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mercredi, 04 février 2015

À propos de « Nouveaux cathares pour Monségur » de Saint-Loup

À propos de « Nouveaux cathares pour Monségur » de Saint-Loup

par Rüdiger NON CONFORME

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

nvxcath2956457755.jpgJ’ai comme l’impression qu’on ne lit plus beaucoup Saint-Loup (nom de plume de Marc Augier) aujourd’hui, ce que je ne peux que déplorer. Aussi, si ces quelques considérations sur l’un de ses ouvrages phares pouvaient donner à d’aucuns l’envie de se plonger dans l’œuvre de ce grand écrivain, j’en serais ravi.

 

Grand écrivain, oui, c’est indéniable. Et même si l’homme était avant tout un écrivain de combat aux idées bien trempées, il mérite d’être (re)découvert tant son talent peut séduire au-delà du lecteur typique de notre mouvance. Comme le savent ses lecteurs, Saint-Loup mettait énormément de lui-même dans ses livres et mêlait à ses convictions des thèmes chers qui avaient beaucoup compté dans son parcours personnel : la noblesse de comportement devant la vie, le dépassement de soi par le sport (ou la guerre) ou encore la joie de la camaraderie telle qu’on la pratiquait dans les Auberges de Jeunesse avant la Seconde Guerre mondiale.

 

Nouveaux cathares pour Monségur, premier volume du cycle des « Patries charnelles », entraîne le lecteur dans l’Occitanie de la fin des années 1930 à la fin des années 1960 et prend comme fil directeur le combat identitaire occitan. L’Occitanie étant l’une de ces nombreuses patries charnelles constituant l’Europe voulue par Saint-Loup, une Europe fédérale respectueuse de toutes ses identités régionales. Ce combat « régionaliste » est ainsi illustré dans ce roman datant de 1968 par une galerie de personnages bien différents dont les opinions (tant politiques que religieuses), les choix devant l’histoire de leur temps, les évolutions et les divergences apportent l’essentiel de la matière ici développée.

 

L’ombre de la croisade contre les Albigeois plane sur le récit et, pour bien des protagonistes de l’histoire, c’est la déclaration de guerre faite à l’Occitanie par la France du Nord au XIIIe siècle. En effet, pour Roger Barbaïra, héros du livre, « la France n’est pas la terre de mes pères », c’est « une patrie qui n’a d’autres contours qu’idéologiques ». Partant de ce postulat que la France écrase l’Occitanie depuis le Moyen Âge et que celle-ci se doit d’être libérée, Roger Barbaïra et sa bande de compagnons issue des Auberges de Jeunesse  vont tout faire pour lutter contre cette domination vue comme étrangère. Et c’est là que la plume de Saint-Loup s’exprime, à mon sens, le mieux. Quelle stratégie adopter à l’aube de la Seconde Guerre mondiale pour ces jeunes gens bien différents, tant dans la personnalité que dans les opinions politiques, mais unis par le combat identitaire ? Certains choisiront Vichy, d’autres le maquis communiste; Barbaïra choisira la S.S. Ils en viendront à s’entretuer ou à s’entraider, dépassés par les événements de la grande guerre civile européenne. Le combat continuera ensuite après la guerre, pour ceux qui y auront survécu et qui seront restés fidèles, avec d’autres moyens.

 

Comme dans beaucoup de livres de Saint-Loup, on retrouve l’idée de la dureté de l’engagement. Celui qui s’engage pour une cause fait face à de multiples difficultés et la guerre vécue par les différents acteurs de cette fresque occitane en sera la meilleure illustration : combattre ou s’engager au sens large, ce n’est pas aller dans le sens de la facilité, bien au contraire. Les péripéties de ceux qui auront choisi le mauvais camp et qui deviendront des « maudits » illustrent cela à merveille : ils seront traqués, torturés et tués par ceux qui prétendaient combattre pour la « paix », la « dignité » et les « droits de l’homme » et qui sont toujours adulés et loués de nos jours puisque, dans le monde moderne, il y a des persistances qui ont la vie dure.

 

sl380539376.jpgAu-delà de la question identitaire, Nouveaux cathares pour Monségur est un voyage en Occitanie, dans ses châteaux, ses montagnes, ses légendes. C’est l’occasion aussi pour Saint-Loup de traiter de religion et en particulier du catharisme. Cette foi est ainsi celle de ce mystique personnage qu’est Auda Isarn (dont le nom a été repris par une célèbre maison d’édition). Membre de la bande d’amis de Roger Barbaïra, sa beauté froide la rend désirable à bien des hommes qui s’opposeront pour l’avoir mais une telle femme, dotée d’une telle foi, peut-elle réellement appartenir à un homme et lui dévouer sa vie? Auda Isarn fait partie de ces femmes un peu mystérieuses voire insaisissables que l’on retrouve dans l’œuvre de l’auteur, telle la fameuse Morigane de Plus de pardons pour les Bretons, et est résolument le personnage le plus énigmatique de l’histoire.

 

Saint-Loup profite de son récit pour y fondre différents éléments ésotériques. C’est ainsi la rencontre entre Otto Rahn, l’auteur de Croisade contre le Graal et de La cour de Lucifer, d’une part et Roger Barbaïra et ses amis d’autre part qui donnera à ces derniers le goût du combat pour leur identité. C’est encore Otto Rahn qui mettra Barbaïra sur la piste des « vérités éternelles » par sa recherche du Graal dans les grottes proches de Monségur. Ce Graal, sous la plume de Saint-Loup, n’est plus la coupe qui recueillit le sang du Christ mais les tables de lois des Aryens « en écriture païenne enchevêtrée » dont la redécouverte changerait la face du monde moderne, ce qui explique les recherches menées par Rahn, en mission spéciale en 1938, puis par une section de l’Ahnenerbe à laquelle Barbaïra prêtera main forte durant la guerre avant de s’engager dans la Waffen S.S. Cet engagement s’explique par le fait que Barbaïra veut donner à l’Occitanie une place digne de ce nom dans l’Europe nouvelle et c’est seulement par le sang versé à la guerre qu’elle l’aura selon lui. De plus, il n’est plus, à l’aube de son départ sur le front de l’Est, qu’un simple combattant régionaliste. Il sait que ce combat fait partie d’un mouvement plus vaste, d’une conception totale du monde, d’une Weltanschauung où l’élément spirituel se mêle à l’élément biologique.

 

Qui sont ces nouveaux cathares évoqués par le titre du livre ? Vous le découvrirez avec cet ouvrage passionnant et extrêmement bien écrit, doté d’une interprétation très personnelle de l’histoire de l’Occitanie. Nouveaux cathares pour Monségur recèle de multiples richesses qui en font un très grand roman et un ouvrage absolument indispensable pour qui veut comprendre ou découvrir Saint-Loup.

 

Rüdiger Non Conforme

 

• Saint-Loup, Nouveaux cathares pour Monségur, Presses de la Cité, 1968; réédition Avalon, 1986.

 

• D’abord mis en ligne sur Cercle non conforme, le 17 novembre 2014.


Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

URL to article: http://www.europemaxima.com/?p=4107

Exporting Sherman’s March

Sherman-2.jpg

Sherman statue anchors one southern corner of Central Park (with Columbus on a stick anchoring the other):
 
Exporting Sherman’s March

By

DavidSwanson.org

& http://www.lewrockwell.com

shermans_ghosts.jpgMatthew Carr’s new book, Sherman’s Ghosts: Soldiers, Civilians, and the American Way of War, is presented as “an antimilitarist military history” — that is, half of it is a history of General William Tecumseh Sherman’s conduct during the U.S. Civil War, and half of it is an attempt to trace echoes of Sherman through major U.S. wars up to the present, but without any romance or glorification of murder or any infatuation with technology or tactics. Just as histories of slavery are written nowadays without any particular love for slavery, histories of war ought to be written, like this one, from a perspective that has outgrown it, even if U.S. public policy is not conducted from that perspective yet.

What strikes me most about this history relies on a fact that goes unmentioned: the former South today provides the strongest popular support for U.S. wars. The South has long wanted and still wants done to foreign lands what was — in a much lesser degree — done to it by General Sherman.

What disturbs me most about the way this history is presented is the fact that every cruelty inflicted on the South by Sherman was inflicted ten-fold before and after on the Native Americans. Carr falsely suggests that genocidal raids were a feature of Native American wars before the Europeans came, when in fact total war with total destruction was a colonial creation. Carr traces concentration camps to Spanish Cuba, not the U.S. Southwest, and he describes the war on the Philippines as the first U.S. war after the Civil War, following the convention that wars on Native Americans just don’t count (not to mention calling Antietam “the single most catastrophic day in all U.S. wars” in a book that includes Hiroshima). But it is, I think, the echo of that belief that natives don’t count that leads us to the focus on Sherman’s march to the sea, even as Iraq, Afghanistan, and Gaza are destroyed with weapons named for Indian tribes. Sherman not only attacked the general population of Georgia and the Carolinas on his way to Goldsboro — a spot where the U.S. military would later drop nuclear bombs (that very fortunately didn’t explode) — but he provided articulate justifications in writing, something that had become expected of a general attacking white folks.

What intrigues me most is the possibility that the South today could come to oppose war by recognizing Sherman’s victims in the victims of U.S. wars and occupations. It was in the North’s occupation of the South that the U.S. military first sought to win hearts and minds, first faced IEDs in the form of mines buried in roads, first gave up on distinguishing combatants from noncombatants, first began widely and officially (in the Lieber Code) claiming that greater cruelty was actually kindness as it would end the war more quickly, and first defended itself against charges of war crimes using language that it (the North) found entirely convincing but its victims (the South) found depraved and sociopathic. Sherman employed collective punishment and the assaults on morale that we think of as “shock and awe.” Sherman’s assurances to the Mayor of Atlanta that he meant well and was justified in all he did convinced the North but not the South. U.S. explanations of the destruction of Iraq persuade Americans and nobody else.

sher4130-004-383D8192.jpgSherman believed that his nastiness would turn the South against war. “Thousands of people may perish,” he said, “but they now realize that war means something else than vain glory and boasting. If Peace ever falls to their lot they will never again invite War.” Some imagine this to be the impact the U.S. military is having on foreign nations today. But have Iraqis grown more peaceful? Does the U.S. South lead the way in peace activism? When Sherman raided homes and his troops employed “enhanced interrogations” — sometimes to the point of death, sometimes stopping short — the victims were people long gone from the earth, but people we may be able to “recognize” as people. Can that perhaps help us achieve the same mental feat with the current residents of Western Asia? The U.S. South remains full of monuments to Confederate soldiers. Is an Iraq that celebrates today’s resisters 150 years from now what anyone wants?

When the U.S. military was burning Japanese cities to the ground it was an editor of the Atlanta Constitution who, quoted by Carr, wrote “If it is necessary, however, that the cities of Japan are, one by one, burned to black ashes, that we can, and will, do.” Robert McNamara said that General Curtis LeMay thought about what he was doing in the same terms as Sherman. Sherman’s claim that war is simply hell and cannot be civilized was then and has been ever since used to justify greater cruelty, even while hiding within it a deep truth: that the civilized decision would be to abolish war.

The United States now kills with drones, including killing U.S. citizens, including killing children, including killing U.S. citizen children. It has not perhaps attacked its own citizens in this way since the days of Sherman. Is it time perhaps for the South to rise again, not in revenge but in understanding, to join the side of the victims and say no to any more attacks on families in their homes, and no therefore to any more of what war has become?

Trotskisme yankee et invention du néo-conservatisme

Trotskisme yankee et invention du néo-conservatisme

Auteur : Denis Boneau
Ex: http://zejournal.mobi

Qui sont les « néoconservateurs » américains et occidentaux ? Historique du mouvement issu du trotskisme en gardant présent à l’esprit que Trotski, tout comme Lénine, était un agent de Wall Street et de la City de Londres. Voir à ce sujet notre dossier sur « Wall Street et la révolution bolchévique » de l’historien Antony Sutton. Ceci nous éclaire sur le pourquoi capitalisme et capitalisme d’état (marxisme et ses variantes léniniste, trotskiste, staliniste, puis plus tard maoïste…) sont les deux côtés de la même pièce capitaliste, pilotés par les mêmes intérêts convergents de la haute finance et de l’industrie transnationale. Le mouvement trotskiste néoconservateur n’en est qu’un des avatars supplémentaire…

En France, Jospin et Cambadélis (entre autres) issus du mouvement « lambertiste », en sont les représentants de longue date…

hook1.jpgÀ partir de 1945, les services de propagande états-uniens et britanniques recrutent des intellectuels souvent issus des milieux trotskistes afin d’inventer et promouvoir une « idéologie rivalisant avec le communisme ». Les New York Intellectuals, Sidney Hook (photo) en tête, accomplissent différentes missions confiées par la CIA avec zèle et efficacité, devenant rapidement des agents de premier plan de la Guerre froide culturelle. Des théoriciens majeurs de ce mouvement, comme James Burnham et Irving Kristol, ont élaboré la rhétorique néo-conservatrice sur laquelle s’appuient aujourd’hui les faucons de Washington.

En 1945, les stratèges soviétiques veulent obtenir la reconnaissance des démocraties populaires de l’Europe de l’Est. Ils lancent, en s’appuyant sur les services secrets, une campagne internationale pour la paix. Leur objectif est de conserver le contrôle du « glacis défensif » en évitant une série de conflits armés avec la coalition anglo-saxonne. En Grande-Bretagne, les gouvernements, notamment celui de Clement Attlee, cherchent à rompre avec la propagande de guerre qui a justifié de 1942 à 1945 l’alliance avec Moscou. Dans ce contexte, en février 1948, Attlee crée, au sein du Foreign Office, le Département de recherche de renseignements (IRD), véritable « ministère de la Guerre froide » alimenté par les fonds secrets et chargé de produire de fausses informations pour discréditer les communistes. Aux États-Unis, la situation est plus favorable. Les procès de Moscou, l’exil de Trotski, ancien bras droit de Lénine, et le pacte germano-soviétique ont considérablement nui au Parti communiste. Dans ce contexte, les marxistes rejoignent massivement l’aile trotskiste de la gauche radicale dont une fraction pactisera avec la CIA, trahissant la IVe Internationale. Après une série d’échecs désastreux, les services soviétiques renoncent à toute influence idéologique aux États-Unis et privilégient les pays d’Europe de l’Ouest, spécialement la France et l’Italie.

Les services secrets britanniques et états-uniens cherchent à fabriquer une pensée assez crédible et universelle pour rivaliser avec le marxisme-léninisme. Dans ce contexte, les New York Intellectuals – Sidney Hook, James Burnham, Irving Kristol, Daniel Bell…- vont constituer des combattants culturels particulièrement efficaces.

Les premiers « coups tordus »

Les New York Intellectuals n’ont pas besoin d’infliltrer les milieux communistes : ils s’y trouvent déjà et s’y définissent comme militants trotskistes. La CIA, en recrutant des hommes comme le philosophe marxiste Sidney Hook, collecte des renseignements utiles sur la gauche radicale états-unienne et tente de saboter les réunions internationales parrainées par Moscou.

towund.jpgEn mars 1949, à New York, se tient une « conférence scientifique et culturelle pour la paix mondiale », à l’hôtel Waldorf Astoria. Des délégations de militants communistes s’y pressent ; la réunion est secrètement supervisée par le Kominform. Mais l’hôtel est sous contrôle de la CIA, qui y a installé un quartier général secret au dixième étage. Sidney Hook, qui joue le communiste repenti, reçoit à part des journalistes auxquels il explique « sa » stratégie contre « les staliniens » : intercepter le courrier du Waldorf et diffuser de faux communiqués. Profitant de la « position de cheval de Troie » de Sidney Hook, la CIA mène une campagne d’intoxication médiatique allant jusqu’à divulguer publiquement l’appartenance politique de certains participants préfigurant ainsi la « chasse aux sorcière » du sénateur McCarthy. Avec zèle et brio, Hook mène son équipe d’agitateurs, de délateurs et de manipulateurs, rédigeant des tracts et semant le désordre lors des tables rondes… Simultanément, à l’extérieur de l’hôtel Waldorf, des dizaines de militants d’extrême-droite défilent pancarte à la main pour dénoncer l’ingérence du Kominform. L’opération est un succès total, la conférence tourne au fiasco. ?Tirant les leçons du « coup du Waldorf », la CIA états-unienne et l’IRD britannique systématisent l’enrôlement de trotskistes dans la lutte secrète contre Moscou, au point d’en faire une constante de la « guerre psychologique » qu’ils livrent à l’URSS.

Sidney Hook, chef de file des New York Intellectuals

Né dans un quartier pauvre de Brooklyn en 1902, Sidney Hook entre en 1923 à l’université de Colombia où il rencontre John Dewey, son premier maître à penser. Après son doctorat, il obtient une bourse de la fondation Guggenheim qui lui permet d’étudier en Allemagne et de visiter Moscou. Comme tant d’autres intellectuels de l’époque, il est fasciné par Staline et le régime soviétique. À son retour aux États-Unis, il débute sa carrière à l’université de New York au département de Philosophie. Il ne quittera son poste qu’en 1972 pour s’installer à Stanford au terme d’une évolution intellectuelle qui l’aura conduit du communisme au néoconservatisme. À la fin de la Première Guerre mondiale, après s’être marié avec une militante communiste, Hook s’inscrit dans un syndicat d’enseignants proche du Parti. Il travaille à une traduction de Lénine et publie un livre remarqué, Towards the understanding of Karl Marx. Intellectuel typique de la gauche radicale, il participe aux manifestations contre l’exécution des anarchistes Sacco et Vanzetti.

Au début des années 30, Hook rompt avec les communistes et se rallie au clan des trotskistes réunis au sein de l’American Workers Party, fondé en 1938. Il organise la « Commission d’enquête sur la vérité dans les procès de Moscou » qui a pour but d’innocenter Trotski écarté du pouvoir par Staline.

À partir de 1938, il abandonne définitivement l’idéal révolutionnaire. En 1939, il fonde le Committee for cultural freedom, une organisation antistalinienne qui constituera, après la guerre, l’une des bases du Congress for cultural freedom. Plus qu’une rupture, cette « trahison » – Hook surveille ses anciens amis pour le compte de la CIA – constitue pour lui une opportunité politique et financière attractive. Lorsque Hook évoque les raisons de sa conversion, il désigne des « staliniens » comme Brecht qui, au cours d’une discussion à New York en 1935 aurait plaisanté à propos de l’arrestation de Zinoviev et Kamenev : « Ceux-là, plus ils sont innocents, plus ils méritent d’être fusillés ». Une dénonciation qui en dit long sur les méthodes de Hook qui n’hésitait pas à citer des propos critiques en les retirant de leur contexte pour les rendre odieux.

Dans cette logique de délation, l’initiative du sénateur du Wisconsin, McCarthy, est soutenue discrètement par Hook qui publie deux articles, « Heresy, yes ! Conspiracy, no ! » (Hérésie, oui ! Conspiration, non !) et « The dangers of cultural vigilantism » (Les dangers de la vigilance culturelle) dans lesquels, prétendant critiquer McCarthy, il encourage à espionner et dénoncer les fonctionnaires, intellectuels et politiques proches des communistes. Hook a toujours prétendu par la suite qu’il n’avait jamais soutenu le sénateur du Wisconsin, ce que récuse la philosophe Hannah Arendt, pourtant alliée naturelle de Hook. Dans « Heresy, yes ! », il décrit la postures idéologique des « libéraux réalistes » et la notion de « culpabilité par fréquentation ». Il en déduit que l’État doit mener la « chasse aux sorcières » en gardant l’apparence d’un régime libéral. Pour cela, l’administration, plutôt que de criminaliser les fonctionnaires communistes, doit pouvoir amener les individus suspects à démissionner. Concernant les enseignants, Hook note qu’un professeur communiste « pratique une véritable fraude professionnelle ». Au finale, Hook considère que la « chasse aux sorcières » constitue une erreur politique, non pas en raison de la nature fasciste de cette campagne de délation, mais plutôt parce que l’initiative de McCarthy, trop peu discrète, contribue à mettre en équivalence la violence soviétique et états-unienne. Dans « The dangers of vigilantism », il préconise d’autres moyens, plus secrets, afin de chasser les communistes : il s’agit par exemple de confier la charge des enquêtes de loyauté aux instances professionnelles.

Effectivement Sidney Hook préfère les actions discrètes. Son implication dans plusieurs opérations de la Guerre froide culturelle, dont le Congrès pour la liberté de la culture, met en évidence sa conception de la démocratie, conçue comme une façade nécessaire du bloc atlantiste mené par les États-Unis. En 1972, il quitte New York et devient jusqu’à sa mort l’un des principaux théoriciens conservateurs rassemblés au sein de la Hoover Institution. En fréquentant les cercles de la diplomatie secrète, Sidney Hook devient un conservateur respecté par les gouvernants. En 1985, Ronald Reagan lui remet la plus haute distinction civile états-unienne, la Medal of Freedom après avoir décoré, le même jour Frank Sinatra et Jimmy Stewart. Il meurt en 1989. Sa femme reçoit les condoléances du Président Bush : « Pendant toute sa vie, il fut un défenseur sans peur de la Liberté (…) Alors qu’il affirmait souvent qu’il n’existe rien d’absolu dans la vie, l’ironie voulut qu’il prouve lui-même le contraire car s’il y eut un absolu, ce fut Sidney Hook toujours prêt à combattre courageusement pour l’honnêteté intellectuelle et la vérité ».

Convertir les trotskistes

La « trahison » de Sidney Hook qui a rendu possible la réussite de la campagne d’intoxication du Waldorf est le point de départ d’un mouvement de conversion d’une fraction de l’aile trotsksite. La CIA et l’IRD font confiance aux marxistes repentis pour mener à bien une opération de grande envergure : la fabrication d’une « idéologie rivalisant avec le communisme », selon l’expression de Ralph Murray, premier chef de l’IRD, dont le Congrès pour la liberté de la culture sera le principal instrument de promotion.

PartisanRev-1991q4.jpgLa tactique de la CIA et l’IRD consiste donc, dans un premier temps, à « retourner » des militants trotskistes et à s’assurer de leur obéissance. Pour cela, les services investissent une partie des fonds secrets dont ils disposent afin de « sauver » des revues radicales de la faillite totale. Ainsi la Partisan Review, fief des New York Intellectuals, ancienne tribune communiste orthodoxe, puis trotskiste, reçoit plusieurs dons. En 1952, le chef de l’Empire Time-Life, Henry Luce, verse grâce à Daniel Bell 10 000 dollars pour que la revue ne disparaisse pas. La même année, Partisan Review organise un symposium dont le thème général peut être résumé ainsi : « l’Amérique est maintenant devenue la protectrice de la civilisation occidentale ». Dès 1953, alors que les New York Intellectuals dominent le Congrès pour la liberté de la culture, Partisan Review reçoit une subvention issue du « compte du festival » du Comité américain pour la liberté de la culture, alimenté par la fondation Farfield… avec des fonds de la CIA. De la même manière, New leader animé par Sol Levitas est « sauvé » après l’intervention financière de Thomas Braden… avec l’argent de la CIA. On comprend mieux comment l’agence est parvenue à fidéliser certains groupes de la gauche radicale.

En plus du « sauvetage » de Partisan Review, la CIA collabore avec les services britanniques afin de créer une revue anticommuniste. Il recrute ainsi Irving Kristol, le directeur exécutif du Comité américain pour la liberté de la culture. Kristol est entré en 1936 à City College où il rencontre deux futurs camarades de la guerre froide, Daniel Bell et Melvin Lasky. Trotskiste antistalinien, il travaille pour la revue Enquiry. Après la guerre, recruté par les services états-uniens il retourne à New York pour diriger la revue juive Commentary. Directement financé par les crédits Farfield (CIA), il est chargé d’inventer Encounter sous la surveillance de Josselson. Le « magazine X », qu’il dirige avec le naïf Stephen Spender sera le fer de lance de l’idéologie néoconservatrice états-unienne.

La lutte contre le communisme au Congrès pour la liberté de la culture

Les New York Intellectuals et autres communistes repentis sont logiquement contactés par Josselson (placé sous les ordres de Lawrence de Neufville) qui, pour le compte de la CIA, est chargé de créer le Congrès pour la liberté de la culture. L’objectif est alors d’organiser en Europe de l’Ouest la « guerre psychologique », selon l’expression d’Arthur Koestler, contre Moscou.

Arthur Koestler, né en 1905 à Budapest, a été un militant communiste actif pendant plusieurs années. En 1932, il visite l’Union soviétique. L’Internationale finance l’un de ses livres. Après avoir dénoncé à la police secrète sa petite amie russe, il quitte Moscou et rejoint Paris. Pendant la guerre, il est arrêté et déporté en tant que prisonnier politique. La guerre terminée, Koestler écrit Le Zéro et l’infini, un livre dans lequel il retrace son parcours et dénonce les crimes du stalinisme. La rencontre des New York Intellectuals, par l’intermédiaire de James Burnham, lui permet de fréquenter les milieux où se décident les opérations culturelles secrètes. À la suite de nombreux entretiens avec des agents de la CIA, il supervise l’écriture d’un ouvrage collectif, une commande directe des services. Le Dieu des ténèbres (André Gide, Stephen Spender…) constitue une sévère condamnation du régime soviétique. Arthur Koestler est ensuite employé dans le cadre de la mise en place du Congrès pour la liberté de la culture.

Koestler écrit le Manifeste des hommes libres à la suite de la réunion du Kongress für Kulturelle freiheit de Berlin organisé en 1950 par son ami Melvin Lasky. Pour lui, « la liberté a pris l’offensive ». James Burnham est largement responsable du recrutement de Koestler qui va vite devenir, en raison de son enthousiasme, trop gênant aux yeux des conspirateurs du Congrès.

Le parrain de Koestler, James Burnham, est né en 1905 à Chicago. Professeur à l’université de New York, il collabore à diverses revues radicales et participe à la construction du Socialist Workers Party. Quelques années plus tard, il organisera la scission du groupe trotskiste. En 1941, il publie The Managerial Revolution, futur manifeste du Congrès pour la liberté de la culture, traduit en France en 1947 sous le titre de L’Ère des organisateurs. La conversion de Burnham est particulièrement spectaculaire. En quelques années, après avoir rencontré le chef des réseaux stay-behind, Franck Wisner et son assistant Carmel Offie, il devient un ardent défenseur des États-Unis, selon lui unique rempart face à la barbarie communiste. Il déclare : « Je suis contre les bombes actuellement entreposées en Sibérie ou au Caucase et qui sont destinées à la destruction de Paris, Londres, Rome, (…) et de la civilisation occidentale en général (…) mais je suis pour les bombes entreposées à Los Alamos (…) et qui depuis cinq ans sont la défense – l’unique défense – des libertés de l’Europe occidentale ». Parfaitement conscient de la fonction du réseau stay-behind, Burnham, ami intime de Raymond Aron, passe du trotskisme à la droite conservatrice devenant l’un des intermédiaire principaux entre les intellectuels du Congrès et la CIA. En 1950, lorsque le turbulent Melvin Lasky reçoit des fonds détournés du Plan Marshall, Burnham, Hook et Koestler sont vraisemblablement mis dans la confidence. Burnham va pouvoir, grâce au Congrès pour la liberté de la culture diffuser dans toute l’Europe de l’Ouest son livre The Managerial Revolution.

