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jeudi, 19 février 2015

Brummell, Barbey, Baudelaire : dandysme et magnificence tragique

Brummell, Barbey, Baudelaire : dandysme et magnificence tragique

brurecline.jpgIl serait parfaitement inconséquent de restreindre le dandysme – né en Angleterre au XVIIe siècle et dont l’âge d’or pourrait se situer entre les XVIIIe et XIXe siècles – à une simple mode vestimentaire maniériste reconnue pour sa préciosité. Bien plus, il faut y voir l’expression d’une identité paradoxale, d’un attribut psychologique. Entre vice et vertu, grandeur aristocratique et décrépitude, la singulière ambivalence du dandy promet un portrait riche en enseignements.

Le dandysme ramasse, selon le mot d’Oscar Wilde, « toute la passion romantique et toute la perfection de l’esprit grec » au service d’une « grandeur sans convictions » pour reprendre le très élégant titre d’un Essai sur le dandysme écrit par Marie-Christine Natta. Il y a, en effet, de la grandeur chez le dandy, de la noblesse d’âme, le sens de la distinction et la culture de l’excellence : une sonorité aristocratique vibrante. Si le dandysme a effectivement vu le jour sous la restauration de la monarchie anglaise, sa matrice procède d’une dilection plus ou moins palpable, à cette époque, pour les mœurs française (en rupture avec le puritanisme), et particulièrement pour l’aspect frivole d’une noblesse de cour délaissant la dévotion, autrement plus grave, d’une certaine noblesse de robe. Pourtant, le dandy est grave également, d’une gravité presque cénobitique aux relents tragiques.

Chez George Brummell – père des dandys – la coquetterie s’impose sans rémission mais, aussi et surtout, sans se fourvoyer dans l’excentricité. L’excentrique est bien trop outré pour satisfaire cette légèreté mêlée d’aplomb propre au dandy anglais. « pour être bien mis, il ne faut pas être remarqué », voici en quelques mots « l’axiome de toilette » brummellien. L’élégance n’est pas autre chose que l’art de la discrétion. Il faut se faire remarquer, se distinguer par son originalité vestimentaire et verbale, sans trop bousculer l’ordre établi. En effet le dandy, à l’inverse de l’excentrique, défie la règle (le communément admis) sans jamais l’outrepasser ; son oisiveté n’a pas d’autre fond qu’une promotion de l’indépendance : « absorbé par le culte de lui-même, il n’a rien à donner et rien à recevoir » (Marie-Christine Natta). S’il a besoin des autres par vanité, il ne peut réellement les aimer par crainte d’une dépendance affective, et le travail bourgeois l’obligerait à courber l’échine devant la crasse utilitaire – chose douloureuse pour qui a fait de sa vie une œuvre d’art, autrement dit l’éloge de l’inutile.

Barbey d’Aurevilly insiste lui aussi sur ce culte de l’indépendance qu’il relève chez le beau Brummell : « son indolence ne lui permettait pas d’avoir de la verve, parce qu’avoir de la verve, c’est se passionner ; se passionner, c’est tenir à quelque chose, et tenir à quelque chose, c’est se montrer inférieur » (en effet, Brummell préférait conserver la distance par le mordant du « trait d’esprit »). Il s’ensuit assez logiquement un mépris de l’argent dans sa conception bourgeoise, à savoir celle d’une vie assise sur le confort matériel et moral. Tout au contraire, si le dandy convoite un tel bien c’est uniquement « parce que l’argent est indispensable aux gens qui se font un culte de leurs passions » sans jamais aspirer « à l’argent comme à une chose essentielle ; un crédit indéfini pourrait lui suffire ; il abandonne cette grossière passion aux mortels vulgaires » (Baudelaire, Le peintre et la vie moderne). Il n’est ni un homme d’action, ni un homme de pouvoir ; si il agit « il choisira de préférence les causes perdues » (On pense à Lord Byron dans sa lutte mortelle au côté des insurgés grecs) : « elles ont l’avantage de ne pas rallier les foules » (Marie-Christine Natta). Le dandy aime déplaire, s’évertue à s’éloigner du commun ; non par devoir mais pour plaire davantage en suscitant l’incompréhension.

Au fond, le dandysme nous apparaît comme un « résidu » aristocratique, non seulement en décalage avec l’époque et ses valeurs bourgeoises, mais également déchiré entre la volatilité de ses mœurs et la noblesse de sa prestance. Il se pose, en réalité, comme une réaction déviante de type aristocratique. Réaction déviante en un point fondamental : le remplacement du Bien par le Beau ou le passage d’une distinction assise sur l’excellence éthique à une distinction fondée sur une singularité d’ordre esthétique ; mais réaction également conforme à son origine noble par le rejet massif de la laideur utilitaire et de l’« hédonisme vulgaire », c’est-à-dire un hédonisme qui ne serait pas corrigé par un versant ascétique et impérieux. Illustration d’une grandeur sans conviction, autrement dit d’un esprit aristocratique n’ayant plus que son ego comme objet – réclusion dans la présence intemporelle à soi comme œuvre d’art (en faisant de l’art un moyen d’expression ou d’invention). Toute la particularité du dandy réside dans la grandeur d’une âme en quête de perfectionnement et de rigueur (rigueur sportive pour les dandy anglais comme Lord Seymour ou Byron ; discipline dans l’art de la toilette, dans la perfection plastique poussée à un rare degré d’exigence et dans la création artistique ou littéraire – une esthétique de l’esprit) dissipée par des mœurs déviantes, soit par excès d’austérité, soit par une trop grande légèreté (le libertinage de Byron ou de Wilde par exemple, la chasteté de Baudelaire, les dettes de jeu et les excès de boissons alcoolisées chez Brummell, etc). En somme, il s’agit d’une « forme dégradée de l’ascèse ». Le dandy recrée la soumission à partir de lui-même sous les traits incertains d’une transcendance déchue au service de l’artifice. Une grandeur sans conviction : une hauteur sans Dieu ou la hauteur toute relative de l’homme-Dieu. Le but du dandy, nous dit Camus, « n’était alors que d’égaler Dieu, et de se maintenir à son niveau » ; « l’art est sa morale ».

Aussi est-il souvent perméable à la contagion vertigineuse des sentiments – esquisse du caractère douloureusement vulnérable de l’homme reclus. Stoïque, il ne connaît pas la reddition d’un moi presque déifié ; il est beau d’une beauté crépusculaire, celle de l’astre déclinant, « superbe, sans chaleur et plein de mélancolie » selon l’émouvante expression de Baudelaire (Le peintre de la vie moderne). La beauté d’une aristocratie tombante ; non pas le déchirement d’un drame mais la grandeur altière d’une certaine forme de résignation tragique : « un dandy peut-être un homme blasé, peut-être un homme souffrant ; mais, dans ce dernier cas, il sourira comme le Lacédémonien sous la morsure du renard ». Un cœur tragique comme celui de la jeune Germaine décrit par Georges Bernanos (Sous le soleil de Satan) : « Tel semblait né pour une vie paisible, qu’un destin tragique attend. Fait surprenant, dit-on, imprévisible… Mais les faits ne sont rien : le tragique était dans son cœur ». Si le dandy est beau c’est parce qu’il est tragique (ou l’inverse) ; aussi, il est seul, mais seul comme personne : il est l’unique à son degré de conscience le plus élevé (et il a pourtant encore besoin des autres pour être admiré – comme on admire une belle sculpture – et satisfaire sa vanité qui toujours suppose une certaine dose d’humilité).

Résignation au culte de soi jusqu’à la mort de soi, jusqu’au mourir blanchotien (aussi paradoxale que cela puisse paraître, une érection de l’ego persiste dans la dépossession de l’absence à soi, dans l’impersonnel ou le neutre de l’ œuvre d’art – comme chez Blanchot, pour qui l’art de l’écriture marque l’instant de sa mort, le dandy, sculpteur d’individualité, s’épuise dans son œuvre : ne participe-t-il pas, pour Sartre, à un « club de suicidés » ?). Le dandysme se définit finalement par cette espèce « de culte de soi-même, qui peut survivre à la recherche du bonheur à trouver dans autrui » ou, pour Daniel Salvatore Schiffer, à travers une « esthétique de la disparition » déclinée sous la plume d’André Glucksmann qui, dans Une rage d’enfant, fait du dandysme «l’assomption narcissique » d’une autodestruction entendue « comme la forme éminente de la coïncidence avec soi : dans un seul et même élan je me fais et je me défais ». L’hypertrophie et la disparition du moi – deux faces oxymoriques d’une même médaille – soulignent une forme de mystique dévoyée et doloriste très éloignée de l’absolu plotinien. « le Bien, nous dit Plotin, est plein de douceur, de bienveillance et de délicatesse. Il est toujours à la disposition de qui le désire. Mais le beau provoque terreur, également, et plaisir mêlé de douleur. Il entraîne loin du Bien ceux qui ne savent pas ce qu’est le Bien, comme l’objet aimé peut entraîner loin du Père ». L’élan passablement mystique du dandy ne délivre pas. Le Beau seul n’est que création (chez le dandy il s’agit d’une ultime création : une création de soi) et donc – malgré les efforts pour s’oublier dans cette création – déréliction. Seul le Bien permet l’abandon ; seul le Bien conduit au renouement originel.

beau-brummell-m.jpgDe ce qui précède, nous ne pouvons ignorer la place de choix qu’occupe, au sein du dandysme, la sensibilité romantique – Albert Camus ne s’y est pas trompé lorsqu’il fait du dandy un « héros romantique ». Dandysme et beylisme s’accorde majestueusement. D’après Léon Blum « nous trouvons (…) au fond du beylisme ce qui peut-être l’essence de la sensibilité romantique : la persistance vers un but qui, d’avance, est connu comme intangible, l’acharnement vers un idéal, c’est-à-dire vers l’impossible, la dépense consciente de soi-même en pure perte, sans espoir quelconque de récompense ou de retour. Car les âmes assez exigeantes pour aspirer à ce bonheur parfait, ou même surhumain, le sont trop pour accepter en échange les compensations atténuées qui font le lot commun des hommes. La mélancolie romantique est issue de ces thèmes élémentaires : les seuls bonheurs accessibles à l’homme font sa bassesse ; sa noblesse fait sa souffrance ; une fatalité maligne a posé devant lui ce dilemme : la vulgarité innocente qui le ravale à la brute, l’aspiration anxieuse et condamnée qui le hausse vers un ciel inaccessible… ». Cette jolie citation nous rappelle que l’esthétique de soi dévoile un thème propre à la fois au dandysme et au romantisme (Stendhal, Byron et surtout Baudelaire symbolisent la fusion parfaite de ces deux aspects). Qui a mieux exalté que Baudelaire la friction permanente entre le don de soi dans l’art poétique et la transpiration mélancolique ? L’auteur des Fleurs du mal pour qui « le malheur est à la fois une noble distinction et un critère esthétique » (Marie-Christine Natta) a écrit ces mots extraordinaires dans sa lettre à jules Janin : « Vous êtes un homme heureux. Je vous plains, monsieur, d’être si facilement heureux. Faut-il croire qu’un homme soit tombé bas pour se croire heureux ! (…) Je vous plains, et j’estime ma mauvaise humeur plus distinguée que votre béatitude » ; ou encore dans Fusée : « je ne prétends pas que la Joie ne puisse pas s’associer à la Beauté, mais je dis que la Joie (en) est un des ornements les plus vulgaires ; – tandis que la Mélancolie en est pour ainsi dire l’illustre compagne, à ce point que je ne conçois guère (mon cerveau serait-il un miroir ensorcelé ?) un type de Beauté où il n’y ait du Malheur ».

Il faut ici souligner à quel point la rhétorique baudelairienne du clair-obscur explore admirablement ce mélange inextricable de bien et de mal chez le dandy – signe irrévocable d’une primauté, déjà soulignée, du Beau sur le Bien – et saisit avec justesse son élan décadent. « Le dandysme apparaît surtout aux époques transitoires où la démocratie n’est que partiellement chancelante et avilie ». Baudelaire ajoute ensuite : « dans le trouble de ces époques quelques hommes déclassés, dégoûtés, désœuvrés, mais tous riches de force native, peuvent concevoir le projet de fonder une espèce nouvelle d’aristocratie (…) le dandysme est le dernier éclat d’héroïsme dans les décadences ». Nous voyons ici que la décadence, contrairement à une certaine idée de la médiocrité, suppose un dernier éclat ou les vestiges d’une grandeur irréconciliable – du moins dans ses anciennes formes – avec les changements d’un nouveau monde en construction. Les époques de transition (et le XIXe siècle en est une) offrent une sensibilité remarquable à l’idée de décadence. Aussi, à cette période transitoire de notre histoire (XIXe siècle), la fièvre émancipatrice n’a pas encore transformée la tolérance en demande de reconnaissance dont le moteur est évidemment ce désir exécrable d’indistinction porté par les passions relativistes (relativisme qui, par ailleurs, ne s’étend plus aux ennemis du relativisme quant à eux sévèrement jugés). Cette tolérance mal comprise, ou consciencieusement niée au profit de la reconnaissance, se déroule ainsi : je ne souhaite plus seulement que ma différence soit tolérée mais reconnue, c’est-à-dire, précisément, niée en tant que différence, mise à égalité, noyée dans l’indistinction.

bru_CIN91254_038.jpgCe court détour pour rappeler que le dandysme, comme l’a aussi montré Camus, évolue sur le mode de la révolte et non de la révolution. Sartre, dans son Baudelaire, expose le sens de cette nuance : « le révolutionnaire veut changer le monde, il le dépasse vers l’avenir, vers un ordre de valeur qu’il invente ; le révolté à soin de maintenir intacts les abus dont il souffre pour pouvoir se révolter contre eux (…) Il ne veut ni détruire ni dépasser, mais seulement se dresser contre l’ordre. Plus il l’attaque, plus il le respecte obscurément ». Si le dandy a pu pénétrer les milieux aristocratiques les mieux conservés de son temps sans éveiller le moindre rejet (Brummell, par exemple, était membre du cercle du prince George), c’est parce qu’il a su, à la fois, embellir ses déviances et, surtout, ne jamais les revendiquer comme un modèle à suivre : il n’a jamais agité son droit à la reconnaissance et s’est toujours contenté d’une franche indépendance (liberté de de rien vouloir et, par conséquent, de ne rien demander). Le dandy possède cette faculté de transformer un « crime » en vice, une déviance difficilement tolérable (à tort ou à raison) en une fantaisie séduisante ; sa force fut, à la fois, de greffer son cortège de vices sur une nature exceptionnellement distinguée (par son degré d’exigence plastique, intellectuelle et artistique) mais aussi de se maintenir à distance du pouvoir et des revendications politiques, loin, très loin, des lumières criardes de l’ostension révolutionnaire. Peut-être faudrait-il veiller à ne pas oublier cette citation de Benjamin Disraeli : « ce qui est un crime pour le grand nombre n’est qu’un vice pour quelques-uns ». Compte tenu de la nature pécheresse de l’homme, l’harmonie sociale est à ce prix.

mercredi, 18 février 2015

La cité perverse : libéralisme et pornographie

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La cité perverse : libéralisme et pornographie

Entretien avec Dany-Robert Dufour : Autour de la Cité perverse
Ex: http://fortune.fdesouche.com
A : Généalogie d’un libéralisme « ultra »Actu-Philosophia :
Tout d’abord, je vous remercie de me recevoir, pour cet entretien autour de votre ouvrage La Cité Perverse. Libéralisme et pornographie [1], ce qui nous donnera l’occasion d’aborder le reste de votre œuvre, qui se compose à ce jour de plus d’une dizaine d’ouvrages, de très nombreuses collaborations à des revues et journaux (Le Débat, Le Monde Diplomatique, Le Monde, l’Humanité, etc.), et de vos enseignements en tant que professeur en philosophie de l’éducation à l’université Paris-VIII, ainsi qu’au sein d’universités sud-américaines (Colombie, Mexique, Brésil).
 
Dans La Cité Perverse, livre publié aux éditions Gallimard en 2011, vous expliquez que, sans vouloir faire œuvre de moraliste, vous souhaitez mesurer les effets de la perversion, de l’obscénité que nos sociétés postmodernes poussent à leur paroxysme.
Dès le prologue, vous expliquez vouloir créer une science, la « pornologie générale », consacrée « à l’étude des phénomènes obscènes, extrêmes, outrepassant les limites, portés à l’hybris […], survenant dans tous les domaines relatifs au sexuel, à la domination ou à la possession et au savoir, qui caractérisent le monde post-pornographique dans lequel nous vivons désormais. »
 
La crise financière qui a touché le monde en 2008 semble avoir été révélatrice d’une crise bien plus profonde et bien plus large que celle de l’économie financière, et de ce qu’il n’y a, d’ailleurs, pas qu’une seule crise, mais plusieurs, de la même manière qu’il existe un grand nombre d’économies humaines. Quelles sont, selon vous, les causes de que vous décrivez comme un véritable changement de paradigme civilisationnel ?

 

Dany-Robert Dufour : Quand j’ai commencé à travailler sur cette question, je me suis interrogé sur le tournant qui a été pris il y a maintenant une trentaine d’années, qui est le tournant dit « ultra-libéral » ou « néo-libéral », pour m’interroger sur sa nature. Souvent, on analyse l’ultra-libéralisme ou le néo-libéralisme (ce qui n’est pas tout à fait la même chose), dans le seul champ de l’économie marchande. Or, essayant de faire une généalogie du libéralisme, j’ai trouvé que dès le début celui-ci était une pensée totale. Et cela m’a fait remonter bien avant 1980 et la prise du pouvoir par Reagan aux Etats-Unis et Thatcher en Angleterre, à ce moment de naissance de la pensée libérale comme pensée complète, pas seulement économique.

 

Ce fut tout l’enjeu de mon travail dans La Cité Perverse : montrer comment notre métaphysique occidentale subissait une espèce de renversement majeur, puisque l’on passait globalement, entre 1650 et la fin du XVIIIe siècle, du principe qui avait toujours été avancé depuis l’augustinisme, l’amour de l’autre, à l’amour de soi. Il y avait véritablement là, dans la métaphysique occidentale un tournant, qui est bien illustré par Bernard de Mandeville, cet auteur que j’ai contribué, avec d’autres, à sortir de l’oubli et qui a écrit La Fable des Abeilles (1705). Ce texte a récemment reparu en deux volumes puisque outre la fable, on y trouve tous les commentaires de celle-ci faits par Bernard de Mandeville.

 

La fable avance une maxime nouvelle, au double sens de raison pratique et de morale d’une fable. Il est significatif que Mandeville donne en guise de nouvelle morale que l’ensemble des vices privés peut se transformer en vertus publiques. C’est cette équation – puisque c’est véritablement une équation – qui m’a donné beaucoup à penser, puisque cela revient sur ce que les Grecs nommaient l’epithumia (l’âme d’en bas), les « esprits animaux » chez Mandeville, qui devaient être, non plus réprimés, mais libérés.

 

Bernard de Mandeville analysait en quelque sorte l’histoire humaine comme une longue erreur, celle de la répression des vices privés. Il disait qu’en libérant les vices privés, l’on résoudrait tous les problèmes en devenant riches. Car la richesse permet le développement des arts, des sciences, de toute une série d’artifices que nous n’avions pas avant. Et c’est donc ce qui m’a intéressé : ce moment où la métaphysique occidentale est passée d’un principe à un autre.

 

Dans les vices privés, il y a le goût de l’avidité (greed en anglais) ; le fait d’avoir toujours plus (ce que les Grecs appelaient la pléonexie). Bernard de Mandeville dit que c’est une bonne chose, puisqu’en voulant toujours plus, on produit toujours plus de richesses, et cela est bon pour tout le monde. Ce qui s’entend parfaitement dans le second sous-titre de la fable : “Soyez aussi avide, égoïste, dépensier pour votre propre plaisir que vous pourrez l’être, car ainsi vous ferez le mieux que vous puissiez faire pour la prospérité de votre nation et le bonheur de vos concitoyens“. Ce qui peut se condenser en “il faut laisser faire les égoïsmes”.

 

En outre, il ne faut pas oublier que Bernard de Mandeville a aussi écrit un petit livre amusant qui s’appelle Vénus la Populaire, qui est rien de moins qu’une défense et illustration des maisons de joie, des maisons publiques. Tout cela en étant calviniste ! Pourquoi souhaitait-t-il les défendre ? Parce que c’est une promesse de richesse, car, si la prostitution est peut-être une faute morale pour ceux qui s’y adonnent, c’est aussi une richesse potentielle, car la prostituée, pour plaire à ses clients, va solliciter le couturier, qui devra lui faire de beaux atours, et ce couturier de pauvre qu’il était pourra devenir riche et grâce à cela pourra envoyer ses enfants à l’école. Grâce à qui ? A la prostituée. Et, en faisant le raisonnement de proche en proche, le couturier lui-même va devoir demander de beaux draps au drapier, qui lui aussi pourra devenir riche et envoyer ses enfants à l’école et ainsi faire progresser le niveau de culture et d’éducation du peuple. Donc, tous les vices sont utiles, même le vol. Le voleur est celui grâce auquel l’on pourra développer le droit –ce qui implique de construire des universités, de former des professeurs, des juristes, etc. Tout cela grâce au voleur, sans lequel il n’y aurait nul besoin d’avocats, de professeurs de droit, de prisons et d’architectes pour les construire. C’est donc grâce au vice privé qu’une société s’enrichit et fabrique, sans qu’elle le veuille absolument, la vertu publique.

 

J’ai considéré que, dans cette proposition absolument fondamentale bien que paradoxale, résidait le cœur de la pensée libérale. Elle est résumable ainsi : le vice privé fait la vertu publique, et ce dans tous les domaines. Le premier sous-titre de la fable, qui vaut comme morale de la fable, dit d’ailleurs : « Les vices privés font le bien public, contenant plusieurs discours qui montrent que les défauts des hommes, dans l’humanité dépravée, peuvent être utilisés à l’avantage de la société civile, et qu’on peut leur faire tenir la place des vertus morales. »

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On peut lire dans ces propositions, le fondement anthropologique du libéralisme qui fut un des deux courants essentiels des Lumières. Car, contre le libéralisme anglais, s’est développé l’autre courant, le transcendantalisme allemand, notamment avec Kant, qui apporte l’idée de loi morale, selon laquelle je ne peux pas faire n’importe quoi pour mon propre plaisir ou mon propre intérêt, puisque je dois m’interroger sur la possibilité d’ériger mes actions en loi générale. J’ai analysé la modernité comme l’opposition des deux Lumières, anglaises et allemandes, opposition qui fut très féconde et que je considère comme les deux « chiens de faïence » posés sur la cheminée de la modernité, l’un tirant dans le sens de la loi morale, l’autre dans celui de la libéralisation des vices privés. Cette modernité a duré jusque vers les années 1980, à partir desquelles nous avons vu l’apparition de l’ultra-libéralisme, qui s’est libéré de sa contrepartie allemande, et qui a donc entraîné cette promotion de l’avidité, de l’ « avoir-toujours-plus » qui s’est manifesté dans tous les domaines : la finance certes, mais aussi l’obscénité, avec, par exemple, aujourd’hui, l’emprise sans cesse plus grand de la pornographie.

 

Nous sommes alors entrés dans une autre culture, post-moderne, celle du capitalisme tardif. Et c’est ce moment que j’ai essayé d’analyser, comme temps d’une société qui consent, alors qu’elle ne l’avait jamais fait, ni dans les sociétés traditionnelles ni dans les sociétés occidentales, à la promotion du vice privé.

 

Pour bien comprendre ce tournant, il faut remonter à la crise de 1929. Avant 1929, le capitalisme était essentiellement un capitalisme de production. Or 1929 a été une crise de sur-production où plus rien ne se vendait, de sorte que tout s’est effondré, le système bancaire, le système économique – ce qui a entrainé des faillites et des problèmes sociaux en série, comme le chômage de masse. Mais, au lieu de mourir de sa belle mort, comme Marx l’avait prophétisé, le capitalisme a su profiter de cette crise majeure pour de se reconfigurer, en mobilisant les quelques réserves d’achat subsistantes, et devenir peu à peu un capitalisme de consommation, dirigé vers la satisfaction des appétences pulsionnelles du plus grand nombre avec la fourniture d’objets manufacturés, de services marchands, de fantasmes sur mesure proposés par les industries culturelles qui naissent à ce moment-là, offerts au plus grand nombre.

 

Cette société de consommation s’est véritablement mise en place aux États-Unis à partir de 1945 et est progressivement devenue un modèle pour le monde entier. Il se caractérise de flatter toutes les formes d’appétences relevant de ce que l’on appelait autrefois la concupiscence. Le puritanisme a alors été progressivement marginalisé comme quelque chose de rétro, de vieux, de ringard, au profit de cette révolution dans les mœurs, qui correspond au passage d’un capitalisme patriarcal, puritain, à un capitalisme libidinal, libéré, qui propose la plus grande gamme d’objets de satisfaction des appétences.

 

B : Port-Royal, la concupiscence et la fin des « grands récits »

 

AP : Vous donnez un rôle important à Pascal dans le tournant qui voit, au XVIIe siècle, la naissance de la pensée libérale. C’est selon vous chez lui que ce grand renversement s’opère, et vous rappelez en cela la distinction qu’il effectue au Fragment 458 des Pensées entre les trois concupiscences : la libido sentiendi, qui découle de la passion des sens et de la chair ; la libido dominandi, qui est la passion de posséder toujours plus et de dominer ; et la libido sciendi, qui concerne la passion du savoir. Cette distinction célèbre est une reprise du livre X des Confessions de Saint Augustin, s’étant lui-même inspiré de l’Épître de Jean. Or, vous montrez, par l’intermédiaire d’éléments biographiques, que Pascal a lui-même cédé à la libido dominandi. A partir de 1648, il fait des affaires avec le Duc de Roannez…

 

DRD : Oui, et c’est presque à son corps défendant, puisque le malheureux Pascal était très rigoriste. Mais c’était un immense penseur et il se reprochait – après tout ce qu’il a inventé dans le domaine du calcul, de la géométrie, de l’arithmétique, de la physique – d’être sujet à la libido sciendi. Il se punissait donc par toute une série de maladies, en tant que possédé par cette libido sciendi qui avait déjà été repérée dans l’Evangile de Jean, mise en exergue par Saint Augustin et qu’il a ensuite reprise dans le fragment que vous évoquez. Il se reprochait une tendance à la facilité libidinale qui méritaient des punitions corporelles. Pascal est presque un cas clinique : plus il pense, plus il va loin dans le domaine du renouvellement de la science – à l’époque encore prise dans la scolastique du Moyen Age -, plus il invente (calcul sur les coniques, la pression, le vide, sans oublier l’invention de la « pascaline », considérée aujourd’hui comme l’ancêtre de l’ordinateur…, le bilan scientifique est immense !), plus il devient moderne, et plus il se reproche de céder à la libido sciendi. J’ai repéré aussi un épisode, celui dits des « carrosses à cinq sols » où il cède à la libido dominandi. Pascal est quasiment mourant et, étrangement, il se lance dans une affaire extrêmement intéressante avec le soutien du Duc de Roannez, puisqu’il réussit à installer un système de transport en commun dans Paris en anticipant les points nécessaires de jonction et de changements. Il fabrique donc une sorte de métro de surface, avec toute l’intelligence nécessaire à sa conception. Il réussit fort bien dans cette entreprise, et plus il réussit, plus il va se le reprocher en accueillant des gens qu’on dirait aujourd’hui « marginaux », éventuellement porteurs de maladies contagieuses au point qu’il va se retrouver finalement contaminé, et finir par mourir alors qu’il n’a pas atteint sa quarantième année. Ce fut donc pour moi un cas clinique et philosophique très important, puisqu’il a ouvert quelque chose de neuf tout en pensant qu’il transgressait.

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C’est probablement ce qui lui a fait dire (dans le fragment 106) que “La grandeur de l’homme, [c’est] d’avoir tiré de la concupiscence un si bel ordre”. Il aura là ouvert une voie ensuite reprise par Pierre Nicole, un des Messieurs de Port-Royal, qui, entre autres grandes questions philosophiques, s’est interrogé d’une façon complètement nouvelle sur l’idée de vertu. Qu’est-ce qui fait tenir un grand peuple dans la vertu ? Nicole s’aperçoit, à l’époque des grandes découvertes où d’autres formes civilisationnelles apparaissent, que la vertu des chrétiens n’est pas nécessairement indispensable au fonctionnement vertueux d’une Cité. Il reprend là une idée en vogue à l’époque et avance que ce qui pourrait remplacer cette vertu est un « amour-propre éclairé ».

 

Revient donc une nouvelle fois cette idée d’amour-propre, qui avait été complètement interdite depuis Augustin et les augustiniens. Il était pour eux la source de tous les maux. Et l’on aboutit chez Nicole, fils spirituel de Pascal, à la remise à l’honneur de cet amour de soi. Pascal aura donc, à son corps défendant, ouvert la voie pour que cette notion d’amour propre passe, de proche en proche, des jansénistes aux calvinistes, via Nicole, De Boisguilbert, puis Pierre Bayle.

