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dimanche, 31 mars 2019

Guillaume Faye (1949-2019)

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Guillaume Faye (1949-2019)

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Frappé par une longue et cruelle maladie, Guillaume Faye est mort dans la nuit du 6 au 7 mars 2019. Il venait juste d’achever Guerre civile raciale, son testament politique. Cet incontestable agitateur des idées de la fin des années 1970 jusqu’à sa disparition interrompit toute action métapolitique entre 1987 et 1998. Il travailla alors au magazine satirique L’Écho des Savanes et réalisa en tant que Skyman « le vengeur masqué » des canulars téléphoniques à la radio.

Avec son retour métapolitique tonitruant en 1998, Guillaume Faye prend des positions contraires à son engagement antérieur. L’idée européenne demeure cependant un axe fort de sa réflexion. Dans Mon programme (Éditions du Lore, 2012), il constate que « l’UE détruit l’Europe et chacune de ses nations. Il faut refonder l’idée européenne (p. 37) ». Déjà, en 1985, il jugeait que « l’Europe, au fond, n’a jamais vraiment existé. Ce n’est pour l’instant qu’un mythe que bien des puissances dans le monde ont intérêt à ne jamais voir se réaliser. La France, qui a tenté à plusieurs reprises dans son histoire de porter ailleurs ce mythe impérial parce que, depuis fort longtemps, elle le porte en elle-même mais ne peut pas le réaliser pour elle, trouve là, peut-être, pour la première fois depuis bien longtemps, le sens profond de sa mission (« La France en Europe », dans Actes du XIXe colloque national du GRECE, Le Labyrinthe, 1985, p. 70) ». Il avait très tôt compris la nécessaire concordance entre la France et l’Europe. « “ Je suis Français parce qu’Européen ”. […] L’identité culturelle européenne doit conditionner l’identité française et l’englober (Idem, p. 63). » Il avançait même qu’« il appartient à la France d’être le point de départ, l’initiatrice d’une nouvelle forme d’unité européenne. […] Veilleur de l’Europe, notre pays doit aussi et par conséquent en être l’éveilleur. […] La fonction de la France est d’être le détonateur de l’Europe (Id., pp. 57 – 58) ».

Auteur d’un Nouveau discours à la nation européenne (Albatros, 1985) préfacé par Michel Jobert, Guillaume Faye pense toutefois que « l’Europe […] n’est qu’en décadence (« Dans les replis du déclin : la métamorphose », dans Actes du XVIIIe colloque national du GRECE, Le Labyrinthe, 1985, p. 70) », car elle « ne souffre que du “ mal d’Occident ”. Qu’elle se dégage, en une faustienne auto-transformation, de cette civilisation et de cette tradition qu’elle a elle-même fondées, et qu’elle suive la voie – tragique et infidèle – de son destin, et elle connaîtra, comme toujours, une renaissance, un “ miracle ”. Je crois profondément que l’Europe est immortelle si les Européens se remettent à croire que leur tradition est inscrite dans l’avenir. Nous traversons en ce moment une de ces nuits que nous avons souvent connues dans notre tumultueuse histoire et dont nous sommes toujours sortis au prix d’une extraordinaire mutation de nous-mêmes (Id., p. 72) ».

Il relève par ailleurs que « géopolitiquement située au centre des terres émergées, dotées de la plus grande densité de savoir-faire et de capital technologique, elle constitue un objet de convoitise permanent (« Faire éclater le Système », dans Actes du XVIIe colloque national du GRECE, Le Labyrinthe, 1984, pp. 26 – 27) », d’où ses appels incessants à fonder une Europe vraiment politique. Dans Mon programme, il propose une union confédérale des gouvernements d’Europe favorable à « la création progressive d’une Communauté européenne de Défense (CED) destinée à se substituer à terme à l’OTAN et comprenant deux volets : un état-major central de coordination des forces armées de l’Union, l’Organisation du pacte européen de défense (OPED) et, en plus des armées nationales, l’Euroforce, une force armée européenne commune intégrée (p. 49) ». Puisque « le bouclier nucléaire américain est un leurre (Mon programme, p. 186) », « tout agresseur extérieur contre un pays membre de l’UE est suceptible de subir une riposte nucléaire française (Id.) », ce qui reviendrait à sanctuariser l’Europe par la France… Sachant que le diable porte pierre, Emmanuel Macron aurait tout intérêt à découvrir l’œuvre de Guillaume Faye.

Celui-ci affine encore sa vision de l’Europe dans L’Archéo-futurisme (L’Æncre, 1998) et dans Pourquoi nous combattons. Manifeste de la Résistance européenne (L’Æncre, 2001). Si pour lui, « l’Europe est notre véritable patrie, culturelle, historique, ethnique, civilisationnelle, qui surplombe et englobe les patries nationales ou les patries charnelles. Il s’agit de faire enfin de l’Europe un sujet de l’histoire (Pourquoi…, p.121) », il la dissocie de l’Occident moderne au nom d’un paradigme géopolitique continental révolutionnaire, l’Eurosibérie, soit « l’espace destinal des peuples européens enfin regroupés, de l’Atlantique au Pacifique, scellant l’alliance historique de l’Europe péninsulaire, de l’Europe centrale et de la Russie (Id., p. 123) ». Cette vision ne se confond pas avec l’eurasisme.

Il prévenait enfin dès 1981 que « le grand conflit des temps à venir n’opposera plus le capitalisme au socialisme, mais l’ensemble des forces nationales, culturelles, ethniques, à la machine cosmopolite du Système occidental, qui substitue aux territoires ses “ zones ”, aux souverainetés ses régulations économiques, aux cultures son dressage de masse (« Les systèmes contre les peuples », dans Actes du XVe colloque national du GRECE, Le Labyrinthe, 1982, p. 45) ». La Grande Nation européenne aurait dû dès lors se trouver en première ligne, car « la raison d’être d’un peuple, c’est de laisser sa marque dans l’histoire, dans l’espace continental et dans l’espace du temps, qui est aussi celui de l’esprit. Nous voulons laisser une trace (Id., p. 54) ». Malgré l’incroyable silence des médiats officiels toujours prompts à saluer la mémoire du premier histrion venu, il ne fait guère de doute que Guillaume Faye laissera lui aussi une trace qui conduira vers l’aurore tant attendue du Grand Midi boréen.

Georges Feltin-Tracol.

• Chronique n° 24, « Les grandes figures identitaires européennes », lue le 26 mars 2019 à Radio-Courtoisie au « Libre-Journal des Européens » de Thomas Ferrier.

Reflecting on the Interwar Right

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Reflecting on the Interwar Right

Please note this rightist opposition to war must be distinguished from the objections of Communist sympathizers or generic leftists to certain wars for ideological reasons. For example, George McGovern, who was a longtime Soviet apologist, protested the Vietnam War, while defending his own role in dropping bombs on helpless civilians in World War Two. For McGovern the “good war” was the one in which the US found itself on the same side as the Soviets and world Communism. Clearly McGovern did not object to American military engagements for rightist reasons.

My own list of interwar American Rightists would include predominantly men of letters, e.g., Wallace Stevens, H.L. Mencken, George Santayana (who was Stevens’s teacher at Harvard and longtime correspondent), Robert Lee Frost, the Southern Agrarians, and pro-fascist literati Ezra Pound and Lovecraft, (if accept these figures as part of a specifically American Right). Although Isabel Patterson and John T. Flynn may have regarded themselves as more libertarian than rightist, both these authors provide characteristically American rightist criticism of the progress of the democratic idea. The same is true of the novelist and founder of the libertarian movement Rose Wilder Lane, whose sympathetic portrayal of an older America in “House on the Prairie” has earned the disapproval of our present ruling class. Many of our rightist authors considered themselves to be literary modernists, e.g., Stevens, Pound and Jeffers. But as has been frequently observed, modernist writers were often political reactionaries, who combined literary innovations with decidedly rightist opinions about politics. Significantly, not only Mencken but also Stevens admired Nietzsche, although in Stevens’s case this admiration was motivated by aesthetic affinity rather than discernible political agreement.

This occasions the inevitable question why so many generation defining writers, particularly poets, in the interwar years took political and cultural positions that were diametrically opposed to those of our current literary and cultural elites. Allow me to provide one obvious answer that would cause me to be dismissed from an academic post if I were still unlucky enough to hold one. Some of the names I’ve been listing belonged to scions of long settled WASP families, e.g., Frost, Stevens, Jeffers, and, at least on one side, Santayana, and these figures cherished memories of an older American society that they considered in crisis.  Jeffers was the son of a Presbyterian minister from Pittsburgh, who was a well-known classical scholar. By the time he was twelve this future poet and precocious linguist knew German and French as well as English and later followed the example of his minister father by studying classics, in Europe as well as in the US.

Other figures of the literary Right despised egalitarianism, which was a defining attitude of the self-identified Nietzschean Mencken. The Sage of Baltimore typified what the Italian Marxist Domenico Losurdo describes as “aristocratic individualism” and which Losurdo and Mencken identified with the German philosopher Nietzsche. This anti-egalitarian individualism was easily detected in such figures as Mencken, Pound and the Jeffersonian libertarian, Albert J. Nock.

états-unis,droite américaine,conservatisme,conservatisme américain,littérature,lettres,lettres américaines,littérature américaine,histoire,paul gottfried,philosophie,nietzschéismeIt may be Nock’s “Memoirs of a Superfluous Man” (1943) with its laments against modern leveling tendencies, and Nock’s earlier work “Our Enemy, The State” (1935) which incorporated most persuasively for me this concept of aristocratic individualism. Nock opposed the modern state not principally because he disapproved of its economic policies (although he may not have liked them as well) but because he viewed it as an instrument of destroying valid human distinctions. His revisionist work Myth of a Guilty Nation, which I’m about to reread, has not lost its power since Nock’s attack on World War One Allied propaganda was first published in 1922. Even more than Mencken, whose antiwar fervor in 1914 may have reflected his strongly pro-German bias, Nock opposed American involvement in World War One for the proper moral reasons, namely that the Western world was devouring itself in a totally needless conflagration. Curiously the self-described Burkean Russell Kirk depicts his discovery of Nock’s Memoirs of a Superfluous Man on an isolated army base in Utah during World War Two as a spiritual awakening. Robert Nisbet recounts the same experience in the same way in very similar circumstances. 

Generational influence:

These interwar rightists of various stripes took advantage of a rich academic-educational as well as literary milieu that was still dominated by a WASP patrician class before its descendants sank into Jed Bushism or even worse. These men and women of letters were still living in a society featuring classes, gender roles, predominantly family owned factories, small town manners, and bourgeois decencies. Even those who like Jeffers, Nock and Mencken viewed themselves as iconoclasts, today may seem, even to our fake conservatives, to be thorough reactionary. The world has changed many times in many ways since these iconoclasts walked the Earth. I still recall attending a seminar of literary scholars as a graduate student in Yale in 1965, ten years after the death of Wallace Stevens, and being informed that although Stevens was a distinguished poet, it was rumored that he was a Republican. Someone else then chimed in that Stevens was supposed to have opposed the New Deal, something that caused consternation among those who were attending. At the times I had reservations about the same political development but kept my views to myself. One could only imagine what the acceptance price for a writer in a comparable academic circle at Yale would be at the present hour. Perhaps the advocacy of state-required transgendered restrooms spaced twenty feet apart from each other or some even more bizarre display of Political Correctness.  I shudder to think.

But arguably the signs of what was to come were already present back in the mid-1960s. What was even then fading was the academic society that still existed when Stevens attended Harvard, Frost Dartmouth, though only for a semester, or Nock the still recognizably traditional Episcopal Barth College. Our elite universities were not likely to produce even in the 1960s Pleiades of right-wing iconoclasts, as they had in the interwar years and even before the First World War.  And not incidentally the form of American conservatism that came out of Yale in the post-war years quickly degenerated into something far less appealing than what it replaced. It became a movement in which members were taught to march in lockstep while advocating far-flung American military entanglements. The step had already been taken that led from the interwar Right to what today is conservatism, inc. Somehow the interwar tradition looks better and better with the passage of time.

samedi, 30 mars 2019

Les États-Unis perdent le contrôle de l’Europe…

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Les États-Unis perdent le contrôle de l’Europe…

 
… alors que le pipeline Nordstream 2 est sur le point d’être achevé 
 
par Tom Luongo
 
Ex: https://echelledejacob.blogspot.com
 
Le pipeline Nordstream 2 représente le dernier avatar de l’influence américaine sur les affaires intérieures de l’Europe. Une fois terminé, il témoignera de la scission fondamentale entre l’Union européenne et les États-Unis. 
 
L’Europe sera la première à défendre avec succès son indépendance nouvellement proclamée. Et les États-Unis devront accepter de ne plus avoir le contrôle sur l’étranger. C’est un schéma qui se répète partout dans le monde en ce moment. Votre vision de Nordstream 2 dépend de qui vous êtes.

Si vous êtes les États-Unis, il s’agit d’une rebuffade massive de l’ordre institutionnel de l’après-Seconde guerre mondiale, principalement financé par les États-Unis pour reconstruire l’Europe et la protéger du fléau de l’URSS.

Du point de vue de l’Europe, c’est : « Bien joué, mais la Russie n’est plus une menace et il est temps de nous débarrasser de la tutelle des États-Unis. »

Et si vous êtes Russe, Nordstream 2, c’est la fissure qui sépare les deux adversaires tout en améliorant la sécurité nationale à votre frontière occidentale.

L’Europe a ses propres ambitions impériales et Nordstream 2 en est une partie très importante. Ces ambitions, toutefois, ne sont pas conformes à celles des États-Unis, en particulier sous la houlette de Donald Trump.

Trump a cette étrange idée que les États-Unis n’ont rien reçu en retour pour avoir pris la direction du monde « libre » ces soixante-dix dernières années. Dans l’esprit simpliste de Trump, le déficit commercial massif du pays est une richesse volée par ses partenaires commerciaux.

Il refuse de voir la richesse gaspillée que nous avons « perdue » par des décennies de corruption, de paresse, d’atteinte aux réglementations, etc.

Ainsi, Nordstream 2 est une abomination pour Trump car celui-ci finance l’OTAN pour protéger l’Europe de la Russie, mais celle-la augmente ensuite la quantité de gaz acheté à ce même ennemi.

Et cela devrait vous indiquer où tout cela se dirige à long terme : à la dissolution de l’OTAN rendue inutile par la Russie et l’UE.

Aussi, peu importent les efforts des États-Unis et des forces anti-russes des sociétés européenne et britannique pour arrêter ce pipeline, comme en témoigne le vote non contraignant de cette semaine au Parlement européen, l’appétit américain n’existe plus réellement.

Le Sénat américain n’a aucun intérêt à demander au Président de sanctionner les sociétés qui construisent Nordstream 2. Cela n’empêcherait pas Trump de sanctionner de toute façon s’il le voulait.
 

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La vraie raison pour laquelle Trump ne sanctionnera pas Nordstream 2 est la même que celle qui le pousse à se tourner vers la Chine pour le commerce : liquidité du dollar dans le commerce mondial.

Il a déjà fait assez de dégâts. Il cherche maintenant à se faire réélire face à une réserve fédérale hostile.

S’il devait sanctionner Nordstream 2, il l’aurait fait. En vérité, ce vote au Parlement européen marque le dernier faible souffle pour tenter d’arrêter le pipeline et non le coup rusé d’un type qui détient des as dans ses poches.

C’est précisément parce que les États-Unis n’ont pas imposé de sanctions, qu’il ne reste que des incantations vertueuses pathétiques.

Pour que cela se produise, il faudrait que ce soit avant les élections au Parlement européen de mai, au cours desquelles nous pouvons nous attendre à voir au moins doubler le nombre de représentants eurosceptiques élus.

Si la situation continue de dégénérer en France, si l’Italie se durcit encore contre l’UE et si le Brexit est reporté, les eurosceptiques pourraient devenir le bloc le plus important du Parlement européen en juillet.

À ce stade, nous assisterons à une dégringolade en flèche de l’influence de la tristement célèbre liste Soros dans le parlement européen et peut-être même au sein de la Commission européenne. Et, le cas échéant, davantage de contrats de pipeline et d’investissements dans l’énergie russe.

En fait, un Parlement eurosceptique pourrait lever complètement les sanctions contre la Russie. De plus, les prochaines élections en Ukraine vont probablement amener au pouvoir une personne qui n’est pas pleinement soumise à la stratégie américaine.

Avec tout cela et les élections législatives ukrainiennes qui auront lieu plus tard cette année, nous verrons probablement l’Ukraine et Gazprom renégocier le contrat de transport de gaz, apportant encore plus de gaz russe sur le continent.

Et cela ne fera que rendre Trump encore plus furieux qu’il ne l’est maintenant, car il a énormément misé sur la stratégie globale de faire des États-Unis un puissant exportateur de gaz, et il a besoin de clients. L’Europe et la Chine sont deux clients évidents, mais la Russie a maintenant surclassé Trump chez les deux.

La fin de cette expansion interminable et superficielle met les États-Unis face à la dette insoutenable provoquée par le boom de la fracturation hydraulique (gaz de schiste), alors que le service de cette dette fait monter en flèche la demande de dollars, entraînant une forte hausse des taux d’intérêt.

Le marché du schiste va se fracasser à nouveau.

Tout cela confirme pour moi que le sommet des Jardins, l’été dernier, entre Poutine et la chancelière allemande Angela Merkel a accouché d’une stratégie visant à battre Trump sur Nordstream 2 et à entamer la prochaine phase des relations entre la Russie et l’Allemagne.

L’image est importante, et cette celle-ci capture bien ce que les deux parties ont voulu transmettre. Cette réunion marque le début d’un changement positif des relations entre l’Allemagne et la Russie.

La question est pourquoi ?

La réponse évidente est la nécessité résultant de la pression exercée sur les deux pays par Donald Trump, par le biais des sanctions et des droits de douane, ainsi que de leurs intérêts communs représentés par le gazoduc Nordstream 2.

Et tout ce que cela implique.

Tom Luongo Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

Conférence Rémi Soulié: "Racination"

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Conférence Rémi Soulié: "Racination" 

 
C'est le travail de Rémi Soulié que le Cercle d'Artagnan a cette fois-ci le plaisir de vous présenter. A l'heure où "identité" marque toutes les lèvres, ce dernier nous invite à nous intéresser, pour faire face aux enjeux de notre temps, au concept plus large et pertinent de racine.
 

00:28 Publié dans Livre, Livre, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : racines, identité, rémi soulié, racination, livre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Mondialisation et prolifération de l'hostilité...

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Mondialisation et prolifération de l'hostilité...
par François-Bernard Huyghe
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Bernard Huyghe, cueilli sur son site Huyghe.fr et consacré aux changements de forme de la guerre provoqués par la mondialisation. Spécialiste de la stratégie et de la guerre de l'information, François-Bernard Huyghe enseigne à la Sorbonne et est l'auteur de nombreux essais sur le sujet, dont, récemment, La désinformation - Les armes du faux (Armand Colin, 2015) et Fake news - La grande peur (VA Press, 2018). Avec Xavier Desmaison et Damien Liccia, François-Bernard Huyghe vient de publier Dans la tête des Gilets jaunes (VA Press, 2019).

Pas d'idée de paix sans définition de la guerre

Comment sait-on que l'on est en guerre ? Il y a quelques années, la question aurait été absurde. La guerre était l’affaire des États (ou de groupes armés qui voulaient s’emparer de l’État, donc du monopole de la violence légitime, et il était alors convenu de parler de «guerre civile»).

- La guerre entraînait certains actes de langage : on la proclamait pour mobiliser son camp, au moins moralement, on la déclarait à l’autre, on l’exaltait par des discours, on la concluait par un écrit, tel un traité, on l’inscrivait dans les livres d’histoire ou sur des monuments. Le but était d’imposer le silence : silence des armes, silence du vaincu qui renoncerait à s’adresser à la postérité et à énoncer sa prétention politique

- L’état de guerre – une période avec un début et une fin- supposait des codes spécifiques : elle était ou bien juste ou bien injuste au regard du droit des gens ; des professionnels, les militaires (et eux seuls), avaient en fonction des circonstances le droit de tuer ou pas Chacun savait s’il était combattant (éventuellement « sans uniforme ») ou civil. La distinction ennemi privé / ennemi public était indépassable (extros contre polemos en grec, hostis contre innimicus en latin, etc..)

numerique.jpg- La guerre se déroulait en un lieu connu : front, champs de bataille, zones occupées ou libérées. Un coup d’œil sur la carte montrait quelles troupes progressaient et lesquelles se repliaient.

- La guerre s’accompagnait de destruction à commencer par un taux de mortalité anormal. : cette expérience du sacrifice revenait à chaque génération par cycles et apparaissait comme inhérente à la condition humaine. La belligérance, catégorie anthropologique fondamentale, stimulait les plus fortes passions de notre espèce.

- Les belligérants savaient qu’ils participaient à un conflit armé collectif ayant des fins politiques. Ils continuaient à s’infliger des dommages ou à occuper leur territoire respectif, jusqu’à la victoire ou au compromis (traité). Victoire ou compromis devaient modifier un rapport de souveraineté ou de pouvoir et s’inscrire dans l’Histoire. Le vaincu reconnaissait sa défaite ou disparaissait comme acteur (massacré, par exemple).


En termes de communication, de normes, de temps, d’espace, de forces, de conscience et de finalité, la distinction entre guerre et paix était aussi fondatrice qu’incontestable.
Tout ce que nous venons de rappeler correspond à une vision « classique » européenne ; celle de penseurs aussi divers que Clausewitz, Hegel, Weber, Schmitt, Freud, Caillois, Bouthoul, Aron, … et qui paraît aujourd’hui si désuète.

Les nouvelles violences

Sans même parler de la guerre froide dont la principale caractéristique fut de ne pas éclater à partir de la seconde moitié du XX° siècle, apparurent des formes de conflits inédites, certaines virtuelles ou fantasmées :

- Affrontements entre acteur étatique et combattants qui se considèrent comme armée de libération ou se réfèrent à une notion similaire. Reste à savoir à partir de quel degré d’organisation, permanence, visibilité (une « guerre clandestine » est-elle une vraie guerre ?), suivant quels critères politiques relatifs à la noblesse ou au sérieux de sa cause, un belligérant mène une vraie guerre de partisan. Sinon, il s’agit d’émeutes, d’incidents, de raids de groupes armés… relevant plus ou moins de la police et du maintien de l’ordre. Pour ne prendre qu’un exemple, dans les années 50, il n’y avait pas une guerre mais des « événements d’Algérie ». Quarante ans plus tard, l’État algérien se demandait s’il faisait la guerre aux maquis islamistes ou s’il s’agissait de maintien de l’ordre.

- La question devient cruciale soit lorsqu’il y a pluralité d’acteurs armés, comme la prolifération des milices au Liban dans les années 80, soit quand la distinction entre politique et criminalité devient presque indiscernable. En Amérique latine ou dans des le « triangle d’or » proche de la Birmanie, bien subtil qui sait distinguer une bande armée de trafiquants de drogue d’une guérilla.

- La distinction militaire/civil est remise en cause par la tendance à mobiliser des combattants sans uniforme, et la propension croissante des conflits à tuer bien davantage de civils que de militaires. Au moins d’un côté (voir le fantasme du « zéro mort »). Quand des milices massacrent des civils qui ne se défendent guère, comme au Darfour, faut-il continuer à parler de guerre ? Dans un tout autre genre : quand un membre d’une société militaire privée accomplit-il une mission de sécurité, est-il un assistant d’un « vrai » militaire et quand commence-t-il à « faire » la guerre ? Où passe la frontière entre terrorisme, guerre secrète, guerre du pauvre, guérilla ?

- Inversement, le système international - pour ne pas dire l’Occident – a inventé des interventions armées inédites des représailles sanctions jusqu’aux interventions humanitaires. Elles doivent séparer des protagonistes ou protéger des populations. Le discours des puissances intervenantes souligne qu’elles mènent une guerre « altruiste » censées ne leur apporter aucun avantage. Elles disent lutter contre des criminels ou ennemis du genre humain, contre des dirigeants et non des peuples qu’elles sont au contraire venues sauver. De là le droit d’ingérence qui autorise le recours à la force armée pour empêcher des violences inacceptables. Les opérations militaires, que nous nommerions « de contrôle », se multiplient, pour maintenir la violence armée des pauvres et des archaïques (conflits ethniques par exemple) à un degré supportable .

- Les situations intermédiaires -pas vraiment la paix, pas encore la guerre - se multiplient. Ainsi, en Afghanistan, la guerre contre les talibans est censée être finie, et pourtant les troupes de la coalition doivent utiliser des armes lourdes. Corollairement, des citoyens de pays industrialisés peuvent ignorer dans combien de conflits ou d’opérations de « maintien de la paix » sont engagés leurs troupes et ne pas ressentir l’état de belligérance. Pour reprendre le même cas, la perte de quelques soldats d’élite français en Afghanistan en 2007 a soulevé moins d’émotion que certains accidents de la route. Le sentiment de sécurité qu’éprouvaient la plupart des Européens (mais moins d’Américains depuis 2001), l’idée que la guerre est une vieillerie dont le droit, la démocratie et la prospérité nous ont délivrés, tout cela serait apparu proprement stupéfiant il y a quelques décennies.

Daesh.jpg- Les stratèges ne cessent d’imaginer des formes de conflit où les armes prendrait une forme inédite ; ils intègrent dans leurs panoplies des outils informationnels au sens large qui agissent plus sur les esprits que sur les corps. Qu’il s’agisse de priver l’adversaire de ses moyens de communiquer, de le désorganiser ou de le désinformer, de percer tous ses secrets, de le sidérer psychologiquement, de rendre la force plus intelligente et mieux ciblée…, les spécialistes de la Revolution in Military Affairs et des diverses cyberwar et autres information warfare, n’ont jamais manqué d’imagination. Parallèlement, les notions de guerre de quatrième génération, de faible intensité, guerre continue ou celle, chère aux stratèges chinois, de guerre sans limite, reflètent les formes inédites du conflit technologiques, psychologiques, économiques, et devient de moins en moins évident que la guerre se pratique avec ces outils reconnaissables que sont les armes.

- Parmi les catégories utilisées pour décrire les nouvelles formes de l’affrontement armé, celle de guerre asymétrique est particulièrement révélatrice. Elle porte sur les moyens employés (guerre du pauvre contre guerre du riche high tech et surarmé), sur la stratégie (attrition contre contrôle), mais elle porte aussi sur les objectifs. Pour le fort la règle est : annuler ou limiter l’action du faible. Pour le faible : durer, infliger une perte sur le terrain moral ou de l’opinion, démoraliser celui que l’on ne peut désarmer, lui rendre le prolongement du conflit insupportable. La guerre asymétrique repose plus sur l’utilisation de l’information que sur celle de la puissance et partant contredit toutes les conceptions classiques. Elle postule que la victoire stratégique n’est pas une addition de victoires tactiques ; elle déplace la question de la légitimité de la guerre (donc de la croyance qui la soutient) non pas en amont de la guerre mais comme son objectif même.

Ces tensions et contradictions trouvent leur point culminant le jour où les États-Unis proclamèrent une « Guerre globale au terrorisme ». Elle appelle la notion complémentaire de « guerre préemptive » autorisant une intervention armée à l’étranger contre des groupes terroristes ou contre des tyrans susceptibles de les aider et/ou de posséder des armes de destruction massive.

Guerre des absolus

La plus grande puissance de tous les temps ( qui, a priori devrait avoir le moins à craindre) considère que l’état de guerre existe est susceptible de durer plus d’une génération. Et ce jusqu’à la disparition de tout acteur hostile (État Voyou, groupe terroriste), de toute intention hostile (le terrorisme, ceux qui haïssent la liberté, l’extrémisme violent, pour reprendre diverses formulation des dirigeants américains) et de tout instrument hostile (les Armes de Destruction Massive). Il est tentant d’en déduire qu’il s’agit d’une guerre perpétuelle pour une paix perpétuelle. On n’y nomme ni son adversaire, ni sa limite, ni les conditions de sa victoire. Faire du monde « un lieu plus sûr pour la démocratie » est un programme politique pour Sisyphe. Six ans de Guerre Globale au Terrorisme semblent indiquer que, loin d’éliminer les régimes hostiles, les groupes armés (y compris avec l’arme de l’attentat suicide) et les ADM (en Iran ou en Corée), elle semble les encourager.

Symétriquement, la guerre comme jihad défensif voire offensif (Daech voulait rien moins qu’étendre le califat à la planète) telle que la prônent les groupes islamistes n’est pas moins surprenante : elle est licite aux yeux de ses acteurs (elle est commandée par Dieu et constitue une obligation). Non seulement elle ne connaît pas de limites dans son extension territoriale ni dans le choix de ses victimes (pratiquement n’importe qui sauf un jihadiste est « éligible »). Il n’est pas certain qu’elle vise à une victoire (sauf à supposer la conversion de l’humanité entière à la variante salafiste du sunnisme). Au contraire,le jihad trouve sa propre justification non dans la réalisation de fins politiques, mais en lui-même, comme occasion de sanctification par le martyre ou comme compensation mimétique (ben Laden parle même de « talion ») des souffrances et humiliations subies par l’Oumma.

Et dans les deux cas, la dimension symbolique du conflit prédomine. D’un côté montrer la résolution des États Unis et démentir qu’ils soient un « tigre en papier ». De l’autre, infliger une humiliation à l’Occident orgueilleux et idolâtre. Et, si l’on remonte plus haut, ce sont deux guerres de conversion : il s’agit de faire disparaître une croyance qui offense le droit universel dans le premier cas (la haine de la liberté des terroristes), qui contredit loi divine dans le second (la haine de Dieu des juifs, des croisés et des apostats).

Chacun est libre de penser que « guerre » n’est qu’une catégorie juridico-philosophique particulièrement héritée de la pensée classique voire une très longue parenthèse historique (pour certains commençant au néolithique) et dont ni l’universalité, ni la perpétuité ne sont démontrées. Ou peut aussi la considérer comme degré dans les violences que les hommes s’infligent sans trop se soucier des catégories.

Notre propos n’est pas une quelconque forme de nostalgie envers les bonnes guerres d’autrefois qui se faisait au moins dans l’ordre et la discipline et que nous n’avons pas connues. Simplement il faudra apprendre à vivre avec ce paradoxe : mondialisation et affaiblissement du principe de souveraineté politique, autrefois considéré comme belligène, n’impliquent pas la fin de l’hostilité mais sa prolifération et sa privatisation.

François-Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 22 mars 2019)

Bernard-Henri Lévy Is The Comic Romance Of Liberal Technocracy

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Bernard-Henri Lévy Is The Comic Romance Of Liberal Technocracy

Ben Sixsmith

Ex: https://palladiummag.com

Mauro Rico/Buenos Aires.

“The idea of Europe is in peril,” claims a group of leading intellectuals led by Bernard-Henri Lévy. Malevolent populists have seized control by appealing to ideas of a “national soul” and “lost identity.”

“Never mind that abstractions such as “soul” and “identity” often exist only in the imagination of demagogues,” the authors write. Are we to conclude that the “idea of Europe” is not an abstraction and is shared, in a coherent form, across the continent?

