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jeudi, 16 septembre 2010

L'influence atlantiste en Allemagne et en Russie

L'influence atlantiste en Allemagne et en Russie

Par Michel Drac

 Ex: http://fortune.fdesouche.com/

Par commodité, nous réputerons ici que l’ensemble USA/Grande-Bretagne/Israël constitue une entité capable d’agir de façon coordonnée sur le plan géopolitique. Nous appellerons cette entité : l’Empire.

Cet Empire est confronté à son déclin. Sa réaction est maintenant visible. Confronté à un défi géostratégique qu’il ne parvient pas à relever, celui de la Chine ; confronté encore à la volonté manifeste de la Russie de se poser en acteur géostratégique de premier plan, à nouveau ; confronté, enfin, au risque de voir l’Europe échapper à son assujettissement, l’Empire a choisi de combattre, pour l’instant, en usant de stratégies d’influence. L’attaque sur l’Iran, pour l’instant toujours, n’a pas eu lieu. La guerre ouverte n’est pas, à ce stade, l’option choisie par les dirigeants de l’Anglosphère (et de son annexe israélienne).

Cela peut changer du jour au lendemain, bien sûr.

Mais jusqu’ici, l’influence semble bel et bien la stratégie privilégiée. Elle prend la forme d’une entreprise de cooptation sélective des élites des puissances que l’Empire doit ou conserver en sujétion (l’Allemagne et la France, pour faire court), ou tenir en respect (la Russie).

Le point sur la question.

*

En France, la promotion de Dominique Strauss-Kahn par les médias dominants est si grossière qu’elle risque de devenir franchement contre-productive. DSK (qui, rappelons-le, a explicitement avoué qu’il était entré en politique « pour défendre Israël ») est par exemple promu via des sondages de commande par Libération (quotidien désormais possédé par la famille Rothschild). Le plan apparaît cousu de fil blanc : il s’agit de remplacer un atlantiste « de droite » (Sarkozy) par un atlantiste « de gauche » (DSK). Plan si cousu de fil blanc, au demeurant, que la probabilité de le voir échouer semble désormais assez grande. La présidentielle 2012 s’avère risquée pour les atlantistes…

Bref, on n’épiloguera pas.

Intéressons-nous plutôt à l’Allemagne. Inutile de disserter longuement sur la situation française, elle est bien connue de nos lecteurs. Il n’en va pas de même de l’évolution outre-Rhin, qui pourtant, elle aussi, révèle une très nette accentuation de l’emprise atlantiste sur les élites.

Quelques points de repère pour commencer.

Angela Merkel a été propulsée à la chancellerie par les milieux atlantistes. Cela s’est fait en deux temps.

Tout d’abord, à la fin des années 1990, avec l’affaire de la « caisse noire » de la CDU. Walther Leisler Kiep (WLK), trésorier de la CDU et accessoirement homme fort de la fondation Atlantik Brücke (en gros, l’équivalent allemand de notre French American Foundation) avait reçu une forte somme d’argent d’un marchand d’armes. Ce fut l’occasion d’entraîner Helmut Kohl, et surtout ses hommes liges, dans un vaste scandale, où fut mis à jour le système de financement occulte de la droite d’affaire allemande. Wolfgang Schaüble (WS), jusque là pressenti comme le successeur naturel de Kohl, en paya le prix – et c’est ainsi que Merkel se retrouva à la tête de la CDU. Il est probable que sous les remous provoqués à la surface par cette opération mains propres, une lutte d’influence féroce se joua à ce moment-là, au sein de la droite d’affaires allemande. On ignore, à ce stade, les détails de cette lutte, mais on sait en tout cas qu’avec Merkel, les milieux atlantistes sauvaient au moins l’essentiel : leur capacité d’influence décisive au sommet de l’appareil.

En 2002, le leader de la campagne CDU/CSU était Edmund Stoiber, homme politique bavarois (le détail a son importance, la CSU bavaroise étant traditionnellement moins atlantiste que la CDU de l’Allemagne du nord). Il perdit de justesse les élections, après une campagne où les choix de la grande presse, pour une fois, ne fut pas particulièrement net en faveur de la droite d’affaires (un choix de la grande presse à peu près aussi clair, à vrai dire, que les positions alambiquées de Stoiber sur la guerre d’Irak…).

La route était désormais dégagée pour Merkel, qui bénéficia, elle, en 2005, d’un soutien total de la part des médias – et remporta donc les élections. Ainsi alla la carrière de celle que les médias présentent comme « la femme la plus puissante d’Europe », et que les esprits mal intentionnés voient plutôt comme la soubrette du capital germano-américain.

Cependant, comme toujours, rien n’est simple. La très forte culture du consensus qui caractérise les élites allemandes fait qu’il pratiquement impossible de rattacher un politicien quelconque à un « camp » stable et bien défini, au regard d’un problème donné. En fait, si l’on excepte les situations où ils s’organisent collectivement pour incuber deux lignes le temps que l’histoire décide à leur place laquelle était la bonne, les politiciens allemands ont pour habitude de prendre des positions molles et flexibles, et de gérer en interne leurs débats, portes closes. La population s’en accommode majoritairement, l’ambiguïté consensuelle étant, là-bas, un mode de fonctionnement collectif très prisé.

Bref, on ne peut pas présenter Merkel comme une atlantiste inflexible, même si elle a, en 2003, pris position plutôt en faveur de la guerre d’Irak. Disons qu’elle est plus atlantiste que la moyenne des politiciens de son camp, eux-mêmes très atlantistes – mais cela peut changer, tout dépend des circonstances.

Or, justement, depuis quelques temps, cela a tendance à changer. Depuis la crise de 2007, Merkel semble, d’une manière générale, agir comme un poids mort, qui retarde et affaiblit la remise en cause du lien transatlantique – mais qui ne fait plus grand-chose pour le promouvoir franchement. La nuance n’a pas échappé aux observateurs attentifs.

Fondamentalement, Merkel est une opportuniste. Elle incarne au fond les qualités et les défauts des femmes en politique : elle sait remarquablement bien naviguer en fonction du vent – mais justement, quand il faut faire vent contraire, elle n’est pas à son aise. Et aujourd’hui, pour être atlantiste, au sein de la droite d’affaires allemande, il faut affronter un vent de face modéré, mais bien présent. Cette physicienne de formation, auteur d’un mémoire sur l’effet des hautes pressions dans la combinaison des molécules, est sans doute plus prompte à tenir un rôle de coordinatrice qu’à imposer ses vues brutalement. Dans le contexte actuel, il n’est donc pas certain qu’elle soit encore « l’homme » de la situation, pour ses sponsors atlantistes eux-mêmes confrontés à une situation très tendue, où le temps leur manque, et où chaque erreur peut se payer cash.

En 2007, Merkel s’est rendue en Chine, et a pris position pour un renforcement des relations commerciales sino-allemandes. Elle y a, certes, souligné que la Chine devait « jouer le jeu » du commerce international, mais concrètement, il s’agissait bel et bien de poursuivre l’ancrage de l’économie allemande dans la sphère de croissance constituée par l’Asie émergente, avec laquelle le patronat d’Outre-Rhin a trouvé un modus vivendi original (intégration logistique, l’Allemagne se réservant les activités à forte intensité technologique et capitalistique).

La suite l’a d’ailleurs très bien montré :


(source)

Commentaire : alors qu’entre 2007 et 2010, le commerce extérieur allemand régressait fortement (comme l’ensemble du commerce international), les relations germano-chinoises sont restées pratiquement constantes. Bien entendu, s’agissant de l’année 2010, le chiffre est une projection.

On remarquera qu’entre 2005 et 2010, les exportations allemandes vers les USA ont, quant à elles, baissé de 25 % environ (estimation).

Toute atlantiste qu’elle soit, Merkel ne peut tout simplement rien contre une dynamique économique de fond – le recul des USA, la montée en puissance de la Chine. Pour l’instant, les USA ont réussi à limiter leur décrochage – le financement d’une fausse reprise, en trompe l’œil et par le déficit budgétaire, ayant temporairement maintenu à flots le marché US. Mais on voit bien que si cette « reprise » craque (ce qu’elle fera certainement), l’Allemagne pourrait assez vite se retrouver avec la Chine comme premier client et premier fournisseur – ce qui imposera sans doute de revoir fondamentalement l’orientation économique globale du pays, et donc sa géostratégie.

Moins cruciales sur le strict plan économique, les relations germano-russes sont peut-être encore plus sensibles que les relations sino-allemandes en termes stratégiques. Et là encore, Merkel, tout en conservant un parfait atlantisme de façade, n’a finalement rien fait pour endiguer sérieusement le développement des relations commerciales bilatérales (peut-elle, d’ailleurs, faire quoi que ce soit ?).

Evolution en millions d’euros du commerce germano-russe (document allemand)

L’analyse de l’Ost Europa-Institut précise : « Le commerce extérieur germano-russe se développe indépendamment des changements politiques intérieurs ».

Non seulement le commerce allemand en Russie n’a pas régressé sous Merkel (en fait, il a progressé plus vite que sous Schröder !), mais en outre, les investissements allemands en Russie, il est vrai initialement fort modestes, ont littéralement explosé :

(Investissements directs allemands en Russie, en millions d’euros, même source – la progression est impressionnante, de sorte que, même si en 2007 les investissements allemands en Russie ne représentaient encore que 5 % des investissements allemands à l’étranger, la Russie commence à devenir un moteur de développement très significatif pour l’Allemagne).

Ces trois dernières années, l’évolution s’est poursuivie si l’on ramène le commerce germano-russe à l’évolution globale du commerce extérieur allemand (marquée, comme partout sur la planète, par une très forte chute). Pour les dernières données disponibles sur le web (2008 et une partie de 2009), le poids de la Russie dans le commerce extérieur allemand continue de croître, à un rythme de l’ordre de +10% par an. La crise russe a sans doute endigué momentanément cette tendance, mais la dynamique d’ensemble n’est pas brisée.

Nul doute dans ces conditions que dans les cercles atlantistes, la cote de popularité de Frau Merkel est aujourd’hui assez loin du zénith atteint en 2003. Si le développement des relations germano-russes s’accompagnait d’une « démocratisation » de la Russie (c’est-à-dire de son occidentalisation), la démarche aurait probablement l’appui des USA. Mais ce n’est pas ici de cela qu’il s’agit ; on dirait plutôt que l’Allemagne a de moins en moins d’intérêts communs avec l’Ouest, et de plus en plus avec l’Eurasie. Et cela, ça ne doit pas plaire à Washington.

On relèvera donc avec intérêt que, depuis quelques temps, les milieux atlantistes semblent investir beaucoup sur un politicien totalement inconnu en France, mais doté en Allemagne d’une influence certaine : Friedrich Merz.

Un personnage haut en couleur, dont le portrait mérite le détour, tant il est révélateur. C’est lui qui va nous servir de « fil rouge » pour analyser, à travers un exemple assez croustillant, les stratégies d’influence de l’Empire en Allemagne.

Merz est avocat d’affaires. Sa notice Wikipédia nous apprend qu’il fut membre de l’association des étudiants catholiques, qu’il a été employé au début de sa carrière par l’industrie chimique, comme juriste, et qu’il fut tour à tour député européen et député au Bundestag (la CDU/CSU le positionna très bien au sein du comité des finances). Plutôt dans le sillage de Schaüble au début des années 2000, il survécut à la victoire de Merkel, et conserva l’essentiel de ses attributions au parlement. Il en profita pour enfourcher deux principaux chevaux de bataille : la libéralisation tous azimuts (réforme fiscale) et la critique du « passéisme » des musulmans immigrés en Allemagne. Bref, un politicien libéral néoconservateur bon teint.

Mais il y a aussi ce que Wikipédia ne dit pas. Par exemple, que depuis 2004, tout en poursuivant une carrière politique, Merz a travaillé pour « Mayer, Brown, Rove & Maw », une firme américano-britanico-mondialisée, en charge, entre autres, de la défense juridique de la compagnie « Hudson Advisors ». C’est intéressant, parce que cette compagnie racheta la banque IKB, après sa faillite en 2007, dans des conditions plus que douteuses (achat pour 150 millions d’euros, en échange d’une garantie gouvernementale de 600 millions d’euros). L’affaire a fait grand bruit Outre-Rhin, où un collectif des investisseurs spoliés s’est même constitué.

Plus croustillant encore, Merz, dont l’agenda semble indéfiniment extensible, a trouvé le temps, en 2005, de conseiller la banque Rothschild en Allemagne, au moment où un de ses fonds d’investissement, TCI (« the children investment ») attaquait la bourse allemande (pour dissuader le président de la Deutsche Börse de prendre le contrôle du London Stock Exchange). On remarquera ici, toujours pour le côté croustillant de l’affaire, que TCI fut officiellement constitué pour aider au développement des pays du tiers-monde via le microcrédit (comme si un hedge fund pouvait être une œuvre caritative !). Et que ce fonds spéculatif est en réalité connu pour pratiquer fréquemment de très agressives spéculations à la baisse, pratiquement assimilables à des manipulations de cours. TCI peut compter, pour appuyer sa démarche, sur la complicité des agences de notation, d’où sa forte profitabilité. Voilà pour les œuvres caritatives de monsieur Merz.

Sans doute parce qu’après ces affaires successives, un véritable concert de casseroles se faisait entendre derrière lui dans les couloirs du Bundestag, Merz ne s’est pas présenté aux élections de 2009, se mettant en quelque sorte « en retrait » de la vie politique officielle. Cela ne l’a pas empêché de continuer à faire avancer les affaires de ses mandants.

Merz, en quittant le Bundestag, devint président de la fondation Atlantik Brücke. Or, ces dernières semaines, on a assisté, au sommet de l’organigramme de cette fondation, à un curieux ballet. Friedrich Merz a été violemment attaqué par WLK (voir ci-dessus), au motif que Merz entraînait la fondation dans un conflit avec Merkel. Merz a en effet rédigé récemment un livre avec une figure du SPD (1), et ce serait la raison de l’ire de WLK – même si on subodore que ce n’est là qu’un prétexte, et qu’il s’agit ici de bien autre chose que d’un vulgaire bouquin.

WLK est président d’honneur de la fondation Atlantik Brücke depuis sa condamnation suite à l’affaire de la caisse noire de la CDU (une sorte de récompense pour avoir porté le chapeau, probablement). Président d’honneur, mais doté d’une influence plus qu’honorifique, il est parvenu, dans un premier temps, à obtenir l’éviction de Merz.

Mais dans un deuxième temps, celui-ci a regroupé ses soutiens, et finalement triomphé. Et cela n’est pas tout à fait anodin.

Un journaliste d’investigation allemand, Jürgen Elsässer, a eu la curiosité de regarder qui, au sein de la fondation Atlantik Brücke, avait soutenu WLK ou Merz. Et il s’est aperçu de quelque chose d’assez révélateur (2) : en substance, ce sont les représentants de la partie allemande de l’axe germano-américain qui ont soutenu WLK (la grande industrie), tandis que les représentants de la partie sous dominance capitalistique américaine (par exemple le rédacteur en chef de Bild Zeitung) appuyèrent Merz, lequel bénéficia dans l’ensemble du soutien de la grande presse (3). A l’intérieur de la fondation Atlantik Brücke, il y a donc eu reprise en main par les agents d’influence américains, au détriment de leurs associés plus soucieux des intérêts proprement allemands.

En somme, il se pourrait bien qu’avec l’affaire Merz, les milieux atlantistes aient envoyé un message à Merkel : n’oublie pas qui t’a fait roi. Une épée de Damoclès surmonte désormais la tête de Frau Merkel. A elle de ne pas se tromper à l’avenir. Le sacrifice de WLK et le sauvetage de Merz ressemblent bigrement à un avertissement adressé, par les milieux atlantistes, à des élites allemandes de moins en moins enclines à coupler leur économie à une Amérique qui leur a certes beaucoup rapporté par le passé, tant que les USA s’endettaient, mais qui risque maintenant de se transformer en fardeau, puisqu’ils sont ruinés.

*

Nous sommes moins bien renseignés sur la Russie que sur l’Allemagne. Il faut bien dire que le Kremlin n’est pas précisément réputé pour sa transparence…

Décidément, la Russie restera toujours la Russie. Pour qui voit les choses de loin, aujourd’hui, il y a, à Moscou, un Grand Tsar (Poutine), un héritier ambitieux (Medvedev) et des boyards comploteurs (les oligarques). Le Tsar a le soutien du peuple, l’héritier est obligé de s’appuyer sur les boyards pour acquérir de l’influence, et les agents étrangers naviguent entre les factions rivales dans une ambiance de cour byzantine. Le Grand Souverain parviendra-t-il à déjouer les complots des boyards pour sauver la Sainte Russie ? – Telle est la question. Il ne manque plus qu’un moine mystique dans la pénombre, et on se croirait dans un roman historique !

Bref, trêve de plaisanteries.

Essayons, armés du peu d’informations dont nous disposons, de démêler l’écheveau de la vie politique russe (la vraie, celle qui se joue dans les coulisses). Nous verrons que la Russie reste la Russie, mais que les choses sont, tout de même, un peu plus compliquées que dans un film d’Eisenstein.

Petit rappel du paysage russe, pour commencer.

Dans les années 1990, après l’écroulement de l’URSS, quelques dizaines d’oligarques se sont littéralement partagé les dépouilles de l’économie russe. C’est probablement le plus grand pillage de tous les temps, en tout cas la plus formidable disparition de valeurs jamais vue en temps de paix. De véritables colosses industriels ou miniers ont été bradés par Eltsine à ses « amis », c’est-à-dire, en fait, ses financiers.

En reprenant le pays, en 2000, Poutine fit preuve de pragmatisme. Conscient des rapports de force, il n’a pas attaqué frontalement les oligarques. Il s’est contenté de leur fixer les règles du jeu : ils eurent le droit de conserver leurs propriétés, même mal acquises, à une condition, les mettre au service de la grandeur et de la puissance de la Russie. L’officialisation de cette position s’est faite en deux temps : d’abord, dès son entrée en fonction, Poutine signa un décret qui exemptait Eltsine et son entourage de toute enquête sur leurs malversations (sans doute était-ce le prix à payer pour entrer en fonction) ; ensuite, ayant rassuré, il punit. Il disposait pour cela d’une force d’appoint décisive : le soutien des réseaux ex-KGB, bien décidés à restaurer la « verticale du pouvoir » (en d’autres termes : en finir avec l’anarchie destructrice des années Eltsine).

Mikhaïl Khodorkovski est alors le président du géant pétrolier Ioukos, qu’il a acquis pour une somme dérisoire par rapport à sa valeur réelle (à peu près 1,25 % d’après des estimations sérieuses). Il envisage de revendre l’entreprise à un groupe occidental. Poutine s’y oppose, mais Khodorkovski persiste – il vient de transmettre ses parts au financier britannique Jacob Rothschild. Cette fois, l’oligarque a passé une ligne rouge : il est arrêté et condamné à huit ans de prison. Le message est simple : tant que vous obéissez à Poutine, on ne vous demande pas de compte sur la période Eltsine. Mais si vous désobéissez, vous aurez l’insigne honneur de participer avec enthousiasme à la colonisation de la Sibérie (Khodorkovski est, aux dernières nouvelles, à l’isolement dans une colonie pénitentiaire située sur un gisement d’uranium à ciel ouvert – Elie Wiesel a d’ailleurs lancé une campagne pour essayer de le sortir de là – on lui souhaite bonne chance).

La plupart des oligarques se sont accommodés de la méthode Poutine. D’abord parce qu’ils n’avaient pas envie de finir à l’isolement sur un gisement d’uranium, ensuite parce qu’au fond, ils savent bien que la « verticale du pouvoir » est indispensable en Russie.

Parmi les oligarques qui se rallièrent à Poutine (Roman Abramovitch, Pavel Fedoulev, Vladimir Potanine…), le plus important était sans doute Anatoli Tchoubaïs. Retenons ce nom, ce sera notre « fil rouge » pour décoder l’influence atlantiste en Russie.

Les milieux d’affaires occidentaux ont toléré mise en place du système Poutine parce qu’ils n’avaient tout simplement pas le choix. Ils ont bien tenté de financer des partis libéraux, avec Gary Kasparov en figure de proue, mais le libéralisme est, en Russie, assimilé à l’ère Eltsine, de sorte qu’il culmine à 5 % des votes. En réalité, il est complètement impossible de réaliser, en Russie, une « révolution colorée » à la Soros (comme celle qui fut tentée et, provisoirement, réussie en Ukraine), parce qu’à part Moscou et Saint-Pétersbourg (et encore), le pays est totalement imperméable au projet libéral anglo-saxon. Comme il n’est pas non plus envisageable d’attaquer militairement la Russie, dès lors que le Kremlin est unifié et déterminé, les acteurs sous influence occidentale ne peuvent jouer qu’un rôle subalterne.

Mais les données du problème changent dès lors que le Kremlin n’est plus unifié. La rupture apparente du tandem Poutine-Medvedev offre donc, depuis quelques mois, de nouvelles possibilités d’action aux « occidentaux ».

L’homme à suivre en premier lieu est, sans doute, notre « fil rouge » : Anatoli Tchoubaïs. Surnommé « le père de tous les oligarques », c’est de toute manière un personnage-clef. C’est lui qui organisa, en grande partie, la privatisation-pillage des années 90. C’est encore lui, aujourd’hui, dont l’influence grandit au sein du cercle Medvedev – du moins dans la mesure où nous sommes informés correctement des évolutions au sein d’une direction moscovite fort peu transparente.

Tchoubaïs fait partie des milieux économiques qui souhaitent orienter la Russie vers les technologies de pointe, en particulier l’informatique civile et les nanotechnologies, pour diversifier une économie trop dépendantes des exportations de matières premières – ce en quoi il n’a pas forcément tort. Il est surprenant qu’un pays à la pointe de la recherche militaire (développement des systèmes laser anti-détection sur les avions de chasse, sous-marins nucléaires ultra-furtifs de quatrième génération, chasseur T-50 de cinquième génération, comparable au F-22 américain) ne soit capable d’exporter que des matières premières… et des armes.

Or, on a pu constater, ces dernières semaines, que Medvedev semblait s’approprier le projet « high tech » de Tchoubaïs. En mai 2010, dans un discours au comité pour la modernisation de l’économie russe, il a pris position en faveur du développement accéléré des technologies de l’information et de la communication. On remarquera ici, au passage, que ce choix impliquerait le développement d’une plus forte intégration entre l’économie russe et le leader dans ce domaine, leader qui reste (au moins pour ce qui relève du software) les Etats-Unis – et impliquerait, en contrepoids, un moindre investissement dans le projet industriel classique qui sous-tend évidemment le commerce germano-russe.

En filigrane, on doit peut-être ici discerner un axe Tchoubaïs-Medvedev, le premier « vendant » au second l’intégration de la Russie dans l’économie occidentale, sur un pied d’égalité, le second s’empressant de croire à la promesse (pourtant bien nébuleuse) du premier, afin de se doter d’un soutien de poids, dans la perspective d’un face-à-face avec Poutine aux élections prochaines. La communication très « occidentalisante » adoptée par Medvedev ces derniers temps (rencontre avec Bono, le leader de U2, etc.) laisse penser que c’est le cas.

Si cette analyse est correcte, alors il semble bien que Tchoubaïs ait décidé de miser sur Medvedev en vue d’accroître le pouvoir des oligarques – une intrigue de palais, au sein des tout petits milieux pétersbourgeois qui trustent les postes de responsabilité à Moscou, depuis dix ans (Tchoubaïs, Poutine et Medvedev sont tous trois issus de la « suite » d’Anatoli Sobtchak, ex-maire de Saint-Pétersbourg). Mais peut-être est-ce, aussi, un peu plus qu’une intrigue de palais… Dans quelle mesure Tchoubaïs agit-il ici sur ordre des occidentaux ? Bien malin qui pourrait répondre à cette question. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que son influence joue en faveur d’un retour de l’Occident en Russie.

Poutine, l’homme de l’alliance chinoise, contre Medvedev, l’homme de l’OTAN ? Sans aller jusque là, force est de constater que les lignes de communication respectives des deux hommes, à ce stade, laissent penser qu’un véritable affrontement se prépare. D’un côté, Medvedev, l’ex-fan de hard rock, partisan de l’inscription de la Russie dans l’univers occidental (virtualisme, nouvelles technologies). En face, Poutine, l’homme de la Russie profonde, partisan d’une politique de puissance et champion de la lutte anti-corruption (récent discours très dur, sur ce sujet, pour dénoncer les dérives de la bureaucratie au niveau local – purges en perspective ?).

Poutine est fort de son bilan (la gestion de la crise financière de 2008 a été remarquable, la dévaluation du rouble a permis une relance rapide). Medvedev, lui, entend communiquer sur un retour du rêve occidental.

Medvedev propose implicitement à la Russie de capitaliser sur son statut de puissance retrouvé (symbole fort : pour la première fois, en 2009, les ventes d’armes russes ont dépassé celles des USA en Amérique Latine). Dans la logique Medvedev, il s’agit, à présent que le siège semble brisé (axe économique germano-russe en construction, Ukraine à nouveau sous contrôle, présence marquée en Asie Centrale, abandon du projet antimissiles US en Europe de l’est) d’encaisser les dividendes : principalement, obtenir le soutien de l’Occident pour une intégration accélérée dans l’OMC (4), et de manière plus générale une place honorable dans l’ordre économique international. Le président russe peut compter, pour déployer cette communication, sur le soutien d’une partie des médias. Et il dispose, il ne faut pas s’y tromper, d’arguments réels : pour diversifier son économie, la Russie a besoin d’importer du savoir-faire occidental, comme la Chine l’a fait ces dernières décennies – et cela, c’est un fait.

Poutine, de son côté, a déjà fait donner ses propres réseaux (l’appareil d’Etat, principalement) pour contrebattre la ligne de communication Medvedev. En filigrane, derrière ces discours pro-Poutine, on devine une mise en garde : le « rêve occidental » n’est qu’un leurre. Le siège n’est pas définitivement brisé, il est trop tôt pour encaisser les dividendes. L’influence anglo-saxonne continue, partout où elle le peut, de contrecarrer le retour de la Russie (en Asie centrale, en Europe de l’est, mais aussi, désormais, en Amérique Latine). Les livraisons d’armements OTAN à la Géorgie se poursuivent. Comment attendre quoi que ce soit de l’Occident, dans ces conditions ?

Ce qui rend ce heurt apparent très difficile à analyser, c’est qu’il est impossible, en Russie, de séparer les prises de position des deux hommes du consensus latent des élites qui les soutiennent. Or, ces élites sont caractérisées par une opacité extrême, et une stabilité sous-jacente qu’on n’imagine pas en Occident. Détail révélateur, c’est la même plume qui rédige aujourd’hui les discours de Medvedev, rédigeait hier ceux de Poutine, et avant-hier ceux de Eltsine. En fait, il faut bien garder en tête, ici, que nous pouvons avoir l’impression d’un clivage Poutine / Medvedev, et que cependant, dans la réalité, dans la coulisse, il y a consensus pour négocier un accord avant la prochaine élection présidentielle. Tout ce qu’on peut dire à ce stade de solide et sérieux, c’est que la marge de manoeuvre de Medvedev, jusque là presque nulle, semble croître, et que des influences pro-US très fortes se manifestent désormais au niveau des classes dirigeantes russes.

Medvedev n’est pas l’homme qui fera basculer la Russie dans l’atlantisme, c’est plus compliqué que cela. Il faut toujours se souvenir que Poutine voulait initialement se lier avec les USA, et que c’est Washington, au départ, qui a refusé sa proposition de partenariat, il y a dix ans. En Russie, rien n’est simple, tout est possible.

*

Derrière l’affaire Merz en Allemagne et le cas Tchoubaïs en Russie, une isomorphie : un Empire en train de perdre la maîtrise de la mondialisation qu’il impulse, et qui, pour retarder et si possible annuler les conséquences de son déclin dans l’économie réelle, pour contrôler les élites rivales et maîtriser leurs choix, mise sur la cooptation sélective au sein de ces élites.

Plutôt que la « révolution colorée » méthode Soros, et (pour l’instant) aux antipodes de la brutalité néoconservatrice, on retrouve là le schéma d’influence proposé par Z. Brzezinski, l’éminence grise de Barack Obama.

Quelques citations de son ouvrage principal, « Le Grand Echiquier » (5) :

« Par définition, les empires sont des entités politiques instables, parce que les unités subordonnées préfèrent, presque toujours, acquérir une plus grande autonomie. Et presque toujours, les contre-élites gérant ces unités s’emploient à accroître leur autonomie. » (citation que Z.B. tire de l’universitaire Donald Puchala.)

« Pour l’Amérique, l’enjeu géopolitique principal est l’Eurasie. Depuis cinq siècles, les puissances et les peuples de ce continent ont dominé les relations internationales. Aujourd’hui, c’est une puissance extérieure [l’Amérique] qui prévaut en Eurasie. Et sa primauté globale dépend étroitement de sa capacité à conserver cette position. »

« Tous les rivaux politiques et/ou économiques des Etats-Unis sont situés en Eurasie. Leur puissance cumulée dépasse de loin celle de l’Amérique. Heureusement pour cette dernière, le continent est trop vaste pour réaliser son unité politique. »

« Si l’espace central de l’Eurasie [la Russie] peut être attiré dans l’orbite de l’ouest [l’Europe], où les Etats-Unis sont prépondérants, […] et si l’Est [Chine-Japon] ne réalise pas son unité de sorte que l’Amérique se trouve expulsée de ses bases insulaires, cette dernière conservera une position prépondérante. »

« L’arme nucléaire a réduit, dans des proportions fantastiques, l’usage de la guerre comme prolongement de la politique. […] Ainsi les manœuvres, la diplomatie, la formation de coalitions, la cooptation et l’utilisation de tous les avantages politiques sont désormais les clefs du succès dans l’exercice du pouvoir géostratégique. »

« Dans la terminologie abrupte des empires du passé, les trois grands impératifs géostratégiques se résumeraient ainsi : éviter les collusions entre vassaux et les tenir dans l’état de dépendance que justifie leur sécurité ; cultiver la docilité des sujets protégés ; empêcher les barbares de former des alliances offensives. »

« La France et l’Allemagne sont assez puissantes pour avoir une influence régionale au-delà de leur voisinage immédiat. […] De plus en plus, l’Allemagne prend conscience des atouts qu’elle a en propre. […] Du fait de sa situation géographique, l’Allemagne n’exclut pas la possibilité d’accords bilatéraux avec la Russie. »

« La Russie a de hautes ambitions géopolitiques qu’elle exprime de plus en plus ouvertement. Dès qu’elle aura recouvré ses forces, l’ensemble de ses voisins, à l’est et à l’ouest, devront compter avec son influence. »

« Un scénario présenterait un grand danger potentiel : la naissance d’une grande coalition entre la Chine, la Russie et peut-être l’Iran. »

« On peut s’inquiéter d’un échec du processus [d’unification européenne] et de ses conséquences […] pour la place de l’Amérique sur le continent. […] La Russie et l’Allemagne pourraient tirer parti de cette nouvelle situation et se lancer dans des initiatives visant à satisfaire leurs propres aspirations géopolitiques. »

Ce paragraphe, très important dans le contexte actuel, signifie que Brzezinski souhaite dans une certaine mesure le développement des liens germano-russes, mais seulement si l’Allemagne est, via l’Union Européenne codirigée avec une France capable de maintenir une forme de parité, ancrée dans un monde atlantique lui-même sous leadership américain. Brzezinski parle, pour décrire l’Europe qu’il souhaite, de « tête de pont de la démocratie » (en clair : de l’Amérique). Et donc, une situation, où la France serait trop faible pour maintenir cette parité, modifierait fondamentalement l’attitude des USA à l’égard de la question germano-russe – surtout si, dans le même temps, l’Amérique est si affaiblie qu’elle n’a plus les moyens de faire clairement percevoir son leadership global.

Nous avons confirmation de cette lecture plus loin : « A long terme, la France est un partenaire indispensable pour arrimer définitivement l’Allemagne à l’Europe. […] Voilà pourquoi, encore, l’Amérique ne saurait choisir entre la France et l’Allemagne. »

En clair : aussi longtemps que l’Europe s’unifie sous la tutelle américaine, l’Allemagne doit être poussée à étendre sa zone d’influence vers l’est. Mais si ce nouveau Drang nach Osten devait déboucher sur la définition d’un axe Berlin-Moscou émancipé de la tutelle US, alors il faudrait que les USA donnent les moyens à la France de rééquilibrer l’Europe. Ce point est, évidemment, pour nous, Français, d’une grande importance. Nous allons peut-être avoir, enfin, la possibilité de desserrer l’étau de l’alliance germano-américaine.

*

De tout ceci, en attendant, on peut tirer une conclusion simple s’agissant de l’Empire : nous assistons probablement, derrière l’affaire Merz et le cas Tchoubaïs, au déploiement d’une vaste stratégie US, dont la finalité est d’empêcher que la « tête de pont de la démocratie » se mue, en éclatant, en tête de pont de l’économie eurasiatique.

Profondément affaiblie par la crise économique, l’Amérique perd la maîtrise de la mondialisation. Si, comme on peut le penser, sa « reprise » en trompe-l’œil, financée par le déficit budgétaire, implose dans les deux ans qui viennent, la balance pourrait commencer à peser de plus en plus nettement en faveur de la Chine, y compris au sein des classes dirigeantes européennes – et allemandes en premier lieu. Une situation qui pourrait entraîner, à long terme, la constitution d’une économie eurasiatique dynamique et partiellement intégrée, dont l’Amérique, déclassée, ne serait plus qu’une périphérie.

Le troisième impératif de Brzezinski, « empêcher les barbares de former des alliances offensives », ne serait alors plus garanti, puisque le premier, « éviter les collusions entre vassaux », aurait volé en éclat. Il y a treize ans, dans « Le Grand Echiquier », Brzezinski écrivait, en substance, que pour conduire à terme le projet mondialiste dans de bonnes conditions, il fallait que l’hégémonie US soit maintenue encore pendant une génération – il est de plus en plus évident que cette condition sera peu aisée à remplir. Le fond du problème est évident, il suffit de relire « Le Grand Echiquier » pour le comprendre : la montée en puissance de la Chine va beaucoup plus vite que ce qui avait été anticipé par Brzezinski.

Peu capables de s’opposer à cette dynamique économique de fond, les milieux atlantistes ont, de toute évidence, choisi pour l’instant de jouer sur les armes d’influence recommandées par Brzezinski : « les manœuvres, la diplomatie, la cooptation ».

Sur ce dernier point, il écrit, dans « Le Grand Echiquier » : « Deux étapes fondamentales sont donc nécessaires. Premièrement, identifier les Etats géopolitiquement dynamiques qui ont le potentiel de créer un basculement important en terme de distribution internationale du pouvoir, et décrypter les objectifs poursuivis par leurs élites politiques, et les conséquences éventuelles. Deuxièmement, mettre en oeuvre des politiques US pour les compenser, coopter, et/ou contrôler. »

Compenser : Medvedev contre Poutine, la fondation Atlantik Brücke contre une partie du haut patronat allemand. Coopter : Merz. Contrôler : Tchoubaïs.

Si la démarche échoue, il ne restera plus à l’Empire qu’à choisir entre la défaite et la guerre.

—————————

Notes :

(1) « Ce qu’il faut faire maintenant : l’Allemagne 2.0 », coécrit avec un ancien politicien SPD, « de gauche », Wolfgang Clement. L’étiquette « gauche » ne doit pas ici abuser le lecteur. Ce monsieur Clement, maintenant retiré de la vie politique, siège à de nombreux conseils de surveillance – sans doute une récompense pour avoir conduit une bonne partie des réformes social-libérales de l’ère Schröder.

(2) Source : « Est-ce que les cercles anglo-américains préparent une rocade du pouvoir en Allemagne ? », Jürgen Elsässer Blog

(3) Par exemple, la Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ, l’équivalent allemand du Figaro) a publié, en mai 2010, un article présentant les critiques de WLK comme « peut-être » infondées, et « peut-être » motivées par de vulgaires considérations financières : « Bataille boueuse ».

Cet article a été écrit par un monsieur Majid Sattar, d’origine irakienne, qui a fait ses études aux USA.

(4) Il est utile, pour comprendre le positionnement de Medvedev, de se souvenir que lorsqu’il discute avec les Américains de l’Iran, par exemple, c’est entre deux séances de travail sur l’admission de la Russie à l’OMC.

(5) Le texte de Brzezinski est entouré de circonlocutions et formules obligées visant à nous présenter son projet comme l’expression d’une hégémonie américaine « bienveillante », destinée à conduire le monde vers la paix universelle et la démocratie. J’épargnerai au lecteur de subir ici ces formules hypocrites, pour mettre plutôt en exergue les passages qui traduisent, selon toute probabilité, la pensée profonde de l’auteur : défendre un Empire inégalitaire et prédateur, pour les meilleurs intérêts de ses classes dirigeantes corrompues.

(6) Ce texte a été rédigé avec l’aide bénévole de l’ami Fritz et d’oncle Vania, que l’auteur tient à remercier tout en respectant leur anonymat.

Scriptoblog

mercredi, 15 septembre 2010

Brasile e Venezuela, due processi elettorali cruciali per questo autunno

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Brasile e Venezuela, due processi elettorali cruciali per questo autunno

 

Introduzione

 

 

Quest’autunno, l’America Latina sarà protagonista di due importanti processi elettorali, decisivi nel designare la direzione della politica estera ed economica della regione per il prossimo decennio.

Le elezioni legislative venezuelane del 26 ottobre determineranno se il presidente Chávez sarà capace di ottenere la maggioranza dei 2/3, necessaria per la continuazione del suo programma social-democratico, senza che questo subisca, durante il percorso, i blocchi continui imposti da una destra sempre più forte.
Il Brasile, ovvero, l’economia industriale ed esportatrice di prodotti agrari più forte e dinamica della regione, affronterà le elezioni presidenziali il 3 di ottobre.
In entrambi i Paesi l’elettorato è molto polarizzato, sebbene nel secondo caso non si strutturi intorno l’asse socialismo-capitalismo.
In Venezuela, la destra mira a frenare nuovi processi di nazionalizzazione di industrie strategiche, a fomentare la destabilizzazione promuovendo la disobbedienza e il sabotaggio delle iniziative politiche di base delle comunità locali, ed imporre restrizioni al budget di spesa dei programmi sociali e dei finanziamenti pubblici. L’obiettivo strategico della destra venezuelana è quello di incrementare la penetrazione istituzionale dell’esercito, i servizi di intelligence e le agenzie di aiuti statunitensi, col fine di ridurre le iniziative della politica estera indipendente promossa dal presidente Chávez e far pressione sul suo governo affinché svolga concessioni alla Casa Bianca, soprattutto, indebolendo i rapporti con l’Iran, la Palestina, e specialmente i rapporti con le organizzazioni politico-economiche indipendenti dell’America Latina che escludono la presenza di Washington (MERCOSUR, ALBA, UNASUR).

Elezioni presidenziali: Brasile

In Brasile, il confronto si gioca fra la candidata del Partito dei Lavoratori, Dilma Rousseff, sostenuta dal presidente uscente Lula Da Silva, e l’ex governatore dello Stato di San Paolo, leader del Partito Socialdemocratico Brasiliano, José Serra.
Le etichette del partito sono irrilevanti dato che ambo i candidati hanno promosso e stanno proponendo di continuare con una politica di sviluppo agro-minerale, di libero commercio esortato dalle esportazioni, ed entrambi sono spalleggiati dalle élite imprenditoriali e finanziarie. Nonostante, però, i legami con queste ultime, ed evitando ogni tipo di trasformazione radicale (o anche solo moderata) ad un sistema di distribuzione di ricchezza e proprietà delle terre, enormemente disuguale, sono presenti alcune differenze di pensiero, primarie, che determineranno il risultato: 1) l’equilibro di forze del continente americano, 2) la capacità di movimenti sociali brasiliani di articolare liberamente le loro richieste, 3) il futuro dei regimi di centro-sinistra dei Paesi vicini (in particolar modo Bolivia, Venezuela e Argentina), 4)i consorzi di capitale pubblico e privato riservati ai campi petroliferi appena scoperti, di fronte ai suoi costi.Serra sposterà la politica estera verso un maggiore adeguamento agli Stati Uniti, indebolendo o rompendo i rapporti con l’Iran e riducendo o addirittura eliminando i programmi di investimento congiunti a Bolivia e Venezuela; tuttavia, non modificherà le politiche commerciali e di investimento verso l’estero per quel che riguarda l’Asia.
Proseguirà con le politiche di libero commercio di Lula con l’intenzione di diversificare i mercati (salvo riguardo ciò che gli Stati Uniti definiscono “minacce” geopolitiche o in cui ripongono interessi militari) e promuoverà le esportazioni del settore agrario ed energetico-minerario; manterrà la politica di Lula di surplus di bilancio e di risanamento dei conti pubblici e di reddito.
In ambito sociale è probabile che le politiche di Serra approfondiranno e amplieranno i tagli alle pensioni pubbliche e continueranno con un criterio di restrizione salariale, in modo da ridurre la spesa pubblica, specialmente nell’educazione, nella sanità e nella lotta contro la povertà.
Per la questione fondamentale dello sfruttamento dei nuovi giacimenti di gas e petrolio, Serra ridurrà il ruolo dello Stato (e la sua partecipazione nell’entrata, nei benefici e nelle proprietà) a favore delle imprese petrolifere estere private; è meno probabile che promuova accordi con i dirigenti sindacali e che ricorra ad una maggiore repressione “legale” degli scioperi o alla criminalizzazione dei movimenti sociali rurali, soprattutto quelli di occupazione di terre del Movimento dei Senza Terra (MST).
In ambito diplomatico si avvicinerà maggiormente agli Stati Uniti e alle sue politiche militari, senza mostrare sostegno evidente negli interventi militari diretti; un segnale, da parte di Serra, di condivisione al programma di Washington, già si aveva avuto nel momento in cui l’ex governatore di San Paolo indicò il governo riformista della Bolivia come uno “Stato narcotrafficante”, facendosi eco della retorica Hillary Clinton, in forte contrasto con i rapporti amichevoli fra Brasile e Bolivia durante il mandato di Lula.
Di sicuro Serra respingerà ogni tipo di iniziativa diplomatica indipendente che sia in conflitto con le aspirazioni militari statunitensi.La campagna elettorale della Rousseff, in sostanza, promette di mantenere le politiche economiche e diplomatiche di Lula, includendo l’attuazione di una proprietà pubblica maggioritaria dei nuovi giacimenti di petrolio e gas, lo sviluppo di programmi di lotta contro la povertà e alcuni margini di tolleranza (non sostegno) ai movimenti sociali come l’MST o i sindacati.In altre parole, le alternative sono: compiere un passo indietro e regredire alle politiche repressive e conformiste degli anni ’90, o mantenere lo status quo del libero mercato, di una politica estera indipendente, dei programmi di lotta contro la povertà e di una maggiore integrazione con l’America Latina.
Se vince Serra, l’equilibrio di forze in America Latina si sposterà verso destra e, con esso, si riaffermerà l’influenza e la capacità di azione verso tutti gli Stati vicini di centro-sinistra.
In politica interna continuerà a percorrere, grossomodo, i passi di Lula, amministrando programmi di lotta contro la povertà, tramite i suoi funzionari,e assicurandosi di indebolire il sostegno a Lula da parte dei movimenti sociali.
Con opzioni così limitate, Serra gode dell’appoggio delle principali associazioni impresarie di San Paolo(anche se alcuni protagonisti del mercato economico promuovono entrambi i candidati), mentre nell’orbita della Rousseff sono presenti tutti i principali sindacati; inoltre, i principali movimenti sociali come l’MST, seppur sentendosi traditi dal mancato compimento della riforma agraria promessa da Lula, stanno svolgendo una campagna anti-Serra, appoggiando indirettamente la Rousseff.
Il detto, secondo il quale “l’America Latina va dove va il Brasile” ha qualcosa in più di un pizzico di verità, soprattutto se analizziamo il futuro e le prospettive economiche di maggiore integrazione della regione.Elezioni legislative: Venezuela

Il Venezuela di Chávez è la chiave per le prospettive di cambiamento sociale progressista in America Latina. Il governo social-democratico sostiene i regimi riformisti dell’America Latina e dei Caraibi, e con la sua spesa pubblica ha consolidato evoluzioni pionieristiche nell’ambito della salute dell’educazione e nella distribuzione di sussidi alimentari, distribuiti per il 60% dei settori più poveri della popolazione. Nonostante, l’immensa popolarità di Chávez durante l’intero decennio di governo, i programmi innovatori di ridistribuzione e i cambi strutturali progressisti, esiste il rischio evidente e imminente che la destra realizzi progressi significativi nelle prossime elezioni legislative.

Il Partito Socialista Unito del Venezuela ( PSUV), guidato dal presidente Chávez, ha dalla sua parte sei anni di attività chiusi con: un tasso di crescita elevato, un aumento delle entrate e un declino del tasso di disoccupazione. Di contro giocano, invece, i 18 mesi di recessione in corso,un tasso d’inflazione e criminalità molto alto ed una restrizione di fondi a disposizioni che limitano l’avvio di nuovi programmi.

Secondo i documenti dell’agenzia ufficiale di aiuti esteri statunitense, durante il periodo precedente la campagna elettorale venezuelana, Washington avrebbe depositato più di 50 milioni di dollari nelle casse di un’opposizione controllata da “fronti” politici e ONG – promotori degli interessi statunitensi – concentrandosi nell’unificazione delle fazioni oppositrici, sovvenzionando il 70% dei mezzi di comunicazioni privati e finanziando organizzazioni comunitarie controllate dall’opposizione, situate nei quartieri di classe media e bassa. A differenza degli Stati Uniti, il Venezuela non esige che i destinatari dei fondi provenienti dall’estero, operanti in nome di una potenza straniera, siano registrati come agenti stranieri.

La campagna della destra si focalizza sulla corruzione del governo e nel traffico di droga, orientamento ispirato dalla Casa Bianca e dal New York Times, dimenticando di segnalare che il pubblico ministero generale del Venezuela ha annunciato l’apertura di processi giudiziari contro 2700 casi di corruzione e 17000 casi di traffico di droga. L’opposizione e il Washington Post indicano che il sistema di distribuzione statale (PDVAL) ha fallito nella consegna di diverse migliaia di tonnellate di cibo, causandone il marciume e lo scarto, non contando, però, che tre dei precedenti direttori sono attualmente in carcere e che il Ministero dell’Alimentazione somministra nel paese 1/3 degli alimenti base per il consumo, ad un prezzo del 50% inferiore ai prezzi imposti dai supermercati privati.
Senza dubbio, la destra realizzerà progressi significativi alle prossime elezioni legislative, semplicemente perché parte da una situazione esigua, il suo minimo, dovuta anche al fatto di aver boicottato le ultime elezioni. Non è comunque probabile che la campagna contro la corruzione prevarichi la maggioranza di Chávez, vista anche la condanna, inflitta al suo ultimo leader, l’ex presidente Carlos Andrés Perez, per frode di migliaia di milioni di dollari a causa di appropriazioni illecita di fondi pubblici. Allo stesso modo, i governatori e i sindaci oppositori sono stati accusati di frode e malversazione di fondi, rifugiandosi a Miami.
Tuttavia, anche se la maggior parte degli elettori considera Chávez onesto e pulito, la stessa cosa non può essere detta per alcune cariche pubbliche del suo governo.
La domanda, quindi, è se i votanti siano disposti a rieleggerli, pur di sostenere Chávez ,nonostante i loro precedenti, o se preferiranno astenersi. E proprio un’astensione nata dal disincanto, e non da un giro elettorale a destra, rappresenta la minaccia maggiore ad una vittoria decisiva del PSUV.

Nella corsa verso le elezioni legislative, il PSUV ha festeggiato la vittoria alle primarie, in cui molti consigli comunitari hanno eletto candidati locali e popolari, sopraffacendo quelli scelti “dall’alto”. Di certo, una vittoria dei primi rafforzerebbe i settori socialisti del PSUV in contrapposizione ai moderati.
Il processo elettorale è molto polarizzato lungo quelle che sono le principali demarcazioni delle classi sociali, in base alle quali la maggioranza delle classi più basse sostengono il PSUV, mentre le classi medie e alte appoggiano quasi uniformemente la destra politica.
Esiste, comunque, un settore significativo fra le classi più povere e i sindacati, che si trova in una posizione di indecisione, poco motivata ad esprimere il proprio voto. Magari saranno loro stessi a decidere il risultato finale in distretti elettorali importanti, ed è proprio in questo campo che la campagna elettorale si fa più dura.
Per la vittoria del PSUV, oltre ai sindacati, è fondamentale che i comitati delle fabbriche gestiti dai lavoratori e i consigli comunitari si sforzino seriamente affinché gli elettori più reticenti votino per i candidati di centro-sinistra. Perfino i sindacalisti militanti e le organizzazioni di base di lavoratori si sono visibilmente concentrati a discolpare (questioni salariali) “locali” e “economicisti” o a ignorare le questioni politiche più generali.
Il loro voto e la loro attività come leader di opinione, incaricati di mostrare “il panorama globale”, sono fondamentali per vincere l’inerzia politica, oltre che la delusione verso alcuni candidati del PSUV.Conclusione

Le prossime elezioni in Brasile e Venezuela eserciteranno un impatto decisivo nella politica di Stato, nella politica economica e nelle relazioni dell’America Latina con gli Stati Uniti, per tutta la seconda decade di questo secolo. Se il Brasile “gira a destra”, rafforzerà enormemente l’influenza statunitense nella regione, mettendo a tacere una voce indipendente. Anche se nessun candidato compierà grandi passi verso una migliore giustizia sociale, se a essere eletta sarà la candidata Dilma Rousseff, si procederà comunque verso una maggiore integrazione latinoamericana e internazionale, relativamente indipendente. Vincere non aprirà, quindi, la porta a nessun cambiamento strutturale con grandi conseguenze.

Una vittoria dei socialisti venezuelani rafforzerà la determinazione di Chávez e la sua capacità di proseguire con le sue politiche di benessere sociale, contro l’imperialismo, e di sostegno all’integrazione. La posizione ferma del presidente venezuelano nell’opporsi alla militarizzazione statunitense, incluso il colpo di Stato in Honduras e le basi militari USA in Colombia, animano i regimi di centro-sinistra ad adottare un atteggiamento moderato, ma allo stesso tempo stabile contro la presenza militare degli Stati Uniti. Le riforme di Chávez in Venezuela esercitano pressione affinché i regimi di centro-sinistra introducano mezzi legislativi di riforma sociale e promuovono programmi di lotta contro la povertà e la creazione di consorzi pubblico-privati, invece di seguire i mezzi neo liberali della destra pro statunitense più dura.
Mentre in Brasile si tratta di votare per il male minore, in Venezuela l’indecisione è sul votare il bene maggiore.

fonte: http://www.lahaine.org/index.php?p=47578

Traduzione di Stefano Pistore (Università dell’Aquila. Contribuisce frequentemente al sito di Eurasia)


Tante altre notizie su www.ariannaeditrice.it

di James Petras

Fonte: eurasia [scheda fonte]

Le prossime elezioni eserciteranno, per tutta il secondo decennio di questo secolo, un impatto decisivo nella politica, nell’economia e nelle relazioni dell’America Latina con gli Stati Uniti.

 

 

mardi, 14 septembre 2010

Marc Rousset: la nouvelle Europe Paris-Berlin-Moscou

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Marc Rousset:

"La Nouvelle Europe Paris-Berlin-Moscou"

Ed. Godefroy de Bouillon

 Présentation de l'éditeur

Sommes-nous des citoyens transatlantiques ou des citoyens paneuropéens ? Pourquoi les Européens devraient-ils s' insérer dans un quelconque Commonwealth du XXIe siècle piloté par Washington ? L Europe ne va pas de Washington à Bruxelles, mais de Brest à Vladivostok. La Russie est européenne par ses vingt-cinq millions de morts qui ont scellé pendant les deux dernières guerres mondiales le destin de l' Europe. Si le catholicisme et l'orthodoxie sont les deux poumons de l'Eglise, ils sont aussi ceux de l Europe. Le contrôle de la Sibérie sera l enjeu stratégique du XXIe siècle entre la Grande Europe et la Chine. La Russie est à la fois l'Hinterland , le Far East de l' Europe par ses grands espaces et un avant-poste par rapport à la Chine et à l' Islam de l Asie centrale. Dans ces régions, l' Européen, c' est le Russe. L objectif ultime à atteindre serait la constitution d un arc boréal paneuropéen de nations qui intégrerait le monde slave et orthodoxe. Il se concrétiserait par le rapprochement entre l' Europe carolingienne, capitale Strasbourg, et la Russie, seule alliance bipolaire capable d arrimer efficacement sur le Rhin et la Moskova cette nouvelle Grande Europe. L ' avenir de l' Europe n' est donc pas dans une Union européenne qui gonfle démesurément, jusqu à en perdre son identité, mais dans la création de deux alliances ouest et est européennes qui s équilibrent mutuellement et rivalisent amicalement.

Biographie de l'auteur

Marc Rousset, diplômé H.E.C, Docteur ès Sciences Economiques, MBA Columbia University, AMP Harvard Business School, a occupé pendant 20 ans des fonctions de Directeur Général dans les groupes Aventis, Carrefour et Veolia. Il est l auteur de Pour le Renouveau de l Entreprise (préface de Raymond Barre, aux Editions Albatros, 1987), de la Nouvelle Europe de Charlemagne (préface d Alain Peyrefitte, aux Editions Economica, 1995, Prix de l Académie des Sciences Morales et Politiques) et des Euroricains (préface d Yvon Gattaz de l Institut aux Editions Godefroy de Bouillon, 2001).
 
Et, pour alimenter la polémique, ces observations:
 
"J’ai reçu certaines remarques à propos de mon commentaire de ce livre (*), qui montrent bien que le sujet traité par Marc Rousset  fait débat.

D’abord sur la nécessité d’une entité européenne, indépendante des Etats-Unis d’Amérique et plus proche de la Russie.

Pour Marc Rousset, s’il ne se constitue pas un « noyau carolingien » de 160 millions d’hommes, les nations européennes disparaîtront dans un monde où l’Amérique atteindra 500 millions d’hommes et la Chine 1,3 milliard d’habitants. Cette entité a à la fois vocation et intérêt à se rapprocher de la Russie, pour être en quelque sorte l’hinterland européen de ce pays qui lutte pour sa survie alors qu’il demeure le plus solide rempart de la civilisation européenne.

Sans doute l’auteur ne confond-il pas, dans son analyse, et je me dois de le signaler, ce rapprochement avec une soumission du genre de celle que l’Europe actuelle témoigne aux Etats-Unis. Mais plutôt y voit-il une alliance fondée sur la continentalité, la culture commune, les intérêts convergents.

De même, certains regrettent que ne soit pas détaillée plus avant la thèse de Marc Rousset sur la nécessité d’une langue commune, pour contrer l’anglo-américain actuellement dominant. Pour l’auteur, elle a toujours été nécessaire depuis l’origine des grandes entités et il rappelle avec justesse qu’en Europe ce fut, un moment, le français. Si les Européens n’adoptent pas un langage commun, leurs Etats, dont par exemple la France, ne pourront se défendre contre la contagion actuelle et deviendront à terme des « Louisiane » : l’espéranto devrait, à défaut du français, jouer ce rôle.

Je fais donc ces mises au point par souci d’objectivité.

Mais je persiste et signe : Avons-nous besoin de grands ensembles, constitués de pays qui ont de grandes différences de mœurs et de cultures lesquels sont façonnés par l’Histoire de chacun d’eux et nos intérêts économiques sont-ils toujours convergents ? De solides alliances militaires entre nations libres et souveraines, par exemple sur le modèle du traité de Washington pour l’Otan (quand elle servait à quelque chose), de bons accords commerciaux et de libre-échange ne suffisent-ils pas à assurer la paix et la prospérité aux citoyens de ces nations qui devraient rester indépendantes et n’épouser aucune querelle étrangère ?

Certes, la Russie n’est plus l’Union soviétique et Marc Rousset à raison de le dire. Certes, le bon sens devrait suffire à comprendre que nous avons plus d’affinités avec ce pays chrétien continental dont l’histoire est longue et riche. Mais la réalité est souvent cruelle et la prudence demeure de mise lorsqu’il s’agit de la liberté fondamentale des nations.

Mais le débat est ouvert, grâce à cet ouvrage qui est un vrai pavé dans la mare de la pensée politiquement conforme".

Pierre Millan

samedi, 11 septembre 2010

Géopolitique et heurs et malheurs de la défense européenne

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2003 

GEOPOLITIQUE et HEURS ET MALHEURS DE LA DEFENSE EUROPEENNE

 

« L’Europe ne pourra être un des pôles d’un monde redevenu multipolaire si elle n’est pas en mesure de définir une politique étrangère qui lui soit propre, de mettre en place une défense européenne, et de maîtriser son approvisionnement énergétique ».

                                                               Henri de Grossouvre (Défense Nationale –février 2003).

 

Malgré des avancées, le projet de défense européenne demeure frileux et insuffisant et ne se caractérise que par son « irritante lenteur ». Nous osons cependant croire (comme nous l’avions écrit- Cf NDSE N°14-1995) qu’un jour ce processus débouchera sur une authentique défense de l’Europe.

Mais certains thèmes devront être définitivement clarifiés. Ainsi en est-il évidemment des relations transatlantiques. Mais il faudra auparavant que le lien qui unit défense et politique soit réaffirmé et que la nature conflictuelle des relations internationales devienne un credo pour les décideurs européens qui, semble-t-il, ne croiraient « plus en la possibilité d’utiliser la force armée pour résoudre un quelconque problème politique » (Fareed Zakaria, commentateur américain). Au delà c’est la question des limites de l’espace européen qui devra être abordée ainsi que celle de la « définition de l’Ennemi ». Si ces thèmes devaient demeurer éternellement dans les brumes, ne doutons pas que la défense européenne reste un « objet militaire non identifié ».

 

AMER CONSTAT

 

                « Il ne fait plus de doute aujourd’hui que cette défense européenne se fera, mais elle ne fera rien ». Ce constat pessimiste mais clairvoyant d’un chroniqueur d’un grand quotidien français traduit malheureusement la réalité. Près de quinze ans après la chute du mur de Berlin, bifurcation historique s’il en fut, l’Europe de la défense est toujours dans l’attente. Mais comment pourrait-il en être autrement alors même que l’Europe politique est toujours en gestation ?[1]

 

En 1989, après l’effondrement du monde communiste et la re-connexion géographique du continent, nous avions pensé que l’Europe, devenue UNE, pouvait œuvrer à une géopolitique grand-continentale européenne (version contemporaine du Kontinentalblock haushoférien), retrouver sa géographie et son histoire, rivaliser à nouveau avec les autres grandes puissances[2] sur la scène internationale.

 

Les années ont passé. Certes l’Europe n’est pas restée passive. Mais en ce qui concerne la Politique Etrangère et de Défense Commune (PEDC)- nous savons depuis Raymond Aron et son ouvrage célèbre Paix et guerre entre les nations que diplomatie et défense sont indissociables - malgré des avancées prometteuses, la pusillanimité des interventions est inversement proportionnelle au volontarisme des accords.

 

Dans le camp adverse; « l’Autre »[3], Etats-Unis bien sûr, mais également d’autres puissances comme la Chine, l’Inde, la Russie et des entités non-étatiques, dépourvues de « citoyenneté internationale » (terrorisme, monde islamique …) entendent bien avoir leur place sur l’échiquier mondial. Tous ces acteurs ont déployé une grande activité géopolitique et stratégique, confirmant avec acuité que les croyances iréniques de fin de guerre froide ont volé en éclat. La « mondialisation heureuse » n’est pas le paradis annoncé. La théorie de « la fin de l’Histoire » chère à Francis Fukuyama, projet orwellien en gestation,  n’est pas l’avenir de l’humanité. La logique de puissance et de prédation perdure.

 

L’Europe a donc plus que jamais intérêt à édifier une politique étrangère et de défense commune. Mais il faut établir un constat : au-delà de certaines avancées non négligeables, un déficit et un retard diplomatico-stratégique chronique subsistent. Tous les analystes de l’actualité internationale s’accordent sur un fait : politiquement, géopolitiquement, militairement, l’Europe n’existe pas. Aucun mole de puissance ne s’est constitué. La division des européens (savamment cultivée par l’Ile Amérique) et leur attitude face à l’intervention américaine en Irak (mars 2003) en aura été une nouvelle illustration flagrante. Le baroud d’honneur courageux d’un président de la république française n’aura cependant pas modifié les visées guerrières de la thalassocratie américaine qui n’a cure des revendications du « vieux continent ». D’ailleurs le prétendu souci de légalité internationale de Jacques Chirac dissimule mal sa disposition à suivre les Etats-Unis une fois les apparences sauvées.

                Un véritable défi est lancé à l’Europe. Mais à force de sommets et de déclarations d’intention non suivis d’effet, repoussant toujours plus loin les réalisations concrètes, l’on se demande si un jour les décideurs européens accoucheront d’autre chose que d’un fœtus débile.

