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jeudi, 17 juillet 2014

Pierre de Brague sur Méridien Zéro

Pierre de Brague: le Cercle Proudhon, une révolution conservatrice à la française?

00:05 Publié dans Entretiens, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cercle proudhon, histoire, entretien, france | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 16 juillet 2014

Raymond De Becker, intellectuel réprouvé

 

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Raymond De Becker, intellectuel réprouvé

par Marc Laudelout

Becker_jpg.jpgAlors que Raymond De Becker (1912-1969) vivait misérablement à Paris après la guerre, on l’aurait bien étonné si on lui avait dit qu’il ferait l’objet d’un colloque universitaire dans son pays, une quarantaine d’années après sa mort. Ce sont les actes de ce colloque qui sont édités aujourd’hui. Qui était Raymond De Becker et quel lien (indirect) avec Céline ? Ce journaliste belge, auteur du mémoriel Livre des Vivants et des Morts (1942), dirigea le quotidien Le Soir durant l’Occupation. Raison pour laquelle il fut lourdement condamné à la Libération. En mars 1941, il participa, aux côtés d’Édouard Didier, à la fondation des Éditions de la Toison d’Or derrière lesquelles se trouvait le groupe de presse allemand Mundus qui dépendait du Ministère des Affaires Étrangères allemand. Entre 41 et 44, la Toison d’Or publiaune centaine de titres dont une majorité d’ouvrages de fiction. Les essais historiques et politiques étaient sélectionnés par De Becker, les œuvres de fiction par Édouard et Lucienne Didier. En mai 1944, cette maison d’édition publia, en accord avec Robert Denoël, Guignol’s band, avec cette bande, fort recherchée par les collectionneurs : « Une révolution littéraire » (voir ci-contre). Dans les années 80, un célinien a dépouillé l’intégralité de la presse francophone belge des années d’occupation ¹. Dont le quotidien Le Soir  que De Becker dirigea jusqu’en septembre 1943. Le 29 octobre 1940, Le Soir publie en première page une lettre ouverte, « Céline, vous aviez raison », rédigée par Edmond Nasy, jeune journaliste rexiste bientôt en rupture de ban avec le chef du mouvement. C’est également dans Le Soir que Louis Carette, futur Félicien Marceau de l’Académie française, publia plusieurs chroniques littéraires. Ainsi, le 22 avril 1941, il met en parallèle le succès de Céline avec le rejet de la littérature de type symboliste. Curieusement la sortie des Beaux draps ne donna lieu à aucun compte rendu. Trois ans plus tard, Guignol’s band n’est pas davantage commenté. Pire : en juillet 1944, le journaliste Paul Modave dénonce l’aspect « décadent » de l’œuvre célinienne. À cette période, Raymond De Becker a rompu depuis un an avec la Collaboration, justifiant sa décision par l’incertitude manifestée par Degrelle de s’attacher à défendre une structure étatique belge. Mais De Becker ne fut pas que l’un des chefs de file de la collaboration intellectuelle durant la seconde Occupation allemande en Belgique. C’est tout son itinéraire qui est retracé, en plusieurs contributions distinctes, dans ce passionnant volume : d’abord sa jeunesse catholique (qui le fit côtoyer Henry Bauchau et Hergé) ; puis sa période activiste où il milite pour un régime autoritaire, corporatiste et régionaliste de type médiéval, suivie de son engagement neutraliste, puis collaborationniste ;  son séjour helvétique après sa détention et la découverte de la psychanalyse jungienne ; enfin sa participation à la maison d’édition Planète et sa revue éponyme fondées par Louis Pauwels. Recueil foisonnant qui constitue, comme l’écrivent justement les préfaciers, « une utile porte d’entrée pour aborder des thèmes aussi variés que le corporatisme, le non conformisme, l’européisme, la collaboration, l’épuration, la psychanalyse ou l’ésotérisme. »

 Marc LAUDELOUT

 

Olivier DARD, Étienne DESCHAMPS et Geneviève DUCHENNE (dir.), Raymond De Becker (1912-1969). Itinéraire et facettes d’un intellectuel réprouvé, P.I.E. Peter Lang, coll. « Documents pour l’histoire des francophonies », n° 32, 2013, 409 p. (50,30 €).

Note:

1. Marc Laudelout, « Céline dans la presse belge de l’Occupation (1940-1944) »,  Tout Céline, 5 , À la Sirène[Liège], 1990, pp. 137-149.

lundi, 14 juillet 2014

1914-1918 : LA FIN D’UN MONDE

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1914-1918 : LA FIN D’UN MONDE

par Alain Cagnat

Ex: http://www.terreetpeuple.com

« Deux armées qui se battent, c’est une grande armée qui se suicide. » (Henri Barbusse)

2008 : nous allons bientôt célébrer le 90ème anniversaire de l’armistice du 11 novembre 1918. Mais c’est aussi l’année où le dernier Poilu allemand s’est éteint. Clin d’œil du destin : le dernier Poilu français a eu l’élégance de ne lui survivre que quelques semaines. Bien sûr, il reste quelques survivants italiens, anglais ou russes, mais il est très symbolique que les deux derniers « fraternels adversaires » se soient suivis de si près dans la tombe. Il s’agit d’abord ici de rendre hommage à tous ces combattants européens. Une ou plutôt deux générations sacrifiées sur l’autel de l’aveuglement des politiques. Nous ferons largement appel aux récits de ceux qui ont vécu l’enfer des tranchées, quelle que soit leur sensibilité : communiste, pacifiste, catholique, nationaliste, fasciste ; l’un était provençal, l’autre était prussien… peu importe, tous appartenaient à ce peuple d’Europe qu’on a assassiné. Nous laisserons donc une large place aux citations de ces hommes, empreintes d’une brutale beauté. Mais c’est aussi un événement aux conséquences incommensurables, puisqu’il a provoqué non seulement la ruine de l’Europe, mais aussi son affaiblissement définitif. On relira également à ce sujet l’excellent ouvrage de Dominique Venner, Le Siècle de 1914. Enfin, c’est une terrible leçon pour les hommes d’aujourd’hui : tout peut recommencer, tout recommencera sans doute, demain…

LES DERNIERS JOURS DU VIEUX MONDE

Comment a-t-on pu en arriver là ? Il est certain qu’aucun des protagonistes du déclenchement du conflit n’avait imaginé le déroulement de cette guerre et l’effondrement du vieux monde qu’il engendrerait. S’ils avaient su… En ce début de XXème siècle, l’Europe n’a jamais été aussi puissante. Dans les décennies précédentes, elle a fini de se partager le monde. Dans les domaines intellectuel, scientifique, technique, militaire, commercial, bancaire, elle règne en maître. Toutes les anciennes puissances impériales sont à ses pieds : la Chine, le Japon… De l’autre côté de l’Atlantique, un géant est en train de s’éveiller, mais peu y font attention ; seule l’Espagne l’a vérifié à ses dépens pour avoir été la première puissance européenne vaincue par une nation non européenne et avoir ainsi perdu ses possessions nord-américaines (1898). Personne, non plus, ne s’est inquiété de la défaite de la Russie face au Japon (1904). Pour tous les Européens, l’Europe reste l’omphalos, le nombril du monde. Le réveil sera terrible.

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La Grande-Bretagne est encore la première puissance mondiale. Les Anglais rêvent d’un monde dominé par eux ; s’ils échouent, le témoin ne tardera pas à être passé aux cousins d’Amérique. L’Allemagne est la nation qui monte en puissance, dans tous les secteurs, ce qui ne laisse pas d’inquiéter les Anglo-Saxons. L’Autriche-Hongrie se voit bien affaiblie par les tendances centrifuges des peuples qui la composent. Quant à la Russie, atteinte par sa défaite contre le Japon, elle est en pleine évolution, mais le temps joue contre elle. Tout ce petit monde se connaît bien : rois et empereurs ont des liens de parenté : Guillaume II n’est-il pas le neveu d’Edouard VII ?

Parmi les Etats qui comptent en ce début de XXème siècle, il faut ajouter l’Empire ottoman, à l’agonie, dont le dépeçage vient de commencer avec les guerres balkaniques. Enfin, il y a la France, une anomalie dans cette Europe monarchiste et impériale. Une France qui exporte son idéologie égalitaire depuis qu’elle a décapité son roi, une idéologie mortifère pour l’Europe de la volonté de puissance. Une France arrogante, sûre de sa supériorité intellectuelle sur ces Etats aux « régimes du passé. » C’est enfin une France qui supporte mal la comparaison avec son rival oriental. Si les niveaux démographique et économique des deux Etats étaient équivalents en 1870, la population allemande dépasse celle de la France de 55% en 1914 (68 millions contre 40) ; quant au PIB, il a triplé en Allemagne et seulement doublé en France pendant ce même demi-siècle. Sur le plan militaire, les forces françaises et allemandes semblent s’équilibrer : 30 000 officiers et 750 000 soldats de part et d’autre, mais la puissance militaire et industrielle allemande est bien supérieure à celle de la France. Les événements le confirmeront : « Du haut d’une colline, j’avais vu l’armée française déployée dans la plaine sous de vagues canonnades comme une vieille anecdote, oubliée longtemps par le Temps et soudain reprise par lui pour être sévèrement liquidée. Cette armée qui déployait partout ses rubans bleu et rouge rappelait les tableaux de bataille peints vers 1850. Archaïque, ahurie, prise en flagrant délit d’incurie et de jactance, essayant vaguement de crâner, pas très sûre d’elle. J’avais vu passer des généraux, l’air triste, suivis de cuirassiers, conçus par leurs pères pour mourir à quelque Reichshoffen. En face, on ne voyait rien, les Allemands se confondaient avec la Nature ; je trouvais que cette philosophie avait du bon» (Pierre Drieu la Rochelle, La Comédie de Charleroi).

Ces grandes puissances se concurrencent, mais qui penserait que ces querelles de famille vont dégénérer dans l’abomination ? Des crises, il y en a eu tout au long de cette fin du XIXème et de ce début du XXème, mais elles ont été résolues par la diplomatie, avant qu’il ne soit trop tard : le camouflet de Fachoda subi par la France face à l’Angleterre (1898), les rivalités coloniales entre la France et l’Allemagne (crises de Tanger en 1905 et d’Agadir en 1911). Mais les ambitions autrichiennes et russes se heurtent dans les Balkans ; la tension y est avivée par les guerres balkaniques de 1912-1913. Et il y a surtout le contentieux franco-allemand lié à l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine par l’Allemagne. Un peu plus de quarante années à seriner à deux ou trois générations la haine de l’autre : « Et la Revanche doit venir, lente peut-être, mais en tout cas fatale, et terrible à coup sûr ; la haine est déjà née et la force va naître ; c’est au faucheur de voir si le champ n’est pas mûr. » (Paul Déroulède). Le Kaiser est persuadé que « la France veut la guerre » et le pangermanisme est en fleurs. La Russie veut la destruction de l’Autriche-Hongrie au nom du panslavisme. La Grande-Bretagne veut réduire cette Allemagne qui lui fait de l’ombre. Depuis quelques années, toutes les puissances renforcent leur armement. Des alliances parfois contre nature se sont nouées : la Triple Entente qui réunit une France et une Angleterre réconciliées, ainsi que la Russie, pourtant jugée inconciliable avec la seconde ; d’autre part, la Triplice où l’on trouve côte à côte l’Allemagne, menacée à l’Est comme à l’Ouest, l’Autriche-Hongrie et l’Italie, ces dernières ayant pourtant des intérêts rivaux dans les Balkans. Finalement tous veulent la guerre : il suffira d’une étincelle.

LES EUROPEENS APPRENNENT LE NOM DE SARAJEVO

 

fantassin1914.jpgC’est à Sarajevo, l’ancienne capitale de la Roumélie assujettie aux Turcs, qu’elle se produit. L’Autriche avait reçu la tutelle sur la Bosnie-Herzégovine par le traité de San Stefano en 1878. En 1908, elle a mis l’Europe devant le fait accompli en l’annexant purement et simplement. Acte inadmissible pour les nationalistes serbes. Le 28 juin 1914, un exalté, Gavrilo Princip, assassine l’archiduc François-Ferdinand, l’héritier de la couronne, sur un pont de Sarajevo. L’incident aurait pu en rester là ou n’avoir que des conséquences restreintes ; au pire, l’Autriche aurait pu avoir, de la part des autres puissances continentales, l’autorisation de « punir » la Serbie... Mais cela, la Russie n’en veut à aucun prix. Et l’effrayante logique des alliances internationales va transformer cet attentat somme toute anodin en détonateur de la Première Guerre mondiale. « En cet été 1914, l’équilibre fragile et compliqué de l’Europe, les combinaisons des chancelleries et les calculs des hommes politiques ont été emportés en quelques instants par le complot d’un obscur groupuscule d’officiers et d’adolescents d’un lointain pays balkanique, qui ne savaient rien de la politique mondiale et ne voulaient qu’une chose : assouvir leur haine de l’Empire austro-hongrois » (Dominique Venner).

Quelques esprits lucides comme Jean Jaurès, Joseph Caillaux ou le maréchal Lyautey, s’opposent à cette guerre dont ils pressentent qu’elle ne sera pas une guerre comme les autres. Ils prêchent dans le désert. En Allemagne, le chancelier Bethmann-Hollweg, et en Autriche, le Premier ministre de Hongrie, le comte Tisza, se révèlent tout aussi impuissants à enrayer le cours des événements. Face à eux, les va-t-en guerre sont bien plus entreprenants, en particulier en Russie et en Autriche-Hongrie : Nicolas II, poussé par son ministre des Affaires étrangères, Sazonov, décidé à détruire l’Autriche-Hongrie ; l’Empereur autrichien François-Joseph, âgé de 84 ans et manipulé par le Premier ministre autrichien, Berchtold. Ils ne sont pas les seuls : en France, Poincaré y voit l’occasion de venger l’humiliation de 1870 ; en Allemagne, Guillaume II écoute aussi les avis bellicistes du général von Moltke et du grand état-major.

Tout au long du mois de juillet, le destin de l’Europe reste comme suspendu. Les hommes de bonne volonté finiraient-ils par l’emporter ? Hélas, le 28, l’Autriche déclare la guerre à la Serbie ; le 30, la Russie mobilise. Jaurès est assassiné par Raoul Villain le 31. A ses funérailles, Léon Jouhaux, patron de la CGT, déclare : « Acculés à la lutte, nous nous levons pour repousser l’envahisseur, pour sauvegarder le patrimoine de civilisation et d’idéologie généreuse que nous a légué l’Histoire. » Répliquant à la Russie, l’Allemagne mobilise le 31 juillet et lui déclare la guerre le 1er août. La France l’imite : « La mobilisation n’est pas la guerre », déclare hypocritement celui qu’on surnomme « Poincaré-la-Guerre ». Et L’Humanité, le journal de Jaurès, écrit : « Des entrailles du peuple, comme des profondeurs de la petite et de la grande bourgeoisie, des milliers de jeunes gens, tous plus ardents les uns que les autres, quittant leur famille, sans faiblesse et sans hésitation, ont rallié leurs régiments, mettant leur vie au service de la Patrie en danger.» L’Allemagne attaque simultanément la Belgique et la France le 3. La Grande-Bretagne rentre dans cette danse macabre le 5. « Mais songe donc que nous sommes presque tous du peuple et en France aussi la plupart des gens sont des manœuvres, des ouvriers et des petits employés. Pourquoi donc un serrurier ou un cordonnier français voudrait-il nous attaquer ? Non, ce ne sont que les gouvernements. Je n’ai jamais vu un Français avant de venir ici, et il en est de même de la plupart des Français en ce qui nous concerne » (Erich Maria Remarque, A l’Ouest, rien de nouveau).

LA GRANDE ILLUSION

Dans chaque camp, on est persuadé que les combattants – forcément victorieux – seront rentrés pour l’hiver. Ce sera une partie de plaisir. Guillaume II lui-même parle d’une « guerre courte, fraîche et joyeuse. » Les Français crient : « A Berlin ! » et les Allemands « Nach Paris ! » On ose : « Ca doit être superbe, une charge, hein ? Toutes ces masses d’hommes qui marchent comme à la fête ! Et le clairon qui sonne dans la campagne… et les petits soldats qu’on ne peut retenir et qui crient : « Vive la France ! » ou bien qui meurent en riant !...» (Henri Barbusse, Le Feu).

Les hommes ne sont pas résignés, ils n’ont pas l’esprit munichois avant la lettre, le pacifisme les dégoûte : « Jamais tant d’hommes à la fois n’avaient dit adieu à leur famille et à leur maison pour commencer une guerre les uns contre les autres. Jamais non plus des soldats n’étaient partis pour les champs de bataille, mieux persuadés que l’affaire les concernait personnellement » (Jules Romains, Les hommes de bonne volonté). Seuls les paysans, normands, souabes ou moujiks, porteurs du bon sens de la terre, savent que déjà ils vont manquer les moissons, et que le pire est sans doute à venir… « Les fleurs, à cette époque de l’année, étaient déjà rares ; pourtant on en avait trouvé pour décorer tous les fusils du renfort et, la clique en tête, entre deux haies muettes de curieux, le bataillon, fleuri comme un grand cimetière, avait traversé la ville à la débandade. Avec des chants, des larmes, des rires, des querelles d’ivrognes, des adieux déchirants, ils s’étaient embarqués » (Roland Dorgelès, Les Croix de Bois). D’autres pleurent déjà une Europe qui se meurt : « J’entendais les explosions de la chimie au fond de ces souterrains, de ce labyrinthe commun, où cinq cents Normands et cinq cents Saxons – gens de même race, sans doute, o patries abusivement partagées – se rejoignaient et se mêlaient » (Drieu la Rochelle).

Nul n’imagine que le progrès technique a définitivement périmé les guerres de soldats au profit des guerres de masses et de matériel et des boucheries sanguinaires. La Guerre de Sécession a pourtant fait 630 000 morts en quatre ans aux Etats-Unis ! « Les hommes n’ont pas été humains, ils n’ont pas voulu être humains. Ils ont supporté d’être inhumains. Ils n’ont pas voulu dépasser cette guerre, rejoindre la guerre éternelle, la guerre humaine. Ils ont raté comme une révolution. Ils ont été vaincus par cette guerre. Et cette guerre est mauvaise, qui a vaincu les hommes. Cette guerre moderne, cette guerre de fer et non de muscles. Cette guerre de science et non d’art. Cette guerre d’industrie et de commerce. Cette guerre de bureaux. Cette guerre de journaux. Cette guerre de généraux et non de chefs. Cette guerre de ministres, de chefs syndicalistes, d’empereurs, de socialistes, de démocrates, de royalistes, d’industriels et de banquiers, de vieillards et de femmes et de garçonnets. Cette guerre de fer et de gaz. Cette guerre faite par tout le monde, sauf par ceux qui la faisaient. Cette guerre de civilisation avancée » (Drieu la Rochelle).

fantassin-tenue-de-combat-1914.jpgLe plan allemand, initié par le feld-maréchal comte von Schlieffen, prévoit de tourner les forces défensives françaises par la Belgique puis de fondre sur Paris. Il est en effet indispensable de remporter rapidement la victoire sur le front occidental pour pouvoir se retourner ensuite contre les Russes. En quelques semaines, les six armées allemandes bousculent les forces françaises sur plusieurs centaines de kilomètres. La route de Paris semble ouverte. Mais lors d’un sursaut extraordinaire, les Français s’arc-boutent sur la Marne et stoppent les Allemands, arrachant au général von Moltke cet aveu : « Que des hommes, après avoir battu en retraite pendant dix jours, couchant sur le sol, épuisés de fatigue, puissent être capables de reprendre le fusil et d’attaquer quand sonnent les clairons, c’est une chose que nous n’avions jamais envisagée, une éventualité que l’on n’étudiait pas dans nos écoles de guerre. » Le Kronprinz, dans une déclaration aussi prémonitoire que pathétique, s’inquiète : « A la bataille de la Marne, s’accomplit le tragique destin de notre peuple ». Maurice Barrès lui répond : « C’est l’éternel miracle français, le miracle de Jeanne d’Arc… » Le 11 septembre, il est clair que les Français ont gagné la bataille de la Marne. Le « coup de faux » prévu par les Allemands a échoué, et avec lui la guerre-éclair qui devait libérer le front Ouest. La course à la mer qui la suit finit de figer les positions. Non, aucun soldat ne sera de retour dans ses foyers pour Noël : il y aura bien d’autres Noël de boue et de sang… « Avec mon harnais sur le dos, avec toutes ces annexes de cuir et de fer, j’étais couché dans la terre. J’étais étonné d’être ainsi cloué au sol ; je pensais que ça ne durerait pas. Mais ça dura quatre ans. La guerre aujourd’hui, c’est d’être couché, vautré aplati. Autrefois, la guerre c’étaient des hommes debout. La guerre d’aujourd’hui, ce sont toutes les postures de la honte » (Drieu la Rochelle).

Les bilans commencent à être vertigineux : lors de la bataille d’Ypres, du 13 au 25 octobre, tombent 100 000 Français et Anglais et 130 000 Allemands ! Au 31 décembre 1914, sur le seul front occidental, Français, Anglais et Belges ont déjà perdu un million d’hommes, et les Allemands 700 000. « Le matin est gris ; lorsque nous sommes partis, c’était encore l’été et nous étions cent cinquante hommes. Maintenant nous avons froid ; c’est l’automne ; les feuilles bruissent, les voix s’élèvent d’un ton las : « Un, deux, trois quatre… » Et après le numéro trente-deux, elles se taisent. Il se produit un long silence, avant qu’une voix demande : « Y a-t-il encore quelqu’un ? » Puis elle attend et dit tout bas : « Par pelotons ! » Cependant elle s’arrête et ne peut achever que péniblement : « Deuxième compagnie… deuxième compagnie, pas de route, en avant ! » Une file, une brève file tâtonne dans le matin. Trente-deux hommes » (Remarque).

« LAISSEZ ICI TOUTE ESPERANCE » (Ernst Jünger)

Les tranchées: « Ils sont sales les boyaux, pleins de tous ces débris abominables que la guerre accumule aussitôt qu’elle est là : boîtes de conserve, bras, fusils, sacs, caisses, jambes, merdes, culots d’obus, grenades, chiffons et même des papiers » (Drieu la Rochelle). « Cet asile s’enfonce, ténébreux, suintant et étroit comme un puits. Toute une moitié en est inondée – on y voit surnager des rats – et les hommes sont massés dans l’autre moitié. […] S’asseoir ? Impossible. C’est trop sale, là-dedans : la terre et les pavés sont enduits de boue, et la paille disposée pour le couchage est tout humide à cause de l’eau qui s’y infiltre et des pieds qui s’y décrottent. De plus, si l’on s’assoit, on gèle, et si on s’étend sur la paille, on est incommodé par l’odeur du fumier et égorgé par les émanations ammoniacales » (Barbusse).

Le froid : « Quand on sort du gourbi, le froid vous mordille le menton, vous pique le nez comme une prise, il vous amuse. Puis il devient mauvais, vous grignote les oreilles, vous torture le bout des doigts, s’infiltre par les manches, par le col, par la chair, et c’est de la glace qui vous gèle jusqu’au ventre » (Dorgelès). Et la pluie : « C’est un dur effort, lorsqu’on sait, comme nous, l’accroissement que la pluie apporte avec elle : les vêtements lourds ; le froid qui pénètre avec l’eau ; le cuir des chaussures durci ; les pantalons qui plaquent contre les jambes et entravent la marche ; le linge, au fond du sac, le précieux linge propre qui délasse dès qu’on l’a sur la peau, irrémédiablement sali, transformé peu à peu en un paquet innommable sur lequel des papiers, des boîtes de conserve ont bavé leur teinture ; la boue qui jaillit, souillant le visage et les mains ; l’arrivée barbotante ; la nuit d’insuffisant repos, sous la capote qui transpire et glace au lieu de réchauffer ; tout le corps raidi, les articulations sans souplesse, douloureuses ; et le départ, avec les chaussures de bois qui meurtrissent les pieds comme des brodequins de torture » (Maurice Genevoix, Ceux de 14).

Les mouches et les poux : « On traverse des multitudes de mouches qui, accumulées sur les murs par couches noires, s’éploient en nappes bruissantes lorsqu’on passe. - Ca va recommencer comme l’année dernière !... Les mouches à l’extérieur, les poux à l’intérieur » (Barbusse). Les rats et les corbeaux : « Les rats venaient les renifler. Ils sautaient d’un mort à l’autre. Ils choisissaient d’abord les jeunes sans barbe sur les joues. Ils reniflaient la joue, puis ils se mettaient en boule et ils commençaient à manger cette chair d’entre le nez et la bouche, puis le bord des lèvres, puis la pomme verte de la joue. De temps en temps ils se passaient la patte dans les moustaches pour se faire propres. Pour les yeux, ils les sortaient à petits coups de griffes, et ils léchaient le trou des paupières, puis ils mordaient dans l’œil, comme dans un petit œuf, et ils le mâchaient doucement, la bouche de côté en humant le jus. […] Le corbeau poussait le casque ; parfois, quand le mort était mal placé et qu’il mordait la terre à pleine bouche, le corbeau tirait sur les cheveux et sur la barbe tant qu’il n’avait pas mis à l’air cette partie du cou où est le partage de la barbe et du poil de la poitrine. C’était là tendre et tout frais, le sang rouge y faisait encore la petite boule. Ils se mettaient à becqueter là, tout de suite, à arracher cette peau, puis ils mangeaient gravement en criant de temps en temps pour appeler les femelles » (Jean Giono, Le grand Troupeau).

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La misère : « Plus que les charges qui ressemblent à des revues, plus que les batailles visibles déployées comme des oriflammes, plus même que le corps à corps où l’on se démène en criant, cette guerre, c’est la fatigue épouvantable, surnaturelle, et l’eau jusqu’au ventre, et la boue et l’ordure et l’infâme saleté. C’est les faces moisies et les chairs en loques et les cadavres qui ne ressemblent même plus à des cadavres, surnageant sur la terre vorace. C’est cela, cette monotonie infinie de misères, interrompue par des drames aigus, c’est cela, et non pas la baïonnette qui étincelle comme de l’argent, ni le chant de coq du clairon au soleil ! » (Barbusse). La peur : « Cet homme avait eu peur. Comme il avait eu peur. Comme j’avais eu peur, moi aussi. Comme nous avions eu peur. Quelle peur énorme, gigantesque, s’était accroupie et tordue sur ces faibles collines. Quelle immense femelle, possédée d’un aveu cynique, obscène, hystérique, délirant, s’était formée, au revers de Thiaumont, au creux de Fleury, de toutes nos peurs d’hommes accroupis, prosternés, vautrés, incrustés dans la terre gelée, fermentant dans nos sueurs, nos fanges, nos saignements. Comme cette femelle avait gémi et hurlé ! » (Drieu la Rochelle).

L’enfer : « Nos jambes se dérobent ; nos mains tremblent ; notre corps n’est plus qu’une peau mince recouvrant un délire maîtrisé avec peine et masquant un hurlement sans fin qu’on ne peut retenir. Nous n’avons plus ni chair, ni muscles ; nous n’osons plus nous regarder, par crainte de quelque chose d’incalculable. Ainsi nous serrons les lèvres, tâchant de penser : cela passera… Cela passera… Peut-être nous tirerons-nous d’affaire » (Remarque). Le déluge de fer : « C’était un déchaînement inattendu, épouvantable. L’homme au moment d’inventer les premières machines avait vendu son âme au diable et maintenant le diable le faisait payer. Je regarde, je n’ai rien à faire. Cela se passe entre deux usines, ces deux artilleries. L’infanterie, pauvre humanité mourante, entre l’industrie, le commerce, la science. Les hommes qui ne savent plus créer des statues, des opéras, ne sont bons qu’à découper du fer en petits morceaux. Ils se jettent des orages et des tremblements de terre à la tête, mais ils ne deviennent pas des dieux. Et ils ne sont plus des hommes » (Drieu la Rochelle). L’obus : « La terre s’est ouverte devant moi. Je me sens soulevé et jeté de côté, plié, étouffé et aveuglé à demi dans cet éclair de tonnerre… Je me souviens bien pourtant : pendant cette seconde où, instinctivement, je cherchais, éperdu, hagard, mon frère d’armes, j’ai vu son corps monter, debout, noir, les deux bras étendus de toute leur envergure, et une flamme à la place de la tête ! » (Barbusse). Les gaz : « Une attaque de gaz, qui vient par surprise, en emporte une multitude. Ils ne se sont même pas rendu compte de ce qui les attendait. Nous trouvons un abri rempli de têtes bleuies et de lèvres noires. Dans un entonnoir, ils ont enlevé trop tôt leurs masques. Ils ne savaient pas que dans les fonds le gaz reste plus longtemps ; lorsqu’ils ont vu que d’autres soldats au-dessus d’eux étaient sans masque, ils ont enlevé les leurs et avalé encore assez de gaz pour se brûler les poumons. Leur état est désespéré ; des crachements de sang qui les étranglent et des crises d’étouffement les vouent irrémédiablement à la mort » (Remarque). Les emmurés vivants : « L’univers éclata. L’obus arriva et je sus qu’il arrivait. Enorme, gros comme l’univers. Il remplit exactement un univers fini. C’était la convulsion même de cet univers. […] Et la porte s’était effondrée et la chambre était devenue un sépulcre vivant. Tous les hommes assis en rond s’étaient dressés à mon cri, car j’avais hurlé. Un cri, un aveu épouvantable m’avait été arraché qui les épouvanta, dit-on, plus que l’obus. Les hommes se ruèrent vers le point où avait été la porte et où maintenant se dressait un mur noir. Ils me passèrent sur le corps, ils me piétinèrent sauvagement. Me piétiner les consolait d’être emmurés. Nous étions emmurés » (Drieu la Rochelle).

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L’attaque : « La compagnie entière était entassée là, grand bouclier vivant de casques rapprochés, devant quatre échelles grossières. La couverture roulée, pas de sac, l’outil au côté : « Tenue de gala », avait blagué Gilbert. A notre droite, empilée dans la même parallèle, une compagnie d’un régiment de jeunes classes venait de mettre baïonnette au canon. Toutes les sapes, toutes les tranchées étaient pleines, et de se sentir ainsi pressés, reins à reins, par centaines, par milliers, on éprouvait une confiance brutale. Hardi ou résigné, on n’était plus qu’un grain dans cette masse humaine. L’armée, ce matin-là, avait une âme de victoire » (Dorgelès). Les corps à corps : « Ce fut un massacre à l’arme blanche, la dégoûtante besogne d’assassins qui surinent dans le dos » (Genevoix). La relève : « Pauvres semblables, pauvres inconnus, c’est votre tour de donner ! Une autre fois, ce sera le nôtre. A nous demain, peut-être, de sentir les cieux éclater sur nos têtes s’ouvrir sous nos pieds, d’être assaillis par l’armée prodigieuse des projectiles, et d’être balayés par des souffles d’ouragan cent mille fois plus forts que l’ouragan » (Barbusse).

Le fer et le feu broient les pauvres chairs des hommes : « Nous voyons des gens à qui le crâne a été enlevé, continuer de vivre ; nous voyons courir des soldats dont les pieds ont été fauchés ; sur leurs moignons éclatés, ils se traînent en trébuchant jusqu’au prochain trou d’obus ; un soldat de première classe rampe sur ses mains pendant deux kilomètres en traînant derrière lui ses genoux brisés ; un autre se rend au poste de secours, tandis que ses entrailles coulent par-dessus ses mains qui les retiennent ; nous voyons des gens sans bouche, sans mâchoire inférieure, sans figure ; nous rencontrons quelqu’un qui, pendant deux heures, tient serrée avec les dents l’artère de son bras, pour ne point perdre tout son sang ; le soleil se lève, les obus sifflent ; la vie s’arrête» (Remarque). « La douleur l’avait engourdi et il ne sentait plus ses membres ni sa tête, il ne sentait que sa blessure, la plaie profonde qui lui fouillait le ventre. […] Il n’avait pas encore osé toucher sa blessure, cela lui faisait peur, et sa main s’écartait de son ventre, pour ne pas sentir, pour ne pas savoir. […] Enfin, il se dompta et, la bande prête, résolument il toucha la plaie. C’était au-dessus de l’aine gauche. Sa capote était déchirée et, sous ses doigts craintifs, il ne sentait rien qu’une chose gluante. Lentement, pour ne pas souffrir, il déboucla son ceinturon, ouvrit sa capote et son pantalon, puis il essaya de soulever sa chemise. Ce fut horrible, il lui sembla qu’il allait s’arracher les entrailles, emporter sa chair… Torturé, il s’arrêta, sa main posée sur sa peau nue. Il sentit quelque chose de tiède qui, doucement, lui coulait le long des doigts. […] La pluie ruisselait en pleurs le long de ses joues amaigries. Puis deux lourdes larmes coulèrent de ses yeux creux : les deux dernières » (Giono). « Chauvin était renversé sur le dos au fond du trou, cassé, plié sur son ventre ; il regardait ce morceau de ciel bleu. Ses yeux étaient comme de la pierre. Il pataugeait à deux mains dans son ventre ouvert, comme dans un mortier. Ses poings faisaient le moulin ; ses tripes attachaient ses poignets. Il s’arrêta de crier. Il était tout empêtré dans ses tripes, et en raidissant ses bras, il les tira comme ça en dehors de son ventre » (Dorgelès). « Un petit convoi approchait. Il y avait cinq ou six hommes autour d’un brancard que deux hommes portaient sur leurs épaules. Un affreux gémissement vint au-dessus de moi, se jeta sur moi. Les hommes avaient un air épouvanté. Comme j’arrivais près d’eux, ils s’arrêtèrent et déposèrent le brancard. Ce fut l’occasion d’un affreux long hurlement – puis une série de cris, de gémissements, de protestations, de supplications. […] Je m’approchai avec crainte. Alors je le vis… Je n’avais pas vu ça depuis deux ans. Et c’était dans la plus horrible manière de cette sacrée nature. Un beau jeune homme, un grand corps, un officier, ce bras avec ce bracelet d’or. Et un visage arraché. Arraché. Une bouillie. Il n’avait plus d’yeux, plus de nez, plus de bouche. Et il était vivant, bien vivant ; sans doute vivrait-il. […] Et lui, il tournait sa face de tous côtés, avec son habitude de voir. Il y avait là quelque part dans cette surface énorme, dans ce chaos de viandes, une double habitude de voir qui nous cherchait » (Drieu la Rochelle).

Même les morts ne connaissent aucune délivrance : « En touchant du pied ce fond mou, un dégoût surhumain me rejeta en arrière, épouvanté. C’était un entassement infâme, une exhumation monstrueuse de Bavarois cireux sur d’autres déjà noirs, dont les bouches tordues exhalaient une haleine pourrie ; tout un amas de chairs déchiquetées, avec des cadavres qu’on eût dits dévissés, les pieds et les genoux complètement retournés, et pour les veiller tous, un seul mort resté debout, adossé à la paroi, étayé par un monstre sans tête. Le premier de notre file n’osait pas avancer sur ce charnier : on éprouvait comme une crainte religieuse à marcher sur ces cadavres, à écraser du pied ces figures d’hommes » (Dorgelès). « Les morts bougeaient. Les nerfs se tendaient dans la raideur des chairs pourries et un bras se levait lentement dans l’aube. Il restait là, dressant vers le ciel sa main noire toute épanouie ; les ventres trop gonflés éclataient et l’homme se tordait dans la terre, tremblant de toutes ses ficelles relâchées. Il reprenait une parcelle de vie. Il ondulait des épaules, comme dans sa marche d’avant. […] Et les rats s’en allaient de lui. Mais, ça n’était plus son esprit qui faisait onduler ses épaules, seulement la mécanique de la mort, et au bout d’un peu, il retombait immobile dans la boue. Alors les rats revenaient » (Giono). « Il en est qui montrent des faces demi-moisies, la peau rouillée, jaune avec des points noirs. Plusieurs ont la figure complètement noircie, goudronnée, les lèvres tuméfiées et énormes : des têtes de nègres soufflées en baudruche. […] Plus loin, on a transporté un cadavre dans un état tel qu’on a dû, pour ne pas le perdre en chemin, l’entasser dans un grillage de fil de fer qu’on a fixé ensuite aux extrémités d’un pieu. Il a été ainsi porté en boule dans ce hamac métallique, et déposé là. On ne distingue ni le haut, ni le bas de ce corps ; dans le tas qu’il forme, seule se reconnaît la poche béante d’un pantalon. On voit un insecte qui en sort et y rentre. […] L’homme est sur le ventre ; il a les reins fendus d’une hanche à l’autre par un profond sillon ; sa tête est à demi retournée ; on voit l’œil creux et sur la tempe, la joue et le cou, une sorte de mousse verte a poussé. […] A côté des têtes noires et cireuses de momies égyptiennes, grumeleuses de larves et de débris d’insectes, où des blancheurs de dents pointent dans des creux ; à côté de pauvres moignons assombris qui pullulent là, comme un champ de racines dénudées, on découvre des crânes nettoyés, jaunes, coiffés de chéchias de drap rouge dont la housse grise s’effrite comme du papyrus. […] Je cherche les traits de l’un d’eux : depuis les profondeurs de son cou jusqu’aux touffes de cheveux collés au bord de son calot, il présente une masse terreuse, la figure changée en fourmilière – et deux fruits pourris à la place des yeux. L’autre, vide, sec, est aplati sur le ventre, le dos en loques quasi flottant, les mains, les pieds et la face enracinés dans le sol. […] Un feldwebel est assis, appuyé aux planches déchirées qui formaient, là où nous mettons le pied, une sorte de guérite de guetteur. Un petit trou sous l’œil : un coup de baïonnette l’a cloué aux planches par la figure. Devant lui, assis aussi, les coudes sur les genoux, les poings au cou, un homme a tout le dessus du crâne enlevé comme un œuf à la coque… A côté d’eux, veilleur épouvantable, la moitié d’un homme est debout : un homme, coupé, tranché en deux depuis le crâne jusqu’au bassin, est appuyé, droit, sur la paroi de terre. On ne sait pas où est l’autre moitié de cette sorte de piquet humain dont l’œil pend en haut, dont les entrailles bleuâtres tournent en spirale autour de la jambe » (Barbusse).

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Les animaux n’échappent pas à cette folie : « Les cris continuent. Ce ne sont pas des êtres humains qui peuvent crier si terriblement. Je n’ai encore jamais entendu crier des chevaux et je puis à peine le croire. C’est toute la détresse du monde. C’est la créature martyrisée, c’est une douleur sauvage et terrible qui gémit ainsi… Quelques uns continuent de galoper, s’abattent et reprennent leur course. L’un d’eux a le ventre ouvert ; ses entrailles pendent tout du long. Il s’y entrave et tombe, mais pour se relever encore… On peut dire que nous sommes tous capables de supporter beaucoup ; mais en ce moment, la sueur nous inonde. On voudrait se lever et s’en aller n’importe où pourvu qu’on n’entende plus ces plaintes. Et pourtant ce ne sont pas des êtres humains, ce ne sont que des chevaux » (Remarque).

Le chagrin et la pitié : « Quand Wedelstädt vit tomber cet homme, le dernier de sa compagnie, il s’appuya la tête au rebord de la tranchée et se mit à pleurer. Lui non plus ne devait pas survivre à ce jour » (Jünger). « Autour de lui, avec ses yeux vitreux qui semblaient se refuser à la vision précise des choses, il avait vu ses trois mille camarades du départ disparaître par masses ou paquets, jusqu’au dernier, et les avait vu remplacer par d’autres dont la plupart n’avaient fait aussi que passer, en route pour l’hôpital ou la mort, puisque quinze mille hommes avaient roulé à travers nos trois mille numéros matricules » (Drieu la Rochelle). « Et jusqu’à la nuit, je fume, je fume, pour vaincre l’odeur épouvantable, l’odeur des pauvres morts perdus par les champs, abandonnés par les leurs, qui n’ont même pas eu le temps de jeter sur eux quelques mottes de terre, pour qu’on ne les vît pas pourrir » (Genevoix). « Il allait encore pleuvoir ; le jour était d’une blancheur livide qui aveuglait. A terre, des lambeaux de pluie traînaient en flaques jaunâtres que le vent fripait, et quelques gouttes espacées y faisaient des ronds. La pluie n’espérait pourtant pas laver cette boue, laver ces haillons, laver ces cadavres ? Il pourrait bien pleuvoir toutes les larmes du ciel, pleuvoir tout un déluge, cela n’effacerait rien. Non, un siècle de pluie n’effacerait pas ça » (Dorgelès). « En même temps que le jour, montait au-delà du désert le roulement sourd d’un grand charroi. C’étaient ces fleuves d’hommes, de chars, de canons, de camions, de charrettes qui clapotaient là-bas dans le creux des coteaux ; les grands chargements de viande, la nourriture de la terre » (Giono). « On oubliera. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont. L’image du soldat disparu s’effacera lentement dans le cœur consolé de ceux qu’ils aimaient tant. Et tous les morts mourront une seconde fois. Non, votre martyre n’est pas fini, mes camarades, et le fer vous blessera encore, quand la bêche du paysan fouillera votre tombe. […] Je songe à vos milliers de croix de bois, alignées tout le long des grandes routes poudreuses, où elles semblaient guetter la relève des vivants, qui ne viendra jamais faire lever les morts […] Combien sont encore debout, des croix que j’ai plantées ? Mes morts, mes pauvres morts, c’est maintenant que vous allez souffrir, sans croix pour vous garder, sans cœur pour vous blottir. Je crois vous voir rôder, avec des gestes qui tâtonnent, et chercher dans la nuit éternelle tous ces vivants ingrats qui déjà vous oublient » (Dorgelès).

