jeudi, 21 août 2008
Guerre du Caucase: entretien avec A. Rahr
Guerre du Caucase: entretien avec Alexander Rahr
Propos recueillis par Moritz Schwarz
Alexander Rahr est le directeur du programme “Russie/Eurasie” auprès de la “Société allemande de politique étrangère” (Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik) à Berlin. Il est un spécialiste de réputation internationale pour toutes les questions eurasiennes.
Q.: Monsieur Rahr, à quoi pensait, dans le fond, le Président Saakachvili en poussant ses troupes à entrer en Ossétie du Sud
AR: Votre question est pertinente. Car lundi, après seulement deux jours de guerre, il a capitulé. Toute l’opération s’est révélée un parfait désastre, comme c’était à prévoir. Saakachvili a tout raté, sur toute la ligne.
Q.: Manifestement, Saakachvili n’a pas cru à une intervention russe. Etait-ce une position réaliste?
AR: Non. Ou bien cet homme est totalement stupide ou bien il a été inspiré par des dilettantes. Voici les faits: la Géorgie veut devenir membre de l’OTAN le plus vite possible. Bush a déjà promis l’adhésion à Saakachvili, mais, si Obama devient président, cet objectif sera bien plus difficile à atteindre. La condition posée pour une adhésion rapide, c’est qu’il n’y ait plus de conflits inter-ethniques, car l’Aliance atlantique cherche à les éviter. Saakachvili a voulu régler le problème par une politique à la hussarde. Manifestement, il est parti du principe que l’intervention russe serait moins totale, plus ponctuelle; il pensait gagner du temps pour entraîner les Etats-Unis dans le conflit.
Q.: Là, il a pratiquement réussi son coup...
AR: A peine. Les réactions agressives de Bush démontrent plutôt son désarroi. Toutes les ONG, téléguidées par les Etats-Unis, qui ont tenté, au cours de ces dernières années, de mettre sur pied, avec la Géorgie, une “Alliance de la Mer Noire” alignée sur l’atlantisme et dont les objectifs auraient été d’éloigner au maximum les Russes de la région maritime pontique, sont désormais devant des ruines, leurs efforts n’ayant conduit à rien.
Q.: Dans les sphères de l’UE, beaucoup rêvaient aussi de faire de la Mer Noire une nouvelle mer intérieure européenne...
AR: Tous ces rêves se sont évanouis, ce qui rend un tas de gens furieux. En ce qui concerne la Géorgie, les Etats-Unis sont allés beaucoup trop loin au cours de ces dernières années. Maintenant, ils ne peuvent plus laisser leurs alliés dans le pétrin. Mais, par ailleurs, ils sont suffisamment intelligents pour ne pas se laisser entraîner. Les Etats-Unis ont besoin de la Russie en plusieurs domaines: dans le dossier de la non prolifération des armes non conventionnelles, dans la lutte contre le terrorisme, dans la stratégie de l’endiguement de l’Iran et de la Chine, etc. Toutes ces questions sont bien plus importantes que les humeurs de Saakachvili. Malgré toute la colère et toute la déception qui affectent les cercles stratégistes de Washington, personne aux Etats-Unis n’est prêt à déclencher une troisième guerre mondiale pour lui. En outre, bon nombre de responsables à Washington doivent être furieux contre Saakachvili car il a mis les Etats-Unis dans une posture fort embarrassante.
Q.: Comment, à votre avis, s’achèvera le conflit?
AR: Les Géorgiens ne parviendront sans doute plus jamais à recomposer leur pays. Le conflit va geler vraisemblablement. Pour Moscou, ce serait là la meilleure solution. Ainsi, le rôle de la Russie en tant que puissance génératrice d’ordre demeurera tel, à l’arrière-plan.
Q.: Saakachvili survivra-t-il à cette défaite, en politique intérieure géorgienne?
AR: Il s’est probablement posé la question lui-même. Car, à l’avance, il ne pouvait pas sortir gagnant de cette opération, qui a coûté inutilement la vie à une grande quantité de soldats géorgiens.
Q.: Les Russes se frottent-ils les mains parce qu’ils ont eu l’occasion de faire une démonstration de force ou se sentent-ils blessés dans leur propre sphère d’intérêt?
AR: Les cris de triomphe se font entendre partout en Russie, c’est évident, car on attendait cette heure depuis de longues années: dans les années 90, les Russes devaient constater, sans pouvoir agir, comment l’Occident réorganisait à sa guise les Balkans; maintenant, ils peuvent montrer dans le Caucase que l’Occident est désormais à son tour dans le rôle du spectateur impuissant, tandis que la Russie agit. Il y a trois ans, la Russie avait obtenu que les bases militaires américaines quittent l’Asie centrale; maintenant, les Russes ont remis les Américains à leur place dans le Caucase. Il est possible que l’Allemagne récupère bientôt son rôle d’intermédiaire. Berlin a de bonnes relations avec la Russie et peut influencer plus profondément le nouveau président russe Medvedev que n’importe quel autre Etat de l’UE.
(entretien paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°34/2008; trad. franç.: Robert Steuckers).
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Géorgie: les intérêts américains et russes se télescopent dans le Caucase
Günther DESCHNER:
Géorgie: les intérêts américains et russes se télescopent dans le Caucase
A peine les premiers obus de la “Guerre d’août” dans le Caucase avaient-ils explosé que Mamouka Kourachvili expliquait ce qui se passait, en termes passablement nébuleux: l’armée géorgienne aurait ainsi lancé une grande offensive “pour rétablir l’ordre constitutionnel dans la province séparatiste d’Ossétie du Sud”. Le président géorgien Mikhail Saakachvili n’a ni rappelé son général à l’ordre ni démenti ses dires.
Le conflit pour l’avenir de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud n’avait cessé de s’amplifier au cours de ces dernières années, entre la Géorgie, tournée vers l’atlantisme, et la Russie. Les deux camps utilisant des cartes truquées. Depuis des mois, on sentait venir la guerre. La portée de ce conflit nous amène bien loin du Caucase. En effet, les deux républiques, qui entendent faire sécession et se séparer de la Géorgie, sont de sérieuses pommes de discorde entre les Etats-Unis et la Russie, constituent quasiment des points de rupture.
Depuis la fin de l’Union Soviétique et depuis que les statégistes américains avaient défini le Caucase du Sud comme appartenant à la sphère d’influence américaine, Washington avait élu la Géorgie comme son partenaire privilégié dans la région. La raison réelle de ce choix réside toute entière dans le conflit géostratégique dont les enjeux sont 1) l’accès au gaz et au pétrole de la région de la Mer Caspienne et 2) le contrôle des grands oléoducs et gazoducs. L’enjeu principal est surtout constitué par la ligne d’oléoducs BTC, longue de 1800 km, qui part de Bakou en Azerbaïdjan, pour passer par Tiflis (Tbilisi) en Géorgie et aboutir à Ceyhan en Turquie, sur la côte méditerranéenne. Washington privilégie cette voie pour faire venir le pétrole de la Caspienne à l’Ouest, car elle ne passe ni par la Russie ni par l’Iran, ce qui empêche ipso facto ces deux puissances d’intervenir sur le tracé des oléoducs et gazoducs. C’est là qu’il faut trouver la raison majeure de l’appui apporté par les Etats-Unis, depuis tant d’années, à Mikhail Saakachvili, lequel vise à aligner totalement son pays sur la politique américaine. Il veut à tout prix que la Géorgie fasse partie de l’OTAN; pour y parvenir, il a fait du contingent géorgien le troisième contingent en importance numérique en Irak dans la fameuse “coalition des bonnes volontés” de Bush.
L’objectif de Moscou est de déstabiliser la Géorgie et d’y installer un gouvernement qui tienne davantage compte des intérêts de son grand voisin russe. C’est clair comme de l’eau de roche. C’est la tradition de grande puissance que la Russie a réactivée depuis Poutine, ce qui a pour conséquence que Moscou s’efforce de déconstruire toutes les positions atlantistes qui se sont incrustées sur les flancs de l’ancien empire russe et/ou soviétique. Dans le cas de la Géorgie, la Russie dispose d’un bon instrument en soutenant les mouvements sécessionnistes en Abkhazie et en Ossétie du Sud.
L’offensive déclenchée par Saakchvili contre les Ossètes du Sud relève donc de la naïveté et de la stupidité politique. Il offrait ainsi au Kremlin un prétexte en or pour une intervention militaire musclée. Le bellâtre de la “révolutions des roses” y perdra sans nul doute ses fonctions et les deux provinces sécessionnistes risquent bel et bien d’être définitivement perdues pour la Géorgie. Près de vingt ans après l’effondrement de l’Union Soviétique, cette dernière guerre du Caucase a démontré clairement que la Russie, grande puissance renée de ses cendres, estime que ce glacis régional caucasien appartient à sa sphère d’intérêt. Aux yeux des Russes, l’action musclée était parfaitement appropriée, dotée de sens. Une réaction sciemment disproportionnée et mise en scène de la sorte, a donné une leçon au voisin, qu’il n’oubliera pas de sitôt, et démontré aux puissances occidentales que la Russie, elle aussi, a des intérêts de grande puissance, et qu’elle est bien décidée et capable de les faire valoir. Personne ne doit feindre la surprise. Tous auraient dû y penser: la reconnaissance unilatérale du Kosovo par l’Occident allait tout naturellement conduire la Russie, à la première occasion, à rendre la pareille, selon l’adage “J’agis comme tu agis”.
Mais la stratégie choisie par Moscou n’est pas exempte de dangers. On sait, sous les murs du Kremlin, que plusieurs foyers de conflit demeurent potentiellement virulents sur le flanc nord du massif caucasien. Moscou ne peut se permettre de voir ressurgir une escalade de violence en Ingouchie, en Tchétchénie et au Daghestan. La position géostratégique de la Géorgie, corridor en direction de la Caspienne, rend son territoire très intéressant à contrôler pour les puissances occidentales. Sans la Géorgie, les oléoducs et gazoducs devraient passer par le territoire de la Russie pour arriver en Europe occidentale ou par l’Iran (ndt : pour arriver en Asie orientale), ce qui est inacceptable pour les Etats-Unis.
Les intérêts stratégiques des Etats-Unis sont clairs: la Géorgie est non seulement un maillon important dans la chaîne d’Etats et de bases qui doivent parfaire l’encerclement de la Russie, mais aussi une base très bien située pour mener tout guerre future contre l’Iran fort proche. Depuis que la Turquie n’est plus qu’un acteur peu fiable pour l’atlantisme dans la question iranienne, les Américains ont parié sur la Géorgie et se sont faits les avocats de son adhésion à l’OTAN. La Géorgie offre aussi des ports en eaux profondes, dans une région hautement stratégique, où l’OTAN et les Américains pourraient installer des bases militaires et des points d’appui pour leurs forces aériennes.
Les Etats-Unis et l’UE auraient pu rappeler les Géorgiens à l’ordre et les empêcher ainsi de se jeter dans la gueule du loup. Ils ne l’ont pas fait. Ainsi, Moscou a profité de l’occasion que lui offrait Saakachvili, en prenant l’OTAN de court et en démontant qu’elle n’était qu’un tigre de papier. L’alliance dont les Etats-Unis sont l’hegemon perd de son pouvoir d’attraction auprès d’autres candidats potentiels. Toute politique des “doux yeux” à l’adresse de l’OTAN peut désormais s’avérer dangereuse. A Kiev, à Bakou et dans d’autres capitales, l’intervention russe en Ossétie du Sud aura eu l’effet d’un avertissement, dont il faudra impérativement tenir compte.