 

Cependant comme l’écrivait Jacques Bainville :« Il y a toujours des raison d’espérer. Si l’on avait pas cette confiance, ce ne serait même pas la peine d’avoir des enfants ». Nous ferons nôtre cette espérance

 

LA DEFENSE DE L’EUROPE, UNE IDEE RECENTE, PONCTUEE DE NOMBEUX ECHECS.

 

DEFENSE D’HIER

 

                L’idée d’une défense européenne institutionnalisée, pensée et voulue comme telle, dotée de moyens d’agir au service du continent, est très récente.

Aussi loin que nous puissions remonter dans l’histoire du continent européen, ce n’est qu’épisodiquement et face à un Ennemi circonstancié que des alliances se sont constituées. Les guerres Médiques en constituent sans doute le premier exemple. Pour la première fois des Européens, les Grecs (même si à l’époque la Grèce ne peut en rien être rapprochée d’un monde européen en genèse), ont su s’unir contre un envahisseur avec la conscience d’appartenir à une civilisation commune qui transcendait les divisions et les rivalités des Cités. Les guerres Médiques représentent dans la mémoire des Européens, le premier fait de résistance à une puissance extra-européenne et « restent le synecdoque de l’agression de la civilisation européenne par la barbarie orientale ».

La résistance gallo-romaine face à l’envahisseur hunnique (batailles des champs Catalauniques en 451 où combattaient pourtant majoritairement dans chaque camp des germaniques. En fait la mort d’Attila un an plus tard mit réellement fin au conflit), le conflit entre Héraclius, empereur d’Orient et Khosroès, Roi des rois (début 7ème siècle), « première grande guerre de religion », la bataille de Poitiers (732), la bataille navale de Lépante contre la flotte ottomane en 1571 (victoire militaire et maritime hautement symbolique), la résistance de Vienne face aux Turcs (1683), la grande figure du Prince Eugène de Savoie grâce auquel la Sainte Alliance put stopper l’expansionnisme ottoman (fin 17ème), constituent autant d’exemples où à un moment donné de leur histoire, des nations et des princes d’Europe ont su unir des forces armées face à un ennemi commun. Constatons que l’existence d’un Ennemi commun aura contribué à chaque fois à fédérer les énergies pour défendre la « Polis Europe ».

 

Quant aux diverses expériences impériales d’union du continent, si certaines ont avantageusement réussi à faire combattre sous les mêmes enseignes, aigles ou drapeaux des européens de maintes nations, d’autres, essentiellement martiales et idéologiques ont montré leurs limites et ne sont pas étrangères au recul de notre continent sur la scène internationale. Cette page doit être définitivement tournée (« victimisme » et nostalgie doivent être rejetés).

 

Osons croire que le processus mis en œuvre après la seconde guerre mondiale, chaotique et hésitant, soit porteur d’un autre avenir et qu’il enfantera d’autre chose qu’une simple zone d’échanges livrée aux appétits des marchands et des financiers. S’il s’agit d’un véritable projet géo-politique, alors il aura besoin d’être protégé de l’hostilité et de la convoitise des Autres. L’idée de lui adjoindre une défense est donc une nécessité. Cette idée a suscité bien des tentatives et des aléas. Mais plus d’un demi siècle après sa fondation l’Union des pays d’Europe ne possède toujours pas d’outil de défense crédible. Retracer l’histoire de ces différents projets nous amènera à poser des questions existentielles auxquelles les « importants » européens ne veulent pas répondre et auxquelles pourtant il faudra trouver une réponse.

 

…ET D’AUJOURD’HUI

 

Du traité de Dunkerque (1947) au traité de Bruxelles (1948), de la CED (1954) au plan Foucher (1962)et à l’UEO (rapidement entrée en léthargie du fait de la création de l’OTAN, l’UEO a disparu en tant qu’organisation opérationnelle au début de l’année 1991, après avoir transféré certaines de ses capacités à l’UE), les projets avortés furent multiples.

L’existence d’une Alliance Atlantique omniprésente et d’un allié américain qui embrassait pour mieux étreindre ne laissait de toute façon que peu de marges aux velléités européennes. Dans le même temps, en dehors de la volonté gaulliste, les européens ont largement et toujours recherché la protection américaine (sans jamais savoir jusqu’où cette dernière serait allée en cas de conflit. A priori l’automaticité prévue se serait sans doute faite attendre).

Ce n’est en définitive qu’avec le traité de Maastricht (1992) que s’est instauré un processus visant à mettre en œuvre une Politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Confirmée par le traité d’Amsterdam (1997) la PESC a suscité depuis nombre de désillusions.

Pourtant le sommet franco-britannique de St Malo (novembre 1998) avait laissé penser qu’un infléchissement significatif s’était produit. Lors de ce dernier sommet les deux pays avaient en effet affirmé la nécessité pour l’Europe de se doter d’une capacité militaire : « l’Union Européenne doit avoir une capacité autonome d’action, appuyée sur des forces militaires crédibles, avec les moyens de les utiliser et en étant prête à le faire afin de répondre aux crises internationales ».

 

De nouvelles étapes devaient ensuite être franchies. En juin 1999 (conseil européen de Cologne) et en décembre 1999 (Conseil Européen d’Helsinki) ) furent entérinées (puis approuvées au Conseil Européen de Nice en décembre 2000) des décisions aux perspectives intéressantes qui ont fait dire lors du sommet de Laeken en décembre 2001 que l’Union était « opérationnelle » :

- création à l’horizon 2003 d’une force de réaction rapide (FRR) de 60 000 hommes - ce qui laisse rêveur au regard de la puissance économique et démographique de notre continent –déployable dans un délai de soixante jours pour une durée minimum d’un an (en décembre 2002 lors du conseil de Copenhague l’objectif semble avoir été modifié en y ajoutant un élément de réaction rapide -moins de à 60 jours- aptitude aux missions humanitaires et évacuation des ressortissants).

Complétée par des capacités civiles, cette force doit pouvoir être contrôlée et dirigée par l’UE grâce à trois nouvelles institutions politico-militaires, créees au sein du Conseil de l’UE :

-un Comité politique et de sécurité (COPS)

-un état-major européen

-un comité militaire.

Viennent compléter le dispositif : un Ministre des Affaires étrangères et de la Défense » (pour l’heure il s’agit de Javier Solana, ancien secrétaire général de l’Otan, qui, tentant d’élaborer récemment une « doctrine de sécurité » pour l’UE, n’a fait que reprendre à son compte les priorités de la Maison Blanche et sa doctrine d’action préventive ! aucune confiance ne doit être accordée à ce vilain personnage) et une stratégie aérienne avec Galileo (système spatial d’aide à la navigation utilisant des satellites) destiné à pallier les insuffisances du GPS (Global positioning System, système américain de navigation par satellites) et du Glonass russe (malheureusement outre les problèmes techniques et l’impréparation des pays européens l’opposition des USA est flagrante). Galiléo pourrait bien « n’être qu’une ligne Maginot de plus sans véritable volonté d’émancipation sur les enjeux de l’Europe/puissance ».

L’optimisme pourrait donc être de mise. Il demande pourtant à être tempéré.

Les ambitions « militaires » affichées trouvent en effet rapidement leurs limites. Contenues dans le spectre des missions dites de Petersberg (humanitaires, évacuation de ressortissants menacés, maintien ou rétablissement de la paix), elles évacuent le second volet, pourtant primordial, celui de la défense proprement dite (prévention des agressions et réponse à une agression) et ne font pas de l’Europe un « acteur stratégique ».

Ainsi les diverses actions menées par des contingents européens (Kosovo, Afghanistan) ne traduisent pas la mise en œuvre d’une stratégie globale au service d’une vision géo-politique. Comme le soulignait un sénateur (comme quoi la haute assemblée réserve parfois d’heureuses surprises !) « il me semble que ces missions de Petersberg devraient être accessoires si nous voulons vraiment disposer d’une armée », et d’insister : »Allons-nous avoir une armée essentiellement de guerre ou essentiellement axée sur les missions de Petersberg ? ».

 

Réponse en l’occurrence très politiquement incorrecte et courageuse d’un général : « Monsieur le sénateur, ce sont les hommes politiques qui sont responsables de cette situation. Depuis la fin de la guerre froide, aucun homme politique, de droite ou de gauche, n’a voulu répondre à la question : « une armée, pour quoi faire ?, et les missions de Petersberg dissimulent lamentablement ce manque de clarté. Le problème se pose au niveau de l’Europe, où il est nécessaire que nous disposions d’hommes et de femmes politiques ayant suffisamment de vision stratégique et de conviction pour bâtir, non pas l’Europe de la défense, mais la défense de l’Europe ».

 

A l’aube de l’année 2003, censée inaugurer l’opérationnalité[4] de la FRR, la « défense européenne » demeure donc toujours intégrée dans l’épure stratégique américaine, via l’OTAN. Or de nombreux analystes internationaux soulignent combien cette organisation n’est que l’interprète des intérêts américains et leur redéploiement sur le continent européen. Qui peut être encore assez naïf (ou alors franchement collabo !) pour croire que cette organisation ait un jour été conçue pour défendre les intérêts européens[5]. Nous reviendrons sur cette organisation au cours de notre exposé mais les événements récents ont démontré que l’Otan n’est plus qu’une « boîte à outils » dans laquelle les Américains espèrent venir puiser quand bon leur semble.

 

Quant à l’Europe de l’armement, maillon essentiel de l’indépendance stratégique de l’Europe, ses retards ne sont pas plus encourageants. Si le principe a été entériné il demeure toutefois l’apanage des Etats et demeure exclu du champ communautaire (art.296 du traité d’Amsterdam). Se construisant de manière pragmatique à travers l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAR) créée en 1996, elle a favorisé plusieurs initiatives ( Eurocopter et surtout le mariage franco-allemand d’Aérospatial/Matra avec l’Espagnol Dasa en décembre 1997, lui-même renforcé par l’accord cadre de Farnborough en juin 2000[6]. Au delà, face à la concurrence américaine (les américains n’ont pas hésité à proposer aux Européens leurs avions Loockeed devant les difficultés de lancement de l’Airbus A-400 M) si les Européens n’établissent pas des besoins matériels identiques, ne coordonnent pas leur politique budgétaire ni de leur politique d’achat et n’élaborent pas de processus d’intégration des décisions, ils ne favoriseront pas l’industrie européenne d’armement et par ricochet fragiliseront l’Europe de la défense.

 

En définitive les avancées demeurent minces et ne se traduisent par aucune réactivité par rapport aux événement internationaux. L’Europe n’a rien à dire et ne peut opposer à la vision du monde de la thalassocratie américaine aucune autre vision. Il serait temps que le projet d’Union Européenne s’affiche clairement comme un projet géo-politique suis generis et qu’il se libère d’une « américanôlatrie » sclérosante et incapacitante l’empêchant d’advenir à la puissance.

 

LA NECESSITE D’UNE REPONSE POLITIQUE

                Aux origines de la PESC, l’absence de vision politique

 

En fait dès ses origines la PEDC a souffert d’un lourd handicap, celui de ne reposer sur aucun consensus définissant un « concept stratégique » répondant lui-même à une vision géo-politique susceptible de la guider. La PECD a été lancée selon « une approche dite « bottom-up », c’est à dire d’une évolution à petits pas. Cette méthode d’intégration s’est traduit avant tout par un processus de rejet de l’utilisation des rapports et outils de puissance et à une dépolitisation du projet européen ».

L’absence d’autonomie politique et stratégique européenne vis à vis des Etats-Unis, fruit du contexte particulier de la guerre froide, a largement déterminé les évolutions ultérieures de la construction européenne et apparaît, en grande partie, à l’origine du développement insuffisant des relations extérieures de l’UE, auquel la PESC et la PESD sont maintenant censées remédier.

Le refus de développer des structures politico-militaires proprement européennes, sans doute à l’origine de la construction relativement insatisfaisante de l’UE, a de plus conduit à une réticence de la plupart des Etats membres envers toute forme de gestion commune des affaires de sécurité et de défense, instaurant ainsi une césure politique, idéologique et psychologique entre l’Europe et la puissance.

 

Cette posture de l’Union Européenne, stratégiquement et géopolitiquement confortable mais paresseuse, si elle peut trouver des explications (éloignement de la menace, désaffection pour tout ce qui touche au militaire et à la guerre, absence d’Ennemi désigné, jeu des Etats-Unis, vision apaisante des relations internationales…), n’en demeure pas moins calamiteuse et dangereuse. Elle n’est ni le fait des stratèges et des militaires européens (ce qui ne doit pas occulter leurs responsabilités). La faiblesse du projet géo-politique européen, la « volonté d’impuissance » (Pascal Boniface) des décideurs européens sont les premiers responsables des « heurts et malheurs » de la défense européenne.

 

Du rapport du politique et du militaire

 

Tout homme politique et tout militaire avisé sait que le politique préexiste à tout acte de guerre et demeure une prérogative régalienne. C’est une fois les objectifs politiques fixés que les stratèges interviennent. Dans son principe la célèbre formule de Clausewitz « la guerre n’est rien d’autre que la continuation de la politique par d’autres moyens » rappelle cette évidence : le militaire demeure dans la dépendance du politique.

PESC (Politique Etrangère et de Sécurité Commune), I.D.E (Identité de Défense Européenne), défense européenne…ne dérogent pas à la règle. L’ensemble est conditionné par le projet politique et géopolitique de l’Union Europeénne (UE).

Or, globalement, ce projet géo-politique dont, on ose le croire, l’UE est en substance dépositaire, demeure encore inconsistant. Sa formulation qui n’a pris forme qu’en 1992 (traité de Maastricht) n’« enchante »[7] pas les Européens.

 

Abstrait, mercantile et fondé sur la nature non-conflictuelle des rapports internationaux, il véhicule un vague ethos universel dont la Charte des Droits fondamentaux de l’UE est l’illustration. En vérité il n’est ni mobilisateur ni fédérateur, aucun « Nous » n’y est défini. Sa faiblesse intrinsèque provient du fait que l’UE n’y est aucunement pensé comme « nouvelle unité de sens et de puissance » ni envisagée comme nouvelle « zone dure » dans le « pluriversum étatique ». Sur le plan international cela se traduit par un nanisme politique et géo-politique de l’UE.

Cela a des conséquences sur le projet de défense européenne. Sans vision géopolitique bien établie, les stratèges demeurent dépourvus de grille de lecture.

 

…QUI PASSE PAR LA RESOLUTION DE DEUX QUESTIONS PRIMORDIALES

 

 

Pour ce faire, deux notions essentielles et existentielles, éminemment politiques mais constamment écartées de tout débat, se doivent d’être éclairées : l’espace (ligne de front, jusqu’où défendre l’Europe ?), et l’Ennemi et/ou l’Ami (discrimination du Soi et du Non-soi, défendre l’Europe contre qui ?). Le général P.M. Galois écrivait « pour qu’une armée ait un sens, il faut qu’elle ait une terre à défendre, des frontières à protéger et qu’elle ait un ennemi qui la menace ».Ces notions constituent les fondements de toute politique de défense. Au delà c’est tout le projet d’Union Européenne qui pourrait prendre sens. De projet marchand il deviendrait projet politique et pourrait secréter ce sentiment d’appartenance communautaire sans lequel aucune défense n’est viable.

 

Notions dépassées, dira-t-on. Au contraire affirmerons-nous sans crainte. Notions politiques primordiales et existentielles non exclusives, elles constituent à nos yeux, malgré les modifications sur la scène internationale (éloignement de la menace directe, hypothèses de conflits limités, guerres asymétriques, apparitions de nouvelles menaces, mafias, flux migratoires incontrôlés…), l’essence et les fondements de toute politique de défense, quelle qu’en soit la dimension, nationale ou continentale.

 

Si ces notions ne devaient jamais être abordées au fond, ni clairement définies et débattues et donc demeurer sans réponse, n’espérons pas qu’un jour, un jeune européen trouve des raisons de mourir ou de vivre (elles ont toujours été les mêmes) pour défendre une terre et un/des peuples qu’il devra percevoir comme patrie et comme partie de lui-même.

 

L’Europe, jusqu’où ? La question des frontières de l’Europe.

 

Ce thème demeure éminemment actuel. La récente polémique autour de l’élargissement de l’Europe à la Turquie a rappelé que l’Europe n’est pas un continent extensible à l’infini.

L’espace est tout et sans lui le débat serait vide de sens. L’époque contemporaine ne nous démentira pas : maints conflits ont l’espace comme enjeu. En outre, pour le combattant, la défense de la terre des siens, de sa Cité, demeure l’essence de sa fonction. Les murs de la Cité demeurent ses repères.

Malheureusement les frontières du « sanctuaire européen », le premier cercle des « intérêts vitaux » définis par Lucien Poirier, laissent place au doute. Anachronisme d’une situation que celle où l’on envisage de construire une défense européenne alors qu’aucune limite territoriale n’a été fixée.

L’on sait combien une frontière est avant tout politique donc toujours susceptible d’être remise en cause. Le regretté Général von Lohausen[8] écrivait « l’Europe existera là jusqu’où elle désirera se défendre ». Pourtant certaines réalités géographiques ou historiques, des recouvrements ethno-culturels permettent d’imaginer, un « limes » européen.

Chose certaine, au nord comme au sud et à l’ouest, la géographie de l’Europe se dessine naturellement. L’Islande et les pays scandinaves au nord, l’Atlantique à l’ouest, la Méditerranée au sud (sachant que la frontière au sud se défend sur le territoire de l’Afrique du nord, véritable marche de l’Empire) constituent des limites intangibles.

C’est à l’est et au sud-est que la ligne de front pose problème. La Russie, pays continent ambivalent, est-elle européenne ou non ? Si elle l’est, cela repousse jusqu’au fleuve Amour (frontière avec la Chine) et à l’océan Pacifique (depuis la prise de possession des immensités sibériennes par les Cosaques) les limites du continent. Mais comment ne pas imaginer que les fils des Varègues ne soient pas un jour associés étroitement au projet européen.?[9]

Pour l’heure un certain réalisme nous amènera à faire nôtre les considérations très constructives d’un Pierre Biarnès[10] : « les frontières de l’Europe devront se fixer un jour ou l’autre de façon définitive entre les pays baltes et la Biélorussie, entre la Pologne et l’Ukraine, entre la Roumanie et la Moldavie, entre la Grèce et la Turquie et s’arrêter au nord de la Méditerranée ».

Le débat sur les frontières européennes devra être clos rapidement. Il faut cesser de cultiver la confusion en voulant inclure des espaces culturellement trop différents (Turquie, Maroc…)qui nous achemineront vers l’incohérence géographique et civilisationnelle et qui déconcertent les bons européens qui habitent en terre d’Europe.

Les décideurs européens ne pourront passer outre. Ne pas y répondre comporte le risque de retarder inexorablement la mise en forme d’une défense européenne à vocation première de défense du territoire européen, actuellement non menacé (mais certaines zones, certains territoires ne sont-ils pas déjà aux mains d’envahisseurs que les cerveaux conquis de certains politiques laissent pénétrer dans nos pays), et de voir le combattant (du stratège au soldat) européen demeurer sans horizon, sans repère concret. Ce n’est qu’à partir d’un espace devenu lisible, visible et cohérent que pourra être définie une authentique géo-politique de l’Union Européenne, ouverte sur le monde et non eurocentrée (nous savons que l’Europe se défend bien au-delà de ces/ses frontières) et une politique de défense crédible qui pourra s’imposer aux Autres. Faudra-t-il se résigner à n’avoir qu’à défendre un «puzzle artificiel, sans énergie et sans âme… » ? Aucun stratège ne pourra s’y résigner.

 

Mais poser une limite territoriale, c’est également déterminer qu’en deçà de ces limites le Même commence et qu’au-delà c’est le règne de l’Autre. A ce point de réflexion nous aborderons le second concept focal de toute pensée stratégique, la relation d’hostilité. Cet Autre, ce Non-Soi, constitue qu’on le veuille ou non cet Ennemi, au moins potentiel, dont l’intérêt premier est de permettre la perception de la collectivité mais aussi de contribuer à renforcer le sentiment d’appartenance. Ce concept doit lui aussi être géré par l’autorité politique. Carl Schmitt affirmait que « la désignation de l’Ennemi est l’acte politique par excellence ».

 

L’Europe, contre qui ? La distinction Ami-Ennemi.

 

Pour ceux ignorants de l’œuvre du grand politologue Carl Schmitt, nous précisons que l’Ennemi évoqué dans ces lignes n’a rien à voir avec l’«Axe du Mal » de Bush Junior et de son manichéisme biblique. Son messianisme religieux et théologique, à l’origine de tant de croisades assassines pour la démocratie et le libre échange, relève de la paranoïa et non du politique (ce qui n’exclut pas les buts politiques de la guerre entreprise par les USA).

En second lieu nous préciserons également que désigner l’Ennemi ne relève en rien d’une idéologie bellogène et ne prédispose pas plus à  la guerre (possible mais non inéluctable) que les idéologies qui se voulaient et se veulent pacifistes et qui depuis des siècles n’en finissent pas de déclarer la guerre au monde entier dans l’espoir de le modifier et de le conformer à leur vision du monde et à leurs intérêts.

En humble mais attentif lecteur de Carl Schmitt et de Julien Freund[11], nous préciserons donc qu’il s’agit de l’Ennemi public (l’hostis des Romains) et qu’il n’implique aucune haine personnelle. Il est « l’étranger hostile, antagoniste, celui qui unit intention hostile et capacité de nuisance, militaire ou autre ». Définir l’Ennemi, c’est « constater que depuis que les hommes font de la politique, ils se regroupent entre amis au sein d’une communauté déterminée… et qu’ils essaient de préserver leur identité contre d’éventuelles menaces » (J.Freund).

« Tout regroupement géopolitique doit impliquer une relation d’hostilité au moins potentielle vis à vis de puissances étrangères » écrivait Freund. Encore faut-il que les raisons de l’union soient réellement politiques et que la reconnaissance des « antagonismes » (Max Weber) ait été admise.

Malheureusement l’une des carences de la construction de l’UE c’est d’avoir évacué le politique. Le projet peut même être qualifié d’impolitique ( ie que l’éventualité de la confrontation n’est pas réellement envisagée). La virtualité de l’Ennemi n’est pas prise en compte. Or c’est à travers le politique que la reconnaissance de l’ennemi prend forme.

La désignation de l’Ennemi constitue sans aucun doute un des axiomes et un des principes d’action qui fonde toute stratégie et définit son esprit. Connexion intime et éternelle du militaire et du politique il est temps que les politiques européens prennent en compte les situations conflictuelles contemporaines et à venir (inconcevables aujourd’hui mais plausibles dans vingt ou trente ans) et proposent aux stratèges européens un projet géo-politique capable de mobiliser leur intelligence et leur soif d’œuvrer à la grandeur et à la défense de la grande patrie européenne en devenir.

La puissante répugnance et la couardise des politiques face à la violence armée doit être oubliée.

« Aucun regroupement géopolitique digne de ce nom ne s’est construit sans savoir avec qui ni contre qui. Il n’y a pas d’union sans exclusion, donc sans rapport virtuel Ami/Ennemi entre ceux qui sont admissibles ou admis dans l’union et ceux qui ne le sont pas » (n’en fut-il pas ainsi des USA qui au 19ème avec la doctrine Monroe désignèrent les Etats Européens comme l’Ennemi.

Les proclamations incantatoires n’y feront rien. « Personne n’est jamais assez naïf pour penser qu’un pays n’aura pas d’ennemi parce qu’il ne veut pas en avoir ».Tout se règle facilement dès lors qu’on exclut l’Ennemi. Mais celui-ci ne dort pas. Contrairement à la générosité humanitaire, l’humanité n’a pas que des bons cotés le désir n’est pas la réalité ».

L’Union Européenne essentiellement animée par des idéaux pacifistes, ne se connaît pas et/ou ne veut pas se connaître d’Ennemi et encore moins en désigner. Se refusant à cette attitude responsable (ce qui n’empêche pas d’être désigné comme tel par d’Autres) l’on peut juger à quels sommets d’immobilisme géopolitique et stratégique cela nous a conduit.

 

Sans distinction Ami-Ennemi, sans perception de l’Ennemi, aucune collectivité ne peut exister politiquement ni se situer par rapport à l’Autre. C. Schmitt écrivait même que « l’aptitude à distinguer l’Ami et l’Ennemi est ce qui qualifie politiquement un peuple . Désigner l’Ennemi c’est en effet pouvoir se poser dans l’espace (jusqu’où existons-nous ?) et dans l’Etre (qui sommes-nous ?). C’est à travers ces concepts que se forme l’identité collective sans laquelle aucune politique de défense ne peut advenir.

 

Dans un monde à la haute conflictualité, l’hostilité se porte bien. Si l’identification de l’Ennemi ne peut être univoque (puisqu’il peut être religieux, économique, culturel, territorial … mais souvent tout à la fois), il peut être cependant identifié et désigné.

 

A l’aune du XXIème siècle l’Ennemi de l’Europe, comme de tous ceux désireux de vivre dans un monde divers, demeure représenté par « toutes les forces tendant à un universalisme du monde unipolaire centralement dominé face à la pluralité des « grands espaces » équilibrés ». Les forces de l’hostis sont donc perceptibles dans la figure de puissances ou d’organisations hostiles à notre grande œuvre de reconstruction de l’espace grand-européen. C’est contre toutes les formes d’hostilité à ce projet que les volontés européennes doivent être tournées. Quant aux stratèges, enfin délivrés de la mollesse et de l’irresponsabilité des politiques, ils sauront proposer des stratégies adaptées. Leur compétence est grande, leur courage exemplaire, leur désir de servir toujours vivace, ne les décevons pas. Sur le front extérieur comme sur le front intérieur ils sauront mettre en œuvre le meilleur d’eux-mêmes, mettre à profit l’enseignement de haut niveau que l’on sait leur donner et enfin se débarrasser de la paralysie doctrinale, du stratégiquement correct, appris dans les états-majors otanesques. Aux politiques de désigner les buts à atteindre et l’Ennemi à combattre.

 

Notre propos serait incomplet si un thème n’était pas abordé. Comment évoquer l’idée de défense européenne sans s’intéresser à l’Otan et au nécessaire repositionnement de l’Europe par rapport aux Etats-Unis.

Nous ne cesserons de rappeler combien l’Ile Amérique ne partage pas les intérêts de d’Europe. N’ayant jamais cessé d’entraver toute oeuvre de réunification européenne depuis plus d’un siècle, les Etats-Unis via l’Otan constituent sans aucun doute l’une des figures de l’Ennemi de l’Europe.

 

 

 REVISITER LA RELATION AVEC LES ETATS-UNIS.

 

Nous avons toujours regretté qu’après l’implosion du pacte de Varsovie (1992) les pays de l’Alliance atlantique n’aient pas décidé l’auto-dissolution de l’Otan Nous continuons à penser qu’il est insupportable de conserver le traité de Washington qui fonde l’Otan tel qu’il a été conçu en 1949 (modifié 1954). Un traité est fait pour un objectif ( en l’occurrence assurer la sécurité de la partie ouest de l’Europe contre un supposé envahisseur soviétique). Du jour où cet objectif avait disparu le traité devenait caduc. Rien de cela ne s’est produit.

Bien au contraire, soucieux de pérenniser une organisation qui avait largement servi à mettre sous tutelle le projet européen, les Etats-Unis, toujours guidés par la préservation de leurs impératifs géopolitiques, ont donné un nouveau souffle à l’Otan. Conçue à l’origine pour assurer la défense collective des signataires de l’Alliance, l’Otan s’est donc progressivement transformée en un système de sécurité collective.

« Transatlantique par définition, méditerranéenne par Etats-Unis interposés, moyenne-orientale par son rôle implicite dans le conflit du Golfe, l’Otan est devenue paneuropéenne et asiatique, concurrençant ouvertement les institutions européennes et contournant l’OSCE »[12]. Ainsi présentée par Thierry Garcin, l’Otan apparaît comme un instrument inséparable de la volonté de puissance américaine.

En fait c’est dès 1991 que les Etats-Unis ont travaillé à la rémanence de l’OTAN en développant le concept de « communauté atlantique » de Vancouver à Vladivostok (création du Conseil de coopération Nord-Atlantique -CCNA).

Lancés dans un véritable « Drang nach Osten », les Etats-Unis, désireux de border au plus près les frontières de la Russie (politique de nouveau containment), ont mis en place le « Partenariat pour la paix » en 1994. Puis pour ménager la Russie « l’Acte fondateur Russie-OTAN » (1997). Puis vint l’élargissement de 1999 à la Hongrie, la Pologne et la République tchèque. Lors du sommet de Prague de novembre 2002, la reconfiguration de l’Alliance a continué et s’est orientée vers « un élargissement robuste …de la mer Baltique à l’Adriatique et à la mer Noire ». Ainsi les trois  Pays Baltes, la Slovaquie, la Slovénie, la Roumanie et la Bulgarie rejoindront-ils l’Otan d’ici 2004 tandis que déjà l’Albanie, la Croatie et la Macédoine frappent à la porte en participant au plan d’action pour l’adhésion (MAP : Membership Action Plan). Washington, via l’Otan étend son influence, multiplie ses bases de projection, prépare ses accès à la mer Noire et à la mer Caspienne (maîtrise de l’ancienne route de la soie). Outre ces élargissements le sommet de Prague a constitué une étape décisive vers la transformation des membres européens de l’Alliance atlantique…en auxiliaires des forces armées états-uniennes dans leur entreprise d’expansion impériale planétaire.

Les Américains ont donc donné une nouvelle impulsion à l’Otan pour en faire une organisation politique et militaire au service de la lutte contre le terrorisme, une sorte de « boîte à outils » (concept tool box américain) où ils puiseront (la mission définissant la coalition). L’Alliance militaire multinationale sous commandement intégré devient un vaste forum politique susceptible de fournir des coalitions de circonstances (coalition of the willing) pour des opérations de rétablissement de la paix par la force armée, dans la zone eurasiatique, ou en dehors. L’Otan est désormais globalisée et se voit attribuée de nouvelles missions.

Outre ces grandes manœuvres qui dament le pion à toutes les initiatives européennes ( les Américains ont même projeté de créer une force de réaction rapide- Nato Response Force- ouvertement rivale de la Force Européenne de réaction Rapide), une nouvelle doctrine stratégique est venue chapoter l’organisation.

Cette mutation stratégique, opérée depuis le sommet de Rome de novembre 1991, tend à faire de l’Otan, alliance défensive, une organisation dite de « sécurité », c’est à dire interventionniste. Son périmètre initial n’est plus respecté (art VI du traité de 1949 comme ne couvrant que les pays membres , les territoires sous leur juridiction et leurs forces « dans la région de l ‘Atlantique nord au nord du tropique du Cancer ») et ses missions étendues à la lutte contre le terrorisme et la prolifération des ADM. Ajouté à cela le concept de « préemption » qui inclut non seulement l’utilisation de moyens diplomatiques et économiques pour prévenir l’apparition de nouvelles menaces terroristes…mais également l’utilisation de frappes militaires préventives.

Cette doctrine est l’exemple même de l’unilatéralisme, en ce qu’elle suppose qu’il est légitime pour un Etat de prendre des mesures pour se prémunir contre ce qu’il a considéré –de son propre chef-comme une menace potentielle à sa sécurité nationale , sans consultation préalable d’autres Etats ou d’organisations multilatérales. Elle ouvre la porte à tous les abus et à la guerre totale.

Relayés par son secrétaire général qui affirmait « L’Otan va devenir le centre de coordination et de préparation d’une action militaire multinationale (…) contre le terrorisme et d’autres menaces nouvelles », les Etats-Unis entendent bien demeurer ancrés dans l’Ancien Monde. Cette présence leur permet de se projeter en Asie et au Moyen-Orient, elle contribue à garantir l’accès aux « économies et sociétés ouvertes de l’Ancien Monde où les marchés d’armement alliés ne sont pas le moindre des enjeux. Enfin, l’implantation des radars sur des territoires européens (GB et Danemark) est essentielle au déploiement du futur bouclier spatial américain (Missile Defense).

L’absence de volonté des gouvernements et opinions publiques d’Europe occidentale de s’opposer au leadership usaïque ne pourra qu’encourager les Etats d’Europe centrale et orientale à contracter une « assurance » auprès de l’hegemon nord-américain.

L’Alliance atlantique n’est plus « une vache sacrée » (Rudolf Sharping, ministre allemand de la défense).

Plus que jamais l’absence de volonté politique et de volonté de puissance des Européens empêche la remise en cause du leadership usaïque et bloque toute mise en œuvre d’une politique de défense européenne. Dans ce dispositif stratégique et géopolitique où la place des Européens est réduite à la fourniture de chair à canon, il serait temps que les décideurs européens comprennent que « le monde n’est pas un Eden kantien et que c’est en osant la puissance que l’on pèse sur la définition des grands équilibres planétaires ».

Chaque jour les Etats-Unis nous démontrent que le réalisme géo-politique et la logique de puissance, les intérêts nationaux, la lutte pour les matières premières, constituent les fondements des relations internationales. Sans agir avec autant de cynisme pour un but méprisable, véritable néocolonialisme économique et culturel, du moins pourrions-nous nous convaincre que la scène internationale est autre chose qu’une scène idyllique où la « brebis dormira entre les pattes du lion ».

 

 

POUR MIEUX DONNER SENS A L’ETRE EUROPE » OU QUELQUES RAISONS DE MOURIR POUR L’EUROPE

 

L’évocation de ces thèmes, de notre point de vue primordiaux, n’est certes pas exclusive (le déficit démographique devient en effet de plus en plus dramatique pour l’Europe). Il n’en demeure pas moins qu’ils constituent des points de débat fondamentaux de toute réflexion sur le devenir politico-militaire européen. Ils peuvent permettre l’élaboration de l’« l’Etre-Europe », fondement d’une unité collective pan-européenne fondatrice du grand espace européen auquel nous aspirons. Ce dernier ne pourra apparaître qu’en posant des frontières et en s’affirmant face à d’autres regroupements continentaux ayant leur propre vue du monde. Il entrera en crise tant qu’aucune démarcation n’aura été mise en place et tant qu’aucun Ennemi n’aura été désigné.

L’Europe politique et a fortiori l’Europe de la défense ne sauraient évacuer ces questions sans se fragiliser et au fond ne pas donner des raisons de vivre et de mourir à ses peuples. C’est en faisant le choix du politique, en pensant en termes de continent, en renouant avec l’audace de la puissance que l’Europe se donnera ces raisons.

Au-delà et bien sûr c’est à un réenchantement de l’Europe que nous devons également travailler. Thucydide écrivait : «  La force de la Cité n’est pas dans l’épaisseur de ses murailles, ni dans le nombre de ses vaisseaux, mais dans le cœur de ses habitants ». Mais là comme toujours ce sont les poètes qui trouveront la réponse.

 

Pour conclure j’évoquerais un événement qui m’est apparu comme porteur de grande espérance. Le 16 juillet 2002 s’est déroulé à Coëtquidan, la Conférence des Ecoles et Académies militaires de l’Union européenne. Elle réunissait de jeunes élèves officiers (20-25 ans) de 14 pays de l’Union européenne. J’ose y voir la réunion des meilleurs fils d’Europe, libérés des carcans idéologiques et des pesanteurs historiques d’hier, prêts à constituer les nouveaux cadres de cette « armée européenne » au service des intérêts d’une Europe puissante et indépendante, enracinée dans son illustre passé mais tournée intensément vers le XXII siècle, désireuse de marcher à nouveau sur les chemins de ce que Nietszche appelait la « grande histoire ». S’il devait y avoir un jour une école d’officiers européens (mais également de sous-officiers) formés dans des académies et écoles militaires européennes capables de leur inculquer un savoir militaire, historique, géographique…européen de haut niveau, ce qu’il faudra bien un jour mettre en œuvre), que le site de Coëtquidan soit choisi ne serait pas pour nous déplaire (mais bien d’autres sites sont tout autant envisageables). Situé non loin de l’envoûtante forêt de Brocéliande, elle est un des « nemetons » de l’imaginaire européen. Comment ces jeunes cadres militaires pourraient-ils ne pas œuvrer à défendre la terre d’Europe, guidés par Merlin, Arthur, Lancelot et autres preux européens, en quête de nouveaux exploits pour plaire à leurs dames et à leurs souverains mais également à leurs peuples.

 

« Moi je dis qu’il faut faire l’Europe, déclarait en 1949, le Général De Gaulle, avec pour base un accord entre Français et Allemands. Une fois l’Europe faite sur ces bases, alors, on pourra se tourner vers la Russie. Alors on pourra essayer, une bonne fois pour toutes, de faire l’Europe tout entière avec la Russie, dut-elle changer de régime. Voilà les programmes des vrais Européens. Voilà le mien ». Voilà le nôtre.

 

                Et puis comme l écrit l »historien Mi chel Rouche à propos de Clovis : « cette montée d’un homme qui trouve des solutions dans les pires situations sont probablement les preuves que le tohu-bohu accouche toujours d’une nouvelle création, que l’idéal méprise les rapports de force économiques et sociaux. Quand tout est perdu, rien n’est perdu : il suffit d’un homme qui croit ».

 

                                                                                                              Lucien Favre – Septembre 2003.



[1] Le projet de constitution européenne élaboré par la Convention pour l’Avenir de l’Europe, présidée par Valéry Giscard d’Estaing, remettra-t-il en cause cet immobilisme ? Osons l’espérer.

[2] Le terme de puissance est envisagée ici dans son acception classique, définie par Raymond Aron comme « la capacité d’une unité politique d’imposer sa volonté aux autres unités ».

[3] L’Autre (ou une coalition d’Autres) que le politique et stratèges privilégient et introduisent comme un facteur déterminant dans leurs analyses et computations, en un moment de l’Histoire et dans une configuration donnée du système international.

[4] Cela signifiant au mieux la possibilité d’entreprendre les moins exigeantes des missions de Petersberg et ceci en 2003( !), année qui a été retenue comme devant marquer le début d’un possible déploiement de la Force de Réaction Rapide.

[5] A Washington le projet d’Identité Européenne de Défense est considéré comme une aimable virtualité, une incongruité au regard de la planification atlantiste qu’ont toujours appliqué les communautés puis l’UE. Pour l’Amérique l’Otan doit rester une organisation d’alliés souverains où le processus européen de décision n’est pas détaché du processus de décision plus large de l’Alliance.

[6] Accord signé entre les britanniques, français, allemands, italiens, espagnols et suédois établissant des mesures concrètes visant à faciliter la restructuration et le fonctionnement de l’industrie européenne de défense.

[7] Par référence à l’ouvrage de Marcel Gaucher Le désenchantement du monde- Ed Gallimard. Nous prenons acte cependant de la volonté de M. Giscard d’Estaing d’œuvrer pour une « Europe puissance », attachée à son autonomie et à ses frontières             .

[8] Auteur de l’ouvrage incontournable Les Empires et la puissance aux Ed du Labyrinthe.

[9] Une association étroite n’est pas une union. D’où l’intérêt de ne pas morceler l’ancien empire russe pour en faire un pôle réel de puissance, associé étroitement à l’UE. N’aspirons-nous pas à monde pluripolaire ?

[10] Pour l’Empire du monde – Revue française de géopolitique - Ellipses 2003.

[11] Son ouvrage fondamental L’essence du politique paru chez Sirey doit bientôt être réédité chez Dalloz. A lire également Politique et impolitique chez Sirey également.

[12] Thierry Garcin-Les grandes questions internationales depuis la chute du mur de Berlin- Economica.

vendredi, 10 septembre 2010

Sur la situation actuelle de la Russie (2005)

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2005

 

Sur la situation actuelle de la Russie

Extrait d’une allocution de Robert Steuckers à la Tribune de “Terre & Peuple-Lorraine”, à Nancy, le 26 novembre 2005

 

La situation actuelle de la Russie est assez aisément définissable: cette superpuissance européenne en recul dramatique fait face, depuis la fin de l’ère Gorbatchev, à trois offensives de guerre indirecte; 1) elle subit une stratégie d’encerclement; 2) elle subit une deuxième stratégie, qui vise son morcellement; 3) elle subit un processus de subversion intérieure qui mine ses capacités de résister aux défis du monde extérieur.

 

◊1. La stratégie d’encerclement est clairement perceptible: à la périphérie du territoire de l’actuelle Fédération de Russie, sur des zones qui firent partie de l’empire des Tsars et de l’ex-URSS ou qui en furent des glacis, nous voyons, depuis la fin de l’ère Gorbatchev, se constituer une zone de turbulences permanentes. Cette zone comprend le Caucase, l’Asie centrale, l’Ukraine et, potentiellement, dans une éventuelle offensive ennemie ultérieure, le bassin de la Kama, avec une agitation programmée à l’extérieur des Tatars et des Bachkirs, regroupés dans des “républiques” autonomes de la Fédération (les investissements étrangers dans ces régions sont d’ores et déjà bien plus élevés que dans le reste de la Fédération). Après les glacis conquis depuis Pierre le Grand, on programme, à Washington, l’émergence d’un islam très septentrional, sur le site même des khanats tatars terrassés jadis par Ivan le Terrible. Après l’encerclement de l’ancien empire russe et soviétique, viendra peut-être l’encerclement du tremplin moscovite, du  noyau premier de cet empire. Cette stratégie d’encerclement prend le relais de la stratégie d’endiguement, qui fut celle préconisée par Mackinder et ses successeurs, dont Lord Curzon, contre la Russie de Nicolas II et contre l’Union Soviétique de Lénine à Gorbatchev.

 

◊2. La stratégie du morcellement de l’espace russe, dont nous parlait Alexandre Douguine lors de ses récentes interventions à Anvers (11 nov. 2005) et à Bruxelles (12 nov. 2005) découle très logiquement de la stratégie d’encerclement , qui, notamment, vise à agiter les peuples ou les ethnies ou les communautés religieuses ou mafieuses de la “zone des turbulences permanentes” de façon à les détacher de l’espace impérial russe défunt et de l’espace spirituel de la “civilisation russe” (Douguine), concept dynamique que l’on comparera utilement à la notion de “civilisation iranienne” qu’évoquait le dernier Shah d’Iran dans le plaidoyer pro domo qu’il adressait à l’histoire (cf. Mohammad Reza Pahlavi, Réponse à l’histoire, Albin Michel, 1979). L’espace de la “civilisation russe” a connu son extension maximale avec l’URSS de Brejnev, avec, en prime, une “Wachstumspitze” (une “pointe avancée”) en Afghanistan. Malheureusement, la période de cette extension maximale n’était pas marquée par une grandeur traditionnelle, comme sous certains tsars ou comparable à ce que le Shah entendait par “civilisation iranienne”, mais par une idéologie froide, mécaniciste et guindée, peu susceptible de susciter les adhésions, de gagner la bataille planétaire au niveau de ce que les Américains, avec Joseph Nye, appellent aujourd’hui le “soft power”, soit le pouvoir culturel.

 

◊3. La stratégie de subversion vise plusieurs objectifs, déjà implicites dans les deux stratégies que nous venons d’évoquer: 1) imposer à la Russie un idéal démocratique importé, fabriqué de toutes pièces, comparable à celui que véhiculait la “révolution orange” en Ukraine l’an dernier. 2) contrôler les médias russes et suggérer un “way of life” de type américano-occidental, irréalisable pour la grande masse du peuple russe. 3) gagner en Russie une bataille métapolitique en faisant jouer le prestige du “soft power” occidental. Cette stratégie de subversion est portée par diverses officines téléguidées depuis les Etats-Unis et financées par des réseaux capitalistes internationaux. Nous avons là, pêle-mêle, la Freedom House, l’International Republican Institute, le National Endownment for Democracy, la Fondation Soros, le National Democratic Institute, l’Open Society Institute (dont bon nombre de subdivisions et de départementssont consacrés aux Balkans, à l’Ukraine et à la Biélorussie), etc. Le concours de toutes ces fondations, avec l’aide des grandes agences médiatiques internationales, a contribué à mettre sur pied des mouvements comme Otpor en Serbie (pour renverser Milosevic), comme Pora en Ukraine (avec la révolution orange de la belle Ioulia), comme Kmara en Géorgie pour faire triompher un candidat qui accepterait l’inféodation complète du pays à l’OTAN, ou comme la révolution des tulipes au Kirghizistan et, enfin, comme une révolution qui, elle, contrairement aux autres, a du mal à démarrer, parce que la leçon a été apprise: je veux parler ici de l’agitation, timide et jugulée, du mouvement “Subr” (= “Bison”) en Biélorussie. L’hebdomadaire allemand Der Spiegel, dans un article de longue haleine publié en deux volets, explicitait le mode de fonctionnement de cette vaste entreprise de subversion, à têtes multiples telle l’hydre de la mythologie grecque. Les enquêteurs de cet hebdomadaire de Hambourg nous apprenaient comment se déroulait effectivement la formation des personnages principaux de cette vaste entreprise. Le Spiegel nous rappelle, fort utilement, que l’essentiel de cette formation se trouve consigné dans un film de Peter Ackerman, intitulé “Bringing Down a Dictator” (= Faire tomber un dictateur). Le titre dévoile clairement les intentions des auteurs: faire tomber, non pas véritablement des dictateurs, mais des leaders politiques qui déplaisent à l’Amérique ou qui ne veulent pas s’aligner sur les diktats du néo-libéralisme. En juin 2005, les jeunes recrutés dans les pays à subvertir et engagés dans ces entreprises de subversion destinées à de larges franges de la zone des turbulences, se sont réunis en Albanie pour mettre au point les nouveaux aspects de la stratégie et planifier l’avenir de leurs activités.

 

Pour résumer, l’objectif des Etats-Unis, héritiers de la stratégie anglo-saxonne mise au point par Mahan, Mackinder et Lea dans la première décennie du 20ième siècle, est 1) d’encercler la Russie selon les thèses géopolitiques et géostratégiques des géopolitologues Lea et Mackinder; 2) de morceler et satelliser la zone de tubulences et, ensuite, dans une phase ultérieure, le reste de la Fédération russe selon la stratégie de balkanisation mise au point par Lord Curzon à partir du Traité de Versailles de 1919; effectivement, après la révolution bolchevique et la guerre civile entre Rouges et Blancs, Lord Curzon souhaitait créer ou faire émerger un maximum d’Etats tampons, dépendants et économiquement précaires, entre l’Allemagne de Weimar et la nouvelle URSS. Cette stratégie visait à appuyer la Pologne, avec le concours de la France, sans que cette Pologne instrumentalisée ne puisse développer une industrie autonome et viable, tout en étant obligée de consacrer 39% de son budget à l’entretien d’une armée. Selon le Colonel russe Morozov, ce stratagème a été ressorti du placard dans les années 90, dans la mesure où l’armée polonaise a augmenté ses effectifs dans l’OTAN tandis que la Bundeswehr allemande a été réduite (aux mêmes effectifs que la nouvelle armée polonaise) et que l’armée russe connaît un ressac épouvantable, faute de budgets substantiels. Aujourd’hui, la réactualisation des projets de morcellement à la Curzon, est perceptible dans le Caucase et en Asie centrale, non seulement contre la Russie mais aussi contre l’Iran. Enfin, 3) de subvertir la Russie par tous les moyens que peut fournir un “soft power” dominant. En gros, il s’agit de provoquer en Russie un soulèvement orchestré par les médias contre Poutine sur le modèle de ce qui s’est passé en Ukraine fin 2004.

 

Double pari: sur le pantouranisme, sur l’islamisme saoudien

 

C’est dans ce cadre qu’il faut analyser le double pari des stratèges américains de ces trois dernières décennies : le pari sur le monde turc/turcophone et le pari sur la carte musulmane wahhabite saoudienne. Le pari sur le monde turc était bien clairement exprimé sous Clinton, un Président sous lequel les trois stratégies énumérées dans la première partir de cet exposé ont été mises en oeuvre. De surcroît, pour injecter dans la région un soft power puissant mais inféodé aux agences américaines, on prévoyait le lancement d’un satellite de télécommunication afin de créer une chaîne unique turcophone, dans une langue turque unifiée et standardisée, capable de diffuser un message bien orchestré en Asie centrale jusqu’aux confins de la Chine.

 

Le pari sur les réseaux wahhabites saoudiens remonte à l’époque où il fallait recruter des hommes de main contre les troupes soviétiques présentes en Afghanistan. Des combattants de la foi musulmane, les mudjahiddins, s’engageaient dans des formations militaires bien entraînées pour appuyer les Pachtouns hostiles à la présence russe. Parmi eux, un certain Oussama Ben Laden, qui financera et appuyera les “talibans”.

 

Le pari sur le monde turc était un pari plus homogène et plus cohérent, en fin de compte, plus “impérial” que “nomade”, dans la mesure où l’empire ottoman, héritier de bon nombre d’institutions impériales de la Perse sassanide et de la romanité greco-byzantine, possédait les structures organisées d’un empire tandis que l’islam wahhabite garde toutes les caractéristiques des tribus de la péninsule arabique, qui ont eu l’enthousiasme de bousculer les empires byzantin et perse moribonds mais non l’endurance de gérer ces territoires civilisés et urbanisés sur le long terme. Mais le pari sur le monde turc, du temps de Clinton, n’était pas un néo-byzantinisme ou un néo-ottomanisme. Il pariait bien plutôt sur une idéologie nouvelle, datant du 20ième siècle, qui posait la Turquie comme l’avant-garde des peuples mobiles, pasteurs, nomades et cavaliers du Touran, d’Asie centrale. Cette idéologie est le panturquisme ou le pantouranisme. Elle a servi un objectif anti-communiste et anti-soviétique, depuis le temps de l’Allemagne nazie jusqu’aux Etats-Unis de Clinton, où la Turquie était posée tout à la fois comme cette avant-garde pantouranienne en direction de l’Ouest et comme l’avant-garde de l’OTAN dans la zone  sensible de la Mer Noire.

 

Pantouranisme: un lien millénaire avec les peuples turcs d’Asie centrale

 

Le pantouranisme est une idéologie diffuse, grandiloquente, qui ne peut trouver aucune concrétisation sans un appui extérieur, sans l’aide d’une puissance étrangère dominant les mers et possédant une solide infrastructure industrielle. L’idéologie pantouranienne a toujours été latente dans l’histoire turque, mais elle n’a été théorisée, de façon complète, que dans les années 20 du 20ième siècle, à la suite et sur le modèle des idéologies pangermanistes et panslavistes. Elle est portée par un argument historique valable du point de vue turc: c’est en effet toujours un apport turc (turkmène, tatar ou ouzbek) venu d’Asie centrale qui a permis à l’Empire ottoman de renforcer ses armées et de mener des opérations en Europe et au Moyen-Orient, contre la Sainte-Ligue, l’Autriche-Hongrie ou l’Empire perse. Quelques exemples: le calife de Bagdad fait appel aux troupes turques de Toghrul Bey venues du fonds de la steppe pour rétablir l’ordre dans le califat arabe en déliquescence; les Seldjouks, qui arrivent au 11ième  siècle et battent les Byzantins à Manzikert en 1071, viennent eux aussi d’Asie centrale; les derniers Grecs de Trébizonde doivent finir par céder face aux masses rurales de l’arrière-pays, entièrement composées de pasteurs turkmènes, alliés des Ottomans; à Vienne en 1683, l’armée ottomane est appuyée par des colonnes volantes de cavaliers-raiders tatars et turkmènes qui rançonnent, pillent et saccagent la Hongrie, la Slovaquie et de vastes régions d’Autriche. Les peuples turcs d’Asie centrale ont constitué la réserve démographique et militaire de l’empire ottoman.

 

Dans les années 20 et 30 du 20ième siècle, le pantouranisme est l’idéologie de quelques savants turcologues; elle ne connait pas de traduction politique; elle est à ce titre désincarnée mais d’autant plus virulente  sur le plan intellectuel. En 1942, quand le sort des armes paraît favorable au Troisième Reich et que les services de celui-ci encouragent les peuples non russes à déserter le service de Staline, le pantouranisme, qui veut profiter de cette aubaine, gagne des adeptes et sort de la discrétion. Un certain Turkes, qui deviendra le leader des “Loups Gris” nationalistes, fait partie de ceux qui réclament une alliance rapide avec l’Allemagne pour participer au démantèlement de l’Union Soviétique jugée trop vite moribonde, parce qu’elle n’a pas encore reçu, via l’Iran occupé, un matériel moderne  venu des Etats-Unis. Le mouvement des “Loups Gris”, intéressant à plus d’un titre et bien structuré, s’alignera sur des positions panturques pures et laïques jusqu’en 1965, année où il fera une sorte d’aggiornamento et admettra un “islamisme” offensif, à condition qu’il soit dirigé par des éléments turcs. Aujourd’hui, ce mouvement, qui a connu la répression du régime, est partagé: ainsi, il ne veut pas d’une adhésion turque à l’Europe, car, prétend-il, une immersion de l’Etat turc dans l’UE conduirait à lui faire perdre toute “turcicité”. Il me paraît dès lors important de ne pas confondre trois strates idéologiques présente en Turquie actuellement: le kémalisme, l’idéologie nationaliste des Loups Gris et le pantouranisme, dans son orientation libérale et pro-occidentale.

 

Diverses idéologies turques

 

En effet, le kémalisme voulait et veut encore (dans la mesure où il domine) aligner la Turquie sur l’Europe, l’européaniser sur les plans intellectuels et spirituels sans pour autant la christianiser.  Dans ce but, Kemal Ataturk développe un mythe “hittite”. Pour lui, la Turquie est l’héritière de l’empire hittite, peuple indo-européen venu de l’espace danubien pour s’élancer vers le Proche-Orient et se heurter à l’Egypte. C’est la raison pour laquelle il crée un musée hittite à Ankara et encourage les fouilles pour redécouvrir cette civilisation à la charnière de la proto-histoire et de l’histoire. L’idéologie des Loups Gris, qui se dénomment eux-mêmes les “idéalistes”, est panturquiste mais ses avatars ont parfois admis l’islamisation et ont refusé, récemment, l’adhésion à l’UE, que préconiserait tout néo-kémalisme fidèle à ses options de base. Les libéraux et les sociaux-démocrates turcs (pour autant que ces labels idéologiques aient une signification en dehors de l’Europe occidentale) sont souvent à la fois panturcs et pro-américains, anti-arabes, anti-russes et pro-UE.

 

Après la défaite électorale des démocrates américains et l’avènement de Bush à la présidence, la stratégie américaine s’est quelque peu modifiée. L’alliance qui domine est surtout wahhabite-puritaine; elle mise sur un islamisme simplifié et offensif plus exportable et, en théorie, détaché des appartenances ethniques. L’objectif est de fabriquer une idéologie mobilisatrice d’éléments agressifs pour réaliser le projet d’un “Grand Moyen Orient” intégré, servant de débouché pour une industrie américaine toujours en quête de clients. Ce “Grand Moyen Orient” a l’atout d’avoir une démographie en hausse, ce qui permet de prévoir d’importantes plus-values (l’iranologue français Bernard Hourcade, dans une étude très fouillée, constate toutefois le ressac démographique de l’Iran, en dépit de l’idéologie natalisme du pouvoir islamique; cf. B.  Hourcade, Iran. Nouvelles identités d’une république, Ed. Belin/Documentation Française, 2002).

 

L’alliance wahhabite-puritaine recouvre aussi  —c’est l’évidence même—  une alliance économique axée sur le pétrole (saoudien et texan). Avec Bush, c’est une stratégie plus pétrolière que historico-politique qui s’installe, et qui bouleverse certaines traditions diplomatiques américaines, notamment celles qu’avaient déployées les démocrates et les conservateurs classiques (que l’on ne confondra pas avec les néo-conservateurs actuels). Cette nouvelle stratégie pétrolière ne satisfait pas les rêves turcs. Qui, eux, visent essentiellement à récupérer le pétrole de Mossoul. En effet, la Turquie, de Mustafa Kemal à aujourd’hui, est un Etat aux ressources énergétiques rares, insuffisantes pour satisfaire les besoins toujours plus pressants d’une population en croissance rapide. Les nappes pétrolifères de l’Est du pays, dans le Kurdistan montagnard en ébullition, à proximité de la frontière irakienne, sont insuffisantes mais nécessaires, ce qui explique aussi la hantise et la phobie du régime turc pour toute idée d’une émancipation nationale kurde pouvant aboutir à une sécession. Les départements autour de ces quelques puits de pétrole sont tous sous le statut d’état d’exception, notamment la région de Batman où se situe la principale raffinerie de pétrole turc. Pour Ankara, la fidélité à l’alliance américaine devait à terme trouver une récompense: recevoir une certaine indépendance énergétique, par le biais de revendications  territoriales issues d’une idéologie panturquiste ou néo-ottomane, soit en annexant le Kurdistan irakien, soit en forgeant une alliance avec l’Azerbaïdjan, Etat turcophone mais iranisé, soit en recevant toutes sortes d’avantages dans l’exploitation du pétrole de la région caspienne, du moins dans ses parties turcophones. La stratégie pétrolière de Bush vise, elle, à concentrer un maximum de ressources en hydrocarbures entre les mains de ceux qui, au Texas comme dans la péninsule arabique, en possèdent déjà beaucoup. La Turquie, comme personne d’autre, n’est invitée au partage. Dans de telles conditions, la Turquie ne peut espérer récupérer Mossoul.

 

“Hürriyet” et la question kurde

 

Récemment, le principal quotidien turc, “Hürriyet”, suggère indirectement une paix aux Kurdes, dans la mesure où il dit ne plus craindre ouvertement la création d’un Kurdistan indépendant dans le nord de l’Irak. Pour “Hürriyet”, désormais, le Kurdistan indépendant du nord de l’Irak pourrait parfaitement cohabiter avec un Kurdistan autonome sur le territoire de la république turque, à condition que s’instaure une sorte de marché commun turco-kurde, dont la principale source d’énergie serait ce pétrole tant convoité de Mossoul. C’est la première fois qu’un quotidien turc, de l’importance de “Hürriyet”, ose évoquer l’idée d’un Kurdistan autonome. L’objectif de ce nouvel engouement kurde est à l’évidence de récupérer le pétrole de Mossoul, cédé à contre-coeur par la Turquie en 1923, et d’empêcher les Chiites irakiens, alliés des Etats-Unis, de faire main base sur l’ensemble des ressources en hydrocarbures de l’Irak dépecé. Le vent est en train de tourner en Turquie et Bush, contrairement à Clinton, n’a pas carressé son allié turc dans le sens du poil. Une négligence qui pourrait être lourde de conséquence.

 

L’alliance entre Washington et les Wahhabites est un fait, malgré les rideaux de fumée médiatiques, évoquant une guerre des civilisations entre un Occident dominé par l’Amérique et un monde arabo-musulman travaillé par l’idéologie de Ben Laden. Posé comme l’ennemi  public n°1 sur la planète entière après les attentats de New York en septembre 2001, Oussama Ben Laden reste curieusement introuvable, ce qui permet de faire de sa personne le croquemitaine universel, se profilant derrière tous les attentats sordides qui ensanglantent la planète. Ben Laden est sans doute le modèle tout trouvé pour des musulmans déboussolés dans les grandes banlieues sinistres où l’on parque les immigrés en Occident, mais il est loin de représenter tout l’islam. Son islam n’est pas celui de l’Iran, qui choisit d’autres alliances stratégiques, avec la Chine ou avec la Russie. Son islam n’est pas non plus celui de l’islam russophile d’Asie centrale, qui, même s’il est fortement battu en brèche depuis l’effondrement du soviétisme, ne souhaite pas se voir inféodé à un “Grand Moyen Orient”, entièrement sous la tutelle des trusts américains. Il existe non pas un islam mais des islams comme le disait très justement le géopolitologue français Yves Lacoste. Les islamismes radicaux, qui se proclament bruyamment anti-américains, font souvent le jeu de Washington et peuvent, le cas échéant, être considérés comme des créations des services spéciaux, servant de leviers à des opérations de guerre indirecte.

 

L’islamisme : un levier de déstabilisation permanente

 

Bon nombre de ces islams radicaux sont effectivement des leviers pour créer du désordre partout. C’est le cas en France pour briser et affaiblir l’une des principales puissances de l’axe potentiel unissant Paris, Berlin et Moscou. C’est le cas dans le sud de la Thaïlande, déstabilisé par sa minorité musulmane. Ce sera demain le cas en Inde, un pays qui se développe plus lentement et plus sûrement que la Chine, déjà dans le collimateur de Washington.

 

Pour ce qui concerne la Russie, l’alliance Washington-Ankara permettait  aux Etats-Unis d’occuper l’Anatolie, base de départ de la conquête ottomane des Balkans, dont la façade orientale, avec la Bulgarie et la Roumanie, était inféodée, à partir de 1945, à la puissance soviétique; de se trouver proche du Caucase que les Allemands n’avaient pas pu conquérir en 1941-42 et de tenir en échec les puissances arabes du Proche-Orient et l’Egypte, alors alliées de l’URSS. Aujourd’hui, la Turquie sert de base arrière aux terroristes tchétchènes et d’alliée des Azeris. Seule la question de Mossoul a jeté un froid sur les relations turco-américaines et permis un rapprochement avec la Russie. L’alliance entre Washington et les wahhabites permet d’instrumentaliser des islamistes dans le conflit tchétchène et ailleurs en Asie centrale, voire de trouver des sources de financement pour remettre l’Albanie anti-serbe sur les rails.

