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samedi, 14 septembre 2013

L'IRONIE CONTRE LA “POLITICAL CORRECTNESS”

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Robert Steuckers:

L'IRONIE CONTRE LA “POLITICAL CORRECTNESS”

Université d'été de "Synergies Européennes", lundi 28 juillet 1997

Cercle Proudhon, Genève, décembre 1997

Organiser un atelier de l'Université d'été sur l'ironie comme “arme” contre la “political correctness” est politiquement et métapolitiquement justifié.

En effet, quelle est l'origine de la “political correctness” (dorénavant en abrégé: PC)?

Aux Etats-Unis, dès la fin des années 70, le relativisme, la ruine des idéaux et des ressorts communautaires provoquent une réaction qui prend forme dans le livre de John Rawls, A Theory of Justice (1979).

Pour atteindre l'idéal de la justice, pour le concrétiser, il faut, entre autres choses:

- une philosophie normative

- des normes capables de revigorer les ressorts coopératifs et communautaires de la société.

- Or, la tendance générale de la philosophie anglo-saxonne avait été de dire que les normes n'avaient pas de sens.

Donc, à la veille de l'accession de Reagan à la présidence des Etats-Unis, on dit: «Il faut des normes».

Pour avoir des normes, deux solutions:

1. Adopter les idées de Rawls, et ainsi promouvoir la justice, la coopération, la communauté. Mais c'est incompatible avec le programme néo-libéral de Reagan.

2. Déclarer indépassables, les “valeurs” du libéralisme telles qu'elles avaient été fixées par Locke à la fin du 17ième siècle. C'est Nozick qui offre cette option dans son livre Anarchy, State, Utopia (1974). Pour Nozick, l'Etat doit protéger ces valeurs libérales anglo-saxonnes contre toutes les autres.

Toutes les autres? Cela fait beaucoup de choses! Beaucoup de choses à rejeter!

Avec Hobbes, la philosophie politique anglaise avait rejeté hors de son champs les controverses religieuses parce qu'elles menaient à la guerre civile (ère des neutralisations disait Carl Schmitt).

Avec les déistes (Charles Blount, John Toland, Matthew Tindal, Thomas Woolston), la raison doit oblitérer les parts obscures de la religion, pour qu'elles ne deviennent pas subitement incontrôlables.

Comme on est en Europe, les déistes acceptent le christianisme par commoditié (sans y croire), mais ce christianisme signifie:

- un christianisme raisonnable (sans excès, sans fanatisme, etc.);

- le déisme a pour objectif de "raisonnabiliser" le christianisme (et toute la sphère religieuse);

- religion et "bon sens" doivent coïncider;

- il ne peut pas y avoir d'opposition entre religion et “bon sens ";

- il faut évacuer les mystères, car ils sont incontrôlables.

- les institutions religieuses doivent être "tranquilles”;

- miracles et autres "absurdités" du Nouveau Testament sont purement "symboliques".

John Butler, issu du filon aristotélo-thomiste médiéval répond à l'époque aux déistes:

- l'homme est un "être insuffisant", "imparfait", il présente donc ontologiquement des lacunes, il est quelques fois ontologiquement "absurde";

- l'homme a besoin de béquilles culturelles, dont, surtout, un système de normes, de fins. Ce système doit certes être logique, mais pas complètement accessible à notre raison.

C'est dans le contexte de cette disputatio  entre les déistes et Butler qu'il faut replacer deux grands maîtres de l'ironie:

- John Arbuthnot (1667-1735) et

- Jonathan Swift (1667-1745).

John Arbuthnot, ami et inspirateur de Swift est médecin et mathématicien. Il n'écrira pas de livre qui fera date, sauf peut-être son Martinus Scliberus, satire exagérant les défauts des hommes réels. Qui souligne l'inadéquation entre la théorie idéale de l'homme et l'homme de chair, de sang, de vice et de stupre.

L'ironie d'Arbuthnot se retrouvera dans le maître-ouvrage de Swift: Gulliver's Travels  (= Les voyages de Gulliver).

Première remarque sur les “Voyages de Gulliver": on croit que c'est un livre pour les enfants; effectivement une masse de versions édulcorées de ce livre existent à l'usage des enfants. Mais faisons nôtre cette remarque de Maurice Bouvier-Ajam: «Que d'éditions abêties, mutilées, trahies pour "plaire" au jeune lecteur! Et de quelles joies cette mutilation de l'œuvre ne prive-t-elle pas l'adulte, trompé et blasé prématurément... et frauduleusement...».

D'Arbuthnot, Swift reprend:

- la pratique de la physiognomie, c'est-à-dire un mode d'arraisonnement du réel et plus particulièrement du grotesque qui lui est inhérent (à mettre en parallèle avec les “Caractères” de La Bruyère et avec le "regard physiognomique" de Jünger);

- la pratique de l'humour et du sarcasme;

- un point de vue physique (physiologique au sens nietzschéen, participant de la “révolte des corps" et de la Leiblichkeit).

- un rationalisme moqueur et non constructiviste, moralisateur, pédant;

- l'idée d'un rationalisme comme "humilité de l'intelligence".

 

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Souvent, la "raison", dans le contexte de la modernité européenne, est "révolutionnaire" parce qu'elle abat les irrationalités stabilisantes de la société en place, pour les remplacer par de nouveaux édifices raisonnables mais rigides (querelle des déistes).

Face à cette rationalité moderne, la rationalité de Swift:

- n'est pas un irrationalisme conservateur articulé pour répondre aux déistes ou aux rationalistes

- mais une moquerie qui fragilise toutes les conventions, y compris anticipativement, celles des rationalistes.

Swift:

- raille les fanatismes des catholiques et des sectes protestantes "non conformistes";

- se révolte contre les ambitions constructivistes des déistes;

- dresse une pathologie des "Etats mystiques", qui ne camouflent, derrière leurs discours sublimes, que des turpitudes, des désirs inavoués de stupre ou de richesse.

- démontre que les discours des sectes protestantes (Quakers, Rauters, Huguenots extrémistes) sont des "convulsions", des "fermentations troubles de l'animalité" (Cf. A Tale of a Tub. Discourse Concerning the Mechanical Operation of the Spirit).

Dans The Battle of Books, on trouve une critique acerbe du rationalisme car celui-ci est:

- ambitieux;

- insolent;

- inacceptablement hostile à l'égard de la "gloire des Anciens";

- une activité théorique stérile (Cf. le Royaume de Laputa).

Swift prévoit déjà: «La fièvre de la spéculation, de l'enquête rationnelle, et, déjà, du progrès mécanique, que la société qui lui est contemporaine exhibe déjà; il la présente comme l'ardeur agitée de cerveaux surchauffés, dans lesquels se bousculent toutes sortes de "projets" et d'inventions, autant de chimères sans queue ni tête» (Legouis/Cazamian, p. 762).

L'homme est par essence vil et corrompu. Pour y remédier:

- Hobbes avait prévu un contrat et l'érection du Léviathan;

- Locke avait forgé l'idée du contrat démocratique moderne et préconisé, à la suite des déistes, d'"expurger les mystères";

- Swift reste un pessimiste fondamental:

- le contrat ne changera pas la nature humaine;

- le contrat ne sera toujours que provisoire;

- ni mystères de la religion ni noirceurs de l'âme humaine ne sont éradicables.

Chez Swift, nous découvrons un rejet de toutes les affirmations générales [qui prendra ultérieurement des formes très diverses: chez Herder, chez les Romantiques allemands, chez Jünger (cf. sa définition du "nationalisme" comme révolte du particulier contre le général), dans la révolte diffuse depuis Foucault contre les affirmations générales actuelles].

Avec Swift démarre aussi la tradition littéraire anglaise de la "contre-utopie”.

- L'utopie est un lieu idyllique, une île merveilleure ou la lune chez Cyrano de Bergerac.

- Mais la tradition utopique draine en elle-même sa propre réfutation. Le projet idéal de l'utopiste est trop souvent froid et sec, pur projet de législation alternative visant à CORRIGER LE RÉEL. Dans ce cas, écrit le Prof. Raymond Trousson dans Voyages aux pays de nulle part. Histoire littéraire de la pensée utopique:  «il n'est pas possible d'évoquer un possible latéral, mais de peser sur l'histoire».

Cette tradition contre-utopique trouvera son apogée dans le 1984 d'Orwell, où le futur devient cauchemar (Future as Nightmare). Le futur est alors le fruit, le résultat d'une volonté de transposer dans le réel les idées:

- des déistes/des rationalistes;

- de Locke;

- des projets de sociétés parfaites;

Nous retrouvons l'intention de Nozick.

Pour Rainer Zitelmann, la pensée utopique s'articule autour de trois idées majeures:

- La "fin de l'histoire", après la généralisation planétaire du "projet" ou du "code".

- La croyance en la possibilité d'émergence d'un "homme nouveau", par dressage ou rééducation.

- La croyance aux effets "eudémoniques" de l'égalité.

Ces trois idées marquent fortement la "political correctness" actuelle. C'est contre elles qu'il faut déployer ironie, sarcasmes et moqueries.

Les recettes de cette stratégie du rire sont multiples.

Examinons-en deux:

- L'œuvre de l'Espagnol Eugenio d'Ors.

- L'œuvre du sociologue néerlandais Anton Zijderveld.

Puis replaçons leurs arguments dans un contexte philosophique contemporain plus général.

EUGENIO D'ORS (1881-1954):

dors.jpgCe philosophe catalan a été défini comme: un "Socrate nordique", un "Goethe méditerranéen", un "personnage de théâtralité baroque".

A 25 ans en 1906, il décide: «Je serai ironique». Option première qui ne sera jamais démentie.

Sa réflexion sur l'ironie part du constat suivant:

- Présence de l'ironie dans la philosophie grecque, où l'ironie est jugée négative par Aristophane et Platon, mais jugée intéressante par Socrate (qui déploie son "ignorance méthodique" et sa "maïeutique") et par Aristote pour qui l'ironie est une modestie intellectuelle (Butler, Swift).

D'où d'Ors retient de l'ironie grecque qu'elle est "une sorte d'humilité courtoise qui suscite la confiance, une façon de se comporter qui est altruiste". Retenons cette définition, mais ajoutons-y celle de Cicéron: «L'ironie est une habilité polémique». Dans ce cas, elle est une stratégie du dialogue, de la polémique politique.

Mais d'Ors va plus loin que le dialogue:

- La présence de l'interlocuteur finit par n'être plus nécessaire chez lui.

- d'Ors applique l'ironie au monologue intérieur (Céline) du penseur solitaire.

- d'Ors prend distance par rapport à son objet;

- d'Ors dépassionne les débats philosophiques et politiques;

- d'Ors dévalue ainsi tactiquement son objet (précisons: tactiquement et non pas fondamentalement);

- d'Ors aborde tout objet de façon oblique (pas d'affrontement frontal: stratégie intelligente de l'esquive qui s'avère bien utile quand on est quantitativement, numériquement inférieur).

- pour d'Ors, l'ironiste aborde l'objet du débat sans avoir l'air de s'impliquer, ni même de la connaître vraiment.

- Avec cette position détachée, il va opter pour une stratégie de hit and run; il va soulever tantôt tel aspect, tantôt tel autre, frapper, se retirer, obliger l'ennemi à se fixer sur tel front et alors il attaquera sur un autre front, pour revenir au premier comme par hasard.

- l'ironie de d'Ors ne vise pas une connaissance globale, totale, mais reste ouverte à toutes les additions et les soustractions; ainsi elle ne divise pas, mais intègre au départ du divers, de la fragmentation.

- Mieux: l'ironie de d'Ors intègre la contradiction; elle admet qu'il y a des contradictions insurmontables dans le monde.

Avec Eugenio d'Ors, l'ironie devient synonyme d'"esprit philosophique" et même de "dialectique". Elle cherche à éviter l'écueil d'une philosophie trop préceptive.

Il y a là un parallèle évident avec notre propre démarche: refuser les préceptes du "nouvel ordre mondial", issu des affirmations de Locke, réactualisées et figées hors contexte  —et anachroniquement—  par Nozick et Buchanan.

L'objectif de d'Ors est:

- d'observer la réalité, de l'accepter dans ses diversités;

- d'éviter l'écueil d'un normativisme sec (que la philosophie relativiste avait jugé dénué de sens);

- de faire de la philosophie ironique la fidèle interprète de la réalité:

- de baigner à nouveau la philosophie dans les eaux vives de la curiosité;

- de s'inscrire dans la tradition vitaliste hispanique (Cf. le "ratiovitalisme" d'Ortega y Gasset).

- d'affirmer que les contradictions sont toujours déjà là, non comme dans la vulgate hégélienne, où la contradiction est perçue comme une forme ultérieure dans le temps. Eugenio d'Ors affirme la simultanéité du réel et des contradictions, sans vectorialité ni téléologie.

Ensuite:

1. L'ironie correspond à la plasticité du monde:

- mots-clefs: activité, flexibilité, dynamisme, élasticité.

- l'ironie respecte la "malléabilité" de tout objet (jamais elle ne le pose comme a priori rigide et fermé).

- l'ironie vise l'adéquation de l'intellect à un monde de lignes "estompées": fluides, fuyantes, diffuses (cf. Hennig Eichberg, in Vouloir n°8).

2. L'ironie correspond à l'ambigüité du langage:

Cet aspect de la philosophie de d'Ors est très important dans la lutte contre toute orthoglossie (contre toute prétention à imposer un langage unique, pour une pensée unique).

Première chose à retenir:

- Toute langue est la forme nécessaire que doit revêtir le savoir humain.

- Cependant, dit d'Ors, dans tout lexique, et plus particulièrement dans tout lexique philosophique, il y a toujours un "minimum d'équivoque" ou d'"inévitables imprécisions".

Pour d'Ors comme pour nous, ce n'est pas une tare mais "une garantie de vivacité, ce qui est hautement désirable", car le langage est alors bien le reflet du dynamisme du monde et du savoir.

Tout mot, toute parole, est dans une telle optique un ÉVENTAIL de possibilités créatrices ouvertes, un mouvement, une impulsion pour la pensée, une potentialité active d'enchaînements, de sources et de MÉTAPHORES.

D'Ors s'appuie sur la définition du langage de HUMBOLDT:

«Le langage n'est pas un résultat, tout de quiétude et de repos, mais une énergie, une création continue».

L'amphibologie (double sens que revêt ou peut revêtir toute phrase) et l'inexactitude du langage font de celui-ci une RAMPE DE LANCEMENT pour l'innovation: tout vrai écrivain écrit de perpétuels NÉOLOGISMES. (L'écrivain donne des sens nouveaux aux mots, les enrichit, les complète, complète leur champ sémantique, révèle des facettes occultées, oubliées ou refoulées du vocabulaire).

Par leur ambigüité constitutive, les langues ne résistent pas à l'exactitude quantitative et à la rigueur terminologique des symboles mathématiques. Pour les tentatives de construire une philosophie more geometrico  est condamnée à l'échec (mais aussi de construire une orthoglossie où les mots seraient tous absolument UNIVOQUES).

- L'ironie consiste à reconnaître cet incontournable fait de la linguistique: l'amphibologie.

- L'ironie reconnait le caractère irrécusablement métaphorique de toute parole, reconnait la dualité ou la pluralité inhérente à toute formulation. D'Ors: «Ley más laxa, más inteligente».

Conclusion de ce point 2:

«L'équivocité polysémique, que la philosophie conventionnelle (et partant, toute orthoglossie ou toute "novlangue" à la Orwell), ont considéré comme une malédiction babelienne, devient par le travail et la grâce, la légèreté, la flexibilité et la souplesse de l'ironie d'orsienne, une chance de comprendre davantage de choses dans ce qui est dit, de ne pas réduire le contenu du discours et de la pensée à des univocités rigides. Et surtout l'ironie d'orsienne nous permet toujours de compter avec la collaboration créatrice de l'autre, de l'interlocuteur potentiel (remarquons que la bonne formule pour désigner le dialogue avec l'Autre, venu d'une autre civilisation ou d'une autre culture est: “dialogue interculturel”).

Contre toutes les orthoglossistes fanatiques, présents et à venir, d'Ors sanctifie le PÉCHÉ ORIGINEL des langages, c'est-à-dire leur plurivocité. On ne peut pas renoncer aux contradictions et aux ambigüi­tés.

3. L'ironie correspond à la nature inépuisable de la vérité:

Comme l'ironie est MODESTIE INTELLECTUELLE, elle accepte qu'il reste des secrets, des mystères, dans le ciel et sur la terre (contrairement aux déistes). Il est impossible d'interpréter de façon EXHAUSTIVE les faits du monde. Ce serait aller à l'encontre de la nature.

4. L'ironie correspond à un monde où l'on travaille et l'on joue:

Dès 1911, d'Ors dit: «je vais énoncer la philosophie de l'homme en activité, de l'homme qui travaille et qui joue» (En 1914 paraît son livre: Filosofia del hombre que trabaja y juega).

L'existence humaine, c'est certes la lutte pour la vie, mais c'est aussi la fête et la joie. Ignorer l'aspect ludique, c'est mutiler cruellement l'humanité. Car le jeu est souvent, plus que le travail, le “lieu de la créativité”.

5. L'ironie correspond à l'aspect contradictoire du réel:

6. L'ironie correspond à l'expression catalane de “SENY":

- Quand les Catalans parlent de "Seny", ils entendent un mélange de sagesse, de savoir, de maturité, de prudence, de bon sens et d'intelligence.

- Pour le Catalan Eugenio d'Ors, l'ironie est la méthode du philosophe doué de "seny".

- Eugenio d'Ors replace ainsi l'ironie dans l'éthique, refuse de faire de l'ironie une pure arme de destruction.

- L'ironie ramène les choses à leurs justes proportions, qui ne sont jamais figées mais toujours en mouvement.

- L'ironie est donc une "position de liberté" vis-à-vis des axiomes rigides.

- L'ironie, en tant que position de liberté, donne à celui qui la pratique une position souveraine, libre de toute entrave, indépendante face au monde (mundanus),  aux contingences frivoles ou éphémères.

- Le philosophe ironique est davantage libre-penseur que le philosophe dogmatique.

La SOCIOLOGIE D'ANTON ZIJDERVELD:

Anton_Zijderveld_-_2012.jpgAprès le philosophe catalan Eugenio d'Ors, abordons la sociologie du Néerlandais Anton Zijderveld (disciple d'Arnold Gehlen).

Pour lui:

- L'humour est spontanéité et authenticité;

- L'humour est une fonction sociale oblitérée et traquée par la modernité;

- L'humour est une fonction sociale qu'il convient impérativement de réhabiliter. Dans cette optique, il faut, dit-il, retrouver le sens des fêtes, du carnaval, de la Fête des Fous où se conjuguent ébats de toutes sortes, dérision ritualisée du pouvoir et des édiles.

Le point de vue de Zijderveld n'est pas destructeur ou dissolvant: il dit que l'humour ne détruit pas les institutions (au sens de Gehlen), il les maintient en les remettant en question à intervalles réguliers, il évite qu'elles ne tournent à vide ou dérivent dans l'absurbe de la répétition.

Zijderveld s'oppose à ce qu'il appelle une “gnose sociale”, ou plus spécifiquement, le “nudisme social”. Selon le “nudisme social”, l'homme moderne est porté par l'obsession consistant à dire que l'homme n'est authentique que s'il a abjuré tous les rôles qu'il a joués, joue ou pourrait jouer au sein des institutions.

Rôles et institutions sont considérés par les “nudistes sociaux” comme des vecteurs d'aliénation oblitérant le véritable "moi" (fiction).

La fête médiévale, la Fête des Fous, les esbaudissements des Goliards, les confréries carnavalesques impliquent justement le port du masque: cela signifie qu'un homme authentique, qu'il soit boucher, boulanger, architecte ou médecin, adopte une inauthenticité fictive dans un segment limité du temps, le temps du carnaval, où est restitué brièvement le chaos originel.

Pour Zijderveld, la “gnose”, le “nudisme social”, l'obsession de l'homme authentique sans rôle ni profession ni béquille institutionnelle, est un apport du christianisme.

Mais l'histoire du moyen-âge européen, de la Renaissance, nous révèle que ce christianisme n'est qu'un mince vernis.

Preuve: la persistance des Saturnales ro­maines sous la forme du FESTUM STULTORUM ou du FESTUM FATUUM, pendant lequel blasphèmes et moqueries sont pleinement autorisés: il s'agit ni plus ni moins d'une INVERSION SALUTAIRE DE LA NORMALITÉ QUOTIDIENNE, qui permet de recréer brièvement le chaos originel, pour montrer son impossibilité dans le quotidien, la nécessité des institutions et, en même temps, leur fragilité.

 

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Autre signe que le christianisme médiéval n'est que vernis: la présence permanente dans cette société médiévale des GOLIARDS et des VAGANTES, qui ne cessent de blasphémer dans leurs chansons et de véhiculer des idées anti-cléricales (Cf. Les Chants de Cambridge  de 1050 et les Carmina Burana  de 1250, mis en musique en ce siècle par Carl Orff).

A partir du Concile de Bâle en 1431, de la Condamnation des fêtes par la faculté de théologie de Paris en 1444 (Charles VII doit constater que les mesures prises n'ont aucun effet!), à partir de la Renaissance, la Fête des Fous est plus réglementée (Ordonnance du Parlement de Dijon en 1552), de même que les charivaris, dont la fonction devient la moralisation de la société (moqueries contre les adultères, les filles volages, etc.).

La Bazoche des étudiants juristes de Paris, Lyon et Bordeaux organise des théâtres caricaturants et satiriques, se mue ensuite en club littéraire (dans les Pays-Bas méridionaux, on parle de "Chambre de Rhétorique” ou "Kamers der Rederrijkers", plus audacieuses que dans les grands royaumes modernes).

Zijderveld cite deux auteurs:

- Rabelais (nous y revenons)

- Erasme (Laus Stultitiae: Eloge de la folie).

Conclusion de Zijderveld:

- Battre en brèche l'arrogance de l'Aufklärung

- Démontrer que le moyen-âge est moins "obscurantiste" qu'on ne l'a écrit

- Démonter que le moyen-âge était bien davantage anti-répressif que la modernité (Foucault), du moins dans les espaces-temps réservés à la fête.

- Montrer que l'INVERSION des règles quotidiennes doit pouvoir exister dans toute société, pour assurer une convivialité féconde.

Mais quid de l'humour dans la modernité selon Zijderveld?

- L'humour de la Fête des Fous, des Saturnales, est régulateur, naturel.

- L'humour n'y est pas simple "soupape" de sécurité.

Aujourd'hui:

- L'humour est rejeté parce qu'il serait AGRESSIF (arguments psychanalytiques). Cette agression latente doit être systématiquement "punie" (“Surveiller et punir” selon Foucault).

La réponse de Zijderveld:

- L'humour permet à tous d'entrevoir la fragilité des choses, même les plus sublimes;

- L'humour permet la communication sociale de manière optimale.

- L'humour soude la solidarité du groupe.

- L'humour permet la résistance passive contre la tyrannie ou l'occupation.

RICHARD RORTY: CONTINGENCE, IRONIE ET SOLIDARITÉ

Quelle position la philosophie actuelle laisse-t-elle à l'ironie?

Quelle est la place de l'ironie dans le contexte du "nouvel ordre mondial", après la concrétisation des projets de Nozick et Buchanan?

rorty.JPGLe corpus le plus significatif, le plus souvent évoqué à l'heure actuelle est l'œuvre de RICHARD RORTY (Contingency, Irony and Solidarity).

Rappelons quelques points essentiels de l'œuvre de Rorty:

- La philosophie ne peut évoluer si elle s'en tient à des critères délibérément soustraits au temps.

- Une démarche philosophique doit toujours être replacée dans son contexte historique.

- Il faut parier pour une philosophie plus formatrice (bildende) que préceptive.

- Il faut refuser la réduction de tous les discours à un seul discours universel.

- Il faut proclamer la légitimité des discours "contingents" à deux niveaux: au niveau individuel (autopoiésis; Selbsterschaffung)  et au niveau communautaire (consolider la solidarité).

La place du philosophe ironique (comme d'Ors) se justifie par:

- la réponse au double défi qu'il apporte, double défi de l'autopoiésis et de la solidarité.

- son savoir modeste qui veut que ses convictions, ses espoirs et ses besoins sont toujours CONTINGENTS.

- son souci d'éviter d'ériger un MÉTA-DISCOURS.

- sa volonté de comprendre et de faire comprendre que la raison pure de Kant et son avatar actuel “la raison communicationnelle” de Habermas sont devenus obsolètes, dans le sens où elles sont universalistes, métadiscours, se méfient de la contingence et de l'histoire.

- Nous n'avons plus besoin de "méta-discours" mais d'un RECOURS à la multiplicité des faits contingents.

- La solidarité ne dérive plus de l'adhésion à un méta-discours partagé par tous obligatoirement, mais par respect "nominaliste" et "historique" des multiples contingences qui font le monde.

- Rorty réhabilite la PHRONESIS grecque, soit la sagesse et l'intelligence pratiques.

- Rorty rejette les philosophie, les théories qui se posent comme purement spectatrices (sa différence d'avec d'Ors) et refusent l'IMMERSION dans la contingence concrète d'un contecxte historique qui réclame implicitement la solidarité.

- Rorty réclame l'abolition des représentations figées.

- Rorty n'est pas relativiste, puisqu'il ne nie pas les valeurs propres à une contingence particulière.

- Rorty développe un ethno-centrisme axiologique ET pragmatique qui n'est nullement missionnaire. Il ne cherche pas à imposer ailleurs dans le monde les valeurs (ou les non-valeurs) de la “culture nord-atlantique".

Conclusion:

Rorty se base sur NIETZSCHE, FREUD, WITTGENSTEIN et HEIDEGGER (dont il ne reprend pas la définition de l'“Etre”), pour affirmer que les sociétés sont des contingences, pour rejeter le filon philosophique platonicien, pour dire que le philosophe doit se pencher sur la littérature, dont ORWELL et NABOKOV, parce que tous deux nous montrent l'effet de la CRUAUTÉ des métadiscours en acte à l'égard des contingences réelles de la vie et du monde.

Réel, vous avez dit "réel"?

Ce qui nous amène à Rabelais, Nietzsche, Foucault et Bataille.

RABELAIS:

rab.jpgRabelais (1494-1553), pourquoi Rabelais?

Au XXième siècle son exégète le plus intéressant est le Russe Mikhaïl BAKHTINE (1895-1975), linguiste et philosophe, historien des mentalités comme Michel Vovelle en France, Nathalie Davis dans l'espace linguistique anglo-saxon et Carlo Ginzburg en Italie.

La langue pour Bakhtine comme pour Foucault est:

- l'atelier où se forgent les instruments et les stratégies du pouvoir;

- mais elle est AUSSI le socle sur lequel se constitue une nouvelle communauté.

La langue de Rabelais, dans ses dimensions grotesques, ramène au CORPS, à ses limites et à ses capacités.

Les sources de l'écriture rabelaisienne sont les RÉCITS POPULAIRES, les CONTES et les LÉGENDES, dont les thèmes sont l'existence de sympathiques canailles, de simplets, de fous.

L'intérêt de cette écriture, c'est qu'elle hisse au niveau de la littérature universelle la dimension PARODIQUE des récits populaires.

Rabelais a vécu la rue, les marchés, les auberges et les tavernes de son temps, mais, simultanément, il a occupé de hautes fonctions.

Il fait ainsi charnière entre la culture populaire (encore largement païenne) et la culture des élites (christianisée).

Rabelais perçoit la différence entre:

- la langue des marchés, HÉTÉROGÈNE et NON FIGÉE et la langue des institutions, HOMOGÈNE et FIGÉE. Il perçoit très bien, avant la normalisation moderne, qu'il y a à la base, dans le peuple, pluralité et polysémie, tandis qu'au sommet il n'y a plus qu'univocité.

Bakhtine parlera de "réalisme grotesque" et pourra développer une critique subtile des rigidités soviétiques sans encourir les foudres du régime.

rabelais.jpgBakhtine en mettant en parallèle son réalisme grotesque et le réalisme socialiste officiel, revalorisera “LE PEUPLE RIANT SUR LA PLACE DU MARCHÉ”.

A partir de la Renaissance, l'église, la cour, l'Etat absolutiste, puis l'Etat sans monarque mais porté par l'Aufklärung, vont tenté de réduire au silence ce rire populaire, véhicule d'une formidable polysémie.

Pour Bakhtine, il s'agit d'une COLONISATION DE LA SPHÈRE VITALE (à mettre en parallèle avec les thèses analogues d'Elias, de Huizinga et de Simmel).

A la verticalité imposée d'en haut, il oppose la convivialité horizontale de la place publique.

Cette revalorisation de la convivialité et de l'humour corsé du peuple lui vaudra la critique négative de Tzvetan Todorov (auteur de Nous et les autres). Todorov accuse Bakhtine de “prendre parti pour le peuple sans esprit critique”.

Simone Périer (professeur à Paris VII) rend hommage, elle, à Bakhtine pour:

- sa biographie difficile (handicap, refus de lui accorder un doctorat)

- pour son hymne à la joie, sa profession de foi dans l'énergie collective («La sensation vivante qu'a chaque être humain de faire partie du peuple immortel, créateur de l'histoire»).

Que veut Bakhtine?

1. Transcender l'individuel: Bakhtine refuse de réduire l'humain à l'être biologique isolé ou à l'individu bourgeois égoïste.

2. Restaurer le carnaval (rabelaisien) en tant qu'antidote à l'“individuation malfaisante”.

3. Restaurer le PARLER HARDI, expression de la conscience nouvelle, libre, critique et historique.

4. Restaurer “la PROXIMITÉ rude et directe des choses désunies par le mensonge et le pharisaïsme”.

Il y a donc chez Rabelais une affirmation sans faille de la CORPORÉITÉ (de la LEIBLICHKEIT).

FOUCAULT:

Michel-Foucault.jpgNietzsche voit dans le corps le site d'une complexité née de multiples et diverses intersubjectivités et interactions, le lieu de passage de l'expérience, toujours diverse, chaque fois unique.

Foucault va systématiser ce filon corporel qui part du paganisme, de Rabelais et de Nietzsche.

Pour Foucault:

- l'homme est figure de sable, passagère et contingente, créée par des savoirs et des pratiques, tissés de hasard.

- si l'homme est CORPS, ce corps en tant que surface est lieu, site, évoluant dans un lieu spatial concret. C'est là que l'homme se situe et non dans un monde d'idées: par conséquent, toute lutte réelle est LOCALE.

- ce lieu doit être connu, sans cesse exploré, par enquête et historia  (= enquête en grec). L'enquête sur le lieu de notre vécu doit équivaloir à l'enquête lors d'un procès en droit. S'il y a enquête, il n'y a pas d'arbitraire, il y a liberté (et démocratie).

- mais le quadrillage de la modernité surplombe les enquêtes, distrait les hommes concrets de l'attention minutieuse qu'ils doivent apporter à leur lieu, à leur contingence.

- le quadrillage déclare apporter la démocratie et la transparence, mais pour s'imposer, il doit contrôler, CORRIGER, discipliner les corps (la "political correctness” est l'aboutissement de cette frénésie).

- dans un tel univers, le droit donne formellement l'égalité et la liberté, mais dans la concrétude quotidienne s'instaurent les micro-pouvoirs disciplinants, essentiellement inégalitaires et dyssimétriques.

- face à ces micro-pouvoirs, il n'est pas possible d'opérer un renversement global (le "tout ou rien" de la révolution fasciste ou communiste): on ne peut opposer que des résistances à un pouvoir "capillaire", des résistances multiformes, sans totalisation, une série de CONTRE-FEUX.

- l'objectif de la modernité: le PANOPTISME de l'architecture carcérale. Les grands mythes des Lumières recèlent le danger d'un espace transparent sans échappatoire (cf. 1984 + toute la veine contre-utopique de la littérature anglaise).

- pour Foucault, la VISIBILITÉ voulue par la modernité panoptique est un PIÈGE (les déistes déjà voulaient éliminer les "mystères"). «NOTRE SOCIÉTÉ N'EST PAS CELLE DU SPECTACLE MAIS DE LA SURVEILLANCE».

- le droit et la justice modernes sont les instruments de cette surveillance ubiquitaire: d'où la nécessité, pour Foucault, de rejeter radicalement le droit et de se montrer extrêmement sceptique à l'égard de la notion moderne de justice. Foucault développe un ANTIJURIDISME radical.

Mais la contestation du droit est restée dans l'orbe du droit; ses efforts se sont annulés. Il aurait fallu animer un PÔLE DE RÉTIVITÉ (exemple: les chahuts du 1 mai 96 organisés par les socialistes belges contre leurs dirigeants, les manifestations devant les palais de justice en Belgique en octobre 96, la suite, les "marches blanches" ayant été trop polies).

Foucault a plutôt parié pour les VIOLENCES MASSIVES, ce qu'on lui reproche aujourd'hui, de même que sa volonté de mettre la Vie au-dessus du droit (cf. Renaut, Ferry et même son biographe Jean-Claude Monod).

Conclusion:

La sextuple lecture de Swift, d'Ors, Rorty, Zijderveld, Bakhtine et Foucault doit nous conduire tout d'abord à

- ORGANISER CE PÔLE DE RÉTIVITÉ réclamé par Foucault.