 

Bayle, converti et reconverti plusieurs fois, va être un lecteur infatigable (en témoigne son fameux grand dictionnaire), notamment de Pierre Nicole qu’il qualifie de « plus grande plume d’Europe ». Et c’est là, arrivée chez les calvinistes, que cette notion d’amour de soi, avec les formes qu’elle pendra chez Mandeville, permettra de lancer, non seulement un laboratoire philosophique, mais aussi et surtout un laboratoire économique et social. C’est en effet cette autorisation donnée à l’amour de soi qui va mener à la première révolution industrielle en Angleterre et va, finalement, transformer le monde.

 

AP : Vous montrez que Pascal n’est pas sorti de cette douleur, de ce tiraillement, comme si la foi le quittait, comme s’il n’était pas capable de se « reprendre », en quelque sorte. Il demeure néanmoins toujours une place pour que le cœur de l’homme change, pour autant qu’il puisse se montrer capable de surmonter la délectation de la concupiscence par la charité. Mais plus généralement ce qui est intéressant dans votre livre, c’est que si vous constatez la fin des grands récits, en reprenant le terme de Jean-François Lyotard, vous ne les rejetez pas pour autant.

 

DRD : Absolument. Cela a été la suite de mon travail.

 

AP : Vous pensez même qu’il existe à notre époque ce que vous appelez une « inversion de la dette », qui touche l’éducation, le rapport à autrui, le rapport au sexe. Pouvez-vous préciser cette idée, cette constatation, qui semble transcender jusqu’aux clivages politiques, puisque tout se passe comme si aujourd’hui s’était substituée au clivage classique gauche-droite une opposition plus large entre libéraux et anti-libéraux, postmodernes et anti-modernes ?

 

DRD : Après la Cité Perverse, j’ai été amené à réfléchir sur cette sortie progressive des grands récits, même s’ils restent en quelque sorte en toile de fond, ainsi que sur ce libéralisme culturel tel qu’il a aussi été mis en place par la gauche, au sens d’une possibilité apparue à certains de se libérer de tout, de toute limite. Cela correspondait pour moi à une possibilité de revisiter les philosophies postmodernes promettant une libération totale, et qui, pour moi, sont apparues, trente ans après avoir été exprimées notamment par Deleuze, Foucault et quelques autres, comme une impasse peu viable car nous entraînant dans l’excès, la démesure, le dépassement permanent, la transgression permanente.

 

Cela m’a amené à m’interroger sur les philosophies postmodernes. J’ai traduit cela dans mon travail comme suit : les grands récits sont en passe d’être bousculés par la prolifération des petits récits de satisfaction pulsionnelle – car le capitalisme libidinal c’est cela, des petits récits de satisfaction, le modèle étant le récit publicitaire – et, paradoxalement, les philosophies postmodernes de gauche ont beaucoup contribué à la mise en place de cet ultra-libéralisme transgressif, selon lequel on peut se libérer de tout.

 

Or, étant freudien, je me souviens du Malaise dans la civilisation, selon lequel la civilisation n’est possible qu’à la condition de certaines répressions pulsionnelles. Si l’on permet tout, on va vers le délitement civilisationnel. Donc, certaines répressions sont nécessaires. Par exemple, dans le freudisme, c’est la limite qui est posée à la pulsion, notamment à la pulsion incestueuse de l’enfant, qui, finalement, permet l’accès au désir. En d’autres termes, il faut sortir du rapport fusionnel avec la mère, pour que l’accès à d’autres soit possible. Cela procède d’une répression pulsionnelle.

 

Et il y a bien d’autres répressions pulsionnelles : devoir en passer par le discours, le langage, ne pas prendre directement les objets dans les endroits où l’on se trouve, entretenir des formes civilisées passant par le discours pour demander si l’on peut faire ceci ou cela. Même dans les démarches amoureuses, on fait des manœuvres d’approche, on parle. Dans les communautés humaines, nous sommes tenus à une certaine dignité par l’habit, on ne montre pas son fonctionnement pulsionnel de manière évidente. Nous sommes donc retenus pulsionnellement. Et tout cela fait partie de la civilisation. Nous mangeons avec des fourchettes, nous ne saisissons pas les aliments avec les mains. Il y a donc toute une série de règles civilisationnelles qui imposent une répression pulsionnelle.

 

Cela m’a amené à m’interroger sur les commandements contenus dans les grands récits : « Tu ne dois pas » faire ceci ou cela. Il y a même un Décalogue qui dit clairement ce que l’on ne doit pas faire. Cela m’a donc amené à m’interroger sur ce dont on pouvait se débarrasser, comme répressions supplémentaires, additionnelles, impropres en quelque sorte, imposant une répression surnuméraire, et sur ce qu’il fallait conserver comme étant nécessaire au fonctionnement civilisationnel. J’ai donc écrit ce livre, L’Individu qui vient… après le libéralisme dans lequel j’examine ce dont il faut se débarrasser et ce qu’il faut conserver dans les deux grands récits fondateurs de l’Occident. Le premier étant celui du Logos des Grecs, le second étant celui du monothéisme venu de Jérusalem et refondé à Rome. J’ai donc été amené à examiner de façon précise ce que ces grands récits posaient comme répressions nécessaires au fonctionnement du lien social, et ce dans quoi ils allaient trop loin, en instituant des répressions additionnelles, ce que Marcuse appelait des sur-répressions. Je pense, par exemple, que dans le récit monothéiste, nous pouvons nous débarrasser du patriarcat. On peut et même on doit se débarrasser de l’oppression qu’il contient à l’encontre des femmes, sans remettre en question la primauté du rapport à l’autre sur le rapport à soi.

 

Dany Robert Dufour invité de l’émission “Question de sens” sur France Culture

 

C : Adam Smith et Sade : puritanisme et perversion

 

A.P : Pour en revenir à Adam Smith le puritain, vous écrivez que s’il fait reposer en une instance extérieure à la conscience (le fameux « spectateur impartial ») la loi fondamentale de l’économie, c’est pour permettre au capitaliste de se soumettre à cette voix et accroître sa libido dominandi. D’où la fascination de générations entières de penseurs libéraux pour la main invisible. Or, vous expliquez que la voix du spectateur impartial s’adresse en réalité… aux pauvres ! Et vous citez un passage peu commenté de la Théorie des Sentiments Moraux où il écrit : « Le pauvre ne doit jamais ni voler, ni tromper le riche […] La conscience du pauvre lui rappelle dans cette circonstance qu’il ne vaut pas mieux qu’un autre et que, par l’injuste préférence qu’il donne, il se rend l’objet du mépris et du ressentiment de ses semblables comme aussi des châtiments qui le suivent puisqu’il a violé ces lois sacrées d’où dépendent la tranquillité et la paix en société. » Le pauvre porte ainsi sur ses frêles épaules une énorme responsabilité : celle de devoir modérer ses appétits, pour le bien de tous. N’est-on pas, de nos jours, parvenus à un paroxysme de cette idée, lorsque le « pauvre » est affublé de tous les maux, comme celui de creuser les dettes par ses dépenses inconsidérées en matière de santé publique, de trop réclamer d’aides sociales au moment où près de dix millions de personnes, rien qu’en France, vivent en-dessous du seuil de pauvreté, et qu’apparaissent des travailleurs pauvres ? L’association bien connue ATQ-Quart Monde a publié en 2013 un petit opuscule intitulé En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté, lequel dresse une large liste des idées reçues sur la pauvreté, avec force chiffres issus de sources officielles. Le résultat est simple : on se demande ce que l’on cherche à cacher, ce que l’on parvient à cacher derrière ces accusations. Selon vous, une prise de conscience collective est-elle possible ou sommes-nous condamnés à demeurer dans une société qui véhicule ce type de préjugés ?

 

DRD : J’espère que l’on pourra s’en libérer. Mais pour ce faire, il faut qu’il existe des instances de délibération, de discussion, or, est-ce que nos sociétés fonctionnent avec ces instances ? ce n’est pas sûr. Même si l’information est large, elle relaie souvent des idées toutes faites. Le problème est celui du discours démocratique, qui me semble menacé par la puissance des industries culturelles, médiatiques, qui modèlent l’opinion publique dans le sens de la production de ses idées fausses, qui font toujours recette. Ce qui peut avoir des conséquences dramatiques, avec l’apparition d’un certain nombre de phénomènes politiques dangereux. Je ne sais pas ce que l’avenir politique nous réserve, nous avons vécu des heures sombres, personne ne peut dire qu’il est impossible de les revivre.

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AP : Vous accordez, dans votre réflexion, une place très importante à Sade. Ses écrits ont pour vous une portée hautement philosophique, vous écrivez même que Si Marx avait lu Sade, « Nous n’aurions pas eu cette division hautement dommageable entre Marx d’un côté pour l’économie des biens et Freud de l’autre pour l’économie libidinale […] nous aurions pu disposer d’une économie générale des passions […] Nous aurions évité la captation et le fourvoiement des esprits rétifs à la théodicée smithienne dans ces fausses alternatives au capitalisme que furent les économies socialistes, qui ne pouvaient conduire qu’au plus lamentable des fiascos. » D’abord, vous ne ménagez personne, et ensuite, peut-on dire que l’on trouve exprimée là le cœur même de votre pensée politique, qui se situerait à la confluence d’un marxisme et d’un freudisme attentifs aux conséquences d’un monde pulsionnel profondément désymbolisé, dont Sade aurait en quelque sorte eu la prescience ?

 

DRD : Oui, Sade est véritablement l’ange noir du libéralisme. C’est celui qui dit en quelque sorte : « Vous voulez mettre au premier plan l’amour de soi ? Vous voulez mettre au premier plan l’égoïsme ? Et bien allons-y. » Et il construit donc toute une série d’utopies, ou plutôt de dys-topies, dans lesquelles il montre un monde qui serait entièrement régi par l’égoïsme, c’est-à-dire par un fonctionnement purement pulsionnel. Et dans cette mesure, oui, je fais grand cas de Sade. Ce n’est pas que j’aime lire Sade, car – tous les grands lecteurs de Sade, de Bataille à Annie Lebrun, l’ont signalé – sa lecture rend malade, mais il a mis le doigt sur quelque chose d’important : si vous mettez l’égoïsme au premier plan, voilà ce que cela donne. Et c’est insupportable – relisez pour vous en convaincre Les Cent Vingt Journées de Sodome ou revoyez le film qu’en a tiré Pasolini. On ne peut donc pas fonctionner que sur le plan pulsionnel.

 

C’est pour cela que je trouve important de voir le capitalisme comme quelque chose qui, à partir d’un certain moment, en 1929 – ce que j’appelle le « retour de Sade » – s’est de plus en plus mis à fonctionner sur un plan purement pulsionnel. C’est ainsi qu’il faut faire une analyse de la manière dont les pulsions fonctionnent, car elles reconfigurent le monde lorsqu’on les laisse aller à leurs fins : la mise au premier plan de l’avidité, notamment dans le monde de la finance, ou de l’obscénité dans la culture post-moderne, etc. Il faut, je crois, s’interroger sur le devenir de notre monde s’il devient entièrement pulsionnel. En ce sens, je prends Sade comme celui qui permet de construire une mise en garde, plutôt que comme quelqu’un qui exalte ce fonctionnement pulsionnel.

 

D : Les manifestations modernes de la servitude volontaire dans la Cité perverse

 

AP. : Vous rappeliez tout à l’heure l’importance du « moment » Reagan-Thatcher dans les années 80. Dans le deuxième chapitre de votre Cité Perverse, vous écrivez : « La révolution passive du capitalisme accoucha [...] de ces jeunes ambitieux cyniques, obsédés par l’argent et la réussite. Soit ceux-là mêmes qui ont pris, à partir des années 1980, la direction du monde. » Vous décrivez là les jeunes générations qui usèrent comme d’un leitmotiv du « greed is good » de la longue tirade prononcée par Gordon Gecko alias Michael Douglas, dans le film « Wall Street » d’Oliver Stone sorti en 1987 qui devint, à son corps défendant, un film culte pour toute cette génération avide d’argent facilement et rapidement gagné. Vous dites par ailleurs qu’aux Etats-Unis, quelqu’un a joué un rôle très important : Edward Bernays, le neveu de Freud…

 

DRD : Bernays est un personnage très important, il a été reconnu par le magazine Times comme une des cent personnalités les plus importantes du XXème siècle, et il a contribué à créer ce que l’on appelle aux Etats-Unis les public relations. Cela a à voir avec le marketing : il ne faut pas oublier que son premier livre s’appelle Propagande, au sens littéral du terme, soit comment manipuler l’opinion des gens. Il a eu pour lecteur et admirateur Joseph Goebbels…

 

Il a expliqué comment manipuler les désirs des individus, afin de leur donner, par le marché, un certain nombre de satisfactions en rapport à des désirs cachés. Il a permis de mettre en adéquation les désirs supposés des individus et des produits correspondants.

 

Je raconte, par exemple, l’épisode qui me semble inaugural et qui se passe en 1929 : la façon dont les femmes ont cru, à la suite de certaines mises en scène de Bernays, pouvoir se libérer… en fumant. Comment ? Tout simplement en prenant le petit objet phallique qui était à disposition des hommes seulement – les femmes qui fumaient étant alors considérées comme dévergondées-, elles ont été amenées à penser se libérer de l’oppression masculine en se mettant à fumer à leur tour. C’est ainsi qu’une opinion peut être manipulée, pour mettre en face d’un supposé désir, l’objet manufacturé, qui peut prétendument le satisfaire. Nous avons affaire aujourd’hui à un marketing généralisé, qui utilise la psychologie profonde, la psychanalyse comme le neveu de Freud savait le faire, mais qui utilise aussi la philosophie.

 

Par exemple, la philosophie deleuzienne a été exploitée d’une façon incroyable avec la reprise par la publicité de l’idée de nomadisme. Soyez nomades, ne dépendez plus de personne, déplacez-vous quand vous le voulez, ayez votre téléphone et vos produits nomades et vous serez complètement libres. Achetez les produits nomades pour ne plus dépendre de personne. Moyennant quoi les gens sont aujourd’hui accrochés à leur portable, doivent travailler en dehors de leurs heures de travail, car ils sont continuellement branchés. C’est aussi une des formes de la manipulation, où, en face d’un supposé désir de nomadisme, c’est-à-dire de sortie des groupes, des clans, de la famille, des communautés, l’on m’offre à acheter des produits qui permettent de faire de moi un vrai nomade, c’est-à-dire quelqu’un qui est continuellement branché. Drôle de nomade, en fait.

 

On met aussi aujourd’hui à profit la neuro-économie, dans la prise de décision d’achat, avec dans l’entourage de tout ce que l’on veut vendre, toute une série de sons, de couleurs, de musiques, supposés euphorisants, suggérant le bonheur, la liberté, et qui ainsi associés au produit, ont pour effet de précipiter la décision d’achat. Ainsi pour être libres, on s’aliène avec le produit. Tous ces mécanismes mettent en lumière un psycho-pouvoir. Nous pensons être libres mais c’est uniquement à la condition de s’aliéner immédiatement à la cigarette, aux produits qui nous poursuivent jour et nuit, comme le portable qui permet aux autres de suivre nos mouvements, nous déranger pendant les heures de repos.

 

AP : Ce qui est très étonnant c’est que, tout à coup, l’homme consent à son propre esclavage…

 

DRD : Exactement, c’est une nouvelle forme de servitude volontaire. C’était le sous-titre d’un de mes livres : la servitude volontaire à l’époque du capitalisme total [2].

 

AP  : D’où vient cette fragilité de l’homme ? Est-ce que cela vient de ce que vous appelez dans un autre ouvrage sa néoténie ?

 

DRD : Oui je pense qu’il faut évoquer ici la néoténie qui permet de comprendre que nous ne sommes pas finalisés pour occuper une place définie dans la hiérarchie des espèces, puisque nous naissons inachevés à la naissance. À la différence des animaux, nous n’avons pas d’instinct nous amenant à occuper une place particulière ; nous avons des pulsions, qui veulent tout et n’importe quoi. Cela crée une très grande débilité, au sens fort du terme, celui de faiblesse, de fragilité. Nous ne sommes pas fixés dans un monde qui est naturel, nous participons à un autre monde qui est celui du langage, de la culture, dans lequel les significations sont extrêmement mouvantes, sujettes à fluctuations et manipulations. C’est notre fragilité fondamentale. Mais cette fragilité est aussi la beauté de l’homme, cela le sort du règne animal, et lui permet de chercher sa voie, sa route.

 

C’est au fond par là qu’a commencé la Renaissance, avec le fameux « discours de la dignité humaine » de Pic de la Mirandole : vous n’êtes pas finalisés pour être ici plutôt qu’ailleurs, c’est donc que vous devez vous achever vous-mêmes. C’est une très belle mission, car c’est la part de liberté que Dieu, s’il existe, nous laisse. Pour une part, vous êtes formatés, mais pour une autre, c’est à vous de vous créer, pour le meilleur et pour le pire.

 

AP : La tentation de la sortie de la réflexion personnelle et du silence n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui. L’homme est fondamentalement fragile mais il l’est rendu encore plus par une société pulsionnelle tentatrice…

 

DRD : Oui, elle pourvoit à tout, à toute pulsion, à toute passion. Ce que vous voulez, on vous le donne. Il n’y a plus de place pour ce que l’on appelait auparavant le retrait, toutes les expériences philosophiques de réforme de l’entendement par le retrait, se retirer du monde, penser par soi-même, etc. Nous sommes aujourd’hui constamment sollicités. Je milite beaucoup pour la reconstitution de cette capacité de retrait par rapport au monde : avoir un temps de pensée personnelle. Je rejoins, par exemple, des auteurs comme Pascal Quignard qui lui aussi recommande certaines formes de retrait. Ne pas être le battant performant que l’on exige que je sois. Ce temps hors monde me semble un temps important pour l’édification de soi.

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AP : Il est donc pour vous encore temps de faire primer le fonctionnement symbolique sur le fonctionnement pulsionnel ?

 

DRD : Je l’espère bien ! Même si cela devient difficile. Nous sommes tout le temps immédiatement embarqués dans un fonctionnement pulsionnel marchand. Le retrait pour un fonctionnement symbolique n’est donc pas gagné d’avance.

 

E : Le programme du Conseil National de la Résistance

 

AP : En 1943, la philosophe Simone Weil a rejoint la France Libre, sur recommandation de son ami Maurice Schumann, où elle est devenue rédactrice. Elle y rédigea un rapport plus tard publié par Albert Camus chez Gallimard qui s’appelle L’Enracinement. Ses propositions ont été, pour certaines, reprises dans le programme du Conseil National de la résistance (CNR), et vous en parlez dans votre dernier ouvrage, L’individu qui vient. Pouvez-vous nous parler de ces propositions et recommandations et nous dire pourquoi elles retiennent tant votre attention. N’est-ce pas dommage qu’elles n’aient jamais été suivies ?

 

DRD : De celles qui ont été mises en place hier, on essaie de sortir à toute force aujourd’hui. La décision de la publication de ce programme, Les Jours Heureux, se prend dans la clandestinité, en 1944. La question qui se pose est : comment refonder un monde sur le principe de dignité ? C’est un programme qui fut fondé non sur l’égoïsme de l’ultra-libéralisme des années vingt aux Etats-Unis qui à mené à la crise de 1929, laquelle a entrainé l’émergence du nazisme en Allemagne, où les foules se sont mises en recherche de l’homme providentiel désignant des boucs émissaires. La question qui se pose à ceux qui sont engagés dans la Résistance est donc celle de la reconstruction d’un monde sur le principe de dignité, et ils vont prendre toute une série de mesures politiques, par exemple le droit de vote accordé aux femmes. Il a fallu attendre 1945 en France pour s’aviser que les femmes étaient aussi capables de pouvoir penser par elles-mêmes et donc bénéficier du droit de vote. Ce sont aussi des principes économiques, l’intérêt collectif primant sur les intérêts individuels dans la grande industrie, dans la banque, la finance. C’est la liberté de conscience, la liberté de presse, le droit à l’éducation, la santé, au travail, à une protection sociale. Or, ces grandes mesures sont, depuis quelques années, remises en question, accusées d’empêcher la compétitivité de la France. Il faudrait détruire tout cela pour en revenir à un ultra-libéralisme équivalent à celui des années vingt, qui fait la toile de fond du grand roman de Francis Scott Fitzgerald, Gatsby le Magnifique, lequel a récemment fait l’objet d’une belle adaptation cinématographique par Baz Luhrmann. Ce n’est un hasard si l’histoire est racontée par un employé de Wall Street, qui constate la folie, la démesure propres à l’ultra-libéralisme, qui renvoient au film dont vous parliez, Wall Street d’Oliver Stone.

 

L’ultra-libéralisme qui triomphe à partir de 1980 reprend en quelque sorte les idées des années vingt et ne peut que s’en prendre à ce qui a été mis en place après 1945. Désormais, le programme du CNR est désigné comme étant ce dont il faut se débarrasser, dans le but de détruire tout ce qui a été édifié à cette époque-là par cette alliance entre les résistants de tous bords que le gaullisme a su fédérer.

 

AP  : Et celle alliance se fait, par nécessité, au-delà des antagonismes idéologiques, en dehors des partis. Et Simone Weil a écrit un petit opuscule, à ce sujet, intitulé Sur l’interdiction des partis politiques. N’est-on pas aujourd’hui confrontés, plus qu’à la crise d’une idéologie, à une crise de la démocratie elle-même ?

 

DRD  : Une crise politique, bien sûr. L’opposition gauche-droite ne signifie plus grand-chose. Nous avons besoin d’autres expressions politiques.

 

AP : On constate d’ailleurs l’apparition d’une gauche que ses contempteurs nomment « réactionnaire », repérable dans les travaux, notamment, de Jean-Claude Michéa.

 

DRD : Je connais Jean-Claude Michéa et je crois pouvoir dire que nous nous apprécions mutuellement, et je suis considéré comme lui comme un néo-réactionnaire. J’analyse le capitalisme ultra-libéral dans son fonctionnement actuel et on me dit néo-réactionnaire, ce qui est tout de même un comble.

 

F : Sur la négation de la « sexuation » : un effet de la pensée permissive

 

AP : Pour ne rien arranger, vous abordez notamment la question de la négation de la sexuation dans nos sociétés postmodernes, qui vous amène à faire une critique de fond du transsexualisme. On vous reproche en conséquence d’être contre les transsexuels, ce qui est évidemment pas le cas, mais vous expliquez que c’est un exemple – et vous faites grand cas des exemples, des faits, puisque vous distinguez entre le fait divers et le fait de structure – ce qui rend votre lecture intéressante, vivifiante et passionnante, car le lecteur voyage dans la philosophie ainsi que, au travers des faits de structure, dans le monde tel qu’il se présente à nous.

 

DRD : Les concepts philosophiques sont pour moi des moyens d’appréhender des éléments et évènements du monde dans lequel nous vivons. Je ne me situe pas dans le monde pur des idées, les concepts sont pour moi des moyens de comprendre et d’entrer dans le monde. Le transsexualisme est à ce titre un symptôme de notre monde. Il doit être analysé avec des concepts philosophiques et psychanalytiques mettant en jeu de grandes questions telles que la constitution et la survie de notre espèce en tant que sexuée. Cette différence sexuelle partie du réel avec lequel nous devons nous accommoder. Nous sommes vivants et donc homme ou femme. Mais nous sommes aussi parlants et il se peut que quelque chose en nous objecte à ce que nous soyons tombés de tel ou tel côté de la sexuation. Je veux dire qu’une femme peut se sentir plus homme que femme ou l’inverse, et je n’ai rien à redire à cela. Rien n’interdit de fantasmer, de se fantasmer autre que ce que nous sommes. Mais à partir du moment où l’on veut devenir vraiment une femme alors que l’on est un homme, ou l’inverse, je pense qu’il y a là une limite à signifier au fantasme. En effet, ce n’est pas parce que je me pense femme si je suis homme, ou l’inverse, que je peux vraiment le devenir. Je peux me travestir et cela fait partie des droits de l’homme. Ainsi porter des vêtements de femme si je suis un homme est une chose, mais passer d’un corps d’homme à un corps de femme en est une autre, car c’est de toute façon impossible. Je pourrais bien faire couper ou ajouter ce que je veux, j’aurai toujours en moi le gêne SRY de la détermination sexuelle qui me désignera à jamais comme mâle ou femelle.

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Or, il y a aujourd’hui toute une industrie médicale et chirurgicale qui promet le changement de sexe, ce qui est un mensonge. On peut changer d’apparence, de look, mais pas de sexe.

 

Du coup, cela m’oblige à prendre position dans le débat sur la PMA et la GPA. Je ne suis pas opposé à ce que des homosexuels adoptent des enfants, car de nombreux enfants ont été recueillis et élevés par des voisins, des oncles ou (sans mauvais jeu de mots) des tantes, et rien ne permet de penser que les homosexuels seraient de plus mauvais parents que bon nombre d’hétérosexuels. Mais on doit veiller à ce que l’enfant ne puisse pas se penser comme fils ou fille de parents adoptifs homosexuels. Ce serait, à ce moment-là, introduire en lui l’idée qu’il aurait échappé à la division sexuelle. C’est pour cela que dans un article du Monde j’ai milité pour qu’on distingue, dans l’identité, deux niveaux juridiques : celui de la procréation (qui sont les parents réels, les géniteurs), et celui de la filiation (qui sont les parents subrogés, ceux qui éduquent l’enfant).

 

Un enfant doit en effet toujours savoir qu’il est né d’un homme et d’une femme, même s’il est élevé par des homosexuels. Sans cette obligation, il ne peut y avoir que des catastrophes provoquées par un déni de réel, comme penser qu’on est l’enfant de deux hommes ou de deux femmes.

 

AP : Il y a un certain nombre de dérives, notamment aux Etats-Unis, où l’on féconde in vitro des enfants pour des couples, et où des sociétés proposent presque de choisir son enfant, comme on choisit une voiture, sur catalogue. Le processus de procréation est ainsi nié, et l’enfant n’est que le fruit d’une manipulation biologique.

 

DRD : La technique doit être ici interrogée. Certaines techniques permettent aujourd’hui la réalisation, le passage au réel du fantasme. Elles mettent en question le réel sur lequel nous sommes anthropologiquement fondés.

 

G : Le dépassement de la structure binaire du structuralisme (de Lévi-Strauss à Blanchot)

 

AP : J’aimerais revenir sur l’importance que vous donnez à la littérature, et notamment à Blanchot, que vous appelez comme « Le grand lecteur du XXème siècle », et ce dès Faux pas et La Part du Feu. Il a inspiré des philosophes-écrivains comme Barthes, Derrida, Foucault, qui font se rencontrer littérature et philosophie. Il fut l’inventeur de « formes rhétoriques saisissantes », écrivez-vous, résultat du maniement très adroit de la figure unaire, « qui permet l’échange de tout en rien, de rien en tout, de l’absence en présence… ». Blanchot demeure selon vous une figure tutélaire invisible. Cette forme unaire fait l’objet de votre premier ouvrage Le Bégaiement des maîtres : Lacan, Émile Benveniste, Lévi-Strauss [3] publié en 1988, dans lequel vous reveniez sur l’enseignement des maîtres du structuralisme. Pouvez-vous préciser ce que vous entendiez par la « structure unaire » de l’énonciation et à quoi celle-ci s’oppose ?

 

DRD : J’ai commencé mon travail de philosophe en essayant de sortir de la logique binaire du structuralisme, qui était contemporain, par Lévi-Strauss par exemple, de la naissance de la cybernétique. Ce n’est pas un hasard s’il a écrit Le cru et le cuit qui est devenu le premier tome des Mythologiques : ce titre évoque une opposition binaire. Et, de fait, Lévi-Strauss analyse les structures de parenté ou le fonctionnement du mythe à l’aide de ces structures binaires. Cela m’est apparu et m’apparaît toujours comme extrêmement important, mais très réducteur, car c’est oublier qu’il y a d’autres types de structures, comme la structure trinitaire (c’est pour cela que mon deuxième livre s’appelait Les Mystères de la Trinité, dans lequel j’ai travaillé sur les formes trinitaires dans l’inconscient, le récit et l’énonciation), et la forme unaire. Un exemple fameux de forme unaire est la parole biblique : « je suis celui qui suis ». Ehièh Ascher Ehièh. Ce qui permet l’auto-fondation de Dieu. A partir d’un moment, cela n’a plus été réservé à Dieu, si je puis dire. Ce n’est pas un hasard si, à partir de 1946, après guerre donc, Benveniste et Jakobson ont affecté cette formule désignant le Grand Sujet aux petits sujets. Comme si Dieu, du fait des exactions des hommes, était mort et que les petits sujets ne pouvaient plus désormais compter que sur eux-mêmes pour se fonder. Cela a donc mis à l’ordre du jour une autre structure, qui est la structure unaire, le « Je qui dis Je » dans laquelle le prédicat et le sujet sont le même. C’est ma lecture de Blanchot qui m’a guidé sur ces structures unaires, il m’a fait sortir de l’emprise binaire totale qu’avait à un moment donné le structuralisme. Même si je ne récuse pas l’idée qu’il existe des structures binaires, je persiste à croire qu’il existe aussi des structures trinitaires et unaires qui sont particulièrement en jeu dans les domaines révélés par les écrits bibliques, la grande littérature. On doit pouvoir les remettre à l’ordre du jour pour penser des phénomènes importants dans le champ de la subjectivation et dans le champ du rapport à l’autre, c’est-à-dire dans les domaines de l’être-soi et de l’être-ensemble. Par exemple : nous ne sommes jamais deux lorsque nous parlons, mais toujours trois. Car quand je parle, « je » parle à un « tu » à propos de « il », lequel renvoie à ce dont nous parlons. Dès que nous ouvrons la bouche pour dire « je », nous sommes donc spontanément trois. Dans le dialogue, nous sommes trois. Mes travaux s’initient à partir de cette sortie du structuralisme pur et dur, qui m’avait beaucoup influencé quand j’étais jeune, et cela m’a contraint à aller rechercher ces autres structures ailleurs : dans le récit biblique et dans la grande littérature, notamment celle de Blanchot ou de Beckett.