 

Le panturquisme et l’islamisme wahhabite sont des leviers, tout comme la Fondation Soros, et toutes les fondations de même nature, pour parfaire ce que les géopolitologues anglo-saxons ont nommé le “Grand Jeu”, qui est, hier comme aujourd’hui, la volonté de contenir ou de détruire la puissance impériale russe.

 

Robert STEUCKERS,

Forest-Flotzenberg/Nancy, 26 novembre 2005.

dimanche, 29 août 2010

Jean Mabire: La maîtrise des mers

La maîtrise des mers

Jean Mabire

Ex: http://www.centrostudilaruna.it/

L’Angleterre l’avait compris. La possession de colonies et la liaison avec l’Amérique supposent la maîtrise des mers, donc une puissante marine. Avec ses Normands, ses Bretons ou ses Basques, la France ne manquait pas de marins. Mais les marins ne font pas une marine.

La traversée de l’Atlantique pour rejoindre “les Amériques” fut longtemps une grande aventure. Les histoires de la marine, en privilégiant la Royale, c’est-à-dire la flotte de guerre, restent assez lacunaires – une fois passée la période des grandes explorations – sur les bâtiments armés pour le commerce ou la pêche. Pourtant l’épopée de Terre-Neuve est demeurée très présente dans l’imaginaire des gens de nos côtes jusqu’au début de ce siècle.

Pour se rendre outre-Atlantique, il fallait donc des bâtiments, des capitaines, des équipages.

Une fois les grandes lignes maritimes inaugurées, un mouvement continuel de navires devait amener sur les terres du Nouveau Monde des soldats, des missionnaires, des négociants et aussi des émigrants, hommes et femmes.

L’histoire océanique de la France américaine est étroitement liée à l’évolution de ce qu’on appellera un jour notre empire colonial, dont les possessions canadiennes ou acadiennes sont sans doute moins pittoresques que les multiples comptoirs antillais, avec leur arrière-plan de flibuste, de violence et de plaisirs.

L’époque des grandes explorations, qui va tant marquer le XVI siècle européen, voit la France occuper une place singulière. Elle arrive après les Espagnols, certes, mais elle précède les Britanniques et les Hollandais. Sur la façade maritime du royaume, de Dieppe à Bayonne, on retrouve les héritiers de ces populations dont la naissance et l’activité sont étroitement liées au monde maritime: au nord, les Normands qui n’ont jamais coupé tout à fait les liens avec les Vikings; en proue avancée du continent, les Bretons qui se souviennent d’être arrivés outre-Manche; ensuite, au-delà de la Loire, vers le sud, les Poitevins, qui furent à la fois gens de terre et gens de mer, navigateurs et colonisateurs; enfin les Basques qui, même dans leurs expéditions lointaines, gardent quelque chose de mystérieux toujours lié à leur énigmatique identité.

Mais il n’est pas de tradition navale sans construction navale. Une flotte, ce n’est pas seulement le désir de l’aventure, appel irrésistible vers quelque inconnu situé au-delà de l’horizon. C’est aussi et c’est d’abord un chantier naval.

La technique prime et impose sa loi. Les historiens expliquent avant tout l’épopée viking par ces longs serpents à proue et poupe identiques et dont les bordés sont assemblés “à clin”. Ce sera une révolution du même genre – en sens exactement contraire – qui va imposer, dès la fin du XV, siècle, le bordage “à carvel”.

Quant au nombre de mâts, il passe d’un seul à deux et même, plus souvent, à trois. Un “château” à l’avant, un autre à l’arrière. Entre les deux, s’étagent les ponts où l’on trouve parfois des canons. La voilure se complique. On commence à jouer habilement d’une garde-robe fournie où voiles triangulaires et voiles carrées s’harmonisent pour régler l’allure de navires auxquels on demande, autant que possible, de remonter au vent, même si cela tient encore de l’acrobatie.

Ces navires du XVIe siècle, à l’heure des grandes navigations transocéaniques sont encore de petite taille. Armés pour la guerre, le commerce ou la pêche, ils ne dépassent guère une centaine de tonneaux. Peu à peu, ce tonnage va monter en puissance. On verra même au Havre-de-Grâce, fondé par François Ier à l’embouchure de la Seine, des vaisseaux de mille tonneaux et même davantage.

En remontant la Seine, on arrive à Rouen et on découvre, sur les berges du grand fleuve, un des plus singuliers hauts-lieux de la technique marine: le “Clos des galées” , chantier de construction à l’inlassable activité. Il s’agit de construire les bâtiments qui partiront des ports voisins de Fécamp ou de Honfleur pour tenter l’aventure au Nouveau Monde.

Quelques hectares de bois pour construire un navire

Les Bretons, bien entendu, ne sont pas en reste sur les Normands. Mais ils construisent et utilisent des bâtiments d’une taille généralement inférieure à ceux de leurs voisins d’outre-Couesnon. Ces navires y gagnent en maniabilité et un plus faible tirant d’eau va leur permettre de remonter profondément les fleuves américains sans crainte d’échouage. Après viendra l’emploi des canots, sur le modèle des légères embarcations indigènes.

Un chantier ce n’est pas seulement des scieries qui débitent les troncs abattus dans la région ou venus des pays du Nord, ce sont aussi des voileries, des corderies, des entrepôts, des magasins. A Rouen, le fameux Clos occupe toute une partie des berges de la Seine. En Bretagne, les chantiers se dispersent, au hasard des abers, en de petites entreprises vivantes et familiales où la tradition s’accompagne de ces multiples initiatives auxquelles se reconnaît la main du maître charpentier.

Tout cela coûte cher. D’où l’importance des armateurs qui constituent de véritables dynasties et qu’on verra, les poches pleines, s’intéresser à la course… comme au commerce du “bois d’ébène”.

Les écoles d’hydrographie, à commencer par celle de Dieppe, où enseigne le fameux abbé astronome Descellers, forment les pilotes à la navigation hauturière. La science de la navigation ne fait que s’affiner et arrive en renfort d’un sens marin que rien ne saurait remplacer. Du grand explorateur au moindre patron de pêche qui ose affronter l’océan, la qualité des maîtres des navires s’affirme.

Encore faut-il des équipages pour mener leurs bâtiments. Le recrutement obéit à certaines règles, souvent empiriques. Ainsi l’historien Philippe Bonnichon précise: “Un homme par tonneau, c’est un ordre de grandeur, variable du simple à la moitié et loin d’être une règle fixe. Mousses et novices embarquent jeunes, souvent avec des parents, pour se former, devenir mariniers et servir jusqu’à la cinquantaine. Communautés de famille et de paroisse se retrouvent à bord et, de retour, travaillent la terre après avoir bourlingué. Les salaires sont peu élevés, proportionnels à la compétence technique”.

Malgré les expéditions des Normands, des Bretons, des Poitevins ou des Basques, le royaume de France n’en reste pas moins une puissance terrienne, peu tournée vers la mer, malgré l’extraordinaire variété de ses côtes. C’est un handicap qui ne va guère cesser tout au long de son histoire.

La liaison avec l’Amérique suppose ce qu’on nommera un jour “la maîtrise des mers”. Faute d’être soutenues par une imposante flotte de guerre, bien des aventures coloniales sont vouées au dépérissement et à l’échec.

 

Construction d'un navire pour la navigation en haute mer au XVIe  siècle
Construction d’un navire pour la navigation en haute mer au XVIe siècle

Finalement, les périodes favorables aux entreprises maritimes d’envergure sont rares. On cite la première moitié du XVIe siècle, la première moitié du règne de Louis XIV, la fin du règne de Louis XV et le règne de Louis XVI.

Faute de soutien de l’État, les entreprises lointaines sont souvent individuelles ou pour le moins privées. D’où le rôle des fameuses “compagnies”. Mais que peut le commerce seul sans le renfort de la Royale et de ses canons?

Ce royaume qui tourne le dos à la mer et a toujours considéré comme “étrangers” les peuples maritimes qu’il devait subjuguer, à commencer par les Normands et les Bretons, eut la chance de posséder quelques grands hommes d’État qui comprirent que les rivages du nord-ouest de l’Hexagone n’étaient pas des limites mais au contraire des aires d’envol d’où allaient partir caravelles et vaisseaux. Trois grands noms: Richelieu, Colbert et Choiseul.

Au lendemain des guerres de religion, une patrie réconciliée pouvait renaître outre-mer. Sur la terre d’Amérique, la Nouvelle-France devenait plus vaste et plus jeune que celle du Vieux Monde. Ainsi vit-on les étendards fleur de lysés battre au Canada et en Acadie, aux Antilles ou en Guyane.

Techniciens dieppois, malouins et olonnais

Les grands ministres qui furent, de leur bureau continental, de véritables “seigneurs de la mer” n’hésitèrent pas à s’inspirer des expériences septentrionales en matière de construction navale. Des ingénieurs et des ouvriers furent même recrutés en Hollande et au Danemark, en Courlande ou en Suède.

Ces remarquables techniciens, aidés par le vieux savoir-faire des Dieppois, des Malouins ou des Olonnais amenèrent le bâtiment de ligne à une quasi-perfection technique. On n’avait pas vu une telle science nautique depuis les “esnèques” scandinaves du Haut Moyen Age!

Claude Farrère, qui fut aussi bon historien de la mer qu’il fut bon romancier, a laissé une belle description de la construction d’un vaisseau aux temps les plus splendides de la marine à voile.

“Un vaisseau, au temps de Louis XIV, est d’ores et déjà l’un des chefs-d’œuvre de l’industrie humaine. Voyons un peu ce qu’est un vaisseau. Cela peut mesurer quelque soixante ou soixante-dix mètres de long, sur quinze ou vingt mètres de large. Cela déplace de mille à cinq mille tonneaux. La coque comporte une quille, laquelle joint l’étrave à l’étambot, c’est-à-dire la proue à la poupe, -puis des couples, c’est-à-dire de robustes côtes taillées en plein cœur de chêne, et courbées comme il faut; ces couples prennent appui de part et d’autre sur cette façon d’épine dorsale qu’est la quille, et montent du plus profond de la bâtisse jusqu’au plus haut, jusqu’au tillac, dit aussi pont des gaillards. Une charpente horizontale, – les lisses, des préceintes, doublées d’un bordé, qu’on assemble à clins ou à franc-bord, – lie les couples entre eux. Et les ponts et les faux-ponts, régnant de tribord à bâbord, et d’arrière en avant, achèvent la solidité merveilleuse de l’ensemble. Au-dessus de la flottaison, deux ou trois entreponts s’étagent vers les gaillards, – gaillard d’avant ou château, gaillard d’arrière ou dunette. Ces entreponts vont du faux-pont, qui est juste au-dessous des gaillards. Et, plus haut, il n’y a que les mâts”.

Quatre mâts. Trois verticaux, l’artimon, le grand mât, la misaine. Un quatrième oblique, le beaupré, à l’avant. Deux de ces mâts, le grand mât et le mât de misaine, servent principalement à la propulsion. Les deux autres, beaupré et artimon, principalement à l’orientation du navire, ce pourquoi chaque mât porte des vergues, et chaque vergue sa voile. Le tout fait une montagne de toile blanche, haute de soixante mètres environ, chaque basse voile étant large d’au moins vingt-cinq. Rien de plus majestueux qu’un vaisseau de l’ancienne marine sous ses voiles.

Ce qui va le plus manquer à la marine royale – qu’elle soit de guerre ou de commerce – c’est la persévérance. Certes, au temps des grandes compagnies maritimes, les Français porteront leur flotte marchande de trois cents à mille vaisseaux. Mais les Britanniques vont en aligner quatre mille et les Hollandais seize mille! Dans cette disproportion se trouve déjà inscrite la perte de la plupart des possessions américaines, malgré les exploits des capitaines corsaires ou des flibustiers.

Il n’est pas d’empire sans maîtrise des mers. L’infortuné Louis XVI devait le comprendre, alors que tout était déjà joué depuis le funeste traité de 1763 – dont certains ont voulu faire une date aussi significative que celle de 1789.

Claude Farrère devait parfaitement tirer la leçon de près de trois siècles d’aventure navale à la française, une histoire en tragiques dents de scie, où l’héroïsme des équipages n’a que rarement compensé l’impéritie des gouvernants.

“C’est une criminelle erreur d’avoir cru qu’on peut avoir des colonies en négligeant d’avoir une marine”.

samedi, 28 août 2010

Dall'unipolarità alla multipolarità

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Dall’unipolarità alla multipolarità

di Carlos Pereyra Mele

Fonte: eurasia [scheda fonte]

La geopolitica (scienza maledetta sin dalla II Guerra Mondiale), rinasce a partire dagli anni settanta, quando la politica internazionale si trasforma dal modello che si fondava nello scontro ideologico (capitalismo versus comunismo), poiché in quegli anni gli USA stabiliscono buoni rapporti con la Cina comunista di Mao, a quello in cui si dà inizio a una nuova fase nella geopolitica moderna. Ma fondamentalmente è a partire dallo schieramento capeggiato dagli USA contro l’ex URSS che la geopolitica si dispiega con tutta la sua potenzialità, trasformando gli Stati Uniti nella prima repubblica imperiale moderna e anche nell’iperpotenza militare che impone la globalizzazione per raggiungere il controllo planetario; per questa ragione uno dei suoi più dotati geopolitici, Henry Kissinger, affermò che “in realtà, la globalizzazione è un altro nome con il quale si esercita il ruolo dominante degli Stati Uniti”.

Quest’idea di controllo planetario, come più volte ribadito, si affida sull’appoggio mitico del destino manifesto dai dirigenti americani e dalle grandi corporazioni che integrano il modello, e che cerca di piegare la resistenza sollevata da regioni e stati nazionali per imporre un controllo all’espansione del modello economico capitalista neoliberale. Il modello che si è voluto fornire è un sistema di espansione economico vulnerabile che deve essere protetto militarmente nelle sue infrastrutture. Questo modello ha fornito un sistema militarmente unipolare (gli USA come grande potenza), e culturalmente ed economicamente multipolare (USA, UE, Giappone) che è riuscito a dividere in due correnti l’America latina, soprattutto a seguito dell’attuazione della globalizzazione asimmetrica. Anche se fondamentalmente trova sempre maggiore resistenza nel cuore del continente asiatico e, nonostante l’immenso sforzo messo in pratica dall’iperpotenza per imporsi totalmente, dopo una decade questo modello non ha avuto successo e ciò sta creandogli nuove sfide e condizioni che mettono in crisi quella politica dal destino manifesto.

Dopo il sistema bipolare (dal 1945 al 1991), è iniziata una nuova era geopolitica, quella del “momento unipolare”, nella quale gli Stati Uniti rappresentavano “l’iperpotenza” (“hyperpuissance”, secondo la definizione del ministro francese Hubert Védrine).

Ad ogni modo, il nuovo sistema unipolare avrebbe avuto una vita breve e si è esaurito agli inizi del secolo XXI, quando la Russia ricompare come sfidante strategica nelle faccende globali e, allo stesso tempo, Cina e India, i due giganti asiatici, si affacciano come potenze economiche e strategiche. A livello globale, dobbiamo anche prendere in considerazione il peso crescente rappresentato da alcune nazioni dell’America latina, come il Brasile, l’Argentina e il Venezuela. Gli importanti rapporti che intrattengono questi paesi con la Cina, la Russia e l’Iran, sembrano acquisire valore strategico e prefigurano un nuovo sistema multipolare, i cui principali pilastri si possono considerare costituiti da Eurasia e dall’America latina sudamericana.

Ma stiamo vivendo anche un nuovo momento in cui la supremazia imposta dal cosiddetto mondo occidentale sin dalla rivoluzione industriale, cessa di rappresentare l’asse portante dello sviluppo e della cultura del mondo moderno per ridefinirsi in nuovi equilibri con paesi e culture molto diversi da quelli dominati negli ultimi duecento anni (e che concerne anche la nostra storia, soprattutto adesso che stiamo festeggiando il Bicentenario).

Il grande cambiamento s’imposta in rapporto alla partecipazione e allo sviluppo dell’Asia, in particolar modo di Cina, India e Russia, i quali rispettivamente sono passati ad avere un PIL pro capite da 419 a 6800 dollari, 16 volte in più, da 643 a 3500 dollari, 5 volte in più, in Russia si è arrivati a 13173 e in Brasile si è passati da 3744 a 9080, quasi tre volte in più. Il potere economico tendenzialmente va accompagnato verso la regionalizzazione, il che rende più dinamici e danno maggiore potere agli emergenti che capeggiano questi processi. Gli scambi interregionali si accelerano e si attivano in Asia Orientale, passando negli ultimi anni da un 40% a un 60%, lo stesso sta accadendo con l’aumento delle possibilità di sviluppo nella regione sudamericana, di là dalle asimmetrie esistenti, come nel caso del Mercosur.

Autorevoli analisti economici prevedono che, nonostante la crisi mondiale e se questa non produce maggiori danni di quelli che ha prodotto fino a ora, nella cosiddetta triade (USA, UE, Giappone), la partecipazione nel prodotto lordo mondiale da parte delle regioni emergenti sarà nel periodo 2020-2025 di circa il 60%, spettandogli all’Asia il 45% di questo incremento.

Questo aumento della potenzialità economica e dello sviluppo sarà accompagnato da una maggiore autonomia politica.

Per questa ragione, il secolo XXI si caratterizzerà come un secolo decentralizzato e con molte zone di potere decisionale.

Questa realtà la nascosero molti studiosi di rapporti esteri, perché “occidentali”. E ancora adesso continuano a confondere i nostri popoli con informazione falsa, mediante i mezzi di comunicazione che sono proprietà di quel sistema di alleanze. L’iperpotenza americana deve negoziare con attori che prima non prendeva in considerazione o al massimo li considerava marginalmente. E questo non è poco.

Ricordiamo che questa dinamica del nuovo ordine in gestazione la stiamo sostenendo sin dall’anno 2001, e quelli che hanno partecipato nelle nostre conferenze, riunioni e seminari possono confermare ciò.

Con una globalizzazione severamente aggravata dall’unilateralismo degli Stati Uniti, nel 2001 sostenevamo una divisione del mondo schematicamente diviso in 4 livelli:

  1. Livello superiore. Supremazia assoluta (o quasi) degli USA.
  2. Livello a elevata autodeterminazione, dove si trovano solo l’Unione Europea e il Giappone.
  3. Livello di resistenza. Lì stanno la Cina, l’India e la Russia, le quali posseggono la capacità di limitare l’interferenza della globalizzazione nel loro territorio. Vale a dire, hanno autodeterminazione interna, ma molto limitata autodeterminazione esterna.
  4. Livello di dipendenza. Tutti gli altri paesi.

Dopo il 1991 non c’è stato nessun altro tipo di negoziati tra le “potenze vittoriose”, come accadde alla fine della II Guerra Mondiale. Neanche ci fu “accordo di pace”, i nuovi rapporti politici ed economici sanciti tra le grandi potenze – e tra queste e il resto del mondo- da allora si stanno definendo in forma lenta, conflittuale, basati nel “caso per caso”. Gli Stati Uniti continuarono ad applicare le tesi Nicolas Spykman, per controllare ciò che lui definì il Rimland – principale oggetto della strategia per il governo mondiale -, il quale è pensato per il controllo dell’Europa occidentale, Medio Oriente, la Penisola arabica, Iran, Turchia, India e Pakistan, il Sudest asiatico, parte della Cina, Corea, Giappone e la parte costiera della Russia orientale. E, all’interno di questo quadro di controllo geopolitico “ha luogo” l’11 settembre (attentato alle torri gemelle), per mezzo del quale gli USA portano avanti la denominata “guerra infinita” contro i paesi che unilateralmente dichiara “Stati canaglia” con il suo famoso “asse del male” e con questa giustificazione mette in moto la parte finale del processo di dominio planetario che i suoi ideologi ed esecutori militari avevano pianificato sin dalla caduta dell’URSS (si vedano i documenti americani di Santa Fe per capire meglio questo modello).

Quello che in realtà si volle imporre fu una versione aggiornata del vecchio modello globalizzatore della rivoluzione industriale della fine del secolo XIX, nel quale il mondo si divise in centri dominanti (paesi sviluppati) e periferici (colonie dipendenti).

Ma il progetto non poté rendersi del tutto operativo nella sua totalità e la grande notizia è che l’attuale mutazione sta mettendo fine a una struttura storica di quasi duecento anni di dominazione da parte dell’occidente e con essa non è in crisi il modello capitalista, bensì tutto il sistema munito di strutture e di organizzazioni che si sono imposte dopo il trionfo degli USA nella II Guerra Mondiale (ONU, FMI, BM, OSA nel nostro caso specificamente latinoamericano, ecc.)

Attualmente, il sistema mondo 2010 si sta ridefinendo nella seguente maniera:

  1. Livello superiore. Supremazia non più assoluta degli USA.
  2. Livello a elevata autodeterminazione, dove si collocano l’Unione Europea, il Giappone, la Cina e la Russia.
  3. Livello di resistenza. In esso si collocano l’India, il Sudafrica e il Brasile (che cerca di irrobustire tutto un suo sistema regionale del quale l’Argentina rappresenta il nucleo forte dell’integrazione con strutture come: Gruppo di Rio, Mercosur, UNASUR, Consiglio di Difesa Sudamericano, Banco del Sud, ecc.), le quali consentono di avere una capacità di limitazione dell’interferenza globalizzatrice nel proprio territorio. Vale la pena ricordare che il livello di resistenza significa: autodeterminazione interna e con limitata autodeterminazione esterna).
  4. Livello di dipendenza. Tutti gli altri paesi.

Queste sono le tendenze geopolitiche del 2010, il come si definirà questo modello di sistema mondo lo vedremo tra qualche anno, il grande dubbio che rimane in sospeso è se gli attuali detentori dell’egemonia militare non tenteranno d’imporre il loro modello di controllo planetario di tipo bellico, perché se così fosse, l’umanità starebbe sull’orlo dell’estinzione in un olocausto nucleare.

I grandi mutamenti sono un’enorme sfida che devono affrontare gli attori politici e sociali d’America e, in particolar modo, quelli del nostro paese che si trovano davanti a un’alternativa molto forte, perché da questi esigono un livello di cooperazione pressante per evitare il trionfo dell’irrazionalità. Evidenziando che queste nuove circostanze danno al nostro continente la possibilità, vera e concreta, di ridefinire il nostro ruolo a livello globale e di non partecipare nuovamente come invitati di pietra nel ridisegnare il mondo, giacché siamo alla presenza di un mondo che racchiuderà molti centri di potere e la logica ci dovrebbe obbligare a pensare in grande, cioè in termini di regione e di continente per uscire dallo stadio di dipendenza periferica che ci aveva assegnato il sistema di globalizzazione avviato dagli USA. Dobbiamo ricordare, come lo abbiamo più volte detto, che il mondo che abbiamo conosciuto negli ultimi duecento anni si sta modificando nelle sue strutture basiche, paradigmi e miti, tanto nazionali, regionali e continentali, e ciò ci richiede una nuova insubordinazione che getti le fondamenta in questo Bicentenario.

Testo presentato alla Conferenza del III Seminario di Geopolitica organizzato dal Settore Cultura della Provincia di Córdoba il 12 agosto 2010.

Fonti:

La Insoburdinación Fundante, del Dott. Marcelo Gullo.

Le monde Diplomatique, edición latinoamericana.

Rivista EURASIA, del Dott. Tiberio Graziani.

Pensamiento de Ruptura, del Dott. Alberto Buela.

Diccionario Latinoamericano de geopolítica y Seguridad del Dott. Miguel Barrios y Carlos Pereyra Mele.

(trad di V. Paglione)

http://licpereyramele.blogspot.com/

* Carlos Pereyra Mele, politologo argentino e membro del  Centro de Estudios Estratégicos Suramericanos, collabora con la rivista “Eurasia”.


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samedi, 21 août 2010

L'idée touranienne dans la stratégie américaine

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2001

 

 

L'idée touranienne dans la stratégie américaine

 

Le régime turc est autorisé à se maintenir en lisière de l'Eu­rope et dans l'OTAN, malgré ses dimensions "non démo­cra­ti­ques", parce ce pays reçoit en priorité l'appui des Etats-U­nis, qui savent que le militarisme turc pourra leur être très utile si le "Grand Jeu" reprend au beau milieu de l'espace eurasiatique. Cette coïncidence d'intérêts entre militaires turcs et stratégie générale des Etats-Unis incite les uns et les autres à redonner vigueur au "panturquisme", qui porte quelques fois un autre nom : celui de "pantouranisme" ou de "touranisme". C'est le rêve et le projet d'un "empire grand-turc", même s'il doit rester informel, qui s'étendrait de l'Adriatique (en Bosnie) à la Chine (en englobant le Xin­jian ou "Turkestan oriental" ou "Turkestan chinois") (1). Cet empire grand-turc rêvé prendrait le relais de l'Empire otto­man défunt. Le projet touranien a été formulé jadis par le dernier ministre de la guerre de cet empire ottoman, Enver Pacha, tombé au combat face aux troupes soviétiques en com­mandant des indépendantistes turcophones d'Asie cen­tra­le. La "Touranie" centre asiatique n'a jamais fait partie de l'Empire ottoman, sauf quelques bribes territoriales dans les marches; néanmoins, il y a toujours eu des liens entre les khanats des peuples turcs d'Asie centrale et l'Empire ot­to­man, qui y recrutait des hommes pour ses armées. Si la li­gnée d'Osman s'était éteinte, celle des khans de Crimée, de la maison de Giraj, dont l'ancêtre était le Grand Khan des Mongols, Gengis Khan (2), serait alors devenue, comme prévu, la dynastie dirigeante de l'Empire Ottoman (3). 

 

Face au projet touranien, Atatürk adoptait plutôt une posi­tion de rejet, mais c'était très vraisemblablement par tac­ti­que (4), car il devait justifier sa politique face à l'Occident et condamner, pour cette raison, le génocide perpétré par les gouvernements jeunes-turques contre les Arméniens. En­suite, dès que le régime soviétique s'est consolidé, il n'au­rait pas été réaliste de persister sur des positions pan­tou­raniennes. Pourtant, en 1942, quand les troupes alle­man­des pénètrent profondément à l'intérieur du territoire so­viétique, le panturquisme, longtemps refoulé, revient très vite à la surface. Mais, vu la constellation internatio­nale, le gouvernement turc a dû officiellement juger cer­tains activistes pantouraniens, comme le fameux Alparslan Türkesch, pour "activités racistes"; en effet, les Britan­ni­ques (et non pas l'Allemagne nationale-socialiste) avaient, selon leurs bonnes habitudes et sans circonlocutions inu­ti­les, menacé d'occuper la Turquie et Staline, lui, était passé à l'acte en déportant en Sibérie les Tatars de Crimée, alliés poten­tiels d'une coalition germano-turque.

 

Perspective touranienne

et "grande turcophonie"

 

Après l'effondrement de l'URSS, la perspective touranienne (5) est bien trop séduisante pour les Etats-Unis, héritiers du système de domination britannique, pour qu'ils la négli­gent. Mises à part les républiques caucasiennes, la majorité écrasante de la population des Etats indépendants dans la partie méridionale de l'ex-Union Soviétique sont de souche turque, sauf les Tadjiks qui sont de souche persane. Qui plus est, de nombreux peuples au sein même de la Fé­dé­ra­tion de Russie appartiennent à cette "grande turcophonie": leur taux de natalité est très élevé, comme par exemple chez les Tatars, qui ont obtenu le statut d'une république quasi indépendante, ou chez les Tchétchènes, qui combat­tent pour obtenir un statut équivalent. Les "pantouraniens" de Turquie ne sont pas encore très conscients du fait que les Yakoutes de Sibérie nord-orientale, face à l'Etat amé­ri­cain d'Alaska, relèvent, eux aussi, au sens large, de la tur­co­phonie.

 

Si l'on parvient à unir ces peuples qui, tous ensemble, comp­tent quelque 120 millions de ressortissants, ou, si on par­vient à les orienter vers la Turquie et son puissant allié, les Etats-Unis, à long terme, les dimensions de la Russie pourraient bien redevenir celles, fort réduites, qu'elle avait au temps d'Ivan le Terrible (6). En jouant la carte azérie (l'A­zerbaïdjan), ethnie qui fournit la majorité du cadre mi­li­taire de l'Iran, on pourrait soit opérer une partition de l'I­ran soit imposer à ce pays un régime de type kémaliste, indirectement contrôlé par les Turcs. Certains pantoura­niens turcs, à l'imagination débordante, pourraient même rêver d'un nouvel Empire Moghol, entité démantelée en son temps par les Britanniques et qui sanctionnait la domina­tion turque sur l'Inde et dont l'héritier actuel est le Pa­ki­stan.

 

Le "Parti du Mouvement National" (MHP), issu des "Loups Gris" de Türkesch, se réclame très nettement du touranis­me; lors des dernières élections pour le parlement turc, ce parti a obtenu 18,1%, sous la houlette de son président, Dev­let Bahceli et est devenu ainsi le deuxième parti du pays. Il participe au gouvernement actuel du pays, dans une coalition avec le social-démocrate Ecevit, permettant ainsi à certaines idées panturques ou à des sentiments de même acabit, d'exercer une influence évidente dans la so­ciété turque. C'est comme si l'Allemagne était gouvernée par une coalition SPD/NPD, avec Schroeder pour chancelier et Horst Mahler comme vice-chancelier et ministre des af­faires extérieures! […].

 

Une Asie centrale "kémalisée"?

 

Dans un tel contexte, le kémalisme comme régime a toutes ses chances dans les républiques touraniennes de l'ex-Union Soviétique. Les post-communistes, qui gouvernent ces E­tats, gardent leur distance vis-à-vis de l'Islam militant et veu­lent le tenir en échec sur les plans politique et institu­tionnel. Mais l'arsenal du pouvoir mis en œuvre là-bas peut rapidement basculer, le cas échéant, dans une démocratie truquée. Jusqu'à présent, ces Etats et leurs régimes se sont orientés sur les concepts du soviétisme libéralisé et, mis à part l'Azerbaïdjan, choisissent encore de s'appuyer plutôt sur la Russie que sur la Turquie (8), malgré l'engagement à grande échelle de Washington et d'Ankara dans les sociétés pétrolières et dans la politique linguistique (introduction d'un alphabet latin modifié (7), adaptation des langues turques au turc de Turquie. Comme l'Occident exige la li­berté d'opinion et le pluralisme, ces éléments de "bonne gouvernance" sont introduits graduellement par les gouver­ne­ments de ces pays, ce qui constitue une démocratisation sous contrôle des services secrets selon la notion de peres­troïka héritée de l'Union Soviétique (9).

 

Cela revient à construire les "villages à la Potemkine" de la dé­mocratie (10), dont le mode de fonctionnement concret est difficile à comprendre de l'extérieur. Tant que les diffé­rents partis et organes de presse demeurent sous le contrô­le des services secrets, on n'aura pas besoin d'interdire des formations politiques en Asie centrale (contrairement à ce qui se passe en Allemagne fédérale!). Mieux: on ira jusqu'à soutenir le "pluralisme" par des subsides en provenance des services secrets, car cela facilitera l'exercice du pouvoir par les régimes post-communistes établis, selon le bon vieux principe de "Divide et impera", mais l'Occident aura l'im­pression que la démocratie est en marche dans la ré­gion.

 

Avec Peter Scholl-Latour, on peut se poser la question: «Pen­dant combien de temps l'Occident  —principalement le Congrès américain et le Conseil de l'Europe—  va-t-il culti­ver le caprice d'imposer un parlementarisme, qui soit le cal­que parfait de Westminster, dans cette région perdue du monde, où le despotisme est et reste la règle cardinale de tout pouvoir? ». Ce jeu factice de pseudo-partis et de pseu­do-majorités ne peut conduire qu'à discréditer un système, qui ne s'est avéré viable qu'en Occident et qui y est incon­tour­nable. Le pluralisme politique et la liberté d'opinion ne sont pas des "valeurs" qui se développeront de manière op­timale en Asie centrale. Même le Président Askar Akaïev du Kirghizistan, considéré en Europe comme étant "relative­ment libéral", a fait prolonger et bétonner arbitrairement son mandat par le biais d'un référendum impératif. Nous avons donc affaire à de purs rituels pro-occidentaux, à un libéralisme d'illusionniste, pure poudre aux yeux, et les mis­sionnaires de cette belle sotériologie éclairée, venus d'Oc­cident, finiront un jour ou l'autre par apparaître pour ce qu'ils sont: des maquignons et des hypocrites (11).

 

Va-t-on vers une

islamisation de l'extrémisme libéral?

 

Comme la pseudo-démocratie à vernis occidental court tout droit vers le discrédit et qu'elle correspond aux intérêts américains, tout en ménageant ceux de la Russie (du moins dans l'immédiat…), c'est un tiers qui se renforcera, celui dont on veut couper l'herbe sous les pieds : l'islamisme. Com­me le kémalisme connaît aussi l'échec au niveau des par­tis politiques, parce que la laïcisation forcée qu'il a prô­née n'a pas fonctionné, la perspective touranienne conduit ipso facto à réclamer une ré-islamisation de la Turquie, mais une ré-islamisation compatible avec la doctrine kéma­liste de l'occidentalisation (12); de cette façon, le kéma­lis­me pourra, à moyen terme, prendre en charge les régimes post-communistes de la "Touranie".

La synthèse turco-islamique ("Türk-islam sentezi") est un nou­vel élément doctrinal, sur lequel travaillent depuis long­temps déjà les idéologues du panturquisme (13), avec de bonnes chances de connaître le succès : si l'on compta­bi­lise les voix du DSP et du CHP, on obtient à peu de choses près le nombre des adeptes de l'alévisme; ceux-ci se veu­lent les représentants d'un Islam turc, posé comme distinct du sunnisme, considéré comme "arabe", et du chiisme, con­sidéré comme "persan" (14). Dans cette constellation poli­tique et religieuse, il faut ajouter aux adeptes de l'alé­visme, l'extrême-droite turque et une partie des islamistes (15). Ces deux composantes du paysage politique turc é­taient prêtes à adopter une telle synthèse, celle d'un Islam turc, voir à avaliser sans problème une islamisation du ké­malisme, qui aurait pu, en cas de démocratisation, con­duire à une indigénisation de facto de l'extrémisme libéral.

 

Universalisme islamique

et Etats nationaux

 

En s'efforçant de créer une religion turque basée sur la ma­xime "2500 ans de turcicité, 1000 ans d'islam et (seule­ment) 150 ans d'occidentalisation", un dilemme se révèle : ce­lui d'une démocratisation dans le cadre d'un islam qui reste en dernière instance théocratique. L'établissement de la démocratie dans tout contexte islamique s'avère fort difficile, parce que la conception islamique de l'Etat im­plique une négation complète de l'Etat national (16). Or cette instance, qu'on le veuille ou non, a été la grande pré­misse et une des conditions premières dans l'éclosion de la démocratie occidentale (en dépit de ce que peuvent penser les idéologues allemands au service de la police politique, qui marinent dans les contradictions de leur esprit para-théocratique, glosant à l'infini sur les "valeurs" de la démo­cratie occidentale). Dans l'optique de l'islam stricto sensu, en principe, tous les Etats existants en terre d'islam sont illégitimes et peuvent à la rigueur être considérés comme des instances purement provisoires. Ils n'acquièrent légiti­mité au regard des puristes que s'ils se désignent eux-mê­mes comme bases de départ du futur Etat islamique qui, en théorie, ne peut être qu'unique. 

 

Dans le christianisme, le conflit entre la revendication universaliste de la religion et les exigences particularistes de la politique "mondaine" (immanente) se résout par la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Dans le christianisme oriental (orthodoxie), la séparation de l'Eglise et de l'Etat n'a pas été poussée aussi loin, ce qui est une caracté­ristique découlant tout droit de la forme de domination propre au système ottoman, que l'on appelle le "système des millets", où les chefs d'Eglise, notamment le Patriarche de Constantinople, sont considérés comme des "chefs de peuple". De ce fait, le principe de l'"église nationale" con­stitue la solution dans cette aire byzantine et orthodoxe. Dans l'aire islamique, nous retrouvons cette logique, qui, en Occident, a conduit à la démocratie, telle qu'on la connaît aujourd'hui. Cette démocratie a pu s'organiser dans un es­pace particulier et circonscrit, via l'instance "Etat national". Donc dans l'aire islamique, réaliser la démocratie passe né­cessairement par le postulat de créer une religion natio­nale. On retrouve une logique similaire dans le judaïsme, lui aussi apparenté à l'Islam, où le sionisme a été le moteur d'une démocratisation nationaliste, qui a finalement con­duit à la création de l'Etat d'Israël. Cependant, dans l'aire islamique, une religion nationale de ce type, qui pourrait concerner tous les Etats musulmans, ne pourrait pas se con­tenter d'être une simple religion civile, comme en Occident et notamment en RFA, où la religion civile repose sur un reniement moralisateur du passé, organisé par l'Etat lui-mê­me; elle devrait avoir tous les éléments d'une véritable religion (17), pouvant se déclarer "islamique", même si d'au­tres refusent de la considérer comme telle.

 

 

L'alévisme turc,

religiosité de type gnostique

 

Dans les doctrines de l'alévisme turc (18), nous avons affai­re à une religion de type gnostique, car son noyau évoque la théorie des émanations, selon laquelle tous les étants sont issus de Dieu, vers lequels ils vont ensuite s'efforcer de retourner. Dieu a créé les hommes comme êtres corporels (phy­siques) (19), afin de se reconnaître lui-même dans sa création. Après le "retour" dans l'immense cycle ontolo­gi­que, toutes les formes, produites par l'émanation, retour­nent à Dieu et se dissolvent en lui (20), ce qui lui permet de gagner en quelque sorte une plus-value d'auto-connais­sance. La capacité qu'a l'homme de reconnaître Dieu at­teste de la nature divine de l'homme. Par extrapolation, on aboutit quelques fois à une divinisation de l'homme, deve­nant de la sorte un être parfait (où l'homme devient un dieu sur la Terre), et, dans la logique de l'alévisme turc, le Turc devient ainsi le plus parfait des êtres parfaits. L'hom­me a parfaitement la liberté d'être athée, car l'athéisme con­stitue une possibilité de connaître Dieu (21), car la con­nais­sance de Dieu, dans cette optique, équivaut à une con­naissance de soi-même.

 

Par conséquent, les lois islamiques, y compris les règles de la prière, ne sont pas reconnues et, à leur place, on installe les anciennes règles sociales pré-islamiques des peuples turcs, ce qui revient à mettre sur pied une religion ethni­que turque, compénétrée d'éléments chamaniques venus d'Asie centrale. Dans une telle optique, Mohammed et Ali, qui, au titre d'émanation est pied sur pied d'égalité avec lui, sont perçus comme des êtres angéliques préexistants, devenus hommes.  Le Coran n'a plus qu'une importance de moin­dre rang, car, disent les gnostiques turcs, par sa chute dans une forme somatique d'existence, le Prophète a subi une perte de savoir, le ramenant au niveau de la simple con­naissance humaine. Tous les éléments d'arabité en vien­nent à être rejetés, pour être remplacés par des éléments turcs.

 

Ordre des Janissaires, alévisme

et indigénisme turc

 

Si l'on ôte de l'idéologie d'Atatürk tout le vernis libéral (extrême libéral), on perçoit alors clairement que le fonda­teur de la Turquie moderne —même s'il n'en était pas entiè­rement conscient lui-même—  était effectivement un Alé­vite, donc en quelque sorte un indigéniste turc (on le voit dans ses réformes : égalité de l'homme et de la femme, in­terdiction du voile, autorisation de consommer de l'alcool, suppression de l'alphabet et de la langue arabes, etc.). Ce programme ne peut évidemment pas se transposer sans heurts dans d'autres Etats islamiques. En Turquie, ces ré­for­mes ont pu s'appliquer plus aisément dans la majorité sun­nite du pays sous le prétexte qu'elles étaient une occi­dentalisation et non pas une transposition politique des critères propres de l'alévisme. La suppression du califat sun­nite par Atatürk en 1924 peut s'interpréter comme une ven­geance pour la liquidation de l'ordre des janissaires par l'Etat ottoman en 1826. Les janissaires constituaient la prin­cipale troupe d'élite de l'Empire ottoman; sur le plan re­ligieux, elle était inspirée par l'Ordre alévite des Bekta­chis , lui aussi interdit en 1827 (22). Les intellectuels de l'Armée et les nationalistes d'inspiration alévite reprochent à cette interdiction d'avoir empêché la turquisation des Albanais, très influencés par le bektachisme, à l'ère du ré­veil des nationalités. Les nationalistes alévites constituent l'épine dorsale du mouvement des Jeunes Turcs qui arrivent au pouvoir en 1908. Ces événements et cette importante cardinale du bektachisme alévite explique pourquoi la Tur­quie actuelle et les Etats-Unis (23) accordent tant d'impor­tance à l'Albanie dans les Balkans, au point de les soutenir contre les Européens.

L'idéal de "Touran" vise

à poursuivre la marche de l'histoire

 

La religion quasi étatique dérivée directement des doctri­nes alévites pourrait sous-tendre un processus de démocra­ti­sation dans l'aire culturelle musulmane (24), mais elle ne serait acceptée ni par les Sunnites ni par les Chiites. Ceux-ci n'hésiteraient pas une seconde à déclarer la "guerre sain­te" aux Alévites. On peut penser que les prémisses de cet Is­lam turco-alévite pourrait, par un effet de miroir, se re­trou­ver dans le contexte iranien, où les Perses se réfère­raient à leur culture pré-islamique (ou forgeraient à leur tour un islam qui tiendrait compte de cette culture). Une tel­le démarche, en Iran, prendrait pour base l'épopée na­tio­nale du Shahnameh (le "Livre des Rois"). Aujourd'hui, on observe un certain retour à cette iranisme, par nature non islamique, ce qui s'explique sans doute par une certaine dé­ception face aux résultats de la révolution islamique. Mais le nouvel iranisme diffus d'aujourd'hui se plait à souligner toutes les différences opposant les Perses aux Turcs, alliés des Etats-Unis. Enfin, dans l'iranisme actuel, on perçoit en fi­ligrane une trace du principe fondamental du zoro­as­tris­me, c'est-à-dire la partition du monde en un règne du Bien et un règne du Mal, un règne de la "Lumière" et un règne de l'"Obscurité", compénétrant entièrement l'épopée nationale des Perses. Cela se répercute dans l'opposition qui y est dé­cri­te entre l'Empire d'"Iran" et l'Empire du "Touran". « L'Iran étant la patrie hautement civilisée des Aryens, tandis que le Touran obscur est le lieu où se rassemblent tous les peu­ples barbares de la steppe, venus des profondeurs de l'Asie centrale, pour assiéger la race des seigneurs de souche in­do-européenne » (25).

 

La fin de l'histoire occidentale

 

Peut importe ce que les faits établiront concrètement dans le futur : dés aujourd'hui, on peut dire que la perspective tou­ranienne permet d'aller dans le sens des intérêts amé­ri­cains au cas où le "Grand Jeu" se réactiverait et aurait à nou­veau pour enjeu la domination du continent eurasia­ti­que, prochain "champ de bataille du futur" (26). Parce qu'ils bénéficient du soutien des Etats-Unis, les Etats riverains et touraniens de la Mer Caspienne équipent leurs flottes de guerre pour affirmer leurs droits de souveraineté sur cette mer intérieure face à la Russie et à l'Iran. Le tracé de ces frontières maritimes est important pour déterminer dans l'avenir proche à qui appartiendront les immenses réserves de pétrole et de gaz naturel. Le risque de guerre qui en découle montre l'immoralité de la politique d'occidentalisa­tion, dont parle Huntington (27). Celui-ci nous évoque les moyens qui devront irrémédiablement se mettre en œuvre pour concrétiser une telle politique : ces moyens montrent que la conséquence nécessaire de l'universalisme est l'im­pé­­rialisme, mais que, dans le contexte actuel qui nous pré­occupe, l'Occident n'a plus la volonté nécessaire de l'impo­ser par lui-même (mis à part le fait que cet impérialisme con­tredirait les "principes" occidentaux…). L'universalisme oc­ci­dental, qui cherche à s'imposer par la contrainte, ne peut déboucher que sur le désordre, car les moyens mis en œuvre libèreraient des forces religieuses, philosophiques et démographiques qu'il est incapable de contrôler et de com­pren­dre. Cette libération de forces pourra conduire à tout, sauf à la "fin de l'histoire". Mais cette fin de l'histoire sera effectivement une fin pour la civilisation qui pense que cet­te fin est déjà arrivée. «Les sociétés qui partent du prin­ci­pe que leur histoire est arrivée à sa fin sont habituel­le­ment des sociétés dont l'histoire sera interprétée comme étant déjà sur la voie du déclin » (28).

 

On peut émettre de sérieux doute quant à la réalisation ef­fective de la "perspective touranienne" ou d'une issue con­crète aux conflits qu'elle serait susceptible de déclencher dans l'espace centra-asiatique quadrillé jadis par l'interna­tionalisme stalinien qui a imposé des frontières artificiel­les, reprises telles quelles par le nouvel ordre libéral, qui ne parle pas d'"internationalisme", comme les Staliniens, mais de "multiculturalisme". Ce multiculturalisme ne veut pas de frontières, alors que ce système de frontières est une nécessité pour arbitrer les conflits potentiels de cette ré­gion à hauts risques. Renoncer aux frontières utiles re­vient à attendre une orgie de sang et d'horreur, qui sera d'au­tant plus corsée qu'elle aura une dimension métaphy­si­que (29). C'est une sombre perspective pour nous Euro­péens, mais, pour les Turcs, elle implique la survie, quoi qu'il arrive, à l'horizon de la fin de l'histoire, que ce soit en préservant leur alliance privilégiée avec les Etats-Unis ou en entrant en conflit avec eux, remplaçant l'URSS comme dé­tenteurs de la "Terre du Milieu", nécessairement opposés aux maîtres de la Mer.

Josef SCHÜSSLBURNER.

(extrait d'un article paru dans Staatsbriefe, n°9-10/2001).

Notes :

(1)     Cf. «Waffen und Fundamentalismus. Die muslimischen Separa­tisten im Nordwesten Chinas erhalten zulauf», Frankfurter Allgemeine Zeitung, 29.3.1999.

(2)     Plus tard, un nombre plus élevé de tribus mongoles se sont pro­­gressivement "turquisées"; le terme "Moghol" le rappelle, par exemple, car il signifie "mongol" en persan; c'est un sou­venir des origines mongoles des familles dominantes, alors qu'en fin de compte, il s'agit d'une domination turque sur l'In­de.

(3)     F. Gabrieli, Mohammed in Europa - 1300 Jahre Geschichte, Kunst, Kultur, 1997, p. 143.

(4)     La position d'Atatürk était purement tactique, en effet, si l'on se rappelle que les principaux responsables du génocide sont devenus les meilleurs piliers du régime kémaliste; cf. W. Gust, Der Völkermord an den Armeniern, 1993, pp. 288 et ss.

(5)     Cf. «Stetig präsent. Das Engagement der Türkei in einem unsi­cher werdenden Mittelasien», Frankfurter Allgemeine Zei­tung, 4.10.1999.

(6)     La Russie reconnaît effectivement cette problématique; cf. «Mos­kau will eine Allianz gegen Russland nicht hinnehmen. Ankara der Verbreitung pantürkischer Vorstellung bezichtigt - Ab­schluß des Gipfels (der Staatschefs von Aserbaidschan, Ka­sachstan, Kyrgystan, Usbekistan und Turkmnistan) in Istanbul» (!), Frankfurter Allgmeine Zeitung, 20.10.1994.

(7)     Vu le caractère "irréversible" de la candidature de la Turquie à l'UE, la CDU et le Frankfurter Allgemeine Zeitung espèrent que l'ancien bourgmestre d'Istanbul fondera un parti islamique sur le modèle de la CDU (cf. «Im Zeichen der Glühbirne - Die neu­ge­gründete islamische Partei in der Türkei könnte erfolgreich sein - Diesen Erfolg will jedoch das kemalistische Regime nicht zulassen», Frankfurter Allgemeine Zeitung, 16.8.1991, p. 12; cf. également: «Neues Verfahren gegen Erdogan», Frankfurter Allgemeine Zeitung, 22.8.2001, p. 8.

(8)     A ce sujet, cf. «Ein U für ein Y. Schriftwechsel in Aserbaid­schan von kyrillischen zu lateinischen Buchstaben; "…die durch den Wechsel der Schrift zu erwartende engere Anbindung an die Türkei sei von Vorteil für das Land, weil dadurch auch ein wirtschaftlicher Aufschwung zu erwarten sei», Frankfurter All­gemeine Zeitung, 2.8.2001, p. 10.

(9)     Pourtant la distance s'amplifie, cf. «Staatschefs der GUS reden ü­ber regionale Sicherheit; "… herrschen indes Zweifel am Sinn und Zweck der GUS, deren Staaten sich in den vergangenen Jahren auseinanderentwickelt haben», Frankfurter Allge­mei­ne Zeitung, 2.8.2001, p. 6.

(10)   Malheureusement, il n'existe aucune présentation systéma­ti­que de ce concept de "pseudo-démocratisation" téléguidée par les services secrets; on trouve cependant quelques allusions chez A. Zinoviev, Katastroïka, L'Age d'Homme, Lausanne. Par ail­leurs, des allusions similaires se retrouvent dans A. Golit­syn, New Lies for Old, 1984, livre dont nous recommandons la lecture car l'auteur, sur base de sa bonne connaissance du sys­tème soviétique de domination, a parfaitement pu prévoir la mon­tée de la perestroïka.

(11)   Voir le titre de chapitre, p. 109, dans le livre de Peter Scholl-La­tour, Das Schlachtfeld der Zukunft. Zwischen Kaukasus und Pamir, 1998. 

(12)   Ibidem, pp. 151 et ss.

(13)   Cf. «Türkisierung  des Islam? Eine alte Idee wird in Ankara neu aufgelegt», Frankfurter Allgemeine Zeitung, 4.9.1998.

(14)   Références dans U. Steinbach, Geschichte der Türken, 2000, p. 111.

(15)   Dans ce contexte, il convient de citer le nom du prédicateur iti­né­rant Fethullah Gülen, toutefois soupçonné par les kéma­listes, cf. Frankfurter Allgemeine Zeitung, 15.4.1998.

(16)   C'est ce que souligne à juste titre Huntington, pp. 281 et sui­vantes de l'édition de poche allemande de son livre Der Kampf der Kulturen. Die Neugestaltung der Weltpolitik im 21. Jahr­hundert, 1996.

(17)   Il existe une étape intermédiaire entre une religion civile em­preinte de dogmatisme, comme cette "révision moralisante et permanente du passé" qui s'exerce en RFA, et une véritable religion d'Etat: c'est le concept du "panchasilla", qui est à la fois politique et religieux, propre au régime indonésien, qui permet à l'Etat d'énoncer des dogmes religieux, comme celui d'un monothéisme abstrait, ce qui oblige la minorité bouddhis­te d'interpréter l'idée de nirvana dans un sens théiste, ce qui pré­pare en fait son islamisation (voir notre note 20).

(18)   On en trouve une bonne présentation chez Anton J. Dierl, Ge­schichte und Lehre des anatolischen Alevismus-Bektasismus, 1998, voir en particulier pp. 29 et ss.

(19)   L'accent mis sur le corps et sur les besoins du corps, y compris l'autorisation de boire de l'alcool, a rendu les Alévites sus­pects, comme jadis les Pauliciens et les Bogomils, dont la spiritualité est sous-jacente à l'islam européen dans les Bal­kans. On peut hésiter à qualifier cette religiosité de "gnosti­que". Toutefois la construction théologique générale possède les caractéristiques du gnosticisme, car son lien avec l'islam ap­paraît plutôt fortuit (en effet, les doctrines gnostiques peu­vent recevoir aisément une formulation chrétienne ou boud­dhis­te, comme l'atteste le manichéisme).

(20)   Cette conception peut provenir du temps où la majeure partie des peuples turcs était encore bouddhiste : à l'évidence, il s'a­git ici d'une interprétation théiste du nirvana; on peut suppo­ser qu'elle ait continué à exister au niveau de la mémoire, mê­me après la conversion à l'islam de ces Turcs bouddhistes d'A­sie centrale et d'Inde, même si cette théorie n'est pas satis­fai­sante pour expliquer le principe du karma tout en niant l'exis­tence de l'âme.

(21)   On peut y reconnaître des influences venues de l'hindouisme ; la vision de Dieu comme créateur, conservateur et destructeur du monde rappelle la doctrine trifonctionnelle (Trimurti) de l'hin­douisme; quant à savoir si les cercles ésotériques de l'alé­visme turc croient à la transmigration des âmes  —comme les Dru­ses, mais qui se réfèrent à d'autres traditions, on peut sim­ple­ment le supposer. Les Alaouites de Syrie le pensent, mais les Alévites turcs ne veulent rien avoir à faire avec les Alaoui­tes qui dominent le système politique en Syrie, comme, en fin de compte, aucun Turc s'estimant authentiquement turc ne veut rien avoir à faire avec les Arabes!

(22)   L'orthodoxie sunnite n'a pas pu reprendre en charge cette fonc­tion, car elle s'opposait à la conversion forcée des Chré­tiens (jusqu'en 1700, les janissaires se recrutaient parmi les garçons chrétiens enlevés à leurs familles); cette orthodoxie ne pouvait accepter qu'un musulman soit l'esclave d'un chré­tien (ce que les janissaires étaient formellement en dépit de leur conversion forcée); ce devrait être un avertissement à ceux qui pensent que les Alévites sont des "libéraux" que l'on pourrait soutenir contre l'orthodoxie islamique.

(23)   Cf. «Das Doppelspiel der Amerikaner : Unter den Europäern wächst die Irritation über das zwielichtige Agieren Washing­tons auf dem Balkan : Als Paten der UÇK sind die USA mitver­ant­wortlich für die Zuspitzung des Konflikts zwischen Albanern und Slawo-Mazedoniern», Der Spiegel, n°31/2001, p. 100.

(24)   Il faut tenir compte du fait que l'Islam, actuellement, se trou­ve à une période de son histoire qui correspond à celle de la Ré­forme en Europe : à cette époque-là en Europe, la démo­cra­tisation ne pouvait se comprendre que comme une théocra­tisation - l'Iran actuel correspond ainsi au pouvoir instauré par Calvin à Genève (et aux théocraties équivalentes installées en Nouvelle-Angleterre). Il faudrait en outre accorder une plus grande importance à la phénoménologie culturelle que nous a léguée un Oswald Spengler; celui-ci , avec une précision toute allemande, a approfondi la théorie de l'anakyklosis (doctrine des cycles ascendants) de Polybe. Pour les collaborateurs des ser­vices de sûreté allemands, Spengler et Polybe seraient au­tomatiquement classés comme des "ennemis de la consti­tu­tion", car ni l'un ni l'autre n'auraient cru, aujourd'hui, à l'é­ternité du système de la RFA actuelle, que tous les historiens contemporains sont sommés de ne jamais relativiser!

(25)   Cf. le résumé final dans le livre de Peter Scholl-Latour, op. cit., p. 294.

(26)   Comme le dit bien le titre du livre de Peter Scholl-Latour, op. cit.

(27)   Ibidem, p. 511.

(28)   Comme le dit à juste titre Samuel Huntington, op. cit. , p. 495.

(29)   Exactement comme le dit le titre de chapitre en page 151 du li­vre de Peter Scholl-Latour, op. cit.

 

mercredi, 18 août 2010

Les Etats-Unis modifient leur stratégie en Afghanistan

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Bernhard TOMASCHITZ :

 

Les Etats-Unis modifient leur stratégie en Afghanistan

 

A partir de 2014, le gouvernement afghan devra lui-même assurer la sécurité sur son propre territoire. Cette intention a été confirmée au Président Hamid Karzai fin juillet 2010, lors de la Conférence internationale sur l’Afghanistan, tenue à Kaboul. Dès l’été 2011, les premières troupes américaines quitteront le pays, ce qui, d’après les paroles d’Hillary Clinton, ministre américaine des affaires étrangères, constituera « le commencement d’une phase nouvelle de notre engagement et non sa fin ». En fin de compte, les Etats-Unis entendent participer, après le retrait de leurs troupes, à la formation des forces afghanes de sécurité.

 

Le Président américain Barack Obama cherche ainsi à se débarrasser du vieux fardeau afghan, hérité de son prédécesseur George W. Bush, juste avant les présidentielles de 2012. Mais derrière les plans de retrait hors d’Afghanistan, que l’on concocte aux Etats-Unis, se profile le constat que la guerre dans ce pays, qui dure maintenant depuis neuf ans, ne pourra pas être gagnée. A cela s’ajoute le coût très élevé de cette guerre, qui se chiffre à quelque 100 milliards de dollars par an. Une telle somme ne peut plus raisonnablement s’inscrire désormais dans le budget américain, solidement ébranlé. Richard N. Haass, Président du très influent « Council of Foreign Relations » (CFR) tire la conclusion : « Nous devons reconnaître que cette guerre a été un choix et non pas une nécessité ». Il y a surtout que le coût militaire de l’entreprise est trop élevé, dans la mesure où elle mobilise des ressources qui, du coup, manquent en d’autres points chauds. Haass cite, dans ce contexte, l’Iran et la Corée du Nord, deux Etats étiquetés « Etats voyous », qui se trouvent depuis longtemps déjà dans le collimateur de Washington.

 

Si les Etats-Unis se retirent du théâtre opérationnel de l’Hindou Kouch, l’Afghanistan, ébranlé par la guerre, n’évoluera pas pour autant vers des temps moins incertains. Ensuite et surtout, les Etats-Unis ne disposent pas de moyens adéquats pour trancher le nœud gordien afghan, constitué d’un entrelacs très compliqué de combattants talibans, de divisions ethniques et de structures claniques traditionnelles. Il y a ensuite le voisin pakistanais, disposant d’armes nucléaires, qui est tout aussi instable que l’Afghanistan. Rien que ce facteur-là interdit aux Etats-Unis de laisser s’enliser l’Afghanistan dans un chaos total. D’après Haass, « les deux objectifs des Etats-Unis devraient être les suivants : empêcher qu’Al Qaeda ne se redonne un havre sécurisé dans les montagnes afghanes et faire en sorte que l’Afghanistan ne mine pas la sécurité du Pakistan ». C’est pourquoi, malgré le retrait annoncé, on peut être certain que des troupes américaines demeureront en permanence en Afghanistan, fort probablement en vertu d’un accord bilatéral qui sera signé entre Washington et Kaboul. Les Américains, finalement, n’ont que fort peu confiance en les capacités du Président afghan Karzai, homme corrompu, qui, au cours des années qui viennent de s’écouler, n’a pu assurer sa réélection que par une tricherie de grande envergure.

 

La situation en Afghanistan et aussi en Irak indique aujourd’hui qu’il y a changement de stratégie à Washington, comme l’atteste les nouvelles démarches des affaires étrangères américaines. Hier, nous avions les « guerres préventives » pour généraliser sur la planète entière les principes de la « démocratie libérale » ; les cénacles et les « boîtes à penser » des néo-conservateurs les avaient théorisées. Aujourd’hui, nous assistons à un retour à la Doctrine Nixon. Richard Nixon, Président des Etats-Unis de 1969 à 1974, après le désastre du Vietnam, avait parié, surtout en Asie, sur le renforcement des économies des pays alliés et sur le soutien militaire à leur apporter. Aujourd’hui, le ministre de la défense américain Robert Gates déclare « qu’il est peu vraisemblable que les Etats-Unis répètent bientôt un engagement de l’ampleur de celui d’Afghanistan ou d’Irak, pour provoquer un changement de régime et pour construire un Etat sous la mitraille ». Mais parce que le pays doit faire face à toutes sortes de menaces, en premier lieu celle du terrorisme, l’efficacité et la crédibilité des Etats-Unis doivent demeurées intactes aux yeux du monde. Ces réalités stratégiques exigent, dit Gates, que le gouvernement de Washington améliore ses capacités à consolider les atouts de ses partenaires. Il faudra donc, poursuit-il, « aider d’autres Etats à se défendre eux-mêmes et, si besoin s’en faut, de lutter aux côtés des forces armées américaines, dans la mesure où nous aurons préparé leurs équipements, veillé à leur formation et apporté d’autres formes d’assistance à la sécurité ».  Gates justifie aussi le changement de stratégie comme suit : l’histoire récente a montré que les Etats-Unis ne sont pas prêts de manière adéquate à affronter des dangers nouveaux et imprévus émanant surtout d’Etats dits « faillis ».

 

L’Afghanistan recevra donc une « assistance à la sécurité », mais on peut douter qu’elle enregistrera le succès escompté. Toutefois la nouvelle stratégie américaine nous montre que Washington n’est pas vraiment prêt à renoncer à ses visées hégémoniques. En effet, l’armement d’alliés et de partenaires, en lieu et place de l’envoi de troupes propres, offre un grand avantage : les moyens peuvent être utilisés de manière beaucoup plus diversifiée. En fin de compte, il y a, dispersés sur l’ensemble du globe, bon nombre de pays qui peuvent être mobilisés pour faire valoir les intérêts américains. Exemples : la Colombie, pour tenir en échec le Président vénézuélien Hugo Chavez, ennemi des Etats-Unis ; ou les petits émirats du Golfe Persique pour constituer un avant-poste menaçant face à l’Iran. Comme l’exprime le ministre des affaires étrangères Gates : « Trouver la manière d’améliorer la situation qu’adoptera ensuite le gouvernement américain pour réaliser cette tâche décisive, tel est désormais le but majeur de notre politique nationale ».