« Une idéologie rivalisant avec le communisme »

Raymond Aron est le principal artisan de l’importation en France des thèses des New York Intellectuals. En 1947, il sollicite les éditions Calmann-Lévy afin de afin de faire publier la traduction de The Managerial Revolution. Au même moment, Burnham défend aux États-Unis son nouveau livre Struggle for the World (Pour une domination mondiale). L’Ère des organisateurs est immédiatement interprété (à juste titre), notamment par le professeur Georges Gurvitch, comme une apologie de la « technocratie ».

Cherchant à disqualifier l’analyse en termes de luttes de classe, Burnham déclare que les directeurs sont les nouveaux maîtres de l’économie mondiale. Selon l’auteur, l’Union soviétique, loin d’avoir réalisé le socialisme, est un régime dominé par une nouvelle classe constituée de « techniciens » (dictature bureaucratique). En Europe de l’Ouest et aux États-Unis, les directeurs ont pris le pouvoir au détriment des parlements et du patronat traditionnel. Ainsi, l’ère directoriale signifie un double échec, celui du communisme et du capitalisme. La principale cible de Burnham est évidemment l’analyse marxiste-léniniste dont le principe, la dialectique historique, annonce l’avènement d’une société communiste mondiale. En fait, « le socialisme ne succédera pas au capitalisme » ; les moyens de production, partiellement étatisés, seront confiés à une classe de directeurs, seul groupe capable de diriger, en raison de leur compétence technique, l’État contemporain.

Léon Blum a bien compris la dimension fondamentalement anti-marxiste des thèses technocratiques de James Burnham. Après la guerre, en tant qu’allié de Washington, l’ancien homme fort du Front populaire doit pourtant préfacer la traduction française, non sans une certaine gêne : « Si je n’étais sûr de la sympathie des uns et de l’amitié des autres, j’aurais vu dans cette demande comme une trace de malice (…) on imagine guère d’ouvrage qui, sur la pensée d’un lecteur socialiste, puisse exercer un choc plus inattendu et plus troublant ». Avec un parrain comme Raymond Aron et un préfacier comme Léon Blum, L’Ère des organisateurs connaît un succès considérable.

Proche de Sidney Hook avec qui il soutient la « chasse aux sorcières », Daniel Bell publie en 1960 La Fin des idéologies, un recueil d’articles publiés dans Commentary, Partisan Review, New Leader et de communications du Congrès pour la liberté de la culture. La traduction française est préfacée par Raymond Boudon, qui durant toute sa vie a combattu les théories de l’école française de sociologie incarnée par Émile Durkheim et Pierre Bourdieu dans le but d’imposer une conception américanisée des sciences sociales. La Fin des idéologies, comme son nom l’indique, reprend la thèse favorite des New York Intellectuals, à savoir l’extinction du communisme comme idéal. Daniel Bell, membre actif du Congrès pour la liberté de la culture qui contribue à diffuser son livre, annonce aussi l’émergence de nouveaux conflits idéologiques : « La Fin des idéologies fait le pronostic de la désintégration du marxisme comme foi, mais ne dit pas que toute idéologie va vers sa fin. J’y remarque plutôt que les intellectuels sont souvent avides d’idéologies et que de nouveaux mouvements sociaux ne manqueront pas d’en engendrer de nouvelles, qu’il s’agisse du panarabisme, de l’affirmation d’une couleur ou du nationalisme »

De l’anticommunisme au néo-conservatisme

Les New York Intellectuals, engagés dans de multiples opérations d’infiltration, ne revèlent leur véritable appartenance idéologique que tardivement rejoignant massivement les rangs des néoconservateurs dont les principaux bastions sont déjà tenus par des marxistes repentis. Irving Kristol, qui entretient des rapports conflictuels avec Josselson, dirige de 1947 à 1952 Commentary. Une autre figure majeure du néoconservatisme, Norman Podhoretz, sera ensuite placée à la tête de la revue quasi-officielle du Congrès pour la liberté de la culture de 1960 à 1995. En France, Raymond Aron crée Commentaire en 1978. Le fils d’Irving Kristol, William, est le directeur du très néoconservateur Weekly Standard.

William Kristol

Contrairement à une thése répandue, il n’y a pas eu d’infiltration trotskiste dans la droite états-unienne, mais une récupération par celle-ci d’éléments trotskistes, d’abord dans une alliance objective contre le stalinisme, puis pour employer leurs capacités dialectiques au service de l’impérialisme pseudo-libéral. Burnham et Shatchman quittent le Socialist Workers Party et la IVe Internationale en 1940 pour fonder un parti scisionniste. Max Shatchman prône bientôt l’entrisme dans le Parti démocrate. Il rejoint le faucon démocrate Henry « Scoop » Jackson, surnommé le « sénateur Boeing » en raison de son soutien acharné au complexe militaro-industriel. Il réorganise son parti comme une tendance au sein du Parti démocrate sous l’appellation Parti des sociaux démocrates états-uniens (SD/USA). Au cours des années 70, le sénateur Jackson s’entoure de brillants assistants tels que Paul Wolfowitz, Doug Feith, Richard Perle, Elliot Abrams. En conservant le plus longtemps possible son discours d’extrême gauche, Max Shatchman fait de SD/USA une officine de la CIA apte à discréditer les formations d’extrême gauche, tandis qu’il devient l’un des principaux conseillers de l’organisation syndicale anticommuniste AFL-CIO. On trouve au bureau politique de SD/USA des personnalités comme Jeanne Kirkpatrick qui deviendront des icônes de l’ère Reagan. Dans une complète confusion des genres, le théoricien d’extrême droite Paul Wolfowitz intervient comme orateur aux congrès du parti d’extrême gauche. Carl Gershamn devient président de SD/USA, il est aujourd’hui directeur exécutif de la National Endowment for Democracy. D’une manière générale les membres de ce parti, dont les principaux relais sont la revue Commentary et le Committee for the Free World, sont récompensés pour leurs manipulations dès l’élection de Ronald Reagan.

Les New York Intellectuals n’ont pas seulement développé une critique de gauche du communisme, ils ont aussi inventé un habillage « de gauche » aux idées d’extrême droite dont la maturation finale est le néoconservatisme. Ainsi, les Kristol et leurs amis peuvent-ils présenter avec aplomb George W. Bush comme un « idéaliste » qui s’emploie à « démocratiser » le monde.


- Source : Denis Boneau

Presseschau, Februar 2015: INNENPOLITISCHES / GESELLSCHAFT / VERGANGENHEITSPOLITIK

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Presseschau, Februar 2015: INNENPOLITISCHES / GESELLSCHAFT / VERGANGENHEITSPOLITIK
 
Bundesbank
120 Tonnen Gold zurück in heimischen Tresoren
Die Bundesbank holt verstärkt ihr Gold zurück. 120 Tonnen wurden im vergangenen Jahr aus New York und Paris nach Frankfurt überführt. Angesichts der aktuellen Bedrohungslage sollen Polizisten das Gold sichern.
 
Mario Draghi lädt 1.140.000.000.000-Euro-Bazooka
 
Nicht Draghi ist das Problem, sondern Merkel!
Euro-Tsunami der EZB mit stillschweigender Berliner Billigung
 
Die Haftungsgemeinschaft in Europa beginnt
Mit ihrem Anleihenkaufprogramm verwischt die EZB die Grenzen der Schuldenhaftung. Und doch hat sie sich für das kleinere Übel entschieden. Dass es überhaupt so weit kommen musste, verantworten andere.
 
Partei in Erklärungsnot: Metallverband spendet Grünen 100.000 Euro
Rekordgeschenk kurz vor Weihnachten für die Grünen: Nach Informationen des SPIEGEL erhielt die Partei eine großzügige Spende der Südwestmetall - 100.000 Euro. Zu dem Arbeitgeberverband gehören auch eine ganze Reihe von Rüstungsfirmen.
 
Hanfpflanze auf Balkon: Drogen-Ermittlung gegen Grünen-Chef Özdemir
 
Getöteter Asylbewerber
„Geistiger Brandstifter“: Kriminalbeamte zeigen Volker Beck an
 
Ermittlungen gegen Volker Beck nach Anzeige gegen Dresdner Polizei
 
(Und es war, trotz Volker Becks Aufregung, kein Pegida-Mord in Dresden…)
Mord an Dresdner Asylbewerber († 20) wohl aufgeklärt
Khaleds Mitbewohner legt Geständnis ab
 
(dazu ein Kommentar)
Meinung
Aus Sebnitz nichts gelernt
 
Grünes Hobeln und die Späne des Rechtsstaats
 
Nach interner Kritik
Hessischer CDU-Bildungspolitiker Irmer tritt zurück
Der hessische CDU-Politiker Hans-Jürgen Irmer ist zurückgetreten, nachdem er intern abermals scharf attackiert worden ist. Der Zündstoff dieses Mal: Eine von ihm herausgegebene Publikation zu Islamismus.
 
„Das ist wie Staatsfernsehen“
Scharfe Kritik an Bodo-Ramelow-Sendung
 
Untersuchungsausschuss
Die SPD versinkt im Edathy-Sumpf
Der Untersuchungsausschuss im Fall Edathy droht für die SPD zu einem Fiasko zu werden. Ein Gemisch aus Lügen, Heuchelei und Kriminellem schadet der Partei. Sie will es nicht wahrhaben.
 
Kinderporno-Verdacht Wiesbadener Politiker in U-Haft
Ein Kommunalpolitiker der Piraten-Partei aus Wiesbaden steht im Verdacht, kinderpornografisches Material besessen und verbreitet zu haben. Die Frankfurter Staatsanwaltschaft ermittelt.
 
Gewerkschaften nehmen AfD-Parteitag ins Visier
 
(Zu den Vorstößen zur Vorratsdatenspeicherung)
Schluß mit der Verlogenheit
von Fabian Schmidt-Ahmad
 
Christian Wulff in Arabien 
Der langsame Wiederaufstieg des gefallenen Ex-Präsidenten
 
Eine Erwiderung
Stefen Scheil antwortet Lothar Kettenacker
 
"Bundeszentrale für politische Bildung"
Krüger fordert Aus für Stasi-Aufarbeitungsbehörde
 
Frankfurt
„Fantastisches“ Bürgerengagement unerwünscht
Kostenlose Sanierung eines Kriegerdenkmals vereitelt
 
Kriegerdenkmal wird doch nicht saniert
Ein Baudekorateur aus Frankfurt hatte angeboten, das Denkmal für die Opfer des Ersten Weltkriegs in Bockenheim kostenlos wieder auf Vordermann zu bringen. Ihm stellen sich Politik und Ämter entgegen.

Conférence pour le Kosovo

Conférence CNC / Front Européen pour le Kosovo (14.02.2015)

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Note: Roeselare est une commune belge proche de l'autoroute E 403. Elle se situe à une demi-heure de la frontière (côté Lille).

Bien analysée par Obertone dans La France Big Brother, la double-pensée orwellienne…

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Bien analysée par Obertone dans La France Big Brother, la double-pensée orwellienne…

 
par Marcus Graven
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

Un ami m’a envoyé la copie d’un texte du général Jean Delaunay, ancien chef d’Etat–Major de l’armée française.

Comme beaucoup d’entre nous, il s’insurge contre les « Je suis Charlie ».

« Alors, comme ça, vous êtes des Charlie? demande-t-il. Vous, la meute tirant à vue depuis des années sur tous ceux qui vous dérangent, vous vous émouvez maintenant que la mitraille retentit contre votre camp ? 

“ Je suis Charlie ”, scandent vos avatars et vos hashtags sur les réseaux sociaux.

Seulement…

Vous êtes Charlie aujourd’hui, mais vous n’étiez pas Éric Zemmour hier, quand il s’est fait virer d’iTélé pour raisons politiques. Pire encore : vous pétitionniez à tour de bras pour l’évincer du service public. »

Le général Delaunay dénonce le peu de soutien reçu par Robert Redeker, Clément Weill-Raynal, Renaud Camus, Michel Houellebecq, Robert Ménard ou Christine Tasin à leurs procès respectifs pour avoir critiqué l’islam.

Il conclut par : « Les mots manquent pour dénoncer une telle débilité intellectuelle…..

Comme quoi la preuve est faite, à chaque drame, que les gens dits intelligents sont souvent beaucoup plus crétins que le commun des mortels.

Mais ça nous le savions déjà… »

Le général Delaunay n’a aucune chance d’avoir un poste important au sein de la caste médiatico-politique.

Il n’a pas compris qu’il ne s’agit pas d’une débilité intellectuelle mais d’un système subtil qui permet d’être à la fois Charlie et contre Zemmour, pour la liberté d’expression et la censure de Richard Millet, pour une manifestation d’union nationale d’où sera exclu le F.N.

C’est un mécanisme mental qu’Orwell, dans 1984, appelle la double-pensée. C’est réussir, en soi, à résoudre sans problème psychique majeur des contradictions apparentes avec des arguments de raison, tout au moins d’illusion de la raison.

Laurent Obertone dans La France Big Brother analyse très finement ce procédé.

La double-pensée permet de prétendre que les races et les sexes n’existent pas (suppression du mot « race » dans les textes de loi, oubli systématique des travaux scientifiques démontrant l’existence de races, théorie de l’indifférenciation sexuelle mise en pratique dans les maternelles) tout en dénonçant le racisme et le sexisme et en demandant dans la foulée la discrimination positive dans les concours.

C’est grâce à cette gymnastique de l’esprit que l’artiste crache sur la religion chrétienne (Piss Christ, flacon d’urine de l’artiste dans laquelle baigne un crucifix) et vante, dans le même mouvement, la religion des droits de l’Homme tout en cajolant l’islam à laquelle s’attaque les méchants islamophobes.

C’est encore par cette démarche mentale que le journaliste affirme que toutes les cultures se valent (relativisme qui tue l’intellect depuis des décennies) tout en exprimant la nécessité que les autres adoptent notre vision du progrès, de la démocratie, notre déclaration des droits de l’Homme.

oberpolll.jpgL’adepte de la double-pensée hait le déterminisme tout en prétendant que « tout est social » ; rejette la peine de mort tout en militant pour l’avortement et l’euthanasie; abhorre la famille tout en imposant le mariage homosexuel, la GPA et la PMA pour les couples gays et lesbiens ; prétend que les immigrés sont des chances-pour-la-France (ils vont payer les retraites des Français de souche, faire les travaux dont ceux-ci ne veulent plus, remédier à la fécondité dérisoire des femmes autochtones), tout en dénonçant le fait que les immigrés sont les plus touchés par le chômage, souffrent de l’apartheid, et, en parallèle, constate que les retraites diminuent et le gouffre de la sécu ne cesse de s’agrandir ; refuse le lien entre le multiculturalisme (un enrichissement !) et les tensions communautaires qui agitent la rue ; parle d’un sentiment d’insécurité (sauf quand ce sont des locaux de Libé et de Charlie-Hebdo qui sont attaqués), tout en affirmant que la violence est due à la pauvreté des habitants des quartiers « sensibles »…

La double-pensée autorise à brandir la liberté de se déplacer et de s’établir où l’on veut tout en vomissant sur Depardieu qui s’installe en Belgique ; de refuser toute idée d’hérédité tout en lançant c’est« inscrit dans votre ADN »,« le naturel revient au galop » à l’hérétique, généralement étiqueté d’extrême-droite, identitaire.

La double-pensée promeut la charité ostensible (ronde de nuit en voiture sérigraphiée et gilets fluo, aide humanitaire en Afrique ou en Asie), la sensibilité, l’émotion, la compassion à condition qu’elles ne s’adressent pas à un Blanc d’origine européenne, toujours coupable d’être victime. La double-pensée le dénonce alors comme raciste, sexiste, homophobe, xénophobe aux goûts de chiotte, à la mentalité de merde, aux habitudes alimentaires de porc, aux idées forcément de beauf et d’inculte, au vote bas du Front, à la morale simplette de pue-de-la-gueule et de sans-dents.

La double-pensée procure une supériorité morale qui permet de détruire les rares intellectuels qui affirment la supériorité morale de notre civilisation.

Refuser la double-pensée revient à s’exclure de la caste médiatico-politique, et ainsi perdre beaucoup : studios de télé et de radio interdits (terminées les promotions de film, disque, livre, spectacle), finis les articles dithyrambiques dans les journaux, oubliés les repas dans les grands restaurants, les nuits tous frais payés dans les hôtels de luxe, les voyages en première classe à l’œil, les croisières offertes en échange d’une conférence bidon d’une dizaine de minutes.

La double-pensée, cette souplesse cérébrale des avaleurs de slogans, des traqueurs d’hérésies, de ceux qui étouffent délibérément la réalité, est obligatoire pour faire partie de la caste, même aux plus bas échelons. Elle procure une immunité qui permet de se croire rebelle tout en salivant sur ce que la caste souhaite que vous léchiez.

Les enfants y sont formés dès la première année d’école, le reste n’est plus que formalités : collège, lycée, université, show-biz, médias, monde politique.

Obertone termine son livre par « Cesse d’être foule et sois un homme ».

C’est précisément ce que déteste la caste dans son entreprise de domestication du peuple grâce à la double-pensée.

Marcus Graven (article paru en premier sur RL)

mardi, 03 février 2015

Le soleil d'or...

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Le soleil d'or...

Les éditions Alexipharmaque viennent de publier un roman de Bruno Favrit intitulé Le soleil d'or. Alpiniste chevronné, lecteur passionné de Nietzsche et porteur d'une vision du monde païenne, Bruno Favrit est l'auteur de nouvelles comme Nouvelles des Dieux et des montagnes (Les Amis de la Culture Européenne, 2004) ou Ceux d'en haut (Auda Isarn, 2007), d'un roman, Criminel de guerre (Les Amis de la Culture Européenne, 2005) et de plusieurs essais comme Vitalisme et Vitalité (Editions du Lore, 2006) ou Esprit du Monde - œuvres en perspectives (Auda Isarn, 2011). Il a aussi publié Midi à la source (Auda Isarn, 2013), le journal qu'il a tenu entre 1990 et 2011, ainsi qu'un recueil d'aphorismes,Toxiques & Codex (Alexipharmaque, 2013).

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" Le so­leil d’or, c’est un ro­man d’aven­tures.
Des aven­tures au bout du monde — parce qu’il n’y a d’aven­tures vé­ri­tables qu’au bout du monde : au-de­là de la fron­tière, au-de­là de la carte, vers les ter­ri­toires… Ce se­ra alors pour l’es­sen­tiel la Pa­ta­go­nie, âpre et er­ra­tique, dont les in­fi­nis sont con­tem­p­la­tions au­tant que per­di­tions.
C’est aus­si une quête, celle d’un so­leil d’or dont les feux ma­lé­fi­cient peut-être, dont les rayons blessent les cons­ciences, brûlent les âm­es et les pas­sions.
Tan­dis qu’on re­t­rou­ve­ra les thèm­es chers à Bru­no Fa­v­rit, l’homme face à la na­ture, les som­mets et les pics — la ver­ti­ca­li­té qui, si elle est él­é­va­tion est aus­si, et da­van­tage que dans d’autres de ses livres, ver­tige, abîme, chute.
Dans des dé­cors im­menses où pour­raient mi­roi­ter Fran­cis­co Co­loane et Ni­co­las Roe­rich, Bru­no Fa­v­rit ép­rouve l’éva­sion, prouve le Grand De­hors. "

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A propos de l'Occitanie

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À propos de l’Occitanie

par Robert-Marie MERCIER

 

La question de l’existence d’une « Occitanie » a toujours suscité des débats, parfois enflammés, et souvent faussés par la confusion existant, et parfois entretenue par certains, entre défenseurs de la langue et prosélytes d’une mythique entité politique.

 

Nous allons essayer d’y voir plus clair et, ce, sans volonté de polémique et d’affrontements stériles. Étant les ardents défenseurs d’un pays dont la langue, le nissart, ou plutôt les langues: nissart et gavouòt,  font partie de ce grand ensemble des langues d’Oc (appelé officiellement occitan par l’éducation nationale française), nous avons recherché dans l’Histoire les traces de cette « Occitanie ».

 

« Rien ne serait plus contraire à la vérité que de voir dans l’affirmation de l’identité culturelle de chaque nation, l’expression d’un chauvinisme replié sur soi-même. Il ne peut y avoir de pluralisme culturel que si toutes les nations recouvrent leur identité culturelle, admettent leurs spécificités réciproques et tirent profit de leurs identités enfin reconnues. »

 

M. Amadou Mahtar M’Bow, directeur général sénégalais de l’U.N.E.S.C.O.

 

C’est seulement après que j’eusse eu vingt ans que j’entendis, pour la première fois parler d’Occitanie. C’est dire si ce concept est récent au regard de notre histoire. Et, il faut savoir que la perception, voire la compréhension, de ce concept regroupait tout et son contraire. Il est vrai qu’au premier abord, le fait d’évoquer l’Occitanie évoquait une vision romantique d’un Éden disparu, dans nos jeunes esprits, conscients qu’ils appartenaient à une culture et à une histoire qu’on leur avait confisqué. Cela était d’autant plus vrai chez nous, dans le Pays Niçois, que nous avions gardé ce côté rebelle et cet esprit de résistance qui caractérise les habitants de ce petit bout de terre à l’extrémité des Alpes.

 

Dans la foulée du grand mouvement de Mai 68, caractérisé, à droite comme à gauche, par cette contestation de la société de consommation et (déjà) du système mondialiste marchand, la lutte politique enclenchée par le monde étudiant s’appuyait sur des revendications culturelles fortes qui précédaient les exigences politiques et sociales.

 

 

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Dans le sud de l’Hexagone, un mouvement issu du Comité occitan d’études et d’action (C.O.E.A.), Lucha Occitana (Lut’Oc) était en pointe dans le combat pour la reconnaissance culturelle et politique des populations des territoires de langue d’Oc. Lut’Oc avait compris l’importance décisive de la culture comme précurseur essentiel de la lutte politique. Il n’était plus question de séparer la pensée de l’action. Nous retrouvons derrière tout cela, la philosophie d’Antonio Gramsci qui affirmait (à juste titre) que la pensée précédait l’action et que la prise de pouvoir culturel était un préalable indispensable à la prise de pouvoir politique. Cette vision était partagée, en 1968, aussi bien par de jeunes intellectuels issus de la droite (mais ayant rompu avec la droite politique) que par de jeunes intellectuels de gauche (ayant rompu avec les partis institutionnels) tous en lutte contre la société de consommation. Les uns comme les autres mettront en avant la notion gramscienne « d’intellectuels organiques ».

 

C’est par cette mise en valeur de la culture et particulièrement de l’art, que Lut’Oc permit à plusieurs artistes engagés de devenir des prototypes de l’intellectuel organique militant de la cause occitane. En prenant cette nouvelle voie, Lut’Oc voulait aller au delà de la vision purement « économiste » du C.O.E.A. C’est ainsi que ses militants s’engagèrent dans les mouvements sociaux populaires du Sud (lutte des viticulteurs, lutte sur le Larzac…). Il faut dire que leur action fut largement favorisée par les mouvements d’émancipation qui éclataient au sein de la jeunesse un peu partout dans le monde, de Berkeley à Prague et de Rome à Berlin, dans ce grand ébranlement international des consciences que fut Mai 1968. Nous pourrions, sans problème, établir un parallèle entre l’action de Lut’Oc et l’action de Frédéric Mistral lors de la révolution de 1848 qui secoua fortement la société de l’époque.

 

Mais, (et Gramsci le soulignera) toutes les révolutions politiques issues du « Printemps des peuples » de 1848 en Europe ont échoué (y compris celle du Félibrige en Occitanie). Car cette société moderne avait profondément changée par rapport à l’époque du mouvement des Encyclopédistes (qui amènera la révolution bourgeoise de 1789 en France). Un mouvement populaire bref et spontané ne pouvait plus renverser un pouvoir central établi à la suite d’un évènement imprévu à la manière des Vêpres siciliennes qui, au XIIIe siècle, permirent aux Palermitains de se libérer, en quelques jours, du joug capétien (1). Un évènement spontané de cet ampleur ne peut plus réussir depuis le « Printemps des peuples » de 1848. La société des pays modernes (État centralisé, contrôle par le pouvoir central des forces de répression, contrôle de l’information, institutions intermédiaires mises en place par le pouvoir central, notion d’État-Providence…) avait tellement évolué que, encore (et surtout) de nos jours, les forces d’émancipation d’un peuple qui voudraient transformer un État occidental de type jacobin (É.O.T.J.), doivent, auparavant, avoir investi (ou neutralisé) les principales institutions culturelles soumises au (ou contrôlées par le) pouvoir politique centralisateur. C’est ce que les réseaux sociaux ont rendu possible, aujourd’hui, en Écosse ou en Catalogne. Ces réseaux sociaux qui peuvent redonner une fierté, alors perdue, au peuple, culpabilisé qu’il avait été, pendant si longtemps, par l’idéologie dominante émanant du pouvoir central, au point d’instiller ce « sentiment de honte d’être soi-même ». C’est exactement ce qui s’est passé parmi les peuples de langue d’Oc, en faisant intérioriser par ceux-ci la vergonha (la honte) d’être eux-mêmes.

 

Ce mécanisme intellectuel et moral pour aboutir à la destruction de la culture des peuples fut rendu possible en mettant en place les conditions pour que la langue de l’administration centrale française se substitue à celle du cœur et des sentiments depuis que tout le Sud (de langue d’Oc) fut intégré au Royaume de France à la fin du XIIIe siècle. De ce fait et à la différence de l’Écosse (indépendante jusqu’en 1707), ou de la Catalogne (qui perdit son autonomie en 1714) et qui, de ce fait, ont pu s’appuyer sur un sentiment national ancien pour construire leur avenir européen, l’Occitanie n’a jamais pu exister en tant que nation. La seule référence que l’on puisse faire avec un territoire existant (relativement autonome) est la période de l’Empire romain lorsque existait une grande province allant de la rive droite du Var jusqu’à l’Espagne appelé la Narbonnaise. De même, une différence existe avec le Pays Niçois, qui ne fut annexé frauduleusement qu’en 1860 et ne se résigna pas puisque dix ans plus tard, après la chute du Second Empire, celui-ci exprima, légalement, dans les urnes, sa volonté de reprendre son indépendance (ceci amènera la « République une et indivisible » à employer les armes pour annuler des élections démocratiques) (2).