Des ennemis ? non, des frères : « Les occupants des tranchées des deux partis avaient été chassés par la boue sur leurs parapets, et il s’était déjà amorcé, entre les réseaux de barbelés, des échanges animés, tout un troc d’eau-de-vie, de cigarettes, de boutons d’uniforme et d’autres objets. […] Nous commençâmes à parlementer en anglais, puis, un peu plus couramment, en français, tandis que les hommes de troupe alentour prêtaient l’oreille. […] Mais nous bavardâmes longtemps encore sur un ton où s’exprimait une estime quasi sportive, et pour finir, nous aurions volontiers échangé des cadeaux en souvenir. Pour en revenir à une situation sans équivoque, nous nous déclarâmes solennellement la guerre sous trois minutes à compter de la rupture des négociations » (Jünger). « A la jumelle, je vois sur un chemin deux blessés qui se traînent, deux Français. Un des uhlans les a aperçus. Il a mis pied à terre, s’avance vers eux. Je suis la scène de toute mon attention. Le voici qui les aborde, qui leur parle ; et tous les trois se mettent en marche vers un gros buisson voisin de la route, l’Allemand entre les deux Français, les soutenant, les exhortant sans doute de la voix. Et là, précautionneusement, le grand cavalier gris aide les nôtres à s’étendre. Il est courbé vers eux, il ne se relève pas. Je suis sûr qu’il les panse » (Genevoix).

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L’HOLOCAUSTE EUROPEEN

Au début de la guerre, les états-majors des deux camps n’ont aucune considération pour la vie de leurs hommes, comme Joffre : « A ce jeu, il était certain que nous nous userions ; mais l’ennemi s’userait aussi, et toute la question était de mener nos affaires avec sagesse pour pouvoir durer plus que lui. A la guerre, ce sont les derniers bataillons qui emportent la victoire. » Autrement dit, s’il ne doit rester qu’un survivant, il suffira qu’il soit français… Nos généraux ne connaissent que l’attaque à tout prix, qui voit les Poilus à pantalon garance se faire hacher par les mitrailleuses allemandes soigneusement enterrées : 40 000 tués fin août pendant l’offensive française en Lorraine. Nivelle se révèlera un élève zélé de Joffre. Une seule stratégie : le « grignotage », ou comment gagner quelques centaines de mètres (vite reperdus) au prix de centaines de morts et parfois de centaines de milliers de morts ! « Là, sur notre sol, dans un pays évolué, de vieille civilisation, a eu lieu l’un des massacres les plus abominables de l’histoire de l’humanité. Et nous avons accepté de rentrer dans cette barbarie » (Marc Dugain). Il faudra que des régiments se mutinent, non par peur, défaitisme ou pacifisme, mais simplement parce qu’il était devenu insupportable de continuer ces boucheries inutiles. Le général Pétain mettra fin à celles-ci et ramènera l’ordre et le calme dans les unités au prix de 49 exécutions.

Pétain, c’est l’homme de Verdun. Verdun, c’est non seulement une bataille, mais c’est un sanctuaire : « Tous vinrent à Verdun comme pour recevoir je ne sais quelle suprême consécration. Ils semblaient par la Voie Sacrée monter pour un offertoire sans exemple à l’autel le plus redoutable que jamais l’homme eût levé » (Paul Valéry). Il faut savoir que 66 des 95 divisions françaises se battirent à tour de rôle à Verdun, pour tenir, tenir coûte que coûte. Les deux tiers des soldats français y ont peu ou prou combattu. Le chef d’état-major allemand, le général Falkenhayn, avait voulu Verdun pour « saigner la France à blanc ! » Erreur funeste, les deux peuples s’avérèrent incapables de se départager, 21 millions d’obus déversés par les Français, 22 par les Allemands. Même dans le décompte des morts : 163 000 Gaulois et 143 000 Germains ! Au total, près d’un million de morts et de blessés ! « Plus d’arbres, plus de maisons, plus d’animaux à cinq lieues à la ronde. Des divisions détruites avant d’arriver en première ligne. […] Or, il y avait déjà pour les siècles dans ce paysage de Verdun une mélancolie irrésistible. Ces vues immenses, ces échappées sans fin entre des masses immobiles et résistantes, et vers la droite au-delà de la Meuse, cette immense fuite d’horizon. Et autour de nous, plus près, ces pentes émaciées, ces hérissements à ras de terre de souches noires, ce million de cadavres sous nos pieds, ce cinquième hiver qui commençait, ce délire soudain qui m’avait ramené à ces lieux que j’avais fuis à jamais, ce délire qui semblait la fatalité masquée – tout cela poussait un grand cri » (Drieu la Rochelle). Henry de Montherlant écrira plus tard : « Les hommes de Verdun s’étaient rassemblés sur cette étroite bande de sol pour y verser comme de l’eau, le plus pur de leur vie, puis leur vie ; ils avaient fait d’elle une matière sensible, imbibée d’âme comme certain marbre l’est de lumière, plus vivante avec sa croûte de morts qu’aucun des lieux où la vie pullule. »

Chaque peuple eut droit à son sanctuaire. Pour les Allemands, ce fut Langemarck, où combattirent Jünger et Hitler. Le bulletin de l’armée du 11 novembre 1914 est ainsi rédigé : « Les régiments de jeunes ont donné l’assaut à l’ouest de Langemarck contre les premières lignes ennemies et les ont vaincues en chantant « Deutschland, Deutschland über alles ! » Il fallait sublimer cet événement : 145 000 jeunes Teutons y tombèrent pour que le mythe puisse exister : « Il n’y a de bonheur que dans la guerre sacrificielle » (Theodor Körner). Pour les Anglais, ce fut la Somme où, le 1er juillet 1916, en quelques heures, 60 000 hommes sur 100 000 furent mis hors de combat par les Allemands solidement retranchés. En quelques jours, les pertes, morts et blessés confondus, y furent de 420 000 Anglais, 200 000 Français et 440 000 Allemands. Pour quelques centaines de mètres pris à l’ennemi !

imag0473.jpgAuparavant, il y avait eu l’aventure des Dardanelles (1915) et le désastre de Gallipoli : 145 000 Français et 225 000 Anglo-Saxons liquidés. Le coût de l’offensive française en Champagne et en Artois (1914-1915) est de 600 000 morts ; pour rien ou si peu : la seconde des trois batailles de Vimy a permis de « grignoter » 2,5 km aux Allemands au prix de 95 000 morts ! Autrichiens et Italiens laissent 300 000 soldats lors des douze batailles de l’Isonzo, dont l’unique objet était de prendre le contrôle du port de Trieste. L’inutile boucherie du Chemin des Dames couche 200 000 morts de part et d’autre. Et combien d’autres terres de souffrance disséminées aux quatre coins de l’Europe, car le front oriental et le front méridional (Balkans) affichent des bilans tout aussi effroyables : les Serbes perdent ainsi 200 000 des leurs dans les montagnes enneigées d’Albanie… « Je fis avancer les chefs de groupes au rapport et appris que nous comptions encore soixante-trois hommes. C’est avec plus de cent cinquante que j’étais parti la veille au soir, plein d’entrain » (Jünger).

La Première Guerre mondiale a causé la mort de 9 millions d’hommes ; les blessés, mutilés, invalides représentent à peu près le double. « … Non, on ne peut pas se figurer. Toutes ces disparitions à la fois excèdent l’esprit. Il n’y a plus assez de survivants. Mais on a une vague notion de la grandeur de ces morts. Ils ont tout donné ; ils ont donné, petit à petit, toute leur force, puis, finalement, ils se sont donnés, en bloc. Ils ont dépassé la vie : leur effort a quelque chose de surhumain et de parfait » (Barbusse). De tous les belligérants exténués, la France est la plus touchée : 1,5 million de morts (15% des soldats, 22% des officiers), 3,5 millions de blessés dont 900 000 mutilés et invalides. Oui, la France a bien été saignée à blanc. Le quart nord-est du pays est ravagé : 2,4 millions d’hectares sont devenus impropres aux cultures, 9 300 usines sont détruites. La Grande Faux se montrera vraiment insatiable, puisque la grippe espagnole tuera encore 20 millions de personnes en Europe en quelques mois.

UNE NOUVELLE RACE D’HOMMES

« Je crois que cette guerre est un défi lancé à l’époque et à chaque individu. L’épreuve du feu va nous obliger à mûrir, à devenir des hommes, des hommes capables d’affronter les événements prodigieux des années à venir » (Otto Braun, engagé volontaire en 1914). Cette guerre fut en effet une « rude école » : « Le front attire invinciblement parce qu’il est, pour une part, l’extrême limite de ce qui se sent et se fait. Non seulement on y voit autour de soi des choses qui ne s’expérimentent nulle part ailleurs, mais on y voit affleurer en soi un fond de lucidité, d’énergie, de liberté, qui ne se manifeste guère ailleurs dans la vie commune» (Teilhard de Chardin).

Une nouvelle race d’hommes est ainsi née dans l’enfer des tranchées et a pour origine la camaraderie des combattants. Ernst Jünger lui a consacré un ouvrage, La Guerre comme aventure intérieure. Remarque a également décrit ce phénomène : « Nous devînmes durs, méfiants, impitoyables, vindicatifs, brutes et ce fut une bonne chose. Nous ne fûmes pas brisés, bien au contraire, nous nous adaptâmes. Mais le plus important ce fut qu’un ferme sentiment de solidarité pratique s’éveilla en nous, lequel au front, donna naissance ensuite à ce que la guerre produisit de meilleur : la camaraderie. » Plus loin : « Brusquement une chaleur extraordinaire m’envahit. Ces voix, ces quelques paroles prononcées bas, ces pas dans la tranchée derrière moi m’arrachant tout d’un coup à l’atroce solitude de la crainte et de la mort à laquelle je me serais presque abandonné. Elles sont plus que ma vie, ces voix ; elles sont plus que la présence maternelle et que la crainte ; elles sont ce qu’il y a au monde de plus fort et de plus efficace pour vous protéger : ce sont les voix de mes camarades. »

Car ces hommes ont franchi des frontières qui sont devenues totalement incompréhensibles pour la majorité de nos contemporains : « Quand je demandai des volontaires, j’eus la surprise de voir – car nous étions tout de même à la fin de 1917 – se présenter dans presque toutes les compagnies du bataillon près des trois quarts de l’effectif » (Jünger). « Avec mes hommes, nous nous élancions le long de ce bois où la plupart d’entre nous seraient enterrés, dans ce bois devenu aujourd’hui, pour quelques années, un charmant cimetière » (Drieu la Rochelle). La mort, n’est plus pour eux, source d’effroi ; ils l’ont tellement côtoyée qu’ils l’ont apprivoisée : « La mort avait perdu ses épouvantes, la volonté de vivre s’était reportée sur un être plus grand que nous, et cela nous rendait tous aveugles et indifférents à notre sort personnel. […] Le no man’s land grouillait d’assaillants qui, soit isolément, soit par petits paquets, soit en masses compactes, marchaient vers le rideau embrasé. Ils ne couraient pas, ni ne se planquaient quand les immenses panaches s’élevaient au milieu d’eux. Pesamment, mais irrésistiblement, ils marchaient vers la ligne ennemie. Il semblait qu’ils eussent cessé d’être vulnérables. […] Quand nous avançâmes, une fureur guerrière s’empara de nous, comme si, de très loin, se déversait en nous la force de l’assaut. Elle arrivait avec tant de vigueur qu’un sentiment de bonheur, de sérénité me saisit » (Jünger). Cet élan et cette fureur sont également décrits par Drieu la Rochelle : « Nous nous regardâmes avec plaisir, avec confiance. Nous nous reconnaissions comme des braves, comme de ceux qui sont le sel d’une armée. Et chacun devenait encore plus brave en regardant l’autre. Et si nous regardions autour de nous, notre courage méprisait et menaçait toutes ces peurs qui s’aplatissaient sur le sol autour de nous. […] Nous criions. Qu’est-ce que nous criions ? Nous hurlions comme des bêtes. Nous étions des bêtes. Qui sautait et criait ? La bête qui est dans l’homme, la bête dont vit l’homme. La bête qui fait l’amour et la guerre et la révolution. »1418dardanelles.jpg

Ces hommes se donnent des chefs, qu’ils choisissent en fonction de leurs qualités plutôt que de leurs galons : « Mais de même que je m’étais reconnu, ils se reconnaissaient en moi. Aussi étonnés que moi – non, tout de même plus étonnés que moi. Mais bientôt, ils couraient, comme s’ils n’avaient jamais été que cela, des nobles. La noblesse est à tout le monde. J’étais grand, j’étais immense sur ce champ de bataille. Mon ombre couvrait et couvre encore ce champ de bataille. Il y avait ainsi un héros tous les vingt kilomètres. Et c’est pourquoi la bataille ne mourait pas, mais rebondissait » (Drieu la Rochelle). Et quand les officiers tombent, il en est toujours pour prendre la relève : « Mais on ne voit plus le lieutenant. Plus de chefs, alors… Une hésitation retient la vague humaine qui bat le commencement du plateau. - En avant ! crie un soldat quelconque. Alors tous reprennent en avant, avec une hâte croissante, la course à l’abîme » (Barbusse).

Lorsque la fin de la guerre arrive, ils retournent dans un monde qui leur est devenu étranger. Ils ont connu l’amitié virile, découvert les satisfactions d’une communauté constructive et solidaire, développé un système de hautes valeurs, « la loi, la moralité, la vertu, la foi, la conscience » (Theodor Körner) et poussé le sens du devoir jusqu’au sacrifice suprême… Ils n’acceptent pas de vivre dans une société où les valeurs sont souvent inversées : intérêt, mesquinerie, mensonge, médiocrité, individualisme... Certains sombrent alors comme le capitaine Conan du roman éponyme de Roger Vercel : « Te rappelles-tu ce que je te disais à Gorna, qu’on était trois mille, au plus, à l’avoir gagnée, la guerre ?... Ces trois mille-là, t’en retrouveras peut-être parfois un ou deux, par-ci, par-là, dans un patelin ou un autre… Regarde-les bien, mon vieux Norbert : ils sont comme moi ! » Mais la plupart sont décidés justement à appliquer ce système de vertus propres à régénérer les individus et le pays : « C’était un idéal physique, esthétique et moral : force et courage s’allient aux proportions harmonieuses du corps et à la pureté de l’âme » (George L. Mosse, De la Grande Guerre au totalitarisme).

PLUS RIEN NE SERA JAMAIS COMME AVANT

« Et, des ruines de cette catastrophe qui accouchaient à la fois de la mondialisation américaine et des nihilismes socialistes (communisme et nazisme), l’Europe ne devait jamais se remettre » (Aymeric Chauprade). La Première Guerre mondiale est la matrice d’événements capitaux qui ont bouleversé l’Europe et même le monde. En premier lieu, les Allemands, après l’échec du plan Schlieffen, inversent le raisonnement. Pour affaiblir la Russie, ils lui inoculent le « bacille de la peste », en y acheminant Lénine jusqu’alors réfugié en Suisse. On connaît la suite : la victoire des bolcheviks, l’effondrement du front russe et la paix séparée de Brest-Litovsk. Plus tard, l’Allemagne en paiera le prix fort, qui sera quasiment détruite par l’URSS en 1944-1945, et dont la moitié sera occupée pendant 45 autres années. La moitié de l’Europe partagera l’addition pendant la même période.

Les survivants des tranchées, cette nouvelle race, ne peuvent que se lever contre la vermine rouge qui tente de conquérir le vieux monde et dont les valeurs sont aux antipodes de celles qu’ils exaltent : collectivisme, égalitarisme, étatisme. Cela commence par les Corps-Francs allemands du Baltikum et les Russes blancs de Dénikine, Koltchak et Wrangel. Mais les Alliés prennent peur d’un rétablissement de la Russie aristocratique et d’une éventuelle alliance entre celle-ci et une Allemagne revancharde. Ils leur préféreront les bolcheviks, avec les conséquences que l’on sait. Mais le fascisme – ou plutôt les fascismes, dont le nazisme - éclot dans tous les pays menacés par les communistes. Idéologie de « l’énergie vitale », il est avant tout une réaction contre la gangrène marxiste. Pour preuve, en Espagne, qui était restée à l’écart du premier conflit du siècle, le phalangisme et le franquisme se sont développés en réaction contre les Rouges du Frente Popular.

La Grande-Bretagne, réfugiée dans son île d’où elle croit diriger encore le monde, échappe à ce phénomène. La France également, mais pour d’autres raisons : si elle est sortie victorieuse du conflit, elle est aussi épuisée. Elle a trop souffert : les femmes qui, pendant des années, ont remplacé les hommes dans les champs comme dans les usines, y ont en quelque sorte pris le pouvoir : elles éduquent leurs enfants dans la haine de la guerre. Les Français se repaissent dans les délices médiocres du Front populaire et ne voient pas arriver la tragédie. Liquidée en quelques jours en juin 1940, la France ne se relèvera jamais de cette affreuse honte.

Il faut aussi parler des traités infâmes qui ont redessiné l’Europe : la culpabilisation des vaincus (« la victoire de la civilisation sur l’empire du Mal », déjà), l’humiliation de l’Allemagne, le démantèlement de l’Autriche-Hongrie, la création d’une multitude d’Etats ingérables, aux innombrables minorités, comme la Yougoslavie et la Tchécoslovaquie, qui ne suscitent que haine et frustration. C’est l’œuvre des démocrates Wilson, Lloyd George, Clemenceau… mus par une haine féroce à l’égard de l’ancien monde. Ce dernier n’a-t-il pas déclaré en préambule à Versailles : « L’heure de notre lourd règlement de comptes est venu » ? C’est tout dire. Ce sont eux qui ont labouré et ensemencé les champs de la Seconde Guerre mondiale. Ce ne sont pas des héros, ce sont les responsables de dizaines de millions de morts ! Ainsi, l’Europe sera une nouvelle fois emportée dans un conflit apocalyptique, dont le bilan sera de plus de 50 millions de victimes. Le fascisme, et avec lui le nazisme, disparaîtront dans les ruines de Berlin. Et avec eux, la vieille Europe, cette Europe qu’on avait crue éternelle. Il faudra attendre encore 45 ans pour que le communisme sombre également.

Maintenant que se sont évanouies les idéologies dites totalitaires, il faut remonter à la Première Guerre mondiale pour comprendre les clés de la situation actuelle. La Grande Guerre marque l’intrusion des Etats-Unis d’Amérique dans la politique européenne. Ce sont les Européens qui les ont appelés à l’aide. Lloyd George et Wilson exaltaient « l’amitié, les liens du sang, les mêmes idéaux et un destin commun » entre leurs deux pays. Mais cet allié providentiel, dont l’entrée en guerre, avec son inépuisable réservoir industriel et humain, est décisive, a l’étreinte du python : « Cet appel à l’arbitrage des Etats-Unis revient à confier le sort de l’Europe à la grande puissance qui s’était édifiée dans le rejet de sa tradition historique » (Dominique Venner). A travers ses « Quatorze Points », Wilson impose à l’Europe, au moins à l’état embryonnaire, l’universalisme, le libéralisme, la mondialisation, l’anti-colonialisme, la religion des droits de l’homme, thèmes hérités du Siècle des Lumières et revus par le messianisme protestant des Anglo-Saxons. En bref, un poison mortel pour l’Europe.

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Pour achever ce réquisitoire, on rappellera les mots de Romain Rolland, alors trop âgé pour être mobilisé : « Cette jeunesse avide de se sacrifier, quel but avez-vous offert à son dévouement magnanime ? L’égorgement mutuel de ces jeunes héros ! La guerre européenne, cette mêlée sacrilège, qui offre le spectacle d’une Europe démente, montant sur le bûcher et se déchirant de ses mains comme Hercule ! Ainsi les trois plus grands peuples d’Occident, les gardiens de la civilisation, s’acharnent à leur ruine et appellent à la rescousse les Cosaques, les Turcs, les Japonais, les Cinghalais, les Soudanais, les Sénégalais, les Marocains, les Egyptiens, les Sikhs et les Cipayes. » Quelle lucidité ! Pourquoi les Européens ont-ils introduit dans leurs jeux guerriers les peuples qu’ils avaient soumis aux quatre coins de la planète ? Non seulement, c’était injuste : qu’avaient-ils à faire de nos querelles, et quel prix ont-ils dû payer ? Qui plus est, ce crime contre ces peuples qui n’avaient rien demandé marqua le début des mouvements de libération coloniale. Le retour de manivelle est si fort, qu’après une décolonisation lamentable, ce sont les peuples d’Europe qui agonisent sous le poids de leurs anciennes assujettis : immigration massive, métissage, islamisation. Le pire est à venir.

Erich Maria Remarque demandait des comptes aux responsables de cette horreur : « Que feront nos pères si, un jour, nous nous levons et nous nous présentons devant eux pour réclamer des comptes ? Qu’attendent-ils de nous lorsque viendra l’époque où la guerre sera finie ? Pendant des années nous avons été occupés à tuer ; ça a été là notre première profession des l’existence. Notre science de la vie se réduit à la mort. Qu’arrivera-t-il donc après cela ? Et que deviendrons-nous ? » Nous aussi, nous leur demandons des comptes, à eux et à leurs successeurs, qui n’ont rien compris et qui ne comprennent toujours rien, pour tous les malheurs qu’ont connus les peuples d’Europe depuis ce funeste début de XXème siècle, et tout ce qu’ils vont encore endurer au cours de ce XXIème siècle. Parlera-t-on encore de « peuples d’Europe » lorsque celui-ci se finira ?

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Ne perdons cependant pas espoir : « Les jours, les semaines, les années de front ressusciteront à leur heure et nos camarades morts reviendront alors et marcheront avec nous. Nos têtes seront lucides, nous aurons un but et ainsi nous marcherons, avec, à côté de nous, nos camarades morts et, derrière nous, les années de front : nous marcherons… contre qui, contre qui ? » Ainsi s’exprimait Remarque. Il ne savait pas contre qui ; nous, depuis, nous avons appris.

Alain Cagnat

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Habsburg betekende meer voor de Zuidelijke Nederlanden dan Oranje

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Hoch Habsburg!

Habsburg betekende meer voor de Zuidelijke Nederlanden dan Oranje

door Xavier Everaert

Ex: http://www.doorbraak.be

Op de vooravond van 200 jaar Willem I houdt Xavier Everaert een betoog om de orangistische euforie te temperen.

Voor een groot deel van de Vlaamse Beweging is 2015 een feestjaar om reikhalzend naar uit te kijken. Ik grijp dit graag aan om, een discussie te openen die zich tegenwoordig enkel ontspint tussen pot en pint van het iets belezener segment van de Vlaamse Beweging. Een discussie die vroeger wel eens de ‘legitimistische versus ultralegitimistische kwestie’ werd genoemd. .

Voor de orangistische lezer wil ik beginnen met het werk van misschien wel Vlaanderens meest belezen orangist Karim Van Overmeire te prijzen. Zijn boek Het Verloren Vaderland, het Verenigd Koninkrijk der Nederlanden 1815-1830 (Uitgeverij Egmont, 2005) is een aanrader voor elke orangist, groot- en heel-Nederlander. Doch ben ik van mening dat de lofzang op het Verenigd Koninkrijk en in het bijzonder koning Willem eerder is ingegeven door een gevoel van overcompensatie en cognitieve dissonantie dan een historisch-feitelijke bilan. Willem was in geen geval de ‘bevrijder’ van de Zuidelijke Nederlanden en evenmin de wegbereider van de latere Belgische pioniersrol in de continentale industriële economische ontwikkeling. Een belangrijke periode die men, zeker in orangistische kringen, graag lijkt te vergeten is de belangrijke periode van autonomie die de Zuidelijke Nederlanden genoten tussen 1715 en 1790, onder de Oostenrijkse tak van de Habsburgers. Een betoog ter (her)waardering van de Oostenrijkse periode, in tijden van (nakende) oranjegekte.

Oostenrijkse Nederlanden

Als gevolg van de Spaanse Successieoorlog en de afkondiging van de Vrede van Utrecht van 1713 werden de Zuidelijke Nederlanden overgeheveld van de Spaanse naar de Oostenrijkse tak van de Habsburgers. De Franse pretendent Filips van Anjou werd door de Europese mogendheden erkend als de nieuwe legitieme vorst van Spanje, in ruil voor verzaking aan zijn aanspraken op de Franse troon en het verlies van de Spaanse gebieden in Italië en de Nederlanden. De Vrede van Utrecht was het sluitstuk van een grote pacificatiestrategie van de economische grootmachten Engeland en Nederland. Met de Engelse erkenning van Filips van Anjou werden de relaties met Spanje genormaliseerd en de dood van Lodewijk XIV in 1715 betekende ook meteen het einde van Franse oorlogszucht. De Nederlandse Republiek had aangestuurd op een buffer tussen Nederland en Frankrijk, zonder dat het zelf wou instaan voor de militaire implicaties daarvan. Bij een eventuele Franse inval wou de Republiek voornamelijk tijd kopen om zich te bewapenen. Een bevriende mogendheid die de militaire verdedigingsgordel die de Zuidelijke Nederlanden uiteindelijk moesten worden kon bekostigen, werd gevonden in Oostenrijk. De Oostenrijkse Habsburgers stonden niet te springen om de Zuidelijke Nederlanden over te nemen van de Spanjaarden. Meermaals hebben zij de Zuidelijke Nederlanden proberen betrekken in ruilovereenkomsten met de hertog van Savoye in 1720, en met de hertog van Beieren in 1778. Beide zonder succes. Laat nu net deze desinteresse een belangrijke rol gespeeld hebben in de economische ontwikkeling van de Zuidelijke Nederlanden in de 18e eeuw.

 

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Terwijl Oostenrijk zich bestuurlijk hervormde en een sterkere centralistische koers ging varen, genoten de Zuidelijke Nederlanden een tot dan toe ongekende autonomie. Dit stond uiteraard in schril contrast met de strategie van de Spaanse Habsburgers, die steeds een bikkelharde bedenpolitiek voerden en ongemeen harde represailles hadden genomen. Karel VI, die regeerde via landvoogdes Maria Elisabeth, schroefde de publieke uitgaven drastisch terug en zette duidelijk in op een verzoening met de Staten in de Zuidelijke Nederlanden. Karels non-interventiebeleid resulteerde in een sterke economische groei, na meer dan een halve eeuw economische terugval na de sluiting van de Schelde in 1648. Onder Karels opvolger Maria Theresia kenden de Zuidelijke Nederlanden hun grootste economische bloei sinds keizer Karel V, tot groot ongenoegen van de Engelsen. Engeland had met de toekenning aan Oostenrijk een totale militarisering van de Zuidelijke Nederlanden voor ogen. Een zwaarbewapende regio die élke mogendheid in Europa moest ontmoedigen om militaire actie tegen een andere mogendheid te ondernemen. Een grote blunder van Engeland. In 1722 werd de Oostendse Compagnie opgericht naar het model van de VOC, die toen al over haar hoogtepunt heen was. In de periode 1725-28 had de Oostendse Compagnie een marktaandeel van 58% in de West-Europese thee-invoer, en liet daarmee de VOC met 13% ver achter zich. De oprichting van de Oostendse Compagnie was in onmiddellijke overtreding van het Verdrag van Münster, dat Vlaamse overzeese handel ten stelligste had verboden, om zo de Nederlandse commerciële vloot te bevoordelen.

Handel en industrie

De Oostenrijkse periode was van vitaal belang voor de renaissance van de Vlaamse handelsgeest, die onder druk van de Republiek en Engeland sinds 1648 werd gefnuikt. Niet alleen de wedergeboorte als zeevarende natie, ook de aanleg van de verbeterde steenwegen kende haar hoogtepunt onder de Habsburgers, en niet – zoals vele orangisten beweren - onder Willem. Tijdens de Oostenrijkse periode werd maar liefst 2841 km wegen aangelegd in de Zuidelijke Nederlanden, waarvan het merendeel in het oude Graafschap Vlaanderen (1141 km)[1]; een veelvoud van de aanleg onder Willem (zelfs gecorrigeerd in de tijd). Vermeldenswaardig hierbij is dat van de traditionele centralistische planning van wegen in de Oostenrijkse periode geen sprake was. De wegenbouw was grotendeels een private aangelegenheid, en gericht op commercieel in plaats van militair transport. De ongeschiktheid van de ‘Belgische’ wegen voor militaire doeleinden zou honderd jaar later Napoleon duur komen te staan, terwijl het intensieve commerciële wegennet de weg zou vrijmaken voor het regionale specialistische wegennet, en dus een belangrijke verklarende factor is in het vraagstuk over de Belgische leidersrol in de continentale industrialisering. Ook de hardnekkige mythe van Willems rol in de aanleg van het kanaal Gent-Terneuzen moet tegen dit kritische licht gehouden worden: het kanaal werd uitgediept in de bestaande bedding van het kanaal Gent-Zelzate, dat door de Nederlandse blokkade van Zeeland een doorgang tot Terneuzen steeds in de weg had gestaan.

Dankzij de uitbouw van het wegennet en de afwezigheid van fysiocratische centrale planning, in schril contrast met de protectionistische politiek van Frankrijk en Engeland op dat moment, groeiden de Zuidelijke Nederlanden uit tot de belangrijkste uitvoerder van graan, tarwe, rogge en vlas van Europa[2]. Voor het eerst in de geschiedenis boekten de Zuidelijke Nederlanden een overschot op hun handelsbalans en behoorden hongersnoden definitief tot het verleden[3]. Engelands leidende rol in de industrialisering ging gepaard met een sterke bevolkingsgroei die het politieke draagvlak voor een protectionistisch landbouwbeleid aanzienlijk vergrootte. In 1757 werd de export van graan naar het continent vrijwel volledig opgeschort. Hiermee werd de Republiek plots geconfronteerd met een hardnekkig tekort aan landbouwproducten. Internationale handel, vooral over zee, was op dat moment erg duur geworden door het einde van de monopolistische vaarroutes, waardoor de handel over land steeds belangrijker werd. Hierdoor werden de Oostenrijkse Nederlanden de belangrijkste voedselleverancier van de Republiek. De enorme vraag vanuit de Republiek voor landbouwproducten uit de Zuidelijke Nederlanden zorgde voor een belangrijke en doorgedreven diversificatie van de Vlaamse en Waalse agrarische industrie[4]. De eigen bevolking ging ook steeds veel minder verbruiken onder invloed van de opkomende aardappelcultuur. De belangrijke economische verstrengeling tussen de Zuidelijke Nederlanden (producent) en de Republiek (consument) was de voornaamste garantie op vrede tussen beide gebieden tot 1830[5]. In dit opzicht is het ook niet verwonderlijk dat Lieven Bauwens in 1800 met de Mule Jenny naar Vlaanderen en niet naar Nederland kwam. De economische goederenstroom van Zuid naar Noord bleek ook een belangrijke doorslaggevende factor te zijn in de oprichting van de Société Générale in 1822.

Een niet onbeduidende kanttekening, zeker in het licht van de vermaledijde Brabantse Omwenteling: de populariteit van ‘Belgische’ producten op buitenlandse markten werd hevig tegengewerkt door de Staten, die zo goedkoop mogelijke prijzen nastreefden op de nationale markt, in overeenstemming met de protectionistische politiek van Engeland en Frankrijk[6].

De missers van keizer Jozef

De eerlijkheid gebiedt mij, ook als overtuigd ‘ultralegitimist’, een paragraaf te wijden aan de politieke missers van keizer Jozef, God hebbe zijn ziel, die in de tien woelige jaren voorafgaand aan de Brabantse Omwenteling, over onze gewesten regeerde. Inderdaad, keizer Jozef had de goede relaties tussen de ‘Belgen’ en de Oostenrijkse monarchie op enkele jaren tijd erg verzuurd. Zijn schromelijke onderschatting van de Roomse greep op de Zuidelijke Nederlanden en de macht van de Staten hebben tot de jammerlijke opstand geleid die wij vandaag kennen als de Brabantse Omwenteling, wat in feite niet meer was dan een opportunistisch los verbond tussen de verarmde clerus (de Vrede van Münster had hun rol als wereldlijke machthebbers aanzienlijk beperkt), de ambachten (wier rol in een groeiende en diversifiërende markt uitgespeeld leek) en de vrijmetselarij (Van der Noot, die tot de corrupte oligarchie van de ‘Zeven Geslachten van Brussel’ behoorde) in een wanhopige poging om hun greep op de samenleving opnieuw te verstevigen. Het verzet tegen Jozefs afschaffing van de Staten en de herroeping van de Blijde Inkomst moet tegen dit kritische licht gehouden worden: dit waren instituties die niet werden ontmanteld om de greep van de keizer op de Zuidelijke Nederlanden te verstevigen, maar om de Zuidelijke Nederlanden te wapenen tegen de nakende uitdagingen van de 19e eeuw: de industrialisering en het vrij ondernemerschap. Keizer Jozef was misschien wel politiek ongeletterd, economisch was hij een ongeëvenaarde visionair van het kaliber dat Vlaanderen nu zo hardnekkig ontbeert.

Toen keizer Jozef overleed in 1790, wist zijn broer keizer Leopold de vrede te herstellen. Op de Conventie van Den Haag verbond Oostenrijk er zich uitdrukkelijk toe om de autonomie van de Oostenrijkse Nederlanden te respecteren. Keizer Leopold, in al zijn goedheid, verleende de opstandelingen gratie en voerde een aantal belangrijke fiscale hervormingen door in 1790-‘91, voornamelijk de afschaffing van de accijnzen en een uniformering van de personele belasting en de zegelrechten, alsook de afschaffing van de lokale belastingen, de zogenaamde octrooien (stedelijke douanerechten).

'Brabantse' Omwenteling

Wanneer de Oostenrijkse Nederlanden in 1794 onder de voet werden gelopen door de Franse revolutionairen zagen de samenzweerders van de Brabantse omwenteling hun kans schoon om een onafhankelijk ‘België’ te stichten onder Franse voogdij, maar Napoleon weigerde de eis van de Comité des Belges et Liégeois Unis, en annexeerde de Zuidelijke Nederlanden bij Frankrijk. In 1797 erkenden de Oostenrijkers het verlies middels de Vrede van Campo Formio, en het jaar erop werden de accijnzen en de lokale belastingen die Leopold had afgeschaft terug ingevoerd.

Op het Congres van Wenen (1815) zetten de Britten hun verkeerde inschatting van 1713 recht en kenden ze de Zuidelijke Nederlanden toe aan Nederland. De Oostenrijkers, die geruïneerd uit de Napoleontische oorlogen kwamen, bleken niet in staat hun rol als ‘politieman van Europa’ naar behoren te vervullen, en werden vervallen verklaard van hun zeggenschap over de Zuidelijke Nederlanden.

Verenigd Koninkrijk der Nederlanden

Iets waar ik de orangisten binnen de Vlaamse Beweging op attent wil maken, is hun inconsistentie houding ten aanzien van de Belgische en de heel-Nederlandse kwestie. Artikel 1 van de Acht Artikelen van Londen bepaalde dat het nieuwe Verenigd Koninkrijk een unitaire natie zou zijn onder de bestaande Nederlandse grondwet. De stemming over die grondwet zou met een meerderheid in de Zuidelijke Nederlanden worden weggestemd, maar die stemming werd ongeldig verklaard, en de grondwet werd schaamteloos aangenomen. Terwijl de Zuidelijke Nederlanden 3,5 miljoen inwoners telde en de Noordelijke 2, werden de parlementaire zetels paritair verdeeld: 55 elk. Het Zuiden moest bijspringen in het afbetalen van de Nederlandse oorlogsschuld van 1726 miljoen gulden, een schuld waar het helemaal geen aandeel in heeft gehad. Drie op vier ambtenaren waren Noord-Nederlanders en alle publieke instellingen bevonden zich in het Noorden. Terwijl het Zuiden katholiek was, voorzag de Nederlandse grondwet de uitdrukkelijke bepaling dat de koning der Nederlanden nooit een katholiek kon zijn. Vijf op de zes legerofficieren kwamen uit het Noorden. Er was geen persvrijheid, althans niet voor de pers in het Zuiden, en geen godsdienstvrijheid of onderwijsvrijheid voor de katholieken. Ondanks het grote aandeel Franstalige Nederlanders, was de enige officiële landstaal Nederlands, en werden Franstalige medeburgers in het Nederlands berecht en door de overheid bediend. Willem weigerde de Zuidelijke vraag naar ministeriële verantwoordelijkheid in te willigen, waardoor parlementaire controle op de uitvoerende macht onmogelijk was. De Raad van State, op dat moment een adviesorgaan van Willem, kon wetgeving aannemen zonder parlementaire goedkeuring. De waslijst met voorbeelden van autocratische waanzin is vrijwel eindeloos, en het ondemocratische dna van het Verenigd Koninkrijk, waar menig orangist mee dweept, doet pijnlijk denken aan het België van heden.

In 1822 richtte Willem de Société Générale op. Officieel om de economie in het Zuiden te stimuleren.Mmaar zijn onorthodoxe praktijken – die vandaag zou worden gecatalogeerd onder de term ‘handel met voorkennis’ – kwam in feite neer op het verzekeren van noordelijke controle op de productie en investeringen in het Zuiden. Om het in hedendaagse termen te zeggen: een garantie op ‘transfers’ van Zuid naar Noord. Dit verklaart ook waarom amper Zuiderlingen intekenden op de aandelen van de Société Générale. Het latere België werd volledig afgesneden van de internationale kapitaalmarkt en zo in zijn industriële groei gefnuikt. De economische welvaart die de Zuidelijke Nederlanden onder de Oostenrijkse Habsburgers hadden opgebouwd na de economische isolatie sinds 1648, en de pioniersrol in de industrialisering die België via het Gent van Lieven Bauwens speelde rond 1800, werd onder Willem een halt toegeroepen en trok pas na de Belgische revolutie terug aan.

 

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Zo, een broodnodige kanttekening bij de nakende oranjegekte van 2015, die de Vlaamse Beweging ongetwijfeld in haar greep zal hebben, is bij deze geschetst. Laat dit vooral een aanzet zijn om het debat over de mythe van Willem te voeren, en de nodige caveats te plaatsen bij zijn hagiografie. Misschien kan dit wel een aansporing zijn om meer aandacht te besteden aan de Oostenrijkse periode, een belangrijk cesuur van vrede en voorspoed in de anders zo woelige en bloedige geschiedenis van de Zuidelijke Nederlanden.

Xavier Everaert is doctoraatsstudent in de rechtseconomie aan de Universiteit van Turijn.


[1] A.R.A., Raad van Financiën, nrs. 5748-5805.

[2] Algemeen Rijksarchief Brussel, Raad van Financiën, nrs. 5748-5805.

[3] E. Scholliers, De levensstandaard in de XVe en XVIe eeuw te Antwerpen, Antwerpen 1960.

[4] P. Lindemans, Geschiedenis van de landbouw in België, Brussel, 1852.

[5] J.A. Faver, Het probleem van de dalende graanaanvoer uit de Oostzeelanden in de tweede helft van de XVIIe eeuw, in AAG Bijdragen, nr. 9, Wageningen 1963, 3-28.

[6] A.R.A., Oostenrijkse Kanselarij der Nederlanden, nr. 505.

samedi, 12 juillet 2014

Entretien avec Philippe Conrad, Président de l'Institut ILIADE

 

 

Entretien avec Philippe Conrad, Président de l'Institut ILIADE

(Breizh-info.com) - A la veille du 21 juin 2014, au sommet du Mont Olympe, a été fondé l’Institut ILIADE pour la longue mémoire européenne. Souhaité par Dominique Venner, cet Institut a pour vocation de transmettre les traditions de la civilisation européenne et de former à sa connaissance et à son histoire.
L’Institut accompagnera tous ceux qui refusent le grand effacement, matrice du grand remplacement. Son président est Philippe Conrad, que Breizh-info.com a interrogé en exclusivité afin qu’il présente les fondements de cette nouvelle université des Européens.

Breizh-info.com : Pouvez-vous présenter les évènements qui ont conduit à la création de l’Institut Iliade ?

Philippe Conrad : Par son sacrifice volontaire, le 21 mai 2013 dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, Dominique Venner entendait faire de son geste une protestation, mais également une fondation. Une protestation contre l’assoupissement des consciences face aux tentatives d’effacement de notre mémoire et de nos identités, et en particulier au « grand remplacement» justement dénoncé par l’écrivain Renaud Camus. « Alors que je défends l’identité de tous les peuples chez eux, je m’insurge aussi contre le crime visant au remplacement de nos populations« , écrivait Dominique dans sa dernière lettre. Il s’y insurgeait également « contre les poisons de l’âme et contre les désirs individuels envahissants qui détruisent nos ancrages identitaires et notamment la famille, socle intime de notre civilisation multimillénaire« .

Mais son geste se voulait également une fondation, pour contribuer au maintien de l’identité de la France et de l’Europe, au réveil de nos peuples et de notre civilisation. Il avait d’ailleurs exprimé plus explicitement la volonté que se continue son œuvre, à savoir un travail de réflexion, de méditation sur la longue histoire de l’Europe, en tant que prise de conscience indispensable au réveil civilisationnel. C’est cette volonté que nous confirmons aujourd’hui en créant l’Institut ILIADE pour la longue mémoire européenne. Au-delà de l’œuvre de Dominique Venner, il s’agit d’inscrire son travail dans la durée, notamment chez les jeunes générations, avec la certitude que Nietzsche avait raison : « Le futur appartient à celui qui a la plus longue mémoire« . Notre mémoire, notre histoire, nos valeurs constituent la matrice du nécessaire réveil européen. Encore faut-il les connaître et les transmettre !