 

Bernhard TOMASCHITZ.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°30/2010 ; http://www.zurzeit.de/ ).

lundi, 16 août 2010

Schritt für Schritt in den nächsten (kalten) Krieg. Die USA planen militärische Dauerpräsenz in den Gewässern vor China

Schritt für Schritt in den nächsten (kalten) Krieg. Die USA planen militärische Dauerpräsenz in den Gewässern vor China

Wang Xin Long

in: http://info.kopp-verlag.de/

 

Das amerikanisch-südkoreanische Seemanöver im Ostchinesischen Meer rund um die Koreanische Halbinsel ist letzte Woche zu Ende gegangen. Die Weltgemeinschaft ist also dem Ernstfall gerade noch einmal entkommen. Was sich wie Panikmache liest, ist aber leider bittere Wirklichkeit. Die Nationen der Region haben über die letzten vier Tage und Nächte den Atem angehalten – und das Militär machte Überstunden in Bereitschaft. Die Welt war nur einen Wimpernschlag von einer militärischen, möglicherweise sogar atomaren Auseinandersetzung entfernt.

 

 

 

Unfälle passieren, weil Menschen fehlbar sind, weil sie Fehleinschätzungen machen oder eine Sekunde lang nicht aufpassen. In der letzten Woche befanden sich mehr als 8.000 Soldaten, bewaffnet mit neuester Kriegstechnologie, an der Grenze zu Nordkorea, um dort einen Krieg zu führen – wenn auch nur als Simulation. Es haben also 8.000 Menschen über vier Tage und Nächte hinweg mit dem Finger am Abzug ein »Signal« nach Nordkorea gesendet. Wenn nur einem der 8.000 am Manöver beteiligten Soldaten ein menschliches Versagen (welcher Art auch immer) unterlaufen wäre, hätte sich Nordkorea zu einem Gegenschlag genötigt gesehen – und diesen auch ausgeführt, hierüber darf kein Zweifel bestehen.

Das ganze Szenario erinnert irgendwie an einen Kindergarten, in dem die Bandenchefs »ihr« Territorium verteidigen. Es werden Linien in den Sand gezogen, diese Linien werden irgendwann übertreten, und am Ende gibt es Tränen.

In Bezug auf die aktuelle Situation ist es nun einmal leider so, dass aus einer kleinen fehlgeleiteten Rakete oder der falsch berechneten Position eines Kriegsschiffes sich schnell eine Situation hätte hochschaukeln können, mit allerschlimmsten Folgen für die Menschen weltweit. Die Liste der potenziellen Auslöser kann beliebig weitergeführt werden – und das macht die Gefahr nur noch greifbarer, und den Konflikt wahrscheinlicher. Aber es ist ja nun »zum Glück« nichts passiert. Schade ist nur, dass die Menschheit mittlerweile auf das Glück angewiesen ist, denn die Vernunft scheint sich aus verschiedenen Winkeln der Welt bereits verabschiedet zu haben.

 

Und Glück wird die Menschheit weiterhin brauchen; eine ganze Menge sogar, denn die USA planen eine Dauerpräsenz in der Region, mit weiteren Manövern und Tausenden von Soldaten. Die Nordkoreaner haben auf diese Ankündigung bereits reagiert und bekannt gegeben, dass man sich vor diesen »Bedrohungen« nicht fürchtet und jederzeit gewillt ist, mit voller Härte zurückzuschlagen. Die USA quittieren solche Ankündigungen mit der Aussage, man sei lediglich an der militärischen Übung interessiert und wolle auf keinen Fall provozieren. Aber wenn dem tatsächlich so ist, warum muss diese Übung dann nur einen Steinwurf von jener Grenze stattfinden, deren Verletzung einen Weltkrieg auslösen könnte? Ist das nicht ein zu hoher Preis für so ein wenig »militärische Übung«?

Es ist in der Tat ein hoher Preis, der gezahlt werden muss. Die Frage ist nur: von wem? Denn bei den asiatischen Nachbarn machen sich die Südkoreaner durch das Spiel mit dem Feuer nicht gerade beliebt. Insbesondere die Volksrepublik China, die ja gleichfalls Adressat der amerikanisch-südkoreanischen »Signale« ist, wird diese Provokation so schnell nicht vergessen.

Denn in Wahrheit geht es den USA nämlich um mehr als nur ein paar militärische Übungen und »Signale«. Es geht – wieder einmal – um die geopolitischen Interessen der Amerikaner. Diese Interessen hat die amerikanische Außenministerin, Hillary Clinton, bei der letzte Woche stattgefundenen ASEAN-Konferenz (Association of Southeast Asian Nations, deutsch: Verbund der Südostasiatischen Nationen) unverblümt zu Protokoll gegeben.

Clinton sprach ganz offen über die »nationalen Interessen« der USA im Südchinesischen Meer (nicht zu verwechseln mit dem Ostchinesischen Meer, in dem die Manöver der letzten Woche stattfanden). Die Außenministerin stellte darüber hinaus fest, dass die dortigen Souveränitäts-verhältnisse nicht geklärt seien. Das ist politischer Sprengstoff, und die Tragweite dieser Aussage darf nicht unterschätzt werden. Denn die »Besitzverhältnisse« im Südchinesischen Meer sind – vorsichtig ausgedrückt – problembehaftet. Dies liegt in der Tatsache begründet, dass die Anrainerstaaten unterschiedliche Ansprüche aus der eigenen geografischen Lage ableiten.

Somit haben die USA, hier in Person ihrer Außenministerin, wieder einmal Öl in ein Feuer gegossen, welches schnell eine ganze Region in Brand stecken könnte. Und warum? Ganz einfach: wegen der »nationalen Interessen« der USA! Denn aus den angeblich ungeklärten Hoheitsverhältnissen leiten die USA das Recht – nein, die Pflicht! – ab, sich in der Region zu engagieren. Als Friedensstifter sozusagen.

Die Worte Clintons zielen darauf ab, einen über viele Jahre hinweg erfolgreich geführten Friedensprozess aufzulösen, um die nötige Volatilität in der Region zu schüren. Denn die Anrainerstaaten des Südchinesischen Meeres haben eine gemeinsame Erklärung unterzeichnet, welche die Hoheitsansprüche und Nutzungsrechte vor Ort regelt, um den Frieden und die Kooperation in der Region zu sichern. Es handelt sich hierbei um die Declaration on the Conduct of Parties in the South China Sea (DOC), die im Rahmen des ASEAN-Forums ausgehandelt wurde und seit 2002 in Kraft ist.

Die Erklärung als solche geht eindeutig auf die Initiative der Volksrepublik China zurück, und die Tatsache, dass alle Anrainerstaaten die Erklärung unterzeichneten, ist ein Verdienst unermüdlicher Diplomatie. Oberstes Ziel war es, der Region die nötige Stabilität zu geben. Dass die angestrebte Stabilität nun gewährleistet ist, ist den Amerikanern zwar bekannt – aber offensichtlich egal. Aus einer stabilen Region ist nun einmal aus Sicht der USA kein geopolitischer oder wirtschaftlicher Nutzen zu ziehen.

 

Einen ganz besonderen Schliff bekommt die Angelegenheit durch die Aussage Clintons, die Anrainererklärung sei nicht bindend, denn die Regeln des Seerechtsübereinkommens der Vereinten Nationen (United Nations Convention on the Law of the Sea, UNCLOS) seien bei Fragen zu den Hoheitsrechten anzuwenden. Mit anderen Worten: Die USA sprechen den souveränen Anrainerstaaten einer ganzen Region die Fähigkeit ab, eigene nationale Interessen in multilateralen Verträgen zu regeln. Stattdessen verlangen die Amerikaner im Rahmen des internationalen Rechts, die Würfel zu Gunsten der USA neu zu rollen. Hervorzuheben ist, dass die USA dieses Seerechtsübereinkommen selbst nie ratifiziert haben, weil man durch diese Erklärung die eigenen Interessen und Souveränität gefährdet sieht.

Dank der »Friedensinitiative« der USA wird das Südchinesische Meer nun also zum geopolitischen Brennpunkt. Sehen wir also weiter zu, wie unsere Freunde aus »Fernwest« die Welt in Fernost zu befrieden gedenken.

 

 

vendredi, 13 août 2010

La geopolitica en la Italia republicana

LA GEOPOLÍTICA EN LA ITALIA REPUBLICANA

 

por Tiberio Graziani *

 

Un país con soberanía limitada

 

            A pesar de su enviadiable posición geográfica y de los carácteres que constituyen su estructura morfológica, en la actualidad, Italia no posee una doctrina geopolítica.

            Esto se debe principalmente a los tres siguientes aspectos: a) la afiliación de Italia en la esfera de influencia americana (el así llamado sistema occidental); b) la profunda crisis de la identidad nacional; c) la escasa cultura geopolítica de su clase dirigente.

            El primer aspecto, además de limitar la soberanía del Estado italiano en múltiples ámbitos, desde el militar al de la política exterior, tanto para citar algunos de aquellos más relevantes bajo el apecto geopolítico, condiciona la política y la economía interna, la elección estratégica por lo que concierne el tema de la energía, investigación tecnológica y realización de grandes infraestructuras y, no por último, incluso llega a vincular las políticas nacionales de contraste a la criminalidad organizada. La Italia republicana, por causa de las notorias consecuencias del tratado de paz de 1947 y también en virtud de la ambigüedad ideológica de su dictamen constitucional, según el cual la soberanía pertenecería a una entidad socioeconómica y cultural, por otra parte variable y vagamente homogénea, el pueblo, y no a un sujeto político bien definido como es el Estado (1), ha seguido la regla áurea del “realismo colaboracionista o claudicador”, es decir, el de renunciar a la responsabilidad de dirigir el proprio destino (2). Semejante abdicación ubica a Italia en la condición de “subordinación pasiva” y ata sus elecciones estratégicas a “la buena voluntad del Estado subordinador” (3).

            El segundo aspecto invalida uno de los factores necesarios para la definición de una doctrina política coherente. La crisis de la identidad italiana se debe a causas complejas que remontan a la fracasada combinación de las varias ideologías nacionales (la de inspiración católica, monárquica, liberal, socialista o laico-masónica) que han apoyado el proceso de unificación de Italia, la edificación del Estado unitario y, luego de la paréntesis fascista, la realizaciٖón del actual orden republicano. Además, la crisis de la identidad nacional se debe también a la mal digerida experiencia fascista y al trauma de la derrota sufrida durante la guerra. La retórica romántica del Estado-Nación, el mito de la Nación y, sucesivamente, los de la Resistencia y de la “liberación”, seguramente non han ofrecido un buen servicio a los intereses de Italia, quien, después de ciento cincuenta años de su unificación, aún está en busca de su propia identidad nacional.

            Finalmente, el tercer aspecto que por motivos históricos en parte se puede relacionar a los anteriores,  no permite situar la cuestión de las directrices geopolíticas de Italia entre las prioridades de la agenda nacional.

            No obstante, una especie de geopolítica – o bien una política exterior esencialmente basada en la colocación geográfica – correspondiente a los intereses nacionales y por lo tanto excéntrica con respecto a las indicaciones estadounidenses, exclusivamente dirigida para asegurarle a Washington la hegemonía en el Mediterráneo, se ha hallado siempre presente en las alternas vicisitudes de la República italiana. En particular, el interés de hombres del gobierno como Moro, Andreotti, Craxi, así como de importantes commis d’État como Mattei, orientado a los países de África del Norte y a los del Cercano y Medio Oriente, si bien limitado a las relaciones “de amistosa vecindad” y de “coprosperidad”, estaba decididamente acorde no sólo con la posición geográfica de Italia en el Mediterráneo, sino que también era funcional sea a una potencial, futura y deseable emancipación de la Italia democrática del amparo norteamericano, sea del papel regional que Roma habría podido ejercer también en el ámbito del rígido sistema bipolar. Tales iniciativas habrían podido constituir la base para definir las líneas estratégicas de lo que el argentino, Marcelo Gullo, ha denominado, en el ámbito del estudio de la construcción del poder de las naciones, “realismo liberacionista” para permitir a Italia transitar desde la “subordinación pasiva” a la “subordinación activa”, un estadio decisivo para conseguir algunos espacios de autonomía en la competición internacional.

            El fracaso de la modesta política mediterránea de la Italia repubblicana hay que atribuirlo, además de las interferencias norteamericanas, también a la naturaleza ocasional con la cual ha sido ejercida y a la actitud contraria y obstativa de los grupos de presión internos más filoamericanos y prosionistas. Con la conclusión del bipolarismo y de la así llamada Primera república, las iniciativas arriba expuestas, orientadas a conseguir una aun limitada autonomía de la política exterior italiana, literalmente se han desvanecido.

            Actualmente Italia, en calidad de país euromediterráneo subordinado a los intereses americanos, se halla en una situación muy delicada, puesto que además de sufrir, en cuanto miembro de la Unión Europea y de la OTAN, las tensiones entre Usa y Rusia presentes en Europa continental, particularmente en aquella centroriental (véase la cuestión polaca por lo que respecta la “seguridad”, o bien aquella energética), sufre sobre todo las repercusiones de las políticas cercano y mediorientales  de Washington. Además, el sometimiento de Italia a los Estados Unidos que – vale la pena corroborarlo- se expresa a través de un evidente límite de la soberanía del Estado italiano, exalta los carácteres de fragilidad típicos de las áreas peninsulares (tensión entre la parte continental, aun limitada por lo que concierne Italia y aquella más específicamente peninsular e insular), aumenta los empujes centrífugos, hasta hacer dificultosa la gestión de la normal administración del Estado.

            Ocupada militarmente por los Estados Unidos, - en el ámbito de la “alianza” atlántica- con más de cien bases (4), desprovista de recursos energéticos adecuados, económicamente frágil y socialmente instable por la continua erosión del ya agonizante “estado social”, Italia no posee niveles de libertad tales que le permitan valorizar su potencial geopolítico y geoestratégico en sus naturales directrices representadas por el Mediterráneo y por el área adriática-balcánica-danubiana, sino en el contexto de las estrategias de allende el atlántico con exclusivo beneficio para los intereses extranacionales y extracontinentales.

            Las oportunidades que posee Italia para alcanzar un propio rol geopolítico resultan ser, por lo tanto, externas a la voluntad de Roma; éstas radican en la recaída que la actual evolución del escenario mundial – a esta altura multipolar- produce en la cuenca mediterránea y en el área continental europea. De hecho, los grandes trastornos geoplíticos en acto, principalmente determinados por Rusia podrían exaltar la función estratégica de Italia en el Mediterráneo precisamente en el ámbito del orden y de la consolidación del nuevo sistema multipolar  y de la potencial integración eurasiática.

            De hecho, hay que tener presente que la estructuración de este nuevo sistema geopolítico multipolar pasa, por obvias razones, a través del proceso de desarticulación o de reorganización de aquel de tipo “occidental” bajo control norteamericano, a partir de sus periferias. Estas últimas están compuestas, considerando la masa euroafroasiática, por la península europea, por la cuenca mediterránea y por el arco insular japonés.

 

Rusia y Turquía: los dos polos geopolíticos

 

            Las recientes transformaciones del cuadro geopolítico global han producido algunos factores que podrían facilitar la “desvinculación” de gran parte de los países que constituyen el llamado sistema occidental bajo tutela del “amigo americano”. Esto, potencialmente pondría a Roma en la posición de activar una propia doctrina geopolítica en coherencia con el nuevo contexto mundial.

            Es notorio que la reafirmación de Rusia a nivel mundial y el protagonismo de China y de India han provocado un reajuste de las relaciones entre las mayores potencias y ha sentado las premisas para la constitución de un nuevo orden que excluye las relaciones de fuerza de carácter militar, y que se basa en unidades geopolíticas continentales de interés estratégico. Tales cambios también se registran en la parte meridional del hemisferio oriental, el que fue el patio trasero de los EE.UU, donde las relaciones de Brasil, Argentina y Venezuela con las potencias eurasiticas arriba mencionadas han aportado nuevo impulso a las hipótesis de la unidad continental suramericana. Por lo que concierne el área mediterránea, el principal de estos nuevos factores geopolíticos está representado por la inversión de tendencia fijada por Ankara en sus últimas políticas cercano y mediorientales. La ruptura con Washington y Tel Aviv de parte de Ankara podría asumir, a corto plazo, un alcance geopolítico de largo alcance con el fin de constituir un espacio geopolítico eurasiático integrado, puesto que representa un primer acto concreto a través del cual se hace posible desencadenar el proceso de desarticulación (o de limitación) del sistema occidental a partir de la cuenca mediterranea.

            Dadas las condiciones actuales, los polos geopolíticos - acerca de los cuales una Italia relamente intencionada a emanciparse de la tutela norteamericana debería hacer hincapié- están representados precisamente por Turquía y Rusia. Un alineamiento de Roma a las indicaciones turcas sobre el tema de política cercano oriental dotaría a Italia del necesario prestigio, pesadamente obcecado por sus avasalladoras relaciones con Washington, para imprimir un sentido geopolítico a la fatigada política de cooperación que desde hace años la Farnesina mantiene con el margen sur del Mediterráneo y el Cercano Oriente. Además, la pondría junto (y gracias a ello) al aliado turco, en la situación, si bien no de denuncia del pacto atlántico, por lo menos en aquella necesaria de renegociar  el oneroso y humillante empeño en el seno de la Alianza, y, simultanemanete, para plantear la reconversión de las bases militares controladas por la OTAN en bases útiles para la seguridad del Mediterráneo. Italia y Turquía, junto a los demás países costeños del Mediterráneo, podrían en ese caso realizar un sistema de defensa integrado siguiendo el ejemplo de la Organización del Tratatdo de la Seguridad Colectiva (OTSC).

            Para ejercer esta “exit strategy” del vínculo americano, sintéticamente esbozada en los párrafos anteriores, Roma encontraría un apoyo valedero, además de parte de Ankara, también de Tripoli, Damasco y Teheran y, lógicamente, de Moscú. Por otra parte esta última apoyaría con certeza a Roma en su salida de la órbita norteamericana, favoreciendo su natural proyección geopolítica en la directriz adriática-balcanica-danubiana en el marco, obviamente, de una alianza italo-turco-rusa edificada bajo intereses comunes en el así llamado Mediterráneo alargado (es decir, constituido por los mares Mediterráneo, Negro y Caspio).

 

* Eurasia. Rivista di Studi Geopolitici

direzione@eurasia-rivista.org

www.eurasia-rivista.org

 

 

Notas

 

1.      Por lo que concierne el estudio de la génesis del primer artículo de la Constitución y, en particular, el segundo apartado (La soberanía pertenece al pueblo, quien la ejerce en las formas y en los límites de la Constitución), y además por la falta de un artículo específico de la Constitución dedicado al Estado y a la soberanía, como lo deseaba Dossetti, véase Maurizio Fioravanti, Constitución y pueblo soberano, Il Mulino, Bologna, 2004, p.11 y pp. 91-98.

2.      Marcelo Gullo, La insubordinación fundante, Editorial Biblos, Buenos aires, 2008, pp. 26-27.

3.      Marcelo Gullo, ibid.

4.      Fabrizio Di Ernesto, Portaerei Italia. Sessant’anni di Nato nel nostro Paese, Fuoco Edizioni, Roma, 2009.

 

(Trad. di V. Paglione)

lundi, 02 août 2010

L'antagonisme Chine/Etats-Unis sur le continent africain

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Federico DAL CORTIVO:

 

L’antagonisme Chine/Etats-Unis sur le continent africain

 

Avec la création de l’AFRICOM, la thalassocratie américaine veut transformer le Continent noir en une arrière-cour de Washington !

 

Les Etats-Unis, sous « l’Administration Bush », n’ont plus cessé de considérer l’Afrique comme un futur « espace vital », destiné à fournir des matières premières, dont du pétrole, indispensables pour l’économie américaine qui est constamment à la recherche de nouveaux territoires à exploiter sans vergogne, aujourd’hui plus que jamais, vu l’actuelle crise économique et le recul de l’hégémonie américaine sur l’Amérique latine, son arrière-cour traditionnelle. Mais la volonté de Washington d’étendre son influence en Afrique a aussi pour objectif de s’opposer à la pénétration chinoise sur ce continent, qui se montre de plus en plus importante. Beijing entretient des rapports commerciaux étroits et de grande ampleur avec de nombreux pays africains, rapports qui, eux aussi, s’avèrent de plus en plus nécessaire pour une économie chinoise en pleine croissance.

 

Dans le passé, la présence militaire américaine s’était manifestée en Afrique via l’ « US European Command » qui prenait sous son aile tous les pays africains ; ensuite cette compétence fut transférée au « Strike Command », devenu en 1971 le « Readiness Command » et puis, successivement, au « CentCom » et au « Pacific Command ». Il a fallu attendre 2007 pour que le Pentagone annonce la création d’un commandement tout entier consacré à l’Afrique seule.

 

La création de ce nouveau commandement a permis de définir clairement les nouvelles structures militaires qui expriment la volonté bien déterminée de Washington de renforcer considérablement sa présence militaire et de se doter, en Afrique, de capacités de riposte rapide.

 

Placé sous le commandement du Général William E. « Kip » Ward, l’Africom comprend toutes les armes formant traditionnellement les forces armées : l’armée de terre, la marine, l’aviation et les Marines, dont les postes de commandement se situent actuellement en Italie, à Vicenza (US Army Africa Setaf), à Naples (US Navy Africa), et en Allemagne, à Ramstein (US Air Force Africa), à Boeblingen (US Marine Corps Africa) et à Stuttgart (Special Operation Command Africa) ; enfin, à ces postes installés en Italie et en Allemagne, s’ajoute le Camp Lemonier à Djibouti en Afrique orientale, où se trouve également le « Combined Joint Task Force – Horn of Africa ». Le Pentagone examine actuellement la possibilité de mettre à la disposition de l’Africom d’autres forces, afin d’accroître sa vitesse opérationnelle : 1000 Marines aéroportables, capables d’être déployés rapidement sur divers théâtres d’opération. Toujours sous le prétexte de la « lutte contre le terrorisme international », Washington a renforcé ses liens militaires et diplomatiques avec plusieurs Etats africains, en suivant, dans cette optique, trois lignes directrices principales : la diplomatie, la chose militaire et le développement. Ce dernier sert, comme d’habitude, à lier l’Etat en question au modèle économique américain, afin d’un faire un vassal, pompeusement baptisé « allié ».

 

Aux côtés du Général Ward, on trouvera l’ambassadeur Anthony Holmes afin de mieux coordonner les rapports entre pays africains et, par conséquent, de s’assurer une mainmise toujours plus forte sur le Continent noir, considéré dorénavant comme « stratégique ». Tout cela correspond bel et bien à ce que l’on peut lire dans le « Quadrennial Defence Review » de février 2010, qui prévoit une augmentation des dépenses militaires de 2%, avec une somme totale allouée de 708 milliards de dollars pour 2011 (y compris les 160 milliards de dollars prévus pour les guerres d’Irak et d’Afghanistan). Pour 2010, l’Africom pourra s’attendre à recevoir 278 millions de dollars pour les opérations et 263 autres millions de dollars pour la logistique, le développement de nouvelles structures et d’autres moyens divers.

 

La machine de guerre américaine s’apprête aussi à débarquer en force en Afrique, où elle avait déjà, à intervalles réguliers, organisé des manœuvres militaires communes avec le Mali, le Nigéria, le Maroc et le Sénégal.

 

Les raisons géopolitiques, qui président à ce nouveau projet africain des Etats-Unis, doivent être recherchées dans le poids de plus en plus lourd que pèse Beijing en Afrique, grâce à une politique de non ingérence dans les affaires intérieures des pays concernés, à la différence de la pratique américaine qui a toujours préféré contrôler étroitement les « gouvernements amis » et les manipuler à loisir.

 

Après avoir adopté le « socialisme de marché », en tant que version revue et corrigée du communisme, la Chine s’est affirmée avec force sur la scène internationale, mue par l’impératif d’acquérir matières énergétiques en grandes quantités et à bon prix. On se rappellera les bonnes relations qu’entretient Beijing avec certains pays d’Amérique latine, surtout le Venezuela et le Brésil ; ces relations se déroulent de manière paritaire, mode de travail qui ne trouble en aucune façon le cours nouveau qu’a emprunté ce continent sud-américain, comme on peut le constater en observant les accords pris entre certains de ces pays d’Amérique ibérique, d’une part, et la Russie, l’Inde, l’Iran et l’Afrique du Sud, d’autre part.

 

Cependant la partie la plus importante se joue en Afrique où d’immenses richesses minières et pétrolières sont encore disponibles. Le Dragon chinois est présent sur place, avec des investissements dépassant les 20 milliards de dollars pour la réalisation d’infrastructures importantes comme des ponts, des centrales électriques et des routes.

 

Les rapports entre la Chine, d’une part, l’Angola et le Soudan, d’autre part, sont optimaux ; d’autres accords ont été conclu avec l’Algérie et l’Egypte, où 150 entreprises chinoises se sont implantées. En Afrique du Sud, les Chinois ont acquis la « Standard Bank », principale banque de ce pays riche en minerais, dont l’or et le diamant.

 

Au Soudan, la découverte de riches gisements de pétrole a attiré l’attention de la « China Petroleum Company », ce qui fait que 8% du pétrole consommé en Chine vient désormais de ce pays africain. En Algérie, la « China Petroleum & Chemical Corporation » et la « China National Petroleum » ont pris en main la gestion des puits les plus importants. A la liste, on peut ajouter le Nigéria, troisième fournisseur africain de pétrole à la Chine ; ensuite, le Sénégal, la Tchad, la Guinée, qui possèdent aussi  des gisements de pétrole, et le Cameroun, où l’on trouve et du gaz naturel et du pétrole.

 

Aujourd’hui donc, force est de constater que les fronts sur lesquels sont déployées les forces armées des Etats-Unis augmentent en nombre au lieu de diminuer ; dans un tel contexte, la thalassocratie américaine ne peut rien faire d’autre que de mettre la main sur les ressources du « Tiers Monde » (comme il était convenu de l’appeler). Pour y parvenir, Washington doit déployer de plus en plus de troupes, d’avions et de navires aux quatre coins du globe. Ces efforts ne laissent pas indifférents les Américains eux-mêmes car, pour réaliser cette politique d’omniprésence, la Défense engloutit des sommes gigantesques : il suffit d’analyser les chiffres ; entre 2001 et 2011, le bilan du Pentagone a augmenté de 40% et, si nous prenons en compte également les frais engendrés par les guerres, nous arrivons au chiffre de 70%. Nous sommes dont dans un état de guerre permanente, même si cette guerre n’a jamais été déclarée ; en effet, 400.000 hommes de l’armée américaine sont déployés sur les divers théâtres opérationnels de tous les continents. On le voit : de Bush à Obama, il n’y a eu aucun changement.

 

Federico DAL CORTIVO.

(article paru dans « Rinascita », Rome, 13 juillet 2010 ; http://www.rinascita.eu/ ).

 

 

US-Raketen in der Umgabung Chinas stationiert

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US-Raketen in der Umgebung Chinas stationiert

F. William Engdahl / ex: http://info.kopp-verlag.de/

 

Das Pentagon stationiert verstärkt U-Boot-gestützte Marschflugkörper an der Peripherie Chinas – denn die wachsende wirtschaftliche Macht Chinas stellt mittlerweile den Status der bankrotten und industriell maroden USA als einziger Supermacht ernsthaft in Frage. Die Raketen sind Teil des breiter angelegten Versuchs der USA, China in Schranken zu halten. Dem Bemühen wird jedoch kaum Erfolg beschieden sein.

 

 

Ohne großes Aufheben hat die US-Marine in den vergangenen Tagen vier U-Boote der Ohio-Klasse auf den Weg geschickt, wie sie die in der Zeit des Kalten Krieges – damals mit Trident-Atomraketen bestückt – zum Einsatz gekommen waren. Heute sind diese U-Boote mit je 154 Tomahawk-Marschflugkörpern ausgerüstet, die Ziele in einer Entfernung von 1000 Meilen treffen können.

Ende Juni hat die US-Navy die U.S.S. Ohio in die Subic Bay auf den Philippinen entsandt. Gleichzeitig traf die U.S.S. Michigan in der südkoreanischen Hafenstadt Pusan ein, während die U.S.S. Florida auf dem gemeinsamen britisch-amerikanischen Marinestützpunkt Diego Garcia im Indischen Ozean auftauchte. Insgesamt sind zurzeit 462 neue Tomahawks in der Umgebung von China stationiert. »Es gab die Entscheidung, unsere Streitmacht im Pazifik zu verstärken,« so Bonnie Glaser, China-Expertin am Center for Strategic and International Studies in Washington.

Letzten Monat hatte die Navy angekündigt, erstmals würden sämtliche mit Tomahawks bestückten U-Boote gleichzeitig ihre jeweiligen Heimathäfen verlassen. Der Marineeinsatz ist Teil der Pentagon-Strategie, das Schwergewicht der Präsenz vom Atlantik zum Pazifik zu verschieben. Die US-Navy hat etwa 4 Milliarden Dollar aufgewendet, um die U-Boote von den Trident-Raketen auf die Tomahawk-Marschflugkörper umzurüsten und Platz für die jeweils 60 Soldaten der Sondereinheiten zu schaffen, die verdeckt weltweit operieren.

Als eindeutiges Signal an Peking, wer beide Weltmeere beherrscht, laufen zurzeit zwei große gemeinsame Manöver der USA und der Alliierten in der Region, nämlich zunächst das »Rim of the Pacific«-Manöver vor Hawaii, das größte multinationale Marinemanöver dieses Jahres. Zusätzlich hat gerade vor Singapur das CARAT-2010-Manöver begonnen, an dem insgesamt 73 Schiffe aus den USA, Singapur, Bangladesh, Brunei, Kambodscha, Indonesien, Malaysia, den Philippinen und Thailand beteiligt sind.

China nimmt an keinem der beiden Manöver teil. Die Ankunft der Tomahawks »ist Teil einer größeren Anstrengung, unsere Schlagkraft in der Region zu erhöhen«, erklärte ein China-Experte der Washingtoner Denkfabrik CSIS. »Wir signalisieren damit, dass niemand unsere Entschlossenheit unterschätzen sollte, die Machtbalance in der Region aufrecht zu erhalten, was auch viele der Länder dort von uns erwarten.«

 

dimanche, 04 juillet 2010

Le élites di Washington sono molto préoccupate per i nuovi blocchi anti-egemonici

Le élites di Whashington sono molto preoccupate per i nuovi blocchi anti-egemonici

di Pepe Escobar - Salvador Lopez Arnal

Fonte: Come Don Chisciotte [scheda fonte]





Lentamente ma energicamente il popolo del Sud si organizza e si prepara politicamente non solo per frenare l'imperialismo militarista e bellicista degli Stati Uniti ma anche per mettere fine all'ipocrisia dell'abuso di dominazione neo-coloniale da parte delle potenze industriali europee, con le loro addormentate società civili. Frenare le ingiustizie a cui sono sottomessi numerosi popoli in pieno ventunesimo secolo, rispetto e mutua reciprocità sono i nuovi dogmi. In questa intervista, il nostro collega Pepe Escobar analizza il modo in cui alcuni paesi emergenti, come il Brasile, la Turchia o l'India, stanno organizzando una nuova era di relazioni armoniche e rispettose fra i popoli.

Domanda: in un recente articolo pubblicato da Asia Times Online [1], tradotto da Sinfo Fernández di Rebelión, lei parlava della dominatrice. Mi permetta di complimentarmi per la sua trovata terminologica. Perché lei crede che la Segreteria di Stato statunitense (Hillary Clinton) si adatti bene a questo termine? Non sono migliorate le forme di politica estera degli Stati Uniti nell'amministrazione Obama?

Pepe Escobar: Hillary è una dominatrice nel senso che è capace di soggiogare tutto il Consiglio di Sicurezza dell'ONU invece di ammettere il fallimento della sua diplomazia. Forse lo ha imparato con Bill... O forse sono tutti masochisti.

No, non è così. La ragione principale è che la Cina e la Russia si lasciarono dominare. Cina e Russia decisero che era meglio lasciare la stridula Hillary dominare il palco per qualche giorno, e lavorare in silenzio per raggiungere il loro obiettivo: porre sanzioni con il massimo sentore “light” su Teherán. Per ciò che riguarda l'Iran, gli Stati Uniti sono ciechi, lo vedono tutto rosso. Lo stesso può dirsi in relazione a Israele, lo vedono tutto bianco celestiale.

Domanda: il nodo centrale del suo recente articolo – «Irán, Sun Tzu y la dominatrix» [2] [
Traduzione Comedonchisciotte N.d.r] – è l'accordo fra le diplomazie di Brasile, Turchia e Iran sul tema dello sviluppo nucleare di quest'ultimo Paese. In cosa consiste questo accordo?

Pepe Escobar: è essenzialmente lo stesso accordo proposto dagli stessi statunitensi nell'ottobre del 2009. La differenza sta nel fatto che, secondo la proposta del 2009, l'arricchimento dell'uranio si realizzava in Francia e in Russia e ora, attraverso l'accordo, si effettuerà in Turchia.

La differenza fondamentale è nel metodo. Turchia e Brasile si sono comportate con diplomazia, senza polemiche e rispettando le ragioni iraniane. Altro dettaglio fondamentale: tutto quello che hanno fatto era già stato discusso in dettaglio a Washington. Quando è stato presentato un risultato concreto, quando è stato raggiunto l'accordo con l'Iran, Washington, mi permetta la metafora bellica, ha sparato loro un colpo nelle costole.


Domanda: non è una novità nella diplomazia internazionale che Brasile e Turchia, due paesi non contrapposti agli Stati Uniti, si mettano in gioco in questa faccenda? Perché lei crede che abbiano scommesso su questa strategia autonoma? Cosa vincerebbero? L'Iran non è forse lontano, molto lontano, dal Brasile?

Pepe Escobar: ogni Paese ha i suoi motivi per espandere la propria mappa geopolitica. La Turchia si vuole proiettare come attore eccezionale, che conta davvero in Medio Oriente. Ne consegue una politica diciamo post-Ottomana, organizzata dal Ministro delle Relazioni Estere, il professor Ahmet Davutoglu.

Anche il Brasile, con una politica molto intelligente di Lula e del suo ministro Celso Amorim, vuole posizionarsi come mediatore onesto nel Medio Oriente. Il Brasile fa parte della BRIC (Brasile, Russia, India, Cina) che secondo me è attualmente il vero contro-potere all'egemonia unilaterale degli Stati Uniti. Se circa due settimane fa ha discusso formalmente a Brasilia la sua adesione, la Turchia sarebbe parte del gruppo, il quale sarebbe quindi chiamato BRICT. Questa è la nuova realtà nella geopolitica globale. E, senza dubbio, le vecchie élites di Washington sono diventate livide.

Domanda: non sembra, come lei stesso segnalava, che l'accordo abbia suscitato entusiasmo nella Segreteria di Stato né nei governi europei. Perché? Vorrebbero che la strada diplomatica fallisca per proseguire con le loro sanzioni e condurci ad uno scenario bellico? Se è così, cosa guadagnerebbero con esso? Non ci sarebbero troppi fronti aperti allo stesso tempo?

Pepe Escobar: dalla prospettiva della politica interna degli Stati Uniti, quello che interessa a Washington è cambiare il regime. Ci sono almeno tre tendenze in lizza. I “realisti” e la sinistra del Partito Democratico che sono a favore del dialogo; l'ala del Pentagono e dei servizi di intelligence vogliono almeno delle sanzioni, e i repubblicani, i neocolonialisti, le lobby di Israele e la sezione Full Spectrum Dominance del Pentagono vogliono un cambio di regime sia come sia, inclusa la strada militare, se fosse necessario.

I governi europei sono cagnolini da compagnia di Bush o di Obama. Non servono a niente. Ci sono voci autorevoli in alcune capitali europee e a Bruxelles. Sanno che l'Europa ha bisogno del petrolio e del gas iraniano per non essere ostaggi di Gazprom. Ma sono una minoranza.

Domanda: lei crede che il Governo iraniano aspiri, oltre le sue dichiarazioni, a possedere un armamento nucleare? Per farsi rispettare? Per piegare Israele? Per attaccarla? Pakistan nucleare, India nucleare, Israele nucleare, Iran nucleare. Tutta questa zona non diventerebbe un'autentica polveriera?

Pepe Escobar: sono stato molte volte in Iran e mi sono convinto di quanto segue: il regime iraniano può causare rabbia ma non è un sistema suicida. Il leader supremo, in diverse occasioni, ha annunciato una fatwa affermando che l'arma nucleare è “non-islamica”. Le Guardie Rivoluzionarie supervisionano il programma nucleare iraniano, senza dubbio, ma sanno molto bene che le ispezioni e il controllo della IAEA, Agenzia Internazionale dell'Energia Atomica, sono molto seri. Se punteranno a sviluppare una bomba atomica rudimentale, saranno scoperti e denunciati immediatamente.

Di fatto, l'Iran non ha bisogno di alcuna bomba atomica come elemento di dissuasione. Gli basta un arsenale militare high-tech, di tecnologia sempre più avanzata. L'unica soluzione giusta sarebbe una denuclearizzazione totale del Medio Oriente che Israele, ovviamente, con i suoi più di duecento missili nucleari, non accetterà e mai rispetterà.

Domanda: che ruolo gioca la Russia in questa situazione? Lei ricordava che l'impianto nucleare di Bushehr fu costruito dalla Russia, che lì si stanno si stanno svolgendo le ultime prove e che probabilmente si inaugurerà quest'estate.

Pepe Escobar: Bushehr deve essere inaugurata in agosto, dopo molti ritardi. Per la Russia l'Iran è un cliente privilegiato in termini nucleari e degli armamenti. Ai russi interessa che l'Iran continui in questo modo, che la situazione non cambi. Non vogliono l'Iran come potere nucleare militare. È una relazione con molti nodi, ma soprattutto commerciale.

Domanda: nel suo articolo lei cita il vecchio generale e stratega Sun Tzu. Ricorda un aforisma del filosofo cinese: “lascia che il tuo nemico commetta i suoi errori e non correggerli”. Lei afferma che Cina e Russia, maestri strateghi quali sono, stanno applicando questa massima rispetto agli Stati Uniti. Che errori stanno commettendo gli USA? Sono tanto goffi i suoi strateghi? Non hanno per caso letto Sun Tzu?

Pepe Escobar: tutti gli statunitensi ben educati nelle università hanno letto Sun Tzu. Altra cosa è saperlo applicare. Cina e Russia, in una strategia comune ai BRIC, si accordarono per lasciare gli Stati Uniti con l'illusione di condurre le sanzioni, nello stesso tempo in cui lavorarono e lavorano per minarle al massimo e approvare in ultima istanza un pacchetto di sanzioni molto “light”. Russia e Cina vogliono stabilità in Iran con il beneficio delle loro importanti relazioni commerciali. Nel caso della Cina, tenga in conto che l'Iran è un grande fornitore di gas e questo riguarda la massima sicurezza nazionale.

Domanda: siamo, lei riassume, in una situazione in cui sul tavolo dell'Agenzia Internazionale dell'Energia Atomica c'è un accordo di interscambio approvato dall'Iran, mentre nelle Nazioni Unite è in marcia un'offensiva di sanzioni contro l'Iran. Lei si domanda di chi si dovrebbe fidare la “comunità internazionale”. Io le domando: di chi si dovrebbe fidare la “comunità internazionale”?

Pepe Escobar: la vera “comunità internazionale”, i BRIC, i paesi del G-20, le 118 nazioni in sviluppo del Movimento dei non-allineati, insomma, tutto il mondo in sviluppo, sta con Brasile, Turchia e la loro diplomazia di non-opposizione. Solo gli Stati Uniti vogliono sanzioni e i suoi patetici, ideologici cani da compagnia europei.

Domanda: lei afferma anche che l'architettura della sicurezza globale, “vigilata da un pugno di temibili guardiani occidentali auto-nominati”, è in coma. L'Occidente “atlantista” affonda come il Titanic. Non esagera? Non confonde i suoi desideri con la realtà? Non c'è il pericolo reale che l'affondamento distrugga quasi tutto prima di affondare definitivamente?

Pepe Escobar: io ero già di fronte, con l'orrore di tutto il mondo, come per ora poter almeno credere nella possibilità di un nuovo ordine, delineato soprattutto dal G-20 e dai paesi del BRICT. Inclusa la T finale.

Il futuro economico è dell'Asia e il futuro politico è dell'Asia e delle grandi nazioni in via di sviluppo. È chiaro che le élites atlantiste rinunciano al loro potere solo dopo aver visto i propri cadaveri distesi per terra. Il Pentagono continuerà con la sua dottrina di guerra infinita. Però prima o poi non avrà come pagarla. Non nego che sia una possibilità che gli USA, in un futuro prossimo, sotto l'amministrazione di un pazzo repubblicano di estrema destra, entri in un periodo di guerra allucinata, sconvolta. Se così fosse, sarà senza dubbio la sua caduta, la caduta del nuovo Impero Romano.

Domanda: quale forte lobby degli USA è a favore della guerra infinita a cui si è appena riferito? Chi sostenta e finanzia questa lobby?

Pepe Escobar: La guerra infinita è la logica della Full Spectrum Dominance, la dottrina ufficiale del Pentagono, che include “l’encirclement” di Cina e Russia, la convinzione che questi paesi non possano emergere come ficcanaso e competitori degli USA, e inoltre fare tutti gli sforzi per controllare o almeno vigilare Eurasia. È la dottrina del Dr. Strangelove [3], però è anche la mentalità dei dirigenti militari statunitensi e della maggioranza del suo establishment. Il complesso industrial-militare non ha bisogno dell'economia civile per sostentarsi. Ha in elenco un'enorme quantità di politici e tutte le grandi corporazioni.

Domanda: lei parla della dottrina del Dr. Zbigniew “conquisteremo l'Eurasia”. Un'altra trovata, mi permetta un altro complimento. Il vecchio assessore alla sicurezza nazionale, lei segnala, sottolineò che “per la prima volta in tutta la storia umana, l'umanità si è svegliata politicamente -questa è una nuova e totale realtà- , una cosa mai successa prima”. Secondo lei è così? Che parte dell'umanità addormentata si è svegliata?

Pepe Escobar: per le élites statunitensi il dato essenziale è che Asia, America Latina e Africa stanno intervenendo politicamente nel mondo in un modo impensabile durante il colonialismo e che la decolonizzazione è, per loro, un incubo senza fine. Come dominare chi ora sa come comportarsi per non essere dominato di nuovo? È una domanda basilare.

Domanda: Washington, profondamente unilaterale, lei segnala, non esita a puntare l'indice fino al più vicino dei suoi amici. Perché? Sono per caso l'incarnazione dell'Asse del Male? Può essere raggiunta l'egemonia con procedimenti così poco gentili? Fino a quando?

Pepe Escobar: Non si può sottovalutare la crisi statunitense. È totale: economica, morale, culturale e politica. Ed anche militare perché furono distrutti in Iraq e sono al limite di un’umiliante sconfitta totale in Afganistan. Il nuovo secolo americano morì già nel 2001. L'11 settembre, oggi, si può interpretare come un messaggio apocalittico di fine.

Domanda: ma qual è uno degli attori principali della politica statunitense nel Vicino Oriente? Israele è addormentato? Quali sono i piani dei bulli di Gaza? [4]

Pepe Escobar: Israele si è convertito in quello che io chiamo “briccone” [birbante, o stato villano]. Sparta paranoica, etno-razzista, che ha la responsabilità della macchia profonda dell'apartheid. Israele sarà ogni volta più isolata dal mondo reale, protetta solo dagli USA, di cui è uno Stato-cliente. E il suo incubo, come se si trattasse di un film horror hollywoodiano, sarà il ritorno di ciò che è stato represso: la storia gli farà pagare per tutto l'orrore che ha perpetrato e continua a perpetrare contro i palestinesi.

Domanda: che opinione ha dell'azione di Israele dello scorso 30 maggio? Che senso può avere un attacco a dei pacifisti solidali con Gaza?

Pepe Escobar: fa parte della stessa logica di sempre. Abbiamo sempre ragione; quelli che sono contro le nostre politiche sono terroristi o antisemiti. Ora Israele è nella fase di difendere l'indifendibile: il blocco di Gaza.

È chiaro che ora tutto il mondo lo sa e non lo potrà più ingannare con le sue bugie, la Palestina sarà l'eterno Vietnam di Israele. Ma dubito, come nel caso degli Stati Uniti, che questa volta siano capaci di imparare la lezione.

Pepe Escobar [foto accanto al titolo N.d.r.], analista geopolitico. È autore di «Globalistan: How the Gbalizad World is Dissolving into Liquid War» (Nimble Books, 2007) e di «Red Zone Blues: a shapshot of Baghdad during the surge». Recentemente ha pubblicato «Obama does Globalistan» (Nimble Books, 2009), un libro che merita di essere tradotto (in spagnolo) con urgenza.

NOTE

[1] Fonte:
http://www.atimes.com/atimes/Middle...

[2]
http://www.rebelion.org/noticia.php..., 27 maggio 2010.

[3] Il film di S. Kubrick il cui titolo in italiano è “il Dottor Stranamore”, uno dei film preferiti di Manuel Sacristán.

[4] La domanda è stata formulata prima dell'attacco alla Flotilla della libertà e solidarietà. L'intervista termina con una domanda sull'attacco. “La Palestina sarà l'eterno Vietnam di Israele”, afferma Escobar.

Titolo originale: ""LA GUERRA INFINITA ES LA LÓGICA DE LA DOCTRINA OFICIAL DEL PENTÁGONO”"

Fonte: www.rebelion.org
Link: http://www.rebelion.org/noticia.php?id=107156
04.05.2010

Traduzione per www.comedonchisciotte.org a cura di GABRIELLA REHO
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[Truppe statunitensi sparse per il mondo nel tentativo di ottenere una dominazione militare, oltre che economica. Il caso iracheno è esemplare. Si tratta di un’invasione per il petrolio, con il pretesto di difendersi da possibili armi nucleari che non sono mai state trovate.]

samedi, 03 juillet 2010

La collocazione geopolitica dell'Iran

La collocazione geopolitica dell’Iran

di Daniele Scalea

Fonte: eurasia [scheda fonte]

 

Quella che segue è la trascrizione dell’intervento di Daniele Scalea, redattore di “Eurasia” e autore de La sfida totale (Fuoco, Roma 2010), al convegno “L’Iran e la stabilità del Medio Oriente”, tenutosi a Trieste giovedì 3 giugno 2010 presso l’Hotel Letterario Victoria e co-organizzato dall’Associazione Culturale “Strade d’Europa” e da “Eurasia – Rivista di studi geopolitici”.
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Le immagini sono le stesse che, proiettate nella sala, hanno accompagnato l’intervento originale.


 

Quest’intervento è composto da due parti distinte. La prima, e principale, sarà un inquadramento generale dell’Iràn nel contesto geopolitico globale e in particolare eurasiatico. La seconda affronterà invece il problema delle ultime e contestate elezioni presidenziali nella Repubblica Islamica.

Cominciamo dalla prima parte e, dunque, dalla collocazione geopolitica dell’Iràn.


 

Questa mappa, ripresa da un volume del geografo britannico Halford John Mackinder, mostra come i geopolitici classici, in particolare quelli anglosassoni, vedessero il mondo. La geopolitica classica centra la propria attenzione sul continente eurasiatico: infatti, in Eurasia si trovano la maggior parte delle terre emerse, della popolazione umana, delle risorse; e sempre in Eurasia sono sorte le principali civiltà della storia.

Il mondo è diviso in tre fasce, che dipartono concentriche proprio dal centro dell’Eurasia. Qui si trova la “area perno” (Pivot area) o “terra-cuore” (Heartland), la cui caratteristica è di essere impermeabile alla potenza marittima. Non ha infatti sbocchi sul mare (se si eccettua l’Artico, che non garantisce però collegamenti col resto del mondo), né vi è collegata neppure per via fluviale, in quanto i principali corsi d’acqua della regione sfociano nell’Artico o in mari chiusi. Nella Terra-cuore, pertanto, la potenza continentale non è contrastata da quella marittima.

La Terra-cuore è avviluppata da una seconda fascia, la “mezzaluna interna” (Inner Crescent), che percorre tutto il margine continentale eurasiatico dall’Europa Occidentale alla Cina, passando per Vicino e Medio Oriente e Asia Meridionale: per tale ragione è detta anche “terra-margine” (Rimland). Qui la potenza continentale e quella marittima tendono a controbilanciarsi l’un l’altra.

Infine, al di fuori dell’Eurasia, si staglia la terza ed ultima fascia, la “mezzaluna esterna” (Outer Crescent), che comprende le Americhe, l’Africa, l’Oceania e pure Gran Bretagna e Giappone. Essa è la sede naturale della potenza marittima, dove quella continentale non può minacciarla.

Secondo Mackinder, che scriveva all’inizio del Novecento, l’avvento della ferrovia avrebbe neutralizzato la superiore mobilità del trasporto marittimo, riequilibrando la situazione a favore della potenza tellurica (continentale, terrestre). John Spykman, mezzo secolo più tardi, ridimensionò il peso delle strade ferrate, sostenendo che la potenza talassica (marittima) manteneva il proprio vantaggio: la Terra-cuore è sì imprendibile per la talassocrazia (l’egemone sui mari), ma non può minacciare quest’ultima senza prima occupare la Terra-margine. Compito della talassocrazia – che in quegli anni, proprio come oggi, erano gli USA – è precludere il Rimland alla potenza continentale (allora l’URSS).


 

La strategia del contenimento, durante la Guerra Fredda, s’accorda con la visione del mondo della geopolitica classica. Contro un avversario che occupava l’Heartland (il riferimento è ovviamente all’URSS), gli USA talassocratici hanno messo in funzione un dispositivo che mantenesse sotto controllo il Rimland, impedendo a Mosca di raggiungere le coste continentali e proiettarsi sui mari. In tale dispositivo rientrano la NATO in Europa Occidentale, la CENTO nel Vicino e Medio Oriente, la SEATO in Asia Sudorientale e l’alleanza con Corea del Sud e Giappone (e in un secondo momento anche con la Cina) in Estremo Oriente.


 

Della CENTO, o Patto di Baghdad, faceva parte anche l’Iràn, oltre a Turchia, Iràq, Pakistan e Gran Bretagna (in qualità di ex padrone coloniale). Dalla cartina è facile individuare nella CENTO un anello della catena di contenimento che corre lungo tutto il Rimland.


 

Questa cartina mostra, semplificando un po’ la situazione, quelli che erano gli schieramenti nei primi decenni della contrapposizione bipolare in Vicino Oriente. Se Egitto, Siria e Iràq si erano avvicinati all’URSS, nella regione gli USA poggiavano sulla triade di potenze non arabe: Israele, Turchia e Iràn.


 

La Rivoluzione Islamica del 1979 pone fine all’alleanza tra Iràn e USA, pur senza portare Tehrān nel campo sovietico. Ciò rafforza il peso dei due perni superstiti, Turchia e Israele, ed anche il maggiore appoggio che Washington garantisce ai due paesi, ed in particolare a Tel Aviv. Dal canto loro tutti i paesi arabi, ad eccezione di Siria, Iràq e Yemen del Sud, seguendo il voltafaccia egiziano prendono più o meno tiepidamente posizione per gli Stati Uniti d’America, disperando della possibilità che l’appoggio sovietico possa apportare loro grossi benefici. Preferiscono puntare sull’avvicinamento a Washington, sperando che ciò possa spezzare la “relazione speciale” tra la Casa Bianca e Tel Aviv, e quindi ricevere una più equa mediazione nei confronti dello Stato ebraico. Speranza che rimarrà delusa.


 

Quest’immagine, ripresa da The Grand Chessboard di Zbigniew Brzezinski, mostra la visione del continente eurasiatico da parte degli eredi della geopolitica classica nordamericana. La Federazione Russa continua a mantenere una posizione centrale, pur ristretta rispetto all’epoca sovietica, mentre la Terra-margine è divisa in tre settori. Per ognuno di essi Brzezinski suggerisce una politica regionale a Washington.

A Occidente – ossia in Europa – si trova quella che Brzezinski definisce “la testa di ponte democratica”, ossia il pied-à-terre della talassocrazia nordamericana in Eurasia. L’integrazione europea pone una sfida agli USA: se dovesse fallire restituendo un’Europa frammentata e litigiosa, o se al contrario dovesse avere grosso successo creando un’Unione Europea monolitica e strategicamente autonoma, in entrambi i casi la presenza statunitense nella regione sarebbe messa in discussione. La soluzione prospettata da Brzezinski è quella di mettersi a capo dell’integrazione europea e dirigerla in modo che non leda gl’interessi nordamericani: esattamente quanto successo, con l’espansione della NATO a precedere ed indirizzare quella dell’UE, che ha demandato la propria sicurezza e guida strategica al capoalleanza d’oltreoceano.

A Oriente gli USA hanno ulteriori basi avanzate, in Giappone e Corea, che debbono mantenere ad ogni costo. Ma Brzezinski, memore di una delle mosse che ha deciso la Guerra Fredda, consiglia pure di coltivare i rapporti con la Cina, che potrebbe diventare per gli USA una seconda testa di ponte in Eurasia, pendant dell’Europa a oriente.

Infine c’è il Meridione, corrispondente al Vicino e Medio Oriente, dal Mediterraneo all’India.


 

In quest’area, Brzezinski ritiene che gli alleati naturali, anche se sovente involontari, della geostrategia statunitense siano Turchia e Iràn. Coi loro intenti panturanici la prima e panislamici la seconda, si proiettano nel Caucaso e nell’Asia Centrale controbilanciando l’influenza russa e frustrandone il tentativo di riconquistare quelle regioni alla propria area d’influenza. Questi “interessi competitivi” tra Turchia, Iràn e Russia, individuati da Brzezinski, corrispondono più alla situazione degli anni ’90 che a quella del decennio appena trascorso, in cui i tre paesi hanno privilegiato la soluzione “cooperativa” su quella “competitiva”.


 

Spostiamoci ora dal quadro propriamente geostrategico a quello energetico. La cartina schematizza la situazione dell’energia in Eurasia, individuando quattro regioni importatrici (Europa, Asia Orientale, Asia Meridionale e Asia Sudorientale) e quattro regioni esportatrici (Russia, Asia Centrale, Iràn, Vicino Oriente). Le quattro regioni produttrici potrebbero sostanzialmente ridursi a due: l’Asia Centrale non ha sbocchi sul mare, dipende dai paesi circostanti per lo smercio delle sue risorse, ed in particolare dalla Federazione Russa in ragione della rete d’oleodotti e gasdotti retaggio d’epoca sovietica; l’Iràn invece esporta molto meno del suo potenziale, come vedremo tra poco. Rimangono dunque la Russia e il Vicino Oriente, ma quest’ultimo è diviso in una pluralità di nazioni, spesso politicamente, economicamente e socialmente fragili. Ecco perché la Russia può essere individuata come la maggiore potenza energetica del continente eurasiatico (e del mondo).


 

Quest’immagine mostra come la rete delle condotte energetiche esistenti faccia perno sul territorio della Federazione Russa. In particolare, l’Asia Centrale dipende quasi totalmente da Mosca per l’esportazione dei propri idrocarburi verso l’Europa.


 

Gli USA hanno cercato d’inserirsi nella connessione Asia Centrale-Russia-Europa. Essa, infatti, crea un rapporto di interdipendenza tra i tre soggetti. In particolare, Mosca ne riceve importanti leve strategiche nei confronti dei paesi europei e centroasiatici. Il piano di Washington consiste nel creare nuove rotte energetiche dall’Asia Centrale all’Europa che scavalchino la Russia. Il primo importante progetto in tale direzione è stato l’oleodotto Bakù-Tblisi-Ceyhan. Aperto nel 2006, ha avuto un effetto meno dirompente di quanto s’attendessero gli Statunitensi: esso ha infatti raccolto il petrolio azero, ma solo in maniera marginale quello dei paesi centroasiatici.


 

Negli ultimi anni il gas naturale ha acquisito un’importanza crescente nel paniere energetico, e per questo i progetti più recenti si sono concentrati proprio sul trasporto del “oro blu”. Gli USA hanno rilanciato con l’ambizioso progetto del Nabucco che, partendo dalla Turchia, dovrebbe giungere fino in Austria, rappresentando un canale alternativo al transito sul territorio russo. Mosca non è però rimasta a guardare: i Russi hanno già avviato la costruzione del Nord Stream e si preparano a lanciare quella del South Stream; i due gasdotti, passando rispettivamente sotto il Baltico e il Mar Nero, scavalcheranno l’Europa Orientale (che ha creato diversi problemi al transito di gas russo) ed accresceranno sensibilmente il volume delle forniture russe all’Europa Occidentale.


 

Il Nabucco ha un grave punto debole: l’incertezza riguardo i bacini d’approvvigionamento da cui dovrebbe trarre il gas per l’Europa. A parte il gas azero, è probabile che lo riceverà dall’Egitto e dall’Iràq. Tuttavia, ciò potrebbe essere insufficiente rispetto alle ambizioni per cui verrà creato. Inoltre, il suo palese scopo geopolitico è sottrarre gas centroasiatico, ed in particolare turkmeno, al transito per la Russia. Ma il gas turkmeno ha sole due vie per poter arrivare a Erzurum: un ipotetico gasdotto transcaspico (cui s’oppongono due nazioni rivierasche – Russia e Iràn – e sulla cui possibilità di realizzazione tecnica permangono numerosi dubbi), oppure un transito sul territorio iraniano.


 

Ma il ruolo dell’Iràn rispetto al Nabucco potrebbe non essere soltanto quello d’un semplice canale di transito del gas turkmeno. Il paese persiano è già un grande esportatore di petrolio, ma potenzialità ancora maggiori le mostra rispetto al gas naturale, avendo riserve provate che sono le seconde più vaste al mondo. E sebbene sia il quinto maggiore produttore mondiale di gas, l’Iràn è a malapena il ventinovesimo esportatore. Ciò perché gran parte del gas prodotto viene consumato all’interno. Questa è una delle principali motivazioni del programma nucleare iraniano: soddisfare il fabbisogno energetico interno col nucleare, e liberare ingenti quantità di gas per l’esportazione. Esportazione che potrebbe passare proprio per il Nabucco, se si verificasse una distensione col Patto Atlantico.


 

Anche per scongiurare quest’eventualità, la Russia si è prodigata a sponsorizzare il progettato gasdotto Iràn-Pakistan-India. Rivolgendo verso oriente il gas iraniano, Mosca s’assicura di rimanere la principale ed imprescindibile fornitrice energetica dell’Europa. Tehrān e Islamabad hanno già avviato la costruzione dei rispettivi tratti, mentre Nuova Dehli, complici anche le pressioni di Washington, è ancora titubante. I Pakistani hanno offerto ai Cinesi di prendere il posto degl’Indiani; per ora Pechino non ha né accettato né rifiutato.


 


In questa fase il Vicino Oriente sembra stia vivendo una nuova polarizzazione. Rispetto a quella della Guerra Fredda, il ruolo degli attori strategici esterni è inferiore rispetto a quello dei paesi locali, ma non per questo trascurabile. L’ascesa dell’Iràn intimorisce molti paesi arabi, in particolare quelli del Golfo, che assieme a Giordania e Egitto hanno ormai concluso un’alleanza “inconfessata” con Israele, ovviamente benedetta dagli USA. L’Iràn, oltre all’alleato siriano e ad un paio di paesi in bilico (Iràq e Libano) sembra poter contare anche sulla Turchia: un paese che possiede proprie ambizioni di egemonia regionale, ma in questa fase ha scelto la cooperazione con l’Iràn. Questo secondo blocco coltiva buoni rapporti con la Russia e la Cina.


 


Passiamo quindi alla seconda parte di quest’esposizione, che concerne le elezioni presidenziali iraniane del 2009. In particolare, si cercherà di capire se davvero esse siano state viziate da brogli decisivi, ovvero se la vittoria di Ahmadinejad possa considerarsi sostanzialmente genuina. Ci si appoggerà alle risultanze d’una mia ricerca più particolareggiata, di cui riporterò solo alcuni dati più significativi tralasciando i calcoli intermedi ed altre argomentazioni accessorie – che si potranno comunque leggere consultando la ricerca stessa, che sarà citata in conclusione.


 


Questi sono i contestati risultati ufficiali delle elezioni. La prima cosa che balza all’occhio sono gli oltre 11 milioni di voti di scarto tra Ahmadinejad ed il secondo classificato, Musavì. In un paese in cui ogni seggio vede presenta osservatori indipendenti e dei vari candidati (compresi quelli sconfitti: in particolare, Musavì aveva più osservatori di Ahmadinejad) appare estremamente improbabile se non impossibile pensare ad una manomissione tanto massiccia delle schede già nei seggi. Non a caso, gli stessi oppositori di Ahmadinejad che hanno denunciato i presunti brogli propendono sempre per la tesi che i risultati siano stati semplicemente riscritti a tavolino dalle autorità. Anche se il riconteggio parziale delle schede in alcune delle circoscrizioni dai risultati più controversi ha confermato le risultanze iniziali, l’ipotesi dei brogli ha mantenuto ampio credito in tutto il mondo.