Puis:

- de rejeter tout utopisme construit more geometrico.

- de tenir compte de l'extrême fragilité du matériel humain;

- de se maintenir dans la contingence, seul lieu possible de notre action;

- de chercher à restaurer la fête, comme espace virtuel d'inversion des valeurs;

- d'organiser une résistance ludique, difficilement dénonçable comme "totalitaire";

- de dénoncer la modernité et ses institutions politiques et judiciaires, de même que tous ses micro-pouvoirs comme une volonté obsessionnelle de SURVEILLER et PUNIR.

- de dire que l'orthoglossie obligatoire, la pensée unique et la "political correctness" sont des aboutissements de cette obsession de surveiller et de punir. Elles doivent être considérées puis traitées comme telles.

En conséquence, sur le plan philosophique qui doit précéder toute démarche pratique, nous devons allumer les CONTRE-FEUX du GRAND REFUS, impulser les synergies du PÔLE DE RÉTIVITÉ voulu par Foucault.

Bibliographie:

A. Généralités:

- ERASME, Eloge de la folie, Garnier-Flammarion, 1964.

- Julio CARO BAROJA, Le carnaval, Gallimard, Paris, 1979.

- Jacques HEERS, Fêtes des fous et carnavals, Fayard, Paris, 1983.

B. Sur Swift:

- Michael FOOT, «Introduction» to Jonathan Swift's Gulliver's Travels, Penguin, Harmondsworth, 1967.

- Emile LEGOUIS, Louis CAZAMIAN, Raymond LAS VERGNAS, A History of English Literature, J.M. Dent & Sons Ltd, London, 1971.

- Ernest TUVESON, Swift. A Collection of Critical Essays, Spectrum/Prentice-Hall, Inc., Englewood Cliffs, N.J., 1964.

- Ernest TUVESON, «Swift: The dean as Satirist», in E. TUVESON, Swift..., op. cit.

- Irvin EHRENPREIS, «The Meaning of Gulliver's Last Voyage», in E. TUVESON, op. cit.

- John TRAUGOTT, «A Voyage to nowhere with Thomas More and Jonathan Swift: Utopia and The Voyage to the Houyhnhnms», in E. TUVESON, op. cit.

- Maurice BOUVIER-AJAM, «Swift et son temps», in Europe, 45ième année, n°463, novembre 1967.

- Robert MERLE, «L'amère et profonde sagesse de Swift», in Europe, 45ième année, n°463, novembre 1967.

- M. Louise COUDERT, «Les trois rires: Rabelais, Swift, Voltaire», in Europe, 45ième année, n°463, novembre 1967.

- Caspar von SCHRENCK-NOTZING, «Jonathan Swift», in: Lexikon des Konservativismus, Stocker Verlag, Graz, 1996.

C. Sur Eugenio d'Ors:

- Alfons LOPEZ QUINTAS, El pensamiento filosofico de Ortega y d'Ors. Una clave de interpretación, Ediciones Guadarrama, Madrid, 1972.

- Gonzalo FERNANDEZ DE LA MORA, Filósofos españoles del siglo XX, Planeta, Madrid, 1987.

D. Sur Foucault:

- Michel FOUCAULT, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Gallimard, Paris, 1975.

- Michel FOUCAULT, L'ordre du discours, Gallimard, Paris, 1971.

- Michel FOUCAULT, Les mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines, Gallimard, Paris, 1966. 

- Michel FOUCAULT, «Omnes et singulatim. vers une critique de la raison politique», in: Le Débat, n°41, sept.-nov. 1986.

- Luc FERRY & Alain RENAUT, La pensée 68. Essai sur l'anti-humanisme contemporain, Gallimard, Paris, 1985.

- Luc FERRY & Alain RENAUT, 68-86. Itinéraires de l'individu, Gallimard, Paris, 1987.

- Gilles DELEUZE, Foucault, Editions de Minuit, Paris, 1986.

- Henk OOSTERLING, De opstand van het lichaam. Over verzet en zelfervaring bij Foucault en Bataille, SUA, Amsterdam, 1989.

- Angèle KREMER-MARIETTI, Michel Foucault. Archéologie et généalogie, Livre de poche, coll. biblio-essais, Paris, 1985.

- François EWALD, «La fin d'un monde», in: Le magazine littéraire, n°207, mai 1984. 

- François EWALD, «Droit: systèmes et stratégies», in: Le Débat, n°41, op. cit.

- François EWALD, «Une expérience foucaldienne: les principes généraux du droit», in: Critique, Tome XLII, n°471-472, août-septembre 1986.

- Jürgen HABERMAS, «Les sciences humaines démasquées par la critique de la raison: Foucault», In: Le Débat, n°41, op. cit.

- Jürgen HABERMAS, «Une flèche dans le cœur du temps présent», in Critique, Tome XLII, n°471-472, op. cit.

- Katharina von BÜLOW, «L'art du dire-vrai», in: Le magazine littéraire, n°207, mai 1984.

- Pasquale PASQUINO, «De la modernité», in: Le magazine littéraire, n°207, mai 1984.

- Danièle LOSCHAK, «La question du droit», in: Le magazine littéraire, n°207, mai 1984.

- Guy LARDREAU, «Une figure politique», in: Le magazine littéraire, n°207, mai 1984.

- Henri JOLY, «Retour aux Grecs», in Le Débat, n°41, op. cit.

- Michel de CERTEAU, «Le rire de Michel Foucault», in: Le Débat, n°41, op. cit.

- Joachim LAUENBURG, «Foucault», in: J. NIDA-RÜMELIN, Philosophie der Gegenwart, Kröner, Stuttgart, 1991.

- Frédéric GROS, Michel Foucault, PUF, Paris, 1996.

- Jean-Claude MONOD, Foucault: la police des conduites, Michalon, coll. «Le bien commun», Paris, 1997.

E. Sur Rorty:

- Richard RORTY, Contingency, Irony and Solidarity, Cambridge University Press, Cambridge, 1989-91 (3°ed.).

- Richard RORTY, La filosofia dopo la filosofia. Contingenza, ironia e solidarietà, Prefazione di Aldo G. Gargani, Editori Laterza, Roma/Bari, 1989.

- G. HOTTOIS, M. VAN DEN BOSSCHE, M. WEYEMBERGH, Richard Rorty. Ironie, Politiek en Postmodernisme, Hadewijch, Antwerpen/Baarn, 1994.

- Joachim LAUENBURG, «Rorty», in: J. NIDA-RÜMELIN, Philosophie der Gegenwart, Kröner, Stuttgart, 1991.

- Walter REESE-SCHÄFER, Richard Rorty, Campus, Frankfurt/New York, 1991.

F. Sur la problématique utopie/contre-utopie:

- Richard SAAGE (Hrsg.), Hat die politische Utopie eine Zukunft?, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, Darmstadt, 1992.

- Ernst NOLTE, «Was ist oder was war die “politische” Utopie?», in R. SAAGE, op. cit.

- Rainer ZITELMANN, «Träume vom neuen Menschen», in R. SAAGE, op. cit.

- Iring FETSCHER, «Was ist eine Utopie? Oder: Zur Verwechslung utopischer Ideale mit geschichtsphilosophischen Legitimationsideologien», in: R. SAAGE, op. cit.

- Raymond TROUSSON, Voyages aux pays de nulle part. Histoire littéraire de la pensée utopique, Editions de l'Université de Bruxelles, Bruxelles, 1975.

- Mark R. HILLEGAS, The Future as Nightmare. H. G. Wells and the Anti-Utopians, Southern Illinois University Press, Carbondale and Edwardsville, Feffer & Simons, Inc., London/Amsterdam, 1967.

G. Sur Rabelais et Bakhtine:

- Anton SIMONS, Het groteske van de taal. Over het werk van Michail Bachtin, SUA, Amsterdam, 1990.

- Michel ONFRAY, «Reviens, François», in Le magazine littéraire, n°319, mars 1994.

- Michel RAGON, «Rabelais le libertaire», propos recueillis par J.J. Brochier, in: Le magazine littéraire, n°319, op. cit.

- Michel JEANNERET, «Et tout pour la tripe», in: Le magazine littéraire, n°319, op. cit.

- Pascal DIBIE, «Une ethnologie de la Renaissance», in: Le magazine littéraire, n°319, op. cit.

- Simone PERRIER, «Démesure pour démesure: le Rabelais de Bakhtine», in: Le magazine littéraire, n°319, op. cit.

H. Ouvrages d'Anton Zijderveld:

- Anton C. ZIJDERVELD, The Abstract Society. A Cultural Analysis of Our Time, Penguin/Pelican, Harmondsworth,1974.

- Anton C. ZIJDERVELD, Humor und Gesellschaft. Eine Soziologie des Humors und des Lachens, Styria, Graz, 1971.

vendredi, 13 septembre 2013

Syrie : confusion, imprudence et ridicule

Syrie : confusion, imprudence et ridicule

 
Ex: http://www.les4verites.com

hollande-valerie-syrie_0.jpgLa politique du gouvernement actuel de la France à l’égard de la Syrie est le prototype même de la confusion, de l’imprudence et d’une absence totale de bon sens.

François Hollande, capitaine de pédalo comme dit le camarade Mélenchon et chef d’un État en faillite où le budget de l’armée est sacrifié au profit de l’immigration afro-musulmane, veut être chef de guerre. Comme son prédécesseur, il veut, sabre au clair et panache socialiste au vent, maîtriser le printemps arabe – c’est-à-dire donner à l’armée française l’ordre de bombarder cet ancien protectorat français qu’est la Syrie.

Le précédent libyen, où l’intervention franco-sarkozyste a créé un chaos indescriptible aggravant la situation dans tout le Sahel africain et dispersant à travers l’Afrique et le Proche-Orient l’arsenal de Kadhafi, n’a pas servi de leçon. François Hollande veut recommencer en Syrie, avec cette circonstance aggravante que la situation, qui implique là-bas les grandes puissances, est extrêmement complexe et dangereuse.

La première question que l’on doit poser lorsque ce type d’intervention est à l’étude est celle-ci : quel est dans cette affaire l’intérêt national ? À cette question, je réponds immédiatement : il n’y a aucun intérêt national à intervenir militairement en Syrie, mais il y a des risques considérables à prendre. Derrière Bachar Al-Assad, nul n’ignore qu’il y a la Russie qui lui fournit tout l’armement nécessaire, l’Iran qui lui envoie tous les effectifs dont il a besoin et la Chine qui lui prodigue tout l’appui diplomatique qu’il peut souhaiter. Ajoutons à cela que de nombreux pays occidentaux, et non des moindres, refusent, arguments à l’appui, de s’engager militairement en Syrie : l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie, la grande majorité des pays anglo-saxons, tous faisant observer que, si l’on se réclame du droit qu’à toute occasion la France veut imposer au monde entier, il convient pour commencer de respecter les règles de l’ONU et d’abord du conseil de sécurité dont la France est un membre permanent. La légalité n’est pas à géométrie variable. C’est ce que le secrétaire des Nations Unies a rappelé déclarant son opposition totale à une intervention armée en Syrie. Le pape, la plus haute autorité morale dans le monde, a lui aussi proclamé son opposition à toute aventure militaire en Syrie. Et, pour compléter cette opposition généralisée, Hermann Van Rompuy, président du conseil de l’UE, a, le 5 septembre, lui aussi, dit qu’il était tout à fait hostile à la politique de François Hollande. Voilà donc le président de la République française seul en Europe contre tous, à brandir les impératifs de l’éthique. « Je vais punir, moi seul, le méchant. » À ce propos, je me permettrai de rappeler que les Occidentaux ont aidé Saddam Hussein à utiliser des gaz toxiques contre les Iraniens en 1988 – « notre ami Saddam Hussein », pour lequel Jacques Chirac nourrissait la plus grande affection ! Je rappelle aussi que, pendant la guerre d’Indochine, Français et Américains ont utilisé surabondamment contre les populations civiles le napalm, qui n’est, dans ses effets, guère différent des gaz toxiques. Alors, de grâce, pour la vertu, Monsieur le Président, soyez discret !

Changeant d’avis tous les jours, donnant l’impression d’une improvisation quotidienne, ne sachant plus comment échapper au piège dans lequel il est tombé faute de jugement, François Hollande en est à laisser dire que des frappes n’auraient nullement pour but de renverser Bachar Al-Assad, ni de contrarier son protecteur, le tsar Vladimir Poutine, laissant entendre aussi que, le jour J, on avertira l’adversaire des objectifs choisis. À l’incohérence, on le voit, on ajoute le ridicule ! Et si, à l’inverse, une bavure se produisait, si le porte-avions Charles De Gaulle était torpillé, si le Hezbollah chiite libanais prenait le pouvoir à Beyrouth, que ferait-on ?

Ce qui est certain, en tout cas, c’est que des frappes auraient pour résultat assuré de faire de nouvelles victimes, comme s’il n’y en avait pas assez, de renforcer la détermination de Bachar Al-Assad et des populations alaouites, druzes, et chrétiennes qui le soutiennent, d’exciter davantage encore les Iraniens et le Hezbollah, de mettre Israël en péril, et de renforcer la volonté toujours présente des musulmans de provoquer, en représailles, de graves attentats – en France de préférence. Il serait bon aussi de tenir compte en priorité du fait que 80 % des rebelles syriens sont affiliés à Al Qaïda, que certains d’entre eux ont déjà proclamé « l’État islamique de Syrie », dans la région d’Alep où la charia est appliquée et que beaucoup de ces djihadistes encagoulés sont, outre des Caucasiens, des Maghrébins venant de France. Est-ce l’intérêt de la France de soutenir ces gens-là, alors que 70 % au moins de l’opinion française est hostile à l’intervention socialiste ?

Quand, enfin, ces princes qui, aujourd’hui sont au pouvoir en France, comprendront-ils que la conduite de l’État exige sérieux et réalisme ? À dire vrai, l’explication non dite de cette politique aventureuse est que François Hollande, et sans doute Obama, cherchent à redorer leur blason terni et à laisser une marque dans l’histoire. C’était aussi le but de Sarkozy en Libye. Il a bien laissé une marque dans l’histoire, mais hélas celle d’un politicien parvenu dépourvu de jugement qui a commis une grave erreur pour aboutir à un grave échec.

François Hollande qui, sauf le respect qu’on lui doit, n’a pas les qualités qu’exige la fonction, prend le même chemin. On n’en pleurerait pas. Le problème est qu’il peut nous jeter dans une aventure désastreuse et qu’il perd dans cette affaire toute crédibilité. Il faut le constater, ces gens-là sont dangereux. Aveuglés par leur idéologie, ils prennent les choses non pour ce qu’elles sont, mais pour ce qu’ils voudraient qu’elles soient. C’est le pire des dérèglements de l’esprit, disait Bossuet.

La sagesse exige de laisser les Arabes et les musulmans à leurs affaires. Depuis que l’indépendance leur a été accordée, ils s’entre-tuent dans un redoutable désordre. Eh bien, lorsqu’ils seront fatigués de s’entre-tuer, de s’entre-égorger, de s’entre-gazer, lorsque les chiites en auront assez de tuer les sunnites et vice versa, l’Occident et en particulier la France pourraient proposer des négociations pour la paix et une réelle démocratie. À cette occasion, on pourrait demander aux djihadistes syriens de bien vouloir libérer les deux journalistes français qu’ils détiennent, parmi d’autres, et de cesser de pratiquer le terrorisme, leur arme favorite qui, depuis si longtemps, tue femmes et enfants.

Une réflexion sur l’avenir de l’Europe

LE LIEU DU RADICAL EUROPEEN

 
Une réflexion sur l’avenir de l’Europe


Michel LHOMME
Ex: http://metamag.fr
La France est en récession. Pour l'année 2012, c'est un taux de croissance nul. Adam Smith avait prédit que les Etats européens finiraient par couler un jour ! C’est peut-être aujourd’hui !  

En Afrique, au contraire, on évoque des taux de croissance de 6% (10% en Ethiopie entre 2005 et 2010). Pour la Caraïbe et l'Amérique latine, le taux de croissance moyen est de 3,2% (Haïti et le Pérou, près de 6%). Le vrai combat mondial, ce n’est donc pas la Syrie mais plus que jamais le partage des richesses : ce n’est plus un combat simplement occidental. La France paie aujourd’hui le modèle de la surconsommation des années 60-70. Elle n’est plus un pays normal car un pays normal ne doit en aucun cas négliger sa production et son industrie. 


Les hommes politiques français ont privilégié depuis des décennies la surconsommation, le surendettement des ménages, une politique de grands centres commerciaux à l’américaine et d’alimentation industrielle. Or, comme le souligne Pierre Rabhi: " la croissance ce n'est pas la solution, c'est le problème". Ne faut-il pas replacer le commerce et l’économie dans un combat mondial géopolitique du partage des richesses. Ce sont les apports alimentaires africains, arabes, indiens, chinois et amérindiens qui ont fait la table de l'Occident (épices, bananes, café, thé, pomme de terre). Or nous sommes encore dans ce système occidental de répartition alimentaire. 

En Afrique et en Outre-mer, à voix basse, on entend très souvent dire qu’après tout le mal causé par le Blanc, il faudrait l'éliminer coûte que coûte. Pourtant, dans le monde, il ne faut pas qu'il n’y ait qu'un seul système. Il est possible de parler de croissance sans pour autant se laisser enfermer dans le seul paradigme occidental. S'il doit y avoir une alternative au système européen, laissons le cours de l'histoire se faire et nous verrons se dessiner une croissance africaine ou une alternative latino-américaine. Là encore, les intellectuels français complètement déphasés semblent se préparer pour la rentrée à défendre le convivialisme. Ils prétendent annoncer que l'économie libérale serait sur le point de rendre l’âme. Ce n’est que l’opinion géo-centrée et hexagonale d’un pays en déclin. Et en raison de cette opinion , on peut applaudir avec Adam Smith et nos amis africains, à la chute probable des vieux Etats européens.

Sur quel système, les échanges entre les pays du monde seront-ils basés demain ? 

L'OMC dans lequel adhèrent tous les pays souverains est toujours prédominant. Si nous remontons dans le temps, les échanges qui se faisaient entre les royaumes africains et les sultanats arabes n'étaient pas basés sur le système occidental de frontières douanières et de taxes : l'Europe n'avait pas encore colonisé l'Afrique et le Moyen-Orient. Idem pour la région Caraïbe ou polynésienne où les peuples circulaient et marchandaient de territoires en territoires sans avoir de passeports, de visas... Puis, la colonisation européenne est passée par là et maintenant au XXIème siècle, le commerce mondial se fait sous les contraintes juridiques occidentales des dites règles du commerce. L'Occident fait partie du monde mais maintenant, avec l’arrivée soudaine au premier plan des pays émergents, cet Occident ne pourra plus dicter ses lois de concurrence. On pourrait très bien imaginer des règles nouvelles d’un autre système commercial avec une alternative au système consumériste.

Avec l'arrivée de pays émergents comme la Chine, le Brésil, l'Inde, la Russie, l'Afrique du Sud, le Nigéria, la carte du monde change. Soucieuse d’égalité, l'Europe se retrouve en grande difficulté économique. Les USA sont obligés de traiter avec des pays qui jadis étaient "persona non grata" car ils ont besoin d’ouvrir leur marché, d’écouler leurs produits d’où l’idée d’accélérer le projet balladurien d’un traité de libre-commerce transatlantique. 

Il faut donc écrire au plus vite un guide de survie économique européen et pour cela poser les bases d’un nouvel espace économique avec les pays émergents, redéfinir les grands espaces du Sud et raisonner en termes de transfert de puissance. Le romancier créole antillais Patrick Chamoiseau écrivait récemment : « nous ne voyons que les ruines et les décombres se préciser autour de nous, mais l’horizon, l’en dehors, l’inconnu, l’inconcevable, nous brûle encore l’esprit… Le lieu est dans cette brûlure ». De quel lieu ?... Du « lieu du radical » précise-t-il, ce qu’un autre grand poète martiniquais, Edouard Glissant appelait « l’écart déterminant ». Chamoiseau ajoute dans cet entretien (Médiapart, 2 mai 2013) : « le poétique est le fondement du politique. Quand le politique s’en éloigne, il sombre dans la gestion ».

Le principal objectif d’une politique économique européenne ne serait-il pas la neutralisation économique américaine? Un tel programme impliquerait la fin du consumérisme et que les Américains soient prêts à abandonner leur leadership mondial. Ce serait l’occasion d’un grand revirement de la politique américaine comme l’a été la naissance du New Deal. Il serait en effet du devoir de l’Europe, de la défense de ses intérêts de susciter dans l’état de dette généralisée des Etats-Unis et surtout de sa probable dislocation interne et civile d’appuyer une telle politique de neutralisation américaine. Il faut donc refuser tout traité trans-atlantique qui ne vise qu’à faire entrer en masse les produits américains dans nos supermarchés. Pour l’Europe, ce serait une chance de sortir de l’impasse où se trouve actuellement la politique de ses Etats. 

Un moment  crucial

Pour la première fois, la volonté de domination américaine se retrouve en raison inverse de sa puissance politique interne et réelle. L’affirmation géo-économique dont elle rêve s’appuie sur une affirmation métaphysique. Or, on ne construit pas les réalités économiques de transformation (cf. Schumpeter) sur des affirmations métaphysiques. Tout manquera dans la culture américaine prochaine, dans les mœurs politiques et sociales du pays pour la rendre effective. On ne maintient pas une hyperpuissance avec des obèses ou des drogués. Et ce malgré tout l’aspect concret de l’affirmation politique américaine : un patriotisme fort, lié en la croyance en une prédestination biblique. Le péril interne américain, péril sociologique explique et justifie le durcissement visible du pouvoir fédéral, de son armature administrative et militaire, de son obsession de la surveillance nationale et internationale, de son orientation de plus en plus totalitaire mais cela ne l’empêchera pas de demeurer prisonnier dans la formation de ses élites des valeurs modernistes et libérales qu’il affiche. Il y a donc pour l’Europe et ses peuples un devoir de résistance. 

Intervention en Syrie : la recherche d'un prétexte à tout prix

La recherche d'un prétexte à tout prix...

par Eric Dénécé

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous une excellente analyse d'Eric Dénécé, spécialiste des questions de renseignement et ancien analyste Secrétariat Général de la Défense Nationale, qui anime depuis quelques années les travaux du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Eric Dénécé a récemment publié La face cachée des « révolutions » arabes (Ellipses, 2012) et Les services de renseignement français sont-ils nuls ? (Ellipse, 2012).

 

Synthèse nationale.jpg

 

Intervention en Syrie : la recherche d'un prétexte à tout prix

La coalition réunissant les Etats-Unis, le Royaume Uni, la France, la Turquie, l'Arabie saoudite et le Qatar vient de franchir un nouveau pas dans sa volonté d'intervenir en Syrie afin de renverser le régime de Bachar El-Assad. Utilisant ses énormes moyens de communication, elle vient de lancer une vaste campagne d'intoxication de l'opinion internationale afin de la convaincre que Damas a utilisé l'arme chimique contre son peuple, commettant ainsi un véritable crime contre l'humanité et méritant  « d'être puni ».

Aucune preuve sérieuse n'a été présentée à l'appui de ces affirmations. Au contraire, de nombreux éléments conduisent à penser que ce sont les rebelles qui ont utilisé ces armes. Ces mensonges médiatiques et politiques ne sont que des prétextes. Ils rappellent les tristes souvenirs du Kosovo (1999), d'Irak (2003) et de Libye (2010) et ont pour but de justifier une  intervention militaire afin de renverser un régime laïque, jugé hostile par les Etats-Unis  - car allié de l'Iran et ennemi d'Israël - et impie par les monarchies wahhabites d'Arabie saoudite et du Qatar. Il est particulièrement affligeant de voir la France participer à une telle mascarade.

La falsification des faits

Depuis deux ans, des informations très contradictoires et souvent fausses parviennent en Europe sur ce qui se passe actuellement en Syrie. Il est ainsi difficile de comprendre quelle est la situation exacte dans ce pays. Certes, le régime syrien n'est pas un modèle démocratique, mais tout est mis en œuvre par ses adversaires afin de noircir le tableau, dans le but d'assurer le soutien de l'opinion internationale à l'opposition extérieure et de justifier les mesures prises à son encontre, dans l'espoir d'accélérer sa chute.

Cette falsification des faits dissimule systématiquement à l'opinion mondiale les éléments favorables au régime :

- le soutien qu'une grande partie de la population syrienne - principalement les sunnites modérés et les minorités (chrétiens, druzes, chiites, kurdes) - continue d'apporter à Bachar El-Assad, car elle préfère de loin le régime actuel - parfois par défaut - au chaos et à l'instauration de l'islam radical ;

- le fait que l'opposition intérieure, historique et démocratique, a clairement fait le choix d'une transition négociée et qu'elle est, de ce fait, ignorée par les pays occidentaux ;

- la solidité militaire du régime : aucune défection majeure n'a été observée dans l'armée, les services de sécurité, l'administration et le corps diplomatique et Damas est toujours capable d'organiser des manœuvres militaires majeures ;

- son large soutien international. L'alliance avec la Russie, la Chine, l'Iran et le Hezbollah libanais ne s'est pas fissurée et la majorité des Etats du monde s'est déclarée opposée à des frappes militaires, apportant son soutien total aux deux membres permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU - Russie et Chine - qui ont clairement indiqué qu'ils n'autoriseraient pas une action armée contre la Syrie. Rappelons également que le régime syrien n'a été à ce jour l'objet d'aucune condamnation internationale formelle et demeure à la tête d'un Etat membre à part entière de la communauté internationale ;

- le refus délibéré des Occidentaux, de leurs alliés et de la rébellion de parvenir à une solution négociée. En effet, tout a été fait pour radicaliser les positions des ultras de Damas en posant comme préalable le départ sans condition du président Bachar.

Au contraire, l'opposition extérieure, dont on cherche à nous faire croire qu'elle est LA solution, ne dispose d'aucune légitimité et demeure très éloignée des idéaux démocratiques qu'elle prétend promouvoir, en raison de ses options idéologiques très influencées par l'islam radical.

De plus, la rébellion syrienne est fragmentée entre :

- une opposition politique extérieure groupée autour des Frères musulmans, essentiellement contrôlée par le Qatar et la Turquie ;

- une « Armée syrienne libre » (ASL), composée d'officiers et d'hommes de troupe qui ont déserté vers la Turquie et qui se trouvent, pour la plupart, consignés dans des camps militaires faute d'avoir donné des gages d'islamisme suffisants au parti islamiste turc AKP. Son action militaire est insignifiante ;

- des combattants étrangers, salafistes, qui constituent sa frange la plus active et la plus violente, financés et soutenus par les Occidentaux, la Turquie, le Qatar et l'Arabie saoudite.

Ainsi, la Syrie connaît, depuis deux ans, une situation de guerre civile et des affrontements sans merci. Comme dans tous les conflits, les victimes collatérales des combats sont nombreuses, ainsi que les atrocités. Toutefois, les grands médias internationaux qui donnent le ton - qui appartiennent tous aux pays hostiles à la Syrie - cherchent à donner l'impression que les exactions, massacres et meurtres sont exclusivement le fait du régime et de son armée.

Si certaines milices fidèles au régime ont commis des exactions, cela ne saurait en aucun cas dissimuler les innombrables crimes de guerre qui sont chaque jour, depuis deux, ans l'œuvre de la rébellion, et dont sont victimes la population syrienne fidèle au régime, les minorités religieuses et les forces de sécurité. Ce fait est systématique passé sous silence. Pire, les nombreux actes de barbarie des djihadistes soutenus par l'Occident, la Turquie et les monarchies wahhabites sont même souvent attribués au régime lui-même, pour le décrédibiliser davantage.

L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), principale source des médias sur les victimes de la « répression », est une structure totalement inféodée à la rébellion, crée par les Frères musulmans à Londres. Les informations qu'il diffuse relèvent de la pure propagande et n'ont donc aucune valeur ni objectivité. S'y référer est erroné et illustre l'ignorance crasse ou de la désinformation délibérée des médias.

Enfin, face à ce Mainstream médiatique tentant de faire croire que le Bien est du côté de la rébellion et de ses alliés afin d'emporter l'adhésion de l'opinion, toute tentative de vouloir rétablir un minimum d'objectivité au sujet de ce conflit est immédiatement assimilée à la défense du régime.

Les objectifs véritables d'une intervention en Syrie

Dès lors, on est en droit de s'interroger sur les raisons réelles de cet acharnement contre Bachar Al-Assad et d'en rechercher les enjeux inavoués. Il en existe au moins trois :

- casser l'alliance de la Syrie avec l'Iran ; le dossier iranien conditionne largement la gestion internationale de la crise syrienne. En effet, depuis trois décennies, Damas est l'allié de l'Iran, pays phare de « l'axe du mal » décrété par Washington, que les Américains cherchent à affaiblir par tous les moyens, tant en raison de son programme nucléaire, de son soutien au Hezbollah libanais, que de son influence régionale grandissante ;

- rompre « l'axe chiite » qui relie Damas, Bagdad, Téhéran et le Hezbollah, qui est une source de profonde inquiétude pour les monarchies du Golfe qui sont, ne l'oublions pas, des régimes autocratiques et qui abritent d'importantes minorités chiites. Ainsi, Ryad et Doha ont désigné le régime iranien comme l'ennemi à abattre. Elles veulent la chute du régime syrien anti-wahhabite et pro-russe, afin de transformer la Syrie en base arrière pour reconquérir l'Irak - majoritairement chiite - et déstabiliser l'Iran. Elles cherchent aussi à liquider le Hezbollah libanais. En cela, leur agenda se confond avec celui de Washington ;

- détruire les fondements de l'Etat-nation laïc syrien pour le remplacer par un régime islamiste. Cela signifie livrer Damas aux forces wahhabites et salafistes favorables aux pétromonarchies du Golfe, ce qui signifie l'éclatement du pays en plusieurs entités en guerre entre elles ou, pire, l'asservissement voire le massacre des minorités non sunnites.

Ces objectifs non avoués n'ont pas été jusqu'ici atteints et ne le seront pas tant qu'existera le soutien sino-russe et tant que l'axe Damas-Téhéran ne se disloquera pas.

Le faux prétexte des armes chimiques

Face à la résistance de l'Etat syrien et de ses soutiens, la coalition américano-wahhabite a décidé d'employer les grands moyens afin de faire basculer l'opinion et de justifier une intervention militaire : accuser Damas de recourir aux armes chimiques contre sa propre population.

Une première tentative a été entreprise en avril dernier. Malheureusement, l'enquête des inspecteurs de l'ONU a révélé que l'usage d'armes chimiques était le fait de la rébellion. Ce rapport n'allant pas dans le sens que souhaitait la coalition américano-wahhabite, il a été immédiatement enterré. Seul le courage de Carla del Ponte a permis de révéler le pot aux roses. Notons cependant que les « médias qui donnent le ton » se sont empressés de ne pas lui accorder l'accès à leur antenne et que cette enquête a été largement passée sous silence.

Les événements du 21 août dernier semblent clairement relever de la même logique. Une nouvelle fois, de nombreux éléments conduisent à penser qu'il s'agit d'un montage total, d'une nouvelle campagne de grande envergure pour déstabiliser le régime :

- le bombardement a eu lieu dans la banlieue de Damas, à quelques kilomètres du palais présidentiel. Or, nous savons tous que les gaz sont volatils et auraient pu atteindre celui-ci. L'armée syrienne n'aurait jamais fait cela sauf à vouloir liquider son président !

- les vecteurs utilisés, présentés par la presse, ne ressemblent à aucun missile en service dans l'armée syrienne, ni même à aucun modèle connu. Cela pourrait confirmer leur origine artisanale, donc terroriste ;

- de plus, des inspecteurs de l'ONU étaient alors présents à Damas et disposaient des moyens d'enquête adéquats pour confondre immédiatement le régime ;

- les vidéos présentées ne prouvent rien, certaines sont même de grossières mises en scène ;

- enfin, le régime, qui reconquiert peu à peu les zones tenues par la rébellion, savait pertinemment que l'emploi d'armes chimiques était une « ligne rouge » à ne pas franchir, car cela déclencherait immédiatement une intervention militaire occidentale. Dès lors, pourquoi aurait-il pris in tel risque ?

Aucune preuve sérieuse n'a été présentée à l'appui la « culpabilité » de l'armée syrienne. Au contraire, tout conduit à penser que ce sont les rebelles qui ont utilisé ces armes, car contrairement à ce qui est avancé par la note déclassifiée publiée par le gouvernement français, les capacités chimiques des terroristes sont avérées :

- en Irak (d'où proviennent une partie des djihadistes de la rébellion syrienne), les autorités ont démantelé début juin 2013 une cellule d'Al-Qaida qui préparait des armes chimiques. Trois laboratoires ont été trouvés à Bagdad et dans ses environs avec des produits précurseurs et des modes opératoires de fabrication de gaz sarin et moutarde ;

- en Syrie, le Front Al-Nosra est suspecté avoir lancé des attaques au chlore en mars 2013 qui auraient causé la mort de 26 Syriens dont 16 militaires ;

- pour sa part, Al-Qaida a procédé en 2007 une douzaine d'attaques du même type à Bagdad et dans les provinces d'Anbar et de Diyala, ce qui a causé la mort de 32 Irakiens et en a blessé 600 autres. En 2002, des vidéos montrant des expérimentations d'armes chimiques sur des chiens ont été trouvées dans le camp de Darunta, près de la ville de Jalalabad, en Afghanistan.

