée comme le principal agresseur de la nouvelle décennie, sans possibilité de se justifier. Les stigmates de l'auteur ont apparemment été imprimés à l'avance sur le sol américain pour justifier la polarisation du monde qui s'ensuit.
Le Belarus s'est retrouvé avec la même étiquette en 2021. Après que les compagnies aériennes locales se sont vu interdire de voler vers des destinations européennes (en guise de sanction pour l'atterrissage forcé d'un avion avec Protosevich à bord), les compagnies ont dû étendre leurs destinations orientales. Cette situation a provoqué une nouvelle crise migratoire à la frontière avec la Pologne : des milliers de réfugiés originaires d'Afghanistan, d'Iran et de Syrie ont désormais l'intention de passer par le Belarus et la Pologne pour rejoindre la partie occidentale de l'Europe via le corridor. L'Union européenne semble avoir oublié les conséquences possibles de ses propres décisions et a commencé à accuser Minsk d'aggraver la situation et de faire délibérément pression sur l'Occident. À l'ère d'une pandémie, un nouveau cycle de crise migratoire pourrait avoir des conséquences bien plus graves qu'il y a quelques années. Mais le processus est déjà en marche.
L'année écoulée restera également marquée par la crise politique à Haïti, qui a provoqué le développement du "business" des voleurs, et par le Conseil turc, qui reflète le désir de changement des anciennes républiques socialistes et la volonté de la Turquie de définir sa propre région où elle exercera sa domination. Les pays occidentaux ont apparemment décidé de revenir au siècle dernier, en semant les ferments de la guerre froide entre la Russie, la Chine et le reste du monde. L'avenir nous dira si elles parviendront à s'enraciner et si leur peur et leur haine des "agresseurs de l'Est" les alimenteront. Pour l'instant, nous pouvons dire avec certitude qu'un léger remaniement du pouvoir en Europe et au Moyen-Orient est en cours. Nous saurons à quoi cela aboutira dans quelques mois.
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dimanche, 02 janvier 2022
La boussole de l'UE pointe vers l'Ouest
La boussole de l'UE pointe vers l'Ouest
Par Claudio Mutti
Source: https://www.eurasia-rivista.com/la-bussola-dellue-indica-loccidente/
La Triple Entente anglo-saxonne
Le 15 septembre 2021, le Premier ministre australien Scott Morrison, le Premier ministre britannique Boris Johnson et le président américain Joe Biden ont annoncé conjointement la signature d'un pacte de sécurité trilatéral appelé AUKUS, en vertu duquel les États-Unis et le Royaume-Uni s'engagent à aider l'Australie à développer et à déployer des sous-marins à propulsion nucléaire dans la région du Pacifique afin de contrer l'influence chinoise.
Le "triple marché" anglo-saxon est une étape supplémentaire dans une stratégie américaine plus large visant à encercler l'Eurasie. Cette stratégie, qui vise à empêcher la puissance chinoise de contrôler les zones côtières du continent eurasien, trouve ses racines dans la doctrine géopolitique de Nicholas John Spykman (1893-1943), le "parrain de l'endiguement" de l'Union soviétique, qui a reformulé la pensée de Halford John Mackinder (1861-1947), en soulignant l'importance de la bande côtière (Rimland) de l'Eurasie par rapport au "cœur" du continent.
Appliquant la doctrine de Spykman aux circonstances actuelles, les stratèges américains visent à contenir la puissance chinoise en l'enfermant dans les deux systèmes d'alliances sur lesquels Washington peut compter en Asie: l'AUKUS et la QUAD. Si l'AUKUS a été évoqué plus haut, le QUAD (Quadrilateral Security Dialogue), né en 2007 à l'initiative du Premier ministre japonais Shinzo Abe et relancé par Donald Trump en 2017, réunit les États-Unis, le Japon, l'Australie et l'Inde.
Les États-Unis ont désormais l'intention de construire une sorte d'OTAN asiatique qui, en déployant ses forces dans le Pacifique et l'océan Indien, formera une barrière contre la République populaire de Chine : à l'est, au sud-est et au sud.
Le 12 mars 2021, le président Joe Biden a ouvert une réunion au sommet avec les premiers ministres japonais, australien et indien, au cours de laquelle plusieurs projets représentant une alternative à la "nouvelle route de la soie" ont été examinés.
Puis, fin août, l'Inde et l'Australie ont mené des opérations conjointes avec les États-Unis et le Japon au large de Guam, l'île des Mariannes qui abrite des bases aériennes et navales américaines. Puis, début septembre, une opération conjointe indo-australienne appelée AUSINDEX 21 a eu lieu au large du port de Darwin, dans le nord de l'Australie. Au même moment, les ministres de la défense et des affaires étrangères de Delhi et de Canberra ont entamé leur premier dialogue stratégique. "En fait", commente "Defence Analysis", "c'est l'approche utilisée par les États-Unis pour contrer la montée en puissance de la Chine dans la région" [1].
L'effet immédiat du pacte conclu peu après par l'Australie avec les États-Unis et la Grande-Bretagne a été l'annulation de l'accord (90 milliards de dollars australiens) conclu précédemment avec la société française Naval Group (anciennement DCNS) pour la fourniture de douze sous-marins nucléaires. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a qualifié la décision de M. Biden de "brutale, unilatérale et imprévisible" et a parlé d'un "coup de poignard dans le dos". Pour avoir une vision complète de la situation, il faut toutefois rappeler que " la diplomatie française, en intégrant la doctrine indo-pacifique américaine en 2018, s'est alignée sur les priorités des Anglo-Saxons sans les réserves nécessaires à la défense de son indépendance stratégique". Elle n'a pas obtenu de garanties préalables sur sa participation aux décisions, et se voit désormais évincée du triumvirat Etats-Unis-Australie-Royaume-Uni. Pourtant, en avril 2021, la France a participé à des manœuvres navales dans le golfe du Bengale (océan Indien) avec les pays du QUAD : États-Unis, Japon, Inde et Australie, et en mai 2021 dans le Pacifique avec les États-Unis, l'Australie et le Japon, suscitant les critiques de la Chine qui dénonce l'émergence d'une" OTAN indo-pacifique "sur le modèle de la guerre froide" [2].
Une "défense" complémentaire à l'OTAN
Le 22 octobre, dans un effort de normalisation des relations entre la France et les États-Unis, Biden et Macron ont eu une conversation téléphonique, au cours de laquelle, selon un communiqué du gouvernement américain rapporté par Le Monde, "ils ont discuté des efforts nécessaires pour renforcer la défense européenne en assurant sa complémentarité avec l'OTAN" [3].
Un mois plus tard, lors de ses entretiens avec Emmanuel Macron à Rome, à la veille de l'ouverture du G20, le président américain a réparé la rupture avec la France en reconnaissant que les États-Unis avaient agi de manière "maladroite" et inélégante. M. Biden a ensuite évoqué le "système de valeurs identique" des deux pays et a déclaré qu'"aucun allié n'est plus ancien et plus loyal que la France". Aux oreilles de Macron, ces mots ont dû sonner comme une évocation de son compatriote qui fut général de division dans l'armée continentale de George Washington: le marquis de La Fayette, à qui le Congrès a conféré la citoyenneté américaine honoraire il y a 20 ans (bien qu'il ait déjà été naturalisé américain de son vivant). Il suffisait que Biden répète le cri lancé par le général John J. Pershing le 4 juillet 1917, après le premier débarquement des libérateurs en Europe: "La Fayette, nous voila !".
Feu vert, donc, à la "défense européenne" invoquée par le président français ; mais, comme le précise également le communiqué officiel du Palazzo Chigi, "dans un rapport de complémentarité" [4] avec l'alliance "transatlantique". En fait, Macron lui-même, s'attardant sur la nouvelle collaboration entre les États-Unis et l'Union européenne, a noté la nécessité de "renforcer la coordination, la collaboration stratégique entre l'Union européenne et l'OTAN" [5]. Début octobre, le secrétaire d'État américain Tony Blinken avait déjà expliqué à M. Macron que les États-Unis étaient "certainement favorables aux initiatives européennes en matière de défense et de sécurité", mais comprises comme "un complément à l'OTAN", une question sur laquelle l'engagement de Joe Biden est "inébranlable" [6].
M. Biden a également renforcé les relations avec Bruxelles en concluant un accord visant à alléger les droits d'importation américains sur l'aluminium et l'acier, et à suspendre les droits compensatoires de l'UE sur diverses marchandises en provenance des États-Unis. Selon une déclaration de Mario Draghi, cet accord "confirme le renforcement continu de la relation transatlantique déjà étroite" [7] - un adjectif utilisé par Biden et ses interlocuteurs européens à la place du vieil adjectif atlantique, sans doute pour souligner et réitérer le concept d'une "alliance" qui lie les deux côtés de l'océan éponyme. "Les États-Unis et l'UE inaugurent ensemble une nouvelle ère de coopération transatlantique qui profitera à tous nos citoyens, aujourd'hui et à l'avenir"[8]. C'est ce que Biden a déclaré lors d'une conférence de presse avec Ursula von der Leyen, qui, l'appelant confidentiellement "cher Joe", lui a fait écho avec ces mots: "Depuis le début de l'année, nous avons rétabli la confiance et la communication; c'est une autre initiative clé pour notre agenda transatlantique renouvelé avec les États-Unis " (9). En revanche, sur la question spécifique de la "défense européenne", la présidente de la Commission européenne s'était déjà exprimé le 5 octobre à Brdo, en Slovénie, en qualifiant l'OTAN de "parapluie de sécurité fondamental pour le Vieux Continent" (10).
Le leitmotiv de la solidarité transatlantique et de la complémentarité de la défense européenne avec l'OTAN a été réitéré par Josep Borrell. Illustrant le projet d'une "boussole stratégique" qui - significativement nommée dans le langage de la boussole stratégique de l'anglosphère - entend définir la voie à suivre pour l'avenir de l'Union européenne dans le domaine militaire et dans d'autres domaines, le haut représentant de l'UE pour les affaires étrangères a déclaré que "l'Europe est en danger" et qu'il est nécessaire de répondre aux "nouveaux défis et menaces", tels que ceux "à la frontière avec le Belarus" [11]. Selon le Haut représentant, la défense de ces "valeurs universelles" qui, selon lui, coïncident avec "nos valeurs libérales", exige une "responsabilité stratégique européenne" ; et celle-ci, a-t-il poursuivi en rassurant les alliés hégémoniques, non seulement "ne contredit en rien l'engagement européen envers l'OTAN, qui reste au cœur de notre défense territoriale", mais au contraire sera "la meilleure façon de renforcer la solidarité transatlantique" [12].
Apparemment, l'aiguille magnétique de la "boussole stratégique" produite par l'UE continue de pointer vers l'Occident.
La primauté de l'Italie
Dans le cadre de la réorganisation de la puissance occidentale, la fonction sous-impérialiste que Washington a assignée à l'Italie, qui a été placée aux commandes par l'ancien partenaire de Goldman & Sachs, est multiple. En ce qui concerne la Libye, lors de la Conférence internationale qui s'est tenue à Paris le 12 novembre 2021, le projet occidental était clair : l'Italie doit être le moteur d'un effort de stabilisation, à partager avant tout avec la France. L'objectif stratégique que l'Italie et la France doivent poursuivre en Libye est l'éviction de la Russie et de la Turquie: "pour Washington comme pour Rome (et donc pour Bruxelles), il est crucial que tant les unités turques déployées en Tripolitaine que celles du groupe russe Wagner et les autres contractants africains positionnés en Cyrénaïque quittent le pays" [13]; un point sur lequel "le président italien est tout à fait en phase avec la vice-présidente américaine Kamala Harris" [14]. En revanche, en ce qui concerne les élections qui doivent avoir lieu en Libye, "tant l'Italie que les États-Unis estiment qu'un président et un exécutif issus des urnes peuvent avoir plus d'influence et surtout recevoir un plus grand soutien politique et diplomatique de Rome et de Washington". La ligne italienne, et la ligne européenne, et la ligne américaine sont complètement superposables" [15].
Mais la tâche que Draghi et Macron s'apprêtent à accomplir ne se limite pas à ramener la Libye dans l'orbite occidentale. Selon le professeur Giulio Sapelli, porte-parole accrédité dans les milieux atlantistes, "Draghi est maintenant appelé à jouer un autre rôle. Un rôle inhabituel pour lui, mais tout aussi important : endiguer les relations entre l'Allemagne et la Chine en créant un anti-monde pro-atlantique en Europe, en construisant (...) un lien encore plus étroit que celui que l'Italie et la France ont déjà entre elles" [16]. Après l'offense malencontreuse faite à la France par la triple entente anglo-saxonne, l'Italie est appelée à jouer le rôle de bâtisseur de ponts "transatlantiques" entre Paris et Washington. "Si ce nouvel ordre international - commente Sapelli - aura comme élément fondamental l'ascension au Quirinal de Draghi lui-même, la nouvelle configuration des rapports de force européens et de ces derniers avec les USA aura une disposition adéquate pour affronter les défis de la lutte contre l'hégémonie chinoise qui attendent la planète".
Le fait que l'Italie soit candidate pour devenir le pays de tutelle de Washington en Europe, notamment sur le plan militaire, a été affirmé par Loren Thompson dans le bi-hebdomadaire américain Forbes [17], qui fait autorité en la matière, en donnant plusieurs raisons pour soutenir cette thèse. Selon le directeur des opérations du Lexington Institute, l'Italie est un pion très précieux dans le scénario européen, non seulement parce qu'aujourd'hui elle se distingue plus que jamais par son engagement envers l'Occident et la démocratie [18], mais aussi et surtout parce que sa position géographique correspond merveilleusement aux besoins stratégiques de l'Alliance atlantique : à la fois en raison de la position centrale occupée en Méditerranée par la base de Sigonella, et parce que le nord de l'Italie, où sont notamment stockées les armes nucléaires tactiques de l'OTAN, abrite des F-35 qui peuvent se diriger rapidement vers la frontière biélorusse [19].
Le cabinet présidé par l'ancien associé de Goldman & Sachs a notamment consolidé le soutien de l'Italie à la politique américaine dans le monde. En effet, à rebours du gouvernement précédent, il a pris ses distances avec Pékin et s'est montré désireux de s'impliquer davantage dans l'alignement quadrilatéral des États-Unis, de l'Australie, de l'Inde et du Japon, mis en place pour contrer les ambitions chinoises en Asie [20]. De même, "le secteur militaire italien fait les bons investissements" [21], puisque, "comme la Pologne, (...) elle utilise son budget militaire limité pour acheter des armes avancées aux États-Unis" [22]. En bref, conclut le chroniqueur de Forbes, aujourd'hui "il est plus facile d'apprécier le bilan de l'Italie en tant que nation pro-démocratique et pro-américaine" [23], de sorte que les élites politiques de Washington ont une confiance totale dans celles de Rome.
NOTES
[1] “Analisidifesa”, 12 settembre 2021.
[2] Pierre-Emmanuel Thomann, AUKUS, un triumvirat anglo-saxon dans l’Indo-Pacifique pour conserver l’hégémonie mondiale: quelle riposte géopolitique pour la France? Non-alignement et Pivot vers la Russie, “Eurocontinent”, 29/09/2021.
[3] Relations franco-américaines: Emmanuel Macron et Joe Biden se sont entretenus par téléphone, lemonde.fr, 23 ottobre 2021.
[4] G20, il Presidente Draghi incontra il Presidente degli Stati Uniti d’America Biden, governo.it, 29 ottobre 2021.
[5] Riccardo Sorrentino, Biden tende la mano a Macron: “maldestri” sui sottomarini, ilsole24ore.com, 30 ottobre 2021.
[6] Stefano Pioppi, Tra Nato e Difesa europea, così l’Italia può essere protagonista, formiche.net, 6 ottobre 2021.
[7] Draghi: Grande soddisfazione per accordo Ue-Usa su dazi acciaio e alluminio, governo.it, 31 ottobre 2021.
[8] Biden, Usa e Ue combatteranno insieme sfide 21esimo secolo, swissinfo.ch, 31 ottobre 2021.
[9] Claudio Salvalaggio/ANSA, Pace sui dazi con l’Ue. Biden: “Nuova era transatlantica”, voce.co.ve, 1° novembre 2021.
[10] Von der Leyen rilancia l’idea di una forza militare europea: «Complementare alla Nato», it.geosnews.com, 6 ottobre 2021.
[11] www.ansa.it/europa/notizie/rubriche/altrenews/2021/11/10
[12] Josep Borrell, Una Bussola Strategica per l’Europa, 12 novembre 2021, www.project-syndicate.org
[13] Emanuele Rossi e Massimiliano Boccolini, Libia, Draghi porta la strategia italiana alla conferenza di Parigi, formiche.net 12-11-2021.
[14] Ibidem.
[15] Ibidem.
[16] Sapelli: ecco la missione anti-Cina e Germania affidata dagli Usa a Draghi, ilsussidiario.net, 23-10-2021.
[17] Loren Thompson, Italy Is Becoming More Important To U.S. Security. Here Are Five Reasons Why, www.forbes.com, 15-11-2021.
[18] “Italy stands out as a nation that is reliably committed to the Western alliance and to democracy” (Ibidem).
[19] “Italy’s geographical circumstances are ideal for shaping security conditions in the Mediterranean Sea—the most important body of water in Western history. The naval air station at Sigonella in Sicily, where long-range surveillance aircraft are deployed, is almost exactly equidistant from Beirut and Gibraltar at opposite ends of the sea. It is also a short hop by air to the most troubled countries in North Africa, most notably Libya. In the north, the country’s territory extends so far into central and eastern Europe that Italian F-35s stationed there are within unrefueled range of Poland’s border with Belarus. NATO stores tactical nuclear weapons at two bases in the north, comprising a powerful component of the alliance’s deterrent to Russian aggression” (Ibidem).
[20] “In recent months, the government of Prime Minister Mario Draghi has exhibited an interest in becoming more involved in the quadrilateral alignment of America, Australia, India and Japan established to counter Chinese ambitions in Asia. Draghi’s predecessor had a brief dalliance with China’s Belt and Road initiative, but Draghi has since distanced Italy from Beijing and shown great interest in developing closer ties to New Delhi—underscoring his country’s preference for democratic partners” (Ibidem).
[21] “Italy’s military is making the right investments” (Ibidem).
[22] “Like Poland, (…) Italy is leveraging its limited military budget to buy advanced U.S. weapons” (Ibidem).
[23] “it is easier to appreciate Italy’s track record as a pro-democratic, pro-American nation” (Ibidem).
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La revue de presse de CD - 02 janvier 2022
La revue de presse de CD
02 janvier 2022
DÉSINFORMATION
« Dangereux pour nous tous » : Snowden alerte sur le précédent que pourrait créer l'affaire Assange
Le lanceur d'alerte tire la sonnette d'alarme concernant l'affaire Assange et le précédent que celle-ci créerait si le fondateur de WikiLeaks était extradé aux Etats-Unis. Pour Snowden, cela ouvrirait la porte à tous les abus contre le journalisme.
RT France
https://francais.rt.com/international/94034-dangereux-pou...
Torture interminable : l’AVC d’Assange révèle la version occidentale de la scie à os saoudienne
« L’éditeur de WikiLeaks, âgé de 50 ans, qui est en détention provisoire dans une prison à sécurité maximale alors qu’il lutte contre son extradition vers les Etats-Unis, s’est retrouvé avec une paupière droite affaisée, des problèmes de mémoire et des signes de dommages neurologiques », rapporte le Daily Mail. « Le mini-AVC a été probablement déclenché par le stress de l’action des Etats-Unis en cours devant les tribunaux à son encontre et par une baisse globale de sa santé alors qu’il fait face à son troisième Noël derrière les barreaux. »
Le Cri des Peuples
https://lecridespeuples.fr/2021/12/30/torture-interminabl...
Contrôle de l’information : après la commission Bronner, Viginum
L’élection présidentielle approche et ce que l’on pourrait appeler une oligarchie macronienne met en place les conditions d’une bonne réélection du président sortant via une plus grande efficacité du contrôle de l’information, que celle-ci soit privée ou publique. Viginum est une parfaite illustration du second terme.
OJIM
https://www.ojim.fr/controle-de-linformation-viginum/?utm...
FRANCE
L'appel solennel du "Collectif des maires résistants"
"L'heure est grave", lance le "Collectif des maires résistants" en introduction d'un appel solennel qu'ils lancent aux Français. [texte intégral ci-après] Fabrice Marchand et Thierry Renaux sont tous deux maires de petites communes rurales dans les Ardennes. Aujourd'hui, le projet gouvernemental de passe vaccinal les conduit à passer la vitesse supérieure. Leur constat d'une démocratie confisquée, et même "trahie", d'un pays dans lequel Emmanuel Macron instaure un "pouvoir absolu", avec le concours d'une partie des médias qui alimentent une "vérité sous influence", les conduit à appeler leurs concitoyens à "redevenir les maîtres de leur destin, les capitaines de leurs âmes". Quels sont leurs constats ? Leurs revendications ? La traduction concrète de cet appel ? Leurs projets pour peser dans la vie publique, alors que s'ouvre la campagne présidentielle ?
Francesoir.fr
https://www.francesoir.fr/videos-le-defi-de-la-verite/lap...
GAFAM
CYBER-BILAN 2021 ; une année cyber-explosive qui aura radicalement changé la donne en matière de cybersécurité et de cybermenaces
Le nombre d’attaques informatiques contre les entreprises et les administrations françaises avait déjà quadruplé en 2020, par rapport à l’année 2019. Et les cyberattaques n’ont – fort logiquement – pas cessé de faire les gros titres de la presse, tout au long de cette année chaotique. Hacks, rançongiciels et confidentialité des données : un bilan 2021 très cyber-explosif ! Voici ce qu'il faudra en retenir…
Atlantico
https://atlantico.fr/article/decryptage/2021-une-annee-cy...
GÉOPOLITIQUE
2001-2021 : 20 ans du XXIe siècle. Quel bilan pour la diplomatie française ?
De l’intervention en Afghanistan (2001) au retrait de Barkhane (2021), des tensions avec la Russie et les États-Unis au développement de la construction européenne, la diplomatie française a connu deux décennies d’intenses déploiements. Bilan avec Olivier Chantriaux, chercheur associé à la chaire de géopolitique de la Rennes School of Business.
