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samedi, 16 mai 2009

La face sombre de la Turquie, incompatible avec l'Europe "bien-pensante"

La face sombre de la Turquie, incompatible avec l'Europe 'bien pensante'

090509"Douleur et honte", titrait le quotidien turc Milliyet le 6 mai. La veille 44 personnes avaient été massacrées au cours d'une noce dans le village kurde de Bilge. Et le même journal déplorait dès lors que "la face sombre de la Turquie" ait scandalisé l'opinion mondiale.

Le ministre de l'Intérieur évoque, comme motivation "l'hostilité entre deux clans familiaux" liés aux protecteurs de village. Besir Atalay, déclare : "Cet acte ne s'est pas produit par hasard. On ne peut pas expliquer cet événement par un coup de folie, il a été prémédité".

En tout état de cause le scénario brille par sa sauvagerie. La cérémonie de mariage se terminait, quand  les assaillants, armés de fusils mitrailleurs et de grenades, ont fait feu, pendant plus d'un quart d'heure, sur des gens désarmés. Ils ont arrosé de balles les habitants de plusieurs maisons. Au nombre des victimes tuées : la jeune mariée, son époux, les parents, la petite sœur âgée de quatre ans, et l'imam du village, ainsi que 16 femmes, dont 3 enceintes. Au total, plus de 40 orphelins. Deux jeunes filles rescapées ont sauvé leur vie en se cachant sous les cadavres des victimes, jusqu'au départ des tueurs. Ceux-ci ont pris la fuite à la tombée de la nuit, à la faveur d'une tempête de sable.

Dès le lendemain, les médiats turcs utilisaient une technique toujours efficace : la surinformation. Et de citer une série de conflits récents entre clans rivaux. On emploie ainsi le mot passe-partout de règlement de comptes. Les actes de vendetta constitueraient, assure-t-on, une pratique coutumière dans la région. Ils font des dizaines de victimes chaque année. On parle aussi de "crime d'honneur".

Cette expression n'excuse pas la barbarie. Mais elle permet de mettre tout cela commodément au débit de l'arriération régionale de l'est anatolien. On emploie cette expression géographique, pour esquiver son caractère ethnique. Les statistiques mondiales diffusées par la CIA donnaient, en avril 2009, le nombre  très précis de 76 805 524 pour évaluer le compte futur des habitants, à fin juillet, de la république unitaire forgée par Mustapha Kemal. Mais le pourcentage des Kurdes n'est indiqué que de façon beaucoup plus vague, "autour de 20 %" . L'identité nationale des "Turcs de la montagne" n'est toujours pas reconnue officiellement par Ankara (1), sauf quand il s'agit d'expliquer, en les leur imputant, certains faits d'apparence particulièrement choquante.

Un des suspects, lors de son interrogatoire, aurait servi une version trop vite reprise par la complaisance de certains médiats, y compris occidentaux. L'attaque s'expliquerait en tant que représailles exercées par sa famille à l'encontre de celle de la mariée. Celle-ci aurait préféré donner en mariage la jeune femme à un groupe rival. "Quelqu'un de la famille de la fiancée avait violé une fille de notre famille. Nous avions demandé que la fiancée nous soit donnée en mariage. Ils ont refusé et ont en fait donné la fille à une famille qui est ennemie de la nôtre".

Selon le ministre de la Justice Sadullah Ergin, la question d'honneur concernant une femme ne saurait constituer le vrai motif. "Il existe nécessairement, dit-il un mobile financier". Et il évoque un conflit pour des élevages de poissons près du village.

Sur onze personnes interpellées, onze versions différentes.

Et un universitaire, spécialiste des traditions ancestrales de la région, interrogé par le quotidien Hurriyet, souligne par ailleurs l'incompatibilité absolue du mode opératoire de ce massacre abominable avec les règles du "crime d'honneur".

Les suspects ont été arrêtés avec leurs armes. Or le matériel de guerre ainsi utilisé fait partie de la dotation allouée par le gouvernement d'Ankara aux quelque 60 000 auxiliaires kurdes recrutés depuis 1985 afin de lutter, contre la guérilla marxiste-léniniste du PKK, qui endeuille le pays depuis maintenant 25 ans.

Ces milices n'ont certes pas inventé les armes à feu . Elles n'en détiennent pas non plus le monopole. Mais leur existence permet de les faire circuler légalement dans toute la région. Les bons esprits demandent donc la dissolution de ces groupes, arguant aussi du fait que leurs hommes de main se trouvent régulièrement impliqués dans des affaires de drogue ou de viols.

C'est bien en cela que Milliyet a raison de parler de "la face noire de la Turquie". L'expression qui prévaut, depuis 1996-1997, désigne "l'État profond". Cette réalité occulte régente le pays, sous le drapeau de sa "laïcité" et de son idéologie jacobine.

Car depuis 1996, la preuve matérielle a été administrée, de façon spectaculaire, de l'existence bien concrète et de la nature de cet "État profond".

Des liens étroits associent en un même système mafieux, un certain nombre de forces réputées laïques, au service desquelles, ailleurs les "loups gris", comme, ici, les milices de "protecteurs de villages" exécutent certaines basses œuvres. Ceux-ci en assurent la sous-traitance dans le sud-est anatolien, où sévit la rébellion kurde du PKK.

Que s'est-il passé en novembre 1996 pour faire date dans la révélation de ces réseaux de pouvoir ?

Rappelons qu'à l'époque la bien-pensance européenne ciblait uniquement les activités criminelles attribuées aux rebelles du Kurdistan. Or, un malencontreux accident de la route renversa toutes les insinuations des dirigeants et des propagandistes d'Ankara.

Il révélait qu'en fait l'État turc lui-même opérait en relation avec la mafia.

L'événement clef se produisit fortuitement, près de Susurluk, dans la charmante province de Balikesir, sur la route menant de la capitale au port égéen appelé aujourd'hui Izmir. Le 3 novembre, bêtement, une Mercedes un peu trop rapide était percutée par un camion. Dans le coffre du véhicule en lambeaux, les gendarmes allaient bientôt découvrir 5 pistolets de différents types et calibres, deux mitrailleuses MP-5, des silencieux pour ces armes et deux appareils d'écoutes.

Lorsqu'on identifia les corps, on découvrit qu'il s'agissait de personnages dont l'association n'était pas prévue par les programmes officiels. Se trouvaient à bord, en premier lieu un chef policier Hüseyin Kocadag et un ancien dirigeant des loups gris recherché vainement depuis 18 ans par les forces de la sûreté. Ce dernier, Abdullah Catli, disposait sous une identité falsifiée d'un authentique "passeport vert", réservé en principe aux représentants officiels de l'État. Sa maîtresse Gonca Uz considérée comme un agent du MIT, le service de renseignement militaire turc, se trouvait également à bord.

Curieusement le ministre de l'Intérieur de l'époque, Mehmet Agar, qui était directeur général de la police avant d'être élu au parlement sur la liste de Mme Ciller, contribua par ses déclarations à géométrie variable à soulever encore plus de suspicions à propos de l'accident. Agar nia tout d'abord la présence de Catli dans la voiture. Plus tard, il devait affirmer, non moins faussement, que Kocadag et le quatrième personnage, un excellent parlementaire, étaient en train d'emmener Catli à Istanbul pour le livrer aux forces de sécurité.

Seul survivant du drame, l'honorable député Sedat Bucak s'en tira avec une fracture de crâne et une jambe cassée. Membre du parti gouvernemental de Mme Tansu Ciller, élu de la belle région d'Urfa, il n'était autre que le chef de la tribu Bucak. Celle-ci fournit en nombre les rangs des forces paramilitaires connues sous le nom de "gardiens de villages". Alors qu'il était emmené à l'hôpital il prévint ses hommes de main qui récupérèrent dans la voiture un sac blanc contenant 10 milliards de livres turques.

En octobre 2005, l'insoupçonnable Sedat Bucak interviendra comme témoin lors du procès de Leyla Zana. Il cherchera à enfoncer cette courageuse ancienne députée du parti kurde DEP, affirmant qu'elle représentait ou qu'elle opérait une liaison permanente avec le PKK.

D'effroyables règlements de compte continueront donc pendant de longues années encore à endeuiller le sud est anatolien.

On voit mal comment l'eurocratie avec ses beaux principes politiquement corrects pourrait s'entremettre entre les opérateurs armés. L'armée turque, jusqu'à nouvel ordre représente une part de la légitimité internationale et même de la crédibilité du pays. Elle se montre encore décidée à utiliser tous les moyens pour maintenir l'unité de l'État, y compris en s'alliant avec des chefs tribaux et les réseaux violents et mafieux. Ainsi le 8 mai, on apprenait qu'à Ankara le porte-parole de l'Etat-Major récusait les critiques, suscitées par "l'incident" du 5 mai, à l'endroit des protecteurs de villages. De son côté, le parti islamo-conservateur utilise les procédures de l'Europe pour contre carrer le reliquat militaire kémaliste. Et, enfin, la guérilla, avant tout dédiée à la cause révolutionnaire, persistera à incendier et ensanglanter la montagne kurde.

Pour toutes ces raisons, et quelques autres, je crois franchement très prématuré de laisser entrer la Turquie dans l'Union européenne.

 

Apostilles

  1. Quoique les deux concepts "kurde" et "alevi" ne se recoupent que très partiellement, il en va de même pour la minorité religieuse alevi. Henri Lammens tend à démontrer que cette branche hérétique tardive de l'islam est crypto-chrétienne. Systématiquement persécutée par les fonctionnaires de la "Diyanet", direction des Affaires religieuses, cette minorité ne semble guère préoccuper les grandes consciences professionnelles.
JG Malliarakis

lundi, 11 mai 2009

Islam et laïcité: la naissance de la Turquie moderne

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1989

Islam et laïcité: la naissance de la Turquie moderne

Bernard LEWIS, Islam et laïcité, la nais­sance de la Turquie moderne,  Fa­yard, Paris, 1988, 520 pages, 195 FF.

 

La Turquie est beaucoup de choses à la fois, des choses étroitement mêlées et imbriquées les unes dans les autres. L'enquête historique de Bernard Lewis commence d'ailleurs par nous signaler les différences entre les termes «turc/Turquie» et «ottoman». Le terme «turc» désigne une popu­la­tion ethniquement distincte, de langue turque, installée en Anatolie. Le terme «ottoman» n'a qu'une signification dynastique. Il existe donc une ethnie turque distincte mais non une ethnie ottomane. Le principe turc est un principe eth­nique; le principe ottoman, un principe politique, dé­taché de toute ethnicité concrète. La turcologie euro­péenne du XIXième siècle redonnera aux Turcs d'Anatolie le goût de leur passé, qu'ils avaient aban­donné pour servir l'Islam ou la machine politique ot­tomane. Mais malgré ce re­niement de la turcicité pré-islamique, les racines turques reviendront à la surface, bien que ca­mouflées, dès l'expansion au XVIième siècle des Osmanlis. Ceux-ci se donnaient une gé­néa­logie mythique et prétendaient descendre d'une tribu turque, les Oguz. Mais les ethnies turques no­mades, réservoir démographique de l'Empire Ottoman qui reprend l'héritage byzantin, sont regardées avec méfiance voire avec mépris par le pouvoir qui voit en elles des bandes non po­licées, susceptibles de boule­verser l'ordre im­périal. «Turc» est même, à cet époque, un terme injurieux, signifiant «rustaud», «abruti» ou «grossier».

Quant à l'Islam, troisième élément déterminant de l'histoire turque après le prin­cipe impérial et les facteurs ethniques, c'est un Islam accepté de plein gré, qui n'est pas le fruit d'une conversion. Moins prosélyte et plus tolérant, l'Islam turc n'a pas cherché à convertir de force chrétiens (grecs) ou juifs mais a pratiqué à leur égard une sorte d'apartheid rigoureux, si bien que les Grecs et les Juifs d'Istanbul ne parlaient pas turc. L'Islam turc est aussi plus varié que l'Islam arabo-sémitique: des élé­ments de chamanisme, de bouddhisme centre-asia­tique, de manichéisme et de christianisme offre une palette de syncrétismes, rassemblés dans des ordres religieux, les tarikat, toujours soupçonnés par le pou­voir parce que susceptibles de subversion. Quatrième élément, enfin, c'est le «choc de l'Occident», l'influence des Lumières, surtout françaises, et des doctrines politiques libérales et étatiques. Bernard Lewis analyse méthodique­ment les influences occi­dentales, depuis 1718, année du Traité de Passaro­witch, sanctionnant une défaite cuisante que les Otto­mans venaient de subir sous les assauts austro-hon­grois. La Porte constate alors son infériorité technique et militaire et décide d'étudier les aspects pratiques de la civilisation européenne et d'en imiter les structures d'enseignement. Cette politique durera jusqu'au début de notre siècle, avec l'aventure des Jeunes Turcs puis avec la République de Mustafa Kemal. B. Lewis re­trace la quête des étu­diants et des hommes politiques turcs dans les universités européennes. Le travail de cette poignée d'érudits ne suffit pas à redonner à l'Empire ottoman son lustre d'antan. Russes, Fran­çais, Britanniques et Néerlandais soumettent les Etats musulmans les uns après les autres à leur domination.

Dans un autre chapitre, B. Lewis montre comment le nationalisme à l'eu­ropéenne s'est implanté en Tur­quie. Deux termes signifient «nation» en turc: vatan,  qui corres­pond à la patrie charnelle, à la Heimat   des Alle­mands (cf. watan  chez les Arabes) et millet,  qui désigne la communauté islamique (cf. milla  en arabe). Namik Kemal, théoricien du natio­na­lis­me ot­toman, constate, explique Lewis, qu'une doctrine po­litique trop axée sur le vatan  provo­querait la disloca­tion de l'ensemble ottoman multinational. Mais cette diversité ne risque pas d'éclater à cause du caractère fédérateur du millet  islamique: on voit tout de suite comment oscille l'esprit turc entre les deux pôles de l'ethnicité particulariste et de la religion universaliste. Deux idéologies naîtront de cette distinction entre va­tan  et millet:  le panislamisme et le turquisme. Le tur­quisme procède d'une politisation des re­cher­ches eth­nologiques, archéologiques et linguisti­ques sur le passé des peuples turcs, surtout avant l'islamisation. Il se manifeste par un retour à la langue turque rurale (Mehmed Emin), par une exaltation de la patrie origi­nelle commune de tous les peuples turcophones, le pays de Touran.

De là proviennent les autres appella­tions du turquisme: le touranisme et le pantouranisme. Ce mouvement sera renforcé par les réfugiés turco­phones des régions conquises par les Russes: ceux-ci sont rompus aux disciplines philolo­giques russes et appliquent au touranisme les principes que les Russes appliquent au pan­sla­visme. Le programme politique qui découle de cet engouement littéraire et archéolo­gique vise à unir sous une même autorité politique les Turcs d'Anatolie (Turquie), de l'Empire russe, de Chi­­ne (Sin-Kiang), de Perse et d'Afghanistan. L'é­chec du panislamisme et du pantouranisme, après la Première guerre mondiale, conduisent les partisans de Mustafa Kemal à reconnaître les limites de la puis­sance turque (discours du 1 dé­cembre 1921) circons­crite dans l'espace ana­tolien, désormais baptisé Tür­kiye.  Ce sera un Etat laïc, calqué sur le modèle fran­çais, une «patrie anatolienne». L'ouvrage de Lewis est indispensable pour pouvoir juger la Turquie mo­derne, qui frappe à la porte de la CEE (Robert Steuckers).

mardi, 21 avril 2009

Sarkozy et la Turquie: un "non" à géométrie variable

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Sarkozy et la Turquie : un non à géométrie variable

Rivarol, 17/4/2009 : "Sur son site où, sous le titre «Nouvelles concessions faites aux Turcs », il évoque l'ultimatum d'Obama sur l'adhésion d'Ankara à l'Union européenne, Jean-Gilles Malliarakis « approuve le président français Nicolas Sàrkozy d'avoir rejeté clairement, publiquement et immédiatement, dans deux interventions télévisées à Prague d'abord, puis sur TF1, le principe même d'une telle déclaration nord-américaine ».

Mais il ajoute : « On regrettera d'autant plus une autre concession faite de manière juridiquement souveraine par Paris et sans aucune relation avec la négociation du 4 avril ». Et "Mallia" d'expliciter : « En marge de la réunion de l'OTAN à Strasbourg, notre ministre des Affaires étrangères Kouchner rencontrait dès le 2 avril son homologue turc M. Ali Babacan. Le contexte explique en partie l'information qui va suivre. À ce jour, je n'en ai pas encore retrouvée la trace via aucune source habituelle de l'information parisienne mais seulement sur l'excellent site anglophone du quotidien conservateur de Turquie Zaman Today. En effet jusqu'ici la France bloquait l'entrée de la gendarmerie turque dans la Force de gendarmerie européenne (Eurogendfor ou FGE) créée en septembre 2004 et dont le siège est à Vicenza où, dirigée par le colonel Giovanni Truglio depuis juin 2007, elle est l'hôte de l'arme prestigieuse des Carabinieri italiens. Kouchner, au nom de la France, vient de donner le feu vert à l'entrée des Turcs dans cette communauté. On peut comprendre que la gendarmerie d'Ankara, dont les exploits de Sisirlik restent présents dans toutes les mémoires, l'impliquant dans la protection des trafics de drogue, illustrée dans le complot d'Eigenekon via son ancien patron le général Sener Eryugur, participe aux opérations d'Afghanistan au titre de l'OTAN puisqu'elle appartient à cette alliance. On comprend moins bien qu'elle puisse y figurer au titre de l'Europe. »

mardi, 07 avril 2009

Nouvelles concessions faites aux Turcs

Nouvelles concessions faites aux Turcs

Ex: http://www.insolent.fr/

090406Les historiens du futur retiendront peut-être l'image du président du Conseil italien téléphonant sur les bords du Rhin ce 4 mars au matin. Durant 32 minutes Silvio Berlusconi s'est ainsi entretenu à distance avec le premier ministre Erdogan. Scène d'autant plus émouvante et insolite que la Turquie se trouvait représentée à Strasbourg. Son président de la république Abdullah Gül figurait parmi les participants, en bonne place sur les photos et en bonne santé. Certains ont donc pu imaginer, mais je ne puis me résoudre à le croire, qu'il ne faisait office que de marionnette, sous les ordres de la confrérie islamique, dans laquelle il se trouverait subordonné à son dynamique camarade de parti.

On doit sans doute exprimer une certaine reconnaissance à la très efficace diplomatie italienne d'avoir su sortir de l'impasse l'Europe et l'occident, mais aussi le bon déroulement de la cérémonie de Strasbourg.

La non-moins efficace diplomatie turque a su accepter le principe d'une nomination de M. Rasmussen. Cela ne lui coûtera rien. Reste cependant à savoir, en contrepartie, quelles dispositions ultérieures, elle a entrepris d'extorquer à ses partenaires. Confrontée à des négociateurs collectifs, divisés, autrement moins redoutables que le chef du gouvernement de Rome, elle ne manquera jamais de ressources. Avec 520 000 hommes, elle dispose de la plus grosse armée de terre de l'Otan. Et bien que les 130 000 soldats turcs escomptés par les stratèges anglo-américains ait fait défaut en Mésopotamie en raison du vote négatif du Majlis d'Ankara en mars 2003, ce potentiel d'intervention demeure séduisant auprès des États-Unis. Les Européens ont encore démontré à Strasbourg, au contraire, malgré toute leur bonne volonté, qu'ils ne peuvent leur faire numériquement concurrence sur le terrain miné d'une plus grande implication en Afghanistan.

L'AFP et Le Monde en ligne à 10 h 24 ce 5 avril 2009 dressaient ainsi le tableau des conditions drastiques que cherche à imposer Ankara en échange de la nomination de Rasmussen au secrétariat général de l'Otan.

Reprenons-les point par point :

1° Ankara aurait obtenu en premier lieu l'assurance que la chaîne de télévision Roj TV, tribune des rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), soit prochainement interdite d'émettre depuis le Danemark.