Les errements de la politique étrangère française

A l'occasion cet imbroglio politico-médiatique dans lequel ses intérêts stratégiques ne sont pas en jeu, le gouvernement français mène une politique incompréhensible pour nos concitoyens comme pour l'étranger.

Depuis deux ans, la France, par le biais de ses services spéciaux, - comme d'ailleurs les Américains, les Britanniques et les Turcs - entraîne les rebelles syriens et leur fournit une assistance logistique et technique, laissant l'Arabie saoudite et le Qatar les approvisionner en armes et en munitions.

Ainsi, la situation syrienne place la France devant ses contradictions. Nous luttons contre les djihadistes au Mali, après les avoir aidés à prendre le pouvoir à Tripoli - en raison de l'intervention inconsidérée de l'OTAN en Libye, en 2011, dans laquelle Paris a joué un rôle clé - et continuons de les soutenir en Syrie, en dépit du bon sens. Certes le régime de Bachar Al-Assad n'est pas un modèle de démocratie et il servait clairement les intérêts de la minorité alaouite, mais il est infiniment plus « libéral » que les monarchies wahhabites : la Syrie est un Etat laïque où la liberté religieuse existe et où le statut de la femme est respecté. De plus, il convient de rappeler que Damas a participé activement à la lutte contre Al-Qaïda depuis 2002. Pourtant, nous continuons d'être alliés à l'Arabie saoudite et au Qatar, deux Etats parmi les plus réactionnaires du monde arabo-musulman, qui, après avoir engendré et appuyé Ben Laden, soutiennent les groupes salafistes partout dans le monde, y compris dans nos banlieues. Certes, notre soutien aux agendas saoudien et qatari se nourrit sans nul doute de l'espoir de quelques contrats d'armement ou pétroliers, ou de prêts financiers pour résoudre une crise que nos gouvernants semblent incapables de juguler.

Une question mérite donc d'être posée : la France a-t-elle encore une politique étrangère ou fait-elle celle du Qatar, de l'Arabie saoudite et des Etats-Unis ? Depuis la présidence de Nicolas Sarkozy la France aligne ses positions internationales sur celles des Etats-Unis et a perdu, de ce fait, l'énorme capital de sympathie que la politique du général de Gaulle - non ingérence dans les affaires intérieures des Etats et défense du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes - lui avait constitué.

Si les élections de mai 2012 ont amené un nouveau président, la politique étrangère n'a pas changé. En fait, nous observons depuis plusieurs années la conversion progressive d'une partie des élites françaises  - de droite comme de gauche - aux thèses néoconservatrices américaines : supériorité de l'Occident, néocolonialisme, ordre moral, apologie de l'emploi de la force ...

Surtout, un fait nouveau doit être mis en lumière : la tentative maladroite des plus hautes autorités de l'Etat de manipuler la production des services de renseignement afin d'influer sur l'opinion publique et de provoquer un vote favorable des parlementaires. Ce type de manœuvre avait été conduit par Washington et Londres afin de justifier l'invasion de l'Irak en 2003, avant d'être dénoncé. Onze ans plus tard, le gouvernement recourt au même artifice grossier et éculé pour justifier ses choix diplomatiques et militaires. Compte tenu de la faiblesse des arguments présentés dans la note gouvernementale - qui n'est pas, rappelons-le, une note des services -, celle-ci ne sera d'aucune influence sur la presse et l'opinion. En revanche, par sa présentation, elle contribue à décrédibiliser le travail des services de renseignement, manipulés à leur insu dans cette affaire.

Le mépris des politiques français à l'égard des services est connu. Est-ce un hasard si cette affaire survient alors que l'actuel ministre des Affaires étrangères est celui-là même qui, en 1985, alors qu'il était chef du gouvernement, a fort élégamment « ouvert le parapluie », clamant son absence de responsabilité à l'occasion de l'affaire du Rainbow Warrior ?

Une chose au moins est sûre : une remise à plat de notre position à l'égard de la Syrie et de notre politique étrangère s'impose, car « errare humanum est, perseverare diabolicum ».

Eric Dénécé (Centre français de recherche sur le renseignement, 6 septembre 2013)

Rassegna Stampa (sett. 2013)

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Rassegna Stampa: articoli in primo piano (sett. 2013)

 

 



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Une Amérique antiguerre, une Amérique en révolte ?

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Une Amérique antiguerre, une Amérique en révolte ?

Ex: http://www.dedefensa.org

Bien entendu, la proposition russe de mettre l’arsenal chimique syrien sous contrôle international modifie considérablement la situation générale de la crise syrienne, – ou disons, pour être plus précis, la situation de la crise syrienne elle-même (attaque US ou pas attaque US), et la situation de la crise washingtonienne et même de la “crise du système de l’américanisme” consécutive à l’implication US (attaque ou pas) dans la crise syrienne. Nous observerions que le deuxième volet est au moins autant affecté que le premier, et qu’il pourrait même l’être beaucoup plus. Il faut préciser qu’Obama a accueilli cette proposition, dont il avait discuté la possibilité avec Poutine au G20, avec faveur et sans hésiter ni en délibérer avec ses conseillers, laissant effectivement l’impression qu’il “sautait sur la proposition pour se tirer de la perspective catastrophique d’une défaite majeure au Congrès”.

Ce dernier segment de phrase est une traduction d’une rapide analyse de cette situation par DEBKAFiles, du 10 septembre 2013. Nous choisissons ce point de vue évidemment partisan parce qu’il concerne un aspect crucial de la situation washingtonienne, et US par conséquent. L’analyse, assez courte parce que rédigée dans l’urgence, du site israélien connecté aux services de sécurité israéliens et aussi aux milieux bellicistes-extrémistes US, est intéressante parce qu’elle se préoccupe moins de présenter l’une ou l’autre exclusivité que de fixer une situation, manifestement du point de vue général dont le site est le représentant. Ainsi peut-on admettre qu’elle substantive bien le sentiment, extrêmement désappointé, de l’aile activiste du gouvernement Obama, et du War Party à Washington par extension, et qu’elle le fait clairement, sans les précautions et fioritures, ou sans la rhétorique de circonstance, qu’on trouve dans les milieux et médias US de cette tendance.

Rapportant diverses déclarations d’Obama, qui passait hier soir sur divers réseaux pour des interviews, DEBKAFiles met en évidence ce qui sera retenu comme une certaine duplicité de sa part, qui passe dans ce cas à une dialectique d’apaisement, qui minimise désormais le “danger” syrien, notamment vis-à-vis des USA, qui affirme que la crise syrienne ne peut être résolue militairement – deux affirmations qui démentent le sentiment général du War Party, et éventuellement de certains des conseillers d’Obama. DEBKAFiles affirme, – et c’est sa seule affirmation qui se veut in fine exclusive, – qu’Obama se trouve en contradiction avec ses conseillers Rice (directrice du NSC) et Kerry (secrétaire d’État), qui ne sont pas favorables à la suspension au moins temporaire de la menace d’attaque contre la Syrie.

«US president Barack Obama went against the words of his advisers, Secretary of State John Kerry and National Security Adviser Susan Rice Monday, and offered in TV interviews early Tuesday, Sept. 10, to “absolutely” put on hold military action against Syria, as well as the vote in Congress, if Bashar Assad abandoned chemical weapons. He said he found some positive signs in the Russian proposal [for Assad to hand over his chemical arsenal to international control] and said he was willing to run it to ground in the next few days to see if the Syrian issue can’t be solved without the military option. “I welcome the Russian proposals and we will try and verify them,” he said.

»As for the decision in Congress, which was almost certain to vote down military action, Obama said that too could be put on hold. Because from the start there had been no imminent military threat to the United States, there was still time for “a good deliberation in Congress before a decision.” It would take at least a week or a few weeks before Congress decides, and meanwhile “we can continue to talk to the Russians.”

»“We know the capabilities of the Syrian army and that is no big problem for us,” he said. In answer to a question, Obama admitted he had discussed the Russian proposal with Vladimir Putin last week at St. Petersburg (where they talked for 20 minutes on the G20 summit sidelines). He suggested then that the Syrian issue be approached in two stages: First, dispose of the chemical weapons problem, then move on to other issues of the Syrian conflict. Obama said he still believed the Syrian problem could not be solved militarily and would do everything to put the political discussions on the fast track.

»Most Washington observers were critical of this latest Obama flip-flop, saying they received the impression from the interviews that the president had seized on the Russian proposal as a means of extricating himself from a major defeat in Congress.»

• Tout cela, avec bien entendu la proposition russe, intervient dans un climat de dégradation accélérée de la position d’Obama à Washington. La proposition russe repoussant le cas du vote du Congrès au second plan, les jugements ne sont plus tenus par des obligations tactiques et rendent un ton général résumé par le propos de DEBKAFiles, selon lequel Obama allait vers “une défaite majeure au Congrès”, qui aurait été évidemment un coup terrible porté à sa position politique. La perspective d’une destitution avait été à nouveau évoquée (avant la proposition russe), devant la probabilité, sinon la certitude d’une défaite écrasante d’Obama au Congrès, suivie malgré tout d’une attaque ponctuelle contre la Syrie, ceci et cela conduisant justement à cette procédure de destitution. C’est le cas de Wester Griffin Tarpley, le 9 septembre 2013 pour PressTV.ir : «The big danger is that Congress will say ‘no’ [to an Obama war authorization on Syria] and then Obama will proceed to bomb. If he does, he will be impeached for sure...»

• Ce week-end et hier, le sentiment, notamment par le biais des sondages, reflète une poussée extrêmement significative de la pression populaire, aux USA, contre l’attaque. Non seulement ce sentiment met en cause l’idée de l’attaque contre la Syrie, mais également, – et c’est un fait nouveau, – la capacité de leadership d’Obama et sa politique étrangère en général. Il s’agit d’un mouvement qui semble avoir une très puissante substance, qui est perçu comme tel dans tous les cas et c’est ce qui compte, et qui est en train de se renforcer très rapidement malgré les pressions de communication d’Obama et de ses alliés en la circonstance, – dans tous les cas dans la phase d’avant la proposition russe, mais celle-ci ne devant nullement arrêter ce mouvement, au contraire. Il y a d’abord un sondage commenté et une enquête informative de McClatchy, le 9 septembre 2013.

«When President Barack Obama addresses the nation Tuesday in his bid for airstrikes against Syria, he will confront the most unfriendly political landscape of his presidency, one where opposition knows no boundaries and Democrats, Republicans, whites, blacks, Hispanics, old, young, men and women all are deeply skeptical of the mission.

»A solid majority of voters opposes airstrikes and wants Congress to reject Obama’s request for approval, according to a new McClatchy-Marist poll. A majority thinks he does not have a clear idea of what he’s doing with Syria. The ranks of Americans who approve of the way he’s handling foreign policy has dropped to the lowest level since he assumed office. And an overwhelming majority insists he stand down should Congress vote no. “Clearly this president needs to be very persuasive Tuesday,” said Lee Miringoff, director of the Marist Institute for Public Opinion in New York, which conducted the poll...»

Dans le même sens, et montrant ainsi combien ce mouvement de renforcement très rapide de l’opposition populaire est confirmé, il y a une enquête de l’institut PEW du 9 septembre 2013, présentée par USA Today le même 9 septembre 2013...

«By more than 2-1, 63%-28%, those surveyed Wednesday through Sunday say they are against U.S. military action against the Syrian regime for its reported use of chemical weapons against civilians. In the past week, support has declined by a percentage point and opposition has swelled by 15 points, compared with a previous Pew Research poll.

»As President Obama prepares to address the nation Tuesday, he can see damage the issue is doing to his own standing. He gets the lowest ratings of his presidency on handling foreign policy, and Americans by 2-1 disapprove of his handling of the situation in Syria. His overall approval rating has sagged to 44%-49%, the first time it has fallen into negative territory in well over a year. “This is a signal moment,” says political scientist Larry Jacobs of the University of Minnesota. ”On the one side is the kind of leadership of an historic order. On the other side is a fairly deep doubting about American power — and the power of this president.”»

• Un élément plus général s’impose également, qui est l’évolution très rapide du parti républicain (même au-delà de son aile libertarienne) vers une position antiguerre et isolationniste, chose impensable il y a encore deux ans et depuis plus d’un demi-siècle. On le sait, il s’agit d’un fait majeur de la situation politique washingtonienne, qui se développe sous la pression de mieux en mieux organisée, et de plus en plus renforcée par de nouvelles participation, du courant libertarien populiste, s’appuyant sur une alliance non seulement “objective” mais coordonnée d’une faction progressiste-populiste importante du parti démocrate. Ce courant est perçu comme structuré et efficace depuis la fin juillet (voir le vote sur la NSA, le 26 juillet 2013). Ce n’est plus un phénomène marginal, comme on avait tendance à le considérer dans le cadre de la communication-Système qui défend sa politique-Système ainsi directement mise en cause, mais bien le moteur central d’une évolution qui semble désormais toucher tout le parti républicain (le GOP), alors qu’une partie des démocrates y est également sensible. McClatchy fait (le 9 septembre 2013) un rapport sur cet événement politique qui a été accéléré et mis à jour par l’actuelle extension washingtonienne de la crise syrienne.

«The Republican Party may be turning anti-war.

»Some of the shift is driven by visceral distrust of President Barack Obama, who is the one proposing military strikes against Syria. Some is driven by remorse and lessons learned from the Iraq war. And some is fed by the isolationist and libertarian strains of the grassroots tea party movement. Plenty of Republicans, including key congressional leaders, support Obama’s push for military action against the Syrian regime for allegedly using chemical weapons. But among constituents, rank-and-file members of Congress and many influential voices in the party’s echo chamber, the trend is decidedly anti-war. “There is a growing isolationist movement within our own party,” said John Weaver, an Austin, Texas-based Republican consultant.

»The party’s popularity surged in the late 1940s partly because of its unrelenting stance against communism. Republicans nominated World War II hero Gen. Dwight D. Eisenhower as its 1952 presidential candidate and he won two terms. Ronald Reagan’s presidency is still revered by supporters for his tough talk against the Soviet Union, and in his 2005 inaugural address, President George W. Bush redefined America’s international mission.

»Now, that’s changing.

Quel bouleversement à la veille de 9/11 ?

... Ainsi semble-t-il bien que l’on se trouve à un tournant de la situation politique washingtonienne en crise, et la proposition russe sur le chimique a de fortes chances d’accélérer ce tournant, bien plus que de le bloquer. Certes, la proposition russe semble avoir de très grandes chances de modifier le cours du processus menant à une attaque US en Syrie, quoiqu’il n’y ait encore rien d’assuré à ce propos. (Voir sur Antiwar.com du 10 septembre 2013 des détails sur l’accueil fait à cette proposition, avec des interférences dans l’administration, accroissant la sensation d’un gouvernement en grand désarroi.) Mais la proposition a également pour effet, et surtout pour les développements de la situation washingtonienne, d’interférer dans un autre processus, qui a pris à notre avis une importance plus grande que l’attaque en Syrie, qui est le processus d’affrontement à Washington, et de dégradation de la position du président Obama. Évidemment, on est tenté de rejoindre le constat de DEBKAFiles, sur un Obama saisissant la proposition russe comme une bouée de sauvetage, et, par conséquent, sauter à la conclusion que la Russie a sauvé le président Obama. Cette conclusion-là, si elle n’est pas fausse, est peut-être précipitée pour le terme et, surtout, elle est incomplète.

D’une part, le débat continue, et si le Sénat a pour sa part repoussé sine die son vote sur la question de l’attaque, il n’en reste pas moins que le Congrès poursuit son travail sur le sujet et qu’on continue à se compter, et qu’au Sénat, justement, l’opposition à un texte autorisant l’attaque grandit (voir Antiwar.com le 10 septembre 2013). Tous ces événements ont conduit d’ailleurs à la perception désormais générale qu’Obama aurait perdu, ou a perdu sa bataille pour obtenir le soutien du Congrès, – et cette perception, même si un vote ne la sanctionne pas, implique pour l’évaluation des positions qu’Obama est de toutes les façons battu et vaincu dans cette affaire, et son pouvoir réduit à mesure. (Cela vaut d’ailleurs, dans des conditions différentes, pour certains membres de son cabinet : les super-neocons Susan Rice et Samantha Powers, et John Kerry qui a déchaîné une dialectique si outrancièrement anti-Assad qu’il lui sera difficile de revenir sans dégâts collatéraux pour lui-même à un langage plus mesuré.)

Au-delà, et pour ce qui concerne les mouvements de fond, les diverses nouvelles données ci-dessus indiquent que cette crise a déclenché une formidable dynamique, antiguerre, non-interventionniste voire neo-isolationniste, qui doit immédiatement interférer dans la politique courante et devrait s’institutionnaliser lors des élections de novembre 2014 (cela, si l’on a l’audace de faire de la prospective à si long terme dans une époque où les bouleversements mettent quelques jours pour s’affirmer). Certains en sont même à affirmer que le changement est tel que même la puissance du lobby israélien AIPAC est d’ores et déjà considérablement réduite. (Tarpley, déjà cité : «I think we’re going to find that [the AIPAC] influence has fallen fast and that they’ve chosen a battle that they’re destined to lose. They are trading on the basis of victories that are now several decades in the past. No matter what their power might be, they are running into a buzz saw. That buzz saw is the fact that the American people are not just sick of war but disgusted by war.») Répétons-le, ce fait-là, du surgissement d’une telle dynamique antiguerre aux USA, est de très loin le plus important de toute cette séquence crisique, bien plus que la situation en Syrie et au Moyen-Orient.

Il reste à voir quelle va être la réaction du War Party, qui est aux abois et qui devrait avoir désormais la sensation de se battre pour sa survie. Il dispose encore d’énormes moyens médiatiques et de communication, y compris bien sûr l’AIPAC lui-même, et il devrait avoir le réflexe de se radicaliser encore plus, sa survie passant par une tentative de provoquer malgré tout, par un moyen ou l’autre, de l’action d’influence à l’un ou l’autre false flag ou provocation dont il a le secret déjà pas mal éventé, une brutale nouvelle aggravation de la situation en Syrie passant par une relance des perspectives d’attaque de la Syrie. (Après tout, la proposition russe laisse Assad et son régime intacts, ce qui éloigne d’autant le War Party, – et les extrémistes du bloc BAO, d’ailleurs, et l’Arabie de Prince Bandar, et les rebelles, etc., – du but principal, regime change et liquidation d’Assad.) Cette perspective probable d’une résistance éventuellement forcenée du War Party renforce l’idée que rien n’est évidemment fini, surtout à Washington, ce qui, au contraire, devrait continuer à alimenter la dynamique antiguerre en l’institutionnalisant de facto.

Quant à la Russie, elle a manœuvré classiquement, selon sa politique ferme et principielle qui est de rechercher la stabilisation, si nécessaire en venant à l’aide d’un président US en difficulté, – ce qui va aussi dans le sens d’un but de stabilisation. (C’est une habitude héritée du temps de l’URSS : le meilleur et le plus fidèle soutien de Nixon pendant la crise du Watergate fut certainement le Premier Secrétaire du PC de l’URSS Brejnev, jusqu’à des gestes personnels lorsque Brejnev invita Nixon pour un court séjour dans sa villa de Crimée, pour le sortir du tourbillon washingtonien. L’ambassadeur de l’URSS à Washington Dobrynine écrivit dans ses mémoires que l’entente entre les deux hommes était telle dans cette période que, dans certaines circonstances qui ne se concrétisèrent jamais, Brejnev aurait été prêt à envisager de lancer en URSS, avec le soutien de Nixon, un processus réformiste de type gorbatchévien qui aurait permis d’établir une entente profonde entre l’URSS et les USA. Là aussi, la stabilisation du pouvoir US était une nécessité.) Considérée dans les conditions initiales qu’on connaît, l’initiative russe apparaît comme un succès qui ne peut que profiter au statut de la Russie, tout en ménageant Assad, qui a “approuvé” la proposition russe. Sur le terme pourtant, il n’est nullement assuré que, même dans le meilleur des cas, l'événement ait assuré quoi que ce soit. La “stabilisation” d’Obama dans ces conditions, si elle se confirme, pourrait bien se révéler très vite un leurre, car le président est nécessairement “stabilisé” dans une position de faiblesse extrême, jusqu’au paradoxe que la “stabilisation” elle-même, grâce à la Russie, l’affaiblit dans la mesure où elle dépend d’un pouvoir extérieur, et celui de Poutine en plus ! Cela, alors qu’on a vu que les autres dynamiques washingtoniennes en cours devraient se poursuivre, accentuant cet affaiblissement. Quant à la Syrie, comme on le devine, tout reste possible ... D’autre part, dira-t-on à ce point, que pouvaient et que peuvent faire de mieux les Russes ? Justement, cette question à la réponse évidente (“rien d’autre”, certes) mesure les limites des relations internationales dans leur dynamique actuelle, dont tous les acteurs n’ont pas encore compris, ou simplement admis, ou plus simplement encore accepté quand ils l’ont compris, que le véritable enjeu de la crise qui les secoue (ces relations internationales), – dito, la crise d’effondrement du Système, – n’y est absolument pas pris en compte pour ce qu’il est.

Et tout cela, de survenir à la veille de l’anniversaire sacré de 9/11 ...

Pour une séparation du Laïcisme et de l'État

Pour une séparation du Laïcisme et de l'État

par Jean-Gilles MALLIARAKIS

Ex: http://www.insolent.fr

laicisme-contre-la-liberte.jpgPeillon s'est encore fait remarquer pour la rentrée scolaire. Le personnage communique beaucoup. Tel Robespierre, qu'il admire et qui, cependant signa son arrêt de mort à la Fête de l'Être suprême, il pose en grand maître d'une religion [presque] nouvelle.

Tout cela le prétentieux personnage l'écrit lui-même.

Qu'on en juge par ses propres citations :

On remarquera d'abord que, comme beaucoup d'esprits marqués par l'enseignement de la philosophie, il fait bon marché de la connaissance concrète de l'Histoire. Voici en effet comment il définit la révolution :

"La révolution française est l’irruption dans le temps de quelque chose qui n’appartient pas au temps, c’est un commencement absolu, c’est la présence et l’incarnation d’un sens, d’une régénération et d’une expiation du peuple français. 1789, l’année sans pareille, est celle de l’engendrement par un brusque saut de l’histoire d’un homme nouveau. La révolution est un événement méta-historique, c’est-à-dire un événement religieux." (1)⇓

Et il enchaîne donc par cette conclusion, certes logique, mais terrifiante :

"La révolution implique l’oubli total de ce qui précède la révolution. Et donc l’école a un rôle fondamental, puisque l’école doit dépouiller l’enfant de toutes ses attaches pré-républicaines pour l’élever jusqu’à devenir citoyen. C’est une nouvelle naissance, une transsubstantiation qui opère dans l’école et par l’école cette nouvelle église avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, ses nouvelles tables de la loi."

On se situe exactement dans cette idée rousseauiste "il faut les forcer d'être libres" qu'Augustin Cochin souligne. (2)⇓

Peillon ose écrire : "La laïcité elle-même peut alors apparaître comme cette religion de la République recherchée depuis la Révolution". (3)⇓

Mais il déclare par ailleurs ouvertement que "la franc-maçonnerie est la religion de la république"(4)⇓

Le laïcisme qu'il professe se veut par conséquent l'expression profane, le mot d'ordre, – et comme le mot "républicain",– le mot de passe d'une secte, d'ailleurs divisée, dont on rappellera qu'au sein de l'Éducation dite Nationale elle doit représenter au maximum 1 % des fonctionnaires eux-mêmes, malgré sa réputation d'ascenseur professionnel : ce qui doit bien vouloir dire qu'elle dégoûte les autres 99 %.

Cessons donc de confondre laïcité et neutralité. L'un des fondateurs du système, Viviani, qui fut président du Conseil au moment de la déclaration de guerre de 1914, l'écrivait à l'époque: "La neutralité est, elle fut toujours un mensonge [...]. Un mensonge nécessaire lorsque l’on forgeait, au milieu des impétueuses colères de la droite, la loi scolaire [...]. On promit cette chimère de la neutralité pour rassurer quelques timidités dont la coalition eût fait obstacle au principe de la loi. Mais Jules Ferry avait l’esprit trop net pour croire en l’éternité de cet expédient [...]." (5)⇓

Le développement de l'éducation étatique a toujours été conçu en vue de perpétuer le système.

Le fonctionnement de cette coûteuse administration, lourdement centralisée, se révèle d'année en année plus improductif, et plus destructeur.

Les écoles d'État ne parviennent plus à enseigner aux enfants de France à lire, écrire et compter. Mais on veut, par l'effet du laïcisme totalitaire, faire semblant d'imposer avec une soi-disant "morale laïque", dont personne ne connaît les fondements, un recul de l'islamisme, lâchement, sans oser le nommer : cette rustine méprisable, poisseuse et liberticide ne servira à rien. Jetons la sans hésiter. Séparons le laïcisme de l'État.

JG Malliarakis       

Apostilles

  1. cf. "La révolution française n’est pas terminée" Seuil 2008 page 17
  2. *cf. "Les sociétés de pensée et la démocratie moderne" Éditions du Trident.
  3. Ibidem p. 162
  4. cf. ses déclarations destinées à promouvoir son livre enregistrées au départ sur le site de son éditeur.
  5. cf. L’Humanité 4 octobre 1904.

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La morte per Jünger: l’inizio di un qualcosa

La morte per Jünger: l’inizio di un qualcosa

 

di Luigi Iannone

Ex: http://www.azionetradizionale.com

La grandezza di Ernst Jünger sta nell’aver conosciuto e intellettualmente dominato il moderno carattere faustiano della tecnica, gli scenari di crisi aperti dai totalitarismi e di aver intuito l’accelerazione del tempo. E, infatti, in Italia, la sua recezione si snoda attraverso una mole enorme di saggi scientifici che ne scandagliano in profondità questi aspetti. La biografia scritta da Heimo Schwilk (Ernst Junger. Una vita lunga un secolo, Effatà editrice, pp.720), amico personale di Jünger, è la prima nel nostro Paese e quindi apre finalmente una prospettiva completamente nuova integrando i temi della produzione saggistica con le vicende private.

Come era la giornata tipo di Jünger?

«Non era uno scrittore disciplinato, faceva quello che in quel momento gli passava per la mente. Sulla scrivania c’erano sempre più progetti in contemporanea, lettere, manoscritti, su due o tre livelli, e sempre tantissimi insetti. Ma si faceva facilmente distogliere dal lavoro. Bastava si presentasse una persona interessante per indurlo ad alzarsi e a dedicarsi ad essa. E poi amava moltissimo la televisione e guardava i telefilm del Tenente Colombo

Commentava le lotte partitiche degli anni ottanta?

«Aveva un distacco totale. Quando il cancelliere Helmut Schmidt perse le elezioni e Helmut Kohl divenne cancelliere, il suo commento fu laconico: “Un Helmut va, un Helmut viene”. Kohl ha cercato molto la vicinanza di Jünger, perché riteneva che la cosa gli desse prestigio, per cui andava spesso a trovarlo. Io gli chiesi: “Come mai viene così spesso?” Lui mi rispose: “Adesso basta, la mia capacità di averlo vicino è arrivata al limite”.»

In privato che giudizio dava di Kohl, Mitterand e Gonzalez?

«Kohl non era un intenditore di letteratura né un conoscitore dell’opera jüngeriana. Discorreva soprattutto della sua storia personale e Jünger ascoltava senza essere coinvolto. Quando intervenne al novantesimo compleanno di Jünger, quest’ultimo aveva appena pubblicato Un incontro pericoloso; nella dedica ironicamente gli scrisse: “Dopo un incontro non pericoloso”. Con Mitterand il dialogo era facilitato dal fatto che il Presidente francese aveva una profonda conoscenza della sua opera e nel suo staff personale c’era anche un traduttore dei libri di Jünger. González era invece un intenditore di botanica e quindi si trovavano in sintonia su questo tema.»

Il crollo del Muro lo colpì enormemente.

«“Sono molto felice che la Germania è stata riunificata”, fu il suo primo commento. Poi fece una pausa e aggiunse: “Ma ne manca ancora un terzo”, riferendosi ai territori ancora oggi parte di Polonia e Russia.»

Ha mai parlato del fatto di non aver ricevuto il Premio Nobel?

«Con me non ha mai parlato del Nobel, ma io so che l’ambasciatore Dufner, profondo conoscitore di Jünger, si era rivolto al governo tedesco affinché lo proponesse al comitato del Nobel; la risposta fu che rischiava di non essere accettato e questo sarebbe stato negativo per la sua reputazione. Fu una scusa. Comunque è nella Bibliothèque de la Pléiade dell’editore Gallimard. E lì ci sono soltanto tre tedeschi: Kafka, Brecht e Jünger.»

Come affrontò la morte?

«Ne parlava dicendo che la morte era per lui una grande curiosità. La stava aspettando perché la considerava l’inizio di un qualcosa. Aveva fatto una collezione delle ultime parole di molte persone che stavano per morire, perché voleva capire cosa si provasse di fronte alla morte. Ma la sua morte non è stata spettacolare; è morto in ospedale, anche se avevano già comprato un letto speciale per poterlo accudire a casa. Ho chiesto alla moglie se avesse detto un’ultima frase e mi ha risposto che il giorno prima aveva parlato tantissimo, ma al momento di lasciare questa vita è rimasto muto, impenetrabile. L’ultimo anno godeva di buona salute, ma la sua scrivania era praticamente vuota, non faceva quasi più niente: “Dopo cent’anni”, disse, “è stato detto abbastanza”. »

Può chiarirci le idee sulla questione della conversione?

«Jünger aveva sempre avuto una predisposizione favorevole verso il cattolicesimo, specie perché la madre, bavarese, era cattolica mentre il padre era protestante. Insomma, era come vivere un ecumenismo familiare che gli aveva dato una grande apertura su questi temi. Negli anni Venti gli piaceva molto il cattolicesimo perché era una religione combattiva, difensiva di norme certe, mentre da parte dei protestanti vedeva un abbandono di queste posizioni che avrebbe poi portato a quelli che definiva due grandi tradimenti: quello dei Deutsche Christen, schierati con il nazismo e quello della Kirche im Sozialismus integrata nel sistema comunista. Ammirava tantissimo i Gesuiti e il loro stile di vita e negli ultimi anni, viveva non lontano da casa sua un prete polacco che aveva combattuto il comunismo ed era stato vicino a Karol Wojtyła. Questo fatto lo attirava non poco. Si è convertito a 101 anni dicendo: “Adesso è venuto il momento di tornare nel luogo a me familiare, il cattolicesimo che ho conosciuto da mia madre”.»

 Fonte: Il Borghese- Agosto, Settembre 2013

jeudi, 12 septembre 2013

L’Occidente allo sbando, l’Occidente ha paura

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L’Occidente allo sbando, l’Occidente ha paura

Mr. Obama se ne faccia una ragione: il declino dell’ “Impero” è cominciato

Fabrizio Fiorini

Ex: http://www.rinascita.eu

Il diritto, interno o internazionale, scritto o consuetudinario, derivante che sia da leggi o trattati, ha nella sua stessa natura la possibilità di essere mutato, abrogato, riformulato, dimenticato, addirittura violato. Se non si fossero cancellate norme, soppresse costituzioni, denunciati trattati, se non vi fossero mai stati questi sovrani atti squisitamente politici, la società umana sarebbe rimasta innaturalmente ferma, immobile, prima di quel dinamismo sociale che la sua essenza storica ha materializzato sotto forma di stravolgimenti sociali, passaggi epocali, rivoluzioni.


Oggi, nell’Occidente dell’ipocrisia e del “dirittumanismo” non è più così. Il diritto resta, immutabile, cristallizzato, divinizzato. Protetto da vecchie cariatidi degli ordinamenti tardo-novecenteschi, da un insopportabile moralismo gauchiste, dalla supponenza indotta di aver finalmente conseguito il migliore dei mondi realizzabili, l’eden della politica e delle relazioni internazionali.


Ma il mondo non aspetta il diritto: in meglio o in peggio che sia, cambia. Non solo: la forza del diritto, nei tempi correnti, si indebolisce, contestualmente al tracollo dell’autorità e della forza delle fucine in cui questo era forgiato, gli Stati,  a vantaggio di poteri più forti ma sovranazionali, a-statali, apolidi. E allora il diritto, legato a schemi oramai preesistenti, viene semplicemente ignorato, relegato all’oblio.


Gli Stati Uniti, lo stato sionista, la Nato, l’Occidente in genere, in ispecie nel campo dei rapporti internazionali, dettano la linea di questa nuova a-giuridica. Sintetizzare in queste poche righe le violazioni del diritto internazionale da loro commesse nel corso degli ultimi decenni è non solo tecnicamente impossibile ma – considerando la “naturalezza” del loro spregio di norme che ad altri impongono con la forza – sarebbe quantomeno grottesco.
Serva, quale unico esempio, quello della guerra alla Jugoslavia del 1999 in cui la Nato trascurò di rispettare non solo una mezza dozzina di principi sanciti dal diritto internazionale ma addirittura ignorò il suo stesso statuto che all’articolo 5 prevede l’utilizzo della forza militare in caso di attacco a una delle nazioni componenti l’Alleanza; eventualità che, chiaramente, era estranea agli eventi balcanici del 1999.