Conflits
https://www.revueconflits.com/2001-2021-20-ans-du-xxie-si...
RÉFLEXION
La mode comme matrice de la dictature écologiste et woke
La mode (les gens de la mode) est new Age et occultiste en diable. Elle court après les gourous. La mode est bourrée de pognon, ne crache pas dessus, se fout des pauvres mais est à l’avant-garde de tous les bouleversements sociétaux.
Euro-synergies
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/12/25/l...
Idéologies contre idéologies
Nous traversons en somme une période à la fois à la fois hyper et dé-idéologisée. Hyper parce que l’impératif de conformité morale et « sociétale » envahit le moindre aspect de notre vie commune (langage, écriture, rapports personnels). Et qu’il décèle des périls partout. Tout est sensible et signifiant, tout peut produire de la violence et des victimes (symboliques s’entend). Mais la période est dé-idéologisée dans la mesure où les modes traditionnels de médiation du conflit droite/gauche, partis, syndicats, se sont globalement abolis au profit du même modèle.
Le site de François-Bernard Huyghe
https://huyghe.fr/2021/12/09/ideologies-contre-ideologies/
RUSSIE
Ukraine : que retenir de l’échange Poutine/Biden, et à quoi ressemblerait un conflit entre l’OTAN et la Russie ?
Compte rendu de la discussion téléphonique entre Vladimir Poutine et Joe Biden au sujet de l’Ukraine le 30 décembre 2021
Le Cri des Peuples
https://lecridespeuples.fr/2021/12/31/crise-des-missiles-...
Trente ans après l’effondrement de l’URSS, ces États fantômes qui hantent l’espace post-soviétique
Trente ans après la disparition de l’Union, une demi-douzaine d’entités non reconnues internationalement existent aujourd’hui sur ce que fut son territoire. Comment en est-on arrivé là, et quelles sont les perspectives de ces contrées et de leurs habitants ?
The Conservation
https://theconversation.com/trente-ans-apres-leffondremen...
SANTÉ/LIBERTÉ
Immunité, vaccins, effets indésirables, traitements : analyse de Jean-Marc Sabatier - Partie 1
Que savons-nous de l’immunité ? Comment celle-ci se mobilise-t-elle lors d’une infection ou d’une vaccination ? Qu’est-ce que l’immunité innée non spécifique ? Et l’immunité adaptative ou acquise ? Comment les vaccins ont-ils été élaborés ? Ont-ils encore une efficacité sur les nouveaux variants ? Quelle dangerosité pour le nouveau variant Omicron ? Que sont les phénomènes ADE (Antibody Dependent Enhancement) et ERD (Enhanced respiratory disease) ? Qu’en est-il des effets secondaires de la protéine Spike vaccinale ? Des injections répétées et multiples peuvent-elles conduire à un dérèglement durable du système immunitaire ? Quel rôle la vitamine D peut-elle avoir sur la prévention de l’infection ? Tels sont les grands thèmes abordés par Jean-Marc Sabatier, directeur de recherche au CNRS et docteur en biologie cellulaire et microbiologie, affilié à l’institut de neuro physiopathologie à l’université d’Aix-Marseille, avec qui nous nous sommes entretenus.
Francesoir.fr
https://www.francesoir.fr/opinions-entretiens/jean-marc-s...
Tribune : « Une nouvelle religion vaccinale est née en Occident »
L’idéologie de la vaccination intégrale et répétée des populations est une sorte de nouvelle religion, avec son dieu, ses grands maîtres argentiers, ses dévots, ses techniques de propagande de masse et ses mensonges éhontés. En ouvrant désormais la voie à la vaccination des enfants et en créant par ailleurs entre les citoyens des discriminations inédites pour des régimes réputés démocratiques, elle viole des droits humains que l’on croyait « inaliénables » et dresse les citoyens les uns contre les autres. Plus de 2.300 universitaires, médecins et soignants alertent dans cette tribune, absolument pas reprise dans les médias officiels.
QG média
https://qg.media/2021/12/12/tribune-une-nouvelle-religion...
Omicron plus fort que Pfizer
Les chiffres d’omicron commencent à tomber, et “on peut discuter de tout, sauf des chiffres ». Les chiffres ne mentent pas et ne sont pas tendres avec la stratégie du tout vaccin. Certains propos de scientifiques complotistes concernant le cumul des doses avec baisse des défenses, semblent se confirmer (également confirmé par les autorités britanniques). Quant au « vaccin », si on peut appeler cela un vaccin, avec une injection tous les 3 mois, ce n’est plus un vaccin, mais cela devient une thérapeutique génique, qui ressemble trop à ces chimiothérapies que l’on répète aux cancers stades terminaux, en attendant la fin. En espérant qu’ici, quand on parle de fin, c’est celle de l’épidémie, qui arrivera en 2022, l’histoire de ces grandes épidémies depuis des siècles étant toujours la même, avec ou sans traitement.
covid-factuel
https://www.covid-factuel.fr/2021/12/31/omicron-plus-fort...
UNION EUROPÉENNE
Le droit européen contre le droit national - en l'occurrence la Pologne
De même que la Hongrie était devenue la tête de Turc de l'UE le mois dernier, c'est maintenant au tour de la Pologne d'être torpillée comme le plus grand pécheur de l'Europe. Cette attaque frontale a été déclenchée par l'arrêt de la Cour constitutionnelle polonaise (PGH) remettant en cause la primauté automatique du droit communautaire sur le droit polonais.
Euro-synergies
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/12/25/l...
De quelle couleur sont les « Verts » européens ?
La « Charte des Verts européens » comble ses vides en enchaînant les clichés, qui plairont à 90 % du public, car ils sont écrits de manière à éviter (autant que possible) de dire quoi que ce soit qui soit largement controversé. Par exemple : « Notre réponse est le développement durable, qui intègre des objectifs environnementaux, sociaux et économiques pour le bénéfice de tous. » (Oh ? Et comment cette belle idée va-t-elle se concrétiser dans la réelle politique ? Quelles sont les mesures, et le classement précis des priorités, lorsque l’une de ces valeurs entre en conflit avec l’autre, ce qui arrive souvent ?) Le parti vert semble accompagner les libéraux, mais quelle est leur réalité ? Que font-ils réellement, lorsqu’ils sont au pouvoir ? Dans leur propre pays, et dans l’UE ? Prenons un cas très concret (mais largement représentatif).
Le Saker francophone
https://lesakerfrancophone.fr/de-quelle-couleur-sont-les-...
L’UE contre la désinformation ou pour le contrôle de l’information ?
« L’UE doit intensifier son action de lutte contre la désinformation », estimait en juin dernier la Cour des comptes européennes dans un communiqué accompagnant la publication de son rapport spécial « La désinformation concernant l’UE : un phénomène sous surveillance mais pas sous contrôle ».
OJIM
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2022
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vendredi, 31 décembre 2021
Quand Cicéron explique Macron...
Quand Cicéron explique Macron...
Nicolas Bonnal (2019)
Pour parler de lui et de ce qu’il nous inspire, je ne connais rien de mieux que cet extrait de la Biographie universelle, publiée en 1814 et retrouvée par votre serviteur grâce à Google books :
« Étonné d’entendre une vieille femme prier les dieux de conserver les jours de Denys, il voulut connaître le motif d’une prière si extraordinaire, tant il connaissait la haine qu’on lui portait. « Je prie les dieux, lui dit cette femme, de te donner une longue vie, parce que je crains que celui qui te succédera » ne soit plus méchant que toi, puisque tu es pire que tous ceux qui t’ont précédé (1). »
Eh oui, certains se plaignaient du président Coty, qui eurent la cinquième république ; de de Gaulle, qui eurent Pompidou et Giscard ; de Mitterrand, qui eurent Chirac ; de Sarkozy et de Hollande, qui eurent Macron. Jusqu’où ne descendrons-nous pas ? Mais comme dit un de mes lecteurs commentateurs préférés, quand on touche le fond, on creuse encore ! Ah Bush, ah Obama, ah Trump en attendant Omar !
Et comme on parlait de lui (de Denys donc) et de Cicéron, on citera le livre V des magnifiques Tusculanes (un jour, promis, je parlerai du songe de Scipion) :
« XX. Denys devint tyran de Syracuse à vingt-cinq ans; et pendant un règne de trente-huit, il fit cruellement sentir le poids de la servitude à une ville si belle et si opulente. De bons auteurs nous apprennent qu'il avait de grandes qualités car il était sobre, actif, capable de gouverner; mais d'un naturel malfaisant et injuste; et par conséquent, si l'on en juge avec équité, le plus malheureux des hommes. En effet, quoiqu'il fût parvenu à la souveraine puissance, qu'il avait si fort ambitionnée, il ne s'en croyait pourtant pas encore bien assuré. En vain descendait-il d'une famille noble et illustre; quoique ce point soit contesté par quelques historiens. »
Le caractère de Denys est la méfiance – la paranoïa !!! - vis-à-vis de ses proches et des syracusains :
« En vain avait-il grand nombre de parents et de courtisans, et même de ces jeunes amis, dont l'attachement et la fidélité sont si connus dans la Grèce. Il ne se fiait à aucun d'eux. Il avait donné toute sa confiance à de vils esclaves, qu'il avait enlevés aux plus riches citoyens et à qui il avait ôté le nom qui marquait leur servitude, afin de se les attacher davantage. Pour la garde de sa personne, il avait choisi des étrangers féroces et barbares. Enfin la crainte de perdre son injuste domination l'avait réduit à s'emprisonner, pour ainsi dire, dans son palais. »
On sait que notre président a des gardes du corps du Mossad… Mais évitons les ennuis et revenons à Denys. Lui a au moins des filles qui lui font la barbe :
« Il avait même porté la défiance si loin, que, n'osant confier sa tête à un barbier, il avait fait apprendre à raser à ses propres filles. Ainsi ces princesses s'abaissant par ses ordres à une fonction que nous regardons comme indigne d'une personne libre, faisaient la barbe et les cheveux à ce malheureux père. Encore, dit-on, que quand elles furent un peu grandes, craignant le rasoir jusque dans leurs mains, il imagina de se faire brûler par elles les cheveux et la barbe avec des écorces ardentes. »
Denys adore les perquisitions :
« On raconte de plus, que quand il voulait aller passer la nuit avec l'une de ses deux femmes, Aristomaque de Syracuse, et Doris de Locres, il commençait, en entrant dans leur appartement, par les perquisitions les plus exactes, pour voir s'il n'y avait rien à craindre; et comme il avait fait entourer leur chambre d'un large fossé, sur lequel il y avait un petit pont de bois ; il le levait aussitôt qu'il était avec elles, après avoir pris la précaution de fermer lui-même la porte en dedans. »
Cicéron (qui finit les mains et la tête coupées) poursuit son amusante énumération :
« Fallait-il parler au peuple? Comme il n'eût osé paraître dans la tribune ordinaire, il ne haranguait que du haut d'une tour. Étant obligé de se déshabiller pour jouer à la paume, qu'il aimait beaucoup, il ne confiait son épée qu'à un jeune homme son favori. Sur quoi un de ses amis lui ayant dit un jour en riant : Voilà donc une personne à qui vous confiez votre vie, et le tyran s'étant aperçu que le jeune homme en souriait, il les fit mourir tous deux; l'un pour avoir indiqué un moyen de l'assassiner; l'autre, parce qu'il semblait avoir approuvé la chose par un sourire. »
Mais Denys est lié au mythe de Damoclès (pour moi c’est un mythe plus qu’une histoire). Et cela donne sous la plume acérée comme on dit du maître de la prose latine :
XXI. Un de ses flatteurs, nommé Damoclès, ayant voulu le féliciter sur sa puissance, sur ses troupes, sur l'éclat de sa cour, sur ses trésors immenses, et sur la magnificence de ses palais, ajoutant que jamais prince n'avait été si heureux que lui : Damoclès, lui dit-il, puisque mon sort te paraît si doux, serais-tu tenté d'en goûter un peu, et de le mettre en ma place? Damoclès ayant témoigné qu'il en ferait volontiers l'épreuve, Denys le fit asseoir sur un lit d'or, couvert de riches carreaux, et d'un tapis dont l'ouvrage était magnifique. Il fit orner ses buffets d'une superbe vaisselle d'or et d'argent. Ensuite ayant fait approcher la table, il ordonna que Damoclès y fît servi par de jeunes esclaves, les plus beaux qu'il eût, et qui devaient exécuter ses ordres au moindre signal. Parfums, couronnes, cassolettes, mets exquis, rien n'y fut épargné. »
Evidemment il y a un prix à payer, ajoute notre sage et sarcastique Cicéron :
« Ainsi Damoclès se croyait le plus fortuné des hommes, lorsque tout d'un coup, au milieu du festin, il aperçut au-dessus de sa tète une épée nue, que Denys y avait fait attacher, et qui ne tenait au plancher que par un simple crin de cheval. Aussitôt les yeux de notre bienheureux se troublèrent : ils ne virent plus, ni ces beaux garçons, qui le servaient, ni la magnifique vaisselle qui était devant lui : ses mains n'osèrent plus toucher aux plats : sa couronne tomba de sa tête. Que dis-je? Il demanda en grâce au tyran la permission de s'en aller, ne voulant plus être heureux à ce prix (2). »
Peut-être que grâce à Damoclès l’autre ne restera pas…
Notes
(1) Biographie universelle, ancienne et moderne. 1814, Google books, tome onzième, p. 120.
(2) Cicéron, Tusculanes, V, Remacle.org
13:02 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, france, europe, affaires européennes, emmanuel macron, cicéron | | del.icio.us | | Digg | Facebook
jeudi, 30 décembre 2021
Bonnal et l'Ambiance Apocalyptique
12:53 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, apocalypse, nicolas bonnal | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Le rêve d'immortalité de Bezos et l'inéluctabilité de la mort
Lorenzo Maria Pacini
Le rêve d'immortalité de Bezos et l'inéluctabilité de la mort
Source: http://novaresistencia.org/2021/12/21/o-sonho-da-imortalidade-de-bezos-e-a-inevitabilidade-da-morte/?fbclid=IwAR38npV79Y-qXvC19qMq0ICJdazVy8-XX-_xYOFJqilg83z6rfjMXrvVEck
La mort est un élément fondamental de l'essence humaine. Mais la peur de la mort et la recherche de moyens d'y échapper ont été des thèmes permanents dans l'histoire de l'humanité. Dans la postmodernité, cependant, ces tentatives se sont mêlées au technocentrisme et au transhumanisme. Le dernier en date est l'investissement du milliardaire Jeff Bezos dans les technologies de prolongation de la vie.
Le MIT Technology Review rapporte que Bezos investit dans une nouvelle startup visant à stopper le vieillissement humain, appelée Altos Lab, lancée par le milliardaire russe Yuri Milner en 2021. Cette startup à la longévité compliquée vise à développer une technologie qui rajeunit les cellules et permet aux gens de vivre au moins cinquante ans de plus que la moyenne actuelle. "La philosophie de l'entreprise est de se concentrer sur la recherche axée sur la curiosité", a déclaré le chercheur Manuel Serrano à Technology Review. "Grâce à une entreprise privée, nous avons la possibilité d'être audacieux et d'explorer toutes les dimensions qui peuvent nous aider à comprendre le mécanisme du rajeunissement. La monétisation des découvertes que nous ferons est une hypothèse, mais ce n'est pas le but principal de notre travail." Outre M. Serrano, déjà connu pour ses travaux en matière de génie génétique pour la longévité, le projet implique également Shinya Yamanaka et John Gurdon, qui a reçu le prix Nobel de médecine 2012 pour ses travaux sur la reprogrammation de l'ADN, le généticien américain Steve Horvath, le biologiste allemand Wolf Reik et le biochimiste espagnol Juan Carlos Izpisua Belmonte. La "lutte contre le temps" de Bezos, l'homme le plus riche du monde selon les magazines spécialisés, n'est pas nouvelle : avec l'investissement qu'il a réalisé il y a des années dans Unity Biotechnology, une entreprise pharmaceutique spécialisée dans l'anti-âge, il s'était déjà dit prêt à donner un avenir - ou peut-être plus d'avenir, pour être ironique - à ce domaine de recherche.
Une série de questions et de réflexions se posent inévitablement, dont la première est d'ordre socio-économique. Un magnat ordolibéral technocapitaliste investit massivement dans un secteur, prélude au mécanisme désormais bien connu par lequel, une fois qu'une découverte est brevetée, elle est vendue, avec des profits énormes et la construction de paradigmes de dépendance financière et de contrôle social, à des États ou à d'autres entreprises, alimentant le système de marchandisation de la vie humaine et des politiques qui y sont liées. Il n'y a rien de problématique en soi dans la recherche, et c'est très bien de pouvoir la réaliser, mais c'est la volonté derrière le projet qui doit être évaluée, surtout quand il s'agit, comme dans ce cas, d'une personne déjà connue pour avoir créé une entreprise monopolistique dans laquelle les travailleurs vivent dans des conditions de travail précaires et inhumaines, créant une concurrence déloyale sur le marché et entraînant la tendance à une plus grande richesse, toujours aux dépens des plus faibles.
Une question concerne l'aspect bioéthique. Le rapport à la mort est le plus ancestral, le plus enraciné et le plus commun à l'homme ; il fait partie de son statut ontologique et anthropologique. Une bonne relation avec la mort est celle où l'on perçoit et vit l'ouverture transcendantale de l'existence, dans l'ordre métaphysique qui nous appartient, en ne s'identifiant pas au corps biologique, mais à l'âme qui le façonne, en acquérant la conscience que la dimension existentielle dans laquelle on acquiert la conscience de soi n'est pas la seule, mais est un et un passage. La peur de la mort, en revanche, apparaît lorsque cette maturation individuelle n'est pas atteinte, restant ancrée ou plutôt coincée dans la matérialité de la vie, de sorte qu'elle n'a pas de but et pas de verticalité. La mort est inévitable, pour les deux types d'individus ; elle survient cependant aussi bien pour ceux qui l'attendent et l'accueillent avec réflexion, le cœur ouvert et la conscience du passage qu'elle représente, que pour ceux qui la craignent, la fuient constamment et tentent de l'exorciser violemment. L'absurdité qui se dégage d'un projet qui vise une supposée "immortalité" n'a pas non plus beaucoup de sens d'un point de vue encore plus subtil : le corps biologique est une partie de notre essence incarnée, et y rester attaché "pour toujours", comme si c'était le seul état dans lequel nous pouvons exister, reviendrait à limiter notre évolution, notre voyage vers une dimension bien plus élevée. C'est un peu comme chercher la liberté en voulant s'enfermer dans une prison avec des chaînes plus grosses.
Il y a également un aspect biomédical à prendre en compte. Si la possibilité de prolonger la vie biologique était réalisée, que deviendrait notre corps ? La génétique et la biologie nous enseignent que le corps humain est un organisme complexe, dans lequel rien ne se produit "soudainement", dans lequel les changements résultant d'une adaptation comportementale et environnementale nécessitent une longue période de temps pour se fixer définitivement dans le patrimoine génétique et donc héréditaire. La grande découverte de Bezos et de ses compagnons finirait par être, une fois de plus, un luxe pour quelques-uns, et non un élixir pour les peuples et les nations. Même la voie de l'hybridation homme-machine et l'application des biotechnologies au corps, avec toutes les réflexions éthiques complexes qu'elles impliquent, ne peuvent interrompre le voyage que toute âme est appelée à entreprendre.
Il serait peut-être plus sage d'investir autant de ressources, par exemple, dans la formation à une vie saine, authentique et équilibrée, ou dans le travail intérieur, la connaissance de soi, l'étude du bien commun et la réalisation authentique et intégrale du bonheur individuel et collectif. Cela permettrait une meilleure qualité de vie, une transformation de la société, un changement radical de la direction prise par ce monde. Alors la mort ne serait probablement plus l'ennemie à fuir jusqu'au jour inopportun et inévitable, mais la sœur, comme le dit saint François, sur laquelle nous pouvons nous appuyer de manière fraternelle au terme de notre parcours dans cette forme de vie, prête à nous livrer dans ses bras pour passer consciemment à de nouveaux horizons.
Source : Idee&Azione
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mercredi, 29 décembre 2021
L'Occident: hégémonie ou déclin - Eléments du débat sur l’hégémonie, la politique et les civilisations
L'Occident: hégémonie ou déclin
Eléments du débat sur l’hégémonie, la politique et les civilisations
par Irnerio Seminatore
Ex: https://www.ieri.be/fr
L'Occident: hégémonie ou déclin
La crise des paradigmes
L'approche civilisationnelle et historique
L'Occident et la déclin de la puissance américaine
L’Europe et l'unité stratégique de l'Occident
Partenariat et leadership, constantes structurelles d'ordre stable
Etats-Unis et Europe, une communauté d'intérêts partagés, leadership et hégémonie de cooptation
Irréductibilité de l'Oiccident à ses seules valeurs
Le déclinisme et ses arguments
La scène planétaire et la vision pluraliste du monde
***
L'OCCIDENT : HEGEMONIE OU DECLIN
L’Occident, comme espace de liberté politique et religieuse, d'État de droit, d'équilibre des pouvoirs et d'économie de marché, s'est imposé au monde comme un modèle de pluralisme et de contre-poids institutionnels entre la force contraignante de la constitution et de l’État et la liberté exigeante des individus et des forces intermédiaires de la société. Un équilibre qui n'a pas d'égal dans d'autres contextes civilisationnels, dont la faiblesse congénitale est représentée par le déficit de « sens », qui est la composante « hard » de l'esprit humain et la force entraînante de l'hégémonie historique. Par ailleurs, l’approche réaliste rappelle que l'Occident sera dominant jusqu'au moment où le scrupule de la morale, de la loi ou des intérêts n'effacera pas son besoin primordial de survie. Il dominera jusqu'au moment où la ruse lui permettra de vivre dans la civilisation et la pulsion originelle de la force dans un système international bâti sur l’anarchie et sur la guerre
En effet, la loi profonde de tout changement et de toute transformation humaine repose au même temps sur l'ascétisme moral et sur la force primitive de la violence. Le déclin d'une civilisation commence avec la naissance du sentiment de piété, de justice et d’inclusion, qui demeurent les principes corrupteurs de la domination et de la hiérarchie humaines. Pour que la civilisation perdure, il faut l’existence de deux lois, l'une pour le rappel du passé et l’autre pour l’engagement dans l’avenir, l’une pour l'ami et l'autre pour l’ennemi, suivies d’une application intransigeante de cette discrimination.