Washinton applique la “Doctrine de Monroe” et considère que l’Amérique latine est son arrière-cour, où les Etats-Unis peuvent intervenir à leur guise; face à cette “Doctrine de Monroe”, nous voyons désormais émerger une sorte de “Doctrine de Poutine” qui veut que les Etats, se trouvant sur la périphérie de la Russie, sur ses anciens glacis, sont importants pour la politique étrangère et pour la sécurité de la Russie. Manifestement, le retour de la Russie à de tels principes géostratégiques conduit à un nouvel affrontement froid entre Washington et Moscou. Du moins dans l’optique des Russes, l’intervention en Ossétie du Sud constitue un acte de vengeance contre la politique de Washington qui, depuis des années, ne s’occupent que d’encercler la Russie au lieu de l’intégrer.
Dès le début, les choses étaient claires: la “Guerre d’août” au Caucase n’allait nullement être le prélude d’une guerre russe de reconquête. Elle a pour conséquence que les facteurs politiques de la région doivent être réexaminés et réévalués. Règle normale de toute Realpolitik.
Günther DESCHNER.
(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, Nr. 34/2008; trad. franç.: Robert Steuckers).
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dimanche, 17 août 2008
Etranges conservatismes américains
Etranges conservatismes américains
Par Herbert AMMON
En dépit des impulsions culturelles venues des Etats-Unis via Hollywood et la Pop culture, le paysage idéologique et politique de la seule puissance globale (dixit Zbigniew Brzezinski) demeure « terra incognita » pour la plupart des Européens. Les césures spécifiquement américaines, qui séparent les « liberals » des « conservatives » ne se perçoivent jamais clairement, tant et si bien qu’on les classe en Europe de manière binaire : entre une gauche et une droite. Les problèmes s’accumulent lorsque l’on cherche à établir une bonne taxinomie des écoles politiques et idéologiques américaines : les slogans et mots d’ordre sont si nombreux, reçoivent tant de définitions particulières qu’on ne s’y retrouve plus, surtout si l’on évoque une ancienne droite et une nouvelle droite, soit des paléo-conservateurs et des néo-conservateurs.
Pour définir les camps politico-idéologiques américains, les définitions habituelles ne sont guère de mise (sauf quand il s’agit, par exemple, du conservatisme tel que l’a défini jadis un Russell Kirk). Européens et Américains ont une expérience différente de l’histoire, nomment donc les choses politiques différemment, ce qui conduit aux confusions et quiproquos actuels. « Cum grano salis », on peut distinguer quelques différences majeures entre conservatismes européens et américains : d’abord, les conservatismes européens sont devenus sceptiques quant à l’histoire à venir ; les conservatismes américains sont nettement orientés vers le futur, sont, dans le fond, anti-historiques, dans la mesure où ils entendent maintenir l’idée fondamentalement américaine d’une société contractuelle (ils n’envisagent pas d’autres modèles). Ensuite, les conservatismes américains sont fiers de leur tradition historique continue, non brisée, que les Européens jugent « courte » ; les conservatismes européens, eux, sont contraints de tenir compte d’une longue histoire, marquée par des ruptures successives. Enfin, les conservateurs américains perçoivent de façon positive le rôle de puissance mondiale que joue leur pays, alors que les Européens se souviennent constamment du « suicide de l’Europe » (dixit Paul Ricoeur) en 1914. Et, last but not least, les conservateurs américains acceptent sans hésitation l’idée libérale d’un libre marché sans entraves, alors que les conservatismes européens critiquent tous le libéralisme.
Adhésion sans entraves au libre marché
La genèse des notions de « liberal » et de « conservative » nous ramène à l’ère Roosevelt (1933-1945). Les partisans de la politique social-réformiste et interventionniste / étatique du New Deal rooseveltien se dénommaient « liberals ». Les adversaires de Franklin D. Roosevelt venaient d’horizons divers : parmi eux, on trouvait des libéraux au sens économique le plus strict, qui se posaient comme les seuls véritables libéraux ; il y avait ensuite des critiques de la bureaucratie (du « big government »), en train de devenir pléthorique à leurs yeux. Enfin, du moins jusqu’à l’attaque japonaise contre Pearl Harbor, il y avait les défenseurs de l’isolationnisme. Murray Rothbard, un « libertarien », soit un extrémiste du marché, désigne cette coalition hostile à Roosevelt sous le nom de « Vieille Droite » (« Old Right »). D’après Rothbard, le terme « conservateur » n’était guère usité aux Etats-Unis avant la parution en 1953 de « Conservative Mind », le grand livre de Russell Kirk.
Les « conservateurs », qui suivaient la forte personnalité de Robert A. Taft, sénateur de l’Ohio (de 1939 à 1953) et rival républicain de Dwight D. Eisenhower en 1952, renonçaient à toute élévation du débat intellectuel en politique. Attitude qui n’a guère changé en dépit de l’émergence de courants de pensée conservateurs mieux profilés. Libéral et théoricien peu original, Peter Viereck, dans « Conservatism Revisited » (1949) s’est posé comme critique des idéologies totalitaires, le « communazisme ». Russell Kirk (1918-1994) fut donc le premier à se positionner comme explicitement conservateur et à être reconnu comme tel par l’établissement « libéral ». En se référant à Edmund Burke, le critique de la révolution française de 1789, perçue comme rupture de la Tradition, Kirk mettait l’accent sur l’origine « conservatrice » de la révolution américaine. Dans ses écrits, Kirk citait, en les comparant à Thomas Jefferson, les pères fondateurs « conservateurs », tels John Adams et les auteurs des « Federalist Papers », se référait également aux critiques européens de la révolution comme Burke ou Tocqueville. Kirk se posait également comme un conservateur écologiste, pratiquant la critique de la culture dominante, ce qui fit de lui une exception parmi les conservateurs américains, optimistes et orientés vers le futur.
« On pourrait, pour simplifier, résumer comme suit l’histoire du conservatisme américain : Russell Kirk l’a rendu respectable ; William Buckley l’a rendu populaire et Ronald Reagan l’a rendu éligible » (citation de J. v. Houten). En effet, les conservateurs doivent à William F. Buckley, né en 1925, d’avoir pu accroître leurs influences au sein du parti républicain et d’avoir percé pendant l’ère Reagan. Ils doivent ces succès au réseau de revues et de « think tanks » que Buckley a tissé dès les années cinquante, dont l’ « American Heritage Foundation », créé en 1973.
Buckley, comme le rappelle son livre « God and Man at Yale » (1951), était un catholique fervent. Il débarque un beau jour à Yale dans le bastion du « liberalism » à l’américaine, dominé par les agnostiques, les athées et les unitariens post-chrétiens, variante du protestantisme aligné sur l’idéologie des Lumières. En 1955, ce fils d’un millionnaire du pétrole fonde la « National Review », autour de laquelle se rassembleront des personnalités très diverses, toutes étiquetées, à tort ou à raison, comme « conservatrices » : des libertariens à Kirk lui-même. Dans ces années-là, où la « New Left » connaissait son apogée, le groupe « Young Americans for Freedom », lancé par Buckley, constituaient déjà un contrepoids politique. Et puisque Buckley, récemment, a critiqué les stratégies de Bush, quoique de manière très modérée, on peut le considérer aujourd’hui comme un représentant des « paléo-conservateurs ».
Le conservatisme américain, nous l’avons constaté, est un champ fort vaste dont les idéologèmes et les stratégies ne se sont cristallisés que depuis quelques décennies, contrairement à ce que l’on observe chez les conservateurs européens. Aujourd’hui, c’est évidemment George W. Bush qui domine l’univers conservateur américain. Bush se déclare « conservateur », plus exactement le continuateur de l’œuvre politique de Reagan que tous vénèrent en oubliant qu’il était au départ un « liberal ». Les Républicains doivent leurs succès électoraux depuis Reagan à un courant profond, agitant toute la base aux Etats-Unis, courant qui englobe le patriotisme (la fierté de s’inscrire dans une tradition de liberté) et les « valeurs » conservatrices (la famille, la religion, la morale, l’assiduité au travail, etc.).
Les hommes politiques qui veulent réussir en tant que « conservateurs » sont dès lors contraints de chercher le soutien de la « droite chrétienne ». Par ce vocable, il faut entendre cette immense masse d’électeurs liés aux mouvements religieux du renouveau protestant, animé par les « évangélisateurs ». Ce conservatisme théologien, partiellement fondamentaliste, rassemble des groupements où l’on retrouve les « Southern Baptists », le plus grand groupe protestant organisé, les pentecôtistes (notamment les « Assemblies of God ») et, bien sûr, les « méga-églises » des télé-évangélistes. Tous ensemble, ces mouvements évangéliques alignent quelque 80 millions de croyants, ce qui les place tout juste derrière les catholiques, qui restent le groupe religieux chrétien le plus nombreux aux Etats-Unis.
Certains évangélistes toutefois, et pas seulement les Afro-Américains, estiment que leur foi peut s’exprimer chez les démocrates. Religion et race se mêlent souvent : ainsi, Pat Robertson, étiqueté de « droite », et Jesse Jackson, étiqueté de « gauche », appartiennent tous deux au mouvement qui soutient les Baptistes et le sanglant « seigneur de le guerre » Charles Taylor au Libéria.
Malgré la très forte pression que la « droite religieuse » exerce aux niveaux locaux, voire dans certains Etats, elle n’a presque aucune influence au niveau fédéral. Ainsi, le candidat à la Présidence, Mitt Romney, appartient à la secte des Mormons, considérée comme éminemment conservatrice, ce qui ne l’a pas empêché d’être élu gouverneur du Massachusetts, Etat à majorité « libérale ». Le pentecôtiste John D. Ashcroft, représentant notoire de la « droite religieuse », fut ministre de la justice dans le premier cabinet de George W. Bush. Il serait faux, toutefois, de dire qu’après le choc du 11 septembre 2001, le bellicisme de l’actuel président américain, qui prétend être un « chrétien re-né » tout comme son adversaire Jimmy Carter, découle en droite ligne de sentiments religieux qui lui seraient propres.
La politique extérieure américaine est marquée depuis longtemps par les néo-conservateurs, comme on le constate sous le républicain Reagan avec Jean C. Kirkpatrick ou sous le démocrate Bill Clinton avec Madeleine Albright. Sous Bush Junior, les « neocons » tirent toutes les ficelles seulement depuis le retrait de Colin Powell. L’exécutif qui a programmé la politique moyen-orientale et déclenché la seconde guerre d’Irak alignait des hommes comme Dick Cheney, Donald Rumsfeld, Paul Wolfowitz et Richard Perle.
