samedi, 21 octobre 2023
Sur les cycles cosmiques et les rythmes du temps en Inde: un nouvel essai de Nuccio D'Anna
Sur les cycles cosmiques et les rythmes du temps en Inde: un nouvel essai de Nuccio D'Anna
Giovanni Sessa
Source: https://www.paginefilosofali.it/sui-cicli-cosmici-e-ritmi-del-tempo-in-india-un-nuovo-saggio-di-nuccio-danna-giovanni-sessa/
Nuccio D'Anna a récemment ajouté un ouvrage important à sa production de livres. Il sera particulièrement utile aux lecteurs intéressés par les études historico-religieuses et traditionnelles. Il s'agit du volume I cicli cosmici. Le dottrine indiane sui ritmi del tempo (= Les doctrines indiennes sur les rythmes du temps), que l'on trouve désormais dans les librairies grâce aux éditions Arỹa (pour commander : arya.victoriasrl@mail.com, pp. 240, euro 26.00). Dans ces pages, l'auteur fait preuve d'une maîtrise peu commune de la vaste littérature critique, il accompagne aussi avec sagacité le lecteur dans l'exégèse des textes sacrés complexes centrés sur la temporalité cyclique. Cette tâche est accomplie en se référant à la méthode comparative, qui permet de déduire la valeur universelle des mythes et des symboles. Les contenus abordés sont si vastes qu'il est difficile de les résumer dans l'espace d'une revue. Nous ne nous attarderons donc que sur quelques plexus théoriques.
Nuccio D'Anna commence par présenter le sens et la signification du "Centre" dans le monde traditionnel. Pour ce faire, il s'attarde sur la valeur du mont Meru: "considéré comme le reflet du pôle céleste qui tient, gouverne et oriente tout le mouvement du quadrant cosmique" (p. 3). La structure axiale de la montagne incite à la considérer comme: "le véhicule des bénédictions divines dispensées sans cesse [...] le Meru apparaît comme l'"arbre du cosmos"" (p. 4). Selon la tradition védique, de ses branches sont descendus les rayons de Sūrya qui ont transmis à l'humanité la "loi de Varuṇa, le Ṛta, l'Ordre qui est la Vérité". Le Ṛta : "a une relation directe avec la stabilité de la constellation des sept étoiles de l'Ourse" (p. 5). La montagne sacrée est étroitement liée, d'une part, à Agni, le dieu du feu prototypique qui brûle avec éclat au centre du monde, et, d'autre part, à Brahma, la divinité formatrice qui peut être comparée au "rocher indestructible", d'où rayonnent les "qualités" divines. Le Meru se dresse au centre d'une île circulaire subdivisée en sept "régions", autour desquelles se trouvent sept océans en correspondance "avec l'ordre planétaire habituellement structuré sur sept niveaux" (p. 10). La dernière étendue de mer est appelée "Océan de lait".
L'auteur précise : "Au cours du déroulement cyclique dans chacune de ces "îles", la Tradition [...] devra nécessairement trouver son propre développement intégral, ce qui aboutira inévitablement à l'épuisement de toutes les possibilités spirituelles véhiculées dans le monde" (p. 13). C'est ainsi que se révèle le lien d'un tel symbolisme avec le développement cyclique. Dans une telle cosmosophie, chaque point de pivot est gardé par une divinité : le cosmos lui-même prend des traits maṇḍaliques. L'éon actuel, dans la liste des 30 kalpas, occupe la 26ème place (Varaha-Kalpa) et est précédé par le Padama-kalpa. Selon l'enseignement traditionnel, la manifestation a régressé à cause du "poids des hommes", qui ont manipulé le Dharma. Durant le kalpa précédant le nôtre, Viṣṇu "l'Endormi" a effectué "sa propre intervention cosmogonique sous la forme d'une fleur de lotus qui émergea de son propre nombril" (p. 20), ce qui a permis une parfaite continuité doctrinale et rituelle entre les sixième et septième manvantaras de notre kalpa.
Brahma a donné naissance à la "terre primordiale" : "l'archétype ou le modèle préformel d'une réalité encore immaculée" (p. 21). Chaque fois que le Principe descend dans le devenir, selon la perspective traditionnelle indienne, il donne lieu à un véritable "sacrifice universel". C'est un acte capable d'agir contre les "puissances des ténèbres". Un rôle essentiel, en ce sens, est attribué par D'Anna à Prajapati, qui a rejoint la Terre immaculée qui a émergé des Eaux. Il "symbolise l'Unité ineffable dont tous les autres dieux sont issus et à laquelle ils retourneront" (p. 28). Cette potestas s'étend dans toutes les directions de l'espace. Les eaux primordiales ne sont rien d'autre que la transcription symbolique du "murmure" du temps qui passe, puisque le Principe, à la lumière des études de Marius Schneider, citées à plusieurs reprises par l'auteur, n'est que son-lumière. Les chanteurs sacrés : "Ils haïssent l'essence sonore et présensible [...] qui se déverse "naturellement" dans la vie cosmique" (p. 31). Le chant solaire des sept Ṛṣi formait la tête de Prajapati qui, en harmonisant le son et le rythme, "rendait possible la formulation des phonèmes et des syllabes" (p. 33).
L'auteur rappelle que le septième Manvatara a commencé après le Déluge. L'époque actuelle est divisée en quatre yugas, dont le développement est ordonné autour du symbole de la décennie, qui marque l'appauvrissement spirituel progressif, induit par les pouvoirs catagogiques de Koka et Vikoka (Gog et Magog). Le premier âge est l'"âge de la vérité" et de la plénitude spirituelle. La couleur qui le connote est le blanc, révélant son essence sapientielle et celle de la caste des Haṃsa : "Dans le jeu de dés indien [...] ce premier âge [...] correspond au "jet" réussi" (p. 112). Dans le deuxième âge, la "dynastie solaire" agit, visant à préserver la tradition "non-humaine", en accomplissant une action conservatrice, similaire à celle attribuée en Occident à Saturne. La valeur rituelle du jeu de dés, bien connue à Rome (il pouvait être pratiqué pendant les Saturnales, à l'occasion du solstice d'hiver), était liée à des conjonctures astronomiques particulières. Les "points" gravés sur les faces des dés étaient appelés "yeux", car ils renvoyaient aux "luminaires" qui brillaient "dans le ciel du primordial védique" (p. 115).
Lorsque le lancer de dés était désordonné, on l'attribuait à la lourdeur spirituelle du cycle, correspondant au tourbillon frénétique du monde. Le lancer de dés, où le trois apparaissait, indiquait le deuxième âge, dans lequel le monde reposait sur les "trois quarts" du dharma. Sa couleur était le rouge. Le deux du jeu de dés faisait référence au troisième âge, dans lequel le monde se développe sur la relation lumière/obscurité, qui tend de plus en plus à cristalliser ces deux puissances dans un sens oppositionnel. Dans cet âge, sattva se retire, rajas et tamas prédominent. Sa couleur est le vert.
Enfin, le kali-yuga, dont le début : "a été fixé pour coïncider avec la conjoncture aurorale qui a commencé à 6 heures du matin le 18 février 3102 avant J.-C.". (p. 118). Ce yuga est également divisé en quatre sous-âges : c'est l'âge de la résurgence des forces magmatiques et chaotiques qui submergent la perfection de l'Origine. Śiva se retire également des apparences phénoménales. Pour comprendre le déroulement cyclique, il faut se référer à la précession des équinoxes, dans laquelle l'obliquité de l'écliptique et de l'équateur dessine une " toupie " cosmique. Cette précession : "continue à se déployer autour d'un véritable "chef" qui en dirige le cours : c'est Dhruva" (p. 131), le pôle fixe, garant du retour à l'ordre à la fin du kali-yuga. D'Anna enrichit la présentation des cycles indiens par de nombreuses références érudites aux traditions grecques, mésopotamiennes et taoïstes, dont il trouve des échos jusque dans l'astronomie de Kepler. Il aborde également le symbolisme complexe qui sous-tend la vision cyclique et clarifie, entre autres, la faiblesse de l'exégèse "naturaliste" du temps cyclique, même celle formulée par Eliade, basée sur la référence aux cycles lunaires : "Seule cette (la) dimension cosmique-triomphale peut faire contempler la profondeur, la hauteur et l'ampleur du substrat spirituel qui nourrit la relation intime existant entre les phonèmes, les sons, les couleurs, les langages animaux [...] les scansions célestes [...] les moments saisonniers" (p. 209), la relation entre le macrocosme et le microcosme. L'essai de D'Anna est véritablement exhaustif.
Giovanni Sessa
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Carl Schmitt: État, mouvement, peuple
Carl Schmitt: État, mouvement, peuple
par Franco Brogioli
Source: https://www.centrostudilaruna.it/stato-movimento-popolo.html
Ce volume comprend Staat, Bewegung, Volk, écrit par le célèbre juriste et philosophe du droit allemand Carl Schmitt (1888-1985), l'un des principaux représentants de la révolution dite conservatrice, publié à Hambourg en 1933 et traduit en italien pour le Centro Librario Occidente de Palerme sous le titre Stato, Movimento, Popolo en 2021. Pour la première fois, il est publié seul en Italie.
En 1935, la maison d'édition Sansoni de Florence l'avait publié pour le compte de la Regia Università di Pisa sous la forme d'un recueil de trois essais de Schmitt intitulé, de manière quelque peu trompeuse il est vrai, Principii politici del nazionalsocialismo et préfacé par Arnaldo Volpicelli, alors professeur de doctrine de l'État à l'université de Pise. Deux de ces essais ont été repris en 1972 par le politologue Gianfranco Miglio, qui les a réédités sous le titre Le categorie del Politico : saggi di teoria politica (Les catégories du politique : essais de théorie politique) pour il Mulino, mais le texte sur l'État, le Mouvement, le Peuple n'y a pas été inclus, car Miglio le considérait comme dépassé. Cette lacune est aujourd'hui comblée. Il faut cependant reconnaître à Miglio le mérite d'avoir été le premier en Italie à rendre sa dignité scientifique à ce grand intellectuel européen.
L'éditeur sicilien a voulu faire précéder l'essai de Schmitt par le texte intitulé Notes sur le national-socialisme de Delio Cantimori (photo), écrit en avril 1934, qui introduit le livre de Sansoni. Cantimori, alors âgé d'une trentaine d'années, était assistant à l'Institut d'études germaniques où il avait été appelé par Giovanni Gentile et rédacteur de la revue de l'Institut. Dans ces notes, il documente les origines et la montée au pouvoir du Parti national-socialiste des travailleurs allemands. Pour Schmitt, en effet, le mouvement est autant État que Peuple et le pouvoir est fondé sur le Führerprinzip, c'est-à-dire le principe du chef suprême - Adolf Hitler - dans lequel le Peuple allemand se reconnaît intégralement, en vertu de l'égalité de lignage qui existe entre les citoyens du Troisième Reich germanique. Le juriste postule ce que devaient être les trois membres du nouvel État né de la révolution nationale-socialiste, qui, en ces mois, renaissait des cendres de la République libérale-démocratique et bourgeoise de Weimar, mais aussi l'élément unificateur.
Schmitt est né dans une famille catholique nombreuse et modeste à Plettenberg, en Westphalie protestante prussienne. Diplômé en 1910, docteur en droit de l'université de Strasbourg (alors incluse dans l'Allemagne wilhelminienne) en 1915 et professeur en 1916, il publie en 1921 Die Diktatur (La dictature), sur la constitution de la République de Weimar, en 1922 Politische Theologie (Théologie politique), hostile à la philosophie du droit, jugée trop formaliste, sur le rôle de l'État de droit dans la société, de Hans Kelsen, en 1923 Die geistesgeschichtliche Lage des heutigen Parlamentarismus (La situation historico-intellectuelle du parlementarisme actuel) sur l'incompatibilité du libéralisme et de la démocratie de masse, et en 1927 Der Begriff des Politischen (Le concept du politique), sur la relation ami-ennemi comme critère constitutif de la dimension du "politique". Les positions exprimées par Schmitt au cours de cette période, jusqu'au début des années 1930, sont parfois désignées par le concept de Révolution conservatrice (Konservative Revolution). En 1932, il collabore avec le chancelier Kurt von Schleicher. Après avoir enseigné dans diverses universités allemandes, il devient professeur à l'université Humboldt de Berlin en 1933, poste qu'il est contraint de quitter en 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il avait adhéré au parti national-socialiste le 1er mai 1933 et, en novembre de la même année, il devint président de la Vereinigung der nationalsozialistischen Juristen (Union des juristes nationaux-socialistes) ; en juin 1934, il devint rédacteur en chef de la Deutsche Juristen-Zeitung (Journal des juristes allemands).
Se référant à la promulgation des lois de Nuremberg de 1935, qui interdisaient les mariages et les relations extraconjugales entre Juifs et non-Juifs au nom du maintien de la "pureté du sang allemand", Schmitt observe : "Aujourd'hui, le peuple allemand est redevenu allemand, y compris d'un point de vue juridique. Après les lois du 15 septembre, le sang allemand et l'honneur allemand sont redevenus les concepts directeurs de notre droit. L'État est désormais un moyen de servir la force de l'unité völkisch. Le Reich allemand n'a qu'une seule bannière, le drapeau du mouvement national-socialiste; et ce drapeau n'est pas seulement composé de couleurs, mais aussi d'un grand et authentique symbole: le signe du serment du peuple de la croix à crochets" (C. Schmitt, "La Constitution de la liberté", 1935).
En décembre 1936, il est cependant accusé d'opportunisme dans la revue SS Das Schwarze Korps et doit renoncer à jouer un rôle de premier plan dans le régime. En 1937, des cercles du régime, dans un rapport confidentiel adressé à Alfred Rosenberg, critiquent Schmitt pour sa doctrine, accusée d'être imprégnée de "romanisme", pour ses relations avec l'Église catholique et pour son soutien au présidentialisme. Jusqu'à la fin du national-socialisme, Schmitt a surtout travaillé dans le domaine du droit international et s'est efforcé de fournir au régime des mots-clés dans ce domaine. C'est ainsi qu'il a forgé en 1939, au début de la Seconde Guerre mondiale, le concept de Völkerrechtliche Großraumordnung (ordre des grands espaces en droit international), une sorte de doctrine Monroe allemande, comme clé du nouveau droit international post-étatique et comme justification possible de la politique impérialiste d'Adolf Hitler. En outre, Carl Schmitt a participé à l'Aktion Ritterbusch, qui visait à soutenir l'effort de guerre de l'Allemagne nationale-socialiste par la participation active de personnalités du monde scientifique et culturel allemand, appelées à conseiller les politiques spatiales et démographiques du régime.
Capturé par les troupes alliées à la fin de la guerre, il risquait d'être jugé au procès de Nuremberg, mais il fut libéré en 1946 et retourna vivre dans sa ville natale, où il continua à travailler à titre privé et à publier dans le domaine du droit international. Cependant, il fut exclu de l'enseignement dans toutes les universités allemandes et aussi de l'Association des juristes allemands dans le cadre du programme de dénazification de l'Allemagne de l'après-guerre. Les expériences de cette période sont reflétées dans les essais Réponse à Nuremberg et Ex Captivitate Salus. Il est décédé en 1985, à l'âge de presque 97 ans.
En tant que juriste, Schmitt est l'un des théoriciens allemands du droit public et international les plus connus et les plus étudiés. Ses idées ont attiré et continuent d'attirer l'attention de spécialistes de la politique et du droit, notamment Walter Benjamin, Leo Strauss, Jacques Derrida, Chantal Mouffe et Slavoj Žižek, ainsi que, en Italie, Pierangelo Schiera, Carlo Galli, Mario Tronti, Massimo Cacciari, Gianfranco Miglio, Giacomo Marramao et Giorgio Agamben.
Sa pensée, qui plonge ses racines dans la religion catholique, s'articule autour des questions du pouvoir, de la violence et de la mise en œuvre du droit. Parmi ses concepts clés figurent, avec une formulation lapidaire, l'"état d'exception" (Ausnahmezustand), la "dictature" (Diktatur), la "souveraineté" (Souveranität), le katéchon et le "grand espace" (Großraum), et les définitions qu'il a inventées, telles que "théologie politique" (Politische Theologie), "gardien de la constitution" (Hüter der Verfassung), "dilatorischer Formelkompromiss" (dilatorischer Formelkompromiss), la "réalité constitutionnelle" (Verfassungswirklichkeit), le "décisionnisme" ou les oppositions dualistes telles que "légalité et légitimité" (Legalität und Legitimität), "loi et décret" (Gesetz und Maßnahme) et "hostis - inimicus" (la distinction entre ennemi et adversaire, la prémisse de la relation "ami-ennemi" comme critère constitutif de la sphère "politique").
Outre le droit public et international, ses travaux abordent d'autres disciplines, telles que la politologie, la sociologie, les sciences historiques, la théologie et la philosophie (en mettant l'accent sur les aspects ontologiques du droit). Schmitt est aujourd'hui décrit par ses détracteurs comme un "juriste criminel", un théoricien douteux hostile aux démocraties libérales, mais il est en même temps qualifié de "classique de la pensée politique" (Herfried Münkler), notamment en raison de son influence sur le droit public et la science juridique dans la première République fédérale allemande (par exemple en ce qui concerne le "vote de défiance constructif", les limites matérielles du pouvoir de révision constitutionnelle, la limitation des droits fondamentaux des sujets subversifs de l'ordre constitutionnel ou de la "démocratie militante").
En Italie, après une période de méfiance due à ses liens avec le national-socialisme, sa pensée fait aujourd'hui l'objet d'une attention récurrente, notamment en ce qui concerne les problèmes juridiques et philosophico-politiques de la mondialisation (Danilo Zolo, Carlo Galli, Giacomo Marramao), la crise des catégories juridiques modernes (Pietro Barcellona, Massimo Cacciari, Emanuele Castrucci), les processus de transition constitutionnelle et l'expérience paradigmatique de la République de Weimar (Gianfranco Miglio, Fulco Lanchester, Angelo Bolaffi).
Schmitt a été influencé de manière décisive dans la formation de sa pensée par des philosophes politiques et des théoriciens de l'État tels que Thomas Hobbes, Jean Bodin, Emmanuel Joseph Sieyès, Niccolò Machiavelli, Jean-Jacques Rousseau, Louis de Bonald, Joseph de Maistre, Juan Donoso Cortés, mais aussi par des contemporains tels que Georges Sorel, Ernst Jünger et Vilfredo Pareto. Schmitt considérait comme son maître le juriste français Maurice Hauriou, le plus grand représentant de l'institutionnalisme, qu'il cite à plusieurs reprises dans ses œuvres et qu'il décrit comme "le maître de notre discipline".
La compréhension que Schmitt a des concepts de la doctrine moderne de l'État est marquée par sa conviction que le système de la science juridique, en particulier le droit public, n'est pas autonome, mais plutôt imprégné, au cours de la sécularisation, d'une conceptualité théologique. Tous les concepts de la doctrine étatique sont des concepts théologiques sécularisés. Cette transposition ne concerne pas seulement le développement historique des concepts, mais aussi la composante métaphysique. La thèse de la sécularisation de Schmitt se reflète dans son concept de l'État. L'État est une instance absolue sécularisée et constitue la forme la plus intensive de l'unité politique. Cette unité s'est désintégrée au début du 20ème siècle avec l'avènement de la démocratie parlementaire, provoquée par l'antagonisme des classes et la confrontation entre les différents groupes d'intérêts économiques et sociaux, ce qui a rendu les décisions politiques unitaires difficiles ou impossibles. Le principe même de la majorité et de la minorité parlementaire n'est pas acceptable. L'unité ne peut être réalisée que s'il existe non seulement une égalité formelle, mais aussi une "uniformité substantielle de tout le peuple", qui peut être obtenue par l'exclusion ou l'anéantissement de tout élément étranger à l'uniformité. Un État dans lequel tous les citoyens sont égaux les uns aux autres est un "État total", qui représente le plus haut degré d'unité, puisque, par son ordre, il peut empêcher l'éclatement en groupes sociaux conflictuels et s'opposer à tout ce qui contredit l'uniformité substantielle. L'État exerce le monopole de la décision politique qui, pour Schmitt, coïncide avec la décision de savoir qui est l'ami et qui est l'ennemi : c'est pour Schmitt la distinction politique spécifique qui définit la sphère du "politique" et donc de l'État. L'ennemi n'est pas un adversaire en général, mais "essentiellement, dans un sens particulièrement intensif, quelque chose d'autre et d'étranger". L'État se caractérise donc par l'identification d'ennemis externes et internes à l'État : la détermination des premiers se fait par l'exercice du ius belli, celle des seconds par la neutralisation de ceux qui perturbent "la tranquillité, la sécurité et l'ordre" de l'État. Cette conception de "l'ennemi intérieur" a été largement invoquée lors de la conférence des juristes nationaux-socialistes allemands à Leipzig en 1933 pour justifier la politique raciale du régime : sans cette idée d'uniformité raciale, un État national-socialiste n'aurait pas pu exister. L'État de Schmitt est donc une unité politique suprême, fondée sur l'unité substantielle de tous ses membres, et montre sa force dans sa capacité à se débarrasser de ses ennemis intérieurs et extérieurs, jusqu'à les anéantir si nécessaire.
23:40 Publié dans Révolution conservatrice, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : révolutionconservatrice, carl schmitt, philosophie politique, politologie, sciences politiques, théorie politique | |
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Argentine: Milei, dit « La Perruque », bientôt à la Maison rose ?
Argentine: Milei, dit «La Perruque», bientôt à la Maison rose ?
par Georges FELTIN-TRACOL
Le 22 octobre prochain va se dérouler en Argentine un scrutin présidentiel. Après un mandat chaotique de quatre ans miné par une inflation annuelle de 125 % et un taux de pauvreté avoisinant les 50 % de la population, l’actuel chef de l’État, Alberto Fernández, péroniste de centre-gauche, ne se représente pas. L’ancienne présidente péroniste de gauche de 2007 à 2015, Cristina Kirchner, qui est la vice-présidente, passe elle aussi son tour. Rappelons qu’en 2023, le péronisme a perdu tous ses axes fondamentaux et occupe tout le champ politique, de l’extrême gauche à la droite radicale sans oublier le centrisme. On attend cependant un écologisme péroniste ou un péronisme écologique…
Le candidat des dirigeants sortants est l’actuel ministre de l’Économie, Sergio Massa. Face à lui, le vieux parti Union civique radicale en coalition avec d’autres formations présente Patricia Bullrich, ministre de la Sécurité (de l’Intérieur si l’on veut) de 2015 à 2019 sous la présidence du libéral Mauricio Macri. Myriam Bregman porte les couleurs du Front de Gauche et des Travailleurs. Quant à l’actuel gouverneur de Córdoba, Juan Schiaretti, il incarne un centre-gauche modéré anti-kirchnériste et mécontent de la politique erratique de Macri. Mais ces quatre candidats à la « Maison rose », le siège de la présidence, craignent un cinquième que la presse surnomme « El Peluca » (« la Perruque ») en raison de sa coiffure excentrique : Javier Milei.
Aux élections primaires, obligatoires et simultanées du 13 août dernier, Javier Milei est arrivé en tête avec 29,86%. Ce député fédéral de Buenos Aires élu en 2021 met chaque mois à la loterie son indemnité parlementaire de 350.000 pesos (environ 2.900 euros). Les chaînes de télévision retransmettent en direct l’événement. C’est en 2014 que les animateurs radiophoniques et de télévision ont commencé à inviter cet économiste qui aborde la situation économique et politique du pays. Sa franchise et ses coups d’éclats verbaux en font vite une vedette médiatique.
Né dans la capitale argentine en 1970 d’un père chef d’entreprise de transports et d’une mère au foyer, Javier Milei s’essaye d’abord au football, puis au rock avant de suivre des cours d’économie et de décrocher un diplôme. Dans un pays où l’héritage interventionniste péroniste demeure fort présent dans les esprits, Milei se veut iconoclaste. Ce lecteur attentif de l’« École de Vienne » (Hayek par exemple) aime dénoncer la « caste politicienne parasite ». Ainsi prône-t-il la libération de l’Argentine ou, plus exactement, sa « libéralisation » : réduction draconienne des dépenses publiques, baisse massive des impôts, suppression des ministères de l’Éducation, de la Santé, de la Condition féminine, des Travaux publics et du Développement social, abandon de la gratuité de l’instruction, dissolution de la Banque centrale argentine, fin du contrôle des changes, arrêt du protectionnisme économique et recours au libre-échange total. Si Javier Milei se réclame du président faussement péroniste Carlos Menem (1989 – 1999), il apprécie beaucoup ce grand humaniste d’Al Capone. Il déteste en revanche le « pape » Bergoglio en qui il voit un fourrier du communisme.
Plus que libéral, Javier Milei est en réalité libertarien. Les Européens connaissent mal cette pensée politique. En 1988, Pierre Lemieux publie aux PUF dans la célèbre collection « Que sais-je ? », n° 2406, L’anarcho-capitalisme, c’est-à-dire la théorie d’une société sans aucun État dans laquelle toutes les relations humaines dépendraient du contrat et du droit. En 2009, Sébastien Caré sortait encore aux PUF dans la collection « Fondements de la politique » La pensée libertarienne. Genèse, fondements et horizons d’une utopie libérale. Pour cet auteur, les libertariens quittent le milieu conservateur et tombent à gauche. Dans les faits, en minarchiste fidèle à l’enseignement de Murray Rothbard, d’Ayn Rand et de Robert Nozick, Milei conçoit un « État minimal » réduit à ses seules fonctions régaliennes. Ainsi veut-il la liberté du port d’arme, la vente des organes humains, la légalisation de toutes les drogues. Il ne s’oppose ni au mariage pour tous, ni au changement de genre à la condition que cela ne coûte rien aux finances publiques. Il propose la dollarisation de l’économie. Le dollar des États-Unis remplacerait le peso et deviendrait la seule monnaie officielle. En revanche, ce climatosceptique avéré rejette l’avortement et le féminisme. Pourtant, il a choisi pour la vice-présidence la députée Victoria Villarruel accusée de nostalgie envers la junte militaire (1976 – 1983). Âgée de 50 ans, Karina dirige d’une main de fer la campagne de son frère si bien que de mauvais esprits la décrivent comme la véritable cheftaine…
Javier Milei a vécu en couple avec une célèbre chanteuse du cru. Désormais célibataire, il ne cache pas son hostilité à l’institution du mariage. Catholique de culture féru d’occultisme, il a déjà fait cloner l’un de ses chiens et a remercié les quatre autres décédés le soir de sa victoire aux primaires. Il organiserait des séances de spiritisme avec des tables tournantes afin de discuter avec ses chiens défunts.
Si existe depuis 2018 un Parti libertarien, Javier Milei a lancé son propre mouvement, La Libertad avanza (La Liberté avance), qui, pour l‘échéance présidentielle, s’est associée avec d’autres partis libéraux-conservateurs et des partis provinciaux assez anti-péronistes. Le système médiatique le soupçonne de proximité avec le parti espagnol Vox.
Suivi sur les réseaux sociaux par plus de cinq millions d’abonnés, Javier Milei considère que « la redistribution des richesses est un acte violent ». Il justifie sa chevelure exubérante en avouant être peigné par « la main invisible du marché ». En politique étrangère, ce super-atlantiste regrette l’entrée prochaine de l’Argentine dans les BRICS et soutient autant Israël que l’Ukraine. Il a enfin à plusieurs reprises mentionné devant micros et caméras son éventuelle conversion au judaïsme, bien sûr libéral. On est très loin d’une figure nationale-conservatrice, illibérale ou nationale-révolutionnaire...