L'humanisme et l'égalité marquent en effet le début de la fin d'une civilisation, comme la tolérance, la dissipation, ou la crise démographique, car la règle de la coercition, de la violence et de la rigueur qu'ont fait grands les Empires sont certes constantes, mais pas immuables au cours de l'Histoire. En effet, les moyens de leur exercice se sont démocratisés et étendus à travers la création d'institutions et de bureaucraties impersonnelles et l'usage de la force ou la répression des révoltes ont sapé la croyance en une destinée pacifiée et civile, différente de celle qui se déroulait cycliquement avec l'ascension, l'affirmation et la chute des États et des Empires.
LA CRISE DES PARADIGMES
Après la chute de la bipolarité une série d’auteurs occidentaux ont contribué à donner naissance à la nouvelle manière d'écrire l'histoire, sans le pathos de la philosophie allemande de l'histoire ou du devenir des civilisations à la Spengler. Ils nous ont rappelé que l'Occident n'est plus le seul « sujet » de l'Histoire universelle et que celle-ci n'est pas le champ intellectuel de son monologue intérieur.
Leur mérite a été de remettre en cause une série de paradigmes fondamentaux de notre connaissance et de faire apparaitre les vieux postulats comme désuets et inadaptés. C'est sur la base de cette crise des paradigmes, si salutaire pour l’esprit, qu’il est devenu possible et nécessaire de reprendre le débat sur les notions héritées d'Orient et d'Occident, d’hégémonie et de bataille culturelle
L'APPROCHE CIVILISATIONNELLE ET HISTORIQUE
Suivant un courant de pensée qui va de Spengler à Toynbee, de Quincy Wright à Ortega y Gasset, l'hypothèse de Huntington selon lequel : « dans le monde nouveau, les conflits n'auront pas pour origine l'idéologie ou l'économie. Les grandes causes de division de l'humanité et les principales sources de conflits seront culturelles », est apparue inattendue, tout en poursuivant le même héritage. « Les États-nations continueront à jouer le premier rôle dans les affaires internationales mais les principaux conflits politiques mondiaux mettront aux prises des nations et des groupes, appartenant à des civilisations différentes. Les chocs des civilisations seront les lignes de front de l'avenir».
Après avoir rappelé que « la communauté des cultures est une précondition de l'intégration économique » il rappelle que « l'axe central de la politique mondiale sera probablement, dans l'avenir, le conflit entre l'Occident et le reste du monde ».
D’autres auteurs, à l’Est comme à l’Ouest, se sont longuement demandé qu'est-ce que cela implique pour l'Occident (Europe et Etats-Unis) ?
« Tout d'abord, que les identités forgées par l'appartenance à une civilisation, remplaceront toutes les autres appartenances, que les Etats-nations disparaitront et que chaque civilisation deviendra une identité politique autonome ». Le thème de l’identité est devenu depuis un argument privilégié du débat politique interne, discriminatoire et souverainiste.
L'OCCIDENT ET LE DÉCLIN DE LA PUISSANCE AMÉRICAINE
L'Occident, comme pouvoir dominant et conquérant a été dissocié de l’exigence d’ordre et de stabilité et il est devenu une cible des thèses pessimistes et simplistes sur son déclin inévitable et sa décomposition inéluctable. Or l'Occident, autrement dit les USA, l'Europe et l'hémisphère Nord de la Planète, l'Amérique Latine et l'Océanie, auxquels on ajoutera le Japon et l'Inde, dominent sans partage tous les domaines de la l'activité humaine et de la vie politique et sociétale, bref, de la connaissance et de la culture, des arts et des sciences, des modes de vie et des modèles culturels.
Cette prédominance évidente ne disparaîtra qu'avec une catastrophe mondiale ou une guerre planétaire et nucléaire, effaçant tout souvenir de civilisation. Dans une dimension plus proche de ces propos, celle de la relativité de l'expérience humaine, on constatera que la force et la faiblesse déterminent toujours le statut d'une nation ou d’une culture sur la scène du monde. Il en est ainsi à chaque période historique. Or, une réflexion sur la position actuelle de l'Occident nous pousse au constat que l'Amérique est en train de perdre son statut d'hyper-puissance pour redevenir un des principaux membres du Club des grandes puissances du XXIème siècle. C'est la thèse soutenue par l'historien Paul Kennedy de l'Université de Yale à partir d'une comparaison historique avec le déclin de l'Empire britannique dès la deuxième moitié du XIXème siècle. Lorsqu'un pays a été au faîte de la puissance dans toute une série de domaine, d'autres acteurs émergents commencent à combler leur retard, de telle sorte qu'une redistribution de la puissance internationale fait décroître l'importance relative du leader et engendre plus loin la transition de la puissance déclinante à la nouvelle puissance montante qui aspire à l'hégémonie. Sommes-nous confrontés à l’analogie historique dans le cas du duopole actuel des Etats-Unis et de la Chine et donc à la répétition du « Piège de Thucydide » qui, selon Graham T. Allison, porte fatalement les deux compétiteurs à l’affrontement militaire.
En décomposant les facteurs de puissance, Paul Kennedy, a tenté d’élaborer, dans son étude sur « La montée et le déclin des grandes puissances », les lois d’évolution de celles-ci par la variation de leurs taux de croissance économique.
Or, dans le cas des Etats-Unis, à la détérioration de leur perception par les autres acteurs de la scène multipolaire, ainsi qu'à l'hostilité croissante pour leurs entreprises militaires, menées sans succès par le monde, s’ajoutent des considérations morales et philosophiques, qui opposent les deux courants de pensées, le réaliste et le transnationale, dont sont imprégnés les défenseurs et les opposants de l’Occident Par ailleurs, l’autre important pilier du pouvoir de l'Amérique, le pouvoir économique et financier, s'est fortement dégradé en raison des déficits commerciaux et des déficits publics, mais aussi de la titrisation des crédits pourris, qui ont été à l'origine de la crise mondial de 2008.
Quant à la responsabilité des élites, un vieil article de l'éditorialiste économique Martin Wolf dans le Monde du 18 janvier 2014, au titre « La faillite des élites » développa la thèse du manquement des élites européennes et mondiales dans la crise actuelle et dans celle de la première guerre mondiale (1914-18). Le trait commun d'hier et d'aujourd'hui est représenté par un cumul impressionnant d'ignorance et de préjugés ayant conduit, avec le premier conflit, à détruire les deux piliers de l'économie du XIXème siècle, le libre-échange et l'étalon d'or et, avec la crise actuelle, à avoir encouragé un gigantesque pari consistant à dissocier responsabilité (répercussions d'une crise systémique) et pouvoir (système de décision) portant atteinte à la « gouvernance démocratique ». Par ailleurs, le divorce entre élites et citoyens aurait engendré en Europe une concentration du pouvoir, toujours actuelle, entre trois bureaucraties non élues (la Commission, la Banque Centrale Européenne et le Fonds Monétaire International) et une série de pays créanciers, en particulier l'Allemagne, sur lesquels les opinions et les citoyens n'ont aucun pouvoir d'influence.
Reste le pouvoir militaire, exorbitant, qui demeure le plus solide, en ses capacités de projection de puissance et dont l'efficacité opérationnelle et dissuasive est destinée à décroître en relation aux conflits asymétriques et aux diverses incertitudes géopolitiques.
Ces derniers s'accroissent en revanche, avec la montée des forces irrégulières et la démultiplication des situations de crise. Cependant, l'élément le plus déstabilisant, suivant le schéma interprétatif du déclin des grandes puissances, est l'empiètement des puissances retardataires ou perturbatrices, à l'intérieur des espaces de sécurité d’Hégémon, doublé du risque d'une atténuation du rôle des alliances militaires et d'une redéfinition générale des stratégies du long terme, pouvant éloigner les Etats-Unis de l'Europe.
Ce risque, réduisant les ambitions et les engagements de la République Impériale dans le monde, les conduirait à l'isolement international et à une normalité, qui leur feraient perdre le rôle, encore actuel, de pivot du monde.
L'EUROPE ET L'UNITÉ STRATÉGIQUE DE L'OCCIDENT
L'absence de leadership affaiblit l'Europe et les États-Unis dans un monde multipolaire, où l'unité du commandement relève de la plus haute fonction stratégique. L'unité stratégique permet de concevoir et de mettre en œuvre une architecture de systèmes défensifs hiérarchisés et intégrés à un seul pôle de décision. Planifier les seuils de la dissuasion ou les niveaux de la stabilité, ou encore les priorités des engagements et de la logique de préemption aux deux grandes échelles du monde, le système planétaire et les aires régionales plus menaçantes, cela relève du leadership comme porteur d'atouts stratégiques.
Cette unité de conception, de décision et d'action est géopolitique et géostratégique Elle est au même temps stratégique et systémique, car elle définit les coalitions, les acteurs hostiles et les théâtres de conflit. Ce sont les acteurs hostiles qui portent atteinte à la stabilité mondiale, en utilisant la force et la menace directe et indirecte, dans le but d'obtenir des gains par l'utilisation de revendications autrement impossibles à accepter, car assorties de risques démesurés.
PARTENARIAT ET LEADERSHIP, CONSTANTES STRUCTURELLES D’UN ORDRE STABLE
Le partenariat politique et la « pax consortis » apparaissent, à l’ère des interdépendances, comme les méthodes les plus efficaces pour rechercher des solutions appropriées aux problèmes multiformes du système international de demain. Ce partenariat comporte un nouvel équilibre des initiatives, des tâches et des responsabilités.
L’image des « superpuissances » s’était enracinée un peu partout dans les consciences politiques depuis 1945, associée à celle, tutélaire, des leaderships de l’Est et de l’Ouest. Cette conscience tirait sa raison d’être d’une concentration exorbitante des moyens inhibitoires de la force.
Une disproportion entre l’impuissance de la force (potentiel de destruction), la puissance politique visant à l’utiliser (au moins diplomatiquement), et les capacités économiques des détenteurs de celle-ci, s’est insinuée dans la représentation collective, mettant en crise les options de politique étrangère qui s’étaient inspirées de celle-ci et notamment celles de « globalisme unilatéral », et de « unilatéralisme globaliste ».
Le pluralisme des valeurs et la disparité des intérêts entre les USA et l'Europe, requièrent davantage une gestion du système, basée sur la « pax consortis » et le dialogue multilatéral, car cette gestion collective par les acteurs majeurs du système est aussi la plus équilibrée, face aux nouvelles formes de vulnérabilité.
Au regard de la gestion du système international actuel, les États sont brusquement confrontés à des défis globaux, qui exigent coopération et partage de responsabilités.
Ne poursuivant pas des objectifs réductibles à la logique du marché, les États visent, aujourd’hui comme hier, l’instauration ou la définition d’un ordre international maîtrisable, un ordre stable.
Ce dernier exige une forme de pouvoir politique qui prenne en charge les problèmes liés à la gestion de la sécurité et ceux qui découlent d’une complexité croissante et de la poursuite d’un processus d’intégration étendu.
La restriction de l’autonomie des États et l’imbrication toujours plus étroite de la politique intérieure et de la politique extérieure, ainsi que l’extension de la scène planétaire, liée à la multiplication des acteurs sub et trans-étatiques et à celle de flux de communication afférents à des foyers mouvants d’incertitude et de crise, interdisent l’utilisation de paradigmes explicatifs uniques et de théories générales à portée universelle.
ETATS-UNIS ET EUROPE, UNE COMMUNITE D’INTERETS PARTAGES ?
LEADERSHIP ET HEGEMONIE DE COOPTATION
Ainsi, dans le décryptage des transformations consécutives à l'effondrement de la bipolarité, Z. Brzezinski a dégagé une lecture du système international où le choix d’un engagement cohérent de l’Amérique à côté de l'Europe visait la préservation et l’exercice d’un leadership cooptatif et d’une hégémonie démocratique. L’intimité de ces deux notions était liée à la gestion des alliances et à la légitimité internationale de l’action des États-Unis.
C’est donc à partir d’une analyse globale de la scène planétaire que l’auteur parvint à historiciser et à relativiser la priorité absolue accordée par l’Administration Bush à la « guerre contre le terrorisme ». Celle-ci ne pouvait représenter à ses yeux qu’un but stratégique à court terme, dénoué de pouvoir fédérateur. En effet, s’interrogeant sur l’hégémonie américaine et, en perspective, sur son déclin historique à long terme, Brzeziński replaça la complexité du paysage mondial et ses turbulences, dans le cadre d’une stratégie d’alliance permanente avec l’Europe. Seule cette alliance, interdépendante et toutefois asymétrique, était en mesure d’assurer, à ses yeux, une communauté d’intérêts partagés entre l’Europe et les USA.
Cette alliance aurait pu garantir l’évolution de la prééminence des USA sous la forme qui correspond le plus à une démocratie impériale, l’hégémonie de cooptation. Aucune alliance de circonstance ne pouvait élargir les bases d’une direction éclairée, fondée sur le consensus plutôt que sur la domination pure. Aucun autre acteur ou ensemble d’unités politiques – à l’exception de l’Europe – n’aurait pu permettre l’exercice d’un leadership mondial, sous la forme d’un pouvoir fédérateur et rassembleur vis-à-vis de ses alliés.
IRREDUCTIBILITÉ DE L’OCCIDENT À SES SEULES VALEURS
La réduction de l’Occident a ses seules valeurs, selon une approche récente de l’ordre européen, est une antinomie d’ordre culturel, qui risque d’occulter la complexité du réel et conduire à des dévoiement politiques. Dans l’Union Européenne elle a pour fonction de réduire à l’obéissance Orban et les pays de Visegrad, au sein d’une dispute d’apparence constitutionnelle et en Russie a lutter contre l’atlantisme et le globalisme libre-échangiste, menant une opposition civilisationnelle et sémantique. Ce réductionnisme et son inscription dans la perspective d’un renversement de l’hégémonie occidentale, occulte l’épaisseur de l’objet d’analyse et son importance historique. En effet le principal des inspirateurs des eurasistes russes prétend que « l’Occident est une source d’empoisonnement du monde et d’hégémonie impérialiste » et considère que l’Occident a la même signification, pour la pensée russe, que l’invasion mongole, arguant que celle-ci avait privé les russes de leur indépendance politique, tandis que l’identité culturelle et religieuse les avait empêchés d’être soumis à l’expansion catholique. Ainsi la Russie serait une civilisation distincte et l’Occident son principal ennemi et adversaire. De surcroit les eurasistes eux-mêmes, auraient abandonné la confrontation avec l’Occident et son idéologie matérialiste -le communisme- remplacée par une autre forme de matérialisme -le libéralisme ; abandon qui mènerait tout droit à la désintégration de la Russie. Le développement et la dégradation de l’Occident serait le destin d’un autre continent sémantique, car, pour l’Ouest, selon Troubetskoï, cité a l’appui de cette thèse, la force de l’Occident serait avant tout un impérialisme sémantique, une hégémonie épistémologique. Par une étrange analogie, cette interprétation adoptant comme lecture d’appartenance à l’Union européenne ses seules valeurs, rapprocherait Mme von der Leyen des eurasistes dans un même combat, un combat d’idées, vidées de substance historique et de pertinence stratégique. Dans les deux cas, l’affrontement hégémonique, dépolitisé et désarmé serait réduit aux deux aspects d’un même chantage, la soumission a un ordre culturel dogmatique et a une autorité sans légitimité. Non, l’Occident n’est pas l’invasion mongole pour le monde russe, mais une réfutation stérile de l’importance de la puissance et de l’influence de l’univers européen
LE DECLINISME ET SES ARGUMENTS
Le New Statesman de Londres, repris par le Courrier International a publié en octobre 2021 un article du philosophe anglais, John Gray, au titre Comment le monde a basculé, dans lequel il résume la plupart des thèses déclinistes, pour conclure que l’Occident n’est pas mort et que nous ne vivons pas dans un monde post- occidental. L’argument central est constitué par le renversement de la prise de conscience des réalités historiques les plus durables et de leur portée géopolitique, le guerres perdues, l’abandon par l’Occident de régions stratégiques -l’Irak, la Syrie, la Libye, l’Afghanistan et le vortex illusoire de la stratégie du – « Regime Change ». Plus important et plus grave, l’oubli de la force disruptive de la liberté et de la tolérance, qui ont fait la force et l’idéal des révolutions intellectuelles du passé et la limitation de la démocratie à l’orthodoxie du dogme, préservé par une série d’interdits idéologiques.
En termes de pouvoir international, l’épuisement de la stratégie américaine et de son empire démesuré, a rendu ingérable son leadership. Difficulté qui est intervenue avec l’écroulement de l’Union soviétique et l’apparition d’un monde unipolaire. Un monde dans lequel, parallèlement a la montée étonnante de la Chine, les vieilles idées de l’Occident des années 30-4O ont inspirés les nouveaux régimes autoritaires. C’est surprenant en effet que dans les universités chinoises soient lus attentivement les classiques de la pensée occidentale Hobbes, Rousseau, Tocqueville, Burke et surtout Carl Schmitt. Des lectures qui ont pour toile de fond la quête de l’unité du pays, la recherche de l’homogénéité politique et culturelle et sont ostracisés les facteurs de division représentés par les minorités -ouighours, tibétaines, hongkongaises, taiwanaises et par les oppositions internes diverses, défendues par le recours aux droits de l’homme. C. Schmitt a fait école en une situation de crise permanente et d’anarchie et d’ingouvernabilité. Cependant la décomposition de l’hégémonie occidentale, comme fait culturel et intellectuel a eu une autre composante délétère, la crise de confiance en soi des européens, une crise spirituelle datant de la première guerre mondiale et du maitre ouvrage de O. Spengler- « Le déclin de l’Occident », auquel se sont inspirés les bons et les mauvais lecteurs de l’auteur fameux et ses héritiers. Une toute dernière remarque est imputable enfin à la conception occidentale selon laquelle il n’y aurait pas d’alternative à la civilisation occidentale et que nous serions parvenus avec le collapse de l’Union Soviétique,-à la « Fin de l’Histoire » - de Fukuyama.
LA SCÈNE PLANÉTAIRE ET LA VISION PLURALISTE DU MONDE
La scène planétaire est caractérisée par l'interdépendance croissante de l’humanité et par une complexité inégalée des univers culturels.
À présent, nous observons la fin provisoire de l'âge idéologique, mais cela ne signifie point sa disparition définitive, car les utopies réapparaissent perpétuellement dans le siècle et elles en constituent la trame signifiante.
Or la vision pluraliste du monde s'est, tour à tour, opposée à la vision moniste et dogmatique de la réalité. Ainsi, la variété des civilisations et des croyances et la multiplicité des régimes politiques nous forcent au constat, exaltant pour les uns et désarmant pour les autres, que l'hégémonie de l'Occident, qui préserve cette variété et cette richesse d'expressions, perdurera encore longtemps, avant de se dissoudre et de justifier une nouvelle candidature à la stabilité et à l'ordre universel dans le monde. C’est pourquoi l’Occident ne nous apparait pas fini et qu’il est encore loin de l’être, suicide exclu et histoire défigurée.
Bruxelles- Bucarest le 19 Décembre 2O21
Irnerio Seminatore est l’auteur de l’ouvrage – « La Multipolarité au XXIe siècle », Préface de Charles Zorgbibe ,à paraitre auprès des Editions VA Press (Fr)
Prochains titres :
Hégémonie et stabilité systémique
Hégémonie et transition de système
18:44 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, irnerio seminatore, politique internationale, occident, hégémonisme, hégémon, hégémonie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Voulez-vous d'un "Macron remastérisé" pour gouverner la France?
Voulez-vous d'un "Macron remastérisé" pour gouverner la France?
par Frédéric Andreu
La ficelle est grosse comme une corde, mais diablement efficace : le système électoral et la logique pernicieuse du “vote utile” consistent à nous faire choisir, au final, non pas entre deux visions du monde radicalement différentes, mais entre deux copies du même. Les élections présidentielles françaises illustrent parfaitement cette stratégie avec la montée de Valérie Pécresse dans les sondages. Le but du système étant de nous fourguer un “Macron remasterisé” en nous donnant le choix entre un énarque idéologique d'un côté et une autre énarque plus pragmatique.
Par quel tour de passe-passe le système s'y prend pour s'auto-reproduire tous les cinq ans? C'est très simple : la démocratie avance toujours par “étapes”, jamais de face, et en présentant des copies du même afin que tout tourne autour du même rond-point idéologique.
C'est une question d'ingénierie sociale que connaissaient déjà les Anciens. En effet, les Présocratiques ont montré un certain nombre de principes qui prévalent de toute éternité. Ils ont notamment démontré qu'entre l'original et la copie, c'est toujours la copie qui l'emporte. Le pouvoir du "double" est fascinatoire et intrinsèquement luciférien (en tant qu'il est "porteur de lumières"). D'ailleurs, le candidat est étymologiquement le “candidus”, celui qui porte la tunique blanche qui reflète la lumière. A l'époque antique, la tunique était un signe de visibilité mais à notre époque d'écrans omniprésents, il est devenu le règne du reflet luciferien. La stratégie du double règne dans nos consciences avec une redoutable efficacité. La démocratie, qui s'exerce en France le temps de déposer un bulletin pendant quelque instant est un exercice de “pensée magique” qui consiste à faire croire au “changement”, à l' “alternative”. C'est l'aspect fascinatoire du système électoraliste.
Que faire face à ces gorgones de papier issues des mêmes cavernes universitaires ? Il reste à brandir le bouclier de Persée. Ne pas regarder en face Macron, Pécresse, c'est refuser déjà de valider leur vocabulaire et autres "éléments de langage", leurs arguments à coup de taux de croissance, leurs poncifs historiques de la seconde guerre mondiale, leur logique de bilans et autres courbes économiques destinés à donner un vernis scientifique à ce qui n'est qu'une croyance économique.