Breizh-info.com : Quels sont vos objectifs? Quand l’institut va-t-il ouvrir ses portes?

Philippe Conrad : L’Institut ILIADEa pour vocation principale la transmission de la longue mémoire européenne. Cette transmission est de nature « verticale », en direction prioritaire des jeunes Européens qui souhaitent retrouver les racines de leur identité dans un monde en crise. Car les « temps de confusion » dont parle notamment Christophe Levallois pour caractériser la fin d’une certaine forme de Modernité appellent un réarmement intellectuel et moral qui passe par la réappropriation de ce que nous sommes. Cet objectif de transmission ne relève pas seulement de la formation. Il est également horizontal, basé sur la communication, la diffusion de toute information ou analyse utile à cette démarche d’ordre didactique. Il existe beaucoup d’initiatives, revues, cercles de réflexion qui participent de cet effort de réveil de la conscience européenne, et qui méritent d’être mieux connus. Une place essentielle sera bien sûr accordée à l’histoire, dont Dominique Venner faisait à juste titre la matrice d’une méditation profonde de l’à-venir et le lieu de l’imprévu, où tout reste possible. Mais notre approche se veut aussi plus large, en abordant les autres aspects de la civilisation européenne, comme le renouveau des traditions populaires ou la promotion de notre patrimoine.

C’est pourquoi, à côté de cycles de formation, de réunions que nous organiserons ou conseillerons à nos amis au regard de leur intérêt, et de commissions de travail interne sur des sujets particuliers, comme l’éducation, nous proposerons un site Internet qui sera à la fois une plateforme de diffusion, de relais des meilleures initiatives, et un centre de ressources où seront notamment mis en ligne une « bibliothèque idéale », un recueil de citations choisies, des suggestions de parcours « clé en mains » sur les hauts lieux de la culture et de la mémoire européennes… Le chantier est vaste ! Nous tablons sur un lancement de ce site Internet, comme du premier cycle de formation, au début de l’année 2015.

Breizh-info.com : Le faible engouement de la jeunesse notamment pour la lecture et pour l’apprentissage de son histoire vous inquiète-t-il? Comment y remédier?

Philippe Conrad : On ne soulignera jamais assez, de ce point de vue, la responsabilité du naufrage du système éducatif français. En particulier l’abandon de l’enseignement des Humanités, qui avait façonné l’univers mental, culturel, des Européens depuis plusieurs siècles, et dont on mesure aujourd’hui les conséquences délétères. En attendant celles que ne va pas manquer de produire le sacrifice de l’histoire de France dans les programmes du collège et du lycée… Mais la jeunesse est la première aujourd’hui à manifester un besoin de retour aux fondamentaux. J’en veux pour preuve, par exemple, son engagement résolu au sein du mouvement d’opposition au « mariage homosexuel », et plus largement aux réformes « sociétales » promues par le pouvoir politique. Ce mouvement générationnel atteste de nouveaux questionnements parfaitement en phase avec notre projet. Il porte en germe un renouveau possible.

Il y a d’autres signaux encourageants, comme la bonne santé de la littérature de jeunesse, d’où émergent des ouvrages et des auteurs tout à fait intéressants, et qui laissent à penser que le terreau est paradoxalement peut-être plus fertile aujourd’hui qu’il y a dix ou vingt ans. Ce qui nous oblige à être les plus performants possible en matière de transmission, en utilisant davantage les nouveaux moyens de communication propres aux nouvelles générations – même si le livre reste indispensable à la fois comme outil (de travail) et comme objet (culturel).

Breizh-info.com : Comment vous contacter? Vous aider? Quels sont vos besoins?

Philippe Conrad : D’ores et déjà, les internautes peuvent nous contacter via contact@institut-iliade.com, ne serait-ce que pour être tenu au courant des premières activités. Nous aurons bien sûr besoin de moyens financiers pour assurer le développement du site Internet, organiser les manifestations prévues et les sessions de formation – notamment pour parrainer des auditeurs qui ne disposeraient pas de ressources suffisantes pour se déplacer ou acheter les ouvrages et revues nécessaires. A rebours des dérives actuelles, nous entendons que l’argent ne constitue pas un critère de sélection des meilleurs !

Mais dans cette phase de fondation, l’essentiel est sans doute de diffuser l’information, notamment auprès des jeunes – mais pas seulement – qui pourraient être intéressés par les projets de formation. Transmettre la mémoire et la tradition européennes est une nécessité vitale, qui s’imposera encore davantage pour les générations à venir. Il revient à chacun que la flamme se transmette, et avec elle non seulement l’espoir mais la possibilité du réveil de notre civilisation !


[cc] Breizh-info.com, 2014, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.

vendredi, 27 juin 2014

Une escroquerie: l’Union européenne, facteur de paix

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Une escroquerie: l’Union européenne, facteur de paix

Ex: http://www.blogapares

Par Ivan Blot sur La Voix de la Russie

Un mythe se porte bien : s’il n’y a pas eu de guerre majeure après 1945 en Europe, on le devrait à l’Union européenne. Cette légende a été sacralisée par l’octroi du prix Nobel de la Paix à l’Union européenne en 2012.
 

Or, chacun peut le vérifier : dans les compétences de l’Union européenne, il n’y a aucune compétence militaire ou de maintien de la paix. La paix en 1945 a été réalisée par un accord entre les deux principales puissances victorieuses de l’Allemagne nazie, les Etats-Unis et l’Union soviétique. C’est l’équilibre de la terreur produite par les stocks d’armes nucléaires américains et soviétiques qui a permis le maintien de la paix.

D’ailleurs, les pays demeurés en dehors de l’Union européenne comme la Suisse ou la Norvège n’ont pas été, qu’on le sache, facteurs de guerre.

La preuve que l’équilibre des forces militaires entre les Etats-Unis et l’URSS a été le facteur de paix déterminant en Europe a été faite lorsque l’URSS s’est effondrée. L’OTAN n’ayant plus de partenaire de même force face à elle en a profité pour entrer en guerre en Bosnie puis au Kossovo. L’UE n’a joué aucun rôle réel pour prévenir ces guerres.

Les réels héros de la paix en Europe ne sont pas les négociateurs européens Jean Monnet ou Robert Schuman mais les chefs de la résistance militaire contre le nazisme les généraux De Gaulle, Eisenhower, Montgomery ou Joukov. On voudrait effacer la mémoire de ces grands militaires au profit des  » pères de l’Union européenne  » que furent Robert Schuman et Jean Monnet.

Tout le monde ou presque a oublié que Robert Schuman, réformé de l’armée pour raison médicale, hostile à toute résistance (déclaration du 12 juin 1940) a voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain (dont il fut secrétaire d’Etat), comme parlementaire le 10 juillet 1940 et qu’il fut frappé d’une peine d’indignité nationale à la Libération.

Quant à Jean Monnet, négociant en cognac par héritage sans avoir eu le baccalauréat, réformé lui aussi, ennemi de De Gaulle (il écrit au conseiller de Roosevelt Harry Hopkins :  » de Gaulle est un ennemi du peuple français et de la construction européenne (…) il doit être détruit « ), il est un agent d’influence américain. Il a par ailleurs créé une banque américaine à San Francisco après s’être enrichi dans le commerce de l’alcool pendant la prohibition. Après la guerre il fait créer la  » haute autorité du charbon et de l’acier  » sur le modèle des agences fédérales américaines et dont il sera le président.

Un condamné à la Libération et un banquier américain enrichi sous la prohibition, comme patriotes français, on pouvait faire mieux !

S’il avait fallu faire confiance à ces deux pères de l’Europe qui n’ont jamais pris les armes contre les armées nazies, pour faire de la résistance, on aurait été fort déçus. Il aurait fallu pour Monnet attendre fin 1942 : jusque-là, les Etats-Unis de 1939 à fin 1942 (3ans) ont soutenu Vichy et ont maintenu un ambassadeur l’amiral Leahy. Pour eux, De Gaulle n’était pas juridiquement fréquentable.

Encore une fois, les pères de la Paix en Europe ont été concrètement les généralissimes qui ont vaincu Hitler et donc les armées nationales mues par le patriotisme. Les deux Etats qui ont vaincu Hitler, même si la France libre et le Royaume uni ont joué leur rôle, ne sont pas des Etats de la petite Europe : ce sont les USA et l’URSS. Ce n’est aucunement les institutions technocratiques européennes créées bien après la guerre qui ont maintenu la paix depuis lors en Europe. Le révisionnisme historique qu’on veut nous imposer en déclarant l’Union européenne prix Nobel de la Paix est inadmissible : c’est une escroquerie politique que tous les démocrates honnêtes se doivent de dénoncer.

Source: La Voix de la Russie

A lire également: «L’Europe de la paix», cette grande illusion

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jeudi, 26 juin 2014

Der vielleicht letzte Nolte

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Der vielleicht letzte Nolte

von Robin Classen

Ex: http://www.blauenarzisse.de 

Mit Ernst Nolte wagt einer der kontroversesten deutschen Historiker des 20. Jahrhunderts einen Rückblick auf sein Leben und Werk.

Der 1923 geborene Historiker und Philosoph gilt als Auslöser des Historikerstreits über die Bedeutung von Holocaust und Nationalsozialismus im Gefüge der (deutschen) Geschichte. Er erreichte internationale Bekanntheit durch sein in viele Sprachen übersetztes Werk Der Faschismus in seiner Epoche.

Ein Buch für bisherige Nolte-​Skeptiker

Rückblick auf mein Denken und Leben heißt das vielleicht letzte Buch des über Neunzigjährigen, in welchem er seine Erfahrungen mit dem Dasein als zeitlebens polarisierender Wissenschaftler niedergeschrieben hat. Wie ein roter Faden durchzieht das Buch das Vorhaben des Autors, seine Positionen, deren Entwicklung und sein Verhalten für den Leser nachvollziehbarer und verständlich zu machen. Man merkt, dass das Buch nicht unbedingt an seine größten Bewunderer, sondern viel eher an neutrale oder skeptische Verfolger seines Werkes gerichtet ist.

Ernst Nolte setzt wenig als bekannt voraus und erspart sich tiefgehende Abhandlungen in der Materie, sondern beschränkt sich auf die grundlegenden, einfachen Gedankengänge und Erlebnisse, die ihm den Impuls zum wissenschaftlichen Studium eines so kontroversen Phänomens wie dem Faschismus gegeben haben.

Parallelen von Nationalsozialismus und Kommunismus

Er beginnt mit einer Beschreibung seiner Kindheit. Er wuchs in bürgerlichen, katholischen Verhältnissen in der Nähe von Witten an der Ruhr auf. Sein Vater ließ durchaus Sympathien für den Kommunismus erkennen und war ein Gegner des Nationalsozialismus. Auf Grund von Berichten über die entwürdigende Behandlung von Priestern in der Sowjetunion schrieb Nolte schon in jungen Jahren eine polemische Schrift gegen den Bolschewismus, die er heute als sehr einfach, in der Stoßrichtung jedoch richtig beschreibt.

Eine einschneidende Erfahrung war für ihn die Deportation einer greisen Jüdin durch die SS, deren Zeuge er selbst wurde und welche ihn zur Erkenntnis brachte, dass auch der Nationalsozialismus in derselben Intensität abzulehnen sei wie der Kommunismus. Diese Erkenntnis war für Noltes spätere Positionen von wesentlicher Bedeutung: Er klassifizierte den Nationalsozialismus und den Kommunismus als sich ähnelnde Widerstandsbewegungen gegen die Moderne, deren Verbrechen in KZ und Gulag sehr wohl vergleichbar seien und bezeichnete den Faschismus als „linke Rechtspartei“.

Prägendstes Lebensereignis war der Historikerstreit

Der Zweite Weltkrieg ging an Nolte mehr oder minder spurenlos vorbei, da er aus gesundheitlichen Gründen und später aufgrund seiner akademischen Stellung nicht zum Wehrdienst herangezogen wurde. Nach dem Krieg prägte den Historiker die Bekanntschaft mit dem Philosophen Heidegger, zu dem er auch freundschaftliche Bande pflegte. Schon bald traf er im Rahmen seiner wissenschaftlichen Karriere an Universitäten auf die 68er, die einen erbitterten Krieg gegen ihn führten.

Nolte gründete mit anderen Wissenschaftlern schließlich den „Bund Freiheit der Wissenschaft“, in dem sie sich gegen geistige Zensur und Gesinnungsterrorismus der Neostalinisten aussprachen. Längst hatte Nolte nicht mehr nur Studenten zum Feind, sondern auch einflussreiche Personen wie den ehemaligen Vorsitzenden des Zentralrats der Juden, Ignatz Bubis, und andere Wissenschaftler wie Adorno. Daraus erwuchs schließlich der Historikerstreit, in welchem sich Nolte zusammen mit einigen weiteren Protagonisten einer schieren Übermacht an 68ern erwehrte, aber letztlich gegen den damaligen Zeitgeist unterlag.

Die geistige Emigration

In den 90ern wurde der Druck auf ihn schließlich so groß, dass er seine mittlerweile aufgebauten internationalen Verbindungen nutzte und geistig nach Italien und Frankreich emigrierte, wo der „deutsche Revisionist“ skurrilerweise auf mehr Resonanz stieß, als in der eigenen Heimat. Auch von einer Reise nach Asien berichtet Nolte mit Wohlwollen. Dort seien in Europa heikle Themen noch völlig normal diskutiert worden.

Schließlich überrascht Nolte mit der Feststellung, sein eigentliches Hauptwerk sei gar nicht Der Faschismus in seiner Epoche (1963), sondern das tiefergehende und weiter gefasste, aber weniger beachtete Buch Historische Existenz. Zwischen Anfang und Ende der Geschichte.

Auch wenn Rückblick auf mein Leben und Denken vornehmlich als Biographie zu verstehen ist, blitzen immer wieder Ansätze aus Noltes Arbeit und Denken hervor und er spart auch nicht mit politisch inkorrekten, konzentrierten Feststellungen. So verweist er auf den herannahenden Volkstod der europäischen Nationen und den Umstand, dass in Deutschland Geschichte per Gesetz festgelegt werde.

Gleichgewicht zwischen Freiheit und Gleichheit finden

Im letzten des in drei Teile unterteilten Werkes mit dem resignierenden Titel „Der Abschwung“ behandelt Nolte dann schließlich die heute besonders einflussreiche dritte Widerstandsbewegung gegen die Moderne in Form des politischen Islams. Der Nachwelt gibt Nolte auf der letzten Seite mit auf den Weg, dass der Universalismus sich zwar durchgesetzt habe, das Ziel aber seien müsse, zwischen Freiheit und Gleichheit ein Gleichgewicht zu finden, anstatt eines der beiden durch die Herrschaft einer totalitären Ideologie absolut zu setzen.

Als Schlusswort, das bezeichnend für das Lebenswerk Noltes ist, eignet sich aber vielmehr eine Feststellung aus einem Aufsatz von ihm, die auf Seite 142 wiedergegeben wird: In Deutschland sei die Wissenschaft zur Partei geworden und das sei der Tiefpunkt in der Geschichte eines Staates, in dem es keine Höhepunkte gegeben habe.

Ernst Nolte: Rückblick auf mein Denken und Leben. 272 Seiten, Lau Verlag 2014. 27,90 Euro.

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Eurosibérie ou Eurasie ? Ou comment penser l’organisation du « Cœur de la Terre »…

 

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Eurosibérie ou Eurasie ? Ou comment penser l’organisation du « Cœur de la Terre »…

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

 

Europe Maxima met en ligne la conférence de Georges Feltin-Tracol prononcée le 17 mai 2014 à Lyon dans le cadre du colloque « Réflexions à l’Est » à l’invitation de l’association Terre & Peuple.

 

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers Amis,

 

Avec les développements inquiétants de la crise ukrainienne, la presse officielle de l’Hexagone insiste lourdement sur l’influence, réelle ou supposée, d’Alexandre Douguine, le théoricien russe du néo-eurasisme, sur les gouvernants russes. Ainsi, Bruno Tertrais l’évoque-t-il dans Le Figaro du 25 avril 2014. Puis c’est au tour du quotidien Libération du 28 avril d’y faire référence. Toujours dans Le Figaro, mais du 20 avril, c’est la philosophe catholique, libérale et néo-conservatrice Chantal Delsol de le citer… mal. Mieux, Le Nouvel Observateur du 1er mai lui consacre quatre pages sous la signature de Vincent Jauvert qui le qualifie de « Raspoutine de Poutine ». Même la livraison mensuelle de mai du Monde diplomatique en vient à traiter de l’eurasisme (1).

 

Cette notoriété médiatique tranche avec leur discrétion habituelle sur le sujet. Jusqu’à ces dernières semaines, et à part les périodiques de notre large mouvance rebelle, Alexandre Douguine était parfois évoqué par les correspondants permanents du journal Le Monde à Moscou (2). Certes, si ses œuvres complètes ne sont pas accessibles aux lecteurs francophones, ceux-ci disposent néanmoins de quelques ouvrages et textes essentiels traduits (3).

 

L’engouement des plumitifs du Système altantique-occidental pour le penseur polyglotte du néo-eurasisme témoigne en tout cas de l’intérêt qu’on porte à ses idées. Plus largement, la question de l’Eurasie suscite une réelle curiosité. Outre le n° 59 du magazine Terre et Peuple de ce printemps 2014, signalons que le dossier du nouveau trimestriel de géopolitique animé par Pascal Gauchon, Conflits, concerne « L’Eurasie. Le grand dessein de Poutine ».

 

Fins connaisseurs des thèses eurasistes, les rédacteurs du Terre et Peuple n° 59 préfèrent pour leur part se rallier à la thèse de l’Eurosibérie. De quoi s’agit-il donc ? C’est en 1998, soit plus d’une dizaine d’années après avoir quitté la métapolitique, que Guillaume Faye y revient avec un essai magistral, L’archéofuturisme. Cet ouvrage qui fit date dans nos milieux, bouscule maintes certitudes tenaces et balance quelques bombes idéologiques dont le fameux concept d’Eurosibérie. Guillaume Faye écrivait qu’« il faudra bien un jour intégrer la Russie et envisager l’avenir sous les traits de l’Eurosibérie. Les déboires actuels de la Russie ne sont que d’ordre transitoire et conjoncturel. Il s’agit simplement de contrer la (naturelle et explicable) volonté des États-Unis de contrôler l’Eurosibérie et de placer la Russie sous un protectorat et une assistance financière, prélude à sa vassalisation stratégique et économique (4) ».

 

Le concept d’Eurosibérie se réfère explicitement à la « Maison commune » du Soviétique Mikhaïl Gorbatchev exprimée en juillet 1989, et de la « Confédération européenne » esquissée le 31 décembre 1989 par François Mitterrand (5) avant que ces deux projets soient torpillés par les nouveaux agents de l’atlantisme en Europe centrale et orientale parmi lesquels le déplorable théâtreux tchèque Vaclav Havel.

 

L’Eurosibérie correspond à un espace géographique déterminé. « Notre frontière est sur l’Amour. Face à la Chine. Sur l’Atlantique et le Pacifique, face à la république impériale américaine, unique super-puissance mais dont le déclin géostratégique et culturel est déjà “ viralement ” programmé pour le premier quart du XXIe siècle – dixit Zbigniew Brzezinski, pourtant apologiste de la puissance américaine. Et, sur la Méditerranée et le Caucase, face au bloc musulman (moins divisé qu’on ne le pense) qui ne nous fera surtout jamais de cadeaux et peut constituer la première source de menaces mais aussi, si nous sommes forts, un excellent partenaire… (6) » Alors, éventuellement, « demain, poursuit Faye : de la rade de Brest à celle de Port-Arthur, de nos îles gelées de l’Arctique au soleil victorieux de la Crète, de la lande à la steppe et des fjords au maquis, cent nations libres et unies, regroupées en Empire, pourront peut-être s’octroyer ce que Tacite nommait le Règne de la Terre, Orbis Terræ Regnum (7) ».

 

En lisant L’archéofuturisme, on remarque que Guillaume Faye écarte la notion même d’Occident. Rappelons qu’il fut l’un des premiers en 1980 à dissocier et à opposer l’Occident – dominé par Washington -, de l’Europe dont nous sommes les paladins (8). Préoccupé par la montée démographique rapide des peuples du Sud, Faye imagine l’Eurosibérie intégrer une « solidarité globale – ethnique, fondamentalement – du Nord face à la menace du Sud. Quoi qu’il en soit, la notion d’Occident disparaît pour céder la place à celle du Monde du Nord, ou Septentrion (9) ». Après l’avoir combattu (10), il se rallie en fin de compte à l’avis de Jean Cau. Parce que « nous ne pouvons pas compter sur les États-Unis pour s’opposer à un mondialisme dont le monde-race blanc ferait seul les frais (11) », son célèbre Discours de la décadence n’excluait pas « ce qui me paraît essentiel pour notre salut : un nationalisme (et donc par là même un refus du mondialisme) qui, quelles que soient les rigueurs qu’il implique et les répugnances qu’il peut inspirer aux décadents que nous sommes (et qui ont lié les idées de liberté à la réalisation de ce mondialisme en lequel elles n’auront plus de contenu et de sens) est notre seul possible Destin (12) ». En effet, « par son action, continue Jean Cau, la Russie a plus le souci de défendre son empire que de “ libérer ” les peuples. C’est en vertu d’une vocation impériale, afin de rester intacte et non par idéalisme moralisant et mondialiste qu’elle agit (13) ». « Telle est, en ces années 70 – et bientôt 80 – ma “ vue de l’esprit ”, poursuit-il. Ô paradoxe n’est-ce pas, que de déclarer qu’une Russie nationale, de par sa résistance à l’Américanisme mondialiste, est peut-être la seule chance de nos nations et de notre monde-race blanc ? Paradoxe apparent, je le crains. Et vérité d’Histoire, je le crois (14). »

 

Dans Pourquoi nous combattons, publié en 2001, Guillaume Faye revient sur l’Eurosibérie qu’il définit comme un exemple d’« ethnosphère (15) ». Bloc continental à l’économie auto-centrée, c’« est l’espace destinal des peuples européens enfin regroupés, de l’Atlantique au Pacifique, scellant l’alliance historique de l’Europe péninsulaire, de l’Europe centrale et de la Russie (16) ». Il s’agit, dans son esprit, d’une « forteresse commune, la maison commune, l’extension maximale et l’expression naturelle de la notion d’« Empire européen ». Elle serait véritablement la “ Troisième Rome ”, ce que ne fut jamais la Russie (17) ».

 

Relevons en revanche l’absence dans ce manifeste du Septentrion. Est-ce parce qu’en 1989, on évoquait déjà une communauté euro-atlantique de Vancouver à Vladivostok ? Le 25 septembre 2001, Vladimir Poutine s’adressa en allemand au Bundestag. Il voyait alors la Russie comme un pays européen et occidental. C’était le temps où Moscou tentât d’adhérer à l’Alliance Atlantique. Aux États-Unis, certains cénacles de pensée stratégique proches des paléo-conservateurs, ces adversaires farouches du néo-conservatisme, approuvaient cette démarche destinée in fine à contrer l’ascension chinoise. L’auteur de thriller-fictions, Tom Clancy, en fit un roman, L’Ours et le Dragon (18). Une approche assez similaire se retrouve chez l’écrivain Maurice G. Dantec dans les trois volumes de son Journal métaphysique et polémique. Ainsi écrit-il dans Laboratoire de catastrophe générale que « l’O.T.A.N. doit donc non seulement intégrer au plus vite toutes les anciennes républiques populaires de l’Est européen, mais prévoir à moyen terme une organisation tripartite unifiant les trois grandes puissances boréales : Amérique du Nord, Europe Unie (quel que soit son état, malheureusement) et Russie, plus le Japon, au sein d’un nouveau traité Atlantique – Pacifique Nord, qui puisse faire contrepoids à l’abomination onuzie et aux menaces sino-wahhabites. […] La seule issue pour l’Occident est donc bien de définir un nouvel arc stratégique panocéanique, trinitaire, avec l’Amérique au centre, l’Europe du côté atlantique, et la Fédération de Russie, assistée du Japon, pour l’espace pacifique – sibérien (19) ».

 

Dénoncé par le national-républicain Régis Debray (20), l’option pan-occidentaliste a trouvé en Maurice G. Dantec son chantre décomplexé. Toutefois, à part l’implication du Japon, le cadre pan-occidental (ou Hyper-Occident) correspond déjà à l’O.C.D.E. (Organisation de coopération et de développement économique) et à l’O.S.C.E. (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe). « Issue en 1994 de la transformation de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe d’Helsinki (1975), note Jean-Sylvestre Mongrenier, l’O.S.C.E. est une organisation régionale de sécurité juridiquement reliée à l’O.N.U. Ce forum regroupe les États d’Europe (Russie comprise), d’Asie centrale (les anciennes républiques musulmanes d’U.R.S.S.) et d’Amérique du Nord, soit 51 États membres. L’O.S.C.E. est tournée vers la maîtrise des armements et la diplomatie préventive (21). » Aujourd’hui, l’O.S.C.E. compte 57 membres ainsi que six partenaires méditerranéens pour la coopération (Algérie, Égypte, Israël, Jordanie, Maroc, Tunisie), et cinq partenaires asiatiques (Japon, Corée du Sud, Thaïlande, Afghanistan et Australie). Par ailleurs, l’orientation nord-hémisphérique que préfigure imparfaitement l’O.S.C.E., ne se confine pas au seul cénacle littéraire. « J’ai aussi été l’un des tout premiers, à l’époque de l’effondrement soviétique, à lancer l’idée de la construction politique d’un “ continent boréal ”, de Brest à Vladivostok, affirme Jean-Marie Le Pen (22). » En 2007, son programme présidentiel mentionnait de manière explicite une « sphère boréale » de Brest à Vladivostok.

 

Dans son dernier tome du Journal métaphysique et polémique, Maurice G. Dantec, converti, suite à ses lectures patristiques et philosophiques, au catholicisme traditionaliste, vomit l’Union européenne, l’O.N.U., le multiculturalisme, et en appelle à l’avènement d’« États continentaux – fédéraux, vagues souvenirs des empires d’autrefois (23) ». Exigeant une « Grande Politique » pour le pâle mécanisme européen qu’il surnomme « Zéropa-Land », il croit toutefois que « véritable fondation politique du continent, car seule capable historiquement de fonder quelque chose, l’O.T.A.N., ce vénérable Anneau de Pouvoir, est seule habilitée à le refondre. Elle va s’auto-organiser dans le développement tri-polaire de l’Occident futur : Russie/Europe de l’Est – Grande-Bretagne + Commonwealth – Amérique hémisphérique (24) ». Enthousiasmé par l’American way of life, l’auteur de Babylon Babies prétend que « les Américains, sous peu, auront encore plus besoin des Russes que ceux-ci des Américains; un peu comme avec la Deuxième Guerre mondiale, la Quatrième Guerre mondiale, qui est le régime international – pacifié de la guerre comme continuation du terrorisme par d’autres moyens, va fournir le décor pour un basculement d’alliance stratégique comme jamais il n’y eut dans l’histoire des hommes. Le dollar U.S. intronisé monnaie en Sibérie. Les ressources humaines et naturelles de la Russie, les ressources humaines et financières des États-Unis. À elles deux, ces deux nations l’ont montré, elles seraient capables de mettre en place un véritable condominium planétaire, basé sur les technologies de la conquête spatiale et un partage des responsabilités qui équivaudraient à une win-win situation, comme aiment le dire ces salauds de capitalistes yankees (25) ». Acquis à l’Occident génétiquement survitaminé, Dantec balaie sans aucune hésitation toute Eurosibérie possible. « Poutine devrait y réfléchir à deux fois avant de s’engager avec les Franco-boches, contre le Nouvel Occident, avertit Dantec. Malgré les délires de certains “ penseurs ” de la “ droite révolutionnaire ”, les Sibériens n’ont strictement rien à battre des pantins qui s’agitent à Strasbourg ou à Bruxelles, c’est-à-dire à leurs antipodes sur tous les plans. Quand je lis, de-ci de-là, de telles avanies sur une sorte de bloc euro-continental qui s’étendrait de Paris – Ville lumière jusqu’à Vladivostok, et sous le nom d’Europe, rien ne peut retenir mon rire d’éclater à la face de ces bidules prophétologiques dérisoires, et même pas vraiment criminels. Imaginent-ils donc qu’un marin russe qui pêche dans les eaux du Kamtchatka puisse se sentir en quelque façon “ européen ”, à quelques encablures du Japon? Anchorage sera toujours plus près d’Irkoutsk que n’importe laquelle des capitales de l’union franco-boche (26). »

 

Bien que réfractaire au concept eurosibérien, Dantec n’en demeure pas moins le défenseur d’un monde – race blanc, d’un Septentrion sous une forme déviante et identitairement inacceptable. D’autres font le même constat mais en lui donnant une formulation plus convaincante. Co-fondateur du site Europe Maxima, mon camarade et vieux complice Rodolphe Badinand promeut un Saint-Empire européen arctique. « La maîtrise du pôle Nord est une nécessité géopolitique et mythique, note-t-il. Outre qu’il est impératif que l’Empire s’assure du foyer originel de nos ancêtres hyperboréens, le contrôle du cercle polaire revêt une grande valeur stratégique. Si le réchauffement planétaire se poursuit et s’accentue, dans quelques centaines d’années, la banquise aura peut-être presque disparu, faisant de l’océan polaire, un domaine maritime de toute première importance. En s’étendant sur les littoraux des trois continents qui la bordent, le Saint-Empire européen arctique, dans sa superficie idéale qui comprendrait […] l’Eurosibérie et les territoires septentrionaux de l’Amérique du Nord (Alaska, Yukon, Territoire du Nord-Ouest, Nunavut, Québec, Labrador, Terre-Neuve, Acadie, Provinces maritimes de l’Atlantique), le Groenland et l’Islande, détiendrait un atout appréciable dans le jeu des puissances mondiales. C’est enfin la transposition tangible dans l’espace du symbole polaire. Comme l’Empereur est la référence de l’Empire, notre Empire redeviendra le pôle du monde, le référent des renaissances spirituelles et identitaires de tous les peuples, loin de tout universalisme et de tout mondialisme (27). »

 

Guillaume Faye, Jean Cau, Maurice G. Dantec, Rodolphe Badinand réfléchissent au fait politique à partir du critère géographique de grand espace. Ils poursuivent, consciemment ou non, les travaux du philosophe euro-américain Francis Parker Yockey (28), du géopoliticien allemand Karl Haushofer et du théoricien géopolitique belge Jean Thiriart (29). Dès la décennie 1960, ce dernier pense à un État-nation continental grand-européen qui s’étendrait de Brest à Vladivostok. Puis, au fil du temps et en fonction des soubresauts propres aux relations internationales, il en vient à soutenir dans les années 1980 un empire euro-soviétique. La fin de l’U.R.S.S. en 1991 ne l’empêche pas d’envisager une nouvelle orientation géopolitique paneuropéenne totale. Influencé, au soir de sa vie, par son compatriote Luc Michel, Jean Thiriart suggère « une République impériale allant de Dublin à Vladivostok dans les structures d’un État unitaire, centralisé (30) ». Le fondement juridique de cet État grand-européen reposerait sur l’« omnicitoyenneté ». « Né à Malaga, diplômé à Paris, médecin à Kiev, plus tard bourgmestre à Athènes le seul et même homme jouira de tous les droits politiques à n’importe quel endroit de la République unitaire (31). » Mais quelles frontières pour cet espace politique commun ? « Les limites territoriales vitales de l’Europe “ Grande Nation ”, écrit Thiriart, vont ou passent à l’Ouest de l’Islande jusqu’à Vladivostok, de Stockholm jusqu’au Sahara-Sud, des Canaries au Kamtchaka, de l’Écosse au Béloutchistan. […] L’Europe sans le contrôle des deux rives à Gibraltar et à Istanbul traduirait un concept aussi risible et dangereux que les États-Unis sans le contrôle de Panama et des Malouines. Il nous faut des rivages faciles à défendre : Océan glacial Arctique, Atlantique, Sahara (rivage terrestre), accès aux détroits indispensables, Gibraltar, Suez, Istanbul, Aden – Djibouti, Ormuz (32). » La Grande Europe selon Thiriart intègre non seulement l’Afrique du Nord, mais aussi la Turquie, le Proche-Orient et l’Asie Centrale, Pakistan inclus ! La capitale de cette Méga-Europe serait… Istanbul !

 

On doit reconnaître que les thèses exposées ici dépassent largement ce que François Thual et Aymeric Chauprade désignent comme des « panismes ». « On appelle panisme, ou pan-idée, une représentation géopolitique fondée sur une communauté d’ordre ethnique, religieuse, régionale ou continentale. Le “ ou ” ici n’étant pas exclusif. Le concept forgé dès les années 1930 par la géopolitique allemande de Karl Haushofer sous le vocable Pan-Idee, est repris et développé par François Thual dans les années 1990 (33). »

 

Nonobstant l’inclusion de l’Afrique du Nord dans l’aire politique grande-européenne, l’ultime vision de Jean Thiriart correspond imparfaitement à l’eurasisme dont Alexandre Douguine est l’une des figures les plus connues. Or la réflexion eurasiste ne se réduit pas à cette seule personnalité.

 

Pour faire simple et court, car il ne s’agit pas de retracer ici la généalogie et le développement tant historique qu’actuel de l’eurasisme (34), ce courant novateur résulte, d’une part, du panslavisme, et, d’autre part, du slavophilisme. Inventé à la Renaissance par un Croate, Vinko Pribojevitch, le panslavisme entend restaurer l’unité politique des peuples slaves à partir de leur héritage historique et linguistique commun retracé par des philologues et des poètes. Le panslavisme se politise vite. En 1823 – 1825 existe en Russie une Société des Slaves unis liée au mouvement libéral décabriste. Contrairement à ses prolongements ultérieurs, le premier panslavisme est plutôt libéral, voire révolutionnaire – l’anarchiste Michel Bakounine participe en 1848 au Ire Congrès panslave à Prague. Cette réunion internationale en plein « Printemps des Peuples » est un échec du fait de son éclatement en trois tendances antagonistes :

 

— un courant libéral et démocratique représenté par la Société démocratique polonaise, fondée en 1832, qui s’oppose surtout aux menées russes et veut rassembler les Slaves de l’Ouest catholiques romains ou réformés;

 

— une tendance plus attachée à la foi orthodoxe et donc plus alignée sur la Russie impériale, qui agite les Slaves du Sud (Monténégrins, Serbes, Macédoniens, Bulgares) vivant dans des Balkans soumis au joug ottoman et qui rêve d’une libération nationale grâce à l’intervention de Saint-Pétersbourg, le seul État slave-orthodoxe indépendant (c’est le « russo-slavisme »);

 

— une faction austro-slaviste prônée par des Tchèques, des Polonais de Galicie, des Slovaques et des Croates qui essaye de fédérer des Slaves de l’Ouest, des Balkans et de l’espace danubien sous l’autorité des Habsbourg.

 

La postérité du panslavisme dans la seconde moitié du XIXe siècle suit des prolongements inattendus. Le « russo-slavisme » vire en un « pan-orthodoxisme » impérialiste qui n’hésite pas à exclure Polonais et Tchèques jugés trop occidentaux et « romano-germains » quand il ne les russifie pas. Encouragé par de brillants publicistes dont le Russe Nicolas Danilevski, ces panslavistes pro-russes approuvent la guerre russo-turque de 1877 – 1878 dont la victoire militaire russe se solde au Congrès de Berlin en défaite diplomatique à l’initiative des puissances occidentales.

 

 

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Opposé à la présence russe, les panslavistes polonais évoluent vers des positions nationalistes plus ou moins affirmées. La Démocratie nationale de Dmovski œuvre avant 1914 pour un royaume de Pologne en union personnelle avec le tsar tandis que le militant socialiste et futur maréchal polonais, Joseph Pilsudski, récuse toute collaboration avec la Russie. Ayant en tête l’âge d’or de l’Union de Pologne – Lituanie entre les XIVe et XVIIIe siècles, ce Polonais natif de la ville lituanienne de Vilnius envisage un glacis anti-russe de la Baltique à la Mer Noire, soit la Pologne, la Lituanie, la Biélorussie et l’Ukraine : la Fédération Intermarum ou Fédération Entre Mers. Cette aspiration fédéraliste demeurera le cœur nucléaire du prométhéisme de Pilsudski. Ce projet de Fédération Entre Mers (avec les États baltes) vient de réapparaître dans le programme électoral présidentiel du mouvement ultra-nationaliste ukrainien Pravyï Sektor (Secteur droit) de Dmytro Yaroch (35).

 

Le conservatisme de la Double-Monarchie déçoit l’austro-slavisme qui laisse bientôt la place à des panismes partiels (ou panslavismes régionaux). En 1914, la Serbie encourage l’irrédentisme des Serbes de Bosnie au nom du yougoslavisme. Mais ce yougoslavisme, orthodoxe et russophile, à forte tonalité panserbe, diffère tant du yougoslavisme de l’archevêque croate Joseph Strossmayer qui souhaite rassembler autour des Habsbourg les peuples slaves du Sud que du yougoslavisme libertaire et socialiste favorable à une large fédération balkanique, concrétisé en août 1903 par l’éphémère république socialiste macédonienne de Kroutchevo. On sait que l’archiduc François-Ferdinand, époux d’une aristocrate tchèque, préconisait une Triple-Monarchie avec un pilier slave, ce que ne voulaient pas les Hongrois d’où peut-être une connivence objective entre certains services serbes et quelques milieux républicains magyars…

 

Faut-il pour autant parler du naufrage du panslavisme ? Sûrement pas quand on examine la politique étrangère de l’excellent président du Bélarus, Alexandre Loukachenko. Depuis 1994, date de l’arrivée au pouvoir de cet authentique homme d’État dont l’action contraste avec la nullité des Cameron, Merkel, l’« Écouté de Neuilly » ou notre Flamby hexagonal !, le président bélarussien a à plusieurs reprises encouragé le renouveau panslaviste. Permettez-moi par conséquent de m’inscrire ici en faux avec l’affirmation d’Alain Cagnat qui qualifie le Bélarus de « musée du stalinisme. [… Cet État] n’a aucune existence internationale. Quant au pseudo-particularisme linguistique ou culturel biélorusse, cela tient au folklore. On peut logiquement penser que, une fois refermée la parenthèse Loukachenko, les Biélorussiens se hâteront de rejoindre le giron russe (36) ». Que le russe soit depuis 1995 la langue co-officielle du Bélarus à côté du bélarussien n’implique pas nécessairement une intégration future dans la Russie sinon les Irlandais, tous anglophones, demanderaient à rejoindre non pas la Grande-Bretagne (ils ont largement donné), mais plutôt les États-Unis, ou bien les Jurassiens suisses la République française. La présidence d’Alexandre Loukachenko a consolidé l’identité nationale bélarussienne qui s’enracine à la fois dans les traditions polythéistes slaves et  l’héritage chrétien. Lors du solstice d’été, le Bélarus célèbre la fête de Yanka Koupali. Ce rite très ancien témoigne de l’attachement de la population à ses racines ainsi qu’à la nature. Il s’agit d’invoquer les éléments naturels pour que les récoltes soient bonnes. De nombreuses danses folkloriques sont alors exécutées par des jeunes femmes aux têtes couronnées de fleurs.

 

Par ailleurs, membre du Mouvement des non-alignés et allié du Venezuela de feu le Commandante Hugo Chavez, le Bélarus se trouve à l’avant-garde de la résistance au Nouveau désordre mondial propagé par l’Occident américanomorphe. Les projets d’union Russie – Bélarus sont pour l’heure gelés. Pour s’unir, il faut un consentement mutuel. Or le peuple bélarussien se sent autre par rapport à ses cousins russes. La revue en ligne, Le Courrier de la Russie, rapporte une certaine méfiance générale envers le grand voisin oriental. Une esthéticienne de Minsk déclare au journaliste russe : « Si la Russie et la Biélorussie se réunissent, ce sera du grand n’importe quoi. En Biélorussie, il y a de la discipline et de l’ordre, mais en Russie, il y a trop d’injustice, c’est le désordre (37). » Quelques peu dépités par les témoignages recueillis, les auteurs de l’article soulignent finalement que « pour les Biélorusses, la langue russe n’est pas associée directement avec la Russie », que « la Russie est perçue plutôt comme une force politique, du reste à l’esprit impérial assez désagréable » et quand « nous avons proposé à des étudiants de passer une sorte de test projectif – dessiner leur pays sur la carte du monde en s’orientant non sur les connaissances géographiques mais sur les associations personnelles, la majorité des Biélorusses ont fourni une image très semblable. Leur pays au centre et, autour, comme des pétales de marguerite et avec une importance équivalente, la Russie, la Pologne, la Lituanie, le Venezuela… (38) »

 

Sur la crise ukrainienne, le Président Loukachenko rejette toute fédéralisation du pays. Il a aussi reconnu et reçu le gouvernement provisoire de Kyiv et condamne les tentatives de sécession. Déjà en 2008, ce fidèle allié de Moscou n’a jamais reconnu l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. Mieux, il n’hésite pas à contrarier les intérêts russes. Le 26 août 2013, un proche de Poutine, Vladislav Baumgertner, directeur général d’Uralkali, une importante firme russe spécialisée dans la potasse, est arrêté à Minsk et incarcéré. « Quels que soient les sentiments qu’il inspire, le président biélorusse Alexandre Loukachenko entretient avec le Kremlin des relations qui sont plus d’égal à égal que celles des Grecs avec Merkel : imaginez ce qui se passerait si le patron d’une grosse entreprise allemande était arrêté en Grèce (39). » Minsk peut donc se montrer indocile envers Moscou qui respecte bien plus que les donneurs de leçons occidentaux la souveraineté étatique. En outre, contrairement encore à l’État-continent, le Bélarus n’appartient pas à l’O.M.C. et applique encore la peine de mort.