From the letter, one would think that European institutions were innocent victims of a hostile takeover. There are vague references to mistakes and lapses, but there is no mention of the Eurozone crisis, the migration crisis, or the sclerotic behavior of the European Union. There is rhapsodizing about the intellectuals’ “faith…in the great idea that we inherited,” but no sense that the idea might have enabled hubris and recklessness.

What the idea even is remains mysterious. One presumes that it is Enlightenment liberalism promoted through the European Union, but its substance is vague. There is a reference to “the legacy of Erasmus, Dante, Goethe and Comenius.” But how, for example, the Catholic Dante and the anti-Catholic Comenius can be synthesized is unexplored. All that is left are exhortations about the need to “rediscover the spirit of activism,” without any sign of who these activists will be and what their campaigns will demand and deliver.

The letter has sunk beneath the pages of The Guardian​​. After years of hopping round the world, from cause to cause, Bernard-Henri Lévy has returned home to find himself a ​vieux philosophe​ without an audience.

***

In a speech in Bangladesh, Lévy spoke of hearing, in his youth, “the ardent, raspy voice of an old writer speaking to the young people of France about a country not yet born but already dying.” The country was Bangladesh; the writer was André Malraux. “As in Spain in 1936,“ Lévy went on, “the voice was urging the formation of International Brigades.” “A handful of us answered that call,” Lévy mused. “In me that call has abided all my life, resurfacing in every commitment I have made since then.”

bhl_caricature6.jpgCalling Lévy a philosopher is like calling David Icke a sports personality. It might have been true once, but that was another life for the aging provocateur. BHL, as he is known, has spent the last few decades gallivanting around the globe in search of causes. He began his career in Bangladesh, covering the Liberation War, and after a few years of intellectualizing in France, he bounded his way between Bosnia, Pakistan, Darfur, Georgia, Libya, Syria, and Kurdistan, demanding, more often than not, international intervention to end some conflict or unseat some dictator.

One can trace BHL’s intellectual lineage through Malraux to T.E. Lawrence. “Lawrence of Arabia,” despite his Francophobic reputation, was, in Denis Roak’s words in “Malraux and T.E. Lawrence,” an “exemplary figure” for Malraux, who provided not only “the model of the man of action” but the model of the self-mythologizer.

Lawrence was an intellectual, with a First Class history degree from Oxford, a passion for translating French literature, and an able grasp of seven languages. His insights into Arab politics were keen, such as when he predicted that if the Wahhabist sect prevailed it would lead to “fanaticism…intensified and swollen by success.” He was a brave, capable soldier, who was more at home in the midst of the Arab Revolt than in peacetime London. He was also a failure, at least on his own terms, who promised his Arab comrades independence if they fought beside him in the First World War and had his fond hopes for them demolished when he was informed of the Sykes-Picot Agreement. Staying silent, lest he compromise the war effort, he grew so depressed he contemplated suicide. “We are calling them to fight for us on a lie,” he said in 1917, “and I can’t stand it.”

Lawrence’s life was full of courage and struggle. But he was nonetheless fond of embellishments. In ​Seven Pillars of Life​, for example, he fictionalized a story about crossing the Sinai Peninsula without sleep. André Malraux was a far more energetic fabulist. In​ The Halls of Uselessness​, Pierre Ryckmans pointed out that while Malraux had all but “pretended to the French public that he had been a people’s commissar in the Chinese revolution,” he had in fact been little more than “a mere tourist in transit.” His work on the Spanish Civil War, meanwhile, has the “hollow ring of café eloquence” compared to Orwell’s unsentimental writings.

Malraux’s admiration for Nietzsche preceded his admiration for Lawrence. Both the German and the Frenchman, Ronald Batchelor wrote,​ ​held​ ​that “the only redemptive act for the individual lies in the projection of self upon the world, so that it will be shaped in his own likeness.” Nietzsche had done so from his home, but Lawrence’s influence drove Malraux abroad. He went to Cambodia, where he was arrested by colonial authorities for trying to remove artifacts from a temple.

Malraux’s experiences turned him against colonialism and towards communism. In France, he built his reputation on a series of novels that drew on his Indochinese experiences, but he still scratched his itch for ​engagement​. An unsystematic thinker, his attitude was summed up in the words with which he described a character in his novel ​The Conquerors​:

Systems were nothing to him. He was ready to adopt any that circumstances might impose on him. It was an atmosphere more than anything else, and the hopes that a general upheaval held out, that attracted him…

lentarté1.jpgIn the Spanish Civil War, he led a quixotic air campaign on behalf of the Republicans. Unlike Orwell, he sided with the Soviet-backed communists. Somehow, he had convinced himself that the Soviet Union represented the breeding grounds for individual talent. “The enormous strength of the Soviet force,” he said, according to his biographer Olivier Todd, “is that it is the type of civilization from which Shakespeares emerge.”

After the war, in which he belatedly joined the French resistance, he became an apostate from communism and gravitated towards De Gaulle. The General made him the Minister of Culture. “Malraux encouraged de Gaulle to think that he was penning the national epic; de Gaulle encouraged Malraux to believe that he was an actor on the world stage,” Stefan Collini wrote. Still hungry for action, Malraux interviewed Chairman Mao a year before the Cultural Revolution was unleashed. Despite clear signals of the dictator’s intentions, Malraux remained blissfully unaware of the scale of his radicalism.

Bangladesh was Malraux’s last act of ​engagement​ and Lévy’s first. For all that he has earned his reputation for attention-seeking, this was a rather brave act of solidarity. When the young philosopher returned to France, however, he sought the limelight. Like Andre Glucksmann and Alain Finkelkraut, Lévy was welcomed as a “new philosopher,” with his passionate defense of liberalism against leftist power worship. There was nothing very new about French anti-communism, but the ​nouveaux philosophes ​garnered significant attention, not least because of how much they annoyed French leftists.

With his Byronic appearance and urgent style, Lévy became especially famous. French leftist historian Pierre Vidal-Naquet complained that Lévy was “sculpting, with the help of the media, his own statue.” His next book,​ The French Ideology​, was a dark account of French history that saw Pétainism behind every cupboard and in every corner. Raymond Aron, the grandfather of French anti-totalitarians, was unimpressed. “An author who readily employs infamous or obscene adjectives to describe men and ideas,” he began, “invites a critic to reciprocate.” He accused the young philosopher of exaggerating the fascistic trends in French culture, and of encouraging paranoia among French Jews. “What does this book say to them?” he asked:

That the peril is everywhere, that the French ideology condemns them to a fight of every moment against an enemy installed in the unconscious of millions of their fellow citizens.

Antisemitism did return to French in earnest—from the comedian Dieudonné M’bala M’bala, to the guns of jihadists who have massacred Jews in Toulouse, Montauban, and Porte de Vincennes. But this trend has not had much to do with French ideology.

France could not contain Lévy for long. During the Bosnian War, Lévy traveled to Sarajevo, and wrote and filmed to attract international attention to the Bosnians’ plight. For Lévy, the conflict represented not just a war of aggression against the Bosnians, but a campaign of genocidal terror on the part of the Serbs, inflicted on a nation that epitomized moderate, liberal Islam and harmonious multiculturalism. His efforts, though arguably valuable in promoting peace, established his grandiose Manicheanism and his talent for romanticizing his role in events. As Stephen Chan wrote in “Regarding the pain of Susan Sontag,” some doubted that Lévy was quite as immersed in the action as it appeared:

When Bernard-Henri Levy flew in for one of his visits of solidarity, fleeting but photographed, and feigned the need for taking cover, as if bullets had been aimed at home—while just out of camera-shot UN troops were casually smoking cigarettes—this was a traducing of solidarity.

Lévy’s Malrauxian tendencies emerged more than a decade later when he traveled to Georgia during the Georgian-Ossetian conflict. “It is not too difficult to spot [him],” said a fellow guest at the hotel he stayed in. “[He is] lounging around in the foyer puffing out clouds of smoke and gesticulating meaningfully.” Some raised questions about the veracity of the reports Lévy filed from Georgia. He wrote of seeing the city of Gori “burned” and “pillaged,” despite the​ ​fact​ ​that it still stood and he had never even been there.

bhlsyrie.jpgOn Lévy went. Buoyed by the Arab Spring, he campaigned for intervention in Libya, which, after the fall of Gaddafi’s regime, became a home for warlords and jihadis and a conduit for migrants traveling to Europe. Undeterred, Lévy took up the cause of the Kurds, whose fight for independence he praises not just on its own terms but as signifying the promise of a liberal Islam. Much of Lévy’s new book, ​The Empire and the Five Kings​, is devoted to championing the cause of the embattled Kurds.

Lévy is easy to mock, with his flowing hair, his unbuttoned shirt, his numerous wives, and his airy pronouncements. He is easy to dismiss as a narcissist, and as a fabricator. All of this is true. Yet there is a certain seriousness to him, as well.

First, he is not without self-awareness. Reflecting, once, on philosophy and commitment, he identified temptations in the public intellectual: the temptation to see conflict as “a big theatre in order to deploy or unravel literature, concepts, ideas and so on” and the temptation to see it as “a sort of aesthetic show.”

“If I am sincere with myself,” Lévy wrote, “I probably have a little of each of these attitudes in myself.” He has more than a little, but at least he knows it. Second, he is not without some loyalty to his causes. As well as the Kurds, he still takes a keen interest in the affairs of the Bosnians and the Bangladeshis.

Lévy is a liberal vitalist. He is not the kind of utopian who believes that liberalism can prevail across the world. Rather, he locates a certain ​élan vital ​in the struggle for human rights: an energizing force of quasi-spiritual significance. Like the young Malraux, his status as an intellectual depends less on ideas than on ​engagement​, on being at the center of the hopes that any general upheaval might hold out.

Lévy’s vital and romantic image is key to his prominence and acceptance. “Great Man” figures are generally held in deep suspicion by liberal democratic institutions. Right-wing populist candidates like Donald Trump, Marine Le Pen, or Jair Bolsonaro are seen as demagogic, militaristic, and authoritarian. Left-wing outsiders such as Hugo Chavez, Jeremy Corbyn, Bernie Sanders, or Lula da Silva, have their own critics. They rely on charisma, legends, and personal loyalty to win, and they don’t share the interests of the institutions they take over. When individual leaders have been valued by political and media elites, from John F. Kennedy to Barack Obama, it has not been as bold orators and decision-makers, but as smooth, articulate conveyors of information.

This follows from liberalism’s stance towards the individual. Rule of law, checks and balances, and constitutions are all established precisely to limit the role of any given individual over political life. In liberalism, the natural mode of engagement is to create value on the margin, from behind the curtain, and as an atom in mass movements, rather than carrying out large, daring plans as a public individual.

This can be a strength, to an extent. If political life is not about agentic and visionary individuals, then political life is not left in turmoil by individual failings, or by the vacuum left by a hyper-competent visionary founder. But it also becomes a stifling limit. When personal advancement depends on operating on the margin, talented individuals don’t have the freedom to experiment. High-risk, high-reward advances usually depend on ​facilitating​ that risk-taking. This bureaucratic mode then bakes in roughly the current system, as systemic change requires coordinated multi-step plans, which can only be the domain of individual judgement.

More broadly, the human desire for narrative and meaning is generally not satisfied with managerial technocracy. Cults of personality work because they take abstract ideals and embody them in a living, breathing, and acting human being. Instead of dreary policy proposals and philosophical criticisms, it generates an adventure shared in by the whole society and a sense of destiny. When an established political structure offers no fulfillment for this need, then rivals and outsiders will naturally take up the banner. The current populist wave owes at least as much to the ​death of mythos​ in neoliberal technocracy as to economic and social clashes.

When liberalism was a revolutionary creed, it was itself able to tap into these narratives. From American independence, to the French Revolution and the Italian Risorgimento, the slogans of liberation and dashing figures like Washington and Garibaldi were integral to the liberal mythos. Indeed, they remain so. But with liberalism having long-since established itself as an institutional order with global hegemony, their modern equivalents would represent a dire threat to the stability of that order—particularly to the all-too-human individuals who staff its institutions.

bhl_chez-picouly_bd.jpgLawrence and Malraux’s names have outlived those of the political elites that they served, despite having little or no influence on their decisions. Similarly, Lévy’s name will outlive those of the sad parade of politicians on whose service he has often called, but his actual values are those of the liberal establishment, and neither is he any threat to institutional interests. His work is as a private individual with a media platform. He cannot order troops, cut budgets, pass programs, or press charges against corruption. A cult of personality restrained to magazine columns, interviews, documentaries, and petitions is an ideal one for liberal politics. He drums up interest in peripheral conflicts without challenging the broad interests of finance and of statecraft.

Christopher Hitchens was another case. What a man of action he was, charging around the Middle East in opposition to theocrats and dictators as energetically as he charged around the Deep South debating God. What a character. What a contrarian. Yet no one can sensibly claim he challenged the establishment when his death was greeted with as much mourning from presidents and prime ministers as that of George H.W. Bush. Sure, he sniped from the sidelines, but no royal court is complete without a jester to voice the criticisms which might otherwise boil into plots. But the jester makes no decisions, bears no responsibility, and holds no power.

The romance of Lévy’s exaggerated war-hopping exploits has helped to lend a certain cinematic quality to liberal managerialism. He served as, in the words of Herman Lebovics describing Malraux, a “dashing model of the fighter-thinker” for desk-bound technocrats. He has lent his undeniable charisma and overblown imprimatur to a paradigm that depends, for the most part, on spiritually arid processes of global finance, technology, and diplomacy. The “man of action” has less of a place in a world where the man is being outstripped by the machine, and the institution has supplanted the individual.

Ben Sixsmith is an English writer living in Poland. He is the author of Kings and Comedians: A Brief History of British-Polish Affairs.

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vendredi, 29 mars 2019

Au revoir, Guillaume Faye, après 44 ans de combat commun !

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Robert Steuckers :

Au revoir, Guillaume Faye, après 44 ans de combat commun !

J’ai appris le décès de Guillaume Faye, peu avant midi, à la Gare de Lyon, au moment de partir en mission à Genève, où se tenait une réunion patronnée par Maître Pascal Junod et un colloque de « Résistance Helvétique », sous la direction de David Rouiller et où j’allais rejoindre Pierre Krebs et Tomislav Sunic. Je n’ai pu m’empêcher de penser à un détail qui m’est revenu soudainement à l’esprit : j’ai appris sa mort à l’endroit même où il fut photographié pour le Figaro Magazine en compagnie de Roger Lemoine, alors Président du G.R.E.C.E. : l’hebdomadaire de Louis Pauwels le présentait comme celui qui allait faire un Tour de France pour vendre la « nouvelle droite », alors en plein envol.

az-sc.jpgPersonnellement, j’ai vu Guillaume Faye pour la première fois à Lille, en 1975, alors qu’il prononçait une conférence sur la dangereuse dépendance énergétique de l’Europe. Ses arguments étaient factuels, concrets, et me rappelaient un auteur célèbre que j’avais déjà intensément pratiqué au sortir de l’adolescence : Anton Zischka (1904-1997). J’avais lu plusieurs de ses ouvrages, trouvés chez des bouquinistes ou lus dans la bibliothèque du patron de mon père, le Comte Guillaume de Hemricourt de Grunne (1888-1978). Pour un mémoire de fin d’études secondaires (en 1974), j’avais compulsé un ouvrage de cet auteur prolixe sur l’Europe centrale et orientale. Zischka parlait avec précision des faits de monde, sans fioritures idéologiques, et je viens de lire, quarante-cinq ans plus tard, qu’Ernst Jünger avait un jour vanté son style, avait écrit qu’il savait saisir l’essentiel et le communiquer à ses lecteurs, qu’il était un grand « synopticien » (ein grosser Synoptiker). Tel était aussi le Guillaume Faye des années 1970, qui avait un autre point commun avec Zischka : celui-ci pensait que les sciences et les techniques pratiques étaient capables de résoudre les problèmes politiques, géopolitiques et agro-alimentaires des peuples, à condition que l’on jette les « nuisances idéologiques » aux orties. Guillaume Faye en était persuadé même si, personnellement, dans la vie quotidienne, il ne savait pas utiliser des objets électriques, mécaniques ou techniques un tant soit peu sophistiqués. Je ne suis pas beaucoup plus fortiche que lui en ces domaines.

element-carré.jpgQuelques mois plus tard, je revois Faye dans une salle de l’hôtel Ramada, Chaussée de Charleroi à Saint-Gilles, en compagnie de Georges Hupin, Alain Derriks, Frédéric Beerens, Piet Tommissen, etc. Légèrement éméché, Guillaume brosse un résumé succinct de l’impérialisme américain et présente le nouvel axe de combat du G.R.E.C.E ., celui de l’anti-occidentalisme, annoncé dans le copieux numéro de Nouvelle école sur l’Amérique, dû essentiellement aux vues de Giorgio Locchi, qu’il considérait comme son maître. Allait suivre dans la foulée le numéro d’Eléments, titré « Non à la civilisation occidentale » et dont la couverture était rehaussée par la reproduction d’une belle et étonnante peinture d’Olivier Carré, représentant une statue de la Liberté en phase de décrépitude. L’anti-occidentalisme de notre vision du monde était lancé. Mes camarades et moi trouvions enfin des alliés pour ce combat que nous entendions bien entamer mais sans encore avoir mis de l’ordre dans nos intuitions. Faye arrachait ainsi la future « nouvelle droite » à toutes les ambigüités plus ou moins occidentalistes qui semblaient encore coller à son discours au début des années 1970. Ce ton déplaisait à une bande de snobinards libéraux qui venaient nous piler les agasses dans les réunions bruxelloises du premier G.R.E.C.E. belge et la légère ébriété de Faye, quand il avait parlé dans les salons du Ramada, les avait scandalisés, comme des rombières, laïcardes cette fois, qui entendent des propos graveleux. Fallait voir leurs bobines !

Pour nous, il était évident que la « nouvelle droite », qui ne portait pas encore ce nom, c’était cela : un môle de résistance à l’occidentalisme, à l’atlantisme, aux politiques de démission et de soumission que ces forces négatives induisaient partout en Europe et en Belgique en particulier. Nous exprimions ce rejet parce que nous n’avions pas digéré, à l’époque, l’affaire du « marché du siècle », où les pays du Bénélux et de la Scandinavie avaient opté pour le F16 américain au détriment des appareils Bloch-Dassault et Saab. Ce môle de résistance était repérable chez Jean Thiriart, qui avait abandonné le terrain politique et dont les bureaux étaient à un jet de pierre de la salle du Ramada, où Faye avait tonné son discours ; il était repérable aussi dans les écrits et les discours de Locchi et de Faye. Thiriart et son disciple Garcet nous avaient déjà avertis de la pusillanimité du gourou du G.R.E.C.E., dont les idées politiques avaient la « consistance d’un plat de macaronis cuits ». Les années suivantes nous confirmeront qu’ils avaient eu bien raison de s’en méfier… Toutefois, cette pusillanimité n’existait manifestement pas chez Faye et chez Locchi et c’est eux que nous entendions suivre et soutenir.

Giorgio_Locchi.jpgNous suivions donc essentiellement Faye, parce qu’il était clair dans ses discours et ses écrits, et nous apprîmes assez vite qu’il était devenu l’animateur principal du pôle « Etudes et Recherches » du G.R.E.C.E., pôle qui, en théorie, devait être le moteur principal de l’association dont les buts étaient officiellement de nature « métapolitique ». Nous entendons un premier discours de Faye (« Contre l’économisme ») au colloque du G.R.E.C.E. de 1978, le dernier où Giorgio Locchi a pris la parole. Faye me convie à participer au « Secrétariat Etudes et Recherches » (S.E.R.) début 1979, avant même que je ne sois devenu membre de l’association. Je me rends à Paris en juin 1979 pour assister à ma première réunion de ce  Secrétariat, où j’apprends, à ma grande déception, que Giorgio Locchi avait quitté le G.R.E.C.E., ne souhaitant plus collaborer avec lui, au motif (exact) que la stratégie d’entrisme dans les clubs feutrés et huppés des droites régimistes était prématurée donc vouée à l’échec. Son fils était venu l’annoncer et ses déclarations, ce jour-là, ont éveillé en moi une certaine méfiance, diffuse, à l’égard de l’association car, de fait, elle couvait en son sein des éléments hostiles au penseur italien, des éléments prêts à toutes les compromissions avec un régime détestable, des éléments qui ne pouvaient qu’être nuisibles ; l’avenir le confirmera. C’est ce jour-là que je fis la connaissance de Stefano Vaj, venu tout exprès de Milan.

En décembre 1979, le G.R.E.C.E. organise son colloque annuel avec pour titre « Contre tous les totalitarismes ». Quand vient le tour de Faye de prendre la parole, un ramassis de nervis fait irruption dans le Palais des Congrès de la Porte Maillot et ravage la salle des stands, blessant sérieusement Jean-Louis Pesteil, un collègue traducteur et germaniste, que je ne connaissais pas encore personnellement, ainsi que Grégory Pons, qui gardait un sourire moqueur tout en étant ensanglanté de la tête aux pieds et quelques autres participants. En entendant le bruit de la bagarre, Faye met le son de son micro au maximum et hurle son texte, pour que l’on ne perde rien de sa fougueuse rhétorique, tandis qu’une bonne part des auditeurs descendent des gradins pour courir sus aux énergumènes en fureur qui venaient troubler le colloque. Je descends aussi et je trouve une salle totalement détruite avec, au milieu, Alain de Benoist, cigarette mentholée à la bouche, hochant de la tête et marmonnant « c’est fou ! c’est fou !», sans se soucier des projectiles qui volaient en tous sens. Un ami anonyme arrache les pieds métalliques de quelques chaises et les distribue aux arrivants pour qu’ils s’en servent dans la bataille qui s’engage. J’en reçois un et je cours vers la mêlée, avec mon costume du dimanche, mais sans y parvenir : les assaillants sont repoussés grâce à Patrice de Plunkett qui a actionné la lance à incendie et arrosé de maîtres-jets les perturbateurs qui prirent la fuite en désordre, poursuivi par les plus pugnaces de nos amis, dont un camarade arménien, Jacques Karakachian, surnommé le « sanglier du Caucase », Gérald le Pied-Noir et Jean-Pierre Van Geyt, récemment décédé et longtemps correspondant de Nouvelle école en Belgique romane, ainsi que Michel R., de Namur, et un jeune ouvrier flamand, travaillant, me déclara-t-il, dans une « usine de boîte aux lettres métalliques ».

Le 6 juin 1980, Faye débarque chez Georges Hupin à Uccle, flanqué de Philippe Millau, pour participer d’abord à une brève présentation de mon travail de fin d’études sur la géopolitique selon Jordis von Lohausen puis, dans la foulée, pour prononcer une nouvelle conférence de teneur anti-occidentaliste dans la grande salle de la « Tour du Midi », à côté de la gare. Sa conférence sera chahutée de manière puérile et ostentatoire par celui qui deviendra l’obséquieux vicaire d’Alain de Benoist en Flandre mais qui changera évidemment d’avis quand son gourou lui en intimera l’ordre : d’occidentaliste américanophile caricatural, favorable à l’OTAN, il deviendra, en surface, un européiste anti-américain, critique de l’OTAN ; si le pontife lui avait demandé d’être tout à la fois pro-chinois, panafricaniste ou adventiste du septième ciel, il le serait devenu aussi... Faye et Millau me demandent, ce jour-là, de participer, en juillet, à l’école des cadres du G.R.E.C.E., qui reçut pour nom « Promotion Themistoklès Savas », en souvenir d’un ami grec qui venait de se tuer en moto dans les montagnes de l’Epire. Un ancien doyen de l’Université du Pirée, qui sera un grand ami et un grand soutien de Faye, était présent, Jason Hadjidinas, qui lui restera fidèle jusqu’à sa mort en 1986, en ayant toujours espéré le dégager de la précarité et de la dangereuse dépendance pécuniaire qui le liait au gourou capricieux qui lui imposait de vivre avec le SMIC. La disparition de Jason fut une épreuve cruelle pour Faye, qui explique peut-être sa décision de quitter le G.R.E.C.E. fin 1986 puis de s’engager dans le showbiz via Radio Skyrock. L’école des cadres de 1980 fut décisive pour moi. Je m’y étais rendu depuis Paris avec Faye, dans la voiture de Pierre Bérard : nous avions pris Guillaume en charge à son domicile, petit appartement charmant, où venait de naître sa fille. Nous visitâmes en chemin Vaison-la-Romaine et l’Abbaye de Sénanque, où je ne retournai qu’en 2017. Je découvre avec eux la Provence, je vois mes premiers champs de lavande, j’entends pour la première fois la musique des cigales, je vois passer sur nos tables de longs lézards gris. Je deviens membre du G.R.E.C.E. en septembre 1980 et Pierre Vial me remet ma carte à Bruxelles. Je lui promets de rester fidèle à notre combat métapolitique jusqu’à la mort : je suis dès lors très heureux de le servir encore aujourd’hui, même si j’ai quitté l’association en décembre 1981.

En 1981, Faye et moi sommes collègues dans les locaux de la rue Charles-Lecocq à Paris à partir du 15 mars. Nous le resterons jusqu’au 15 décembre. Avec Michel Dejus, il fut pratiquement mon seul interlocuteur au cours de cette période de neuf mois : je l’ai connu comme quelqu’un d’affable, d’une gentillesse naturelle en dépit de rodomontades nietzschéo-surhumanistes qui faisaient évidemment partie de notre folklore. J’y découvre aussi un Guillaume tintinophile et lecteur de Franquin, manie que nous partagions avec Grégory Pons et Pascal Junod. Pour Faye, le personnage du gros Demesmaeker dans les albums de Gaston Lagaffe est l’incarnation du monde vénal et psychorigide, vaniteux, stupide et pharisaïque qu’une véritable anthropologie néo-droitiste se devait de moquer et de combattre (notamment par le biais de canulars téléphoniques, polissonneries dans lesquelles Faye excellait). Le surhumanisme, terme forgé par Locchi, devait faire advenir une (sur)humanité où il n’y aurait plus de Demesmaeker ou bien où ceux-ci seraient houspillés dans les marges de la société. J’ajoute bien entendu une évidence à ce petit panorama bédéphile : les machines volantes de Zorglub, dans les aventures de Spirou et Fantasio, titillaient déjà la fibre archéofuturiste de Faye qui, dans un recoin de son imagination, devait déjà concevoir les fameux « squalines » de sa bande dessinée Avant-guerre.

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Deux missions nous ont été données à l’époque : fabriquer un numéro de Nouvelle école sur Pareto et un autre sur Heidegger. Les deux thèmes avaient bien entendu été suggérés par Faye qui tenait absolument à ce que la revue restât sérieuse et fût lue dans les universités sans susciter de sarcasmes. La hantise de Faye était de voir imprimés dans la revue quelques délires en provenance d’un paganisme de pacotille, des « paganouilleries » ou des « nazisteries » comme aimait en commettre le directeur de la publication, avec une étourderie qui nous laissait pantois. Faye avait horreur des ritournelles et des tics langagiers répétés ad infinitum, surtout quand ils n’avaient aucune pertinence dans la vie réelle. Pour Faye, un paganisme articulable devait renouer avec l’antiquité grecque et sa philosophie bien charpentée, indépassable dans son questionnement, avec la fougue dynamique d’Héraclite, avec l’élitisme de Platon, avec la logique et la rigueur d’Aristote, exprimée dans Les politiques.

ne-pareto.jpgGrâce à l’intervention bienveillante du Professeur Piet Tommissen et au concours de Bernard Marchand, nous pûmes sortir en juin un numéro potable, dans lequel Faye produisit d’ailleurs un maître-article sur un ouvrage hélas oublié aujourd’hui et que la génération des anciens devrait retrouver dans les rayons de ses bibliothèques : L’intelligence du politique, en deux volumes, de Jules Monnerot, plus spécifiquement le tome deuxième de cette œuvre magistrale, consacré, pour l’essentiel, à la « doxanalyse », c’est-à-dire l’analyse des opinions qui animent toute sphère politique. Monnerot, ancien du surréalisme français et proche des poètes de la négritude vu ses origines martiniquaises, me déclarera plus tard que ce fut la meilleure analyse de son œuvre, largement ignorée par l’université française au nom, déjà, d’une forme ante litteram de « political correctness ». Faye aimait, à l’époque, parler d’aléa : le monde est soumis aux aléas, répétait-il ; les philosophies consolatrices et les nuisances idéologiques (Raymond Ruyer) n’y changeront jamais rien car elles ne figeront jamais le monde. Suite à ma lecture d’un texte issu d’un colloque de la Siemens Stiftung de Munich, que présidait en ces temps-là Armin Mohler, je parlais d’Ernstfall. Chez Monnerot, nous découvrions la notion d’hétérotélie, terme désignant une situation survenue en dépit des objectifs fixés par la volonté politique initiale (trop rationnelle) du décideur. La volonté politique peut donc générer des états de choses contraires à tout projet initial, à tout programme bien charpenté, taillé selon une logique parfaite. Dans nos conversations de l’époque, nous mêlions quantité de réflexions sur les notions d’aléa, de tragique, de logique du pire (Clément Rosset), d’Ernstfall et d’hétérotélie.

Dans Nouvelle école, n°36, Faye écrit : « L’intérêt de la doxanalyse parétienne (que Monnerot décryptait) n’est donc pas uniquement la critique des idéologies qui se croient logiques et négligent leurs propres résidus (ce que fait le macronisme aujourd’hui de manière emblématique), …. Il est de reconnaître l’invalidité fondamentale de toute interprétation rationaliste du monde. Derrière les résidus et les actions non logiques, il y a ce que Jules Monnerot appelle ‘les pulsions de l’humain’ ». Faye démontre, citations de Monnerot à l’appui, que « si les pulsions de l’humain étaient totalement réprimées par le social (ou le politiquement correct, dirait-on aujourd’hui), il y aurait déjà eu faillite de l’espèce, disparition du type d’homo sapiens que nous sommes ». Il faut donc un équilibre entre les résidus et les diverses expressions de la logique, ce qui implique que les résidus, considérés comme irrationnels par les « corrections politiques », doivent impérativement être maintenus et non éradiqués, faute de quoi toute société bascule dans une spirale mortifère. L’évolution ultérieure de Faye  -et même ses dérapages que certains jugent « involutifs » aujourd’hui, de manière si lourde et si pesante-  s’inscrit dans une perspective qui veut privilégier les résidus non logiques contre tous les figements, ceux-ci étant tous « dignes du gros Demesmaeker », pour illustrer cette angoisse fayenne par une caricature qui lui aurait plu. Cependant, ajoutait-il, dans son article de Nouvelle école (n°36), bon nombre de résidus, en Europe, proviennent du « poison chrétien », tel que l’imaginait Nietzsche. Il faut donc remplacer ces résidus par des résidus plus archaïques, puisés dans la culture classique ou dans les paganités européennes, thème essentiel d’un article ultérieur sur Heidegger, paru dans le numéro 39 de la revue, à l’automne 1982 et intitulé « Heidegger et la question du dépassement du christianisme ».

ne-heidegger.jpgAprès la parution du numéro consacré à Pareto, en juin 1981, nous nous attelons tous deux à la confection d’un numéro sur Heidegger. Faye rédigera pour cette livraison de Nouvelle école un long article sur le reclus de Todtnauberg où il révèle une phase qu’il pensait futuriste, mais non détachée d’une adhésion à des archétypes, chez le philosophe de la Forêt Noire. Faye croit déceler, dans la pensée heideggerienne que l’on campe généralement comme anti-techniciste, une piste « arraisonnante » qui permet de réintroduire positivement la technique dans le cadre de la pensée mais, cette fois, sous le signe d’autres tables des valeurs. Bruno V., un ami de Beerens, philosophe de formation et helléniste méticuleux, traducteur occasionnel de textes importants de Fichte pour l’université, avait accepté de relire le texte de Faye avant publication : il n’était pas d’accord avec cette interprétation mais il ne voulait pas changer un iota du texte car celui-ci, avait-il conclu, détenait sa cohérence et son originalité qu’il n’entendait pas, lui, Bruno V., confisquer. La lecture fayenne de Heidegger en 1981 anticipe bien entendu toutes ses réflexions ultérieures sur l’archéofuturisme.