Tous ceux qui ont forgé le vocable « neocons » viennent à l’origine, comme d’ailleurs aussi bon nombre de paléo-conservateurs, du camp de la gauche (des « liberals ») ; on trouve dans leurs rangs des intellectuels de la gauche progressiste, issu des milieux juifs, qui se sont détachés du Parti démocrate au cours des années 70. Les meilleurs plumes de ce groupe furent Irving Kristol, avec sa revue « The Public Interest », Norman Podhoretz, avec « Commentary », et le sociologue Daniel Bell (« La fin des idéologies », 1970).
La définition usuelle du néo-conservatisme nous vient de Kristol : « Un conservateur est un homme de gauche, qui a été frappé de plein fouet par le réel ». Ce bon mot ne nous révèle que la moitié de la « réalité » : il pose le néo-conservateur, ex-homme de gauche, simplement comme celui qui n’accepte plus et critique les programmes sociaux pléthoriques lancés par les Démocrates. En fait, le néo-conservateur veut surtout une politique étrangère musclée : ainsi, le fils d’Irving Kristol, William Kristol (revue : « The Weekly Standard ») veut que cette politique étrangère américaine instaurent partout une « démocratisation », selon des critères déterminés depuis longtemps déjà par la vieille gauche interventionniste.
Pat Buchanan : vox clamans in deserto
Les « anciens conservateurs », ou paléo-conservateurs, qui avaient jadis forcé la mutation sous Reagan, entre 1981 et 1989, ont perdu depuis bien longtemps toute influence. Ainsi, Pat Buchanan n’est plus qu’une voix isolée dans le désert depuis des années, alors qu’il fut l’un des rédacteurs des discours de Nixon, puis conseiller de Reagan. Il tenta, rappelons-le, de lancer un parti réformiste et échoua dans sa candidature à la présidence en 2000. Il est redevenu républicain par la suite. En politique intérieure, Buchanan, catholique traditionnel, dont on se moque en le traitant de « conservateur paléolithique », lutte contre les « libertés » nouvelles que veulent imposer les « liberals » et les libertariens (avortement, mariage homosexuel, euthanasie).
Buchanan est protectionniste, s’oppose à la société multiculturelle et à l’immigration qui modifie de fond en comble le visage de l’Amérique. Sur le plan de la politique extérieure, il défend un isolationnisme modéré et s’inquiète des pièges que recèle l’interventionnisme global voulu par les « neocons ».
Il me reste à mentionner –et à saluer- un combattant isolé, qui pourfend le « culte de la faute » choyé par de nombreux « liberals » (et par leurs homologues allemands), culte qui sert à promouvoir l’idéologie de la « correction politique » (les « Gender studies », les codes anti-discriminatoires de tous acabits, le multiculturel, etc.) : ce combattant n’est autre que l’historien des idées Paul Gottfried. Mais, malgré Buchanan et Gottfried, les paléo-conservateurs n’ont plus aucun influence notable, ni dans les universités ni dans les médias, a fortiori dans l’établissement politique.
Quelles conclusions peut-on tirer de la topographie que je viens d’esquisser ici ? Après la disparition graduelle des paléo-conservateurs, les nationaux-conservateurs allemands auront bien des difficultés à trouver des alliés Outre-Atlantique. Sans doute, seuls les chrétiens à la foi très stricte trouveront des frères en esprit pour toutes les questions morales chez les évangélisateurs ou les conservateurs catholiques.
Personnellement, je ne trouve, dans ce camp conservateur américain (toutes tendances confondues), aucune position qui me sied. Si je suis éclectique, je trouverai peut-être quelques points d’accord avec Russell Kirk, mais seulement quand il appelait en 1976 à voter pour le « démocrate de gauche » Eugene McCarthy. Quand je pense à l’idéologie qui domine la RFA aujourd’hui, je suis souvent d’accord avec Paul Gottfried, qui avait dû quitter, enfant, le IIIième Reich national-socialiste. Enfin, je lis toujours avec beaucoup d’intérêt les textes des intellectuels américains qui s’opposent à l’interventionnisme.
Vu que nous assistons à une orientalisation, soit une islamisation croissante de l’Europe occidentale les analyses clairvoyantes de nos temps présents par Samuel P. Huntington méritent que nous y consacrions toute notre attention ; Huntington nous annonce le déclin de l’Occident en général et la perte d’identité européenne des Etats-Unis. Aujourd’hui âgé de 80 ans, ce professeur de Harvard n’est toutefois pas étiqueté « conservative » mais considéré comme un représentant du « liberal establishment ».
S’intéresser aux relations intellectuelles transatlantiques est une bonne chose et permet de se comprendre réciproquement. Jusqu’ici, le monde universitaire s’est limité à importer en Allemagne et en Europe le prêchi-prêcha du « politiquement correct » des « liberals », y compris les expressions du mépris que vouent les gauches à Bush qui, quand elles sont satiriques, satisfont leur orgueil blessé. Une poignée de conservateurs allemands critiquent aujourd’hui l’idéologie importée des « liberals » (qui s’expriment en Allemagne sous des oripeaux «écologistes ») mais cette démarche est insuffisante. Face à l’immigration de masse qui menace directement l’existence du peuple allemand, en tant que peuple porteur d’histoire et en tant que nation historique et politique, et l’avenir même de l’Europe toute entière, nous devons, en première instance, procéder à une analyse factuelle et objective de la situation et ne pas ergoter et pinailler sur nos préférences intellectuelles ou rêver à d’hypothétiques coalitions qui ne viendront jamais.
La politique extérieure américaine se caractérise depuis l’immixtion des Etats-Unis dans la politique mondiale (au moins depuis 1917) par la double nature de la puissance et de la morale qu’elle révèle. La conscience qu’ont les Américains de mener à bien une « mission » inspire cette politique globale ou planétaire, et vice-versa, dans la mesure où les démarches concrètes de cette politique étayent la vision messianique que distille la religiosité américaine.
Henry Kissinger était une exception : il se posait comme « réaliste » et les notions de « mission » ne l’intéressaient pas vraiment. Depuis la montée en puissance des « neocons », qu’ils soient adhérents des démocrates ou des républicains, l’aspect idéologique et para-religieux de la politique extérieure des Etats-Unis est passé à l’avant-plan. Force est de constater que les assises fondamentales de la politique extérieure des Etats-Unis réconcilient, in fine, les « liberals » et les « conservatives » : il nous suffit d’énumérer les grands événements de ces quinze ou vingt dernières années, avec l’élargissement de l’OTAN aux pays d’Europe centrale et orientale, avec la politique balkanique (de Madeleine Albright), avec l’appui qu’apporte Washington à la candidature turque à l’UE, aux conflits qui ensanglantent le Proche- et le Moyen-Orient, etc.
Par ailleurs, la politique extérieure américaine se montre souvent fort dépendante des fluctuations de l’opinion publique intérieure. Hillary Clinton et d’autres candidats à la Présidence commencent à caresser cette opinion dans le sens du poil, en songeant à l’investiture de 2008, car, en effet, si les troupes américaines doivent se retirer d’Irak aussi peu glorieusement qu’elles se sont retirées du Vietnam, la politique extérieure américaine se trouvera confrontée à ses propres misères, aux monceaux de ruines qu’elle aura provoquées.
Quel rôle jouera la Turquie dans ce scénario ? Rien n’est certain. Quoi qu’il en soit, la paix entre Israël et la Palestine sera, une fois de plus, remise aux calendes grecques.
Herbert AMMON.
(article extrait de « Junge Freiheit », n°29/2007; trad. franç. : Robert Steuckers).
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lundi, 11 août 2008
Homo Americanus - noodlot of bestemming?
Homo Americanus – noodlot of bestemming?
Worden wij allemaal straks ‘homo americanus’, mensen die leven in een compleet geglobaliseerde wereld, die als enige god naast Mammon de Rechten van de mens aanbidt? Worden wij straks allemaal ‘homo americanus’, onder een globaal economisch kapitalistisch systeem, een multicultureel paradijs op aarde (althans als men sommige heilsbrengers en hogepriesters van het nieuwe geloof mag geloven)?
Tomislav Sunic, voormalig professor aan enkele Amerikaanse universiteiten en voormalig Kroatisch diplomaat, vreest van wel en probeert in dit zeer belangrijk werk Homo Americanus: child of the postmodern age (*) duidelijk te maken wat de bronnen zijn van deze ‘homo americanus’ en vooral wat de uitdagingen zijn waarmee de Europeaan – en bij uitbreiding de andere culturen – in de nabije toekomst zal worden geconfronteerd. Hij gaat hierbij interdisciplinair te werk, om zo elk academisch reductionisme tegen te gaan (een zeer on-Amerikaanse manier, want is het academisch reductionisme wijder verspreid dan juist in de VSA?). Tenslotte heeft Sunic aan den lijve het communistisch totalitarisme moeten ondergaan, zodat hij meer dan goed geplaatst is om ook het softtotalitair karakter van de Amerikaanse academische en politieke wereld aan te klagen, dat door een fijnmazig netwerk van media, politiek, universiteiten en andere opiniemakers de politieke en publieke discussie binnen zeer benepen en enge grenzen probeert te houden. Er zijn trouwens voldoende voorbeelden hoe ditzelfde fenomeen zich ondertussen ook in Europa voordoet: het woord “immigrant” of “immigratie” bijvoorbeeld bezigen zonder de verplichte adoratie is reeds voldoende om bepaalde door de staat betaalde inquisitieorganen te alarmeren en in hoogste staat van paraatheid te brengen.
In zijn voorwoord stelt professor Kevin MacDonald van de California State University dat Tomislav Sunic het begin van deze morele en intellectuele legitimiteit situeert met de overwinning van links na de Tweede Wereldoorlog en dat de bestraffing van de misdaden die in naam van het totalitarisme werden begaan, gediend hebben om de linkse dogma’s, vooral die over mens, natie en ras, te versterken. Het belangrijkste instrument in deze institutionalisering was zeker de Frankfurter Schule, die erin slaagde om elke positieve ingesteldheid tegenover etnische cohesie, familie, natie, religie of ras gelijk te stellen met het purgatorium, het vagevuur. Eén stap verwijderd van de hel dus.
De Europese volkeren moesten (en moeten) dus geloven dat hun eigen inzichten over demografie en culturele ondergang irrationeel waren (en zijn) en een indicatie van een psychopathologie. In het licht hiervan krijgt natuurlijk ook het begrip ‘democratie’ een totaal andere betekenis. In de plaats van uitdrukking te zijn van de wil van het volk wordt het eerder de woonplaats van de norm van de intellectueel superieure elites die geen enkel verband meer hebben met de eigenlijke bescherming van de belangen van het volk.
In de laatste hoofdstukken belicht professor Sunic de verhouding ‘Homo Americanus’ en de postmoderniteit. Want hoewel de postmoderniteit de wereld ging verlossen van alle ideologische dwang, is er integendeel sprake van een totale ideologisering van alle uitingen van het maatschappelijk leven, wat zich vooral manifesteert in het gebruik van begrippen als ‘mensenrechten’, ‘fascisme’ en ‘etnie’ of ‘identiteit’. Daardoor blijft er van het zogezegde recht op vrije meningsuiting steeds minder over, de – veelal nieuwe – taboes blijken integendeel nog sterker dan vroeger. Media en andere opiniemakers in Amerika – maar ook steeds vaker in de rest van de wereld – vinden het steeds moeilijker om topics aan te raken die beschouwd worden als tegengesteld aan de postmoderne geest.
