lundi, 02 août 2010
L'antagonisme Chine/Etats-Unis sur le continent africain
Federico DAL CORTIVO:
L’antagonisme Chine/Etats-Unis sur le continent africain
Avec la création de l’AFRICOM, la thalassocratie américaine veut transformer le Continent noir en une arrière-cour de Washington !
Les Etats-Unis, sous « l’Administration Bush », n’ont plus cessé de considérer l’Afrique comme un futur « espace vital », destiné à fournir des matières premières, dont du pétrole, indispensables pour l’économie américaine qui est constamment à la recherche de nouveaux territoires à exploiter sans vergogne, aujourd’hui plus que jamais, vu l’actuelle crise économique et le recul de l’hégémonie américaine sur l’Amérique latine, son arrière-cour traditionnelle. Mais la volonté de Washington d’étendre son influence en Afrique a aussi pour objectif de s’opposer à la pénétration chinoise sur ce continent, qui se montre de plus en plus importante. Beijing entretient des rapports commerciaux étroits et de grande ampleur avec de nombreux pays africains, rapports qui, eux aussi, s’avèrent de plus en plus nécessaire pour une économie chinoise en pleine croissance.
Dans le passé, la présence militaire américaine s’était manifestée en Afrique via l’ « US European Command » qui prenait sous son aile tous les pays africains ; ensuite cette compétence fut transférée au « Strike Command », devenu en 1971 le « Readiness Command » et puis, successivement, au « CentCom » et au « Pacific Command ». Il a fallu attendre 2007 pour que le Pentagone annonce la création d’un commandement tout entier consacré à l’Afrique seule.
La création de ce nouveau commandement a permis de définir clairement les nouvelles structures militaires qui expriment la volonté bien déterminée de Washington de renforcer considérablement sa présence militaire et de se doter, en Afrique, de capacités de riposte rapide.
Placé sous le commandement du Général William E. « Kip » Ward, l’Africom comprend toutes les armes formant traditionnellement les forces armées : l’armée de terre, la marine, l’aviation et les Marines, dont les postes de commandement se situent actuellement en Italie, à Vicenza (US Army Africa Setaf), à Naples (US Navy Africa), et en Allemagne, à Ramstein (US Air Force Africa), à Boeblingen (US Marine Corps Africa) et à Stuttgart (Special Operation Command Africa) ; enfin, à ces postes installés en Italie et en Allemagne, s’ajoute le Camp Lemonier à Djibouti en Afrique orientale, où se trouve également le « Combined Joint Task Force – Horn of Africa ». Le Pentagone examine actuellement la possibilité de mettre à la disposition de l’Africom d’autres forces, afin d’accroître sa vitesse opérationnelle : 1000 Marines aéroportables, capables d’être déployés rapidement sur divers théâtres d’opération. Toujours sous le prétexte de la « lutte contre le terrorisme international », Washington a renforcé ses liens militaires et diplomatiques avec plusieurs Etats africains, en suivant, dans cette optique, trois lignes directrices principales : la diplomatie, la chose militaire et le développement. Ce dernier sert, comme d’habitude, à lier l’Etat en question au modèle économique américain, afin d’un faire un vassal, pompeusement baptisé « allié ».
Aux côtés du Général Ward, on trouvera l’ambassadeur Anthony Holmes afin de mieux coordonner les rapports entre pays africains et, par conséquent, de s’assurer une mainmise toujours plus forte sur le Continent noir, considéré dorénavant comme « stratégique ». Tout cela correspond bel et bien à ce que l’on peut lire dans le « Quadrennial Defence Review » de février 2010, qui prévoit une augmentation des dépenses militaires de 2%, avec une somme totale allouée de 708 milliards de dollars pour 2011 (y compris les 160 milliards de dollars prévus pour les guerres d’Irak et d’Afghanistan). Pour 2010, l’Africom pourra s’attendre à recevoir 278 millions de dollars pour les opérations et 263 autres millions de dollars pour la logistique, le développement de nouvelles structures et d’autres moyens divers.
La machine de guerre américaine s’apprête aussi à débarquer en force en Afrique, où elle avait déjà, à intervalles réguliers, organisé des manœuvres militaires communes avec le Mali, le Nigéria, le Maroc et le Sénégal.
Les raisons géopolitiques, qui président à ce nouveau projet africain des Etats-Unis, doivent être recherchées dans le poids de plus en plus lourd que pèse Beijing en Afrique, grâce à une politique de non ingérence dans les affaires intérieures des pays concernés, à la différence de la pratique américaine qui a toujours préféré contrôler étroitement les « gouvernements amis » et les manipuler à loisir.
Après avoir adopté le « socialisme de marché », en tant que version revue et corrigée du communisme, la Chine s’est affirmée avec force sur la scène internationale, mue par l’impératif d’acquérir matières énergétiques en grandes quantités et à bon prix. On se rappellera les bonnes relations qu’entretient Beijing avec certains pays d’Amérique latine, surtout le Venezuela et le Brésil ; ces relations se déroulent de manière paritaire, mode de travail qui ne trouble en aucune façon le cours nouveau qu’a emprunté ce continent sud-américain, comme on peut le constater en observant les accords pris entre certains de ces pays d’Amérique ibérique, d’une part, et la Russie, l’Inde, l’Iran et l’Afrique du Sud, d’autre part.
Cependant la partie la plus importante se joue en Afrique où d’immenses richesses minières et pétrolières sont encore disponibles. Le Dragon chinois est présent sur place, avec des investissements dépassant les 20 milliards de dollars pour la réalisation d’infrastructures importantes comme des ponts, des centrales électriques et des routes.
Les rapports entre la Chine, d’une part, l’Angola et le Soudan, d’autre part, sont optimaux ; d’autres accords ont été conclu avec l’Algérie et l’Egypte, où 150 entreprises chinoises se sont implantées. En Afrique du Sud, les Chinois ont acquis la « Standard Bank », principale banque de ce pays riche en minerais, dont l’or et le diamant.
Au Soudan, la découverte de riches gisements de pétrole a attiré l’attention de la « China Petroleum Company », ce qui fait que 8% du pétrole consommé en Chine vient désormais de ce pays africain. En Algérie, la « China Petroleum & Chemical Corporation » et la « China National Petroleum » ont pris en main la gestion des puits les plus importants. A la liste, on peut ajouter le Nigéria, troisième fournisseur africain de pétrole à la Chine ; ensuite, le Sénégal, la Tchad, la Guinée, qui possèdent aussi des gisements de pétrole, et le Cameroun, où l’on trouve et du gaz naturel et du pétrole.
Aujourd’hui donc, force est de constater que les fronts sur lesquels sont déployées les forces armées des Etats-Unis augmentent en nombre au lieu de diminuer ; dans un tel contexte, la thalassocratie américaine ne peut rien faire d’autre que de mettre la main sur les ressources du « Tiers Monde » (comme il était convenu de l’appeler). Pour y parvenir, Washington doit déployer de plus en plus de troupes, d’avions et de navires aux quatre coins du globe. Ces efforts ne laissent pas indifférents les Américains eux-mêmes car, pour réaliser cette politique d’omniprésence, la Défense engloutit des sommes gigantesques : il suffit d’analyser les chiffres ; entre 2001 et 2011, le bilan du Pentagone a augmenté de 40% et, si nous prenons en compte également les frais engendrés par les guerres, nous arrivons au chiffre de 70%. Nous sommes dont dans un état de guerre permanente, même si cette guerre n’a jamais été déclarée ; en effet, 400.000 hommes de l’armée américaine sont déployés sur les divers théâtres opérationnels de tous les continents. On le voit : de Bush à Obama, il n’y a eu aucun changement.
Federico DAL CORTIVO.
(article paru dans « Rinascita », Rome, 13 juillet 2010 ; http://www.rinascita.eu/ ).
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US-Raketen in der Umgabung Chinas stationiert
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dimanche, 04 juillet 2010
Le élites di Washington sono molto préoccupate per i nuovi blocchi anti-egemonici
di Pepe Escobar - Salvador Lopez Arnal
Fonte: Come Don Chisciotte [scheda fonte]
Lentamente ma energicamente il popolo del Sud si organizza e si prepara politicamente non solo per frenare l'imperialismo militarista e bellicista degli Stati Uniti ma anche per mettere fine all'ipocrisia dell'abuso di dominazione neo-coloniale da parte delle potenze industriali europee, con le loro addormentate società civili. Frenare le ingiustizie a cui sono sottomessi numerosi popoli in pieno ventunesimo secolo, rispetto e mutua reciprocità sono i nuovi dogmi. In questa intervista, il nostro collega Pepe Escobar analizza il modo in cui alcuni paesi emergenti, come il Brasile, la Turchia o l'India, stanno organizzando una nuova era di relazioni armoniche e rispettose fra i popoli.
Domanda: in un recente articolo pubblicato da Asia Times Online [1], tradotto da Sinfo Fernández di Rebelión, lei parlava della dominatrice. Mi permetta di complimentarmi per la sua trovata terminologica. Perché lei crede che la Segreteria di Stato statunitense (Hillary Clinton) si adatti bene a questo termine? Non sono migliorate le forme di politica estera degli Stati Uniti nell'amministrazione Obama?
Pepe Escobar: Hillary è una dominatrice nel senso che è capace di soggiogare tutto il Consiglio di Sicurezza dell'ONU invece di ammettere il fallimento della sua diplomazia. Forse lo ha imparato con Bill... O forse sono tutti masochisti.
No, non è così. La ragione principale è che la Cina e la Russia si lasciarono dominare. Cina e Russia decisero che era meglio lasciare la stridula Hillary dominare il palco per qualche giorno, e lavorare in silenzio per raggiungere il loro obiettivo: porre sanzioni con il massimo sentore “light” su Teherán. Per ciò che riguarda l'Iran, gli Stati Uniti sono ciechi, lo vedono tutto rosso. Lo stesso può dirsi in relazione a Israele, lo vedono tutto bianco celestiale.
Domanda: il nodo centrale del suo recente articolo – «Irán, Sun Tzu y la dominatrix» [2] [Traduzione Comedonchisciotte N.d.r] – è l'accordo fra le diplomazie di Brasile, Turchia e Iran sul tema dello sviluppo nucleare di quest'ultimo Paese. In cosa consiste questo accordo?
Pepe Escobar: è essenzialmente lo stesso accordo proposto dagli stessi statunitensi nell'ottobre del 2009. La differenza sta nel fatto che, secondo la proposta del 2009, l'arricchimento dell'uranio si realizzava in Francia e in Russia e ora, attraverso l'accordo, si effettuerà in Turchia.
La differenza fondamentale è nel metodo. Turchia e Brasile si sono comportate con diplomazia, senza polemiche e rispettando le ragioni iraniane. Altro dettaglio fondamentale: tutto quello che hanno fatto era già stato discusso in dettaglio a Washington. Quando è stato presentato un risultato concreto, quando è stato raggiunto l'accordo con l'Iran, Washington, mi permetta la metafora bellica, ha sparato loro un colpo nelle costole.
Domanda: non è una novità nella diplomazia internazionale che Brasile e Turchia, due paesi non contrapposti agli Stati Uniti, si mettano in gioco in questa faccenda? Perché lei crede che abbiano scommesso su questa strategia autonoma? Cosa vincerebbero? L'Iran non è forse lontano, molto lontano, dal Brasile?
Pepe Escobar: ogni Paese ha i suoi motivi per espandere la propria mappa geopolitica. La Turchia si vuole proiettare come attore eccezionale, che conta davvero in Medio Oriente. Ne consegue una politica diciamo post-Ottomana, organizzata dal Ministro delle Relazioni Estere, il professor Ahmet Davutoglu.
Anche il Brasile, con una politica molto intelligente di Lula e del suo ministro Celso Amorim, vuole posizionarsi come mediatore onesto nel Medio Oriente. Il Brasile fa parte della BRIC (Brasile, Russia, India, Cina) che secondo me è attualmente il vero contro-potere all'egemonia unilaterale degli Stati Uniti. Se circa due settimane fa ha discusso formalmente a Brasilia la sua adesione, la Turchia sarebbe parte del gruppo, il quale sarebbe quindi chiamato BRICT. Questa è la nuova realtà nella geopolitica globale. E, senza dubbio, le vecchie élites di Washington sono diventate livide.
Domanda: non sembra, come lei stesso segnalava, che l'accordo abbia suscitato entusiasmo nella Segreteria di Stato né nei governi europei. Perché? Vorrebbero che la strada diplomatica fallisca per proseguire con le loro sanzioni e condurci ad uno scenario bellico? Se è così, cosa guadagnerebbero con esso? Non ci sarebbero troppi fronti aperti allo stesso tempo?
Pepe Escobar: dalla prospettiva della politica interna degli Stati Uniti, quello che interessa a Washington è cambiare il regime. Ci sono almeno tre tendenze in lizza. I “realisti” e la sinistra del Partito Democratico che sono a favore del dialogo; l'ala del Pentagono e dei servizi di intelligence vogliono almeno delle sanzioni, e i repubblicani, i neocolonialisti, le lobby di Israele e la sezione Full Spectrum Dominance del Pentagono vogliono un cambio di regime sia come sia, inclusa la strada militare, se fosse necessario.
I governi europei sono cagnolini da compagnia di Bush o di Obama. Non servono a niente. Ci sono voci autorevoli in alcune capitali europee e a Bruxelles. Sanno che l'Europa ha bisogno del petrolio e del gas iraniano per non essere ostaggi di Gazprom. Ma sono una minoranza.
Domanda: lei crede che il Governo iraniano aspiri, oltre le sue dichiarazioni, a possedere un armamento nucleare? Per farsi rispettare? Per piegare Israele? Per attaccarla? Pakistan nucleare, India nucleare, Israele nucleare, Iran nucleare. Tutta questa zona non diventerebbe un'autentica polveriera?
Pepe Escobar: sono stato molte volte in Iran e mi sono convinto di quanto segue: il regime iraniano può causare rabbia ma non è un sistema suicida. Il leader supremo, in diverse occasioni, ha annunciato una fatwa affermando che l'arma nucleare è “non-islamica”. Le Guardie Rivoluzionarie supervisionano il programma nucleare iraniano, senza dubbio, ma sanno molto bene che le ispezioni e il controllo della IAEA, Agenzia Internazionale dell'Energia Atomica, sono molto seri. Se punteranno a sviluppare una bomba atomica rudimentale, saranno scoperti e denunciati immediatamente.
Di fatto, l'Iran non ha bisogno di alcuna bomba atomica come elemento di dissuasione. Gli basta un arsenale militare high-tech, di tecnologia sempre più avanzata. L'unica soluzione giusta sarebbe una denuclearizzazione totale del Medio Oriente che Israele, ovviamente, con i suoi più di duecento missili nucleari, non accetterà e mai rispetterà.
Domanda: che ruolo gioca la Russia in questa situazione? Lei ricordava che l'impianto nucleare di Bushehr fu costruito dalla Russia, che lì si stanno si stanno svolgendo le ultime prove e che probabilmente si inaugurerà quest'estate.
Pepe Escobar: Bushehr deve essere inaugurata in agosto, dopo molti ritardi. Per la Russia l'Iran è un cliente privilegiato in termini nucleari e degli armamenti. Ai russi interessa che l'Iran continui in questo modo, che la situazione non cambi. Non vogliono l'Iran come potere nucleare militare. È una relazione con molti nodi, ma soprattutto commerciale.
Domanda: nel suo articolo lei cita il vecchio generale e stratega Sun Tzu. Ricorda un aforisma del filosofo cinese: “lascia che il tuo nemico commetta i suoi errori e non correggerli”. Lei afferma che Cina e Russia, maestri strateghi quali sono, stanno applicando questa massima rispetto agli Stati Uniti. Che errori stanno commettendo gli USA? Sono tanto goffi i suoi strateghi? Non hanno per caso letto Sun Tzu?
Pepe Escobar: tutti gli statunitensi ben educati nelle università hanno letto Sun Tzu. Altra cosa è saperlo applicare. Cina e Russia, in una strategia comune ai BRIC, si accordarono per lasciare gli Stati Uniti con l'illusione di condurre le sanzioni, nello stesso tempo in cui lavorarono e lavorano per minarle al massimo e approvare in ultima istanza un pacchetto di sanzioni molto “light”. Russia e Cina vogliono stabilità in Iran con il beneficio delle loro importanti relazioni commerciali. Nel caso della Cina, tenga in conto che l'Iran è un grande fornitore di gas e questo riguarda la massima sicurezza nazionale.
Domanda: siamo, lei riassume, in una situazione in cui sul tavolo dell'Agenzia Internazionale dell'Energia Atomica c'è un accordo di interscambio approvato dall'Iran, mentre nelle Nazioni Unite è in marcia un'offensiva di sanzioni contro l'Iran. Lei si domanda di chi si dovrebbe fidare la “comunità internazionale”. Io le domando: di chi si dovrebbe fidare la “comunità internazionale”?
Pepe Escobar: la vera “comunità internazionale”, i BRIC, i paesi del G-20, le 118 nazioni in sviluppo del Movimento dei non-allineati, insomma, tutto il mondo in sviluppo, sta con Brasile, Turchia e la loro diplomazia di non-opposizione. Solo gli Stati Uniti vogliono sanzioni e i suoi patetici, ideologici cani da compagnia europei.
Domanda: lei afferma anche che l'architettura della sicurezza globale, “vigilata da un pugno di temibili guardiani occidentali auto-nominati”, è in coma. L'Occidente “atlantista” affonda come il Titanic. Non esagera? Non confonde i suoi desideri con la realtà? Non c'è il pericolo reale che l'affondamento distrugga quasi tutto prima di affondare definitivamente?
Pepe Escobar: io ero già di fronte, con l'orrore di tutto il mondo, come per ora poter almeno credere nella possibilità di un nuovo ordine, delineato soprattutto dal G-20 e dai paesi del BRICT. Inclusa la T finale.
Il futuro economico è dell'Asia e il futuro politico è dell'Asia e delle grandi nazioni in via di sviluppo. È chiaro che le élites atlantiste rinunciano al loro potere solo dopo aver visto i propri cadaveri distesi per terra. Il Pentagono continuerà con la sua dottrina di guerra infinita. Però prima o poi non avrà come pagarla. Non nego che sia una possibilità che gli USA, in un futuro prossimo, sotto l'amministrazione di un pazzo repubblicano di estrema destra, entri in un periodo di guerra allucinata, sconvolta. Se così fosse, sarà senza dubbio la sua caduta, la caduta del nuovo Impero Romano.
Domanda: quale forte lobby degli USA è a favore della guerra infinita a cui si è appena riferito? Chi sostenta e finanzia questa lobby?
Pepe Escobar: La guerra infinita è la logica della Full Spectrum Dominance, la dottrina ufficiale del Pentagono, che include “l’encirclement” di Cina e Russia, la convinzione che questi paesi non possano emergere come ficcanaso e competitori degli USA, e inoltre fare tutti gli sforzi per controllare o almeno vigilare Eurasia. È la dottrina del Dr. Strangelove [3], però è anche la mentalità dei dirigenti militari statunitensi e della maggioranza del suo establishment. Il complesso industrial-militare non ha bisogno dell'economia civile per sostentarsi. Ha in elenco un'enorme quantità di politici e tutte le grandi corporazioni.
Domanda: lei parla della dottrina del Dr. Zbigniew “conquisteremo l'Eurasia”. Un'altra trovata, mi permetta un altro complimento. Il vecchio assessore alla sicurezza nazionale, lei segnala, sottolineò che “per la prima volta in tutta la storia umana, l'umanità si è svegliata politicamente -questa è una nuova e totale realtà- , una cosa mai successa prima”. Secondo lei è così? Che parte dell'umanità addormentata si è svegliata?
Pepe Escobar: per le élites statunitensi il dato essenziale è che Asia, America Latina e Africa stanno intervenendo politicamente nel mondo in un modo impensabile durante il colonialismo e che la decolonizzazione è, per loro, un incubo senza fine. Come dominare chi ora sa come comportarsi per non essere dominato di nuovo? È una domanda basilare.
Domanda: Washington, profondamente unilaterale, lei segnala, non esita a puntare l'indice fino al più vicino dei suoi amici. Perché? Sono per caso l'incarnazione dell'Asse del Male? Può essere raggiunta l'egemonia con procedimenti così poco gentili? Fino a quando?
Pepe Escobar: Non si può sottovalutare la crisi statunitense. È totale: economica, morale, culturale e politica. Ed anche militare perché furono distrutti in Iraq e sono al limite di un’umiliante sconfitta totale in Afganistan. Il nuovo secolo americano morì già nel 2001. L'11 settembre, oggi, si può interpretare come un messaggio apocalittico di fine.
Domanda: ma qual è uno degli attori principali della politica statunitense nel Vicino Oriente? Israele è addormentato? Quali sono i piani dei bulli di Gaza? [4]
Pepe Escobar: Israele si è convertito in quello che io chiamo “briccone” [birbante, o stato villano]. Sparta paranoica, etno-razzista, che ha la responsabilità della macchia profonda dell'apartheid. Israele sarà ogni volta più isolata dal mondo reale, protetta solo dagli USA, di cui è uno Stato-cliente. E il suo incubo, come se si trattasse di un film horror hollywoodiano, sarà il ritorno di ciò che è stato represso: la storia gli farà pagare per tutto l'orrore che ha perpetrato e continua a perpetrare contro i palestinesi.
Domanda: che opinione ha dell'azione di Israele dello scorso 30 maggio? Che senso può avere un attacco a dei pacifisti solidali con Gaza?
Pepe Escobar: fa parte della stessa logica di sempre. Abbiamo sempre ragione; quelli che sono contro le nostre politiche sono terroristi o antisemiti. Ora Israele è nella fase di difendere l'indifendibile: il blocco di Gaza.
È chiaro che ora tutto il mondo lo sa e non lo potrà più ingannare con le sue bugie, la Palestina sarà l'eterno Vietnam di Israele. Ma dubito, come nel caso degli Stati Uniti, che questa volta siano capaci di imparare la lezione.
Pepe Escobar [foto accanto al titolo N.d.r.], analista geopolitico. È autore di «Globalistan: How the Gbalizad World is Dissolving into Liquid War» (Nimble Books, 2007) e di «Red Zone Blues: a shapshot of Baghdad during the surge». Recentemente ha pubblicato «Obama does Globalistan» (Nimble Books, 2009), un libro che merita di essere tradotto (in spagnolo) con urgenza.
NOTE
[1] Fonte: http://www.atimes.com/atimes/Middle...
[2] http://www.rebelion.org/noticia.php..., 27 maggio 2010.
[3] Il film di S. Kubrick il cui titolo in italiano è “il Dottor Stranamore”, uno dei film preferiti di Manuel Sacristán.
[4] La domanda è stata formulata prima dell'attacco alla Flotilla della libertà e solidarietà. L'intervista termina con una domanda sull'attacco. “La Palestina sarà l'eterno Vietnam di Israele”, afferma Escobar.
Titolo originale: ""LA GUERRA INFINITA ES LA LÓGICA DE LA DOCTRINA OFICIAL DEL PENTÁGONO”"
Fonte: www.rebelion.org
Link: http://www.rebelion.org/noticia.php?id=107156
04.05.2010
Traduzione per www.comedonchisciotte.org a cura di GABRIELLA REHO
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[Truppe statunitensi sparse per il mondo nel tentativo di ottenere una dominazione militare, oltre che economica. Il caso iracheno è esemplare. Si tratta di un’invasione per il petrolio, con il pretesto di difendersi da possibili armi nucleari che non sono mai state trovate.]
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samedi, 03 juillet 2010
La collocazione geopolitica dell'Iran
di Daniele Scalea
Fonte: eurasia [scheda fonte]
Quella che segue è la trascrizione dell’intervento di Daniele Scalea, redattore di “Eurasia” e autore de La sfida totale (Fuoco, Roma 2010), al convegno “L’Iran e la stabilità del Medio Oriente”, tenutosi a Trieste giovedì 3 giugno 2010 presso l’Hotel Letterario Victoria e co-organizzato dall’Associazione Culturale “Strade d’Europa” e da “Eurasia – Rivista di studi geopolitici”.
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Le immagini sono le stesse che, proiettate nella sala, hanno accompagnato l’intervento originale.
Quest’intervento è composto da due parti distinte. La prima, e principale, sarà un inquadramento generale dell’Iràn nel contesto geopolitico globale e in particolare eurasiatico. La seconda affronterà invece il problema delle ultime e contestate elezioni presidenziali nella Repubblica Islamica.
Cominciamo dalla prima parte e, dunque, dalla collocazione geopolitica dell’Iràn.
Questa mappa, ripresa da un volume del geografo britannico Halford John Mackinder, mostra come i geopolitici classici, in particolare quelli anglosassoni, vedessero il mondo. La geopolitica classica centra la propria attenzione sul continente eurasiatico: infatti, in Eurasia si trovano la maggior parte delle terre emerse, della popolazione umana, delle risorse; e sempre in Eurasia sono sorte le principali civiltà della storia.
Il mondo è diviso in tre fasce, che dipartono concentriche proprio dal centro dell’Eurasia. Qui si trova la “area perno” (Pivot area) o “terra-cuore” (Heartland), la cui caratteristica è di essere impermeabile alla potenza marittima. Non ha infatti sbocchi sul mare (se si eccettua l’Artico, che non garantisce però collegamenti col resto del mondo), né vi è collegata neppure per via fluviale, in quanto i principali corsi d’acqua della regione sfociano nell’Artico o in mari chiusi. Nella Terra-cuore, pertanto, la potenza continentale non è contrastata da quella marittima.
La Terra-cuore è avviluppata da una seconda fascia, la “mezzaluna interna” (Inner Crescent), che percorre tutto il margine continentale eurasiatico dall’Europa Occidentale alla Cina, passando per Vicino e Medio Oriente e Asia Meridionale: per tale ragione è detta anche “terra-margine” (Rimland). Qui la potenza continentale e quella marittima tendono a controbilanciarsi l’un l’altra.
Infine, al di fuori dell’Eurasia, si staglia la terza ed ultima fascia, la “mezzaluna esterna” (Outer Crescent), che comprende le Americhe, l’Africa, l’Oceania e pure Gran Bretagna e Giappone. Essa è la sede naturale della potenza marittima, dove quella continentale non può minacciarla.
Secondo Mackinder, che scriveva all’inizio del Novecento, l’avvento della ferrovia avrebbe neutralizzato la superiore mobilità del trasporto marittimo, riequilibrando la situazione a favore della potenza tellurica (continentale, terrestre). John Spykman, mezzo secolo più tardi, ridimensionò il peso delle strade ferrate, sostenendo che la potenza talassica (marittima) manteneva il proprio vantaggio: la Terra-cuore è sì imprendibile per la talassocrazia (l’egemone sui mari), ma non può minacciare quest’ultima senza prima occupare la Terra-margine. Compito della talassocrazia – che in quegli anni, proprio come oggi, erano gli USA – è precludere il Rimland alla potenza continentale (allora l’URSS).
La strategia del contenimento, durante la Guerra Fredda, s’accorda con la visione del mondo della geopolitica classica. Contro un avversario che occupava l’Heartland (il riferimento è ovviamente all’URSS), gli USA talassocratici hanno messo in funzione un dispositivo che mantenesse sotto controllo il Rimland, impedendo a Mosca di raggiungere le coste continentali e proiettarsi sui mari. In tale dispositivo rientrano la NATO in Europa Occidentale, la CENTO nel Vicino e Medio Oriente, la SEATO in Asia Sudorientale e l’alleanza con Corea del Sud e Giappone (e in un secondo momento anche con la Cina) in Estremo Oriente.
Della CENTO, o Patto di Baghdad, faceva parte anche l’Iràn, oltre a Turchia, Iràq, Pakistan e Gran Bretagna (in qualità di ex padrone coloniale). Dalla cartina è facile individuare nella CENTO un anello della catena di contenimento che corre lungo tutto il Rimland.
Questa cartina mostra, semplificando un po’ la situazione, quelli che erano gli schieramenti nei primi decenni della contrapposizione bipolare in Vicino Oriente. Se Egitto, Siria e Iràq si erano avvicinati all’URSS, nella regione gli USA poggiavano sulla triade di potenze non arabe: Israele, Turchia e Iràn.
La Rivoluzione Islamica del 1979 pone fine all’alleanza tra Iràn e USA, pur senza portare Tehrān nel campo sovietico. Ciò rafforza il peso dei due perni superstiti, Turchia e Israele, ed anche il maggiore appoggio che Washington garantisce ai due paesi, ed in particolare a Tel Aviv. Dal canto loro tutti i paesi arabi, ad eccezione di Siria, Iràq e Yemen del Sud, seguendo il voltafaccia egiziano prendono più o meno tiepidamente posizione per gli Stati Uniti d’America, disperando della possibilità che l’appoggio sovietico possa apportare loro grossi benefici. Preferiscono puntare sull’avvicinamento a Washington, sperando che ciò possa spezzare la “relazione speciale” tra la Casa Bianca e Tel Aviv, e quindi ricevere una più equa mediazione nei confronti dello Stato ebraico. Speranza che rimarrà delusa.
Quest’immagine, ripresa da The Grand Chessboard di Zbigniew Brzezinski, mostra la visione del continente eurasiatico da parte degli eredi della geopolitica classica nordamericana. La Federazione Russa continua a mantenere una posizione centrale, pur ristretta rispetto all’epoca sovietica, mentre la Terra-margine è divisa in tre settori. Per ognuno di essi Brzezinski suggerisce una politica regionale a Washington.
A Occidente – ossia in Europa – si trova quella che Brzezinski definisce “la testa di ponte democratica”, ossia il pied-à-terre della talassocrazia nordamericana in Eurasia. L’integrazione europea pone una sfida agli USA: se dovesse fallire restituendo un’Europa frammentata e litigiosa, o se al contrario dovesse avere grosso successo creando un’Unione Europea monolitica e strategicamente autonoma, in entrambi i casi la presenza statunitense nella regione sarebbe messa in discussione. La soluzione prospettata da Brzezinski è quella di mettersi a capo dell’integrazione europea e dirigerla in modo che non leda gl’interessi nordamericani: esattamente quanto successo, con l’espansione della NATO a precedere ed indirizzare quella dell’UE, che ha demandato la propria sicurezza e guida strategica al capoalleanza d’oltreoceano.
A Oriente gli USA hanno ulteriori basi avanzate, in Giappone e Corea, che debbono mantenere ad ogni costo. Ma Brzezinski, memore di una delle mosse che ha deciso la Guerra Fredda, consiglia pure di coltivare i rapporti con la Cina, che potrebbe diventare per gli USA una seconda testa di ponte in Eurasia, pendant dell’Europa a oriente.
Infine c’è il Meridione, corrispondente al Vicino e Medio Oriente, dal Mediterraneo all’India.
In quest’area, Brzezinski ritiene che gli alleati naturali, anche se sovente involontari, della geostrategia statunitense siano Turchia e Iràn. Coi loro intenti panturanici la prima e panislamici la seconda, si proiettano nel Caucaso e nell’Asia Centrale controbilanciando l’influenza russa e frustrandone il tentativo di riconquistare quelle regioni alla propria area d’influenza. Questi “interessi competitivi” tra Turchia, Iràn e Russia, individuati da Brzezinski, corrispondono più alla situazione degli anni ’90 che a quella del decennio appena trascorso, in cui i tre paesi hanno privilegiato la soluzione “cooperativa” su quella “competitiva”.
Spostiamoci ora dal quadro propriamente geostrategico a quello energetico. La cartina schematizza la situazione dell’energia in Eurasia, individuando quattro regioni importatrici (Europa, Asia Orientale, Asia Meridionale e Asia Sudorientale) e quattro regioni esportatrici (Russia, Asia Centrale, Iràn, Vicino Oriente). Le quattro regioni produttrici potrebbero sostanzialmente ridursi a due: l’Asia Centrale non ha sbocchi sul mare, dipende dai paesi circostanti per lo smercio delle sue risorse, ed in particolare dalla Federazione Russa in ragione della rete d’oleodotti e gasdotti retaggio d’epoca sovietica; l’Iràn invece esporta molto meno del suo potenziale, come vedremo tra poco. Rimangono dunque la Russia e il Vicino Oriente, ma quest’ultimo è diviso in una pluralità di nazioni, spesso politicamente, economicamente e socialmente fragili. Ecco perché la Russia può essere individuata come la maggiore potenza energetica del continente eurasiatico (e del mondo).
Quest’immagine mostra come la rete delle condotte energetiche esistenti faccia perno sul territorio della Federazione Russa. In particolare, l’Asia Centrale dipende quasi totalmente da Mosca per l’esportazione dei propri idrocarburi verso l’Europa.
Gli USA hanno cercato d’inserirsi nella connessione Asia Centrale-Russia-Europa. Essa, infatti, crea un rapporto di interdipendenza tra i tre soggetti. In particolare, Mosca ne riceve importanti leve strategiche nei confronti dei paesi europei e centroasiatici. Il piano di Washington consiste nel creare nuove rotte energetiche dall’Asia Centrale all’Europa che scavalchino la Russia. Il primo importante progetto in tale direzione è stato l’oleodotto Bakù-Tblisi-Ceyhan. Aperto nel 2006, ha avuto un effetto meno dirompente di quanto s’attendessero gli Statunitensi: esso ha infatti raccolto il petrolio azero, ma solo in maniera marginale quello dei paesi centroasiatici.
Negli ultimi anni il gas naturale ha acquisito un’importanza crescente nel paniere energetico, e per questo i progetti più recenti si sono concentrati proprio sul trasporto del “oro blu”. Gli USA hanno rilanciato con l’ambizioso progetto del Nabucco che, partendo dalla Turchia, dovrebbe giungere fino in Austria, rappresentando un canale alternativo al transito sul territorio russo. Mosca non è però rimasta a guardare: i Russi hanno già avviato la costruzione del Nord Stream e si preparano a lanciare quella del South Stream; i due gasdotti, passando rispettivamente sotto il Baltico e il Mar Nero, scavalcheranno l’Europa Orientale (che ha creato diversi problemi al transito di gas russo) ed accresceranno sensibilmente il volume delle forniture russe all’Europa Occidentale.
Il Nabucco ha un grave punto debole: l’incertezza riguardo i bacini d’approvvigionamento da cui dovrebbe trarre il gas per l’Europa. A parte il gas azero, è probabile che lo riceverà dall’Egitto e dall’Iràq. Tuttavia, ciò potrebbe essere insufficiente rispetto alle ambizioni per cui verrà creato. Inoltre, il suo palese scopo geopolitico è sottrarre gas centroasiatico, ed in particolare turkmeno, al transito per la Russia. Ma il gas turkmeno ha sole due vie per poter arrivare a Erzurum: un ipotetico gasdotto transcaspico (cui s’oppongono due nazioni rivierasche – Russia e Iràn – e sulla cui possibilità di realizzazione tecnica permangono numerosi dubbi), oppure un transito sul territorio iraniano.
Ma il ruolo dell’Iràn rispetto al Nabucco potrebbe non essere soltanto quello d’un semplice canale di transito del gas turkmeno. Il paese persiano è già un grande esportatore di petrolio, ma potenzialità ancora maggiori le mostra rispetto al gas naturale, avendo riserve provate che sono le seconde più vaste al mondo. E sebbene sia il quinto maggiore produttore mondiale di gas, l’Iràn è a malapena il ventinovesimo esportatore. Ciò perché gran parte del gas prodotto viene consumato all’interno. Questa è una delle principali motivazioni del programma nucleare iraniano: soddisfare il fabbisogno energetico interno col nucleare, e liberare ingenti quantità di gas per l’esportazione. Esportazione che potrebbe passare proprio per il Nabucco, se si verificasse una distensione col Patto Atlantico.
Anche per scongiurare quest’eventualità, la Russia si è prodigata a sponsorizzare il progettato gasdotto Iràn-Pakistan-India. Rivolgendo verso oriente il gas iraniano, Mosca s’assicura di rimanere la principale ed imprescindibile fornitrice energetica dell’Europa. Tehrān e Islamabad hanno già avviato la costruzione dei rispettivi tratti, mentre Nuova Dehli, complici anche le pressioni di Washington, è ancora titubante. I Pakistani hanno offerto ai Cinesi di prendere il posto degl’Indiani; per ora Pechino non ha né accettato né rifiutato.
In questa fase il Vicino Oriente sembra stia vivendo una nuova polarizzazione. Rispetto a quella della Guerra Fredda, il ruolo degli attori strategici esterni è inferiore rispetto a quello dei paesi locali, ma non per questo trascurabile. L’ascesa dell’Iràn intimorisce molti paesi arabi, in particolare quelli del Golfo, che assieme a Giordania e Egitto hanno ormai concluso un’alleanza “inconfessata” con Israele, ovviamente benedetta dagli USA. L’Iràn, oltre all’alleato siriano e ad un paio di paesi in bilico (Iràq e Libano) sembra poter contare anche sulla Turchia: un paese che possiede proprie ambizioni di egemonia regionale, ma in questa fase ha scelto la cooperazione con l’Iràn. Questo secondo blocco coltiva buoni rapporti con la Russia e la Cina.
Passiamo quindi alla seconda parte di quest’esposizione, che concerne le elezioni presidenziali iraniane del 2009. In particolare, si cercherà di capire se davvero esse siano state viziate da brogli decisivi, ovvero se la vittoria di Ahmadinejad possa considerarsi sostanzialmente genuina. Ci si appoggerà alle risultanze d’una mia ricerca più particolareggiata, di cui riporterò solo alcuni dati più significativi tralasciando i calcoli intermedi ed altre argomentazioni accessorie – che si potranno comunque leggere consultando la ricerca stessa, che sarà citata in conclusione.
Questi sono i contestati risultati ufficiali delle elezioni. La prima cosa che balza all’occhio sono gli oltre 11 milioni di voti di scarto tra Ahmadinejad ed il secondo classificato, Musavì. In un paese in cui ogni seggio vede presenta osservatori indipendenti e dei vari candidati (compresi quelli sconfitti: in particolare, Musavì aveva più osservatori di Ahmadinejad) appare estremamente improbabile se non impossibile pensare ad una manomissione tanto massiccia delle schede già nei seggi. Non a caso, gli stessi oppositori di Ahmadinejad che hanno denunciato i presunti brogli propendono sempre per la tesi che i risultati siano stati semplicemente riscritti a tavolino dalle autorità. Anche se il riconteggio parziale delle schede in alcune delle circoscrizioni dai risultati più controversi ha confermato le risultanze iniziali, l’ipotesi dei brogli ha mantenuto ampio credito in tutto il mondo.
Eppure i risultati delle elezioni erano in linea con quanto predetto dalla maggior parte degli osservatori e dei sondaggi. Pur non fidandosi dei sondaggi d’opinione iraniani, ce n’è uno, molto significativo, che è stato realizzato con tutti i crismi di scientificità da tre importanti organizzazioni statunitensi: il centro Terror Free Tomorrow (non sospettabile d’essere benevolo verso Ahmadinejad, avendo tra i suoi consiglieri anche il senatore John McCain), il prestigioso istituto New America Foundation e la ditta di ricerche di mercato KA, tra i leaders mondiali del settore. Questo sondaggio, pur registrando un alto numero d’indecisi, mostrava una propensione di voto verso Ahmadinejad relativamente più alta, rispetto aMusavì, di quella effettivamente registratasi alle elezioni.
C’è un altro dato molto significativo. Se si sostituisse Musavì del 2009 col candidato Rafsanjani che nel 2005 sfidò Ahmadinejad al ballottaggio, si scoprirebbe che i risultati delle ultime due elezioni presidenziali in Iràn sono quasi coincidenti. Si tenga presente che nel 2005 in Iràn governava Khatamì, che alle ultime elezioni ha sostenuto Musavì, proprio come Rafsanjani.
Secondo taluni commentatori, una “prova” di brogli sistematici alle elezioni del 2009 sarebbe l’eccessiva uniformità di voto da provincia a provincia. L’evidenza aritmetica, tuttavia, mostra che il voto del 2009 è stato più difforme localmente rispetto a quello del 2005 (che, ricordiamo, si è svolto sotto un governo “riformista”, retto dagli attuali avversari politici di Ahmadinejad).
La difformità locale del voto in Iràn nel 2009 è nettamente superiore a quella registratasi, ad esempio, alle elezioni italiane del 2008 – che però non per questo sono state tacciate d’invalidità.
Alì Ansari, ricercatore della londinese Chatham House, ha individuato 10 province (su un totale di 30) in cui i voti ottenuti da Ahmadinejad sarebbero improbabili rispetto ai risultati del 2005. Ansari, al pari di molti sostenitori della tesi dei brogli, adotta sempre come metro di confronto il primo turno del 2005. Ciò è scorretto, poiché il quadro politico era completamente differente. Innanzitutto, nel 2005 non c’era un presidente uscente candidato – che invece nel 2009 era proprio Ahmadinejad – e perciò la contesa appariva più plurale: nel 2005 ben cinque candidati superarono il 10% dei voti al primo turno. La situazione registratasi nel 2009, con soli 4 candidati e la netta polarizzazione di voti sui due principali, richiama palesemente il secondo turno e non il primo del 2005. Rifacendo i calcoli di Ansari basandosi appunto su un raffronto col ballottaggio del 2005, e riconoscendo a Ahmadinejad il 61,75% dei nuovi votanti (ossia la percentuale che ottenne nel 2005), si nota che in 2 delle 10 province Ahmadinejad è addirittura in calo. In altre 4 ha incrementi percentuali inferiori al 10%; solo in 4 i suoi voti sono aumentati di più del 10%, con un picco in Lorestan del 17,72%. Vanno qui fatte due precisazioni: i voti guadagnati in queste 4 province, anche volendo ammettere che siano tutti fraudolenti, ammontano a poco più di mezzo milione, a fronte d’uno scarto complessivo su Musavì d’oltre 11 milioni di voti. In secondo luogo, non è scontato che incrementi anche così significativi non possano essere genuini. Riprendendo il confronto col caso italiano, si può osservare che – ad esempio – i partiti del Centro-destra (compreso l’UDC, che nel frattempo aveva abbandonato la coalizione) nella circoscrizione “Campania 1” ebbero un incremento percentuale dei consensi pari a quasi il 10% in soli due anni (dal 2006 al 2008). I flussi elettorali esistono, e non sono necessariamente indice di brogli diffusi.
Queste sono le indicazioni per chi volesse approfondire i temi qui trattati, o conoscere le fonti delle affermazioni appena fatte.
Per un quadro generale della politica internazionale odierna e recente, si rimanda al libro, da poco edito per i tipi di Fuoco Edizioni, La sfida totale. Equilibri e strategie nel grande gioco delle potenze mondiali.
* Daniele Scalea, redattore di “Eurasia”, è autore de La sfida totale. Equilibri e strategie nel grande gioco delle potenze mondiali (Fuoco, Roma 2010).
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vendredi, 11 juin 2010
La sfida totale
LA SFIDA TOTALE
INTERVISTA A DANIELE SCALEA
Stefano Grazioli
Ex: http://www.italiasociale.net/
Tanti parlano e scrivono di geopolitica, pochi ne capiscono davvero qualcosa. Daniele Scalea è uno di questi. Giovane, 25 anni e una laurea in Scienze storiche alla Statale di Milano, Daniele Scalea - che già da qualche anno é nella redazione di Eurasia - ha esordito con un opera di grande spessore (un assaggio sul sito), dimostrando che le sponde del Lago Maggiore (vive a Cannobio) possono diventare un osservatorio privilegiato per capire e spiegare le vicende del Mondo che ci circonda. A confermarlo non sono tanto io, quanto chi ha scritto la prefazione del nuovo libro di Daniele, “La sfida totale – Equilibri e strategie nel grande gioco delle potenze mondiali” (Fuoco Edizioni), e cioè il generale Fabio Mini, uno che ne capisce: “Si potrebbe tranquillamente dire che Daniele Scalea ha scritto un trattato di alta Geopolitica. Ha descritto il mondo attuale cercando di interpretarlo alla luce delle teorie classiche della Geopolitica confermandone, e ce n’era bisogno, la validità metodologica. Ha preso in esame tutti i grandi attori mondiali e dopo una panoramica appassionata, non c’è nient’altro da dire”.
Ecco, non aggiungo altro nemmeno io. Consiglio solo di correre in libreria o ordinare il libro via internet direttamente dall’editore. E di leggere con attenzione la lunga intervista che gentilmente che l’autore ci ha concesso.
Rovesciamo la bottiglia e partiamo dal fondo. Lei conclude il suo libro scrivendo che la nascita del Nuovo Mondo, o perlomeno la ristrutturazione geopolitica di quello vecchio, potrebbe essere oltremodo complicata: in sostanza il passaggio da un sistema semi-unipolare a uno multipolare rischia di produrre dolorose frizioni dovute al fatto che la potenza egemone – gli Stati Uniti – opporrà resistenza alla perdita del proprio potere. La “sfida totale” ha già vincitori e vinti?
La tendenza storica del post-Guerra Fredda marcia contro gli USA. Negli anni ’90 la geopolitica mondiale ha vissuto il suo “momento unipolare”, e tutto sembrava girare per il verso giusto, dalla prospettiva di Washington. Ma già si covava quanto sarebbe venuto. L’ultimo decennio ha visto l’emergere a livello economico, strategico ed infine anche politico di veri e propri competitori della “unica superpotenza rimasta”: il riferimento è prima di tutto a Cina e Russia, ma una menzione la meritano pure India, Brasile, Giappone. Il sogno della “fine della storia” è svanito. Gli USA hanno tentato, sotto Bush, un ultimo brutale tentativo di mantenere la propria supremazia incontrastata: il progetto di “guerra infinita”, che avrebbe dovuto annichilire come un rullo compressore tutti i possibili nemici e competitori, ma che si è arenato già sui primi due scogli incontrati, ossia Afghanistan e Iràq. L’ordine mondiale odierno è “semi-unipolare”, con Washington ancora potenza egemone, ma più per la cautela dei suoi rivali che per la propria forza ed autorità. La crisi finanziaria del 2008 è partita dagli USA ed ha mandato parzialmente in frantumi quell’ordine economico su cui si fonda gran parte del potere di Washington. Tutto lascia supporre che si concretizzerà il ritorno ad un vero e proprio ordine “multipolare”, e questa è anche la mia previsione.
Però …come spesso accade c’è un “però”. Uno degli errori più comuni del nostro tempo è quello di percepire le tendenze come fattori fissi ed immutabili, quando in realtà sono contingenti. Come sosteneva Hume, l’uomo è portato a credere in ciò che è abituato a vedere, ossia ad assolutizzare il contingente. Ma le inversioni di tendenza sono sempre possibili. Gli Stati Uniti non hanno accettato e difficilmente accetteranno il ruolo di ex egemone in declino. A meno d’implosioni interne del tipo pronosticato da Igor Panarin, riusciranno ad opporre resistenza, ed hanno molto frecce al loro arco se non per bloccare, quanto meno per rallentare la transizione al mondo multipolare: ricordiamo, tra i principali, il poderoso strumento militare (che spesso fa cilecca, ma per capacità di proiezione globale non ha pari), la “egemonia del dollaro” (Henry Liu), la centralità nel sistema finanziario, l’influenza culturale. Già il secolo scorso la supremazia delle talassocrazie anglosassoni fu sfidata, prima dal Reich tedesco e poi dall’Unione Sovietica, e sappiamo bene tutti come andò a finire. Meglio non vendere la pelle dell’orso (o le penne dell’aquila, se vogliamo esser più precisi nell’allegoria zoologica) prima d’averlo ucciso. Certo però che questi USA d’inizio XXI secolo paiono solo la copia sbiadita della superpotenza del ventesimo: molta della loro grandezza deriva dall’eredità delle generazioni passate, e quando sono chiamati a difenderla non sembrano all’altezza del proprio rango senza pari.
E ora dall’inizio, tuffandoci un po’ nel passato. L’attacco al cuore della Terra, all’Heartland, che gli Stati Uniti hanno attuato su quattro direttrici (sovversione politica, espansione militare, risorse energetiche, supremazia nucleare): può sintetizzare?
La strategia statunitense, quanto meno dagli ultimi anni della Seconda Guerra Mondiale in poi (e forse anche da prima), è fortemente ispirata ai princìpi della geopolitica. L’Heartland (H. Mackinder) è una delle categorie basilari di questa disciplina: è la Terra-cuore, il centro del continente eurasiatico, storicamente impermeabile alla potenza marittima – quest’ultima incarnata prima dall’Impero britannico e poi dal “imperialismo informale” statunitense. L’Heartland è occupato dalla Russia, che rappresenta perciò stesso il principale ostacolo e minaccia potenziale all’egemonia della potenza talassocratica, ossia marittima, degli USA. Dalla fine della Guerra Fredda ad oggi, Washington e Mosca hanno più volte tentato approcci amichevoli, ma tutti sono finiti male. All’arrendevolezza di El’cin si rispose con lo smembramento della Jugoslavia, ed i Russi reagirono portando al Cremlino un certo Vladimir Putin. Le sue aperture dopo l’11 settembre sono state ripagate con la penetrazione statunitense in Asia Centrale, nel “cortile di casa” russo. Anche l’attuale recentissimo idillio tra Obama e Medvedev durerà poco. Nessuno vuole sfociare nel determinismo, ma la geografia è un fattore importante nella vicenda umana, ed in questo caso la geografia condanna Russia e USA ad essere, almeno nello scenario attuale, quasi sempre nemici.
Dagli anni ’90 ad oggi gli Statunitensi, sulla scia di teorizzazioni come quelle di Zbigniew Brzezinski, lungi dall’allentare la morsa su Mosca hanno cercato di sfruttare il crollo dell’URSS per neutralizzare definitivamente la minaccia russa. Le “direttrici d’attacco”, come da lei sottolineato, sono state quattro:
a) la sovversione politica: tramite la CIA, enti pubblici o semi-pubblici come il National Endowment for Democracy o U.S. Aid, e finte ONG gli USA hanno orchestrato una serie di colpi di Stato in giro per l’ex area d’influenza moscovita, allo scopo d’insediare quanti più governi filo-atlantici e russofobi fosse possibile. I casi più celebri: Serbia, Georgia, Ucraìna, Kirghizistan. Ci hanno provato persino in Bielorussia e in Russia (leggi Kaspàrov), ma non è andata bene. I governanti locali si sono fatti furbi ed hanno iniziato a porre una serie di restrizioni alle attività d’organizzazioni straniere nei propri paesi. Gli ultimi eventi in Ucraìna e Kirghizistan fanno pensare che l’ondata di “rivoluzioni colorate” sia ormai in fase di risacca;
b) l’espansione militare: la NATO si potrebbe definire come l’alleanza che lega l’egemone statunitense ai paesi ad esso subordinati. Non è qualitativamente diversa dalla Lega Delio-Attica capeggiata da Atene, o dalle varie alleanze italiche di Roma. Un’alleanza non certo tra pari. Nata in funzione anti-sovietica, scioltasi l’URSS non solo non ha chiuso i battenti ma si è allargata verso est, fino ai confini della Russia. La nuova dottrina militare russa cita espressamente la NATO tra le minacce per il paese;
c) le risorse energetiche: una potente leva strategica per la Russia è costituita dalla sua centralità nel commercio energetico intra-eurasiatico. Gli USA hanno cercato di sminuirla facendo dell’Asia Centrale un competitore di Mosca, tramite gasdotti e oledotti alternativi che scavalcassero il territorio russo. L’impossibilità di costruire la condotta trans-afghana, il ridotto impatto del BTC ed il fallimento annunciato del Nabucco chiariscono che il progetto, almeno per ora, non ha avuto successo;
d) la supremazia nucleare: è un punto sovente ignorato dai commentatori occidentali. Si definisce “supremazia nucleare” la capacità d’uno Stato di vincere una guerra atomica senza subire danni eccessivi, ossia di sferrare un “primo colpo” (first strike) parando la successiva rappresaglia. Quando si dispone di migliaia di testate e missili nucleari, come gli USA, è facile annientare un rivale con una guerra atomica: il grosso problema è riuscire ad evitare d’essere annientati a propria volta se il nemico, come la Russia, ha a sua volta migliaia di armi nucleari con cui rispondere. Ecco dunque l’idea dello scudo ABM (anti-missili balistici), il sogno di Reagan riesumato da Bush e per niente accantonato da Obama. Resterà ancora a lungo una delle principali pietre della discordia tra Mosca e Washington. Infatti, il Cremlino non si beve la storia che lo scudo ABM sia rivolto contro l’Iràn e la Corea del Nord, e nel mio libro spiego dettagliatamente il perché.
Lei si sofferma sulla politica estera statunitense dell’ultimo decennio sviscerando le differenze tra idealisti e realisti alla Casa Bianca. Cosa ha cambiato l’arrivo di Barack Obama alla Casa Bianca?