L’année 1981 nous permit aussi de faire deux séjours à Strasbourg, où la section locale du G.R.E.C.E. était animée par Pierre Bérard, immigré angevin en terre alémanique et francique-mosellane, ignorant tout de la langue de Goethe. Lors d’un colloque organisé au départ de cette section alsacienne, Faye est à la tribune avec Julien Freund et les débats sont troublés par Freddy Raphaël, auteur de nombreux livres sur la communauté juive de Strasbourg et d’un ouvrage remarqué aux P.U.F., intitulé Judaïsme et capitalisme. Dès le début du débat, Freddy Raphaël lance tout de go que « cette histoire de ‘nouvelle droite’ est un ‘jeu avec le caca’ », espérant in petto déclencher une foire aux empoignes. Julien Freund, bien ancré dans les réalités alsaciennes et dans son cher bourg de Villé, où il y avait une communauté israélite, le ramène à la raison et les deux vieux complices sortent bras dessus-bras dessous de la salle de conférence, pour aller vider quelques bons cruchons. Cette journée fut pour moi l’occasion de rencontrer de jeunes camarades alsaciens, germanophones, et captivés par l’œuvre de Carl Schmitt. Plus tard dans l’année, à l’automne, Faye, Millau et moi-même reprenons la route de l’Alsace pour rencontrer Julien Freund dans une superbe auberge alsacienne et, après le repas pantagruélique, pour filmer, chez le professeur, un entretien entre, d’une part, l’auteur de Qu’est-ce que le politique ?, et, d’autre part, Bérard et Faye. Pour des raisons techniques, le film de cet entretien n’a malheureusement jamais pu être exploité.

Henri-Lefebvre-1971-1.jpgL’année 1981 fut aussi deux fois l’occasion, pour moi, d’accompagner Faye à la Closerie des Lilas pour y rencontrer Henri Lefebvre, en rupture de ban avec le parti communiste français dont il avait pourtant été l’un des principaux idéologues. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer la profonde influence que ce philosophe marxiste-léniniste avait eue sur Faye (http://robertsteuckers.blogspot.com/2011/11/influence-de-... ), ce qui devrait interdire à de terribles simplificateurs de décréter que notre ami ne fut jamais rien d’autre qu’un « beauf d’extrême-droite », insulte qu’il a recueillie chez les « antifas » aussi bien que chez ceux qui s’étaient dits ses amis mais qui torpilleront toutes ses initiatives jusqu’à le mener à sa perte. Lors des repas à la Closerie, Lefebvre évoquait les bagarres monumentales qui opposaient en ces lieux des bandes rivales au temps du surréalisme parisien. Ce « lefebvrisme » de Faye permet à Stefano Vaj de dire, dans son hommage récent, que notre ami, comme bon nombre de marxistes non dogmatiques, pensait exclusivement pour favoriser une action révolutionnaire dynamisante et jamais pour perpétuer un figement quelconque, qu’il qualifiait volontiers de « muséographique ». Pour lui, de Benoist, par exemple, commettait le péché de « muséographie », et le commettait plus que de raison, rendant ainsi sa pensée fragmentaire et désordonnée, ensemble de bribes éparses, fait de collages et de placages où toute cohérence pragmatique s’évanouit dans un smog difficilement pénétrable et, par voie de conséquence, impossible à utiliser dans une véritable stratégie métapolitique, gramscienne ou autre.

Après un colloque, tenu durant l’année 1981, Faye réunit chez lui les correspondants du G.R.E.C.E. dans divers pays européens dont Marco Tarchi, Stefano Vaj, pour l’Italie, le vicaire du pontife en Campine, qui avait chahuté sa conférence en juin 1980 à Bruxelles, Michael Walker, qui venait de fonder sa revue, The Scorpion, et Pierre Krebs qui avait tout récemment créé le Thule-Seminar. Ce fut le début d’une longue coopération, sauf avec Tarchi et le petit vicaire campinois qui obéiront comme des toutous à tous les ordres de sabotage énoncés par le pontife, dont le premier à faire les frais fut Stefano Vaj. Faye était heureux d’avoir permis, ce jour-là, de conférer une dimension européenne à l’entreprise « néo-droitiste ». Je partageais sa joie.

Le SER (« Secrétariat Etudes & Recherches ») était donc l’apanage de Faye au G.R.E.C.E. Dans le bulletin intérieur de l’association (BI), divisé en rubriques composées de feuilles volantes, une partie était dévolue au SER.  Faye y publiait la majeure partie de ses articles, refusés dans les grandes publications de la mouvance, par jalousie, par méchanceté gratuite, par un désir obscur et cruel de nuire comme celui qui anime le vilain sorcier animiste qui fiche des aiguilles dans des figures de cire représentant ceux qu’il veut perdre : les articles de Faye, en effet, ne pouvaient paraître dans les revues Nouvelle école (où ils auraient eu toute leur place), éléments ou même Etudes et Recherches, publication plus modeste. Un ukase occulte avait prononcé cette fatwa. Voici la liste des articles, non publiés, de notre Guillaume, qui n’ont quasi pas pris une ride :

  • - Qu’entendons-nous par « société marchande » ?, septembre-octobre 1978.
  • - Géopolitique et puissance des nations, mars-avril 1979.
  • - Analyse du Janus d’Arthur Koestler, mars-avril 1979.
  • - Le commencement grec, juillet 1979.
  • - Politique, métapolitique, parapolitique : réflexion post-gramscienne, octobre 1979.
  • - Notre position sur l’Europe, février 1980.
  • - L’économique et le politique, février 1980.
  • - La puissance : une idée neuve en Europe, février 1980.
  • - Réel et rationnel : peut-on concevoir un retour de la rationalité ?, juin-juillet 1980.
  • - Pour une interprétation subversive du marxisme, juin-juillet 1980.
  • - Pour une sociologie de l’égalitarisme, juin-juillet 1980.
  • - Les contradictions culturelles du capitalisme, juin-juillet 1980.
  • - Qu’est-ce que la Realpolitik ?, juin-juillet 1980.
  • - Les néo-conservateurs américains, exemple des contradictions internes de l’idéologie égalitaire, printemps 1981.
  • - Réflexion critique sur les positions artistiques de l’école de Francfort, janvier-février 1981.
  • - Redécouvrir Bergson, automne 1981.
  • - La société du non-travail (I), décembre 1981.
  • - La société du non-travail (II), printemps 1982.

Dans la livraison du BI du printemps 1981, nous cosignons « Eléments pour une théorie du politique ». On le voit : pour Guillaume Faye, qui fut défini comme un simple « électron libre » sur la page 142 d’un pensum auto-glorificateur intitulé Mémoire vive (que Philippe Baillet moque plaisamment en évoquant une « mémoire trouée »), ce n’est pas mal… et cela révèle la nature foncièrement mensongère de cette définition fielleuse. La pertinence de ces articles et leur validité persistante, près de quarante ans plus tard, font de Faye le théoricien le plus clair de la mouvance à laquelle il a appartenu, à laquelle il a donné du lustre. Dans son bureau trainaient également les restes d’un manuscrit rejeté, celui d’un livre sur les doctrines économiques, inspirées de List, de l’école historique allemande, de Wagemann, de Delaisi, de Perroux, de Passet et de Jouvenel (sur le « bloc continental » de Napoléon). Je n’ai pu en sauver qu’un seul maigre chapitre, publié ultérieurement dans Orientations n°5 (1984) : le manuscrit était incomplet car, dépité, Guillaume en prenait des pages pour nettoyer sa pipe…   Ce bref chapitre, sauvé in extremis du curage de pipe, s’intitulait « Contestation du libre-échangisme » et entrait évidemment en contradiction avec les projets occultes et pseudo-machiavéliques du pontife de kermesse, qui, tout à ses intrigues rocambolesques, entendait bien être coopté par tous les thatchériens de la planète (j’y reviens !!).  Dans ce même numéro, je publie une étude magistrale et copieuse de notre ami, « Critique du système occidental », qui pourrait toujours motiver des lecteurs jeunes, aujourd’hui, afin qu’ils ne tombent pas dans le piège du discours dominant, exaltant les « valeurs éternelles de l’Occident ou de la République ». 

VANLIER.jpgPendant ma formation de traducteur à l’Institut Marie Haps, j’avais eu pour professeur d’esthétique et de littérature contemporaine le célèbre Henri Van Lier (1921-2009) qui nous avait composé un dossier de 77 fiches de termes nouveaux, généralement scientifiques, annonçant un nouvel âge de l’humanité. Pour Van Lier, qui préparait son maître-ouvrage, Anthropogénie, qui paraîtra dans sa version définitive, et très copieuse, en 2002, « Homo » est d’abord technicien avant d’être un « parlant », sa « culture » est d’abord celle des outils avant d’être celle de la parole. L’action immédiate sur le monde matériel précède donc les discours, toujours tenus à une certaine distance des choses, toujours « médiats ». Le parallèle avec Arnold Gehlen est évident ici : lors d’un examen de Van Lier, j’ai parlé de Gehlen, qu’il ne connaissait pas encore, plutôt que de la matière qu’il avait fallu étudier. Van Lier en était très content. Gehlen était à l’ordre du jour du « Secrétariat Etudes & Recherches », depuis la fin des années 1970, où le fils de Giorgio Locchi, Pierluigi Locchi, avait consacré son travail de fin d’études à ce sociologue et anthropologue allemand, toujours, hélas, trop peu lu : personnellement, j’avais commis une première petite conférence sur son œuvre en 1978 dans le cercle patronné par Georges Hupin ; plus tard, Yvan Blot se démènera pour faire éditer un ouvrage de Gehlen aux P.U.F. Revenons à Van Lier : pour lui, comme pour Moeller van den Bruck avant 1914, l’architecture typée d’une civilisation est toujours son point de départ, l’indice majeur de l’amorce d’une nouvelle aventure humaine collective ; quant au « nouvel âge » qui s’annonce, ce sera celui où les machines ne puiseront plus leurs forces dans l’homme ou dans la nature, ne seront plus devant l’homme à sa simple disposition mais entreront en synergie avec lui et avec la nature. Thèmes comparables au « Travailleur » de Jünger.

Anthropog--nie-150x212.jpgPour Van Lier, qui savait bien forger son propre vocabulaire, c’est l’« âge 3 », l’âge des réseaux. L’idée de composer un dossier de mots-clefs, similaire à celui de Van Lier, est immédiatement venue à Faye : ce fut là l’origine du Petit lexique du partisan européen qui, remanié et amplifié, donnera en 2001 l’ouvrage Pourquoi nous combattons, rapidement traduit en anglais. C’est, tous en conviennent, un véritable bréviaire, récapitulant la vision du monde et du politique que Faye a toujours voulu promouvoir. Je pense toutefois qu’il faudrait rajouter un volume à ce premier dossier, avec de nouveaux termes précurseurs, déjà présents dans les sciences de pointe, surtout dans les sciences biologiques et médicales : un travail à réaliser. Et d’urgence !

Les dernières semaines du printemps de 1981 ont vu la parution du premier livre de Faye, Le système à tuer les peuples, que le sinistre sachem des lieux avait tenté de saboter jusqu’à la toute dernière limite, de façon à ce que le livre ne puisse pas paraître pour le colloque annuel ni concurrencer son propre ouvrage sur le paganisme, très très largement inspiré du maître-ouvrage de la philosophe et islamologue allemande Sigrid Hunke, Europas wahre Religion, qui avait été traduit par un prisonnier qui devait bosser en tôle pour léguer quelque chose à ses enfants, alors aux études. Le tapuscrit de Faye était bloqué sous prétexte qu’il manquait de références bibliographiques. Faye, triste et inquiet, est venu m’en demander dans mon bureau. Finalement, l’imprimeur a tout de même reçu le texte à temps, grâce à Millau, je pense. Je fus le premier à recenser le livre pour le bulletin du G.R.E.C.E.-Belgique de Georges Hupin, en même temps qu’une recension pour le livre du pontife, inspiré par Sigrid Hunke, dont j’avais lu les livres deux ou trois ans auparavant, pendant mes études. Stefano Vaj fit de même quelques jours plus tard dans un organe italien.

luberoncretes.jpg

En juillet, nous animons l’université d’été du G.R.E.C.E. à Roquefavour, où nous avons accueilli un fidèle ami américain de Faye, l’avocat Sam Dickson, qui fera la randonnée habituelle sur les crêtes du Lubéron en chaussures de ville..., massacrant ses fines semelles et entamant le cuir du reste, le faisant ainsi ressembler aux prisonniers anglais qui, dans un célèbre film-culte, entrent dans le camp de prisonniers du Pont de la rivière Kwaï, en sifflotant un air jadis célèbre Outre-Manche. Stefano Vaj, de Milan, est, lui aussi, des nôtres. L’ambiance est du tonnerre. Le soir, après les travaux, Faye y récite ses versions truculentes et polissonnes des fables de La Fontaine et chante à tue-tête sa chanson favorite : « Le vieux vin gaulois ».

Nos travaux, heureusement, nous avons pu les parfaire en 1981 dans des bureaux où ne s’activait que le petit personnel, dépassé par les enjeux idéologiques. En effet, le sinistre pontife des lieux disparaissait à intervalles réguliers sans laisser ni explications ni consignes. En juillet, après une réunion du secrétariat de rédaction, il s’évanouit pendant sept semaines, sous prétexte d’un reportage en Extrême-Orient pour Le spectacle du monde, avec retour par la Californie, où la soeur d’une copine, qui l’accompagnait pour lui servir ses rillettes, poursuivait, paraît-il, des études d’on ne sait trop quoi du côté de Las Vegas. Il lui fallait aller serrer la pince de la donzelle et, du même coup, réitérer, en moins de temps, la prouesse de Phileas Fogg, célèbre héros de Jules Verne. Fin septembre, le bonhomme m’annonce qu’il se rend à la Foire de Francfort, comme chaque année. Cette foire dure cinq jours : il revient au bout de trois semaines ! Puis disparaît fin novembre, persuadé que des nervis veulent l’assassiner : il se serait caché dans un hôtel minable, claquemuré dans une chambrette et armé d’un pistolet à grenailles ; il revient quinze jours plus tard dans un état épouvantable, dégageant un fumet atroce, n’ayant vu ni savon ni cirage ni dentifrice pendant son exil volontaire dans ce galetas à moitié délabré. Et, trois minutes après son retour tout en odeurs, il a le toupet de nous engueuler, Faye et moi, en hurlant : « C’est Zig et Puce, ici ! C’est les Marx Brothers !». Faye était tarabusté. Ce jour-là, ma religion a été faite : j’ai décidé de foutre le camp.  Comment travailler dans la cohérence, en respectant un ordre du jour, si le boss qui doit donner son aval pour tout, pour le moindre détail, est perpétuellement en goguette ou en dépression (des dépressions qui étaient surtout des mises en scène d’un très mauvais goût) ? Comment peut-on, en effet, servir un personnage pareil sans encore oser se regarder dans la glace ? La découverte de certaines manies, très peu hygiéniques, de notre sachem de ducasse conforte ma décision de partir définitivement. Une quinzaine de jours plus tard, je demandai à Millau de me payer mes gages et de bien vouloir accepter mon tablier.

Dans un tel contexte, contrairement à ce que l’on pourrait croire aujourd’hui après les aventures radiophoniques de Faye à Skyrock, après ses multiples facéties et ses bonnes blagues subversives commises sur la place de Paris et ailleurs, la sériosité idéologique se situait de son côté et de son côté seul. D’abord, pendant toute l’année 1981, il avait fait barrage contre tous les délires potentiels du pape de sotie qui entendait, seul, faire la pluie et le beau temps dans les locaux de l’état-major, rue Charles-Lecocq, en espérant bien recevoir de chacun un blanc-seing pour toutes ses lubies incongrues et ses « paganouilleries à la sauce nazistika ». Un jour, ce pape à tiare de plastique me déclare, avec un sérieux de croque-mort presbytérien, vouloir faire suivre le numéro sur Pareto par un numéro sur l’Atlantide, thème en vogue dans un réseau vaguement sectaire, partouzeur et mondain de l’époque, la « Nouvelle Acropole », où il comptait quelques drôles d’amis ! Quand j’en fais part à Faye, celui-ci porte évidemment son index au front. Et s’en désole : on le sent profondément meurtri car il sait, qu’avec de telles lubies infécondes, la mouvance risque d’être assimilée à une secte de farfelus et de perdre les bons contacts qu’elle entretient avec des universitaires de haut vol ; surtout, Faye n’a pas envie de se faire engueuler par Julien Freund. Un jour plus tard, j’entends des cris en provenance du bureau de Faye puis une porte qui claque violemment. Intrigué, je vais voir ce qui se passe. Je découvre mon Guillaume interloqué et un peu tremblant : juste au-dessus de sa tête, un coupe-papier était fiché dans le mur. Le gourou était venu insister lourdement, avec la fureur geignarde d’un gamin gâté, afin de faire accepter son idée saugrenue de publier un numéro sur l’Atlantide. Faye avait rétorqué tout de go : « Et pourquoi pas sur le continent Mu ? ». Furieux de cette réplique, l’autre s’était emparé d’un coupe-papier et l’avait envoyé tout net dans le mur, derrière Faye.

coupe-papier-graf-von-faber-castell-cuir-cognac.jpgLe soir, je me sers d’une machine à écrire, plus sophistiquée que celle qui m’avait été confiée, dans le grand bureau de la secrétaire, retournée dans ses pénates pour y cuire sa tambouille vespérale. Le gourou-pape rapplique et me reparle de son projet abracadabrant : je résiste avec le même entêtement que Faye, tout en suggérant un numéro qui serait titré « Archéologie de la Mer du Nord » (car le pontife pense que l’Atlantide se situait autour d’Héligoland). Dans un nouvel accès de fureur, digne de ceux de Louis de Funès, il s’empare d’un autre coupe-papier et l’envoie, avec une remarquable dextérité, dans un petit réveil au boîtier de liège qui se trouvait devant moi. Calme comme un Coldstream Guard dans sa guérite à Buckingham, je réitère mon refus et il s’en va en ronchonnant, vexé que personne n’accepte ses caprices. Je me suis dit : si ce gars-là doit un jour partir en exil, il fera comme le Général Alcazar dans Les sept boules de cristal : il deviendra lanceur de poignards dans des music-halls de quat’sous. Cette comparaison avait bien fait rire Faye. La morale de cette historiette burlesque, c’est qu’il ne fallait surtout pas faire figurer le mot « Atlantide » sur la couverture de la revue, si l’on voulait encore être pris au sérieux. Faye avait raison. En août, toutefois, pendant que le pontifex minimus errait entre le riz sauté de Singapour, les hamburgers de Hollywood et les rillettes des deux donzelles, je me rends au Danemark et au Slesvig-Holstein pour rassembler de la documentation archéologique, notamment à l’Institut nord-frison de Bredstedt et chez l’archéologue Jürgen Spanuth, et pour rencontrer dans une « haute école populaire », à Tinglev, le scandinaviste François-Xavier Dillmann, correspondant de Nouvelle école en Allemagne, et le sociologue Henning Eichberg. J’ai donc tenté, à la demande de Faye, de « scientifiser » les lubies du grand panjandrum, qui fera paraître un numéro sur le sujet quelques années plus tard : il était titré «Archéologie ».  Ouf !

Mais il y avait pire, en cet automne 1981 : derrière le dos de tous, profitant de sa position au Figaro Magazine, le manitou de Prisunic envisageait de monter à la tribune d’un colloque qu’il organisait lui-même, grâce à des prête-noms et à une association ad hoc, basée dans l’appartement de sa pauvre mère qui venait de décéder en juin. Ce colloque était annoncé sous le titre d’« Alternative libérale » et devait inviter tout le gotha du néolibéralisme thatchérien et reaganien à Paris, un aréopage essentiellement anglo-saxon au milieu duquel on allait vendre notre sachem de guimauve comme un petit prodige dont la pensée allait sauver la pauvre France des griffes du méchant mitterrandisme socialo-étatiste qui s’était abattu sur elle suite aux élections de mai 1981. Pour Faye qui était partisan d’une économie guidée, interventionniste sur le plan des infrastructures, hétérodoxe dans le sens où elle tenait compte des facteurs non économiques (contrairement aux orthodoxies marxiennes, libérales et keynésiennes), cette tentative d’alignement sur le reaganisme apparaissait comme une idée complètement loufoque ou, pire, comme une trahison pure et simple de notre message européiste fondamental. Cet entrisme irréfléchi donnait rétrospectivement raison à Locchi qui avait tiré sa révérence deux ans plus tôt. Faye était à l’époque un lecteur attentif de l’économiste André Grjebine, auteur, en 1980, de La nouvelle économie internationale, parue aux P.U.F. Grjebine plaidait pour une semi-autarcie auto-suffisante du continent européen. A l’évidence, je partageais ce point de vue, de même qu’Ange Sampieru, alors militant du G.R.E.C.E. à Paris, et toute l’équipe de mes amis restée à Bruxelles et à Liège. Le grand ponte polygraphe avait préparé son coup en écrivant des articles dithyrambiques dans le FigMag  sur Raymond Aron (invité au colloque) et sur Karl Popper (dont les principaux disciples, hostiles à toute « société fermée », devaient monter à la tribune et débiter leurs sornettes néolibérales autour de son auguste personne). Hélas pour lui, la parousie n’allait pas advenir tout de suite : les services étatiques et diasporiques s’aperçoivent très vite de la manigance, cousue de fil blanc, de notre petit machiavel de pantomime. Et la machine à évincer les intrus se met en route : Aron refuse de parler si notre doxographe atlantidien du 6° arrondissement est présent au colloque. D’autres menacent de démissionner. Le voilà houspillé hors de son propre théâtre. Sa dépression hydrophobe de novembre 1981 s’explique par cette retentissante déconfiture. Notons qu’il faut être indécrottablement irréaliste, avec le pedigree de notre gus, pour avoir cru, un seul instant, qu’un tel montage allait aboutir ! A moins que le rapprochement tout récent avec Finkielkraut et Minc et, en mars 2019, la prise de parole à la tribune d’un fanfaron néo-bruxellois, qui ne cesse de faire de la retape pour notre bonne ville auprès des candidats exilés fiscaux français, ne soit l’aboutissement souhaité d’un libéralisme foncier, quasi génétique, qui, pour d’obscures raisons, s’était camouflé derrière des discours autres, y compris anti-libéraux ? Le bonhomme a continuellement entretenu les ambigüités, cumulé les contradictions, éjecté les tenants d’une véritable hétérodoxie économique : il est légitime de se poser des questions, celles que, de toutes les façons, les analystes de cette mouvance, étiquetée « nouvelle droite », poseront dans la postérité. Mais sans doute concluront-ils à la totale incohérence du doxographe, dont la boîte crânienne abrite un véritable capharnaüm et dont la stratégie se borne à monter des coups pour se constituer  des « casse-croûte ». Les jugements de Faye, en ce domaine, auront alors été prémonitoires.

ag-ne-inter.jpgL’effondrement du montage, l’éviction du grand wizard marri, provoque d’abord chez lui une dépression terrible puis une rage vengeresse et écumante, décuplée par le fait qu’il est désormais kické hors de la rédaction du FigMag, hormis une misérable petite colonne sur les vidéos que Louis Pauwels, bon prince, lui accorde avec une belle magnanimité. Cette rage lui dicte une nouvelle orientation nationale-révolutionnaire qu’il exprime aussitôt dans les pages d’Eléments et qui emporte notre adhésion. Le bougre avait sauvé sa boutique : on oubliait ses errements infructueux de l’automne 1981 et on estimait que tout rentrait dans l’ordre, puisqu’il semblait professer désormais un européisme radicalement anti-occidentaliste. Je quitte Paris en décembre 1981 et, au cours de l’année 1982, je participe à une assemblée générale du G.R.E.C.E. à Lyon et prononce une conférence à la tribune du « Cercle Héraclite », sur le national-neutralisme allemand, hostile à l’installation de missiles américains sur le territoire de la R.F.A.  Position qui permet de lancer des passerelles avec d’autres mouvances politiques, dans bon nombre de pays européens. Le bulletin intérieur consacre quelques pages à cette thématique, entièrement nouvelle dans la mouvance à l’époque. En octobre 1982, je commence les dix mois de mon service militaire à Saive, près de Liège, puis à Marche-en-Famenne, à Bürvenich et Vogelsang dans l’Eifel. Pendant ma période d’instruction, Faye annonce qu’il tiendra un séminaire, organisé par une nouvelle structure, dans des locaux sis rue Blanche, dans le 9ème arrondissement. Ce séminaire, suivi d’un second quelques mois plus tard en 1983, a constitué à mes yeux, le sommet de l’œuvre métapolitique de Faye.

lupasco3M.jpgAu cours de ces deux séminaires, il a rassemblé autour de sa personne seule, des sommités comme Stéphane Lupasco, Bassarab Nicolescu, Manuel de Diéguez, Jules Monnerot et des sympathisants de ses idées comme les professeurs Martinez, Wagner et Asso. Les conférences se succèdent dans la joie et la bonne humeur, sans cette raideur psychologique que le pontife générait systématiquement autour de lui, en communiquant son stress intérieur et ses angoisses au public. Il n’est malheureusement resté aucune trace écrite de ces séminaires, Faye n’ayant jamais pu disposer des moyens de faire imprimer les textes des allocutions sous forme de volume : les mannes financières devaient couler vers une certaine escarcelle uniquement et surtout ne pas être consacrées à des entreprises métapolitiques valables et fécondes. C’est au cours de ces séminaires que j’ai pu m’entretenir avec Jules Monnerot, très satisfait de l’article de Faye sur sa conception de la doxanalyse, et bénéficier de la sympathie de Manuel de Diéguez qui avait apprécié mes articles dans Nouvelle école. En 1983, paraît Magazine Hebdo, où Faye, sous le pseudonyme de Gérald Fouchet, est chargé de recueillir les grands entretiens de l’hebdomadaire. Là encore, il a brillé de mille feux. Je conserve religieusement la collection de ces entretiens qui paraîtront, plus tard, après la faillite du magazine, en un volume, mais… sous la signature d’un tiers, qui a probablement encaissé les droits d’auteur… Faye avait pourtant montré un savoir-faire très professionnel dans la confection de ces nombreux entretiens.

De 1983 à 1986, Faye n’arrête pas de publier des brochures. On ne lui permet d’ailleurs pas d’éditer davantage. On veut le limiter au maximum et faire de lui l’homme d’un seul et unique livre, déjà oublié ou épuisé : Le Système à tuer les peuples, paru en 1981. Paraissent successivement des brochures, brèves mais très denses, telles : Contre l’économisme (1983), dont j’ai dû publier une deuxième édition de fortune parce qu’on lui avait refusé un second tirage ; Sexe et idéologie (1983), petit opuscule modeste qui servira néanmoins de base à son gros ouvrage de 2011, Sexe et dévoiement, paru aux éditions du Lore puis rapidement traduit en anglais (c’est actuellement le volume le plus vendu dans la série des traductions proposées par l’éditeur Arktos) ; La nouvelle société de consommation (1984) ; L’Occident comme déclin (1984), excellent texte dont le manuscrit fut refusé catégoriquement mais financé par l’ami Patrice Sage puis, pour la seconde édition, par mes amis liégeois d’Eurograf, qui signèrent, eux, un contrat en bonne et due forme avec Faye ; la riposte des sicaires du pontife ne se fit pas attendre, un avocaillon minable est venu me menacer au téléphone ; il fut éconduit puis ridiculisé par un avocat languedocien quelques jours plus tard, lors du colloque du G.R.E.C.E., qui s’était tenu dans le Pavillon Baltard. Faye se trouvait en 1985 devant un terrible dilemme : impossible de trouver pour chaque volume qu’il écrivait un généreux donateur comme Patrice Sage, qui n’avait évidemment pas une bourse inépuisable. Je fis appel aux amis d’Eurograf, dont le regretté Jean-Marie Simar, qui publia successivement, outre la seconde édition de L’Occident comme déclin, la plaquette Europe et modernité et la première version du Petit lexique du partisan européen, qui eut un succès retentissant, grâce à plusieurs éditions piratées, publiées jusqu’au seuil des années 2000. Dans Orientations, je publierai l’essai magistral intitulé « Critique du système occidental » (n°5, août-septembre 1984) puis deux études solides, « Les néo-conservateurs américains, exemple des contradictions internes de l’idéologie égalitaire » et « A la découverte de Thorstein Veblen » (Orientations, n°6, septembre-octobre 1985), toutes deux tirées d’anciens cahiers du SER dans le BI, la publication ultra-confidentielle qui servait de purgatoire à Faye, dont la majeure partie des textes étaient rejetés. Faye tenait toutefois éléments à bout de bras et gardait tout de même une barre certaine sur la revue, dont il choisissait les thématiques.

L’Occident comme déclin reste, à mes yeux, l’un des meilleurs textes de Faye. Qu’on en juge par les titres des chapitres : « Cosmopolis : l’Occident comme non-lieu » ; « Fin de l’idéologie ou idéologie de la fin ? » ; « Christopolis : l’Occident comme athéisme chrétien » ; « Antipolis ou la fin du politique » ; etc. Europe et modernité annonce très nettement les idées archéofuturistes de Faye, avec des chapitres tels : « L’hypothèse de l’inconscient pré-néolithique » ; « L’hypothèse de l’inconscient païen » : « L’échec de la nouvelle conscience et de la première modernité » ; etc.

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En 1984, Faye (avec Tillenon) organise un séminaire du SER, pendant une semaine, en Provence, sans la présence du pontife, qui rendait toujours l’atmosphère malsaine, par ses récriminations perpétuelles et sa geignardise que Philippe Baillet, caustique, appellera bien plus tard, dans deux articles critiques bien sentis, les rouspétances du « Dr. Peutt Peutt ». En ce juillet caniculaire de 1984, je suis de la partie avec un ami bruxellois, MC, qui venait tout juste, une semaine auparavant, de décrocher son diplôme de docteur en médecine. Il était devenu le plus jeune médecin de la place de Bruxelles. Et, bien sûr, je participe à la randonnée sur les crêtes du Lubéron, au départ de Cucuron, où je fis une formidable photo de Faye, avec une guitare en bandoulière.