2° Ankara aurait, d'autre part, obtenu que M. Rasmussen "adresse au monde musulman un message positif par rapport à la crise des caricatures". Le quotidien à grand tirage Hürriyet évoque pour sa part des "excuses" prochaines de M. Rasmussen au monde musulman. Le journal populaire Aksam croyait savoir que de telles "excuses" pourraient même être présentées lors du sommet de ce qu'on appelle pompeusement "l'Alliance des civilisations".

3° Ankara aurait enfin obtenu la promesse que des Turcs seraient nommés à des postes clés dans l'appareil pratique de l'Otan. Un Turc devrait ainsi devenir l'adjoint du secrétaire général, un autre devrait représenter l'Alliance atlantique en Afghanistan et un troisième devrait être nommé responsable du désarmement.

Certes, on pourra juger sévèrement, ou au contraire comprendre, sinon applaudir, que des compromis de cette nature aient pu intervenir entre l'alliance atlantique et son partenaire d'Asie mineure.

Ainsi par exemple, s'agissant du PKK, cette petite armée se trouve désormais officiellement combattue par les autorités kurdes d'Irak. Aussi bien l'Union patriotique du Kurdistan de Jalal Talabani qui assume à Bagdad depuis 2005 la présidence fédérale du pays, que le Parti Démocratique du Kurdistan de Massoud Barzani, qui a pris le contrôle de la région autonome du nord, la rejettent. On voit donc assez mal comment l'OTAN, l'Europe ou le Danemark accorderaient dès lors un soutien à une organisation qui se réclame par ailleurs officiellement du marxisme-léninisme.

Donner un message positif en direction du "monde musulman" : mais quel pays engagé dans la guerre d'Afghanistan ne s'y est-il pas préparé d'une manière ou d'une autre ?

Il existe d'ailleurs de nombreuses manières d'entendre ce concept de "message positif".

On pourrait considérer comme tel, et même comme un "message extrêmement fort et positif", montrant la confiance que nous investissons dans la faculté d'émancipation et de progrès de ces nations, le fait pour citer quelques exemples :
- d'appeler tous les pays, y compris par conséquent ceux du "monde musulman" à respecter les droits élémentaires de l'enfance en interdisant de pratiques telles que l'enseignement forcé du Coran par cœur, même lorsqu'ils ne parlent pas l'arabe, et la mendicité imposés aux petits garçons des madrassas ;
- d'arracher les signes humiliants de la condition féminine appelés mensongèrement "voiles" ;
- de mettre un terme aux pratiques esclavagistes que, sous couvert de religion, certains pays du Golfe imposent encore aux Noirs d'Afrique.

Certains vont même plus loin. Après la révolution de velours de 1989 en Tchécoslovaquie on demandait ainsi au nouveau président tchèque Vaclav Havel quel geste fort il se proposait d'accomplir en direction du tiers-monde. Il semble, 20 ans après, que sa réponse mérite réflexion : car, a-t-il répondu, "nous avons fait quelque chose pour le tiers-monde, nous avons reconnu l'État d'Israël !" Ce message positif à l'égard de ses frères musulmans et anciens sujets de l'empire et du califat ottomans, les Arabes, la Turquie a su, elle aussi, le délivrer en son temps. Dès 1949 elle reconnaissait le jeune État sioniste, et encore en 1996 elle signait avec lui un important accord stratégique. Cela ne semble pas l'empêcher d'occuper depuis 2004 un "poste clef", celui de secrétaire général, au sein de l'Organisation de la conférence islamique en la personne d'Ekmeleddin Ihsanoglun.

Mais d'autres formes de messages, des signes de faiblesse, particulièrement peu appropriés dans cette famille de peuples, peuvent hélas être délivrés, comme, par exemple, Barack Obama dans sa déclaration introductive au sommet Europe-Etats-Unis, le 5 mars à Prague :
"Les Etats-Unis et l'Europe doivent considérer les musulmans comme des amis, des voisins et des partenaires pour combattre l'injustice, l'intolérance et la violence, et forger une relation fondée sur le respect mutuel et des intérêts communs.

"Aller vers une entrée de la Turquie dans l'Union européenne constituerait un signe important de votre engagement dans cette direction et assurerait que nous continuons à ancrer la Turquie fermement en Europe"
.On ne peut donc qu'approuver le président français Nicolas Sarkozy d'avoir rejeté clairement, publiquement et immédiatement, dans deux interventions télévisées à Prague d'abord, puis sur TF1,le principe même d'une telle déclaration nord-américaine :
"S'agissant de l'Union européenne, a-t-il rappelé, c'est aux pays membres de l'Union européenne de décider".
Ces excellents et fermes propos vont sans doute tendre à replacer cette question au cœur du débat européen, et probablement aussi, de cette campagne électorale qui s'annonçait un peu terne en vue du scrutin de juin.

On regrettera d'autant plus une autre concession faite de manière juridiquement souveraine par Paris et sans aucune relation avec la négociation du 4 mars.

En marge de la réunion de l'Otan à Strasbourg, notre ministre des Affaires étrangères Kouchner rencontrait dès le 2 mars son homologue turc M. Ali Babacan. Le contexte explique en partie l'information qui va suivre. À ce jour je n'en ai pas encore retrouvée la trace via aucune source habituelle de l'information parisienne mais seulement sur l'excellent site anglophone du quotidien conservateur de Turquie Zaman Today.

En effet jusqu'ici la France bloquait l'entrée de la gendarmerie turque dans la Force de gendarmerie européenne (Eurogendfor ou FGE) créée en septembre 2004 et dont le siège est à Vicenza, où, dirigée par le colonel Giovanni Truglio depuis juin 2007, elle est l'hôte de l'arme prestigieuse des Carabinieri italiens. Kouchner, au nom de la France, vient de donner le feu vert à l'entrée des Turcs dans cette communauté.

On peut comprendre que la gendarmerie d'Ankara, dont les exploits de Sisirlik restent présents dans toutes les mémoires, l'impliquant dans la protection des trafics de drogue, illustrée dans le complot d'Ergenekon via son ancien patron le général Sener Eryugur, participe aux opérations d'Afghanistan au titre de l'Otan puisqu'elle appartient à cette alliance.

On comprend moins bien qu'elle puisse y figurer au titre de l'Europe.

JG Malliarakis

Obama fait son lobbying en faveur de l'entrée de la Turquie dans l'UE

Obama fait son lobbying en faveur de l’entrée de la Turquie dans l’UE

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Otan: la Turquie impose sa vison dans l’affaire des caricatures

Barack Obama avait estimé devant les dirigeants de l’UE à Prague que l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne “constituerait un signal important” envoyé à ce pays musulman.

Alors que beaucoup d’Etats sont hostiles à cette élargissement de l’UE à la Turquie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, en revanche, militent depuis longtemps pour une adhésion. En Europe, personne ne comprend pourquoi les Etats-Unis ne font pas de la Turquie un état américain., ce qui lui permettrait d’ajouter une cinquante- et-unième étoile à son drapeau.

Vendredi et samedi, au sommet de l’Otan à Strasbourg/Kehl/Baden Baden, la Turquie s’était opposée à la nomination du Premier ministre danois, Anders Fogh Rasmussen, au poste de secrétaire général de l’Alliance avant de s’y ranger. Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, avait indiqué samedi que ce revirement suivait le fait que le président Barack Obama se fût porté “garant” d’un certain nombre d’engagements, qu’il n’a pas précisé.

Selon plusieurs journaux turcs, Ankara a obtenu l’assurance que Roj TV sera prochainement interdite d’émettre depuis le Danemark, que Anders Fogh Rasmussen allait adresser “un message positif” sur l’affaire des caricatures, ainsi que la désignation de responsable turcs à des postes clés de l’Otan.


Article printed from AMI France: http://fr.altermedia.info

URL to article: http://fr.altermedia.info/general/obama-fait-son-lobbying-en-faveur-de-lentree-de-la-turquie-dans-lue_22168.html

vendredi, 03 avril 2009

De Sarajevo (1914) a Sarajevo (2009) en passant par Sarajevo (1993)

De Sarajevo (1914) à Sarajevo (2009) en passant par Sarajevo (1993)

Ex. http://www.insolent.fr/

090330 Mon premier mouvement aurait plutôt intitulé cette chronique en paraphrasant la suite des Trois mousquetaires : "20 ans après". Les guerres de Yougoslavie nous paraissent achevées, faute du moignon de la moindre structure géographique se référant encore elles-mêmes à cette appellation. Il pourrait donc se révéler nécessaire sinon profitable d’en faire désormais sereinement le bilan. Ne serait-ce que pour conjurer l’hypothèse d’un retour de ce cauchemar, certaines braises incandescentes couvant encore sous la cendre.

Hasardeux, dans un tel exercice, que de prétendre totalement à l’objectivité. Les voix de la vérité clament en général moins passionnément que celles de la tribu. La France a toujours prétendu intervenir, et n'a jamais hésité à verser le sang de ses soldats dans le sud-est européen. Or, relativement à cette région du monde, on éprouve la plus grande difficulté à trouver rationnelle sinon la patrie de Descartes dans son ensemble, du moins la conduite de ses dirigeants et diplomates. Ce pays dans lequel j’ai grandi, que j’aime profondément et que je persiste, sans joie mais avec discipline, à alimenter de mes contributions fiscales, mon pays par conséquent, croit avoir inventé le système métrique. On peut se rendre au pavillon de Breteuil à Sèvres où se trouve un bon vieux mètre étalon en alliage de platine et d’irridium, qui régna sur les définitions scientifiques de 1889 à 1960. Or nous reconnaissons pour gouvernants, souvent d’arrogants et inutiles énarques, des gens qui ne savent mesurer ni l’enjeu ni les conséquences des conflits aux lisières de l'Europe et de la Turquie. Ils se révèlent incapables d’évaluer, ici plus qu’ailleurs, et plus dangereusement que partout dans le monde, car menaçant nos propres cités : le poids du péril islamiste, de la pression turque et du passé ottoman.

Aujourd’hui par conséquent, nous pouvons, nous devons établir le bilan de la catastrophe qui s’est produite ces 20 dernières années sur les lieux d’apparition de la première guerre mondiale, lieux de rivalités séculaires et mortifères entre le germanisme et le slavisme, mais également d’intrigues permanentes de Londres, de Paris, de Vienne ou de Venise.

La pseudo fédération, organisée en 1949 par l’aventurier trotskiste Tito sur la base d’un maillage pervers de 6 soi-disant républiques et 2 régions prétendument autonomes, ne pouvait durer.

Elle survécut chaotiquement quelques années à la mort du dictateur. Une certaine doctrine Badinter de 1991 crut pouvoir ériger en sujets de droit international les parts de ce découpage artificiel. Au bout du compte, sont apparues, à ce jour, 7 nouvelles petites entités étatiques dont 2 d'ores et déjà gouvernées par des musulmans.

Rassurerais-je les profiteurs de tous les conflits en rappelant que d’autres pourront leur permettre de vendre des avions ou des kalashnikov ? Restent encore à partager les 3 composantes de la fragile Bosnie-Herzégovine, issue des accords de Dayton de 1996, dont on juge actuellement à La Haye l’un des signataires. Plus tard on pourra d'ailleurs imaginer encore de dépecer les territoires hongrois de la Voïvodine, juridiquement de même statut que l’ancienne région autonome du Kossovo-Metohidja, dont on a proclamé l'indépendance, l’appellation de Kosmet étant oubliée, mais aussi la zone de peuplement turc dite sandjak de Novi-Pazar, et encore la province de Tetovo en Macédoslavie.

Que d’inextricables complications en perspective !

Que de belles occasions pour les souverainistes de notre Hexagone ! Cela leur permettra de ricaner grassement des impuissances bruxelloises et strasbourgeoises, auxquelles ils émargent confortablement eux-mêmes. Et le si péremptoire général Gallois dénoncera jusqu’à son dernier souffle la faute, dans toutes ces affaires, des méchants Allemands, en espérant trouver, enfin, des clients pour le "meilleur avion du monde", Serge Dassault dixit, mais qu’aucune armée du monde n’a encore acheté. Le monsieur te dit : c’est la faute aux Allemands. Peut-être même pourra-t-on soupçonner celle des Luxembourgeois. Va savoir avec tous ces paradis fiscaux.

Faut-il applaudir à ce bilan, le juger comme très positif pour l’idée européenne ? Qu’on me permette de ne pas le considérer tout à fait.

090330bAujourd’hui précisément après plus de douze années de fonctionnement occulté la fédération croato-musulmane de Bosnie-Herzégovine semble à la veille d’exploser. La joyeuse petite supportrice de la photo fêtait à Mostar, en juin 2008 la victoire, sportive donc pacifique de la Turquie sur la Croatie. Des dizaines de blessés furent quand même hospitalisés à la suite des incidents qui en résultèrent.

Aujourd’hui dans la même région, les musulmans de Bosnie après s’être alliés aux (gentils) catholiques croates pour éliminer les (méchants) Serbes orthodoxes humilient de plus en plus, et marginalisent leurs alliés d'hier.

Le discours islamiste de Bosnie accorde une grande place à un passé plus ancien, celui du paradis ottoman, et se réjouissent à l'idée de son retour. Le nationalisme bosniaque trouve même ses fondements dans une curieuse thèse historique. Il existerait, nous assure-t-on, une continuité entre l’hérésie dualiste des bogomiles du Moyen Âge, celle qui donna naissance au catharisme occitan, et le ralliement au conquérant turc. Par cela, on entend souligner que les descendants de ces Européens devenus musulmans détiendraient, sur la Bosnie, une sorte de droit primordial exclusif de celui des Serbes et des Croates, tournés vers Belgrade et Zagreb. Qu'on puisse les considérer comme des traîtres à l'Europe, eux qui se tournent vers Ankara ou La Mecque, voilà au contraire une pensée impie, unzeitgemässig, intempestive. Étrangement, on cite un certain nombre de dignitaires islamiques qui se sont ralliés à cette théorie, sans peut-être mesurer combien elle devrait résonner faux du point de vue de leur propre religion : citons le chef spirituel des musulmans de Bosnie, le "Reis-ul-Ulema", Mustafa efendi Ceric, mais également le mufti de Mostar Seid efendi Smajkic ou le représentant de l'ancienne "Narodna uzdanica" , disparue en 1945, réapparue sous le nom de "Preporod" , le professeur Munib Maglajlic.

D'autres se tournent plus explicitement encore vers l'avenir radieux par la voix de Dzemaludin Latic appelant à la "révolution culturelle bosniaque et proclamant Sarajevo capitale religieuse et culturelle de tous les musulmans des Balkans et d’Europe :
"la culture ottomane est en train de renaître dans toute sa splendeur et son élan, comme un soleil lors d’un jour nuageux, sur le continent européen. Quand aura-t-on un État puissant et ordonné, notre propre système musulman des médias, notre foyer bosniaque, pour cesser de trembler devant les bottes et les tanks étrangers ?"

Sa réponse et son espoir se fondent sur "la revitalisation de la civilisation islamique et ottomane" et sur la perspective "qu’après l’adhésion de la Turquie et des Balkans à l’Union européenne, un habitant sur trois de cette Union sera musulman."

D'autres enfin se rallient au wahhabisme importé d'Arabie saoudite et financé par elle.

Le 19 mars dernier la protestation des Croates contre cette pression de plus en plus arrogante passait à un nouveau stade par la voix d'un certain nombre de mouvements croates l’association Un gouvernement alternatif et l’ONG Croatia Libertas qui ont choisi Leo Plockinic pour leur porte parole :
"Le sort des Croates est le pire des trois groupes principaux de Bosnie et ils sont soumis à l’assimilation par la majorité musulmane. L’un des problèmes les plus importants en Bosnie est la fusion de la politique bosniaque et de l’islam, qui transforme la Bosnie en État gouverné par la charia.

En Bosnie-Herzégovine et à Sarajevo, l’islamisation est mise en œuvre à pleine vitesse, et cela nuit aux Croates et aux Serbes, ainsi qu’à la demande d’accession du pays à l’Union européenne."

Rappelons qu’en 1913 le régime autrichien en vigueur à Sarajevo organisait les nationalités sur la base des confessions religieuses. Or il ne recensait dans ce pays qu’une petite minorité de confession mahométane, etc.

Faut-il se satisfaire, à près de 15 ans de retard sur l’encyclique Ut unum sint de Jean-Paul II de 1995 des progrès de l’unité chrétienne ?

Ne mélangeons pas tout direz-vous, l’Europe et le christianisme.

Je me demande au contraire si l’Europe n’a pas d’abord à se réconcilier avec sa propre histoire et avec des conflits idéologiques dont la trace remonte à l’apparition de l’Utopie étatiste au XVIe siècle, puis à cette catastrophe qu'on appelle la Guerre de Trente ans, et aux alliances que, pour des raisons de rivalités intérieures à notre propre civilisation certains hommes d’État en position de faiblesse et de trahison sont allés chercher auprès de l’ennemi commun.

Ainsi l’Espagne fut-elle livrée à ses conquérants de 711, qui l’occupèrent huit siècles. Ainsi s’apprête-t-on à faire de même dans le sud est européen plateforme pour la conquête et l'asservissement de nos capitales.

JG Malliarakis
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jeudi, 02 avril 2009

Scanderbeg, le janissaire rebelle...

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Scanderbeg (1405-1468) : le janissaire rebelle…

 

SOURCE : HISTORIA NOSTRA

Dans leur conquête de l'Europe balkanique, les Ottomans avaient créé un corps d'armée redoutable constitué uniquement des fils de territoires conquis, qui, dès leur plus tendre enfance, étaient convertis de force à la religion de Mahomet. En quelques années, ces janissaires allaient devenir les meilleurs combattants d'Allah.

Tel sera le sort de Georges Castriota dit Scanderberg. Né dans une famille princière de Serbie, il sera, à l'âge de sept ans, emmené en otage par les Ottomans et élevé dans l'Islam. Devenu le favori de Mourad II, il fera preuve d'une grande valeur militaire, recevant le surnom d'Iskander Bey, " le prince Alexandre ". Un triomphe pour le janissaire mais aussi et surtout pour la politique de recrutement mise en place par Orkhan, le deuxième sultan ottoman, en 1334. Un triomphe qui avait un revers, comme le démontre l'histoire de Scanderbeg.

En effet, en 1443, alors qu'il était âgé de quarante ans, Scanderbeg déserta l'armée ottomane, entraînant dans son sillage 300 Albanais. C'était au lendemain de la défaite ottomane de Nis. Revenu au christianisme, il allait devenir un des pires cauchemars des Ottomans en Albanie. Fort de son contingent de 300 hommes, il reprit la forteresse de Kroya, au Nord-est de Durrazzo, et dès lors se lança dans une véritable guérilla contre les forces ottomanes.

Quinze mille hommes allaient bientôt le rejoindre, mettant en échec, vingt ans durant, les tentatives de conquêtes de l'Albanie par les Ottomans de Mourad II, puis de Mahomet II. La trêve de dix ans, signée en 1461, ne devait être qu'une parenthèse et, sur les instances de Pie II et malgré le peu d'aide qu'il reçut des Hongrois et des Vénitiens -ses "alliés"-, il poursuivit la lutte… jusqu'à sa mort en 1468.

Scanderbeg disparu, l'Albanie allait être aisément conquise. De fait, il ne faudra que dix ans pour que les Ottomans fassent de ce pays une terre d'islam.

 

Constance Cousin 

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mercredi, 01 avril 2009

Le mythe de la "respectabilité" turque

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995

 

Le mythe de la “respectabilité” turque

 

Faut-il considérer la Turquie comme une alliée de l'Occident ou un danger pour l'Europe? Voilà une ques­tion à laquelle les Européens du Sud-Est, ceux qu'on imagine discréditer ou disqualifier en les nommant “Balkaniques”, connaissent la réponse, comme sans doute dans les villes allemandes, ou dans certains faubourgs de Belgique ou d'Alsace, on commence à la découvrir. Mais en Europe, d'une manière géné­rale, on prétend ne pas se préoccuper de ce que sont les populations turques, dont on découvre, pour la circonstance, qu'elles comprennent des Kurdes, et dont on nous apprend, par exemple, que les 1,8 mil­lion de Turcs recensés comme vivant, officiellement, en Allemagne, 400.000 seraient des Kurdes. On pré­tend ne vouloir considérer que la respectabilité d'unb Etat via l'apparence de sa diplomatie.