Ha cambiato molto, ma probabilmente meno di quello che avrebbe potuto se non ci fosse stata la crisi finanziaria del 2008. Obama era portatore d’una geostrategia alternativa a quella neoconservatrice, meno fissata sul Vicino e Medio Oriente e più attenta agli equilibri globali nel loro complesso. Essa comprendeva anche una non dichiarata strategia anti-russa di tipo brzezinskiana. La stessa distensione con l’Iràn era ed è mirata soprattutto a rivolgere la potenza persiana contro Mosca in funzione di contenimento sul fianco meridionale.
Inutile dire che la crisi ha scompaginato i piani. Gli USA si sono ritrovati con l’acqua alla gola, ed Obama s’è accontentato di cercare di salvarne la supremazia mondiale. L’ideologismo di Bush è stato sostituito con un po’ di sana Realpolitik, e la minaccia ed uso della forza militare sono oggi stemperate dal ricorso alla diplomazia come via prediletta. Ma ciò non è sufficiente. Washington, capendo di non farcela più da sola, sta cercando di cooptare qualche grande potenza come stampella della propria egemonia. All’inizio Obama ha cercato di formare il famoso “G-2” con la Cina, ma ben presto la tensione ha preso a montare ed oggi Washington e Pechino si guardano in cagnesco come non succedeva da decenni. Così Obama ha messo nel mirino la Cina, ed ha pensato bene di corteggiare la Russia. Il “leviatano” talassocratico ed il “behemoth” tellurocratico si sono già trovati fianco a fianco contro una potenza del Rimland, ossia del margine continentale dell’Eurasia (mi riferisco alla Germania nel secolo scorso), ma non credo che ciò si ripeterà oggi. Gli USA superpotenza avrebbero potuto cooptare la Russia di El’cin e del primo Putin, ma si sono rivelati troppo avidi di potere ed hanno finito con l’allontanarla. Oggi sono ancora la potenza egemone, e perciò suscitano invidia ed ostilità, ma sono un egemone zoppo, e dunque appoggiarlo non dà più gli stessi vantaggi d’un tempo. Allearsi con qualcuno che ti vorrebbe come stampella del suo potere traballante non è una prospettiva così allettante. Il Cremlino prenderà altre strade. Solo quando gli USA si saranno ridimensionati al rango di grande potenza inter pares, allora si potrà ridiscutere d’alleanze strategiche.
L’8 dicembre 1991 i presidenti di Russia, Ucraina e Bielorussia, riuniti a Brest, proclamarono la dissoluzione dell’Unione Sovietica, che Gorbačev fu costretto ad accettare suo malgrado. L’ex presidente russo Vladimir Putin, ora primo ministro, ha affermato che la dissoluzione dell’Urss è la stata la più grande catastrofe geopolitica del XX secolo. È d’accordo?
Il termine “catastrofe” sottintende un giudizio di valore, e dunque è soggettivo. Restando sul merito, è indubbio che il crollo dell’URSS, ossia della potenza terrestre dell’Heartland che conteneva la superpotenza marittima, è stato un evento epocale. E dal punto di vista dei Russi, non si può che considerare catastrofico. Ma non solo dal loro. Il crollo della diga sovietica – una diga criticabile e controversa fin quanto si vuole – ha aperto la strada al tentativo egemonico degli USA, col suo contorno di prevaricazione e guerre. Per gli Statunitensi la disgregazione dell’URSS è stata un successo, per i Polacchi una benedizione, per i Cubani, i Siriani o i Palestinesi una disgrazia.
Vladimir Putin è stato, tra luci ed ombre, il simbolo della ritorno della Russia sulla Grande Scacchiera. Lei scrive che la “Dottrina Putin” può essere interpretata come un realismo in salsa russa, fondato sull’accorta tessitura d’alleanze intra-continentali con la Cina, l’India, l’Iran, la Turchia e l’Europa Occidentale. Cioè?
Ho ripreso la definizione che cita da Tiberio Graziani, direttore della rivista “Eurasia”. In Russia, dopo la fine del comunismo sono emerse due visioni ideologiche: quella eurasiatica, che vede negli USA il nemico storico da combattere ad ogni costo, e quella occidentalista, che vede nell’Ovest il beniamino da emulare e compiacere ad ogni costo. La Dottrina Putin esula da questi schemi e si pone nel mezzo degli “opposti estremismi”. Putin ha adottato linguaggi e formalità cari agli occidentali, ed ha a lungo considerato prioritari i rapporti con l’Europa e gli USA. Ma non è mai stato arrendevole e rinunciatario, non ha mai rinunciato a difendere il ruolo della Russia nel mondo ed il suo “spazio vitale” nell’Heartland. Quando ha verificato che con Washington non c’erano spazi di dialogo, si è rivolto altrove. Le alleanze intra-continentali da lei citate servono a creare un “secondo anello di sicurezza” (il primo dovrebbe essere il “estero vicino”) attorno alla Russia. L’obiettivo finale è estromettere la talassocrazia, ossia gli USA, dall’intera massa continentale eurasiatica, per mettere definitivamente in sicurezza la Russia.
Secondo Parag Khanna i “tre imperi” del nuovo mondo multipolare sarebbero Usa, Cina e Unione Europea, mentre la Russia farebbe parte del “secondo mondo”. Lei non è d’accordo. Perché?
Perché la visione di Parag Khanna si fonda sostanzialmente su valutazioni di tipo economico e sulle sue simpatie personali. L’economia è importante ma non rivela tutto. Ad esempio, l’Unione Europea, si sa, è un gigante economico ma un nano politico. Non è neppure uno Stato, bensì un’accozzaglia di Stati nazionali che, come stanno dimostrando gli eventi attuali, in mezzo alla tempesta preferiscono pensare ognuno per sé. La Russia ha un ingente patrimonio geopolitico, in termini geografici, militari ed energetici, che può giocare efficacemente sulla grande scacchiera mondiale. Mosca è ancora al centro della politica internazionale, considerarla parte del “secondo mondo” è ingiustificato.
La Cina è e sarà comunque uno dei protagonisti di questo secolo e intorno al ruolo di Pechino si gioca ovviamente il futuro di Washington. Riprendo allora le sue parole: «Per gli Usa il contenimento della Cina dovrebbe avvenire attraverso due “cani da guardia” posti al suo fianco: l’India e il Giappone. Davvero Nuova Delhi e Tokio sono disposti a ricoprire il ruolo che Washington vorrebbe affibbiare loro, oppure preferiranno unirsi a Pechino per creare una “sfera di co-prosperità” asiatica?»
È un dilemma che non ha ancora trovato risposta. L’India sembrava più vicina alla Cina qualche anno fa, quando entrò nel gergo comune degli addetti ai lavori il termine “Cindia”. Al contrario, il Giappone che qualche anno fa pareva nemico irriducibile di Pechino oggi gli si sta riavvicinando. La situazione è fluida e difficile da decifrare, ma la sensazione è che Nuova Delhi e Tokio cercheranno la vincita sicura: aspetteranno di capire con certezza chi avrà la meglio tra Cina e USA, e solo allora punteranno tutto sul cavallo vincente.
Spostiamoci infine Oltreoceano, dove comunque i grandi attori sono sempre gli stessi. Nel libro scrive che Obama sembra deciso a recuperare l’influenza sul “cortile di casa”, e con qualsiasi mezzo. Russia e Cina, invece, offrono una sponda diplomatica alle nuove potenze emergenti come Brasile e Venezuela. I prossimi conflitti sono programmati?
Il Sudamerica è storicamente un’area molto pacifica. Ma ciò è dovuto anche alla sua storia di marginalità nel quadro geopolitico, ed all’egemonia a lungo incontrastata degli USA. Oggi questi due fattori stanno venendo meno. In Sudamerica sta emergendo una grande potenza mondiale – il Brasile – mentre il controllo degli USA sul “cortile di casa” è stato seriamente intaccato. Cina e Russia si fanno beffe della Dottrina Monroe, punto fermo della strategia statunitense da un paio di secoli. Washington passerà all’azione, o meglio alla reazione, e non sappiamo ancora quali strumenti sceglierà.
Maggiore integrazione economica? L’ALCA è stato bocciato da quasi tutti i paesi sudamericani.
Legami militari? In Sudamerica la Russia ha superato gli USA nell’esportazione di armi.
Influenza culturale? I sentimenti anti-statunitensi, tradizionalmente radicati nell’area, appaiono al massimo storico, ed il risveglio della comunità indigena porta ad una riscoperta del proprio retaggio più arcaico, piuttosto che all’adozione della way of life nordamericana.
Colpi di Stato? In Venezuela ci hanno provato ma fu un fallimento; un pesce molto più piccolo come l’Honduras è caduto nella rete, ma si ritrova quasi completamente isolato nella regione.
Guerre per procura? I paesi sudamericani sono molto restî a scendere in guerra tra loro, se non altro perché sono tutti instabili al loro interno e temono gravi contraccolpi domestici. Attorno alla Colombia la tensione sta montando, e molto decideranno le imminenti elezioni presidenziali. Santos ricorda per certi versi Saakašvili: è una testa calda, con lui tutto sarebbe possibile. Mockus, al contrario, cercherebbe la distensione coi vicini ed allenterebbe i legami con gli USA. In ogni caso, per Bogotà sarebbe una mossa come minimo azzardata andare in guerra coi vicini, quando non controlla neppure il proprio territorio nazionale.
Guerre in prima persona? Sono da escludersi almeno finché le truppe nordamericane rimangono impantanate in Iràq e Afghanistan. Anche dopo aver evacuato i due paesi mediorientali, l’esperienza inciderà negativamente sulla propensione alla guerra nei prossimi anni. Certo, non sono eventi traumatici come il Vietnam – avendovi preso parte soldati professionisti e non cittadini coscritti – ma il paese è comunque demoralizzato e le casse vuote. Inoltre i paesi sudamericani si stanno integrando: attaccarne uno significherebbe rovinare i rapporti con tutti.
Per tali ragioni, ritengo che nei prossimi anni Washington si limiterà a sovvenzionare e “pompare” a livello mediatico i propri campioni in loco: lo sta già facendo in Brasile, anche se difficilmente il Partito dei Lavoratori di Lula sarà scalzato dal potere. In qualche “repubblica delle banane” centroamericana potranno pure organizzare dei golpe, ma l’arma tradizionale dell’influenza nordamericana sui vicini meridionali appare sempre più spuntata.
La perdita dell’egemonia sul continente americano rappresenterà una svolta epocale per gli USA e la geopolitica mondiale. Gli Stati Uniti d’America, potenza continentale, hanno potuto inventarsi potenza marittima contando sull’isolamento conferito dall’assenza di nemici sulla terraferma: dal Novecento hanno perciò potuto proiettarsi con sicurezza sugli oceani e al di là degli stessi. Con l’emergere di forti rivali nelle Americhe, gli USA perderebbero uno dei loro storici vantaggi strategici: smetterebbero di essere “un’isola” geopolitica e ritornerebbero una potenza continentale.
Quali sono questi “rivali” che gli USA potranno trovare nel continente? Facile rispondere il Brasile, su tutti, che ha dimensioni e demografia adatte a sfidare la supremazia di Washington nell’emisfero occidentale. Facilissimo citare il “blocco bolivariano”, paesi che presi singolarmente sono deboli, ma che se dovessero riuscire ad unirsi, resi più forti dalla veemenza ideologica, creerebbero non pochi problemi ai gringos, come li chiamano loro. E non scordiamoci il Messico. Il Messico è una nazione molto grande, direttamente confinante con gli USA, e coltiva – anche se silenziosamente – storiche rivendicazioni territoriali sul sud degli Stati Uniti. La sua economia è in forte crescita: fra pochi anni sarà considerata una grande potenza, almeno in quest’ambito. Fatica a tenere sotto controllo la parte settentrionale del paese, ma è quella meno popolata e più povera. In compenso ha un’arma atipica. Samuel Huntington, poco prima di morire, lanciò un avvertimento ai propri connazionali: di guardarsi dall’enorme aumento numerico dei Latinos – per lo più messicani – negli USA. I Latinos sono concentrati in pochi Stati: California, Texas, Arizona, New Mexico ed anche Florida (qui si tratta di cubani e portoricani). Giungono in massa e tendono a conservare la propria lingua, la propria religione ed il proprio modo di vivere. Hanno già acquisito un ingente peso elettorale, ma in massima parte non sono integrati nella società statunitense. Nel Sud, i cartelli criminali del narcotraffico hanno costituito veri e propri “Stati nello Stato”, che spadroneggiano nei quartieri latini, sanno autofinanziarsi illecitamente tramite il traffico di droga e la prostituzione, hanno veri e propri eserciti armati fino ai denti. Un soggetto ideale per condurre una guerra asimmetrica, se se ne creassero le condizioni. Questi cartelli del narcotraffico hanno eguale potere al di là del confine, nel settentrione del Messico, e forti collusioni con le autorità di Città del Messico. Non è un caso che negli USA da alcuni anni stiano cercando d’arginare l’immigrazione e d’integrare i Latinos nella società, mentre in Messico non fanno nulla per dissuadere i propri cittadini dall’espatriare nelle terre che gli Statunitensi rubarono al Messico centocinquant’anni fa. La situazione è esplosiva, e qualche analista – come George Friedman – se n’è accorto.
22/05/2010
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mardi, 08 juin 2010
Iberoamerica y Europa
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES
Iberoamérica y Europa: Tensiones y acuerdos
Alberto Buela
La metapolítica como saber pluridisciplinario, nos permite tanto, una aproximación adecuada a las grandes categorías que condicionan la acción política de los gobiernos del orbe, como el acceso al conocimiento de las razones profundas que explican esas acciones.
El asunto que vamos a tratar, aun sabiendo que Europa et Occidente convertuntur, cuál sea la relación entre Iberoamérica y Europa, mucho tiene que ver con nuestra posición filosófica ante el hombre, el mundo y sus problemas. En una palabra, según sea la concepción del ser del ente - nominalista, idealista, realista -así será, en definitiva, la explicación de esta relación.
Si nosotros sostuviéramos junto con Ludwig Wittgenstein que "el significado de una palabra(concepto) está dado por su uso" no tendría razón de ser nuestro esfuerzo intelectual porque el problema no existe.
Por el contrario, si pensamos con Heidegger, Zubiri o nuestro Wagner de Reyna que " el significado de una palabra (concepto) está dado por su sentido prístino u originario" la relación entre Iberoamérica y Europa es un asunto a resolver.
Existen al menos dos visiones de Europa: La actual y la histórico-onto-teológica.
a) La actual nace con la modernidad, donde se destacan tres marcadas etapas. La primera que va desde el final del siglo XV hasta finales del siglo XVIII. Para señalarla con hitos significativos podríamos hacerlo diciendo que va desde el descubrimiento de América(1492) hasta la revolución francesa(1789).
La segunda etapa abarca desde finales del siglo XVIII hasta la primera década del siglo XX. O sea, desde la mencionada revolución francesa hasta la Primera Guerra Mundial(1914). Finalmente la tercera etapa se inicia con la Primera Guerra y llega hasta nuestros días.
En la primera etapa el hombre aun no se da cuenta que se ha producido un cambio sustancial en las relaciones interpersonales. Ya no es más la Iglesia católica, la monarquía y la cristiandad su marco de referencia sino que comienza a referenciarse en otras pautas. La Reforma protestante(1516) no sólo cuestionó el poder de la Iglesia sino que quebró la relación armónica entre revelación, conocimiento y tradición, para exaltar la validez del conocimiento racional en sí mismo y dejar, el dato revelado, a la libre interpretación de cada uno, desligándolo de toda tradición interpretativa anterior. En cuanto a la Cristiandad quedó partida en los múltiples Estados-Nación que conforman la Europa moderna.
La monarquía, revolución francesa mediante, va a ser cuestionada en la segunda etapa de la modernidad, aquella que puede caracterizarse como la etapa revolucionaria. Se producen las revoluciones políticas y las revoluciones técnico-industriales. Aparecen las repúblicas junto con las máquinas a vapor, y los movimientos de masas junto con las zonas industriales.
Finalmente en la tercera etapa se produce la universalización de la modernidad. La técnica en su simbiosis con la ciencia se transforma en tecnología, la que a su vez deviene la ideología incuestionada de nuestros días. Los pueblos son transformados, sobretodo a través de la tecnología massmediática, en público consumidor. Los estados nacionales son superados en poder por algunas megaempresas transnacionales. Hoy asistimos a la homogeneización del mundo, donde el dinero electrónico, el dinero casino, es cincuenta veces mayor que el dinero comercial. Donde los grandes relatos de la modernidad como a) la idea de progreso, b)la democracia como forma de vida, c)la subjetivización de los valores d)el espíritu de lucro y e) y la manipulación de la naturaleza por la técnica, quebraron, perdieron validez, no tanto por la mayor o menor crítica aguda que se les hiciera, sino por las consecuencias contradictorias a que llegaron sus principios cuando se plasmaron en los hechos. Hoy Europa está mal, no por "no proseguir el proyecto de la modernidad" como sostiene Habermas y la Escuela de Frankfurt sino porque los principios sustentados por la modernidad (Reforma, Ilustración y Revolución),llevados hasta sus últimas consecuencias, son contradictorios con la naturaleza humana y el orden entitativo de las cosas.
b) En cuanto a la visión histórico-onto-teológica de Europa algunos de sus rasgos más significtivos son:
1)el indo-europeo como substrato lingüístico fundamental irrecusable.
2) la noción de ser aportada por la filosofía griega, que como se ha podido afirmar con justeza "el problema del ser, en el sentido ¿ Qué es el ser? es el menos natural de todos los problemas... aquel que las tradiciones no occidentales jamás presintieron ni barruntaron "(Cfr.Le probleme de l`etre, Pierre Aubenque, Paris, 1977,p.13).
3) la concepción del ser humano como persona vinculada a la propiedad privada como espacio de expresión de la voluntad libre son el núcleo de una antropología que nos ha llegado directamente del Imperio Romano a través de su concepción jurídica.
4) El Dios trascendente, uno y trino, personal y redentor en donde la fe sin obras nada vale, como el aporte más propio del cristianismo católico.
5) La instrumentación de la razón humana como poder científico y tecnológico sobre el mundo y la naturaleza que ha dado hasta el presente la primacía a Occidente sobre Oriente.
Vemos pues, como una concepción lingüística, una de ser, una de Dios, una del hombre, de las cosas que lo rodean y de su poder para transformarlas es lo que conformó la base común histórico-onto-teológica de Europa.
c) Conclusión
Viene entonces la pregunta ¿y Nuestra América qué tiene de común y qué de diferente respecto de estas dos Europas?. Con la Europa premoderna, (visión histórico-onto. teológica) de común, casi todo, con la moderna casi nada.
Nuestra conciencia, nuestro mundo de valores, nuestro genius loci (suelo y paisaje), nuestra representación comunitaria, todo ello es premoderno. Pero nuestra representación política en una veintena de republiquetas bananeras es moderna. Es mala copia de la democracia parlamentaria franco-norteamericana que hicieron nuestros Ilustrados. Y esta es la gran contradicción que venimos soportando desde hace casi doscientos años. Somos entitativamente una cosa pero la representamos falsamente. Somos sustancialmente premodernos, nos relacionamos con el medio y nos organizamos familiar y comunitariamente como premodernos, pero nos representamos políticamente como modernos. Vivimos así, una contradicción no resuelta. Nuestros contratos los cumplimos de "otra manera", para desazón y perplejidad de europeos y norteamericanos, porque tenemos otro tiempo. No es el time is money sino "sólo tardanza de lo que está por venir" como dice Martín Fierro. Nuestro tiempo es un madurar con las cosas. Eso, que tanto ellos como nuestra intelligentsia local han caracterizado como indolencia nativa o gaucha.
Claro está hoy ya no existen los arquetipos que han definido a nuestros pueblos, ya no está el gaucho, ni el llanero, ni el huaso, ni el charro ni el jíbaro, ni el borinqueño, ni el montubio, etc. etc.
Hoy también nosotros tendemos, casi todos, al homo consumans, al hombre light, el hombre homogeneizado del supermercado, el hombre desarraigado, el hombre urbano para quien el campo es aquel lugar horrible donde los pollos caminan crudos. Pero si bien es indubitable la desaparición del criollo bajo la forma del gaucho, el llanero, el charro, el huaso, el jíbaro, el montubio o el borinqueño, ello no nos permite afirmar la desaparición de los valores que alentaron a este tipo de hombre. En una palabra, que desaparezca la forma, en tanto que apariencia, no nos autoriza a colegir que murió su contenido, esto es, "el alma gaucha". Muy por el contrario, lo que se tiene que intentar es plasmar bajo nuevas apariencias o empaques los valores que sustentaron a este arquetipo de hombre, como son: a) el sentido de la libertad. b)el valor de la palabra empeñada. c)el sentido de jerarquía y d) la preferencia de sí mismo. Estos son los principios fundamentales del "alma hispanoamericana". Renunciar a cualquiera de ellos es renunciar a nosotros mismos. Es suicidarnos.
Se ha dicho con acierto que Nuestra América es una cultura en busca de una política y esa política la tenemos que inventar pues si no inventamos morimos como Simón Rodríguez le enseñara a Bolivar.
Tenemos que crear una nueva representatividad política y un nuevo espacio político bioceánico, autocentrado y confederado en el cono sur de América. Las cifras son terribles, tenemos en Iberoamérica 290 millones de hombres debajo de la línea de pobreza y el ALCA se nos viene encima en el 2005 para imponernos el dios monoteísta del libre mercado de Alaska a Tierra del Fuego. Los datos son escalofriantes si el Mercosur se asociara al ALCA, según el Instituto Brasileño de Economía, crecería apenas 0,68%, mientras que si la asociación fuera con la Unión Europea el producto bruto de nuestro mercado crecería en un 67%. Pues nuestras economías son complementarias con las europeas y competimos con la norteamericana. Desde siempre se ha dicho que para la acción eficaz se necesitan tres cosas: hombres, medios y acontecimientos. Los acontecimientos nos son favorables según las cifras que vimos, los medios los tenemos, todo estriba entonces en la voluntad política de nuestros hombres públicos en llevar a cabo este puente beneficioso con la Europa para establecer, al menos un impedimento, un katejón en común, que mejor resista la embestida de la potencia talasocrática mundial.
Prognosis sobre Europa
Hablar de Europa sin ser europeo es un raro privilegio pues en general sobre el tema solo escriben ellos.
Sucede en este dominio como en la filosofía, el monopolio es casi exclusivamente europeo con alguna excepción norteamericana, el resto sólo llegamos a la categoría menor de pensadores o ensayistas.
La cuestión es saber que significa el Viejo Continente para nosotros los suramericanos hoy, para terminar con una breve prognosis acerca de Europa.
En primer lugar Europa se nos presenta como una cierta unidad, la Comunidad europea, la moneda común, nos están indicando la idea de un cierto bloque o conjunto de países que han decidido hacer cosas en conjunto.
En este sentido en Suramérica somos siempre arkagueutas (eternos comenzantes, como decía Platón de sí mismo) no hemos podido crear ninguna institución que nos unifique que durara más de una generación, aun cuando desde nuestras guerras por la independencia (circa 1800) nuestros próceres- Bolivar, San Martín- las propusieran por todos los medios a su alcance.
Europa representa hoy la culminación del Estado de bienestar. Así el confort, la seguridad, cierta justicia y el goce de la vida forman parte de lo que los massmedia se encargan de mostrar a diario. Claro, que la contrapartida de ellos son los miles de inmigrantes ilegales que desde Africa, Asia y América la asaltan por los cuatro costados.
Vemos también la americanización de Europa, de que nos hablo el pensador Guillaume Faye pero al mismo tiempo tenemos una cierta esperanza que el Viejo Continente colabore en la desnorteamericanización de Suramérica. Para nosotros el peso de yanquilandia es abrumador, y ello nos viene justificado por la Doctrina Monroe de 1823, un año antes de la batalla de Ayacucho la última de nuestra aparente independencia.
Europa para nosotros, a pesar de quinientos años de tira y afloje, tiene algo de común, es algo de lo que formamos parte. Ni tan español ni tan indio afirmaba Bolivar para definirse a sí mismo y con ello a todos los iberoamericanos. Y en el español involucraba a todos los europeos.
Qué interesante relación existe entre Europa y Nuestra América. Ni una ni la otra fueron las mismas luego del descubrimiento-encuentro de 1492. Así ante la nueva idea de orbe Europa comenzó a verse como parte del mundo y no ya como “todo el mundo”, en tanto que América pudo mostrarse a la totalidad del mundo. Sin embargo Europa no perdió su centralidad y siguió por cuatrocientos años llevando la batuta del mundo hasta que luego de la Primera Guerra Mundial lo cedió a la parte norte de América. Y así desde hace casi cien años son los Estados Unidos los que se reservan y ejercen el derecho a la conducción del mundo.
Pero los Estados Unidos no son otra cosa que la Europa limitada a la razón calculadora y a la técnica. Ellos son un producto exclusivo de la modernidad, nosotros, en todo caso, de la tardomodernidad. No son otra cosa que europeos transterrados cuya expresión es el gigantismo. Salvo raras excepciones su gente está desprovista de vida interior y se parecen a la criaturas de los juegos de video que ellos fabrican. Lo grave es que intentan exportar la vaciedad de su estilo de vida al mundo entero. Un gran pensador de ellos como Allan Bloom dice:“La religión en USA es como un gran naranjal público en donde cada uno pasa y se sirve el fruto que más le agrada”
Ante esto, la vieja Europa calla y acepta, en tanto que Suramérica padece el más profundo de los extrañamientos por obra y gracia del dios monoteísta del libre mercado. Sobre 346 millones de habitantes hay 290 millones de pobres, producto de la política y la economía practicada por el Gran Hermano del Norte.
Qué podemos esperar de Europa, sería la tercera y última de las cuestiones.
Es sabido que la prognosis, que no la esperanza, es aquello que quedó encerrado en la Caja de Pandora , la mujer de Epimeteo, cuando éste pudo al fin cerrarla. Y eso es lo que no nos está permitido a los mortales. No podemos conocer el futuro. Y es mejor que así sea. Pero de todas maneras siempre es bueno hacer algún ejercicio como para pergeñarlo.
Europa si sigue así, no sólo se va a extrañar en orden al tipo humano que rápidamente va a ser reemplazado- la inmigración africano-oriental es envolvente- sino también en el orden cultural, se va a producir su alienación, a causa de la colonización de Europa por parte del mundo musulmán.Se va a transformar en otra cosa. Las consecuencias de este cambio sustancial son imprevisibles, sobretodo cuando no aparecen en el horizonte ninguno de los mecanismo de defensa bio-cultural que le permitan permanecer en su ser íntimo. La estulticia de los eurodirigentes ha llegado a colmo de plantearse, si Turquía debe formar parte de la Comunidad Europea. Pareciera que su índole estuviera atacada mortalmente. En ese sentido conviene recordar a Martín Heidegger, último gran filósofo europeo, cuando afirmó: Sólo un Dios puede salvarnos.
Pero Europa puede cambiar y retornar a aquella vieja idea de Charles de Gaulle quien en una conferencia de prensa el 29 de marzo de 1949 afirmó: “Sostengo que hay que hacer la Europa a partir de un acuerdo entre franceses y alemanes. Una vez la Europa hecha sobre estas bases incorporar a Rusia”. La misma idea pero a través de una metáfora fue expuesta, cuarenta años después, por Juan Pablo II cuando al recibir al presidente ruso Gorbachov, sostuvo: “No olvide Ud. que Europa para vivir en plenitud necesita de los dos pulmones”(la Europa oriental y la occidental).
El pensamiento de estos dos grandes hombres públicos europeos, que vienen a representar la quintaesencia del pensamiento europeo en la materia, no solo por quienes lo expresan- el Papa y el Gral.de Gaulle, sino por la perdurabilidad e invariación del mismo por más de medio siglo, nos está indicando sin ambages que Europa para constituirse en un polo de poder alternativo al Anglo-Americano debe constituir un gran espacio europeo, que incluya indubitablemente a Rusia. Ese triángulo estaría dado por la unión de París- Moscú –Berlín. Ello se puede completar con un irregular cuadrilátero suplementario cuyos vértices serían Berlín, Teherán, Nueva Delhi, Moscú y construir así un verdadero espacio euroasiático, idea sostenida en nuestro días por el pensador ruso Alexander Dougin.
Europa en este momento está en tensión, por un lado ya constituyó el eje París-Berlín que se opuso a la guerra de Iraq y el presidente Putin de Rusia habla de integrarse a “la casa Europa”, pero por otro lado tenemos, a Inglaterra, que ni siquiera se sumó al uso de la moneda común, a la que siguen como alumnos aplicados España, Italia, Holanda y Polonia sumándose a la estrategia de la potencia mundial talasocrática y entrando en una guerra que no les pertenece.
En cuanto al debate político-cultural también Europa está tensionada. Por un lado aquellos que como el ex presidente de Francia Giscard d´Estaing pretenden imponer una constitución no-cristiana a la Comunidad Europea de Naciones y así poder incorporar a Turquía sin objeciones y por otro, aquellos que pretenden una definición onto-histórico-teológica del Viejo Continente.
El despeje de estas tensiones y sus diferentes modos de resolución afectaran la vida de Iberoamérica en el siglo que comienza.
Para terminar vayan dos ideas circunscriptas exclusivamente a Suramérica. Somos un espacio bioceánico de 18 millones de kilómetros cuadrados- el doble que los Estados Unidos- y poblado por 326 millones de habitantes, que poseemos el 30 % de las reservas de agua dulce del planeta(Amazonia-Hielos continentales). Nosotros limitamos estratégicamente al naciente no con el océano Atlántico, como se nos enseña, sino con Africa y al poniente con Asia. Como el Pacífico va a ser el “océano político” del siglo XXI, que los espumadores de mares, al decir de Carl Schmitt, van a controlar con uñas y dientes, porque por ahí va a pasar el cúmulo de sus transacciones. Nuestro espacio de maniobra allí va a ser nulo, por lo tanto debemos volcarnos al Atlántico, en donde podemos establecer una alianza con naciones emergentes de Africa como Nigeria o Sudáfrica y naciones culturalmente afines como Angola, Mozambique, Guinea Ecuatorial o Camerún, entre otras. Y tender un puente a Europa, que nos permita navegar y experimentar el Atlántico como un Mare Nostrum suramericano. Ello nos daría además una proyección sobre la Antártida de gran peso propio.
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vendredi, 04 juin 2010
Le pentecôtisme, bras armé de l'impérialisme américain en Afrique subsaharienne?
Le pentecôtisme, bras armé de l'impérialisme américain en Afrique subsaharienne ?
Le pentecôtisme, courant de l’évangélisme issu des États-Unis et connu pour ses manifestations liturgiques de masse très démonstratives, mais également ses méthodes fortement matérialistes, connaît un fort développement en Afrique Noire, comme dans le reste du monde.
Associé à l’image de Simone Gbagbo ou à une certaine extrême droite américaine (proche de l’ancien président George W. Bush), il est souvent vu comme un instrument de l’impérialisme US, chargé de propager à coup de prosélytisme leurs valeurs et leur vision du monde. Cependant, sur le terrain, le pentecôtisme africain obéit à des dynamiques un peu plus complexes que cette vue manichéenne ne pourrait le laisser penser.
Une implantation centenaire
Le pentecôtisme naît au début du XXe siècle aux États-Unis (en 1901 dans une église blanche du Kansas et en 1906 dans une église noire de Los Angeles) et au Royaume-Uni, d’une dissidence au sein d’églises réformées. Son dogme est fondé sur une interprétation littérale de la Bible, mais ce qui le différencie des autres mouvements protestants est l’importance accordée au « baptême par le Saint-Esprit », manifesté par les charismes (ou dons de Dieu aux croyants) et le lien direct et intime entre Dieu et le croyant.
Très vite, des missionnaires pentecôtistes arrivent en Afrique anglophone, par le biais de la colonisation britannique, notamment en Afrique du Sud, au Liberia et au Burkina Faso. Ceci est facilité par la création, dès 1914, des Assemblées de Dieu, fédération de communautés pentecôtistes américaines, disposant d’une puissante branche missionnaire qui fait de l’Afrique de l’Ouest son terrain privilégié d’évangélisation. Des Assemblées équivalentes apparaissent en Europe de l’Ouest et du Nord au milieu du XXe et vont envoyer des missions en Afrique Centrale. Ceci va résulter en la création d’églises nationales africaines autonomes, qui elles mêmes vont évangéliser les pays voisins. En parallèle, vont apparaître des églises totalement indépendantes et de taille très variable, comptant parfois quelques fidèles autour d’un pasteur.
Après une période d’ « institutionnalisation », un renouveau pentecôtiste est perceptible dès les années 1970, suivant celui observé en Amérique du Sud, d’abord marqué au sein des pays anglophones (Nigeria, Ghana) puis francophones (les deux Congo). Enfin, plus récemment, et avec moins de succès, le pentecôtisme tente de pénétrer les pays musulmans comme le Sénégal et le Maghreb.
Aujourd’hui répandu à travers tout le continent, principalement dans les zones urbaines, il n’est cependant majoritaire nulle part, et sa répartition reste très inégale. Malgré la difficulté à obtenir des chiffres, de par la disparité même du mouvement, sa porosité avec les autres croyances évangéliques et protestantes et l’absence d’autorité centrale, certains estiment qu’il y a plus de 100 millions de pentecôtistes en Afrique Noire. Le Nigeria étant, derrière le Brésil, la Corée du Sud et les États-Unis, le pays comptant le plus d’adeptes. Au niveau mondial, il s’agit de la branche de la chrétienté connaissant aujourd’hui la plus forte croissance (prosélytisme oblige), et en serait, derrière le catholicisme, la seconde plus grande dénomination.
Une certaine adéquation au moule anglo-saxon
Dans nombre de ses caractéristiques, le pentecôtisme promeut des valeurs en rupture avec la tradition africaine et compatibles avec la vision anglo-saxonne du monde.
L’image la plus connue est celle de manifestations de masse dans des mega-churches ou des stades remplis de fidèles en transe, galvanisés par un prêcheur « télévangéliste », qui pratique en direct des guérisons miraculeuses, véritables batailles contre le Malin. De vrais «shows à l’américaine » dans lesquels la « machine narrative » tourne à plein. Ces « délivrances », extrêmement spectaculaires et violentes, consistent à extraire du corps du pauvre sujet les forces diaboliques, sources de tous ses problèmes. La puissance de conviction de tels actes fait que de plus en plus d’églises pentecôtistes, même initialement réticentes, l’intègrent à leurs rituels… Il ne s’agit là qu’un des exemples de la forte dimension « marketing » du mouvement, par ailleurs passé maître dans l’utilisation des médias, marqué également par des dérives mercantiles de la part de nombreux pasteurs, plus hommes d’affaires qu’hommes de Dieu, qui confondent le denier du culte et leur compte en banque, qui roulent en 4x4, portent des montres en or et collectionnent les costumes sur mesure.
Plus fondamentalement, le pentecôtisme (ou du moins une grande partie des églises s’en réclamant) promeut la réussite financière et matérielle et l’initiative personnelle. C’est ce que l’on appelle la « théologie de la prospérité » teintée de libéralisme et issue, sans surprise, des États-Unis. La situation favorable d’un individu y est vue comme résultant des grâces divines, ce qui rencontre à la fois un écho favorable auprès des populations pauvres aspirant à une vie meilleure et des plus riches, qui y trouvent là une justification bien pratique de l’ordre social établi, voire de l’augmentation des inégalités. En poussant plus loin, cela justifie également l’enrichissement personnel du pasteur que nous évoquions il y a quelques lignes. Certains en concluent que le pentecôtisme est un « supermarché de la foi ».
Elisabeth Dorie-Aprill et Robert Ziavoula, dans leur article « La diffusion de la culture évangélique en Afrique Centrale », citent ainsi un pasteur aux accents néo-wébériens :
- Dieu ne parle que de vous enrichir, c’est ce qu’il a dit à Abraham : “enrichissez-vous!” Mais comment on peut s’enrichir en restant comme ça là ? (…) Quand vous lisez la Bible de A à Z ce n’est que l’idée de la construction.[...] D’ailleurs les pays anglo-saxons qui sont protestants, ils ont mis l’accent sur le travail.
Cette promotion des valeurs entrepreneuriales est finalement très en accord avec les messages que des institutions comme la Banque Mondiale ou le FMI peuvent véhiculer. D’ailleurs, les Assemblées de Dieu font directement référence, dans leurs brochures, à la mauvaise santé économique de l’Afrique, dont les causes sont bien connues :
- guerres fratricides…, mauvaise gestion de certains dirigeants…, aspects négatifs du colonialisme et du marxisme, dette extérieure toujours croissante à cause des importations de produits manufacturés, agriculture souvent rudimentaire.
Au niveau social et sociétal, en promouvant un lien intime entre Dieu et le croyant, le pentecôtisme met en avant l’individualisation et l’individualisme au détriment des traditions locales. Sont introduites de nouvelles logiques de solidarités entre les individus, détachées descontraintes familiales et de la communauté existante. La famille, quant à elle, est resserrée à son acception nucléaire. En ce sens, le pentecôtisme (finalement comme toute religion prosélyte) implique une acculturation du croyant qui rejoint ses rangs, en l’enjoignant de rompre avec le passé pour conjurer les maux qui le rongent.
Une montée en puissance politique
Jusqu’à très récemment, les églises pentecôtistes africaines ne se souciaient pas de politique. Cependant, souvent par intérêt (pour convertir, moraliser ou pour assouvir une ambition personnelle du pasteur), cet état de fait a changé dès les années 1990. Ainsi le pentecôtisme s’est rapproché des cercles du pouvoir. L’exemple de la Côte d’Ivoire est particulièrement parlant. Il a longuement été commenté dans la presse francophone, notamment pour l’impact supposé que les conseillers religieux du couple présidentiel auraient eu dans la relation avec la France.
La conclusion du dernier discours sur l’état de la nation de l’ancien président béninois, Mathieu Kérékou, en décembre 2005, est particulièrement éloquente :
- En ce moment crucial où la tendance est aux invectives, aux provocations, aux appels à peinvoilés à la violence, j’exhorte tous nos compatriotes a plus de retenue, car ceux qui pactisent avec le diable ne seront sûrement pas capables d’éteindre le feu de la haine qu’ils auront inconsciemment allumé. Quant à mon Gouvernement, les générations montantes et futures retiendront que la mission est accomplie et bien accomplie. C’est sur ces mots de foi et d’espérance en l’avenir radieux pour notre cher et beau pays, le Bénin, que je termine mon message sur l’état de la Nation devant la Représentation Nationale. Que Dieu bénisse le Peuple béninois et ses Dirigeants !
L’action dans le champ politique se fait, comme l’explique Cédric Mayrargue (Les dynamiques paradoxales du pentecôtisme en Afrique subsaharienne), à la fois :
- par le haut : conversion des élites (à titre d’exemple, Thomas Yayi Boni, successeur de Kérékou, est un pentecôtiste converti d’origine musulmane), fidèles nommés à des postes clés, postes de conseillers pour les pasteurs, etc;
- par le bas : ouverture d’écoles, de cliniques, de centres sociaux, création d’ONG, autant de nouveaux outils de prosélytisme.
Cet investissement, sans surprise, permet de peser sur les politiques publiques. Cédric Mayrargue donne l’exemple de l’abandon de la campagne « Abstain, Be Faithful, Use Condoms » en Ouganda grâce à l’appui de l’épouse « born again » du président, Janet Museveni. On peut également citer la stigmatisation des « non-chrétiens » et des « nordistes » en Côte d’Ivoire. Ou la participation de l’ancien président de Zambie, Frederick Chiluba, à des « croisades » et conventions pentecôtistes.
Des influences extérieures
La diffusion des valeurs pentecôtistes, au-delà de la période initiale décrite plus haut, est accompagnée de l’extérieur. Ainsi les Assemblées de Dieu américaines, ainsi que d’autres, fournissent des moyens financiers à certaines églises locales. De même, elles alimentent les pasteurs en matériel : brochures, vidéos…Les best-sellers des télévangélistes américains sont disponibles dans toutes les « bonnes » librairies, tout comme des programmes TV made in USA tournent en boucle sur certaines chaînes de télévision. Certains prêcheurs américains, tels des stars du rock, effectuent de véritables tournées en Afrique, remplissant les stades et écoulant leurs produits dérivés.
Les Assemblées de Dieu comptent, comme d’autres institutions évangéliques et pentecôtistes, aujourd’hui encore plusieurs centaines de missionnaires qui font en permanence le tour du monde dans le but d’apporter la bonne parole. De même, les églises anglo-saxonnes ont mis sur pied de nombreuses ONG à vocation humanitaire, comme Samaritan’s Purse, qui travaillent sur le terrain africain avec les pentecôtistes locaux.
Origine américaine, promotion de valeurs anglo-saxonnes, intégration du politique, investissement du champ social, soutiens extérieurs, évangélisme offensif, prosélytisme auprès de populations musulmanes (et parfois conflits interconfessionnels ouverts, comme au Nigéria) : il n’en faut pas plus pour que surgisse le spectre d’infiltration à des fins géopolitiques. Et cela va plus loin qu’une simple « américanisation » de la chrétienté africaine.
Il faut dire que les évangélistes américains, associés aux néo-conservateurs, promeuvent un christianisme radical, ultraconservateur et très offensif allant de pair avec une vision simpliste du « bien » et du « mal », et n’ont pas hésité à parler de « croisade » dans le cadre de la guerre d’Irak. Il convient également de rajouter que, notamment en Afrique du Sud, le pentecôtisme a frayé avec l’extrême-droite, qui a alimenté son fond théologique (voir Paul Gifford, The Complex Provenance of Some Elements of African Pentecostal Theology). Et si l’on inclut les Églises sionistes (présentes en Afrique du Sud depuis la fin du XIXème) à l’équation, on a de quoi alimenter le feu conspirationniste pendant des décennies.
D’autant que certaines rumeurs concernant des opérations montées par les services secrets américains vont bon train. Même s’il est avéré que des initiatives de recensement d’églises dans plusieurs pays africains sont lancées et financées depuis les États-Unis, il n’y a cependant pas, comme pour l’Amérique du Sud, de théories très structurées relatives à l’appui direct de sectes évangéliques visant à contrer des influences néfastes, communistes ou autres. On se souvient que, dans les années 1980, Ronald Reagan avait très peur de l’infiltration marxiste et de la théologie de la libération au sein de l’Eglise catholique en Amérique Latine. Et donc, naturellement, Washington voyait d’un bon œil le développement de concurrents moins rouges. Cependant, comme le montrent David Stoll (Is Latin America Turning Protestant? The Politics of Evangelical Growth) et David Martin (Tongues of Fire: The Explosion of Protestantism in Latin America), il n’y a pas eu de soutien direct de la part des États-Unis.
Nous allons le voir, il faut relativiser l’influence nord-américaine dans la propagation du pentecôtisme africain, largement marqué par des dynamiques propres au Continent Noir.
Le pentecôtisme autochtone, entre culture populaire et mondialisation
Nous l’avons déjà évoqué, il y a en Afrique un nombre incalculable d’églises pentecôtistes. Certaines rassemblant des millions de fidèles, d’autres quelques uns à peine. Certaines sont issues des missions occidentales, mais de plus en plus sont celles qui ont éclos de façon locale. Certaines existent depuis près de cent ans, d’autres apparaissent et disparaissent en un clin d’œil. Et dans leur immense majorité, elles sont indépendantes, à la fois les unes des autres, mais également de leurs homologues nord-américaines, brésiliennes ou européennes, même si des liens (surtout moraux et confessionnels) peuvent exister. L’absence d’autorité centrale renforce la mobilité théologique des différents mouvements.
La mobilité concerne également l’allégeance des fidèles. La fragilité de la plupart des églises, l’absence d’exclusivisme (contrairement à d’autres sectes) et la porosité entre les mouvements y sont pour beaucoup. De même que la très forte concurrence qui existe en Afrique subsaharienne : le paysage religieux y est marqué par une extrême complexité, entre le catholicisme, les nombreuses sectes protestantes (évangéliques ou non), l’islam et les cultes locaux toujours actifs, sans oublier les syncrétismes occidentalo-africains, comme le kimbanguisme au Congo, qui compte entre 3 et 4 millions de fidèles. Cette double mobilité est un sérieux frein à toute tentative de mainmise extérieure globale. Le développement actuel du pentecôtisme en Afrique est dû, plus qu’aux influences extérieures, au terreau propice (difficultés économiques, aspiration au développement) et à l’établissement de ce que l’on peut appeler une culture populaire. Où quand l’expérience et la pratique passent avant le fond théologique.
Comme le souligne Cédric Mayrargue, les églises pentecôtistes les plus dynamiques aujourd’hui sont autochtones et sont menées par des pasteurs locaux, comme la Redeemed Christian Church of God (dont le pasteur, Enoch Adejare Adeboye, a été nommé homme le plus puissant d’Afrique par Newsweek) ou la Deeper Life Bible Church nigérianes, le Christian Action Faith Ministries ou l’International Central Gospel Church ghanéens, la Family of God zimbabwéenne. Ces églises ont su traverser les frontières et se doter d’une ambition universelle, drainant chaque semaine des milliers de fidèles lors de « croisades » dans des stades ou sur des places publiques.
Leur présence dépasse aujourd’hui les frontières africaines. La Church of Pentecost ghanéenne est ainsi implantée au Royaume-Uni, en France, aux États-Unis, en Ukraine et en Inde. Les flux ne sont plus simplement dirigés dans le sens Nord-Sud mais s’orientent désormais selon un axe Sud-Sud et même Sud-Nord, notamment grâce aux diasporas. Cela ne concerne pas uniquement les transferts d’argent, mais aussi et surtout le fond théologique : l’Afrique participe activement à la production idéologique et théologique du pentecôtisme. Où le Continent Noir n’est plus seulement importateur mais aussi exportateur d’influence, une marque de plus de son intégration à la mondialisation actuelle.
JGP
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mercredi, 02 juin 2010
Aux sources de la crise du Golfe
Article paru dans « Nationalisme et République », 1991.
Aux sources de la crise du Golfe: la volonté britannique d'exercer un contrôle absolu du Proche-Orient
par Robert Steuckers
La crise du Golfe a fait couler beaucoup de sang irakien mais aussi beaucoup d'encre. Très souvent inutilement. Inutilement parce presque personne, exceptés quelques très rares spécialistes, n'a cru bon d'interroger les textes anciens, de recourir aux sources de la pensée géopolitique. La géopolitique, comme on commence à le savoir dans l'espace linguistique francophone, est l'art d'examiner et de prophétiser les événements historiques à la lumière de la géographie. Cette démarche a eu des précurseurs allemands (Ratzel et Haushofer que l'on vient de traduire en France chez Fayard; Dix, Maull, Obst, Oesterheld qui demeurent toujours d'illustres inconnus dans nos milieux diplomatiques et intellectuels), suédois (Kjellen) et britanniques (Mackinder, Lea). Pour ce qui concerne les rapports entre l'Europe et le Proche-Orient, c'est le Suédois Kjellen qui, en 1916, en pleine guerre, a émis les théories les plus fines, qui gardent toute leur pertinence aujourd'hui et qui, malheureusement, ne sont plus guère lues et méditées dans nos chancelleries. S'appuyant sur les thèses de Dix, Kjellen, dans son petit ouvrage concis de 1916 (Die politischen Probleme des Weltkrieges; = les problèmes politiques de la guerre mondiale), rappelle que l'Angleterre poursuivait au début du siècle deux objectifs majeurs, visant à souder ses possessions éparpillées en Afrique et en Asie. Albion souhaitait d'abord dominer sans discontinuité l'espace sis entre Le Caire et Le Cap. Pour cela, elle avait éliminé avec la rigueur que l'on sait les deux petites républiques boers libres et massacrés les mahdistes soudanais. L'un de ses buts de guerre, en 1914, était de s'emparer du Tanganyka allemand (la future Tanzanie) par les forces belges du Congo interposées: ce qui fut fait. Le Général belge Tombeur expulse les vaillantes troupes d'askaris allemands de von Lettow-Vorbeck l'Invaincu vers le Mozambique, mais l'Angleterre acquiert le Tanganyka en 1918, laissant à la Belgique le Ruanda et la Burundi, deux bandes territoriales de l'ouest de la colonie allemande. A cette politique impérialiste africaine, l'Angleterre voulait ajouter une domination sans discontinuité territoriale du Caire à Calcutta, ce qui impliquait de prendre sous sa tutelle les provinces arabes de l'Empire ottoman (Palestine, Jordanie, Irak, Bassorah) et de mettre la Perse à genoux, afin qu'elle lui cède le Kouzistan arabe et le Baloutchistan, voisin du Pakistan. Pour parfaire ce projet grandiose, l'Angleterre devait contrôler seule tous les moyens de communication: elle s'était ainsi opposée à la réalisation d'un chemin de fer Berlin-Bagdad, financé non seulement par l'Allemagne de Guillaume II mais aussi par la France et la Suisse; elle s'était opposée aussi —et les Français l'oublient trop souvent depuis 1918— à la présence française en Egypte et au contrôle français des actions du Canal de Suez. En 1875, l'Angleterre achète massivement des actions, éliminant les actionnaires français; en 1882, ses troupes débarquent en Egypte. L'Egypte était aussi vitale pour l'Angleterre d'il y a 80 ans qu'elle l'est aujourd'hui pour Bush. Lors du Traité de paix avec la Turquie, l'Angleterre confine la France en Syrie et au Liban, l'expulsant de Mossoul, zone pétrolifère, qui pourtant lui avait été attribuée.
L'histoire du chemin de fer Berlin-Bagdad est très instructive. En 1896, les ingénieurs allemands et turcs avaient déjà atteint Konya en Anatolie. L'étape suivante: le Golfe Persique. Ce projet de souder un espace économique étranger à la City londonienne et s'étendant de la Mer du Nord au Golfe contrariait le projet anglais de tracer une ligne de chemin de fer du Caire au Golfe, avant de la poursuivre, à travers la Perse, vers Calcutta. Albion met tout en œuvre pour torpiller cette première coopération euro-turco-arabe non colonialiste, où le respect de l'indépendance de tous est en vigueur. L'Angleterre veut que la ligne de chemin de fer germano-franco-helvético-turque s'arrête à Bassorah, ce qui lui ôte toute valeur puisqu'elle est ainsi privée d'ouverture sur le trafic transocéanique. La zone entre Bassorah et la côte, autrement dit le futur Koweit, acquiert ainsi son importance stratégique pour les Britanniques seuls et non pour les peuples de la région. Dès 1880 les Anglais avaient déjà joué les vassaux côtiers, accessoirement pirates et hostiles aux autochtones bédouins, contre la Turquie. Puisque le terminus du chemin de fer ne pouvait aboutir à Koweit, que les Anglais avait détaché de l'Empire Ottoman, les Turcs proposent de le faire aboutir à Kor Abdallah: les Anglais prétendent que cette zone appartient au Koweit (comme par hasard!). Deuxième proposition turque: faire aboutir la ligne à Mohammera en Perse: les Anglais font pression sur la Perse. Les prolégomènes à l'entêtement de Bush...! Le 21 mars 1911, Allemands et Turcs proposent l'internationalisation de la zone sise entre Bassorah et Koweit, avec une participation de 40% pour la Turquie, de 20% pour la France, 20% pour l'Allemagne, 20% pour l'Angleterre. Proposition on ne peut plus équitable. L'Angleterre la refuse, voulant rester absolument seule entre Bassorah et la côte.
Ce blocage irrationnel —malgré sa puissance, l'Angleterre était incapable de réaliser le projet de dominer tout l'espace entre Le Caire et Le Cap— a conduit à la fraternité d'armes germano-turque pendant la Grande Guerre. A la dispersion territoriale tous azimuts de l'Empire britannique, Allemands, Austro-Hongrois, Bulgares et Turcs proposent un axe diagonal Elbe-Euphrate, Anvers-Koweit, reliant les ports atlantiques de la Mer du Nord, bloqués par la Home Fleet pendant les hostilités, à l'Insulinde (Indonésie) néerlandaise. Cet espace devait être organisé selon des critères nouveaux, englobant et dépassant ceux de l'Etat national fermé, né sous la double impulsion de 1789 et de la pensée de Fichte. Ces critères nouveaux respectaient les identités culturelles mais fédéraient leurs énergies auparavant éparses pour bâtir des systèmes politiques nouveaux, répondant aux logiques expansives du temps.