Autre grand événement de l’époque : la participation à un séminaire sur les relations euro-arabes dans les locaux de l’Université de Mons en Hainaut, sous la houlette du Professeur Safar, qui y enseignait la langue arabe. Je m’y rends, au titre d’interprète avec les orateurs Faye, Bérard et Hadjidinas. J’y fus chargé, notamment, de traduire une intervention de Karl Höffkes, alors lié à la revue Wir Selbst de Siegfried Bublies qui fut, lui aussi, présent, très intéressé qu’il était à l’époque par les idées sociales et panafricanistes de Kadhafi. Faye y noua des relations hautes en couleurs avec… le représentant du Vatican à ce colloque de trois jours, le Père Michel Lelong, qui avait été chargé par Rome en 1975 de chapeauter le dialogue islamo-chrétien dans le cadre des diverses initiatives de dialogues interreligieux que patronnait le Saint-Siège. Hadjidinas était déjà malade et, le lendemain de ce colloque, prit un café avec moi sur la Grand Place de Bruxelles où, très paternellement, il me fit part de ses inquiétudes quant à l’avenir de Guillaume. J’ai été très touché par la sollicitude de ce vieux professeur grec qui, à la vieille de sa mort, avait deviné les dangers et la précarité qui guettaient Faye. Aujourd’hui, j’y pense rétrospectivement avec un chagrin certain. Que de bons amis avons-nous perdus ?

La situation de Faye devenait en effet de plus en plus précaire : Jean-Claude Cariou, secrétaire-général du G.R.E.C.E., avait été évincé de manière particulièrement ignoble en 1985 parce qu’il avait demandé, entre autres bonnes choses, que Faye reçoive un salaire décent et non plus son SMIC, parfois payé avec un lance-pierre. On rejetait tous ses manuscrits théoriques, hormis ceux, de brève ampleur, convenant aux dossiers d’éléments. Il n’y eut qu’une exception : Les nouveaux enjeux idéologiques, parus dans une nouvelle collection du « Labyrinthe » qui, finalement, ne compta que deux livres, celui de Faye et le Terre et Mer de Carl Schmitt. L’éviction de Cariou avait provoqué le départ immédiat du président du G.R.E.C.E., l’indianiste Jean Varenne, qui publiait Panorama des idées actuelles, un bulletin bibliographique auquel Faye a donné ses meilleures recensions : le départ de ce président prestigieux enlève encore une tribune à Faye. Cariou avait été remplacé par Gilbert Sincyr qui ne tiendra pas longtemps, lui aussi écoeuré du comportement de certains sicaires du pontife qui tissait sournoisement ses méchantes intrigues.

YBT.jpgA la fin de l’année 1986, Faye décide de jeter l’éponge, de quitter la « nef du fou », où, de toutes les façons, il ne pouvait plus rien faire. Il a tout de même la courtoisie de prononcer le discours qu’il avait promis de tenir au colloque de décembre 1986, où je fus moi-même appelé à la rescousse : le ton de l’allocution de Faye, donnée dans l’après-midi, trahissait néanmoins son aigreur et son mécontentement, pleinement justifiés. En 1987, il rédige un texte bref, annonçant son départ du G.R.E.C.E., et exhortant ses sympathisants à œuvrer en tous sens pour faire passer le message fondamental de l’association métapolitique, texte qu’il distribue en Suisse au rassemblement de la Lugnasad, le 1 août, jour de la fête de la Confédération helvétique. Plus tard, je traduirai ce texte en allemand pour DESG-Inform. Faye participe alors aux activités de Ker Vreizh, la maison bretonne du quartier Montparnasse à Paris, animée par Yann-Ber Tillenon et Goulven Pennaod. L’amitié entre Faye et Tillenon, née vers 1982, s’est nouée définitivement à cette époque : elle sera indestructible, preuve d’une fidélité exemplaire, jusqu’à la mort en mars 2019 de Faye. Ce groupe breton édite alors la revue Diaspad, au sein d’un « Cercle Maksen Wledig », nom celtique de l’Empereur romain Maxence. Faye confiera à cette publication des textes, sûrement d’une haute pertinence, mais dont je ne dispose malheureusement plus. Une analyse de ces articles mériterait certainement d’être faite pour lui rendre un hommage vraiment complet et pour expliciter chaque étape de son itinéraire personnel et intellectuel. Cette joyeuse bande bretonnante se réunissait à l’époque à la crêperie « Ti Jos » dans le quartier de Montparnasse. La même année, Faye publie, avec l’aide de deux amis, Burgalat et Falavigna, un journal très original, J’ai tout compris, qui ne parut malheureusement que quatre fois, avec un numéro particulièrement bien ficelé, alliant humour, cynisme, catastrophisme bien calculé, sur le SIDA, grand thème à l’époque. Krebs traduira en allemand les articles les plus pertinents de ce numéro consacré au fléau HIV, le virus qui semait la mort.

Les nouveaux enjeux idéologiques annonçaient, dès 1985 donc, les ouvrages plus polémiques de Faye, parus chez l’AEncre au début de la décennie 2000, avec, pour chapitres, « Société multiraciale, société multiraciste » ; « L’ethnocide des Européens » ; « La ‘tradition’ à la lueur de l’âme faustienne » et « L’identité européenne à l’ombre de la technique moderne ».

fbh-sid.jpgEn 1987, sous le pseudonyme de Pierre Barbès, Faye co-rédige un ouvrage très important, eu égard à l’ampleur que prend de nos jours le « politiquement correct », avec François-Bernard Huyghe : La soft-idéologie, livre paru chez Robert Laffont. Cet ouvrage m’a aussitôt paru fondamental et, avec Jean van der Taelen et Guibert de Villenfagne de Sorinnes, nous décidons d’inviter Faye et nous lui louons une salle du prestigieux hôtel Métropole, en plein centre de Bruxelles. Rogelio Pete, qui avait invité Alain de Benoist en mars 1981 dans le cadre d’un colloque sur la défense européenne, se charge, cette fois, de la logistique, car il avait, lui aussi, apprécié le contenu de la Soft-idéologie. La veille de la conférence, je reçois un coup de téléphone d’un militant du G.R.E.C.E., agissant en service commandé, pour m’engueuler copieusement d’avoir lancé cette initiative et pour agonir Faye des plus basses injures. J’ai eu beau jeu de lui dire que je n’étais pas l’organisateur du colloque et qu’il devait adresser ses réclamations à Pete, ce qu’il ne fit évidemment pas, parce qu’il n’avait pas le numéro de téléphone de notre ami hispaniste. Cette gesticulation, mêlant haine viscérale et stupidité abyssale, n’eut aucun effet. La conférence s’est bien déroulée.

Faye quittera cependant l’orbite de Diaspad pour entamer sa carrière d’une dizaine d’années à Skyrock, où il sera Skyman, et dans toutes sortes de médias comiques, multipliant sketches, canulars et blagues de potache dont je n’avais plus que des échos indirects. Je me rappelle vaguement d’un canular de Skyman-le-vengeur, appelant une dame un peu bêbête, qui tombait des nues, pour lui dire que son mari n’avait pas payé les honoraires d’un célèbre immunologue lyonnais, le Dr. Belmont. En pleine psychose du SIDA, bien entendu… Un jour, le béjaune que le bazboug tabagiste avait bombardé « secrétaire-général » du G.R.E.C.E. m’appelle et, avec une voix de bigote à qui un polisson aurait narré une histoire salace que la dite rombière n’ose pas répéter, me dit que « Faye a commis des facéties » dans l’Echo des savannes. Intrigué, je quitte mon bureau pour me rendre à la maison de la presse du quartier et me procurer le numéro, plein de photos révélatrices des « facéties » : Faye y avait fait une traversée de Paris, déguisé en handicapé moteur et mongolien, avec repas mouvementé à l’Hippopotamus, et une promenade germanopratine en aveugle, heurtant tout sur son passage avec sa canne blanche, renversant un présentoir de cartes postales et une pile de boîtes de conserve dans un Franprix. Plus tard, je le revois dans Paris Match, accompagné d’une sémillante secrétaire nommée Mary Patch ( !) : il est devenu le Prof. Kervous, ami personnel de Bill Clinton, fraîchement élu Président des Etats-Unis. Kervous est envoyé en mission secrète en Europe car Clinton a décidé en catimini d’avoir un secrétaire d’Etat aux affaires européennes qui doit être obligatoirement un Européen et le premier à obtenir cette charge sera un Français. Kervous sonde alors toute une série de politicards hexagonaux qui se bousculent pour avoir le poste, médisent de leurs collègues. Mary Patch enregistre le tout, qui fera un formidable papier dans Paris Match. Il y eut ensuite Faye, artiste-peintre lithuanien, présenté comme l’ami personnel du nouveau président de la Lituanie désoviétisée. En vingt-quatre heures, Faye et ses complices avaient peint une vingtaine de toiles, représentant de glorieux phallus en érection, qu’ils exposeront le lendemain dans une galerie pour les vendre au prix fort. Et ça a marché ! Ils rembourseront le lendemain en expliquant que c’était un canular mais le message politique, bien perceptible, était aussi clair que de l’eau de roche : l’art dit contemporain est une formidable supercherie. Faye et ses copains facétieux venaient de le prouver !

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En 1995, mes amis italiens des « Edizioni Barbarossa », qui publient une collection « Sinergie europee » me demandent, avec l’appui insistant de Stefano Vaj, de rédiger une préface à une nouvelle édition italienne du Système à tuer les peuples. J’en profite pour expliciter en profondeur la teneur philosophique des démarches de Faye (cf. http://robertsteuckers.blogspot.com/2012/01/lapport-de-gu... ) et pour dénoncer les mécanismes qui ont conduit à son éviction du mouvement auquel il avait, sans compter, sans hésiter, consacrer toute sa jeunesse, en ne terminant pas ses études pour se mettre au service d’un pontife qui ne cessera de lui mettre des bâtons dans les roues.

Puis, tout à coup, fin 1997, un entretien de Faye paraît dans une nouvelle revue qui fera son chemin, Réfléchir et Agir, animée à l’époque par Eric Rossi. Cet entretien avait été obtenu par « DW », militant de la mouvance qui, le malheureux, avait été entraîné dans une escroquerie, scandaleuse autant que ridicule, montée par un faux architecte et un mécanicien-dentiste, soi-disant deux «amis de la communauté », dont l’un fut, un moment, l’animateur principal de l’URPIF (« Unité Régionale de Paris-Ile-de-France ») et l’autre, un féal thuriféraire du pontife (et l’est resté), et est aussi, à l’occasion, le chansonnier de la bande mais, hélas, affligé d’une voix de crécelle enrayée, lui valant le surnom d’« Assurancetourix ». DW, qui avait été manipulé par ces deux intéressants personnages, avait écopé d’un séjour de six mois dans un célèbre hôtel de Fleury-Mérogis. Inutile de dire que le gars ruminait une certaine amertume. Il est venu me trouver à Bruxelles, m’a fait ensuite, au fil des mois, rencontrer Rossi à Paris, dont la thèse universitaire sur la mouvance nationale-révolutionnaire est certainement ce qui, jusqu’ici, se fit de meilleur, de même qu’un sympathique philosophe irakien, baathiste mais spécialiste de Marx. Puis, un jour, DW, excellent garçon, me téléphone pour me dire que Faye revient à la « métapolitique », après son entretien accordé à R&A, et que je suis le premier qu’il veut revoir !

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La façade de l'actuel "Schieve Lavabo", site de feu le "Cent histoires". C'est là que Faye et DW passèrent la première après-midi avec mes amis et moi-même au printemps 1998 !

Et voilà qu’un beau jour du printemps de l’année 1998, Faye, piloté par DW, débarque à Bruxelles, dans mon quartier. Il y avait onze ans que nous ne nous étions plus vus, depuis la conférence sur la soft-idéologie au Métropole et depuis le rassemblement de la Lugnasad, organisé par Pascal Junod, le 1 août 1987, en pays vaudois. Mais nous nous sommes tout de suite parlé comme s’il n’y avait pas eu de parenthèse, comme si la dernière réunion du SER avait eu lieu une semaine auparavant. Nous nous replions pour déjeuner au café le « Cent histoires », tenu par le fameux Hubert, natif de Bütgenbach, commune des cantons germanophones de la Belgique. Par un heureux hasard, Faye était arrivé à Bruxelles quand quelques amis allemands y séjournaient aussi, de même que Tomislav Sunic. Tous lui posaient des questions, revenaient sur des souvenirs du passé, d’autres, ignorant tout de la mouvance, étaient ravis de faire un brin de causette avec Skyman ou avec le fauteur d’une autre plaisanterie cocasse ou grivoise ou avec le collègue de la célèbre Tabatha Cash (photo), sulfureuse animatrice de Skyrock, toutes choses dont je n’avais jamais entendu parler.

TC-gf.jpgLe vin a coulé à flot. La facture s’allongeait et Hubert de Bütgenbach avait les yeux qui scintillaient comme ceux de Picsou quand il voit des dollars. Au beau milieu de nos libations, nous avons décidé que Faye participerait à l’Université d’été de « Synergies européennes » qui devait se tenir dans le Trentin en juillet. Il devait y présenter son nouvel ouvrage, paru à l’AEncre : L’archéofuturisme.  Le livre commençait par une critique très courtoise des dérives de la ND (canal historique et… hystérique), lignes qui attestent du caractère affable de Faye, prompt à la réconciliation et au pardon pour ceux qui l’avaient pourtant si profondément meurtri. Pour formuler cette critique courtoise, Faye avait policé un petit essai corrosif, qu’il m’avait envoyé quelques semaines plus tôt par l’intermédiaire de DW, et qu’il avait intitulé « La ND ou la planète des clowns » (tiens, au fond, ce texte traîne encore dans mes tiroirs…). Il formulait ensuite son idée-force d’« archéofuturisme » comme « réponse à la catastrophe de la modernité » et comme « alternative au traditionalisme ». Suite à cette double introduction sur les avatars de la ND et sur la définition de l’archéofuturisme, Faye nous offrait, dans son nouveau bouquin, une masse d’articles divers, dont quelques pages pertinentes sur la pensée de Carl Schmitt. Ensuite, deux essais : « Pour une économie mondiale à deux vitesses » et « La question ethnique et la question européenne envisagées d’un point de vue archéofuturiste ». L’ouvrage se terminait par une fiction : « Une journée de Dimitri Leonidovitch Oblomov – Chroniques des temps archéofuturistes ». Bref la machine était relancée.

gf-Archeofuturisme.gifEn effet, Charles Champetier, alors factotum principal du lugubre pontife, se dépêche de prendre un entretien avec Faye pour éléments. Puis vint l’université d’été. Nous nous rendons tous deux en train de nuit à Milan, accompagnés de Fleur, qui travaillait à l’époque pour les éditions de l’AEncre. Stefano Vaj, fidèle à l’esprit premier du SER, nous y accueille chaleureusement dans son club très huppé de notables sapés comme des milords (et nous étions en tenue de campagne…). Puis ce fut la route vers le Trentin, où, arrivés le soir, nous prenons nos quartiers. Le lendemain matin, les séminaires commencent avec, au programme, une conférence de Laurent Schang sur l’œuvre de Bertrand de Jouvenel. Il la prononce en français devant un groupe franco-allemand, dont faisait partie l’écologiste Baldur Springmann, pionnier de l’agriculture biologique, âgé de 87 ans qui avait conduit sa propre voiture depuis Hambourg pour venir nous rejoindre. Je traduis les propos de Schang. Faye, en retard, descend de sa chambre, s’installe à la table, écoute pendant cinq minutes ce jeu de discours et de traductions un peu fastidieux puis lance : « J’ai eu Jouvenel comme prof à la fin des années 60 ; voici ce qu’il disait…. ». S’ensuivit un cours magistral, et non préparé, sur l’œuvre de Bertrand de Jouvenel. Ce diable d’homme de Faye avait retenu la substantifique moelle des théories jouvenelliennes sur le pouvoir, trente-et-un ans après les avoir entendues à la Sorbonne ! Tour de force !

fayecoleur.gifEn 2000, suite à une plainte des habituels « vigilants » contre son ouvrage La colonisation de l’Europe, le pontife, crevant de trouille et dans l’espoir de se dédouaner (de quoi ?), monte une cabale contre Faye, revenu, un peu moins de deux ans auparavant, dans le bercail de la ND. Il le fait exclure de toutes les instances qu’il patronne et interdit à ses ouailles de le fréquenter et de le publier. Faye subit là une deuxième blessure inguérissable qui inscrira, très profondément, en son for intérieur, un désespoir sans rémission, expliquant plusieurs de ses dérives comportementales dont, personnellement, je m’empresse de le dire, je n’ai jamais eu à me plaindre. Pire : Alexandre Del Valle, alors copain comme cochon avec Faye et victime, lui aussi, de la vindicte obsessionnelle et hargneuse des sbires du pontife, avait tout juste repéré un entretien entre la rédaction du journal italien Lo Stato et les deux compères du saint des saints de la ND (canal historico-hystérique) : je veux dire le triste sire de Benoist et le pauvre manant de service Champetier. Dans leurs réponses, les deux zigomars chargent Faye, le traitant d’excité et de « raciste », apportant ainsi, de manière très perfide, de l’eau au moulin de ses adversaires face à la 17ème Chambre de Paris. Del Valle et Faye me téléphonent illico à Bruxelles, tous les deux dans un état de fureur déchaînée, pour me conter les vilénies imprimées dans Lo Stato. Je fouille mes archives et trouve, effectivement, une photocopie de cet entretien que m’avaient fait parvenir tout récemment mes correspondants italiens mais que je n’avais encore eu le temps de lire. Je traduis aussitôt les réponses des deux malandrins et les commente de manière assez acerbe ; espiègle et primesautier, je les balance sur le net pour  faire une petit buzz hebdomadaire, c’est toujours amusant... Champetier, piqué à vif, répond aussitôt et envoie sa réponse à tout le fichier de la ND mais sans camoufler les deux mille adresses de ses destinataires ! Je les consulte et quelle ne fut pas ma stupeur en constatant qu’au fichier des sympathisants s’ajoutaient toutes les adresses des journalistes du Monde, du Nouvel Observateur, de quelques associations de vigilants. Bref, de la délation pur jus, de la méchanceté gratuite, une volonté délibérée de nuire. Pour défendre Faye, je disposais d’un coup, et de manière inespérée, de toutes les adresses, nouvelles et anciennes, de la ND. S’ensuivit une polémique, accentuée par une équipe qui s’était baptisée « Cercle Gibelin » et qui voulait remettre le temple au milieu de l’urbs, en fédérant les forces vives et désormais dispersées du « dextrisme » néo-droitiste, en le débarrassant enfin de ses traitres, de ses pusillanimes et de ses aggiornamentistes. Immédiatement après la polémique, Charles Champetier, qui avait participé à la curée contre Faye et qui avait consacré quatorze années de sa jeune existence au service du pontife, de ses 18 ans à ses 32 ans, était jeté hors de l’association comme un malpropre, parce qu’il fallait donner son salaire à un vieux cacique de la bande qui avait fait tant de bêtises priapiques à son boulot qu’on l’avait congédié et qu’il se trouvait sans ressources sur le pavé de Paris. On ne reverra jamais plus le p’tit père Champetier. Après quelques années très douloureuses, où il aurait ressassé avec amertume son éviction et affronté les déboires familiaux qui s’ensuivirent pour son épouse et leurs quatre pauvres marmots, le malheureux Charles serait retombé sur ses pattes et s’occuperait aujourd’hui d’écologie pratique dans de vertes et riantes campagnes, au fin fond de la France périphérique, loin des gaz de Paris et des cigarettes de son ex-mentor, quintessence emblématique de l’ingratitude.

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Gropello di Gavirate

Après sa seconde éviction et après la délation qu’il avait subie, Faye, sans doute profondément blessé et outré de cette veule trahison, a toutefois continué sur sa lancée avec l’appui inconditionnel de son éditeur : le combat devait continuer, avec les moyens du bord, au-delà des chagrins profonds que l’on pouvait ressentir. Il participe aux universités d’été de « Synergies européennes » en 2000 à Gropello di Gavirate, près de Varese en Lombardie, et en 2001 à Vlotho-im-Wesergebirge en Basse Saxe. Dans cette région idyllique du cœur germanique de notre Europe, surtout en ce bel été de 2001, Faye, une fois de plus, nous a étonnés. Un jeune ami, Thierry de Damprichard, prononçait une conférence sur la Beat Generation américaine. Dans le débat qui s’ensuivit, entre 21 heures et 22 heures parce que la chaleur de l’après-midi avait été trop intense, Faye, enthousiaste, refait un cours sur ces auteurs américains, très prisés à l’époque de sa jeunesse et, subitement, tombe tout raide en pâmoison. Les amis allemands appellent aussitôt l’ambulance et le médecin urgentiste. Un hôpital sur roues s’arrête devant la porte mais Faye, ranimé par un ami suisse, secouriste dans l’armée helvétique, refuse de se faire soigner, habitude que déplore d’ailleurs Yann-Ber Tillenon dans le bel hommage qu’il lui a rendu après son décès, dans une poignante vidéo parue sur « youtube ». Puis, il se rafraîchit, retourne devant ses jeunes auditeurs, reprend le fil de ses idées et achève son cours de littérature américaine !

plpe3510.jpgEn décembre 2001, nous nous retrouvons à Saint-Germain à Paris pour une conférence sur l’euro, qui allait être introduit en France et en Belgique une semaine plus tard. En 2001, Faye réécrit et complète son Petit Lexique du partisan européen, édité en 1985 par Eurograf dans la banlieue de Liège grâce à l’entregent de Jean-Marie Simar qui n’avait pas hésité une seule seconde à lui venir en aide. Sans cette initiative, ce lexique aurait terminé dans une poubelle des bureaux de la rue Charles-Lecocq. Faye, en 2001, le remanie complètement, l’étoffe, l’amplifie et, dès le tout premier sous-titre de cette version parue à l’AEncre, il annonce la couleur : « Faire bloc avec des idées claires contre l’ennemi commun ». Ce « manifeste de la résistance européenne » connaîtra un succès mérité, surtout dans ses versions allemande et anglaise.

En 2002 paraît à l’AEncre Avant-Guerre – Chronique d’un cataclysme annoncé. Un pavé de 382 pages avec, pour fleurons, les chapitres sur les « rebelles d’opérette », sur « l’intellectualisme comme anesthésiant », sur « la classe politique comme sarabande des clowns », sur le déclin du christianisme et de son anthropologie faussée, sur le retour nécessaire à une « philosophie vitaliste » pour lutter contre la « pensée dégénérée ». En 2004, nouvel ouvrage à l’AEncre, Le coup d’état mondial – Essai sur le nouvel impérialisme américain.  Ce livre est une analyse fine des ressorts de l’impérialisme américain mais propose, en son onzième et dernier chapitre, un projet d’alliance euro-russo-américain, que Faye nomme « Septentrion ». Notre auteur s’en prend également à ce qu’il appelle l’AAOH ou « l’anti-américanisme obsessionnel et hystérique ». Il plaide pour une critique réaliste et contre toutes les formes d’imprécation que véhiculaient et répandaient les discours anti-impérialistes et anti-américains des gauches marginales et du pontife acariâtre qui l’avait chassé deux fois de l’association, celle qu’il considérait, avec tristesse et amertume, comme sa « maison », celle où, plein d’espoir, il était venu frapper sur le coup de ses vingt ans.

Dans mes propres publications de l’époque, peu de choses sont finalement parues, sauf :

  • -L’annonce du retour de Faye dans le numéro 3 de Réfléchir & Agir, avec brève recension de ses propos recueillis par Maxime Lion (in : Nouvelles de Synergies Européennes, n°30/31, octobre-décembre 1997, p. 35).
  • - Un entretien accordé par Faye au quotidien Il giornale d’Italia, dans le cadre de l’Université d’été 1998 de « Synergies européennes ». Propos recueillis par Michele Fasolo, le 24 juillet 1998 (in : Nouvelles de Synergies Européennes, n°35-36, juillet-septembre 1998, pp. 34-35).
  • - Un dossier « Guillaume Faye » dans le n°46 de Nouvelles de Synergies Européennes (juin-juillet 2000, pp. 9 à 16). Il s’agissait de prendre la défense de Faye après son expulsion des réseaux de la ND, canal historique, et de rendre compte de l’impact, en Italie, de ses ouvrages les plus récents. Textes : « Faut-il lyncher Guillaume Faye ? » par le regretté Pierre Maugué ; « Du dextrisme » par Patrick Canavan, texte reprenant les thèses du « Cercle Gibelin », qui entendait remettre les pendules à l’heure dans l’ensemble de la mouvance néo-droitiste ; « Questions à la ‘nouvelle droite’ – La ND française à la croisée des chemins », toujours par Pierre Maugué ; « Déracinement ou archéofuturisme ? » par le Prof. Augusto Zuliani (recension parue dans le quotidien milanais La Padania, 24 février 2000) ; « Guillaume Faye ou des racines archaïques du futur » par Angelo Mellone, paru dans la prestigieuse revue Area en mars 2000 ; « Archéofuturisme : cette civilisation ne passera pas la nuit… » par Claudia Gualdana, article préalablement paru dans le grand quotidien Il Sole-24 Ore, le 30 janvier 2000).
  • - Un entretien avec Guillaume Faye dans Au fil de l’épée, n°30, février 2002. Propos recueillis par Victor Marck et tirés du net. Faye y évoque son nouveau livre Avant-guerre.
  • - Un article en défense de Guillaume Faye, insulté dans la revue éléments par un certain Jean-Charles Personne, surnommé le « Bidasse Nemo ». Lothaire Demambourg avait trempé sa plume dans le vitriol pour fustiger, à la mode de Léon Bloy, ceux, toujours de la même clique, qui traînaient encore une fois Faye dans la boue (in : Au fil de l’épée, recueil n°46, juin 2003). La polémique n’était pas piquée des vers ! 

corvus-convcat.jpgDe 2000 à 2007, Faye est venu plusieurs fois en Belgique pour présenter ses thèses et ses livres. En 2004, nous sommes tous deux à Gand. Il participera à plusieurs colloques au Château Coloma, à Sint-Pieters-Leeuw, à l’initiative de Georges Hupin, qui, avec son épouse, l’accueillera toujours avec une bienveillance toute paternelle dans leur belle demeure du quartier « Art Nouveau » d’Anvers. En 2006 à Bruxelles dans la salle du Ravensteinhof, nous présentons à deux La convergence des catastrophes, excellent livre qu’il avait écrit en 2004 sous le pseudonyme de Guillaume Corvus (ma contribution à cette conférence commune : http://robertsteuckers.blogspot.com/2013/12/guillaume-fay... ). En 2007, nous participons à un colloque à Termonde, organisé par Chris Roman de l’association « EuroRus », visant à concrétiser un dépassement de l’occidentalisme en Europe qui aurait pour corollaire une réconciliation définitive avec la Russie. Chris Roman invitera encore Faye à débattre avec le penseur russe Pavel Toulaev (Tulaev), notamment sur la notion d’« Eurosibérie » que notre ami russe trouvait inadéquate, la Sibérie n’ayant jamais été un sujet de l’histoire parce que, dans cette immense région du monde, seule la Russie le fut, du moins après la disparition du grand ensemble gengiskhanide. Le débat s’est effectué dans la courtoisie dans la belle bibliothèque de Roman.

En 2007, Guillaume Faye rencontre Jules Dufresne, homme très jeune, qui vient alors de fonder les Editions du Lore. Un premier livre sort dès cette année-là, qui suscitera une terrible et résiliente polémique : La nouvelle question juive (2007). C’est évidemment le sujet qui fâche : les positions prises par Faye n’ont satisfait personne, inutile de le dissimuler. Personnellement, je pense qu’il n’aurait pas dû aborder le sujet car la catégorie dans laquelle on l’avait placé, surtout après le procès qui lui fut intenté après la parution de La colonisation de l’Europe, ne permettait pas d’aborder la question juive de manière sereine même si Faye avait pour intention louable de mettre un terme à des préoccupations monomaniaques souvent stériles, exprimées dans les différents cénacles où elles se manifestaient (nationaux pro-palestiniens, nationaux philo-sionistes, pro-palestiniens en faveur et en défaveur de l’immigration, antisionistes défavorables à l’immigration, etc.). Malgré les 396 pages qu’il a noircies en essayant de traiter de toutes les facettes de la question, il n’a pas su créer un nouveau consensus face à cette problématique pour le moins épineuse. Il a récolté l’étiquette de « sioniste » et le surnom de « shabbat-goy », qu’on lui faisait partager avec Del Valle. L’ouvrage demeure toutefois symptomatique d’un état d’esprit qui régnait effectivement dans les milieux non-conformistes dans la première décennie du 21ème siècle. Sa lecture est dès lors incontournable. A titre documentaire.

gf-wofuer.jpgPierre Krebs,  -que nous avions rencontré pour la première fois en 1981 dans l’appartement de la jeune femme qui hébergeait Faye, dans sa chambre de bonne, et avait accessoirement servi des rillettes au sinistre pontife entre Hong Kong et Las Vegas-,  avait publié une version allemande de Pourquoi nous combattons (Wofür wir kämpfen) en 2006. Il l’avait préfacée avec Andreas Molau qui invite aussitôt Faye à Bayreuth, fin avril, pour un prestigieux colloque allemand et européen où Enrique Ravello et moi-même prenons également la parole. Des émissaires du pontife essaient en dernière minute de torpiller cette édition que le colloque avait annoncée : Faye remarque leur manège dans la salle et m’en parle, visiblement ému car cette tentative retourne une fois de plus le couteau dans la plaie secrète de notre homme mais qui, même invisible, reste si vive... Je fonce tout de suite vers les deux gogols, braves types dans le fond mais légèrement handicapés de la dure-mère, et je leur dis : « Fantastique ! Un livre de Guillaume Faye va enfin paraître en allemand ! Il faut s’en réjouir ! Un homme aussi génial ! Et dire que des envieux ont toujours dénigré cet orateur hors pair !». Ils n’ont pas osé me contredire. Ce fut donc un coup dans l’eau pour les habituels nuisibles. Un de plus. Caramba ! Encore raté ! Krebs et Molau n’ont pas cédé. C’est ce que j’aime dans ce milieu : Beharrungsmenschen !

Il faudra attendre 2011 pour que les éditions du Lore, toujours dirigées par Jules Dufresne, publient Sexe et dévoiement, une somme de 371 pages récapitulant toutes les idées de Faye sur la sexualité et l’histoire de la sexualité, de l’antiquité à la christianisation et de l’époque moderne à l’ère postmoderne. Il s’agit d’une somme inégalée dans la mouvance. L’ouvrage est l’amplification et l’approfondissement de sa brochure rédigée en 1983, Sexe et idéologie. En 2012, les éditions du Lore sortent deux nouveaux ouvrages de Faye, Mon programme et Archéofuturisme V2.0. Mon programme est, comme son nom l’indique, un programme politique à appliquer immédiatement si, tout d’un coup, il y avait vacance de pouvoir et si nous étions les seuls à pouvoir la combler. Le texte peut encore et toujours inspirer mais n’oublions pas que la réalité politique est désormais de plus en plus volatile et que ce type de programme est rapidement obsolète. Archéofuturisme V2.0 est une série de « nouvelles cataclysmiques », qui ont le grand mérite de l’originalité, dévoilant simultanément une facette de romancier que Faye n’a finalement que peu exploitée. Début 2013, le Lore publie une brochure, dans le style de celles qui étaient jadis produites par le G.R.E.C.E. : elle est intitulée La nouvelle lutte des classes. Faye y annonce le collapsus social, dû, entre autres choses, à la multiplication exponentielle des castes parasitaires inutilement importées qui ne contribuent pas à la richesse de la nation. Cette brochure s’inscrit donc dans la logique inaugurée dans La colonisation de l’Europe. La coopération de Faye avec les éditions du Lore s’arrêta là.