Si Javier Milei devient le 54e chef d’État de l’Argentine, il est peu probable que son alliance électorale obtienne la majorité absolue au Congrès (Sénat et Chambre des députés). Dans un régime présidentiel tel que l’Argentine, le blocage risque alors de devenir permanent. Le chef de cabinet des ministres d'Argentine, soit l’équivalent du Premier ministre et du Secrétaire général de l’Élysée, devra pratiquer un art élevé de la séduction, du compromis et de la négociation auprès de parlementaires plus ou moins rétifs. Sa possible victoire peut aussi cristalliser l’activisme des forces de gauche et d’extrême gauche. En 2021, son slogan pendant la campagne législative était : « Je ne suis pas venu ici pour guider des agneaux mais pour réveiller les lions ! » Au pays des pumas, cette allusion féline relève de ses habituelles saillies.
GF-T
- « Vigie d’un monde en ébullition », n° 88, mise en ligne le 20 octobre 2023 sur Radio Méridien Zéro.
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Les nouveaux chiens de garde de Serge Halimi: qu’il s’agisse de vaccin, d’Europe à la Ursula-Macron, de guerre au Moyen-Orient, de russophobie ou de sinophobie, on retrouve les mêmes
Les nouveaux chiens de garde de Serge Halimi: qu’il s’agisse de vaccin, d’Europe à la Ursula-Macron, de guerre au Moyen-Orient, de russophobie ou de sinophobie, on retrouve les mêmes
par Nicolas Bonnal
La France est depuis toujours un pays conditionné. On le voit bien en relisant sans les œillères scolaires Molière ou La Bruyère. Le bourgeois, le dévot, le malade imaginaire, la femme savante, le sot savant, l’escroc médecin, le pédant-expert, l’hypocrite, la précieuse, sont des mines pour qui sait voir ; et la crise du Covid marquée par la dictature et la tartuferie sanitaire, revêt un caractère très français. Taine ou Tocqueville avaient tout dit. Centralisation, pouvoir royal, révolution, empire, radical-socialisme ont pavé la voie de la soumission jacobine de la masse (voyez mes textes sur le sujet) et l’esprit libre souvent ne comprend pas sa solitude.
La presse et la télé sont vilipendées aujourd’hui pour leur rôle. Mais elles sont toujours comme ça. Rappelons donc la belle étude de Serge Halimi.
La presse française, qui appartient à quelques oligarques (dont Bernard LVMH, qui pèse aujourd’hui MILLE milliards…de francs) et est subventionnée à hauteur de 500 millions d’euros tant elle dégoûte les Français, aura été crasse et ignoble depuis le début de cette histoire : affolement, confinements, masques, vaccins, meurtres de masse, passes sanitaires, chantage et menaces, elle nous aura tout imposé.
Malheureusement il n’y a rien de nouveau sous le sommeil : depuis les années Mitterrand et le passage du col Mao au Rotary (Hocquenghem) nous sommes dans un présent permanent d’omerta (Sophie Coignard), d’abjection et de désinformation sous contrôle de la mafia d’État (Vincent Jauvert). Ils sont là pour enrichir les riches et pour empoisonner les Français.
C’est que les gens dont nous parlons sont des chiens de garde. Et quels dobermans ! Et quels roquets ! Revenons-en alors au maître-livre de Serge Halimi, trublion du Monde diplomatique, qui rappelait dans son documenté pamphlet que le journaliste est avant tout un enthousiaste :
« La censure est cependant plus efficace quand elle n’a pas besoin de se dire, quand les intérêts du patron miraculeusement coïncident avec ceux de « l’information ». Le journaliste est alors prodigieusement libre. Et il est heureux. On lui octroie en prime le droit de se croire puissant. Fêtard sur la brèche d’un mur de Berlin qui s’ouvre à la liberté et au marché, petit soldat ébloui par l’armada de l’OTAN héliportant au Kosovo la guerre « chirurgicale » et les croisés de l’Occident, avocat quotidien de l’Europe libérale au moment du référendum constitutionnel : reporters et commentateurs eurent alors carte blanche pour exprimer leur enthousiasme. Le monde avait basculé dans la « société de l’information », avec ses hiérarchies « en réseau », ses blogs et ses nouveaux seigneurs. »
La presse fut chargée d’encenser Davos :
« Le capitalisme a ses charités, ses philanthropes dont la mission est d’enjoliver un système peu amène envers ceux qu’il ne comble pas de ses bienfaits. La presse trône au premier plan de ces campagnes de blanchiment. Ainsi, Davos, autrefois conclave des « global leaders » soucieux de « créer de la valeur » pour leurs actionnaires, serait presque devenu un lieu de virée pour patrons copains et citoyens. »
Halimi tacle au passage – mais ironiquement hélas - l’effarant Laurent Joffrin :
« N’accablons pas Laurent Joffrin. Lui qui, pendant les années Reagan, célébra les États- Unis et le libéralisme (l’émission « Vive la crise ! » fut en partie son œuvre) n’a fait que traduire à sa modeste échelle ce que, sous la double pression de la concentration capitaliste et d’une concurrence commerciale favorisant le conformisme et la bêtise, le journalisme est devenu presque partout : creux et révérencieux. »
La géographie ça sert d’abord à faire la guerre, disait le trop oublié géographe tiers-mondiste Yves Lacoste. La presse encore plus, surtout dans une puissance belligène et coloniale :
« Pendant les guerres, la presse se soucie moins de consensus, de pédagogie, de complexité, et davantage de réchauffer l’ardeur des combattants. Presque tout a été dit sur l’effondrement de l’esprit critique lors de la guerre du Golfe où, mis à part L’Humanité et La Croix (par intermittence), chacun des directeurs de quotidien se plaça au service de nos soldats. Quasiment unanimes, les hebdos, radios et télévisions firent chorus, se transformant en classe de recyclage pour officier au rancart vaincu en Algérie trente ans plus tôt et soucieux de prendre, dans les médias, sa revanche sur les Arabes. »
Halimi souligne cette haine pathologique du peuple. On la sentit venir en 1992 au moment de Maastricht. Juste là confinée au nationaliste pauvre (raciste, fasciste, nazi, antisémite, etc.), cette haine se communiqua à tout le peuple de gauche, du centre ou d’ailleurs :
« En 1992, la campagne du référendum sur le traité de Maastricht répéta les « dérives » observées pendant la guerre du Golfe. Là encore, beaucoup de choses se conjuguèrent : la volonté d’encourager l’élite éclairée qui construit l’avenir (« l’Europe») alors que le peuple ne sait qu’exhaler ses nostalgies, sa « xénophobie » et ses « peurs » ; la préférence instinctive pour les options du centre, surtout lorsqu’elles s’opposent aux extrêmes « populiste » et « nationaliste » ; enfin la place accordée aux avis des experts et des intellectuels, eux aussi particulièrement sensibles aux ressorts précédents. Intelligence contre irrationalité, ouverture contre repli, avenir contre passé, ordre contre meute : tous ces fragments d’un discours méprisant de caste et de classe resurgirent au moment du référendum de mai 2005 sur le traité constitutionnel européen. »
Et comme on continue de chercher la petite bête immonde ici et ailleurs, Halimi rappelle :
« Il a fallu attendre la fin du second septennat de François Mitterrand pour découvrir que l’ancien président de la République avait, sciemment et longtemps après la guerre, continué à fréquenter un haut dignitaire de Vichy impliqué dans les basses œuvres de ce régime, qu’il avait envoyé à la guillotine des militants de l’indépendance algérienne…Tant d’enquêteurs et tant de journaux se prétendant concurrents pour arriver à ce résultat-là ! »
Et puisque je citais Molière, je rappellerai sa prodigieuse pièce méconnue : « tu l’as voulu, Georges Dandin, tu l’as voulu ! ». Car le Français de souche adore remettre ça. Il élira sauf accident (mais lequel ?) l’énarque Pécresse après l’énarque Macron et l’énarque Hollande (voyez aussi les énarques Philippot ou Asselineau…), le tout sans se poser de questions.
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vendredi, 20 octobre 2023
La crise de l'Occident et la bataille pour l'âme européenne
La crise de l'Occident et la bataille pour l'âme européenne
par Andrea Zhok
Source : Andrea Zhok & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/la-crisi-dell-occidente-e-la-battaglia-per-le-anime-europee
La phase historique que nous vivons est marquée par une crise profonde, voire terminale, de l'empire américain. Avec le reflux de la mondialisation économique et l'affaiblissement de l'emprise américaine sur le monde, les processus de contrôle, de chantage et de déstabilisation stratégique promus par les centres de pouvoir américains se sont accélérés.
Les pays du bloc d'alliance américain étant tous des démocraties libérales, le problème du contrôle de l'opinion publique est central. Ainsi, une bataille fondamentale pour l'âme des populations occidentales a commencé, et cette bataille a son épicentre non pas en Amérique, mais en Europe, où la tradition d'une culture critique et plurielle était beaucoup plus vigoureuse qu'aux États-Unis.
Le premier pas dans cette direction a été la soumission de l'Union européenne à la chaîne de commandement américaine, une soumission testée lors de l'affaire de la pandémie, et maintenant bien établie. Peu de gens se souviennent que le projet européen est né sous les auspices d'un contrepoids à la puissance américaine, d'un troisième pôle organisé qui s'opposerait non seulement au modèle soviétique, mais aussi à celui des alliés américains. Ce rôle autonome, inspiré par l'expérience des États-providence européens de l'après-guerre, est entré en crise avec la transformation de la Communauté européenne en Union européenne, avec le tournant néolibéral du traité de Maastricht, et n'est plus aujourd'hui qu'un lointain souvenir.
Afin de comprendre les extrêmes de la bataille des âmes en cours, jetons un coup d'œil, à titre d'exemple, sur quelques faits récents liés au conflit israélo-palestinien.
Ces derniers jours, l'UE a demandé aux META de retirer de leurs plateformes tout contenu considéré comme de la "désinformation", sous peine d'amendes pouvant aller jusqu'à 6% du chiffre d'affaires mondial.
Le commissaire européen Thierry Breton est intervenu officiellement auprès d'Elon Musk pour l'inciter à agir afin de contrôler et de censurer la "désinformation" sur Twitter en lien avec le conflit israélo-palestinien.
La loi sur les services numériques adoptée par l'Union européenne en 2022 est la première intervention législative qui institutionnalise la censure sur les plateformes médiatiques européennes. Bien entendu, ce qui reçoit le stigmate de "désinformation" et de "fake news" ne sont toujours que les thèses qui dérangent le récit officiel, et le contrôle des agences de "vérificateurs de faits indépendants" garantit que les autorités reçoivent continuellement les bonnes balles à écraser.
Entre-temps, le manège des changements et des modifications de pages Wikipédia au contenu inconfortable a repris, dans la lignée de ce qui s'est passé avec le Covid et l'Ukraine.
En Italie, l'appareil des matraques médiatiques en service permanent qui peuplent la télévision et les journaux a été activé dans les expéditions punitives désormais habituelles à l'égard des dissidents ayant un profil public pertinent. Ainsi, Alessandro Orsini et Elena Basile sont devenus l'objet insistant de railleries, d'embuscades médiatiques et de fatwas. Le pauvre Patrick Zaki, qui était une idole du grand public, est tombé instantanément en disgrâce en jouant sur des candidatures européennes et divers avantages pour avoir naïvement dit ce qu'il pensait d'Israël et de la Palestine. Moni Ovadia, pour qui les escouades médiatiques ne recourent pas à l'habituelle équation antisioniste = antisémite, a été prié de démissionner de son poste de directeur du théâtre municipal de Ferrare.
Au niveau international, les journalistes qui ne se contentent pas de recopier les pamphlets des apparatchiks américains courent systématiquement le risque d'être victimes d'une mitraillade accidentelle. C'est ce qui est arrivé l'autre jour à des journalistes de Reuters et d'Al Jazeera, mais la liste des journalistes tués par l'armée israélienne ces dernières années est longue.
Heureusement qu'il y a des journalistes comme les nôtres, qui s'assoient dans la dînette romaine en faisant tournoyer des drapeaux de supporters et en jouant les ventriloques de l'ami américain, sinon on ne saurait pas où canaliser les prébendes et les accolades.
A ce stade, l'intérêt américain est tout entier dans la multiplication des foyers de conflits car cela lui permet d'exploiter ses deux dernières forces résiduelles: sa prééminence durable en matière d'armement conventionnel et sa situation géographique isolée qui l'immunise contre les conséquences immédiates des conflits qu'elle suscite. C'est dans cet esprit que l'on comprend ce qu'a révélé hier la consultation de courriels internes (Huffington Post), à savoir que le département d'État américain a découragé les diplomates travaillant sur les questions du Moyen-Orient de faire des déclarations publiques contenant des mots tels que "désescalade", "cessez-le-feu", "fin de la violence", "effusion de sang", "rétablissement du calme". Les ordres stables consistent à jeter de l'huile sur le feu.
Dans ce contexte, le contrôle du flux de l'opinion publique est crucial.
La méthode - il faut bien le comprendre - n'est plus celle de la censure systématique, réclamée par les autocrates d'il y a un siècle, mais celle de la manipulation et de la censure nuancée.
À cet égard, on peut prendre l'exemple de la "nouvelle" d'il y a quatre jours sur les 40 bébés décapités par le Hamas. La nouvelle a été diffusée sur la base d'un ouï-dire et, le lendemain, elle faisait la une de plus ou moins tous les organes de presse du monde. Hier, la journaliste de CNN Sarah Snider, qui avait initialement rendu la "nouvelle" virale, s'est excusée parce que l'information n'avait pas été confirmée. Sky News a déclaré aujourd'hui que la nouvelle n'avait "pas encore" été confirmée (après quatre jours, sur quoi s'appuie-t-on ? sur des experts en effets spéciaux ?)
Certains diront naïvement que cet aveu de CNN est un signe de la liberté de la presse en Occident. Mais bien sûr, l'asymétrie entre une nouvelle sensationnelle étalée à la une du monde entier et les doutes éventuels qui filtrent plus tard entre les lignes ici et là équivaut politiquement à avoir orienté la majorité de l'opinion publique dans une direction précise (l'indignation émotionnelle contre les tueurs), même si dans quelques mois ou quelques années, on admettra calmement que la nouvelle était en fait sans fondement.
C'est ce que l'on pourrait appeler la "méthode Colin Powell" ou la méthode "les bons Indiens sont des Indiens morts".
Tout d'abord, on crée une affaire suffisante pour diaboliser l'une des parties et on le fait avec suffisamment de vigueur pour produire une opération d'extermination.
Une fois l'opération terminée, on admet cavalièrement que les choses ne se sont pas passées ainsi, tout en se vantant de son honnêteté et de sa transparence.
On a d'abord brandi des fioles de prétendues armes chimiques devant l'ONU, on a exterminé un État souverain, des femmes, des enfants, des chiens et des hamsters, puis des années plus tard - entre un scotch et un autre apéro - on a admis avec un sourire distrait que, bon, c'était une ruse, que faire, celui qui l'avait subie l'avait effectivement subie.
On commence par exterminer la population indigène des Amérindiens, en les présentant comme d'horribles monstres assoiffés de sang, puis, lorsqu'ils sont réduits à des attractions folkloriques, on lance une industrie cinématographique pleine de bons Indiens et de colons consciencieux.
Dans le monde contemporain, il n'est pas nécessaire de tenter l'exploit, aussi complexe que futile, de bloquer 100% d'informations vraies. Il suffit de manipuler, de censurer, de filtrer sélectivement la masse du public et ce, juste assez longtemps pour créer des dommages irréversibles.
Mais le cynique se bercerait d'illusions s'il pensait qu'aujourd'hui ce jeu destructeur n'a en son centre que quelques millions de "pions palestiniens sacrifiables". Si la situation n'est pas immédiatement gelée et désamorcée, les peuples d'Europe sont et seront au centre de la grande opération de démolition en cours.
C'est l'Europe qui subit déjà et subira l'impact de la dévastation des relations avec l'Est à cause de la guerre en Ukraine.
Et c'est l'Europe qui subira l'impact d'une déstabilisation durable du Moyen-Orient, où un conflit impliquant Israël, la Syrie, le Liban, l'Iran et peut-être aussi l'Irak, l'Egypte, la Jordanie, etc. représenterait une bombe sociale et économique indéfinie pour l'Europe - sans parler des risques d'une implication directe dans la guerre.
Et curieusement, le seul plus petit dénominateur commun de ces conflits réside dans le rôle des États-Unis, qui sont aussi la force qui en profite le plus et celle qui a la plus grande capacité d'influencer les médias internationaux.
Mais il va sans dire que quiconque relie les points est un conspirationniste.
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Géopolitique: Quel est l'intérêt de l'Allemagne ?
Géopolitique: Quel est l'intérêt de l'Allemagne ?
Une analyse exclusive du publiciste Dimitrios Kisoudis pour le Deutschland-Kurier
Source: https://deutschlandkurier.de/2023/10/geopolitik-was-ist-deutsches-interesse/?fbclid=IwAR2wP31NZahxPGZ3EGxWNfueZ_FeT2H1dIIrmWxhexjWoB6asotDYXWiL6E
Oui, il faut s'exprimer sur chaque conflit. Car c'est un conflit de même source qui éclate partout dans le monde. Et de son issue dépendra la capacité de l'Allemagne à s'en sortir. Mais il faut prendre position en partant de l'intérêt allemand.
Quel est l'intérêt allemand ? Il consiste tout d'abord à secouer le joug du wokisme, à stopper l'immigration, à normaliser les rôles des hommes et des femmes et à se reconnecter au commerce mondial de l'énergie. Le problème fondamental est l'hégémonie américaine sur l'Europe. Elle conditionne et fixe les règles de l'antiracisme, de l'intégration, de la dimension que prennent les théories du genre et de la pénurie d'énergie. De la rééducation à l'ouverture des frontières et au dynamitage de Nord Stream, le long chemin de l'Allemagne vers un tropisme occidental s'est étendu. Il ne s'est pas terminé par le salut mais par le malheur.
Le pétrodollar et la monnaie fiduciaire constituent la base de l'hégémonie américaine. Les États-Unis impriment des dollars à volonté, car l'argent n'est plus lié à l'or. Pour éviter l'inflation, ils laissent le dollar - sous la menace - s'écouler vers le reste du monde comme monnaie de réserve dans le commerce de l'énergie: our currency, your problem. C'est sur ce principe que repose la domination américaine sur l'Eurasie. L'Allemagne est trop faible pour se libérer activement des États-Unis et de leur idéologie impériale. Elle a besoin que cette domination se brise d'elle-même, de l'extérieur.
Les pays BRICS prennent actuellement de nombreuses initiatives pour briser le pétrodollar et entamer la dédollarisation. En particulier, ils effectuent le commerce de l'énergie dans leurs propres monnaies. Une monnaie liée aux matières premières est en cours de discussion. Ils obligent ainsi les États-Unis à découpler également le dollar, déjà détaché des actifs tangibles, du commerce du pétrole et à faire un pas supplémentaire risqué vers la virtualité. Pour l'Europe et l'Allemagne, cela ouvre la porte de la liberté qu'ils n'ont pas pu ouvrir par leurs propres moyens.
L'accord de paix entre l'Iran et l'Arabie saoudite est un élément important de la dédollarisation. Après des années de querelles et de conflits par procuration, la puissance régionale chiite et la puissance régionale sunnite-wahhabite ont rouvert des ambassades réciproques - par l'intermédiaire de la République populaire de Chine. Avec l'Arabie saoudite, la pierre angulaire du pétrodollar risque de se détacher de l'Occident. L'Allemagne a un intérêt éminent à ce que cette étape réussisse et que les relations entre l'Arabie saoudite et l'Iran soient pacifiées.
Les conflits au Moyen-Orient doivent également être évalués en fonction de cet intérêt prioritaire. Pas à partir d'images télévisées ou d'autres moyens de pression 'moraux'. L'intérêt de l'Allemagne n'est pas identique à celui d'Israël et ne dépend pas du bien-être des Palestiniens. On ne peut pas non plus juger le conflit en assimilant les Palestiniens aux immigrés de notre pays et les Israéliens à la population allemande majoritaire. Cette vision témoigne d'un provincialisme politique et n'a rien à voir avec la réalité.
Le parallèle ne tient pas la route, car la politique étrangère repose sur des conditions différentes de celles de la politique intérieure. C'est précisément l'occidentalisation de l'Allemagne qui a conduit à une orientalisation à l'intérieur: le recrutement de 'travailleurs invités' turcs s'est fait dans le contexte de l'appartenance des deux pays à l'OTAN. Et c'est probablement l'orientalisation de l'Allemagne vers l'extérieur qui permettrait à nouveau une germanisation interieure. Ceux qui prennent l'Occident comme référence pour comprendre les conflits mondiaux font fausse route. L'Allemagne n'a jamais fait partie de cet Occident. Et elle ne le fera jamais.
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Un entretien avec Pierre Le Vigan : « Penser le néant de l’époque »
Un entretien avec Pierre Le Vigan : « Penser le néant de l’époque »
Paru dans le quotidien Présent, mercredi 18 mars 2020
Questions de Pierre Saint-Servant
De votre livre Le Malaise est dans l’homme (2011) au Grand Empêchement qui vient de paraître, en passant par Soudain la postmodernité (2015) et Achever le nihilisme (2019), vous poursuivez la dissection de l’époque. Autour de quelle grande intuition ? Et peut-être, avec quel espoir ?
Ce qui m’intéresse, c’est ce qui est aux confins des permanences et des particularités de notre époque. Les maux de l’homme sont indissociables de sa sensibilité, si difficile à définir qu’Epicure préférait parler de l’ « élément sans nom » (un élément de l’âme bien sûr). L’époque actuelle, qui est une hypermodernité – une modernité intensifiée – contredit elle-même certains aspects de la modernité, comme la culture du travail, tout en la prolongeant, par l’individualisme de masse (un oxymore, mais qui résume notre époque). La quantité de modernité change sa qualité.
On pourrait appeler cela l’individualisme de masse un culte des différences, mais à condition qu’elles soient insignifiantes. Notre époque est celle du gang des postiches, qui est aussi le gang des postures. En fait, chacun souffre du vide de notre époque, qui est la désertion du sacré. Mais en son absence, chacun le remplace par des étiquettes (« noir racisé », « indigène de la république »…), qui sont des simili-identités.
Les attitudes sociales à adopter faisaient l’objet d’un consensus normatif durant la modernité. Cette dernière (le XXe siècle jusqu’aux années 60) n’avait pas mis par terre les valeurs traditionnelles de respect de la famille, de la patrie, des Anciens. Mais elle avait mis ces valeurs au service d’un culte du travail, de la technique, du progrès. Ce culte a fini par se retourner contre ces valeurs qui, traditionnelles, avaient perdurées dans la modernité. Notre société, dominé par le Capital devenu un mode de production mondialisé, a besoin maintenant, avec l’hypermodernité, d’un culte plus ludique de l’activité, ou de « l’innovation », que le culte classique du travail, d’un culte de la consommation et de la « nouveauté » permanente, d’une individualisation croissante qui casse les formes traditionnelles de rapport au travail et le sérieux dans l’exercice des métiers.
Notre société s’est gadgétisée. Le Capital (les forces économiques qui dominent notre société et lui donnent sa forme) a besoin d’hommes interchangeables et jetables, et non de travailleurs fidélisés, comme c’était en partie le cas dans les années 50 – ce qui ne gommait pas les conflits sociaux, mais les structurait. Le Capital a besoin d’une société plus atomisée, fluide, liquide.
Votre réflexion tente de creuser - et d’élucider – la question de l’épuisement de l’homme postmoderne. Epuisement biologique, psychologique, bien visible, mais aussi spirituel, esthétique, ce qui est certainement plus grave. Quelles sont les grandes causes de cet épuisement ?
La cause principale de cet épuisement me parait être la fin des verticalités c’est-à-dire des transmissions, des figures du Père, des fidélités. L’homme doit s’inventer, il est « libre d’être soi », mais surtout contraint d’édifier son soi (Alain Ehrenberg, La fatigue d’être soi). Après la mort de Dieu, ou son « éclipse » (Martin Buber), le progrès a tenu lieu de nouvelle religion. La croyance au progrès a légitimé bien des désastres, aussi bien sociaux qu’esthétiques. Mais cette religion du progrès avait le mérite d’être collective. Elle a laissé place à l’impératif individualiste de la création de soi par soi. C’est plus difficile, et cela ne fait pas lien entre nous.
Or, si chaque homme doit se construire, toute société doit lui donner un outillage mental et moral de valeurs, et de perspectives à partir duquel il se construit. C’est ce que nos sociétés occidentales ont oublié, en tombant dans l’idéologie de la désaffiliation, et en refusant toute notion d’héritage culturel et même biologique, puisque quelqu’un né garçon pourrait « choisir » d’être fille – et réciproquement. L’idéologie du « c’est mon choix » fait de chacun l’esclave de ses engouements passagers, tandis que la notion d’engagement, qui est toujours avant tout vis-à-vis de soi-même, s’efface. Or, c’est lui qui donne contenu et sens à la vie. C’est la promesse que l’on se fait à soi-même qui est la plus importante.
L’emprise numérique semble être le nouvel horizon de l’esclavage postmoderne, un esclavage volontaire qui fait vivre des milliards d’individus « dans la Caverne ». Quel regard portez-vous sur ce dernier stade du nihilisme ?
Les écrans sont à la fois une merveilleuse invention (le cinéma…) et une menace. La reproduction visuelle de la réalité remplace l’expérimentation de la réalité. Dans un musée, vous remarquerez que beaucoup de visiteurs passent plus de temps à photographier les tableaux qu’à les regarder. De là vient ce que Walter Benjamin appelait la perte de l’aura. Celle-ci est le sentiment de sacré qui nous saisit devant le caractère unique – et fragile – d’une œuvre d’art. Entre un homme et une femme, l’aura, c’est l’amour. En politique, c’est le charisme. Nous en manquons.
Auteur prolifique, vous êtes également un grand lecteur. Permettez-moi d’évoquer avec vous trois grands noms, qui, le temps d’une illumination médiatique, ont resurgi récemment : Heidegger, George Steiner et Roger Scruton. Commençons par Heidegger, dont le texte « Bâtir habiter penser » suscite un regain d’intérêt. Que devez-vous à Heidegger ?
Le texte « bâtir, habiter, penser », de 1951, a donné lieu à beaucoup d’études, et a stimulé la philosophie de l’architecture. Celle-ci est riche, de Ludger Schwarte à Chris Younès, Françoise Choay, Benoit Goetz, un grand ancien comme Paul Valery, Céline Bonicco-Donato, Marc Augé… Heidegger montre qu’habiter n’est pas seulement se loger, trouver un abri, c’est « être présent au monde et à autrui ». La question du lieu et de l’habiter est centrale dans l’anthropologie philosophique. La réflexion sur l’habiter et le lieu (qui s’oppose au non-lieu) n’est pas dissociable de l’étude d’autres textes d’Heidegger, tels « Qu’est-ce qu’une chose », et du livre inachevé Etre et temps, « chef d’œuvre de ce siècle » et « un des quelques livres éternels de la philosophie », comme disait Lévinas.