Les buts de guerre de l'Angleterre ont donc été de fragmenter à l'extrême le tracé de cette diagonale partant des rives de la Mer du Nord pour aboutir au Golfe Persique voire à l'Insulinde néerlandaise. L'alliance entre la France et l'Angleterre s'explique parce que la France n'avait pas de politique pouvant porter ombrage à Londres dans l'Océan Indien. L'alliance, plus étonnante, entre la Russie tsariste et l'Angleterre vient du fait que la Russie avait, elle, intérêt à couper la diagonale Elbe-Euphrate à hauteur du Bosphore et des Dardannelles. C'est ce qui explique la tentative désespérée de Churchill de lancer des troupes contre Gallipoli, avant que les Russes ne s'y présentent. Avec les Russes à Constantinople, la diagonale germano-turque était certes brisée, mais la Russie aurait été présente en Serbie et en Grèce, puis en Crète et à Chypre, ce qui aurait menacé la ligne de communication transméditerranéenne, partant de Gibraltar pour aboutir à Suez en passant par Malte. La révolution bolchévique est venue à temps pour éliminer la Russie de la course. L'entrée en guerre de la Roumanie et la balkanisation de l'Europe centrale et orientale procèdent de la même logique: fragmenter la diagonale.
Revenons à l'actualité. La disparition du rideau de fer et l'ouverture prochaine de la navigation fluviale entre Rotterdam et la Mer Noire par le creusement d'un canal entre le Main et le Danube reconstitue le tracé de la diagonale de 1914, du moins jusqu'à Andrinople (Edirne en turc). Les volontés de balkanisation de l'Europe, imposées à Versailles et à Yalta sont réduites à néant. L'intervention des Etats-Unis au Koweit, nous l'avons déjà dit, avait pour objectif premier de restaurer le statu quo et de remettre en selle la famille Al-Sabah qui investit toutes les plus-values de son pétrole dans les circuits bancaires anglais et américains, évitant de la sorte l'effondrement total des économies anglo-saxonnes, basées sur le gaspillage, le vagabondage financier et secouées par l'aventurisme thatchéro-reaganien. Mais les Etats-Unis, héritiers de la politique thalassocratique anglaise, ont en même temps des objectifs à plus long terme. Des objectifs qui obéissent à la même logique de fragmentation de la diagonale Mer du Nord/Golfe Persique.
Les stratèges de Washington se sont dit: «si l'Europe est reconstituée dans son axe central Rhin-Main-Danube, elle aura très bientôt la possibilité de reprendre pied en Turquie, où la présence américaine s'avèrera de moins en moins nécessaire vu la déliquescence du bloc soviétique et les troubles qui secouent le Caucase; si l'Europe reprend pied en Turquie, elle reprendra pied en Mésopotamie. Elle organisera l'Irak laïque et bénéficiera de son pétrole. Si l'Irak s'empare du Koweit et le garde, c'est l'Europe qui finira par en tirer profit. La diagonale sera reconstituée non plus seulement de Rotterdam à Edirne mais d'Edirne à Koweit-City. La Turquie, avec l'appui européen, redeviendra avec l'Irak, pôle arabe, la gardienne du bon ordre au Proche-Orient. Les Etats-Unis, en phase de récession, seront exclus de cette synergie, qui débordera rapidement en URSS, surtout en Ukraine, pays capable de revenir, avec un petit coup de pouce, un grenier à blé européen auto-suffisant (adieu les achats de blé aux USA!), puis aux Indes, en Indonésie (un marché de 120 millions d'âmes!), en Australie et en Nouvelle-Zélande. Un grand mouvement d'unification eurasien verrait le jour, faisant du même coup déchoir les Etats-Unis au rang d'une puissance subalterne qui ne ferait plus que décliner. Les Etats-Unis ne seraient plus un pôle d'attraction pour les cerveaux du monde et on risquerait bien de voir s'effectuer une migration en sens inverse: les Asiatiques d'Amérique retourneraient au Japon ou en Chine; les Euro-Américains s'en iraient faire carrière en Allemagne ou en Italie du Nord ou en Suède. Comment éviter cela? En reprenant à notre compte la vieille stratégie britannique de fragmentation de la diagonale!».
En effet, les troubles en Yougoslavie ne surviennent-ils pas au bon moment? Rupture de la diagonale à hauteur de Belgrade sur le Danube. Le maître-atout des Etats-Unis dans ce jeu est la Turquie. Le verrou turc bloque tout aujourd'hui. N'oublions pas que c'est dans le cadre de l'OTAN que le Général Evren renverse la démocratie au début de la décennie 80 et que ce putsch permet, après une solide épuration du personnel politique turc, de hisser Özal au pouvoir. Un pouvoir qui n'est démocratique qu'en son vernis. Özal proclame qu'il est «européen» et qu'il veut adhérer à la CEE, malgré les impossibilités pratiques d'une telle adhésion. Les porte-paroles d'Özal en Europe de l'Ouest, notamment en RFA, affirment que la Turquie moderne renonce à tout projet «ottoman», c'est-à-dire à tout projet de réorganisation de l'espace proche-oriental, de concert avec les autres peuples de la région. Pire: Özal coupe les cours du Tigre et de l'Euphrate par un jeu de barrages gigantesques, destinés, dit-on à Ankara, à verdir les plateaux anatoliens. Mais le résultat immédiat de ces constructions ubuesques est de couper l'eau aux Syriens et aux Irakiens et d'assécher la Mésopotamie, rendant la restauration de la diagonale Elbe-Euphrate inutile ou, au moins, extrêmement problématique.
L'Europe n'a donc pas intérêt à ce que la guerre civile yougoslave s'étende; elle n'a pas intérêt à ce qu'Özal reste au pouvoir. Les alliés turcs de l'Europe sont ceux qui veulent, avec elle, reconstituer l'axe Berlin-Constantinople-Bagdad et ceux qui refusent l'assèchement et la ruine de la Mésopotamie (déjà les Anglais avaient négligé de reconstituer les canaux d'irrigation). Ensuite, l'Europe doit dialoguer avec un régime européophile à Bagdad et soutenir le développement de l'agriculture irakienne. Ensuite, l'Europe a intérêt à ce que la paix se rétablisse entre la Syrie et l'Irak. Après l'effondrement de l'armée de Saddam Hussein et le déclenchement d'une guerre civile en Irak, elle doit mobiliser tous ses efforts pour éviter la balkanisation de l'espace irakien et l'assèchement de la Mésopotamie. Celui qui tient la Mésopotamie tient à moyen ou long terme l'Océan Indien et en chasse les Américains: un principe géostratégique à méditer. Si l'Europe avait soutenu l'Irak, elle aurait eu une fenêtre sur l'Océan Indien. En resserrant ses liens avec l'Afrique du Sud et avec l'Inde non alignée, elle aurait pu contrôler cet «océan du milieu» et souder l'Eurasie en un bloc cohérant, libéré des mirages du libéralisme délétère.
Souder l'Eurasie passe 1) par la reconstitution de la diagonale Mer du Nord/Golfe Persique; 2) par la création d'un transsibérien gros porteur, à écartement large et à grande vitesse, reliant Vladivostock à Hambourg via un système de ferries à travers la Baltique, entre Kiel et Klaipeda en Lituanie (autre point chaud; un hasard?); 3) par une liaison ferroviaire de même type reliant Novosibirsk à Téhéran et Téhéran à Bagdad; 4) par une exploitation japonaise des voies maritimes Tokyo/Singapour, Singapour/Bombay, Bombay/Koweit, cette dernière en coopération avec l'Europe; 5) par une liaison maritime Koweit/Le Cap, exploitée par un consortium euro-turco-irakien. Le rôle de la France dans ce projet: 1) protéger la façade maritime atlantique de l'Europe, en revalorisant sa marine; 2) participer, à hauteur des Comores et de la Réunion, à l'exploitation de la ligne maritime Koweit/Le Cap; 3) jouer de tous les atouts dont elle dispose en Afrique francophone.
Un tel projet permet à chaque peuple de la masse continentale eurasiatique de jouer dans ce scénario futuriste un rôle bien déterminé et valorisant, tout en conservant son indépendance culturelle et économique. C'est parce que ce projet était tou d'un coup réalisable que les forces cosmopolites au service de l'Amérique ont mis tout en œuvre pour le torpiller. Peine perdue. Ce qui est inscrit dans la géographie demeure. Et finira par se réaliser. Il suffit de prendre conscience de quelques idées simples. Qui se résument en un mot: diagonale. Diagonale Rotterdam/Koweit. Diagonale Hambourg/Vladivostock. Diagonale Novosibirsk/Téhéran.
Robert STEUCKERS.
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mardi, 01 juin 2010
Les idées géopolitiques affichées par Jirinovski
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1994
Les idées géopolitiques affichées par Jirinovski
L'irruption de Jirinovski sur la scène politique russe, son score électoral impressionnant, obtenu lors du scrutin du 12 décembre 1993, ses foucades hautes en couleur commises à tour de bras, ses liens avec le Dr. Gerhard Frey, chef de la DVU nationaliste allemande, sont autant d'énigmes, de nouveautés qui n'ont pas manqué d'étonner, d'irriter, d'agacer.
Qui est Jirinovski? Un nationaliste russe authentique ou un provocateur à la solde des adversaires de toute forme de nationalisme? Un militant nationaliste courageux qui fait du tapage pour attirer l'attention des médias friands de scandales? Ou un énergumène qui cherche à couvrir le nationalisme russe de ridicule? Ces questions, tous se les sont posées: les nationalistes, russes et allemands, les observateurs neutres et les libéraux occidentaux, hostiles et inquiets face à la montée des nationalismes dans le monde ex-communiste. L'objet de notre article n'est pas d'entrer dans cette polémique. Mais d'analyser les conceptions géopolitiques que Jirinovski a énoncé au cours de ces derniers mois, notamment dans une revue non partisane, de haute tenue scientifique: Limes, Rivista italiana di geopolitica (n°1/1994; adresse: via di Ripetta 142, I-00.186 Roma).
Limes est une revue de géopolitique, proche, à certains égards, de sa consœur française Hérodote, mais sans les relents germanophobes, à la limite de l'hystérie, qu'on y perçoit et qui ne sont pas sans rappeler les délires de Maurras et de toute l'extrême-droite parisienne. Le numéro qu'Hérodote a consacré à la «Question allemande» (n°68) est très éloquent à ce sujet: l'extrême-gauche, qui croit que l'Allemagne est encore «fasciste» (!), et l'extrême-droite germanophobe y trouvent de quoi alimenter leurs fantasmes que les uns et les autres croient différents mais qui, en pratique, débouchent sur le même irréalisme. Depuis la réunification allemande, la France n'est plus le centre de cette demie-Europe occidentale, qu'est la CEE, et ce changement de donne trouble la quiétude des observateurs parisiens, qui ont aussitôt voulu revenir à la vieille stratégie de l'encerclement de l'Allemagne, notamment en appuyant les Serbes (cf. Hérodote n°67, «La Question serbe»).
La presse flamande, notamment Trends, sous la dynamique impulsion de Frans Crols, a tiré la sonnette d'alarme: Paris semble désormais raisonner comme suit: la RFA a pu absorber la RDA, en compensation, la France doit pouvoir absorber la Belgique ou au moins la Wallonie, voire attirer l'ensemble du Bénélux dans son orbite, comme semble le démontrer le projet inutile de TGV reliant les trois capitales, Amsterdam-Bruxelles-Paris. Nous n'avons nulle envie de nous retrouver dans un Hexagone élargi, ou d'être la cerise bénéluxienne coiffant le babaorum jacobin, ni de croupir sous un régime archaïque, vétuste, inefficace de facture centralisatrice et jacobine, ni de servir d'ersatz aux tirailleurs sénégalais dans une armée qui envoie ses soldats dans tous les coins perdus d'Afrique ou sur les confettis d'empire dans l'Atlantique ou le Pacifique. Notre destin, nous ne le concevons qu'en Europe et cette chimère qu'est la francophonie nous laisse de glace. Si nous avons incontestablement des atomes crochus avec les Lorrains ou les Picards, nous en avons d'aussi crochus avec les Néerlandais ou les Rhénans. Et, parce que nous ne sommes pas omniscients, comme Dieu ou comme cette hypothétique homme parfait, «universel», que veulent fabriquer les sans-culottes, à coups de baïonnettes, et les intellectuels parisiens, à coups de syllogismes boîteux ou d'invectives hystériques, nous ne comprenons pas grand'chose aux subtilités du folklore des populations “francophones” du Togo ou du Congo-Brazza, et le fait que les Kanaks de Nouvelle-Calédonie veulent recouvrir une forme d'indépendance ne nous apparaît pas forcément incongru.
Les tentatives annexionnistes de Paris nous obligent à trouver des alliés pour faire pièce à ce projet qui réduirait nos identités en bouillie, que nous soyons Flamands ou Wallons. Mais, à l'heure actuelle, Paris n'a que des adversaires de pacotille. Parce que plus personne ne raisonne en termes de géopolitique ou ne perçoit l'enjeu continental du projet d'absorption de la Belgique entière ou de la Wallonie seule. La réponse à l'offensive idéologique et géopolitique du jacobinisme doit reposer sur plusieurs principes. Les voici:
- Le principe «impérial», impliquant l'auto-centrage des régions et la subsidiarité, qui rapproche les gouvernants des gouvernés (selon les modèles ouest-allemand et helvétique).
- L'ancrage économique national ou régional contre les OPA et les transferts de parts. C'est la contre-attaque que suggèrent en Flandre Frans Crols, Hans Brockmans et le Davidsfonds (cf. Vlaanderen, een Franse kolonie?, Louvain, 1993).
- La défense absolue de l'espace qui fut jadis celui du «Saint-Empire»: aucune terre ayant appartenu à ce Saint-Empire ne peut être cédée à un Etat extérieur, surtout si sa structure administrative repose sur des principes diamétralement opposés à ceux de la “subsidiarité”, et toutes les terres ayant appartenu à ce Saint-Empire doivent au moins acquérir à court ou moyen terme leur autonomie régionale, selon ce même principe de subsidiarité énoncé dans l'article 3b du Traité de Maastricht. En ce sens, nous saluons le travail des Ligues lombardes, piémontaises et vénétiennes qui ont su réclamer l'autonomie voire la sécession, contre une République qui tirait ses principes de gouvernement d'un républicanisme archaïque et aberrant, de mouture française, et calquait ses pratiques sur les réseaux mafieux. Jacobinisme et mafia ont donné la preuve qu'elles étaient les deux facettes d'une même médaille, criminalité politique et criminalité de droit commun fusionnant en règle générale dans ce type de système en Italie ou en France (l'assassinat de Yann Piat étant un exemple récent et fort éloquent). Les Etats héritiers du Saint-Empire sont aujourd'hui: la Belgique, l'Allemagne, l'Autriche, la Suisse, la Slovénie, la République Tchèque et, en tant qu'associée étroite, la Hongrie. Dans tous ces Etats, les lois régissant les minorités doivent être les mêmes qu'en Belgique et en Allemagne (Germanophones d'Eupen et de Saint-Vith, Danois du Slesvig, Sorabes de Lusace), parce que les principes, que les Allemands et nous-mêmes appliquons, correspondent à la lettre et à l'esprit des accords de la CSCE. Tous ceux qui ne s'y conforment pas, après les avoir signés, sont en tort.
- L'espace impérial, seul espace libre d'Europe, doit avoir accès à la Méditerranée, au moins dans la zone adriatique (Istrie).
- Cet espace ne peut survivre et s'épanouir que s'il y a un accord avec la Russie, comme du temps des accords de Tauroggen avec la Prusse ou du temps des “consultations réciproques” entre Berlin et Saint-Pétersbourg (Bismarck).
Maintenant que le communisme a cessé de sévir, cette nécessité d'aplanir nos différends avec la Russie, de concert avec tous les pays qui sont les héritiers partiels du Saint-Empire ou de l'Empire austro-hongrois, nous amène à étudier le «cas Jirinovski» ou, du moins, les propositions de réaménagement géopolitique qu'il suggère pour notre continent. Si ces propositions n'avaient été formulées que dans des feuilles extrémistes ou si elle n'émanaient pas d'un homme qui a fait 25% aux élections et conserve toutes ses chances de devenir le Président de la Russie, nous ne les aurions pas relevées. Mais si Limes les reproduit à Rome, nous devons leur accorder toute notre attention.
Répondant aux questions du journaliste suédois Rolf Gauffin, Jirinovski rappelle son option “eurasienne” et les critiques qu'il formule à l'égard de Gorbatchev. Ses critiques ne sont pas les mêmes que celles du camp national-patriotique, qui reproche à l'initiateur de la perestroïka d'avoir lâché les glacis est-européens et centre-asiatiques de l'Empire russe et d'avoir amorcé un processus de réformes qui ne pouvaient conduire qu'à l'anarchie. Jirinovski admet qu'il fallait entamer des réformes mais qu'il fallait y aller plus graduellement et avec l'aide des structures existantes, un peu à la façon de Deng en Chine.
Ensuite, deuxième point de divergence entre Jirinovski et les nationaux-patriotes: ces derniers entendent ramener tous les territoires de l'ancienne URSS dans le giron de Moscou. Jirinovski adopte une position médiane. Dans le Caucase et en Asie centrale, dit-il, les guerres civiles font rage et elles sont interminables, basées sur des clivages ethno-religieux auxquels les Russes ne comprennent pas grand'chose. La Russie ne peut s'offrir le luxe de dépenser des milliards pour rétablir l'ordre dans ces régions qui sont sous la coupe de mafias puissantes et dont l'économie est défaillante.
Jirinovski suggère le partage suivant: la Russie ne reprend que la région de Tiflis (Géorgie), la Turquie annexe le reste de la Géorgie et l'Arménie, l'Iran peut prendre l'Azerbaïdjan, ce qui est surprenant car, avec son pétrole, la République azérie était en boni dans l'ex-URSS. En Asie centrale, selon Jirinovski, le Turkestan doit revenir à la Russie, l'Afghanistan peut prendre le Tadjikistan et la partie de l'Ouzbekistan peuplé de Tadjiks iranophones (indo-européens). Le reste de cet Ouzbekistan revient à la Russie. Le Turkmenistan revient soit à l'Iran soit à la Russie, après négociations. Le Kirghizistan, lui, revient entièrement à la Russie.
En Europe, la Russie de Jirinovski entend reprendre les Pays Baltes, sauf l'Ouest de l'Estonie et la région lithuanienne de Kaunas/Vilnius. Raisons invoquées par Jirinovski: la présence de fortes minorités russes dans cette région, et la nécessité d'avoir une «fenêtre» donnant sur la Mer Baltique. La Prusse orientale reviendrait à l'Allemagne. Jirinovski ne revendique pas la Finlande.
Notre réponse: nous tenons aux Pays Baltes, nous souhaitons, comme l'avaient d'ailleurs souhaité bon nombre de tsars, que l'identité et les langues de ces pays soient préservées, nous souhaitons le développement d'un «marché baltique» ou «hanséatique», où participeraient Scandinaves, Finlandais, Allemands et Polonais. Ce marché ne serait pas hostile à la Russie, mais ne pourrait fonctionner que si les Pays Baltes bénéficient d'une large autonomie ou s'ils sont indépendants. En droit, évidemment, il me semble difficile de nier à 100% le bien fondé des revendications russes, puisque la région a été gouvernée par les Tsars pendant longtemps. Mais les «gouvernements» baltes de l'ère tsariste, que Jirinovski imagine pouvoir restaurer, doivent au moins retrouver le statut spécial qu'ils avaient avant 1892, et qui respectait leur identité baltique composite, leurs langues régionales et avait l'allemand comme langue universitaire à Dorpat jusqu'à la fin du 19°siècle. La présence russe n'a été que militaire dans cette région. Culturellement, l'espace des Pays Baltes est un espace de transition entre les grandes cultures européennes, comme nos Pays-Bas le sont à l'Ouest entre la France, l'Allemagne et l'Angleterre. C'est d'ailleurs pour défendre chez nous ce statut naturel, dicté par la géographie et l'hydrographie des grands fleuves, que nous nous insurgeons contre les menées françaises d'aujourd'hui, contre les complots ourdis par un certain Jeantet, dit «Philippe de Saint-Robert» et contre les stratégies financières visant à nous asservir. Donc, les Pays Baltes doivent recouvrir leur identité, sous la «protection» militaire russe ou dans l'indépendance. Ils doivent être cette espace de transition, sans être fermé à l'Ouest balto-scandinave ou allemand ni à l'Est russo-sibérien.
Jirinovski propose de redonner à l'Allemagne et à la Pologne leurs frontières de 1937. La Pologne bénéficierait d'un corridor jusqu'à la Baltique. Elle rendrait à l'Allemagne la Poméranie, la Silésie et la Prusse orientale mazurienne. En compensation, elle recevrait la région actuellement ukrainienne de Lemberg (Lvov/Lviv), qui lui appartenait avant 1939 et qui est peuplée d'«Uniates», obéissant à Rome et au Primat de Pologne, tout en conservant un rite proche de celui des Orthodoxes. Cette proposition de Jirinovski reste dans le cadre du droit et vise à “normaliser” les relations avec l'Allemagne et la Pologne. Dans ce cas, la Russie n'aurait plus aucun contentieux avec l'Allemagne et pourrait amorcer une politique germanophile, ou agir en tandem avec l'Allemagne, dans le cas où celle-ci recevrait un siège au conseil de sécurité de l'ONU.
Jirinovski envisage un partage de la Tchécoslovaquie, où la République tchèque rejoindrait le giron allemand et la Slovaquie irait à la Russie. Si la Bohème (qui correspond au territoire de la République tchèque) a effectivement été une composante majeure du Saint-Empire, la Slovaquie, elle, n'a jamais été dans l'orbite des Tsars. Cette république carpathique, au contraire, relevait de l'Empire austro-hongrois des Habsbourg.
Pour la Yougoslavie, Jirinovski souhaite le départ de toutes les troupes étrangères, de façon à ce que les peuples concernés puissent résoudre seuls leurs problèmes. Il reconnaît l'indépendance de la Slovénie et son appartenance à la «sphère du Saint-Empire». Chose plus importante: le trio Autriche-Allemagne-Slovénie doit avoir un accès à l'Adriatique, de façon à devenir une puissance méditeranéenne et à contribuer au rétablissement de l'ordre dans cette zone perturbée. Le tandem germano-autrichien reviendrait ainsi en Méditérranée, d'où il avait été chassé deux fois: d'abord par Napoléon, qui avait inventé les «départements illyriens» pour couper la route de l'Adriatique à l'Autriche qu'il avait vaincue; ensuite, par Clémenceau, qui avait donné à la Serbie et à l'Italie toute la côte adriatique, pour chasser le principe impérial des rivages méditerranéens et faire triompher à l'Ouest l'aberration républicaine-jacobine, pour le plus grand bénéfice des thalassocraties britannique et américaine.
Ensuite, très curieusement, Jirinovski entend réduire à néant certaines clauses des Traités de Versailles et du Trianon, annoncées anticipativement dans un livre de 1917, que l'on peut sans hésiter qualifier de prémonitoire, dû à la plume d'André Chéradame, Le Plan pangermaniste démasqué (Plon, 1916). Cet ouvrage a servi à Versailles et au Trianon pour démanteler l'Autriche-Hongrie. Chéradame plaidait pour la destruction de la Hongrie et de la Bulgarie et pour la création d'une Grande Serbie (qui deviendra la Yougoslavie) et d'une Grande Roumanie. Jirinovski, lui, propose de rétablir la Bulgarie exactement dans les frontières que lui contestait Chéradame! Pour le géopoliticien français de la première guerre mondiale, la Bulgarie ne pouvait s'étendre ni en Thrace (en direction du Bosphore), ni avoir accès à la Méditerranée (port d'Alexandroupolis), ni récupérer la Macédoine. Ce Chéradame d'extrême-droite et antisémite préconisait donc une politique qui allait très curieusement dans le sens des intérêts britanniques et américains, tout comme d'éminents braillards philosémites proposent aujourd'hui la même politique pour contrer la «grosse Allemagne». Comme quoi, les discours ineptes de facture antisémite ou philosémite sont purement instrumentaux et servent à créer de faux sentiments, et à promouvoir des politiques irréalistes, contraires aux faits géographiques. Jirinovski souhaite que cette Bulgarie agrandie, pays qui est de tradition à la fois russophile et germanophile, puisse accéder à l'Egée, récupérer la Macédoine et avancer vers le Bosphore (en compensation, la Turquie recevrait l'Arménie et la Géorgie, moins Tiflis). Quant à la Hongrie, elle pourrait, selon Jirinovski reprendre ses provinces transylvaniennes, voire la partie hungarophone de la Slovaquie. Les résultats de l'arbitrage de Vienne entre Ribbentrop, Ciano, Horthy et Antonescu seraient rétablis, en dépit de la longue parenthèse communiste. La Roumanie retrouverait ses frontières de 1917.
Enfin, comme le fondateur de la revue allemande de géopolitique, Karl Ernst Haushofer, dans son dernier article de 1943, repris très récemment par la revue Elementy d'Alexandre Douguine (n°1, 1992), Jirinovski estime que les expansions politiques et/ou économiques doivent se déployer du Nord vers le Sud et non d'Ouest en Est ou d'Est en Ouest. L'hémisphère occidental américain peut être dominé par les Etats-Unis, la France doit n'avoir qu'un destin africain et atlantique, la Russie doit s'allier avec l'Iran et l'Inde (Jirinovski met beaucoup d'espoir dans un axe Berlin/Moscou/New Dehli), le Japon doit travailler avec les Philippines et l'Indonésie, etc. En revanche, les Etats-Unis ne doivent pas tenter de transformer les océans Pacifique et Atlantique en lacs américains, la France doit cesser de vouloir dominer le Bénélux ou la Rhénanie, de semer la zizanie contre l'Allemagne, la Hongrie et la Bulgarie en Europe centrale, la Russie de vouloir dominer la plaine danubienne, le Brandebourg ou la Thuringe, le Japon de menacer Vladivostok. Si le monde entier adopte ces axes Nord-Sud, il vivra dans la paix et la prospérité.
Dans une optique «impériale» purement pragmatique et géopolitique, ces remaniements sont raisonnables et permettraient effectivement de forger un axe Berlin-Moscou de longue durée. Mais, même si Jirinovski parle de réaliser ce plan en l'espace de 20 ou 30 ans, plus exactement pour l'année 2017 (100 ans après la Révolution d'Octobre!) et selon les critères du droit (sans doute celui de la CSCE?) ou des rationalités économiques, nous ne trouvons, jusqu'ici, dans ses assertions, aucune référence tangible et précise à ce droit. Ensuite, son plan géopolitique ne fait jamais mention des structures hydrographiques et des réseaux de canaux ou de chemin de fer (sujets sur lesquels Chéradame se montrait fort prolixe). En effet, le nouvel axe central de l'Europe, n'en déplaise aux archaïques qui font aujourd'hui la politique à Paris, c'est le tracé du Rhin, du Main et du Danube, ainsi que du petit canal qui les relie. C'est la raison pour laquelle nos bassins fluviaux, scaldien, mosan et rhénan, ne peuvent nullement être coupés de leur hinterland centre-européen, ni distraits de leur vocation continentale pour servir les desseins d'une politique parisienne purement mécanique, artificielle, schématique et géométrique, ne tenant pas compte des facteurs ethniques, historiques, naturels, géographiques et hydrographiques. Le projet de restaurer une Grande Hongrie va dans le sens d'une consolidation de l'espace rhénan-danubien, mais qu'en serait-il en pratique si la Serbie et la Roumanie, territorialement mutilées, demeurent hostiles à cet ensemble et court-circuitent le trafic danubien, reliant la Mer du Nord à la Mer Noire? Ensuite, quel rôle Jirinovski et les siens assignent-ils à la Turquie, dont ils ruinent les plans pantouraniens dans le Kazakstan? La condamnent-ils à rester l'alliée privilégiée des thalassocraties anglo-saxonnes ou lui offrent-ils un «destin mésopotamien» autonome, de concert avec l'Irak de Saddam Hussein? Et l'Iran, quel rôle jouera-t-il dans cette synergie? Sera-t-il allié de Moscou comme semble le suggérer l'ambassadeur d'Iran auprès du Vatican, Mohammad Machid Djameï, dans les colonnes du Teheran Times (12 et 15 septembre 1993), en préconisant un rapprochement entre les deux religions les plus traditionnelles de l'Eurasie, l'orthodoxie slave et le chiisme iranien, contre un sunnisme intégriste saoudien, manipulé par Washington? Position qui est partagée par Djemal Haïdar, un Azéri qui anime dans la CEI un «Parti de la Renaissance islamique», réclamant une «désarabisation» de l'Islam sunnite en faveur de son «indo-européisation» (iranienne, azérie, afghane, tadjik et slave), ce qui conduira à une approche plus mystique et moins littérale du message coranique? Ces facteurs complémentaires mériteraient d'être explicités par Jirinovski, de façon à ce que le monde puisse y voir plus clair.
Le plan de Jirinovski comporte encore beaucoup d'inconnues. Pour nous, le scepticisme reste donc de rigueur. Tout simplement parce que nous ne sommes pas encore sûrs de la nature du rôle qu'il joue: dit-il tout haut, sur le mode du clown ou du fou du roi, ce que d'autres, plus influents ou bien placés dans les arcanes du pouvoir, pensent tout bas? Jirinovski sert-il de test, de brise-glace? Annonce-t-il, comme d'aucuns le prétendent déjà, l'avènement de Routskoï, sorti de prison par la volonté du nouveau parlement? D'un Routskoï modéré, qui remplacerait un Eltsine usé, et batterait, pour calmer le monde, un Jirinovski maximaliste aux élections présidentielles, tout en infléchissant, doucement mais sûrement, la politique russe vers une optique germanophile et eurasiste? Un bouillonnement passionnant à suivre.
Robert Steuckers.
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dimanche, 30 mai 2010
L'Europe face à la globalisation
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2004
Robert Steuckers:
L’Europe face à la globalisation
Conférence prononcée à la tribune de la
“Gesellschaft für Freie Publizistik”, avril 2004 (*)
Mon exposé d’aujourd’hui aura bien évidemment une dimension géopolitique, mais aussi une dimension géo-économique, car les grandes voies et les réseaux de communication, sur terre comme sur mer, et la portée des systèmes d’armement les plus modernes, jouent un rôle considérable dans la concurrence actuelle qui oppose l’Europe aux Etats-Unis. L’ampleur de ces voies, de ces réseaux, etc. déterminent les catégories dans lesquelles il convient de penser: soit en termes de peuples, soit en termes d’Empire.
Si l’on parle des peuples, on doit savoir de quoi il retourne. A l’époque des soulèvements populaires au 19ième siècle, les peuples se sont dressés contre les empires multiethniques, qu’ils considéraient comme des “camisoles de force”. A partir de 1848, les Polonais et les Finnois en Russie, les Tchèques et les Italiens sur le territoire où s’exerçait la souveraineté de la monarchie impériale et royale austro-hongroise, les Slaves du Sud et les Grecs au sein de l’Empire ottoman, les Irlandais dans le Royaume-Uni, se sont rebellés ou ont développé un mouvement identitaire qui leur était propre. En France, les mouvements culturels bretons ou provençaux (les “félibriges”) se sont développés dans une perspective anti-centraliste et anti-jacobine.
D’où vient cette révolte générale de type culturel? Elle provient, grosso modo, de la philosophie de l’histoire de Johann Gottfried Herder, pour qui la langue, la littérature et la mémoire historique constituent, chez chaque peuple, un faisceau de forces, que l’on peut considérer comme étant son identité en acte. L’identité est par conséquent spécifique au peuple, ce qui signifie que chaque peuple a le droit de posséder sa propre forme politique et de constituer un Etat selon sa spécificité, taillé à sa mesure et révisable à tout moment. L’avantage de cette perspective, c’est que chaque peuple peut déployer librement ses propres forces et ses propres caractéristiques. Mais cette perspective recèle également un danger: à l’intérieur d’une même communauté de peuples ou d’un espace civilisationnel, la balkanisation menace. Herder en était bien conscient: raison pour laquelle il avait tenté, sous le règne de la Tsarine Catherine II, d’esquisser une synthèse, notamment une forme politique, idéologique et philosophique nouvelle qui devait s’appliquer à l’espace intermédiaire situé entre la Russie et l’Allemagne. Herder rêvait de faire émerger une nouvelle Grèce de facture homérienne entre les Pays Baltes et la Crimée. Les éléments germaniques, baltes et slaves auraient tous concourru à un retour à la Grèce la plus ancienne et la plus héroïque, qui aurait été en même temps un retour aux sources les plus anciennes et les plus sublimes de l’Europe. Cette idée de Herder peut nous apparaître aujourd’hui bien éthérée et utopique. Mais de cette esquisse et de l’ensemble de l’œuvre de Herder, on peut retenir un élément fondamental pour notre époque : une synthèse en Europe n’est possible que si l’on remonte aux sources les plus anciennes, c’est-à-dire aux premiers fondements de l’humanité européenne, au noyau de notre propre spécificité humaine, que l’on veillera à activer en permanence. Les archétypes sont en effet des moteurs, des forces mouvantes, qu’aucun progressisme ne peut éteindre car, alors, la culture se fige, devient un désert, tout de sécheresse et d’aridité.
La “nation” selon Herder
La nation, en tant que concept, était, pour Herder une unité plus ou moins homogène, une unité inaliénable en tant que telle, faite d’un composé d’ethnicité, de langue, de littérature, d’histoire et de moeurs. Pour les révolutionnaires français, la nation, au contraire, n’était nullement un tel faisceau de faits objectifs et tangibles, mais n’était que la population en armes, quelle que soit la langue que ces masses parlaient, ou, pour être plus précis, n’était jamais que le “demos” en armes, ou encore le “tiers état” mobilisé pour étendre à l’infini l’espace de la république universaliste. Tilo Meyer nous a donné une excellente définition de la nation. D’après lui, l’ethnos, soit le peuple selon la définition de Herder, ne peut pas être mis purement et simplement à la disposition du démos. Ne sont démocratiques et populaires, au bon sens du terme, que les systèmes politiques qui se basent sur la définition que donne Herder de la nation. Les autres systèmes, qui découlent des idées de la révolution française, sont en revanche égalitaires (dans le sens où ils réduisent tout à une aune unique) et, par là même, totalitaires. Le projet actuel de fabriquer une “multiculture” relève de ce mixte d’égalitarisme équarisseur et de totalitarisme.
La mobilisation des masses au temps de la révolution française avait bien entendu une motivation militaire: les armées de la révolution acquéraient de la sorte une puissance de frappe considérable et décisive, pour battre les armées professionnelles de la Prusse et de l’Autriche, bien entraînées mais inférieures en nombre. Les batailles de Jemmappes et de Valmy en 1792 l’ont démontré. La révolution introduit un nouveau mode de faire la guerre, qui lui procure des victoires décisives. Clausewitz a étudié les raisons des défaites prussiennes et a constaté que la mobilisation totale de toutes les forces masculines au sein d’un Etat constituait la seule réponse possible à la révolution, afin de déborder les masses de citoyens armés de la France révolutionnaire et ne pas être débordé par elles. L’exemple qu’ont donné les populations rurales espagnoles dans leur guerre contre les troupes napoléoniennes, où le peuple tout entier s’est dressé pour défendre la Tradition contre la Révolution, a prouvé que des masses orientées selon les principes de la Tradition pouvaient battre ou durement étriller des armées de masse inspirées par la révolution. La pensée de Jahn, le “Père Gymnastique”, comme on l’appelait en Allemagne, constitue une synthèse germanique entre la théorie de Clausewitz et la pratique des paysans insurgés d’Espagne. La mobilisation du peuple s’est d’abord réalisée en Espagne avant de se réaliser en Allemagne et a rendu ainsi possible la victoire européenne contre Napoléon, c’est-à-dire contre le principe mécaniste de la révolution française.
Après le Congrès de Vienne de 1815, les forces réactionnaires ont voulu désarmer les peuples. L’Europe de Metternich a voulu rendre caduque, rétroactivement, la liberté politique pourtant promise. Or si le paysan ou l’artisan doit devenir soldat et payer, le cas échéant, l’impôt du sang, il doit recevoir en échange le droit de vote et de participation à la chose politique. Lorsque chaque citoyen reçoit le droit et la possibilité d’étudier, il reçoit simultanément un droit à participer, d’une manière ou d’une autre, aux débats politiques de son pays; telle était la revendication des corporations étudiantes nationalistes et démocratiques de l’époque. Ces étudiants se révoltaient contre une restauration qui conservait le service militaire obligatoire sans vouloir accorder en contrepartie la liberté politique. Ils étayaient intellectuellement leur rébellion par un mixte étonnant dérivé du concept herdérien de la nation et d’idéaux mécanicistes pseudo-nationaux issus du corpus idéologique de la révolution française. A cette époque entre révolution et restauration, la pensée politique oscillait entre une pensée rebelle, qui raisonnait en termes de peuples, et une pensée traditionnelle, qui raisonnait en termes d’empires, ce qui estompait les frontières idéologiques, très floues. Une synthèse nécessairement organique s’avérait impérative. Une telle synthèse n’a jamais émergé, ce qui nous contraint, aujourd’hui, à réfléchir aux concepts nés à l’époque.
La dialectique “peuples/Empire”
Revenons à la dialectique Peuple/Empire ou Peuples/Aires civilisationnelles: à la fin du 18ième siècle et au début du 19ième, nous avions, d’une part, de vastes unités politiques, que la plupart des hommes étaient incapables de concevoir et de visionner, mais, par ailleurs, ces unités politiques de grandes dimensions, mal comprises et rejettées, s’avéraient nécessaires pour affronter la concurrence qu’allait immanquablement imposer la grande puissance transatlantique qui commençait à se déployer. Les colonies espagnoles se sont “libérées”, du moins en apparence, pour tomber rapidement sous la dépendance des Etats-Unis en pleine ascension. Le ministre autrichien de l’époque, Hülsemann, à la suite de la proclamation de la “Doctrine de Monroe”, ainsi que le philosophe français Alexis de Tocqueville,qui venait d’achever un long voyage en Amérique du Nord, lançaient tous deux un avertissement aux Européens, pour leur dire qu’au-delà de l’Atlantique une puissance était en train d’émerger, qui était fondamentalement différente que tout ce que l’on avait connu en Europe auparavant. La politique internationale venait d’acquérir des dimensions véritablement continentales voire globales. L’avenir appartiendrait dorénavant aux seules puissances disposant de suffisamment d’étendue, de matières premières sur le territoire où elles exerçaient leur souveraineté, un territoire qui devait être compact, aux frontières bien délimités et “arrondies”, et non pas aux empires coloniaux dispersés aux quatre vents.
Hülsemann, et après lui Constantin Franz, plaidaient pour une alliance des puissances coloniales dépourvues de colonies, ce qui a conduit notamment à la signature de traités comme celui qui instituait “l’alliance des trois empereurs” (Russie, Allemagne, Autriche-Hongrie) ou à l’application de principes comme celui de “l’assurance mutuelle prusso-russe”. Au début du 20ième siècle, l’alliance qui unissait l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie a voulu réanimer l’homme malade du Bosphore, c’est-à-dire l’Empire ottoman, dont elles voulaient faire un “territoire complémentaire”, source de matières premières et espace de débouchés. Cette volonté impliquait la construction d’un réseau de communications moderne, en l’occurrence, à l’époque, d’une ligne de chemin de fer entre Hambourg et Bagdad (et éventuellement de continuer la ligne de chemin de fer jusqu’à la côte du Golfe Persique). Ce projet recèle l’une des causes principales de la première guerre mondiale. En effet, l’Angleterre ne pouvait tolérer une présence non anglaise dans cette région du monde; la Russie ne pouvait accepter que les Allemands et les Autrichiens déterminassent la politique à Constantinople, que les Russes appellaient parfois “Tsarigrad”.
La leçon de Spengler et d’Huntington
En Europe, les structures de type impérial sont donc une nécessité, afin de maintenir la cohérence de l’aire civilisationnelle européenne, dont la culture a jailli du sol européen, afin que tous les peuples au sein de cette aire civilisationnelle, organisée selon les principes impériaux, puissent avoir un avenir. Aujourd’hui, le Professeur américain Samuel Huntington postule que l’on se mette à penser la politique du point de vue des aires civilisationnelles. Il parle, en anglais, de “civilizations”. La langue allemande, elle, fera la différence, avec Oswald Spengler, entre la notion de “Kultur”, qui représente une force organique, et celle de “Zivilisation”, qui résume en elle tous les acquis purement mécaniques et techniques d’une aire civilisationnelle ou culturelle. Ces acquis atteignent leur apex lorsque les forces issues des racines culturelles sont presque épuisées. Samuel Huntington, que l’on peut considérer comme une sorte de disciple contemporain de Spengler, pense que ces forces radicales peuvent être réactivées, si on le veut, comme le font les fondamentalistes islamistes ou les rénovateurs de l’hindouisme aujourd’hui. Samuel Huntington évoque une aire civilisationnelle “occidentale”, qui regroupe l’Europe et l’Amérique au sein d’une unité atlantique. Mais, pour nous, comme jadis pour Hülsemann et Tocqueville, l’Europe —en tant que source dormante de l’humanité européenne primordiale— et l’Amérique —en tant que nouveauté sans passé sur la scène internationale et dont l’essence est révolutionnaire et mécaniciste— constituent deux pôles fondamentalement différents, même si, à la surface des discours politiques américains, conservateurs ou néo-conservateurs, nous observons la présence de fragments effectivement “classiques”, mais ce ne sont là que les fragments d’une culture fabriquée, vendue comme “classique”, mais dont la seule fonction est de servir de simple décorum. Ce décor “classique” est l’objet d’intéressantes discussions idéologiques et philosophiques aux Etats-Unis aujourd’hui. On s’y pose des questions telles: Doit-on considérer ces éléments de “classicisme” comme les simples reliquats d’un passé européen commun, plus ou moins oublié, ou doit-on les évacuer définitivement de l’horizon philosophique, les jeter par-dessus bord, ou doit-on les utiliser comme éléments intellectuels pour parfaire des manœuvres d’illusionniste dans le monde des médias, pour faire croire que l’on est toujours attaché aux valeurs européennes classiques? Ce débat, nous devons le suivre attentivement, sans jamais être dupes.
L’Europe actuelle, qui a pris la forme de l’eurocratie bruxelloise, n’est évidemment pas un Empire, mais, au contraire, un Super-Etat en devenir. La notion d’ “Etat” n’a rien à voir avec la notion d’ “Empire”, car un “Etat” est “statique” et ne se meut pas, tandis que, par définition, un Empire englobe en son sein toutes les formes organiques de l’aire civilisationnelle qu’il organise, les transforme et les adapte sur les plans spirituel et politique, ce qui implique qu’il est en permanence en effervescence et en mouvement. L’eurocratie bruxelloise conduira, si elle persiste dans ses errements, à une rigidification totale. L’actuelle eurocratie bruxelloise n’a pas de mémoire, refuse d’en avoir une, a perdu toute assise historique, se pose comme sans racines. L’idéologie de cette construction de type “machine” relève du pur bricolage idéologique, d’un bricolage qui refuse de tirer des leçons des expériences du passé. Cela implique que la praxis économique de l’eurocratie bruxelloise se pose comme “ouverte sur le monde” et néo-libérale, ce qui constitue une négation de la dimension historique des systèmes économiques réellement existants, qui ont effectivement émergé et se sont développés sur le sol européen. Le néo-libéralisme, qui plus est, ne permet aucune évolution positive dans le sens d’une autarcie continentale. L’eurocratie de Bruxelles n’est donc plus une instance européenne au sens réel et historique du terme, mais une instance occidentale, car tout néo-libéralisme doctrinaire, en tant que modernisation du vieux libéralisme manchesterien anglo-saxon, est la marque idéologique par excellence de l’Occident, comme l’ont remarqué et démontré, de manière convaincante et suffisante, au fil des décennies, des auteurs aussi divers qu’Ernst Niekisch, Arthur Moeller van den Bruck, Guillaume Faye ou Claudio Finzi.
Les peuples périssent d’un excès de libéralisme
Mais tous les projets d’unir et de concentrer les forces de l’Europe, qui se sont succédé au fil des décennies, ne posaient nullement comme a priori d’avoir une Europe “ouverte sur le monde”, mais au contraire tous voulaient une Europe autarcique, même si cette autarcie acceptait les principes d’une économie de marché, mais dans le sens d’un ordo-libéralisme, c’est-à-dire d’un libéralisme qui tenait compte des facteurs non économiques. En effet, une économie ne peut pas, sans danger, refuser par principe de tenir compte des autres domaines de l’activité humaine. L’héritage culturel, l’organisation de la médecine et de l’enseignement doivent toujours recevoir une priorité par rapport aux facteurs purement économiques, parce qu’ils procurent ordre et stabilité au sein d’une société donnée ou d’une aire civilisationnelle, garantissant du même coup l’avenir des peuples qui vivent dans cet espace de civilisation. Sans une telle stabilité, les peuples périssent littéralement d’un excès de libéralisme (ou d’économicisme ou de “commercialite”), comme l’avait très justement constaté Arthur Moeller van den Bruck au début des années 20 du 20ième siècle.
Pour ce qui concerne directement le destin de l’Europe, des industriels et économistes autrichiens avaient suggéré une politique européenne cohérente dès la fin du 19ième siècle. Par exemple, Alexander von Peez avait remarqué très tôt que les Etats-Unis visaient l’élimination de l’Europe, non seulement dans l’ensemble du Nouveau Monde au nom du panaméricanisme, mais aussi partout ailleurs, y compris en Europe même. La question de survie, pour tous les peuples européens, était donc posée: ou bien on allait assister à une unification grande-européenne au sein d’un système économique autarcique, semblable au Zollverein allemand ou bien on allait assister à une colonisation générale du continent européen par la nouvelle puissance panaméricaine, qui était en train de monter. Alexander von Peez avertissait les Européens du danger d’une “américanisation universelle”. Le théoricien de l’économie Gustav Schmoller, figure de proue de l’”école historique allemande”, plaidait, pour sa part, pour un “bloc économique européen”, capable d’apporter une réponse au dynamisme des Etats-Unis. Pour Schmoller, un tel bloc serait “autarcique” et se protègerait par des barrières douanières, exactement le contraire de ce que préconise aujourd’hui l’eurocratie bruxelloise.
Julius Wolf, un autre théoricien allemand de l’économie, prévoyait que le gigantesque marché panaméricain se fermerait un jour aux marchandises et aux produits européens et qu’une concurrence renforcée entre les produits européens et américains s’instaurerait à l’échelle de la planète. Arthur Dix et Walther Rathenau ont fait leur cette vision. Jäckh et Rohrbach, pour leur part, se faisaient les avocats d’un bloc économique qui s’étendrait de la Mer du Nord au Golfe Persique. C’est ainsi qu’est née la “question d’Orient”, le long de l’Axe Hambourg/Koweit. L’Empereur d’Allemagne, Guillaume II, voulait que les Balkans, l’Anatolie et la Mésopotamie devinssent un “espace de complément” (Ergänzungsraum) pour l’industrie allemande en pleine expansion, mais il a invité toutes les autres puissances européennes à participer à ce grand projet, y compris la France, dans un esprit chevaleresque de conciliation. Gabriel Hanoteaux a été le seul homme d’Etat français qui a voulu donner une suite positive à ce projet rationnel. En Russie, Sergueï Witte, homme d’Etat de tout premier plan, perçoit également ce projet d’un oeil positif. Malheureusement ces hommes d’Etat clairvoyants ont été mis sur une voie de garage par des obscurantistes à courtes vues, de toutes colorations idéologiques.
Constantinople: pomme de discorde
La pomme de discorde, qui a conduit au déclenchement de la première guerre mondiale, était, en fait, la ville de Constantinople. L’objet de cette guerre si meurtrière a été la domination des Détroits et du bassin oriental de la Méditerranée. Les Anglais avaient toujours souhaité laisser les Détroits aux mains des Turcs, dont la puissance avait considérablement décliné (“L’homme malade du Bosphore”, disait Bismarck). Mais, en revanche, ils ne pouvaient accepter une Turquie devenue l’espace complémentaire (l’ “Ergänzungsraum”) d’une Europe centrale, dont l’économie serait organisée de manière cohérente et unitaire, sous direction allemande. Par conséquent, pour éviter ce cauchemar de leurs stratèges, ils ont conçu le plan de “balkaniser” et de morceler encore davantage le reste de l’Empire ottoman, de façon à ce qu’aucune continuité territoriale ne subsiste, surtout dans l’espace situé entre la Mer Méditerranée et le Golfe Persique. La Turquie, la Russie et l’Allemagne devaient toutes les trois se voir exclues de cette région hautement stratégique de la planète, ce qui impliquait de mettre en œuvre une politique de “containment” avant la lettre. Les Russes rêvaient avant 1914 de reconquérir Constantinople et de faire de cette ville magnifique, leur “Tsarigrad”, la ville des Empereurs (byzantins), dont leurs tsars avaient pris le relais. Les Russes se percevaient comme les principaux porteurs de la “Troisième Rome” et entendaient faire de l’ancienne Byzance le point de convergence central de l’aire culturelle chrétienne-orthodoxe. Les Français avaient des intérêts au Proche-Orient, en Syrie et au Liban, où ils étaient censé protéger les communautés chrétiennes. Le télescopage de ces intérêts divergents et contradictoires a conduit à la catastrophe de 1914.
En 1918, la France et l’Angleterre étaient presque en état de banqueroute. Ces deux puissances occidentales avaient contracté des dettes pharamineuses aux Etats-Unis, où elles avaient acheté des quantités énormes de matériels militaires, afin de pouvoir tenir le front. Les Etats-Unis qui, avant 1914, avaient des dettes partout dans le monde, se sont retrouvés dans la position de créanciers en un tourne-main. La France n’avait pas seulement perdu 1,5 million d’hommes, c’est-à-dire sa substance biologique, mais était contrainte de rembourser des dettes à l’infini: le Traité de Versailles a choisi de faire payer les Allemands, au titre de réparation.
Ce jeu malsain de dettes et de remboursements a ruiné l’Europe et l’a plongée dans une spirale épouvantable d’inflations et de catastrophes économiques. Pendant les années 20, les Etats-Unis voulaient gagner l’Allemagne comme principal client et débouché, afin de pouvoir “pénétrer”, comme on disait à l’époque, les marchés européens protégés par des barrières douanières. L’économie de la République de Weimar, régulée par les Plans Dawes et Young, était considérée, dans les plus hautes sphères économiques américaines, comme une économie “pénétrée”. Cette situation faite à l’Allemagne à l’époque, devait être étendue à toute l’Europe occidentale après la seconde guerre mondiale. C’est ainsi, qu’étape après étape, l’”américanisation universelle” s’est imposée, via l’idéologie du “One World” de Roosevelt ou via la notion de globalisation à la Soros aujourd’hui. Les termes pour la désigner varient, la stratégie reste la même.
Le projet d’unifier le continent par l’intérieur
La seconde guerre mondiale avait pour objectif principal, selon Roosevelt et Churchill, d’empêcher l’unification européenne sous la férule des puissances de l’Axe, afin d’éviter l’émergence d’une économie “impénétrée” et “impénétrable”, capable de s’affirmer sur la scène mondiale. La seconde guerre mondiale n’avait donc pas pour but de “libérer” l’Europe mais de précipiter définitivement l’économie de notre continent dans un état de dépendance et de l’y maintenir. Je n’énonce donc pas un jugement “moral” sur les responsabilités de la guerre, mais je juge son déclenchement au départ de critères matériels et économiques objectifs. Nos médias omettent de citer encore quelques buts de guerre, pourtant clairement affirmés à l’époque, ce qui ne doit surtout pas nous induire à penser qu’ils étaient insignifiants. Bien au contraire ! Dans la revue “Géopolitique”, qui paraît aujourd’hui à Paris, et est distribuée dans les cercles les plus officiels, un article nous rappelait la volonté britannique, en 1942, d’empêcher la navigation fluviale sur le Danube et le creusement de la liaison par canal entre le Rhin, le Main et le Danube. La revue “Géopolitique”, pour illustrer ce fait, a republié une carte parue dans la presse londonienne en 1942, au beau miliau d’articles qui expliquaient que l’Allemagne était “dangereuse”, non pas parce qu’elle possédait telle ou telle forme de gouvernement qui aurait été “anti-démocratique”, mais parce que ce régime, indépendamment de sa forme, se montrait capable de réaliser un vieux plan de Charlemagne ainsi que le Testament politique du roi de Prusse Frédéric II, c’est-à-dire de réaliser une navigation fluviale optimale sur tout l’intérieur du continent, soit un réseau de communications contrôlable au départ même des puissances qui constituent, physiquement, ce continent; un contrôle qu’elles exerceraient en toute indépendance et sans l’instrument d’une flotte importante, ce qui aurait eu pour corollaire immédiat de relativiser totalementle contrôle maritime britannique en Méditerranée et de ruiner ipso facto la stratégie qui y avait été déployée par le Royaume-Uni depuis la Guerre de Succession d’Espagne et les opérations de Nelson à l’ère napoléonienne. Ainsi, pour atteindre, depuis les côtes de l’Atlantique, les zones à blé de la Crimée et des bassins du Dniestr, du Dniepr et du Don, ou pour atteindre l’Egypte, l’Europe n’aurait plus nécessairement eu besoin des cargos des armateurs financés par l’Angleterre. La Mer Noire aurait été liée directement à l’Europe centrale et au bassin du Rhin.