Il coopéra par la suite avec les éditions Tatamis dirigées par Jean Robin, où il sortit un Comprendre l’islam, dont je ne possède pas (encore) d’exemplaire. Enfin, chez un cinquième éditeur, Daniel Conversano, Faye sortira son ultime bouquin, intitulé La guerre civile raciale, que j’attends avec impatience.

Mais la grande avancée de Faye au cours de la deuxième décennie du 21ème siècle se produisit dans les pays anglo-saxons. Grâce aux éditions Arktos, patronnées par Daniel Fridberg, Suédois, et par John Morgan, Américain, Faye connaîtra des tirages bien plus importants qu’en France et une diffusion mondiale grâce à d’excellentes traductions dûment annotées. En voici la liste :

  • - Archeofuturism (2010).
  • - Why we fight (2011).
  • - Convergence of catastrophes (2012).
  • - Sex and deviance (2014).
  • - The colonisation of Europe (2016).
  • - Archeofuturism 2.0 (2016).
  • - Understanding Islam (2016).
  • - A Global Coup (2017).

gf-battle.jpgDans la vaste mouvance américaine, aucun sabotage de ses livres n’a eu lieu. Les sites de Greg Johnson et de Jared Taylor, suivi par beaucoup d’autres, en font une publicité ininterrompue. Le matraquage sur les réseaux sociaux est incessant. Le spécialiste de la « nouvelle droite »  française aux Etats-Unis, le formidable Michael O’Meara, lui consacre un petit livre, Guillaume Faye and the Battle of Europe (Arktos, 2013), qui a le mérite d’expliciter l’œuvre de Faye en consolidant chaque argument d’un bon appareil de notes. Dans le seul exemplaire américain de son œuvre que je possède, une copie de Why we Fight, que Faye m’a remis à Paris le 4 juin 2011, je découvre une préface de O’Meara où Faye est décrit comme le prophète du « Quatrième Age », suivie d’une traduction en anglais de la préface allemande de Krebs. Les noms de tous ceux qui ont permis cette édition anglaise de Pourquoi nous combattons figurent en page 4 du volume : le traducteur O’Meara, l’éditeur John Morgan et le co-éditeur australien, excellent connaisseur de la langue française, Matthew Peters, le réalisateur de la couverture Andreas Nilsson et l’incontournable Daniel Fridberg. On peut supposer que cette excellente équipe n’a pas été importunée par les habituels cloportes expédiés depuis la sombre officine parisienne du gourou… Très récemment, quelques jours avant le départ définitif de Faye, le gourou a vomi sa colère et son dépit (hu...hu…hu… !) dans les colonnes du quotidien italien La Reppublica : les représentants de l’Alt-Right, proclamait-il, ne sont que de « petits extrémistes ridicules », qui lui ont pourtant financé de belles éditions de ses propres pensums et quelques voyages d’agrément dans les Amériques…  Toujours l’ingratitude foncière de l’indéboulonnable Dr. Peutt Peutt…

Mais les dédouanements du pontife Peutt Peutt n’ont aucune incidence, ne servent strictement à rien : en date du 28 mars 2019, vingt-deux jours après la mort de Faye, paraît une longue « étude » d’un certain Dan Glazebrook sur le site de « Democracy and Class Struggle » (= Démocratie et lutte des classes » - titre : « The Browning of the Left : How Fascists Colonised Anti-Imperialism » - https://democracyandclasstruggle.blogspot.com/2019/03/ ). C’est un long pensum de cerveau mou, genre antifa, sur le grand manitou que nous avons côtoyé tous deux pendant si longtemps. Jugeons-en : le manitou est l’homme qui, sur cette planète, « brunit la gauche »  et qui « s’approprie les concepts de la gauche pour les mettre au service d’un fascisme plus politiquement correct » ; « sa carrière politique a commencé en applaudissant directement les impérialistes jingoïstes dans des livres tels ‘Le courage est leur patrie’ et ‘Rhodésie : terre des lions fidèles’ » ; « il a surfé sur les concepts de la nouvelle gauche de façon à mettre au goût du jour une forme explicitement fasciste de politique identitaire » ; « sa nouvelle droite a immédiatement adopté la phraséologie captatrice de la nouvelle gauche sur le ‘respect de la diversité’ et le ‘droit à la différence’ pour se faire l’avocate d’une politique prônant la séparation des ethnies, qui seront alors racialement purifiées » ; « il recyclait les théories d’un apartheid global, propre des racistes du 19ème siècle, qu’il cherchait explicitement à réhabiliter » ; « de cette manière, …, il cherchait à implanter l’injonction de Hitler de créer un peuple prêt au fascisme » ; « il jette effectivement les fondations d’une politique identitaire blanche au cœur du fascisme moderne ». Tout cela, je suis d’accord, c’est le blabla abscons que l’on entend depuis de longues décennies, et qui est l’indice d’une sévère pétrification mentale, mais, voilà, ces accusations ne seront plus, dans un avenir proche, adressées à Faye, l’homme qui ne mâchait pas ses mots, mais bien à celui qui l’a toujours systématiquement enfoncé dans l’espoir de se dédouaner, de passer chez les badernes du système pour le gentil intello modéré face au méchant Faye, pitbull qui voulait mordre les pauvres salafistes et Savonarole postmoderne qui ne cessait de calomnier les braves wahhabites… (le tout avec l’aide très hypothétique de Tsahal), face aussi à l’alt-right américaine, composée de « petits extrémistes ridicules » qui se servent de son auguste personne pour se faire valoir (comme si ces gens avaient besoin, pour se hausser le col, d’un vieillard parisien radoteur, interlocuteur récent d’autres radoteurs séniles de l’autre bord dans les colonnes du Figaro ou du Causeur…). Faye a d’ailleurs eu les mots qu’il fallait pour les « repentis », et, a contrario, ce Dan Glazebrook les confirme. Ecoutons Faye : « Ceux qui, jadis, ont commis des erreurs de parcours, des péchés de jeunesse, des écarts abominables, et qui veulent se faire pardonner en montrant patte blanche. Hélas, ils ne parviennent pas à détacher de leur queue les casseroles tintinnabulantes, quelque effort, grouillerie, reptation, léchage, renvoi d’ascenseur qu’ils fassent » (Avant-guerre, p. 207). Cqfd. 

En octobre 2018, plusieurs amis me téléphonent pour me dire que l’état de santé de Guillaume Faye est alarmant. Il est hospitalisé. On connaît la suite. Mais sa réplique aux médecins et aux amis qui ne lui cachaient pas la vérité est vraiment formidable et on aimerait tous avoir la même froide sérénité aux moments ultimes : « J’ai 69 ans, je mourrai au même âge que Platon, également d’un cancer… ». La Parque a coupé le dernier fil que le liait à la vie le 6 mars 2019, peu avant minuit. Son cercueil a été placé dans le caveau familial, dans le cimetière d’un village près de Poitiers (Faye se disait « Poitevin »). Yann-Ber Tillenon lui a placé sur la poitrine l’aigle de Maksen Wledig. Le camarade Bruno a glissé une carte de la « Grande Europe » (Sibérie comprise), avec un texte poignant. Philippe Gibelin a présidé à la cérémonie. Daniel Conversano était présent. D’autres amis de la région s’étaient déplacés. Des bouquets de fleurs entouraient sa pauvre dépouille, bouquets d’une grande beauté parce que d’une grande simplicité. Je suis heureux que Faye ait retrouvé sa terre, sa famille, son enfant au bout de son interminable errance dans une certaine solitude, au bout de sa désinstallation permanente qui fut toujours marquée du sceau du tragique, en dépit de sa joie apparente, de la joie affichée qui cachait sa grande douleur.

C’est Pierre Vial qui a trouvé les mots les plus justes pour évoquer le destin de Faye. Vial a mis le doigt sur la vérité nue, cruelle qui était là, au fond de sa personne et qu’il dissimulait (mais tristement) derrière un panache truculent. Ainsi, Vial écrit qu’au G.R.E.C.E. « ses talents ont fait merveille. Peut-être trop au goût de certains egos surdimensionnés à qui il faisait (sans le vouloir) de l’ombre ». Personnellement, je peux témoigner de la pertinence de cette phrase… Et, Vial ajoute : « Quand le divorce avec certains hiérarques de la Nouvelle Droite est devenu inévitable, il a été touché au plus profond de son être et nous avons été peu nombreux à nous en rendre compte ». Enfin : « Il y avait en lui des blessures qui ne se sont jamais refermées ». Ces blessures ont été constamment ravivées par les mêmes ignobles personnages car, il faut le dire, en extrapolant très légèrement les propos de Vial, que Guillaume a été un homme que l’on a délibérément voulu tuer à petit feu, un homme qui fut littéralement kapotgekoeioneerd ou kaputtkujoniert comme on dit en néerlandais et en allemand (c’est-à-dire, « couillonné jusqu’à en crever »). Une volonté qui n’émanait pas de l’ennemi mais de son propre camp ! En l’humiliant et en l’insultant à longueur de journée dans les années 1980, alors que son travail était exemplaire ; en colportant les pires ragots sur sa personne dans les années 1990 et 2000. Or, les comportements qu’on lui prêtait, personne, ici, dans les anciens Pays-Bas autrichiens ou aux Etats-Unis, ne les a remarqués ni a fortiori subis, sauf peut-être, en Bretagne, son troisième éditeur, Jules Dufresne (mais sans doute est-ce à cause de l’hydromel qu’il offre si généreusement à ses hôtes et à ses auteurs…). Ni Georges Hupin ni Guibert de Villenfagne ni Chris Roman ni Jared Taylor ni moi-même, qui l’avons régulièrement hébergé, n’avons eu à nous plaindre de lui. Pas davantage que ceux qui nous offraient le gîte lors des universités d’été en Italie ou en Allemagne. Honte donc à tous ceux qui l’ont meurtri sans raison, jadis, avec une cruauté abjecte et inquiétante (pour leur santé mentale), l’ont continuellement vilipendé, honte surtout à « ceux qui l’ont connu » et l’insultaient encore, quelques jours avant qu’il n’ait été porté en terre, méritant le titre de « clique » qu’un ancien de nos camarades, et non des moindres, leur a collé sur le dos dans un courrier qui m’était personnellement adressé, honte aussi aux petits roquets sans cervelle qui servent obséquieusement les vieillards haineux de la « clique » et répandent allègrement leurs phrases fielleuses sur la grande toile.

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Si Vial, en quelques phrases parfaitement ciselées, a bien mis le doigt sur le tréfonds de la problématique psychologique qui fut celle de la personne Faye, sur cette tristesse indicible et immense, inguérissable, qui l’avait transformé lentement et fait, du garçon généreux, joyeux et curieux qu’il était, un homme qui a basculé dans la farce pendant dix ans mais a voulu en sortir, un homme vieilli avant l’âge, miné par un mal sournois, Yann-Ber Tillenon dans une première vidéo rend très justement hommage à l’homme qui présentait des facettes multiples. Tillenon voit en Faye un penseur, un polémiste, un scénariste de canulars, un auteur de bande dessinée, un acteur capable de jouer n’importe quel rôle. Propos que Faye lui-même avait corroborés dans une émission récente de « TV Libertés » en disant qu’il avait toujours recherché cette multi-dimensionnalité que présentaient également les philosophes grecs de l’antiquité, ses modèles. En effet, la pensée de Faye est une réponse à l’unidimensionnalité du monde bourgeois, le sien au départ, qu’il avait rejeté de toutes les fibres de son corps, pour se vouer entièrement à la cause, au détriment de sa vie de famille, de toute carrière professionnelle cohérente. Sa réponse à l’unidimensionnalité (celle de Demesmaeker) n’était évidemment pas la même que celle proposée par Herbert Marcuse… encore que… Faye voulait un retour aux Grecs, à Aristote (ce qui le rapprochait d’Ivan Blot, disparu en octobre 2018), à Héraclite et rejetait ce qu’il appelait, avec Raymond Ruyer (1902-1987), les « nuisances idéologiques », toutes issues d’une modernité dévoyée.

Faye avait fait connaissance avec le G.R.E.C.E. au moment où celui-ci disposait d’un cercle à Sciences-Po à Paris, le « Cercle Pareto », et où les cadres du mouvement, suite aux leçons données par le sociologue allemand Henning Eichberg à la « Domus », dans la région d’Aix, avaient planché sur l’empirisme logique de l’école anglaise et sur le Tractatus logico-philosophique de Ludwig Wittgenstein. Domaine qui avait intéressé aussi Raymond Ruyer, alors professeur à Nancy et membre du comité de patronage de Nouvelle école. Pour l’école empiriste/logique anglaise, Ruyer, les disciples de Wittgenstein et leur interprète national-révolutionnaire allemand Eichberg, les discours scientifique et politique se devait d’être limpides, logiques, dépourvus d’ambigüités et d’affects incapacitants. Faye, après la lecture de Heidegger et de sa Lettre sur l’humanisme, concevait bien qu’une telle logique pure, et scolastique, ne pouvait s’adapter à la sphère effervescente du politique, toujours grevée d’irrationalité, parfois destructrice, parfois constructive. Cependant, il y avait, chez lui, la volonté de rejeter sans appel les ambigüités, les affects incapacitants et les ritournelles stérilisantes, tous figements qu’il convenait de briser, au marteau, à la mode de Nietzsche (comme, par exemple, quand il s’était mis dans la peau d’un « peintre lithuanien » à la mode…). Faye se disait « réalitaire et acceptant » contrairement à l’engouement pour la critique pure et déconstructiviste sur laquelle pariaient alors les gauches intellectuelles, dans le sillage de l’école de Francfort, du déconstructivisme français (la « French School ») et d’autres modes intellectualistes. L’imitation de ces travers par les sycophantes de notre propre mouvance était à rejeter avec la même vigueur. Pour échapper à cet irréalisme, à ces « nuisances idéologiques » et à ces affects incapacitants, il fallait renouer avec l’esprit hellénique de l’antiquité dans lequel, adolescent, dans son collège d’Angoulême, il avait baigné et même adorer se baigner. Une nouvelle paedia grecque et une immersion dans le mos majorum des Romains sont les antidotes aux dérives de la modernité tardive.

Par voie de conséquence, il ne fallait pas, dans notre mouvance, tenir compte des nuisances idéologiques pour pouvoir être admis dans des débats stériles (où « l’on discute du sexe des escargots ») orchestrés par les médias du système (à tuer les peuples) (cf. Avant-guerre, p. 206). Il ne fallait tenir compte que des faits, être en quelque sorte « factualiste » et non des idées fumeuses avec lesquelles le « paysage intellectuel français » faisait allègrement joujou pendant que la société toute entière partait en quenouille (« Contre le byzantinisme, retour au réel ! », ibid.). L’erreur majeure du pontife était donc de vouloir occuper des tribunes là où, en fait, on ne disait rien de concret, rien de « bouleversant ». Quant au paganisme fayen, il était classique, hellénique et romain car, ainsi, il permettait de renouer avec les humanités classiques, sans tomber dans les dérives du New Age, des mauvais lecteurs de Tolkien, des hippies recyclés dans une sorte de folcisme soft, etc. Benedikt Kaiser, représentant de la toute dernière génération de la « Neue Rechte » allemande, dans son texte sur Faye en date du 7 mars 2019 (sur https://sezession.de/60561 ), jour où nous avons tous appris le décès de notre ami, parle de sa volonté d’ancrage dans le réel, de sa Wille zur realpolitischen Erdung. Belle parole qui ne l’empêchera pas d’aller glander dans le club des lèche-derche du pontife dans l’espoir fou de recevoir une petite tape amicale sur la joue droite… Il a déjà donné tous les gages pour cela.

Faye, pour moi, était aussi, grâce à la formation qu’il avait reçue dans un collège de jésuites, un praticien des « arts de la mémoire ». Parfois, une magnifique conférence de deux heures était préparée sur un petit bout de papier froissé, un sous-bock, avec quelques mots-clefs et un « chemin » fait de quelques lignes et de quelques flèches. Son intervention sur Jouvenel dans le Trentin en juillet 1998 prouvait qu’il gardait certains de ces « chemins » dans un coin de son cerveau et pouvait les restituer tout de go. C’est un art que l’on a largement oublié en Europe aujourd’hui.

J’ai donc perdu celui avec qui j’ai marché pendant 44 ans, même si au cours de ces vingt dernières années, nous n’étions plus collègues : l’essentiel continuait à nous unir intellectuellement. J’aurais encore mille et une choses à dire et à écrire ici sur Faye. Mais, voilà, je pense avoir communiqué quelques pistes importantes pour ceux qui écriront l’histoire de la mouvance, à laquelle il a donné ses meilleures impulsions mais qui l’a chassé et renié, pour ceux qui veulent en comprendre les ressorts tout en épousant ses thèses essentielles, au-delà de la méchanceté de certains hiérarques qui, eux, méritent d’être oubliés, en tout cas, d’être exclus des tables où nous dînons. Nul besoin de commensaux pareils. Cependant, ce qu’il faut garder en tête, c’est que les idées demeurent, étaient là avant nous, seront là après nous, tandis que les hommes passent, les meilleurs comme les pires, car, très souvent, ils faillissent.

En tout cas, jamais je ne pourrai exprimer ma reconnaissance à Faye pour tout ce qu'il m'a apporté. Merci, Guillaume, repose en paix en terre poitevine, avec tes parents, à proximité du Futuroscope... La terre et les fusées... 

Robert Steuckers.

Forest-Flotzenberg, mars 2019.

The Rise of Unfreedom in the West

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The Rise of Unfreedom in the West

Our tradition of free debate, the sine qua non of democratic life, is increasingly under attack in academia, the media, and politics.

 
Andrew A. Michta is the dean of the College of International and Security Studies at the George C. Marshall European Center for Security Studies. Views expressed here are his own.

Europe: la Chine attaque l'Amérique!

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Europe: la Chine attaque l'Amérique!

 
 

Parallèlement à la Russie qui accueille en ce moment même le président libanais, quitte à inquiéter très sérieusement Américains et Israéliens qui ont peur de voir de riches réserves gazières quitter la côte israélienne de la Méditerranée pour se diriger vers la côte libanaise, la Chine a lancé cette semaine une terrifiante offensive contre les États-Unis en plein cœur de l’Europe « américanisée ».

Cette Europe qui s’accroche toujours au modèle américain, à l’OTAN ne voyant plus que le géant aux pieds d’argile qu’est l’Amérique, s’effondre comme un château de cartes.

En Italie, le président Xi Jinping a réussi un coup de maître. Faisant miroiter d’énormes intérêts que l’Italie, parent pauvre de l’Europe de l’Ouest a à gagner, il a mis la main sur les ports et les aéroports italiens et a fini par convaincre les Italiens d’adhérer à la route de la soie. Ce concept qui terrorise les Américains, ne devait pas trop plaire à Emmanuel Macron, représentant pur et dur de l’atlantisme moribond. Et pourtant, arrivé à Nice, en fin stratège militaire qu’il est, Jinping a su trouver les mots et les « sommes » pour séduire Jupiter qu’accompagnait l’Allemande Merkel et l’européiste, Junker.

Bien que la Macronie ait apposé une fin de non-recevoir catégorique au méga-projet « l’Initiative route et ceinture (BRI) », son président avait convié à Paris la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, rien que pour avoir un sommet tripartite avec Xi. Cette rencontre a réuni les trois plus puissants personnages de l’Union Européenne face au numéro un chinois.

Des sources proches des pourparlers, citées par Sputnik, affirment que la partie chinoise a tenté de dissuader l’Europe de recourir à des sanctions et que la dynamique sanctionnelle déclenchée par Washington vise avant tout les intérêts européens. Le président chinois a aussi encouragé la France à emboîter le pas à l’Italie dans le cadre de la BRI. Et cet encouragement est passé par d’alléchants contrats auxquels même la Macronie n’a pas pu dire non.

«La Chine et la France ont signé un contrat de 30 milliards d’euros pour la livraison à Pékin de 300 avions Airbus. C’est sans doute le résultat le plus tangible de la visite de Xi Jinping à Paris. Il témoigne de la confiance de la Chine envers Airbus, ce qui est particulièrement important sur fond de problèmes avec les appareils de Boeing et alors que les États-Unis multiplient leurs offensives contre l’industrie aéronautique française en imposant aux pays européens leurs F-14, leurs F-16 ou encore leurs F-35 …

 » Qu’a-t-elle la France à s’obstiner à refuser la perspective particulièrement prometteuse que lui offre la BRI ? La semaine dernière, le président US a porté un nouveau coup dur à l’OTAN en ouvrant grand ses portes au Brésil, un pays qui ne fait pas partie de l’axe transatlantique. La décision a été prise sans consultation avec les membres de l’Alliance dont la France qui s’est toutefois soumise aux exigences militaires des États-Unis. Dans presque tous les dossiers militairo-sécuritaires, de la Syrie au Yémen en passant par l’Irak voire l’Iran, la France de Macron s’est totalement alignée sur Washington pour n’avoir in fine que le mépris et l’irrespect de l’administration US, se demande Hanif Ghafari, interrogé par Press TV.

« Une chose est néanmoins sûre : le départ du Brésil de BRICS se fera rudement ressentir par les puissances qui en font partie. La Chine prépare sa revanche : elle vise le cœur même de l’alliance atlantiste et anticipe la perspective d’un BRICS sans le Brésil. Pékin travaille à remplacer l’Union Européenne par une Union eurasiatique et la France finira, elle aussi par comprendre que ses intérêts résident en Asie et non pas à l’autre côté de l’Atlantique ».


- Source : Pars Today (Iran)

Les derniers rebelles alsaciens

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Les derniers rebelles alsaciens

par José Meidinger

Ex: http://www.bvoltaire.fr

Martin-Graff-Mange-ta-choucroute-et-tais-toi.jpgQui l’eût cru ? La très sage, la respectueuse, la tranquille Alsace et ses habitants, souvent plus français (« Hourrah Franzosen ») que les Français eux-mêmes, ruent depuis quelques mois dans les brancards hexagonaux, réclamant un « Elsass-Exit » de cette région Grand Est bricolée à la hâte par Hollande à la fin de son mandat présidentiel, redessinée dans ses contours avec Manuel Valls, sur un coin de table élyséen. L’un de ses contempteurs les mieux inspirés, Martin Graff, le « trublion franco-allemand », est de ceux, avec les militants d’Unserland, que cette dissolution de force de l’Alsace dans le Grand Est hérissait au plus haut point. Inlassable pourfendeur des diktats parisiens, cet éternel « empêcheur de penser en rond » – bienvenue au club – nous avait pourtant prévenus dans son abrasif best-seller alsacien Mange ta choucroute et tais-toi, un pamphlet décapant sur le personnel politique, culturel et économique de notre région qui, aujourd’hui, tant bien que mal, cherche peu ou prou à reprendre la main pour redonner à l’Alsace son identité perdue dans le cadre, cette fois, d’une Collectivité européenne.

À l’instar d’Ernst Jünger (Der Waldgänger), notre rebelle des forêts vosgiennes de la vallée de Munster, Martin Graff, avait un cousin de cœur en Crète, René Ehni, l’un des derniers écrivains alsaciens publiés nationalement (chez Christian Bourgois, La Gloire du vaurien) à vouloir ruer, à son tour, dans les brancards d’une Alsace aseptisée, ankylosée, autosatisfaite… René Ehni en avait à ce point gros sur le cœur qu’il avait quitté à jamais cette Alsace qui, me confiait-il, ne ressemblait plus qu’à « un immense champ de maïs planté de fanions du Crédit mutuel », comme l’a croqué si joliment un jour mon ami Maurice Roeckel (Les Étoiles d’Alsace), rebelle impénitent de la malbouffe en Alsace. René Ehni, exilé au pays de Zorba, converti sous le nom de Nicolas à l’orthodoxie, ne supportait plus le « blabla alsacien » et ses éternels atermoiements. Figure explosive et explosée du Saint-Germain-des-Prés des années 70, grand agitateur d’idées à la sexualité parfois ambiguë, Nicolas Ehni écrit toujours à l’ancienne, tape ses manuscrits sur une machine à écrire Erika de l’ex-Allemagne de l’Est, et l’on attend avec impatience ses prochains délires vivifiants.

schittlycolchiques.jpgIl faudrait également, au Panthéon des écrivains rebelles alsaciens contemporains, ne pas oublier Louis Schittly, cofondateur avec Bernard Kouchner de Médecins sans frontières, et à ce titre colauréat du prix Nobel de la paix. Le sundgauvien Louis Schittly (L’Homme qui voulait voir la guerre de près) est également l’auteur d’Un automne sans colchiques, un roman à feuilleter à voix haute, avec le colchique, une plante bulbeuse indigène répartie surtout sur l’est de la France.

Enfin, comment ne pas garder pour la bonne bouche « l’ogre » Gérard Oberlé, né dans un canton alsacien à la frontière de la Lorraine. Avec Retour à Zornhof, un « voyage d’hiver » rythmé par le cycle des lieder de Schubert, Gérard Oberlé, établi dans le Sud Morvan, essaye de faire enfin la paix avec sa terre natale. Le récit n’est pas autobiographique – enfin, pas vraiment -, avoue-t-il : « Ce sont les errances crépusculaires d’un romancier, un homme d’hier, un homme des sentiments anciens. Trois jours et trois nuits d’inventaire avant fermeture définitive. » Et il ajoute : « Dans un monde entièrement d’apparences, il faut, malgré un sentiment délicieux de la vanité des choses, essayer de garder l’enchantement persistant. »

Der Migrant: Ein öffentlicher Feind?

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Der Migrant: Ein öffentlicher Feind?

jeudi, 28 mars 2019

Le populisme ou la véritable démocratie

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Le populisme ou la véritable démocratie

Entretien avec Bernard Plouvier, auteur de Le populisme ou la véritable démocratie (éditions Les Bouquins de Synthèse nationale)
Ex: https://www.lesobservateurs.ch
« Finalement, le populisme, ce serait la réaction saine
d’un peuple qui souffre, qui est écœuré de ses soi-disant élites
et qui aspire à une vie plus digne,
faite de travail et d’honnêteté
dans la gestion des affaires publiques,
permettant d’espérer un avenir meilleur
pour les enfants et les petits-enfants… »
Dans ce livre, vous présentez ce que les bien-pensants et bien-disants interpréteraient comme un non-sens : l’assimilation du populisme à la démocratie. Est-ce une provocation à but commercial ou l’expression d’une intime conviction ?
Vous m’avez mal lu : je n’ai pas écrit du populisme qu’il était une forme de démocratie. Je prétends qu’il s’agit de la SEULE véritable démocratie, soit le gouvernement POUR le peuple. Le but de tout gouvernement est d’administrer au mieux le Bien commun, que, durant l’Antiquité gréco-romaine – qui est notre racine fondamentale, avec celles moins bien connues des civilisations celto-germano-scandinaves –, l’on nommait la Chose publique.
livreplouvier.jpgPourtant les démocraties grecques antiques n’ont pas été des régimes populistes.
Effectivement, ce que nos brillants universitaires (les historiens allemands sont généralement moins naïfs) nomment la « Démocratie athénienne » n’était qu’une ploutocratie. Pour faire simple, une ploutocratie est un gouvernement de riches qui n’agissent que pour donner à leur caste – héréditaire ou matrimoniale – et à leur classe – liée à la surface sociale – les moyens d’assurer la pérennité de leur domination.
Certes, un peu partout en Grèce, à partir du VIe siècle avant notre ère, on a introduit la notion d’égalité devant la Loi (ou Isonomia), mais cela ne touchait que les seuls citoyens, nullement les étrangers et moins encore les esclaves qui n’étaient que des biens mobiliers, assimilés aux choses. En outre, les citoyens pauvres n’avaient que le droit d’élire des riches pour administrer l’État. Soyons honnêtes, cela n’a guère changé en vingt-cinq siècles, en dépit du suffrage universel, détourné de sa finalité par d’énormes sommes d’argent dépensées avant chaque élection à des fins de propagande.
Or très rapidement, les peuples se sont révoltés. D’authentiques populistes ont dominé de nombreuses cités grecques antiques, puis Rome. Ces « tyrans » ont tous été élus, acclamés par le peuple, mais agonis par la classe des lettrés, issus de la caste nobiliaire. La mauvaise réputation du populisme est une affaire de règlement de comptes entre les riches et les chefs des pauvres.
Car, après une expérience populiste exaltante, les ploutocrates reviennent toujours et partout au Pouvoir, les pauvres étant trop souvent victimes de leur irréflexion et les gens des médias – de l’aède antique au présentateur d’actualités télévisées – sont fort vénaux et d’autant plus payés qu’ils sont plus efficaces dans la démagogie, soit l’art du pipeau… nous vivons, en France macronienne, une période de démagogie médiatique particulièrement efficace, où un agent des super-riches tente de persuader la classe moyenne qu’elle doit mépriser les pauvres.
Ce livre est donc une promenade historique, une visite guidée dans le Musée du populisme. Cela signifie-t-il qu’il existe des causes et des effets récurrents dans l’histoire humaine qui mènent au populisme ?
Bien évidemment et cela revient à dire qu’il existe des critères qui permettent à l’observateur de différentier un véritable populiste – être rare – d’un banal démagogue. Il faut être très critique à l’égard de ce qu’affirment les journalistes et les « politologues », cette curiosité contemporaine, lorsqu’ils balancent, un peu au hasard, l’appellation de populiste, qui est souvent, pour ces ignorants et ces malveillants, une accusation, alors que de nombreux exemples prouvent le bénéfice que certaines Nations ont retiré des gouvernements populistes. Et l’étude des échecs du populisme est également instructive.
Un chapitre entier du livre est consacré aux valeurs populistes et un autre aux critères, universels et diachroniques, d’un gouvernement authentiquement populiste. Et l’on étudie les différences qui existent entre le régime populiste et le despotisme éclairé.
Comment survient ce type de régime ?
Comme toujours en histoire, il faut, pour observer un phénomène hors du commun, la communion d’un chef charismatique et d’un groupe de compagnons résolus, unis par le même idéal… mais, hélas, pas toujours par des idées communes. Trop de théoriciens tuent un mouvement d’essence populiste avant qu’il puisse prétendre au Pouvoir. C’est ce que l’on a vu en France, en Belgique ou en Espagne durant l’entre-deux-guerres.
Ma question était mal posée : pourquoi un mouvement populiste réussit-il une percée ?
Ce type de mouvement résulte toujours d’un mal-être profond de la Nation, dans ses couches laborieuses et honnêtes. C’est ce qui suffit à différencier le populisme des partis marxistes, dirigés par de très ambitieux intellectuels déclassés et composés de sous-doués hargneux, envieux, très ambitieux et fort peu motivés par le travail effectif.
Dès qu’une ploutocratie cesse de proposer au peuple une ambition pour la génération active ou, de façon plus grave encore, une promesse d’avenir pour les descendants, elle devient insupportable. La situation devient intolérable, explosive, lorsque la Nation – soit la fraction autochtone du peuple – est menacée dans sa survie.
L’insurrection devient alors légitime, à moins qu’un mouvement, prenant en compte les besoins et les aspirations du peuple – singulièrement ces valeurs qui font l’identité d’une Nation –, rassemble une majorité électorale qui lui permette de parvenir démocratiquement au Pouvoir, ce qui évite l’insurrection, ses crimes et ses destructions.
Là encore, on mesure bien la différence entre le populisme et l’ignominie marxiste, où la Révolution est considérée comme le bien suprême, alors qu’elle est simplement nécessaire aux chefs et aux petits chefs pour se saisir des sinécures procurées par l’exercice du pouvoir.
Finalement, le populisme, ce serait la réaction saine d’un peuple qui souffre, qui est écœuré de ses soi-disant élites et qui aspire à une vie plus digne, faite de travail et d’honnêteté dans la gestion des affaires publiques, permettant d’espérer un avenir meilleur pour les enfants et les petits-enfants ?
Vous avez tout compris.
Le populisme ou la véritable démocratie, de Bernard Plouvier, éditions Les Bouquins de Synthèse nationale, 278 pages, 22 euros. Pour commander ce livre, cliquez ici.
Le populisme ou la véritable démocratie de Bernard Plouvier (Éd. Synthèse, 278 pages, 22 €)

Die Notwendigkeit der Geopolitik

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Die Notwendigkeit der Geopolitik

Politik ist ein Spiel von Macht und Herrschaft. Sie dreht sich in ihrem Kern um Interessen – um Interessen und ihre Durchsetzung. Die Frage, die sich hier unweigerlich stellt, ist die danach, welche Interessen Deutschland hat und was es zu unternehmen bereit ist, diese Interessen durchzusetzen.