 

H : Le libéralisme anti-utilitariste (Constant, Tocqueville) et le kantisme

 

AP. : On aura compris que vous critiquez le libéralisme (en réalité plutôt l’ultra-libéralisme) et en particulier la pensée d’Adam Smith et l’influence très forte qu’il a eu sur l’émergence d’une société fondamentalement perverse. Mais il existe un libéralisme français et anti-utilitariste chez Benjamin Constant et Alexis de Tocqueville. Pourquoi ne pas en parler, puisqu’il permettrait peut-être de montrer que plus qu’une crise du libéralisme, il s’agit d’une déviance d’un certain libéralisme, au sein de ce qui serait en réalité une crise de la démocratie ?

 

DRD : Je ne critique pas le libéralisme politique qui est selon moi une nécessité et une évidence, ce qui m’inquiète c’est le libéralisme économique, ultra, qui étouffe même le libéralisme politique. Il est vrai que je parle peu du libéralisme de Constant et Tocqueville, cela reste quelque part dans ma tête, car je me sens en accord avec ce libéralisme politique, et je le sens même menacé par le libéralisme économique qui prévaut à l’heure actuelle. J’espère avoir le temps d’en repasser par ces auteurs.

 

AP. : Vous opposez Sade à Kant, pour des raisons qui sembleront évidentes. Vous écrivez même dans le deuxième chapitre de la Cité Perverse que La Religion dans les limites de la simple raison a paru la même année que La philosophie dans le boudoir, en 1795. Nous notez que dans son livre Kant semble parler du cas Sade, lorsqu’il évoque « celui qui a choisi l’égoïsme, l’amour inconditionnel de soi », rappelant ainsi la figure du « scélérat » chez Sade. Or il apparaît toujours compliqué de savoir ce que Kant entend par « raison pratique ». Constant fait apparaître, dans la querelle qui les oppose à propos du mensonge, quelque chose d’assez effrayant chez Kant, et qui est en quelque sorte l’anti-humanisme de sa morale. On se souvient de la phrase de la Doctrine du Droit : « La politique doit plier le genou devant la morale. » Cela mènera plus tard, peut-être, à une raison fondamentalement technocratique que l’on retrouve chez Habermas dans sa théorie de l’agir communicationnel. Habermas grand défenseur de l’Europe, elle-même monstre technocratique par excellence…

 

DRD : J’ai été amené à travailler sur la querelle entre Benjamin Constant et Kant par Jean-Claude Michéa qui me faisait la même objection : en suivant sa loi morale, Kant aurait pu dénoncer des résistants à la police vichyste. En fait, je pense que c’est plus compliqué que cela. Vous savez que Kant a écrit un essai sur le mal absolu, et je crois qu’il n’a pas eu le temps d’en écrire un autre sur le mal relatif. C’est donc à nous de l’écrire. S’il l’avait écrit, il aurait résolu autrement sa querelle avec Constant (d’ailleurs au moment de celle-ci, il ne se souvenait plus très bien de quoi Constant parlait). Il aurait convenu qu’il faut parfois mentir pour sauvegarder une forme de loi puisque celle-ci n’est pas nécessairement incarnée dans un pouvoir politique. Il faut ici, je crois, distinguer entre pouvoir et autorité. Celui qui a le pouvoir ne dispose pas nécessairement de l’autorité qui, seule, est conférée par la loi. Or, la loi renvoie à ce qui est supérieur à toute forme de représentation par des individus qui occupent des fonctions de pouvoir. Kant aurait donc pu écrire un essai sur le mal relatif, dans lequel il aurait fini par dire qu’il ne faut absolument pas dénoncer ses voisins à un pouvoir venant frapper à la porte, parce que ceux qui s’en réclament ont peut-être, plus que d’autres, désobéi, pour conquérir le pouvoir, à cette loi supérieure. On ne peut donc pas régler le sort de Kant en affirmant qu’il fait allégeance au pouvoir, sauf à aller dans le sens d’un formalisme comme celui d’Habermas, ou pire, dans le sens de ceux qui disent que Kant a anticipé le nazisme, ce qui est un contresens philosophique total, malheureusement commis par quelques philosophes, comme Onfray.

 

I : Philippe Muray. L’Europe

 

AP : Une dernière question. Que représente pour vous la transformation de la contestation du monde marchand ? N’a-t-elle pas fini par devenir acceptation, pire, participation à celui-ci, qui semblait pourtant être une des raisons de la colère de la jeunesse bourgeoise de mai 68 ? Le cas Cohn-Bendit semble à cet égard tout à fait significatif : membre du Parlement européen pendant plus de vingt ans, partisan d’une Europe fédérale, donc destructrice des Etats-Nations pourtant fondements de la citoyenneté européenne, il a toujours soutenu une organisation politique dont la structure est fondamentalement technocratique. Au fond, tout se passe comme si les libertaires de Mai 68 s’étaient formidablement retrouvés dans le libéralisme libertaire permissif, qui semble vouloir en finir avec l’homme, passer à une civilisation post-humaine dans une Europe branchée, férue d’art contemporain insignifiant ou de fêtes incessantes, que fustigeait un écrivain que vous citez beaucoup et dont vous saluez le talent : Philippe Muray. « L’Occident s’achève en bermuda », écrivait-il. Pour lui, la postmodernité montre une réelle « régression anthropologique », du point de vue de l’art, de l’éducation, des loisirs, du rapport à l’histoire, aux différentes pratiques humaines…

 

DRD : Tout d’abord, un mot sur Philippe Muray. Il est évident que c’est une délectation de le lire, tant c’est un homme libre, qui n’appartient pas au carcan de la gauche hédoniste transgressive dont nous parlions, et qui analyse tous les effets réactionnaires de la transgression, justement. Il pense le monde vers lequel cela peut nous amener. On l’a classé à droite, mais il peut à mon avis aussi bien être classé à gauche, voire à l’extrême-gauche. D’ailleurs il vient de ce monde, il a été soixante-huitard sans le renier. C’est un analyste merveilleux, un homme qui n’est pas embarrassé par toutes les formes prégnantes du libéralisme de gauche, de son politiquement correct, il y va donc de bon cœur, et le lire est tout à fait revigorant.

 

Ensuite, sur la forme que pourrait avoir une Europe. Il est évident le capitalisme marchand et financier ne peut pas souffrir la conservation des Etats, puisqu’ils sont ce qui ne peut que freiner la circulation toujours élargie de la marchandise, en imposant des règlements sanitaires, le droit du travail, ou des formes de régulations économiques et financières.

 

Donc, la visée de ce capitalisme marchand et financier est clairement la destruction des Etats. Maintenant, faut-il se diriger vers des formes de souverainisme à l’ancienne ? Je ne crois pas. Car les États n’ont plus la force de s’opposer aux flux marchands, et peuvent être contournés très facilement. La solution serait peut-être de mettre en sourdine leurs différences, qui ont amené à tant de guerres en Europe, et de mettre ensemble ce que les Etats-Nations européens ont en commun, sous la forme, par exemple, d’une fédération qui pourrait alors avoir la force suffisante pour réguler les flux marchands et financiers.

 

__________________________________________________

 

La Cité perverse

. Libéralisme et pornographie

 

 

Notes :

 

[1] Dany-Robert Dufour, La Cité perverse. Libéralisme et pornographie, Gallimard, coll. Folio, 2012

 

[2] cf. Dany-Robert Dufour, L’art de réduire les têtes. Sur la nouvelle servitude de l’homme libéré à l’ère du capitalisme total, Denoël, 2003

 

[3] Dany-Robert Dufour : Le bégaiement des maîtres : Lacan, Emile Benvéniste, Lévi-Strauss, 1988, Bourin, 1994

Citoyen lambda atteint de "liberté d'expression"

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La lente mise à mort de la liberté d’expression

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La lente mise à mort de la liberté d’expression

Auteur : Nicolas Bourgoin 
Ex: http://zejournal.mobi

Jamais un gouvernement n’aura fait autant reculer les libertés publiques que celui de Manuel Valls, à croire que la champ d’action du ministre de l’Intérieur se réduit à sanctionner l’expression d’opinions dissidentes. Chaque affaire médiatique est l’occasion de nouveaux reculs : affaire Mehra, affaire Clément Méric, affaire Dieudonné, fusillade de Bruxelles, attentat de Charlie Hebdo… autant de fenêtres d’opportunité pour gagner le soutien de l’opinion et faire passer des lois liberticides. Chaque situation de crise provoque un sentiment d’anxiété sociale appelant une reprise en main par l’État : le gouvernement et les médias dominants sont passés maîtres dans l’art de manier à  dessein ce mouvement d’insécurisation/sécurisation par lequel ils soumettent l’opinion. On assiste ainsi à une véritable mutation du contrôle social : hier l’instrument du combat contre la délinquance classique, il est aujourd’hui le moyen de défendre un ordre qui se veut moral et républicain mais qui est surtout identitaire et discriminatoire. Façonner les consciences et sanctionner les récalcitrants, voilà pour l’essentiel à quoi se réduit la politique autoritaire du gouvernement socialiste. Elle est le point d’achèvement d’un processus qui débute au milieu des années 1980 et dont nous voudrions rappeler ici les grandes lignes. 

A l’origine de la politique actuelle, le tournant de la rigueur

On n’a sans doute jamais mesuré totalement les conséquences du changement de cap décidé par le gouvernement Mauroy en mars 1983. Confronté à une fuite de capitaux, à un creusement du déficit budgétaire et à une série d’attaques contre le franc, François Mitterrand abandonne la politique de relance par la consommation qu’il avait suivie jusque là. Son souhait de maintenir la France dans le Système Monétaire Européen a eu raison de ses ambitions réformatrices inspirées du Programme commun d’union de la gauche.  Suivra alors une politique sociale-libérale qui montera en puissance avec la nomination de Laurent Fabius à Matignon –  privatisations, blocage des salaires, déréglementation des marchés financiers, orthodoxie budgétaire et promotion du modèle entrepreneurial – totalement à rebours des promesses de campagne du candidat Mitterrand. Dans leur conversion à l’économie de marché, les socialistes ont fait preuve d’un zèle remarquable : une note de l’Insee de 1990 donne même à la France la palme européenne du monétarisme et de la rigueur budgétaire, devant la Grande-Bretagne de Margaret Thatcher et l’Allemagne d’Helmut Kohl. Et deux ans plus tard, le Parti Socialiste fera logiquement le choix d’adopter le très libéral traité de Maastricht.

Hollande dans les pas de Mitterrand

Entre la justice sociale et l’intégration européenne, le gouvernement socialiste de Pierre Mauroy a choisi et n’est jamais revenu sur cet engagement lourd de conséquences.

Trois décennies plus tard, l’histoire se répète. Le cocktail est identique : intégration européenne à marche forcée, libéralisme économique et austérité budgétaire. L’équation aussi : de quelle légitimité le Parti socialiste et ses alliés peuvent se prévaloir pour mettre en oeuvre une politique qui trahit leurs engagements de campagne et ne répond en rien aux attentes des classes populaires ? La réponse est à l’avenant : éluder la question sociale en faisant diversion sur les questions de société. La recette « droite du travail/gauche des valeurs » avait bien fonctionné dans les années 1980 : lutte contre le racisme et l’antisémitisme, avec l’appui logistique de SOS Racisme lancé en 1984, en lieu et place de la défense du travail contre le capital. Le combat électoral contre le Front National devient rapidement le seul marqueur de gauche d’une politiquetotalement acquise aux intérêts du capital, et d’autant plus aisément que la démission économique des socialistes favorise la montée en force du vote protestataire d’extrême-droite.

Choc des civilisations contre lutte des classes

Mais pour la période actuelle, le tableau est légèrement modifié par une touche supplémentaire : le gouvernement socialiste a fait sienne la rhétorique de la « guerre contre le terrorisme », héritage des années Bush. L’alignement complet de la diplomatie française actuelle sur les intérêts du bloc américano-sioniste influence aussi sa politique intérieure. De fait, la question sociétale rejoint aujourd’hui la question identitaire : civilisation judéo-chrétienne d’un côté, Islam « barbare et conquérant » de l’autre. Les thèmes fétiches de la gauche – défense de la laïcité et combat contre l’antisémitisme, notamment – sont passés à la moulinette néoconservatrice. La politique actuelle sort ainsi les valeurs républicaines du contexte de l’immigration et des questions d’intégration qui était le leur dans les années 80 pour les inscrire dans une problématique du choc des civilisations : « Je suis Charlie » (contre la barbarie islamiste) en lieu et place de « Touche pas à mon pote ». Mais dans tous les cas, il s’agit encore de masquer la question sociale par la question identitaire : aviver les tensions communautaires entre français dits « de souche » et français issus de l’immigration pour désamorcer la lutte des classes et tourner le dos à la justice sociale. Et souvent à grands renforts de communication : l’union sacrée face au terrorisme affichée lors de la mobilisation générale du 11 janvier a relégué au second plan les antagonismes de classe, servant ainsi les intérêts des élites politiques et financières.

Catéchisme républicain et pénalisation de la dissidence

Comment obtenir l’adhésion du peuple à une politique contraire à ses intérêts ? Seule une minorité peut tirer profit du libéralisme économique et de la montée en force des tensions communautaires. L’adhésion spontanée étant donc exclue, il ne reste que le conditionnement idéologique et la pénalisation de la dissidence, deux recettes qui ont notamment fait leurs preuves dans le contexte de crise politique provoquée par la fusillade de Charlie Hebdo. L’anxiété sociale alimentée par la couverture médiatique de l’Islam radical suscite une demande de sécurité et permet au gouvernement de mener sa chasse aux sorcières avec le soutien de l’opinion. Des dizaines de procédures judiciaires pour apologie du terrorisme(qui relèvent en fait du délit d’opinion) pour un message posté sur les réseaux sociaux, pour une parole de trop ou pour un refus de la minute de silence, visant des simples citoyens parfois même des collégiens, n’ont pas suscité la moindre indignation politique à l’exception d’associations de défense des droits de l’Homme dont Amnesty International qui a pointé un risque de dérive judiciaire et d’atteintes graves à la liberté d’expression.

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Politique d’ordre contre politique de sécurité

Peu actif sur le front de la délinquance classique – comme en témoignent les derniers chiffres de l’ONDRP – le gouvernement déploie en revanche une énergie remarquable pour sanctionner les idées ou les propos qu’il juge politiquement incorrects. La loi sur la presse de 1881 a été modifiée à plusieurs reprises par les socialistes, déjà en 1990 par la loi Fabius-Gayssot qui criminalise le négationnisme historique en faisant d’un délit la contestation de l’existence des crimes contre l’humanité tels que définis dans les statuts du Tribunal militaire de Nuremberg. La « mère de toutes les lois mémorielles » a valu à Vincent Reynouard une nouvelle condamnation pour une vidéo postée sur Youtube, cette dernière à deux ans de prison ferme, soit le double de la peine encourue pour ce type de délit. La jurisprudence Dieudonné, fruit de la croisade lancée par Manuel Valls contre l’humoriste, lamine la protection dont bénéficiait la création artistique vis-à-vis du pouvoir et rend possible l’interdiction préventive d’une réunion ou d’un spectacle pour des motifs politiques. Last but not least, la création récente d’un délit d’apologie du terrorisme par la loi du 13 novembre 2014 est une arme (redoutable) de plus dans l’arsenal contre la liberté d’expression. Réprimer ceux qui ont le tort d’exprimer des idées non conformes : la politique du gouvernement consiste à défendre un ordre moral au besoin par la contrainte mais plus généralement par la persuasion.

Gauche morale contre gauche de transformation sociale.

Le catéchisme républicain est tout ce qu’il reste à une gauche démissionnaire sur le front économique et social. Mais le moralisme, une fois déconnecté de toute réalité matérielle, tourne à vide. La politique actuelle pousse jusqu’à l’absurde cette contradiction : d’un côté la loi Macron qui achèvera de démanteler le code du travail et de dépouiller les salariés de leurs derniers vestiges de protection sociale, de l’autre le bourrage de crâne sur les valeurs républicaines de liberté, de tolérance et d’égalité chaque jour démenties dans les faits. Signe de la fragilité du pouvoir, la propagande laïciste a atteint des sommets dans le contexte créé par l’attentat contre Charlie Hebdo, notamment quand la ministre de l’Éducation nationale a évoqué « de trop nombreux questionnements de la part des élèves » montrant ainsi les limites de sa conception de la démocratie… L’autoritarisme politique et  la négation de l’esprit critique sont devenus la norme d’un gouvernement ayant perdu toute crédibilité économique et sociale et foulant au pied les valeurs qu’il prétend défendre. Victime collatérale, la liberté d’expression vit ses derniers moments.


- Source : Nicolas Bourgoin

DIEGO FUSARO: La globalizzazione come falsa multiculturalità

DIEGO FUSARO: La globalizzazione come falsa multiculturalità

 

Yeats’ Pagan Second Coming

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Yeats’ Pagan Second Coming

By Greg Johnson 

Spanish translation here [2]

William Butler Yeats penned his most famous poem, “The Second Coming,” in 1919, in the days of the Great War and the Bolshevik Revolution, when things truly were “falling apart,” European civilization chief among them. The title refers, of course, to the Second Coming of Christ. But as I read it, the poem rejects the idea that the literal Second Coming of Christ is at hand. Instead, it affirms two non-Christian senses of Second Coming. First, there is the metaphorical sense of the end of the present world and the revelation of something radically new. Second, there is the sense of the Second Coming not of Christ, but of the paganism displaced by Christianity. Yeats heralds a pagan Second Coming.

The poem reads:

Turning and turning in the widening gyre,
The falcon cannot hear the falconer;
Things fall apart; the center cannot hold;
Mere anarchy is loosed upon the world,
The blood-dimmed tide is loosed, and everywhere
The ceremony of innocence is drowned;
The best lack all conviction, while the worst
are full of passionate intensity.

Surely some revelation is at hand;
Surely the Second Coming is at hand.
The Second Coming! Hardly are those words out
When a vast image out of Spiritus Mundi
Troubles my sight: somewhere in the sands of the desert
A shape with lion body and the head of a man,
A gaze blank and pitiless as the sun,
Is moving its slow thighs, while all about it
Reel shadows of the indignant desert birds.
A darkness drops again; but now I know
That twenty centuries of stony sleep
Were vexed to nightmare by a rocking cradle
And what rough beast, its hour come round at last,
Slouches towards Bethlehem to be born?

If one reads this poem as an allegory of modern nihilism, quite a lot falls into place. “Turning and turning in the widening gyre.” Picture here a falcon, perhaps with a long tether attached to one of its legs, flying in an ever-widening spiral trajectory as more and more of the tether is played out. At the center of the gyre, holding the tether, is the falconer, the falcon’s master. As the tether plays out and the gyre widens, there comes a point at which “the falcon cannot hear the falconer.”

Presumably, what the falcon cannot hear is the falconer calling the bird back to his arm. No longer able to hear the falconer’s voice, the falcon continues to push outwards. At some point, though, his tether will run out, at which point his flight will either end with a violent jerk, and he will plummet earthward–or the falconer will release the tether and the falcon will continue his flight outward.

But without the tether to the center — a literal tether, or just his master’s voice — the falcon’s flight path will lose its spiral structure, which is constituted by the tether between the falcon and the falconer, and the falcon will have to determine his flight path on his own, a path that will no doubt zig and zag with the currents of the air and the falcon’s passing desires, but will not display any intelligible structure–except, maybe, some decayed echoes of its original spiral.

william-butler-yeats-by-reemerv[162091].jpgThe falcon is modern man. The motive force of the falcon’s flight is human desire, pride, spiritedness, and Faustian striving. The spiral structure of the flight is the intelligible measure–the moderation and moralization of human desire and action–imposed by the moral center of our civilization, represented by the falconer, the falcon’s master, our master, which I interpret in Nietzschean terms as the highest values of our culture. The tether that holds us to the center and allows it to impose measure on our flight is the “voice of God,” i.e., the claim of the values of our civilization upon us; the ability of our civilization’s values to move us.

We, the falcon, have, however, spiraled out too far to hear our master’s voice calling us back to the center, so we spiral onward, our motion growing progressively more eccentric (un-centered), our desires and actions progressively less measured . . .

Thus, “Things fall apart. The center cannot hold.” When the moral center of civilization no longer has a hold, things fall apart. This falling apart has at least two senses. It refers to disintegration but also to things falling away from one another because they are also falling away from their common center. It refers to the breakdown of community and civilization, the breakdown of the government of human desire by morality and law, hence . . .

“Mere anarchy is loosed upon the world.” Anarchy, meaning the lack of arche: the Greek for origin, principle, and cause; metaphorically, the lack of center. But what is “mere” about anarchy? Anarchy is not “mere” because it is innocuous and unthreatening. In this context, “mere anarchy” means anarchy in an unqualified sense, anarchy plain and simple. Thus:

The blood-dimmed tide is loosed, and everywhere
The ceremony of innocence is drowned;
The best lack all conviction, while the worst
Are full of passionate intensity.

Why would nihilism make the best lack all conviction and fill the worst with passionate intensity? I think that here Yeats is offering us his version of Nietzsche’s distinction between active and passive nihilism. The passive nihilist–because he identifies on some level with the core values of his culture–experiences the devaluation of these values as an enervating loss of meaning, as the defeat of life, as the loss of all convictions. By contrast, the active nihilist–because he experiences the core values of his culture as constraints and impediments to the free play of his imagination and desires–experiences the devaluation of these values as liberating, as the freedom to posit values of his own, thus nihilism fills him with a passionate creative–or destructive–intensity.

This characterization of active and passive nihilism captures the struggle between conservatives and the Left. Conservatives are the “best” who lack all conviction. They are the best, because they are attached to the core values of the West. They lack all conviction, because they no longer believe in them. Thus they lose every time when faced by the passionate intensity of the Left, who experience nihilism as invigorating.

The second stanza of Yeats’s poem indicates precisely which core values have been devalued. The apocalyptic anxiety of the first stanza leads one to think that perhaps the Apocalypse, the Second Coming, is at hand:

Surely some revelation is at hand;
Surely the Second Coming is at hand.

But this is followed by the exclamation, “The Second Coming!” which I interpret as equivalent to “The Second Coming? Ha! Quite the opposite.” And the opposite is then revealed, not by the Christian God, but by the pagan Spiritus Mundi (world spirit):

Hardly are those words out
When a vast image out of Spiritus Mundi
Troubles my sight: somewhere in the sands of the desert
A shape with lion body and the head of a man,
A gaze blank and pitiless as the sun,
Is moving its slow thighs, while all about it
Reel shadows of the indignant desert birds.
A darkness drops again; but now I know
That twenty centuries of stony sleep
Were vexed to nightmare by a rocking cradle
And what rough beast, it hour come round at last,
Slouches towards Bethlehem to be born?

Two images are conjoined here. First, the shape with the body of a lion, the head of a man, and a blank, pitiless stare is an Egyptian sphinx–perhaps the Great Sphinx at Giza, perhaps one of the many small sphinxes scattered over Egypt. Second, there is the nativity, the birth of Christ in Bethlehem. The connection between Bethlehem and Egypt is the so-called “flight into Egypt [3].” After the birth of Jesus, the holy family fled to Egypt to escape King Herod’s massacre of newborn boys.

Yeats is not the first artist to conjoin the images of the sphinx and the nativity. For instance, there is a painting by a 19th-century French artist, Luc Olivier Merson, entitled “Rest on the Flight into Eqypt,” which portrays a night “twenty centuries” ago in which Mary and the infant Jesus are asleep, cradled between the paws of a small sphinx.

This painting was so popular in its time that the artist made three versions of it, and one of them, in the Boston Museum of Fine Arts, is so popular that reproductions of it as framed prints, jigsaw puzzles, and Christmas cards can be purchased today.

I do not know if Yeats was thinking about this specific painting. But he was thinking about the flight into Egypt. And the poem seems to indicate a reversal of that flight, and a reversal of the birth of Christ. Could Mary, resting on the flight into Egypt, rocking Jesus cradled between the paws of a sphinx, have vexed the stony beast to nightmare? Could it have finally stirred from its troubled sleep, its womb heavy with the prophet of a new age, and begun the search for an appropriate place to give birth? “And what rough beast, its hour come round at last, slouches towards Bethlehem to be born?” And what better place than Bethlehem, not to repeat but to reverse the birth of Christ and inaugurate a post-Christian age.

One can ask, however, if the poem ends on a note of horror or of hope. As I read it, there are three distinct stages to Yeats’ narrative. The first is the age when Christian values were the unchallenged core of Western civilization. This was a vital, flourishing civilization, but now it is over. The second stage is nihilism, both active and passive, occasioned by the loss of these core values. This is the present-day for Yeats and ourselves.

The third stage, which is yet to come, will follow the birth of the “rough beast.” Just as the birth of Jesus inaugurated Christian civilization, the rough beast will inaugurate a new pagan civilization. Its core values will be different than Christian values, which, of course, horrifies Christians, who hope to revive their religion. But the new pagan values, unlike Christian ones, will actually be believed, bringing the reign of nihilism to its end and creating a new, vital civilization. For pagans, this is a message of hope.

 


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

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[3] flight into Egypt: http://en.wikipedia.org/wiki/Flight_into_Egypt

mardi, 17 février 2015

Cinquante nuances de Grey, ou le nouvel opium du peuple

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Cinquante nuances de Grey, ou le nouvel opium du peuple
 
L'opium du peuple n'est plus la consolation de la grenouille de bénitier, c'est la partie de pattes en l'air à cache-cache.
 
Ancien haut fonctionnaire
 
François le Plastronneur
 
Ex: http://www.bvoltaire.fr
 

La manipulation des opinions, c’est-à-dire des peuples, c’est une affaire d’opium, d’opium du peuple. Il y a les grandes manipulations et les petites manipulations qui sont parfois plus grandes qu’on ne le croit. Jugez-en.

En France, traditionnellement et comme chacun sait, l’opium du peuple, c’était la religion, catholique et quasi absolue. La lutte contre cet opium-là est séculaire dans notre beau pays. Pour faire simple, le premier assaut fut la Réforme, suivie du cortège des guerres de religion. Le siècle de Louis XIV et la Contre-Réforme furent des réponses politique et religieuse vigoureuses. Mais un nouvel assaut se préparait, les Lumières du XVIIIe siècle, encyclopédistes et autres francs-maçons. On en connaît le couronnement, la « Grande Révolution », comme disent encore ses fidèles.

grey0874124.jpgDe soubresaut en soubresaut, de rémission (Napoléon) en nouvel accès de fièvre (la Commune), notre « opium » des peuples de France s’enlise, se délite, se désagrège, se décompose, se métamorphose. Péguy et tant d’autres n’y pourront rien. Un grand coup lui est porté par la loi de séparation de l’Église et de l’État en 1905.

Depuis, et sans porter atteinte aux espoirs des croyants, ni dénigrer leur foi séculaire, laquelle fait partie de mon identité, j’observe un haut clergé de France pour le moins frileux, pour ne pas dire maso. Il ne fait plus rêver, il ne distille plus l’opium du peuple. Parle-t-il encore de Lui ?

Alors, vers quel paradis se tournent certains de nos compatriotes ? Vers les Cinquante nuances de Grey.

C’est une petite histoire commencée en 68, libération sexuelle, peace and love. On continue avec l’essor spectaculaire du porno (Emmanuelle), qui bénéficie des « nouvelles techniques d’information et de communication ». Et on en arrive à ce succès de librairie et à l’écran… avec le manuel théorique et les exemples pratiques en plein écran. La foule se rue.

Petite manipulation pas si innocente que ça. L’opium du peuple n’est plus la consolation de la grenouille de bénitier, c’est la partie de pattes en l’air à cache-cache.

Depuis Mitterrand, c’est l’opium fornicateur dont la gauche gave le bon peuple. « Chacun fait, fait, fait, c’qui lui plaît, plaît, plaît », tra la la.