Tout ce petit monde formé aux méthodes de la "com" a le pouvoir magique de transformer notre jugement en pierre, c'est pourquoi il ne faut pas se prémunir de leurs stratégies. Leurs "éléments de langage" sont des formules de sorcellerie médiatique. Il convient au contraire de montrer que la stratégie du système est celle de la photocopieuse qui, en période électorale, marche à plein régime. Elle consiste à envahir le paysage médiatique de copies du même afin de faire croire à la liberté de choix entre deux candidats en réalité consensuels sur le fond mais opposés sur la couleur des tickets de métro; opposés sur tout mais consensuels sur le processus néolibéral de déréalisation du monde.
Entre Macron et Pécresse, on nous dira que voter pour Pécresse, c'est être moderne car c'est voter pour une femme. On nous opposera des différences de fond sans jamais nous dire lesquelles. Dans l'ère de la démocratie cosmétique, la victime, c'est l'imagination, la poésie, le don gratuit, la tradition - et finalement ce "pays réel" qui agonise en silence sous les coups de boutoir des normes, alors même que son négatif, le “pays légal” triomphe dans tous les domaines. C'est pourquoi les lendemains des élections se suivent et se ressemblent. Ils ressemblent à ces lendemains de fête lorsque les convives sont partis et que l'on se retrouve avec la gueule de bois et la maison sans dessus dessous. Toujours ce même sentiment de descendre en enfer, de voir la France et l'Occident s'évaporer dans le néant. Le même sentiment de ne croiser que le vide dans les yeux des passants.
Je ne dis pas que les candidats, en tant que personne, seraient porteurs de toutes les responsabilités. Tout revient, comme l'a bien montré Guy Debord à l'auto-mouvement cybernétique du capital en oeuvre dans la “Société du Spectacle”. C'est elle qui explique pourquoi sous François Hollande, on finissait par regretter Sarkozy ; sous Macron, on a regretté Hollande, et pourquoi nous sommes tous plus ou moins en train de nous demander si l'on ne va pas regretter Macron...
En réalité, les idéologies programmatiques, surtout celles qui nous promettent le bonheur sur terre, sont des "calypsos” (les forces de la captation et de la dissimulation) des véritables processus en cours dans l'Histoire. On remarquera en effet que tous les systèmes opposés sur le papier, capitalisme et communisme (voire, dans une moindre mesure, le fascisme), ont tous servi le processus technicien. Ils ont tous remplacé l'objet par le produit, le jardin par l'usine, la qualité par la quantité et au final, l'homme par la machine...
La stratégie de nos Macron ou Pécresse consiste à accompagner le broyage systématique du Pays Réel tout en jouant la carte de la nouveauté. Il faut paraître jeune et "branché", ou à l'inverse, réactionnaire. Toutes les stratégies sont bonnes pourvu que la France demeure une puissance inféodée aux grands ensembles mondiaux au rebours de ce que sa situation géopolitique lui commende : être le fer de lance des pays “non-alignés”.
Au lieu de chercher le consensuel mou, le pathos, le cercle de raison, les candidats devraient au contraire se rappeler qu' "un homme persuadé persuade". La foi agit comme une onde de choc et non comme une programation. Le phénomène Zemmour le montre bien.
A "gauche", Mélenchon auto-censure ses pulsions nationalistes à la Marcel Déat. A "droite", les idéaux restent prisonniers du tribunal idéologique de la gauche. En 2006, Pécresse n'a-t-elle pas déclaré que la “société métissée est l'avenir de la France” ? Quant à Marine Le Pen, elle court derrière la « respectabilité » c'est-à-dire derrière les inférences de la gauche idéologique. Au fond des choses, le jeu électoraliste est implicitement pervers car basé sur la peur et le vote utile.
Un pays qui a connu l'aventure bonapartiste est dans son Histoire prédisposé à jouer un autre rôle que celui de caniche nain des oligarchies mondialistes. Même si la démographie n'est plus celle de la fin du 18ème siècle, la France, riche du génie de ses peuples, de sa géopolitique liée à ses territoires ultramarins, est prédisposé à être le chef de file des pays non-alignés du monde.
La France est une locomotive que l'on cherche a réduire à un wagon.
14:04 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, élections françaises, élections présidentielles françaises, europe, affaires européennes, politique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mardi, 28 décembre 2021
Nous sommes si vulnérables ... Sur les dangers de notre civilisation high-tech
Nous sommes si vulnérables...
Sur les dangers de notre civilisation high-tech
Andreas Mölzer
Source: https://andreasmoelzer.wordpress.com/2021/12/15/wir-sind-so-verletzlich/
Le sociologue et anthropologue viennois Roland Girtler a un jour fait remarquer que la vie de la population paysanne ordinaire avait plus changé en quelques décennies depuis les années 50 du 20e siècle qu'au cours de la période précédente, depuis le néolithique. En ce qui concerne l'alimentation, la méthode de travail, le déroulement de la journée, les vêtements des gens, tout était identique pendant des siècles, voire des millénaires, pour ces simples paysans. Et ensuite, en à peine un demi-siècle, la révolution industrielle a changé non seulement la vie de la population paysanne, mais aussi notre vie à tous, dans une mesure à peine imaginable auparavant.
Même dans les années de détresse et de pénurie, par exemple entre les deux guerres mondiales ou dans l'après-guerre, il existait des possibilités d'autosuffisance qui permettaient aux gens de survivre même en cas d'effondrement de l'approvisionnement étatique et du tissu économique. Quelques poules, quelques lapins sur le balcon, un sac de pommes de terre dans la cave et quelques douzaines de choux, les ingrédients d'une choucroute et le lait dans le bidon de lait du fermier, réfrigéré en hiver entre les fenêtres extérieures et intérieures et les légumes de son propre jardin. Et lors des promenades en forêt, on ramassait des rondins d'épicéa que l'on fendait à la maison, dans la cave, pour alimenter le poêle dans le salon. On tricotait soi-même des pulls chauds, des écharpes, des bonnets et des gants. Et lorsque l'électricité était coupée ou que l'on n'en avait pas encore, il y avait des lampes à pétrole et des bougies. Et à la place de la radio et de la télévision, dans les familles les plus ambitieuses, il y avait tout au plus de la musique maison.
Ce degré d'autosuffisance a permis aux gens de survivre de manière supportable, même en période de crise, jusque dans les années 50 et jusqu'au début du miracle économique. Certes, dans les grandes villes, à Vienne par exemple, la situation était bien plus difficile dans les pires moments de détresse, juste après la Première Guerre mondiale. La forêt viennoise avait déjà été partiellement déboisée et les distributions de nourriture avaient été réduites à un niveau qui signifiait trop peu pour vivre et trop pour mourir.
Avec la technicisation et la numérisation de notre vie, jusque dans les plus petits foyers privés, cette possibilité de vivre et de survivre a été progressivement réduite, voire même complètement supprimée. Dans les immeubles et les blocs d'habitation dans lesquels vit aujourd'hui une grande partie de la population, non seulement dans les grandes villes mais aussi dans les villes de campagne, il n'y a parfois même plus de cheminées pour affronter le froid hivernal en cas de panne des divers systèmes de chauffage "modernes" et donc, en cas de panne de courant, l'impossibilité de cuisiner ou au moins de chauffer l'eau. Les potagers n'existent plus du tout pour la masse de la population et l'élevage de petits animaux a été réduit à des chats et des chiens domestiques dont la consommation ne serait possible que dans des conditions similaires à celles du siège de Leningrad pendant la dernière guerre mondiale.
Au cours de l'évolution récente de notre civilisation, il y a toujours eu des phases où ces problèmes ont été reconnus et où des contre-mouvements ont eu lieu. Dans les années 70 et 80, la tendance à devenir un "marginal", à rejoindre un groupe alternatif quelconque qui voulait revenir à la nature et cultiver l'autosuffisance au moyen d'une agriculture simple, existait - du moins aux marges de la société. Et dans la phase initiale du mouvement vert, la tendance à revenir à une alimentation naturelle, à des produits régionaux et à renoncer à la consommation était également perceptible. Mais tout cela ne s'est pas imposé dans l'ensemble et dans la masse de la population.
Celle-ci vit aujourd'hui dans une dépendance insoupçonnée vis-à-vis des technologies modernes, pour la plupart électroniques, et des chaînes d'approvisionnement globales qui dépassent largement son propre domaine de vie. En commençant par l'électricité, qui constitue en quelque sorte la base de la vie quotidienne, sans laquelle il n'y a pas d'information par la radio, la télévision ou l'ordinateur, ni de fonctionnement des divers appareils techniques du ménage, l'homme moderne - qu'il soit riche ou pauvre - est dépendant de la technologie et de l'approvisionnement centralisé. À cela s'ajoute le fait que l'approvisionnement en denrées alimentaires via les supermarchés est également centralisé et s'effondrerait très rapidement en cas de panne d'électricité, par exemple, suite à un black-out. Remplacer cet approvisionnement alimentaire suprarégional par un approvisionnement régional nécessiterait des mesures organisationnelles importantes et des délais qui ne seraient tout simplement pas disponibles en cas de black-out.
Depuis le livre du journaliste autrichien Mark Elsberg intitulé "Blackout", nous pouvons imaginer les conséquences réelles d'un tel événement. Sans le côté dramatique du roman, qui part notamment d'une surchauffe des centrales nucléaires dans les pays voisins, le livre décrit de manière impressionnante comment, après quelques jours seulement, non seulement l'approvisionnement s'effondrerait, mais l'anarchie pourrait également éclater. Ce qui donne à réfléchir, c'est qu'au cours des dernières semaines et des derniers mois, les médias et les pouvoirs publics ont massivement joué sur le thème du "blackout". Il y a eu des exercices de l'armée fédérale, des campagnes publicitaires dans la presse écrite et divers reportages à la radio et à la télévision. Les théoriciens du complot ont bien sûr tout de suite supposé qu'il s'agissait, après la pandémie de Corona, de la prochaine planification des forces obscures visant à réprimander les gens et à les kujoner. Des observateurs plus sobres de cette campagne ont fait remarquer que notre société hautement technologique était effectivement si vulnérable et si sensible aux perturbations et que l'on avait déjà frôlé à plusieurs reprises un tel black-out ou une panne de courant généralisée avec beaucoup de chance.
Et les représentants de la protection civile, qui n'ont pas été suffisamment pris en compte pendant des années et des décennies, ont vu leur heure arriver et ont fait remarquer qu'il fallait prendre des mesures plus fortes et plus intensives pour pouvoir maîtriser de tels dangers s'ils survenaient.
De même qu'au plus fort de la guerre froide, on construisait ici aussi des abris antiatomiques et des abris dans les maisons individuelles, il semble que l'on prenne désormais conscience de la nécessité de se prémunir d'une manière ou d'une autre contre la menace d'un black-out. Parallèlement, il existe sur Internet un vaste réseau qui donne des conseils en cas de catastrophe, propose des kits de survie et promeut l'autosuffisance en cas de catastrophe.
Il est certain que notre monde hypertechnique, avec ses systèmes électroniques sensibles et ses points de défaillance centraux, est très vulnérable. Qu'il s'agisse d'une surcharge du réseau électrique, d'un accident dans une centrale nucléaire voisine ou même d'un attentat terroriste, qui pourrait déclencher un tel black-out, est une autre question. Dans certaines circonstances, il suffit de chutes de neige extrêmement abondantes qui, comme nous le savons, pourraient provoquer une panne de courant prolongée dans des vallées et des régions entières. Et il n'est donc pas nécessaire de croire à une quelconque conspiration ou à des objectifs sinistres de forces obscures pour se prémunir contre le risque de black-out dans l'esprit de la protection civile.
Il ne sera pas possible de revenir aux années 50 et à l'économie d'autosuffisance d'antan, mais il existe des méthodes et des mécanismes permettant de minimiser la vulnérabilité de notre société, depuis la grande économie nationale jusqu'aux ménages privés.
Cela commence par le fait que l'autosuffisance régionale pourrait être renforcée et que l'on devrait proposer et acheter davantage de produits régionaux. Cela se poursuit par la constitution de réserves raisonnables par les ménages privés et conduit à une nouvelle modestie, qui ne signifie peut-être pas renoncer à la consommation, mais qui pourrait signifier la capacité à se restreindre, à se limiter dans la vie privée.
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"Front transversal de théoriciens de gauche et de dextristes radicaux" ?
Front transversal de théoriciens de gauche et de dextristes radicaux?
par Klaus Kunze
Ex: http://klauskunze.com/blog/2021/12/27/querfront-von-linken-theoretikern-und-rechtsradikalen/
Gauche et fausse gauche
Pour un gauchiste classique, il ne fait aucun doute que les diverses catégories de la population ont des intérêts inégaux et que différentes classes sont en lutte les unes contre les autres. Lorsqu'un groupe humain a d'autres intérêts qu'un autre, il doit s'organiser pour les faire valoir efficacement. La solidarité au sein du groupe est alors très nécessaire : l'intérêt collectif de la classe prime sur tout intérêt individuel.
L'individualisme libéral est en principe incompatible avec ce point de départ tendanciellement collectiviste. Pour l'individualiste radical, "rien ne passe avant moi", comme l'avait formulé Max Stirner de manière paradigmatique. Il est ainsi devenu l'ancêtre spirituel des anarchistes, des autonomes et des capitalistes ultralibéraux. Un individualiste radical ne se réfère qu'à lui-même : "Aucune chose, aucun soi-disant "intérêt suprême de l'humanité", aucune "chose sacrée" ne vaut que tu la serves, que tu t'en occupes à cause d'elle ; tu peux chercher sa valeur uniquement dans le fait de savoir si elle vaut pour toi à cause de toi" [1].
Les gauchistes et les anarchistes ont en commun leur haine irréconciliable du capitalisme. De nombreux conservateurs estiment en revanche que le capitalisme est compatible avec la préservation de leurs valeurs et pensent, en tant que libéraux-conservateurs, pouvoir le dompter. Les gauchistes et les anarchistes ne le pensent pas. Ils veulent le surmonter. Mais ce faisant, les gauchistes se trouvent face à un dilemme argumentatif : dans leur zèle à détruire le capitalisme, de nombreux anciens gauchistes ont emprunté des prémisses constructivistes depuis les années 1980 : ils se nomment désormais postmarxistes.
Klaus-Rüdiger Mai fait remarquer avec malice :
"Au fond, il s'agit exclusivement de la question du pouvoir. Après que la gauche ait perdu le sujet de la lutte révolutionnaire, le prolétariat selon la doctrine marxiste classique, les libéraux autour du philosophe John Rawls, pour qui une société est considérée comme juste lorsque "les lois ont été conçues pour le bien du groupe le plus défavorisé", ont apporté leur aide. Tout ce qui est considéré comme opprimé : les people of color, les homosexuels, les membres des 666 genres sont élevés au rang de nouveau sujet révolutionnaire, de mesure de toute chose"[2] (Klaus-Rüdiger Mai).
C'est justement dans la lutte contre le capitalisme individualiste qu'ils se sont servis de l'arsenal du déconstructivisme. Le capitalisme serait un produit de la bourgeoisie dominante qui, pour le défendre, aurait recours, si nécessaire, à l'Etat répressif fasciste. Pour l'atteindre au cœur, on déconstruit ses fondements intellectuels et institutionnels: l'Etat est un instrument de répression, les peuples n'existent pas, les familles sont un foyer d'oppression patriarcale. Peu importe ce qui tenait à cœur au citoyen indolent et devait protéger son porte-monnaie: ce ne sont que des constructions, de pures inventions, des chimères dépassées.
Marxism Today 1981
Le publiciste anglais Douglas Murray a trouvé le noyau de ce changement de paradigme dans les travaux du postmarxiste Ernesto Laclau [3], qui s'était détourné en 1981 du "discours traditionnel du marxisme", centré sur la lutte des classes et les contradictions économiques du capitalisme. Sous une image symbolique de Lénine, Laclau avait opéré un changement de cap qui a durablement divisé la gauche socialiste :
"Dans quelle mesure est-il devenu nécessaire de modifier le concept de lutte des classes pour être en mesure de s'occuper des nouveaux thèmes politiques - femmes, minorités nationales, raciales et sexuelles, mouvements anti-nucléaires et anti-institutionnels, etc. de nature clairement anticapitaliste, mais dont l'identité n'est pas construite autour d'un 'intérêt de classe' particulier ?" [4] (Ernesto Laclau / Chantal Mouffe).
Ernesto Laclau (1935-2014), époux de Chantal Mouffe.
Lorsque Laclau et Mouffe ont adopté une approche strictement constructiviste en 1981, ils ont décomposé mentalement l'entité collectiviste de la classe en ses éléments constitutifs et ont poursuivi la lutte anticapitaliste avec de nouvelles constructions : la femme, les opposants au nucléaire et toutes sortes de "sous-privilégiés" sont devenus des substituts de la classe ouvrière et de son échec décevant dans la lutte des classes. Mais en intégrant justement la méthode du déconstructivisme strict dans leur arsenal idéologique, les gauchistes anticapitalistes se sont eux-mêmes dépassés sur le plan argumentatif. Ils ne détruisaient pas seulement les bases de la représentation des classes ou des peuples en tant que totalités sociales. Un constructivisme conséquent devait également atomiser les nouvelles minorités et en faire des combattants individuels incapables de mener une lutte de classe. Mais leur désir de déconstruction n'est pas allé aussi loin.
Lorsque les postmarxistes font appel au constructivisme, ils ne remarquent souvent pas, dans leur zèle, qu'avec leur déconstruction des structures sociales, ils favorisent l'hypothèse de base du libéralisme pour laquelle seuls les individus sont réels. Toutes les institutions sociales supra-individuelles sont imaginaires. Certains aimeraient bien déconstruire l'Etat allemand et le peuple allemand, mais soulignent en même temps l'existence réelle d'entités sociales comme "les femmes", "les gays", "les Afro-Américains". Mais on ne peut pas, sans contradiction interne, frapper les entités sociales "blanches" avec une épée déconstructiviste sans faire éclater en même temps ses propres bulles de savon "colorées".
Le constructivisme correspond à l'expression la plus profonde de la modernité et à la version dominante du libéralisme qui avait émergé dans la société de masse. Il se représente fondamentalement la société comme une masse amorphe d'individus, de même nature les uns que les autres et en perpétuel flux social. Les idées de formations sociales seraient sans cesse oubliées et de nouvelles seraient développées comme des bulles de savon dans la mousse d'une baignoire. Il nie systématiquement l'existence de peuples, de familles et d'autres structures sociales, et même l'existence de sexes différents. Ce faisant, il se trouve toutefois sur une trajectoire de collision avec des croyances de la vieille gauche. S'il n'y a pas de peuples, il ne peut pas non plus y avoir de classes ou d'intérêts de classe objectifs. Cela ne convient pas à Ingo Elbe, un analyste amoureux de Marx : les intérêts et les identités politiques ne sont alors plus rien d'autre que des constructions discursives et une volonté politique qui doivent motiver une action commune [5]. Un constructivisme aussi radical ne peut finalement comprendre la structure de toutes les entités que comme un langage [6].
Front croisé des théoriciens de gauche et de certains dextristes radicaux
Du point de vue d'Elbe, le constructivisme repose sur deux mauvais piliers: celui qui imagine des entités sociales quelconques et les considère toutes comme équivalentes pourrait éventuellement aboutirà l'idée suivante: si la classe ouvrière est une construction sociale interchangeable et utilisable à volonté, alors quelqu'un pourrait éventuellement reconstruire quelque chose d'aussi abominable que la nation et l'élever au rang de sujet de la lutte politique. Les idées de Chantal Mouffe pourraient mener tout droit à un populisme de gauche. Un "front transversal de théoriciens de gauche et de dextristes radicaux menace au niveau de la description fondamentale des rapports sociaux" [7]. Elbe trouve la raison la plus profonde de cette "description fondamentale" dans l'archi-démon de tous les gauchistes et libéraux : Carl Schmitt, du point de vue d'Elbe un "maître à penser" de Mouffe. Elle partage avec lui la compréhension des distinctions conceptuelles et des forces actives de la politique. Elle ne conçoit pas la lutte des classes comme un épisode dans un événement historique qui s'achève de lui-même, mais comme une lutte antagoniste, comme une opposition entre amis et ennemis dont l'issue est ouverte. Leur motif est démocratique de gauche et anticapitaliste, mais leur structure de pensée est schmittienne :
"L'adversaire central de Mouffe, tant sur le plan de la théorie sociale que sur le plan politique, est 'l'hégémonie du libéralisme'. Du point de vue de la théorie sociale, le libéralisme est compris, tout à fait dans le style des analyses de Carl Schmitt dont Mouffe s'inspire à presque tous les égards, comme une conception dépassant les approches politiques les plus diverses, qui se caractérise, selon Mouffe, par ces composantes: le libéralisme est "une approche rationaliste et individualiste" qui ne reconnaît pas les "identités collectives" et part du principe que le pluralisme peut être coordonné de manière rationnelle, qu'il existe "de nombreux points de vue et valeurs que nous ne pourrons jamais faire nôtres dans leur totalité en raison de limitations empiriques, bien qu'ils forment un ensemble harmonieux et non conflictuel". [8] (Ingo Elbe).
En tant que démocrate de gauche radicale, Chantal Mouffe critique avec Carl Schmitt l'aveuglement du libéralisme pour le phénomène du politique. Il voit les formations sociales de manière constructiviste comme des produits de l'imagination humaine et de l'action communautaire. Mais elle ne leur dénie pas leur force d'action sociale lorsqu'elles se sont effectivement installées dans les têtes et les cœurs des hommes. L'une des caractéristiques fondamentales des êtres humains est de se distinguer en tant que "nous" construit contre un "eux" tout aussi construit. C'est précisément de cela que découle tout ce qui est politique. Pour une structure sociale, il importe peu de savoir si elle a un fondement et lequel, tant qu'elle domine la pensée des gens et génère un sentiment de "nous" puissant. En opposant leur "nous" à "l'autre" et en se démarquant, cette opposition est politique, ce qu'un libéral ne peut pas vraiment saisir, ne serait-ce que conceptuellement. Pour lui, il n'y a ni amis ni ennemis, mais seulement des partenaires commerciaux sur un marché mondial.
Chantal Mouffe (née en 1943) est professeur de théorie politique à l'université de Westminster à Londres.([9] Ingo Ende n'a pas compris Carl Schmitt : Ce dernier ne craignait ni ne combattait la résolution des conflits par la dépolitisation ou la neutralisation : Il avait ri de la croyance selon laquelle tout conflit pouvait être résolu par le discours : "Cela fait partie de la dialectique d'une telle évolution que l'on crée toujours un nouveau champ de bataille précisément en déplaçant le territoire central"[10].
