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Source : The Southern Daily & https://www.ariannaeditrice.it
Athènes dépense 5,5 milliards d'euros en armements, dont 18 avions de chasse français Rafale. La tension est élevée en Méditerranée orientale avec la Turquie sur les frontières maritimes de la Grèce, avec le gaz offshore mais il y a beaucoup plus : nous assistons à un jeu géopolitique impliquant la France, l'Egypte, Israël, les Emirats. L'Italie, l'Allemagne et l'Espagne sont les abonnés absents.
Un vent de guerre souffle-t-il à l'ère du Covid ? Seul l’éventualité très plausible d’un affrontement avec la Turquie peut pousser la Grèce - en pleine crise économique à cause de la pandémie - à dépenser 5,5 milliards d'euros en armements, dont les 18 Rafale français. Cela signifie que la tension dans l'est de la Méditerranée a atteint un niveau très élevé.
Le point de non-retour avec la Turquie d'Erdogan a été franchi depuis longtemps, mais les opinions publiques font comme si de rien n'était. En Europe, elles espèrent que sous la menace de sanctions européennes, Ankara fera marche arrière. En réalité, il est difficile d'imaginer que le sultan, membre de l'OTAN, ne l’oublions pas, renoncera à ses provocations comme il le fait périodiquement en envoyant d'autres navires dans la zone économique exclusive des Chypriotes grecs, tracée selon des conventions qu'Ankara n'a jamais signées.
Les dirigeants de l'Union européenne réunis à Bruxelles pour le sommet des 10 et 11 décembre ont décidé de sanctionner les actions "illégales et agressives" de la Turquie en Méditerranée dans les eaux territoriales de la Grèce et de Chypre. En réalité Ankara ne semble pas du tout troublé par cette menace de sanctions. Celles-ci ne sont pour l'instant que cosmétiques et Erdogan s'en est déjà moqué, comme de celles imposées par les Américains à cause de l'achat par la Turquie de systèmes antimissiles russes S-400.
Le front des sanctions dures et pures semble en fait plutôt minoritaire si l'on considère que l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie sont favorables à une ligne plus souple, tandis que la France, la Grèce et Chypre voudraient plutôt imposer des sanctions économiques sévères et un embargo sur les ventes d'armes à la Turquie. Les divisions dépendent évidemment de la prévalence des intérêts nationaux sur les intérêts communautaires.
Le cas de l'Italie en est un exemple clair. Selon l'expert turc Michael Tanchum, analyste à l'Institut autrichien d'études européennes et de sécurité, "la priorité de l'Italie en termes de politique énergétique est la Libye. L'Eni, une société détenue en grande partie par l'État italien, contrôle 45 % de la production italienne de pétrole et de gaz. Tout le gaz de la Libye, tout son gaz naturel va en Italie". Par conséquent, l'ENI et l'Italie ont tout intérêt à s'aligner sur les positions de la Turquie en Libye puisque nos intérêts nationaux en Tripolitaine sont désormais sous protectorat turc. Quant à l'Espagne, les liens avec Ankara sont plutôt économiques. L'Espagne a acheté une grande partie de la dette turque, son engagement s'élève à 63 milliards de dollars, ce qui est plus que la France, l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni réunis.
Pour la France, le discours en Méditerranée orientale est différent. Macron a forgé une alliance anti-turque avec la Grèce, Chypre, l'Égypte, Israël et les Émirats, c'est-à-dire avec les partenaires de l'éventuel gazoduc est-méditerranéen qui devrait amener les ressources gazières offshore de l'Égypte, d'Israël et de Chypre de la côte hellénique vers l'Europe.
Cette alliance a ensuite son prolongement idéologique et géopolitique avec le pacte signé entre la France et le général Al Sisi, récemment décoré à Paris de la Légion d'honneur. Les Français sont les plus grands fournisseurs d'armes au Caire, ont soutenu le général Haftar, allié à Al Sisi en Libye, et, tout comme le général égyptien, sont sur une trajectoire de collision avec Erdogan à propose de son soutien aux Frères musulmans et à l'Islam politique. Un jeu stratégique où Israël fait partie du pacte d'Abraham alors que les monarchies du Golfe soutiennent pleinement, c'est-à-dire avec des dollars en espèces, le régime égyptien qui s'est engagé à combattre les Frères musulmans sur tous les fronts.
C'est pourquoi ce conflit entre Grecs et Turcs est si vaste et incandescent. Avec des racines historiques qui, depuis cent ans, forment, avec les intérêts économiques, un mélange explosif.
C'est effectivement un conflit qui dure depuis près d'un siècle, depuis la naissance de la Turquie moderne après le traité de Lausanne en 1923. Entre 1958 et 1982, la Convention de Genève sur le droit de la mer (UNCLOS), signée par Athènes, mais pas par Ankara, a donné lieu à une succession de tensions presque continue entre les deux États, qui sont aujourd'hui devenues encore plus explosives. La Grèce a ratifié le traité en 1994 et a depuis lors le droit d'augmenter la limite de ses eaux nationales de 6 à 12 milles nautiques, la Turquie allant jusqu'à menacer de déclarer la guerre si Athènes appliquait ce qui avait été décidé par la CNUDM (= Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer). En fait, la Grèce n'a jamais mis en œuvre la convention. Si la limite de ses eaux territoriales était réellement augmentée de 6 à 12 milles nautiques, 71% de la mer Égée ferait partie des eaux nationales grecques et les eaux internationales seraient réduites de 48% à moins de 20%.
Et, forcément, Ankara considère cela inacceptable, surtout après avoir adopté la doctrine stratégique du "Mavi Vatan", de la « Patrie Bleue », qui a un objectif fondamental et apparemment indéniable : contrôler la mer afin de maîtriser les ressources énergétiques et d'imposer son influence. Un objectif politique qui a aussi une signification économique : ce sera la mer, la "patrie bleue", pour soutenir les plans d’hégémonie et de leadership d'une Turquie qui veut renaître après un siècle depuis les traités de Sèvres et de Lausanne.
La Grèce craint un affrontement avec la Turquie et a donc affecté 5,5 milliards d'euros à son programme de réarmement militaire : cela représente une augmentation de 57 % par rapport à 2019 et reflète la nécessité pour Athènes d'assurer sa sécurité dans le contexte de plus en plus tendu de la Méditerranée orientale. C'est un chiffre énorme vu le contexte de la crise déclenchée par la pandémie du Covid-19 qui, cependant, n'a pas arrêté les plans du gouvernement de centre-droit. L'une des premières démarches concrètes sera l'achat de 18 avions Rafale, produits par la société française Dassault mais aussi de chasseurs F-16 américains et de frégates françaises et américaines. La Grèce a également renforcé ses relations militaires avec d'autres pays de la région, tels que les Émirats arabes unis, l'Égypte et Israël, toujours dans le but de consolider une alliance régionale contre la Turquie.
C'est ainsi que la mer, dans notre maison commune méditerranéenne, change de configuration géopolitique. C'est une des raisons pour lesquelles la fourniture d'armes italiennes à l'Égypte - deux frégates pour 1,2 milliard d'euros et d'autres contrats pour un total de 10 milliards - est importante et doit être évaluée avec beaucoup d’attention. Pas seulement à cause de la barbarie de l'affaire Regeni et des gifles assénées par le général contre notre État de droit.
Du 27 septembre au 10 novembre, une guerre entre l'Azerbaïdjan et les troupes arméniennes sur le territoire du Haut-Karabakh (Artsakh) a retenu l'attention de toute la communauté internationale. Nous avons non seulement été témoins du grand soutien de la Turquie et du président Recep Tayyip Erdogan au président azerbaïdjanais Ilham Aliyev pour l'effort de guerre, mais en même temps, d'autres membres du Conseil turc, composé du Kazakhstan, du Kirghizstan et de l'Ouzbékistan, ainsi que de la Hongrie en tant qu'État observateur, ont déclaré leur soutien à la cause azerbaïdjanaise. Il s'agit là de manifestations évidentes de l'idéologie panturque qui est fortement répandue dans ces pays.
Qu'est-ce que le panturquisme ?
Le panturquisme est une idéologie nationaliste, née au XIXe siècle, notamment chez les peuples turcophones vivant en Russie tsariste dans les années 1880, et qui s'est ensuite développée en Asie mineure. Sans jamais s’être établie comme l'idéologie officielle de l'État turc, elle a toujours été soutenue par les dirigeants d’Ankara, qu'ils l'aient admise ou non.
La base de l'idéologie panturque est l'émancipation des peuples turcophones, visant ensuite à leur union. Les peuples turcophones sont ceux que l'on trouve en Crimée, en Azerbaïdjan, dans le Caucase, au Turkménistan, au Kazakhstan, en Ouzbékistan, au Kirghizstan, en Sibérie, en Afghanistan, en Iran, en Irak, en Syrie, en Bulgarie, en Yougoslavie, en Thrace occidentale, à Chypre et ailleurs avec, chapeautant le tout, la "Mère Turquie" pour créer un grand État turc de plus de 100 millions d'habitants.
Les slogans utilisés par les panturcs sont les suivants:
- "Là où il y a des Turcs, il y a une Turquie".
- "Le monde des Turcs est un tout".
- "Tous les Turcs sont une seule armée."
- "Le panturquisme en tant qu'idéal est une nourriture morale pour la nation."
- "Chypre est aussi turque que l'Asie Mineure et la Thrace occidentale."
Quelle est la différence entre les idéologies néo-ottomane et panturque ?
L'ottomanisme est en fait plus un mouvement politique ethno-religieux qu'un mouvement ethno-racial. Les ottomanistes déclarent leur foi en la sainteté et la pérennité de l'Empire ottoman et de son sultan, en cherchant l'idée d'un "empire" pour remplacer le nationalisme et l'ordre politique des États-nations dans lesquels ils vivent. Bien qu'ils reconnaissent l'existence de différentes ethnies parmi eux, ils pensent que les différences culturelles et locales doivent être laissées de côté lorsqu'il s'agit d'une unification politique religieuse.
En revanche, le panturquisme ne se concentre pas tant sur la religion que sur la tradition ethnique des peuples et des nations. Il cherche à s’unifier, politiquement et culturellement, sous un "grand" État-nation turc, car ils partagent une tradition turque commune. Le panturquisme s'associe généralement aux pays qui ont un "héritage culturel turc" et une langue turque comme idiome officiel. Les pays/régions qui peuvent être inclus dans cette liste sont la Crimée, l'Azerbaïdjan, le Caucase, le Turkestan, le Kazakhstan, le Xinjiang en Chine occidentale, le Kirghizstan, le Tatarstan, la Sibérie, l'Afghanistan, l'Iran, l'Irak, la Syrie, la Bulgarie, Chypre et des régions de la Grèce du Nord et des îles orientales de l’archipel hellénique.
Comment l'idéologie panturque s'applique-t-elle dans notre géopolitique actuelle ?
Le panturquisme a toujours été la base idéologique du fonctionnement politique de la Turquie. Il a été le fondement idéologique sur lequel l'idéologie politique kémaliste s'est appuyée pour construire une grande Turquie. L’éradication de l'hellénisme en Asie Mineure en 1922, le génocide arménien de 1915-18 ainsi que celui des Assyriens, la persécution des Grecs de Constantinople en 1955, l'invasion de Chypre en 1974 ont tous été des effets de la doctrine panturque et de la politique expansionniste de la Turquie.
Dans le monde multipolaire actuel, où l'Occident a perdu ses valeurs et où l'Orient revendique son rôle historique conquérant, les acteurs traditionnellement importants sur l'échiquier international doivent faire face à leurs propres problèmes internes. Dans ce contexte, Erdogan place la dynamique du nationalisme panturquiste afin de créer une grande alliance des groupes ethniques turcs. Et le conflit actuel dans le Caucase, à un moment où aucune grande puissance n'est du côté des Azéris, est une autre occasion d’asseoir sa présence dans la région. L'intervention de la Turquie en Libye, ainsi qu'en Syrie et ses revendications sur les zones économiques de la Grèce et de Chypre en Méditerranée orientale, fait également partie de l'agenda politique panturc, bien que ce soit l'ottomanisme qui soit utilisé comme arme idéologique dans ces cas.
Exemples de politiques panturques dans la Turquie moderne
Bien que la Turquie, sous le règne d'Erdogan, ait théoriquement abandonné la rhétorique panturque au profit du néo-ottomanisme, dans la pratique, c'est toujours l'idéologie panturque qui détermine la géopolitique turque. De son soutien aux Frères musulmans et de son invasion du nord de la Syrie à son implication dans la guerre civile libyenne, en passant par les menaces de lâcher à nouveau l’immigration illégale sur sol de la Grèce et de l'Europe, et la guerre en Artsakh (Nagorno Karabakh), combinée à la persécution des Kurdes, ne sont rien d'autre que des éléments à l’ordre du jour dans la doctrine panturque et qui affectent la politique expansionniste de la Turquie. Lors de l'anniversaire de la mort de Kemal Ataturk, le 10 novembre 2016, Erdogan a ouvertement déclaré que "la Turquie est plus grande que la Turquie", tout en parlant de sa doctrine sur les "frontières de son cœur", déclarant en même temps que "nous ne pouvons pas être emprisonnés dans 780 000 km². Nos frères qui vivent dans les régions de Mossoul, Kirkuk, Humus, Skopje, sont peut-être au-delà des frontières naturelles de la Turquie, mais ils seront toujours présents en nos cœurs. Le plan visant à soutenir les Azéris dans la guerre de l'Artsakh n'était pas spontané, mais une partie de la doctrine de l'ancien ministre des affaires étrangères, devenu le rival politique d'Erdogan, Ahmet Davutoglu. Celui-ci avait publié en 2001 un livre intitulé Strategic Depth ; Turkey's International Position. Dans ce livre, Davutoglu déclarait : "À moins que l'Azerbaïdjan n'acquière une position régionale stable et forte dans le Caucase et l'Albanie dans les Balkans, il ne sera pas possible pour la Turquie d'accroître son poids dans l'une ou l'autre région ni de développer des politiques à l'égard de l'Adriatique et de la mer Caspienne, qui sont dans son voisinage immédiat et dans sa sphère d'influence.
Ce qui compte n''est pas la guerre des civilisations c'est la géopolitique. Café Noir – Un Autre Regard sur le Monde. Émission du Vendredi 4 décembre 2020 avec Pierre Le Vigan et Gilbert Dawed.
Le déclin des Etats-Unis et l’Axe islamo-confucéen
Par Daniele Perra
Ex: https://www.eurasie-rivista.com
Parler ouvertement du déclin impérial des États-Unis d'Amérique, surtout lorsque les prétendus "accords d'Abraham" sont signés et que l'Union européenne publie une résolution condamnant le prétendu empoisonnement de l'opposant russe Alexei Navalny, qui bloque en fait les travaux pour le Nord Stream 2 (réalisant ainsi le rêve de Washington)[1], est une opération compliquée qui risque de générer plusieurs malentendus.
S'il est vrai que les États-Unis sont inévitablement confrontés à une période de crise et de déclin, il est tout aussi vrai que leur hégémonie mondiale (ce qui, en termes géopolitiques, pourrait être défini comme un "moment unipolaire") est encore loin d'être terminée.
Cependant, et malgré les apparences, il y a des signes évidents de ce déclin, tant au niveau interne qu'externe. Un énorme volume de fiction et de propagande a été produit autour de l'élection de Donald J. Trump en 2016. Une propagande dont même les personnages insoupçonnés (ou presque) qui, jusqu'à récemment, désignaient les États-Unis comme le principal ennemi, n'étaient pas à l'abri.
La victoire de Donald J. Trump a en effet été présentée comme la victoire d'un candidat anti-système et d'une forme nord-américaine de "populisme", même si elle a été déclinée en termes totalement postmodernes. Aujourd'hui, bien que la campagne présidentielle actuelle suive plus ou moins les mêmes pistes, on peut dire, en connaissance de cause, que Donald J. Trump, loin de remporter les élections de 2016 grâce à ses impulsions populistes et anti-systémiques, les a remportées principalement parce qu'il a dépensé deux fois plus que son adversaire pour la campagne [2]. Ce qui a été présenté comme une lutte entre le bien et le mal (l'affrontement entre le président anti-système et l'État dit "profond"), n'est rien d'autre qu'un affrontement entre différentes stratégies et appareils, ce qui n’est pas du tout étranger à l'histoire des États-Unis. Et on peut dire (toujours en connaissance de cause) que l'émergence de forces perturbatrices internes est historiquement synonyme de crise et de déclin pour une "entité impériale". Plutôt qu'une force révolutionnaire (comme la propagande l'a dépeint), le trumpisme est simplement la dernière tentative pour sauver la mondialisation américaine et, avec elle, une hégémonie mondiale de plus en plus déclinante.
Notre analyse portera principalement sur les facteurs externes qui sont à l'origine de ce déclin. Et à cet égard, plusieurs facteurs doivent être pris en compte. Tout d'abord, nous devons garder à l'esprit que la crise pandémique a inévitablement accéléré toute une série de processus géopolitiques qui, selon toute probabilité, auraient pris plusieurs mois, voire des années, pour émerger. Dans d'autres analyses publiées dans Eurasia, il a été fait référence, par exemple, aux accords de cessez-le-feu commercial entre la Chine et les États-Unis qui, seulement en janvier de cette année 2020, ont été présentés par les officines de propagande américaines comme une grande victoire de la diplomatie de Washington. Mais quelques mois plus tard, on parlait déjà à nouveau de "guerre froide" et de "bipolarisme".
En fait, les accusations continues et répétées contre la Chine pour la propagation (et souvent même la fabrication)[3] du virus ont incité Pékin à modifier sa stratégie à l'égard de sa puissance rivale en déclin : les Chinois sont passés d'une stratégie d'accompagnement du déclin à une stratégie nettement plus agressive.
L'accord de coopération entre l'Iran et la Chine, paraphé en juillet, est étroitement lié à ce changement de stratégie. Les fondements de cet accord remontent à la visite de Xi Jinping à Téhéran en 2016. À cette occasion, les deux pays ont produit un communiqué commun sur 20 points qui révèle des passages d'un intérêt tout particulier. Le point 5, par exemple, stipule : "Les deux parties se soutiennent fortement l'une l'autre en ce qui concerne les questions relatives à leurs intérêts fondamentaux tels que l'indépendance, la souveraineté nationale et l'intégrité territoriale. La partie iranienne poursuit son engagement ferme en faveur de la politique de la Chine unique. La partie chinoise soutient le "Plan de développement" de la partie iranienne ainsi que le renforcement du rôle de l'Iran dans les affaires régionales et internationales"[4].
Le point 7 dit : "L'Iran se félicite de l'initiative de la Chine concernant la "ceinture économique de la route de la soie et la route maritime de la soie du XXIe siècle". En s'appuyant sur leurs forces et avantages respectifs ainsi que sur les possibilités offertes par la signature de documents tels que le "protocole d'accord sur la promotion conjointe de la ceinture économique de la route de la soie et de la route maritime de la soie du XXIe siècle" et le "protocole d'accord sur le renforcement des capacités industrielles et minérales et des investissements", les deux parties développeront la coopération et les investissements mutuels dans divers domaines, notamment les transports, les chemins de fer, les ports, l'énergie, l'industrie, le commerce et les services"[5].
Il est tout à fait clair que la coopération stratégique fondée sur ces hypothèses peut être perçue comme une menace directe par les États-Unis. Le pacte, qui durera 25 ans, redonne en effet de la vigueur au projet de la nouvelle route de la soie et redonne à l'Iran un rôle central dans le processus d'intégration eurasienne. En outre, elle surmonte le régime de sanctions nord-américain connu sous le nom de stratégie de "pression maximale", transformant la République islamique en un carrefour de première importance pour le commerce eurasien (l'Iran est au carrefour des directions Nord-Sud et Ouest-Est du continent) exactement comme dans l'Antiquité, lorsque la langue parlée le long de la route de la soie était le persan.
Comme l'a déclaré Ali Aqa Mohammadi (conseiller du Guide suprême Ali Khamenei) : "Ce document bouleverse le régime des sanctions et contrecarre de nombreux plans américains pour la région [...] La coordination entre la Chine et l'Iran peut faire sortir la région de l’emprise des États-Unis et briser leur réseau régional.
La coopération stratégique entre les deux pays est non seulement axée sur les investissements dans le secteur de l'énergie ou dans les infrastructures [7], mais aussi dans le secteur militaire. Le premier résultat (et aussi le plus inquiétant pour les États-Unis) des accords sino-iraniens a été le refus par le Conseil de sécurité des Nations unies de la demande nord-américaine de prolongation de l'embargo sur la vente d'armes à la République islamique, qui a expiré en octobre 2020. En fait, à partir d'octobre, la Chine commencera à fournir à Téhéran divers systèmes et armements de nouvelle génération.
Il est bien connu que la Chine et la Corée du Nord ont développé des liens militaires étroits avec l'Iran depuis le début des années 1980. Pékin, par exemple, a fourni un grand nombre de missiles balistiques à la République islamique nouvellement formée pendant la guerre contre l'Irak pour contrebalancer les plates-formes de lancement Scud B de fabrication soviétique fournies à l'armée de Saddam Hussein. La Chine a également joué un rôle fondamental en aidant Téhéran à développer son secteur militaire, à tel point que les plates-formes de missiles iraniennes actuelles sont basées sur des technologies chinoises[8].
Par conséquent, grâce à cet accord de coopération, l'économie et le secteur militaire de Téhéran seront sérieusement renforcés. Dans le même temps, la Chine pourra bénéficier non seulement d'un approvisionnement stable (et de prix réduits) en hydrocarbures, mais aussi d'une entrée effective sur un vaste marché pour ses produits technologiques.
Mais ce ne sont pas les seules raisons pour lesquelles l'axe Pékin-Téhéran est considéré comme une menace sérieuse pour les États-Unis. Il y a d'autres facteurs à prendre en compte.
Tout d'abord, il est important de souligner, une fois de plus (si besoin est), que les États-Unis n'ont plus la force de faire face à un conflit militaire direct de grande envergure avec une puissance rivale.
L'Iran et la Chine ont tous deux montré qu'ils étaient "prêts" à affronter directement les États-Unis, si nécessaire. En comparaison, cette volonté (et cette disponibilité) s'est transformée en une sorte de dissuasion stratégique. Une guerre contre l'Iran (ou une attaque directe sur son propre territoire - la "ligne rouge" établie par le Corps des gardiens de la révolution) n'a jamais été réellement déclarée, car le Pentagone lui-même est conscient qu'elle coûterait de l'argent, causerait de graves dommages aux intérêts nord-américains dans la région, des vies humaines et une crise énergétique mondiale aux effets imprévisibles.
Une fois de plus, la Chine et l'Iran ont montré qu'ils ne veulent pas du tout la guerre, mais qu'ils sont prêts à la mener. Et tous deux savent parfaitement qu'en cas de conflit direct avec l'un des alliés régionaux des Etats-Unis (au Moyen-Orient ou dans la zone indo-pacifique), tout "l'Occident" et son opinion publique prendront inévitablement parti contre eux. C'est pourquoi un tel conflit a besoin non seulement d'une valeur stratégique mais aussi d'une valeur "morale". À cet égard, comme l'a souligné l'analyste Hu Xijin, les dirigeants de l'Armée populaire de libération ont établi qu'un éventuel conflit entre la Chine et un pays voisin avec lequel Pékin a des différends territoriaux doit respecter des exigences spécifiques : a) la Chine ne doit en aucun cas tirer le premier coup de feu ; b) la Chine doit montrer à la communauté internationale que tous les efforts ont été faits pour éviter le conflit ; c) la Chine ne doit jamais se permettre d'être impliquée de manière impulsive dans une confrontation militaire directe.
En outre, un récent rapport du Pentagone a montré la menace que représente pour les États-Unis le renforcement militaire continu de la Chine[9].
L'un des objectifs de Pékin est de doubler ses capacités nucléaires d'ici 2030. De plus, la Chine possède plus de 12.000 missiles balistiques d'une portée comprise entre 500 et 5.000 km : elle a donc la capacité de frapper les intérêts américains dans le Pacifique occidental. Mais ce qui préoccupe vraiment le Pentagone, ce sont les capacités conventionnelles de l'Armée Populaire de Libération. Celle-ci possède en effet les forces navales et terrestres les plus nombreuses au monde : une armée dynamique et moderne capable de surmonter rapidement des conflits maritimes limités et, par conséquent, de défier la domination thalassocratique nord-américaine.
Il est tout aussi important de comprendre comment les États-Unis réagissent à la menace posée par la croissance des puissances eurasiennes et par leur coordination. En ce sens, outre les opérations classiques de sabotage le long de la nouvelle route de la soie, il faut se concentrer sur la signature des récents "accords d'Abraham" entre Israël, les Émirats arabes unis et Bahreïn (mais avec la possibilité de les étendre à d'autres monarchies arabes).
Il convient de souligner tout d'abord qu'il ne s'agit pas d'un simple coup de pouce électoral pour la campagne présidentielle de Donald J. Trump, ni d'une simple "justification" pour vendre des technologies militaires sophistiquées aux monarchies du Golfe aux dépens de la Chine. Si l'on oublie que de tels accords, signés par des entités financières (avant d’être politiques) qui, en réalité, n’ont jamais été en guerre contre Israël mais qui coopèrent souvent et volontairement avec lui à plusieurs niveaux, représentent la victoire du profit sur tout le reste (sur l'Homme avec un "H" majuscule, sur tout ce qui, malgré les efforts de l'"Occident", continue à maintenir en vigueur des valeurs sacrées, celles de la religion et celles des idées), ce qui est le plus intéressant ici est la portée géopolitique de l'opération de Trump.
Elle ouvre les marchés arabes à Israël et, grâce au projet de Corridor Trans-Arabe (étudié en opposition directe avec les corridors économiques de la Nouvelle Route de la Soie)[10], ouvre les portes de l'Océan Indien à l'entité sioniste. Ainsi, dans un sens plus large, les accords d'Abraham cherchent à saper (ou à limiter) le processus d'intégration eurasienne. Comme l'a laissé entendre le secrétaire d'État américain Mike Pompeo lui-même, plus pragmatique et moins enclin à la rhétorique pseudo-pacifiste de la propagande trumpiste, l'axe Israël/Monarchies du Golfe est fonctionnel pour la défense des intérêts américains dans la région et permet une plus grande concentration des forces dans la zone indo-pacifique.