 

Or, la première chose que les Européens doivent comprendre, c'est le cynisme incroyable dont font preuve, en toutes circonstances, les diplomates turcs.

 

Je prendrai un simple exemple qui remonte au 1er mars dernier. Ce jour-là, la Turquie rejetait, par la voix de M. Ferhat Ataman, les accusations selon lesquelles elle violerait l'embargo international imposé à l'Irak par l'ONU, après l'occupation du Koweit par les troupes de Bagdad en août 1990. Embargo que nous con­sidérons comme parfaitement injuste désormais, et même fondamentalement abject. Mais en “allié de l'Occident”, et des émirs, le gouvernement turc, non seulement s'était déclaré du côté de la coalition, mais avait, on s'en souvient, ou on devrait s'en souvenir, demandé la protection de l'OTAN contre la me­nace que lui faisait courir l'Irak expansionniste de Saddam Hussein...

 

Le porte-parole de la diplomatie turque jura alors ses grands dieux que «toutes les thèses selon les­quelles la Turquie adopterait une position qui violerait l'embargo sur l'Irak sont erronées. Celles-ci sont inadmissibles pour la Turquie. Elle respecte entièrement l'embargo».

 

Or il ne s'agissait là que de répondre à une question, apparemment anodine, et sur laquelle, répétons-le, nous sommes particulièrement dépassionnés  —sur le commerce frontalier entre la Turquie et l'Irak du Nord. Ce commerce consiste en l'importation par les camionneurs turcs du mazout irakien dans des ré­servoirs spécialement montés sur leurs véhicules—  pour revendre moins cher que le mazout vendu sur le marché turc en échange du transport vers le Nord de l'Irak de produits alimentaires.

 

M. Ataman répondait par conséquent que «le commerce des camions turcs en direction de l'Irak du Nord est destiné à satisfaire les beoins du peuple de la région menacé de famine. Ils importent du pétrole en petites quantités mais cela ne signifie aucunement la violation de l'embargo».  Et il ajoutait, sans sourcil­ler, cette réflexion dont on appréciera le réalisme que «les camionneurs turcs doivent avoir un bénéfice pour se rendre en Irak du Nord». Voilà sur de petits faits comment la Turquie conçoit son rôle de défen­seur de la démocratie et de la légalité internationale au Proche-Orient, rôle que depuis des dizaines d'années les dirigeants de l'Occident prennent très au sérieux. Aucune autre pays dans le monde ne pourrait se permettre la même désinvolture vis-à-vis de ses propres contrebandiers. Est-il besoin de dire qu'au-delà de ce petit dossier, le petit cynisme et le petit mensonge de la Turquie devient d'autant plus grand que ses interlocuteurs sont lâches ou volontairement myopes.

 

Chaque fois qu'un attentat endeuille un pays occidental les téléscripteurs des agences de presse crépi­tent des communiqués de condoléances de la présidence de l'Etat turc et des ambassades turques. Ainsi lors de l'attentat du RER à Paris cette semaine... Ainsi lors de l'attentat d'Oklahoma City, bien entendu aucun mauvais esprit ne vient trouver cette diligence suspecte et personne ne parle jamais de “piste turque”...  Au contraire l'image de respectabilité de ce pays en est largement propagée... Or cette image et cette respectabilité sont totalement factices. Mais il s'agit d'habituer les Européens à l'idée que la Turquie fait partie de la famille et ceci, notamment, en perspective du grand affrontement qui se dessinera en Asie centrale dans le XXIième siècle, autour notamment des pays musulmans de l'ex-Union Soviétique, pays dont on voudrait, à Washington, faire des satellites directs de la Turquie  —en imaginant que, de la sorte, ils seraient des satellites indirects des grandes compagnies américaines, de Coca-Cola, de CNN et de la General Motors. Tout cela coûtera très cher en déconvenues comme les paris insencés de la France vont bientôt hélas coûter très cher à son industrie, à son complexe militaro-industriel, ceci pour ne rien dire de son honneur  — ou de ce qui en tient lieu sous les auspices de M. Juppé.

 

Jean-Gilles Malliarakis.

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dimanche, 15 mars 2009

La Turquie exerce son chantage contre le projet européen Nabucco

La Turquie exerce son chantage contre le projet européen Nabucco

Ex: http://www.insolent.fr/

090309 Plus rapide que Phileas Fogg, Mme Clinton, en 8 jours, a survolé trois continents. Elle est allée faire des déclarations d'amour au monde entier, aux alliés comme aux adversaires, et par conséquent à la Turquie. À ce dernier pays, elle annonce une visite, et même, à l'avance, un grand discours du président américain en direction du monde musulman. On se demande d'ailleurs pourquoi, puisqu'il s'agit, nous assure-t-on, d'un pays laïc. Choisirait-on le Paris d'aujourd'hui pour s'adresser, urbi et orbi, à la chrétienté ?

Lors des émeutes, qualifiées d'ethniques, de Seine-Saint-Denis en 2005, certains journaux de Moscou avaient cru bon de conseiller aux Français, de cesser de regarder le monde "avec des lunettes roses". N'ayant pas été dite avec assez de force, cette utile recommandation est passée inaperçue. Elle ne nous a donc laissé comprendre, ni son urgence ni sa pertinence. De la sorte, en 2008, la crise géorgienne, puis l'affaire du passage par l'Ukraine des livraisons de Gazprom ont permis aux autorités publiques russes d'en administrer une leçon de choses, en direction, cette fois, de toute l'Europe occidentale. Il faut leur reconnaître dans cet exercice une forme de louable désintéressement, à moins qu'il s'agisse, de leur part, d'une contre-productivité involontaire. Visant à fragiliser l'image de leurs voisines en tant pays de transit, elles sont parvenues à ternir celle de leur propre compagnie nationale comme fournisseur stable et de confiance.

Une lueur d'intelligence, à ce moment-là, semble avoir traversé l'esprit des dirigeants de notre gros espace de consommation : il fallait, de toute évidence, diversifier les sources d'approvisionnement, ne plus dépendre des irrigations cérébrales d'un quelconque pétro-dictateur à la Chavez. Aux débuts de la Ve république, en France, il avait été fixé ainsi pour les importations de pétrole un taux maximum de 10 % par fournisseur. Aujourd'hui 41 % du gaz importé en Europe vient d'une seul provenance, vendu par une seule compagnie. L'ancien quota a explosé par l'insouciance des technocrates.

On ne s'étonnera donc pas que les 27 pays de l'Union européenne s'intéressent plus activement désormais à un nouvel accès aux ressources énergétiques de l'Asie centrale, via un tracé de "gazoduc" désigné sous le nom de projet Nabucco. Il acheminerait les fournitures de l'Azerbaïdjan, du Turkménistan et probablement aussi de l'Iran. Son tracé de 3 400 km aboutirait au nœud "Baumgarten" en Autriche, après avoir traversé la Bulgarie, la Roumanie et la Hongrie. Sa capacité de transport atteindrait 35 à 41 milliards de m3 par an. En octobre 2002 était signé à Vienne, un accord de coopération mettant en place un consortium en vue d’effectuer une étude de faisabilité. Celle-ci a été financée à 50 % par la Commission européenne en tant que projet prioritaire du programme TEN, Trans European Networks. Depuis septembre 2007 Johannes van Aartsen, ancien ministre néerlandais des Affaires étrangères, a été désigné coordinateur du dossier. Celui-ci correspond à un investissement évalué entre 4 et 6 milliards d'euros. La décision devrait être finalisée ce printemps et l'on prévoit la réalisation pour l'horizon 2012-2013.

Celui-ci, contournant l'imprévisible Russie, passerait nécessairement par la Turquie. Et comme celle-ci, membre de l'Otan, candidate à l'union européenne, réputée laïque et plus ou moins démocratique appartient, par là même à la sphère des pays amis beaucoup de monde se bouscule au portillon. Cinq compagnies participent à l'opération : la société roumaine Transgaz, l'autrichienne OMV, la hongroise Mol, Bulgargaz et l'associée turque Botas. S'y joindra en principe la compagnie allemande RWE.

Hélas, un pays se trouve écarté : le gouvernement d'Ankara a décidé de mettre un veto politique contre la France. Et GDF a officiellement confirmé (communiqué de février 2008) son renoncement et son intérêt pour le projet concurrent South Stream préféré par l'Italie et la Grèce. La raison de ce boycott tient à la loi mémorielle adoptée sous Jospin, afin de "reconnaître" le caractère génocidaire des massacres d'Arméniens commis en 1915 par le régime jeune-turc.

Mais le gouvernement, réputé "islamiste-modéré", de M. Erdoghan ne s'arrête pas en si bon chemin : il a décidé aussi d'exiger 15 % du gaz azéri et le droit de le revendre, en attendant peut-être de satelliser à 100 % les "frères touraniens d'Asie centrale" de Bakou, comme il semble bel et bien l'ambitionner par ailleurs pour les puits de pétrole du nord de l'Irak en zone kurde. De difficiles négociations se sont déroulées avec l'Iran des mollahs et avec le président de la république turkmène M. Gourbangouly Berdymoukhammedov. Rappelons que ce personnage joue un rôle clef car en 2013 à lui seul l'Azerbaïdjan ne pourrait fournir que 13 milliards de m3 soit 30 % de la capacité prévue par le projet.

Fort de sa situation géopolitique, l'excellent partenaire d'Ankara fait pression par ailleurs sur Bruxelles.

Aux autorités de l'Union européenne les demandes adressées par l'État turc portent, avec insistance, sur des conditions d'ordre politique : afin d'accélérer sa candidature, certes officiellement admise par la plupart des gouvernements sur le principe, mais qui piétine depuis 20 ans et même depuis l'accord d'association de 1963 avec ce qui ne se concevait encore que comme l'espace d'un marché commun.

D'autres concessions sont demandées, non seulement sur la question historique et symbolique du génocide arménien, mais également sur la solidarité actuelle et concrète des Européens avec Chypre, État membre de l'Union.

Puisqu'elle dispose d'un pareil allié, décidément l'Europe ne semble guère éprouver le besoin de se connaître d'autres ennemis.

JG Malliarakis

mercredi, 11 mars 2009

Turkey is not Europe

 

TURKEY IS NOT EUROPE
by Robert Edwards

Many mainstream politicians throughout Europe hold very serious reservations concerning the Turkish application to become a member state of the European Union and so it is vital that a serious debate is stimulated now without any fear or favour to partisan thinking.
Has the EU lost all sense of the true historical meaning of being European or has it become a willing tool of a bankers’ racket tied to the globalist monoculture? We believe that in order to be a true European, it is necessary to feel as such. That is to say, our identity must be one based on an ancestral kinship, with each of us aware of being an unbroken link in the eternal chain of European history. This aspect of Europeanism is not being promoted by the bureaucrats and time-servers of the EU ... and this is where we differ profoundly and fundamentally. So all the old claptrap concerning “racism” and all sorts of imagined phobias are trotted out to prevent opposition to this proposed anomaly within the EU, that Turkey should somehow become part of Europe.
Before anyone thinks I am going to go on about a “clash of civilisations” or the “evils of Islam”, this question of the meaning of being European is not so much about what we are against or what threatens us, as is the way of some nationalistic people, but it is more a question of what we embrace, love and hold dear. Let us make that clear from the very beginning. Our political creed is a purely positive Europeanism that regards all other cultures and religious systems as equally valid in their own right. There is no place for supremacism in our political outlook.
We regard the Islamic world as the natural ally to our Europe a Nation ... more so than the United States could ever be, which has been rampaging around the world trying to recruit all and sundry into its apocalyptic mission to “democratise” the world in the interests of the prices at the petrol pumps at home.
If anything, it is the resistance to the global American culture that will assist to define a European of the future and if there is a clash of cultures it is between our Europe and the distinctly alien values of American super-capitalism with its total disregard for human values where money is concerned. As result, we are in danger of going down that same road as Europe adopts the principle that everything has its price and where nothing has any real value. As true National Europeans we stand opposed to these alien values.
To the East, stands a world of very many other values and we do not oppose them simply because they are of another world other than that of Europe. They have existed throughout the entire history of Europe, from those earliest stirrings of classic Greece to the present day.
When Islam emerged, it spread across the north of Africa and into Spain ... at the same time reaching India and China. Its impact on Spain was far from malevolent and the rest of Europe would have been the poorer if it had not benefited from the mass of science, mathematics, medicine, philosophy and much more that the Arab Empire bestowed on Europe in the Dark Ages and long after. That has to be said in order to maintain a sense of proportion. Much of classic Greek learning would have been lost without the intervention of Islam.
The world of Islam has been in a state of flux and turmoil for many centuries, always very close and near to Europe, so that each eruption and upheaval has never failed to leave its impact upon us. This relationship with Europe goes back to the time of the creation of Andalusia in Spain lasting centuries with the eternal vigilance of a Europe fearful of the further encroachment of Islam upon our continent. The Christian church had its interests to preserve, of course, and its contribution to science was occasionally one of obstruction and proscription ... Galileo springing to mind.
Turkey is one of the nearest nations to Europe with an overwhelmingly Muslim population and was one of the largest expressions of modern Islamic imperialism in the form of the Ottoman Empire. The Ottoman Empire was never regarded as European even though Hungary and Serbia were once vassal states ... European states that were eventually liberated.
In the 1930s, Kemal Ataturk attempted a Westernisation of Turkey, dragging her into the Twentieth Century, adopting the Roman script, banning the fez, adopting Western standards of dress for both men and women and constructing the secular state.
Yet, with all that, it remains Asiatic and essentially so. It never pretended to be European ... until the European Union of the bankers and the globalists suggested that Europe was nothing more than a money market and an economic orbital planet around the sphere of global capitalism.
To these capitalists, there is no Europe as an identifiable cultural entity with a people inextricably linked to history through ancestry and blood. To them, it is a trade name for a bankers’ racket that neither desires nor will permit such a thing as a national consciousness and therefore an awareness of what these parasites are doing.
Turkey is slowly being invited into our continent at the expense of our very identity and by that very act it is denying that Europe, as we know and love it, ever existed.
On the more mundane level, it leaves open the question of why Israel or even Canada should be participants in the Eurovision Song Contest ... and why no one has the guts to challenge these plainly absurd anomalies.
At least there are some voices of protest within mainstream European politics but, I fear, not enough. That is the reason the process of Turkish entry has been slowed down rather than being terminated altogether, as it should have been.
Just as Europe a Nation should be created as a federation of existing nation-states within Europe, with Britain playing a leading role, then so should Turkey be a leading player in a Central Asian federation of existing nation-states within that region. That would very easily solve the problem of the proposed current anomaly. Such federations would be allied to Europe but not submerged into it.
We in European Action have always maintained the principle that national consciousness is the first consideration in politics and that this national consciousness entails placing the greatest value on our own people regardless of class, party allegiance or religious faith.
All we ask is that the people of Europe recognise this sense of communion and embrace it in the fullest meaning of European brotherhood. Because it is only solidarity in action that can guarantee our survival, acting together in common interest.
This does not mean antagonism towards people outside Europe, as with a siege mentality ever suspicious of the movements of others. Once America is forced back within its own borders then the rest of the world can be organised on the similar lines to Europe a Nation ... large, self-sufficient economies composed of similar peoples, totally free of the caprice of free-for-all international trading and able to organise the creation and growth of wealth within its own economic sphere without outside interference. These large federations would replace the United Nations and make the World Bank and the International Monetary Fund totally redundant. The “global economy” would be a thing of the past.
Therefore, our opposition to Turkish entry into Europe is not one based on aggressive antagonism towards a different culture or even a religion. It is simply a matter of defining Europe and placing all these questions into their proper context.
Turkey does not belong here ... it belongs elsewhere. That is the essence of what it means to be European and what it means to be Turkish. Our place in the world must be determined by that very sense of kinship that connects us to history, culture and the sacred soil of our ancestors, made red with the blood of its defenders and made fertile by the creative energy of the European.
Europe is not at war with Islam. It is America that embarked on this insane “crusade” for its own selfish interests and by so doing embroiled Britain and other countries in a “war against terrorism” that positively reeks of Zionist manipulation.
It follows that Europe should be a power unto itself with all the conditions that go with a major force in the world, Such a power bloc shall determine its own foreign policy and world agenda, totally independent of the Neo-cons in Washington and the predatory manoeuvring of the World Bank, whose president was once a principal player in White House war games.
When Europe stretches out the hand of friendship to the Islamic world, it will be a gesture of mutual respect and understanding ... knowing that we have different roots to preserve and nurture but, also, to accept a responsibility to world peace.

jeudi, 05 mars 2009

Turkije en de Koerden

Turkije en de Koerden

Geplaatst door yvespernet

Wilt Turkije in de EU worden opgenomen als volwaardigd lid, moeten aan bepaalde sociale, economische en politieke voorwaarden worden voldaan. Met het toelaten van landen als Bulgarije is ondertussen gebleken dat dit voor sommige landen te snel gebeurd is en dat de controle op het naleven van die voorwaarden tekort schiet. Één van die voorwaarden, in het geval van Turkije, is het verbeteren van de huidige bewust achtergestelde toestand van de Koerden. Dat dit nog gebreken vertoont, kan volgend “incident” goed illustreren;

http://edition.cnn.com/2009/WORLD/europe/02/24/turkey.television.kurdish.party/index.html

ISTANBUL, Turkey (CNN) — The head of a Kurdish nationalist party in Turkey addressed his party members Tuesday in the Kurdish language — which is illegal — prompting the national broadcaster to pull the plug on the live broadcast. In

 

his address, Democratic Society Party leader Ahmet Turk began his speech in Turkish, addressing the value of a “multilingual culture” and decrying the fact that the Kurdish language is not protected under Turkey’s constitution. ”We have no objection to Turkish being the official language, yet we want our demands for the lifting of the ban on Kurdish language to be understood as a humanitarian demand,” he said.

Turk then announced he would deliver the rest of his speech in Kurdish and, at that point, state broadcaster TRT cut the broadcast. ”Since no language other than Turkish can be used in the parliament meetings according to the constitution of the Turkish Republic and the Political Parties Law, we had to stop our broadcast,” the TRT announcer stated. “We apologize to our viewers for this and continue our broadcast with the next news item scheduled.”

Binnen nu en een paar decennia zal bijna de helft van de inwoners van Turkije bestaan uit Koerden. Koerden migreren ook meer en meer naar de Turkse steden in plaats van op het platteland te blijven. Dit kan wel eens een zeer gevaarlijke cocktail worden…

mercredi, 11 février 2009

Retour de la France au sein de l'OTAN: Ankara étudie la demande française...

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Retour de la France au sein de l’Otan : Ankara « étudie avec circonspection » la demande française… : "Dans sa décision de réintégrer le dispositif militaire de l’Alliance atlantique, Sarkozy n’avait sans doute pas prévu qu’il devrait recevoir le blanc-seing de la Turquie… Par la voix de son ministre des affaires étrangères, Ali Babacan, le gouvernement turc vient en effet de déclarer qu’il est « toujours en train d’évaluer » la demande française de retour dans le commandement de l’Organisation. « Les modalités (d’un retour de la France) sont en train d’être discutées au sein de l’Alliance atlantique. Est-ce qu’il y aura un vote (des pays membres) ou pas, on ne le sait pas encore », a expliqué M. Babacan samedi à la presse turque. Il a précisé que le retour de la France dans l’alliance occidentale « est plutôt une affaire politique que légale. La plupart des alliés de l’Otan y voient une décision positive, mais nous sommes toujours en train de l’évaluer », laissant entendre que gouvernement turc pourrait s’y opposer si Paris continuait de freiner l’entrée d’Ankara dans l’UE. Soucieux d’engranger les voix du camp national, Nicolas Sarkozy avait fait du non à l‘entrée de la Turquie dans l’UE l’un des thèmes de sa campagne pendant la présidentielle de 2007, prônant à la place un « partenariat spécial », dont Ankara ne veut pas entendre parler. Pendant sa présidence tournante de six mois, de juillet à décembre 2008, le président français avait néanmoins accepté d’ouvrir deux nouveaux chapitres de la candidature de la Turquie, portant leur nombre à 10 (sur 35). Un geste considéré comme tout à fait insuffisant par la partie turque, qui, réponse du berger à la bergère, pourrait s’opposer aux demandes françaises de réintégrer le commandement militaire de l’Otan…" Source

jeudi, 05 février 2009

De held van Davos?