B…z, braves électeurs, on s’occupe du reste…

Redécouvertes des Europe chevelues

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L'APPEL AUX FORÊTS ENGLOUTIES
 
Redécouvertes des Europe chevelues

Jean Ansar
Ex: http://metamag.fr

Les légendes sont des mensonges qui nous parlent de vérités. Et les forêts des dieux anciens témoignent de la vivacité d’un continent peuplé de divinités variées au cœur de forêts aujourd’hui englouties et redécouvertes.


Dans la baie de Cardigan, sur la côte ouest du pays de Galles, les rafales de vent à répétition ont déplacé des milliers de tonnes de sables sur les plages, découvrant des dizaines de souches d'arbres vieilles de plusieurs milliers d'années. Il s'agirait, rapportent le Guardian et le Daily Mail, de la forêt préhistorique de Borth, où s'enracine la légende de "l'Atlantide galloise", le royaume englouti de Cantre'r Gwaelod, submergé après qu'une fée l'a délaissé. 


bay_map.jpgLes arbres seraient morts il y a plus de 4500 ans, au moment de la montée des eaux, mais auraient été préservés grâce à la constitution d'une couche de tourbe très alcaline où, privées d'oxygènes, les petites bêtes qui se chargent normalement de décomposer les arbres morts n'ont pas survécu, et donc pas pu faire disparaître ces souches. Le mythe, comme tant d'autres, est peut-être un souvenir collectif populaire laissé par la montée graduelle du niveau de la mer à la fin de la période glaciaire ; sa structure est comparable à la mythologie du Déluge comme tant d'autres que l'on retrouve dans pratiquement tous les cultures anciennes. Les restes d'une forêt ancienne engloutie à Borth, et à Sarn Badrig, près de la, peuvent avoir suggéré qu'une grande tragédie pouvait avoir emporté une ville qui se trouvait la autrefois. Il n'y a pas encore d'évidence physique solide qu'une ville substantielle existait sous la mer dans cette région.


Plus récemment encore, l’'océanographe Dawn Watson a fait de son coté une découverte des plus étonnantes : une forêt entièrement immergée dans la Manche, qui a été engloutie lors de la dernière fonte des glaces il y a environ 6000 ans. Avant d'être un fond marin, cette terre abritait un des terrains de chasse et de pêche les plus riches de toute l'Europe. Le niveau de la mer était alors plus bas d'une centaine de mètres par rapport à celui d'aujourd'hui.  «J'ai d'abord pensé que c'étaient des morceaux d'épaves», a déclaré Dawn Watson au journaliste de la BBC qui l'a interviewée. En réalité, il s'agissait de troncs d'arbre entièrement recouverts d'algues. D'après la scientifique, la tempête de 2013 ayant sévi près des côtes de Norfolk aurait permis la découverte de ces vestiges vieux de milliers d'années. C'est en plongeant au large de la côte du comté de Norfolk (Grande-Bretagne) dans la Mer du Nord, à quelques 200 kilomètres au nord-est de Londres, que l'océanographe britannique Dawn Watson a découvert une forêt préhistorique engloutie sous les eaux, s'étendant sur plusieurs milliers d'hectares.
Datée à environ 10000 ans, cette forêt était située sur une ancienne terre émergée connue des géologues sous le nom de Doggerland, qui reliait l'actuelle Grande-Bretagne au continent européen à l'époque des glaciations du quaternaire. Il faut savoir en effet que lors du dernier maximum glaciaire il y a un peu plus de 20000 ans, le niveau de la mer était plus bas qu'à l'époque actuelle, d'une centaine de mètres environ, ce qui faisait émerger une partie de la mer du Nord.

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Et c'est avec la fin de la dernière glaciation que l'eau a commencé à monter, pour atteindre son niveau actuel il y a 6000 ans environ. Résultat : l'étendue émergée du Doggerland, dont on pense qu'elle était autrefois fréquentée par les chasseurs-cueilleurs du Mésolithique (-10000 à -5000 ans avant notre ère, en Europe), a été engloutie sous les eaux. Et avec elle... la forêt découverte par l'océanographe Dawn Watson.


Selon Dawn Watson, cette forêt aurait été rendue visible à cause d'une forte tempête ayant touché la côte du comté de Norfolk, en décembre 2013. Il y a encore beaucoup à découvrir sur notre plus ancienne mémoire et l’origine des peuples des forets et des mers.

Atelier parigot: Fluctuat nec mergitur

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Soumission de Michel Houellebecq: l’illusion d’un renouveau spirituel

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Soumission de Michel Houellebecq: l’illusion d’un renouveau spirituel

Dans Soumission, Michel Houellebecq imagine la victoire d’un parti musulman face au Front national au second tour de la présidentielle française. Perçu par beaucoup comme islamophobe, raciste et comme s’inscrivant dans le sillage des idées d’Éric Zemmour, le roman de Houellebecq n’est pourtant pas réductible à ces caricatures : tout en critiquant la médiocrité du monde moderne, individualiste et démocratique, il annonce l’impasse dans laquelle s’engouffrent les mouvements identitaires et  islamiques qui entendent œuvrer à un prétendu renouveau spirituel.

Michel Houellebecq est un romancier important bien qu’inégal. Depuis son premier roman paru il y a vingt ans, le remarquable Extension du domaine de la lutte, Houellebecq s’est contenté de coucher ses états d’âme libidineux sur le papier, en les agrémentant de diverses divagations philosophiques plus ou moins intéressantes sur son époque. Soumission n’échappe pas à la règle. De plus, Houellebecq ne se démarque pas de ce style « moyen », caractéristique de la littérature contemporaine : les phrases sont plates et simples et évoquent la prose chargée de métaphores stéréotypées que l’on rencontre dans les magazines.

Pourtant, le personnage principal, que Houellebecq fait évoluer dans le milieu universitaire parisien, apparaît lui-même comme le défenseur d’une certaine idée de la littérature. Passionné par l’œuvre de Huysmans, hostile à Bloy, « prototype du catholique mauvais, dont la foi et l’enthousiasme ne s’exaltent vraiment que lorsqu’il peut considérer ses interlocuteurs comme damnés », son intérêt pour la fin du XIXe siècle met en évidence la parenté de l’époque décadentiste et de la nôtre. Ainsi, ce n’est pas sans ironie qu’il évoque ces « différents cercles catho-royalistes de gauche, qui divinis[ent] Bloy et Bernanos », croyant retrouver chez ces auteurs la source d’inspiration nécessaire au renouveau spirituel en ce début de XIXe siècle. À travers ses portraits d’enseignants enthousiastes et ses considérations – discutables mais renseignées – sur les auteurs chrétiens, Houellebecq démontre qu’il se tient parfaitement au fait des modes philosophiques les plus récentes, tout comme il maîtrise les références aux marques de plats surgelés, à Rutube et à Youporn, et à tout cet arrière-plan culturel de notre époque. Là où nombre d’écrivains prétendûment modernes s’émerveillent encore en 2015 de l’essor des télécommunications.

Houellebecq ne traite absolument pas de politique

Le véritable mérite de Houellebecq réside donc dans cette faculté à saisir son époque. Très rapidement, la lecture de Soumission devient jubilatoire pour peu que l’on accepte de laisser de côté toute exigence stylistique. Encore faut-il, contrairement à ce que s’acharnent à faire les critiques épouvantés par un racisme pourtant radicalement absent du livre, laisser également de côté toute prétention politique. La mise en scène de personnalités, comme François Bayrou, David Pujadas ou Marine Le Pen, constitue une formalité purement narrative, parfois amusante, mais dénuée de signification. Soumission ne traite pas de politique, mais des grandes forces idéologiques qui parcourent notre époque – et, une fois de plus, Houellebecq fait preuve d’un esprit d’analyse extrêmement lucide.

L’un des personnages déclare ainsi, sur un ton spontané et naturel : « Le véritable agenda de l’UMP, comme celui du PS, c’est la disparition de la France, son intégration dans un ensemble fédéral européen. Ses électeurs, évidemment, n’approuvent pas cet objectif ; mais les dirigeants parviennent, depuis des années, à passer le sujet sous silence. » Plus loin, on fait allusion à ces « ultimes soixantehuitards, momies progressistes mourantes, sociologiquement exsangues mais réfugiés dans des citadelles médiatiques d’où ils demeuraient capables de lancer des imprécations sur le malheur des temps et l’ambiance nauséabonde qui se répandait dans le pays ». Ce décor romanesque, d’un réalisme saisissant, et nécessairement déplaisant pour les journalistes qui se reconnaissent dans la description peu gracieuse que Houellebecq livre d’eux, c’est bel et bien celui du XIXe siècle. Dans l’imagination de Houellebecq, la Fraternité musulmane ne parvient à faire campagne sur les thèmes de la famille et de l’autorité que grâce aux médias, pour qui ces sujets ne sont réactionnaires et dangereux que lorsqu’ils sont abordés par la droite, alors qualifiée d’extrême.

Le seul véritable enjeu : le XIXe siècle sera spirituel ou ne sera pas

houell4194413539.2.jpegTout le paradoxe de la France de 2022 telle que présentée par Houellebecq réside dans cet affrontement entre le Front national et la Fraternité musulmane, autrement dit entre l’islam et les identitaires. A priori diamétralement opposés, ces deux courants de pensée apparaissent pourtant comme similaires puisqu’ils revendiquent des valeurs comme l’enracinement et la famille. Tous deux entendent répondre au vide laissé par la parenthèse si courte ouverte en 1789, c’est-à-dire à cet « humanisme athée » plein « d’orgueil et d’arrogance » et caractérisé par « l’opposition entre le communisme – disons, la variante hard de l’humanisme – et la démocratie libérale – sa variante molle ». Tous deux entendent œuvrer au retour du spirituel. Le fascinant personnage de Rediger, professeur d’université ayant fréquenté les mouvements identitaires avant de se convertir à l’islam et de devenir finalement ministre, symbolise à lui seul cette aspiration incessante que ni le libéralisme, ni la démocratie, ni l’athéisme ne seront parvenus à éteindre. D’abord convaincu qu’une renaissance de la chrétienté était possible, il comprend finalement que « cette Europe qui était le sommet de la civilisation humaine s’est bel et bien suicidée, en l’espace de quelques décennies » en 1914. Qu’importe alors si le vecteur du renouveau spirituel ne se fait plus au nom des Évangiles mais du Coran. Pourvu que l’essentiel demeure.

Et c’est justement dans les ultimes lignes du roman que tout lecteur honnête devrait percevoir la véritable charge subversive de Soumission, qui provoque bien davantage les croyances effrayées en un « Grand Remplacement » que les musulmans eux-mêmes, fussent-ils fanatiques. Le personnage principal accepte finalement de se convertir – notamment convaincu par Rediger et son exaltation au sujet de l’islam – mais sa vie ne s’en trouve pas pour autant bouleversée. Bien au contraire, il se voit offrir la possibilité de prendre plusieurs épouses en vertu du mariage polygame récemment mis en place, et peut désormais travailler à la publication des œuvres de Huysmans dans la collection de la Pléiade. Ce qui importe le plus à ses yeux en tant qu’individu moderne sera préservé : il pourra écrire et baiser. Car au fond, le renouveau spirituel porté par l’islam s’avère de la même teneur que la régénérescence de l’Europe chrétienne tant désirée par les identitaires : c’est un renouveau superficiel, qui contraint les magasins Jennyfer à fermer tout en autorisant les hommes à épouser des jeunes filles de quinze ans, qui appose un croissant islamique au fronton de la Sorbonne en ouvrant son capital aux pétrodollars du Golfe, et qui engage une profonde réforme économique du pays en le maintenant cependant indéfectiblement au sein d’une Union européenne plus forte que jamais, et désormais étendue à l’Égypte et au Liban.

Le personnage principal ne s’y trompe pas : « Je n’aurais rien à regretter », conclut-il sobrement, comprenant que, tout comme celles de Huysmans en son temps, son histoire et celle de sa civilisation s’achèvent sur un échec.

DIEGO FUSARO: Bernard-Henri Lévy e i "Nouveaux Philosophes"

DIEGO FUSARO: Bernard-Henri Lévy e i "Nouveaux Philosophes"

 

lundi, 16 février 2015

Horreur et endettement chez Lovecraft

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Horreur et endettement chez Lovecraft

Ex: http://www.philitt.fr

La littérature d’horreur dit-elle quelque chose du monde ? Un auteur qui ne s’intéresse ni à l’argent ni au sexe peut-il avoir un message radical sur ce qui lie l’économie à la reproduction ? En somme, Le Cauchemar d’Innsmouth de Howard Phillips Lovecraft a-t-il pour sujet la crise de 29 ?

Le Cauchemar d’Innsmouth est l’une des nouvelles les plus connues de Lovecraft. Elle figure parmi les titres réputés « canoniques » du « Mythe de Cthulhu » pour user d’un vocable qui appartient sans doute, désormais, à un état passé de la critique. En tout cas, nul, parmi les amateurs de Lovecraft, ne nie que ce texte soit l’un des plus importants d’une œuvre qui a marqué l’histoire de la littérature d’horreur. De même, la fécondité des images évoquées par ce récit est évidente aujourd’hui, que ce soit dans les romans, les bandes dessinées, les films.

Le schéma narratif est tout simple : un jeune homme est obligé de passer la nuit dans un village côtier de Nouvelle-Angleterre. L’activité halieutique, si prospère auparavant, semble désormais marginale. Les quais sont abandonnés, les maisons dans un état de décrépitude avancée, la population semble dégénérée. Après avoir rencontré un vieil homme qui lui dévoile les secrets d’Innsmouth, le narrateur réussit, non sans mal, à s’enfuir d’une ville dont la population lui est désormais hostile.

Ce récit a inspiré bien des réflexions et des analyses. La moins incontestable repose sur la plus choquante des révélations faites par Zadok Allen : Innsmouth a été le lieu de l’accouplement infâme de ses habitants avec des créatures venues des profondeurs des océans. Depuis, ces hybrides, déterminés par leur hérédité et leurs intérêts, conspirent à l’éradication de l’humanité. La logique de l’horreur dans ce récit tient donc au métissage. Or, comme la critique l’a justement fait remarquer, l’auteur lui-même, dans sa vision du monde et ses opinions politiques, était tout sauf indifférent à cette question. C’est parce que Lovecraft rejetait le métissage dans la vie réelle qu’il en a fait un objet d’horreur dans la fiction, voilà toute la thèse.

Lovecraft et l’argent

Il n’est nullement dans notre intention, ici, de nous écarter de cette interprétation dominante que nous croyons avoir par ailleurs renforcée, en faisant le parallèle avec les événements de Malaga Island que Lovecraft ne pouvait ignorer. Le métissage était pour Lovecraft un objet d’horreur sociale et littéraire. Il reste cependant à interroger les mécanismes qui rendent le métissage inéluctable et malheureux ; à révéler les ruses de l’abâtardissement et à démontrer en quoi le métissage est non seulement un ressort de l’horreur lovecraftienne mais ce qui en fait la spécificité et qui lui donne sa dimension cosmique.

En effet, s’arrêter à l’argument classique qui résume et explique tout par le racisme nous semble très insatisfaisant. Le racisme est une idée et les idées ne sont jamais premières dans l’ordre de la causalité. Le racisme est la conceptualisation, parfois pathologique, de la prise de conscience de la fragilité des liens biologiques et culturels qui lient l’homme à ses ancêtres, rien de plus. Rien de plus, mais rien de moins et la question de l’hérédité et de l’héritage, en somme, celle de Lovecraft comme héritier doit être posée.

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Il est commun de noter que Lovecraft n’avait d’intérêt ni pour l’argent, ni pour le sexe. Or, son œuvre, de par la question de la filiation, partout présente, met le sexe en avant. Non pas le sexe comme idée théorisant le plaisir — sous les formes jumelles de l’amour ou de la perversion — mais le sexe comme réalité biologique dont le plaisir n’est qu’une ruse, c’est-à-dire le mécanisme de transmission des caractères héréditaires. Qu’en est-il, alors, de l’argent ? N’est-il pas, lui aussi, chose qui s’hérite ?

Le mépris notoire de Lovecraft pour tout ce qui est vénal ne fait pas de lui un homme qui méprise l’argent. C’est un luxe que la gêne lui refuse. Cet homme incapable (délibérément incapable) d’exiger ce qui lui est dû, n’est en rien un inconscient. L’éthique n’est pas chez lui l’alibi de la faiblesse. Ce gentleman généreux et magnanime sait vivre chichement, voilà tout. Il sait épargner aux autres ses propres fragilités, fussent-elles innocentes. Tout au long de sa vie, il s’est montré économe. Il mangeait peu et mal ; il n’achetait pas tous les livres qu’il désirait ; il ne voyageait que quand il le pouvait et toujours par les moyens les plus modestes.

Robert Olmstead, le héros du Cauchemar d’Innsmouth, parcourt la Nouvelle-Angleterre en « amateur d’antiquité et de généalogie » en « choisissant toujours le trajet le plus économique ». Le personnage et son auteur ont en commun de voyager pour les mêmes raisons et avec les mêmes contraintes. C’est l’obligation de ne pas trop dépenser qui amène le protagoniste de ce théâtre de l’horreur à prendre le misérable bus d’Innsmouth et c’est sa curiosité pour les antiquités et la généalogie qui le pousse à quitter son « île de placide ignorance. » En effet, les personnages de Lovecraft, comme Lovecraft lui-même, ne sont animés ni par la libido sentiendi (le sexe), ni par la libido dominandi (le pouvoir que seul donne l’argent dans les sociétés modernes), mais par la libido sciendi, (la volonté de savoir). Robert Olmstead ne déroge pas à la règle : il veut tout savoir sur le monde et il finira par tout savoir de lui-même, y compris le pire.

Le cauchemar de 1929

Cependant, l’argent et, plus largement, la question économique ne sont pas un simple ressort de l’intrigue. Ils en sont le cœur. Le tableau qui est fait d’Innsmouth est tout de contraste. Aux couleurs chatoyantes de l’opulence passée s’opposent celles, délavées, de la décrépitude présente. « Il reste plus de maisons vides que de gens », mais ce sont les belles et dignes maisons de l’aristocratie commerçante qui sont, aujourd’hui, délabrées. De même, les vastes entrepôts de briques rouges le long des quais sont à l’abandon. Quant à l’église et à la salle de réunion maçonnique, on y rend un autre culte désormais. Lovecraft, lecteur de Spengler, décrit là une parfaite pseudomorphose : les structures minérales sont toujours là, mais ceux qui les peuplent et, de ce fait, leur nature elle-même, sont radicalement altérés.

Jadis le commerce, la pêche et les conserveries de poisson avaient enrichi Innsmouth. Aujourd’hui, sans que rien ne le justifie, la ville n’est plus que l’ombre d’elle-même. L’angoisse première naît de cette ruine inexplicable. Cependant, l’affinerie Marsh, elle, semble encore en activité. N’est-ce point paradoxal alors qu’il n’y a plus ni commerce ni navires au long cours pour ramener des métaux précieux ? En tout cas, ce noyau d’activité au sein d’une ville rongée et ruinée ne paraît en rien freiner le déclin général. À croire que les bénéfices, s’il y en a, ne profitent à personne…

Quand Lovecraft écrit Le Cauchemar d’Innsmouth, l’Amérique est au début de la Grande Dépression. Pour beaucoup d’Américains, le Krach de 1929 a été une surprise totale et les événements qui ont suivi sont apparus comme dépourvus de toute logique. Les rares esprits assez lucides pour en comprendre la rationalité y ont vu la conséquence nécessaire de l’excès de crédit. Il y a eu un pacte trompeur entre l’espoir et le prêt. L’espoir a déçu, le prêt s’est réduit à la dette et les hommes ne furent plus rien qu’esclaves de la dette. Voilà ce que disaient certains contemporains. Mais, n’est-ce point de cela qu’il s’agit dans la nouvelle de Lovecraft ?

Que dit le vieux Zadok Allen à Robert Olmstead ? Que les plus riches et les plus aventureux des voyageurs et des commerçants d’Innsmouth ont conclu, dans les îles des mers du Sud, un marché avec une race amphibie très ancienne. La situation économique n’était pas bonne au lendemain de la guerre de 1812. Que demandaient-ils, au fond, ces hommes aux visages de poisson, en échange de leur or ? Qu’on expédie quelques Canaques à la mer pour qu’ils les offrent à leurs dieux ? La belle affaire ! Ce n’est pas cher payé ! Et pour le reliquat, il serait toujours temps de voir.

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Per usura n’ont les hommes de lignées pures

Mais les créatures venues de la mer avaient bien plus à vendre que leur or. Elles voulaient autre chose et étaient prêtes à donner bien plus en contrepartie. Que vos fils et nos filles s’accouplent et leur progéniture sera immortelle, dirent-elles ! Passant leurs réticences premières, non sans déchirement, non sans violence, les habitants d’Innsmouth l’acceptèrent. C’est une façon trop tentante de régler ses dettes que de les reporter sur la génération suivante et puis doit-elle se plaindre ? Elle ne sera plus humaine, certes, elle sera, par ses épousailles, éternellement liée à Dagon et à jamais tributaire de forces par nature hostiles à l’Homme puisqu’en concurrence avec lui dans le struggle for life cosmique, mais elle sera, aussi, à tout jamais libérée de la finitude humaine.

Alors, « les gens ont commencé a pus rien faire », à quoi bon ? L’or venait de la mer et achetait les complaisances ; le poisson abondait et permettait de nourrir des hommes désormais à demi-poisson ; le temps n’était plus à craindre ; l’attente n’aboutissait plus à la mort ; la vie n’était qu’un lent glissement vers le fond des océans et vers une autre façon de vivre, de rire, de tuer. Tout au plus fallait-il prêter l’oreille à la musique des abysses dans l’impatience du retour de Celui qui n’est pas mort. Car, le païen Lovecraft fait d’Innsmouth le lieu d’une attente messianique, celle d’un grand nettoyage, suivi du remplacement de la race humaine par une autre à la fois plus ancienne et plus radicalement tournée vers ce futur qui verra le retour des Grands Anciens.

Cependant, le lecteur sait depuis le début que cette échéance eschatologique sera reculée. Le narrateur échappe à la ville et dénonce ce qui s’y passe à un gouvernement qui n’hésite pas à renoncer un instant à être un État de droit en recourant à l’état d’exception.

Ce que Lovecraft décrit dans sa nouvelle, il le voit sous ses yeux. L’Italie et l’Allemagne en Europe, les États-Unis du New Deal sous ses yeux lui montrent que la crise de 1929 et, au-delà du symptôme, que la modernité ne sont pas inéluctables. Comme chez beaucoup de conservateurs, l’espérance dans l’État (dans sa violence) se substitue au pessimisme politique. Le socialisme comme organisation de l’économie apparaît, aux yeux de ces hommes, comme un moyen de préservation de l’ordre ancien — non dans sa lettre, mais dans son esprit.

Le cauchemar d’Innsmouth est celui de la dette et de son corollaire, l’abâtardissement. Seul le réveil de l’État peut nous en sauver (provisoirement), y est-il suggéré. Comment ? Par l’état d’exception, par la déportation, par l’extermination. Le massacre final n’est rien d’autre que la vision fantasmagorique d’un New Deal musclé, d’un fascisme à l’américaine. L’horreur romanesque ou politique n’a d’autre issue, pour Lovecraft, que dans cette ultime violence retardatrice et seulement retardatrice. Car le gentleman de Providence sait aussi cette profonde vérité : tout passe.

 

L’Argentine desserre l’étreinte étasunienne

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L’Argentine desserre l’étreinte étasunienne

Auteur : Comaguer
Ex: http://zejournal.mobi

La visite de la présidente argentine à Pékin marque une nouvelle étape dans le processus d’émancipation politique  du pays. L’intervention déterminée et vigoureuse de Cristina Kirchner contre les atteintes à la souveraineté de l’Argentine devant l’Assemblée générale des Nations Unies en Octobre 2014 avait déjà marqué un tournant.

Cristina Kirchner avait en effet dénoncé l’intervention de la justice étasunienne qui bouleversait un plan de restructuration de la dette souveraine argentine longuement préparé qui avait reçu l’aval de toutes les banques concernées sauf une un fonds de placement new yorkais qui ne détenait que 1% de cette dette. La justice américaine (le juge GRIESA) avait décidé que ce fonds devait recevoir l’intégralité des sommes dues mais surtout, mesure évidemment attentatoire à la souveraineté de l’Argentine, que, si ce règlement n’était pas effectué, la totalité du plan de restructuration de la dette était bloqué.

Il  faut souligner :

1-que les dettes en question étaient toutes des remboursements d’emprunts contractés par l’Argentine avant l’arrivée au pouvoir de Nestor Kirchner et ensuite de son épouse Cristina,

2- que les autres créanciers avaient accepté de renoncer à 50% de leurs créances vieilles de 30 ans pour certaines.

Bel exemple d’impérialisme judiciaire et financier : le Capital étasunien est chez lui partout et la signature d’un gouvernement et de grandes banques internationales ne pèsent rien face à la décision d’un juge new yorkais actionné par le gérant d’un « FONDS VAUTOUR » selon l’expression aujourd’hui en vigueur.

La présidente argentine s’en était également pris à ceux qui reprochaient à son gouvernement d’avoir signé avec l’Iran un « mémorandum d’intention »  pour conjuguer les efforts des deux Etats dans la recherche de la vérité sur les deux attentats « anti israéliens » perpétrés en Argentine le premier contre l’ambassade d’Israël le 17 Mars 1992 (29 morts), le second le 18 Juillet 1994 contre les locaux de l’AMIA (association culturelle de la communauté juive d’Argentine – la plus nombreuse de toute l’Amérique latine – 85 morts) .

Ces attentats immédiatement attribués sans preuves à l’Iran et dont l’Iran a toujours nié la responsabilité n’ont toujours pas été élucidés et en signant le « mémorandum d’intention » l’Argentine ne faisait rien d’autre que d’accorder  à l’accusé un droit à la défense. La réaction impériale à cette décision fut, on l’imagine, très vive puisqu’elle remettait en cause,  vingt ans après les faits, la version officielle jamais démontrée mais entérinée par tout l’appareil de propagande « occidental ». Devant la même assemblée générale des Nations Unies Cristina Kirchner avait  défendu son choix et avait fait état de menaces de mort la concernant personnellement.

Elle avait continué à avancer dans sa recherche de la vérité et avait franchi une étape décisive en mettant un terme à la carrière du   patron des services de renseignement argentin M. Antonio Stiuso en poste depuis quarante ans.  Ce personnage, mis en place par le régime péroniste, avait réussi à traverser la période de la dictature militaire et à demeurer à son poste ensuite. Beaucoup d’argentins considéraient que cette « solidité au poste » ne pouvait s’expliquer  que par un soutien constant de Washington et ses méthodes étaient souvent qualifiées de « gestapistes ». Le procureur Nisman en charge du dossier « iranien »  retrouvé « suicidé » ces derniers jours et qui s’apprêtait à confirmer la « piste iranienne » sur les attentats anti israéliens était soutenu dans son enquête par M. Stiuso dont il était de longue date un proche.

Autant dire que l’étoile de Cristina Kirchner avait beaucoup pali aux Etats-Unis et dans le reste de l’Occident.  Elle en avait évidemment conscience et avait réorienté sa politique en conséquence. Cette réorientation vient de prendre un tour très concret dans sa visite officielle à Pékin où elle vient d’être reçue par le président chinois. Ce n’est pas à proprement parlé un retournement subit puisque les visites de dirigeants chinois à Buenos Aires s’étaient multipliées ces dernières années et avaient débouché sur des projets de coopération économiques en de nombreux domaines (transports, énergie, électronique…).

La  récente visite de Cristina Kirchner à Pékin donne à cette coopération une dimension militaire importante. L’Argentine va acheter à la République populaire  ou construire avec des accords de transfert technologique les matériels suivants :

- Corvettes: Ce modèle produit par les chantiers chinois CSIC P18 va porter le nom de corvettes de la  CLASS MALVINAS = CLASSE MALOUINE (déjà vendues au Nigéria)  de quoi mettre en rage le Foreign Office

- Véhicules blindés (modèle NORINCO VN1)

- Hélicoptères

Ces acquisitions prennent place dans un  programme d’ensemble signé par les deux pays le 29 Octobre 2014 couvrant brise-glaces, véhicules amphibies, remorqueurs de haute mer, et d’autres navires de guerre, mortiers de divers calibres, hôpitaux de campagne. Les observateurs militaires n’excluent pas l’achat de chasseurs chinois FC1.

Dans le monde multipolaire actuel, il est aujourd’hui possible de desserrer l’étreinte impérialiste étasunienne et de trouver dans d’autres pays : Chine Populaire, Russie… les moyens concrets de parer les coups revanchards que les Etats-Unis ont toujours porté contre les gouvernements manifestant de l’indépendance dans leur « arrière-cour » latino-américaine.