GB-geo.jpgDabei richtet sich die Frage nicht danach, was die Bundesregierung oder präziser die Administration des Auswärtigen Amtes oder des Verteidigungsministeriums für deutsche Interessen hält, sondern welche Interessen sich mit Blick auf die Zukunft Deutschlands ergeben.

Die wichtigsten Interessen sind dabei diejenigen, die in direktem Zusammenhang mit der Selbsterhaltung Deutschlands stehen. Deutschland ist zwar Exportweltmeister, aber damit überhaupt irgendein Endprodukt oder ein Zwischenprodukt Deutschland verläßt, sind Rohstoffe ein entscheidendes Importprodukt. Neben Rohöl und Erdgas als Primärenergieträger, sind das vor allem Metalle und seltene Erden. Sie sind für die deutsche Wirtschaft überlebenswichtig.

Die Gewährleistung der Versorgung mit diesen Rohstoffen wird als Versorgungssicherheit bezeichnet. Sie ist das erste und wahrscheinlich bedeutendste Interesse, wenn es um die Selbsterhaltung Deutschlands geht.

Das zweite Interesse in diesem Zusammenhang ist die Sicherheit. Sie hat zwei Dimensionen: die innere und die äußere Sicherheit. Beide überschneiden sich gelegentlich. Zur inneren Sicherheit gehören Dinge wie die Vermeidung von Kriminalität, der Schutz des Eigentums oder der körperlichen Unversehrtheit. In den Bereich der äußeren Sicherheit fallen Dinge wie die Abwehr von direkten Angriffen, der Schutz vor den Gefahren der Migration oder die Bekämpfung des Terrorismus.

Erst als drittes Interesse im Hinblick auf die Selbsterhaltung Deutschlands ist die Versorgung mit Nahrungsmitteln zu nennen. Deutschland ist nur im Hinblick auf solche Nahrungsmittel auf den Import angewiesen, die hier nicht produziert werden können. Nahrungsmittel der Grundversorgung gehören hier nicht dazu. Das bedeutet, daß die Versorgung mit Nahrungsmitteln primär gegen Bedrohungen von innen geschützt werden müssen.

Ein mögliches Krisenszenario wäre etwa die Verseuchung des Trinkwassers einer Millionenstadt wie Köln oder München mit Chemikalien durch Terroristen. Versorgungssicherheit, die Abwehr krimineller, terroristischer und kriegerischer Aktivitäten sowie die Versorgung mit Nahrungsmitteln – diese drei wesentlichen Interessen der deutschen Selbsterhaltung müssen mit allen Mitteln geschützt werden. Dazu gehört letztlich auch der Einsatz der Bundeswehr, im Inneren genauso wie gegen eine äußere Bedrohung.

Gereon Breuer: Geopolitik. Das Spiel nationaler Interessen zwischen Krieg und Frieden. BN-Anstoß VI. Chemnitz 2015. Sonderangebot: 5 Euro statt 8,50 Euro. Hier bestellen!

Michael Snyder et la dystopie californienne

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Michael Snyder et la dystopie californienne

Par Nicolas Bonnal

Ex: https://leblogalupus.com

Les films de dystopie (Blade runner, Rollerball, Soleil vert) nous promettaient un futur abominable et surréaliste, et en vérité nous avons un futur nul qui confirme l’observation de Léon Bloy faite en 1906, à savoir que nous sommes déjà morts. On est dans un monde bête, laid, matérialiste, certes surpeuplé, mais qui ne va pas trop mal, qui fonctionne globalement. Ce n’est pas grave, on continue dans les fictions de nous promettre un futur abominable au lieu de nous montrer notre présent cher et dégoûtant… Il semble que ce pessimisme extra soit de mise dans nos sociétés pour établir la dictature ou cet imprécis ordre mondial dont rêve une partie des élites humanitaires. On nous promet le pire pour nous donner des ordres. Mais c’est un autre sujet… je maintiens que le seul film de dystopie réaliste reste Alphaville puisqu’il montrait notre décor, notre apparence de réalité, mais truffé de contrôle mental et cybernétique. C’est bien là que nous sommes, et pas dans les espaces infinis.

ms-bend.jpgJe lis Michael Snyder et son blog apocalyptique depuis des années et je fais donc attention chaque fois qu’à la télévision on montre des images de la vie quotidienne en Amérique. Or de petits films sur mes espagnols à travers le monde démontrent qu’effectivement les conditions de vie aux USA sont devenues sinistres et hors de prix, sans qu’on puisse évoquer la poétique de Blade runner…Plusieurs amis fortunés qui font aussi des allers et retours et m’ont confirmé que le vieil oncle Sam coûte bien cher, comme Paris, Londres et des milliers d’endroits (même se loger en Bolivie devient un exploit, vive Morales-Bolivar-Chavez…), pour ce qu’il offre ; d’autres amis moins fortunés, universitaires, survivent durement. Car il y a en plus les persécutions politiques qui gagent nos si bienveillantes démocraties…

On écoute les dernières révélations de Snyder sur la Californie :

« 53% des californiens veulent partir… Cela montre simplement ce qui peut arriver lorsque vous laissez des fous diriger un État pendant plusieurs décennies. Dans les années 1960 et 1970, la possibilité de s’établir sur la côte ouest était «le rêve californien» de millions de jeunes Américains, mais à présent, «le rêve californien» s’est transformé en «cauchemar californien».

Snyder ajoute ce que nous savons par le cinéma (qui ment toujours moins que les news) :

« Les villes sont massivement surpeuplées, la Californie connaît le pire trafic du monde occidental, la consommation de drogue et l’immigration clandestine alimentent un nombre incroyable de crimes, les taux d’imposition sont abominables et de nombreux politiciens de l’état semblent être littéralement fous. Et en plus de tout cela, n’oublions pas les tremblements de terre, les incendies de forêt et les glissements de terrain qui font constamment les gros titres dans le monde entier. L’année dernière a été la pire année pour les feux de forêt dans l’histoire de la Californie , et ces jours-ci, il semble que l’État soit frappé par une nouvelle crise toutes les quelques semaines. »

calg.jpgEn vérité les gens supporteraient tout (« l’homme s’habitue à tout », dixit Dostoïevski dans la maison des morts), mais le problème est que cette m… au quotidien est hors de prix ! Donc…

« Un nombre croissant de Californiens envisagent de quitter l’État – non pas à cause d’incendies de forêt ou de tremblements de terre, mais à cause du coût de la vie extrêmement élevé, selon un sondage publié mercredi. Le sondage en ligne, mené le mois dernier par Edelman Intelligence, a révélé que 53% des Californiens interrogés envisagent de fuir, ce qui représente un bond par rapport aux 49% interrogés l’année dernière. L’enquête a révélé que le désir de quitter le pays le plus peuplé du pays était le plus élevé. »

On évoque les règlementations de cet état exemplaire pour tous les progressistes et sociétaux de la foutue planète :

« Grâce à des restrictions de construction absolument ridicules, il est devenu de plus en plus difficile de construire de nouveaux logements dans l’État. Mais entre-temps, des gens du monde entier continuent à s’y installer car ils sont attirés par ce qu’ils voient à la télévision. »

Notre grand pessimiste documenté précise :

« En conséquence, l’offre de logements n’a pas suivi la demande et les prix ont explosé ces dernières années. Les chiffres suivants proviennent de CNBC …

À l’échelle de l’État, la valeur médiane des maisons en Californie s’élevait à 547 400 $ à la fin de 2018, tandis que la valeur médiane des maisons aux États – Unis était de 223 900 $ . À titre de comparaison, la valeur médiane des maisons dans l’État de New York s’établissait à 289 000 dollars et à 681 500 dollars à New York; New Jersey était 324 700 $. Oui, il y a beaucoup d’emplois bien rémunérés en Californie, mais vous feriez mieux d’avoir un très bon travail pour pouvoir payer les paiements hypothécaires d’une maison valant un demi-million de dollars. »

Du coup il faut vivre avec des colocataires, même en couple !

« Bien sûr, de nombreux Californiens se retrouvent dans une situation financière extrêmement pénible en raison de coûts de logement incontrôlables. Ils sont donc plus nombreux que jamais à emménager avec des colocataires. En fait, un rapport récent a révélé que le nombre de couples mariés vivant avec des colocataires «a doublé depuis 1995» … Le nombre de couples mariés vivant avec des colocataires a doublé depuis 1995, selon un rapport récent du site immobilier Trulia. Environ 280 000 personnes mariées vivent maintenant avec un colocataire – et cela est particulièrement vrai dans les villes coûteuses comme celles de la côte ouest. »

La Californie n’est pas seule dans ce cas :

« À Honolulu et à Orange Country, en Californie, la part des couples mariés avec des colocataires est quatre à cinq fois supérieure au taux national. San Francisco, Los Angeles, San Diego et Seattle ont également des taux très élevés de couples mariés avec colocataires. Ces mêmes villes ont des coûts de location et de logements très supérieurs à la moyenne (Trulia note que les coûts de logement dans tous ces marchés ont augmenté de plus de 30% depuis 2009), les habitants de San Francisco, extrêmement coûteux, ont besoin de plus de 123 000 dollars de revenus pour vivre confortablement… »

Puisqu’on parle d’Honolulu, je ne saurais trop recommander, sur la dystopie hawaïenne, le film d’Alexander Payne avec Clooney, film nommé justement les Descendants, qui traite du néant dans la vie postmoderne. Honolulu, un Chicago au prix de Monaco. Dire qu’il y en a encore pour critiquer Rousseau…

calcrazy.pngLes impôts pleuvent comme en France :

« En plus des coûts de logement, de nombreux Californiens sont grandement frustrés par les niveaux de taxation oppressifs dans l’État. À ce stade, l’État a le taux d’imposition marginal le plus élevé de tout le pays … Avec 12,3%, la Californie est en tête des 50 États en 2018 avec le taux d’imposition marginal le plus élevé, selon la Federation of Tax Administrators ; et cela n’inclut pas une surtaxe supplémentaire de 1% pour les Californiens ayant des revenus de 1 million de dollars ou plus. »

Evidemment on a d’autres privilèges culturels…Snyder :

« Hier, j’ai écrit un article intitulé «Les rats, la défécation publique et la consommation de drogue à ciel ouvert: nos grandes villes occidentales sont en train de devenir des enfers inhabitables» , et cela a déclenché une tempête de feu. Plus de 1 000 commentaires ont déjà été publiés sur cet article, et quelques personnes enthousiastes ont tenté de convaincre le reste d’entre nous que la vie sur la côte ouest n’est pas si mauvaise. Je suis désolé, mais si votre ville compte beaucoup plus de toxicomanes par voie intraveineuse que d’élèves du secondaire, ce n’est pas un endroit où je voudrais fonder une famille … »

La conclusion pas très gaie :

« Au total, environ 5 millions de personnes ont fait leurs valises et ont quitté définitivement la Californie au cours des 10 dernières années. Malheureusement, la nation tout entière est en train de devenir comme la Californie et si nous ne renversons pas les choses, il n’y aura plus de place où aller. »

C’est TS Eliot, cité dans Apocalypse now, qui dans ses Hommes creuxévoque ce monde qui ne finira pas dans une déflagration, mais dans un pleurnichement (not in a bang but a whimper). Nous y sommes et cette agonie interminable peut encore bien durer cent ans…

Note

J’ajouterai cet extrait de Ron Unz sur la Californie :

« Le style de vie californien, riche et extrêmement agréable, de l’après-guerre, était largement reconnu aux États-Unis, et ce leurre magnétique fut à l’origine des premières étapes de la croissance démographique très rapide de l’État. Mais plus récemment, les effets néfastes de la congestion routière, des options de logement épouvantables et de la concurrence acharnée sur le marché de l’emploi ont considérablement réduit l’attrait de l’État. La croissance a fortement diminué , en partie parce que l’afflux continu d’immigrants a été partiellement compensé par un départsimultané de résidents existants. »

https://nicolasbonnal.wordpress.com/2019/02/18/michael-sn...

 

Dostoïevski et l’invention du droit à tuer

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Dostoïevski et l’invention du droit à tuer 

Les Carnets de Nicolas Bonnal

Les hommes politiques américains postmodernes (mais nos socialistes aussi) ont pris goût à la brutalité et aux guerres via la farce humanitaire (voyez Carnage de Polanski pour vous amuser à ce sujet) ; et ils estiment qu’ils ont le droit de tuer qui ils veulent et quand ils veulent. Jusqu’au moment où les russes et les chinois…Il en est de même des terroristes qui servent des agendas si compliqués maintenant qu’il est difficile de dire pour qui ils œuvrent : mais qui ont gardé le goût de la même supériorité ontologique jadis décrite par Dostoïevski et reprise par Hitchcock dans la Corde, pour justifier leurs massacres. J’ai étudié dans mon livre sur Hitchcock les sources du scénario, qui n’ont rien à voir ni avec le communisme ni avec le fascisme – bien plutôt avec deux lobbies prestigieux.

fd-frka2222.jpgOn reprend donc Raskolnikoff dans ces pages immortelles :

« Les hommes ordinaires ont l’obligation d’observer les lois et n’ont pas le droit de sortir de la légalité et cela parce qu’ils sont ordinaires. Quant aux hommes extraordinaires, ils ont le droit de commettre toutes sortes de crimes et de sortir de la légalité, uniquement parce qu’ils sont extraordinaires. C’est bien ainsi. »

Raskolnikoff poursuit :

« J’ai simplement fait allusion au fait que l’homme extraordinaire a le droit... je veux dire, pas le droit officiel, mais qu’il a le droit de permettre à sa conscience de sauter... certains obstacles et ceci seulement si l’exécution de son idée (qui est peut-être salutaire à toute l’humanité) l’exige. Vous avez dit que mon article n’était pas clair : si vous le voulez, je puis vous l’expliquer dans la mesure du possible. Je ne fais peut-être pas erreur en supposant que c’est bien cela que vous désirez. Voici : à mon avis, si les découvertes de Kepler et de Newton, par suite de certains événements, n’avaient pu être connues de l’humanité que par le sacrifice d’une, de dix, de cent... vies humaines qui auraient empêché cette découverte ou s’y seraient opposées, Newton aurait eu le droit et même le devoir... d’écarter ces dix ou ces cent hommes pour faire connaître ses découvertes à l’humanité. »

Mais ce qui rend Raskolnikoff dangereux, c’est qu’il voyage à travers les siècles et qu’il compare ses pulsions personnelles et criminelles à toutes les cruautés historiques connues :

« Ensuite, je me souviens que j’ai développé, dans mon article, l’idée que tous les... eh bien, les législateurs et les ordonnateurs de l’humanité, par exemple, en commençant par les plus anciens et en continuant avec les Lycurgue, les Solon, les Mahomet, les Napoléon, etc., tous, sans exception, étaient des criminels déjà par le seul fait qu’en donnant une loi nouvelle, ils transgressaient la loi ancienne, venant des ancêtres et considérée comme sacrée par la société. Et, évidemment, ils ne s’arrêtaient pas devant le meurtre si le sang versé (parfois innocent et vaillamment répandu pour l’ancienne loi) pouvait les aider. »

Une grandiose observation :

« Il est remarquable même que la plupart de ces bienfaiteurs et ordonnateurs de l’humanité étaient couverts de sang. »

Le criminel est un génie (n’invente-t-il pas aussi sa réalité, comme disait un certain Karl Rove trop oublié à propos de leur « empire » ?) :

fd-crch.jpg« En un mot, je démontre que non seulement les grands hommes, mais tous ceux qui sortent tant soit peu de l’ornière, tous ceux qui sont capables de dire quelque chose de nouveau, même pas grand-chose, doivent, de par leur nature, être nécessairement plus ou moins des criminels. »

Evidemment comme dans la Corde la difficulté est de savoir qui est inférieur et qui est supérieur (en vérité comme on sait celui qui est supérieur c’est celui qui tue et qu’on n’attrape jamais – et les élites US n’ont toujours pas de souci à se faire de ce côté-là) :

« Quant à ma distinction entre les hommes ordinaires et les hommes extraordinaires, elle est quelque peu arbitraire, je suis d’accord ; mais je ne prétends pas donner des chiffres exacts. Je suis seulement persuadé de l’exactitude de mes assertions. Celles-ci consistent en ceci : les hommes, suivant une loi de la nature, se divisent, en général, en deux catégories : la catégorie inférieure (les ordinaires) pour ainsi dire, la masse qui sert uniquement à engendrer des êtres identiques à eux-mêmes et l’autre catégorie, celle, en somme, des vrais hommes, c’est-à- dire de ceux qui ont le don ou le talent de dire, dans leur milieu, une parole nouvelle. » 

Après Dostoïevski enfonce le clou avec insistance – et on comprend pourquoi les gilets jaunes ou les iraniens ont du mouron à se faire :

« …la première catégorie, c’est-à-dire la masse en général, est constituée par des gens de nature conservatrice, posée, qui vivent dans la soumission et qui aiment à être soumis. A mon avis, ils ont le devoir d’être soumis parce que c’est leur mission et il n’y a rien là d’avilissant pour eux. Dans la seconde catégorie, tous sortent de la légalité, ce sont des destructeurs, ou du moins ils sont enclins à détruire, suivant leurs capacités… »

Il faut soumettre le troupeau et nous mener vers un but, celui de la surclasse, et que Dostoïevski le visionnaire appelle déjà la nouvelle Jérusalem ! Le maître :

« …le troupeau ne leur reconnaît presque jamais ce droit, il les supplicie et les pend et, de ce fait, il remplit sa mission conservatrice, comme il est juste, avec cette réserve que les générations suivantes de ce même troupeau placent les suppliciés sur des piédestaux et leur rendent hommage (plus ou moins). Le premier groupe est maître du présent, le deuxième est maître de l’avenir. Les premiers perpétuent le monde et l’augmentent numériquement ; les seconds le font mouvoir vers un but. Les uns et les autres ont un droit absolument égal à l’existence. En un mot, pour moi, tous ont les mêmes droits et vive la guerre éternelle, jusqu’à la Nouvelle Jérusalem, comme il se doit ! »

Cette « guerre éternelle pour une paix éternelle », expression de Charles Beard, mélange de messianisme assassin et de complexe de supériorité de superhéros est une clé pour comprendre le comportement actuel de ces élites tortueuses. Il n’est pas une ligne de notre désastreux destin moderne (médiocrité du quotidien gris y compris) qui n’ait été écrite par l’impeccable voyant Dostoïevski. Voyez d’ailleurs les dernières pages de crime et châtiment (l’épilogue I) qui décrivent la première guerre mondiale.

Sources

Dostoïevski - Crime et châtiment, livre III, chapitre 5

Nicolas Bonnal – Hitchcock et la condition féminine (Amazon.fr)

mercredi, 27 mars 2019

Xi Jinping, le VRP 5G des routes de la soie en Europe

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Xi Jinping, le VRP 5G des routes de la soie en Europe

Ex: https://lesobservateurs.ch

Pour le 55e anniversaire des relations diplomatiques entre la République populaire de Chine et la France, Xi Jinping n'est pas arrivé à Paris les mains vides.

Sa visite à notamment été l'occasion de signer des contrats pour l’achat de 300 appareils Airbus (290 A320 et 10 A350) pour un montant prix catalogue d’environ 35 milliards d’euros. Mais Xi Jinping n’est pas seulement venu faire des emplettes. Tout d’abord, les milliards de contrats annoncés sont souvent des investissements croisés. Par exemple, Airbus ne se contente pas de vendre des avions à la compagnie étatique China Aviation Supplies Holding Company (CASC), il a aussi signé un contrat avec l’exploitant chinois de satellites 21AT pour coopérer sur le développement de services d’imagerie à haute résolution.

L’armateur français CMA CGM, numéro trois mondial du transport maritime par conteneur, va faire construire par la China State Shipbuilding Corporation (CSSC), l’un des deux principaux conglomérats publics chinois de construction navale, dix nouveaux porte-conteneurs, pour un montant estimé de 1,2 milliard d’euros. Quant à EDF, l’électricien public devrait investir environ un milliard d’euros dans deux projets de parc éolien en mer de Chine, au large de la province du Jiangsu, au nord de Shanghai, pour une capacité totale de production de plus de 500 mégawatts.

Enfin, deux protocoles sanitaires ont été signés lundi par l’ambassadeur de Chine en France et le ministre français de l’Agriculture, Didier Guillaume. Le premier lève l’embargo sur les volailles et produits de volailles françaises mis en place en décembre 2015 au motif de la grippe aviaire. Le second concerne l’importation par la France de mollusques chinois.

L'Italie brise l'unité du G7 face aux routes de la soie

Le président chinois est aussi venu vendre son projet de routes de la soie à l’Europe. Juste avant de rencontrer Emmanuel Macron, Jean-Claude Juncker et Angela Merkel à Paris dans la perspective du sommet UE-Chine d’avril, Xi Jinping avait commencé sa tournée européenne par l’Italie. A la clé, la signature d’un mémorandum d’accord sur l’initiative chinoise de routes de la soie.

Déjà 29 accords sectoriels ont été signés dans la capitale italienne, et les deux pays auraient déjà des contrats assurés pour sept milliards d’euros, avec la possibilité d’arriver jusqu’à 20 milliards. Lancé en 2013, le projet de Nouvelle route de la Soie, également appelé «la ceinture et la route» vise à établir des liaisons logistiques entre l'Europe, le Moyen-Orient, l’Afrique, l'Asie du Sud-Est et la Chine. Il prévoit notamment le financement d'infrastructures terrestres et maritimes pour un montant de plus de 1 000 milliards de dollars, mélangeant investissements publics et privés.

#Apple et #Huawei au cœur de la guerre commerciale entre les #EtatsUnis  et la #Chine 

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— RT France (@RTenfrancais) January 4, 2019

Si l’Italie est le premier pays membre du G7 à s’engager dans le gigantesque projet de développement chinois, elle n’est pas le premier Etat européen. Viktor Orban, le Premier ministre hongrois, a accueilli à Budapest, dès 2011, le premier forum économique et commercial Chine-Europe centrale et orientale au format 16+1. Il associe la Chine à 11 pays de l’Union européenne : Bulgarie, Croatie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie et Slovénie, ainsi qu’à cinq de leurs voisins extra-communautaires : l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine du Nord, le Monténegro et la Serbie.

Une emprise économique qui préoccupe Bruxelles

Une emprise économique et unificatrice inquiétante pour les principaux dirigeants européens, qui avaient jusqu’ici tendance à fustiger la tendance des petits Etats membres à faire cavalier seul alors que la Chine leur parlait d’investissements. 

Ainsi, lors d'entretiens avec le président chinois, Emmanuel Macron, évoquant les routes de la soie, a déclaré : «La coopération rapporte plus que la confrontation», avant d'ajouter : «Nous attendons naturellement de nos grands partenaires qu'ils respectent eux aussi l'unité de l'Union européenne comme les valeurs qu'elle porte.»  

«Les Nouvelles routes de la soie sont un projet très important [et] nous, Européens, nous voulons jouer un rôle [mais] cela doit conduire à de la réciprocité et nous avons un peu de mal à la trouver», a renchéri la chancelière allemande Angela Merkel.

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En 2016, la Chine avait fait main basse sur le port du Pirée (Athènes) en prenant, via COSCO, l'un des leaders mondiaux du fret, le contrôle de la société de gestion de ce port européen ouvert sur l’Adriatique, la Méditerranée et, via le détroit du Bosphore, sur la mer Noire. Elle a aussi pris pied dans ceux de Valence et Bilbao en Espagne, et pourrait viser bientôt ceux de Gênes – où elle finance 49% de la construction d’un nouveau terminal pour Cargo – et de Trieste en Italie.

Difficile de reprocher ces investissements qui ont tout l’air d’une prédation alors qu’au plus fort de la crise de la dette grecque, l’Allemagne avait mis la main, via le consortium Fraport AG-Slentel, sur 14 aéroports régionaux et internationaux grecs comme ceux de Corfou ou Santorin.

Entre Rome et Paris, Xi Jinping a aussi fait une halte à Monaco particulièrement symbolique, même si elle n’a duré que quelques heures. La micro-cité Etat est en effet devenue, avec l’aide intéressé du constructeur d’équipements de téléphonie mobile chinois Huawei, le premier pays entièrement équipé en 5G, l’internet de cinquième génération. Une camouflet de plus pour le département d'Etat américain, qui tente de convaincre ses partenaires occidentaux de barrer la route à Huawei dans le domaine de l'équipement de réseaux 5G au nom de la lutte contre l'espionnage. 

Lire aussi : Guerre commerciale : selon Natixis la Chine va dominer les Etats-Unis par sa capacité à investir

Extrait de: Source et auteur

 

La défaite américaine et le le retour de l’empire des steppes

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La défaite américaine et le le retour de l’empire des steppes

 
Ex: https://www.geopolitica.ru

Ecrabouillement américain face aux soviets et aux chinois : le poing par Philippe Grasset (dans une mer de sarcasmes et par la Rand Corporation en personne). Problème : ils n’ont pas de solutions…A compléter avec les propos de Bayan-Orson Welles (la rose noire, 1950) ; les flèches (les missiles) valent mieux que les armures (les porte-avions). Pour comprendre l’empire des steppes, lire Grousset sur classiques.uqac.ca.

L’USS Pentagone et sa Mer des Sargasses

12 mars 2019 – La communauté des experts, aussi bien férue de l’objet de leur expertise que des relations publiques, commence à  s’alarmer des progrès russes et chinois en matière d’armement ; mais  piano pianissimo, cette alarme, au rythme postmoderne, bien que les termes et les trouvailles qui la justifient effraient les experts eux-mêmes.

Il s’agit essentiellement, pour notre propos de ce jour, d’un rapport suivant une simulation particulièrement sophistiquée de la  RAND Corporation. C’est un événement important, qui devrait faire autorité à Washington : la RAND est le  think tanks  US le plus prestigieux et le plus influent pour les questions techniques de la communauté de sécurité nationale ; basée en Californie et dominant le domaine de l’expertise technique depuis 1948 (date de sa création), directement connectée à l’USAF et à l’industrie d’armement (officiellement, c’est la firme Douglas, agissant comme faux-masque de l’USAF, qui créa la RAND). Ses analyses reflètent et inspirent à la fois les conceptions des milieux experts des forces armées : une étude de la RAND ainsi présentée publiquement fait autorité et indique selon les normes de la communication ce que le Pentagone et la communauté de sécurité nationale pensent et doivent penser à la fois.

En effet, RAND est venue à Washington présenter un rapport très technique sur des simulations d’une Troisième Guerre mondiale au CNAS (Center for a New American Security), autre  think tank  mais plus doué en relations publiques et établi en 2007 pour présenter une vision “bipartisane” de la  politiqueSystème suivie par les USA ; c’est-à-dire, un institut recyclant la politique-neocon  habillé d’une parure de consensus washingtonien dans le sens évidemment belliqueux qu’on imagine. La séance d’information a été rapportée par divers médias, et nous citons aussi bien ZeroHedge.com que SouthFront.org.

Le rapport, présenté  le 7 mars, envisage divers scénarios des engagements au plus haut niveau des USA contre la Russie ou contre la Chine. Le verdict est peu encourageant : “Nous nous ferons péter le cul !” : « “Dans nos simulations, lorsque nous affrontons la Russie et la Chine, les Bleus  [les USA]  se font péter le cul”, a déclaré jeudi l’analyste de RAND David Ochmanek. “Nous perdons beaucoup de gens, nous perdons beaucoup d’équipements. Nous n’atteignons généralement pas notre objectif d’empêcher l’agression de la part de l’adversaire”, a-t-il averti. »

Et pour suivre, sur l’état général des conclusions du rapport : « Alors que la Russie et la Chine développent des chasseurs de cinquième génération et des missiles hypersoniques, “nos éléments reposant sur des infrastructures de base sophistiquées, telles que des pistes et des réservoirs de carburant, vont connaître de graves difficultés”, a déclaré Ochmanek. “Les unités navales de surface vont également connaître de graves difficultés”

» “C’est pourquoi le budget 2020 présenté la semaine prochaine prévoit notamment de retirer du service actif le porte-avions USS Truman plusieurs décennies à l’avance, et d’annuler une commande de deux navires amphibies de débarquement, comme nous l’avons signalé. C’est aussi pourquoi le Corps des Marines achète la version à décollage vertical du F-35, qui peut décoller et atterrir sur des pistes aménagées très petites et très rustiques, mais la question de savoir comment entretenir en état de fonctionnement un avion de très haute technologie dans un environnement de très basse technologie reste une question sans réponse”, selon le site Breaking Defence… »

Certains points spécifiques des équipements par rapport aux simulations de la RAND font l’objet de précisions et d’observations, – en général très critiques, parce que personne ne semble satisfait de l’état des forces et de leurs capacités en cas de conflit. On en signale ici l’une et l’autre, par ailleurs sur des sujets déjà connus, et avec des conclusions qui n’étonneront personne, dans tous les cas parmi les lecteurs de dedefensa.org.

  • Le F-35, l’inépuisable JSF. On a lu plus haut cette remarque selon laquelle le F-35B des Marines à décollage vertical (ADAC/ADAV) trouvait sa justification dans les conditions dévastées pour les USA d’un conflit à venir, mais qu’on doutait grandement qu’il puisse jouer un grand rôle opérationnel à cause de l’extrême complexité de l’entretien opérationnel de l’avion dans un tel environnement. Un autre intervenant ajoute cette remarque, où l’on pourrait voir une ironie désabusée :

« “Dans tous les scénarios auxquels j’ai eu accès”, a déclaré Robert Work, ancien secrétaire adjoint à la Défense ayant une grande expérience des exercices opérationnels, “le F-35 est le maître du ciel quand il parvient à s’y trouver mais il est détruit au sol en grand nombre”. » Cette remarque, d’ailleurs bien trop follement optimiste sinon utopiste (ou ironique ?) pour les capacités du F-35 lorsqu’il parvient à se mettre en position de combat aérien, marque surtout la prise en compte de la fin de l’ Air Dominance pour l’USAF et les forces aériennes US en général, du fait de la puissance nouvelle acquise notamment par les Russes, suivis par les Chinois en pleine expansion militaire.