 


Eppure i risultati delle elezioni erano in linea con quanto predetto dalla maggior parte degli osservatori e dei sondaggi. Pur non fidandosi dei sondaggi d’opinione iraniani, ce n’è uno, molto significativo, che è stato realizzato con tutti i crismi di scientificità da tre importanti organizzazioni statunitensi: il centro Terror Free Tomorrow (non sospettabile d’essere benevolo verso Ahmadinejad, avendo tra i suoi consiglieri anche il senatore John McCain), il prestigioso istituto New America Foundation e la ditta di ricerche di mercato KA, tra i leaders mondiali del settore. Questo sondaggio, pur registrando un alto numero d’indecisi, mostrava una propensione di voto verso Ahmadinejad relativamente più alta, rispetto aMusavì, di quella effettivamente registratasi alle elezioni.


 


C’è un altro dato molto significativo. Se si sostituisse Musavì del 2009 col candidato Rafsanjani che nel 2005 sfidò Ahmadinejad al ballottaggio, si scoprirebbe che i risultati delle ultime due elezioni presidenziali in Iràn sono quasi coincidenti. Si tenga presente che nel 2005 in Iràn governava Khatamì, che alle ultime elezioni ha sostenuto Musavì, proprio come Rafsanjani.


 


Secondo taluni commentatori, una “prova” di brogli sistematici alle elezioni del 2009 sarebbe l’eccessiva uniformità di voto da provincia a provincia. L’evidenza aritmetica, tuttavia, mostra che il voto del 2009 è stato più difforme localmente rispetto a quello del 2005 (che, ricordiamo, si è svolto sotto un governo “riformista”, retto dagli attuali avversari politici di Ahmadinejad).


 


La difformità locale del voto in Iràn nel 2009 è nettamente superiore a quella registratasi, ad esempio, alle elezioni italiane del 2008 – che però non per questo sono state tacciate d’invalidità.


 


Alì Ansari, ricercatore della londinese Chatham House, ha individuato 10 province (su un totale di 30) in cui i voti ottenuti da Ahmadinejad sarebbero improbabili rispetto ai risultati del 2005. Ansari, al pari di molti sostenitori della tesi dei brogli, adotta sempre come metro di confronto il primo turno del 2005. Ciò è scorretto, poiché il quadro politico era completamente differente. Innanzitutto, nel 2005 non c’era un presidente uscente candidato – che invece nel 2009 era proprio Ahmadinejad – e perciò la contesa appariva più plurale: nel 2005 ben cinque candidati superarono il 10% dei voti al primo turno. La situazione registratasi nel 2009, con soli 4 candidati e la netta polarizzazione di voti sui due principali, richiama palesemente il secondo turno e non il primo del 2005. Rifacendo i calcoli di Ansari basandosi appunto su un raffronto col ballottaggio del 2005, e riconoscendo a Ahmadinejad il 61,75% dei nuovi votanti (ossia la percentuale che ottenne nel 2005), si nota che in 2 delle 10 province Ahmadinejad è addirittura in calo. In altre 4 ha incrementi percentuali inferiori al 10%; solo in 4 i suoi voti sono aumentati di più del 10%, con un picco in Lorestan del 17,72%. Vanno qui fatte due precisazioni: i voti guadagnati in queste 4 province, anche volendo ammettere che siano tutti fraudolenti, ammontano a poco più di mezzo milione, a fronte d’uno scarto complessivo su Musavì d’oltre 11 milioni di voti. In secondo luogo, non è scontato che incrementi anche così significativi non possano essere genuini. Riprendendo il confronto col caso italiano, si può osservare che – ad esempio – i partiti del Centro-destra (compreso l’UDC, che nel frattempo aveva abbandonato la coalizione) nella circoscrizione “Campania 1” ebbero un incremento percentuale dei consensi pari a quasi il 10% in soli due anni (dal 2006 al 2008). I flussi elettorali esistono, e non sono necessariamente indice di brogli diffusi.


 


Queste sono le indicazioni per chi volesse approfondire i temi qui trattati, o conoscere le fonti delle affermazioni appena fatte.


 


Per un quadro generale della politica internazionale odierna e recente, si rimanda al libro, da poco edito per i tipi di Fuoco Edizioni, La sfida totale. Equilibri e strategie nel grande gioco delle potenze mondiali.


* Daniele Scalea, redattore di “Eurasia”, è autore de La sfida totale. Equilibri e strategie nel grande gioco delle potenze mondiali (Fuoco, Roma 2010).

vendredi, 11 juin 2010

La sfida totale

LA SFIDA TOTALE

INTERVISTA A DANIELE SCALEA

 

Stefano Grazioli

Ex: http://www.italiasociale.net/

 

sfida-totale.jpgTanti parlano e scrivono di geopolitica, pochi ne capiscono davvero qualcosa. Daniele Scalea è uno di questi. Giovane, 25 anni e una laurea in Scienze storiche alla Statale di Milano, Daniele Scalea - che già da qualche anno é nella redazione di Eurasia -  ha esordito con un opera di grande spessore (un assaggio sul sito), dimostrando che le sponde del Lago Maggiore (vive a Cannobio) possono diventare un osservatorio privilegiato per capire e spiegare le vicende del Mondo che ci circonda. A confermarlo non sono tanto io, quanto chi ha scritto la prefazione del nuovo libro di Daniele, “La sfida totale – Equilibri e strategie nel grande gioco delle potenze mondiali” (Fuoco Edizioni), e cioè il generale Fabio Mini, uno che ne capisce: “Si potrebbe tranquillamente dire che Daniele Scalea ha scritto un trattato di alta Geopolitica. Ha descritto il mondo attuale cercando di interpretarlo alla luce delle teorie classiche della Geopolitica confermandone, e ce n’era bisogno, la validità metodologica. Ha preso in esame tutti i grandi attori mondiali e dopo una panoramica appassionata, non c’è nient’altro da dire”.

Ecco, non aggiungo altro nemmeno io. Consiglio solo di correre in libreria o ordinare il libro via internet direttamente dall’editore. E di leggere con attenzione la lunga  intervista che gentilmente che l’autore ci ha concesso.

 

Rovesciamo la bottiglia e partiamo dal fondo. Lei conclude il suo libro scrivendo che la nascita del Nuovo Mondo, o perlomeno la ristrutturazione geopolitica di quello vecchio, potrebbe essere oltremodo complicata: in sostanza il passaggio da un sistema semi-unipolare a uno multipolare rischia di produrre dolorose frizioni dovute al fatto che la potenza egemone – gli Stati Uniti – opporrà resistenza alla perdita del proprio potere. La “sfida totale” ha già vincitori e vinti?

La tendenza storica del post-Guerra Fredda marcia contro gli USA. Negli anni ’90 la geopolitica mondiale ha vissuto il suo “momento unipolare”, e tutto sembrava girare per il verso giusto, dalla prospettiva di Washington. Ma già si covava quanto sarebbe venuto. L’ultimo decennio ha visto l’emergere a livello economico, strategico ed infine anche politico di veri e propri competitori della “unica superpotenza rimasta”: il riferimento è prima di tutto a Cina e Russia, ma una menzione la meritano pure India, Brasile, Giappone. Il sogno della “fine della storia” è svanito. Gli USA hanno tentato, sotto Bush, un ultimo brutale tentativo di mantenere la propria supremazia incontrastata: il progetto di “guerra infinita”, che avrebbe dovuto annichilire come un rullo compressore tutti i possibili nemici e competitori, ma che si è arenato già sui primi due scogli incontrati, ossia Afghanistan e Iràq. L’ordine mondiale odierno è “semi-unipolare”, con Washington ancora potenza egemone, ma più per la cautela dei suoi rivali che per la propria forza ed autorità. La crisi finanziaria del 2008 è partita dagli USA ed ha mandato parzialmente in frantumi quell’ordine economico su cui si fonda gran parte del potere di Washington. Tutto lascia supporre che si concretizzerà il ritorno ad un vero e proprio ordine “multipolare”, e questa è anche la mia previsione.

Però …come spesso accade c’è un “però”. Uno degli errori più comuni del nostro tempo è quello di percepire le tendenze come fattori fissi ed immutabili, quando in realtà sono contingenti. Come sosteneva Hume, l’uomo è portato a credere in ciò che è abituato a vedere, ossia ad assolutizzare il contingente. Ma le inversioni di tendenza sono sempre possibili. Gli Stati Uniti non hanno accettato e difficilmente accetteranno il ruolo di ex egemone in declino. A meno d’implosioni interne del tipo pronosticato da Igor Panarin, riusciranno ad opporre resistenza, ed hanno molto frecce al loro arco se non per bloccare, quanto meno per rallentare la transizione al mondo multipolare: ricordiamo, tra i principali, il poderoso strumento militare (che spesso fa cilecca, ma per capacità di proiezione globale non ha pari), la “egemonia del dollaro” (Henry Liu), la centralità nel sistema finanziario, l’influenza culturale. Già il secolo scorso la supremazia delle talassocrazie anglosassoni fu sfidata, prima dal Reich tedesco e poi dall’Unione Sovietica, e sappiamo bene tutti come andò a finire. Meglio non vendere la pelle dell’orso (o le penne dell’aquila, se vogliamo esser più precisi nell’allegoria zoologica) prima d’averlo ucciso. Certo però che questi USA d’inizio XXI secolo paiono solo la copia sbiadita della superpotenza del ventesimo: molta della loro grandezza deriva dall’eredità delle generazioni passate, e quando sono chiamati a difenderla non sembrano all’altezza del proprio rango senza pari.

E ora dall’inizio, tuffandoci un po’ nel passato. L’attacco al cuore della Terra, all’Heartland, che gli Stati Uniti hanno attuato su quattro direttrici (sovversione politica, espansione militare, risorse energetiche, supremazia nucleare): può sintetizzare?

La strategia statunitense, quanto meno dagli ultimi anni della Seconda Guerra Mondiale in poi (e forse anche da prima), è fortemente ispirata ai princìpi della geopolitica. L’Heartland (H. Mackinder) è una delle categorie basilari di questa disciplina: è la Terra-cuore, il centro del continente eurasiatico, storicamente impermeabile alla potenza marittima – quest’ultima incarnata prima dall’Impero britannico e poi dal “imperialismo informale” statunitense. L’Heartland è occupato dalla Russia, che rappresenta perciò stesso il principale ostacolo e minaccia potenziale all’egemonia della potenza talassocratica, ossia marittima, degli USA. Dalla fine della Guerra Fredda ad oggi, Washington e Mosca hanno più volte tentato approcci amichevoli, ma tutti sono finiti male. All’arrendevolezza di El’cin si rispose con lo smembramento della Jugoslavia, ed i Russi reagirono portando al Cremlino un certo Vladimir Putin. Le sue aperture dopo l’11 settembre sono state ripagate con la penetrazione statunitense in Asia Centrale, nel “cortile di casa” russo. Anche l’attuale recentissimo idillio tra Obama e Medvedev durerà poco. Nessuno vuole sfociare nel determinismo, ma la geografia è un fattore importante nella vicenda umana, ed in questo caso la geografia condanna Russia e USA ad essere, almeno nello scenario attuale, quasi sempre nemici.

Dagli anni ’90 ad oggi gli Statunitensi, sulla scia di teorizzazioni come quelle di Zbigniew Brzezinski, lungi dall’allentare la morsa su Mosca hanno cercato di sfruttare il crollo dell’URSS per neutralizzare definitivamente la minaccia russa. Le “direttrici d’attacco”, come da lei sottolineato, sono state quattro:

a) la sovversione politica: tramite la CIA, enti pubblici o semi-pubblici come il National Endowment for Democracy o U.S. Aid, e finte ONG gli USA hanno orchestrato una serie di colpi di Stato in giro per l’ex area d’influenza moscovita, allo scopo d’insediare quanti più governi filo-atlantici e russofobi fosse possibile. I casi più celebri: Serbia, Georgia, Ucraìna, Kirghizistan. Ci hanno provato persino in Bielorussia e in Russia (leggi Kaspàrov), ma non è andata bene. I governanti locali si sono fatti furbi ed hanno iniziato a porre una serie di restrizioni alle attività d’organizzazioni straniere nei propri paesi. Gli ultimi eventi in Ucraìna e Kirghizistan fanno pensare che l’ondata di “rivoluzioni colorate” sia ormai in fase di risacca;

b) l’espansione militare: la NATO si potrebbe definire come l’alleanza che lega l’egemone statunitense ai paesi ad esso subordinati. Non è qualitativamente diversa dalla Lega Delio-Attica capeggiata da Atene, o dalle varie alleanze italiche di Roma. Un’alleanza non certo tra pari. Nata in funzione anti-sovietica, scioltasi l’URSS non solo non ha chiuso i battenti ma si è allargata verso est, fino ai confini della Russia. La nuova dottrina militare russa cita espressamente la NATO tra le minacce per il paese;

c) le risorse energetiche: una potente leva strategica per la Russia è costituita dalla sua centralità nel commercio energetico intra-eurasiatico. Gli USA hanno cercato di sminuirla facendo dell’Asia Centrale un competitore di Mosca, tramite gasdotti e oledotti alternativi che scavalcassero il territorio russo. L’impossibilità di costruire la condotta trans-afghana, il ridotto impatto del BTC ed il fallimento annunciato del Nabucco chiariscono che il progetto, almeno per ora, non ha avuto successo;

d) la supremazia nucleare: è un punto sovente ignorato dai commentatori occidentali. Si definisce “supremazia nucleare” la capacità d’uno Stato di vincere una guerra atomica senza subire danni eccessivi, ossia di sferrare un “primo colpo” (first strike) parando la successiva rappresaglia. Quando si dispone di migliaia di testate e missili nucleari, come gli USA, è facile annientare un rivale con una guerra atomica: il grosso problema è riuscire ad evitare d’essere annientati a propria volta se il nemico, come la Russia, ha a sua volta migliaia di armi nucleari con cui rispondere. Ecco dunque l’idea dello scudo ABM (anti-missili balistici), il sogno di Reagan riesumato da Bush e per niente accantonato da Obama. Resterà ancora a lungo una delle principali pietre della discordia tra Mosca e Washington. Infatti, il Cremlino non si beve la storia che lo scudo ABM sia rivolto contro l’Iràn e la Corea del Nord, e nel mio libro spiego dettagliatamente il perché.

Lei si sofferma sulla politica estera statunitense dell’ultimo decennio sviscerando le differenze tra idealisti e realisti alla Casa Bianca. Cosa ha cambiato l’arrivo di Barack Obama alla Casa Bianca?

Ha cambiato molto, ma probabilmente meno di quello che avrebbe potuto se non ci fosse stata la crisi finanziaria del 2008. Obama era portatore d’una geostrategia alternativa a quella neoconservatrice, meno fissata sul Vicino e Medio Oriente e più attenta agli equilibri globali nel loro complesso. Essa comprendeva anche una non dichiarata strategia anti-russa di tipo brzezinskiana. La stessa distensione con l’Iràn era ed è mirata soprattutto a rivolgere la potenza persiana contro Mosca in funzione di contenimento sul fianco meridionale.

Inutile dire che la crisi ha scompaginato i piani. Gli USA si sono ritrovati con l’acqua alla gola, ed Obama s’è accontentato di cercare di salvarne la supremazia mondiale. L’ideologismo di Bush è stato sostituito con un po’ di sana Realpolitik, e la minaccia ed uso della forza militare sono oggi stemperate dal ricorso alla diplomazia come via prediletta. Ma ciò non è sufficiente. Washington, capendo di non farcela più da sola, sta cercando di cooptare qualche grande potenza come stampella della propria egemonia. All’inizio Obama ha cercato di formare il famoso “G-2” con la Cina, ma ben presto la tensione ha preso a montare ed oggi Washington e Pechino si guardano in cagnesco come non succedeva da decenni. Così Obama ha messo nel mirino la Cina, ed ha pensato bene di corteggiare la Russia. Il “leviatano” talassocratico ed il “behemoth” tellurocratico si sono già trovati fianco a fianco contro una potenza del Rimland, ossia del margine continentale dell’Eurasia (mi riferisco alla Germania nel secolo scorso), ma non credo che ciò si ripeterà oggi. Gli USA superpotenza avrebbero potuto cooptare la Russia di El’cin e del primo Putin, ma si sono rivelati troppo avidi di potere ed hanno finito con l’allontanarla. Oggi sono ancora la potenza egemone, e perciò suscitano invidia ed ostilità, ma sono un egemone zoppo,  e dunque appoggiarlo non dà più gli stessi vantaggi d’un tempo. Allearsi con qualcuno che ti vorrebbe come stampella del suo potere traballante non è una prospettiva così allettante. Il Cremlino prenderà altre strade. Solo quando gli USA si saranno ridimensionati al rango di grande potenza inter pares, allora si potrà ridiscutere d’alleanze strategiche.

L’8 dicembre 1991 i presidenti di Russia, Ucraina e Bielorussia, riuniti a Brest, proclamarono la dissoluzione dell’Unione Sovietica, che Gorbačev fu costretto ad accettare suo malgrado. L’ex presidente russo Vladimir Putin, ora primo ministro, ha affermato che la dissoluzione dell’Urss è la stata la più grande catastrofe geopolitica del XX secolo. È d’accordo?

Il termine “catastrofe” sottintende un giudizio di valore, e dunque è soggettivo. Restando sul merito, è indubbio che il crollo dell’URSS, ossia della potenza terrestre dell’Heartland che conteneva la superpotenza marittima, è stato un evento epocale. E dal punto di vista dei Russi, non si può che considerare catastrofico. Ma non solo dal loro. Il crollo della diga sovietica – una diga criticabile e controversa fin quanto si vuole – ha aperto la strada al tentativo egemonico degli USA, col suo contorno di prevaricazione e guerre. Per gli Statunitensi la disgregazione dell’URSS è stata un successo, per i Polacchi una benedizione, per i Cubani, i Siriani o i Palestinesi una disgrazia.

Vladimir Putin è stato, tra luci ed ombre, il simbolo della ritorno della Russia sulla Grande Scacchiera. Lei scrive che la “Dottrina Putin” può essere interpretata come un realismo in salsa russa, fondato sull’accorta tessitura d’alleanze intra-continentali con la Cina, l’India, l’Iran, la Turchia e l’Europa Occidentale. Cioè?

Ho ripreso la definizione che cita da Tiberio Graziani, direttore della rivista “Eurasia”. In Russia, dopo la fine del comunismo sono emerse due visioni ideologiche: quella eurasiatica, che vede negli USA il nemico storico da combattere ad ogni costo, e quella occidentalista, che vede nell’Ovest il beniamino da emulare e compiacere ad ogni costo. La Dottrina Putin esula da questi schemi e si pone nel mezzo degli “opposti estremismi”. Putin ha adottato linguaggi e formalità cari agli occidentali, ed ha a lungo considerato prioritari i rapporti con l’Europa e gli USA. Ma non è mai stato arrendevole e rinunciatario, non ha mai rinunciato a difendere il ruolo della Russia nel mondo ed il suo “spazio vitale” nell’Heartland. Quando ha verificato che con Washington non c’erano spazi di dialogo, si è rivolto altrove. Le alleanze intra-continentali da lei citate servono a creare un “secondo anello di sicurezza” (il primo dovrebbe essere il “estero vicino”) attorno alla Russia. L’obiettivo finale è estromettere la talassocrazia, ossia gli USA, dall’intera massa continentale eurasiatica, per mettere definitivamente in sicurezza la Russia.

Secondo Parag Khanna i “tre imperi” del nuovo mondo multipolare sarebbero Usa, Cina e Unione Europea, mentre la Russia farebbe parte del “secondo mondo”. Lei non è d’accordo. Perché?

Perché la visione di Parag Khanna si fonda sostanzialmente su valutazioni di tipo economico e sulle sue simpatie personali. L’economia è importante ma non rivela tutto. Ad esempio, l’Unione Europea, si sa, è un gigante economico ma un nano politico. Non è neppure uno Stato, bensì un’accozzaglia di Stati nazionali che, come stanno dimostrando gli eventi attuali, in mezzo alla tempesta preferiscono pensare ognuno per sé. La Russia ha un ingente patrimonio geopolitico, in termini geografici, militari ed energetici, che può giocare efficacemente sulla grande scacchiera mondiale. Mosca è ancora al centro della politica internazionale, considerarla parte del “secondo mondo” è ingiustificato.

La Cina è e sarà comunque uno dei protagonisti di questo secolo e intorno al ruolo di Pechino si gioca ovviamente il futuro di Washington. Riprendo allora le sue parole: «Per gli Usa il contenimento della Cina dovrebbe avvenire attraverso due “cani da guardia” posti al suo fianco: l’India e il Giappone. Davvero Nuova Delhi e Tokio sono disposti a ricoprire il ruolo che Washington vorrebbe affibbiare loro, oppure preferiranno unirsi a Pechino per creare una “sfera di co-prosperità” asiatica?»

È un dilemma che non ha ancora trovato risposta. L’India sembrava più vicina alla Cina qualche anno fa, quando entrò nel gergo comune degli addetti ai lavori il termine “Cindia”. Al contrario, il Giappone che qualche anno fa pareva nemico irriducibile di Pechino oggi gli si sta riavvicinando. La situazione è fluida e difficile da decifrare, ma la sensazione è che Nuova Delhi e Tokio cercheranno la vincita sicura: aspetteranno di capire con certezza chi avrà la meglio tra Cina e USA, e solo allora punteranno tutto sul cavallo vincente.

Spostiamoci infine Oltreoceano, dove comunque i grandi attori sono sempre gli stessi. Nel libro scrive che Obama sembra deciso a recuperare l’influenza sul “cortile di casa”, e con qualsiasi mezzo. Russia e Cina, invece, offrono una sponda diplomatica alle nuove potenze emergenti come Brasile e Venezuela. I prossimi conflitti sono programmati?

Il Sudamerica è storicamente un’area molto pacifica. Ma ciò è dovuto anche alla sua storia di marginalità nel quadro geopolitico, ed all’egemonia a lungo incontrastata degli USA. Oggi questi due fattori stanno venendo meno. In Sudamerica sta emergendo una grande potenza mondiale – il Brasile – mentre il controllo degli USA sul “cortile di casa” è stato seriamente intaccato. Cina e Russia si fanno beffe della Dottrina Monroe, punto fermo della strategia statunitense da un paio di secoli. Washington passerà all’azione, o meglio alla reazione, e non sappiamo ancora quali strumenti sceglierà.

Maggiore integrazione economica? L’ALCA è stato bocciato da quasi tutti i paesi sudamericani.

Legami militari? In Sudamerica la Russia ha superato gli USA nell’esportazione di armi.

Influenza culturale? I sentimenti anti-statunitensi, tradizionalmente radicati nell’area, appaiono al massimo storico, ed il risveglio della comunità indigena porta ad una riscoperta del proprio retaggio più arcaico, piuttosto che all’adozione della way of life nordamericana.

Colpi di Stato? In Venezuela ci hanno provato ma fu un fallimento; un pesce molto più piccolo come l’Honduras è caduto nella rete, ma si ritrova quasi completamente isolato nella regione.

Guerre per procura? I paesi sudamericani sono molto restî a scendere in guerra tra loro, se non altro perché sono tutti instabili al loro interno e temono gravi contraccolpi domestici. Attorno alla Colombia la tensione sta montando, e molto decideranno le imminenti elezioni presidenziali. Santos ricorda per certi versi Saakašvili: è una testa calda, con lui tutto sarebbe possibile. Mockus, al contrario, cercherebbe la distensione coi vicini ed allenterebbe i legami con gli USA. In ogni caso, per Bogotà sarebbe una mossa come minimo azzardata andare in guerra coi vicini, quando non controlla neppure il proprio territorio nazionale.

Guerre in prima persona? Sono da escludersi almeno finché le truppe nordamericane rimangono impantanate in Iràq e Afghanistan. Anche dopo aver evacuato i due paesi mediorientali, l’esperienza inciderà negativamente sulla propensione alla guerra nei prossimi anni. Certo, non sono eventi traumatici come il Vietnam – avendovi preso parte soldati professionisti e non cittadini coscritti – ma il paese è comunque demoralizzato e le casse vuote. Inoltre i paesi sudamericani si stanno integrando: attaccarne uno significherebbe rovinare i rapporti con tutti.

Per tali ragioni, ritengo che nei prossimi anni Washington si limiterà a sovvenzionare e “pompare” a livello mediatico i propri campioni in loco: lo sta già facendo in Brasile, anche se difficilmente il Partito dei Lavoratori di Lula sarà scalzato dal potere. In qualche “repubblica delle banane” centroamericana potranno pure organizzare dei golpe, ma l’arma tradizionale dell’influenza nordamericana sui vicini meridionali appare sempre più spuntata.

La perdita dell’egemonia sul continente americano rappresenterà una svolta epocale per gli USA e la geopolitica mondiale. Gli Stati Uniti d’America, potenza continentale, hanno potuto inventarsi potenza marittima contando sull’isolamento conferito dall’assenza di nemici sulla terraferma: dal Novecento hanno perciò potuto proiettarsi con sicurezza sugli oceani e al di là degli stessi. Con l’emergere di forti rivali nelle Americhe, gli USA perderebbero uno dei loro storici vantaggi strategici: smetterebbero di essere “un’isola” geopolitica e ritornerebbero una potenza continentale.

Quali sono questi “rivali” che gli USA potranno trovare nel continente? Facile rispondere il Brasile, su tutti, che ha dimensioni e demografia adatte a sfidare la supremazia di Washington nell’emisfero occidentale. Facilissimo citare il “blocco bolivariano”, paesi che presi singolarmente sono deboli, ma che se dovessero riuscire ad unirsi, resi più forti dalla veemenza ideologica, creerebbero non pochi problemi ai gringos, come li chiamano loro. E non scordiamoci il Messico. Il Messico è una nazione molto grande, direttamente confinante con gli USA, e coltiva – anche se silenziosamente – storiche rivendicazioni territoriali sul sud degli Stati Uniti. La sua economia è in forte crescita: fra pochi anni sarà considerata una grande potenza, almeno in quest’ambito. Fatica a tenere sotto controllo la parte settentrionale del paese, ma è quella meno popolata e più povera. In compenso ha un’arma atipica. Samuel Huntington, poco prima di morire, lanciò un avvertimento ai propri connazionali: di guardarsi dall’enorme aumento numerico dei Latinos – per lo più messicani – negli USA. I Latinos sono concentrati in pochi Stati: California, Texas, Arizona, New Mexico ed anche Florida (qui si tratta di cubani e portoricani). Giungono in massa e tendono a conservare la propria lingua, la propria religione ed il proprio modo di vivere. Hanno già acquisito un ingente peso elettorale, ma in massima parte non sono integrati nella società statunitense. Nel Sud, i cartelli criminali del narcotraffico hanno costituito veri e propri “Stati nello Stato”, che spadroneggiano nei quartieri latini, sanno autofinanziarsi illecitamente tramite il traffico di droga e la prostituzione, hanno veri e propri eserciti armati fino ai denti. Un soggetto ideale per condurre una guerra asimmetrica, se se ne creassero le condizioni. Questi cartelli del narcotraffico hanno eguale potere al di là del confine, nel settentrione del Messico, e forti collusioni con le autorità di Città del Messico. Non è un caso che negli USA da alcuni anni stiano cercando d’arginare l’immigrazione e d’integrare i Latinos nella società, mentre in Messico non fanno nulla per dissuadere i propri cittadini dall’espatriare nelle terre che gli Statunitensi rubarono al Messico centocinquant’anni fa. La situazione è esplosiva, e qualche analista – come George Friedman – se n’è accorto.

 

22/05/2010

mardi, 08 juin 2010

Iberoamerica y Europa

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES

Amerique-Latine_Ar.jpgIberoamérica y Europa: Tensiones y acuerdos

 

Alberto Buela

           

 

         La metapolítica como saber pluridisciplinario, nos permite tanto, una aproximación adecuada a las grandes categorías que condicionan la acción política de los gobiernos del orbe, como el acceso al conocimiento de las razones profundas que explican esas acciones.

         El asunto que vamos a tratar, aun sabiendo que Europa et Occidente convertuntur, cuál sea la relación entre Iberoamérica y Europa, mucho tiene que ver con nuestra posición filosófica ante el hombre, el mundo y sus problemas. En una palabra, según sea la concepción del ser del ente - nominalista, idealista, realista -así será, en definitiva, la explicación de esta relación.

         Si nosotros sostuviéramos junto con Ludwig Wittgenstein que "el significado de una palabra(concepto) está dado por su uso" no tendría razón de ser nuestro esfuerzo intelectual porque el problema no existe.

         Por el contrario, si pensamos con Heidegger, Zubiri o nuestro Wagner de Reyna que " el significado de una palabra (concepto) está dado por su sentido prístino u originario" la relación entre Iberoamérica y Europa es un asunto a resolver.

         Existen al menos dos visiones de Europa: La actual y la histórico-onto-teológica.

         a) La actual nace con la modernidad, donde  se destacan tres marcadas etapas. La primera que va desde el final del siglo XV hasta finales del siglo XVIII. Para señalarla con hitos significativos podríamos hacerlo diciendo que va desde el descubrimiento de América(1492) hasta la revolución francesa(1789).

La segunda etapa abarca desde finales del siglo XVIII hasta la primera década del siglo XX. O sea, desde la mencionada revolución francesa hasta la Primera Guerra Mundial(1914). Finalmente la tercera etapa se inicia con la Primera Guerra y llega hasta nuestros días.

         En la primera etapa el hombre aun no se da cuenta que se ha producido un cambio sustancial en las relaciones interpersonales. Ya no es más la Iglesia católica, la monarquía y la cristiandad su marco de referencia sino que comienza a referenciarse en otras pautas. La Reforma protestante(1516) no sólo cuestionó el poder de la Iglesia sino que quebró la relación armónica entre revelación, conocimiento y tradición, para exaltar la validez del conocimiento racional en sí mismo y dejar, el dato revelado, a la libre interpretación de cada uno, desligándolo de toda tradición interpretativa anterior. En cuanto a la Cristiandad quedó partida en los múltiples  Estados-Nación que conforman la Europa moderna.

         La monarquía, revolución francesa mediante, va a ser cuestionada en la segunda etapa de la modernidad, aquella que puede caracterizarse como la etapa revolucionaria. Se producen las revoluciones políticas y las revoluciones técnico-industriales. Aparecen las repúblicas junto con las máquinas a vapor, y los movimientos de masas junto con las zonas industriales.

         Finalmente en la tercera etapa se produce la universalización de la modernidad. La técnica en su simbiosis con la ciencia se transforma en tecnología, la que a su vez deviene la ideología incuestionada de nuestros días. Los pueblos son transformados, sobretodo a través de la tecnología massmediática, en público consumidor. Los estados nacionales son superados en poder por algunas megaempresas transnacionales. Hoy asistimos a la homogeneización del mundo, donde el dinero electrónico, el dinero casino, es cincuenta veces mayor que el dinero comercial. Donde los grandes relatos de la modernidad como a) la idea de progreso, b)la democracia como forma de vida, c)la subjetivización de los valores d)el espíritu de lucro y e) y la manipulación de la naturaleza por la técnica, quebraron, perdieron validez, no tanto por la mayor o menor crítica aguda que se les hiciera, sino por las consecuencias contradictorias a que llegaron sus principios cuando se plasmaron en los hechos. Hoy Europa está mal, no por "no proseguir el proyecto de la modernidad" como sostiene Habermas y la Escuela de Frankfurt sino porque los principios sustentados por la modernidad (Reforma, Ilustración y Revolución),llevados hasta sus últimas consecuencias, son contradictorios con la naturaleza humana y el orden entitativo de las cosas. 

 

b) En cuanto a la visión histórico-onto-teológica de Europa algunos de sus rasgos más significtivos son:

1)el indo-europeo como substrato lingüístico fundamental irrecusable.

2) la noción de ser aportada por la filosofía griega, que como se ha podido afirmar con justeza "el problema del ser, en el sentido ¿ Qué es el ser? es el menos natural de todos los problemas...  aquel que las tradiciones no occidentales jamás presintieron ni barruntaron "(Cfr.Le probleme de l`etre, Pierre Aubenque, Paris, 1977,p.13).

3) la concepción del ser humano como persona vinculada a la propiedad privada como espacio de expresión de la voluntad libre son el núcleo de una antropología que nos ha llegado directamente del Imperio Romano a través de su concepción jurídica.

4) El Dios trascendente, uno y trino, personal y redentor en donde la fe sin obras nada vale, como el aporte más propio del cristianismo católico.

5) La instrumentación de la razón humana como poder científico y tecnológico sobre el mundo y la naturaleza que ha dado hasta el presente la primacía a Occidente sobre Oriente.

         Vemos pues, como una concepción lingüística, una de ser, una de Dios, una del hombre, de las cosas que lo rodean y de su poder para transformarlas es lo que conformó la base común histórico-onto-teológica de Europa.

        

c) Conclusión

        

          Viene entonces la pregunta ¿y Nuestra América qué tiene de común y qué de diferente respecto de estas dos Europas?. Con la Europa premoderna, (visión histórico-onto. teológica) de común, casi todo, con la moderna casi nada.

         Nuestra conciencia, nuestro mundo de valores, nuestro genius loci (suelo y paisaje), nuestra representación comunitaria, todo ello es premoderno. Pero nuestra representación política en una veintena de republiquetas bananeras es moderna. Es mala copia de la democracia parlamentaria franco-norteamericana que hicieron nuestros Ilustrados. Y esta es la gran contradicción que venimos soportando desde hace casi doscientos años. Somos entitativamente una cosa pero la representamos falsamente. Somos sustancialmente premodernos, nos relacionamos con el medio y nos organizamos familiar y comunitariamente como premodernos, pero nos representamos políticamente como modernos. Vivimos así, una contradicción no resuelta. Nuestros contratos los cumplimos de "otra manera", para desazón y perplejidad de europeos y norteamericanos, porque tenemos otro tiempo. No es el time is money sino "sólo tardanza de lo que está por venir" como dice Martín Fierro. Nuestro tiempo es un madurar con las cosas. Eso, que tanto ellos como nuestra intelligentsia local han caracterizado como indolencia nativa o gaucha.

         Claro está hoy ya no existen los arquetipos que han definido a nuestros pueblos, ya no está el gaucho, ni el llanero, ni el huaso, ni el charro ni el jíbaro, ni el borinqueño, ni el montubio, etc. etc.

         Hoy también nosotros tendemos, casi todos, al homo consumans, al hombre light, el hombre homogeneizado del supermercado, el hombre desarraigado, el hombre urbano para quien el campo es aquel lugar horrible donde los pollos caminan crudos. Pero si bien es indubitable la desaparición del criollo bajo la forma del gaucho, el llanero, el charro, el huaso, el jíbaro, el montubio o el borinqueño, ello no nos permite afirmar la desaparición de los valores que alentaron a este tipo de hombre. En una palabra, que desaparezca la forma, en tanto que apariencia, no nos autoriza a colegir que murió su contenido, esto es, "el alma gaucha". Muy por el contrario, lo que se tiene que intentar es plasmar bajo nuevas apariencias o empaques los valores que sustentaron a este arquetipo de hombre, como son: a) el sentido de la libertad. b)el valor de la palabra empeñada. c)el sentido de jerarquía y d) la preferencia de sí mismo. Estos son los principios fundamentales del "alma hispanoamericana". Renunciar a cualquiera de ellos es renunciar a nosotros mismos. Es suicidarnos.

         Se ha dicho con acierto que Nuestra América es una cultura en busca de una política y esa política la tenemos que inventar pues si no inventamos morimos como Simón Rodríguez le enseñara a Bolivar.

         Tenemos que crear una nueva representatividad política y un nuevo espacio político bioceánico, autocentrado y confederado en el cono sur de América. Las cifras son terribles, tenemos en Iberoamérica 290 millones de hombres debajo de la línea de pobreza y el ALCA se nos viene encima en el 2005 para imponernos el dios monoteísta del libre mercado de Alaska a Tierra del Fuego. Los datos son escalofriantes si el Mercosur se asociara al ALCA, según el Instituto Brasileño de Economía, crecería apenas 0,68%, mientras que si la asociación fuera con la Unión Europea el producto bruto de nuestro mercado crecería en un 67%. Pues nuestras economías son complementarias con las europeas y competimos con la norteamericana. Desde siempre se ha dicho que para la acción eficaz se necesitan tres cosas: hombres, medios y acontecimientos. Los acontecimientos nos son favorables según las cifras que vimos, los medios los tenemos, todo estriba entonces en la voluntad política de nuestros hombres públicos en llevar a cabo este puente beneficioso con la Europa para establecer, al menos un impedimento, un katejón en común, que mejor resista la embestida de la potencia talasocrática mundial.

 

 

Prognosis sobre Europa

 

Hablar de Europa sin ser europeo es un raro privilegio pues en general sobre el tema solo escriben ellos.

Sucede en este dominio como en la filosofía, el monopolio es casi exclusivamente europeo con alguna excepción norteamericana, el resto sólo llegamos a la categoría menor de pensadores o ensayistas.

 

La cuestión es saber que significa el Viejo Continente para nosotros los suramericanos hoy, para terminar con una breve prognosis acerca de Europa.

 

En primer lugar Europa se nos presenta como una cierta unidad, la Comunidad europea, la moneda común, nos están indicando la idea de un cierto bloque o conjunto de países que han decidido hacer cosas en conjunto.

 

En este sentido en Suramérica somos siempre arkagueutas (eternos comenzantes, como decía Platón de sí mismo) no hemos podido crear ninguna institución que nos unifique que durara más de una generación, aun cuando desde nuestras guerras por la independencia (circa 1800) nuestros próceres- Bolivar, San Martín- las propusieran por todos los medios a su alcance.

 

Europa representa hoy la culminación del Estado de bienestar. Así el confort, la seguridad, cierta justicia y el goce de la vida forman parte de lo que los massmedia se encargan de mostrar a diario. Claro, que la contrapartida de ellos son los miles de inmigrantes ilegales que desde Africa, Asia y América  la asaltan por los cuatro costados.

 

Vemos también la americanización de Europa, de que nos hablo el pensador Guillaume Faye pero al mismo tiempo tenemos una cierta esperanza que el Viejo Continente colabore en la desnorteamericanización  de Suramérica. Para nosotros el peso de yanquilandia es abrumador, y ello nos viene justificado por la Doctrina Monroe de 1823, un año antes de la batalla de Ayacucho la última de nuestra aparente independencia.

 

Europa para nosotros, a pesar de quinientos años de tira y afloje, tiene algo de común, es algo de lo que formamos parte. Ni  tan español ni tan indio afirmaba Bolivar para definirse a sí mismo y con ello a todos los iberoamericanos. Y en el español involucraba a todos los europeos.

Qué interesante relación existe entre Europa y Nuestra América. Ni una ni la otra fueron las mismas luego del descubrimiento-encuentro de 1492. Así ante la nueva idea de orbe Europa comenzó a verse  como parte del mundo y no ya como “todo el mundo”, en tanto que América pudo mostrarse a la totalidad del mundo. Sin embargo Europa no perdió su centralidad y siguió por cuatrocientos años llevando la batuta del mundo hasta que luego de la Primera Guerra Mundial lo cedió a la parte norte de América. Y así desde hace casi cien años son los Estados Unidos los que se reservan y ejercen el derecho a la conducción del mundo.

 

Pero los Estados Unidos no son otra cosa que la Europa limitada a la razón calculadora y a la técnica. Ellos son un producto exclusivo de la modernidad, nosotros, en todo caso, de la tardomodernidad. No son otra cosa que europeos transterrados cuya expresión es el gigantismo. Salvo raras excepciones su gente está  desprovista de vida interior y se parecen a la criaturas de los juegos de video que ellos fabrican. Lo grave es que intentan exportar la vaciedad de su estilo de vida al mundo entero. Un gran pensador de ellos como Allan Bloom  dice:“La religión en USA es como un gran naranjal público en donde cada uno pasa y se sirve el fruto que más le agrada”

Ante esto, la vieja Europa calla y acepta, en tanto que Suramérica padece el más profundo de los extrañamientos por obra y gracia del dios monoteísta del libre mercado. Sobre 346 millones de habitantes hay 290 millones de pobres, producto de la política y la economía practicada por el Gran Hermano del Norte.

 

Qué podemos esperar de Europa, sería la tercera y última de las cuestiones.

 

Es sabido que la prognosis, que no la esperanza, es aquello que quedó encerrado en la Caja de Pandora , la mujer de Epimeteo,  cuando éste pudo al fin cerrarla. Y eso es lo que no nos está permitido a los mortales. No podemos conocer el futuro. Y es mejor que así sea. Pero de todas maneras siempre es bueno hacer algún ejercicio como para pergeñarlo.

 

Europa si sigue así, no sólo se va a extrañar en orden al tipo humano que rápidamente va a ser reemplazado- la inmigración africano-oriental es envolvente-  sino también en el orden cultural, se va a producir su alienación, a causa de la colonización de Europa por parte del mundo musulmán.Se va a transformar en otra cosa. Las consecuencias de este cambio sustancial son imprevisibles, sobretodo cuando no aparecen en el horizonte ninguno de los mecanismo de defensa bio-cultural que le permitan permanecer en su ser íntimo. La estulticia de los eurodirigentes ha llegado a colmo de plantearse, si Turquía debe formar parte de la Comunidad Europea.  Pareciera que su índole estuviera atacada mortalmente. En ese sentido conviene recordar a Martín Heidegger, último gran filósofo europeo, cuando afirmó: Sólo un Dios puede salvarnos.  

 

Pero Europa puede cambiar y retornar a aquella vieja idea de Charles de Gaulle quien en una conferencia de prensa el 29 de marzo de 1949 afirmó: “Sostengo que hay que hacer la Europa a partir de un acuerdo entre franceses y alemanes. Una vez la Europa hecha sobre estas bases incorporar a Rusia”. La misma idea pero a través de una metáfora fue expuesta, cuarenta años después,  por Juan Pablo II cuando al recibir al presidente ruso Gorbachov, sostuvo: “No olvide Ud. que Europa para vivir en plenitud necesita de los dos pulmones”(la Europa oriental y la occidental).

 

El pensamiento de estos dos grandes hombres públicos europeos, que vienen a representar la quintaesencia del pensamiento europeo en la materia, no solo por quienes lo expresan- el Papa y el Gral.de Gaulle, sino por la perdurabilidad e invariación del mismo por más de medio siglo, nos está indicando sin ambages que Europa para constituirse en un polo de poder alternativo al Anglo-Americano debe constituir un gran espacio europeo, que incluya indubitablemente a Rusia. Ese triángulo estaría dado por la unión de París- Moscú –Berlín. Ello  se puede completar con un irregular cuadrilátero suplementario cuyos vértices serían Berlín, Teherán, Nueva Delhi, Moscú y construir así un verdadero espacio euroasiático, idea sostenida en nuestro días por el pensador ruso Alexander Dougin.

 

 

Europa en este momento está en tensión, por un lado ya constituyó el eje París-Berlín que se opuso a la guerra de Iraq y el presidente Putin de Rusia habla de integrarse a “la casa Europa”, pero por otro lado tenemos, a Inglaterra, que ni siquiera se sumó al uso de la moneda común, a la que siguen como alumnos aplicados España, Italia, Holanda y Polonia sumándose a la estrategia de la potencia mundial talasocrática y entrando en una guerra que no les pertenece.

 

En cuanto al debate político-cultural también Europa está tensionada. Por un lado aquellos que como el ex presidente de Francia Giscard d´Estaing pretenden imponer una constitución no-cristiana a la Comunidad Europea de Naciones y así poder incorporar a Turquía sin objeciones y por otro, aquellos que pretenden una definición onto-histórico-teológica del Viejo Continente.

 

El despeje de estas tensiones y sus diferentes  modos de resolución afectaran la vida de Iberoamérica en el siglo que comienza.

 

Para terminar vayan dos ideas circunscriptas exclusivamente a Suramérica. Somos un espacio bioceánico de 18 millones de kilómetros cuadrados- el doble que los Estados Unidos- y  poblado por 326 millones de habitantes, que poseemos el 30 % de las reservas de agua dulce del planeta(Amazonia-Hielos continentales). Nosotros limitamos estratégicamente al naciente no con el océano Atlántico, como se nos enseña,  sino con Africa y al poniente con Asia. Como el Pacífico va a ser el “océano político” del siglo XXI, que los espumadores de mares, al decir de Carl Schmitt, van a controlar con uñas y dientes, porque por ahí va a pasar el cúmulo de sus transacciones. Nuestro espacio de maniobra allí va a ser nulo, por lo tanto debemos volcarnos al Atlántico, en donde podemos establecer una alianza con naciones emergentes de Africa como Nigeria o Sudáfrica y naciones culturalmente afines como Angola, Mozambique, Guinea Ecuatorial o Camerún, entre otras. Y tender un puente a Europa, que nos permita navegar y experimentar el Atlántico como un Mare Nostrum suramericano. Ello nos daría además una proyección sobre la Antártida de gran peso propio.

vendredi, 04 juin 2010

Le pentecôtisme, bras armé de l'impérialisme américain en Afrique subsaharienne?

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Le pentecôtisme, bras armé de l'impérialisme américain en Afrique subsaharienne ?

Le pentecôtisme, courant de l’évangélisme issu des États-Unis et connu pour ses manifestations liturgiques de masse très démonstratives, mais également ses méthodes fortement matérialistes, connaît un fort développement en Afrique Noire, comme dans le reste du monde.

Associé à l’image de Simone Gbagbo ou à une certaine extrême droite américaine (proche de l’ancien président George W. Bush), il est souvent vu comme un instrument de l’impérialisme US, chargé de propager à coup de prosélytisme leurs valeurs et leur vision du monde. Cependant, sur le terrain, le pentecôtisme africain obéit à des dynamiques un peu plus complexes que cette vue manichéenne ne pourrait le laisser penser.

Une implantation centenaire

Le pentecôtisme naît au début du XXe siècle aux États-Unis (en 1901 dans une église blanche du Kansas et en 1906 dans une église noire de Los Angeles) et au Royaume-Uni, d’une dissidence au sein d’églises réformées. Son dogme est fondé sur une interprétation littérale de la Bible, mais ce qui le différencie des autres mouvements protestants est l’importance accordée au « baptême par le Saint-Esprit », manifesté par les charismes (ou dons de Dieu aux croyants) et le lien direct et intime entre Dieu et le croyant.

Très vite, des missionnaires pentecôtistes arrivent en Afrique anglophone, par le biais de la colonisation britannique, notamment en Afrique du Sud, au Liberia et au Burkina Faso. Ceci est facilité par la création, dès 1914, des Assemblées de Dieu, fédération de communautés pentecôtistes américaines, disposant d’une puissante branche missionnaire qui fait de l’Afrique de l’Ouest son terrain privilégié d’évangélisation. Des Assemblées équivalentes apparaissent en Europe de l’Ouest et du Nord au milieu du XXe et vont envoyer des missions en Afrique Centrale. Ceci va résulter en la création d’églises nationales africaines autonomes, qui elles mêmes vont évangéliser les pays voisins. En parallèle, vont apparaître des églises totalement indépendantes et de taille très variable, comptant parfois quelques fidèles autour d’un pasteur.

Après une période d’ « institutionnalisation », un renouveau pentecôtiste est perceptible dès les années 1970, suivant celui observé en Amérique du Sud, d’abord marqué au sein des pays anglophones (Nigeria, Ghana) puis francophones (les deux Congo). Enfin, plus récemment, et avec moins de succès, le pentecôtisme tente de pénétrer les pays musulmans comme le Sénégal et le Maghreb.

Aujourd’hui répandu à travers tout le continent, principalement dans les zones urbaines, il n’est cependant majoritaire nulle part, et sa répartition reste très inégale. Malgré la difficulté à obtenir des chiffres, de par la disparité même du mouvement, sa porosité avec les autres croyances évangéliques et protestantes et l’absence d’autorité centrale, certains estiment qu’il y a plus de 100 millions de pentecôtistes en Afrique Noire. Le Nigeria étant, derrière le Brésil, la Corée du Sud et les États-Unis, le pays comptant le plus d’adeptes. Au niveau mondial, il s’agit de la branche de la chrétienté connaissant aujourd’hui la plus forte croissance (prosélytisme oblige), et en serait, derrière le catholicisme, la seconde plus grande dénomination.

Une certaine adéquation au moule anglo-saxon

Dans nombre de ses caractéristiques, le pentecôtisme promeut des valeurs en rupture avec la tradition africaine et compatibles avec la vision anglo-saxonne du monde.

L’image la plus connue est celle de manifestations de masse dans des mega-churches ou des stades remplis de fidèles en transe, galvanisés par un prêcheur « télévangéliste », qui pratique en direct des guérisons miraculeuses, véritables batailles contre le Malin. De vrais «shows à l’américaine » dans lesquels la « machine narrative » tourne à plein. Ces « délivrances », extrêmement spectaculaires et violentes, consistent à extraire du corps du pauvre sujet les forces diaboliques, sources de tous ses problèmes. La puissance de conviction de tels actes fait que de plus en plus d’églises pentecôtistes, même initialement réticentes, l’intègrent à leurs rituels… Il ne s’agit là qu’un des exemples de la forte dimension « marketing » du mouvement, par ailleurs passé maître dans l’utilisation des médias, marqué également par des dérives mercantiles de la part de nombreux pasteurs, plus hommes d’affaires qu’hommes de Dieu, qui confondent le denier du culte et leur compte en banque, qui roulent en 4x4, portent des montres en or et collectionnent les costumes sur mesure.

Plus fondamentalement, le pentecôtisme (ou du moins une grande partie des églises s’en réclamant) promeut la réussite financière et matérielle et l’initiative personnelle. C’est ce que l’on appelle la « théologie de la prospérité » teintée de libéralisme et issue, sans surprise, des États-Unis. La situation favorable d’un individu y est vue comme résultant des grâces divines, ce qui rencontre à la fois un écho favorable auprès des populations pauvres aspirant à une vie meilleure et des plus riches, qui y trouvent là une justification bien pratique de l’ordre social établi, voire de l’augmentation des inégalités. En poussant plus loin, cela justifie également l’enrichissement personnel du pasteur que nous évoquions il y a quelques lignes. Certains en concluent que le pentecôtisme est un « supermarché de la foi ».

Elisabeth Dorie-Aprill et Robert Ziavoula, dans leur article « La diffusion de la culture évangélique en Afrique Centrale », citent ainsi un pasteur aux accents néo-wébériens :

  • Dieu ne parle que de vous enrichir, c’est ce qu’il a dit à Abraham : “enrichissez-vous!” Mais comment on peut s’enrichir en restant comme ça là ? (…) Quand vous lisez la Bible de A à Z ce n’est que l’idée de la construction.[...] D’ailleurs les pays anglo-saxons qui sont protestants, ils ont mis l’accent sur le travail.

Cette promotion des valeurs entrepreneuriales est finalement très en accord avec les messages que des institutions comme la Banque Mondiale ou le FMI peuvent véhiculer. D’ailleurs, les Assemblées de Dieu font directement référence, dans leurs brochures, à la mauvaise santé économique de l’Afrique, dont les causes sont bien connues :

  • guerres fratricides…, mauvaise gestion de certains dirigeants…, aspects négatifs du colonialisme et du marxisme, dette extérieure toujours croissante à cause des importations de produits manufacturés, agriculture souvent rudimentaire.

Au niveau social et sociétal, en promouvant un lien intime entre Dieu et le croyant, le pentecôtisme met en avant l’individualisation et l’individualisme au détriment des traditions locales. Sont introduites de nouvelles logiques de solidarités entre les individus, détachées descontraintes familiales et de la communauté existante. La famille, quant à elle, est resserrée à son acception nucléaire. En ce sens, le pentecôtisme (finalement comme toute religion prosélyte) implique une acculturation du croyant qui rejoint ses rangs, en l’enjoignant de rompre avec le passé pour conjurer les maux qui le rongent.

Une montée en puissance politique

Jusqu’à très récemment, les églises pentecôtistes africaines ne se souciaient pas de politique. Cependant, souvent par intérêt (pour convertir, moraliser ou pour assouvir une ambition personnelle du pasteur), cet état de fait a changé dès les années 1990. Ainsi le pentecôtisme s’est rapproché des cercles du pouvoir. L’exemple de la Côte d’Ivoire est particulièrement parlant. Il a longuement été commenté dans la presse francophone, notamment pour l’impact supposé que les conseillers religieux du couple présidentiel auraient eu dans la relation avec la France.

La conclusion du dernier discours sur l’état de la nation de l’ancien président béninois, Mathieu Kérékou, en décembre 2005, est particulièrement éloquente :

  • En ce moment crucial où la tendance est aux invectives, aux provocations, aux  appels à peinvoilés à la violence, j’exhorte tous nos compatriotes a plus de retenue, car ceux qui pactisent avec le diable ne seront sûrement pas capables d’éteindre le feu de la haine qu’ils auront inconsciemment allumé. Quant à mon Gouvernement, les générations montantes et futures retiendront que la mission est accomplie et bien accomplie. C’est sur ces mots de foi et d’espérance en l’avenir radieux pour notre cher et beau pays, le Bénin, que je termine mon message sur l’état de la Nation devant la Représentation Nationale. Que Dieu bénisse le Peuple béninois et ses Dirigeants !

L’action dans le champ politique se fait, comme l’explique Cédric Mayrargue (Les dynamiques paradoxales du pentecôtisme en Afrique subsaharienne), à la fois :

  • par le haut : conversion des élites (à titre d’exemple, Thomas Yayi Boni, successeur de Kérékou, est un pentecôtiste converti d’origine musulmane), fidèles nommés à des postes clés, postes de conseillers pour les pasteurs, etc;
  •  par le bas : ouverture d’écoles, de cliniques, de centres sociaux, création d’ONG, autant de nouveaux outils de prosélytisme.

Cet investissement, sans surprise, permet de peser sur les politiques publiques. Cédric Mayrargue donne l’exemple de l’abandon de la campagne « Abstain, Be Faithful, Use Condoms » en Ouganda grâce à l’appui de l’épouse « born again » du président, Janet Museveni. On peut également citer la stigmatisation des « non-chrétiens » et des « nordistes » en Côte d’Ivoire. Ou la participation de l’ancien président de Zambie, Frederick Chiluba, à des « croisades » et conventions pentecôtistes.

Des influences extérieures

La diffusion des valeurs pentecôtistes, au-delà de la période initiale décrite plus haut, est accompagnée de l’extérieur. Ainsi les Assemblées de Dieu américaines, ainsi que d’autres, fournissent des moyens financiers à certaines églises locales. De même, elles alimentent les pasteurs en matériel : brochures, vidéos…Les best-sellers des télévangélistes américains sont disponibles dans toutes les « bonnes » librairies, tout comme des programmes TV made in USA tournent en boucle sur certaines chaînes de télévision. Certains prêcheurs américains, tels des stars du rock, effectuent de véritables tournées en Afrique, remplissant les stades et écoulant leurs produits dérivés.

Les Assemblées de Dieu comptent, comme d’autres institutions évangéliques et pentecôtistes, aujourd’hui encore plusieurs centaines de missionnaires qui font en permanence le tour du monde dans le but d’apporter la bonne parole. De même, les églises anglo-saxonnes ont mis sur pied de nombreuses ONG à vocation humanitaire, comme Samaritan’s Purse, qui travaillent sur le terrain africain avec les pentecôtistes locaux.

Origine américaine, promotion de valeurs anglo-saxonnes, intégration du politique, investissement du champ social, soutiens extérieurs, évangélisme offensif, prosélytisme auprès de populations musulmanes (et parfois conflits interconfessionnels ouverts, comme au Nigéria) : il n’en faut pas plus pour que surgisse le spectre d’infiltration à des fins géopolitiques. Et cela va plus loin qu’une simple « américanisation » de la chrétienté africaine.

Il faut dire que les évangélistes américains, associés aux néo-conservateurs, promeuvent un christianisme radical, ultraconservateur et très offensif allant de pair avec une vision simpliste du « bien » et du « mal », et n’ont pas hésité à parler de « croisade » dans le cadre de la guerre d’Irak. Il convient également de rajouter que, notamment en Afrique du Sud, le pentecôtisme a frayé avec l’extrême-droite, qui a alimenté son fond théologique (voir Paul Gifford, The Complex Provenance of Some Elements of African Pentecostal Theology). Et si l’on inclut les Églises sionistes (présentes en Afrique du Sud depuis la fin du XIXème) à l’équation, on a de quoi alimenter le feu conspirationniste pendant des décennies.

D’autant que certaines rumeurs concernant des opérations montées par les services secrets américains vont bon train. Même s’il est avéré que des initiatives de recensement d’églises dans plusieurs pays africains sont lancées et financées depuis les États-Unis, il n’y a cependant pas, comme pour l’Amérique du Sud, de théories très structurées relatives à l’appui direct de sectes évangéliques visant à contrer des influences néfastes, communistes ou autres. On se souvient que, dans les années 1980, Ronald Reagan avait très peur de l’infiltration marxiste et de la théologie de la libération au sein de l’Eglise catholique en Amérique Latine. Et donc, naturellement, Washington voyait d’un bon œil le développement de concurrents moins rouges. Cependant, comme le montrent David Stoll (Is Latin America Turning Protestant? The Politics of Evangelical Growth) et David Martin (Tongues of Fire: The Explosion of Protestantism in Latin America), il n’y a pas eu de soutien direct de la part des États-Unis.

Nous allons le voir, il faut relativiser l’influence nord-américaine dans la propagation du pentecôtisme africain, largement marqué par des dynamiques propres au Continent Noir.

Le pentecôtisme autochtone, entre culture populaire et mondialisation

Nous l’avons déjà évoqué, il y a en Afrique un nombre incalculable d’églises pentecôtistes. Certaines rassemblant des millions de fidèles, d’autres quelques uns à peine. Certaines sont issues des missions occidentales, mais de plus en plus sont celles qui ont éclos de façon locale. Certaines existent depuis près de cent ans, d’autres apparaissent et disparaissent en un clin d’œil. Et dans leur immense majorité, elles sont indépendantes, à la fois les unes des autres, mais également de leurs homologues nord-américaines, brésiliennes ou européennes, même si des liens (surtout moraux et confessionnels) peuvent exister. L’absence d’autorité centrale renforce la mobilité théologique des différents mouvements.

La mobilité concerne également l’allégeance des fidèles. La fragilité de la plupart des églises, l’absence d’exclusivisme (contrairement à d’autres sectes) et la porosité entre les mouvements y sont pour beaucoup. De même que la très forte concurrence qui existe en Afrique subsaharienne : le paysage religieux y est marqué par une extrême complexité, entre le catholicisme, les nombreuses sectes protestantes (évangéliques ou non), l’islam et les cultes locaux toujours actifs, sans oublier les syncrétismes occidentalo-africains, comme le kimbanguisme au Congo, qui compte entre 3 et 4 millions de fidèles. Cette double mobilité est un sérieux frein à toute tentative de mainmise extérieure globale. Le développement actuel du pentecôtisme en Afrique est dû, plus qu’aux influences extérieures, au terreau propice (difficultés économiques, aspiration au développement) et à l’établissement de ce que l’on peut appeler une culture populaire. Où quand l’expérience et la pratique passent avant le fond théologique.

Comme le souligne Cédric Mayrargue, les églises pentecôtistes les plus dynamiques aujourd’hui sont autochtones et sont menées par des pasteurs locaux, comme la Redeemed Christian Church of God (dont le pasteur, Enoch Adejare Adeboye, a été nommé homme le plus puissant d’Afrique par Newsweek) ou la Deeper Life Bible Church nigérianes, le Christian Action Faith Ministries ou l’International Central Gospel Church ghanéens, la Family of God zimbabwéenne. Ces églises ont su traverser les frontières et se doter d’une ambition universelle, drainant chaque semaine des milliers de fidèles lors de « croisades » dans des stades ou sur des places publiques.

Leur présence dépasse aujourd’hui les frontières africaines. La Church of Pentecost ghanéenne est ainsi implantée au Royaume-Uni, en France, aux États-Unis, en Ukraine et en Inde. Les flux ne sont plus simplement dirigés dans le sens Nord-Sud mais s’orientent désormais selon un axe Sud-Sud et même Sud-Nord, notamment grâce aux diasporas. Cela ne concerne pas uniquement les transferts d’argent, mais aussi et surtout le fond théologique : l’Afrique participe activement à la production idéologique et théologique du pentecôtisme. Où le Continent Noir n’est plus seulement importateur mais aussi exportateur d’influence, une marque de plus de son intégration à la mondialisation actuelle.

JGP

Alliance géostratégique

mercredi, 02 juin 2010

Aux sources de la crise du Golfe

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Article paru dans « Nationalisme et République », 1991.