Ces accords doivent donc être compris non seulement en termes anti-iraniens ou anti-turcs, comme une grande partie des analyses géopolitiques ont tenté de le démontrer, mais aussi anti-pakistanais et anti-chinois. Le Pakistan, par exemple, étant le seul État musulman à posséder un arsenal nucléaire, est naturellement dans la ligne de mire des sionistes. Aujourd'hui plus que jamais, après avoir pris acte de la tentative de limiter l'influence wahhabite en son sein [11] par les dirigeants politiques actuels, sa dénucléarisation figure parmi les objectifs premiers du sionisme.
Cependant, les "accords d'Abraham" ont également jeté les bases d'une autre menace pour la stratégie régionale sioniste et nord-américaine : le rapprochement et la revitalisation d'un lien entre l'Iran et la Turquie qui surmonte également le contraste entre les deux pays sur le champ de bataille syrien.
Le 8 septembre, la sixième réunion de haut niveau du Conseil de coopération entre Téhéran et Ankara a débuté. L'objectif de cette coopération, qui est bloquée depuis plusieurs années précisément à cause du conflit syrien, est de renforcer les relations entre la Turquie et l'Iran dans les domaines commercial et sécuritaire. En fait, les deux États ont également lancé récemment plusieurs opérations militaires conjointes dans le nord de l'Irak contre des groupes terroristes kurdes.
Ce renforcement des relations, outre qu'il permet de mettre un terme aux interprétations sectaires (d'origine principalement occidentale) des conflits du Moyen-Orient, est également utile pour reconstruire le dialogue entre les forces de résistance au régime sioniste en Palestine : le Hamas (aujourd'hui, lié à la Turquie et au Qatar) et le Hezbollah (Parti et mouvement de résistance d'inspiration khomeyniste). Lors des réunions au sommet tenues à Beyrouth, les dirigeants politiques des deux mouvements, ayant surmonté les divisions générées par le conflit syrien, sont arrivés à la conclusion que le Hamas et le Hezbollah sont sur la même ligne dans l'opposition et la lutte contre Israël [12]. Sans considérer le fait qu'amener le Hamas au même niveau de capacité militaire que le Hezbollah, en plus de représenter une certaine menace, constituerait une fois de plus un élément de dissuasion contre de nouvelles opérations sionistes potentielles dans la bande de Gaza [13].
En février dernier, lors d'une conférence donnée à l'Institut d'études stratégiques d'Islamabad, l'ambassadeur iranien au Pakistan Seyyed Mohammad Ali Hosseini a suggéré l'idée de créer une alliance entre cinq pays (Turquie, Iran, Pakistan, Chine et Russie) pour favoriser la coopération eurasienne et résoudre pacifiquement tout différend régional.
La formation d'une telle alliance permettrait en outre de créer une forme de ceinture de sécurité capable de protéger l'Asie centrale (le "cœur du monde") des actions de sabotage, de déstabilisation et d'endiguement de tout développement, menées par l'Amérique du Nord.
Les premiers signes dans cette direction proviennent des exercices militaires "Caucase 2020" qui se dérouleront dans la région du Caucase entre le 21 et le 26 septembre et qui, axés sur les tactiques de défense et d'encerclement, impliqueront des unités militaires de Chine, de Russie, du Pakistan, d'Iran, d'Arménie, de Biélorussie et du Myanmar.
Il y a lieu d’être absolument convaincu que la création d'un axe islamo-confucéen (ou islamo-confuciano-orthodoxe)[14] pourrait représenter l’accélérateur du déclin de l'hégémonie américaine et de la faillite de toutes les stratégies visant à empêcher la naissance d'un ordre mondial multipolaire. L'espoir doit aussi se faire jour, d'ailleurs, de voir advenir le réveil des civilisations anciennes et combatives de l'Eurasie afin d’aider l'Europe à surmonter ce qui semble être une condition irréversible d'assujettissement culturel et géopolitique.
NOTES:
[1] Voir European Parliament Resolution on the situation in Russia: the poisoning of Alexei Navalny, www.europal.europa.eu.
[2] Fait qui montre bien comment fonctionne la « démocratie américaine » dont on vante tant le modèle. Voir à ce propos : Jean-Michel Paul, The economics of discontent. From failing elites to the rise of populism, Bruxelles 2018.
[3] Et, last but not least, la « recherche scientifique », menée par la Rule of Law Society et par la Rule of Law Foundation de Steve Bannon et Guo Wengui, qui prétendent démontrer l’origine du virus dans le laboratoire de Wuhan.
[4]Full text of Joint Statement on Comprehensive Strategic Partnership between I.R. Iran, P.R. China, www.president.ir.
[6]Iran-China deal to ditch dollar, bypass US sanctions: Leader’s Advisor, www.presstv.com.
[7] Cet accord de coopération prévoit plus de 400 milliards d’investissement. Une autre somme de 220 milliards sera versée au profit du secteur des infrastructures, visant le développement des liens ferroviaires (trains à grande vitesse) tant à l’intérieur de l’Iran que pour relier ce pays au reste de l’Eurasie : de la Chine à l’Asie centrale et, de là, à la Turquie et à l’Europe.
[8]China’s key role in facilitating Iran’s military modernization and nuclear program, implications for future relations, www.militarywatchmagazine.com.
[9]H. Xijin, China must be militarily and morally ready for a potential war, www.globaltimes.cn.
[10]Selon le mode particulier qu’implique le Corridor CPEC (China Pakistan Economic Corridor) ; il y a la possibilité que celui-ci soit prolongé pour relier directement le port de Gadwar au Pakistan à celui de Shabahar en Iran. Les deux ports seraient ainsi reliés entre eux et renforcés par une liaison ferroviaire qui, à son tour, favoriserait un développement économique régional de grande ampleur.
[11] Récemment, il y a eu des manifestations anti-chiites à Karachi au Pakistan (ce qui met en exergue l’influence profonde du wahhabisme saoudien sur une bonne part de la population pakistanaise). Ces désordres montrent clairement quelles sont les motivations géopolitiques à l’œuvre dans cette région du monde. Déchaîner à nouveau la violence au Pakistan, pour le déséquilibrer de l’intérieur, s’avère utile pour retarder le mise en œuvre définitive du CPEC et pour discréditer le rapprochement lent mais continue du gouvernement d’Imran Khan avec les puissances d’Eurasie :la Russie et la Chine en premier lieu.
[13] Les bombardements ont lieu tous les jours sur la Bande de Gaza, dans le silence assourdissant des médias occidentaux, silence qui a pour objectif de faire ignorer ces faits.
[14]Dans ce cas précis, on ne peut parler en termes « huntingtoniens », soit en terme de choc des civilisations, vu que l’Occident n’est pas une civilisation mais une construction idéologique utile pour garantir la domination américaine sur les espaces géographiques, soumis « géopolitiquement » à Washington.
Le trucage des élections ne fait pas tout. Le 8 novembre dernier, tandis que des fraudes électorales massives s’opéraient dans plusieurs États du MidWest étatsunien, la Bolivie investissait son nouveau président, Luis Arce, marquant ainsi l’échec total d’une révolution colorée atlantiste – occidentaliste.
Le 10 novembre 2019, après plusieurs journées de manifestations, de grèves et d’incidents, sur la pression des responsables de la police et de l’armée, le président de l’État plurinational de Bolivie Evo Morales démissionnait et s’exilait d’abord au Mexique, puis en Argentine. Candidat à un quatrième mandat consécutif malgré un revers au référendum de révision constitutionnelle de 2016, le président Morales devançait d’une dizaine de points son principal concurrent, l’ancien président libéral Carlos Mesa. Dans la foulée de ce départ précipité, le vice-président Álvaro Linera, la présidente du Sénat et le président de la Chambre des députés abandonnèrent à leur tour leur fonction. L’intérim de la présidence revint alors à la deuxième vice-présidente du Sénat, une obscure élue d’opposition, Jeanine Áñez.
À peine arrivée à la tête de la Bolivie, Áñez persécute les élus, cadres et militants du parti d’Evo Morales, le MAS (Mouvement vers le socialisme) aux lointaines racines nationalistes, communautaires, phalangistes et justicialistes. Elle rompt aussitôt les relations diplomatiques avec Cuba et le Venezuela, se retire de l’ALBA (Alternative bolivarienne pour les Amériques) et ordonne des enquêtes à charge contre son prédécesseur et la plupart de ses ministres. Si, dans ses premières allocutions, Áñez entend seulement assumer l’intérim, elle se ravise vite et annonce sa candidature à l’échéance présidentielle à venir. Or, le coronavirus contraint le report à diverses reprises des opérations électorales.
En attendant, les Boliviens subissent toute la lubricité du néo-libéralisme. Non seulement aligné sur les États-Unis et incapable de bien gérer la crise sanitaire, le gouvernement Áñez veut tout privatiser, obéit à l’agriculture industrielle, autorise les OGM et s’en prend aux acquis sociaux. Par ailleurs, des scandales retentissants impliquent vite l’entourage, politique et privée, de la présidente par intérim.
Empêché de se présenter tant à la présidence qu’à un siège de sénateur, Evo Morales, en accord avec les instances du MAS, des syndicats et des mouvements indigènes indianistes, suggère la candidature de Luis Arce. Puissant ministre de l’Économie de 2006 à 2017 et en 2019, le « père du miracle économique bolivien » choisit pour colistier à la vice-présidence l’Amérindien David Choquehuanca (photo).
Le mécontentement grandissant des Boliviens inquiète et déstabilise la bourgeoisie compradore. Après bien des hésitations, Áñez renonce à sa candidature et rejoint Carlos Mesa. Tous les sondages prévoient un duel serré entre Mesa et Arce avec, en arrière-plan, la montée en puissance d’un hérétique schismatique soi-disant chrétien, le démagogue évangélique des grands propriétaires néo-conservateurs, Luis Camacho.
Ce 18 octobre, les Boliviens élisent à la fois leur président, leur vice-président, le Sénat et la Chambre des députés. Avec une participation de 88,5 %, Luis Arce remporte dès le premier tour la présidence (55,10 %) contre Mesa (28,83 %) et Camacho (14 %). Le nouveau président peut s’appuyer sur une large majorité MAS et alliés à la Chambre (75 sièges sur 130) et au Sénat (21 sièges sur 36). Les citoyens boliviens contrecarrent les prétentions atlantistes, occidentalistes et mondialistes de l’hyper-classe anglo-saxonne et de ses sbires locaux. Certes, le président Arce n’est pas aussi charismatique qu’Evo Morales qui dirigea la Bolivie de 2005 à 2019, un record pour un pays comptant quatre-vingt-deux chefs d’État depuis 1825 ! Les électeurs ont nettement préféré un économiste réputé qui comprend l’intérêt commun.
Par-delà les particularités géographiques, historiques, politiques et ethniques de la Bolivie, on peut se demander s’il ne faudrait pas que le Bélarus connaisse lui aussi une brève expérience ultra-libérale avec sa propre Jeanine Áñez, Svetlana Tikhanovskaïa, afin que les Bélarussiens découvrent vraiment le cauchemar libéral-occidental dans toute sa cruelle réalité.
Georges Feltin-Tracol
• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 192, mise en ligne sur TVLibertés, le 24 novembre 2020.
La Corne de l'Afrique, en elle-même, présente un intérêt particulièrement important pour de nombreux pays qui se perçoivent comme une entité géopolitique, car la situation géographique de cette partie de l’Afrique lui permet de contrôler la connexion entre la mer Rouge (et donc le canal de Suez) et l'océan Indien, où passe un grand nombre de navires. Djibouti accueille des bases militaires françaises, italiennes, américaines et même chinoises. De l'autre côté du détroit se trouve le Yémen, où le conflit militaire se poursuit, dans lequel l'Arabie Saoudite et ses partenaires interviennent.
Des signes évidents de déstabilisation ont été observés récemment dans deux pays de la région, la Somalie et l'Ethiopie.
La semaine dernière, on a révélé la mort d'un officier de la CIA en Somalie. Il s'agissait d'un agent de la Division spéciale et d'un ancien membre du Corps des Marines. Cet événement a été interprété comme quelque chose d'extraordinaire, puisque dans ce pays d'Afrique de l'Est il y a un grand nombre de militaires américains - plus de 700 soldats. Certains d'entre eux sont en mission anti-terroriste.
La Somalie reste l'un des pays les plus dangereux au monde. Bien que la Somalie soit officiellement une fédération, comme le stipule la constitution provisoire du pays, la confrontation inter-clanique et interethnique y demeure permanente, à laquelle s'ajoutent les activités de groupes criminels et terroristes. Il y a une dizaine d'années, les pirates somaliens étaient connus pour détourner les navires passant près des côtes et pour exiger des rançons en échange de la liberté des marins et des cargaisons saisies. Ce problème a été partiellement résolu grâce aux opérations militaires lancées par divers États, mais il n'a pas complètement disparu. Un autre problème est l'activité du groupe terroriste Al-Shabab qui est associé à Al-Qaïda. Fin novembre, des responsables d'al-Shabab ont tué un groupe de soldats somaliens entraînés par l'armée américaine.
Un rapport sur la lutte contre le terrorisme dans la région, préparé pour le Congrès américain, indique que d'ici 2021, les forces de sécurité somaliennes locales seront en mesure de faire face aux menaces par leurs propres moyens. Apparemment, c'est ce qui a motivé la décision de retirer les troupes américaines de Somalie. Et Donald Trump a donné les instructions appropriées. Cependant, cela a suscité des critiques de la part des politiciens et de la communauté des analystes américains qui ont affirmé que si les troupes américaines étaient retirées, le pays plongerait sûrement dans une guerre civile. Tous les clans ne soutiennent pas le gouvernement fédéral de ce pays, de sorte que même si des bases spéciales de l’Africom restent implantées dans la région (on suppose que les opérations contre al-Shabab se poursuivront avec l'aide de drones de combat lancés depuis le Kenya et Djibouti), un conflit interne pour le pouvoir pourrait commencer.
Des élections parlementaires doivent se tenir en décembre en Somalie et des élections présidentielles doivent avoir lieu en février. C'est une autre source d'inquiétude, car de nombreux hommes politiques et chefs de clan ne veulent pas que le chef du pays en exercice, Mohammed Abdullahi Mohammed, conserve son poste. Il a également l'intention de se présenter à nouveau aux élections. Il est également intéressant de noter qu'il est soutenu par le Qatar - le principal sponsor des Frères musulmans.
Si Djibouti peut atteindre un degré de sécurité relatif grâce à la présence de bases militaires étrangères, la situation en Ethiopie voisine reste critique.
Après le déclenchement du conflit avec le Front de libération nationale du Tigré, les forces gouvernementales ont capturé l'une des principales villes de la province d'Adigrat le 20 novembre, tuant des centaines d'habitants et en faisant fuir des dizaines de milliers vers le Soudan voisin.
Le 24 novembre, la Commission éthiopienne des droits de l'homme a déclaré que plus de 600 personnes avaient été tuées à Mai Kadra, une autre ville de la province du Tigré. Un nettoyage ethnique y a été effectué avec le soutien de la police locale. Malgré les appels des Nations unies et de l'Union africaine à mettre fin à l'effusion de sang, le Premier ministre Al-Ahmed a refusé d'arrêter l'opération militaire et d'entamer des négociations.
Ce qui se passe peut également affecter l'économie du pays, notamment les activités des investisseurs extérieurs comme les EAU. Les Émirats financent 92 projets dans une grande variété de secteurs en Éthiopie. En outre, 50.000 travailleurs migrants originaires d'Éthiopie se trouvent aux Émirats Arabes Unis dans le cadre du programme de réduction du chômage. En outre, il est prouvé que les Émirats aident à combattre les rebelles en utilisant la base militaire d'Assab en Érythrée.
Un autre facteur de déstabilisation est la construction d'un grand barrage en Éthiopie, qui est appelé le « projet du siècle ». Il s'agit d'un grave défi à l'Égypte et au Soudan, car sa mise en oeuvre affectera le niveau de l'eau du Nil, qui est directement lié aux activités agricoles de ces deux pays.
Le déclenchement de la guerre civile peut servir de prétexte à une intervention en Éthiopie. Il est à noter que les représentants de l'Égypte ont déjà discuté de cette possibilité avec les représentants de l'Érythrée. Jusqu'à présent, le Caire utilise la pression diplomatique pour obtenir le soutien de la Zambie et de la Namibie dans la question de la construction de ce barrage. Le Soudan, pour sa part, a boycotté les dernières négociations qui ont eu lieu le 21 novembre.
En même temps, il faut noter le partenariat entre les EAU et l'Egypte sur un certain nombre de problèmes régionaux, notamment la lutte contre l'expansion de la Turquie et la lutte contre l'organisation des Frères musulmans (interdite dans la Fédération de Russie). Il n'est pas encore clair comment des points de vue différents sur le conflit éthiopien et la construction du barrage pourraient affecter la coopération des deux pays. Mais il existe un potentiel de refroidissement de la relation.
Ces facteurs indiquent que l'instabilité chronique dans la région, qui repose en partie sur des conflits historiques, pourrait dégénérer en un chaos non maîtrisable. Cela nécessitera non seulement la présence de troupes étrangères (pays de l'Union africaine, contingent arabe, probablement les États-Unis ou l'OTAN), présentées comme contingent de maintien de la paix, mais aussi la résolution d'un certain nombre de tâches humanitaires.
D'autre part, il existe également un potentiel de coopération. L'ancien président de la Somalie rappelle dans un article qu'en 1977, l'Ethiopie et la Somalie avaient entamé une guerre pour le contrôle de la région de l'Ogaden. À cette époque, Fidel Castro a proposé aux dirigeants soviétiques un plan pour établir la paix dans la région - la création d'une confédération de l'Éthiopie, de la Somalie, du Yémen du Sud et, dans une étape ultérieure, de Djibouti (à l'époque, c'était une colonie française). La solution de ce problème conduirait à l'établissement d'un contrôle sur la mer Rouge et, par conséquent, sur le canal de Suez, ainsi qu'à la valorisation du potentiel économique de la région. Ces plans ne se sont pas réalisés, notamment parce que le chef militaire de la Somalie, Siad Barre, a rejeté cette proposition et a préféré un conflit avec l'Éthiopie. Cependant, l'idée d'une intégration régionale continue de vivre aujourd'hui. En 2018, les dirigeants éthiopiens ont entamé un rapprochement avec la Somalie et l'Érythrée en signant un accord tripartite qui, selon le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, pourrait être le prélude à une intégration politique. Il est probable que certaines forces ne soient pas intéressées par ce processus, c'est pourquoi on a vu émerger des processus de déstabilisation et des frictions.
Von Willy Wimmer, Parlamentarischer Staatssekretär des Bundesministers der Verteidigung a.D.
Ex: https://www.world-economy.eu
Alleine schon die letzten Wochen machen deutlich, was mit der NATO los ist. Jetzt wird der Eindruck beim gestrigen Treffen der NATO-Außenminister erweckt, man könne bei der NATO etwas reformieren, um sie zukunftsfähig zu machen. Das ist eine vergebliche Liebesmüh. Afghanistan macht deutlich, was an der NATO nicht stimmt und nie stimmig gemacht werden kann. Die NATO dient einzig und allein dem alten Ziel, das bei ihrer Gründung 1949 durch den damaligen NATO-Generalsekretär Ismay ausgegeben worden war: die Amerikaner rein nach Europa, die Russen raus aus Europa und die Deutschen in Europa unten halten. Das war aus angelsächsischer Sicher hochgradig konsequent. Das war seit 1871 und den damaligen Ansichten des britischen Premierministers Disraeli konsequente britische und amerikanische Politik nach der Gründung des Deutschen Reiches und wegen der Gefahr einer Zusammenarbeit zwischen den beiden Kontinentalmächten Russland und Deutschland.
Über Versailles 1919 wurde diese Politik konsequent fortgesetzt, wie Alexander Sosnowski und ich 2019 in unserem Buch "und immer wieder Versailles" unter Beweis gestellt haben.
Selbst der französische Präsident Macron hat in diesem Zusammenhang die Verantwortung Frankreichs für die nationalsozialistische Bewegung eines Adolf Hitler vor wenigen Monaten öffentlich festgestellt. In einer Zeit der gezielten Tötungen wichtiger Persönlichkeiten fremder Länder sollte man sich in Deutschland in Erinnerung rufen, was die Zeit nach dem Ersten Weltkrieg bestimmte. Da wurde 1922 der damalige deutsche Außenminister Walter Rathenau auf offener Straße ermordet und damit derjenige, der nicht nur für die deutsche Kriegswirtschaft im Ersten Weltkrieg maßgebliche Verantwortung getragen hatte. Walter Rathenau war derjenige, der versuchte, davon "Versailles" bestimmte Deutschland vor dem endgültigen Absturz durch eine enge Zusammenarbeit mit der Sowjetunion zu bewahren. Zeitgleich wurde durch vor allem amerikanische Finanzmittel und mit Wissen der US-Regierung der stramm antikommunistisch und antisemitisch eingestellte Adolf Hitler vor der politischen Bedeutungslosigkeit mit Hilfe des US-Militärattachés in Berlin bewahrt. Da war es zielführend konsequent, wenn ein Reichskanzler Hitler umgehend die enge Zusammenarbeit zwischen Reichswehr und Roter Armee nach der nationalsozialistischen Machtergreifung 1933 beendete. Für eine Zusammenarbeit zwischen Russland und Deutschland waren die amerikanischen Finanzmittel an Hitler jedenfalls nicht geflossen.
Der Art und Weise, wie nach 1990 und dem Ende des Kalten Krieges jede Zusage an die damalige sowjetische Führung, die NATO in einen Konsultationsmechanismus zu verwandeln und keinesfalls eine militärisch integrierte NATO nach Osten auszudehnen, gebrochen wurde, macht heute eines mehr als deutlich.
Die alte Zielvorgabe für die Gestaltung des euro-asiatischen Kontinentes bleibt unverändert bestehen. Eine gedeihliche Zusammenarbeit auf dem euro-asiatischen Kontinent zwischen Russland und Deutschland muss unter allen Umständen hintertrieben werden. Das ist der Zweck der NATO und das im Vorfeld einer Präsidentschaft Joe Biden, der wie kein Zweiter für die Kriegs-und Drohnenmord-Politik des ehemaligen amerikanischen Präsidenten Obama steht. Was uns da bevorsteht, kann man an einem Punkt der Empfehlungen für die NATO-Außenminister sehen. Die Einstimmigkeit für Kriegsbeschlüsse soll aufgehoben werden. Die Grünen haben am vorigen Wochenende bei ihrem Parteitag schon deutlich gemacht, welche Weg eingeschlagen werden soll, sich über die Charta der Vereinten Nationen dann hinwegzusetzen, wenn aus Washington wieder zum Krieg geblasen werden soll. Wenn die Einstimmigkeit fällt, fällt der letzte Anker für die Beachtung nationaler Verfassungen und des Völkerrechts, bis auf die Hilfsmittel aus den Zeiten der Kolonialpolitik wie "Recht auf Schutz anderer" und "Verhinderung humanitärer Katastrophen".
Wochen, nachdem die Welt sich an die Nürnberger Kriegsverbrecherprozesse erinnerte, geht die NATO in Missachtung der Konsequenzen aus dem Zweiten Weltkrieg ihren sehr speziellen Weg.
Am Ende des Zweiten Weltkrieges stand die Ächtung des Krieges und das Gewaltmonopol des Sicherheitsrates der UN. Mit dem völkerrechtswidrigen Krieg 1999 gegen die Bundesrepublik Jugoslawien hat die NATO nach Aussagen des damaligen Bundeskanzlers Gerhard Schröder nicht nur das Völkerrecht gebrochen. Die NATO hat damit den Rechtszustand des Jahres 1939 wiederhergestellt. An nichts wird das deutlicher als an einem Vergleich zwischen der Rechtslage, wie sie zum Beitritt der Bundesrepublik Deutschland zur NATO bestand und dem globalen Agieren mit Selbstermächtigung heute. Die Pläne für die Endlos-Verlängerung der NATO werden zu einem Zeitpunkt vorgelegt, an dem die Sinnhaftigkeit des NATO-Einsatzes in Afghanistan hinterfragt wird. Fast 60 tote deutsche Soldaten und Milliarden deutscher Steuermittel wurden für fragwürdige Ziele in Kauf genommen. Es fing nach dem amerikanischen Einmarsch in Shebergan und anderswo mit Massenmorden an, als Container mit afghanischen Männern unter gezieltes MG-Feuer genommen wurden. Im Stationierungsgebiet der Bundeswehr wurde anfangs befriedet. Dies bis zu dem Zeitpunkt, als ohne jede Absprache mit den deutschen Verantwortlichen amerikanische Kräfte mit einem eindeutigen Kampfauftrag im Rücken der Bundeswehr auftauchten.
Die deutsche Generalbundesanwältin weigerte sich, wegen der Massentötungen an afghanischen Hochzeitgesellschaften gegen die Täter vorzugehen, weil angeblich auch in den USA gegen die Verantwortlichen vorgegangen werden könne.
Dabei weiß jeder, wie die Verantwortlichen in Washington das internationale Recht auf diesem Feld missachten. Nicht anders verhielt es sich mit der Aussage des damaligen afghanischen Präsidenten Karsai, nach der die Taliban 2004 den USA angeboten hatten, die Waffen auf ewig zu strecken und sich zu unterwerfen. Das Angebot wurde seitens der USA abgelehnt, so Karzai. Unsere Gesellschaften sind noch in der Lage, das sich daraus ergebende moralische Dilemma bei fortdauernder Existenz der jetzt bestehenden NATO tendenziell anzusprechen. Wenn die Einstimmigkeit und die Beachtung des Völkerrechtsendgültig fallen, gehen in "Europa und der Welt die Lichter aus".
La souveraineté n'est rien sans le pouvoir. Si Paris peut apporter son potentiel militaire et industriel pour soutenir des projets concrets de défense européenne capables d'impliquer toute l'Europe et de considérer la Méditerranée comme un espace stratégique européen et non atlantique, l'autonomie peut devenir une souveraineté. Sinon, nous parlerons de la "doctrine Macron", mais nous le ferons dans un cadre "occidental", fonctionnel, conforme aux souhaits des Atlantistes.