Politique : le principe agonal
Le comportement affiliatif et le comportement agonal font partie des motivations fondamentales des êtres humains: nous nous comportons de manière amicale et attentionnée au sein de notre communauté sociale, notre "nous". Nous nous comportons de manière agonale et potentiellement combative vis-à-vis de l'extérieur [11]. Ces deux options de comportement ont chacune leur propre fonction de préservation de l'espèce. Si l'on veut faire de la distance agonale et de la proximité familiale des principes au sein d'un groupe, ils se contredisent mutuellement. En revanche, ces sentiments de base peuvent se combiner puissamment dans la confrontation de différents groupes. L'agressivité est alors tournée vers l'extérieur et l'attachement affectueux vers l'intérieur. "La lutte est le moment", admet ouvertement un anarchiste, "où l'individu ressent pour la première fois le sentiment de la force commune" [12].
Les théories politiques des temps modernes ont toujours été conscientes de l'opposition entre l'action affiliative et l'action agonale. Dans les formes de pensée chrétiennes traditionnelles, elle était perçue comme un comportement bon, aimant son prochain, par rapport à un comportement mauvais comme le meurtre. La réalité historique suggérait intuitivement que les hommes étaient capables des deux à tout moment, que l'homme oscillait donc de manière ambivalente entre le bien et le mal. C'est pourquoi il a besoin d'un État qui impose le bien et instaure la paix en son sein. Toutes les théories de l'État visaient à maintenir cette paix à l'intérieur et à l'extérieur. Le libéralisme a oublié tout cela. Il nie les possibilités d'hostilité existentielle et donc l'existence de la politique en tant que principe.
La compétition grecque (agon) a mis en évidence un principe interpersonnel qui est également à la base de la politique.
Chantal Mouffe reconnaît en revanche la possibilité de l'hostilité comme une caractéristique inhérente à l'être humain. Elle doit également pouvoir se manifester au sein d'une communauté, mais d'une manière qui ne fasse pas éclater ce qui est commun. La politique démocratique part du demos, le peuple de citoyens. S'ils entrent en guerre civile les uns avec les autres, cela signifierait la fin de cette démocratie. C'est pourquoi "la politique démocratique ne doit pas prendre la forme d'une confrontation entre amis et ennemis sans conduire à la destruction de la communauté politique". La "tâche fondamentale de la théorie de la démocratie consiste à trouver des possibilités d'expression de la dimension antagoniste constitutive de la politique qui ne détruisent pas la société politique" [13].
Le marxiste Ingo Elbe ne comprend pas "comment des adversaires avec des "points de vue" "irréconciliables" peuvent durablement "se battre avec acharnement" et en même temps "s'en tenir à un ensemble de règles communes" et "accepter comme légitimes" ces perspectives irréconciliables" [14]. La phrase historique de Guillaume II: "Je ne connais plus de partis, je ne connais plus que des Allemands !" est pour lui un non-sens inexplicable. Elle est pourtant la clé de voûte nécessaire de toute communauté. Elle doit maintenir la paix civile en son sein. L'hostilité politique ne doit pas aller jusqu'à l'extrême. Pour cela, il faut un sentiment d'appartenance qui place l'ensemble au-dessus des intérêts particuliers.
Que ce sentiment se manifeste sous la forme d'une conscience d'appartenir finalement au même peuple malgré tous les conflits ou sous la forme d'une construction purement civique d'un "nous" tangible, l'effet reste le même. Une conscience collective ne peut cependant pas naître d'un indvidualisme méthodologique et est étrangère au libéral moderne. Il est naturellement cosmopolite. Il lui est impossible de reconnaître les conflits politiques en tant que tels, de les maîtriser intellectuellement et de les intégrer dans la société. Leur gestion pacifique au sein d'un État exige une conscience communautaire d'appartenance fondamentale.
Un ordre social adapté aux personnes et à leurs besoins doit toujours permettre les deux possibilités fondamentales, la distance et l'attention, l'agonalité et l'affinité. L'individualisme émotionnel et l'amour de la communauté doivent être maintenus en équilibre. Les hommes doivent aimer la communauté humaine à laquelle ils appartiennent. Sinon, elle devient une société divisée dans laquelle la haine et la guerre civile peuvent éclater à tout moment. Une telle société, divisée et atomisée, est la quintessence du libéralisme.
Les philosophes de l'État des temps modernes ont toujours eu à l'esprit les massacres de la nuit de la Saint-Barthélemy et de la guerre de Trente Ans. Ils ont construit l'État comme l'incarnation du baldaquin pacificateur sous lequel l'hostilité existentielle était neutralisée. Les désirs égoïstes et agonaux y étaient contenus et inscrits dans un ordre communautaire. Le libéralisme brise ce baldaquin, conteste le droit à l'existence de la maison étatique, laisse libre cours aux égoïsmes et fanatismes débridés et rend à nouveau possible une société de guerriers civils individualistes. Il ouvre la voie qui va de l'ordre étatique au chaos anarchiste. Dans ce dernier, les dirigeants qui s'imposeront seront ceux qui disposent d'un capital permettant d'imposer le calme, notamment grâce à des "forces de sécurité" rémunérées. Après la fin du chaos libéral, des penseurs comme Oswald Spengler et Ernst Jünger ont prédit une époque de potentats et de dictatures d'un genre nouveau.
Littérature :
Kunze, Klaus, – Mut zur Freiheit, 1.Aufl.1995.
Mai, Klaus-Rüdiger, Das neue Subjekt des revolutionären Kampfes – Cancel Culture – Ein Angriff, der zur Rückeroberung führen könnte, Tichys Einblick 11.10.2020.
Laclau, Ernesto / Mouffe, Chantal, "Socialist Strategy: Where next", in: Marxism today, Januar 1981.
– Hegemonie und radikale Demokratie. Zur Dekonstruktion des Marxismus. 2., durchgesehene Aufl., Wien 2000.
Mouffe, Chantal, Über das Politische. Wider die kosmopolitische Illusion, 2005, 3.deutsche Auf., 2020, ISBN 978-3-518-12483-3.
Schmitt, Carl, Der Begriff des Politischen, 1932.
Stirner, Max (alias Johann Caspar Schmidt), Der Einzige und sein Eigentum, 1845, Stuttgart (Reclam) 1972.
Notes:
[1] Max Stirner (1845), p.392.
[2] Klaus-Rüdiger Mai, 11.10.2020.
[3] Douglas Murray (2019), p.79.
[4] Laclau / Mouffe, Socialist Strategy : Where next, in : Marxism today, janvier 1981.
[5] Ingo Elbe (2020), p.192.
[6] Ingo Elbe (2020), p.191, contrairement à Laclau / Mouffe (2000), p.144 et suivantes.
[7] Ingo Elbe (2020), p.180.
[8] Ingo Elbe (2020), p.181, d'après Mouffe (22007 = 32020), p. 17 s.
[9] Ingo Elbe (2020), p.181.
[10] Carl Schmitt (1932), p.89. sur les "domaines centraux" comme la religion, l'économie et ainsi de suite.
[11] Voir en détail Klaus Kunze (1995), p.214-218.
[12] Was ist eigentlich Anarchie? Karin Kramer Verlag Berlin, 1986, p.26.
[13] Chantal Mouffe (2020), p.69.
[14] Ingo Elbe (2020), p.183.
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lundi, 27 décembre 2021
Gougenot et l’avènement apocalyptique du mondialisme totalitaire (1865)
Gougenot et l’avènement apocalyptique du mondialisme totalitaire (1865)
par Nicolas Bonnal
La mise en place du mondialisme technologique évoque bien sûr l’apocalypse. Même sans être de culture juive ou chrétienne, on peut comprendre (même le chien Ran-Tan-Plan) qu’il se passe quelque chose d’abominable en ce moment à mi-chemin entre le contrôle et l’extermination.
Le penseur Gougenot des Mousseaux publie en 1865 un livre sur les démons. Ce fanatique chrétien comme on dirait aujourd’hui se rapproche du Dostoïevski théologien de la Fin que j’ai évoqué dans plusieurs textes et pour finir dans mon livre sur lui et la modernité occidentale (voyez les Démons, les Karamazov et le fastueux rêve final de Raskolnikoff). Une minorité folle va terrasser, réduire et dominer un troupeau sans âme et sans défense. Nous y sommes.
Dans son dernier chapitre Gougenot (ancien camérier de Charles X, dernier roi sacré) évoque l’avènement antéchristique qu’il relie aux temps modernes : socialisme, industrie, presse, fin des religions, mondialisation. Voyez aussi sur cette question mon texte sur Chateaubriand et la mondialisation. Gougenot :
« Le premier, le plus inconcevable de tous les miracles, ce serait que tant de peuples ennemis, que tant de nations acharnées de si longue date les unes contre les autres, ouvrissent enfin leur âme, pour la laisser pacifiquement s'épanouir aux rayons d'une même et nouvelle religion, représentée par un seul et même monarque. »
Gougenot évoque même comme le dément Stolz une fédération mondiale à venir :
« Existe-t-il, peut-il exister un moyen de rallier et d'unir en un seul corps politique, en une seule et unique fédération la grande et immense masse des peuples ; une masse qui, par elle-même et par son irrésistible prépondérance, entraînerait en quelque sorte la totalité du genre humain ? »
Il évoque un catholicisme à l’envers :
« Mais où chercher encore, où trouver la cause puissante, la cause génératrice de cette même et unique croyance, de ce catholicisme à l'envers, par lequel il s'agit de révolutionner et de passionner, en le propageant d'un bout à l'autre du monde social, le cœur de nos semblables? Où donc? ».
L’Antéchrist se rapproche ; l’homme moderne arrive, celui des réseaux et de l’électricité, celui des « fluides » comme dit Gougenot (Nerval y fait allusion aussi dans Aurélia, voyez mon livre sur Internet) :
« Dans ces conditions si simples, et auxquelles les prophéties, d'accord avec les événements, semblent nous préparer, l'Antéchrist, « l'homme des fluides » , selon l'expression prophétique de l'hérésiarque Vintras, serait tout uniment l'Homme-RévoIution et pouvoir, l'homme spirite ou pythonisé, l'Homme-Démon, le Verbe de l'Enfer, celui qui briserait et charmerait les peuples, en donnant à la pensée de propagande qui doit réaliser ses plans l'unité nécessaire pour en assurer le règne sur la terre. »
Gougenot évoque une conspiration révolutionnaire, machine à détruire régimes (sauf républicains…) et nations. Le monde multipolaire n’est pour demain (lisez Laurence Guillon pour comprendre ce qui se passe en Russie – quant à ceux qui voient dans la Chine une alternative…) :
« La conspiration pousse encore à la destruction des divers empires et royaumes par les principes nouveaux qu'elle proclame et qu'elle travaille de toutes ses forces à faire prévaloir partout. Déjà elle a mis le trouble dans plusieurs; elle y a excité des révoltes et des révolutions… ».
Le mythe de la fraternité crée le totalitarisme global :
« Et comme ce caractère de fraternité ou d'humanité est identique partout et pour tous les hommes, il s'en suit qu'une seule et même législation, un seul et même gouvernement, doivent être à la fin admis pour répondre aux droits de la fraternité et de l'humanité. »
Comme Joly dans un texte célèbre, notre auteur évoque le rôle des sociétés secrètes (en fait elles ne l’ont jamais été): « sur quoi, il faut savoir que les sociétés secrètes, organisées depuis un siècle dans toutes les parties de l'Europe, ou plutôt dans le monde entier, sous divers noms et sous diverses formes sont le vrai foyer où fermentent tous ces projets détestables, et d'où part le mouvement, la force d'agression qui s'attaque ensemble et à l'Église et aux puissances temporelles… ».
Gougenot précise ensuite les actions de l’Antéchrist –il est lié au monstre froid de Nietzsche, j’ai nommé l’Etat :
« Le socialisme, aboutissant au communisme, est la doctrine antisociale qui tend et aboutit à faire de l'État le maître absolu de toutes choses, c'est-à-dire des personnes et des biens, des corps et des âmes. Or, l'Antéchrist se présentant comme l'apôtre et le chef de cette œuvre de fausse et détestable charité, comme le propagateur et le soutien de ce plan de fraternité cosmopolite et démoniaque, il deviendra la personnification parfaite de ce régime, dont la réalisation se complétera sous son sceptre. Préparé de longue main déjà par les essais révolutionnaires, par l'énormité croissante des charges, par ce principe monstrueux dont retentirent, sous le dernier règne, les échos de la tribune législative… »
Cet antéchrist est séducteur et comédien :
« Et personne ne se rencontrera qui se hasarde à contester à ce bateleur couronné, à ce terrible et prodigieux comédien, à ce séducteur des foules, ces excès de bon plaisir sévissant sous la Corme hypocrite des droits et des intérêts de tous ! »
On a droit comme avec Schwab et Davos à l’abolition de la propriété privée :
« Les propriétaires, graduellement courbés et accablés sous un joug impitoyable et intolérable de charges et d'impôts, solliciteront alors, comme un moyen de s'exonérer et de vivre en paix, la faveur de passer à l'état de fermiers ou de tenanciers. Et selon son caprice ou ses intérêts, il expulsera les uns et acceptera les autres, tenant à la fois les hommes par la terre et la terre par les hommes.
Le nom de propriétaire aura péri; il n'y aura, dès lors, ni classes élevées, ni classes inférieures; il n'y aura ni pauvres, ni riches, ni petits, ni grands, si ce n'est ceux qu'il lui plaira de combler et d'élever autant que durera son caprice. »
Comme s’il prévoyait l’ordinateur et son clavier, Gougenot voit un « clavecin révolutionnaire » qui sera l’expression et l’instrument (cf. Thalès, Microsoft, Cisco, Google, Apple, etc.) de cette monstruosité totalitaire – et il cite le fameux passage de Saint Jean :
« Un clavier du plus implacable niveau représentera la société tout entière, chaque touche de ce clavecin révolutionnaire, s'élevant et s'abaissant au gré du maître, et sous le mouvement de ses doigts. C'est ce degré d'égalité dans l'abaissement que nous peignent, avec une prophétique énergie, les paroles littéralement véridiques de saint Jean : « Nul ne pourra plus acheter ni vendre sans la permission de la bête, et sans l'exhibition de son signe ! »
Les religions seront tuées. On le voit maintenant (cf. les « grands travaux » de Notre-Dame) avec l’indifférence du troupeau hébété :
« Tenant à la fois en mains tous les fils de sa trame, l'Antéchrist détruira, chemin faisant, toute religion, tout culte, excepté celui de sa personne… »
Les résistants seront liquidés :
« Car ses images, universalisant sa présence, sueront le miracle, et le dragon de l'abîme, le démon du spiritisme les animant, elles parleront, elles feront entendre la parole de celui qu'elles représentent. Et qui ne leur obéira point, qui ne les adorera point sera mis à mort !... Et quiconque n'observera point sa loi, quiconque ne s'assujettira pas à tenir pour bon et pour mauvais ce que ce monstre aura décrété bon ou mauvais sera coupable, et devra mourir. »
L’humanité deviendra le troupeau dont rêve Platon, troupeau que voit arriver Vance Packard étudié ici :
« Les mariages, ne seront, sous sa loi, que des unions de passage entre individus de sexes différents. Il en imposera le devoir, afin de pourvoir à la conservation de l'espèce; mais il les dissoudra selon son caprice, selon le vœu de quelque nouvel intérêt. Seul maître et seul éducateur des enfants procréés sous le jeu de ce vaste système de prostitution, il se proposera pour but d'anéantir toutes les traditions de la famille; et sa république réalisera, quant aux mariages, mais en les dépassant, les cyniques beautés de la république de Platon. »
Le troupeau sera marqué au signe de la bête (au code QR donc) en attendant mieux:
« Et ne nous récrions point contre cette expression d'éleveur qui doit nous sembler si grossière; car les hommes, sous ce néfaste empire, ne formeront, à la lettre, qu'un immense troupeau dont chaque tête se verra marquer au signe de la bête 2. »
Tout cela est lié au progrès de la technologie de la communication. A l’époque on a le télégraphe pour créer la Babel mondialiste:
« Voyez le fil électrisé du télégraphe s'emparant de la pensée pour lui donner le vol de l'éclair! Chaque jour donc, les relations de peuple à peuple, en se multipliant, se simplifient!... et, déjà, deux ou trois langues, élevées à la hauteur de langues universelles par le vœu de la littérature et des affaires commerciales, offrent au prix de faciles études les clefs de toute intelligence humaine! Le libre-échange de la pensée, que Babel avait interrompu, et qui prépare l'unisson de la pensée, semble donc poindre et précéder le libre-échange de toits les biens de la terre, ce principe devant lequel, poussé par l'esprit aventurier du commerce, l'économiste moderne veut que s'effacent toute frontière et toute nationalité. »
Le patriotisme sera à exterminer :
« Car le patriotisme, déjà, n'est plus qu'insigne étroitesse d'esprit et de cœur pour les vrais libéraux du progrès, pour ceux que décore le titre de cosmopolites, ces prochains dominateurs de l'opinion… »
Pauvres Zemmour, Marine, Florian et Asselineau ! Ils ont face à eux l’Antéchrist en personne, le tueur des nations !
On aura un César mondial :
« …et bientôt, du fond de son palais, un seul maître, un César, dieu, pontife et monarque, la main sur le fil électrique, pourra dater ses décrets, je ne sais d'où, sera-ce de Paris, de Moscou, je veux dire de Constantinople, de Rome ou d'ailleurs ? »
Sa Majesté du Pouvoir Humanitaire (belle expression) poursuivra de sa haine tous les résistants :
« Faites périr, effacez de la liste des vivants tel homme, telle famille, ou telle secte, qui semble méconnaître en ma personne la Majesté du Pouvoir humanitaire. Quelques minutes après, le fil du télégraphe, obéissant, apportera cette réponse : Sire, vous avez dit, et votre parole, — ainsi que doit être — a fait la loi ! bénie soit-elle : l'ordre règne. »
A la même époque (simple rappel) le frère Jules Verne et le frère Ulysse S. Grant célèbrent cette rapide unification électrique et politique du monde.
Frères qui nous présentent aujourd’hui l’addition salée…
Sources :
https://archive.org/details/mursetpratiquesd00goug_0
https://reseauinternational.net/le-president-grant-et-la-...
https://reseauinternational.net/dostoievski-et-la-prophet...
https://www.amazon.fr/Dosto%C3%AFevski-modernit%C3%A9-occ...
https://www.dedefensa.org/article/maurice-joly-et-le-gouv...
https://nouveau-monde.ca/bientot-le-portefeuille-didentit...
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Leo Strauss critique la "vie nue" dans le libéralisme 2.0
Leo Strauss critique la "vie nue" dans le libéralisme 2.0
Michael Kumpmann
Ex: https://www.geopolitica.ru/de/article/leo-strauss-kritik-am-nackten-leben-im-liberalismus-20
Dans mon dernier article, le rapport de Leo Strauss à la raison et à la religion a été mis en lumière. La deuxième partie traite de sa thèse des "Anciens" et des "Modernes", du déclin du libéralisme et de la manière dont cette thèse peut s'appliquer au concept de "libéralisme 2.0" de Dugin (voir sur ce site: http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/10/19/leo-strauss-liberalisme-1-0-et-revolution-conservatrice-6344800.html ).
Il convient toutefois de préciser au préalable que Strauss utilise un concept de libéralisme qui est plus qu'étrange. Il ne considère pas le libéralisme comme la première théorie politique de l'époque moderne, née des Lumières et des influences protestantes, mais il considère plutôt toute la philosophie européenne comme "libérale", à commencer par Platon et Aristote. En revanche, Strauss critique massivement les fondateurs plus récents du libéralisme, comme John Locke, et la plupart des autres libéraux actuels, qu'il considère comme des traîtres à l'idée libérale. En particulier dans le contexte où Douguine critique à juste titre le libéralisme tout en réclamant un retour à Platon, l'approche de Strauss semble plutôt bizarre. Elle offre néanmoins quelques conclusions intéressantes.
Pour Strauss, l'approche eudémoniste des humanistes classiques (qu'il appelle les "Anciens") constitue le noyau antique du libéralisme. Ce faisant, il défend une conception positive de la liberté : la liberté ne signifie pas que l'on peut faire tout ce que l'on veut, jeter sa vie aux orties, ne passer ses journées qu'à boire, manger de la malbouffe, regarder la télévision trash, regarder du porno, etc. Cette "liberté" n'est pas digne d'un être humain et ne conduit qu'à le faire dégénérer. Au lieu de cela, les humanistes classiques pensaient que l'homme possédait une sorte d'"étincelle divine" qui lui permettait d'aspirer à la grandeur. L'homme n'est pas parfait, c'est un être avec des faiblesses et des défauts, mais il peut reconnaître ses erreurs, se relever après chaque défaite, affronter des charges et des difficultés toujours plus grandes pour devenir la meilleure version possible de lui-même. Et même s'il échoue une fois, c'est toujours mieux que de ne jamais avoir essayé. La liberté positive est nécessaire pour que l'homme puisse mener exactement une telle vie. Et ce n'est que par cette vie que l'homme peut être libre. Une vie sans problèmes ni difficultés, où l'on obtient tout ce que l'on veut, comme le proverbial asticot, n'est pas une véritable liberté.
Selon Leo Strauss, cette eudaimonia est ce qui a fait le bien du libéralisme, mais le déclin et la chute du libéralisme ont commencé parce que les philosophes libéraux, à commencer par Machiavel, Hobbes et John Locke, ont commencé à se détourner de cette idée. On pensait qu'il était faux d'avoir des idéaux et des exigences envers les hommes et qu'il fallait accepter l'homme comme fondamentalement mauvais et corrompu.
Les libéraux ont ainsi sacrifié l'idée de vertu, d'eudaimonia et de courage pour arriver au nouvel idéal de "survie nue". Et ce changement de paradigme a conduit à une redéfinition de la morale. Désormais, la morale ne consistait plus à rechercher la meilleure vie possible, mais tout ce qui assurait la survie de l'individu et de l'État était soudain moral. Pour Hobbes, l'homme n'avait fondamentalement aucun désir plus grand ou plus élevé que celui de simplement survivre. Et c'est de là qu'est né le concept des droits de l'homme, qui réduisait la morale à la phrase "Fais ce que tu veux, mais ne dérange pas et ne mets pas les autres en danger en le faisant".