 

À la fin des années 1830 apparaissent en Russie les slavophiles (Alexis Khomiakov, Constantin Léontiev, Ivan Kireïevski, Constantin Aksakov, Fiodor Dostoïevski, etc.) dont la dénomination était à l’origine un sobriquet donné par leurs adversaires. Si ces romantiques particuliers ne sont pas toujours panslavistes, ils s’accordent volontiers sur l’exaltation des idiosyncrasies de leur civilisation, en particulier sa foi orthodoxe, sa paysannerie et son autocratie. Hostiles aux occidentalistes qui célèbrent un monde occidental romano-germanique hérétique en constante modification, les slavophiles s’associent trop au pouvoir tsariste et s’étiolent à l’orée de la Grande Guerre.

 

On a pu dire que leur dernier représentant fut Alexandre Soljénitsyne. Quand sombre l’Union Soviétique, l’ancien dissident envisage une « Union des peuples slaves » avec la Russie, l’Ukraine, le Bélarus et les marches septentrionales du Kazakhstan fortement russophones. Cependant, Soljénitsyne ne nie pas la réalité des langues, cultures et identités bélarussienne et ukrainienne. Il les admet et veut même les valoriser ! Il prévient néanmoins que « si le peuple ukrainien désirait effectivement se détacher de nous, nul n’aurait le droit de le retenir de force. Mais divers sont ces vastes espaces et seule la population locale peut déterminer le destin de son petit pays, le sort de sa région (40) ».

 

eura2148253926.jpgLa Première Guerre mondiale, les révolutions russes de 1917, le renversement du tsarisme et la guerre civile jusqu’en 1921  bouleversent les héritiers du slavophilisme. C’est au sein de l’émigration russe blanche qu’émerge alors l’eurasisme. Exilés à Prague et à Paris, les premiers eurasistes, Nicolas Troubetskoï, Pierre Savitsky, Georges Vernadsky, Pierre Suvchinskiy, redécouvrent le caractère asiatique de leur histoire et réhabilitent les deux cent cinquante ans d’occupation tataro-mongole. Saluant l’œuvre des khan de Karakorum, ils conçoivent l’espace russe comme un troisième monde particulier. S’ils proclament le caractère eurasien des régions actuellement ukrainiennes de la Galicie, de la Volhynie et de la Podolie, ils se désintéressent superbement des Balkans, du Caucase et de la Crimée. Parfois précurseurs d’une troisième voie, certains d’entre-eux approuvent le renouveau soviétique sous la férule de Staline si bien que quelques-uns retournent en U.R.S.S. pour se retrouver envoyés au Goulag ou exécutés.

 

Pensée « géographiste », voire géopolitiste, parce qu’elle prend en compte l’espace steppique, l’eurasisme ne dure qu’une dizaine d’années et semble disparu en 1945. Remarquons que le numéro-culte d’Éléments consacré à la Russie en 1986 ignore l’eurasisme pourtant présent en filigrane dans certains milieux restreints du P.C.U.S. (41). Cependant, la transmission entre le premier eurasisme et l’eurasisme actuel revient à Lev Goumilev qui sut élaborer un nouvel eurasisme à portée ethno-biologico-naturaliste. Le néo-eurasisme resurgit dans les années 1990 et prend rapidement un ascendant certain au sein du gouvernement. Dès 1996, un eurasiste connu, l’arabophone Evgueni Primakov, devient ministre des Affaires étrangères avant d’être nommé président du gouvernement russe entre 1998 et 1999.

 

Aujourd’hui, le néo-eurasisme russe se structure autour de trois principaux pôles. Activiste métapolitique de grand talent, Alexandre Douguine ajoute aux travaux des précurseurs et de Goumilev divers apports d’origine ouest-européenne comme l’école de la Tradition primordiale (Guénon et Evola), de la « Révolution conservatrice » allemande, des « Nouvelles Droites » françaises, thioises et italiennes, et des approches marxistes hétérodoxes d’ultra-gauche (42). Un autre « courant, autour de la revue Evrazija (Eurasie) d’Édouard Bagramov, est plus culturel et folkloriste, explique Marlène Laruelle. Son thème central est la mixité, l’alliance slavo-turcique, qu’il illustre par la réhabilitation de l’Empire mongol et des minorités turco-musulmanes dans l’histoire russe, par une comparaison entre religiosité orthodoxe et mysticisme soufi : la fidélité à la Russie serait ainsi le meilleur mode de protection de l’identité nationale des petits peuples eurasiens. Sur le plan politique, Evrazija appelle à la reconstitution d’une unité politique et économique de l’espace post-soviétique autour du projet du président Nazarbaev, qui finance en partie la revue. Le troisième et dernier grand courant eurasiste, celui d’Alexandre Panarine et de Boris Erassov, est le plus théorique puisqu’il tente de réhabiliter la notion d’« empire » : l’empire ne serait ni un nationalisme étroit ni un impérialisme agressif mais une nouvelle forme de citoyenneté, d’« étaticité » reposant sur des valeurs et des principes et non sur le culte d’une nation. Il incarnerait sur le plan politique la diversité nationale de l’Eurasie et annoncerait au plan international l’arrivée d’un monde dit “ post-moderne ” où les valeurs conservatrices, religieuses et ascétiques gagneraient sur les idéaux de progrès de l’Occident (43) ». Treize ans plus tard, en dépit du décès de Goumilev et de Panarine, cette répartition théorique persiste avec l’apparition d’« un courant néo-eurasiste sinophile, incarné par Mikhaïl Titarenko, le directeur de l’Institut d’Extrême-Orient de l’Académie des Sciences (44) ». Quoique balbutiante, cette orientation tend à s’affirmer progressivement. « Les cinq cents ans de domination de l’Occident sur le monde sont en train de s’achever, assurait en 2007 Anatoli Outkine, historien à l’Institut des États-Unis et du Canada de l’Académie des Sciences, et, in extremis, la Russie a réussi à prendre le train des nouveaux pays qui montent, aux côtés de la Chine, de l’Inde et du Brésil. […] L’Europe aurait pu être le centre du monde si seulement la Russie avait été acceptée dans l’O.T.A.N. et l’Union européenne. […] En 2025, c’est Shanghai qui sera le centre du monde, et la Russie sera dans le camp de l’Orient. Aujourd’hui, nous n’attendons plus rien de l’Occident (45). » « L’Extrême-Orient est systématiquement valorisé dans les discours officiels russes comme une région d’avenir, signale Marlène Laruelle. Son évocation participe en effet de l’idée que la Russie est une puissance asiatique ayant un accès direct à la région la plus dynamique du monde, l’Asie – Pacifique dont elle est partie intégrante. Si tel est le cas sur le plan géographique – bien que l’Asie du Nord soit marginale, économiquement, comparée à l’Asie du Sud, qui concentre le dynamisme actuel -, il n’en est rien au niveau économique. Le commerce transfrontalier avec la Chine est bel et bien en pleine expansion, et des projets de zone de libre-échange entre la Russie, la Chine et la Corée du Sud sont à l’ordre du jour. Mais, globalement, l’économie russe est encore peu tournée vers l’Asie et peu intégrée à ses mécanismes régionaux (46). »

 

ad1609207631.pngL’eurasisme n’est pas propre à la Russie. Le Kazakhstan de Nursultan Nazarbaïev assume, lui aussi, cette idéologie. Inquiet des revendications territoriales de Soljénitsyne, il a transféré la capitale d’Almaty à une ville créée ex-nihilo, Astana, dont l’université d’État s’appelle officiellement Lev-Goumilev… Dans le n° 1 de Conflits, Tancrède Josserand traite avec brio de l’eurasisme turc (47). L’eurasisme est aussi présent en Hongrie via le pantouranisme dont le Jobbik se veut le continuateur. Mais, dans ce dernier cas, l’idéocratie eurasiste exprimée en Mitteleuropa apparaît surtout comme un cheval de Troie pro-turc. Le Jobbik souhaiterait que l’Union européenne s’ouvre à Ankara. Avec lucidité, Jean-Sylvestre Mongrenier estime que « lorsque ce type de production n’est pas destiné à promouvoir la candidature turque à l’Union européenne, l’« eurasisme » européen accorde une place centrale à l’alliance russe, la mission historique de la “ Troisième Rome ” consistant faire de l’Asie du Nord le prolongement géopolitique de l’Europe. Aussi serait-il plus adéquat de parler d’« Eurosibérie »  (48) ».

 

Existe-t-il en Chine une pensée eurasiste ? Impossible en l’état de répondre à cette question. Ces derniers jours, les médiats ont rapporté que Pékin aimerait construire une ligne à grande vitesse de 13 000 km qui relierait le Nord-Ouest de la Chine aux États-Unis en deux jours par un train roulant à 350 km/h. Cette hypothétique L.G.V. traverserait la Sibérie, l’Alaska et le Canada et franchirait le détroit de Béring par un tunnel de 200 km (49). En revanche existe au Japon jusqu’en 1941 une mouvance eurasiste. Entre 1905 et 1940, les milieux cultivés de l’archipel débattent avec vigueur de deux orientations géopolitiques contradictoires : le Nanshin-ron ou « Doctrine d’expansion vers le Sud » (l’Asie du Sud-Est et les îles du Pacifique, ce qui implique d’affronter les puissances européennes et étasunienne) et le Hokushin-ron ou « Doctrine d’expansion vers le  Nord » (à savoir combattre l’U.R.S.S. – Russie afin de s’emparer de la partie Nord de Sakhaline, de la Mongolie, de Vladivostok, du lac Baïkal et de la Sibérie centrale). Adversaire de la Faction du contrôle (Toseiha) de Tojo, le Kodoha (ou Faction de la voie impériale) du général Sadao Araki a en partie défendu l’Hokushin-ron. La synthèse revient à Tokutomi Sohô qui se prononce en faveur d’une invasion simultanée du Nord et du Sud, d’où l’affirmation dans un second temps d’une visée pan-asiatique. On sait cependant que la poussée vers le Nord est brisée lors de la défaite nippone de Khalkin-Gol en 1939 (50). Cette digression extrême-orientale n’est pas superflue. Robert Steuckers rappelle que le Kontinentalblock de Karl Haushofer a été « très probablement repris des hommes d’État japonais du début du XXe siècle, tels le prince Ito, le comte Goto et le Premier ministre Katsura, avocats d’une alliance grande-continentale germano-russo-japonaise (51) ».

 

Éclectique au Japon, en Turquie, en Hongrie, l’eurasisme l’est aussi en Russie. « L’idéologie néo-eurasiste, précise Marlène Laruelle, peut ainsi se présenter comme une science naturelle (Goumilev), une géopolitique et un spiritisme (Douguine), une intégration économique (Nazarbaev, organes de la C.E.I.), un mode de gestion des problèmes internes de la Fédération (eurasisme turcique), une philosophie de l’histoire (Panarine), une “ culturologie ” (Bagramov), un nouveau terrain scientifique (Vestnik Evrazii) (52) », d’où une multiplicité de contentieux internes : Panarine et Bagramov ont par exemple critiqué les approches biologisantes, ethnicisantes et métapolitiques de Goumilev et de Douguine.

 

L’eurasisme reste un pragmatisme géopolitique qui, à rebours de l’idée eurosibérienne, prend en compte la diversité ethno-spirituelle des peuples autochtones de Sibérie. Quid en effet dans l’Eurosibérie ethnosphérique de leur existence ? Le territoire sibérien n’est pas un désert humain. Y vivent des peuples minoritaires autochtones tels les Samoyèdes, les Bouriates, les Yakoutes, etc. Il ne faut pas avoir à ce sujet une volonté assimilatrice comme l’appliquèrent les Russes tsaristes et les Soviétiques. La nature de la Russie est d’être multinationale. Entre ici les notions complémentaires d’ethnopolitique et de psychologie des peuples. « Il convient d’attacher la plus grande importance à l’étude de ces unités secondaires qu’en France on appelle régions et pays, déclare Abel Miroglio […]. Une bonne psychologie nationale ne peut se dispenser de s’appuyer sur la connaissance des diverses régions; bien sûr, elle la domine, elle ne s’y réduit pas; et pareillement la psychologie de la région exige, pour être bien conduite, l’étude de ses divers terroirs (53). » Par conséquent, si la société russe adopte une solution nationaliste telle que la défendent des « nationaux-démocrates » anti-Poutine à la mode Alexeï Navalny, elle perdra inévitablement les territoires sibériens. Or ce vaste espace participe pleinement à la civilisation russe. « La civilisation est un ensemble plus large qui peut contenir plusieurs cultures, juge Gaston Bouthoul. Car la civilisation est un complexe très général dont les dominantes sont les connaissances scientifiques et techniques et les principales doctrines philosophiques. Les cultures, tout en participant de la civilisation à laquelle elles appartiennent, présentent surtout des différences de traditions esthétiques, historiques et mythiques (54). » La civilisation russe est polyculturaliste qui est l’exact contraire radical du multiculturalisme marchand.

 

Voilà pourquoi Douguine assigne à l’Orthodoxie, au judaïsme, à l’islam et au chamanisme – animisme le rang de religions traditionnelles, ce que n’ont pas le catholicisme et les protestantismes représentés dans l’étranger proche par une multitude de sectes évangéliques d’origine étatsunienne. C’est ainsi qu’il faut comprendre son fameux propos : « Le rejet du chauvinisme, du racisme et de la xénophobie procède d’abord chez moi d’une fidélité à la philosophie des premiers Eurasistes, qui soulignaient de façon positive le mélange de races et d’ethnies dans la formation et le développement de l’identité russe et surtout grand-russe. Il est par ailleurs une conséquence logique des principes de la géopolitique, selon lesquels le territoire détermine en quelque sorte le destin de ceux qui y vivent (le Boden vaut plus que le Blut) (55) ». Rien de surprenant de la part d’Alexandre Douguine, traditionaliste de confession orthodoxe vieux-croyants. Il ajoute même que, pour lui, « le traditionalisme est la source de l’inspiration, le point de départ. Mais il faut le développer plus avant, le vivre, le penser et repenser (56) ».

 

Alexandre Douguine, en lecteur attentif de Carl Schmitt, systématise l’opposition entre la Terre et la Mer (57), entre les puissances telluriques et les puissances thalassocratiques. Alors que triomphe une « vie liquide » décrite par Zygmunt Bauman (58), sa démarche nettement tellurocratique est cohérente puisqu’elle s’appuie sur le Sol et non sur le Sang dont la nature constitue, en dernière analyse, un liquide. Et puis, en authentique homme de Tradition, Douguine insiste sur le fait, primordial à ses yeux, qu’ « un Eurasiste n’est donc nullement un “ habitant du continent eurasiatique ”. Il est bien plutôt l’homme qui assume volontairement la position d’une lutte existentielle, idéologique et métaphysique, contre l’américanisme, la globalisation et l’impérialisme des valeurs occidentales (la “ société ouverte ”, les “ droits de l’homme ”, la société de marché). Vous pouvez donc très bien être eurasiste en vivant en Amérique latine, au Canada, en Australie ou en Afrique (59) ». Marlène Laruelle considère néanmoins que « si l’eurasisme est bien un nationalisme, il se différencie des courants ethnonationalistes plus classiques par sa mise en valeur de l’État et non de l’ethnie, par son assimilation entre Russie et Eurasie, entre nation et Empire, et emprunte beaucoup au discours soviétique (60) ». Il est évident que les eurasistes pensent en terme d’empire et non en nation pourvue de « frontières naturelles » établies et reconnues. Guère suspect de cosmopolitisme, l’écrivain Vladimir Volkoff fait dire dans son roman uchronique, Alexandra, à Ivan Barsoff, l’un des personnages principaux qui emprunte pas mal des traits de l’auteur, qui est le Premier ministre de cette tsarine, que son empire russe « n’a pas de limites naturelles (à moins que ce soient les océans Arctique et Indien, Pacifique et Atlantique), il n’a pas d’unité linguistique, ni raciale, ni même religieuse : il est tissu autour d’une triple colonne torsadée constituée par l’orthodoxie, la monarchie et l’idéalisme du peuple russe servant de noyau aux autres (61) ». 

 

Par-delà les écrits de Guillaume Faye, de Jean Thiriart, de Maurice G. Dantec, des eurasistes ou des officiers nippons, tous veulent maîtriser le Heartland, ce « Cœur de la Terre ». Correspondant à l’ensemble Oural – Sibérie occidentale, cette notion revient au Britannique Halford Mackinder qui l’écrit en 1904 dans « Le pivot géographique de  l’Histoire ». Pour Mackinder, le Heartland est un espace inaccessible à la navigation depuis l’Océan. Pour Jean-Sylvestre Mongrenier, « le concept de Heartland et celui d’Eurasie […] se recoupent partiellement (62) ». Il entérine ce qu’avance Zbignew Brzezinski à propos de cette zone-pivot : « Passant de l’échelle régionale à l’approche planétaire, la géopolitique postule que la prééminence sur le continent eurasien sert de point d’ancrage à la domination globale (63) ». Le grand géopolitologue étatsunien se réfère implicitement à la thèse de Mackinder pour qui contrôler le Heartland revient à dominer l’Île mondiale formée de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique, et donc à maîtriser le monde entier. Cette célèbre formulation ne lui appartient pas. L’historien François Bluche rapporte qu’en novembre 1626, le chevalier de Razilly adresse à Richelieu un mémoire dans lequel est affirmé que « “ Quiconque est maître de la mer, a un grand pouvoir sur terre ”. [Cette trouvaille] poursuivra le Cardinal, l’obsédera, inspirera directement le Testament politique (64) ». « L’Eurasie demeure, en conséquence, l’échiquier sur lequel se déroule le combat pour la primauté globale (65). » Il faut toutefois se garder des leurres propres au « géopolitisme ». Ce dernier « est venu combler le vide provoqué par les basses pressions idéologiques. Il ne s’agit pas de recourir à la géographie fondamentale – comme savoir scientifique et méthode d’analyse – pour démêler l’écheveau des conflits et tenter d’apporter des réponses aux défis des temps présents, mais d’une vision idéologique qui se limite à quelques pauvres axiomes : la Russie est située au cœur du Heartland et elle est appelée à dominer (66) ».

 

Attention cependant à ne pas verser dans le manichéisme géopolitique ! Toute véritable puissance doit d’abord se penser amphibie, car, à la Terre et à la Mer, une stratégie complète s’assure maintenant de la projection des forces tout en couvrant les dimensions aérienne, sous-marine, spatiale ainsi que le cyberespace et la guerre de l’information. C’est ainsi qu’il faut saisir qu’à la suite de Robert Steuckers, « l’eurasisme, dans notre optique, relève bien plutôt d’un concept géographique et stratégique (67) ».

 

appel_eurasie_cov_500.jpgDe nouvelles études sur les écrits de Mackinder démontrent en fait qu’il attachait une importance cruciale au Centreland, la « Terre centrale arabe », qui coïncide avec le Moyen-Orient. Et puis, que se soit l’Eurosibérie ou l’Eurasie, l’autorité organisatrice de l’espace politique ainsi créé doit se préoccuper de la gestion des immenses frontières terrestres et maritimes. Actuellement, les États-Unis ont beau avoir fortifié leur mur en face du Mexique, ils n’arrivent pas à contenir les flux migratoires clandestins des Latinos. L’Union pseudo-européenne est incapable de ralentir la submersion migratoire à travers la Méditerranée. Même si toutes les frontières eurosibériennes étaient sous surveillance électronique permanente et si était appliquée une préférence européenne, à la rigueur nationale, voire ethno-régionale, il est probable que cela freinerait l’immigration, mais ne l’arrêterait pas, à moins d’accepter la décroissance pour soi, une économie de puissance pour la communauté géopolitique et la fin de la libre circulation pour tous en assignant à chacun un territoire de vie précis.

 

Vu leur superficie, l’Eurosibérie ou l’Eurasie n’incarnent-elles pas de véritables démesures géopolitiques ? Si oui, elles portent en leur sein des germes inévitables de schisme civilisationnel comme l’a bien vu en poète-visionnaire le romancier Jean-Claude Albert-Weill. Dans Sibéria, le troisième et dernier volume de L’Altermonde, magnifique fresque uchronique qui dépeint une Eurosibérie fière d’elle-même et rare roman vraiment néo-droitiste de langue française (68), on perçoit les premières divergences entre une vieille Europe, adepte du Chat, et une nouvelle, installée en Sibérie, qui vénère le Rat.

 

Le risque d’éclatement demeure sous-jacent en Russie,  particulièrement en Sibérie. Dès les années 1860 se manifestait un mouvement indépendantiste sibérien de Grigori Potanine, chantre de « La Sibérie aux Sibériens ! ». Libéral nationalitaire, ce mouvement fomenta vers 1865 une insurrection qui aurait bénéficié de l’appui de citoyens américains et d’exilés polonais. Quelques années plus tôt, vers 1856 – 1857, des entreprises étatsuniennes se proposaient de financer l’entière réalisation de voies ferrées entre Irkoutsk et Tchita. La Russie déclina bien sûr la proposition. Pendant la guerre civile russe, Potanine présida un gouvernement provisoire sibérien hostile à la fois aux « Rouges » et aux « Blancs ». Ce séparatisme continue encore. En octobre 1993, en pleine crise politique, Sverdlovsk adopta une constitution pour la « République ouralienne ». Plus récemment, en 2010, le F.S.B. s’inquiéta de l’activisme du groupuscule Solution nationale pour la Sibérie qui célèbre Potanine… Il est à parier que des officines occidentales couvent d’un grand intérêt d’éventuelles séditions sibériennes qui, si elles réussissaient, briseraient définitivement tout projet d’eurasisme ou d’Eurosibérie.

 

L’Eurosibérie « est un “ paradigme ”, c’est-à-dire un idéal, un modèle, un objectif qui comporte la dimension d’un mythe concret, agissant et mobilisateur, annonce Guillaume Faye (69) ». Il s’agit d’un mythe au sens sorélien du terme qui comporte le risque de remettre à plus tard l’action décisive. Pour y remédier, faisons nôtre le slogan du penseur écologiste Bernard Charbonneau : « Penser global, agir local ». Si le global est ici l’idéal eurosibérien, voire eurasiste, l’action locale suppose en amont un lent et patient travail fractionnaire d’édification d’une contre-société identitaire en sécession croissante de la présente société multiculturaliste marchande avariée. Par la constitution informelle mais tangibles de B.A.D. (bases autonomes durables), « il faut, en lisière du Système, construire un espace où incuber d’autres structures sociales et mentales. À l’intérieur de cet espace autonomisé, il sera possible de reconstituer les structures de l’enracinement (70) ».

 

Les zélotes du métissage planétaire se trompent. L’enracinement n’est ni l’enfermement ou le repli sur soi. Soutenir un enracinement multiple ou plus exactement un enracinement multiscalaire – à plusieurs échelles d’espace différencié – paraît le meilleur moyen de concilier l’amour de sa petite patrie, la fidélité envers sa patrie historique et l’ardent désir d’œuvrer en faveur de sa grande patrie continentale quelque que soit sa désignation, car « l’enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine. C’est un des plus difficiles à définir. Un être humain a une racine par sa participation réelle, active et naturelle à l’existence d’une collectivité qui conserve vivants certains trésors du passé et certains pressentiments d’avenir. Participation naturelle, c’est-à-dire amenée automatiquement par le lieu, la naissance, la profession, l’entourage. Chaque être humain a besoin d’avoir de multiples racines. Il a besoin de recevoir la presque totalité de sa vie morale, intellectuelle, spirituelle, par l’intermédiaire des milieux dont il fait naturellement partie (71) ». N’oublions jamais qu’au-delà des enjeux géopolitiques, notre combat essentiel demeure la persistance de notre intégrité d’Albo-Européen.

 

Je vous remercie.

 

Georges Feltin-Tracol

 

Notes

 

1 : Cf. la tribune délirante, summum de politiquement correct, de Thimothy Snyder, « La Russie contre Maïdan », in Le Monde, 23 et 24 février 2014; « Poutine doit écraser le virus de Maïdan… Entretien avec Lilia Chevtsova par Vincent Jauvert », in Le Nouvel Observateur, 27 février 2014; Bruno Tertrais, « La rupture ukrainienne », in Le Figaro, 25 avril 2014; Chantal Delsol, « Occident – Russie : modernité contre tradition ? », in Le Figaro, 30 avril 2014; Jean-Marie Chauvier, « Eurasie, le “ choc des civilisations ” version russe », in Le Monde diplomatique, mai 2014; Vincent Jauvert, « Le Raspoutine de Poutine », in Le Nouvel Observateur, 1er mai 2014; Isabelle Lasserre, « Grande serbie, Grande Russie, une idéologie commune », in Le Figaro, 6 mai 2014, etc.

 

2 : Ainsi, dans Le Monde du 18 janvier 2001, Marie Jégo évoquait-elle le projet poutinien de restauration d’un ensemble néo-soviétique en se référant aux Fondements de géopolitique (non traduit) de Douguine.

 

3 : Sur les œuvres de Douguine disponibles en français, se reporter à Georges Feltin-Tracol, « Rencontre avec Alexandre Douguine », in Réflexions à l’Est, Alexipharmaque, coll. « Les Réflexives », Billère, 2012, note 5 p. 220. On rajoutera depuis la parution de cet ouvrage : Alexandre Douguine, L’appel de l’Eurasie. Conversation avec Alain de Benoist, Avatar, coll. « Heartland », Étampes, 2013; Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique. La Russie et les idées politiques du XXIe siècle, Ars Magna Éditions, Nantes, 2012; Alexandre Douguine, Pour une théorie du monde multipolaire, Ars Magna Éditions, Nantes, 2013.

 

4 : Guillaume Faye, L’archéofuturisme, L’Æncre, Paris, 1998, p. 192.

 

5 : Sur ce projet mitterrandien méconnu, cf. Roland Dumas, « Un projet mort-né : la Confédération européenne », in Politique étrangère, volume 66, n° 3, 2001, pp. 687 – 703.

 

6 : Guillaume Faye, L’archéofuturisme, op. cit., p. 192.

 

7 : Idem, p. 194.

 

8 : cf. Guillaume Faye, « Pour en finir avec la civilisation occidentale », in Éléments, n° 34, avril – mai 1980, pp. 5 – 11.

 

9 : Guillaume Faye, L’archéofuturisme, op. cit., p. 75, souligné par l’auteur.

 

10 : cf. Guillaume Faye, « Il n’y a pas de “ monde blanc ” », in Éléments, n° 34, avril – mai 1980, p. 6.

 

11 : Jean Cau, Discours de la décadence, Copernic, coll. « Cartouche », Paris, 1978 pp. 164 – 165.

 

12 : Idem, p. 175, souligné par l’auteur.

 

13 : Id., p. 182, souligné par l’auteur.

 

14 : Id., p. 183, souligné par l’auteur.

 

15 : Guillaume Faye, Pourquoi nous combattons. Manifeste de la résistance européenne, L’Æncre, Paris, 2001, p. 119.

 

16 : Id., p. 123, souligné par l’auteur.

 

17 : Id., p. 124.

 

18 : Tom Clancy, L’Ours et le Dragon, Albin Michel, Paris, 2001 (1re édition originale en 2000), deux tomes.

 

19 : Maurice G. Dantec, Le théâtre des opérations 2000 – 2001. Laboratoire de catastrophe générale, Gallimard, Paris, 2001, pp. 594 – 595.

 

20 : L’Édit de Caracalla ou Plaidoyer pour des États-Unis d’Occident, par Xavier de C***, traduit de l’anglais (américain), et suivi d’une épitaphe par Régis Debray, Fayard, Paris, 2002.

 

21 : Jean-Sylvestre Mongrenier, Dictionnaire géopolitique de la défense européenne. Du traité de Bruxelles à la Constitution européenne, Éditions Unicomm, coll. « Abécédaire Société – Défense européenne », Paris, 2005, p. 235.

 

22 : « Contre le communisme ou l’islamisation, je me suis toujours battu pour préserver notre identité. Entretien avec Jean-Marie Le Pen », in Minute, 28 décembre 2011, p. 5.

 

23 : Maurice G. Dantec, American Black Box. Le théâtre des opérations 2002 – 2006, Albin Michel, Paris, 2007, p. 174.

 

24 : Idem, p. 119.

 

25 : Id., p. 66.

 

26 : Id., p. 122.

 

27 : Rodolphe Badinand, Requiem pour la Contre-Révolution. Et autres essais impérieux, Alexipharmaque, coll. « Les Réflexives », Billère, 2009, pp. 123 – 124.

 

28 : Cf. Francis Parker Yockey, Le prophète de l’Imperium, Avatar, coll. « Heartland », Paris -  Dun Carraig, 2004; Francis Parker Yockey, Imperium. La philosophie de l’histoire et de la politique, Avatar, coll. « Heartland », Paris -  Dun Carraig, 2008 (1re édition originale en 1948); Francis Parker Yockey, L’Ennemi de l’Europe, Ars Magna Éditions, Nantes, 2011 (1re édition originale en 1956).

 

29 : cf. Jean Thiriart, Un Empire de quatre cents millions d’hommes, l’Europe. La naissance d’une nation, au départ d’un parti historique, Avatar, coll. « Heartland », Paris -  Dublin, 2007 (1re édition originale en 1964).

 

30 : Jean Thiriart, « Europe : l’État-nation politique », in Nationalisme et République, n° 8, 1er juin 1992, p. 3.

 

31 : Jean Thiriart, art. cit., p. 5.

 

32 : Idem, p. 6, souligné par l’auteur.

 

33 : Aymeric Chauprade, Géopolitique. Constantes et changements dans l’histoire, Ellipses, Paris, 2003, p. 475.

 

34 : Sur l’histoire et les principales lignes de force de l’eurasisme, on  consultera avec un très grand profit de Marlène Laruelle, L’idéologie eurasiste russe. Ou comment penser l’empire, L’Harmattan, coll. « Essais historiques », Paris, 1999; Mythe aryen et rêve impérial dans la Russie du XXIe siècle, C.N.R.S. – Éditions, coll. « Mondes russes. États, sociétés, nations », Paris, 2005; La quête d’une identité impériale. Le néo-eurasisme dans la Russie contemporaine, Petra Éditions, 2007; Le nouveau nationalisme russe. Des repères pour comprendre, L’Œuvre Éditions, Paris, 2010; de Lorraine de Meaux, La Russie et la tentation de l’Orient, Fayard, Paris, 2010; de Georges Nivat, Vers la fin du mythe russe. Essais sur la culture russe de Gogol à nos jours, L’Âge d’Homme, coll. « Slavica », Lausanne, 1982, en particulier « Du “ panmongolisme ” au “ mouvement eurasien ” », pp. 138 – 155; Vivre en russe, L’Âge d’Homme, coll. « Slavica », Lausanne, 2007, en particulier « Les paradoxes de l’« affirmation eurasienne » », pp. 81 – 102.

 

35 : Cf. sur le blogue de Lionel Baland, « Secteur droit entre en   politique », mis en ligne le 6 mars 2014.

 

36 : Alain Cagnat, « Europe, Eurasie, Eurosibérie, l’éclairage géopolitique », in Terre et Peuple, n° 59, Équinoxe de Printemps 2014, p. 18.

 

37 : « La Russie vue par les Biélorusses », mis en ligne sur Le Courrier de la Russie, le 13 décembre 2013, cf. http://www.lecourrierderussie.com/2013/12/la-russie-vue-par-les-bielorusses/

 

38 : « La Russie vue par les Biélorusses. En coulisses… », mis en ligne sur Le Courrier de la Russie, le 13 décembre 2013, cf. http://www.lecourrierderussie.com/2013/12/la-russie-vue-par-les-bielorusses/2/

 

39 : Alexandre Baounov, « Entre Kiev et Moscou », in La Russie d’aujourd’hui, supplément du Figaro, le 18 décembre 2013.

 

40 : Alexandre Soljénitsyne, Comment réaménager notre Russie ? Réflexions dans la mesure de mes forces, Fayard, Paris, 1990, traduit par Geneviève et José Johannet, p. 23, souligné par l’auteur.

 

41 : cf. Éléments, « La Russie : le dernier empire ? », n° 57 – 58, printemps 1986, pp. 19 – 41.

 

42 : cf. Alexandre Douguine, « Evola entre la droite et la gauche », collectif, Evola envers et contre tous !, Avatar, coll. «Orientation», Étampes -  Dun Carraig, 2010.

 

43 : Marlène Laruelle, « Le renouveau des courants eurasistes en Russie : socle idéologique commun et diversité d’approches », in Slavica occitania, n° 11, 2000, p. 156.

 

44 : Marlène Laruelle, « De l’eurasisme au néo-eurasisme : à la recherche du Troisième Continent », in sous la direction de Hervé Coutau-Bégarie et Martin Motte, Approches de la géopolitique. De l’Antiquité au XXIe siècle, Économica, coll. « Bibliothèque Stratégique », Paris, 2013, p. 664.

 

45 : in Libération, 15 août 2007.

 

46 : Marlène Laruelle, « L’Extrême-Orient russe : la carte asiatique », in Questions Internationales, n° 57, septembre – octobre 2012, pp. 67 – 68.

 

47 : Tancrède Josserand, « L’eurasisme turc. La steppe comme ligne d’horizon », in Conflits, n° 1, avril – mai 2014, pp. 62 – 64.

 

48 : Jean-Sylvestre Mongrenier, Dictionnaire géopolitique de la défense européenne, op. cit., pp. 135 – 136.

 

49 : cf. Cécile de La Guérivière, « La Chine veut faire rouler un T.G.V. jusqu’aux États-Unis », in Le Figaro, 10 et 11 mai 2014.

 

50 : Jacques Sapir, La Mandchourie oubliée. Grandeur et démesure de l’art de la guerre soviétique, Éditions du Rocher, coll. « L’art de la guerre », Monaco, 1996.

 

51 : Robert Steuckers, La Révolution conservatrice allemande. Biographies de ses principaux acteurs et textes choisis, Les Éditions du Lore, Chevaigné, 2014, p. 131.

 

52 : Marlène Laruelle, « Le renouveau des courants eurasistes en Russie », art. cit., p. 159.

 

53 : Abel Miroglio, La psychologie des peuples, P.U.F., coll. « Que sais-je ? », n° 798, Paris, 1971, p. 7, souligné par l’auteur.

 

54 : Gaston Bouthoul, Les mentalités, P.U.F., coll. « Que sais-je ? », n° 545, Paris, 1952, p. 76, souligné par l’auteur.

 

55 : « Qu’est-ce que l’eurasisme ? Une conversation avec Alexandre Douguine », in Krisis, n° 32, juin 2009, p. 153.

 

56 : « La quatrième théorie politique d’Alexandre Douguine. Entretien », in Rébellion, n° 15, mars – avril 2012, p. 16.

 

57 : cf. Carl Schmitt, Terre et Mer. Un point de vue sur l’histoire mondiale, Le Labyrinthe, coll. « Les cahiers de la nouvelle droite », 1985, introduction et postface de Julien Freund, traduit par Jean-Louis Pesteil.

 

58 : cf. Zygmunt Bauman, La vie liquide, Éditions du Rouergue / Chambon, coll. « Les incorrects », Arles, 2006.

 

59 : « Qu’est-ce que l’eurasisme ? », art. cit., p. 127.

 

60 : Marlène Laruelle, « De l’eurasisme au néo-eurasisme : à la recherche du Troisième Continent », op. cit., p. 681.

 

61 : Jacqueline Dauxois et Vladimir Volkoff, Alexandra, Albin Michel, Paris, 1994, p. 444.

 

62 : Jean-Sylvestre Mongrenier, La Russie menace-t-elle l’Occident ?, Choiseul, Paris, 2009, p. 100.

 

63 : Zbignew Brzezinski, Le grand échiquier. L’Amérique et le reste du monde, Fayard, coll. « Pluriel », Paris, 2010 (1re édition originale en 1997), traduction de Michel Bessière et Michelle Herpe-Voslinsky, pp. 66 – 67.

 

64 : François Bluche, Richelieu, Perrin, Paris, 2003, p. 136.

 

65 : Zbignew Brzezinski, op. cit., pp. 59 et 61.

 

66 : Jean-Sylvestre Mongrenier, La Russie menace-t-elle l’Occident ?, op. cit., pp. 97 – 98.

 

67 : Robert Steuckers, « Eurasisme et atlantisme : quelques réflexions intemporelles et impertinentes », mis en ligne sur Euro-Synergies, le 20 mars 2009.

 

68 : Jean-Claude Albert-Weill, L’Altermonde, Éditions Gills Club La Panfoulia, Paris, 2004.

 

69 : Guillaume Faye, Pourquoi nous combattons, op. cit., p. 124, souligné par l’auteur.

 

70 : Serge Ayoub, Michel Drac, Marion Thibaud, G5G. Une déclaration de guerre, Les Éditions du Pont d’Arcole, Paris, 2012, p. 18.

 

71 : Simone Weil, L’enracinement, Gallimard, coll. « Folio – Essais », Paris, 1949, p. 61.


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mercredi, 25 juin 2014

L’Echelle du monde de Patrick VERLEY

ESSAI SUR L'INDUSTRIALISATION DE L'OCCIDENT - L’Echelle du monde de Patrick VERLEY
ESSAI SUR L'INDUSTRIALISATION DE L'OCCIDENT
 
L’Echelle du monde de Patrick VERLEY
 
par Auran Derien
Ex: http://metamag.fr

Les plaisirs intellectuels de la société du spectacle sont rares. Il est difficile de lire une œuvre rédigée par un véritable Maître tant les animaux ont envahi le champ culturel. Le livre de Patrick Verley invite à penser avec prudence mais fermeté, à argumenter, à analyser avec finesse des données multiples, et finalement à rendre hommage à ceux qui gardent le cap de l’ancienne tradition érudite. 

Penser le processus d’industrialisation


Penser en Europe est devenu dangereux. Le renouveau de l’inquisition a perdu de réputation l’histoire, désormais lieu de la vérité révélée et donc légale. L’époque qui s’étend du XVIIIème siècle à 1880 - à peu près - connaît ses idéologues bornés malgré que le thème général soit l’étude de l’industrialisation. Si la tyrannie a cessé, laquelle obligeait à penser le développement selon les lois de la science prolétarienne appuyée sur le Goulag, la science occidentale l’a remplacée avantageusement en imposant les analyses du FMI, de la Banque mondiale, de l’OMC. Mais Patrick Verley mène son enquête avec des méthodes éprouvées et nous convainc d’une absence de lois générales et a-temporelles pour expliquer le processus d’industrialisation. 

Un processus d’industrialisation en partie autonome 


Il est impossible de prouver et donc d’accepter l’idée qu’il y aurait des recettes pour se développer. Ce phénomène résulte de certains changements dans les structures traditionnelles, s’appuie sur des marchés nouveaux et accepte divers modèles d’organisation du travail. Il est aussi fondamental de considérer que le marchand a toujours été plus parasitaire que le fabricant, car les marchands veulent un taux de profit très supérieur à celui qui est obtenu par les producteurs. Dès lors, on peut observer la chute d’un pays ou d’un secteur lorsque les rapports de forces politiques évoluent, comme pour les Pays-Bas à la fin du XVIIème siècle et au début du XVIIIème. 


La transformation des transports est un facteur clef du développement. Transporter des personnes et du courrier dans de meilleures conditions a des répercussions sur la consommation de biens et services, sur la mobilité de la main d’œuvre, sur les circuits des marchandises et les types de services qui accompagnent les ventes. L’auteur fait ressortir la spécificité et la valeur intrinsèque des industriels qui ont du se faire leur place, dans un univers composé de banquiers. Même quand des changements produisent des ruptures, leurs effets sociaux nécessitent des années avant d’être significatifs. Un cas bien expliqué est celui de la première ligne régulière, mensuelle, de cargos transatlantiques en 1817. 

Les Etats, acteurs principaux de la lutte pour les débouchés

Les situations française et anglaise sont étudiées en détail et on suit avec intérêt les investigations minutieuses sur les échanges. Les exportations, au XVIIIème siècle, ne représentaient pas une part majeure du Revenu National. La grande affaire de l’Angleterre est l’Inde. Entre la Grande-Bretagne et ses colonies s’établit une immense zone de libre-échange favorable à la vente de produits de bonne qualité. Les rythmes de croissance des industries des deux pays sont comparables, mais la France domine les marchés continentaux, quoique l’Europe orientale soit un espace relativement vide. Un produit comme le coton est connu avec suffisamment de détails pour qu’on puisse savoir quelle fut l’importance de Saint-Domingue pour la France. On prend conscience de la haine anglo-saxonne contre la France, héritage possible de différences religieuses mais surtout en raison de la présence des deux nations sur des marchés similaires. Lorsque l’auteur décrit les pays orientaux, il est important d’être conscient de ce que l’Inde, la Chine et le Japon commenceront à dépendre de la technologie européenne au cours du XIXème siècle uniquement. Au XVIIIème, la passion des européens pour les produits exotiques était telle qu’un certain protectionnisme fut nécessaire avant que la technique crée la différence en leur faveur. Il y a donc bien une évolution spécifique liée à la technique qui n’avait jamais existé avant et ne se renouvèlera pas en Europe, comme l’enseigne le cas de la décadence industrielle des Pays-Bas. 