- Source : Comaguer

Celluloid Heroism and Manufactured Stupidity in the Age of Empire

From Citizenfour and Selma to American Sniper

Celluloid Heroism and Manufactured Stupidity in the Age of Empire

by HENRY A. GIROUX

Ex: http://www.counterpunch.org

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America’s addiction to violence is partly evident in the heroes it chooses to glorify. Within the last month three films appeared that offer role models to young people while legitimating particular notions of civic courage, patriotism, and a broader understanding of injustice. Citizenfour is a deeply moving film about whistleblower Edward Snowden and his admirable willingness to sacrifice his life in order to reveal the dangerous workings of an authoritarian surveillance state. It also points to the role of journalists working in the alternative media who refuse to become embedded within the safe parameters of established powers and the death-dealing war-surveillance machine it legitimates.

Snowden comes across as a remarkable young man who shines like a bright meteor racing across the darkness. Truly, the best of what America has to offer given his selflessness, moral integrity, and fierce commitment not only to renounce injustice but to do something about it. Selma offers an acute and much needed exercise in pubic memory offering a piece of history into the civil rights movement that not only reveals the moral and civic courage of Martin Luther King Jr. in his fight against racism but the courage and deep ethical and political americas-ed-deficit-300x449commitments of a range of incredibly brave men and women unwilling to live in a racist society and willing to put their bodies against the death dealing machine of racism in order to bring it to a halt. Selma reveals a racist poison at the heart of American history and offers up not only a much needed form of moral witnessing, but also a politics that serves as a counterpoint to the weak and compromising model of racial politics offered by the Obama administration.

The third film to hit American theaters at about the same time as the other two is American Sniper, a war film about a young man who serves as a model for a kind of unthinking patriotism and defense of an indefensible war. Even worse, Chris Kyle himself, the hero of the film, is a Navy Seal who at the end of four tours of duty in Iraq held the “honor” of killing more than 160 people. Out of that experience, he authored an autobiographical book that bears a problematic relationship to the film. For some critics, Kyle is a decent guy caught up in a war he was not prepared for, a war that strained his marriage and later became representative of a narrative only too familiar for many vets who suffered a great deal of anguish and mental stress as a result of their war time experiences. This is a made for CNN narrative that is only partly true.

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A more realistic narrative and certainly one that has turned the film into a Hollywood blockbuster is that Kyle is portrayed as an unstoppable and unapologetic killing machine, a sniper who was proud of his exploits. Kyle models the American Empire at its worse. This is an empire steeped in extreme violence, willing to trample over any country in the name of the war on terrorism, and leaves in its path massive amounts of misery, suffering, dislocation, and hardship. Of the three films, Citizenfour and Selma invoke the courage of men and women who oppose the violence of the state in the interest of two different forms of lawlessness, one marked by a brutalizing racism and the other marked by a suffocating practice of surveillance.

American Sniper is a film that erases history, spectacularizes violence, and reduces war and its aftermath to cheap entertainment, with an under explained referent to the mental problems many vets live with when they return home from the war. In this case the aftermath of war becomes the main narrative, a diversionary tacit and story that erases any attempt to understand the lies, violence, corruption, and misdeeds that caused the war in the first place. Moreover, the film evokes sympathy not for its millions of victims but exclusively for those largely poor youth who have to carry the burden of war for the dishonest politicians who send them often into war zones that should never have existed in the first place. Amy Nelson at Slate gets it right in stating that “American Sniper convinces viewers that Chris Kyle is what heroism looks like: a great guy who shoots a lot of people and doesn’t think twice about it.” Citizenfour and Selma made little money, were largely ignored by the public, and all but disappeared except for some paltry acknowledgements by the film industry. American Sniper is the most successful grossing war film of all time.

Selma_poster.jpgSelma will be mentioned in the history books but will not get the attention it really deserves for the relevance it should have for a new generation of youth. There will be no mention in the history books regarding the importance of Edward Snowden because his story not only instructs a larger public but indicts the myth of American democracy. Yet, American Sniper resembles a familiar narrative of false heroism and state violence for which thousands of pages will be written as part of history texts that will provide the pedagogical context for imposing on young people a mode of hyper-masculinity built on the false notion that violence is a sacred value and that war is an honorable ideal and the ultimate test of what it means to be a man. The stories a society tells about itself are a measure of how it values itself, the ideals of democracy, and its future.

The stories that Hollywood tells represent a particularly powerful form of public pedagogy that is integral to how people imagine life, themselves, relations to others, and what it might mean to think otherwise in order to act otherwise. In this case, stories and the communal bonds that support them in their differences become integral to how people value life, social relations, and visions of the future. American Sniper tells a disturbing story codified as a disturbing truth and normalized through an entertainment industry that thrives on the spectacle of violence, one that is deeply indebted to the militarization of everyday life.

Courage in the morally paralyzing lexicon of a stupefied appeal to patriotism has become an extension of a gun culture both at home and abroad. This is a culture of hyped-up masculinity and cruelty that is symptomatic of a kind of mad violence and unchecked misery that is both a by-product of and sustains the fog of historical amnesia, militarism, and the death of democracy itself. Maybe the spectacular success of American Sniper over the other two films should not be surprising in a country in which the new normal for giving out honorary degrees and anointing a new generation of heroes goes to billionaires such as Bill Gates, Jamie Dimon, Oprah Winfrey, and other leaders of the corrupt institutions and bankrupt celebrity culture that now are driving the world into political, economic, and moral bankruptcy, made visible in the most profound vocabularies of stupidity and cruelty.

War machines and the financial elite now construct the stories that America tells about itself and in this delusional denial of social and moral responsibility monsters are born, paving the way for the new authoritarianism.

Henry A. Giroux currently holds the McMaster University Chair for Scholarship in the Public Interest in the English and Cultural Studies Department and a Distinguished Visiting Professorship at Ryerson University. His most recent books are America’s Education Deficit and the War on Youth (Monthly Review Press, 2013) and Neoliberalism’s War on Higher Education (Haymarket Press, 2014). His web site is www.henryagiroux.com.

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Ernst Jünger e ‘La battaglia come esperienza interiore’

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Ernst Jünger e ‘La battaglia come esperienza interiore’

Jünger sconquassa l'anima del lettore, lo cattura con la sua scrittura; lo tiene inchiodato al libro pagina dopo pagina, in una stretta mortale dalla quale non potrà districarsi facilmente. Questo è un libro per anime in tempesta, per cuori d'acciaio, scritto con il sangue degli eroi.
 

di Valerio Alberto Menga

Ex: http://www.lintellettualedissidente.it

“Meglio morire come una meteora effervescente che spegnersi tremolando”.

E. Jünger

In occasione del centenario della Prima guerra mondiale tante sono state le pubblicazioni in memoria del grande e catastrofico evento. Si segnalano, di passata, per la saggistica Mondadori e Laterza, i saggi dello storico Emilio Gentile L’Apocalisse della Modernità e Due colpi di pistola, dieci milioni di morti, la fine di un mondo. Due titoli straordinari per l’efficacia che ha avuto l’autore nell’interpretare il primo confilitto mondale e la sproporzione delle conseguenze seguite all’attentato di Sarajevo del 1914. A distanza di 92 anni dalla sua originaria apparizione, e per la prima volta in italiano, è stato pubblicato per le edizioni Piano B (e magistralmente tradotto da Simone Butazzi, che si ringrazia) quella che era stata, a torto, considerata un’opera minore nella bibliografia di Enrst Jünger: La battaglia come esperienza interiore.

Fu un’innovazione quella che portò Jünger alla letteratura di guerra. Embelatici erano, e rimangono tutt’ora, Il fuoco di Barbusse e Niente di nuovo sul fronte occientale di Remarque. Questi due autori furono le due principali voci di un atteggiamento di sconforto, di orrore, di paura, di delusione, e di disfattismo davanti alla guerra.  Lo stesso atteggiamento che portò Louis-Ferdinand Céline, volontario nell’esercito francese, a riflessioni come quelle che compaiono nel suo Viaggio al termine della notte: “Per quanto lontano cercassi nella memoria, gli avevo fatto niente io, ai tedeschi. Ero sempre stato molto gentile ed educato con loro. Li conoscevo un po’ i tedeschi, ero persino stato a scuola da loro, quando ero piccolo, dalle parti di Hannover. Avevo parlato la loro lingua. Allora erano una massa di cretinetti caciaroni con occhi pallidi e furtivi come quelli dei lupi […] ma da lì adesso a tirarci nella colombarda, senza neanche venire a parlarci prima e nel bel mezzo della strada, ce ne correva parecchio, un abisso. Troppa differenza. La guerra insomma era tutto quello che non si capiva”. Jünger invece – come giustamente sottolinea Rodolfo Sideri nel suo Inquieto Novecento- è interprete di un atteggiamento “volto a lasciare che la guerra tempri l’uomo nella sua dimensione interiore”.

Ma che cosa è stato esattamente Ernst Jünger? Qual è la sua maggiore peculiarità? E’ stato uno scrittore? Un soldato? Un filosofo? Nacque in Germania, ad Heidelberg, nel 1895. E morì nel 1998 a Riedlingen, avendo sorpassato la soglia dei cento anni, dopo aver visto morire il fratello, i figli e la prima moglie. Per la lunga durata della sua vita fu indubbiamente il prezioso testimone di un’epoca. È stato anche un entomologo. Non deve certo stupire se un grande carattere del Novecento come lui si sia interessato allo studio e alla collezione di scarafaggi e scarabei. Ai suoi occhi guerrieri, essi apparivano un po’ come animali con una corazza naturale che, talvolta, riflettono i colori della guerra: il rosso e il grigio. Piccoli soldati di Madre Natura.

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Il rosso e il grigio, quindi. Ecco i colori che attraverso lo sguardo del grande scrittore tedesco hanno determinato la Grande Guerra. E Le rouge et le gris –in onore a Stendhal- doveva essere il titolo originale del grande diario di guerra Nelle tempeste d’acciaio che gli valse, di diritto, un posto nel pantheon dei grandi scrittori europei del Novecento. Tuttavia optò per il secondo titolo, ispirato ad una poesia islandese, che meglio definiva “l’eternità tombale” della vita in trincea durante la guerra. Rosso come il sangue; grigio come le divise dei soldati, come l’acciaio delle armi e dei proiettili, come l’umore in trincea, come la terra devastata dai colpi, come il cielo oscurato dalla battaglia.

Incuriosisce il fatto che La battaglia come esperienza interiore era stato concepito dall’autore come un’opera che avrebbe dovuto fare da pendant al precedente Nelle tempeste d’acciaio, il cui punto di vista si riferiva agli avvenimenti puri e semplici. In quest’opera, invece, si può trovare tutto ciò che nelle “Tempeste” si era cercato invano.
Nelle tempeste d’acciaio ha il merito di descrivere nel titolo, e in due parole, la guerra di trincea.  Interpreta il primo conflitto mondiale in chiave nichilistica (come “lotta dei materiali”), osservando la realtà con sguardo oggettivo. Il difetto maggiore che però la caratterizza è la mancanza dello spazio concesso alle emozioni e al sentimento. La battaglia come esperienza interiore colma questo vuoto. E può annoverarsi senza dubbio tra le grandi opere di Jünger, grazie alla sua prosa alta e inarrivabile.Prima di aprire questo libro bisogna preparare il lettore ad entrare psicologicamente in trincea. Bisogna essere pronti a ricevere lo schizzo del sangue nemico dritto in faccia. Se invece siete tra coloro che non sopportano di guardare la realtà negli occhi, allora lasciate in pace questo libro.

Stosstruppen_rappresentazione.jpg“La battaglia rientra nelle grandi passioni. [...] E’ un canto antico e tremendo, che risale all’alba dell’uomo: nessuno avrebbe mai pensato che fosse ancora così vivo in noi”.  In questo scritto di guerra non manca nulla: il sangue, l’orrore, la trincea, l’eros, il coraggio, il fuoco, la paura… Questo per dare un’idea di ciò che aspetta il lettore che abbia il coraggio e la maturità di affrontare quest’opera rovente, che di certo non poteva non piacere ad un giovane nazional-socialista dei tempi. Perché Jünger è stato considerato, e forse è considerato ancora, un nazista. E’ vero che Hitler disse “Jünger non si tocca!” e lo protesse per ben due volte dalle grinfie di Göring che voleva la sua testa. Ma furono il rispetto per il soldato e lo scrittore di guerra che, con tutta probabilità, spinsero il Führer a perdonare a Jünger il suo comportamento. Ci si riferisce al suo antinazismo allegorico, aleggiante nel romanzo Sulle scogliere di marmo, e alla sua parte nella congiura capitanata da Stauffenberg che sfumò nel fallito attentato a Hitler, ben narrato nel film di Bryan Singer Operazione Valchiria. Scrisse un romanzo antinazista e partecipò all’attentato a Hitler, che mirava ad ucciderlo. Anche se in lui l’idea dell’uccisione del tiranno era indicice di mentalità rozza. Queste due cose stanno ben a sottolineare il fantomatico nazismo di cui fu accusato. Ma agli occhi stanchi e superficiali dei molti faciloni, è apparso così per molto tempo. È vero invece che i nazisti trassero, a piene mani, buona parte della loro cultura da alcuni scritti del grande soldato tedesco. Solo in seguito al premio Goethe, ottenuto nell’82, venne riabilitato ufficialmente come scrittore.

Davanti ad un uomo come lui è difficile dire se sia l’opera a superare la grandezza della vita dell’autore o viceversa. Jünger visse più di cento anni, giovanissimo si arruolò nella Legione Straniera per andare a combattere, per poi essere ripescato e rimpatriato dal padre. Fu un eroe decorato con la medaglia Pour le mérite dopo esser stato ferito quattordici volte nella Grande Guerra; vide due volte la cometa Halley (cha ha un ciclo di 76 anni); fu amico di Martin Heidegger e Carl Schmitt, e con essi scrisse alcune opere. Ha incontrato molti grandi del suo tempo, e in tutta la sua opera ha analizzato e affrontato il nichilismo, che è il tratto peculiare del suo e del nostro tempo. Da entomologo ha scoperto due nuove specie di coleotteri che oggi portano il suo nome: il Carabus saphyrinus juengeri e la Cicindera juengeri juengerorum. Da scrittore, invece, ha incantato il mondo e continua ad incantare, ad accendere le passioni e il pensiero.

La battaglia come esperienza interiore è un’opera scritta da un giovane inquieto che vuole conciliare il pensiero con l’azione. Qui vi si ritrova uno Jünger intriso di letture nietzscheane che, con la sua prosa alta e viscerale, scava nel profondo dei più indicibili sentimenti che hanno portato l’uomo moderno a scontrarsi, a riversare la propria Volontà di potenza nel campo di battaglia. Per il lettore che ama sottolineare i tratti più salienti, quest’opera, strage di carne e materia, sarà anche una strage di grafite. E si spera che, quindi, chi leggerà queste righe, perdonerà a chi scrive se si è fatto ampio uso di doverose citazioni. Lo stile dello scrittore-soldato porta lo spirito del lettore a vette così alte che il ritorno alla terra scavata dalle trincee è un vero e proprio schianto del cuore. Sconquassa l’anima del lettore, lo cattura con la sua scrittura; lo tiene inchiodato al libro pagina dopo pagina, in una stretta mortale dalla quale non potrà districarsi facilmente. Questo è un libro per anime in tempesta, per cuori d’acciaio, scritto con il sangue degli eroi.

Solitario tra i solitari, Jünger mostra il volto del gelido vento della morte, riscaldato dall’alito di fuoco di quella fornace che è la guerra. La figura romantica del soldato Jünger che legge l’Orlando furioso piegato sulle ginocchia, in trincea, rende bene l’idea del sentimento che lo portò ad arruolarsi volontario in guerra. L’odio per la comoda vita borghese è ben descritto in queste righe: “Ogni senso di reputazione borghese era rimasto indietro, a distanze siderali. Cos’era la buona salute? Utile, semmai, a persone che contano di vivere a lungo”. Nota è ormai la massima jungeriana per cui è meglio essere un delinquente che essere un borghese. Un giovane inquieto come lui, in Italia, in seguito dirà che “Borghese è colui che sta bene ed è vile” (Benito Mussolini).  Questo libro breve ma intenso potrebbe essere preso a ragione come il Manifesto degli interventisti o dei militaristi. Per l’autore è la guerra a fare gli uomini, essa è “madre di tutte le cose”, siamo noi a modellare il mondo, non il contrario. La guerra, aggiunge, non è solo nostra madre, ma anche nostra figlia. L’abbiamo cresciuta così come ha fatto con noi. “Noi siamo fabbri e acciaio sfavillante allo stesso tempo, martiri di noi stessi spinti da intime pulsioni[...] La guerra è umana quanto l’istinto sessuale: è legge di natura, perciò non ci sottrarremo mal al suo fascino. Non possiamo negarla, altrimenti finiremo divorati.”

Qui di seguito ecco alcuni passaggi che meglio sottolineano le ragioni e le passioni che portarono Jünger, come altri uomini, a provare loro stessi sul campo di battaglia, in quel particolare frangente della Storia. Molte erano le aspettative di coloro che si arruolarono volontari negli eserciti delle grandi nazioni europee: “La guerra è una grande scuola, e l’uomo nuovo apparterrà alla nostra schiatta”. E poi, scriverà: “Il punto di cristallizzazione pareva raggiunto, il superuomo in procinto di arrivare[...] Tutto questo sembrò chiaro quando la guerra lacerò la compagine europea”. Queste le parole dello Jünger soldato, filosofo e scrittore. Egli incarna le pulsioni e i turbamenti dell’uomo del Novecento che si affaccia con volto risoluto alla Modernità. E si scontra. Se il Novecento è stato il grande secolo delle ideologie e della politica, così come dei grandi conflitti, vale allora la formula di Clausewitz per cui la guerra è la semplice continuazione della politica con altri mezzi, che nasce in seguito alla “frizione”. Arriva, cioè, laddove la diplomazia non è riuscita. E per gli appassionati della polemologia questa è una lettura consigliata. Molte le passioni e i sentimenti che scaturiscono in queste pagine, ma vi è anche spazio per la riflessione. Un giusto equilibrio tra ragione e sentimento.

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“Ognuno può rapportarsi alla guerra come vuole, ma non la può negare. Quindi io m’impegno, in questo libro nel quale mi voglio rassegnare alla guerra, a osservarla come qualcosa che è stato ed è ancora in noi, a privarla di ogni preconcetto e a descriverla per quello che è.” E poi ancora: “La guerra è il più potente incontro tra i popoli. Mentre nel commercio e per le trattative, nelle gare sportive e ai congressi si muovono solo le personalità di punta, in guerra l’intera squadra conosce un solo obiettivo: il nemico”. Non è possibile la guerra senza l’uomo. Né l’uomo senza la guerra. Questa assumerà di volta in volta il volto e il nome che l’occasione le suggerirà: battaglia, lotta, lo scontro, frizione, incidente diplomatico…


Il coraggio è un sentimento, fulcro della guerra per Jünger: “Un soldato senza coraggio è come un Cristo senza fede. Ecco perché in un esercito il coraggio deve essere quanto di più sacro”. Nelle “Tempeste d’acciaio” si leggono parole di riconoscimento del valore e del rispetto del nemico: “Durante la guerra mi sforzai sempre di considerare l’avversario senza odio, di apprezzarlo secondo la misura del suo coraggio. In battaglia cercai di individuarlo per ucciderlo, senza attendere da lui cosa diversa”. Nessun odio verso i nemici. I Francesi? “Sono dei gran viveurs, loro. Gente gradevole, davvero. Io non li odio mica.” E poi: “Chi saremmo noi senza questi vicini audaci e senza scrupoli che ogni cinquant’anni ci puliscono la ruggine dalle lame?”.

Al nemico viene riconosciuto il valore del suo coraggio. E ne La battaglia come esperienza interiore scrive: “I cuori coraggiosi riconoscono istintivamente la vera grandezza. Il coraggio riconosce il coraggio”. Ecco una delle sue massime maggiori: “Il mondo potrà anche ribaltarsi, ma un cuore coraggioso sarà sempre saldo”. L’uomo di Heidelberg è figlio della guerra, figlio ed interprete acuto del suo tempo. Lui è l’uomo nato dalla guerra, nella guerra e per la guerra. Lui, cuore coraggioso, anima in tempesta. Come egli stesso sottolinea, lo spirito di un’epoca si concentra sempre in pochi individui solitari. In questo libro si può carpire lo spirito guerriero che forgiò l’Uomo nuovo della Grande Guerra. E lui è uno di quegli individui solitari, voce di un’epoca in radicale mutamento. Importante è anche il rapporto con la Donna, nelle opere di guerra di Jünger. In un altro scritto dello stesso genere, intitolato Il tenente Sturm, la donna viene definita dall’autore come “ministra del grande mistero”. E la donna non ama la guerra, ma ama i guerrieri. Curzio Malaparte disse: “Amo la guerra perché sono un uomo”. E Jünger coerentemente afferma: ” Esiste un solo punto di vista per contemplare il fulcro della guerra, ed è quello mascolino”. In uno dei capitoli più belli della Battaglia viene affrontato il rapporto uomo/donna guerra, ed in merito a ciò sottolinea: “Bisognava che anche le donne fossero d’acciaio, per non finire schiacciate nel tumulto”. Il racconto che invece viene accennato, con infinita poesia, nel capitolo Eros, riporta alla memoria l’immagine di uno studente tedesco (in cui possiamo facilmente riconoscere il giovane Ernst) e una contadina piccarda che fanno l’amore nel bel mezzo della guerra, nell’imperversare della tempesta, essi, “centrifugati su una scogliera bellica”, sono “due cuori accesi in un mondo ghiacciato”. E con queste immagini e magnifiche parole conclude il capitolo: “Due labbra accarezzavano l’orecchio dell’uomo, impegnate più che mai a versarvi tutta la melodia di una lingua straniera[...] Poi finivi sotto la grandine dei proiettili con i baci ancora tra i capelli. La morte ti veniva incontro come un’amica. Tu, chicco di grano maturo che cadi sotto la falce”. Questo è Jünger.

Per il grande scrittore di Heidelberg sembra valere il precetto di Julius Evola per cui “la patria è là dove si combatte”. E la guerra è una donna da possedere, almeno finché infuria la battaglia. L’uomo, la guerra e la donna: fili intrecciati di un inestricabile destino, di un ciclo infinito: Vita Amore e Morte. Oggi gli animi dei molti pacifisti che popolano il mondo postmoderno irriderebbero il romanticismo di cui talvolta sono impregnati gli scritti di guerra. Non potrebbero però evitare di rimanere colpiti e affascinati dallo stile di uno scrittore immenso come quello che oggi si è voluto ricordare.

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Si vuol concludere ora con due stralci tratti, rispettivamente, dalle opere Il tenente Sturm e con la conclusione de La battaglia come esperienza interiore che spiegano bene la complessità della guerra nel pensiero di Enrst Jünger: “Laggiù una stirpe nuova dava vita a una nuova interpretazione del mondo, passando attraverso un’esperienza antichissima. La guerra era una nebbia originaria di possibilità psichiche, carica di sviluppi; chi tra i suoi effetti riconosceva solo l’elemento rozzo, barbarico coglieva, di un complesso gigantesco, un solo attributo, con l’identico arbitrio ideologico di chi vedeva soltanto il carattere eroico e patriottico”.

“Ma chi in questa guerra vede solo negazione e sofferenza e non l’affermazione, il massimo dinamismo, allora avrà vissuto da schiavo. Costui avrà avuto solo un’esperienza esteriore, non un’esperienza interiore.”

The Warmongering Record of Hillary Clinton

 

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“I urged him to bomb..."

The Warmongering Record of Hillary Clinton

by GARY LEUPP
Ex: http://www.counterpunch.org

If reason and justice prevailed in this country, you’d think that the recent series of articles in the Washington Times concerning the U.S.-NATO attack on Libya in 2011 would torpedo Hillary Clinton’s presidential prospects.

Clinton as U.S. Secretary of State at that time knew that Libya was no threat to the U.S. She knew that Muammar Gadhafi had been closely cooperating with the U.S. in combating Islamist extremism. She probably realized that Gadhafi had a certain social base due in part to what by Middle Eastern standards was the relatively equitable distribution of oil income in Libya.

But she wanted to topple Gadhafi. Over the objections of Secretary of “Defense” Robert Gates but responding to the urgings of British Prime Minister David Cameron and French President Nicholas Sarkozy, she advocated war. Why? Not for the reason advertised at the time. (Does this sound familiar?) Not because Gadhafy was preparing a massacre of the innocents in Benghazi, as had occurred in Rwanda in 1994. (That episode, and the charge that the “international community” had failed to intervene, was repeatedly referenced by Clinton and other top officials, as a shameful precedent that must not be repeated. It had also been deployed by Bill Clinton in 1999, when he waged war on Serbia, grossly exaggerating the extent of carnage in Kosovo and positing the immanent prospect of “genocide” to whip up public support. Such uses of the Rwandan case reflect gross cynicism.)

No, genocide was not the issue, in Libya any more than in Kosovo. According to the Washington Times, high-ranking U.S. officials indeed questioned whether there was evidence for such a scenario in Libya. The Defense Intelligence Agency estimated that a mere 2,000 Libyan troops armed with 12 tanks were heading to Benghazi, and had killed about 400 rebels by the time the U.S. and NATO attacked. It found evidence for troops firing on unarmed protestors but no evidence of mass killing. It did not have a good estimate on the number of civilians in Benghazi but had strong evidence that most had fled. It had intelligence that Gadhafy had ordered that troops not fire on civilians but only on armed rebels.

The Pentagon doubted that Gadhafi would risk world outrage by ordering a massacre. One intelligence officer told the Washington Times that the decision to bomb was made on the basis of “light intelligence.” Which is to say, lies, cherry-picked information such as a single statement by Gadhafi (relentlessly repeated in the corporate press echoing State Department proclamations) that he would “sanitize Libya one inch at a time” to “clear [the country] of these rats.” (Similar language, it was said, had been used by Hutu leaders in Rwanda.) Now that the rats in their innumerable rival militias control practically every square inch of Libya, preventing the emergence of an effective pro-western government, many at the Pentagon must be thinking how stupid Hillary was.

No, the attack was not about preventing a Rwanda-like genocide. Rather, it was launched because the Arab Spring, beginning with the overthrow of the two dictators, President Ben Ali of Tunisia and President Mubarak of Egypt, had taken the west by surprise and presented it with a dilemma: to retain longstanding friendships (including that with Gadhafi, who’d been a partner since 2003) in the face of mass protests, or throw in its lot with the opposition movements, who seemed to be riding an inevitable historical trend, hoping to co-opt them?

hillary_rambabe.jpg_1033_403809.jpeg_answer_9_xlarge.jpegRecall how Obama had declined up to the last minute to order Mubarak to step down, and how Vice President Joe Biden had pointedly declined to describe Mubarak as a dictator. Only when millions rallied against the regime did Obama shift gears, praise the youth of Egypt for their inspiring mass movement, and withdraw support for the dictatorship. After that Obama pontificated that Ali Saleh in Yemen (a key ally of the U.S. since 2001) had to step down in deference to protesters. Saleh complied, turning power to another U.S. lackey (who has since resigned). Obama also declared that Assad in Syria had “lost legitimacy,” commanded him to step down, and began funding the “moderate” armed opposition in Syria. (The latter have at this point mostly disappeared or joined al-Qaeda and its spin-offs. Some have turned coat and created the “Loyalists’ Army” backing Assad versus the Islamist crazies.)

Hillary, that supposedly astute stateswoman, believed that the Arab Spring was going to topple all the current dictators of the Middle East and that, given that, the U.S. needed to position itself as the friend of the opposition movements. Gadhafy was a goner, she reasoned, so shouldn’t the U.S. help those working towards his overthrow?

Of course the U.S. (or the combination of the U.S. and NATO) couldn’t just attack a sovereign state to impose regime change. It would, at any rate, have been politically damaging after the regime change in Iraq that had been justified on the basis of now well discredited lies. So the U.S. arm-twisted UNSC members to approve a mission to protect civilians in Libya against state violence. China and Russia declined to use their veto power (although as western duplicity and real motives became apparent, they came to regret this). The Libya campaign soon shifted from “peace-keeping” actions such as the imposition of a “no-fly” zone to overt acts of war against the Gadhafy regime, which for its part consistently insisted that the opposition was aligned with al-Qaeda.

The results of “Operation Unified Protector” have of course been absolutely disastrous. Just as the U,S. and some of its allies wrecked Iraq, producing a situation far worse than that under Saddam Hussein, so they have inflicted horrors on Libya unknown during the Gadhafi years. These include the persecution of black Africans and Tuaregs, the collapse of any semblance of central government, the division of the country between hundreds of warring militias, the destabilization of neighboring Mali producing French imperialist intervention, the emergence of Benghazi as an al-Qaeda stronghold, and the proliferation of looted arms among rebel groups. The “humanitarian intervention” was in fact a grotesque farce and huge war crime.