Disons quelques mots du philosophe conservateur Roger Scruton. Vous était-il familier ?
Scruton est venu au paléoconservatisme (différent du néoconservatisme libéral de Mme Thatcher) par l’esthétique, la reconnaissance de la nécessité de la beauté. C’est un bon point de départ. Toutefois, la critique par Scruton du « marxisme culturel » soixante-huitard passe largement à côté de la pensée de Marx (qui n’était pas son sujet). En outre, pour conserver (ou restaurer) ce qui mérité de l’être, il faut révolutionner l’économie, et la démondialiser. Il n’y a de bon conservatisme que révolutionnaire.
Enfin, terminons avec George Steiner, dont on connaît les dialogues lumineux avec Pierre Boutang, et qui porta si haut l’art de la lecture…
Je ne crois qu’à un sacré sans religion, ou, en tout cas, au-delà de toute religion. Si ce sacré est encore religieux, cela veut dire une « religion » sans dogme et sans révélation. Pas de théisme donc. Mais peut-être un déisme. Plus bouddhiste que chrétien, plus habité par le sacré et le numineux (Rudolf Otto, la présence absolue du divin) que par les monothéismes, quoique chrétien de civilisation. Peut-être hanté par le sentiment de la présence des dieux – ou d’un Dieu – comme reflet du tragique de la condition humaine et certitude de notre situation précaire au sein d’un immense cosmos. Plutôt lire Hubert Reeves que les textes « saints ». En somme, je suis panthéiste.
Autant dire que je ne suis pas sensible au thème du « sacrifice d’Abraham » (ni du malheureux bélier). Sans diviniser la nature, je pense qu’il n’y a de sacré que dans la nature. Quant à la sainteté, elle m’ennuie. Exemple : Roger Holeindre n’était pas un saint. Il était bien mieux que cela. Un guerrier, et un homme de passions. J’aime les hommes de passions. Mais j’aime aussi le détachement. J’écoute Renan, dans La prière sur l’Acropole : « Tout n'est ici-bas que symbole et que songe. Les dieux passent comme les hommes, et il ne serait pas bon qu'ils fussent éternels. La foi qu'on a eue ne doit jamais être une chaîne. On est quitte envers elle quand on l'a soigneusement roulée dans le linceul de pourpre où dorment les dieux morts ».
*
Propos recueillis par Pierre Saint-Servant
Présent, 18 mars 2020.
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Zygmunt Bauman et le bon usage du terrorisme (texte écrit après le bizarre attentat de Strasbourg de 2018)
Zygmunt Bauman et le bon usage du terrorisme (texte écrit après le bizarre attentat de Strasbourg de 2018)
Nicolas Bonnal
https://twitter.com/HoyPalestina/status/1714348731032617029
Il est important de contrôler les masses rétives et de les faire plier. L’attentat de Strasbourg n’a pas failli à cet égard. Las, chat échaudé craint l’eau froide. Et le pouvoir aux abois, avec cette arme ridicule de 1892, n’a pas su exploiter le massacre pour interdire à la France de se réveiller. Le Bataclan, lui aussi coordonné dans des circonstances invraisemblables, fut mieux exploité et maintint l’État-PS et le lobby euro-atlantiste au pouvoir, mal dans les baskets des déplorables depuis l’élection du Donald.
On va relire le sociologue israélo-britannique Zygmunt Bauman, auteur de remarquables essais sur notre postmoderne et zombi mondialisation. Il a bien compris que la clé c’est la peur et son exploitation (on est en 2002) :
« Mais l’envoi de troupes en Irak n’a fait qu’aggraver la crainte de l’insécurité, aux États-Unis et ailleurs…. Comme on aurait pu s’y attendre, le sentiment de sécurité ne fut pas la seule victime collatérale de cette guerre. Les libertés personnelles et la démocratie ont vite connu le même sort. Pour citer l’avertissement prophétique d’Alexander Hamilton :
« La destruction violente des vies et des biens que causent la guerre et l’inquiétude permanente qu’entraîne un état de danger permanent obligeront les nations les plus attachées à la liberté à chercher le calme et la sécurité auprès d’institutions qui tendent à détruire leurs droits civils et politiques. Pour être plus protégées, elles finissent par accepter le risque d’être moins libres. »
On croirait lire Tocqueville (qui a compris et décrit aussi bien avant lui la société liquide…)
https://www.amazon.fr/Pr%C3%A9sent-liquide-sociales-obses...
Bauman ajoute :
« La vie sociale change quand les hommes commencent à vivre derrière des murs, à engager des gardes, à conduire des véhicules blindés, à porter des matraques et des revolvers et à suivre des cours d’arts martiaux. La difficulté est la suivante : ces activités renforcent et contribuent à produire la sensation de désordre que nos actions visaient à empêcher. »
L’important dans ce ministère de le peur, comme dirait Fritz Lang, qui connut et le nazisme et le maccarthysme, est de créer une peur qui se nourrit d’elle-même. C’est le sujet du passionnant et percutant Captain America (le soldat d’hiver) produit par les israéliens de Marvel Comics. Le pouvoir se nourrit d’attentats car ils servent à soumettre. Debord a aussi écrit sur le sujet. Mais restons-en à Bauman :
« Il semble que nos peurs soient devenues capables de s’auto-perpétuer et de s’auto-renforcer, comme si elles avaient acquis un dynamisme propre et pouvaient continuer à croître en puisant exclusivement dans leurs propres ressources. »
La peur gagne sans rire tous les domaines, la météo, le sexe, le vêtement, la bouffe :
« Nous cherchons à dépister « les sept signes du cancer » ou « les cinq symptômes de la dépression », nous tentons d’exorciser le spectre de la tension trop forte, du taux de cholestérol trop important, du stress ou de l’obésité. Autrement dit, nous sommes en quête de cibles de substitution sur lesquelles décharger le surplus de crainte existentielle qui n’a pas pu trouver ses débouchés naturels, et nous découvrons ces cibles de fortune en prenant de grandes précautions pour ne pas inhaler la fumée de cigarette des autres, pour ne pas ingérer d’aliments gras ou de « mauvaises » bactéries – tout en avalant goulûment les liquides qui se vantent de contenir « les bonnes » –, pour éviter l’exposition au soleil ou les relations sexuelles non protégées… »
Bauman ici explique pourquoi on croule sous d’horribles et coûteuses voitures informelles. Cela correspond à la paranoïa du « capitalisme de catastrophe » (Ramonet) :
« L’exploitation commerciale de l’insécurité et de la peur a des retombées commerciales considérables. Selon Stephen Graham, « les publicitaires exploitent délibérément la crainte très répandue du terrorisme catastrophique pour dynamiser les ventes très lucratives de 4 x 4 ». Ces monstres militaires très gourmands en carburant, que les Américains appellent SUV (sport utility vehicles), représentent déjà 45 % de l’ensemble des ventes de voitures aux États-Unis et s’intègrent dans la vie urbaine de tous les jours sous le nom de « capsules défensives ». Le 4 x 4 est un signifiant de sécurité que les publicités dépeignent, à l’instar des communautés fermées au sein desquelles on les voit souvent rouler, comme permettant d’affronter la vie urbaine, pleine de risques et d’imprévus […]. Ces véhicules semblent apaiser les craintes que ressentent les membres de la bourgeoisie lorsqu’ils se déplacent en ville (ou sont bloqués dans les embouteillages). »
Puis il revient au sujet, le terrorisme et son utilité comme ingénierie sociale :
« En octobre 2004, la BBC a diffusé une série documentaire sous le titre The Power of Nightmares : the Rise of the Politics of Fear (« Le pouvoir des cauchemars : la montée de la politique de la peur »). Adam Curtis, auteur et réalisateur de cette série, l’un des documentaristes les plus acclamés en Grande-Bretagne, y montre que, si le terrorisme international est assurément un danger réel qui se reproduit continuellement dans le no mans land mondial, une bonne partie – sinon l’essentiel – de sa menace officielle « est un fantasme qui a été exagéré et déformé par les politiciens. Cette sombre illusion s’est propagée sans jamais être contestée à travers les gouvernements du monde entier, les services de sécurité et les médias internationaux ». Il ne serait pas difficile d’identifier les raisons du succès rapide et spectaculaire de cette illusion : « À une époque où toutes les grandes idées ont perdu leur crédibilité, la peur d’un ennemi fantôme est tout ce qu’il reste aux politiciens pour conserver leur pouvoir. »
https://www.amazon.fr/DANS-GUEULE-BETE-LAPOCALYPSE-MONDIA...
Et comme s’il avait lu Guy Debord, Bauman rappelle les années de plomb allemandes (l’actuel fascisme humanitaire-antiraciste-féministe en Allemagne a de beaux précédents) :
« Capitaliser sur la peur est une stratégie bien établie, une tradition qui remonte aux premières années de l’assaut néolibéral contre l’État social.
Bien avant les événements du 11 septembre, beaucoup avaient déjà succombé à cette tentation, séduits par ses redoutables avantages. Dans une étude judicieusement intitulée « Le terrorisme, ami du pouvoir de l’État », Victor Grotowicz analyse l’utilisation des attentats de la Fraction armée rouge par la République fédérale allemande à la fin des années 1970. En 1976, seuls 7 % des citoyens allemands considéraient leur sécurité personnelle comme une question politique importante, tandis que, deux ans après, une majorité considérable d’Allemands en faisait une priorité, avant la lutte contre le chômage ou contre l’inflation. Durant ces deux années, la nation put voir à la télévision des reportages sur les exploits des forces de police et des services secrets, alors en pleine expansion, et put entendre les hommes politiques promettre des mesures toujours plus dures dans la guerre totale contre les terroristes. »
Il est important de rappeler cela, qu’il s’agisse de Sarkozy-Macron-Hollande, de Bush, May, Clinton-Obama, Merkel et du reste ; l’Etat fasciste-sécuritaire accompagne la dégradation-extinction de l’Etat de droit et de l’État social. L’État renonce à la carotte et a recours à la trique du CRS et au contrôle par des services plus ou moins secrets :
« On en venait à se demander si la fonction manifeste de ces nouvelles mesures, sévères et ostensiblement impitoyables, censées éradiquer la menace terroriste, ne dissimulait pas une fonction latente : déplacer le fondement de l’autorité de l’État d’un domaine qu’elle ne voulait ni ne pouvait maîtriser efficacement vers un autre domaine où son pouvoir et sa détermination pouvaient se manifester de façon spectaculaire, en remportant presque tous les suffrages. Le résultat le plus évident de la campagne antiterroriste fut une rapide hausse de la peur dans tous les rangs de la société. »
D’où évidemment un incessant recours à ces insaisissables émanations terroristes (dans Captain America, cela s’appelle justement Hydra). Bauman rappelle qu’on baptisa l’hydre du terrorisme mondial pour effrayer les chaumières et servir l’avènement de l’Etat policier universel :
« Adam Curtis, déjà cité, va encore plus loin et suggère qu’Al-Qaida existait à peine, sinon comme vague programme visant à « purifier par la violence religieuse un monde corrompu », et ne fut créé que par l’ingéniosité des juristes ; Al-Qaida ne fut ainsi baptisé que « début 2001, quand le gouvernement américain décida de poursuivre Ben Laden en son absence et dut utiliser les lois antimafia qui exigeaient l’existence d’une organisation criminelle portant un nom ».
Le terrorisme compte donc sur l’Etat postmoderne, dont il est le meilleur et le plus régulier allié :
« Contrairement à leurs ennemis déclarés, les terroristes ne sont pas limités par l’étendue modeste de leurs ressources. Lorsqu’ils conçoivent leur stratégie et leur tactique, ils peuvent compter au nombre de leurs atouts la réaction attendue et quasi certaine de « l’ennemi », qui viendra considérablement amplifier l’impact des atrocités commises. Si le but des terroristes est de répandre la terreur au sein de la population ennemie, l’armée et la police ennemies veilleront à ce qu’ils y parviennent bien au-delà de ce qu’ils auraient pu accomplir par leurs propres moyens. »
https://twitter.com/JuanmiGG_News/status/1714344802697761...
Dure et rigoureuse conclusion de Bauman :
« De fait, on ne peut que reprendre l’analyse de Michael Meacher : le plus souvent, et surtout depuis le 11 septembre, nous avons l’air de « jouer le jeu de Ben Laden ». Cette attitude peut avoir des conséquences tragiques. »
On a tous vu la nullité brouillonne des forces du désordre à Strasbourg. Mais ce chaos fait partie de la mise en scène, et Bauman vous l’explique :
« Les forces terroristes ne souffrent guère de ce genre d’attaques ; au contraire, c’est dans la maladresse et dans la prodigalité extravagante de leur adversaire qu’elles puissent une énergie renouvelée. L’excès n’est pas seulement la marque des opérations explicitement antiterroristes ; il caractérise aussi les alertes et avertissements adressés à leurs propres populations par la coalition antiterroriste. »
Le grand vainqueur est l’État postmoderne (avec le bonapartisme la France a toujours eu de l’avance). On rappelle du reste la citation de Maurice Joly :
« Il y aura peut-être des complots vrais, je n’en réponds pas ; mais à coup sûr il y aura des complots simulés. À de certains moments, ce peut être un excellent moyen pour exciter la sympathie du peuple en faveur du prince, lorsque sa popularité décroît. »
Sources :
Zygmunt Bauman, la Société liquide, Seuil, 2002
Maurice Joly, Entretiens, Wikisource.org
Guy Debord - Commentaires
https://reseauinternational.net/maurice-joly-et-la-naissa...
https://reseauinternational.net/captain-america-et-le-dev...
https://en.wikipedia.org/wiki/Zygmunt_Bauman
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jeudi, 19 octobre 2023
Entretien avec Clotilde Venner - Dominique Venner, penseur de l’histoire
Dominique Venner, penseur de l’histoire
Entretien avec Clotilde Venner
Propos recueillis par Robert Steuckers
RS : Pourquoi Dominique Venner s'est-il intéressé à l'histoire?
CV: Dominique s'est intéressé à l'histoire pour plusieurs raisons. Comme je l'explique dans mon livre (A la rencontre d'un cœur rebelle), Dominique a eu trois vies, une première où il fut un activiste politique, une seconde plus méditative que je nomme le recours aux forêts, et une troisième où il fut l'historien que nous avons connu. L'étude de l'histoire, je pense a pris toute son importance au moment de son arrêt de la politique donc au terme de sa première vie. Cet arrêt de la politique, il l'a vécue comme une petite mort. Pour surmonter cette épreuve, il s’est retiré à la campagne, a fondé une famille, et là pendant une quinzaine d'années s’est consacré à l’écriture de livres sur l’histoire des armes, mais parallèlement il a lu, de manière méthodique et intense, des ouvrages principalement historiques.
Pendant toutes ces années, il n'a eu de cesse de se poser la question « que faire ? », « que transmettre ? ». Et c'est dans l'étude de l'histoire qu'il a trouvé des réponses. L'histoire, si on l'interroge avec une pensée active est une source inépuisable de réflexions. L'attitude qu'il avait vis à vis d’elle était celle d'un penseur et non celle d'un érudit s'attachant à des détails insignifiants. C'est donc l'étude de l'histoire qui lui a permis de comprendre la crise de civilisation et de sens que les peuples européens traversent. Et il n'a eu de cesse de vouloir par la suite à travers de nombreux ouvrages historiques apporter une réponse à cette crise de sens, je pense à deux livres notamment: Histoire et Traditions des européens et Le Samouraï d'Occident.
RS: Deux concepts reviennent de manière récurrente dans les éditoriaux de Dominique Venner: l'imprévu dans l'histoire et le choc de l'histoire. L'histoire est donc ouverte: elle n'a ni bonne ni mauvaise fin. Vous qui avez très longuement interrogé Dominique Venner sur ces questions, ce qui a donné un livre aussi magnifique Le Choc de l'histoire qu'interpellant, qu'avez-vous à dire sur cette double thématique qui devrait être le fondement d'une vision du monde véritablement alternative?
CV: En étudiant l'histoire et en méditant sur elle, Dominique en est venu à l'idée que l'histoire était le lieu de l'imprévu permanent. Il est facile d'analyser les événements une fois qu'ils sont arrivés (ex la chute du mur de Berlin) mais rarement de les prévoir. Cet notion d'imprévu historique au lieu de rendre Dominique pessimiste le rendait d'une certaine manière optimiste pas dans le sens d'un optimisme béat mais dans le sens où rien n'est jamais figé. A tout moment une situation bloquée, apparemment sans issue peut basculer. Ce qui signifie qu'il ne faut jamais désespérer car les situations mêmes les plus tragiques sont sujettes à évolution. En 1970, personne n'imaginait la chute de la puissance soviétique. En 1913, personne ne prévoyait l'embrasement européen qui aurait lieu en 1914, Dominique l'analyse très bien dans Le Siècle de 1914. Le pessimisme absolu et l'optimisme béat sont tout aussi stupides car rien n'est jamais définitif ni dans le bien ni dans le mal. La longue plainte, et le pessimisme jouissif l’exaspéraient au plus haut point. On retrouve ce travers dans certains milieux de droite. Toute sa vie, il n’a eu de cesse de combattre cet état d’esprit. Il considérait que ces postures sont souvent le paravent d’une forme de paresse et de lâcheté.
Quand je dis que Dominique était optimiste, cela ne s'oppose pas au fait qu'il était plus que conscient que l'histoire est tragique. Si je devais définir sa conception de l'histoire, je dirais qu'il était un tragique-optimiste, c'est un concept un peu oxymorique qui résume bien sa pensée. Mais vous allez me dire, comment peut-on être optimiste quand on étudie l'histoire des hommes, c'est une succession d'horreurs permanentes. Certes tout au long de l'histoire, les hommes, les peuples traversent des épreuves, des tragédies qui menacent de les annihiler mais en même temps cette même histoire reste en permanence ouverte, elle n'est jamais figée, elle est ce qu'en font les hommes, elle a le sens qu'on lui donne. C'est pour cela ce que Dominique écrit à la fin du Samouraï d'Occident : "Quand viendra le grand réveil (des Européens)? Je l'ignore, mais de ce réveil je ne doute pas. J'ai montré dans ce Bréviaire que l'esprit de l'Iliade est comme une rivière souterraine, intarissable et toujours renaissante qu'il nous appartient de redécouvrir".
RS : Qui fait surgir l'imprévu et provoque le choc de l'histoire? Cette question n'est pas innocente car Dominique Venner s'est penché sur des événements historiques comme l'aventure des Corps Francs, la révolution bolchevique (avec la figure de Lénine), la résistance et la collaboration...
CV : Dominique avait lu attentivement Marx, Spengler et Evola, il y avait trouvé des idées intéressantes, mais sa pensée était très éloignée de toute forme de téléologie historique. Il ne pensait pas que l’histoire ait un sens ou obéisse à des cycles, il considérait que c’étaient les hommes qui faisaient l’histoire. Il écrit ainsi dans Le Choc de l’Histoire : « Je peux critiquer en revanche les théories qui furent à la mode au temps de Marx ou de Spengler. Chacune dans leur registre, elles ont récusé la liberté des hommes à décider de leur destin. »
Pour répondre à votre question, je reprendrai une formulation du sociologue Michel Maffesoli, les événements nous paraissent souvent imprévisibles car « nous ne savons pas écouter pousser l’herbe ». Les grands événements historiques sont le plus souvent le fruit d’une maturation souterraine invisible à un œil qui n’est pas exercé. Il y a un autre élément qui était important pour Dominique, c’était la notion de représentations. Pour lui, les êtres humains vivent et se distinguent à travers leurs représentations (religions, politiques, esthétiques). Et si on veut comprendre les grands phénomènes historiques, il faut s’attacher à l’étude des mentalités. Dans Le Siècle de 1914, il analyse avec beaucoup de finesse les grandes idéologies du XXe siècle, fascisme, libéralisme, immigrationnisme et comment elles ont influencé le cours du destin européen.
RS : Nous avons donc affaire à une vision non abstraite de l'histoire mais à une vision ancrée dans la Vie, soit dans des personnages historiques, des hommes et des femmes de chair et de sang, parfois providentiels. Pouvez-vous préciser et /ou donner des exemples?
CV : Dans de nombreux livres Dominique a fait le portrait d’hommes ou de femmes exceptionnels. Ces portraits avaient plusieurs fonctions. La première, c’était de donner de la chair aux événements, c’est beaucoup plus parlant pour le lecteur. Dans le livre qu’il a consacré à Jünger (Un autre destin européen), il a rédigé un long portrait de Stauffenberg. Je pense qu’à travers l’évocation de la vie de l’officier, il nous fait comprendre de l’intérieur l’opposition d’une partie de l’aristocratie allemande à Hitler. Un portrait en dit quelque fois plus long que de longues digressions conceptuelles. Dans ses livres, il y a également de nombreux portraits de femmes, qui je pense ont un rôle pédagogique comme des figures « d’exempla » au sens latin du terme, dans le sens de Plutarque et de sa « Vie des hommes illustres ». A travers ses évocations, je pense à Catherine de la Guette, Madame de Lafayette dans Histoire et Traditions des européens, ainsi qu’au portrait de Pénélope et Hélène dans Le Samouraï d’Occident, il nous donne à voir ce que c’est qu’être une femme européenne. Dans notre époque obscure et décadente, je pense que nous avons besoin de modèles auxquels nous raccrocher et ces évocations de personnages historiques peuvent être une grande source d’inspiration. Ils nous disent comment nos ancêtres ont aimé, ont souffert et ont surmonté les tragédies de l’histoire.
Le long entretien qu'a accordé Clotilde Venner au philosophe belge Antoine Dresse permet de saisir de manière particulièrement vivante la personnalité de Dominique Venner, ce qui donne au lecteur l'occasion de mieux comprendre la figure de proue fascinante qu'il fut durant toute son existence. Pour toute commande: https://nouvelle-librairie.com/?s=clotilde+venner&asp_active=1&p_asid=6&p_asp_data=1&termset[product_cat][]=-1&aspf[editeur__3]=&aspf[auteur__2]=&filters_initial=1&filters_changed=0&qtranslate_lang=0&woo_currency=EUR¤t_page_id=604
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mercredi, 18 octobre 2023
Les enseignants s'expriment: la réforme espagnole de l'éducation est une expérience et les enfants sont des cobayes
Les enseignants s'expriment: la réforme espagnole de l'éducation est une expérience et les enfants sont des cobayes
C'est la fureur qui s'exprime ici dès la première ligne mais elle est canalisée de manière rationnelle. Une analyse terre à terre de l'état de l'éducation
Xavier Massó, professeur de philosophie et membre de la Fondation Episteme, et Irene Murcia, professeur de mathématiques et membre de l'OCRE.
Propos recueillis par Juan Soto Ivars
La presse parle beaucoup du désastre de la réforme de l'éducation et, avant cela, de l'état général d'appauvrissement de l'éducation. Certains enseignants publient des livres, donnent des interviews et crient dans le désert. Mais les enseignants protestent-ils collectivement ? Ou plutôt : des groupes d'enseignants s'organisent-ils et élèvent-ils leur voix de manière audible auprès du grand public ? Le sujet le mérite. Il s'agit de l'éducation de générations futures. Cela devrait nous concerner, que nous ayons des enfants ou non.
[...]
La conférence La Necesidad Social del Conocimiento s'est tenue à Barcelone le 26 novembre 2022 à la Residencia de Investigadores - la Résidence des Chercheurs du CSIC. Elle était ouverte aux enseignants, mais pas seulement à eux, et se veut la force unificatrice qui convertit le mécontentement, on pourrait presque dire le désarroi des enseignants, face à une nouvelle loi sur l'éducation qui provoque l'étonnement. Ce sera peut-être le début d'un mouvement d'en bas pour sauver les élèves des expérimentations et des absurdités du gouvernement, des communautés autonomes et des gourous de la pédagogie.
Nous nous sommes entretenus avec les organisateurs: Xavier Massó, professeur de philosophie et membre de la Fondation Episteme, et Irene Murcia, professeur de mathématiques et membre de l'OCRE (Observatori Critic de la Realitat Educativa). Toutes deux travaillent dans les écoles secondaires depuis des décennies et les ont observées sous toutes les coutures.
QUESTION : Comment se fait-il que les enseignants et les pédagogues ne soient pas dans la même équipe ?
Xavier Massó: Ils devraient l'être. La pédagogie est l'auxiliaire de l'enseignant, elle cherche des techniques, elle écoute et parle aux équipes enseignantes. Mais ce que nous avons, c'est du pédagogisme: une idée du travail des pédagogues comme l'alpha et l'oméga de l'éducation, avec des enseignants au service de leurs croisades, et qui les dérangent le moins possible. C'est une aberration conceptuelle.
Les pédagogues sont-ils aux commandes ?
XM: Oui, ce sont les pédagogues qui dirigent, ce sont eux qui sont au sommet, avec les gouvernements et les ministères régionaux. Je suis désolé de le dire ainsi, et je ne veux pas paraître agressif non plus, mais un pédagogue ne peut pas dire à un professeur de mathématiques comment expliquer les mathématiques, ou ce qu'il faut expliquer en mathématiques.
Et si je comprends bien, c'est ce qui se passe...
XM: Vous dites, par exemple, que 50% des lycéens ne sont pas capables de comprendre certains types d'équations. Alors les autorités éducatives interrogent les pédagogues, et on espère qu'ils donneront une solution et qu'on pourra passer à 70% ou 80% ou 100%, mais que s'est-il passé historiquement ? La réponse peut être résumée comme suit: si les systèmes d'équations sont un problème, alors, ont statué les pédagogues, nous éliminons les systèmes d'équations.
Irene Murcia: La pédagogie propose des solutions apparemment scientifiques qui n'ont aucun fondement scientifique. C'est frappant dans la dernière réforme de l'éducation mais cela ne s'arrête pas là. La formation continue des enseignants est assurée par des pédagogues. J'ai assisté à de nombreux cours et ils sont absolument décevants. Je le répète: ce sont des gens qui parlent comme s'ils avaient une méthode scientifique d'apprentissage et qui disent des choses sans la plus élémentaire caution scientifique. Ils font des propositions impossibles à mettre en pratique, et le problème est alors le vôtre, celui du professeur, qui est inutile et réactionnaire.
Vous en avez marre, d'après ce que je vois.
XM: Bien sûr que nous en avons marre. Des expériences sont lancées d'en haut. Des expériences appelées "réforme de l'éducation" et "approches pédagogiques" qui ne fonctionnent pas, au vu des résultats, mais avec lesquelles on persévère, encore et encore. Eh bien: dans ces expériences, les élèves sont des cobayes. C'est effectivement ce qu'ils sont devenus.
IM: C'est ce que je veux dire par l'absence de fondement scientifique de toutes ces théories. Si vous menez un projet et qu'il ne marche pas, en termes de résultats, il est clair que vous avez un problème si vous persévérez.
Il y a une chose que l'on entend dire par les professeurs et qui semble incroyable. Est-ce vrai ou est-ce une impression extemporanée ?
XM: Bien sûr. Et maintenant, on fait autre chose, avec la nouvelle loi en particulier: on change les critères d'évaluation pour qu'un enseignant ne sache pas si l'élève doit réussir ou échouer.
Comment ?