Appurato che per l’Occidente, e segnatamente per gli Usa, per i sionisti, per la Nato, per la Gran Bretagna (e per la rediviva Francia) non rientra nei bisogni primari il rispetto delle disposizioni di legge (figurarsi della volontà popolare) per la messa in atto di imprese belliche e di operazioni armate in qualunque modo camuffate, risulta altamente indicativa l’inversione di rotta di questi mesi, contestualmente alla crisi siriana.


La Gran Bretagna ha abbandonato l’opzione militare in conseguenza di un voto parlamentare ostile. Negli Stati Uniti, per settimane e fino a l’altro ieri, si è parlato di “decisione del Congresso”. Stessa cosa, pur in tono minore, a Parigi. In tutti gli altri Stati satellite del libero Occidente, dall’Italia a Saint Kitts e Nevis, il coro era unanime: aspettiamo l’Onu, sentiamo cosa dice l’Onu, mai senza l’Onu. Proprio quello stesso Onu che era considerato un inutile carrozzone, era vilipeso e deriso ogniqualvolta avesse preso, fino alla guerra all’Iraq del 2003, una pur timida posizione avversa alla fregola bellica USraeliana.
Cosa si cela dietro questo inaspettato “ritorno al diritto”? Un repentino rinsavimento? Una “primavera americana”? No: la paura. Quella paura tipica di che all’improvviso esce dal suo autoreferenziale stordimento e si rende conto di essere stato messo all’angolo. Barack Obama, solo poche settimane or sono, era ancora spavaldo affermando con convinzione: “in Siria faremo come in Kosovo”. Non pensava, il tapino (forse i suoi consiglieri dell’Aipac lo tenevano all’oscuro),  che dal 1999 il mondo è cambiato, e non poco.


La “forza della ragione”, rivelatasi nel corso dei decenni poco efficace per fronteggiare la pervasiva aggressività americana, ha finalmente lasciato il posto alle “ragioni della forza”. Alla sana forza, alla rinascita e al potenziamento di Stati (pensiamo all’Iran, alla Russia, alla stessa Siria ma non solo) capaci di mettere un argine alla nuova “dottrina Monroe” applicata su scala planetaria; che hanno dimostrato che non è la “dottrina della pace” a essere vincente, ma la decisa e forte contrapposizione, l’unica “musica” che entra nelle orecchie di Washington.

 
Per la prima volta nella storia recente, gli Usa si fermano.  Non riescono a celare la loro frustrazione e il loro ridimensionamento neanche alla stampa più allineata, anche gli amici di vecchia data si fanno da parte. Addirittura il ministro Bonino tentenna, il che è tutto dire.
Mr. Obama se ne faccia una ragione: il declino dell’ “Impero” è cominciato. I popoli della terra potranno tirare un sospiro di sollievo, ma non si facciano troppe illusioni: la bestia ferita è capace di tutto.  E Tel Aviv, vedendo i suoi protettori indebolirsi, potrebbe fare di peggio.
 

11 Settembre 2013 12:00:00 - http://www.rinascita.eu/index.php?action=news&id=22363

Syrie : Hollande et le double désaveu

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Syrie : Hollande et le double désaveu

 
Isolé au niveau international et désavoué par l’opinion publique

Jean Bonnevey et Raoul Fougax
Ex: http://metamag.fr

Décidément  la pré campagne de Syrie tourne au désastre politique pour le président français. Le matamore tricolore et la va-t-en guerre démocratique se retrouve isolé et désavoué. Isolé sur le plan international et désavoué par son opinion publique.

Les dirigeants des vingt plus grandes puissances se sont retrouvés à Saint-Petersbourg, jeudi 5 septembre, pour le premier dîner d'un G20 à l'agenda bouleversé par la Syrie. Après plusieurs jours d'échanges à distance, la tension est encore montée d'un cran entre François Hollande et Barack Obama d'un côté – qui accusent le régime de Bachar Al-Assad d'avoir tué des centaines de civils avec des armes chimiques et plaident pour une intervention militaire –  et le président russe, Vladimir Poutine, de l'autre, qui maintient son veto.
 
François Hollande n’avait  qu'un seul objectif: rallier «la coalition la plus large possible» de pays en faveur d'une intervention punitive en Syrie, aux côtés des Américains. «Nous comptons sur le soutien des Européens et des pays arabes», assurait l'entourage du chef de l'État.

C’est raté. Cela a même tourné au camouflet malgré un accord diplomatique de façade. « Les Européens se sont prononcés, à Vilnius, pour une «réponse claire et forte» à l'attaque chimique du 21 août, sans aller jusqu'à soutenir les frappes militaires souhaitées par Paris et Washington. Mais la France et l'Allemagne, jusqu'ici sur des bords opposés, ont fait les concessions nécessaires pour sortir de l'ornière » reconnait Le Figaro. Qu'est ce qu'une "réponse claire et forte" ? François Hollande était pourtant demandeur d'un accord sur des frappes contre la Syrie.

Membre du G20, représentant les 28 états membres de l'Union Européenne, le président du Conseil européen, Herman Van Rompu, flanqué du président de la Commission José Manuel Barroso a clairement rejeté l'usage de la force en Syrie. «Il n'y a pas de solution militaire au conflit en Syrie» a-t-il déclaré à Saint-Petersbourg, «seule une solution politique peut arrêter les massacres, les violations de droits de l'homme et la destruction de la Syrie».

Le président de l'UE a calqué sa position sur celle d'Angela Merkel, hostile aux frappes en Syrie, comme 70 % des Allemands, et favorable à une «solution politique dans le cadre de l'ONU».

Les Français eux ne sont plus loin du rejet allemand

Près des deux tiers des Français sont opposés à une intervention militaire internationale en Syrie en représailles à l'usage d'armes chimiques par le régime de Bachar el-Assad contre ses opposants, selon un sondage IFOP pour Le Figaro. Sur 972 personnes interrogées entre mardi et vendredi, 64 % se déclarent hostiles à une telle intervention, contre 36 % d'un avis contraire, ce qui constitue un renversement de l'opinion publique française sur cette question.
 
Début août, 55 % des personnes interrogées par l’IFOP pour le site internet Atlantico étaient favorables à ce type d'action. Le pourcentage de personnes hostiles à une intervention militaire internationale en Syrie est même désormais légèrement supérieur en France à ce qu'il est en Allemagne (63 %). 

Quant à une participation éventuelle de la France à une telle action, les Français interrogés sont massivement contre : 68 %, soit neuf points de plus qu'il y a un mois. "Voilà qui ne va pas simplifier la tâche de François Hollande", commente l'IFOP. "Alors que l'isolement du président de la République grandit sur le dossier syrien, il est désormais lâché par son opinion publique."
François hollande a commencé d’ailleurs un prudent repli stratégique.

La France n'attendra pas seulement l'issue du vote du Congrès américain, prévu «jeudi ou vendredi prochain » pour intervenir en Syrie. François Hollande attendra le rapport des inspecteurs de l'ONU sur l'utilisation des armes chimiques dans l'attaque du 21 août. «Après seulement, je m'adresserai à la nation pour faire connaître ma décision», a déclaré le chef de l'État à l'issue du sommet de Saint-Petersbourg. Il était urgent d’agir, il est maintenant urgent d’attendre. En effet la France est incapable d’agir seule. Les beaux discours n’y changent rien, ni sur la condamnation d’armes chimiques défi aux conventions internationales  ni l’amalgame douteux avec Oradour sur Glane.

Le président a parlé trop tôt pour se présenter en  leader moral de la coalition du bien. Mais il n’avait pas prévu que la coalition du bien puisse tourner mal.

Syrie : le gaz dans la bataille

 

Trois minutes pour comprendre

Syrie : le gaz dans la bataille

Alexander Dugin on Syria and the New Cold War

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Alexander Dugin on Syria and the New Cold War

Alternative Right

An interview with Alexander Dugin on the Syrian crisis.

 

Prof. Dugin, the world faces right now in Syria the biggest international crisis since the downfall of the Eastern Block in 1989/90. Washington and Moscow find themselves in a proxy-confrontation on the Syrian battleground. Is this a new situation?

Dugin: We have to see the struggle for geopolitical power as the old conflict of land power represented by Russia and sea power represented by the USA and its NATO partners. This is not a new phenomenon; it is the continuation of the old geopolitical and geostrategic struggle. The 1990s was the time of the great defeat of the land power represented by the USSR. Mikhail Gorbachev refused the continuation of this struggle. This was a kind of treason and resignation in front of the unipolar world. But with President Vladimir Putin in the early years of this decade, came a reactivation of the geopolitical identity of Russia as a land power. This was the beginning of a new kind of competition between sea power and land power.

How did this reactivation start?

Dugin: It started with the second Chechen war (1999-2009). Russia by that time was under pressure by Chechen terrorist attacks and the possible separatism of the northern Caucasus. Putin had to realize all the West, including the USA and the European Union, took sides with the Chechen separatists and Islamic terrorists fighting against the Russian army. This is the same plot we witness today in Syria or recently in Libya. The West gave the Chechen guerrillas support, and this was the moment of revelation of the new conflict between land power and sea power. With Putin, land power reaffirmed itself. The second moment of revelation was in August 2008, when the Georgian pro-Western Saakashvili regime attacked Zchinwali in South Ossetia. The war between Russia and Georgia was the second moment of revelation.

Is the Syrian crisis now the third moment of revelation?

Dugin: Exactly. Maybe it is even the final one, because now all is at stake. If Washington doesn´t intervene and instead accepts the position of Russia and China, this would be the end of the USA as a kind of unique superpower. This is the reason why I think Obama will go far in Syria. But if Russia steps aside and accepts the US-American intervention and if Moscow eventually betrays Bashar al-Assad, this would mean immediately a very hard blow to the Russian political identity. This would signify the great defeat of the land power. After this, the attack on Iran would follow and also on northern Caucasus. Among the separatist powers in the northern Caucasus there are many individuals who are supported by the Anglo-American, Israeli and Saudi powers. If Syria falls, they will start immediately the war in Russia, our country. Meaning: Putin cannot step aside; he cannot give up Assad, because this would mean the geopolitical suicide of Russia. Maybe we are right now in the major crisis of modern geopolitical history.

So right now both dominant world powers, USA and Russia, are in a struggle about their future existence…

Dugin: Indeed. At the moment there is no any other possible solution. We cannot find any compromise. In this situation there is no solution which would satisfy both sides. We know this from other conflicts, such as the Armenian-Azeri or the Israeli-Palestinian conflict. It is impossible to find a solution for both sides. We witness the same now in Syria, but on a bigger scale. The war is the only way to make a reality check.

Why?

Dugin: We have to imagine this conflict as a type of card game like Poker. The players have the possibility to hide their capacities, to make all kinds of psychological tricks, but when the war begins all cards are in. We are now witnessing the moment of the end of the card game, before the cards are thrown on the table. This is a very serious moment, because the place as a world power is at stake. If America succeeds, it could grant itself for some time an absolutely dominant position. This will be the continuation of unipolarity and US-American global liberalism. This would be a very important moment because until now the USA hasn´t been able to make its dominance stable, but the moment they win that war, they will. But if the West loses the third battle (the first one was the Chechen war, the second was the Georgian war), this would be the end of the USA and its dominance. So we see: neither USA nor Russia can resign from that situation. It is simply not possible for both not to react.

Why does US-president Barrack Obama hesitate with his aggression against Syria? Why did he appeal the decision to the US-Congress? Why does he ask for permission that he doesn´t need for his attack?

Dugin: We shouldn´t make the mistake and start doing psychological analyses about Obama. The main war is taking place right now behind the scenes. And this war is raging around Vladimir Putin. He is under great pressure from pro-American, pro-Israeli, liberal functionaries around the Russian president. They try to convince him to step aside. The situation in Russia is completely different to the situation in USA. One individual, Vladimir Putin, and the large majority of the Russian population which supports him are on one side, and the people around Putin are the Fifth column of the West. This means that Putin is alone. He has the population with him, but not the political elite. So we have to see the step of the Obama administration asking the Congress as a kind of waiting game. They try to put pressure on Putin. They use all their networks in the Russian political elite to influence Putin´s decision. This is the invisible war which is going on right now.

Is this a new phenomenon?

Dugin: (laughs) Not at all! It is the modern form of the archaic tribes trying to influence the chieftain of the enemy by loud noise, cries and war drums. They beat themselves on the chest to impose fear on the enemy. I think the attempts of the US to influence Putin are a modern form of this psychological warfare before the real battle starts. The US-Administration will try to win this war without the Russian opponent on the field. For this they have to convince Putin to stay out. They have many instruments to do so.

But again: What about the position of Barrack Obama?

Dugin: I think all those personal aspects on the American side are less important than on the Russian side. In Russia one person decides now about war and peace. In the USA Obama is more a type of bureaucratic administrator. Obama is much more predictable. He is not acting on his behalf; he simply follows the middle line of US-American foreign politics. We have to realize that Obama doesn´t decide anything at all. He is merely the figurehead of a political system that makes the really important decisions. The political elite makes the decisions, Obama follows the scenario written for him. To say it clearly, Obama is nothing, Putin is everything.

You said Vladimir Putin has the majority of the Russian population on his side. But now it is peace time. Would they also support him in a war in Syria?

Dugin: This is a very good question. First of all, Putin would lose much of his support if he does not react on a Western intervention in Syria. His position would be weakened by stepping aside. The people who support Putin do this because they want to support a strong leader. If he doesn´t react and steps aside because of the US pressure, it will be considered by the majority of the population as a personal defeat for Putin. So you see it is much more Putin´s war than Obama´s war. But if he intervenes in Syria he will face two problems: Russian society wants to be a strong world power, but it is not ready to pay the expenses. When the extent of these costs becomes clear, this could cause a kind of shock to the population. The second problem is what I mentioned already, that the majority of the political elite are pro-Western. They would immediately oppose the war and start their propaganda by criticizing the decisions of Putin. This could provoke an inner crisis. I think Putin is aware of these two problems.

When you say the Russians might be shocked by the costs of such a war, isn´t there a danger that they might not support Putin because of that?

Dugin: I don´t think so. Our people are very heroic. Let us look back in history. Our people were never ready to enter a war, but if they did, they won that war despite the costs and sacrifices. Look at the Napoleonic wars or World War II. We Russians lost many battles, but eventually won those wars. So we are never prepared, but we always win.

Ernst Jünger: The Resolute Life of an Anarch

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Ernst Jünger: The Resolute Life of an Anarch 8

by Keith Preston

Ex: http://www.attackthesystem.com

Perhaps the most interesting, poignant and, possibly, threatening  type of writer and thinker is the one who not only defies conventional categorizations of thought but also offers a deeply penetrating critique of those illusions many hold to be the most sacred. Ernst Junger (1895-1998), who first came to literary prominence during Germany’s Weimar era as a diarist of the experiences of a front line stormtrooper during the Great War, is one such writer. Both the controversial nature of his writing and its staying power are demonstrated by the fact that he remains one of the most important yet widely disliked literary and cultural figures of twentieth century Germany. As recently as 1993, when Junger would have been ninety-eight years of age, he was the subject of an intensely hostile exchange in the “New York Review of Books” between an admirer and a detractor of his work.(1) On the occasion of his one hundreth birthday in 1995, Junger was the subject of a scathing, derisive musical performed in East Berlin. Yet Junger was also the recipient of Germany’s most prestigious literary awards, the Goethe Prize and the Schiller Memorial Prize. Junger, who converted to Catholicism at the age of 101, received a commendation from Pope John Paul II and was an honored guest of French President Francois Mitterand and German Chancellor Helmut Kohl at the Franco-German reconciliation ceremony at Verdun in 1984. Though he was an exceptional achiever during virtually every stage of his extraordinarily long life, it was his work during the Weimar period that not only secured for a Junger a presence in German cultural and political history, but also became the standard by which much of his later work was evaluated and by which his reputation was, and still is, debated. (2)


Ernst Junger was born on March 29, 1895 in Heidelberg, but was raised in Hanover. His father, also named Ernst, was an academically trained chemist who became wealthy as the owner of a pharmaceutical manufacturing business, finding himself successful enough to essentially retire while he was still in his forties. Though raised as an evangelical Protestant, Junger’s father did not believe in any formal religion, nor did his mother, Karoline, an educated middle class German woman whose interests included Germany’s rich literary tradition and the cause of women’s emancipation. His parents’ politics seem to have been liberal, though not radical, in the manner not uncommon to the rising bourgeoise of Germany’s upper middle class during the pre-war period. It was in this affluent, secure bourgeoise environment that Ernst Junger grew up. Indeed, many of Junger’s later activities and professed beliefs are easily understood as a revolt against the comfort and safety of his upbringing. As a child, he was an avid reader of the tales of adventurers and soldiers, but a poor academic student who did not adjust well to the regimented Prussian educational system. Junger’s instructors consistently complained of his inattentiveness. As an adolescent, he became involved with the Wandervogel, roughly the German equivalent of the Boy Scouts.(3)


It was while attending a boarding school near his parents’ home in 1913, at the age of seventeen, that Junger first demonstrated his first propensity for what might be called an “adventurist” way of life. With only six months left before graduation, Junger left school, leaving no word to his family as to his destination. Using money given to him for school-related fees and expenses to buy a firearm and a railroad ticket to Verdun,  Junger subsequently enlisted in the French Foreign Legion, an elite military unit of the French armed forces that accepted enlistees of any nationality and had a reputation for attracting fugitives, criminals and career mercenaries. Junger had no intention of staying with the Legion. He only wanted to be posted to Africa, as he eventually was. Junger then deserted, only to be captured and sentenced to jail. Eventually his father found a capable lawyer for his wayward son and secured his release. Junger then returned to his studies and underwent a belated high school graduation. However, it was only a very short time later that Junger was back in uniform. (4)


Warrior and War Diarist


Ernst Junger immediately volunteered for military service when he heard the news that Germany was at war in the summer of 1914. After two months of training, Junger was assigned to a reserve unit stationed at Champagne. He was afraid the war would end before he had the opportunity to see any action. This attitude was not uncommon among many recruits or conscripts who fought in the war for their respective states. The question immediately arises at to why so many young people would wish to look into the face of death with such enthusiasm. Perhaps they really did not understand the horrors that awaited them. In Junger’s case, his rebellion against the security and luxury of his bourgeoise upbringing had already been ably demonstrated by his excursion with the French Foreign Legion. Because of his high school education, something that soldiers of more proletarian origins lacked, Junger was selected to train to become an officer. Shortly before beginning his officer’s training, Junger was exposed to combat for the first time. From the start, he carried pocket-sized notebooks with him and recorded his observations on the front lines. His writings while at the front exhibit a distinctive tone of detachment, as though he is simply an observer watching while the enemy fires at others. In the middle part of 1915, Junger suffered his first war wound, a bullet graze to the thigh that required only two weeks of recovery time. Afterwards, he was promoted to the rank of lieutenant.(5)


At age twenty-one, Junger was the leader of a reconnaissance team at the Somme whose purpose was to go out at night and search for British landmines. Early on, he acquired the reputation of a brave soldier who lacked the preoccupation with his own safety common to most of the fighting men. The introduction of steel artifacts into the war, tanks for the British side and steel helmets for the Germans, made a deep impression on Junger. Wounded three times at the Somme, Junger was awarded the Iron Medal First Class. Upon recovery, he returned to the front lines. A combat daredevil, he once held out against a much larger British force with only twenty men. After being transferred to fight the French at Flanders, he lost ten of his fourteen men and was wounded in the left hand by a blast from French shelling. After being harshly criticized by a superior officer for the number of men lost on that particular mission, Junger began to develop a contempt for the military hierarchy whom he regarded as having achieved their status as a result of their class position, frequently lacking combat experience of their own. In late 1917, having already experienced nearly three full years of combat, Junger was wounded for the fifth time during a surprise assault by the British. He was grazed in the head by a bullet, acquiring two holes in his helmet in the process. His performance in this battle won him the Knights Cross of the Hohenzollerns. In March 1918, Junger participated in another fierce battle with the British, losing 87 of his 150 men. (6)


Nothing impressed Junger more than personal bravery and endurance on the part of soldiers. He once “fell to the ground in tears” at the sight of a young recruit who had only days earlier been unable to carry an ammunition case by himself suddenly being able to carry two cases of missles after surviving an attack of British shells. A recurring theme in Junger’s writings on his war experiences is the way in which war brings out the most savage human impulses. Essentially, human beings are given full license to engage in behavior that would be considered criminal during peacetime. He wrote casually about burning occupied towns during the course of retreat or a shift of position. However, Junger also demonstrated a capacity for merciful behavior during his combat efforts. He refrained from shooting a cornered British soldier after the foe displayed a portrait of his family to Junger. He was wounded yet again in August of 1918. Having been shot in the chest and directly through a lung, this was his most serious wound yet. After being hit, he still managed to shoot dead yet another British officer. As Junger was being carried off the battlefield on a stretcher, one of the stretcher carriers was killed by a British bullet. Another German soldier attempted to carry Junger on his back, but the soldier was shot dead himself and Junger fell to the ground. Finally, a medic recovered him and pulled him out of harm’s way. This episode would be the end of his battle experiences during the Great War.(7)


In Storms of Steel


Junger’s keeping of his wartime diaries paid off quite well in the long run. They were to become the basis of his first and most famous book, In Storms of Steel, published in 1920. The title was given to the book by Junger himself, having found the phrase in an old Icelandic saga. It was at the suggestion of his father that Junger first sought to have his wartime memoirs published. Initially, he found no takers, antiwar sentiment being extremely high in Germany at the time, until his father at last arranged to have the work published privately. In Storms of Steel differs considerably from similar works published by war veterans during the same era, such as Erich Maria Remarque’s All Quiet on the Western Front and John Dos Passos’ Three Soldiers. Junger’s book reflects none of the disillusionment with war by those experienced in its horrors of the kind found in these other works. Instead, Junger depicted warfare as an adventure in which the soldier faced the highest possible challenge, a battle to the death with a mortal enemy. Though Junger certainly considered himself to be a patriot and, under the influence of Maurice Barres (8), eventually became a strident German nationalist, his depiction of military combat as an idyllic setting where human wills face the supreme test rose far above ordinary nationalist sentiments. Junger’s warrior ideal was not merely the patriot fighting out of a profound sense of loyalty to his country  nor the stereotype of the dutiful soldier whose sense of honor and obedience compels him to follow the orders of his superiors in a headlong march towards death. Nor was the warrior prototype exalted by Junger necessarily an idealist fighting for some alleged greater good such as a political ideal or religious devotion. Instead, war itself is the ideal for Junger. On this question, he was profoundly influenced by Nietzsche, whose dictum “a good war justifies any cause”, provides an apt characterization of Junger’s depiction of the life (and death) of the combat soldier. (9)


This aspect of Junger’s outlook is illustrated quite well by the ending he chose to give to the first edition of In Storms of Steel. Although the second edition (published in 1926) ends with the nationalist rallying cry, “Germany lives and shall never go under!”, a sentiment that was deleted for the third edition published in 1934 at the onset of the Nazi era, the original edition ends simply with Junger in the hospital after being wounded for the final time and receiving word that he has received yet another commendation for his valor as a combat soldier. There is no mention of Germany’s defeat a few months later. Nationalism aside, the book is clearly about Junger, not about Germany, and Junger’s depiction of the war simultaneously displays an extraordinary level detachment for someone who lived in the face of death for four years and a highly personalized account of the war where battle is first and foremost about the assertion of one’s own “will to power” with cliched patriotic pieties being of secondary concern.


Indeed, Junger goes so far as to say there were winners and losers on both sides of the war. The true winners were not those who fought in a particular army or for a particular country, but who rose to the challenge placed before them and essentially achieved what Junger regarded as a higher state of enlightenment. He believed the war had revealed certain fundamental truths about the human condition. First, the illusions of the old bourgeoise order concerning peace, progress and prosperity had been inalterably shattered. This was not an uncommon sentiment during that time, but it is a revelation that Junger seems to revel in while others found it to be overwhelmingly devastating. Indeed, the lifelong champion of Enlightenment liberalism, Bertrand Russell, whose life was almost as long as Junger’s and who observed many of the same events from a much different philosophical perspective, once remarked that no one who had been born before 1914 knew what it was like to be truly happy.(10) A second observation advanced by Junger had to do with the role of technology in transforming the nature of war, not only in a purely mechanical sense, but on a much greater existential level. Before, man had commanded weaponry in the course of combat. Now weaponry of the kind made possible by modern technology and industrial civilization essentially commanded man. The machines did the fighting. Man simply resisted this external domination. Lastly, the supremacy of might and the ruthless nature of human existence had been demonstrated. Nietzsche was right. The tragic, Darwinian nature of the human condition had been revealed as an irrevocable law.


In Storms of Steel was only the first of several works based on his experiences as a combat officer that were produced by Junger during the 1920s. Copse 125 described a battle between two small groups of combatants. In this work, Junger continued to explore the philosophical themes present in his first work. The type of technologically driven warfare that emerged during the Great War is characterized as reducing men to automatons driven by airplanes, tanks and machine guns. Once again, jingoistic nationalism is downplayed as a contributing factor to the essence of combat soldier’s spirit. Another work of Junger’s from the early 1920s, Battle as Inner Experience, explored the psychology of war. Junger suggested that civilization itself was but a mere mask for the “primordial” nature of humanity that once again reveals itself during war. Indeed, war had the effect of elevating humanity to a higher level. The warrior becomes a kind of god-like animal, divine in his superhuman qualities, but animalistic in his bloodlust. The perpetual threat of imminent death is a kind of intoxicant. Life is at its finest when death is closest. Junger described war as a struggle for a cause that overshadows the respective political or cultural ideals of the combatants. This overarching cause is courage. The fighter is honor bound to respect the courage of his mortal enemy. Drawing on the philosophy of Nietzsche, Junger argued that the war had produced a “new race” that had replaced the old pieties, such as those drawn from religion, with a new recognition of the primacy of the “will to power”.(11)


Conservative Revolutionary


Junger’s writings about the war quickly earned him the status of a celebrity during the Weimar period. Battle as Inner Experience contained the prescient suggestion that the young men who had experienced the greatest war the world had yet to see at that point could never be successfully re-integrated into the old bougeoise order from which they came. For these fighters, the war had been a spiritual experience. Having endured so much only to see their side lose on such seemingly humiliating terms, the veterans of the war were aliens to the rationalistic, anti-militarist, liberal republic that emerged in 1918 at the close of the war. Junger was at his parents’ home recovering from war wounds during the time of the attempted coup by the leftist workers’ and soldiers’ councils and subsequent suppression of these by the Freikorps. He experimented with psychoactive drugs such as cocaine and opium during this time, something that he would continue to do much later in life. Upon recovery, he went back into active duty in the much diminished Germany army. Junger’s earliest works, such as In Storms of Steel, were published during this time and he also wrote for military journals on the more technical and specialized aspects of combat and military technology. Interestingly, Junger attributed Germany’s defeat in the war simply to poor leadership, both military and civilian, and rejected the “stab in the back” legend that consoled less keen veterans.


After leaving the army in 1923, Junger continued to write, producing a novella about a soldier during the war titled Sturm, and also began to study the philosophy of Oswald Spengler. His first work as a philosopher of nationalism appeared the Nazi paper Volkischer Beobachter in September, 1923.


Critiquing the failed Marxist revolution of 1918, Junger argued that the leftist coup failed because of its lacking of fresh ideas. It was simply a regurgitation of the egalitarian outllook of the French Revolution. The revolutionary left appealed only to the material wants of the Germany people in Junger’s views. A successful revolution would have to be much more than that. It would have to appeal to their spiritual or “folkish” instincts as well. Over the next few years Junger studied the natural sciences at the University of Leipzig and in 1925, at age thirty, he married nineteen-year-old Gretha von Jeinsen. Around this time, he also became a full-time political  writer. Junger was hostile to Weimar democracy and its commercial bourgeiose society. His emerging political ideal was one of an elite warrior caste that stood above petty partisan politics and the middle class obsession with material acquisition. Junger became involved with the the Stahlhelm, a right-wing veterans group, and was a contributer to its paper, Die Standardite. He associated himself with the younger, more militant members of the organization who favored an uncompromised nationalist revolution and eschewed the parliamentary system. Junger’s weekly column in Die Standardite disseminated his nationalist ideology to his less educated readers. Junger’s views at this point were a mixture of Spengler, Social Darwinism, the traditionalist philosophy of the French rightist Maurice Barres, opposition to the internationalism of the left that had seemingly been discredited by the events of 1914, irrationalism and anti-parliamentarianism. He took a favorable view of the working class and praised the Nazis’ efforts to win proletarian sympathies. Junger also argued that a nationalist outlook need not be attached to one particular form of government, even suggesting that a liberal monarchy would be inferior to a nationalist republic.(12)


In an essay for Die Standardite titled “The Machine”, Junger argued that the principal struggle was not between social classes or political parties but between man and technology. He was not anti-technological in a Luddite sense, but regarded the technological apparatus of modernity to have achieved a position of superiority over mankind which needed to be reversed. He was concerned that the mechanized efficiency of modern life produced a corrosive effect on the human spirit. Junger considered the Nazis’ glorification of peasant life to be antiquated. Ever the realist, he believed the world of the rural people to be in a state of irreversible decline. Instead, Junger espoused a “metropolitan nationalism” centered on the urban working class. Nationalism was the antidote to the anti-particularist materialism of the Marxists who, in Junger’s views, simply mirrored the liberals in their efforts to reduce the individual to a component of a mechanized mass society. The humanitarian rhetoric of the left Junger dismissed as the hypocritical cant of power-seekers feigning benevolence. He began to pin his hopes for a nationalist revolution on the younger veterans who comprised much of the urban working class.


In 1926, Junger became editor of Arminius, which also featured the writings of Nazi leaders like Alfred Rosenberg and Joseph Goebbels. In 1927, he contributed his final article to the Nazi paper, calling for a new definition of the “worker”, one not rooted in Marxist ideology but the idea of the worker as a civilian counterpart to the soldier who struggles fervently for the nationalist ideal. Junger and  Hitler had exchanged copies of their respective writings and a scheduled meeting between the two was canceled due to a change in Hitler’s itinerary. Junger respected Hitler’s abilities as an orator, but came to feel he lacked the ability to become a true leader. He also found Nazi ideology to be intellectually shallow, many of the Nazi movement’s leaders to be talentless and was displeased by the vulgarity,  crassly opportunistic and overly theatrical aspects of Nazi public rallies. Always an elitist, Junger considered the Nazis’ pandering the common people to be debased. As he became more skeptical of the Nazis, Junger began writing for a wider circle of readers beyond that of the militant nationalist right-wing. His works began to appear in the Jewish liberal Leopold Schwarzchild’s Das Tagebuch and the “national-bolshevik” Ernst Niekisch’s Widerstand.


Junger began to assemble around himself an elite corps of bohemian, eccentric intellectuals who would meet regularly on Friday evenings. This group included some of the most interesting personalities of the Weimar period. Among them were the Freikorps veteran Ernst von Salomon, Otto von Strasser, who with his brother Gregor led a leftist anti-Hitler faction of the Nazi movement, the national-bolshevik Niekisch, the Jewish anarchist Erich Muhsam who had figured prominently in the early phase of the failed leftist revolution of 1918, the American writer Thomas Wolfe and the expressionist writer Arnolt Bronnen. Many among this group espoused a type of revolutionary socialism based on nationalism rather than class, disdaining the Nazis’ opportunistic outreach efforts to the middle class. Some, like Niekisch, favored an alliance between Germany and Soviet Russia against the liberal-capitalist powers of the West. Occasionally, Joseph Goebbels would turn up at these meetings hoping to convert the group, particularly Junger himself, whose war writings he had admired, to the Nazi cause. These efforts by the Nazi propaganda master proved unsuccessful. Junger regarded Goebbels as a shallow ideologue who spoke in platitudes even in private conversation.(13)


The final break between Ernst Junger and the NSDAP occurred in September 1929. Junger published an article in Schwarzchild’s Tagebuch attacking and ridiculing the Nazis as sell outs for having reinvented themselves as a parliamentary party. He also dismissed their racism and anti-Semitism as ridiculous, stating that according to the Nazis a nationalist is simply someone who “eats three Jews for breakfast.” He condemned the Nazis for pandering to the liberal middle class and reactionary traditional conservatives “with lengthy tirades against the decline in morals, against abortion, strikes, lockouts, and the reduction of police and military forces.” Goebbels responded by attacking Junger in the Nazi press, accusing him being motivated by personal literary ambition, and insisting this had caused him “to vilify the national socialist movement, probably so as to make himself popular in his new kosher surroundings” and dismissing Junger’s attacks by proclaiming the Nazis did not “debate with renegades who abuse us in the smutty press of Jewish traitors.”(14)


Junger on the Jewish Question


Junger held complicated views on the question of German Jews. He considered anti-Semitism of the type espoused by Hitler to be crude and reactionary. Yet his own version of nationalism required a level of homogeneity that was difficult to reconcile with the subnational status of Germany Jewry. Junger suggested that Jews should assimilate and pledge their loyalty to Germany once and for all. Yet he expressed admiration for Orthodox Judaism and indifference to Zionism. Junger maintained personal friendships with Jews and wrote for a Jewish owned publication. During this time his Jewish publisher Schwarzchild published an article examining Junger’s views on the Jews of Germany. Schwarzchild insisted that Junger was nothing like his Nazi rivals on the far right. Junger’s nationalism was based on an aristocratic warrior ethos, while Hitler’s was more comparable to the criminal underworld. Hitler’s men were “plebian alley scum”. However, Schwarzchild also characterized Junger’s rendition of nationalism as motivated by little more than a fervent rejection of bourgeoise society and lacking in attention to political realities and serious economic questions.(15)


The Worker


Other than In Storms of Steel, Junger’s The Worker: Mastery and Form was his most influential work from the Weimar era. Junger would later distance himself from this work, published in 1932, and it was reprinted in the 1950s only after Junger was prompted to do so by Martin Heidegger.