Le développement est multifactoriel, et le financement est fondamental 


Les marxistes avait mis dans la tête des « intellectuels » l’idée qu’il fallait une accumulation primitive. Pourtant, les travaux recensés laissent apparaître des investissements limités. Le commerce mobilisait beaucoup d’argent, non l’industrie. La Hollande exerça la fonction de centre monétaire européen alors même que son industrie avait été malmenée. Le négociant se préoccupe à la fois de marchandises et d’argent, alors que les initiatives industrielles demandent d’autres motivations. Le commerçant, le financier préexistent à l’industriel et lui survivent, comme on peut s’en rendre compte dans l’Europe actuelle où s’accumulent les friches d’une industrie détruite par les moutons de Panurge de la globalisation. La monnaie-signe, ou monnaie fiduciaire, dont le pouvoir libératoire dépend d’une autorité en laquelle les utilisateurs ont confiance n’apparaît qu’au XXème siècle. Les paiements s’effectuent grâce à des techniques de compensation qui ne différent pas, sur le principe, de ce qui continue à exister aujourd’hui. On est ainsi en mesure de ne pas surestimer le rôle du crédit dans le processus de développement et, par comparaison, on comprend que le poids actuel de la finance n’est qu’un moyen pour piller les populations et les Etats. 

Accepter la contingence


La situation économique ne s’explique pas seulement par ses propres composantes. Certaines interdépendances sont fondamentales, dans des configurations datées. Les relations importantes s’établissent entre le pouvoir politique et le pouvoir industriel. Sans cela, aucune industrialisation n’est possible contre les puissances du moment. Les guerres changent les rapports de puissance et on comprend mieux la raison du fanatisme destructeur fomenté par la finance anglo-saxonne. Pour avoir du succès, il faut savoir rompre les liens d’assujettissement, ce qui fut possible durant l’épopée napoléonienne, par exemple, avec l’auto-blocus du continent européen contre l’Angleterre. De toutes les relations pertinentes, l’auteur rappelle celles qui lient le processus d’industrialisation aux classes moyennes d’une part, et à la répartition des revenus d’autre part. Un enseignement qui a été retiré de la formation des domestiques européens, là où on détruit justement les classes moyennes et où les revenus suivent la voie pyramidale de l’ancienne Egypte. Le développement industriel est fragile, et les mythiques innovateurs-entrepreneurs très rares. Les organisations patronales sont frileuses. L’industrialisation est articulée à la transformation globale de la société. Il existe simultanément l’urbanisation, l’administration, la forme de l’Etat, les « marchés étrangers », tout ceci fonctionne de manière autonome et en relation avec le reste. La réussite a toujours été contingente, temporaire et fragile. L’Echelle du monde de Patrick Verley, un ouvrage à méditer.


L’Echelle du monde, Essai sur l'industrialisation de l'Occident de Patrick VERLEY, Collection Tel (n° 399), Gallimard,952 pages, sous couverture illustrée, 125 x 190 mm, 24€

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1914: pourquoi le suicide de l'Europe?...

1914: pourquoi le suicide de l'Europe?...

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Le huitième numéro hors-série de La Nouvelle Revue d'Histoire est en kiosque. Il est consacré au déclenchement de la première guerre mondiale à l'été 1914.

Au sommaire de ce numéro :

Éditorial : L'Eté tragique de 1914
Par Philippe Conrad

France-Allemagne, un antagonisme insurmontable
Par Philippe Conrad

La Grande Guerre est-elle née des réalités économiques?
Par Pascal Cauchon

Les impérialismes coloniaux fauteurs de guerre
Par RémyPorte

Une guerre née de l'engrenage des alliances ?
Par RémyPorte

La course aux armements en Europe de 1880 à 1914
Par Olivier Lahaie

La Royal Navy face au défi allemand
Par MartinMotte

Les états-majors ont-ils poussé à la guerre?
Par le généralAndré Bach

Sarajevo. L'attentat du 28 juin 1914
Par Frédéric Le Moal

Le gouvernement de Vienne face à la crise
Par Max Schiavon

Poincaré en Russie
Par Philippe Conrad

La Serbie en juillet 1914
Par Alexis Troude

Guillaume Il et l'Europe d'avant 1914
Par Henry Bogdan

Les hésitations britanniques face à la crise européenne
Par Gérard Hocmard

Août 1914. L'échec du pacifisme socialiste
Par Maurice Martin

Été 1914. La papauté face-à la guerre .
Par Martin Benoist

Exposition : 1914, 100 affiches pour un centenaire
ParVirginie Tanlay

La mémoire de la Grande Guerre
Entretien avec J. - P. Tubergue
Propos recueillis par V. Tanlay

La Grande Guerre dans les livres
ParJean Kappe
!

jeudi, 12 juin 2014

Qu’est-ce que l’Imperium ?

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Qu’est-ce que l’Imperium?

par Charles Mallet

Ex: http://lheurasie.hautetfort.com

 
Cela fait déjà quelques années que les milieux nationalistes et eurasiens, notamment au sein de la « Nouvelle Droite », se réapproprient la notion d’imperium comme moyen de la restauration/fondation et de la pérennité de l’Europe-Nation ou Europe-Puissance. Cette notion est souvent confondue avec celle d’ « Empire », pour la simple et bonne raison qu’elle en est étymologiquement la racine. Cependant, il conviendrait de clarifier ce qu’est l’imperium, afin d’en appréhender toutes les potentialités, qui dépassent la simple perspective d’un « empire » au sens commun du terme (c’est-à-dire au sens d’une structure politique supranationale).
 
Origine
 
La notion d’imperium prend corps dans l’Antiquité romaine, plus précisément à l’époque républicaine (schématiquement comprise entre 509 et 31 av. J.-C.). Etymologiquement, il vient d’« ordonner », « préparer pour ». Il s’agit d’un pouvoir souverain délégué aux consuls, préteurs et à certains gouverneurs de province, par les dieux dont la volonté était censée se manifester au travers du peuple dans le vote des assemblées (élisant les magistrats). L’imperium est donc un pouvoir souverain (c’est-à-dire ne reconnaissant pas de supérieur temporel) d’ordonner et de juger, symbolisé par les faisceaux (haches entourées de verges portées par les licteurs).
 
Le titulaire d’un imperium pouvait être désigné sous le terme d’imperator (chef militaire victorieux –souvent consul-, ayant droit à ce titre à un triomphe à Rome). Sous la République, l’imperium était néanmoins un pouvoir limité dans le temps et dans l’espace. De plus, il subissait la concurrence d’autres pouvoirs comme la puissance tribunicienne (tribunitia potestas rendant sacrosainte la personne des tribuns chargés de représenter et de défendre la Plèbe de Rome). Les guerres civiles de la fin de la République (de 88 à 31 av. J.-C.), voyant différents imperatores se disputer l’exclusivité de l’imperium (Marius, Sylla, César, Pompée, Octave-Auguste, Antoine)débouchent finalement sur l’avènement de l’Etat Impérial (à partir du règne d’Auguste de 27 av. J.-C. à 14 de notre ère) dans lequel tous les pouvoirs sont accolés à un imperium permanent entre les mains d’un seul homme : le césar auguste imperator. Imperator devient un surnom, un nom puis un prénom des empereurs, uniques détenteurs de l’imperium.
 
A ce stade, un certain nombre d’erreurs ne doivent plus être commises : L’imperium n’est pas l’ « Empire ». Si « Imperium » a bien donné « Empire », les romains n’ont pas eu de mots pour décrire précisément le système impérial en tant que système de gouvernement en soi, ou comme territoire. Rome et son Empire sont restés malgré la fin du système républicain la Res Publica. L’imperium est donc un type de pouvoir, et non un système politique ou un territoire, du moins à l’origine. De même, « imperator » ne désigne la fonction d’empereur que tardivement, l’imperator étant avant tout un chef de guerre victorieux.
 
L’empire romain : un imperium euro-méditerranéen permanent
 
imp1.jpgA ce titre, ce concept est à l’image de la culture politique et de la pratique du pouvoir des Empereurs Romains : souple, pragmatique, concrète. Il en va de même de la nature du pouvoir impérial, difficile à appréhender et à définir, puisque construit par empirisme (sa nature monarchique n’est cependant pas contestable). En plus de quatre siècles, le pouvoir impérial a su s’adapter aux situations les plus périlleuses (telle la « crise » du IIIe siècle). Rien de commun en effet entre le principat augustéen, système dans lequel l’empereur est le princeps, le prince, primus inter pares, c’est-à-dire premier entre ses pairs de l’aristocratie sénatoriale ; la tétrarchie de Dioclétien (284-305), partage du pouvoir entre quatre empereurs hiérarchisés et l’empire chrétien de Constantin (306-337), dans lesquels l’empereur est le dominus, le maître.

Le système impérial s’accompagne d’une idéologie confortant la souveraineté suprême de l’Empereur. L’empereur est sacrosaint (il a accaparé la puissance tribunitienne). Il doit assurer la paix (la fameuse pax romana inaugurée par Auguste), assurer le retour à l’âge d’or, il bénéficie de la protection des dieux (ou de Dieu, dont il est le comes, le comte –ou compagnon- sur terre, à partir de Constantin) et d’un charisme divin (c’est là tout le sens du titre d’Augustus). Il doit posséder les vertus de justice, de clémence, de piété, de dévouement à l’Etat. Au-delà de cela, il doit corréler respect des traditions et nécessité de fédérer un empire constitué d’une myriade de cités au passé prestigieux et attachées à leur indépendance. En cela, les empereurs romains n’ont point failli, comme le souligne Lucien Jerphagnon dans sa biographie d’Augustin : « Sur 3 300 000 km2 autour de la Méditerranée […] soixante à soixante-dix millions de gens s’affairent ou se laissent vivre, tous différents, avec leurs langues régionales, leurs dieux bien à eux. S’ils avaient plus ou moins renâclé à passer sous domination romaine, ils se trouvaient dans l’ensemble plutôt bien de la Pax Romana. Bref s’était instauré un universalisme qui n’effaçait rien des identités locales. Depuis Caracalla (212), […] on était citoyen romain tout en restant Africain, Syrien… ».
 
Si la nature de la fonction impériale a évoluée, son fondement est resté inchangé : un pouvoir souverain, transcendant, à la fois civil, militaire et religieux, soutenu par un charisme divin, un pouvoir surhumain, nivelant par le haut, ayant pour horizon la pax aeterna, écartant les prétentions des forces centrifuges, donnant une orientation commune à toutes les composantes d’une même koiné (communauté culturelle et politique), tout en préservant leurs identités profondes.
 
Pérennité du concept
 
La notion d’imperium recèle donc des potentialités multiples, et représente un projet valable pour la France et l’Europe que nous appelons de nos vœux. Elle n’est pas, contrairement à ce que l’on pourrait penser, un pur objet historique limité à l’histoire romaine, et dont le champ d’action concret s’arrêterait en 476 avec la chute de l’Empire d’Occident. En effet, la notion de souveraineté héritée de l’imperium a survécu en Europe sous une infinité de forme : Byzance, survivance de l’Empire d’Orient, de culture chrétienne orthodoxe et gréco-romaine, dont l’Empire russe s’est toujours vécu comme un héritier (« tsar » est un titre dérivé de celui de « césar ») ; Le Saint-Empire, chrétien catholique, germanique, issu de l’Empire Carolingien dont la vision était de faire renaître l’Empire Romain d’Occident, témoigne de la prégnance de l’idée d’Empire, y compris chez les barbares installés sur son territoire dans les dernières années de l’empire d’Occident. Charlemagne (Carolus Magnus) ne s’était-il pas fait couronné par le pape dans la ville même de Rome selon le rituel d’intronisation des empereurs (ou du souvenir qu’il en restait), n’a-t-il pas repris la symbolique impériale, en sommeil depuis la chute de l’Empire (orbe impériale, sceptre, couronne –issu du diadème impérial des empereurs tardifs, lui-même repris des rois helléniques-) ? Enfin, les royaumes « barbares », en premier lieu le royaume franc, ont eux aussi recueilli l’héritage de l’imperium romain et de la culture classique à travers l’Eglise. Les mérovingiens (ainsi que les ostrogoths, les wisigoths ou les burgondes), fascinés par le prestige impérial, ont tenté d’imiter le faste des empereurs (imitatio imperii). C’est cependant la monarchie française issue de l’éclatement de l’empire carolingien (Capétiens, Valois, Bourbons) qui sera –à notre sens- parmi les nations européennes la plus belle héritière de la tradition politique romaine. Les rois de France, notamment à partir des derniers capétiens (deuxième moitié du XIIIe siècle), nourris de la redécouverte du droit romain, vont affirmer le principe de souveraineté contre les puissances cherchant à la subjuguer ou à la faire éclater. Le pouvoir royal français comprend de nombreuses similitudes et d’emprunts à l’imperium romain : son côté surnaturel, total –ou plutôt absolu-, divin, la coexistence d’aspects civils, militaires, et religieux, certaines des regalia (l’orbe, la couronne…).
 
imp2.jpgAinsi, à l’éclatement politique de l’Europe au Moyen Âge et à l’époque Moderne a correspondu un éclatement du pouvoir souverain, de l’imperium. L’idée d’un pouvoir souverain fédérateur n’en n’a pas pour autant été altérée. Il en va de même de l’idée d’une Europe unie, portée par l’Eglise, porteuse première de l’héritage romain. Le regain d’intérêt que connait la notion d’imperium n’est donc pas le fruit d’une passion romantique pour l’antiquité européenne, mais la preuve qu’en rupture avec la conception moderne positiviste de l’histoire, nous regardons les formes d’organisations politiques passées comme autant d’héritages vivants et qu’il nous appartient de nous les réapproprier (les derniers empires héritiers indirects de la vision impériale issue de Rome ont respectivement disparu en 1917 –Empire Russe- et 1918 –Empire Austro-Hongrois et Empire Allemand-). Si ce court panorama historique ne peut prétendre rendre compte de la complexité du phénomène, de sa profondeur, et des nuances nombreuses que comporte l’histoire de l’idée d’imperium ou même de l’idée d’Empire, nous espérons avant tout avoir pu clarifier son origine et son sens afin d’en tirer pour la réflexion le meilleur usage possible. L’imperium est une forme du pouvoir politique souple et forte à la fois, capable de redonner du sens à l’idée de souveraineté, et d’articuler autorité politique continentale et impériale de l’Eurasisme avec les aspirations à la conservation des autonomies et des identités nationales portées par le Nationalisme ou même le Monarchisme. A l’heure où le démocratisme, les droits de l’homme, et le libéralisme entrent dans leur phase de déclin, il nous revient d’opposer une alternative cohérente et fédératrice et à opposer l’imperium au mondialisme.
 
Charles Mallet 

mardi, 10 juin 2014

Pourquoi De Gaulle n'a jamais commémoré le 6 juin

De Gaulle Bayeux 1944.jpg

Pourquoi De Gaulle n'a jamais commémoré le 6 juin

Ex: http://aucoeurdunationalisme.blogspot.com

Celui dont le tout un chacun du sérail politique s'arrache la filiation l'a clairement expliqué selon Peyrefitte qui reprend dans son ouvrage, ces paroles suivantes du général De Gaulle : 
 
DG0606
DG0606 2
A bon entendeur de la cohérence intellectuelle, salut!

dimanche, 08 juin 2014

De la permanence insurectionnaire de l'Etre de l'homme contre la civilisation de l'Avoir

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De la croisade communeuse des Pastoureaux, de la Commune de Paris, de ce qu'elles disent de leur temps et de ce qu'elles signalent de la permanence insurectionnaire de l'Etre de l'homme contre la civilisation de l'Avoir

par Gustave Lefrançais

Pâques d’avril 1251; à l’heure où Louis IX de France se retrouve prisonnier en Égypte, se lèvent en tout lieu des terres du royaume, des bandes de paysans extrémistes qui font ainsi naître la croisade communière des Pastoureaux…

Le 28 mai 1871, au dernier jour de la Semaine sanglante, Eugène Varlin, ouvrier communard, est arrêté et amené à Montmartre où il est lynché par la foule de la dernière heure puis finalement fusillé par la troupe versaillaise

 

« Tous les mouvements de masse au Moyen Âge portèrent nécessairement une figure religieuse et ils apparaissaient toujours comme des restaurations radicales du christianisme primitif à la suite d’une corruption envahissante… »

Engels, Contributions à l’Histoire du Christianisme primitif

 

« La Commune ne fut donc pas une révolution contre telle ou telle forme de pouvoir d’État, légitimiste, constitutionnelle, républicaine ou impériale… Ce ne fut pas une révolution faite pour transférer ce pouvoir d’une fraction des classes dominantes à une autre, mais une révolution pour anéantir cet horrible appareil même de la domination de classe. »

Marx, La Guerre civile en France, 1871

 

Le corps unitaire et invariant de la tendance générique à retrouver la communauté de l’Être, à compter du moment où les sociétés de l’Avoir ont, à partir de la révolution néolithique des stocks échangés et des échanges stockés, disloqué les ancestrales organicités primordiales, se résume parfaitement dans le fil du temps insurrectionnaire de cette vérité immuable universellement confirmée par la totalité de l’arc historique humain : depuis que la séparation généralisée de l’homme et de sa production a abouti à la perte de tout point de vue unitaire sur l’activité accomplie, l’homme ne cesse cependant de vouloir révolutionnairement re-trouver l’acte d’une ex-istence non séparée de la vraie vie.

 

Sur ce terrain, les espaces vivants de la turbulence européenne ont fait surgir un continent spécifiquement in-subordonné, aboutissement dé- chaîné et dé-chaînant comme l’explicitèrent Marx et Engels, de la collision historique entre la décadence civilisationnelle romaine et l’archaïque propriété communiste germanique revivifiée par les invasions barbares. De la sorte, l’Europe fut bien toujours cet espace-temps permanent si particulier d’une propagation radicaliste qui généra partout la reviviscence ancestrale des communaux de la terre laquelle deviendrait ultérieurement par l’exaspération du déracinement capitaliste le mouvement théorico-pratique contemporain de l’insoumission communiste de l’internement urbain dénoncé…

 

C’est d’ailleurs pourquoi le Livre I du Capital a si bien pré-vu et détaillé à la source les mécanismes du grand remplacement démographique contemporain assis sur l’armée de réserve immigrée puisque la substitution d’un nouveau peuplement à histoire immobile et de conscience duplicative à l’ancien d’histoire remuante et de conscience déferlante, se présente aujourd’hui comme le cœur stratégique des manèges capitalistes destinés à éviter le retour des grandes grèves sauvages du type des larges réveils communards qu’a pu connaître l’Europe autour des années 1968.

 

La temporalité médiévale fut là un mouvement historique rythmé cardinalement par la dialectique des cheminements contradictoires où se posaient et s’opposaient de manière croissante la structure féodale de la propriété foncière rurale et la propriété corporative urbaine du métier. La division entre le commerce et l’industrie qui existait déjà dans des villes anciennes se développa plus tard dans des formes de plus en plus élaborées et ravageuses lorsqu’à partir de la révolution capitalistemédiévale des villes neuves italiennes émergea un premier marché d’importance. Alors quand les Cités entrèrent ainsi en rapport les unes avec les autres dans des extensions et des termes tels que la vieille rente foncière de l’avant dut finalement se plier toujours davantage aux exigences de présentation de la rente commerciale et fiscale, il se prépara peu à peu l’émergence de l’État royal moderne comme antichambre financière du devenir des lumières marchandes qui conduiraient inévitablement à la révolution mercantile de 1789.

 

Par-delà la perte éminemment symbolique du Saint-Sépulcre par les chrétiens pourtant alors encore prédominants en terre d’Orient, les forces productives de la géo-politique particulière qui vont faire apparaître les croisades viennent indiquer très symptomatiquement que se formalise alors dorénavant une nouvelle donne considérable de l’économie et de la politique puisque la puissance de domestication des hommes qui était encore jusque là l’expression d’une domination essentiellement terrienne, tenue par la noblesse, laisse désormais indiquer qu’une domination nouvelle, expression d’une domestication essentiellement de nature commerciale, tenue par les marchands et les représentants des républiques italiennes, est en train de survenir et qu’elle va se répandre en un nouvel ordonnancement du monde.

 

Concomitamment au progrès déterministe du travail civilisationnel de la servitude qui allait faire passer l’assujettissement d’un stade essentiellement stable et auto-reproductif à une phase de bouleversement systémique constamment élargi, le devenir des marchés qui s’agrandissaient sans cesse allait faire peu à peu de chaque réalité humaine une simple valeur d’échange. C’est pourquoi à côté mais à l’envers des croisades étatiques réalisées avec la bénédiction du christianisme institutionnel papiste ou byzantin, se sont toujours levées des croisades sauvages et spontanées qui, au nom d’un regard christique révolutionnaire, n’entendaient point se perdre dans les réaménagements trans-continentaux générés par l’histoire des bourses de valeurs qui avait fait surgir les cités marchandes italiennes comme plate-forme centrale du bénéfice des pèlerinages armés.

 

Ainsi, de croisades des gueux en croisades des vagabonds, des paysans, des enfants ou des marginaux, tout l’espace-temps officiel de la machinerie étatique des croisades du pouvoir des aristocraties foncières et financières fut doublé en négatif radical par un espace-temps prohibé et parallèle continûment en récusation de toutes les machineries financières et foncières du pouvoir de l’État.

 

Alors que l’on embrigadait ainsi massivement les populations pour la défense économique et militaire des frontières physiques d’un Royaume de Jérusalem immobilier et mobilier où les républiques maritimes italiennes du Capital en expansion, à l’ombre des couronnes d’Europe, entendaient toujours investir davantage pour l’élargissement continu des rendements de leurs routes commerciales, il y avait toujours quelque part en contre-point factieux, un emplacement de parole frondeuse qui appelait ici et maintenant à la Jérusalem céleste de la communauté de vie contre toutes les puissances d’argent et en négation absolue du Temple de la marchandise.

 

Conséquemment, la croisade dite des Pastoureaux renvoie, à ce moment là, à deux insurrections paysannes de masse dont l’histoire se mêle originellement à celle des croisades populaires qui virent le jour non seulement hors des sphères des puissances politiques et religieuses d’alors mais même souvent et d’abord à leur encontre. Ces croisades eurent lieu en 1251 et 1320.

 

La première croisade des Pastoureaux surgit lors de la septième croisade lorsque Louis IX, plus connu sous le nom de Saint Louis, se trouva enlisé dans les effets de la bataille de Mansourah et qu’il finit par s’y retrouver emprisonné avec toute son armée. Lorsque la nouvelle du désastre parvient en terre de France, elle engendra – sur le terrain d’une crise sociale généralisée de la rente foncière féodale de plus en plus déficiente – scepticisme, défiance, ébullition et émeutes. Comment un roi si pieux avait-t-il donc pu être ainsi abandonné si visiblement de Dieu ?

 

L’explication, sur le terrain des luttes de classes réellement existantes, apparu très vite dans le parler incendiaire et radical des prédicateurs communeux, en particulier celui d’un moine hongrois cistercien extrémiste. Ce moine d’enthousiasme et de passion intransigeante, nommé Maître Jacques, soutint avoir été directement avisé par la Vierge Marie que les oppresseurs du pouvoir, les aliénés de la richesse et de l’orgueil ne pourraient jamais reprendre la Jérusalem du Christ puisque seuls pouvaient y parvenir les hommes de l’Être, les cœurs purs, les pauvres, les humbles, les bergers, dont il se devait, lui, d’être l’éclaireur. L’arrogance et l’insolence de la chevalerie, ajoutait le moine hongrois, avaient considérablement mécontenté Dieu et c’est pourquoi ce dernier appelait à une totale transformation incendiaire de l’administration des choses.

 

En ce temps, le terme de pastoureaux qui désignait d’abord les bergers, donna ainsi son nom à cette croisade maximaliste. Une alarme solennelle eut lieu pour la Pâques 1251. Alors, des milliers de bergers et de paysans prirent la croix et se mirent en marche vers la capitale du royaume, armés de haches, de piques, de faux, de couteaux et de bâtons. Partis à plus de plus de 30 000 d’Amiens, ils dépassèrent rapidement les 50 000 puis approchèrent les 100 000 parvenus à Paris, où Blanche de Castille fut contrainte de les recevoir.

 

Dans un premier temps, la reine feignit de leur donner son approbation mais leur mouvement de sédition généralisée était bien trop dangereux socialement pour être toléré durablement par les puissances établis de la domestication politique et religieuse. En accusant nommément les marchands et les nobles, les abbés et les prélats, de vacuité et de cupidité, d’orgueil et de malfaisance, et en s’en prenant même frontalement à la Chevalerie, accusée de mépriser les pauvres et de tirer profit de la croisade, les pastoureaux se désignaient là eux-mêmes comme des indomptables inacceptables.

 

À mesure que se développait le mouvement de cette sédition inapprivoisable, des conflits de plus en plus violents et exacerbés ne cessaient partout de s’ensuivre en touchant aussi bien les campagnes que les villes et le mouvement qui s’étendait désormais de la Normandie à la Rhénanie jusqu’à aller toucher le nord de l’Italie, rendait hautement nécessaire que l’étouffement, l’intimidation et la répression furent alors prestement mis en mouvement pour que l’ordre des traditions de soumission fut restauré.

 

Sous la pression du tumulte en mouvement, Jacques put cependant finalement obtenir l’autorisation de prêcher en chaire à Notre Dame de Paris. À la fin mai, au cours d’une homélie enragée, il réclama l’abolissement de toutes les pauvretés et la totale communauté des biens, aujourd’hui tout de suite et non pour plus tard après la mort, incitant ainsi directement les assemblées factieuses à l’in-soumission généralisée. Le prêche terminé, les insurgés se répandirent dans toutes les rues de la capitale, où, comme à Amiens au début du mois, elles s’en prirent aux clercs, aux bourgeois, aux nobles et à tous les agents du fiscalisme étatique. Malgré l’intervention des officiers du guet à la Sorbonne et dans le quartier de l’Université, les barricadiers demeurèrent les plus forts et de nombreux représentants de l’appareil de répression furent massacrés pour avoir tenté de s’opposer à l’escalade agitatrice.

 

Ce n’est donc qu’avec très grandes difficultés et multiples tergiversations que la classe dirigeante parvint finalement et péniblement à contraindre les pastoureaux à quitter Paris. Le mouvement se scinda alors en deux colonnes : l’une fit route vers Rouen pendant que l’autre plus imposante cheminait vers Orléans. Là, en cet endroit ou se combina militairement la résistance acharnée et conjointe des milices communales de la bourgeoisie ascendante et des corps seigneuriaux de la féodalité déclinante, l’incendie put en fin de compte être contenu et ses restes continuèrent ensuite pour une partie vers Tours et pour l’autre vers Bourges. Blanche de Castille comprit alors finalement toute la gravité de ce danger impérieux que les rapports de ses intendants avaient souligné en lui rapportant les progressions inquiétantes de cette croisade d’en bas qui s’était progressivement transmuté en jacquerie fermement jusqu’au- boutiste.

 

Aussi, commanda-t-elle qu’on débarrasse le royaume de ce fléau dissident et d’abord de l’homme de Hongrie, qualifié désormais d’hérétique, d’égaré et de sorcier. Le 11 juin, à Villeneuve-sur-Cher, à la suite d’un nouvel engagement hautement violent, la troupe paysanne fut cette fois disloquée et celui que l’on dénommait Jacob capturé puis mis à mort. Leur animateur disparu, les assemblées de paysans combattants se dispersèrent d’elles-mêmes, et la grande révolte, confrontée aux massacres, exécutions, coercitions et chantages, finit insensiblement par se dissiper.

 

Néanmoins, l’on retrouve une nouvelle fois le nom et la trace de cet embrasement historique lors du grand soulèvement de 1320, connu sous le nom de seconde croisade des pastoureaux qui partie de Normandie à la Pâques de 1320 mit en branle des milliers de paysans rejoints par des masses fiévreuses de vagabonds, de bergers et de brigands. Ce flot grossissant se dirigea ensuite vers l’Aquitaine et le Périgord et ne fut finalement arrêté qu’en Aragon lorsque des milliers d’entre eux furent massacrés.

 

Il est aisé de la sorte de constater que le trouble social fort, aigu et incisif est une constante des pays d’Europe, plus notablement là d’ailleurs où la culture vivace des communaux de la terre et de l’âme revivifiée par les invasions germaniques a doté le malcontentement des hommes d’un puissant levier de résistance collective au mouvement oppressif des transformations agraires et de la fiscalité étatique.

 

Jacqueries, guerres de classe millénariste et convulsions urbaines rappelaient sans cesse que le soulèvement de l’ancien monde paysan serait le frein principal à la naissance de la paysannerie propriétarienne moderne telle qu’elle naîtrait de la révolution capitaliste de 1789 en laquelle réside la négation accomplie de l’être de la communauté de terre propre aux communautés paysannes communières d’avant la modernité des échanges.

 

À mesure que les États nationaux du futur devenir-monde de la marchandise commençaient à se formaliser sur les décombres d’un monde féodal qui avait lui-même ouvert tout grand les portes de ses châteaux à la monnaie en croyant naïvement que le despotisme de la liberté de l’argent serait domptable, la vie communautaire du jadis non monnayé se heurtait aux exigences ravageuses d’une culture de plus en plus intensive et tributaire tout à la fois des normes du rendement et des dogmes du surplus agraire puis industriel.

 

Ce qui est essentiel ici c’est de saisir – en dépit des différences, discordances et contrastes – la continuité matricielle entre l’antériorité médiévale qui mènera à l’avènement de la grande monarchie classique telle qu’elle validera la mort du vieux rapport non mercantile à la terre et sa postériorité républicano-financière au sens où les agitations médiévales de 1251 et de 1320 qui conduisent à la grande jacquerie de 1358 puis aux embrasements de Guyenne en 1548, aboutissent aussi par la métamorphose des longues durées insurrectionnistes, aux Croquants et Nu-pieds et ce jusqu’à la Grande Peur de 1789, aux soulèvements chouans et vendéens qui annonceront la mort irrévocablement advenue au XIXe siècle de l’ancestrale communauté rurale désormais pleinement absorbée par le paysage agricole du destin capitaliste.

 

Le son multiséculaire des cloches proclamant, de paroisse en paroisse, le tocsin de la dés-obéissance a été l’écriture vivante et charnelle de dizaines et de dizaines de générations campagnardes qui s’obstinaient à ne point accepter de disparaître dans la tyrannie montante des attractions de l’abstraction capitaliste exercée par la civilisation des villes. Cette immense, abondante et constante lutte de classe qui a d’ailleurs traversé toute l’histoire européenne pour la défense de la joie du terroir contre l’anonymat et la solitude du citadisme du profit, a finalement échoué mais pour passer le flambeau à un type de soulèvement bien plus vaste, beaucoup plus corpulent et immensément plus dangereux; celui de l’irréversible colère des prolétaires, c’est-à-dire de tous les hommes d’aujourd’hui privés de toute autorité sur leur propre vie par le spectacle démocratique de la dictature salariale de l’argent omni-présent.

 

En même temps que l’exode rural de la rentabilisation inévitable a vu l’appel de la ville faire partir les hommes de l’humus de la sensation vers l’urbanisme mental et physique du froid absolutisme du nombre, les vieux villages se vidaient de leur substance ardente pendant que la pathologie individualiste du narcissisme entrepreneurial devenait le commandement collectif de tous les territoires de l’urbanisation voulue par la croissance capitaliste de l’expansionnisme du marché.

 

C’est donc dans les villes que les héritiers prolétaires contemporains de tous ces remuements et transports de fourches et de faux venus de leurs lignages paysans allaient s’attaquer aux portes citadines de l’économie politique de l’exploitation et c’est pour cela qu’après les ébauches ensanglantées de 1830 et 1832, la République du progrès capitaliste sut réprimer publiquement et très ostensiblement dans la désolation et le carnage la révolution parisienne de 1848, en continuation du robespierrisme avancé qui avait simultanément conduit le populicide vendéen et l’écrasement de la sans-culotterie parisienne ultra.

 

En prolongement, répercussion et retentissement dialectiques, la Commune de Paris est cette période insurgée de l’histoire prolétaire qui voulait ouvrir le passage vers l’abolition de la condition prolétarienne et qui dura un peu plus de deux mois, du 18 mars 1871 à la Semaine sanglante, du 21 au 28 mai 1871. Bondissement d’in-discipline et de subversion contre le gouvernement de l’argent, la Commune ébaucha alors pour un futur de véritable qualité humaine une organisation qui s’essaya à se rapprocher de la communauté anti-mercantile de la nécessaire vie générique contre les errances de la recette et du pécule. Dans cette impressionnante fermentation crisique, Louis Eugène Varlin, né le 5 octobre 1839 à Claye en Seine-et-Marne se présente bien comme un militant radical majeur de l’époque, membre en même temps de la Commune de Paris et de la Première Internationale.

 

Eugène Varlin naît dans une famille de paysans très modeste. Il est d’abord apprenti peintre avant de devenir artisan relieur à Paris. Il découvre alors, dans ses premières luttes, les œuvres de Proudhon mais ne s’arrêtera pas à la vision étroite et illusoire d’une marchandise rééquilibrée réformistement par le crédit mutuel puisqu’il en viendra assez rapidement au point de vue communiste de la nécessaire liquidation révolutionnaire de la marchandise et du salariat. En 1857, il participe à la fondation de la société de secours mutuels des relieurs. En 1864-1865, il est l’un des principaux animateurs de la grève des ouvriers relieurs parisiens. En 1864 est créée l’Association internationale des travailleurs (A.I.T.), plus connue sous l’appellation de Première Internationale. Varlin y adhère en 1865 et participe énergiquement à la première grève des relieurs, avec son frère Louis et Nathalie Lemel, militante maximaliste qui participera, sur les barricades à la Commune et qui sera déportée en Nouvelle-Calédonie avec Louise Michel. Il se retrouve ainsi délégué en 1865 et 1866 aux premiers congrès de l’A.I.T., à Londres et à Genève. À la même époque, il encourage la création de la Société de solidarité des ouvriers relieurs de Paris. Son acharnement contribue à la création, le 14 novembre 1869, de la Fédération parisienne des sociétés ouvrières. Varlin, présent sur tous les terrains de la bataille sociale, contribue à la création d’une coopérative, La Ménagère, en 1867, et à l’ouverture, en 1868, d’un restaurant coopératif, La Marmite. Ce dernier comptera jusqu’à plusieurs milliers d’adhérents et ne fermera qu’après la Commune.

 

À la fin des années 1860, Varlin est arrêté et emprisonné plusieurs fois en raison des diverses grèves impulsées ou soutenues par l’A.I.T. en France. En 1870, la section parisienne de l’A.I.T. publie un manifeste contre la guerre. Eugène Varlin constitue des sections de l’Internationale à Lyon, au Creusot et à Lille. À la chute de l’Empire, en septembre 1870, Varlin fait partie, du comité central des Vingt arrondissements de Paris et il devient alors membre du comité central de la garde nationale au titre du 193ebataillon, dont il est le commandant.

 

Pendant l’hiver et le siège de Paris par les Prussiens, il s’occupe de l’alimentation des nécessiteux en fournissant les fameuses marmites de Varlin avec l’aide, notamment, de Nathalie Lemel et il devient secrétaire du conseil de l’A.I.T. pour la France. C’est alors que va arriver le célèbre soulèvement du 18 mars 1871 qui est la riposte des Parisiens à la décision du gouvernement d’Adolphe Thiers de leur retirer leurs armes et leurs canons. C’est le début de la Commune de Paris. Lors des événements de ce 18 mars 1871, Varlin s’implique très activement dans la prise de la place Vendôme. Le 24 mars, il prend part à la rédaction du manifeste-programme des sections parisiennes de l’A.I.T. Il est élu le 26 mars au conseil de la Commune et nommé à la commission des finances. Il assure dès lors la liaison entre la Commune et les sociétés ouvrières.

 

Le 1er mai, Varlin, comme la majorité des internationalistes, s’oppose à la création du Comité de Salut public qui représente fondamentalement tous les vieux courants républicano-blanquistes qui s’imaginent que c’est la question militaire qui règlera la question sociale et il signe le manifeste de la minorité qui lui exprime a contrario l’idée que seules les mesures sociales de radicalisation auto-diffusée peuvent faire avancer le mouvement subversif. Pendant la Semaine sanglante, il tente en vain et valeureusement de s’opposer à une pitoyable exécution d’otages, rue Haxo, et participe audacieusement aux derniers combats de Belleville. La Commune est finalement vaincue durant la Semaine sanglante qui débute avec l’entrée des troupes versaillaises dans Paris le 21 mai pour s’achever par les derniers combats au cimetière du Père-Lachaise le 28 mai. La répression contre les communards est implacable. De nombreuses exécutions sommaires seront ainsi commises par les troupes versaillaises qui frapperont ainsi tous ceux dont les mains portent ou semblent porter des traces de poudre qui révéleraient ainsi l’emploi récent d’armes à feu.

 

Dans son Histoire de la Commune, Hippolyte Prosper Lissagaray, raconte ainsi la mort d’Eugène Varlin, ce dramatique 28 mai 1871, à la fin de la Semaine Sanglante : « Place Cadet, il fut reconnu par un prêtre qui courut chercher un officier. Le lieutenant Sicre saisit Varlin, lui lia les mains derrière le dos et l’achemina vers les Buttes où se tenait le général de Laveaucoupet. Par les rues escarpées de Montmartre, ce Varlin, qui avait risqué sa vie pour sauver les otages de la rue Haxo, fut traîné une grande heure. Sous la grêle des coups sa jeune tête méditative qui n’avait jamais eu que des pensées fraternelles, devint un hachis de chairs, l’œil pendant hors de l’orbite. Quand il arriva rue des Rosiers, à l’état-major, il ne marchait plus on le portait. On l’assit pour le fusiller. Les soldats crevèrent son cadavre à coup de crosse. Sicre vola sa montre et s’en fit une parure. »

 

L’Hôtel de ville et un certain nombre de grands monuments officiels ont alors été incendiés par les communards à compter du 24 mai 1871. La bibliothèque de l’Hôtel de Ville et la totalité des archives de Paris furent ainsi anéanties, ainsi qu’une grande partie de l’état civil parisien. Les communards de la ville agirent là spontanément comme les chouans et vendéens du bocage et du marais le firent auparavant quand ils pénétraient dans les agglomérations de l’archivage esclavagiste. Ils brûlèrent de rage avant de périr tous ces papiers écrits qui témoignaient administrativement de leur dépendance en tant que la paperasse officielle représentait bien avant tout le récit gouvernementaliste des formalités de la domination.

 

Toutefois, pour com-prendre, il faut prendre en soi la dimension profonde du véridique en ad-venir, ceci en négatif des apparences premières. Les dizaines de milliers de fusillés désarmés ne sont point là que de simples cadavres entassés dans des charniers sordides, ils sont des flambeaux d’énergie et de courage dont le souvenir de radicalité se trouvera transfiguré par toutes les luttes de classe extrémistes à venir, en claire conscience de leur pro-venance historique la plus lointaine. Thiers a voulu supprimer la lutte des classes par un acte de boucherie industrielle tout aussi horrible qu’inefficace. Il lui aura en fait simplement offert la possibilité de prendre par d’autres voies, des démarches et des parcours de compréhension encore plus in-disciplinables… De même que les sociaux-démocrates allemands en assassinant les spartakistes de 1919 et les lénino-trotskystes en immolant les marins et ouvriers insurgés de 1921, crurent bannir de l’histoire le danger du feu social de la conscience réfractaire, l’exécution sordide de Varlin fut certes un moment tragique qui désigne l’horreur de la démocratie capitaliste cannibale mais cet épisode nauséeux s’auto-dépasse dans le fil du temps historique qui annonce bel et bien la fin de plus en plus rapprochée du système terrible des objets rampant.

 

Ce qui est mis en perspective par la défaite pratique de la Commune c’est aussi l’acquis théorique décisoire qui signale que tant que le Capital n’est point parvenu à réaliser le procès de caducité de sa crise terminale, il continue à s’étendre en intégrant au procès de sa modernité tous les revers ouvriers qui étaient justement inévitables et qui sont là les leviers innovateurs à partir desquels il se débarrasse de ses vétustés inutiles. La Commune ne fut pas écrasée parce qu’elle ne sut pas se généraliser, elle fut balayée car elle était in-diffusable en un temps où la force encore neuve du Capital possédait, elle, toute la puissance de se généraliser jusqu’à atteindre les limites de sa dégénérescence présente. À partir de l’expérience de Varlin qui pose les jalons jusqu’auboutistes de la Première Internationale en anticipant de manière subversive le nécessaire refus tranchant de tous les remodelages mystifiants du capitalisme, social-démocratique, bolchévique ou écolo-décroissantiste, nous savons que l’émancipation humaine est le mouvement conscient vers le communisme qui se définit comme mouvement révolutionnaire de critique de l’économie politique, face à la gauche du Capital stade suprême de la mystification démocratique de la marchandise et contre le gauchisme, imposture supérieure de la liberté de l’argent pour toutes les époques.

Le mouvement communier abouti est une affirmation négative totale (contre le salariat, l’État, les syndicats…), qui ne se dégagera d’ailleurs pleinement qu’après la Commune de Paris autour de maximalistes comme Gustave Lefrançais compagnon survivant de Varlin et il n’en est qu’une conséquence logique. Si l’on veut en effet détruire définitivement les racines objectives du capitalisme et non l’organiser autrement pour mieux en répartir l’abondance des richesses chosifiantes, on doit s’attaquer fondamentalement à tout ce qui fonde les fonctionnalités de son faire et surtout tend à l’améliorer et l’optimiser. À partir de la Commune de Paris, s’ouvre le cheminement qui va mener aux Communes de Berlin, Kronstadt, Barcelone… et qui positionnera toute l’ampleur anti-étatiste rampante du mai 68 contre les polices syndicales. Le communisme n’est pas un nouveau mode de production de l’aliénation et du travail mais avant tout le mode d’existence de la communauté humaine refondée autour de l’auto-produire humain dans un monde sans argent. Le communisme est d’abord activité cosmique de l’être générique communautaire. Il ne se construit pas avec des appareils politiques ou économiques mais surgit de l’auto-mouvement anti- politique et anti-économique de la jouissance humaine véridique liquidant enfin toutes les entraves capitalistes.