Comme on le sait, le sens français de l'Etat et la recherche constante d'une projection économique, diplomatique, militaire et géopolitique originale dans les scénarios de référence de la République ont conduit la France, pendant les décennies de la Vème République, à construire la plus autonome des stratégies politiques dans le contexte européen. Une stratégie très souvent peu scrupuleuse (comme en témoignent surtout les interventions sur le sol africain[1]), garantie par l'assurance-vie de la force de frappe, l'arsenal nucléaire national, et qui a eu dans le "père" de la Vème République, le général Charles de Gaulle, son principal inspirateur[2].
Après des années de tergiversations sous les gouvernements de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, le président français Emmanuel Macron a pensé renouer avec la tradition du "monarque républicain", à laquelle le chef de l'État s'identifie depuis De Gaulle, et entamer une mise à jour progressive de la doctrine géopolitique et géoéconomique traditionnelle du pays, négligée par ses prédécesseurs. Par Sarkozy en premier lieu, car il a fait un préalable de mettre fin à l'autonomie des commandements militaires français par rapport aux structures de l'OTAN. Paris est effectivement revenu en 2009[3] dans le giron de l’OTAN en montrant, systématiquement, emblématiquement, le manque de scrupules de la projection nationale transalpine dans la problématique de l'aventure guerrière en Libye. Par Hollande, ultérieurement, qui a désacralisé, de manière flagrante, le rôle présidentiel, pour la tournure économiste des politiques du président, lequel n'a pas su construire en Europe un plan politique complémentaire à celui d'Angela Merkel en Allemagne, enfin, pour la crise systémique des appareils qui, sous le quinquennat de Hollande, ont commencé à apparaître.
C'est pourquoi on peut dorénavant parler d'une "doctrine Macron", c'est-à-dire d'une contribution donnée par Macron à la redécouverte, en clé modernisée, des lignes directrices de la politique de pouvoir de la France républicaine ; d'une approche systémique de la France face à la concurrence internationale ; de l'identification par le décideur politique de macro-zones précises, définies comme cruciales pour l'élaboration de la stratégie nationale française.
Il y a une profonde contradiction entre l'homme et le président Macron. À des années-lumière de l'ignorance politique grossière d'un Sarkozy ou du manque de vision apathique d'un Hollande, le plus jeune président de la Cinquième République a longtemps été un personnage hybride. Ayant alterné, dans son pays, des réformes "libérales[4]" sur les thématiques du travail[5] et des retraites, des politiques vertes naïves qui ont déclenché la colère de la population qui craignait de voir le fardeau de la transition écologique se décharger sur elle[6] et, enfin, contrepoint politique maladroit à l'islamisme politique avec un vague sentiment occidental et néoconservateur[7], Macron a tenté, sur le front intérieur, d'être transversal, d'échapper à toute catégorisation, avec pour résultat d'antagoniser une large tranche de l'opinion publique. Cette transformation se heurte à une vision des relations internationales qui a toujours été, par comparaison, plus cohérente et plus stratégique.
Un véritable "manifeste" de cette vision a été la récente interview du président avec le magazine français de géopolitique Le Grand Continent, consacrée à la "doctrine Macron"[8]. Macron a abordé un large éventail de questions, de l'avenir de l'Union européenne à celui de l'OTAN, des relations entre la France et l'Afrique au changement climatique, de sorte que l'on peut saisir dans sa complexité, à partir des mots mêmes de la longue interview, la contribution politique du président actuel à la stratégie de l'Hexagone.
Macron a une idée claire que dans les décennies à venir, l'Europe devra construire des espaces d'autonomie stratégique dans le contexte de la "nouvelle guerre froide" entre la Chine et les États-Unis et que le contrôle français de ces processus est dans l'intérêt national de Paris. "Si j'essaie de regarder au-delà du court terme", a-t-il déclaré, "je dirais que nous devons avoir deux axes forts : trouver les moyens d'une coopération internationale utile qui évite la guerre, mais nous permette de répondre aux défis contemporains ; construire une Europe beaucoup plus forte qui puisse affirmer sa voix, sa force, en maintenant ses principes, dans un tel scénario refondu" [9].
En ce qui concerne cette étoile polaire, cette étoile-guide, toutes les stratégies de fond élaborées par Paris sont déclinées. Alors que le jeu de la défense européenne commune semble extrêmement complexe, auquel s'opposent à la fois la montée des pays pro-atlantiques de l'Est et la position de Washington sur le Vieux Continent ; loin de la "mort cérébrale" définitive de l'OTAN dont parlait Macron en 2019, le président français mentionnait explicitement dans Le Grand Continent la souveraineté européenne dans le cadre des nouvelles technologies : "Nous avançons dans le domaine de l'autonomie technologique et stratégique, alors que tout le monde a été surpris quand j'ai commencé à parler de la souveraineté sur la 5G. Donc, tout d'abord, il y a un travail idéologique à faire, et il est urgent. Il s'agit de penser en termes de souveraineté européenne et d'autonomie stratégique, afin de pouvoir compter sur nous-mêmes et de ne pas devenir le vassal de telle ou telle puissance sans avoir davantage voix au chapitre"[10].
Parlons d'une question cruciale. La pandémie a accéléré le cheminement commun d'Emmanuel Macron et d'Angela Merkel vers la définition de stratégies à long terme pour la construction des piliers d'un premier projet de souveraineté technologique et numérique européenne, conçu à la fois comme une alternative à la pénétration chinoise et comme un contrepoids au pouvoir d'influence dominant des géants du numérique. La France et l'Allemagne ont encouragé l'année dernière la montée en puissance et le lancement de Gaia-X, le projet d'une plateforme européenne de cloud computing, qui dans un avenir immédiat ne sera pas complètement indépendante de Google, Amazon, Microsoft[11] et des autres oligopoles américains du marché des données, avec un revenu accumulé sur des décennies. Mais ce projet a tout de même a lancé la volonté européenne de participer à la définition de la course vers les nouvelles frontières technologiques mondiales.
Gaia-X, décrit par les gouvernements français et allemand comme une "plate-forme habilitante" pleinement armée de technologies européennes, vise à assurer la mise en place d'une puissance de calcul croissante et d’un développement, par les opérateurs du Vieux Continent, d'infrastructures numériques et physiques pour assurer la gestion, la protection, le stockage et l'exploitation économique des données.
Nous constatons que, comme cela s'est produit dans le passé avec la question de la défense et de l'aérospatiale, la France vise à exploiter le jeu technologique européen comme un multiplicateur de pouvoir politique et comme un moteur de développement de son industrie et de son potentiel de production.
Cette logique s'applique également aux plans de transition écologique, contenus dans le plan France Relance de 100 milliards d'euros, avec lequel le gouvernement de Paris entend approfondir ses stratégies de relance à long terme après la pandémie. Le président a fait son mea culpa pour avoir suivi pendant longtemps l'écologisme vulgaire et punitif des taxes sur le diesel et des mesures destinées à frapper en premier lieu la classe moyenne, mesures qui ont aliéné la sympathie d'une partie de la population pour le thème de la transition. "Nous devons montrer que chacun est un acteur, et nous devons le faire en donnant à chacun un rôle, c'est-à-dire en développant massivement de nouveaux secteurs d'activité économique, qui permettent de créer de nouveaux emplois plus rapidement que les anciens ne sont détruits", a souligné le Président.
Cette approche est systématiquement étudiée dans "France Relance", comme le rappelle la RivistaEnergia. Sur 100 milliards, le plan "consacre 34 milliards à des mesures relatives à la compétitivité de l'économie - en plus des 30 milliards de mesures spécifiquement orientées vers la transition énergétique, et qui comportent des dimensions innovantes fortes, comme la décarbonisation de l'industrie ou le développement des technologies vertes"[12], mettant les technologies les plus durables au service des industries stratégiques : énergie (avec l'hydrogène comme nouvelle frontière), aéronautique, transport ferroviaire, nucléaire. Quatre secteurs dans lesquels Paris entend jouer un rôle européen majeur et créer des normes au niveau de l'UE.
La question de l'autonomie stratégique est associée à un rejet substantiel de l'adhésion au discours dominant imposé par les États-Unis sur les relations internationales et les relations transatlantiques. Dans cette interview, Macron essaie de se rapprocher le plus possible de son auguste prédécesseur, l'anti-américain Charles de Gaulle : "Notre politique de voisinage avec l'Afrique, avec le Proche et le Moyen-Orient, avec la Russie, n'est pas une politique de voisinage pour les États-Unis d'Amérique. Il est donc intenable que notre politique internationale dépende d'eux ou suive leurs traces".
Ceci est combiné avec une référence au privilège économique exorbitant du dollar et aux avantages stratégiques qui en découlent pour Washington. La pénalisation des industries françaises et européennes due aux sanctions américaines contre la Russie et l'Iran est remise en cause par Macron, qui semble rendre hommage au thème de l'enquête "pro-européenne" sur les équilibres mondiaux en annonçant un futur changement de paradigme.
Il s'agira, dans les prochaines années, de décider si celles d'Emmanuel Macron et de son alliée Angela Merkel ne sont que des éclats de rhétorique ou les premiers germes d'un projet politique d'autonomie européenne. Des nouvelles technologies à l'énergie, de la durabilité à la finance, on peut apercevoir que des projets européens visant à aller vers plus d'autonomie existent, et, dans la doctrine nationale française, ils trouvent une expression concrète. Mais comme l'a rappelé Pierluigi Fagan [13] en analysant la "géopolitique de Macron", dans le monde d'aujourd'hui "la souveraineté n'est rien sans le pouvoir". Si Paris peut apporter son potentiel militaire et industriel pour soutenir des projets concrets de défense européenne capables d'impliquer des acteurs comme l'Italie sur une base plus égale et de considérer la Méditerranée comme un espace stratégique européen et non atlantique, l'autonomie peut devenir une souveraineté. Sinon, nous parlerons de la doctrine Macron, mais nous le ferons dans un cadre plus conformes aux souhaits des Atlantistes.
NOTES
[1] Le guerre segrete di Parigi in Africa e le conseguenze problematiche per il continente sono citate in Emanuel Pietrobon, L’arte della guerra segreta, Pubblicazione indipendente, Torino 2020.
Andrea Muratore, analyste économique, travaille aux côtés du professeur Aldo Giannuli sur le projet du centre d'études "Osservatorio Globalizzazione" depuis mai 2019. Il collabore avec la revue "Eurasia", Magazine d'études géopolitiques.
L'élection de Donald J. Trump a été décrite et soulignée à plusieurs reprises comme un tournant dans l'histoire récente des États-Unis et de la partie du monde à laquelle ils ont imposé leur hégémonie. Dans cette analyse, nous essaierons de comprendre si, en termes géopolitiques, il était vraiment possible de parler d'un tournant et quel héritage la période de quatre ans de trumpisme laissera à l'"empire" en déclin du Far West.
J’ai écrit une analyse publiée sur le site d'"Eurasia", quelques semaines après l'élection de Donald J.Trump. J’analyse aujourd’hui la situation à la fin de son mandat. Trump est devenu président des États-Unis en 2016[1], il présente une similitude avec l'histoire de la secte soloviévienne des "adorateurs de trous", une pseudo-religion répandue dans les steppes russes désolées, dont la liturgie consistait à creuser un trou dans le mur de l'izba ; puis, une fois les lèvres approchées du trou, la prière était dite : "ma maison, mon trou, sauve-moi et protège-moi". Solov'ëv a comparé ce culte particulier au christianisme humaniste d'inspiration tolstoïenne en vogue en Russie à la fin du XIXe siècle, en concluant que les deux doctrines étaient substantiellement identiques. Le christianisme sans le Christ, selon Solov'ëv, était en fait comme un lieu vide, comme un trou dans un mur. Cependant, les "adorateurs du trou" avaient au moins le mérite d'appeler les choses par leur nom.
Si l'administration Trump avait un mérite (du moins au début et avant le retour au "monde libre" de Pompeo face à la tyrannie du communisme chinois), c'était sans doute celui d'avoir surmonté la rhétorique maladive de la "responsabilité de protéger", ou d'avoir à exporter la démocratie et les droits de l'homme, montrant ainsi le vrai visage de l'Amérique.
En fait, Donald J. Trump n'a pas hésité à définir l'Europe comme un "ennemi"[2], montrant que toute forme d'unification continentale européenne (qu'elle soit techno-libérale, communautariste ou socialiste, etc.) est toujours perçue comme une menace par les États-Unis si elle n'est pas directement contrôlée par Washington.
Et Trump lui-même n'a pas hésité à admettre que les Etats-Unis occupaient le nord-est de la Syrie dans le seul but de contrôler les ressources pétrolières du pays : c'est-à-dire pour empêcher la reconstruction économique du pays dévasté par le conflit commandité par l'Occident [3]. Motif qui a poussé Bachar al-Assad (d’ores et déjà objectif, comme le président vénézuélien Maduro, d'un éventuel assassinat ciblé d'abord nié puis confirmé, peut-être à des fins électorales) à définir Trump comme "le plus transparent des présidents américains" [4].
Une opinion qui ne diffère pas de celle du Guide suprême de la révolution islamique Ali Khamenei, qui, en son temps, déclarait: "Nous apprécions Trump, car il a fait le travail pour nous en révélant le vrai visage de l'Amérique".
À ce stade, il est bon de souligner qu'en termes géopolitiques, malgré une diffusion considérable (surtout dans les rangs des collaborationnistes européens) de la thèse de propagande du "Trump" pacifiste (une thèse qui, à vrai dire, n'a pas de véritable contrepartie dans la réalité), il n'y a pas eu de discontinuité substantielle entre la dernière administration nord-américaine et celles qui l'ont précédée (surtout la très critiquée - par les principaux représentants et idéologues du trumpisme - de l'administration Obama). Au contraire, la géopolitique des trompettes, si on l'analyse dans une perspective essentiellement nord-américaine, représente une accélération tourbillonnante de la dynamique mise en place lors du second mandat de Barack Obama.
Comme le directeur d'"Eurasia", Claudio Mutti, l'a souligné à juste titre dans une interview au magazine serbe Pečat, dès 2014, dans un discours prononcé à l'Académie militaire de West Point, l'ancien président nord-américain "a déclaré que le coût des actions militaires à l'étranger était trop élevé et que celles entreprises sans tenir compte des conséquences se résolvent en catastrophes économiques. Par conséquent, dans les cas où les États-Unis ne sont pas directement menacés, une intervention directe n'est pas nécessaire, mais il faut faire appel à des alliés régionaux, en les impliquant dans les guerres par procuration"[5].
Obama, bien avant Trump, était arrivé à la conclusion qu'à une époque d'érosion progressive de la puissance nord-américaine, la simple force militaire ne pouvait plus être le seul moyen de dissuasion possible de l'hégémonie américaine. Dans une version atténuée de la doctrine Cebrowski, la stratégie obamienne s'est concentrée (comme dans le cas de la Libye, de la Syrie et du Yémen) sur l'utilisation de forces mercenaires et de groupes terroristes directement liés aux services de renseignement occidentaux pour déterminer le chaos dans diverses régions du continent eurasien, du Levant aux frontières de la Russie.
L'administration Trump a poursuivi dans cette voie. Elle a habilement exploité son capricieux allié turc en Syrie pour prolonger le conflit. Elle n'a jamais cessé de fournir un soutien logistique à l'agression saoudienne au Yémen. Il a créé un accord fallacieux, condamnant le peuple palestinien à la non-existence après avoir reconnu la souveraineté sioniste sur Jérusalem et le Golan syrien (également pour rendre la pareille aux nombreux et généreux donateurs de sa campagne, Sheldon Adelson surtout). Il a imposé un régime de sanctions unilatérales et pénales à l'Iran en utilisant le poids du dollar comme monnaie de commerce international. Or les guerres commerciales sont considérées comme des guerres à part entière depuis l'Antiquité ! Il a fait assassiner le général Soleimani en mission diplomatique, pour éviter toute médiation possible entre l'Iran et les monarchies du Golfe Persique et pour poursuivre ses plans stratégiques précis : par exemple, la signature des "accords d'Abraham", qui seront discutés prochainement. Il a annulé l'"accord nucléaire" avec l'Iran, dont les termes, à vrai dire, n'ont été en aucune façon respectés par son prédécesseur.
Une autre ligne de continuité absolue avec la présidence précédente est représentée par la doctrine d'endiguement envers la Russie et la Chine, définie à plusieurs reprises dans les documents du ministère de la défense comme des "entités malignes".
Sous Trump, la doctrine obamienne du "Pivot vers l'Asie" (liée au déplacement du centre du commerce mondial dans la région indo-pacifique) est devenue l'épine dorsale de la géopolitique nord-américaine. Ainsi, outre la présence navale et militaire croissante en mer de Chine méridionale (2000 opérations militaires au cours des seuls six premiers mois de 2020), la vente massive d'armements à des ennemis potentiels de la Chine (Taiwan en premier lieu) et la déstabilisation de Hong Kong et de plusieurs pays qui occupent une place prépondérante dans le projet de coopération eurasienne et d'intégration de la nouvelle route de la soie, de la Thaïlande au Kirghizstan, en passant par la région du Cachemire, le Liban et le cas emblématique de la Belarus (sans compter les pressions répétées à Pékin à propos du Xinjiang, qui ont culminé avec le récent retrait de la liste des groupes terroristes du soi-disant Mouvement islamique du Turkestan oriental)[6].
Washington, de manière particulière, s'est concentré sur l'Inde et a exploité les relations non idylliques entre New Delhi et Pékin pour déclencher un conflit régional (entre deux des principaux pays producteurs du monde) qui, en fait, retarderait considérablement le déclin hégémonique des États-Unis.
La figure du célèbre escroc Steve Bannon, qui, malgré son départ de la Maison Blanche, en vertu du soutien économique que lui garantit le magnat corrompu Guo Wengui, a continué à faire la propagande de ses thèses anti-chinoises. Cela mérite une attention particulière.
Le rôle de Bannon dans l'administration précédente a été sous-estimé à plusieurs reprises. En fait, celui que l'on peut volontiers définir comme le véritable idéologue du trumpisme, avant de quitter son rôle de stratège en chef, a réussi à placer au sein des centres névralgiques de l'administration plusieurs hommes qui ont ouvertement poursuivi ce qui était ses objectifs stratégiques. L'un d'eux est certainement Randall G. Schriver : fondateur avec Richard Armitage (d'orientation démocratique) du groupe de réflexion "Projet 2049" et ancien assistant du secrétaire à la défense pour la région indo-pacifique. En fait, c'est lui qui a planifié le récent renforcement des liens militaires et commerciaux avec Taiwan d'une manière clairement anti-chinoise.
L'action de l'administration Trump en Europe et aux frontières russes est aussi particulièrement intéressante. Washington s'est ici concentré sur la rupture des relations entre l'Europe occidentale et la Russie (affaire North Stream 2) et sur le renforcement de sa présence en Europe de l'Est également par la mise en place de l'initiative des "Trois Mers" (autre héritage de l'ère Obama), qui, réunissant douze pays de la zone allant de la mer Baltique à la mer Noire et à la Méditerranée sous le parapluie protecteur des Etats-Unis, forme un véritable cordon sanitaire aux frontières de la Russie[7].
Si l'on ajoute à cette initiative la déstabilisation actuelle de la région caucasienne, qui empêche actuellement la formation d'un corridor nord-sud de Moscou à Téhéran et à l'océan Indien, on peut dire sans risque que la politique d'endiguement de la Russie est bien engagée. Et si l'on ajoute à l'Initiative des Trois Mers, les accords d'Abraham qui lient Israël à certaines monarchies de la péninsule arabique (avec l'exclusion temporaire de l'Arabie Saoudite, dont les relations en matière de renseignement avec Tel-Aviv n'ont cependant jamais été remises en question), un bloc d'opposition se forme entre l'Europe occidentale ("joyau" de l'empire nord-américain) et le reste de l'Eurasie, bloc dont le but est de rendre vains tous les projets de coopération entre les deux parties de ce vaste continent et, par conséquent, de garantir la suprématie nord-américaine pour quelques décennies encore.
Paradoxalement, à l'exception du cas brésilien où un président a été installé qui restera un allié loyal des États-Unis quel qu’en soit le responsable, c'est précisément dans le "patio trasero" (l’arrière-cour) que la présidence désormais passée a enregistré des échecs stratégiques importants. Le coup d'État bolivien d’hier a été annulé avec la victoire électorale de Luis Arce, tandis que la stratégie de pression et de blocus naval sur le Venezuela n'a pas (pour l'instant) eu les effets escomptés. Mais rien n'empêchera la nouvelle administration Biden-Harris de poursuivre et d'intensifier ses efforts dans la même direction.
Dans l'ensemble, l'administration Trump, mis à part le prétendu et ostentatoire "isolationnisme" (peu se souviennent que le prétendu isolationnisme a été la première manifestation d'une forme impérialiste typiquement nord-américaine), a été préparatoire à la mise en oeuvre et à l'accélération (surtout après l'explosion d'une crise pandémique qui a généré pas mal de problèmes pour une classe dirigeante qui s'est avérée inadéquate dans la grande majorité des pays sous l'influence de Washington) de la stratégie géopolitique nord-américaine pour la prochaine décennie. Une stratégie qui, même si elle devait être à nouveau voilée par la rhétorique démocratique, ne changera pas substantiellement ses objectifs finaux.
[2] Donald Trump: European Union is a foe on trade, www.bbc.com.
[3] US troops will remain in Syria to ‘protect’ oil fields from ISIS, www.southfront.com. Dans un premier temps, le pétrole syrien a été passé en contrebande en Turquie par l’Etat islamique. Ensuite, dans une deuxième étape, grâce à l’occupation des champs pétrolifères par les « forces démocratiques syriennes » (en grande majorité d’ethnie kurde) et par les forces américaines, le pétrole a été transporté illégalement en Israël par l’entremise d’un obscur affairiste, Mordechai Kahana (qui entretenait d’excellents rapports avec John McCain) A cepropos, voir, Arab paper reveals Syrian Kurds oil privilege to Israeli businessman, www.farsnews.com
[4] Syria’s Assad calls Trump the “most transparent president”, www.politico.com.
[5] Trump interrompe la strategia di Obama?, intervista a Claudio Mutti sulla rivista serba Pečat, www.eurasia-rivista.com.
[6] L’Administration Trump (comme celle de ses prédécesseurs) a exploité à plusieurs reprises divers groupes terroristes du Proche-et du Moyen-Orient pour atteindre ses propres objectifs stratégiques. Il vaut la peine de mettre en exergue la forte amitié qui lie Rudy Giuliani (avocat de Trump) aux dirigeants de l’organisation terroriste iranienne du MeK (Mujaheedin e-Khalq) qui vise au changement de régime à Téhéran. Voir : Rudy Giuliani calls for Iran regime change at rally linked to extreme group, www.theguardian.com.
[7] Voir C. Mutti, Il cordone sanitario atlantico, “Eurasia. Rivista di studi geopolitici” 3/2017. A ce projet est lié le transfert récent d’importantes unités militaires américaines de l’Allemagne à la Pologne.
Daniele Perra
Daniele Perra, à partir de 2017, a collaboré activement avec "Eurasia/Magazine d'études géopolitiques" et à son site internet. Ses analyses sont principalement axées sur les relations entre la géopolitique, la philosophie et l'histoire des religions. Diplômé en sciences politiques et en relations internationales, il a obtenu en 2015 le Master en études moyen-orientales à l'ASERI - Haute école d'économie et de relations internationales de l'Université catholique du Sacré-Cœur de Milan. En 2018, son essai sur la nécessité de l'empire comme entité géopolitique unitaire pour l'Eurasie a été inclus dans le volume VI des "Quaderni della Sapienza" publiés par Irfan Edizioni. Il collabore assidûment avec de nombreux sites internet italiens et étrangers et a donné plusieurs interviews à la station de radio iranienne Radio Irib. Il est l'auteur du livre Essere e Rivoluzione. Ontologia heideggeriana e politica di liberazione, Préface de C. Mutti (Nova Europa 2019).
L’Azerbaïdjan? Quatre motifs de satisfaction pour Israël
Le bloc-notes de Jean-Claude Rolinat
Ex: http://synthesenationale.hautetfort.com
On sait que les États sont des monstres froids, et qu’en général ils n’ont pas « d’amis », mais seulement des intérêts. Toutefois, il peut y avoir de rares exceptions. Mais ce que l’on appelle la « realpolitik », c’est-à-dire la défense d’intérêts égoïstes, reprend toujours le dessus. C’est ce que nous pouvons constater dans l’affaire de l’agression du Haut-Karabakh arménien par l’Azerbaïdjan chiite. Quatre bonnes raisons ont incité l’État hébreu à ne penser qu’à ses intérêts. Notons, avec amertume, qu’il n’est pas le seul dans le concert des nations, dont certaines, l’Allemagne fédérale pour ne pas la nommer, ont carrément tourné la tête pour ne pas déplaire au satrape d’Ankara.
1°) L’Azerbaïdjan du clan Aliev, est un pays musulman qui entretient des relations diplomatiques avec Israël. Notons que l’État juif n’en a pas tant qui aient ouvert des ambassades chez lui. Au Moyen-Orient, on les compte sur les doigts d’une main : l’Egypte, la Jordanie, bientôt Bahreïn et les Émirats arabes unis. En retour, l’ouverture d’une légation à Bakou était la bienvenue, tant la reconnaissance internationale de leur pays est une obsession des dirigeants israéliens.
2°) Les affaires ! Si les « petits cadeaux entretiennent l’amitié », le businessest un excellent moyen d’influencer un partenaire, sans compter que vendre des marchandises ou du matériel de guerre notamment, rapporte des devises. D’autant qu’Israël excelle dans la production d’électronique militaire et la fabrication de drones.
3°) Les peuples arméniens et juifs, ont été tous deux victimes de génocides au cour du XXe siècle, le siècle le plus meurtrier dans l’histoire de humanité. Israël, au lendemain de la seconde Guerre mondiale, dont une bonne partie de la population était composée de rescapés de la Shoah, - mais pas que -, a-t-il voulu conserver une sorte d’exclusivité du mémoriel, l’holocauste dans son exceptionnelle monstruosité, ne pouvant supporter aucune concurrence ? Dès lors, il semblait inconvenant pour lui, de venir au secours d’un peuple, le peuple arménien, ayant, lui aussi, terriblement souffert.