Aux sources de la crise du Golfe: la volonté britannique d'exercer un contrôle absolu du Proche-Orient

 

par Robert Steuckers

 

La crise du Golfe a fait couler beaucoup de sang irakien mais aussi beaucoup d'encre. Très souvent inutilement. Inutilement parce presque personne, exceptés quelques très rares spécialistes, n'a cru bon d'interroger les textes anciens, de recourir aux sources de la pensée géopolitique. La géopolitique, comme on commence à le savoir dans l'espace linguistique francophone, est l'art d'examiner et de prophétiser les événements historiques à la lumière de la géographie. Cette démarche a eu des précurseurs allemands (Ratzel et Haushofer que l'on vient de traduire en France chez Fayard; Dix, Maull, Obst, Oesterheld qui demeurent toujours d'illustres inconnus dans nos milieux diplomatiques et intellectuels), suédois (Kjellen) et britanniques (Mackinder, Lea). Pour ce qui concerne les rapports entre l'Europe et le Proche-Orient, c'est le Suédois Kjellen qui, en 1916, en pleine guerre, a émis les théories les plus fines, qui gardent toute leur pertinence aujourd'hui et qui, malheureusement, ne sont plus guère lues et méditées dans nos chancelleries. S'appuyant sur les thèses de Dix, Kjellen, dans son petit ouvrage concis de 1916 (Die politischen Probleme des Weltkrieges; = les problèmes politiques de la guerre mondiale), rappelle que l'Angleterre poursuivait au début du siècle deux objectifs majeurs, visant à souder ses possessions éparpillées en Afrique et en Asie. Albion souhaitait d'abord dominer sans discontinuité l'espace sis entre Le Caire et Le Cap. Pour cela, elle avait éliminé avec la rigueur que l'on sait les deux petites républiques boers libres et massacrés les mahdistes soudanais. L'un de ses buts de guerre, en 1914, était de s'emparer du Tanganyka allemand (la future Tanzanie) par les forces belges du Congo interposées: ce qui fut fait. Le Général belge Tombeur expulse les vaillantes troupes d'askaris allemands de von Lettow-Vorbeck l'Invaincu vers le Mozambique, mais l'Angleterre acquiert le Tanganyka en 1918, laissant à la Belgique le Ruanda et la Burundi, deux bandes territoriales de l'ouest de la colonie allemande. A cette politique impérialiste africaine, l'Angleterre voulait ajouter une domination sans discontinuité territoriale du Caire à Calcutta, ce qui impliquait de prendre sous sa tutelle les provinces arabes de l'Empire ottoman (Palestine, Jordanie, Irak, Bassorah) et de mettre la Perse à genoux, afin qu'elle lui cède le Kouzistan arabe et le Baloutchistan, voisin du Pakistan. Pour parfaire ce projet grandiose, l'Angleterre devait contrôler seule tous les moyens de communication: elle s'était ainsi opposée à la réalisation d'un chemin de fer Berlin-Bagdad, financé non seulement par l'Allemagne de Guillaume II mais aussi par la France et la Suisse; elle s'était opposée aussi  —et les Français l'oublient trop souvent depuis 1918—  à la présence française en Egypte et au contrôle français des actions du Canal de Suez. En 1875, l'Angleterre achète massivement des actions, éliminant les actionnaires français; en 1882, ses troupes débarquent en Egypte. L'Egypte était aussi vitale pour l'Angleterre d'il y a 80 ans qu'elle l'est aujourd'hui pour Bush. Lors du Traité de paix avec la Turquie, l'Angleterre confine la France en Syrie et au Liban, l'expulsant de Mossoul, zone pétrolifère, qui pourtant lui avait été attribuée.

 

L'histoire du chemin de fer Berlin-Bagdad est très instructive. En 1896, les ingénieurs allemands et turcs avaient déjà atteint Konya en Anatolie. L'étape suivante: le Golfe Persique. Ce projet de souder un espace économique étranger à la City londonienne et s'étendant de la Mer du Nord au Golfe contrariait le projet anglais de tracer une ligne de chemin de fer du Caire au Golfe, avant de la poursuivre, à travers la Perse, vers Calcutta. Albion met tout en œuvre pour torpiller cette première coopération euro-turco-arabe non colonialiste, où le respect de l'indépendance de tous est en vigueur. L'Angleterre veut que la ligne de chemin de fer germano-franco-helvético-turque s'arrête à Bassorah, ce qui lui ôte toute valeur puisqu'elle est ainsi privée d'ouverture sur le trafic transocéanique. La zone entre Bassorah et la côte, autrement dit le futur Koweit, acquiert ainsi son importance stratégique pour les Britanniques seuls et non pour les peuples de la région. Dès 1880 les Anglais avaient déjà joué les vassaux côtiers, accessoirement pirates et hostiles aux autochtones bédouins, contre la Turquie. Puisque le terminus du chemin de fer ne pouvait aboutir à Koweit, que les Anglais avait détaché de l'Empire Ottoman, les Turcs proposent de le faire aboutir à Kor Abdallah: les Anglais prétendent que cette zone appartient au Koweit (comme par hasard!). Deuxième proposition turque: faire aboutir la ligne à Mohammera en Perse: les Anglais font pression sur la Perse. Les prolégomènes à l'entêtement de Bush...! Le 21 mars 1911, Allemands et Turcs proposent l'internationalisation de la zone sise entre Bassorah et Koweit, avec une participation de 40% pour la Turquie, de 20% pour la France, 20% pour l'Allemagne, 20% pour l'Angleterre. Proposition on ne peut plus équitable. L'Angleterre la refuse, voulant rester absolument seule entre Bassorah et la côte.

 

Ce blocage irrationnel  —malgré sa puissance, l'Angleterre était incapable de réaliser le projet de dominer tout l'espace entre Le Caire et Le Cap—  a conduit à la fraternité d'armes germano-turque pendant la Grande Guerre. A la dispersion territoriale tous azimuts de l'Empire britannique, Allemands, Austro-Hongrois, Bulgares et Turcs proposent un axe diagonal Elbe-Euphrate, Anvers-Koweit, reliant les ports atlantiques de la Mer du Nord, bloqués par la Home Fleet pendant les hostilités, à l'Insulinde (Indonésie) néerlandaise. Cet espace devait être organisé selon des critères nouveaux, englobant et dépassant ceux de l'Etat national fermé, né sous la double impulsion de 1789 et de la pensée de Fichte. Ces critères nouveaux respectaient les identités culturelles mais fédéraient leurs énergies auparavant éparses pour bâtir des systèmes politiques nouveaux, répondant aux logiques expansives du temps.

 

Les buts de guerre de l'Angleterre ont donc été de fragmenter à l'extrême le tracé de cette diagonale partant des rives de la Mer du Nord pour aboutir au Golfe Persique voire à l'Insulinde néerlandaise. L'alliance entre la France et l'Angleterre s'explique parce que la France n'avait pas de politique pouvant porter ombrage à Londres dans l'Océan Indien. L'alliance, plus étonnante, entre la Russie tsariste et l'Angleterre vient du fait que la Russie avait, elle, intérêt à couper la diagonale Elbe-Euphrate à hauteur du Bosphore et des Dardannelles. C'est ce qui explique la tentative désespérée de Churchill de lancer des troupes contre Gallipoli, avant que les Russes ne s'y présentent. Avec les Russes à Constantinople, la diagonale germano-turque était certes brisée, mais la Russie aurait été présente en Serbie et en Grèce, puis en Crète et à Chypre, ce qui aurait menacé la ligne de communication transméditerranéenne, partant de Gibraltar pour aboutir à Suez en passant par Malte. La révolution bolchévique est venue à temps pour éliminer la Russie de la course. L'entrée en guerre de la Roumanie et la balkanisation de l'Europe centrale et orientale procèdent de la même logique: fragmenter la diagonale.

 

Revenons à l'actualité. La disparition du rideau de fer et l'ouverture prochaine de la navigation fluviale entre Rotterdam et la Mer Noire par le creusement d'un canal entre le Main et le Danube reconstitue le tracé de la diagonale de 1914, du moins jusqu'à Andrinople (Edirne en turc). Les volontés de balkanisation de l'Europe, imposées à Versailles et à Yalta sont réduites à néant. L'intervention des Etats-Unis au Koweit, nous l'avons déjà dit, avait pour objectif premier de restaurer le statu quo et de remettre en selle la famille Al-Sabah qui investit toutes les plus-values de son pétrole dans les circuits bancaires anglais et américains, évitant de la sorte l'effondrement total des économies anglo-saxonnes, basées sur le gaspillage, le vagabondage financier et secouées par l'aventurisme thatchéro-reaganien. Mais les Etats-Unis, héritiers de la politique thalassocratique anglaise, ont en même temps des objectifs à plus long terme. Des objectifs qui obéissent à la même logique de fragmentation de la diagonale Mer du Nord/Golfe Persique.

 

Les stratèges de Washington se sont dit: «si l'Europe est reconstituée dans son axe central Rhin-Main-Danube, elle aura très bientôt la possibilité de reprendre pied en Turquie, où la présence américaine s'avèrera de moins en moins nécessaire vu la déliquescence du bloc soviétique et les troubles qui secouent le Caucase; si l'Europe reprend pied en Turquie, elle reprendra pied en Mésopotamie. Elle organisera l'Irak laïque et bénéficiera de son pétrole. Si l'Irak s'empare du Koweit et le garde, c'est l'Europe qui finira par en tirer profit. La diagonale sera reconstituée non plus seulement de Rotterdam à Edirne mais d'Edirne à Koweit-City. La Turquie, avec l'appui européen, redeviendra avec l'Irak, pôle arabe, la gardienne du bon ordre au Proche-Orient. Les Etats-Unis, en phase de récession, seront exclus de cette synergie, qui débordera rapidement en URSS, surtout en Ukraine, pays capable de revenir, avec un petit coup de pouce, un grenier à blé européen auto-suffisant (adieu les achats de blé aux USA!), puis aux Indes, en Indonésie (un marché de 120 millions d'âmes!), en Australie et en Nouvelle-Zélande. Un grand mouvement d'unification eurasien verrait le jour, faisant du même coup déchoir les Etats-Unis au rang d'une puissance subalterne qui ne ferait plus que décliner. Les Etats-Unis ne seraient plus un pôle d'attraction pour les cerveaux du monde et on risquerait bien de voir s'effectuer une migration en sens inverse: les Asiatiques d'Amérique retourneraient au Japon ou en Chine; les Euro-Américains s'en iraient faire carrière en Allemagne ou en Italie du Nord ou en Suède. Comment éviter cela? En reprenant à notre compte la vieille stratégie britannique de fragmentation de la diagonale!».

 

En effet, les troubles en Yougoslavie ne surviennent-ils pas au bon moment? Rupture de la diagonale à hauteur de Belgrade sur le Danube. Le maître-atout des Etats-Unis dans ce jeu est la Turquie. Le verrou turc bloque tout aujourd'hui. N'oublions pas que c'est dans le cadre de l'OTAN que le Général Evren renverse la démocratie au début de la décennie 80 et que ce putsch permet, après une solide épuration du personnel politique turc, de hisser Özal au pouvoir. Un pouvoir qui n'est démocratique qu'en son vernis. Özal proclame qu'il est «européen» et qu'il veut adhérer à la CEE, malgré les impossibilités pratiques d'une telle adhésion. Les porte-paroles d'Özal en Europe de l'Ouest, notamment en RFA, affirment que la Turquie moderne renonce à tout projet «ottoman», c'est-à-dire à tout projet de réorganisation de l'espace proche-oriental, de concert avec les autres peuples de la région. Pire: Özal coupe les cours du Tigre et de l'Euphrate par un jeu de barrages gigantesques, destinés, dit-on à Ankara, à verdir les plateaux anatoliens. Mais le résultat immédiat de ces constructions ubuesques est de couper l'eau aux Syriens et aux Irakiens et d'assécher la Mésopotamie, rendant la restauration de la diagonale Elbe-Euphrate inutile ou, au moins, extrêmement problématique.

 

L'Europe n'a donc pas intérêt à ce que la guerre civile yougoslave s'étende; elle n'a pas intérêt à ce qu'Özal reste au pouvoir. Les alliés turcs de l'Europe sont ceux qui veulent, avec elle, reconstituer l'axe Berlin-Constantinople-Bagdad et ceux qui refusent l'assèchement et la ruine de la Mésopotamie (déjà les Anglais avaient négligé de reconstituer les canaux d'irrigation). Ensuite, l'Europe doit dialoguer avec un régime européophile à Bagdad et soutenir le développement de l'agriculture irakienne. Ensuite, l'Europe a intérêt à ce que la paix se rétablisse entre la Syrie et l'Irak. Après l'effondrement de l'armée de Saddam Hussein et le déclenchement d'une guerre civile en Irak, elle doit mobiliser tous ses efforts pour éviter la balkanisation de l'espace irakien et l'assèchement de la Mésopotamie. Celui qui tient la Mésopotamie tient à moyen ou long terme l'Océan Indien et en chasse les Américains: un principe géostratégique à méditer. Si l'Europe avait soutenu l'Irak, elle aurait eu une fenêtre sur l'Océan Indien. En resserrant ses liens avec l'Afrique du Sud et avec l'Inde non alignée, elle aurait pu contrôler cet «océan du milieu» et souder l'Eurasie en un bloc cohérant, libéré des mirages du libéralisme délétère.

 

Souder l'Eurasie passe 1) par la reconstitution de la diagonale Mer du Nord/Golfe Persique; 2) par la création d'un transsibérien gros porteur, à écartement large et à grande vitesse, reliant Vladivostock à Hambourg via un système de ferries à travers la Baltique, entre Kiel et Klaipeda en Lituanie (autre point chaud; un hasard?); 3) par une liaison ferroviaire de même type reliant Novosibirsk à Téhéran et Téhéran à Bagdad; 4) par une exploitation japonaise des voies maritimes Tokyo/Singapour, Singapour/Bombay, Bombay/Koweit, cette dernière en coopération avec l'Europe; 5) par une liaison maritime Koweit/Le Cap, exploitée par un consortium euro-turco-irakien. Le rôle de la France dans ce projet: 1) protéger la façade maritime atlantique de l'Europe, en revalorisant sa marine; 2) participer, à hauteur des Comores et de la Réunion, à l'exploitation de la ligne maritime Koweit/Le Cap; 3) jouer de tous les atouts dont elle dispose en Afrique francophone.

 

Un tel projet permet à chaque peuple de la masse continentale eurasiatique de jouer dans ce scénario futuriste un rôle bien déterminé et valorisant, tout en conservant son indépendance culturelle et économique. C'est parce que ce projet était tou d'un coup réalisable que les forces cosmopolites au service de l'Amérique ont mis tout en œuvre pour le torpiller. Peine perdue. Ce qui est inscrit dans la géographie demeure. Et finira par se réaliser. Il suffit de prendre conscience de quelques idées simples. Qui se résument en un mot: diagonale. Diagonale Rotterdam/Koweit. Diagonale Hambourg/Vladivostock. Diagonale Novosibirsk/Téhéran.

 

Robert STEUCKERS.  

 

mardi, 01 juin 2010

Les idées géopolitiques affichées par Jirinovski

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 Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1994

 

 

Les idées géopolitiques affichées par Jirinovski

 

L'irruption de Jirinovski sur la scène politique russe, son score électoral im­pressionnant, obtenu lors du scrutin du 12 décembre 1993, ses foucades hau­tes en couleur commises à tour de bras, ses liens avec le Dr. Gerhard Frey, chef de la DVU nationaliste allemande, sont autant d'énigmes, de nouveau­tés qui n'ont pas manqué d'étonner, d'irriter, d'agacer.

 

Qui est Jirinovski? Un nationaliste russe authentique ou un provocateur à la solde des adversaires de toute forme de nationalisme? Un militant natio­naliste courageux qui fait du tapage pour attirer l'attention des médias friands de scandales? Ou un énergumène qui cherche à couvrir le nationa­lisme russe de ridicule? Ces questions, tous se les sont posées: les nationa­lis­tes, russes et allemands, les observateurs neutres et les libéraux occiden­taux, hostiles et inquiets face à la montée des nationalismes dans le monde ex-communiste. L'objet de notre article n'est pas d'entrer dans cette polémique. Mais d'analyser les conceptions géopolitiques que Jirinovski a énoncé au cours de ces derniers mois, notamment dans une revue non partisane, de haute tenue scientifique: Limes, Rivista italiana di geopolitica  (n°1/1994; adresse: via di Ripetta 142, I-00.186 Roma).

 

Limes  est une revue de géopolitique, proche, à certains égards, de sa con­sœur française Hérodote,  mais sans les relents germanophobes, à la limite de l'hystérie, qu'on y perçoit et qui ne sont pas sans rappeler les délires de Maurras et de toute l'extrême-droite parisienne. Le numéro qu'Hérodote  a consacré à la «Question allemande» (n°68) est très éloquent à ce sujet: l'ex­trême-gauche, qui croit que l'Allemagne est encore «fasciste» (!), et l'extrê­me-droite germanophobe y trouvent de quoi alimenter leurs fantasmes que les uns et les autres croient différents mais qui, en pratique, débouchent sur le même irréalisme. Depuis la réunification allemande, la France n'est plus le centre de cette demie-Europe occidentale, qu'est la CEE, et ce changement de donne trouble la quiétude des observateurs parisiens, qui ont aussitôt voulu revenir à la vieille stratégie de l'encerclement de l'Allemagne, no­tamment en appuyant les Serbes (cf. Hérodote  n°67, «La Question serbe»).

 

La presse flamande, notamment Trends,  sous la dynamique impulsion de Frans Crols, a tiré la sonnette d'alarme: Paris semble désormais raisonner comme suit: la RFA a pu absorber la RDA, en compensation, la France doit pouvoir absorber la Belgique ou au moins la Wallonie, voire attirer l'en­semble du Bénélux dans son orbite, comme semble le démontrer le projet inutile de TGV reliant les trois capitales, Amsterdam-Bruxelles-Paris. Nous n'avons nulle envie de nous retrouver dans un Hexagone élargi, ou d'être la cerise bénéluxienne coiffant le babaorum jacobin, ni de croupir sous un régime archaïque, vétuste, inefficace de facture centralisatrice et jacobine, ni de servir d'ersatz aux tirailleurs sénégalais dans une armée qui envoie ses soldats dans tous les coins perdus d'Afrique ou sur les confettis d'empire dans l'Atlantique ou le Pacifique. Notre destin, nous ne le concevons qu'en Euro­pe et cette chimère qu'est la francophonie nous laisse de glace. Si nous a­vons incontestablement des atomes crochus avec les Lorrains ou les Pi­cards, nous en avons d'aussi crochus avec les Néerlandais ou les Rhénans. Et, par­ce que nous ne sommes pas omniscients, comme Dieu ou comme cette hy­pothétique homme parfait, «universel», que veulent fabriquer les sans-culottes, à coups de baïonnettes, et les intellectuels parisiens, à coups de syllo­gismes boîteux ou d'invectives hystériques, nous ne comprenons pas grand'chose aux subtilités du folklore des populations “francophones” du Togo ou du Congo-Brazza, et le fait que les Kanaks de Nouvelle-Calédonie veulent recouvrir une forme d'indépendance ne nous apparaît pas forcé­ment incongru.

 

Les tentatives annexionnistes de Paris nous obligent à trouver des alliés pour faire pièce à ce projet qui réduirait nos identités en bouillie, que nous soyons Flamands ou Wallons. Mais, à l'heure actuelle, Paris n'a que des ad­versaires de pacotille. Parce que plus personne ne raisonne en termes de géopolitique ou ne perçoit l'enjeu continental du projet d'absorption de la Belgique entière ou de la Wallonie seule. La réponse à l'offensive idéologi­que et géopolitique du jacobinisme doit reposer sur plusieurs principes. Les voici:

- Le principe «impérial», impliquant l'auto-centrage des régions et la subsi­diarité, qui rapproche les gouvernants des gouvernés (selon les modèles ouest-allemand et helvétique).

- L'ancrage économique national ou régional contre les OPA et les transferts de parts. C'est la contre-attaque que suggèrent en Flandre Frans Crols, Hans Brockmans et le Davidsfonds (cf. Vlaanderen, een Franse kolonie?,  Lou­vain, 1993).

- La défense absolue de l'espace qui fut jadis celui du «Saint-Empire»: aucu­ne terre ayant appartenu à ce Saint-Empire ne peut être cédée à un Etat ex­térieur, surtout si sa structure administrative repose sur des principes dia­métralement opposés à ceux de la “subsidiarité”, et toutes les terres ayant ap­partenu à ce Saint-Empire doivent au moins acquérir à court ou moyen ter­me leur autonomie régionale, selon ce même principe de subsidiarité énon­cé dans l'article 3b du Traité de Maastricht. En ce sens, nous saluons le tra­vail des Ligues lombardes, piémontaises et vénétiennes qui ont su réclamer l'autonomie voire la sécession, contre une République qui tirait ses princi­pes de gouvernement d'un républicanisme archaïque et aberrant, de mou­ture française, et calquait ses pratiques sur les réseaux mafieux. Jacobinisme et mafia ont donné la preuve qu'elles étaient les deux facettes d'une même médaille, criminalité politique et criminalité de droit commun fusionnant en règle générale dans ce type de système en Italie ou en France (l'assassinat de Yann Piat étant un exemple récent et fort éloquent). Les Etats héritiers du Saint-Empire sont aujourd'hui: la Belgique, l'Allemagne, l'Autriche, la Suisse, la Slovénie, la République Tchèque et, en tant qu'associée étroite, la Hongrie. Dans tous ces Etats, les lois régissant les minorités doivent être les mêmes qu'en Belgique et en Allemagne (Germanophones d'Eupen et de Saint-Vith, Danois du Slesvig, Sorabes de Lusace), parce que les principes, que les Allemands et nous-mêmes appliquons, correspondent à la lettre et à l'esprit des accords de la CSCE. Tous ceux qui ne s'y conforment pas, après les avoir signés, sont en tort. 

- L'espace impérial, seul espace libre d'Europe, doit avoir accès à la Méditer­ranée, au moins dans la zone adriatique (Istrie).

- Cet espace ne peut survivre et s'épanouir que s'il y a un accord avec la Russie, comme du temps des accords de Tauroggen avec la Prusse ou du temps des “consultations réciproques” entre Berlin et Saint-Pétersbourg (Bismarck).

 

Maintenant que le communisme a cessé de sévir, cette nécessité d'aplanir nos différends avec la Russie, de concert avec tous les pays qui sont les héri­tiers partiels du Saint-Empire ou de l'Empire austro-hongrois,  nous amène à étudier le «cas Jirinovski» ou, du moins, les propositions de réaménage­ment géopolitique qu'il suggère pour notre continent. Si ces propositions n'avaient été formulées que dans des feuilles extrémistes ou si elle n'éma­naient pas d'un homme qui a fait 25% aux élections et conserve toutes ses chances de devenir le Président de la Russie, nous ne les aurions pas rele­vées. Mais si Limes  les reproduit à Rome, nous devons leur accorder toute notre attention.

 

Répondant aux questions du journaliste suédois Rolf Gauffin, Jirinovski rappelle son option “eurasienne” et les critiques qu'il formule à l'égard de Gorbatchev. Ses critiques ne sont pas les mêmes que celles du camp natio­nal-patriotique, qui reproche à l'initiateur de la perestroïka d'avoir lâché les glacis est-européens et centre-asiatiques de l'Empire russe et d'avoir amorcé un processus de réformes qui ne pouvaient conduire qu'à l'anarchie. Jiri­novski admet qu'il fallait entamer des réformes mais qu'il fallait y aller plus graduellement et avec l'aide des structures existantes, un peu à la façon de Deng en Chine.

 

Ensuite, deuxième point de divergence entre Jirinovski et les nationaux-pa­triotes: ces derniers entendent ramener tous les territoires de l'ancienne URSS dans le giron de Moscou. Jirinovski adopte une position médiane. Dans le Caucase et en Asie centrale, dit-il, les guerres civiles font rage et elles sont interminables, basées sur des clivages ethno-religieux auxquels les Rus­ses ne comprennent pas grand'chose. La Russie ne peut s'offrir le luxe de dépenser des milliards pour rétablir l'ordre dans ces régions qui sont sous la coupe de mafias puissantes et dont l'économie est défaillante.

 

Jirinovski suggère le partage suivant: la Russie ne reprend que la région de Tiflis (Géorgie), la Turquie annexe le reste de la Géorgie et l'Arménie, l'Iran peut prendre l'Azerbaïdjan, ce qui est surprenant car, avec son pétrole, la République azérie était en boni dans l'ex-URSS. En Asie centrale, selon Jiri­novski, le Turkestan doit revenir à la Russie, l'Afghanistan peut prendre le Tadjikistan et la partie de l'Ouzbekistan peuplé de Tadjiks iranophones (in­do-européens). Le reste de cet Ouzbekistan revient à la Russie. Le Turkme­nistan revient soit à l'Iran soit à la Russie, après négociations. Le Kirghizi­stan, lui, revient entièrement à la Russie.

 

En Europe, la Russie de Jirinovski entend reprendre les Pays Baltes, sauf l'Ouest de l'Estonie et la région lithuanienne de Kaunas/Vilnius. Raisons invoquées par Jirinovski: la présence de fortes minorités russes dans cette région, et la nécessité d'avoir une «fenêtre» donnant sur la Mer Baltique. La Prusse orientale reviendrait à l'Allemagne.  Jirinovski ne revendique pas la Finlande.

Notre réponse: nous tenons aux Pays Baltes, nous souhaitons, comme l'a­vaient d'ailleurs souhaité bon nombre de tsars, que l'identité et les langues de ces pays soient préservées, nous souhaitons le développement d'un «marché baltique» ou «hanséatique», où participeraient Scandinaves, Fin­landais, Allemands et Polonais. Ce marché ne serait pas hostile à la Russie, mais ne pourrait fonctionner que si les Pays Baltes bénéficient d'une large autonomie ou s'ils sont indépendants. En droit, évidemment, il me semble difficile de nier à 100% le bien fondé des revendications russes, puisque la région a été gouvernée par les Tsars pendant longtemps. Mais les «gouver­nements» baltes de l'ère tsariste, que Jirinovski imagine pouvoir restaurer, doivent au moins retrouver le statut spécial qu'ils avaient avant 1892, et qui respectait leur identité baltique composite, leurs langues régionales et avait l'allemand comme langue universitaire à Dorpat jusqu'à la fin du 19°siècle. La présence russe n'a été que militaire dans cette région. Culturellement, l'espace des Pays Baltes est un espace de transition entre les grandes cultures européennes, comme nos Pays-Bas le sont à l'Ouest entre la France, l'Alle­magne et l'Angleterre. C'est d'ailleurs pour défendre chez nous ce statut na­turel, dicté par la géographie et l'hydrographie des grands fleuves, que nous nous insurgeons contre les menées françaises d'aujourd'hui, contre les complots ourdis par un certain Jeantet, dit «Philippe de Saint-Robert» et contre les stratégies financières visant à nous asservir. Donc, les Pays Baltes doivent recouvrir leur identité, sous la «protection» militaire russe ou dans l'indépendance. Ils doivent être cette espace de transition, sans être fermé à l'Ouest balto-scandinave ou allemand ni à l'Est russo-sibérien.

 

Jirinovski propose de redonner à l'Allemagne et à la Pologne leurs frontiè­res de 1937. La Pologne bénéficierait d'un corridor jusqu'à la Baltique. Elle rendrait à l'Allemagne la Poméranie, la Silésie et la Prusse orientale mazu­rienne. En compensation, elle recevrait la région actuellement ukrainienne de Lemberg (Lvov/Lviv), qui lui appartenait avant 1939 et qui est peuplée d'«Uniates», obéissant à Rome et au Primat de Pologne, tout en conservant un rite proche de celui des Orthodoxes. Cette proposition de Jirinovski reste dans le cadre du droit et vise à “normaliser” les relations avec l'Allemagne et la Pologne. Dans ce cas, la Russie n'aurait plus aucun contentieux avec l'Allemagne et pourrait amorcer une politique germanophile, ou agir en tandem avec l'Allemagne, dans le cas où celle-ci recevrait un siège au con­seil de sécurité de l'ONU.

 

Jirinovski envisage un partage de la Tchécoslovaquie, où la République tchèque rejoindrait le giron allemand et la Slovaquie irait à la Russie. Si la Bohème (qui correspond au territoire de la République tchèque) a effective­ment été une composante majeure du Saint-Empire, la Slovaquie, elle, n'a jamais été dans l'orbite des Tsars. Cette république carpathique, au contraire, relevait de l'Empire austro-hongrois des Habsbourg.

 

Pour la Yougoslavie, Jirinovski souhaite le départ de toutes les troupes é­trangères, de façon à ce que les peuples concernés puissent résoudre seuls leurs problèmes. Il reconnaît l'indépendance de la Slovénie et son apparte­nance à la «sphère du Saint-Empire». Chose plus importante: le trio Autri­che-Allemagne-Slovénie doit avoir un accès à l'Adriatique, de façon à deve­nir une puissance méditeranéenne et à contribuer au rétablissement de l'ordre dans cette zone perturbée. Le tandem germano-autrichien revien­drait ainsi en Méditérranée, d'où il avait été chassé deux fois: d'abord par Napoléon, qui avait inventé les «départements illyriens» pour couper la route de l'Adriatique à l'Autriche qu'il avait vaincue; ensuite, par Clémen­ceau, qui avait donné à la Serbie et à l'Italie toute la côte adriatique, pour chasser le principe impérial des rivages méditerranéens et faire triompher à l'Ouest l'aberration républicaine-jacobine, pour le plus grand bénéfice des thalassocraties britannique et américaine.

 

Ensuite, très curieusement, Jirinovski entend réduire à néant certaines clau­ses des Traités de Versailles et du Trianon, annoncées anticipativement dans un livre de 1917, que l'on peut sans hésiter qualifier de prémonitoire, dû à la plume d'André Chéradame, Le Plan pangermaniste démasqué  (Plon, 1916). Cet ouvrage a servi à Versailles et au Trianon pour démanteler l'Autriche-Hongrie. Chéradame plaidait pour la destruction de la Hongrie et de la Bulgarie et pour la création d'une Grande Serbie (qui deviendra la Yougoslavie) et d'une Grande Roumanie. Jirinovski, lui, propose de rétablir la Bulgarie exactement dans les frontières que lui contestait Chéradame! Pour le géopoliticien français de la première guerre mondiale, la Bulgarie ne pouvait s'étendre ni en Thrace (en direction du Bosphore), ni avoir accès à la Méditerranée (port d'Alexandroupolis), ni récupérer la Macédoine. Ce Chéradame d'extrême-droite et antisémite préconisait donc une politique qui allait très curieusement dans le sens des intérêts britanniques et améri­cains, tout comme d'éminents braillards philosémites proposent aujour­d'hui la même politique pour contrer la «grosse Allemagne». Comme quoi, les discours ineptes de facture antisémite ou philosémite sont purement instrumentaux et servent à créer de faux sentiments, et à promouvoir des politiques irréalistes, contraires aux faits géographiques. Jirinovski souhaite que cette Bulgarie agrandie, pays qui est de tradition à la fois russophile et germanophile, puisse accéder à l'Egée, récupérer la Macédoine et avancer vers le Bosphore (en compensation, la Turquie recevrait l'Arménie et la Géorgie, moins Tiflis). Quant à la Hongrie, elle pourrait, selon Jirinovski re­prendre ses provinces transylvaniennes, voire la partie hungarophone de la Slovaquie. Les résultats de l'arbitrage de Vienne entre Ribbentrop, Ciano, Horthy et Antonescu seraient rétablis, en dépit de la longue parenthèse communiste. La Roumanie retrouverait ses frontières de 1917.

 

Enfin, comme le fondateur de la revue allemande de géopolitique, Karl Ernst Haushofer, dans son dernier article de 1943, repris très récemment par la revue Elementy  d'Alexandre Douguine (n°1, 1992), Jirinovski estime que les expansions politiques et/ou économiques doivent se déployer du Nord vers le Sud et non d'Ouest en Est ou d'Est en Ouest. L'hémisphère occiden­tal américain peut être dominé par les Etats-Unis, la France doit n'avoir qu'un destin africain et atlantique, la Russie doit s'allier avec l'Iran et l'Inde (Jirinovski met beaucoup d'espoir dans un axe Berlin/Moscou/New Dehli), le Japon doit travailler avec les Philippines et l'Indonésie, etc. En revanche, les Etats-Unis ne doivent pas tenter de transformer les océans Pacifique et Atlantique en lacs américains, la France doit cesser de vouloir dominer le Bénélux ou la Rhénanie, de semer la zizanie contre l'Allemagne, la Hongrie et la Bulgarie en Europe centrale, la Russie de vouloir dominer la plaine da­nubienne, le Brandebourg ou la Thuringe, le Japon de menacer Vladivo­stok. Si le monde entier adopte ces axes Nord-Sud, il vivra dans la paix et la prospérité.

 

Dans une optique «impériale» purement pragmatique et géopolitique, ces remaniements sont raisonnables et permettraient effectivement de forger un axe Berlin-Moscou de longue durée. Mais, même si Jirinovski parle de réaliser ce plan en l'espace de 20 ou 30 ans, plus exactement pour l'année 2017 (100 ans après la Révolution d'Octobre!) et selon les critères du droit (sans doute celui de la CSCE?) ou des rationalités économiques, nous ne trouvons, jusqu'ici, dans ses assertions, aucune référence tangible et précise à ce droit. Ensuite, son plan géopolitique ne fait jamais mention des struc­tu­res hydrographiques et des réseaux de canaux ou de chemin de fer (sujets sur lesquels Chéradame se montrait fort prolixe). En effet, le nouvel axe cen­tral de l'Europe, n'en déplaise aux archaïques qui font aujourd'hui la politi­que à Paris, c'est le tracé du Rhin, du Main et du Danube, ainsi que du petit canal qui les relie. C'est la raison pour laquelle nos bassins fluviaux, scal­dien, mosan et rhénan, ne peuvent nullement être coupés de leur hinter­land centre-européen, ni distraits de leur vocation continentale pour servir les desseins d'une politique parisienne purement mécanique, artificielle, schématique et géométrique, ne tenant pas compte des facteurs ethniques, historiques, naturels, géographiques et hydrographiques. Le projet de restau­rer une Grande Hongrie va dans le sens d'une consolidation de l'espace rhé­nan-danubien, mais qu'en serait-il en pratique si la Serbie et la Roumanie, territorialement mutilées, demeurent hostiles à cet ensemble et court-circui­tent le trafic danubien, reliant la Mer du Nord à la Mer Noire? Ensuite, quel rôle Jirinovski et les siens assignent-ils à la Turquie, dont ils ruinent les plans pantouraniens dans le Kazakstan? La condamnent-ils à rester l'alliée privilégiée des thalassocraties anglo-saxonnes ou lui offrent-ils un «destin mésopotamien» autonome, de concert avec l'Irak de Saddam Hussein? Et l'Iran, quel rôle jouera-t-il dans cette synergie? Sera-t-il allié de Moscou comme semble le suggérer l'ambassadeur d'Iran auprès du Vatican, Mo­hammad Machid Djameï, dans les colonnes du Teheran Times  (12 et 15 septembre 1993), en préconisant un rapprochement entre les deux religions les plus traditionnelles de l'Eurasie, l'orthodoxie slave et le chiisme iranien, contre un sunnisme intégriste saoudien, manipulé par Washington? Posi­tion qui est partagée par Djemal Haïdar, un Azéri qui anime dans la CEI un «Parti de la Renaissance islamique», réclamant une «désarabisation» de l'Is­lam sunnite en faveur de son «indo-européisation» (iranienne, azérie, af­ghane, tadjik et slave), ce qui conduira à une approche plus mystique et moins littérale du message coranique? Ces facteurs complémentaires méri­teraient d'être explicités par Jirinovski, de façon à ce que le monde puisse y voir plus clair.

 

Le plan de Jirinovski comporte encore beaucoup d'inconnues. Pour nous, le scepticisme reste donc de rigueur. Tout simplement parce que nous ne som­mes pas encore sûrs de la nature du rôle qu'il joue: dit-il tout haut, sur le mode du clown ou du fou du roi, ce que d'autres, plus influents ou bien pla­cés dans les arcanes du pouvoir, pensent tout bas? Jirinovski sert-il de test, de brise-glace? Annonce-t-il, comme d'aucuns le prétendent déjà, l'avène­ment de Routskoï, sorti de prison par la volonté du nouveau parlement? D'un Routskoï modéré, qui remplacerait un Eltsine usé, et batterait, pour calmer le monde, un Jirinovski maximaliste aux élections présidentielles, tout en infléchissant, doucement mais sûrement, la politique russe vers une optique germanophile et eurasiste? Un bouillonnement passionnant à sui­vre.

 

Robert Steuckers.

 

 

dimanche, 30 mai 2010

L'Europe face à la globalisation

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2004

Robert Steuckers:

L’Europe face à la globalisation

 

Conférence prononcée à la tribune de la

“Gesellschaft für Freie Publizistik”, avril 2004 (*)

 

unclesamIwantyoudeaed.jpgMon exposé d’aujourd’hui aura bien évidemment une dimension géopolitique, mais aussi une dimension géo-économique, car les grandes voies et les réseaux de communication, sur terre comme sur mer, et la portée des systèmes d’armement les plus modernes, jouent un rôle considérable dans la concurrence ac­tuelle qui oppose l’Europe aux Etats-Unis. L’ampleur de ces voies, de ces réseaux, etc. déterminent les catégories dans lesquelles il convient de penser: soit en termes de peuples, soit en termes d’Empire.

 

Si l’on parle des peuples, on doit savoir de quoi il retourne. A l’époque des soulèvements populaires au 19ième siècle, les peuples se sont dressés contre les empires multiethniques, qu’ils considéraient comme des “camisoles de force”. A partir de 1848, les Polonais et les Finnois en Russie, les Tchèques et les Ita­liens sur le territoire où s’exerçait la souveraineté de la monarchie impériale et royale austro-hongroi­se, les Slaves du Sud et les Grecs au sein de l’Empire ottoman, les Irlandais dans le Royaume-Uni, se sont rebellés ou ont développé un mouvement identitaire qui leur était propre. En France, les mouvements culturels bretons ou provençaux (les “félibriges”) se sont développés dans une perspective anti-centra­liste et anti-jacobine.

 

D’où vient cette révolte générale de type culturel? Elle provient, grosso modo, de la philosophie de l’his­toire de Johann Gottfried Herder, pour qui la langue, la littérature et la mémoire historique consti­tuent, chez chaque peuple, un faisceau de forces, que l’on peut considérer comme étant son identité en acte. L’identité est par conséquent spécifique au peuple, ce qui signifie que chaque peuple a le droit de posséder sa propre forme politique et de constituer un Etat selon sa spécificité, taillé à sa mesure et ré­visable à tout moment. L’avantage de cette perspective, c’est que chaque peuple peut déployer librement ses propres forces et ses propres caractéristiques. Mais cette perspective recèle également un danger: à l’intérieur d’une même communauté de peuples ou d’un espace civilisationnel, la balkanisation menace. Herder en était bien conscient: raison pour laquelle il avait tenté, sous le règne de la Tsarine Catherine II, d’esquisser une synthèse, notamment une forme politique, idéologique et philosophique nouvelle qui devait s’appliquer à l’espace intermédiaire situé entre la Russie et l’Allemagne. Herder rêvait de faire émerger une nouvelle Grèce de facture homérienne entre les Pays Baltes et la Crimée. Les éléments ger­maniques, baltes et slaves auraient tous concourru à un retour à la Grèce la plus ancienne et la plus hé­roïque, qui aurait été en même temps un retour aux sources les plus anciennes et les plus sublimes de l’Europe. Cette idée de Herder peut nous apparaître aujourd’hui bien éthérée et utopique. Mais de cette esquisse et de l’ensemble de l’œuvre de Herder, on peut retenir un élément fondamental pour notre épo­que : une synthèse en Europe n’est possible que si l’on remonte aux sources les plus anciennes, c’est-à-di­re aux premiers fondements de l’humanité européenne, au noyau de notre propre spécificité humaine, que l’on veillera à activer en permanence. Les archétypes sont en effet des moteurs, des forces mouvan­tes, qu’aucun progressisme ne peut éteindre car, alors, la culture se fige, devient un désert, tout de sé­cheresse et d’aridité.

 

La “nation” selon Herder

 

La nation, en tant que concept, était, pour Herder une unité plus ou moins homogène, une unité inalié­nable en tant que telle, faite d’un composé d’ethnicité, de langue, de littérature, d’histoire et de moeurs. Pour les révolutionnaires français, la nation, au contraire, n’était nullement un tel faisceau de faits ob­jectifs et tangibles, mais n’était que la population en armes, quelle que soit la langue que ces masses par­laient, ou, pour être plus précis, n’était jamais que le “demos” en armes, ou encore le “tiers état” mo­bilisé pour étendre à l’infini l’espace de la république universaliste. Tilo Meyer nous a donné une excellen­te définition de la nation. D’après lui, l’ethnos, soit le peuple selon la définition de Herder, ne peut pas être mis purement et simplement à la disposition du démos. Ne sont démocratiques et populaires, au bon sens du terme, que les systèmes politiques qui se basent sur la définition que donne Herder de la nation. Les autres systèmes, qui découlent des idées de la révolution française, sont en revanche égalitaires (dans le sens où ils réduisent tout à une aune unique) et, par là même, totalitaires. Le projet actuel de fabriquer une “multiculture” relève de ce mixte d’égalitarisme équarisseur et de totalitarisme.

 

La  mobilisation des masses au temps de la révolution française avait bien entendu une motivation mili­taire: les armées de la révolution acquéraient de la sorte une puissance de frappe considérable et décisi­ve, pour battre les armées professionnelles de la Prusse et de l’Autriche, bien entraînées mais inférieu­res en nombre. Les batailles de Jemmappes et de Valmy en 1792 l’ont démontré. La révolution introduit un nouveau mode de faire la guerre, qui lui procure des victoires décisives. Clausewitz a étudié les rai­sons des défaites prussiennes et a constaté que la mobilisation totale de toutes les forces masculines au sein d’un Etat constituait la seule réponse possible à la révolution, afin de déborder les masses de cito­yens armés de la France révolutionnaire et ne pas être débordé par elles. L’exemple qu’ont donné les po­pulations rurales espagnoles dans leur guerre contre les troupes napoléoniennes, où le peuple tout entier s’est dressé pour défendre la Tradition contre la Révolution, a prouvé que des masses orientées selon les principes de la Tradition pouvaient battre ou durement étriller des armées de masse inspirées par la ré­volution. La pensée de Jahn, le “Père Gymnastique”, comme on l’appelait en Allemagne, constitue une syn­thèse germanique entre la théorie de Clausewitz et la pratique des paysans insurgés d’Espagne. La mobi­lisation du peuple s’est d’abord réalisée en Espagne avant de se réaliser en Allemagne et a rendu ainsi possible la victoire européenne contre Napoléon, c’est-à-dire contre le principe mécaniste de la révolu­tion française. 

 

Après le Congrès de Vienne de 1815, les forces réactionnaires ont voulu désarmer les peuples. L’Europe de Metternich a voulu rendre caduque, rétroactivement, la liberté politique pourtant promise. Or si le paysan ou l’artisan doit devenir soldat et payer, le cas échéant, l’impôt du sang, il doit recevoir en é­change le droit de vote et de participation à la chose politique. Lorsque chaque citoyen reçoit le droit et la possibilité d’étudier, il reçoit simultanément un droit à participer, d’une manière ou d’une autre, aux débats politiques de son pays; telle était la revendication des corporations étudiantes nationalistes et dé­mocratiques de l’époque. Ces étudiants se révoltaient contre une restauration qui conservait le service militaire obligatoire sans vouloir accorder en contrepartie la liberté politique. Ils étayaient intellectuel­lement leur rébellion par un mixte étonnant dérivé du concept herdérien de la nation et d’idéaux mé­canicistes pseudo-nationaux issus du corpus idéologique de la révolution française. A cette époque entre révolution et restauration, la pensée politique oscillait entre une pensée rebelle, qui raisonnait en ter­mes de peuples, et une pensée traditionnelle, qui raisonnait en termes d’empires, ce qui estompait les frontières idéologiques, très floues. Une synthèse nécessairement organique s’avérait impérative. Une telle synthèse n’a jamais émergé, ce qui nous contraint, aujourd’hui, à réfléchir aux concepts nés à l’é­poque.

 

La dialectique “peuples/Empire”

 

Revenons à la dialectique Peuple/Empire ou Peuples/Aires civilisationnelles: à la fin du 18ième siècle et au début du 19ième, nous avions, d’une part, de vastes unités politiques, que la plupart des hommes étaient incapables de concevoir et de visionner, mais, par ailleurs, ces unités politiques de grandes dimensions, mal comprises et rejettées, s’avéraient nécessaires pour affronter la concurrence qu’allait immanquable­ment imposer la grande puissance transatlantique  qui commençait à se déployer. Les colonies espagnoles se sont “libérées”, du moins en apparence, pour tomber rapidement sous la dépendance des Etats-Unis en pleine ascension. Le ministre autrichien de l’époque, Hülsemann, à la suite de la proclamation de la “Doctrine de Monroe”, ainsi que le philosophe français Alexis de Tocqueville,qui venait d’achever un long voyage en Amérique du Nord, lançaient tous deux un avertissement aux Européens, pour leur dire qu’au-delà de l’Atlantique une puissance était en train d’émerger, qui était fondamentalement différente que tout ce que l’on avait connu en Europe auparavant. La politique internationale venait d’acquérir des di­mensions véritablement continentales voire globales. L’avenir appartiendrait dorénavant aux seules puissances disposant de suffisamment d’étendue, de matières premières sur le territoire où elles exer­çaient leur souveraineté, un territoire qui devait être compact, aux frontières bien délimités et “ar­rondies”, et non pas aux empires coloniaux dispersés aux quatre vents.

 

Hülsemann, et après lui Constantin Franz, plaidaient pour une alliance des puissances coloniales dé­pourvues de colonies, ce qui a conduit notamment à la signature de traités comme celui qui instituait “l’alliance des trois empereurs” (Russie, Allemagne, Autriche-Hongrie) ou à l’application de principes com­me celui de “l’assurance mutuelle prusso-russe”. Au début du 20ième siècle, l’alliance qui unissait l’Al­lemagne et l’Autriche-Hongrie a voulu réanimer l’homme malade du Bosphore, c’est-à-dire l’Empire otto­man, dont elles voulaient faire un “territoire complémentaire”, source de matières premières et espace de débouchés. Cette volonté impliquait la construction d’un réseau de communications moderne, en l’oc­currence, à l’époque, d’une ligne de chemin de fer entre Hambourg et Bagdad (et éventuellement de con­tinuer la ligne de chemin de fer jusqu’à la côte du Golfe Persique). Ce projet recèle l’une des causes prin­cipales de la première guerre mondiale. En effet, l’Angleterre ne pouvait tolérer une présence non an­glaise dans cette région du monde; la Russie ne pouvait accepter que les Allemands et les Autrichiens dé­terminassent la politique à Constantinople, que les Russes appellaient parfois “Tsarigrad”.

 

La leçon de Spengler et d’Huntington

 

En Europe, les structures de type impérial sont donc une nécessité, afin de maintenir la cohérence de l’aire civilisationnelle européenne, dont la culture a jailli du sol européen, afin que tous les peuples au sein de cette aire civilisationnelle, organisée selon les principes impériaux, puissent avoir un avenir. Aujour­d’hui, le Professeur américain Samuel Huntington postule que l’on se mette à penser la politique du point de vue des aires civilisationnelles. Il parle, en anglais, de “civilizations”. La langue allemande, elle, fera la différence, avec Oswald Spengler, entre la notion de “Kultur”, qui représente une force organique, et celle de “Zivilisation”, qui résume en elle tous les acquis purement mécaniques et techniques d’une aire civilisationnelle ou culturelle. Ces acquis atteignent leur apex lorsque les forces issues des racines cul­turelles sont presque épuisées. Samuel Huntington, que l’on peut considérer comme une sorte de disciple contemporain de Spengler, pense que ces forces radicales peuvent être réactivées, si on le veut, comme le font les fondamentalistes islamistes ou les rénovateurs de l’hindouisme aujourd’hui. Samuel Huntington évoque une aire civilisationnelle “occidentale”, qui regroupe l’Europe et l’Amérique au sein d’une unité atlantique. Mais, pour nous, comme jadis pour Hülsemann et Tocqueville, l’Europe  —en tant que source dormante de l’humanité européenne primordiale—  et l’Amérique  —en tant que nouveauté sans passé sur la scène internationale et dont l’essence est révolutionnaire et mécaniciste—  constituent deux pôles fondamentalement différents, même si, à la surface des discours politiques américains, conservateurs ou néo-conservateurs, nous observons la présence de fragments effectivement “classiques”, mais ce ne sont là que les fragments d’une culture fabriquée, vendue comme “classique”, mais dont la seule fonction est de servir de simple décorum. Ce décor “classique” est l’objet d’intéressantes discussions idéologiques et philosophiques aux Etats-Unis aujourd’hui. On s’y pose des questions telles: Doit-on considérer ces éléments de “classicisme” comme les simples reliquats d’un passé européen commun, plus ou moins ou­blié, ou doit-on les évacuer définitivement de l’horizon philosophique, les jeter par-dessus bord, ou doit-on les utiliser comme éléments intellectuels pour parfaire des manœuvres d’illusionniste dans le monde des médias, pour faire croire que l’on est toujours attaché aux valeurs européennes classiques? Ce débat, nous devons le suivre attentivement, sans jamais être dupes.

 

L’Europe actuelle, qui a pris la forme de l’eurocratie bruxelloise, n’est évidemment pas un Empire, mais, au contraire, un Super-Etat en devenir. La notion d’ “Etat” n’a rien à voir avec la notion d’ “Empire”, car un “Etat” est “statique” et ne se meut pas, tandis que, par définition, un Empire englobe en son sein toutes les formes organiques de l’aire civilisationnelle qu’il organise, les transforme et les adapte sur les plans spirituel et politique, ce qui implique qu’il est en permanence en effervescence et en mouvement. L’eurocratie bruxelloise conduira, si elle persiste dans ses errements, à une rigidification totale. L’actuelle eurocratie bruxelloise n’a pas de mémoire, refuse d’en avoir une, a perdu toute assise historique, se pose comme sans racines. L’idéologie de cette construction de type “machine” relève du pur bricolage idéologique, d’un bricolage qui refuse de tirer des leçons des expériences du passé. Cela implique que la praxis économique de l’eurocratie bruxelloise se pose comme “ouverte sur le monde” et néo-libérale, ce qui constitue une négation de la dimension historique des systèmes économiques réelle­ment existants, qui ont effectivement émergé et se sont développés sur le sol européen. Le néo-libéra­lisme, qui plus est, ne permet aucune évolution positive dans le sens d’une autarcie continentale. L’euro­cratie de Bruxelles n’est donc plus une instance européenne au sens réel et historique du terme, mais une instance occidentale, car tout néo-libéralisme doctrinaire, en tant que modernisation du vieux libé­ralisme manchesterien anglo-saxon, est la marque idéologique par excellence de l’Occident, comme l’ont remarqué et démontré, de manière convaincante et suffisante, au fil des décennies, des auteurs aussi divers qu’Ernst Niekisch, Arthur Moeller van den Bruck, Guillaume Faye ou Claudio Finzi.

 

Les peuples périssent d’un excès de libéralisme

 

Mais tous les projets d’unir et de concentrer les forces de l’Europe, qui se sont succédé au fil des dé­cennies, ne posaient nullement comme a priori d’avoir une Europe “ouverte sur le monde”, mais au con­traire tous voulaient une Europe autarcique, même si cette autarcie acceptait les principes d’une écono­mie de marché, mais dans le sens d’un ordo-libéralisme, c’est-à-dire d’un libéralisme qui tenait compte des facteurs non économiques. En effet, une économie ne peut pas, sans danger, refuser par principe de tenir compte des autres domaines de l’activité humaine. L’héritage culturel, l’organisation de la méde­cine et de l’enseignement doivent toujours recevoir une priorité par rapport aux facteurs purement économiques, parce qu’ils procurent ordre et stabilité au sein d’une société donnée ou d’une aire civi­lisationnelle, garantissant du même coup l’avenir des peuples qui vivent dans cet espace de civilisation. Sans une telle stabilité, les peuples périssent littéralement d’un excès de libéralisme (ou d’économicisme ou de “commercialite”), comme l’avait très justement constaté Arthur Moeller van den Bruck au début des années 20 du 20ième siècle.

 

Pour ce qui concerne directement le destin de l’Europe, des industriels et économistes autrichiens a­vaient suggéré une politique européenne cohérente dès la fin du 19ième siècle. Par exemple, Alexander von Peez avait remarqué très tôt que les Etats-Unis visaient l’élimination de l’Europe, non seulement dans l’ensemble du Nouveau Monde au nom du panaméricanisme, mais aussi partout ailleurs, y compris en Europe même. La question de survie, pour tous les peuples européens, était donc posée: ou bien on allait assister à une unification grande-européenne au sein d’un système économique autarcique, semblable au Zollverein allemand ou bien on allait assister à une colonisation générale du continent européen par la nouvelle puissance panaméricaine, qui était en train de monter. Alexander von Peez avertissait les Européens du danger d’une “américanisation universelle”. Le théoricien de l’économie Gu­stav Schmoller, figure de proue de l’”école historique allemande”, plaidait, pour sa part, pour un “bloc économique européen”, capable d’apporter une réponse au dynamisme des Etats-Unis. Pour Schmoller, un tel bloc serait “autarcique” et se protègerait par des barrières douanières, exactement le contraire de ce que préconise aujourd’hui l’eurocratie bruxelloise.

 

Julius Wolf, un autre théoricien allemand de l’économie, prévoyait que le gigantesque marché panaméri­cain se fermerait un jour aux marchandises et aux produits européens et qu’une concurrence renforcée entre les produits européens et américains s’instaurerait à l’échelle de la planète. Arthur Dix et Walther Rathenau ont fait leur cette vision. Jäckh et Rohrbach, pour leur part, se faisaient les avocats d’un bloc économique qui s’étendrait de la Mer du Nord au Golfe Persique. C’est ainsi qu’est née la “question d’Orient”, le long de l’Axe Hambourg/Koweit. L’Empereur d’Allemagne, Guillaume II, voulait que les Bal­kans, l’Anatolie et la Mésopotamie devinssent un “espace de complément” (Ergänzungsraum) pour l’in­dustrie allemande en pleine expansion, mais il a invité toutes les autres puissances européennes à par­ticiper à ce grand projet, y compris la France, dans un esprit chevaleresque de conciliation. Gabriel Ha­noteaux a été le seul homme d’Etat français qui a voulu donner une suite positive à ce projet rationnel. En Russie, Sergueï Witte, homme d’Etat de tout premier plan, perçoit également ce projet d’un oeil po­sitif. Malheureusement ces hommes d’Etat clairvoyants ont été mis sur une voie de garage par des obs­curantistes à courtes vues, de toutes colorations idéologiques.

 

Constantinople: pomme de discorde

 

La pomme de discorde, qui a conduit au déclenchement de la première guerre mondiale, était, en fait, la ville de Constantinople. L’objet de cette guerre si meurtrière a été la domination des Détroits et du bas­sin oriental de la Méditerranée. Les Anglais avaient toujours souhaité laisser les Détroits aux mains des Turcs, dont la puissance avait considérablement décliné (“L’homme malade du Bosphore”, disait Bis­marck). Mais, en revanche, ils ne pouvaient accepter une Turquie devenue l’espace complémentaire (l’ “Ergänzungsraum”) d’une Europe centrale, dont l’économie serait organisée de manière cohérente et unitaire, sous direction allemande. Par conséquent, pour éviter ce cauchemar de leurs stratèges, ils ont conçu le plan de “balkaniser” et de morceler encore davantage le reste de l’Empire ottoman, de façon à ce qu’aucune continuité territoriale ne subsiste, surtout dans l’espace situé entre la Mer Méditerranée et le Golfe Persique. La Turquie, la Russie et l’Allemagne devaient toutes les trois se voir exclues de cette région hautement stratégique de la planète, ce qui impliquait de mettre en œuvre une politique de “con­tainment” avant la lettre. Les Russes rêvaient avant 1914 de reconquérir Constantinople et de faire de cette ville magnifique, leur “Tsarigrad”, la ville des Empereurs (byzantins), dont leurs tsars avaient pris le relais. Les Russes se percevaient comme les principaux porteurs de la “Troisième Rome” et enten­daient faire de l’ancienne Byzance le point de convergence central de l’aire culturelle chrétienne-ortho­doxe. Les Français avaient des intérêts au Proche-Orient, en Syrie et au Liban, où ils étaient censé pro­téger les communautés chrétiennes. Le télescopage de ces intérêts divergents et contradictoires a con­duit à la catastrophe de 1914.

 

En 1918, la France et l’Angleterre étaient presque en état de banqueroute. Ces deux puissances occiden­tales avaient contracté des dettes pharamineuses aux Etats-Unis, où elles avaient acheté des quantités énormes de matériels militaires, afin de pouvoir tenir le front. Les Etats-Unis qui, avant 1914, avaient des dettes partout dans le monde, se sont retrouvés dans la position de créanciers en un tourne-main. La France n’avait pas seulement perdu 1,5 million d’hommes, c’est-à-dire sa substance biologique, mais était contrainte de rembourser des dettes à l’infini: le Traité de Versailles a choisi de faire payer les Alle­mands, au titre de réparation.

 

Ce jeu malsain de dettes et de remboursements a ruiné l’Europe et l’a plongée dans une spirale épouvan­table d’inflations et de catastrophes économiques. Pendant les années 20, les Etats-Unis voulaient gagner l’Allemagne comme principal client et débouché, afin de pouvoir “pénétrer”, comme on disait à l’époque, les marchés européens protégés par des barrières douanières. L’économie de la République de Weimar, régulée par les Plans Dawes et Young, était considérée, dans les plus hautes sphères économiques améri­caines, comme une économie “pénétrée”. Cette situation faite à l’Allemagne à l’époque, devait être éten­due à toute l’Europe occidentale après la seconde guerre mondiale. C’est ainsi, qu’étape après étape, l’”américanisation universelle” s’est imposée, via l’idéologie du “One World” de Roosevelt ou via la no­tion de globalisation à la Soros aujourd’hui. Les termes pour la désigner varient, la stratégie reste la même.

 

Le projet d’unifier le continent par l’intérieur

 

La seconde guerre mondiale avait pour objectif principal, selon Roosevelt et Churchill, d’empêcher l’u­nification européenne sous la férule des puissances de l’Axe, afin d’éviter l’émergence d’une économie “impénétrée” et “impénétrable”, capable de s’affirmer sur la scène mondiale. La seconde guerre mon­diale n’avait donc pas pour but de “libérer” l’Europe mais de précipiter définitivement l’économie de no­tre continent dans un état de dépendance et de l’y maintenir. Je n’énonce donc pas un jugement “moral” sur les responsabilités de la guerre, mais je juge son déclenchement au départ de critères matériels et économiques objectifs. Nos médias omettent de citer encore quelques buts de guerre, pourtant claire­ment affirmés à l’époque, ce qui ne doit surtout pas nous induire à penser qu’ils étaient insignifiants. Bien au contraire ! Dans la revue “Géopolitique”, qui paraît aujourd’hui à Paris, et est distribuée dans les cercles les plus officiels, un article nous rappelait la volonté britannique, en 1942, d’empêcher la navigation fluviale sur le Danube et le creusement de la liaison par canal entre le Rhin, le Main et le Da­nube. La revue “Géopolitique”, pour illustrer ce fait, a republié une carte parue dans la presse lon­donienne en 1942, au beau miliau d’articles qui expliquaient que l’Allemagne était “dangereuse”, non pas parce qu’elle possédait telle ou telle forme de gouvernement qui aurait été “anti-démocratique”, mais parce que ce régime, indépendamment de sa forme, se montrait capable de réaliser un vieux plan de Charlemagne ainsi que le Testament politique du roi de Prusse Frédéric II, c’est-à-dire de réaliser une na­vigation fluviale optimale sur tout l’intérieur du continent, soit un réseau de communications contrôlable au départ même des puissances qui constituent, physiquement, ce continent; un contrôle qu’elles exer­ceraient en toute indépendance et sans l’instrument d’une flotte importante, ce qui aurait eu pour co­rollaire immédiat de relativiser totalementle contrôle maritime britannique en Méditerranée et de rui­ner ipso facto la stratégie qui y avait été déployée par le Royaume-Uni depuis la Guerre de Succession d’Espagne et les opérations de Nelson à l’ère napoléonienne. Ainsi, pour atteindre, depuis les côtes de l’Atlantique, les zones à blé de la Crimée et des bassins du Dniestr, du Dniepr et du Don, ou pour at­teindre l’Egypte, l’Europe n’aurait plus nécessairement eu besoin des cargos des armateurs financés par l’Angleterre. La Mer Noire aurait été liée directement à l’Europe centrale et au bassin du Rhin.