  • La décision de retrait et de mise en réserve (“mise en cocon”) du porte-avions USS Truman, annoncée au début du mois, a  d’abord été présentéecomme une manœuvre de l’US Navy pour obtenir un budget supplémentaire pour garder cette unité en service actif et poursuivre en même temps la construction des deux premiers classes USS  Gerald R. Ford, toujours  aussi catastrophiques et empilant délais sur augmentation de coût. (On cite le précédent d’une manœuvre similaire lorsque la Navy avait prévu de faire subir le même sort au USS  George-Washington  en 2012, la Maison-Blanche allouant avec le soutien du Congrès les fonds nécessaires pour éviter cette réduction de la flotte des onze porte-avions de la Navy.) La Navy économiserait jusqu’à $30 milliards en écartant le  Truman  qui va bientôt entrer en refonte de mi-vie s’il reste en service (un travail très complexe, coûteux et long : 2024-2028).

Mais on voit que la RAND suscite une explication qu’elle renforce d’autres constats, qui impliquerait que la Navy estime le danger des nouvelles armes hypersoniques trop grand pour continuer à mettre toute sa puissance stratégique sur les porte-avions. Venant de la RAND, avec tout son crédit, la chose doit être considérée sérieusement, pour marquer combien les USA commenceraient à prendre conscience de la puissance de leurs adversaires stratégiques du fait de la percée majeure constituée par les missiles hypersoniques.

  • Un autre exemple des insuffisances considérables débusquées par la RAND concerne la couverture anti-aérienne des forces terrestres. Les experts du think tank ont fait leur compte, ce qui est illustré par cette remarque :

« … Si l’on se base sur une situation purement hypothétique [selon les moyens actuels], “si nous partions en guerre en Europe, il y aurait une unité de [missiles sol-air de défense aérienne] Patriot qui serait disponible pour y être envoyée, pour être déployée à la base de Ramstein. Et c’est tout”, dit Work avec amertume. L’US Army compte 58 brigades de combat mais ne dispose d’aucune capacité de défense anti-aérienne et antimissile pour les protéger contre des attaques de missiles venues de la Russie. »

Cette situation US est en complet contraste avec celle des Russes, qui intègrent dans leurs forces terrestres des unités de défense anti-aérienne chargées de la protection des forces en campagne. C’est d’ailleurs autant une question de moyens qu’une question structurelle et même psychologique. Les forces armées US ont toujours fonctionné depuis 1945 selon le principe qu’elles disposaient d’une totale domination aérienne qui jouaient un rôle d’interdiction quasi-impénétrable. Cette situation est très largement mise en cause aujourd’hui, notamment avec les progrès russes en matière d’A2/AD («  [Z]ones dite A2/AD, ou Anti-Access/Area-Denial ; c’est-à-dire des sortes de No-Fly-Zone pour l’aviation ennemie, du fait des moyens russes parfaitement intégrés de détection, de brouillage et de contrôle électroniques, et de destruction, qui transforment toute incursion aérienne ennemie dans ces zones en un risque inacceptable »).

Non seulement les forces US sont affaiblies, non seulement l’apparition des missiles hypersoniques donne aux Russes une puissance de feu d’une catégorie nouvelle et révolutionnaire, mais en plus la structure des forces US est fondée sur le postulat psychologique quasi-inconscient (“inculpabilité-indéfectibilité”) de la supériorité US (notamment aérienne) qui dispense ces forces d’avoir une défense organique puissante.

USA : le Russiagate est vraiment fini

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USA : le Russiagate est vraiment fini

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com
 
Le 12 février, nous écrivions "Le Russiagate est fini". La conclusion était basée sur un rapport de NBC :

Après deux ans d'enquête et 200 entretiens, le Comité du renseignement du Sénat touche à la fin de son enquête sur les élections de 2016, n'ayant encore trouvé aucune preuve directe d'un complot entre la campagne Trump et la Russie, selon les démocrates et les républicains siégeant au comité. ... Les démocrates et autres opposants à Trump pensent depuis longtemps que l'avocat spécial Robert Mueller et les enquêteurs du Congrès découvriront de nouvelles preuves plus explosives de la coordination de la campagne de Trump avec les Russes. Mueller pourrait encore le faire, bien que des sources au ministère de la Justice et au Congrès affirment qu’il est sur le point de clore son enquête.

La théoricienne du complot Russiagate, Marcy Wheeler, a répliqué en affirmant que le complot avait été prouvé lorsque l’ancien chef de campagne de Trump, Paul Manafort, a admis avoir transmis des données sur les élections à des contacts ukrainiens/russes pour s’attirer les faveurs d’un oligarque russe auquel il devait de l’argent. Mais les crimes de Manafort, pour lesquels il a plaidé coupable le 14 septembre 2018, n’avaient rien à voir avec « la Russie » ou avec Trump et seulement de manière indirecte avec sa campagne électorale : Vendredi, Manafort, directeur de la campagne présidentielle de Donald Trump de juin à août 2016, a plaidé coupable devant le tribunal fédéral de Washington pour deux accusations de complot contre les États-Unis, dont un pour lobbying, impliquant des crimes financiers et la violation de l'enregistrement comme agent étranger, et l'autre impliquant la subornation de témoins. Dans le cadre de son plaidoyer, Manafort a également reconnu sa culpabilité dans des accusations de fraude bancaire qu'un jury fédéral de Virginie avait portées contre lui le mois dernier.

Marcy, la théoricienne du Russiagate, et d’autres personnes espéraient que l’enquête sur Mueller aboutirait à un acte d’accusation qui justifierait le non-sens absolu qu’elle-même et d’autres ont promu pendant plus de deux ans. Il y a à peine deux semaines, l’ancien directeur de la CIA, John Brennan, qui a probablement conspiré avec les services de renseignement britanniques pour confondre Trump dans l’affaire avec la Russie, a déclaré qu’il s’attendait à de nouvelles inculpations : Lors de son apparition sur MSNBC le 5 mars 2019, Brennan a prédit que Mueller émettrait des actes d’accusation pour «complot criminel» impliquant Trump ou les activités de ses collaborateurs lors de l’élection de 2016.

Ce dernier espoir des jusqu’au-boutistes est maintenant évanoui : Le Conseil spécial, Robert S. Mueller III, a remis vendredi au procureur général, William P. Barr, un rapport très attendu, mettant ainsi fin à son enquête sur l'ingérence de la Russie dans l'élection de 2016 et l'éventuelle entrave à la justice par le président Trump. ... Un haut responsable du département de la justice a déclaré que le Conseil spécial n’avait recommandé aucune autre inculpation - une révélation applaudie par les partisans de Trump, alors même que d’autres enquêtes liées à celui-ci se poursuivent dans d’autres départements du département de la justice. ... Aucun des Américains inculpés par Mueller n'est accusé d'avoir conspiré avec la Russie pour s'immiscer dans l'élection - la question centrale du travail de Mueller. Au lieu de cela, ils ont plaidé coupable pour divers crimes, notamment d'avoir menti au FBI. L’enquête s’est terminée sans inculpation de plusieurs personnalités qui étaient sous la surveillance de Mueller depuis longtemps. ...
 

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Les conclusions du rapport Mueller seront publiées par le ministère de la Justice dans les prochains jours.

Que les promoteurs du Russiagate aient eu tort de gober les conneries du dossier Steele et les mensonges sur les « hackers russes » propagés par les marchands de sornettes Clapper et Brennan était évident depuis longtemps. En juin 2017, nous avions évoqué un long article du Washington Post sur le piratage présumé des élections en Russie et avions remarqué : En lisant cet article, il devient clair - mais jamais dit - que l'unique source de cette affirmation de Brennan sur le "piratage russe" en août 2016 est l'absurde dossier Steele, un ex-agent du MI6 payé très cher pour des recherches sur Trump commanditées par l'opposition. La seule autre "preuve" de "piratage russe" est le rapport Crowdstrike sur le "piratage" de la DNC. Crowdstrike qui soutient un agenda nationaliste ukrainien, a été embauché par la DNC et a dû se rétracter sur d'autres affirmations de "piratage russe" et personne d'autre n'a été autorisé à consulter les serveurs de la DNC. Autrement dit : Toutes les allégations de "piratage russe" reposent uniquement sur les "preuves" de deux faux rapports.

Le dossier Steele était une fausse étude commanditée par l’opposition et colportée par la campagne Clinton, John McCain et un groupe de types de la sécurité nationale anti-Trump. La prétention encore non prouvée de « piratage russe » visait à détourner l’attention du fait que Clinton et la DNC se soient entendus pour éliminer Bernie Sanders de la candidature. L’affirmation stupide selon laquelle la pêche aux clics sur internet, par une entreprise commerciale de Leningrad, aurait été une « campagne d’influence russe », a été conçue pour expliquer la défaite électorale de Clinton contre l’autre pire candidat de tous les temps. L’enquête Russiagate visait à empêcher Trump de nouer de meilleures relations avec la Russie, comme il l’avait promis lors de sa campagne.

Tout cela a connu un certain succès parce que des médias et blogueurs étaient heureux de vendre de telles absurdités sans les mettre dans un contexte plus large.

Il est grand temps de lancer une enquête approfondie sur Brennan, Clapper, Comey et la campagne Clinton afin de mettre en lumière le complot qui a conduit au dossier Steele, à l’enquête du FBI qui en découla, et à toutes les autres conneries qui ont suivi cette enquête.

En ce qui concerne Marcy Wheeler, Rachel Maddow et d’autres imbéciles qui ont colporté l’absurdité du Russiagate, je suis d’accord avec l’avis de Catlin Johnstone : Tous les politiciens, tous les médias, tous les experts de Twitter et tous ceux qui ont gobé cette giclée débile de bouses de vaches se sont officiellement discrédités à vie. ... Les personnes qui nous ont conduits dans ces deux années de folie du Russiagate sont les dernières personnes que quiconque devrait jamais écouter pour déterminer l’orientation future de notre monde.

Moon of Alabama

Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone

Les voleurs de mots

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Les voleurs de mots

Et si nous cherchions les causes de notre impuissance politique ? Que sont exactement ces chaines, pourtant bien fragiles, qui nous entravent et nous condamnent à l’immobilisme et à la soumission, dans un système qui bascule tant et plus vers le totalitarisme idéologique ?

Mais, me direz-vous, nous ne vivons pas dans un régime totalitaire, lesquels se caractérisent essentiellement par la confiscation du pouvoir par un parti unique, ne tolérant aucune forme d’opposition organisée. Le totalitarisme va plus loin encore que la simple dictature puisqu’il entend s’immiscer dans la sphère intime de la pensée en imposant à tous les citoyens l’adhésion à une idéologie obligatoire, hors de laquelle ils sont considérés comme ennemis de la société.

La propagande est à la démocratie ce que la matraque est à la dictature (Noam Chomsky).

La question étant de savoir si le totalitarisme serait compatible avec des institutions démocratiques, comme le multipartisme, les syndicats et une presse « libre ». Et cette question en amène une autre : est-ce que le totalitarisme présuppose la dictature ? La dictature n’est qu’un moyen pour imposer le totalitarisme, il pourrait donc, en théorie, être remplacé par tout autre moyen ou ensemble de moyens permettant l’instauration du totalitarisme. J’entends démontrer que c’est précisément là où nous en sommes aujourd’hui. La démocratie a été presque totalement vidée de son sens, et le pouvoir se contente désormais d’entretenir maladroitement l’illusion démocratique à l’usage des masses, biberonnées dès leur naissance à la propagande.

La propagande

Le mot ayant rapidement pris une connotation sulfureuse, il est le plus souvent remplacé aujourd’hui par le concept de relations publiques. En pratique, il s’agit précisément de manipulation mentale des masses qu’Edward Bernays appelait la fabrique du consentement. Dans son ouvrage intitulé Propaganda, publié en 1928, l’auteur expose de manière cynique et froide les rouages de cette machine à forger l’opinion. Qu’il s’agisse de vendre une marque de poudre à lessiver, de pousser les Américaines à fumer pour le plus grand profit de l’industrie du tabac, ou de pousser au renversement d’un gouvernement démocratiquement élu au Guatemala, les ressorts sont les mêmes. D’ailleurs le sous-titre de l’ouvrage ne laisse planer aucun doute : « Comment manipuler l’opinion en démocratie ».

Boîte à outils : exemples de propagande

  • Invasion de l’Irak et renversement de Saddam Hussein : vous souvenez-vous de Colin Powell agitant sa petite fiole de poudre de perlimpinpin devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies pour pousser la communauté internationale à adhérer à ses projets d’invasion ? On sait aujourd’hui qu’il s’agissait d’une manipulation et que Saddam Hussein ne possédait pas d’armes de destruction massive.
  • Avant cela, vous souvenez-vous de l’affaire des couveuses au Koweit ? La jeune Nayirah en pleurs devant le Comité des Droits de l’homme des Nations Unies, relatant comment, lors de l’invasion du Koweit, les soldats irakiens avaient arraché les nouveaux-nés des couveuses de l’hôpital de Koweit City et les avaient laissé mourir de froid ? On apprendra plus tard — trop tard — que sous ce pseudonyme se cachait en réalité la fille de l’Ambassadeur du Koweit aux États-Unis, et que toute l’affaire n’était qu’une machination montée par le Koweit et les États-Unis afin de faire accepter à l’opinion publique une intervention militaire en Irak.
  • Vous souvenez-vous des appels à intervenir dans l’urgence en Libye pour empêcher l’infâme dictateur Mouammar Kadhafi de massacrer en masse la population de son pays ? Ces appels, à la l’initiative de pseudo-intellectuels « français » (comme BHL) ont débouché sur la résolution 973 du Conseil de Sécurité des Nations Unies visant à établir une zone d’interdiction aérienne. L’OTAN violera ensuite largement la lettre et l’esprit de cette résolution par une campagne militaire qui aboutira à la prise de Syrte, la chute du régime, et l’assassinat de Kadhafi dans des conditions qui restent encore obscures aujourd’hui.

La propagande de guerre s’appuie toujours sur les mêmes ressorts, parfaitement connus et documentés.

Aldous Huxley, l’auteur du meilleur des mondes avait plutôt bien résumé ce qu’est la propagande :

« La philosophie nous enseigne à douter de ce qui nous paraît évident. La propagande, au contraire, nous enseigne à accepter pour évident ce dont il serait raisonnable de douter.*

Toutefois, la propagande, aussi efficace qu’elle soit, n’est qu’à mi-chemin du totalitarisme : elle nous dit seulement comment nous devons penser. Cela reste une forme de persuasion.

Les mots volés

Les mots volés, c’est le pendant de la propagande, l’étape ultime pour aboutir à une société sous contrôle totalitaire, en douceur. Si la propagande nous dit ce que nous devons penser depuis 1930, il restait à trouver le moyen de nous empêcher de nous approprier les sujets dont le pouvoir ne veut pas que nous débattions. Et pour faire bonne mesure — s’agissant d’interdit — on y adjoindra les services d’une véritable police de la pensée, avec des peines d’ostracisme à la clé, voire carrément des campagnes visant à détruire socialement et financièrement les contrevenants.

Concrètement, il s’agit de gommer jusqu’à la moindre possibilité de débattre de certains sujets, quitte à dévoyer les concepts, dans la plus pure tradition Orwéllienne.

Boîte à outils : antisionisme, un mot volé

Tout le monde connaît cet élément de langage utilisé ad nauseam par les politiques (Valls, Macron, etc.) et les médias français :

« l’antisionisme est synonyme de l’antisémitisme »

C’est factuellement faux :

  • L’antisionisme s’oppose à l’État d’Israël, ou à sa politique d’extension (colonisation). Le sionisme n’est ni un peuple, ni une religion, c’est une idéologie politique conquérante, qui a mené à la création de l’État juif, au détriment des Palestiniens.
  • L’antisémitisme est une forme de racisme rejetant spécifiquement les Juifs.

En cherchant à assimiler l’antisionisme à l’antisémitisme, l’idée est de faire taire toute critique contre la politique de colonisation menée par l’État d’Israël, et le traitement indécent réservé aux Palestiniens, notamment à Gaza. Il s’agit de jeter l’opprobre des heures les plus sombres à la face des justes critiques d’un gouvernement prédateur et absolument dénué de morale.

Comme nous le verrons, les interdits, les escamotages et les dévoiements sont observables dans tous les domaines de notre société. Loin d’être des phénomènes isolés, ils sont au coeur d’une stratégie globale visant à rendre impossible de s’opposer à l’avènement du capitalisme mondialisé.

1) La langue de bois

Popularisée par Frank Lepage et ses célèbres ateliers de désintoxication de la langue de bois, ce sont toutes les expressions que l’on voit fleurir ça et là, qui ont pour seul objectif de vous empêcher de prendre la mesure d’une situation, de la réduire à un aspect purement technique, ou de rendre impossible de s’y opposer. Par exemple, de nos jours, lorsqu’une entreprise ferme, on ne parlera plus de plan de licenciement collectif, mais de plan de sauvegarde de l’emploi. Qui pourrait s’opposer à un plan visant à sauvegarder l’emploi ? Chacun peut bien comprendre que lorsqu’on nous parle de « croissance négative », on parle en fait de récession, mais quelque part, accepter d’utiliser les mots du néolibéralisme, c’est accepter de penser avec les mots de notre ennemi (la finance, chère à François Hollande). Notez d’ailleurs que ces expressions, fruits de la réflexion de think tanks d’obédience néolibérale ne peuvent s’imposer qu’avec le concours expresse des médias.

2) Les partis politiques… voleurs de mots

Quel que soit le parti politique pour lequel vous votez (ou ne votez plus) aujourd’hui, Il y a un certain nombre de points que vous ne trouverez dans le programme d’aucun d’eux. Cela indique une forme de collusion dans laquelle tous sont parfaitement d’accord pour qu’un certain nombre de dogmes/sujets ne soient jamais remis en question :

  • Adhésion à l’Union Européenne
  • Ordo-libéralisme de Bruxelles
  • Accueil des migrants
  • Mondialisation et ses conséquences sociales désastreuses
  • Soumission à la politique américaine
  • Suivisme dans les guerres d’agression perpétrées par l’OTAN pour le compte des USA et d’Israël
  • Acceptation du néolibéralisme comme s’il s’agissait d’une fatalité inéluctable

Boîte à outils : les 3 méthodes utilisées par le pouvoir et les partis pour n’avoir pas à aborder les sujets tabous

  1. Diabolisation du concept, et donc des personnes qui voudraient voir ce sujet abordé, comme n’importe quelle question de société en démocratie. Vous êtes contre la politique migratoire ? Vous êtes donc un horrible xénophobe, voire carrément un antisémite (si si). Fin de la discussion, le ballon est toujours là, mais vous, vous êtes déjà en route pour l’infirmerie.
  2. Pseudo-consensus totalement fantasmé : l’Europe, mais c’est la paix ! Tout le monde est pour la paix, donc les citoyens sont très favorables à l’Union Européenne, même si celle-ci n’est pas parfaite (mais on va régler ça après lesprochaines élections européennes). Oui, sauf que dans les faits, le Traité de l’Union, qui devait initialement être ratifié par les États-membres sur base référendaire a été plutôt mal reçu : les trois seuls pays à avoir organisé un référendum (France, Irlande, Pays-Bas) s’étant prononcés contre. Du coup, il est où le consensus ? Elle est où, la démocratie ? Notez qu’à ce point de la discussion, si vous vous permettez d’insister, vous passez immédiatement dans la catégorie « facho rouge-brun ». N’était-ce pas Junker qui disait déjà en janvier 2015 : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens1 » ?
  3. Inéluctabilité : « le néolibéralisme, mais comment voulez-vous que nous y échappions, c’est comme ça, et il n’est pas possible de revenir en arrière ». Ce qui est évidemment très pratique pour n’avoir pas à se poser la question de notre souveraineté, et du véritable pouvoir qui reste (#oupas) aux pantins du gouvernement face aux puissances de l’argent.

Pour ces raisons, les partis politiques sont devenus comme des marques de poudre à lessiver : il y a la boîte rouge, la bleue, la verte (éco-lessive), mais dedans la boîte, ça reste la même camelote : néolibéralisme et atlantisme à tous les étages. Il n’y a plus aujourd’hui de clivage gauche/droite, il reste juste quelques variantes de néolibéralisme — école de Chicago — avec plus ou moins le même contenu pour l’essentiel. Les élections s’apparentent désormais au théâtre de Guignol (en plus ennuyeux). De l’extrême droite à l’extrême gauche en passant par les partis traditionnels et les inénarrables doudous insoumis, c’est le même tonneau de pommes blettes dégageant une odeur entêtante de pourriture. Et c’est plus ou moins le même tableau en Belgique, raison pour laquelle je ne vote plus, désormais, en dépit de l’obligation légale.

En pratique, les mots volés, en parlant des partis politiques traditionnels, c’est le classique emploi du faux dilemme :

  • « Quelle alternative proposez-vous au capitalisme ? Vous voulez instaurer un système soviétique ! »
  • « Vous ne voulez pas accueillir les réfugiés ? On ne discute pas avec des xénophobes »

Comme si la seule alternative à un régime néolibéral était une dictature communiste. Comme si la seule option qui s’offrait à nous serait d’ouvrir les frontières à tous les réfugiés, sans jamais se poser la question de savoir pourquoi ils ont quitté leur pays tout d’abord (parce que nous avons largement contribué à les détruire et à les rendre invivables). Est-ce que, dans les années ’90, tous les pays occidentaux étaient peuplés de xénophobes bas de plafond dirigés par l’extrême droite ? Je n’en ai pas l’impression, pourtant l’immense majorité de ces pays appliquait strictement les lois relatives au droit d’asile, ce qui excluait de fait l’accueil des réfugiés économiques.

La question à se poser étant celle-ci : lorsque les instances des partis politiques excluent d’office le débat sur un certain nombre de questions, sont-ils encore d’essence démocratique, et n’y aurait-il pas lieu, soit de renouveler le cadre de fond en comble, soit de les délaisser et d’en fonder un autre, dans lequel pareille manipulation serait statutairement impossible ?

À bien y regarder, c’est précisément ce qui est arrivé au Parti Socialiste français, méticuleusement détruit de l’intérieur depuis 1983 par ses cadres dirigeants qui ont lentement mais sûrement dévoyé l’idéal socialiste pour l’aligner sur la doctrine néolibérale européiste. Force est de constater qu’en fait de gauche, Mitterrand n’était que le faux-nez de la droite, et sa principale tâche aura été la liquidation, une fois pour toutes, du puissant Parti Communiste français. François Hollande, en fournissant le marchepied au candidat de la Banque Rotschild, n’aura été que le dernier maillon de la chaîne, le concierge chargé d’éteindre les lumières et de fermer derrière lui en sortant. Mission accomplie, aujourd’hui on peut faire aisément tenir ce qu’il reste d’authentiques communistes français dans l’arrière-salle de la Librairie Tropiques sans même avoir besoin de retirer les bouquins d’abord.

3) Les médias menteurs

En démocratie, une presse plurielle et libre est censée garantir l’expression de la diversité d’opinion, au point qu’on la désigne parfois comme le quatrième pouvoir, les trois autres étant l’exécutif, le législatif et le judiciaire.

Oui mais voilà, aujourd’hui, tous les grands médias sont aux mains de groupes financiers baignant dans le même marigot idéologique d’inspiration néolibérale. Ce sont les nouveaux chiens de garde au service du pouvoir, ou plus exactement, leurs dirigeants se trouvent être également ceux qui placent leurs pions dans les sphères du pouvoir, comme en atteste l’élection de Macron à la présidence de la République.

Il ne reste donc qu’une diversité de façade, puisqu’on est parfaitement d’accord sur l’essentiel : ainsi, dans leurs feuillets, vous seriez bien en peine de trouver un seul article qui ne présenterait ne serait-ce qu’une opinion nuancée ou critique sur des sujets comme la Syrie, la Russie, le Venezuela, Israël ou le réchauffement climatique2.

Bien évidemment, cette collusion permanente avec le pouvoir ne passe plus vraiment inaperçue, et le public se détourne de plus en plus des médias traditionnels au profit des médias alternatifs ou des rares journaux qui ont pu garder une indépendance éditoriale sur certains sujets, comme le Canard enchaîné ou Médiapart.

Ce désamour a pour conséquence une baisse constante du lectorat, ce qui ne fait qu’aggraver un peu plus la situation financière déjà passablement calamiteuse des médias, qui sont littéralement au bord de la faillite. Avec pour corollaire une plus grande dépendance à la perfusion que représente l’apport financier des actionnaires, et les subventions de l’État. Les journalistes ne sont pas censurés, ils s’autocensurent. Ils savent qu’au premier article qui franchirait la ligne jaune, ils seront virés comme des malpropres et remplacés par quelqu’un de plus docile. Ce n’est plus la personnalité ou le talent du journaliste qui détermine la qualité de son travail, mais son environnement : il se trouve pieds et poings liés.

Plus grave : constatant que le public se détourne de plus en plus de la propagande qu’ils déversent par tombereaux, les médias ont mis en place une véritable stratégie de censure sociétale, sous couvert de lutter contre les fake news. En pratique, c’est la remise au goût du jour de l’Index librorum prohibitorum. Sans vouloir nier un seul instant qu’un certain nombre de sites de réinformation sont parfois en effet de véritables usines à fake news, n’y a-t-il pas quelque chose de profondément malsain à voir une société dans laquelle la presse appelle à la censure ? Est-il normal que l’on infantilise les citoyens au point qu’il faille leur dire ce qu’ils peuvent croire et ce qu’ils doivent rejeter ? La vérité par décret n’est qu’un des attributs du totalitarisme.

4) Érosion des libertés

En démocratie, les droits les plus fondamentaux sont :

  • La liberté d’opinion
  • La liberté d’expression

Et si la liberté d’expression est limitée par diverses exceptions, la liberté d’opinion, quant à elle, doit être totale pour qu’existe la démocratie.

Dans les faits, ces libertés sont attaquées de toutes parts, tant par le politique que par les lobbies et les chiens de garde médiatiques, qui reprennent en boucle les mêmes éléments de langage, ce qui rend parfaitement clair qu’on a affaire à de la propagande (antidémocratique).

Vous avez tous lu, ou entendu ceci ?

Le racisme n’est pas une opinion, c’est un délit

C’est un sophisme3, et il est d’autant plus pervers qu’il se présente tout auréolé de ce qui pourrait passer pour une sagesse populaire. Il vise ni plus ni moins qu’à faire accepter l’idée du délit d’opinion, le thoughtcrime de G. Orwell dans son roman Nineteen Eighy-Four (1984).

Dans les faits, la loi ne réprime pas le racisme (qui est une idéologie, donc une opinion), mais bien l’expression du racisme. La question ici n’est pas de savoir si l’idéologie raciste serait défendable, mais de comprendre que par essence, le droit s’applique dans le domaine concret de l’action et des faits, il ne peut sonder les coeurs et les reins.

L’exercice de la démocratie ne peut être contraint par l’éthique, parce que cela supposerait des parti-pris idéologiques, des interdits, et la subordination au conformisme, bien peu compatibles avec l’idée même de démocratie. Pire, ce glissement insidieux vise en réalité à abolir la frontière entre le moi (individualité) et le nous (la société) en posant que l’éthique (la doxa4) prendrait le pas sur le libre-arbitre. Ainsi, le dernier sanctuaire de votre souveraineté en tant qu’individu serait désormais partie du domaine public sous juridiction du droit commun, et la société se rapprocherait un peu plus de ce que sont les ruches des hyménoptères.

Parler de liberté n’a de sens qu’à condition que ce soit la liberté de dire aux gens ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre. (George Orwell)

Et de même, sauf à jouer les tartuffes, la défense de la liberté d’expression commence précisément par les opinions dissidentes, même (et surtout) si elles n’ont pas l’heur de nous plaire.

Étrangement, quand il s’agit de défendre la liberté d’expression de Dieudonné ou les droits fondamentaux de Tarik Ramadan5, il n’y a plus personne. Ils sont où les grands défenseurs des droits de l’homme ? Ils sont où les chantres de la démocratie ? Elle est où, l’opposition ? Où sont les gauchistes tellement prompts lorsqu’il s’agit de défendre l’Islam ou les réfugiés ? Ils ont poney ? Non, une moitié est vendue à Soros, l’autre crève de trouille, et refuse de quitter une petite zone d’inconfort pour une zone moins confortable encore.

On pourrait dire la même chose concernant Julian Assange, pratiquement oublié de tous, et que nous laisserons crever comme un rat dans sa cellule chambre, quitte à nous fendre de quelques larmes de crocodile, le jour de son enterrement, en rappelant combien c’était un courageux lanceur d’alerte. Pas comme nous, en somme.

Les silences complices, pour contraints qu’ils soient, n’en sont pas moins un aveu de lâcheté, l’espoir un peu puéril qu’en se terrant dans son trou, on échappera au regard du totalitarisme idéologique rampant qui sait se nourrir de pareilles faiblesses.

Police de la pensée et justice médiatico-politique

C’est par la grâce de Dieu que nous avons ces trois précieuses choses : la liberté de parole, la liberté de penser et la prudence de n’exercer ni l’une ni l’autre. (Mark Twain)

Je voudrais ici évoquer le cas de Dieudonné, parce que je pense qu’il est exemplatif d’une campagne menée par un lobby, des décideurs politiques et leurs chiens de garde pour détruire socialement et financièrement un homme en dehors de toute procédure judiciaire, de tout cadre légal. Je ne défends pas ses idées politiques, je pense qu’il n’en a guère, d’ailleurs : c’est un homme de spectacle, un amuseur, doué d’un rare talent, indéniablement. Vous admettrez avec moi, et cela vaut même pour le dernier des criminels, que lorsqu’un individu a purgé sa peine, il a payé sa dette à la société. Au titre du principe non bis in idem, nul ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits, et par définition, la sanction est limitée soit dans le temps, soit à une astreinte financière. Rien de tout cela ici, on a une classe politique, des influenceurs et des éditocrates qui poursuivent inlassablement Dieudonné de leur haine implacable comme s’il était désormais exclu de la communauté des hommes, et déchu de ses droits élémentaires. Cela va nettement plus loin que l’ostracisme tel qu’il était pratiqué à Athènes, qui ne visait qu’à l’éloignement temporaire de la cité de personnes jugées dangereuses pour la démocratie. De plus, l’ostracisme était une institution démocratique, en ce sens qu’il fallait 6.000 voix sur un corps électoral de 40.000 pour que le quorum soit atteint.

La question que je me pose ici est de savoir qui sont exactement ces gens qui se présentent comme les gardiens de la morale et les exécuteurs des basses oeuvres tout à la fois ? Qui leur a donné mandat ? Qui représentent-ils, à part eux-mêmes et une brochette de parvenus ? Ne voyez-vous pas le danger qu’il y a à laisser une élite décider de qui peut parler et qui ne le pourra plus ? C’est au juge de dire le droit, et la place pour le faire est le tribunal, le reste est une dérive attentatoire à la liberté d’expression, et par extension à la démocratie elle-même.