4°) Le fait que l’Azerbaïdjan, frontalier de l’Iran chiite, n’entretienne pas spécialement de bonnes relations de voisinage avec le pays des Ayatollahs, est un autre motif de satisfaction pour Jérusalem qui, on le sait, mène une guerre larvée contre Téhéran. Le récent assassinat du scientifique Mohsen Fakhirzade, spécialisé dans le nucléaire, imputé à Israël par le ministre des affaires étrangères iranien Mahammad Javad Zarif, s’ajoutant à une déjà longue liste d’exécutions non élucidées mais attribuées au Mossad, - on ne prête qu’aux riches !-, n’arrange rien. Et c’est dans ce contexte que les velléités séparatistes des Azéris de la province de Tabriz, qui voudraient bien être rattachés à Bakou, s’inscrivent dans une vaste perspective géopolitique pouvant redessiner, un jour, les frontières de l’Iran. N’oublions pas que de novembre 1945 à mai 1946, fut proclamée une « République démocratique de l’Azerbaïdjan » sous la férule de Moscou. D’autant qu’à l’extrémité orientale du pays, plus de deux millions de Baloutches pourraient bien, eux aussi, revendiquer de s’unir à leurs frères du Pakistan qui avaient déjà proclamé leur « État » en 1947, faisant sécession du « pays des purs », sous l’égide du Khan de Kalat (1).
On le voit, les raisons ne manquent pas à Tel-Aviv de ne pas avoir les « yeux de Chimène » en faveur de l’enclave arménienne du Nagorny-Karabakh, renommée « République de l’Artsakh » par les nationalistes arméniens. Il est vrai que, comme pour les pays occidentaux, l’Arménie en général, le Haut-Karabakh en particulier, n’ont ni gaz , ni pétrole, simplement des églises chrétiennes pluri centenaires !
(1) Pour en savoir plus, lire le « Dictionnaire des États éphémères ou disparus de 1900 à nos jours », éditions Dualpha. cliquez ici
Blinken, le complice interventionniste de Clinton dans les catastrophes libyenne et syrienne
par Alberto Negri
Source : Quotidiano del Sud & https://www.ariannaeditrice.it
Le Washington Post nous informe que le nouveau secrétaire d'État, Antony Blinken, en tant que conseiller de Clinton, a fortement soutenu l'intervention en Libye et aussi en Syrie. Les médias italiens l'ont encensé comme étant "pro-européen" et se sont bornés à répéter cette vérité propagandiste.
Politique étrangère : l'"équipe cauchemardesque" de Biden
Les ennuis ne s'arrêtent pas avec Trump. L'équipe de Biden, avec le secrétaire d'État Blinken, et le responsable de la sécurité nationale, Sullivan, aurait eu toutefois l'occasion de rectifier les erreurs dévastatrices commises en Syrie et en Libye par l'ancienne secrétaire d'État Hillary Clinton, qui fut conseillère stratégique.
La "dream team" de Biden fait référence aux pires cauchemars de la Méditerranée. Lorsqu'en 2011, Mme Clinton a convaincu Obama d'attaquer la Libye de Kadhafi avec la France et la Grande-Bretagne, elle avait l'intention de renverser le Raïs libyen, le plus grand allié de l'Italie en Méditerranée.
Le Washington Post nous informe qu'Antony Blinken, en tant qu'adjoint de Clinton, a fortement soutenu l'intervention en Libye ainsi qu'en Syrie, se démarquant en cela des positions prises à la même époque par Biden. "C'était un interventionniste acharné", écrit le journal américain. Peut-être a-t-il changé d'avis, étant donné les ennuis que Clinton avait causés dans notre arrière-cour méditerranéenne.
Il faut rappeler que le soulèvement populaire de Benghazi en 2011 n'a été que partiellement spontané : il a été en partie organisé par les Français qui, après avoir perdu la Tunisie de Ben Ali, ont poussé vers un soulèvement déjà préparé des mois plus tôt avec Musa Kusa, le chef des services de Kadhafi qui s'est rendu à Paris en octobre 2010 pour un mois et a ensuite abandonné Kadhafi, partant en exil à Londres, d’où il avait été expulsé en 1980 comme instigateur d'assassinats politiques commis contre des opposants au régime. Il l'a même revendiqué dans une interview au Times.
Les Français, comme l'ont révélé les dépêches du département d'Etat dirigé par Clinton à l'époque, ont été poussés à bombarder Kadhafi parce qu’ils n’admettaient pas le plan du Raïs libyen de créer une monnaie africaine qui mettrait hors jeu ou saperait sérieusement le franc CFA, géré par Paris, qui détient les réserves monétaires de treize pays africains.
Après avoir libéré Benghazi, où ont été inventés des massacres qui n'avaient jamais ressemblé aux célèbres fosses communes des plages, il a fallu des mois aux rebelles pour parvenir à Tripoli. J'étais là et je l'ai vu de mes propres yeux : sans les tapis de bombes de l'OTAN, auxquels l'Italie elle-même a participé, ils n'auraient jamais réussi. Ensuite, il y a eu l'intervention des forces spéciales britanniques: notre consul à Benghazi les a fait libérer après qu'ils aient été faits prisonniers par les factions pro-Khadafi. A Tobrouk, en effet, la population a continué à recevoir les subventions du régime. Résultat : ces interventions ont permis aux djihadistes de s'emparer de la Cyrénaïque en divisant en deux un pays qui ne s'est jamais recomposé, comme cela avait été écrit dès le premier jour. Obama lui-même, dans un entretien avec The Atlantic, a admis qu'il avait commis une erreur en intervenant en Libye parce que les Occidentaux n'avaient pas de solution politique pour remplacer le régime, comme cela s'était produit en Irak en 2003. A tel point qu'en Syrie, Obama a ensuite évité l'intervention directe (bien avant l'arrivée des Russes en 2015).
Les interventions "humanitaires" de l'Occident ont créé plus de problèmes et de morts qu'elles n'avaient imaginés. Clinton, avec Blinken, est largement responsable des catastrophes en Libye et en Méditerranée. Des témoins oculaires des réunions entre Clinton et le ministre des affaires étrangères de l'époque, Frattini, ont déclaré que la secrétaire d'État riait en expliquant à notre représentant comment ils allaient éliminer le Raïs de Tripoli. Obama lui-même, dans son dernier livre, The Promised Land, mentionne à plusieurs reprises le nouveau secrétaire d'État Blinken comme l'un des grands experts du Moyen-Orient au sein de son administration. Après tout, Obama, à part l'accord avec l'Iran, qu'il n'a pas lui-même mis en œuvre comme il aurait dû le faire, a toujours mal compris la politique étrangère.
Il est affolant de lire dans ce volume les passages consacrés aux dirigeants étrangers (Poutine, Sarkozy, Merkel, Cameron, Erdogan) : ces lignes révèlent un mauvais leader qui ne comprend pas le monde, guidé qu’il est par des stéréotypes et des clichés. Avec Cameron et Sarkozy -dont Obama se moque en le traitant de « coq nain »- il a également détruit la Libye de Khadafi en laissant Clinton combiner les catastrophes au Moyen-Orient. En Syrie, c'est Clinton, accompagnée de ses conseillers, qui a voulu à tout prix la chute du régime de Bachar El-Assad, laissant Erdogan soutenir les coupeurs de gorge djihadistes du Moyen-Orient et même d'Europe, les fameux combattants étrangers qui ont inspiré les attaques sur notre continent par des partisans de l’Etat islamique.
Si, aujourd'hui, Erdogan domine en Libye, en Méditerranée orientale, en Syrie et en Azerbaïdjan, nous le devons aussi à cette politique, qui était également soutenue par les Européens à l'époque. Nous verrons ce que les Américains vont faire maintenant qu'il y a une lutte à couteaux tirés pour le pouvoir en Libye : vont-ils utiliser le Sultan de l'OTAN ici aussi ? C'est possible, voire probable. Et à propos d'interventions humanitaires : comment l'administration Biden va-t-elle traiter avec l'Égypte ? Nous laisseront-ils tranquilles, comme l'a déjà fait l'Amérique de Trump, en demandant en vain justice pour Julius Regeni ? Il est évident que c'est le cas. Il y a des dictateurs et des dictateurs. Kadhafi était indépendant et ils l'ont éliminé. Al Sisi dépend des monarchies du Golfe, les plus gros clients d'armes des Américains, et il peut faire ce qu'il veut. Et maintenant vous avez la "dream team" de Biden et une justice qui ne viendra jamais pour nous, pour les Palestiniens, pour les Kurdes, pour les réfugiés, pour tous ceux qui croient naïvement, comme l'étudiant égyptien Zaki, en un monde différent.
par Caroline GalactérosEx: http://metapoinfos.hautetfort.com
Nous reproduisons ci-dessus un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur Geopragma et consacré à l'absence de vision de notre politique étrangère.
Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019). Elle a créé en 2017, avec Hervé Juvin, entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.
A la recherche du temps perdu
La logique du temps court, a-stratégique par essence, et plus encore l’incapacité manifeste ou le refus de nos gouvernants de la contrer en adoptant enfin une démarche stratégique donc anticipative, plongent l’Europe et bien sûr notre pays dans une cécité dramatique pour le futur de notre positionnement sur la carte du monde.
Tandis qu’à Paris, on se passionne pour les péripéties comico-tragiques de l’élection américaine (alors même que la politique étrangère de notre « Grand allié » ne changera qu’à la marge avec la nouvelle Administration), tandis que devient flagrante notre marginalisation de nombre de négociations et médiations internationales (Caucase du sud, Syrie, Liban, Libye, Yémen), bref, tandis que la France disparaît diplomatiquement par excès de suivisme et inconséquence, incapable de penser par elle-même le monde tel qu’il est, d’autres exploitent magistralement ce flottement prolongé. Et il est à craindre qu’il ne suffise pas pour rétablir notre rang et préserver nos intérêts, d’exposer une prétendue « doctrine en matière internationale » sur le site d’un réseau social ami, dans une conversation courtoise sur l’air du temps, en brodant avec talent sur des lieux communs (il faut coopérer, s’entendre, être plus libres, etc…) et des inflexions souhaitables de la marche du monde. Une « doctrine » de chien d’aveugle, réduite à une promenade au hasard dans le grand désordre mondial, et qui fantasme le positionnement de la France – étoile polaire définitive en termes de « valeurs » universelles (sans même voir que plus personne ne supporte nos leçons) – autour d’enjeux n’ayant quasiment rien à voir avec le concret de l’affrontement stratégique actuel et futur. Discourir sur la biodiversité, le changement climatique, la transformation numérique et la lutte contre les inégalités (sic), est certes important. Mais ce n’est pas le climat qui va nous rendre notre puissance enfuie et notre influence en miettes ! Qui peut le croire ?!
C’est surtout une diversion ahurissante par rapport à l’impératif de projeter son regard sur le planisphère, de définir ce que l’on veut y faire, région par région, pays par pays, d’en déduire des priorités, des lignes d’efforts thématiques et d’y affecter des moyens et des hommes. Cela rappelle de manière angoissante la réduction de notre politique étrangère à de l’action humanitaire depuis 2007 (avec B. Kouchner comme ministre) puis à de la « diplomatie économique » sous Laurent Fabius. Résultat : les désastres de nos interventions en Libye et en Syrie, un suivisme stratégique suicidaire, une décrédibilisation de la parole et de la signature françaises sans précédent. Il semble bien que la nouvelle martingale soit désormais « la diplomatie environnementale », mantra d’une action diplomatique dénaturée et d’une France en perdition stratégique. Au nom du réalisme bien sûr, alors que c’est au contraire notre irréalisme abyssal et notre dogmatisme moralisateur indécrottable qui nous privent de tout ressort en la matière. On est piégés comme des rats dans un universalisme béat et on refuse d’admettre le changement de paradigme international et la marginalisation patente de l’Occident, lui-même à la peine et divisé.
Pendant ce temps, B. Netanyahu se rend en Arabie Saoudite (ce qui n’est pas du tout une bonne nouvelle pour l’Iran), la France fait la leçon au Liban et s’étonne d’être rabrouée puis marginalisée là encore, la Russie et la Turquie s’entendent dans le Caucase du sud et renvoient le Groupe de Minsk à ses stériles palabres, Moscou s’installe au Soudan, l’Allemagne s’affirme en chouchou européen de Washington et se tait face aux provocations de la Turquie…à moins qu’elle ne redécouvre son atavique et inquiétante inclinaison pour l’Ottoman, etc.
Bref, les rapports de force se structurent à grande vitesse sans nous et même à nos dépens. Mais on n’en parle pas. Non par honte ou rage d’avoir été naïfs, dupes ou incapables de créativité diplomatique. Non. Juste parce qu’on a déjà renoncé à compter et que cela ne doit juste pas se voir. Et, tels certains responsables administratifs furieux de recevoir des informations démontant leurs partis pris, on les passe à la déchiqueteuse ! On les fait disparaître purement et simplement du champ du réel politique et médiatique. On ne veut surtout pas savoir que nous ne comptons plus ! Encore moins que les Français s’en aperçoivent.
Ainsi, la signature le 15 novembre, à l’initiative de Pékin, du RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership) par quinze pays d’Asie constitue une bascule stratégique colossale et inquiétante dont ni les médias ni les politiques français ne pipent mot. Voilà le plus grand accord de libre-échange du monde (30 % de la population mondiale et 30 % du PIB mondial) conclu entre la Chine et les dix membres de l’ASEAN (Brunei, la Birmanie, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam), auxquels s’ajoutent quatre autres puissantes économies de la région : le Japon, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Cette nouvelle zone commerciale se superpose en partie au TPP (Trans-Pacific Partnership) conclu en 2018 entre le Mexique, le Chili, le Pérou et sept pays déjà membres du RCEP : l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Brunei, le Japon, la Malaisie, Singapour et le Vietnam. Ainsi se révèle et s’impose soudainement une contre manœuvre offensive magistrale de Pékin face à Washington (les Etats-Unis s’étaient follement retirés du projet TPP en 2017). Mais chut ! Où est l’UE là-dedans ? Nulle part ! Même l’accord commercial conclu en juin 2019 entre l’Union européenne et le Mercosur doit encore être ratifié par ses 27 parlements… Le Moyen-Orient et l’Afrique eux sont clairement vus comme des territoires ouverts à toutes les prédations de ce mastodonte commercial en formation. Seule la Grande Bretagne, libérée de l’UE grâce au Brexit, en profitera car elle vient habilement de sa rapprocher du Japon signataire du RCEP et du TPP…
Pendant ce temps, la France plonge dans une diplomatie décidément calamiteuse qui l’isole et la déconsidère partout. Elle vient d’abandonner le Franc CFA pour complaire au discours débilitant sur la repentance et les affres de la Françafrique. On expie. On ne sait pas quoi à vrai dire. Mais on s’y soumet et on laisse la place à Pékin, Washington, Moscou et même Ankara. Il ne sert à rien de geindre sur l’entrisme de ceux-là en Afrique quand on leur pave ainsi la voie. Il faudrait vraiment arrêter avec « le sanglot de l’homme blanc ». Il faut refondre notre diplomatie et aussi d’ailleurs nombre de nos diplomates au parcours brillant mais incapables de sortir d’un prêt-à-penser pavlovien (anti russe, anti iranien, anti syrien, anti turc même !) qui nous paralyse et nous expulse du jeu. Il faut enfin apprendre à répondre à l’offense ou à la provocation, et à ne pas juste se coucher dès que l’on aboie ou que l’on n’apprécie pas nos avancées souvent maladroites mais aussi parfois outrageuses. Tendre l’autre joue a ses limites. Mais évidemment pour être pris au sérieux, il ne faut pas toujours « calmer le jeu ». Il montrer les dents avec des « munitions », donc une vision et une volonté.
L’intelligence culturelle au cœur de la guerre informationnelle menée par la Turquie
par Nemiri Mohamed
Ex: https://infoguerre.fr
Grande civilisation, avec une longue histoire, la Turquie essaie de retrouver sa place sur la scène internationale au milieu des puissances mondiales. Pour se faire, elle tente de capter l’attention médiatique : en s’appuyant sur son soft-power, en éliminant les divergences d’intérêt avec les voisins, dans le cadre de son influence extérieure, mais également par des provocations de plus en plus incisives cherchant à imposer l’image d’une Turquie puissante au-delà.
« Étendu des frontières des Balkans jusqu’à celles de la Hongrie, l’Empire Ottoman s’est depuis longtemps astreint à mettre en place des relais de communication lui permettant de maintenir son autorité sur l’immensité de son territoire ».
La tradition ottomane de communiquer en interne et en externe
Bon communicant interne, mais aussi, ouvert sur l’occident, l’Empire Ottoman, s’est nourri des échanges avec ses voisins i. La Turquie connaît ses voisins, connaît l’Occident. L’un et l’autre se côtoient depuis un temps long, s’admirent et collaborent parfois, se toisent souvent, se jaugent toujours. La Turquie s’est forgé une identité sur la scène internationale, par la maîtrise de sa politique et de sa communication. Mais à l’intérieur de ses frontières aussi, elle travaille son image.
En politique intérieure, l’histoire est utilisée comme une mission politique, idéologique afin de modeler la nation et les citoyens. Les manuels scolaires et les médias sont les outils parfaits pour transmettre cette histoire turco-islamique surtout ottomane et qui a mis de côté le passé hittite, sumérien voire étrusque, son passé Perse, avec le règne des Achéménides (1ère moitié du Vème siècle avant J.C.) et Grecs (Alexandre le Grand, 323 av J.C.). Le premier de ces deux empires fut un modèle de stabilité, le second un modèle de rapidité mais aussi le plus grand, de la Méditerranée à l’Inde. Et puis l’Empire Romain, l’Empire Byzantin.
En somme la Turquie est toujours au cœur des empires de l’Antiquité. Les Turcs émergent par la suite dans la veine de l’expansion de l’Islam, qui est aussi une forme d’empire politico-religieux, comme ses prédécesseurs. La politique est cependant cette fois-ci au service de la religion. Ce petit détour purement historique est particulièrement important pour comprendre les grilles de lecture utilisées aujourd’hui par la Turquie dans ses stratégies informationnelles.
La culture, une arme au service de la politique turque
La prise de conscience de l’outil culturel, comme facteur d’influence, n’est pas récente. A titre d’exemple, en 1968, le Président tunisien Habib Bourguiba avait voulu lors d’une visite privée se recueillir sur la tombe d’Hannibal Barca, grande figure historique militaire et politique. Pour éviter de présenter une sépulture mal entretenue, les Turcs pris qui n’avaient pas anticipé la demande, avaient organisé une visite de substitution et invité le président Bourguiba à se recueillir sur un simple monticule laissé à l’abandon. Cette visite provoqua une immense déception et une vive réaction du Président Habib Bourguiba. Les Turcs avaient failli, ils retinrent cette leçon, construisirent un mausolée pour honorer ce héros, et débutèrent ainsi leur stratégie d’influence culturelle.ii
Sur le plan de la politique extérieure, la Turquie a toujours entretenu de bonnes relations avec les pays ayant un passé commun, en particulier avec le Maghreb. L’Histoire et l’identité religieuse sont des points communs qui permettent de maintenir des liens forts. Dans ce contexte historique liant culture et religion. Cette stratégie de positionnement extérieur est pilotée en grande partie par l’agence turque de développement et de coopération (TIKA), qui dispose de deux sous directions : une chargée de l’ensemble des sujets relevant du développement économique et l’autre œuvrant sur le volet social et culturel. Le chef du Millî İstihbarat Teşkilatı (MIT), le service de renseignement turque, Hakan Fidan a dirigé l’agence pendant quatre ans.iii
La Turquie a, très souvent, privilégié le média télévisuel pour affirmer sa puissance culturelle avec la production et diffusion de nombreuses séries et films. Elle a d’ailleurs détrôné l’Égypte particulièrement aguerrie dans ce domaine. La Turquie entre dans le top 5 des exportateurs de séries télévisées au monde après les États-Unis. Ses séries sont visionnées dans plus de 150 pays.
L’instrumentalisation turque de l’idéologie par l’islam et l’argument néocolonial
L’activité mémorielle est très complexe en Algérie, pays dont la construction nationale est en grande partie fondée sur la guerre de libération contre la France. Celle-ci s’adosse à une opposition à la France entretenue par l’éducation et le discours national, encore ancrée chez certains dirigeants qui ont connu les évènements de 1962. La disparition de cette opposition pourrait placer cette construction face à une forme de vide dont la Turquie a saisi l’enjeu pour asseoir son influence au détriment de la France.
En Algérie, la TIKA forge cette alliance grâce aux nombreux projets notamment ceux liés à la restauration de vestiges historiques de la période ottomane, (mosquées, palais,…) qu’elle finance intégralement. La restauration de la mosquée Ketchaoua est un exemple (budget de 7 millions d’euros) pour lequel l’épouse du Président turc n’a pas hésité à poser dans la presse pour en faire la promotion. Le but étant de valoriser un patrimoine historique rappelant la grande période ottomane. De nombreux projets sont également réalisés à proximité des quartiers populaires afin de séduire ces populations.
A l’aube du soixantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, inscrit dans l’agenda politique de la France et de l’Algérie, la Turquie n’a pas hésité à mettre sur les ondes une chanson datée de 1830 nommée « Czayir » (Djazaîr) « Les graines de la moisson d’Algérie se répandent dans l’air, s’éparpillent aux quatre vents, Algérie ma mère, Algérie mon amour ». Les paroles sont teintes d’une nostalgie qui trahit le passé colonialiste de la Turquie dont les dirigeants actuels paraissent vouloir utiliser pour redonner à Constantinople son lustre d’antan.
En février 2020, toujours en lien avec le passé historique, le président Recep Tayyip Erdogan a annoncé à la presse que le président algérien Abdelmajid Tebboune lui aurait confié que « les Français ont massacré plus de 5 millions d’Algériens en 130 ans ». La Turquie a demandé à l’Algérie de partager des documents historiques sur les atrocités commises par les Français.Le président turc a également déclaré qu’une autre ancienne colonie française, le Sénégal, n’avait pas une vision positive de la France.
Plus directement, lors de la visite du président Emmanuel Macron au Liban après l’explosion du 04 août 2020 à Beyrouth, Recep Tayyip Erdogan, lors d’un discours à Ankara, a annoncé : « Ce que Macron et compagnie veulent, c’est rétablir l’ordre colonial (au Liban) ». Le poids de ces mots, fortement connotés idéologiquement, est un message direct aux anciennes puissances coloniales.
La doctrine idéologique religieuse au cœur de la stratégie d’influence
Les discours de plus en plus agressifs envers la France, ont conduit à une riposte sur le plan informationnel du président Emmanuel Macron notamment lors du discours prononcé aux Mureaux le 2 octobre 2020: « on ne peut pas avoir les lois de la Turquie en France », « La nécessité de libérer l’islam en France des influences étrangères ». « Il sera mis fin au système des imams détachés ».
La stratégie de communication sur le plan idéologique constitue une lutte contre la laïcité, contre « l’islamophobie » des « colonialistes », qui devient l’argument utile à la séduction des populations de confession musulmane en leur faisant admettre le néo-colonialisme ottoman au nom de l’anticolonialisme. Parallèlement à ce pan-ottomanisme, la Turquie a également développé, le pan-touranisme afin d’influencer tous les pays turcophones (l’Asie centrale du Kazakhstan à la Chine) ou ayant des minorités turcophones (de l’Europe occidentale avec l’immigration turque surtout en Allemagne et en France, les Balkans et le Moyen -Orient). Il s’agit là d’une véritable stratégie de puissance par l’information mise en place par la Turquie d’Erdogan.
Nemiri Mohamed.
Notes
i Professeur Edhem Eldem « L’Empire ottoman et la Turquie face à l’Occident », Collège de France, coll. « Leçons inaugurales », no 275, 2018.
ii Cock Laurence. « Quelques réflexions sur le bourguibisme » autour du livre de Tahar Belkhodja, (ancien chef de la sécurité du président Habib Bourguiba) Les trois décennies Bourguiba.
iiiBiographie officielle d’Hakan Fidan postée sur le site Internet de l’Organisation nationale de renseignement (MIT) reprise par le site de France culture
Les médias mainstream occidentaux ont beaucoup insisté sur le rôle majeur et indéniable de la Turquie dans la crise opposant l’Arménie à l’Azerbaïdjan, mais ils sont restés extrêmement et étonnamment discrets, voire silencieux sur le rôle tout aussi important, joué, en coulisse, par Israël, et sur son positionnement dans cette affaire.
Ce rôle n’a pourtant pas pu échapper à un géopoliticien ou à un observateur averti.
Il y a, bien sûr, les discrètes navettes aériennes entre Tel Aviv et Bakou qui, au début d’octobre, ne transportaient pas des oranges, mais de l’armement sophistiqué (notamment des drones et des missiles). Une part non négligeable de l’armement azéri est d’origine israélienne. Il faut rappeler que l’Azerbaïdjan est le premier pourvoyeur de pétrole d’Israël et lui fournit 40% de ses besoins. Ceci suffirait presque à expliquer l’alliance de fait, entre les deux pays, alliance basée sur une sorte d’échange «pétrole contre armement».
Il y a la relative discrétion des chancelleries et des médias occidentaux – dont on sait qui les contrôle – sur l’ingérence ouverte de la Turquie, pays membre de l’OTAN, contre l’Arménie, pays membre de l’OTSC (Organisation du Traité de Sécurité Collective) aux côtés de la Russie. La coalition occidentale a bien protesté du bout des lèvres; elle a bien appelé «à la retenue» et au «cessez le feu», mais elle a laissé faire la Turquie sans vraiment dénoncer son impérialisme islamiste, désormais tous azimuts (Syrie, Irak, Libye, Méditerranée orientale, Caucase).
Il y a encore la prise de position officielle de Zelenski, premier président juif d’Ukraine, en faveur de l’Azerbaïdjan, et contre l’Arménie. Ce président aurait certainement été plus discret dans son soutien si l’Azerbaïdjan avait été hostile à l’état hébreu.
Il y a enfin cette déclaration de Georges Malbrunot, grand reporter au Figaro qui nous apprend dans un tweet:
Conflit au Nagorny-Karabakh: au-delà de la station du Mossad basée en Azerbaïdjan pour espionner l’Iran et de la livraison de matériels militaires à Bakou, Israël entraîne les forces de sécurité azéris, confie un diplomate européen, qui fut basé en Azerbaïdjan.
Mais pourquoi l’État hébreu se distingue-t-il aujourd’hui, par sa présence et son action dans cette région du monde aux côtés de la Turquie, de l’Azerbaïdjan et du djihadisme islamiste?