In The Worker, Junger outlines his vision of a future state ordered as a technocracy based on workers and soldiers led by a warrior elite. Workers are no longer simply components of an industrial machine, whether capitalist or communist, but have become a kind of civilian-soldier operating as an economic warrior. Just as the soldier glories in his accomplishments in battle, so does the worker glory in the achievements expressed through his work. Junger predicted that continued technological advancements would render the worker/capitalist dichotomy obsolete. He also incorporated the political philosophy of his friend Carl Schmitt into his worldview. As Schmitt saw international relations as a Hobbesian battle between rival powers, Junger believed each state would eventually adopt a system not unlike what he described in The Worker. Each state would maintain its own technocratic order with the workers and soldiers of each country playing essentially the same role on behalf of their respective nations. International affairs would be a crucible where the will to power of the different nations would be tested.


Junger’s vision contains a certain amount prescience. The general trend in politics at the time was a movement towards the kind of technocratic state Junger described. These took on many varied forms including German National Socialism, Italian Fascism, Soviet Communism, the growing welfare states of Western Europe and America’s New Deal. Coming on the eve of World War Two, Junger’s prediction of a global Hobbesian struggle between national collectives possessing previously unimagined levels of technological sophistication also seems rather prophetic. Junger once again attacked the bourgeoise as anachronistic. Its values of material luxury and safety he regarded as unfit for the violent world of the future. (16)


The National Socialist Era


By the time Hitler took power in 1933, Junger’s war writings had become commonly used in high schools and universities as examples of wartime literature, and Junger enjoyed success within the context of German popular culture as well. Excerpts of Junger’s works were featured in military journals. The Nazis tried to coopt his semi-celebrity status, but he was uncooperative. Junger was appointed to the Nazified German Academcy of Poetry, but declined the position. When the Nazi Party’s paper published some of his work in 1934, Junger wrote a letter of protest. The Nazi regime, despite its best efforts to capitalize on his reputation, viewed Junger with suspicioun. His past association with the national-bolshevik Ersnt Niekisch, the Jewish anarchist Erich Muhsam and the anti-Hitler Nazi Otto von Strasser, all of whom were either eventually killed or exiled by the Third Reich, led the Nazis to regard Junger as a potential subversive. On several occasions, Junger received visits from the Gestapo in search of some of his former friends. During the early years of the Nazi regime, Junger was in the fortunate position of being able to economically afford travel outside of Germany. He journeyed to Norway, Brazil, Greece and Morocco during this time, and published several works based on his travels.(17)


Junger’s most significant work from the Nazi period is the novel On the Marble Cliffs. The book is an allegorical attack on the Hitler regime. It was written in 1939, the same year that Junger reentered the German army. The book describes a mysterious villian that threatens a community, a sinister warlord called the “Head Ranger”. This character is never featured in the plot of the novel, but maintains a forboding presence that is universal (much like “Big Brother” in George Orwell’s 1984). Another character in the novel, “Braquemart”, is described as having physical characteristics remarkably similar to those of Goebbels. The book sold fourteen thousand copies during its first two weeks in publication. Swiss reviewers immediately recognized the allegorical references to the Nazi state in the novel. The Nazi Party’s organ, Volkische Beobachter, stated that Ernst Jünger was flirting with a bullet to the head. Goebbels urged Hitler to ban the book, but Hitler refused, probably not wanting to show his hand. Indeed, Hitler gave orders that Junger not be harmed.(18)


Junger was stationed in France for most of the Second World War. Once again, he kept diaries of the experience. Once again, he expressed concern that he might not get to see any action before the war was over. While Junger did not have the opportunity to experience the level of danger and daredevil heroics he had during the Great War, he did receive yet another medal, the Iron Cross, for retrieving the body of a dead corporal while under heavy fire. Junger also published some of his war diaries during this time. However, the German government took a dim view of these, viewing them as too sympathetic to the occupied French. Junger’s duties included censorship of the mail coming into France from German civilians. He took a rather liberal approach to this responsibility and simply disposed of incriminating documents rather than turning them over for investigation. In doing so, he probably saved lives. He also encountered members of France’s literary and cultural elite, among them the actor Louis Ferdinand Celine, a raving anti-Semite and pro-Vichyite who suggested Hitler’s harsh measures against the Jews had not been heavy handed enough. As rumors of the Nazi extermination programs began to spread,  Junger wrote in his diary that the mechanization of the human spirit of the type he had written about in the past had apparently generated a higher level of human depravity. When he saw three young French-Jewish girls wearing the yellow stars required by the Nazis, he wrote that he felt embarrassed to be in the Nazi army. In July of 1942, Junger observed the mass arrest of French Jews, the beginning of implementation of the “Final Solution”. He described the scene as follows:


“Parents were first separated from their children, so there was wailing to be heard in the streets. At no moment may I forget that I am surrounded by the unfortunate, by those suffering to the very depths, else what sort of person, what sort of officer would I be? The uniform obliges one to grant protection wherever it goes. Of course one has the impression that one must also, like Don Quixote, take on millions.”(19)     


An entry into Junger’s diary from October 16, 1943 suggests that an unnamed army officer had told  Junger about the use of crematoria and poison gas to murder Jews en masse. Rumors of plots against Hitler circulated among the officers with whom Junger maintained contact. His son, Ernstl, was arrested after an informant claimed he had spoken critically of Hitler. Ernstl Junger was imprisoned for three months, then placed in a penal battalion where he was killed in action in Italy. On July 20, 1944 an unsuccessful assassination attempt was carried out against Hitler. It is still disputed as to whether or not Junger knew of the plot or had a role in its planning. Among those arrested for their role in the attemt on Hitler’s life were members of Junger’s immediate circle of associates and superior officers within the German army. Junger was dishonorably discharged shortly afterward.(20)


Following the close of the Second World War, Junger came under suspicion from the Allied occupational authorities because of his far right-wing nationalist and militarist past. He refused to cooperate with the Allies De-Nazification programs and was barred from publishing for four years. He would go on to live another half century, producing many more literary works, becoming a close friend of Albert Hoffman, the inventor of the hallucinogen LSD, with which he experimented. In a 1977 novel, Eumeswil, he took his tendency towards viewing the world around him with detachment to a newer, more clearly articulated level with his invention of the concept of the “Anarch”. This idea, heavily influenced by the writings of the early nineteenth century German philosopher Max Stirner, championed the solitary individual who remains true to himself within the context of whatever external circumstances happen to be present. Some sample quotations from this work illustrate the philosophy and worldview of the elderly Junger quite well:


“For the anarch, if he remains free of being ruled, whether by sovereign or society, this does not mean he refuses to serve in any way. In general, he serves no worse than anyone else, and sometimes even better, if he likes the game. He only holds back from the pledge, the sacrifice, the ultimate devotion … I serve in the Casbah; if, while doing this, I die for the Condor, it would be an accident, perhaps even an obliging gesture, but nothing more.”


“The egalitarian mania of demagogues is even more dangerous than the brutality of men in gallooned coats. For the anarch, this remains theoretical, because he avoids both sides. Anyone who has been oppressed can get back on his feet if the oppression did not cost him his life. A man who has been equalized is physically and morally ruined. Anyone who is different is not equal; that is one of the reasons why the Jews are so often targeted.”


“The anarch, recognizing no government, but not indulging in paradisal dreams as the anarchist does, is, for that very reason, a neutral observer.”


“Opposition is collaboration.”


“A basic theme for the anarch is how man, left to his own devices, can defy superior force – whether state, society or the elements – by making use of their rules without submitting to them.”


“… malcontents… prowl through the institutions eternally dissatisfied, always disappointed. Connected with this is their love of cellars and rooftops, exile and prisons, and also banishment, on which they actually pride themselves. When the structure finally caves in they are the first to be killed in the collapse. Why do they not know that the world remains inalterable in change? Because they never find their way down to its real depth, their own. That is the sole place of essence, safety. And so they do themselves in.”


“The anarch may not be spared prisons – as one fluke of existence among others. He will then find the fault in himself.”


“We are touching one a … distinction between anarch and anarchist; the relation to authority, to legislative power. The anarchist is their mortal enemy, while the anarch refuses to acknowledge them. He seeks neither to gain hold of them, nor to topple them, nor to alter them – their impact bypasses him. He must resign himself only to the whirlwinds they generate."

“The anarch is no individualist, either. He wishes to present himself neither as a Great Man nor as a Free Spirit. His own measure is enough for him; freedom is not his goal; it is his property. He does not come on as foe or reformer: one can get along nicely with him in shacks or in palaces. Life is too short and too beautiful to sacrifice for ideas, although contamination is not always avoidable. But hats off to the martyrs.”


“We can expect as little from society as from the state. Salvation lies in the individual.” (21)


Notes:


1. Ian Buruma, “The Anarch at Twilight”, New York Review of Books, Volume 40, No. 12, June 24, 1993. Hilary Barr, “An Exchange on Ernst Junger”, New York Review of Books, Volume 40, No. 21, December 16, 1993.

2. Nevin, Thomas. Ernst Junger and Germany: Into the Abyss, 1914-1945. Durham, N.C.: Duke University Press, 1996, pp. 1-7. Loose, Gerhard. Ernst Junger. New York: Twayne Publishers, 1974, preface.

3. Nevin, pp. 9-26. Loose, p. 21

4. Loose, p. 22. Nevin, pp. 27-37.

5. Nevin. p. 49.

6. Ibid., p. 57

7. Ibid., p. 61

8. Maurice Barrès (September 22, 1862 - December 4, 1923) was a French novelist, journalist, an anti-semite, nationalist politician and agitator. Leaning towards the far-left in his youth as a Boulangist deputy, he progressively developed a theory close to Romantic nationalism and shifted to the right during the Dreyfus Affair, leading the Anti-Dreyfusards alongside Charles Maurras. In 1906, he was elected both to the Académie française and as deputy of the Seine department, and until his death he sat with the conservative Entente républicaine démocratique. A strong supporter of the Union sacrée(Holy Union) during World War I, Barrès remained a major influence of generations of French writers, as well as of monarchists, although he was not a monarchist himself. Source: http://en.wikipedia.org/wiki/Maurice_Barr%C3%A8s

9. Nevin, pp. 58, 71, 97.

10. Schilpp, P. A. “The Philosophy of Bertrand Russell”.  Reviewed Hermann Weyl, The American Mathematical Monthly, Vol. 53, No. 4 (Apr., 1946), pp. 208-214.

11. Nevin, pp. 122, 125, 134, 136, 140, 173.

12. Ibid., pp. 75-91.

13. Ibid., p. 107

14. Ibid., p. 108.

15. Ibid., pp. 109-111.

16. Ibid., pp. 114-140.

17. Ibid., p. 145.

18. Ibid., p. 162

19. Ibid., p. 189.

20. Ibid., p. 209.

21. Junger, Ernst. Eumeswil. New York: Marion Publishers, 1980, 1993.


Bibliography


Barr, Hilary. “An Exchange on Ernst Junger”, New York Review of Books, Volume 40, No. 21, December 16, 1993.

Braun, Abdalbarr. “Warrior, Waldgaenger, Anarch: An Essay on Ernst Junger’s Concept of the Sovereign Individual”. Archived at http://www.fluxeuropa.com/juenger-anarch.htm

Buruma, Ian. “The Anarch at Twilight”, New York Review of Books, Volume 40, No. 12, June 24, 1993.

Hofmann, Albert. LSD: My Problem Child, Chapter Seven, “Radiance From Ernst Junger”. Archived at http://www.flashback.se/archive/my_problem_child/chapter7.html


Loose, Gerhard. Ernst Junger. New York: Twayne Publishers, 1974.


Hervier, Julien. The Details of Time: Conversations with Ernst Junger. New York: Marsilio Publishers, 1986.


Junger, Ernst. Eumeswil. New York: Marsilio Publishers, 1980, 1993.


Junger, Ernst. In Storms of Steel. New York: Penguin Books, 1920, 1963, 2003.


Junger, Ernst. On the Marble Cliffs. New York: Duenewald Printing Corporation, 1947.


Nevin, Thomas. Ernst Junger and Germnay: Into the Abyss, 1914-1945. Durham, N.C.: Duke University Press, 1996.


Schilpp, P. A. “The Philosophy of Bertrand Russell”.  Reviewed Hermann Weyl, The American Mathematical Monthly, Vol. 53, No. 4 (Apr., 1946), pp. 208-214.


Stern, J. P. Ernst Junger. New Haven: Yale University Press, 1953.


Zavrel, Consul B. John. “Ernst Junger is Still Working at 102″. Archived at http://www.meaus.com/Ernst%20Junger%20at%20102.html

 

L’histoire fabriquée

L’histoire fabriquée
 
Un livre salubre de Vincent Badré


Pierre LE VIGAN
Ex: http://metamag.fr
 
histoire-1.jpgPeut mieux faire. C’est le moins que l’on puisse dire à propos de beaucoup de manuels scolaires d’histoire dans le secondaire. Mais il est vrai qu’il faudrait aussi plus de temps pour enseigner l’histoire. Vincent Badré remet les pendules à l’heure. Reprenant le contenu des principaux manuels en circulation il expose les faits et idées enseignées, indique leur part de vérité, mais parfois aussi leur part de contre-vérité.
 
La méthode de Badré (« la fabrique d’une idée reçue, l’histoire à redécouvrir »…)  a une certaine rigueur même si elle est un peu lassante. L’ouvrage, sans doute écrit un peu vite, souffre aussi de quelques coquilles ( ‘’Annah’’ Arendt p. 153) et d’imprécisions dans certaines sources. 

Il est pourtant très utile par sa méthode : l’histoire est remise à l’endroit dans sa complexité. L’auteur ne remplace pas des erreurs de gauche par des erreurs de droite, mais par un nécessaire recul : la capacité de se placer de différents points de vue.
 
C’est flagrant à propos d’une question comme la naissance du christianisme. Jésus a bien existé même si on ne sait pas tout de lui, son enseignement n’est pas seulement celui du mépris des richesses (!), et le baptême de Clovis, pour n’être pas conforme aux images d’Epinal longtemps diffusées n’est pas non plus – excès inverse – totalement anodin.
 
La Guerre d’Espagne de 1936 donne aussi à l’auteur l’occasion de rappeler bien des faits oubliés, montrant que le camp « antifasciste » n’était guère plus démocrate que celui d’en face, soutenu par des fascistes certes, mais au demeurant jamais réellement fasciste. Bref, une passionnante mise au point qui revisite l’histoire avec le recul nécessaire par rapport aux préjugés contemporains, qui pèchent souvent par l’angélisme et la reconstitution historique rétroactive (Alexandre le Grand était quasiment, nous dit-on, un partisan de la société métissée sous prétexte qu’il cherchait à se rallier des élites non hellènes !).
 
Il ne faut pas voir autre chose dans le livre de Vincent Badré qu’un bon décrassage par rapport aux naïvetés et aux simplismes. Comme tel, son livre est tout à fait salubre.

Vincent Badré, L’histoire fabriquée, Ce qu’on ne vous a pas dit à l’école, éd. du Rocher, 292 p., 21 €.

mercredi, 11 septembre 2013

Ten Reasons Why America Does Not Need to Go to War Over Syria

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Ten Reasons Why America Does Not Need to Go to War Over Syria

 

By John Whitehead

Ex: http://www.attackthesystem.com

Every gun that is made, every warship launched, every rocket signifies, in the final sense, a theft from those who hunger and are not fed, from those who are cold and are not clothed. The world in arms is not spending money alone. It is spending the sweat of its laborers, the genius of its scientists, the hopes of its children. ~ Dwight D. Eisenhower

For once, I would love to hear a government official reject a call to war because it is immoral; because we have greater needs here at home that require our attention and our funds; because we’re already $1 trillion poorer due to these endless, mindless wars; because America should not be policing the world; because we refuse to enrich the military industrial complex while impoverishing our nation; because endless wars will never result in peace; because we have meddled enough in foreign policy in the Middle East and cannot risk any further blowback; because we’re sick and tired of fomenting civil wars in far-flung places; because we’re not going to assist rebel fighters in overthrowing a foreign government, only to later unseat those same forces when they can’t be controlled; because using the overused fear tactic about “weapons of mass destruction” doesn’t carry much weight anymore; because the only “compelling national security interest” right now is taking back control of our run-away government; because in the words of Jean-Paul Sartre, “When the rich wage war, it’s the poor who die”; because while there may be causes worth dying for, there are none worth killing for; because Gandhi was right when he asked “What difference does it make to the dead, the orphans and the homeless, whether the mad destruction is wrought under the name of totalitarianism or in the holy name of liberty or democracy?”; because all war is a crime; and because there are never any winners in war, only losers.

Instead, we hear the same sorry lines about “national security interests,” “the costs of doing nothing” and “show[ing] the world that America keeps our commitments” trotted out by those who have either been bought out by the defense industry or are so far removed from war’s terrible consequences—the deaths of innocent civilians, the orphans who must struggle to survive, the soldiers who return home crippled and broken, bearing the physical and mental scars of the battle zone—that the decision to go to war is reduced to little more than policy debates and those directly impacted are little more than pawns on a chess board.

It’s particularly telling that Sen. John McCain, whose meeting with President Obama allegedly persuaded him that blocking the Syria strike would be catastrophic, was caught on camera playing poker on his iPhone during a U.S. Senate Committee on Foreign Relations hearing concerning the use of force in Syria and then laughed it off as an understandable reaction to a three-hour hearing. Or that President Obama, despite the urgency of the Syria “crisis,” departed for the golf course with Vice President Biden 30 minutes after delivering his Syria speech. In other words, it’s business as usual in the Beltway, with all the perks that go along with being part of the political elite that gets to declare war and then sit back and watch while others pay the price.

So, now that we’re fully distracted and have forgotten about Edward Snowden’s damning revelations about the NSA and the fact that the government has been paying AT&T to have its employees monitor Americans’ phone calls as part of a DEA drug monitoring program, not to mention the fact that the IRS has been secretly using the DEA surveillance and then instructing its agents to cover their tracks, what about Syria?

First, make no mistake, whether you’re talking about limited military strikes with no “boots on the ground” as President Obama and Congress are suggesting, or a full-on tactical invasion and occupation, it still constitutes an act of war. For my part, the debate is not over whether President Obama can unilaterally declare war under the Constitution (he can’t), or whether it is Congress’ place to do so, but whether this should be our priority at all.

Second, just as it seemed as if we might be able to bring our troops home and put an end to the $1 trillion hemorrhaging caused by the wars in Afghanistan and Iraq, Obama starts banging the war drums against Syria. No matter what the politicians say about the need for military action to set an example, send a message to terrorists, and show support for our “friends” in Israel and elsewhere, Americans are tired of these endless wars.

Third, we need to get out of the toppling dictators and empowering rebels game. Either we’re not very good at it, or we’re attempting to ensure that there’s always a demand for the weapons we’re so eager to produce and supply to the rest of the world. For example, consider that 40 years ago, we were arming some of the very Afghan rebel troops we’ve been fighting for the past decade with sophisticated weapons. These religious rebels constituted a convenient and useful part of our Cold War strategy against the Soviet Union. In fact, in 1979 Osama bin Laden, a guerrilla warrior for the mujahedeen, fought alongside the CIA to defend Afghanistan against the invading Soviets. Then he moved to the top of our enemies list. Same with Saddam Hussein. Doubtless it will be the same in Syria, where we would be acting in support of al Qaeda-affiliated rebels. Mother Jones magazine reported in a 1999 article that the U.S.—an equal opportunity agent—“has a nasty habit of arming both sides in a conflict, as well as countries with blighted democracy or human rights-records, like Indonesia, Colombia, and Saudi Arabia.”

Fourth, we need to stop letting armament manufacturers dictate our foreign policy. It’s been going on too long, and all we have to show for it is war and more war. Recognizing this, President Dwight D. Eisenhower’s final advice to the incoming President in January 1961 was to beware of the military-industrial complex. The complex had, in effect, encouraged the Cold War arms race and reckless military adventures, which eventually led to the Vietnam debacle. It’s no coincidence that this call for military intervention in Syria, aimed at fattening the defense budget, comes in the midst of automatic spending cuts to the Pentagon—cuts opposed by Obama, the defense industry, and McCain, among others. As The Hill reports: “U.S. military action in Syria could give the White House an advantage in the looming fiscal showdown with congressional Republicans…if strikes against Syria are launched, it will be ‘very, very difficult to insist’ on the defense sequester.”

Fifth, enough with the outrage over the use of weapons of mass destruction, already. Remember, that was the Bush administration’s rationale for attacking Iraq, and it turned out there were no weapons of mass destruction. Moreover, as Foreign Policy reports, when Iraq and Iran were waging war against each other in the late 1980’s, “U.S. intelligence officials conveyed the location of the Iranian troops to Iraq, fully aware that Hussein’s military would attack with chemical weapons, including sarin, a lethal nerve agent.” Even if Syria does possess chemical weapons and used them against rebel fighters, the larger question is who or what supplied them? And why would we circumvent the United Nations in order to set ourselves up as judge, jury and jailer? As a Middle Eastern history professor rightly asked: “Can a government that supported the use of chemical weapons in one conflict claim any moral, political or legal authority militarily to attack another country for using the same weapons, particularly when the attack is not authorised by the UN Security Council?”

Sixth, banging the war drums and continuing to act the bully does little to advance peace or preserve national security. It will definitely result in blowback, however. As Tariq Ali noted in his excellent treatise on the Islamic mind, The Clash of Fundamentalism: Crusades, Jihad, and Modernity (Verso, 2002):

To fight tyranny and oppression by using tyrannical and oppressive means, to combat a single-minded and ruthless fanaticism by becoming equally fanatical and ruthless, will not further the cause of justice or bring about a meaningful democracy. It can only prolong the cycle of violence.

Seventh, we need to stop spending money we don’t have on wars we can’t win which leave us in hock to foreign debt-holders such as China. At roughly $729 billion this past year (which does not include an additional $100 billion in benefits for veterans), the U.S. military budget has skyrocketed out of all proportion. In fact, the U.S. spent more on its military in 2011 than the 13 highest-ranking nations with big defense budgets combined. The Pentagon, whose budget consumes 80% of individual tax revenue, spends more on war than all 50 states combined spend on health, education, welfare, and safety. Consider that the cost of stationing the U.S. military in Afghanistan for one day costs more than it did to build the entire Pentagon.

Eighth, Bob Dylan was right—we are masters of war. Fifty years after 21-year-old Bob Dylan penned his diatribe against war profiteering, “Masters of War,” it continues to ring true in a world armed to the teeth with U.S. government-financed weapons. The United States is the leading international supplier of armaments, some of which inevitably end up in our enemies’ hands, as well as those of terrorists. As William D. Hartung, director of the Arms Trade Resource Center, pointed out in his report, “Welfare for Weapons Dealers: The Hidden Costs of the Arms Trade,” “Domestic economic considerations have emerged as a predominant factor in arms transfer decision making.” In other words, how much money private U.S. companies can make is often the determination in deciding which international agents the U.S. government approves to buy our weapons.

Ninth, our claim to the moral high ground in this Syria discussion is nothing short of hypocritical given our historic use of weapons widely condemned by the global community. As journalist Andrea Germanos reports:

From cluster bombs to depleted uranium to napalm, recent history of U.S. warfare shows a trail of weapons leaving long-lasting civilian harm… According to the Cluster Munition Coalition, from the 1960s to 2006, the U.S. dropped cluster bombs on Laos, Vietnam, Cambodia, Kuwait, Saudi Arabia, Bosnia & Herzegovina, Albania, Yugoslavia, Afghanistan and Iraq.

Napalm was not only widely used by the U.S. during the years of the Vietnam War but also in 2003 during the invasion of Iraq, though it only admitted to having used it in Iraq after irrefutable evidence was out.

The U.S. also used white phosphorus on Iraq and Afghanistan. White phosphorus was used in 2004 during the assault on Fallujah, and the New York Times reported its use as recently as in 2011 in Afghanistan.

And finally, as Albert Einstein recognized, “Nothing will end war unless the people themselves refuse to go to war.” This is not about what Obama wants, or what Congress agrees to—the decision to go to war ultimately rests with the American people. We need to say no to war.

Voyage au bout de la nuit

Les Sélénites revisiteront l’oeuvre majeure de Céline, Voyage au bout de la nuit, au Théâtre 2.21 de Lausanne du 24 septembre au 6 octobre 2013 dans une adaptation intitulée « Voyages au bout de la nuit (Hommes et ombres) ». Mise en scène Pascal Francfort, musique Marc Etienne Besson.

Théâtre 2.21
Rue de l’Industrie 10
1005 Lausanne

« Voyager, c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination ». Chef-d’œuvre de la littérature du XXème siècle, Voyage au bout de la nuit continue à fasciner. Les thématiques bouleversantes qui tissent ce roman ne se sont jamais démodées. Guerre, colonisation, progrès, nouveau monde, amour, folie, survie, tout est là, sans concessions. Le regard acerbe que Céline porte sur son époque nous raconte encore et encore, et bien des fois terriblement, notre histoire. En s’inspirant de l’œuvre de Céline, les Sélénites vous convient à remettre le Voyage en route en ouvrant les portes de l’imaginaire. Une invitation à goûter à l’essence des sensations, à l’ivresse des perceptions, en fermant les yeux pour mieux voir. Une expérience sonore et visuelle, entre mémoire, rêve et réalité.

Dominique Venner, lecteur de Céline

 

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Dominique Venner, lecteur de Céline

par Marc LAUDELOUT


Dans son livre-testament ¹, Dominique Venner évoque Céline et plus particulièrement Les Beaux draps, « ce curieux livre qui délivrait un message furibard à l’encontre de la prédication chrétienne, ultime recours du régime de Vichy qu’il méprisait ». Et de citer la fameuse sortie de Céline visant « la religion de “Pierre et Paul” [qui] fit admirablement son œuvre, décatit en mendigots, en sous-hommes dès le berceau, les peuples soumis, les hordes enivrées de littérature christianique, lancées éperdues imbéciles, à la conquête du Saint Suaire, des hosties magiques, délaissant à jamais leurs Dieux, leurs religions exaltantes, leurs Dieux de sang, leurs Dieux de race. (…) Ainsi, la triste vérité, l’aryen n’a jamais su aimer, aduler que le dieu des autres, jamais eu de religion propre, de religion blanche. Ce qu’il adore, son cœur, sa foi, lui furent fournis de toutes pièces par ses pires ennemis. »


Venner observe avec pertinence que, dans un langage différent, Nietzsche n’avait pas dit autre chose. Cet été, Anne Brassié, dans un quotidien fervemment catholique, a adressé une lettre post-mortem  à Venner ². N’ayant jamais lu Les Beaux draps, la biographe de Brasillach précise qu’elle ne connaissait pas ce texte et s’insurge contre cette attaque frontale de la religion chrétienne, d’autant  que le païen Venner  la faisait  sienne  mutatis mutandis.


Encore faut-il préciser ce qui, pour Céline, constituait le crime des crimes : « La religion catholique fut à travers toute notre histoire, la grande proxénète, la grande métisseuse des races nobles, la grande procureuse aux pourris (avec tous les saints sacrements), l’enragée contaminatrice ».


Céline, défenseur résolu du génie de la race et de son intégrité, reprochait à l’Église de favoriser le métissage par sa doctrine égalitaire. Après avoir vu un de ses textes censuré par la presse doriotiste, il tint à faire connaître la phrase caviardée :  « L’Église, notre grande métisseuse, la maquerelle criminelle en chef, l’antiraciste par excellence. » L’antienne n’était pas nouvelle. Quatre ans plus tôt, dans L’École des cadavres, il vouait aux gémonies les « religions molles ».  Et précisait déjà  : « Vive la Religion qui nous fera nous reconnaître, nous retrouver entre Aryens, nous entendre au lieu de nous massacrer, mutuellement, rituellement, indéfiniment. »


Anne Brassié admet que « la violence de Céline est née de sa terrible clairvoyance, l’Europe s’engageant dans une seconde guerre civile après le premier suicide de la guerre de 14-18 ». Cela étant, elle rétorque : « Sont-ce vraiment les chrétiens qui ont préparé ces guerres ? Qui furent envoyés au front pour mourir, dès 1914, en première ligne ? Les paysans bretons, catholiques, les officiers français catholiques et le premier d’entre eux, Péguy. » Mais pour Céline, la religion chrétienne est une religion juive facilitant les grands massacres en anesthésiant les peuples ainsi aliénés ³. Si Céline est antinationaliste c’est parce qu’il considère que les nations sont manipulées et génératrices de guerre. Pour lui seule la race est capable d’éradiquer la nation, d’où cette vision du « racisme » perçu comme antidote au nationalisme. Cette conviction peut aujourd’hui être ignorée et dissociée de son esthétique. Il n’en demeure pas moins qu’elle fut sienne.


 

Marc LAUDELOUT

 

 

1. Dominique Venner, Un samouraï d’Occident. Le Bréviaire des insoumis, Éd. Pierre-Guillaume de Roux, 2013.

2. Anne Brassié, « Un samouraï d’Occident », Présent, n° 7899, 20 juillet 2013, p. 5a-e.

3. Nietzsche considère que le christianisme représente le judaïsme « à la puissance deux » (La Volonté de puissance, 1887) dans la mesure où l’esprit judaïque s’y est universalisé.

 

© Extrait du Bulletin célinien, septembre 2013.

Abonnement 1 an : 55 euros.

Le Bulletin célinien, Bureau Saint-Lambert, B.P. 77, 1200 Bruxelles.

Guardias Walonas - Gardes wallonnes

Marcha de las Guardias Walonas

Marche des Gardes wallonnes

mardi, 10 septembre 2013

Ich will nicht ohne Narben sterben!

Grande-Bretagne : L’immigration de masse a rendu l’économie moins performante

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Grande-Bretagne : L’immigration de masse a rendu l’économie moins performante

 



Dans l’ensemble, les chefs d’entreprise ont tendance à soutenir une politique d’immigration – dite “de la porte ouverte” – ce qui contribue à répondre aux pénuries de main d’œuvre dans les secteurs clés.

Mais, plus particulièrement, cela exerce aussi une pression à la baisse sur les salaires. L’effet est similaire au fait d’avoir des niveaux durablement élevés de chômage, car elle crée une réserve inépuisable de main-d’œuvre bon marché.

Il semble que l’on assiste à la stagnation la plus importante de la productivité britannique. Les économistes ont largement décrit ce phénomène en le qualifiant d’« énigme »; mot qu’ils tendent à utiliser pour décrire une tendance qui tranche avec les normes passées. Pour la plupart d’entre nous, il ne s’agit cependant pas du tout d’un mystère. Pour faire simple, nous avons d’une part la mise en place de politiques publiques qui n’incitent pas à consommer et, de l’autre, une absence totale de réformes bénéficiant au secteur productif. Malheureusement, cela n’a fait qu’empirer depuis le début de la crise financière.

La stimulation de la demande par l’intermédiaire de politiques fiscales et monétaires est la solution de facilité quand les économistes trouvent leurs limites. Elle est peut-être vitale pour prévenir l’évolution de la situation de contraction économique actuelle en une véritable dépression.

Cependant, si le début de redressement s’accélère au Royaume-Uni, il est nécessaire de réaffirmer qu’il ne conduira ni à une croissance soutenable sur le long terme, ni à l’augmentation du niveau de vie. Cela requiert des choix bien plus difficiles.

Une étude, conduite par l’OCDE en début d’année concernant l’économie britannique, attribue le faible taux de productivité depuis le début de la crise à de nombreux facteurs qui sont sans aucun doute une partie de l’explication.

A un certain niveau, c’est principalement lié au système des banques toxiques – possédant de nombreux actifs dépréciés ou qui devraient l’être – qui, comme l’a défendu Ben Broadbent – membre du Comité de Politique Monétaire de la Banque d’Angleterre – entrave la redistribution du capital entre les différents secteurs.

Les récessions éliminent normalement les entreprises et les industries les plus faibles, permettant ainsi aux plus fortes et aux plus productives de prospérer plus aisément. Mais le refus de reconnaître les actifs pourris, de peur des conséquences sur la solvabilité des banques, est venu court-circuiter ce processus quasi naturel. Une politique monétaire accommodante vient aussi soutenir les banques toxiques, là encore court-circuitant la discipline darwinienne du marché.

Comme nous le savons maintenant, la croissance d’avant la crise n’était pas produite par le travail réel mais était produite par la frénésie de la finance et du marché immobilier, tous deux emportés par l’explosion du système bancaire.