Selon Strauss, cette orientation vers la "survie nue" était toutefois le germe du totalitarisme.
En ce qui concerne la thèse de Leo Strauss selon laquelle le (vrai) libéralisme a périclité à cause de l'idée de "survie pure" et a "accouché" d'idées totalitaires, il est bien sûr désormais macabre que Giorgio Agamben, un autre élève de Carl Schmitt, affirme que c'est précisément cette "vie nue" qui est le paradigme derrière la "dictature née du coronavirus". Il y a plus de 50 ans, un philosophe a averti qu'à cause de l'idée de "survie nue", l'idée d'une société libre se meurt. Et c'est au nom de cette idée que nous avons aujourd'hui des interdictions de contact, l'obligation de porter un masque, des mesures de surveillance, la censure de scientifiques critiques comme Sucharit Bhakdi, des violences policières contre les manifestants et certains politiciens discutent même de "camps de quarantaine".
Le plus drôle dans tout cela, c'est que cela révèle en fait le caractère non libre de la morale lockienne des droits de l'homme. D'habitude, on considère ce mantra de "ne pas déranger ni mettre en danger d'autres personnes" comme le garant de la liberté. Mais dans la pandémie, les aspects sociaux élémentaires de l'être humain tels que l'amitié, l'amour, la tendresse, le contact, l'échange avec d'autres personnes et ainsi de suite deviennent tous des perturbations potentielles et des menaces pour la paix, raison pour laquelle l'État, afin de protéger la "vie nue", sépare l'être humain de son prochain et tente de l'enfermer chez lui, car c'est la seule façon de garantir une sécurité absolue.
Selon Strauss, cette idée de la vie nue conduit finalement à ce que seuls le confort, la sécurité, la richesse, la croissance économique, etc. soient considérés comme des vertus politiques, tandis que le courage et le goût du risque sont érigés en vices (et indirectement, cela conduit à un renversement des valeurs, où le "crétin consumériste paresseux et lâche" est alors en toute apparence moralement supérieur à l'homme courageux). Selon Strauss, le militarisme des Soviétiques et des fascistes consistait en une révolte contre l'idée libérale de "survie nue". On a vu dans la volonté de mourir pour la bonne cause l'antithèse de la "vie à tout prix", propre de l'idéologie libérale.
Mais Strauss voyait dans le retour à l'éducation classique, qui mettait l'accent sur l'eudaimonia et l'apprentissage des compétences comme moyen de formation du caractère, plus qu'un effort pour être purement utilisable et utile au capitalisme (pour le reste, Strauss ne voulait malheureusement pas se débarrasser de la démocratie libérale, mais simplement la réformer de l'intérieur pour qu'elle corresponde à nouveau davantage à l'idéal antique; bien qu'il ne s'agisse que d'une approche en demi-teinte, l'idée de Strauss pourra peut-être aider à surmonter complètement le monde moderne à l'avenir).
L'approche de Strauss est en tout cas une bonne explication de ce qu'Alexander Dugin appelle le "libéralisme 2.0". On voit bien que le libéralisme a abandonné ses prétentions au courage, à l'excellence et à la vertu (au sens aristotélicien du terme) et qu'il s'est réduit à une fausse promesse de sécurité. Le libéralisme 2.0 est le "cauchemar achevé", la conséquence de la chute dans le nihilisme.
De nombreux événements de l'histoire indiquent que Strauss avait raison sur ce point.
L'école autrichienne, Ayn Rand et Franz Josef Schumpeter ont encore célébré l'entrepreneur génial qui s'impose contre les résistances et supporte courageusement toutes les hostilités comme l'adversité pour réaliser sa vision. (Chez Jack Parsons et Ayn Rand, un tel état d'esprit "courageux" correspondait aussi indirectement à la virilité qui rend les hommes attrayants aux yeux des femmes). Karl Raimund Popper a, quant à lui, diabolisé tous les illibéraux et présenté le libéralisme comme un rempart contre eux. On peut déjà y voir une position de lâcheté. La recherche de l'excellence s'est transformée en choix du moindre mal.
Aujourd'hui, dans le libéralisme 2.0, la peur prend les traits d'une paranoïa développée. Le meilleur exemple en est le débat sur le prétendu discours haineux (hate speech). Les libéraux classiques qui défendent l'homosexualité se prononceraient éventuellement en public pour les droits des homosexuels. Mais on n'aurait pas pu en déduire que d'autres trouvent cela bien. On leur aurait plutôt répondu qu'une personnalité forte et surtout libre doit pouvoir supporter que des choix de vie entraînent des conséquences négatives et qu'ils puissent être critiqués par d'autres. Mais aujourd'hui, on essaie de protéger les minorités de toute critique et de toute conséquence négative de leurs actes. Même lorsqu'il s'agit de quelque chose d'anodin comme une "remarque stupide". Et le droit des religieux à rejeter l'homosexualité aurait également mérité d'être protégé.
En matière de morale sexuelle, la permissivité des anciens soixante-huitards et des hippies a totalement disparu pour laisser place à une paranoïa omniprésente vis-à-vis de la culture du viol, de la masculinité toxique et autres. Tout partenaire sexuel potentiel (ou même un homme qui ose tenir la porte à une femme) est d'abord considéré comme un agresseur potentiel, contre lequel l'État doit déployer un parapluie protecteur. Des formes de sexualité complètement irréelles/virtuelles comme la consommation de pornographie fleurissent, car elles n'ont pas besoin de partenaires et représentent donc les seules formes de sexualité totalement sûres.
En Occident, les enfants sont souvent empêchés de jouer à l'air libre par des parents surprotecteurs trop zélés, parce que cela pourrait être trop dangereux.
En Occident, le débat politique se résume à "Oh mon Dieu, nous allons tous mourir". Qu'il s'agisse de l'énergie nucléaire, de la grippe porcine, du SRAS, de Corona, de la droite si méchante, du changement climatique, de Donald Trump, des prétendus Etats voyous ou d'autres scénarios d'horreur, le peuple est maintenu dans une peur permanente.
Les professeurs d'université doivent désormais assortir même les classiques de la littérature mondiale comme MacBeth d'avertissements moralisateurs, quand on ne finit pas par réécrire ces classiques ou par les interdire complètement au nom du politiquement correct. Entre-temps, chaque philosophe ayant vécu en Allemagne entre 1933 et 1945 est publiquement ostracisé, parce que l'on craint que son œuvre ne contienne quelque pensée nazie cachée et n'incite donc d'autres personnes à devenir elles aussi des nazis.
Il règne une mentalité "tous risques", où il est considéré comme bon de se prémunir contre toute éventualité. Et au lieu de mener une bonne vie ici et maintenant, il vaut mieux se préparer à un éventuel effondrement du système de retraite.
La loi impose d'étiqueter les produits avec des avertissements exagérés, même si ces "dangers" sont évidents pour le bon sens. On connaît par exemple un cas aux États-Unis où un fabricant d'allumettes a dû avertir que les allumettes étaient inflammables.
Outre le courage, l'excellence a également disparu. On le voit par exemple aux choses dont on devrait être fier selon les libéraux de gauche. Autrefois, on devait être fier d'avoir accompli quelque chose de grand, d'avoir des compétences particulières, etc. Aujourd'hui, ce n'est plus une chose dont on peut être fier qui compte. Au lieu de cela, on doit être fier d'être gay, trans, handicapé ou d'avoir une maladie mentale. Aujourd'hui, celui qui a réussi quelque chose dans la vie n'est plus digne d'admiration, mais un soi-disant méchant, privilégié, qui discrimine certainement les autres en permanence.
Les gens qui, comme Donald Trump, risquent tout, mais se battent pour remonter la pente après un échec, ne sont plus considérés comme des modèles, mais comme des idiots dangereux pour la société.
Le fait que la survie à l'état brut soit aujourd'hui devenue un idéal était déjà perceptible avant la crise du coronavirus. Chez les féministes libérales et le libéralisme 2.0, clairement marqué par le féminisme, prévaut une drôle de conception de la liberté, qui se concentre uniquement sur l'indépendance économique et sur la capacité à pouvoir subvenir seul à ses besoins, et qui considère donc le travail et la consommation comme les choses les plus importantes de la vie, tout en faisant des sentiments humains élémentaires comme l'amour un "luxe sans importance", car on n'en a pas forcément besoin pour la simple survie. Des choses comme l'esprit d'entreprise créatif, dont les "libéraux 1.0" parlaient volontiers, ont également complètement cédé la place à un matérialisme primitif.
Après avoir examiné la principale critique du libéralisme de Strauss, la dernière partie de cette série sera consacrée à Michael Anton et à sa réaction au "libéralisme 2.0" inspirée par Strauss.
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dimanche, 26 décembre 2021
Crise migratoire en Europe de l'Est
Crise migratoire en Europe de l'Est
Crise des réfugiés
par Nick Krekelbergh
Ex: Nieuwsbrief Knooppunt Delta - nr. 164 - December 2021
Au cours des derniers mois, l'Europe a été confrontée une fois de plus, peut-être pour la première fois depuis l'apparition de la pandémie du coronavirus, à une manifestation plus ou moins vive de ce que l'on appelle la "crise migratoire". Bien sûr, on ne peut pas dire que le phénomène de la migration endémique vers l'Europe ait été absent pendant tout ce temps. L'accident le plus meurtrier impliquant des migrants sur la Manche à ce jour, qui a eu lieu le 24 novembre, a rappelé brutalement, au prix de 27 vies, que la "jungle" de Calais a peut-être été évacuée, mais que le trafic illégal de personnes entre l'Europe et les îles britanniques se poursuit sans relâche. Des centaines de migrants attendent toujours de passer au Royaume-Uni sur la côte nord de la France. L'année dernière, un nombre record d'entre eux s'est aventuré dans ce voyage risqué, avec 15.400 migrants arrivés rien qu'entre le 1er janvier et le 31 août. Ces chiffres de l'immigration clandestine ont atteint un pic en particulier pendant les mois d'été.
Ce qui est nouveau, en revanche, c'est l'escalade à la frontière entre plusieurs pays d'Europe orientale, dont l'un est en dehors de l'Union européenne et l'autre à l'intérieur. Il ne s'agissait pas des scènes auxquelles nous sommes déjà habitués en provenance de la Méditerranée ou des longs flux de migrants empruntant la route des Balkans, mais d'une accumulation improbable de réfugiés, souvent originaires du Kurdistan irakien, dans un no man's land entre les pays slaves de Pologne et de Biélorussie, loin au nord, ainsi que les pays de la mer Baltique. Au cours de l'été 2021, le nombre de migrants illégaux entrant dans l'espace Schengen via la Lituanie a été multiplié par 50. Cette évolution a été rapidement suivie d'une forte augmentation des flux migratoires vers la Lettonie et la Pologne. Le Belarus enverrait délibérément les migrants à travers la frontière et les attirerait même à Minsk avec des visas touristiques, pour ensuite leur montrer le chemin vers les frontières de l'UE. La Lituanie a rapidement réagi en construisant une clôture de 508 km pour fermer la frontière, et la Lettonie a également rapidement commencé la construction d'un mur similaire. Une telle construction était improvisée et totalement nouvelle, car jusqu'à présent, pas plus de quelques dizaines de migrants s'étaient aventurés du Moyen-Orient à travers l'Europe de l'Est. Le consensus social s'est toutefois avéré large et il n'y a pas eu besoin d'un grand débat politique. Le gros de la migration s'est déplacé à l'automne vers la Pologne, qui a réagi comme si elle avait été piquée par une guêpe. Des troupes ont été mobilisées et envoyées à la frontière et des milliers de migrants ont été piégés entre les armées polonaise et biélorusse dans un camp de tentes près de Kuznica.
La Pologne fait partie de l'Union européenne depuis 2004, mais elle est depuis 2015 sous la coupe de la coalition dominée par le PiS, un parti national-conservateur, et se montre depuis lors de plus en plus euro-critique. En octobre de cette année, la décision du tribunal constitutionnel de Varsovie selon laquelle certaines parties du droit européen violent la Constitution polonaise a provoqué de nouveaux troubles à Bruxelles, et les craintes - à la limite de l'hystérie - d'un hypothétique Polexit ont augmenté de manière exponentielle à la nomenclature de l'UE et dans les médias d'Europe occidentale. Depuis les années 1990, le Belarus est dirigé par le leader postcommuniste Loukachenko, qui a instauré un régime autocratique et peu libéral qui est resté extrêmement populaire pendant des décennies. Cela s'explique en partie par le maintien de nombreuses structures sociales et économiques de l'ancienne Union soviétique, qui a épargné à l'ancienne république soviétique une grande partie du malaise économique de ses voisins causé par les libéralisations sauvages des années 1990 et les crises financières de 2008 et 2010. Ces dernières années, cependant, la popularité du leader charismatique a été mise à mal et le régime a été soumis à une pression croissante. Après le déclenchement d'importantes manifestations à l'été 2020, Loukachenko a réussi à éviter un Maïdan à l'ukrainienne, mais seulement en échange d'une influence croissante de Moscou, de sorte que la transition pacifique du pays vers une ère post-Loukachenko semble résider principalement dans la réalisation éventuelle d'une Union-État supranationale (qui existe théoriquement depuis 1999) avec la Russie.
Jeu d'échecs géopolitique
Les Bélarussiens éprouvent un profond ressentiment à l'égard de l'UE, qui présente la dirigeante de l'opposition bélarussienne Sviatlana Tsikhanouskaya comme la grande gagnante des élections et tente d'imposer des sanctions strictes au pays (183 personnes et 26 entités figurent sur la liste des sanctions, ainsi que toutes les compagnies aériennes bélarussiennes). En Occident, Mme Tsikhanouskaya, l'épouse du blogueur Tsikhanousky, qui a été condamné à 18 ans de prison, est considérée comme le visage de l'opposition, bien qu'en réalité celle-ci soit très divisée et comporte également une importante composante pro-russe. Selon un sondage réalisé par Chatham House à l'été 2021, le candidat présidentiel le plus populaire est même le larbin de Gazprom Victor Babarika (également en prison), et Loukachenko est toujours beaucoup plus populaire que Tsikhanouskaya, qui représente elle-même moins de 10 % des votes, mais qui correspond à l'idéal occidental d'une femme, d'un pouvoir et d'une "citoyenne du monde" (bien qu'elle ait pu elle-même être affectée à ce rôle par des étrangers sans trop de contribution après avoir fui le territoire du Belarus à l'été 2020). La Lituanie et la Pologne ont joué un rôle de premier plan dans le soutien de l'opposition biélorusse en 2020, bien que ce rôle semble désormais avoir été largement repris par l'Union européenne. Tout récemment encore, Ursula von der Leyen a annoncé, à la suite d'une rencontre avec Tsikhanouskaya, qu'elle disposerait d'un paquet d'investissements de trois milliards prêts si un changement de régime - souhaitable pour l'UE - devait avoir lieu au Belarus.
Il est donc clair que la crise aux frontières orientales de l'Europe faisait partie d'une partie d'échecs géopolitique sophistiquée, mais ce n'est pas nouveau. Après tout, il est depuis longtemps inhabituel que la migration vers l'UE soit au centre des négociations avec des pays situés à la périphérie du continent européen. À cet égard, il y a déjà eu le "Turkey deal" avec Erdogan en 2016, selon lequel les migrants illégaux arrivant sur les îles grecques pouvaient être renvoyés en Turquie. Elle a non seulement fourni à la Turquie environ six milliards par an, mais aussi un levier pour exercer une pression géopolitique. Cela a été démontré lorsqu'en 2019, l'armée turque a mené l'opération Printemps de la paix au Kurdistan, à la frontière avec la Syrie, et a menacé d'ouvrir les portes à 3,6 millions de réfugiés vers l'Europe lorsque cela a suscité des critiques internationales. En fait, cet accord semble avoir eu un effet d'entraînement. Le Maroc reçoit environ 130 millions de subventions européennes depuis 2014 pour arrêter les migrants à la frontière et l'Espagne a signé un accord selon lequel tout réfugié qui traverse à la nage le détroit de Cueta peut être renvoyé. La réalité, cependant, est régulièrement différente. Pas plus tard qu'en mai de cette année, le gouvernement marocain de Mohammed IV a exercé des représailles contre l'Espagne pour avoir hébergé Brahim Ghali, l'un des dirigeants du Polisario, un mouvement indépendantiste luttant pour le Sahara occidental. Des milliers de migrants ont traversé à Cueta sans que les garde-côtes marocains n'interviennent. Dans d'autres incidents similaires, les gardes-frontières marocains mobilisent même les migrants et leur montrent le chemin. Une situation similaire à celle du Belarus, donc.
Par rapport aux autres frontières extérieures européennes, la détermination rigide avec laquelle les Polonais maintiennent leurs frontières fermées et le niveau de militarisation qui l'accompagne sont peut-être des éléments distinctifs. L'arrivée de l'hiver rigoureux d'Europe de l'Est a mis fin temporairement à l'impasse à la frontière. Les Biélorusses ont démantelé les camps de tentes à partir du 17 novembre et ont rapatrié une grande partie des migrants, mais on s'attend à ce que le jeu recommence tout simplement au printemps prochain. A suivre, sans doute ...
Nick Krekelbergh
14:37 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pologne, biélorussie, belarus, migrants, crise migratoire, europe, affaires européennes, actualité, politique internationale | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Éric Zemmour, le pour et le contre
Éric Zemmour, le pour et le contre
par Georges FELTIN-TRACOL
Le mardi 30 novembre 2021, à quarante-huit heures de deux événements historiques chers à ce fervent napoléonien, Éric Zemmour a décidé de se présenter à l’élection présidentielle. Sa candidature attise les tensions au sein du « camp national » avec les partisans respectifs de Marine Le Pen, de Florian Philippot, de Nicolas Dupont-Aignan, de François Asselineau, voire d’Yvan Benedetti. Son entrée officielle dans l’arène électorale va-t-elle bouleverser les actuels rapports de forces ? À voir…
D’après les sondages, l’ancien journaliste se trouve dans le quatuor de tête en compagnie d’Emmanuel Macron, de Valérie Pécresse et de Marine Le Pen. Il faut néanmoins rester prudent envers ces indicateurs à la fiabilité aléatoire. Ils constituent en effet de redoutables outils de manipulation médiatique. Ces instruments de guerre psychologique de masse sont dorénavant capables de fomenter dans l’opinion des détestations ou des adhésions factices. Souvenons-nous que quatre mois avant le 21 avril 2002, Jean-Pierre Chevènement faisait figure de troisième homme… Les couvertures de la presse people sur Éric Zemmour participent à une entreprise de formatage des mentalités qui à la fois le valorise et le dénigre. Nul doute que la papesse des ragots de pissotière à peine sortie de taule soit en service commandé pour l’Élysée. Quant aux nombreux exemplaires vendus de La France n’a pas dit son dernier mot, ils ne préjugent en rien du résultat final au soir du premier tour. Avec divers titres (biographies historiques et essais politiques), le vicomte Philippe de Villiers se vend bien. Il ne fit pourtant aux présidentielles de 1995 et de 2007 que 4,74 % et 2,23 %. Supposons qu’Éric Zemmour écoule trois cent mille volumes, que tous les acheteurs soient ses électeurs et qu’ils entraînent avec eux une autre personne, cela ne ferait que six cent mille suffrages, soit, avec une abstention de 50 %, 2,66 % des votes exprimés. Le nouveau candidat est peut-être la victime d’une illusion savamment orchestrée.
Faudrait-il que le 10 avril prochain, les électeurs puissent encore trouver dans les bureaux de vote des bulletins marqués « Éric Zemmour » ? Obtiendra-t-il les cinq cents parrainages nécessaires ? La transparence tyrannique du calamiteux Flamby a imposé la publicité des signatures. Souvent lâches malgré leur appel incessant au civisme de leurs administrés, les élus locaux ne cachent plus leurs réticences à soutenir un candidat. Et quand bien même le « Z » les aurait, rien n’empêcherait le Conseil constitutionnel, fort du précédent de 1969 avec Pierre Sidos, de rejeter sa candidature soit pour des formulaires mal remplis, soit parce qu’il a été condamné à deux reprises pour délit d’opinion. Cette dernière hypothèse serait osée quand on sait que parmi les neuf conseillers constitutionnels siège un ancien condamné exilé une année au Québec…
Supposons qu’Éric Zemmour franchisse ces deux obstacles. Il a déjà compris la nécessité de fortifier son équipe, d’où la nomination comme directeur de campagne de l’ancien n°2 de l’armée de terre, le général Bertrand de la Chesnais. Il va avoir du boulot en raison d’une organisation pour l’heure « vaporeuse ». Qui fait quoi entre les Comités Zemmour, Génération Z et les Amis d’Éric Zemmour ? Une campagne présidentielle est un marathon de courses de 110 m haies.
La précédente chronique se gaussait de la dénomination grotesque qui affuble certains partis. Force est de constater que le nom du mouvement zemmourien, Reconquête !, n’appartient pas à ce registre de tiédeur sémantique. C’est un beau titre et un excellent mot d’ordre qui a des précurseurs. Le programme embryonnaire demeure en revanche toujours déficient. Le nouveau candidat n’émet presque aucune critique envers l’actuel despotisme sanitaire. Hormis l’immigration et une vision enjolivée des « Trente Glorieuses », en particulier les décennies 1950 et 1960, ses quelques propositions semblent contenter les nostalgiques de Nicolas Sarközy, les exclus de Marine Le Pen, les orphelins de Marion Maréchal, les déçus de François Fillon et les recalés de « La Manif pour Tous ». Éric Zemmour pense réaliser sur sa personne la fameuse « union des droites », cette alliance fantasmagorique entre la « droite hors-les-murs » d’essence versaillaise et le « bloc populaire » péri-urbain ou la coagulation entre la petite bourgeoisie conservatrice et les Gilets jaunes. Pas sûr que l’amalgame prenne…
S’il veut vraiment réussir cette synthèse improbable, même si les questions sociale, identitaire et écologique sont intriquées, Éric Zemmour devrait puiser dans Mon Programme écrit en 2012 aux Éditions du Lore par Guillaume Faye. Les commentateurs ne comprennent pas que l’auteur de Premier sexe soit protectionniste à l’extérieur et libéral à l’intérieur. Tout en se référant à des libéraux hétérodoxes tels que Vilfredo Pareto, Maurice Allais et François Perroux, Guillaume Faye développait « un programme révolutionnaire [qui] ne vise pas à changer les règles du jeu mais à changer le jeu ». Le « Z » se sent-il capable de changer le jeu ? Lors de son discours de Villepinte, il aurait pu proclamer sa volonté de renverser la table. Il s’arrête au milieu du Rubicon.