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De held van Davos?

Geplaatst door yvespernet op 1 februari 2009

Opmerkelijk nieuwsbericht. Op het Wereld Economisch Forum van Davos is Turks president Erdogan kwaad weggewandeld tijdens een paneldiscussie met o.a. hem en de Israëlische president Shimon Peres. Wanneer Erdogan landde in Istanboel werd hij door een drieduizendtal Turken triomfantelijk onthaald. Waarom werd dit gedaan? Wel, heel simpel, omdat het de man nu eenmaal zeer goed uitkwam. Op geen enkel moment heeft de samenwerking met Israël op het punt gestaan om af te breken, dat zou de militaire elite nu eenmaal nooit aanvaarden.

Israël speelt immers een zeer smerige rol bij de onderdrukking van de Koerden in Turkije en bij het ondersteunen van de machtige Turkse bondgenoot. Denken we maar aan de arrestatie van Öcalan door commando’s van de Mossad of andere voorbeelden van de dubieuze rol van Israël waarbij zij geen enkele last van moraal hebben in de steun voor Turkije:

http://www.wrmea.com/backissues/0499/9904060.html

In 1974 there were rumors of Israeli aid in the Turkish invasion of Cyprus. Since 1975, the Turkish air force has acquired Israeli-made Shafrir air-to-air missiles, and a large selection of other military equipment. During the 1970s the Mossad also was keeping a close eye on the unraveling of civil order in Turkey as right-wing Islamic and nationalist groups clashed with extreme left-wingers, threatening to plunge the country into a civil war and strain Turkey’s relationship with Israel. After the military coup of 1980, however, the love affair resumed. In fact, to maintain it, any mention of the Armenian massacre of 1915 in Turkey is banned from any Israeli government-owned media. And in 1982 Israel’s Foreign Ministry protested a scheduled discussion of the Armenian genocide at an International Conference on the Holocaust and Genocide. [...] For some time it was Mossad that, despite Israel’s warm relations with Turkey, tipped off the PKK leader about Turkish attempts to capture him. This kept him free to harass Israel’s Turkish “friend,” and drive it to seek even closer ties with the Jewish state.

At the same time Mossad, assisted by unit 8200 (Israel’s equivalent of America’s code-breaking National Security Agency), continued tracking Ocalan and his followers in their various Syrian and Iraqi hideouts for many years. The first public mention of that fact surfaced in a 1996 revelation by Turkish authorities after a car bomb in Turkey killed several members of what were believed to be Turkish death squads. In a television interview Turkish Prime Minister Mesut Yilmaz confirmed that Turkish agents had cooperated with Mossad in an unsuccessful attempt on Ocalan’s life in Damascus.

De uiteindelijke arrestatie van Öcalan (zie ook bovenstaand artikel) zou met medewerking van de Mossad gebeuren. Ook Erdogan heeft ondertussen al gezegd dat het helemaal niet de uitspraken of het gedrag van Shimon Peres waren die hebben geleid tot zijn vroegtijdig vertrek. Met Turkse verkiezingen voor de boeg (lokale verkiezingen op 29 maart) heeft Erdogan een groot aantal Turken aan zijn kant gekregen. Voor zijn islamitische achterban is de Palestijnse zaak een goede manier om een basis te versterken. Voor zijn nationalistische achterban heeft hij het eerargument gebruikt, waarbij hij stelde dat de Turkse eer was gekrenkt.

http://business.timesonline.co.uk/tol/business/economics/wef/article5617169.ece

“I did what I had to do,” Mr Erdogan told reporters. “I cannot remain apathetic when it comes to these things, it’s just not in my nature. I am duty-bound to defend the honour of my country.“ Mr Erdogan blamed the debate’s moderator, David Ignatius of theWashington Post, for the incident, although he condemned Mr Peres’s hectoring behaviour on stage. ”My reaction was directed at the moderator. I think that if we have moderation in this way, we won’t really get out of Davos what we all come here to get out of Davos, and it would cast a shadow over efforts to reach peace,” he told reporters at the meeting.

“President Peres was speaking to the Prime Minister of Turkey – I am not just some leader of some group or tribe, so he should have addressed me accordingly. Each of the four speakers in the debate on the Middle East was to have delivered a five-minute speech. Mr Ban, the UN Secretary-General, spoke for eight minutes and Mr Erdogan for 12. Mr Ignatius intervened to silence the head of the Arab League after 12 minutes, but Mr Peres then spoke uninterrupted for 25 minutes, raising his voice, pointing fingers and challenging the other panellists over what they would do in Israel’s position. ”President Peres you are older than I am. Maybe you are feeling guilty and that is why you are so strong in your words. You killed people. I remember the children who died on beaches,” Mr Erdogan said before he was cut off as the debate was due to end. He then stormed out, pursued by a phalanx of bodyguards and crowds of reporters.

De gevolgen voor de Turks-Israëlische relatie zijn dan ook minimaal te noemen. Kijk maar naar de reacties die na het incident zijn gepubliceerd:

Mr Peres said: “I called him up and said, ’Yes, I do not see the matter as personal … and the relations can remain as they are. My respect for him didn’t change. We had an exchange of views — and the views are views.”

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Revolution islamischen Rechts

Hans-Lukas Kieser, Astrid Meier, Walter Stoffel (Hg.)

Revolution islamischen Rechts

Das Schweizerische ZGB in der Türkei

2008. 234 S. Br. CHF 38.00 / EUR 23.00
ISBN 978-3-0340-0893-8

1926 übernahm die neu gegründete Republik Türkei fast wörtlich das Schweizerische Zivilgesetzbuch (ZGB) und das Obligationenrecht. «Rechtsrevolution» nannten dies die Reformer um Kemal Atatürk, was auch international als tiefer Einschnitt rezipiert wurde. Denn das Familienrecht hatte im späten Osmanischen Reich den noch am stärksten von der islamischen Scharia geprägten Teil des Rechts gebildet.

Die Erfahrungen der Türkei stellen ein bedeutsames «Langzeitexperiment» mit einem transkulturellen Rechtsregime dar: eine säkulare Organisation der Justiz und des Rechtswesens in einer Gesellschaft, die von islamischen Normen geprägt ist. Weist das Experiment darauf hin, dass sich theologisch verwurzeltes und kulturell tradiertes islamisches Rechtsempfinden mit moderner europäischer Gesetzgebung sehr wohl in Einklang bringen lässt? Ist die Scharia somit historische Hülse für Rechtsgüter, die sich in säkularen Gesetzen wie dem ZGB aufheben lassen? Könnte umgekehrt säkulares Rechtsgut in ein Scharia-basiertes Rechtssystem integriert werden? Trifft dies zu, ist transkulturelle, transreligiöse Verbindlichkeit erreichbar und die oft zitierte Kluft zwischen koranischer Offenbarung und Moderne überbrückbar.

Inhalt

  • Gottfried Plagemann: Die Einführung des ZGB im Jahre 1926. Das neue ZGB als Bedingung eines säkularen und souveränen Nationalstaates
  • Hans-Lukas Kieser: Der ehemalige Freiburger Doktorand Mahmut Bozkurt und sein Verständnis von Rechts- und Sozialrevolution
  • Şükran Şıpka: Der Revolutionscharakter des Zivilgesetzes von 1926 aus frauenrechtlicher Perspektive
  • Osman B. Gürzumar: Die Rezeption westlichen Rechts in der Türkei vor 1926
  • Jan Goldberg: Zur Frage der Kontinuität der türkischen Rezeption schweizerischen Rechts. Eine Betrachtung anhand der neueren ägyptischen Rechtsgeschichte
  • Mahide Aslan: Die ersten zwölf Jahre ZGB (1926–1936). Versuch einer Evaluierung des Implementierungsprozesses anhand der Urteile des Kassationsgerichtshofes in Ankara
  • Bülent Uçar: Die Einführung des Schweizerischen ZGB als Mittel zur Reform der Gesellschaft
  • Heinz Käufeler: Autoritäre Kontinuitäten. «Das Gute gebieten und das Übel abwehren» aus islamischer und kemalistischer Sicht
  • Astrid Meier: Wie islamisch muss islamisches Recht sein? Der Reformprozess in der Türkei – von Indien und Ägypten aus gesehen
  • Edouard Conte, Nahda Shehada: Equity vs. Predictability? The Role of the Qadi in the Palestinian Territories
  • Günter Seufert: Grenzen der Wirksamkeit des Zivilrechts und die Diskussion um Rechtspluralität
  • Başak Baysal Erman: Die Rezeption des westlichen Rechts im Allgemeinen und des ZGB im Besonderen im Modernisierungsprozess der Türkei nach 1926
  • Hermann Schmid: Überblick über die Reformen des schweizerischen Familienrechts seit den 1980er Jahren
  • Ali Çivi: Türkisches Familienrecht nach 80 Jahren ZGB – Bestandesaufnahme und Evaluierung des jüngsten Reformprozesses
  • Anne-Banu Brand: Einige Aspekte der Scheidung in der Schweiz und in der Türkei
  • Heinz Hausheer: Bemerkungen und Desiderata betreffend die Zusammenarbeit in der türkisch-schweizerischen «Rechtsgemeinschaft», insbesondere im Bereich des gemeinsamen Familienrechts
  • Urs Fasel: Hat ein Rezeptionskonzept Erfolg?
  • Walter Stoffel: Von Revolution und Transfer zur Interaktion

Hans-Lukas Kieser

Dr. Hans-Lukas Kieser ist Privatdozent für Geschichte der Neuzeit an der Universität Zürich. Er hat sich mit seinen Forschungen als Experte des nahöstlichen Umbruchs am Ende der osmanischen Ära einen Namen gemacht. Mehrere seiner Publikationen wurden ins Türkische und Kurdische übersetzt. Sein Buch «Der verpasste Friede. Mission, Ethnie und Staat in den Ostprovinzen der Türkei 1839-1938» (Chronos 2000) erscheint anfangs 2005 auf Türkisch in Istanbul bei Iletisim.

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mercredi, 04 février 2009

Erdogans Doppelspiel

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Erdogans Doppelspiel

Der türkische Premier will der EU die Bedingungen diktieren

Von Andreas Mölzer

Beim letzten Besuch des türkischen Ministerpräsidenten Recep Tayyip Erdogan in Brüssel bekam die Europäische Union erneut einen Vorgeschmack auf das, was ihr im Falle einer Mitgliedschaft der Türkei blüht. Vor dem Hintergrund des Gasstreits mit Rußland meinte der islamistische Politiker, wenn bei den Beitrittsverhandlungen das Energiekapitel weiterhin blockiert bleibt, dann hätte dies Folgen für die türkische Unterstützung der geplanten Nabucco-Pipeline. Durch die Nabucco-Leitung soll künftig iranisches Erdgas nach Europa gepumpt werden. Obwohl der türkische Regierungschef wenig später vor den Brüsseler Osmanenfreunden, angefangen von EU-Kommissionspräsident Barroso, einen Rückzieher machte, bleibt ein mehr als schaler Nachgeschmack. Die Europäische Union soll, wenn es nach Ankara geht, in Energiefragen von der Türkei abhängig werden, damit diese die Bedingungen diktieren kann.

Überhaupt hat es den Anschein, daß der EU-Polit-Nomenklatura das Erreichen ihres großes Ziels, die außereuropäische Türkei um jeden Preis aufnehmen zu wollen, wichtiger ist als die Zukunft der historisch gewachsenen Völker Europas. Während sonst, wenn es zu Verstößen gegen die Dogmen und Denkverbote der politischen Korrektheit kommt, der pflichtgemäße Aufschrei nicht lange auf sich warten ließ, blieb es vor einem Jahr, nach der berühmt-berüchtigten Kölner Rede Erdogans auffallend still. Nicht nur, daß der Vorsitzende der islamistischen Regierungspartei den EU-Beitritt seines Landes ohne Wenn und Aber verlangte, vielmehr behauptete er auch, daß Assimilierung ein „Verbrechen gegen die Menschlichkeit“ sei. Mit anderen Worten: Die türkischen Parallelgesellschaften, wie sich in vielen Städten der Bundesrepublik gebildet haben, gelten als schützenswerte Biotope und als Anlaufhäfen für die anatolischen Massen, die nach dem EU-Beitritt Ankaras nach Mitteleuropa strömen werden.

Um welche Größenordnung es sich dabei handelt, beschreibt Peter Scholl-Latour in seinem neuen Buch. Nicht weniger als zehn Millionen sollen es sein, die sich in einer ersten (!) Phase auf den Weg ins Herzen Europas machen werden. In diesem Fall verlören Deutschland und Österreich ihr ethnisches Antlitz, und mit bürgerkriegsähnlichen Zuständen wäre zu rechnen. Angesichts des Ernstes der Lage, damit auch unsere Kinder und Kindeskinder eine Zukunft haben, ist also ein sofortiger Abbruch der Beitrittsverhandlungen mit Ankara dringender denn je.

vendredi, 30 janvier 2009

Renaissance islamique et Turquie moderne

 

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Archives de SYNERGIES EUROPÉENNES - ORIENTATIONS (Bruxelles) - Juillet 1988

 

 

Renaissance islamique et Turquie moderne

 

 

Rainer WERLE / Renate KREILE, Renaissance des Islam - Das Beispiel Türkei,  Junius, 1987, 178 S., DM 19,80.

 

 

Une enquête remarquable sur la Turquie contemporaine, déchirée entre une volonté de se faire européenne, une nostalgie de la puissance ottomane et le renouveau islamique. Le bilan du kémalisme laïc et occidentaliste, les deux auteurs le tirent avec clarté: un nationalisme étatique à la française, une laïcisation de la sphère religieuse, un système de parti unique et l'armée comme élite dirigeante. Face à cette option, qui détermine les constitutions turques depuis Mustapha Kemal, grouille un Islam populaire de facture sunnite ou alaouite ou qui s'exprime par le truchement de sectes; celles-ci peuvent être anciennes ou nouvel-les; parmi les anciennes, citons: les Bektâsî, véhiculant des reliquats de paganisme, les "Derviches tourneurs" liés au califat, les Naksbendî actifs au Kurdistan et les Ticânîlik, hostiles au parti unique kemaliste et protagonistes de la démocratie multipartite. Les nouvelles sectes sont les Nurculuk et les Süleymancilik, dont le mouvement fut fondé par Süleyman Hilmi Tunalihan, originaire d'une région actuellement roumaine.

 

Les Süleymancilik sont rigoureusement fondamentalistes, mais ont eu la particularité de présenter Hitler comme un musulman qui viendrait libérer la Turquie des idées françaises et chrétiennes! Plusieurs adeptes de la secte se sont engagés dans les unités SS albanaises ou bosniaques. Après la guerre, la secte soutient les formations démocratiques de Menderes et de Demirel. Werle et Kreile abordent ensuite l'évolution socio-économique du pays, avec l'apparition d'une bourgeoisie tournée vers l'Occident, qui a intérêt à inféoder le pays à l'OTAN et à la CEE.

 

La ré-islamisation constitue dès lors un phénomène d'essence populiste, de révolte contre les processus d'aliénation occidentaux. La révolte populaire turque ne prend pas les aspects d'une gauche marxisante classique, puisque la démarche intellectuelle du marxisme est laïque et occidentale. Très concrètement les fondamentalistes turcs parient sur un réflexe identitaire religieux (et non racial car la Turquie est une mosaïque de races, unie tant bien que mal par la turcophonie), contre les décisions du FMI visant à tourner l'économie turque vers l'exportation, ce qui n'avait jamais été sa vocation. Les capitaux que la bourgeoisie cosmopolite mobilise pour se constituer un outil industriel exportateur sont prélevés sur les salaires et/ou récupérés par une inflation galopante. Les sacrifices des travailleurs turcs risquent de surcroît d'être vains: les marchandises à ex-porter seront-elles exportables, intéresseront-elles le marché européen, saturé de fruits espagnols et obligé de tenir compte des accords spéciaux et déjà problématiques avec le Maroc et Israël?

 

La ré-islamisation anti-néo-kémaliste est parallèle à un programme de réorientation diplomatique vers le monde arabe, vers le Proche-Orient, espace traditionnel de l'expansion turque, et, surtout vers une re-dynamisation de la CRD (Coopération Régionale de Développement), signée entre le Pakistan, l'Iran et la Turquie en 1964. Cette perspective-là d'extension du rayonnement turc nous apparaît plus utile et à la Turquie et à l'Europe car elle apaiserait bon nombre de tensions dans le Vieux Monde. La Turquie pourrait effectuer un travail historique capital au Proche-Orient, travail que l'aléatoire carte occidentaliste, jouée par Özal, empêche d'amorcer. L'enquête de Werle et Kreile est remarquable de lucidité.

(Robert STEUCKERS).

 

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lundi, 19 janvier 2009

Armeense genocide

gevonden op: http://klauwaert.blogspot.com

wo 14/01/09 14:35 - Toen enkele weken geleden een aantal Turkse intellectuelen de campagne "Het spijt me" lanceerden, lieten de reacties in Turkije niet lang op zich wachten. De campagne "Het spijt me" snijdt het grootste Turkse taboe aan, namelijk het lot van de Armeense gemeenschap in Anatolië aan het begin van de 20ste eeuw.

Volgens de Armeniërs, daarin gesteund door een toenemend aantal landen, resulteerden de deportaties en moordpartijen die toen plaats vonden in een door de toenmalige autoriteiten strikt geplande en uitgevoerde genocide. De Turken zelf leren op school dat de gebeurtenissen het gevolg waren van oorlogsomstandigheden.

(Belga)

Op internet sprongen de anti-campagnes als paddestoelen uit de grond ("Het spijt ons niet"), her en der kwamen groepjes manifestanten op straat, en ook de legertop, een aantal ambassadeurs op rust en de premier distantieerden zich in felle bewoordingen van het initiatief dat volgens hen "het verkeerde signaal was". Alleen president Abdullah Gül, die in 2008 zelf toenadering zocht tot zijn Armeense ambtgenoot, bleef op de vlakte in zijn evaluatie. Gül verwees naar de vrijheid van meningsuiting in Turkije.

Maar nu zet de openbare aanklager in Ankara een volgende en meer verregaande stap in een poging de campagne te counteren. Hij diende klacht in tegen de campagnevoerders en haar sympathisanten op basis van het beruchte strafwetartikel 301, dat stelt dat belediging van de Turkse natie en identiteit strafbaar is.

(Belga)

De actie probeert het stilzwijgen en de onwetendheid dat volgens de initiatiefnemers rond "de Armeense kwestie hangt" te doorbreken. De Nederlandstalige verklaring op de website van "Het spijt me" luidt: Ik kan naar eer en geweten niet accepteren hoe onverschillig er wordt omgegaan met de grote catastrofe waaronder de Ottomaanse Armeniërs hebben geleden in 1915, noch met de ontkenning ervan. Ik veroordeel dit onrecht en op persoonlijke titel wil ik mijn gevoelens en pijn delen met mijn Armeense broeders en zusters en ik bied mijn verontschuldigingen aan.

De aanklacht loopt niet alleen tegen de initiatiefnemers van "Het spijt me", maar ook tegen de bijna 28.000 mensen die hun handtekening plaatsten onder de verklaring.

Eerder al kwamen in Turkije intellectuelen in moeilijkheden omdat ze op basis van "belediging van de Turkse natie en identiteit" in diskrediet gebracht werden. Een aantal daarvan werden het slachtoffer van intimidatie, geweld en zelfs moord. Mensenrechtenorganisaties en ook de Europese Unie vragen aan Turkije om die reden de afschaffing van strafwetartikel 301.