Terwijl veel Amerikanen in het besef leven dat de vrije pers een tegengewicht vormen tegen de almachtige politieke wereld, strijden de beide groepen integendeel in een zelfde geest en in een zelfde strijd. Ook Régis Debray stelde hetzelfde vast: “Het zijn de media die eigenlijk de meester van de staat zijn. De staat moet haar overleven onderhandelen met de opiniemakers”.
Officieel zijn er in het postmoderne Amerika geen rassen of etnieën. Nochtans wordt geen land ter wereld zo gedomineerd door het rassenvraagstuk als juist de VSA, in die mate zelfs dat Sunic het beeld van een raciaal opgedeeld of zelfs raciaal uiteenvallend Amerika als redelijk reëel voorkomt. Maar de Amerikaanse overheid reageert op dit fenomeen met een gekende ‘overkill’. Om de dreigende balkanisering van Amerika af te wenden, weigert men de raciale influx te stoppen, integendeel, men meent dat men dit best kan doen door nog méér verscheidenheid in het land binnen te brengen. Gevolg zou het einde van de Angelsaksische desem van de Amerikaanse droom kunnen zijn, zeker is in elk geval dat nog meer etnische en/of raciale verscheidenheid in Amerika zal leiden tot een politieke en demografische marginalisering ervan.
Het enige voordeel van de postmoderniteit is het feit dat ze zelfvernietigend is, aldus de auteur Tomislav Sunic. Maar tegen welke prijs? Het is de vraag hoe Amerika uit deze odyssee zal kom. Het is vooral de vraag op welke manier de Europeanen zullen omgaan met de ervaringen van de Amerikanen.
Dit boek dat onmiddellijk en zonder omwegen naar de kern van de zaak gaat, hoort eigenlijk in de bibliotheek van eenieder thuis! Sunic heeft zijn veruit belangrijkste werk gepubliceerd.
(P.L.)
Titel: Homo Americanus: child of the postmodern Age (214 pag)
Auteur: Sunic Tomislav
Uitgever: in eigen beheer
ISBN: 978 – 1419659843 (2007)
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mercredi, 23 juillet 2008
Quand l'US Army pillait les trains d'or juif en Bavière...
Quand l’US-Army pillait les trains d’or juif en Bavière en 1945
L’an dernier le Congrès américain et la Maison Blanche ont mis sur pied une commission, qui devait rechercher les valeurs ayant appartenu aux victimes de l’holocauste et voir si ces valeurs ne s’étaient pas retrouver sur le territoire des Etats-Unis. Le président du Congrès juif mondial, Edgar Bronfman a été nommé président de cette « Presidential Advisory Commission on Holocaust Assets » (= « Commission Consultative présidentielle sur les avoirs de l’holocauste »). L’élite politique des Etats-Unis estimait qu’elle avait un devoir à remplir : au cours des dernières années, l’Amérique a accusé de nombreux pays (ndt : la Suisse , la Suède , l’Autriche, la Belgique , etc.) de s’être enrichis indûment en s’appropriant toute ou partie de la fortune des victimes juives du national-socialisme. Ces pays ont été cloués au pilori par les médias. L’élite politique américaine voulait prouver qu’elle acceptait une enquête en Amérique même ; on pensait que l’Atlantique était un fossé bien large, que l’Europe était loin et que la Commission —mon Dieu !— ne trouverait rien in God’s own country !
Vers le 15 octobre 1999, une commission d’études a publié un rapport provisoire sur la direction du représentant du Ministre américain des finances, Stuart Eizenstat. Le lendemain, le résultat révélé par ce rapport provisoire faisait la une de tous les grands quotidiens américains. La Commission s’était penchée sur un cas devenu quasi légendaire, celui du « train d’or hongrois ».
A la fin de l’automne 1944, quand les troupes soviétiques, progressant depuis la Transylvanie , se mettent à franchir les frontières de la Petite Hongrie du Traité du Trianon, Adolf Eichmann, officier SS, prend des mesures de protection exceptionnelles à Budapest. Il réquisitionne plusieurs trains pour évacuer ce qu’il y a lieu d’évacuer vers l’Ouest ; la destination de ces trains est la Suisse neutre. Dans l’un d’eux ont été entreposées les réserves d’or de la Banque nationale de Hongrie ; dans un autre convoi, ont été entassées les peintures et les sculptures du Musée National hongrois.
A la fin de la guerre, ces deux trains ont été rapatriés en Hongrie. Un troisième train contenait les objets de valeur appartenant à plus de cent mille Juifs de Hongrie, qui furent ensuite déportés. Il s’agissait d’œuvres d’art, d’argenterie, de porcelaine, de tapis précieux, de bijoux, de diamants bruts, d’objets en cristal, de collections de monnaies et de timbres postaux, ainsi que des lingots d’or et deux serviettes pleines contenant de la poussière d’or, sans compter de très nombreuses montres et des appareils photographiques.
Des généraux américains se sont partagé le butin contenu dans 24 wagons !
Ce troisième train n’est jamais arrivé en Suisse. Le 16 mai 1945, quelques jours après la fin des hostilités en Europe, des soldats américains découvrent ce train à l’abri dans un tunnel près du village de Werfen. Il s’agissait de 24 wagons plombés (deux autres wagons avaient déjà auparavant été pillés par des soldats français). Le contenu des 24 wagons a été ensuite amené dans un dépôt de l’US Army à Salzbourg. Comme des inventaires avaient été dressés, le gouvernement hongrois a pu procéder à une évaluation du contenu : le trésor fabuleux du « train d’or » s’élevait à 204 millions de dollars américains (au cours de 1945). Si l’on adopte le cours du change que le Congrès Juif mondial a imposé aux banques suisses, cette somme correspondrait aujourd’hui à près de 2 milliards de dollars américains.
Une partie de ces biens a immédiatement été envoyée en Allemagne et confiée aux organisations juives, qui les ont mis aux enchères, pour obtenir des liquidités, qui ont été utilisées pour soigner et soulager les innombrables « personnes déplacées ». Plus tard, 1181 peintures ont été confiées par les autorités américaines à l’Etat autrichien, quand l’Autriche était encore considérée comme une nation alliée. Mais une part considérable de ces biens du « train d’or » est tombée aux mains de généraux américains, qui avaient installé leurs quartiers dans les villas et les châteaux de l’aristocratie autrichienne.
Le premier à s’être emparé de ces biens fut le Commandant des troupes américaines d’Autriche occidentale et Commandant de la Place de Salzbourg, le Général Major Harry J. Collins. Il donna un ordre de réquisition, où il commanda pour sa résidence et pour son wagon personnel de chemin de fer, des services de cristal et de porcelaine pour 45 personnes, 30 jeux de nappes et de serviettes de lin, 12 candélabres d’argent, 13 tapis d’Orient, 60 jeux d’essuies de bain. Et cet homme avide de beaux objets a ajouté : « tout doit être de la meilleure qualité, être du travail fait main par des artisans du plus haut niveau ». Quatre autres généraux se sont servi dans les masses de biens volés ; leurs patronymes sont cités dans le rapport remis récemment aux autorités américaines : Hume, Luade, Howard et Linden.
On n’a pas pu savoir ce que sont devenus ces objets de valeur après le départ des Américains hors d’Autriche, mais on peut imaginer que la Commission poursuivra son enquête… Son président y veille et on sait qu’il est un dur à cuire qui ne se laissera jamais intimidé. Ce qui restait du « train d’or » a été distribué via les magasins de l’administration militaire ou a purement et simplement été subtilisé.
L’existence du « train d’or » était connue depuis des années. On lui a même consacré des livres. L’auteur de l’un de ces livres, Kenneth D. Alford, cite un certain Capitaine Howard A. MacKenzie, qui a formulé une simple remarque sur le sort du « train d’or » : « … la seule différence entre Allemands et Américains en ce qui concerne les pillages réside en ceci : les Allemands ont dressé avec précision l’inventaire des patrimoines pillés, tandis que chez les Américains régnait la libre entreprise incontrôlée ».
Entre le gouvernement américain et le régime communiste hongrois, eut lieu une longue bataille juridique, assez stérile, où, finalement, le gouvernement communiste hongrois n’a rien reçu. Pour justifier cela, les services américains utilisaient généralement l’argument qu’une restitution ne serait pas possible, car les propriétaires des pièces ne pouvaient plus être retrouvés. Dès le premier jour de la publication du rapport provisoire de la Commission , la communauté juive de Budapest s’est manifestée et a réclamé la restitution des biens ou un dédommagement. La Commission elle-même a recommandé au gouvernement américain de payer des dommages et intérêts. Dans l’avenir, c’est certain, une pénible bataille juridique va s’éterniser et on entendra encore souvent parler du « train d’or » de Hongrie.
Il faut procéder à un examen critique du rôle de l’US Army
Vu le rôle peu glorieux de l’armée américain dans ce cas, cette révélation servira sans doute de leçons aux médias américains, si prompts à désigner les autres à la vindicte de l’opinion publique mondiale. Les donneurs de leçons d’Outre-Atlantique auront l’occasion de méditer le vieux dicton anglais : « When you live in a glass-house, you don’t throw stones » (= Quand on vit dans une maison de verre, on ne s’amuse pas à lancer des cailloux).
Ivan DENES.
(texte issu de Junge Freiheit, n°43/1999).
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mardi, 22 juillet 2008
Hérodote n°129: Stratégies américaines aux marges de la Russie!
A lire impérativement !
Le nouveau numéro d'HERODOTE, la revue fondée par le géopolitologue français Yves Lacoste.
N°129: Stratégies américaines aux marges de la Russie
Pour comprendre les mécanismes des "révolutions de couleur", téléguidées par la Fondation Soros, nouvelle technique d'encerclement et d'affaiblissement de la puissance qui tient la "Terre du Milieu" !
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Les lignes de fracture du système
Romain LABARCHEDE:
Les lignes de fracture du système
C'est un lieu commun rebattu : les idées mènent le monde. Cette explication simpliste mérite quelques précisions : quelques idées sont plus agissantes que d'autres, quant au plus grand nombre, elles ne mènent rien du tout, et souvent, elles mènent nulle part, tout au plus elles marginalisent quelques illuminés. Pourquoi telles idées ont mené le monde à une certaine période pour tomber dans l'oubli peu après ? Vérité d'hier se révèlera erreur aujourd'hui…
Réduites à elles-mêmes, les idées ne sont rien, ne produisent aucune action, si elles se répandent, se propagent, ce n'est pas de leur seul fait : elles doivent s'incarner. Plus simplement, tant qu'une idée, bonne ou mauvaise, ne trouve pas un corps pour la servir, elle demeure sans effet. D'où l'importance des hommes avec leurs qualités propres.
Que peuvent-ils, à leur tour, sans stratégie, sans tactique, sans mode opératoire, sans méthode et sans plan d'action ? Que peuvent-ils, même les plus courageux, s'ils ne tiennent qu'accessoirement compte des circonstances, des évènements, des forces en présence ?