IM: Ce n'est pas une plaisanterie. En théorie, on introduit de plus en plus de mécanismes d'évaluation qualitatifs et totalement subjectifs, pour évaluer l'élève en fonction de facteurs plus nombreux que les connaissances auxquelles on peut répondre dans un examen, pour aller jusqu'à évaluer des aspects du caractère de l'élève, éléments factuels que nous ne pouvons évidemment pas enseigner. En pratique, nous, enseignants, sommes confrontés cette année, avec la loi dite "LOMLOE", à un labyrinthe incompréhensible dans lequel il est impossible d'évaluer, car il est impossible de relier les critères d'évaluation aux connaissances de base ou aux compétences spécifiques. Tout est conçu pour qu'il soit pratiquement impossible d'échouer.
XM. Et au bout du compte, un élève passe une année pleine en trimbalant ses lacunes. Au final, on se retrouve avec le même échec scolaire au total, mais avec beaucoup de réussites en apparence. On nous oblige à introduire dans l'évaluation des facteurs qui ne sont pas évaluables, qui ne sont pas évalués, qui ne sont pas objectifs. On fait passer la prétendue morale des intentions avant l'éducation elle-même. Face à des résultats décevants, les gourous les attribuent au fait que nous, enseignants, sommes réfractaires aux nouvelles méthodes.
Il ne leur vient pas à l'esprit que leurs méthodes, propres de ceux et celles qui n'ont jamais mis les pieds dans une salle de classe de toute leur vie, sont inefficaces.
XM: C'est exact. Elles sont inexactes à la base: quelles sont les compétences de base d'un élève qui obtient une mauvaise note à un test de compétences de base? Regardez l'adjectif "basique". Un cinq signifie que l'élève se situe au milieu des compétences de base. En d'autres termes, il s'agit de déficiences flagrantes. Le système est donc vicié dès le départ.
IM: Je suis tout à fait d'accord avec Xavier. Les critères d'évaluation actuels sont comme du gruyère. Les enseignants ont commencé l'année scolaire dans l'angoisse, parce qu'ils ne voient pas comment mettre leur travail en conformité avec la loi, avec ces critères ambigus. Ils ne peuvent pas déterminer ce qui est une réussite ou un échec. Nous allons avoir une première évaluation dévastatrice pour les enseignants et les étudiants. Plus d'un finira par donner une note globale pour s'épargner des ennuis. Les enseignants définissent des critères de notation grotesques dans leurs programmes, avec des variables comprenant des pourcentages absurdes. C'est un charabia insurmontable qui n'a ni sens ni rigueur.
Les soi-disant compétences ont-elles une valeur inestimable ?
XM: Tout d'abord, elles ne sont pas définies. Le congrès accueillera l'ancien ministre portugais de l'éducation, Nuno Crato, qui a récemment dit quelque chose de très vrai: personne n'a été capable de définir ce que sont les compétences. Ce qui me vient à l'esprit, c'est une définition un peu sarcastique: on vous apprend à faire un "o" avec un spliff sans savoir ce qu'est un "o" ni ce qu'est un spliff.
Pas de définition des compétences ?
XM: L'OCDE définit les compétences comme une combinaison de connaissances, d'aptitudes, d'attitudes et de valeurs. Ça sonne bien, non? Mais ce n'est pas concret. Mais en plus, si on regarde la définition des compétences qu'ils prétendent appliquer dans nos lois sur l'éducation, on s'aperçoit que les connaissances disparaissent. On commence à parler de "savoir-faire", etc. Cette mise en avant de l'enseignement par compétences consiste à faire de l'école un centre de distraction jusqu'à l'âge du travail, à 16 ans. Et, au passage, à falsifier les critères d'évaluation pour faire croire qu'ils ont beaucoup appris, et faire bonne figure dans les classements.
Dans l'un des règlements régionaux, celui de La Rioja, il y a un article qui demande aux enseignants d'éviter l'utilisation répétée de la même méthodologie. Comme si l'expérience de l'enseignant était totalement redondante.
IM: C'est la tendance générale. Le "livre du maître" est une lettre morte pour les pédagogues. Regardez, les domaines de l'éducation en sont un exemple. En gros, il s'agit de regrouper plusieurs matières, deux, trois, voire quatre, et de les enseigner de manière globalisée avec des projets interdisciplinaires par un seul enseignant qui, dans l'immense majorité des cas, n'est spécialiste que d'une seule des matières qui composent le domaine, ce qui provoque un désastre, surtout pour les élèves défavorisés dont les familles ne peuvent pas compenser cette carence de contenu. Cela peut être utile pour certains groupes, mais la loi et les communautés autonomes, s'appuyant sur des mantras pédagogiques, l'imposent comme une panacée. Et c'est un désastre.
XM: Le dogme qui sous-tend tout cela est le constructivisme social, dont l'affirmation fondamentale est que le savoir ne se transmet pas, mais qu'il est construit par chacun dans sa propre psyché. Dans ce paradigme, l'enseignant est un "coach", un conseiller, un médiateur.
Les choses ont-elles commencé à se gâter avec la LOGSE (la première loi sur l'éducation des socialistes espagnols en 1990), comme on dit ?
XM: Exactement. Les programmes imposés par la LOGSE n'ont pas changé. C'est l'une des raisons fondamentales de la détérioration progressive des écoles. Chaque parti apporte sa petite réforme mais la LOGSE reste la mère de toutes ces aberrations. La réduction progressive et scandaleuse des contenus depuis lors est scandaleuse. Maintenant, voyant que le désastre est énorme, ils changent les critères d'évaluation pour qu'il soit impossible d'évaluer. Et vous verrez comment les notes augmenteront. Certains passeront devant tout le monde pour ne pas avoir d'ennuis.
Irene, vous êtes mathématicienne. On a dit que la "perspective de genre" allait être appliquée aux mathématiques. Est-ce vrai, au niveau de la classe ?
IM: Oui. C'est l'une des nombreuses choses ridicules et insupportables. Encore une fois, il s'agit d'éléments totalement inqualifiables.
Parlez-moi un peu de cela en pratique. Parce que c'est difficile à comprendre.
IM: C'est difficile à comprendre pour les non-enseignants mais impossible à comprendre pour les enseignants eux-mêmes. La plupart des professeurs de mathématiques ne savent pas comment mettre cela en pratique. C'est totalement ouvert, c'est un brouillard idéologique, des intentions morales, sans concrétisation possible. Ce sont tous des mots qui se vendent très bien au public, comme de dire qu'il est bon que les élèves apprennent par eux-mêmes. Qu'on m'explique, après 25 ans d'enseignement, comment j'applique l'approche socio-affective aux équations du CE2, s'il vous plaît.
L'"approche socio-affective" semble nouvelle et positive, comme l'"apprentissage par la découverte".
IM: C'est un bon exemple. L'apprentissage par la découverte ou l'apprentissage par projet est né en médecine pour des groupes de haut niveau académique, et cela fonctionne. Mais, bien sûr, vous l'imposez à des lycéens, sans outils ni préparation, et sans les connaissances appropriées, et c'est forcément le chaos. Eh bien, on continue à vous vendre cela comme le nec plus ultra. Pour apprendre en découvrant, il faut être intéressé par le sujet, et pour être intéressé par le sujet, il faut avoir des connaissances préalables et structurées. En d'autres termes, du "contenu". Un historien se rend dans des archives et y découvre des histoires. Un profane y trouve un enchevêtrement de dates, un fouillis de paperasse et ressent aussitôt l'envie de partir.
Avez-vous essayé ces techniques ?
IM: Depuis 25 ans. On innove. Ici, les enseignants sont présentés comme des gens qui font toujours la même chose, et oui, il y en a qui sont comme ça, épuisés, mais en général ce n'est pas comme ça. J'ai été chef de département et j'ai tenu à organiser des réunions avec les départements de physique ou de technologie afin de coordonner les activités et d'enseigner les matières dans un ordre susceptible d'intéresser les autres départements. Cette interdisciplinarité, nous l'avons recherchée et nous continuons à la rechercher avec de nombreux exemples de situations proches de l'élève. Ce qui nous met en colère, nous les enseignants, c'est que l'on vend maintenant le vélo et que l'on impose des actions comme si elles étaient valables dans tous les contextes.
L'accent est-il trop mis sur l'instruction morale des élèves ?
XM: C'est la conséquence logique du processus. Si l'on vide l'école du savoir, il ne reste que l'endoctrinement, l'idéologie. Une éducation civique aux valeurs, dont il faudrait aussi voir ce qu'elles sont, aboutit à l'endoctrinement typique du modèle totalitaire. Je n'exagère pas. Si vous prenez les prémisses éducatives du fascisme italien, celles du ministre Gentile, vous obtenez cela: quatre petites choses pour que l'enfant sache comment faire fonctionner l'installation sur la chaîne de production de l'usine Fiat et tout un modèle idéologique de justification d'un système qui a été imprégné en vous. C'est ce que disait Aldous Huxley: la dictature parfaite est celle que les citoyens ne conçoivent pas comme telle. Et cela commence à l'école.
J'ai écrit un article disant que mon enfant ne devait pas être mieux éduqué qu'un enfant d'une famille ayant moins de ressources et on m'a traité de classiste. J'allais dans le sens inverse: je pense que cette façon de réduire les contenus est classiste. Ai-je tort ?
IM: Beaucoup d'enseignants ont lu et ont apprécié votre article. Vous avez dit que nous devions lutter contre cette situation, qui est une conséquence du vide des contenus dans les écoles. Et c'est la vérité, oui, nous devons nous battre pour que votre enfant n'ait pas plus de chances de réussir que celui d'un autre. La plupart des familles ne sont pas comme la vôtre. Elles n'ont pas les ressources ni parfois l'intérêt pour inverser ce processus d'inégalité. Elles font confiance, la plupart d'entre elles font confiance à l'école. Moi-même, il y a des décennies, je faisais confiance aux hommes politiques et je pensais qu'ils adopteraient des lois pour notre bien. Mais bien sûr, après de nombreuses années, on se rend compte que ce n'est pas le cas. Aujourd'hui, de nombreuses personnes dorment encore, non seulement les familles, mais aussi de nombreux enseignants. Ils vendent un discours selon lequel il y a de la place pour les deux choses à l'école, l'éducation civique et le savoir, mais ici l'accent est mis sur l'éducation civique et l'école est vidée d'un savoir de bonne ampleur.
[...]
Mais n'y a-t-il pas beaucoup d'enseignants favorables à ce système ? Ma femme, qui est enseignante, m'a parlé d'une sorte de lutte des générations au sein des écoles parce que de jeunes enseignants, forgés dans ce modèle et enthousiastes à ce sujet, sont arrivés.
IM: C'est ce qui se passe, de fait. Les universités où les enseignants sont formés sont également séparées de l'expérience des enseignants du secondaire. On leur enseigne des choses selon le modèle pédagogique, sans aucun lien avec la réalité des écoles et beaucoup d'entre eux arrivent dans les écoles avec une idée abstraite de l'éducation. Nous avons besoin de réunions de transition, nous devons entrer en contact avec les futurs enseignants. Mais ce n'est pas le cas: ils sortent de l'université avec un master en enseignement, ce qui est une véritable arnaque, et beaucoup de gens finissent par y croire.
La fabrique de nouveaux enseignants appartient donc aux mêmes personnes qui détruisent le rôle de l'enseignant à l'école ?
XM: C'est exact. J'ajouterais à ce que dit Irene qu'aujourd'hui, l'idée de spécialisation dans l'enseignement est en train de se disperser. On peut parler de son sujet. On est spécialiste de son sujet. Vous êtes censé avoir été à l'université, etc. L'autre jour, un professeur relativement jeune se plaignait du programme des examens de mathématiques. C'est un économiste, et il se plaignait du programme parce qu'il le trouvait trop large. Savez-vous quel est le problème? Il a dû enseigner très peu de mathématiques en économie, et une partie de ce qu'il va devoir enseigner à l'école, il ne l'a pas vu depuis le lycée. Et que proposerait cet enseignant? Eh bien, d'abaisser le niveau des mathématiques, bien sûr. De l'adapter à ses lacunes à lui. Et là, c'est le nœud gordien. Le manque de connaissances que nous attribuons au système d'en bas a déjà commencé à corrompre le système d'en haut. Des écrits très puissants sont en train de voir le jour : Andreu Navarra, Gregorio Luri, Pascual Gil Gutiérrez, etc.
Les enseignants font-ils partie du problème ?
XM: Pour faire l'autocritique des enseignants, on a introduit dans les concours de recrutement des enseignants une épreuve préliminaire éliminatoire de culture générale. Soixante-dix pour cent ont échoué. Il y avait des réponses telles que le poulet est un mammifère, ou que l'Ebre et le Guadalquivir traversent la province de Madrid. Il s'agit de personnes qui passent le concours pour devenir enseignant. C'est très grave.
IM: Il est important de souligner que dans notre diagnostic, il y a beaucoup d'autocritique. Nous devons d'une manière ou d'une autre canaliser le mécontentement qui nous consume. Nous devons poser des exigences au ministère, à nos administrations régionales, aux universités, aux familles, aux étudiants, mais surtout à nous-mêmes. Le Congrès veut rendre l'éducation pertinente pour la société: nous ne parlons pas d'une crise qui approche, mais d'une crise persistante dans laquelle nous sommes tous impliqués et qui gâche l'éducation de générations entières. Nous devons agir maintenant. Nous avons la capacité de changer.
Entretien complet en langue espagnole:
https://www.elconfidencial.com/cultura/2022-11-14/lomloe-...
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Hans-Hermann Hoppe: Comment l’État moderne a détruit notre civilisation
Hans-Hermann Hoppe: Comment l’État moderne a détruit notre civilisation
Nicolas Bonnal
L’État en France, la bureaucratie à Bruxelles, l’administration Biden deviennent fous, liquidant/ruinant leur population, menaçant le reste du monde.
Un rappel…
Hans-Hermann Hoppe, philosophe allemand, disciple de Murray Rothbard, est un libertarien guénonien. Autant dire qu’il ne plaira pas à tout le monde: pour lui le système produit un phénomène de décivilisation dont on voit les effets terminaux en Europe comme en Amérique (effondrement moral, démographique, culturel, spirituel, et même socio-économique). Le phénomène se mondialise: voyez l’Asie et son déclin culturel et démographique (-30% de chinois en 2100, disparition de la Corée et du Japon, etc.).
Le monde moderne nous a fait dégénérer en vertu de la perversion étatique qui a fabriqué le troupeau timide dont parle Tocqueville. Cet Etat nous ôte la peine de penser (BFM) et de vivre (euthanasie), vit à notre place et nous zombifie, nous privant de notre force vitale. Mais voici comment Hoppe en parle:
« Parmi les mesures les plus importantes en matière de politique sociale, citons l'introduction de la législation de "sécurité sociale", telle qu'elle a été introduite dans les années 1880 dans l'Allemagne de Bismarck, puis est devenue universelle dans tout le monde occidental à la suite de la Première Guerre mondiale. La tâche de devoir prendre en charge son propre âge, la portée et l'horizon temporel de l'action provisoire privée sera réduite. »
L’État bismarckien puis la sécu anéantissent la famille :
« En particulier, la valeur du mariage, de la famille et des enfants diminuera car ils sont moins nécessaires si l’on peut recourir à une assistance “publique”. En effet, depuis le début de l’ère démocratique et républicaine, tous les indicateurs de “dysfonctionnement familial” ont affiché une tendance systématique à la hausse: le nombre d’enfants a diminué, la taille de la population endogène a stagné ou même diminué et les taux de divorce, l'illégitimité, la monoparentalité, la singularité et l'avortement ont augmenté. De plus, les taux d’épargne des particuliers ont commencé à stagner ou même à baisser au lieu d’augmenter proportionnellement, voire excessivement, avec la hausse des revenus. »
Cet État remplace aussi allègrement sa population, rappellent les libertariens. Et il est en plus belliciste.
Je rappelle que pour Rothbard l’Etat sécuritaire (Welfare) est arrivé de pair avec l’Etat militaire (Warfare). Tocqueville parle aussi du goût démocratique pour la guerre interminable. Hoppe rappelle lui que le Far West était un endroit sûr et que la montée du Welfare a fait exploser partout la criminalité dans l’Amérique postmoderne (ce n’est pas la seule raison comme on sait) :
« Sur l'ampleur de la recrudescence des activités criminelles provoquée par le fonctionnement du républicanisme démocratique au cours des cent dernières années, à la suite de l'augmentation constante de la législation et d'un nombre toujours croissant de responsabilités "sociales" par opposition à des responsabilités privées ... voir McGrath, Gunfighters, Highwaymen et Vigilantes, en particulier... En comparant la criminalité dans certains des endroits les plus sauvages du "Far West" américain (deux villes frontalières et des camps miniers en Californie et au Nevada) avec celle de certains des endroits les plus sauvages du siècle actuel, McGrath ("Offrez-leur une bonne dose de Lead", pp. 17-18) résume ainsi en affirmant que les villes frontalières de Bodie et d'Aurora ont en fait rarement été victimes de vols… »
Et de rappeler à qui ne l’entendra pas :
« Les villes d'aujourd'hui, telles que Détroit, New York et Miami, subissent 20 fois plus de vols par habitant. Les États-Unis dans leur ensemble enregistrent en moyenne trois fois plus de vols qualifiés par habitant que Bodie et Aurora. Les cambriolages et les vols étaient également peu fréquents dans les villes minières. La plupart des villes américaines ont en moyenne 30 ou 40 fois plus de vols par habitant que Bodie et Aurora… Au début des années 1950, la ville de Los Angeles comptait environ 70 meurtres par an. Aujourd'hui, la ville subit en moyenne plus de 90 meurtres par mois… En 1952, 572 viols ont été rapportés à la police de Los Angeles, 2030 en 1992. Au cours des mêmes années, le nombre de vols qualifiés est passé de 2566 à 39.508 et le nombre de vols d'automobiles, de 6241 à 68.783. »
Il est bon de souligner le mensonge des westerns dont l’idéologie gauchiste a toujours fait bon marché des réalités historiques.
Puis Hoppe cite l’historien Fuller qui dénonce les horreurs de la conscription made in France :
« À partir du mois d'août [1793], lorsque le parlement de la République française décréta le service militaire obligatoire universel, la conscription a changé la base de la guerre. Jusque-là, les soldats avaient coûté cher, maintenant ils étaient bon marché; les batailles avaient été évitées, maintenant, elles étaient recherchées; si lourdes seraient les pertes, elles pourraient être comblées par le roulement de la conscription. Non seulement la guerre deviendrait de plus en plus illimitée, mais finalement elle serait totale. Au cours de la quatrième décennie du vingtième siècle, la vie était si peu coûteuse que le massacre de populations civiles sur des lignes massives était devenu un objectif stratégique reconnu, tout comme les batailles des guerres précédentes. En 150 ans, la conscription avait ramené le monde à la barbarie tribale. » (Fuller, The War of War, p. 33 et 35).
Allan Carlson rappellera que l’armée US a été un vecteur de subversion morale, sexuelle et sociale, en Europe comme en Asie ou en Océanie (cent films le démontrent).
Nous sommes entrés dans la phase finale de cette perversion avec bien sûr la Grande Guerre qui précipita notre dégénérescence politique (fascisme, communisme, étatisme-providence, etc.) et culturelle (peinture abstraite, musique dodécaphonique, littérature « moderne », « engagée », etc.); notre déclin est tel que nous ne le percevrons plus, alors que tout le monde continue d’écouter Bach ou Rameau, et que personne ne peut supporter Berg ou Webern. Mais Tolstoï dénonçait cette situation déjà en 1900 dans son passionnant petit essai sur l’art. Depuis, ayant touché le fond, nous avons continué de creuser…
Hoppe :
« Depuis 1918, pratiquement tous les indicateurs de préférences temporelles élevées ont affiché une tendance à la hausse systématique: en ce qui concerne le gouvernement, le républicanisme démocratique a produit le communisme (et avec cet esclavage public et ce meurtre de masse parrainé par le gouvernement même en temps de paix), le fascisme, le socialisme national, enfin et de manière durable la social-démocratie ("libéralisme"). Le service militaire obligatoire est devenu presque universel, la fréquence et la brutalité des guerres étrangères et civiles ont augmenté, et le processus de centralisation politique a progressé plus que jamais. »
Et, alors qu’on nous annonce une crise finale (« achetez de l’or ! ») Hoppe ajoute sur la dégénérescence socio-économique et financière :
« En interne, le républicanisme démocratique a conduit à une augmentation permanente des impôts, des dettes et de l'emploi public. Cela a conduit à la destruction de l'étalon-or, à une inflation sans précédent du papier-monnaie et à un renforcement du protectionnisme et des contrôles de la migration. Même les dispositions de droit privé les plus fondamentales ont été perverties par une inondation incessante de lois et de règlementations… »
La pensée et les analyses factuelles de Hoppe (découvrez son œuvre sur Mises.org) démontrent en tout cas l’ancienneté de la crise occidentale et confirment le rôle sinistre de l’Etat et de la… révolution. Les folies étatiques actuelles (guerres impériales, remplacement, dettes, etc.) confirment cette analyse implacable. Je citerai pour conclure le vicomte Bonald qui est proche de Hans-Hermann Hoppe et qui écrivait après le cataclysme napoléonien :
« La disposition à inventer des machines s’est étendue aux choses morales. »
Sources:
- Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique
- Nicolas Bonnal, Chroniques sur la fin de l’histoire ; le coq hérétique (les belles lettres, 1997)
- Hans-Hermann Hoppe, The process of de-civilisation, in the costs of war (Mises.org). Reassessing presidency, chapter XXII (Mises.org)
- René Guénon, Le règne de la quantité et les signes des temps
23:35 Publié dans Actualité, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : état, théorie politique, philosophie politique, libertariens, hans-hermann hoppe, politologie, sciences politiques | |
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Le 11 septembre d’Israël
Le 11 septembre d’Israël
par Pierre-Emile Blairon
La réaction aux atrocités commises par la branche armée du Hamas, ceux que les Israéliens appellent des « animaux humains », a été immédiate et unanime pour dénoncer ces barbares.
Ce conflit lointain nous concerne, nous, Français, et nous, Européens, parce que nous accueillons tous les jours dans nos pays un nombre important de musulmans, venus souvent de pays qui soutiennent la Palestine, dont la plupart choisiront le camp palestinien par solidarité religieuse et parce que cette prise de position risque de créer davantage de troubles s’il en était besoin ; de plus, nous pouvons nous alarmer de l’éventualité que, parmi ces clandestins, ont pu s’infiltrer des djihadistes qui ont eu pour mission d’opérer des attentats sur notre sol [1].
FLN, Hamas, même combat
Je vais évoquer brièvement la différence de traitement médiatique en France, révélée par ce carnage commis par ces terroristes [2] contre d’innocents civils israéliens, les enfants n’ayant pas été épargnés par cette sauvagerie, avec celui, tout aussi cruel mais occulté, enduré par les Français d’Algérie, chrétiens, juifs ou musulmans, vieillards, femmes et enfants compris, carnage commis quotidiennement de 1954 à 1962 (et au-delà en ce qui concerne notamment les harkis, musulmans fidèles à la France) par les mêmes barbares, ou tout au moins leurs initiateurs, il y a 70 ans.
Les Français d’Algérie n’étaient pas rompus à cette époque aux techniques de manipulation des masses dont se servent actuellement tous les politiciens de tous les pays au monde selon leurs besoins et les circonstances. Israël dispose de relais importants dans le monde grâce à la diaspora juive et a naturellement activé ses réseaux médiatiques pour condamner l’agression du Hamas dont a été victime une partie du peuple israélien.
Le terrorisme tel qu’il a été pratiqué par le Hamas et tel qu’il a été pratiqué par le FLN (Front de Libération Nationale) algérien fait aussi partie de cette technique de manipulation des masses qui s’appelle la stratégie de l’émotion; les fellaghas, ainsi nommés autrement les terroristes du FLN, s’en sont pris d’abord aux musulmans pour les contraindre par la terreur (essentiellement la torture et les mutilations du visage - nez, lèvres, oreilles - bien visibles, pour faire des exemples) à s’éloigner de la communauté des Français d’Algérie et de toutes les structures qui représentaient la France sous toutes ses formes, de telle manière à provoquer une rupture irréversible entre les deux communautés; il semble bien que c’est le même effet qui est également recherché dans cette opération en Israël.
Il est probable que si les Français d’Algérie et la grande majorité des musulmans fidèles à la France avaient su utiliser cette même stratégie de l’émotion – celle de la victime – sur le plan national et international pour contrer celle de la terreur choisie par leurs ennemis, une solution aurait pu être trouvée pour que les deux communautés puissent continuer à vivre en bonne entente dans ce qui était leur pays, aux uns et aux autres. Ce qui est actuellement le même cas de figure pour la Palestine et pour Israël.
Qu’est-ce que la stratégie de l’émotion ? Elle a été bien définie par le site internet « Penser et agir [3] » : « Il s’agit d’une technique de manipulation qui repose sur l’exploitation des émotions d’un individu ou d’un groupe dans le but de paralyser sa réflexion et éteindre son esprit critique. Le contrôle émotionnel sert à pousser une personne ou un groupe de personnes à réagir sous l’impulsion émotive plutôt que de raisonner et d’agir devant une situation. C’est un moyen pour atrophier la faculté d’analyse des individus et de la société par le biais d’émotions que l’on veille avec soin à susciter chez eux. De la sorte, on se charge d’affaiblir la capacité à cogiter de l’humain pour réduire toute son action au ressenti.
L’objectif est de s’opposer à ce que les autres se fassent leur conception propre de la réalité. Il faut les empêcher de mener des analyses critiques dénuées de toute émotivité sur les faits. C’est une technique très prisée dans les domaines où les notions de liberté de choisir, liberté de penser ou le libre arbitre posent problème. Très concrètement, c’est la politique et le marketing qui y ont très souvent recours. »
L’analogie du FLN et du Hamas ne s’arrête pas à leur commune propension à considérer que le seul moyen de rallier leur peuple à leur cause et de gagner leur guerre est de régner par la terreur, ce qui reste la seule ressource pour ceux qui n’ont pas d’autre moyen d’agir.
L’une et l’autre de ces factions n’ont pas, ou très peu, de légitimité à représenter leur peuple.
L’Algérie- ni même son nom – n’existait pas à l’arrivée des Français; le territoire était peuplé de tribus berbères successivement envahi par les Romains, les Vandales, les Arabes, les Turcs, les Français; ses habitants furent successivement païens, chrétiens, musulmans.
Le FLN est apparu en 1954, fort d’une idéologie curieuse faite d’un cocktail de marxisme (comme c’était la mode à l’époque) et d’islamisme (comme c’est la mode aujourd’hui), le shaker possiblement agité par la CIA (comme c’est la mode depuis que les USA existent et partout dans le monde), la CIA, comme un chien renifleur, attirée alors par la découverte en 1954 du gaz puis du pétrole saharien.
Le Hamas suit la même stratégie qui a si bien réussi au FLN; on peut ainsi constater que son fanatisme a transporté le conflit israélo-palestinien du plan territorial au plan religieux, radicalisant d’une manière dogmatique la situation et fermant ainsi la porte à tout processus de paix entre les deux factions.
Je vais maintenant poser les questions que nos médias occidentaux qui ne servent à rien, sinon à diffuser la parole de leurs maîtres, ne se posent toujours pas sur cet événement qui est pourtant de la plus haute importance. Je n’apporte pas de réponse à ces questions; ce sont les dirigeants israéliens qui y répondent; quelques-unes resteront sans réponse pendant… un certain temps.