Bon éditorialiste et essayiste de talent, le personnage Zemmour n’est pas antipathique. Ses deux condamnations judiciaires en font même une victime du politiquement correct. Il est le seul candidat présent dans les sondages à souhaiter l’abrogation salutaire des lois liberticides et mémorielles hémiplégiques. En 2013, il a signé la pétition des « 343 salauds » contre la pénalisation des clients de prostituées. S’il n’a pas encore adopté toutes les convenances médiatiques, son parler vrai tranche avec le ronron douçâtre des autres candidats.
Son entourage immédiat constitué d’anciens sarközystes et de start uppers ex-macroniens soulève toutefois des interrogations légitimes. Ne l’a-t-il pas empêché d’accepter naguère les invitations de s’exprimer sur Radio Méridien Zéro ? N’est-ce pas sous sa pression que le nouveau candidat a en partie estimé l’inélégance de son doigt d’honneur à une rombière marseillaise qui le méritait largement ? Cet entourage risque de le mener dans une impasse libérale-conservatrice guère compatible avec les aspirations sociales-sécuritaires de la « France périphérique ». On touche là une réelle béance stratégique, tactique et programmatique.
Éric Zemmour répète volontiers qu’il souhaite refaire le RPR des années 1980 (et non, nuance, le FN des années 1970 ou du début des années 1990 !). Mais quel Rassemblement pour la République ? Celui du discours d’Égletons de 1976 en faveur d’un « travaillisme à la française » (comprendre une forme édulcorée de gaullisme de gauche en confrontation directe avec le libéralisme avancé giscardien) ? Celui de 1977 qui ouvre ses listes municipales à Paris aux militants du Parti des Forces nouvelles ? Celui, anti-européen, de l’« Appel de Cochin » de 1979 rédigé par Marie-France Garaud et Pierre Juillet ? Celui de la période 1982 – 1986 qui bénéficie des travaux du Club de l’Horloge ? Celui du putsch interne raté de Charles Pasqua et de Philippe Séguin en 1990 contre Alain Juppé ? Celui du « non » au référendum sur le traité de Maastricht en 1992 ? Ou bien celui de 1995 avec un Jacques Chirac faisant campagne sur la « fracture sociale» ?
Le nouveau candidat se dit « gaulliste » et « gaullien ». Pourquoi tient-il alors des propos ultra-libéraux à faire pâlir Thatcher et Reagan ? Il devrait plutôt souscrire à des mesures de « démondialisation » pratiques susceptibles de réconcilier les sans-culottes artisans et commerçants, canuts propriétaires de leurs outils de travail et les catholiques sociaux d’Albert de Mun, de Léon Harmel, de René de La Tour du Pin et de G.K. Chesterton : l’intéressement des salariés aux bénéfices, la participation effective à cette communauté productive de destin nommée « entreprise », l’association capital – travail et la cogestion. Par ailleurs, il ne réclame pas la sortie de la civilisation européenne du carcan décadent de l’Union faussement européenne et ouvertement cosmopolite.
Les écrits politiques d’Éric Zemmour inclinent nettement vers une recentralisation politico-administrative autour de Paris et de l’Île-de-France. C’est une grave erreur. La France souffre d’une hypertrophie centralisatrice parisienne ainsi que d’une décentralisation avortée monopolisée par les partis politiques. Oublie-t-il qu’en 1969, Charles De Gaulle défendait une régionalisation couplée à une déconcentration administrative bien plus pertinente que les lois Defferre de 1982 ? Ignore-t-il qu’en 1947, l’ancien non-conformiste des années 1930 Jean-François Gravier dénonçait dans Paris et le désert français les ravages anciens du centralisme parisien ?
Son autre grave erreur concerne l’assimilation. Nostalgique de l’école de la IIIe République, le candidat préfère ne pas s’attarder sur le bilan désastreux des « Hussards noirs ». Au-delà des souvenirs savoureux de Marcel Pagnol dans la classe de son père, les lois scolaires de Jules Ferry ont durablement et profondément altéré l’identité enracinée et européenne de la France. Les instituteurs de la « Belle Époque » ont brisé les identités vernaculaires et ainsi indirectement favorisé le terrible ethnocide des campagnes françaises entre 1914 et 1918.
Vouloir et même exiger au XXIe siècle l’assimilation de fait impossible de millions de non-Européens est non seulement un non-sens, mais c’est aussi un mépris pour toutes les personnalités collectives. Osons le dire fermement ! Le désaccord sur ce sujet entre Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour relève de l’ordre du degré et non de sa nature. La « créolisation » rêvée du premier n’est que l’aboutissement ultime de l’« assimilation » républicaine du second.
Éric Zemmour entend-il vraiment adopter une « synthèse nationale et populaire » ou bien ne fait-il que sonner le tocsin civilisationnel ? Les prochaines semaines montreront s’il est en mesure d’atteindre le seuil du second tour ou bien s’il sera un autre Louis Ducatel.
GF-T.
- « Vigie d’un monde en ébullition », n° 14, mise en ligne le 14 décembre 2021 sur Radio Méridien Zéro.
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La théologie de l'hyper-objet et de l'hyper-pandémie
La théologie de l'hyper-objet et de l'hyper-pandémie
Alexander Bovdonov
Ex: https://www.geopolitica.ru/es/article/la-teologia-del-hiper-objeto-y-la-hiper-pandemia
Timothy Morton est un transhumaniste bien connu et s'est rendu célèbre pour avoir créé le concept de "dark ecology". A plusieurs reprises, il a affirmé que le Covid-19 "est l'hyper-objet ultime ou quintessentiel" (1).
Morton utilise le terme philosophique "hyper-objets" pour décrire des entités extérieures à notre conscience qui sont "fortement distribuées dans le temps et l'espace, transcendant la spécificité spatio-temporelle, quelque chose que nous pouvons observer dans le réchauffement climatique, le polystyrène, le plutonium radioactif" (2) et, apparemment, aussi dans Covid-19.
Cependant, si nous voulons comprendre de quoi nous parlons, nous devons garder à l'esprit que Morton est l'un des "classiques vivants" du réalisme spéculatif et de l'ontologie orientée objet, de plus en plus populaire, qui postule une sorte de "magie réaliste" et de "théologie sombre" qui recommande le contact avec des entités "démoniaques" qui existent à l'intérieur des objets et se trouvent dans un espace totalement chaotique, destructeur et illusoire (ce qu'on appelait autrefois "le monde"). Ainsi, les "hyper-objets" possèdent une dimension spirituelle qui sera reprise par les sociétés futures à l'instar de la crainte religieuse. En ce sens, les hyper-objets seraient les "dieux" qui donneraient naissance à un nouvel âge.
Morton soutient que "les hyperobjets sont un véritable tabou parce qu'ils sont l'inversion démoniaque de ce que la religion appelle les substances sacrées...". N'est-il pas ironique que des sociétés aussi matérialistes et séculières aient pu créer ces substances spirituelles supérieures ?
En fait, tout cela est très simple : quiconque tiendrait de tels propos dans une société traditionnelle (surtout s'il utilise à plusieurs reprises le pronom "ils" au lieu de "il" pour se désigner) serait considéré comme possédé : "Car il dit : "Sors de cet homme, esprit impur". Et Il lui demanda : "Quel est ton nom ? Et il lui dit : "Légion est mon nom, car nous sommes nombreux" (Mc 5,8-9). Or, dans le monde d'aujourd'hui, ce sont précisément ces êtres qui créent notre vocabulaire et nos concepts philosophiques qui, peu à peu, deviendront des réalités évidentes pour le commun des mortels.
Or, il s'avère que Timothy Morton est diplômé du St Magdalene's College, à Oxford, où enseignait à une époque un célèbre penseur chrétien : Clive Staples Lewis. Lewis a écrit un livre célèbre à la fin des années 1930, intitulé That Hideous Strength, dont l'intrigue tourne autour de scientifiques britanniques qui tentent de prendre le contrôle de la planète en utilisant des démons. Ces scientifiques appellent ces esprits impurs "macrobes" ("hyper-objets") et leur projet se résume à l'imposition du transhumanisme ("l'individu deviendra le cerveau de la société et la race humaine deviendra une technocratie"), à la réduction de la population et à la promotion de l'art moderne comme moyen d'"éliminer" la subjectivité humaine. De plus, à un moment donné, ils souhaitent imposer une dictature médico-sanitaire où "le traitement est continu, puisqu'il ne s'arrête jamais tant qu'un remède n'est pas trouvé, et la question de savoir si un patient est guéri n'est pas tranchée par un tribunal". Soigner un malade est un geste d'humanisme, mais il est beaucoup plus humaniste de prévenir la maladie".
Le livre de Lewis se termine par l'intervention des forces angéliques, car dans un monde dominé par l'"ontologie orientée objet" et par les "scientifiques britanniques" qui ont fait un pacte avec les démons, seul un événement exceptionnel peut résoudre les choses. Après tout, il est impossible pour les êtres humains ordinaires de résister à un tel assaut: "Ils s'adressèrent aux dieux, mais les dieux ne leur répondirent pas et firent au contraire tomber le ciel sur eux".
Post-scriptum :
D'autre part, il est intéressant de noter que l'un des collègues de Morton, Dominic Boyer - un partisan du mouvement antifa américain et un grand promoteur du transhumanisme - a proposé la création du concept d'hypo-sujet (4) (c'est-à-dire un infra-sujet), qui devrait remplacer l'être humain dans le cadre d'un monde dominé par des "hyper-objets". Boyer dit ceci à propos de l'hypo-sujet :
"Les hypo-sujets sont les espèces indigènes de l'Anthropocène et nous commençons tout juste à découvrir ce qu'ils peuvent être ou devenir". "Comme leur environnement hyper-objectif, les hypo-sujets sont également multiformes et pluriels : ils n'existent ni ici ni là et sont moins que la somme totale de leurs parties. En d'autres termes, ce sont des êtres sous-jacents plutôt que transcendants. Ils ne recherchent ni ne prétendent posséder la connaissance ou le langage absolus, et encore moins le pouvoir. Au lieu de cela, ils sont occupés à jouer, à s'inquiéter de choses insignifiantes, à s'adapter aux circonstances, à éprouver de la douleur ou à rire.
"Les hypo-sujets sont nécessairement féministes, colorés, queer, écologiques, transhumains et intrahumains. Ils ne reconnaissent pas les règles du jeu imposées par l'andro-leuko-hetero-petro-modernité ni le comportement de l'espèce qui domine aujourd'hui la planète. De plus, les hypo-sujets regardent avec bonheur-horreur les fantasmes d'extinction, car que ce soit avant, maintenant ou plus tard, ils seront toujours nombreux".
La philosophie de Boyer voit dans le populisme et le phénomène Trump des tentatives de retarder la naissance des hypo-sujets qui essaient de défendre une espèce biologique "dépassée" ("êtres frustrés") au lieu de voler plus haut et de vaincre la gravité. C'est pourquoi Boyer recommande que les "êtres vivants" s'éteignent, sinon aucun nouveau n'émergera. Dans ce nouveau monde qui émerge, il n'y a pas de place pour les êtres humains.
Notes :
1. https://www.newyorker.com/culture/persons-of-interest/timothy-mortons-hyper-pandemic
2. https://www.geopolitica.ru/directives/ekspertiza-dugina-no-79-prosypayutsya-sushchestva-kotoryh-boyatsya-dazhe-v-adu
3. https://www.fadedpage.com/showbook.php?pid=20141232
4. https://culanth.org/fieldsights/hyposubjects
12:19 Publié dans Actualité, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hyperobjets, hypo-sujets, philosophie, transhumanisme, actualité | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 25 décembre 2021
Les revues de presse de CD - 12 & 19 décembre 2021
Les revues de presse de CD
12 & 19 décembre 2021
DÉSINFORMATION
Et si Assange avait révélé des crimes chinois ou russes et non américains ?
Si Julian Assange était un journaliste et éditeur chinois, il aurait reçu le prix Nobel, serait la pièce maîtresse de la Journée internationale des droits de l’homme célébrée ce 10 décembre, et cette semaine, son portrait aurait figuré en proue du sommet sur la démocratie du Président Joe Biden.
Le Cri des peuples
https://lecridespeuples.fr/2021/12/10/si-assange-avait-re...
États-Unis : l’indignation sélective des médias face aux tragédies
La couverture d’une tragédie semble dépendre de l’origine du présumé criminel.
Contrepoints
https://www.contrepoints.org/2021/12/07/416080-etats-unis...
ÉCOLOGIE/ÉCONOMIE
Le mur de l’argent revisité. En route vers le trillion. L’irrésistible ascension des zombies.
Le terme mur d’argent, ou mur de l’argent exprimait dans les années 1920 l’opposition des grands capitalistes à toute réforme économique et sociale. Il fut forgé par Herriot en 1924 je crois. pour exprimer l’action négative des détenteurs de capitaux face à la montée d’une démocratie ouvrière,
Brunobertez.com
https://brunobertez.com/2021/11/21/editorial-le-mur-de-la...
La longue agonie du fret ferroviaire
Le 22 octobre dernier, le premier ministre inaugurait en grande pompe la reprise du train des primeurs : le Perpignan-Rungis. Après deux ans de suspension, ce retour fait écho aux mesures annoncées le 27 juillet pour relancer le fret ferroviaire. Cette initiative semble pourtant déjà s’inscrire dans une longue liste de plans de relance qui n’ont pas donné les effets escomptés. Alors, comment expliquer ce déclin du fret ferroviaire ?
Le Vent Se Lève
https://lvsl.fr/la-longue-agonie-du-fret-ferroviaire/
FRANCE
Dans les coulisses du Brexit
Malgré ses dénégations répétées en boucle sur des chaînes d’information complaisantes, le gouvernement français est en train de lâcher les pêcheurs qui naviguent en mer du Nord et dans la Manche. Dans la vive querelle qui oppose Paris à Londres au sujet des zones de pêche dans les eaux britanniques et anglo-normandes, la République française et l’Union dite européenne démontrent leur évidente volonté de ne surtout pas nuire à la Grande-Bretagne.
Euro-synergies
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/12/04/d...
GAFAM
Amazon tente de torpiller une loi protégeant les libraires
La multinationale du e commerce a proposé au gouvernement français de relever ses frais d'envois des livres dans l'Hexagone en échange d'un engagement à retirer la loi établissant un prix de port minimal. Une proposition qui fait suite à un intense travail de lobbying.
Challenges.fr
https://www.challenges.fr/economie/amazon-tente-de-torpil...
GÉOPOLITIQUE
Comment peut-on être Tigréen (suite et fin ?) ?
Les Tigréens sont des guerriers redoutables. Ce sont eux qui ont permis à l’Ethiopie de vaincre l’Erythrée. Ce sont également des hommes d’autorité qui ont dominé la vie politique éthiopienne après le renversement et le départ en exil de Mengistu en 1991. Participant tout d’abord au gouvernement de Abiy Ahmed, originaire de l’ethnie oromo, ils le quittèrent en 2020 et refusèrent de participer au Parti de la Prospérité du Premier ministre, estimant que celui-ci ne faisait pas aux Tigréens la place qu’ils devraient occuper. L’alliance conclue avec les Erythréens ne pouvait pas non plus leur plaire, eux qui avaient largement contribué à les mater. Aujourd’hui, l’Erythrée, qui cherche à prendre sa revanche, se trouve impliquée dans la guerre civile éthiopienne. Mais elle ne s’en sort pas bien.
Geopragma.fr
https://geopragma.fr/comment-peut-on-etre-tigreen-suite-e...
Géopolitique de l’espace
Dans un monde en mutation profonde avec un changement sans précédent des paradigmes de la puissance, les États puissants sont en quête d’un renforcement d’une souveraineté extraterritoriale afin d’asseoir leur suprématie et de fait d’avoir des relais de rééquilibrage stratégique. Dans ce sens, l’espace est devenu un terrain de plusieurs enjeux que ce soit économique, scientifique, militaire ainsi que géostratégique.
Conflits
https://www.revueconflits.com/la-geopolitique-de-lespace/...
LECTURE
Tous résistants dans l’âme. Éclairons le monde de demain !, du docteur Louis Fouché, 214 p., 17 €. Guy Trédaniel éditeur, Paris, 2021.
Présentation :
Curieux et intéressant ouvrage composé de sept discussions issues de YouTube entre l’auteur et son interviewer et ami Stéphane Chatry. Si Louis Fouché est très pertinent sur la santé et le néolibéralisme, le transhumanisme et le déferlement totalitaire (ce qui n’est pas rien dans ces temps difficiles !), il apparaît dans d’autres domaines (permaculture humaine et arts militants notamment) trop rempli de bons sentiments quelque peu naïfs, à l’instar des dessins, sympathiques mais un peu « justes » qui illustrent ce livre.
Auteur :
Louis Fouché est un docteur en réanimation à l’AP-HP de Marseille qui a très courageusement fait face au délire totalitaire qui a accompagné l’apparition du Covid19. Il est l’un des plus brillants ambassadeur du collectif Reinfocovid et a très brillamment relayé les diagnostics du professeur Raoult.
Extraits :
« Le néolibéralisme est un système d’asservissement intégral du vivant pour maximiser le profit financier. Son moteur principal est la peur ».
« Le capitalisme se base sur l’idée que la rotation accélérée de capital – dit autrement : la destruction du monde puis sa reconstruction – génère du profit. […] On appelle cela la ‘’destruction créatrice’’. C’est le principe de Schumpeter. Il est enseigné, ad nauseam, aux étudiants en école de commerce, en écoles d’ingénieurs, en écoles d’administration. Et si on le file, comme on file une métaphore, on l’amène un cran plus loin encore à la ‘’disruption’’. Ce concept a été théorisé par Clayton Christensen, professeur à la Harvard Business School. Si quelqu’un propose un outil technique – qui peut être une innovation technique, une innovation managériale ou administrative – qui va plus vite que la capacité du groupe à le métaboliser, alors ce quelqu’un prend le contrôle sur le système. »
« L’idéologie transhumaniste est surtout portée par des gens qui n’ont plus aucun problème matériel réel. Le seul problème qui leur reste à affronter est celui de la mort. Il faudrait donc la dépasser. Et le rêve transhumaniste ultime serait de télécharger notre esprit sur une clé USB, notre identité, afin qu’on puisse la recharger dans un nouveau véhicule, un nouveau corps dans une sorte d’éternité infiniment suspendue de nous-mêmes. »
« Derrière cette feuille de route numérique de duplication du monde pour nous aider en permanence à ce que tout soit plus fluide, plus facile, à ce que ta vie soit liquide, il y a une prétention totalitaire. Parce que, si tu lui échappes, tu seras un grain de sable dans l’engrenage. Tu vas empêcher le plan de se dérouler comme il se devait. Tu vas constituer une bifurcation, une anomalie, pire un danger ? Et c’est intolérable. Tout va être mis en œuvre pour que tu ne puisses pas faire autrement »
« En France, les lois sont votées à 3 heures du matin par quelques députés présents. Il ne se trouve plus personne pour s’y opposer. C’est une ignominie démocratique, une ignominie sanitaire : pourtant, le législateur y souscrit. Les législateurs servent d’autres intérêts que ceux des citoyens. Les juges ne prennent aucune décision qui aille à l’encontre du pouvoir exécutif. Le pouvoir journalistique et médiatique ne donne plus qu’un unique son de cloche, univoque et simpliste. C’est désormais une véritable propagande. »
« Pendant cette crise du Covid, énormément de gens ont été et sont encore dans une ‘’extraordinaire banalité du mal’’. Ils veulent juste que les trains arrivent à l’heure. Sans jamais regarder où vont les trains. L’un des enjeux est de regarder en face où vont les trains, puis de tout faire pour les faire dérailler, pour essayer que ça s’arrête. Parce que sans résistance, le totalitarisme peut rester très longtemps figé. »
« Le sujet de l’art est quasiment passé sous silence. Comme si l’art n’existait plus, comme si les artistes, devenus non essentiels, avaient vocation à crever de cette crise, éradiqués parmi les scories des choses accessoires. Des gens qui ne serviraient à rien ! C’est la logique du néolibéralisme où il faut être ‘’’utile’’’, participer à la croissance infinie de la matérialité du monde sous peine d’être considéré comme un parasite qui vivrait sur le budget des autres ! »
POLOGNE
La fin du mythe de l’Amérique
À bien des égards, la vie en Pologne est meilleure qu'aux États-Unis. Nous avons de meilleures écoles, de meilleurs transports publics, des soins de santé plus efficaces, des taux de criminalité et de sans-abri radicalement inférieurs. Mais ce qui est le plus surprenant, c'est que les Polonais sont plus nombreux que les Américains à avoir des économies.
Euro-synergies
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/12/02/l...
RÉFLEXION
La bataille culturelle contre le progressisme : elle ne peut être menée avec des prémisses communes à ce même progressisme !
La droite rappelle souvent la nécessité de mener une "bataille culturelle" contre le progressisme rampant, une expression destinée à dépeindre une sorte de dérapage de combat culturel, journalistique et médiatique dans lequel deux visions du monde radicalement opposées se battent pour l'hégémonie culturelle. Cependant, pour mener une telle bataille, il faut se battre avec des principes tout-à-fait opposés à ce progressisme, des principes qui proposent une alternative radicale (non pas parce qu'ils sont extrémistes, mais parce qu'ils vont à la racine des problèmes qui sont en jeu). Lorsque cela ne se produit pas, lorsqu'il n'y a pas adoption de principes radicalement opposés, la bataille des droites est inévitablement perdue.
Euro-synergies
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/12/02/l...