Une telle symphonie géopolitique, géostratégique et géo-économique, les puissances thalassocratiques l’ont toujours refusée, car elle aurait signifié pour elles un irrémédiable déclin. Les visions géopolitiques du géopolitologue français André Chéradame, très vraisemblablement téléguidé par les services britanniques, impliquaient le morcellement de la “Mitteleuropa” et du bassin danubien, qu’il avait théorisé pour le Diktat de Versailles. Ses visions visaient également à créer le maximum d’Etats artificiels, à peine viables et antagonistes les uns des autres dans le bassin du Danube, afin que de Vienne à la Mer Noire, il n’y ait plus ni cohérence ni dynamisme économiques, ni espace structuré par un principe impérial (“reichisch’).
L’objectif, qui était d’empêcher toute communication par voie fluviale, sera encore renforcé lors des événements de la Guerre Froide. L’Elbe, soit l’axe Prague/Hambourg, et le Danube, comme artère fluviale de l’Europe, ont été tous deux verrouillés par le Rideau de Fer. La Guerre Froide avait pour objectif de pérenniser cette césure. Le bombardement des ponts sur le Danube près de Belgrade en 1999 ne poursuivait pas d’autres buts.
Etalon-or et étalon-travail
La Guerre Froide visait aussi à maintenir la Russie éloignée de la Méditerranée, afin de ne pas procurer à l’Union Soviétique un accès aux mers chaudes, à garder l’Allemagne en état de division, à laisser à la France une autonomie relative. Officiellement, la France appartenait au camp des vainqueurs et cette politique de morcellement et de balkanisation lui a été épargnée. Les Américains toléraient cette relative autonomie parce que les grands fleuves français, comme la Seine, la Loire et la Garonne sont des fleuves atlantiques et ne possédaient pas, à l’époque, de liaisons importantes avec l’espace danubien et aussi parce que l’industrie française des biens de consommation était assez faible au lendemain de la seconde guerre mondiale. Ce n’est que dans les années cinquante et soixante qu’une telle industrie a pris son envol en France, avec la production d’automobiles bon marché (comme la légendaire “2CV” de Citroën que les Allemands appelaient la “vilaine cane”, la “Dauphine” ou les modèles “R8” de Renault) ou d’appareils électro-ménagers de Moulinex, etc., ensemble de produits qui demeuraient très en-dessous des standards allemands. La force de la France avait été ses réserves d’or; celle de l’Allemagne, la production d’excellents produits de précision et de mécanique fine, que l’on pouvait échanger contre de l’or ou des devises.
Anton Zischka écrivit un jour que le retour d’Amérique des réserves d’or françaises —pendant le règne de De Gaulle, au cours des années soixante et à l’instigation de l’économiste Rueff— a été une bonne mesure mais toutefois insuffisante parce que certaines branches de l’industrie de la consommation n’existaient pas encore en France : ce pays ne produisait pas d’appareils photographiques, de machines à écrire, de produits d’optique comme Zeiss-Ikon, d’automobiles solides destinées à l’exportation.
Comme Zischka l’avait théorisé dans son célèbre ouvrage “Sieg der Arbeit” (= “La victoire de l’étalon-travail”), l’or est certes une source de richesse et de puissance nationales, mais cette source demeure statique, tandis que l’étalon-travail constitue un facteur perpétuellement producteur, correspondant à la dynamique de l’époque contemporaine. Les stratèges américains l’avaient bien vu. Ils ont laissé se produire le miracle économique allemand, car ce fut un développement quantitatif, certes spectaculaire, mais trompeur. A un certain moment, au bout de quelques décennies, ce miracle devait trouver sa fin car tout développement complémentaire de l’industrie allemande ne pouvait se produire qu’en direction de l’espace balkanique, du bassin de la Mer Noire et du Proche-Orient.
Dans ce contexte si riche en conflits réels ou potentiels, dont les racines si situent à la fin du 19ième siècle, les instruments qui ont servi, depuis plusieurs décennies, à coloniser et à mettre hors jeu l’Allemagne et, partant, l’Europe entière, sont les suivants :
- La Mafia et les drogues
Pour en arriver à contrôler l’Europe, les services secrets américains ont toujours téléguidés diverses organisations mafieuses. Selon le spécialiste actuel des mafias, le Français Xavier Raufer, le “tropisme mafieux” de la politique américain a déjà une longue histoire derrière lui: tout a commencé en 1943, lorsque les autorités américaines vont chercher en prison le boss de la mafia Lucky Luciano, originaire de Sicile, afin qu’il aide à préparer le débarquement allié dans son île natale et la conquête du Sud de l’Italie. Depuis lors, on peut effectivement constater un lien étroit entre la mafia et les services spéciaux des Etats-Unis. En 1949, lorsque Mao fait de la Chine une “république populaire”, l’armée nationaliste chinoise du Kuo-Min-Tang se replie dans le “Triangle d’Or”, une région à cheval sur la frontière birmano-laotienne. Les Américains souhaitent que cette armée soit tenue en réserve pour mener ultérieurement d’éventuelles opérations en Chine communiste. Le Congrès se serait cependant opposé à financer une telle armée avec l’argent du contribuable américain et, de surcroît, n’aurait jamais avalisé une opération de ce genre. Par conséquent, la seule solution qui restait était d’assurer son auto-financement par la production et le trafic de drogue. Pendant la guerre du Vietnam, certaines tribus montagnardes, comme les Hmongs, ont reçu du matériel militaire payé par l’argent de la drogue. Avant la prise du pouvoir par Mao en Chine et avant la guerre du Vietnam, le nombre de toxicomanes était très limité: seuls quelques artistes d’avant-garde, des acteurs de cinéma ou des membres de la “jet society” avant la lettre consommaient de l’héroïne ou de la cocaïne : cela faisait tout au plus 5000 personnes pour toute l’Amérique du Nord. Les médias téléguidés par les services ont incité à la consommation de drogues et, à la fin de la guerre du Vietnam, l’Amérique comptait déjà 560.000 drogués. Les mafias chinoise et italienne ont pris la logistique en main et ont joué dès lors un rôle important dans le financement des guerres impopulaires.
L’alliance entre la Turquie et les Etats-Unis a permis à un troisième réseau mafieux de participer à cette stratégie générale, celui formé par les organisations turques, qui travaillent en étroite collaboration avec des sectes para-religieuses et avec l’armée. Elles ont des liens avec des organisations criminelles similaires en Ouzbékistan voire dans d’autres pays turcophones d’Asie centrale et surtout en Albanie. Les organisations mafieuses albanaises ont pu étendre leurs activités à toute l’Europe à la suite du conflit du Kosovo, ce qui leur a permis de financer les unités de l’UÇK. Celles-ci ont joué le même rôle dans les Balkans que les tribus Hmongs au Vietnam dans les années 60. Elles ont préparé le pays avant l’offensive des troupes de l’OTAN.
Par ailleurs, le soutien médiatique insidieux, apporté à la toxicomanie généralisée chez les jeunes, poursuit un autre objectif stratégique, celui de miner l’enseignement, de façon à ce que l’Europe perde un autre de ses atouts : celui que procuraient les meilleurs établissements d’enseignement et d’éducation du monde, qui, jadis, avaient toujours aidé notre continent à se sauver des pires situations.
Dans toute l’Europe, les forces politiques saines doivent lutter contre les organisations mafieuses, non seulement parce qu’elle sont des organisations criminelles, mais aussi parce qu’elles sont les instruments d’un Etat, étranger à l’espace européen, qui cultive une haine viscérale à l’égard de l’identité européenne. La lutte contre les organisations mafieuses implique notamment de contrôler et de réguler les flux migratoires en provenance de pays où la présence et l’influence de mafias se fait lourdement sentir (Turquie, Albanie, Ouzbékistan, etc.).
- Les multinationales
Depuis les années 60, les multinationales sont un instrument du capitalisme américain, destiné à contraindre les autres Etats à ouvrir leurs frontières. Sur le plan strictement économique, le principe qui consiste à favoriser l’essaimage de multinationales conduit à des stratégies de “délocalisations”, comme on le dit dans le jargon néo-libéral. Ces stratégies de délocalisation sont responsables des taux élevés de chômage. Même dans le cas de produits en apparance peu signifiants ou anodins, tels les jouets ou les bonbons, les multinationales ont détruit des centaines de milliers d’emplois. Exemple: les voitures miniatures étaient, jadis, dans mon enfance, fabriquées généralement en Angleterre, comme les Dinky Toys, les Matchbox et les Corgi Toys. Aujourd’hui, les miniatures de la nouvelle génération, portant parfois la même marque, comme Matchbox, nous viennent de Thaïlande, de Chine ou de Macao. A l’époque de son engouement pour l’espace politique national-révolutionnaire, le sociologue allemand Henning Eichberg, aujourd’hui exilé au Danemark, écrivait, avec beaucoup de pertinence, dans la revue berlinoise “Neue Zeit”, que nous subissions “une subversion totale par les bonbons” (“Eine totale Subvertierung durch Bonbons”). En effet, les douceurs et sucreries pour les enfants ne sont plus produites aux niveaux locaux, ou confectionnées par une grand-mère pleine d’amour, mais vendues en masse, dans des drugstores ou des pompes à essence, des supermarchés ou des distributeurs automatiques, sous le nom de “Mars”, “Milky Way” ou “Snickers”. Ce ne sont plus des grand-mères ou des mamans qui les confectionnent, mais des multinationales sans cœur et tout en chiffres et en bilans, gérés par d’infects technocrates qui les vendent dans tous les coins et les recoins de la planète. A combien de personnes ces stratégies infâmes ont-elles coûté l’emploi, ont-elles ôté le sens à l’existence?
Dans l’Europe entière, les forces politiques saines, si elles veulent vraiment lutter contre le chômage de masse, doivent refuser toutes les logiques de délocalisations et protéger efficacement les productions locales.
- Le néo-libéralisme comme idéologie
Le néo-libéralisme est l’idéologie économique de la globalisation. L’écrivain et économiste français Michel Albert a constaté, au début des années 90, que le néo-libéralisme, héritage des gouvernements de Thatcher et de Reagan, correspond en pratique à une négation quasi complète de tout investissement local (régional, national, transnational dans un cadre continental semi-autarcique et auto-centré, etc.). Michel Albert réagissait contre cette nouvelle pathologie politique, qui consistait à vouloir imiter à tout prix la gestion thatcherienne et les “reaganomics” et préconisait de remettre à l’ordre du jour les politiques “ordo-libérales”. L’“ordo-libéralisme” ou “modèle rhénan” (dans le vocabulaire de Michel Albert), n’est pas seulement allemand ou “rhénan” mais aussi japonais, suédois, partiellement belge (les structures patrimoniales des vieilles industries de Flandre ou de Wallonie) ou français (les grandes entreprises familiales autour des villes de Lyon ou de Lille ou en Lorraine).
Ce “modèle rhénan” privilégie l’investissement plutôt que la spéculation en bourse. L’investissement ne se fait pas qu’en capital-machine dans l’industrie mais aussi, pour Albert, dans les modules de recherche des universités, dans les écoles supérieures professionnelles ou, plus généralement, dans l’enseignement. Conjointement aux idées délétères du mouvement soixante-huitard, l’idéologie néo-libérale a miné les systèmes d’enseignement dans toute l’Europe. En Allemagne, aujourd’hui, la situation est grave. En France, elle est pire, sinon catastrophique. En Angleterre, une initiative citoyenne, baptisée “Campaign for Real Education”, revendique actuellement, auprès des enseignants et des associations de parents, la revalorisation de la discipline à l’école, afin d’améliorer le niveau des études et les capacités linguistiques (en langue maternelle) des enfants. Le géopolitologue Robert Strauss-Hupé, qui œuvrait dans les cénacles intellectuels gravitant jadis autour de Roosevelt, avait planifié la destruction des forces implicites du vieux continent européen, dans un programme destiné à l’Allemagne et à l’Europe, au même moment où Morgenthau concoctait ses plans pour une pastoralisation générale et définitive de l’espace germanique. Selon ce Strauss-Hupé, il fallait briser à jamais l’homogénéité ethnique des pays européens et ses systèmes d’éducation. Pour réaliser ce projet au bout de quelques décennies, les spéculations anti-autoritaires de pédagogues éthérés, la consommation de drogues et l’idéologie de 68 ont joué un rôle-clef. En évoquant ces faits, quelques voix chuchotent que le philosophe Herbert Marcuse, idole des soixante-huitards, aurait travaillé pour l’ “Office for Strategic Studies” (OSS), l’agence américaine de renseignement qui a précédé la célèbre CIA.
Dans toute l’Europe, les forces politiques saines devraient militer aujourd’hui pour réaffirmer l’existence d’un système ordo-libéral de facture “rhénane” (selon Albert), c’est-à-dire un système économique qui investit au lieu de spéculer et qui apporte son soutien à l’école et aux universités, sans négliger les autres secteurs non marchands, comme les secteurs hospitalier et culturel, car les piliers porteurs non marchands de toute société ne peuvent être mis à disposition ni être sacrifié à la seule économie. Ces secteurs non marchands soudent les communautés populaires, créent une fidélité à l’Etat dans toutes les catégories sociales. Le néo-libéralisme ne soude pas, il dé-soude, il ne génère aucune fidélité et fait régner la loi de la jungle.
- Les médias
L’Europe est également tenue sous la coupe d’un système médiatique qui, in fine, est téléguidé par certains services étrangers, qui veillent à susciter les “bonnes” émotions au bon moment. Ces médias façonnent la mentalité contemporaine et visent à exclure du débat tout esprit indépendant et critique, surtout si ces esprits critiques sont effectivement critiques parce qu’ils pensent en termes d’histoire et de tradition. En effet, les esprits détachés du temps et de l’espace, sans feu ni lieu (Jacques Ellul), représentent ce que l’on appelle en Allemagne “die schwebende Intelligenz”, l’intelligentsia virevoltante, qui est justement cette forme d’intelligentsia dont l’américanisation et la globalisation ont besoin. La domination de l’Europe par des instruments médiatiques a commencé immédiatement après la seconde guerre mondiale, notamment quand une revue, apparemment anodine dans sa forme et sa présentation, “Sélection du Reader’s Digest”, a été répandue dans toute l’Europe et dans toutes les langues, quand la France de 1948 fut contrainte de faire jouer dans toutes ses salles de cinéma des films “made in USA”, sinon elle ne recevait pas les fonds du Plan Marshall. Le gouvernement Blum a accepté ce diktat, qui signait l’arrêt de mort du cinéma français.
Quand l’ancien créateur cinématographique Claude Autant-Lara, classé à gauche au temps de sa gloire, fut élu au Parlement Européen sur les listes du nationaliste français Jean-Marie le Pen, il reçut le droit de prononcer le discours inaugural de l’assemblée, vu qu’il en était le doyen. Il saisit cette opportunité pour condamner, du haut de la tribune de Strasbourg, la politique américaine qui a toujours consisté à imposer systématiquement les films d’Hollywood, pour torpiller les productions nationales des pays européens. Les chansons, les modes, les drogues, la télévision (avec CNN), l’internet sont autant de canaux qu’utilise la propagande américaine pour effacer la mémoire historique des Européens et d’influencer ainsi les opinions publiques, de façon à ce qu’aucune autre vision du monde autre que celle de l’”American way of Life” ne puisse plus jamais émerger.
Dans toute l’Europe, les forces politiques saines doivent viser à faire financer des médias indépendants, locaux et liés au sol, qui soient à même de fournir au public des messages idéologiquement et politiquement différents. Afin d’empêcher que nos peuples soient abrutis et placés sous influence par des systèmes médiatiques hypercentralisés et téléguidés par une super-puissance étrangère à notre espace. Un tel contrôle médiatique s’avère nécessaire dans la perspective des guerres du futur, qui seront des “guerres cognitives”, dont l’objectif sera d’influencer les peuples et de rendre les “audiences étrangères” (“enemy/alien audiences” dans le jargon de la CIA ou de la NSA) perméables au discours voulus par les services spéciaux de Washington, afin qu’aucune autre solution à un problème de politique internationale ne puisse être considérée comme “morale” ou “acceptable”.
- Les moyens militaires
On affirme généralement que la puissance des Etats-Unis est essentiellement une puissance maritime. Les puissances mondiales, qui sont simultanément des puissances maritimes (des thalassocraties), sont généralement “bi-océaniques”: on veut dire par là qu’elles ont des “fenêtres” sur deux océans. L’objectif de la guerre que les Etats-Unis ont imposé au Mexique en 1848 était de se tailler une vaste fenêtre donnant sur l’Océan Pacifique, pour pouvoir ensuite accéder, à court ou à moyen terme, aux marchés de Chine et d’Extrême-Orient et d’en faire des marchés exclusivement réservés aux productions américaines. Lorsque l’Amiral américain Alfred Thayer Mahan s’efforce à la fin du 19ième siècle de faire de la “Navy League” un instrument pour promouvoir dans les esprits et dans les actes l’impérialisme américain, il poursuivait simultanément l’objectif de faire de la flotte américaine, qui était alors en train de se développer, un monopole militaire exclusif: seule cette flotte aurait le droit de s’imposer sur la planète sans souffrir la présence de concurrents. Son but politique et stratégique était de donner aux puissances anglo-saxonnes une “arme d’intervention” globale et ubiquitaire, susceptible de donner à la Grande-Bretagne et aux Etats-Unis un instrument capable de développer une vitesse de déplacement supérieure à tous les autres instruments possibles à l’époque, afin d’assurer le succès de leurs interventions partout dans le monde. Les autres puissances ne pouvant pas posséder d’instruments aussi rapides ou d’une vitesse encore supérieure. Par conséquent, l’objectif visait aussi à enlever à l’avenir aux autres puissances de la planète la possession d’un armement naval similaire ou comparable. La conquête de l’espace maritime du Pacifique a donc eu lieu après celle des côtes californiennes en 1848, pour être plus exact cinquante ans plus tard, lors de la guerre contre l’Espagne qui a abouti à l’élimination de cette puissance européenne dans les Caraïbes et dans les Philippines. L’Allemagne, à l’époque, a repris à son compte la souveraineté sur la Micronésie et a défendu, dans ce cadre, l’île de Samoa, avec sa marine de guerre, contre les prétentions américaines. Entre 1900 et 1917, les Etats-Unis n’ont posé aucun acte décisif, mais la première guerre mondiale leur a donné l’occasion d’intervenir et de vendre du matériel de guerre en telles quantités aux alliés occidentaux qu’au lendemain de la guerre ils n’étaient plus débiteurs du monde mais ses premiers créanciers.
En 1922, les Américains et les Britanniques imposent à l’Allemagne et à leurs propres alliés le Traité de Washington. On ne parle pas assez de ce Traité important, décisif et significatif pour l’Europe toute entière. Il imposait à chaque puissance maritime du monde un tonnage spécifique pour sa flotte de guerre: 550.000 tonnes pour les Etats-Unis et autant pour l’Angleterre; 375.000 tonnes pour le Japon; 175.000 tonnes pour l’Italie et autant pour la France. Versailles avait déjà sonné le glas de la marine de guerre allemande. La France, bien que considérée comme un Etat vainqueur, ne pouvait plus désormais, après le traité de Washington, se donner les moyens de devenir une forte puissance maritime. La réduction à quasi rien du tonnage autorisé de la flotte allemande était en fait, aux yeux de Washington, une vengence pour Samoa et une mesure préventive, pour éliminer la présence du Reich dans le Pacifique. Pourquoi est-il important aujourd’hui de rappeler à tous les clauses du Traité de Washington? Parce qu’avec ce Traité nous avons affaire à un exemple d’école du “modus operandi” américain.
1. Ce procédé a été systématisé par la suite.
2. Les peuples lésés ont tenté en vain d’apporter des réponses à ces mesures qui restreignaient considérablement l’exercice de leur souveraineté. Il suffit de penser au développement de l’aviation civile française, aux temps héroïques où se sont distingués des pilotes exceptionnels comme Jean Mermoz et Antoine de Saint-Exupéry, ou au développement des dirigeables Zeppelin en Allemagne, qui a connu un fin tragique en 1937 à New York quand le “Hindenburg” s’est écrasé au sol en proie aux flammes.
Du “Mistral” aux “Mirages”
Les deux puissances que sont la France et l’Allemagne n’ont pas pu remplacer leurs marines perdues à la suite des clauses du Traité de Washington de 1922 par une “flotte aérienne” adéquate et suffisante. L’objectif général poursuivi par les Américains était de ne tolérer aucune industrie autonome d’armement de haute technologie chez leurs anciens alliés. Après la seconde guerre mondiale, la France et les petites puissances occidentales ont été contraintes d’acheter le vieux matériel de guerre américain pour leurs armées. L’armée française a ainsi été dotée exclusivement de matériels américains. Mais avec l’aide d’ingénieurs allemands prisonniers de guerre, la France a été rapidement en mesure de fabriquer des avions de combat ultra-modernes, comme par exemple les avions à réaction de type “Mistral”.
Après 1945, l’Allemagne n’a plus possédé d’industrie aéronautique digne de ce nom. Fokker, aux Pays-Bas, n’a plus pu qu’essayer de survivre et est finalement resté une entreprise trop modeste pour ses capacités réelles. Sous De Gaulle, les ingénieurs français développent, en coopération avec des collègues allemands, les fameux chasseurs Mirage, concurrents sérieux pour leurs équivalents américains sur le marché mondial. Les chasseurs Mirage III constituaient un développement du “Volksjäger” (“chasseur du peuple”) allemand de la seconde guerre mondiale, le Heinkel 162. En 1975, les Américains forcent les gouvernements des pays scandinaves et bénéluxiens de l’OTAN à acquérir des chasseurs F-16, après avoir convaincu une brochette de politiciens corrompus. Cette décision a eu pour effet que les Français de Bloch-Dassault et les Suédois de SAAB n’ont plus pu opérer de sauts technologiques majeurs, parce que la perte de ce marché intérieur européen ne leur permettait pas de financer des recherches de pointe. Le même scénario s’est déroulé plus récemment, avec la vente de F-16 aux forces aériennes polonaise et hongroise. Depuis ce “marché du siècle”, les avionneurs français et suédois claudiquent à la traîne et ne parviennent plus à se hisser, faute de moyens financiers, aux plus hauts niveaux de la technologie avionique. Si, sur le plan des technologies de l’armement, les Allemands ont eu l’autorisation de construire leurs chars Léopard, c’est parce que l’Amérique est avant tout une puissance maritime et ne s’intéresse pas a priori aux armements destinés aux armées de terre. Les Américains mettent davantage l’accent sur les navires de guerre, les sous-marins, les missiles, les satellites et les forces aériennes.
Dans un article paru dans l’hebdomadaire berlinois “Junge Freiheit”, on apprend que les consortiums américains achètent les firmes qui produisent des technologies de pointe, comme Fiat-Avio en Italie, une branche du gigantesque consortium que représente Fiat et produit des moteurs d’avion; ensuite une entreprise d’Allemagne du Nord qui fabrique des sous-marins et le consortium espagnol “Santa Barbara Blindados”, qui fabrique les chars Léopard allemands pour le compte de l’armée espagnole. De cette manière, les tenants de l’industrie de guerre américaine auront accès à tous les secrets de l’industrie allemande des blindés. Ces manœuvres financières ont pour objectif de contraindre l’Europe à la dépendance, avant qu’elle ne se donne les possibilités d’affirmer son indépendance militaire.
Les organisations militaires qui sont ou étaient sous la tutelle américaine, comme l’OTAN, le CENTO ou l’OTASE, ne servaient qu’à une chose: créer un marché pour les armes américaines déclassées, notamment les avions, afin d’empêcher, dans les pays “alliés”, toute éclosion ou résurrection d’industries d’armement indépendantes, capables de concurrencer leurs équivalentes américaines. Les progrès technologiques, qui auraient pu résulter de l’indépendance des industries d’armement en Europe ou ailleurs, auraient sans doute permis la production de systèmes d’armement plus performants pour les “alien armies”, les armées étrangères, ce qui aurait aussi eu pour conséquence de tenir en échec, le cas échéant, la super-puissance dominante, devenue entre-temps la seule superpuissance de la planète, voire de la réduire à la dimension d’une puissance de deuxième ou de troisième rang.
Le réseau “ECHELON”
La crainte de voir des puissances potentiellement hostiles développer des technologies militaires performantes est profondément ancrée dans les têtes du personnel politique dirigeant des Etats-Unis. C’est ce qui explique la nécessité d’espionner les “alliés”. Comme nous l’a très bien expliqué Michael Wiesberg dans les colonnes de l’hebdomadaire berlinois “Junge Freiheit”, le système satellitaire “ECHELON” a été conçu pendant la Guerre Froide en tant que système d’observation militaire, destiné à compléter les moyens de communication existants de l’époque, tels les câbles sous-marins ou les autres satellites utilisés à des fins militaires. Mais sous Clinton, le système “ECHELON” a cessé d’être un instrument purement militaire; très officiellement, il poursuit désormais des missions civiles. Et lorsque des objectifs civils deviennent objets de systèmes d’espionnage de haute technologie, cela signifie que les “alliés” de la super-puissance, hyper-armée, deviennent, eux aussi, à leur tour, les cibles de ces écoutes permanentes. Dans un tel contexte, ces “alliés” ne sont plus des “alliés” au sens conventionnel du terme. La perspective purement politique, telle qu’elle nous fut jadis définie par un Carl Schmitt, change complètement. Il n’existe alors plus d’ennemis au sens “schmittien” du terme, mais plus d’”alliés” non plus, dans le sens où ceux-ci serait théoriquement et juridiquement perçus et traités comme des égaux. Le langage utilisé désormais dans les hautes sphères dirigeantes américaines et dans les services secrets US trahit ce glissement sémantique et pratique: on n’y parle plus d’”ennemis” ou d’”alliés”, mais d’ “alien audiences”, littéralement d’”auditeurs étrangers”, de “destinataires [de messages] étrangers”, qui doivent être la cible des services de propagande américains, qui ont pour mission de les rendre “réceptifs” et dociles.
Que signifie ce glissement, cette modification, sémantique, en apparence anodine? Elle signifie qu’après l’effondrement de l’Union Soviétique, les “alliés” européens sont devenus superflus et ne constituent plus qu’un ensemble de résidus, vestiges d’un passé bien révolu, tant et si bien que l’on peut sans vergogne aller pomper des informations chez eux, qu’on peut les placer sous écoute permanente, surtout dans les domaines qui touchent les technologies de pointe. Les Européens ont déjà pu constater, à leurs dépens, que des firmes françaises et allemandes ont été espionnées par voie électronique ou par le truchement des satellites du système ECHELON. Certaines de ces entreprises avaient mis au point un système de purification des eaux. Comme les informations qu’elles envoyaient par courrier électronique avaient préalablement été pompées, les entreprises concurrentes américaines avaient pu fabriquer les produits à meilleur marché, tout simplement parce qu’elles n’avaient pas investi le moindre cent dans la recherche.
L’appareil étatique américain favorise de la sorte ses propres firmes nationales et pille simultanément les entreprises de ses “alliés”. Cette forme d’espionnage industriel recèle un danger mortel pour nos sociétés civiles, car elle génère un chômage au sein d’un personnel hautement qualifié. Duncan Campbell, un courageux journaliste britannique qui a dénoncé le scandale d’ECHELON, donne, dans son rapport, des dizaines d’exemples de pillages similaires, dans tous les domaines des technologies de pointe. Les Etats-Unis, cependant, ne sont pas les seuls à participer au réseau satellitaire d’espionnage ECHELON; la Grande-Bretagne, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande y participent aussi, si bien qu’une question importante se pose à nous: le Royaume-Uni constitue-t-il une puissance européenne loyale? Le Général de Gaulle n’avait-il pas raison quand il disait que la “relation spéciale” (“special relationship”) entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne était derechef hostile au continent européen, et le resterait à jamais?
◊ ◊ ◊
Lorsque nous évoquons une “Europe des peuples”,
nous devons avoir en tête deux faisceaux de faits, jouant chacun un rôle important :
◊ 1. Le premier faisceau de faits est de nature culturelle. La culture est ce que l’on doit maintenir intact, dans la mesure du possible, dans le tourbillon incessant des modèles divergents que nous propose la modernité. Nous en sommes bien évidemment conscients, nous plus que beaucoup d’autres. Mais cette conscience, qui est la nôtre, recèle un grand danger, propre de tout combat culturel : celui de transformer tout héritage culturel en un fatras “muséifié” ou de percevoir toute activité culturelle comme un simple passe-temps. La défense de nos héritages culturels ne peut en aucun cas être “statique”, dépourvue de dynamisme. Toute culture vivante possède une dimension politique, économique et géopolitique.
◊ 2. Second faisceau de faits : le peuple, en tant que substrat ethnique porteur et créateur/fondateur de culture, ne peut jamais, au grand jamais, être mis à disposition par la classe politique dominante. Ce substrat populaire fait émerger, au fil du temps, une culture et une littérature spécifiques et non aliénables, produits d’une histoire particulière. Il génère également un système économique spécifique, qui est tel et non autre. Toute forme économique nait et s’inserre dans un espace particulier, est une émanation d’une époque particulière. Par voie de conséquence, toute économie viable ne peut s’inscrire dans un schéma conceptuel qui se voudrait d’emblée “international” ou “universel”. Perroux, Albertini et Silem, les grands théoriciens français de l’économie et de l’histoire économique, insistent justement sur la dimension historique des systèmes économiques, sans oublier les grands théoriciens des systèmes autarciques. Pour clarifier leurs propos si pertinents, ils ont classés l’ensemble des systèmes en deux catégories didactiques : les “orthodoxes”, d’une part, les “hétérodoxes”, d’autres part.
“Orthodoxes” et “hétérodoxes” en théorie économique
Les “orthodoxes” sont les libéraux de l’école d’Adam Smith (les “libéraux manchesteriens”) et les marxistes, qui pensent sur base de concepts “universels” et veulent implanter les mêmes modèles et catégories partout dans le monde. Ils sont en fait les ancêtres philosophiques des araseurs globalistes d’aujourd’hui. Les “hétérodoxes” en revanche mettent l’accent sur les particularités de chaque système économique. Ils sont les héritiers de l’”école historique” allemande, et d’économistes tels Rodbertus, Schmoller et de Laveleye. Sous la République de Weimar, le “Tat-Kreis” et la revue “Die Tat”, avec des héritiers de cette école comme Ferdinand Fried et Ernst Wagemann, ont poursuivi cette quête et approfondi cette veine intellectuelle. Comme nous venons de le dire, pour les “hétérodoxes” et les tenants de l’école historique, chaque espace économique est lié à un lieu et est le fruit d’une histoire particulière, que l’on ne peut pas tout bonnement mettre entre parenthèse et ignorer. L’histoire et l’économie façonnent les institutions, qui sont liées à un substrat ethnique, à un lieu et à une époque, des institutions qui font fonctionner une économie de manière telle et non autre. Nous percevons très nettement, ici, pourquoi l’UE a connu jusqu’ici l’échec, et le connaîtra encore dans l’avenir: elle n’a jamais emprunté cette voie hétérodoxe. Nous, bien évidemment, nous optons pour cette approche hétérodoxe de l’économie, dans le sens où l’entendent Perroux, Silem et Albertini. L’économie est le “nomos” de l’”oikos”, ce qui signifie qu’elle est la mise en forme d’un lieu de vie spécifique, où j’habite, moi, en tant que “façonneur” potentiel du politique, avec les miens. D’après l’étymologie même du mot économie, il n’y a pas d’économie sans lieu (**). Une économie universelle n’existe pas par définition.
Revenons à la géopolitique. Par définition, la discipline, que constitue la “géopolitique”, traite de l’influence des facteurs géographiques/spatiaux sur les ressorts éternels de la politique, à l’intérieur d’une aire donnée. Les facteurs spatiaux, immédiats et environnants, influencent bien entendu la manière de pratiquer l’économie dans les limites de l’”oikos” lui-même. S’il nous paraît utile et équilibrant de conserver ces modes hérités de pratiquer l’économie, et de ne pas les remplacer par des règles qui seraient soi-disant applicables sans faille à tous les lieux du monde, alors nous pouvons parler d’un principe “autarcique”, quand l’économie se donne pour but d’être et de rester auto-suffisante. La notion d’autarcie économique n’implique pas nécessairement que l’on constitue à terme un “Etat commercial fermé” (l’interprétation étroite de l’idée conçue par Fichte). A l’heure actuelle, la notion d’autarcie devrait viser un équilibre entre une ouverture raisonnable des frontières commerciales et la pratique tout aussi raisonnable de fermetures ad hoc, afin de protéger, comme il se doit, les productions indigènes. Une notion actualisée d’autarcie vise un “auto-centrage” bien balancé de toute économie nationale ou “grand-spatiale” (“großräumisch”/”reichisch”), ainsi que l’avait théorisé avec brio André Grjébine, un disciple de François Perroux.
De Frédéric II à Friedrich List
Friedrich List s’était fait l’avocat, au 19ième siècle, des systèmes économiques indépendants. C’est lui qui a forgé, par ses idées et plans, les économies modernes de l’Allemagne, des Etats-Unis, de la France et de la Belgique, et partiellement aussi de la Russie à l’époque du ministre du Tsar Serguëi Witte, l’homme qui, à la veille de la première guerre mondiale, a modernisé l’empire russe. L’idée principale de List était de lancer le processus d’industrialisation dans chaque pays et de développer de bons systèmes et réseaux de communications. A l’époque de List, ces systèmes et réseaux de communications étaient les canaux et les chemins de fer. De son point de vue, et du nôtre, chaque peuple, chaque aire culturelle ou civilisationnelle, chaque fédération de peuples, a le droit de construire son propre réseau de communication, afin de se consolider économiquement. Dans ce sens, List entendait réaliser les voeux concrets contenus dans le Testament politique de Frédéric II de Prusse.
Le roi de Prusse écrivit en 1756 que la mission majeure de l’Etat prussien dans l’espace de la grande plaine de l’Allemagne du Nord était de relier entre eux par canaux les grands bassins fluviaux, si bien qu’entre la Vistule et la Mer du Nord les communications s’en trouvent grandement facilitées. Ce projet visait à dépasser l’état de discontinuité et de fragmentation de l’espace nord-allemand, qui avait grevé pendant des siècles le destin historique du Saint-Empire. Le système de canaux envisagés réduisait ensuite la dépendance de cette plaine par rapport à la mer. En son temps, List développa également le projet de relier à l’Atlantique les grands lacs situés au centre du continent nord-américain. Il encouragea les Français à construire un canal entre l’Atlantique et la Méditerranée, afin de relativiser la position de Gibraltar. Il donna aussi le conseil au roi des Belges, Léopold I de Saxe-Cobourg, de relier les bassins de l’Escaut et de la Meuse à celui du Rhin. Ainsi, successivement, l’Etat belge a fait creuser plusieurs canaux, dont le “Canal du Centre”, le Canal Anvers-Charleroi et, beaucoup plus tard seulement, le Canal Albert (en 1928), couronnement de ce projet germano-belge du 19ième siècle. List conseilla à tous de construire des lignes de chemin de fer, afin d’accélérer partout les communications. Ce sont surtout l’Allemagne et les Etats-Unis qui doivent à ce grand ingénieur et économiste d’être devenus de grandes puissances industrielles.
Du droit inaliénable à déployer ses propres moyens électroniques
Les puissances thalassocratiques ne peuvent en aucun cas tolérer de tels dévelopements dans les pays continentaux. Les Anglais craignaient, aux 19ième et 20ième siècles, que l’élément constitutif de leur puissance, c’est-à-dire leur flotte, perdrait automatiquement de son importance en cas d’amélioration des voies navigables intra-continentales et des chemins de fer. La presse anglaise s’était insurgée contre la construction, par les Français, du grand canal entre l’Atlantique et la Méditerranée. En 1942, cette même presse londonienne publie une carte pour expliciter à son public les dangers que recèlerait la construction d’une liaison entre le Rhin, le Main et le Danube. Dans son ouvrage du plus haut intérêt, intitulé “Präventivschlag”, Max Klüver nous rappelle que les services spéciaux britanniques avaient planifié et commencé à exécuter des missions de sabotage contre les ponts sur le Danube en Hongrie et en Roumanie. La Guerre Froide —il suffit de lire une carte physique de l’Europe— avait également pour objectif de couper les communications fluviales sur l’Elbe et le Danube, afin d’empêcher toute dynamique entre la Bohème et l’Allemagne du Nord et entre le complexe bavaro-autrichien et l’espace balkanique. La guerre contre la Serbie en 1999 a servi, entre autres choses, à bloquer tout trafic sur le Danube et à empêcher l’éclosion d’un système de communication à voies multiples entre la région de Belgrade et la Mer Egée. Les idées de List restent tout à fait actuelles et mériteraient bien d’être approfondies et étoffées, notamment en incluant dans leurs réflexions sur l’autarcie et l’indépendance économique la technologie nouvelle que représentent aujourd’hui les systèmes satellitaires. Tout groupe de peuples, toute fédération comme l’UE par exemple, devrait disposer du droit, inaliénable, de déployer ses propres moyens et systèmes électroniques, afin de renforcer sa puissance industrielle et économique.
Pour observer de réelles actualisations des théories de List, qui, en Europe, sont refoulées voire “interdites” comme presque toutes les doctrines “hétérodoxes”, nous devons tourner nos regards vers l’Amérique latine. Sur ce continent, travaillent et enseignent des disciples de List et de Perroux. Lorsque ces théoriciens et économistes latino-américains parlent de s’émanciper de la tutelle américaine, ils utilisent le concept de “continentalisme”. Ils désignent par là un mouvement politique présent sur l’ensemble du continent ibéro-américain et capable de rassembler et de fédérer toutes les forces souhaitant se dégager de la dépendance imposée par Washington. L’Argentine, par exemple, a développé des idées et des idéaux autarcistes bien étayés dès l’époque du Général Péron. Avant que les forces transnationales du monde bancaire aient ruiné le pays en utilisant tous les trucs possibles et imaginables, l’Argentine bénéficiait d’une réelle indépendance alimentaire, grâce à sa surproduction de céréales et de viandes, destinées à l’exportation. Cette puissance civile constituait une épine dans le pied de la politique américaine. L’Argentine avait aussi, notamment grâce à l’aide d’ingénieurs allemands, pu développer une industrie militaire complète et bien diversifiée. En 1982, les pilotes argentins se servaient d’avions de combat fabriqués en Argentine même, les fameux “Pucaras”, qui détruisirent des navires de guerre britanniques lors de la Guerre des Malouines. Cette politique d’autonomie bien poursuivie fait de l’idéologie péroniste, qui l’articule, l’ennemi numéro un des Etats-Unis en Amérique ibérique, et plus particulièrement dans le “cône sud”, depuis plus de soixante ans. Les nombreuses crises, créées de toutes pièces, qui ont secoué la patrie du Général Péron, ont réduit à néant les pratiques autarciques, pourtant si bien conçues. Une expérience très positive a connu une fin misérable, ce qui est un désastre pour l’humanité entière.
Ceux qui veulent aujourd’hui poursuivre une politique européenne d’indépendance, en dehors de tous les conformismes suggérés par les médias aux ordres, doivent articuler les six points suivants pour répondre à la politique de globalisation voulue par les Etats-Unis:
Point 1 : Abandonner le néo-libéralisme, retrouver l’ordo-libéralisme !
L’économie doit à nouveau reposer sur les principes du “modèle rhénan” (Michel Albert) et retrouver sa dimension “patrimoniale”. La démarche principale pour retourner à ce modèle “rhénan” et patrimonial, et réétablir ainsi une économie de marché ordo-libérale, consiste à investir plutôt qu’à spéculer. Lorsque l’on parle d’investissement, cela vaut également pour les établissements d’enseignement, les universités et la recherche. Une telle politique implique également le contrôle des domaines stratégiques les plus importants, comme au Japon ou aux Etats-Unis, ce que pratique désormais le Président Poutine en Russie post-communiste. Poutine, en effet, vient de prier récemment l’oligarque Khodorovski, d’investir “patriotiquement” sa fortune dans des projets à développer dans la Fédération de Russie, plutôt que de les “placer” à l’étranger et d’y spéculer sans risque. L’eurocratie bruxelloise, elle, a toujours refusé une telle politique. Récemment, le député du Front National français Bruno Gollnisch a proposé une politique européenne selon trois axes: 1) soutenir Airbus, afin de développer une industrie aéronautique européenne indépendante de l’Amérique; 2) développer “Aérospace” afin de doter l’Europe d’un système satellitaire propre; 3) soutenir toutes les recherches en matières énergétiques afin de délivrer l’Europe de la tutelle des consortia pétrolier dirigés par les Etats-Unis. Un programme aussi clair constitue indubitablement un pas dans la bonne direction!
Point 2 : Lutter pour soustraire l’Europe à l’emprise et l’influence des grandes agences médiatiques américaines !
Pour nous rendre indépendants des grandes agences médiatiques américaines, qui interprètent la réalité ambiante de la scène internationale dans des perspectives qui vont à l’encontre de nos propres intérêts, l’Europe doit donc développer une politique spatiale, ce qui implique une étroite coopération avec la Russie. Sans la Russie, nous accusons un retard considérable en ce domaine. Pendant des décennies, la Russie a rassemblé un savoir-faire considérable en matières spatiales. La Chine et l’Inde sont prêtes, elles aussi, à participer à un projet commun dans ce sens. Mais, pour pouvoir combattre le plus efficacement qui soit le totalitarisme médiacratique que nous imposent les Etats-Unis, nous avons besoin d’une révolution intellectuelle et spirituelle, d’une nouvelle métapolitique, qui briserait la fascination dangereuse qu’exerce l’industrie américaine de la cinématographie et des loisirs. Si les productions européennes présentent une qualité et attirent le public, tout en conservant la diversité et la pluralité des cultures européennes au sens où l’entendait Herder, nous serions en mesure de gagner la “guerre cognitive”, comme l’appellent aujourd’hui les stratégistes français. Toute révolution spirituelle a besoin de fantaisie, de créativité, d’un futurisme rédempteur et, surtout, d’une certaine insolence dans la critique, comme le démontre l’histoire d’une feuille satirique allemande d’avant 1914, le “Simplicissimus”. Un esprit d’insolence, lorsqu’il fait mouche, aide à gagner la “guerre cognitive”.
Point 3 : Les principes de politique étrangère
ne devraient pas être ceux qu’induit et prêche l’Amérique sans arrêt
L’Europe doit imposer ses propres concepts en politique extérieure, en d’autres termes rejeter l’universalisme de Washington, que celui-ci s’exprime sur le mode du “multilatéralisme”, comme le veut Kerry, ou de l’”unilatéralisme”, tel que Bush le pratique en Irak. Pour une Europe, qui ne serait plus l’expression de l’eurocratie bruxelloise, aucun modèle ne devrait être considéré comme universellement valable ou annoncé comme tel. Que deux faisceaux de principes soient rappelés et cités ici :
◊ Armin Mohler, décédé en juillet 2003, parlait de la nécessité de donner une interprétation et une pratique allemandes au gaullisme, dans la mesure, écrivait-il dans son ouvrage “Von rechts gesehen” (= “Vu de droite”), où l’Europe devrait sans cesse s’intéresser aux —et protéger— (les) pays que les Américains décrètent “rogue states” (= “Etats voyous”). Lorsqu’Armin Mohler écrivit ses lignes sur le gaullisme, l’Etat-voyou par excellence, dans la terminologie propagandiste américaine, était la Chine. Au même moment, dans le camp “national-européen”, Jean Thiriart et les militants de son mouvement “Jeune Europe” à Bruxelles, disaient exactement la même chose. En Allemagne, Werner Georg Haverbeck, à Vlotho, tentait, dans son “Collegium Humanum” de répandre dans les milieux intellectuels allemands une information plus objective sur la Chine. La reine-mère en Belgique, Elisabeth von Wittelsbach, pour s’opposer ostensiblement à la “Doctrine Hallstein” de l’OTAN, entreprit à l’époque de faire un voyage en Chine. Tous furent affublés de l’épithète disqualifiante de “crypto-communistes”. Or, orienter la politique internationale de l’Europe selon certains modèles chinois n’est nullement une idiotie ou une aberration.
◊ Cette “sinophilie” des années 50 et 60 nous amène tout naturellement à réflechir sur un modèle que l’Europe pourrait parfaitement imiter, au lieu de suivre aveuglément les principes et les pratiques de l’universalisme américain. Ce modèle est celui que la Chine propose aujourd’hui encore, après la parenthèse paléo-communiste:
è Aucune immixtion d’Etats tiers dans les affaires intérieures d’un autre Etat. Cela signifie que l’idéologie des droits de l’homme ne peut être utilisée pour susciter des conflits au sein d’un Etat tiers. Le Général Löser, qui, immédiatement avant la chute du Mur, militait en Allemagne pour une neutralisation de la zone centre-européenne (Mitteleuropa), défendait des points de vue similaires.
è Respect de la souveraineté des Etats existants.
è Ne jamais agir pour ébranler les fondements sur lesquels reposaient les stabilités des Etats.
è Continuer à travailler à la coexistence pacifique.
è Garantir à chaque peuple la liberté de façonner à sa guise son propre système économique.
Cette philosophie politique chinoise repose sur les travaux d’auteurs classiques comme Sun Tzu ou Han Fei et sur le Tao Te King. Cette pensée recèle des arguments clairs comme de l’eau de roche, sans rien avoir à faire avec ce moralisme délétère qui caractérise l’articulation dans les médias de l’universalisme américain.
Point 4 : S’efforcer d’être indépendant sur le plan militaire
La tâche principale d’un mouvement de libération contientale dans toute l’Europe serait de viser la protection sans faille de l’industrie de l’armement et d’éviter que les firmes existantes ne tombent aux mains de consortia américains tels “Carlyle Incorporation”. Fiat Avio en Italie, la dernière firme qui construisait des sous-marins en Allemagne, le consortium espagnol “Santa Barbara Blindados” viennent tout juste de devenir américains par le truchement de spéculations boursières. Autre tâche: privilégier systématiquement l’Eurocorps au lieu de l’OTAN, tout en transformant cet “Eurocorps” en une armée populaire de type helvétique, soit en une milice, comme l’avaient voulu Löser en Allemagne, Spannocchi en Autriche et Brossolet en France. L’OTAN n’a en effet plus aucune raison d’exister depuis que l’Allemagne et l’Europe ont été réunifiées en 1989. Dans la foulée de la disparition du Rideau de Fer, les Européens ont raté une chance historique de façonner un ordre mondial selon leurs intérêts. C’est pourquoi la belle idée d’un “Axe Paris-Berlin-Moscou” vient sans doute trop tard. Troisième tâche : construire une flotte européenne dotée de porte-avions. Quatrième tâche : lancer un système satellitaire européen, afin que l’Europe puisse enfin disposer d’une arme pour mener tout à la fois les guerres militaires et les guerres culturelles/cognitives. Ce qui nous conduit à énoncer le point 5.
Point 5 : Combattre le réseau ECHELON
En tant que système d’observation et d’espionnage au service de la Grande-Bretagne, de l’Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande et des Etats-Unis, ECHELON est une arme dirigée contre l’Europe, la Russie, l’Inde, la Chine et le Japon. Il incarne l’idée dangereuse d’une surveillance totale, comme l’avaient prédite Orwell et Foucault. La pratique américaine et anglo-saxonne d’une surveillance aussi ubiquitaire doit être contrée et combattue par toutes les autres puissances du monde qui en font l’objet. Elle ne peut l’être que par la constitution d’un système équivalent, fruit d’une étroite coopération entre la Russie, l’Europe, l’Inde, la Chine et le Japon. Si ECHELON n’est plus le seul et unique système de ce type, les puissances de la grande masse continentale eurasiatique pourront apporter leur réponse culturelle, militaire et économique. En ECHELON, en effet, fusionnent les opérations culturelles, économiques et militaires qui sont menées partout dans le monde aujourd’hui. La réponse à y apporter réside bel et bien dans la constitution d’un “Euro-Space” en liaison avec le savoir-faire russe accumulé depuis le lancement du premier spoutnik à la fin des années 50.
Point 6 : Pour une politique énergétique indépendante
Pour ce qui concerne la politique énergétique, la voie à suivre est celle de la diversification maximale des sources d’énergie, comme De Gaulle l’avait amorcée en France dans les années 60, lorsqu’il entendait prendre ses distances par rapport à l’Amérique et à l’OTAN. Le Bureau du Plan français voulait à l’époque exploiter toutes les sources d’énergie possibles: éoliennes, solaires, marémotrices, hydrauliques, sans pour autant exclure le pétrole et le nucléaire. La diversification permet de se dégager d’une dépendance trop étroite à l’endroit d’une source d’énergie unique et/ou exclusive. Aujourd’hui, cette politique de diversification reste valable. Ce qui n’exclut pas de participer à un vaste projet de développement des oléoducs et gazoducs eurasiens, de concert avec la Russie, la Chine, les Corées et le Japon. L’objectif majeur est de se dégager de la dépendance à l’égard du pétrole saoudien et, par ricochet, des sources pétrolières contrôlées par les Etats-Unis.
Ces six points ne pourront jamais être réalisés par le personnel politique actuel. Ceci n’est pas une conclusion qui m’est personnelle, fruit d’une aigreur à l’endroit de l’établissement politique dominant. L’analyse, qui conclut à cette incompétence générale du personnel politique établi, existe déjà, coulée dans des ouvrages de référence, solidement charpentés. Ils constituent une source inépuisable d’idées politiques nouvelles, de programmes réalisables. Erwin Scheuch, Hans-Herbert von Arnim, Konrad Adam, la tradition anti-partitocratique italienne, l’oeuvre d’un Roberto Michels, critique des oligarchies, l’oeuvre de l’ancien ministre de Franco, Gonzalo Fernandez de la Mora, nous livrent les concepts de combat nécessaires pour déployer une critique offensive et générale des partitocraties et des “cliques” (Scheuch) en place. Cette critique doit contraindre à terme les “élites sans projet” à laisser le terrain à de nouvelles élites, capable d’apporter les vraies réponses aux problèmes contemporains. Pour finir, il me paraît utile de méditer une opinion émise jadis par Arthur Moeller van den Bruck, qui disait que la politique partisane (la partitocratie) était un mal, parce que les partis s’emparent de l’appareil d’Etat, alors que celui-ci devrait en théorie appartenir à tous; ainsi s’instaure, dit Moeller van den Bruck, un “filtre” entre le peuple réel et le monde de la politique, qui détruit toute immédiateté entre gouvernés et gouvernants.
Seule cette immédiateté, postulée par Moeller van den Bruck, fonde la véritable démocratie, qui ne peut être que populiste et organique. S’il n’y a ni populisme ni organicité en permanence, l’Etat dégénère en une institution rigide et purement formelle, inorganique et dévitalisée.
Cette grande idée de l’immédiateté dans le politique pur permet de réaliser de véritables projets et de démasquer les messages idéologiques qui nous conduisent sur de fausses routes. C’est à la restauration de cette immédiateté que nous entendons oeuvrer.
Robert STEUCKERS,
Forest-Flotzenberg/Friedrichsroda (Thüringen), avril 2004.
(*) Original allemand: R. Steuckers, “Europa der Völker statt US-Globalisierung”, in Veröffentlichungen der Gesellschaft für Freie Publizistik, XX. Kongress-Protokoll 2004, Die Neue Achse. Europas Chancen gegen Amerika, Gesellschaft für Freie Publizistik e. V., Oberboihingen, 2004, ISBN 3-9805411-8-5. Ont également participé à ce Congrès, Dr. Rolf Kosiek, Dr. Dr. Volkmar Weiss, Dr. Walter Post, Prof. Dr. Wjatscheslaw Daschitschew [Viatcheslav Dachitchev], Harald Neubauer, Dr. Pierre Krebs, Dr. Gert Sudholt.
(**) Le mot grec “oikos” est de même racine indo-européenne que le latin “vicus”, signifiant “village”, soit un site bien circonscrit dans l’espace. Le terme latin “vicus” a donné le néerlandais “wijk” (quartier) et le suffixe onomastique anglais “-wich”, comme dans “Greenwich”, par exemple, qui donnerait “Groenwijk” en néerlandais. Le son “w” ou “v” ayant disparu dans le grec classique et s’étant maintenu dans les langues latines et germaniques, la forme originale est “[w/v]oikos”, où l’on reconnaît les deux consonnes, inamovibles, tandis que les voyelles varient. Le “k” est devenu “tch” en anglais, selon les mêmes règles phonétiques qui ont donné le passage de “castellum” (latin) à “castel’ (vieux français), à “cateau” ou “casteau” (picard), à “château” (français moderne); ou encore le passage de “canis” (latin) à “ki” (picard du Borinage) puis à “chien” (français moderne) et à “tché” (wallon de Liège). De “tché”, on passe ensuite au domaine germanique où bon nombre de “k” latins ont donné un “h” aspiré, en passant par le son intermédiaire écrit “ch” en néerlandais et en allemand (exemple: “canis”/ “hond/Hund”; “cervus”/ “cerf” / “hert”/”Hirsch”, etc.). Les noms de peuples suivent aussi la même règle: les “Chattes” de l’antiquité sont devenus les “Hessois” (“Hessen”) d’aujourd’hui, en tenant compte que le “t” se transforme en double “s”, selon les règles des mutations consonantiques, propres aux langues germaniques continentales.