Première question :
D’où vient le Hamas ?
Avi Primor, importante et influente personnalité du monde culturel, politique et diplomatique israélien nous donne une piste de compréhension de cet événement qui a surpris et horrifié le monde entier le 7 octobre 2023 ; il nous dit, dans la vidéo ci-jointe : « Le Hamas, c’est le gouvernement israélien, c’est nous qui avons créé le Hamas afin de créer un poids contre le Fatah (mouvement nationaliste palestinien créé par Yasser Arafat en 1959 [4]) »
En mars 2019, Netanyahou disait ceci : « quiconque veut contrecarrer la création d’un Etat palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas et transférer de l’argent au Hamas[5]. »
Deuxième question :
Si le Hamas est une création de l’État d’Israël, a-t-il agi de sa propre initiative pour provoquer le massacre du 7 octobre, est-il devenu incontrôlable, telle la créature de Frankenstein, et pour quelle raison , ou bien a-t-il reçu des instructions d’une puissance étatique (qui risque fort de rester inconnue) ?
Troisième question :
L’Etat d’Israël a t-il une stratégie, un projet, ou une vision concernant ses relations avec la Palestine ?
Le Media 4-4-2 a diffusé le 11 octobre 2023 une intéressante vidéo où « le très proche conseiller de Klaus Schwab (NDLR : l’adjudant-chef de la Secte mondialiste), Yuval Harari, compare les territoires palestiniens occupés par Israël à un laboratoire de 2,5 millions de cobayes : "Pirater les gens signifie connaître les gens mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes… Et nous arrivons déjà à l’émergence des régimes de surveillance totale comme dans mon pays en Israël où nous avons un grand laboratoire de surveillance appelé "les territoires occupés" où il y a 2,5 millions de cobayes, qui montre comment surveiller et contrôler complètement une population avec très peu de soldats [6]. » Ah, tiens, voilà un indice intéressant sur le rôle de Tsahal qui, finalement, n’aurait pas besoin d’avoir un grand nombre d’effectifs.
Netanyahou lui-même ne cache rien, dans la vidéo jointe, de sa stratégie à l’égard de la Palestine : « Ce que je veux dire, c’est une grande attaque sur les Palestiniens, jusqu’au point où ils s’imaginent que le monde s’écroule, la peur, c’est ça qui les… mais, après, le monde va dire que c’est nous, les agresseurs [7]... »
Quatrième question :
Est-il possible que ni le Mossad, ni la CIA, ni Tsahal n’aient eu la moindre information sur la gigantesque opération montée par le Hamas ?
Le Mossad est considéré comme l’un des meilleurs services de renseignements du monde, au même titre que la CIA, avec laquelle il travaille souvent de concert, les deux nations, USA et Israël, étant étroitement liées; originellement, ces liens sont d’ordre religieux, ils proviennent de la puissance du fondamentalisme de source évangéliste en Amérique, du fait que les premiers colons américains sont des pilgrims et des membres de diverses sectes religieuses, venus primitivement d’Angleterre d’où ils ont été chassés, qui ont fait de l’Amérique leur nouvelle Terre promise, destin très semblable à celui des Juifs intégristes avec lesquels ils se sont identifiés, considérant qu’ils sont les porteurs d’une mission visant à apporter la « lumière » sur le monde mais sans trop demander leur avis aux peuples sur lesquels cette « lumière » (quelquefois de source nucléaire) vient se déverser.
L’opération du Hamas a impliqué au moins un millier de ses combattants qui ont envahi le sol israélien par la mer, la terre, le ciel (par ULM), écrasant les clôtures qui matérialisent cette séparation avec des bulldozers… on pense à une scène de Madmax...
Est-il possible qu’une telle débauche de moyens ait pu passer inaperçue alors que la quasi-totalité du système de défense israélien, très sophistiqué, est concentrée sur la frontière séparant son territoire de celui de la Palestine ?
Dans cette vidéo [8], cette jeune femme qui a été en poste sur cette frontière pendant deux ans répond à cette question en affirmant que la chose est tout à fait impossible, elle a passé des heures avec ses collègues sans quitter des yeux les caméras de surveillance, réveillée par les battements d’aile d’un oiseau, ou l’intrusion d’un cafard...
Accessoirement, on peut se demander si, lorsque l’armée israélienne s’est enfin mise en position de contrer l’opération terroriste du Hamas, elle n’a pas fait un seul prisonnier susceptible d’expliquer comment la chose a pu se produire. Elle se compose de 170.000 militaires, vient de rappeler 360.000 réservistes et, selon TF1, « concrètement, ce pays de 9,6 millions d'habitants dispose de moyens hors norme: outre son Dôme de fer destiné à abattre les roquettes du Hamas, les forces aériennes peuvent s'appuyer sur 339 avions de combat américains. Notamment près de 200 F-16 et une cinquantaine de F-35. Auxquels s'ajoutent deux escadrons d’hélicoptères Apache, et une flotte de drones: des appareils de repérage, mais aussi des "drones-kamikazes". L'armée de terre, elle, a en sa possession environ 2200 blindés et 530 pièces d’artillerie. Côté mer, pour mettre en œuvre le blocus de la bande de Gaza, la force navale se compose de six sous-marins, 14 navires de guerre et 48 patrouilleurs »
Le 11 septembre d’Israël
L’ambassadeur d’Israël à l’ONU, Guilad Erdan, a estimé que cette opération du Hamas était le 11 septembre israélien, en référence aux attentats de New-York du 11 septembre 2001, qui ont déclenché, en représailles, plusieurs guerres au Moyen-Orient (dont celle d’Irak, la deuxième) qui auraient fait au moins 4,5 millions de morts.
Les attentats du 11 septembre 2001 ont été attribués à une organisation islamiste, Al-Qaïda, créée par la CIA lors de la première guerre d’Afghanistan pour contrer l’URSS selon Peter Dale Scott (photo) [9] : « Dans les années 1980, le directeur de la CIA, William Casey, prit des décisions cruciales dans la conduite de la guerre secrète en Afghanistan. Toutefois, celles-ci furent élaborées hors du cadre bureaucratique de l’Agence, ayant été préparées avec les directeurs des services de renseignement saoudiens – d’abord Kamal Adham puis le prince Turki ben Fayçal. Parmi ces décisions, nous pouvons citer la création d’une légion étrangère chargée d’aider les moudjahidines afghans à combattre les Soviétiques. En clair, il s’agit de la mise en place d’un réseau de soutien opérationnel connu sous le nom d’al-Qaïda depuis la fin de cette guerre entre l’URSS et l’Afghanistan. Casey mit au point les détails de ce plan avec les deux chefs des services secrets saoudiens, ainsi qu’avec le directeur de la Bank of Credit and Commerce International (BCCI), la banque pakistano-saoudienne dont Kamal Adham et Turki ben Fayçal étaient tous deux actionnaires. Ce faisant, Casey dirigeait alors une deuxième Agence, ou une CIA hors canaux, construisant avec les Saoudiens la future al-Qaïda au Pakistan, alors que la hiérarchie officielle de l’Agence à Langley “pensait que c’était imprudent”. »
Pierre-Emile Blairon
Notes:
[1]. A l’instant même où ces lignes sont écrites, nous apprenons l’attentat islamiste dont viennent d’être victimes des enseignants à Arras en France.
[2]. C’est un mot bien pratique, utilisé ad nauseam par nos politiciens, car il permet de ne désigner personne en particulier pour ne pas « stigmatiser » ou « discriminer » telle ou telle communauté ethnique ou religieuse pourvoyeuse de voix électorales.
[3]. https://www.penser-et-agir.fr/strategie-de-l-emotion/
[4]. https://musulmansenfrance.fr/avi-primor-cest-nous-qui-avons-cree-le-hamas/
[5]. https://www.facebook.com/reel/308071611971785
[6]. https://lemediaen442.fr/le-conseiller-de-klaus-schwab-yuval-harari-en-israel-nous-avons-25-millions-de-cobayes-palestiniens-quon-controle-completement/
[7] https://vk.com/video444549918_456239784?fbclid=IwAR1P7Riydi_qHdjLcYiLPsreK_-Ix0ORyTvsUOvFOIt6oJvtuK3QOzGTnmY
[8]. https://www.facebook.com/reel/306099312161022
[9]. Peter Dale Scott : L'Etat profond américain : La finance, le pétrole, et la guerre perpétuelle [« The American Deep State: Wall Street, Big Oil, and the Attack on U.S. Democracy »], Éditions Demi-Lune, 2015
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mardi, 17 octobre 2023
Les mécanismes du déploiement propagandiste et les ultrabellicistes
Les mécanismes du déploiement propagandiste et les ultrabellicistes
par Andrea Zhok*
Source: https://www.sinistrainrete.info/articoli-brevi/26539-andrea-zhok-i-meccanismi-di-schieramento-e-gli-ultra-della-guerra.html
En un clin d'œil, toute la rhétorique sur la guerre en Ukraine s'est éteinte et s'est tout de go reportée sur le conflit israélo-palestinien. Mais choisir de ne pas analyser, embrasser les mécanismes de déploiement des diverses propagandes, c'est une bête façon d'avoir une opinion sans avoir à se donner la peine de penser.
Les mécanismes de sélection habituel, avec le schéma gauche-droite, sont depuis longtemps une forme de pathologie politique et sociale.
Ils sont le succédané de la capacité de réflexion. Ils permettent d'avoir une opinion sans se donner la peine de réfléchir.
Et donc, comme c'est toujours le cas pour la bêtise, elles sont plus nocives encore que la nébulosité: la seule chose qui est plus nocive socialement et politiquement que la méchanceté, c'est l'abrutissement.
La réalité et l'histoire sont toujours traversées par des raisons multiples, par des lignes de motivation plurielles.
Il n'y a que dans les films qu'il y a un bien et un mal absolus. Et reconnaître ce fait ne signifie pas ne pas assumer la responsabilité de jugements même tranchés, mais cela signifie comprendre que, pour chaque position que les humains prennent collectivement, aussi déplorable soit-elle, il y a des raisons, et que ce n'est qu'en évaluant ces raisons que l'on peut tenter de trouver une solution.
Couvrir les panneaux d'affichage et les journaux de drapeaux, de banderoles et de slogans est le symptôme d'une faiblesse d'analyse et contribue toujours à la non-résolution des problèmes.
Dans l'histoire, il n'y a pas de bons et de mauvais supporters.
Il peut y avoir des luttes pratiques où l'on est forcé de prendre parti dans l'action réelle.
Mais même dans ce cas, il ne faut pas confondre l'acuité des choix pratiques avec l'encouragement ou la diabolisation du camp adverse.
D'autant plus que pour ceux qui ne sont pas directement impliqués, pour ceux qui ne sont pas obligés par les circonstances de prendre parti sur un plan pratique, l'encouragement idéologique et la diabolisation d'un camp ou d'un autre constituent un péché mortel, ils contribuent à l'imbécillité publique, à l'exacerbation des conflits, à l'incompréhension, à la destruction.
* Compte rendu d'Andrea Zhok, philosophe et universitaire italien, professeur d'anthropologie philosophique et de philosophie morale à l'université de Milan.
18:40 Publié dans Actualité, Manipulations médiatiques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : manipulation, propagande, andrea zhok | |
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La multipolarité, un ordre encore à construire
La multipolarité, un ordre encore à construire
Guy Mettan
Source: https://www.geopolitika.ru/fr/article/la-multipolarite-un...
Discours de Guy Mettan à la Conférence européenne sur la multipolarité, le 4 septembre 2023
Fin août, la réunion des BRICS à Johannesburg s’est terminée avec la décision d’élargir le groupe des cinq membres fondateurs à onze membres avec six nouveaux pays. Début septembre, la réunion du G20 à New Dehli s’est achevée par une déclaration commune qui renforçait le point de vue des pays du sud et refusait de condamner la Russie comme le demandaient les pays occidentaux.
Bien sûr, on aurait pu souhaiter davantage, un accroissement plus rapide, une dédollarisation plus active, une vision politique plus aiguë, un calendrier plus ambitieux. Mais les progrès sont nets et mieux vaut avancer lentement mais sûrement que multiplier les grands discours sans lendemain.
Car il ne faut pas se faire d’illusion, l’Occident ne restera pas sans réagir et fera tout ce qui est en son pouvoir pour torpiller la construction d’un monde réellement multipolaire, en essayant de diviser pour mieux régner, comme il a si bien su le faire jusqu’ici. On n’a jamais vu, dans l’histoire de l’humanité, une puissance dominante ou hégémonique partager son pouvoir sans combattre, par pur esprit de charité.
C’est pourquoi je pense qu’il est essentiel pour les partisans d’un ordre mondial multipolaire d’améliorer l’intégration économique et politique des pays d’Asie et du Sud d’une part, et l’attractivité de ce processus d’autre part. Or, en matière de soft power, l’Occident est toujours imbattable.
Nous devons en effet comprendre, comme le dit l’essayiste Caitlin Johnstone que « les hommes les plus puissants dans le monde sont ceux qui ont compris que le pouvoir réel n’appartient pas à celui qui contrôle le plus de votes, de troupes ou d’armes, mais à celui qui contrôle le narratif. Ils ont compris que le pouvoir consiste à contrôler ce qui arrive mais que le pouvoir absolu consiste à contrôle ce que les gens pensent à propos de ce qui arrive. Quand vous contrôlez les histoires qui rôdent dans la tête des gens, vous pouvez contrôler où vont les votes. Vous pouvez contrôler où va l’argent. Et où vont les troupes et les armes. Parce que les êtres humains sont des créatures qui ont besoin d’un narratif, si vous pouvez dominer ce narratif, vous pouvez dominer les humains. »
Il se trouve que l’Occident maitrise à la fois les contenus, les réseaux et les supports de communication qui assurent à son narratif une audience supérieure à celle des autres pays du monde. Il est rompu aux techniques de propagande et de diffusion de son message. Il a aussi l’avantage de parler d’une seule voix, du Japon au Canada, de l’Australie aux Etats-Unis en passant par l’Europe bien évidemment. Cette union fait sa force car aucun membre des BRICS, aussi puissant soit-il, n’est capable à lui seul de concurrencer l’Occident sur la scène internationale et dans les organisations qui comptent.
En revanche, quand le Sud global est uni et travaille dans un but commun, à savoir réformer la gouvernance mondiale, construire un ordre mondial plus équitable et mieux répartir les richesses, son pouvoir de conviction et d’attraction est plus puissant que celui de l’Occident. On l’a vu avec la capacité des BRICS à attirer de nouveaux membres alors que le G7 se replie sur ses acquis et son pré carré. Si nous voulons améliorer le soft power de l’ordre multipolaire, il est donc essentiel de se détacher des intérêts particuliers, des visions nationales propres à tel ou tel membre, et de travailler sur ce qui unit, de définir des objectifs communs, à partir des valeurs et des principes d’équité, de respect mutuel, de partage du pouvoir, d’égalité des civilisations qui sont à l’origine de la conception multipolaire du monde.
C’est dans cet esprit qu’avec quelques amis nous avons proposé à des diplomates, experts académiques et autres sympathisants de la cause multipolaire, russes et de pays amis, de créer à Genève, un « Multipolar Institute », un think tank sur la multipolarité, afin de stimuler et diffuser le concept de multipolarité et la pensée multipolaire au sein même des organisations internationales et des ONG censées défendre le multilatéralisme et représenter la communauté internationale. Sur le plan diplomatique, il existe déjà une association des « Amis pour la Défense de la Charte des Nations Unies », qui regroupe 22 pays et est actuellement présidée par l’ambassadeur du Venezuela, et dont le but est de promouvoir un vrai multilatéralisme, dans le respect de chacune des nations composant les Nations Unies. Le terrain est donc favorable pour créer une structure de réflexion plus active et capable d’émettre des idées et de faire des propositions concrètes pour faire avancer la cause multipolaire.
Les personnes intéressées peuvent me joindre sur ma messagerie guy.mettan@gmail.com
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La crise au Moyen-Orient et les voies de transport
La crise au Moyen-Orient et les voies de transport
Leonid Savin
Source: https://katehon.com/ru/article/krizis-na-blizhnem-vostoke-i-transportnye-marshruty-evrazii
Sur fond de nouveau conflit en Palestine, l'annonce de la suspension des négociations entre l'Arabie saoudite et Israël a donné lieu à une interprétation plus large des événements affectant les intérêts de l'Inde, de l'Iran, de l'UE, de la Russie et de la Chine. Alors que les guerres au Moyen-Orient ont toujours affecté le monde entier, en particulier la région Eurasie, d'une certaine manière, cette affaire est en effet liée aux projets de plusieurs États à l'égard d'Israël et de l'Arabie saoudite.
Quelques jours avant l'attaque du Hamas, la Maison Blanche a confirmé que presque toutes les questions relatives à la normalisation des relations entre l'Arabie saoudite et Israël avaient déjà été résolues, quelques nuances concernant l'Iran restant à convenir.
Du côté saoudien, il y avait deux conditions: l'accès à la technologie nucléaire et l'amélioration des conditions socio-économiques des Palestiniens, qui dépendaient directement d'Israël. La question palestinienne est devenue la pierre angulaire de ces négociations et le Hamas a pratiquement fait capoter l'accord. Dans le même temps, l'Occident collectif était intéressé par un autre projet géoéconomique - la création d'un autre corridor de transport, avec l'Arabie saoudite et Israël comme acteurs clés.
Corridor Inde-Moyen-Orient-UE
Cet accord a été conclu lors du sommet du G20 à New Delhi. Selon une lettre d'information de la Maison Blanche, les dirigeants des États-Unis, de l'Inde, de l'Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, de la France, de l'Allemagne, de l'Italie et de l'Union européenne ont signé un protocole d'accord portant sur la création d'un nouveau corridor économique Inde-Moyen-Orient-UE (IMEC).
Outre les liaisons ferroviaires et les lignes maritimes, des câbles de données à haut débit et des pipelines énergétiques sont envisagés. Ceux-ci viendraient compléter les réseaux maritimes et routiers existants afin d'améliorer la circulation des biens et des services vers et entre ces pays.
D'un point de vue géopolitique, le corridor Inde-Moyen-Orient-UE est désormais considéré comme un concurrent de l'initiative chinoise Belt and Road. Les États-Unis et les pays de l'UE ont probablement caressé un tel espoir, bien que l'initiative chinoise implique plus de 150 pays et qu'une trentaine d'organisations internationales y aient adhéré. L'Arabie saoudite et Israël sont également membres de l'initiative chinoise. Il n'y a donc pas de véritable concurrence.
Quant à l'Inde, elle s'est d'abord opposée à la Ceinture et la Route parce que sa principale composante, le corridor économique Chine-Pakistan, passe par un territoire contesté. Il était important pour New Delhi de créer une route alternative vers les pays de l'UE, car aujourd'hui l'ensemble du flux de marchandises passe par le canal de Suez. En outre, en 2003, le conglomérat indien Adani Group a acquis le port de Haïfa en Israël, et les relations entre l'Inde et Israël ces dernières années ont été très productives dans divers domaines.
Le retrait de l'Italie de l'initiative chinoise témoigne en revanche du scepticisme des pays européens, qui se méfient de plus en plus de la puissance croissante de la Chine, suivant en cela la ligne politique de Washington.
Entre-temps, outre le projet Inde-Moyen-Orient-Europe, qui a échoué jusqu'à présent, et la Ceinture et la Route, il existe d'autres alternatives pour l'organisation des routes et de la logistique. Elles ont leurs propres acteurs et opposants, comme dans le cas des deux projets susmentionnés.
Couloir médian
La veille, le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev s'est rendu en Géorgie où, lors d'une rencontre avec le Premier ministre Irakli Garibashvili, il a confirmé l'importance du corridor du milieu et de la participation à celui-ci. La question de la reprise de la construction d'un nouveau port en eau profonde à Anaklia a été soulevée, ainsi que le développement d'autres infrastructures de transport.
Cette initiative a été officiellement créée en 2013 par le Kazakhstan, l'Azerbaïdjan et la Géorgie, mais a commencé à prendre de l'ampleur relativement récemment. Il existe une association internationale "Trans-Caspian International Transport Route", qui est l'opérateur de ce projet.
Lors de la réunion régulière des 28 et 29 septembre 2023 à Aktaou, un accord sur l'interaction et les mesures de responsabilité dans l'organisation du transport de marchandises dans des trains de conteneurs le long de la route TMTM avec l'utilisation de navires d'apport et un accord sur l'organisation du transport de conteneurs dans la communication internationale directe rail-mer avec la participation de navires d'apport entre les ports de la mer Caspienne (Aktaou - Bakou-Alyat) ont été signés. Les sociétés suivantes ont également été acceptées comme membres : Alport (Azerbaïdjan), BMF Port Burgas (Bulgarie), Semurg Invest (Kazakhstan), LTG Cargo (Lituanie), Global DTC Pte.Ltd (Singapour) et Istkomtrans LLP (Kazakhstan). L'association compte désormais 25 entreprises membres, représentées par 11 pays.
Bien que le corridor médian représente actuellement moins de 10 % du volume total de marchandises transportées le long de la route du Nord (c'est-à-dire à travers le territoire de la Russie), en raison de la capacité limitée des ports maritimes et des chemins de fer, de l'absence d'une structure tarifaire unifiée et d'un opérateur unique, les pays membres de l'association TMTM ont mis en place un système de gestion de la chaîne logistique. Actuellement, les pays membres de TMTM se sont fixé pour objectif de porter la capacité du corridor médian à 10 millions de tonnes par an d'ici à 2025.
L'un des avantages du corridor médian est qu'il est plus court de 2000 kilomètres que le corridor septentrional qui passe par la Russie. Le temps de trajet entre la Chine et l'Europe est ainsi ramené à 12 jours, contre 19 jours pour le corridor nord. En outre, le corridor médian permettra de réduire les risques de sanctions associés au transit par la Russie. Bien entendu, il ouvre l'accès à de nouveaux marchés, avec une population d'environ 80 millions d'habitants le long de l'itinéraire.
Le corridor médian offre également la possibilité d'augmenter les exportations d'énergie de l'Asie centrale vers l'Europe. Par exemple, le Kazakhstan a l'intention d'expédier 1,5 million de tonnes de pétrole (2 à 3% de ses exportations de pétrole) vers l'Europe via le corridor du milieu cette année.
Les deux initiatives ont un point commun. Comme le corridor Inde-Moyen-Orient-UE, cet itinéraire contourne la Russie. Cependant, le corridor du milieu inclut la Chine. Le 19 mai 2023, Xi Jinping a rencontré cinq dirigeants d'Asie centrale lors du sommet Chine-Asie centrale pour discuter du lancement du chemin de fer Chine-Kirghizistan-Ouzbékistan et de la construction de plusieurs autoroutes qui feront partie intégrante du corridor du milieu.
La Turquie, quant à elle, tente de tirer parti de son importance géostratégique pour devenir un pont entre l'UE, d'une part, et les pays du Caucase et d'Asie centrale et la Chine, d'autre part.
Dans un scénario optimiste, le corridor médian devrait porter la capacité de transit à 50 millions de tonnes, ce qui complète la vision chinoise d'une route de la soie en fer, ainsi que l'influence régionale croissante de la Turquie. Par ailleurs, la Turquie joue également un rôle crucial en tant qu'intermédiaire dans la chaîne de valeur européenne en raison de sa structure géographique.
Toutefois, le président turc Erdogan a récemment annoncé des plans pour un corridor commercial alternatif et envisage de partager le projet de la route de développement irakienne comme itinéraire alternatif. Aujourd'hui, la part de la Turquie dans l'économie irakienne est déjà très importante.
Du nord au sud
Enfin, il y a le corridor de transport international Nord-Sud, dans lequel l'Inde est également impliquée. Les autres acteurs clés sont l'Iran et la Russie, dont le territoire est traversé par cette route.
Cet itinéraire fait l'objet de discussions depuis un certain temps, mais ce n'est que cette année que des résultats concrets ont été observés, à la fois en termes de services de ferry à travers la Caspienne et d'achèvement de la section ferroviaire Azerbaïdjan-Iran. Il pourrait comporter plusieurs branches, en particulier une section maritime de l'Iran à l'Arabie Saoudite (des marchandises en provenance de Russie y ont déjà été transportées), ainsi qu'une direction ferroviaire de l'Iran au Turkménistan et, plus loin, aux pays d'Asie centrale. Une dimension horizontale supplémentaire couvrant l'Afghanistan et le Pakistan (y compris la réactivation du gazoduc énergétique TAPI) est également envisageable à l'avenir.
La Turquie, qui partage une frontière avec l'Iran, pourrait également rejoindre ce corridor, mais elle n'est pas pressée de le faire.
La position russe sur la mise en œuvre de cette route est optimiste (même le corridor du milieu peut être mutuellement bénéfique), mais pas assez proactive. Après tout, ce n'est que maintenant, dans le cadre du régime de sanctions, que nous sommes parvenus à des décisions et à des résultats concrets, alors qu'il aurait été beaucoup plus facile de le faire plus tôt.
En outre, compte tenu de la crainte du Kazakhstan de tomber sous le coup de sanctions secondaires, il est peu probable que les intérêts de la Russie soient pris en compte dans ce pays. Au contraire, le Kazakhstan tentera de promouvoir le corridor médian afin de diversifier ses capacités logistiques.
En résumé, nous pouvons conclure que la Ceinture et la Route continuera à se développer selon la trajectoire prévue. Le corridor du milieu peut représenter un certain risque pour la Russie de perdre une partie de son transit. Le corridor Inde-Moyen-Orient-UE reste irréalisable. Le corridor Nord-Sud est le plus prometteur du point de vue des intérêts de la Russie. Les économies iranienne et russe sont de plus en plus interconnectées (et à la veille de l'adhésion de l'Iran à l'EAEU, c'est important). Les contacts avec l'Inde continuent de se développer, ce qui contrebalance le vecteur chinois. Le développement de ce corridor de transport incitera d'autres pays de la région à l'emprunter. En outre, il ne comporte pas de risques graves, comme dans le cas de la plaque tournante proposée au Moyen-Orient. La Russie et l'Iran sont des partenaires stratégiques intéressés par la formation d'un ordre mondial multipolaire. L'Inde souhaite également modifier l'ordre actuel. Les clients de Washington, tels qu'Israël, ou les acteurs ambitieux, tels que la Turquie, ne sont pas présents en tant que participants clés à ce projet. Il convient toutefois de tenir compte du fait que l'Occident tentera par tous les moyens de mettre des bâtons dans les roues pour entraver le fonctionnement du corridor Nord-Sud. Les tentatives de brouiller l'Azerbaïdjan et l'Iran, ainsi que les diverses accusations portées par les États-Unis contre Téhéran, sont directement liées à cette situation et visent à isoler l'Iran.
18:10 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique internationale, corridors économiques, géopolitique, routes de la soie, eurasie, inde, russie, chine, europe, affaires européennes | |
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Choisir le dialogue contre toutes les guerres
Choisir le dialogue contre toutes les guerres
Luca Bagatin
Source: https://electomagazine.it/il-dialogo-contro-ogni-guerra/
Il y a quelques jours, dans un article, je faisais remarquer qu'en ces temps sombres, entre incapacité politique, fondamentalisme (de tous bords), absence de perspectives et de bases scientifico-culturelles solides, on ressentait fortement le manque de personnalités politiques de la stature de Bettino Craxi et de Giulio Andreotti.