La pertinence des idées, la qualité des hommes : des dirigeants et des exécutants, la lucidité des analyses, l'opportunité des méthodes et du plan d'action, tous ces éléments concourent à la réussite ou à l'échec des opérations. Aujourd'hui la météo idéologique est moins perturbée qu'à l'époque de la guerre froide, où le monde dit libre s'opposait au monde du prolétariat, les affrontements forts d'hier sont terminés puisque hors sujet.
Après l'implosion du modèle communiste, le libéralisme économico-politique n'a plus de concurrent idéologique, il est en situation de monopole. Serait-ce la fin des idéologies ? Bien évidemment non, il est facile de constater la convergence des deux courants hégémoniques dans un discours commun qui satisfait le plus grand nombre. Droite et gauche se sont recentrés, adoptant pour l'essentiel les mêmes objectifs avec des nuances quant aux moyens.
L'idéologie dominante repose sur deux principes :
-l'individualisme, l'individu est plus important que la communauté à laquelle il appartient.
-l'égalitarisme, tous les hommes sont égaux.
Ces principes de base peuvent se décliner en version plus ou moins forte ou plus ou moins douce, chacun accommodant à son goût. Cette idéologie dominante est instrumentalisée par la classe dirigeante pour asseoir son pouvoir et légitimer ses actions.
Au début des années 1750, Jean-Claude Vincent de Gournay, homme d'affaires et inspecteur des manufactures, était convaincu que le meilleur moyen de maximiser les ressources matérielles et humaines de la Nation était de : laisser-faire les hommes, laisser-passer les marchandises. Il ne visait alors que le domaine économique.
Aujourd'hui, c'est la règle générale qui prévaut dans tous les domaines : politique, social, religieux, culturel, familial, il est interdit d'interdire ! La déesse Permissivité fait perdre la tête et la raison aux élites. Dans notre antique mythologie , Jupiter ne fait-il pas perdre la raison à ceux dont il a juré la perte ?
I le système occidental
Ces précisions liminaires fournies, il convient d'appréhender le monde tel qu'il est, et non tel que l'on voudrait qu'il fût. Qu'est-ce que le système occidental?
Comme nous l'avons écrit dans Orientations pour un mouvement politique effectivement opérant, paragraphe les complotistes, nous ne croyons pas au complot mondial, obéissant à un mystérieux chef d'orchestre, ordonnant par relais hiérarchiques, l'application d'un plan établi et connu des seuls initiés. L'homme est un être social, (zoon politikon -Aristote) mais il est aussi un prédateur insatiable, (homo uomini lupus, l’homme est un loup à l’homme) ce qui le rend capable du meilleur comme du pire. La force essentielle du capitalisme, c'est qu'il satisfait toutes les pulsions et les besoins de l'homme ( de tous les hommes, bons ou mauvais ) sans qu'il y ait un quelconque accord sur une fin. Chacun trouvant son bonheur dans ce qui lui est agréable sur le moment.
Selon Tchakhotine, les quatre instincts primordiaux de l'homme sont : l'agressivité, l'intérêt matériel immédiat, la sexualité et le besoin de conformité-sécurité. Le système capitaliste satisfait simultanément ces quatre instincts, chacun prenant ce qui lui convient au moment désiré. Les jouisseurs s'épanouiront dans l'hédonisme, les prédateurs dans la concurrence, les profiteurs dans la spéculation, les grégaires dans la consommation, chacun pouvant à sa guise satisfaire un instinct, pour ensuite en satisfaire un autre ; le profiteur devient jouisseur puis prédateur etc…Retenons que dans la plupart des systèmes vivants, ce sont les prédateurs qui dominent et marquent les mutations de chaque système.
Oswald Spengler, dans son ouvrage le plus connu : le déclin de l'occident évoquait le vieillissement des cultures et des civilisations, mais le titre est regrettablement ambigu, car qu'observons-nous aujourd'hui, sinon l'hégémonie du monde occidental, du style de vie occidental ? Ce qui apparaît clairement, c'est le déclin du vieux continent Européen en tant qu'espace politico-culturel homogène, alors que le système occidental connaît une hégémonie quasi planétaire, jamais observée auparavant. Les nations Européennes sont aux ordres des Etats-Unis d'Amérique qui imposent et nourrissent leur domination :
- au moyen de la morale des droits de l'homme, excellent instrument d'intervention médiatique à géométrie variable,
- au moyen du droit d'ingérence en usant et abusant de la force militaire ( guerre du golfe, kosovo, Afghanistan…),
- au moyen de la logique du marché comme régulateur majeur : globalisation économique,
- au moyen de la diffusion planétaire d'une sous-culture de masse qui abrutit les cerveaux et amollit les consciences.
L'american way of life c'est la voie de la mort douce pour ceux qui n'ont pas la volonté de conserver leur identité.
L’Occident, bien que réalité planétaire, demeure un ensemble flou, recouvrant des réseaux, des espaces, des cultures, et des civilisations disparates. Il regroupe des sociétés diverses, organisées en cercles d’appartenance concentriques, ayant au centre un noyau dur qui alimente la périphérie : le modèle américain.
Dans « l’Occident comme déclin » paru en 1984, ed. du Labyrinthe, donc avant la chute du mur de Berlin et l’implosion du bloc soviétique, Guillaume Faye distinguait :
- des nations très occidentales : USA, Grande Bretagne, Europe du Nord,
- des nations moyennement occidentales : France, Italie, Espagne, Grèce,
- des nations en voie d’occidentalisation : Russie, pays de l’Est Européen,
- enfin des nations peu occidentales : Iran, Afghanistan.
A l’intérieur des pays dits en voie de développement, l’élite dirigeante, fortement occidentalisée, souvent coupée de sa culture originelle, est en rupture d’identité. Le peuple ne se reconnaît plus dans sa classe politique, les éléments les plus radicaux s’orientent vers des mouvements fondamentalistes. Dans un entretien accordé au quotidien Sud-Ouest, le 26.09.01, Mariam Abou Zahab, politologue qui enseigne l’histoire de l’Afghanistan et du Pakistan aux Langues Orientales à Paris, répond à la question : Pourquoi un tel décalage entre le gouvernement et l’opinion ?
« le fossé entre l’élite et la rue à propos de l’Amérique n’est pas neuf. Le Pakistan est totalement schizophrène : la bourgeoisie envoie ses enfants dans des universités américaines, la jeunesse singe le mode de vie yankee, et tous tiennent en même temps des propos violemment antiaméricains. Les gens ne sont pas conscients de cette contradiction. » Cette remarque pertinente convient à nombre de pays traditionnellement musulmans, avec tous les risques de dérives que nous savons.
L'Occident représente l'ouest, point cardinal du coucher de l'astre solaire. Pour Raymond Abellio, le modèle californien constitue l'essence et l'épicentre de l'Occident, ouest extrême, symbole d'une civilisation crépusculaire et vieillissante, où la lumière déclinante du jour fait place progressivement à l’obscurité de la nuit. L'astre renaissant, vainqueur des ténèbres, apparaîtra à nouveau par l'Orient, la lumière reviendra par l'Est.
La renaissance du Grand Continent Européen se réalisera en union avec les terres et nos frères de la Nouvelle Aurore.
II Géopolitique Anglo-saxonne
Jean-Gilles Malliarakis dans « Yalta et la naissance des blocs » éd. Albatros,1982, remarquable synthèse sur cet épisode historique, écrit : « Pour comprendre l’attitude de Churchill, on doit se reporter aux considérations fondamentales de la Grande Bretagne. Celle-ci disposait d’un empire aux dimensions de l’univers, un empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais. Contrairement aux territoires rassemblés par la France , plus coûteux à féconder que profitables à exploiter, les colonies britanniques étaient essentiellement rentables. Le grand problème était évidemment de maintenir les liaisons entre Londres et Honk-Kong, la fameuse route des Indes passant par Gibraltar, Malte, Chypre, Suez et Aden. En Europe centrale et orientale, les intérêts anglais n’étaient pas considérables mais il fallait à tout prix empêcher les Russes d’accéder à la Méditerranée. Il suffisait dans la zone des Balkans de garder la Grèce et de neutraliser la Yougoslavie. Tout le reste pouvait bien passer sous contrôle soviétique, Winston Churchill n’en avait cure. » p.149.
Ces lignes sont lumineuses, outre les événements politiques postérieurs qui ont confirmé l’exactitude de l’analyse, l’essentiel est mis en évidence : en politique internationale, seuls les intérêts géopolitiques prévalent, l’idéologie est un ornement qui semble opérant aux naïfs, ou à ceux qui se suffisent d’explications sommaires.
Zbigniew Brzejinski, stratège américain dévoile au grand jour les intentions géopolitiques et géoéconomiques des USA, tant ils sont sûrs de leur puissance. Il établit un double constat :
- les USA sont la première puissance globale de l'histoire.
- comme la maîtrise du pouvoir planétaire se situe en Eurasie, il faut par tous les moyens empêcher l'émergence ou l'unification politico-économique de celle-ci.
Les USA, possèdent le statut de puissance impériale, hégémonique et mondiale. Ils doivent progresser pour durer. Le problème à résoudre consiste à conserver le plus longtemps, le statut d'unique puissance mondiale. (monde unipolaire) Se référant aux travaux des géopolitologues Anglais du début du siècle,(Halford John Mackinder, Homer Lea) Brzejinski redoute avant tout l'émergence d'une puissance continentale pleine et entière (Eurasie), de même qu'il redoute une puissance asiatique, chinoise ou japonaise.
Pour empêcher l'émergence de ce continent unifié, il faut simplement :
- théoriser l'élargissement de l'OTAN, en tant que bouclier face à l'hypothétique renaissance de l'hydre totalitaire.
- réaliser le new silk road land bridge ( pont terrestre sur la nouvelle route de la soie ) qui maîtrise toutes les grandes voies de communication au cœur du continent et les accès du Caucase ou du Moyen-Orient. Ainsi le cœur de l'Asie est neutralisé, sous tutelle des USA.
Ce projet de pont terrestre sur la nouvelle route de la soie permet de contenir la Russie comme le préconisait Mackinder en 1904, lors de l'inauguration du Transsibérien et en 1919, lors de la victoire des bolcheviques. Contenir la Russie et briser l'unité de l'Europe telles sont les préoccupations des stratèges Yankees.
Donc, il convient de créer une barrière d'Etats pour contenir la Russie loin des mers et de l'Océan Indien. Cette barrière débute à l'Ouest sur l'Adriatique, avec l'Albanie pour aboutir en Chine. Comme la route de la soie du temps de Marco Polo, elle relie les deux parties les plus peuplées de la masse continentale eurasienne. Pour ce faire les USA jouent à fond la carte turque et favorisent les aspirations hégémoniques d'Ankara, qui accorde la nationalité turque à tous les ressortissants de peuples turcophones de l'ex-URSS. En cas d'adhésion de la Turquie à l'UE, ces turcophones, munis d'un passeport turc, circuleront dans tous les pays d'Europe sans aucune difficulté. Il est malaisé d'évaluer ce flux migratoire, mais soyons certains qu'après un tel raz de marée ethnique, notre vieux continent, aura subi une lourde colonisation de peuplement..
L'émergence de l'idéologie pantouranienne dans la pensée politique turque, et chez les autres peuples turcophones : Azerbaïdjan, Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Turkménistan, constitue une nouvelle donne qu'il faut analyser avec attention. Le pantouranisme, ou panturquisme, est une idéologie de type racialiste qui vise à l'unité de tous les peuples de souche turque ou turcophones, qui implique un projet géopolitique regroupant tous ces peuples de la mer Egée au Sinkiang chinois.