La thésaurisation de la main-d’œuvre qualifiée, les baisses de production de pétrole en Mer du Nord et l’incapacité à bien quantifier statistiquement la croissance dans le secteur de l’économie numérique britannique, ont peut-être aussi joué leur rôle.

Pourtant, aucune de ces raisons n’explique de manière convaincante les piètres performances de la productivité à long terme de la Grande-Bretagne.

Afin de trouver d’autres causes, je tiens à souligner deux autres aspects du problème :

- L’impact négatif de l’immigration de masse sur la productivité,

- Et l’incapacité à répondre à de simples carences de l’offre dans la planification, l’éducation, l’infrastructure, l’efficacité du secteur public, le système fiscal et les perpétuelles faibles performances à l’export.

Dans l’ensemble, les chefs d’entreprise ont tendance à soutenir une politique d’immigration – dite “de la porte ouverte” – ce qui contribue à répondre aux pénuries de main d’œuvre dans les secteurs clés de l’industrie.

Mais, plus particulièrement, cela exerce aussi une pression à la baisse sur les salaires. L’effet est similaire au fait d’avoir des niveaux durablement élevés de chômage, car elle crée une réserve inépuisable de main-d’œuvre bon marché.

Cela peut être, ou ne pas être, bon pour les profits des entreprises mais ce n’est certainement pas bon pour la productivité ou pour le niveau de vie des personnes à faible ou moyen revenu.

En rendant la main-d’œuvre bon marché, il supprime une incitation puissante au gain de productivité. Faible salaire, faible engagement.

Pour bien comprendre, regardez ce qui s’est passé depuis que la crise a débuté il y a 6 ans. Durant cette période, plus d’1 million d’emplois ont été créés dans le secteur privé, un exploit remarquable compte tenu de l’ effondrement de la production. Cela a contribué à maintenir le taux de chômage bien inférieur à ce qu’il serait autrement. L’exploit mérite clairement d’être salué mais il a été réalisé au détriment des revenus réels.

Une grande partie de la création d’emplois est composé de métiers à faible rémunération ou à temps partiel. Les revenus réels ont connu leur pire resserrement depuis les années 1920. Pourtant, ce n’est pas juste un phénomène récent. La pression sur les revenus réels, en particulier à l’extrémité inférieure de l’échelle des revenus, date d’avant la crise.

La concurrence étrangère, que ce soit via l’immigration ou l’importation de biens et services, a été un grand obstacle à la croissance des salaires. Ceci a, à son tour, limité les incitations aux gains d’efficacité. Le travail ‘pas cher’ est devenu un substitut à l’investissement dans l’usine, dans les machines, la formation et la recherche et développement.

Lorsque le dernier gouvernement s’est vanté d’un énième trimestre consécutif de croissance, il a omis de préciser que c’était dû en grande partie à l’évolution de la population. Le revenu par tête a progressivement stagné.

La Grande-Bretagne est une économie ouverte qui doit certainement se positionner sur le marché de la main d’œuvre internationale de valeur. Pourtant, les niveaux élevés d’immigration non-qualifiée ont été au mieux un jeu à somme nulle, et peut-être cela aura-t-il une influence négative en décourageant les futurs investissements nécessaires.

Aucun partisan libéral n’envisagerait d’empêcher les employeurs d’embaucher des travailleurs étrangers, mais il y a d’autres formes d’intervention de l’État qui pourraient être plus appropriées. Cependant l’Union Européenne déclarerait illégale toutes formes d’intervention de ce genre, comme par exemple imposer des taxes sur l’utilisation de la main-d’œuvre étrangère peu coûteuse.

En rendant le travail à faible qualification plus cher, le système fiscal fournirait une incitation puissante aux gains de productivité dans la construction, le commerce de détail, les services sociaux et d’autres industries britanniques. Ces taxes pourraient alors être réaffectées dans des dispositifs incitatifs en faveur de la formation et d’autres formes d’investissement.

En tout cas, si le niveau de vie doit à nouveau croître, les employeurs doivent réapprendre les vertus du “faire plus avec moins de travailleurs”. Les gains de productivité ne peuvent correctement se produire que si les entreprises les plus performantes et innovantes sont mises en situation de mettre les plus faibles hors-jeu. Au contraire, s’appuyer sur la croissance de la population et la baisse des coûts unitaires du travail qu’elle entraîne pour rester compétitif est une impasse.

A maintes reprises le Royaume-Uni a esquivé une délicate réforme de l’offre, pour ne s’appuyer que sur une relance de la demande. Ces mesures étaient manifestement importantes dans les premières phases de la crise puisqu’elles ont contribué à éviter que la dépression ne s’installe profondément. Cependant leur poursuite 5 ans après la crise occasionne très probablement plus de mal que de bien.

Selon la fameuse phrase de Juncker, “les politiciens occidentaux savent ce qui doit être entrepris mais ils ne savent pas comment se faire réélire après l’avoir fait.”

De la même façon, tous savent qu’une croissance tirée par la productivité est la seule forme de croissance digne de ce nom, mais ils ne peuvent pas prendre les décisions à long terme nécessaires à sa mise en œuvre.

The Telegraph

The Gentleman from Providence

The Gentleman from Providence

By Alex Kurtagić

Ex: http://www.counter-currents.com

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S. T. Joshi
I Am Providence: The Life and Times of H. P. Lovecraft [2]
2 vols.
New York: Hippocampus Press, 2012

When it comes to a truly comprehensive biography of Howard Philip Lovecraft, one cannot do better than S. T. Joshi’s I am Providence, a 2 volume, 1,000-page, 500,000-word mammoth of a book that aims to cover everything there is to know about the American master of the weird tale.

As with Mark Finn, whose biography of Howard I reviewed recently, it would seem that L. Sprague de Camp was what spurred Joshi into action: after reading the latter’s Lovecraft: A Biography upon initial publication in 1975, Joshi dedicated his life thereafter to the study of the author from Providence. His choice of university was dictated by its holding the Lovecraft manuscript collection of the John Hay Library. And when he discovered that At the Mountains of Madness, his favourite Lovecraft story, contained no less than 1,500 textual errors, he devoted the ensuing years to tracking down and examining manuscripts and early publications in order to determine the textual history of the work and make possible a corrected edition of Lovecraft’s collected fiction, “revisions,” and other writings. What we have here, you may confidently conclude, is the product of decades of fanaticism and obsessive investigation.

Lovecraft was born in 1890, into a conservative upper middle class family, in Providence, Rhode Island. His father, Winfield, was a travelling salesman, employed by Gorham & Co., Silversmiths, and his mother, Sarah, could trace her ancestry back to the arrival of George Phillips to Massachusetts in 1630. His parents married in their thirties.

The young Lovecraft was talented, intellectually curious, and precocious, able to recite poetry by age two, and to read by age three. Growing up at a time when school was not compulsory, Lovecraft would not be enrolled in one until he was eight years of age and his attendance would be sporadic, possibly due to a nervous complaint and / or psychosomatic condition. But he was well ahead of his coevals in any event, having been exposed, and thereafter enjoyed ready access, to the best of classical and English literature. From Lovecraft’s perspective, this meant 17th and early 18th century prose and poetry, and, indeed, so steeped was he in the canonical literature from this period that he regarded its style of writing not only the finest ever achieved, but, for him, the norm. In the process, he also absorbed some of the archaic tastes and sensibilities permeating this literature, which would subsequently be reflected in his writing, speech, and attitudes, fundamentally aristocratic and at odds with the 20th century. What is more, Lovecraft was never denied anything he may have needed in the pursuit of his intellectual development, be it a chemistry set, a telescope, or printing equipment, so he became knowledgeable enough on these topics, and particularly his passion, astronomy, to contribute articles to a local publication from an early age. He also regularly produced—while still in infancy—his own amateur scientific journals, many of which still survive and were personally examined by Joshi for this biography. Thus, from early on, Lovecraft, a somewhat lonely boy with a charmed boyhood, was committed to a life entirely of the mind.

With such beginnings, it would appear to a casual observer that Lovecraft was well-equipped to become a success in life. But, instead, in adulthood he experienced ever-worsening poverty, squalor, and, though well known for a period within the specialised milieu of amateur publishing, growing professional obscurity. That his legacy has endured owes—besides to the intrinsic value of his works—perhaps in a not insignificant measure to his having been a prodigous correspondent: it has been estimated that throughout the course of his life Lovecraft may have written as many as 100,000 letters (only about 20,000 of which survive), and these were not hastily penned missives, as can be seen in the many excerpts herein presented, but thoughtful communications, sometimes of up to 30 pages in length, which are works of literatue in themselves.

In examining his overall trajectory, we can identify a number of negative vectors early on. The loss of his father, who, following a psychotic episode and permanent committal to a local hospital, suffering from what Joshi presumes to have been syphilis, meant that, from 1893, Lovecraft passed into the care of his mother, aunts, and his maternal grandfather. Whipple van Buren Phillips, a wealthy businessman, proved a positive influence, but died in 1904, and, his estate being poorly managed, this eventually forced the family to downsize. This badly affected the young Lovecraft, to the point that he briefly contemplated suicide. He was eventually dissuaded by his own intellectual curiosity and love of learning.

In 1908, just prior to his high school graduation, Lovecraft suffered a nervous breakdown. Joshi speculates that failure to master higher mathematics may have been a factor, since Lovecraft’s ambition was to become a professional astronomer. (Failure to master meant not getting straight As, but, among the As, a few A-s and Bs.) Whatever its cause, the breakdown prevented Lovecraft from obtaining his diploma, a fact he would later conceal or minimise. Lovecraft then went into seclusion—hikikomori, as it would be called today—in which condition he remained for five years, mostly reading and writing poetry. Joshi expresses alarm at the sheer volume of reading undertaken by Lovecraft during this period, a large portion of it consisting of magazines.

Lovecraft’s re-emergence owes to his irritation with a pulp author, Fred Jackson, whose stories in Argosy magazine he found maudlin, mediocre, and irritating. His letter was published in the magazine, whereby it detonated an opinionated debate. When Lovecraft’s expressed view led to attacks, he responded in lofty and witty verse, thus instigating a months-long war—in archaic rhyme—in the letters’ page. This got him noticed by the president of the United Amateur Press Association (UAPA), Edward F. Daas, who invited Lovecraft to join. This inaugurated Lovecraft’s amateur career, which led to his return to fiction—something he had dabbled in years before—and, by 1919, to his first commerically published work. During his early years in amateurdom, Lovecraft would also produce his own literary journal, The Conservative, a publication that truly lived up to its name and that has only recently been reprinted by Arktos in unabridged form.

Throughout this period Lovecraft continued to live with his mother, who sustained them both off an ever-shrinking inheritance. Trapped between the expectations of her class and dwindling resources, she grew progressively more neurotic and unstable. She already had an unheathily close, love-hate, relationship with her son, and Joshi records that she considered her son’s visage too ugly for public view. By 1919, suffering from hysteria and clinical depression, she would be committed to hospital, where she would remain for the rest of her days. Mother and son stayed close correspondents, but she was a perennial source of worry. Thus, when Sarah died in 1921, initial grief led to a sense of liberation, and an improvement in Lovecraft’s general health—though he, at this time a tall man of nearly 200 lbs, always regarded himself as ailing.

Yet there were further turns to the worst ahead. In 1921, at a convention for amateur journalists in Boston, Lovecraft met Sonia Green, an assimilated 38-year-old Ukrainian Jew from New York, whom he would marry in 1924. Interestingly, Lovecraft only told his aunt after the fact, writing to her from New York, where he had by then already taken residence at Sonia’s apartment.

Joshi notes that at this time Lovecraft’s prospects appeared to be improving: Sonia earned a good living at a hat shop in Fifth Avenue, and Lovecraft’s professional writing career was taking off. Lovecraft, then in a decadent phase, was also enthralled by the city, where he had a number of amateur friends. However, Sonia lost her job almost immediately when the shop went bankrupt. This forced Lovecraft for the first time to find regular employment, but without qualifications, work experience, nor, apparently, marketable skills, he was unable to find a position. The consequent financial difficulties impacted on Sonia’s health, who entered a sanatorium for a period of recovery. Eventually, she would find a job in Cleveland, leaving Lovecraft to live on his own, in a tiny apartment, in Brooklyn Heights (then Red Hook), back then a seedy neighbourhood. Sonia sent him an allowance, which permitted him to cover his rent and minimal expenses, but otherwise Lovecraft lived in poverty, stretching as far as possible a minuscule fare of unheated beans, bread, and cheese.

This was, however, genteel poverty. When, on one occasion, Lovecraft’s apartment was burglarised, he was left with only the clothes on his back (while he slept, the thieves gained access to his closet and stole all his suits). His reaction says much about Lovecraft: first priority for him was to get four new replacements: light and dark, winter and summer—no easy task, given his slender wallet. A gentleman may be poor, but he must still dress like a gentleman! The ensuing hunt for suitable attire taxed Lovecraft’s ingenuity, and ignited his frustration at the shoddy quality of modern suits (Lovecraft’s original suits had been made in happier times). Eventually, he succeeded, with minimal compromise.

Seething with immigrants of all descriptions, crowded, and filthy, Lovecraft came to despise New York, recognising it as an emblem of modern degeneration (remember: he already thought this in 1925!). This negative opinion does not sit well with Joshi: having immigrated from India at a young age and having been a New York resident for 27 years, Joshi puts Lovecraft through the wringer for failing to appreciate the city’s vibrancy. Here and elsewhere, he attacks Lovecraft for his enamourment with Anglo-Saxondom, his fierce resistance to racial egalitarianism, and his rejection of the multicultural society. In Joshi’s estimation, Lovecraft ought to have considered Franz Boas’ research, which was beginning to transform anthropology at this time; Joshi views this as contrary to Lovecraft’s rigorous scientific outlook—in other words, as Lovecraft having been blinded by prejudice. However, this overlooks the fact that there were different strands of opinion in anthropology at this time: this was the Progressive Era, when the American eugenics movement was at its height, enjoying institutional legitimacy, famous proponents (e.g. John Harvey Kellogg), and backing from the likes of the Rockefeller Foundation, the Carnegie Institution, and the the Harriman estate. Boas’ findings were politically motivated and not universally accepted, and he had by no means proven his case. (Worse still, since then there have been accusations of scientific fraud.) It would, therefore, seem that Lovecraft was entirely consequent with his aristocratic and scientific worldview.

Though Joshi deems it necessary to shoehorn his views on race and racism—zzz . . . —he shows admirable restraint, all things considered—though he has still been criticised by readers. He clearly struggles to reconcile his admiration for Lovecraft with an imagined rejection by him, which is coloured by the absurdities of the modern discourse on these matters. As the author of The Angry Right: Why Conservatives Keep Getting it Wrong (2006), where he invects against liberals like William Buckley and Rush Limbaugh, and where he welcomes the Leftward drift of American values, he can understand Lovecraft’s own merely as a reflection of the times in which he lived. Yet, Joshi has expended an immense amount of time and energy studying and writing about Lovecraft’s thought and worldview, as expressed both in correspondence and in fiction, and thus makes a fair attempt at describing them at length in a temperate fashion.

Lovecraft would eventually return to Providence, thus marking the beginning of the most productive phase of his career. By this time his marriage to Sonia was essentially over; a final attempt was made, but Lovecraft’s aunts rejected the idea of Sonia setting up shop in Providence, regarding her—or rather, the idea of a businesswoman—as somewhat declassé. Joshi again takes Lovecraft to task for not having shown more backbone before his aunts, but he is, nevertheless, of the opinion that Lovecraft was unsuited for marriage—being emotionally distant, stiff-upper lipped, and sexually sluggish—and ought never to have taken a wife. The Lovecrafts would in time agree on an amicable divorce (though, in the end, and to Sonia’s shock later on, he never signed the decree).

Despite his peaking productivity, Lovecraft’s economic prospects continued to decline. His stories became longer and more complex, and it became increasingly difficult to place them. Farnsworth Wright, Weird Tales’ capricious editor, repeatedly rejected them, though sometimes he would accept some after a period, after lobbying or intercession by one of Lovecraft’s correspondents. His seminal essay on horror fiction, Supernatural Horror in Literature [3], completed at this time, appeared haphazardly and incompletely in tiny amateur publications, and would never appear in its final, revised, complete form during his lifetime. Therefore, Lovecraft, now living in semi-squalor with his aunt in cramped accommodation, was increasingly forced to survive through charging for “revisions,” which, given the amount of hands-on editing and re-writing involved, was for the most part tantamount to ghostwriting. Lovecraft was too much of a gentleman, too generous for his own good, and charged very modest fees. We must remember, however, that Lovecraft, in this same modest spirit, saw himself as a hack.

All the same, through extreme frugality and resourcefulness, Lovecraft still managed to travel yearly around New England, mainly as an antiquary. This resulted in extensive travelogues, written in 18th-century prose, replete with archaisms and therefore neither publishable nor intended for publication. Joshi mentions that some have criticised Lovecraft for expending excessive energy on correspondence and unpublishable travelogues, rather than writing fiction, but he argues that this was Lovecraft’s life, not his critics’—who are they to tell him, posthumously, what he ought to have done?

Joshi notes that the Great Depression forced Lovecraft to reconsider some of his earlier positions, and that he—encouragingly in his view—embraced FDR’s New Deal. He also notes, although briefly, that Lovecraft may have misunderstood the nature of the program. All the same, he likes to describe Lovecraft as having become a “moderate socialist,” even if he is later careful to point out that his socialism was radically distinct from the Marxist conception—in fact, Lovecraft instinctively sympathised with fascism and Hitler’s movement, and would remain firmly opposed to Communism. Lovecraft’s conception of socialism was entirely elitist. From his perspective, the culture-bearing stratum of a civilisation should not, in an ideal world, be shackled by the need to waste time and energy on trivial tasks, out of the need to earn a living: the production of high culture is often incompatible with commercial goals, so, in his view, it demands freedom from economic activity. And this implied some sort of patronage, in the manner that kings, popes, or wealthy aristocrats or businessmen provided to artists in the past. In other words, a portion of the nation’s wealth should be channelled into things of lasting value—and, therefore, into seeing to it that the very few individuals capable of producing them are in a position to do so. Lovecraft conceived this as socialism because he saw it as the task of the best to better the rest, and high art and intellection played an important rôle in that endeavour.

By 1936, Lovecraft, already in constant pain, was diagnosed with bowel cancer. He would die a few months later, on 15 March 1937.

As with Finn’s biography of Robert E. Howard, Joshi carries on beyond the grave to trace Lovecraft’s legacy, and the development of Lovecraft scholarship over the past 75 years. Like Finn, he has complaints about L. Sprague de Camp’s biography, which he deems substandard and inaccurate; he describes de Camp as business-minded (a euphemism for opportunist). Joshi also criticises August Derleth, one of Lovecraft’s correspondents, who acted early on and energetically to preserve Lovecraft’s legacy through his publishing company, Arkham House: as de Camp did with Howard, Derleth sought to extend Lovecraft’s mythology with posthumous “collaborations,” wherein he distorted the mythology by infusing it with his own preconceptions. To Joshi this was a disreputable attempt to market his own fiction using Lovecraft’s name, though Derleth would later become a well-regarded author in his own right.

While Joshi’s biography is impressive in its comprehensiveness and level of detail, I found his compulsion to provide a plot summary of every single story that Lovecraft ever wrote rather tedious and beyond requirements. One can see that the biography’s comprehensive logic dictates their inclusion, and they can be useful, but I wonder if the tomes’ objectives could not have been met without this overwhelming prolixity.

Joshi recognises his subject’s superior character in that, though Lovecraft would have been able to prosper economically had he compromised on quality, produced more, and stuck to what was popular, he remained steadfast in his refusal to do so. Whatever he did, he did to the best of his ability, without homage to Mammon. Readers, says Joshi, should be grateful for that, as it was this that has guaranteed the lasting value of Lovecraft’s work as well as his enduring legacy.

 


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[2] I Am Providence: The Life and Times of H. P. Lovecraft: http://www.amazon.com/gp/product/1614980519/ref=as_li_ss_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=1614980519&linkCode=as2&tag=countercurren-20

[3] Supernatural Horror in Literature: http://shop.wermodandwermod.com/supernatural-horror-in-literature.html

Le roi Arthur était-il un cavalier sarmate?

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Le roi Arthur était-il un cavalier sarmate et les mythes arthuriens ont-ils une origine dans le Caucase ?

(source : agencebretagnepresse)

L’actualité récente en Géorgie a mis les projecteurs sur la République indépendante d’Ossétie (Indépendance proclamée en 1991). Les Ossètes comme les Bretons d’ailleurs, ont des origines ancrées dans la fin de l’Empire romain. Les Ossètes descendent des fameux Alains, ou plutôt de ceux qui sont restés et ne sont pas partis piller l’Empire au Ve siècle.

Les Sarmates en Bretagne insulaire

cataphracte.jpgCes peuplades qui parlent une langue iranienne apparaissent dans le bas-Empire romain sous le nom de Sarmates quand ils sont alliés ou federati et de Scythes quand ils sont ennemis. Envahisseurs, ils sont connus sous le nom d’Alains alliés des Vandales.

La cavalerie sarmate-alain très appréciée des Romains était quasiment invincible. Elle était appelée cavalerie [1], du nom de leur cuirasse d’écailles, la cataphracte.

Depuis 175, les Sarmates devaient fournir à Rome 5000 cavaliers, pour la plupart envoyés en Bretagne (insulaire) à la frontière nord. Les Sarmates de Bretagne auraient été commandés à la fin du IIe siècle par Lucius Artorius Castus qui serait le roi Arthur historique (1), du moins le premier, car il semblerait que le roi Arthur soit un personnage composé de plusieurs figures historiques. Lucius Artorius ayant vécu 200 ans plus tôt que le roi breton qui rallia les Brito-Romains contre les envahisseurs saxons.

D’après Léon Fleuriot, c’est Artorius Castus, préfet de la VIe légion, qui aurait aussi maté la révolte armoricaine de 184. Une intervention en Gaule que rapporte bien la légende dans la première version écrite, celle de Geoffroy de Monmouth.

C’est cette cavalerie sarmate-alain qui aurait apporté d’Asie le symbole du dragon en Grande-Bretagne. Rien de plus normal pour des cavaliers aux cuirasses écaillées de se battre derrière des enseignes d’un monstre écaillé. Le dragon rouge du roi Arthur, dit justement « Pendragon » comme le roi Uther. Le dragon rouge apparaît aussi dans les prophéties de Merlin. Un dragon que l’on retrouve aujourd’hui jusque sur le drapeau du Pays de Galles.

Les Alains en Armorique

Les Sarmates-Alains, révoltés contre Rome, ont pillé le nord de la Gaule de 407 à 409. Après avoir traversé la Loire en 408, le consul Aetius leur donnera l’Armorique pour qu’ils les laissent tranquilles. Un peu comme le roi de France cinq siècles plus tard donnera la Normandie aux Vikings de Rollon.

Avec à leur tête un chef du nom de Goar, les Alains se divisent en plusieurs bandent et pillent l’Armorique. C’est encore eux, redevenus des mercenaires au service de l’empire qui vont réprimer la dernière révolte armoricaine dite des Bagaudes (bagad = bande en gaulois et en breton moderne) en 445-448 à une époque où justement les Bretons commencent à arriver de Grande-Bretagne puisque les dernières légions la quittent en 441.

Certaines s’établiront juste de l’autre côté de la Manche puisque le mot Léon dérive justement de « légion » et Trégor de tri-cohortes. Voir à ce sujet le Guide des drapeaux bretons et celtes de Divi Kervella et Mikaël Bodloré-Penlaez, qui vient de sortir en librairie. Les symboles héraldiques du Haut-Léon et du Trégor semblent avoir justement hérité du dragon.

Certains linguistes pensaient que les patronymes Alain ou Alan seraient tout simplement des gens descendant d’Alains établis en Gaule mais le vieux breton a un terme alan pour le cerf et cette origine semble plus vraisemblable. Des Alains se sont surtout installes en Île-de-France, en Aquitaine, en Lusitanie (Portugal) autour de Carthagène en Vandalousie qui deviendra Andalousie. Le nom de Tiffauge, célèbre pour son Barbe Bleu viendrait du nom d’une des bandes de barbares alliés aux Alains, les Taïfales, établis dans cette région au Ve siècle. Le nom de l’Aunis viendrait aussi d’Alains.

Les mythes arthuriens d’origine alanique ?

Dans leur livre De la Scythie à Camelot, Covington Scott Littleton, professeur d’anthropologie à Los Angeles et Linda Ann Malcor, docteur en folklore et mythologie, ont remis en cause l’origine celtique du cycle arthurien.

Pour eux, le cour de cet ensemble fut apporté entre le IIe et le Ve siècle par des cavaliers alains-sarmates.

La culture des Ossètes, les cousins contemporains des Alains, possède des récits qui ressembleraient aux aventures d’Arthur et des chevaliers de la Table ronde. On y raconte notamment la saga du héros Batraz et de sa bande, les Narts. Dans cette histoire il est, entre autres, question d’épée magique qui serait l’équivalent d’Excalibur et de coupe sacrée, le Graal donc, la coupe du Wasamonga que l’on retrouve sur l’emblème moderne de l’État d’Ossétie du Sud avec un triskell qui est par contre universel et pré-cetique puisque sur des monuments mégalithiques comme à Newgrange en Irlande. Il semblerait que les échanges de mythes aient eu lieu dans les deux sens.

(1) rapprochement fait pour la première fois par Zimmer, Heinrichen 1890, repris par Kemp Malone en 1925.

Sources : – C. Scott Littleton, Linda A. Malcor, From Scythia to Camelot, New-York ; Oxon, 1994 (rééd. 2000).

- X. Loriot, Un mythe historiographique : l’expédition d’Artorius Castus contre les Armoricains, Bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France, 1997.

- Guide des drapeaux bretons et celtes, D. Kervella et M. Bodloré-Penlaez. Éd. Yoran Embanner, 2008.

- Les Origines de la Bretagne, Léon Fleuriot. Payot, 1980 (nombr. rééd.).

Notes

[1] cataphractaire

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lundi, 09 septembre 2013

Mériguet et Van Hemelryck à Radio Courtoisie

Pour une entrée en Tradition

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Jean-Paul LIPPI:

Pour une entrée en Tradition
Prolégomènes à une métaphysique opérative

L'idée de Tradition, au sens guénonien du terme, connaît aujourd'hui un incontestable regain d'intérêt dans des milieux encore quantitativement restreints mais qui n'en paraissent pas moins appelés à jouir d'une influence grandissante, encore que celle-ci doive surtout, de par sa nature “subtile”, se faire sentir sur un plan très largement ignoré du grand public. De même, un certain nombre de personnes, légitimement insatisfaites des réponses apportées par le monde moderne à leur exigence spirituelle, poursuivent, le plus souvent à titre individuel, une recherche dans ce domaine, en s'appliquant à éviter autant que faire se peut les pièges d'un spiritualisme dévoyé et humanitariste. Devant cette situation, nous voudrions tenter d'apporter dans les lignes qui vont suivre une clarification quant à la véritable nature de la “Tradition” dont les premiers se réclament et à laquelle les secondes aspirent. Il nous semble en effet que le mot, s'il n'est pas toujours, à proprement parler, galvaudé, n'est que trop rarement employé dans la plénitude de sa signification, des valences secondaires lui étant trop fréquemment attachées. Cette volonté de clarification nous conduira également à préciser ce qu'il convient d'entendre, dans l'optique Traditionnelle, lorsque référence est faite à la “métaphysique”.

Envisagé dans la plénitude effective de sa définition, le mot “Tradition” ne désigne essentiellement nulle autre chose que la perception de l'immanence de la Transcendance, suivie de la transmission doctrinale de la possibilité de cette perception. Est donc “traditionniste”, pour employer le néologisme forgé par Pierre A. Riffard (1), tout homme qui vit hic et nunc cette Transcendance, c'est-à-dire qui ressent dans son Esprit, son âme et sa chair ― indissociablement ― l'action de celle-ci, sur le plan tant personnel qu'historique et / ou politique. Les mots n'étant que ce qu'ils sont, cette sensation renvoie, dans ses profondeurs ultimes, au registre de l'indicible, ce dont les adversaires de la vision du monde Traditionnelle ne manquent pas de tirer argument pour reléguer cette dernière au rayon des sous-produits de l'idéalisme, quand ce n'est pas à celui des délires quasi-psychotiques. Dans ce dernier cas, la volonté de vivre l'enseignement Traditionnel est ramené à un phantasme de réunification fusionnelle, affirmé fondé sur la nostalgie refoulée de l'état de non-séparation entre mère et nourrisson. Il n'est plus alors question de dépassement de la condition humaine et de rattachement au divin, mais au contraire de régression, soit intellectuelle soit affective, soit les deux à la fois. L'expérimentation de la Transcendance, identique, dès lors qu'elle est stabilisée, à la re-divinisation, ne s'analyse plus, dans le cadre de cette conception spirituellement mutilante, que comme une hallucination, provoquée par le désir angoissé d'échapper à la condition d'être « marqués par leur radicale finitude », ainsi que l'écrit un auteur par ailleurs intéressant mais qui n'en confond pas moins trop facilement la pensée de la Tradition avec sa parodie New Age (2).
 
En réalité, que l'appel à l'Esprit puisse effectivement, dans certains cas, cacher un malaise existentiel, le fait n'est pas niable, encore que les conséquences en soient parfois, même dans ces conditions, bien plus positives qu'on ne veut bien l'admettre (3). Mais vouloir à toute force tout ramener à cela, généralement, d'ailleurs, pour les besoins d'une cause partisane, philosophique ou religieuse, plus ou moins avouée revient à adopter l'attitude moderne par excellence qui consiste à toujours prétendre expliquer à bon droit le supérieur par l'inférieur, et à ne reconnaître in fine de légitimité au premier que du moment que l'on est (croit-on) parvenu à le réduire au second (4). Face à une contestation ainsi dirigée, la réaction des hommes de Tradition ne peut être d'engager la discussion selon une tactique “arguments / contre-arguments”, ceci en raison du caractère d'indicibilité ultime de l'expérience de l'immanence de la Transcendance mentionné plus haut. Il n'est pas pour autant question pour eux de se draper dans leur superbe pour mieux poitriner aux quolibets, ni davantage de reprendre à leur compte quelque saugrenu credo quia absurdum, mais simplement de relever que l'affirmation et sa réfutation ne sont pas, en l'occurrence, au même niveau, qu'elles ne renvoient pas, précisément, au même registre. C'est pourquoi il n'y a, à parler strictement, rien à répondre à qui nie la possibilité d'atteindre ― c'est-à-dire de retrouver ― des états de conscience supérieurs à celui partagé par l'immense majorité de factuelle humanité, ou, à plus forte raison, qui rejette l'éventualité même de l'existence de ces états. Ce qui doit parler ici, c'est seulement la force de l'exemple. Non que chacun soit libre de le suivre ou non, d'accepter ou de refuser la transmission (le tradere) de la doctrine puis de s'engager dans l'expérience de la Transcendance vécue en mode immanent. Il y a tout au contraire en ce domaine comme l'effet d'une Grâce (si l'on veut s'exprimer à la manière des théologiens) qui détermine pour chacun, au moins dans les conditions de son existence présente, une manière de prédestination (5).

On comprend aisément que ce vécu immanentiste de la Transcendance soit plus que difficilement compatible avec toute forme d'exclusivisme religieux, surtout militant et prosélyte. La forme, certes nécessaire sur son plan propre, que telle ou telle religion donne à l'expérience de la Transcendance a en effet pour conséquence inévitable de “figer” celle-ci dans son expression, ce par le mouvement même dans lequel elle en dévoile l'existence ; c'est pourquoi une religion peut être tout aussi bien un chemin d'accès à l'Absolu que l'occasion d'un piétinement, si ce n'est d'un égarement, spirituel. Nous retrouvons ici la distinction bien connue de l'ésotérisme et de l'exotérisme, distinction qui repose en dernière instance sur la faculté de passer, littéralement, “au travers des formes”. Il faut également souligner qu'un tel vécu interdit le culte de tout “impératif catégorique” moral, quelle qu'en puisse être la source. Dût ceci choquer certains parmi nos lecteurs, nous affirmons que la Tradition, parce qu'elle est d'essence métaphysique, ne saurait être en aucune manière “morale”. Si l'on veut authentiquement retraduire en langage normatif l'expérience des états supra-humains, c'est sur le plan de l'éthique et non sur celui de la morale qu'il convient de se situer, la seconde étant universaliste par définition alors que la première est différentialiste au sens où elle ne connaît d'autre loi que celle qui s'impose, à des fins de conservation (6), à un être particulier en fonction de sa nature propre, c'est-à-dire en fonction du niveau d'expérimentation de la Transcendance dont il est effectivement capable. Que des normes soient ― si l'on peut dire ― encloses dans chacun des « états multiples de l'Être » (7), nous ne songeons nullement à le nier. Mais, précisément parce que chaque norme est consubstantielle à l'état au niveau duquel (et à partir duquel) elle se manifeste, aucune d'entre elles ne saurait se prévaloir d'une validité universelle (8). C'est pourquoi celui qui atteint l'Absolu ne peut plus connaître de normes, puisqu'il les a toutes expérimentées et finalement dépassées, un tel être devenant donc « à lui-même sa propre Loi » (9). La morale possède certes sa justification sur le plan qui est légitimement le sien, celui de l'aide apportée, si l'on veut à la manière d'une béquille, aux individus incapables de se rendre authentiquement libres et donc de se tenir debout par leurs seules forces. Mais lui accorder une valeur éminente, c'est couper l'accès à l'Absolu, en bornant l'expérience de la Transcendance à l'un des niveaux de la Manifestation illusoirement posé comme ultime. De fait, l'Absolu ne mériterait pas son nom s'il ne contenait toutes les normes, y compris les plus “immorales”, chacun des « états multiples de l'Être » manifestant telle d'entre elles selon sa potentialité et sa valence particulières. Dès que conscience est prise de ceci, le refus d'un comportement quelconque ne peut plus se fonder sur des préceptes affirmés valides dans l'universel, mais uniquement sur l'affirmation de valeurs supérieures d'un point de vue métaphysique, c'est-à-dire témoignant d'un état de l'Être plus élevé et contenant de ce fait les précédents états qu'il dépasse selon le principe de l'intégration hiérarchisante. Repousser cette conception revient à rejeter principiellement la nécessaire dimension destructrice de l'Être et donc à mutiler intellectuellement l'Absolu.