Des personnalités capables de comprendre les raisons de chacun, de dialoguer aussi bien avec le monde atlantiste (en y adhérant, mais de manière responsable et tout sauf idéologique), qu'avec le monde soviétique et le monde arabe laïc, dans une perspective anti-fondamentaliste et anti-terroriste.
Cet esprit de dialogue est aujourd'hui totalement absent sur le plan géopolitique.
Un esprit de dialogue contre toutes les représailles, contre toutes les bombes, contre tous les attentats qui détruisent des vies humaines innocentes.
Aujourd'hui comme hier, les extrémismes de rue, opposés les uns aux autres, tendent à l'emporter - les bases de supporters opposées semblent l'emporter. Des supporters qui, à l'instar des extrémistes poseurs de bombes des années 70, n'aident certainement pas à la compréhension et au dialogue.
Des supporters qui inondent non seulement les places, mais aussi les rédactions des journaux, les talk-shows, les parlements nationaux et européen.
Des typhons qui semblent avoir surgi après l'annus horribilis de 1993 en Italie, sur les décombres des partis démocratiques et gouvernementaux, qui ont été délibérément anéantis.
Depuis 1993, ce n'est pas un hasard si, au gouvernement, nous n'avons plus le cher vieux centre-gauche (composé de DC, PSI, PSDI, PRI), dirigé par des personnalités sérieuses, responsables, réformistes, qui ont peut-être grandi à l'école politique de Saragat, Pacciardi, De Gasperi, Nenni et d'autres figures historiques éminentes.
Aujourd'hui, nous avons malheureusement, tant au Parlement qu'au gouvernement ou dans les talk-shows, les héritiers des extrêmes opposés, ceux de droite et ceux de gauche (issus aussi bien du MSI que du PCI ou du militantisme de 1968), désormais tous unis par leur adhésion au fondamentalisme libéral-capitaliste, par l'irresponsabilité en matière de politique étrangère et par la réduction, non pas des privilèges de la caste (qu'ils prétendent, de manière démagogique, vouloir démolir), mais de ce qui reste de la santé publique et de l'éducation.
Il en va de même dans le reste de l'Union européenne.
Socialistes et populistes remplacés par des pseudo "socialistes" et des pseudo "populistes", qui répondent plus à la logique des affaires qu'aux besoins réels du citoyen, ainsi qu'aux objectifs des présidents américains en service. Les présidents des États-Unis sont d'ailleurs souvent critiqués, à juste titre, par la presse libre américaine, qui, malheureusement, est peu lue ou rarement prise en considération par les Européens.
La raison et le dialogue devraient toujours prévaloir, et le seul drapeau à brandir devrait être celui de la stabilité, de la concorde entre les peuples, de l'entraide et de la coopération internationale.
Des aspects qui, à juste titre, ont été au cœur des gouvernements du seul véritable centre-gauche que l'Italie ait connu (de 1948 à 1992) et d'une Europe qui a eu pour représentants des personnalités comme Charles De Gaulle et François Mitterrand.
Il ne peut et ne doit jamais y avoir de prédominance d'une force sur une autre. C'est ce qu'ont bien compris des réformateurs comme Shimon Peres et Yasser Arafat, qui ont su dialoguer et parvenir à un accord en 1993.
Aujourd'hui, au niveau international, il semble que ceux qui incarnent cet esprit de responsabilité et de réformisme typique des gouvernements d'avant 1993 soient le Brésil socialiste de Lula, l'État qu'est la Cité du Vatican du pape François et la République populaire de Chine de Xi Jinping.
Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a fait des déclarations importantes il y a quelques jours, soulignant qu'"une intervention humanitaire internationale est nécessaire de toute urgence". Il a poursuivi en déclarant qu'"un cessez-le-feu est nécessaire de toute urgence pour défendre les enfants israéliens et palestiniens". Il a également déclaré que le Hamas devait libérer les enfants israéliens "enlevés à leurs familles". Dans le même temps, il a appelé Israël à cesser ses bombardements "pour permettre aux enfants palestiniens et à leurs mères de quitter Gaza par la frontière avec l'Égypte". "Il doit y avoir un minimum d'humanité dans la folie de la guerre", a ajouté le président Lula, qui a également souligné que le Brésil entendait, à l'ONU, œuvrer pour une fin définitive du conflit, en continuant à "travailler à la promotion de la paix et à la protection des droits de l'homme dans le monde".
Le Vatican travaille également dans ce sens, en condamnant les crimes commis par le Hamas et en promouvant la solution de la création de deux États, permettant ainsi aux Palestiniens et aux Israéliens de cohabiter pacifiquement.
La République populaire de Chine est du même avis: le 13 septembre, par l'intermédiaire de son ministère des affaires étrangères, elle a déjà présenté une proposition de réforme de la gouvernance mondiale, axée sur la sauvegarde de la paix et de la stabilité dans le monde.
Dans ce document, la Chine, en ce qui concerne la question israélo-palestinienne, a déclaré qu'elle "condamne fermement toutes les formes de terrorisme et d'extrémisme. La Chine s'oppose à l'association du terrorisme et de l'extrémisme à un pays, un groupe ethnique ou une religion en particulier, s'oppose à la politique du deux poids deux mesures dans la lutte contre le terrorisme et s'oppose à la politisation ou à l'instrumentalisation de la question de la lutte contre le terrorisme" et "soutient fermement la juste cause du peuple palestinien pour le rétablissement de ses droits nationaux légitimes". La solution fondamentale à la question palestinienne est la création d'un État palestinien indépendant jouissant d'une pleine souveraineté".
Sur la question ukrainienne, la Chine a réitéré sa position: "La souveraineté et l'intégrité territoriale de tous les pays doivent être respectées. Tous les efforts visant à trouver une solution pacifique à la crise doivent être soutenus. Personne ne gagne au conflit et à la guerre. Imposer des sanctions, exercer des pressions ou jeter de l'huile sur le feu ne fera qu'aggraver la situation. Il est important de maintenir le respect mutuel, d'abandonner la mentalité de la guerre froide, de cesser de s'allier pour alimenter la confrontation dans les camps, et de travailler à la construction d'une architecture de sécurité européenne équilibrée, efficace et durable".
Le document chinois de septembre dernier interdit également tout recours aux armes nucléaires en cas de guerre, prône la nécessité de lutter contre le changement climatique, stigmatise toute utilisation de l'énergie nucléaire "au détriment de l'environnement et de la santé humaine" et "soutient fermement le rôle central des Nations unies dans les affaires internationales".
Qui sait si un tel esprit réformateur, qui devrait à nouveau voir une alliance sérieuse entre les esprits laïques-socialistes (authentiques et non libéraux-capitalistes) et chrétiens modérés (authentiques et non fondamentalistes ou cléricaux), pourra renaître même en Europe, après au moins trente ans d'absence.
Personnellement, je suis très pessimiste, mais, en tout cas, ce serait déjà quelque chose si les nouvelles générations évitaient les erreurs des générations de leurs pères (qui ont voulu faire la "révolution", alors qu'en réalité ils ont jeté les bases de la contre-révolution) et commençaient à apprendre des générations précédentes. Celles qui, sortant des horreurs de la guerre, se sont retroussé les manches et ont construit un avenir où la démocratie, la justice sociale et la liberté étaient au cœur du projet politique. C'était du moins le cas de 1945 à 1992. Après... le déluge !
17:50 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dialogue, politique internationale, actualité, israël, palestine, gaza | |
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lundi, 16 octobre 2023
Le siècle américain
Le siècle américain
Carlos X. Blanco
Le 20ème siècle a été le siècle américain
Revenons en arrière. Le XIXe siècle est anglais ; le XVIIIe siècle est français. Le XVIe et la moitié du XVIIe siècle sont les siècles de l'Espagne, et l'interrègne du baroque fut couvert par la Hollande. La modernité, c'est (presque) un siècle pour chaque puissance. La puissance dominante ou hégémonique donne le ton à toute une époque: elle écrit l'histoire, les autres puissances résistent, les périphéries sont pillées et les vaincus sont poussés par les desseins de l'hégémon ou, le cas échéant, de la puissance régionale et résistante sous la domination de laquelle ils tombent. Les puissances dominantes utilisent les autres à leur profit exclusif. Il est rare qu'un ordre soit conçu pour le bien commun. Celui-ci n'est possible que dans les situations où s'érige une vision du monde rationnelle et hautement éthique, bien au-dessus des intérêts chrématistiques.
L'Empire hispanique, malgré tant d'indigénistes, possédait une telle vision du monde, et subordonnait les intérêts chrématistiques à un Ordre universel, à un Bien commun. Le Portugal, la Hollande, l'Angleterre, la France n'ont jamais possédé cette conception d'un Ordre Universel. Ce n'étaient que de purs empires coloniaux, des entreprises basées sur le pillage, l'esclavage et la piraterie. Cependant, nous ne sommes pas naïfs: l'Empire hispanique n'a pas toujours été à la hauteur de sa conception, et il n'a pas non plus été le paradis sur terre. De plus, il faut garder à l'esprit que la construction d'un Ordre universel réveille des forces opposées: la lumière existe, l'obscurité aussi. Le jour ne se comprendrait pas sans la nuit. La nuit correspondant au Midi d'une Humanité catholique (universelle) s'appelait l'Angleterre : véritable héritière des pirateries portugaise, hollandaise et gauloise, enfer pour les autres peuples.
On ne le souligne pas toujours, mais le grand projet des Habsbourg d'Espagne, en particulier celui de Philippe II, était de consommer non seulement l'union avec le Portugal (un royaume hispanique ou ibérique, après tout), mais aussi la récupération des Provinces rebelles (la chimère d'une Flandre pacifiée gouvernée avec la même autonomie que les territoires ibériques et italiens), ainsi que l'annexion - par mariage ou par invasion - de la Perfide Albion. J'aborde certains de ces aspects dans mon récent ouvrage sur le Padre Suárez. Le grand projet de Philippe, plus hispanique dans sa matrice que celui de son père, l'empereur Charles, s'il avait été mené à bien, aurait bouleversé l'histoire de l'Europe et, avec elle, l'histoire du monde. Il s'agissait essentiellement d'une question de "loi et d'ordre", mais à l'échelle du continent.
Le siècle américain, le 20ème siècle, touche à sa fin. Au pays de l'oncle Sam, il n'y a pas de Philippe II, il n'y a même pas de véritable projet d'ordre public universel. Après la chute de l'URSS et, avec elle, l'effondrement du camp socialiste, la "fin de l'histoire" semblait arrivée, c'est-à-dire l'aboutissement du siècle américain: un seul pôle ou hégémon, sans le contrepoids de l'idéologie communiste et sans menaces sérieuses de la part d'autres petites puissances non alignées. Mais la fin de l'histoire de Francis Fukuyama s'est avérée n'être que la fin d'un chapitre et le début d'un nouveau: le chapitre du "choc des civilisations" (Samuel Huntington). Les Américains ne voient plus de rivaux de l'autre côté d'un rideau de fer, des communistes avec des missiles pointés sur l'Occident, mais des menaces globales provenant d'un islamisme fanatique, dont le terrorisme s'infiltrerait partout de manière invisible et silencieuse. L'islamisme criminel remplaçait le communisme comme le "Mal" absolu et l'objet vers lequel diriger la haine et l'angoisse.
Mais les événements, pour cet hégémon impérial américain, révèlent le cours même de l'histoire, un cours qui n'est pas toujours clair pour les acteurs et les témoins au moment où les événements réels sont enregistrés, mais qui devient plus clair au fil des années et admet la révision, l'explication rétrospective qui intéresse tant le scientifique géopolitique.
Et le recul nous apprend que le siècle américain, qui a commencé avec sa guerre frauduleuse contre l'Espagne en 1898, et le début de son expansionnisme par le vol des territoires espagnols en Amérique et en Asie, a été, à proprement parler, le siècle du capitalisme impérialiste en transition vers une économie financiarisée. C'est précisément cette transition qui se situe entre le siècle anglais et le siècle américain. Il serait facile de voir dans l'ère yankee (1898-2023) un "long siècle" qui s'inscrirait dans la continuité du siècle britannique. Il est vrai qu'à ce jour, les Britanniques et les Américains partagent de nombreux intérêts stratégiques (mais pas tous) et que, face à une Europe faible et désunie, le Royaume-Uni n'a jamais agi comme un partenaire véritablement loyal, constructif et "européen", mais en partenariat avec les États-Unis. Les îles étaient, et sont toujours, une tête de pont pour les Américains en Europe, leur avant-poste pour débarquer rapidement sur les côtes normandes et flamandes.
Mais le modèle colonial-commercial britannique n'est pas le modèle du siècle qui, aujourd'hui, dans l'Ukraine du pathétique Zelensky, s'éteint lentement. Il s'agit d'un colonialisme très différent. Alors que les Britanniques n'imposaient leur langue qu'aux élites indigènes des colonies, qui s'empressaient d'imiter la culture et les manières de leurs maîtres, les Yankees imposent un mode de vie américain par des moyens informels et consuméristes. Alors que les rois zoulous ou les rajahs indiens pouvaient revêtir des costumes traditionnels et exotiques pour recevoir Sa Gracieuse Majesté, les Indiens cooptés par l'empire yankee (y compris les Allemands, les Français ou les Espagnols) s'habillent rapidement avec les vêtements de sport amples du Bronx et mettent leur casquette de base-ball avec la visière à l'envers. Dans les villes espagnoles, personne ne sait jouer au base-ball, mais il y a des centaines de milliers d'imbéciles qui portent leur casquette à l'envers et apprennent avec plaisir la langue espagnole, indiscernable de celle de leurs frères, les émigrants des Caraïbes. C'est un exemple de la façon dont l'impérialisme colonise toujours l'impérialisme.
En Ukraine, la fin de ce siècle devient évidente. Ce n'est pas la fin d'une puissance agressive, car elle le restera en tant que puissance ultra-militarisée. Mais les États-Unis d'Amérique ne pourront plus être les maîtres de la planète ni les maîtres du 21ème siècle. Leur propre économie financiarisée sape leurs fondements. L'armement sophistiqué et coûteux qui, avec la ferraille et les pièces de musée, est envoyé à Zelensky, témoigne de ce que nous avons appelé "l'absence de design".
Les Américains ne peuvent plus se vanter de changer le cours des choses partout et à tout moment. Ils ont été inefficaces dans toutes les guerres. Même dans leur première grande aventure à l'étranger, contre l'Espagne, ils se sont appuyés sur la puissance du dollar et en achetant la volonté des séparatistes, ainsi que de la cour corrompue de Madrid, pleine de traîtres à l'époque comme elle l'est aujourd'hui. Leur guerre hybride a toujours été efficace pour eux, mais dans une confrontation militaire directe, ils connaissent l'échec. Leurs soldats font dans leur froc et tremblent de peur lorsqu'ils ne bénéficient pas d'un soutien matériel et technologique important, et ils ne savent pas quoi faire face à de vrais combattants. Ils choisissent donc les guerres par procuration, les révolutions de couleur, la corruption, la propagande. Mais ils perdent de gigantesques zones d'influence, ils s'acculent au pied du mur. L'arène se situera dans la région Asie-Pacifique, quelle que soit l'ampleur des tueries en Europe de l'Est ou au Moyen-Orient. C'est là, en Asie, que se concentre le potentiel nucléaire et d'autres armes de haute technologie. La transition d'un hégémon à plusieurs (jusqu'à sept, estime Alexandre Douguine dans ses récentes publications) ne sera pas pacifique, bien au contraire. Elle sera sanglante et très risquée. Les armes nucléaires tactiques ne sont pas détenues par les seules armées nationales comme s'il s'agissait d'autocollants intimidants, à l'instar de ceux qui sont apposés dans les magasins et qui indiquent "zone surveillée par vidéo", ce qui est en fait un mensonge destiné à effrayer les voleurs les plus maladroits. Il n'en est rien. Toutes les armes, le moment venu, finissent par être utilisées.
L'humanité s'engage sur une pente très dangereuse. Rares sont les empires qui meurent sans combattre, par simple décomposition interne. Et même lorsque cela se produit, les guerres intestines, ainsi que la convoitise prédatrice des anciens rivaux, des puissances montantes et des voisins revanchards, sont immédiatement attisées. Dans leur propre intérêt, les Américains feraient mieux de préserver l'Union et de se débarrasser des tendances séparatistes latentes, car l'ombre des Balkans (qu'ils ont eux-mêmes criminellement jetés au cœur de l'Europe) couvre déjà tout pays de taille moyenne ou grande, englué dans l'échec extérieur et l'absence de projet. C'est la crainte qui devrait affecter cette "construction" qu'ils ont appelée l'Occident : après l'échec vient la désunion. Et l'Espagne?
En Espagne, à notre échelle, nous savons bien ce que cela signifie. Peu nous importerait, à nous les enfants de l'Hispanité qui vivons des deux côtés de la "mare" atlantique, qu'une Catalogne indépendante devienne un nouveau Kosovo, c'est-à-dire une toilette de l'OTAN et un nouveau paradis fiscal pour l'Anglosphère, pour les Arabes et tous ces gens-là. La peur est pour ceux qui restent à l'intérieur, comme les Palestiniens dans le régime d'apartheid, comme les habitants des ghettos. Et nous avons peur des luttes balkaniques qui pourraient se produire dans tout séparatisme qui n'est ni convenu ni légal. Le proverbe espagnol dit : "a perro flaco, todo son pulgas". Et c'est bien le cas.
La chute de l'Occident est, en réalité, la fin du siècle yankee. Nous, Européens, avons le choix: soit nous nous laissons tomber avec le colosse, soit nous saisissons le Kairos, l'occasion propice. Il est peut-être temps de créer une nouvelle union des peuples, une union en dehors de l'OTAN et du racket de Bruxelles, sans l'euro et sans la bureaucratie des sepoys qui suivent les signaux venant de Washington.
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Politique d'immigration du gouvernement de droite suédois: rien de concret à part de la rhétorique
Politique d'immigration du gouvernement de droite suédois: rien de concret à part de la rhétorique
Source: https://zuerst.de/2023/10/16/zuwanderungspolitik-der-schwedischen-rechtsregierung-ausser-ankuendigungsrhetorik-nichts-konkretes/
Stockholm . Près d'un an après l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement conservateur de centre-droit dirigé par le Premier ministre Ulf Kristersson, le nouveau gouvernement a certes inscrit le problème de l'immigration, qui prend des proportions démesurées dans le pays, sur la liste de ses priorités - mais n'a jusqu'à présent pas fourni grand-chose de constructif.
La ministre suédoise de l'Immigration, Maria Malmer Stenergard, également membre du Parti du rassemblement modéré au pouvoir, s'est montrée plus explicite dans une interview. On y cherche toutefois en vain des accents suédois spécifiques. La ministre se montre au contraire "très confiante" dans le fait que le "pacte sur l'immigration et l'asile" de l'UE pourra être adopté avant la fin de la législature actuelle, à la mi-2024. "Le pacte sur l'asile et la migration est extrêmement important, mais le travail sur la dimension extérieure l'est tout autant", a laissé entendre la ministre en évoquant d'éventuels accords avec des pays tiers.
Là encore, la ministre de Stockholm ne fait pas preuve d'innovation. Elle reprend plutôt les critiques souvent entendues à Bruxelles à l'encontre de pays comme la Libye et la Tunisie, accusés de violer les droits de l'homme en traitant avec des clandestins. Elle est "consciente de la situation extrêmement préoccupante dans plusieurs de ces pays", a déclaré la ministre. "Mais je reste convaincue que nous devons travailler avec les pays voisins pour lutter contre ces réseaux de passeurs", a-t-elle fait valoir.
Pour ce faire, elle appelle à une "approche globale de l'UE" - dont l'expérience montre qu'elle a déjà été peu efficace par le passé. Il faudra sans doute attendre encore longtemps avant de voir des mesures radicales contre la criminalité des gangs et des clans qui prend de l'ampleur dans le pays. Le chef du gouvernement Kristersson avait pourtant récemment annoncé son intention de faire appel à l'armée à l'avenir. (mü)
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21:30 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : suède, scandinavie, europe, affaires européennes, immigration | |
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Le Hamas et Israël. La tête froide
Le Hamas et Israël. La tête froide
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/hamas-e-israele-a-mente-fredda/
Le sensationnalisme macabre de ces dernières heures risque d'empêcher tout raisonnement lucide. C'est au contraire d'une telle forme de raisonnement dont nous avons besoin. Un besoin, si j'ose dire, désespéré. Un besoin vital si l'on veut au moins tenter d'éviter une déflagration aux proportions difficilement imaginables.
Il peut sembler froid et cynique de ne pas pleurer les morts de l'un et/ou de l'autre camp. De n'éprouver, désormais, que de la nausée face aux images d'horreur, relancées sans cesse par les médias jusqu'à l'obsession. Un rituel presque obligatoire. Dont très peu - Luttwak, Moni Ovadia, quelques autres - ont jusqu'à présent réchappé.
Dont acte.
Parlons d'abord du Hamas. Ce qu'il est n'est pas un scoop. On sait quelle est sa référence idéologique. Les similitudes avec ISIS sont, il est vrai, nombreuses. Il s'agit d'une émanation extrême et hérétique des Frères musulmans. Il a littéralement pris le contrôle de la bande de Gaza depuis 2007. Interdisant violemment toute dissidence interne.
Il est dangereux. Très dangereux, assurément. Pourtant, il a bénéficié d'une tolérance apparemment incroyable. De la part du monde occidental. Et, paradoxalement, aussi du côté israélien.
La raison en est simple. Le Hamas a brisé l'unité des Palestiniens. Une unité qui a toujours été difficile. Car le monde palestinien est une mosaïque complexe, pleine de contradictions et de contrastes. Même Arafat n'a jamais réussi à le contrôler complètement.
Le Hamas, cependant, est une force particulière. Il n'est pas vraiment intéressé par la naissance d'un État palestinien indépendant. Son point de vue vise la création d'un grand califat sunnite unique.
C'est pourquoi il a eu, dans une certaine mesure, les mains libres pendant longtemps. Il a divisé les Palestiniens. Il ne représentait pas une menace territoriale directe.
Une erreur tragique, assurément. Ce qui a permis la création d'un ghetto/prison aux proportions bibliques à Gaza. Et qui a donné au Hamas une masse dépossédée, totalement dépendante de l'aide étrangère. Essentiellement celle de l'Union européenne. Qui sont gérées par le sommet de l'organisation.
Un sommet qui, soit dit en passant, réside au Qatar, son grand protecteur. Le Qatar qui est, lui, un proche allié de Washington.
Quant à la proximité avec l'Iran, il y a beaucoup à dire. Certes, les Iraniens ont exploité le Hamas pour prendre pied en Palestine. Une arme à brandir, comme une menace, contre Israël. Et le Hamas a exploité les Iraniens pour obtenir, avant tout, une bonne organisation militaire.
Mais le Hamas représente l'extrémisme sunnite, dont les chiites iraniens sont les ennemis jurés. Des hérétiques à anéantir.
Compliqué, n'est-ce pas ?
Cependant, même du côté d'Israël, tout n'est pas clair et net. Au contraire.
Netanyahou est en net déclin. Et les factions politiques internes s'affrontent. Une lutte qui passe inévitablement par ce qui, pour Israël, est la question vitale par excellence. La relation avec les Palestiniens.
L'une des erreurs de Bibi est d'avoir mis en sourdine les accords signés pour résoudre ce problème. D'avoir concentré trop de ressources et trop d'efforts pour favoriser les implantations dans les territoires. Avoir miné le front de Gaza.
Avoir été influencé par les partis religieux. Ne pas avoir accordé suffisamment de place aux militaires dans son gouvernement.
Aujourd'hui, il tente de se rattraper avec un gouvernement d'unité nationale. Et en évinçant les partis les plus radicaux. Ceux qui rêvent du grand Israël.
Mais il est évident qu'après ce moment, les opposants politiques chercheront l'épreuve de force.
Ils exploiteront également l'isolement international de Netanyahou.
Bibi a en effet peu d'amis à Washington. Biden et les siens ne lui pardonnent pas, entre autres, la position prise sur l'Ukraine. Une tentative de rester en dehors du front anti-russe qui a fait preuve d'une certaine sagesse diplomatique.
Mais surtout, George Soros le déteste. Réciproquement, cordialement. Et Soros, c'est le pouvoir de la haute finance internationale.
L'image d'Israël comme bloc granitique, parfaitement soudé à la diaspora juive, est purement illusoire. Bien sûr, en temps de crise, ils donnent cette impression.
Pourtant, les fissures sont là. Profondes. Et capables d'émerger à tout moment.
21:18 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : actualité, politique internationale, israël, hamas, palestine, proche-orient, levant | |
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Totalitarisme et féminisme : le point par George Orwell
Totalitarisme et féminisme : le point par George Orwell
par Nicolas Bonnal
On ne va pas rappeler la brutalité du féminisme occidental dans l’épisode que nous vivons ; Todd en avait bien parlé dans Après l’Empire. Chesterton déjà en avait parlé (voyez mes textes) lors de son voyage en Amérique : le citoyen n’aurait pas plus de droits qu’un enfant dans une nursery. J’ai souligné dans un texte sur Gustave de Beaumont, compagnon de route de Tocqueville, le caractère ombrageux, intellectuel, triste et platonique de l’épouse américaine qui selon Beaumont ne peut réussir à s’entendre avec son mari. Par contre elle déclenchera toutes les guerres humanitaires qu’on voudra.
Nous vivons des temps apocalyptiques où le séculaire totalitarisme progressiste occidental jusque-là plus ou moins maintenu explose à la surface du monde et veut exterminer tout ce qui bouge. On relira l’étude de Rothbard sur le fanatisme judéo-protestant qui s’exprime aujourd’hui dans les pays anglo-saxons, protestants, scandinaves, germaniques et judéo-chrétiens comme on dit. La fin prévisible du catholicisme romain permet à cette folie millénariste et progressiste de s’exprimer comme elle le fit en Allemagne et ailleurs au seizième siècle. Le texte de Rothbard sur les anabaptistes de Munster est essentiel.
J’en reviens à Orwell : comme tous les lecteurs superficiels j’en étais resté au sex crime. Mais cela va beaucoup plus loin, et Orwell réglait des comptes avec la modernité, et Orwell est considéré aujourd’hui comme un suprématiste à interdire des bibliothèques british. Car rien ne les arrête.
On va voir pourquoi ; dès le début du livre ce maître martyr et étrange écrit :
« C’était une fille d’aspect hardi, d’environ vingt-sept ans, aux épais cheveux noirs, au visage couvert de taches de rousseur (NDLR : 1984 abonde en rouquines) à l’allure vive et sportive. Une étroite ceinture rouge, emblème de la Ligue Anti-Sexe des Juniors, plusieurs fois enroulée à sa taille, par-dessus sa combinaison, était juste assez serrée pour faire ressortir la forme agile et dure de ses hanches. Winston l’avait détestée dès le premier coup d’œil. Il savait pourquoi. »
C’est ce mot de détester qui me frappe. On n’en a pas fini :
« C’était à cause de l’atmosphère de terrain de hockey, de bains froids, de randonnées en commun, de rigoureuse propreté morale qu’elle s’arrangeait pour transporter avec elle. Il détestait presque toutes les femmes, surtout celles qui étaient jeunes et jolies. C’étaient toujours les femmes, et spécialement les jeunes, qui étaient les bigotes du Parti : avaleuses de slogans, espionnes amateurs, dépisteuses d’hérésies. »
On retrouve cette idée dans plusieurs épisodes du Prisonnier (la série télé, voyez mes textes) : on a une fille jeune et jolie, crétine et fanatique, bornée et maléfique, cruelle quand il faut. Le modèle écolo-progressiste d’aujourd’hui qui veut zigouiller la planète après y avoir mis bon ordre (elle a du mal avec la Russie, mais on verra…) en vient. Tout montre que le Prisonnier est la seule série télé à garder chez soi ; le reste est divertissement.