Avant de tenter de répondre à cette question,il faut se rappeler que l’activisme d’Israël sur la scène internationale n’est pas que régional, mais mondial. Il peut être direct ou indirect. Son empreinte est souvent perceptible et parfaitement identifiable dans la politique étrangère des grands pays occidentaux (USA, UK, FR, Canada, Australie), mais elle l’est aussi dans presque tous les grands événements qui ont affecté l’évolution géopolitique mondiale des dernières décennies: (guerres au Proche et Moyen-Orient, révolutions colorées et/ou changement de pouvoir (ou tentatives) notamment en Amérique du Sud (Brésil, Bolivie, Venezuela, Colombie, Équateur) mais aussi en Europe (Maïdan …) et en Afrique du Nord (printemps arabes, hirak algérien). A noter aussi l’ingérence plus ou moins ouverte dans les élections des grands pays de la coalition occidentale (USA, FR, UK, Canada, Australie) par des financements généreux de sa diaspora visant à promouvoir les candidats qui lui sont favorables et à détruire ceux qui ne le sont pas.
Cet activisme pro-israélien s’exerce par le biais d’une diaspora riche, puissante et organisée. Cette diaspora collectionne les postes d’influence et de pouvoir, plus ou moins «achetés» au fil du temps et des circonstances, au sein des appareils d’État, au sein des médias mainstream, au sein des institutions financières et des GAFAM qu’elle contrôle. Le Mossad n’est pas en reste et fonde l’efficacité de son action sur le système des sayanims, parfaitement décrit par Jacob Cohen dans sa conférence de Lyon. https://www.youtube.com/watch?v=2FYAHjkTyKU
L’action de ces relais et soutiens vise à défendre et à promouvoir les intérêts directs et indirects de l’État hébreu sur la planète entière et à élargir le cercle des pays et des gouvernances qui le soutiennent. Elle vise aussi à affaiblir celles et ceux qui lui sont opposés. Elle est tenace, efficace et s’inscrit dans la durée.
Pour gagner, l’État hébreu, comme le fait aussi très bien l’OTAN, n’hésite jamais à faire des alliances de circonstance, limitées dans l’espace et dans le temps, avec tel ou tel de ses adversaires (Turquie et djihadistes en Syrie par exemple). Ses actions sont souvent «préméditées», «concoctées» et «coordonnées» avec ses correspondants «néoconservateurs» de Washington. Comme partout ailleurs le mensonge d’État et la duplicité sont monnaies courantes…
Pourquoi susciter et/ou mettre de l’huile sur le feu dans un conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie et pourquoi maintenant ?
Trois grands pays de la région, la Russie, la Turquie et l’Iran, sont directement concernés par ce conflit et par ses conséquences potentielles, parce qu’ils sont frontaliers avec l’une des deux parties en conflit, et parfois les deux. Israël, pour sa part, n’est qu’indirectement concerné, mais l’est tout de même, nous le verrons.
Par ailleurs, cette région du Caucase est également une «zone de friction» entre des alliances qui ne s’apprécient pas vraiment: La coalition occidentale et l’OTAN dont la Turquie et Israël jouent la partition, l’OTSC (Organisation du Traité de Sécurité Collective) dont la Russie et l’Arménie sont membres, et l’OCS (Organisation de Coopération de Shangaï) à laquelle la Russie et l’Iran sont liés (pour l’Iran, comme membre observateur et aspirant candidat depuis 15 ans).
Pour compliquer le tout, le premier ministre arménien en fonction, Nikol Pashinyan, a cru bon de devoir afficher sa préférence pour l’Occident dès sa prise de fonction et de prendre ses distances avec Moscou, ce qui met son pays en position délicate pour réclamer aujourd’hui l’aide de la Russie.
Le déclenchement de la crise actuelle est, selon moi, une opération qui dépasse largement le cadre étroit d’un conflit territorial entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Il s’agit d’une opération de plus – après Maïdan en Ukraine, après la tentative de révolution colorée en Biélorussie et après les affaires Skripal et Navalny – visant à mettre la pression sur la Russie, mais aussi sur l’Iran, en les mettant dans l’embarras, voire, en les poussant à la faute.
Il est clair que toute intervention rapide et musclée de la Russie dans ce conflit aurait été immédiatement condamnée par la «communauté internationale autoproclamée» – c’est à dire par l’OTAN – et suivie de l’habituel train de sanctions anti-russes, par les USA, servilement suivis par ses vassaux européens. Il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui, mettre un terme au gazoduc North Stream II reste un objectif majeur pour les USA……
L’absence d’une ferme réaction des occidentaux dans la crise du Caucase est, en elle- même, révélatrice sur quatre points:
1 – La défense de l’Arménie n’est pas une priorité pour la coalition occidentale. Monsieur Nikol Pashinyan, premier ministre arménien, s’est donc trompé de cheval en misant sur l’Occident pour la défense de son pays. La coalition occidentale laisse souvent tomber ses alliés de circonstance comme ils l’ont fait pour les Kurdes en Syrie …..
2 – En atermoyant et en laissant venir une réaction russe qu’elle espère pouvoir sanctionner en mettant définitivement fin au North Stream II, la coalition occidentale montre, une fois de plus, sa duplicité et son cynisme. Peu lui importe l’Arménie …..
3 – En créant un foyer d’infection djihadiste aux frontières de la Russie et de l’Iran, la coalition israélo-occidentale montre, une fois de plus, qu’elle est prête à pactiser avec le diable et à l’instrumentaliser pour parvenir à ses fins, en l’occurrence l’affaiblissement de ses adversaires russes et iraniens.
4 – En laissant agir la Turquie et Israël sans réaction, la coalition occidentale reconnaît implicitement, derrière des discours trompeurs, que ces deux pays agissent à son profit.
Le quotidien israélien «The Jerusalem Post» a abordé dans un article récent les affrontements entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie non sans laisser éclater la joie israélienne de voir le Caucase devenir un nouveau foyer de crise potentiellement susceptible d’avoir un impact considérable sur le Moyen-Orient. L’impact recherché par Israël est toujours le même: alléger les pressions et les actions iraniennes et russes sur le théâtre syrien en ouvrant un «nouveau front de préoccupations» aux frontières de ces deux pays.
En conclusion, quatre points méritent d’être soulignés, à ce stade de la crise,
1 – Monsieur Pashinyan, premier ministre arménien, a fait une erreur d’appréciation en misant sur un camp occidental qui s’avère moins fiable que prévu pour défendre l’intérêt de son pays. Il devra, peut être, in fine, faire des concessions douloureuses et pourrait bien y perdre son emploi lors des prochaines élections.
2 – Monsieur Aliyev, président d’un Azerbaïdjan majoritairement chiite, regrettera peut être un jour d’avoir introduit sur son sol des djihadistes sunnites pour combattre l’Arménie. Il regrettera peut-être aussi l’instrumentalisation dont il est l’objet par la Turquie et Israël, chevaux de Troie de l’OTAN. Ses voisins russes et iraniens ne lui pardonneront pas facilement…..
3 – La Russie, dont la gouvernance et la diplomatie ne sont pas nées de la dernière pluie, n’est toujours pas tombée, tête baissée, dans le piège de l’intervention immédiate et musclée qui pourrait, après la tragi-comédie «Navalny», sonner le glas du North Stream II.
Elle interviendra, tôt ou tard, lorsque le bon moment sera venu. Les différents protagonistes directs et indirects ne perdront rien pour attendre.
4 – Israël et l’Occident otanien auront-ils gagné quelque chose à poursuivre leurs actions de harcèlement aux frontières de la Russie et de l’Iran en instrumentalisant l’Azerbaïdjan et en cherchant à détacher l’Arménie de l’OTSC dans le cadre de la stratégie d’extension à l’Est qu’ils poursuivent depuis trente ans ? Rien n’est moins sûr. L’avenir nous le dira.
Quant à la solution du problème territorial, source du conflit déclenché par l’Azerbaïdjan-contre l’Arménie, elle réside probablement dans l’application de l’article 8 du Décalogue de l’Acte final d’Helsinki voté le 1e août 1975 qui régit les relations internationales entre les états participants. Cet article évoque clairement «le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes».
Lorsqu’une volonté de quitter un ensemble étatique est validé par un, voire plusieurs référendums à plus de 90%, et lorsque cette sécession a été effective durant 34 ans, sans conflit majeur – ce qui est le cas pour la république d’Artsakh (Haut-Karabakh)-, il semble légitime que la communauté internationale puisse prendre en compte la volonté des peuples et d’accepter de reconnaître ce fait en dotant ces nouveaux états d’une structure juridique particulière leur garantissant une paix sous protection internationale.
On me rétorquera que l’article 3 du même décalogue d’Helsinki rappelle l’intangibilité des frontières. Il s’agira donc, pour la communauté internationale, de déterminer si le droit des peuples à disposer d’eux même doit primer, ou non, sur l’intangibilité des frontières, après 34 ans de séparation totale et effective de vie commune entre deux parties d’un même état.
Cette décision, lorsqu’elle sera prise, ne devrait pas être sans conséquences jurisprudentielles sur le futur du Kosovo, de la Crimée, ou de la Palestine occupée……
Pour ceux qui souhaitent élargir et diversifier leurs connaissances sur ce sujet sensible, je suggère la lecture de deux articles intéressants:
– un article de Jean Pierre Arrignon, historien byzantiniste et spécialiste de la Russie
– un éditorial d’Eric Denécé, patron du CF2R (Centre Français de Recherche sur le Renseignement sous le titre: «Le conflit Arménie/Azerbaïdjan au Haut-Karabakh relancé par la Turquie».
En juillet de cette année, dans mon article « Élection 2020 », j’ai fait des prévisions sur les élections de 2020 dans cet autre article : « Élection 2020 : Le pire scénario est le plus probable« , après avoir décrit les facteurs étranges entourant Biden et Trump, j’ai déclaré que
Ces facteurs et d’autres encore me poussent à prédire que l’élection 2020 sera une élection contestée qui se terminera par le maintien de Trump au pouvoir, mais qui sera accusé d’usurper le processus démocratique. Ce résultat est le pire résultat possible et aussi le plus avantageux pour l’establishment globaliste.
J’ai également noté la campagne de programmation prédictive menée par les médias et les membres du Council on Foreign Relations, comme Max Boot, pour acclimater le public à l’idée d’une élection contestée tout en « planifiant » ce résultat exact. J’ai déclaré :
…Boot est de retour, cette fois-ci en écrivant comment il pense que Donald Trump va tenter de « détourner » la présidence en 2020.
Dans un article pour le Washington post intitulé « What If Trump Loses But Insists He Won« , Boot décrit un scénario de « jeu de guerre » par un groupe appelé le Transition Integrity Project. Le groupe a mis en place un scénario dans lequel Joe Biden remporte une victoire à peine croyable, suivie d’actions de Trump pour garder le contrôle de la présidence par le biais de mensonges et de querelles juridiques. Le groupe a également prédit des troubles civils conduisant à une potentielle « guerre civile » à mesure que la lutte pour la Maison Blanche s’intensifie.
Cet article est, je crois, une tentative de programmation prédictive par l’establishment. Ils nous disent exactement ce qui est sur le point de se passer. Une élection contestée, une guerre civile, la loi martiale, l’effondrement économique et les États-Unis seront détruits de l’intérieur.
Jusqu’à présent, il semble que ma prédiction était correcte. Au moment où j’écris ces lignes, l’administration Trump intente une action en justice en Pennsylvanie pour des actes de vote suspects, notamment pour empêcher les observateurs républicains de surveiller le décompte des voix. Le fait que la Pennsylvanie autorise le décompte des votes par correspondance même s’ils ont été postés bien après la date limite sera également remis en question. Des preuves de fraude électorale apparaissent dans de nombreux États clés ; il semble que M. Trump pourrait rester au pouvoir après tout.
Si l’un des rapports de fraude est vérifié par les tribunaux, la situation électorale change complètement. Des millions d’Américains perdront confiance dans le processus et l’élection elle-même sera invalidée. Même s’il n’est pas prouvé que la fraude découverte a effectivement fait basculer le vote en faveur de Biden, aucun conservateur n’acceptera Biden comme président, et l’administration Trump aura une parfaite justification pour refuser de concéder la Maison Blanche.
De nombreux Américains ne semblent pas comprendre la dynamique en jeu ici. Ils pensent que « gagner » le décompte des votes signifie une présidence automatique de Biden, mais ce n’est pas le cas. Trump est déjà en possession de la Maison Blanche – S’il ne veut pas partir à cause d’une éventuelle falsification des élections, alors qui va le démettre de ses fonctions ? Peut-être l’une des agences à 3 lettres, mais sur ordre ou sous l’autorité de qui? Les militaires ne le feront pas partir car la majorité d’entre eux sont conservateurs, et certainement pas les Démocrates car ils n’ont pas la capacité de se projeter au pouvoir. Trump peut rester en place parce que les seules personnes qui pourraient éventuellement le pousser à partir (les conservateurs) ne le feront probablement pas.
Un autre scénario pourrait impliquer des électeurs « activistes » de l’État. Les électeurs du collège électoral ne doivent pas nécessairement voter en fonction du vote populaire dans leurs États respectifs. Certains États ont des lois qui lient les électeurs, mais beaucoup n’en ont pas, notamment la Pennsylvanie, la Géorgie, l’Arizona et le Minnesota. Les États qui ont des lois ont peu de moyens de les faire appliquer, et les électeurs militants ne peuvent être sanctionnés que pour un délit. Fondamentalement, personne ne peut empêcher le collège électoral de voter pour Trump au lieu de Biden.
Si les électeurs des États clés se réunissent en décembre pour voter et décident de voter pour Trump au lieu de Biden parce qu’ils soupçonnent une fraude électorale, ce serait parfaitement légal et, là encore, Trump restera au pouvoir.
Ensuite, il y a la question du Congrès qui doit finaliser les résultats des élections. Aucun des deux partis ne détient actuellement une majorité de 218 sièges au Congrès, et si la moitié des représentants refuse de valider l’élection, les résultats seront contestés. Une fois de plus, un problème de légitimité se poserait pour Joe Biden.
Je me rends compte que ces facteurs et bien d’autres encore donnent aux conservateurs l’espoir permanent de remporter une « victoire » électorale. Cependant, je voudrais que les lecteurs mettent de côté le concept de « victoire » pendant un moment et qu’ils considèrent la situation dans son ensemble.
J’ai pu prédire le résultat de l’élection de 2020 (jusqu’à présent) parce que j’ai basé mon analyse sur ce qui serait le résultat le plus avantageux pour l’establishment globaliste. Autrement dit, même si Trump reste dans le bureau ovale, les globalistes ont beaucoup à gagner.
Tout d’abord, ne soyons pas naïfs sur la situation – le cabinet de Trump est chargé de globalistes du Council on Foreign Relations ainsi que de nombreuses élites bancaires. S’ils veulent orienter la réponse électorale du côté de Trump, ils peuvent facilement le faire. Trump se présente aux élections parce qu’on lui a conseillé de le faire.
Deuxièmement, les grands médias et la campagne de Biden déclarent déjà Biden vainqueur à titre préventif. Cela prépare le terrain pour une dynamique dangereuse ; imaginez ce qui se passerait si les gauchistes arrivaient en décembre/janvier persuadés qu’ils ont la présidence dans la poche, mais que soudain tout leur soit arraché ? Ce récit créerait un scénario de rage ultime pour la gauche politique ; elle considérerait Trump comme un usurpateur de la présidence et, à partir de ce moment, elle rationaliserait toute violence collective. Ces troubles civils seront entièrement imputés à Trump et aux conservateurs.
Troisièmement, un événement de troubles de masse peut déclencher une demande de maintien de l’ordre. Il y a deux façons d’y parvenir : Une voie constitutionnelle et une voie anticonstitutionnelle. Les élites du cabinet de M. Trump feront pression pour obtenir une réponse anticonstitutionnelle, ce qui signifie qu’elles feront pression pour obtenir la loi martiale. La loi martiale entraînera inévitablement de nombreuses violations de la Déclaration des droits, qui sont INACCEPTABLES en TOUTES circonstances.
Non seulement cela, mais que se passerait-il si les conservateurs, normalement de fervents défenseurs des droits individuels, décidaient soudainement qu’il est acceptable de piétiner ces droits au nom de la « défaite de la gauche politique » ? Nous devenons les plus grands hypocrites de l’époque, nous perdons la supériorité morale à long terme et personne ne nous écoutera plus quand nous plaiderons pour la liberté à l’avenir. Les plus grands défenseurs de la liberté deviendraient les plus grands destructeurs de la liberté. Là encore, les globalistes en sortiraient vainqueurs.
Quiconque vous dit que la loi martiale est « le moindre mal » et que nous n’avons pas d’autre choix, n’est pas honnête.
Quatrièmement, alors que M. Trump est toujours en fonction, le programme de « Grand Reset » de l’establishment continuera à utiliser les conservateurs comme boucs émissaires de l’effondrement économique qu’ils ont créé. Au-delà de cela, l’élection contestée peut être utilisée comme une excuse supplémentaire pour l’instabilité économique. Les banques centrales qui ont utilisé des mesures de relance sans fin pour gonfler l’énorme « bulle de tout » depuis 2008 doivent détourner les responsabilités de l’implosion éventuelle de la bulle, et elles disposent maintenant de nombreuses distractions qui leur permettront de le faire.
Cinquièmement, même si des millions d’Américains considèrent les actions de Trump comme justifiées et les résultats des élections comme truqués, une grande partie du reste du monde traitera Trump et les conservateurs comme des parias. La situation devient bien pire si les conservateurs soutiennent la loi martiale. On dira que l’Amérique est sous un régime illégitime et tyrannique, et qu’une intervention internationale pourrait être nécessaire. Au minimum, il y aura des pénalités économiques mondiales, y compris la perte du statut de réserve mondiale du dollar qui entraînera un flot de dollars revenant aux États-Unis depuis l’étranger et une hyperinflation des prix.
Ne vous méprenez pas, une présidence Biden aura également des répercussions immédiates et violentes, mais les conservateurs doivent se rendre compte qu’une présidence Trump n’est pas une réponse à leurs problèmes ou à leurs craintes. C’est une situation sans issue.
Sous la présidence de M. Biden, il faut s’attendre à ce que le krach économique s’accélère considérablement. Biden lancera des mesures de confinement de niveau 4 dans tout le pays dans les semaines qui suivront son élection à la présidence, ce qui entraînera la destruction du secteur des petites entreprises, qui s’accroche déjà à peine à la vie. Les globalistes devront faire chuter l’économie plus rapidement sous Biden afin de pouvoir prétendre que le krach est un effet résiduel de l’administration Trump. S’ils attendent trop longtemps, la faute en reviendra à Biden et, par extension, aux globalistes.
Le confinement de niveau 4 contribuerait également à empêcher les conservateurs de se délocaliser dans des États et régions plus amicaux. Et ils empêcheraient les conservateurs de se rassembler en grands groupes et d’organiser la résistance aux politiques de gauche.
La censure des voix et des plate-formes conservatrices devra également s’accélérer sous Biden, car plus les conservateurs seront capables de partager des informations en temps réel, plus ils seront galvanisés et plus ils seront confiants en refusant de se soumettre aux restrictions liées à la pandémie (entre autres). Je pense que les fournisseurs de services web vont commencer à censurer directement les sites web conservateurs qui utilisent leurs serveurs. Des sites comme le mien seront entièrement retirés du web, ou filtrés complètement par des algorithmes de recherche.
Enfin, sous Biden, il y aura un appel immédiat à des mesures draconiennes de contrôle des armes à feu et peut-être même à la confiscation des armes. Cela se fera par décret, et il est probable que les lois Red Flag seront utilisées. Un programme de gauche ou globaliste ne peut pas progresser tant que les conservateurs sont armés. C’est impossible. Personne n’acceptera les restrictions en cas de pandémie dans les États à tendance conservatrice. Personne n’acceptera les contrôles autour de la production de carbone. Personne n’adoptera de nouvelles lois insensées sur les discours de haine conçus par des fous de la justice sociale.
Une présidence Biden galvaniserait et unifierait les groupes conservateurs plus que tout autre chose dans l’histoire récente. A terme, les conservateurs se révolteront (y compris de nombreux militaires et policiers) et la gauche et les globalistes ne pourront rien y faire. Le désarmement devra se faire rapidement.
C’est pourquoi je pense que le fait que Trump reste au pouvoir est un meilleur modèle pour les globalistes. Il est préférable de piéger les conservateurs pour qu’ils soutiennent avec jubilation les mesures de la loi martiale et introduisent la tyrannie sous leur propre bannière que de créer une confrontation directe entre les conservateurs et les globalistes par le biais du confinement de Biden.
Comme mentionné ci-dessus, il existe cependant une solution. Accueillir une présidence Trump si une fraude est découverte, mais refuser de soutenir la loi martiale. Au lieu de cela, les conservateurs peuvent protéger leurs propres villes et comtés en organisant eux-mêmes la sécurité de la communauté. Il n’est pas nécessaire que l’armée prenne en charge les questions de sécurité intérieure. Les conservateurs doivent plutôt réagir comme beaucoup l’ont fait dans l’Idaho lors des émeutes des BLM.
Lorsque le BLM et les Antifa ont essayé de faire venir par bus des centaines de manifestants dans les zones rurales du Nord-Ouest, les groupes conservateurs ont envoyé des centaines de membres armés de la communauté pour maintenir la sécurité. Les militants BLM et les Antifa sont restés relativement pacifiques et silencieux, il n’y a eu aucun pillage et personne n’a été blessé (contrairement à de nombreuses autres villes). C’était le meilleur résultat possible.
Ce modèle doit être appliqué dans tout le pays, et les Américains doivent prendre leur sécurité en main. Je suggère même que nous recommencions à utiliser le « mot M » : Milice.
Les États et les comtés conservateurs devraient commencer à envisager sérieusement la formation de milices communautaires, car on ne peut pas faire confiance au gouvernement pour rester bienveillant ou juste quand on lui donne le pouvoir ultime de la loi martiale. Dans l’éventualité d’une présidence Biden, les milices seront également nécessaires pour dissuader un renforcement totalitaire des mesures fédérales de confinement du fait des pandémies. Si les gauchistes veulent détruire leurs propres économies locales par des mesures de confinement inutiles, qu’ils le fassent. Les conservateurs n’ont pas besoin de suivre les lemmings vers cette falaise.
Constitutionnellement, les milices sont censées être contrôlées par les gouvernements des États. Cela pourrait ne pas être possible. Si ce n’est pas le cas, les communautés devraient quand même former des milices ; mais n’appelez pas cela une milice officielle ou « organisée ». Si les gouvernements des États tentent de saboter ces mesures, elles doivent être contournées et ignorées. Nous n’avons pas besoin d’elles pour assurer notre sécurité.
Si cette solution n’est pas prise au sérieux et que les conservateurs ne prennent pas les choses en main, je prévois une catastrophe. Soit nous serons amenés à donner foi à la liberté en refusant la loi martiale, soit nous serons à la merci de la tyrannie médicale de Biden. L’avenir dépend de nous…
Les choix que le nouveau président Joe Biden a faits jusqu’à présent ne sont pas du tout formidables. Les personnes qu’il a choisies pour l’instant sont des interventionnistes convaincus qui voudront continuer les guerres qu’ils ont commencées lors de leurs précédent mandats.
Tony Blinken deviendra secrétaire d’État. On a probablement pensé qu’il était trop difficile d’obtenir la confirmation du Sénat pour la tout aussi nullissime Susan Rice. En 2013, le Washington Post a décrit son pedigree de haut vol :
Blinken est le conseiller adjoint à la sécurité nationale du président Obama, qui a également invoqué l’Holocauste alors que son administration se débat, souvent douloureusement, pour savoir comment réagir à l’utilisation présumée d’armes chimiques par le président syrien Bashar al-Assad. L’un des acteurs clés du gouvernement dans l’élaboration de la politique syrienne, Blinken, 51 ans, a des références de l’administration Clinton et des liens étroits avec le vice-président Biden et l’establishment de la politique étrangère et de la sécurité nationale à Washington. Il a attiré l'attention sur lui dans des photos de la salle de situation de crises, y compris celle emblématique lors du raid de mai 2011 dans la résidence d'Oussama ben Laden, pour ses cheveux sel et poivre élégamment ondulés.
Mais ce qui le distingue des autres puissances intellectuelles du sanctuaire du cercle intérieur, c'est une biographie qui se lit comme un scénario sur la haute société juive, que l'ancien producteur de films en herbe avait peut-être déjà rêvé d'écrire. Il y a son père, un géant du capital-risque ; sa mère, une patronne des arts ; et son beau-père, qui a survécu à l'Holocauste pour devenir l'un des avocats les plus influents sur la scène mondiale. C'est un roman-photo pour le jeune Blinken - jouant dans un groupe de jazz parisien, débattant de politique avec des hommes d'État - avec un casting de personnages autour de lui, entre autres, Leonard Bernstein, John Lennon, Mark Rothko, Valéry Giscard d'Estaing, Abel Ferrara et Christo.
Cet homme est un psychopathe belliciste :
Blinken en a surpris certains dans la salle des situations de crise en s'opposant à Biden pour soutenir une action militaire en Libye, ont déclaré des responsables de l'administration, et il a plaidé pour une action américaine en Syrie après la réélection d'Obama. Ces sources ont déclaré que Blinken était moins enthousiaste que Biden à propos de la décision d'Obama de demander l'approbation du Congrès pour une frappe en Syrie, mais qu'il est maintenant à bord - peut-être par nécessité - et partisan de négociations diplomatiques avec la Russie. Bien que moins idéologue que Samantha Power, l'ambassadrice des États-Unis aux Nations Unies - un poste pour lequel il était considéré - il n'est pas surprenant qu'il partage sa conviction que les puissances mondiales telles que les États-Unis ont la «responsabilité de protéger» contre les atrocités.
Il n’a depuis montré aucun remords à propos de ces échecs de politique étrangère :
Blinken soutient que l'échec de la politique américaine en Syrie est que notre gouvernement n'a pas employé assez de forces. Il soutient le faux argument selon lequel le vote de Biden pour autoriser l'invasion de l'Irak était un «vote pour une diplomatie dure». Il aurait été en faveur de l'intervention libyenne, à laquelle Biden s'est opposé, et il était initialement un défenseur du soutien américain à la guerre de la coalition saoudienne contre le Yémen. En bref, Blinken a accepté certaines des plus grandes erreurs de politique étrangère que Biden et Obama ont commises, et il a eu tendance à être plus interventionniste que les deux.