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jeudi, 20 mai 2010
Alfred Thayer Mahan (1840-1914)
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1992
Alfred Thayer MAHAN (1840-1914)
Amiral, historien et professeur à l'US Naval Academy, Alfred Thayer Mahan est né le 27 septembre 1840 à West Point, où son père enseignait à l'Académie militaire. Il fréquente l'US Naval Academy d'Annapolis, sert l'Union pendant la Guerre de Sécession et entame une carrière de professeur d'histoire et de stratégie navales. De 1886 à 1889, il préside le Naval War College. De 1893 à 1895, il commande le croiseur Chicago dans les eaux européennes. Il sert à l'état-major de la marine pendant la guerre hispano-américaine de 1898. En 1902, il est nommé Président de l'American Historical Association. Il meurt à Quogue, dans l'Etat de New York, le 1 décembre 1914. L'œuvre de Mahan démontre l'importance stratégique vitale des mers et des océans. Leur domination permet d'accèder à tous les pays de la planète, parce que la mer est res nullius, espace libre ouvert à tous, donc surtout à la flotte la plus puissante et la plus nombreuse. Le Sea Power, tel que le définit Mahan, n'est pas exclusivement le résultat d'une politique et d'une stratégie militaires mais aussi du commerce international qui s'insinue dans tous les pays du monde. Guerre et commerce constituent, aux yeux de Mahan, deux moyens d'obtenir ce que l'on désire: soit la puissance et toutes sortes d'autres avantages. Ses travaux ont eu un impact de premier ordre sur la politique navale de l'empereur allemand Guillaume II, qui affirmait «dévorer ses ouvrages».
The Influence of Sea Power upon History 1660-1783 (L'influence de la puissance maritime sur l'histoire 1660-1783), 1890
Examen général de l'histoire européenne et américaine, dans la perspective de la puissance maritime et de ses influences sur le cours de l'histoire. Pour Mahan, les historiens n'ont jamais approfondi cette perspective maritime car ils n'ont pas les connaissances navales pratiques nécessaires pour l'étayer assez solidement. La maîtrise de la mer décide du sort de la guerre: telle est la thèse principale de l'ouvrage. Les Romains contrôlaient la mer: ils ont battu Hannibal. L'Angleterre contrôlait la mer: elle a vaincu Napoléon. L'examen de Mahan porte sur la période qui va de 1660 à 1783, ère de la marine à voile. Outre son analyse historique extrêmement fouillée, Mahan nous énumère les éléments à garder à l'esprit quand on analyse le rapport entre la puissance politique et la puissance maritime. Ces éléments sont les suivants: 1) la mer est à la fois res nullius et territoire commun à toute l'humanité; 2) le transport par mer est plus rapide et moins onéreux que le transport par terre; 3) les marines protègent le commerce; 4) le commerce dépend de ports maritimes sûrs; 5) les colonies sont des postes avancés qui doivent être protégés par la flotte; 6) la puissance maritime implique une production suffisante pour financer des chantiers navals et pour organiser des colonies; 7) les conditions générales qui déterminent la puissance maritime sont la position géographique du territoire métropolitain, la géographie physique de ce territoire, l'étendue du territoire, le nombre de la population, le caractère national, le caractère du gouvernement et la politique qu'il suit (politiques qui, dans l'histoire, ont été fort différentes en Angleterre, en Hollande et en France). Après avoir passé en revue l'histoire maritimes des pays européens, Mahan constate la faiblesse des Etats-Unis sur mer. Une faiblesse qui est due à la priorité que les gouvernements américains successifs ont accordé au développement intérieur du pays. Les Etats-Unis, faibles sur les océans, risquent de subir un blocus. C'est la raison pour laquelle il faut développer une flotte. Telle a été l'ambition de Mahan quand il militait dans les cercles navals américains.
The Influence of Sea Power upon the French Revolution and Empire, 1793-1812 (L'influence de la puissance maritime sur la Révolution française et l'Empire français, 1793-1812), 2 vol., 1892
Ce livre d'histoire maritime est la succession du précédent. Il montre comment l'Angleterre, en armant sa marine, a fini par triompher de la France. En 1792, l'Angleterre n'est pas du tout prête à faire la guerre ni sur terre ni sur mer. En France, les révolutionnaires souhaitent s'allier à l'Angleterre qu'ils jugent démocratique et éclairée. Mais, explique Mahan, cet engouement des révolutionnaires français ne trouvait pas d'écho auprès des Anglais, car la conception que se faisaient ces derniers de la liberté était radicalement différente. Pour Mahan, conservateur de tradition anglo-saxonne, l'Angleterre respecte ses traditions et pratique la politique avec calme. Les révolutionnaires français, eux, détruisent toutes les traditions et se livrent à tous les excès. La rupture, explique le stratège Mahan, survient quand la République annexe les Pays-Bas autrichiens, s'emparent d'Anvers et réouvrent l'Escaut. La France révolutionnaire a touché aux intérêts de l'Angleterre aux Pays-Bas.
Le blocus continental, décrété plus tard par Napoléon, ne ruine pas le commerce anglais. Car en 1795, la France avait abandonné toute tentative de contrôler les océans. Dans son ouvrage, Mahan analyse minutieusement la politique de Pitt, premier impulseur génial des pratiques et stratégies de la thalassocratie britannique.
(Robert Steuckers).
- Bibliographie: The Gulf and Inland Waters, 1885; The Influence of Sea Power upon History, 1660-1783, 1890; The Influence of Sea Power upon French Revolution and Empire, 1783-1812, 1892; «Blockade in Relation to Naval Strategy», in U.S. Naval Inst. Proc., XXI, novembre 1895, pp. 851-866; The Life of Nelson. The Embodiment of the Sea Power of Great-Britain, 1897; The Life of Admiral Farragut, 1892; The Interest of America in Sea Power, present and future, 1897; «Current Fallacies upon Naval Subjects», in Harper's New Monthly Magazine, XCVII, juin 1898, pp. 44-45; Lessons of the War with Spain and Other Articles, 1899; The Problem of Asia and its Effect upon International Politics, 1900; The Story of War in South Africa, 1900; Types of Naval Officers, 1901; «The Growth of our National Feeling», in World's Work, février 1902, III, pp. 1763-1764; «Considerations Governing the Disposition of Navies», in The National Review, XXXIX, juillet 1902, pp. 701, 709-711; Sea Power and its Relations to the War of 1812, 1905; Some Neglected Aspects of War, 1907; From Sail to Steam: Recollections of Naval Life, 1907; The Harvest Within, 1907 (expression des sentiments religieux de Mahan); The Interest of America to International Conditions, 1910; Naval Strategy, compared and contrasted with the Principles of Military Operations on Land, 1911; The Major Operations of the Navies in the War of American Independance, 1913; «The Panama Canal and Distribution of the Fleet», in North American Review, CC, sept. 1914, pp. 407 suiv.
- Traductions françaises: L'influence de la puissance maritime dans l'histoire, 1660-1783, Paris, Société française d'Edition d'Art, 1900; La guerre hispano-américaine, 1898. La guerre sur mer et ses leçons, Paris, Berger-Levrault, 1900; Stratégie Navale, Paris, Fournier, 1923; Le salut de la race blanche et l'empire des mers, Paris, Flammarion, 1905 (traduction par J. Izoulet de The Interest of America in Sea Power).
- Correspondance: la plupart des lettres de Mahan sont restées propriété de sa famille; cf. «Letters of Alfred Thayer Mahan to Samuel A'Court Ashe (1858-59)» in Duke Univ. Lib. Bulletin, n°4, juillet 1931.
- Sur Mahan: U.S. Naval Institute Proc., Janvier-février 1915; Army and Navy Journal, 5 décembre 1914; New York Times, 2 décembre 1914; Allan Westcott, Mahan on Naval Warfare, 1918 (anthologie de textes avec introduction et notes); C.C. Taylor, The Life of Admiral Mahan, 1920 (avec liste complète des articles rédigés par Mahan); C.S. Alden & Ralph Earle, Makers of Naval Tradition, 1925, pp. 228-246; G.K. Kirkham, The Books and Articles of Rear Admiral A. T. Mahan, U.S.N., 1929; Allan Westcott, «Alfred Thayer Mahan», in Dictionary of American Biography, Dumas Malone (ed.), vol. XII, Humphrey Milford/OUP, London, 1933; Captain W.D. Puleston, The Life and Work of Captain Alfred Thayer Mahan, New Haven, 1939; H. Rosinski, «Mahan and the Present War», Brassey's Naval Annual, 1941, pp. 9-11; Margaret Tuttle Sprout, «Mahan: Evangelist of Sea Power», in Edward Mead Earle, Makers of Modern Strategy. Military Thought from Machiavelli to Hitler, Princeton, 1944 (éd. franç.: E. M. Earle, Les maîtres de la stratégie, Paris, Berger-Levrault, 1980, Flammarion, 1987); W. Livezey, Mahan on Sea Power, 1947; Pierre Naville, Mahan et la maîtrise des mers, Paris, Berger-Levrault, 1981 (avec textes choisis de Mahan).
- Autres références: H. Hallman, Der Weg zum deutschen Schlachtflottenbau, Stuttgart, 1933, p. 128; Martin Wight, Power Politics, Royal Institute of International Affairs, 1978; Hellmut Diwald, Der Kampf um die Weltmeere, Droemer/Knaur, Munich, 1980; Hervé Coutau-Bégarie, La puissance maritime. Castex et la stratégie navale, Paris, Fayard, 1985.
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mercredi, 19 mai 2010
Il nuovo accordo russo-ucraino: un'interpretazione geopolitica
di Alessio Bini
Fonte: eurasia [scheda fonte]
* Alessio Bini è dottore in Relazioni internazionali (Università di Bologna)
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I fatti in breve
Il Presidente Viktor Janukovič ha mantenuto la parola data: durante la campagna elettorale presidenziale aveva promesso, in caso di vittoria, di condurre le relazioni con il potente vicino russo fuori dalla situazione di stallo che si era venuta a creare durante la presidenza di Viktor Juščenko. La promessa è stata mantenuta e lo scorso 21 aprile si è concretizzata in un nuovo trattato tra i due Paesi. In quell’occasione, il Presidente della Federazione Russa Dmitrij Medvedev ed il suo omologo ucraino Viktor Janukovič si sono incontrati nella città Kharkiv, situata nella parte orientale dell’Ucraina, per stipulare un accordo che segna una nuova ed importante tappa nelle relazioni tra Russia ed Ucraina.
I cosiddetti accordi di Kharkiv sono caratterizzati dalla volontà di tenere unite questioni militari, strategiche ed economiche.
Il trattato ha una dimensione geopolitica che non può e non deve essere sottovalutata. Mosca ottiente un’estensione di 25 anni (vale a dire fino al 2042 con la possibilità di rimanere fino al 2047) del contratto di affitto delle infrastrutture portuali a Sebastopol, città in cui è ormeggiata la sua flotta del Mar Nero mentre Kiev ottiene come contropartita un aumento per quell’affitto (circa 1.8 miliardi di dollari all’anno) e una riduzione per 10 anni del prezzo del gas russo pari a 100 dollari ogni 1000 metri cubi o, nel caso in cui il prezzo dell’oro blu dovesse scendere sotto i 330 dollari ogni 1000 metri cubi, uno sconto del 30%. Poichè i vertici ucraini hanno già fatto sapere che gradirebbero ricevere l’affitto della base di Sebastopol sotto forma di gas, l’intesa è stata ribattezzata ‘gas for fleet deal’.
Questo accordo è paragonabile, per importanza geopolitica, a quello stipulato nel maggio 1997 tra Eltsin e Kučma al fine di mettere termine al contenzioso nato dalle discussioni sul futuro della ex flotta sovietica ancorata a Sebastopol (flotta che contava allora circa 835 vascelli). In quell’occasione la Russia ottenne, tramite contratto di affitto di durata ventennale (con scadenza 2017), la gestione delle infrastrutture portuali cittadine. Curiosamente, ma solo per coloro che non hanno molta dimestichezza con le questioni russo-ucraine, anche allora entrò nelle discussioni la questione del gas: infatti l’Ucraina accettò di trasferire alla Russia buona parte delle navi ottenute dall’accordo di spartizione al fine di coprire parte del debito che si era accumulato nel corso degli anni. Senza alcun intento malizioso, vogliamo ricordare come quelli fossero anni non sospetti: infatti l’Ucraina riceveva gas ad un prezzo veramente basso e Vladimir Putin, accusato oggi da molti di usare con spietato cinismo l’arma delle risorse emergetiche russe al fine di soggiogare i territori ex sovietici, era un personaggio sconosciuto ai più.
I rispettivi parlamenti hanno già ratificato il trattato migliorando il clima tra i due Paesi e rendendo la strada verso altri accordi su questioni strategiche quali l’industria aeronautica e la cooperazione nucleare civile molto meno impervia. A tal proposito è degno di nota quanto affermato da Kostjantyn Gryščenko, attuale Ministro degli esteri ucraino, che parlando della imminente visita del Presidente Russo a Kiev dice di aspettarsi non solo gesti simbolici da parte di Medvedev ma soprattutto concreti passi verso l’implementazione di progetti volti a cementare le relazioni bilaterali in sfere importanti della vita politica ed economica dei due Paesi. Tutto ciò permette alla Russia di mantenere e rafforzare la propria presenza in Ucraina, Paese ritenuto vitale per la propria sicurezza contro i tentativi più o meno dichiarati di accerchiamento da parte dell’Alleanza Atlantica.
Nelle loro dichiarazioni ufficiali entrambi i governi sostengono che l’accordo sia vantaggioso per entrambi e si richiama l’attenzione sui guadagni di natura strategica da parte della Federazione Russa e su quelli di natura economica da parte dell’Ucraina. Si parla infatti di questo accordo come un esempio di win-win situation.
Non è certo nostra intenzione negare che entrambi gli Stati ottengono dei risultati concreti ed importanti, tuttavia, concentrando la nostra attenzione sugli aspetti più propriamente geopolitici ci sembra che dal tavolo dei negoziati emerga una realtà differente e meno bilanciata, una situazione caratterizzata dalla presenza di un ‘vincitore’, cioè Mosca, e di uno ‘sconfitto’, vale a dire Kiev. Riteniamo che tale situazione abbia origine dalla differenza esistente tra la Federazione Russa, uno Stato dotato di una dirigenza che persegue con una certa coerenza gli interessi geopolitici del Paese e l’Ucraina, uno Stato che fin dalla sua indipendenza sembra incapace di esprimere una dirigenza autorevole ed in grado di tracciare prima e promuovere poi gli interessi nazionali e che per questo condanna il proprio Paese a giocare il ruolo di perno piuttosto che di attore geopolitico.
Fin dal principio ci sembra corretto e doveroso chiarire che l’accordo stipulato a Kharkiv il 21 aprile scorso non è ancora stato reso pubblico (e forse non lo sarà mai), di conseguenza l’analisi geopolitica che ci proponiamo di elaborare si baserà, da un lato, su ciò che i protagonisti hanno reso pubblico di tale accordo (vale a dire informazioni utili ed importanti) e, dall’altro, sulle tendenze di medio e lungo periodo che ci sembra caratterizzino le relazioni tra i due Paesi.
Perchè la Russia vince
Dall’accordo stipulato qualche settimana fa a Kharkiv la Federazione Russa ottiene un risultato molto importante, vale a dire la permanenza nel porto si Sebastopol della propria Flotta del mar Nero. L’importanza di questo risultato è difficilmente sottovalutabile e riposa su molti fattori. Innanzittutto il prolungamento dell’affitto ha un significato identitario: volenti o nolenti, il volto di Sebastopol è stato modellato dal popolo russo che ha fondato la città poco dopo la conquista militare del Khanato tataro di Crimea nel 1783 e che vi ha lasciato un’impronta indelebile. A sua volta, la città ed i gesti di eroismo e di sacrificio compiuti dai russi in quel preciso luogo sono entrati a pieno titolo nella mitologia e nella memoria collettiva di questo popolo. Una volta preso atto di tutto ciò si capisce perchè gli abitanti di Sebastopol dichiarino orgogliosamente la propria identità russa e vedano nella Flotta non uno strumento al servizio di politiche neo-imperialiste russe, come qualche commentatore occidentale sostiene, bensì un simbolo in cui identificarsi e di cui essere orgogliosi.
Con molta probabilità la partenza della Flotta nel 2017, anno in cui i russi avrebbero dovuto lasciare Sebastopol secondo quanto pattuito nell’accordo siglato nel 1997, sarebbe stato un vero e proprio choc per l’intera nazione, un evento da evitare a tutti i costi!
Sia chiaro che quanto appena detto non significa che la città, o peggio ancora l’intera penisola di Crimea, debba tornare sotto la sovranità di Mosca, come molti politici e intellettuali russi pensano, ma chiarire come in quell’angolo di mondo l’identità russa sia vissuta come un fatto naturale e che, di conseguenza, ogni tentativo di negare ciò da parte di molti, nazionalisti ucraini in primis, non può che generare tensioni che indeboliscono l’Ucraina e che si irradiano su tutta la regione del mar Nero, una regione importante per la stabilità e la pace mondiale.
Altrettanto importante è il significato strategico della permanenza della Flotta russa a Sebastopol: sebbene della temibile Flotta sovietica e dei suoi 800 e più vascelli rimanga solo il ricordo (e per molti, la nostalgia), i russi a Sebastopol mantengono ancora un dispositivo militare credibile e temibile composto da circa 50 vascelli da guerra e 12 di supporto.
La Flotta russa è più potente di tutte le flotte degli altri Paesi rivieraschi messe assieme e la potenza dei suoi vascelli più importanti potrebbe permetterle di ottenere la vittoria su nemici più potenti.
Tutto ciò permette alla Russia di adempiere ad un triplice compito ritenuto irrinunciabile:
- garantire la sicurezza dei suoi confini meridionali, ritenuti da Mosca un’area altamente instabile e foriera di problemi;
- mantenere un controllo ed una presenza attiva nel bacino del mar Nero al fine di scoraggiare i progetti politici antagonisti sostenuti da altri (Stati e/o Alleanze) e proteggere i propri corridoi energetici esistenti ed in via di progettazione;
- mantenere una posizione ben salda da cui partire per proiettare la propria potenza nel Mar Mediterraneo e nell’Oceano Indiano, bacini su cui Mosca non nasconde la propria volontà di giocare le proprie carte;
Mosca è perfettamente cosciente del fatto che la Flotta del Mar Nero sta diventando sempre più obsoleta (basti dire che è ancora in servizio una nave varata nel lontano 1915) e necessita di investimenti consistenti e mirati. Secondo il parere autorevole di molti esperti di affari militari russi, nei prossimi anni la Flotta dovrebbe ricevere, al fine di sostituire i vascelli più datati, circa 50 navi da guerra di nuova generazione. Se tale ricambio avverrà dipenderà da molti fattori, soprattutto di natura economica.
Quella degli investimenti è quindi una questione strategica centralissima da cui dipenderà la futura credibilità navale russa. Detto ciò, vogliamo comunque ribadire che l’aver mantenuto la base a Sebastopol è un successo strategico indiscutibile che ci mostra come la Russia abbia compreso a fondo il principio secondo cui la geopolitica non ammette vuoti. Nel corso della sua storia Mosca ha più volte toccato con mano tale principio, alcune volte sfruttandolo a proprio favore altre volte subendolo, spesso con conseguenze drammatiche (l’avanzamento della NATO verso l’Europa Orientale durante la fase di debolezza che la Russia ha attraversato negli anni novanta è un esempio che i russi non dimenticheranno tanto facilmente). Nel caso di Sebastopol, la Russia ha capito che se la Flotta russa avesse dovuto lasciare la città nel 2017 la posizione russa nel Mar Nero si sarebbe indebolita a dismisura portando ad un arretramento fino alla costa orientale del bacino. Non solo, dal momento che l’Ucraina non avrebbe avuto le risorse necessarie da investire per subentrare in modo autorevole con la propria marina a quella russa, si sarebbe aperto un vuoto (una vera e propria finestra di opportunità) che altri Stati, o Alleanze, avrebbero riempito tempestivamente al fine di conquistare una posizione che fino a quel momento la presenza russa gli aveva impedito di ottenere.
Last but not least, bisogna prendere in considerazione il significato economico della permanenza della Flotta russa a Sebastopol. Anche in questo caso la Russia sembra proprio aver riportato una vittoria. Come il Presidente Medvedev ha ammesso il prezzo pagato per il rinnovo dell’affitto delle strutture portuali a Sebastopol non è poi così alto. La Russia pagherà ogni anno all’Ucraina 1.8 miliardi di dollari, pagamento che, come già accennato, avverrà non in contanti ma sotto forma di gas.
Inoltre bisogna prendere anche in considerazione altri costi che con l’accordo la Russia non è obbligata a sostenere. Infatti, potendo lasciare il grosso della propria Flotta del Mar Nero a Sebastopol la Russia non è obbligata a fare investimenti massicci al fine di sviluppare la base russa a Novorossijsk e a trovare una soluzione abitativa adeguata per l’equipaggio che attualmente vive a Sebastopol. Chiaramente, poter risparmiare in un momento complesso e difficile come quello in cui ci troviamo a vivere è di per se un elemento di cui andare orgogliosi. Non solo, quel denaro risparmiato può essere usato per investimenti più urgenti come il rinnovo della Flotta. Tutto questo, combinato con la valenza strategica della permanenza a Sebastopol di cui abbiamo detto sopra ci fa capire perchè quella russa è una vera e propria vittoria.
Se veniamo poi alla questione dello sconto sul prezzo del gas applicato dalla Russia all’Ucraina capiamo anche in questo ambito che la Russia non ha dovuto compiere rinunce dolorose, anzi. Come detto, la Russia si impegna a ridurre per 10 anni il prezzo del gas russo per una somma pari a 100 dollari ogni 1000 metri cubi o, nel caso in cui il prezzo dell’oro blu dovesse scendere sotto i 330 dollari ogni 1000 metri cubi, uno sconto del 30%. Qualcuno potrebbe vedere in questo sconto un’abdicazione della Russia (e di GAZPROM) al principio più volte ribadito negli ultimi anni di voler innalzare i prezzi di vendita del gas russo agli ex Paesi sovietici al fine di raggiungere i livelli di mercato ed un’ennesima riprova della strumentalità con cui Mosca usa le proprie risorse energetiche. A ben vedere le cose stanno in modo diverso: il gesto compiuto da Mosca, che il Cremlino ha dipinto come un gesto magnanimo seppur costoso volto ad aiutare concretamente un Paese amico ad uscire dalla crisi, in realtà ha avuto un costo relativamente contenuto. Vediamo di capire perchè: la crisi ha ridotto i consumi in Europa e le compagnie europee hanno chiesto e ottenuto di rivedere al ribasso i prezzi concordati al punto che, ad esempio, alla fine di aprile il Regno Unito pagava 183 dollari ogni mille metri cubi di gas e la Germania 210. Di conseguenza lo sconto che la Russia applica all’Ucraina rende comunque la bolletta di Kiev più costosa rispetto a quella degli acquirenti dell’Unione Europea. Quindi Mosca compie un gesto importante, soprattutto per la propria immagine pubblica, che è costato molto meno di quanto in realtà voglia far credere poichè quello che viene definito uno sconto non fa altro che portare il prezzo del gas venduto all’Ucraina vicino ai livelli pagati dai Paesi europei durante questo periodo di flessione dei consumi.
In conclusione, ci sembra che la Russia stia dimostrando di essere un Paese in grado di perseguire i propri obiettivi geopolitici in modo calibrato ed intelligente, cosa che, come presto cercheremo di dimostrare, l’Ucraina sembra incapace di fare.
Perchè l’Ucraina perde
L’Ucraina è un Paese che si trova ad affrontare una fase decisamente critica della propria esistenza come Stato indipendente. Le difficoltà economiche e la crisi politica in corso ormai da anni si intrecciano senza soluzione di continuità creando una situazione che in certi momenti sembra essere fuori controllo. A farne le spese sono la popolazione, messa all’angolo dalle ristrettezze economiche, e la credibilità del Paese, incapace di proporsi come interlocutore affidabile e soggetto geopolitico attivo che riesce a promuovere i propri interessi nelle relazioni internazionali. Sembra evidente come in questo momento la credibilità del Paese agli occhi di molti Stati sia abbastanza bassa, ed il comportamento defilato dell’Unione Europea e degli USA ne sembrano la riprova.
La nuova amministrazione sta cercando di dare una svolta alla politica interna ed estera del Paese rispetto al vicolo cieco in cui l’avevano condotta il Presidente ed il Primo Ministro precedenti. La volontà di riallacciare i rapporti con la Russia dopo la breve e fallimentare parentesi arancione fa parte di questo progetto. Questo obiettivo ci appare giusto, doveroso e sensato, visto e considerato che la Russia gioca un ruolo importantissimo nelle faccende ucraine (e vice versa). Ciò che invece non ci convince è il modo con cui l’Ucraina si propone e si muove nella politica internazionale. Sebbene sia più che doveroso concedere al nuovo Presidente il beneficio del dubbio, le speranze che egli sappia dare una svolta decisiva al sistema ucraino ci sembrano molto basse. La spiegazione di ciò riposa nel fatto che Janukovič è, in un certo senso, parte del problema (come del resto chi lo ha preceduto) che affligge il Paese e non certo la soluzione. Non dobbiamo mai dimenticare che il potere di Janukovič si basa su una rete di interessi politici, economici e criminali che è totalmente disinteressata delle sorti del Paese e che pensa solo ed esclusivamente al proprio tornaconto personale. Fin dall’indipendenza le istituzioni ucraine sono state così deboli e delegittimate che hanno finito per essere facile preda degli interessi particolari.
Venendo al caso concreto, ci preme ribadire che l’Ucraina detiene una delle reti di distribuzione del gas più sviluppate al mondo e la sua importanza nell’assicurare la sicurezza energetica del Continente europeo è così grande che i progetti russi volti a scavalcare Kiev, cioè il Nord ed il South Stream, non impediranno che il 50% del gas russo continui a transitarvi (attualmente ve ne transita più del 70%). Ora questa vera e propria gallina dalle uova d’oro nelle mani degli ucraini ha un problema: è obsoleta e necessita dunque di investimenti volti a modernizzarla e, perchè no, espanderla. Investimenti che devono anche combinarsi a massicci sforzi volti a rendere il settore economico del Paese meno inefficiente ed affamato di energia. Purtroppo però, ad oggi, non è stato fatto nulla degno di nota ed il gas non è visto come un patrimonio strategico di cui il Paese dovrebbe servirsi al fine di rafforzare la propria posizione geopolitica in un’area del mondo abbastanza problematica bensì continua ad essere trattato come un settore in cui tuffarsi al fine di speculare e guadagnarsi un posto d’onore tra le fila delle elite parassitarie di questo Paese. Ci sembra che l’ultimo accordo stipulato tra Russia ed Ucraina il 21 aprile non faccia altro che confermare quanto appena detto. Vediamo di capire perchè. L’Ucraina si è seduta al tavolo delle trattative al fine di ottenere benefici economici, visto e considerato che la situazione del Paese era ed è tutt’altro che rosea. Poichè la nuova amministrazione non era (e tuttora non è) intenzionata a tagliare la spesa per i servizi sociali (che anzi ha contribuito ad innalzare) ed il Fondo Monetario Internazionale non era pronto a riprendere le discussioni per lo scongelamento dell’ultima tranche di 16,4 miliardi di dollari di un prestito concesso al Paese (la causa del congelamento fu proprio l’innalzamento della spesa sociale proposta dal Partito delle Regioni ed approvata dal parlamento durante il premierato di Julia Timošenko che avrebbe sforato il tetto imposto del 6% al deficit pubblico), l’amministrazione Janukovič individua nella diminuzione del prezzo del gas russo l’unica possibile soluzione a cui il Paese può guardare al fine di risolvere i problemi economici, almeno a breve termine. Dalle trattative tra i due governi scaturisce l’accordo di Kharkiv del 21 aprile.
Ora, ciò che ci porta a dire che l’Ucraina è uscita sconfitta dal tavolo dei negoziati sta nel fatto che riteniamo abbia ottenuto qualcosa, uno sconto sul gas in cambio del prolungamento dell’affitto della base di Sebastopol ai russi, che poteva essere raggiunto senza una concessione così grande ed importante. Come abbiamo già detto nel paragrafo precedente, i Paesi europei hanno rinegoziato il prezzo del gas con la Russia ed alcuni pagano un prezzo anche inferiore rispetto a quello pagato dagli ucraini.
Gli ucraini si sono detti pienamente soddisfatti dicendo di essere riusciti a portare a casa un ottimo accordo che permetterà all’Ucraina di risparmiare 3-4 miliardi di dollari all’anno e che ha permesso l’adozione del bilancio (approvato lo stesso giorno in cui il Parlamento ucraino, in una seduta burrascosa in cui è volato di tutto, dalle uova alle bombe carta, ha ratificato l’accordo con la Russia) che permette di tenere il deficit sotto al 6% e permette quindi di riaprire le discussioni con il FMI.
A ben vedere non c’è molto di cui essere soddisfatti, perchè, a nostro avviso:
- tenendo conto dei tagli ai prezzi fatti dalla Russia ai Paesi Europei a causa della diminuzione dei consumi non vi è nessuno vero sconto sul prezzo del gas e Kiev avrebbe potuto ottenere la cifra pattuita senza fare una concessione come quella fatta su Sebastopol;
- non è detto che il FMI sia disposto a pagare l’ultima tranche all’Ucraina visto e considerato che l’accordo, che permette al deficit pubblico di scendere matematicamente sotto la soglia del 6%, non rimuove chiaramente le cause che hanno portato all’esplosione dei conti pubblici ucraine, cause che vanno ricercate nelle mancate riforme che le elite politiche non vogliono intraprendere e nella corruzione dilagante. Si tratterà poi di vedere se sussistono le condizioni politiche per il pagamento dell’ultima tranche e qui molto dipenderà da Washington;
- Poichè riteniamo che la permanenza della Flotta russa del Mar Nero a Sebastopol sia un elemento di stabilità per l’Ucraina, almeno fino a quando non sarà pronta a subentrare alla Russia in modo autorevole e a rivendicare un ruolo di primo piano per sè nel Mar Nero, riteniamo che l’aver prolungato il contratto ai russi è una scelta saggia, tuttavia, a nostro avviso, non lo sono nè i modi, nè i tempi;
Riprendendo il terzo punto al fine di approfondire meglio la questione, riteniamo che l’Ucraina avrebbe dovuto:
- chiedere una contropartita reale, e non accontentarsi di uno sconto fittizio;
- prendere più tempo, fosse anche pochi mesi in più, per arrivare ad una modifica della Costituzione al fine di prevedere lo stazionamento di truppe straniere sul proprio territorio in modo da evitare logoranti sedute parlamentari in cui governo e opposizione si lanciano accuse reciproche dimenticando i veri problemi del Paese;
-
prolungare il contratto d’affitto per un numero di anni uguale (e non superiore come accade adesso dove i russi offrono uno ‘sconto’ sul gas per dieci anni e gli ucraini concedono la base di Sebastopol per ben venticinque anni) al numero di anni per cui i russi si impegnano a elargire benefici;
-
chiedere precise garanzie nel caso in cui la Russia entri in guerra e la sua base di Sebastopol diventi un bersaglio lecito;
Detto ciò vogliamo anche ribadire che l’obiettivo di una politica estera ucraina degna di questo nome non è e non può essere quello di sfidare e contenere la Russia, bensì quello di avere con essa rapporti amichevoli, mutualmente fruttuosi e bilanciati. Se questo non accade significa che manca nel Paese una dirigenza in grado di comprendere quali siano gli interessi del Paese e come promuoverli nell’arena internazionale. Nel caso specifico, l’attuale accordo non farà altro che rafforzare ed arricchire gli oligarchi che sostengono il Presidente e che si erano già arricchiti a discapito della popolazione e degli interessi nazionali. Inoltre, il fatto che si siano levate voci, e non solo dall’opposizione, che per un attimo hanno messo in discussione il trattato appena ratificato, non fa altro che alimentare il sospetto, purtroppo sostenuto da molti fatti, che l’Ucraina sia un Paese incapace di rispettare gli accordi presi. Questo chiaramente intacca la credibilità del Paese.
E’ chiaro che quando un Paese con le idee confuse e una dirigenza inesistente come l’Ucraina si confronta con un Paese come la Russia, dove esiste una guida molto più consapevole di quali obiettivi il Paese deve raggiungere, non può aversi un risultato equilibrato.
Conclusione
Poichè l’argomento di discussione di questa nostra breve analisi è stata la dimensione geopolitica del nuovo accordo russo-ucraino sulla Flotta e sul gas stipulato in aprile non abbiamo ampliato la nostra discussione alle altre questioni chiave che caratterizzano le relazioni tra i due Paesi; se lo avessimo fatto avremmo comunque rafforzato e non indebolito la tesi centrale della nostra analisi e cioè che dall’accordo tra Russia e Ucraina la seconda esce sconfitta a causa delle proprie debolezze interne e dell’incapacità della dirigenza nazionale, passata e presente, di intraprendere i passi necessari volti a rafforzare la posizione del proprio Paese nell’arena internazionale.
Qualcuno pensa che l’Ucraina dovrebbe rafforzarsi al fine di scrollarsi di dosso il giogo russo, ma questa idea è sbagliata e profondamente pericolosa per la stabilità ucraina visto e considerato che la Russia gioca e continuerà a giocare in ogni caso un ruolo chiave per la politica, l’economia e la sicurezza ucraina. La verità è che Kiev deve rafforzare il proprio sistema interno, cominciando dalle riforme economiche, al fine di poter proiettare e tutelare i propri interessi nell’arena internazionale e di diventare un interlocutore affidabile per tutti, Russia in primis. Nonostante ciò che pensano molti, Mosca non sa che farsene di un Paese debole, in preda ad un’instabilità cronica ed inaffidabile: crediamo al contrario che il Cremlino abbia bisogno di un interlocutore affidabile che sappia avanzare le proprie richieste e difenderle in modo credibile, un Paese che dopo aver sottoscritto un impegno poi lo rispetta fino in fondo. L’incapacità ucraina di essere un interlocutore del genere danneggia tuttti: l’Unione Europea, la Russia e soprattutto la stessa Ucraina che lentamente ed inesorabilmente perde credibilità e la capacità di essere un soggetto geopolitico.
Nessuno dovrebbe sorprendersi dunque se la Russia, con le sue idee (tendenzialmente) chiare ed i suoi obiettivi geopolitici coerenti ottiene delle vittorie geopolitiche a scapito dell’Ucraina, come quella verificatasi in occasione dell’accordo di Kharkiv, una vittoria che è destinata a pesare sugli equilibri regionali per molti decenni a venire.
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dimanche, 02 mai 2010
Euro-America o Eurasia?
Archives de Synergies Européennes - 2003
Euro-america o Eurasia?
Intervento di Fausto Sorini svolto al seminario internazionale PCdoB di Brasilia del 25-26 Settembre 2003, dedicato all'analisi del quadro mondiale (tratto da http://www.resistenze.org)
1) Con l’occupazione militare dell’Iraq si è espressa in modo organico una volontà di dominio globale da parte dei settori più aggressivi dell’imperialismo americano. Controllare il Medio Oriente, maggiore riserva petrolifera mondiale, significa condizionare tutte le dinamiche economiche del pianeta, ed in particolare quelle di Unione europea e Cina, che dal petrolio di questa regione sono ancora oggi largamente dipendenti. Non a caso Russia e Cina, nel primo incontro al vertice tra Putin e Hu Jintao, hanno deciso di intensificare la cooperazione in campo energetico.
2) Lo scenario è quello di una competizione per l’egemonia mondiale nel 21° secolo. Gli Stati Uniti, di fronte alle proprie difficoltà economiche, a un debito estero che è il maggiore del mondo, all’emergere di nuove aree economiche, geo-politiche e valutarie che ne minacciano il primato mondiale, scelgono la guerra “permanente” e “preventiva” per tentare di vincere la competizione globale sul terreno militare, dove sono ancora i più forti. E dove si propongono di raggiungere una superiorità schiacciante sul resto del mondo, per cercare di invertire una tendenza crescente al declino del loro primato economico.
Nel 1945 gli Usa esprimevano il 50% del PIB del mondo; oggi sono al 25% (come l’Unione europea). Con le attuali tendenze dell’economia mondiale, i centri studi dei Paesi più industrializzati prevedono un ulteriore dimezzamento della % Usa nei prossimi 20 anni. Sarebbe la fine dell’egemonia mondiale dell’imperialismo americano, l’ascesa di nuovi centri di potere, capitalistici e non, un’autentica rivoluzione negli equilibri planetari. Si sono fatte guerre mondiali per molto meno.
3) Unione europea, Russia, Cina, India sono le principali potenze economiche e geo-politiche emergenti dotate anche di forza militare. L’Eurasia è il principale ostacolo al dominio Usa sul mondo. Chi avesse ancora dei dubbi, si rilegga Paul Wolfowitz, ideologo dell’amministrazione Bush : “Gli Stati Uniti devono appoggiarsi sulla loro schiacciante superiorità militare e utilizzarla preventivamente e unilateralmente…Il nostro primo obiettivo è di impedire l’emergere ancora una volta (dopo l’Urss - ndr) di un rivale…Ciò richiede ogni sforzo per impedire ad ogni potenza ostile di dominare una regione il cui controllo potrebbe consegnarle una potenza globale. Tali regioni comprendono l’Europa occidentale, l’Asia orientale (la Cina - ndr), il territorio dell’ex Unione Sovietica e l’Asia sud-occidentale (l’India - ndr)”.
4) Non si tratta di una linea congiunturale, facilmente reversibile con un cambio di presidenza, ma di un orientamento che viene dal profondo dei settori più aggressivi e oggi dominanti dell’imperialismo americano. Un orientamento strategico che guarda alle grandi sfide del 21° secolo, non una breve parentesi. Vi sono differenze nei gruppi dominanti Usa e nell’opinione pubblica, nella stessa amministrazione Bush. Ma le posizioni meno oltranziste oggi sono minoranza e prevedibilmente lo saranno per molto tempo, fino a quando la linea attuale non andrà incontro a sconfitte economiche o militari (tipo Vietnam).
5) Gli Usa aspirano, come ha ben sintetizzato Fidel Castro, ad una “dittatura militare planetaria”. E’ una minaccia “diversa”, ma per certi aspetti più grande di quella rappresentata dal nazi-fascismo nel secolo scorso. Gli Usa dispongono oggi di una superiorità militare sul resto del mondo assai maggiore di quella che Germania, Giappone e Italia avevano all’inizio della seconda guerra mondiale. Nemmeno il Terzo Reich pensava al dominio globale del pianeta, così come esso viene teorizzato da alcuni esponenti dell’amministrazione Bush. Ciò spiega perché la linea della “guerra preventiva” suscita una opposizione tanto vasta, che coinvolge la grande maggioranza dei Paesi del mondo. E’ significativo che gli Usa, con la scelta di fare la guerra all’Iraq, siano rimasti in forte minoranza nell’Assemblea generale dell’Onu e nel Consiglio di Sicurezza, dove non solo hanno avuto l’opposizione dei paesi maggiori (Francia, Germania, Russia, Cina), ma dove non sono riusciti – pur esercitando pressioni fortissime – a “comprare” il voto di paesi come Messico, Cile, Angola, Camerun, da cui non si attendevano tante resistenze. Con la guerra in Iraq gli Usa hanno scontato un isolamento politico senza precedenti. Si calcola che solo il 5% dell’opinione mondiale abbia sostenuto la guerra. Una nuova generazione che, con il crollo dell’Urss e la crisi dell’ideale comunista, era cresciuta in tanta parte del mondo col mito del modello americano, oggi comincia ad aprire gli occhi e a maturare una coscienza critica potenzialmente antimperialista, come non si vedeva dai tempi del Vietnam. E’ un grande patrimonio, che peserà nel futuro del mondo.
6) La spinta verso un mondo multipolare è inarrestabile, anche se essa procederà con gradualità, perché nessuno oggi ha la volontà e la forza di sfidare apertamente gli Usa. Cresce in ogni continente la tendenza alla formazione di “poli regionali”, volti a rafforzare la cooperazione economica, politica, militare dei paesi dell’area per essere presenti sulla scena mondiale con maggiore potere contrattuale. Tutti ritengono di avere bisogno di tempo per rafforzarsi. Questo può spiegare la prudenza della Cina (e per altri versi della Russia) nei rapporti con gli Usa: vogliono rinviare ad altri tempi una possibile frattura, che in particolare la Cina mette nel conto. Mentre Francia e Germania, con diversa collocazione, non considerano matura la fine del legame transatlantico. Tali disponibilità al compromesso si sono espresse nel voto unanime (con la non partecipazione della Siria) a favore della risoluzione 1483 (22 maggio 2003) del CdS dell’Onu, che in qualche misura legittima a posteriori l’occupazione militare dell’Iraq e “riconosce” i vincitori. La questione si ripropone nella trattativa in corso in questi giorni, in cui si tratta di definire natura, ruolo e comando di un eventuale coinvolgimento dell’Onu in un Iraq tutt’altro che normalizzato, dove gli Usa sono impantanati, costretti a spendere cifre astronomiche, militarmente sotto il tiro di una resistenza irakena che si rivela più tenace e radicata del previsto. Le maggiori potenze che pure si sono opposte alla guerra, nella logica della più classica realpolitik - puntano anche a non farsi escludere da ogni influenza sul nuovo Iraq e dai giganteschi interessi legati alla ricostruzione del paese; e a tutelare i propri interessi in campo, dalle concessioni petrolifere al recupero dei debiti contratti dal vecchio regime di Saddam Hussein. Cercano di costringere gli Usa, oggi in difficoltà, ad accettare quei vincoli Onu ai quali nei mesi scorsi si erano sottratti. Il rischio è quello di contribuire a sostenere e legittimare l’occupazione militare e il comando degli Usa in Iraq, offrendo loro un salvagente senza significative correzioni della loro politica aggressiva. Vedremo su quali basi avverrà il compromesso.
7) Questa guerra ha fatto nascere un forte movimento popolare, che ha coinvolto centinaia di milioni di persone, in ogni continente. Il 15 febbraio 2003 più di cento milioni di persone hanno manifestato contemporaneamente in ogni parte del mondo. Era dalla fine degli anni ’40, dai tempi del Movimento dei partigiani della pace, che non si vedeva una mobilitazione così estesa a tutte le latitudini. Si tratta di una delle novità più importanti del quadro internazionale dopo il 1989. Anche se tale movimento non ha avuto la forza per fermare la guerra e oggi vive una fase di delusione e di riflusso, si sono poste importanti premesse per le lotte future e per la ricostruzione di un movimento mondiale contro la logica imperialista della guerra, che non si fermerà. Vi è qui un terreno fondamentale di lavoro per i comunisti e le forze rivoluzionarie di ogni parte del mondo. Purtroppo mancano forme anche minime di coordinamento internazionale di tale lavoro; e questo limite, che dura ormai da molti anni, non vede ancora in campo ipotesi di soluzione ed iniziative adeguate da parte dei maggiori partiti comunisti che avrebbero la forza e la credibilità per prenderle. Ciò rende tutto più difficile, ed espone il movimento contro la guerra, soprattutto in alcune regioni del mondo, all’influenza prevalente delle socialdemocrazie, delle Chiese o di alcuni raggruppamenti trotzkisti (come è stato finora, in buona misura, nel movimento di Porto Alegre). L’appuntamento del prossimo Forum Sociale Mondiale in India, potrebbe vedere in proposito alcune novità, ed un suo ampliamento unitario: in senso geo-politico, con il coinvolgimento dell’Asia, oltre l’asse originario imperniato su Europa occidentale, Stati Uniti e America Latina (poi si dovrà guardare all’Africa, all’Europa dell’Est, alla Russia); e in senso politico, con l’auspicabile superamento di una persistente pregiudiziale antipartitica, che si è finora risolta in sorda ostilità soprattutto nei confronti dei partiti comunisti. Se sarà così, il movimento non potrà che trarne vantaggio, consolidamento e maggiori legami coi movimenti operai dei rispettivi paesi, con generale beneficio del movimento mondiale contro la guerra e la crescita in esso di una più matura coscienza antimperialista.
8) L’opposizione alla “guerra preventiva” viene non solo dalle tradizionali forze di pace, ma anche da parte di potenze imperialiste come Francia e Germania, che fanno parte del nuovo ordine mondiale dominante. Potenze non “pacifiste”, come si è visto in Africa (ad es. in Congo, dove la competizione interimperialistica tra Francia e Stati Uniti, per il controllo delle immense risorse minerarie della regione è costata la vita in pochi anni a 4 milioni di persone…); o nella guerra della Nato contro la Jugoslavia, che ha visto Francia e Germania pienamente coinvolte. Questi paesi sono gli assi portanti dell’Unione europea, un progetto autonomo di costruzione di un polo imperialista (con la sua moneta : l’ euro) che vuole giocare le sue carte nella competizione globale. E che in prospettiva punta a dotarsi di una forza militare autonoma dagli Usa. Questi paesi non accettano di sottomettersi al dominio Usa, ma procedono con prudenza in questo processo di autonomizzazione : non hanno oggi la forza di sfidare apertamente gli Usa, non hanno un sufficiente consenso degli altri Paesi dell’Unione europea per mettere apertamente in discussione l’equilibrio “transatlantico”.
9) Le contraddizioni che oppongono la grande maggioranza dei Paesi del mondo al progetto militarista e unipolare Usa, sono di natura diversa: -vi sono contrasti tra imperialismo e Paesi in via di sviluppo, che aspirano alla pace e a un ordine mondiale più giusto nella ripartizione delle ricchezze del pianeta; - vi sono contrasti tra imperialismi, per la ripartizione delle risorse mondiali e delle rispettive sfere di influenza; - vi sono contrasti tra imperialismo e paesi di orientamento progressista (Cina, Vietnam, Laos, Corea del Nord, Cuba, Venezuela, Brasile, Libia, Siria, Palestina, Sudafrica, Bielorussia, Moldavia…) che in vario modo aspirano ad un modello di società diverso dal capitalismo dominante. Si evidenzia qui in particolare il contrasto con la Cina, grande potenza socialista (economica e nucleare), diretta dal più grande partito comunista al mondo, che sta emergendo come la grande antagonista degli Usa nel 21° secolo. Questo dichiarano apertamente vari esponenti Usa, che valutano che nei prossimi 20 anni, con gli attuali tassi di sviluppo, il PIB della Cina potrebbe eguagliare quello degli Usa, il divario di potenza militare potrebbe ridursi, e quindi “bisogna pensarci prima che sia tardi”, se non si vuole che la Cina divenga per gli Stati Uniti, nel 21° secolo, quello che l’Urss è stata nel secolo scorso; - vi sono contrasti con grandi paesi come la Russia e l’India (potenze nucleari), che pur non avendo oggi una coerente collocazione progressista in campo internazionale, non fanno parte del sistema imperialistico dominante, e hanno interessi nazionali e una collocazione geo-politica che contraddicono le aspirazioni egemoniche degli Usa. La Casa Bianca, nel suo documento sulla Sicurezza nazionale del settembre 2002, li definisce paesi dalla “transizione incerta”, che potrebbero evolvere verso una crescente omologazione agli interessi Usa e al suo modello sociale e politico (distruzione di ogni statalismo in campo economico, democrazia liberale in campo politico-istituzionale, rinuncia al potenziamento del proprio potenziale militare e nucleare e ad ogni “non allineamento” in politica estera…); ma che potrebbero evolvere in senso opposto e quindi rappresentare una “minaccia” per l’egemonia Usa e per l’attuale ordine mondiale dominante.
10) Vi è una spinta, nei vari continenti, alla formazione di entità regionali più autonome dagli Usa e con un proprio protagonismo sulla scena mondiale: -in Europa, con l’Ue e il rapporto Ue-Russia; -nell’area ex-sovietica, con la Csi; -in America Latina, con il Mercosur e la convergenza progressista di Brasile, Cuba, Venezuela…; -in Africa, con l’Unione africana e il Coordinamento per la cooperazione e lo sviluppo dei paesi dell’Africa australe (SADC), imperniato sul nuovo Sudafrica e sui governi progressisti della regione (Angola, Mozambico, Namibia, Zimbabwe, Congo, Tanzania…); -in Asia, con lo sviluppo del rapporto Cina-Asean/Cina-Vietnam. Nel 2010 i dieci paesi dell’Asean e la Cina formeranno il più grande mercato comune del pianeta; con le spinte verso una riunificazione della Corea su basi di neutralità, denuclearizzazione e allontanamento di tutte le basi militari straniere; con il rafforzamento del ruolo del “Gruppo di Shangai” (Russia, Cina, Kazachistan, Kirghisia, Uzbekistan, Tagikistan) : imperniato sull’asse russo-cinese, con la recente significativa richiesta di Putin all’India di entrare a farne parte. Il processo di avvicinamento tra Cina e India pesa enormemente sugli equilibri mondiali.
11) Gli Usa osteggiano il formarsi di questi “poli regionali” e cercano di favorirne la “disaggregazione”, oppure di sostenere all’interno di essi l’egemonia delle forze che sono sotto la loro influenza. Ne derivano contrasti di natura diversa nei principali organismi internazionali (Onu, FMI, G7, Wto, Unione Europea, nella stessa Nato). Ultimo in ordine di tempo il fallimento del vertice WTO a Cancun, dove è emerso uno schieramento “Sud-Sud”, imperniato su Cina, India, Brasile, Sudafrica (e con la significativa presenza di paesi come Cuba e Venezuela) che si è fatto interprete degli interessi dei Paesi in via di sviluppo, contro le pretese egemoniche dei maggiori centri dell’imperialismo. Le contraddizioni tendono continuamente a ripresentarsi : basti pensare alle tensioni e alle minacce che investono Iran, Siria, Arabia Saudita, crisi palestinese, Corea del Nord, Venezuela, Cuba; ad una situazione interna all’Iraq non normalizzata; alla permanente competizione economica e valutaria Usa-Ue / dollaro-euro... Ma c’è diversità di interessi in campo, di progetti politici e di modello sociale, anche tra le forze che si oppongono all’unilateralismo Usa. Ad esempio : la Cina, il Vietnam, Cuba, il Venezuela…non hanno la stessa collocazione strategica, della Germania di Schroeder o della Francia di Chirac, che invece difendono un certo modello economico e un ordine mondiale fondato sul predominio delle grandi potenze capitalistiche. Emblematica la vicenda di Cuba che è sostenuta dai Paesi socialisti e progressisti, ma osteggiata dall’Unione europea che si è vergognosamente avvicinata agli Usa nel rilancio di una campagna ostile. La lotta di classe non è scomparsa, così come non scomparve negli anni ’40 quando forze tra loro assai diverse per riferimenti sociali e politici trovarono una comune convergenza contro il nazi-fascismo, per poi tornare a dividersi negli anni della guerra fredda, perché portatori di interessi e di modelli di società tra loro alternativi.
12) Il fatto che l’opposizione alla guerra di grandi paesi come Russia, Cina, Francia, Germania non abbia superato una certa soglia di asprezza (oltre la quale il contrasto tende a spostarsi sul terreno dello scontro aperto, anche militare); il fatto che momenti di forti divergenze si alternino a situazioni in cui prevale la ricerca di una mediazione e di un compromesso, sorge non già – come sostengono le teorie di Toni Negri sul nuovo impero - dall’esistenza di interesse omogenei di un presunto “capitale globale” e di un presunto “direttorio mondiale” in cui esso troverebbe espressione politica organica e unitaria, ma da rapporti di forza internazionali che, sul piano militare, non consentono oggi a nessun paese o gruppo di paesi di portare una sfida aperta, oltre certi limiti, alla superpotenza Usa.