But the political class and punditry in this country do not attack Hillary for war crimes, or for promoting lies to promote a war of aggression. Rather, they charge her and the State Department with failure to protect U.S. ambassador to Libya John Christopher Stevens and other U.S. nationals from the attack that occurred in Benghazi on September 11, 2012. And they fault her for promoting the State Department’s initial “talking point” that the attack had been a spontaneous reaction to an anti-Muslim YouTube film rather than a calculated terrorist attack. They pan her for sniping at a senator during a hearing, “What difference does it make (whether the attack had been launched by protestors spontaneously, or was a terrorist action planned by forces unleashed by the fall of the Gadhafi regime)”?

In other words: Hillary’s mainstream critics are less concerned with the bombing of Libya in 2011 that killed over 1100 civilians, and produced the power vacuum exploited by murderous jihadis, than by Hillary’s alleged concealment of evidence that might show the State Department inadequately protected U.S. diplomats from the consequences of the U.S.-orchestrated regime change itself. In their view, the former First Lady might have blood on her hands—but not that, mind you, of Libyan civilians, or Libyan military forces going about their normal business, or of Gadhafi who was sodomized with a knife while being murdered as Washington applauded.

No, she’s held accountable for the blood of these glorified, decent upstanding Americans who’d been complicit in the ruin of Libya.

This version of events is easy to challenge. It’s easy to show that Clinton skillfully—in full neocon mode, spewing disinformation to a clueless public—steered an attack an attack on Libya that has produced enormous blowback and ongoing suffering for the Libyan people. If a right-wing paper like Washington Times can expose this, how much more the more “mainstream” press? Could they at least not raise for discussion whether what Rand Paul calls “Hillary’s war” was, like the Iraq War (and many others) based on lies? Shouldn’t Hillary be hammered with the facts of her history, and her vaunted “toughness” be exposed as callous indifference to human life?

* * *

While championing the rights of women and children, arguing that “it takes a village” to raise a child, Clinton has endorsed the bombing of villages throughout her public life. Here are some talking points for those appalled by the prospects of a Hillary Clinton presidency.

*She has always been a warmonger. As First Lady from January 1993, she encouraged her husband Bill and his secretary of state Madeleine Albright to attack Serbian forces in the disintegrating Yugoslavia—in Bosnia in 1994 and Serbia in 1999. She’s stated that in 1999 she phoned her husband from Africa. “I urged him to bomb,” she boasts. These Serbs were (as usual) forces that did not threaten the U.S. in any way. The complex conflicts and tussles over territory between ethnic groups in the Balkans, and the collapse of the Russian economy following the dissolution of the Soviet Union, gave Bill Clinton an excuse to posture as the world’s savior and to use NATO to impose order. Only the United States, he asserted, could restore order in Yugoslavia, which had been a proudly neutral country outside NATO and the Warsaw Pact throughout the Cold War. President Clinton and Albright also claimed that only NATO—designed in 1949 to counter a supposed Soviet threat to Western Europe, but never yet deployed in battle—should deal with the Balkan crises.

The Bosnian intervention resulted in the imposition of the “Dayton Accord” on the parties involved and the creation of the dysfunctional state of Bosnia-Herzegovina. The Kosovo intervention five years later (justified by the scaremongering, subsequently disproven reports of a Serbian genocidal campaign against Kosovars) involved the NATO bombing of Belgrade and resulted in the dismemberment of Serbia. Kosovo, now recognized by the U.S. and many of its allies as an independent state, is the center of Europe’s heroin trafficking and the host of the U.S.’s largest army base abroad. The Kosovo war, lacking UN support and following Albright’s outrageous demand for Serbian acquiescence—designed, as she gleefully conceded, “to set the bar too high” for Belgrade and Moscow’s acceptance—of NATO occupation of all of Serbia, was an extraordinary provocation to Serbia’s traditional ally Russia. “They need some bombing, and that’s what they are going to get,” Albright said at the time, as NATO prepared to bomb a European capital for the first time since 1945.

*Clinton has been a keen advocate for the expansion of an antiquated Cold War military alliance that persists in provoking Russia. In the same year that NATO bombed Belgrade (1999), the alliance expanded to include Poland, Hungary and Czechoslovakia. But Clinton’s predecessor George H. W. Bush had promised Russia in 1989 that NATO would not expand eastward. And since the Warsaw Pact had been dissolved in 1991, and since Russia under Boris Yeltsin hardly threatened any western countries, this expansion has understandably been viewed in Russia as a hostile move. George Kennan, a former U.S. ambassador to the USSR and a father of the “containment” doctrine, in 1998 pronounced the expansion a “tragic mistake” with “no reason whatsoever.” But the expansion continued under George W. Bush and has continued under Obama. Russia is now surrounded by an anti-Russian military alliance from its borders with the Baltic states to the north to Romania and Bulgaria. U.S.-backed “color revolutions” have been designed to draw more countries into the NATO camp. Hillary as secretary of state was a big proponent of such expansion, and under her watch, two more countries (Albania and Croatia) joined the U.S.-dominated alliance.

(To understand what this means to Russia, imagine how Washington would respond to a Russia-centered “defensive” military alliance requiring its members to spend 2% of their GDPs on military spending and coordinate military plans with Moscow incorporating Canada and all the Caribbean countries, surrounding the continental U.S., and now moving to include Mexico. Would this not be a big deal for U.S. leaders?)

hilla93121420_o.png*As New York senator Clinton endorsed the murderous ongoing sanctions against Iraq, imposed by the UN in 1990 and continued until 2003. Initially applied to force Iraqi forces out of Kuwait, the sanctions were sustained at U.S. insistence (and over the protests of other Security Council members) up to and even beyond the U.S. invasion in 2003. Bill Clinton demanded their continuance, insisting that Saddam Hussein’s (non-existent) secret WMD programs justified them. In 1996, three years into the Clinton presidency, Albright was asked whether the death of half a million Iraq children as a result of the sanctions was justified, and famously replied in a television interview, “We think it was worth it.” Surely Hillary agreed with her friend and predecessor as the first woman secretary of state. She also endorsed the 1998 “Operation Desert Fox” (based on lies, most notably the charge that Iraq had expelled UN inspectors) designed to further destroy Iraq’s military infrastructure and make future attacks even easier.

*She was a strident supporter of the Iraq War. As a New York senator from 2001 to 2009, Hillary aligned herself with the neoconservatives in the Bush administration, earning a reputation as a hawk. She was a fervent supportive of the attack on Iraq, based on lies, in 2003. On the floor of the Senate she echoed all the fictions about Saddam Hussein’s “chemical and biological weapons stock, his missile delivery capability, and his nuclear program.” She declared, “He has also given aid, comfort, and sanctuary to terrorists, including Al Qaeda members.” She suggested that her decision to support war was “influenced by my eight years of experience on the other end of Pennsylvania Ave. in the White House watching my husband deal with serious challenges to our nation.” (Presumably by the latter she meant the threats posed by Serbs in Bosnia and Kosovo.) Her loss to Obama in the Democratic primary in 2008 was due largely to Obama’s (supposed) antiwar position contrasting with her consistently pro-war position. She has only vaguely conceded that her support for the invasion was something of a mistake. But she blames her vote on others, echoing Dick Cheney’s bland suggestion that the problem was “intelligence failures.” “If we knew know then what we know now,” she stated as she began her presidential campaign in late 2006, “I certainly wouldn’t have voted” for the war.

*She actively pursued anti-democratic regime change in Ukraine. As secretary of state from 2009 to 2013, Clinton as noted above endorsed NATO’s relentless expansion. She selected to serve as Assistant Secretary of State for European and Eurasian Affairs the neocon Victoria Nuland, who had been the principal deputy foreign advisor to Cheney when he was vice president. The wife of neocon pundit Robert Kagan, Nuland is a war hawk whose current mission in life is the full encirclement of Russia with the integration of Ukraine into the EU and then into NATO. The ultimate goal was the expulsion of the Russian Black Sea Fleet from the Crimean Peninsula (where it has been stationed since 1783). She has boasted of the fact that the U.S. has invested five billion dollars in supporting what she depicts as the Ukrainian people’s “European aspirations.” What this really means is that the U.S. exploited political divisions in Ukraine to topple an elected leader and replace him with Nuland’s handpicked prime minister, Arseniy Yatsenyev, deploying neo-Nazi shock troops in the process and generating a civil war that has killed over 5000 people.

Clinton has increasingly vilified Vladimir Putin, the popular Russian president, absurdly comparing the Russian re-annexation of the Crimean Peninsula following a popular referendum with Hitler’s annexation of the Sudetenland. She is totally on board the program of producing a new Cold War, and forcing European allies to cooperate in isolating the former superpower.

*She wanted to provide military assistance to the “moderate” armed opposition in Syria, to effect regime change, and after leaving office criticized Obama for not supplying more than he did. In 2011 Clinton wanted the U.S. to arm rebels who quickly became aligned with the al-Nusra Front (an al-Qaeda affiliate) and other extreme Islamists, in order to bring down a secular regime that respects religious rights, rejects the implementation of Sharia law, and promotes the education of women. The U.S. indeed has supplied arms to anti-Assad forces from at least January 2014, But as it happens the bulk of U.S. aid to the “moderate rebels” has been appropriated by Islamists, and some of it is deployed against U.S. allies in Iraq. It is now widely understood that the bulk of “moderate” rebels are either in Turkish exile or directed by CIA agents, while the U.S. plans to train some 5000 new recruits in Jordan. Meanwhile Assad has won election (as fair as any held in a U.S. client state like Afghanistan or Iraq) and gained the upper hand in the civil war. U.S. meddling in Syria has empowered the Islamic State that now controls much of Syria and Iraq.

*She has been an unremitting supporter of Israeli aggression, whenever it occurs. The Israeli newspaper Haaretz described her last year as “Israel’s new lawyer” given her sympathetic view of Binyamin Netanyahu’s 2014 bombardment of Gaza and even his desire to maintain “security” throughout the occupied West Bank. She postured as an opponent of Israel’s unrelenting, illegal settlements of Palestinian territory in 2009, but backed down when Netanyahu simply refused to heed U.S. calls for a freeze. In her memoir she notes “our early, hard line on settlements didn’t work”—as though she’s apologizing for it.

In 1999 as First Lady, Hillary Clinton hugged and kissed Yassir Arafat’s wife Suha during a trip to the West Bank. She advocated the establishment of a Palestinian state. She changed her tune when she ran for the New York Senate seat. When it comes to the Middle East, she is a total, unprincipled opportunist.

*Hillary tacitly endorsed the military coup against elected Honduran president Manuel Zelaya in 2009, refusing to call it such (even though Obama did). She made common cause with those who feared his effort to poll the people about constitutional reform would weaken their positions, made nice with the ensuing regime and made sure Zelaya would not return to office.

*She provoked China by siding with Japan in the Senkaku/ Daioyutai dispute. Departing from the State Department’s traditional stance that “we take no position” on the Sino-Japanese dispute about sovereignty over the Senkaku/ Daioyutai islands in the East China Sea, seized by Japan in 1895, Clinton as secretary of state emphasized that the islands fall within the defense perimeters of the U.S.-Japanese alliance. The warmongering neocon National Review in a piece entitled “In Praise of Hillary Clinton” praised her for “driving the Chinese slightly up a wall.”

*She helped bring down a Japanese prime minister who heeded the feelings of the people of Okinawa, who opposed the Futenma Marine Corps Air Force Station on the island. The new president Yukio Hatoyama, whose Democratic Party of Japan defeated the slavishly pro-U.S. Liberal Democratic Party in the general election of 2009, had promised to move the hated U.S. base in the heart of Ginowan city for the noise, air pollution and public safety hazards it causes. Clinton met with him, listened sympathetically, and said “no.” Hatoyama was obliged to apologize to the people of Okinawa, essentially conceding that Japan remains an occupied nation that doesn’t enjoy sovereignty. Nationwide his public support ratings fell from 70 to 17% and he was obliged to resign in shame after eight months in office.

*She made countless trips to India, signing bilateral economic and nuclear cooperation agreements with a country her husband had placed under sanctions for its nuclear tests in 1998. While castigating North Korea for its nuclear weapons program, and taking what a CIA analyst called a “more hard line, more conditional, more neoconservative [approach] than Bush during the last four years of his term,” she signaled that India’s nukes were no longer an issue for the U.S. India is, after all, a counterweight to China.

hillarahil.jpgWhat can those who revere her point to in this record that in any way betters the planet or this country? Clinton’s record of her tenure in the State Department is entitled Hard Choices, but it has never been hard for Hillary to choose brute force in the service of U.S. imperialism and its controlling 1%.

This is a country of 323 million people. 88% of those over 25 have graduated high school. The world respects U.S. culture, science, and technology. Why is it that out of our well-educated, creative masses the best that the those who decide these things—the secretive cliques within the two official, indistinguishable political parties who answer to the 1% and who decide how to market electoral products—can come up with is the likely plate of candidates for the presidential election next year? Why is it that, while we all find it ridiculous that North Korea’s ruled by its third Kim, Syria by its second Assad, and Cuba by its second Castro, the U.S. electorate may well be offered a choice between another Clinton and another Bush? As though their predecessors of those surnames were anything other than long-discredited warmongering thugs?

GARY LEUPP is Professor of History at Tufts University, and holds a secondary appointment in the Department of Religion. He is the author of Servants, Shophands and Laborers in in the Cities of Tokugawa JapanMale Colors: The Construction of Homosexuality in Tokugawa Japan; and Interracial Intimacy in Japan: Western Men and Japanese Women, 1543-1900. He is a contributor to Hopeless: Barack Obama and the Politics of Illusion, (AK Press). He can be reached at: gleupp@granite.tufts.edu

dimanche, 15 février 2015

Geneviève Dormann: les jeux de l’amour et des hussards

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Geneviève Dormann: les jeux de l’amour et des hussards
 
Mais dites-moi, elle n’était pas un peu insolente, Geneviève Dormann?
 
Journaliste et écrivain
Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais. Co-fondateur de Boulevard Voltaire, il en est le Directeur de la Publication
Ex: http://www.bvoltaire.fr

dodo82253058168-T.jpgMais dites-moi, elle n’était pas un peu insolente, Geneviève Dormann ? Un peu insolente, vous plaisantez ? Elle était l’insolence en personne. Elle toisait du même regard bleu comme l’acier à la fois froid et rigolard, elle méprisait et elle bravait avec la même assurance, elle rejetait avec le même haussement d’épaule les bienséances, les conventions, les ridicules, les hiérarchies, les lâches, les complaisants, les décorations, les promotions, les récompenses, le politiquement correct et la pensée inique, le qu’en-dira-t-on, le qu’en-pensera-t-on. Elle était libre, Max, dans sa vie privée comme dans ses propos publics, dans ses jugements, dans ses indulgences comme dans ses éreintements, elle assumait avec une imperturbable assurance ses partis pris, et était prête à se faire hacher menu pour ceux qu’elle aimait comme à mordre jusqu’à les déchiqueter ceux dont la tête ou le comportement ne lui revenaient pas. Fidèle comme un dogue, féroce comme un pitbull, elle était la première à rire du surnom de « Dobermann » que lui avaient valu ses excès de franchise et de pugnacité. Ses ennemis, nombreux (je me souviens que nous étions tombés d’accord pour voir dans le proverbe espagnol « Beaucoup d’ennemis, beaucoup d’honneur » la plus belle devise dont puisse s’orner le blason d’un journaliste ou d’un écrivain), ne mettaient systématiquement en avant son caractère bien trempé que pour n’avoir pas à reconnaître le talent qu’elle avait mis dans les romans où elle laissait caracoler sa plume allègre et désinvolte, à la hussarde. C’était une cavale sauvage.

Les hussards, c’étaient ses dieux, et elle ne cessait de maudire le hasard qui l’avait fait naître trop tard, dans un monde trop vieux, vingt ans après ses quatre idoles – Nimier, Laurent, Blondin, Déon – dans la compagnie desquels elle aurait tant aimé être le cinquième mousquetaire. Fumant comme un sapeur, buvant comme un Polonais, jurant comme un cuirassier de la belle voix rauque et sensuelle que le tabac fait à certaines femmes, elle imitait ces modèles jusque dans leurs travers. Garçon manqué ? Mais non, femme réussie, entière, passionnée et qui, bien au-dessus de l’argent, de la gloire, de la famille et même de la littérature, mettait l’amour et l’amitié.

Elle se faisait du tort à plaisir et avec fierté. Il y eut une brève période où la radio et la télévision faisaient fréquemment appel, pour pimenter certaines émissions, à Geneviève Dormann, à cause de son insolence. C’est à cause de cette insolence même qu’elle disparut progressivement de l’antenne et de l’écran. On s’étonna de lui voir cosigner avec Régine Deforges un petit ouvrage sur le point de croix, qui tenait plus du canular que de la profession de foi. Ces dernières années, la maladie l’avait réduite au silence.

Adieu, Geneviève…

Corporativismo del III Millenio

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Que reste-t-il de l'armée française?...

Que reste-t-il de l'armée française?...

La revue Réfléchir et agir publie dans son dernier numéro (n°49 - hiver 2015), disponible en kiosque, un dossier sur l'armée française...

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Au sommaire du dossier :

De livres blancs en lois de programmation

Une armée au format stade de France ?

Harkis des Yankees ? Merci Sarkozy !

Entretien avec Magnus Martel

Messieurs les généraux, vous devez parler maintenant !

Quels ennemis ?

Entretien avec le colonel Jacques Hogard

Mourir pour ça ?

L'armée dernière société féodale

On trouvera aussi un entretien avec Farida Belghoul, , des articles sur la répression antinationaliste aux Etats-Unis, sur Claude Seignolle, sur les précurseurs de l'écologie politique, sur la folk irlandaise ou sur John Ford, ainsi que de nombreuses notes de lectures et une rubrique musique

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Si, si, l’Égypte achète bien des Rafale!

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Si, si, l’Égypte achète bien des Rafale!
 
Le contrat d’armement avec l’Égypte est confirmé ce jeudi et doit être paraphé lundi prochain par les chefs d’État respectifs.
 
Ancien pilote de chasse
Ex: http://www.bvoltaire.fr
 

Donc, le contrat d’armement avec l’Égypte est confirmé ce jeudi et doit être paraphé lundi prochain par les chefs d’État respectifs. La rapidité de la conclusion – moins de 6 mois depuis les premiers contacts – et la signature au niveau étatique suggère une double signification.

C’est le « client » qui semble être venu solliciter l’acquisition des matériels. Procédé qui bouscule les longues manœuvres de promotion et transactions commerciales habituellement nécessaires en cas de besoin annoncé et qui se conjuguent avec de redoutables défis face à la concurrence internationale.

Soit l’Égypte a choisi la France pour des raisons politiques et/ou financières, soit les performances des systèmes répondent au mieux aux menaces et objectifs présents, voire nouveaux, retenus par l’état-major égyptien.

Dans les déclarations officielles et dans les médias, on parle toujours et seulement des avions et bateaux, c’est-à-dire des « porteurs », ceux qui font de belles photos et vidéos de démonstration publique ou de revue navale. Mais ce qui en fait l’efficacité offensive réelle, les systèmes d’armes, n’est que peu révélé. C’est pourtant ce critère qui détermine une sélection judicieuse quand les pressions politiques n’y font pas obstacle.

Les missiles de MBDA et EADS qui arment chasseurs et frégates associés aux électroniques Thales ou autres sont les vrais outils d’efficacité et de supériorité. L’avenir dira, peut-être, si ce sont ces qualités opérationnelles qui ont précipité les Égyptiens sur le marché français.

David Herbert Lawrence: vers un paganisme solaire

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David Herbert Lawrence: vers un paganisme solaire

Un auteur maudit?

par Jean-Christophe Mathelin

Ex: http://www.archiveseroe.eu

L’écrivain — et peintre — britannique David Herbert Lawrence (1885-1930), que l’on ne confondra pas avec son compatriote et contemporain T.E. Lawrence, alias Lawrence d’Arabie, est essentiellement connu des lecteurs de langue française pour deux romans : L’Amant de Lady Chatterley et Le Serpent à plumes. Le premier participa aux émois de quelques générations d’adolescents (j’en suis !) qui l’empruntaient clandestinement dans la bibliothèque de leurs parents. Ajoutons que le film de J. Jaeckin (1981) avec Sylvia Christel (Emmanuelle) dans le rôle de lady Chatterley renforçait l’impression du grand public selon laquelle D.H. Lawrence n’était qu’un auteur érotique (1). Pourtant le public cultivé savait que cet écrivain “osé”, dont certaines œuvres furent interdites dans son pays, avait aussi écrit Le Serpent à plumes, du nom de la divinité aztèque Quetzalcoatl. Ce roman d’aventures mexicaines connut un grand succès de librairie dans les années 50, et passa même en épisodes quotidiens radiodiffusés sur France Culture, à l’occasion du cinquantenaire de sa publication, en 1976. D.H. Lawrence a écrit, outre une douzaine de romans, à peu près autant d’essais, 70 nouvelles, quatre pièces de théâtre et quatre recueils de poèmes.

Compte tenu de sa mort relativement précoce — il avait 45 ans —, l’œuvre est donc considérable. Lorsque l’on s’y plonge, on découvre que l’aspect sensuel de Lawrence n’est qu’une des composantes de sa conception philosophico-religieuse, beaucoup plus vaste, “païenne”, c’est-à-dire traditionnelle et cosmique.

En effet, Lawrence ne renoue-t-il pas avec l’idéal grec antique lorsqu’il affirme : « la vie n’est supportable que quand le corps et l’esprit sont en harmonie, qu’un équilibre naturel s’établit entre eux et que chacun des deux a pour l’autre un respect naturel ». Selon lui, « l’amour physique (…) permet de renouer avec les forces instinctives et naturelles de l’existence », forces éteintes dans l’homme occidental par le mode de vie moderne. De même, il reproche au Christianisme (dans lequel il a été élevé) d’être dépourvu du sens vital, d’être, comme l’avait vu Nietzsche, une religion du ressentiment collectif. À l’inverse, la sacralisation de la sexualité par le Paganisme permettait, en reconnaissant à l’homme et à la femme leur complémentarité, par-delà leurs différences, de participer à l’Ordre du Monde (2). Lawrence, pour qui la sexualité n’est pas synonyme d’orgies, écrit : « La communion des deux fleuves de sang de l’homme et de la femme, dans le sacrement du mariage, parachève la création : elle complète le rayonnement du Soleil et le rutilement des étoiles ».

Dans le présent article, nous nous intéresserons particulièrement à l’aspect païen et surtout solaire de l’écrivain car dans la conception cosmique flamboyante de Lawrence, le Soleil occupe une place centrale, comme nous le verrons à travers quelques-uns de ses ouvrages.

Un roman païen : “Le Serpent à plumes”

dhl2268068633.jpgCette fresque mystico-politique a été écrite dans un village du Nouveau-Mexique en 1925. L’action se passe au Mexique, riche de son passé, mais usé, décadent, vidé de sa substance par les trois grands maux apportés par l’homme blanc, qui sont (selon Lawrence) le Christianisme, l’américanisme, le socialisme. Un homme est particulièrement conscient de cette déchéance, c’est l’archéologue-historien Don Ramon. Cet aristocrate de l’esprit sait pourtant qu’une chose pourra sauver son pays : le retour, aux anciennes valeurs, incarnées par le Dieu Quetzalcoatl, fils du Soleil, Seigneur de la Sagesse et de l’étoile du matin. Don Ramon ne se dissimule pas les difficultés de l’entreprise : pour amener le Mexique à renouer avec ses traditions glorieuses, il lui faudra combattre à la fois l’amour universel de la religion trompeuse, le culte du dollar et la classe politique corrompue. Tâche immense dans laquelle il sera aidé par Don Cipriano, un général auquel ses hommes ont voué leur vie pour rétablir le culte de Huitzilopochtli, Dieu du Soleil et de la guerre. Unis par un idéal commun et une amitié sans faille, « l’homme de Quetzalcoatl » (Ramon l’Européen) et « l’homme de Huirzilopochtli » (Cipriano l’indien) mènent une sorte de croisade païenne, qui connaît un succès croissant auprès du peuple. Celui-ci est en effet sensible aux beaux hymnes de Ramon, qui annoncent que Jésus ayant fait son temps, les anciens Dieux vont renaître. Une Irlandaise, Kate, se joint à eux. Fascinée par ce retour d’un pays à sa culture ancestrale, déçue par la société moderne, elle ira jusqu’à épouser Cipriano (bien qu’il lui reste toujours étranger) et devenir ainsi Malitzi, la Déesse de la végétation. Mais le jour où la religion de Quetzalcoatl sera déclarée religion officielle du Mexique, Kate repartira vers l’Europe. Don Ramon la charge d’une mission : « Dites aux gens de votre Irlande de faire comme nous ici ». C’est là que le livre de Lawrence prend tour son sens. À travers Ramon, c’est aux Européens que Lawrence s’adresse, car, malgré ses errances aux quatre bouts du monde (motivées par les persécutions subies en Angleterre), il n’a jamais cessé de penser au salut de l’Europe. Ramon, bâtisseur d’une nouvelle histoire, jette un pont entre le plus lointain passé et le plus lointain futur, là où l’homme atteindra à la plus grande vie. À l’opposé du cosmopolitisme uniformisant, il souhaite que chaque peuple retrouve ses racines spirituelles, chacun invoquant son Hermès, son Wotan ou son Mithra.

La solarité au féminin : “L’Amazone fugitive”

Deux ans après Le Serpent à plumes, paraissait ce recueil de nouvelles, du titre de la plus longue et de la plus connue d’entre les nouvelles. L’Amazone fugitive est inspirée, elle aussi, du séjour de Lawrence au Nouveau-Mexique, et de son admiration pour ces Indiens Pueblos, adeptes du culte solaire (3). Lawrence met à nouveau en scène une femme blanche au Mexique. Comme Kate, elle est désillusionnée par une vie terne. Elle décide un jour d’abandonner le ranch de son mari et ses enfants pour rejoindre une mystérieuse tribu indienne, censée avoir conservé l’antique religion aztèque. Au terme de son périple, l’amazone fugitive rencontre trois Indiens qui la conduisent enfin dans la fameuse tribu.

« Il dit : Pourquoi a-t-elle quitté sa maison et les hommes blancs ? Veut-elle apporter le Dieu de l’homme blanc aux Chilchuis ? Non, répliqua-t-elle avec témérité. J’ai quitté moi-même le Dieu de l’homme blanc. Je suis venue chercher le Dieu des Chilchuis. (…) Il demande si vous avez apporté votre cœur aux Dieux des Chilchuis, traduisit le Jeune Indien. Dites-lui que oui, répondit-elle automatiquement. »

Traitée avec égard par ses hôtes, dont elle est néanmoins prisonnière, elle découvre peu à peu l’importance fondamentale du culte solaire pour ces Indiens. Elle réalise ainsi le sens inconscient de sa fuite : venir s’offrir en sacrifice au Dieu-Soleil. Même si cette idée lui fait parfois horreur, elle comprend qu’elle doit aller jusqu’au bout de sa quête, sans regrets :

«  Faut-il que je meure et que je sois livrée au Soleil ? demanda-t-elle.

- Un jour, dit-il avec un sourire évasif. Un jour ou l’autre nous mourrons tous. »

Nous trouvons ici un autre thème lawrencien : plutôt une mort glorieuse et volontairement choisie (on pense ici aux kamikaze) que de vivre en mort-vivant , comme la société moderne nous l’impose. Pendant les mois précédant le solstice d’hiver, où elle sera sacrifiée, elle sentira se développer en elle les mille liens la reliant à l’Univers. Lawrence est un animiste et un panthéiste convaincu ; il décrit admirablement « ce sentiment exquis (…) de se fondre dans la beauté et l’harmonie des choses » : 

« Alors elle entendit les grandes étoiles, qu’elle voyait au ciel dans l’encadrement de sa porte ouverte, parler par leur mouvement et leur éclat, faire des confidences au Cosmos tandis qu’elles dansaient en formant de parfaites figures pareilles à des clochettes au firmament et se croisaient et se groupaient dans la danse éternelle, séparées par des espaces sombres. Et, les jours froids et nuageux, elle entendait les flocons de neige qui gazouillaient et sifflaient timidement dans le ciel comme des oiseaux qui s’assemblent et s’envolent en automne, puis brusquement poussaient un cri d’adieu vers la lune invisible et s’esquivaient des plaines de l’air en dégageant une douce chaleur. Elle-même criait à la Lune invisible de ne plus être en colère, de refaire la paix avec le Soleil invisible comme une femme qui cesse d’être irritée dans sa maison. Et elle sentait que la Lune se radoucissait pour le Soleil dans le ciel hivernal quand la neige tombait avec un abandon languissant et glacé, tandis que la paix du Soleil se mêlait dans une sorte d’unisson à la paix de la Lune ».

dhl214.jpgEt le jour venu, c’est sans état d’âme qu’elle accomplira son destin. Une autre nouvelle du même recueil, intitulée Soleil, reprend encore ce thème de la femme mûre insatisfaite de son existence, mais il est traité de manière beaucoup plus pacifique, comme un conte naturiste. Juliette quitte les États-Unis, où elle dépérit, pour le Soleil de la Méditerranée. Là commencera pour elle une nouvelle existence à travers un face à face quotidien avec l’Astre divin (évoquant l’expérience d’Anna de Noailles [4]). Elle s’épanouira enfin sous ses rayons qui harmonisent à la fois le corps et l’âme :

« À sa connaissance du Soleil, à la certitude que le Soleil la connaissait dans le sens cosmique et charnel du mot, s’ajoutait une impression de détachement et un certain mépris pour tous les êtres humains. Ils étaient si loin des éléments primordiaux, si privés de Soleil. Ils étaient pareils aux vers des cimetières. »

Le jugement très dur de Lawrence sur ses contemporains résulte de sa conception selon laquelle « la seule raison de vivre est d’être pleinement vivant ». Or Lawrence reproche à la civilisation moderne de tuer l’étincelle divine dans l’individu, qui apparaît, dès lors, comme incomplet, endormi. Seul l’homme “primitif”, qu’il a rencontré notamment chez les Indiens, est pleinement humain car il se fie à son instinct. Cet homme a de plus à ses yeux l’immense avantage « d’avoir conservé avec l’Univers des liens mystérieux ».