Cet espace politique islamo-turcophone constituerait une barrière homogène et étanche, dans l'intérêt de Washington, pour neutraliser la Russie et le continent Eurasien. Mais cette expansion, à l'est, n'est pas la seule possible pour Ankara, qui en jouant la carte néo-ottomane, espère un retour à l'ouest, dans les Balkans, ce qui, d'un point de vue Européen est inacceptable. A l’exception de quelques souverainistes Français attardés qui souhaitent ressusciter l'alliance de François I° avec le Sultan, afin de constituer un axe jacobin Paris-Ankara. Pour ces diverses raisons, les USA appuient de tout leur poids la Turquie et imposent son entrée au sein de l'UE.
Il y a convergence d'intérêt entre les USA et les Etats musulmans, turcophones ou islamistes, comme l'a établi avec sérieux et minutie, Alexandre del Valle, auteur de deux ouvrages richement documentés et solidement argumentés dont nous recommandons vivement la lecture : Islamisme et Etats-Unis : une alliance contre l'Europe. éd. l'Age d'homme, Guerres contre l'Europe : Bosnie, Kosovo, Tchétchénie. éd. des Syrtes.
III les lignes de fracture
Néanmoins le système n'est pas un mécanisme inusable, comme tout organisme vivant il présente des faiblesses, résultant de contradictions fortes entre le discours et la pratique que le peuple, les citoyens, peuvent à tout moment contester. Ces lignes de fracture sont les points faibles du système, cibles sur lesquelles doivent impérativement s'orienter nos actions.
Ce sont les seuls points par où le système peut être fragilisé. Encore faut-il établir une bonne stratégie, trouver les bonnes propositions, le bon mode opératoire et les bonnes actions qui susciteront un désir profond de changement au sein du corps social. Ne rien privilégier dans l’absolu, envisager tous les possibles en fonction des événements et des circonstances. Etudions les principales lignes de fracture que nous avons volontairement classé par ordre alphabétique, sans qu'il soit possible d'établir une hiérarchie ou une échelle d'importance, car à tout moment, l’imprévu, l’impensé, peut se produire, l’essentiel est d’être prêt à agir.
Fracture démocratique : crise de la représentation
Contradiction entre le discours de la classe dirigeante et les réalités vécues par le peuple. Les citoyens sont rarement consulté sur les questions qui les préoccupent directement. La représentation démocratique dérive en confiscation de la souveraineté. Les décisions prise par des bureaucrates ou des technocrates nommés ne respectent pas le principe de légitimité démocratique. Ce principe est également bafoué lorsqu'une conscience morale à prétention universelle impose sa volonté à une ou plusieurs Nations. Face à ces contradictions le citoyen finit par se désintéresser de la "chose publique" pour n'en retenir qu'une farce sordide.
La réforme du scrutin électoral de 1958 a accentué la dégradation de la conscience citoyenne, en renforçant la stabilité du pouvoir en place aux dépens de la démocratie réelle, c’est à dire la juste représentation de la volonté générale. Cette réforme dont le but était d’assurer une majorité stable, comme instrument de gouvernement, sans souci de représentation des réalités sociologiques ou politiques du pays, a profondément altéré la conscience citoyenne collective. Le fossé entre pays légal et pays réel s’est approfondi, la représentation parlementaire est discréditée, la politique est devenue logique de pouvoir et non service public de bien commun. L’Assemblée Nationale n’est plus l’expression la plus juste du corps électoral, son rôle se limite à dégager une majorité confortable au gouvernement en place. Le scrutin majoritaire à deux tours constitue une caricature de représentation nationale. La logique majoritaire a isolé, laminé, marginalisé les courants minoritaires ou les forces de proposition qui n’étaient pas inféodées à un mouvement majoritaire. Aucune évolution n’est envisageable, seule perspective : la sclérose…Nous sommes passés du système des partis (de tous sans exclusion) à celui « du » parti au pouvoir. Facétie imprévue venant des urnes, la cohabitation perturbe le doux ronronnement imaginé par le législateur. Décidément, les électeurs-citoyens sont incorrigibles, ils s’obstinent à mal voter…
Sous la Troisième et Quatrième Républiques existait un équilibre subtil entre différents modes de scrutin. D’une part les assemblées issues directement des urnes, au scrutin proportionnel, reflet exact des attentes, des critiques, des impatiences, des craintes, des velléités, des refus, des espoirs, voire des révoltes de tous les électeurs : l’Assemblée Nationale et les Conseils Municipaux. D’autre part, deux institutions élues, l’une au scrutin indirect, : le Sénat, l’autre au scrutin majoritaire : les Conseils Généraux.
Le système électoral actuel, reposant sur le scrutin majoritaire à deux tours génère une crise de la représentation dont nous mesurons les conséquences négatives : démobilisation, dépolitisation et abstentionnisme.
Fracture écologique : crise de la biosphère
Contradiction entre le développement productiviste et les nombreuses pollutions qu'il provoque. L'économie, lorsqu'elle n'est pas bridée par un pouvoir politique plein et entier, donne libre cour aux pires excès : c'est la démesure à tous les niveaux, dans tous les domaines. Les Grecs de l'Antiquité redoutaient cette hybris, démesure responsable des pires malheurs. Ceux qui prétendent faire de la défense de l'environnement leur activité politique première, abordent et débattent des enjeux écologiques avec une inefficacité notoire. Leur sectarisme, leur dogmatisme, leur purisme, leur rigorisme les rend particulièrement dangereux, dans la mesure où ils bloquent certains grands projets. La satanisation de l’énergie électronucléaire illustre le comportement obsessionnel de cette mouvance. Pour une fois qu’un Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial (EDF) remplit sa mission, les intégristes Verts, inquisiteurs de la nature foncièrement bonne, vestales de la pureté originelle difficile à conserver (sécularisation du dogme virginal ?) n‘ont qu’un objectif majeur : la suppression progressive de cette source d’énergie : la plus économique, la moins polluante, qui assure de plus notre indépendance énergétique face aux transnationales pétrolières. Ces dernières souhaitent conserver leur hégémonie par la consommation croissante des seules énergies fossiles. Elles combattent par tous les moyens l’émergence d’une énergie alternative respectant les enjeux écologiques tout en permettant la puissance. Souvenons-nous des ouvrages du regretté Pierre Fontaine qui avait établi les pratiques maffieuses des grandes compagnies pétrolières.
Fracture économico-sociale : rupture du lien social, crise de confiance
Contradiction entre le bien-être de certains et l'horreur économique supportée par d'autres. Le but premier de l'économie est de satisfaire les besoins, alors que pour le capitalisme, c'est la poursuite illimitée du profit qui active le cercle vicieux du productivisme, produire plus pour consommer plus, consommer davantage pour produire davantage. Spirale infernale de l'économie de croissance et du tout-marché, à qui nous opposons une économie de puissance avec marché, ce dernier jouant son rôle régulateur dans le seul espace économique clairement défini, sans possibilité de phagocyter les sphères de l'espace social.
Fracture étatique : crise des Services Publics
Contradiction entre la mission de l'Etat, servir le bien commun et l'intérêt général, et les dérives administratives catégorielles supportées par la communauté. L'appareil d'Etat tentaculaire, en dépit de gros moyens sans cesse revus à la hausse, n'assure pas un service public satisfaisant. La logique de chaque administration est simple : assurer l'augmentation de l'enveloppe budgétaire destinée à chacune, tout l'appareil d'Etat raisonne ainsi, dans l'intérêt de ceux qui bénéficient d'une sécurité viagère, pendant que les autres sont confrontés aux douces aménités du marché concurrentiel. La rénovation en profondeur de nos administrations est une priorité, devant laquelle nos gouvernements successifs furent regrettablement résignés. La véritable classe dirigeante se trouve dans les bureaux ministériels, les politiques n'ayant trop souvent qu'un simple rôle de figuration. Ils acceptent ou refusent ce que les bureaux leur soumettent, en supposant qu'ils les aient analysés. Notre vie quotidienne est rythmée par d'inévitables procédures, démarches et autres tracasseries, que le professeur Jacques Ellul a définies comme une oppression bureaucratique, ce despotisme envahissant n'est pas près de s'atténuer….
Fracture ethnico-culturelle : crise civilisationnelle
Contradiction entre la colonisation massive de peuplement et les incompatibilités culturelles, les possibilités d'intégration (n'oublions pas nos millions d'autochtones : chômeurs, travailleurs pauvres ou exclus) qui génèrent d'inévitables chocs ethnico-culturels.
Lorsqu'il est porté devant les tribunaux des affaires d'excision, comment ignorer ces actes de barbarie perpétrés sur notre sol, en sachant que les rares cas dont il est fait état, donnent un aperçu bien en dessous des réalités, car il est extrêmement difficile pour les victimes de se retourner contre leur propre milieu d'origine.
Le 11 juillet, le gouvernement Français et le gouvernement Algérien ont signé un avenant à l'accord de 1968, qui fixait le régime particulier des immigrés Algériens, lesquels étaient soumis à un régime dérogatoire par rapport au droit commun des étrangers. Ce nouveau texte entrera en vigueur dès que les parlements des deux pays l'auront ratifié. Mais cet accord est à double tranchant, car le précédent régime offrait quelques privilèges, dont celui de faire venir plusieurs femmes, " comment vont réagir les préfectures quand les maris polygames voudront faire renouveler leur titre de séjour ?" s'inquiète Jean-François Martini du Gisti. ( groupe d'information et de soutien des immigrés ) La polygamie est officiellement pratiquée en France, pire elle est reconnue par les services publics….(Le Monde 28.07.01) Face à ces regrettables réalités, le principe constitutionnel de laïcité s’avère totalement inopérant, quant aux élucubrations communautaristes, élaborées par quelques intellos en mal de notoriété, nous en percevons les limites, ainsi que les inévitables dommages. Cessons les discussions byzantines, abordons les vrais problèmes sans faux-fuyants. Il convient sans plus tarder, pour les Etats qui, bon gré mal gré, sont confrontés à des flux migratoires, d’appliquer une nouvelle politique d’accueil. Nous évoluons dans un Etat de droit, lequel doit s’appliquer, sauf erreur de notre part, sur l’ensemble de l’espace territorial de l’Etat de droit. Ce droit (droit du sol ou jus soli) est celui de la Constitution et de la République , une et indivisible. Face au choc des civilisations que subissent les pays hôtes, il convient d’imposer à tous les immigrés, sans distinction d’appartenance, un serment de loyauté au droit local du pays d’accueil, qui selon le principe d’égalité sera le droit de tous et de toutes. (nul n’est censé ignorer la loi ).
Ceux qui refuseront de prêter serment seront immédiatement reconduits. Ceux qui accepteront de prêter serment seront de jure tenus de respecter le droit du pays d’accueil.