 

Une telle symphonie géopolitique, géostratégique et géo-économique, les puissances thalassocratiques l’ont toujours refusée, car elle aurait signifié pour elles un irrémédiable déclin. Les visions géopolitiques du géopolitologue français André Chéradame, très vraisemblablement téléguidé par les services britan­niques, impliquaient le morcellement de la “Mitteleuropa” et du bassin danubien, qu’il avait théorisé pour le Diktat de Versailles. Ses visions visaient également à créer le maximum d’Etats artificiels, à peine viables et antagonistes les uns des autres dans le bassin du Danube, afin que de Vienne à la Mer Noire, il n’y ait plus ni cohérence ni dynamisme économiques, ni espace structuré par un principe im­périal (“reichisch’).

 

L’objectif, qui était d’empêcher toute communication par voie fluviale, sera encore renforcé lors des é­vénements de la Guerre Froide. L’Elbe, soit l’axe Prague/Hambourg, et le Danube, comme artère fluviale de l’Europe, ont été tous deux verrouillés par le Rideau de Fer. La Guerre Froide avait pour objectif de pérenniser cette césure. Le bombardement des ponts sur le Danube près de Belgrade en 1999 ne pour­suivait pas d’autres buts.

 

Etalon-or et étalon-travail

 

La Guerre Froide visait aussi à maintenir la Russie éloignée de la Méditerranée, afin de ne pas procurer à l’Union Soviétique un accès aux mers chaudes, à garder l’Allemagne en état de division, à laisser à la France une autonomie relative. Officiellement, la France appartenait au camp des vainqueurs et cette po­litique de morcellement et de balkanisation lui a été épargnée. Les Américains toléraient cette relative autonomie parce que les grands fleuves français, comme la Seine, la Loire et la Garonne sont des fleuves atlantiques et ne possédaient pas, à l’époque, de liaisons importantes avec l’espace danubien et aussi parce que l’industrie française des biens de consommation était assez faible au lendemain de la seconde guerre mondiale. Ce n’est que dans les années cinquante et soixante qu’une telle industrie a pris son envol en France, avec la production d’automobiles bon marché (comme la légendaire “2CV” de Citroën que les Allemands appelaient la “vilaine cane”, la “Dauphine” ou les modèles “R8” de Renault) ou d’ap­pareils électro-ménagers de Moulinex, etc., ensemble de produits qui demeuraient très en-dessous des standards allemands. La force de la France avait été ses réserves d’or; celle de l’Allemagne, la production d’excellents produits de précision et de mécanique fine, que l’on pouvait échanger contre de l’or ou des devises.

 

Anton Zischka écrivit un jour que le retour d’Amérique des réserves d’or françaises  —pendant le règne de De Gaulle, au cours des années soixante et à l’instigation de l’économiste Rueff—  a été une bonne me­sure mais toutefois insuffisante parce que certaines branches de l’industrie de la consommation n’existaient pas encore en France : ce pays ne produisait pas d’appareils photographiques, de machines à écrire, de produits d’optique comme Zeiss-Ikon, d’automobiles solides destinées à l’exportation.

 

Comme Zischka l’avait théorisé dans son célèbre ouvrage “Sieg der Arbeit” (= “La victoire de l’étalon-travail”), l’or est certes une source de richesse et de puissance nationales, mais cette source demeure statique, tandis que l’étalon-travail constitue un facteur perpétuellement producteur, correspondant à la dynamique de l’époque contemporaine. Les stratèges américains l’avaient bien vu. Ils ont laissé se pro­duire le miracle économique allemand, car ce fut un développement quantitatif, certes spectaculaire, mais trompeur. A un certain moment, au bout de quelques décennies, ce miracle devait trouver sa fin car tout développement complémentaire de l’industrie allemande ne pouvait se produire qu’en direction de l’espace balkanique, du bassin de la Mer Noire et du Proche-Orient.

 

Dans ce contexte si riche en conflits réels ou potentiels, dont les racines si situent à la fin du 19ième siècle, les instruments qui ont servi, depuis plusieurs décennies, à coloniser et à mettre hors jeu l’Al­lemagne et, partant, l’Europe entière, sont les suivants :

 

  • La Mafia et les drogues

 

Pour en arriver à contrôler l’Europe, les services secrets américains ont toujours téléguidés diverses organisations mafieuses. Selon le spécialiste actuel des mafias, le Français Xavier Raufer, le “tropisme mafieux” de la politique américain a déjà une longue histoire derrière lui: tout a commencé en 1943, lorsque les autorités américaines vont chercher en prison le boss de la mafia Lucky Luciano, originaire de Sicile, afin qu’il aide à préparer le débarquement allié dans son île natale et la conquête du Sud de l’I­talie. Depuis lors, on peut effectivement constater un lien étroit entre la mafia et les services spéciaux des Etats-Unis. En 1949, lorsque Mao fait de la Chine une “république populaire”, l’armée nationaliste chi­noise du Kuo-Min-Tang se replie dans le “Triangle d’Or”, une région à cheval sur la frontière birmano-lao­tienne. Les Américains souhaitent que cette armée soit tenue en réserve pour mener ultérieurement d’éventuelles opérations en Chine communiste. Le Congrès se serait cependant opposé à financer une telle armée avec l’argent du contribuable américain et, de surcroît, n’aurait jamais avalisé une opé­ration de ce genre. Par conséquent, la seule solution qui restait était d’assurer son auto-financement par la production et le trafic de drogue. Pendant la guerre du Vietnam, certaines tribus montagnardes, com­me les Hmongs, ont reçu du matériel militaire payé par l’argent de la drogue. Avant la prise du pouvoir par Mao en Chine et avant la guerre du Vietnam, le nombre de toxicomanes était très limité: seuls quel­ques artistes d’avant-garde, des acteurs de cinéma ou des membres de la “jet society” avant la lettre consommaient de l’héroïne ou de la cocaïne : cela faisait tout au plus 5000 personnes pour toute l’Amé­rique du Nord. Les médias téléguidés par les services ont incité à la consommation de drogues et, à la fin de la guerre du Vietnam, l’Amérique comptait déjà 560.000 drogués. Les mafias chinoise et italienne ont pris la logistique en main et ont joué dès lors un rôle important dans le financement des guerres im­populaires.

 

L’alliance entre la Turquie et les Etats-Unis a permis à un troisième réseau mafieux de participer à cette stratégie générale, celui formé par les organisations turques, qui travaillent en étroite collaboration avec des sectes para-religieuses et avec l’armée. Elles ont des liens avec des organisations criminelles similaires en Ouzbékistan voire dans d’autres pays turcophones d’Asie centrale et surtout en Albanie. Les organisations mafieuses albanaises ont pu étendre leurs activités à toute l’Europe à la suite du conflit du Kosovo, ce qui leur a permis de financer les unités de l’UÇK. Celles-ci ont joué le même rôle dans les Balkans que les tribus Hmongs  au Vietnam dans les années 60. Elles ont préparé le pays avant l’offensive des troupes de l’OTAN.

 

Par ailleurs, le soutien médiatique insidieux, apporté à la toxicomanie généralisée chez les jeunes, poursuit un autre objectif stratégique, celui de miner l’enseignement, de façon à ce que l’Europe perde un autre de ses atouts : celui que procuraient les meilleurs établissements d’enseignement et d’éducation du monde, qui, jadis, avaient toujours aidé notre continent à se sauver des pires situations.

 

Dans toute l’Europe, les forces politiques saines doivent lutter contre les organisations mafieuses, non seulement parce qu’elle sont des organisations criminelles, mais aussi parce qu’elles sont les instruments d’un Etat, étranger à l’espace européen, qui cultive une haine viscérale à l’égard de l’identité européen­ne. La lutte contre les organisations mafieuses implique notamment de contrôler et de réguler les flux migratoires en provenance de pays où la présence et l’influence de mafias se fait lourdement sentir (Turquie, Albanie, Ouzbékistan, etc.).

 

  • Les multinationales

 

Depuis les années 60, les multinationales sont un instrument du capitalisme américain, destiné à contraindre les autres Etats à ouvrir leurs frontières. Sur le plan strictement économique, le principe qui consiste à favoriser l’essaimage de multinationales conduit à des stratégies de “délocalisations”, comme on le dit dans le jargon néo-libéral. Ces stratégies de délocalisation sont responsables des taux élevés de chômage. Même dans le cas de produits en apparance peu signifiants ou anodins, tels les jouets ou les bonbons, les multinationales ont détruit des centaines de milliers d’emplois. Exemple: les voitures miniatures étaient, jadis, dans mon enfance, fabriquées généralement en Angleterre, comme les Dinky Toys, les Matchbox et les Corgi Toys. Aujourd’hui, les miniatures de la nouvelle génération, portant parfois la même marque, comme Matchbox, nous viennent de Thaïlande, de Chine ou de Macao. A l’époque de son engouement pour l’espace politique national-révolutionnaire, le sociologue allemand Henning Eichberg, aujourd’hui exilé au Danemark, écrivait, avec beaucoup de pertinence, dans la revue berlinoise “Neue Zeit”, que nous subissions “une subversion totale par les bonbons” (“Eine totale Subvertierung durch Bonbons”). En effet, les douceurs et sucreries pour les enfants ne sont plus produites aux niveaux locaux, ou confectionnées par une grand-mère pleine d’amour, mais vendues en masse, dans des drugstores ou des pompes à essence, des supermarchés ou des distributeurs automatiques, sous le nom de “Mars”, “Milky Way” ou “Snickers”. Ce ne sont plus des grand-mères ou des mamans qui les confectionnent, mais des multinationales sans cœur et tout en chiffres et en bilans, gérés par d’infects technocrates qui les vendent dans tous les coins et les recoins de la planète. A combien de personnes ces stratégies infâmes ont-elles coûté l’emploi, ont-elles ôté le sens à l’existence?

 

Dans l’Europe entière, les forces politiques saines, si elles veulent vraiment lutter contre le chômage de masse, doivent refuser toutes les logiques de délocalisations et protéger efficacement les productions locales.

 

  • Le néo-libéralisme comme idéologie

 

Le néo-libéralisme est l’idéologie économique de la globalisation. L’écrivain et économiste français Michel Albert a constaté, au début des années 90, que le néo-libéralisme, héritage des gouvernements de Thatcher et de Reagan, correspond en pratique à une négation quasi complète de tout investissement local (régional, national, transnational dans un cadre continental semi-autarcique et auto-centré, etc.). Michel Albert réagissait contre cette nouvelle pathologie politique, qui consistait à vouloir imiter à tout prix la gestion thatcherienne et les “reaganomics” et préconisait de remettre à l’ordre du jour les politiques “ordo-libérales”. L’“ordo-libéralisme” ou “modèle rhénan” (dans le vocabulaire de Michel Albert), n’est pas seulement allemand ou “rhénan” mais aussi japonais, suédois, partiellement belge (les structures patrimoniales des vieilles industries de Flandre ou de Wallonie) ou français (les grandes entreprises familiales autour des villes de Lyon ou de Lille ou en Lorraine).

 

Ce “modèle rhénan” privilégie l’investissement plutôt que la spéculation en bourse. L’investissement ne se fait pas qu’en capital-machine dans l’industrie mais aussi, pour Albert, dans les modules de recherche des universités, dans les écoles supérieures professionnelles ou, plus généralement, dans l’enseignement. Conjointement aux idées délétères du mouvement soixante-huitard, l’idéologie néo-libérale a miné les systèmes d’enseignement dans toute l’Europe. En Allemagne, aujourd’hui, la situation est grave. En France, elle est pire, sinon catastrophique. En Angleterre, une initiative citoyenne, baptisée “Campaign for Real Education”, revendique actuellement, auprès des enseignants et des associations de parents, la revalorisation de la discipline à l’école, afin d’améliorer le niveau des études et les capacités linguistiques (en langue maternelle) des enfants. Le géopolitologue Robert Strauss-Hupé, qui œuvrait dans les cénacles intellectuels gravitant jadis autour de Roosevelt, avait planifié la destruction des forces implicites du vieux continent européen, dans un programme destiné à l’Allemagne et à l’Europe, au même moment où Morgenthau concoctait ses plans pour une  pastoralisation générale et définitive de l’espace germanique. Selon ce Strauss-Hupé, il fallait briser à jamais l’homogénéité ethnique des pays européens et ses systèmes d’éducation. Pour réaliser ce projet au bout de quelques décennies, les spéculations anti-autoritaires de pédagogues éthérés, la consommation de drogues et l’idéologie de 68 ont joué un rôle-clef. En évoquant ces faits, quelques voix chuchotent que le philosophe Herbert Marcuse, idole des soixante-huitards, aurait travaillé pour l’ “Office for Strategic Studies” (OSS), l’agence américaine de renseignement qui a précédé la célèbre CIA.

 

Dans  toute l’Europe, les forces politiques saines devraient militer aujourd’hui pour réaffirmer l’existence d’un système ordo-libéral de facture “rhénane” (selon Albert), c’est-à-dire un système économique qui investit au lieu de spéculer et qui apporte son soutien à l’école et aux universités, sans négliger les autres secteurs non marchands, comme les secteurs hospitalier et culturel, car les piliers porteurs non marchands de toute société ne peuvent être mis à disposition ni être sacrifié à la seule économie. Ces secteurs non marchands soudent les communautés populaires, créent une fidélité à l’Etat dans toutes les catégories sociales. Le néo-libéralisme ne soude pas, il dé-soude, il ne génère aucune fidélité et fait régner la loi de la jungle.

 

  • Les médias

 

L’Europe est également tenue sous la coupe d’un système médiatique qui, in fine, est téléguidé par certains services étrangers, qui veillent à susciter les “bonnes” émotions au bon moment. Ces médias façonnent la mentalité contemporaine et visent à exclure du débat tout esprit indépendant et critique, surtout si ces esprits critiques sont effectivement critiques parce qu’ils pensent en termes d’histoire et de tradition. En effet, les esprits détachés du temps et de l’espace, sans feu ni lieu (Jacques Ellul), représentent ce que l’on appelle en Allemagne “die schwebende Intelligenz”, l’intelligentsia virevoltante, qui est justement cette forme d’intelligentsia dont l’américanisation et la globalisation ont besoin. La domination de l’Europe par des instruments médiatiques a commencé immédiatement après la seconde guerre mondiale, notamment quand une revue, apparemment anodine dans sa forme et sa présentation, “Sélection du Reader’s Digest”, a été répandue dans toute l’Europe et dans toutes les langues, quand la France de 1948 fut contrainte de faire jouer dans toutes ses salles de cinéma des films “made in USA”, sinon elle ne recevait pas les fonds du Plan Marshall. Le gouvernement Blum a accepté ce diktat, qui signait l’arrêt de mort du cinéma français.

 

Quand l’ancien créateur cinématographique Claude Autant-Lara, classé à gauche au temps de sa gloire, fut élu au Parlement Européen sur les listes du nationaliste français Jean-Marie le Pen, il reçut le droit de prononcer le discours inaugural de l’assemblée, vu qu’il en était le doyen. Il saisit cette opportunité pour condamner, du haut de la tribune de Strasbourg, la politique américaine qui a toujours consisté à imposer systématiquement les films d’Hollywood, pour torpiller les productions nationales des pays européens. Les chansons, les modes, les drogues, la télévision (avec CNN), l’internet sont autant de canaux qu’utilise la propagande américaine pour effacer la mémoire historique des Européens et d’influencer ainsi les opinions publiques, de façon à ce qu’aucune autre vision du monde autre que celle de l’”American way of Life” ne puisse plus jamais émerger.

 

Dans toute l’Europe, les forces politiques saines doivent viser à faire financer des médias indépendants, locaux et liés au sol, qui soient à même de fournir au public des messages idéologiquement et politiquement différents. Afin d’empêcher que nos peuples soient abrutis et placés sous influence par des systèmes médiatiques hypercentralisés et téléguidés par une super-puissance étrangère à notre espace. Un tel contrôle médiatique s’avère nécessaire dans la perspective des guerres du futur, qui seront des “guerres cognitives”, dont l’objectif sera d’influencer les peuples et de rendre les “audiences étrangères” (“enemy/alien audiences” dans le jargon de la CIA ou de la NSA) perméables au discours voulus par les services spéciaux de Washington, afin qu’aucune autre solution à un problème de politique internationale ne puisse être considérée comme “morale” ou “acceptable”.

 

  • Les moyens militaires

 

On affirme généralement que la puissance des Etats-Unis est essentiellement une puissance maritime. Les puissances mondiales, qui sont simultanément des puissances maritimes (des thalassocraties), sont généralement “bi-océaniques”: on veut dire par là qu’elles ont des “fenêtres” sur deux océans. L’objectif de la guerre que les Etats-Unis ont imposé au Mexique en 1848 était de se tailler une vaste fenêtre donnant sur l’Océan Pacifique, pour pouvoir ensuite accéder, à court ou à moyen terme, aux marchés de Chine et d’Extrême-Orient et d’en faire des marchés exclusivement réservés aux productions américaines. Lorsque l’Amiral américain Alfred Thayer Mahan s’efforce à la fin du 19ième siècle de faire de la “Navy League” un instrument pour promouvoir dans les esprits et dans les actes l’impérialisme américain, il poursuivait simultanément l’objectif de faire de la flotte américaine, qui était alors en train de se développer, un monopole militaire exclusif: seule cette flotte aurait le droit de s’imposer sur la planète sans souffrir la présence de concurrents. Son but politique et stratégique était de donner aux puissances anglo-saxonnes une “arme d’intervention” globale et ubiquitaire, susceptible de donner à la Grande-Bretagne et aux Etats-Unis un instrument capable de développer une vitesse de déplacement  supérieure à tous les autres instruments possibles à l’époque, afin d’assurer le succès de leurs interventions partout dans le monde. Les autres puissances ne pouvant pas  posséder d’instruments aussi rapides ou d’une vitesse encore supérieure. Par conséquent, l’objectif visait aussi à enlever à l’avenir aux autres puissances de la planète la possession d’un armement naval similaire ou comparable. La conquête de l’espace maritime du Pacifique a donc eu lieu après celle des côtes californiennes en 1848, pour être plus exact cinquante ans plus tard, lors de la guerre contre l’Espagne qui a abouti à l’élimination de cette puissance européenne dans les Caraïbes et dans les Philippines. L’Allemagne, à l’époque, a repris à son compte la souveraineté sur la Micronésie et a défendu, dans ce cadre, l’île de Samoa, avec sa marine de guerre, contre les prétentions américaines. Entre 1900 et 1917, les Etats-Unis n’ont posé aucun acte décisif, mais la première guerre mondiale leur a donné l’occasion d’intervenir et de vendre du matériel de guerre en telles quantités aux alliés occidentaux qu’au lendemain de la guerre ils n’étaient plus débiteurs du monde mais ses premiers créanciers.

 

En 1922, les Américains et les Britanniques imposent à l’Allemagne et à leurs propres alliés le Traité de Washington. On ne parle pas assez de ce Traité important, décisif et significatif pour l’Europe toute entière. Il imposait à chaque puissance maritime du monde un tonnage spécifique pour sa flotte de guerre: 550.000 tonnes pour les Etats-Unis et autant pour l’Angleterre; 375.000 tonnes pour le Japon; 175.000 tonnes pour l’Italie et autant pour la France. Versailles avait déjà sonné le glas de la marine de guerre allemande. La France, bien que considérée comme un Etat vainqueur, ne pouvait plus désormais, après le traité de Washington, se donner les moyens de devenir une forte puissance maritime. La réduction à quasi rien du tonnage autorisé de la flotte allemande était en fait, aux yeux de Washington, une vengence pour Samoa et une mesure préventive, pour éliminer la présence du Reich dans le Pacifique. Pourquoi est-il important aujourd’hui de rappeler à tous les clauses du Traité de Washington? Parce qu’avec ce Traité nous avons affaire à un exemple d’école du “modus operandi” américain.

1.       Ce procédé a été systématisé par la suite.

2.       Les peuples lésés ont tenté en vain d’apporter des réponses à ces mesures qui restreignaient considérablement l’exercice de leur souveraineté. Il suffit de penser au développement de l’aviation civile française, aux temps héroïques où se sont distingués des pilotes exceptionnels comme Jean Mermoz et Antoine de Saint-Exupéry, ou au développement des dirigeables Zeppelin en Allemagne, qui a connu un fin tragique en 1937 à New York quand le “Hindenburg” s’est écrasé au sol en proie aux flammes.

 

Du “Mistral” aux “Mirages”

 

Les deux puissances que sont la France et l’Allemagne n’ont pas pu remplacer leurs marines perdues à la suite des clauses du Traité de Washington de 1922 par une “flotte aérienne” adéquate et suffisante. L’objectif général poursuivi  par les Américains était de ne tolérer aucune industrie autonome d’armement de haute technologie chez leurs anciens alliés. Après la seconde guerre mondiale, la France et les petites puissances occidentales ont été contraintes d’acheter le vieux matériel de guerre américain pour leurs armées. L’armée française a ainsi été dotée exclusivement de matériels américains. Mais avec l’aide d’ingénieurs allemands prisonniers de guerre, la France a été rapidement en mesure de fabriquer des avions de combat ultra-modernes, comme par exemple les avions à réaction de type “Mistral”.

 

Après 1945, l’Allemagne n’a plus possédé d’industrie aéronautique digne de ce nom. Fokker, aux Pays-Bas, n’a plus pu qu’essayer de survivre et est finalement resté une entreprise trop modeste pour ses capacités réelles. Sous De Gaulle, les ingénieurs français développent, en coopération avec des collègues allemands, les fameux chasseurs Mirage, concurrents sérieux pour leurs équivalents américains sur le marché mondial. Les chasseurs Mirage III constituaient un développement du “Volksjäger” (“chasseur du peuple”) allemand de la seconde guerre mondiale, le Heinkel 162. En 1975, les Américains forcent les gouvernements des pays scandinaves et bénéluxiens de l’OTAN à acquérir des chasseurs F-16, après avoir convaincu une brochette de politiciens corrompus. Cette décision a eu pour effet que les Français de Bloch-Dassault et les Suédois de SAAB n’ont plus pu opérer de sauts technologiques majeurs, parce que la perte de ce marché intérieur européen ne leur permettait pas de financer des recherches de pointe. Le même scénario s’est déroulé plus récemment, avec la vente de F-16 aux forces aériennes polonaise et hongroise. Depuis ce “marché du siècle”, les avionneurs français et suédois claudiquent à la traîne et ne parviennent plus à se hisser, faute de moyens financiers, aux plus hauts niveaux de la technologie avionique. Si, sur le plan des technologies de l’armement, les Allemands ont eu l’autorisation de construire leurs chars Léopard, c’est parce que l’Amérique est avant tout une puissance maritime et ne s’intéresse pas a priori aux armements destinés aux armées de terre. Les Américains mettent davantage l’accent sur les navires de guerre, les sous-marins, les missiles, les satellites et les forces aériennes.

 

Dans un article paru dans l’hebdomadaire berlinois “Junge Freiheit”, on apprend que les consortiums américains achètent les firmes qui produisent des technologies de pointe, comme Fiat-Avio en Italie, une branche du gigantesque consortium que représente Fiat et produit des moteurs d’avion; ensuite une entreprise d’Allemagne du Nord qui fabrique des sous-marins et le consortium espagnol “Santa Barbara Blindados”, qui fabrique les chars Léopard allemands pour le compte de l’armée espagnole. De cette manière, les tenants de l’industrie de guerre américaine auront accès à tous les secrets de l’industrie allemande des blindés. Ces manœuvres financières ont pour objectif de contraindre l’Europe à la dépendance, avant qu’elle ne se donne les possibilités d’affirmer son indépendance militaire.

 

Les organisations militaires qui sont ou étaient sous la tutelle américaine, comme l’OTAN, le CENTO ou l’OTASE, ne servaient qu’à une chose: créer un marché pour les armes américaines déclassées, notamment les avions, afin d’empêcher, dans les pays “alliés”, toute éclosion ou résurrection d’industries d’armement indépendantes, capables de concurrencer leurs équivalentes américaines. Les progrès technologiques, qui auraient pu résulter de l’indépendance des industries d’armement en Europe ou ailleurs, auraient sans doute permis la production de systèmes d’armement plus performants pour les “alien armies”, les armées étrangères, ce qui aurait aussi eu pour conséquence de tenir en échec, le cas échéant, la super-puissance dominante, devenue entre-temps la seule superpuissance de la planète, voire de la réduire à la dimension d’une puissance de deuxième ou de troisième rang.

 

Le réseau “ECHELON”

 

La crainte de voir des puissances potentiellement hostiles développer des technologies militaires performantes est profondément ancrée dans les têtes du personnel politique dirigeant des Etats-Unis. C’est ce qui explique la nécessité d’espionner les “alliés”. Comme nous l’a très bien expliqué Michael Wiesberg dans les colonnes de l’hebdomadaire berlinois “Junge Freiheit”, le système satellitaire “ECHELON” a été conçu pendant la Guerre Froide en tant que système d’observation militaire, destiné à compléter les moyens de communication existants de l’époque, tels les câbles sous-marins ou les autres satellites utilisés à des fins militaires. Mais sous Clinton, le système “ECHELON” a cessé d’être un instrument purement militaire; très officiellement, il poursuit désormais des missions civiles. Et lorsque des objectifs civils deviennent objets de systèmes d’espionnage de haute technologie, cela signifie que les “alliés” de la super-puissance, hyper-armée, deviennent, eux aussi, à leur tour, les cibles de ces écoutes permanentes. Dans un tel contexte, ces “alliés” ne sont plus des “alliés” au sens conventionnel du terme. La perspective purement politique, telle qu’elle nous fut jadis définie par un Carl Schmitt, change complètement. Il n’existe alors plus d’ennemis au sens “schmittien” du terme, mais plus d’”alliés” non plus, dans le sens où ceux-ci serait théoriquement et juridiquement perçus et traités comme des égaux. Le langage utilisé désormais dans les hautes sphères dirigeantes américaines et dans les services secrets US trahit ce glissement sémantique et pratique: on n’y parle plus d’”ennemis” ou d’”alliés”, mais d’ “alien audiences”, littéralement d’”auditeurs étrangers”, de “destinataires [de messages] étrangers”, qui doivent être la cible des services de propagande américains, qui ont pour mission de les rendre “réceptifs” et dociles.

 

Que signifie ce glissement, cette modification, sémantique, en apparence anodine? Elle signifie qu’après l’effondrement de l’Union Soviétique, les “alliés” européens sont devenus superflus et ne constituent plus qu’un ensemble de résidus, vestiges d’un passé bien révolu, tant et si bien que l’on peut sans vergogne aller pomper des informations chez eux, qu’on peut les placer sous écoute permanente, surtout dans les domaines qui touchent les technologies de pointe. Les Européens ont déjà pu constater, à leurs dépens, que des firmes françaises et allemandes ont été espionnées par voie électronique ou par le truchement des satellites du système ECHELON. Certaines de ces entreprises avaient mis au point un système de purification des eaux. Comme les informations qu’elles envoyaient par courrier électronique avaient préalablement été  pompées, les entreprises concurrentes américaines avaient pu fabriquer les produits à meilleur marché, tout simplement parce qu’elles n’avaient pas investi le moindre cent dans la recherche.

 

L’appareil étatique américain favorise de la sorte ses propres firmes nationales et pille simultanément les entreprises de ses “alliés”. Cette forme d’espionnage industriel recèle un danger mortel pour nos sociétés civiles, car elle génère un chômage au sein d’un personnel hautement qualifié. Duncan Campbell, un courageux journaliste britannique qui a dénoncé le scandale d’ECHELON, donne, dans son rapport, des dizaines d’exemples de pillages similaires, dans tous les domaines des technologies de pointe. Les Etats-Unis, cependant, ne sont pas les seuls à participer au réseau satellitaire d’espionnage ECHELON; la Grande-Bretagne, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande y participent aussi, si bien qu’une question importante se pose à nous: le Royaume-Uni constitue-t-il une puissance européenne loyale? Le Général de Gaulle n’avait-il pas raison quand il disait que la “relation spéciale” (“special relationship”) entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne était derechef hostile au continent européen, et le resterait à jamais?

 

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Lorsque nous évoquons une “Europe des peuples”,

nous devons avoir en tête deux faisceaux de faits, jouant chacun un rôle important :

 

◊ 1. Le premier faisceau de faits est de nature culturelle. La culture est ce que l’on doit maintenir intact, dans la mesure du possible, dans le tourbillon incessant des modèles divergents que nous propose la modernité. Nous en sommes bien évidemment conscients, nous plus que beaucoup d’autres. Mais cette conscience, qui est la nôtre, recèle un grand danger, propre de tout combat culturel : celui de transformer tout héritage culturel en un fatras “muséifié” ou de percevoir toute activité culturelle  comme un simple passe-temps. La défense de nos héritages culturels ne peut en aucun cas être “statique”, dépourvue de dynamisme. Toute culture vivante possède une dimension politique, économique et géopolitique.

 

◊ 2. Second faisceau de faits : le peuple, en tant que substrat ethnique porteur et créateur/fondateur de culture, ne peut jamais, au grand jamais, être mis à disposition par la classe politique dominante. Ce substrat populaire fait émerger, au fil du temps, une culture et une littérature spécifiques et non aliénables, produits d’une histoire particulière. Il génère également un système économique spécifique, qui est tel et non autre. Toute forme économique nait et s’inserre dans un espace particulier, est une émanation d’une époque particulière. Par voie de conséquence, toute économie viable ne peut s’inscrire dans un schéma conceptuel qui se voudrait d’emblée “international” ou “universel”. Perroux, Albertini et Silem, les grands théoriciens français de l’économie et de l’histoire économique, insistent justement sur la dimension historique des systèmes économiques, sans oublier les grands théoriciens des systèmes autarciques. Pour clarifier leurs propos si pertinents, ils ont classés l’ensemble des systèmes en deux catégories didactiques : les “orthodoxes”, d’une part, les “hétérodoxes”, d’autres part.

 

“Orthodoxes” et “hétérodoxes” en théorie économique

 

Les “orthodoxes” sont les libéraux de l’école d’Adam Smith (les “libéraux manchesteriens”) et les marxistes, qui pensent sur base de concepts “universels” et veulent implanter les mêmes modèles et catégories partout dans le monde. Ils sont en fait les ancêtres philosophiques des araseurs globalistes d’aujourd’hui. Les “hétérodoxes” en revanche mettent l’accent sur les particularités de chaque système économique. Ils sont les héritiers de l’”école historique” allemande, et d’économistes tels Rodbertus, Schmoller et de Laveleye. Sous la République de Weimar, le “Tat-Kreis” et la revue “Die Tat”, avec des héritiers de cette école comme Ferdinand Fried et Ernst Wagemann, ont poursuivi cette quête et approfondi cette veine intellectuelle. Comme nous venons de le dire, pour les “hétérodoxes” et les te­nants de l’école historique, chaque espace économique est lié à un lieu et est le fruit d’une histoire par­ticulière, que l’on ne peut pas tout bonnement mettre entre parenthèse et ignorer. L’histoire et l’éco­nomie façonnent les institutions, qui sont liées à un substrat ethnique, à un lieu et à une époque, des institutions qui font fonctionner une économie de manière telle et non autre. Nous percevons très nettement, ici, pourquoi l’UE a connu jusqu’ici l’échec, et le connaîtra encore dans l’avenir: elle n’a ja­mais emprunté cette voie hétérodoxe. Nous, bien évidemment, nous optons pour cette approche hétéro­doxe de l’économie, dans le sens où l’entendent Perroux, Silem et Albertini. L’économie est le “nomos” de l’”oikos”, ce qui signifie qu’elle est la mise en forme d’un lieu de vie spécifique, où j’habite, moi, en tant que “façonneur” potentiel du politique, avec les miens. D’après l’étymologie même du mot éco­nomie, il n’y a pas d’économie sans lieu (**). Une économie universelle n’existe pas par définition.

 

Revenons à la géopolitique. Par définition, la discipline, que constitue la “géopolitique”, traite de l’in­fluence des facteurs géographiques/spatiaux sur les ressorts éternels de la politique, à l’intérieur d’une aire donnée. Les facteurs spatiaux, immédiats et environnants, influencent bien entendu la manière de pratiquer l’économie dans les limites de l’”oikos” lui-même. S’il nous paraît utile et équilibrant de con­server ces modes hérités de pratiquer l’économie, et de ne pas les remplacer par des règles qui seraient soi-disant applicables sans faille à tous les lieux du monde, alors nous pouvons parler d’un principe “au­tarcique”, quand l’économie se donne pour but d’être et de rester auto-suffisante. La notion d’autarcie économique n’implique pas nécessairement que l’on constitue à terme un “Etat commercial fermé” (l’in­terprétation étroite de l’idée conçue par Fichte). A l’heure actuelle, la notion d’autarcie devrait viser un équilibre entre une ouverture raisonnable des frontières commerciales et la pratique tout aussi raison­nable de fermetures ad hoc, afin de protéger, comme il se doit, les productions indigènes. Une notion ac­tualisée d’autarcie vise un “auto-centrage” bien balancé de toute économie nationale ou “grand-spatiale” (“großräumisch”/”reichisch”), ainsi que l’avait théorisé avec brio André Grjébine, un disciple de Fran­çois Perroux.

 

 

 

De Frédéric II à Friedrich List

 

Friedrich List s’était fait l’avocat, au 19ième siècle, des systèmes économiques indépendants. C’est lui qui a forgé, par ses idées et plans, les économies modernes de l’Allemagne, des Etats-Unis, de la France et de la Belgique, et partiellement aussi de la Russie à l’époque du ministre du Tsar Serguëi Witte, l’homme qui, à la veille de la première guerre mondiale, a modernisé l’empire russe. L’idée principale de List était de lancer le processus d’industrialisation dans chaque pays et de développer de bons systèmes et réseaux de communications. A l’époque de List, ces systèmes et réseaux de communications étaient les canaux et les chemins de fer. De son point de vue, et du nôtre, chaque peuple, chaque aire culturelle ou civilisationnelle, chaque fédération de peuples, a le droit de construire son propre réseau de communi­cation, afin de se consolider économiquement. Dans ce sens, List entendait réaliser les voeux concrets contenus dans le Testament politique de Frédéric II de Prusse.

 

Le roi de Prusse écrivit en 1756 que la mission majeure de l’Etat prussien dans l’espace de la grande plaine de l’Allemagne du Nord était de relier entre eux par canaux les grands bassins fluviaux, si bien qu’entre la Vistule et la Mer du Nord les communications s’en trouvent grandement facilitées. Ce projet visait à dépasser l’état de discontinuité et de fragmentation de l’espace nord-allemand, qui avait grevé pendant des siècles le destin historique du Saint-Empire. Le système de canaux envisagés réduisait ensuite la dépendance de cette plaine par rapport à la mer. En son temps, List développa également le projet de relier à l’Atlantique les grands lacs situés au centre du continent nord-américain. Il encouragea les Français à construire un canal entre l’Atlantique et la Méditerranée, afin de relativiser la position de Gibraltar. Il donna aussi le conseil au roi des Belges, Léopold I de Saxe-Cobourg, de relier les bassins de l’Escaut et de la Meuse à celui du Rhin. Ainsi, successivement, l’Etat belge a fait creuser plusieurs canaux, dont le “Canal du Centre”, le Canal Anvers-Charleroi et, beaucoup plus tard seulement, le Canal Albert (en 1928), couronnement de ce projet germano-belge du 19ième siècle. List conseilla à tous de construire des lignes de chemin de fer, afin d’accélérer partout les communications. Ce sont surtout l’Allemagne et les Etats-Unis qui doivent à ce grand ingénieur et économiste d’être devenus de grandes puissances industrielles.

 

Du droit inaliénable à déployer ses propres moyens électroniques

 

Les puissances thalassocratiques ne peuvent en aucun cas tolérer de tels dévelopements dans les pays continentaux. Les Anglais craignaient, aux 19ième et 20ième siècles, que l’élément constitutif de leur puissance, c’est-à-dire leur flotte, perdrait automatiquement de son importance en cas d’amélioration des voies navigables intra-continentales et des chemins de fer. La presse anglaise s’était insurgée contre la construction, par les Français, du grand canal entre l’Atlantique et la Méditerranée. En 1942, cette même presse londonienne publie une carte pour expliciter à son public les dangers que recèlerait la construction d’une liaison entre le Rhin, le Main et le Danube. Dans son ouvrage du plus haut intérêt, intitulé “Präventivschlag”, Max Klüver nous rappelle que les services spéciaux britanniques avaient planifié et commencé à exécuter des missions de sabotage contre les ponts sur le Danube en Hongrie et en Roumanie. La Guerre Froide  —il suffit de lire une carte physique de l’Europe—  avait également pour objectif de couper les communications fluviales sur l’Elbe et le Danube, afin d’empêcher toute dynamique entre la Bohème et l’Allemagne du Nord et entre le complexe bavaro-autrichien et l’espace balkanique. La guerre contre la Serbie en 1999 a servi, entre autres choses, à bloquer tout trafic sur le Danube et à empêcher l’éclosion d’un système de communication à voies multiples entre la région de Belgrade et la Mer Egée. Les idées de List restent tout à fait actuelles et mériteraient bien d’être approfondies et étoffées, notamment en incluant dans leurs réflexions sur l’autarcie et l’indépendance économique la technologie nouvelle que représentent aujourd’hui les systèmes satellitaires. Tout groupe de peuples, toute fédération comme l’UE par exemple, devrait disposer du droit, inaliénable, de déployer ses propres moyens et systèmes électroniques, afin de renforcer sa puissance industrielle et économique.

 

Pour observer de réelles actualisations des théories de List, qui, en Europe, sont refoulées voire “inter­dites” comme presque toutes les doctrines “hétérodoxes”, nous devons tourner nos regards vers l’A­mérique latine. Sur ce continent, travaillent et enseignent des disciples de List et de Perroux. Lorsque ces théoriciens et économistes latino-américains parlent de s’émanciper de la tutelle américaine, ils utilisent le concept de “continentalisme”. Ils désignent par là un mouvement politique présent sur l’en­semble du continent ibéro-américain et capable de rassembler et de fédérer toutes les forces souhaitant se dégager de la dépendance imposée par Washington. L’Argentine, par exemple, a développé des idées et des idéaux autarcistes bien étayés dès l’époque du Général Péron. Avant que les forces transnationales du monde bancaire aient ruiné le pays en utilisant tous les trucs possibles et imaginables, l’Argentine bénéficiait d’une réelle indépendance alimentaire, grâce à sa surproduction de céréales et de viandes, destinées à l’exportation. Cette puissance civile constituait une épine dans le pied de la politique américaine.  L’Argentine avait aussi, notamment grâce à l’aide d’ingénieurs allemands, pu développer une industrie militaire complète et bien diversifiée. En 1982,  les pilotes argentins se servaient d’avions de combat fabriqués en Argentine même, les fameux “Pucaras”, qui détruisirent des navires de guerre britanniques lors de la Guerre des Malouines. Cette politique d’autonomie bien poursuivie fait de l’idéologie péroniste, qui l’articule, l’ennemi numéro un des Etats-Unis en Amérique ibérique, et plus particulièrement dans le “cône sud”, depuis plus de soixante ans. Les nombreuses crises, créées de toutes pièces, qui ont secoué la patrie du Général Péron, ont réduit à néant les pratiques autarciques, pourtant si bien conçues. Une expérience très positive a connu une fin misérable, ce qui est un désastre pour l’humanité entière.

 

Ceux qui veulent aujourd’hui poursuivre une politique européenne d’indépendance, en dehors de tous les conformismes suggérés par les médias aux ordres, doivent articuler les six points suivants pour répon­dre à la politique de globalisation voulue par les Etats-Unis:

 

Point 1 : Abandonner le néo-libéralisme, retrouver l’ordo-libéralisme !

 

L’économie doit à nouveau reposer sur les principes du “modèle rhénan” (Michel Albert) et retrouver sa dimension “patrimoniale”. La démarche principale pour retourner à ce modèle “rhénan” et patrimonial, et réétablir ainsi une économie de marché ordo-libérale, consiste à investir plutôt qu’à spéculer. Lorsque l’on parle d’investissement, cela vaut également pour les établissements d’enseignement, les universités et la recherche. Une telle politique implique également le contrôle des domaines stratégiques les plus importants, comme au Japon ou aux Etats-Unis, ce que pratique désormais le Président Poutine en Russie post-communiste. Poutine, en effet, vient de prier récemment l’oligarque Khodorovski, d’investir “pa­triotiquement” sa fortune dans des projets à développer dans la Fédération de Russie, plutôt que de les “placer” à l’étranger et d’y spéculer sans risque. L’eurocratie bruxelloise, elle, a toujours refusé une telle politique. Récemment, le député du Front National français Bruno Gollnisch a proposé une politique européenne selon trois axes: 1) soutenir Airbus, afin de développer une industrie aéronautique euro­péenne indépendante de l’Amérique; 2) développer “Aérospace” afin de doter l’Europe d’un système sa­tellitaire propre; 3) soutenir toutes les recherches en matières énergétiques afin de délivrer l’Europe de la tutelle des consortia pétrolier dirigés par les Etats-Unis. Un programme aussi clair constitue indu­bitablement un pas dans la bonne direction!

 

Point 2 : Lutter pour soustraire l’Europe à l’emprise et l’influence des grandes agences médiatiques américaines !

 

Pour nous rendre indépendants des grandes agences médiatiques américaines, qui interprètent la réalité ambiante de la scène internationale dans des perspectives qui vont à l’encontre de nos propres intérêts, l’Europe doit donc développer une politique spatiale, ce qui implique une étroite coopération avec la Russie. Sans la Russie, nous accusons un retard considérable en ce domaine. Pendant des décennies, la Russie a rassemblé un savoir-faire considérable en matières spatiales. La Chine et l’Inde sont prêtes, elles aussi, à participer à un projet commun dans ce sens. Mais, pour pouvoir combattre le plus efficacement qui soit le totalitarisme médiacratique que nous imposent les Etats-Unis, nous avons besoin d’une ré­volution intellectuelle et spirituelle, d’une nouvelle métapolitique, qui briserait la fascination dangereuse qu’exerce l’industrie américaine de la cinématographie et des loisirs. Si les productions européennes présentent une qualité et attirent le public, tout en conservant la diversité et la pluralité des cultures européennes au sens où l’entendait Herder, nous serions en mesure de gagner la “guerre cognitive”, comme l’appellent aujourd’hui les stratégistes français. Toute révolution spirituelle a besoin de fantaisie, de créativité, d’un futurisme rédempteur et, surtout, d’une certaine insolence dans la critique, comme le démontre l’histoire d’une feuille satirique allemande d’avant 1914, le “Simplicissimus”. Un esprit d’in­solence, lorsqu’il fait mouche, aide à gagner la “guerre cognitive”.

 

Point 3 : Les principes de politique étrangère

ne devraient pas être ceux qu’induit et prêche l’Amérique sans arrêt

 

L’Europe doit imposer ses propres concepts en politique extérieure, en d’autres termes rejeter l’universalisme de Washington, que celui-ci s’exprime sur le mode du “multilatéralisme”, comme le veut Kerry, ou de l’”unilatéralisme”, tel que Bush le pratique en Irak. Pour une Europe, qui ne serait plus l’expression de l’eurocratie bruxelloise, aucun modèle ne devrait être considéré comme universellement valable ou annoncé comme tel. Que deux faisceaux de principes soient rappelés et cités ici :

◊ Armin Mohler, décédé en juillet 2003, parlait de la nécessité de donner une interprétation et une pratique allemandes au gaullisme, dans la mesure, écrivait-il dans son ouvrage “Von rechts gesehen” (= “Vu de droite”), où l’Europe devrait sans cesse s’intéresser aux  —et protéger— (les) pays que les Américains décrètent “rogue states” (= “Etats voyous”). Lorsqu’Armin Mohler écrivit ses lignes sur le gaullisme, l’Etat-voyou par excellence, dans la terminologie propagandiste américaine, était la Chine. Au même moment, dans le camp “national-européen”, Jean Thiriart et les militants de son mouvement “Jeune Europe” à Bruxelles, disaient exactement la même chose. En Allemagne, Werner Georg Haverbeck, à Vlotho, tentait, dans son “Collegium Humanum” de répandre dans les milieux intellectuels allemands une information plus objective sur la Chine. La reine-mère en Belgique, Elisabeth von Wittelsbach, pour s’opposer ostensiblement à la “Doctrine Hallstein” de l’OTAN, entreprit à l’époque de faire un voyage en Chine. Tous furent affublés de l’épithète disqualifiante de “crypto-communistes”. Or, orienter la politique internationale de l’Europe selon certains modèles chinois n’est nullement une idiotie ou une aberration.

◊ Cette “sinophilie” des années 50 et 60 nous amène tout naturellement à réflechir sur un modèle que l’Europe pourrait parfaitement imiter, au lieu de suivre aveuglément les principes et les pratiques de l’universalisme américain. Ce modèle est celui que la Chine propose aujourd’hui encore, après la parenthèse paléo-communiste:

è      Aucune immixtion d’Etats tiers dans les affaires intérieures d’un autre Etat. Cela signifie que l’idéologie des droits de l’homme ne peut être utilisée pour susciter des conflits au sein d’un Etat tiers. Le Général Löser, qui, immédiatement avant la chute du Mur, militait en Allemagne pour une neutralisation de la zone centre-européenne (Mitteleuropa), défendait des points de vue similaires.

è      Respect de la souveraineté des Etats existants.

è      Ne jamais agir pour ébranler les fondements sur lesquels reposaient les stabilités des Etats.

è      Continuer à travailler à la coexistence pacifique.

è      Garantir à chaque peuple la liberté de façonner à sa guise son propre système  économique.

 

Cette philosophie politique chinoise repose sur les travaux d’auteurs classiques comme Sun Tzu ou Han Fei et sur le Tao Te King. Cette pensée recèle des arguments clairs comme de l’eau de roche, sans rien avoir à faire avec ce moralisme délétère qui caractérise l’articulation dans les médias de l’universalisme américain.

 

Point 4 : S’efforcer d’être indépendant sur le plan militaire

 

La tâche principale d’un mouvement de libération contientale dans toute l’Europe serait de viser la protection sans faille de l’industrie de l’armement et d’éviter que les firmes existantes ne tombent aux mains de consortia américains tels “Carlyle Incorporation”. Fiat Avio en Italie, la dernière firme qui construisait des sous-marins en Allemagne, le consortium espagnol “Santa Barbara Blindados” viennent tout juste de devenir américains par le truchement de spéculations boursières. Autre tâche: privilégier systématiquement l’Eurocorps au lieu de l’OTAN, tout en transformant cet “Eurocorps” en une armée populaire de type helvétique, soit en une milice, comme l’avaient voulu Löser en Allemagne, Spannocchi en Autriche et Brossolet en France. L’OTAN n’a en effet plus aucune raison d’exister depuis que l’Allemagne et l’Europe ont été réunifiées en 1989. Dans la foulée de la disparition du Rideau de Fer, les Européens ont raté une chance historique de façonner un ordre mondial selon leurs intérêts. C’est pourquoi la belle idée d’un “Axe Paris-Berlin-Moscou” vient sans doute trop tard. Troisième tâche : construire une flotte européenne dotée de porte-avions. Quatrième tâche : lancer un système satellitaire européen, afin que l’Europe puisse enfin disposer d’une arme pour mener tout à la fois les guerres militaires et les guerres culturelles/cognitives. Ce qui nous conduit à énoncer le point 5.

 

Point 5 : Combattre le réseau ECHELON

 

En tant que système d’observation et d’espionnage au service de la Grande-Bretagne, de l’Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande et des Etats-Unis, ECHELON est une arme dirigée contre l’Europe, la Russie, l’Inde, la Chine et le Japon. Il incarne l’idée dangereuse d’une surveillance totale, comme l’avaient prédite Orwell et Foucault. La pratique américaine et anglo-saxonne d’une surveillance aussi ubiquitaire doit être contrée et combattue par toutes les autres puissances du monde qui en font l’objet. Elle ne peut l’être que par la constitution d’un système équivalent, fruit d’une étroite coopération entre la Russie, l’Europe, l’Inde, la Chine et le Japon. Si ECHELON n’est plus le seul et unique système de ce type, les puissances de la grande masse continentale eurasiatique pourront apporter leur réponse culturelle, militaire et économique. En ECHELON, en effet, fusionnent les opérations culturelles, économiques et militaires qui sont menées partout dans le monde aujourd’hui. La réponse à y apporter réside bel et bien dans la constitution d’un “Euro-Space” en liaison avec le savoir-faire russe accumulé depuis le lancement du premier spoutnik à la fin des années 50.

 

Point 6 : Pour une politique énergétique indépendante

 

Pour ce qui concerne la politique énergétique, la voie à suivre est celle de la diversification maximale des sources d’énergie, comme De Gaulle l’avait amorcée en France dans les années 60, lorsqu’il entendait prendre ses distances par rapport à l’Amérique et à l’OTAN. Le Bureau du Plan français voulait à l’époque exploiter toutes les sources d’énergie possibles: éoliennes, solaires, marémotrices, hydrauliques, sans pour autant exclure le pétrole et le nucléaire. La diversification permet de se dégager d’une dépendance trop étroite à l’endroit d’une source d’énergie unique et/ou exclusive. Aujourd’hui, cette politique de diversification reste valable. Ce qui n’exclut pas de participer à un vaste projet de développement des oléoducs et gazoducs eurasiens, de concert avec la Russie, la Chine, les Corées et le Japon. L’objectif majeur est de se dégager de la dépendance à l’égard du pétrole saoudien et, par ricochet, des sources pétrolières contrôlées par les Etats-Unis.

 

Ces six points ne pourront jamais être réalisés par le personnel politique actuel. Ceci n’est pas une conclusion qui m’est personnelle, fruit d’une aigreur à l’endroit de l’établissement politique dominant. L’analyse, qui conclut à cette incompétence générale du personnel politique établi, existe déjà, coulée dans des ouvrages de référence, solidement charpentés. Ils constituent une source inépuisable d’idées politiques nouvelles, de programmes réalisables. Erwin Scheuch, Hans-Herbert von Arnim, Konrad Adam, la tradition anti-partitocratique italienne, l’oeuvre d’un Roberto Michels, critique des oligarchies, l’oeuvre de l’ancien ministre de Franco, Gonzalo Fernandez de la Mora, nous livrent les concepts de combat nécessaires pour déployer une critique offensive et générale des partitocraties et des “cliques” (Scheuch) en place. Cette critique doit contraindre à terme les “élites sans projet” à laisser le terrain à de nouvelles élites, capable d’apporter les vraies réponses aux problèmes contemporains. Pour finir, il me paraît utile de méditer une opinion émise jadis par Arthur Moeller van den Bruck, qui disait que la politique partisane (la partitocratie) était un mal, parce que les partis s’emparent de l’appareil d’Etat, alors que celui-ci devrait en théorie appartenir à tous; ainsi s’instaure, dit Moeller van den Bruck, un “filtre” entre le peuple réel et le monde de la politique, qui détruit toute immédiateté entre gouvernés et gouvernants.

 

Seule cette immédiateté, postulée par Moeller van den Bruck, fonde la véritable démocratie, qui ne peut être que populiste et organique. S’il n’y a ni populisme ni organicité en permanence, l’Etat dégénère en une institution rigide et purement formelle, inorganique et dévitalisée. 

 

Cette grande idée de l’immédiateté dans le politique pur permet de réaliser de véritables projets et de démasquer les messages idéologiques qui nous conduisent sur de fausses routes. C’est à la restauration de cette immédiateté que nous entendons oeuvrer.

 

Robert STEUCKERS,

Forest-Flotzenberg/Friedrichsroda (Thüringen), avril 2004.

 

(*) Original allemand: R. Steuckers, “Europa der Völker statt US-Globalisierung”, in Veröffentlichungen der Gesellschaft für Freie Publizistik, XX. Kongress-Protokoll 2004, Die Neue Achse. Europas Chancen gegen Amerika, Gesellschaft für Freie Publizistik e. V., Oberboihingen, 2004, ISBN 3-9805411-8-5. Ont également participé à ce Congrès, Dr. Rolf Kosiek, Dr. Dr. Volkmar Weiss, Dr. Walter Post, Prof. Dr. Wjatscheslaw Daschitschew [Viatcheslav Dachitchev], Harald Neubauer, Dr. Pierre Krebs, Dr. Gert Sudholt.

 

(**) Le mot grec “oikos” est de même racine indo-européenne que le latin “vicus”, signifiant “village”, soit un site bien circonscrit dans l’espace. Le terme latin “vicus” a donné le néerlandais “wijk” (quartier) et le suffixe onomastique anglais “-wich”, comme dans “Greenwich”, par exemple, qui donnerait “Groenwijk” en néerlandais. Le son “w” ou “v” ayant disparu dans le grec classique et s’étant maintenu dans les langues latines et germaniques, la forme originale est “[w/v]oikos”, où l’on reconnaît les deux consonnes, inamovibles, tandis que les voyelles varient. Le “k” est devenu “tch” en anglais, selon les mêmes règles phonétiques qui ont donné le passage de “castellum” (latin) à “castel’ (vieux français), à “cateau” ou “casteau” (picard), à “château” (français moderne); ou encore le passage de “canis” (latin) à “ki” (picard du Borinage) puis à “chien” (français moderne) et à “tché” (wallon de Liège). De “tché”, on passe ensuite au domaine germanique où bon nombre de “k” latins ont donné un “h” aspiré, en passant par le son intermédiaire écrit “ch” en néerlandais et en allemand (exemple: “canis”/ “hond/Hund”; “cervus”/ “cerf” / “hert”/”Hirsch”, etc.). Les noms de peuples suivent aussi la même règle: les “Chattes” de l’antiquité sont devenus les “Hessois” (“Hessen”) d’aujourd’hui, en tenant compte que le “t” se transforme en double “s”, selon les règles des mutations consonantiques, propres aux langues germaniques continentales.

 

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jeudi, 20 mai 2010

Alfred Thayer Mahan (1840-1914)

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1992

Alfred Thayer MAHAN (1840-1914)

 

Mahan.jpgAmiral, historien et professeur à l'US Naval Academy, Alfred Thayer Mahan est né le 27 septembre 1840 à West Point, où son père enseignait à l'Académie militaire. Il fréquente l'US Naval Academy d'Annapolis, sert l'Union pendant la Guerre de Sécession et entame une carrière de professeur d'histoire et de stratégie navales. De 1886 à 1889, il préside le Naval War College. De 1893 à 1895, il commande le croiseur Chicago dans les eaux européennes. Il sert à l'état-major de la marine pendant la guerre hispano-américaine de 1898. En 1902, il est nommé Président de l'American Historical Association.  Il meurt à Quogue, dans l'Etat de New York, le 1 décembre 1914. L'œuvre de Mahan démontre l'importance stratégique vitale des mers et des océans. Leur domination permet d'accèder à tous les pays de la planète, parce que la mer est res nullius, espace libre ouvert à tous, donc surtout à la flotte la plus puissante et la plus nombreuse. Le Sea Power,  tel que le définit Mahan, n'est pas exclusivement le résultat d'une politique et d'une stratégie militaires mais aussi du commerce international qui s'insinue dans tous les pays du monde. Guerre et commerce constituent, aux yeux de Mahan, deux moyens d'obtenir ce que l'on désire: soit la puissance et toutes sortes d'autres avantages. Ses travaux ont eu un impact de premier ordre sur la politique navale de l'empereur allemand Guillaume II, qui affirmait «dévorer ses ouvrages».

 

The Influence of Sea Power upon History 1660-1783  (L'influence de la puissance maritime sur l'histoire 1660-1783),  1890

 

Examen général de l'histoire européenne et américaine, dans la perspective de la puissance maritime et de ses influences sur le cours de l'histoire. Pour Mahan, les historiens n'ont jamais approfondi cette perspective maritime car ils n'ont pas les connaissances navales pratiques nécessaires pour l'étayer assez solidement. La maîtrise de la mer décide du sort de la guerre: telle est la thèse principale de l'ouvrage. Les Romains contrôlaient la mer: ils ont battu Hannibal. L'Angleterre contrôlait la mer: elle a vaincu Napoléon. L'examen de Mahan porte sur la période qui va de 1660 à 1783, ère de la marine à voile. Outre son analyse historique extrêmement fouillée, Mahan nous énumère les éléments à garder à l'esprit quand on analyse le rapport entre la puissance politique et la puissance maritime. Ces éléments sont les suivants: 1) la mer est à la fois res nullius  et territoire commun à toute l'humanité; 2) le transport par mer est plus rapide et moins onéreux que le transport par terre; 3) les marines protègent le commerce; 4) le commerce dépend de ports maritimes sûrs; 5) les colonies sont des postes avancés qui doivent être protégés par la flotte; 6) la puissance maritime implique une production suffisante pour financer des chantiers navals et pour organiser des colonies; 7) les conditions générales qui déterminent la puissance maritime sont la position géographique du territoire métropolitain, la géographie physique de ce territoire, l'étendue du territoire, le nombre de la population, le caractère national, le caractère du gouvernement et la politique qu'il suit (politiques qui, dans l'histoire, ont été fort différentes en Angleterre, en Hollande et en France). Après avoir passé en revue l'histoire maritimes des pays européens, Mahan constate la faiblesse des Etats-Unis sur mer. Une faiblesse qui est due à la priorité que les gouvernements américains successifs ont accordé au développement intérieur du pays. Les Etats-Unis, faibles sur les océans, risquent de subir un blocus. C'est la raison pour laquelle il faut développer une flotte. Telle a été l'ambition de Mahan quand il militait dans les cercles navals américains.

 

The Influence of Sea Power upon the French Revolution and Empire, 1793-1812 (L'influence de la puissance maritime sur la Révolution française et l'Empire français, 1793-1812),  2 vol.,  1892

 

Ce livre d'histoire maritime est la succession du précédent. Il montre comment l'Angleterre, en armant sa marine, a fini par triompher de la France. En 1792, l'Angleterre n'est pas du tout prête à faire la guerre ni sur terre ni sur mer. En France, les révolutionnaires souhaitent s'allier à l'Angleterre qu'ils jugent démocratique et éclairée. Mais, explique Mahan, cet engouement des révolutionnaires français ne trouvait pas d'écho auprès des Anglais, car la conception que se faisaient ces derniers de la liberté était radicalement différente. Pour Mahan, conservateur de tradition anglo-saxonne, l'Angleterre respecte ses traditions et pratique la politique avec calme. Les révolutionnaires français, eux, détruisent toutes les traditions et se livrent à tous les excès. La rupture, explique le stratège Mahan, survient quand la République annexe les Pays-Bas autrichiens, s'emparent d'Anvers et réouvrent l'Escaut. La France révolutionnaire a touché aux intérêts de l'Angleterre aux Pays-Bas.

Le blocus continental, décrété plus tard par Napoléon, ne ruine pas le commerce anglais. Car en 1795, la France avait abandonné toute tentative de contrôler les océans. Dans son ouvrage, Mahan analyse minutieusement la politique de Pitt, premier impulseur génial des pratiques et stratégies de la thalassocratie britannique.

(Robert Steuckers).

- Bibliographie: The Gulf and Inland Waters, 1885; The Influence of Sea Power upon History, 1660-1783, 1890; The Influence of Sea Power upon French Revolution and Empire, 1783-1812,  1892; «Blockade in Relation to Naval Strategy», in U.S. Naval Inst. Proc., XXI, novembre 1895, pp. 851-866; The Life of Nelson. The Embodiment of the Sea Power of Great-Britain, 1897; The Life of Admiral Farragut, 1892; The Interest of America in Sea Power, present and future, 1897; «Current Fallacies upon Naval Subjects», in Harper's New Monthly Magazine, XCVII, juin 1898, pp. 44-45; Lessons of the War with Spain and Other Articles, 1899; The Problem of Asia and its Effect upon International Politics, 1900; The Story of War in South Africa, 1900; Types of Naval Officers, 1901; «The Growth of our National Feeling», in World's Work,  février 1902, III, pp. 1763-1764; «Considerations Governing the Disposition of Navies», in The National Review,  XXXIX, juillet 1902, pp. 701, 709-711; Sea Power and its Relations to the War of 1812, 1905; Some Neglected Aspects of War, 1907; From Sail to Steam: Recollections of Naval Life, 1907; The Harvest Within, 1907 (expression des sentiments religieux de Mahan); The Interest of America to International Conditions, 1910; Naval Strategy, compared and contrasted with the Principles of Military Operations on Land,  1911; The Major Operations of the Navies in the War of American Independance,  1913; «The Panama Canal and Distribution of the Fleet», in North American Review,  CC, sept. 1914, pp. 407 suiv.

- Traductions françaises: L'influence de la puissance maritime dans l'histoire, 1660-1783,  Paris, Société française d'Edition d'Art, 1900; La guerre hispano-américaine, 1898. La guerre sur mer et ses leçons,  Paris, Berger-Levrault, 1900; Stratégie Navale,  Paris, Fournier, 1923; Le salut de la race blanche et l'empire des mers, Paris, Flammarion, 1905 (traduction par J. Izoulet de The Interest of America in Sea Power).

- Correspondance: la plupart des lettres de Mahan sont restées propriété de sa famille; cf. «Letters of Alfred Thayer Mahan to Samuel A'Court Ashe (1858-59)» in Duke Univ. Lib. Bulletin, n°4, juillet 1931.