La fille est un agent de la police de la pensée (mot remis à la mode par Annie Kriegel qui parla de police juive de la pensée un jour…) :
« Mais cette fille en particulier lui donnait l’impression qu’elle était plus dangereuse que les autres. Une fois, alors qu’ils se croisaient dans le corridor, elle lui avait lancé un rapide regard de côté qui semblait le transpercer et l’avait rempli un moment d’une atroce terreur. L’idée lui avait même traversé l’esprit qu’elle était peut-être un agent de la Police de la Pensée. C’était à vrai dire très improbable. Néanmoins, il continuait à ressentir un malaise particulier, fait de frayeur autant que d’hostilité, chaque fois qu’elle se trouvait près de lui quelque part. »
Ces créatures (rousses comme on a dit) sont conditionnées. Intervient le fameux épisode Goldstein :
« Comme d’habitude, le visage d’Emmanuel Goldstein, l’Ennemi du Peuple, avait jailli sur l’écran. Il y eut des coups de sifflet çà et là dans l’assistance. La petite femme rousse jeta un cri de frayeur et de dégoût. Goldstein était le renégat et le traître. Il y avait longtemps (combien de temps, personne ne le savait exactement) il avait été l’un des meneurs du Parti presque au même titre que Big Brother lui-même. Il s’était engagé dans une activité contre-révolutionnaire, avait été condamné à mort, s’était mystérieusement échappé et avait disparu. »
Dans ce monde de fonctionnaires froides et sans enfants (futures commissaires de Bruxelles) il ne faut pas bouger le petit doigt :
« Deux doigts de sa main droite étaient tachés d’encre. C’était exactement le genre de détail qui pouvait vous trahir. Au ministère, quelque zélateur au flair subtil (une femme, probablement, la petite femme rousse ou la fille brune du Commissariat aux Romans) pourrait se demander pourquoi il avait écrit à l’heure du déjeuner, pourquoi il s’était servi d’une plume démodée, et surtout ce qu’il avait écrit, puis glisser une insinuation au service compétent. »
La chasse au sexe « hétérosexuel » est devenue une activité mainstream en Occident. Dans le monde d’Orwell on en est déjà là comme on sait :
« Le but du Parti n’était pas simplement d’empêcher les hommes et les femmes de se vouer une fidélité qu’il pourrait être difficile de contrôler. Son but inavoué, mais réel, était d’enlever tout plaisir à l’acte sexuel. Ce n’était pas tellement l’amour, mais l’érotisme qui était l’ennemi, que ce fût dans le mariage ou hors du mariage. »
Les naissances sont raréfiées et contrôlées (revoyez mon texte sur Platon et son livre VIII – de la République) :
« Tous les mariages entre membres du Parti devaient être approuvés par un comité appointé et, bien que le principe n’en eût jamais été clairement établi, la permission était toujours refusée quand les membres du couple en question donnaient l’impression d’être physiquement attirés l’un vers l’autre. La seule fin du mariage qui fût admise était de faire naître des enfants pour le service du Parti. »
Cible importante, l’érotisme supérieur (voyez l’hindouisme ou Daniélou, le culte de l’Amour au Moyen Age) et même le plaisir sexuel :
« La seule fin du mariage qui fût admise était de faire naître des enfants pour le service du Parti. Le commerce sexuel devait être considéré comme une opération sans importance, légèrement dégoûtante, comme de prendre un lavement. Cela non plus n’avait jamais été exprimé franchement mais, d’une manière indirecte, on le rabâchait dès l’enfance à tous les membres du Parti. »
L’on se rapproche d’une séparation totale (Philippe Muray me parlait en 2002 d’un projet de couvre-feu pour les hommes en Suède, c’est dommage, ils ne sont pas encore allés jusque-là). On évoque une insémination artificielle :
« Il y avait même des organisations, comme celle de la ligue Anti-Sexe des Juniors, qui plaidaient en faveur du célibat pour les deux sexes. Tous les enfants devraient être procréés par insémination artificielle (artsem, en novlangue) et élevés dans des institutions publiques.
Winston savait que ce n’était pas avancé tout à fait sérieusement, mais ce genre de concept s’accordait avec l’idéologie générale du Parti. »
Ensuite on se rapproche de ce qui nous est arrivé. Le porno, la pseudo-libération, le web et l’abjection ont tué le « sexe » (le « faire l’Amour ») chez nous comme elles doivent le tuer dans le monde d’Orwell :
« Le Parti essayait de tuer l’instinct sexuel ou, s’il ne pouvait le tuer, de le dénaturer et de le salir. Winston ne savait pas pourquoi il en était ainsi, mais il semblait naturel qu’il en fût ainsi et, en ce qui concernait les femmes, les efforts du Parti étaient largement couronnés de succès. »
Le prix Nobel péruvien Vargas Llosa de passage dans une librairie universitaire US avait noté la disparition du sexe (il cherchait en amateur éclairé de la littérature érotique) et de toute culture d’ailleurs. La cancel culture a effacé presque tout (même l’orthographe) et elle effacera tout.
Le système orwellien tire ainsi parti des femmes :
« Winston apprit avec étonnement que, sauf le directeur du Commissariat, tous les travailleurs du Pornosec étaient des femmes. On prétendait que l’instinct sexuel des hommes étant moins facile à maîtriser que celui des femmes, ils risquaient beaucoup plus d’être corrompus par les obscénités qu’ils maniaient.
– Ils n’aiment pas avoir là des femmes mariées, ajouta-t-elle. On suppose toujours que les filles sont tellement pures ! En tout cas, il y en a une ici qui ne l’est pas.
Elle avait eu son premier commerce amoureux à seize ans avec un membre du Parti âgé de soixante ans, qui se suicida plus tard pour éviter d’être arrêté. »
Revenons-en au projet orwellien occidental ; à la fin du livre tout est révélé lumineusement ; on a Macron, sa clique, le prince Charles (pour moi il ne sera jamais Roi), Bill Gates, Harari-Schwab et tout le reste (pour comprendre ces gens lisez les textes de Balazs sur les eunuques) :
« Dans notre monde, il n’y aura pas d’autres émotions que la crainte, la rage, le triomphe et l’humiliation. Nous détruirons tout le reste, tout. »
Cela c’est la France actuelle.
Mais continuons : on va briser le sexe, la famille, la culture, et même la science (j’allais dire surtout la science, car la natalité et la mortalité…) ! Orwell donc :
« Nous écrasons déjà les habitudes de pensée qui ont survécu à la Révolution. Nous avons coupé les liens entre l’enfant et les parents, entre l’homme et l’homme, entre l’homme et la femme. Personne n’ose plus se fier à une femme, un enfant ou un ami. Mais plus tard, il n’y aura ni femme ni ami. Les enfants seront à leur naissance enlevés aux mères, comme on enlève leurs œufs aux poules. L’instinct sexuel sera extirpé. La procréation sera une formalité annuelle, comme le renouvellement de la carte d’alimentation. Nous abolirons l’orgasme. Nos neurologistes y travaillent actuellement. Il n’y aura plus de loyauté qu’envers le Parti, il n’y aura plus d’amour que l’amour éprouvé pour Big Brother. Il n’y aura plus de rire que le rire de triomphe provoqué par la défaite d’un ennemi. Il n’y aura ni art, ni littérature, ni science. »
Dans un monde nu, un monde à poil, il ne restera que l’exercice du pouvoir (merci Jouvenel pour ton livre) : Breton, Leyen, Macron, Biden et leurs remplaçants vont se régaler jusqu’au bout :
« Quand nous serons tout-puissants, nous n’aurons plus besoin de science. Il n’y aura aucune distinction entre la beauté et la laideur. Il n’y aura ni curiosité, ni joie de vivre. Tous les plaisirs de l’émulation seront détruits. Mais il y aura toujours, n’oubliez pas cela, Winston, il y aura l’ivresse toujours croissante du pouvoir, qui s’affinera de plus en plus. Il y aura toujours, à chaque instant, le frisson de la victoire, la sensation de piétiner un ennemi impuissant. Si vous désirez une image de l’avenir, imaginez une botte piétinant un visage humain… éternellement. »
Le monde du vaccin, du Grand Reset et des guerres permanentes de l’Océanie est ainsi exposé (je ne donne pas les pages pour que vous les recherchiez et que vous le relisiez ce bouquin) :
« Commencez-vous à voir quelle sorte de monde nous créons ? C’est exactement l’opposé des stupides utopies hédonistes qu’avaient imaginées les anciens réformateurs. Un monde de crainte, de trahison, de tourment. Un monde d’écraseurs et d’écrasés, un monde qui, au fur et à mesure qu’il s’affinera, deviendra plus impitoyable. Le progrès dans notre monde sera le progrès vers plus de souffrance. L’ancienne civilisation prétendait être fondée sur l’amour et la justice. La nôtre est fondée sur la haine. Dans notre monde, il n’y aura pas d’autres émotions que la crainte, la rage, le triomphe et l’humiliation. Nous détruirons tout le reste, tout. »
Et comme on nous disait que Paris se couvre de rats et de punaises sous le règne interminable et minable (mais populaire) d’Anne H. :
– Le rat, dit O’Brien en s’adressant toujours à son invisible auditoire, est un carnivore, bien qu’il soit un rongeur. Vous avez dû entendre parler de ce qui se passe dans les quartiers pauvres de la ville. Dans certaines rues, les femmes n’osent, même pour cinq minutes, laisser seul leur bébé dans la maison. Les rats l’attaqueraient certainement. En très peu de temps, ils l’éplucheraient jusqu’aux os. Ils attaquent aussi les malades et les mourants. Ils savent reconnaître, avec une étonnante intelligence, si un homme est impotent.
Sources :
http://www.bouquineux.com/index.php?telecharger=898&O...
https://lesakerfrancophone.fr/de-platon-a-packard-de-la-g...
https://lesakerfrancophone.fr/bertrand-de-jouvenel-et-la-...
https://lesakerfrancophone.fr/patrick-mcgoohan-le-prisonn...
https://lesakerfrancophone.fr/le-feminisme-us-par-dela-le...
https://lesakerfrancophone.fr/observations-sur-le-devenir...
https://lesakerfrancophone.fr/gustave-de-beaumont-et-la-c...
https://lesakerfrancophone.fr/de-notre-devenir-termite-vi...
20:58 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, nicolas bonnal, george orwell, lettres, lettres anglaises, littérature, littérature anglaise, totalitarisme, féminisme | |
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Réflexions sur l'état du monde: entre défaite et escalade
Réflexions sur l'état du monde: entre défaite et escalade
Rafael Poch
Bron: https://www.lahaine.org/mundo.php/entre-la-derrota-y-la
Un an après l'attaque du Nord Stream, menée sur ordre de Biden, l'unité du bloc occidental est beaucoup moins solide qu'il n'y paraît.
Les guerres sont sujettes à toutes sortes de rebondissements inattendus, mais dans la phase actuelle, la défaite militaire de l'Ukraine est de plus en plus évidente. Tout comme la réponse des soutiens occidentaux de Kiev: la fourniture de missiles à longue portée, capables de frapper la Crimée et de mettre les villes russes à portée.
Aujourd'hui marque le premier anniversaire de l'attentat qui a fait exploser le gazoduc Nord Stream dans les pays baltes. À un an de distance, le fait que les États-Unis aient attaqué un intérêt stratégique de l'Allemagne, leur principal allié en Europe, semble toujours être l'un des faits centraux du conflit ukrainien. Cette attaque a eu un effet dévastateur sur le leadership américain en Europe occidentale. Il a gravement endommagé l'économie allemande et en dit long sur la fragilité de la cohésion interne de l'OTAN, sur la mesure dans laquelle l'organisation militaire dirigée par les États-Unis sur le continent exerce une influence sur l'Union européenne, son bras politique subordonné. L'omertá des personnes concernées, en particulier des hommes politiques allemands humiliés, ainsi que la collaboration de leurs services secrets et de leurs médias aux écrans de fumée grossiers et divers de la CIA pour dissimuler et détourner l'attention de la simple réalité des responsables de tout cela, contribuent également à l'image que nous avons sous les yeux.
Ce tableau est déterminé et dominé par les élections présidentielles de l'année prochaine aux États-Unis. Les États-Unis sont la seule puissance capable de forcer la paix, mais tous les ingrédients et circonstances entourant ces élections pointent plutôt vers une dynamique de guerre, c'est-à-dire vers l'escalade du conflit ouvert en Ukraine et l'approfondissement du conflit latent en Asie de l'Est. Voyons ce qu'il en est.
Au sommet de la pyramide, nous avons un président sénile, Joe Biden, sur lequel les médias auraient fait leurs chous gras s'il s'était agi d'un chef d'État russe ou chinois. En cas d'incapacité, Biden a à ses côtés une vice-présidente, Kamala Harris, qui brille par son incompétence. En deuxième ligne, le dossier ukrainien est dirigé par un trio d'universitaires sans cervelle: le secrétaire d'État Blinken, le conseiller à la sécurité nationale Sullivan et la secrétaire d'État adjointe Nuland. Ce personnel imparfait est, à son tour, engagé dans les luttes intestines les plus dures et les plus spectaculaires de l'establishment de Washington depuis la guerre civile, ce qui inclut des actions juridiques transversales visant à mettre le candidat adverse en prison. Les deux camps se sont criminalisés mutuellement et sont fermement convaincus que s'ils perdent les élections, ils seront poursuivis, et qu'ils ne peuvent donc pas perdre. Couplée à la possibilité d'une récession, cette pression pourrait faire du scénario d'une guerre ouverte avec la Russie la plus grande ressource de survie de l'administration Biden.
Le journaliste trumpiste Tucker Carlson, que la crise de l'establishment a transformé en dissident franc-tireur très populaire, résume la situation: "Nous avons déjà perdu le contrôle du monde, nous allons maintenant perdre le contrôle et la domination mondiale du dollar, et lorsque cela se produira, nous aurons une pauvreté digne de la Grande Dépression. Nous sommes déjà en guerre avec la Russie, nous finançons et armons leurs ennemis, mais nous pouvons aller jusqu'à la guerre directe, nous pourrions faire un "Golfe du Tonkin" en Pologne (le faux incident fabriqué pour justifier l'intervention au Vietnam) et dire "les Russes l'ont fait"".
Sur le champ de bataille, la situation ne pouvait pas être pire pour l'Ukraine. Le miracle volontariste d'une contre-offensive en infériorité numérique, avec appui d'artillerie et appui aérien, n'a pas fonctionné, comme les experts russes l'avaient prédit, avec le plus grand sérieux et sans forfanterie, dès avant l'été. Les Wunderwaffen occidentales, dont la fourniture a coûté si cher, sont montrés en flammes tous les soirs dans les journaux télévisés russes (les soldats reçoivent de fortes primes pour la destruction des Bradley, Stryker, Leopard, Challenger AMX-10 et autres véhicules blindés). Le plus terrible est ce carnage effroyable et irréparable qui semble rendre impossible une nouvelle offensive ukrainienne au printemps par manque d'effectifs (alors que l'armée russe dispose d'une réserve de 300.000 hommes qui n'ont pas encore été déployés) et annonce plutôt l'effondrement militaire ukrainien. Il est donc de plus en plus probable qu'une sorte de coup d'État militaire à Kiev chassera Zelensky et ses semblables du pouvoir, imposera le réalisme et acceptera de lourdes pertes territoriales qui auraient pu être évitées en décembre 2021 s'il Kiev avait adopté une attitude différente.
Début septembre, les sources les plus fiables estimaient les pertes ukrainiennes à ce jour dans le conflit entre 240.000 et 400.000, et que celles-ci étaient trois fois supérieures aux pertes russes (80.000 morts à la mi-septembre selon la BBC). Cette estimation générale incertaine a trouvé une confirmation locale concrète dans les déclarations du responsable du recrutement de la région ukrainienne de Poltava, Vitali Berezhni: "Sur cent personnes mobilisées à l'automne dernier, il en reste entre dix et vingt, le reste est mort, blessé ou invalide". A Poltava, le plan de recrutement n'est rempli qu'à 13%, précise-t-il, tandis que son homologue de Lvov reconnaissait en août que seul un appelé sur cinq se présentait.
L'absentéisme est très répandu. Si les gardes-frontières ukrainiens affirment avoir empêché plus de 20.000 conscrits de fuir le pays, il est difficile de faire respecter la demande du gouvernement de Kiev d'expulser les plus de 650.000 Ukrainiens en âge de servir dans l'armée, enregistrés dans l'Union européenne en tant que réfugiés. Dans les missions diplomatiques ukrainiennes à l'étranger, 40 à 60% des employés ne sont pas rentrés au pays à la fin de leur séjour. Sur les vingt personnes qui devaient quitter l'ambassade des États-Unis l'année dernière, une seule est revenue, et dans certaines ambassades, personne ne revient du tout. Cette réalité de la boucherie et de la clandestinité est apparue de temps à autre dans la presse britannique au cours de l'année écoulée, mais dans la presse européenne et nationale, elle reste rare, alors qu'elle est essentielle pour définir la situation.
Dans ce contexte, les exigences et les récriminations des autorités ukrainiennes à l'égard de leurs amis européens se multiplient. La lassitude face au gouffre sans fond et sans résultat de l'effort financier et militaire de l'Europe s'est manifestée dans la campagne électorale polonaise, pimentée par un désaccord sur l'exportation des céréales ukrainiennes vers l'Europe. Le président Duda a comparé l'Ukraine à un homme qui se noie et qui peut entraîner au fond de l'eau tous ceux qui tentent de le sauver. Le Premier ministre Mateusz Morawiecki a déclaré que la Pologne cesserait d'envoyer des armes à l'Ukraine et que toutes les nouvelles armes qu'elle achèterait serviraient à s'armer elle-même. Un porte-parole du gouvernement à Varsovie annonce que l'aide aux réfugiés, qui comprend "l'exemption de l'enregistrement de la résidence et des permis de travail, l'accès gratuit à l'éducation, aux soins médicaux et familiaux", ne sera pas prolongée l'année prochaine.
Jusqu'à présent, les réfugiés ukrainiens en Europe occidentale "se sont bien comportés" et sont "très reconnaissants" envers ceux qui les ont accueillis - ils n'oublieront pas cette générosité, a déclaré M. Zelenski dans une interview accordée à The Economist, mais "ce ne serait pas une bonne chose pour l'Europe si ces personnes étaient acculées dans un coin", ajoute-t-il dans ce qui semble être une menace voilée de créer de la déstabilisation.
L'armée ukrainienne épuisant ses réserves et le flux d'armes et de munitions occidentales s'amenuisant, la solution a consisté à franchir une nouvelle étape dans le jeu des risques: se fournir chez les Britanniques, les Français et les Américains (les Allemands y réfléchissent encore) des missiles à longue portée capables d'atteindre les villes russes. Des attaques de missiles sur la Crimée ont été rendues possibles grâce aux renseignements américains et britanniques et aux informations et technologies de localisation. Tous ces éléments incitent la Russie à étendre son occupation territoriale au reste de la côte ukrainienne de la mer Noire, jusqu'à Odessa et la frontière roumaine, et même à répondre par des attaques contre des cibles de l'OTAN, pour lesquelles Moscou semble disposer d'importantes capacités en matière de missiles. Citant des sources des services de renseignement américains, le journaliste Seymour Hersh avance que l'attaque de cibles de l'OTAN était préconisée par le chef des insurgés de Wagner, Evgeni Prigozhin, et que c'est pour cette raison qu'il a été éliminé. Qui sait, mais la prudence du Kremlin est, en tout état de cause, soumise à un test de risque de plus en plus important.
Les décideurs politiques occidentaux restent déterminés à prouver le bien-fondé de la thèse russe sur la guerre en Ukraine. Le 7 septembre, devant le Parlement européen, l'éloquent secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a déclaré que "Poutine est entré en guerre pour empêcher que l'OTAN ne s'approche davantage de ses frontières" et que si l'OTAN et les États-Unis avaient accepté les conditions formulées par le Kremlin en décembre 2021, il n'y aurait pas eu d'invasion de l'Ukraine.
Stoltenberg a également réaffirmé ce que le chef du Stratcom (commandement stratégique) américain, Charles Richard, avait déclaré en novembre 2022, à savoir que la guerre en Ukraine était un "échauffement" en vue d'une guerre contre la Chine. Si l'Ukraine réussit, les États-Unis pourront se concentrer sur la Chine, a déclaré M. Stoltenberg ce mois-ci. "Si les États-Unis s'inquiètent de la Chine, l'Ukraine doit gagner. Si Kiev gagne, nous aurons la deuxième armée d'Europe et il sera plus facile de se concentrer sur la Chine et moins sur la situation en Europe. Quoi qu'il en soit, la situation en Asie de l'Est est sans ambiguïté.
Le Japon a doublé ses dépenses militaires et relégué au second plan l'article 9 de sa constitution, pourtant hostile à la guerre. Né à Tokyo dans une famille d'Hiroshima et ayant des parents tués par la bombe atomique, le Premier ministre Fumio Kishida a organisé de façon obscène le dernier conclave du G-7 sur la guerre à Hiroshima en mai, sans la moindre allusion aux lanceurs de la bombe. En Corée du Sud, l'ultra-président, Yoon Suk-yeol, est également un militariste convaincu qui veut que des armes nucléaires américaines soient déployées sur son territoire (jusqu'à présent soupçonnées de n'exister qu'en "stockage") et accueille une flottille entière de porte-avions nucléaires dans ses eaux. La Corée du Nord poursuit ses tirs réguliers de missiles démonstratifs et conclut de nouveaux accords militaires avec Moscou. Aux Philippines, les États-Unis établissent quatre nouvelles bases militaires et l'Australie dépense des milliards pour de nouveaux sous-marins nucléaires contre la Chine. Même la Nouvelle-Zélande n'a pas pu résister et annonce des augmentations de ses budgets militaires.
L'ancien Premier ministre australien Paul Keating a résumé la situation: "Les Européens se sont battus les uns contre les autres pendant la majeure partie des trois cents dernières années, dont deux guerres mondiales au siècle dernier. Exporter ce poison malin vers l'Asie revient à accueillir ce fléau". Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, "est un parfait imbécile qui se comporte comme un agent américain au lieu d'agir comme un leader et un porte-parole de la sécurité européenne", a déclaré M. Keating.
Texte intégral : https://www.lahaine.org/mundo.php/entre-la-derrota-y-la
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De la centralité du dollar selon le Forum économique mondial de Davos à la dédollarisation du Club Valdai
De la centralité du dollar selon le Forum économique mondial de Davos à la dédollarisation du Club Valdai
Par Alfredo Jalife Rahme
Source : https://noticiasholisticas.com.ar/del-dolarcentrismo-del-...
Dans la "phase post-Ukraine (https://bit.ly/3Q9Fldm )", le président Poutine a expliqué lors de la 20ème réunion annuelle du Club Valdai que derrière l'opération en Ukraine se profile la "construction d'un nouvel ordre mondial" de nature multipolaire (https://bit.ly/48FZAq9 ).
Lors de cette réunion, Jeffrey Sachs, économiste à l'université de Columbia, a affirmé que "l'ère du système financier international dominé par le dollar touche à sa fin et cela se produira au cours de la prochaine décennie (https://bit.ly/3tn5DzM )". Selon lui, les États-Unis ont abusé des privilèges du dollar en tant que monnaie préférée pour le commerce mondial et les réserves des banques centrales: "L'un des privilèges était la capacité d'emprunter à des taux d'intérêt bas. Cela a permis de maintenir un système de paiement international très efficace, mais les États-Unis ont abusé de ce système, en particulier au cours des 15 dernières années". Il a expliqué que les États-Unis "sont devenus dépendants de l'utilisation du système financier pour atteindre des objectifs géopolitiques".
Le déclin progressif des États-Unis se reflète dans la production mondiale : "aujourd'hui, ils ne sont responsables que de 15% de la production mondiale, alors qu'après la Seconde Guerre mondiale, ils en représentaient 30%". À mon avis, ce chiffre augmentera avec la montée irrésistible des 11 pays du groupe BRICS qui, après le sommet tectonique de Johannesburg, affichent un PIB (mesuré en parité de pouvoir d'achat) de 37%, contre 29,2% pour les pays du G7 en difficulté, de surcroît sur le point d'entrer en "stagflation (le pire des mélanges: stagnation et inflation)" et en proie à une grave crise de la dette.
Au milieu de la démondialisation et des régionalismes de proximité, le fanatique mondialiste allemand Klaus Schwab - avec les prétentions d'un Zeus post-moderne à 85 ans -, chef du Forum économique mondial (WEF), et allié du méga-spéculateur au masque philanthropique (https://amzn.to/2MR0PfM ), George Soros, a halluciné dans la "phase post-Ukraine (https://bit.ly/46C0zpl )" que "le monde ne sera plus gouverné par des superpuissances comme les Etats-Unis [...] Il sera gouverné par des acteurs comme BlackRock et Bill Gates". Ni plus ni moins que le gouvernement mondial de la ploutocratie anglo-saxonne (https://bit.ly/3RRcR9g ) !
Dans la "phase post-Ukraine", la fracture de la biosphère américaine contre le G-2 de la Russie et de la Chine (https://bit.ly/3NnaoQg ) est encore plus profonde et je ne vois pas comment le WEF de Schwab/Soros peut imposer son gouvernement mondial dans l'anglosphère, sans parler de l'"Occident", alors que l'ingouvernabilité et l'agitation civile se répandent dans le G-7.
Depuis 52 ans, avec sa naissance en 1971, à l'unisson avec le découplage du dollar de l'"étalon-or" par Nixon, le WEF a été un phare et un forum pour la mondialisation néolibérale et, depuis la dissolution de l'URSS, pour le dollaro-centrisme.
Le problème est que la Grande-Bretagne, l'un des meilleurs alliés du WEF pour la gouvernance mondiale - la grande remise à zéro (https://bit.ly/3KoMoey ), le pernicieux Agenda 2030 et le contrôle des médicaments/vaccins GAVI (https://bit.ly/3F8cfV8 ) - a radicalement inversé son "agenda vert" géopolitisé lorsque son premier ministre Rishi Sunak est revenu, avec humilité, sur l'exploitation des hydrocarbures de la mer du Nord (https://bit.ly/3tr4bfS ).
En réalité, la mondialisation néolibérale ploutocratique et son dollaro-centrisme ont détruit la dichotomie topographique séculaire des 17ème et 18ème siècles (Parlement britannique et Assemblée française) avec le clivage "gauche-droite", lorsque la "gauche travestie" - à la recherche d'un pouvoir cannibale plutôt que de la défense de ses principes inaliénables - est devenue "mondialiste" et a adopté les canons du WEF et de son gouvernement mondial ploutocratique, que j'ai exposés dans Nationalisme vs. mondialisme : La dichotomie du 21e siècle avant l'IA (https://bit.ly/46irEyl ).