Voor de ene genocide is het verboden ze te ontkennen, voor de andere verboden ze te erkennen.
Is het wel de taak van staten om bij wet te bepalen hoe de geschiedenis is verlopen?
Of zouden we dat niet beter overlaten aan historici?

00:20 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, turquie, arménie, génocide, proche orient, islam, orthodoxie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

vendredi, 09 janvier 2009

Vicino Oriente in fiamme: la Turchia piu' vicina a Gaza, piu' lontana da Tel Aviv

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VICINO ORIENTE IN FIAMME : LA TURCHIA PIU’ VICINA A GAZA, PIU’ LONTANA DA TEL AVIV

http://www.eurasia-rivista.org/

di Aldo Braccio*

Il Primo ministro turco Erdoğan ha denunciato l’attacco israeliano a Gaza come un crimine contro l’umanità, ritenendo del tutto sproporzionato l’uso della forza di fronte ai lanci di razzi palestinesi. Gli attacchi israeliani, ha ribadito Erdoğan, rappresentano un attacco alla pace. Il ministro degli esteri Babacan ha da parte sua comunicato che gli incontri triangolari Turchia – Israele – Siria per la soluzione del contenzioso tra Tel Aviv e Damasco sono interrotti : “La scelta israeliana di condurre un’azione di guerra contro i palestinesi ci ha profondamente deluso”, ha commentato Babacan.
Nel frattempo quattro esponenti dell’AKP, il partito di governo, hanno abbandonato – in segno di protesta – il gruppo parlamentare “di amicizia turco – israeliana”, mentre lo stesso Consiglio di sicurezza nazionale ha condannato l’azione di Tel Aviv, chiedendo che i bombardamenti cessino immediatamente e che gli aiuti umanitari per la popolazione di Gaza (provenienti anche dalla Turchia) possano subito giungere a disposizione.
Erdoğan ha raggiunto per colloqui urgenti Damasco e Amman; secondo notizie non confermate nella capitale siriana avrebbe anche incontrato Khaled Méchaal, capo dell’ufficio politico di Hamas in esilio.
Ad Ankara, Istanbul e in parecchie altre città si susseguono iniziative e manifestazioni contro la guerra promossa da Israele : in particolare a Istanbul la municipalità ha deciso di annullare la tradizionale festa di capodanno in piazza Taksim, in segno di lutto.

*Aldo Braccio, redattore di Eurasia, è esperto di questioni turche e del Vicino Oriente.

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dimanche, 30 novembre 2008

J. Heers: les Barbaresques: de très étranges pirates

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Les Barbaresques - De très étranges pirates
Nous avons lu pour vous Les Barbaresques, la course et la guerre en Méditerranée XIVe-XVIe siècle, par Jacques Heers (Perrin, août 2001, 370 pages, 22,20 €.
Le souvenir des frères Barberousse et des Barbaresques d'Alger hante nos livres d'Histoire en traînant derrière lui de nombreuses interrogations.

Les historiens français se sont rarement intéressés à ces corsaires turcs qui bénéficièrent de la bienveillance contre nature du roi François 1er.

Considérant l'alliance sacrilège du roi Très-chrétien avec le sultan Soliman le Magnifique, l'historiographie traditionnelle en cherche la justification dans le souci de desserrer l'étau constitué par les possessions de son rival, Charles Quint, empereur d'Allemage, roi d'Espagne, suzerain des Pays-Bas et grand-duc d'Autriche.

Le grand historien médiéviste Jacques Heers tord le cou à cette interprétation complaisante. La réunion sur la tête de Charles Quint de la couronne impériale et de la couronne d'Espagne a été moins un atout qu'une faiblesse, comme le montre le fait qu'au terme d'un long règne semé de déconvenues, il n'a rien trouvé de mieux que de séparer ses possessions, laissant l'Espagne à son fils Philippe et le Saint Empire romain germanique à son frère Ferdinand.

Dans les faits, François 1er, peu soucieux de protéger le pré carré capétien, a poursuivi toute sa vie les chimères d'outre-monts. Il a usé ses forces à tenter de conquérir l'Italie et c'est pour cela qu'il a combattu Charles Quint et noué des relations avec les Turcs.

Au lendemain de la défaite de Pavie, en 1525, sa mère Louise de Savoie envoie des émissaires auprès du sultan, lequel s'empare de la Hongrie l'année suivante et arrive aux portes de Vienne sans que la France ne s'en soucie outre mesure.

Dans le même temps, les Français encouragent les corsaires turcs basés à Alger dans leurs attaques contre le littoral italien. Au célèbre Kheir ed-Din, alias Barberousse, allié de François 1er, s'oppose le Gênois Andrea Doria, un corsaire du camp autrichien.

Leur champ de bataille est la Méditerranée occidentale. Razzias ( *) des villages côtiers, attaques des navires marchands, et surtout rafles de prisonniers par milliers et dizaines de milliers.

Les prisonniers, hommes, femmes et enfants, sont vendus comme esclaves sur les marchés ou rétrocédés contre rançon à l'image de Miguel Cervantès, le futur auteur de Don Quichotte.

Jacques Heers fait ressortir le caractère inexpiable de ces guerres méditerranéennes, où s'affrontent indistinctement musulmans et chrétiens. L'historien souligne leur différence d'avec les guerres féodales de l'Europe septentrionale, encadrées par un code chevaleresque assez strict.

En 1535, l'empereur Charles Quint en personne dirige une expédition pour venir au secours du bey musulman de Tunis, menacé par les corsaires turcs d'Alger (on commence à utiliser à propos de ces derniers le terme impropre et fantaisiste de Barbaresques).

Tunis devient pour quelques années un protectorat de l'empereur. Le roi de France, quant à lui, ne renonce pas à ses ambitions italiennes.

En 1543, au terme de bizarres tractations, Barberousse promet à François 1er l'appui de ses hommes pour de nouvelles attaques dans la péninsule.

En attendant, il obtient de s'établir à Toulon. C'est ainsi que pendant les longs mois de l'hiver 1543-1544, les habitants du port et de ses environs vont devoir cohabiter avec... 30.000 corsaires musulmans de toutes origines.

La cathédrale Sainte-Marie-Majeure est pour l'occasion convertie en mosquée. Tout cela pour rien. Les corsaires ne se battront pas pour le roi de France et celui-ci, lassé de leur présence, verse une rançon pour précipiter leur départ.

La bataille de Lépante voit la défaite de la flotte turque face aux galères espagnoles mais les corsaires n'en continuent pas moins d'écumer la mer Méditerranée. Au XVIIe siècle, les galères du roi Soleil, Louis XIV, sous le commandement d'Abraham Duquesne, attaquent leurs repaires d'Afrique du nord. Mais c'est seulement avec la conquête d'Alger en 1830 que s'achève leur douteuse épopée.

Jacques Heers a écrit un essai passionnant autour de cette Histoire méconnue, pleine de bruit et de fureur. Le récit est dense, argumenté, riche d'anecdotes vivantes et épiques. Pour tous les amoureux de la grande Histoire.

André Larané.

mercredi, 05 novembre 2008

Le parti turc de Bulgarie accusé d'attiser un conflit ethnique

Le parti turc de Bulgarie

accusé d’attiser un « conflit ethnique »

 

Ahmed Dogan

Trouvé sur : http://www.nationspresse.info

En Bulgarie, le LDP (Mouvement pour les droits et les libertés), le fameux parti turc, qui entretient des liens étroits avec l’AKP de l’islamiste turc Erdogan, est accusé d’attiser un « conflit ethnique ».

L’accusation ne vient pas de la mouvance nationaliste d’Ataka, mais du très européiste Boïko Borisov, maire de Sofia et figure emblématique du mouvement des Citoyens pour le Développement Européen de la Bulgarie (GREB). Ahmed Dogan, le chef du LDP, est ouvertement mis en cause depuis quelques jours. Il préparerait une sorte de stratégie de la tension, comparable à celle utilisée par les extrémistes albanais du Kosovo dans les années 80 contre les Serbes, afin de riposter contre sa possible mise à l’écart du pouvoir dans les mois à venir.

Cette affaire intervient après qu’Ahmed Emin, chef du cabinet politique du chef de file du LDP ait été retrouvé mort, vraisemblablement suicidé, le 17 octobre dernier. De son côté, Dogan a pour sa part accusé des proches du gouvernement de Sofia d’être à l’origine de ces tensions, voire d’un complot anti-turcs : « Le scénario monstrueux est en cours : une tension ethnique monte, une campagne anti-turque est attisée, on évoque l’idée des turcs voleurs opposés à l’Etat », a-t-il affirmé au journal Troud.

Voilà qui remet clairement en cause le « modèle ethnique bulgare » de « cœxistence intercommunautaire apaisée » avancé par les réseaux européistes comme la Fondation Robert Schuman. La Bulgarie, pays de plus de 6,6 millions d’âmes, présente une minorité turcophone musulmane forte d’environ 800.000 personnes, et qui revendique un statut ethno-religieux particulier.

lundi, 27 octobre 2008

Les Etats-Unis, puissance du chaos

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ARCHIVES DE "SYNERGIES EUROPEENNES" - 1993

LES ETATS-UNIS, PUISSANCE DU CHAOS

 

Les analystes ont abondamment commenté le nouvel épisode de la vendetta menée par la Présidence des Etats-Unis à l'encontre de Saddam Hussein. Les troupes irakiennes ont en effet appuyé l'offensive du PDK (Parti Démocratique du Kurdistan) de Massoud Barzani sur Erbil, jusqu'alors aux mains de l'UPK (Union Patriotique du Kurdistan) de Jalal Talabani. Bagdad entendait ainsi, via son allié kurde, assurer la sécurité de l'oléoduc débouchant en Turquie —l'hypothétique mise en oeuvre de la résolution 986 de l'ONU, dite "pétrole contre nourriture", permettrait à l'Irak de redevenir un exportateur d'hydrocarbures— , et réaffirmer sa souveraineté sur la partie irakienne du Kurdistan.

 

Cet épisode est une des conséquences de la guerre du Golfe (1990-1991). L'opération “Tempête du Désert” conduite par les Etats-Unis ayant pris fin une fois l'Irak ramené à 40% de ses capacités, Bagdad s'était alors retourné contre les minorités chiites du Sud et kurdes du Nord, dont les tendances centrifuges avaient été soigneusement attisées par Washington. Aussi les zones de peuplement kurde et chiite, au nord du 36° parallèle et au sud du 32° parallèle avaient-elles été interdites à l'aviation irakienne, une force américano-franco-britannique assurant l'effectivit de cette mesure (résolution de l'ONU d'avril 1991 et août 1992). C'est pour faire respecter ces résolutions, qui ne concernent pas les actions militaires terrestres, que les Etats-Unis ont unilatéralement riposté à l'offensive sur Erbil, au nord du 36° parallèle: vingt-sept missiles de croisière le 3 septembre, dix-sept autres le lendemain, ont frappé le Sud de l'Irak. Ce qui n'a en rien modifié l'équation militaire au Kurdistan, le PDK mettant à profit son alliance avec le pouvoir central pour refouler l'UPK. Son dernier bastion, la ville de Souleimaniyé, est tombé le 9 septembre et Jalal Talabani s'est réfugié en Iran. Saddam Hussein peut maintenant rafler la mise.

 

Restent à interpréter ces évènements. A juste titre, les analystes ont stigmatisé l'incohérence et les contradictions de la politique des Etats-Unis dans la région. D'une part, le Département d'Etat affirme que les EtatsUnis ne souhaitent pas le démembrement de l'Irak au profit d'un Etat kurde indépendant. D'autre part, la création d'une enclave kurde autonome par la diplomatie américaine revenait bel et bien à créer un embryon d'Etat doté d'un parlement élu en 1992, d'une administration, de services publics et d'une milice (1). Ce Kurdistan autonome assurait à l'opposition irakienne, regroupée tant bien que mal par les Etats-Unis au sein du Conseil national irakien, une base géographique pour la conquête du pouvoir central. Aujourd'hui, cette illusion a vécu c'est en vain que l'administration Clinton et la CIA auront investi 130 millions de dollars -, et les derniers rebondissements d'une longue lutte entre le PDK et l'UPK ont démontré l'inexistence d'une conscience nationale kurde. Indubitablement, l'opération est un fiasco.

 

Mais il faut aller plus loin. Contrairement à ce qu'affirme Robert Dole, le candidat républicain à la Maison Blanche, ce fiasco ne saurait s'expliquer par les seuls cafouillages de l'administration Clinton. De même, la prise en considération par Washington des intérêts de l'allié turc  —on sait Ankara profondément hostile à l'autonomisme kurde—  ne suffit à expliquer 1'attentisme de Clinton. Si les Etats-Unis n'ont pas véritablement voulu s'investir dans la création d'un Etat kurde pleinement souverain, c'est en raison de la nature même de leur puissance.

 

Le stratégiste François Géré l'a bien vu, les Etats-Unis sont la “Puissance du Flux”: flux de populations migrantes, flux de marchandises et de capitaux, flux d'informations, d'images et de sons (2). Les Américains perçoivent leur territoire non pas comme un espace d'enracinement, mais comme une surface de déplacement, et leur position dans la hiérarchie internationale du pouvoir repose sur la manipulation de flux de toute nature. Dès lors ont-ils pour objectif de faire respecter leur libre-circulation à la surface de la Terre. Gare à l'Etat souverain qui, à l'instar de l'Irak, entendrait définir une zone d'influence et fixer des règles pour tenter de gouverner ces flux. Au moyen d'un navalisme futuriste combinant Sea Power, Air Power et Space Power, ils arasent l'obstacle! Précisons les choses. Ils ne "débarquent" pas pour fonder un nouvel ordre politique régional, mais alternent frappes rapides et retour aux bases ("Hit and run").

 

Les Etats-Unis refusent donc les responsabilités globales qui sont celles d'un empire  —faire prévaloir la Civilisation sur le Chaos—  pour se contenter de garantir par un interventionnisme musclé le “bon” fonctionnement des mécanismes du marché. En d'autres termes, les Etats-Unis ne sont plus une puissance hégémonique; faute d'assurer sécurité et prospérité à leurs alliés, leur domination a cessé d'être légitime. Depuis le naufrage du monde communiste, l'Amérique est devenue un système exclusivement prédateur à la recherche d'avantages unilatéraux, et le contrat quasi-féodal qui liait les nations du monde dit libre à leur suzerain, obéissance contre protection, est aujourd'hui caduc, Washington ne daignant plus remplir ses obligations impèriales. Les Kurdes en font aujourd'hui la triste expérience.

 

Mieux. Loin de nous préserver du chaos, ce système prédateur le généralise. Son libre-échangisme tous azimuts implique le démantèlement des souverainetés à même de territorialiser les flux multiples et désordonnés qui agitent le monde. Faute d'“obstacles” pour cloisonner l'espace mondial, ces flux sont à tout moment susceptibles de se muer en ouragans planétaires, et de disloquer les communautés humaines les plus enracinées. Les sautes d'humeur du méga-marché financier mondial en témoignent.

 

L'échec du Kurdistan autonome est donc plein d'enseignements. Au delà des erreurs politiques commises par l'Administration Clinton et des calculs à courte vue, il doit être clair que les Etats-Unis ne font jamais que ce qu'ils sont. Par là-même, la Puissance du Flux est aussi la Puissance du Chaos. Et le Nouvel Ordre Mondial américano-centré prophétisé par Georges Bush en 1990 est une fiction. Faute d'“hegemon” couplant sens et puissance, capable d'inscrire un nouveau Telos (une finalité) à l'horizon, le Monde n'est pas unipolaire mais a-polaire.

 

Louis SOREL.

 

(1) De manière à assurer la parité entre l'UPK et le PDK, les élections de1992 ont été truquées. De facto, cet accord a débouché sur le partage géographique du Kurdistan irakien, l'UPK contrôlant les villes et le PDK la frontière avec la Turquie.

(2) Cf. Dr. François Géré (Dr), Les lauriers incertains. Stratégie et politique militaire des Etats-Unis 1980/2000, Fondation des études de défense nationale, 1991.

vendredi, 12 septembre 2008

Turquie: au coeur du maelström

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La lettre de léosthène, le 6 septembre 2008,

 

TURQUIE : au coeur du maelström

Par Hélène Nouaille

samedi 6 septembre 2008, par Comité Valmy

Nous publions cette analyse enrichissante d’Hélène Nouaille qui souligne notamment que dans le monde actuel, la question de la pertinence du maintien de l’OTAN et de son "élargissement continuel" objectivement bellicistes, est de plus en plus souvent posée.

(VOIR LES "PROPOSITIONS DU COMITE VALMY") :

Rétablir une politique étrangère et de défense indépendante, souveraine, anti-impérialiste et favorable à un monde multipolaire.

Refus de toute hégémonie.

Intégrer la France dans le combat anti-impérialiste des peuples du monde et des nations libres, favoriser et soutenir leur nécessaire front uni contre la mondialisation néo-libérale orchestrée par les USA et dont la construction d’une Europe supranationale est à la fois une conséquence et un instrument.

Face à la menace américaine et sa doctrine occidentaliste de guerres préventives tous azimuts, retirer la France de l’OTAN, instrument des USA et de ses satellites. Oeuvrer pour la dissolution de l’OTAN dont le maintien et le renforcement systématique conduisent à la guerre. ... Claude Beaulieu


Voir en ligne : Propositions du Comité Valmy

 

“ La guerre russo-géorgienne autour de l’Ossétie du Sud a eu un effet immédiat : elle a remis la mer Noire au cœur des préoccupations stratégiques occidentales et russes ” écrit notre confrère suisse le Temps. Oui, et celle qui en contrôle le seul accès, par les Dardanelles et le Bosphore, est la Turquie, depuis 1936 et la Convention de Montreux (1) L’empire Ottoman y veillait, avec des fortunes diverses, depuis 1453, chute de l’empire byzantin. Et c’est dans la Mer Noire qu’après les déclarations modérées de l’Union européenne pour une fois “réunie” au sommet de Bruxelles le 1er septembre dernier, déclarations bien accueillies par Moscou et qui tendent à l’apaisement avec la Russie, Washington a décidé de montrer ses muscles, via les navires placés sous commandement intégré de l’OTAN.

“ Les Etats-Unis poursuivent une politique délicate de livraison d’aide humanitaire par avions de transport et navires militaires, apparemment pour montrer aux Russes qu’ils ne contrôlent pas complètement l’espace aérien et les côtes géorgiennes” écrivait le New York Times, le 27 août (2). “ A Moscou, les manoeuvres navales ont clairement soulevé des inquiétudes. Les amiraux russes ont déclaré que l’afflux de navires de l’OTAN en Mer Noire violait le Traité de 1936, la Convention de Montreux, qui limite à trois semaines le séjour des pays non riverains sur cette mer ”.

La Turquie, qui appartient à l’OTAN depuis 1952, règne sur les détroits. Mais, nous dit encore le Temps (3), s’il faut que “ les navires de guerre ne dépassent pas 45000 tonnes ” pour obtenir l’autorisation de passage – ce qui exclut les porte avions - “ Ankara est sous forte pression de Washington pour assouplir le régime de Montreux. D’autant que la Turquie avait interdit le passage à des navires américains au moment de l’intervention en Irak en 2003. A plusieurs reprises, l’OTAN a tenté des passages en force avec des bâtiments dépassant le tonnage autorisé ”.

Voilà qui incite la Turquie, qui, nos lecteurs le savent, cherche depuis plusieurs années à jouer dans la région ses atouts de médiateur (4) à la fois vers l’ancien ennemi historique, la Russie, sa ceinture caucasienne et au-delà l’Asie centrale, à se poser des questions. “ La Turquie affronte un dilemme difficile devant le changement politique du paysage caucasien ” constate le quotidien turc Hürriyet (5) changement qui paraît “ renforcer sa position comme pays de transit pour les routes des hydrocarbures ”, mais qui voit “ monter les pressions pour équilibrer ses relations entre la Russie et les Etats-Unis ”.