- Sur Mahan:  U.S. Naval Institute Proc., Janvier-février 1915; Army and Navy Journal,  5 décembre 1914; New York Times, 2 décembre 1914; Allan Westcott, Mahan on Naval Warfare, 1918 (anthologie de textes avec introduction et notes); C.C. Taylor, The Life of Admiral Mahan, 1920 (avec liste complète des articles rédigés par Mahan); C.S. Alden & Ralph Earle, Makers of Naval Tradition, 1925, pp. 228-246; G.K. Kirkham, The Books and Articles of Rear Admiral A. T. Mahan, U.S.N., 1929; Allan Westcott, «Alfred Thayer Mahan», in Dictionary of American Biography,  Dumas Malone (ed.), vol. XII, Humphrey Milford/OUP, London, 1933; Captain W.D. Puleston, The Life and Work of Captain Alfred Thayer Mahan,  New Haven, 1939; H. Rosinski, «Mahan and the Present War», Brassey's Naval Annual,  1941, pp. 9-11; Margaret Tuttle Sprout, «Mahan: Evangelist of Sea Power», in Edward Mead Earle, Makers of Modern Strategy. Military Thought from Machiavelli to Hitler,  Princeton, 1944 (éd. franç.: E. M. Earle, Les maîtres de la stratégie,  Paris, Berger-Levrault, 1980, Flammarion, 1987); W. Livezey, Mahan on Sea Power,  1947; Pierre Naville, Mahan et la maîtrise des mers,  Paris, Berger-Levrault, 1981 (avec textes choisis de Mahan).

- Autres références: H. Hallman, Der Weg zum deutschen Schlachtflottenbau,  Stuttgart, 1933, p. 128; Martin Wight, Power Politics,  Royal Institute of International Affairs, 1978; Hellmut Diwald, Der Kampf um die Weltmeere,  Droemer/Knaur, Munich, 1980; Hervé Coutau-Bégarie, La puissance maritime. Castex et la stratégie navale,  Paris, Fayard, 1985.   

mercredi, 19 mai 2010

Il nuovo accordo russo-ucraino: un'interpretazione geopolitica

Il nuovo accordo russo-ucraino: un’interpretazione geopolitica

di Alessio Bini

Fonte: eurasia [scheda fonte]


* Alessio Bini è dottore in Relazioni internazionali (Università di Bologna)
Tante altre notizie su www.ariannaeditrice.it

Il nuovo accordo russo-ucraino: un’interpretazione geopolitica

I fatti in breve

Il Presidente Viktor Janukovič ha mantenuto la parola data: durante la campagna elettorale presidenziale aveva promesso, in caso di vittoria, di condurre le relazioni con il potente vicino russo fuori dalla situazione di stallo che si era venuta a creare durante la presidenza di Viktor Juščenko. La promessa è stata mantenuta e lo scorso 21 aprile si è concretizzata in un nuovo trattato tra i due Paesi. In quell’occasione, il Presidente della Federazione Russa Dmitrij Medvedev ed il suo omologo ucraino Viktor Janukovič si sono incontrati nella città Kharkiv, situata nella parte orientale dell’Ucraina, per stipulare un accordo che segna una nuova ed importante tappa nelle relazioni tra Russia ed Ucraina.

I cosiddetti accordi di Kharkiv sono caratterizzati dalla volontà di tenere unite questioni militari, strategiche ed economiche.

Il trattato ha una dimensione geopolitica che non può e non deve essere sottovalutata. Mosca ottiente un’estensione di 25 anni (vale a dire fino al 2042 con la possibilità di rimanere fino al 2047) del contratto di affitto delle infrastrutture portuali a Sebastopol, città in cui è ormeggiata la sua flotta del Mar Nero mentre Kiev ottiene come contropartita un aumento per quell’affitto (circa 1.8 miliardi di dollari all’anno) e una riduzione per 10 anni del prezzo del gas russo pari a 100 dollari ogni 1000 metri cubi o, nel caso in cui il prezzo dell’oro blu dovesse scendere sotto i 330 dollari ogni 1000 metri cubi, uno sconto del 30%. Poichè i vertici ucraini hanno già fatto sapere che gradirebbero ricevere l’affitto della base di Sebastopol sotto forma di gas, l’intesa è stata ribattezzata ‘gas for fleet deal’.

 


Questo accordo è paragonabile, per importanza geopolitica, a quello stipulato nel maggio 1997 tra Eltsin e Kučma al fine di mettere termine al contenzioso nato dalle discussioni sul futuro della ex flotta sovietica ancorata a Sebastopol (flotta che contava allora circa 835 vascelli). In quell’occasione la Russia ottenne, tramite contratto di affitto di durata ventennale (con scadenza 2017), la gestione delle infrastrutture portuali cittadine. Curiosamente, ma solo per coloro che non hanno molta dimestichezza con le questioni russo-ucraine, anche allora entrò nelle discussioni la questione del gas: infatti l’Ucraina accettò di trasferire alla Russia buona parte delle navi ottenute dall’accordo di spartizione al fine di coprire parte del debito che si era accumulato nel corso degli anni. Senza alcun intento malizioso, vogliamo ricordare come quelli fossero anni non sospetti: infatti l’Ucraina riceveva gas ad un prezzo veramente basso e Vladimir Putin, accusato oggi da molti di usare con spietato cinismo l’arma delle risorse emergetiche russe al fine di soggiogare i territori ex sovietici, era un personaggio sconosciuto ai più.

I rispettivi parlamenti hanno già ratificato il trattato migliorando il clima tra i due Paesi e rendendo la strada verso altri accordi su questioni strategiche quali l’industria aeronautica e la cooperazione nucleare civile molto meno impervia. A tal proposito è degno di nota quanto affermato da Kostjantyn Gryščenko, attuale Ministro degli esteri ucraino, che parlando della imminente visita del Presidente Russo a Kiev dice di aspettarsi non solo gesti simbolici da parte di Medvedev ma soprattutto concreti passi verso l’implementazione di progetti volti a cementare le relazioni bilaterali in sfere importanti della vita politica ed economica dei due Paesi. Tutto ciò permette alla Russia di mantenere e rafforzare la propria presenza in Ucraina, Paese ritenuto vitale per la propria sicurezza contro i tentativi più o meno dichiarati di accerchiamento da parte dell’Alleanza Atlantica.

Nelle loro dichiarazioni ufficiali entrambi i governi sostengono che l’accordo sia vantaggioso per entrambi e si richiama l’attenzione sui guadagni di natura strategica da parte della Federazione Russa e su quelli di natura economica da parte dell’Ucraina. Si parla infatti di questo accordo come un esempio di win-win situation.

Non è certo nostra intenzione negare che entrambi gli Stati ottengono dei risultati concreti ed importanti, tuttavia, concentrando la nostra attenzione sugli aspetti più propriamente geopolitici ci sembra che dal tavolo dei negoziati emerga una realtà differente e meno bilanciata, una situazione caratterizzata dalla presenza di un ‘vincitore’, cioè Mosca, e di uno ‘sconfitto’, vale a dire Kiev. Riteniamo che tale situazione abbia origine dalla differenza esistente tra la Federazione Russa, uno Stato dotato di una dirigenza che persegue con una certa coerenza gli interessi geopolitici del Paese e l’Ucraina, uno Stato che fin dalla sua indipendenza sembra incapace di esprimere una dirigenza autorevole ed in grado di tracciare prima e promuovere poi gli interessi nazionali e che per questo condanna il proprio Paese a giocare il ruolo di perno piuttosto che di attore geopolitico.

Fin dal principio ci sembra corretto e doveroso chiarire che l’accordo stipulato a Kharkiv il 21 aprile scorso non è ancora stato reso pubblico (e forse non lo sarà mai), di conseguenza l’analisi geopolitica che ci proponiamo di elaborare si baserà, da un lato, su ciò che i protagonisti hanno reso pubblico di tale accordo (vale a dire informazioni utili ed importanti) e, dall’altro, sulle tendenze di medio e lungo periodo che ci sembra caratterizzino le relazioni tra i due Paesi.

 

Perchè la Russia vince

 

Dall’accordo stipulato qualche settimana fa a Kharkiv la Federazione Russa ottiene un risultato molto importante, vale a dire la permanenza nel porto si Sebastopol della propria Flotta del mar Nero. L’importanza di questo risultato è difficilmente sottovalutabile e riposa su molti fattori. Innanzittutto il prolungamento dell’affitto ha un significato identitario: volenti o nolenti, il volto di Sebastopol è stato modellato dal popolo russo che ha fondato la città poco dopo la conquista militare del Khanato tataro di Crimea nel 1783 e che vi ha lasciato un’impronta indelebile. A sua volta, la città ed i gesti di eroismo e di sacrificio compiuti dai russi in quel preciso luogo sono entrati a pieno titolo nella mitologia e nella memoria collettiva di questo popolo. Una volta preso atto di tutto ciò si capisce perchè gli abitanti di Sebastopol dichiarino orgogliosamente la propria identità russa e vedano nella Flotta non uno strumento al servizio di politiche neo-imperialiste russe, come qualche commentatore occidentale sostiene, bensì un simbolo in cui identificarsi e di cui essere orgogliosi.

Con molta probabilità la partenza della Flotta nel 2017, anno in cui i russi avrebbero dovuto lasciare Sebastopol secondo quanto pattuito nell’accordo siglato nel 1997, sarebbe stato un vero e proprio choc per l’intera nazione, un evento da evitare a tutti i costi!

Sia chiaro che quanto appena detto non significa che la città, o peggio ancora l’intera penisola di Crimea, debba tornare sotto la sovranità di Mosca, come molti politici e intellettuali russi pensano, ma chiarire come in quell’angolo di mondo l’identità russa sia vissuta come un fatto naturale e che, di conseguenza, ogni tentativo di negare ciò da parte di molti, nazionalisti ucraini in primis, non può che generare tensioni che indeboliscono l’Ucraina e che si irradiano su tutta la regione del mar Nero, una regione importante per la stabilità e la pace mondiale.

Altrettanto importante è il significato strategico della permanenza della Flotta russa a Sebastopol: sebbene della temibile Flotta sovietica e dei suoi 800 e più vascelli rimanga solo il ricordo (e per molti, la nostalgia), i russi a Sebastopol mantengono ancora un dispositivo militare credibile e temibile composto da circa 50 vascelli da guerra e 12 di supporto.

La Flotta russa è più potente di tutte le flotte degli altri Paesi rivieraschi messe assieme e la potenza dei suoi vascelli più importanti potrebbe permetterle di ottenere la vittoria su nemici più potenti.

Tutto ciò permette alla Russia di adempiere ad un triplice compito ritenuto irrinunciabile:

 

  • garantire la sicurezza dei suoi confini meridionali, ritenuti da Mosca un’area altamente instabile e foriera di problemi;
  • mantenere un controllo ed una presenza attiva nel bacino del mar Nero al fine di scoraggiare i progetti politici antagonisti sostenuti da altri (Stati e/o Alleanze) e proteggere i propri corridoi energetici esistenti ed in via di progettazione;
  • mantenere una posizione ben salda da cui partire per proiettare la propria potenza nel Mar Mediterraneo e nell’Oceano Indiano, bacini su cui Mosca non nasconde la propria volontà di giocare le proprie carte;

 

Mosca è perfettamente cosciente del fatto che la Flotta del Mar Nero sta diventando sempre più obsoleta (basti dire che è ancora in servizio una nave varata nel lontano 1915) e necessita di investimenti consistenti e mirati. Secondo il parere autorevole di molti esperti di affari militari russi, nei prossimi anni la Flotta dovrebbe ricevere, al fine di sostituire i vascelli più datati, circa 50 navi da guerra di nuova generazione. Se tale ricambio avverrà dipenderà da molti fattori, soprattutto di natura economica.

Quella degli investimenti è quindi una questione strategica centralissima da cui dipenderà la futura credibilità navale russa. Detto ciò, vogliamo comunque ribadire che l’aver mantenuto la base a Sebastopol è un successo strategico indiscutibile che ci mostra come la Russia abbia compreso a fondo il principio secondo cui la geopolitica non ammette vuoti. Nel corso della sua storia Mosca ha più volte toccato con mano tale principio, alcune volte sfruttandolo a proprio favore altre volte subendolo, spesso con conseguenze drammatiche (l’avanzamento della NATO verso l’Europa Orientale durante la fase di debolezza che la Russia ha attraversato negli anni novanta è un esempio che i russi non dimenticheranno tanto facilmente). Nel caso di Sebastopol, la Russia ha capito che se la Flotta russa avesse dovuto lasciare la città nel 2017 la posizione russa nel Mar Nero si sarebbe indebolita a dismisura portando ad un arretramento fino alla costa orientale del bacino. Non solo, dal momento che l’Ucraina non avrebbe avuto le risorse necessarie da investire per subentrare in modo autorevole con la propria marina a quella russa, si sarebbe aperto un vuoto (una vera e propria finestra di opportunità) che altri Stati, o Alleanze, avrebbero riempito tempestivamente al fine di conquistare una posizione che fino a quel momento la presenza russa gli aveva impedito di ottenere.

 

Last but not least, bisogna prendere in considerazione il significato economico della permanenza della Flotta russa a Sebastopol. Anche in questo caso la Russia sembra proprio aver riportato una vittoria. Come il Presidente Medvedev ha ammesso il prezzo pagato per il rinnovo dell’affitto delle strutture portuali a Sebastopol non è poi così alto. La Russia pagherà ogni anno all’Ucraina 1.8 miliardi di dollari, pagamento che, come già accennato, avverrà non in contanti ma sotto forma di gas.

Inoltre bisogna prendere anche in considerazione altri costi che con l’accordo la Russia non è obbligata a sostenere. Infatti, potendo lasciare il grosso della propria Flotta del Mar Nero a Sebastopol la Russia non è obbligata a fare investimenti massicci al fine di sviluppare la base russa a Novorossijsk e a trovare una soluzione abitativa adeguata per l’equipaggio che attualmente vive a Sebastopol. Chiaramente, poter risparmiare in un momento complesso e difficile come quello in cui ci troviamo a vivere è di per se un elemento di cui andare orgogliosi. Non solo, quel denaro risparmiato può essere usato per investimenti più urgenti come il rinnovo della Flotta. Tutto questo, combinato con la valenza strategica della permanenza a Sebastopol di cui abbiamo detto sopra ci fa capire perchè quella russa è una vera e propria vittoria.

Se veniamo poi alla questione dello sconto sul prezzo del gas applicato dalla Russia all’Ucraina capiamo anche in questo ambito che la Russia non ha dovuto compiere rinunce dolorose, anzi. Come detto, la Russia si impegna a ridurre per 10 anni il prezzo del gas russo per una somma pari a 100 dollari ogni 1000 metri cubi o, nel caso in cui il prezzo dell’oro blu dovesse scendere sotto i 330 dollari ogni 1000 metri cubi, uno sconto del 30%. Qualcuno potrebbe vedere in questo sconto un’abdicazione della Russia (e di GAZPROM) al principio più volte ribadito negli ultimi anni di voler innalzare i prezzi di vendita del gas russo agli ex Paesi sovietici al fine di raggiungere i livelli di mercato ed un’ennesima riprova della strumentalità con cui Mosca usa le proprie risorse energetiche. A ben vedere le cose stanno in modo diverso: il gesto compiuto da Mosca, che il Cremlino ha dipinto come un gesto magnanimo seppur costoso volto ad aiutare concretamente un Paese amico ad uscire dalla crisi, in realtà ha avuto un costo relativamente contenuto. Vediamo di capire perchè: la crisi ha ridotto i consumi in Europa e le compagnie europee hanno chiesto e ottenuto di rivedere al ribasso i prezzi concordati al punto che, ad esempio, alla fine di aprile il Regno Unito pagava 183 dollari ogni mille metri cubi di gas e la Germania 210. Di conseguenza lo sconto che la Russia applica all’Ucraina rende comunque la bolletta di Kiev più costosa rispetto a quella degli acquirenti dell’Unione Europea. Quindi Mosca compie un gesto importante, soprattutto per la propria immagine pubblica, che è costato molto meno di quanto in realtà voglia far credere poichè quello che viene definito uno sconto non fa altro che portare il prezzo del gas venduto all’Ucraina vicino ai livelli pagati dai Paesi europei durante questo periodo di flessione dei consumi.

In conclusione, ci sembra che la Russia stia dimostrando di essere un Paese in grado di perseguire i propri obiettivi geopolitici in modo calibrato ed intelligente, cosa che, come presto cercheremo di dimostrare, l’Ucraina sembra incapace di fare.

 

Perchè l’Ucraina perde

 

L’Ucraina è un Paese che si trova ad affrontare una fase decisamente critica della propria esistenza come Stato indipendente. Le difficoltà economiche e la crisi politica in corso ormai da anni si intrecciano senza soluzione di continuità creando una situazione che in certi momenti sembra essere fuori controllo. A farne le spese sono la popolazione, messa all’angolo dalle ristrettezze economiche, e la credibilità del Paese, incapace di proporsi come interlocutore affidabile e soggetto geopolitico attivo che riesce a promuovere i propri interessi nelle relazioni internazionali. Sembra evidente come in questo momento la credibilità del Paese agli occhi di molti Stati sia abbastanza bassa, ed il comportamento defilato dell’Unione Europea e degli USA ne sembrano la riprova.

La nuova amministrazione sta cercando di dare una svolta alla politica interna ed estera del Paese rispetto al vicolo cieco in cui l’avevano condotta il Presidente ed il Primo Ministro precedenti. La volontà di riallacciare i rapporti con la Russia dopo la breve e fallimentare parentesi arancione fa parte di questo progetto. Questo obiettivo ci appare giusto, doveroso e sensato, visto e considerato che la Russia gioca un ruolo importantissimo nelle faccende ucraine (e vice versa). Ciò che invece non ci convince è il modo con cui l’Ucraina si propone e si muove nella politica internazionale. Sebbene sia più che doveroso concedere al nuovo Presidente il beneficio del dubbio, le speranze che egli sappia dare una svolta decisiva al sistema ucraino ci sembrano molto basse. La spiegazione di ciò riposa nel fatto che Janukovič è, in un certo senso, parte del problema (come del resto chi lo ha preceduto) che affligge il Paese e non certo la soluzione. Non dobbiamo mai dimenticare che il potere di Janukovič si basa su una rete di interessi politici, economici e criminali che è totalmente disinteressata delle sorti del Paese e che pensa solo ed esclusivamente al proprio tornaconto personale. Fin dall’indipendenza le istituzioni ucraine sono state così deboli e delegittimate che hanno finito per essere facile preda degli interessi particolari.

Venendo al caso concreto, ci preme ribadire che l’Ucraina detiene una delle reti di distribuzione del gas più sviluppate al mondo e la sua importanza nell’assicurare la sicurezza energetica del Continente europeo è così grande che i progetti russi volti a scavalcare Kiev, cioè il Nord ed il South Stream, non impediranno che il 50% del gas russo continui a transitarvi (attualmente ve ne transita più del 70%). Ora questa vera e propria gallina dalle uova d’oro nelle mani degli ucraini ha un problema: è obsoleta e necessita dunque di investimenti volti a modernizzarla e, perchè no, espanderla. Investimenti che devono anche combinarsi a massicci sforzi volti a rendere il settore economico del Paese meno inefficiente ed affamato di energia. Purtroppo però, ad oggi, non è stato fatto nulla degno di nota ed il gas non è visto come un patrimonio strategico di cui il Paese dovrebbe servirsi al fine di rafforzare la propria posizione geopolitica in un’area del mondo abbastanza problematica bensì continua ad essere trattato come un settore in cui tuffarsi al fine di speculare e guadagnarsi un posto d’onore tra le fila delle elite parassitarie di questo Paese. Ci sembra che l’ultimo accordo stipulato tra Russia ed Ucraina il 21 aprile non faccia altro che confermare quanto appena detto. Vediamo di capire perchè. L’Ucraina si è seduta al tavolo delle trattative al fine di ottenere benefici economici, visto e considerato che la situazione del Paese era ed è tutt’altro che rosea. Poichè la nuova amministrazione non era (e tuttora non è) intenzionata a tagliare la spesa per i servizi sociali (che anzi ha contribuito ad innalzare) ed il Fondo Monetario Internazionale non era pronto a riprendere le discussioni per lo scongelamento dell’ultima tranche di 16,4 miliardi di dollari di un prestito concesso al Paese (la causa del congelamento fu proprio l’innalzamento della spesa sociale proposta dal Partito delle Regioni ed approvata dal parlamento durante il premierato di Julia Timošenko che avrebbe sforato il tetto imposto del 6% al deficit pubblico), l’amministrazione Janukovič individua nella diminuzione del prezzo del gas russo l’unica possibile soluzione a cui il Paese può guardare al fine di risolvere i problemi economici, almeno a breve termine. Dalle trattative tra i due governi scaturisce l’accordo di Kharkiv del 21 aprile.

Ora, ciò che ci porta a dire che l’Ucraina è uscita sconfitta dal tavolo dei negoziati sta nel fatto che riteniamo abbia ottenuto qualcosa, uno sconto sul gas in cambio del prolungamento dell’affitto della base di Sebastopol ai russi, che poteva essere raggiunto senza una concessione così grande ed importante. Come abbiamo già detto nel paragrafo precedente, i Paesi europei hanno rinegoziato il prezzo del gas con la Russia ed alcuni pagano un prezzo anche inferiore rispetto a quello pagato dagli ucraini.

Gli ucraini si sono detti pienamente soddisfatti dicendo di essere riusciti a portare a casa un ottimo accordo che permetterà all’Ucraina di risparmiare 3-4 miliardi di dollari all’anno e che ha permesso l’adozione del bilancio (approvato lo stesso giorno in cui il Parlamento ucraino, in una seduta burrascosa in cui è volato di tutto, dalle uova alle bombe carta, ha ratificato l’accordo con la Russia) che permette di tenere il deficit sotto al 6% e permette quindi di riaprire le discussioni con il FMI.

A ben vedere non c’è molto di cui essere soddisfatti, perchè, a nostro avviso:

  • tenendo conto dei tagli ai prezzi fatti dalla Russia ai Paesi Europei a causa della diminuzione dei consumi non vi è nessuno vero sconto sul prezzo del gas e Kiev avrebbe potuto ottenere la cifra pattuita senza fare una concessione come quella fatta su Sebastopol;
  • non è detto che il FMI sia disposto a pagare l’ultima tranche all’Ucraina visto e considerato che l’accordo, che permette al deficit pubblico di scendere matematicamente sotto la soglia del 6%, non rimuove chiaramente le cause che hanno portato all’esplosione dei conti pubblici ucraine, cause che vanno ricercate nelle mancate riforme che le elite politiche non vogliono intraprendere e nella corruzione dilagante. Si tratterà poi di vedere se sussistono le condizioni politiche per il pagamento dell’ultima tranche e qui molto dipenderà da Washington;
  • Poichè riteniamo che la permanenza della Flotta russa del Mar Nero a Sebastopol sia un elemento di stabilità per l’Ucraina, almeno fino a quando non sarà pronta a subentrare alla Russia in modo autorevole e a rivendicare un ruolo di primo piano per sè nel Mar Nero, riteniamo che l’aver prolungato il contratto ai russi è una scelta saggia, tuttavia, a nostro avviso, non lo sono nè i modi, nè i tempi;

 

Riprendendo il terzo punto al fine di approfondire meglio la questione, riteniamo che l’Ucraina avrebbe dovuto:

 

  • chiedere una contropartita reale, e non accontentarsi di uno sconto fittizio;
  • prendere più tempo, fosse anche pochi mesi in più, per arrivare ad una modifica della Costituzione al fine di prevedere lo stazionamento di truppe straniere sul proprio territorio in modo da evitare logoranti sedute parlamentari in cui governo e opposizione si lanciano accuse reciproche dimenticando i veri problemi del Paese;
  • prolungare il contratto d’affitto per un numero di anni uguale (e non superiore come accade adesso dove i russi offrono uno ‘sconto’ sul gas per dieci anni e gli ucraini concedono la base di Sebastopol per ben venticinque anni) al numero di anni per cui i russi si impegnano a elargire benefici;

  • chiedere precise garanzie nel caso in cui la Russia entri in guerra e la sua base di Sebastopol diventi un bersaglio lecito;

 

Detto ciò vogliamo anche ribadire che l’obiettivo di una politica estera ucraina degna di questo nome non è e non può essere quello di sfidare e contenere la Russia, bensì quello di avere con essa rapporti amichevoli, mutualmente fruttuosi e bilanciati. Se questo non accade significa che manca nel Paese una dirigenza in grado di comprendere quali siano gli interessi del Paese e come promuoverli nell’arena internazionale. Nel caso specifico, l’attuale accordo non farà altro che rafforzare ed arricchire gli oligarchi che sostengono il Presidente e che si erano già arricchiti a discapito della popolazione e degli interessi nazionali. Inoltre, il fatto che si siano levate voci, e non solo dall’opposizione, che per un attimo hanno messo in discussione il trattato appena ratificato, non fa altro che alimentare il sospetto, purtroppo sostenuto da molti fatti, che l’Ucraina sia un Paese incapace di rispettare gli accordi presi. Questo chiaramente intacca la credibilità del Paese.

E’ chiaro che quando un Paese con le idee confuse e una dirigenza inesistente come l’Ucraina si confronta con un Paese come la Russia, dove esiste una guida molto più consapevole di quali obiettivi il Paese deve raggiungere, non può aversi un risultato equilibrato.

 

 

 

 

Conclusione

 

Poichè l’argomento di discussione di questa nostra breve analisi è stata la dimensione geopolitica del nuovo accordo russo-ucraino sulla Flotta e sul gas stipulato in aprile non abbiamo ampliato la nostra discussione alle altre questioni chiave che caratterizzano le relazioni tra i due Paesi; se lo avessimo fatto avremmo comunque rafforzato e non indebolito la tesi centrale della nostra analisi e cioè che dall’accordo tra Russia e Ucraina la seconda esce sconfitta a causa delle proprie debolezze interne e dell’incapacità della dirigenza nazionale, passata e presente, di intraprendere i passi necessari volti a rafforzare la posizione del proprio Paese nell’arena internazionale.

Qualcuno pensa che l’Ucraina dovrebbe rafforzarsi al fine di scrollarsi di dosso il giogo russo, ma questa idea è sbagliata e profondamente pericolosa per la stabilità ucraina visto e considerato che la Russia gioca e continuerà a giocare in ogni caso un ruolo chiave per la politica, l’economia e la sicurezza ucraina. La verità è che Kiev deve rafforzare il proprio sistema interno, cominciando dalle riforme economiche, al fine di poter proiettare e tutelare i propri interessi nell’arena internazionale e di diventare un interlocutore affidabile per tutti, Russia in primis. Nonostante ciò che pensano molti, Mosca non sa che farsene di un Paese debole, in preda ad un’instabilità cronica ed inaffidabile: crediamo al contrario che il Cremlino abbia bisogno di un interlocutore affidabile che sappia avanzare le proprie richieste e difenderle in modo credibile, un Paese che dopo aver sottoscritto un impegno poi lo rispetta fino in fondo. L’incapacità ucraina di essere un interlocutore del genere danneggia tuttti: l’Unione Europea, la Russia e soprattutto la stessa Ucraina che lentamente ed inesorabilmente perde credibilità e la capacità di essere un soggetto geopolitico.

Nessuno dovrebbe sorprendersi dunque se la Russia, con le sue idee (tendenzialmente) chiare ed i suoi obiettivi geopolitici coerenti ottiene delle vittorie geopolitiche a scapito dell’Ucraina, come quella verificatasi in occasione dell’accordo di Kharkiv, una vittoria che è destinata a pesare sugli equilibri regionali per molti decenni a venire.

 

 

dimanche, 02 mai 2010

Euro-America o Eurasia?

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Archives de Synergies Européennes - 2003

 

 

Euro-america o Eurasia?

Intervento di Fausto Sorini svolto al seminario internazionale PCdoB di Brasilia del 25-26 Settembre 2003, dedicato all'analisi del quadro mondiale (tratto da http://www.resistenze.org)

 

1) Con l’occupazione militare dell’Iraq si è espressa in modo organico una volontà di dominio globale da parte dei settori più aggressivi dell’imperialismo americano. Controllare il Medio Oriente, maggiore riserva petrolifera mondiale, significa condizionare tutte le dinamiche economiche del pianeta, ed in particolare quelle di Unione europea e Cina, che dal petrolio di questa regione sono ancora oggi largamente dipendenti. Non a caso Russia e Cina, nel primo incontro al vertice tra Putin e Hu Jintao, hanno deciso di intensificare la cooperazione in campo energetico.

 

2) Lo scenario è quello di una competizione per l’egemonia mondiale nel 21° secolo. Gli Stati Uniti, di fronte alle proprie difficoltà economiche, a un debito estero che è il maggiore del mondo, all’emergere di nuove aree economiche, geo-politiche e valutarie che ne minacciano il primato mondiale, scelgono la guerra “permanente” e “preventiva” per tentare di vincere la competizione globale sul terreno militare, dove sono ancora i più forti. E dove si propongono di raggiungere una superiorità schiacciante sul resto del mondo, per cercare di invertire una tendenza crescente al declino del loro primato economico.

Nel 1945 gli Usa esprimevano il 50% del PIB del mondo; oggi sono al 25% (come l’Unione europea). Con le attuali tendenze dell’economia mondiale, i centri studi dei Paesi più industrializzati prevedono un ulteriore dimezzamento della % Usa nei prossimi 20 anni. Sarebbe la fine dell’egemonia mondiale dell’imperialismo americano, l’ascesa di nuovi centri di potere, capitalistici e non, un’autentica rivoluzione negli equilibri planetari. Si sono fatte guerre mondiali per molto meno.

 

3) Unione europea, Russia, Cina, India sono le principali potenze economiche e geo-politiche emergenti dotate anche di forza militare. L’Eurasia è il principale ostacolo al dominio Usa sul mondo. Chi avesse ancora dei dubbi, si rilegga Paul Wolfowitz, ideologo dell’amministrazione Bush : “Gli Stati Uniti devono appoggiarsi sulla loro schiacciante superiorità militare e utilizzarla preventivamente e unilateralmente…Il nostro primo obiettivo è di impedire l’emergere ancora una volta (dopo l’Urss - ndr) di un rivale…Ciò richiede ogni sforzo per impedire ad ogni potenza ostile di dominare una regione il cui controllo potrebbe consegnarle una potenza globale. Tali regioni comprendono l’Europa occidentale, l’Asia orientale (la Cina - ndr), il territorio dell’ex Unione Sovietica e l’Asia sud-occidentale (l’India - ndr)”. 

 

4) Non si tratta di una linea congiunturale, facilmente reversibile con un cambio di presidenza, ma di un orientamento che viene dal profondo dei settori più aggressivi e oggi dominanti dell’imperialismo americano. Un orientamento strategico che guarda alle grandi sfide del 21° secolo, non una breve parentesi. Vi sono differenze nei gruppi dominanti Usa e nell’opinione pubblica, nella stessa amministrazione Bush. Ma le posizioni meno oltranziste oggi sono minoranza e prevedibilmente lo saranno per molto tempo, fino a quando la linea attuale non andrà incontro a sconfitte economiche o militari (tipo Vietnam).

 

5) Gli Usa aspirano, come ha ben sintetizzato Fidel Castro, ad una “dittatura militare planetaria”. E’ una minaccia “diversa”, ma per certi aspetti più grande di quella rappresentata dal nazi-fascismo nel secolo scorso. Gli Usa dispongono oggi di una superiorità militare sul resto del mondo assai maggiore di quella che Germania, Giappone e Italia avevano all’inizio della seconda guerra mondiale. Nemmeno il Terzo Reich pensava al dominio globale del pianeta, così come esso viene teorizzato da alcuni esponenti dell’amministrazione Bush. Ciò spiega perché la linea della “guerra preventiva” suscita una opposizione tanto vasta, che coinvolge la grande maggioranza dei Paesi del mondo. E’ significativo che gli Usa, con la scelta di fare la guerra all’Iraq, siano rimasti in forte minoranza nell’Assemblea generale dell’Onu e nel Consiglio di Sicurezza, dove non solo hanno avuto l’opposizione dei paesi maggiori (Francia, Germania, Russia, Cina), ma dove non sono riusciti – pur esercitando pressioni fortissime – a “comprare” il voto di paesi come Messico, Cile, Angola, Camerun, da cui non si attendevano tante resistenze. Con la guerra in Iraq gli Usa hanno scontato un isolamento politico senza precedenti. Si calcola che solo il 5% dell’opinione mondiale abbia sostenuto la guerra. Una nuova generazione che, con il crollo dell’Urss e la crisi dell’ideale comunista, era cresciuta in tanta parte del mondo col mito del modello americano, oggi comincia ad aprire gli occhi e a maturare una coscienza critica potenzialmente antimperialista, come non si vedeva dai tempi del Vietnam. E’ un grande patrimonio, che peserà nel futuro del mondo.

 

6) La spinta verso un mondo multipolare è inarrestabile, anche se essa procederà con gradualità, perché nessuno oggi ha la volontà e la forza di sfidare apertamente gli Usa. Cresce in ogni continente la tendenza alla formazione di “poli regionali”, volti a rafforzare la cooperazione economica, politica, militare dei paesi dell’area per essere presenti sulla scena mondiale con maggiore potere contrattuale. Tutti ritengono di avere bisogno di tempo per rafforzarsi. Questo può spiegare la prudenza della Cina (e per altri versi della Russia) nei rapporti con gli Usa: vogliono rinviare ad altri tempi una possibile frattura, che in particolare la Cina mette nel conto. Mentre Francia e Germania, con diversa collocazione, non considerano matura la fine del legame transatlantico. Tali disponibilità al compromesso si sono espresse nel voto unanime (con la non partecipazione della Siria) a favore della risoluzione 1483 (22 maggio 2003) del CdS dell’Onu, che in qualche misura legittima a posteriori l’occupazione militare dell’Iraq e “riconosce” i vincitori. La questione si ripropone nella trattativa in corso in questi giorni, in cui si tratta di definire natura, ruolo e comando di un eventuale coinvolgimento dell’Onu in un Iraq tutt’altro che normalizzato, dove gli Usa sono impantanati, costretti a spendere cifre astronomiche, militarmente sotto il tiro di una resistenza irakena che si rivela più tenace e radicata del previsto. Le maggiori potenze che pure si sono opposte alla guerra, nella logica della più classica realpolitik - puntano anche a non farsi escludere da ogni influenza sul nuovo Iraq e dai giganteschi interessi legati alla ricostruzione del paese; e a tutelare i propri interessi in campo, dalle concessioni petrolifere al recupero dei debiti contratti dal vecchio regime di Saddam Hussein. Cercano di costringere gli Usa, oggi in difficoltà, ad accettare quei vincoli Onu ai quali nei mesi scorsi si erano sottratti. Il rischio è quello di contribuire a sostenere e legittimare l’occupazione militare e il comando degli Usa in Iraq, offrendo loro un salvagente senza significative correzioni della loro politica aggressiva. Vedremo su quali basi avverrà il compromesso.

 

7) Questa guerra ha fatto nascere un forte movimento popolare, che ha coinvolto centinaia di milioni di persone, in ogni continente. Il 15 febbraio 2003 più di cento milioni di persone hanno manifestato contemporaneamente in ogni parte del mondo. Era dalla fine degli anni ’40, dai tempi del Movimento dei partigiani della pace, che non si vedeva una mobilitazione così estesa a tutte le latitudini. Si tratta di una delle novità più importanti del quadro internazionale dopo il 1989. Anche se tale movimento non ha avuto la forza per fermare la guerra e oggi vive una fase di delusione e di riflusso, si sono poste importanti premesse per le lotte future e per la ricostruzione di un movimento mondiale contro la logica imperialista della guerra, che non si fermerà. Vi è qui un terreno fondamentale di lavoro per i comunisti e le forze rivoluzionarie di ogni parte del mondo. Purtroppo mancano forme anche minime di coordinamento internazionale di tale lavoro; e questo limite, che dura ormai da molti anni, non vede ancora in campo ipotesi di soluzione ed iniziative adeguate da parte dei maggiori partiti comunisti che avrebbero la forza e la credibilità per prenderle. Ciò rende tutto più difficile, ed espone il movimento contro la guerra, soprattutto in alcune regioni del mondo, all’influenza prevalente delle socialdemocrazie, delle Chiese o di alcuni raggruppamenti trotzkisti (come è stato finora, in buona misura, nel movimento di Porto Alegre). L’appuntamento del prossimo Forum Sociale Mondiale in India, potrebbe vedere in proposito alcune novità, ed un suo ampliamento unitario: in senso geo-politico, con il coinvolgimento dell’Asia, oltre l’asse originario imperniato su Europa occidentale, Stati Uniti e America Latina (poi si dovrà guardare all’Africa, all’Europa dell’Est, alla Russia); e in senso politico, con l’auspicabile superamento di una persistente pregiudiziale antipartitica, che si è finora risolta in sorda ostilità soprattutto nei confronti dei partiti comunisti. Se sarà così, il movimento non potrà che trarne vantaggio, consolidamento e maggiori legami coi movimenti operai dei rispettivi paesi, con generale beneficio del movimento mondiale contro la guerra e la crescita in esso di una più matura coscienza antimperialista.

 

8) L’opposizione alla “guerra preventiva” viene non solo dalle tradizionali forze di pace, ma anche da parte di potenze imperialiste come Francia e Germania, che fanno parte del nuovo ordine mondiale dominante. Potenze non “pacifiste”, come si è visto in Africa (ad es. in Congo, dove la competizione interimperialistica tra Francia e Stati Uniti, per il controllo delle immense risorse minerarie della regione è costata la vita in pochi anni a 4 milioni di persone…); o nella guerra della Nato contro la Jugoslavia, che ha visto Francia e Germania pienamente coinvolte. Questi paesi sono gli assi portanti dell’Unione europea, un progetto autonomo di costruzione di un polo imperialista (con la sua moneta : l’ euro) che vuole giocare le sue carte nella competizione globale. E che in prospettiva punta a dotarsi di una forza militare autonoma dagli Usa. Questi paesi non accettano di sottomettersi al dominio Usa, ma procedono con prudenza in questo processo di autonomizzazione : non hanno oggi la forza di sfidare apertamente gli Usa, non hanno un sufficiente consenso degli altri Paesi dell’Unione europea per mettere apertamente in discussione l’equilibrio “transatlantico”.

 

9) Le contraddizioni che oppongono la grande maggioranza dei Paesi del mondo al progetto militarista e unipolare Usa, sono di natura diversa: -vi sono contrasti tra imperialismo e Paesi in via di sviluppo, che aspirano alla pace e a un ordine mondiale più giusto nella ripartizione delle ricchezze del pianeta; - vi sono contrasti tra imperialismi, per la ripartizione delle risorse mondiali e delle rispettive sfere di influenza; - vi sono contrasti tra imperialismo e paesi di orientamento progressista (Cina, Vietnam, Laos, Corea del Nord, Cuba, Venezuela, Brasile, Libia, Siria, Palestina, Sudafrica, Bielorussia, Moldavia…) che in vario modo aspirano ad un modello di società diverso dal capitalismo dominante. Si evidenzia qui in particolare il contrasto con la Cina, grande potenza socialista (economica e nucleare), diretta dal più grande partito comunista al mondo, che sta emergendo come la grande antagonista degli Usa nel 21° secolo. Questo dichiarano apertamente vari esponenti Usa, che valutano che nei prossimi 20 anni, con gli attuali tassi di sviluppo, il PIB della Cina potrebbe eguagliare quello degli Usa, il divario di potenza militare potrebbe ridursi, e quindi “bisogna pensarci prima che sia tardi”, se non si vuole che la Cina divenga per gli Stati Uniti, nel 21° secolo, quello che l’Urss è stata nel secolo scorso; - vi sono contrasti con grandi paesi come la Russia e l’India (potenze nucleari), che pur non avendo oggi una coerente collocazione progressista in campo internazionale, non fanno parte del sistema imperialistico dominante, e hanno interessi nazionali e una collocazione geo-politica che contraddicono le aspirazioni egemoniche degli Usa. La Casa Bianca, nel suo documento sulla Sicurezza nazionale del settembre 2002, li definisce paesi dalla “transizione incerta”, che potrebbero evolvere verso una crescente omologazione agli interessi Usa e al suo modello sociale e politico (distruzione di ogni statalismo in campo economico, democrazia liberale in campo politico-istituzionale, rinuncia al potenziamento del proprio potenziale militare e nucleare e ad ogni “non allineamento” in politica estera…); ma che potrebbero evolvere in senso opposto e quindi rappresentare una “minaccia” per l’egemonia Usa e per l’attuale ordine mondiale dominante.

 

10) Vi è una spinta, nei vari continenti, alla formazione di entità regionali più autonome dagli Usa e con un proprio protagonismo sulla scena mondiale: -in Europa, con l’Ue e il rapporto Ue-Russia; -nell’area ex-sovietica, con la Csi; -in America Latina, con il Mercosur e la convergenza progressista di Brasile, Cuba, Venezuela…; -in Africa, con l’Unione africana e il Coordinamento per la cooperazione e lo sviluppo dei paesi dell’Africa australe (SADC), imperniato sul nuovo Sudafrica e sui governi progressisti della regione (Angola, Mozambico, Namibia, Zimbabwe, Congo, Tanzania…); -in Asia, con lo sviluppo del rapporto Cina-Asean/Cina-Vietnam. Nel 2010 i dieci paesi dell’Asean e la Cina formeranno il più grande mercato comune del pianeta; con le spinte verso una riunificazione della Corea su basi di neutralità, denuclearizzazione e allontanamento di tutte le basi militari straniere; con il rafforzamento del ruolo del “Gruppo di Shangai” (Russia, Cina, Kazachistan, Kirghisia, Uzbekistan, Tagikistan) : imperniato sull’asse russo-cinese, con la recente significativa richiesta di Putin all’India di entrare a farne parte. Il processo di avvicinamento tra Cina e India pesa enormemente sugli equilibri mondiali.

 

11) Gli Usa osteggiano il formarsi di questi “poli regionali” e cercano di favorirne la “disaggregazione”, oppure di sostenere all’interno di essi l’egemonia delle forze che sono sotto la loro influenza. Ne derivano contrasti di natura diversa nei principali organismi internazionali (Onu, FMI, G7, Wto, Unione Europea, nella stessa Nato). Ultimo in ordine di tempo il fallimento del vertice WTO a Cancun, dove è emerso uno schieramento “Sud-Sud”, imperniato su Cina, India, Brasile, Sudafrica (e con la significativa presenza di paesi come Cuba e Venezuela) che si è fatto interprete degli interessi dei Paesi in via di sviluppo, contro le pretese egemoniche dei maggiori centri dell’imperialismo. Le contraddizioni tendono continuamente a ripresentarsi : basti pensare alle tensioni e alle minacce che investono Iran, Siria, Arabia Saudita, crisi palestinese, Corea del Nord, Venezuela, Cuba; ad una situazione interna all’Iraq non normalizzata; alla permanente competizione economica e valutaria Usa-Ue / dollaro-euro... Ma c’è diversità di interessi in campo, di progetti politici e di modello sociale, anche tra le forze che si oppongono all’unilateralismo Usa. Ad esempio : la Cina, il Vietnam, Cuba, il Venezuela…non hanno la stessa collocazione strategica, della Germania di Schroeder o della Francia di Chirac, che invece difendono un certo modello economico e un ordine mondiale fondato sul predominio delle grandi potenze capitalistiche. Emblematica la vicenda di Cuba che è sostenuta dai Paesi socialisti e progressisti, ma osteggiata dall’Unione europea che si è vergognosamente avvicinata agli Usa nel rilancio di una campagna ostile. La lotta di classe non è scomparsa, così come non scomparve negli anni ’40 quando forze tra loro assai diverse per riferimenti sociali e politici trovarono una comune convergenza contro il nazi-fascismo, per poi tornare a dividersi negli anni della guerra fredda, perché portatori di interessi e di modelli di società tra loro alternativi.

 

12) Il fatto che l’opposizione alla guerra di grandi paesi come Russia, Cina, Francia, Germania non abbia superato una certa soglia di asprezza (oltre la quale il contrasto tende a spostarsi sul terreno dello scontro aperto, anche militare); il fatto che momenti di forti divergenze si alternino a situazioni in cui prevale la ricerca di una mediazione e di un compromesso, sorge non già – come sostengono le teorie di Toni Negri sul nuovo impero - dall’esistenza di interesse omogenei di un presunto “capitale globale” e di un presunto “direttorio mondiale” in cui esso troverebbe espressione politica organica e unitaria, ma da rapporti di forza internazionali che, sul piano militare, non consentono oggi a nessun paese o gruppo di paesi di portare una sfida aperta, oltre certi limiti, alla superpotenza Usa.

 

13) Come ricostruire internazionalmente un contrappeso capace di condizionare la politica estera degli Stati Uniti? Questo è il problema n°1 per tutte le forze che non vogliono una nuova tirannia globale. E’ necessaria la convergenza di più forze, tra loro assai diverse: -innanzitutto la resistenza del popolo irakeno e delle forze che in Medio Oriente la sostengono (Siria, Iran, resistenza palestinese…) per mantenere aperto il “fronte interno”, contro l’occupazione militare, e scoraggiare nuove avventure. E’ necessario un sostegno internazionale a questa resistenza, oggi pressochè inesistente al di fuori del mondo arabo; sostegno non separabile da quello alla causa palestinese, in grave difficoltà dentro una dinamica politico-diplomatica sempre più condizionata dagli Usa, che con Israele vogliono il controllo pieno del Medio Oriente; -la ripresa del movimento per la pace negli Usa e su scala mondiale, riorganizzando le sue componenti più dinamiche e determinate, per impedirne la dispersione e il riflusso; -il consolidamento delle più larghe convergenze politico-diplomatiche tra Stati, contro l’unilateralismo Usa, senza di che è impensabile una ripresa di ruolo dell’Onu (obiettivo che non va abbandonato, in assenza di alternative più avanzate che oggi non esistono). Si impone un maggior ruolo dell’Assemblea generale rispetto al Consiglio di Sicurezza e una composizione più rappresentativa del Consiglio stesso; -lo sviluppo, negli Stati Uniti, di una opposizione alla politica di Bush e in Gran Bretagna a quella di Blair, oggi entrambi in crisi di consenso. La difesa intransigente del diritto di Cuba, della Siria, dell’Iran, della Corea del Nord e di ogni altro paese minacciato a proteggere la propria sovranità da ogni ingerenza esterna, è parte integrante della lotta contro il sistema di guerra, indipendentemente dal giudizio che ognuno può avere sulla situazione interna di questo o quel paese.

 

14) Come evolverà l’Europa? Sono emerse divisioni non facilmente superabili tra Usa e Unione europea, all’interno dell’Unione europea e della Nato (cioè tra alleati del tradizionale blocco atlantico), come mai era accaduto nel dopoguerra. Nell’Unione europea (e nella Nato) continuerà il contrasto tra filo-americani e sostenitori di un’Europa più autonoma dagli Usa, imperniata sul rapporto preferenziale tra Francia - Germania - Russia. Anche per questo gli Usa vorrebbero l’ingresso nell’Ue di Turchia e Israele, loro alleati di fiducia (soprattutto Israele, perché anche in Turchia, come si è visto in relazione al conflitto irakeno, sta emergendo una dialettica nuova). Una sconfitta elettorale (possibile) dei governi di centro-destra in Italia e in Spagna, favorirebbe una collocazione europea più autonoma.

 

15) E’ vero che gli Usa sono oggi orientati ad agire anche militarmente in modo unilaterale, senza farsi condizionare né dall’Onu nè dalla Nato, ma essi non rinunceranno alla Nato, che continua ad essere per loro uno strumento prezioso per controllare l’Europa e le strutture politico-militari, di sicurezza, di intelligence, nonché l’industria e la tecnologia militare dei Paesi europei integrati nell’Alleanza. E per disporre di basi militari sul continente, poste sotto il loro controllo, magari spostandole o creandone di nuove nei paesi europei più fedeli e sottomessi, come alcuni paesi dell’Est. Gli Usa dispongono di una presenza militare in 140 Stati su 189 (con altri 36 vi sono accordi di cooperazione militare), con 800 basi militari e 200.000 soldati dislocati all’estero in permanenza (esclusi quelli presenti in Iraq). Ciò rende attualissima e non rituale la ripresa di una iniziativa del movimento per la pace per la chiusura delle basi militari Usa nei rispettivi Paesi. Per il ritiro di tutti i militari impegnati all’estero a supporto di azioni di guerra e di occupazione militare. Per attivare iniziative e dinamiche di disarmo in campo internazionale.

 

16) Un intellettuale britannico vicino a Tony Blair, ha scritto dopo la guerra in Iraq che in Europa il bivio è “tra euroasiatici, che vogliono creare un’alternativa agli Usa (lungo l’asse Parigi – Berlino – Mosca – Delhi – Pechino) ed euroatlantici, che vogliono mantenere un rapporto privilegiato con gli Usa”. Tony Blair ha espresso con chiarezza la sua linea euroatlantica in una intervista al Financial Times (28.05.2003), affermando: “Alcuni auspicano un mondo multipolare con diversi centri di potere che si trasformerebbero presto in poteri rivali. Altri pensano, e io sono tra questi, che abbiamo bisogno di una potenza unipolare fondata sulla partnership strategica tra Europa e America”. Dunque: “Euro-america” o “Eurasia”?

 

17) Chi vuole un’ Europa davvero autonoma dagli Usa e dal suo modello di società, deve avere un progetto alternativo, che vada oltre l’attuale Unione europea e le basi su cui essa è venuta formandosi e che comprenda tutti i paesi del continente (anche Russia, Ucraina, Bielorussia, Moldavia…). Un progetto che: -sul piano economico, contrasti la linea delle privatizzazioni e prospetti la formazione di poli pubblici sovranazionali (interessante la proposta, in altro contesto, che il presidente venezuelano Hugo Chavez ha sottoposto a Lula, per la formazione di un polo pubblico continentale per la gestione delle risorse energetiche, collegato ad una banca pubblica regionale che serva a finanziare progetti di sviluppo e con finalità sociali); -sul piano politico-istituzionale, contrasti ipotesi federaliste volte a svuotare la sovranità dei Parlamenti nazionali e sostenga un’ipotesi di Europa fondata sulla cooperazione tra Stati sovrani, non subalterna ai poteri forti delle maggiori potenze imperialistiche che dominano l’attuale Unione europea; -sul piano militare, preveda un sistema di sicurezza e di difesa pan-europeo, alternativo alla Nato, comprensivo della Russia (una sorta di Onu europea), che già oggi – considerando il potenziale nucleare di Francia e Russia – disporrebbe di una forza difensiva sufficiente a dissuadere chiunque da un’aggressione militare all’Europa. Dunque, un progetto opposto a quello di un riarmo dell’Unione europea, di una sua militarizzazione e vocazione imperialistica, volte a rincorrere gli Usa sul loro terreno. E’ vero che oggi l’imperialismo franco-tedesco è assai meno pericoloso per la pace mondiale di quello americano e può fungere a volte da contrappeso. Ma guai a trarne una linea di incoraggiamento al riarmo dell’Ue: i movimenti operai e i popoli europei, e qualsivoglia progetto di Europa sociale e democratica, verrebbe colpiti al cuore da una politica di militarizzazione del continente su basi neo-imperialistiche. Essa stimolerebbe la corsa al riarmo a livello internazionale, e il costo di una crescita esponenziale delle spese militari, in un’Europa neo-liberale dove già oggi vengono colpite duramente le spese sociali, distruggerebbe quel poco che rimane dell’Europa del Welfare.

 

18) L’Unione europea non può fare da sola. Se vuole reggere il confronto con gli Usa ed uscire dalla subalternità atlantica, deve essere aperta ad accordi di cooperazione e di sicurezza con la Russia (che è parte dell’Europa), con la Cina, l’India; e con le forze più avanzate e non allineate che si muovono in Africa, in Medio Oriente, in America Latina. Solo una rete di unioni regionali, non subalterne agli Usa (di cui l’Europa sia parte) può modificare i rapporti di forza globali e condizionare la politica Usa. Gli Usa non possono fare la guerra a tutto il mondo.

 

19) In paesi come Russia, Cina, India – potenze nucleari in cui vive la metà della popolazione del pianeta, che potrebbero esprimere tra 20 anni un terzo della ricchezza mondiale (e che la stessa amministrazione Bush definisce “paesi dalla transizione incerta”) – le forze comuniste, di sinistra, antimperialiste, non subalterne al modello neo-liberista e agli Usa, costituiscono già oggi una forza maggioritaria (in Cina) o che potrebbe diventarlo (Russia, India) nell’arco di un decennio.

Un’alleanza elettorale in India tra Congresso e Fronte delle sinistre (animato dai comunisti) potrebbe vincere le prossime elezioni (previste per il 2005), su un programma che recuperi le istanze progressive del non-allineamento. Un’avanzata dei comunisti e dei loro alleati alle prossime elezioni politiche in Russia può creare le condizioni per un compromesso con Putin (con una parte almeno delle forze che sostengono Putin) e collocare la Russia su posizioni più avanzate. Sono possibilità, non certezze. Per questo parlo di un processo che potrebbe maturare “nell'arco di un decennio”. Ma che dispone delle potenzialità per affermarsi e su cui forze importanti in questi Paesi stanno lavorando.

 

20) Come ha sintetizzato Samir Amin, “un avvicinamento autentico fra l’Europa, la Russia, la Cina, l’Asia costituirà la base sulla quale costruire un mondo pluricentrico, democratico e pacifico”. Un’ Eurasianon allineata può rappresentare un interlocutore fondamentale anche per le forze progressiste in America Latina e in Africa. Non sarebbe il socialismo mondiale, ma certamente un avanzamento strategico nella direzione giusta. E con il clima politico che caratterizza il mondo di oggi, non sarebbe poco.

 

mercredi, 28 avril 2010

Gli altri segreti di ECHELON e i misteri del Patto UK/USA

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2003

GLI ALTRI SEGRETI DI ECHELON E I MISTERI DEL PATTO UK/USA

 

Del dossier "Echelon" se ne è parlato diffusamente, anche se spesso confusamente, da quando il Mondo del 20 e 27/3/98 pubblicò stralci del rapporto dello Scientific and Technological Options Assessment (STOA), Direzione generale ricerca del Parlamento Europeo. Lo STOA fa capo al Direttorato Generale della Ricerca che risiede a Strasburgo. Nel documento in questione venivano affermate cose molto gravi e cioè che tutti i fax, i messaggi di posta elettronica, anche quelli criptati, le nostre azioni quotidiane più banali come l’uso del telefono, di internet, il passaggio ai caselli autostradali, la spesa, ecc., sono, in buona parte, intercettati e inseriti in una sofisticatissima e potente banca dati computerizzata. Il tutto sarebbe possibile grazie ad una speciale capillare rete di satelliti spia e a delle basi a terra di intercettazione.

 

Le comunicazioni intercettate indiscriminatamente, qualsiasi mezzo o linea di trasmissione utilizzino, sono quantitativamente non immaginabili. Il tutto è aggravato dal fatto che, diversamente da quanto avviene con altri sistemi sofisticati di spionaggio elettronico, il sistema "Echelon" è operativo, quasi esclusivamente, nei confronti di obiettivi non militari. Tutto quanto viene intercettato è dirottato al centro strategico di Menwith Hill, nel North York Moors, Regno Unito che, in un secondo tempo, invia tutto ciò che reputa di interesse a Fort Meade nel Maryland, al National Security Agency (NSA), il servizio segreto USA di spionaggio elettronico.

 

Dal documento "Una valutazione delle tecnologie di controllo politico", tradotto da T.H.E. Walrus e consultabile al sito web http://www.tmcrew.org/privacy/STOA.htm, apprendiamo che "Il sistema fu scoperto la prima volta alla fine degli anni ’70 da un gruppo di ricercatori in UK (Campbell, 1981). Un recente lavoro di Nicky Hager, ("Decret Power", Hager, 1996) fornisce i dettagli attualmente più comprensivi su un progetto conosciuto come ECHELON. Hager ha intervistato più di 50 persone coinvolte nei servizi segreti, mettendo alla luce l’esistenza di apparecchiature di ascolto e sorveglianza diffuse attraverso tutto il globo per formare un sistema puntato su tutti i satelliti chiave Intelsat utilizzati come infrastruttura di trasmissione satellitare per comunicazioni telefoniche, Internet, posta elettronica, fax e telex. I siti di questo sistema sono di stanza a Sugar Grove e Yakima negli USA, a Waihopai in Nuova Zelanda, a Geraldton in Australia, a Hong Kong e a Morwenstow UK". Per altri interessanti ragguagli consiglio di vistare il sito web http://www.wif.net, dove vi sono, tra l’altro, ampi ed interessanti approfondimenti forniti dal super esperto di Signal e Business Intelligence ing. Giuseppe Muratori, Intelligence Head Master del W.I.F. (World Intelligence Foundation).

 

Il documento "Una valutazione delle tecnologie di controllo politico" continua spiegando che sono due i sistemi di sorveglianza: "Il Sistema UK/USA che comprende le attività di agenzie di intelligence militare come la NSA-CIA negli USA che incorpora GCHQ e M16 in UK, che operano congiuntamente un sistema conosciuto come ECHELON" l'altro è "il Sistema EU-FBI che concatena assieme varie agenzie di ordine pubblico come FBI, polizie di stato, dogane, immigrazione e sicurezza interna". Echelon opera sotto la giurisdizione del patto UK/USA, che ha una data di nascita, il 1947. UK/USA riunì Stati Uniti, Canada, Regno Unito, Australia, Nuova Zelanda e più recentemente Giappone, Corea e paesi NATO. Il progetto conosciuto come ECHELON si origina da questo patto segreto che all’inizio costituiva solo un formale accordo tra agenzie inglesi e americane COMINT (Communications Intelligence). Questo concordato era denominato BR/USA.

La ricercatrice freelance e giornalista investigativa Susan Bryce, ha scritto anche che: " UK/USA è un accordo ‘a gradini’, la NSA (National Security Agency) è chiamata ‘Primo Partito’… rispetto all’accordo UK/USA… si assume l’impegno di numerose operazioni clandestine. …fu allestita senza alcuna legislazione ufficiale, non c’è nulla, legalmente, che non possa fare. …la National Security Agency può essere descritta solo come il più grande di tutti i fratelli. Lanciata segretamente dall’Amministrazione Truman il 4 Novembre 1954, oggi la NSA controlla oltre 2.000 stazioni di intercettazione elettronica, dispone di un budget di oltre 10 miliardi di dollari l’anno ed impiega più di 130.000 persone in tutto il mondo, il che la rende anche più grande della CIA (Ball, 1980, p. 33)" (Nexus. New Times Magazine, Ottobre-Novembre 1995).

Il patto UK/USA nasconde altri segreti incredibili e decisamente inaccessibili. Il progetto ECHELON, in fondo, per quanto grave possa essere, è solo una delle emanazioni di UK/USA. Basti pensare che importantissime e strategiche basi Top Secret come Nurrungar, Menwith Hill, Pine Gap, ecc. e la stessa agenzia NSA sono coordinate direttamente secondo direttive UK/USA. C’è anche da dire che lo stesso segretissimo progetto di "Guerre Stellari" fu sotto la giurisdizione dell’accordo UK/USA. La General Electric e la Marconi, veri e propri leader nel settore, sono stati fornitori di alta e vitale tecnologia a diverse iniziative targate UK/USA. Attorno al progetto "Guerre Stellari", noto anche come Strategic Defense Initiative (SDI), si verificarono strane morti di scienziati. Incredibili suicidi iniziati nel 1982 e continuati sino al 1990. Gli scienziati coinvolti lavoravano per la General Electric Company di Londra ed erano insediati in due grandi ditte: la Plessey e la Marconi. Venticinque di questi sono deceduti in circostanze alquanto misteriose, molti di loro "suicidi" nel modo più strano e grottesco.

Un oceano di misteri, insomma, che si infittiscono sempre di più. Stranissime morti, sistemi di spionaggio satellitare e armi segrete e spaventose, congiure del silenzio e molto altro ancora sono la parte profonda dell’iceberg che affiora, solo impercettibilmente, da un mare di segreti. Invenzioni da apprendisti stregoni ci vengono tenute nascoste assieme ad altre micidiali scoperte. La ricercatrice Susan Bryce scrive, al riguardo, cose sconvolgenti. Ci informa di una riunione particolare e molto importante dove, tra l’altro, si discusse: "l’uso di infrasuoni per distruggere navi, tramite la creazione di campi acustici sul mare, e lo scagliare nel mare un grosso pezzo di roccia usando un economico dispositivo nucleare (il maremoto che ne risulterebbe potrebbe demolire la linea costiera di un paese). Altri maremoti potrebbero ottenersi detonando armi nucleari ai poli ghiacciati. Alluvioni controllate, uragani, terremoti e siccità indirizzate verso bersagli specifici e città, sono pure stati argomento di discussione. Ci sono speculazioni sul fatto che le basi statunitensi siano pesantemente implicate in ricerche concernenti molte di queste ‘nuove idee per la guerra’, come pure esperimenti con la griglia mondiale" (Nexus. New Times Magazine, cit.). Uno scenario da brivido insomma. Quali terribili e inconfessabili segreti cela il patto UK/USA?

 

Giuseppe Cosco

linus.tre@iol.it