Ces précisions indispensables étant apportées, la Tradition commence à apparaître sous son jour véritable. Ce dont celle-ci témoigne, c'est d'une Connaissance expérimentale, celle de la présence active de forces non-humaines dans le monde des hommes. Mais il faut prendre garde de n'enfermer la formule dans une dimension ni étroitement théiste ni, à l'inverse, vaguement “occultisante”. Ce qui est évoqué ici, ce n'est pas faction providentielle d'un Dieu personnalisé ou les agissements de “Supérieurs Inconnus” et autres entités plus ou moins désincarnées. Que de pareilles choses appartiennent au possible ― et tout particulièrement les secondes ―, nous ne songeons pas le moins du monde à le nier. Mais il s'agit là de phénomènes qui renvoient, du seul fait qu'ils sont, précisément, des phénomènes, au domaine de la physique (10), non à celui de la métaphysique. La Connaissance Traditionnelle, de nature authentiquement métaphysique parce que d'essence contemplative, est celle de l'Action, impersonnelle et détachée, de l'Absolu en tant que Source d'où jaillissent et où retournent s'anéantir tous les contraires dyadiquement unis dont l'entrelacs cosmique forme la trame de la Manifestation (11). La perception de l'immanence de la Transcendance repose sur la contemplation de (et la participation à l'éternel maelström d'Énergie qui danse sans début ni fin au sein du Vide universel comme dans le Cœur de l'Homme (12), maelström que l'Hindouisme représente par l'image du Shiva Nataraj dans un cercle de flammes (13). C'est sur cette base qu'il revient à chacun, s'il en ressent la vocation et entend l'appel de ce qui en lui est plus que simplement humain, de tenter, au risque très réel d'y perdre la raison et sans doute bien davantage, de faire sien ce « chaos vivant dans lequel est contenue chaque possibilité » (14), d'unir indissolublement en lui-même Connaissance et Puissance, ce qui est la seule manière réelle de dépasser tout aussi bien le nihilisme (Connaissance désespérée car sans Puissance) que le titanisme (Puissance enivrée car sans Connaissance). Si la quête vient à être couronnée de succès, celui qui l'aura menée à terme en recueillera les lauriers destinés à ceux auxquels il a été promis qu'ils re-deviendraient “comme des dieux”, c'est-à-dire qu'ils retrouveraient leur nature originelle non bornée. Toute la légitimité de la Voie tantrique, plus spécialement dans son orientation dite “de Main Gauche”, en tant que mode de déconditionnement et de réintégration au Divin reposant sur une intensification énergétique appropriée aux conditions du Kali Yuga, est là.

Cette mention du caractère originellement non borné ― donc essentiellement et absolument libre ― de la nature humaine, caractère qui la constitue immédiatement en tant que « préternature » selon la formule de Pierre Gordon (15), nous conduit à examiner le sens du mot “métaphysique” tel que l'emploient les traditionnistes afin de dissiper une confusion. En effet, la métaphysique Traditionnelle n'est pas la métaphysique moderne, celle des traités de philosophie rédigés dans le sillage du réductionnisme ontologique aristotélicien (16), même si l'assimilation est aujourd'hui trop répandue qui mène à ne voir dans la métaphysique qu'une espèce de sous-catégorie de la philosophie au surplus rendue obsolète par les prétendues conquêtes intellectuelles du positivisme logique (17). Or la métaphysique n'est pas la philosophie mais autre chose et davantage que celle-ci ; l'opposition complémentaire des deux disciplines renvoie à celle du sacré et du profane, et leur confusion en dit par elle-même long sur l'état réel du monde moderne (18). Non que la seconde soit dépourvue de sens et donc de légitimité. Mais la quête du Vrai qui la constitue et la « passion de la vérité » (19) qui l'évertue ne peuvent prétendre, du simple fait que la philosophie est une démarche tout humaine avec les limitations que cette qualification implique, s'élever au-dessus des horizons de l'intelligence logico-conceptuelle et spéculative. D'où la volonté, chez ceux qui en tiennent pour la thèse de la métaphysique philosophique, de parvenir à l'élimination de celle-ci.

Le cas d'un Ludwig Wittgenstein est de ce point de vue tout à fait significatif. En écrivant la phrase fameuse qui clôt le non moins fameux Tractacus (20) : « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire », celui-ci n'aurait fait qu'énoncer une banalité fort peu “philosophique”, s'il n'avait eu pour projet, ce faisant, de mettre fin à la métaphysique en démasquant derrière celle-ci une faiblesse logique, létale selon lui, qui proviendrait du caractère d'au-delà du langage qu'il lui impute. « La juste méthode de philosophie serait en somme la suivante : ne rien dire sinon ce qui se peut dire, donc les propositions des sciences de la nature ― donc quelque chose qui n'a rien à voir avec la philosophie ― et puis à chaque fois qu'un autre voudrait dire quelque chose de métaphysique, lui démontrer qu'il n'a pas donné de signification à certains signes dans ses propositions. Cette méthode ne serait pas satisfaisante pour l'autre ― il n'aurait pas le sentiment que nous lui enseignons de la philosophie ― mais elle serait la seule rigoureusement juste », lit-on un peu plus haut (21) dans le même ouvrage. Mais la métaphysique que Wittgenstein poursuit de sa vindicte n'est que la métaphysique des philosophes, non la seule métaphysique que l'on doit tenir pour authentique précisément parce qu'elle se situe par-delà les enchaînements purement logiques (formels) de la philosophie, ce que l'emploi synonymique des deux termes dans le passage cité montre sans hésitation possible.

De la métaphysique authentique, on ne saurait d'ailleurs dire qu'elle est indicible formellement, même si elle le demeure, avons-nous dit, fondamentalement, l'indicibilité métaphysique de l'Absolu par le relatif que constitue le langage étant tout autre chose que l'indicibilité absolue de la métaphysique, ce dans la mesure où, si le signe n'est certes pas le sens, il n'en représente pas moins sa trace. Trace à dire vrai moins rémanente qu'actualisante et même incitatrice, car le sens, s'il fallut qu'il fût “voilé” ― ou encore “abrité” ― comme tout ce qui possède Gloire (22), appelle de ce fait son nécessaire dévoilement, non dans les rêveries “mystiques” au douteux parfum d'évasionnisme pseudo-spirituel (et au goût trop réellement infernal) chères aux zélateurs du soi-disant “Nouvel Âge-à-venir-pour-nous- apporter-le-bonheur” (23), mais dans le recueil patient des modalités horizontalement divergentes et verticalement convergentes de l'être-là. À cette nécessité du recueil peut seule faire droit la réconciliation de l'Attention, qui enveloppe amoureusement du regard le monde phénoménal, et de la Contemplation, qui transperce ce même monde pour atteindre au Mystère du « supramonde », lequel est aussi et tout autant un « intramonde ». Car, puisque le Monde est essentiellement un du Principe au plus bas étage de Sa manifestation (24), connaître, ce ne peut être voir simplement au-delà des formes mais également au travers de celles-ci, ce qui suppose que soit préalablement renversée en soi-même l'opacification, contrepartie individuelle de la « solidification du monde » (25), qui s'oppose à l'acuité du Regard. La « perspective métaphysique » (Georges Vallin) repose ainsi en dernière instance sur l'élection continuée de l'ascèse du diaphane. La formule selon laquelle « ce qui concerne la métaphysique, c'est ce qui est au delà de la nature » (26) est évidemment indiscutable, mais celle qui affirmerait que « ce qui concerne la métaphysique, c'est ce qui transparaît au travers de la nature » le serait tout autant. Ne serait-ce que parce que « la nature tout entière n'est qu'un symbole des réalités transcendantes » (27).

Si Wittgenstein, pour en revenir à lui, était parvenu à dépasser le simple niveau de la métaphysique des philosophes, il aurait pris conscience que ce dont on ne peut parler demande moins à être tu qu'à être vécu, car « ce dont il s'agit (pour (le métaphysicien), c'est de connaître ce qui est, et de le connaître de telle façon qu'on est soi-même, réellement et effectivement, tout ce que l'on connaît » (28). C'est pourquoi, après avoir écrit que « le monde est indépendant de ma volonté » (29), il aurait pu ajouter, en toute orthodoxie Traditionnelle (et “tantrique”) que ma volonté peut à son tour se rendre indépendante du Monde, et donc, à la fin, rendre le Monde dépendant d'elle, en s'enracinant dans ce qui transcende les phénomènes, c'est-à-dire en devenant identique à l'objet de ma Connaissance. Mais Wittgenstein, en tant que philosophe, ne peut pas ne pas être prisonnier des limitations formelles de la logique, et plus particulièrement de la formulation aristotélicienne du tiers-exclu, d'où sa conviction que « de même qu'il n'y a qu'une nécessité logique, il n'y a qu'une impossibilité logique » (30), ce qui l'amène à tenir pour « clair que le produit logique de deux propositions élémentaires ne peut être ni une tautologie ni une contradiction » (31), sans qu'il se doute apparemment que la notion de “contradiction” n'est elle-même qu'une conséquence de l'adoption d'un schéma exclusivement logique, schéma qui peut être dépassé par l'intuition de la non-contradiction absolue des contraires. Intuition intellectuelle, bien entendu, et non psychologique, donc essentiellement contemplative et non discursive, ceci parce qu'« en toute conception vraiment métaphysique, il faut toujours réserver la part de l'inexprimable ; et même tout ce qu'on peut exprimer n'est littéralement rien au regard de ce qui dépasse toute expression comme le fini, quelle que soit sa grandeur, est nul vis-à-vis de l'Infini » (32).

Cette dimension apophatique de la Connaissance, aucun système philosophique ne saurait l'admettre, simplement parce que, en tant que système, il est une “mise en discours” du Monde, le non-discours étant assimilé par les esprits systématiques au non-sens (33). D'où l'illusion dont est victime, après et avec bien d'autres, Wittgenstein et qui lui fait croire que « le sens du monde doit se trouver en dehors du monde », parce qu'« il n'y a pas en lui de valeur ― et s'il y en avait une, elle n'aurait pas de valeur » (34), alors que le sens du Monde réside, tout au contraire, dans la manifestation mondaine du sens, lequel, s'il n'est pas de ce Monde, n'en est pas moins dans ce monde. Pour le métaphysicien traditionniste, la radicale contingence des événements pointés dans le Tractacus (35) par la formule : « Car tout événement et être-tel ne sont qu'accidentels. Ce qui les rend non-accidentels ne peut se trouver dans le monde, car autrement cela aussi serait accidentel », cède la place à la signifiance, tout aussi radicale parce que nécessaire, de l'avènement décrypté par la pensée analogico-symbolique dont le déploiement constitue proprement l'ésotérisme. Le principe de l'homogénéité du Monde, que la Table d'Émeraude énonce, on le sait, sous la forme célèbre : « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut », implique celui de l'homogénéité du sens, ce qui signifie que toute chose, même celle apparemment la plus insignifiante, est susceptible d'un dévoilement, non dans la singularité de sa présence mais par sa mise en relations avec l'ensemble des choses autres qu'elles-même, ensemble que le Tout recueille sous l'égide de l'Unité. Le rôle des symboles, dont chacun manifeste le Tout en récapitulant, sous la forme particulière et selon la logique articulatoire qui lui sont consubstantielles en raison des contingences ethno-historiques (36), la somme des relations universelles, est de rappeler cette homogénéité tout en offrant sous une forme voilée les moyens du dévoilement, lequel culmine dans la gnose. C'est pourquoi René Guénon peut affirmer que le symbolisme est « le moyen le mieux adapté à l'enseignement des vérités d'ordre supérieur, religieuses ou métaphysiques, c'est-à-dire de tout ce que repousse ou néglige l'esprit moderne » (37).

Si la philosophie demeure par nature étrangère à toute possibilité (et même à toute finalité) de Réalisation, la métaphysique, en revanche, prend en compte, ainsi que nous l'avons vu, l'obligation pour qui veut réellement connaître de devenir ce qu'il connaît, sans limitation aucune ― c'est-à-dire sans plus succomber à l'illusion suprême, celle de l'opposition du sujet et de l'objet ―, l'« affirmation de l'identification par la connaissance » s'identifiant elle-même au « principe même de la réalisation métaphysique » (38). Cette identification conduit dès lors à la Réalisation, non certes tout un chacun, mais ceux qui se montrent capables d'y parvenir au travers des épreuves, « car il y a, pour certaines individualités humaines, des limitations qui sont inhérentes à leur nature même et qu'il leur est impossible de franchir » (39). Ce n'est par conséquent nullement s'opposer à la pensée de la Tradition que d'affirmer que la métaphysique véritable se distingue aussi de la métaphysique moderne par son caractère essentiellement élitiste. René Guénon lie en effet explicitement “intellectualité” (dans le sens de “capacité d'accès à la gnose”) et “élite” ― par ex. dans la formule suivante : « Il ne peut y avoir qu'un seul moyen de sortir du chaos : la restauration de l'intellectualité et, par suite, la reconstitution d'une élite » (40) ― et précise que si l'Occident connut au Moyen Âge « des doctrines purement métaphysiques et que nous pouvons dire complètes », celles-ci demeurèrent toujours réservées « à l'usage d'une élite » (41). Quant à ceux que leurs « limitations » empêchent d'accéder à la Connaissance pleine et entière, il reste le secours des dogmes et de la foi (42).
Cette Réalisation que permet la démarche métaphysique et sans laquelle elle ne se justifierait aucunement (43), n'est en réalité rien d'autre qu'une ré-intégration, la restauration de l'« état primordial » qui est « celui qui était normal aux origines de l'humanité, tandis que l'état présent n'est que le résultat d'une déchéance, l'effet d'une sorte de matérialisation progressive qui s'est produite au cours des âges, pendant la durée d'un certain cycle » (44). Il s'agit donc bien moins de se rendre autre que l'on est que tel que l'on fut, ou, pour le dire avec une plus grande précision, de se ressaisir ainsi que l'on est toujours demeuré depuis il Origine, même si l'on avait oublié ce que l'on était. Ce ressaisissement, en tant que sortie hors de l'illusion du temps et accès à l'Éternité (45), est ainsi identique au « déchirement du Voile » qui dissimule la Réalité suprême (46).

Discipline éminemment pratique, opérative, si l'on considère le mot dans la plénitude de son acception ― en tant que voie de réalisation ―, la métaphysique l'est tout autant si on l'envisage de manière complémentaire comme grille d'intellection universelle. En tant qu'elle possède par nature le statut de métalangue par rapport à tous les énoncés ou vision du monde d'origine et de nature uniquement humaine, la perspective qui est sienne peut en effet légitimement s'appliquer à l'analyse des formes produites par telle ou telle civilisation, y compris, bien entendu, le monde moderne. C'est sur sa base que René Guénon ouvre le chapitre premier d'Orient et Occident en fondant l'étude de la civilisation occidentale comme tératologie (47) ; sur elle encore qu'il diagnostique des « signes des temps » dans les diverses manifestations de la modernité (48) ; sur elle toujours qu'il entreprend son « œuvre d'assainissement » en en condamnant théosophisme et spiritisme (49), peu avant que Julius Evola n'entreprenne, selon la même logique, d'arracher les « masques » du spiritualisme contemporain pour en révéler les « visages » (50). C'est sur elle enfin qu'il devient possible de comprendre la signification réelle des idéologies aujourd'hui dominantes.

Ainsi du libéralisme. Pour qui est demeuré capable de voir, il est patent que les analyses sociologiques ou économiques, si elles peuvent en éclairer certains aspects, sont incapables de rendre entièrement compte de celui-ci. Envisagé d'un point de vue métaphysique, le liberalisme apparaît comme une forme de “satanisme” plus précisément comme la forme que prend ce dernier, non seulement en tant qu'« esprit de négation et de subversion » (51), mais aussi de parodie, dès lors qu'il entend agir dans le domaine idéologico-politique. L'inversion des traits propres au mode de vie Traditionnel est visible à tous les niveaux du discours libéral. À la figure de l'Initié qui n'est devenu “à lui-même sa propre Loi” que parce qu'il a triomphé des épreuves et connu la renaissance spirituelle qui le place légitimement au-dessus de la condition humaine, et donc des règles qui s'appliquent, pour son bien propre et celui de sa Communauté, à tout homme qui n'a pas dépassé cette condition, le libéralisme substitue celle de l'Individu, lequel refuse toute autorité parce qu'il ne reconnaît d'autre loi que celle du désir sans frein, ce qui fait de lui un esclave alors même qu'il proclame en tous lieux sa liberté prétendument inaliénable. De même, l'idéologie libérale ― dont la devise “Laisser faire, laisser passer” est déjà en soi une parodie, celle de l'“Agir sans agir” taoïste ― remplace la doctrine Traditionnelle de l'Harmonie spontanée, et maintenue vivante par l'interactivité universelle innervée par l'Esprit, par la fiction mécaniste du Marché autorégulateur, allant jusqu'à affirmer que, dès lors que ce dernier pourra fonctionner sans contrôle, “la somme des déséquilibres particuliers ne pourra que créer l'intérêt général”, alors que la vérité est très exactement l'inverse, à savoir que c'est “l'équilibre général” (dans le sens d'“universel”) préexistant qui garantit seul le caractère éthiquement acceptable parce que métaphysiquement signifiant de ce qui apparaît, non comme des “déséquilibres particuliers”, mais comme des “modes d'expression”, nécessairement limitée, de l'Absolu à l'un ou l'autre niveau de sa Manifestation. Les affirmations prévaricatrices du libéralisme reviennent ici à affirmer que ce qui est en haut se trouve sous la dépendance de ce qui est en bas, ce qui représente le complet renversement de l'enseignement de la Tradition. De plus, le libéralisme est structurellement incapable de présenter la hiérarchisation sociale en termes autres qu'économiques, comme le résultat des mérites respectifs d'acteurs engagés dans un éternel procès de production et d'échange de biens matériels, ce qui : premièrement, constitue un mensonge, car le processus d'accumulation du capital empêche le jeu pourtant affirmé “libre” de la promotion sociale (52) ; deuxièmement, entraîne un état de guerre de chacun contre tous en exacerbant les rivalités mimétiques et les jalousies du ressentiment ; troisièmement, aboutit à nier toute vie, donc toute hiérarchie, spirituelle, en ramenant l'expérience de l'Être au niveau de la simple recherche de la satisfaction des besoins organiques, c'est-à-dire en prônant comme valeur dominante de la Cité un comportement caractéristique des stades les plus primitifs du comportement animal.

Ainsi mis en perspective, le libéralisme se laisse saisir pour ce qu'il est vraiment, une idéologie que l'on peut qualifier d'authentiquement “infernale”, d'autant plus que la volonté de séduire pour tromper et soumettre ― signature du satanique ― ne lui fait nullement défaut. En effet, le libéralisme joue analogiquement dans le domaine idéologico-politique le rôle que joue le New Age dans le domaine spirituel, parce qu'il s'agit, ici comme là de présenter une image dégradée de la liberté en l'assimilant à l'individualisme. La différence de positionnement des discours s'explique par celle des cibles (au sens où les spécialistes du “marketing” entendent ce mot) et tient à ce que le libéralisme s'adresse à ceux qui ne conçoivent même plus une autre vie que celle de la jungle, soit qu'il leur fournisse des armes afin qu'ils deviennent de meilleurs prédateurs, soit qu'il tente de les persuader que la jungle est un jardin d'enfants pour qu'ils demeurent des proies faciles (mais il s'agit toujours de faire en sorte que la jungle ne cesse pas d'être une jungle), alors que le New Age trouve un écho chez ceux qui s'imaginent qu'il est possible d'“humaniser” et de “spiritualiser” cette jungle en y baguenaudant pour y planter des fleurs multicolores au gré de ses caprices. Dans les deux cas, le but, qui ne situe pas seulement, répétons-le, à vue humaine, est d'empêcher la transmutation alchimique de la jungle en “forêt” (au sens d'Ernst Jünger), comme prélude à la concentration intensificatrice de cette dernière en « Arbre du Monde » en tant qu'« Arbre de Vie et de l'Immortalité » (53).

Sans doute, à ce stade de l'exposé, n'est-il pas inutile de revenir, pour préciser un point fondamental que nous n'avons fait jusqu'ici qu'effleurer, sur la question de l'origine de la métaphysique. Dans la mesure où elle voit (et donne à voir) le Monde depuis un point de vue que nous qualifierions volontiers, si le mot n'était si galvaudé, de “surhumain” (54), et où elle permet, dans le même temps, le dépassement effectif de la condition désormais commune à la quasi-totalité des hommes, la métaphysique ne saurait avoir une origine humaine. Cette nécessité, à la fois principielle et logique, d'une source an-historique et non-humaine est exposée par René Guénon dans La métaphysique orientale (55) : « Ces doctrines métaphysiques traditionnelles auxquelles nous empruntons toutes les données que nous exposons, qu'elle en est l'origine ? La réponse est très simple, encore qu'elle risque de soulever les protestations de ceux qui voudraient tout envisager au point de vue historique : c'est qu'il n'y a pas d'origine ; nous voulons dire par là qu'il n'y a pas d'origine humaine, susceptible d'être déterminée dans le temps. En d'autres termes, l'origine de la Tradition, si tant est que ce mot d'origine ait encore une raison d'être en pareil cas, est “non-humaine”, comme la métaphysique elle-même ». Cette origine ne peut donc être que l'Absolu, en entendant bien évidemment ce terme dans un sens a-personnel (non-théiste) puisque les “personnifications” n'importent pas davantage en sens ascendant que descendant, ne serait-ce que parce que la notion d'un Dieu personnalisé et dans le même temps absolutisé présente une contradiction dans les termes car la personnalité, du fait qu'elle se définit par la possession et la manifestation d'un certain nombre de traits idiosyncrasiques, implique la repérabilité et renvoie donc en toute rigueur au relatif et non à l'Absolu.

La métaphysique, en tant qu'elle s'identifie à la Tradition elle-même, peut donc être définie la codification inséparablement doctrinale et opérative d'une inspiration délivrée par l'Absolu (56). Encore reste-t-il à définir ce dernier.

Disons-le clairement : s'il est un point sur lequel nous estimons que les analyses évoliennes touchent juste, c'est l'affirmation selon laquelle l'Absolu ne mérite pleinement ce nom que d'être défini comme Puissance. Ceci parce que « la notion de puissance (çakti) (…) s'associe invariablement au concept de Divin, lequel est un et sans second. C'est par la vertu de cette çakti que le microcosme (adhyâtma) et la macrocosme (adhidaiva) sont étroitement reliés l'un à l'autre, et que tout ce qui se trouve dans l'un d'eux se trouve se retrouve nécessairement dans l'autre » (57). René Guénon ou Frithjof Schuon, pour des raisons qui tiennent à leur nature brahmanique, ne paraissent guère s'être arrêtés à cette conception, alors qu'Evola lui a toujours donné la place qui lui revient de droit en écrivant : « Et nous affirmons que le principe de l'absolu est la puissance (çakti), et que tout système qui pose dans l'ordre métaphysique quelque chose avant ou au-dessus de la puissance est rationaliste (au sens péjoratif utilisé par Guénon) et abstrait » (58). Sans doute, d'ailleurs, n'est-il pas tout à fait inutile de saisir l'occasion afin de préciser un point qui n'est pour nous nullement de détail : ce n'est pas parce que nous pensons que le métaphysicien italien a raison ici contre “l'orthodoxie” guénonienne que nous croyons qu'il en va de même partout et toujours. Nous nous en sommes expliqué autre part (59), en particulier en ce qui concerne l'incontestable erreur évolienne à propos de la hiérarchisation de la Royauté et du Sacerdoce et de ce qui en découle quant aux relations entre Action et Contemplation. Il est pour nous hors de discussion que la Contemplation est supérieure à l'Action comme sattwa l'est à rajas. Mais ceci ne nous incite aucunement à croire que la Connaissance l'est absolument à la Puissance, sauf à entendre celle-ci dans le seul sens dégradé de force motrice de l'action non-maîtrisée, ce qui n'est nullement notre cas. Pour reprendre une formule guénonienne déjà citée dans cet article, Connaissance et Puissance expriment à nos yeux un seul et même état, celui de l'être qui est « soi-même, réellement et effectivement tout ce qu'il connaît ». Qui connaît l'Absolu est l'Absolu, et la Puissance de celui-ci devient de ce fait la sienne, ce qui ne signifie évidemment pas qu'un être parvenu à un tel niveau de Réalisation fasse servir cette Puissance à la satisfaction de desseins personnels fondés sur le désir. Ceux qui voient dans l'exposition de telles doctrines un symptôme de “satanisme”, alors même qu'ils ignorent les agissements de ce dernier là où il se manifeste authentiquement, ne saisissent pas la contradiction qu'il y a à soutenir qu'un être qui a atteint l'Absolu, et qui a donc cessé d'être un “individu”, puisse encore éprouver des désirs, lesquels sont, par définition, relatifs aux conditions existentielles d'une individualité donnée. Croit-on vraiment que quiconque est réalisé éprouve la moindre envie de se gaspiller en soustrayant à l'Absolu, c'est-à-dire à lui-même, ne fût-ce qu'une parcelle de Puissance ? Si la Contemplation est traditionnellement reconnue supérieure à l'Action, c'est bien parce que la Réalisation conduit à la première et non à la seconde.

Pour notre part, nous appelons “puissance” l'intensité vibratoire d'un être individualisé, c'est-à-dire existant au niveau de tel plan de la Manifestation, et “Puissance” (avec la majuscule, donc) la vibration originelle unique dont la différenciation intensive crée les divers plans de Réalité (60). Jean Marquès-Rivière a fort éloquemment précisé cette distinction en écrivant : « En fait, il y a une communauté vibratoire étroite entre le corps humain et le cosmos, et l'on peut, avec les grandes cosmogonies asiatiques, considérer qu'il existe une seule et même substance qui se différencie par vibrations de plus en plus “lourdes”, de moins en moins rapides, la vibration originelle étant métaphysiquement à l'infini. Ces différenciations vibratoires créent des “mondes” ou plus exactement des “plans vibratoires” divers ayant chacun leur forme, leurs activités, leurs créatures et leurs lois » (61). La Puissance est l'essence de l'Absolu ― et c'est pourquoi il a pu être dit : « Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu » (62), la Parole évangélique n'étant autre que la « Parole de Puissance » (Mantrashakti) qui est originellement et éternellement identique à l'Absolu en tant que Principe créateur ― comme les puissances sont celles de innombrables entités qui peuplent le Monde, tant au plan matériel qu'à des niveaux infiniment plus subtils et, de ce fait, devenus inaccessibles à l'homme moderne. La “nature propre” (svadharma) d'un être donné est ainsi très exactement identique à son intensité vibratoire. Plus un être est “évolué”, c'est-à-dire plus il se trouve situé à un emplacement élevé sur l'échelle de la Manifestation (donc moins il s'est éloigné du Centre, donc, en fait, moins il est “involué”), plus il vibre rapidement. La doctrine des Gunas n'a pas d'autre signification : de sattwa à rajas puis à tamas, c'est l'« alourdissement vibratoire » qui s'accentue, ce qui explique et justifie la distribution hiérarchique des hommes en castes. On peut remarquer en passant qu'un être dont l'intensité vibratoire est incommensurablement supérieure à celle d'un autre être demeure de ce fait invisible aux yeux de ce dernier. C'est ce qui explique « l'éloignement » des dieux par rapport aux hommes depuis la séparation des deux lignées « qui étaient une à l'origine » (Hésiode), et c'est ce qui explique aussi, en sens inverse, les diverses apparitions religieuses, tant “divines” que “démoniaques”, lesquelles proviennent du rapprochement momentané ― qu'il soit accidentel ou délibéré ― de deux intensités vibratoires normalement incomparables.

On comprend à présent pourquoi la Réalisation ne peut être autre chose qu'une restauration, elle qui consiste dans la ré-élévation d'une intensité vibratoire particulière jusqu'au niveau de celle de la vibration originelle ; par cette ré-élévation, qui constitue stricto sensu l'initiation, la qualité humaine disparaît en cédant la place à ce qui est infiniment plus grand, car plus puissant, qu'elle, ce même si l'être “régénéré” demeure apparemment inchangé aux yeux des hommes communs. Les initiés sont dès lors “redevenus comme des dieux”, demeuraient-ils parmi les hommes jusqu'à la conclusion de leur existence terrestre, ce que Gustav Meyrink illustre à sa manière en évoquant « la loi sur laquelle repose toute magie : si deux grandeurs sont égales, elles se réduisent à une seule, quand bien même elles auraient une existence en apparence séparée dans l'espace et dans le temps » (63). On comprend aussi pourquoi la métaphysique, ainsi que nous l'avons déjà mentionné, ne peut être qu'a-morale (au sens d'un dépassement ou, pour mieux dire, d'un “laisser-derrière-soi” de la morale), dans la mesure où la Puissance ne saurait être ni “bonne” ni “mauvaise”, ce qui représenterait encore des limitations et nous ramènerait au domaine des simples puissances et donc du relatif (64). La Puissance est, tout simplement et tout uniment, à jamais irréductible à tout autre qu'Elle-même, et à jamais présente en toute forme manifestée, forme qui n'est que l'actualisation oublieuse d'Elle-même. Il ne nous semble pas faire preuve d'une trop grande audace intellectuelle en voyant ici la définition de l'Absolu, au souvenir duquel nous convie, et plus encore à la reconquête duquel nous appelle, la métaphysique authentique, c'est-à-dire la métaphysique intégrale et donc opérative.

► Jean-Paul Lippi, Antaïos n°15, 1999.

◘ Né à Marseille en 1961, Jean-Claude Lippi est diplômé de l'Institut d'Études Politiques d'Aix-en-Provence et docteur en Droit. Depuis quelques années, il s'impose comme l'un des meilleurs connaisseurs de la pensée traditionnelle. Son livre, Julius Evola, métaphysicien et penseur politique : Essai d'analyse structurale (Âge d'Homme 1998) constitue le texte de sa thèse. L'auteur a publié aux éditions Pardès, un remarquable Qui suis-je ? consacré à Evola (1898-1974), penseur de la Tradition pérenne et révolté contre le monde moderne. Présenter l'œuvre de Julius Evola, « un érudit de génie » (Marguerite Yourcenar) en moins de cent pages (nombreuses photographies, bibliographie), sans simplification ni hagiographie était un défi que JP Lippi a relevé avec brio. Voilà un parfait vade-mecum pour tous les passionnés de la pensée traditionnelle, qui permettra à l'honnête homme de mieux connaître le “sulfureux” Evola, depuis l'agitation dadaïste jusqu'à la contemplation immobile. Dans un texte consacré aux Mystères de Mithra, Evola écrivait précisément : « Notre désir d'infini, (…) notre seule valeur : une vie solaire et royale, une vie de lumière, de liberté, de puissance ». Ces simples mots devraient suffire à faire de lui un compagnon de veille et de randonnée.