La liberté d’opinion et la liberté d’expression sont des droits fondamentaux inscrits dans la constitution. Et parce que les abolir signifierait clairement le basculement vers le totalitarisme, les élites ne peuvent les attaquer que par la bande, tout en prétendant les défendre. Mais que sont les droits constitutionnels si l’on n’a pas la possibilité d’en jouir pleinement ?

5) Censure des médias sociaux

Parce que la situation économique va en se détériorant, parce que la révolte gronde et que le peuple commence à se soulever, ne trouvant plus aucune issue à la désespérance, le pouvoir cherche par tous les moyens à étouffer la contestation. C’est donc très logiquement que la censure s’étend à présent aux réseaux sociaux, sous la pression des « démocrates » de tout poil, au titre de lutter contre les fake news (encore elles) et les « discours de haine ». La France détient d’ailleurs le record peu enviable du plus grand nombre de demandes de fermeture de pages/comptes Facebook, ça ne s’invente pas.

Cette censure s’étend désormais à Twitter, mais aussi à Youtube. Même les intermédiaires de paiement comme PayPal sont sollicités, et ferment les comptes les uns après les autres, en parfaite coordination avec le pouvoir. Il s’agit, encore une fois, de détruire financièrement les opposants si l’on ne parvient pas à les faire taire.

Cela revient à écoper le pont du Titanic avec une flûte à champagne et n’empêchera pas le navire de couler, mais le pouvoir essaie désespérément de repousser le moment où il aura à choisir entre la révolution et la répression sanglante, ce qui fait toujours tache sur la carte de visite d’un État supposément démocratique, vous en conviendrez.

Que reste-t-il de notre démocratie dans tout ça ?

Les stratégies que j’évoquais nous montrent clairement qu’elles tendent toutes au même objectif : rendre plus étroit le champ d’expression démocratique.

  • Réduire le vocabulaire ou le pervertir
  • Réduire l’offre politique réelle en posant que certains sujets ne peuvent être débattus
  • Nous abreuver de propagande médiatique au service des puissants
  • Censurer les espaces de liberté qu’étaient les réseaux sociaux
  • Ostracisation des opposants, voire mise à mort sociale & économique

Comment pouvons-nous lutter efficacement contre ces dérives ?

En retrouvant notre capacité naturelle au dialogue, au-delà des clivages artificiellement posés par ceux qui veulent à tout prix empêcher l’émergence d’une force d’opposition capable de jeter les gouvernements actuels dans les poubelles de l’histoire dont ils n’auraient jamais dû sortir.

Par dialogue, j’entends de ne plus accepter qu’un banal emprunt idéologique puisse mener à une diabolisation par association. S’il est parfaitement légitime de s’opposer aux idées, il y a grand danger à pratiquer l’ostracisme, le danger de se retrouver atomisés, littéralement. Et les seuls qui ont intérêt à ce que l’opposition reste atomisée sont nos dirigeants actuels, et leurs supplétifs.

En démocratie, la diversité des opinions est un bienfait, pas une tare. On peut parfaitement avoir une sensibilité sociale et remettre en cause l’immigration massive qui ne mènera qu’à la guerre civile que Zemmour appelle de ses voeux. On peut parfaitement admirer Michel Collon pour ses positions contre les guerres néocoloniales et trouver chez Alain Soral des analyses lucides et réalistes. On peut aimer Marx et comprendre Proudhon. On peut être contre l’appropriation des ressources de l’humanité par une petite clique de parasites et comprendre les petits propriétaires terriens et les entrepreneurs. On peut être résolument contre la destruction de la planète par l’homme, être animé d’un esprit authentiquement écologique et considérer que la voiture électrique n’est qu’une farce à l’usage des bobos, et que la « lutte contre le réchauffement climatique » n’est qu’une autre formulation pour « eugénisme tranquille » (tout de suite moins sexy).

Et j’ajoute que si les partis d’opposition actuels s’accomodent ou encouragent pareille dichotomie, ils font le jeu du pouvoir, et ceux qui y sont dans l’espoir d’un grand soir qui ne viendra jamais en sont les éternels cocus.

Casser tout pour reconstruire, et peupler ce lieu avec des hommes nouveaux : terriblement seuls, désespérément faibles, parce qu’attachés à rien, et ancrés nulle part.

Une société, c’est avant tout une communauté sur un territoire. Des règles simples et justes, un partage équitable des charges et des bienfaits. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Ce lieu de vie est attaqué de toutes parts, autant pour ce qui concerne le territoire6 que pour ce qui concerne sa communauté (les Français). Pire, tout ce qui pourrait ressembler, de près ou de loin, à une organisation sociale visant la cohésion est systématiquement détruit par les mêmes qui prétendent les défendre : les services publics, les soins de santé, l’enseignement, mais aussi les fleurons industriels (privatisations), les syndicats et jusqu’au noyau familial : aujourd’hui, si vous n’avez pas épousé votre poisson-rouge et que votre gamin de 5 ans n’a pas encore fait son coming-out, vous n’êtes qu’un putain de macho dominateur rétrograde doublé d’un père indigne et homophobe. Tout est à vendre, tout doit partir.

Ne vous y trompez pas, ce lent travail de sape de ce qui constitue le ciment même de la société ne pourrait pas exister sans la complicité des élites, qui ont décidé, main dans la main avec le pouvoir financier international7, d’en finir une fois pour toutes avec ce modèle. Il faut donc casser tout pour reconstruire, et peupler ce lieu avec des hommes nouveaux : terriblement seuls, désespérément faibles, parce qu’attachés à rien, et ancrés nulle part. Ce sera le pouvoir sans partage des multinationales; sans intermédiaires devenus désormais inutiles, Macron partira à la casse et sera remplacé par une sorte de CEO de la filiale « France » et il se trouvera encore des imbéciles pour voter pour… ça.

Ph. Huysmans

    • Presque un oxymore, puisque précisément l’essence de la démocratie est le pouvoir politique exercé par le peuple. Et si le peuple ne peut s’emparer de la question des traités, on peut raisonnablement conclure qu’il n’y a pas de démocratie du tout (cfr référendum sur le Traité de Maastricht)
    • Apparemment, en 2009 c’était encore possible, mais même rétrospectivement, il semble que l’existence d’un tel article soit insupportable : il a donc été supprimé. Bienvenue en 1984.
    • Sophisme : argument, raisonnement ayant l’apparence de la validité, de la vérité, mais en réalité faux et non concluant, avancé généralement avec mauvaise foi, pour tromper ou faire illusion. Source CNRTL
    • Ensemble des opinions communes aux membres d’une société et qui sont relatives à un comportement social. Source : Larousse
    • Libéré sous caution le 16 novembre 2018 après 287 jours de détention provisoire. Est-il permis de penser que le traitement appliqué à l’intéressé (par la justice, mais aussi par les médias) diffère singulièrement par sa sévérité si on le compare à d’autres affaires qui avaient défrayé la chronique (Polanski, Dsk) ? La question n’est pas de savoir si l’on est d’accord avec les idées professées par Tarik Ramadan, mais bien de savoir s’il est un citoyen français comme les autres, un justiciable bénéficiant du droit à la présomption d’innocence, comme tout accusé, dans l’attente de son procès.
    • Souveraineté : le droit français est désormais subordonné au droit européen
    • Multinationales, banques, fonds de pensions, spéculateurs…
 
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Ph. Huysmans

Webmaster du Vilain Petit Canard, citoyen de nationalité belge, né à Schaerbeek le 16.10.1966. Marié et père de deux enfants. Je vis en Belgique et j’exerce la profession d’Informaticien à Bruxelles. Ses articles

Source: Le Vilain Petit Canard

Das verborgene Volk

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Das verborgene Volk

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mardi, 26 mars 2019

Yann-Ber Tillenon et Alice Tertrais nous parlent de Guillaume FAYE

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Yann-Ber Tillenon et Alice Tertrais nous parlent de Guillaume FAYE

Entrez une dernière fois dans l'univers de cet auteur génial en lisant son dernier essai, Guerre Civile Raciale : https://guillaume-faye.fr/
 
Le site internet de l'invité est ici : http://www.tillenon.com/
 
La chaîne youtube de nos deux amis, à présent : https://www.youtube.com/channel/UCG6u...
 
Les interventions de Guillaume Faye dont je parle dans cette vidéo :
 
- Pour le colloque d'American Renaissance : https://www.youtube.com/watch?v=ydWli...
 
- Interview faite par un camarade russe : https://www.youtube.com/watch?v=4zzLP...
 
En espérant que ce petit hommage à trois vous a plu.
Que l'artiste et l'homme repose en paix !
 

The Great Delusion: Liberal Dreams and International Realities

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The Great Delusion: Liberal Dreams and International Realities

An excerpt from John Mearsheimer's latest book.
by John J. Mearsheimer

Ex: https://nationalinterest.org

Editor’s Note: This is an excerpt from the new book The Great Delusion : Liberal Dreams and International Realities by John Mearsheimer.

Liberal hegemony is an ambitious strategy in which a state aims to turn as many countries as possible into liberal democracies like itself while also promoting an open international economy and building international institutions. In essence, the liberal state seeks to spread its own values far and wide. My goal in this book is to describe what happens when a power­ful state pursues this strategy at the expense of balance­-of­-power politics.

Many in the West, especially among foreign policy elites, consider liberal hegemony a wise policy that states should axiomatically adopt. Spreading liberal democracy around the world is said to make eminently good sense from both a moral and a strategic perspective. For starters, it is thought to be an excellent way to protect human rights, which are sometimes seri­ously violated by authoritarian states. And because the policy holds that liberal democracies do not want to go to war with each other, it ultimately provides a formula for transcending realism and fostering international peace. Finally, proponents claim it helps protect liberalism at home by eliminating authoritarian states that otherwise might aid the illiberal forces that are constantly present inside the liberal state.

This conventional wisdom is wrong. Great powers are rarely in a position to pursue a full­-scale liberal foreign policy. As long as two or more of them exist on the planet, they have little choice but to pay close attention to their position in the global balance of power and act according to the dictates of realism. Great powers of all persuasions care deeply about their survival, and there is always the danger in a bipolar or multipolar system that they will be attacked by another great power. In these circumstances, liberal great powers regularly dress up their hard­-nosed behavior with liberal rhe­toric. They talk like liberals and act like realists. Should they adopt liberal policies that are at odds with realist logic, they invariably come to regret it. But occasionally a liberal democracy encounters such a favorable balance of power that it is able to embrace liberal hegemony. That situation is most likely to arise in a unipolar world, where the single great power does not have to worry about being attacked by another great power since there is none. Then the liberal sole pole will almost always abandon realism and adopt a liberal foreign policy. Liberal states have a crusader mentality hard­-wired into them that is hard to restrain.

Because liberalism prizes the concept of inalienable or natural rights, committed liberals are deeply concerned about the rights of virtually every individual on the planet. This universalist logic creates a powerful incen­tive for liberal states to get involved in the affairs of countries that seriously violate their citizens’ rights. To take this a step further, the best way to ensure that the rights of foreigners are not trampled is for them to live in a liberal democracy. This logic leads straight to an active policy of regime change, where the goal is to topple autocrats and put liberal democracies in their place. Liberals do not shy from this task, mainly because they often have great faith in their state’s ability to do social engineering both at home and abroad. Creating a world populated by liberal democracies is also thought to be a formula for international peace, which would not just eliminate war but greatly reduce, if not eliminate, the twin scourges of nuclear prolifera­tion and terrorism. And lastly, it is an ideal way of protecting liberalism at home.

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This enthusiasm notwithstanding, liberal hegemony will not achieve its goals, and its failure will inevitably come with huge costs. The liberal state is likely to end up fi endless wars, which will increase rather than reduce the level of conflict in international politics and thus aggravate the problems of proliferation and terrorism. Moreover, the state’s militaristic behavior is almost certain to end up threatening its own liberal values. Liber­alism abroad leads to illiberalism at home. Finally, even if the liberal state were to achieve its aims—spreading democracy near and far, fostering eco­nomic intercourse, and creating international institutions—they would not produce peace.

The key to understanding liberalism’s limits is to recognize its relation­ship with nationalism and realism. This book is ultimately all about these three isms and how they interact to affect international politics.

Nationalism is an enormously powerful political ideology. It revolves around the division of the world into a wide variety of nations, which are formidable social units, each with a distinct culture. Virtually every nation would prefer to have its own state, although not all can. Still, we live in a world populated almost exclusively by nation­-states, which means that liberalism must coexist with nationalism. Liberal states are also nation­states. There is no question that liberalism and nationalism can coexist, but when they clash, nationalism almost always wins.

The influence of nationalism often undercuts a liberal foreign policy. For example, nationalism places great emphasis on self­-determination, which means that most countries will resist a liberal great power’s efforts to inter­fere in their domestic politics—which, of course, is what liberal hegemony is all about. These two isms also clash over individual rights. Liberals be­lieve everyone has the same rights, regardless of which country they call home. Nationalism is a particularist ideology from top to bottom, which means it does not treat rights as inalienable. In practice, the vast majority of people around the globe do not care greatly about the rights of individu­als in other countries. They are much more concerned about their fellow citizens’ rights, and even that commitment has limits. Liberalism oversells the importance of individual rights.

mears-tragedy.jpgLiberalism is also no match for realism. At its core, liberalism assumes that the individuals who make up any society sometimes have profound differences about what constitutes the good life, and these differences might lead them to try to kill each other. Thus a state is needed to keep the peace. But there is no world state to keep countries at bay when they have profound disagreements. The structure of the international system is anar­chic, not hierarchic, which means that liberalism applied to international politics cannot work. Countries thus have little choice but to act according to balance-­of-­power logic if they hope to survive. There are special cases, however, where a country is so secure that it can take a break from realpolitik and pursue truly liberal policies. The results are almost always bad, largely because nationalism thwarts the liberal crusader.

My argument, stated briefly, is that nationalism and realism almost always trump liberalism. Our world has been shaped in good part by those two powerful isms, not by liberalism. Consider that five hundred years ago the political universe was remarkably heterogeneous; it included city­-states, duchies, empires, principalities, and assorted other political forms. That world has given way to a globe populated almost exclusively by nation­ states. Although many factors caused this great transformation, two of the main driving forces behind the modern state system were nationalism and balance-­of-­power politics.

The American Embrace of Liberal Hegemony

This book is also motivated by a desire to understand recent American foreign policy. The United States is a deeply liberal country that emerged from the Cold War as by far the most powerful state in the international system. 1 The collapse of the Soviet Union in 1991 left it in an ideal position to pursue liberal hegemony. 2 The American foreign policy establishment em­ braced that ambitious policy with little hesitation, and with abundant opti­mism about the future of the United States and the world. At least at first, the broader public shared this enthusiasm.

The zeitgeist was captured in Francis Fukuyama’s famous article, “The End of History?,” published just as the Cold War was coming to a close. 3 Liberalism, he argued, defeated fascism in the first half of the twentieth century and communism in the second half, and now there was no viable alternative left standing. The world would eventually be entirely populated by liberal democracies. According to Fukuyama, these nations would have virtually no meaningful disputes, and wars between great powers would cease. The biggest problem confronting people in this new world, he suggested, might be boredom.

It was also widely believed at the time that the spread of liberalism would ultimately bring an end to balance-­of-­power politics. The harsh security competition that has long characterized great-­power relations would dis­appear, and realism, long the dominant intellectual paradigm in inter­national relations, would land on the scrap heap of history. “In a world where freedom, not tyranny, is on the march,” Bill Clinton proclaimed while campaigning for the White House in 1992, “the cynical calculus of pure power politics simply does not compute. It is ill­-suited to a new era in which ideas and information are broadcast around the globe before ambas­sadors can read their cables.”

Probably no recent president embraced the mission of spreading liberal­ism more enthusiastically than George W. Bush, who said in a speech in March 2003, two weeks before the invasion of Iraq: “The current Iraqi re­gime has shown the power of tyranny to spread discord and violence in the Middle East. A liberated Iraq can show the power of freedom to transform that vital region, by bringing hope and progress into the lives of millions. America’s interests in security, and America’s belief in liberty, both lead in the same direction: to a free and peaceful Iraq.” Later that year, on September 6, he proclaimed: “The advance of freedom is the calling of our time; it is the calling of our country. From the Fourteen Points to the Four Freedoms, to the Speech at Westminster, America has put our power at the service of principle. We believe that liberty is the design of nature; we be­lieve that liberty is the direction of history. We believe that human fulfill­ment and excellence come in the responsible exercise of liberty. And we believe that freedom—the freedom we prize—is not for us alone, it is the right and the capacity of all mankind.”

Something went badly wrong. Most people’s view of U.S. foreign policy today, in 2018, is starkly different from what it was in 2003, much less the early 1990s. Pessimism, not optimism, dominates most assessments of America’s accomplishments during its holiday from realism. Under Presi­dents Bush and Barack Obama, Washington has played a key role in sow­ing death and destruction across the greater Middle East, and there is little evidence the mayhem will end anytime soon. American policy toward Ukraine, motivated by liberal logic, is principally responsible for the ongo­ing crisis between Russia and the West. The United States has been at war for two out of every three years since 1989, fighting seven different wars. We should not be surprised by this. Contrary to the prevailing wisdom in the West, a liberal foreign policy is not a formula for cooperation and peace but for instability and conflict.

In this book I focus on the period between 1993 and 2017, when the Clinton, Bush, and Obama administrations, each in control of American foreign policy for eight years, were fully committed to pursuing liberal hegemony. Although President Obama had some reservations about that policy, they mattered little for how his administration actually acted abroad. I do not consider the Trump administration for two reasons. First, as I was finishing this book it was difficult to determine what President Trump’s foreign policy would look like, although it is clear from his rhetoric during the 2016 campaign that he recognizes that liberal hegemony has been an abject failure and would like to abandon key elements of that strategy. Second, there is good reason to think that with the rise of China and the res­urrection of Russian power having put great power politics back on the table, Trump eventually will have no choice but to move toward a grand strategy based on realism, even if doing so meets with considerable resistance at home.

John J. Mearsheimer is the R. Wendell Harrison Distinguished Service Professor of Political Science at the University of Chicago. His many books include The Tragedy of Great Power Politics and Conventional Deterrence .

Il est urgent de dépasser le clivage gauche-droite

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Il est urgent de dépasser le clivage gauche-droite


 
Par Patrice-Hans Perrier 
Ex: http://www.zejournal.mobi

Les grands médias alliés aux oligarques continuent de nous prendre pour des ânes en mettant en scène un combat simulé entre la gauche et la droite. Et, certains chroniqueurs en rajoutent en souhaitant que la jeunesse sorte de sa torpeur actuelle afin de reprendre goût à cette politique des apparences qui aura contribué à berner leurs parents. Parce que les clivages auxquels nous sommes habitués nous empêchent de poser les bons diagnostics sur les maux qui gangrènent nos sociétés.

Les patriotes qui se battent pour la survie de leur nation doivent éviter de tomber dans le piège des catégories politiques.

Une réalité qui dépasse les clivages politiques

Le politologue Arnaud Imatz, invité à débattre de la question sur le site de réflexion Le Cercle Aristote, estime que « la division Droite/Gauche est devenue un masque, qui sert à cacher une autre division, désormais beaucoup plus décisive : celle qui oppose les peuples enracinés aux élites autoproclamées vectrices du déracinement; celle qui oppose les défenseurs de la souveraineté, de l’identité et de la cohésion nationale aux partisans de la « gouvernance mondiale »; celle qui oppose les exclus de la mondialisation rejetés dans les zones périurbaines du pays […] aux privilégiés du système, à l’oligarchie dominante, à la classe dirigeante mondialisée ou l’hyperclasse qui vit dans les beaux quartiers des grandes villes […] ».

La droite et la gauche se renvoient la balle

En bref, les partisans de la gauche reprochent aux gens de droite d’être trop conservateurs, tout en refusant les inévitables changements qui sont le lot de nos sociétés en voie de liquéfaction. À droite, on refuse les schémas proposés par une gauche qui s’acharne à vouloir tout chambouler afin de favoriser l’émergence d’un « homme nouveau », sorte de citoyen d’une société éclatée où seuls les rapports économiques constituent l’étalon de mesure. La variable d’ajustement, pour parler comme certains économistes.

À gauche, on prône une plus grande justice sociale qui serait susceptible de se réaliser à travers le dépassement des habituels clivages socioculturels qui marquent le territoire de nos cités. Il n’y a plus de culture historique qui tienne pour ces partisans d’une lutte de classe qui se concentre sur une meilleure répartition des ressources économiques. Pourtant, on a qu’à gratter le vernis gauchiste plaqué sur ce type de formations politiques pour réaliser que leurs dirigeants ne sont que des arrivistes qui rament pour obtenir un strapontin bien au chaud au parlement.

La droite n’est pas en reste au chapitre des simulacres et ça fait des lustres que ses ténors ont jeté aux orties tout ce qui pouvait s’apparenter aux vertus d’un christianisme qui est devenu un triste simulacre. La droite est affairiste, elle émaille son discours de références patriotiques afin de faire passer la pilule d’un libre-marché à tous crins. Prônant un meilleur contrôle des mouvements humains aux frontières, elle ne dit plus rien quand vient le temps de s’opposer à toute cette flopée de traités de libre-échange destinée à paver la voie au grand capital apatride. Si elle reproche à la gauche d’imposer ses idées préconçues sur les campus universitaires, elle nous enfonce sa religion de l’argent-roi profondément dans la gorge.

Détruire l’État pour réaliser la dictature des marchés

On réalise que cette nouvelle droite, qualifiée maladroitement de libertarienne par certains, fantasme sur le projet de privatiser tous les actifs d’un État qui se voulait stratège à l’époque du général de Gaulle. Il n’y a pas à dire : on dirait que la gauche et la droite se lancent des défis truqués afin de distraire les électeurs pendant que les oligarques et les banquiers se préparent à liquider tous les actifs de nos nations affaiblies.

Le mondialisme à l’œuvre n’est pas un scénario idéaliste promu par une caste d’illuminés. Il s’agit, a contrario, d’un projet particulièrement bien ficelé, quelque chose d’effectif et de pragmatique. Ses architectes ont l’intention de faire éclater toutes les balises qui structuraient nos sociétés depuis des lustres. Rien ne doit s’opposer aux desseins du grand capital et l’humanité doit devenir une réserve de main-d’œuvre corvéable à merci. Et, c’est ce qui explique pourquoi il est si important de maintenir l’illusion d’un combat des idées opposant une gauche et une droite complètement inféodées aux diktats de l’hyperclasse aux commandes. Il est temps de passer à autre chose.

Un lien pertinent : Le Cercle Aristote

Matthieu Baumier : "si le clivage gauche-droite n’existe plus, c'est qu'il n’existe plus au sein de la pensée libérale-libertaire"

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Matthieu Baumier : "si le clivage gauche-droite n’existe plus, c'est qu'il n’existe plus au sein de la pensée libérale-libertaire"

Ex: https://www.sudradio.fr

Matthieu Baumier, écrivain, critique, essayiste et auteur de Voyage au bout des ruines libérales-libertaires (Éditions Pierre-Guillaume de Roux) était l’invité d’André Bercoff le 6 février 2019 sur Sud Radio.

Pour Matthieu Baumier, écrivain, critique, essayiste et auteur de Voyage au bout des ruines libérales-libertaires (Éditions Pierre-Guillaume de Roux), de nos jours, "tout ce qui serait réellement à gauche ou réellement à droite est repoussé aux extrêmes et considéré comme ne pouvant pas faire partie du jeu politique". Matthieu Baumier était l’invité d’André Bercoff le 6 février 2019 sur Sud Radio dans son rendez-vous du 12h-13h, "Bercoff dans tous ses états".

Les lib-lib, un groupe social aux caractéristiques bien définies

Matthieu Baumier a commencé par expliquer ce qu’est un libéral-libertaire (lib-lib). "J’aime beaucoup la définition que donne Jean-Claude Michéa. Un libéral-libertaire, c’est la conjugaison d’un certain libéralisme économique exacerbé et d’un libéralisme culturel et politique. C’est une religion de l’illimité, l’absence d’autorité, une conception du monde hors sol, sans enracinement", a expliqué Matthieu Baumier.

Il y a néanmoins une différence entre les lib-lib et les bobos. "Le bobo est une personne qui vit dans le monde lib-lib. La différence est que le lib-lib est mondialisé et acteur de cette mondialisation. Le lib-lib est un acteur politique, médiatique, économique ou culturel, tandis que le bobo peut être un citoyen lambda", nous a raconté Matthieu Baumier.

Pour les libéraux-libertaires, tant la gauche que la droite sont des extrêmes

"Il y a le monde réel, dont on ne tient pas compte. Et en lieu et place de ce monde réel est mis en place une image du réel à laquelle on ne peut pas s’opposer. Je crois que ce processus est contre-démocratique. Par exemple, le Président Macron est légitime car il a été élu sur le plan de la démocratie participative. En revanche, le pouvoir politique actuel n’a pas de légitimité parce que la moitié des citoyens français ne sont pas représentés à l’Assemblée nationale", a estimé Matthieu Baumier.

"Nous avons tendance à considérer que le clivage droite-gauche n’existe plus. S’il n’existe plus, il n’existe plus au sein de la pensée libérale-libertaire. Tout ce qui serait réellement à gauche ou réellement à droite est repoussé aux extrêmes et considéré comme ne pouvant pas faire partie du jeu politique. C’est de ce biais que naît la contre-démocratie dans laquelle nous sommes", a poursuivi Matthieu Baumier.

Cliquez ici pour écouter l’invité d’André Bercoff dans son intégralité en podcast.

Retrouvez André Bercoff et ses invités du lundi au vendredi sur Sud Radio, à partir de midi.

Toutes les fréquences de Sud Radio sont ici !

lundi, 25 mars 2019

La gauche américaine et le piège identitaire

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La gauche américaine et le piège identitaire

par Olivier Meuwly

Ex: https://www.letemps.ch

OPINION. L’auteur américain Mark Lilla prône une gauche réconciliée avec une citoyenneté qui aurait divorcé de ses démons identitaires et de son «narcissisme moralisant», explique l’historien Olivier Meuwly. Une leçon qui vaudrait aussi pour l’Europe.

La notion d’identité est traditionnellement accolée à la droite, surtout la plus extrême. Comme si l’identité ne renvoyait qu’à une ethnie ou une nation qu’il s’agirait de protéger contre une abrasive et universaliste modernité, hostile aux particularismes régionaux. Et si cette notion était plus complexe? Cette interrogation réside au cœur d’un essai du philosophe américain et homme de gauche Mark Lilla, récemment traduit en français*. L’auteur se demande ni plus ni moins, en s’adressant à ses amis membres du Parti démocrate, si la gauche ne se serait pas à son tour ménagé une politique identitaire, bien sûr antagonique à celle prévalant à droite, mais tout aussi mortifère, surtout pour ses propres intérêts. Son livre a été très mal reçu par ses amis politiques…

Mark Lilla estime que la gauche américaine, mais le constat vaut aussi pour l’Europe, a interprété l’individualisme des années 60 et 70 comme la matrice d’une politique orientée vers le moi, dans le prolongement du romantisme néoanarchiste en vogue à l’époque. Alors que la droite reaganienne dérivait vers un libéralisme «néo» vissé sur le profit, la gauche se serait représenté la société non comme un collectif, désormais dépassé, mais comme une juxtaposition de «moi» s’assemblant avec d’autres «moi» au gré de leurs similitudes, raciales, sexuelles, ou autres. Le monde de la gauche se serait ainsi transformé en un univers constitué de groupes partageant une identité dont la défense serait l’unique finalité. Tournant le dos à l’action politique, délégitimée dans le discours soixante-huitard, cette gauche aurait confié à la justice le soin de dresser des digues autour de ces identités pour mieux contourner les défaites enregistrées dans un champ politique de toute façon méprisé. Il est vrai que le système américain n’est pas avare d’opportunités en la matière…

Moralisme identitaire

Engluée dans cette quête identitaire génitrice d’un «politiquement correct» où le simple fait de ne pas adhérer pleinement à ses réquisitions est jugé amoral et donc condamnable, la gauche se réfugie dans l’anathème: l’identité de gauche n’aurait dès lors plus rien à envier à l’identité de droite récupérée par l’aile droite du Parti républicain, avec à la clé un repli identitaire d’obédience «populiste», voire cryptonationaliste.

La grande victime de ce virage identitaire serait l’idée même de citoyenneté que, devant le vide ainsi créé à gauche, la droite n’aurait, selon l’auteur, aucune peine à remplir de ses propres valeurs. Le citoyen s’étant ainsi effacé devant l’individu perçu à travers sa seule identité, le fossé se creuse entre le «nous», au bord de l’effondrement, et le «moi» triomphant. Piège d’autant plus pernicieux pour la gauche que l’individu se définit par des identités multiples que seule la conscience d’une appartenance collective aurait pu transcender. Or l’appartenance personnelle s’impose comme la seule référence, anesthésiant tout discours audible par l’ensemble des Américains.

Le citoyen s’étant effacé devant l’individu perçu à travers sa seule identité, le fossé se creuse entre le «nous», au bord de l’effondrement, et le «moi» triomphant

Mark Lilla s’abstient d’explorer toutes les raisons qui ont poussé la gauche à s’enliser dans ce moralisme identitaire à même de se retourner contre la légitime protection des minorités, mais survalorisant les marges au détriment de l’ensemble. L’égalitarisme ne mine-t-il pas les fondements de l’égalité? Il préfère ne pas aborder la question, douloureuse. Il aurait aussi pu évoquer l’exemple de l’islamo-gauchisme que l’Europe connaît bien et qui a été dénoncé par de nombreux auteurs, pas tous de droite.

Retrouver le bien commun

Mark Lilla ne manque néanmoins pas de courage et son plaidoyer pour une gauche réconciliée avec une citoyenneté qui aurait divorcé de ses démons identitaires, de ce «narcissisme moralisant» selon ses propres termes, mérite d’être analysé au-delà de sa seule famille politique. Car il ne dit pas qu’articuler un discours sur l’identité est mauvais en soi mais qu’au contraire la défense des identités, nécessaire, ne trouve sa justification ultime que dans la recherche du bien commun. Et ce bien commun se réalise dans le dialogue et le compromis, que Lilla reproche aux démocrates de son pays de négliger. Les social-démocraties européennes devraient être mieux outillées mais elles semblent elles aussi de plus en plus succomber à cet «identitarisme» malheureux.

Concentré sur les identités que la gauche a voulu prendre sous son aile mais sous lesquelles elle menace d’étouffer, l’auteur ne s’intéresse pas à l’identité nationale. Or la gauche peut-elle renouer avec cette citoyenneté réellement universelle sans réinventer un discours sur la nation et ses exigences minimales? Réciproquement, la droite doit réfléchir sur les façons de marier l’identité nationale avec les autres identités, expression de la liberté individuelle, pour ne pas s’illusionner d’une cohésion sociale «bricolée» par la seule grâce d’une nation magnifiée.

* La gauche identitaire. L’Amérique en miettes, Stock.