Le nouveau Discours sur Hélios-Roi : “Apocalypse”

dhl19613.jpgCette pensée, que Lawrence exprime de manière allégorique dans ses romans et nouvelles, sera explicite dans son dernier ouvrage, paru un an après sa mort, et qui représente son testament spirituel. Apocalypse est l’étude fouillée du texte de Jean de Patmos, qui clôt le Nouveau Testament. Si la notion même d’apocalypse lui répugne, à cause de cet « ignoble désir de fin du monde », Lawrence s’intéresse à cet écrit car il y découvre deux influences opposées. Tout d’abord, le message de ceux qui « ne peuvent même pas supporter l’existence de la Lune et du Soleil », mais par-delà la strate judéo-chrétienne, il y trouve une strate païenne. Car pour faire passer de manière frappante cette vision apocalyptique, le ou les auteurs ont eu recours à un langage, à une symbolique cosmiques, donc païens (5). L’étude de l’Apocalypse est ainsi pour Lawrence prétexte à comparer entre elles ces deux conceptions du monde antagonistes :

« Ne nous figurons pas que nous voyons le Soleil comme le voyaient les civilisations anciennes. Nous ne voyons qu’un petit luminaire scientifique, réduit à un ballon de gaz enflammé. Dans les siècles précédant Ézéchiel et Jean, le Soleil était encore une réalité magnifique. Les hommes en tiraient force et splendeur, et lui rendaient hommage, lustre et remerciements. À l’époque de Jésus, les hommes ont fait du ciel une machine de destin et de fatalité, une prison. Les chrétiens s’évadaient de cette prison en reniant radicalement le corps. Mais hélas, quelles petites évasions, ces évasions par reniement ! — ce sont les plus fatales des évasions. La chrétienté et notre civilisation idéaliste n’ont été qu’une longue évasion, cause de stagnation infinie et de misère — la misère que les gens connaissent aujourd’hui, qui ne vient pas d’un manque physique, mais d’une façon plus mortifère, d’un manque de désir vital. Mieux vaut manquer de pain que manquer de vie — grande évasion dont le seul fruit est la machine ! »

Lawrence développe sa vision d’un Paganisme solaire, qui rejoint l’expérience des grands mystiques et anticipe l’inconscient jungien :

« Et certaines des grandes images de l’Apocalypse remuent en nous d’étranges profondeurs, nous procurent une étrange et sauvage vibration pour la liberté, la vraie liberté : fuite vers quelque chose et non fuite vers nulle part. Fuir la petite cage exiguë de notre univers, exiguë car elle n’est qu’une extension à sens unique, une suite morne sans aucune signification ; la fuite vers le Cosmos vital, vers un Soleil à la vie grande et sauvage, qui abaisse ses regards pour nous raffermir, ou bien, foudroyant, merveilleux, passe son chemin. Qui dit que le Soleil ne peut pas me parler ! Le Soleil a une vaste conscience flamboyante, moi j’en ai une petite. Quand j’arrive à me débarrasser de mon fatras d’idées et de sentiments personnels, et à descendre jusqu’à mon être solaire dépouillé (6), alors le Soleil et moi pouvons nous entretenir sur l’heure, échange flamboyant, il me donne vie, Soleil de vie, et je lui envoie un peu d’une vivacité nouvelle venue d’un monde au sang vif — le grand Soleil (…) aime le sang rouge et vif de la vie, et peut l’enrichir à l’infini si nous savons comment le recevoir.  »

Ce Paganisme solaire est naturellement complémentaire d’un Paganisme lunaire :

« Et nous avons perdu la Lune, la Lune fraîche, brillante et changeante. C’est elle qui peut toucher nos nerfs, les polir de son rayonnement soyeux et les policer par sa fraîche présence. Car la Lune est la maîtresse et la mère de nos corps aquatiques, le corps pâle de notre conscience nerveuse et de notre chair moite. La Lune pourrait nous apaiser et nous guérir entre ses bras comme une grande et fraîche Artémis. Mais nous l’avons perdue, nous l’ignorons dans notre stupidité, et rageuse, elle nous fixe et nous cingle de coups de fouet nerveux. Oh ! prenons garde à la coléreuse Artémis des cieux nocturnes, prenons garde à la rancune et au croissant d’Astarté.  »

Mais attention, prévient Lawrence, le culte solaire n’a rien à voir avec la moderne “bronzette” :

«  Nous ne pouvons nous assimiler le Soleil en nous couchant tout nus comme des cochons sur une plage. Le Soleil lui-même qui nous bronze nous désagrège du dedans (…) il ne peur que fondre sur nous et nous détruire (…) dragon de destruction et non plus faiseur de vie. (…) Nous ne pouvons nous assimiler le Soleil que par une sorte de culte, de même avec la Lune — en décrétant un culte au Soleil ».

Il s’agit d’un état de conscience et d’un vitalisme (7) :

« Il y a une éternelle correspondance vitale entre notre sang et le Soleil : il y a éternelle correspondance vitale entre nos nerfs et la Lune. Si nous perdons le contact et l’harmonie avec la Lune et le Soleil, tous deux se retournent contre nous comme deux grands dragons de destruction. Le Soleil est une source de vitalité sanguine, il rayonne de force à notre égard. Mais si une fois nous lui résistons en disant : ce n’est qu’un ballon de gaz ! — alors la vraie vitalité rayonnante de sa lumière se change en subtile force désagrégeante et nous défait. Même chose pour la Lune, les planètes, les grandes étoiles. Ce sont nos producteurs ou nos destructeurs, il n’y a pas d’échappatoire. »

Ce Paganisme est aussi un panthéisme (8) :

« Le Cosmos et nous-mêmes ne faisons qu’un. Le Cosmos est un grand organisme vivant dont nous faisons toujours partie. Le Soleil est un grand cœur dont les pulsations parcourent jusqu’à nos veines les plus fines. La Lune est un grand centre nerveux étincelant d’où nous vibrons sans cesse. Qui peut dire le pouvoir que Saturne a sur nous, ou Vénus ? C’est un pouvoir vital, ondoiement extrême qui nous traverse sans interruption. Et si nous renions Aldébaran, Aldébaran nous transperce d’infinis coups de poignards. Celui qui n’est pas avec nous est contre moi ! — c’est la loi cosmique. Et tout ceci est vrai à la lettre, comme le savaient les hommes du temps passé, et comme ils le sauront à nouveau ».

Malheureusement, le lien cosmique s’est dégradé depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours :

« Or la connexion en nous est rompue, les centres sont morts. Notre Soleil, tellement plus banal, est tout autre chose que le Soleil cosmique des Anciens. Nous pouvons voir ce que nous appelons Soleil, mais nous avons perdu Hélios pour toujours, et plus encore le grand globe des Chaldéens. Nous avons perdu le Cosmos, nous en avons déconnecté notre sensibilité, c’est notre principale tragédie. Qu’est-ce que notre minable petit amour de la nature — la Nature — comparé à une ancienne et magnifique vie commune avec le Cosmos, honorée du Cosmos ! (…) Le Soleil ne nous nourrit plus, ni la Lune. En langage mystique, la Lune s’est obscurcie et le Soleil est devenu noir. Quand j’entends des gens modernes se plaindre d’être seuls, je sais ce qui est arrivé. Ils ont perdu le Cosmos ».

Il nous faut donc retrouver une sensibilité, une conscience cosmiques :

«  Nous ne manquons ni d’humanité ni de subjectivité ; ce dont nous manquons, c’est de vie cosmique, du Soleil en nous et de la Lune en nous. (…) Maintenant, il nous faut retrouver le Cosmos, et ça ne s’obtient pas par un tour de passe-passe mental. Il nous faut revivre tous les réflexes de réponse qui sont morts en nous. Les tuer nous a pris deux mille ans. Qui sait combien de temps il faudra pour les ranimer ?  »

Nous avons ici l’ouvrage capital de la pensée lawrentienne, qui expose dans un style éblouissant son Paganisme panthéiste et solaire. Un des plus beaux discours sur Hélios-Roi depuis celui de l’Empereur Julien ! On peut considérer cet écrit inclassable (9), mais sublime, comme le successeur du Zarathoustra de Nietzsche, auquel il s’apparente par le style et la recherche de valeurs supérieures (10).

Les poèmes solaires de Pensées

Parues également à titre posthume, quelques années après Apocalypse, on retrouve dans ce recueil les différentes facettes de l’auteur. Le Soleil y est omniprésent, comme dans le charmant poème « Femmes solaires  », qui rejoint totalement le personnage de Juliette :

« Comme ce serait étrange si des femmes s’avançaient et disaient :

Nous sommes les femmes solaires !
Nous n’appartenons ni aux hommes ni à nos enfants ni à nous-mêmes
Mais au Soleil.
Ah ! quel délice de sentir le Soleil sur moi !
Quel délice de s’ouvrir comme une fleur
Lorsqu’un homme vient et vous regarde
Le visage plein de lumière, de sorte qu’une femme
Ne peut que s’ouvrir comme une fleur
Percée par les rayons étincelants ».

Les préoccupations sociales de Lawrence apparaissent dans le poème « Les classes moyennes », où il proclame son mépris pour la bourgeoisie :

« Les classes moyennes
Sont sans Soleil.
Elles n’ont que deux étalons,
L’homme et l’argent,
Elles n’ont absolument aucune parenté avec le Soleil. »

DH-Lawrence-L.jpg

En politique, sa conception aristocratique l’amène à se situer en dehors des partis classiques. Il s’en exprime dans « Démocratie » :

« Je suis démocrate dans la mesure où j’aime dans l’homme sa liberté solaire.
Je suis aristocrate dans la mesure où je hais l’étroit esprit de possession.
J’adore le Soleil en tous les hommes
Lorsque je vois briller sur un front
Clair et sans peur, si petit soit-il.
Mais lorsque je vois ces ternes hommes qui arrivent à la puissance
Si laids, pareils à des cadavres, absolument privés de Soleil
Et qui se dandinent machinalement
Comme de gros esclaves victorieux,
Alors je suis plus que radical,
J’ai envie d’amener la guillotine.
Et lorsque je vois des travailleurs
Pâles, vils, semblables à des insectes
Machinalement affairés
Qui vivent comme des poux sur une maigre pitance
Et ne regardent jamais plus haut,
Alors je voudrais, comme Tibère, que la foule n’eût qu’une tête
Pour que je pusse la trancher.
Lorsque les êtres sont totalement dépourvus de Soleil
Ils ne devraient pas exister »

Dans « l’Espace » reparaissent les conceptions panthéistes d’Apocalypse :

« L’espace, bien sûr, est vivant,
C’est pourquoi il bouge ;
Et c’est ce qui le rend éternellement spacieux et aéré.
Quelque part en lui est un cœur sauvage
Dont les battements me transpercent
Et je l’appelle le Soleil ;
Et je me sens aristocrate, plein de noblesse,
Lorsqu’un battement me traverse
Venant du cœur sauvage de l’espace, que je nomme Soleil suprême. »

Pour Lawrence comme pour Nietzsche, la morale chrétienne n’est qu’une morale d’esclaves, avec sa comptabilité anxieuse du péché. La vraie immoralité est pour lui très différente, ainsi qu’il l’a exprimée dans le poème du même nom :

« Il est immoral
D’être mort-vivant,
Éteindre en soi le Soleil
Et l’éteindre dans les autres »

Lawrence, héraut du Soleil

Initié, visionnaire, Lawrence l’a certes été. Comme tous les prophètes, il fut d’abord incompris, à commencer dans son propre pays. Précurseur de la révolution sexuelle, il avait aussi dénoncé les dangereux mirages de la société industrielle. En cette fin de millénaire, où l’homme occidental met toute la planète en danger, où nos systèmes sans âme génèrent toutes sortes de pathologies abjectes, combien les faits ont abondé dans son sens ! Sa vie illustre parfaitement les mots de Teilhard de Chardin : « Ceux qui ont raison trop tôt s’exposent à finir en hérétiques ». Lawrence avait aussi prévu la renaissance du Paganisme, ce qui lui fut reproché. Cette renaissance païenne, aujourd’hui évidente, est pour nous indissociable d’un réveil de la solarité, auquel nous travaillons. Lawrence, chantre du Soleil, nous montre la voie : par la hauteur de ses visions, par la force de son art, il doit être considéré comme l’un des grands représentants de la solarité du XXe siècle.

► Jean-Christophe Mathelin, Antaios n°14, 1999.

Docteur en géologie, JC Mathelin est professeur. Depuis 1992, il anime la revue Solaria et le Cercle de Recherches sur les Cultes Solaires. Il prépare une anthologie des hymnes et prières au Soleil.

Notes :

  • (1) Le génie littéraire de D.H. Lawrence est aujourd’hui largement reconnu et ses audaces érotiques ont été dépassées depuis, par des auteurs qui n’ont pas son talent.
  • (2) A. Maupertuis, Le sexe et le plaisir avant le christianisme : L’érotisme sacré, Retz, Paris 1977.
  • 3) Voir à ce sujet C.G. Jung, Ma vie, Gallimard, 1962.
  • 4) Notamment les poèmes « La Prière au Soleil » et « L’Accueil au Soleil » : cf. Solaria n°7.
  • 5) Le succès historique de la Bible auprès des populations européennes, a priori peu réceptives aux religions du désert, pourrait entre autres s’expliquer par le fait qu’elles y auraient reconnu des éléments indo-européens : un message apollinien dans l’Évangile de Jean (le Prologue par ex.), une eschatologie iranienne dans l’Apocalypse, etc.
  • 6) Pour Jung, lorsque le mystique descend au fond de son âme, il y trouve le « Soleil de l’au-delà ». Voir C.G. Jung, Métamorphoses de l’âme et ses symboles, Librairie de l’Université - Georg et Cie, Genève, 1983.
  • 7) La théorie du vitalisme solaire fut soutenue notamment par le stoïcien Posidonius. Voir F. Cumont, La Théologie solaire du paganisme romain, Mémoires présentés à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de l’Institut de France, II, 2, Paris, 1913.
  • 8) Vieille théorie stoïcienne. Voir l’article « Panthéisme » dans l’Encyclopaedia Universalis.
  • 9) Osons une comparaison avec Citadelle de Saint-Exupéry, livre posthume et philosophique, un peu décousu, mais profond et poétique.
  • (10) Notamment le très solaire Prologue.


A lire :

  • Le Serpent à plumes, Stock, 1957, (Londres, 1926).
  • L’Amazone fugitive, Stock, 1976, (Londres 1928).
  • Apocalypse, Balland, 1978, (Londres 1931).
  • Matinées mexicaines - Pensées, Stock, 1986 (Londres 1935).

Five Reasons Congress Should Reject Obama’s ISIS War

No More Rubber Stamps

Five Reasons Congress Should Reject Obama’s ISIS War

by PETER CERTO

Ex: http://www.counterpunch.org

clear.jpgAt long last, the Obama administration has submitted a draft resolution to Congress that would authorize the ongoing U.S.-led military intervention against the Islamic State, or ISIS.

The effort comes more than six months after the U.S. began bombing targets in Iraq and Syria. Since then, some 3,000 U.S. troops have been ordered to Iraq, and coalition air forces have carried out over 2,000 bombing runs on both sides of the border. Better late than never? Maybe not. The language proposed by the White House would authorize the president to deploy the U.S. military against the Islamic State and “associated persons or forces” for a period of three years, at which point the authorization would have to be renewed. In an attempt to reassure members of Congress wary of signing off on another full-scale war in the Middle East, the authorization would supposedly prohibit the use of American soldiers in “enduring offensive ground combat operations.” It would also repeal the authorization that President George W. Bush used to invade Iraq back in 2002.

The New York Times describes the draft authorization as “a compromise to ease concerns of members in both noninterventionist and interventionist camps: those who believe the use of ground forces should be explicitly forbidden, and those who do not want to hamstring the commander in chief.” As an ardent supporter of “hamstringing the commander in chief” in this particular case, let me count the ways that my concerns have not been eased by this resolution.

1. Its vague wording will almost certainly be abused. For one thing, the administration has couched its limitations on the use of ground forces in some curiously porous language. How long is an “enduring” engagement, for example? A week? A year? The full three years of the authorization and beyond? And what’s an “offensive” operation if not one that involves invading another country? The resolution’s introduction claims outright that U.S. strikes against ISIS are justified by America’s “inherent right of individual and collective self-defense.” If Obama considers the whole war “inherently defensive,” does the proscription against “offensive” operations even apply? And what counts as “combat”?

In his last State of the Union address, Obama proclaimed that “our combat mission in Afghanistan is over.” But only two months earlier, he’d quietly extended the mission of nearly 10,000 U.S. troops in the country for at least another year. So the word seems meaningless. In short, the limitation on ground troops is no limitation at all. “What they have in mind,” said California Democrat Adam Schiff, “is still fairly broad and subject to such wide interpretation that it could be used in almost any context.” Any context? Yep. Because it’s not just the ISIS heartland we’re talking about.

2. It would authorize war anywhere on the planet. For the past six months, we’ve been dropping bombs on Iraq and Syria. But the draft resolution doesn’t limit the authorization to those two countries. Indeed, the text makes no mention of any geographic limitations at all. That could set the United States up for war in a huge swath of the Middle East. Immediate targets would likely include Jordan or Lebanon, where ISIS forces have hovered on the periphery and occasionally launched cross-border incursions. But it could also rope in countries like Libya or Yemen, where ISIS knockoff groups that don’t necessarily have any connection to the fighters in Iraq and Syria have set up shop. This is no theoretical concern. The Obama administration has used Congress’ post-9/11 war authorization — which specifically targeted only the perpetrators of the 9/11 attacks and their patrons and supporters — to target a broad array of nominally “associated forces” in a stretch of the globe reaching from Somalia to the Philippines.

In fact, the administration has used the very same 2001 resolution to justify its current intervention in Iraq and Syria — the very war this new resolution is supposed to be authorizing. How does the new resolution handle that?

3. It leaves the post-9/11 “endless war” authorization in place. Yep. That means that even if Congress rejects his ISIS resolution, Obama could still claim the authority to bomb Iraq and Syria (not to mention Lebanon, Jordan, Yemen, Libya, and beyond) based on the older law. It also means that if Congress does vote for the war but refuses to reauthorize it three years from now, some future president could fall back on the prior resolution as well.

Obama is explicit about this point. In his accompanying letter to Congress, the president claims that “existing statutes provide me with the authority I need to take these actions” against ISIS. Yes, you read that right: Obama claims he doesn’t even need the authority he’s writing to Congress to request. And he’s saying so in the very letter in which he requests it. So what does that say about this authorization?

obama_isis_war_460.jpg4. It’s a charade. Obama says that the war resolution is necessary to “show the world we are united in our resolve to counter the threat posed by” ISIS. Secretary of State John Kerry added in a statementthat an authorization would send “a clear and powerful signal to the American people, to our allies, and to our enemies.” But as any kid who’s taken middle school civics could tell you, the point of a war resolution is not to “show the world” anything, or “send a signal” to anyone.

The point is to encourage an open debate about how the United States behaves in the world and what acts of violence are committed in our name. Most importantly, it’s supposed to give the people’s representatives (such as they are) a chance to say no. Without that, it’s little more than an imperial farce. Which is a shame. Because an empty shadow play about the scope of the latest war leaves out one crucial perspective…

5. War is not going to stop the spread of ISIS. ISIS has flourished almost entirely because of political breakdown on both sides of the Iraq-Syria border.

That breakdown has been driven by a mess of factors — local sectarian tensions and a brutal civil war in Syria, assuredly, but also the catastrophic U.S. invasion of Iraq, ongoing U.S. support for a sectarian government in Baghdad that has deeply alienated millions of Sunnis, and helter-skelter funding for a variety of Syrian rebel groups by Washington and its allies. Military intervention fixes precisely none of these problems, and indeed it repeats many of the same calamitous errors that helped to create them. A better strategy might focus on humanitarian assistance, strictly conditioned aid, and renewed diplomatic efforts to secure a ceasefire and power-sharing agreement in Syria, equal rights for minority populations in Iraq, and a regional arms embargo among the foreign powers fueling the conflict from all sides. But as Sarah Lazare writes for Foreign Policy In Focus, saying yes to any of those things requires saying no to war. That means not just rejecting the ISIS authorization the administration wants now, but also the 2001 law it’s used to justify the war so far. If you feel similarly, I’d encourage you to write your member of Congress immediately and let them hear it: No more rubber stamps. No more shadow play.

Peter Certo is the editor of Foreign Policy In Focus.

Io, Limonov. Noi siamo l’Europa. E l’Ucraina è un’invenzione

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Io, Limonov. Noi siamo l’Europa. E l’Ucraina è un’invenzione

di Paolo Valentino

Fonte: Corriere della Sera

«Nell’ultimo anno la società russa è cambiata radicalmente. Abbiamo vissuto più di due decenni di umiliazioni, come Paese e come popolo. Abbiamo subìto sconfitta dopo sconfitta. Il Paese che i russi avevano costruito, l’Unione Sovietica, si è suicidato. È stato un suicidio assistito da stranieri interessati. Per 23 anni siamo stati in piena depressione collettiva. Il popolo di un grande Paese ha un costante bisogno di vittorie, non necessariamente militari, ma deve vedersi vincente. La riunione della Crimea alla Russia è stata vista dai russi come la vittoria che ci era mancata per così tanto tempo. Finalmente. È stata qualcosa di paragonabile alla Reconquista spagnola».

vol07.jpgÈ stato tutto nella sua vita, Eduard Veniaminovich Savenko, alias Eduard Limonov. Teppista di periferia, giornalista, forse agente del Kgb, mendicante, vagabondo, maggiordomo di un nababbo progressista americano, poeta, scrittore à la page nei salon parigini, dissidente, irresistibile seduttore, cecchino nelle Tigri di Arkan durante la decomposizione della Jugoslavia, leader politico, fondatore del Partito nazional-bolscevico, prima di vederlo sciolto e di creare L’Altra Russia.

Ma Limonov, aspro come l’agrume da cui viene il suo pseudonimo, è soprattutto un antieroe, un esteta del gesto, un outsider che ha sempre scelto di proposito la parte sbagliata, senza mai essere un perdente. Al fondo, Eduard Limonov è un grande esibizionista, che però non ha mai avuto paura di rischiare e di pagare prezzi anche molto alti, per tutti i due anni di prigionia, culminati nel 2003 nei due mesi trascorsi nella colonia penale numero 13, nelle steppe intorno a Saratov. Può quindi sembrare paradossale che, per la prima volta nella sua vita spericolata, il personaggio reso celebre dall’omonimo libro di Emmanuel Carrère si ritrovi non più ai margini, non più nelle catacombe della conversazione nazionale russa, eccentrico carismatico in grado di appassionare poche decine di desperados, ma sia in pieno mainstream, aedo dell’afflato nazionalista, che i fatti d’Ucraina e la reazione dei Paesi occidentali hanno acceso nello spirito collettivo della nazione.

Limonov riceve «la Lettura» nel suo piccolo appartamento nel centro di Mosca, non lontano dalla Piazza Majakovskij. Un giovane alto e robusto viene a prenderci per strada, accompagnandoci su per le scale. Un altro marcantonio ci apre la porta blindata. Sono i suoi militanti, che gli fanno da guardie del corpo. Avrà anche 71 anni, ma a parte i capelli argentei, ne dimostra venti di meno. Magro, il volto affilato, il famoso pizzo, l’orecchino, è tutto vestito di nero, pantaloni attillati e giubbotto senza maniche su golf a collo alto. Parla con una voce sottile, leggermente stridula. Ha modi molto miti e gentili, totalmente fuori tema con i furori che hanno segnato la sua vita. «Voi occidentali non state capendo nulla », esordisce, mentre offre una tazza di tè.

Che cosa non capiamo?
«Che il Donbass è popolato da russi. E che non c’è alcuna differenza con i russi che abitano nelle regioni sud-occidentali della Federazione, come Krasnodar o Stavropol: stesso popolo, stesso dialetto, stessa storia. Putin sbaglia a non dirlo chiaramente agli Usa e all’Europa. È nel nostro interesse nazionale».

Quindi l’Ucraina per lei è Russia?
«Non tutta. L’Ucraina è un piccolo impero, è composta dai territori presi alla Russia e da quelli presi a Polonia, Cecoslovacchia, Romania e Ungheria. I suoi confini sono le frontiere amministrative della Repubblica Socialista Sovietica dell’Ucraina. Non sono mai esistiti. È territorio immaginario che, ripeto, esisteva solo a scopi burocratici. Prenda Leopoli, cosiddetta capitale del nazionalismo ucraino: lo sapeva che l’Ucraina l’ha ricevuta nel 1939 per effetto della firma del Patto Molotov-Ribbentrop? In quel momento il 57% della popolazione era polacca, il resto erano ebrei. Di ucraini poche tracce. Il Sud del Paese poi venne dato all’Ucraina dopo essere stato conquistato dall’Armata Rossa. Questa è la storia. Ma quando l’Ucraina ha lasciato l’Urss non ha restituito quei territori, a cominciare dalla Crimea ovviamente, che le era stata regalata da Krusciov nel 1954. Non capisco perché Putin abbia ancora paura di dire che Donbass e Russia sono la stessa cosa».

Forse perché ci sono confini riconosciuti a livello internazionale.
«A nessuno fregò nulla dei confini internazionalmente riconosciuti nel 1991, quando l’Unione Sovietica fu sciolta. Qualcuno disse qualcosa? No. Questa è la mia accusa all’Occidente: applica due standard alle relazioni internazionali, uno per i Paesi come la Russia e uno per se stesso. Non ci sarà pace in Ucraina fin quando non lascerà libere le colonie, intendo il Donbass. L’errore di Putin è non dirlo apertamente».

Forse Putin fa così perché non vuole annettere il Donbass come ha fatto con la Crimea, perché sono solo problemi.
«Forse lei ha ragione. Forse non avrebbe voluto neppure la Crimea. Ma il problema è suo, gli piaccia o meno. È il capo di Stato della Russia. E rischia la reputazione».

Non si direbbe, a giudicare dalla sua popolarità, che rimane superiore all’80%.
«È ancora l’effetto inerziale della Crimea. Ma se abbandonasse il Donbass al suo destino, lasciandolo a Kiev, con migliaia di volontari russi sicuramente destinati a essere uccisi, la sua popolarità si scioglierebbe come neve al sole. Non sembra, ma Putin è in un angolo».

Che cosa farà, secondo lei?
«Reagisce bene. Si sta radicalizzando. Ha capito che gli accordi di Minsk sono una balla, aiutano solo il presidente ucraino Poroshenko. Anche se controvoglia, dovrà agire. Quando un anno fa emerse il problema della Crimea, Putin era preso dall’Olimpiade di Sochi, che considerava l’impresa della vita. Era felice. Ma fu obbligato a usare i piani operativi dell’esercito russo, che ovviamente esistevano da tempo. Certo la Crimea è stata la sua vittoria, anche se malgré lui. Il Donbass non era affatto nel suo orizzonte. In Occidente tutti lo accusano di volerlo annettere, in realtà è molto esitante».

Limonov-mes-prisons.jpegDopo l’Ucraina quale sarà il prossimo territorio da riconquistare, i Paesi baltici?
«Intanto non penso che i Paesi baltici abbiano nulla a che fare con la Russia. Quanto all’Ucraina, credo che dovrebbe esistere come Stato, composto dalle nove province occidentali che possono essere considerate ucraine. Non sarò io a negare la loro cultura eccezionale e la loro bella lingua. Ma, ripeto, lascino i territori russi».

Lei lo ha attaccato molto in passato: Putin è o no il leader giusto per la Russia?
«Siamo un regime autoritario. E Putin è il leader che ci ritroviamo. Non c’è alcuna possibilità di mandarlo via. Ma c’è una differenza tra il Putin dei due primi mandati e quello di oggi. Il primo fu pessimo, soprattutto impegnato a gestire il suo complesso d’inferiorità del piccolo ufficiale del Kgb. Gli piaceva la compagnia dei leader internazionali, Bush junior, Schröder, Berlusconi. Ma nel tempo ha imparato. È migliorato. Ha detto addio alle luci del varietà e si è messo al lavoro sul serio. Vive tempi difficili, ma fa ciò che è necessario. E non è possibile oggi chiedergli di non essere autoritario».