Jake Sullivan deviendra conseiller à la sécurité nationale. Il est une réplique d’Hillary Clinton :
Si vous ne pouvez pas tout à fait placer Jake Sullivan, il a été un assistant de longue date d'Hillary Clinton, à commencer par sa compétition de 2008 contre Barack Obama, puis en tant que chef de cabinet adjoint et directeur du Bureau de la planification politique du département d'État lorsque Clinton était secrétaire d'État d'Obama. (...) En 2016, lors de l'échec de sa campagne présidentielle, Sullivan a de nouveau fait équipe avec Clinton, et il était largement attendu qu'il soit nommé pour servir de conseiller à la sécurité nationale ou même de secrétaire d'État si elle avait gagné.
Depuis 2016, et depuis la création de la NSA, Sullivan est apparu comme une sorte de réprimandeur de la politique étrangère, critiquant doucement - et parfois pas si doucement que ça - ceux qui s'opposent par réflexe à l'intervention américaine à l'étranger et qui dénigrent l'idée de «l'exceptionnalisme» américain. En effet, dans un article du numéro de janvier-février de The Atlantic, «What Donald Trump et Dick Cheney Got Wrong About America», Sullivan dit explicitement qu'il a l'intention de «sauver l'idée de l'exceptionnalisme américain» et présente des arguments pour un "nouvel exceptionnalisme américaine".
Sullivan a envoyé des documents classifiés au serveur de messagerie privé d’Hillary Clinton. Il lui a écrit qu’Al Qaida est «de notre côté en Syrie». Il a également lancé de fausses allégations de collusion entre Trump et la Russie.
On ne sait pas encore qui deviendra secrétaire à la Défense. Michèle Flournoy
est l’option la plus nommée mais il y a une certaine opposition à sa nomination :
Les soutiens de Michèle Flournoy, son choix probable pour le poste de secrétaire à la défense, tentent de contenir une initiative de dernière minute menée par certains Démocrates de gauche essayant de faire dérailler sa sélection, car de nombreux progressistes voient sa nomination comme une continuation de ce que les critiques appellent les “guerres éternelles de l'Amérique.”
Je m’attends à ce que les progressistes perdent le combat et que Flournoy ou une autre figure belliciste obtienne cette position de lobbyiste des fabricants d’armes.
Les progressistes ont également perdu le poste pour le Trésor. Biden a nommé Janet Yellen qui est connue pour être un faucon inflationniste.
Il est peu probable qu’elle soutienne des dépenses importantes pour les priorités des progressistes.
Comme d’habitude avec une victoire électorale du parti Démocrate, les gens qui ont apporté les votes et l’engagement décisifs, c’est à dire ceux qui plaident pour des politiques plus socialistes et pacifiques, n’auront aucun accès aux leviers du pouvoir.
Dans trois ans, ils seront à nouveau appelés à se mobiliser pour un autre miroir aux alouettes.
Moon of Alabama
Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone
Avec le recul, les historiens de demain ne manqueront pas de s'étonner de constater qu'en quelques années, entre 2010 et 2020, les Etats-Unis, la première des superpuissances mondiales, est devenue une sorte de navire en dérive, sans moteur ni gouvernail.
Concernant la Maison Blanche, le Président apparemment battu, Donald Trump, s'accroche au pouvoir et multiplie les décisions contradictoires. On l'a comparé à une grosse tortue sur le dos. Quant au Président élu, Joe Biden, surnommé Pappy Chaos, il s'agit d'un quasi vieillard, à la limite de la débilité psychique, sans lignes politiques précises, sauf à se vouloir le représentant d'une Amérique industrielle en voie de disparition. En fait les intérêts politiques qui le soutiennent chercheront à contrôler les discours, censurer les informations, mettre la main sur les activités culturelles. Son fils est réputé comme profondément corrompu et pourra grâce à la position de son père accroître encore les profits illicites dont il a toujours vécu.
L'affaire des fraudes électorales à grande échelle ayant accompagné voire provoqué l'élection de Joe Biden, a montré par ailleurs que l'Amérique considérée jusqu'alors comme une démocratie relativement exemplaire, se révèle l'égale des dictatures « modérées » que l'on trouve par dizaines dans le monde et où les élections n'ont que l'apparence de la démocratie électorale dont les Etats européens sont des modèles.
Dans le domaine économique, les Etats-Unis accumulent actuellement les échecs. Le PIB stagne voire baisse dans certains domaines. La dette publique prend des proportions généralement qualifiées d'astronomiques et ne sera jamais remboursée, ceci au détriment de ceux qui jusqu'ici considéraient l'Etat américain comme un débiteur exemplaire. Ces difficultés sont aggravées par la crise due au coronavirus contre laquelle les Etats-Unis se montrent incapables de lutter efficacement, contrairement à la Chine, au Japon et à l'Europe. Il en résulte que le dollar en tant que monnaie de change internationale perd sans cesse des positions face au yen japonais et au yuhan chinois, voire face à l'euro.
Par ailleurs, l'Amérique jusqu'ici, d'ailleurs à tort, considérée comme un modèle de coexistence pacifique entre les Blancs, les Noirs et les Asiatiques, apparaît désormais comme un théâtre permanent de conflits, de plus en plus armés, provoqués par des structures s'étant arrogé sans débat la responsabilité de défendre les intérêts respectifs des Noirs et des Blancs. Dans plusieurs villes, certaines organisations, notamment les Antifas se réclamant d'un antifascisme sommaire, ont tourné au gangstérisme, pillant les commerces et rendant la vie difficile dans de nombreux quartiers pour les Blancs ayant le seul tort que de n'être pas être Blacks.
On fera valoir, non sans raisons, que l'Amérique restera gouvernée par ce que l'on nomme l'Etat profond ou complexe militaro-industriel. Mais sera-ce un bien ? Les représentants de celui-ci, chefs d'entreprises et haut-gradés, ont pris en main depuis quelques années tous les centres de décision, depuis le Parlement jusqu'à la Maison-Blanche, sans mentionner les grandes administrations fédérales et les principaux médias. Le Département de la Justice, le FBI, la CIA et une vingtaine d'autres agences de renseignement peuvent désormais surveiller hors de tout contrôle parlementaire les citoyens américains et leurs activités.
Sur le plan militaire, l'Etat profond a accumulé les échecs et les reculs, notamment au Moyen Orient face à un Bachar al-Assad président de la Syrie et soutenu par la Russie. Il en est de même en Amérique Latine et en Afrique. Même dans l'Union européenne, notamment en Allemagne et en France, Angela Merkel et Emmanuel Macron ont pris les décisions nécessaires pour construire une défense européenne pouvant désormais se passer du « soutien » de l'US Army.
C'est seulement dans le domaine spatial, militaire ou civil, que les Etats Unis ont jusqu'ici conservé une incontestable « full spatial dominance ». Mais la Chine multiplie actuellement les investissements et les projets destinés à leur disputer cette domination.
Traité "Ciel ouvert" : Les Etats-Unis exigent des Européens les informations concernant la Russie
par Karine Bechet-Golovko
Ex: https://russiepolitics.blogspot.com
Alors que les Etats-Unis sont officiellement sortis depuis dimanche du traité Ciel ouvert, la Russie déclare avoir connaissance de négociations entre les Etats-Unis et leurs Etats satellites européens, afin que ces deniers leur transmettent les informations concernant la Russie, auxquelles ils n'ont formellement plus accès. En considérant la capacité de résistance des pays européens aux exigences américaines, il y a de fortes chances que la Russie, qui reste elle étrangement dans cet accord, n'ait plus les informations concernant les Etats-Unis, alors qu'eux pourront bénéficier d'une coopération intra-globaliste à ce jour sans faille. Nous assistons à l'aboutissement de la globalisation en voyant la tentative de faire fonctionner ses instruments ouvertement au profit du seul centre politique, les Etats-Unis, sans que celui-ci, en surplomb, n'ait plus besoin de donner l'illusion d'y participer.
Comme nous l'avions écrit en mai (voir notre texte ici), le traité sur le Ciel ouvert est entré en vigueur en 2002 et compte 34 signataires qui, outre les Etats-Unis, le Canada, la Turquie et le Kirghizistan sont essentiellement les pays européens, et la Russie. Il permet le survol des territoires des pays membres, avec certaines restrictions (notamment une bande de non-survol de 10 km à la frontière) pour vérifier les mouvements militaires et les infrastructures militaires. Cette idée n'est pourtant pas nouvelle, elle avait été proposée dans le milieu des années 50 (après la mort de Staline) par les Etats-Unis, mais refusée par Khrouchtchev, qui y avait, à juste titre, vu une tentative d'espionnage. L'on pourrait même dire de légalisation de l'espionnage. Bush, en 1989, quand l'URSS est en pleine "ouverture", relance l'idée, qui sera alors circonscrite aux pays de l'OTAN, mais ne sera réellement formalisée qu'en 2002, lorsque la Russie de Poutine et les Etats-Unis parviennent à cet accord. Il semblerait donc que ce Traité sur le Ciel ouvert n'ait pris tout son sens qu'avec l'entrée de la Russie et donc l'accès à son espace aérien, surtout que les tentatives historiques de le faire passer coïncident avec des périodes de l'histoire politique russe considérées comme zones de transition, donc de faiblesse.
Dans ce contexte, le retrait des Etats-Unis prend tout son sens et un déséquilibre dangereux apparaît, car leur ciel ne sera plus accessible à la Russie, qui, elle, laisse le sien ouvert aux "partenaires" des Etats-Unis. Le risque se réalise, si l'on en croit les déclarations du chef de la délégation russe pour les négociations de Vienne, Konstantin Gavrilov :
"Il n'y a pas si longtemps, nous avons appris que Washington joue un jeu de dupes et exige de ses partenaires se signer des documents, selon lesquels ils s'engagent à transmettre aux Etats-Unis leurs observations lors des survols de la Russie. Les Etats-Unis exigent des pays européens qu'ils refusent à la Russie le survol des sites militaires américains en Europe."
Dans le cas contraire, la Russie s'engage à prendre des mesures de représaille. A juste titre, K. Gavrilov parle d'une violation ouverte de l'accord international. Mais le droit international n'étant que la matérialisation à un certain moment d'un certain rapport de forces, soit la Russie continue à participer à cet accord et entérine le nouvel équilibre des forces, renforçant la position américaine, soit elle le dénonce en raison la violation par les participants de leurs obligations.
Etrangement, sortir de cet accord déséquilibré et potentiellement dangereux pour la sécurité nationale, justement en raison de ce déséquilibre, ne semble pas à l'ordre du jour en Russie. La globalisation est manifestement devenue un fait incontestable et les Etats jouent selon des règles qu'ils ne maîtrisent pas - et ne remettent plus en cause sur le fond. Seules les modalités de leur mise en oeuvre peuvent encore être discutées.
Ho Chi Minh, dans sa demeure éternelle, le savoure avec un sourire divin aux lèvres. Le Vietnam a été l’hôte – virtuel – de la signature par les dix nations de l’ASEAN, plus la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, du Partenariat économique régional global, ou RCEP [Regional Comprehensive Economic Partnership dans son acronyme anglais, NdT], au dernier jour du 37e sommet de l’ASEAN.
Le RCEP, qui a été initié il y a huit ans, rassemble 30 % de l’économie mondiale et 2,2 milliards de personnes. C’est le premier signe prometteur de ces enragées années 2020, qui ont commencé avec l’assassinat du général Soleimani, suivi d’une pandémie mondiale et maintenant de douteuses exhortations à une Grande Réinitialisation [Great Reset, NdT].
Le RCEP intronise l’Asie Orientale comme centre incontesté de la géoéconomie. En réalité, le siècle asiatique est déjà en train de prendre forme depuis les années 1990. Parmi d’autres asiatiques ou expatriés occidentaux qui l’ont identifié, j’ai publié en 1997 mon livre intitulé « Le 21ème siècle : Le siècle asiatique » (extraits ici.)
Le RCEP pourrait forcer l’Occident à réfléchir un peu, et comprendre que la principale histoire ici n’est pas que le RCEP « exclut les États-Unis » ou qu’il est « conçu par la Chine ». Le RCEP est un accord à l’échelle de l’Asie orientale, lancé par des Asiatiques, et débattu entre égaux depuis 2012, y compris le Japon, qui à toutes fins utiles se positionne comme faisant partie du monde global industrialisé. C’est le tout premier accord commercial qui unit les puissances asiatiques que sont la Chine, le Japon et la Corée du Sud.
Il est désormais clair, au moins pour de vastes régions de l’Asie de l’Est, que les 20 chapitres du RCEP réduiront les tarifs douaniers dans tous les domaines, simplifieront les dédouanements, avec l’ouverture totale d’au moins 65 % des secteurs de services et l’augmentation des limites de participation étrangère, consolideront les chaînes d’approvisionnement en privilégiant des règles d’origine communes et codifieront les nouvelles réglementations sur le commerce électronique.
En ce qui concerne les points essentiels, les entreprises feront des économies et pourront exporter n’importe où dans le spectre des 15 pays sans avoir à se préoccuper des exigences spécifiques et distinctes de chaque pays. Voilà ce qu’est un marché intégré.
Quand le RCEP s’arrime aux Nouvelle routes de la soie
Le même disque rayé sera diffusé sans interruption sur la manière dont le RCEP facilite les « ambitions géopolitiques » de la Chine. Ce n’est pas la question. La question est que le RCEP a évolué comme le compagnon naturel du rôle de la Chine devenant le principal partenaire commercial de pratiquement tous les acteurs de l’Asie de l’Est.
Ce qui nous amène à l’angle géopolitique et géoéconomique clé : Le RCEP est le compagnon naturel de l’Initiative des Nouvelles routes de la soie (NRS), qui, en tant que stratégie commerciale et de développement durable, ne s’étend pas seulement à l’Asie de l’Est, mais s’étend aussi plus profondément vers l’Asie centrale et occidentale.
L’analyse du Global Times est correcte : l’Occident n’a pas cessé de déformer l’objectif des NRS, sans reconnaître que « l’initiative qu’il calomnie est en fait très populaire dans la grande majorité des pays situés le long de la route des NRS ». Le RCEP va recentrer ces NRS – dont la phase de « mise en œuvre », selon le calendrier officiel, ne commence qu’en 2021. Les financements à faible coût et les prêts spéciaux en devises offerts par la Banque chinoise de développement deviendront beaucoup plus sélectifs.
L’accent sera mis sur le côté santé des NRS, en particulier en Asie du Sud-Est. Les projets stratégiques seront la priorité : ils s’articulent autour du développement d’un réseau de corridors économiques, de zones logistiques, de centres financiers, de réseaux 5G, de ports maritimes clés et, surtout à court et moyen terme, de hautes technologies liées à la santé publique.
Les discussions qui ont abouti au projet final du RCEP se sont concentrées sur un mécanisme d’intégration qui peut facilement contourner l’OMC au cas où Washington persisterait à la saboter, comme ce fut le cas pendant l’administration Trump.
L’étape suivante pourrait être la constitution d’un bloc économique encore plus fort que l’UE – une possibilité qui n’est pas farfelue lorsque la Chine, le Japon, la Corée du Sud et les dix pays de l’ASEAN travaillent ensemble. Sur le plan géopolitique, la principale motivation, au-delà d’une série de compromis financiers impératifs, serait de consolider quelque chose comme « Faites des affaires, pas la guerre ».
Le RCEP marque l’échec irrémédiable du TPP de l’ère Obama, qui était le « bras commercial de l’OTAN » dans son « pivot vers l’Asie » imaginé au Département d’État. Trump a explosé le TPP en 2017. Le TPP n’était pas un « contrepoids » à la primauté commerciale de la Chine en Asie : il s’agissait surtout d’une liberté totale pour les 600 sociétés multinationales qui étaient impliquées dans le projet. Le Japon et la Malaisie, en particulier, l’avaient remarqué dès le début.
Le RCEP marque aussi inévitablement l’échec irrémédiable du sophisme du découplage, ainsi que toutes les tentatives de creuser un fossé entre la Chine et ses partenaires commerciaux d’Asie de l’Est. Tous ces acteurs asiatiques vont désormais privilégier le commerce entre eux. Le commerce avec les nations non asiatiques sera envisagé après coup. Et chaque économie de l’ASEAN accordera une priorité absolue à la Chine.
Les multinationales américaines ne seront pas pour autant isolées, puisqu’elles pourront profiter du RCEP via leurs filiales au sein des 15 nations membres.
Qu’en est-il de la Grande Eurasie ?
Et puis il y a le proverbial gâchis indien. Le message officiel de New Delhi est que le RCEP « affecterait les moyens de subsistance » des Indiens vulnérables. C’est la phrase code pour désigner une invasion supplémentaire de produits chinois bon marché et efficaces.
L’Inde a participé aux négociations du RCEP dès le début. Son retrait – avec la condition que « nous pouvons y adhérer plus tard » – est une fois de plus un cas spectaculaire de se tirer une balle dans le pied. Le fait est que les fanatiques Hindutvas qui sont derrière le « modiisme » ont parié sur le mauvais cheval : le partenariat Quad et la stratégie indo-pacifique encouragés par les États-Unis, qui s’expriment sous la forme d’un endiguement de la Chine et empêchent ainsi le resserrement des liens commerciaux.
Aucun « Made in India » ne compensera la bévue, géoéconomique et diplomatique, qui implique de manière cruciale que l’Inde se distancie de l’ASEAN. Le RCEP consolide la Chine, et non l’Inde, en tant que moteur incontesté de la croissance de l’Asie de l’Est dans le cadre du repositionnement des chaînes d’approvisionnement post-Covid.
Une suite géoéconomique très intéressante est ce que fera la Russie. Pour l’instant, la priorité de Moscou implique une lutte de Sisyphe : gérer les relations turbulentes avec l’Allemagne, le plus grand partenaire d’importation de la Russie. Puis il y a aussi le partenariat stratégique entre la Russie et la Chine – qui devrait être renforcé sur le plan économique. Le concept russe de Grande Eurasie implique une implication plus profonde à l’Est et à l’Ouest, y compris l’expansion de l’Union économique eurasienne (EAEU), qui, par exemple, a conclu des accords de libre-échange avec des nations de l’ASEAN comme le Vietnam.
L’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) n’est pas un mécanisme géoéconomique. Mais il est intriguant de voir ce que le président Xi Jinping a déclaré lors de son discours d’ouverture au Conseil des chefs d’État de l’OCS la semaine dernière.
C’est la citation clé de Xi : « Nous devons soutenir fermement les pays concernés pour faire avancer sans heurts les grands programmes politiques intérieurs conformément au droit ; maintenir la sécurité politique et la stabilité sociale, et nous opposer résolument aux forces extérieures qui s’immiscent dans les affaires intérieures des États membres sous quelque prétexte que ce soit. »
Cela n’a apparemment rien à voir avec le RCEP. Mais il y a de nombreuses intersections. Aucune interférence de « forces extérieures ». Pékin prenant en considération les besoins des membres de l’OCS en matière de vaccins Covid-19 – et cela pourrait être étendu au RCEP. L’OCS – ainsi que le RCEP – étant la plate-forme multilatérale permettant aux États membres de régler leurs différends par la médiation.
Tout ce qui précède met en évidence l’intersectorialité de l’IRB, de l’UEE, de l’OCS, du RCEP, des BRICS+ et de l’AIIB, qui se traduit par une intégration plus étroite de l’Asie – et de l’Eurasie – sur le plan géoéconomique et géopolitique. Pendant que les chiens de la dystopie aboient, la caravane asiatique – et eurasienne – continue d’avancer.
Tout d’abord, je veux commencer cette analyse en publiant la traduction complète d’un article publié hier par le webzine russe Vzgliad. Je n’ai matériellement pas le temps de faire ma propre traduction, donc ce que je publierai n’est qu’une traduction automatique peu retouchée, veuillez m’en excuser.
La fin de la deuxième guerre du Karabakh a donné lieu à de nombreuses énigmes et théories du complot. En effet, certaines des circonstances de ce conflit sont extrêmement mystérieuses, ou du moins paradoxales du point de vue de la logique militaire conventionnelle. Apparemment, la direction arménienne elle-même a provoqué une catastrophe politique.
Faisons la liste des énigmes qui soulèvent les plus grandes questions et provoquent l’apparition de «théories du complot» en Arménie, et ailleurs.
1. Pourquoi une mobilisation à part entière n’a-t-elle pas été menée en Arménie et des unités militaires complètes n’ont-elle pas été déployées dans la zone de conflit ?
Malgré les déclarations patriotiques bruyantes, il n’y a pas eu de réelle mobilisation en Arménie. L’effectif permanent de l’armée arménienne – environ 50 000 hommes – n’a été augmenté que par des volontaires. Alors que les conditions des combats exigeaient d’augmenter le nombre de défenseurs du Karabakh jusqu’à 80 ou 100 000 hommes au moins. Dans le même temps, très vite, le manque de spécialistes – par exemple calculs d’artillerie et lance-roquettes multiple MLRS – a commencé à affecter le front de l’armée arménienne. Il n’y avait personne pour combler les pertes.
Il est inexplicable que Erevan n’ait pas mené une réelle mobilisation. Les dirigeants arméniens évitent tout simplement de parler de ce sujet. S’il y avait un plan de mobilisation, personne n’a essayé de le mettre en œuvre. En conséquence, il n’y avait pas de rotation du personnel militaire en première ligne, dans certaines régions, les gens sont restés dans les tranchées pendant un mois sans être relayés. Les jeunes de 18 à 20 ans étaient en première ligne et, à un moment donné, les jeunes non formés représentaient jusqu’à 80% des effectifs. Les détachements du Karabakh, composés de professionnels et de vétérans, ont subi de lourdes pertes au cours de la première semaine, parce qu’il n’y avait personne pour compenser, il n’y avait tout simplement pas de renforts.
Des groupes de volontaires arméniens ont été formés selon des principes d’appartenance à des partis politiques. Le scandale a été provoqué par une tentative de former un détachement distinct d’un parti arménien prospère nommé d’après l’oligarque Gagik Tsarukyan, qui est désormais le principal opposant à Pashinyan. Les deux sont en conflit depuis plus d’une décennie. Désormais, le Premier ministre désigne ouvertement Tsarukyan comme «le coupable de la chute de Chouchi», car son escouade fantôme n’aurait pas été assez nombreuse sur le front pour gagner. Ces conflits auraient pu être évités simplement en ayant un plan de mobilisation et une volonté de le mettre en œuvre.
Les principales forces militaires arméniennes ne se sont pas déplacées vers le Karabakh. Mais pour soulager la tension créée par les drones azerbaïdjanais, il suffisait de simplement déplacer les radars de détection précoce à Goris. Et un corps d’armée aurait suffi à couvrir la zone sud au moment où les Azerbaïdjanais prenaient tranquillement leur temps devant la première ligne de défense. Les approvisionnements nécessaires n’ont pas été organisés et, après un mois de combats, cela a conduit à une pénurie de missiles pour les MLRS et d’obus pour l’artillerie. Et sans soutien d’artillerie, l’infanterie ne peut que mourir héroïquement.
Tout cela frôle le sabotage, même s’il peut s’expliquer en partie par la négligence locale et la réticence à affaiblir la défense de l’Arménie proprement dite. Cette dernière attitude est très controversée et il semble que les dirigeants arméniens aient tout simplement abandonné le Karabakh à son sort.
2. Pourquoi le front nord s’est-il comporté si étrangement ?
Dans le nord et le nord-est du Karabakh, dans la région de la République kirghize, il y avait une vaste zone fortifiée de défense arménienne, qui comprenait des unités tout à fait prêtes au combat. Et ils ont vraiment opposé une résistance sérieuse à l’avancée du groupe azerbaïdjanais pour finalement la stopper, perdant cependant plusieurs positions et des villages importants.
Mais après cela, le bataillon d’élite Yehnikner s’est soudainement retiré, bien que son commandant ait réussi à obtenir le titre de «héros de l’Artsakh». De plus, depuis le 3 octobre, ni Yehnikner, ni aucune autre unité militaire n’ont été retirés du front nord et déplacées pour aider le sud en feu. Dans le même temps, les Azerbaïdjanais n’ont décidé qu’une seule fois de simuler à nouveau une offensive dans le Nord, manifestement à des fins de distraction. Il n’était pas nécessaire de garder jusqu’à 20 000 hommes dans le Nord.
La direction du Karabakh explique tout cela de manière informelle par un manque de ressources. Mais maintenant, le «manque de ressources» au Karabakh explique tout.
3. Pourquoi le front sud s’est-il effondré ?
Le fait que le coup principal serait infligé par les Azerbaïdjanais au sud, dans la zone de steppe, était déjà visible à l’œil nu dans les premiers jours de la guerre. Néanmoins, des ressources – humaines et techniques – ont commencé à arriver sur le front sud alors que ce front n’y était plus en fait. La zone de steppe a été perdue et le front s’est arrêté le long des montagnes, de Krasny Bazar à Martuni. En conséquence, jusqu’à 30 000 personnes défendant le Karabakh se sont entassées dans cette région. Elles ont été menacées d’encerclement complet et de destruction, ce qui a été l’une des raisons de la signature de l’accord de cessez-le-feu. Dans le même temps, avant l’occupation de Jabrayil, les troupes azerbaïdjanaises avançaient très lentement, perturbant leur propre rythme d’attaque. Cela a donné aux Arméniens une longueur d’avance, petite mais c’était un début pour comprendre la situation et s’engager dans la relocalisation.
Après l’occupation de Jabrayil, le front a commencé à se désagréger et l’avancée des Azerbaïdjanais s’est fortement accélérée. L’occasion était perdue.
Pour une raison quelconque, le commandement arménien n’a pas pris de décision concernant le transfert de ressources supplémentaires vers le front sud ? Ceci est un autre mystère.
4. Pourquoi la partie arménienne s’est-elle limitée à la défense passive ?
Pendant toute la guerre, la partie arménienne n’a tenté qu’à deux reprises une contre-attaque contre les unités avancées des Azerbaïdjanais qui couraient loin devant. Les deux fois, cela s’est produit en face de Latchin dans une gorge étroite, rendant extrêmement vulnérable le bataillon-tactique azerbaïdjanais (BTG). Une fois même avec succès. Mais ces opérations ont été simplement réduites à une attaque massive de MLRS contre les groupes ennemis. Des opérations pour bloquer la gorge et encercler l’ennemi dans d’autres secteurs du front sud ont été suggérées. Mais pas une seule unité arménienne n’a bougé. Une guerre incroyable dans laquelle l’une des parties n’a pas mené une seule opération offensive sur le terrain, se limitant uniquement et exclusivement à la défense passive.