 

C’est pourquoi il faudrait que les « occitanistes  » actuels regardent la réalité en face au lieu de la fuir dans le pantaï (le rêve) d’une Histoire fantasmée.

 

L’Histoire… parlons en… quelle fut l’attitude des peuples de langue d’Oc tout au long de leur histoire. À la fin du XIIIe siècle, tout le territoire que les « Occitanistes » appellent aujourd’hui « l’Occitanie » est intégré au Royaume de France, à l’exception de la Provence et du Comtat Venaissin (et bien entendu du Comté de Nice – alors appelé Provence Orientale- qui a toujours eu une histoire particulière). Durant tout ce temps, nos « occitanistes » eurent-ils des occasions de s’émanciper ? Plutôt dix fois qu’une ! Des preuves, en voici.

 

 

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En 1429, l’héritier du trône, le futur Charles VII, ne contrôle que le « royaume de Bourges », soit pour l’essentiel, des provinces occitanophones (y compris l’Aunis, la Saintonge et le Poitou qui parlent encore des dialectes proches du limousin), et pourtant, aucun mouvement irrédentiste ne se développe pour autant. Bien au contraire, les meilleurs compagnons d’armes de Jeanne d’Arc, qui veut « bouter les Anglois » hors de France, sont pratiquement tous issus de l’Armagnac. C’est en gascon qu’ils se parlent dans leurs régiments : à tel point que les Anglais appellent la Jeanne venue de Lorraine, « l’Armagnageoise »! Voilà la réalité!

 

Continuer à regarder la réalité en face, c’est aussi se souvenir du fonctionnement, un siècle plus tard, d’un vaste ensemble politique méridional, les Provinces Unies du Midi, de 1573 à 1594. Au lendemain des massacres de la Saint-Barthélemy, les protestants du Royaume de France décident de s’administrer eux-mêmes pour sauver leur peau. Nulle visée séparatiste ne se fera jour : ils se placent, de leur propre volonté, sous l’autorité d’un seigneur de sang royal, le Prince Henri de Condé. La lecture du « Règlement » des Provinces Unies du Midi est, sur ce point, sans ambiguïté : leur objectif n’est pas de faire sécession mais de rendre à la France « la grandeur de son renom, l’intégrité de son État avec la fermeté des lois ». Voilà la réalité !

 

Continuer à ne pas se voiler la face, c’est se souvenir, tout simplement, que l’hymne national français s’appelle La Marseillaise et que s’il en est ainsi, c’est que le bataillon des cinq cents Fédérés, venus de Marseille à l’appel du gouvernement girondin qui avait décrété la Patrie en danger, va jouer un rôle déterminant dans la prise du Palais royal des Tuileries le 10 août 1792. Ce jour-là commence ce que beaucoup d’historiens appellent la Deuxième Révolution. La Première Révolution, commencée par la prise de la Bastille par le peuple en juillet 1789, avait généré une monarchie constitutionnelle. L’action du bataillon des Marseillais, engendre cette Deuxième Révolution qui permet d’établir la République. Ce moment, essentiel, de la chute de l’Ancien Régime est d’ailleurs évoqué dans le très beau film de Jean Renoir, en 1938, La Marseillaise. Voilà la réalité !

 

Regarder encore la réalité, c’est se souvenir, également, de la « Ligue du Midi » dans le dernier tiers du XIXe siècle, alors que la Guerre de 1870 – 1871 vient de provoquer la chute du Second Empire. Tout le Nord de la France, de l’Alsace à la Normandie et de l’Orléanais à la Picardie est occupé par les forces allemandes. Une confédération des régions non encore envahies se crée le 18 septembre à Marseille. Elle réunit treize départements dont ceux de la ville phocéenne mais aussi de Lyon, Saint-Étienne, Narbonne, Toulouse et Limoges. Son objectif ? S’instituer en État indépendant ? Non, simplement participer activement à la défense de la Patrie : « Ce que nous voulons, ce n’est pas former une association politique méridionale en dehors des autres régions de la France… La République doit rester unie et indivisible, mais vu les circonstances, il y a lieu de former une sorte de confédération provisoire qui nous permettrait d’agir de concert. Le Midi pourra peut-être sauver le Nord, si nous unissons les forces des départements du Midi. » Voilà la réalité !

 

Et quand la Commune de Marseille se soulève quelques mois après, elle proclame immédiatement, sa solidarité avec celle de Paris. Cela est relaté par Prosper Lissagaray (journaliste gascon et historiographe du mouvement) : « À midi, francs-tireurs, gardes nationaux, soldats de toutes armes se mêlent et se groupent sur le cours Belzunce. Les bataillons de la Belle-de-Mai et d’Endoume arrivent au complet, criant : “ Vive Paris ! ” … » Voilà la réalité !

 

Bien sûr, tout cela fut rendu possible, pendant le XIXe siècle, par l’action virulente de l’État français qui fit tout pour propager la langue française, au détriment des langues du cru : vers 1850, les derniers villages où l’on continue à parler exclusivement le provençal sont également ceux, géographiquement reculés, où l’information et l’éducation sont faibles. Ailleurs, dans les centres urbains plus importants, les valeurs républicaines nouvelles ont pu être diffusées en l’espace d’une génération. Ce fut le fait de jeunes gens issus de la petite bourgeoisie qui les avaient acquises pendant leurs études, faites exclusivement, faut-il le rappeler, en français. À leur contact, les autres couches de la population deviennent peu à peu francophones.

 

Cette « déculturation » sera accentuée par les « hussards noirs de la république », ces instituteurs de la IIIe République qui, dès 1913, sous les directives de Jules Ferry, pratiquèrent une véritable « inquisition » envers ceux qui persistaient à parler leur langue natale dans toutes les « patries charnelles » (Alsace, Bretagne, Catalogne, Corse, « Occitanie », Pays Basque, Pays Niçois, Savoie…).

 

 

 

1907.jpgLes révoltes des viticulteurs, quand le Midi s’embrasera en 1907, aussi appelé « révolte des gueux » du Midi, ne se fera qu’en référence à la « République » et n’aboutira à aucune volonté d’émancipation malgré les discours des meneurs faisant référence à l’Histoire et à l’antagonisme du Sud et du Nord, perceptible depuis la croisade des Albigeois, dans leurs déclarations enflammées. Le maire démissionnaire, Ferroul, fait savoir à Albert Sarraut, envoyé du gouvernement : « Quand on a trois millions d’hommes derrière soi, on ne négocie pas. » Et pourtant ! Pas plus, la fraternisation du 17e Régiment d’infanterie de ligne, composé de réservistes et de conscrits du pays, avec les manifestants réunis à Béziers n’amènera un quelconque mouvement de sécession.

 

Environ cinq cents soldats de la 6e compagnie du 17e Régiment vont se mutiner, ils pillent l’armurerie et prennent la direction de Béziers. Ils parcourent une vingtaine de kilomètres en marche de nuit. Le 21 juin, en début de matinée, ils arrivent en ville. Accueillis chaleureusement par les Biterrois, « ils fraternisent avec les manifestants, occupent les allées Paul-Riquet et s’opposent pacifiquement aux forces armées en place ». Les soldats s’installent alors sur les Allées Paul-Riquet, mettent crosse en l’air. La population leur offre vin et nourriture. Malgré cela, ils resteront tous de « bons petits Français ». Voilà la réalité !

 

Enfin, regarder la réalité en face, c’est enfin se souvenir de ce qui s’est passé en 1944. Les troupes alliées ont débarqué en Normandie au mois de juin et, après la percée d’Aromanches, ont commencé à foncer vers l’Est. Quant à celles qui ont délivré la Provence à partir du 15 août, elles progressent le long de la vallée du Rhône pour venir à leur rencontre. Les conditions sont donc réalisées, à ce moment-là, pour que le grand quart Sud-Ouest de l’Hexagone puisse se libérer lui-même. La Résistance, issue des maquis, prend le pouvoir du Languedoc au Limousin et de la Gascogne à l’Auvergne. Cependant nous ne notons aucune velléité de créer une république autonome occitane pour autant. C’est tout le contraire.

 

guingouin.jpgGeorges Guingouin, chef de la 1re Brigade de marche limousine, déclare en 1944 : « Nous sommes des soldats de la France et non d’un parti politique, notre mission sacrée, c’est de restaurer la République, de rendre la souveraineté au peuple pour qu’il puisse l’exercer en toute liberté. Il n’est pas question d’imposer par les armes un pouvoir politique. » Et cependant, le peuple en armes a pris partout le pouvoir. Pour ne prendre qu’un dernier exemple, celui de la Bigorre, c’est un simple instituteur, Honoré Auzon, issu d’une famille de petits paysans, qui a fait signer, à Lourdes, la capitulation des troupes allemandes qui contrôlaient les Pyrénées centrales. Simultanément, un de ses amis, sympathisant, communiste de surcroît, Louis Le Bondidier, est devenu maire de la cité mariale ! Celui-ci est pourtant un amoureux de l’Occitanie : son épouse, Margalide, née en Lorraine comme lui, avait tenu à prendre ce prénom occitan pour mieux exprimer leur enracinement dans leur patrie d’adoption. Nous notons une réaction identique lorsque les combattants de Mourèze, le maquis « Bir Hakeim », arrivent sur la place de l’Œuf (La Comédie) à Montpellier le 26 août 1944 : « Une ovation délirante se produit et la Marseillaise est cent fois reprise », raconte la chronique de la Libération à Montpellier. Voilà la réalité !

 

Vivre sur le souvenir d’un passé mythique (et purement virtuel) ne fera pas avancer les choses. Admettre cette réalité et pousser plus loin l’analyse, amène à découvrir une vérité encore plus dérangeante pour les apologistes occitans. Dès que les régions du Sud de la France vont cesser d’être la chasse gardée des idées royalistes après l’épuration que fut la Terreur Blanche de 1815, la perte d’identité de « l’Occitanie » va être enclenchée et inéluctable. Cela sera accentué par les insurrections populaires contre le coup d’État de Napoléon III en décembre 1851 qui amènera ce qu’il sera convenu d’appeler le « Midi rouge ». Mais plus ces régions du Sud se mettent à voter radical, radical-socialiste, socialiste voire communiste dans un esprit républicain et plus elles perdent leur identité linguistique. Or en défendant la « République une et indivisible », elles en viennent à perdre leur langue et leur identité. Les « Félibres rouges » eux-mêmes, n’arriveront jamais à surmonter cette contradiction : en militant, en tant que citoyens, pour le succès des idées de gauche, ce faisant, ils scient la branche sur lesquels ils s’appuient en tant que poètes. Les progrès de la démocratie en « Occitanie » ont donc abouti à l’extension de l’usage du français.

 

Mais le développement d’une telle contradiction n’a rien d’étonnant. Un d’entre eux, Félix Gras, a bien écrit : « Ame moun vilage mai que toun vilage (J’aime mon village plus que ton village) », « Ame ma Prouvenço mai que ta prouvinço (J’aime ma Provence plus que ta province) », « Ame la Franço mai que tout (J’aime la France plus que tout) ». Or être Français, depuis Richelieu, Robespierre et Jules Ferry, c’est, avant tout, accepter de passer à la moulinette d’une machine à décerveler qui détruit les cultures enracinées.

 

Un autre exemple: au moment de la période trouble qui allait amener les évènements de Montredon (encore une révolte sévère des viticulteurs du Sud) Claude Marti, chef de file emblématique des artistes engagés de « l’Occitanie », lors de sa radioscopie chez Jacques Chancel en 1975, déclare : « Je suis de nationalité occitane et de citoyenneté française. » Voilà bien le nœud de la contradiction dans laquelle les militants occitanistes se débattent encore aujourd’hui.

 

 

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Le mouvement occitan a évolué dans le temps, bien sûr, et, après la disparition de Lutte Occitane, c’est le mouvement politique occitan Volem viure al Païs (V.V.A.P.), qui va prendre la relève et s’engager dans une voie sans issue : fonder sa stratégie sur un nationalisme sans nation. Faisant comme si le problème de l’existence d’une nation occitane avait, depuis toujours, été résolu (une langue = une nation selon les thèses ethnistes de Fontan), il ne tient absolument pas compte de la réalité historique précédemment développée. Pour eux, « l’Occitanie » n’est qu’une belle princesse endormie qu’un baiser réveillera un jour. Seulement l’Histoire n’est pas un conte de fées et après le succès du début (40 000 personnes sur le Larzac peu de temps après la création de V.V.A.P.), ce mouvement va péricliter très vite jusqu’à sa disparaître en 1987. Dans le même temps, pour les mêmes raisons, l’Institut d’études occitanes (I.É.O.) va entrer en crise avec deux tendances qui s’y affrontent : les « populistes », animée par Yves Rouquette, et les « intellos », menée par Robert Lafont. La première avait pris le pouvoir en 1981 obligeant la seconde à plier bagages. Depuis, livrés à eux-mêmes, ces intellectuels traditionnels continuent à faire ce qu’ils savent bien faire, des colloques universitaires, pendant que les autres réinventent le Félibrige. Mais il n’y a plus (ou si peu) d’intellectuels organiques qui, comme leurs prédécesseurs, auraient porté leur art à un prestige international attirant à eux les autres créateurs… Comme l’avaient constaté Pierre Bayle, peu avant sa disparition, lors d’une soirée avec son ami Jean-Claude Peyrolle, quand il disait que « les militants occitanistes sont devenus chauvins » et que leur mouvement n’est toujours pas sorti de sa maladie infantile. Et contrairement à une maladie qui développe des anticorps, qui nous protègent ensuite tout au long de notre vie, le chauvinisme ne permet pas de développer un véritable patriotisme, c’est-à-dire l’amour des siens. Il dérive malheureusement, trop souvent, vers la haine des autres.

 

Or, aujourd’hui les conditions historiques sont réunies pour que puisse disparaître la contradiction dans laquelle s’étaient enfermés les « Félibres rouges ». Aujourd’hui, les trois piliers sur lesquels devrait reposer un état régalien ne jouent plus leur rôle: le service militaire obligatoire n’existe plus depuis 1995, la moitié des citoyens français (51,5% en 2014) ne remplissent plus l’un des devoirs civiques les plus élémentaires puisqu’ils ne paient pas d’impôts sur le revenu, et l’école de la République est devenue la championne du monde des inégalités (selon les normes PISA). Viennent surtout s’y ajouter les perspectives politiques concrètes ouvertes, au niveau européen, par les Ecossais, les Catalans, les Basques et les Flamands qui ont mis en place un nouveau contexte de solidarité : l’Occitanie ne devrait plus avoir à se faire contre ses voisins, Catalans, Franchimands ou Italians, mais sans eux et si possible avec leur accord (ce qui sera certainement plus difficile avec certains).

 

Les conditions sont à présent réunies, malgré les résistances des États-nations en fin de cycle, d’édifier, tous ensemble, une nouvelle Europe qui ne serait pas bâtie originellement (et structurellement), comme l’U.E. actuelle, sur la prééminence de l’économie, mais sur la volonté de vivre ensemble au sein de territoires historiquement cohérents, une Europe des peuples. Certains auteurs, comme le philosophe, sociologue et anthropologue Pierre Fougeyrollas dans son essai, Pour une France fédérale. Vers l’unité européenne par la révolution régionale (Denoël 1968), ouvrait des pistes, sans remettre, cependant, en question l’existence des États-nations pas plus que les institutions anti-démocratiques de l’Union européenne. Or, ceci est pourtant indispensable pour que naisse cette Europe des peuples, puisque ces États-nations, issus du XIXe siècle, ont tracé des frontières virtuelles séparant des territoires, et des peuples, unis par des siècles d’histoire. Les aspirations nationales en Écosse, en Catalogne, au Pays Basque ou dans les Flandres ne participent donc pas d’un mouvement anti-européen comme d’aucuns voudraient le faire croire, mais bien de la volonté de construire une autre Europe basée sur la volonté des peuples et, de ce fait, bien plus démocratique. Lutte Occitane se situait déjà dans cette perspective d’unification de notre continent à partir d’un soutien aux luttes populaires locales, mais, c’est bien là, que l’on voit les limites de ce mouvement trop limité aux idéologies, désormais dépassées, de la lutte des classes.

 

Car, le combat de demain n’opposera plus la droite et la gauche, le libéralisme et le socialisme, mais les forces d’enracinements culturelles et historiques, celles qui défendent la cause des peuples – de tous les peuples – et le système technomorphique américano-centré, ce « Système à tuer les peuples », dans lequel s’intègrent, aujourd’hui, à vive allure des forces hier encore opposées.

 

Pour cette vieille terre hérétique que certains nomment « Occitanie », cette terre où leurs ancêtres cathares furent brûlés vifs, rien n’est perdu si l’Esprit continue à souffler où il veut… sans volonté hégémonique mais avec un esprit d’ouverture et de solidarité.

 

Robert-Marie Mercier

 

Notes

 

1 : Le mardi de Pâques 1282, à la sortie de l’office vespéral, un chevalier français manque de respect à une jeune Sicilienne. La population se révolte et, très rapidement, chasse les envahisseurs.

 

2 : Lors de l’Histoire du Pays Niçois, nous constatons une permanence de cette volonté de conserver une souveraineté locale et une préservation, reconnue par nos souverains, de nos droits et privilèges. 48 avant notre ère, le Pays Niçois (Alpae Maritimae) est une province autonome de l’Empire romain. 879 de notre ère, la Provence Orientale (Pays Niçois) fait sécession. En 1150, Nice se déclare indépendante. En 1176, Nice réintègre la Provence après qu’Alphonse Ier d’Aragon, comte de Provence, eusse reconnu nos droits et privilèges. En 1388, notre souverain ne pouvant plus nous défendre face aux visées des Anjou de Provence, le Pays Niçois se dédie à la Maison de Savoie.

 

À l’époque moderne, bien après que le gouvernement d’Adolphe Thiers eut réprimé dans le sang des élections démocratique favorable aux indépendantistes en 1871, le Pays Niçois se caractérisera en permanence par une volonté d’exister en tant que tel. Je rappellerai, pour mémoire l’action menée par les élus niçois refusant de siéger au Conseil régional à Marseille dans les années 70. Cette politique de la chaise vide voulait signifier que nous refusions en tant que capitale régionale potentielle (ce que l’Histoire nous permettait de revendiquer) d’être inféodé à Marseille, de retrouver notre rang (ainsi que notre cour d’appel) et que l’on tienne compte de notre spécificité historique.

 

• D’abord mis en ligne sur Racines du Pays niçois, le 21 octobre 2014.

 


 

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Réflexions géopolitiques en début d’année

Réflexions géopolitiques en début d’année

par Bruno Bandulet

Ex: http://www.horizons-et-debats.ch

geopol502c0dce70542.jpgToute personne à la recherche d’explications concernant la politique étrangère et la géopolitique russe sous l’ère de Poutine tombe inévitablement sur deux versions différentes. L’une voit la Russie comme étant une puissance agressive, désireuse de démanteler l’ordre européen tel qu’il s’est établi après la chute du Mur de Berlin et de récupérer ce qu’elle a perdu lors de l’effondrement de l’Union soviétique. L’autre version dit que la Russie sous Poutine ne se comporte pas différemment des autres grandes puissances, y compris d’occasionnelles violations du droit international, que ce n’est pas à tort que les dirigeants à Moscou se sentent encerclés par les Etats-Unis et l’OTAN et qu’ils défendent essentiellement les intérêts nationaux d’un Etat souverain. Pour anticiper le résultat de mon analyse: je suis convaincu que l’initiative stratégique dans le nouveau conflit Est-Ouest part des Etats-Unis, qu’il a été sciemment provoqué par Washington et que la Russie opère dans une situation de défense stratégique.

«Les Etats-Unis sont une puissance navale typique»

Ce sont d’abord les rapports de force réels qui vont à l’encontre de la thèse que la Russie serait un agresseur dangereux. La Russie est avec ses 17 millions de km2 le pays le plus grand du monde et, avec ses réserves en gaz naturel les plus grandes du monde, un géant en ressources naturelles et certes, avec ses milliers d’ogives nucléaires, une puissance nucléaire égalant les Etats-Unis et, quant aux armes conventionnelles, la puissance militaire la plus puissante d’Europe. Il serait tout de même suicidaire de risquer une guerre contre les Etats-Unis. La puissance militaire dépend toujours aussi de la force économique. Faisons un calcul simple: le produit intérieur brut des Etats-Unis s’élevait en 2013 à 16?800 milliards de dollars, celui de la Russie à 2?100 milliards. Puisque la part du PIB réservée aux dépenses militaires était avec 4,4% plus ou moins identique, les Etats-Unis peuvent donc se permettre un budget de défense huit fois plus élevé. Les Etats-Unis sont une puissance navale typique avec des centaines de bases militaires dans le monde entier, avec une marine d’une puissance irrattrapable et pouvant intervenir militairement à n’importe quel point du globe. La Russie, quant à elle, est une puissance terrestre typique qui, après avoir perdu son influence suite à sa défaite lors de la guerre froide, dut se retirer sur son propre territoire. Pour des raisons géographiques, la Russie est invincible alors que les Etats-Unis ne sont même pas attaquables.

«Jamais auparavant un empire de cette envergure s’était dissolu lui-même si vite et si paisiblement»

Les Européens, ont-ils au moins eu raison de craindre les Russes? A considérer les faits, l’hystérie incitée de manière particulièrement pénétrante par le quotidien «Bild-Zeitung», n’est nullement justifiée. Avec ses 13?000 milliards d’euros, la production économique annuelle des 28 Etats de l’UE excède de loin celle de la Russie. Même pour l’armée, les Européens dépensent considérablement plus que les Russes: plus de 200 milliards d’euros contre 85 milliards. Ainsi, on est en droit de se demander pourquoi 505 millions d’Européens doivent se faire protéger par 316 millions d’Américains contre 143 millions de Russes, et à quoi servent en réalité les bases militaires américaines en Europe occidentale et orientale.
La version de l’éternel agresseur Russie n’est pourtant pas nouvelle, elle faisait, notamment pendant l’ère d’Adenauer, l’unanimité également en Allemagne. A cette époque, parut un livre intitulé «Das Perpetuum mobile» présentant toute l’histoire russe en tant que l’histoire d’une perpétuelle expansion violente, interrompue uniquement par d’occasionnelles phases de faiblesse. Adenauer lui-même tenait beaucoup à ce livre. La thèse a pourtant été ouvertement falsifiée lorsque l’Union soviétique libéra, en 1990 dans son avant-dernière année d’existence, la voie pour la réunification allemande – et, ensuite, en offrant l’indépendance non seulement aux Etats du bloc de l’Est, mais à de grandes parties de son propre territoire, y compris les pays baltes. Jamais auparavant un empire de cette envergure s’était dissolus lui-même si vite et si paisiblement. Dans une perspective réelle, l’Armée rouge aurait bel et bien pu maintenir ses positions en Allemagne centrale et dans le Bloc de l’Est pendant encore quelques années.

«Les oligarques pillent l’Etat»

En compensation, James Baker, secrétaire d’Etat des Etats-Unis, garantit aux Russes que l’OTAN n’avancerait pas vers l’Est. Gorbatchev et également Eltsine, qui démantela l’Union soviétique au tournant de l’année 1991/92 et prit la fonction du président russe, devinrent les chouchous des médias occidentaux et cela probablement parce que Eltsine représentait un Etat militairement impuissant, économiquement ruiné et sans aucune influence au niveau géopolitique – une Russie totalement inoffensive qui semblait sur le point de s’intégrer dans l’Occident. Pour les Russes eux-mêmes les années sous la présidence d’Eltsine et toute la décennie des années 90 représentèrent un cauchemar. Les privatisations préconisées par les conseillers occidentaux permirent à un petit cercle d’oligarques – comme on les nomma par la suite – de piller l’Etat et d’amasser des fortunes allant à des milliards. La population fut livrée à la paupérisation et à une inflation galopante. Le taux des naissances s’effondra et l’espérance de vie baissa rapidement. Le 17 août 1998, la Russie était en faillite. Lors de cette période de déclin, la direction à Moscou n’avait cependant pas oublié ou éliminé ses traditions et intérêts géopolitiques. Le fait qu’en 1999 l’OTAN intégra la Pologne, la République tchèque et la Hongrie dans une première tranche de son élargissement, irrita sérieusement le Kremlin. Mais Eltsine était trop faible pour s’y opposer.

«Le retour phénoménal de la Russie»

Le vent tourna à nouveau quand Eltsine, présenta sa démission le 31 décembre 1999 en passant les affaires de l’Etat, conformément à la Constitution, à Vladimir Poutine, le Premier ministre en exercice depuis août 1999. En mars 2000, Poutine fut élu président de la Fédération de Russie, avec 52,9% des voix. Sans la hausse du prix du pétrole, le retour phénoménal de la Russie n’aurait certes pas été possible dans la même mesure. A la fin de l’année 1998, le prix de la sorte WTI avait chuté à 10,65 dollars et grimpa jusqu’en 2008 à 147 dollars, ce qui fit affluer des torrents d’argent dans les caisses de l’Etat permettant ainsi la renaissance russe. A la même époque, l’index des actions russes RTS explosa de 38 à 2?498.
«Der Gegner heisst Moskau» [L’ennemi s’appelle Moscou] voilà le gros titre de la une de l’édition du 6 septembre 2014 du quotidien strictement pro-américain «Neue Zürcher Zeitung». Mais cette Russie n’était plus un cas désespéré en voie de devenir un second Bangladesh, mais à nouveau une grande puissance de taille moyenne disposant d’une armée entièrement réaménagée et prête à intervenir, un bilan équilibré, un taux de dettes de 12% seulement, avec des réserves monétaires en devises et en or à hauteur de 470 milliards de dollars et avec des dettes extérieurs maîtrisables, en dépit des diverses sanctions occidentales. Et il s’agissait d’une Russie sûre d’elle et avec de moins en moins de scrupules à défendre ses intérêts et à essayer de les imposer.
Cela ne veut pas du tout dire que Moscou puisse prendre les sanctions occidentales à la légère. Les Etats-Unis ont lancé une guerre financière et économique contre la Russie, à laquelle les Européens participent bon gré mal gré. Washington poursuit peut-être même le but final naïf de renverser Poutine pour le remplacer par un gouvernement pro-américain. A Washington, l’«Office of Terrorism and Financial Intelligence» est responsable de cette guerre. C’est l’un des 16 services secrets américains pour lesquels les Etats-Unis investissent davantage d’argent que l’Allemagne pour toute sa Bundeswehr. La direction de cette entité incombe à David S. Cohen, sous-secrétaire au département des Finances des Etats-Unis.
Une des subdivisions de cette entité est l’«Office of Foreign Assets Control». C’est là qu’on trouve la liste des individus, des banques, des entreprises pétrolières et gazières russes soumises aux sanctions. L’effet de cette liste repose sur le fait que tout citoyen américain contrevenant est punissable. Donc ces sanctions sont reprises par l’UE ou si elles ne le sont pas encore, toutes les entreprises non-américaines la respectent en obéissant par avance, parce qu’elles craignent la vengeance de l’Oncle Sam. C’est ainsi que les choses se passent depuis longtemps, par exemple avec les sanctions contre Cuba et contre l’Iran. Le cas de BNP Paribas est l’exemple le plus récent de cette sorte d’abus de pouvoir.