13) Come ricostruire internazionalmente un contrappeso capace di condizionare la politica estera degli Stati Uniti? Questo è il problema n°1 per tutte le forze che non vogliono una nuova tirannia globale. E’ necessaria la convergenza di più forze, tra loro assai diverse: -innanzitutto la resistenza del popolo irakeno e delle forze che in Medio Oriente la sostengono (Siria, Iran, resistenza palestinese…) per mantenere aperto il “fronte interno”, contro l’occupazione militare, e scoraggiare nuove avventure. E’ necessario un sostegno internazionale a questa resistenza, oggi pressochè inesistente al di fuori del mondo arabo; sostegno non separabile da quello alla causa palestinese, in grave difficoltà dentro una dinamica politico-diplomatica sempre più condizionata dagli Usa, che con Israele vogliono il controllo pieno del Medio Oriente; -la ripresa del movimento per la pace negli Usa e su scala mondiale, riorganizzando le sue componenti più dinamiche e determinate, per impedirne la dispersione e il riflusso; -il consolidamento delle più larghe convergenze politico-diplomatiche tra Stati, contro l’unilateralismo Usa, senza di che è impensabile una ripresa di ruolo dell’Onu (obiettivo che non va abbandonato, in assenza di alternative più avanzate che oggi non esistono). Si impone un maggior ruolo dell’Assemblea generale rispetto al Consiglio di Sicurezza e una composizione più rappresentativa del Consiglio stesso; -lo sviluppo, negli Stati Uniti, di una opposizione alla politica di Bush e in Gran Bretagna a quella di Blair, oggi entrambi in crisi di consenso. La difesa intransigente del diritto di Cuba, della Siria, dell’Iran, della Corea del Nord e di ogni altro paese minacciato a proteggere la propria sovranità da ogni ingerenza esterna, è parte integrante della lotta contro il sistema di guerra, indipendentemente dal giudizio che ognuno può avere sulla situazione interna di questo o quel paese.
14) Come evolverà l’Europa? Sono emerse divisioni non facilmente superabili tra Usa e Unione europea, all’interno dell’Unione europea e della Nato (cioè tra alleati del tradizionale blocco atlantico), come mai era accaduto nel dopoguerra. Nell’Unione europea (e nella Nato) continuerà il contrasto tra filo-americani e sostenitori di un’Europa più autonoma dagli Usa, imperniata sul rapporto preferenziale tra Francia - Germania - Russia. Anche per questo gli Usa vorrebbero l’ingresso nell’Ue di Turchia e Israele, loro alleati di fiducia (soprattutto Israele, perché anche in Turchia, come si è visto in relazione al conflitto irakeno, sta emergendo una dialettica nuova). Una sconfitta elettorale (possibile) dei governi di centro-destra in Italia e in Spagna, favorirebbe una collocazione europea più autonoma.
15) E’ vero che gli Usa sono oggi orientati ad agire anche militarmente in modo unilaterale, senza farsi condizionare né dall’Onu nè dalla Nato, ma essi non rinunceranno alla Nato, che continua ad essere per loro uno strumento prezioso per controllare l’Europa e le strutture politico-militari, di sicurezza, di intelligence, nonché l’industria e la tecnologia militare dei Paesi europei integrati nell’Alleanza. E per disporre di basi militari sul continente, poste sotto il loro controllo, magari spostandole o creandone di nuove nei paesi europei più fedeli e sottomessi, come alcuni paesi dell’Est. Gli Usa dispongono di una presenza militare in 140 Stati su 189 (con altri 36 vi sono accordi di cooperazione militare), con 800 basi militari e 200.000 soldati dislocati all’estero in permanenza (esclusi quelli presenti in Iraq). Ciò rende attualissima e non rituale la ripresa di una iniziativa del movimento per la pace per la chiusura delle basi militari Usa nei rispettivi Paesi. Per il ritiro di tutti i militari impegnati all’estero a supporto di azioni di guerra e di occupazione militare. Per attivare iniziative e dinamiche di disarmo in campo internazionale.
16) Un intellettuale britannico vicino a Tony Blair, ha scritto dopo la guerra in Iraq che in Europa il bivio è “tra euroasiatici, che vogliono creare un’alternativa agli Usa (lungo l’asse Parigi – Berlino – Mosca – Delhi – Pechino) ed euroatlantici, che vogliono mantenere un rapporto privilegiato con gli Usa”. Tony Blair ha espresso con chiarezza la sua linea euroatlantica in una intervista al Financial Times (28.05.2003), affermando: “Alcuni auspicano un mondo multipolare con diversi centri di potere che si trasformerebbero presto in poteri rivali. Altri pensano, e io sono tra questi, che abbiamo bisogno di una potenza unipolare fondata sulla partnership strategica tra Europa e America”. Dunque: “Euro-america” o “Eurasia”?
17) Chi vuole un’ Europa davvero autonoma dagli Usa e dal suo modello di società, deve avere un progetto alternativo, che vada oltre l’attuale Unione europea e le basi su cui essa è venuta formandosi e che comprenda tutti i paesi del continente (anche Russia, Ucraina, Bielorussia, Moldavia…). Un progetto che: -sul piano economico, contrasti la linea delle privatizzazioni e prospetti la formazione di poli pubblici sovranazionali (interessante la proposta, in altro contesto, che il presidente venezuelano Hugo Chavez ha sottoposto a Lula, per la formazione di un polo pubblico continentale per la gestione delle risorse energetiche, collegato ad una banca pubblica regionale che serva a finanziare progetti di sviluppo e con finalità sociali); -sul piano politico-istituzionale, contrasti ipotesi federaliste volte a svuotare la sovranità dei Parlamenti nazionali e sostenga un’ipotesi di Europa fondata sulla cooperazione tra Stati sovrani, non subalterna ai poteri forti delle maggiori potenze imperialistiche che dominano l’attuale Unione europea; -sul piano militare, preveda un sistema di sicurezza e di difesa pan-europeo, alternativo alla Nato, comprensivo della Russia (una sorta di Onu europea), che già oggi – considerando il potenziale nucleare di Francia e Russia – disporrebbe di una forza difensiva sufficiente a dissuadere chiunque da un’aggressione militare all’Europa. Dunque, un progetto opposto a quello di un riarmo dell’Unione europea, di una sua militarizzazione e vocazione imperialistica, volte a rincorrere gli Usa sul loro terreno. E’ vero che oggi l’imperialismo franco-tedesco è assai meno pericoloso per la pace mondiale di quello americano e può fungere a volte da contrappeso. Ma guai a trarne una linea di incoraggiamento al riarmo dell’Ue: i movimenti operai e i popoli europei, e qualsivoglia progetto di Europa sociale e democratica, verrebbe colpiti al cuore da una politica di militarizzazione del continente su basi neo-imperialistiche. Essa stimolerebbe la corsa al riarmo a livello internazionale, e il costo di una crescita esponenziale delle spese militari, in un’Europa neo-liberale dove già oggi vengono colpite duramente le spese sociali, distruggerebbe quel poco che rimane dell’Europa del Welfare.
18) L’Unione europea non può fare da sola. Se vuole reggere il confronto con gli Usa ed uscire dalla subalternità atlantica, deve essere aperta ad accordi di cooperazione e di sicurezza con la Russia (che è parte dell’Europa), con la Cina, l’India; e con le forze più avanzate e non allineate che si muovono in Africa, in Medio Oriente, in America Latina. Solo una rete di unioni regionali, non subalterne agli Usa (di cui l’Europa sia parte) può modificare i rapporti di forza globali e condizionare la politica Usa. Gli Usa non possono fare la guerra a tutto il mondo.
19) In paesi come Russia, Cina, India – potenze nucleari in cui vive la metà della popolazione del pianeta, che potrebbero esprimere tra 20 anni un terzo della ricchezza mondiale (e che la stessa amministrazione Bush definisce “paesi dalla transizione incerta”) – le forze comuniste, di sinistra, antimperialiste, non subalterne al modello neo-liberista e agli Usa, costituiscono già oggi una forza maggioritaria (in Cina) o che potrebbe diventarlo (Russia, India) nell’arco di un decennio.
Un’alleanza elettorale in India tra Congresso e Fronte delle sinistre (animato dai comunisti) potrebbe vincere le prossime elezioni (previste per il 2005), su un programma che recuperi le istanze progressive del non-allineamento. Un’avanzata dei comunisti e dei loro alleati alle prossime elezioni politiche in Russia può creare le condizioni per un compromesso con Putin (con una parte almeno delle forze che sostengono Putin) e collocare la Russia su posizioni più avanzate. Sono possibilità, non certezze. Per questo parlo di un processo che potrebbe maturare “nell'arco di un decennio”. Ma che dispone delle potenzialità per affermarsi e su cui forze importanti in questi Paesi stanno lavorando.
20) Come ha sintetizzato Samir Amin, “un avvicinamento autentico fra l’Europa, la Russia, la Cina, l’Asia costituirà la base sulla quale costruire un mondo pluricentrico, democratico e pacifico”. Un’ Eurasianon allineata può rappresentare un interlocutore fondamentale anche per le forze progressiste in America Latina e in Africa. Non sarebbe il socialismo mondiale, ma certamente un avanzamento strategico nella direzione giusta. E con il clima politico che caratterizza il mondo di oggi, non sarebbe poco.
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mercredi, 28 avril 2010
Gli altri segreti di ECHELON e i misteri del Patto UK/USA
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2003
GLI ALTRI SEGRETI DI ECHELON E I MISTERI DEL PATTO UK/USA
Del dossier "Echelon" se ne è parlato diffusamente, anche se spesso confusamente, da quando il Mondo del 20 e 27/3/98 pubblicò stralci del rapporto dello Scientific and Technological Options Assessment (STOA), Direzione generale ricerca del Parlamento Europeo. Lo STOA fa capo al Direttorato Generale della Ricerca che risiede a Strasburgo. Nel documento in questione venivano affermate cose molto gravi e cioè che tutti i fax, i messaggi di posta elettronica, anche quelli criptati, le nostre azioni quotidiane più banali come l’uso del telefono, di internet, il passaggio ai caselli autostradali, la spesa, ecc., sono, in buona parte, intercettati e inseriti in una sofisticatissima e potente banca dati computerizzata. Il tutto sarebbe possibile grazie ad una speciale capillare rete di satelliti spia e a delle basi a terra di intercettazione.
Le comunicazioni intercettate indiscriminatamente, qualsiasi mezzo o linea di trasmissione utilizzino, sono quantitativamente non immaginabili. Il tutto è aggravato dal fatto che, diversamente da quanto avviene con altri sistemi sofisticati di spionaggio elettronico, il sistema "Echelon" è operativo, quasi esclusivamente, nei confronti di obiettivi non militari. Tutto quanto viene intercettato è dirottato al centro strategico di Menwith Hill, nel North York Moors, Regno Unito che, in un secondo tempo, invia tutto ciò che reputa di interesse a Fort Meade nel Maryland, al National Security Agency (NSA), il servizio segreto USA di spionaggio elettronico.
Dal documento "Una valutazione delle tecnologie di controllo politico", tradotto da T.H.E. Walrus e consultabile al sito web http://www.tmcrew.org/privacy/STOA.htm, apprendiamo che "Il sistema fu scoperto la prima volta alla fine degli anni ’70 da un gruppo di ricercatori in UK (Campbell, 1981). Un recente lavoro di Nicky Hager, ("Decret Power", Hager, 1996) fornisce i dettagli attualmente più comprensivi su un progetto conosciuto come ECHELON. Hager ha intervistato più di 50 persone coinvolte nei servizi segreti, mettendo alla luce l’esistenza di apparecchiature di ascolto e sorveglianza diffuse attraverso tutto il globo per formare un sistema puntato su tutti i satelliti chiave Intelsat utilizzati come infrastruttura di trasmissione satellitare per comunicazioni telefoniche, Internet, posta elettronica, fax e telex. I siti di questo sistema sono di stanza a Sugar Grove e Yakima negli USA, a Waihopai in Nuova Zelanda, a Geraldton in Australia, a Hong Kong e a Morwenstow UK". Per altri interessanti ragguagli consiglio di vistare il sito web http://www.wif.net, dove vi sono, tra l’altro, ampi ed interessanti approfondimenti forniti dal super esperto di Signal e Business Intelligence ing. Giuseppe Muratori, Intelligence Head Master del W.I.F. (World Intelligence Foundation).
Il documento "Una valutazione delle tecnologie di controllo politico" continua spiegando che sono due i sistemi di sorveglianza: "Il Sistema UK/USA che comprende le attività di agenzie di intelligence militare come la NSA-CIA negli USA che incorpora GCHQ e M16 in UK, che operano congiuntamente un sistema conosciuto come ECHELON" l'altro è "il Sistema EU-FBI che concatena assieme varie agenzie di ordine pubblico come FBI, polizie di stato, dogane, immigrazione e sicurezza interna". Echelon opera sotto la giurisdizione del patto UK/USA, che ha una data di nascita, il 1947. UK/USA riunì Stati Uniti, Canada, Regno Unito, Australia, Nuova Zelanda e più recentemente Giappone, Corea e paesi NATO. Il progetto conosciuto come ECHELON si origina da questo patto segreto che all’inizio costituiva solo un formale accordo tra agenzie inglesi e americane COMINT (Communications Intelligence). Questo concordato era denominato BR/USA.
La ricercatrice freelance e giornalista investigativa Susan Bryce, ha scritto anche che: " UK/USA è un accordo ‘a gradini’, la NSA (National Security Agency) è chiamata ‘Primo Partito’… rispetto all’accordo UK/USA… si assume l’impegno di numerose operazioni clandestine. …fu allestita senza alcuna legislazione ufficiale, non c’è nulla, legalmente, che non possa fare. …la National Security Agency può essere descritta solo come il più grande di tutti i fratelli. Lanciata segretamente dall’Amministrazione Truman il 4 Novembre 1954, oggi la NSA controlla oltre 2.000 stazioni di intercettazione elettronica, dispone di un budget di oltre 10 miliardi di dollari l’anno ed impiega più di 130.000 persone in tutto il mondo, il che la rende anche più grande della CIA (Ball, 1980, p. 33)" (Nexus. New Times Magazine, Ottobre-Novembre 1995).
Il patto UK/USA nasconde altri segreti incredibili e decisamente inaccessibili. Il progetto ECHELON, in fondo, per quanto grave possa essere, è solo una delle emanazioni di UK/USA. Basti pensare che importantissime e strategiche basi Top Secret come Nurrungar, Menwith Hill, Pine Gap, ecc. e la stessa agenzia NSA sono coordinate direttamente secondo direttive UK/USA. C’è anche da dire che lo stesso segretissimo progetto di "Guerre Stellari" fu sotto la giurisdizione dell’accordo UK/USA. La General Electric e la Marconi, veri e propri leader nel settore, sono stati fornitori di alta e vitale tecnologia a diverse iniziative targate UK/USA. Attorno al progetto "Guerre Stellari", noto anche come Strategic Defense Initiative (SDI), si verificarono strane morti di scienziati. Incredibili suicidi iniziati nel 1982 e continuati sino al 1990. Gli scienziati coinvolti lavoravano per la General Electric Company di Londra ed erano insediati in due grandi ditte: la Plessey e la Marconi. Venticinque di questi sono deceduti in circostanze alquanto misteriose, molti di loro "suicidi" nel modo più strano e grottesco.
Un oceano di misteri, insomma, che si infittiscono sempre di più. Stranissime morti, sistemi di spionaggio satellitare e armi segrete e spaventose, congiure del silenzio e molto altro ancora sono la parte profonda dell’iceberg che affiora, solo impercettibilmente, da un mare di segreti. Invenzioni da apprendisti stregoni ci vengono tenute nascoste assieme ad altre micidiali scoperte. La ricercatrice Susan Bryce scrive, al riguardo, cose sconvolgenti. Ci informa di una riunione particolare e molto importante dove, tra l’altro, si discusse: "l’uso di infrasuoni per distruggere navi, tramite la creazione di campi acustici sul mare, e lo scagliare nel mare un grosso pezzo di roccia usando un economico dispositivo nucleare (il maremoto che ne risulterebbe potrebbe demolire la linea costiera di un paese). Altri maremoti potrebbero ottenersi detonando armi nucleari ai poli ghiacciati. Alluvioni controllate, uragani, terremoti e siccità indirizzate verso bersagli specifici e città, sono pure stati argomento di discussione. Ci sono speculazioni sul fatto che le basi statunitensi siano pesantemente implicate in ricerche concernenti molte di queste ‘nuove idee per la guerra’, come pure esperimenti con la griglia mondiale" (Nexus. New Times Magazine, cit.). Uno scenario da brivido insomma. Quali terribili e inconfessabili segreti cela il patto UK/USA?
Giuseppe Cosco
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mercredi, 21 avril 2010
La Russia chiave di volta del sistema multipolare
di Tiberio Graziani
Fonte: eurasia [scheda fonte]
Il nuovo sistema multipolare è in fase di consolidamento. I principali attori sono gli USA, la Cina, l’India e la Russia. Mentre l’Unione Europea è completamente assente ed appiattita nel quadro delle indicazioni-diktat provenienti da Washington e Londra, alcuni paesi dell’America meridionale, in particolare il Venezuela, il Brasile, la Bolivia, l’Argentina e l’Uruguay manifestano la loro ferma volontà di partecipazione attiva alla costruzione del nuovo ordine mondiale. La Russia, per la sua posizione centrale nella massa eurasiatica, per la sua vasta estensione e per l’attuale orientamento impresso alla politica estera dal tandem Putin-Medvedev, sarà, verosimilmente, la chiave di volta della nuova struttura planetaria. Ma, per adempiere a questa funzione epocale, essa dovrà superare alcuni problemi interni: primi fra tutti, quelli riguardanti la questione demografica e la modernizzazione del Paese, mentre, sul piano internazionale, dovrà consolidare i rapporti con la Cina e l’India, instaurare al più presto una intesa strategica con la Turchia e il Giappone. Soprattutto, dovrà chiarire la propria posizione nel Vicino e Medio Oriente.
Considerazioni sullo scenario attuale
Ai fini di una veloce disamina dell’attuale scenario mondiale e per meglio comprendere le dinamiche in essere che lo configurano, proponiamo una classificazione degli attori in gioco, considerandoli sia per la funzione che svolgono nel proprio spazio geopolitico o sfera d’influenza, sia come entità suscettibili di profonde evoluzioni in base a specifiche variabili.
Il presente quadro internazionale ci mostra almeno tre classi principali di attori. Gli attori egemoni, gli attori emergenti e infine il gruppo degli inseguitori e dei subordinati. A queste tre categorie occorre, per ragioni analitiche, aggiungerne una quarta, costituita da quelle nazioni che, escluse, per motivi diversi, dal gioco della politica mondiale, sono in cerca di un ruolo.
Gli attori egemoni
Al primo gruppo appartengono quei paesi che per la particolare postura geopolitica, che li identifica come aree pivot, o per la proiezione della forza militare o di quella economica determinano le scelte e i rapporti internazionali delle restanti nazioni. Gli attori egemoni inoltre influenzano direttamente anche alcune organizzazioni globali, fra cui il Fondo Monetario Internazionale (FMI), la Banca Mondiale (BM) e l’Organizzazione delle Nazioni Unite (ONU). Tra le nazioni che presentano tali caratteristiche, pur con sfumature diverse, possiamo annoverare gli USA, la Cina, l’India e la Russia.
La funzione geopolitica attualmente esercitata dagli USA è quella di costituire il centro fisico e la guida del sistema occidentale nato alla fine del secondo conflitto mondiale. La caratteristica principale della nazione nordamericana, in rapporto al resto del pianeta, è data dal suo espansionismo, attuato con una particolare aggressività e la messa in campo di dispositivi militari su scala globale. Il carattere imperialista dovuto alla sua specifica condizione di potenza marittima le impone comportamenti colonialisti verso vaste porzioni di quello che considera impropriamente il suo spazio geopolitico (1). Le variabili che potrebbero determinare un cambio di ruolo degli USA sono essenzialmente tre: a) la crisi strutturale dell’economia neoliberista; b) l’elefantiasi imperialista; c) le potenziali tensioni con il Giappone, l’Europa e alcuni Paesi dell’America centromeridionale.
La Cina, l’India e la Russia, in quanto nazioni-continente a vocazione terrestre, ambiscono a svolgere le loro rispettive funzioni macroregionali nell’ambito eurasiatico sulla base di un comune orientamento geopolitico, peraltro in fase avanzata di strutturazione. Tali funzioni, tuttavia, vengono condizionate da alcune variabili, tra le quali evidenziamo:
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le politiche di modernizzazione;
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le tensioni dovute alle disomogeneità sociali, culturali ed etniche all’interno dei propri spazi;
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la questione demografica che impone adeguate e diversificate soluzioni per i tre paesi.
Per quanto riguarda la variabile relativa alle politiche di modernizzazione, osserviamo che essendo queste troppo interrelate per gli aspetti economico-finanziari con il sistema occidentale, in particolare modo con gli USA, tolgono alle nazioni eurasiatiche sovente l’iniziativa nell’agone internazionale, le espongono alle pressioni del sistema internazionale, costituito principalmente dalla triade ONU, FMI e BM (2) e, soprattutto, impongono loro il principio dell’interdipendenza economica, storico fulcro della espansione economica degli USA. In rapporto alla seconda variabile, notiamo che la scarsa attenzione che Mosca, Beijing e Nuova Delhi prestano verso il contenimento o la soluzione delle rispettive tensioni endogene offre al loro antagonista principale, gli USA, occasioni per indebolire il prestigio dei governi ed ostacolare la strutturazione dello spazio eurasiatico. Infine, considerando la terza variabile, riteniamo che politiche demografiche non coordinate tra le tre potenze eurasiatiche, in particolare quelle tra la Russia e la Cina, potrebbero, nel lungo periodo creare contrasti per la realizzazione di un sistema continentale equilibrato.
I rapporti tra i membri di questa classe decidono le regole principali della politica mondiale.
In considerazione della presenza di ben 4 nazioni-continente (tre nazioni eurasiatiche ed una nordamericana) è possibile definire l’ attuale sistema geopolitico come multipolare.
Gli attori emergenti
La categoria degli attori emergenti raggruppa, invece, quelle nazioni che, valorizzando particolari atout geopolitici o geostrategici, cercano di smarcarsi dalle decisioni imposte loro da uno o da più membri del ristretto club del primo tipo. Mentre lo scopo immediato degli emergenti consiste nella ricerca di una autonomia regionale e, dunque, nell’uscita dalla sfera d’influenza della potenza egemone, da attuarsi principalmente mediante articolate intese ed alleanze regionali, transregionali ed extra-continentali, quello strategico è costituto dalla partecipazione attiva al gioco delle decisioni regionali e persino mondiali. Fra i paesi che assumono sempre più la connotazione di attori emergenti, possiamo enumerare il Venezuela, il Brasile, la Bolivia, l’Argentina e l’Uruguay, la Turchia di Recep Tayyip Erdoğan, il Giappone di Yukio Hatoyama e, seppur con qualche limitazione, il Pakistan. Tutti questi paesi appartengono di fatto al sistema geopolitico cosiddetto “occidentale”, guidato da Washington. Il fatto che molte nazioni di quello che nel periodo bipolare era considerato un sistema coeso possano essere considerate emergenti e quindi entità suscettibili di concorrere alla costituzione di nuovi poli di aggregazione geopolitica induce a pensare che l’edifico messo a punto dagli USA e dalla Gran Bretagna, così come lo conosciamo, sia di fatto in via di estinzione oppure in una fase di profonda evoluzione. La crescente “militarizzazione” che la nazione guida impone ai rapporti bilaterali con questi paesi sembra sostanziare la seconda ipotesi. La comune visione continentale degli emergenti sudamericani e la realizzazione di importanti accordi economici, commerciali e militari costituiscono gli elementi base per configurare lo spazio sudamericano quale futuro polo del nuovo ordine mondiale (3).
Gli attori emergenti aumentano i loro gradi di libertà in relazione alle alleanze ed alle frizioni tra i membri del club degli egemoni ed alla coscienza geopolitica delle proprie classi dirigenti.
Il numero degli attori emergenti e la loro collocazione nei due emisferi settentrionale (Turchia e Giappone) e meridionale (paesi latinoamericani) oltre ad accelerare il consolidamento del nuovo sistema multipolare ne delineano i due assi principali: l’Eurasia e l’America indiolatina.
Gli inseguitori-subordinati e i subordinati
La designazione di attori inseguitori e subordinati, qui proposta, intende sottolineare le potenzialità geopolitiche degli appartenenti a questa classe in rapporto al loro passaggio alle altre. Sono da considerare inseguitori-subordinati quegli attori che ritengono utile, per affinità, interessi vari o particolari condizioni storiche, far parte della sfera d’influenza di una delle nazioni egemoni. Gli inseguitori-subordinati riconoscono all’egemone il ruolo di nazione guida. Tra questi possiamo menzionare ad esempio la Repubblica sudafricana, l’Arabia saudita, la Giordania, l’Egitto, la Corea del Sud. I subordinati di questo tipo, giacché “seguono” gli USA quale nazione guida, a meno di rivolgimenti provocati o gestiti da altri, ne condivideranno il destino geopolitico. Il rapporto che intercorre tra questi attori e il paese egemone è di tipo, mutatis mutandis, vassallatico.
Sono invece subordinati tout court quegli attori che, esterni al naturale spazio geopolitico dell’egemone, ne subiscono il dominio. La classe dei paesi subordinati è contraddistinta dall’assenza di una coscienza geopolitica autonoma o, meglio ancora, dalla incapacità delle classi dirigenti di valorizzare gli elementi minimi e sufficienti per proporre e dunque elaborare una propria dottrina geopolitica. Le ragioni di questa assenza sono molteplici e varie, fra di esse possiamo menzionare la frammentazione dello spazio geopolitico in troppe entità statali, la colonizzazione culturale, politica e militare esercitata dall’egemone, la dipendenza economica verso il paese dominante, le particolari e strette relazioni che intercorrono tra l’attore egemone globale e i ceti dirigenti nazionali i quali, configurandosi come vere e proprie oligarchie, sono preoccupati più della propria sopravvivenza piuttosto che degli interessi popolari e nazionali che dovrebbero rappresentare e sostenere. Le nazioni che costituiscono l’Unione Europea rientrano in questa categoria, ad eccezione della Gran Bretagna per la nota special relationship che intrattiene con gli USA (4).
L’appartenenza dell’Unione Europea a questa classe di attori è dovuta alla sua situazione geopolitica e geostrategica. Nell’ambito delle dottrine geopolitiche statunitensi, l’Europa è sempre stata considerata, fin dallo scoppio del secondo conflitto mondiale, una testa di ponte protesa verso il centro della massa eurasiatica (5). Tale ruolo condiziona i rapporti tra l’Unione Europea e i Paesi esterni al sistema occidentale, in primo luogo la Russia e i Paesi del Vicino e Medio Oriente. Oltre a determinare, inoltre, il sistema di difesa della UE e le sue alleanze militari, questo particolare ruolo influenza, spesso anche profondamente, la politica interna e le strategie economiche dei suoi membri, in particolare quelle concernenti l’approvvigionamento di risorse energetiche (6) e di materiali strategici, nonché le scelte in materia di ricerca e sviluppo tecnologico. La situazione geopolitica dell’Unione Europea pare essersi ulteriormente aggravata con il nuovo corso impresso da Sarkozy e dalla Merkel alle rispettive politiche estere, volte più alla costituzione di un mercato transatlantico che al rafforzamento di quello europeo.
Le variabili che potrebbero permettere, nell’attuale momento, ai paesi membri dell’Unione Europea di passare alla categoria degli emergenti concernono la qualità ed il grado di intensificazione delle loro relazioni con Mosca in rapporto alla questione dell’approvvigionamento energetico (North e South Stream), alla questione sulla sicurezza (NATO) ed alla politica vicino e mediorientale (Iràn, Israele). Che quanto appena scritto sia possibile è fornito dal caso della Turchia. Nonostante l’ipoteca NATO che la vincola al sistema occidentale, Ankara, facendo leva proprio sui rapporti con Mosca per quanto concerne la questione energetica, ed assumendo, rispetto alle direttive di Washington, una posizione eccentrica sulla questione israelo-palestinese, è sulla via dell’emancipazione dalla tutela nordamericana (7).
Gli inseguitori e i subordinati, a causa della loro debolezza, rappresentano il possibile terreno di scontro sul quale potrebbero confrontarsi i poli del nuovo ordine mondiale.
Gli esclusi
Nella categoria degli esclusi rientrano logicamente tutti gli altri stati. Da un punto di vista geostrategico, gli esclusi costituiscono un ostacolo alle mire di uno o più attori degli attori egemoni. Tra gli appartenenti a questo gruppo un particolare rilievo assumono, in rapporto agli USA ed al nuovo sistema multipolare, la Siria, l’Iràn, il Myanmar e la Corea del Nord. Nel quadro della strategia statunitense per l’accerchiamento della massa eurasiatica, infatti, il controllo delle aree attualmente presidiate da queste nazioni rappresenta un obiettivo prioritario da raggiungere nel breve medio periodo. La Siria e l’Iràn si frappongono alla realizzazione del progetto nordamericano del Nuovo grande medio Oriente, cioè del controllo totale sulla lunga e larga fascia che dal Marocco arriva fino alle repubbliche centroasiatiche, vero soft underbelly dell’Eurasia; il Myanmar costituisce una potenziale via d’accesso nello spazio sino-indiano a partire dall’Oceano Indiano e una postazione strategica per il controllo del Golfo del Bengala e del Mar delle Andamane; la Corea del Nord, oltre ad essere una via d’accesso verso la Cina e la Russia, insieme al resto della penisola coreana (Corea del Sud) costituisce una base strategica per il controllo del Mar Giallo e del Mar del Giappone.
Gli esclusi sopra citati, in base alle relazioni che coltivano con i nuovi attori egemoni (Cina, India, Russia) e con alcuni emergenti potrebbero rientrare nel gioco della politica mondiale ed assumere, pertanto, un importante ruolo funzionale nel quadro del nuovo sistema multipolare. È questo il caso dell’Iràn. L’Iràn gode dello status di paese osservatore nell’ambito dell’Organizzazione del trattato di sicurezza collettiva (OTSC), da molti analisti considerata la risposta russa alla NATO, ed è candidato all’ingresso nell’ Organizzazione per la cooperazione di Shanghai (OCS), tra i cui membri figurano la Russia, la Cina e le repubbliche centroasiatiche, inoltre ha solide relazioni economico-commerciali con i maggiori paesi dell’America indiolatina.
La riscrittura delle nuove regole
I paesi che appartengono alla classe degli attori egemoni sopra delineata mirano a proiettare, per la prima volta dopo la lunga stagione bipolare e la breve fase unipolare, la propria influenza sull’intero pianeta con lo scopo di concorrere, con percorsi e finalità specifiche, alla realizzazione del nuovo assetto geopolitico globale. Alla fine del primo decennio del XXI secolo si assiste dunque al ritorno della politica mondiale, articolata, questa volta, su base continentale (8). La posta in gioco è costituita, non solo dall’accaparramento delle risorse energetiche e delle materie prime, dal presidio di importanti snodi geostrategici, ma soprattutto, stante il numero degli attori e la complessità dello scenario mondiale, dalla riscrittura di nuove regole. Queste regole, risultanti dalla delimitazione di nuove sfere d’influenza, definiranno, verosimilmente per un lungo periodo, le relazioni fra gli attori continentali e quindi anche un nuovo diritto. Non più un diritto inter-nazionale esclusivamente costruito sulle ideologie occidentali, sostanzialmente basato sul diritto di cittadinanza quale si è sviluppato a partire dalla Rivoluzione francese e sul concetto di stato-nazione, bensì un diritto che tenga conto delle sovranità politiche così come concretamente si manifestano e strutturano nei diversi ambiti culturali dell’intero pianeta.
Gli USA, benché tuttora versino in uno stato di profonda prostrazione causato da una complessa crisi economico-finanziaria (che ha evidenziato, peraltro, carenze e debolezze strutturali della potenza bioceanica e dell’intero sistema occidentale), dalla perdurante impasse militare nel teatro afgano e dalla perdita del controllo di vaste porzioni dell’America meridionale, proseguono tuttavia, in continuità con le dottrine geopolitiche degli ultimi anni, nell’azione di pressione nei confronti della Russia. Nell’attuale momento, la destrutturazione della Russia, o perlomeno il suo indebolimento, rappresenterebbe per gli Stati Uniti, non solo un obiettivo che insegue almeno dal 1945, ma anche un’occasione per guadagnare tempo e porre rimedi efficaci per la soluzione della propria crisi interna e la riformulazione del sistema occidentale.
È proprio tenendo ben presente tale obiettivo che risulta più agevole interpretare la politica estera adottata recentemente dall’amministrazione Obama nei confronti di Beijing e Nuova Delhi. Una politica che, ancorché tesa a ricreare un clima di fiducia tra le due potenze eurasiatiche e gli Stati Uniti, non pare affatto dare i risultati sperati, a ragione dell’eccessivo pragmatismo e dell’esagerata spregiudicatezza che sembrano caratterizzare sia il presidente Barack Obama, sia il suo Segretario di Stato, Hillary Rodham Clinton. Un esempio della spregiudicatezza e del pragmatismo, nonché della scarsa diplomazia, tra i tanti, è quello relativo ai rapporti contrastanti che Washington ha intrattenuto recentemente col Dalai Lama e con Beijing.
Tali comportamenti, date le condizioni di debolezza in cui versa l’ex hyperpuissance, sono un tratto della stanchezza e del nervosismo con cui l’attuale leadership statunitense cerca di affrontare e tamponare la progressiva ascesa delle maggiori nazioni eurasiatiche e la riaffermazione della Russia quale potenza mondiale. Le relazioni che Washington coltiva con Beijing e Nuova Delhi corrono su due binari. Da una parte gli USA cercano, sulla base del principio di interdipendenza economica e tramite la messa in campo di specifiche politiche finanziarie e monetarie di inserire la Cina e l’India nell’ambito di quello che essi designano il sistema globale. Questo sistema in realtà è la proiezione di quello occidentale su scala planetaria, giacché le regole su cui si baserebbe sono proprio quelle di quest’ultimo. D’altra parte, attraverso una continua e pressante campagna denigratoria, la potenza statunitense tenta di screditare i governi delle due nazioni eurasiatiche e di destabilizzarle, facendo leva sulle contraddizioni e sulle tensioni interne. La strategia attuale è sostanzialmente la versione aggiornata della politica detta del congagement (containment, engagement), applicata, questa volta, non solo alla Cina ma anche, parzialmente, all’India.
Tuttavia, va sottolineato che il dato certo di questa amministrazione democratica, insediatasi a Washington nel gennaio del 2009, è la crescente militarizzazione con cui tende a condizionare i rapporti con Mosca. Al di là della retorica pacifista, il premio Nobel Obama segue infatti, ai fini del raggiungimento dell’egemonia globale, le linee-guida tracciate dalle precedenti amministrazioni, che si riducono, in estrema sintesi a due: a) potenziamento ed estensione dei presidi militari; b) balcanizzazione dell’intero pianeta lungo linee etniche, religiose e culturali.
A fronte della chiara e manifesta tendenza degli USA al dominio mondiale – negli ultimi tempi marcatamente sorretta dal corpus ideologico-religioso veterotestamentario (9), piuttosto che da una accurata analisi dell’attuale momento improntata alla Realpolitik – Cina, India e Russia, al contrario, paiono essere ben consapevoli delle condizioni odierne che li chiamano ad una assunzione di responsabilità sia a livello continentale che globale. Tale assunzione pare esplicarsi per il tramite delle azioni tese alla realizzazione di una maggiore e meglio articolata integrazione eurasiatica, nonché al sostegno delle politiche procontinentali dei paesi sudamericani.
La centralità della Russia
La ritrovata statura mondiale della Russia quale protagonista dello scenario globale impone alcune riflessioni d’ordine analitico per comprenderne il posizionamento nei distinti ambiti continentale e globale, nonché le variabili che potrebbero modificarlo nel breve e medio periodo.
Mentre in relazione alla massa euroafroasiatica il ruolo centrale della Russia quale suo heartland, così come venne sostanzialmente formulato da Mackinder, viene riconfermato dall’attuale quadro internazionale, più problematica e più complessa risulta essere invece la sua funzione nel processo di consolidamento del nuovo sistema multipolare.
Spina dorsale dell’Eurasia e ponte eurasiatico tra Giappone e Europa
Gli elementi che hanno permesso alla Russia di riaffermare la sua importanza nel contesto eurasiatico, molto schematicamente, sono:
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riappropriazione da parte dello Stato di alcune industrie strategiche;
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contenimento delle spinte secessionistiche;
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uso “geopolitico” delle risorse energetiche;
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politica volta al recupero dell’ “estero vicino”;
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costituzione del partenariato Russia-NATO, quale tavolo di discussione volto a contenere il processo di allargamento del dispositivo militare atlantico;
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tessitura di relazioni su scala continentale, volte ad una integrazione con le repubbliche centroasiatiche, la Cina e l’India;
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costituzione e qualificazione di apparati di sicurezza collettiva (OTSC e OCS).
Se la gestione prima di Putin ed ora di Medvedev dell’aggregato di elementi sopra considerati ha mostrato, nelle presenti condizioni storiche, il ruolo della Russia quale spina dorsale dell’Eurasia, e dunque quale area gravitazionale di qualunque processo volto all’integrazione continentale, tuttavia non ne ha messo in evidenza un carattere strutturale, importante per i rapporti russo-europei e russo-giapponesi, quello di essere il ponte eurasiatico tra la penisola europea e l’arco insulare costituito dal Giappone.
La Russia considerata come ponte eurasiatico tra l’Europa e il Giappone obbliga il Cremlino ad una scelta strategica decisiva per gli sviluppi del futuro scenario mondiale, quella della destrutturazione del sistema occidentale. Mosca può conseguire tale obiettivo con successo, nel medio e lungo periodo, intensificando le relazioni che coltiva con Ankara per quanto concerne le grandi infrastrutture (South Stream) e avviandone di nuove in rapporto alla sicurezza collettiva. Accordi di questo tipo provocherebbero di certo un terremoto nell’intera Unione Europea, costringendo i governi europei a prendere una posizione netta tra l’accettazione di una maggiore subordinazione agli interessi statunitensi o la prospettiva di un partenariato euro-russo (in pratica eurasiatico, considerando i rapporti tra Mosca, Pechino e Nuova Delhi), più rispondente agli interessi delle nazioni e dei popoli europei (10). Una iniziativa analoga Mosca dovrebbe prenderla con il Giappone, inserendosi quale partner strategico nel contesto delle nuove relazioni tra Pechino e Tokyo e, soprattutto, avviando, sempre insieme alla Cina, un appropriato processo di integrazione del Giappone nel sistema di sicurezza eurasiatico nell’ambito dell’Organizzazione per la Cooperazione di Shanghai (11).
Chiave di volta del nuovo ordine mondiale
In rapporto al nuovo ordine multipolare, la Russia sembra possedere gli elementi base per adempiere a una funzione epocale, quella di chiave di volta dell’intero sistema. Uno degli elementi è costituito proprio dalla sua centralità in ambito eurasiatico come più sopra è stato esposto, altri dipendono dai suoi rapporti con i paesi dell’America meridionale, dalla sua politica vicino e mediorientale e dal suo rinnovato interesse per la zona artica. Questi quattro fattori diventano problematici, giacché strettamente collegati all’evoluzione delle relazioni che intercorrono tra Mosca e Pechino. La Cina, come noto, ha stretto, al pari della Russia, solide alleanze economico-commerciali con i paesi emergenti dell’America indiolatina, conduce nel Vicino e Medio Oriente una politica di pieno sostegno all’Iràn, manifesta inoltre una grande attenzione verso i territori siberiani ed artici (12). Considerando quanto appena ricordato, se le relazioni tra Pechino e Mosca si sviluppano in senso ancora più accentuatamente eurasiatico, prefigurando una sorta di alleanza strategica tra i due colossi, il consolidamento del nuovo sistema multipolare beneficerà di una accelerazione, in caso contrario, esso subirà un rallentamento o entrerà in una situazione di stallo. Il rallentamento o la situazione di stallo fornirebbe il tempo necessario al sistema occidentale per riconfigurarsi e per rientrare, quindi, in gioco alla pari con gli altri attori.
Il nodo di Gordio del Vicino e Medio Oriente – l’obbligo di una scelta di campo
Tra gli elementi sopra considerati, relativi al ruolo globale che la Russia potrebbe svolgere, la politica vicino e mediorientale del Cremlino sembra essere quella più problematica. Ciò a causa dell’importanza che questo scacchiere rappresenta nel quadro generale del grande gioco mondiale e per il significato particolare che ha assunto, a partire dalla crisi di Suez del 1956, in seno alle dottrine geopolitiche statunitensi. Come si ricorderà, la politica russa o meglio sovietica nel Vicino Oriente, dopo un primo orientamento pro-sionista degli anni 1947 – 48, peraltro trascinatasi fino al febbraio del 1953, quando si consumò la rottura formale tra Mosca e Tel Aviv, si volse decisamente verso il mondo arabo. Nel sistema di alleanze dell’epoca, l’Egitto di Nasser divenne il paese fulcro di questa nuova direzione del Cremlino, mentre il neostato sionista rappresentò lo special partner di Washington. Tra alti e bassi la Russia, dopo la liquefazione dell’URSS, mantenne questo orientamento filoarabo, seppur con qualche difficoltà. Nel mutato quadro regionale, determinato da tre eventi principali: a) inserimento dell’Egitto nella sfera d’influenza statunitense; b) eliminazione dell’Iraq; c) perturbazione dell’area afgana che testimoniano l’arretramento dell’influenza russa nella regione e il contestuale avanzamento, anche militare, degli USA, il paese fulcro della politica vicino e mediorientale russa è rappresentato logicamente dalla Repubblica islamica dell’Iràn.
Mentre ciò è stato ampiamente compreso da Pechino, nel quadro della strategia volta al suo rafforzamento nella massa continentale euroafroasiatica, lo stesso non si può dire di Mosca. Se il Cremlino non si affretta a dichiarare apertamente la sua scelta di campo a favore di Teheran, adoperandosi in tal modo a tagliare quel nodo di Gordio che è costituito dalla relazione tra Washington e Tel Aviv, correrà il rischio di vanificare il suo potenziale ruolo nel nuovo ordine mondiale.
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1. Il sistema occidentale, così come si è affermato dal 1945 ai nostri giorni, è strutturalmente composto da due principali e distinti spazi geopolitici, quello angloamericano e quello dell’America indiolatina, cui si aggiungono porzioni di quello eurasiatico. Quest’ultime sono costituite dall’Europa (penisola eurasiatica o cerniera euroafroasiatica) e dal Giappone (arco insulare eurasiatico). L’America indiolatina, l’Europa e il Giappone sono pertanto da considerarsi, in rapporto al sistema “occidentale”, più propriamente, sfere d’influenza della potenza d’oltreoceano.
2. L’ONU, il FMI e la BM, nell’ambito del confronto tra il sistema occidentale a guida statunitense e le potenze eurasiatiche, svolgono di fatto la funzione di dispositivi geopolitici per conto di Washington.
3. Per quanto riguarda la riscoperta della vocazione continentale dell’America centromeridionale nell’ambito del dibattito geopolitico, maturato in relazione all’ondata globalizzatrice degli ultimi venti anni, si rimanda, tra gli altri, ai lavori di Luiz A. Moniz Bandeira, Alberto Buela, Marcelo Gullo, Helio Jaguaribe, Carlos Pereyra Mele, Samuel Pinheiro Guimares, Bernardo Quagliotti De Bellis; si segnala, inoltre, la recente pubblicazione, Diccionario latinoamericano de seguridad y geopolitíca (direzione editoriale a cura di Miguel Ángel Barrios), Buenos Aires 2009.
4. Luca Bellocchio, L’eterna alleanza? La special relationship angloamericana tra continuità e mutamento, Milano 2006.
5. Per analoghe motivazioni geostrategiche, sempre relative all’accerchiamento della massa eurasiatica, gli USA considerano anche il Giappone una loro testa di ponte, speculare a quella europea.
6. Nello specifico settore del gas e del petrolio, l’influenza statunitense e, in parte, britannica determinano la scelta dei membri dell’UE riguardo ai partner extraeuropei, alle rotte per il trasporto delle risorse energetiche ed alla progettazione delle relative infrastrutture.
7. Un approccio teorico relativo ai processi di transizione di uno Stato da una posizione di subordinazione ad una di autonomia rispetto alla sfera di influenza in cui è incardinato è stato trattato recentemente dall’argentino Marcelo Gullo, nel saggio La insurbodinación fundante. Breve historia de la costrucción del poder de las naciones, Buenos Aires 2008.
8. Significativi, a tal proposito, i richiami costanti di Caracas, Buenos Aires e Brasilia all’unità continentale. Nell’appassionato discorso di insediamento alla presidenza dell’Uruguay, tenuto all’Assemblea generale del parlamento nazionale il 1 marzo del 2010, il neoeletto José Mujica Cordano, ex tupamaro, ha sottolineato con vigore che “Somos una familia balcanizada, que quiere juntarse, pero no puede. Hicimos, tal vez, muchos hermosos países, pero seguimos fracasando en hacer la Patria Grande. Por lo menos hasta ahora. No perdemos la esperanza, porque aún están vivos los sentimientos: desde el Río Bravo a las Malvinas vive una sola nación, la nación latino-americana”.
9. Ciò anche in considerazione della politica “prosionista” che Washington porta avanti nel Vicino e Medio Oriente. Si veda a tal proposito il lungo saggio di John J. Mearsheimer e Stephen M. Walt, La Israel lobby e la politica estera americana, Milano, 2007.
10. Una ipotesi di partenariato euro-russo, basato sull’asse Parigi-Berlino-Mosca, venne proposta, in un contesto diverso da quello attuale, nel brillante saggio di Henri De Grossouvre, Paris, Berlin, Moscou. La voie de la paix et de l’independénce, Lausanne 2002.
11. L’allargamento delle strutture continentali (globali nel caso della NATO) di sicurezza e difesa sembra essere un indice del grado di consolidamento del sistema multipolare. Oltre la NATO, la OTSC e le iniziative in ambito OCS, occorre ricordare anche il Consejo de Defensa Suramericano (CDS) de la Unión de Naciones Suramericanas (UNASUR).
12. Linda Jakobson, China prepares for an ice-free Arctic, Sipri Insights on Peace and Securiry, no. 2010/2 March 2010.
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Quelles alliances dans le monde islamique?
Archives de Synergies Européennes - 1997
Quelles alliances dans le monde islamique?
Sur le plan religieux, au sens étymologique du terme, c'est-à-dire dans le sens latin de re-ligere, soit de lier les membres d'une communauté politique par des valeurs et un héritage culturel communs, notre position est claire: l'Europe est une pluralité de peuples et de paysages, de climats et de végétations, qui impliquent qu'entre les hommes s'instaurent des modalités de vivre-en-commun chaque fois différentes selon les paramètres. Modalités et variations révèlent de la sorte un polythéisme des valeurs, qu'il s'agit d'harmoniser. Les religions monothéistes sont issues, dans leur quintessence, du désert, avec son uniformité sublime qui force à penser l'absolu, le Tout-Autre. En disant cela, nous n'entendons pas dénigrer les spiritualités du désert ni ceux qui en sont les porteurs: avec Ludwig-Ferdinand Clauss qui a pensé simultanément l'esprit de la forêt (nord-européenne) et l'esprit du désert chez les Bédouins, qui est considéré comme un Juste par les Juifs, nous constatons deux modalités du spirituel qui ne se sont pas nécessairement opposées dans l'histoire (cf. les figures de Parsifal et de Feirefiz) mais qui impliquent néanmoins que l'on manie des jeux d'institutions politiques différents, pour être en symbiose avec notre environnement immédiat.
La vie dans le désert implique des codes rigoureux, la vie dans les forêts ou dans les lisières défrichées implique des codifications plus souples. Chez le Bédouin ou l'Arabe, la douceur de l'oasis lève souvent la rigueur des codes, et il rejoint là la souplesse des terres à jardins. En Europe, le jardin, d'abord potager puis floral, l'orangerie, la douceur des potagers et des fruits méditerranéens ou la sérénité des vergers centre-européens ou nord-européens, le vieux culte européens des fruits impliquent au fond une moindre rigueur, en dépit des jansénismes ou des puritanismes. Les libres-penseurs ne nous contrediront pas: Voltaire n'a-t-il pas dit et répété, «Cultivons notre jardin», signifiant par là que la variété des essences que nous y cultivons nous procure la sérénité et nous conduit au chemin de la tolérance (mais, hélas, aujourd'hui, la tolérance, dans la bouche des vitupérateurs médiatiques, n'est plus cette sérénité, mais, au contraire, le prétexte à édifier des codes rigides, plus rigides que tous les codes religieux du passé, parce qu'abstraits et désincarnés).
Aujourd'hui, la revendication religieuse la plus véhémente est sans conteste celle de l'islamisme radical. Mais quel islamisme? Celui du FIS, de la République Islamique d'Iran, du Soudan, des Frères musulmans, des Talibans de Kaboul, des extrémistes égyptiens qui prennent les cars de touristes pour cibles, d'Erbakan en Turquie? Dans ces multiples facettes de l'islamisme radical d'aujourd'hui, il s'agit pour nous de faire le tri. Non pas en vue d'une conversion qui serait insolite ou marginale. Mais parce qu'en dépit du processus qui s'opère actuellement, c'est-à-dire le regroupement des peuples dans des sphères civilisationnelles axées sur les options religieuses (cf. le recension du livre de Samuel Huntington par W. Strauss dans ce n°30 de NdSE), le dialogue inter-civilisationnel ne s'arrêtera pas pour autant. Si ces regroupements impliquent un certain repli sur soi, —pour que les peuples revoient enfin clair et se dégagent des philosophades simplistes de l'occidentisme— les périphéries continueront néanmoins à dialoguer entre elles pour gérer des zones géographiques contigües ou même pour vider des conflits par les armes (car la guerre, en dépit de ce que racontent les irénistes, est une forme de dialogue).
Guido A. Del Valle, lors de notre université d'été de 1996 en Lombardie, avait démontré que les principales puissances musulmanes d'aujourd'hui étaient de fidèles alliées des Etats-Unis et, qu'à ce titre, elles étaient instrumentalisées contre l'Europe. Ce constat est juste, hélas, et nous l'acceptons, même si nous aurions préféré un dialogue inter-civilisationnel sur le mode que nous avait préconisé le Juste Ludwig-Ferdinand Clauss, dont Julius Evola admirait tant les œuvres. En effet, l'Egypte, clef du canal de Suez, de la Mer Rouge et de la Méditerranée orientale, est une alliée des Etats-Unis. La Turquie, formidable puissance militaire classique à la charnière de l'Europe et de l'Asie, entre la Mer Noire russo-ukrainienne et la Méditerrannée orientale, est le principal atout américain dans la région. Très nettement, cette puissance joue contre l'Europe et contre la Russie dans les Balkans, en Mer Noire, dans le Caucase, en Asie centrale, à Chypre et dans les vallées du Tigre et de l'Euphrate. Enfin, l'Arabie Saoudite, formidable puissance financière et pétrolière, est entièrement sous la coupe de Washington. En Algérie, la guerre civile empêche une réorganisation du pays, qui pourrait devenir un complément agricole pour l'Europe surpeuplée. La Libye de Khadafi, Etat plus laïc que religieux dans sa structure, est condamnée à faire du sur-place à cause du blocus imposé par Washington. Le Pakistan sert de base arrière aux Talibans qui font la guerre aux Russes et aux Tadjiks, pour empêcher que la plus grande puissance slave ne s'installe par gouvernements locaux interposés sur les rives de l'Océan Indien et n'opère une jonction avec l'Inde, ne réalise un axe Moscou-Dehli. Seul l'Iran, puissance impériale sur la masse continentale eurasiatique, à côté des impérialités euro-germanique, russe, chinoise, japonaise et ottomane (défunte), a une politique anti-américaine et anti-impérialiste cohérente. L'Islam chiite à la mode iranienne est donc un allié potentiel de l'Europe et de la Russie sur la scène internationale. Washington tente de nous le faire oublier, par une propagande remarquablement bien orchestrée, que gobent tous les politiciens à la petite semaine qui peuplent nos ministères des affaires étrangères.
Washington a admirablement joué sa carte musulmane. Tous ces coups ont été des coups de maître. S'il existait en Europe des diplomates et des services spéciaux aussi efficaces que ceux qui agissent à Washington, que feraient-ils?
- Ils dénonceraient le blocus anti-libyen, aideraient Khadafi (ou ses successeurs) à réaliser les plans germano-italiens de 1940-43 de fertilisation du désert de Tripolitaine et de Cyrénaïque afin d'avoir une réserve de céréales et d'agrumes aux portes de l'Europe.
- Ils tableraient sur des mouvements néo-nassériens en Egypte, afin d'obtenir le contrôle du Canal de Suez et de la Mer Rouge.