 ◘ Notes :
1) « Qu'est-ce que l'ésotérisme ? », suivi de « Anthologie de l'ésotérisme occidental », in L'ésotérisme, Robert Laffont, coll. Bouquins, 1990, pp. 11-397, cit. p. 47. Les « traditionnistes » s'opposent à « ceux que l'on peut qualifier proprement de “traditionalistes”, c'est-à-dire ceux qui ont seulement une sorte de tendance ou d'aspiration vers la Tradition, sans aucune connaissance réelle de celle-ci » (René Guénon, Le Règne de la quantité et les signes des temps, 1945, Gallimard, coll. Tradition, 1972, p. 205).
2) Bernard Bastian, Le New Age ; D'où vient-il, que dit-il ? Réponses pour un discernement chrétien, O.E.I.L., Paris, 1991, p. 136
3) Frithjof Schuon l'a exprimé mieux que nous ne saurions le faire : « (…) la question qui ce pose n'est pas de savoir quel peut être le conditionnement psychologique dune attitude, mais bien au contraire quel en est le résultat. Quand on nous apprend par ex. qu'un tel a choisi la métaphysique à titre d'“évasion” ou de “sublimation” et à cause d'un “complexe d'infériorité” ou d'un “refoulement”, cela est sans importance aucune, car béni soit le “complexe” qui est la cause occasionnelle de l'acceptation du vrai et du bien ! » (« L'imposture du psychologisme », in Résumé de métaphysique intégrale, Le Courrier du Livre, 1985, pp. 101-107, cit. pp. 105-106).
4)Cette attitude est tout aussi bien politique que scientifique ou philosophique ; dans le premier cas, elle fonde la profession de foi démocratique, dans le second elle sous-tend les diverses doctrines évolutionnistes, dans le troisième elle légitime le progressisme.
5) Rien n'est en effet plus étranger à l'authentique esprit Traditionnel que l'idée moderne de tabula rasa qui égalise les hommes dans le néant à l'instant de leur naissance. Pour la Tradition, chacun naît porteur de qualifications précises, tout à la fois spécifiques dans leur modalité et partagées dans leur essence. C'est pourquoi un homme réalisé est en même temps un être unique (une Personne) et le membre d'un groupe ― réel ou idéal ― formé de ceux qui sont semblables à lui sous le rapport des qualifications (une caste). Ceci relève de la nécessité ; quant à la liberté, elle est donnée par le fait que chacun peut, sur la base existentielle fournie par ses qualifications propres, s'élever ou, au contraire, s'abaisser dans la hiérarchie des êtres, l'ante mortem ayant ici des répercussions obligées sur le post mortem et l'éventuelle procession vers une nouvelle existence terrestre. Cet enchaînement constitue la lai du Karma envisagée dans sa véritable dimension, technique et déterminante et non morale.
6) Nous entendons le mot au sens où Louis de Bonald écrit : « Qu est-ce que la conservation d'un être ? C'est son existence dans un état conforme à sa nature » (Théorie du pouvoir politique et religieux, 1796, suivi de Théorie de l'éducation sociale, choix et présentation par Colette Capitan, UGE, coll. 10-18, 1966, p. 31).
7) Cf. R. Guénon, Les états multiples de l'Être, 1932, Éd. Traditionnelles, 1984.
8) Tel est l'argument que l'on peut apposer à la morale kantienne, laquelle fait, comme on le sait, reposer la morale sur la raison, en prétendant de ce fait lui conférer une valeur indépendante de toute considération “existentielle”. Emmanuel Kant tient en effet pour « évident que tous les concepts moraux ont leur siège et leur origine complètement a priori dans la raison, dans la raison humaine la plus commune aussi bien que dans celle qui est au plus haut degré spéculative », d'où il conclut, après avoir exigé que soit admis comme étant « de la plus grande importance pratique de puiser ces concepts et ces lois à la source de la raison pure », que les lois morales doivent valoir non seulement pour l'homme mais aussi « pour tout être raisonnable en général » (Grundlegung zur Metaphysik der Sitten, traduit de l l'allemand par Victor Delbos : Fondements de la métaphysique des mœurs, 1785, Deuxième section, Delagrave, 1971, pp. 120-121). Or, même si l'on accepte de reconnaître en la raison une instance immédiatement normative, ce qui apparaît bien davantage comme une pétition de principe que comme une nécessité, l'impératif que celle-ci produit ne peut être dit catégorique qu'au seul niveau des êtres gouvernés exclusivement par elle, et non à celui d'êtres participant dune connaissance supra-rationnelle. Pour ces derniers, l'impératif catégorique tombe du fait qu'ils se situent, au sens littéral de l'expression, “par-delà bien et mal” parce que par-delà les bornes du monde balisé par la seule raison.
9) C'est le sens de la sortie des castes “par le haut”, celle du ativarna, par opposition à la même sortie effectuée “par le bas”, laquelle est propre au paria.
10) Nous ne disons point du “surnaturel” car ce mot, s'il ne vient que trop aisément sous la plume, n'en est pas moins dépourvu de sens. Tout ce qui existe, en quelque mode que l'on voudra, est naturel, c'est-à-dire engendré. Seul peut être à bon droit qualifié de “surnaturel” ce qui n'existe pas mais est, en ce qu'il demeure étranger à la temporalité du fait qu'il possède en soi-même sa propre cause identique à sa propre perfection (entéléchie nécessaire de l'Absolu). Stanislas de Guaita, au milieu de considérations toutes personnelles, à écrit des lignes non dépourvues d'intérêt sur cette question (cf. Essais de Sciences maudites : Le Serpent de la Genèse, 1897, Seconde Septaine - Livre II - La clef de la magie noire, coéd. Trédaniel / Savoir Pour Être, coll. Les trésors de l'ésotérisme, 1995, « Le surnaturel existe-t-il ? », pp. 14-17).
11) « L’Univers est un tissu fait de nécessité et de liberté, de rigueur mathématique et de jeu musical ; tout phénomène participe de ces deux principes » écrit Frithjof Schuon (Résumé de métaphysique intégrale, op. cit., p. 16).
12) De l'Homme, mais non de lui seul. La perception de l'unité supramondaine interdit de conférer à l'Humanité une suprématie sur le reste de la Manifestation, hormis sur un seul point : autant qu'il nous est permis d d'en juger, et dans le cadre de notre propre continuum, l'Homme est le seul être par le truchement duquel le Principe se rend à même de parvenir de manière intégrale à la ressaisie de Lui-même.
13) Jean Parvulesco, dont la vision du monde repose sur ce que nous qualifierions volontiers de “tantrisme marial”, rend cette idée par l'emploi d'une image véritablement prodigieuse : « Un immense lac de feu tournoyant sur lui-même, avec en son centre, la sur-centralité polaire de l'amour de Dieu et de Marie, tel est le dispositif en action de la divinité vivante, tel est le mystère de l'Ædificium Caritatis, tel est l'être même de Dieu » (« Dieu est amour, et l'amour soutient l'empire de la charité », in éléments n ° 95, « Avec ou sans Dieu ? », juin 1999, pp. 40-44, cit. p. 43).
14) Julius Evola, La tradizione ermetica, nei suoi simboli, nella sua dottrina e nella sua arte regia, traduit de l'italien par Yvonne J. Tortat : La tradition hermétique  : Les symboles et la doctrine. L'art royal hermétique, 1931, Éd. Traditionnelles, 1988, p. 35. C'est cette « coexistence » qui rend ce « chaos » indissociablement créateur et destructeur. Si c'est la seconde potentialité qui vient à prévaloir, soit par l'effet d'une évertuation ponctuelle volontaire (magie prétendue “noire” ou goétie), soit simplement par celui des lois cycliques de la Manifestation, nous trouvons l'image du Shiva tamasique ou, sur un plan plus cosmologique que métaphysique, celle du « Grand Dieu Pan » cher à Arthur Machen.
15) « Nos travaux antérieurs nous ont montré qu'au point de départ de nos annales se situe une Révélation, ou illumination primitive de la pensée humaine ; celle-ci se trouvait pourvue, en effet, originairement d'un potentiel mental supérieur, qui l'exhaussait au-dessus de la “nature”. Le péché, en la dessoudant de Dieu, autrement dit de l'Être, l'a dépouillée ipso facto de sa puissance première, et scindée de l'essence des choses. C'est ce dénivellement, cette chute vers un palier inférieur de connaissance, qui a ravalé le surhomme du début au rang d'homme, et déterminé la vision de l'univers comme un fluctuant agrégat de mécanismes physiques (…) L'on nomme Révélation Primitive la communication spéciale qui s'est établie, tout au début de l'histoire humaine, entre l'homme et la préternature. Par préternature nous entendons l'univers transcendant ou dynamique qui forme le substrat des choses accessibles à nos sens » (Pierre Gordon, La révélation primitive, Dervy, 1951, pp. 9 et 17, souligné dans le texte).
10) Pour une étude pénétrante des conséquences de la réduction de la métaphysique stricto sensu à la seule ontologie, cf. Georges Vallin, La perspective métaphysique, Dervy-Livres, 1977.
17) Cf. O. Hanfling, Logical Positivism, éd. Blackwell, Oxford, 1981.
18) Pour un exposé synthétique des rapports entre les 2 disciplines, cf.R. Guénon, Introduction générale à l'étude des doctrines hindoues, 1921, Deuxième partie : « Les modes généraux de la pensée orientale », chapitre VIII : « Pensée métaphysique et pensée philosophique », Trédaniel, 1997, pp. 123-140.
19) Étienne Borne, Passion de la vérité, Fayard, 1962.
20) Ludwig Wittgenstein, Tractacus logico-philosophicus, Vienne, 1918. Nous citons d'après la traduction due à Pierre Klossowski, Gallimard/Tel, 1989, p. 107 (texte suivi par les Investigations philosophiques).
21) pp. 106-107 (6.53), souligné dans le texte.
22) Ésaïe, IV, 5.
23) Il est trop évident (pour qui se donne la peine de regarder) que le New Age s'inscrit dans le cadre de la contre-Tradition et de la parodie dénoncées par R. Guénon pour qu'il soit indispensable d y insister. Disons simplement qu'il contribue, tant par son message de spiritualité à bon marché ― et donc à la portée du premier venu qui est toujours le moins qualifié ― que par les pratiques magico-religieuses qu'il génère de la part d'individus totalement inconscients de la véritable nature des forces avec lesquelles ils entrent en contact, à augmenter le chaos ambiant, y compris sur des plans tout à fait concrets.
24) La perception de l'Unité transtatique entraîne la prise de conscience de la présence continue du supra-mondain dans la Monde, donc l'élaboration de la doctrine immanentiste de la Transcendance que nous avons déjà évoquée. Insistons sur le fait que c'est bien cette perception (intuitive, dans le sens de “supra-sensible”) qui est première, et non l'élaboration doctrinale, ceci suffisant à distinguer la métaphysique de la philosophie.
25) Cf. R. Guénon, Le Règne de la quantité et les signes des temps, op. cit., ch. XVII, « Solidification du monde ».
26) R. Guénon, La métaphysique orientale, 1939, Éd. Traditionnelles, 1985, p. 7.
27) R. Guénon, Le Symbolisme de la Croix, 1931, coéd. Trédaniel-Véga, 1984, p. 10.
28) René Guénon, La métaphysique orientale, op. cit., p. 14, nous soulignons. Cette mise au point illustre ce que Georges Vallin décrit comme « le caractère d'intégralité qui permet à la perspective métaphysique de dépasser les limitations dogmatiques en général (La perspective métaphysique, op. cit., p. 153), limitations qui naissent inévitablement du fait que « la formulation dogmatique se révèle ordinairement par l'exclusion systématique d'un aspect du réel au profit d'un autre » (ibid., p. I55). On notera que, dans le cadre d'une critique des thèses de la métaphysique Traditionnelle telles que les expose précisément Vallin dans la fidélité à la Lux Guenoniana, critique conduite depuis des positions chrétiennes, Christophe Andruzac écrit : « La recherche d'un “Absolu” au-delà de toute dualité (être / agir, connaissance / connu, être / connaître, cause / effet, etc.), exprime à notre sens très profondément le thumos vers une vie de l'intelligence qui serait coextensive à la totalité de l'être. Mais cette vision n'exprime-t'elle pas la nostalgie qu'éprouve l'intelligence du contemplatif de connaître de la connaissance-même du Créateur ? » (R. Guénon. La contemplation métaphysique et l'expérience mystique, Dervy-Livres, coll. Mystiques et Religions, 1980, p. 45). On saisit bien à travers ces propos tout ce qui sépare la religion, en particulier dans le cadre des monothéismes, de la métaphysique. La première est structurellement incapable de dépasser le dualisme de la nature et de la surnature (du “contemplatif” / créature et du “Créateur” / contemplé) car elle demeure inéluctablement bloquée dans une conception antinomique de l'immanence et de la Transcendance, alors même que, comme le souligne à juste titre Vallin : « L'intuition intellectuelle de l'Un dépasse l'antinomie en posant la cause première à partir de l'Un et en intégrant dans l'Infini métaphysique l'indéfinité de l'existence “phénoménale” » (La perspective métaphysique, op. cit., p. 153).
29) Tractacus logico-philosophicus, op. cit., p. 102 (6.373).
30) Ibidem (6.375), souligné dans le texte.
31) Ibidem, p. 103 (6.3751).
32) René Guénon, La métaphysique orientale, op. cit., p. 10.
33) « Une réponse qui ne peut être exprimée suppose une question qui elle non plus ne peut être exprimée. L'énigme n'existe pas. Si une question se peut absolument poser, elle peut aussi trouver sa réponse » (Tractacus logico-philosophicus, op. cit., p. 105 (65), souligné dans le texte).
34) Ibidem, p. 103 (6.41), souligné dans le texte.
35) Ibidem.
36) La synergie de cette forme et de cette logique détermine l'action historique et culturelle (le la Tradition.
37) Symboles fondamentaux de la Science sacrée, Gallimard, 1962. Cette “efficacité” du symbole ― qui n'est certes pas réductible à une efficacité symbolique ― est fort bien explicitée par René Alleau : « Or la nature fondamentale du symbole étant d'élever l'âme humaine vers le surhumain, le mouvement même de la connaissance symbolique correspondait à un élan vers la Lumière incréée, au delà des apparences repérables de toute création matérielle et des bornes concevables de l'univers du discours » (De la nature des symboles : Introduction à la symbolique générale, 1958, Petite Bibliothèque Payot, 1997, p. 18).
38) R. Guénon, La métaphysique orientale, op. cit., p. 13.
39) Ibidem, p. 7.
40) La crise du monde moderne, 1927, Gallimard, coll. Tradition, 1973, p. 94.
41) La métaphysique orientale, op. cit., p. 14. Il va sans dire que prétendre donner au mot “élite” une signification sociologique et “réactionnaire” serait une lourde erreur, même si certains, en toute bonne foi “évangélique” (mais sans doute plus encore néo-conciliaire) semblent surtout avoir retenu de l'enseignement guénonien le risque qui serait le sien d'être : « récupéré par les milieux d'extrême-droite » (Bernard Bastian, Le New Age, op. cit., p. 38).
42) Nous ne pouvons que nous opposer sur ce point à notre excellent ami Arnaud Guyot-Jeannin, lequel écrit : « La Connaissance n'est rien d'autre que l'approfondissement de la foi. Sans foi, pas de Connaissance ! » (« Tradition d'abord ! », in Tradition - Lettre d'information du Cercle Sol lnvictus n°1, automne 1998, p. 2). Il nous semble au contraire que la Connaissance est non “l'approfondissement” de la foi, mais bien son dépassement. Celui qui connaît est de ce fait dispensé de croire. Le voudrait-il, d'ailleurs, qu'il ne le pourrait, puisque la foi suppose une séparation entre le sujet qui croit et l'objet de sa foi, ainsi qu'une ignorance, au moins relative, de la nature dernière de cet objet. Séparation et ignorance que la gnose laisse derrière elle sans possibilité de retour car « tout résultat, même partiel, obtenu par l être au cours de la réalisation métaphysique l'est de façon définitive » (R. Guénon, La métaphysique orientale, op. cit., p.20). Il y a des étapes sur le chemin de la Connaissance et la foi est l'une d'entre elles, supérieure certainement à l'agnosticisme, mais il n'y a pas de retour en arrière.
43) Affirmons-le sans barguigner, quitte à paraître provocateur : si la métaphysique ne conduisait pas à la Réalisation, autant vaudrait jouer aux petits chevaux que de s'en occuper. Quelle valeur réelle pourrait avoir une Connaissance qui ne serait pas immédiatement opérative, et qui demeurerait donc non intégrée à celui qui la posséderait ?
44) René Guénon, La métaphysique orientale, op. cit., p. 18.
45) Le ressaisissement se trouve tout à la fois au début de la Réalisation et à sa conclusion, celui-là apparaissant comme la préfiguration “possibilisante” de celle-ci. « La première chose à faire pour qui veut parvenir véritablement à la connaissance métaphysique, écrit Guénon, c'est de se placer hors du temps, nous dirions volontiers dans le “non-temps” si une telle expression ne devait pas paraître trop singulière et inusitée. Cette conscience de l'intemporel peut d'ailleurs être atteinte d'une certaine façon, sans doute très incomplète, mais déjà bien réelle pourtant, bien avant que soit obtenu dans sa plénitude cet “état primordial” dont nous venons de parler » (La métaphysique orientale, op. cit., p. 18).
46) La signification ultime de ce Voile, qui est celui d'lsis et que l'Hindouisme connaît comme Maya et l'Islam comme Hijâb, a été exposée par Frithjof Schuon dans une étude intitulée « Le mystère du Voile » publiée in L'ésotérisme comme Principe et comme Voie, Dervy, coll. L'Être et l'Esprit, 1997, pp. 45-62.
47) « La civilisation occidentale moderne apparaît dans l'histoire comme une véritable anomalie : parmi toutes celles qui nous sont connues plus ou moins complètement, cette civilisation est la seule qui se soit développée dans un sens purement matériel, et ce développement monstrueux, dont le début coïncide avec ce qu'il est convenu d'appeler la Renaissance, a été accompagné, comme il devait l'être fatalement, d'une régression intellectuelle correspondante ; nous ne disons pas équivalente, car il s'agit là de deux ordres de choses entre lesquels il ne saurait y avoir aucune commune mesure » (Orient et Occident, Payot, 1924, p. 9, nous soulignons).
48) Cf. Le Règne de la quantité et les signes des temps, op. cit.
49) Cf. Le théosophisme : histoire d'une pseudo-religion, 1921, Éd. Traditionnelles, 1966, et L'erreur spirite, 1923, mêmes éditions, 1952 (l'expression « œuvre d'assainissement » est due à Raymond Abellio et figure in « L'esprit moderne et la Tradition », introduction à Paul Sérant, Au seuil de l'ésotérisme, Grasset, coll. Correspondances, 1955, pp. 9-81, cit. p. 81).
50) Cf. Masques et visages du spiritualisme contemporain, 1932, Pardès, 1991.
51) R. Guénon, La crise du monde moderne, op. cit., p. 116. Lorsque nous évoquons le satanisme libéral, précisons-le, nous n'avons nullement à l'esprit l'image d'Épinal de l'entité à cornes et à queue fourchue, même si ce n'est certainement pas glisser de l'ésotérisme à l'occultisme vulgaire que d'admettre la possibilité, ici comme en d'autres endroits, d'une action “démoniaque” au sens usuel du terme. Citons encore une fois René Guénon afin de dissiper l'éventuel malentendu : « Quand nous qualifions de “satanique” l'action antitraditionnelle dont nous étudions ici les divers aspects, il doit être bien entendu que cela est entièrement indépendant de l'idée plus particulière que chacun pourra se faire de ce qui est appelé “Satan”, conformément à certaines vues théologiques ou autres, car il va de soi que les “personnifications” n'importent pas à notre point de vue et n'ont aucunement à intervenir dans ces considérations (Le Règne de la quantité et les signes des temps, op. cit., p. 236).
52) Point n'est besoin d'être marxiste pour comprendre ces choses. Mais le problème de ceux qui se réclament de la Tradition, y compris dans sa dimension politique de Droite, est souvent leur hostilité, certes compréhensible mais trop aisément bornée, au collectivisme, hostilité qui les empêche de distinguer le véritable ennemi. C'est ce qui conduit un certain nombre de personnes, par ailleurs correctement orientées sur le plan principiel, à adopter à l'encontre des victimes de la « démonie de l'économie » (pour nous exprimer à la manière évolienne) une attitude empreinte de la sécheresse de Cœur dont a toujours fait preuve la bourgeoisie, et donc à rejoindre d'une certaine façon les positions du monde moderne qu'elles prétendent combattre. Or, si la Tradition mène à défendre, au niveau politique, des valeurs qui appellent le qualificatif d'“aristocratiques”, cet aristocratisme ne peut être que social.
53) Mircea Eliade, Le chamanisme et les techniques archaïques de l'extase, 1951, Payot, 1996, p. 220.
54) Le surhumanisme de la métaphysique Traditionnelle est tout autre chose que celui dont Zarathoustra se fait le héraut. Pour dissiper les malentendus, mieux vaut parler de “suprahumanisme”.
55) Op. cit., p. 23.
56) C'est en ce sens que René Guénon peut parler de « métaphysique intégrale » et Frithjof Schuon reprendre cette expression pour en faire le titre de l'un de ses ouvrages (Résumé de métaphysique intégrale, op. cit.).
57) Comment discriminer le spectateur du spectacle ? (Drg - drçya - viveka), traduction par Michel Sauton d'après la version anglaise du swâmi Nikhilânanda, éd. Adrien Maisonneuve, coll. Vandé Mâtram, Paris, 1945.
58) « Il Problema di Oriente et Occidente » (Le Problème d'Orient et Occident), recension de René Guénon, Orient et Occident, in : Ultra, 1925, traduit de l'italien par Philippe Baillet et reproduit in  : Guido De Giorgio, L'Instant et l'Éternité et autres textes sur la Tradition, éd. Archè, Milan, 1987, pp. 259-260, cit. p. 260, souligné dans le texte (il faut lire ce dernier en faisant abstraction du ton inutilement polémique adopté par un homme alors encore très jeune).
59) Cf. notre ouvrage Julius Evola, métaphysicien et penseur politique : Essai d'analyse structurale, L'Âge d Homme, coll. Les études H, Lausanne, 1998, ainsi que notre entretien dans le n°14 de la présente revue, équinoxe de printemps 1999, pp. 76-86.
60) Nous pourrions tout aussi bien écrire « les diverses Réalités », puisque, pour n'importe quel être, son Monde est le Monde. C'est en ce sens qu' il faut entendre la formule conclusive du Règne de la quantité et les Signes des temps (op. cit., p. 272) : « Et c'est ainsi que, si l'on veut aller jusqu'à la réalité de l'ordre le plus profond, on peut dire en toute rigueur que la “fin d'un monde” n'est jamais et ne peut jamais être autre chose que la fin d une illusion ».
61) Le yoga tantrique hindou et tibétain, 4° éd. revue et augmentée, Archè, Milan, 1979, Introduction, p. XVII. C'est cette même conception, qui détermine la doctrine Traditionnelle en tant que monisme émanationniste, que Frithjof Schuon, dans le cadre d'une réflexion sur le problème du mal, rend par l'image du « rayonnement » qui émane du Centre Primordial, en précisant que si ce rayonnement est une nécessité, il n'en demeure pas moins que « qui dit rayonnement, dit éloignement, donc aliénation ou appauvrissement » (Résumé de métaphysique intégrale, op. cit., p. 16).
62) Évangile selon Jean, I, 1, traduction Louis Segond d'après le texte grec.
63) Walpurgisnacht, 1917, traduit de l'allemand par A. D. Sampiéri : La nuit de Walpurgis, Bibliothèque Marabout, 1973, pp. 90-91, souligné dans le texte. Précisons que nous sommes tout à fait conscient des réticences que suscite souvent la mention du nom d'un auteur que beaucoup de traditionnistes, à commencer par René Guénon lui-même, ont condamné dans les termes les plus sévères. Mais les zones d'ombre du personnage ne doivent pas interdire de reconnaître l'intérêt majeur que son œuvre présente.

64) C'est ce qu'Arthur Avalon (Sir John Woodroffe) exprime en disant du Mantra, qu'il définit comme « en un mot, une puissance (Shakti), la puissance sous la forme du son », que celui-ci « se prête impartialement à tout usage ». The Serpent Power, traduit de l'anglais par Charles Vachot d'après la 4° édition de 1950 : La puissance du Serpent : Introduction au tantrisme, Dervy-Livres, coll. Mystiques et Religions, 1990, pp. 88 et 87.

 

Suicide d’un enseignant

Quand vous lirez ce texte je serai déjà mort.

Suicide d’un enseignant

 
Les enseignants, personnels et élèves du lycée Artaud de Marseille sont bouleversés. Ils ont reçu dimanche vers 16 H le mail de Pierre Jacque, avec une pièce jointe annonçant son suicide et en expliquant la raison.

Ses collègues ont dit de lui que "C’était vraiment un professeur consciencieux, investi, compétent, passionné, très apprécié des élèves et des collègues, toujours souriant et prêt à discuter, à aider".

De Pierre JACQUE
Enseignant d’électronique
Le 1 septembre 2013

Objet : Évolution du métier d’enseignant.

Je vous fais part de ma décision de ne pas faire la rentrée scolaire 2013. En effet le métier tel qu’il est devenu au moins dans ma spécialité ne m’est plus acceptable en conscience.
Pour éclairer ma décision je vous décris succinctement mon parcours personnel.
Je suis devenu ingénieur en électronique en 1982 à l’âge de 24 ans. Ma formation initiale et surtout mon parcours professionnel m’ont amené à exercer dans la double compétence "hard" et "soft". Le métier prenant et difficile m’a toujours convenu tant que j’avais le sentiment de faire œuvre utile et d’être légitime dans mon travail.

Passé la quarantaine la sollicitation de plus en plus pressente d’évoluer vers des tâches d’encadrement et le sort réservé à mes aînés dans mon entreprise m’ont incité à changé d’activité. En 1999 j’ai passé le concours du capet externe de génie électrique et j’ai enseigné en section SSI et STI électronique. Le choc pour moi fut brutal de constater la baisse de niveau des sections techniques en 18 ans passé dans l’industrie notamment pour la spécialité agent technique (niveau BTS ou DUT suivant les cas). Même si le niveau enseigné était bien bas de mon point de vue, ma compétence était au service des élèves et je me sentais à ma place. Une difficulté était quand même le référentiel applicable (le programme) datant des années 80, ambitieux pour l’époque et en total décalage avec le niveau réel des élèves des années 2000. Une réforme semblait souhaitable pour officialiser des objectifs réalistes et orientés en fonction des besoins du marché du travail.

Puis vint la réforme de 2010 mise en place par Luc Chatel et applicable à la rentrée 2011. Pour le coup, le terme réforme est faible pour décrire tous les changements mis en place dans une précipitation totale. L’enseignement des métiers est réduit à peu de choses dans le référentiel de 4 spécialités seulement qui constitue des "teintures" sur un tronc commun généraliste d’une section unique appelée STI2D qui rentre bizarrement en concurrence avec la section SSI. L’électronique disparaît purement et simplement.

En lieu et place il apparaît la spécialité "Systèmes Informatiques et Numériques". Cela ne me pose pas de problème personnel, je maîtrise bien le domaine et je l’enseigne même plus volontiers que les classiques problèmes de courant de diode ou de montages amplificateurs. Je me pose quand même la question de la compétitivité de notre pays dans le domaine industriel avec un pareil abandon de compétence. La mise en place de la réforme est faite à la hussarde dans un état d’affolement que l’inspection a du mal à dissimuler.

Entre temps le gouvernement a changé sans que les objectifs soient infléchis le moins du monde ou qu’un moratoire soit décidé, ne serait-ce qu’à cause du coût astronomique de cette réforme. En effet il aura fallu réorganiser l’implantation de tous les ateliers de tous les lycées techniques de France, abattre des cloisons, en remonter d’autres à coté, refaire tous les faux plafonds, les peintures et renouveler les mobiliers. Ceci est fait à l’échelle du pays sans que la réforme ait été testée préalablement dans une académie pilote. Début 2011, l’inspection nous convoque en séminaire pour nous expliquer le sens et les modalités de la réforme ; il apparaît la volonté de supprimer toute activité de type cours ce qui est la radicalisation d’une tendance déjà bien marquée.

On nous assène en insistant bien que l’élève est acteur de son propre savoir, qu’il en est le moteur. Pour les spécialités, donc la mienne SIN entre autre, cela signifie qu’une partie conséquente de l’activité sera de type projet. A l’époque les chiffres restent vagues, il est question de 50% du temps au moins. La nature des projets, la façon de les conduire, la façon de les évaluer ne sont pas évoquées et les questions que posent les enseignants à ce sujet restent sans réponses, nous serons mis au courant après la rentrée de septembre. En attendant l’inspection nous fait entièrement confiance pour continuer comme d’habitude. Je fais remarquer qu’il ne faudra pas tarder car nous préparons les élèves au bac en deux ans et que la connaissance des modalités d’examens est incontournable rapidement après la rentrée pour un travail efficace, c’est-à-dire sans perte de temps.


Lors de la réunion suivante, après la rentrée 2011, l’inspecteur répond un peu agacé à la même question "que notre travail c’est d’enseigner et que l’évaluation verra après" (sic). En attendant le travail devant élève est commencé et moi et mes collègues travaillons à l’estime. Le manque de matériel se fait cruellement sentir dans mon lycée, les travaux nécessaires ne seront faits qu’à l’été 2012.

Lors d’une réunion aux alentours de février il nous est demandé pour la prochaine réunion d’exposer l’état d’avancement de la réforme et si possible les projets envisagés ou mieux déjà mis en œuvre. A ce moment je viens juste de recevoir un premier lot de matériel et je ne dispose du logiciel correspondant que depuis novembre. La pression amicale mais réelle pour commencer les projets va aller augmentant. J’ai un groupe de 16 élèves et un autre de 15 dans une salle qui est déjà trop étroite pour recevoir proprement 14 élèves en travaux pratiques et avec un matériel réduit qui ne me permets qu’un choix très restreint de sujets. La phase passée en projet sera cauchemardesque pour l’enseignant et la fraction d’élèves sérieux.

Le dernier mois de cette année de première sera passé en activités plus classiques. A la rentrée 2012 les élèves sont maintenant en terminale, j’ai les tables de travail prévues dans une salle provisoire de 80 m2 au lieu des 140 m2 prévus. Il est difficile de bouger, le travail en travaux pratiques reste possible et je couvre ainsi la partie communication réseau de référentiel au moyen d’un logiciel de simulation. Je ne dispose pas du matériel support. On me bricole une salle de 150 m2 à partir de deux salles de cours séparées par un couloir et j’attaque les projets dans ces conditions. Le couloir sera abattu aux vacances de février.

Pendant ce temps nous avons appris que la note du bac porterait uniquement sur le projet final est que la note serait constituée de deux parties égales, une attribuée par un jury en fin d’année suite à une soutenance orale avec support informatique, l’autre attribuée par l’enseignant de l’année au vu du travail fourni par les élèves. Les critères d’évaluation portent principalement sur la gestion de projet et la démarche de développement durable. Il est explicitement exclu de juger les élèves sur les performances et la réussite du projet. Ceci appelle deux remarques.

La première est que les critères sont inadaptés, les élèves sont incapables de concevoir et même de gérer un projet par eux-mêmes. De plus la démarche de développement durable est une plaisanterie en spécialité SIN où l’obsolescence programmée est la règle. Comment note-t-on alors les élèves ? A l’estime, en fonction de critères autres, l’inspection le sait mais ne veut surtout pas que la chose soit dite. Du coup cette note relève "du grand n’importe quoi" et ne respecte aucune règle d’équité. Elle est attribuée par un enseignant seul qui connaît ces élèves depuis au moins un an et compte coefficient 6 ce qui écrase les autres matières. Cela viole l’esprit du baccalauréat dans les grandes largeurs. Je considère que ceci est une infamie et je me refuse à recommencer.


L’ensemble du corps inspectoral est criminel ou lâche ou les deux d’avoir laissé faire une chose pareille. Cette mécanique est conçue dans une idée de concurrence entre les enseignants mais aussi entre les établissements pour créer une dynamique de très bonnes notes à l’examen y compris et surtout si elles n’ont aucun sens. Vous avez l’explication des excellents résultats du cru 2013 du baccalauréat au moins pour la filière technologique. Cela fait plus d’un an que je me plains à mon syndicat de cet état de fait. Pas un seul compte-rendu ni localement sur Marseille ni à un plus haut niveau n’en fait mention.
Je suis tout seul à avoir des problèmes de conscience. Ou alors le syndicat est activement complice de l’état de fait, le responsable local me dis : "mais non Pierre tu n’es pas tout seul". En attendant je ne vois aucune réaction et ce chez aucun syndicat. Que penser ? Soit nous sommes muselés, soit je suis le dernier idiot dans son coin. De toute façon je n’accepte pas cette situation.

Je pense au niveau toujours plus problématique des élèves, autrefois on savait parler et écrire un français très convenable après 5 ans d’étude primaire. Aujourd’hui les élèves bachelier maîtrisent mal la langue, ne savent plus estimer des chiffres après 12 ans d’études. Cherchez l’erreur. La réponse de l’institution est : "oui mais les élèves savent faire d’autres choses". Je suis bien placé dans ma spécialité pour savoir que cela n’est pas vrai ! Les élèves ne maîtrisent rien ou presque des techniques numériques d’aujourd’hui. Tout ce qu’ils savent faire est jouer et surfer sur internet. Cela ne fait pas un compétence professionnelle. Les médias nous rabattent les oreilles sur la perte de compétitivité du pays en laissant entendre que le coût du travail est trop élevé.

Cette présentation pèche par une omission grave. La réalité est que le travail en France est trop cher pour ce que les travailleurs sont capables de faire véritablement. Et là la responsabilité de l’éducation nationale est écrasante. Qui osera le dire ? J’essaye mais je me sens bien petit. J’essaye de créer un maximum d’émoi sur la question. J’aurais pu m’immoler par le feu au milieu de la cour le jour de la rentrée des élèves, cela aurait eu plus d’allure mais je ne suis pas assez vertueux pour cela.

Quand vous lirez ce texte je serai déjà mort.

Pierre Jacque
enseignant du lycée Antonin Artaud
à Marseille

URL de cet article 22283
http://www.legrandsoir.info/suicide-d-in-enseignant.html

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