«Les Saoudiens font baisser le prix du pétrole»

Il serait particulièrement néfaste pour les Russes s’ils étaient exclus – comme l’Iran depuis plusieurs années – du réseau Swift, le réseau interbancaire pour les virements bancaires internationaux basé à Bruxelles. Si cela était le cas, des parties essentielles du système financier international ne seraient plus accessibles. Les Européens participeraient-ils à une telle opération? Jusqu’à présent, les sanctions visent l’industrie du pétrole et du gaz russe ainsi que les banques. Le financement des grands groupes sur les marchés des capitaux étrangers ont été entravés ou limités et en outre, on a interdit aux groupes pétroliers occidentaux tels Exxon et Royal Dutch de continuer leur coopération contractuelle avec les entreprises russes pour l’exploration, notamment en Sibérie et en Arctique.
En même temps, les Saoudiens, alliées des Etats-Unis, font baisser le prix du pétrole. Cela a été probablement planifié lors de la visite du secrétaire d’Etat américain John Kerry en Arabie saoudite en septembre. Cette monarchie fondamentaliste a son propre agenda. Elle nuit à son rival l’Iran pour qui le prix du baril devrait excéder les 100 dollars. Elle nuit à l’Irak gouverné par des chiites, mais également à la Russie qui, par son intervention diplomatique, a sauvé le souverain syrien Assad d’une attaque militaire américaine – et probablement aussi l’Iran.
Pour maintenir son budget d’Etat équilibré, la Russie a besoin d’environ 100 dollars par baril. Cet automne, le prix du pétrole de la sorte américaine WTI est descendu à moins de 80 dollars, car l’Arabie saoudite et le Koweït ont ouvert les robinets. Il est juste que l’extraction du pétrole aux Etats-Unis même, en particulier celle de l’huile de schiste, exige un prix relativement élevé pour rester rentable – 80 dollars en moyenne et la limite critique est déjà presque atteinte aux Etats-Unis. Cela semble être accepté jusqu’à nouvel ordre, puisque les prix bas du pétrole sont une puissante arme dans le conflit avec la Russie et qu’ils agissent tel un programme conjoncturel sur l’économie américaine. La question est seulement de savoir qui aura le plus long souffle. Si l’année prochaine le prix du pétrole baisse encore une fois d’un tiers ou même de la moitié, les finances publiques russes arriveront à leur limite et les Américains devront également s’attendre à des faillites d’entreprises et – à moyen terme – à une nouvelle réduction de la production de pétrole.

«Vers une vaste coopération égale en droits dans l’Europe toute entière»

On ne peut pas reprocher à Poutine d’avoir voilé ses ambitions. Son «grand design» géopolitique est assez transparent. Le 25 septembre 2001, il a parlé en allemand devant le Bundestag et a invité l’Europe – en insistant spécialement sur la République fédérale, «partenaire économique principal de la Russie» et «interlocuteur déterminant en politique extérieure» – à coopérer. Et Poutine de proclamer devant les députés allemand: «Aujourd’hui, nous devons déclarer avec certitude et détermination que la guerre froide est définitivement terminée!» Il a également plaidé en faveur d’une «vaste coopération égale en droits dans l’Europe toute entière». L’année suivante, il alla plus loin et conjura à Weimar l’esprit de Rapallo.
Poutine avait sous-estimé à quel point l’Allemagne était liée à l’alliance avec l’Amérique et à quel point sa marge de manœuvre en politique étrangère était limitée. Malgré diverses tentatives, l’idée d’un partenariat ou même d’un axe germano-russe ne put être réalisé. Les signes précurseurs d’une confrontation avec les Etats-Unis se sont profilés pour la première fois lorsque Vladimir Poutine a tenu son discours le 10 février 2007 au Forum de Munich sur les politiques de défense – un discours dont les médias allemands n’ont pas réalisé toute la portée.
Poutine a reproché aux Etats-Unis d’avoir «dépassé leurs frontières nationales en tout point». Il a qualifié le «modèle unipolaire» – donc l’hégémonie américaine – comme étant «non seulement inacceptable, mais impossible à maintenir dans le monde actuel». Il s’est exprimé sur les plans américains d’installer un système antimissiles en Europe ce qui inquiéterait «sérieusement» la Russie, sur des bases américaines en Bulgarie et en Roumanie, sur le manque d’intérêt de l’Occident à continuer le désarmement et sur l’expansion de l’OTAN en Europe de l’Est, ce qui représente une «provocation sérieuse»: «Nous sommes en droit de demander qui est visé par cette expansion.» Et le président russe de rappeler l’engagement donné le 17 mai 1990 à Bruxelles par le secrétaire général de l’OTAN Wörner que l’Alliance ne déploiera pas de troupes en dehors du territoire de la République fédérale.
On pouvait conclure, suite au discours de Munich de Poutine, que le Kremlin s’était plus ou moins accommodé au deuxième élargissement de l’OTAN, c’est-à-dire à l’adhésion en 2004 des trois Etats baltes, mais qu’il s’opposerait à un élargissement de l’Occident vers l’Est. Lors d’une autre occasion, Poutine a déclaré qu’une adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie à l’OTAN représenterait une «menace directe» pour la Russie.

«Installer un Premier ministre soutenu par les Américains»

A Munich, Poutine a précisé ses conditions pour une entente avec l’Ouest. Les Américains ne les ont pas acceptées. Avec l’adhésion formelle ou non-officielle de l’Ukraine, l’OTAN gagnerait en importance stratégique, et la Russie en perdrait. Suite à l’opposition de Berlin et Paris, le Sommet de l’OTAN à Bucarest en avril 2008 a renoncé à lancer le processus d’adhésion formel de l’Ukraine et de la Géorgie, tout en décidant fondamentalement: «Ces pays deviendront membres de l’OTAN.»
Quatre mois plus tard, en août 2008, la Géorgie attaqua avec le soutien américain l’Ossétie du Sud dissidente. La Russie est intervenue et a gagné la guerre – un prélude au conflit beaucoup plus dangereux au sujet de l’Ukraine. Il couvait depuis des années et éclata ouvertement lorsqu’en novembre 2013 le président ukrainien Ianoukovitch s’opposa à l’accord d’association avec l’UE et accepta les rabais de gaz proposés par la Russie ainsi qu’un crédit de 15 milliards de dollars.
La suite est connue. Après plusieurs semaines de manifestations sanglantes à Kiev, l’opposition et Ianoukovitch se mirent d’accord le 21 février 2014 sur un compromis et de nouvelles élections. Un jour plus tard, on mit en œuvre une sorte de coup d’Etat avec le soutien de l’Occident, Ianoukovitch s’enfuit en Russie et à Kiev, on installa un Premier ministre soutenu par les Américains. En mars, Moscou annexa la Crimée, en juillet, un avion de ligne malaysien fut abattu au-dessus de l’Ukraine orientale, le troisième tour des sanctions occidentales contre la Russie suivit et également en été, l’Ukraine signa avec l’UE l’accord économique qui avait échoué en novembre 2013.
Résultat intermédiaire: une impasse. Le Kremlin a fait en sorte que la Crimée et donc aussi la mer Noire échappent à l’emprise de l’OTAN; maintenant, l’Ukraine réduite, financièrement ruinée dépend de la perfusion de l’UE et du FMI; l’adhésion à l’OTAN reste, malgré une coopération militaire étroite, pour le moment en suspension; et Moscou s’est assuré un gage avec la partie dissidente de l’Ukraine orientale pour pouvoir participer aux négociations, quand il s’agira de l’état définitif du pays et des droits de la minorité russe.

«Discrimination de la minorité russe»

Avant que les Américains, les Allemands et également les Polonais n’interviennent massivement dans la politique intérieure de l’Ukraine pour imposer un changement de régime, rien n’indiquait que la Crimée était en danger. Ce n’est pas tout, Moscou avait même accepté le mauvais traitement de la minorité russe dans les Etats baltes. En Lettonie et en Estonie, les Russes ayant immigré après 1940 n’ont pas obtenu automatiquement la citoyenneté lors de l’indépendance de ces pays en 1990. Encore aujourd’hui, 13% de la population lettone ne possède ni la citoyenneté ni le droit de vote passif et actif. Et elle est exclue de la fonction publique. Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a critiqué la Lettonie encore en mars 2014 pour sa discrimination de la minorité russe. En Estonie vivent également des Russes classés comme «non citoyens» et ne possédant suite à cela aucun droit.
L’idée que la Russie pourrait envisager d’attaquer et de conquérir l’Ukraine, comme certains journaux l’ont insinué, est totalement absurde. Les conséquences politiques et les coûts seraient énormes, sans parler de la longue guerre de partisans soutenue par les Américains, à laquelle l’armée d’invasion devrait faire face. En réalité, il s’agit pour Poutine de trouver un arrangement avec l’Occident et avec Kiev pour profiter le plus possible – dans le cas idéal ce serait un statut de neutralité pour le pays à l’instar de la Finlande, et Moscou participerait à financer les charges. Les régions prorusses de Lougansk et Donetsk sont à disposition, mais pas la Crimée qui avait déjà essayé en vain en 1992 et en 1995 sous l’aire d’Eltsine de se séparer de l’Ukraine et de se déclarer indépendante.
Il est difficile de prédire si les Américains consentiront à un tel arrangement. Un état de tension lié en permanence avec des sanctions de longue durée aurait aussi de leur point de vue des avantages: la justification de l’existence de l’OTAN serait garantie, l’Europe occidentale et l’Allemagne resteraient sous contrôle, toute tentative d’une coopération à l’échelle européenne serait stoppée. Rien ne cimente mieux une alliance que la définition d’un adversaire.

«Il n’y a pas de stabilité en Europe sans la Russie»

D’autre part, la Russie est toujours plus poussée dans les bras de la Chine et un bloc russo-chinois dont les contours se dessinent déjà ne serait contestable ni au niveau économique ni au niveau financier. Les Américains pourraient en venir finalement à la conviction qu’il existe dans le monde de plus gros problèmes que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et que la Russie pourrait être plus utile en tant que partenaire par exemple dans la lutte internationale contre le terrorisme qu’en tant qu’adversaire. L’Ukraine est située très loin des Etats-Unis et très près de la Russie – un facteur géographique que l’on ne doit pas sous-estimer. C’est tout spécialement aux Polonais, qui poursuivent une stratégie clairement antirusse et qui étaient derrière les coulisses très actifs à Kiev, qu’il faut recommander d’étudier plus souvent la carte géographique du monde.
C’est ce que fait apparemment, Hans-Dietrich Genscher, ancien ministre des Affaires étrangères allemand qui dit: «En Europe, il n’y a pas de stabilité sans la Russie et encore moins contre la Russie.» Dans une interview accordée à la chaîne de télévision Phoenix le 19 septembre 2014, il a critiqué les sanctions occidentales, a soutenu l’ancienne proposition de Poutine d’impliquer la Russie dans une zone européenne de libre-échange et a exigé que l’Occident «désarme» tout d’abord son langage. Poutine est un homme avec des objectifs clairs et ceux-ci n’ont plus rien à voir avec la «position faible» d’un Eltsine. Genscher avait du reste lui-même promis à l’ancien ministre des Affaires étrangères Chevardnadze, que l’OTAN ne s’étendrait pas vers l’Est. Cela donne à penser que non seulement Genscher mais trois autres anciens chanceliers – Schröder, Schmidt et Kohl – sont de l’avis que la voie américaine face à la Russie est une erreur. Cela donne à réfléchir et la raison est claire: les intérêts allemands dans cette question ne sont pas les mêmes que les intérêts américains.
Les critiques fusent aussi aux Etats-Unis. Ainsi, le professeur Jeffrey Sachs, un conseiller de la Russie dans les années 90 a reproché dans la «Neue Zürcher Zeitung» du 12 mai 2014 aux Américains, partisans de la ligne dure, que leur stratégie avait conduit à des conflits durables en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Syrie avec de très nombreux morts, mais à aucune solution sensée. Le seul espoir est que les deux parties – l’Occident et la Russie – reviennent aux principes fondamentaux du droit international.

«L’Occident a provoqué Poutine»

 

C’est très étonnant que récemment même Richard N. Haass, le président du Council on Foreign Relations, a avoué que Washington avait commis des erreurs envers la Russie. Beaucoup de Russes auraient vu dans l’extension de l’OTAN «une humiliation, une trahison ou les deux à la fois». Les Etats-Unis auraient méprisé le conseil de Churchill, sur la manière dont on traite un adversaire battu. Maintenant, on doit proposer une issue diplomatique à la Russie – avec la garantie que l’Ukraine ne deviendra pas membre de l’OTAN dans un avenir prévisible et qu’elle ne nouera pas des «liens exclusifs» avec l’UE.
Un critique particulièrement sévère de la politique américaine face à la Russie est le professeur John J. Mearsheimer, le représentant le plus éminent de l’école réaliste aux Etats-Unis. Dans le numéro de septembre/octobre du magazine Foreign Affairs, il décrit comment l’Occident a provoqué Poutine et comment celui-ci a réagi. Il cite Victoria Nuland, responsable des affaires européennes et eurasiennes auprès du secrétariat d’Etat américain, qui a révélé que les Etats-Unis ont investi depuis 1991 plus de 5 milliards de dollars pour que l’Ukraine obtienne l’avenir «qu’elle mérite». [cf. aussi Horizons et débats n° 22 du 15/9/14] Une grande partie de cet argent a été attribué à des organisations non gouvernementales, telle la «National Endowment for Democracy» qui a systématiquement organisé l’opposition antirusse à Kiev.
Puis, il y a aussi George F. Kennan, le grand seigneur de la géopolitique américaine, dont l’analyse célèbre de 1947 était déterminante pour la conversion des alliances de guerre et pour la rupture avec Staline. Kennan était en fait l’inventeur de la guerre froide. Déjà en 1998, lorsque le Sénat américain venait d’approuver la première ronde de l’extension de l’OTAN vers l’Europe de l’Est, Kennan avait mis en garde dans une interview: «Je pense que les Russes réagiront peu à peu assez hostilement et que cela influencera leur politique. Je pense, que c’est [l’extension de l’OTAN vers l’Est, BB] une erreur tragique. Il n’y avait aucune raison pour cela. Personne n’était menacé.»

«Transformation de l’OTAN en une entreprise de prestation de service en faveur de la politique de grande puissance américaine»

Une évaluation pertinente et un excellent pronostic quand on pense qu’en 1998 la Russie était à plat, que le buveur Eltsine siégeait au Kremlin et que réellement personne ne pensait à Poutine. Quelle contradiction avec cette remarque stupide d’Angela Merkel, que Poutine est irrationnel et qu’il vit «dans un autre monde». C’est tout aussi vaseux que le reproche fait à Poutine dans les journaux allemands de ne pas vouloir «s’intégrer» dans l’Occident. Pourquoi devrait-il? Nous ne devrions pas transposer notre propre refus de la souveraineté à d’autres. Il s’agit là d’un long processus, mais le monde se transforme de plus en plus en un monde multipolaire, les Etats-Unis n’ont depuis longtemps plus tous les atouts en main. Même l’hégémonie du dollar en tant que monnaie de référence diminue et avec elle l’influence écrasante de la «seule puissance mondiale». La transformation de l’OTAN d’une alliance de défense de l’Atlantique du Nord en une entreprise de prestation de service en faveur de la politique de grande puissance américaine était du point de vue allemand et européen une erreur. Nous avons créé un adversaire qui ne voulait pas en être un. Au lieu de rester à distance, l’OTAN et l’UE se sont approchés du grand ours russe. Ils l’ont provoqué. Le fait que l’UE emprunte sa politique étrangère aux Etats-Unis parce qu’elle même n’en a pas, n’est guère glorieux. Une stratégie pour l’avenir doit respecter les intérêts légitimes de l’Europe, de la Russie et de l’Amérique et ceux-ci doivent être coordonnés afin de trouver un modus vivendi avant que ce conflit ne s’attise. Cela veut dire concrètement qu’aussi bien l’OTAN, que l’UE et que la Russie renoncent à vouloir s’emparer de l’Ukraine. L’initiative doit être prise à Berlin. Elle ne peut venir que de là. Il faudra voir si le gouvernement allemand, à défaut d’un Bismarck, s’avère être à la hauteur. Je crains plutôt que non.    •
(Traduction Horizons et débats)

Il y a 15 ans en arrière, Bruno Bandulet a publié son livre «Tatort Brüssel» [Lieu du crime: Bruxelles] (1999, ISBN 3-7833-7399-7), dans lequel il a analysé un scandale de corruption au sein de la Commission européenne, très actuel en ce temps-là. Il y tire également un bilan mitigé des 40 ans de prétendue intégration européenne. Depuis, il a rédigé de nombreuses autres publications critiques face à l’UE et l’euro, notamment «Das geheime Wissen der Goldanleger» (2014, 4e édition), «Die letzten Jahre des Euro» (2011, 3e édition) et en 2014 «Vom Goldstandard zum Euro. Eine deutsche Geldgeschichte am Vorabend der dritten Währungsreform». Avant 1999, il avait déjà mis en garde contre les suites de l’introduction de l’euro dans son ouvrage «Was wird aus unserem Geld» (1997). Bruno Bandulet a rédigé sa thèse de doctorat sur le sujet «Die Bundesrepublik Deutschland zwischen den USA, der Sowjetunion und Frankreich – Alternativen der deutschen Aussenpolitik von 1952 bis 1963». Il a, entre autre, été chef de service responsable de la Ostpolitik de l’Allemagne au sein de la direction de la CSU bavaroise à Munich et chef d’édition auprès du quotidien allemand «Die Welt». Actuellement, il est éditeur des publications «Gold & Money» et «Deutschlandbrief».

Presseschau, Februar 2015: AUßENPOLITISCHES

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Presseschau, Februar 2015: AUßENPOLITISCHES
 
Tote bei Anschlag auf islamkritisches Satiremagazin
Die Angreifer kamen mit Kalaschnikow und Raketenwerfer: Bei einem Angriff auf das Satiremagazin "Charlie Hebdo" in Paris hat es zwölf Tote gegeben. Die Regierung rief die höchste Terrorwarnstufe aus.
 
"Charlie Hebdo": Radikale Muslime feiern im Netz den Anschlag
 
Islamistischer Terror
Frankreich: Polizei tötet alle Attentäter
 
"Wir müssen den Geist von 1968 verteidigen"
Alle reden gerade von freiheitlichen Werten, aber um welche geht es genau? Ein Gespräch mit Daniel Cohn-Bendit über das Recht auf Ironie – und das Lächeln seines ermordeten Freundes Cabu.
 
(Le Pen fordert Todesstrafe; doch was bringt das bei Selbstmordattentätern?)
Wehrhaft gegen Twitter, wehrlos gegen Kugeln
 
Foto-Bschiss am Trauermarsch
So täuschten die Spitzenpolitiker die Welt
 
Paris march: TV wide shots reveal a different perspective on world leaders at largest demonstration in France’s history
 
(Kommentar zu diesem Fotobetrug)
Schein und Sein – Bildikonen der Geschichte
 
"Charlie Hebdo"-Anschlag: Schüler stören Gedenkveranstaltungen
17 Tote in Paris? Etliche Schüler in Frankreich geben sich unbeeindruckt. Sie stören Schweigeminuten an ihren Schulen und verherrlichen Terrorismus - Lehrer meldeten mehr als 200 Vorfälle. Auch deutsche Schüler benehmen sich daneben.
 
Drei Tote bei Anti-Terroraktion in Belgien
 
Interview mit Alain de Benoist
„Hauptnutznießer ist die politische Klasse“
 
Propaganda-Vorwurf: Massen-Proteste gegen Medien in Großbritannien und USA
 
Vergleich von EU und Römischem Reich
Vor dem Untergang
 
Der Euro wird zum politisch manipulierten Weichgeld
 
Nach Parlamentswahl in Griechenland
Streit um Schuldenerlaß für Griechenland / Koalition mit Rechtskonservativen
 
(zur Griechenland-Wahl)
Jetzt wird es richtig teuer
von Michael Paulwitz
 
Rumänien drängt in Schengen-Raum
 
(Exilrussen gegen Russland-Bashing)
Ein aristokratischer Zwischenruf
 
"Gutes Signal": Türkei genehmigt Neubau einer Kirche in Istanbul
 
Istanbuler Kirchen-Neubau Mogelpackung
 
Linksradikale Terrorgruppe verübt Anschlag in der Türkei: Polizist stirbt
 
Harte Strafe in Saudi-Arabien
1000 Peitschenhiebe für islamkritischen Blogger
 
Syriens Goldbesitzer werden zur Kasse gebeten
Syriens Regierung hat Ende Dezember ein neues Gesetz verabschiedet, laut dem Syriens Goldbesitzer ihr Gold registrieren lassen und Gebühren dafür bezahlen müssen. Seit November hat der Goldpreis in Syriens Währung gerechnet um 18 Prozent zugelegt.
 
Guantanamero
Schuldig bis zum Beweis des Gegenteils: Mohamedou Ould Slahi veröffentlicht erstes Tagebuch eines CIA-Häftlings aus dem Lager auf Kuba
 
(Kriminelle und korrupte Zustände)
Mexiko
Killer gestehen Ermordung von 17 Studenten
 
Paraguay
Guerilla-Gruppe ermordet deutsches Ehepaar
Ein deutsches Farmer-Paar ist in Paraguay verschleppt und erschossen worden. Die Regierung macht die „Paraguayische Volksarmee“ verantwortlich. Sie soll nur wenige Mitglieder zählen, ist aber äußerst brutal.
 

Mauern gegen die Konkurrenz

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Mauern gegen die Konkurrenz

Friedrich List: Das nationale System der politischen Ökonomie

von Nadja Kirsten

Als Politiker und Publizist kämpfte Friedrich List für einen deutschen Zollverein und ein deutschlandweites Eisenbahnnetz. Als Ökonom wurde er zum Vordenker des wirtschaftlich starken Nationalstaats. Die Zeiten überdauert hat vor allem ein partieller, wenngleich wichtiger Aspekt seiner Theorie: die Idee, junge Industrien durch Zollmauern zu schützen.

Der umtriebige Patriot aus Reutlingen träumte von Macht und Wohlstand für die deutsche Nation. Doch das politisch ungeeinte, weitgehend agrarisch geprägte Deutschland seiner Zeit war weit davon entfernt, mit dem mächtigen England konkurrieren zu können. In seinem 1841 veröffentlichten Hauptwerk Das nationale System der Politischen Ökonomie schrieb Friedrich List (1789-1846), wie eine Nation reich und mächtig werden kann: Entscheidend sei die erfolgreiche "Pflanzung einer Manufakturkraft".

Für die Modernisierung einer Nation ist es entscheidend, dass junge Industrien Fuß fassen können. Doch die aufstrebenden Manufakturen Deutschlands und anderer Entwicklungsländer der damaligen Zeit litten unter der erdrückenden englischen Konkurrenz. Sie lieferte bessere Ware zu niedrigeren Preisen. Vor diesem Hintergrund entwickelt List den "Erziehungszoll": Eine Nation, deren Industrie noch in den Kinderschuhen steckt, soll ihren einheimischen Markt durch Zölle auf Manufakturimporte schützen und damit die "industrielle Erziehung" vorantreiben. Die junge Industrie erhält so Gelegenheit, ohne äußeren Konkurrenzdruck zu "üben".

Zwar gehen die Zölle auf die billigere und bessere Importware zeitweilig zu Lasten des Verbrauchers. Der Verzicht auf kurzfristige Konsumvorteile ist aber zumutbar, weil damit langfristig in die Zukunft der Nation investiert wird. Diese erleidet durch die Schutzzölle lediglich einen Wertverlust, gewinnt aber Kräfte, "vermittels welcher sie für ewige Zeiten in den Stand gesetzt wird, unberechenbare Summen von Werten zu produzieren".

Sosehr List die Erziehungszölle preist, sowenig empfiehlt er sie als Wundermittel. Er betont, dass neben wirtschaftlichen Faktoren auch gesellschaftliche und politisch-institutionelle Rahmenbedingungen die Entwicklungsfähigkeit einer Nation bestimmen. So seien bürgerliche Freiheiten, die öffentliche Kontrolle der Verwaltung, eine freie Presse, die Sicherheit des Eigentums, aber auch eine gebildete Bevölkerung und nicht zuletzt "Religiosität, Moralität und Sittlichkeit" Quellen des nationalen Reichtums.

Seine Positionen entwickelt List in ständiger, teils polemischer Auseinandersetzung mit den Lehren der klassischen Ökonomie von Adam Smith, David Ricardo und Jean Baptiste Say. Der "Schule", wie er diese Denkrichtung knapp nennt, wirft er vor, bei ihrem Eintreten für die internationale Handelsfreiheit den Idealzustand einer friedlichen Weltgesellschaft zu unterstellen. Die Klassiker haben nach Ansicht Lists nicht erkannt, dass das Freihandelsprinzip "unter den bestehenden Weltverhältnissen" zur Abhängigkeit der weniger entwickelten Nationen von der herrschenden Industriemacht England führe - ein Argument, das sich über hundert Jahre später viele Entwicklungsländer unter veränderten Vorzeichen zu eigen machten.