Les problèmes de l’acheminement du pétrole et du gaz en provenance de la Caspienne et de l’Asie centrale sont bien, à court et plus long terme, un facteur important (6). Mais à très court terme, pour cet hiver, il s’agit de l’approvisionnement turc : 60 % du gaz naturel et 40 % du pétrole nécessaires aux Turcs sont fournis par la Russie. Et, remarque l’agence chinoise Xinhuanet, la demande est en expansion, “ ce qui a rapidement modifié la balance commerciale entre les deux pays, au désavantage de la Turquie ” (7). Or la Russie a réagi fermement à l’entrée des navires de l’OTAN en Mer Noire d’une part en compliquant les contrôles douaniers à ses frontières, d’autre part en faisant savoir aux Turcs qu’elle pourrait limiter ses livraisons d’hydrocarbures aux contrats signés, qui sont insuffisants.

Le message a été parfaitement clair pour le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, (“ La Russie pour nous est un pays avec lequel nous entretenons de très importantes relations commerciales (...). Quand vous regardez nos rapports commerciaux et économiques avec la Russie, vous ne pouvez ignorez la Russie. La Turquie imposera un équilibre dans le cadre de ses intérêts ”, déclarait-il le 2 septembre, d’après l’AFP, au quotidien turc Milliyet). Et le ballet diplomatique entre Moscou et Ankara n’a pas cessé. Mais c’est le président turc, Abdullah Gül qui a précisé les choses dans un entretien donné au Guardian britannique, dès le 16 août (8). Très clairement.

“ Le conflit en Géorgie, a affirmé Abdullah Gül, a montré que les Etats-Unis ne pouvaient plus définir la politique mondiale selon leur point de vue, et doivent commencer à partager le pouvoir avec d’autres pays ”. Et de déclarer : “ Je ne pense pas que vous puissiez contrôler le monde depuis un seul centre. Il existe de grandes nations. Il existe d’immenses populations. Il existe d’incroyables développements économiques dans certaines parties du monde. Donc ce que nous devons faire, en lieu et place d’actions unilatérales, est d’agir ensemble, prendre des décisions communes et nous consulter dans le monde. Un nouvel ordre mondial, si je puis dire, devrait émerger ”.

Abdullah Gül a également défini la position et le savoir faire de la Turquie – en insistant sur la capacité de changement et l’évolution continue de son pays : “ La Turquie a une grande capacité à influencer la région, indirectement, très pacifiquement, et à y être une source d’inspiration (...). La Turquie a déjà joué ce rôle précédemment. Et cela n’a pas été apprécié suffisamment ”. Son déplacement à Moscou est annoncé avant la fin de l’année. Y sont liées l’ensemble des initiatives turques, vers le Caucase (Plateforme de stabilité et de coopération du Caucase, proposée à la Russie, à la Géorgie, à l’Azerbaïdjan et à l’Arménie), vers l’Iran (“ Il a rejeté l’idée ”, dit le Guardian déjà cité, “ promue par les Etats-Unis et Israël, que le meilleur moyen de traiter avec l’Iran était de l’isoler, de le sanctionner et de le punir ”). Sans oublier l’intermédiation turque entre la Syrie et Israël (accords sur le Golan).

Reste que son rôle de gardien des détroits en tant qu’alliée de l’OTAN lui pose un vrai problème. Pourquoi ? “ Peu d’analystes ont compris la signification militaire complète du geste que la Russie a fait en reconnaissant les républiques séparatistes de la Géorgie : la Russie a désormais gagné le contrôle de fait sur deux ports essentiels de la Mer Noire — Soukhoumi et Poti (...). La rapidité avec laquelle la Russie a pris le contrôle de Poti doit avoir rendu les Etats-Unis fous de rage. La fureur de Washington est arrivée avec la prise de conscience que son plan de jeu, afin d’éliminer au bout du compte le rôle de la Russie en tant que "puissance de la Mer Noire", s’est transformé en chimère. Evidemment, sans une flotte en Mer Noire, la Russie aurait cessé d’être une puissance navale dans la Méditerranée. En retour, le profil de la Russie en Asie Mineure en aurait souffert ” (9).

C’est pourquoi, nous dit l’ancien diplomate indien M. K. Bhadrakumar pour Asia Times (9), “ Tout indique que Moscou a l’intention d’affirmer la présence stratégique de sa flotte en Mer Noire. Des pourparlers ont déjà commencé avec la Syrie pour l’expansion de l’entretien d’une base navale russe dans le port syrien de Tartous ”. Et le vrai point chaud est là, en Mer Noire, quand les navires de l’OTAN (trois frégates polonaise, allemande et espagnole) frôlent la flotte russe – au moins pour les navires militaires américains qui livrent des aides humanitaires dans les ports géorgiens – pourquoi des navires militaires, disent les Russes ? Plus grave, le garde côte américain Dallas, puis l’USNS Pathfinder, ont fait escale à Sébastopol, sur invitation ukrainienne. A portée d’incident.

Lorsque le navire amiral de la 6ème flotte américaine passe le Bosphore, jeudi 4 septembre, le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Andreï Nesterenko, s’interroge : “ L’USS Mount Whitney est le vaisseau-amiral de la 6e flotte de la Marine américaine, doté d’équipements de contrôle, de télécommunications et de reconnaissance permettant d’assurer le commandement d’un groupe naval. Ces navires ont, bien sûr, des cales destinées à transporter des produits alimentaires et des objets nécessaires pour l’équipage. Comment peut-on acheminer des dizaines de tonnes de fret humanitaire sur un tel navire ? ”. Et sa présence est-elle conforme à la Convention de Montreux ?

Inévitablement, la question est posée, dans le quotidien turc Today’s Zaman (10), sous la plume d’Ibrahim Kalin. Turquie-OTAN : la non alliance est-elle une option ? Par sa position géographique et géopolitique, “ la Turquie reste un joueur clef dans la région (...). Quand l’Histoire se tourne vers l’Asie, cette énorme étendue terrestre dont l’Europe n’est que le front ouest, les pays de la région considèrent de nouvelles opportunités (...). Comme les événements de ces dernières années l’on montré, l’OTAN pense toujours et agit toujours avec les paramètres de la Guerre froide (...). S’il n’y a plus de menace communiste, une structure militaire comme celle de l’OTAN ne devrait plus être nécessaire ”.

Suit une réponse modérée (position de non alliance aussi longtemps que l’OTAN n’a pas redéfini ses priorités). D’autres, ailleurs, sont plus directs. Ainsi dans le Jakarta Post indonésien (11), le 3 septembre, Greg Warner écrit-il sous le titre “ l’OTAN est-elle encore pertinence ” ? “ Dans les 18 ans passés depuis que la Russie a renoncé à son passé communiste, l’OTAN s’est continuellement élargie et a progressé pas à pas vers l’Est. Maintenant, la Géorgie pousse à son intégration, comme l’Ukraine. C’est l’élargissement continuel de l’OTAN qui va créer des problèmes pour l’Europe et pour le monde. C’est l’OTAN qui est un anachronisme de la Guerre froide. Peut-être le temps est-t-il venu du démantèlement de l’OTAN. L’Indonésie devrait considérer de faire valoir ce point de vue au Conseil de Sécurité des Nations Unies comme une manière de trouver un ordre plus apaisé et harmonieux dans ce nouveau siècle ”.

Une phrase nous interpelle ici : “ C’est l’élargissement continuel de l’OTAN qui va créer des problèmes pour l’Europe et pour le monde ”.

Mais l’Europe – pas plus que la Turquie – ne sont réductibles à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (26 membres (12)). La France n’appartient pas au commandement militaire intégré. La Finlande (comme l’Irlande, comme la Suède !) n’appartient pas à l’OTAN, pas plus que la Suisse, bien européenne mais hors de l’UE. La Turquie est dans l’OTAN, mais pas dans l’UE. Ambiguïté supplémentaire, le commandement militaire est américain. La question d’une nouvelle architecture de sécurité pour l’Europe est donc d’une incontestable actualité.

Pour l’heure, c’est la Turquie qui est en première ligne, tentant, comme le dit son Premier ministre, de garder un équilibre entre “ Américains et Russes ” et de gérer une zone à haut risque de confrontation armée quand l’Union européenne reprend, après avoir obtenu un cessez-le-feu – ce qui n’est pas rien – ses conciliabules indécis. Si elle laisse, comme par inadvertance, l’OTAN sous commandement américain décider de facto à sa place, le maelström sera pour elle, sans qu’elle ait pu réfléchir à ses engagements géopolitiques dans un monde qui change sous nos yeux.

Hélène Nouaille http://www.leosthene.com/

Notes :

(1) Texte de la Convention de Montreux (20 juillet 1936, PDF) : www.doc.diplomatie.gouv.fr/BASIS/pacte/webext/multidep/DDD/19360023 La convention a été depuis plusieurs fois amendée.

(2) New York Times, NATO Ships in Black Sea Raise Alarms in Russia, Andrew E. Kramer, le 27 août 2008, http://www.nytimes.com/2008/08/28/world/europe/28russia.html

(3) Le Temps, Drôle de guerre en Mer Noire, Stéphane Bussard, le 3 septembre 2008 http://www.letemps.ch/template/opinions.asp ?page=6&article=238872

(4) Voir léosthène n° 345/2007 Fils du chaos, un axe émergent possible, Russie Turquie Iran http://www.leosthene.com/spip.php ?article733

(5) Turkey faces tough task in energy as political map of Caucasus redrawn, Irem Koker, http://www.hurriyet.com.tr/english/finance/9669734.asp ?scr=1

(6) Sur la place des hydrocarbures et de leur acheminement dans le conflit en cours, voir Caucase : un conflit à l’arrière-goût de pétrole, par Aïdyn Gadjiev, docteur en histoire (Azerbaïdjan), pour RIA Novosti, 1er septembre 2008 “ Le conflit autour de l’Ossétie du Sud a de nouveau illustré nettement le fait que les positions des centres mondiaux qui manipulent dans leurs propres intérêts les principes d’intégrité territoriale et le droit à l’autodétermination sont fondées sur des considérations relatives au transport des ressources énergétiques ”. http://fr.rian.ru/analysis/20080901/116455247.html

(7) Xinhuatnet, Turquie : la dégradation des relations avec la Russie fait surgir la menace d’une crise du gaz naturel, le 3 septembre 2008 http://www.french.xinhuanet.com/french/2008-09/03/content_710897.htm “ La Turquie a signé deux accords avec la Russie concernant le gaz naturel. Le premier a été signé en 1986 pour une période de 25 ans. L’accord, qui expirera en 2011, laisse la Turquie acheter 6 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an. Le deuxième accord est le Blue Stream, également pour 25 ans. Avec cet accord, la Turquie achète 16 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an directement. L’année dernière la Turkish Pipeline Corporation (BOTAS) a acheté 36,4 milliards de mètres cubes de gaz naturel à la Russie. 23,1 milliards de mètres cubes résultaient des contrats. Outre le gaz naturel, les importations pétrolières en provenance de Russie sont en train d’augmenter rapidement. Pendant la période donnée, 9,3 des 23,4 millions de tonnes de pétrole importées par la Turquie ont été achetées à la Russie ”.

(8) Stephen Kinzer, Exclusive interview US must share power in new world order, says Turkey’s controversial president http://www.guardian.co.uk/world/2008/aug/16/turkey.usforeignpolicy

(9) Asia Times, Russia remains a Black Sea power, M. K. Bhadrakumar, 30 août 2008 http://www.atimes.com/atimes/Central_Asia/JH30Ag02.html Nous avons trouvé une traduction de l’article en français : http://questionscritiques.free.fr/edito/AsiaTimesOnline/M_K_Bhadrakumar/Russie_Mer_Noire_Otan_OTSC_290808.htm

(10) Today’s Zaman Ibrahim Hhalil, le 4 septembre 2008, Turkey and NATO : Is non-alliance an option ? http://www.worldbulletin.net/author_article_detail.php ?id=1818

(11) Jakarta Post, le 3 septembre 2008, Greg Warner, Is NATO still relevant ? http://www.thejakartapost.com/news/2008/09/03/letter-is-nato-still-relevant.html

(12) OTAN, pays membres : http://www.nato.int/structur/countries.htm

jeudi, 04 septembre 2008

Les orientations géopolitiques de la Turquie

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ARCHIVES: Texte de Jean-Gilles Malliarakis datant de l'automne 2003.

 

Les orientations géopolitiques de la Turquie

 

Les orientations géopolitiques de la Turquie n’ont rien à voir avec les réalités de l’Europe

 

Article de Jean-Gilles Malliarakis extrait du site: www.europelibre.com

 

Recevant le Premier ministre turc Erdogan début septembre à Berlin, le chancelier Schroeder a-t-il cru nécessaire de qualifier de "polémique de caniveau" la volonté de la CSU bavaroise exprimée par Edmund Stoiber de faire campagne contre l’adhésion de la Turquie lors des élections européennes de 2004. Le débat relatif à la candidature de la Turquie à l’Union européenne a certes le mérite de rappeler aux Européens qu’ils relèvent d’une identité commune. Et bien entendu, toute l’offensive de la pensée unique cherche, depuis l’affirmation de cette évidence (1) à contourner cette identité. On balaye ainsi allègrement d’un trait de plume des siècles d’Histoire européenne.

 

Innombrables sont les déclarations conventionnelles de nos hommes politiques sur le thème "L’Europe n’est pas un club chrétien". Avec quelques variantes, c’est surtout la date qui change.

 

Le Premier ministre turc abonde aujourd’hui dans le même sens: "L’Union européenne, dit-il sentencieu­sement, n’est pas une communauté culturelle, religieuse ou géographique. C’est une communauté de va­leur". Si la Bolivie, la Malaisie ou le Zimbabwe prétendent partager ces "valeurs", eh bien ces pays pour­raient donc rejoindre l’Union européenne.

 

Mais ce faisant on bazarde aussi l’identité et la géopolitique spécifiques de la Turquie elle-même. Ce pays, quant à lui, n’a pas le souci de se présenter comme une "communauté de valeurs". Sa réalité nationale est à la fois culturelle, religieuse et géographique. Et, avant que de lui décerner des couronnes de fleurs et de lui dire "aloha", c’est peut-être sur l’identité géopolitique de ce candidat exotique que les Européens gagneraient à être mieux informés.

 

Selon les milieux, selon les institutions, selon les forces politiques, la vision géopolitique des Turcs n’est certes pas identique. De plus les lignes de forces évoluent : on ne pensait pas de manière identique à Ankara en 1952, quand la Turquie participait à la guerre de Corée, et, en 2002, quand pour la première fois depuis la fondation de la république kémaliste un parti musulman obtenait 35 % des voix et la majorité des sièges au Parlement.

 

Soulignons d’abord un aspect essentiel de l’État turc : il est constitutionnellement nationaliste. Il fait de la nation la valeur suprême et le Code pénal ne badine pas avec les atteintes à la sécurité nationale, à l’identité nationale, à l’unité nationale. Quelles que soient les réformes formelles, votées en 2003 (abolition de la peine de mort, progrès de la liberté d’expression, reconnaissance timide du droit des minorités), ou celles promises pour 2004, la conception turque des Droits de l’Homme demeurera longtemps (pour ne pas dire toujours) tributaire de la suprématie fondamentale du Droit de la nation.

 

L’ambition du pays est multiforme.

 

Dans un premier temps, la Turquie kémaliste a conçu sa construction comme une révolution dirigée contre les puissances européennes. Lorsqu’en 1922 l’armée grecque d’Asie mineure, soutenue puis trahie par l’Angleterre, est vaincue, la guerre victorieuse de Kemal est présentée comme une guerre de libération. Elle s’inscrit dans la grandiose vision "anticolonialiste" du congrès de Bakou. Et dans les premières années il est posé en dogme que les frontières du traité de Lausanne ne seront plus jamais remises en question.

 

Mais très vite, la politique turque se révélera expansionniste (2). Tout d’abord, elle cherche à établir des liens avec des pays où l’influence "touranienne" peut être invoquée - légitimement ou, au contraire, de manière très approximative pour ne pas dire fantaisiste : aussi bien la Bulgarie que l’Iran ou l’Irak. Le panturquisme deviendra bien vite une notion à la fois floue et sentimentale comportant des directions fort différentes.

 

Sa première caractéristique a toujours été de tourner le dos à la fois à l’Europe et aux liens du passé. Si l’Empire ottoman a laissé quelques (rares) traces de nostalgies, si certains bons esprits "occidentaux" croient possible de le reconstruire, notamment pour briser toute trace de nationalisme arabe, très peu nombreux sont les Turcs désireux de renouer avec l’espace du Croissant fertile qu’ils ont pourtant dominé pendant près de 1 000 ans. La garnison ottomane chassée d’Akaba en juillet 1917 par le colonel Lawrence l’a probablement été pour toujours.

 

Depuis les années 1950 les Turcs sont indéfectiblement alliés des Israéliens. Dans l’affaire d’Irak, leur préoccupation vise d’abord de maintenir sous tutelle les populations kurdes : il ne doit pas exister de Kurdistan irakien afin d’empêcher la contagion dans les départements kurdes du sud-est anatolien. Éventuellement, on se souviendra que les pétroles du nord de l’Irak appartenaient avant 1918 à une Turkish Petroleum Company. Et, enfin, ce qui est invoqué actuellement par les Turcs pour intervenir dans le nord de l’Irak c’est la protection des minorités turkmènes... La solidarité turco-arabe n’est donc qu’une vue de l’esprit. Accessoirement on remarquera que l’Europe est bien loin.

 

La dimension islamique de la politique extérieure turque ne doit pas non plus faire l’objet d’un malentendu. Depuis le XVIe siècle, l’islam turc est soumis à l’État (3). La prétendue laïcité kémaliste n’a fait que renforcer cette tendance en instaurant l’usage de la langue turque et en encadrant la vie religieuse par 60 000 fonctionnaires de la Diyanet (4). La religion est utilisée comme moyen de rayonnement national, certainement pas comme un courant de solidarité effective avec les coreligionnaires arabes. Elle offrait aux Kurdes, par exemple, un moyen de se mettre au service de l’Empire d’hier : c’est chez les islamistes kurdes que se recrutait la milice du sultan Abdül Hamid. De même pendant les 15 ans de lutte contre la guérilla du PKK, les milices de protecteurs de villages étaient recrutées sur la base de la religion. La vraie solidarité que ressentent et manifestent constamment aussi bien les politiciens, les milieux militaires, les hommes d’affaires ou les confréries s’exprime en direction de toutes les populations plus ou moins mythiquement, linguistiquement ou réellement apparentées aux "Turks"(5).

 

Un “monde turc de l’Adriatique à la Muraille de Chine”

 

Au début de la guerre de Yougoslavie par exemple Türgüt Özal, premier homme politique turc civil à prendre le relais du pouvoir militaire justifia son soutien aux ennemis des Serbes orthodoxes par le rêve d’un "monde turc allant de l’Adriatique à la muraille de Chine". Il se trouve que dans les Balkans la base démographique de ce rêve est très étroite et se compose de quelques rares minorités turques ou musulmanes, les groupes les plus consistants étant albanais ou bosniaques. Il est vrai que du point de vue turc ces Européens, convertis à l’islam autour du xviie siècle, sont représentés par d’importantes communautés considérées comme turques, présentes à Istanbul et dans les couches dirigeantes.

 

En 1991, George Herbert Bush déclarait ainsi, sans périphrase : "La Turquie est l’étoile montante de l’Europe". De la sorte, depuis cette date on a vu de manière systématique les hommes d’affaires d’Istanbul et les agents des services spéciaux d’Ankara servir de relais à l’expansion américaine dans la zone d’expansion "rêvée" par Özal. On les a vus dans toute l’Europe du Sud-Est, où la diplomatie turco-américaine a cherché à mettre en place la "zone de coopération de la Mer Noire". Mais on les a également observés en Asie Centrale et jusque dans le territoire chinois du Sin-jiang revendiqué par les Turks Ouïgours (6).