 

Comme Marx et Engels à la suite de Hegel l’ont toujours expliqué, c’est la souche communeuse de l’intentionalité historique profonde du spécifique mouvement réel propre à l’éco-système social et mental né à la fin de l’Antiquité, de l’entre-choquement entre l’écroulement économique de Rome et l’avancée de la vieille marche germanique qui a fait émerger l’Europe comme berceau de tous les agir les plus subversifs et de toutes les pensées les plus extrémistes. Alors que partout ailleurs les vestiges de la communauté première sombraient peu à peu dans les endormissements immobilistes d’un simple répétitif étatique, le cœur dynamique du vieux continent ne cessait, lui, de se produire comme endroit sulfureux où les hommes intrinsèquement accordés aux communaux ontologiques des vibrations de terre, n’interrompirent jamais leur combat pour la défense dynamique et constamment poursuivie de l’usage communier contre le développement économique progressif du système de construction de l’appropriation et de la valeur d’échange.

 

De la paysannerie communeuse à l’ouvrier communard, tout se tient parfaitement dans l’arc historique évident qui mena les derniers hommes de la terre communautaire de l’Europe rétive à devoir progressivement devenir les premiers hommes de la révolution agro-industrielle de la possession et de la valorisation capitaliste. C’est pourquoi de la première jacquerie rencontrée à la dernière lutte ouvrière rencontrable demeure cette constance irréductible qui veut que derrière toute lutte réformiste même la plus limitée pour mieux sur-vivre dans l’âge du contrefait et du mutilé, se profile pourtant l’aspiration générique et transcendante à retrouver, malgré tout, l’immanence de l’humaine communauté.

 

Le prolétariat est l’ensemble des hommes de la terre aspirés par l’urbanisme machinique de la ville et contraints d’y fournir salarialement le travail vivant dont la domination par les mécaniques du travail mort constitue le rapport de production réificateur appelé Capital. Notre époque en tant que synthèse effectuée de toutes les précédentes est celle où le prolétariat, luttant en tant que classe contre le Capital de la domination réalisée de la capitalisation universelle, va devoir se remettre lui-même en cause et porte le dépassement révolutionnaire de sa propre condition par la production incandescente du communisme comme l’abolition de toutes les classes, le jaillissement générique de la communauté de l’Être.

 

La lutte de classe entre le prolétariat et le Capital cesse d’être réformiste et régénératrice du Capital lorsqu’elle s’arrête de s’annoncer comme une simple réaction, une défense du prolétariat face au Capital sur le terrain du Capital et qu’elle se retourne réellement en contradiction pleine et entière entre le prolétariat et le Capital sur le terrain de l’humain.

 

Le communisme, c’est-à-dire la communauté de l’Être est évidemment une réalité à venir, mais c’est au présent qu’il convient d’en parler car la communisation est déjà préparée dans les luttes actuelles chaque fois que le prolétariat se heurte à sa propre existence aliénée comme classe majeure de l’aliénation, dans son action en tant que classe soumise, contre le Capital, à l’intérieur du rapport d’exploitation de la soumission, dans le cours même de ces luttes qui restructurent simplement la valeur. Chaque fois que l’existence même du prolétariat est produite comme quelque chose d’étranger à l’humain et d’inhérent à l’argent, ce à quoi il se heurte dans sa lutte en tant que classe qui doit liquider les classes, c’est à une contrainte objective extériorisée dans l’existence même de l’économie politique et issue de son lui-même réifié contre son lui-même de vraie vie.

 

C’est l’aggravation illimitée de la crise de la domination réalisée du fétichisme de la marchandise qui produit la révolution sociale lorsque l’action du prolétariat dans la crise réalisée du fétichisme de la domination en vient à produire le communisme comme nécessité dialectique d’un spectacle de la production qui ne peut plus re-produire son spectacle. La défense de ses intérêts immédiatistes va dès lors amener le prolétariat au point où il sera conduit à agir pour la destruction du système de la marchandise quand il y a aura saut qualitatif radical et trans-croissance critique complète des luttes, c’est à dire relation d’auto-débordement à cette défense, conjugaison d’auto- suppression dans la forme et le contenu, c’est-à-dire articulation critique avec toutes les luttes antérieures de réforme jusqu’au brisement de tous les réformismes de l’antériorité.

 

Face aux délocalisations, c’est au cours de cette défense pourtant acharnée de l’outil de travail que la production de l’existence de classe comme contrainte extériorisée dans le travail outillé peut se changer en saut commencé d’une articulation qualitative critique telle qu’elle peut déboucher en un moment novateur à proprement parler révolutionnaire où la défense auto-surpassée de ses intérêts immédiats amène le prolétariat à passer à un autre monde, celui de la fin du travail et de l’argent. Cela parce que positivement le prolétariat trouve ici en l’histoire ancestrale de son lui-même contradictoire enfin conscientisé, la capacité de se produire contre le Capital, à partir de ce qu’il est comme classe (c’est-à-dire, rapport contradictoire aux contradictions du Capital) mais alors en tant que dimension nouvelle anti-classiste pour balayer humainement le rapport–Capital.

 

Lorsque le prolétariat annihilera les moyens de production du spectacle du fétichisme démocratique de la marchandise, il le fera comme dia- lectique dont la forme et le contenu lui seront fournis par ce que la crise finale du mode production capitaliste aura rendu irrépressible l’impossibilisation pratique advenue de la valorisation, c’est à dire que l’abolition de l’échange, de la valeur, du travail et des classes deviendront la seule base objective de tout déploiement de vie.

 

La crise finale est avant tout la crise concrétisée de l’implication réciproque entre le travail et le Capital, la crise de l’auto-présupposition du Capital, intégrant tout ce qui fut l’histoire passée de l’avant-Capital qui contenait toutefois le Capital depuis le troc échangiste néolithique, en tant que la détermination future est toujours nécessairement pré- contenue dans le produire antécédent. La classe prolétarienne trouve alors, dans ce qu’elle est dans le Capital devenu infaisable, la capacité de trouver ce qu’elle est contre le Capital pour communiser le monde, au moment où, simultanément, le Capital cesse de pouvoir extérioriser la nature de classe des prolétaires comme vampirisation de leur nature humaine.

Le communisme est ce que produit le prolétariat, de par ce qu’il est dans sa contradiction avec le Capital, au moment où il abolit la capitalisation lorsque cette dernière devenue totalité du développement mondial ne parvient plus malgré l’orgie de manipulations monétaires et terroristes mises en mouvement par le gouvernement du spectacle mondial, qu’à accoucher de son auto-dissolution objective. La crise actuelle de suraccumulation et de saturation mondiale des marchés est la crise du taux de profit qui se présente comme crise mondiale permanente de la reproduction des rapports capitalistes en train de déboucher sur la crise de légitimation du spectacle de la marchandise en tant que tel.

 

Le communisme est le mouvement contradictoire terminé du mode de production capitaliste, le procès de sa caducité achevée. L’exploitation comme contradiction dialectique entre le prolétariat et le Capital se définit simultanément comme implication réciproque de ces deux termes et production de la spécificité de chacun d’eux quant à sa place historique dans le cours de la lutte des classes. Et si le développement du mode de production capitaliste porte en soi son dépassement, il ne le porte que par la situation et l’activité spécifique du prolétariat comme classe révolutionnaire d’aujourd’hui issue des paysanneries communeuses d’hier et en tant qu’il est la seule classe révolutionnaire de la crise cataclysmique du mode de production capitaliste.

 

La contradiction entre le prolétariat et le Capital est simultanément la dynamique du développement du mode de production capitaliste, de ses crises et de son dépassement lors de la crise finale de la valeur. il en résulte que la révolution sociale se définit en totalité comme ce rapport spécifique entre, d’une part le cours quotidianiste de la lutte de classe et, d’autre part, la fin de l’argent et la communisation dans leur contenu historique ontologique d’émergence de la communauté de l’être générique quand la quotidianisation chosifiante échoue justement à pouvoir continuer de chosifier le quotidien.

 

Désormais, l’exploitation comme rapport de valorisation entre le prolétariat et le Capital est une contradiction devenue explosive en ce qu’elle est un procès en contradiction de plus en plus impossible avec sa propre reproduction matérialisée par la baisse croissante du taux de profit en tant que la transformation de la plus-value en capital additionnel est bien sûr de plus en plus problématique en ce temps où le poids du travail mort machinique étouffe sans cesse la part déclinante de travail humain productif.

 

La crise économique du chaos spectaculaire de l’indistinction généralisée et sa débauche de crédit hallucinatoire qui n’a pas eu d’autre effet que d’intensifier ce qu’il était censé réduire est d’abord la crise du rapport social d’exploitation. Les années qui viennent vont nous montrer que la restructuration planétaire actuelle est la dernière phase de la domination réalisée du travail sous le Capital. La crise de l’économie du crédit en se convertissant en crise du crédit de l’économie va signifier universellement que par delà tous les conflits géo-politiques où s’affrontent secondairement toutes les classes capitalistes intéressées par la course aux derniers débouchés solvables, le grand affrontement primordial sera celui qui les opposera toutes, ensemble et unitairement, au mouvement d’auto-émancipation inter-national du prolétariat car comme surent si bien le démontrer tous les Thiers et les Bismarck qu’a connus l’histoire, l’ensembles des rackets économiques et politiques de la terre se retrouvent toujours solidaires face au réveil de ces Communes où l’homme clame clairement son refus d’obtempérer à l’autocratie spectaculaire de la raison marchande de tous les États.

 

Dans la filiation communeuse de la croisade des Pastoureaux et de tous les Varlin inconnus ou anonymes des Commune de Paris et d’ailleurs, tous les mouvements de la conscience des racines de l’Être de la vie s’incarnent radicalement, en sachant que pour enfin devenir lui- même, l’humain doit se produire comme acte cosmique de subversion absolue vers la constitution de la communauté universelle pour un monde sans salariat ni argent ni État.

 

Gustave Lefrançais,

pour l’inter-collectif L’Internationale (avril – mai 2014)

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mercredi, 04 juin 2014

JAPON COLONIAL

JAPON COLONIAL (1880-1930) - Les voix de la dissension (1880-1930)
JAPON COLONIAL (1880-1930)
 
Les voix de la dissension (1880-1930)

Rémy Valat
Ex: http://metamag.fr
 
L'adhésion à la politique japonaise d’expansion coloniale en Asie n’était pas unanime. Très tôt, des intellectuels s'élevèrent contre cette tendance impérialiste : des universitaires, journalistes ou militants émirent des avis critiques et incisifs, parfois pertinents sur l'orientation suivie par leur gouvernement. Ces voix de la dissension nous ont laissé une trace matérielle, et c'est tout à l'honneur du Groupe de Genève, dirigé par Pierre-François Souyri, professeur à l'université de Genève, ancien directeur de la Maison Franco-japonaise de Tôkyô et spécialiste de l'histoire médiévale nippone, de nous les faire entendre. Chaque traduction est précédée d'une brève présentation de son auteur et de ses idées. Ces documents sont un témoignage de la pluralité des opinions au Japon et de l'engagement personnel des opposants dans un contexte de montée en puissance du militarisme et d'une forte censure dont le conformisme et la pression sociale étaient peut-être le terreau.
 
La période étudiée s'arrête à l'année 1930, après cette date, la politique impériale en Asie change de visage : la Chine et les zones du sud-est asiatiques et des îles du pacifique sont occupées militairement et font l'objet d'une exploitation économique. Le Japon est déjà entré dans la Seconde Guerre mondiale. Avant cette date, la jeune nation japonaise menait une politique extérieure de rupture en adoptant le « système westphalien », la vision européenne du droit et des relations internationales. Le Japon clarifia la situation et annexa les territoires sur lesquels sa souveraineté était jusqu’alors partielle ou théorique ( Hokkaidô, archipel des Ryûkyû ) ; leurs populations fut soumises à un statut particulier les soumettant à un régime semi-colonial. S’ensuivit une politique d’annexion consécutives aux fulgurantes victoires militaires japonaises contre la Chine et la Russie : le Japon étend sa souveraineté à la Corée, à Taïwan et à la partie méridionale de Sakhaline ( 1895-1910 ), puis à la Mandchourie ( 1931 ).

Les dirigeants du Japon ont embrassé et imité les règles régissant les relations internationales occidentales, ont réagi par la force à la politique de la canonnière et bâti un empire colonial asiatique : pour les thuriféraires du Grand Japon et quelques intellectuels ( le plus connu est Nakae Chômin, 1847-1901 ) arguent à juste titre d’une « hypocrisie » et d'une « voracité » occidentale en inédéquation avec leurs discours officiels. Les opposants, eux aussi, ont adopté une pensée inspirée des idées et des courants politiques européens ( anarchisme, marxisme, droit-de-l’hommisme, indigénophiles ). Nous retrouvons au Japon, à peu près les mêmes arguments, entre partisans et opposants à la politique coloniale française. Parmi les seconds, Fukuzawa Yukichi ( 1835-1901 ), défend le rôle d’un Japon civilisateur qui s’imposerait pacifiquement comme le chef intellectuel ( voire spirituel ) de l’Asie ( il est vrai que le Japon a été le pôle d’attraction de nombreux intellectuels chinois et coréens jusqu’à ce que sa politique extérieure se radicalise ). Beaucoup prônaient en réalité une politique dite du « Petit Japon », pays démocratique, dont la vraie richesse serait celle de son peuple ; leur rêve est devenu la réalité du Japon contemporain. Ces hommes et ces femmes étaient-ils de visionnaires ? La guerre en Asie aurait-elle pu être évitée ? Difficile de croire le contraire, au regard de l’histoire des pays voisins du Japon : la présence occidentale et l’adoption mimétique de ses valeurs, dont le communisme, a bel et bien été à l’origine de conflits civils et inter-asiatiques.

Japon colonial,1880-1930 ; les voix de la dissension, par Pierre-François Souyri,  Editeur : Belles Lettres, Collection : Japon, Date de parution : 23/04/2014, 22 x 16 cm, 35€

Pour découvrir ou approfondir la question de la politique coloniale japonaise : Lionel Babicz, Le Japon face à la Corée à l’époque Meiji (Maisonneuve et Larose, 2002) et la traduction des Dialogues politiques entre trois ivrognes, de Nakae Chômin, CNRS éditions, 2008.

 

lundi, 02 juin 2014

Histoire de la Belgique par Robert Steuckers

Histoire de la Belgique, par Robert Steuckers | 1/4 |

Antiquité et Moyen-Âge 

Histoire de la Belgique, par Robert Steuckers 2/4

Le contexte de 1830

Histoire de la Belgique par Robert Steuckers 3/4

Le 20ème siècle

Histoire de la Belgique par Robert Steuckers 4/4

La situation actuelle

 

Emission réalisée

par Parrhésia-Belgique & le "Cercle des Volontaires"

(février 2014)

jeudi, 29 mai 2014

Political Theology of Juan Donoso Cortés

Political Theology of Juan Donoso Cortés

by Jacek Bartyzel

es0026a.jpgThe term “political theology” has never been a more adequate definition of any corpus of thought[1] created by a philosopher, than when applied to the work of Spanish traditionalist Juan Donoso Cortés (1809-1853), who affected the social teachings of the Catholic Church (in statements of Blessed Pope Pius IX) in such a material way, that contemporary Catholic writer Rino Cammilleri is fully justified to call Cortés “the Father of the Syllabus”[2]. In the opinion of the author of Ensayo sobre el catolicismo, el liberalismo y el socialismo, considerados en sus principios fundamentales, theology is always at the foundation of any social issue, because if everything comes from God and if God is in everything, only theology is the skill which presents the final cause of all things; this explains why the knowledge of truth decreases in the world proportionately to the decreasing faith[3]. The sense of dependence of the fate of peoples on God’s providence is common to all eras and civilisations, and an opposite opinion – negating providentialism – should rather be considered as “eccentric.” A notable exception to this rule and an instance of theological “deafness” existing in the times of old was for Donoso the character of Pilate, who in the opinion of the theologian had to yield to Caiaphas precisely because he failed to understand the relationship between theology and politics. If Pilate had a “lay” concept of politics combined with brilliant mind, he would be only able to become instantly aware that he is not dealing with a political rebel who may pose direct threat to the state; however, as he did not consider Jesus guilty from the political point of view, he was also unable even to presuppose that the new religion might change also the world of politics.

Donoso Cortés finds proofs of the dependence of political concepts on religious ones in the whole history of civilised communities, starting from the antinomy between the ancient East and West, represented by ancient Greece. Pantheism common in oriental despotic systems, condemned peoples to eternal slavery in huge but temporarily founded empires, while Greek polytheism created crowded republics of humans and gods, where gods – often delinquent, quarrelling and adulterous – were often human enough, while humans -heroic and talented in philosophy – carried divine characteristics. In contrast to the monotonously static character of Eastern civilisations, the Hellenic world borne various traces of beauty and movement, for which, however, it paid with political chaos and comminution. However, the synthesis of Eastern power and Greek dynamics combined in Rome, two-faced as Janus[4] , which disciplined all gods, forcing them to enter the Capitol, and also – by enclosing nations in its Empire – performed the providential work, preparing the world for evangelisation.

In the apologetic “prodrome” of his political theology, Donoso Cortés emphasises the fact that Christianity has transformed both the lay community (primarily the family in which the father – retaining the respect and love of his children – ceased to be a tyrant for his enslaved wife and children) and also the political community, transforming the pagan domination by force into the concept of power as public service to God: The kings began to rule in the name of God; nations began to obey their princes as guardians of power coming from God[5]. And, which is most important, by depriving the earthly rulers from the attribute of divinity, which they did not deserve, and on the other hand, by providing the divine authority to their rule, Christianity has once and for ever erased any excuse for both political manifestations of the sin of pride– the  t y r a n n y  of rulers and the  r e v o l u t i o n  of the subjects: By adding divine quality to the authority, Christianism made obedience holy, and the act of making authority divine and obedience holy condemned pride in its two most dire manifestations which are the spirit of tyranny and the spirit of rebellion. Tyranny and rebellion are impossible in a truly Christian community[6].

It is obvious for Donoso Cortés that Christianity would not be able to exert such beneficial influence, if the Catholic Church had not been an institution of supernatural origin, established by the God – Man himself, by Jesus Christ. Without the supernatural element, without the action of grace, one can perceive in civilisations only[7] the results and not causes, only elements which make up civilisations and not their sources. However, the Christian community differs absolutely from the ancient community, even with respect to politics and society, for the fact that in the ancient community people generally followed instincts and inclinations of the fallen nature, while (…) people in the Christian community, generally, more or less, died in their own nature and they follow, more or less the supernatural and divine attraction of grace[8]. This not only accounts for the superiority of political institutions of the Christian community over pagan ones, but also supports a thesis which is anthropological and soteriological at the same time and says that a pagan man is a figure belonging to pagan, disinherited humanity, while a Christian man is a figure of redeemed humanity. This thesis is simultaneously compatible with an ecclesiological thesis which says that the Church presents human nature as sinless, in the form in which it left God’s hands, full of primeval justice and sanctifying grace[9].

The apologetics of Donoso Cortés says in conclusion that the Church is not (as Guizot assumed) just not one of the many elements of European civilisation, but it is the very civilisation, as the Church gave this civilisation unity, which became its essence. European civilisation is simply Catholic civilisation. The Christianity (“the catholic dogma”) is a complete system of a civilisation, which embraces everything – the teaching about God, the teaching about the Universe and the teaching about man: Catholicism got the whole man in its possession, with his body, his heart and his soul[10].

Donoso Cortés expressed his conviction that political theology provides a sufficient explanation for everything, in a sentence which echoes with the opinions of Tertullian, the most anti-philosophic apologist of ancient Church: A child, whose mouth is feeding on the nourishing milk of Catholic theology, knows more about the most vital issues of life than Aristotle and Plato, the two stars of Athens[11]. This is not a coincidence if one considers that Donoso used to describe the lay, naturalist and rationalist Enlightenment trends against which he fought, as “philosophism”. However, the most vital consequence of such approach seems to be no need for a separate political theology which would be autonomous against the whole corpus of theology as such. Characteristically enough, it was Catholicism and not conservatism which was evoked in opposition to liberalism and socialism in the whole dissertation by Donoso, and not only in the heading of his opus magnum – and not only due to the fact that conservatism in Spain means the right wing of the liberal camp (moderados, or „the moderate”), and that the author of Ensayo… used to be one of the leaders of this camp before his spiritual transformation and that he radically disassociated himself from this camp after this transformation. If Donoso wished to illustrate the opposition of political doctrines, he could have used the term “traditionalism” which in Spain is commonly identified with the orthodox Catholic counter-revolutionary camp. However, the term „traditionalism” never appears in his work, which proves that it was not necessary for Donoso’s concepts; the fact that the author consistently follows the line of thought confronting Catholicism with liberalism and socialism proves that he aimed at counterpoising religion (and inherent political theology) against ideologies which are understood as “anti-theologies” or “false theologies.” This phenomenon discloses political  a u g u s t i n i s m  of Donoso, for whom the political authority is not vital, and it is justified only “for the reason of sin” (ratione peccati) of man, which is proved also by the theory of “two horse bits” explained elsewhere[12]; such bits are to curb sinful inclinations of humans. The first, spiritual bit is to appeal to conscience, while the other, a political one, is based on compulsion. The other bit is still necessary, in spite of the Redemption on the Golgotha as the Sacrifice of the Cross redeemed only the original sin but it did not erase the option of man’s continuing inclination towards the evil. For this reason, although the Good News has excluded compulsion as the sole option to be used, the political power must continue its existence to prevent depravation; what is more, its role and the choice of the tools of compulsion must grow, as the religion and morality are gradually weakening since the disruption of the medieval Christianitas. When the quicksilver on the “religious thermometer” is falling dramatically, the rise of quicksilver on the “political thermometer” seems to be the only means to prevent total fall and self-erasure of people.

Another Augustinian aspect of the political theology of Donoso Cortés is the fact, that it focuses on discussing the four cardinal issues of Christian theodicy in which the Bishop of Hippo was also considerably involved: 1º the secret of free will and human freedom; 2º the question on the origin of evil (unde malum?); 3º the secret of the heredity of the original sin and joint guilt and punishment; 4º the sense of blood and propitiatory offering.

The Theory of Freedom

369DonosoESD.jpgDonoso Cortés discusses three aspects of freedom, seen as perfection, as means to achieve perfection and in the perspective of historia sacra – its history in Heavens and on earth, together with implications of its abuse by angels and humans.

First, the author rejects common opinion that the essence of free will is the option to choose between good and evil (resp. „freedom of choice”). Such situation would have two implications, which Donoso sees as irrational: firstly, the more perfect is man, the less freedom he has (gradual perfection excludes the attraction of evil), and hence a contradiction between perfection and freedom and secondly, the God would not be free as God cannot have two contradictory tendencies – towards good and towards evil. In the positive sense, freedom does not consist in the option to choose between the good and the evil, but it is simply the property of the rational will[13]. However, one must differentiate between perfect and partial freedom. The first one is identical with the perfection of mind and will and can be found only in God, and hence only God is perfectly free. Man, however, is imperfect, as every other created being and he is only relatively free. Which is more, the level of freedom available for man is directly proportionate to the level of his obedience towards the Maker: man grows in freedom when loves God and shows due respect to the God’s law, and when man departs from God and condemns God’s law, he falls under the rule of Satan and becomes his slave. This is the not only a crystallisation of Donoso’s concept of truth but also of his understanding of authority; freedom consists in the obedience to the authority of the Heavenly Ruler, while slavery is the obedience to the devilish “appropriator”. The link between the natural and supernatural order, identified by political theology, allows to determine by analogy, the earthly submission to a ruler legitimate by his obedience to God and the submission to a godless usurper.

The option to follow the evil, which is the “freedom of choice” is factual, but it is a mistake to consider it to be the essence of freedom; this is just an affection resulting from the imperfection of human will, and therefore it is a week and dangerous freedom which threatens with falling into the slavery of the “appropriator.” Free will, understood as the possibility to turn good into evil, is such a great gift, that, from God’s perspective, it seems to be a kind of abdication and not grace[14], and therefore it is a secret which is terrifying by the fact that man, making use of it, is just continually spoiling the God’s work. Therefore, everybody who cares for achieving true freedom – the freedom from sin – should rather attempt to put this option to sleep or even to lose it wholly if possible, which can be achieved only with the assistance of grace. Without grace, also resulting from acts, one can do nothing – one can only get lost. Grace which gives freedom from sin does not contradict freedom itself because it needs human participation in order to operate. According to fundamental theology, man is granted the grace sufficient to move the will by delicate pull; if man follows this, his will unites with God’s will and in this way the sufficient grace becomes effective. In the light of the above, the freedom of human will understood as the means leading to perfection is, the most wondrous of God’s wonders[15], as the man may resist God and get his dire victory while, in spite of this, God remains the winner and man remains the loser[16], losing his redemption. However, as long as the great theatre of the world[17] still stages the giant struggle between the “Two Cities” – Civitas Dei and the civitas terrena ruled by the Prince of This World, between the Divine and the Human Hercules, every man, consciously or unconsciously serves and fights in one of the armies and everybody will have to participate in the defeat or in the victory[18]of theMilitary Church (Ecclesia militans). The fight will cease in eternity, in the homeland of the righteous – the citizens of Ecclesia triumphans.

In the soteriological aspect, the weakness of human will is the “sheet anchor” for man, which explains the comparison of human and angelic condition. Angels were placed on the top of hierarchy of created beings, and received from the God a greater scope of freedom, which proved to have irrevocably disastrous effect on the angels which rebelled. Angels, more perfect than men, are granted a once-off act of choice only, so the fall of rebel angels was both immediate and the final, and their condemnation allowed no appeal. Man, weaker from angels with respect to his will and his mind, had for this very reason retained the chance for his redemption and the hope to be saved. The decisive damnation can be “earned” by man only when, the human offence, by repetition, reaches the dimension of the angelic offence[19].

Therefore, Donoso Cortés examines the question why God has not decided to “break” human freedom to save man, even against the “freedom of choice” which – as we know – is just an option for self-damnation? His answer allows to withdraw the suspicion of tendencies towards the Lutheran principle of justification sola gratia, as it emphasises the necessity of  m e r i t s  to be saved, as the lack of merits would be not adequate to the divine perfection. Redemption without merit would not be God’s goodness but His weakness, the effect without cause, something which we call on earth (…) a whim of a nervous woman[20].

The possibility of eternal damnation is only balanced by the possibility of redemption. The first one is God’s justice, the other – God’s grace. Donoso Cortés emphasises that the only consistent and logical option is either to accept or reject both options simultaneously as everything outside the common notion of “going to Hell” is not the true punishment, while everything outside “going to Heavens” is not the true reward: Cursing God for allowing the existence of Hell is the same as cursing God for creating Heaven. [21]

Freedom and Truth

Donoso Cortés’ theory of freedom incorporates one more vital motive, which is the discussion on the relationship of freedom and truth. Naturally, in his understanding, the Church is the depository of absolute truth, but such solution implies a very meaningful and painful paradox. The truth and beauty of the Catholic teaching do not by any means contribute to the popularity of the Church; the actual situation is just opposite: the world does not listen to this teaching and it crowds around the pulpits of error and carefully listens to wanton speeches by dirty sophists and miserable harlequins[22]. This gives rise to assumptions that the world is persecuting the Church not only because it forgot Its truth, holiness, the proofs of the divine mission and His miracles, but because the world abhors all these notions.

However if the Church, in spite of its losses and persecution, has survived two thousands years, where is the cause of its triumph, if not in the truth which it represents? The only cause is the supernatural force supporting the Church, the mysterious, supernatural right of grace and love. Donoso Cortés justifies this thesis with a paradoxical argument that Christ did not “win over the world” not with the truth, as Christ impersonates truth and the essence of that truth was already known in the Old Testament, but the people of the Old Covenant rejected the Impersonated Truth and crucified it on the Mount of Calvary: This is a dire lesson for those believing that truth, by its inherent force, may extend its reign and that the error cannot rule over the earth[23]. The Saviour won over the world, but not due to the fact that He is the world, but  i n  s p i t e  o f  t h e  t r u t h !

The truth, by itself, cannot triumph exactly because of the freedom of man, whose mind and will are dimmed by the fall of sin. A man, in the fallen state, becomes the enemy of truth which he treats as the “tyranny” of God and when he crucifies God, he thinks that he has killed his tyrant.

The most extensive explanation for the secret of wrong choices made by human will is found by Donoso Cortés on the Gospel of St. John: I am come in my Father’s name, and ye receive me not; if another shall come in his own name, him ye will receive. (J, V, 43) According to Cortés, these words prove the natural triumph of the false over the true, of the evil over the good[24]. The natural tendency of fallen will towards evil is confirmed by the people of Jerusalem choosing Barabbas and by the inclination which contemporary proletariat displays towards false socialist theology. The Nature is unable to choose truth; one needs grace and love in order to choose truth, as no man can come to me, except the Father which hath sent me draw him. (J, VI, 44) Simply speaking, the triumph of the Cross is incomprehensible, as the victory of Christianity requires constant, supernatural activity of the Holy Spirit.

The assumption that man in his (fallen) natural state is the enemy of truth and that his “free choices”, stripped from the support granted by grace, must always be wrong, has extremely weighty implications. This means, that freedom cannot be trusted and the “right of choice” is always destructive, both in the state and in the Church. In the former, when people despise of the monarchy by God’s grace and believe in their “natural” right to choose leaders following their will, there is no other hope for maintaining order, than establishing  d i c t a t o r s h i p  perceived in an “occasionalist” sense, as an analogon of a miracle performed by God which suspends the “ordinary” rights of nature, albeit also established by themselves; in such circumstances, the dictatorship also proves the implementation of the divine right of love.[25]. However, on the ecclesiastic plane, the pessimistic assessment of human nature, which perfectly harmonises with the “spirit of the Syllabus”, discloses at the same time a basic discrepancy between Donoso Cortés together with dictates of the Syllabus (and the whole body of the traditional teaching of the Church on the issue), and an optimistic thesis which has been advocated since Vaticanum II, saying that “the truth wins in no other way than by the power of the truth itself”. Adoption of such thesis results in the resignation from the postulate of a Catholic state and proclaims the right of every person to “religious freedom” expressed in the declaration Dignitatis humanae and condemned in the Syllabus[26]. The traditional teachings of the Magisterium include innumerable examples of the same thesis[27] which Donoso presented in Ensayo…, saying that the error has no “right” by itself and that there can be no “freedom for the error” which is as abhorrent as the error itself[28]. This implies that the Church has the right to judge errors which, according to Donoso, protects one against relativism, which is an unavoidable consequence of catalogues of “agreed and arbitrary truths[29]being made by humans, and also implies beneficial character of intolerance which saved the world from chaos, putting above any discussion the truths which are holy and original, which provide the very foundation for any debate; truths, which cannot be doubted even for a moment, for this might instantly shake the mind unsure of truth or error, for his immediately dims the bright mirror of human mind[30]. Only the Church has the holy privilege of useful and fruitful debate, similarly as only the faith incessantly delivers truth and truth incessantly delivers knowledge[31], while doubts may deliver only further doubts.

Where did Evil Come From?

sello_156217.jpgErroneous interpretations of the key issue of theodicy on how to reconcile the imperfection of free human will with divine justice and goodness result, in the opinion of Donoso Cortés, from the very erroneous definition of freedom. A mind permeated with such definition is unable to explain to itself why God keeps yielding to the erroneous human will and He allows rebellion and anarchy on Earth. Terrified by this concept, such mind must resort to Manicheism – either in its traditional ancient form which advocates the existence of two gods (or equivalent principles): of good and evil, or in its modern form identified by Donoso with atheist and anthropolatric socialism of Pierre-Joseph Proudhon. According to Donoso, any Manicheism is able to explain, in its own manner, the nature of fight and duality of the good and the evil but no Manicheism is able to explain the nature of peace and unity or convincingly prove any final victory, as this would require the annihilation of one or the other element, while any destruction of a putative substantial being is beyond comprehension. Only Catholicism provides a solution for this contradiction, as it explains everything by pointing out to an ontological difference between man and God which also serves as an explanation of the origin of evil, without the need to substantiate evil or to negate divine omnipotence or goodness[32].

God, as the absolute Good, is the creator of every good. Therefore it is not possible for the God to create evil, because, although God cannot put in the Creation everything which exists in there, (…) he cannot put there anything which does not exist in Himself, and no god exists in God[33]. On the other hand, God cannot place absolute good in anything, because this would imply the creation of another God. Therefore, God grants to all the creation only relative good, something of what exist in Him, but which is not Himself[34]. If God is the Maker of everything, then the whole creation is relatively good, including Satan and Hell. Satan, choosing to become the being which he is, that is the Evil, did not lose his angelic nature, which is good, as it was created by the God.

Although all the created beings are good, the evil exists in the world and it wreaks dire havoc there. In order to solve this riddle, one must clarify three issues: where does evil come from, what is evil and how finally it is a factor of general harmony.

Evil finds its beginning in the way in which man (and earlier, the fallen angels) used the freedom of will, which was given to him and which is commonly called the “freedom of choice” between the good and the evil, which should be more adequately and precisely called the freedom to unify with the good which exists independently from man, that is with God, or the freedom to depart from God and to negate Him by such departure and to turn towards Evil which is nothingness. Therefore, the occurrence of evil is the result of double negation: negation of the mind, which results in error (negation of truth) and negation of the will which results in evil (negation of good). Both negations are at the same time an absolute negation of God as the truth and the good are substantially the God, that is the same thing which is just discussed from two different points of view.

This negation, naturally enough, does no harm to God, but it introduces disharmony in his Creation. Before the rebellion of angels and the fall of man, everything in the Creation (including matter), gravitated towards God, the truth and the good, while those two metaphysical rebellions resulted in disorder which consists in separating things which the God intended to unite and by uniting things which the God wished to separate. In other words, the gravitation towards God has been changed by rebelling angels and fallen men into the revolutionary movement centred on themselves; both the Satan and the man turned themselves into their absolute and final goal. The price for this “emancipation” was, however dreadful; for Satan, it was final damnation, but the man also paid a lot; with a disintegration of his mental and physical powers. Human mind lost its rule over the will, the will lost its power over actions, the body renounced allegiance to the spirit and the spirit became enslaved by the body.

Therefore, Donoso Cortés affirms, using the mighty power of his fiery rhetoric, the Catholic philosophical thesis derived from St. Augustine which considers that good is identical with the being and that the evils is not metaphysical. The evil “is” the non-existence; it does not exist substantially, it exists only qualitatively, as a manner of being and not as a substance. Therefore, the expression “evil” does not evoke any other notion than the notion of disorder, as the evil is not a thing but just a disorderly manner of existence of things, which did not cease to be good in their substance[35]. Evil is only accidental and as such it cannot be the work of God, but it can be – and is – the work of Satan and man. In the light of the thesis of non-substantiality of evil, which according to Donoso is the only one which is not internally contradictory, both the Manichean theology of “two gods” and the resulting thesis on the constant struggle between God and man become unreasonable. Such struggle is impossible because the man – the maker of accidental and transitory evil – is not equal to God, and consequently, no true struggle may take place where the victory is not possible (for the disproportion of power) and it is not fore-judged (being constant).

Elaborating on the issue of the reconciliation of the possibility of man’s committing evil with the omnipotence of the providential God’s will, Donoso Cortés says that this “terrible freedom” of disrupting the harmony and beauty of the Creation would not have been given to man by God if the God had not been sure that He would be able to turn it into the tool of His plans and to stop the devastation. The point is, that the separation between the Maker and his Creation, which is real in one (moral) respect, becomes feigned in another (existential ties of dependence). Originally – before the rebellion and the fall – rational and free beings were linked with God by the power of His grace. They separated themselves through sin, breaking the node of grace (and hence actually proving their freedom), but when they depart from the God by the power of their will, they approach Him in some other way, because they either encounter His justice or they become the object of His grace. In order to explain this phenomenon, Donoso evokes the medieval metaphor (known, among others, to Dante) which depicts the Creation as a wheel and the God as its circumference on one hand and its centre on the other. Being the centre, God attracts things to Himself, and as the circumference, He encloses. Created beings either gravitate towards the Maker being the circle, or they depart from Him, but then they encounter Him being the circumference, so they always are under God’s hand, wherever they go[36]. If one characterises man as a being which introduces disorder into order, then the divine character of God consists also in the ability to extract order from disorder, changing the temporary separation into unbreakable unity. Whoever is not willing to unite with Him through eternal rewards, shall be united by eternal punishment. The end (goal) which every creature is to reach has been chosen by the God; the creature may chose only the way – either towards damnation or towards salvation.

Elaborate rhetoric antinomies of Donoso Cortés include also a justification for God’s approval for the man’s offence, because the God had “the Saviour of the World, to be used as a kind of reserve[37]; this thesis was one of the reasons for which the author of Ensayo…. has been accused of heresy by father Gaduel, editor of „L`Ami de la Religion”. However, it seems extremely doubtful (also according to the Holy Officium to which Donoso appealed) for this sentence, saying: Man sinned, because God decided to become man[38], to be justifiably interpreted as considering God to be the reason for Adam’s sin, as such causality is negated by subsequent words: Man wavered, because God has the power to support; man fell, because God has the power to uphold[39].

Ideologies which are Negations

The concept of evil as non-existence and the concept of falsity as non-truth is applied by Donoso Cortés to confront Catholicism with ideologies of liberalism and socialism. Their falsity appears there as the lack of ontological and epistemological positivism, resulting from the failure to understand nature and the origin of evil Both the liberal and the socialist concept of evil is too strikingly inadequate to the reality, as they seek evil in places where it does not dwell and overlook its significant manifestations. Liberals see evil in the sphere of political institutions inherited from the ancestors, which primarily embrace Christian monarchy, while socialists say that evil dwells in public institutions – mostly in the family and in private ownership. From the (superficial) point of view of temporary game of power between political parties, this difference seems to be a significant one which affects the public existence; the goals of liberals may seems relatively moderate (replacing traditional monarchy with parliamentary democracy, which actually gives power to the addicts of “debating”), while the intentions of socialists attack the very foundations of the community and evoke also the opposition of liberals. However, in the light of theology and philosophical anthropology, this difference seems diminished to a large extent, even to the point of becoming insignificant, as both these schools – silently or overtly – reject the Catholic dogma on the fall of creation and on the original sin affecting human nature. Both liberals and socialists see man as essentially good – not in the sense of a nature created as good, but always and absolutely, while the evil is always institutional ; the only difference is that both schools name different institutions. However, in any case this means re-ontologisation of the evil and in this sense one can talk about the „Manicheism” of both ideologies.

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A significant difference between liberalism and socialism concerns the degree to which they negate the truth concerning the origin of evil, advocated by Catholicism. Liberalism is inconsistent in this respect and, one may say, even timid: it is afraid to negate this truth in a resolute way and it regrets to renounce any principle (including this Catholic principle, which it only subjects to an “amputation” of all non-liberal notions, which actually make up the very essence of Catholicism). Liberalism praises political revolution and calls it liberating while it impugns social revolution, failing to notice that the former causes the latter: the balance between socialism and Catholicism sought by liberalism is absolutely impossible, and for this reason the (…) liberal school will finally have to abdicate, either in aid of socialists, or in aid of Catholics.[40].

The impotence of the “liberal school” is therefore caused by its lack of political theology and by its inability to consistently negate it; such negation is replaced by disputes, which are even assumedly barren and inconclusive. This school may rule only when the community is in decay; the moment of its domination is the transitory and volatile moment in which the world does not yet know whether to choose Barabbas or Jesus and when it wavers between dogmatic statement and total negation. At that moment, the community accepts the government of those, who are afraid to say: “I confirm” and those are equally afraid to say “I negate”so they always say “I differentiate”. The highest interests of this school consist in preventing the arrival of the day of resolute negations or the day of resolute confirmations. In order to prevent it, this school resorts to debating, which is the best way to the confusion of all concepts and to dissemination of scepticism. It understands very well that people, who constantly listen to sophists discussing for and against things, finally fail to know which is which and they ask whether it is true that the truth and the error, the sin and the virtue are opposite concepts or whether they rather are one and the same thing, just seen from different points of view?[41]. Liberalism, however, is condemned to defeat because the man has been created to act and the continuous debate does not agree with action, and therefore it is against human nature. Therefore a day is coming when the people, following their desires and feelings, shall crowd public squares and streets, resolutely choosing either Barabbas or Jesus and levelling the stand of sophists to the ground[42].