Im Gegensatz zur klassischen Ökonomie glaubt List nicht, dass die Gesellschaft immer dann am besten fährt, wenn sie die Individuen ungehindert ihre eigennützigen Interessen verfolgen lässt. Vom uneingeschränkten Laissez-faire hält er nicht viel. Seine Position: Der Staat kann und muss in die Wirtschaft eingreifen, wenn die "Privatindustrie" der Gesellschaft Schaden zufügt oder wenn sie die gemeinschaftlichen Interessen nicht ausreichend fördert. Wo der Einzelne darauf achtet, seinen gegenwärtigen Wohlstand zu mehren, hat der Staat die Voraussetzungen für Wohlstand in der Zukunft zu schaffen. Er muss "auf die Bedürfnisse künftiger Jahrhunderte Bedacht nehmen", in die Zukunft investieren.

Friedrich List: Das nationale System der politischen Ökonomie

Wirtschaft und Finanzen i. d. Verlagsgruppe Handelsblatt GmbH, Düsseldorf 1989; (Faks. der Erstausgabe 1841); 660 S., Komment.-Bd. 150 S., zus. 440,- DM

 
 
 

Iranian Intervention in Iraq against the Islamic State

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Iranian Intervention in Iraq against the Islamic State: Strategy, Tactics and Impact

Publication: Terrorism Monitor

By: Nima Adelkhah

The Jamestown Foundation & http://www.moderntokyotimes.com

A deliberately gory June 2014 report on the Shi’a Ahl al-Bayt website, no doubt intended to arouse emotions, shows a photo of the bloodied face of Alireza Moshajari. It describes him as the first of Iran’s Revolutionary Guard Corps (IRGC) to have become a “martyr” in defense of the sacred shrine of Karbala against the then Islamic State of Iraq and Syria, now the Islamic State. Karbala, one of the most important Shi’a holy sites, is the battlefield where Hussein, the grandson of the Prophet, fought and died a martyr’s death (Ahl al-Bayat, June 16, 2014). The site also shows other photos of Moshajari posing for a camera in a western Iranian province, apparently preparing to depart for Iraq.

A month later, in July 2014, reports of the death of another member of the IRGC, Kamal Shirkhani in Samarra, further indicated an Iranian troop presence deep inside in Iraq (Basijpress, July 8, 2014). More significant, however, was the December 2014 news of the death of Iranian Brigadier General Hamid Taqavi, while he was on an “advisory” mission in Iraq (Mehr News, December 29, 2014; Fars News, December 29, 2014). He was the highest-ranking Iranian officer to be killed in Iraq since the 1980-1988 war. Taqavi had reportedly been assassinated by the Islamic State in Samarra (Fars News, January 5).

While Iran has continuously and publicly denied having a formal troop presence in Iraq, with IRGC officials saying that Iran has no need to have an army in its neighboring country, the evidence suggests a growing trend of Iranian military activities in certain regions of Iraq deemed critical to Tehran and are related to Iran’s efforts to contain the Islamic State (Fars News, September 22, 2014). However, this trend, which apparently has been growing since summer 2014, is less about expanding Iran’s power and is more a defensive strategic attempt to prevent the Islamic State from undermining two of Iran’s two core interests in Iraq: the security of its borders and the protection of Shi’a shrines there. Unlike Iran’s strategy in Syria, which is primarily about preserving the Assad regime even at the expense of fostering sectarianism, Tehran is keen to prevent its Shi’a-dominated neighbor from developing a sectarian mindset that could potentially have wider negative implications for Iran in the region.

Iran’s Islamic State Problem

As a militant organization emerging from the Syrian civil war, but whose core originates in the earlier anti-U.S. insurgency in Iraq, the Islamic State has not only forcefully established a military presence in regions of Iraq and Syria, but has done so as an intensely sectarian force. Driven by its view that Shi’as are infidels, the Islamic State’s military expansion in Syria, which spilled over into Iraq in summer 2014, has exacerbated tit-for-tat sectarian conflicts in both countries which have increasingly worried the Islamic Republic, the world’s largest Shi’a state.

Iran’s concern over the Islamic State is fourfold:

  1. Firstly, the military onslaught by the forces of the self-declared Sunni caliphate has, at times, posed an immediate threat to Iran’s west central provinces bordering Iraq, such as Ilam and Kermanshah. Though Iranian officials publically claim that the Islamic State does not have the capacity to attack Iran, there has been clear concern about the militants’ takeover of relatively nearby Iraqi cities such as Hawija and Mosul (Tabnak, July 2, 2014). The Islamic State’s further rapid take-over of Khanaqin, eastern Diyala and areas near the Iranian border in early summer 2014 underlined the threat to Iran’s borders (Shafaq, October 8, 2014). Such developments have triggered an outbreak of conspiracy theories in Iran. For instance, one cleric argued that the Islamic State originally wanted to attack Iran instead of Syria, as part of a larger Western conspiracy against the Islamic Republic (Sepaheqom, December 31, 2014). Such conspiratorial views echo a belief by many Iranian officials that the Islamic State is a U.S. creation and that its aim is to sow discord and conflict in a region where Iran claims dominance.
  2. The second Iranian concern is also connected with border security, this time in the form of Iranian fears of a refugee crisis arising from Islamic State attacks (Khabar Online, June 15, 2014). The refugee wave from Islamic State-affected areas of Iraq, similar to that which Iran saw from Afghanistan in the 1980s, is seen by Iran as posing significant security threat to the region and an economic burden to its economy, which is already struggling under U.S.-led sanctions (al-Arabiya, October 28, 2014).
  3. Iran’s third concern is over growing sympathies among Iran’s Sunni minority for Sunni sectarian groups such as the Islamic State. Fears of Islamic State influence in southeastern regions and northwestern Kurdistan, which have large Sunni populations, continue to pose a major problem for the Islamic Republic (Terrorism Monitor, December 13, 2013). In particular, there are fears that political-military movements such as Ahle Sunnat-e Iran (a.k.a. Jaysh al-Adl, Army of Justice), an offshoot of the Jundallah (Soldiers of God) militant group, may be inspired by the Islamic State or even that such groups may collaborate with the group to conduct insurgency operations inside Iran (Mehr News, August 15, 2014).
  4. The fourth reason for Iran’s concern is the religious dimension, perhaps the most significant to many Iranian government and military operatives. Iraq is home to a number of key Shi’a shrines, and Samarra – home to one of the most important such shrines – is on the frontline of the ongoing struggle against the Islamic State. Located 80 miles away from Baghdad and a short distance south of Tikrit, a Sunni Iraqi stronghold where there is some sympathy for the Islamic State, Samarra is where Iranian forces have mostly concentrated, due to the religious importance of the shrine and its vulnerability to Sunni militants. Apparently working under the assumption that United States’s objectives against the Islamic State are only to protect the Kurds, a primary mission of Iranian forces is to protect Samarra’s al-Askar shrine, whose dome had been previously destroyed by Salafist militants in February 2006.

It is, therefore, no coincidence that most announcements of Iranian deaths in Iraq have related to Samarra and that such announcements also deliberately emphasize the religious angle. For example, public announcements of the death of Mehdi Noruzi, a member of Iran’s Basij militia who was apparently nicknamed “Lion of Samarra” and was killed by the Islamic State in that city, highlighted the religious dimension of the conflict in order to arouse religious fervor and, hence, public support (Fars News, January 12; al-Arabiya, January 12). A further example is that all the 29 Iranian deaths reported in December 2014 most likely took place in and around Samarra, as with the death of an Iranian military pilot, Colonel Shoja’at Alamdari Mourjani, who likely died on the ground in the vicinity of the city (al-Jazeera, July 5, 2014). Underlining the importance of Samarra and other shrines to Iran, a June 2014 statement by Qom-based Grand Ayatollah Naser Makarem Shirazi called for jihad against the takfiri (apostate) Islamic State in defense of Iraq and Shi’a shrines. This was partly meant as a religious decree intended to swiftly mobilize support for countering the Islamic State onslaught. His fatwa can also be seen as a move, most likely backed by Tehran, intended to help the government recruit volunteers to fight in Iraq.

Military Intervention

While the U.S.-led air-campaign has curtailed the Islamic State’s progress since August, Iranian forces on the ground have also played a critical role in limiting its advance into northeast and southcentral Iraq. Iran’s support for Iraqi Kurdish Peshmerga forces, as well as for Iraq’s army and militia forces, has also played a key role.

As illustrated by the recent death of Brigadier General Hamid Taqavi, the Iranian military mission includes high-ranking members, including General Qasem Soleimani, the commander of Iran’s special operations Quds Force. Iranian military activities in Iraq appear to largely concentrate along the Iraq-Iran border and in key Shi’a shrine cities, most importantly Samarra, for the reasons stated above. Meanwhile, ten divisions of Iran’s regular army are reportedly stationed along the Iraqi borders, ready for military confrontation (Gulf News, June 26, 2014).

In the conflict against the Islamic State, the Quds Force paramilitary operatives play an integral role, notably in training and commanding Iraqi forces, especially Sadrist and other militia groups such as Kataib al-Imam Ali (al-Arabiya, January 9). Typically, this has involved recruiting and training Shi’a Iraqi volunteers in camps in various Iraqi provinces, including Baghdad (ABNA 24, June 16, 2014). Quds officers have also reportedly been directly active in key hubs of the conflict, such as the siege of Amerli in northern Iraq, where Kurdish and Shi’a militia forces eventually defeated the Islamic State, with the input of Soleimani, in September 2014 (al-Jazeera, September 1, 2014; Gulf News, October 6, 2014).

The Lebanese Hezbollah group also plays a role in both training volunteers and conducting military operations in key battles against the Islamic State, as in the October 2014 attack on Islamic State positions in Jurf al-Sakhr, southwest of Baghdad, which reportedly involved 7,000 Iraqi troops, including militiamen (Al-Monitor, November 6, 2014; al-Arabiya, November 5, 2014). Meanwhile, the role of established Shi’a Iraqi militias such as the Badr Organization, led by Hadi al-Amiri, appears to be to support Iran’s training of volunteers, though the Badr force has also participated directly in joint military operations against the Islamic State (Al-Monitor, November 28, 2014). In an unprecedented way, therefore, Iran is currently uniting Shi’a militias to fight a common, perhaps existential enemy of Shi’as: Sunni radicalism.

Iranian deployment of ground troops, however, has been only one part of its broader military operation in Iraq. Alongside military operations, Iran has also shared intelligence with Kurdish and Iraqi forces, and allegedly installed intelligence units at various airfields to intercept the Islamic State communications (al-Jazeera, January 3). There are also reports of Iran sending domestically-built Adabil drones to Iraq to help the government against the Islamic State, highlighting Iran’s growing unmanned aerial surveillance capability (Gulf News, June 26, 2014). Such intelligence sharing and military coordination against the Islamic State is likely to be most significant in eastern Iraq, in areas closest to Iran (al-Jazeera, December 3, 2014; al-Arabiya, January 16). Thanks to agreements signed between Iran and Iraq in late November 2013, the dispatch of weapons to Iraq has likely considerably increased since summer 2014 (al-Jazeera, February 24, 2014; Press TV, June 26, 2014).

 

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A Strategic Outline: National and Regional Impact

In an October 12 interview, Brigadier Yadollah Javani, the head of the IRGC’s political bureau argued that the Islamic State had failed to capture Baghdad because of Iran’s military support for the Iraqi government (Iranian Students News Agency, October 12, 2014). This may be true on a tactical level, but in a longer-term strategic sense Tehran’s effort in Iraq may yet lead to unintended consequences that could yet threaten its wider interests in the region.

The most significant impact of Iran’s interference in Iraq is likely to be sectarian. Iran, of course, is aware of the potentially radicalizing impact of its operations among Sunnis and the main reason it keep its military operations low profile is to avoid inflaming such sectarian tensions (al-Jazeera, July 5, 2014). However, Tehran’s efforts have not been entirely effective. Anti-Iranian views in the (Sunni) Arab media are widespread, and these primarily describe Iran’s intervention in Iraq as part of a sinister, broader strategy (al-Sharq al-Awsat, January 13). Meanwhile, in Iraq itself, despite Iraqi Prime Minister Haider al-Abadi’s efforts to bring Sunni Arabs into the government, not only in the provinces but also in Baghdad, the outcome of this process remains to be seen. For the most part, Sunni Arabs still feel marginalized and the potential for them to support the Islamic State remains high (al-Jazeera, January 3). Iran is likely to fear that such Sunni resentment may further encourage Saudi Arabia to involve itself in Iraq as a way to curtail Iran’s growing influence there.

Often overlooked, there is also the intra-Shi’a impact of Iran’s involvement, which Tehran appears understandably keen to downplay. Various Shi’a groups and figures continue to compete for influence in southern Iraq, with the interests of non-Iranian Shi’as being best represented by Najaf-based Grand Ayatollah Ali Sistani. Sistani, the highest-ranking cleric in the Shi’a world and weary of repeated Iranian involvement in Iraq since 2003, has distanced himself from Soleimani and Iran’s military presence in Iraq. In fact, Sistani’s representative has argued that the cleric’s important summer 2014 fatwa calling for volunteers to resist the Islamic State was meant for Iraqis and not for Iranian Shi’as (Al-Monitor, December 2, 2014). How Sistani will respond to a continued Iranian presence in Iraq and in key shrine cities, especially after the Islamic State threat eventually wanes, remains to be seen. While it is likely that Sistani will continue to encourage some pragmatic cooperation with Tehran against the Islamic State, he will not accept a prolonged Iranian military presence in Iraq. This underlines that while the long-term implications of Iranian intervention in Iraq are unclear, for now at least Iran’s military intervention in Iraq has effectively united Shi’as against the Islamic State.

Nima Adelkhah is an independent analyst based in New York. His current research agenda includes the Middle East, military strategy and technology, and nuclear proliferation among other defense and security issues.

Files: TerrorismMonitorVol13Issue2_03.pdf

http://www.jamestown.org/single/?tx_ttnews%5Btt_news%5D=43442&tx_ttnews%5BbackPid%5D=7&cHash=1be59fb552739f9274873ae03b834d14#.VMkeGMb6nLU

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Els Witte over het orangisme

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Elitaire opstandelingen in eer hersteld

Els Witte over het orangisme

door Edi Clijsters
Ex: http://www.doorbraak.be

ew9789085425502.jpgHet moet zowat de grootste lof zijn die een historicus kan toegezwaaid krijgen, en die lof komt dan zelfs van de veeleisende Nederlandse NRC: 'Het gebeurt niet vaak dat een historicus geschiedenis echt kan herschrijven. Maar Els Witte is het gelukt.'

Dat kan tellen als compliment. Als compliment is die commentaar volkomen terecht, al is de formulering voor verbetering vatbaar.

Want de geschiedenis – als opeenvolging van feiten – kan natuurlijk niemand herschrijven. Geschiedenis als geschiedschrijving daarentegen – als weergave van de feiten en hun samenhang – kan daarentegen wel degelijk worden herschreven. En dat gebeurt gelukkig ook, al is het vaak moeizaam en ondankbaar werk. Terecht stelt Witte (hoogleraar emeritus en ere-rector van de VUB) dat de geschiedschrijving doorgaans meer (of bijna uitsluitend) aandacht heeft voor de 'winnaars', al was het maar omdat dié nu eenmaal in eerste instantie bepalen hoe het verdergaat. Daartegenover staat dat de officiële historiografie nog maar weinig belang hecht aan de verdedigers van een verloren zaak, zodra het pleit is beslecht. Voor zo ver later nog aandacht gaat naar die 'verliezers' is dat dan meestal in apologetische of ronduit hagiografische geschriften, die soms vér af staan van ernstige geschiedschrijving.

Dat zijn beschouwingen waarmee iedereen vertrouwd is die ook maar iets of wat belangstelling heeft voor geschiedenis. En ze gelden a fortiori wanneer de politieke geschiedenis van een land ter sprake komt. Ondertussen zijn immers al vele boekdelen gewijd aan de stelling (of het bestrijden daarvan) dat elke staat (en/of natie) een min of meer kunstmatige constructie is, en dus behoefte heeft aan enkele 'dragende mythes' die het geheel wat romantische luister moeten bijzetten. Met mythes en demystificaties hebben zich dus al ettelijke generaties historici verlustigd, en de bij uitstek kunstmatige creatie België maakt daarop geen uitzondering. Integendeel.

Heilige huisjes

En zie: de Belgische orangisten (die de revolutie van 1830 niet accepteerden en wilden trouw blijven aan het Verenigd Koninkrijk der Nederlanden) zijn werkelijk een schoolvoorbeeld van 'geschiedschrijving door en voor de overwinnaars'. Generaties historici hebben – in het spoor van de 'vader van de Belgische geschiedschrijving', de grote historicus en nog veel grotere belgicist Henri Pirenne – het verschijnsel 'orangisten in België' ofwel haast totaal genegeerd ofwel minachtend afgedaan als een onbeduidend stelletje nostalgici, meelijwekkende amateur-samenzweerders en/of achterbakse verraders des vaderlands.

Welnu, dat beeld zal elke bonafide historicus voortaan grondig moeten bijstellen, want aan de monumentale studie van Els Witte over 'het harde verzet van de Belgische orangisten tegen de revolutie 1828-1850' kan niemand voorbijgaan. En aangezien je bij een zo vooraanstaande historica van de VUB bezwaarlijk van 'monnikenwerk' kan spreken mag hier gerust het woord 'titanenwerk' worden gebruikt.

Jarenlang heeft Els Witte stapels en stapels officiële en geheime documenten doorploegd, bladen, vlugschriften, brieven en memoires; van rapporten in geheimschrift moest zij zelfs eerst de code ontcijferen. Dat alles vermeldt zij in haar boek slechts langs de neus weg, maar het illustreert wél met hoeveel inzet en volharding zij deze 'herschrijving' heeft aangevat én tot een goed einde gebracht.

Het resultaat is dan ook een kanjer. Pardon: een wetenschappelijke kanjer. Buitenstaanders durven wel 's monkelen dat historici zich blijkbaar soms verplicht achten "meer noten dan tekst" te produceren. Dat valt dan nog mee: tegenover 516 bladzijden verhaal staan 'slechts' 97 bladzijden (wel erg klein gedrukte) noten. Terecht. Niet zonder reden zal Witte het nodig geacht hebben haar studie zo minutieus te documenteren en (bij wijze van spreken) haast elke zin te staven met een verwijzing naar een of andere bron. Want die studie gaat nu eenmaal in tegen ettelijke lang gekoesterde heilige huisjes, en mag dus in het feitenrelaas geen enkele zwakke schakel vertonen.

Die heilige huisjes bevinden zich overigens niet alleen bij 'belgicistische' geschiedschrijvers (die de triomftocht van de sacrosancte Belgische natie sinds 1830 alleen nog kunnen gedwarsboomd zien door domoren of kwaadwilligen) maar evenzeer bij Groot-Nederlandse nostalgici of flamingantisch geïnspireerde auteurs die het orangisme ten onrechte in verband brengen met de prille Vlaamse Beweging).

Daarenboven heeft Witte het verschijnsel 'orangisme' vanuit verschillende hoeken willen bekijken en zoveel mogelijk verbanden willen duidelijk maken tussen de verschillende niveaus en terreinen waarop van orangisme sprake was, zodat onvermijdelijk herhalingen opduiken.

Al die op zichzelf loffelijke bekommernissen maken het boek bijwijlen tot een moeilijk verteerbare brok; maar dat is dan ook de enige negatieve bedenking bij dit opus. Want hoewel het niet bepaald makkelijke lectuur is, toch blijf je lezen – zelfs al weet je 'hoe het afloopt'. Omdat dit in essentie een heel niéuw verhaal is, dat althans met dit ene spook van Pirenne eens en voorgoed afrekent.

Franstalige conservatieven

Wie waren ze eigenlijk, die 'orangisten' ? En vooral: waarom waren ze dat ? Dank zij het minutieuze speur- en puzzelwerk van Els Witte krijgt de lezer nu voor het eerst een correct – niet gediaboliseerd noch geïdealiseerd – beeld van deze politieke stroming die meer dan tien jaar lang voor het prille België een reële bedreiging uitmaakte – én door het nieuwe bewind ook wel degelijk zo werd gezien.

Waarom bleven zo lang zovele Luikenaars, Gentenaars, mensen uit Henegouwen en Antwerpen, de Westhoek of Luxemburg gekant tegen het 'Belgische feit' dat uit de separatistische opstand van 1830 was ontstaan ? Om dat begrijpelijk te maken verwijst Witte naar de geest van die tijd. Na de nederlaag van Napoleon wou het Congres van Wenen vooral de oude monarchieën in eer herstellen en komaf maken met de erfenis van de Franse Revolutie. Het was een tijd van restauratie, en ook in het zuiden van het Verenigd Koninkrijk konden velen zich daarin vinden: oude en nieuwe kleine en grote adel, behoudsgezinde bourgeoisie en ambtenarij, én tal van industriëlen voor wie nieuwe markten opengingen, koninklijke steun niet ontbrak maar sociale rechten taboe bleven. Kortom: een conservatieve grondstroom avant la lettre.

Met name adel, bourgeoisie en ambtenarij hadden een uitgesproken legitimistische kijk op de gebeurtenissen: trouw aan de vorst was vanzelfsprekend en een erezaak, opstand daartegen was ongehoord. Voor de meeste industriëlen en handelslui ging het veeleer om welbegrepen eigenbelang: het opbreken van het Verenigd koninkrijk betekende het einde van nieuwe markten en mogelijkheden. Allen hadden ze een diepe afkeer gemeen van het straatgeweld door opgehitst gepeupel, waardoor niet alleen de 'proletarische opstand van 1830' werd getekend, maar ook de herhaalde repressie tegen orangisten.

De legitieme vorst was en bleef Willem I van Oranje of eventueel zijn zoon. Leopold I was daarentegen in de ogen van de 'orangisten' niets meer of minder dan een usurpator, een adellijke avonturier die zich (dank zij straatgeweld en het Franse leger) een troon had toegeëigend waarop hij geen recht had. Ook hier bleek de geschiedenis rijkelijk ironisch, want de meest fervente revolutionairen van 1830 beschouwden Leopold evengoed als een usurpator want zij hadden gevochten voor een democratische republiek; hun frustratie ging later zelfs zover dat zij toenadering zochten tot de orangisten.

In elk geval is duidelijk dat de verstokte aanhangers van Oranje vooral bij de sociale elite te zoeken waren. En die was toen ook in Vlaanderen Franstalig. De omgangstaal in kastelen, manoirs en herenhuizen was natuurlijk Frans, hun bladen en brochures waren in het Frans (Le Messager de Gand!), hun onderlinge correspondentie en evengoed die met hofkringen in 's Gravenhage gebeurde in het Frans.

Aanmoediging met handrem

Tja, Den Haag. Uiteraard werd het orangisme door de nieuwe Belgische bewindslieden afgeschilderd als een complot van de Nederlanders om het Zuiden terug in te lijven. Dat de grote meerderheid van de Nederlanders zelf daar hoegenaamd niet op belust was, is inmiddels voldoende bekend. Maar Witte toont onweerlegbaar aan dat Willem I wel degelijk ongeveer een decennium lang de hoop – en daarmee gepaard gaande financiële en diplomatieke inspanningen – niet heeft opgegeven om het zuiden weer onder zijn gezag te brengen. Zijn zoon koesterde die hoop evenzeer, en wou desnoods zelfs genoegen nemen met de 'Belgische' troon. Het verhaal van de rivaliteit tussen vader en zoon is bekend, evenals de funeste weerslag daarvan op de pogingen om de scheiding tussen noord en zuid ongedaan te maken.

Leerrijk is vooral hoe Witte de dubbelzinnige houding van Willem I (en evenzeer van zijn zoon) documenteert: hoe Den Haag het verzet van de orangisten tegen de nieuwe (en 'wederrechtelijke' !) staat wel aanmoedigde, maar tegelijk zelf buiten schot wou blijven. Tegenover de Europese grootmachten – die tenslotte in Wenen zijn Verenigd Koninkrijk in het leven hadden geroepen – bleef hij via diplomatieke weg aandringen op een herstel van zijn gezag in het zuiden. Maar hij wou die diplomatie uiteraard niet hypothekeren door rechtstreeks in verband te worden gebracht met opstandige bewegingen tegen het nieuwe België.

Die nieuwe constructie was immers niet alleen (begrijpelijkerwijze !) door Frankrijk enthousiast verwelkomd, maar kon ook rekenen op de goedkeuring van de Britten, zodra in Brussel een neef van Queen Victoria op de troon zat. Pruisen en Rusland hadden in 1830 en ook nadien wel andere opstandige katten te geselen, en Oostenrijk had al in 1815 zijn aanspraken op de voormalige Oostenrijkse Nederlanden laten schieten.

Willems (overigens bescheiden) diplomatieke initiatieven kenden echter geen succes, en de enige echte poging om het zuiden militair te heroveren werd (dank zij snelle Franse interventie) een flop. Dus bleef alleen de mogelijkheid dat de Oranje-getrouwen op eigen kracht het Belgische bewind zouden omverwerpen. Zij werden daartoe moreel en financieel flink aangemoedigd vanuit Den Haag, maar bleven geremd door de opgelegde discretie. Bovendien zou telkens opnieuw blijken dat de orangisten nauwelijks steun genoten bij de bevolking. In de steden had het proletariaat wel andere zorgen, en op het platteland gaf de antiprotestantse clerus de toon aan.

Demystificaties

Het is ondoenbaar hier het hele verhaal van het orangistische verzet tegen het nieuwe Belgische 'usurpatoren'-bewind na te vertellen. Zoals reeds gezegd: het boek van Witte is geen lichte lectuur, maar het biedt wel, met een overvloed aan details, een uitermate boeiend verhaal.

De brutale straatrepressie tegen Oranje-getrouwen in 1830 en herhaaldelijk nadien. De massale onthouding bij de eerste 'Belgische' verkiezingen (waarvoor hoe dan ook nauwelijks 1 – één – procent van de bevolking kiesgerechtigd was, en van die amper 46 000 kiezers nauwelijks 30 000 kwamen opdagen) én het afhaken van de toch verkozen orangisten. De (jammerlijk maar voorspelbaar mislukte) pogingen in 1831 om het Voorlopig Bewind omver te werpen vooraleer Leopold de troon kon bestijgen. Het failliet van de Tiendaagse Veldtocht kort nà die troonsbestijging, en het opgeven van de citadel van Antwerpen als laatste Nederlandse bolwerk op Belgische bodem eind 1832. En tenslotte de aanvaarding van het Verdrag der 24 Artikelen door de Nederlandse én de Belgische koning : schijnbaar de genadeslag voor de Belgische orangisten, maar ook fel betwist door Belgische revolutionairen van het eerste uur omdat daardoor grote delen van Limburg en Luxemburg werden opgegeven. Dat zijn bekende episodes.