Aujourd'hui, Alexandre Douguine, l'idéologue du président Poutine, a adopté la même dichotomie pour le 21ème siècle : "Il n'y a que deux partis dans le monde, les mondialistes du grand reset et les antimondialistes du grand réveil (https://bit.ly/3PMVWlv )".
Douguine a omis d'ajouter que les "antimondialistes" sont des souverainistes/nationalistes à l'horizon universel.
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dimanche, 15 octobre 2023
Israël a-t-il contribué à la création et à la montée en puissance du Hamas ?
Israël a-t-il contribué à la création et à la montée en puissance du Hamas?
Par Bruno Sgarzini*
Source: https://noticiasholisticas.com.ar/israel-ayudo-a-la-creacion-y-ascenso-de-hamas-por-bruno-sgarzini/
Israël a-t-il aidé à la montée en puissance du Hamas, l'organisation qui a perpétré sur son sol le pire attentat depuis 50 ans ?
En 2019, Benjamin Netanyahou a déclaré lors d'une réunion à huis clos que tous ceux qui voulaient empêcher la création d'un État palestinien devaient soutenir et financer le Hamas. "Notre stratégie consiste à isoler les Palestiniens de Gaza des Palestiniens de Cisjordanie". Il a tenu ces propos, selon le journaliste israélien Gidi Weitz, lors d'une réunion de son parti, le Likoud, au Parlement, la Knesset.
Pour Zvi Barel, du quotidien israélien Haaretz, les dirigeants politiques ont chargé Tsahal de "créer un animal dont les parties du corps ne correspondent pas, tant à Gaza qu'en Cisjordanie". Une manière de créer une Palestine A, dirigée par le Fatah en Cisjordanie, et une Palestine B dirigée par le Hamas à Gaza".
En 2007, le directeur du renseignement israélien, Amos Yadlin (photo), a déclaré à l'ambassadeur des États-Unis en Israël, Richard Jones, qu'"Israël serait "heureux" si le Hamas prenait le contrôle de Gaza parce que les forces de défense israéliennes pourraient alors traiter Gaza comme un État hostile", selon un câble diplomatique du représentant américain déclassifié par Wikileaks.
Lors de la réunion, M. Yadlin a rejeté l'importance du rôle de l'Iran dans une bande de Gaza contrôlée par le Hamas "tant qu'elle n'a pas de port".
Le Hamas avait alors remporté les élections législatives et s'était constitué en gouvernement à Gaza. Israël, ainsi que les États-Unis et d'autres gouvernements du monde, ont gelé les fonds envoyés à l'administration palestinienne en raison de la non-reconnaissance de l'État d'Israël par le Hamas.
Un an plus tard, le gouvernement Netanyahou a lancé l'opération "Plomb durci" pour "empêcher les tirs de roquettes" en provenance de Gaza. Les dirigeants du Hamas ont également été pris pour cible, ce qui a entraîné la mort de 1400 Palestiniens.
Ce fut le prétexte pour durcir les conditions dans la bande de Gaza avec des points de contrôle et des politiques de ségrégation, décrites par Amnesty International comme un "régime d'apartheid" qui vise "l'oppression et la domination systématiques d'un groupe racial sur un autre avec l'intention de maintenir ce système".
Pour Bezalel Smotrich, ministre des finances de Netanyahou et membre du Parti sioniste religieux, la partition de la Palestine en deux permettrait l'annexion de la Cisjordanie et l'expansion rapide des colonies juives sionistes qui s'y trouvent. "Une fois qu'Israël aura déclaré son intention de ne jamais quitter cette terre et aura créé des réalités sur le terrain qui rendent le retrait inimaginable, les Palestiniens se réconcilieront avec la nouvelle réalité: soit ils accepteront une forme de citoyenneté de seconde classe, soit ils partiront volontairement, soit ils tenteront des actes violents de résistance et seront écrasés".
En tant que ministre, M. Smotrich a mis à profit son passage au cabinet de M. Netanyahou pour tenter de mettre en œuvre ce plan, en œuvrant à la fois à l'annexion de facto de la Cisjordanie et à l'expansion rapide des colonies de peuplement juives. Des groupes extrémistes ont d'ailleurs commencé à assiéger certains lieux saints de l'islam, comme la mosquée Al-Aqsa, et à étendre leur occupation.
La clé d'une telle victoire totale d'Israël, écrit-il, est simple: briser l'esprit des Palestiniens.
En effet, pour l'organisation d'anciens combattants israéliens Breaking the Silence, l'une des raisons du succès de l'attaque du Hamas est que peu de soldats gardaient les postes frontières israéliens près de Gaza parce qu'ils protégeaient les colons qui avançaient leurs pions en Cisjordanie.
Mais y a-t-il d'autres raisons qui expliquent le lien entre les dirigeants israéliens et la montée en puissance du Hamas ?
Lorsque le Hamas, acronyme de Harakat al-Muqawama al-Islamiya ("Mouvement de résistance islamique"), a débarqué à Gaza, il a été aidé par Tel-Aviv, selon le général israélien Yitzhak Segev, gouverneur de Gaza à la fin des années 1970.
En 1979, les autorités israéliennes ont officiellement autorisé le cheikh Ahmed Yasin (photo), fondateur du mouvement, à créer l'organisation Mujama al-Islamiya, prédécesseur caritatif du Hamas. Il a également été autorisé à développer l'université islamique de Gaza, où la plupart des dirigeants du Hamas ont été formés.
L'organisation, issue des Frères musulmans égyptiens, a inscrit dans sa charte l'objectif d'un État islamique en Palestine et la destruction de l'État d'Israël. Elle professe également une vision salafiste et fondamentaliste de l'islam.
Au cours de ses premières années à Gaza, "le gouvernement israélien lui a donné de l'argent pour soutenir ses mosquées", a déclaré le général israélien Segev au New York Times. Avner Cohen, responsable israélien des affaires religieuses à Gaza jusqu'en 1994, a déclaré au Wall Street Journal que "le Hamas, à son grand regret, avait été une création d'Israël. Une erreur énorme et stupide".
Quel était le but recherché ? Affaiblir l'Organisation de libération de la Palestine, dirigée par Yasser Arafat, qui, dans les années 1980, était la plus grande organisation palestinienne et proposait un État palestinien laïc et séculier, contraire aux intérêts et à la vision du Hamas.
Dans le cadre de ce conflit sur le leadership palestinien, le Hamas a éclaté en tant que mouvement lors de la première intifada en 1987, appelée "révolte des pierres", contre l'occupation israélienne de la bande de Gaza et de la Cisjordanie. Selon le général israélien Segev, au cours de ces années, il est resté en contact avec le chef religieux du Hamas jusqu'en 1989, lorsque l'organisation a tué deux soldats israéliens, "une action qui a conduit à la condamnation à vie du religieux et à la déportation de près de 400 dirigeants du groupe au Liban", selon le quotidien espagnol El Mundo.
Dans les années 1990, l'organisation a commencé à commettre des attentats à la bombe pour lutter contre l'occupation israélienne et saboter les accords d'Oslo de 1993 signés par Yasser Arafat et le Premier ministre israélien Itzhac Rabin. Le Hamas et le Likoud de Netanyahou se sont opposés à la création de deux États, une décision approuvée par plusieurs résolutions des Nations unies.
Des attentats à la bombe du Hamas et des attaques de colons israéliens ont tenté de torpiller l'accord d'Oslo. Rabin a été assassiné par Yigal Amir, un extrémiste israélien, lors d'un événement public le 4 novembre 1995. Après des élections, Benjamin Netanyahou devient premier ministre et enterre les accords d'Oslo en accusant les Palestiniens de les avoir reniés.
Pour les sociologues Lucía Carbone et Flavia Fanello, "du côté israélien, les attentats suicides perpétrés par le groupe islamiste Hamas favorisent sa politique répressive et le positionnent comme un interlocuteur fort, seul capable de mener des négociations sans faire d'autres concessions que celles nécessaires au maintien de son statut de puissance dominante sur les Palestiniens. Du côté du Hamas, ces positions renforcent et justifient ses actions car, à mesure que l'OLP est affaiblie suite aux négociations de paix et que les politiques répressives d'Israël augmentent, son rôle en tant que seul mouvement de résistance à l'invasion sioniste devient plus plausible.
Le rôle de premier plan joué par le Hamas lors de la deuxième Intifada (Al-Aqsa), avec des attaques et des attentats suicides, a par exemple justifié la décision du gouvernement de durcir la politique de blocus et de murs autour de la Cisjordanie, selon l'expert en relations internationales Jesús López Almejo dans son article intitulé "Hamas between terrorist tactics and the political path" (Le Hamas entre les tactiques terroristes et la voie politique).
Cette politique était officiellement justifiée en termes de sécurité et de protection de la population israélienne contre le terrorisme palestinien", explique Jesús López Almejo, expert en relations internationales. Selon Jaime Saura Estapá, le tracé du mur a été conçu pour modifier la composition démographique de la population palestinienne, y compris Jérusalem-Est, en renforçant les colonies israéliennes qui, en vertu du droit international, ont été illégalement établies dans les territoires palestiniens, divisant la Cisjordanie en deux moitiés et la laissant sans continuité territoriale".
La montée en puissance du Hamas à Gaza a permis au gouvernement de Benjamin Netanyahu de durcir et de consolider le régime d'apartheid dans les territoires reconnus par la communauté internationale comme faisant partie de l'Etat palestinien.
Pour Alon Pinkas, du quotidien israélien Haaretz, l'attaque du Hamas, la plus importante contre Israël depuis 50 ans, s'est retournée contre l'idée que "Tel-Aviv pouvait effectivement renforcer le Hamas pour affaiblir l'Autorité palestinienne et rendre toute solution à deux États irréalisable".
Selon les propres termes de M. Netanyahou, "quiconque veut contrecarrer la création d'un État palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas et le transfert d'argent au Hamas. Cela fait partie de notre stratégie: isoler les Palestiniens de Gaza des Palestiniens de Cisjordanie". Un régime d'apartheid palestinien serait le moyen idéal d'y parvenir.
Pour Zack Beauchamp, correspondant au Moyen-Orient pour le média américain Vox : "Netanyahou aurait considéré le pouvoir du Hamas à Gaza comme une sorte d'atout. Tant que les Palestiniens resteront divisés entre eux (le Hamas à Gaza et le Fatah modéré en Cisjordanie), un accord de paix sera probablement impossible : un règlement négocié ne peut être obtenu sans un partenaire de négociation unifié. Selon ce raisonnement, la menace terroriste posée par le Hamas peut être gérée; un blocus sans fin et des opérations militaires périodiques peuvent maintenir le danger posé par le Hamas dans des "paramètres acceptables".
Son allié tactique vient de lui infliger l'un des plus grands coups politico-militaires de son histoire. Et il pourrait proposer d'entrer dans Gaza pour entamer une guerre d'usure sur d'autres fronts par l'intermédiaire de ses alliés en Syrie, au Liban, au Yémen et en Iran. Il pourrait s'agir d'une menace existentielle pour Israël.
Le feu avec lequel Netanyahou a joué pendant de nombreuses années pourrait mettre fin à son rêve d'imposer l'État d'Israël au peuple palestinien.
*Bruno Sgarzini est journaliste international.
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Les services de renseignement égyptiens affirment qu'Israël a ignoré les avertissements répétés concernant une attaque du Hamas
Les services de renseignement égyptiens affirment qu'Israël a ignoré les avertissements répétés concernant une attaque du Hamas
Source: https://noticiasholisticas.com.ar/inteligencia-egipcia-af...
Les questions de plus en plus nombreuses concernant l'incapacité des services de renseignement israéliens à anticiper et à se préparer à une attaque surprise du Hamas ont été aggravées lundi lorsqu'un responsable des services de renseignement égyptiens a déclaré que Jérusalem avait ignoré les avertissements répétés selon lesquels le groupe basé à Gaza préparait "quelque chose d'important", y compris, apparemment, une action directe. Le ministre des renseignements du Caire avait prévenu le premier ministre israélien.
Le responsable égyptien a déclaré que l'Égypte, qui joue souvent le rôle de médiateur entre Israël et le Hamas, avait parlé à plusieurs reprises aux Israéliens de "quelque chose d'important" et a ajouté que les responsables israéliens se concentraient sur la Cisjordanie et minimisaient la menace de Gaza. Le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu est composé de partisans des colons de Cisjordanie qui ont exigé des mesures de sécurité face à la montée de la violence au cours des 18 derniers mois.
"Nous les avons prévenus qu'une explosion de la situation allait se produire, très bientôt, et qu'elle serait de grande ampleur. Mais ils ont sous-estimé ces avertissements", a déclaré à l'Associated Press le fonctionnaire, qui a parlé sous le couvert de l'anonymat parce qu'il n'était pas autorisé à discuter avec les médias du contenu des conversations sensibles des services de renseignement, ajoute le Times of Israel.
Dans l'un de ces avertissements, le ministre égyptien du renseignement, le général Abbas Kamel (photo), a personnellement appelé Netanyahou dix jours seulement avant l'attaque massive, déclarant que les habitants de Gaza étaient susceptibles de faire "quelque chose d'inhabituel, une opération terrible", selon le site d'information Ynet.
Des responsables égyptiens anonymes ont déclaré au site qu'ils avaient été choqués par l'indifférence de M. Netanyahou à l'égard de la nouvelle et que le Premier ministre lui avait dit que l'armée était "immergée" dans les problèmes de la Cisjordanie.
Le bureau du Premier ministre a démenti ces informations dans une déclaration lundi. Cependant, Israël ne s'est pas contenté d'ignorer les avertissements clairs de ses alliés.
Pour les Palestiniens de Gaza, les yeux d'Israël ne sont jamais très loin. Des drones de surveillance bourdonnent constamment dans le ciel. La frontière, hautement sécurisée, est jalonnée de caméras de sécurité et de soldats en faction. Les agences de renseignement utilisent des sources et des capacités cybernétiques pour extraire des informations.
Mais les yeux d'Israël semblent avoir été fermés lors de la préparation de l'attaque surprise du Hamas.
"Il s'agit d'un échec cuisant", a déclaré Yaakov Amidror, ancien conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre Benjamin Netanyahu. "Cette opération prouve en fait que les capacités [de renseignement] à Gaza n'étaient pas bonnes". M. Amidror n'a pas voulu donner d'explication à cet échec et a déclaré qu'il faudrait en tirer les leçons une fois que la poussière sera retombée.
Amir Avivi (photo), un général israélien à la retraite, a déclaré qu'en l'absence d'un point d'appui à l'intérieur de Gaza, les services de sécurité israéliens en sont venus à s'appuyer de plus en plus sur des moyens technologiques pour recueillir des renseignements. Selon lui, les groupes de Gaza ont trouvé des moyens d'échapper à cette collecte de renseignements technologiques, ce qui donne à Israël une image incomplète de leurs intentions.
"L'autre partie a appris à faire face à notre domination technologique et a cessé d'utiliser des technologies susceptibles de l'exposer", a déclaré M. Avivi, qui a servi d'intermédiaire pour la transmission de renseignements sous l'autorité d'un ancien chef d'état-major de l'armée. M. Avivi est président et fondateur du Forum israélien de sécurité et de défense, un groupe d'anciens commandants militaires partisans d'une ligne dure.
"Ils sont revenus à l'âge de pierre", a-t-il déclaré, expliquant qu'ils n'utilisaient ni téléphone ni ordinateur et qu'ils menaient leurs affaires sensibles dans des pièces spécialement protégées contre l'espionnage technologique.
Mais M. Avivi a déclaré que l'échec allait au-delà de la simple collecte de renseignements et que les services de sécurité israéliens n'avaient pas réussi à se faire une idée précise des renseignements qu'ils recevaient, sur la base de ce qu'il a qualifié d'idée fausse sur les intentions du Hamas.
"En pratique, des centaines, voire des milliers d'hommes du Hamas se préparaient depuis des mois à une attaque surprise, sans que cela n'ait filtré", a écrit Amos Harel, commentateur des questions de défense, dans le quotidien Haaretz. "Les résultats sont catastrophiques".
Israël a également été troublé et déchiré par le projet de réforme judiciaire de M. Netanyahou. M. Netanyahou a reçu des avertissements répétés de ses chefs de la défense, ainsi que de plusieurs anciens dirigeants des agences de renseignement du pays, selon lesquels ce plan de division sapait la cohésion des services de sécurité du pays.
Martin Indyk, envoyé spécial pour les négociations israélo-palestiniennes sous l'administration Obama, a déclaré que les divisions internes concernant les changements juridiques étaient un facteur aggravant qui avait contribué à prendre les Israéliens par surprise.
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Chant funèbre pour Stepanakert
Chant funèbre pour Stepanakert
par Georges FELTIN-TRACOL
Une fois encore, la nation arménienne qui transcende dans le temps et l’espace les limites actuelles de la république post-soviétique d’Arménie connaît un profond chagrin et une immense peine dus à l’arrachement d’une partie de son territoire ancestral.
Du 18 au 20 septembre 2023, la quatrième guerre du Haut-Karabakh a provoqué la fin de la république indépendantiste de l’Artsakh et la fuite de plus de 90 % des quelque 120 000 habitants de ce berceau historique du peuple arménien. Les autorités rebelles de l’Artsakh ont annoncé la dissolution effective de toutes leurs institutions au 1er janvier 2024. Pas sûr que le vainqueur azéri patiente jusqu’à cette date…
Le traitement médiatique occidental pratique volontiers l’euphémisme à propos de ce nouveau nettoyage ethnique commis en direct sans susciter l’indignation des beaux esprits de la « communauté internationale ». Les journalistes occidentaux ne se préoccupent que de l’action humanitaire et délaissent toute considération géopolitique et historique. La version francophone de Wikipédia – Wokipédia serait une appellation plus appropriée pour cette encyclopédie en ligne infestée de wokistes – ne place même pas cette tragédie dans la catégorie « Événements en cours » alors que les pitoyables manifestations féministes en Iran y figurent depuis plus d’un an… Par ailleurs, la Hongrie de Viktor Orban ne condamne pas l’invasion azérie. Elle l’approuve au contraire, tropisme ouralo-altaïque oblige. Qu’en pensent donc les zélateurs français de l’illibéralisme de Budapest ?
Ce n’est pas la première fois que les Arméniens voient le fer, le feu et le sang briser leur idéal politique. L’espérance mise dans le traité de Sèvres du 10 août 1920 qui offrait aux survivants du génocide de 1915 un territoire autour des villes d’Erzurum, de Trabzon et de Van disparaît au traité de Lausanne du 24 juillet 1923 sous les coups de butoir de la reconquête kémaliste. Deux ans plus tôt, en 1921, l’Armée rouge bolchevique anéantissait la République arménienne des Montagnes proclamée en 1918 aux confins de la Turquie, de la Perse et des futures Arménie et Azerbaïdjan. Les forces communistes constituèrent ensuite une structure soviétique d’expression arménienne au lendemain de l’échec transcaucasien.
Fin connaisseur des questions nationales auprès de Lénine, le Géorgien Joseph Staline entretient les vieilles rivalités ethniques tout en garantissant officiellement le droit de chaque peuple lié à l’ensemble soviétique de maintenir leur identité culturelle. Adeptes du « diviser pour régner », les bocheviks poussent à l’extrême la logique politique des nationalités en respectant l’ancrage territorial des langues. Ainsi l’Asie centrale compte-t-elle des enclaves ouzbèkes, turkmènes et tadjikes. Dans le Caucase, l’Azerbaïdjan, déjà pourvu en hydrocarbures, reçoit l’exclave du Nakhitchevan coincée entre la Turquie et l’Arménie, et le Haut-Karabakh à majorité arménienne.
Les réformes dévastatrices de Mikhaïl Gorbatchev au milieu de la décennie 1980 déclenchent un vaste réveil des peuples dans une URSS malade. Dès 1988, des incidents très violents opposent Arméniens et Azéris. Les Arméniens du Karabakh réclament au mieux leur rattachement à l’Arménie, au pire une séparation définitive avec l’Azerbaïdjan. Le 2 septembre 1991, ils proclament leur autodétermination. L’éclatement de l’URSS entraîne aussitôt l’intervention militaire de l’Arménie, épaulée de volontaires d’origine arménienne ou non venus d’Occident et du Proche-Orient. Les Arméniens écrasent les forces azéries, libèrent l’Artsakh et occupent 20 % du territoire azerbaïdjanais. L’exode d’un demi-million d’Azéris et de Kurdes mahométans clôt cette première guerre (1992 – 1994). Le Nagorny-Karabakh devient la Crimée des Azerbaïdjanais et le Kossovo des Arméniens.
Entre 1994 et 2016, l’Artsakh polarise toute la vie politique arménienne. La victoire de 1994 développe un nationalisme soldatique favorable aux vétérans, aux anciens combattants et aux responsables de l’Artsakh quand bien même Erevan n’a jamais reconnu officiellement cette cryptocratie. Par exemple, chef de l’Artsakh de 1994 à 1997, Robert Kotcharian est Premier ministre de l’Arménie de 1997 à 1998, puis président de l’Arménie de 1998 à 2008. Il défend une ligne nationaliste intransigeante. Son successeur, natif de Stepanakert, Serge Sarkissian, est chef de l’État arménien de 2008 à 2018. Assurés de la pérennité de leur victoire, les politiciens arméniens et artsakhiotes s’assoupissent face au voisin azéri et pratiquent une kleptocratie générale éhontée. Pendant ce temps, Bakou prépare sa revanche.
L’Azerbaïdjan profite des gigantesques gisements d’hydrocarbures en Caspienne pour acquérir un armement sophistiqué. La deuxième guerre d’avril 2016 d’une durée de quatre jours révèle la fragilité du camp arménien. Seule la médiation russe, soucieuse de son étranger proche, cache l’avancée azérie. La troisième guerre dite des « Quarante-quatre Jours » (27 septembre – 10 novembre 2020) confirme l’avancée technique des Azéris et l’infériorité de l’armement arménien et artsakhiote. Bakou reprend l’ensemble des territoires jusque-là occupés par les Arméniens et entre en Artsakh malgré une modeste présence militaire russe d’interposition. La Russie assiste en spectatrice au basculement du Caucase. Erevan accuse Moscou de soutenir en sous-main Bakou. En riposte, à la fin du mois de septembre se sont déroulées des manœuvres militaires communes entre Arméniens et Étatsuniens. Le 3 octobre dernier, le parlement arménien ratifiait la reconnaissance de la Cour pénale internationale (CPI). Proche selon certaines rumeurs des milieux Soros, Nikol Pachinian aimerait quitter l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) afin de rejoindre le Bloc occidental atlantiste via l’OTAN. Les motifs de crispations réciproques s’accumulent donc entre le Kremlin et Erevan.
Les réactions internationales demeurent pour la circonstance discrètes et timorées. Le droit international privilégie les États aux dépens des peuples. L’Azerbaïdjan met au pas une région séparatiste. Le gouvernement azéri impose un blocus hermétique d’une dizaine de mois et coupe le couloir de Latchine vital pour les relations nombreuses entre l’Arménie et l’Artsakh. Le 6 octobre 2022, le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, reconnaît la légitimité de l’Azerbaïdjan sur le Nagorny-Karabakh. Bakou peut enfin lancer son « opération spéciale anti-terroriste » avec succès.
Maintenant que l’Azerbaïdjan a retrouvé l’intégralité de son territoire, va-t-on vers un apaisement régional ? Pas du tout ! On aurait cependant tort de considérer l’Azerbaïdjan comme le simple supplétif de la Turquie néo-ottomane d’Erdogan. Le président azerbaïdjanais Ilham Aliev a ses propres visées territoriales. Il entend d’abord établir une continuité territoriale avec le Nakhitchevan en s’emparant de l’Arménie méridionale autour de la région de Syunik qualifiée à Bakou d’« Azerbaïdjan occidental ». C’est la question brûlante du corridor de Meghri aussi nommé « corridor de Zanguezour ». Les diplomates azerbaïdjanais estiment par ailleurs que le tracé frontalier post-soviétique demeure confus et imprécis à grande échelle, là où se distinguent finages, dépressions et ruisseaux. L’armée azérie occuperait déjà 150 km² du territoire arménien. Le président Aliev en considère la prise comme une « nécessité historique ». Il dispose désormais des moyens de réaliser cette revendication. Les sanctions économiques contre la Russie contraignent l’Union pseudo-européenne à négocier avec Bakou. L’Azerbaïdjan livre aux États-membres du « Machin de Bruxelles » la bagatelle de 12 milliards de m³ de gaz en attendant 20 milliards de m³ ! Les bénéfices partent aussitôt dans l’achat de drones de combat perfectionnés turcs et israéliens. Depuis 2016, 70 % des importations d’armes proviennent de l’État d’Israël qui, en retour, bénéficie de 40 % des hydrocarbures sorties de la Caspienne. Un pont aérien presque continu s’opère entre les deux États en matière militaire et économique.
Or la région de Syunik est indispensable pour les liens irano-arméniens. Attaquer l’Arménie reviendrait à attaquer un État souverain reconnu internationalement (sauf par le Pakistan !). L’Iran pourrait intervenir aux côtés de l’Arménie. Dernièrement, le Guide suprême de la Révolution islamique, Ali Khamenei, a déclaré que le corridor de Meghri « constitue une voie de communication depuis des milliers d’années ». Bien que lui-même d’origine azérie, le haut-dignitaire iranien se méfie des ambitions territoriales de Bakou. Téhéran soupçonne le gouvernement azéri de lorgner sur la province iranienne d’Azerbaïdjan. Les Iraniens se souviennent toujours de l’éphémère république démocratique de l’Azerbaïdjan iranien de Jafar Pishevari (1893 - 1947), président d’un gouvernement populaire, de novembre 1945 à mai 1946, avec l’assistance intéressée de l’URSS. À l’instar de la minorité arabe du Khouzistan, des Kurdes et du Baloutchistan occidental, un regain activiste et sécessionniste plus ou moins téléguidé parcourt la portion iranienne de l’Azerbaïdjan. Téhéran accuse en outre Bakou d’accueillir au moins une station d’écoute du renseignement israélien, voire des unités de sabotage et d’action illégale. Une féroce guerre secrète se déroule en effet entre Israéliens et Iraniens pour empêcher que l’Iran accède au seuil nucléaire. La révolution de couleur féministe en cours en Iran contribue à cette déstabilisation concertée.
La chute de Stepanakert ne se comprend pas seulement à l’aune simpliste du conflit séculaire entre Arméniens et Azéris. Certes, c’est un réel choc des civilisations entre Arméniens chrétiens d’origine indo-européenne et Azéris turcophones musulmans chiites comme l’explique un article de Charlie Hebdo du 4 octobre dernier. Mais l’échec final de l’Artsakh s’inscrit dans un champ conflictuel plus large. On craint parfois que la prochaine guerre mondiale surgisse des faubourgs de Kyiv ou de la banlieue de Donetsk. Il est plus probable qu’elle éclate sur les versants du Caucase.
GF-T
- « Vigie d’un monde en ébullition », n° 87, mise en ligne le 10 octobre 2023 sur Radio Méridien Zéro.
14:12 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, caucase, arménie, haut-karabakh, nagorno-karabakh, géopolitique, azerbaïdjan, stepanakert, zanguezour | |
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