 

La communauté linguistique des Turks est un phénomène impressionnant. En restaurant ce qu’il appelait la "langue soleil", purgée des apports arabes et persans, Mustapha Kemal a ainsi rapproché la langue parlée par les Turcs d’Anatolie des langues parlées en Asie centrale. C’est une des bases du panturquisme. Et tout naturellement à partir de 1992 quand les républiques soviétiques dessinées artificiellement sous le stalinisme (Ouzbékistan, Kirghizstan, Turkménistan, Azerbaïdjan - le Kazakhstan est à moitié russe et le Tadjikistan est de souche iranienne) sont devenues théoriquement indépendantes. Leurs dirigeants, quoiqu’issus des appareils communistes, ont cherché à contrebalancer l’influence russe. Les agents turco-américains y ont donc été reçus à bras ouverts et il semble bien que l’enthousiasme était général. D’autre part, dans ces pays, les confréries islamiques dont l’existence n’avait jamais disparu sous le communisme ont pour la plupart retrouvé dans l’enthousiasme leurs homologues turcs (7). Certes, depuis, certaines illusions se sont dissipées (8), mais cette ambition demeure une constante de la politique d’Ankara.

 

On doit se souvenir que, dès les années 1910, la révolution jeune turque a commencé à s’intéresser à ce qu’on appelait alors le "Turkestan russe". À la même époque, les provinces arméniennes d’Anatolie représentaient un obstacle géopolitique non négligeable et se tournaient au contraire vers la Russie (9). On retiendra le destin exemplaire d’Enver Pacha. Principal chef des jeunes-turcs lors des révolutions de 1908-1909, après la défaite de l’Empire ottoman en octobre 1918, il fut chassé de Constantinople, se réfugia dans le Caucase où il prit la tête des Basmadjis, révoltés touraniens qui cherchèrent, tout d’abord, à s’allier avec les bolcheviks en Asie centrale, mais se retournèrent contre leurs alliés d’un moment. Et c’est les armes à la main qu’il fut abattu par un détachement de l’armée rouge en août 1922.

 

Les rapports de von Papen

 

Dans les années 1940, l’Axe s’intéressera beaucoup à cet héritage, et aux braises panturquistes d’aujour­d’hui sous la cendre soviétique. Toutefois les Occidentaux auraient dû prendre mieux connaissance des rapports de von Papen, ambassadeur allemand à Ankara : il concluait de manière assez négative quant aux retombées bien concrètes de cette parenté linguistique et mythique des Touraniens. Parmi les ambitions les plus réalistes de l’expansionnisme turc, fondées aujourd’hui par une démographie galopante, opposées à ses voisins du Proche Orient notamment sur la disposition des réserves d’eau, attirées par toute la géopolitique du Pétrole - dans le nord de l’Irak comme dans le Caucase - il en reste une. C’est pro­bablement l’ambition sur laquelle l’islamiste "modéré" Erdogan et le chef de l’armée "laïc", le général Ozkok, semblent être tombés d’accord pendant l’hiver 2002-2003 : à cette date on sortait du coup de tonnerre de l’élection de novembre 2002 donnant la majorité au parti d’Erdogan.

 

Il ne s’agira pas en effet, de servir l’islamisme mondial (10), mais de s’en servir, avec l’argent des Européens, afin de construire une immense puissance orientale. Et alors "l’étoile montante de l’Europe" (Bush père dixit) redeviendra pour l’Occident une menace tangible, comme elle l’était à l’époque du siège de Vienne. Mais cette fois les églises seront-elles là pour sonner le tocsin ?

 

Jean-Gilles Malliarakis.

 

Notes:

(1) Au sein de la classe politique, elle a été constatée notamment par le chancelier Kohl, par M. Giscard d’Estaing, etc.  

(2) La première entorse sera opérée en 1939 lors du traité franco-anglo-turc de 1939 aux termes duquel la France remettait avec la bénédiction de la Grande-Bretagne le sandjak d’Alexandrette détaché de la Syrie, alors sous mandat français, en échange de la promesse Turque de se joindre à la guerre contre l’Allemagne, ce qu’elle fit... en 1945.

(3) Dans l’Empire ottoman, à partir du XVIe siècle et contrairement au droit coranique, c’est le Sultan qui nommait le Cheïkh ül-islam.

(4) Direction des Affaires religieuses

(5) Un certain usage désigne comme "turks" avec un k les populations apparentées linguistiquement aux Turcs d’Anatolie, et qui n’ont pas nécessairement d’Histoire commune avec les Turcs. Nous préférons l’appellation de "Touraniens".

(6) La découverte par les Chinois d’agents militaires turcs et de militants islamistes parmi les terroristes ouïgours à la fin des années 1990 aura été un coup de tonnerre amenant Pékin à reconsidérer sa politique extérieure et ses relations, tant avec la Turquie qu’avec le Pakistan.

(7) On rappellera à ce sujet qu’un personnage comme Özal était affilié à la secte des "derviches" naqshbandi, etc...

(8) En particulier l’Ouzbekistan a la prétention au leadership en Asie centrale et ne désire point y voir la Turquie trop active.

(9) Sans justifier le moins du monde les affreux massacres de 1915, cette situation géopolitique explique une volonté d’éradication qui semble avoir épargné les Arméniens de Constantinople.

(10) Rappelons que la Turquie prétendument "laïque" appartient à l’Organisation de la Conférence Islamique. De plus en janvier 2003, le ministre des Affaires étrangères Abdüllah Gül n’a pas hésité à faire acte de candidature à... la Ligue arabe. Où est donc l’appartenance européenne dans tout celà ?

 

lundi, 11 août 2008

L'idée touranienne dans la stratégie américaine

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L'idée touranienne dans la stratégie américaine

 

Le régime turc est autorisé à se maintenir en lisière de l'Eu­rope et dans l'OTAN, malgré ses dimensions "non démo­cra­ti­ques", parce ce pays reçoit en priorité l'appui des Etats-U­nis, qui savent que le militarisme turc pourra leur être très utile si le "Grand Jeu" reprend au beau milieu de l'espace eurasiatique. Cette coïncidence d'intérêts entre militaires turcs et stratégie générale des Etats-Unis incite les uns et les autres à redonner vigueur au "panturquisme", qui porte quelques fois un autre nom : celui de "pantouranisme" ou de "touranisme". C'est le rêve et le projet d'un "empire grand-turc", même s'il doit rester informel, qui s'étendrait de l'Adriatique (en Bosnie) à la Chine (en englobant le Xin­jian ou "Turkestan oriental" ou "Turkestan chinois") (1). Cet empire grand-turc rêvé prendrait le relais de l'Empire otto­man défunt. Le projet touranien a été formulé jadis par le dernier ministre de la guerre de cet empire ottoman, Enver Pacha, tombé au combat face aux troupes soviétiques en com­mandant des indépendantistes turcophones d'Asie cen­tra­le. La "Touranie" centre asiatique n'a jamais fait partie de l'Empire ottoman, sauf quelques bribes territoriales dans les marches; néanmoins, il y a toujours eu des liens entre les khanats des peuples turcs d'Asie centrale et l'Empire ot­to­man, qui y recrutait des hommes pour ses armées. Si la li­gnée d'Osman s'était éteinte, celle des khans de Crimée, de la maison de Giraj, dont l'ancêtre était le Grand Khan des Mongols, Gengis Khan (2), serait alors devenue, comme prévu, la dynastie dirigeante de l'Empire Ottoman (3). 

 

Face au projet touranien, Atatürk adoptait plutôt une posi­tion de rejet, mais c'était très vraisemblablement par tac­ti­que (4), car il devait justifier sa politique face à l'Occident et condamner, pour cette raison, le génocide perpétré par les gouvernements jeunes-turques contre les Arméniens. En­suite, dès que le régime soviétique s'est consolidé, il n'au­rait pas été réaliste de persister sur des positions pan­tou­raniennes. Pourtant, en 1942, quand les troupes alle­man­des pénètrent profondément à l'intérieur du territoire so­viétique, le panturquisme, longtemps refoulé, revient très vite à la surface. Mais, vu la constellation internatio­nale, le gouvernement turc a dû officiellement juger cer­tains activistes pantouraniens, comme le fameux Alparslan Türkesch, pour "activités racistes"; en effet, les Britan­ni­ques (et non pas l'Allemagne nationale-socialiste) avaient, selon leurs bonnes habitudes et sans circonlocutions inu­ti­les, menacé d'occuper la Turquie et Staline, lui, était passé à l'acte en déportant en Sibérie les Tatars de Crimée, alliés poten­tiels d'une coalition germano-turque.

 

Perspective touranienne et "grande turcophonie"

 

Après l'effondrement de l'URSS, la perspective touranienne (5) est bien trop séduisante pour les Etats-Unis, héritiers du système de domination britannique, pour qu'ils la négli­gent. Mises à part les républiques caucasiennes, la majorité écrasante de la population des Etats indépendants dans la partie méridionale de l'ex-Union Soviétique sont de souche turque, sauf les Tadjiks qui sont de souche persane. Qui plus est, de nombreux peuples au sein même de la Fé ­dé­ra­tion de Russie appartiennent à cette "grande turcophonie": leur taux de natalité est très élevé, comme par exemple chez les Tatars, qui ont obtenu le statut d'une république quasi indépendante, ou chez les Tchétchènes, qui combat­tent pour obtenir un statut équivalent. Les "pantouraniens" de Turquie ne sont pas encore très conscients du fait que les Yakoutes de Sibérie nord-orientale, face à l'Etat amé­ri­cain d'Alaska, relèvent, eux aussi, au sens large, de la tur­co­phonie.

 

Si l'on parvient à unir ces peuples qui, tous ensemble, comp­tent quelque 120 millions de ressortissants, ou, si on par­vient à les orienter vers la Turquie et son puissant allié, les Etats-Unis, à long terme, les dimensions de la Russie pourraient bien redevenir celles, fort réduites, qu'elle avait au temps d'Ivan le Terrible (6). En jouant la carte azérie (l'A­zerbaïdjan), ethnie qui fournit la majorité du cadre mi­li­taire de l'Iran, on pourrait soit opérer une partition de l'I­ran soit imposer à ce pays un régime de type kémaliste, indirectement contrôlé par les Turcs. Certains pantoura­niens turcs, à l'imagination débordante, pourraient même rêver d'un nouvel Empire Moghol, entité démantelée en son temps par les Britanniques et qui sanctionnait la domina­tion turque sur l'Inde et dont l'héritier actuel est le Pa­ki­stan.

 

Le "Parti du Mouvement National" (MHP), issu des "Loups Gris" de Türkesch, se réclame très nettement du touranis­me; lors des dernières élections pour le parlement turc, ce parti a obtenu 18,1%, sous la houlette de son président, Dev­let Bahceli et est devenu ainsi le deuxième parti du pays. Il participe au gouvernement actuel du pays, dans une coalition avec le social-démocrate Ecevit, permettant ainsi à certaines idées panturques ou à des sentiments de même acabit, d'exercer une influence évidente dans la so­ciété turque. C'est comme si l'Allemagne était gouvernée par une coalition SPD/NPD, avec Schroeder pour chancelier et Horst Mahler comme vice-chancelier et ministre des af­faires extérieures! […].

 

Une Asie centrale "kémalisée"?

 

Dans un tel contexte, le kémalisme comme régime a toutes ses chances dans les républiques touraniennes de l'ex-Union Soviétique. Les post-communistes, qui gouvernent ces E­tats, gardent leur distance vis-à-vis de l'Islam militant et veu­lent le tenir en échec sur les plans politique et institu­tionnel. Mais l'arsenal du pouvoir mis en œuvre là-bas peut rapidement basculer, le cas échéant, dans une démocratie truquée. Jusqu'à présent, ces Etats et leurs régimes se sont orientés sur les concepts du soviétisme libéralisé et, mis à part l'Azerbaïdjan, choisissent encore de s'appuyer plutôt sur la Russie que sur la Turquie (8), malgré l'engagement à grande échelle de Washington et d'Ankara dans les sociétés pétrolières et dans la politique linguistique (introduction d'un alphabet latin modifié (7), adaptation des langues turques au turc de Turquie. Comme l'Occident exige la li­berté d'opinion et le pluralisme, ces éléments de "bonne gouvernance" sont introduits graduellement par les gouver­ne­ments de ces pays, ce qui constitue une démocratisation sous contrôle des services secrets selon la notion de peres­troïka héritée de l'Union Soviétique (9).

 

Cela revient à construire les "villages à la Potemkine " de la dé­mocratie (10), dont le mode de fonctionnement concret est difficile à comprendre de l'extérieur. Tant que les diffé­rents partis et organes de presse demeurent sous le contrô­le des services secrets, on n'aura pas besoin d'interdire des formations politiques en Asie centrale (contrairement à ce qui se passe en Allemagne fédérale!). Mieux: on ira jusqu'à soutenir le "pluralisme" par des subsides en provenance des services secrets, car cela facilitera l'exercice du pouvoir par les régimes post-communistes établis, selon le bon vieux principe de "Divide et impera", mais l'Occident aura l'im­pression que la démocratie est en marche dans la ré­gion.

 

Avec Peter Scholl-Latour, on peut se poser la question: «Pen­dant combien de temps l'Occident  —principalement le Congrès américain et le Conseil de l'Europe—  va-t-il culti­ver le caprice d'imposer un parlementarisme, qui soit le cal­que parfait de Westminster, dans cette région perdue du monde, où le despotisme est et reste la règle cardinale de tout pouvoir? ». Ce jeu factice de pseudo-partis et de pseu­do-majorités ne peut conduire qu'à discréditer un système, qui ne s'est avéré viable qu'en Occident et qui y est incon­tour­nable. Le pluralisme politique et la liberté d'opinion ne sont pas des "valeurs" qui se développeront de manière op­timale en Asie centrale. Même le Président Askar Akaïev du Kirghizistan, considéré en Europe comme étant "relative­ment libéral", a fait prolonger et bétonner arbitrairement son mandat par le biais d'un référendum impératif. Nous avons donc affaire à de purs rituels pro-occidentaux, à un libéralisme d'illusionniste, pure poudre aux yeux, et les mis­sionnaires de cette belle sotériologie éclairée, venus d'Oc­cident, finiront un jour ou l'autre par apparaître pour ce qu'ils sont: des maquignons et des hypocrites (11).

 

Va-t-on vers une islamisation de l'extrémisme libéral?

 

Comme la pseudo-démocratie à vernis occidental court tout droit vers le discrédit et qu'elle correspond aux intérêts américains, tout en ménageant ceux de la Russie (du moins dans l'immédiat…), c'est un tiers qui se renforcera, celui dont on veut couper l'herbe sous les pieds : l'islamisme. Com­me le kémalisme connaît aussi l'échec au niveau des par­tis politiques, parce que la laïcisation forcée qu'il a prô­née n'a pas fonctionné, la perspective touranienne conduit ipso facto à réclamer une ré-islamisation de la Turquie , mais une ré-islamisation compatible avec la doctrine kéma­liste de l'occidentalisation (12); de cette façon, le kéma­lis­me pourra, à moyen terme, prendre en charge les régimes post-communistes de la "Touranie".

 

La synthèse turco-islamique ("Türk-islam sentezi") est un nou­vel élément doctrinal, sur lequel travaillent depuis long­temps déjà les idéologues du panturquisme (13), avec de bonnes chances de connaître le succès : si l'on compta­bi­lise les voix du DSP et du CHP, on obtient à peu de choses près le nombre des adeptes de l'alévisme; ceux-ci se veu­lent les représentants d'un Islam turc, posé comme distinct du sunnisme, considéré comme "arabe", et du chiisme, con­sidéré comme "persan" (14). Dans cette constellation poli­tique et religieuse, il faut ajouter aux adeptes de l'alé­visme, l'extrême-droite turque et une partie des islamistes (15). Ces deux composantes du paysage politique turc é­taient prêtes à adopter une telle synthèse, celle d'un Islam turc, voir à avaliser sans problème une islamisation du ké­malisme, qui aurait pu, en cas de démocratisation, con­duire à une indigénisation de facto de l'extrémisme libéral.

 

Universalisme islamique et Etats nationaux

 

En s'efforçant de créer une religion turque basée sur la ma­xime "2500 ans de turcicité, 1000 ans d'islam et (seule­ment) 150 ans d'occidentalisation", un dilemme se révèle : ce­lui d'une démocratisation dans le cadre d'un islam qui reste en dernière instance théocratique. L'établissement de la démocratie dans tout contexte islamique s'avère fort difficile, parce que la conception islamique de l'Etat im­plique une négation complète de l'Etat national (16). Or cette instance, qu'on le veuille ou non, a été la grande pré­misse et une des conditions premières dans l'éclosion de la démocratie occidentale (en dépit de ce que peuvent penser les idéologues allemands au service de la police politique, qui marinent dans les contradictions de leur esprit para-théocratique, glosant à l'infini sur les "valeurs" de la démo­cratie occidentale). Dans l'optique de l'islam stricto sensu, en principe, tous les Etats existants en terre d'islam sont illégitimes et peuvent à la rigueur être considérés comme des instances purement provisoires. Ils n'acquièrent légiti­mité au regard des puristes que s'ils se désignent eux-mê­mes comme bases de départ du futur Etat islamique qui, en théorie, ne peut être qu'unique. 

 

Dans le christianisme, le conflit entre la revendication universaliste de la religion et les exigences particularistes de la politique "mondaine" (immanente) se résout par la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Dans le christianisme oriental (orthodoxie), la séparation de l'Eglise et de l'Etat n'a pas été poussée aussi loin, ce qui est une caracté­ristique découlant tout droit de la forme de domination propre au système ottoman, que l'on appelle le "système des millets", où les chefs d'Eglise, notamment le Patriarche de Constantinople, sont considérés comme des "chefs de peuple". De ce fait, le principe de l'"église nationale" con­stitue la solution dans cette aire byzantine et orthodoxe. Dans l'aire islamique, nous retrouvons cette logique, qui, en Occident, a conduit à la démocratie, telle qu'on la connaît aujourd'hui. Cette démocratie a pu s'organiser dans un es­pace particulier et circonscrit, via l'instance "Etat national". Donc dans l'aire islamique, réaliser la démocratie passe né­cessairement par le postulat de créer une religion natio­nale. On retrouve une logique similaire dans le judaïsme, lui aussi apparenté à l'Islam, où le sionisme a été le moteur d'une démocratisation nationaliste, qui a finalement con­duit à la création de l'Etat d'Israël. Cependant, dans l'aire islamique, une religion nationale de ce type, qui pourrait concerner tous les Etats musulmans, ne pourrait pas se con­tenter d'être une simple religion civile, comme en Occident et notamment en RFA, où la religion civile repose sur un reniement moralisateur du passé, organisé par l'Etat lui-mê­me; elle devrait avoir tous les éléments d'une véritable religion (17), pouvant se déclarer "islamique", même si d'au­tres refusent de la considérer comme telle.

 

L'alévisme turc, religiosité de type gnostique

 

Dans les doctrines de l'alévisme turc (18), nous avons affai­re à une religion de type gnostique, car son noyau évoque la théorie des émanations, selon laquelle tous les étants sont issus de Dieu, vers lequels ils vont ensuite s'efforcer de retourner. Dieu a créé les hommes comme êtres corporels (phy­siques) (19), afin de se reconnaître lui-même dans sa création. Après le "retour" dans l'immense cycle ontolo­gi­que, toutes les formes, produites par l'émanation, retour­nent à Dieu et se dissolvent en lui (20), ce qui lui permet de gagner en quelque sorte une plus-value d'auto-connais­sance. La capacité qu'a l'homme de reconnaître Dieu at­teste de la nature divine de l'homme. Par extrapolation, on aboutit quelques fois à une divinisation de l'homme, deve­nant de la sorte un être parfait (où l'homme devient un dieu sur la Terre ), et, dans la logique de l'alévisme turc, le Turc devient ainsi le plus parfait des êtres parfaits. L'hom­me a parfaitement la liberté d'être athée, car l'athéisme con­stitue une possibilité de connaître Dieu (21), car la con­nais­sance de Dieu, dans cette optique, équivaut à une con­naissance de soi-même.