Minder bekend is het voortleven van het orangisme nadien. Het is haast ontroerend om zien hoe de Belgische orangisten hardnekkiger vasthouden aan Oranje dan de Nederlandse vorsten aan België, aangezien voor hen immers het Nederlandse (of zelfs het strikt persoonlijke) belang telkens weer de doorslag geeft.

De abdicatie van Willem I in 1840 ontlokt de orangisten enerzijds 'un cri de douleur' maar geeft hen tegelijk hoop dat Willem II, die altijd al het zuiden in het hart droeg, het streven naar hereniging nieuw leven zal inblazen. Quod non, zoals men weet. Wanneer in 1841 nogmaals een orangistische poging tot staatsgreep in extremis wordt verijdeld, verdenkt 'heel Europa' Willem II van betrokkenheid bij dat initiatief. In werkelijkheid verleende hij slechts halfslachtige steun, en haast hij zich om zich van de mislukking te distanciëren.

Omverwerping van het Belgische bewind is nu duidelijk een hersenschim geworden, en de hereniging met het noorden evenzeer. Meer en meer adellijke en economische orangisten kiezen uiteindelijk eieren voor hun geld en verzoenen zich met de nieuwe staat. Maar, zo illustreert Witte andermaal uitvoerig, er blijft in een groot deel van de elite wel iets bestaan wat nu een orangistische 'subcultuur' zou worden genoemd.

Samenvattend dient nog eens beklemtoond dat deze studie enkele 'onprettige waarheden' onderbouwt. Belgicisten van nu zullen ongaarne lezen dat het orangisme zeker even sterk was in Franstalig België als in Vlaanderen. Vlaamse romantici zullen ongaarne toegeven dat dit orangisme ook in Vlaanderen een welhaast volkomen Franstalige aangelegenheid was. De eerste categorie zal er met veel leedvermaak aan herinneren dat de orangisten zo goed als geen steun genoten bij het volk; de tweede zal dat met de dood in het hart moeten erkennen. Er is echter ook dit: voor haast alle orangisten was de trouw aan het Verenigd Koninkrijk der Nederlanden een kwestie van eer, waarvoor velen zware offers brachten. Daarom is het goed dat zij nu in eer zijn hersteld.

Een toemaatje voor wie zich na dit alles zou afvragen of orangisten iets te maken hebben met 'appeltjes van Oranje' ofte appelsienen. Jazeker. Op sommige plaatsen kreeg Leopold I bij zijn 'blijde intrede' overrijpe sinaasappels naar het hoofd gegooid; en dat was echt niet als hulde bedoeld.

Titel boek : Het Verloren Koninkrijk
Subtitel boek : Het harde verzet van de Belgische orangisten tegen de revolutie 1828-1850
Auteur : Els Witte
Uitgever : De Bezige Bij Antwerpen
Aantal pagina's : 688
Prijs : 39.99 €
ISBN nummer : 9789085425502
Uitgavejaar : 2014

lundi, 02 février 2015

Paul Jamin: Anarchist van de lach

Karl Drabbe:

Paul Jamin: Anarchist van de lach

Ex: http://www.doorbraak.be

alidor.jpgCartoonisten staken altijd al de draak met het Belgische politieke bedrijf. Paul Jamin deed dat voor, tijdens én na de Tweede Wereldoorlog, in de collaboratiepers en later in De Standaard.

Het jezuïetenweekblad De Vlaamse Linie (1945-'53) grossierde in oud-collaborateurs. Auteurs, tekenaars, venters, gastredacteurs. Niet weinigen waren hun burgerrechten kwijt en slijtten voorheen hun dagen in een Belgische repressiecel. Allen hadden ze met de Duitse bezetter samengewerkt, sommigen met het nationaalsocialisme geheuld. En toch was het dreamteam van het door de jezuïeten in leven geroepen compromisloos katholieke weekblad een broeihaard van ontluikend Vlaams-nationalisme en een handige wegbereider voor het dagblad De Standaard dat langzaam zijn Vlaamse wortels herontdekte.

Lode Claes, Victor Leemans, Filip De Pillecyn. Het zijn maar enkele van de vele namen van oud-collaborateurs die het weekblad elke week klaarden. Tekenaars ook, zoals Pil en Jam, de noms de plume van Joe Meulepas en Paul Jamin. De Franstalige Gentse jezuïet Maurice Claes-Boúúaert was de ronselaar van velen voor de redactie van het Vlaamsgezinde weekblad. Ze werkten er een tijdlang onder de toen progressieve hoofdredacteur pater Karel van Isacker sj. Het betekende de rehabilitatie voor velen.

Pieter-Jan Verstraete, veelschrijvende historicus van de Vlaamse Beweging in en rond Wereldoorlog II, publiceerde nog maar net een brochure over cartoonist Jam zoals hij signeerde in de tijdschriften van de REX-beweging voor en tijdens de oorlog, in collaboratiekrant Le Soir, legerkrant Brüsseler Zeitung en na zijn vrijlating - als Pat en Kler - in De Standaard, De Vlaamse Linie, De Linie en vooral - als Alidor- in het Brusselse rechtse satirische weekblad Pan (dat enkele jaren terug is opgeslorpt door Père Ubu dat hij nog zelf mee oprichtte). Hij tekende tijdens een tienjarig verblijf in Dortmund ook voor de Ruhr Nachrichten, een job die hij te danken had aan de oud-adjunct-hoofdredacteur van de Brüsseler Zeitung die directeur was geworden van het Duitse blad. Eigenaardig, want de ooit ter dood veroordeelde collaborateur - als eerste door prins Karel gratie verleend; zijn straf werd omgezet tot levenslag - mocht niet naar Duitsland reizen, omwille van de cartoons die hij tijdens de oorlog in de collaboratiepers publiceerde.

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Niet alleen de hogervermelde jezuïet Claes-Boúúaert heeft een belangrijke rol gespeeld op het levenspad van de cartoonist, of de oude chef van de Brüsseler Zeitung. Zo ook zijn goede vriend Georges Rémi - Hergé, tekenaar van Kuifje - die hem binnenhaalde in de rechts-katholieke krant Le XXième siècle, en hem zijn eerste baan bezorgde. Ook oud-Dinaso-burgemeester van Sint-Niklaas en eerste naoorlogse hoofdredacteur van De Standaard, Willem Melis, die hem bij het dagblad betrok.

Verstraete schreef een beknopt rechttoe-rechtaan biografietje, gespijsd met tientallen prenten van de getalenteerde politiek cartoonist die overigens heel z'n leven bevriend bleef met de notoire REX- en SS-leider Léon Degrelle. Oud-De Standaard-journalist Gaston Durnez noemde hem de 'anarchist van de lach', die - zoals het een echte cartoonist betaamt - lachte en spotte met iedereen die het publieke podium betrad, op de eerste plaats politici. De spot drijven met en (zo) kritiek leveren op het politieke bedrijf, is wel de rode draad in het leven van de gevierde tekenaar.

Deze brochure is te verkrijgen bij de auteur tegen overschrijving van €6,85 (verzendkosten incl.) op rekening  BE64 4627 2867 9152 van P.J. Verstraete, 8500 Kortrijk.

Titel boek : Jam - Alidor alias Paul Jamin
Auteur : Pieter Jan Verstraete
Uitgever : Pieter Jan Verstraete
Aantal pagina's : 40
Prijs : 6.85 €
ISBN nummer : -
Uitgavejaar : 2015

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De bevrijding volgens Alidor - Tekening voor "Pan"

"Afrique en cartes": le nouveau livre de Bernard Lugan

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"Afrique en cartes": le nouveau livre de Bernard Lugan

Cet ouvrage de 278 pages tout en quadrichromie est composé d'une centaine de cartes accompagnées de leurs notices-commentaires.

Il s'agit d'un exceptionnel outil de documentation et de référence construit à partir des cours que Bernard Lugan dispense à l'Ecole de Guerre et aux Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan.

Il est composé de deux parties. Dans la première sont étudiés les conflits et les crises actuels ; la seconde traite de ceux de demain.

Sa vocation est d'être directement utilisable par tous ceux, civils et militaires qui sont concernés par l'Afrique.

En savoir plus cliquez ici

ISIS Mercenary Admits Getting Funds from US

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Tony Cartalucci

ISIS Mercenary Admits Getting Funds from US

Ex: http://journal-neo.org

The Express Tribune, an affiliate of the New York Times, recently reported in an article titled, “Startling revelations: IS operative confesses to getting funds via US,” that another “coincidence” appears to be contributing to the so-called “Islamic State’s” (ISIS) resilience and vast resources. A recent investigation being conducted by Pakistani security forces involving a captured ISIS fighter has revealed that he and many fighters alongside him, received funds that were routed through the US.

“During the investigations, Yousaf al Salafi revealed that he was getting funding – routed through America – to run the organisation in Pakistan and recruit young people to fight in Syria,” a source privy to the investigations revealed to Daily Express on the condition of anonymity.

Al Salafi is a Pakistani-Syrian, who entered Pakistan through Turkey five months ago. Earlier, it was reported that he crossed into Turkey from Syria and was caught there. However, he managed to escape from Turkey and reached Pakistan to establish IS in the region.

The Tribune would also reveal that the findings of the investigations were being shared with the United States. The source cited by the  Tribune suggested a compelling theory as to why the US has attempted to portray itself as “at war with ISIS,” stating:

“The US has been condemning the IS activities but unfortunately has not been able to stop funding of these organisations, which is being routed through the US,” a source said.

“The US had to dispel the impression that it is financing the group for its own interests and that is why it launched offensive against the organisation in Iraq but not in Syria,” he added.

Indeed, the story reveals several troubling aspects regarding ISIS’ operations in Syria. First, Al Salafi’s ability to effortlessly enter into Syria through NATO-member Turkey, then escape back to Pakistan, again, via Turkey once again confirms that the source of ISIS’ strength is not captured Syrian oil fields or ransoms paid in exchange for hostages, but rather from a torrent of fighters, arms, equipment, and cash flowing from NATO territory in Turkey.

Second – the US does indeed claim to be at war with “ISIS,” going as far as unilaterally bombing Syrian territory while claiming it must now train more militants not only to topple the Syrian government, but now also to fight ISIS – yet appears incapable of stopping torrents of cash flowing from its own borders into the hands of its implacable enemy. A similar conundrum presented itself amid the recent Paris killings, where France too is participating in military operations aimed at both toppling the Syrian government and allegedly fighting ISIS – yet claims to be unable to stop thousands of its own citizens from leaving its borders to join ISIS’ ranks.

The All-Selectively-Seeing Eyes of American Surveillance 

Finally, now that the US is reportedly aware that money destined for ISIS has been routed through its own borders, surely it can leverage its massive and continuously growing surveillance state to identify where the money originated from. The individuals, organization, or government that provided the funds can then suffer the same fate other “state sponsors of terrorism” have suffered at the hands of US foreign policy, including sanctions, invasion, and occupation.

However, the likelihood that the US was unaware of these routed funds – specifically because of its massive and continuously growing surveillance state – is unlikely, as is the likelihood that the US is not also fully aware of where the funds originated from. Der Spiegel in a report titled, “‘Follow the Money': NSA Monitors Financial World,” would state (emphasis added):

In the summer of 2010, a Middle Eastern businessman wanted to transfer a large sum of money from one country in the region to another. He wanted to send at least $50,000 (€37,500), and he had a very clear idea of how it should be done. The transaction could not be conducted via the United States, and the name of his bank would have to be kept secret — those were his conditions.

Though the transfer was carried out precisely according to his instructions, it did not go unobserved. The transaction is listed in classified documents compiled by the US intelligence agency NSA that SPIEGEL has seen and that deal with the activities of the United States in the international financial sector. The documents show how comprehensively and effectively the intelligence agency can track global flows of money and store the information in a powerful database developed for this purpose.

The obstacle the US faces in stemming funds destined for ISIS centers then, not on knowing about them, but on the fact that both the US itself and its closest allies in the region surrounding Syria are directly complicit in the funding.

As exposed by Pulitzer Prize-winning journalist Seymour Hersh in his 2007 article, “The Redirection: Is the Administration’s new policy benefiting our enemies in the war on terrorism?” it was stated explicitly that (emphasis added):

To undermine Iran, which is predominantly Shiite, the Bush Administration has decided, in effect, to reconfigure its priorities in the Middle East. In Lebanon, the Administration has coöperated with Saudi Arabia’s government, which is Sunni, in clandestine operations that are intended to weaken Hezbollah, the Shiite organization that is backed by Iran. The U.S. has also taken part in clandestine operations aimed at Iran and its ally Syria. A by-product of these activities has been the bolstering of Sunni extremist groups that espouse a militant vision of Islam and are hostile to America and sympathetic to Al Qaeda. 

Thus, it is clear, that from 2007 where the US, Saudi Arabia, and Israel openly conspired to stand up, fund, and arm a terrorist army to fight a proxy war against Syria and Iran, to 2015 where this army has finally manifested itself as the “Islamic State” complete with funding, arms, and fighters streaming in from NATO members, the source cited by the Tribune claiming that “the US had to dispel the impression that it is financing the group for its own interests,” and thus must now feign to be interested in stopping the organization in Syria, is the most compelling and logical explanation available.

It will be interesting to see if the New York Times itself picks up its affiliate’s story, or if the US State Department, reportedly aware that ISIS funds are being routed through America, makes a comment on this recent development. What is more likely, however, is that the “War on Terror” charade will continue, with the US propping up ISIS, using it both as impetus to funnel more cash and weapons into the region that will inevitably – and intentionally – end up in ISIS’ hands, or as an excuse to intervene militarily in Syria’s conflict more directly.

Tony Cartalucci, Bangkok-based geopolitical researcher and writer, especially for the online magazineNew Eastern Outlook”.
First appeared: http://journal-neo.org/2015/01/30/isis-mercenary-admits-getting-funds-from-us/

Ivan Blot: « L’État doit se recentrer sur ce qui est son essence même: la fonction militaire »

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Ivan Blot: « L’État doit se recentrer sur ce qui est son essence même: la fonction militaire »

Ivan Blot, haut fonctionnaire, auteur et homme politique, grand promoteur de la démocratie directe, a répondu aux questions du Bréviaire des patriotes.

La Russie parviendra-t-elle selon vous à remettre en cause la vision unipolaire du monde selon les États-Unis par l’union qu’elle tente de dessiner entre pays émergents ? À votre avis, quelle est son regard sur l’UE et la France actuelle ?

Dans mon livre « l’Europe colonisée » (Apopsix, 2014), je cite De Gaulle qui dans ses mémoires d’espoirs, écrit : « si les Occidentaux de l’ancien monde demeurent subordonnés au nouveau monde, jamais l’Europe ne sera européenne et jamais non plus elle ne pourra rassembler ses deux moitiés ».

La Russie conteste, comme De Gaulle, la prétention de l’Amérique à se considérer comme au-dessus du droit international. A la session fin octobre à Sotchi du club international de Valdai, dont je suis membre, le président Poutine a demandé à ce que tout le monde respecte l’ordre international et ne prenne pas d’initiative guerrière en dehors du cadre de l’ONU. Mais il a aussi précisé que pour lui, la Russie fait partie de l’Europe et partage sa civilisation. Si elle coopère avec d’autres continents et notamment l’Asie, qui l’intéresse pour des raisons géographiques évidentes, elle ne veut aucunement renoncer à sa vocation européenne.

J’ai récemment discuté avec Philippe de Villiers qui doit créer deux parcs du type du « Puy du Fou » en Russie, l’un près de Moscou et l’autre en Crimée. Villiers a rencontré longuement Poutine. Il m’a dit que celui-ci était bien sûr tout d’abord le président de la Russie mais qu’il avait le sentiment que Poutine se voyait aussi en gardien de la Chrétienté, en gardien des valeurs traditionnelles de la civilisation européenne.

Lors d’une rencontre avec François Hollande à Paris, peu après l’élection de ce dernier comme président de la République, un journaliste avait demandé au président russe s’ils avaient discuté du bouclier antimissile que les Etats-Unis voulaient implanter en Europe de l’Est. Poutine a répondu : un tel dialogue n’est pas possible car la France a renoncé à son indépendance militaire. Elle est membre de l’OTAN, une organisation dominée par les Etats-Unis. Lorsqu’il s’agit de débat sur des questions de haute stratégie militaire, la Russie n’a qu’un seul interlocuteur possible, les Etats-Unis : la Russie et les Etats-Unis sont des pays indépendants militairement, ce qui n’est pas le cas de la France.

La Russie regrette cette situation de l’Europe colonisée, tant par le haut (les Etats-Unis) que par le bas (l’immigration non qualifiée du tiers-monde). Il a dit un jour que la France risquait d’être colonisée par ses propres colonies.

On voit bien que les sanctions économiques antirusses adoptées avec le prétexte ukrainien, conduisent sans doute la Russie à passer des accords commerciaux considérables avec la Chine et avec l’Inde. N’oublions pas que ces trois pays fort différents ont un grand point commun : le patriotisme est une valeur essentielle qui anime leur politique, bien plus que les abstractions droit de l’hommistes de l’Occident. Sur les droits de l’homme, Poutine admet leur valeur mais constate qu’ils servent de prétexte à détruire les anciennes traditions nationales et religieuses.

 

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L’Occident américanisé n’a aucune légitimité pour se considérer comme une Cour suprême mondiale qui jugerait comment les autres peuples doivent penser et se comporter. Cette façon de voir, qui fut celle du colonialisme autrefois, est d’ailleurs dépassée. Le monde est devenu multipolaire et cela va s’accélérant. Regardez les pays qui ont le PNB le plus important du monde : l’Europe occidentale perd pieds et la Chine rattrape les Etats-Unis. En 2013, d’après le Fonds monétaire international (FMI), les Etats-Unis ont produit 16 768 milliards de dollars et la Chine 16 149 milliards. Ce qui est aussi nouveau est la troisième place de l’Inde avec 6 776 devant le Japon qui est quatrième ( 4 667 milliards). En position cinq arrive l’Allemagne, premier pays d’Europe occidentale avec 3 512 et la Russie est sixième avec 3 491 milliards de dollars. Soit dit en passant, ce très bon score russe est incompatible avec les discours superficiels selon lesquels la Russie ne vendrait et ne produirait que des matières premières. Seule la Russie produit les fusées Soyouz, seules capables d’emmener des hommes dans la station spatiale orbitale et elle exporte des centrales nucléaires notamment en Inde.

La France n’a fait que reculer ces dernières années et est désormais 8ème derrière le Brésil qui vient de la doubler, et suivie de près par l’Indonésie et le Royaume Uni.

La Chine, l’Inde et la Russie totalisent 25 500 milliards de PNB contre 16 700 pour les USA. Cela fait peur aux Américains qui craignent la concurrence d’une puissante Eurasie et cela montre aussi le ridicule de Washington qui menace « d’isoler la Russie » : il suffit de voir une carte pour comprendre que c’est impossible !

La Russie a toujours et veut toujours faire une grande Europe d’échanges libres du Portugal à Vladivostok mais, puisque l’Union européenne, sur l’ordre des USA refuse de dialoguer vraiment avec elle, elle met en place en attendant une Union eurasiatique avec la Biélorussie, le Kazakhstan et l’Arménie. Elle aurait bien voulu inclure l’Ukraine mais le coup d’Etat de Kiev a retardé la réalisation de cet espoir. Quoi qu’il en soit, la Russie ne veut aucunement rompre les ponts avec l’Europe. Je constate d’ailleurs qu’elle a de puissants alliés sur ce terrain avec les milieux économiques des pays européens qui s’inquiètent de la stagnation et du chômage.

Même avec les Etats-Unis, la Russie les considère comme un allié contre le terrorisme islamique et non comme un ennemi. L’agressivité du gouvernement américain est unilatérale. Elle est inspirée par la vieille géo stratégie de Zbigniew Brzezinsky qui commence à dater. Dans son livre, « le grand échiquier », il disait que les USA ne peuvent pas tolérer une puissance concurrente en Eurasie et qu’il fallait pour cela détacher l’Ukraine de la Russie puis découper la Russie en plusieurs Etats. C’est difficile d’être plus agressif que cet ancien conseiller du président Carter, resté officieusement conseiller à la Maison Blanche. Une bonne moitié du peuple américain en a assez des aventures internationales et il se peut qu’un jour les Américains reviennent à de meilleurs sentiments, mais ils ne comprennent que les rapports de force.

Les récents contrats entre l’Inde et la Russie, la Chine et la Russie, qui portent sur du pétrole, le gaz ou des centrales nucléaires, peuvent les faire évoluer.

Que penser de l’UE et de la France ? Ces pays sont colonisés. Economiquement, ils dépendent du dollar pour le commerce international ; Politiquement et militairement ils sont satellisés à la commission de Bruxelles d’une part, à l’OTAN d’autre part. Culturellement, ils sont influencés par l’Amérique qui impose ses programmes et ses médias. Seul De Gaulle a voulu vraiment sortir de cette situation mais c’était alors difficile en raison de la menace soviétique. Aujourd’hui, la nouvelle Russie pourrait s’allier à l’Europe de l’ouest mais celle-ci reste au niveau de ses élites, trop dépendante des Etats-Unis.

 

Certains disent que le modèle de démocratie directe à la Suisse serait impossible ou dangereux s’il était appliqué à la France. Que leur répondez-vous ?

C’est comme si l’on disait que l’économie de marché serait impossible en France. La démocratie directe en politique est analogue à ce qu’est l’économie de marché. On fait confiance à l’expérience des personnes qui sont sur le terrain plutôt qu’aux bureaucraties. En fait, on vit en oligarchie et non en démocratie, comme je l’ai expliqué dans mon livre « l’oligarchie au pouvoir » (Economica, 2011). Les députés de la majorité sont aux ordres du gouvernement et les décisions de ce dernier sont préparées dans les ministères par les hauts fonctionnaires qui sont les vrais gouvernants de fait. Ils gouvernent avec les dirigeants des médias et des syndicats. Tout cela est oligarchique et non démocratique.

Seule la démocratie directe, les référendums d’initiative populaire, permettent au peuple de s’exprimer vraiment sur les lois. Le système n’existe pas qu’en Suisse, pays où c’est un vrai succès. Le système existe aussi en Italie depuis 1964 où un référendum initié par une pétition de 500 000 signatures peut annuler une loi votée par le parlement. C’est cela qui a fait échouer la loi Berlusconi qui mettait le premier ministre au-dessus de toute les lois en lui accordant l’impunité totale.

Le système existe aussi en Allemagne au niveau des communes et des Länder. Il existe aussi dans 25 des 50 états fédérés américains, surtout sur la côte ouest. C’est pour cela que les impôts sont 30% plus bas sur la côte ouest américaine que sur la côte est : résultat, le taux de croissance de l’économie est plus fort à l’ouest dans les Etats de Washington ou de Californie.

Plusieurs ex pays de l’est autorisent les référendums d’initiative populaire, ainsi que l’Uruguay en Amérique latine. Je ne vois pas pourquoi ce qui réussit dans tous ces pays (voir mon livre : la démocratie directe ; économica, 2012) échouerait en France alors que le régime actuel ne fonctionne pas. C’est le régime actuel qui est dangereux !

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Quelle vision de l’Etat avez-vous ? Celle d’un Etat obèse et omnipotent comme le pointent les libéraux ? Ou celle d’un Etat timoré et amaigri face au marché et à l’UE comme le pointent d’autres ?

Aujourd’hui, la réflexion en termes de philosophie politique est indigente. Il faut relire les travaux de l’académicien Georges Dumézil sur les trois fonctions sociales. Il existe trois fonctions sociales hiérarchisées dans toutes les anciennes sociétés européennes : la fonction de souveraineté, la fonction guerrière et la troisième fonction vouée à la production et la reproduction. L’Etat est lié aux deux premières fonctions qui aujourd’hui sont marginalisées. Or, c’est grave pour la moralité, c’est-à-dire le vivre ensemble de toute la société. Les fonctions de souveraineté et guerrières correspondaient à la noblesse et au clergé autrefois, c’est-à-dire à des corps voués au service d’autrui. Dans un monde dominé par la troisième fonction, à dominante économique, l’égoïsme n’est plus compensé par rien.

Le philosophe existentiel Heidegger appelle une telle société le « Gestell », un système d’arraisonnement utilitaire où l’homme devient un rouage de la machinerie techno-économique. L’homme n’est plus considéré que comme matière première et c’est une affreuse régression que le système tente de masquer avec sa rhétorique des droits de l’homme. Le patriarche Cyrille Premier de toutes les Russies dans son remarquable ouvrage, trop peu lu, « l’Evangile et a liberté : les valeurs de la tradition dans la société laïque » (éditions du Cerf), montre qu’en Occident, on parle sans arrêt des droits de l’homme mais on piétine la dignité humaine, et on oublie les devoirs de l’homme qui définissent sa noblesse. Un homme capable de sacrifier sa vie pour sa patrie, c’est-à-dire sa mère, a une valeur morale nécessairement supérieure à celui qui n’en est pas capable.

L’Etat n’a pas à gérer l’économie car il en est incapable. Par contre l’Etat doit protéger les valeurs qui permettent aux hommes de se transcender et de ne pas être de simples animaux : l’armée et l’église jouent ici un rôle essentiel, comme en Russie. En Occident, les valeurs dominantes sont celles du Gestell : l’égo dans sa vanité remplace Dieu, l’argent remplace l’honneur, les masses sont glorifiées à la place de la personnalité et des grands hommes, la technique est idolâtrée et se substitue aux racines que sont la famille et la patrie. Cela entraine, comme l’a souligné le président Poutine au club de Valdai il y a un an, une incapacité à défendre la vie : la natalité s’effondre, le crime progresse et l’Occident va à sa perte sous le poids d’une immigration de masse qui ne s’intègre pas.

Il n’y a pas de contradiction à demander que les libertés et la propriété soient respectées par l’Etat et à vouloir que l’Etat joue son vrai rôle, son rôle éthique : cela suppose que l’Etat se recentre sur ce qui est son essence même : la fonction militaire. De Gaulle a écrit : «  la colonne vertébrale, c’est l’armée, c’est le pôle principal. S’il cède, les pôles secondaires cèderont aussi : la justice, la police, l’administration ».

Vous voyez qu’on est très au-dessus des débats médiocres sur l’Etat gras ou l’Etat maigre : je ne dis pas qu’il n’y a pas là un sujet mais c’est restreindre le débat au corps de l’Etat et ignorer l’essentiel, à savoir son âme : on fait pareil pour l’homme ; on ignore son âme et l’homme régresse vers la bête. Etonnez- vous qu’après cela, on soit incapable de s’opposer spirituellement à l’Islamisme radical !