Fracture territoriale : crise identitaire
Contradiction entre un espace politique dont le pouvoir jacobin, bureaucratique et abusivement centralisé, confisque l'aménagement du territoire, aux élus locaux, alors que la base aspire à une légitime autonomie. Le découpage administratif de notre hexagone mérite attention. Le département est une création de la Révolution Française , qui parvenue au pouvoir, devint centralisatrice. Talleyrand y voyait son « œuvre déterminante ». Le Constituant Thouret, surnommé « le père des départements » fit adopter le découpage actuel. Pour Sieyès, l’équation : égalité des citoyens égale uniformité de l’administration, était posée comme un dogme irréfragable. Mirabeau quant à lui, réclamait pas moins de 120 départements, plus la surface serait réduite, moins les circonscriptions locales résisteraient à la centralisation républicaine, gage d’unité nationale. Depuis sa création, le département n’a cessé de polariser les plus vives critiques. Ce découpage «au cordeau» a inspiré quelques réformateurs de la cartographie administrative. Les projets de rectification furent nombreux et variés, plus de 50 propositions différentes.
Quelques unes pour mémoire, le géographe Paul Vidal de la Blache avait retenu une liste de 17 capitales, dont Paris. Autour de chacune existait une zone d’influence. Cette ébauche fut critiquée par manque de précision (toujours l’obsession du tracé au cordeau).
Auguste Comte dans son système de politique positive publié en 1854, préconisait 17 intendances avec pour capitales : Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux, Rouen, Nantes, Toulouse, Lille, Strasbourg, Reims, Orléans, Angers, Montpellier, Limoges, Clermont-Ferrand, Dijon et Rochefort.
En 1864, Frédéric Le Play, dans La réforme sociale en France, proposait la création de 13 provinces, au sein desquelles, il groupait sous leurs anciens noms les provinces historiques. En 1871, le député Raudot soumettait à l’Assemblée Nationale la division du territoire en 25 provinces.
En 1890, le député Hovelacque souhaitait réduire le nombre des départements à 18 : Lille, Rouen, Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse,, Montpellier, Marseille, Lyon, Dijon, Nancy, Reims, Paris, Le Mans, Tours, Limoges, Clermont-ferrand et Alger.
En 1895, un groupe important de députés autour de M de Lanjuinais proposait la création de 25 régions avec 126 arrondissements.
Mais le réquisitoire le plus virulent fut formulé par Michel Debré, favorable au regroupement en 45 « gros départements » (La mort de l’Etat républicain. Ed. Gallimard,1947)
« On ne pourra en France parler de vie locale tant que subsistera l’actuelle division administrative, son cadre et ses autorités. […] Si notre Etat n’est pas encore un cadavre à tête dodelinante, il est dèjà un grand corps amaigri, sans muscle, sans chair, la peau collée sur les os, avec un cerveau trop lourd et un système nerveux engourdi. Cette allure de grand malade, c’est au département qu’il le doit »
Depuis, le mammouth boulimique de budgets, a bien profité, dodu à point, à peine peut-il se mouvoir. Mais faire endosser au seul département les multiples dysfonctions et autres gabegies récurrentes de notre appareil administratif est excessif. Il y contribue, c’est certain, mais la racine du mal réside dans l’absolutisme jacobin hypercentralisateur.
La caste administrativo-bureaucratique surveille et décide à la place du peuple, des citoyens, des populations locales, considérés immatures, donc susceptibles de mal choisir.
Comment expliquer, depuis que la question est débattue, en dépit d'un très large consensus, que la Bordeaux-Pau ,(deux fois deux voies ou liaison autoroutière) en soit toujours au stade des études ? Axe fortement structurant, devant relier les deux principales agglomérations de la région Aquitaine, qui par delà son rôle régional, s'inscrit dans une logique internationale, reliant l'Aquitaine et l'Aragon. Les Aquitains attendent….le bon vouloir jacobin.
L'aménagement du territoire s'effectue dans l'opacité et la non-concertation. Jean-Pierre Raffarin, président (DL) du Conseil Régional de Poitou-Charentes nous apprend : "tout ceci est obscur, opaque pour les citoyens. Les contrats de plan représentent 400 milliards de francs avec les fonds européens, 1500 personnes sont au courant en France. Je suis très inquiet. On consulte les CRADT. Qu'en savent les citoyens ?"
Précisons que les Conférences Régionales d'Aménagement et de Développement du Territoire se tiennent à huis clos.(Sud-Ouest 8.02.01)
Ces pratiques sont en totale contradiction avec les principes démocratiques, les citoyens sont exclus des concertations, quant aux politiques locaux, ils ne peuvent qu'accepter ce qui leur est proposé par la hiérarchie administrative, au moment où celle-ci juge opportun de le faire. Ces excès de centralisation occasionnent mal-vivre et mal-être, pour bien vivre, c'est une lapalissade, il faut du bien-être, ce qui est possible lorsque chacun vit pleinement ses racines, son identité, sans carence ni confiscation. La revendication identitaire résulte de cette privation, face à une administration omnipotente, qui décide de tout.
IV l'homme providentiel ?
Ces contradictions fortes du système génèrent des crises pouvant provoquer une mutation dépassant les opinions du moment. Le clivage politique habituel se trouve pour une période neutralisé par un courant transversal fortement mobilisateur; constituant une opportunité rare qu'il convient de saisir sans hésitation. Reste à savoir les capacités et les qualités des forces alternatives potentiellement disponibles sur l'échiquier politique. Les apparences sont trompeuses, rien n'est certain, ni le bien, ni le pire, les prévisions adorent se faire attendre, entre paradis à venir et catastrophe imminente, chacun peut choisir et espérer le Grand Soir en se croisant les bras, ce qui limite les efforts, ainsi que les risques..
Reste que l'homme providentiel ne surgira pas ex nihilo comme le croient beaucoup, tout se prépare dans l'effort et la constance, dans l’observation attentive, dans la mobilisation, et la promptitude à agir, avec ce petit rien qui fait toute la différence : l'intuition géniale qui visite quelques rares têtes, l'esprit souffle où il veut et quand il veut.
Romain Labarchède
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mercredi, 21 mai 2008
L'idéologie liberticide de la Maison Blanche
Daniele Petraroli :
L’idéologie liberticide de la Maison Blanche
La théorie paranoïaque du “New American Century.
Les quatre composantes fondamentalistes de la Maison Blanche.
Une stratégie brutale mais claire : “la guerre préventive au monde entier”.
L’Europe est le premier ennemi de l’impérialisme WASP
Si on se laisse vivre au jour le jour, il n’est guère facile de comprendre que des changements fondamentaux sont en train de s’opérer aujourd’hui plus que jamais dans l’histoire, et, personnellement, j’ai vraiment la sensation d’être le témoin d’événements qui, par la force des choses, sont voués à avoir des conséquences très lourdes sur les destinées politiques du globe. En fin de journée, le mardi 11 septembre 2001, bon nombre de commentateurs s’affairaient à expliquer que le monde était entré dans une époque d’”insécurité globale”, due au terrorisme, aux “Etats-voyous” (pour utiliser la terminologie de l’administration américaine) et, en ultime instance, à la pauvreté et à l’instabilité définitive des pays du tiers et du quart-monde. Aujourd’hui, un an et demi après la pulvérisation des Twin Towers, nous pouvons dire que le 21ième siècle, qui devait être une époque de paix et de bien-être, a commencé sous le signe de la peur et du chaos international.
Nous devons cependant bien dire que cette situation n’est pas due à Al Qaeda, comme on le craignait au lendemain du 11 septembre 2001, ni à un détournement d’avion, ni à des kamikazes obligés de se faire sauter, bourrés d’explosifs, au milieu des foules en Europe ou en Amérique, mais à un nouveau dessein politique, théorisé plusieurs années avant l’attentat et réalisés, après celui-ci, par l’administration Bush, au cours de ces derniers mois : il s’agit du dessein néo-impérial.
La guerre préventive
De puis l’effondrement de l’Union Soviétique, les Etats-Unis sont devenus l’unique superpuissance encore existante et, forts de cette unipolarité acquise dès 1991, ils ont aligné ouvertement les théoriciens de la droite néo-conservatrice, qui sont rapidement devenus les conseillers les plus écoutés du Président Bush. Ils sont nombreux : nous avons Kagan, Ledeen, Podhoretz, pour ne citer que quelques noms. Ces idéologues ne sont pas sortis subitement, comme du chapeau d’un magicien, au lendemain de l’effondrement des deux tours. Bien au contraire : ils ont préparé le scénario qui se déroule aujourd’hui sous nos yeux depuis au moins dix ans. En fait,la première théorie de la “guerre préventive” se manifeste en 1992, c’est la “Defence Policy Guidance” de Dick Cheney, aujourd’hui vice-président des Etats-Unis, de Paul Wolfowitz et, accessoirement, de Rumsfeld. Les deux premiers ont théorisé l’utilisation de tous les atouts américains contre tout pays en mesure de devenir une “menace”. A l’époque, les temps n’étaient pas encore mûrs et Bush-le-père a mis un terme au projet. Il faudra donc attendre dix longues années et la tragédie providentielle du World Trade Center pour que les divers groupes de pression issus de la droite du parti républicain, après des parcours divers, s’unissent dans le fameux “Project for the New American Century” (PNAC), dont l’idéologue est Wolfowitz lui-même. Il réussira à déterminer en tout et pour tout la politique extérieure du Président.
La bande des quatre
Il nous paraît utile de faire un peu de clarté sur les origines de cette “nouvelle droite” américaine. A l’intérieur de l’ensemble qu’elles forment, nous pouvons distinguer quatre grands filons. Le premier, qui est le plus important car il est aussi le plus visible, est celui des “faucons”, partisans de la manière forte en politique étrangère. On inclut généralement, à ce courant des “faucons” les penseurs et intellectuels du néo-conservatisme : Richard Perle, conseille de Rumsfeld en matières de stratégie, Elliott Abrams ainsi que Norman Podhoretz et Robert Kagan, que nous venons de citer. Ils s’appuient sur les journaux suivants : le “Weekly Standard”, de Murdoch, et le “Wall Street Journal”. C’est William Kristol leur éminence grise et le fondateur en 1997 du PNAC.
Le second filon est constitué d’hommes de gauche très marqués, qui ont piloté le démantèlement du Welfare State dans les années 80, sous l’administration Reagan; parmi eux, il faut compter Rumsfeld et Cheney. Ensuite, nous avons les fondamentalistes catholiques, connus pour leur actions anti-avortement, qui sont dirigés par le Ministre de la justice, John Ashcroft; et, enfin, l’ ”American Enterprise Institute”, étroitement lié à la droite israélienne, dont le représentant de pointe est Ledeen. Ces “extrémistes marginaux”, comme on les appelait encore en 1998, sont arrivés au pouvoir en 2000, avec Bush-le-fils, en profitant par la suite du refrain “nous sommes tous des Américains”, qui a uni derrière son antienne l’immense majorité des Occidentaux, immédiatement après l’effondrement des tours jumelles. Cette prise du pouvoir discrète, puis les événements de New York, ont permis de lancer un scénario conçu quelques années auparavant mais que l’on n’imaginait pas pouvoir se concrétiser de sitôt.