 

Par conséquent, les lois islamiques, y compris les règles de la prière, ne sont pas reconnues et, à leur place, on installe les anciennes règles sociales pré-islamiques des peuples turcs, ce qui revient à mettre sur pied une religion ethni­que turque, compénétrée d'éléments chamaniques venus d'Asie centrale. Dans une telle optique, Mohammed et Ali, qui, au titre d'émanation est pied sur pied d'égalité avec lui, sont perçus comme des êtres angéliques préexistants, devenus hommes.  Le Coran n'a plus qu'une importance de moin­dre rang, car, disent les gnostiques turcs, par sa chute dans une forme somatique d'existence, le Prophète a subi une perte de savoir, le ramenant au niveau de la simple con­naissance humaine. Tous les éléments d'arabité en vien­nent à être rejetés, pour être remplacés par des éléments turcs.

 

Ordre des Janissaires, alévisme et indigénisme turc

 

Si l'on ôte de l'idéologie d'Atatürk tout le vernis libéral (extrême libéral), on perçoit alors clairement que le fonda­teur de la Turquie moderne —même s'il n'en était pas entiè­rement conscient lui-même—  était effectivement un Alé­vite, donc en quelque sorte un indigéniste turc (on le voit dans ses réformes : égalité de l'homme et de la femme, in­terdiction du voile, autorisation de consommer de l'alcool, suppression de l'alphabet et de la langue arabes, etc.). Ce programme ne peut évidemment pas se transposer sans heurts dans d'autres Etats islamiques. En Turquie, ces ré­for­mes ont pu s'appliquer plus aisément dans la majorité sun­nite du pays sous le prétexte qu'elles étaient une occi­dentalisation et non pas une transposition politique des critères propres de l'alévisme. La suppression du califat sun­nite par Atatürk en 1924 peut s'interpréter comme une ven­geance pour la liquidation de l'ordre des janissaires par l'Etat ottoman en 1826. Les janissaires constituaient la prin­cipale troupe d'élite de l'Empire ottoman; sur le plan re­ligieux, elle était inspirée par l'Ordre alévite des Bekta­chis , lui aussi interdit en 1827 (22). Les intellectuels de l'Armée et les nationalistes d'inspiration alévite reprochent à cette interdiction d'avoir empêché la turquisation des Albanais, très influencés par le bektachisme, à l'ère du ré­veil des nationalités. Les nationalistes alévites constituent l'épine dorsale du mouvement des Jeunes Turcs qui arrivent au pouvoir en 1908. Ces événements et cette importante cardinale du bektachisme alévite explique pourquoi la Tur ­quie actuelle et les Etats-Unis (23) accordent tant d'impor­tance à l'Albanie dans les Balkans, au point de les soutenir contre les Européens.

 

L'idéal de "Touran" vise à poursuivre la marche de l'histoire

 

La religion quasi étatique dérivée directement des doctri­nes alévites pourrait sous-tendre un processus de démocra­ti­sation dans l'aire culturelle musulmane (24), mais elle ne serait acceptée ni par les Sunnites ni par les Chiites. Ceux-ci n'hésiteraient pas une seconde à déclarer la "guerre sain­te" aux Alévites. On peut penser que les prémisses de cet Is­lam turco-alévite pourrait, par un effet de miroir, se re­trou­ver dans le contexte iranien, où les Perses se réfère­raient à leur culture pré-islamique (ou forgeraient à leur tour un islam qui tiendrait compte de cette culture). Une tel­le démarche, en Iran, prendrait pour base l'épopée na­tio­nale du Shahnameh (le "Livre des Rois"). Aujourd'hui, on observe un certain retour à cette iranisme, par nature non islamique, ce qui s'explique sans doute par une certaine dé­ception face aux résultats de la révolution islamique. Mais le nouvel iranisme diffus d'aujourd'hui se plait à souligner toutes les différences opposant les Perses aux Turcs, alliés des Etats-Unis. Enfin, dans l'iranisme actuel, on perçoit en fi­ligrane une trace du principe fondamental du zoro­as­tris­me, c'est-à-dire la partition du monde en un règne du Bien et un règne du Mal, un règne de la "Lumière" et un règne de l'"Obscurité", compénétrant entièrement l'épopée nationale des Perses. Cela se répercute dans l'opposition qui y est dé­cri­te entre l'Empire d'"Iran" et l'Empire du "Touran". « L'Iran étant la patrie hautement civilisée des Aryens, tandis que le Touran obscur est le lieu où se rassemblent tous les peu­ples barbares de la steppe, venus des profondeurs de l'Asie centrale, pour assiéger la race des seigneurs de souche in­do-européenne » (25).

 

La fin de l'histoire occidentale

 

Peu importe ce que les faits établiront concrètement dans le futur : dés aujourd'hui, on peut dire que la perspective tou­ranienne permet d'aller dans le sens des intérêts amé­ri­cains au cas où le "Grand Jeu" se réactiverait et aurait à nou­veau pour enjeu la domination du continent eurasia­ti­que, prochain "champ de bataille du futur" (26). Parce qu'ils bénéficient du soutien des Etats-Unis, les Etats riverains et touraniens de la Mer Caspienne équipent leurs flottes de guerre pour affirmer leurs droits de souveraineté sur cette mer intérieure face à la Russie et à l'Iran. Le tracé de ces frontières maritimes est important pour déterminer dans l'avenir proche à qui appartiendront les immenses réserves de pétrole et de gaz naturel. Le risque de guerre qui en découle montre l'immoralité de la politique d'occidentalisa­tion, dont parle Huntington (27). Celui-ci nous évoque les moyens qui devront irrémédiablement se mettre en œuvre pour concrétiser une telle politique : ces moyens montrent que la conséquence nécessaire de l'universalisme est l'im­pé­­rialisme, mais que, dans le contexte actuel qui nous pré­occupe, l'Occident n'a plus la volonté nécessaire de l'impo­ser par lui-même (mis à part le fait que cet impérialisme con­tredirait les "principes" occidentaux…). L'universalisme oc­ci­dental, qui cherche à s'imposer par la contrainte, ne peut déboucher que sur le désordre, car les moyens mis en œuvre libèreraient des forces religieuses, philosophiques et démographiques qu'il est incapable de contrôler et de com­pren­dre. Cette libération de forces pourra conduire à tout, sauf à la "fin de l'histoire". Mais cette fin de l'histoire sera effectivement une fin pour la civilisation qui pense que cet­te fin est déjà arrivée. «Les sociétés qui partent du prin­ci­pe que leur histoire est arrivée à sa fin sont habituel­le­ment des sociétés dont l'histoire sera interprétée comme étant déjà sur la voie du déclin » (28).

 

On peut émettre de sérieux doute quant à la réalisation ef­fective de la "perspective touranienne" ou d'une issue con­crète aux conflits qu'elle serait susceptible de déclencher dans l'espace centra-asiatique quadrillé jadis par l'interna­tionalisme stalinien qui a imposé des frontières artificiel­les, reprises telles quelles par le nouvel ordre libéral, qui ne parle pas d'"internationalisme", comme les Staliniens, mais de "multiculturalisme". Ce multiculturalisme ne veut pas de frontières, alors que ce système de frontières est une nécessité pour arbitrer les conflits potentiels de cette ré­gion à hauts risques. Renoncer aux frontières utiles re­vient à attendre une orgie de sang et d'horreur, qui sera d'au­tant plus corsée qu'elle aura une dimension métaphy­si­que (29). C'est une sombre perspective pour nous Euro­péens, mais, pour les Turcs, elle implique la survie, quoi qu'il arrive, à l'horizon de la fin de l'histoire, que ce soit en préservant leur alliance privilégiée avec les Etats-Unis ou en entrant en conflit avec eux, remplaçant l'URSS comme dé­tenteurs de la "Terre du Milieu", nécessairement opposés aux maîtres de la Mer.

 

Josef SCHÜSSLBURNER.

(extrait d'un article paru dans Staatsbriefe, n°9-10/2001; trad. franç.: Robert Steuckers).

 

Notes :

(1)       Cf. «Waffen und Fundamentalismus. Die muslimischen Separa­tisten im Nordwesten Chinas erhalten zulauf», Frankfurter Allgemeine Zeitung, 29.3.1999.

(2)       Plus tard, un nombre plus élevé de tribus mongoles se sont pro­­gressivement "turquisées"; le terme "Moghol" le rappelle, par exemple, car il signifie "mongol" en persan; c'est un sou­venir des origines mongoles des familles dominantes, alors qu'en fin de compte, il s'agit d'une domination turque sur l'In­de.

(3)       F. Gabrieli, Mohammed in Europa - 1300 Jahre Geschichte, Kunst, Kultur, 1997, p. 143.

(4)       La position d'Atatürk était purement tactique, en effet, si l'on se rappelle que les principaux responsables du génocide sont devenus les meilleurs piliers du régime kémaliste; cf. W. Gust, Der Völkermord an den Armeniern, 1993, pp. 288 et ss.

(5)       Cf. «Stetig präsent. Das Engagement der Türkei in einem unsi­cher werdenden Mittelasien», Frankfurter Allgemeine Zei­tung, 4.10.1999.

(6)       La Russie reconnaît effectivement cette problématique; cf. «Mos­kau will eine Allianz gegen Russland nicht hinnehmen. Ankara der Verbreitung pantürkischer Vorstellung bezichtigt - Ab­schluß des Gipfels (der Staatschefs von Aserbaidschan, Ka­sachstan, Kyrgystan, Usbekistan und Turkmnistan) in Istanbul» (!), Frankfurter Allgmeine Zeitung, 20.10.1994.

(7)       Vu le caractère "irréversible" de la candidature de la Turquie à l'UE, la CDU et le Frankfurter Allgemeine Zeitung espèrent que l'ancien bourgmestre d'Istanbul fondera un parti islamique sur le modèle de la CDU (cf. «Im Zeichen der Glühbirne - Die neu­ge­gründete islamische Partei in der Türkei könnte erfolgreich sein - Diesen Erfolg will jedoch das kemalistische Regime nicht zulassen», Frankfurter Allgemeine Zeitung, 16.8.1991, p. 12; cf. également: «Neues Verfahren gegen Erdogan», Frankfurter Allgemeine Zeitung, 22.8.2001, p. 8.

(8)       A ce sujet, cf. «Ein U für ein Y. Schriftwechsel in Aserbaid­schan von kyrillischen zu lateinischen Buchstaben; "…die durch den Wechsel der Schrift zu erwartende engere Anbindung an die Türkei sei von Vorteil für das Land, weil dadurch auch ein wirtschaftlicher Aufschwung zu erwarten sei», Frankfurter All­gemeine Zeitung, 2.8.2001, p. 10.

(9)       Pourtant la distance s'amplifie, cf. «Staatschefs der GUS reden ü­ber regionale Sicherheit; "… herrschen indes Zweifel am Sinn und Zweck der GUS, deren Staaten sich in den vergangenen Jahren auseinanderentwickelt haben», Frankfurter Allge­mei­ne Zeitung, 2.8.2001, p. 6.

(10)    Malheureusement, il n'existe aucune présentation systéma­ti­que de ce concept de "pseudo-démocratisation" téléguidée par les services secrets; on trouve cependant quelques allusions chez A. Zinoviev, Katastroïka, L'Age d'Homme, Lausanne. Par ail­leurs, des allusions similaires se retrouvent dans A. Golit­syn, New Lies for Old, 1984, livre dont nous recommandons la lecture car l'auteur, sur base de sa bonne connaissance du sys­tème soviétique de domination, a parfaitement pu prévoir la mon­tée de la perestroïka.

(11)    Voir le titre de chapitre, p. 109, dans le livre de Peter Scholl-La­tour, Das Schlachtfeld der Zukunft. Zwischen Kaukasus und Pamir, 1998. 

(12)    Ibidem, pp. 151 et ss.

(13)    Cf. «Türkisierung  des Islam? Eine alte Idee wird in Ankara neu aufgelegt», Frankfurter Allgemeine Zeitung, 4.9.1998.

(14)    Références dans U. Steinbach, Geschichte der Türken, 2000, p. 111.

(15)    Dans ce contexte, il convient de citer le nom du prédicateur iti­né­rant Fethullah Gülen, toutefois soupçonné par les kéma­listes, cf. Frankfurter Allgemeine Zeitung, 15.4.1998.

(16)    C'est ce que souligne à juste titre Huntington, pp. 281 et sui­vantes de l'édition de poche allemande de son livre Der Kampf der Kulturen. Die Neugestaltung der Weltpolitik im 21. Jahr­hundert, 1996.

(17)    Il existe une étape intermédiaire entre une religion civile em­preinte de dogmatisme, comme cette "révision moralisante et permanente du passé" qui s'exerce en RFA, et une véritable religion d'Etat: c'est le concept du "panchasilla", qui est à la fois politique et religieux, propre au régime indonésien, qui permet à l'Etat d'énoncer des dogmes religieux, comme celui d'un monothéisme abstrait, ce qui oblige la minorité bouddhis­te d'interpréter l'idée de nirvana dans un sens théiste, ce qui pré­pare en fait son islamisation (voir notre note 20).

(18)    On en trouve une bonne présentation chez Anton J. Dierl, Ge­schichte und Lehre des anatolischen Alevismus-Bektasismus, 1998, voir en particulier pp. 29 et ss.

(19)    L'accent mis sur le corps et sur les besoins du corps, y compris l'autorisation de boire de l'alcool, a rendu les Alévites sus­pects, comme jadis les Pauliciens et les Bogomils, dont la spiritualité est sous-jacente à l'islam européen dans les Bal­kans. On peut hésiter à qualifier cette religiosité de "gnosti­que". Toutefois la construction théologique générale possède les caractéristiques du gnosticisme, car son lien avec l'islam ap­paraît plutôt fortuit (en effet, les doctrines gnostiques peu­vent recevoir aisément une formulation chrétienne ou boud­dhis­te, comme l'atteste le manichéisme).

(20)    Cette conception peut provenir du temps où la majeure partie des peuples turcs était encore bouddhiste : à l'évidence, il s'a­git ici d'une interprétation théiste du nirvana; on peut suppo­ser qu'elle ait continué à exister au niveau de la mémoire, mê­me après la conversion à l'islam de ces Turcs bouddhistes d'A­sie centrale et d'Inde, même si cette théorie n'est pas satis­fai­sante pour expliquer le principe du karma tout en niant l'exis­tence de l'âme.

(21)    On peut y reconnaître des influences venues de l'hindouisme ; la vision de Dieu comme créateur, conservateur et destructeur du monde rappelle la doctrine trifonctionnelle (Trimurti) de l'hin­douisme; quant à savoir si les cercles ésotériques de l'alé­visme turc croient à la transmigration des âmes  —comme les Dru­ses, mais qui se réfèrent à d'autres traditions, on peut sim­ple­ment le supposer. Les Alaouites de Syrie le pensent, mais les Alévites turcs ne veulent rien avoir à faire avec les Alaoui­tes qui dominent le système politique en Syrie, comme, en fin de compte, aucun Turc s'estimant authentiquement turc ne veut rien avoir à faire avec les Arabes!

(22)    L'orthodoxie sunnite n'a pas pu reprendre en charge cette fonc­tion, car elle s'opposait à la conversion forcée des Chré­tiens (jusqu'en 1700, les janissaires se recrutaient parmi les garçons chrétiens enlevés à leurs familles); cette orthodoxie ne pouvait accepter qu'un musulman soit l'esclave d'un chré­tien (ce que les janissaires étaient formellement en dépit de leur conversion forcée); ce devrait être un avertissement à ceux qui pensent que les Alévites sont des "libéraux" que l'on pourrait soutenir contre l'orthodoxie islamique.

(23)    Cf. «Das Doppelspiel der Amerikaner : Unter den Europäern wächst die Irritation über das zwielichtige Agieren Washing­tons auf dem Balkan : Als Paten der UÇK sind die USA mitver­ant­wortlich für die Zuspitzung des Konflikts zwischen Albanern und Slawo-Mazedoniern», Der Spiegel, n°31/2001, p. 100.

(24)    Il faut tenir compte du fait que l'Islam, actuellement, se trou­ve à une période de son histoire qui correspond à celle de la Ré ­forme en Europe : à cette époque-là en Europe, la démo­cra­tisation ne pouvait se comprendre que comme une théocra­tisation - l'Iran actuel correspond ainsi au pouvoir instauré par Calvin à Genève (et aux théocraties équivalentes installées en Nouvelle-Angleterre). Il faudrait en outre accorder une plus grande importance à la phénoménologie culturelle que nous a léguée un Oswald Spengler; celui-ci , avec une précision toute allemande, a approfondi la théorie de l'anakyklosis (doctrine des cycles ascendants) de Polybe. Pour les collaborateurs des ser­vices de sûreté allemands, Spengler et Polybe seraient au­tomatiquement classés comme des "ennemis de la consti­tu­tion", car ni l'un ni l'autre n'auraient cru, aujourd'hui, à l'é­ternité du système de la RFA actuelle, que tous les historiens contemporains sont sommés de ne jamais relativiser!

(25)    Cf. le résumé final dans le livre de Peter Scholl-Latour, op. cit., p. 294.

(26)    Comme le dit bien le titre du livre de Peter Scholl-Latour, op. cit.

(27)    Ibidem, p. 511.

(28)    Comme le dit à juste titre Samuel Huntington, op. cit. , p. 495.

(29)    Exactement comme le dit le titre de chapitre en page 151 du li­vre de Peter Scholl-Latour, op. cit.

 

 

vendredi, 01 août 2008

Une biographie magistrale d'Auger Ghiselin de Busbecq

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Un Européen chez les Turcs. Auger Ghiselin de Busbecq

  • Ignace Dalle
  • Date de Parution : 28/05/2008
  • Collection : Documents
  • Prix public TTC : 23,00 €
  • Code ISBN / EAN : 9782213626796 / hachette : 3528791
  • Format (153 x 235)
  • Nombre de pages : 438


Dans la première moitié du XVIe siècle, les Turcs, qui ont déjà conquis Budapest et un tiers de l’Europe, sont sur le point de s’emparer de Vienne. Leur puissance militaire, leur mode de vie et leur religion inspirent la crainte, parfois la terreur chez de nombreux Européens. Un demi-millénaire plus tard, en ce début du XXIe siècle, la Turquie, candidate à l’Union européenne, suscite à nouveau la peur et souvent un rejet violent en Europe occidentale.
Beaucoup d’Européens ignorent l’histoire étonnante de ce grand pays qui a abrité jusqu’en 1453 l’empire byzantin, premier empire chrétien, avant que les Ottomans ne prennent Constantinople et commencent à narguer le Saint empire romain germanique en occupant une bonne partie de l’Europe.

Enfant illégitime né en 1521 au cœur de la Flandre, alors la région la plus riche du monde, Auger Ghiselin de Busbecq parvient, grâce à ses dons multiples et après avoir été légitimé par Charles Quint, à représenter l’Empire des Habsbourg auprès de Soliman le Magnifique. Si ses talents de diplomate lui permettent de calmer le jeu en Europe centrale, où Turcs et Autrichiens se font face, Busbecq reste surtout connu pour sa description amusante et originale de la société turque au moment où l’Empire ottoman est à son apogée. La discipline, la propreté et, surtout, la priorité donnée au mérite sont quelques-unes des qualités turques auxquelles Busbecq rend d’autant plus volontiers hommage qu’elles sont presque inconnues en Europe occidentale au XVIe siècle. Au-delà de la Turquie, l’œuvre de Busbecq est un témoignage incomparable sur une période charnière de l’histoire de l’Europe marquée par la Renaissance, la découverte du Nouveau Monde, la Réforme et les ambitions ottomanes.

Auteur :
Journaliste à l'Agence France Presse, Ignace Dalle a passé de nombreuses années en poste dans le monde arabe, notamment au Liban, en Egypte et au Maroc. De 1992 à 1996, il est directeur du bureau de l'AFP à Rabat. Diplômé de l'Ecole Supérieure de Journalisme de Lille et d'Etudes arabes de l'Université Saint Joseph de Beyrouth, il a publié plusieurs livres sur cette partie du monde.

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