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Quels sont vos projets à court et moyen terme à travers votre association ?

Je n’ai pas une association mais deux, avec deux sites : l’institut néo socratique (www.insoc.fr ) et l’association « agir pour la démocratie directe » (www.democratiedirecte.fr ).

La première est philosophique et veut contribuer à nous sortir de la décadence du Gestell matérialiste dans la ligne des philosophes existentiels, ligne qui va de Pascal à Nietzsche, Kierkegaard et Heidegger. Il n’y aura pas de renaissance politique sans renouveau philosophique mais la classe politique actuelle est, à part quelques rares exceptions, trop inculte et trop égocentrée, pour comprendre cette vérité et agir en conséquence. Il nous faut comme en Russie, une classe gouvernante issue des milieux vraiment patriotiques, donc l’armée, et non des milieux étroitement carriéristes, ceux de l’administration civile, à part, encore une fois, quelques exceptions.

La deuxième association cherche un recours contre la décadence dans le peuple français lui-même en lui redonnant la possibilité de décider de son destin à travers la démocratie directe. Autrement dit, il nous faut un président qui ait l’esprit militaire, avec le courage qui va avec, et un recours au peuple chaque fois que c’est nécessaire pour contourner les féodalités égoïstes, administratives, médiatiques, syndicales, associatives, qui veulent s’imposer au détriment de l’intérêt général.

Les moyens sont d’influencer une partie, la moins décadente, de la classe dirigeante pour qu’elle donne la parole au peuple : pour cela, il faut réformer l’article 11 de la constitution, pour permettre le référendum d’initiative populaire. Le président Sarkozy en 2008 a fait un premier pas dans ce sens en permettant au référendum déclenché par une pétition populaire d’exister. Mais les conditions mises, qui ont été rédigées par des juristes à courte vue, sont trop restrictives : il faut demander comme en Italie 500 000 signatures pour déclencher un référendum, enlever la nécessité d’avoir des signatures de parlementaires (ce sont des citoyens comme les autres : à bas les privilèges !) et rendre la tenue du référendum automatique plutôt que de donner le choix au président de la république de le faire ou non : contrairement à ce que croient certains, c’est affaiblir le président de lui donner cette compétence, car s’il choisit de refuser de faire un référendum, il aura l’air de quoi ?

Sa légitimité démocratique s’en ressentira, et ce sera mauvais pour l’Etat. Il faut un chef à l’Etat et qui soit soutenu par le peuple parce qu’il fait la politique que le peuple souhaite : en ce sens, pour moi, Poutine est plus démocrate qu’Hollande que 80% des Français rejettent.

Propos recueillis par Guillaume N.

Un trésor gaulois vieux de 2300 ans!

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UN TRÉSOR GAULOIS VIEUX DE 2300 ANS
Une découverte à Roubion, dans les Alpes-Maritimes

Nice-Matin*
& http://metamag.fr

Quarante et une pièces de bronze datant de la Deuxième Guerre punique ont été découvertes dans le Mercantour au milieu des vestiges d’un sanctuaire gaulois. Les archéologues qui, l'été dernier, ont fouillé durant un mois le site de la Tournerie, à Roubion, n'imaginaient sans doute pas qu'ils allaient mettre au jour un véritable trésor !


Scientifiquement et historiquement les découvertes réalisées par ces chercheurs, à plus de 1.800 mètres d'altitude au cœur du Mercantour, étaient déjà inestimables. Leur travail a, en effet, permis d'exhumer un monumental sanctuaire gaulois datant de l'âge du fer.


Le crâne tranché d'un coup d'épée retrouvé à l'entrée du site qui, à l'époque, devait dissuader les intrus, n'a guère impressionné les archéologues. Ils ont fouillé avec minutie l'ensemble des lieux. Et entre les pierres qui soutenaient le lourd mur d'enceinte de 6 mètres d'épaisseur encerclant le sanctuaire, ils ont également trouvé le magot des Gaulois qui vivaient là !


41 pièces de bronze


Dans le plus grand secret c'est donc un trésor, monétaire cette fois, qui a été exhumé le 25 juillet dernier. Trois jours seulement avant que le chantier ne s'achève.
Le site archéologique de la Tournerie, à Roubion, repose désormais sous des milliers de mètres cubes de terre et les premières neiges de décembre. Mais cette chape de protection pour le moins dissuasive n'a pas suffi à contenir la rumeur qui, peu à peu, s'est emparée de la vallée de la Tinée.


Il y avait donc bien un trésor à la Tournerie : « Nous avons trouvé 41 pièces de bronze de 10 à 13 grammes chacune, confirme Franck Suméra, conservateur en chef de la région Paca. L'une d'entre elles, portant pour effigie la tête d'Athena, permet de dater l'ensemble après l'époque de la Seconde Guerre punique. C'est-à-dire entre 215 et 200 ans avant notre ère. Il n'y avait pour l'heure que trois trésors monétaires d'une telle ampleur découverts dans notre région, depuis le XIXe siècle, du côté de Montpellier et de Marseille. »


Influence massaliote


Dans les Alpes-Maritimes, il s'agit donc d'une première qui, bien sûr enthousiasme les chercheurs  : « C'est incroyable de découvrir en fouillant les montagnes du Mercantour un trésor qui nous renvoie directement à Carthage à Hannibal ! »


Mais aussi à Marseille, puisque le trésor découvert à Roubion serait d'origine Massaliote (Marseille antique). Voilà qui pourrait redessiner les contours la carte des influences géopolitiques.


Alors qu'on imaginait la région plutôt tournée à l'époque vers l'Italie ou les Alpes, il semblerait que les Gaulois du Mercantour entretenaient des relations commerciales avec leurs voisins phocéens.


De quoi faire sourire le président du conseil général qui a largement financé ce programme de fouilles : « Puisqu'il y avait déjà des relations avec Marseille à cette époque cela ne peut que nous inciter à les entretenir », souligne Eric Ciotti.


De manière, espérons-le, plus pacifié qu'au temps de nos ancêtres les Gaulois. Car, sur le site de la Tournerie, les archéologues ont également découvert des corps démembrés.
« Peut-être des trophées de guerre », explique Franck Suméra. Mais le site n'a pas encore livré tous ses mystères. Il faudra procéder à d'autres fouilles pour avoir une lecture précise de ces vestiges de notre Histoire.


« Nous continuerons à les financer, annonce d'ores et déjà Eric Ciotti pour qui ce « site majeur » est aussi « une source potentielle de développement pour notre territoire ».


Les fouilles devraient donc reprendre à la Tournerie dès l'été prochain. Non pas dans la perspective, peu probable, de découvrir un second trésor monétaire mais pour enrichir plus encore la connaissance de notre passé.


Des milliers de céramiques enfouies à Grasse


Une découverte archéologique peut en cacher une autre. Alors que le site de la Tournerie, à Roubion, hiverne en attendant que de nouvelles fouilles soient entreprises cet été, un autre chantier vient de s'ouvrir, à Grasse cette fois.


Le site était connu des archéologues depuis que les premiers coups de pioche de la future médiathèque Charles Nègre ont mis au jour les vestiges d'un passé que l'on ignorait.
Cette découverte fortuite à l'occasion des travaux a donné lieu à une première série de fouilles de juin 2013 à septembre 2014. Les archéologues pensaient alors être arrivés au bout de leur voyage dans le temps. Ils se trompaient.


60.000 tessons enfouis à 7 mètres sous le sol


Après avoir remonté les époques modernes puis médiévales, les chercheurs avaient buté contre une couche de roche. « Ce travertin constitue le sol naturel de la ville de Grasse, explique Fabien Blanc, l'archéologue qui supervise le chantier. Toutefois sa configuration nous avait intrigué. »


Les scientifiques ont donc décidé d'ouvrir des « fenêtres » dans la pierre pour voir ce qu'il y avait dessous. Et quelle ne fut pas leur surprise ! « Nous avons d'abord découvert du haut Moyen Âge qui avait été déplacé sans doute à la suite d'une catastrophe naturelle, un tremblement de terre ou des intempéries. »


La couche de travertin s'était, en fait, constituée par écoulement des eaux et masquait une occupation plus ancienne. Bien plus ancienne, car en fouillant plus profondément encore les archéologues ont trouvé un nouveau trésor. Celui-là n'est pas monétaire.


« A sept mètres sous le niveau actuel de la place nous avons découvert des tessons de céramique en très grande quantité datant d'il y a 1400 ans avant Jésus-Christ,relate Fabien Blanc qui s'est amusé à faire un petit calcul : « Sachant que nous n'avons pour l'heure ouvert que trois petites fenêtres dans le sol, si on extrapole aux 120 m2 du site on devrait extraire soixante mille céramiques sur à peine un mètre d'épaisseur. Une telle concentration serait réellement exceptionnelle. »


Pour s'en assurer il ne reste plus qu'à creuser. Les fouilles vont donc reprendre en janvier.


Gare aux pilleurs... de poussière


Le trésor monétaire de la Tournerie aura donc réussi à traverser 2 300 ans d’histoire. La valeur de ces quarante et une pièces de bronze est d’ailleurs plus historique que financière.
Pour les archéologues les éléments de découvertes (l’emplacement exact, le conditionnement, les autres objets à proximité), comptent d’ailleurs autant que la découverte elle-même.


C’est en réalité une carte du temps que les chercheurs mettent au jour. Et il suffirait que quelques chasseurs de trésor viennent labourer le site pour que tout se brouille. Le sanctuaire de la Tournerie ou le site protohistorique de Grasse auraient alors perdu tout intérêt historique.


C’est pourquoi les archéologues en appellent à la responsabilité de tous. Et rappellent que le simple fait de pénétrer sur un site archéologique est passible de trois mille euros d’amende.
Le piller est un délit pénal. Quant au butin du tel pillage, il redeviendrait poussière en l’espace de quelques semaines.


En effet, les objets exhumés se détériorent extrêmement vite s’ils ne sont pas traités avec des produits chimiques très particuliers. Resterait alors le préjudice, immense, pour la connaissance de nos origines.


Le site de la Tournerie perché à 1.816 m


Le site de la Tournerie avait été repéré dès 1996. En 2013, des vues aériennes ont permis confirmer que ces alpages avaient été façonnés par l’homme.Les clichés laissent clairement apparaître des cercles concentriques.


Il s’agit, en fait, des murs d’enceinte d’un vaste sanctuaire gaulois érigé à l’âge du fer.Cette découverte, on la doit aux fouilles entreprises l’été dernier sur le site en juillet dernier.


« Château fort »


Lorsque le premier coup de pioche a été donné le mystère était encore entier.Rien ne pouvait laisser présager que l’on était là, à 1816 m d’altitude, sur un site d’occupation monumental.


Monumental, c’est bien le mot ! Il y a 2.500 ans, avec des outils rudimentaires, des hommes ont taillé la roche de ce promontoire naturel pour édifier un véritable petit « château fort » en pierres sèches dont le mur d’enceinte mesurait six mètres d’épaisseur.


À l’intérieur, une plateforme servait peut-être de lieu de culte ou aux festivités du clan.Des ossements d’animaux domestiques et sauvages ont, en effet, été retrouvés ainsi que des bijoux en bronze.


Mais, les archéologues ont également découvert des corps démembrés et des têtes de lance, rappelant le caractère belliqueux de ces populations.On y vénérait peut-être le culte de ces chefs de clans qui allaient donner naissance à une véritable aristocratie.


Avec ses privilèges. Parfois sonnant et trébuchant.


Source : Nice-Matin

 

dimanche, 01 février 2015

Siria e la lotta al terrorismo

Qu’est-ce qu’un événement ?

Qu’est-ce qu’un événement ?

Qu’est-ce qu’un événement?

par Grégoire Gambier

Ex: http://institut-iliade.com

Les attaques islamistes de ce début janvier 2015 à Paris constituent à l’évidence un événement. Tant au sens historique que politique et métapolitique – c’est-à-dire total, culturel, civilisationnel. Il provoque une césure, un basculement vers un monde nouveau, pour partie inconnu : il y aura un « avant » et un « après » les 7-9 janvier 2015. Au-delà des faits eux-mêmes, de leur « écume », ce sont leurs conséquences, leur « effet de souffle », qui importent. Pour la France et avec elle l’Europe, les semaines et mois à venir seront décisifs : ce sera la Soumission ou le Sursaut.

Dans la masse grouillante des « informations » actuelles et surtout à venir, la sidération politico-médiatique et les manipulations de toute sorte, être capable de déceler les « faits porteurs d’avenir » va devenir crucial. Une approche par l’Histoire s’impose. La critique historique, la philosophie de l’histoire et la philosophie tout court permettent en effet chacune à leur niveau de mieux reconnaître ou qualifier un événement. « Pour ce que, brusquement, il éclaire » (George Duby).

C’est donc en essayant de croiser ces différents apports qu’il devient possible de mesurer et « pré-voir » les moments potentiels de bifurcation, l’avènement de l’imprévu qui toujours bouscule l’ordre – ou en l’espèce le désordre – établi. Et c’est dans notre plus longue mémoire, les plis les plus enfouis de notre civilisation – de notre « manière d’être au monde » – que se trouvent plus que jamais les sources et ressorts de notre capacité à discerner et affronter le Retour du Tragique.

Tout commence avec les Grecs…

Ce sont les Grecs qui, les premiers, vont « penser l’histoire » – y compris la plus immédiate.

Thucydide ouvre ainsi son Histoire de la guerre du Péloponnèse : « Thucydide d’Athènes a raconté comment se déroula la guerre entre les Péloponnésiens et les Athéniens. Il s’était mis au travail dès les premiers symptômes de cette guerre, car il avait prévu qu’elle prendrait de grandes proportions et une portée dépassant celle des précédentes. (…) Ce fut bien la plus grande crise qui émut la Grèce et une fraction du monde barbare : elle gagna pour ainsi dire la majeure partie de l’humanité. » (1)

Tout est dit.

Et il n’est pas anodin que, engagé dans le premier conflit mondial, Albert Thibaudet ait fait « campagne avec Thucydide » (2)

Le Centre d’Etude en Rhétorique, Philosophie et Histoire des Idées (www.cerphi.net) analyse comme suit ce court mais très éclairant extrait :

1) Thucydide s’est mis à l’œuvre dès le début de la guerre : c’est la guerre qui fait événement, mais la guerre serait tombée dans l’oubli sans la chronique de Thucydide. La notion d’événement est donc duale : s’il provient de l’action (accident de l’histoire), il doit être rapporté, faire mémoire, pour devenir proprement « historique » (c’est-à-dire mémorable pour les hommes). C’est-à-dire qu’un événement peut-être méconnu, mais en aucun cas inconnu.

2) Il n’y a pas d’événement en général, ni d’événement tout seul : il n’y a d’événement que par le croisement entre un fait et un observateur qui lui prête une signification ou qui répond à l’appel de l’événement. Ainsi, il y avait déjà eu des guerres entre Sparte et Athènes. Mais celle-ci se détache des autres guerres – de même que la guerre se détache du cours ordinaire des choses.

3) Etant mémorable, l’événement fait date. Il inaugure une série temporelle, il ouvre une époque, il se fait destin. Irréversible, « l’événement porte à son point culminant le caractère transitoire du temporel ». L’événement, s’il est fugace, n’est pas transitoire : c’est comme une rupture qui ouvre un nouvel âge, qui inaugure une nouvelle durée.

4) L’événement ouvre une époque en ébranlant le passé – d’où son caractère de catastrophe, de crise qu’il faudra commenter (et accessoirement surmonter). Ce qu’est un événement, ce dont l’histoire conserve l’écho et reflète les occurrences, ce sont donc des crises, des ruptures de continuité, des remises en cause du sens au moment où il se produit. L’événement est, fondamentalement, altérité.

5) Thucydide, enfin, qui est à la fois l’acteur, le témoin et le chroniqueur de la guerre entre Sparte et Athènes, se sent convoqué par l’importance de l’événement lui-même. Celui-ci ne concerne absolument pas les seuls Athéniens ou Spartiates, ni même le peuple grec, mais se propage progressivement aux Barbares et de là pour ainsi dire à presque tout le genre humain : l’événement est singulier mais a une vocation universalisante. Ses effets dépassent de beaucoup le cadre initial de sa production – de son « avènement ».

Repérer l’événement nécessite donc d’évacuer immédiatement l’anecdote (le quelconque remarqué) comme l’actualité (le quelconque hic et nunc). Le « fait divers » n’est pas un événement. Un discours de François Hollande non plus…

Il s’agit plus fondamentalement de se demander « ce que l’on appelle événement » au sens propre, c’est-à-dire à quelles conditions se produit un changement remarquable, dont la singularité atteste qu’il est irréductible à la série causale – ou au contexte – des événements précédents.

Histoire des différentes approches historiques de « l’événement »

La recherche historique a contribué à défricher utilement les contours de cette problématique.

L’histoire « positiviste », exclusive jusqu’à la fin du XIXe siècle, a fait de l’événement un jalon, au moins symbolique, dans le récit du passé. Pendant longtemps, les naissances, les mariages et les morts illustres, mais aussi les règnes, les batailles, les journées mémorables et autres « jours qui ont ébranlé le monde » ont dominé la mémoire historique. Chronos s’imposait naturellement en majesté.

Cette histoire « événementielle », qui a fait un retour en force académique à partir des années 1980 (3), conserve des vertus indéniables. Par sa recherche du fait historique concret, « objectif » parce qu’avéré, elle rejette toute généralisation, toute explication théorique et donc tout jugement de valeur. A l’image de la vie humaine (naissance, mariage, mort…), elle est un récit : celui du temps qui s’écoule, dont l’issue est certes connue, mais qui laisse place à l’imprévu. L’événement n’est pas seulement une « butte témoin » de la profondeur historique : il est un révélateur et un catalyseur des forces qui font l’histoire.

Mais, reflet sans doute de notre volonté normative, cartésienne et quelque peu « ethno-centrée », elle a tendu à scander les périodes historiques autour de ruptures nettes, et donc artificielles : le transfert de l’Empire de Rome à Constantinople marquant la fin de l’Antiquité et les débuts du Moyen Age, l’expédition américaine de Christophe Colomb inaugurant l’époque moderne, la Révolution de 1789 ouvrant l’époque dite « contemporaine »… C’est l’âge d’or des « 40 rois qui ont fait la France » et de l’espèce de continuum historique qui aurait relié Vercingétorix à Gambetta.

Cette vision purement narrative est sévèrement remise en cause au sortir du XIXe siècle par une série d’historiens, parmi lesquels Paul Lacombe (De l’histoire considérée comme une science, Paris, 1894), François Simiand (« Méthode historique et science sociale », Revue de Synthèse historique, 1903) et Henri Berr (L’Histoire traditionnelle et la Synthèse historique, Paris, 1921).

Ces nouveaux historiens contribuent à trois avancées majeures dans notre approche de l’événement (4) :

1) Pour eux, le fait n’est pas un atome irréductible de réalité, mais un « objet construit » dont il importe de connaître les règles de production. Ils ouvrent ainsi la voie à la critique des sources qui va permettre une révision permanente de notre rapport au passé, et partant de là aux faits eux-mêmes.

2) Autre avancée : l’unique, l’individuel, l’exceptionnel ne détient pas en soi un privilège de réalité. Au contraire, seul le fait qui se répète, qui peut être mis en série et comparé peut faire l’objet d’une analyse scientifique. Même si ce n’est pas le but de cette première « histoire sérielle », c’est la porte ouverte à une vision « cyclique » de l’histoire dont vont notamment s’emparer Spengler et Toynbee.

3) Enfin, ces historiens dénoncent l’emprise de la chronologie dans la mesure où elle conduit à juxtaposer sans les expliquer, sans les hiérarchiser vraiment, les éléments d’un récit déroulé de façon linéaire, causale, « biblique » – bref, sans épaisseur ni rythme propre. D’où le rejet de l’histoire événementielle, c’est-à-dire fondamentalement de l’histoire politique (Simiand dénonçant dès son article de 1903 « l’idole politique » aux côtés des idoles individuelle et chronologique), qui ouvre la voie à une « nouvelle histoire » incarnée par l’Ecole des Annales.

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Les Annales, donc, du nom de la célèbre revue fondée en 1929 par Lucien Febvre et Marc Bloch, vont contribuer à renouveler en profondeur notre vision de l’histoire, notre rapport au temps, et donc à l’événement.

Fondée sur le rejet parfois agressif de l’histoire politique, et promouvant une approche de nature interdisciplinaire, cette école va mettre en valeur les autres événements qui sont autant de clés de compréhension du passé. Elle s’attache autant à l’événementiel social, l’événementiel économique et l’événementiel culturel. C’est une histoire à la fois « totale », parce que la totalité des faits constitutifs d’une civilisation doivent être abordés, et anthropologique. Elle stipule que « le pouvoir n’est jamais tout à fait là où il s’annonce » (c’est-à-dire exclusivement dans la sphère politique) et s’intéresse aux groupes et rapports sociaux, aux structures économiques, aux gestes et aux mentalités. L’analyse de l’événement (sa structure, ses mécanismes, ce qu’il intègre de signification sociale et symbolique) n’aurait donc d’intérêt qu’en permettant d’approcher le fonctionnement d’une société au travers des représentations partielles et déformées qu’elle produit d’elle-même.

Par croisement de l’histoire avec les autres sciences sociales (la sociologie, l’ethnographie, l’anthropologie en particulier), qui privilégient généralement le quotidien et la répétition rituelle plutôt que les fêlures ou les ruptures, l’événement se définit ainsi, aussi, par les séries au sein desquelles il s’inscrit. Le constat de l’irruption spectaculaire de l’événement ne suffit pas: il faut en construire le sens, lui apporter une « valeur ajoutée » d’intelligibilité (5).

L’influence marxiste est évidemment dominante dans cette mouvance, surtout à partir de 1946 : c’est la seconde génération des Annales, avec Fernand Braudel comme figure de proue, auteur en 1967 du très révélateur Vie matérielle et capitalisme.

braudel.jpgDéjà, la thèse de Braudel publiée en 1949 (La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II) introduisait la notion des « trois temps de l’histoire », à savoir :

1) Un temps quasi structural, c’est-à-dire presque « hors du temps », qui est celui où s’organisent les rapports de l’homme et du milieu ;

2) Un temps animé de longs mouvements rythmés, qui est celui des économies et des sociétés ;

3) Le temps de l’événement enfin, ce temps court qui ne constituerait qu’« une agitation de surface » dans la mesure où il ne fait sens que par rapport à la dialectique des temps profonds.

Dans son article fondateur sur la « longue durée », publié en 1958, Braudel explique le double avantage de raisonner à l’aune du temps long :

  • l’avantage du point de vue, de l’analyse (il permet une meilleure observation des phénomènes massifs, donc significatifs) ;
  • l’avantage de la méthode (il permet le nécessaire dialogue – la « fertilisation croisée » – entre les différentes sciences humaines).

Malgré ses avancées fécondes, ce qui deviendra la « nouvelle histoire » (l’histoire des mentalités et donc des représentations collectives, avec une troisième génération animée par Jacques Le Goff et Pierre Nora en particulier) a finalement achoppé :

  • par sa rigidité idéologique (la construction de modèles, l’identification de continuités prévalant sur l’analyse du changement – y compris social) ;
  • et sur la pensée du contemporain, de l’histoire contemporaine (par rejet initial, dogmatique, de l’histoire politique).

Pierre Nora est pourtant obligé de reconnaître, au milieu des années 1970, « le retour de l’événement », qu’il analyse de façon défensive comme suit : « L’histoire contemporaine a vu mourir l’événement ‘naturel’ où l’on pouvait idéalement troquer une information contre un fait de réalité ; nous sommes entrés dans le règne de l’inflation événementielle et il nous faut, tant bien que mal, intégrer cette inflation dans le tissu de nos existences quotidiennes. » (« Faire de l’histoire », 1974).

Nous y sommes.

L’approche morphologique : Spengler et Toynbee

Parallèlement à la « nouvelle histoire », une autre approche a tendu à réhabiliter, au XXe siècle, la valeur « articulatoire » de l’événement – et donc les hommes qui le font. Ce sont les auteurs de ce qu’il est convenu d’appeler les « morphologies historiques » : Toynbee et bien sûr Spengler.

L’idée générale est de déduire les lois historiques de la comparaison de phénomènes d’apparence similaire, même s’ils se sont produits à des époques et dans des sociétés très différentes. Les auteurs des morphologies cherchent ainsi dans l’histoire à repérer de « grandes lois » qui se répètent, dont la connaissance permettrait non seulement de comprendre le passé mais aussi, en quelque sorte, de « prophétiser l’avenir ».

Avec Le déclin de l’Occident, publié en 1922, Oswald Spengler frappe les esprits – et il frappe fort. Influencé par les néokantiens, il propose une modélisation de l’histoire inspirée des sciences naturelles, mais en s’en remettant à l’intuition plutôt qu’à des méthodes proprement scientifiques. Sa méthode : « La contemplation, la comparaison, la certitude intérieure immédiate, la juste appréciation des sentiments » (7). Comme les présupposés idéologiques pourraient induire en erreur, la contemplation doit porter sur des millénaires, pour mettre entre l’observateur et ce qu’il observe une distance – une hauteur de vue – qui garantisse son impartialité.

De loin, on peut ainsi contempler la coexistence et la continuité des cultures dans leur « longue durée », chacune étant un phénomène singulier, et qui ne se répète pas, mais qui montre une évolution par phases, qu’il est possible de comparer avec celles d’autres cultures (comme le naturaliste, avec d’autres méthodes, compare les organes de plantes ou d’animaux distincts).

Ces phases sont connues : toute culture, toute civilisation, naît, croît et se développe avant de tomber en décadence, sur des cycles millénaires. Etant entendu qu’« il n’existe pas d’homme en soi, comme le prétendent les bavardages des philosophes, mais rien que des hommes d’un certain temps, en un certain lieu, d’une certaine race, pourvus d’une nature personnelle qui s’impose ou bien succombe dans son combat contre un monde donné, tandis que l’univers, dans sa divine insouciance, subsiste immuable à l’entour. Cette lutte, c’est la vie » (8).

Certes, le terme de « décadence » est discutable, en raison de sa charge émotive : Spengler précisera d’ailleurs ultérieurement qu’il faut l’entendre comme « achèvement » au sens de Goethe (9). Certes, la méthode conduit à des raccourcis hasardeux et des comparaisons parfois malheureuses. Mais la grille d’analyse proposée par Spengler reste tout à fait pertinente. Elle réintroduit le tragique dans l’histoire. Elle rappelle que ce sont les individus, et non les « masses », qui font l’histoire. Elle stimule enfin la nécessité de déceler, « reconnaître » (au sens militaire du terme) les éléments constitutifs de ces ruptures de cycles.