Une contre-offensive réussie dans la gorge, devant Latchin, aurait écrasé tant de forces azerbaïdjanaises dans le chaudron qu’elles n’auraient pas pensé à attaquer Chouchi pendant au moins deux semaines. Et plus tard, il était tout à fait possible de détruire l’infanterie azerbaïdjanaise dans le ravin Averatec. Mais cela aurait demandé beaucoup d’efforts.
Rien n’explique pourquoi la partie arménienne n’a même pas essayé de contre-attaquer ou d’utiliser d’autres méthodes pour exploiter l’avantage opérationnel qu’elle a eu à plusieurs reprises. Le manque de ressources ne peut être évoqué sans fin que dans les dernières étapes de la guerre, mais la défense passive est une tactique constante depuis le début de la guerre.
C’est la question la plus sensible et incompréhensible. Le premier assaut contre la ville par l’infanterie azerbaïdjanaise a été totalement infructueux. Ensuite, la deuxième colonne d’Azerbaïdjanais a été couverte par des frappes de MLRS. Avec quelques efforts et l’aide de l’Arménie, le groupe azerbaïdjanais qui a pénétré dans la ville pouvait être détruit. Cependant, soudain, une décision est prise de quitter la ville sans combat et de ne pas tenter de la libérer dans une situation opérationnelle et tactique favorable qui a duré encore une journée.
On pense que la décision de quitter Chouchi a été prise par le président du NKR [le Karabakh] Araik Harutyunyan et le secrétaire du Conseil de sécurité du NKR, le général Samvel Babayan, une légende locale. Désormais, pour protester contre la signature de l’armistice, il quitte son poste et renonce au titre de héros de l’Artsakh. La chaîne arménienne YouTube «Lurer» («nouvelles») a publié un enregistrement des pourparlers de Babayan et Harutyunyan, d’où il ressort que le général Babayan a vraiment envisagé la possibilité de reprendre Chouchi même après son abandon, mais la nouvelle perspective de résistance était très sombre.
Fragment de conversation (non verbatim) :
Évaluons la tâche (du combat). Vingt, trente volées de frappe de couverture par les MLRS «Smerch» sur Chouchi. Nous tuons tout le monde là-bas. Reprenons la ville. Et après ? L’état de l’armée et de la population civile ne permet pas la guerre. Nous avons mené la bataille, pris Chouchi, alors quoi ? (…) On ne peut pas combattre contre l’armée de l’OTAN, avec des mercenaires, tout équipés… J’ai essayé d’organiser une opération avec trois bataillons hier. Nous n’avons que quatre obusiers. Si l’artillerie ne nous est pas fournie, comment allez-vous assurer l’offensive ou couper sa retraite (celle de l’ennemi) ? (…) Aujourd’hui, nous devons enfin négocier avec la Russie pour que nous cédions ces territoires et que nous les quittions. Ou ils nous aident. Imaginez que nous avons aujourd’hui deux MLRS Grads pour toute l’armée, et une douzaine d’obusiers, pour lesquels nous n’avons pas d’obus.
Pour résumer, le général Babayan pensait que la résistance était inutile à ce stade des combats. Il faut refuser de continuer la guerre et soit se rendre, soit demander dix jours pour une sortie organisée de la population locale et des 30 000 soldats du front sud qui sont complètement encerclés. En guise d’alternative, il a été proposé de demander d’urgence à la Russie une assistance militaire directe sous la forme de mercenaires ou de volontaires, d’équipement et de munitions.
Mais tout cela n’évacue pas la question de savoir pourquoi un petit groupe de fantassins azerbaïdjanais sans équipement lourd, qui a pu percer jusqu’à Chouchi, n’a pas été détruit avant que l’armée arménienne ne commence à paniquer. L’occupation de Chouchi a créé une architecture complètement différente d’accords politiques pour le NKR et l’Arménie. S’il s’agit d’une décision politique, qui l’a prise ?
Cette liste des mystères de la deuxième guerre du Karabakh est loin d’être complète. En outre, les dirigeants arméniens ont suscité de nombreuses questions similaires sur la préparation de la guerre. Cette guerre a été perdue avant même d’avoir commencé, précisément à cause de l’inaction ou de l’action étrange d’Erevan.
Le processus se poursuivra pendant longtemps. La situation dans la région a changé si radicalement au cours de ces quarante jours que toutes les anciennes approches pour résoudre le conflit et sa composante militaire ont disparu d’elles-mêmes. Et la nouvelle réalité exigera de nouvelles solutions pour l’Arménie. Et on ne sait pas encore qui prendra ces décisions.
Fin du texte de Evgenii Krutikov
* * *
Personnellement, je ne vois aucune sombre conspiration ici. Ce que je vois, c’est un niveau d’incompétence vraiment phénoménal de la part des dirigeants sorosites [sous la coupe de Soros] d’Arménie. En termes simples, la grande majorité des dirigeants arméniens vraiment compétents, civils et militaires, ont été soit emprisonnés, soit, à tout le moins, licenciés en masse. Il y a une explication très simple à cela aussi.
Du point de vue de Pashinian, et, à partir de maintenant, quand je dis «Pashinian», je veux désigner les suspects habituels : MI6, CIA, Soros, etc., la «vieille garde» des dirigeants formés à la soviétique a dû être supprimée car on ne pouvaient pas leur faire confiance. Mais ce que cet imbécile et ses maîtres n’ont pas réalisé, c’est que la direction «éduquée par les Soviétiques» était bien plus compétente que les «démocrates éveillés et les amis transgenres» qui ont pris le pouvoir en 2018.
Aparté
Avez-vous remarqué quelque chose d'assez intéressant ? Les forces militaires «anciennes» et «entraînées par les Soviétiques» en général, et leurs commandants en particulier, sont systématiquement beaucoup mieux entraînées que ces forces entraînées par l'OTAN ou «l'armée la plus puissante de l'histoire de la galaxie». Pourquoi les forces démocratiques, progressistes et avancées comme, disons, les Saoudiens, les Israéliens, les Géorgiens, les Yéménites [pro-saoudiens, NdSF] ou tous les autres nombreux «bons terroristes» se comportent-ils toujours misérablement au combat ? Je vais vous laisser réfléchir à cette question :-)
Au fait, Pashinian, qui se cache dans un bunker ou dans l’enceinte de l’ambassade américaine à Erevan, y est toujours ! Hier, il a appelé Macron, qui est sous la pression de l’importante diaspora arménienne en France pour faire quelque chose, pour lui demander son aide et Macron a promis d’aider à trouver une solution acceptable par toutes les parties, impliquant deux choses :
Que la «solution russe» – en réalité arménienne – qui est l’acceptation par Erevan des termes azéri n’est pas acceptable.
Que la France ait une sorte de baguette magique que Macron peut agiter plusieurs fois pour transformer, à jamais, toute la zone d’opération en une terre paisible où coule le lait et le miel où tout le monde se tiendrait par la main en chantant Kumbaya et «ressentirait l’amour» pour toujours.
Comme d’habitude, les Britanniques sont beaucoup plus sournois, secrets et intelligents : le chef du MI6 est en Turquie pour rencontrer des «hauts fonctionnaires». Oui en effet ! Au fait, ce chef du MI6, Richard Moore, est un ancien ambassadeur du Royaume-Uni en Turquie. Pour avoir une idée de ce dont il s’agit, tout ce que vous avez à faire est de consulter n’importe quel livre d’histoire pour voir que les Britanniques ont toujours utilisé les Ottomans comme chair à canon contre la Russie.
Quant aux Américains, ils sont fondamentalement paralysés par le chaos dans leur propre pays. Mais l’un ou l’autre des pouvoirs guignolesques en compétition actuellement pourrait essayer quelque chose de désespéré pour «brandir le drapeau» et prouver qu’il est «dur avec la Russie».
Alors, quelle est la prochaine étape ?
Depuis des années, je dis ce qui suit à propos des dirigeants politiques occidentaux : ils sont incapables de construire quoi que ce soit qui vaille la peine, mais ils sont très certainement capables de semer le chaos, l’anarchie, la violence, les insurrections, etc. Donc, la première chose dont vous pouvez être sûr est que les anglo-sionistes feront tout ce qui est en leur pouvoir pour inciter les Arméniens, les Azéris et même les Turcs à rejeter un résultat que l’Occident considère comme un triomphe pour la Russie, et pour Poutine personnellement !
Ensuite, il y a Erdogan, qui est furieux du rejet catégorique, par les Russes, de ses demandes de faire partie de la force de maintien de la paix. Tout ce que les Russes ont accepté, c’est de créer un «poste de surveillance» spécial composé de Russes et de Turcs, loin de la région du Haut-Karabakh où une équipe conjointe d’observateurs «surveillerait» la situation en regardant des ordinateurs. Il n’y aura pas de soldats turcs dans la zone de maintien de la paix – voir la carte militaire russe en tête de cet article.
En tant qu’option de secours, les Turcs exigent également qu’ils soient autorisés à piloter leurs propres drones au-dessus de la zone d’opérations. En réponse, la partie arménienne a déclaré que l’Arménie et la Russie avaient conjointement déclaré une zone d’exclusion aérienne sur toute la région. Pour autant que je sache, les Russes n’ont pas confirmé cela «pour l’instant», mais vous pouvez être à peu près sûr qu’ils abattront immédiatement tout aéronef non autorisé s’approchant de leurs positions.
Pour avoir une idée de la façon dont les Russes agissent, vous devez savoir deux choses :
Premièrement, les médias libéraux russes sont déjà en train de se plaindre que la Russie a inclus des systèmes d’armes «non déclarés» dans sa force de maintien de la paix – MLRS et véhicules blindés. Cela n’est guère surprenant compte tenu de la très forte probabilité de provocations des deux côtés. En outre, le langage vague de l’accord permet aux Russes d’apporter des «véhicules spécialisés» qui pourraient signifier tout et n’importe quoi.
En outre, je suis assez convaincu que la 102e base militaire russe à Gyumri recevra des renforts et servira de centre de soutien logistique à la force russe de maintien de la paix.
Deuxièmement, il vaut la peine d’examiner la carrière de l’homme qui commandera la force de maintien de la paix russe, le lieutenant-général Rustam Muradov. Vous pouvez consulter sa biographie ici et ici. Je résumerai simplement la carrière de cet homme en deux mots : Donbass, Syrie.
Ce n’est pas une sorte de prétendu général dont les qualifications sont principalement bureaucratiques et politicardes. Ce type est un vrai général de combat, le genre d’officier qui va au feu et s’assure d’être régulièrement avec ses hommes en première ligne, qui a l’expérience de « l’Axe du Bien » et ses «bons terroristes», qu’ils soient locaux ou spéciaux.
L’Occident le comprend parfaitement et est absolument furieux d’être à nouveau «trompé» par la Russie !
Premièrement, les Russes ont arrêté la guerre sanglante en Syrie, maintenant ils ont arrêté la guerre en Azerbaïdjan. Pour l’Empire, cela signifie la perte totale du chaudron d’instabilité qu’ils ont essayé avec délectation de créer dans le Caucase et au Moyen-Orient pour finalement atteindre le ventre mou de la Russie. Ils ont raté. Ils ne le pardonneront pas.
Deuxièmement, la plupart des Arméniens du monde entier sont absolument horrifiés par l’issue de cette guerre et ils ont ma sincère sympathie. Le problème ici est que beaucoup d’entre eux blâment la Russie plutôt que leurs propres dirigeants. En outre, il y a beaucoup de nationalistes vraiment enragés parmi les forces opposées à Pashinian en Arménie. En ce moment, ce dernier se cache quelque part et il refuse toujours de démissionner, soutenu jusqu’au bout par l’Occident, bien sûr. Mais cela va changer, je ne peux pas imaginer que quiconque reste au pouvoir après une telle catastrophe.
Cependant, Pashinian parti ne signifie pas du tout que des pro-russes, voire des neutres, lui succéderont. En fait, comme dans la plupart des situations chaotiques, ce sont les extrémistes qui sont les plus susceptibles de prendre le pouvoir. Et Dieu sait seulement ce qu’ils pourraient faire ensuite !
De manière paradoxale, le meilleur résultat pour la Russie serait que Pashinian reste au pouvoir un peu plus longtemps, juste assez longtemps pour créer un fait accompli sur le terrain qu’aucune folie ne pourrait véritablement renverser.
En ce moment, les réfugiés arméniens bloquent les seules routes qui leur permettront de fuir vers l’Arménie. Ces pauvres gens ne feront jamais confiance à la parole d’un Azéri et, encore moins, d’un Turc, et qui pourrait leur en vouloir ?!
C’est vraiment une tragédie déchirante qui aurait pu être complètement évitée si Pashinian et ses Sorosites avaient fait quelques choses vraiment basiques comme se préparer à la guerre et se contenter d’un accord de paix imparfait pour commencer.
Les forces arméniennes du Karabakh se retirent également, et ce n’est pas comme si elles avaient beaucoup d’option : s’échapper avec la vie sauve est vraiment tout ce que ces pauvres soldats pouvaient espérer – et ce n’est pas de leur faute, j’ajouterais !
Les prochaines semaines seront cruciales et je ne peux qu’espérer que les Russes seront pleinement prêts à faire face à toute éventualité, y compris un revirement arménien complet si Pashinian est renversé très bientôt.
C’est maintenant une course contre la montre : d’un côté, l’Occident veut littéralement virer la Russie quoi qu’il en coûte en vies azéries et arméniennes tandis que les Russes se décarcassent pour faire de l’accord une réalité bien défendue sur le terrain. En Ukraine, ils disent que « l’Occident est prêt à combattre la Russie jusqu’au dernier Ukrainien ». J’espère et je prie pour que cela ne se produise pas dans le Caucase.
The Saker
PS : du côté vraiment triste et tragique, je n’imagine personnellement aucun réfugié disposé à revenir, malgré toutes les pieuses promesses faites par toutes les parties. Écoutez, soyons honnêtes ici : pendant la première guerre du Karabakh, que les Arméniens ont gagnée, les Azéris ont été brutalement expulsés, il y a eu plusieurs cas de meurtre massif de civils azéri par les forces arméniennes triomphantes. Cette fois-ci, les Azéris ont fait toutes sortes de promesses, mais si j’étais Arménien, je ne me fierais pas à un seul mot de ce que disent les Turcs ou les Azéris – diable, ces deux-là nient encore qu’il y ait eu un génocide des Arméniens par les Ottomans ! Gardez à l’esprit que dans cette courte guerre, environ 4 000 civils sont morts; c’est le chiffre officiel, le vrai est probablement encore pire !
Peut-être que dans une décennie ou deux, et seulement si la Russie reste la gardienne de la paix dans le Caucase, certains réfugiés, ou leurs fils et filles, retourneront-ils dans leur patrie historique. Mais pour le moment, la force russe de maintien de la paix finira probablement par maintenir la paix dans un Haut-Karabakh désert. C’est un résultat révoltant qui, je le répète, aurait pu être évité par Pashinian et sa bande de Sorosites. Que cela soit une leçon pour quiconque prend ces clowns maléfiques au sérieux !
The Saker
Traduit par jj, relu par Hervé pour le Saker Francophone
Ma dernière carte sur la Russie : double endiguement de l'OTAN et de la Turquie
par Pierre-Emmanuel Thomann
(via Facebook)
La Russie étend son empreinte territoriale pour endiguer les pressions géopolitiques extérieures selon une stratégie de contre-encerclement
Premier enseignement, face à la pression de la Turquie qui est membre de l'OTAN, c'est un élément important à souligner, la Russie a rétablit sa primauté sur le Caucase du Sud, qui fait partie de son étranger proche. la Russie impose un accord dont elle est le seul garant, elle écarte la Turquie d'un rôle explicite, s'installe avec des observateurs militaires sur le territoire stratégique du Haut-Karabagh, et la classe politique arménienne au pouvoir va probablement s'orienter de manière plus favorable à la Russie.
Sur les temps plus longs, après avoir gagné la guerre en Tchétchénie (1999-2000) qui menaçait son intégrité territoriale, la Russie poursuit son retour inexorable sur ses anciens territoires de la Russie tsariste, après la Trandnistrie (Moldavie), l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie (guerre Russie-Géorgie 2008), la Crimée réunifiée avec la Russie à la suite du changement de régime à Kiev (2014) et désormais avec l'arrivée des troupes russes au Haut-Karabagh (les Russes ont proposé cette solution à différentes étapes historiques du conflit) sur un territoire de facto arménien, mais légalement en Azerbaïdjan. Il ne s'agit pas d'une reconquête impériale, ni de la restauration d'une URSS réincarnée, mais de la défense ciblée des intérêts de sécurité de la Russie dans son étranger proche, sous la pression des puissances extérieures. A l'occasion du dénouement de la guerre au Haut-Karabagh, la Russie réussit un double endiguement, vis à vis de la Turquie et de l'OTAN.
Le continuum territorial des crises simultanées actuelles ou gelées aux frontières de la Russie (Biélorussie, Donbass en Ukraine, Trandnistrie en Moldavie, Abkhazie /Ossétie du Sud en Géorgie, et Haut-Karabagh entre Arménie et Azerbaïdjan) forment un arc de crises qui sont exploitées et renforcées par les puissances extérieures, principalement les Etats-Unis et ses alliés du front oriental OTAN, qui agissent par Etats-pivots interposés (la Pologne la Turquie) ou directement pour encercler, contenir, et si possible repousser la Russie dans ses terres continentales. La Russie réagit à cette pression géopolitique par la préservation d'avant-postes qui lui permettent de rétablir l'équilibre.
La Russie, du fait de sa reconnaissance de jure ou de facto des territoires séparatistes et de son empreinte territoriale militaire sur ces territoires, bloque l'adhésion éventuelle à l'OTAN de la Géorgie, de l'Ukraine, de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan (pas à l'agenda, pour les deux derniers, contrairement à la Géorgie et l'Ukraine, mais à long terme, mieux vaut être prudent).
La Russie a empêché une défaite totale de l'Arménie au Haut-Karabagh. Les Russes ne pouvaient pas accepter une invasion complète du Haut-Karabagh. Cela aurait été interprétée comme un affaiblissement de la Russie, et de facto de l'OTSC (même si juridiquement, il n'y a que le territoire de l'Arménie stricto sensu qui était concerné par les accords de défense avec la Russie, puisque l'Arménie, n'a elle même pas reconnu officiellement l'Etat autoproclamé du Haut-Karabagh, pour en faire une carte de négociation avec L'Azerbaïdjan), et un gain trop important pour l'Azerbaïdjan, mais aussi pour la Turquie. Cette évolution aurait ensuite été exploitée dans la guerre de communication que les adversaires atlantistes mènent en permanence contre la Russie. Cela aurait aussi ouvert la voie à d'autres déstabilisations et avancées turques, avec la complaisance, voire le feu vert des Etats-Unis et l' OTAN.
Face à l'impossibilité des parties à s'entendre sur la mise en oeuvre des propositions du groupe de Minsk sur la table de négociation depuis des années (retour des zones tampons adjacentes au Haut-Karabagh à l'Azerbaïdjan en échange d'un processus de détermination sur le statut du Haut-Karabagh), les Russes ont adopté une posture de prudence qui était la seule posture réaliste. En choisissant leur camp de manière claire, les Russes auraient non seulement perdus leur position de médiateurs, mais aussi risqué de voir l'Azerbaïdjan se rapprocher plus encore des Turcs, voire l'OTAN à plus long terme. Lorsque les Azerbaïdjanais furent sur le point de conquérir tout le territoire du Haut-Karabagh et après la perte d'un hélicoptère russe dans des conditions obscures, les Russes ont poussé à un accord lorsque la situation était mûre après l'échec des trois cessez le feu précédent.
En conséquence, selon l'accord approuvé le 9 novembre, la Russie peut désormais déployer des troupes d'interposition au Haut-Karabagh, en plus de ses bases en Arménie, avant-postes vis à vis de la Turquie et le corridor énergétique stratégique promu par les Etats-Unis sur l'axe Bakou-Tbilissi-Ceyhan. Les forces russes s'installent donc aussi sur le territoire considéré comme légal par les Nations Unies et l'Azerbaïdjan. L'Arménie surtout, mais l'Azerbaïdjan aussi, vont devenir plus dépendants de la Russie, et la Géorgie restera bridée dans son rapprochement vers l'OTAN et l'UE.
En vertu de l'accord du 9 novembre, un corridor de transport reliant l’Azerbaïdjan à l’enclave du Nakhitchevan (avec prolongement à la Turquie), revendication de Bakou pour avoir une continuité territoriale mais aussi d'Ankara pour avoir un accès à la mer Caspienne sera établit. Pour la continuité territoriale entre l'Arménie et le Haut-Karabagh, le corridor de Latchin sera maintenu mais déplacé en raison de la perte de la ville de Chouchi par les Arméniens. Ces deux corridors seront supervisés par des forces russes d'interposition. Les Russes vont donc contrôler toutes les voies stratégiques des uns et des autres.
La Turquie renforcée dans le Caucase du Sud mais endiguée par la Russie
La nouvelle configuration géopolitique n'implique pas clairement de nouveau condominium russo-turc dans le Caucase du Sud, à l'image du processus d'Astana en Syrie, revendication turque, même si la Turquie a renforcé son influence en Azerbaïdjan.
La Turquie, soutien politique et militaire de l'Azerbaïdjan, et donc en expansion géopolitique après ses opérations militaires sur les territoires Libyen et Syrien, renforce son statut de puissance régionale incontournable.
Elle a été pourtant (temporairement ?) endiguée par la Russie dans le Caucase du Sud par rapport à ses ambitions initiales.
On peut penser que l'Etat-major Turc fut le commandant en chef d'une partie des opérations (leading from behind) pour l'offensive turco-azérie au Haut-Karabagh ainsi que fournisseur de mercenaires islamistes provenant de Syrie et d'armements, notamment des drones.
La Turquie souhaitait être incluse officiellement dans le format de négociation pour le cessez-le-feu et la période post-conflit. Elle a pourtant été écartée formellement de l'accord du 9 novembre signé entre la Russie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan, puisqu'elle n'est pas signataire, même si une négociation en coulisses entre Russie et Turquie a vraisemblablement eu lieu.
Comme la Turquie est membre de l'OTAN et que le Haut-Karabagh est dans l'étranger proche de la Russie, cette dernière ne pouvait pas lui octroyer le statut de partenaire sur un pied d'égalité pour inaugurer un condominium russo-turque sur le Caucase du Sud, à l'image de la Syrie et du processus d'Astana. Il n'y aura donc pas de forces d'interposition turques au Haut-Karabagh mis à part des observateurs dans un centre d'observation du cessez-le-feu, seule concession aux Turcs. Toutefois, l'interprétation des accords diffère entre les Russes, les Azéris, et les Turcs qui essaient de poursuivre la négociation pour maximiser leur présence.
La Russie a aussi fait pression sur la Turquie en bombardant les islamistes pro-turcs en Syrie, pour indiquer les lignes rouges russes vis à vis des flux de mercenaires islamistes.
La soi-disant alliance russo-turque souvent invoquée, ou la thèse d'une connivence russo-turque pour se tailler et partager des zones d'influence au détriment des Européens et des Etats-Unis est à relativiser. La régionalisation des enjeux géopolitiques relève de l'évolution de la configuration géopolitique mondiale. C'est avant tout à cause du refus de la part des Etats Unis et des autres membres européens de l'OTAN d'accorder une place à la Russie dans un nouveau concert européen et mondial, et la poursuite de son encerclement par l'expansion euro-atlantiste que la Russie est obligée de se rapprocher de pays qui peuvent aussi constituer une menace dans l'immédiat (La Turquie et son expansion panturque et islamiste) ou à plus long terme (la Chine). Il n'y a pas d'alliance entre la Russie et la Turquie, mais rivalité, confrontation et identification d'intérêts tactiques communs à la suite de négociations permanentes pour tracer les lignes de front en mouvement, sans se laisser entraîner dans une guerre frontale.
Comme la Russie a torpillé l'expansion turque en Syrie, la Turquie cherche a torpiller l'expansion russe en Libye et tente désormais de bousculer la Russie dans le Caucase. Un nouveau foyer d'attraction pour tous les mercenaires islamistes risquait d'affaiblir durablement la Russie sur son flanc sud, comme réplique à l'engagement russe en Syrie qui était aussi devenu le théâtre de ralliements des islamistes que la Russie avait stoppé grâce à son intervention.
Par contre, dans un monde multipolaire, le processus de régionalisation des crises où les acteurs régionaux qui ont des intérêts directs forment un directoire pour gérer leurs différents ou convergences géopolitiques, en excluant les prétendants au monde unipolaire (les Etats-Unis et leurs alliés proches) qui s'arrogeaient auparavant le droit de se mêler de toutes les crises à l'échelle globale, est logique. L'évolution de la posture des Etats-Unis, qui se retirent des premières lignes, mais privilégient les Etats-pivots au frontières de l'étranger proche de la Russie, en l'occurrence la Turquie, accélère cette évolution. La Russie n'est pas tombée dans le piège de la confrontation directe avec la Turquie, et poursuit sa relation de rivalité permanente mais ponctuée d'accords provisoires et précaires pour essayer de détacher la Turquie de l'OTAN, afin de fissurer l'alliance, malgré son double jeu.
La Turquie est garante de l'axe énergétique Bakou-Tbilissi-Ceyhan avec le soutien implicite des Etats-Unis et de l'OTAN et l'UE. Elle revendique aussi un nouveau corridor Turquie-Azerbaïdjan en passant par le Nakhitchevan et le Sud du Haut-Karabagh, qui pourrait être prolongé vers l'Asie centrale en traversant la mer Caspienne. Selon l'accord du 9 novembre, ce corridor lui serait accordé mais sous supervision russe, et croiserait l'axe Arménie-Iran.
Nord Stream 2: le gouvernement allemand retourne sa veste!
Ex: https://echelledejacob.blogspot.com
Depuis cet été, la furie américaine se déchaîne contre le projet de gazoduc russo-européen Nord Stream 2. Sanctions américaines contre les entreprises européennes partenaires, coalition médiatique de médias engagés contre un "projet climaticide" pour ne pas dire que la ligne est simplement pro-globaliste et anti-russe. Maintenant, les députés allemands ont rejeté à une majorité écrasante la résolution de soutien au gazoduc. La morale de l'histoire est aussi simple que banale : il est extrêmement difficile de porter un projet économiquement globaliste, en se positionnant pour la défense des intérêts souverains des États. Car il est impossible de différencier la globalisation économique de la globalisation (soumission) politique - tout a un prix.