The greater “resoluteness” of socialism consists in the fact, that socialists draw two consistent conclusions from the hypothesis on the goodness of man: a conclusion on the perfection of man (which actually is deification of man) and the identification of evil with the God (or with the concept of God, which is the “threat to the conscience”). „The Golden Age” in socialist interpretation will flourish with the disappearance of faith in God, in the rule of mind over sense and the rule of governments over people; that is, when the brutal crowds will consider themselves as Gods, the law and the government[43]. Donoso Cortés sees this socialist system of the future as ideal despotism which combines pantheism of political, social and religious nature. This stands in express contrast with sociological individualism of Christianity which sees community as a group of humans obeying the same institutions and laws and living under their protection, while pantheists see community as an organism existing individually[44]. According to Donoso, this cardinal contradiction allows to perceive the logical consistency of Christian anthropology and the irrationality of socialist (collectivist) anthropology. If a community does not exist independently from people who are its members, then, naturally, a community can have no thing which did not originally exist in the individuals[45], and, logically enough, the evil and the good in a community originates from man and that it would be absurd to consider uprooting evil from a community without touching people in which the evil resides, being its source[46]. The concept of a holistically perceived community gives rise only to contradictions and unclear notions, which by themselves unmask socialism as a “charlatan” theory. It is not known, whether the evil in a community is substantial (in such situation, even an intention to destroy the existing social order would not be radical enough, as the full eradication of evil would be possible only after eradicating the community), or whether it is accidental; if the latter is true, what circumstances and reasons combined to give rise for this fatal coincidence? Unable to solve these contradictions, socialism leads to ascribe to man (a collective man) the name of the redeemer of community, and hence it advocates the same two secrets as Catholicism does (the secret of the origin of evil and the secret of redemption) but it only reverses them in a perverse way; the Catholicism says two simple and natural things: man is man and his doings are human while God is God and his doings are divine, then socialism says two things which are incomprehensible: that man undertakes and performs God’s works and the society performs acts appropriate to man[47]. With the consideration to the above, Donoso amends his earlier opinion on the logical advantage of socialism over liberalism, as socialism is “stronger” only by the way in which it advocates its issues, by its “theological” impetus, while the contents of the socialist doctrine is a monstrous conglomerate (…) of fantastic and false hypotheses[48].

Finally, if liberalism which emphasises its “neutral” lay character, is just an  a n t i – t h e o l o g y, then, according to Donoso Cortés, socialism is a  f a l s e  t h e o l o g y, which is just an awkward plagiarism of the Gospel, an irrational “half-Catholicism” which creates a new “God” of a collective man. however, basically both these ideologies shine with the “moonshine” of Christianity, which consists in undermining Catholicism to various degrees and in various places and in misinterpreting the World of God.: In spite of being schools which directly oppose Catholicism, that is schools which would resolutely negate all the catholic statements and all the principles, they are schools which just differ from Catholicism to a larger or smaller degree; they have borrowed from Catholicism everything which is just not a pure negation and they only live its life[49]. The author of Ensayo… is of the opinion that all heresiarchs, including political ones, share the common fate, as when they imagine that they live outside Catholicism, they actually live within, because Catholicism is just as the atmosphere of minds; socialists follow the same fate: after huge efforts aimed at the separation from Catholicism they have just reached the condition of being bad Catholics[50].

The Heredity of Sin

A theodicy would be incomplete if it failed to complement the answer to the question on the source and nature of evil with an explanation on the dogma of the heredity of original sin by all the generations. Donoso Cortés, who devoted the whole third chapter of his Ensayo… to discussing this issue, does not deny that this dogma in particular, being a dogma without which Catholicism would lose the reason for its existence – causes the highest “outrage” both for the purely natural justice and for the modern mentality, with its most expressive manifestations being the ideologies of liberalism and socialism. How can one be a sinner if he has not sinned, just at the moment of birth? On what grounds one may discuss the inheritance of Adam’s sin, which is the unavoidable consequence of that sin in the form of punishment, but without personal guilt? All this seems to fly in the face of all reason and the sense of the right, and to contradict the truth on the inexhaustible God’s grace advocated by the Christian religion. Instead, one might consider this dogma to be a borrowing from gloomy religions of ancient East, whose gods thrived on the suffering of victims and the sight of blood.

Although this question is usually posed on the ethical plane, the reply provided by Donoso Cortés transcends onto the ontological level, as he explains the putative contradiction between the absence of personal guilt and the heredity of sin and responsibility arising therefrom, with the duality of the existential structure of man. Our forefather Adam was at the same time an individual and mankind, and sin was committed before the separation of individual and mankind (by progeniture). Therefore, Adam sinned in both his natures: the collective and the individual one. Although the individual Adam died, the collective Adam lives on, and he has stored his sin in the course of life: the collective Adam and the human nature are the same thing; hence, human nature continues to be guilty, as it continues to be sinful[51]. Every man who comes to this world is a sinner, because he has human nature and human nature has been polluted: I sinned when I was Adam, both when mature, when I got the name which I carry, and before I came to the world. I was in Adam when he left the hands of God and Adam was in me when I left the womb of my mother; I am unable to separate myself from his person and unable to separate myself from his sin[52].

Every human being simultaneously upholds the individual element, which is its substantial personal unity, and an element which is common for the whole mankind. The first element, received by everyone from his parents, is just an accidental form of being; the other one, received (through Adam) from God , is the essence of every human being and this very fact is decisive for everyone’s participation in the sin. Individual sins are just “extras” added to the original sin which was at the same time one and common, exceptional and embracing nuclei of all sins. No man has been and will be able to sin individually in the same way as Adam: we just cover dirty spots with more dirty spots; only Adam soiled the snow-white purity[53].

Therefore one should note that the theory of existence of Donoso Cortés not only excludes idealistic ontologism, but on the other hand it also rejects nominalism, which denies the reality of the commoners (in this instance: the mankind). The result of the dogma of original sin and the rule of substantial unity of mankind is the dogma of the heaviness of the double responsibility of man (collective one concerning the original sin and the individual one concerning the sinful acts), which is the  s o l i d a r i t y  in sin. Only this solidarity gives to man his dignity, extending his life to cover the long course of times and spaces, and therefore, after a certain fashion, it gives rise to “mankind”: This word, meaningless for the ancients, only with the rise of Christianity began to express the substantial unity of human nature, the close kinship which unites all men in one family[54].

The heritage of guilt and punishment – and hence, without doubt, the suffering, should not be seen as evil, but only as good, available in the condition resulting from the irreversible fact of man’s depravity. If not for the punishment – which is in its essence a healing aid – the pollution would be irreversible and God would not have any means to reach man (to whom He gave freedom) with His grace. By rejecting punishment, we erase also the option of redemption. Punishment is just the very chance for being saved, denied to fallen angels, which ties a new bond between the Maker and the man. This punishment, although it still is relatively bad , being suffering, becomes the great benefit due to its purpose, which is the purification of the sinner: Because sin is common, the purification is also absolutely necessary for everyone; hence the suffering must also be common, if the whole mankind is to be purified in its mysterious waters[55].

Moreover, the dogma of solidarity also has its feedback aspect; solidarity remains in sin and in merit; if all people sinned with Adam, then all people were redeemed by Jesus Christ, whose merit is pointing towards them.

Social Implications of the Solidarity Dogma

According to Donoso Cortés, the concepts of heredity through blood and solidarity in sin explain all significant family, social and political institutions of mankind. If, for instance, a nation is well aware of the idea of hereditary transfer, its institutions will necessarily be based on heredity, and hence on stricte  a r i s t o c r a t i c, basis, moderated, however, by things which are common (in solidarity ) to all people in a society and hence are democratic, but only in this very sense. This also refers to the democracy of Athens, which was nothing else than an aristocracy, impudent and anxious, serviced by a crowd of slaves[56].

However, the concept of solidarity was disastrous for pagan communities due to its incompleteness; particular phenomena of solidarity (in family, community and politics) were not moderated by human solidarity which is comprehensible only in the light of the Christian dogma. This resulted in the tyranny of husbands and fathers in the family, the tyranny of state over communities and the permanent and common state of war between states, as well as a twisted concept of patriotism as declaring war against the whole mankind by a caste which constituted itself as a nation[57]. In modern times, all disorder is caused by the departure from the “Christian dogma” which has already been made known..

donoso.jpgBoth the instances of crippled solidarity in pre-Christian communities and the denial of solidarity in “post-Christian” communities[58] – are proofs of the lack of elementary balance in all doings of man which remain only human. They show the impotence and vanity of man as compared with the might and perfection of God, who is the only one to be able to uphold everything, not degrading anything; on the other hand man, upholding anything, degrades all things which are not upheld by him: in the sphere of religion, he cannot uphold himself without degrading God at the same time; he can neither uphold God without degrading himself; in politics he cannot give homage to freedom without offending authority at the same time; in social issues he either sacrifices community to individuals or individuals to the community[59]. Due to this one-sidedness, Donoso Cortés describes both liberals and socialists as parties of equilibrists.

Liberalism denies solidarity in the religious order, as both its ontological nominalism and its ethical meliorism do not allow it to accept the heredity of punishment and guilt. In turn, liberalism in the social order – as the follower of pagan egoism – denies the solidarity of nations, calling other nations strangers and it has not yet called them enemies only because it lacks enough energy[60].

Socialism goes even further, as it not only denies religious solidarity, heredity of punishment and guilt, but it also rejects the very punishment and guilt. The denial of the rule of heredity results therefore in the egalitarian principle of legal entitlement of everybody to all offices and all dignities[61] while egalitarianism gives ground to the denial of the diversity and solidarity of social groups which leads to the postulate of eradicating family and furthermore to the eradication of private ownership, with particular reference to land. This sequence of denials has a logic of its own, as one cannot understand ownership without some sort of proportion between the owner and his thing; while there is no proportion between land (Earth) and man[62]. The land does not die, and hence a mortal being cannot “own” it if one resigns from the notion of heredity. Purely individual ownership denies reason and the institution of ownership is absurd without the institution of family[63].

Socialism does not end with the denial of sin, guilt and punishment, but continuing the sequence of denials, it negates the unity and personality of man; in the result of rejecting tradition and historic continuity, socialism is unable to unite the present human existence with the past and the future, and all this leads it to unavoidable and total nihilism: Those, who tear themselves away from God go to nothingness and it cannot be the other way, as outside God there can be nothing but nothingness[64].

The Sense of Blood Offering

The “Cortesian” theodicy is crowned by the discussion on the necessity and sense of the propitiatory offering of blood – the most common procedure which is known almost to all religions, but is simultaneously the most mysterious and seemingly repulsive and irrational one.

The first blood offering was made by Abel – and, which is strange, God welcomed it just because it was the offering of blood, in contrast to the offering made by Cain, which was bloodless. It is even more puzzling that Abel, who spills blood for propitiatory offering, abhors the very fact of spilling blood and he dies because he refuses to shed blood of his envious brother, while Cain, who refuses a blood sacrifice to satisfy God, is fond of bloodshed to the point of killing his brother. This series of paradoxes leads Donoso Cortés to conclude that bloodshed functions as purification or erasure procedure, respectively to its purpose. Having discovered this, the fair Abel and Cain the fratricide become pre-figurations of the “Two States” which, according to St. Augustine, will struggle with each other until the end of history: Abel and Cain are the characters representing those two cities governed by opposite laws and by hostile lords; one of which is called the City of God and the other is the city of world and they are warring with each other not because one sheds blood and the other never does it, but because in the former, blood is shed by love while in the latter it is shed by vengeance; in the latter , blood is a gift to man to satisfy his passion, while in the former it is a gift to God for His propitiation[65].

Why everybody then sheds blood, in one way or another? According to Donoso, bloodshed is the inherent result of Adam’s misdeed. But, in the result of the promise of Redemption, by replacing the guilty person with the Redeemer, the death sentence has been suspended until His arrival. On the other hand, Abel, the heir of the death sentence and of the promise suspending it – is a memorial and symbolic offering. His offering is so perfect, that it expresses all the Catholic dogmas: as an offering in general, it constitutes an act of gratitude and respect for God; as a blood offering, it announces the dogma of original sin, heredity of guilt, punishment and solidarity, and also functions as reminder of the promise and the reciprocity of the Redeemer; finally, it symbolises the true offering of the Lamb without blemish.

However, in the course of generations, the original revelation, together with the message carried by Abel’s offering, became blurred, because simultaneously all men inherited the original sin, which corrupted human mind. The most deformed, cruel and fearful consequence of the misperception of the sense and purpose of blood offering was turning it actually into the act of offering human lives.

Where did pre-Christian peoples commit an error? This very fragment of discussion allows the reader experience the fine rhetoric by Donoso Cortés, his subtle reasoning and the sophisticated discourse. The discourse consists of a series of rhetoric questions (starting with anaphors) which are every time answered with a negative reply, except for the last question. Were the ancients wrong, thinking that divine justice needs propitiation? No, they were not. Were they wrong thinking that propitiation can be achieved only by bloodshed? No, they were not. Is it wrong that one person can offer enough propitiation to erase sins of everyone else? No, this is true. Or perhaps they were wrong thinking that the sacrificed one must be innocent? No, this was not false either. Their one and only error – which, however, had monstrous consequences – was the conviction that any man can serve as such (effective) offering. This one and only error, this single departure from the “Catholic dogma”, turned the world into the sea of blood[66]. This leads to the conclusion, which according to Donoso, remains ever true, that whenever people lose any Christian quality, wild and bloody barbarous behaviour is imminent.

donoso-cortes-juventud-politica-y-romanticismo-.jpgThe pagan error concerning offerings of blood was in fact only partial, because human blood is only unable to erase the original sin, while it can erase personal sins. This gives not only the justification but even the (…) necessity of death penalty[67], which was considered efficient by all civilisations, and those advocating its abolishment will soon see how expensive are such experiments, when blood immediately begins to seep through all its [community's – J.B.] pores[68]. Donoso Cortés saw the support of abolitionism as tolerance for crime which can be explained only by weakening religious spirit. It would be hard to say that his discussion on the subject lacks psychological sharpness and prophetic value: The criminal has undergone a gradual transformation in human eyes; those abhorred by our fathers are only pitied by their sons; the criminal has even lost his name – he became just a madman or a fool. Modern rationalists adorn crime with the name of misfortune; if this notion spreads, then some day communities will go under the rule of those misfortunate and then innocence will become crime. Liberal schools will be replaced with socialists with their teaching on holy revolutions and heroic crimes; and this will not be the end yet: the distant horizons are lit with even more bloody aurora. Perhaps some galley slaves are now writing a new gospel for the world. And if the world is forced to accept these new apostles and its gospel, it will truly deserve such fate[69].

Dignitatis humanae?

If human nature is so direly hurt by the fall of sin, and consequently the man may only add more errors to the first and main one, then how will it be possible to achieve at any time in the future the reinstatement of man’s unity with God? Donoso Cortés admits, that without solving this “dogma of dogmas” the whole Catholic structure (…) must fall down in ruin; as it has no vault[70]; in such instance, this structure would be just a philosophical system, less imperfect than the other ones.

This dilemma can be solved in one way only: by acknowledging the infinite  l o v e  of God for his Creation. Love is the only adequate description for God: God is love and love only. (…) We are all redeemed in love and by love[71]. The depth of human fall implies that the reconstruction of the order had to be achieved in no other way than through raising man to divinity which, in turn, had to be effected only by the Incorporation of the World, when God, becoming a Man, never ceased to be the God[72]. The Holiest Blood, spilt at the Calvary, not only erased Adam’s guilt but it also put the redeemed man in the state of merit.

This truly abysmal disproportion between the impotence of the fallen man and the immeasurable, freely granted God’s grace and love makes Donoso Cortés draw conclusions of utmost importance and far-reaching – in the opinion of some, too far-reaching – implications. The Secret of Incorporation is in his eyes, the only title of nobility for mankind, and therefore, whenever the author sees a man fallen by his own guilt and stripped from the sanctifying grace, the he is surprised by the restraint shown by rationalists in their contempt of man and he is unable to understand this moderation in contempt[73]. In this context, Donoso placed his most famous and most controversial statement: if God had not accepted human nature and had not elevated it to His level, leaving it with the shiny trace of His divinity, (…) man’s language would lace words to express human lowliness. As to myself, I can only say that if my God had not became a body in a woman’s womb and if He had not died on the cross for the whole mankind, then the reptile, which I trample with my foot, would have been less deserving of contempt in my eyes, than the whole mankind[74].

In other words, the common character of guilt does not only mean that grace is necessary for salvation and that no man can be considered to be “good by his nature”, which is unquestionable from the point of view of Catholic doctrine, but also refuses natural dignity to man in this state[75]. The author of Ensayo… admits openly: Out of all the statements of faith, my mind has the most difficulty to accept the teaching on the dignity of mankind – the dignity which I desire to understand and which I cannot see[76]. Various deeds of numerous famous people, extolled as heroic, seem to Donoso to be rather heroic misdeeds committed out of blind pride or mad ambition. It would be easy to understand what puzzlement or even horror would Donoso experience learning that Fathers of the Second Vatican Council promulgated the Declaration on Religious Freedom Dignitatis humanae, or perhaps he would think that the anthropological hyper-optimism which permeates this text proved that the heresy of naturalistic Pelagianism, contended by St. Augustine, has been reborn after 1500 years.

On the other hand, the ultra-pessimism of Donoso Cortés has exposed him to the accusations of antithetic heresy. His contemporary critic father Gaduel has discovered in Donoso’s statement on human dignity the condemned error of „baianism”, that is a thesis proposed by Michael Baius[77] saying that “all acts non resulting from faith are sinful” (omnia opera infidelium sunt peccata). However, this seems doubtful, as the author of Ensayo… does not offer any general statements, but discusses only a certain class of acts which are seen as good in the eyes of the “world”.

Father Gaduel is supported by Carl Schmitt, a Catholic, who, although fascinated by the decisionist thought of Donoso Cortés, considered the outbreaks of “monstrous pessimism” (and doubt in the chances to conquer evil, which “often is close to madness”[78]) demonstrated by the Spanish thinker to be a “radical form” of the concept of the original sin which departs from the “explanation adopted by the Council of Trent (…) which says, in contrast to Luther, that human nature has not been wholly polluted but it is only blurred by the original sin, has been hurt to a certain extent, but man still remains naturally able to do good”[79]. Schmitt says also that the way in which Donoso understands the original sin dogma “seems to overlap the Lutheran approach”, although he remarks that Donoso „would never accept Luther’s opinion that one should obey every authority”[80]. He also ventures to offer a peculiar defence of Donoso, emphasising that “he did not aim (…) at developing some new interpretation for the dogma, but to solve a religious and political conflict”, „ and therefore, when he says that man is evil by his nature, he primarily involves himself in polemics with atheist anarchism and its basic axiom – the natural goodness of man; his approach is hence polemic and not doctrinal”[81]. Such defence line would certainly never satisfy Donoso, who, truly enough, was very far away from the intention to develop a new interpretation for the dogma, but at the same time considered the compliance of his own opinions with the interpretation of the Magisterium as the issue of utmost importance.

The problem of whether Donoso Cortés has passed over the boundaries of orthodoxy at that moment, will probably remain controversial. One should remember however, that this would be only a “material” and not “formal” heresy, as Vatican has dismissed charges against him, and the defendant had in advance promised to submit himself to any decision.. In addition to that, even if Donoso was in fact too pessimistic about human nature, the same objection could be directed towards to late anti-Pelagian writings by St. Augustine, which has been disclosed by the controversy on Lutheranism and Jansenism[82].

The issues which, however, seem to remain beyond any essential controversy are the political implications of the anthropological pessimism of Donoso Cortés. This pessimism results in unambiguous rejection of a system based on the trust in human mind and goodness, which is the democratic system: I perceive mankind as an immense crowd crawling at the feet of the heroes whom it considers gods, while such heroes, similarly to gods, can only worship themselves. I could believe in the dignity of those dumb crowds only when God revealed it to me[83]. According to Donoso, any attempt at building a system based on the trust in human goodness and mind, is both heresy and madness. Only Jesus Christ can be the Master and the Focus of everything, both in the whole Creation and in a human state. Only in Him can reign the true peace and brotherhood, while the negation of his Social Kingdom brings only the division into parties, rebellions, wars and revolutions: the poor rise against the rich, the unhappy against the happy, the aristocrats against kings, lower classes against higher ones (…); the crowds of people, propelled by the fury of wild passions unite in their fight, just as streams swollen with rainstorm waters unite when falling into the abyss[84]. One of the best experts on Spanish traditionalist thought Frederick D. Wilhelmsen presents this ideal of the Catholic state in a nutshell, rightly saying that “the political authority in a well arranged society is just a manner of governing, which is always, although in diverse ways, subordinated to God. This means that authority, power and sovereignty can be united only in God”[85].

by Jacek Bartyzel

“Organon”, Instituto de Historia de Ciencia, Academia de Ciencias de Polonia, núm. 34/2006, págs. 195-216.



[1]   Actually, this concerns the ideas of Donoso Cortés expressed after his religious transformation in 1843 when  he changed from a moderate liberal and a “sentimental” Catholic into a determined reactionary  and ultramontanist;  I have discussed this evolution in more detail in my essay: Posępny markiz de Valdegamas. Życie, myśl i dziedzictwo Juana Donoso Cortésa, in „Umierać, ale powoli!”. O monarchistycznej i katolickiej kontrrewolucji w krajach romańskich 1815-2000, Kraków 2002, p. 351-387.  See also Carl Schmitt: „For [Donoso] Cortés, his postulate of radical spiritualism is already equivalent to taking the side of a specific theology of struggle against an opponent. (…) … systemic discussion shows his effort to present in  brief issues belonging to the good, old , dogmatic theology” – id., Teologia polityczna i inne pisma, selected, translated and prefaced by M. A. Cichocki, Kraków – Warszawa 2000, p. 80.

[2] See R. Cammilleri, Juan Donoso Cortés – Il Padre del Sillabo, Milano 1998, 2000².

[3] Jan Donoso Cortés, „Przegląd Katolicki” 1870, No.46, p. 724 [I quote all fragments from the Esej o katolicyzmie, liberalizmie i socjalizmie from  this text (signed in the recent issue as Ks. M. N.) printed therein in the years 1870-1871, which is an actual translation (certainly from French) covering approximately 80 % of the original text and  summarising the rest,  with additional comments and a biographic sketch. However, I introduce corrections to this translation in places which depart from the meaning of the original  or which sound too archaic (I have also modified spelling and punctuation), comparing it with contemporary Spanish edition of the text in Obras Completas, Madrid 1970, t. II, as well as with the French edition of Cortés'  works edited by his friend, Louisa Veuillot – Œuvres de Donoso Cortés, marquis de Valdegamas, Paris 1858, t. III: Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme considérés dans leurs principes fondamentaux].

[4] Ibid., p. 726.

[5] Ibid., „Przegląd Katolicki” 1870, No.49, p. 770.

[6] Ibid.

[7] Similarly to  François Guizot, a writer highly appreciated by Donoso, who however pointed out to his weaknesses and limitations resulting  from his liberal, protestant and naturalist research perspective.

[8] Jan Donoso Cortés , „Przegląd Katolicki” 1870, No.52, p. 818.

[9] Ibid., „Przegląd Katolicki” 1870, No.49, p. 772.

[10]            Ibid., p. 769.

[11]            Ibid.

[12]            See  J. Donoso Cortés, Carta al director de la „Revue de Deux Mondes”, [in:] id., Obras Completas, Madrid 1970, t. II [Polish translation of the fragment in: „Przegląd Poznański” 1849, t. VIII, p. 438-440].

[13]            Jan Donoso Cortés „Przegląd Katolicki” 1871, No.1, p. 2.

[14]            Ibid., „Przegląd Katolicki” 1871, No.4, p. 49.

[15]            Ibid., „Przegląd Katolicki” 1871, No.1, p. 1.

[16]            Ibid.

[17]            It is not a coincidence that Spaniard Donoso Cortés presents this Augustinian opposition of the Two Cities using a Baroque metaphor of el Gran Teatro del Mundo created by his great fellow countryman Pedro Calderón de la Barca.

[18]            Jan Donoso Cortés, „Przegląd Katolicki” 1871, No.4, p. 51.

[19]            Ibid., „Przegląd Katolicki” 1871, No.1, p. 6.

[20]            Ibid., p. 7.

[21]            Ibid.

[22]            Ibid., „Przegląd Katolicki” 1870, No.52, p. 818.

[23]            Ibid., „Przegląd Katolicki” 1870, No.50, p. 786.

[24]            Ibid.

[25]            See  J. Donoso Cortés, Discurso sobre la dictadura, [w:] id., Obras Completas, Madrid 1970, t. II, p. 316 i n.

[26]            See the condemned thesis XV: „Every man has the right to accept and believe in a religion which he has considered true, guided by the light of his mind” – Syllabus errorum, in: Bl. Pius IX, Quanta cura. Syllabus errorum. (O błędach modernizmu), Warszawa 2002, p. 23.

[27]            For instance, Pius VII says that the  public law, sanctioning equal freedom for the truth and the error, commits a “tragic and always contemptible heresy” (Post tam diuturnitas), Gregory XVI – „ravings” (Mirari vos), bl. Pius IX – „monstrous error” (Qui pluribus), which is most harmful to the Church and the salvation of souls” (Quanta cura), something which “leads to easier depravation of morals and minds” and to the “popularisation of the principle of indifferentism” (Syllabus), Leon XIII – „the public crime” (Immortale Dei), something which is “equivalent to atheism” (ibid.) and „contrary to reason”; quoted from: F. K. Stehlin, W obronie Prawdy Katolickiej. Dzieło arcybiskupa Lefebvre, Warszawa 2001, p. 188-189.

[28]            Jan Donoso Cortés, „Przegląd Katolicki” 1870, No.49, p. 772.

[29]            Ibid., p. 773.

[30]            Ibid.

[31]            Ibid.

[32]            This explanation naturally repeats anti-Manichean polemics of St. Augustine, while the conclusions concerning modern (socialist) “Manicheisms” are his own.

[33]            Jan Donoso Cortés, „Przegląd Katolicki” 1871, No.4, p. 52.

[34]            Ibid.

[35]            Ibid., p. 54.

[36]            Ibid., „Przegląd Katolicki” 1871, No.5, p. 66.

[37]            Ibid., p. 67.

[38]            Ibid.

[39]            Ibid.

[40]            Ibid., „Przegląd Katolicki” 1871, No.12, p. 179.

[41]            Ibid., p. 177.

[42]            Ibid.

[43]            Ibid., p. 178.

[44]            Ibid., p. 181.

[45]            The defence of this point of view allows to identify Donoso also as an Aristotelian, as he considers individual substances also as real beings.

[46]            Jan Donoso Cortés, „Przegląd Katolicki” 1871, No.12, p. 181.

[47]            Ibid.

[48]            Ibid., p. 182.

[49]            Ibid.

[50]            Ibid., „Przegląd Katolicki” 1871, No.16, p. 245.

[51]            Ibid., „Przegląd Katolicki” 1871, No.13, p. 195.

[52]            Ibid.

[53]            Ibid., p. 196.

[54]            Ibid., „Przegląd Katolicki” 1871, No.15, p. 226.

[55]            Ibid., „Przegląd Katolicki” 1871, No.14, p. 210.

[56]            Ibid., „Przegląd Katolicki” 1871, No.15, p. 227.

[57]            Ibid.

[58]            This term has been, naturally unknown to the author of Ensayo…, but it stands with full compliance with his perception of the current condition of the society.

[59]            Jan Donoso Cortés, „Przegląd Katolicki” 1871, No.15, p. 226.

[60]            Ibid., p. 228 [Such characteristics of liberalism, which seems to fit rather nationalism, must seem surprising in modern times.  However, the concept of  Donoso can be defended, if one becomes aware that liberal doctrines and movements of his times - during the period of Romanticism - had a very strong national component, which in certain instances (Jacobinism, Italian Risorgimento), seemed just chauvinistic. Liberalism radically separated itself from romantic (proto)nationalism only at the end of the 19th century, a long time after the death of Donoso. It is also worth remembering that the concept of "holy egoism" (sacro egoismo), apparently   Machiavellian in its spirit, and signifying the superior directive of a national state, has been born in the very circle of the liberal destra storica].

[61]            Ibid.

[62]            Ibid., „Przegląd Katolicki” 1871, No.16, p. 241.

[63]            Ibid.

[64]            Ibid., p. 245.

[65]            Ibid., „Przegląd Katolicki” 1871, No.17, p. 259.

[66]            Ibid., p. 260.

[67]            Ibid., p. 261.

[68]            Ibid.

[69]            Ibid.

[70]            Ibid., „Przegląd Katolicki” 1871, No.18, p. 274.

[71]            Ibid., p. 275.

[72]            Donoso’s use of Hegelian concepts  such as “the synthetic union” of man with God (ibid., p. 277),  or the “unification of ideality  with reality”  in the Son of God (ibid., p. 289) is well understandable in the  historic context, although it introduces certain  conceptual chaos to   basically classical (mostly Augustinian and partly Thomistic) philosophical vocabulary of the Spanish theologian.

[73]            Jan Donoso Cortés, „Przegląd Katolicki” 1871, No.18, p. 275.

[74]            Ibid.

[75]            Terminology of traditional fundamental theology refers to the so-called “original dignity” with which man was supplied in the act of creation, in contrast to the “final dignity” which is inseparable form the strive towards truth, which has been reinstated in man by the act of Redemption.

[76]            Jan Donoso Cortés, „Przegląd Katolicki” 1871, No.18, p. 275.

[77]              For reference to the condemnation of 79 theses by Baius by  St. Pope Pius V in  1567 see.: Breviarium fidei. Wybór doktrynalnych wypowiedzi Kościoła, edit.. S. Głowa SJ and I. Bieda SJ, Poznań 1989, p. 203-205.

[78]            C. Schmitt, op. cit., p. 77.

[79]            Ibid., p. 76 [In fact, Schmitt does not give an accurate brief of the Trent teachings; certainly, none of the  canons of the Decree on the Original Sin, adopted at Session V in 1546 includes no statement that "man continues to be able to do good  out of his nature.” Fathers of the Tridentinum consciously refrained from solving all problems related to the nature of the original sin and its effects, but they only rejected the teachings of Protestant reformers by declaring that the grace granted at baptism „effaces the guilt of original sin"  and  remits everything which "has the true and proper character of sin" and not only "blurs it or makes it no more considered as guilt” (Can. 5), quot. from: Breviarium fidei..., p. 202].

[80]            Ibid.

[81]            Ibid.

[82]            See also.: L. Kołakowski, God Owes Us Nothing: A Brief Remark on Pascal’s Religion and on the Spirit of Jansenism, The University of Chicago Press 1995.

[83]            Juan Donoso Cortés, „Przegląd Katolicki” 1871, No. 18, p. 276 [This perception of democracy has been repeated in an equally sarcastic, albeit lay form, by H.L. Mencken saying that “democracy is the cult of jackals professed by asses”.]

[84]            Ibid., „Przegląd Katolicki” 1871, No. 19, p. 292.

[85]            F. D. Wilhelmsen, Donoso Cortés and the Meaning of Political Power, [in:] Christianity and Political Philosophy, Athens 1978, p. 139, quot. from: M. Ayuso, La cabeza de la Gorgona. De la «Hybris» del poder al totalitarismo moderno, Buenos Aires 2001, p. 24.

 

 

 

mercredi, 28 mai 2014

Aktenzeichen RAF ungelöst

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Aktenzeichen RAF ungelöst

von Gereon Breuer

Ex: http://www.blauenarzisse.de

Die RAF-​Terroristin Ulrike Meinhof wurde in der Wohnung von Fritz Rodewald verhaftet. Er ist untrennbar mit der letztlich unverarbeiteten Geschichte der RAF verbunden.

An Fritz Rodewald scheiden sich noch immer die Geister. Der Mann, dessen Hinweis am 15. Juni 1972 zur Verhaftung von Ulrike Meinhof führte, ist rechts wie links nur ungern gesehen. Die Linke hat ihm den „Verrat“ bis heute nicht verziehen. Die Konservativen sehen es ihm nicht nach, dass er die Belohnung für die Meinhof-​Verhaftung an die „Rote-​Hilfe“ spendete – zwar anonym, aber trotzdem.

Fluchthelfer verrät Terroristen

Zunächst die Fakten: Fritz Rodewald wird am 14. Juni 1972 gegen Abend von einer Frau aufgesucht, die ihn bittet, zwei Personen – einem Mann und einer Frau – am nächsten Tag Unterschlupf zu gewähren. Das ist für Rodewald nicht ungewöhnlich, denn er ist engagierter „Fluchthelfer“ für desertierende US-​Soldaten, die vor ihrer Dienstpflicht nach Schweden fliehen. Bei ihm sind oft Personen zu Gast, die er nicht kennt. Zu diesem Zeitpunkt weiß er noch nicht, dass es sich bei den beiden Personen, die bei ihm unterkommen sollen, um Ulrike Meinhof und Gerhard Müller handeln wird – zwei europaweit gesuchte Topterroristen, Schwerverbrecher von linkem und damit ganz besonderem Kaliber.

Rodewald bespricht die Sache zunächst mit seiner Frau, die als erste den Verdacht hegt, es könne sich bei den beiden Personen um Angehörige der RAF handeln. Am nächsten Tag bespricht sich Rodewald mit einem Freund, der ihm rät, zur Polizei zu gehen. Beim Landeskriminalamt in Hannover nimmt man ihn nur mäßig ernst, will seinem Hinweis aber nachgehen. Als Fritz Rodewald am Abend des 15. Juni von einem Schulausflug zurückkehrt – Rodewald war Volksschullehrer – da wird er in seiner Wohnung unter anderem von zwei Polizisten mit Maschinenpistolen erwartet. Ulrike Meinhof und Gerhard Müller sind zu diesem Zeitpunkt schon in Haft, obgleich noch niemand genau weiß, wer dort festgenommen wurde. Erst eine Röntgenaufnahme von Ulrike Meinhofs Schädel leistet ihre zweifelsfreie Indentifizierung: Aufgrund einer Tumor-​Operation wurde ihr eine Silberklammer in den Schädel eingesetzt und – Ironie der Geschichte – am Tag ihrer Festnahme trug sie eine Ausgabe des Spiegel bei sich, in der mit Bildbeweis von dieser Besonderheit berichtet wurde.

Er lehnt Ehrungen ab – die Linken lehnen ihn ab

Rodewald, der für seinen maßgeblichen Beitrag im Kampf gegen den linken Terrorismus alle Ehren verdient, lehnte alle Ehren ab – so unter anderem das Bundesverdienstkreuz. Als Verräter gebrandmarkt schaffte er es kaum, im Anschluss an die Verhaftung der beiden RAF-​Terroristen ein normales Leben zu führen. Mit dem Tode aus dem linken Milieu bedroht, musste er lange Zeit untertauchen. Noch mehr als dreißig Jahre nach der Festnahme schaffte er es nur unter Schwierigkeiten, in einern Hannoveraner Boule-​Club aufgenommen zu werden. Viele der dortigen Mitglieder, bei denen es sich zu einem großen Teil um ehemalige Angehörige der Sponti-​Szene handelt, wollten den „Verräter“ Rodewald nicht in ihren Reihen haben.

So ist Fritz Rodewald untrennbar mit der letztlich unverarbeiteten Geschichte der RAF verbunden. Sein Bruder Bernd Rodewald arbeitete in einem Vortrag fundiert heraus, dass eine Aufarbeitung der Geschichte der RAF bis heute weitgehend unterblieben sei. Insbesondere der schulische Geschichtsunterricht vernachlässige das Thema konsequent. Offene Fragen hat das Thema RAF indes genug. So ist etwa bis heute ungeklärt, durch wen Ulrike Meinhof zu Tode kam. Niemand weiß, warum der Vorsitzende Richter des Stammheimer Prozesses ihr Angebot zur Zusammenarbeit mit den Ermittlungsbehörden am Vortag ihres Todes ablehnte und ob hier ein Zusammenhang besteht.

Viele Antworten schlummern noch in den Archiven

Eine ähnliche Unwissenheit herrscht bezüglich der Verantwortlichen für die meisten Opfer der RAF. Schleyer, Buback, Rohwedder, von Braunmühl, Herrhausen – um nur einige zu nennen. Wer war es, der sie ermordete und warum? Niemand weiß es mit Sicherheit zu sagen. Wo aber wären Antworten auf diese Fragen zu finden, wenn man sie denn wirklich finden wollte?

Ein Ansatzpunkt könnten etwa die CIA-​Akten aus der Zeit der Teilung Berlins aus den 70er-​Jahren sein. Deren Sperrfrist läuft nun Jahr für Jahr aus. Es könnten sich darin Erkenntnisse finden, etwa über die genaue Beteiligung des SED-​Regimes an Organisation und Finanzierung der RAF. Auf eine Auswertung dieser Akten zu dringen wäre weitaus produktiver, als in der Causa NSA in Washington zu Kreuze zu kriechen – auch und besonders für Angela Merkel. Zudem hätte dies den unschlagbaren Vorteil, den seit Jahrzehnten ins Kraut schießenden Verschwörungstheorien in Sachen RAF endlich einen Riegel vorzuschieben. Vorausgesetzt natürlich, dass das seitens der Bundesregierung überhaupt gewollt ist.

Bild: Ulrike Meinhof als junge Journalistin

mardi, 27 mai 2014

Aristote au Mont Saint-Michel

Bréviaire de "réinformation" historique: Aristote au Mont Saint-Michel 

par Jean d'Omiac

Ex: http://anti-mythes.blogspot.com

 

msg.jpgDans une société qui se réclame d’un adogmatisme absolu, le seul dogme intangible est la croyance en l’homme et à ses progrès, qui implique la fausseté du christianisme, religion traditionnelle par excellence. Pour lutter contre cet ennemi irréconciliable, la soi-disant "Renaissance" et les prétendues "Lumières" ont usé de toute une mythologie désinformatrice, devenue aujourd’hui le catéchisme de l’extrême majorité de nos contemporains.
 
Mensonge
 
Parmi les points fondamentaux de cette mythologie figure l’apport islamique. Cette théorie est trop connue pour que l’on s’y arrête. On se contentera de la résumer d’un mot : les "ténèbres" culturelles du Moyen Âge n’ont été dissipées que grâce aux lumières d’une société musulmane brillante et cultivée, infiniment plus tolérante que nos temps féodaux, qui aurait transmis à l’Occident l’essentiel de l’héritage de la Grèce classique. C’est contre cette idée, bien évidemment fausse, que s’inscrit le salutaire ouvrage de Sylvain Gouguenheim, Aristote au Mont Saint-Michel - Les racines grecques de l’Europe chrétienne, dans lequel il démontre, de façon très érudite, que l’héritage grec de l’Occident chrétien ne doit presque rien à l’islam.
 
Le but de la vulgate moderne étant d’amoindrir le prestige de tout ce qui occidental et chrétien, on ne pourra s’étonner des mensonges et des falsifications commises pour augmenter l’importance des traductions des auteurs de l’antiquité du grec vers l’arabe, nombreuses dans l’Espagne musulmane, traduits par la suite en latin par des clercs et des savants chrétiens. Ce qui est beaucoup plus incroyable est la haine de soi, consciente ou non, qui a pu conduire certains universitaires, tels Alain de Libéra, spécialiste d’une mystique rhénane fortement influencée par les Pères hellénophones, à souscrire à cette légende qui ne peut tenir qu’en minimisant les contacts entre l’Occident latin et l’Empire chrétien d’Orient.
 
La chrétienté médiévale connaissait la philosophie, la science et la médecine grecques grâce à un mouvement de traduction directe du grec vers le latin, « étonnant effort pluriséculaire dont la constance et l’opiniâtreté témoignent de l’intime conviction que là résidait la matrice de sa civilisation ». La langue grecque, qui fut celle de la rédaction des Évangiles, n’a jamais perdu de son prestige au cours du Moyen Âge, bien qu’elle ne fût plus parlée par le peuple, jadis bilingue. On rencontrait à Rome beaucoup d’orthodoxes hellénophones et leurs monastères étaient très nombreux, notamment en Calabre. La bibliothèque du Latran, enrichie par les papes successifs, fut un centre de redistribution des oeuvres grecs grâce à l’activité de nombreux copistes.
 
Les musulmans et le grec
 
Sylvain Gouguenheim fait de Jacques de Venise, clerc italien qui vécut longtemps à Constantinople avant de devenir moine au Mont-Saint-Michel, l’exemple archétypal de ce lien constant, bien que distendu par les différences culturelles, mais surtout théologiques, entre ce qui fut les deux parties du même empire chrétien. C’est au mont Saint-Michel que ce moine traduisit en latin, dès le début du XIIe siècle une grande partie des oeuvres d’Aristote, bien avant que celles-ci fussent traduites de l’arabe.
 
Alors que l’auteur insiste sur les "renaissances" successives de l’Occident chrétien, toujours liées avec le savoir antique, non sans que cela représente des inconvénients pour la pureté de la foi, il brosse, en revanche, un tableau sans complaisance du rapport de ce savoir avec l’Islam. Si certains musulmans furent des érudits, ils furent toujours mal perçus par les autorités religieuses, pour lesquelles le Coran était non seulement une Révélation, mais la Parole même de Dieu, ce qui rendait difficile, voire impossible, toute recherche métaphysique. Ce n’est pas un hasard si la mystique "musulmane" est pleine d’emprunts au néoplatonisme ou au christianisme, car la lettre même de cette religion rend impensable la relation avec un dieu lointain et moralement ambigu, confiné dans sa transcendance, et décidant du bien comme du mal que font des hommes privés de liberté.
 
Il est d’ailleurs intéressant de constater à quel point, toujours pour minimiser le christianisme et les chrétiens, il est rarement fait mention du fait que la plupart des musulmans ignoraient le grec et furent initiés aux auteurs antiques grâce aux Syriaques chrétiens, qui les traduisirent dans leur langue dès le IVe siècle, puis en arabe à partir du VIIe siècle, début de l’occupation musulmane de ces terres jadis romaines.
 
La livre de Sylvain Gouguenheim constitue ainsi un véritable traité de "réinformation" dont la nécessité ne fait que s’accroître à mesure que les gouvernements démocratiques se font les complices de l’islamisation de l’Occident, par intérêt et par lâcheté, mais avant tout par haine de l’Europe chrétienne et monarchique.
 