Study_of_History.jpgL’historien britannique Arnold Toynbee va prolonger en quelque sorte cette intuition avec sa monumentale Etude de l’histoire (A Study of History) en 12 volumes, publiée entre 1934 et 1961 (10). Toynbee s’attache également à une « histoire comparée » des grandes civilisations et en déduit, notamment, que les cycles de vie des sociétés ne sont pas écrits à l’avance dans la mesure où ils restent déterminés par deux fondamentaux :

1) Le jeu de la volonté de puissance et des multiples obstacles qui lui sont opposés, mettant en présence et développant les forces internes de chaque société ;

2) Le rôle moteur des individus, des petites minorités créatrices qui trouvent les voies que les autres suivent par mimétisme. Les processus historiques sont ainsi affranchis des processus de nature sociale, ou collective, propres à l’analyse marxiste – malgré la théorie des « minorités agissantes » du modèle léniniste.

En dépit de ses limites méthodologiques, et bien que sévèrement remise en cause par la plupart des historiens « professionnels », cette approche morphologique est particulièrement stimulante parce qu’elle intègre à la fois la volonté des hommes et le « temps long » dans une vision cyclique, et non pas linéaire, de l’histoire. Mais elle tend à en conserver et parfois même renforcer le caractère prophétique, « hégélien », mécanique. Surtout, elle semble faire de l’histoire une matière universelle et invariante en soi, dominée par des lois intangibles. Pourtant, Héraclite déjà, philosophe du devenir et du flux, affirmait que « Tout s’écoule ; on ne se baigne jamais dans le même fleuve » (Fragment 91).

Le questionnement philosophique

La philosophie, par son approche conceptuelle, permet justement de prolonger cette première approche, historique, de l’événement.

Il n’est pas question ici d’évoquer l’ensemble des problématiques soulevées par la notion d’événement, qui a bien évidemment interrogé dès l’origine la réflexion philosophique par les prolongements évidents que celui-ci introduit au Temps, à l’Espace, et à l’Etre.

L’approche philosophique exige assez simplement de réfléchir aux conditions de discrimination par lesquelles nous nommons l’événement : à quelles conditions un événement se produit-il ? Et se signale-t-il comme événement pour nous ? D’un point de vue philosophique, déceler l’événement revient donc à interroger fondamentalement l’articulation entre la continuité successive des « ici et maintenant » (les événements quelconques) avec la discontinuité de l’événement remarquable (celui qui fait l’histoire) (11).

Dès lors, quelques grandes caractéristiques s’esquissent pour qualifier l’événement :

1) Il est toujours relatif (ce qui ne veut pas dire qu’il soit intrinsèquement subjectif).

2) Il est toujours double : à la fois « discontinu sur fond de continuité », et « remarquable en tant que banal ».

3) Il se produit pour la pensée comme ce qui lui arrive (ce n’est pas la pensée qui le produit), et de surcroît ce qui lui arrive du dehors (il faudra d’ailleurs déterminer d’où il vient, qui le produit). Ce qui n’empêche pas l’engagement, comme l’a souligné – et illustré –Thucydide.

Le plus important est que l’événement « fait sens » : il se détache des événements quelconques, de la série causale précédente pour produire un point singulier remarquable – c’est-à-dire un devenir.

L’événement projette de façon prospective, mais aussi rétroactive, une possibilité nouvelle pour les hommes. Il n’appartient pas à l’espace temps strictement corporel, mais à cette brèche entre le passé et le futur que Nietzsche nomme « l’intempestif » et qu’il oppose à l’historique (dans sa Seconde Considération intempestive, justement). Concept que Hannah Arendt, dans la préface à La Crise de la culture, appelle « un petit non espace-temps au cœur même du temps » (12).

C’est un « petit non espace-temps », en effet, car l’événement est une crise irréductible aux conditions antécédentes – sans quoi il serait noyé dans la masse des faits. Le temps n’est donc plus causal, il ne se développe pas tout seul selon la finalité interne d’une histoire progressive : il est brisé. Et l’homme (celui qui nomme l’événement) vit dans l’intervalle entre passé et futur, non dans le mouvement qui conduirait, naïvement, vers le progrès.

ha.jpgPour autant, Arendt conserve la leçon de Marx : ce petit non-espace-temps est bien historiquement situé, il ne provient pas de l’idéalité abstraite. Mais elle corrige l’eschatologie du progrès historique par l’ontologie du devenir initiée par Nietzsche : le devenir, ce petit non espace-temps au cœur même du temps, corrige, bouleverse et modifie l’histoire mais n’en provient pas – « contrairement au monde et à la culture où nous naissons, [il] peut seulement être indiqué, mais ne peut être transmis ou hérité du passé. » (13) Alors que « la roue du temps, en tous sens, tourne éternellement » (Alain de Benoist), l’événement est une faille, un moment où tout semble s’accélérer et se suspendre en même temps. Où tout (re)devient possible. Ou bien, pour reprendre la vision « sphérique » propre à l’Eternel Retour (14) : toutes les combinaisons possibles peuvent revenir un nombre infini de fois, mais les conditions de ce qui est advenu doivent, toujours, ouvrir de nouveaux possibles. Car c’est dans la nature même de l’homme, ainsi que l’a souligné Heidegger : « La possibilité appartient à l’être, au même titre que la réalité et la nécessité. » (15)

Prédire ? Non : pré-voir !

Pour conclure, il convient donc de croiser les apports des recherches historiques et des réflexions philosophiques – et en l’espèce métaphysiques – pour tenter de déceler, dans le bruit, le chaos et l’écume des temps, ce qui fait événement.

On aura compris qu’il n’y a pas de recette miracle. Mais que s’approcher de cette (re)connaissance nécessite de décrypter systématiquement un fait dans ses trois dimensions :

1) Une première dimension, horizontale sans être linéaire, plutôt « sphérique » mais inscrite dans une certaine chronologie : il faut interroger les causes et les remises en causes (les prolongements et les conséquences) possibles, ainsi que le contexte et les acteurs : qui sont-ils et surtout « d’où parlent-ils » ? Pourquoi ?

2) Une deuxième dimension est de nature verticale, d’ordre culturel, social, ou pour mieux dire, civilisationnel : il faut s’attacher à inscrire l’événement dans la hiérarchie des normes et des valeurs, le discriminer pour en déceler la nécessaire altérité, l’« effet rupture », le potentiel révolutionnaire qu’il recèle et révèle à la fois.

3) Une troisième dimension, plus personnelle, à la fois ontologique et axiologique, est enfin nécessaire pour que se croisent les deux dimensions précédentes : c’est l’individu qui vit, et qui pense cette vie, qui est à même de (re)sentir l’événement. C’est son histoire, biologique et culturelle, qui le met en résonance avec son milieu au sens large.

C’est donc fondamentalement dans ses tripes que l’on ressent que « plus rien ne sera comme avant ». L’observateur est un acteur « en dormition ». Dominique Venner a parfaitement illustré cette indispensable tension.

Il convient cependant de rester humbles sur nos capacités réelles.

Et pour ce faire, au risque de l’apparente contradiction, relire Nietzsche. Et plus précisément Par-delà le bien et le mal : « Les plus grands événements et les plus grandes pensées – mais les plus grandes pensées sont les plus grands événements – sont compris le plus tard : les générations qui leur sont contemporaines ne vivent pas ces événements, elles vivent à côté. Il arrive ici quelque chose d’analogue à ce que l’on observe dans le domaine des astres. La lumière des étoiles les plus éloignées parvient en dernier lieu aux hommes ; et avant son arrivée, les hommes nient qu’il y ait là … des étoiles. »

Grégoire Gambier

Ce texte est une reprise actualisée et légèrement remaniée d’une intervention prononcée à l’occasion des IIe Journées de réinformation de la Fondation Polemia, organisées à Paris le 25 octobre 2008.

Notes

(1) Histoire de la guerre du Péloponnèse de Thucydide, traduction, introduction et notes de Jacqueline De Romilly, précédée de La campagne avec Thucydide d’Albert Thibaudet, Robert Laffont, coll. « Bouquins », Paris, 1990.

(2) Ibid. Dans ce texte pénétrant, Thibaudet rappelle notamment l’histoire des livres sibyllins : en n’achetant que trois des neuf ouvrages proposés par la Sybille et où était contenu l’avenir de Rome, Tarquin condamna les Romains à ne connaître qu’une fraction de vérité – et d’avenir. « […] peut-être, en pensant aux six livres perdus, dut-on songer que cette proportion d’un tiers de notre connaissance possible de l’avenir était à peu près normale et proportionnée à l’intelligence humaine. L’étude de l’histoire peut nous amener à conclure qu’en matière historique il y a des lois et que ce qui a été sera. Elle peut aussi nous conduire à penser que la durée historique comporte autant d’imprévisible que la durée psychologique, et que l’histoire figure un apport incessant d’irréductible et de nouveau. Les deux raisonnements sont également vrais et se mettraient face à face comme les preuves des antinomies kantiennes. Mais à la longue l’impression nous vient que les deux ordres auxquels ils correspondent sont mêlés indiscernablement, que ce qui est raisonnablement prévisible existe, débordé de toutes parts par ce qui l’est point, par ce qui a pour essence de ne point l’être, que l’intelligence humaine, appliquée à la pratique, doit sans cesse faire une moyenne entre les deux tableaux ».

(3) Après bien des tâtonnements malheureux, les manuels scolaires ont fini par réhabiliter l’intérêt pédagogique principal de la chronologie. Au niveau académique, on doit beaucoup notamment à Georges Duby (1919-1996). Médiéviste qui s’est intéressé tour à tour, comme la plupart de ses confrères de l’époque, aux réalités économiques, aux structures sociales et aux systèmes de représentations, il accepte en 1968 de rédiger, dans la collection fondée par Gérald Walter, « Trente journées qui ont fait la France », un ouvrage consacré à l’un de ces jours mémorables, le 27 juillet 1214. Ce sera Le dimanche de Bouvines, publié pour la première fois en 1973. Une bombe intellectuelle qui redécouvre et exploite l’événement sans tourner le dos aux intuitions braudeliennes. Cf. son avant-propos à l’édition en poche (Folio Histoire, 1985) de cet ouvrage (re)fondateur : « C’est parce qu’il fait du bruit, parce qu’il est ‘grossi par les impressions des témoins, par les illusions des historiens’, parce qu’on en parle longtemps, parce que son irruption suscite un torrent de discours, que l’événement sensationnel prend son inestimable valeur. Pour ce que, brusquement, il éclaire. »

(4) Cette analyse, ainsi que celle qui suit concernant l’Ecole des Annales, est directement inspirée de La nouvelle histoire, sous la direction de Jacques Le Goff, Roger Chartier et Jacques Revel, CEPL, coll. « Les encyclopédies du savoir moderne », Paris, 1978, pp. 166-167.

(5) Cf. la revue de sociologie appliquée « Terrain », n°38, mars 2002.

(6) Cf. L’histoire, Editions Grammont, Lausanne, 1975, dont s’inspire également l’analyse proposée des auteurs « morphologistes » – Article « Les morphologies : les exemples de Spengler et Toynbee », pp. 66-73.

(7) Ibid.

(8) Ecrits historiques et philosophiques – Pensées, préface d’Alain de Benoist, Editions Copernic, Paris, 1979, p. 135.

(9) Ibid., article « Pessimisme ? » (1921), p. 30.

(10) Une traduction française et condensée est disponible, publiée par Elsevier Séquoia (Bruxelles, 1978). Dans sa préface, Raymond Aron rappelle que, « lecteur de Thucydide, Toynbee discerne dans le cœur humain, dans l’orgueil de vaincre, dans l’ivresse de la puissance le secret du destin », ajoutant : « Le stratège grec qui ne connaissait, lui non plus, ni loi du devenir ni décret d’en haut, inclinait à une vue pessimiste que Toynbee récuse tout en la confirmant » (p. 7).

(11) L’analyse qui suit est directement inspirée des travaux du Centre d’Etudes en Rhétorique, Philosophie et Histoire des Idées (Cerphi), et plus particulièrement de la leçon d’agrégation de philosophie « Qu’appelle-t-on un événement ? », www.cerphi.net.

(12) Préface justement intitulée « La brèche entre le passé et le futur », Folio essais Gallimard, Paris, 1989 : « L’homme dans la pleine réalité de son être concret vit dans cette brèche du temps entre le passé et le futur. Cette brèche, je présume, n’est pas un phénomène moderne, elle n’est peut-être même pas une donné historique mais va de pair avec l’existence de l’homme sur terre. Il se peut bien qu’elle soit la région de l’esprit ou, plutôt, le chemin frayé par la pensée, ce petit tracé de non-temps que l’activité de la pensée inscrit à l’intérieur de l’espace-temps des mortels et dans lequel le cours des pensées, du souvenir et de l’attente sauve tout ce qu’il touche de la ruine du temps historique et biographique (…) Chaque génération nouvelle et même tout être humain nouveau en tant qu’il s’insère lui-même entre un passé infini et un futur infini, doit le découvrir et le frayer laborieusement à nouveau » (p. 24). Etant entendu que cette vision ne vaut pas négation des vertus fondatrices de l’événement en soi : « Ma conviction est que la pensée elle-même naît d’événements de l’expérience vécue et doit leur demeurer liés comme aux seuls guides propres à l’orienter » – Citée par Anne Amiel, Hannah Arendt – Politique et événement, Puf, Paris, 1996, p. 7.

(13) Ibid. Ce que le poète René Char traduira, au sortir de quatre années dans la Résistance, par l’aphorisme suivant : « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament » (Feuillets d’Hypnos, Paris, 1946).

(14) Etant entendu que le concept n’a pas valeur historique, ni même temporelle, car il se situe pour Nietzsche en dehors de l’homme et du temps pour concerner l’Etre lui-même : c’est « la formule suprême de l’affirmation, la plus haute qui se puisse concevoir » (Ecce Homo). L’Eternel retour découle ainsi de la Volonté de puissance pour constituer l’ossature dialectique du Zarathoustra comme « vision » et comme « énigme » pour le Surhomme, dont le destin reste d’être suspendu au-dessus du vide. Pour Heidegger, les notions de Surhomme et d’Eternel retour sont indissociables et forment un cercle qui « constitue l’être de l’étant, c’est-à-dire ce qui dans le devenir est permanent » (« Qui est le Zarathoustra de Nietzsche ? », in Essais et conférences, Tel Gallimard, 1958, p. 139).

(15) « Post-scriptum – Lettre à un jeune étudiant », in Essais et conférences, ibid., p. 219. En conclusion à la conférence sur « La chose », Heidegger rappelle utilement que « ce sont les hommes comme mortels qui tout d’abord obtiennent le monde comme monde en y habitant. Ce qui petitement naît du monde et par lui, cela seul devient un jour une chose »…

"Bérézina" de Sylvain Tesson

En octobre 1812, piégé dans Moscou en flammes, Napoléon replie la Grande Armée vers la France. Commence La retraite de Russie, l’une des plus tragiques épopées de l’Histoire humaine.
La Retraite est une course à la mort, une marche des fous, une échappée d’enfer.Deux cents ans plus tard, je décide de répéter l’itinéraire de l’armée agonisante, de ces cavaliers désarçonnés, de ces fantassins squelettiques, de ces hommes à plumets qui avaient préjugé de l’invincibilité de l’Aigle. Il ne s’agit pas d’une commémoration (commémore-ton l’horreur ?), encore moins d’une célébration, il s’agit de saluer par-delà les siècles et les verstes, ces Français de l’an XII aveuglés par le soleil corse et fracassés sur les récifs du cauchemar.Le géographe Cédric Gras, le photographe Thomas Goisque et deux amis russes, Vassili et Vitaly, sont de la partie. Pour l’aventure, nous enfourchons des side-cars soviétiques de marque Oural. Ces motocyclettes redéfinissent en permanence les lois élémentaires de la mécanique. Rien ne saurait les arrêter (pas même leurs freins). Notre escouade se compose de trois Oural, chargées ras la gueule de pièces détachées et de livres d’Histoire.Au long de quatre mille kilomètres, en plein hiver, nous allons dérouler le fil de la mémoire entre Moscou et Paris où l’Empereur arrivera le 15 XII 1812, laissant derrière lui son armée en lambeaux.Le jour, les mains luisantes de cambouis, nous lisons les Mémoires du général de Caulaincourt. Le soir, nous nous assommons de vodka pour éloigner les fantômes.À l’aube, nous remettons les gaz vers une nouvelle étape du chemin de croix. Smolensk, Minsk, Berezina, Vilnius : les stèles de la souffrance défilent à cinquante à l’heure. Partout, nous rencontrons des Russes qui ne tiennent aucune rigueur à l’Empereur à bicorne.Sous nos casques crénelés de stalactites, nous prenons la mesure des tourments des soldats et nous menons grand train ce débat intérieur : Napoléon était-il un antéchrist qui précipita l’Europe dans l’abîme ou bien un visionnaire génial dont le seul tort fut de croire qu’il suffisait de vouloir pour triompher, et que les contingences se pliaient toujours aux rêves ?Mais très vite, nous devons abandonner ces questions métaphysiques car un cylindre vient de rendre l’âme, la nuit tombe sur la Biélorussie et trois foutus camions polonais sont déjà en travers de la route.
L’AUTEURSylvain Tesson est un écrivain voyageur. Il est le fils de Marie-Claude et Philippe Tesson. Géographe de formation, il effectue en 1991 sa première expédition en Islande, suivie en 1993 d’un tour du monde à vélo avec Alexandre Poussin. C’est là, le début de sa vie d’aventurier. Il traverse également les steppes d’Asie centrale à cheval avec l’exploratrice Priscilla Telmon. Il publie alors L’immensité du monde. En 2004, il reprend l’itinéraire des évadés du goulag et publie L’Axe du Loup, un périple qui l’emmène de la Sibérie jusqu’en Inde à pied. Avec Une vie à coucher dehors, Petit traité sur l’immensité du monde, Dans les forêts de Sibérie (Prix Médicis essai 2011) et un recueil de nouvelles S’abandonner à vivre, font de Sylvain Tesson un auteur reconnu par la critique et apprécié par le public.

"Bérézina" de Sylvain Tesson

Ex: http://zentropa.info

En octobre 1812, piégé dans Moscou en flammes, Napoléon replie la Grande Armée vers la France. Commence La retraite de Russie, l’une des plus tragiques épopées de l’Histoire humaine.

La Retraite est une course à la mort, une marche des fous, une échappée d’enfer.
Deux cents ans plus tard, je décide de répéter l’itinéraire de l’armée agonisante, de ces cavaliers désarçonnés, de ces fantassins squelettiques, de ces hommes à plumets qui avaient préjugé de l’invincibilité de l’Aigle. Il ne s’agit pas d’une commémoration (commémore-ton l’horreur ?), encore moins d’une célébration, il s’agit de saluer par-delà les siècles et les verstes, ces Français de l’an XII aveuglés par le soleil corse et fracassés sur les récifs du cauchemar.

Le géographe Cédric Gras, le photographe Thomas Goisque et deux amis russes, Vassili et Vitaly, sont de la partie. Pour l’aventure, nous enfourchons des side-cars soviétiques de marque Oural. Ces motocyclettes redéfinissent en permanence les lois élémentaires de la mécanique. Rien ne saurait les arrêter (pas même leurs freins). Notre escouade se compose de trois Oural, chargées ras la gueule de pièces détachées et de livres d’Histoire.
Au long de quatre mille kilomètres, en plein hiver, nous allons dérouler le fil de la mémoire entre Moscou et Paris où l’Empereur arrivera le 15 XII 1812, laissant derrière lui son armée en lambeaux.

Le jour, les mains luisantes de cambouis, nous lisons les Mémoires du général de Caulaincourt. Le soir, nous nous assommons de vodka pour éloigner les fantômes.
À l’aube, nous remettons les gaz vers une nouvelle étape du chemin de croix. Smolensk, Minsk, Berezina, Vilnius : les stèles de la souffrance défilent à cinquante à l’heure. Partout, nous rencontrons des Russes qui ne tiennent aucune rigueur à l’Empereur à bicorne.
Sous nos casques crénelés de stalactites, nous prenons la mesure des tourments des soldats et nous menons grand train ce débat intérieur : Napoléon était-il un antéchrist qui précipita l’Europe dans l’abîme ou bien un visionnaire génial dont le seul tort fut de croire qu’il suffisait de vouloir pour triompher, et que les contingences se pliaient toujours aux rêves ?
Mais très vite, nous devons abandonner ces questions métaphysiques car un cylindre vient de rendre l’âme, la nuit tombe sur la Biélorussie et trois foutus camions polonais sont déjà en travers de la route.

L’AUTEUR
Sylvain Tesson est un écrivain voyageur. Il est le fils de Marie-Claude et Philippe Tesson. Géographe de formation, il effectue en 1991 sa première expédition en Islande, suivie en 1993 d’un tour du monde à vélo avec Alexandre Poussin. C’est là, le début de sa vie d’aventurier. Il traverse également les steppes d’Asie centrale à cheval avec l’exploratrice Priscilla Telmon. Il publie alors L’immensité du monde. En 2004, il reprend l’itinéraire des évadés du goulag et publie L’Axe du Loup, un périple qui l’emmène de la Sibérie jusqu’en Inde à pied. Avec Une vie à coucher dehors, Petit traité sur l’immensité du monde, Dans les forêts de Sibérie (Prix Médicis essai 2011) et un recueil de nouvelles S’abandonner à vivre, font de Sylvain Tesson un auteur reconnu par la critique et apprécié par le public.

500 US-Söldner kämpfen für Kiew in der Ostukraine

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500 US-Söldner kämpfen für Kiew in der Ostukraine
 
Ex: http://www.unzensuriert.at

Kenner der ukrainischen Innenpolitik vertreten bereits seit einem knappen Jahr mit vollster Überzeugung eine These: Das neue Regime in Kiew lässt sich durch US-Söldner militärisch unterstützen. Bereits rund um die blutigen Scharfschützeneinsätze am Maidan-Platz im Februar 2014 waren Informationen aufgetaucht, dass eine Privatarmee unter Anleitung des US-Geheimdienstes CIA die Finger im Spiel hatte.

Nun lässt der deutsche Politikwissenschaftler Michael Lüders neuerlich mit Hinweisen auf Söldnereinsätze in der Ukraine aufhorchen. Wie er in einem Interview mit dem Fernsehsender PHOENIX mitteilte, sollen bis zu 500 Söldner der „Sicherheitsfirma“ Adacemi, vormals Blackwater, in der Ostukraine im Einsatz sein.

Unterstützung für einsatzschwache Ukraine-Armee

Die Academi-Söldner sollen offensichtlich die militärische Schmutzarbeit für das Regime in Kiew besorgen. Auf die eigenen Streitkräfte setzt die ukrainische Regierung offenbar keine allzu großen Hoffnungen. Zuletzt war sogar die Rede davon, dass bis zu 25 Prozent des Verteidigungsbudgets in der Ukraine in dunklen Kanälen versickert ist.

Polarización versus globalización

por Norberto Ceresole

Ex: http://paginatransversal.wordpress.com

En un mundo globalizado, naturalmente, tienden a desaparecer los polarizadores internacionales (centros con gran capacidad de acción económica y/o estratégico-militar) y, en especial, los polarizadores clásicos, que son los que operaron en los últimos tres siglos de historia occidental, antes de la irrupción masiva de las razas “coloniales”. La globalización es la hegemonía de un solo polarizador. Los actores principales de la globalización tienen como objetivo la maximilización de los beneficios y no la potenciación de su propio Estado, aunque se trate de los Estados Unidos. Como entidad política y geográfica, el antiguo país central puede entrar en declive por el mismo proceso mediante el cual sus principales empresas logran beneficios crecientes.

La naturaleza del sistema internacional actual tiende a definir, en la escala global, sólo dos “países“, con sus geografías y recursos desigualmente distribuidos: el país de los ricos o incluidos, y el país de los pobres o excluidos. Las instituciones estatales de los países excluidos, o “desgarrados“, como las fuerzas armadas, deben definir – en primer lugar ante sí mismas – qué “país” aspiran a defender. Queda fuera de toda discusión, dentro de este modelo de gobierno mundial, que todo intento de integrar “fronteras adentro” del Estado-nación, es una actitud penalizada por la lógica del modelo. Uno de los objetivos principales de los actores transnacionales es lograr la privatización y la liberalización de los servicios –en especial de los servicios financieros-, más la eliminación de los principios básicos de la defensa nacional, con el objeto de eliminar cualquier amenaza de planificación económica nacional y de desarrollo independiente.

Todas las instituciones integrativas dentro del Estado-nación deben ser destruidas, “desprotegidas” de los “favores” del Estado. Desaparece la “vieja” configuración “nacional” del Estado. Queda vigente una nueva configuración “estatal“, la mayoría de las veces fragmentada o desgarrada. Es por ello que no desaparecen todas las formas de proteccionismo. Los mecanismos de protección son rediseñados para aumentar el poder y la riqueza de las grandes corporaciones transnacionales (que no necesariamente son multinacionales: gran parte del “capitalismo nacional” hoy se ha trans-nacionalizado sin multi-nacionalizarse).

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La globalización como modelo de gobierno mundial es una estructura oligárquica que condena a la marginalidad al vasto “país” mundial de los excluidos, a los pobres y sin poder, dentro y fuera de los países centrales, dentro y fuera del espacio blanco-occidental. En el plano político interno opera dejando grandes vacíos en el ordenamiento democrático, de tal manera que la capacidad de decisión siga en manos de los que Adam Smith, en el siglo XVIII, llamó “los amos del universo“, quienes se manejan “con el vil principio: Todo para nosotros, nada para los demás“.

La organización oligárquica global succiona riquezas para el “país de los incluidos” que está desigualmente distribuido por toda la superficie del globo. Adam Smith acusaba a los fabricantes y comerciantes de su época de “infligir horribles infortunios y de perjudicar al pueblo de Inglaterra“. Hoy en día, el 40% del comercio exterior de los Estados Unidos se realiza entre compañías dirigidas en forma centralizada. Esas compañías pertenecen a los mismos grupos que controlan la producción y la inversión.

El efecto que provoca la acción de la oligarquía global sobre la totalidad del “país de los excluidos” es auténticamente devastador. El abismo que separa a las regiones ricas de las pobres se ha duplicado en las últimas dos décadas. La transferencia de recursos del “sur” al “norte” fue de 400.000 millones de dólares entre 1982 y 1990.

Fuente: Pueblo indómito

Extraído de: Tribulaciones Metapolíticas