- Ils soutiendraient la politique néo-musulmane et néo-ottomane d'Erbakan en Turquie contre le laïcisme des militaires à la solde de l'Occident libéral. Ils forceraient Serbes et Croates à affronter de concert la menace turque dans les Balkans. Ils aideraient Roumains, Bulgares, Ukrainiens, Russes, Géorgiens et Arméniens à faire de la Mer Noire un lac exclusivement européen, de façon à organiser en synergie fleuves ukrainiens et bassin du Danube, afin d'avoir une voie fluviale non contrôlée par la VIième flotte US et d'y échanger les produits finis centre-européens et les matières premières (blé, pétrole) d'Ukraine et du Caucase. Ils se poseraient en protecteurs de la Syrie et de l'Irak contre la politique des barrages turcs qui assèchent la région en monopolisant dès la source les eaux du Tigre et de l'Euphrate. Ils imposeraient à Washington et à Ankara le tracé russe des oléoducs venant du Caucase, qu'ils coupleraient ensuite au complexe danubien. Ils vieilleraient à la bonne exécution de ces politique en intégrant Chypre à l'UE et en faisant de cette belle île une base aéronavale inexpugnable, où l'armée et la marine grecques auraient un rôle primordial à jouer. Ils réserveraient à Ankara un rôle de premier plan, un rôle impérial, au Proche-Orient, de Mossoul à Aden. La Turquie actuelle n'a de toute façon par de moyens propres suffisants pour faire une autre politique.
- Ils soutiendraient les partis russophiles en Afghanistan, de façon à contrôler, de concert avec l'Iran, toute la côte de l'Océan Indien, d'Aden aux frontières de l'Inde, prélude au grand axe Berlin-Vienne-Moscou-Téhéran-Dehli-Tokyo, résurrection de cinq des grandes impérialités eurasiennes, auxquelles se joindrait rapidement la Chine.
Dans le jeu subtil et intéressé de la diabolisation globale de l'“extrémisme islamique”, il s'agit surtout de garder la tête froide, de ne pas raisonner avec passion, mais avec froideur, en toute vraie logique politique. Car les zones incluses aujourd'hui dans la “civilisation musulmane” sont les zones-clefs de l'histoire: ceux qui les contrôlent sont maîtres du monde; ceux qui les ignorent sont condamnés à mariner misérablement dans le jus de leur égocentrisme stérile. Je me permets de rappeler aux isolationnistes étriqués qui veulent édifier des murs entre l'Europe et le monde musulman, que ces murs n'ont jamais existé (ni au temps antiques de l'élan des peuples indo-européens vers la Cappadoce, les hauts plateaux iraniens et l'Inde ni aux temps des croisades et de Marco Polo). Pour employer une métaphore agricole, dans l'esprit des jardins de Voltaire: les isolationnistes sont des consommateurs de fruits confits et de confitures, sans doute faute de mieux; les “dialoguistes inter-civilisationnels”, les héritiers de Frédéric II de Hohenstaufen, mordent dans les fruits frais gorgés de soleil, à pleines dents!
Revenons au concret et à l'actualité: dans le monde islamique, nous avons des alliés et des ennemis. Nos alliés sont les adversaires de Washington, parce que Washington veut torpiller toute véritable unification européenne. Nos ennemis sont tous les extrémistes qui agissent pour le compte des Etats-Unis. Tout le reste est littérature, boniments et propagande médiatique. Washington ne fait pas la fine bouche quand il s'agit de choisir ses hommes de main dans les montagnes afghanes, dans les Balkans, le Caucase ou le bled algérien. Pourquoi l'Europe resterait-elle paralysé devant les discours tenus par des ignorants (ou de faux ignorants dûment stipendiés) dans les gazettes bien-pensantes ou sur les ondes de télévisions commerciales? Un synergétiste averti en vaut deux.
Gilbert SINCYR.
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vendredi, 09 avril 2010
Pas d'Europe unie sans la Russie!
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2004
Pas d'Europe unie sans la Russie
Article de Vladimir Simonov,
commentateur politique de RIA-Novosti, 24 février 2004.
Les ultimatums posés à la Russie dans l'histoire contemporaine n'ont jamais aidé leurs auteurs à atteindre leurs objectifs.
La déclaration conjointe adoptée lundi à Bruxelles à la rencontre des chefs des diplomaties des pays membres de l'Union européenne rappelle beaucoup un ultimatum. L'Union européenne évoque devant la Russie les "graves conséquences" qu'entraînerait son refus d'étendre l'Accord de partenariat et de coopération conclu en 1997 aux nouveaux pays qui adhéreront à l'UE le 1er mai.
Moscou souhaite revoir cet accord, car la Russie a des échanges commerciaux avec les pays d'Europe de l'Est, nouveaux membres de l'Union européenne en vertu de traités dont les délais n'expireront pas vers mai prochain, loin s'en faut.
L'UE s'y oppose catégoriquement. Selon la déclaration adoptée à Bruxelles, l'Accord de partenariat et de coopération doit s'étendre automatiquement aux nouveaux membres du club européen. Bruxelles laisse entendre par là que l'élargissement de l'Union européenne est une affaire intérieure de l'organisation et qu'elle le restera même si cela ne plaît pas à Moscou. Mais le problème est ailleurs: les belles formules de la "Stratégie générale de l'UE à l'égard de la Russie", document fondamental adopté en juin 1999 par le Conseil de l'Europe à Cologne, garderont-elles leur sens après l'élargissement de l'UE? Ce document mentionne maintes fois des objectifs stratégiques de l'UE comme "l'intensification de la coopération avec la Russie", la création d'une "Russie prospère", d'une "économie de marché florissante dans l'intérêt de tous les peuples de la Russie", etc.
Cependant, Bruxelles ne peut pas ne pas comprendre que l'extension automatique des normes de l'Accord de partenariat et de coopération à 10 nouveaux membres de l'UE portera un coup dur aux intérêts économiques de la Russie. Les dizaines de traités et d'accords commerciaux et économiques qui sont aujourd'hui en vigueur seront résiliés. L'exportation d'aluminium, de céréales, d'engrais chimiques et de combustibles nucléaires vers l'Europe centrale et en Europe de l'Est se heurtera à une multitude de facteurs négatifs.
Bref, selon les estimations des experts russes et occidentaux, l'élargissement d'après la variante que Bruxelles essaie d'imposer à Moscou causera à l'économie russe un préjudice d'au moins 300 millions d'euros, ce qui permet de juger des propos sur le souci de créer une "Russie prospère".
Il est à remarquer qu'en refusant à Moscou le droit de défendre ses intérêts contre les conséquences négatives de l'élargissement de l'UE, ses membres n'ont pas l'intention de sacrifier leurs propres droits à l'autodéfense.
Ainsi, 14 des 15 membres de l'Union européenne adoptent en hâte, ces derniers mois, toutes sortes de lois et de normes qui leur permettraient de réduire considérablement l'arrivée d'immigrés des pays qui adhéreront au club européen le 1er mai. La Belgique introduit des restrictions sur l'octroi des permis de travail qui seront en vigueur pendant les deux années suivant l'élargissement de l'UE, sans donner d'éclaircissements à ce sujet. L'Allemagne prévoit de prolonger ces restrictions jusqu'à 7 ans. Les Pays-Bas établissent le quota de 22 000 ouvriers immigrés par an pour ceux qui arrivent des pays d'Europe de l'Est. La Grande-Bretagne les prive de la plupart des allocations sociales.
Personne n'a l'intention d'étendre automatiquement aux nouveaux membres de l'Union européenne les règles conformes à la situation précédant le 1er mai 2004.
Se rendant compte de l'absence de logique des exigences présentées à Moscou d'étendre l'Accord de partenariat et de coopération à 25 pays (aujourd'hui, il concerne 15 pays), Bruxelles veut noyer cette iniquité dans son mécontentement face à la politique intérieure des autorités russes.
Dans la même déclaration conjointe, les ministres des Affaires étrangères de l'UE rappellent la violation des droits de l'homme en Tchétchénie, "l'imperfection du système électoral russe", ils proposent à Moscou de ratifier dans les plus brefs délais le protocole de Kyoto sur le réchauffement du climat global et de récupérer les immigrés illégaux russes expulsés par les pays de l'UE.
Moscou connaît ses côtés faibles mieux que n'importe quel critique. La Russie est prête à accepter graduellement les valeurs européennes, mais, pour l'instant, elle déploie ses efforts principaux en vue de remplacer l'économie centralisée par l'économie de marché. La Russie traverse une période transitoire dramatique et voudrait compter sur la compréhension, la coopération et le partenariat de l'UE, et pas seulement sur les observations critiques formulées sur un ton sans appel à son adresse.
Pour l'instant, Moscou soupçonne de plus en plus que l'élargissement de l'Union européenne dans sa variante actuelle représente probablement une tentative de créer un espace européen sans la participation de la Russie, ou bien une zone géopolitique où le rôle réservé à la Russie serait secondaire, celui de pays de seconde zone.
Multipliant les prétentions et les exigences adressées à Moscou, Bruxelles méprise en même temps les intérêts nationaux de la Russie. L'exigence d'étendre automatiquement l'Accord de partenariat et de coopération aux nouveaux membres de l'UE ne fait que mettre en lumière un problème plus important. Le mémorandum du ministère russe des Affaires étrangères envoyé fin janvier à la Commission européenne en parle de manière plus détaillée. L'élargissement de l'Union européenne serait moins douloureux, laisse entendre ce document, si les milieux dirigeants de Bruxelles comprenaient mieux ce que la Russie veut obtenir de l'UE.
Elle ne veut rien d'extraordinaire et, d'autant moins, rien d'injustifié du point de vue des intérêts nationaux réels de la grande puissance européenne qui assure 36 % des livraisons de gaz et 10 % de celles de pétrole aux pays de l'UE.
La Russie voudrait participer plus dignement à l'adoption de décisions au sein de l'Union européenne, à plus forte raison après l'adhésion à cette organisation des pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est, ses partenaires économiques traditionnels. Moscou saluerait les tarifs commerciaux plus équitables de l'UE pour l'acier, les produits pharmaceutiques, le matériel aéronautique et les technologies nucléaires russes.
La Russie ne comprend pas non plus pourquoi l'Union européenne hésite à inviter l'Estonie, surtout la Lettonie, c'est-à-dire ses nouveaux membres, à garantir l'accès aux valeurs européennes pour la minorité russophone de ces pays, notamment la liberté d'étudier et de développer sa culture en langue maternelle.
Moscou compte sur une attitude moins indifférente de Bruxelles vis-à-vis du problème du transit de Kaliningrad et, dans un avenir prévisible, envers les voyages sans visas entre la Russie et l'UE.
Le problème principal se profile derrière cette avalanche de souhaits, de prétentions et de remarques critiques qui s'accroît dans les rapports entre la Russie et l'Union européenne: dans quelle mesure Bruxelles est-il prêt au partenariat stratégique réel, et non déclaratif, avec Moscou, partenariat décrit d'une manière si attrayante dans l'Accord de 1997 ? D'ailleurs, il ne faut pas oublier un axiome: il est impossible de créer la communauté paneuropéenne sans la présence de la Russie.
Vladimir SIMONOV.
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mercredi, 07 avril 2010
La geopolitica di Karl Haushofer ha ancora qualcosa da insegnare al mondo attuale?
Fonte: Arianna Editrice [scheda fonte]
È giusto buttare via il bambino insieme all’acqua sporca?
Dal momento che la geopolitica ha un’origine in gran parte tedesca, e poiché è servita a razionalizzare, in parte, gli obiettivi di guerra della Germania nelle due guerre mondiali, la cultura liberaldemocratica oggi dominante l’ha sdegnosamente rigettata, insieme ai vecchi e lugubri armamentari del nazismo.
Tuttavia, a parte il fatto che le potenze liberaldemocratiche - Stati Uniti e Gran Bretagna in testa - perseguono, con altri nomi e sotto alte maschere, un obiettivo strategico globale molto simile a quello che la geopolitica, tedesca e non, indicava come proprio oggetto di studi, ci sembra che molta confusione ipocrita e molta voluta ambiguità siano alla radice di questa operazione di rifiuto e di radicale rimozione dal salotto buono della cultura odierna.
Fra parentesi, osserviamo che si tratta della stessa confusione ipocrita e della stessa voluta ambiguità che hanno presieduto all’abbandono degli studi geopolitici in Italia, dopo che essi avevano ricevuto un impulso originale fra il 1939 e il 1942, ad opera della omonima rivista e degli studiosi Giorgio Roletto ed Ernesto Massi dell’Università di Trieste. Caduto il fascismo, anche la geopolitica italiana è stata gettata nel cestino della storia, come un lontano cugino impresentabile, di cui doversi vergognare tra la gente “per bene”.
Dunque: in primo luogo, la geopolitica non è solo di origine tedesca, ma anche inglese e americana; anzi, a fondarla è stato uno studioso svedese, Rudolf Kjellen, nel 1904. E la sua idea fondamentale, ossia la contesa naturale ed incessante fra le potenze marittime o talassocratiche e quelle continentali, deriva dal libro di uno studioso inglese, Sir Halford Mackinder, «The Geographical Pivot of History».
In secondo luogo, anche la geopolitica tedesca non è affatto un prodotto del nazismo e la si può benissimo immaginare anche senza Hitler. Il terreno è stato preparato dalla geografia politica di Friedrich Ratzel (1844-1904) e il suo massimo esponente è stato Karl Haushofer (1869-1946) che non era nazista, anzi che ebbe un figlio giustiziati dai nazisti, ma era piuttosto un militare conservatore della vecchia scuola, le cui idee fondamentali si concretizzarono fra due eventi che precedettero entrambi l’avvento del nazismo: da un lato il “Drang nach Osten”, la “marcia verso Oriente” della Germania guglielmina, che sembrò concretizzarsi con la costruzione della ferrovia Berlino-Baghdad; dall’altro la sconfitta tedesca nella prima guerra mondiale e il fortissimo sentimento di frustrazione nazionale che si impadronì allora della Germania, sotto il peso del punitivo trattato di Versailles.
La Germania è una potenza continentale e sempre i suoi governi hanno ragionato in termini di politica continentale. La corsa all’accaparramento delle colonie, nel 1884, fu una eccezione alla regola, concessa da Bismarck per dare un contentino agli ambienti della Marina e a taluni settori industriali e finanziari; ma la rivendicazione delle colonie perdute non sarebbe stato che un elemento del tutto secondario nel disegno rivendicazionista di Hitler.
Viceversa, la Gran Bretagna è sempre stata una potenza marittima il cui obiettivo è quello di impedire che, sul continente europeo, si affermi una potenza egemone, ciò che metterebbe in forse i suoi interessi commerciali e strategici; per questo essa ha sempre profuso grandi somme di denaro per armare delle coalizioni contro la potenza egemone del momento, che fosse la Francia di Luigi XIV o di Napoleone, oppure la Germania di Guglielmo II e, poi, di Hitler.
Altrettanto evidente che, per Mackinder, il potere talassocratico fosse di segno positivo, mentre per Haushofer era quello continentale a rappresentare il “bene”: ciascuno vede la verità secondo il proprio specifico angolo visuale. Le potenze marittime sono isole e arcipelaghi (Gran Bretagna, Giappone) o penisole (Italia); quelle continentali sono al centro dei continenti (Germania) o, spingendosi da una costa all’altra, appaiono in grado di unificarli (Russia, poi Unione Sovietica; Stati Uniti; e, oggi, anche la Cina).
Per questo la Gran Bretagna non voleva né poteva rinunciare a Gibilterra, a Suez, ad Aden, a Singapore e Hong Kong, a Città del Capo e alle Isole Falkland: perché solo per mezzo di quelle basi strategiche avrebbe potuto stringere in una morsa le potenze continentali. E per questo la Germania, in entrambe le guerre mondiali, ha puntato a est, al grano dell’Ucraina, al petrolio della Romania e poi del Caucaso, al ferro della Svezia, alle immense steppe dell’Asia centrale: perché solo così avrebbe potuto spezzare l’accerchiamento marittimo e l’inevitabile strangolamento economico cui, con il dominio inglese dei mari, era inevitabilmente esposta.
Ma una cosa è certa: che, mentre per la Gran Bretagna la posta in gioco era la conservazione dell’impero coloniale e, quindi, del benessere legato allo sfruttamento di immense risorse mondiali e alla penetrazione commerciale nei più lontani mercati, per la Germania invece (o, prima di essa, per la Francia e, dopo di essa, per l’Unione Sovietica) la posta in gioco era, in un certo senso, la pura e semplice sopravvivenza. Perciò, a dispetto di tutte la apparenze, le guerre di Napoleone contro le varie coalizioni finanziate dall’Inghilterra erano essenzialmente difensive, come lo furono quelle di Hitler, ivi compreso l’attacco all’Unione Sovietica, spada continentale dei banchieri della City Londinese (e di Wall Street); mentre le guerre condotte e soprattutto finanziate dalla Gran Bretagna, nel corso di oltre due secoli, contro la potenza continentale di turno, a partire dalla Guerra dei Sette anni (1756-63), furono guerre prettamente offensive.
Entrambe le guerre mondiali possono essere considerate come un gigantesco scontro geopolitico fra le potenze talassocratiche e quelle continentali.
Nella prima, la potenza marittima egemone (Gran Bretagna), alleata con due potenze continentali marginali dell’area euroasiatica (Francia e Russia) e con due potenze extraeuropee, una continentale ed una marittima (Stati Uniti e Giappone), nonché con una potenza marittima europea (Italia), ha avuto la meglio sulle due potenze continentali europee (Germania e Austria-Ungheria) e su una potenza continentale marginale (Impero Ottomano).
Nella seconda, una potenza continentale e due potenze marittime dell’area euroasiatica (Germania, Italia e Giappone) hanno tentato, fallendo, di spezzare l’accerchiamento del maggiore potenziale integrato, marittimo e terrestre, che esistesse a livello mondiale (Gran Bretagna e Stati Uniti), alleato - per l’occasione - con l’altra potenza continentale (Unione Sovietica; la Francia essendo stata eliminata già nelle primissime fasi del conflitto).
Insomma, si arriva sempre alla medesima conclusione: che il dominio dei mari, alla lunga, assicura la vittoria, perché consente lo sfruttamento delle maggiori fonti di ricchezza mondiali; ma che le potenze marittime, per strappare la decisione finale, devono o allearsi con delle potenze terrestri, di cui si servono come di altrettante spade continentali, oppure devono trasformarsi esse stesse anche in potenze continentali: come è stato il caso della Gran Bretagna, che, attraverso colonie-continenti come l’Australia, ha decentrato i propri gangli vitali; tanto che è stato osservato come neppure l’invasione tedesca dell’Inghilterra, nel 1940, l’avrebbe costretta alla resa, poiché essa avrebbe potuto benissimo continuare la lotta trasferendo il proprio governo nel Canada e potendo contare sull’appoggio sempre più deciso degli Stati Uniti.
Infine potremmo dire che, negli ultimi decenni, la superpotenza americana (continentale, ma divenuta anche marittima per le necessità della sua politica imperiale), dopo aver avuto la meglio sulla superpotenza sovietica (anch’essa continentale, e anzi bicontinentale, improvvisatasi marittima per ragioni strategiche globali), deve ora fronteggiare l’ascesa irresistibile di una potenza squisitamente continentale, la Cina - e, in prospettiva, anche l’India - divenuta erede dello slogan panasiatico lanciato dai Giapponesi durante la guerra del Pacifico.
Ma sarà bene delineare, adesso, un rapido profilo della figura e dell’opera del controverso “padre” della geopolitica, Karl Haushofer, servendoci della penna di un valente studioso italiano.
Ha scritto Alessandro Corneli, esperto di relazioni internazionali e strategia, nel suo volume «Geopolitica è. Leggere il mondo per disegnare scenari futuri» (Fondazione Achille e Giulia Boroli, 2006, pp. 123-27):
«Karl Haushofer (1869-1946) è il pensatore geopolitico tedesco per eccellenza, ma il suo nome è Anche legato alla parabola nazista. Ufficiale di carriera senza particolari meriti, in missione diplomatica in Estremo Oriente Giappone e Manciuria, scrive le sue impressioni, restando particolarmente colpito dalla corsa alla modernizzazione dell’Impero del Sol Levante. Durante la partecipazione alla prima guerra mondiale legge “Lo Stato come organismo” dello svedese Kjellén e apprende il significato della geopolitica: scienza dello Stato in quanto organismo geografico, così come si manifesta nello spazio; lo Stato inteso come Paese, come territorio, e come impero. Convinto che la guerra in corso sia una guerra di annientamento della Germania, vuole che il suo paese sia una potenza mondiale. Così, all’indomani della sconfitta, ormai cinquantenne, fa il professore , il conferenziere, e dà vita alla “Rivista di geopolitica”, imponendosi come un’autorità intellettuale.
Nel 1919 aveva conosciuto il giovane Rudolf Hess (1894-1987). Hess, volontario nella prima guerra mondiale, si era arruolato nel reggimento List, in cui combatteva anche un ancora oscuro caporale di origine austriaca, Adolf Hitler, che lo convinse a entrare in politica, nel 1920, abbandonando l’università di Monaco dove stava per laurearsi in filosofia. Stretta amicizia con Hermann Göring (1893-1946, che durante la guerra aveva acquistato fama di grande aviatore e fu poi il creatore della’armata aerea tedesca, anche se fallì l’impresa contro la Royal Air Force inglese nella Battaglia d’Inghilterra), Hess partecipò al fallito putsch nazista di Monaco nel 1923, e fu arrestato insieme a Hitler. In carcere, Hess aiutò il futuro Führer a scrivere il “Mein Kampf” (“La mia battaglia”), opera destinata a diventare il testo sacro del nazismo. Da quel momento egli divenne uno dei più stretti collaboratori di Hitler, tanto da esserne considerato il suo delfino (che in gergo politico indica il successore alla guida di un partito). Hess, ma non era il solo, coltivava studi esoterici. Per il tramite di Hess, Haushofer incontrò Hitler almeno una dozzina di volte tra il 1922 e il 1938, ma non ne resta traccia documentaria. E soprattutto nasce il suo rapporto ambiguo con il nazismo. Dapprima, almeno fino al 1939, lo studioso riconosce al Führer il merito di avere ristabilito l’ordine, di avere unificato tutti i tedeschi in un solo Stato (Reich), di avere rimediato alle ingiustizie che il trattato di Versailles aveva imposto alla Germania vinta, considerata anche colpevole di avere scatenato la guerra. Ma la sua natura d’intellettuale un po’ distaccato dalla realtà, in difficoltà a capire i politici e i loro giochi tortuosi, di strenuo difensore della coerenza delle sue teorie, non gli permise di integrarsi nel sistema, tanto è vero che non ebbe mai la tessera del partito. In fiondo, egli era rimasto un nazionalista conservatore, un esponente della società tedesca guglielmina, aristocratica e gerarchica, , di cui erano espressione le alte cariche dell’esercito, diffidente nei confronti dei “parvenus” un po’ plebei che affollavano il mondo nazista. Nel 1939 ci fu anche uno screzio profondo: nel libro “Le frontiere “ aveva sollevato la questione della popolazione tedesca del Tirolo meridionale, annesso all’Italia nel 1919, e la cosa doveva turbare i rapporti tra Hitler e il suo principale alleato, Benito Mussolini,.
L’inizio della guerra fece registrare un progressivo isolamento di Haushofer. La moglie, di discendenza non ariana, era stata salvata per amicizia politica; uno dei figli, Albrecht, si trovò implicato, nell’aprile 1941q, in un complotto per arrivare a una pace separata; il 10 maggio dello stesso anno, il suo amico e protettore, Hess, compì il misterioso volo in Inghilterra e venne catturato dagli inglesi; la “Rivista di geopolitica” si dibatteva tra molte difficoltà, tra la necessità di giustificare la politica hitleriana e il pensiero del suo fondatore, che nell’ottobre 1945 dichiarerà che dopo il 1933, cioè dopo l’ascesa di Hitler al potere, la rivista stessa era sempre stata “sotto pressione”. Dopo l’attentato a Hitler del 20 luglio 1944, Haushofer venne sospettato e incarcerato: il figlio Albrecht era stato già giustiziato in aprile. Arrestato dagli americani dopo la resa della Germania (8 maggio 1945), Haushofer fu ascoltato come testimone durante il processo di Norimberga: messo a confronto con Hess, questi dichiarò di non conoscerlo. Il 10 maggio 1946 Haushofer e la moglie si suicidarono.
Affrontiamo adesso gli elementi fondamentali del suo pensiero geopolitico, dicendo anzitutto che è figlio della sconfitta tedesca nella prima guerra mondiale: il problema era a quel punto di andare oltre la conoscenza di sé, chiesta da Ratzel, e di fondare un progetto politico ricavandolo dalla geopolitici, perché la geopolitica, come affermava Haushofer, rappresenta il ponte tra il sapere e il potere, una specie di autocoscienza che conduce alla decisione.
Il lavoro dei precedenti studiosi viene utilizzato a fondo. Anzitutto la nozione di spazio vitale aggravato dalle ingiustizie del trattato di Versailles. In secondo luogo, e questo è un suo contributo originale, l’insistenza sulle idee globali o “pan-idee”, come il pangermanesimo, il panslavismo o il panasiatismo. Sono queste idee in grado di costruire vasti consensi, al di là di quelli che si possono costruire intorno a un piccolo stato, e anzi sono, rispetto ai confini statali, transfrontaliere, disegnando grandi complessi continentali. L’Impero Britannico, secondo Haushofer, è destinato a essere stritolato da queste pan-idee: l’India, per esempio, non si riconoscerà in un pan-britannismo. L’Unione Sovietica, invece, potrà far leva, data la sua estensione su due continenti, sulle idee panasiatica ed euroasiatica; gli Stati Uniti, a loro volta, sulle idee panamericana e pan pacifica.
Bisogna riconoscere a Haushofer una fantasia non priva d’illuminazioni anticipatrici, , anche se egli generalizza l’dea di alcuni fatti concreti, quali l’idea di “sfera di coprosperità asiatica” con cui il Giappone giustificava il proprio espansionismo o addirittura l’idea di una Comunità Economica Europea lanciata, tra il 1940 e il 1944, dal ministero dell’economia e presidente della Reichsbank e sostenuta dal mondo industriale tedesco: una comunità, beninteso, di cui la Germania sarebbe stata il fulcro. Ma non è ciò che sta accadendo adesso per via pacifica?
Ciò che i geopolitici tedeschi aborrivano sopra ogni altra cosa era il modello imperiale britannico e, accanto a coloro che sostenevano la possibilità di distruggerlo con una guerra vittoriosa, c’erano altri che pensavano di aggirarlo e in qualche modo disgregarlo. La seconda strada, per esempio, era alla base del progetto della ferrovia che, iniziata nel 1903, avrebbe dovuto collegare Berlino con Baghdad passando per Istanbul e che doveva coronare il sogno orientale di Guglielmo II, protagonista di un celebre viaggio a Gerusalemme e di un incontro con il gran muftì., al quale l’imperatore aveva promesso tutto il suo appoggio contro il sionismo, considerato lo strumento di penetrazione della Gran Bretagna in Medio oriente. Se il disegno fosse riuscito, analogamente alla spedizione di Napoleone in Egitto, , sarebbe stato spezzato l’accerchiamento britannico che andava dall’Africa (Gibilterra) all’Asia del sud-est (Singapore, Hong Kong).
Molte di queste idee sono proliferate dopo la seconda guerra mondiale. A patte la linea antisionista, antiamericana e antiamericana ben radicata in tutto il mondo islamico, specie nel Medio Oriente, idee come “l’Asia agli asiatici” o “l’Africa agli africani”, e lo stesso movimento dei “non allineati” o terzomondisti, e recentemente l’opposizione alla globalizzazione, considerata il nuovo strumento di dominio mondiale da parte degli anglo-americani, trovano molti spunti nell’opera dei geopolitici tedeschi e in particolare di Haushofer.
Quando la Germania di Hitler e l’Unione Sovietica di Stalin firmarono il patto Molotov Ribbentrop (23 agosto 1939), che prevedeva la spartizione della Polonia e quindi l’inizio della guerra tedesca per la conquista a est della spazio vitale, Hashofer vide che l’incubo di Mackinder, cioè la concentrazione dell’Heartland a spese delle potenze marittime, si era realizzato e definì quel’evento il più grande e importante cambiamento nella politica mondiale. Entusiasmo prematuro, non solo perché il Giappone non condivideva l’alleanza russo-tedesca, mirando a erodere la presenza russa in Asia, ma soprattutto perché a meno di due anni da quella firma la Germania attaccò l’Unione Sovietica.
Un Paese inoltre Haushofer sottovalutò, come del resto Hitler: gli Stati Uniti, , considerati come una potenza che si era chiusa nell’isolazionismo, gelosa del proprio benessere (nonostante la crisi devastante del 1929), soprattutto una società così impregnata di individualismo che non sarebbe stata in gradi di esprimere una forte volontà. Secondo Hitler una plutocrazia giudeizzata, concentrata sugli affari, priva di virtù guerriere, non era portata per la guerra. Un abbaglio reso possibile dai pregiudizi, come spesso accade. Eppure, proprio gli Stati Uniti avevano a loro vantaggio, a guerra scoppiata, fattori determinanti: la sicurezza del loro territorio, una straordinaria capacità industriale, produttiva e organizzativa, e poi due alleati all’interno dello stesso Heartland che la Germania aveva pensato di avere posto sotto il proprio controllo: la Gran Bretagna e l’Unione Sovietica.»
L’obiezione più forte che i moderni studiosi di tendenza liberaldemocratica muovono all’idea stessa della geopolitica è che, nelle condizioni proprie seguite alla seconda guerra mondiale e alla fine della “guerra fredda”, è anacronistico pensare ancora la politica come lotta per l’espansione territoriale, dato che i sistemi democratici non punterebbero all’ingrandimento del proprio territorio, ma all’espansione di pacifiche relazioni commerciali e alla libertà dei mari.
Tutte queste buone intenzioni sono state compendiate nella cosiddetta Carta Atlantica, sottoscritta dal capo del governo inglese Churchill e dal presidente statunitense Roosevelt nel 1941 (quando, si noti, gli Stati Uniti d’America e i governi dell’Asse non erano ancora formalmente in stato di guerra gli uni contro gli altri).
Tuttavia, vi sono pochi dubbi sul fatto che dietro quelle formule si celava, da un lato, la tenace, rancorosa volontà di Churchill di punire la Germania e l’Italia e di conservare a ogni costo l’Impero britannico, l’India specialmente (anche se, poi, le cose sono andate altrimenti); e, dall’altro lato, la determinazione americana di rilanciare la propria economia - mai uscita dalla crisi del 1929, nonostante l’apparato propagandistico del New Deal - ed anche il proprio ruolo politico mondiale, mediante la colonizzazione finanziaria del mondo intero.
C’è, poi, bisogno di notare che molte idee, e persino molti uomini, della geopolitica nazista, sono passati, quatti quatti, proprio nei meccanismi strategici del Pentagono dopo il 1945, tanto che si può parlare di una autentica ripresa di quei temi e di quelle concezioni in chiave liberaldemocratica? Ne abbiamo già parlato in un precedente articolo, su questo stesso sito (intitolato «Da Hitler a Bush, ovvero come si passa dal Terzo al Quarto Reich», pubblicato in data 01/02/2008), per cui rimandiamo il lettore a quelle riflessioni.
È davvero insopportabile l’ipocrisia del totalitarismo democratico: il quale, mentre respinge con orrore tutto ciò che la cultura politica tedesca (e italiana) ha prodotto negli anni del fascismo, contemporaneamente si serve di gran parte del suo armamentario ideologico, rivisto e riverniciato, per perseguire sempre più spregiudicatamente i propri disegni di dominio mondiale.
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L'Europe à la croisée des chemins
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2004
L'EUROPE A LA
CROISEE DES CHEMINS
Trouvé sur : http://www.mr-bretagne.org/
Comme il était prévisible, l'attaque américaine contre l'Irak a eu lieu, sans l'accord de l'ONU dont l'importance et le rôle réels apparaissent à leur juste mesure : dérisoires.
Nous ne faisons pas nôtre l'opposition "onusiste" et pacifiste à la guerre, parce que nous ne sommes pas pacifistes et que nous ne croyons pas à la possibilité qu'une organisation internationale telle l'ONU puisse pacifier définitivement la planète. L'ONU peut permettre de régler certains conflits marginaux à condition que les puissances concernées s'accordent sur un mode de règlement, mais elle ne peut pas mettre fin à des différends entre grandes puissances (c'est l'équilibre des puissances militaires qui a empêché qu'un conflit éclate entre les USA et l'URSS, pas l'ONU), ni empêcher une grande puissance d'agresser un petit pays (comme c'est le cas en Irak).
Si nous sommes opposés à l'attaque américaine, c'est parce que nous n'acceptons pas qu'un Etat nie la souveraineté d'un autre Etat, même au nom de principes qui se veulent généreux. L'argument des américains qui afforment vouloir libérer l'Irak d'un dictateur parfaitement odieux n'est pas satisfaisant parce qu'il n'y a que cinquante démocraties sur la planète et cent cinquante dictatures ; pourquoi s'en prendre d'abord à l'Irak, si ce n'est parce que le sous-sol de cet Etat recèle des quantités importantes d'or noir ? Nous reconnaissons bien là l'hypocrisie de la politique américaine qui revêt toujours ses actions militaires d'un voile moral, même quand elles sont motivées par des intérêts économiques ou géopolitiques.
Nous refusons l'idée qu'un ou plusieurs Etats décident d'imposer à l'ensemble des peuples une culture et une civilisation uniques : celles de l'occident américain en l'occurrence. Les peuples doivent choisir librement leur mode de vie et leur organisation politique et économique, telle est la règle essentielle de notre vision du monde ; nous sommes radicalement hostiles à toute forme d'impérialisme et de colonialisme, y compris bien sûr de la part des Etats européens.
Notons au passage que la volonté affichée par les Etats-Unis de démocratiser l'Irak est puérile car la démocratie ne se décrète pas de l'extérieur ; la démocratie ne peut surgir que des profondeurs culturelles d'un peuple.
Les mérites de la deuxième crise irakienne
Les récents évènements concernant le règlement de la question irakienne ont eu le mérite de mettre en évidence un certain nombre de réalités du plus grand intérêt : l'incohérence et l'inexistence politique de l'Europe (des quinze et des vingt-cinq) et l'impossibilité éclatante d'une action diplomatique commune ; l'opposition entre l'opinion des peuples et celle des élites politiques dans de nombreux pays européens (Espagne, Italie…) ; l'attitude agressive des Etats-Unis vis-à-vis des pays qui refusent de s'aligner sans discussion sur leurs positions ; l'attitude des Allemands qui, pour la première fois depuis 1945, s'opposent frontalement aux Américains ; le refus concerté de la France, de l'Allemagne et de la Russie d'accepter la politique unilatérale agressive des USA ; la facticité de l'ONU (à quoi sert une organisation qui ne peut prendre aucune décision opposée à la volonté de la superpuissance du moment ?) et l'obsolescence de l'OTAN qui n'a plus de raison d'être compte tenu de la disparition de l'Union soviétique, qui ne sert plus qu' à maintenir les pays d'Europe centrale dans le giron américain et qui, de plus, est désormais profondément divisée. Par ailleurs, elle a permis de pointer les pays et les personnalités inconditionnellement soumis aux volontés américaines.
Ainsi Messieurs Blair et Aznar peuvent être dé-sormais considérés comme des personnages néfastes d'un point de vue européen ; il semble que ce dernier envisage de devenir Président de l'Union Européenne, avec l'appui des USA sans doute qui s'assureraient ainsi du contrôle de l'Europe ! (Notons que l'ineffable Madelin a montré à cette occasion son vrai visage qui est celui d'un harki des Américains et des multinationales; le Financial Times l'a consacré du titre de "plus sûr des hommes politiques français" !).
Par ailleurs, la plupart des Etats d'Europe centrale ont eu l'occasion d'afficher leur inféodation aux Etats-Unis, ce qui pose un problème majeur : celui de l'impossibilité de construire une Europe politique dotée d'une diplomatie et d'un système de défense autonomes avec ces Etats dans l'état actuel des choses. Le cas de la Pologne, par exemple, qui après avoir marchandé son entrée dans l'UE, a commandé des avions de guerre aux Etats-Unis avant de s'aligner sur les choix diplomatiques américains, illustre parfaitement la problématique de la construction européenne.
Pour un monde multipolaire
Le refus d'un monde dominé par une superpuissance est un des impératifs prioritaires ; il est plus que jamais évident qu'une autorité "morale" telle que l'ONU , sans soubassement populaire ni puissance autonome, n'est qu'une fiction intellectuelle qui ne résiste pas à l'épreuve des faits. Depuis la disparition de l'Union Soviétique, l'ONU est l'exécutrice des volontés américaines ; le "machin" qu'évoquait le Général de Gaulle ne peut être le garant de la paix, seul l'équilibre des puissances peut la permettre tout en autorisant l'indépendance des peuples. C'est à la construction d'un monde multipolaire d'inspiration gaullienne qu'il faut œuvrer afin de réduire l'unilatéralisme américain ; le mythe d'un pouvoir supra-étatique s'avère être, pour la seconde fois, une farce (la première expérience de ce type fût la SDN qui s'acheva comme l'on sait).
Messianisme mou et messianisme dur
Le refus français de s'aligner sur la politique américaine a surpris tout le monde et nous a fait plaisir mais il ne nous satisfait pas dans la mesure où il s'appuie sur une conception juridique et morale des relations internationales ; or comme nous l'avons déjà dit, cette conception conforme à l'esprit des Lumières a toujours été battue en brèche par la réalité brutale. La conception des radicaux-socialistes Chirac et Villepin en matière de politique internationale est un messianisme mou dont la France, avant-garde de l'idéologie universaliste, serait le porte-voix. Ce messianisme mou, qui pense pacifier le monde et convaincre tous les peuples de la planète d'adopter la civilisation libéralo-occidentale à coups de sermons moralisateurs, s'oppose mollement au messianisme dur professé par les Etats-Unis ; ces deux messianismes ont le même but : créer un monde unifié, libéral, occidentalisé, individualiste et universaliste. La seule divergence réside dans la méthode: le discours moral et juridique chez les Français, la guerre chez les Américains.
Plutôt que de faire des discours aussi creux que moralisateurs, Chirac et Villepin (dont l'action en Côte d'Ivoire a été couronné du succès que l'on sait !) feraient mieux de réfléchir aux moyens de doter l'Europe d'un système militaire efficace et dissuasif. La propension des hommes politiques européens, et français en particulier, à cultiver les rêveries kantiennes est un signe du déclin du courage et de la volonté.
La vision du Général
Au cours d'une conférence de presse qui eût lieu le 29 mars 1949, le Général de Gaulle dit : "Moi je dis qu'il faut faire l'Europe avec pour base un accord entre Français et Allemands (…). Une fois l'Europe faite sur ces bases, alors, on pourra se tourner vers la Russie. Alors, on pourra essayer une bonne fois pour toutes de faire l'Europe tout entière avec la Russie aussi, dut-elle changer son régime. Voilà le programme des vrais Européens. Voilà le mien". Ce point de vue prophétique dut sembler alors utopique et même fou, mais aujourd'hui, sa concrétisation est rendue possible par la disparition du calamiteux communisme soviétique et par l'intelligence géopolitique du Président Poutine qui est sans nul doute le plus intéressant des hommes politiques européens actuels.
Poutine ou le retour de la Russie en Europe
Au cours d'un discours remarquable prononcé en allemand devant le Bundestag le 25 septembre 2001, le Président Poutine disait : "Je crois que l'Europe ne peut à long terme affermir sa réputation de puissant et indépendant centre de la politique mondiale seulement si elle unifie ses moyens avec les hommes, les territoires et les ressources naturelles russes ainsi qu'avec le potentiel économique, culturel et de défense de la Russie”. Le Président russe nous a fait une proposition inespérée qu'il serait déraisonnable de refuser, tant il est évident que les ressources énergétiques et minérales d'une part (la Russie est le deuxième producteur de pétrole et le premier producteur de gaz au niveau mondial) , les compétences techno-scientifiques de la Russie d'autre part (3600 scientifiques et ingénieurs pour 100000 habitants en Russie, pour 2600 en France) contribueraient à faire de la Grande Europe l'ensemble géopolitique le plus puissant et le seul à pouvoir être quasiment autarcique.
La réalisation du rêve "grand-européen" est désormais à notre portée mais comme le dit Emmanuel Todd (Ouest-France du 28/3/2003) : "Tout dépendra de l'entente des Européens, qui détiennent la puissance économique, et des Russes, qui possèdent la réserve énergétique et la capacité stratégique nucléaire. De la capacité des Européens à comprendre que la Russie n'est plus une menace, mais un partenaire".
Construction européenne : il faut changer de cap
Le processus de construction européenne en cours est ordonné à une vue-du-monde fondamentalement libérale et par conséquent universaliste et individualiste. La vision de l'Europe qui prévaut à Bruxelles est celle d'un espace économique ouvert à tous les flux et pouvant à terme absorber tout ou partie de la planète . L'Europe que nous construisent les eurocrates n'est pas une union des peuples européens afformant sa puissance et son indépendance, mais l'embryon d'une utopique cité mondiale. L'actuel projet européen tend à créer un "ventre mou" sans volonté de puissance et inféodé aux Etats-Unis (l'adhésion des pays d'Europe centrale va renforcer le poids des pro-américains qui seront majoritaires après 2004). Ce projet européen reposant sur une utopie moralisatrice et mondialiste, nous le rejetons.
Nous n'adhérons pas à cette utopie et nous souhaitons qu'elle avorte rapidement ; les premiers signes d'un échec prévisible sont déjà perceptibles tant du point de vue économique (montée sans fin du chômage, délocalisations innombrables) que politique (l'affaire des signataires du manifeste des Etats pro-américains par exemple).
Nous doutons de la capacité de la Convention sur la réforme des institutions européennes à sortir l'Union Européenne de l'ornière dans laquelle elle est enlisée et nous pensons qu'il serait plus réaliste de changer de cap en tirant un trait sur les derniers traités (Maastricht, Amsterdam et Nice) et en limitant l'objectif de l'Union à celle d'une union économique appliquant le principe de la préférence communautaire qui figure dans le Traité de Rome et pratiquant un protectionnisme mesuré.
Dans cette perspective, l'objectif serait de mettre de côté le projet fédéraliste qui n'est pas réaliste dans l'immédiat (sauf à prendre le risque de construire un ensemble incohérent aux plans politique et diplomatique) tant les divergences de point de vue en matière de politique internationale sont inconciliables pour l'instant, et de construire une Europe en plusieurs cercles : un cercle économique constitué par l'actuelle Union revue et corrigée (voir ci-dessus) qui pourrait passer des accords de coopération avec les pays d'Europe centrale et la CEI en attendant leur intégration future, un cercle techno-scientifique permettant de mener des programmes communs de recherche fondamentale ou appliquée, un cercle industriel concernant des programmes tels Airbus ou Ariane, un cercle diplomatique et de défense construit autour d'un Pacte Européen se substituant au Traité de l'Atlantique Nord qui pourrait rassembler dans un premier temps la France, l'Allemagne et la Russie (l'axe Paris-Berlin-Moscou décrit par Henri de Grossouvre) et ceux des Etats plus petits qui seraient prêts pour une telle entreprise ; ainsi la Belgique et le Luxembourg.
Ce cercle de défense comprendrait un volet techno-scientifique et industriel visant à développer des matériels militaires spécifiquement européens. A ces quatre cercles, il conviendrait d'ajouter un cercle culturel visant à développer des programmes télévisuels et cinématographiques pan-européens mais aussi à promouvoir nos origines communes et la grandeur de notre civilisation à la fois une et diversifiée.
Le projet européen devrait se limiter à la "Grande Europe" définie par Yves Lacoste, laquelle comprend tout les pays situés au nord de la Méditerranée ainsi que les pays slaves (y compris la Russie, l'Ukraine et la Biélorussie), à l'exclusion de la Turquie qui n'est pas de culture européenne. Les Etats européens seraient libres d'adhérer à tous les cercles ou seulement à certains d'entre eux et ils auraient la possibilité de s'en retirer.
Ce dispositif aurait l'avantage de permettre la création d'une association d'Etats viable reposant sur une volonté résolue de construire une puissance européenne diplomatique et militaire, en permettant aux pays qui souhaitent rester indépendants d'une organisation militaire et diplomatique strictement européenne de le faire tout en participant au renforcement de l'Europe économique qui est déjà la première puissance économique de la planète. L'impossibilité de construire une Europe politique et militaire à quinze ou à vingt-cinq devient si évidente qu'à la fin mars, les autorités luxembourgeoises ont proposé de créer une association de défense commune rassemblant la France, l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg. Michel Barnier, membre de la Convention chargée de la réforme des institutions européennes, a clairement dit le 3 avril 2003 sur France Culture qu'une Union militaire et politique à quinze est rigoureusement impossible. Valéry Giscard d'Estaing, quant à lui, souhaite annexer au projet de constitution auquel il travaille, une déclaration d'indépendance de l'Europe (cette indépendance concerne d'abord les relations avec les Etats-Unis) ; ce faisant, il sait très bien que les Etats américanophiles ne pourront la signer, ce qui implique que l'Europe politique et militaire qu'il souhaite construire ne concernera qu'une partie de l'Europe de l'Ouest et du Centre (minoritaire sans doute).
Cette Europe en anneaux olympiques pourrait être une première étape vers une Europe plus intégrée ; peu ambitieux en terme d'intégration, ce projet aurait l'avantage de permettre des avancées importantes en terme de construction d'un pôle militaire et diplomatique spécifiquement européen, laquelle est une nécessité absolue parce que l'Europe doit devenir une grande puissance politique et militaire indépendante des Etats-Unis.
Puissance impériale et puissance tranquille
Les Etats-Unis qui croient avoir une mission divine consistant à imposer au monde entier leur civilisation et leur culture, ont entrepris de le faire par la force quand cela est nécessaire. Ce projet qui est à la fois totalitaire et psychopathe, ne pourra pas aboutir parce qu'en fait les USA surestiment leur force et sous-estiment leurs faiblesses.
Comme l'a mis en évidence Emmanuel Todd, les USA ne sont capables d'affronter que des petites armées du Tiers-Monde sous-équipées d'une part et d'autre part ils sont rongés par des maux bien visibles : affaiblissement scientifique et technique interne (le pourcentage de diplômés bac+3 et plus ne cesse de diminuer aux Etats-Unis depuis vingt ans), endettement des particuliers et des entreprises, déficit du commerce extérieur gigantesque et croissant (50 milliards de dollars en 1990 ; 450 milliards en 2002 ; plus de 500 milliards en 2003) qui traduit la surconsommation américaine, faible productivité, problèmes de cohésion sociale liés à la multi-ethnicité, dérive oligarchique enfin (une oligarchie liée aux milieux industriels d'une part et aux sectes protestantes fondamentalistes d'autre part maîtrise le pouvoir politique). Pour Todd, les Etats-Unis sont un colosse aux pieds d'argile qui finira par s'effondrer. Notre sociologue compare la situation des Etats-Unis à celle de la Rome finissante et en effet, comme la Rome du troisième siècle, les Etats-Unis ont besoin des ressources matérielles de l'Empire pour assurer le pain et les jeux à des citoyens jouisseurs qui ne sont même plus capables de se battre (pour cette guerre contre l'Irak, les Etats-Unis ont massivement fait appel à des mercenaires mexicains auxquels ils ont promis d'octroyer la nationalité américaine !).
Quel que soit le devenir des Etats-Unis, l'Europe ne peut rester indifférente à leur entreprise totalitaire et culturicide. Face à la volonté hégémonique américaine, nous devons répliquer en construisant une organisation militaire européenne indépendante et farouchement opposée à tout empiètement américain (ou autre).
Cette puissance européenne devrait être, comme le disait récemment Tsvetan Todorov sur France Culture, une " puissance tranquille", suffisamment puissante pour imposer le respect aux au-tres puissances mais sans volonté expansionniste et impérialiste d'une part et respectant la diversité des cultures et des civilisations d'autre part. Cette Europe cultivant son jardin (autocentrée en fait) mais disposant de moyens militaires importants et toujours prête à se défendre énergiquement, pourrait être, selon Todorov, un modèle à opposer à l'anti-modèle américain.
Notons que Todorov a affirmé au cours de cette émission radiophonique du 3 avril dernier, que le maintien d'une culture européenne spécifique passe nécessairement par la mise en place de frontières européennes suffisamment étanches . Il fallait oser le dire ; merci Monsieur Todorov !
Mikael Treguely.
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lundi, 05 avril 2010
Les Etats-Unis et l'Eurasie: fin de partie pour l'ère industrielle
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2003
Les Etats-Unis et l'Eurasie :
fin de partie pour l'ère industrielle
Avec l’aube du 21ème siècle, le monde est entré dans une nouvelle phase du combat géopolitique. La première moitié du 20ème siècle peut être comprise comme une longue guerre entre la Grande-Bretagne (et des alliés variables) et l’Allemagne (et des alliés variables) pour la suprématie européenne. La seconde moitié du siècle fut dominée par une Guerre Froide entre les Etats-Unis, qui émergèrent comme la principale puissance militaro-industrielle du monde après la 2ème Guerre Mondiale, et l’Union Soviétique et son bloc de protectorats. Les guerres américaines en Afghanistan (en 2001-2002) et en Irak (qui, en comptant les sanctions économiques et les bombardements périodiques, s’est poursuivie de 1990 jusqu’au moment présent) ont inauguré la dernière phase, qui promet d’être le combat géopolitique final de la période industrielle – un combat pour le contrôle de l’Eurasie et de ses ressources d’énergie.
Mon but est ici de tracer les contours généraux de ce chapitre culminant de l’histoire tel qu’il est actuellement en train de s’écrire. D’abord, il est nécessaire de discuter de géopolitique en général et depuis une perspective historique, en relation avec les ressources, la géographie, la technologie militaire, les monnaies nationales, et la psychologie de ses praticiens.
Les fins et les moyens de la géopolitique
Il n’est jamais suffisant de dire que la géopolitique concerne le « pouvoir », le « contrôle », ou l’« hégémonie » dans l’abstrait. Ces mots n’ont un sens qu’en relation avec des objectifs et des moyens spécifiques : pouvoir sur quoi ou sur qui, exercé par quelles méthodes ? Les réponses différeront quelque peu dans chaque situation ; cependant, la plupart des objectifs et des moyens stratégiques tend à avoir certaines caractéristiques en commun.
Comme les autres organismes, les humains sont sujets aux perpétuelles contraintes écologiques de l’accroissement de la population et de l’appauvrissement des ressources. S’il est peut-être simpliste de dire que tous les conflits entre sociétés sont motivés par le désir de surmonter des contraintes écologiques, la plupart le sont certainement. Les guerres sont généralement menées pour des ressources – terre, forêts, voies maritimes, minerais, et (durant le siècle passé) pétrole. Les gens combattent occasionnellement pour des idéologies et des religions. Mais même alors les rivalités pour les ressources sont rarement loin de la surface. Ainsi les tentatives d’expliquer la géopolitique sans référence aux ressources (un récent exemple est Le choc des civilisations de Samuel Huntington) sont soit erronées soit délibérément trompeuses.
L’ère industrielle diffère des périodes précédentes de l’histoire humaine par l’exploitation à grande échelle des ressources en énergie (charbon, pétrole, gaz naturel, et uranium) pour les objectifs de production et de transport – et pour l’objectif plus profond d’accroître la capacité de notre environnement terrestre à supporter les humains. La totalité des réalisations scientifiques, des consolidations politiques, et des immenses accroissements de population des deux derniers siècles sont des effets prévisibles de l’utilisation croissante et coordonnée des ressources en énergie. Dans les premières décennies du vingtième siècle, le pétrole a émergé comme la plus importante ressource en énergie à cause de son faible coût et de sa facilité d’utilisation. Le monde industriel dépend maintenant d’une manière écrasante du pétrole pour l’agriculture et le transport.
La géopolitique mondiale moderne, parce qu’elle implique des systèmes de transport et de communication à l’échelle mondiale basés sur les ressources en énergie fossile, est par conséquent un phénomène unique de l’ère industrielle. Le contrôle des ressources est largement une question de géographie, et secondairement une question de technologie militaire et de contrôle sur les monnaies d’échange. Les Etats-Unis et la Russie étaient tous deux géographiquement bénis, étant auto-suffisants en ressources énergétiques durant la première moitié du siècle. L’Allemagne et le Japon ne parvinrent pas à atteindre l’hégémonie régionale en grande partie parce qu’ils manquaient de ressources énergétiques domestiques suffisantes et parce qu’ils ne parvinrent pas à gagner et à conserver l’accès à des ressources à un autre endroit (en URSS pour l’une et dans les Indes Néerlandaises pour l’autre).