Ma la Russia può non essere un Paese autoritario?
«Se Obama continua a dire che ci devono punire, ci costringe a darci dei leader autoritari».

Che cos’è per lei la Russia?
«La più grande nazione europea. Siamo il doppio dei tedeschi. A dirla tutta, noi siamo l’Europa. La parte occidentale è una piccola appendice, non solo in termini di territorio, ma anche di ricchezze».

Per la verità l’Ue è la prima potenza commerciale al mondo.
«Ci sono cose più importanti del commercio e dei mercati».

Ma se siete la più grande potenza europea, perché siete così nazionalisti?
«Non siamo più nazionalisti di francesi o tedeschi. Siamo una potenza più imperiale che nazionalista. Le ricordo che in Russia vivono più di 20 milioni di musulmani, ma non sono immigrati, sono qui da sempre. Noi siamo anti-separatisti. Certo, in Russia c’è anche un nazionalismo etnico, per fortuna minoritario, ma per noi significa soltanto guai. Io non sono un nazionalista russo, non lo sono mai stato. Mi considero un imperialista, voglio un Paese con tante diversità ma riunito sotto la civiltà, la cultura e la storia russe. La Russia può esistere solo come mosaico».

Ma siete o no parte del mondo occidentale?
«Non è importante. È una questione dogmatica, senza significato reale. La Corea del Sud è parte del mondo occidentale? No, eppure viene considerata come tale. Dov’è la frontiera dell’Occidente? Non è rilevante per i russi».

Che cosa contraddistingue l’identità russa?
«La nostra storia. Noi non siamo migliori degli altri, ma non siamo neppure peggiori. Non accettiamo di essere trattati come inferiori, snobbati o peggio umiliati. Questo ci fa molto arrabbiare. È il nostro stato d’animo attuale».

Ma, per esempio, l’Occidente si richiama ai valori della Rivoluzione francese, democrazia, divisione dei poteri, diritti umani. La democrazia è parte dei vostri valori?
«Per i russi la nozione più importante e fondamentale è quella di spravedlivost, che significa giustizia, nel senso di giustizia sociale, equità, avversione alle disuguaglianze. Penso che la nostra spravedlivost sia molto vicina a quella che voi chiamate democrazia».

Le sanzioni e la crisi economica possono minacciare il consenso di Putin?
«Penso che l’economia nel mondo di oggi sia sopravvalutata. Il motore della storia sono le passioni. Alle pressioni economiche si può resistere. E resisteremo. Certo Putin deve fare la sua parte in Donbass. Guardi alla nostra storia: l’assedio di Leningrado, la battaglia di Stalingrado. Possiamo farcela. In molti hanno provato a colpirci, da Napoleone a Hitler. Ma l’orgoglio nazionale russo pesa più delle politiche economiche e credo di conoscere bene il carattere del mio popolo».


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The Necessity of Anti-Colonialism

The Necessity of Anti-Colonialism

By Eugène Montsalvat 

Ex: http://www.counter-currents.com

Colonialisme-et-litterature_9666.jpegAnti-colonialism must be a component of any ideology that attempts to defend rooted identities. It is necessary to oppose the uprooting of peoples in the pursuit of power and wealth. In both its historical imperial form and in its modern financial guise, colonialism has warped both the colonist and colonizer, mixing, diluting, and even annihilating entire cultures and peoples. We know about the negative impact of colonialism on the colonized. However, its consequences for the people of colonial nations are rarely discussed, in order to reinforce a narrative that demonizes European history. 

Unfortunately, many patriotic, average whites feel some sort of pride in their imperial history. They do not realize that they are its victims as well. Hidden from the historical record are the poor and working class whites who served as cannon fodder for the agenda of plutocrats intent on extending their empire of wealth. They were forced to compete against foreign labor, occasionally even against slave labor. Consider how the suffering of thousands of Irish, Scottish, and English people forced to serve as indentured servants–that is, frankly, white slaves–by the British Empire in America has been conveniently erased from public knowledge. How many people know of the struggle of white Australian laborers who stood up to the English colonial power that wanted to undercut their wages with Indian and Chinese immigrants? These facts are hidden from our consciousness by our leaders, the end result being a suicidal support for an exploitative system or a guilt complex that feeds modern neocolonialism in the guise of “human rights” and “progress.”

If there is any nostalgia for the empires of the past among patriotic whites, it should be wiped away when they realize what those empires have transmogrified into. When vast empires no longer maximized profit, their controllers saw the borders between them dissolved to ensure a truly global financial oligarchy. Today the agenda behind colonialism is laid bare: it was never about bravery and exploration but about the economic exploitation of all the peoples of the world. It is not Faustian courage, but mercantile greed that drives the will to consume the entire earth.

While colonialism is not a distinctly European phenomenon, for our purposes we’ll look at how European colonialism evolved into the global neo-colonialism that plagues us today. Before what is called the “Age of Exploration” that saw the rise of European colonial empires overseas, there was a significant shift in the values of Europe. Before the Renaissance, Western Europe was dominated by feudal values, which were essentially religious in nature. Here we see superpolitical ideas dominate the political discourse. To quote Julius Evola on the feudal regime:

In this type of regime the principle of plurality and of relative political autonomy of the individual parts is emphasized, as is the proper context of the universal element, that unum quod non est pars [one that is not part of, i.e. God] that alone can really organize and unify these parts, not by contrasting but by presiding over each of them through the transcendent, superpolitical, and regulating functions that the universal embodies.

In this quote we see that the foundation of the polity is religious, its parts unified by divine power. As the feudal system declined, what was seen as the holy vocation of statecraft became replaced by simple, humanistic diplomacy. In place of spiritual unity, the emergence of the nation state and its absolutism provided the bonding forces of politics. From this great upheaval we see the rise of the mercantile classes, especially in Italy, as the feudal Holy Roman Empire receded from the peninsula. This lead to the Renaissance. While some may think of the Renaissance as the revival of Classical virtues lost under the domination of Christian despotism, it was superficial, exalting a decadent humanism and individualism not found in healthy pagan societies. Sparta it was not.

Evola recounts the consequences:

In the domain of culture this potential produced the tumultuous outburst of multiple forms of creativity almost entirely deprived of any traditional or even symbolic element, and also, on an external plane, the almost explosive scattering of European populations all over the world during the age of discoveries, explorations, and colonial conquests that occurred during the Renaissance and age of humanism. These were the effects of a scattering of forces resembling the scattering of forces that follows the disintegration of an organism.

colonExpo_1931_Affiche1.jpgEuropean colonialism began when the soul of Europe died. In place of God, stood greed and human self-adulation. The domination of materialist values we see today is a direct consequence of the inversion of values that resulted from the death of feudalism.

Like all systems where money is the highest good, the new colonial regime was dominated by mercantile forces. The financial power behind the Spanish empire was the Fugger banking dynasty, which was later replaced by Genoese merchants after Spain went bankrupt several times during the reign of Phillip II. In a manner similar to America’s foreign adventurism, Spain’s imperial dreams drove the state to ruin and left them at the mercy of avaricious creditors. This would certainly not be the last time that the benefits of colonialism have gone into the pockets of bankers at grievous expense to the people of the nation. The financial troubles of Spain lead one its erstwhile territories to declare independence and pursue its own colonial ambitions.

That would be the Netherlands, which created a mercantile empire through international banking. Much like how modern creditors hold entire nations, such as Greece, in their thrall, the Dutch merchants lent to foreign governments and then demanded concessions when they couldn’t pay. In addition, the Dutch created what is often considered the first multinational corporation to pursue their colonial profiteering, the Dutch East India Company. This corporation was imbued with great power, even the power to declare war. Thus common Dutch men would go off to die for their corporate masters. No, George Bush was not the first man to slaughter his countrymen for corporate greed. However, not to be outdone by the Dutch. The British created their own East India Company. Intense rivalry in the spice trade and over the territories of the crumbling Spanish Empire fueled violence. In 1623 agents of the Dutch East India Company massacred ten British in the employ of the British East India Company in Indonesia during the Amboyna Massacre. Eventually, their economic tensions would grow into full blown warfare, culminating in Three Anglo-Dutch wars in the 1600s. In 1688, the James II of England was overthrown by the Dutch backed William of Orange and his English wife Mary.

This so called Glorious Revolution was a coup for Dutch finance. William of Orange, who became William III upon assuming the English throne, was heavily indebted to Dutch bankers. Under his regime, the Bank of England was established to lend the throne money at interest. Thus England’s colonial empire was now the agent of capital. The Bank of England was modeled after the Dutch Wisselbank, which backed the Province of Holland, the City of Amsterdam, and the Dutch East India Company. Therefore, the public debt of the people became the private profit of the banks. If an expensive colonial war was fought, the bank always won, for either way its loans are repaid with the spoils or forcibly extracted from the indebted through foreclosures and credit restrictions. While we may think of these struggles as glorious feats of courage and daring, ultimately it was the blood sacrifice of honest men that fattened the Golden Calf of usury. One of the families profiting from this global web of sovereign debt was the infamous Rothschild family.

Originating in Frankfurt, in what is now Germany and establishing the branches in the imperial capitals of Paris, Naples, Vienna, and London. Nathan Rothschild became involved in financing the British war against Napoleon, using his international connections to funnel information on the continent to London. We should note that Napoleon’s economic policies sought to achieve autarky and limit usury through low interest rate loans given through the Bank of France. However, Napoleon was defeated and the forces of international finance reigned over Europe. Nathan’s grandson, Natty, saw the British Empire as a vehicle for his commercial interests. He became a friend of British imperialist, Cecil Rhodes. However, he was a fair weather friend, even floating loans to the Boer government, playing both sides in the colonial game.

It is clear that to the Rothschilds, the British Empire was merely the best mechanism for protecting their profits; they had no loyalty to it. Yet, it was not just the Rothschilds who were willing to use the empire as grist for their mills. In Australia, British colonial interests sought to displace white gold miners with cheap labor from China and India. Against the greed of their rulers, the Australian workers rose up, organizing and agitating against immigration from other parts of the Empire. William Lane, a founder of the Australian Labor Party said:

Here we face the hordes of the east as our kinsmen faced them in the dim distant centuries, and here we must beat them back if we would keep intact all that can make our lives worth living. It does not matter that today it is an insidious invasion of peaceful aliens instead of warlike downpour of weaponed men. Monopolistic capitalism has no colour and no country.

In the sheep shearing industry W. G. Spence fought against free trade policies of Joseph Chamberlain, who sought to allow waves of Asian labor to lower the wages of white laborers. The rising of the Australian workers led to the formulation of a White Australia Policy to prevent the Empire from using foreign labor to challenge white workers. As the 19th century drew to a close, the imperialism of kings, flags, and exploration was becoming passé. The capitalists were no longer content with vast empires. They wanted the entire world. The rise of American power would give them that opportunity.

The financial powers saw the old model of a world divided into regional powers as a barrier to their goal of a global economy. In the Fourteen Points Woodrow Wilson advocated free trade and the self determination of the former colonial territories. While self-determination may sound vaguely nationalistic, in reality its goal was to dissolve the old empires and assimilate them in bite sized pieces into the new American led global economy, replacing “Great Power” colonialism with international neocolonialism. The Atlantic Charter devised after the Second World War reiterated these points. In the wake of the Second World War, America’s seemingly anti-colonial foreign policy is exposed as merely a fig leaf for financial imperialism. In Africa, the US sought to break down the old colonial empires and impose American lackeys as their new leadership. I quote from a previous essay of mine:

In 1953 the Africa-America Institute was created to train a pro-American leader class for the post-colonial African nations. The AAI has received funding from the US government’s USAID and as of 2008 it counts Citibank, Coca-Cola, De Beers, Exxon Mobil, and Goldman Sachs among its sponsors. The AAI’s East Africa Refugee Program, which ran from 1962-1971, and the Southern African Training Program supported the training of FNLA terrorists against the Portuguese, ostensibly to prevent the Soviet backed MPLA from gaining power. The resulting civil war killed 500,000 over 27 years. With the Portuguese, whose Catholic social policies limited involvement in the global economy, removed from the picture, global corporations were free to strike deals with the newly installed government of Mozambique. Anglo-American Corporation negotiated a sale of chrome loading equipment the day Mozambique’s Samora Machel proclaimed the beginning of nationalization.

coloniales-affiche.jpgAs we see, the hidden hand behind these allegedly anti-colonial movements in Africa was American cash. These newly “independent” nations were merely puppets for Western financial interests.

However, true nationalist alternatives existed. Consider Libya’s Muammar Gaddafi, who articulated a nationalist and eventually pan-Africanist vision of self-determination. Gaddafi nationalized Libya’s oil industry, taking it out of the hands of foreign corporations, using the money to provide health-care and education for his people. First promoting Pan-Arabism and then Pan-Africanism, he sought to form a geopolitical bloc against foreign domination, as each nation by itself was too weak to challenge the full might of the United States.

Gaddafi’s vision was inspired by another Arab revolutionary, Egypt’s Gamal Abdel Nasser, who promoted a pan-Arab socialism. What he sought to do was assert the sovereignty of the people against both British and French colonialism and American neocolonialism. He saw the chaos they produced, especially through their support of Israel and their puppets in Saudi Arabia, who had been installed by the English for aiding them against the Ottomans in the First World War. Nasser was quite keen in recognizing this Saudi-Israeli alliance of American puppets, which wreaks all havoc in the Middle East to this day, stating, “To liberate all Jerusalem, the Arab peoples must first liberate Riyadh.”

Among Nasser’s supporters was Francis Parker Yockey, the author of Imperium, who wrote anti-Zionist propaganda in Egypt. A man of vision who saw the old powers fading away into an American Jewish dominated global empire, he sought allies who resisted America’s Zionist New World Order. He saw Western Europe devolving into an American colony after the Second World War and called for it to assert itself in his Proclamation of London. With Nasser, he saw the Arabs asserting themselves in a similar manner.

Across the Atlantic, Juan Domingo Perón of Argentina, pursued a geopolitical agenda intended to foil American backed neocolonialism, seeking to unite South America as a bloc for the independent development of its peoples. During his exile, he sought contacts with European nationalists who sought to resist American domination following the Second World War, including Jean Thiriart and Oswald Mosley. Perón saw South American anti-colonialists and European nationalists as natural allies, stating in a letter to Thiriart, “A united Europe would count a population of nearly 500 million, The South American continent already has more than 250 million. Such blocs would be respected and effectively oppose the enslavement to imperialism which is the lot of a weak and divided country.” During his final term in office, Perón, also pursued alignment with Gaddafi’s Libya.

By the 1960s, the complete dissolution of the European empires, combined with the rise of the US backed Zionist power in the Middle East, required European patriots to realign with third world anti-imperialists. The previously mentioned Jean Thiriart stated, “European revolutionary patriots support the formation of special fighters for the future struggle against Israel; technical training of the future action aimed to a struggle against the Americans in Europe; building of an anti-American and anti-Zionist information service for a simultaneous utilization in the Arabian countries and in Europe.”1 Ultimately, Thiriart’s goal of creating European Brigades to aid in the liberation of Palestine went unrealized. However, Thiriart’s goal to transform Palestine into Israel’s Vietnam may yet still be possible, as the Israeli war machine’s utter brutality towards the Palestinians gains increasingly negative exposure. As their excuses for brazen cruelty begin to lose power, we will once again see heroes rally to their standard to free Jerusalem.

Our current situation offers several outlets to continue to struggle. Firstly, we must realize that the creed of greed, which has infected our own people, is the enemy. Therefore, it is necessary to reform the right in America, it must be intransigently anti-liberal. The decline of our people did not begin in 1960. Simple opposition to the New Left is not going to solve our problems. It is foolish to praise the 19th century, one of industrial exploitation of our own working class, petty nationalism tearing ancient kingdoms asunder, and scientific rationalism de-sacralizing the world. The Enlightenment and its fruits must be rejected outright, for they brought an end to the domination of religious institutions and replaced them with the rule of gold. Ultimately, we must affirm spiritual values over materialistic ones. We must first win the spiritual battle before the political battle can begin. To defeat the global rule of the merchants, we must destroy the merchant in our souls. We must affirm Tradition, in the sense of Julius Evola, before we can become politically radical.

Once we have overcome the parasite in our own spirit, we must meet its external manifestations. That is the US/EU/NATO/Israel axis. This is the heartland of liberal capitalism, the new Carthage, that seeks to turn the peoples of the world into their raw material. It is in the interest of big business to destroy the traditions of a people and replace them with consumerism, to eliminate the borders that prevent the flow of cheap labor. The capitalist seeks little more than to turn the world into their private plantation. This mercantile virus, which first implanted itself through the colonial empires of old will become truly fatal if capitalist neocolonialism is allowed to pursue full globalization. Thus we must recognize our allies. Indeed, our enemies have already pointed them out, calling any nation that seeks to retain its sovereignty against the dictates of American imperialism a rogue state that hate’s freedom and democracy. The old adage “the enemy of my enemy is my friend” holds true.

One leader fighting the global system today is Syria’s Bashar al-Assad. He is facing down US and Saudi backed Wahhabists who seek to topple an Arab nationalist regime that has stood since the days of Thiriart. He is backed by two other organizations that have undergone American demonization, Hezbollah and Iran. Just recently we have witnessed the audacity of Israel’s imperialist regime, killing an Iranian general and Hezbollah fighters on Syrian soil on January 19th. While it may seem that radical Islam and Zionism are at odds, in the case of Syria they are two heads to the same coin, minted in the US I may add. Both the Israelis and the Wahhabists seek to destroy the Arab nationalists like Assad, while taking millions of dollars from the United States. If we wish to combat radical Islam, we must combat liberalism and Zionism as well. We must stand with Arab socialists and nationalists who wish to provide a nation that puts people before profits, we must stand against Israeli and Saudi backed warmongering that drives people from their ancestral homes, and we must stand against the capitalists who seek to use foreign labor to undercut their native working class. Nationalists and socialists of all nations must recognize that they are locked in a common struggle.

coloFRCAOM08_9FI_00473R_P.jpgOne nationalist and socialist figure, similarly hated by the American establishment, was Hugo Chávez. Inspired by both Perón and leftists such as Castro, he sought to unite South America against neo-liberalism, that is the financial colonialism of the United States. Thus he created the Bolivarian Alliance for the People of our America (ALBA), which consists of Antigua and Barbuda, Bolivia, Cuba, Dominica, Ecuador, Grenada, Nicaragua, Saint Kitts and Nevis, Saint Lucia, Saint Vincent and the Grenadines and Venezuela. These organization seeks to aid the nations of South America to improve themselves through social welfare and mutual aid. Moreover, Chávez was also a resolute anti-Zionist, even going so far as to claim that “the descendants of those who crucified Christ . . . have taken ownership of the riches of the world, a minority has taken ownership of the gold of the world, the silver, the minerals, water, the good lands, petrol, well, the riches, and they have concentrated the riches in a small number of hands.” Chávez died of cancer in 2013, but his movement lives on.

Among the leaders who carry the torch of Bolivarian Revolution is Bolivia’s Evo Morales, a socialist who has pursued a redistribution of his nation’s wealth from the hands of multinational corporations to his own people. In 2008, Morales successfully fought off a coup engineered with the support of US Ambassador Philip Goldberg. While many of the American right still harbor their Cold War fears of Latin American nationalism, this only serves to line the pockets of men like Goldberg. Nationalists must stand in solidarity with one another.

And finally, target number one of globalism, Russia. America is clearly waging economic warfare on Russia through its sanctions, through the IMF support for the Kiev junta, through attempts by Western credit agencies to downgrade Russia. Russia’s refusal to bow to Western liberal standards in regards to sexuality, religion, and culture has earned America’s enmity. Putin’s refusal to become the glorified serving boy at the international table has drawn the ire of NATO. Putin has realized that the attempts at rapprochement with the Western led global economy had led to disastrous consequences for the Russian people. Growing from his role of cleaning up the utter ruin left by Yeltsin he has reasserted a Russian identity as the basis of his superpower. In his speech to Valdai Club, Putin defends Russia’s traditions, and the traditions of all peoples, against Western liberalism:

Another serious challenge to Russia’s identity is linked to events taking place in the world. Here there are both foreign policy and moral aspects. We can see how many of the Euro-Atlantic countries are actually rejecting their roots, including the Christian values that constitute the basis of Western civilization. They are denying moral principles and all traditional identities: national, cultural, religious and even sexual. They are implementing policies that equate large families with same-sex partnerships, belief in God with the belief in Satan.

The excesses of political correctness have reached the point where people are seriously talking about registering political parties whose aim is to promote paedophilia. People in many European countries are embarrassed or afraid to talk about their religious affiliations. Holidays are abolished or even called something different; their essence is hidden away, as is their moral foundation. And people are aggressively trying to export this model all over the world. I am convinced that this opens a direct path to degradation and primitivism, resulting in a profound demographic and moral crisis.

What else but the loss of the ability to self-reproduce could act as the greatest testimony of the moral crisis facing a human society? Today almost all developed nations are no longer able to reproduce themselves, even with the help of migration. Without the values embedded in Christianity and other world religions, without the standards of morality that have taken shape over millennia, people will inevitably lose their human dignity. We consider it natural and right to defend these values. One must respect every minority’s right to be different, but the rights of the majority must not be put into question.

At the same time we see attempts to somehow revive a standardised model of a unipolar world and to blur the institutions of international law and national sovereignty. Such a unipolar, standardised world does not require sovereign states; it requires vassals. In a historical sense this amounts to a rejection of one’s own identity, of the God-given diversity of the world.2

In this speech, Putin demonstrates the influence of geopolitical theorist Alexander Dugin, who is stridently opposed to the homogenized, unipolar world that Western globalist capitalism seeks to impose through financial neo-colonialism. In his Fourth Political Theory he asserts the identities of various civilizations as models for their respective geopolitical blocs in an alignment against the decadence of the modern world.

We know our allies, those who wish to preserve a rooted identity for their own people, and we know our enemies, those who wish to destroy all traditions in favor of a global consumer society. For hundreds of years we have seen our sons been shipped off to die for the profit of those who feel no love for their nation, we have seen our culture warped by greed. Deceived by promises of glory and disingenuous patriotism, we have marched off far too many times to count so that the gold lust of traitors could be satisfied. This is what colonialism has wrought, a global sweatshop where people from all the races of the earth can compete for the lowest wages, while our leaders count their 30 pieces of silver. Now, we must be the vanguard of a global conflict, the rebels in the heart of the empire. We must join our brothers in the fight for global liberation. The North American New Right must be resolutely anti-colonial. For the freedom of our people, and all the peoples of the world.

Notes

1. http://www.eurasia-rivista.org/the-struggle-of-jean-thiriart/13850/ [2]

2. http://eng.kremlin.ru/news/6007 [3]

 

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[3] http://eng.kremlin.ru/news/6007: http://eng.kremlin.ru/news/6007

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samedi, 14 février 2015

Autoriser Obama à faire usage de la force militaire est un chèque en blanc pour la guerre mondiale

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Autoriser Obama à faire usage de la force militaire est un chèque en blanc pour la guerre mondiale

Ron Paul,  a siégé longtemps à la Chambre des représentants des USA. Il s’est même présenté à deux reprises à l’investiture du Parti Républicain pour les élections présidentielles de 2008 et de 2012. Partisan du libertarianisme, il prône une politique étrangère non interventionniste. Il s’est souvent distingué pour s’être opposé aux interventions militaires des États-Unis.

Le président demande au Congrès de voter une résolution autorisant l’usage de la force militaire contre l’Etat islamique. Le Congrès n’a pas émis de résolution similaire depuis 2002, quand le président Bush avait reçu l’autorisation de faire la guerre en Irak. L’objet de cette résolution est de donner au président l’autorité officielle pour faire ce qu’il fait depuis six ans. Cela peut paraître étrange mais c’est typique de Washington. Le président Obama affirme qu’il n’a pas besoin de cette autorité. Il fait valoir, comme l’ont fait les présidents récents, que l’autorité de faire la guerre au Moyen Orient est accordée par les résolutions votées en 2001 et 2002 et par l’article II de la Constitution. Demander cette autorité à présent est une réponse à la pression publique et politique.

On rapporte que le président va demander que l’autorité limite l’usage de forces terrestres. Toutefois, ceci ne s’appliquerait pas aux milliers de soldats déjà engagées en Syrie et en Irak. Cette nouvelle autorité reconnaîtra que davantage de conseillers seront envoyés. Plus significativement, elle paraîtra donner une sanction morale à des guerres en cours depuis des années.

Il est intéressant de noter qu’elle va réellement élargir la capacité pour le président de mener la guerre alors même que lui-même indique publiquement qu’il souhaiterait la restreindre. La nouvelle autorisation n’impose pas explicitement de limites géographiques à l’usage de forces armées où que ce soit dans le monde et elle élargit la définition de l’Etat islamique à toutes « les forces associées ». Accorder cette autorité ne fera rien pour limiter notre dangereuse participation à ces guerres constantes du Moyen Orient.

Les propagandistes de la guerre sont très actifs et gagnent le soutien de bien des citoyens américains non avertis. Il n’est pas difficile de motiver la résistance à une organisation telle que l’Etat islamique qui se livre à de tels déploiements maléfiques de violence horrible.

Nous nous battons au Moyen Orient depuis vingt-cinq ans. Il n’y a eu ni victoires ni « missions accomplies ». En dépit de beaucoup de morts et de dépenses inutiles, nous n’avons jamais reconsidéré notre politique d’interventionnisme à l’étranger. On pourrait penser qu’après l’humiliante défaite des Républicains en 2008 en réaction à la politique étrangère désastreuse de George W Bush, le peuple américain se montrerait plus prudent quant à apporter son soutien à une expansion de notre présence militaire dans la région.

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Même si notre politique n’entraînait pas davantage de bottes sur le terrain, les conséquences non voulues d’un retour de bâton et de l’obtention par l’ennemi de davantage d’armes américaines continuera. La CIA a dit que 20.000 étrangers sont en route vers l’Irak et la Syrie pour rejoindre l’Etat islamique. Notre gouvernement n’est pas plus crédible pour nous dire la vérité sur les faits qui nous forcent à accroître notre présence militaire dans cette région que ne l’est Brian Williams*. La guerre de propagande constante s’est trop souvent avérée être notre Némésis dans le soutien à la guerre permanente promue par les néo-conservateurs et le complexe militaro-industriel.

A mon avis, donner davantage d’autorité à la poursuite de la guerre au Moyen Orient est une erreur grave. A la place, l’autorité accordée en 2001 et 2002 devrait être abrogée. Une solution simple et correcte serait que nos dirigeants élus suivent les règles de la guerre telles qu’elles sont définies dans la Constitution.

L’ironie, c’est qu’il se trouvera bien quelques Républicains au Congrès pour s’opposer à cette résolution en raison de leur désir de guerre à tout va et de n’être limités en aucune façon par le nombre de combattants que nous devrions envoyer dans cette région. La seule façon de convaincre le Congrès de faire marche arrière dans notre dangereux interventionnisme, que ce soit au Moyen Orient ou en Ukraine, est que le peuple américain exprime haut et fort son opposition.

Il ne fait pas de doute que l’Etat islamique constitue un problème monstrueux – un problème que doivent résoudre les millions d’Arabes et de musulmans dans la région. L’Etat islamique ne peut exister sans le soutien du peuple dans la région. A l’heure actuelle on estime ses effectifs dans les 30.000. Ceci n’est pas la responsabilité des soldats américains ni des contribuables américains.

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Déclarer la guerre à l’Etat islamique c’est comme déclarer la guerre au communisme ou au fascisme. L’ennemi ne peut être identifié ou circonscrit. Il s’agit là d’une idéologie et les armées sont incapables d’arrêter une idée, bonne ou mauvaise, à laquelle le peuple ne résiste pas ou qu’il soutient. En outre, ce sont nos efforts qui ont renforcé l’Etat islamique. Notre engagement au Moyen Orient est utilisé comme un très efficace instrument de recrutement pour augmenter le nombre de djihadistes radicaux prêts à se battre et mourir pour ce qu’ils croient. Et malheureusement nos efforts ont aggravé la situation, les armes que nous envoyons finissant entre les mains de nos ennemis et utilisées contre nos alliés, avec des Américains pris entre deux feux. Les bonnes intentions ne suffisent pas. Une politique sage et le bon sens contribueraient grandement à œuvrer pour la paix et la prospérité au lieu de promouvoir une escalade de la violence et de motiver l’ennemi.

Ron Paul | 11 février 2015

* Présentateur de NBC limogé le 11 février pour sa version fantaisiste des dangers qu’il aurait encourus en Irak en 2003.

Article original: ronpaulinstitute.org

Traduit par Marcel Barang pour Arrêt sur Info

Source: http://arretsurinfo.ch/autoriser-obama-a-faire-usage-de-la-force-militaire-est-un-cheque-en-blanc-pour-la-guerre-mondiale/