Jean D’Omiac
L’Action Française 2000 du 3 au 16 juillet 2008
 
* Sylvain Gouguenheim : Aristote au Mont-Saint-Michel – Les racines grecques de l’Europe chrétienne. Seuil, 280 p. 21 euros

dimanche, 25 mai 2014

Dominique Venner: un regard inspiré sur l’Histoire

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Dominique Venner: un regard inspiré sur l’Histoire

par Philippe Conrad

Ex: http://www.zentropaville.tumblr.com

Quand j’ai fait sa connaissance au début des années 1960, rien ne semblait destiner Dominique Venner à un parcours intellectuel au long duquel l’Histoire allait prendre une place toujours plus grande. Engagé à dix-huit ans dans l’Armée avant d’être entraîné très tôt dans l’action politique, il milite pour l’Algérie française et contre la politique d’abandon alors mise en œuvre par le général De Gaulle, avant de faire l’expérience de la clandestinité et d’effectuer deux longs séjours en prison pour reconstitution de ligue dissoute.

La « critique positive » et l’expérience du terrain

Quand se tourne la page du conflit algérien, il formule sa « critique positive »  de l’échec que vient de connaître son camp et s’efforce de créer un mouvement politique porteur d’un « nationalisme » européen qu’il juge nécessaire dans le nouvel ordre du monde en train de s’établir. Les limites de l’action politique lui apparaissent toutefois rapidement et, soucieux  de préserver sa pleine indépendance,  il y renonce quelques années plus tard. Spécialiste des armes et amoureux de la chasse, de son histoire et de ses traditions, il va dès lors vivre de sa plume en conservant ses distances vis à vis d’un monde dans lequel il ne se reconnaît plus guère. Esprit cultivé et curieux, il est davantage tourné, à l’origine, vers la réflexion politique que vers l’histoire et le jeune militant activiste cherche surtout dans celle des grands bouleversements du XXème siècle les clés d’un présent qu’il entend transformer. L’expérience de l’action, le fait d’avoir été directement mêlé au dernier grand drame de l’histoire française que fut l’affaire algérienne lui ont toutefois fourni de multiples occasions  d’observer et de juger les acteurs auxquels il s’est trouvé confronté , d’évaluer concrètement des situations complexes, d’établir le bilan des succès et des échecs rencontrés. Autant d’expériences qui se révèleront utiles ultérieurement pour apprécier des moments historiques certes différents mais dans lesquels certains ressorts fondamentaux identifiés par ailleurs demeuraient à l’œuvre. Cette expérience de terrain, qui fait généralement défaut aux historiens universitaires, combinée avec une exigence de rigueur et une distance suffisante avec son propre parcours, s’est révélée précieuse pour aborder certaines séquences de notre histoire contemporaine, voire des épisodes plus lointains dans le cadre desquels passions et volontés fonctionnaient à l’identique.

L’historien spécialiste des armes et de la chasse renouvèle le genre

Dominique Venner s’est d’abord imposé comme un spécialiste des armes individuelles et c’est en ce domaine qu’il a d’abord séduit un vaste public, en introduisant l’histoire vivante en un domaine où ses pairs limitaient leurs approches aux seules données techniques. Exploitant la grande Histoire des conflits, les aventures personnelles ou les anecdotes significatives, il sut renouveler complètement ce genre bien particulier de la production historique. Ce fut en recourant à une inspiration identique qu’il réussit, auprès d’un vaste public, à rendre à l’art de la chasse sa dimension traditionnelle. Ce fut ensuite à travers l’histoire militaire que l’ancien combattant d’Algérie, qui avait rêvé enfant de l’épopée napoléonienne , retrouva le chemin de la grande Histoire. Il y eut ainsi la collection  Corps d’élite  qui rencontra auprès du public un succès d’une ampleur inattendue.

L’historien critique règle son compte à quelques mensonges bien établis…

Aux antipodes des idées reçues et des préjugés dominants, l’ancien militant se pencha également sur la guerre de Sécession en réhabilitant, dans Le blanc soleil des vaincus, la cause des Confédérés, l’occasion de régler leur compte à quelques mensonges bien établis. En écho aux Réprouvés d’Ernst von Salomon, il y eut ensuite Baltikum, qui retraçait l’épopée des corps francs allemands  engagés contre les révolutionnaires spartakistes, puis contre les bolcheviks russes en Courlande et en Livonie. L’intérêt porté à l’histoire de la révolution  communiste – la Critique positive de 1962 avait été comparée par certains au  Que faire  de Lénine -  conduit ensuite cet observateur des temps troublés nés de la première guerre mondiale et de la révolution soviétique à se pencher sur la genèse de l’Armée rouge. Il collabore entre temps, avec son ami et complice Jean Mabire, à Historia, la revue du grand public amateur d’Histoire, que dirige alors François-Xavier de Vivie. D’autres travaux suivront. Une Histoire critique de la Résistance, une Histoire de la Collaboration qui demeure l’ouvrage le plus complet et le plus impartial sur la question, Les Blancs et les Rouges. Histoire de la guerre civile  russe, une Histoire du terrorisme.  Après Le coeur rebelle,  une autobiographie dans laquelle il revient sur ses années de jeunesse et d’engagement, il réalise un De Gaulle. La grandeur et le néant.

L’historien méditatif et de la longue durée

Au cours des dix dernières années de sa vie et alors qu’il dirige la Nouvelle Revue d’Histoire – créée en 2002 pour succéder à Enquête sur l’Histoire disparue trois ans plus tôt – il oriente ses réflexions vers la longue durée et s’efforce de penser la genèse de l’identité européenne et les destinées de notre civilisation à travers des ouvrages tels que Histoire et tradition des Européens,  Le siècle de 1914 ou Le choc de l’Histoire.

Dominique Venner n’était pas un historien « académique » et n’a jamais prétendu l’être mais son insatiable curiosité et  l’ampleur du travail de documentation auquel il s’astreignait lui ont permis d’ouvrir des pistes  de réflexion nouvelles et de porter un regard original sur la plupart des sujets qu’il a abordés. D’abord tourné vers l’histoire contemporaine – de la Guerre de Sécession  aux années quarante en passant par la révolution russe ou les diverses formes que prit le « fascisme « – il a mesuré ensuite le poids de la longue durée en se tournant vers les sources gréco-romaines, celtiques ou germaniques de l’Europe. Il a ainsi trouvé chez Homère une œuvre fondatrice de la tradition européenne telle qu’il la ressentait. Contre l’image largement admise d’une Antiquité unissant l’Orient et la Méditerranée, il distinguait l’existence d’un monde « boréen » dont l’unité profonde, révélée par les études indo-européennes,  lui paraissait plus évidente. Il entretenait avec la culture antique, entendue comme allant du IIème millénaire avant J-C au IVème siècle de notre ère, une proximité qu’il entretenait à travers ses contacts et ses échanges avec des auteurs tels que Lucien Jerphagnon, Pierre Hadot, Yann Le Bohec ou Jean-Louis Voisin. Cette approche de la longue durée faisait qu’il inscrivait sa réflexion dans le cadre d’une civilisation européenne antérieure à l’affirmation des Etats nationaux et appelée éventuellement à leur survivre. Contre l’Etat administratif tel qu’il s’est imposé avec Richelieu et Louis XIV, ce « cœur rebelle » rêvait de ce qu’aurait pu être, à la manière du « devoir de révolte » qui s’exprimait dans les frondes nobiliaires,  une société aristocratique maintenant les valeurs traditionnelles d’honneur et de service face à celles, utilitaires, portées par l’individualisme et par la bourgeoisie. Il mesurait enfin combien la rupture engendrée par les Lumières et la Révolution française avait conforté  la « modernité » apparue en amont, au point de conduire aux impasses contemporaines et à la fin de cycle à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés.

Le visionnaire inspiré de la renaissance européenne

Contre les lectures canoniques, sottement engendrées par l’optimisme progressiste, de ce que fut en réalité le « sombre XXème siècle », il évaluait l’ampleur de la catastrophe survenue en 1914, point de départ de la suicidaire « guerre de trente ans » européenne. Générateur du chaos que l’on sait et de l’effacement de ce qui avait constitué cinq siècles durant, pour reprendre le mot de Valéry, « la partie précieuse de l’Humanité » cet effondrement de la « vieille Europe » n’avait cependant, selon Dominique Venner, rien de fatal. La part d’imprévu que recèle le cours  de l’Histoire, tout comme la volonté et le courage de générations capables de renouer avec leur identité faisaient, selon lui, que l’actuelle « dormition » de l’Europe n’était pas, dans le nouvel ordre du monde en train de s’établir, le prélude à sa disparition. Intimement pénétré de la dimension tragique de l’Histoire, l’auteur du Cœur rebelle demeurait convaincu que les seuls combats perdus sont ceux que l’on refuse de livrer. Contre les prophètes ahuris d’une mondialisation heureuse qui vire au cauchemar, les nombreux signaux qui s’allument en Europe et en Russie montrent, en lui donnant raison, que l’avenir n’est écrit nulle part et que les idées et les sentiments qui se sont imposés depuis les années soixante sont en passe de rejoindre les poubelles de l’Histoire. Attaché à sa liberté d’esprit et plaidant pour la lucidité nécessaire à l’historien, Dominique Venner apparaît ainsi, un an après sa disparition, comme le visionnaire inspiré d’une renaissance européenne toujours incertaine mais que  l’on peut considérer aujourd’hui comme une alternative vitale au processus mortifère engagé depuis près d’un demi-siècle.

Philippe Conrad

Dominique Venner - Le choc de l’histoire

Le choc de l’histoire
 

venner choc.jpgLe choc de l’histoire est un ouvrage qui se singularise dans la bibliographie de Dominique Venner pour la simple et bonne raison qu’il se présente comme  un recueil d’entretiens où ce dernier aborde plusieurs de ses thèmes phares.  Partant de l’axiome que connaître et réfléchir sur le passé permet de comprendre le présent, Venner se propose ici d’explorer l’histoire et d’en retenir ce qui, pour nous Européens d’aujourd’hui, peut nous servir de jalons dans la refondation de notre avenir.
Car, oui, selon la belle expression de Venner, « l’Europe est en dormition ». Elle est faible car elle a été brisée par les deux guerres mondiales et n’est plus que l’ombre d’elle-même. Sa mémoire est endormie, sa tradition et son identité sont attaquées de toutes parts, les Européens sont culpabilisés pour ce qu’ils sont, bref : c’est la décadence. Notre époque est celle d’un véritable choc historique avec des défis (hégémonie américaine, mondialisme économique et financier, immigration-invasion, problèmes identitaires) qui appellent à des réponses neuves. L’histoire peut nous aider à les trouver. Son principal enseignement est qu’elle « nous montre que rien n’est jamais inéluctable ». En effet, Dominique Venner n’est pas fataliste ; pour lui, l’Europe se réveillera. Des symptômes encourageants sont bien visibles : l’universalisme et la religion de l’humanité sont un échec flagrant, les Etats-Unis sont fragilisés, la modernisation de nombre de pays a entraîné un refus de l’occidentalisation (Inde, Chine, aire islamique), on assiste à des résistances imprévues à la mondialisation et à l’immigration de masse etc.
Cette fragilisation du monde moderne et de ses fondements redonne à l’histoire toutes ses chances mais est-ce suffisant pour nous autres Européens ? Non, nous devons être des acteurs de notre destin. La première manière pour ce faire est évidemment de retrouver et de cultiver notre identité. Chaque peuple possède sa propre identité et donc sa propre voie. En effet : « Nous n’existons que par ce qui nous distingue, ce que nous avons de singulier, clan, lignée, histoire, culture, tradition. Et nous en avons besoin pour vivre autant que d’oxygène ». Si aujourd’hui une menace existe quant à notre survie et à celle de notre identité, il convient d’être optimiste car nous avons une riche mémoire identitaire. Celle-ci est très ancienne, bien antérieure au christianisme, ce qui avait amené l’auteur à donner comme titre à l’un de ses meilleurs livres :Histoire et traditions des Européens, 30 000 ans d’identité. La tradition européenne vient certes de loin mais est toujours actuelle car elle est, selon l’auteur, comme « une rivière souterraine » exprimant des permanences secrètes. Ces permanences sont nombreuses et Venner en développe certaines au fur et à mesure des entretiens passionnants qui constituent l’ouvrage.
C’est la « souveraineté de soi » avant tout qui se révèle par exemple dans l’attitude que l’on a face à la mort (Achille préfère une vie courte et glorieuse à la vieillesse et à la médiocrité ; est également traité le suicide et sa dimension aristocratique comme chez Caton d’Utique ou Drieu la Rochelle…). 
C’est la conscience que la « paix universelle » est une utopie car « le conflit est père de toute chose » pour reprendre Héraclite et qu’il est présent absolument partout. D’ailleurs, « haïr, autant qu’aimer, fait partie de l’humanité des choses ».
C’est retrouver tout ce qui est nôtre chez Homère dont les poèmes l’Iliade etl’Odyssée sont la « source même de la tradition européenne ». Pour Dominique Venner, ces œuvres nous enseignent énormément sur nous et notre âme mais encore faut-il les décrypter, ce qu’il fait dans un chapitre passionnant. L’Iliade, première épopée tragique, est une ode à la gloire, à la volonté d’héroïsme qui transfigure la condition mortelle des hommes. L’Odyssée, premier roman, illustre quant à lui la lutte d’Ulysse tentant d’échapper au chaos et à un destin cruel pour retrouver un monde ordonné. Ces deux poèmes nous apportent l’essentiel sur notre vision du monde (ou celle que nous devons retrouver) car un nombre incalculable de thèmes y sont traités : la juste vengeance, le respect des ancêtres, de la nature et de la féminité, l’emploi de la ruse face à la force brute, le mépris de la bassesse et de la laideur etc. Chez Homère, point important, les hommes ne sont pas coupables de leur malheur, les dieux (qui ne sont pas des figures morales mais des allégories des forces de la nature et de la vie/du destin) le sont. En définitif, on y retrouvera tout ce que la Grèce nous a légué : la nature comme modèle, la recherche constante de la beauté, l’excellence comme idéal de vie et la force créatrice qui pousse à se surpasser.
Dominique Venner estime justement que l’identité et la liberté devraient, comme c’était le cas dans les cités grecques, être les fondements d’un renouveau politique qui serait évidemment une révolution par rapport à ce que nous connaissons aujourd’hui. L’homogénéité ethnique serait également nécessaire à ce renouveau qui aurait pour manifestation première de mettre à la tête de l’Etat une classe dirigeante de qualité, une authentique aristocratie fondée sur le mérite et le souci d’excellence. Cependant, aboutir à cela est certainement impossible sans avoir, au préalable, obtenu une révolution des mentalités et des hommes. Avant d’intervenir en politique, il faut améliorer l’homme, ce qui permettra par la suite de revitaliser la société (et non le contraire), ce qu’ont fait les hindouistes par exemple.
Bien d’autres aspects de ces questions sont présents dans cet ouvrage très agréable à lire et d’une incroyable richesse. Il ne fait, pourtant, qu’à peine 200 pages. Dominique Venner confirme être un « historien méditatif » inégalable sur son terrain, celui de la Tradition européenne. Il est loin de simplement relater, il décrypte, comprend et transmet. La lecture de ce Choc de l’histoire, est fortement, voire très fortement recommandée car vous apprendrez et réfléchirez à ce qui, pour nous, est l’essentiel.
Rüdiger

samedi, 24 mai 2014

Le Luxembourg pendant la première guerre mondiale

Le Luxembourg pendant la première guerre mondiale

Un petit Etat victime de la géographie

Le Plan Schlieffen avait été conçu en 1905: selon ce plan, le corridor mosellan constitue l’axe majeur et médian de la marche en avant de toutes troupes allemandes censées envahir la France. Par conséquence, les voies de pénétration prévues par les armées allemandes pendant l’été 1914 passaient immanquablement par le territoire du Grand-Duché du Luxembourg, Etat juridiquement neutre (et dont la Prusse était une puissance garante) depuis le Traité de Londres de 1867.

Marie-Adélaïde,_Gran.jpgMais on ne peut parler d’une indépendance luxembourgeoise que depuis 1890, l’année où le Grand-Duché s’est émancipé des Pays-Bas. Le Roi Guillaume III des Pays-Bas meurt effectivement cette année-là et sa fille Wilhelmine hérite de la couronne néerlandaise. Mais de celle de Hollande seulement car au Grand-Duché, on appliquait la “Loi salique” (“in terram salicam mulieres ne succedant”, “en terre salique les femmes ne succèdent pas”). C’est ainsi que prit fin l’union personnelle néerlando-luxembourgeoise et que, de facto, le Grandc-Duché acquit l’indépendance. Le nouveau Grand-Duc est Adolphe, issu d’une branche annexe et luthérienne de la dynastie des Orange-Nassau (la branche principale étant calviniste), celle de la maison de Nassau-Weilburg. Le fils d’Adolphe du Luxembourg, Guillaume IV, meurt sans descendance masculine. La famille décide alors de se débarrasser de la Loi salique le 16 avril 1907, afin que la fille aînée de Guillaume IV, Marie-Adelaïde, puisse accéder au trône grand-ducal. Comme sa mère portugaise, elle est catholique de stricte obédience. Le pays a donc à nouveau un souverain de confession catholique-romaine. Lorsque Marie-Adelaïde prend en mains les rênes du pouvoir le 18 juin 1912, le Luxembourg a enfin un souverain né dans le pays: cela n’avait plus été le cas depuis la naissance en 1296 du Duc Jean l’Aveugle. Très rapidement, après l’accession au trône de Marie-Adelaïde, le petit pays mosellan est secoué par de graves troubles politiques intérieurs, justement parce que la nouvelle Grande-Duchesse veut intervenir activement dans la gestion du gouvernement.

Le 2 août 1914, vers trois heures du matin, les premières troupes allemandes entrent dans le pays en franchissement le pont de Wasserbillig. Vers six heures du matin, un train blindé entre dans la gare de Luxembourg-Ville: en sortent un capitaine et une troupe de 150 soldats du génie. Le capitaine a reçu l’ordre de sécuriser la gare et la voie de chemin de fer contre toute intervention française. A neuf heures, cinq automobiles, avec, à leur bord, des militaires allemands, pénètrent dans la capitale. Sur ordre du premier ministre Paul Eyschen, le commandant des faibles troupes luxembourgeoises, le Major Van Dijk, remet une note de protestation officielle aux officiers allemands.

Eyschen remet ensuite une note de protestation, émanant cette fois du gouvernement luxembourgeois et adressée au ministre d’Allemagne, Wilhelm von Buch. La Grande-Duchesse Marie-Adelaïde évoque la protestation de son gouvernement dans un télégramme à l’Empereur Guillaume II et demande à celui-ci “de garantir en tous cas les droits du Grand-Duché”. A onze heures, le Commandant prussien von Bärensprung déclare au ministre Eyschen qu’il a reçu l’ordre d’occuper militairement la ville et ses environs, de ne pas intervenir dans la gestion civile des affaires et de maintenir le trafic ferroviaire. Le gouvernement du Reich justifie en ces termes l’occupation du Luxembourg: “Les mesures militaires que nous avons prises au Luxembourg ne signifie pas que nous agissons de manière inimicale contre ce pays mais que nous nous bornons à prendre des mesures pour assurer la sécurité des chemins de fer qui se trouvent entre nos mains afin de les protéger contre toute attaque française”.

Le Kaiser Guillaume II fixe d’ailleurs son quartier général dans la ville de Luxembourg de la fin août à la fin septembre 1914. Il demande à être reçu par la Grande-Duchesse au château de Berg. Cette réception a permis, plus tard, de dire que la Grande-Duchesse avait des sympathies pro-allemandes. Celles-ci et son gouvernement restent d’ailleurs en place. L’industrie de l’acier, située dans le sud du pays, se voit inféodée à la machine militaro-industrielle allemande. De 1914 à 1918, les habitants des villes luxembourgeoises connaissent la famine et l’inflation y est galopante.

Pendant la guerre, la Grande-Duchesse, ainsi que sa mère et ses soeurs, s’occupe personnellement des malades et dirige la Croix-Rouge luxembourgeoise. A la fin de la première guerre mondiale, les socialistes et les libéraux, foncièrement hostiles au principe monarchique et cherchant l’appui de la France laïcarde et républicaine et de la Belgique, décrivent la Grande-Duchesse comme une “germanophile” invétérée, tout simplement parce qu’elle avait reçu une seule fois le Kaiser, à la demande expresse de celui-ci, sans avoir la possibilité de se dérober! Socialistes et libéraux demandent alors l’annexion à la Belgique. Les chrétiens-sociaux, eux, refusent cette politique. En décembre 1918, les partisans de l’annexion au royaume voisin échouent: la Chambre vote contre, par 29 voix contre 11.

Le 15 janvier 1919, Marie-Adelaïde renonce au trône grand-ducal parce que le Parlement l’a suspendue et parce que l’Entente fait pression pour qu’elle se retire. Elle abdique au profit de sa soeur Charlotte qui règnera très longtemps, jusqu’en 1964. A la fin de l’année 1919, l’ancienne souveraine quitte le pays pour se fixer d’abord à Montreux. Quelques mois plus tard, elle s’en va résider en Italie et rencontre à Rome le Pape Benoît XV. Sous l’influence de ce dernier, elle se réfugie à l’automne 1920 dans un couvent de carmélites à Modène. Mais elle y sombre dans la mélancolie. Elle doit dès lors renoncer à la vie monastique.

En avril 1922, Marie-Adelaïde s’installe au château de Hohenburg en Bavière et décide de devenir infirmière diplômée: dans ce but, elle s’inscrit en 1923 à l’Université de Munich. Peu de temps après, elle commence à souffir de parathyphoïde, une maladie qui ne pardonnait pas avant l’invention des antibiotiques. Elle mourra le 24 janvier 1924 dans l’intimité familiale, à peine âgée de 30 ans, sans jamais s’être mariée. Son corps sera rapatrié en 1947 et placé dans la crypte de la cathédrale de Luxembourg.

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Charlotte et Félix: un couple qui s’est aimé...

Dès l’automne 1918, la défaite des Puissances Centrales était imminente. Cela n’empêcha pas la princesse Charlotte de Luxembourg de se fiancer, le 6 octobre 1918, dans le château de Berg, au frère de l’Impératrice Zita, le Premier Lieutenant de l’armée impériale et royale austro-hongroise Félix de Bourbon-Parme. Le 11 novembre 1917, il avait sauvé l’Empereur Charles des flots tumultueux du Tore Torrente. Après la guerre, Félix, en tant qu’ancien officier d’une armée ennemie, ne peut revenir au Luxembourg qu’à l’automne 1919, après que les Français et les Belges aient retiré leur veto.

Pour cette raison, Charlotte et Félix concluent un mariage par procuration au château de Wartegg, près de la commune suisse de Rorschach, elle-même à un jet de pierre de la commune de Höchst dans le Vorarlberg autrichien. Aux côtés du fiancé se trouvent l’ancien Empereur Charles et son épouse Zita. A 10 h 30, le Père capucin Cölestin Schwaighofer scelle le mariage dans la chapelle du château. La fiancée, désormais chef d’Etat, avait dû rester au Luxembourg parce que la dynastie était encore vacillante: seul le référendum de septembre a donné une majorité nette de 78% en faveur de son maintien. Charlotte est représentée par sa soeur aînée, l’ancienne Grande-Duchesse Marie-Adelaïde. Le mariage officiel a lieu le 6 novembre 1919 dans la capitale luxembourgeoise, ce mariage religieux ne constituant que la confirmation du sacrement déjà scellé à Wartegg.

(articles parus dans “zur Zeit”, Vienne, n°16-17/2014; http://www.zurzeit.at ).

vendredi, 23 mai 2014

L'Albanie en 1914

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L’Albanie en 1914

Par Erich Körner-Lakatos

Une construction étatique fragile dans les Balkans

En 1479, l’Albanie était devenue turque. Dans les dernières décennies du 19 siècle, on imaginait qu’elle le resterait encore longtemps. En effet, plus des deux tiers des habitants du pays étaient musulmans et fournissaient au Sultan de la lointaine Istanbul d’excellents et fidèles soldats. Le plus célèbre d’entre eux fut Mehmed Ali, devenu en 1841le khédive (ou: vice-roi) d’Egypte. Il mit un terme à la domination des mamelouks et fonda une dynastie qui perdura jusqu’en 1952. Le dernier souverain égyptien de cette dynastie fut le roi Farouk I.

L’Albanie resta un solide bastion ottoman, même quand l’Empire turc vacillait et était contraint, dans les Balkans, d’accorder l’indépendance à la Serbie, à la Bulgarie et à la Grèce puis d’accepter l’occupation de la Bosnie par l’Autriche-Hongrie.

En 1910, les temps changent: les Skipetars se révoltent. La conscience nationale émerge chez eux aussi, comme auparavant chez leurs voisins slaves. Dans le Kosovo, on assiste à des massacres. Le soulèvement est d’abord maté à grand peine par les Turcs, parce qu’au même moment, ils doivent affronter les Italiens en Tripolitaine.

A partir d’octobre 1912 se déclenche la première guerre balkanique. Les Ottomans sont durement étrillés par les armées de la Ligue Balkanique, qui regroupe la Serbie, la Bulgarie, la Grèce et le Monténégro. Les armées bulgares ne sont finalement arrêtées par les soldats du Sultan qu’à quelques kilomètres d’Istanbul, le long de la ligne de défense de Çatalça. Les Albanais profitent de l’opportunité pour se proclamer indépendants le 28 novembre par la voix du Musulman Ismail Kemal Bey, siégeant dans sa ville natale de Valona.

Aucun voisin de cette nouvelle Albanie n’est heureux: Nikola du Monténégro veut étendre son petit royaume vers le sud; son concurrent de Belgrade évoque l’histoire pour obtenir le Kosovo et, qui plus est, la Serbie souhaite détenir une fenêtre sur l’Adriatique. Les Grecs, eux, se souviennent des minorités grecques qui peuplent le Nord de l’Epire.

Un autre Etat, non balkanique cette fois, énonce des revendications: l’Italie. Celle-ci avait subi les moqueries des chanceleries européennes pendant longtemps, surtout après la défaite d’un corps expéditionnaire italien en Abyssinie en 1896, vaincu par des troupes indigènes éthiopiennes. Mais l’Italie avait vengé l’affront: elle venait de vaincre l’Empire ottoman et lui avait arraché la Libye et l’archipel de Rhodes. Elle briguait désormais la rive orientale de l’Adriatique de façon à contrôler entièrement ce prolongement de la Méditerranée vers le nord et d’en verrouiller l’accès.

Lors de la conférence des ambassadeurs à Londres en juillet 1913, l’Autriche-Hongrie a plaidé pour la création d’une Albanie ethniquement homogène. La double monarchie austro-hongroise n’avait nul intérêt à un accroissement de puissance des Serbes et des Monténégrins. Le Tsar russe, lui, soutenait les revendications serbes et monténégrines, qui voulaient une Albanie aussi réduite que possible. Les tiraillements entre diplomates ont débouché, comme d’habitude, sur un compromis. Le Kosovo est attribué à la Serbie, si bien que deux Albanais sur trois seulement vivent désormais dans la nouvelle principauté. Le Roi Nikola du Monténégro revient de Londres les mains vides. Il voulait obtenir la ville de Skutari, sur le lac du même nom, mais les diplomates européens ne donnent aucune suite à ses desiderata . Il est obligé de retirer ses troupes quand l’Autriche menace d’entrer dans le pays et bloque avec sa flotte les côtes du Monténégro, de concert avec d’autres puissances.

Guillaume-I-2.jpgLe 6 février 1914, les grandes puissances européennes s’accordent pour donner la couronne princière d’Albanie au Prince allemand Wilhelm zu Wied, devenu de ce fait le “Mbret des Skipetars”. Sa ville de résidence devient Durazzo, sur la côte adriatique. L’autre candidat, un noble d’origine albanaise, le Prince Ahmed Fuad, descendant de Mehmed Ali, est débouté.

Le Prince Wilhelm zu Wied était né le 26 mars 1876 à Neuwied près de Coblence. L’épouse du Roi de Roumanie Carol I, Elisabeth zu Wied (connue sous le nom de “Carmen Sylva”), est une tante de Wilhelm d’Albanie. Celui-ci est protestant, une confession qui n’est pas représentée en Albanie. En soi, c’est un avantage car le pays est déjà suffisamment divisé: les 800.000 habitants de la nouvelle principauté indépendante sont aux deux tiers musulmans; un cinquième est orthodoxe; 10% sont catholiques. A cela s’ajoute un clivage d’ordre linguistique entre les Albanais du Nord, qui se servent d’un dialecte particulier, et les Albanais du Sud qui parlent “tosque”. C’est ce parler des régions méridionales qui va s’imposer comme langue officielle dans le pays.

Le Prince Wilhelm n’a aucune fortune personnelle digne de ce nom. Quand il achète un yacht anglais, c’est grâce à des spéculations sur les devises. Le nouveau souverain s’embarque sur un navire autrichien, le “Taurus” qui prend la mer en direction de Durazzo, où il arrive le 7 mars 1914. Le Prince et sa famille y résideront dans des conditions fort modestes, comparées à celle des princes d’Europe centrale.

Le pouvoir que détient ce prince de sang allemand est très réduit. Un homme, avec sa tribu, est fidèle au Prince zu Wied: Ahmed Zogu qui, plus tard, deviendra le Roi du petit Etat.

Wilhelm, lui, ne parvient pas à s’adapter au monde albanais, totalement étranger pour lui. Un soulèvement populaire l’oblige à quitter le pays au bout de quelques mois, le 3 septembre 1914. Le nouvel homme fort est Essad Pacha Toptani.

Pendant la première guerre mondiale, les forces de l’Entente occupent le pays. A partir de janvier 1916, le Nord de l’Albanie est placé sous administration autrichienne, ce qui procure à la population de meilleures conditions de vie. Le front divise le pays jusqu’à la fin du conflit, de l’Adriatique au Lac d’Ohrid.

Erich Körner-Lakatos.

(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°13-14/2014; http://www.zurzeit.at ).

Le Roi Zog: une vie mouvementée

Albanie-Zog-I.jpgLa journée du 8 octobre 1895 est un jour de joie pour Djemal Pacha Zogu, un chef de tribu de la région de Mati en Albanie centrale. Un fils, Ahmed, vient de naître dans la résidence fortifiée de ce spadassin. Plus tard, le jeune Ahmed recevra sa formation dans une école du Bosphore. Après la guerre, il entame une carrière fulgurante: en 1920, il devient ministre de l’intérieur; deux ans plus tard, il est premier ministre. En janvier 1925, il est le président de l’Etat albanais. Il survivra à cinquante-cinq attentats! Pendant l’été de l’année 1928, le Parlement albanais décide que le pays doit devenir une monarchie. Le couronnement a lieu le 1 septembre. Le nouveau roi, Zogu I, jure sur le Coran et sur la Bible.

Le 27 avril 1938, il épouse une aristocrate hongroise désargentée, la Comtesse Géraldine Apponyi. Le 5 avril 1939, nait le Prince Leka. Deux jours plus tard, des hôtes indésirés ruinent le bonheur personnel du Roi: les troupes italiennes —22.000 hommes— débarquent sur les côtes albanaises. Le Duce a toujours rêvé de la “Mare Nostrum”... Zogu fuit vers la Grèce, au volant du cabriolet Mercedes-Benz 540K, de couleur rouge écarlate, qu’il avait reçu en cadeau du chef de l’Etat allemand...

En exil, Zogu a vécu à Londres, en Egypte et en France, où il mourra, seul roi d’Albanie de l’histoire, le 9 avril 1961. Son épouse Géraldine lui survivra quatre décennies. Elle était revenue à Tirana en 2001, où elle décédera paisiblement à son tour, quelques mois plus tard, à l’âge de 87 ans. Son fils Leka est mort en novembre 2011.

EKL.

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lundi, 19 mai 2014

Marion Sigaut - les Lumières: un antihumanisme...


Marion Sigaut - les lumières: un antihumanisme...

par ERTV

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dimanche, 18 mai 2014

Heroen einer Jugendkultur

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Heroen einer Jugendkultur

von Egon W. Scherer

Ex: http://www.jungefreiheit.de

Genau hat sie damals keiner gezählt. Bis zu 3.000 Teilnehmer aus alles Teilen des Reiches strömten Anfang Oktober 1913 in die tiefe Provinz des Osthessischen Berglandes zwischen Kassel und Eisenach. Am Meißner, der im Jargon der Jugendbewegung damals bereits „Hoher Meißner“ genannt wird, wollen sie den Ersten Freideutschen Jugendtag abhalten. Die verschiedenen Strömungen der Bewegung von Wandervögeln, Lebensreformern, reformierten Studenten möchten in geschlossener Form einen Kontrapunkt zu den „hurra-patriotisch“ und als oberflächlich empfundenen offiziellen Festlichkeiten anläßlich des 100. Jubiläums der Völkerschlacht bei Leipzig 1813 setzen.

In einer Kurzform faßten die Anwesenden ihren Geist in einem Bekenntnis zusammen, welches die versammelte Jugend öffentlich ablegte. Diese „Meißner-Formel“ sollte der ganzen Jugendbewegung die Richtung weisen. „Die Freideutsche Jugend will ihr Leben nach eigener Bestimmung, vor eigener Verantwortung und in innerer Wahrhaftigkeit selbst gestalten. Für diese Freiheit tritt sie unter allen Umständen geschlossen ein.“

Der „Wandervogel“ als wirkungsmächtige Bewegung

Zu dieser Zeit war der „Wandervogel“ schon eine Organisation mit rund 25.000 Mitgliedern in 800 Ortsgruppen in Deutschland, Österreich und der Schweiz – also eine so wirkungsmächtige Bewegung, daß bereits eine erste Geschichte dieses Jugendbundes geschrieben werden konnte, als deren Verfasser Hans Blüher, Philosoph mit jugendbewegter Herkunft, weithin bekannt wurde. Auch seiner wird ebenfalls mit einem Stein gedacht.

Keine zwölf Jahre zuvor, am 4. November 1901, wurde in Berlin-Steglitz der Wandervogel gegründet. Das war die Geburtsstunde der deutschen Jugendbewegung. Mit ein paar wanderfreudigen Gymnasiasten in einem Berliner Vorort fing es an, breitete sich dann innerhalb weniger Jahre geradezu ansteckungsartig im ganzen deutschen Sprachraum aus und hatte schließlich nahezu die gesamte organisierte deutsche Jugend erfaßt. Der Zeit des Wandervogels von 1901 bis zum Ersten Weltkrieg folgte in der Weimarer Republik die Phase der „Bündischen Jugend“, bis die Gleichschaltungspolitik der Nationalsozialisten schließlich auch die Jugend Deutschlands unter die Hakenkreuzfahne zwang.

Ehrenhain im Hunsrück für prominente Protagonisten

Markante Gestalten sind es gewesen, die der Jugendbewegung das Gepräge gegeben haben. Heute sind diese Namen auf Gedenksteinen im Ehrenhain der deutschen Jugendbewegung verzeichnet, um so die Erinnerung an diese Wegweiser deutscher Jugend wachzuhalten. Hüter dieses Ehrenhains ist der „Nerother Wandervogel“, der sich mit der in jahrzehntelanger Eigenarbeit errichteten „Rheinischen Jugendburg“ Waldeck im Hunsrück, die auf den Ruinen einer mittelalterlichen Burg entstand, ein noch heute bestehendes Zentrum geschaffen hat.

An einem Wiesenhang im Vorfeld der Burg ist der Ehrenhain angelegt, in dem inzwischen über dreißig Steine aufgestellt wurden. Von Steinmetzen formschön gestaltet, tragen die Steine den Namen und das Bundeszeichen der jeweiligen Persönlichkeit. Erinnert wird da etwa an Karl Fischer, als Gründer des Steglitzer Jugendbundes sozusagen der „Urwandervogel“. Er war ein junger Mann von starker Ausstrahlungskraft und mit großen Führungsqualitäten, allerdings auch ein recht diktatorisch waltender Herrscher im Jugendreich. Aber ohne sein Charisma hätte sich der „Wandervogel“ nicht so rasch ausgebreitet. 1930, im Jahr der Rheinlandbefreiungsfeiern nach dem Abzug der französischen Besatzung, machte ihn der Nerother Wandervogel zum Ehrenmitglied.

Prägende Gestalten zwischen Weltkrieg und Drittem Reich

Einer weiterer Gedenkstein im Ehrenhain erinnert an den Schulreformer Gustav Wyneken, eine der Hauptfiguren beim Meißner-Treffen. Erinnert wird im Ehrenhain auch dem 1918 vor Verdun gefallenen Hans Breuer, der als Student in Heidelberg mit dem „Zupfgeigenhansl“ das damals weitverbreitetste Liederbuch in Deutschland schuf – es erreichte, 1908 erstmals erschienen, schließlich eine Gesamtauflage von über einer Million.

Der „Bündischen Jugend“ zwischen Weltkrieg und Drittem Reich drückten dann wieder andere Jugendführer ihren Stempel auf. Da ist Ernst Buske zu nennen, der Führer der mitgliederstarken „Deutschen Freischar“, einem Zusammenschluß von Pfadfindern und Wandervögeln – ein Mann von so unbestrittener Autorität, daß man ihn, obwohl aufgrund eines Geburtsfehlers einarmig, den „General“ nannte. Die Zwillingsbrüder Robert und Karl Oelbermann gründeten den Nerother Wandervogel, den wohl originellsten aller Jugendbünde, der durch seine weltweiten, abenteuerlichen Fahrten berühmt wurde.

Nach 1945 entstanden viele Bünde nicht mehr neu

Eberhard Köbel, genannt „Tusk“, ging als Gründer und Führer der elitären „Deutschen Jungenschaft dj. 1. 11.“ (nach dem Gründungsdatum 1. November 1929) in die Geschichte der Jugendbewegung ein. Er war ein Mann von solcher Dymanik, daß er Jungen weit über seinen eigenen Bund hinaus zu begeistern verstand und in seinem Bestreben, die ganze Jugendbewegung nach seinen Vorstellungen zu formen, schließlich an seinem übertriebenen Ehrgeiz scheiterte. Er träumte von einer politischen Jugend mit sich als Führer und endete, von seiner Schar nicht mehr verstanden, im Parteikommunismus.

Auch Fred Schmid, ein Schweizer Professor, Gründer des „Grauen Corps“, und Karl Christian Müller, ein Lehrer aus dem Saarland, Führer der „Jungentrucht“, setzten ebenfalls starke Akzente in der damaligen Jugendarbeit. Aus dem Nerother Wandervogel ging der Schriftsteller Werner Helwig hervor, der neben Romanen und Reisebüchern eine weitere Geschichte der Jugendbewegung schrieb: „Die blaue Blume des Wandervogels“. Karl Buschhüter war der Architekt der Nerother Jugendburg. An sie alle erinnern Gedenksteine im Ehrenhain.

Jugendmusikbewegung und Pfadfinderbund

Auch die Erinnerung an die Jugendmusikbewegung wird wachgehalten, mit Gedenksteinen für Walther Hensel, bekanntgeworden durch seine „Finkensteiner Singwochen“, den jugendbewegten Musikpfleger Fritz Jöde und den Musikpädagogen Georg Götsch. Die Pfadfinder sind vertreten mit Steinen der Erinnerung für Maximilian Bayer und Alexander Lion, die Gründer des Deutschen Pfadfinderbundes, sowie für Erich Mönch, der die Pfadfinderschaft „Grauer Reiter“ gründete, und für den Pfarrer und Dichter Fritz Riebold von den Christlichen Pfadfindern (CPD).

Ein Stein steht für den im Ersten Weltkrieg gefallenen Dichter Walter Flex, der zwar selbst nicht der Jugendbewegung angehörte, aber mit seinem Roman „Wanderer zwischen beiden Welten“ zum Idol der Jugendbewegten wurde. Flex gab mit seiner Schilderung des Wandervogelführers Ernst Wurche ein gültiges Bild des Empfindens im Wandervogel wieder, geprägt von Haltung, Romantik und Ideal.   

Der Nerother Wandervogel geht noch immer auf Fahrten

Ursprünglich war der Ehrenhain an Burg Waldeck nur für Mitglieder des Nerother Bundes gedacht. Erste Steine wurden schon Ende der zwanziger Jahre gesetzt, beginnend mit einem Stein für den Nerother Wilhelm Brauns, der auf einer Fahrt in der Wüste am Toten Meer verdurstet war. Auch wurde hier der Weltkriegs-Gefallenen aus den Reihen der Nerother gedacht.

Nach dem Zweiten Weltkrieg entstanden viele Bünde nicht mehr neu, wohl aber waren Kreise von Ehemaligen geblieben, die ihre Erinnerung an die jugendbewegte Zeit bewahrten. Aus diesen Älteren-Gemeinschaften wurde dann der Wunsch an die Nerother im Hunsrück herangetragen, ob nicht in ihrer Obhut und bei ihrer Burg eine Gedenkstätte entstehen könne, die insbesondere an die Kriegsopfer der Jugendbewegung erinnern solle. Die Nerother waren bereit, und im Wandel dieses Gedankens entstand schließlich eine Anlage, die nicht nur dem Andenken an die Opfer der Kriege, sondern überhaupt an die starken Gründerpersönlichkeiten der gesamten Jugendbewegung gewidmet ist.

Hier im Hunsrück lebt Jugendbewegung aber auch heute noch nicht nur in der Erinnerung, sondern auch in der Tat, denn der kleingewordene Nerother Wandervogel geht wie von alters her noch immer auf weltweite, abenteuerliche Fahrten.

JF 41/13

vendredi, 16 mai 2014

R. Steuckers: révolution conservatrice

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