Nord Stream 2, le projet de gazoduc reliant la Russie à l'Allemagne, est porté par le géant russe Gazprom, mais avec l'implication de grandes entreprises européennes comme Engie, Shell ou BASF. Or la question énergétique européenne est pour les Etats-Unis un enjeu considérable et un marché non négligeable. Ce marché est dominé par la Russie, comme avant il l'était par l'URSS, positionnement géographique oblige. Depuis des années, au nom de la "souveraineté" énergétique de l'Europe, la diversification est une obligation, qui a principalement permis de renforcer la position américaine. L'on notera que l'impératif de diversification de l'approvisionnement a été posé par les instances européennes en 2015, c'est-à-dire à la suite de l'organisation du Maîdan en Ukraine par les Etats-Unis avec le soutien des Européens, ayant conduit à la réunification de la Crimée à la Russie et à l'ire globaliste, se traduisant toujours par une accumulation de sanctions.
Ainsi, aujourd'hui, la Russie fournit à l'UE et à la Grande-Bretagne 38,7% du gaz naturel et les Etats-Unis sont arrivés en deuxième position avec 28% en 2019. La concurrence est rude, d'autant plus que la fourniture de gaz américain coûte cher, car c'est du gaz naturel liquéfié, notamment de schiste, les pays européens construisent à grand frais des terminaux spéciaux pour l'importer, ce qui notamment le cas de l'Allemagne, de la Finlande ou encore de la Pologne. L'UE, après 2015, a renforcé la tendance et les financements. L'opération a encore été accentuée par Donald Trump en 2018, quand après sa tournée, l'UE envisageait d'en construire une dizaine.
Écartelée entre les États-Unis, qui veulent renforcer leur position sur le marché européen, et la Russie, qui est le fournisseur historique et moins cher de gaz, l'Allemagne a tenté de jouer l'accalmie en promettant, en février 2019, la construction d'un terminal pour le gaz US. Ce qui n'a servi à rien, puisque dès été 2020, l'aboutissement de la construction de Nord Stream 2 se profilant, des sénateurs américains ouvrent le feu contre les compagnies européennes qui participent à la construction du gazoduc :
"Dans une lettre datée du 5 août, trois sénateurs américains républicains menacent de “destruction financière” le port de Sassnitz-Mukran, sur l’île allemande de Rügen, dans la mer Baltique, s’il ne met pas un terme immédiat à sa participation à la construction du gazoduc Nord Stream 2 qui doit acheminer le gaz russe vers l’Allemagne et l’Europe.
“Si vous continuez à fournir des biens, des services et un soutien au projet Nord Stream 2, vous mettez en danger votre survie financière”"
Maintenant, ce sont les députés allemands qui viennent de refuser de voter favorablement à la résolution déposée soutenant ce projet, à une écrasante majorité de 556 voix contre et 83 pour. Ce qui rend de plus en plus incertain l'avenir de ce projet.
La dimension géopolitique de ce projet confrontant les intérêts de la globalisation, au sein desquels les intérêts américains sont dominants, et les intérêts nationaux (russes et des pays européens), le rend difficilement réalisable. Il serait important que les pays ayant pour volonté de défendre leur souveraineté réalise, et tiennent compte du fait, qu'il est impossible de diviser la globalisation économique (en voulant y participer à égalité) et la globalisation politique (en la refusant au nom de la souveraineté nationale).
Comme ce blog s’intéresse souvent à la politique étrangère américaine et aux dommages qu’elle cause, un regard sur l’équipe chargée de la politique étrangère de Biden semble adéquat.
Susan Rice, célèbre à cause de Benghazi, conseillère à la sécurité nationale sous Obama, deviendrait secrétaire d’État.
Michele Flournoy, co-fondatrice du Centre pour une nouvelle sécurité américaine (CNAS), deviendrait Secrétaire à la défense. Flournoy est un faucon une buse. Le CNAS est financé par les dons du « who’s-who » du complexe militaro-industriel. Elle a également co-fondé WestExec Advisors, une société de conseil qui tire les ficelles pour aider les entreprises à obtenir des contrats avec le Pentagone.
Tony Blinken, qui est sur le point de devenir le conseiller à la sécurité nationale, est également actif chez WestExec Advisors. Il a été conseiller à la sécurité nationale pour le vice-président Biden, conseiller adjoint à la sécurité nationale pour Obama et secrétaire d’État adjoint.
Tous les trois, avec Joe Biden, ont poussé à la guerre de 2003 contre l’Irak et soutenu celles que l’administration Obama a lancées ou poursuivies contre sept pays différents.
Ils continueront ces guerres et en ajouteront probablement quelques nouvelles. Joe Biden a déclaré qu’il rétablirait l’accord nucléaire avec l’Iran, mais avec des « amendements ». Une analyse réaliste montre que l’Iran est susceptible de rejeter toute modification de l’accord initial :
L'administration Biden sera confrontée à la dure réalité quand elle réalisera que les amendements au JCPOA dont elle a besoin pour rendre son retour à l'accord politiquement viable sont inacceptables pour l'Iran. La nouvelle administration américaine se trouvera plus que probablement dans une situation où les sanctions, y compris celles sur les exportations de pétrole, doivent être maintenues dans un effort pour faire pression sur l'Iran afin qu'il cède aux demandes américaines de modification du JCPOA.
Les faucons libéraux exerceront une forte pression pour terminer la guerre qu’ils avaient lancée contre la Syrie en l’intensifiant à nouveau. Trump avait mis fin au programme d’approvisionnement des djihadistes par la CIA. L’équipe de Biden pourrait bien réintroduire un tel programme.
Susan Rice a critiqué l’accord de Doha que Trump a signé avec les talibans. Sous l’administration Biden, le niveau des troupes américaines en Afghanistan risque donc d’augmenter à nouveau.
Un changement possible pourrait intervenir dans le soutien américain à la guerre saoudienne contre le Yémen. Les Démocrates n’aiment pas Mohammad bin Salman et pourraient essayer d’utiliser la question du Yémen pour le pousser à quitter son poste de prince héritier.
Biden et son équipe ont soutenu la tentative de coup d’État au Venezuela. Ils l’ont seulement critiqué pour ne pas avoir été bien menée et vont probablement trouver leur propre « solution ».
Après quatre années de non-sens autour du RussiaGate, que Susan Rice a contribué à lancer, il est impossible de « réinitialiser » les relations avec la Russie. Biden pourrait accepter immédiatement de renouveler le traité New START qui limite les armes nucléaires stratégiques, mais il est plus probable qu’il voudra ajouter, comme dans le cas de l’accord nucléaire avec l’Iran, certains « amendements » qui seront difficiles à négocier. Sous Biden, l’Ukraine pourrait être poussée vers une autre guerre contre ses citoyens de l’Est. La Biélorussie restera sur la liste des pays visés par un « changement de régime ».
L’Asie est l’endroit où la politique de Biden pourrait être moins conflictuelle que celle de Trump :
La Chine pousserait un grand soupir de soulagement si Biden choisissait Rice comme secrétaire d'État. Pékin la connaît bien, car elle a joué un rôle actif dans la refonte de la relation, de l'engagement à la concurrence sélective, qui pourrait bien être la politique post-Trump de la Chine.
Pour le public indien, qui est obsédé par la politique de Biden à l'égard de la Chine, je recommande la vidéo YouTube suivante sur l'histoire de Rice, quand elle raconte son expérience à la NSA et la façon dont les États-Unis et la Chine ont pu se coordonner efficacement, malgré leur rivalité stratégique, et comment la Chine a réellement aidé l'Amérique à combattre Ebola.
Il est intéressant de noter que l'enregistrement a été réalisé en avril de cette année, dans le contexte de la pandémie du "virus de Wuhan" aux États-Unis et de la guerre commerciale et technologique de Trump avec la Chine. En bref, Mme Rice a mis en évidence une relation productive avec Pékin tout en partageant probablement, avec de nombreux experts et législateurs américains en matière de politique étrangère, un scepticisme envers la Chine.
En gros, le régime Biden/Harris sera la continuation du régime Obama. Sa politique étrangère aura des conséquences terribles pour beaucoup de gens sur cette planète.
Sur le plan intérieur, Biden/Harris ravivera tous les mauvais sentiments qui ont conduit à l’élection de Donald Trump. La démographie de l’élection ne montre aucun signe de majorité durable pour les Démocrates.
Il est donc très probable que Trump, ou un Républicain populiste plus compétent et donc plus dangereux, remportera à nouveau la victoire en 2024.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par jj pour le Saker Francophone
Transcaucasie: après le cessez-le-feu du 5 novembre...
Entretien avec Robert Steuckers
Propos recueillis par Zaur Medhiyev
L’Arménie a signé un accord de cessez-le-feu, prévoyant le retrait de ses forces d’occupation hors des territoires azerbaïdjanais. Le problème est que l’Arménie a dû franchir ce pas après une défaite militaire. Du point de vue du droit international, quelles pourraient être les responsabilités de la partie perdante d’une guerre ?
Les responsabilités d’un désastre, comme une défaite militaire, ne peuvent être réglées qu’entre les vaincus eux-mêmes. Trancher quant à ces responsabilités est désormais un problème intérieur arménien. Les Arméniens doivent exiger des comptes au gouvernement Pachinian et aux réseaux qui l’ont amené au pouvoir et qui l’ont soutenu. L’hebdomadaire français « Le Courrier International » vient d’évoquer cette semaine une thèse aujourd’hui répandue dans la presse russe et dans l’opposition arménienne à Pachinian. La révolution de couleur, qui a amené celui-ci au pouvoir en 2018, aurait été soutenue en secret par les services secrets britanniques qui poursuivent la vieille politique de semer la zizanie en Transcaucasie. D’un point de vue européen, russe et transcaucasien, ce type d’immixtion bellogène est inacceptable. Il faut plaider pour la nécessité d’une Transcaucasie pacifiée sinon le statu quo ante aurait été préférable. On voit ce que donnent les immixtions occidentales dans les Balkans : le chaos ! Le principe énoncé pendant l’entre-deux-guerres par Carl Schmitt demeure valable, demeure un axiome indépassable de toute pensée politique réaliste : pas d’immixtion de puissances extérieures à un espace donné dans ce même espace (Interventionsverbot für raumfremde Mächte).
En quittant les territoires occupés, les Arméniens détruisent tout ce qu’ils peuvent détruire. Ils brûlent les forêts, détruisent des bâtiments, détruisent des espèces rares de plantes et d’animaux. L’Azerbaïdjan doit-il inclure ces actions dans la liste des crimes commis par les Arméniens, dans le but d’exiger des compensations financières à l’Arménie ?
Les Arméniens pratiquent là une vieille stratégie russe, celle de la terre brûlée, appliquée devant les armées de Napoléon et Hitler. Le système des indemnités est pervers comme l’ont montré les clauses aberrantes du Traité de Versailles de 1919. L’Allemagne s’est radicalisée suite à des crises financières de grande ampleur, accentuée par l’obligation de payer des dettes de guerre à la France, qui en vivait sans ressentir la nécessité de se moderniser. Certes, l’Arménie n’a pas le poids de l’Allemagne, même vaincue, mais des exigences trop importantes susciteraient une solidarité quasi spontanée pour l’Arménie dans le monde orthodoxe, surtout en Russie où le poids du Patriarche de Moscou n’est pas négligeable, ce qui aurait pour résultat d’isoler l’Azerbaïdjan, en dépit de la solidarité turque sur laquelle il pourrait compter mais seulement si la Turquie d’Erdogan parvient à court terme à surmonter sa crise financière. Ensuite l’Iran, en dépit du fait qu’il partage avec l’Azerbaïdjan la foi islamique chiite, montre des velléités pro-arméniennes par méfiance à l’endroit de la Turquie sunnite et par crainte de voir les mercenaires djihadistes demeurer à proximité de ses frontières pour éventuellement s’infiltrer dans le Nord de l’Iran et y commettre des sabotages pour le compte des Etats-Unis.
Les autorités de l’Azerbaïdjan ont annoncé qu’elles exigeraient 50 milliards de dollars à l’Arménie pour les dégâts causés. Mais nous savons pertinemment bien que l’Arménie ne dispose pas de cette somme, et ne dispose même pas du dixième de celle-ci. Comment, à votre avis, le droit international règle-t-il le recouvrement de compensations pour un pays qui n’en a pas les moyens ?
Dans de tels cas, il n’y a pas de solution. Les beaux principes juridiques s’évanouissent comme neige au soleil devant les réalités. A l’impossible nul n’est tenu. L’Azerbaïdjan a récupéré des terres, ce qui vaut plus, in fine, que la somme de 50 milliards de dollars, chiffre abstrait. Qui plus est, la Russie n’accepterait pas qu’une querelle sans fin pour les compensations envenime la situation en Transcaucasie. Autre possibilité, l’Arménie, comme la Serbie dans les Balkans, pourrait tabler sur une aide chinoise, la politique de Pékin étant d’assurer, par tous moyens pacifiques, la fluidité des communications terrestres en Eurasie.
Comme tout un chacun le sait, la signature de l’accord de cessez-le-feu, qui camoufle la reddition de l’Arménie, a été rendue possible par la participation directe de Moscou. Si l’Arménie, en rejetant le gouvernement de Pachinian, amène au pouvoir des extrémistes et reprend les hostilités, comment réagira le pouvoir russe ? Les suspicions, à mon avis, ne tombent pas du ciel : il suffit de voir quel état d’esprit prévaut aujourd’hui à Erivan…
C’est le pouvoir de Pachinian qui a rendu la guerre possible, aussi parce qu’il a démantelé partiellement les forces armées arméniennes et desserré les liens militaires qui existaient avec la Russie, suscitant la méfiance de celle-ci. Cette méfiance serait justifiée si l’hypothèse, avancée dans « Le Courrier international » s’avérait exacte. Rappelons-les grandes lignes de cette hypothèse : Richard Moore, chef du MI6 britannique, ancien ambassadeur du Royaume-Uni en Turquie, ami d’Erdogan, également ami d’Armen Sarkissian qui est arménien mais sujet britannique, aurait orchestré la déstabilisation de la Transcaucasie. L’indice le plus patent qui tend à soutenir cette hypothèse est le fait que Londres, dans le cadre de l’ONU, s’est opposé au cessez-le-feu décidé le 5 novembre dernier. Précédemment, Londres a financé bon nombre d’ONG en Arménie, qui ont soutenu les initiatives de Pachinian. La stratégie, mise au point par les Britanniques sous les auspices de Richard Moore, vise à utiliser la Turquie et le nouveau pouvoir arménien, issu de la révolution de couleur de 2018, pour créer un foyer de turbulences en Transcaucasie. Les racines historiques de cette volonté de créer le chaos sont anciennes. Elles datent de 1805, année où le Karabakh est entré dans la sphère d’influence russe. A Moscou, on connait ce type de stratégies et c’est la raison qui explique que les troupes russes sont présentes aujourd’hui dans cette région revendiquée par l’Arménie. Les Russes avaient perdu leur confiance dans les Arméniens parce que le gouvernement Pachinian, appuyé en secret par les Britanniques, lorgnait vers l’OTAN, comme son voisin géorgien. Moscou se méfie donc d’une Arménie et d’une Géorgie, agitées par un tropisme occidentaliste, se méfie aussi de l’Azerbaïdjan pour sa participation au système de défense GUAM et pour son alliance avec la Turquie, membre de l’OTAN. Moscou et Téhéran voient aussi d’un très mauvais œil la présence de mercenaires djihadistes qui, finalement, travaillent toujours pour l’Occident américanisé.
Le Président de l’Azerbaïdjan a d’ores et déjà déclaré, pendant les négociations et après le retrait des forces arméniennes, la question du statu quo ne sera pas discutée. Le Karabakh n’aura aucun statut d’autonomie. Qui plus est, cette déclaration n’a pas été contestée par les Russes. Uti possidetis ?
Le Karabakh est désormais de jure azerbaïdjanais et son statut dépend donc de Bakou. Cependant il est autonome de facto (et non de jure) parce que les troupes russes et sont stationnées et protègent le monastère de Dadivank, exigence de l’orthodoxie russe qui approuve le pouvoir de Poutine. Moscou n’a pas contesté le rejet de toute autonomie du Karabakh car Poutine et Lavrov entendaient bien l’occuper et le protéger.
Une dernière question : on soupçonne les Arméniens de vouloir organiser des provocations contre les forces russes de la paix afin que celles-ci ripostent. Tout cela consiste, très logiquement, à vouloir ramener l’Arménie dans le giron de l’OTAN. Existe-t-il des mécanismes pour empêcher les provocations contre les forces russes de pacification ?
Dans une Transcaucasie que l’Occident britannique et américain veut en état de déstabilisation permanente, toutes les provocations sont désormais possibles. Cela fait partie des aléas lorsqu’une puissance étrangère à un espace intervient dans ce même espace. Les forces russes sont exposées à ce danger comme elles l’ont été en Afghanistan et comme elles le sont en Syrie depuis quelques années. Le scénario de provocations répétées est plausible. L’implosion totale de la Transcaucasie est le but final des puissances qui entendent saboter les nouvelles grandes voies de communication terrestres en Eurasie, notamment celle qui traversera le territoire de l’Azerbaïdjan et reliera la Russie à l’Océan Indien, vieille hantise de l’Empire britannique depuis la fin du 18ème siècle. Non, il n’existe pas de mécanismes pour éviter ce type de provocations : nous sommes face à des réalités concrètes, à des clivages nationaux et religieux résilients, réalités et clivages qui ne sont en rien des « mécanismes » mais des forces organiques. Une force organique ne se laisse jamais brider par des « mécanismes ».
Haut-Karabagh, lien entre guerre territoriale et guerre économique
par Alexandre Correia Gentile
Ex: https://www.infoguerre.fr
Véritable théâtre de confrontation entre puissances régionales, le Haut-Karabagh laisse apparaître en son sein un rapport de force – maintenant récurrent – entre la Turquie et la Russie. La multiplication des confrontations entre Ankara et Moscou ne cesse de croître, avec des stratégies et des positionnements diplomatiques différents : entre hard power et soft power.
Le sud du Caucase, embourbement d’un différend centennal
Arène dans laquelle se joue une guerre d’influence et d’escarmouches quotidiennes depuis 3 décennies, le Haut-Karabagh est un territoire rattaché à l’Azerbaïdjan depuis 1921 mais peuplée à 97 % d’arméniens dans le sud du Caucase. Voyant s’affronter l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ce conflit séculaire remonte à la guerre de 1988 à 1994. Arménie victorieuse, indépendance auto-proclamée du Haut-Karabagh (dès 1991 et soutenu par Erevan), occupation militaire arménienne d’une partie du territoire azéri. La relation entre Erevan et Bakou est plongée dans une situation de « conflit gelé », « statu quo », « impasse diplomatique » ou encore de « stagnation politique » comme l’explique Matthieu Petithomme (1).
Pour comprendre les tenants et les aboutissants, il faut préciser que le Haut-Karabagh est conventionnellement décrit comme un espace orographique ne « présentant » aucune ressource (énergie fossile, hydrocarbure, minerais) ni richesse particulière. Cela pose la question de l’intérêt qu’ont les autres nations à prendre parti.
Néanmoins, cela reste la partie émergée de l’iceberg. Effectivement, deux entités sont devenues rapidement des acteurs clefs.
Ankara et Moscou, entre interventionnisme et tentative d’apaisement
Dès Juillet 2020, la Russie mène un exercice militaire de grande envergure en Arménie à la frontière turque, déployant peu ou prou 80 000 hommes. De tels exercices ont déjà été menés auparavant dans d’autres territoires. C’est un moyen de montrer sa capacité opérationnelle et sa présence militaire dans le Caucase.
Voyant cela comme une action hostile, Ankara déploie de la même manière un grand dispositif en août 2020 en Azerbaïdjan, à la frontière arménienne. De plus, la Turquie a laissé son matériel d’aviation (drone et F16) et d’artillerie à l’issue de l’exercice, matériel qui est utilisé depuis le 27 septembre par les Azéris pour avoir une supériorité technologique et une force de frappe importante.
La Turquie a rapatrié une partie de son aviation et de ses forces armées de Lybie pour la déployer directement en Azerbaïdjan. Le président Erdogan n’a pas hésité à annoncer son soutien indéfectible pour son allié turcique, mettant en avant l’occupation illégale de l’Arménie dans le Haut-Karabagh. Le président Recep T. Erdogan menace de prendre part pleinement au conflit contre l’Arménie en cas de refus d’obtempérer.
De son côté, la Russie prône une stratégie de Soft power. Apaisement du conflit et mise en place d’un cessez-le-feu : remettre la discussion au centre du débat. Selon le président Vladimir Poutine, c’est l’occasion de laisser du répit aux populations meurtries et de pouvoir soigner les blessés. Etant co-président du groupe de Minsk, la Russie se place en médiateur à deux reprises en octobre 2020 : deux tentatives qui échouent.
Dans la continuité de ses échanges, le Kremlin appelle son homologue turc à entamer une désescalade du conflit. Moscou se place en tant que pays allié de l’Arménie, annonçant que la Russie n’hésitera pas à défendre les intérêts politiques et militaires de son allié au sein de l’Union Eurasiatique, au nom de l’OTSC (l’Organisation du Traité de Sécurité Collective).
Quels sont les intérêts derrière les prises de positions de chacun des belligérants ?
La Turquie et la Russie suivent des « pattern » bien particuliers et traçables.
L’intérêt géopolitique
La Turquie et l’Azerbaïdjan font partie du « conseil turcique », un rapport entre les deux pays décrit souvent par l’expression turque « iki devlet , bir millet » (« Deux Etats, une seule Nation »). En stratégie militaire il est important de contrôler les altitudes : transmission, surveillance, défense, commandement. La région du Karabagh est dans l’axe routier de la mer caspienne à la mer noire mais aussi entre la Turquie et l’Azerbaïdjan. C’est d’ailleurs par cette route que l’Azerbaïdjan a accès à l’eau potable.
L’intérêt énergétique
L’Azerbaïdjan – et notamment sa capitale Bakou – est connu depuis un siècle pour être une mine d’or noir (2)et de gaz. Les constructions du gazoduc BTE (Bakou-Tbilissi-Erzurum) et de l’oléoduc BTC (Bakou-Tbilissi-Ceyhan) terminées aux abords de l’année 2006, relie Bakou à la Turquie en passant par la Géorgie (en évitant l’Arménie, la Russie et l’Iran). Pour la Turquie il est important de défendre et de pérenniser cette infrastructure : il existe une taxe de passage qui permet à la Turquie de s’octroyer une partie le gaz et le pétrole en grande quantité, rapidement. La Russie entend plutôt défendre les intérêts arméniens notamment pour des raisons politico-commerciales et de souveraineté. La faillite du projet de pipeline Nabucco (qui devait relier l’Iran à l’Europe) a empêché de laisser s’échapper l’Europe du giron énergétique Russe (80 % du gaz en Europe est russe (3).
L’intérêt stratégique
La Russie possède des intérêts stratégiques en Arménie. La base 102 à Gyumri, en marge de la Turquie et de la Géorgie est la seule base militaire de la Russie dans le sud Caucase, proche de la mer noire. Il est important – à l’instar de la base militaire de Tartous en Syrie – de défendre ce carrefour stratégique. La Russie vend énormément d’armement à l’Azerbaïdjan depuis plusieurs années, ce qui en fait un « partenaire » commercial.
Les risques d’un dérapage du conflit ?
Qu’elles concernent l’Arménie ou l’Azerbaïdjan – certaines cibles sont stratégiques, pouvant mener à des conséquences dramatiques : une centrale nucléaire arménienne et des tronçons de pipelines azéris. L’on pourrait se questionner sur les réels instigateurs de ces attaques ?
Recep T. Erdogan, la course derrière le spectre d’un Empire Ottoman fort et réunifié ?
Cela pose la question des conflits dans lesquels Ankara s’est investi récemment militairement et politiquement (Lybie, Syrie, Grèce). La Turquie use du hard power, montrant les muscles afin de pouvoir faire régner son agenda, d’affirmer sa puissance. La crise de la Covid-19 a mis en évidence la fragilité des institutions et du multilatéralisme.
Pour mettre en exergue l’inefficacité des organisations internationales vieillissantes et trop souples, Recep T. Erdogan court-circuite l’ONU (qui n’a jamais mis ses menaces à exécution concernant l’occupation illégale du Haut-Karabagh) et le groupe de Minsk.
En outre, des mercenaires syriens « pro-turcs » ont pris part au combat. La Turquie pourrait utiliser la même stratégie qu’en Libye : en plus d’offrir une supériorité technologique à son allié, il crée de l’ingérence au niveau de l’Arménie. Il justifie par ailleurs que les quelques 300 Syriens viennent se battre au nom d’une idéologique religieuse et non pour la Turquie (4).
La Russie, entre jeu de pouvoir et maintien d’un idéal postsoviétique
Le Kremlin use du soft power. Il n’’intervient pas militairement. La Russie est le plus gros vendeur d’armes pour l’Azerbaïdjan, ce qui en fait un « partenaire » commercial. Pour la Russie, toute la ruse reste dans « l’impasse diplomatique » et le « conflit gelé ». Plus le conflit persiste, plus Moscou pourra poursuivre son commerce, profiter d’une base militaire de premier choix, une déstabilisation de la région et ainsi empêcher la diversification du carnet de fournisseur européen en énergie.
Vladimir Poutine se place à son tour comme un acteur indispensable et incontournable pour la gérance du Caucase et le montre en prenant en main les négociations, en « terrain neutre » à Moscou.
Alexandre Correia Gentile
Notes
1- Article Cairn Mathieu Petithomme « Revue d’études comparatives Est-Ouest » 2011/4 N° 42, pages 83 à 106 « Etatisation et nationalisation du territoire contesté de la République du Haut-Karabagh, vivre et évoluer sans reconnaissance internationale ».
2- Auzanneau, M. Or noir : La grande histoire du pétrole. Paris, La Découverte 2016.
3- Julien Zarifian, La Découverte « Hérodote » 2008/2 n° 129 | pages 109 à 122 « La politique étrangère américaine en Arménie : naviguer à vue dans les eaux russes et s’affirmer dans une région stratégique ».
4- Déplacement du président Emmanuel Macron à Bruxelles pour le Conseil européen extraordinaire.