RUSSIE
Danse autour d’un champ de bataille
Une “guerre” sourde se déroule autour d’un champ de bataille pour l’instant virtuel, nommé Ukraine. On assiste à une formidable “guerre de communication”, – plus qu’une guerre de la seule information tant est grande la complexité exotique, – où des alliances inédites de circonstance sont activées pour la séquence crisique actuelle.
Dedefensa.org
https://www.dedefensa.org/article/danse-autour-dun-champ-...
SANTÉ/LIBERTÉ
Que contient le QR code du pass sanitaire ?
Le QR code du pass sanitaire contient plein de choses, mais pas votre anonymat.
Contrepoints
https://www.contrepoints.org/2021/12/06/402940-que-contie...
Pfizer va-t-il nous vendre (cher) un traitement précoce moins efficace que l’ivermectine ?
Le Ministre des Solidarités et de la Santé a annoncé il y a quelques semaines que la France a déjà acheté au laboratoire Merck 50 000 doses de Molnupiravir (aussi vendu sous le nom de Lagevrio), un nouveau traitement précoce contre le Covid-19, sur lequel les études sont en cours et qui soulève des inquiétudes sur les risques d’effets secondaires. Le prix aux USA est d’environ 850$ la dose, mais M. Véran a gardé secret le prix français de cet adorable cadeau.
covid-factuel.fr
https://www.covid-factuel.fr/2021/12/03/pfizer-va-t-il-no...
Des décennies de profits et de scandales pour une industrie pharmaceutique qui mise sur les vaccins
Le plus grave problème posé par les géants du médicament, c’est leur influence néfaste sur la recherche médicale. L’industrie domine ce secteur et il existe des preuves solides que les études financées par les entreprises tendent à présenter des biais favorables au produit du sponsor.
The Conversation
https://theconversation.com/des-decennies-de-profits-et-d...
DÉSINFORMATION
Le projet maléfique de Gates s’appuie sur la corruption. 319 millions déversés dans les médias
Bill Gates est un corrupteur de tout ce qui compte dans le domaine public, académique, médiatique, politique et scientifique. Même le storytelling de la fondation de Microsoft cache mal un immense plagiat connu des initiés et bien protégé par les médias mainstream.
Le blog de Liliane Held Khawam
https://lilianeheldkhawam.com/2021/12/07/le-projet-malefi...
ÉTATS-UNIS
Concurrence mondiale : La suprématie américaine sous un autre nom
Dans une interview sur CNN, Jake Sullivan, conseiller de Biden pour la sécurité, a déclaré que c’était une erreur d’essayer de changer la Chine : « L’Amérique ne cherche pas à contenir la Chine : ce n’est pas une nouvelle guerre froide. » Les remarques de Sullivan interviennent une semaine après que le président Biden a déclaré que les États-Unis ne cherchaient pas de « conflit physique » avec la Chine, malgré la montée des tensions. « Il s’agit d’une compétition », a déclaré Biden. Cela semblait en effet signaler quelque chose d’important. Mais est-ce bien le cas ? L’utilisation du mot « concurrence » est un peu curieuse en tant que terminologie et nécessite un petit décryptage.
Les-crises.fr
https://www.les-crises.fr/concurrence-mondiale-la-suprema...
Le Sommet du déni de la démocratie
Le président américain Joe Biden a marqué le pas le mois dernier de manière consistante avec la politique étrangère de son pays depuis la formulation de la doctrine Monroe en 1823, celle-ci à l’époque devant « préserver le continent nord-américain et l’Amérique latine contre de nouvelles interventions colonisatrices européennes. » Depuis, cette doctrine a été étendue et appliquée à travers le monde par ses prédécesseurs, pour le meilleur et pour le pire. Naturellement, il défend et promeut les intérêts nationaux des Etats-Unis comme devrait le faire chaque président ou premier ministre pour son pays. Mais il s’est lourdement trompé sur l’organisation d’un « Sommet de la démocratie ».
Geopragma
https://geopragma.fr/le-sommet-du-deni-de-la-democratie/
Ce que l’affaire Assange révèle du pouvoir américain depuis le 11 septembre
Dix ans de captivité et une seule condamnation, pour défaut de comparution. Un asile politique accordé, puis révoqué. Des procédures viciées. Et une mise hors-jeu de fait : depuis 2018, Wikileaks n’a pratiquement rien publié. Son fondateur, Julian Assange, attend l’issue de la demande d’extradition vers les États-Unis, où il encourt 175 ans de prison ; le jugement rendu le 10 décembre par la Haute cour de justice de Londres constitue une nouvelle victoire pour la partie américaine. Alors que la couverture médiatique se focalise sur la défense de l’accusé et les atteintes portées à la liberté de la presse, ce prisme juridique occulte les enjeux effectifs de l’affaire : le formidable réseau de pression géopolitique qui s’exerce sur la justice britannique, et le mode de gouvernement par le secret caractéristique de l’État américain depuis le 11 septembre. L’absence d’analyses approfondies sur ces enjeux dans la presse est symptomatique d’une carence de contrepouvoirs.
Le Vent Se Lève
https://lvsl.fr/ce-que-laffaire-assange-revele-du-pouvoir...
FRANCE
La Nouvelle-Calédonie, un atout stratégique méconnu dans le Pacifique
Le 12 décembre 2021, les électeurs de Nouvelle-Calédonie exprimaient leur souhait de demeurer français à l’issue d’un troisième référendum en trois ans, certes boycotté par les indépendantistes. Au-delà des mines de nickel et du combat politique des partisans de l’autodétermination, les Français de métropole connaissent mal cet archipel d’îles jouxtant l’Australie en mer de Corail. S’y joue pourtant une partie essentielle dans l’affrontement des puissances.
Conflits.com
https://www.revueconflits.com/la-nouvelle-caledonie-un-at...
La menace turco-islamiste en France. Enjeux & perspectives
Une récente note de la DGSI a alerté sur la pénétration de l’islam fondamentaliste en France. S’appuyant sur des associations françaises et étrangères, des mouvements liés aux Frères musulmans ou à Al-Qaïda tentent de prendre le contrôle des populations immigrées pour les détacher de la France et se servir d’elle. État des lieux, à travers l’exemple des réseaux turcs.
Conflits
https://www.revueconflits.com/la-menace-turco-islamiste-e...
GAFAM
Puissance des géants du numérique, impuissance des États ?
Les Gafa vont-ils dominer le monde ? Quels sont leurs rapports avec les États, sont-ils leurs adversaires ou leurs alliés ? Éléments de réponse avec Laurent Gayard.
Conflits
https://www.revueconflits.com/gafa-puissance-laurent-gaya...
GÉOPOLITIQUE
L’Ukraine du Maïdan
L’histoire récente de l’Ukraine est, comme celle de la Syrie qui en sera notre deuxième exemple, un condensé des techniques utilisées par les États Unis pour forcer les pays récalcitrants à se soumettre à son idéologie ultralibérale. Révolutions de couleurs, terrorisme, corruption, propagande de guerre et autres psyops pour les pays concernés et propagande médiatique pour le monde occidental afin que la population ne puisse pas en comprendre les enjeux.
Le Saker francophone
https://lesakerfrancophone.fr/ceg9-lukraine-du-maidan
ISRAËL
Un ex-chef des renseignements israéliens qui a un autre point de vue sur l’Iran
Danny Citrinowicz estime – entre autres – que le manque de nuances des politiciens a entraîné un échec politique « colossal »
The Times of Israël
https://fr.timesofisrael.com/cet-ex-chef-des-renseignemen...
SANTÉ/LIBERTÉ
Tribune : « Une nouvelle religion vaccinale est née en Occident »
La séquence d’appel à la vaccination des enfants par le gouvernement français ce lundi 6 décembre était écrite d’avance. Telle est la nouvelle religion qui se répand dans le monde et permet aux grands maîtres argentiers Pfizer et Moderna d’engranger 1 000 dollars de bénéfice par seconde à chaque instant de nos vies, le tout orchestré par leurs vassaux régionaux que sont devenus la plupart des gouvernements occidentaux ainsi que les agences internationales – à commencer par une Commission Européenne emmenée par une Ursula von der Leyen orchestrant la grande opération vaccinale tout en ayant un fils travaillant pour le cabinet McKinsey et un mari directeur d’une entreprise de biotechnologies orientée vers les thérapies génétiques.
QG.media
https://qg.media/2021/12/12/tribune-une-nouvelle-religion...
Covid-19. Sans surmortalité, les mesures sont-elles justifiées ?
A l’heure où la vaccination est ouverte aux enfants et aux adolescents ; à l’heure où il leur est demandé de respecter des restrictions nombreuses et contraignantes (port du masque, distanciation sociale, pass sanitaire…), sans forcément s’attacher à exposer les arguments qui ont conduit à cette situation, il est temps de faire un pas vers eux et de rendre l’information accessible. Cette vidéo propose une vulgarisation scientifique qui tend à détailler et mettre en évidence les erreurs d’interprétation liées aux calculs réalisés pour établir une surmortalité en 2020 par rapport à 2019, avec les fameux 9% de mortalité en plus. Car s’il s’avère qu’il n’y a pas eu de surmortalité due à l’épidémie de Covid, l’ensemble des mesures prises par la suite n’ont de ce fait pas de fondement scientifique et sont ainsi sérieusement à remettre en cause.
breizh-info.com
https://www.breizh-info.com/2021/12/18/176515/covid-19-sa...
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vendredi, 24 décembre 2021
Crépuscule de l'hégémonie : l'échec de Biden et scission aux États-Unis
Crépuscule de l'hégémonie: échec de Biden et scission aux États-Unis
Daria Platonova
Ex: https://www.geopolitica.ru/article/zakat-gegemonii-proval-baydena-i-raskol-v-ssha
Plus que jamais, la scission des États-Unis en deux parties est évidente aujourd'hui :
- la civilisation mondialiste (Biden, les apologistes de l'unipolarité, les néocons) et
- le camp réaliste représentant le peuple (avec Trump).
Le deuxième pôle aura désormais aussi son propre espace virtuel.
2021 s'est avérée être une année de crises et d'échecs pour Biden :
a) au niveau national
- Une pandémie de coronavirus fait rage (le nombre de nouveaux cas par jour en 2021 a atteint le chiffre record de 300.000 nouveaux cas, il est aujourd'hui de 150.000) ;
- MSN rapporte que le nombre d'homicides dans les villes américaines bat des records ;
- L'inflation est montée en flèche pour atteindre son plus haut niveau depuis trente ans, à savoir 6,2 % pour l'année (les prix des denrées alimentaires, des services et de l'énergie augmentent) ;
- Une forte augmentation du sentiment de protestation, y compris parmi les anciens loyalistes de Biden (BLM) ;
- La crise migratoire à la frontière sud non seulement n'a pas été résolue, mais s'est encore aggravée ;
b) sur la façade extérieure
- Le retrait de l'Afghanistan, qui a échoué et dont la réputation n'est plus à faire.
- Les tentatives de renforcer l'influence des États-Unis sur la scène internationale en organisant un "sommet des démocraties" virtuel qui s'est transformé en une confrontation accrue entre les États-Unis, la Russie et la Chine.
- Escalade des tensions au sujet de l'Ukraine (revendications de non-reconnaissance des "lignes rouges de Poutine" par les États-Unis), ramenant le monde au seuil d'une guerre mondiale.
Dans le contexte du taux d'inflation le plus élevé depuis 1982, l'augmentation du budget américain de la défense pour 2022 semble pour le moins injustifiée : il est intéressant de noter que 4 milliards de dollars ont été alloués à l'endiguement de la Russie et de la Chine, tandis que le poste d'aide à l'Ukraine est passé à 300 millions de dollars. Dans un récent discours, M. Biden a établi un lien entre l'inflation et la pandémie, déclarant : "Le COVID-19 a eu un impact sévère sur la capacité à produire de nombreux produits essentiels".
Aux yeux des électeurs, cependant, ces explications n'aident pas beaucoup Biden. Le 8 novembre 2022, il y aura des élections à la Chambre des représentants des États-Unis, où seront élus les représentants des 435 districts du Congrès dans chacun des 50 États américains. La fragile majorité démocrate pourrait s'effriter sous l'assaut des républicains, ce qui entraînerait un certain nombre de difficultés dans la mise en œuvre des initiatives législatives de Biden. Selon un sondage du Wall Street Journal, 44 % des électeurs voteraient républicain si une élection de mi-mandat avait lieu aujourd'hui.
La cote de popularité de Joe Biden n'a jamais été aussi basse : à la mi-novembre, selon le dernier sondage de l'université Quinnipiac, 36 % des Américains approuvent le président Joe Biden (contre 38 % en octobre). Surtout, selon le sondage, les Américains sont mécontents de la politique économique du président. La crise alimentaire aux États-Unis s'est reflétée sur les réseaux sociaux, où les Américains ont commencé à poster des photos des rayons vides des supermarchés avec le hashtag #EmptyShelvesJoe en octobre. À la mi-novembre, le Wall Street Journal a publié un article décrivant comment les grands supermarchés s'efforcent de surmonter les pénuries de produits et de maintenir un "aspect attrayant dans les magasins" : parmi les astuces, on trouve l'exposition de mannequins en carton, y compris des boîtes vides préemballées, ainsi que la technique classique consistant à faire défiler les produits pour cacher les rayons vides, les propriétaires les plus créatifs modifient généralement l'agencement des magasins, en réduisant le nombre d'étagères.
Il est intéressant de noter que les analystes de la banque d'investissement danoise, Saxo Bank, prévoient un taux d'inflation record dans leurs prévisions pour 2022. "L'inflation annualisée américaine dépassera 15 % au début de 2023, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale." Ils prévoient que la Fed commencera à relever le taux de base avec un certain retard. En outre, les analystes soulignent l'éventualité d'une crise constitutionnelle de grande ampleur dans leurs prévisions pour l'année prochaine. Cela aussi, selon les analystes, aura un impact économique : "Les rendements des obligations du Trésor américain vont augmenter, tandis que le dollar va baisser en raison de la couverture contre une 'crise existentielle' de la première économie mondiale et de l'émetteur de la monnaie de réserve mondiale".
Les Américains sont également mécontents de la lutte inefficace du président contre la pandémie (augmentation quotidienne de plus de 160.000 nouveaux cas par jour en décembre) ; en outre, ses activités de politique étrangère (Afghanistan et rhétorique militaire agressive) sont également évaluées négativement.
La société sociologique américaine The Trafalgar Group a présenté un tableau similaire, avec des taux d'approbation du président extrêmement bas : le taux d'approbation du président américain en exercice était de 36,3% (en octobre 2021 - 39,6%, en mai - 48,3%), la désapprobation - 59,1% (en octobre 2021 - 56%). La performance de M. Biden est approuvée par 65 % des démocrates, 29,3 % des indépendants et seulement 8,2 % des républicains.
Autre élément important du sondage, 54,2% des personnes interrogées estiment que Biden est responsable "des divisions du peuple américain". Le plan de Biden pour "unir la nation", annoncé dans son discours d'investiture, a complètement échoué. "Mon objectif est d'unir l'Amérique, d'unir notre nation, et je demande à tous les Américains de me rejoindre dans cette cause. Pour lutter contre l'anarchie, la violence, les épidémies, le chômage", a déclaré M. Biden le 20 janvier 2021. Presque un an s'est écoulé, la lutte contre la violence, l'épidémie, le chômage et l'anarchie n'a pas été un grand succès selon les sondages.
L'Amérique fracturée : la confrontation entre l'Amérique profonde et l'État profond
L'historien militaire américain Victor Davis Hansen note que la nouvelle division des États-Unis (en États bleus et rouges) pendant la "nouvelle guerre civile" peut être décrite en termes de géopolitique. Selon son interprétation, l'empire américain d'aujourd'hui s'est divisé entre la Rome cosmopolite et côtière des "États bleus" et la "Byzantine rouge" traditionaliste du Heartland. Dans le même temps, Hansen souligne qu'au lieu de l'éclatement de l'Amérique, ce sont deux systèmes sociaux et systèmes de valeurs, deux versions de la civilisation américaine, en conflit mais n'osant pas encore rompre l'une avec l'autre et conservant une unité symbolique, qui prennent forme au sein d'un espace politique formellement unifié.
"Notre arrière-pays byzantin et la côte romaine interprètent très différemment leur héritage américain commun, car ils tracent de plus en plus des voies radicalement différentes pour survivre à cette époque terrible. Mais, comme par le passé, il est bien plus probable qu'un modèle d'État s'avère insoutenable et s'effondre qu'une guerre civile n'éclate dans une région donnée."
Sur la base des évaluations ci-dessus de la présidence Biden, on peut supposer que c'est le modèle démocrate qui commence maintenant à échouer et à faire preuve d'instabilité. Et elle provoque la guerre civile qui couve déjà aux États-Unis, du moins dans l'espace en ligne, depuis un certain temps déjà.
L'Amérique alternative de Donald Trump
Dans ce contexte, la période de la présidence de Donald Trump semble au moins plus stable. Et ce n'est pas seulement l'absence de pandémie alors. Dans une récente interview accordée à Fox News, l'ancien président a déclaré que son administration avait réussi à établir de bonnes relations avec les dirigeants de la Russie et de la Chine. Le réalisme dans les relations internationales, dans le chenal duquel Trump a agi en décidant de se concentrer sur la situation intérieure de son pays, a également profité aux conflits internationaux : ainsi, sous son administration, Kiev a été effectivement "abandonnée". Trump a déclaré que "pendant son administration, il a dit à l'Ukraine qu'il n'allait pas se 'battre' pour elle, Kiev devait se battre pour elle-même". L'ancien président s'est également montré assez sévère à l'égard de la politique étrangère de M. Biden et a qualifié le président du comité des chefs d'état-major des forces armées américaines, Mark Milley, de "foutu idiot" pour ne pas avoir retiré les troupes d'Afghanistan.
"Vous avez un avion de 50 millions de dollars. Vous avez un magnifique hélicoptère pour 29 millions de dollars. Nous avions tous les types d'hélicoptères. Beaucoup d'entre eux sont tout neufs. Littéralement sortis hors de leur boîte. Pensez-vous qu'il est moins cher de la laisser là pour qu'ils la récupèrent que de la remplir d'un demi-réservoir d'essence et de l'envoyer par avion au Pakistan ou de la ramener par avion dans notre pays ?" - a exprimé M. Trump.
Il est important de noter que Trump s'est récemment fortement impliqué dans l'opposition à la tyrannie des grandes technologies et s'est employé à développer un espace alternatif de mise en réseau de l'information : ainsi, en juillet 2021, son ancien assistant et représentant Jason Miller a lancé son propre réseau social GETTR, proche en fonctionnalité de Twitter mais se proclamant libre de toute censure. En novembre 2021, la plateforme avait rassemblé plus de 3 millions d'utilisateurs.
Début décembre, Trump Media & Technology Group, la nouvelle société américaine de médias et de technologies de Trump, ainsi que son partenaire Digital World Acquisition, ont annoncé avoir reçu un milliard de dollars d'un groupe de divers investisseurs institutionnels pour un nouveau projet, Truth Social. Le 20 octobre 2021, Trump Media & Technology Group a publié un communiqué de presse annonçant que la plateforme passera en version bêta limitée pour iOS fin 2021 et sera disponible pour tous les utilisateurs dès 2022.
"Ce milliard de dollars est un signal important envoyé à Big Tech pour lui faire comprendre que la censure et la discrimination politique doivent cesser. L'Amérique est prête pour TRUTH Social, une plateforme qui ne fera pas de discrimination fondée sur l'idéologie politique", a déclaré M. Trump.
Truth Social s'inspire largement de Twitter . Les utilisateurs pourront publier ("vérité") et partager les messages d'autres utilisateurs ("retweets"). La plateforme dispose également d'un fil d'actualités, appelé "fil de vérité", ainsi que d'un système de notification. La plateforme Truth Social utilisera une version spéciale du logiciel d'hébergement de médias sociaux gratuit et open-source Mastodon.
L'application est décrite dans le descriptif comme une plateforme américaine "qui encourage un dialogue mondial ouvert, libre et honnête, sans discrimination fondée sur l'idéologie politique". Trump Media & Technology Group positionne le réseau comme s'opposant aux grandes technologies, contrant le phénomène destructeur de la "culture de l'annulation" (interdisant l'adhésion à toute idéologie anti-mondialisation) et s'opposant à la discrimination politique.
"En 2021, le balancier médiatique a dangereusement basculé à gauche. La Silicon Valley, les médias grand public et les grandes entreprises technologiques ont commencé à faire taire de force les voix qui ne se conformaient pas à leur idéologie. Les plateformes Big Tech démonétisent, restreignent et défont ceux qui s'écartent du discours dominant. Ils ne se contentent pas de censurer le contenu - ils déterminent ce qui peut et ne peut pas être dit. En contrôlant l'échange d'informations, ils contrôlent l'ordre du jour. Ils contrôlent l'avenir. Ils vous contrôlent", peut-on lire sur la page d'accueil du Trump Media & Technology Group.
James Clayton, journaliste à la BBC, a déclaré que la plateforme pourrait être une version plus réussie d'autres plateformes de médias sociaux basés sur la technologie alternative, comme Parler et Gab.
Le PDG de Gettr, Jason Miller , un ancien conseiller de Trump, a fait l'éloge de Truth Social et a déclaré que la plateforme ferait perdre à Facebook et Twitter "encore plus de parts de marché". La direction des réseaux sociaux de Gab a déclaré dans un communiqué qu'elle soutient Truth Social.
Dans le contexte de la crise et des échecs politiques de Biden, un tel réseau constitue une excellente plateforme de consolidation en ligne entre les partisans de Trump et les opposants aux politiques mondialistes destructrices du Parti démocrate. Début décembre, M. Trump a laissé entendre sur la chaîne de télévision britannique GB News qu'il pourrait revenir en politique, à la fois en soutenant les candidats républicains aux élections de mi-mandat du Congrès en 2022 et en participant éventuellement à l'élection présidentielle de 2024. La scission des États-Unis en deux parties est aujourd'hui plus évidente que jamais :
- la civilisation mondialiste (Biden, les apologistes de l'unipolarité, les néocons) et
- le camp réaliste représentant le peuple (Trump).
Le deuxième pôle disposera dorénavant également de son propre espace virtuel.
16:32 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, politique internationale, états-unis, joe biden, donald trump, truth social, gettr | | del.icio.us | | Digg | Facebook