Aujourd’hui, grâce à cette conjecture, les Etats-Unis peuvent envisager, tout simplement, d’exercer très bientôt un contrôle total sur le globe, sans plus avoir l’obligation de dissimuler leurs intentions réelles. Les néo-conservateurs partent d’un principe différent de celui de l’isolationnisme traditionnel de la droite américaine. Ils parlent ouvertement d’un “empire américain” et des “intérêts stratégiques vitaux” qu’il faut à tout prix défendre. Le masque est tombé. Plus personne ne croit encore aux historiettes moralisantes sur les droits de l’homme et la démocratie “qu’il fallait exporter”. Par conséquent, forts de leur triple suprématie économique, technologique et militaire, les théoriciens, qui se profilent derrière l’administration Bush, ne raisonnent plus qu’en termes de pouvoir, aujourd’hui plus que jamais. Unique concession à l’Amérique “patrie des libertés” : la conviction que l’hégémonie américaine est la meilleure des alternatives possibles pour les pays du tiers et du quart-monde, même s’ils doivent, pour cela, revenir au statut de “colonie”, soit à un état de semi-souveraineté.
Une obsession : Rome
La référence idéale de ces idéologues est Rome, mais il faudrait plutôt dire que l’empire forgé par l’Urbs est leur obsession. Les néo-conservateurs s’inspirent en effet del a grandeur de l’Empire Romain pour justifier leur propre politique et leurs propres idées. La guerre en Irak est gagnée, malgré les pronostics de quelques commentateurs qui prévoient un nouveau Vietnam; cette victoire a été rapide et facile, mais elle n’est que la deuxième étape, après l’Afghanistan, d’un projet qui vise à pacifier par la force des armes, l’ensemble du Moyen Orient, et non pas le dernier épisode. Après viendra le tour de la Syrie, de l’Iran et, plus tard, de la Corée et du Soudan.
Désormais, l’Amérique n’attend plus de solutions diplomatiques dans les situations potentiellement à risque; les Etats-Unis veulent désarmer tous leurs ennemis potentiels. Au vu de tout ce que nous venons d’écrire, il convient de se pencher une nouvelle fois sur les motivations qui ont poussé à l’intervention contre le régime de Saddam Hussein. Certes, le pétrole est important, mais ne constitue qu’un motif insuffisant. L’objectif réel de l’administration Bush est plus clairement d’ordre géopolitique et géostratégique : il s’agit de contrôlerune zone de grande effervescence sur la planète, pour en faire le premier tremplin qui conduira à l’hégémonie définitive des Etats-Unis sur le globe tout entier.
L’Europe est l’ennemi principal
Dans toute cette agitation, le véritable ennemi des Etats-Unis, dans un futur proche, n’est autre que l’Europe, comme le laissent deviner les nombreux articles de Kagan. C’est l’évidence : en défendant toujours leurs seuls intérêts, les Etats-Unis finissent par fouler aux pieds les intérêts des autres puissances. Pourtant, malgré l’exposition explicite du projet impérial américain, très peu de voix isolées se sont élevées sur le vieux continent pour mettre les esprits en garde contre l’hyperpuissance à la bannière étoilée. Seuls quelques intellectuels venus d’horizons très divers comme Cardini, Hobsbawn et Massimo Fini ont formulé des analyses justes. Mais, parmi ces voix discordantes, il n’y a pas un seul homme politique, car, finalement, ni Chirac ni Schroeder n’ont pris de positions claires, qui soient diamétralement opposées aux vues de l’Amérique. En Europe, il manque un intellectuel de la trempe de Kagan, prêt à défendre nos propres intérêts avec la même rigueur, la même vigueur et la même verve.
Daniele PETRAROLI.
Article extrait d’Orion, n°224, mai 2003
Liste des articles déjà publiés sur la même thématique :
- Catherine OWERMAN : Les mouvements américains pour la paix, in Au fil de l’épée/Arcana Imperii, Recueil n°40, décembre 2002.
- Catherine OWERMAN : Bellicisme et pacifisme chez les conservateurs américains, in Au fil de l’épée/Arcana Imperii, Recueil n°41, janvier 2003.
- Helmut MÜLLER : Les éminences grises de Bush, in Au fil de l’épée/Arcana Imperii, Recueil n°42, février 2003.
- Prof. Paul GOTTFRIED : Les deux écoles de la politique extérieure américaine : “Straussiens” et “Réalistes”, in Au fil de l’épée/Arcana Imperii, Recueil n°48, août 2003.
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mardi, 20 mai 2008
Le "modèle romain" de la nouvelle doctrine stratégique américaine
Le modèle "romain" de la nouvelle doctrine stratégique américaine
La nouvelle doctrine sécuritaire autorise la guerre si les intérêts américains sont en danger
«Les Etats-Unis ont pris en charge le rôle du sheriff international. Les vassaux européens sont là pour débarrasser la scène des "dégâts collatéraux"».
Le Congrès américain vient de donner les pleins pouvoirs au Président Bush jr., avec une confortable majorité, pour déclencher une guerre contre l'Irak. Tant dans la Chambre des représentants qu'au Sénat, on trouve bon nombre de démocrates pour soutenir cette décision. Bush interprète ce soutien comme un signal clair et net: il annonce que les jours de l'Irak, en tant qu'«Etat sans lois» sont comptés, s'il n'accepte pas la résolution de l'ONU. Le Président américain peut considérer le vote des assemblées américaines comme une étape supplémentaire dans la mise sur pied de sa "National Security Strategy". La ligne directrice de cette nouvelle politique étrangère et militaire consiste à autoriser le Président américain à intervenir militairement partout et à tout moment dans le monde, contre n'importe quel pays, qui, aux yeux des Etats-Unis, constituerait une menace pour les intérêts américains ou, pire, qui pourrait éventuellement, le cas échéant, le devenir. Cette prétention à vouloir exercer une puissance sans limites, selon ses propres décisions prises arbitrairement, avec tout le poids de la machine de guerre américaine, est étayée aujourd'hui par des arguments qui ne résistent même pas à un examen critique superficiel.
Comment expliciter cette nouvelle doctrine de "sécurité"? Par exemple, en examinant les thèses énoncées par Robert D. Kaplan, l'un des journalistes les plus intelligents et les plus percutants d'Amérique. Dans l'espace linguistique allemand (ndlr: et français), ses thèses sont à peine connues. Kaplan s'est fait un nom comme spécialiste des Balkans, du Proche-Orient et d'autres régions en crise. Dans un ouvrage déjà paru depuis quelques mois, Warrior Politics. Why Leadership Demands a Pagan Ethos [= De la politique du guerrier. Pourquoi le leadership exige une éthique païenne], il explique clairement quels sont, pour l'essentiel, les objectifs de la politique hégémonique américaine.
Dans un paragraphe fort significatif, Kaplan écrit : «Plus notre politique étrangère connaîtra le succès, plus l'Amérique pourra influencer la marche du monde. Très probablement, les historiens du futur décriront les Etats-Unis du 21ième siècle non pas simplement comme une République, mais bien plutôt comme un empire mondial, même s'ils diffèreront de Rome ou de tous les autres empires de l'histoire». Au fur et à mesure que les décennies voire les siècles passeront et que les Etats-Unis n'auront pas eu seulement 43 présidents, mais 100 ou 150, les historiens, très probablement, en dresseront la liste comme ils avaient dressé la liste des empereurs des empires défunts, comme Rome, Byzance ou la Sublime Porte; de cette manière, la comparaison entre les Etats-Unis actuels et futurs et l'histoire antique sera licite. C'est surtout Rome qui pourra servir de modèle aux futurs dirigeants des States, car Rome représente une forme d'hégémonie mettant en œuvre des moyens diversifiés pour donner un minimum d'ordre à un monde désordonné.
La position de Kaplan n'est pas originale. Dans les cercles intellectuels américains, on débat intensément, depuis les événements du 11 septembre 2001, sur la forme que devra prendre l'imminente domination totale des Etats-Unis sur le globe. La meilleure expression de ce débat a été consignée dans une édition de la revue Wilson Quartely, titrée significativement "An American Empire?". Dans l'un des nombreux commentaires figurant dans cette édition, on peut lire que le concept d'«Imperium» avait jadis été utilisé comme un reproche voire comme une injure à l'adresse des Etats-Unis, mais, poursuit l'auteur de ce commentaire, depuis l'entrée des troupes américaines en Afghanistan et la guerre globale menée contre l'hydre terroriste, on peut se demander, en toute légitimité, "si le concept d'«Imperium» n'est pas en fait le terme exact pour décrire le rôle des Etats-Unis dans le monde".
Richard Haas, conseiller de Colin Powell, Ministre américain des affaires étrangères, expliquait récemment qu'il donnerait aujourd'hui un autre titre à son livre paru en 1997 et qu'il avait intitulé "Le Sheriff malgré lui". L'expression "malgré lui" doit dorénavant être biffée. De moins en moins de voix, Outre Atlantique, critiquent l'impérialité en marche de Washington. Un historien comme Immanuel Wallerstein, qui affirme que les Etats-Unis ont déjà dépassé leurs dimensions, sont minoritaires désormais. Rien ne permet effectivement d'affirmer aujourd'hui que les Etats-Unis se situent dans une phase de déclin. Washington impose en toute souveraineté sa volonté au monde et, pour paraphraser la célèbre expression de Carl Schmitt, décide s'il y a ou non "état d'exception" (Ausnahmezustand).
L'Union Européenne n'a évidemment rien à opposer à cette volonté hégémonique bien affirmée. Cela a été prouvé maintes fois. Le rôle de l'UE est désormais déterminé à l'avance. Quand la "guerre préventive" contre l'Irak aura été achevée avec succès, les Européens seront là pour assurer la reconstruction du pays, pour lui donner de nouvelles infrastructures et pour assurer le "processus de démocratisation". De cette façon, Washington bétonnera le nouvel ordre international à deux vitesses: les Etats-Unis prendront le rôle du sheriff international, ce qui revient à dire qu'ils seront la puissance militaire garante de l'ordre. Les vassaux européens, eux, seront responsables de l'élimination des effets indésirables des "dégâts collatéraux", dus aux guerres de "démocratisation" engagées par Washington.
La prochaine guerre contre l'Irak entraînera à l'évidence des "dégâts collatéraux" de bien plus grande ampleur que la précédente. Ainsi, la Turquie, pourtant très fidèle alliée des Etats-Unis contre l'Europe, la Russie et l'Arménie, s'inquiète à la vue des préparatifs américains, qui visent notamment à armer les Kurdes irakiens et à les préparer à un rôle politique pour l'après-Saddam, quand l'Irak aura été "normalisé" par l'armée américaine. Le Premier Ministre turc Ecevit a déclaré en octobre 2002, que, dans ce cas, la situation échappera à tout contrôle. Les Kurdes, eux, voient qu'ils ont enfin une chance de créer un Etat kurde. Ecevit estime qu'il y a là une nouvelle donne que la Turquie ne peut accepter. La prochaine guerre contre l'Irak, on le voit, ne mènera pas le monde vers plus de démocratie et de paix, en dépit des trémolos de la propagande américaine, qui affirme de manière impavide que Washington instaurera un nouvel ordre politique international, mais, au contraire, va entraîner toute une région du monde dans un processus de déstabilisation de très longue durée.
Michael WIESBERG.
(article paru dans "Junge Freiheit", n°43/octobre 2002; http://www.jungefreiheit.de ).
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