Néanmoins si les Etats-Unis et la Russie furent tous deux bien dotés par la nature, tous deux ont dépassé leurs pics de production pétrolière (qui furent atteints en 1970 et 1987, respectivement). La Russie reste un exportateur net de pétrole parce que son niveau de consommation est faible, mais les Etats-Unis sont de plus en plus dépendants des importations de pétrole tout comme de gaz naturel.
Les deux nations ont commencé depuis longtemps à investir une grande partie de leur richesse basée sur l’énergie dans la production de systèmes d’armes fonctionnant avec du carburant pour accroître et défendre leur intérêts en ressources à l’échelle mondiale. En d’autres mots, tous deux ont décidé il y a des décennies d’être des joueurs géopolitiques, ou des concurrents pour l’hégémonie mondiale.
A peu près les trois-quarts des réserves pétrolières cruciales restantes du monde se trouvent à l’intérieur des frontières des nations à prédominance musulmane du Moyen-Orient et d’Asie Centrale – des nations qui, pour des raisons historiques, géographiques et politiques, furent incapables de développer des économies militaro-industrielles indépendantes à grande échelle et qui ont, au long du dernier siècle, surtout servi de pions des Grandes Puissances (Grande-Bretagne, Etats-Unis, et l’ex-URSS). Dans les récentes décennies, ces nations riches en pétrole à prédominance musulmane ont rassemblé leurs intérêts dans un cartel, l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP).
Si les ressources, la géographie et la technologie militaire sont essentielles à la géopolitique, elles ne sont pas suffisantes sans un moyen financier de dominer les termes du commerce international. L’hégémonie a eu une composante financière aussi bien que militaire déjà depuis l’adoption de l’argent par les empires agricoles de l’Age de Bronze ; l’argent, après tout, est une revendication sur les ressources, et la capacité à contrôler la monnaie d’échange peut affecter un subtil transfert en cours de richesse réelle. Celui qui émet une monnaie – particulièrement une monnaie fiduciaire, c’est-à-dire une monnaie qui n’est pas soutenue par des métaux précieux – a un pouvoir sur elle : chaque transaction devient une prime pour celui qui frappe ou imprime l’argent.
Durant l’ère coloniale, les rivalités entre le real espagnol, le franc français et la livre britannique furent aussi décisives que des batailles militaires pour déterminer la puissance hégémonique. Pendant le dernier demi-siècle, le dollar US a été la monnaie internationale de référence pour presque toutes les nations, et c’est la monnaie avec laquelle toutes les nations importatrices de pétrole doivent payer leur carburant. C’est un arrangement qui a fonctionné à l’avantage de l’OPEP, qui conserve un consommateur stable avec les Etats-Unis (le plus grand consommateur de pétrole du monde et une puissance militaire capable de défendre les royaumes pétroliers arabes), et aussi des Etats-Unis eux-mêmes, qui perçoivent une subtile dîme financière pour chaque baril de pétrole consommé par toutes les autres nations importatrices. Ce sont quelques-uns des faits essentiels à garder à l’esprit lorsqu’on examine le paysage géopolitique actuel.
La psychologie et la sociologie de la géopolitique
Les objectifs géopolitiques sont poursuivis dans des environnements spécifiques, et ils sont poursuivis par des acteurs spécifiques – par des êtres humains particuliers avec des caractéristiques sociales, culturelles et psychologiques identifiables. Ces acteurs sont, dans une certaine mesure, les incarnations de leur société dans son ensemble, recherchant des bénéfices pour cette société en compétition ou en coopération avec d’autres sociétés. Cependant, de tels individus puissants sont inévitablement tirés d’une classe sociale particulière à l’intérieur de leur société – généralement, la classe riche, possédante – et tendent à agir d’une manière telle qu’elle bénéficie de préférence à cette classe, même si agir ainsi signifie ignorer les intérêts du reste de la société. De plus, les acteurs géopolitiques individuels sont aussi des êtres humains uniques, avec des connaissances, des préjugés et des obsessions religieuses qui peuvent occasionnellement les conduire à agir en représentants non seulement de leur société, mais aussi de leur classe.
Du point de vue de la société, la géopolitique est un combat darwinien collectif pour une capacité de support accrue ; mais du point de vue du géostratège individuel, c’est un jeu. En effet, la géopolitique pourrait être considérée comme le jeu humain absolu – un jeu avec d’immenses conséquences, et un jeu qui ne peut être joué qu’à l’intérieur d’un petit club d’élites.
Depuis qu’il y a eu des civilisations et des empires, les rois et les empereurs ont joué une certaine version de ce jeu. Le jeu attire un type particulier de personnalités, et il favorise une certaine manière de pensée et de perception concernant le monde et les autres êtres humains. L’acte de participer au jeu confère un sentiment d’immense supériorité, de distance, de pouvoir, et d’importance. On peut commencer à apprécier la drogue suprêmement excitante que constitue le fait de participer au jeu géopolitique en lisant les documents rédigés par les principaux géostratèges – des textes sur la sécurité nationale signés par des gens comme George Kennan et Richard Perle, ou les livres d’Henry Kissinger et de Zbigniew Brzezinski. Prenons, par exemple, ce passage de l’Etude de Planification Politique N° 23 du Département d’Etat, par Kennan en 1948 : “Nous avons 50 pour cent de la richesse mondiale, mais seulement 6,3 pour cent de sa population. Dans cette situation, notre véritable travail pour la période à venir est de concevoir un modèle de relations qui nous permette de maintenir cette position de disparité. Pour ce faire, nous devons nous dispenser de toute sentimentalité … nous devons cesser de penser aux droits de l’homme, à l’élévation des niveaux de vie et à la démocratisation”.
Une prose aussi sèche et fonctionnelle est à sa place dans un monde de services, de téléphones et de limousines, mais c’est un monde totalement coupé des millions – peut-être des centaines de millions ou des milliards – de gens dont les vies subiront l’impact écrasant d’une phrase par-ci, d’un mot par là. A un niveau, le géostratège est simplement un homme (après tout, le club est presque entièrement un club d’hommes) faisant son travail, et tentant de la faire de manière compétente aux yeux des spectateurs. Mais quel travail ! – déterminer le cours de l’histoire, décider du sort des nations. Le géostratège est un Surhomme, un Olympien déguisé en mortel, un Titan en tenue de travail. Un bon poste, si vous pouvez l’obtenir.
L’Eurasie – le Grand Prix du Grand Jeu
En regardant leur cartes et leurs globes terrestres, les géostratèges britanniques des 18ème et 19ème siècles ne pouvaient pas manquer de noter que les masses de terre du globe sont hautement asymétriques ; l’Eurasie est de loin le plus grand des continents. Il est clair que s’ils voulaient eux-mêmes bâtir et maintenir un empire vraiment mondial, il serait d’abord essentiel pour les Britanniques d’établir et de défendre des positions stratégiques dans tout ce continent riche en minerais, densément peuplé, et chargé d’histoire.
Mais les géostratèges britanniques savaient parfaitement bien que la Grande-Bretagne elle-même est seulement une île au large du nord-ouest de l’Eurasie. Sur ce plus grand des continents, la nation la plus étendue était de loin la Russie, qui dominait géographiquement l’Eurasie ainsi que l’Eurasie dominait le globe. Ainsi les Britanniques savaient que leurs tentatives pour contrôler l’Eurasie se heurteraient inévitablement aux instincts d’auto-préservation de l’Empire Russe. Durant tout le 19ème siècle et au début du 20ème, des conflits russo-britanniques éclatèrent à maintes reprises sur la frontière indienne, notamment en Afghanistan. Un fonctionnaire impérial nommé Sir John Kaye appela cela le « Grand Jeu », une expression immortalisée par Kipling dans Kim.
Deux guerres mondiales coûteuses et un siècle de soulèvements anti-coloniaux ont largement guéri la Grande-Bretagne de ses obsessions impériales, mais l’Eurasie ne pouvait pas manquer de rester centrale pour tout plan sérieux de domination mondiale.
Ainsi en 1997, dans son livre The Grand Chessboard: American Primacy and its Geostrategic Imperatives [Le grand échiquier : la primauté américaine et ses impératifs géostratégiques] , Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller à la Sécurité Nationale du président américain Jimmy Carter et géostratège par excellence, soulignait que l’Eurasie devait être au centre des futurs efforts des Etats-Unis pour projeter leur propre puissance à l’échelle mondiale. « Pour l’Amérique », écrivait-il, “le grand prix géopolitique est l’Eurasie. Pendant un demi-millénaire, les affaires mondiales ont été dominées par des puissances et des peuples eurasiens qui se combattaient les uns les autres pour la domination régionale et qui aspiraient à la puissance mondiale. Maintenant une puissance non-eurasienne est prééminente en Eurasie – et la primauté mondiale de l’Amérique dépend directement de la durée et de l’efficacité avec lesquelles sa prépondérance sera soutenue” [1].
L’Eurasie a un rôle de pivot, d’après Brzezinski, parce qu’elle « compte pour 60 pour cent du PNB mondial et environ les trois-quarts des ressources énergétiques connues du monde ». De plus, elle contient les trois-quarts de la population mondiale, « toutes les puissances nucléaires déclarées sauf une et toutes les [puissances nucléaires] secrètes sauf une » [2].
Dans la vision de Brzezinski, de même que les Etats-Unis ont besoin du reste du monde pour les marchés et les ressources, l’Eurasie a besoin de la domination américaine pour sa stabilité. Malheureusement, cependant, les Américains ne sont pas accoutumés aux responsabilités impériales : « La recherche de la puissance n’est pas un but qui soulève la passion populaire, sauf dans des conditions d’une menace ou d’un défi soudain pour le sens public du bien-être domestique » [3].
Quelque chose de fondamental a basculé dans le monde de la géopolitique avec les attaques terroristes du 11 septembre 2001 – qui a clairement présenté « une menace soudaine … pour le sens public du bien-être domestique». Ce basculement a été de nouveau perçu avec la détermination de la nouvelle administration américaine – exprimée avec une insistance croissante en 2002 et pendant les premières semaines de 2003 – d’envahir l’Irak. Ces changements géostratégiques semblent s’être centrés dans une nouvelle attitude américaine envers l’Eurasie.
A la fin de la 2ème G.M., quand les Etats-Unis et l’URSS émergèrent comme les puissances dominantes du monde, les Etats-Unis avaient établi des bases permanentes en Allemagne, au Japon, et en Corée du Sud, toutes pour encercler l’Union Soviétique. L’Amérique mena même une guerre manquée et extrêmement coûteuse en Asie du Sud-Est pour acquérir encore un autre vecteur d’encerclement de l’Eurasie.
Quand l’URSS s’écroula à la fin des années 80, les Etats-Unis semblèrent libres de dominer l’Eurasie, et donc le monde, plus complètement que toute autre nation dans l’histoire mondiale. La décennie qui suivit fut surtout caractérisée par la mondialisation – la consolidation de la puissance économique collective largement centrée aux Etats-Unis. Il sembla que l’hégémonie US serait maintenue économiquement plutôt que militairement. Le livre de Brzezinski reflète l’esprit de ces temps, recommandant le maintien et la consolidation des liens de l’Amérique avec les alliés de longue date (Europe de l’Ouest, Japon et Corée du Sud) et la protection ou la cooptation des nouveaux Etats indépendants de l’ancienne Union Soviétique.
Contrairement avec cette prescription, la nouvelle administration de George W. Bush sembla prendre un virage plus brutal – un virage qui tenait pour acquis les vieux alliés dans son unilatéralisme sans complexes. Par son viol des accords internationaux pour l’environnement, les droits de l’homme, et le contrôle des armes ; par sa poursuite d’une doctrine d’action militaire préventive ; et particulièrement par son obsession apparemment inexplicable de l’invasion de l’Irak, Bush dépensa un énorme capital politique et diplomatique, se créant inutilement des ennemis même parmi les alliés éprouvés. Son motif de guerre – l’élimination des armes de destruction massive de l’Irak – était manifestement ridicule, puisque les Etats-Unis avaient fourni beaucoup de ces armes et que l’Irak ne constituait alors une menace pour personne ; de plus, une nouvelle guerre du Golfe risquait de déstabiliser tout le Moyen-Orient [4]. Qu’est-ce qui pouvait bien justifier un tel risque ? Quelle était la motivation de ce bizarre nouveau changement de stratégie ? A nouveau, une discussion d’arrière-plan est nécessaire avant de pouvoir répondre à cette question.
Les Etats-Unis : un colosse à cheval sur le globe
A l’aube du nouveau millénaire, les Etats-Unis avaient la technologie militaire la plus avancée du monde et la monnaie la plus forte du monde. Tout au long du vingtième siècle, l’Amérique avait patiemment bâti son empire, d’abord en Amérique Centrale et en Amérique du Sud, à Hawaï, à Puerto Rico, et aux Philippines, et ensuite (après la 2ème G.M.) par des alliances et des protectorats en Europe, au Japon, en Corée, et au Moyen-Orient. Son armée et son agence de renseignement étaient actives dans presque tous les pays du monde alors que son immense puissance semblait tempérée par sa défense ostensible de la démocratie et des droits de l’homme.
Dans les années 80, le gouvernement US tomba sous le contrôle d’un groupe de stratèges néo-conservateurs entourant Ronald Reagan et George Herbert Walker Bush. Pendant des années, ces stratèges travaillèrent à détruire l’URSS (ce qu’ils réussirent à faire en minant l’économie soviétique) et à consolider leur puissance en Amérique Centrale et au Moyen-Orient. Ce dernier projet culmina avec la première guerre USA-Irak en 1990-91. Leur but ouvertement déclaré n’était rien moins que la domination mondiale.
Alors que l’administration Clinton-Gore insistait sur la coopération multilatérale, son effort pour la mondialisation commerciale – qui transférait impitoyablement la richesse des nations pauvres aux nations riches – était essentiellement une prolongation des politiques Reagan-Bush. Pourtant, les néo-conservateurs enrageaient d’être exclus des reines du pouvoir. Ils se considéraient comme le leadership légitime du pays, et regardaient Clinton et ses partisans comme des usurpateurs. Quand la Cour Suprême nomma George W. Bush Président en 2000, les néo-conservateurs eurent leur revanche. Avec l’assistance des médias serviles, Bush – le fils choyé d’une famille de la côte Est, riche et avec de puissants liens politiques qui avait fait sa fortune dans la banque, les armes, et le pétrole – réussit à se présenter comme un pur Texan « homme du peuple ». Il s’entoura immédiatement du groupe des stratèges géopolitiques - Donald Rumsfeld, Dick Cheney, Paul Wolfowitz, et Richard Perle – qui avaient développé la politique internationale de la première administration Bush.
Dans son récent article « La poussée pour la guerre », l’analyste des affaires internationales Anatol Lieven fait remonter les racines du programme stratégique d’extrême-droite à une mentalité persistante de guerre froide, au fondamentalisme chrétien, à des politiques intérieures de plus en plus diviseuse, et à un soutien inconditionnel à Israël. Le but basique de domination militaire totale du globe, écrivait Lieven, “était partagé par Colin Powell et le reste de l’establishment de sécurité. Ce fut, après tout, Powell qui, en tant que Président du Conseil des Chefs d’Etat-Major, déclara en 1992 que les Etats-Unis avaient besoin d’une puissance suffisante « pour dissuader n’importe quel rival de simplement rêver à nous défier sur la scène mondiale ». Cependant, l’idée de défense préventive, à présent doctrine officielle, pousse cela un pas plus loin, beaucoup plus loin que Powell aurait souhaité aller. En principe, elle peut être utilisée pour justifier la destruction de tout autre Etat s’il semble même que cet Etat puisse être capable de défier les Etats-Unis dans le futur. Quand ces idées furent émises pour la première fois par Paul Wolfowitz et d’autres après la fin de la Guerre Froide, elles se heurtèrent à une critique générale, même de la part des conservateurs. Aujourd’hui, grâce à l’ascendance des nationalistes radicaux dans l’Administration et à l’effet des attaques du 11 septembre sur la psyché américaine, elles ont une influence majeure sur la politique US” [5].
Que l’administration ait orchestré d’une certaine manière les événements du 11 septembre – comme cela fut suggéré par les commentateurs Michael Ruppert et Michel Chossudovsky – ou pas, elle était clairement prête à en tirer avantage [6]. Bush proclama immédiatement au monde que « soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes ».
Avec un budget militaire gonflé, un établissement médiatique craintif et obéissant, et un public effrayé au point d’abandonner volontairement les protections constitutionnelles de base, les néo-conservateurs semblaient avoir gagné le plein contrôle de la nation et être devenus les maîtres de son empire mondial. Mais même alors que leur victoire semblait complète, des rumeurs de dissidence commençaient à se répandre.
Insubordination dans les rangs
La résistance populaire à la mondialisation commerciale commença à se matérialiser à la fin des années 90, s’unissant pour la première fois dans la manifestation massive anti-OMC à Seattle en novembre 1998. Dès lors, le mouvement anti-mondialisation sembla grandir avec chaque année qui passait, se transformant en un mouvement anti-guerre mondial en réponse aux plans US d’envahir d’abord l’Afghanistan et ensuite l’Irak.
Mais le mécontentement vis-à-vis de la domination US du globe ne se limita pas à des gauchistes brandissant des marionnettes géantes dans des manifestations. Alors que les bases militaires américaines s’installaient dans les Balkans dans les années 90, et en Asie Centrale après la campagne d’Afghanistan, les géostratèges en Russie, en Chine, au Japon et en Europe de l’Ouest commencèrent à examiner leurs options. Seule la Grande-Bretagne semblait rester ferme dans son alliance avec le colosse américain.
Une réponse apparemment inoffensive à l’hégémonie US mondiale fut l’effort de onze nations européennes pour établir une monnaie commune – l’Euro. Quand l’Euro fut lancé au tournant du millénaire, beaucoup prédirent qu’il serait incapable de rivaliser avec le dollar. En effet, pendant des mois la valeur comparative de l’Euro se fit attendre. Cependant, elle se stabilisa bientôt et commença à monter.
Un développement plus inquiétant, du point de vue de Washington, fut la tendance croissante de nations de second ou de troisième rang à abandonner ouvertement les politiques économiques néo-libérales au cœur du projet de mondialisation, puisque les nouveaux gouvernements du Venezuela, du Brésil et de l’Equateur rompirent publiquement avec la Banque Mondiale et déclarèrent leur désir d’indépendance vis-à-vis du contrôle financier américain.
En même temps, en Russie le théoricien politique Alexandre Douguine gagnait une influence croissante avec ses écrits géostratégiques anti-américains. En 1997, la même année où parut le livre de Brzezinski Le grand échiquier, Douguine publia son propre manifeste, Les fondements de la géopolitique, recommandant un Empire Russe reconstitué, composé d’un bloc continental d’Etats alliés pour nettoyer la masse terrestre eurasienne de l’influence US. Au centre de ce bloc, Douguine plaçait un « axe eurasien » avec la Russie, l’Allemagne, l’Iran, et le Japon.
Alors que les idées de Douguine avaient été bannies à l’époque soviétique à cause de leurs échos de fantaisies pan-eurasiennes nazies, elles gagnaient graduellement de l’influence parmi les officiels russes post-soviétiques. Par exemple, le ministère russe des Affaires Etrangères a récemment décrié la « tendance croissante vers la formation d’un monde unipolaire sous la domination financière et militaire des Etats-Unis » et a appelé à un « ordre mondial multipolaire », tout en soulignant la « position géopolitique [de la Russie] en tant que plus grand Etat eurasien ». Le parti communiste russe a adopté les idées de Douguine dans sa plate-forme ; Gennady Zyouganov, président du parti communiste, a même publié son premier ouvrage de géopolitique, intitulé La géographie de la victoire. Bien que Douguine reste une figure marginale sur le plan international, ses idées ne peuvent qu’avoir une résonance dans un pays et un continent de plus en plus cernés et manipulés par une nation hégémonique puissante et arrogante de l’autre coté du globe.
Extérieurement, la Russie – comme l’Allemagne, la France, le Japon, et la Chine – est encore déférente avec les Etats-Unis. Même la dissidence vis-à-vis du montage de Bush pour la guerre en Irak est restée assez modérée. Mais en privé, les dirigeants de tous ces pays sont sans aucun doute en train de faire de nouveaux plans. Peu iraient cependant jusqu’à approuver l’idée d’Alexandre Douguine que l’Eurasie finira par dominer les Etats-Unis, ni l’idée inverse. Néanmoins, en seulement trois ans, l’attitude de nombreux dirigeants eurasiens envers l’hégémonie américaine est passée de l’acceptation tranquille à une critique mordante associée à un examen sérieux des alternatives.
Le dilemme américain
Douguine et d’autres critiques eurasiens de la puissance américaine commencent par une prémisse qui semblerait ridicule pour la plupart des Américains. Pour Douguine, les Etats-Unis agissent non par force, mais par faiblesse.
Pendant de longues années, l’Amérique a supporté une balance commerciale très fortement négative – qu’elle pouvait se permettre seulement à cause du dollar fort, permis à son tour par la coopération de l’OPEP dans la facturation des exportations pétrolières en dollars. La balance commerciale de l’Amérique est négative en partie parce que sa production intérieure de pétrole et de gaz naturel a atteint son point culminant et que la nation dépend maintenant de plus en plus des importations. De même, la plupart des sociétés américaines ont transféré leurs opérations de fabrication outre-mer. Une autre faiblesse systémique vient de la corruption largement répandue dans les sociétés – révélée de façon aveuglante par l’effondrement de Enron – et des liens étroits entre les sociétés et l’establishment politique américain. Bulle après bulle – haute technologie, télécommunications, dérivés, immobilier – ont déjà éclaté ou sont sur le point de le faire.
Après le dollar fort, l’autre pilier de la force géopolitique US est son pilier militaire. Mais même dans ce cas il y a des fissures dans la façade. Personne ne doute que l’Amérique possède des armes de destruction massive suffisantes pour détruire le monde plusieurs fois. Mais les Etats-Unis utilisent en fait leur armement de plus en plus à des fins de ce que l’historien français Emmanuel Todd a appelé du « militarisme théâtral ». Dans un essai intitulé « Les Etats-Unis et l’Eurasie : militarisme théâtral », le journaliste Pepe Escobar note que cette stratégie implique que Washington … ne doit jamais apporter une solution définitive à un problème géopolitique, parce que l’instabilité est la seule chose qui peut justifier des actions militaires à l’infini de la part de l’unique superpuissance, n’importe quand, n’importe où … Washington sait qu’elle est incapable de se mesurer aux véritables joueurs dans le monde – Europe, Russie, Japon, Chine. Elle cherche donc à rester politiquement au sommet en brutalisant des joueurs mineurs comme l’Axe du Mal, ou des joueurs encore plus mineurs comme Cuba [7].
Ainsi les attaques américaines contre l’Afghanistan et l’Irak révèlent simultanément la sophistication de la technologie militaire US et les fragilités inhérentes de la position géopolitique US. Le militarisme théâtral a le double but de projeter l’image de l’invincibilité et de la puissance américaines tout en maintenant ou en accroissant la domination militaire US sur les nations du tiers-monde riches en ressources. Cela explique largement la récente invasion de l’Afghanistan et l’attaque imminente contre Bagdad. Cette stratégie implique que les actions terroristes contre les Etats-Unis doivent être secrètement encouragées comme justification pour davantage de répression intérieure et d’aventures militaires à l’étranger.
Néanmoins nous n’avons pas pleinement répondu à la question posée précédemment – pourquoi la présente administration veut-elle dépenser un si grand capital politique intérieur et international pour mener la guerre imminente en Irak ? Les critiques de l’administration soulignent que c’est une guerre pour le pétrole, mais la situation est en fait plus compliquée et ne peut être comprise qu’à la lumière de deux facteurs cruciaux non pleinement reconnus.
La puissance du dollar est remise en question
Le premier est que le maintien de la puissance du dollar est en question. En novembre 2000, l’Irak annonça qu’il cesserait d’accepter des dollars en échange de son pétrole, et n’accepterait plus que des Euros. A l’époque, les analystes financiers suggérèrent que l’Irak perdrait des dizaines de millions de dollars à cause de ce changement de monnaie ; en fait, dans les deux années suivantes, l’Irak gagna des millions. D’autres nations exportatrices de pétrole, incluant l’Iran et le Venezuela, ont déclaré qu’elles prévoyaient un changement similaire. Si toute l’OPEP passait des dollars aux Euros, les conséquences pour l’économie US seraient catastrophiques. Les investissements fuiraient le pays, les valeurs immobilières plongeraient, et les Américains se retrouveraient rapidement dans des conditions de vie du Tiers-Monde [8].
Actuellement, si un pays souhaite obtenir des dollars pour acheter du pétrole, il ne peut le faire qu’en vendant ses ressources aux Etats-Unis, en souscrivant un emprunt à une banque américaine (ou à la Banque Mondiale – en pratique la même chose), ou en échangeant sa monnaie sur le marché libre et ainsi en la dévaluant. Les Etats-Unis importent en effet des biens et des services pour presque rien, son déficit commercial massif représentant un énorme emprunt sans intérêts au reste du monde. Si le dollar devait cesser d’être la devise de réserve mondiale, tout cela changerait du jour au lendemain.
Un article du New York Times daté du 31 janvier 2003, intitulé « Pour les indicateurs russes, l’Euro dépasse le dollar », notait que « les Russes semblent avoir accumulé jusqu’à 50 milliards de dollars américains en paquets de café et sous leurs matelas, la plus grande réserve parmi toutes les nations ». Mais les Russes échangent tranquillement leurs dollars contre des Euros, et des articles de luxe comme les voitures affichent maintenant des prix en Euros. Plus loin, « La banque centrale de Russie a dit aujourd’hui qu’elle a accru ses avoirs en Euros durant l’année passée jusqu’à 10 pour cent de ses réserves [en devises] étrangères, partant de 5 pour cent, alors que la part de dollars a chuté de 90 à 75 pour cent, reflétant le faible retour d’investissements en dollars » [9].
Ironiquement, même l’Union Européenne est préoccupée par cette tendance, parce que si le dollar chute trop bas alors les firmes européennes verront leurs investissements aux Etats-Unis perdre de la valeur. Néanmoins, à mesure que l’UE grandit (elle a programmé l’entrée de dix nouveaux membres en 2004), sa puissance économique est de plus en plus perçue comme dépassant inévitablement celle des Etats-Unis.
Pour les géostratèges US, la prévention d’un passage de l’OPEP des dollars aux Euros doit donc sembler capitale. Une invasion et une occupation de l’Irak donnerait effectivement aux Etats-Unis une voix dans l’OPEP tout en plaçant de nouvelles bases américaines à bonne distance de frappe de l’Arabie Saoudite, de l’Iran, et de plusieurs autres pays-clés de l’OPEP.
Le second facteur pesant probablement sur la décision de Bush d’envahir l’Irak est l’appauvrissement des ressources énergétiques US et donc la dépendance américaine croissante vis-à-vis de ses importations pétrolières. La production pétrolière de tous les pays non-membres de l’OPEP, pris ensemble, a probablement culminé en 2002. A partir de maintenant, l’OPEP aura toujours plus de pouvoir économique dans le monde. De plus, la production pétrolière mondiale culminera probablement dans quelques années. Comme je l’ai expliqué ailleurs, les alternatives aux carburants fossiles n’ont pas été suffisamment développés pour permettre un processus coordonné de substitution dès que le pétrole et le gaz naturel se feront plus rares. Les implications – particulièrement pour les principales nations consommatrices comme les Etats-Unis – seront finalement ruineuses [10].
Les deux problèmes sont d’une urgence écrasante. La stratégie de Bush en Irak est apparemment une stratégie offensive pour élargir l’empire américain, mais en réalité elle est principalement d’un caractère défensif puisque son but profond est de devancer un cataclysme économique.
Ce sont les deux facteurs de l’hégémonie du dollar et de l’épuisement du pétrole – encore plus que l’arrogance des stratèges néo-conservateurs à Washington – qui incitent à un total mépris des alliances de longue date avec l’Europe, le Japon et la Corée du Sud, et au déploiement croissant de troupes US au Moyen-Orient et en Asie Centrale.
Même si personne n’en parle ouvertement, les échelons supérieurs dans les gouvernements de la Russie, de la Chine, de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne, de la France, de l’Arabie Saoudite et d’autres pays sont pleinement conscients de ces facteurs – d’où les changements d’alliance, les menaces de veto, et les négociations d’arrière-salle conduisant à l’inévitable invasion US de l’Irak.
Mais la guerre, bien que devenue inévitable, reste un coup hautement risqué. Même s’il se termine en quelques jours ou en quelques semaines par une victoire américaine décisive, nous ne saurons pas immédiatement si ce coup a payé.
Qui contrôlera l’Eurasie ?
Alors que j’écris ces lignes, les Etats-Unis préparent des plans pour bombarder Bagdad, une ville de cinq millions d’habitants, et pour déverser pendant les deux premiers jours de l’attaque deux fois plus de missiles de croisière qu’il n’en fut utilisé dans toute la première guerre du Golfe. Les obus et les balles à uranium appauvri seront à nouveau employés, transformant une grande partie de l’Irak en désert radioactif et condamnant les futures générations d’Irakiens (et les soldats américains et leurs familles) à des malformations de naissance, à des maladies et à des morts prématurées. Il est difficile d’imaginer que le spectacle de tant de mort et de destruction non-provoquées ne puisse manquer d’inspirer des pensées de vengeance dans les cœurs de millions d’Arabes et de musulmans.
Les stratèges géopolitiques américains diront que l’attaque est un succès si la guerre se termine rapidement, si la production des champs pétrolifères irakiens remonte rapidement, et si les nations de l’OPEP sont contraintes de conserver le dollar comme monnaie courante. Mais cette opération (on ne peut pas réellement l’appeler une guerre), entreprise comme un acte de désespoir économique, ne peut que temporairement endiguer une marée montante.
Quelles sont les conséquences à long terme pour les Etats-Unis et l’Eurasie ? Beaucoup sont imprévisibles. Les forces qui sont en train d’être libérées pourraient être difficiles à contenir. Les tendances à long terme les mieux prévisibles ne sont pas favorables. Epuisement des ressources et pression démographique ont toujours été annonciateurs de guerre. La Chine, avec une population de 1,2 milliards, sera bientôt le plus grand consommateur de ressources dans le monde. Dans une époque d’abondance, cette nation peut être vue comme un immense marché ouvert : il y a déjà plus de réfrigérateurs, de téléphones mobiles et de télévisions en Chine qu’aux Etats-Unis. La Chine ne souhaite pas défier les Etats-Unis militairement et a récemment obtenu des privilèges commerciaux en soutenant tranquillement les opérations militaires américaines en Asie Centrale. Mais alors que le pétrole – la base de tout le système industriel – se fait de plus en plus rare et que ses réserves sont plus chaudement disputées, on ne peut pas s’attendre à ce que la Chine reste docile.
La Corée du Nord, un quasi-allié de la Chine, était tranquillement neutralisée au moyen de négociations pendant l’ère Clinton, mais s’irrite maintenant d’être classée par Bush dans « l’axe du mal » et de voir un embargo US imposé à ses importations en ressources énergétiques cruciales. Par désespoir, elle tente d’attirer l’attention de Washington en réactivant son programme d’armes nucléaires. En même temps, le nouveau gouvernement sud-coréen est totalement opposé à l’unilatéralisme US et veut négocier avec le Nord. Les Etats-Unis menacent de détruire les installations nucléaires de la Corée du Nord par des frappes aériennes, mais cela provoquerait la formation d’un nuage nucléaire mortel sur toute l’Asie du nord-est.
Dans le même temps, l’Inde et le Pakistan ont aussi des intérêts qui finiront probablement par diverger de ceux des Etats-Unis. Ces nations voisines sont, bien sûr, des puissances nucléaires et des ennemis jurés avec des querelles frontalières de longue date. Le Pakistan, actuellement un allié des Etats-Unis, est aussi un fournisseur important de matières nucléaires pour la Corée du Nord, et a apporté une aide aux Talibans et à Al-Qaïda – des faits qui soulignent bien à quel point la stratégie de Washington est devenue tortueuse et contre-productive ces derniers temps.
Pour les Etats-Unis, le danger est clair : une hypothétique alliance entre l’Europe, la Russie, la Chine et l’OPEP
Le pire cauchemar des Américains serait une alliance stratégique et économique entre l’Europe, la Russie, la Chine, et l’OPEP. Une telle alliance possède une logique inhérente du point de vue de chacun des participants potentiels. Si les Etats-Unis devaient tenter d’empêcher une telle alliance en jouant la seule bonne carte encore dans leurs mains – leur armement de destruction massive – alors le Grand Jeu pourrait se terminer par une tragédie finale.
Même dans le meilleur cas, les ressources en pétrole sont limitées et, puisqu’elles vont progressivement diminuer pendant les prochaines décennies, elles seront incapables de supporter l’industrialisation prochaine de la Chine ou le maintien de l’infrastructure industrielle en Europe, en Russie, au Japon, en Corée, ou aux Etats-Unis.
Qui dominera l’Eurasie ? Finalement, aucune puissance isolée ne sera capable de le faire, parce que la base de ressources énergétiques sera insuffisante pour supporter un système de transport, de communication et de contrôle à l’échelle du continent. Ainsi les fantaisies géopolitiques russes sont tout aussi vaines que celles des Etats-Unis. Pour le prochain demi-siècle il restera juste assez de ressources énergétiques pour permettre soit un combat horrible et futile pour les parts restantes, soit un effort héroïque de coopération pour une conservation radicale et une transition vers un régime d’énergie post-carburant fossile.
Le prochain siècle verra la fin de la géopolitique mondiale, d’une manière ou d’une autre. Si nos descendants ont de la chance, le résultat final sera un monde formé de petites communautés, bio-régionalement organisées, vivant de l’énergie solaire. Les rivalités locales continueront, comme elles l’ont fait tout au long de l’histoire humaine, mais l’arrogance des stratèges géopolitiques ne menacera jamais plus des milliards d’humains d’extinction.
C’est-à-dire si tout se passe bien et si tout le monde agit rationnellement.
NEW DAWN MAGAZINE, Melbourne, Australia.
Notes:
[1] Zbigniew Brzezinski, The Grand Chessboard : American Primacy and its Geopolitical Imperatives (Basic Books, 1997), p. 30.
[2] Ibid., p. 31.
[3] Ibid., p. 36.
[4] Voir Richard Heinberg, "Behold Caesar," MuseLetter N° 128, octobre 2002,
http://www.newdawnmagazine.com/articles/www.museletter.com.
[5] Anatol Lieven, "The Push for War," London Review of Books, 30 décembre 2002,
http://www.newdawnmagazine.com/articles/www.lrb.co.uk/v24/n19/liev01_.html.
[6] Voir les sites web de Michael Ruppert, From the Wilderness www.fromthewilderness.com ; et de Michel Chossudovsky, Centre for Research on Globalisation,
http://www.newdawnmagazine.com/articles/www.globalresearch.ca/articles/CHO206A.html.
[7] Pepe Escobar, "Us and Eurasia: Theatrical Militarism," Asia Times Online, 4 décembre 2002,
http://www.newdawnmagazine.com/articles/www.atimes.com/atimes/archive/12_4_2002.html.
[8] W. Clark, "The Real but Unspoken Reasons for the Upcoming Iraq War,"
http://www.newdawnmagazine.com/articles/www.indymedia.org/front.php3?article_id=231238&group=webcast
[9] Voir Michael Wines, "For Flashier Russians, Euro Outshines the Dollar," New York Times, 31 janvier 2003.
[10] Richard Heinberg, The Party’s Over : Oil, War and the Fate of Industrial Societies (New Society, 2003).
Richard Heinberg, journaliste et enseignant, est membre de la faculté du New College de Californie à Santa Rosa, où il enseigne un programme sur la culture, l’écologie, et la communauté viable. Il rédige et publie la « MuseLetter » mensuelle : http://www.newdawnmagazine.com/articles/www.museletter.com. Cet article est une adaptation de son livre à paraître, The Party’s Over: Oil, War, and the Fate of Industrial Societies [La partie est finie : pétrole, guerre, et le sort des sociétés industrielles] (New Society Publishers,
http://www.newdawnmagazine.com/articles/www.newsociety.com).
[Cet article a été publié dans New Dawn N° 77 (mars-avril 2003)].
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samedi, 03 avril 2010
Le Corridor 8: Où est passé le huitième corridor?
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1999
Le CORRIDOR 8 : Où est passé le huitième corridor ?
7 juin 1999
Je vous le donne en mille : le huitième corridor passe par Skopje, en Macédoine, à quelques kilomètres du Kosovo. Pourquoi n'en n'avons-nous jamais entendu parler, puisque nous vivons en démocratie, que nous nous permettons de bombarder des télévisions et des radios, de tuer des journalistes (coupables de faire de la propagande, et nous de l'information), pourquoi n'avons-nous jamais entendu parler des corridors VIII, X, IV et "dalmatien" ? Pourquoi ces projets, qui sont au cœur des politiques de tous les pays des Balkans, qui concernent directement le développement économique de l'Europe, nous ont-ils été cachés ? Pourquoi cet élément vital, dans la décision des peuples à entrer en guerre, a-t-il été occulté ?
Le corridor VIII relie le port albanais de Durres à Varna (Bulgarie) via Tirana, Kaftan, Skopje, Deve Bair, Sofia, Plovdiv et Burgas. Le corridor IV joint Dresde (Allemagne) à Istanbul (Turquie) en passant par Prague, Bratislava, Gjor, Budapest, Arad, Krajova, Sofia et Plovdiv. Des embranchements relient Nuremberg, Vienne, Bucarest et Constantza au tronçon principal.
Le corridor X traverse Salzbourg (Autriche), Ljubljana, Zagreb, Belgrade, Nis, Skopje, Veles et Thessalonique (Grèce). Des embranchements relient Graz, Maribor, Sofia, Bitola, Florina, Igoumenitza au tronçon principal.
Ces trois corridors de transport pan-européen (Pan-European Transport Corridors) font partie d'un projet plus global visant au développement des anciens pays du bloc soviétique, et à leur intégration à l'économie européenne. Au total, ce projet représente 18.000 kilomètres de routes, 20.000 kilomètres de lignes ferroviaires, 38 aéroports, 13 ports maritimes, 49 ports fluviaux. Le budget estimé, d'ici l'année 2015, est de 90 milliards d'euros La seule partie concernant les Balkans est estimée à 10,5 milliards d'euros. (Il s'agit ici d'estimations basses : les projets de développement à l'est sont répartis, au niveau européen, en de nombreux chapitres, et il est difficile d'en tirer rapidement vue globale ; de plus, cela concerne uniquement la partie financée par l'Union européenne, sans compter les Américains, très impliqués, les Turcs, ainsi que divers fonds privés ; ces chiffres sont donc certainement sous-évalués de beaucoup.) Ces chiffres sont éloquents : on parle ici de travaux pharaoniques à l'échelle d'un continent. En termes politiques, sociaux, économiques, il s'agit d'un des principaux projets de développement en Europe.
Evoquons, de plus, le projet grec de corridor "dalmatien", reliant le port italien de Trieste à la ville d'Igoumenista (Grèce), longeant la côte via l'Albanie, la Yougoslavie, la Bosnie et la Croatie, projet proposé à la mi-98, estimé à 3 milliards de dollars.
Pour finir, il faut parler d'un autre projet similaire aux corridors pan-européens, cette fois dans le Caucase et en Asie centrale, le programme TRACECA, lui aussi à l'échelle d'un continent. Son intérêt repose, pour l'économie occidentale, sur la jonction entre ce projet et l'Europe ("It had been recognised that one the weaknesses of the TRACECA route, in the context of the EU Tacis programme, was the lack of linkage between the western end and the European market", remarque formulé à Helsinky en 1997); ce lien repose donc sur les corridors IV et VIII, via le port de Varna. Ainsi les projets de développement des vingt prochaines années du continent européen reposent sur la réalisation de corridors traversant les Balkans. Sur le plan, vous remarquerez que le nœud central reliant les corridors VIII, X et IV est un triangle formé par Nis, Skopje et Sofia, dont le centre géographique se situe en plein Kosovo. Une instabilité persistante du Kosovo, de la Serbie et, de fait, de l'Albanie et de la Macédoine, serait fatale à l'un des plus importants projets humains en cours. Ah oui, j'oubliais : les débuts des travaux sont prévus pour... maintenant (les financements du corridor VIII sont quasiment bouclés, les études européennes représentent déjà des dizaines de millions d'euros, de nombreux tronçons sont en cours de réalisation).
Alors pourquoi avoir totalement occulté l'importance économique de ce conflit ? Les démocraties sont-elles si faibles qu'il faille un alibi purement humanitaire, l'argument du développement humain de tout un continent serait-il apparu, à nos yeux, moins légitime ? Pourquoi présenter les travaux qui commencent en ce moment en Albanie comme une "reconstruction" et un soutien pour "bons et loyaux services", alors qu'il ne s'agit que du début du corridor VIII, conçu et financé de longue date ? Pourquoi dire : "si les Serbes veulent des crédits pour leur reconstruction, ils doivent se débarrasser de Milosevic", alors qu'en réalité, "nous avons besoin, pour notre propre développement, de construire des infrastructures en Serbie et, pour en assurer la viabilité, nous devons nous débarrasser de Milosevic" (c'est le problème exactement inverse) ?
J'insiste : pourquoi nous a-t-on expliqué que cette région n'avait aucun intérêt économique (on nous a bien dit qu'il n'y avait pas de pétrole, preuve que nos intentions étaient plus pures qu'en Irak), pourquoi ne nous a-t-on jamais parlé du huitième corridor (que la presse albanaise qualifie de "célèbre corridor 8"), pourquoi avoir totalement occulté le projet de transport pan-européen (que tous les gouvernements de la région placent au centre de leurs décisions économiques) ? Est-ce qu'on ne nous prendrait pas un peu pour des cons ?
(Source : http://www.scarabee.com/EDITO2/index.shtml ?070699 )
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vendredi, 02 avril 2010
La nouvelle doctrine de l'OTAN: l'immixtion globale
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1999
La nouvelle doctrine de l’OTAN : l’immixtion globale
Que l’on ne se fasse pas d’illusions : la guerre dans les Balkans n’est qu’un début. Les « interventions humanitaires », comme celle qui vient d’avoir lieu en Yougoslavie seront monnaie courante dans l’avenir. Ces interventions tous azimuts constituent vraisemblablement la nouvelle doctrine de l’OTAN, qui fête ainsi son cinquantième anniversaire. Pourtant, il y a un demi siècle, l’Alliance Atlantique se voulait exclusivement un pacte de défense, fondé pour contrer la menace communiste. Aujourd’hui ce principe de défense est caduc, faute de communisme. Les nuées de chars d’assaut de l’Est, prompts, disait-on, à foncer vers l’Atlantique en 48 heures, n’existent plus. Que fait l’OTAN, devant cette nouvelle donne ? Elle se mue en gendarme du monde !
Le glas sonne pour l’ONU
Le principe de défense n’est plus qu’une référence marginale dans la nouvelle doctrine de l’OTAN. Les stratèges de Bruxelles et du Pentagone pensent désormais en de nouvelles catégories et élaborent de nouveaux scénarii. Pour l’avenir, il suffira de constater des « actes de terreur », des « sabotages », une « interruption dans le trafic de ressources vitales » ou des « mouvements incontrôlés de grands nombres de personnes, surtout s’ils sont la conséquence de conflits armés », pour mobiliser l’Alliance. Dans le futur, l’OTAN entend entrer en action pour « éviter » et « apaiser » des situations de crise. Mieux : la simple « stabilisation et la sécurité de l’espace euro-atlantique » suffisent comme motifs d’intervention. C’est un blanc-seing pour intervenir dans tous les coins du globe. Rien de plus, rien de moins.
Jusqu’ici, il fallait, du moins formellement, un mandat des Nations-Unies pour autoriser l’intervention de l’Alliance. Cette restriction est désormais également caduque. Dans le texte fondant la nouvelle stratégie de l’OTAN, présenté à Washington en avril, les interventions de l’Alliance doivent simplement se référer aux principes de bases de la Charte de l’ONU et être en accord avec ceux-ci. Mais cette stipulation n’est pas contraignante. L’ONU ou l’OSCE ne doivent plus servir que comme « baldaquin » à des opérations communes, selon les cas qui se présentent. L’important, c’est que tous les pays membres de l’OTAN marquent leur accord. En conséquence de quoi, l’Alliance, en pratique, peut frapper à tout moment n’importe quel pays-cible. A juste titre, l’irénologue de Hambourg, Hans J. Giessmann, écrit dans le quotidien berlinois taz, que « le glas a sonné pour l’ONU » et avertit ses lecteurs : «Ceux qui affaiblissent le baldaquin juridique qu’est l’ONU, sont co-responsables des conséquences. L’OTAN (…) pourra certainement empêcher certains Etat de faire ce qu’elle se réserve, elle, le droit de faire. Si la naissance de la nouvelle OTAN signifie l’enterrement de l’ONU, la conséquence, pour le monde, c’est qu’il n’y aura pas davantage de sécurité au niveau global, mais moins ».
On peut en conclure que l’objectif actuel de l’OTAN n’est pas d’augmenter la sécurité sur la surface de la planète. Partout où l’OTAN est intervenue ces dix dernières années sous l’impulsion déterminante des Etats-Unis, nous n’avons pas un bonus en matière de sécurité, mais un malus ; la stabilité est en recul, l’insécurité en croissance. Quant aux « droits de l’homme », prétextes de la guerre en Yougoslavie, il vaut mieux ne pas en parler.
Terreur contre les populations civiles
Prenons l’exemple de l’Irak : ce pays était l’un des plus progressistes du monde arabe ; il possédait un excellent système d’enseignement et une bonne organisation de la santé ; le régime baathiste était laïc et le régime de Saddam Hussein accordait davantage de libertés citoyennes que les autres pays arabes. Depuis que le pays est sous curatelle de l’ONU et est bombardé chaque semaine par l’aviation américaine (sans que l’opinion publique mondiale y prête encore attention), rien de ces acquis positifs n’a subsisté. Cette ancienne puissance régionale est tombée au niveau d’un pays en voie de développement, où règnent le marché noir, la corruption et l’état d’exception. Vous avez dit « droits de l’homme » ? Vous avez dit « stabilité » ?
Prenons l’exemple de la Yougoslavie : lors de son intervention dans ce pays, l’OTAN, appliquant sans retard sa nouvelle doctrine, a renoncé dès le départ à tout mandat de l’ONU et a bombardé pendant des mois un pays européen souverain, faisant ainsi reculer son niveau de développement de plusieurs décennies. Ici aussi apparaît l’ectoplasme des « droits de l’homme », que l’on défend soi-disant. On nous transmet des images de ponts détruits, de fabriques, de chemins de fer, de stations de radio et d’innombrables bâtiments civils bombardés, pulvérisés par les bombes ou les missiles de l’OTAN. Même CNN n’est plus en mesure de « retoucher » les photos ou les films. Début mai 98, à l’aide de nouvelles bombes au graphite, les pylônes de haute tension et les usines d’électricité de Belgrade et des environs ont été détruits, coupant l’électricité et l’eau à de larges portions du territoire serbe. A Bruxelles, les porte-paroles de l’Alliance annonçaient avec un effroyable cynisme que l’OTAN était en mesure d’allumer et d’éteindre la lumière en Yougoslavie. On peut se demander quels ont été les objectifs militaires poursuivis par l’Alliance dans ces coupures d’électricité ? Les porte-paroles de l’OTAN ne répondent à cette question que par le silence. L’armée yougoslave, elle, dispose de ses propres générateurs qui, à l’instar des carburants militaires, sont profondément enterrés dans le sol, comme en Suisse. Seule la population civile subit des dommages.
Jamais plus la Yougoslavie ne sera la même après la guerre du Kosovo. Son appareil militaire sera affaibli (ce qui réjouira sans nul doute deux pays voisins : la Croatie et la Hongrie), mais aussi son économie et ses infrastructures. On évalue d’ores et déjà que la Yougoslavie a été ramenée au niveau qu’elle avait immédiatement après la seconde guerre mondiale. Les planificateurs de l’OTAN songent déjà à haute voix à détacher le Kosovo de la Serbie et à occuper cette province, à installer là-bas un protectorat avec la présence d’une armée internationale. Or la République fédérative de Yougoslavie est un Etat souverain…
L’enjeu réel de l’intervention dans les Balkans
Dans les Balkans, après l’intervention de l’OTAN, la paix ne reviendra pas et la stabilité politique sera profondément ébranlée. Répétons-le : il ne nous semble pas que la stabilité et la paix soient dans l’intérêt des stratèges de l’OTAN. Quel est alors l’enjeu réel ?
On aperçoit les premiers contours de l’ordre politique qui devra régner dans les Balkans sous la férule de l’OTAN. Parallèlement à l’élimination de la puissance régionale qu’était la Serbie, les Etats-Unis reviennent en Europe par le Sud-Est. Cette démarche est impérative pour les Etats-Unis, car sur la côte pacifique du bloc continental eurasien, les Américains reculent. Des penseurs stratégiques comme Henry Kissinger et Pat Buchanan ont constaté que la Chine, renforcée, sera le futur concurrent de Washington dans cette région. Les pertes en Asie doivent dès lors être compensées par une avancée stratégique en Europe.
Ensuite : les nouveaux partenaires junior des Etats-Unis sont (outre les satrapies européennes habituelles, dont l’Allemagne), les Turcs. Un contingent turc est présent au sein de la force internationale de « paix » au Kosovo. En ayant mis hors jeu la puissance orthodoxe serbe, l’Islam se voit renforcé dans le Sud-Est de l’Europe. Washington joue à ce niveau un jeu clair : si l’Europe réussi son intégration, si l’espace économique européen s’avère viable, elle acquerra, bon gré mal gré, une puissance géostratégique qui portera ombrage aux Etats-Unis. Situation inacceptable pour le Pentagone. Dans les tréfonds du subconscient européen, la menace islamique-ottomane dans le Sud-Est du continent n’est pas vraiment oubliée. Délibérément, les Américains la réinstallent en Europe pour déstabiliser le processus d’unification européen : ironie et cynisme de l’histoire.
L’élargissement de l’OTAN a une odeur de poudre
La carte turque est un atout majeur des stratèges américains, également dans le domaine des approvisionnements énergétiques. Dans la partie de poker qui se joue en Asie centrale, l’enjeu est le pétrole, entre autres matières premières. Les futures zones d’exploitation se situent sur les rives de la Mer Caspienne et dans les ex-républiques soviétiques de l’Asie centrale musulmane et turcophone. Dans un tel contexte, on ne s’étonnera pas que l’OTAN, depuis quelques années, s’intéresse à toute coopération militaire et économique avec les Etats de la CEI dans le Sud de l’ex-URSS. L’an dernier, les troupes de l’OTAN ont participé pour la première fois à des manœuvres au Tadjikistan. Ce n’est plus qu’une question de temps, mais, si le processus actuel se poursuit, les anciennes républiques musulmanes et turcophones du « ventre mou » de l’ex-URSS appartiendront en bloc à la sphère d’influence atlantiste, tout comme les anciens pays du Pacte de Varsovie et l’Ukraine.
On le voit clairement : l’Alliance atlantique s’est fixé de nouveaux objectifs planétaires. L’ancienne doctrine purement défensive (en théorie…) est un boulet au pied de l’Alliance actuelle. En conséquence, l’Alliance se transforme en un système interventionniste global.
Quoi qu’il en soit : la sécurité ne sera pas de la partie au début du XXIième siècle. Les prochains conflits sont déjà programmés : avec la Chine, avec la Russie (complètement désavouée), avec toute une série de « méchants Etats » régionaux, que la propagande américaine dénoncera quand cela s’avèrera opportun et oubliera tout aussi vite. Hier, c’était l’Afghanistan et le Soudan, aujourd’hui, c’est la Yougoslavie. Et demain ?
D’autres cibles possibles en Europe
Peut-être sera-ce le Sud de la France ou les nouveaux Länder de l’Est de l’Allemagne. Je ne blague pas. Comme l’écrivait l’hebdomadaire d’information américain Time, il y a quelques mois, dans un numéro spécial, les stratèges de l’OTAN se soucient déjà de futurs « foyers de crise » en Europe. L’ancienne RDA et quelques villes du Sud de la France sont des cibles potentielles, car elles sont soupçonnées d’être d’ « extrême-droite ». Au Kosovo, l’OTAN bombarde parce que les « droits de l’homme » y seraient bafoués. Mais en Turquie, en Israël, à Timor-est, en Indonésie, les droits de l’homme sont bafoués depuis des décennies, sans que l’Alliance n’intervient. Qui décide où tomberont les prochaines bombes ?
La réponse est simple. Pendant cinquante ans, l’Alliance a été un instrument destiné à sécuriser les intérêts stratégiques des Etats-Unis. Rien ne changera dans l’avenir. En revanche, ce qui est nouveau, c’est que le Grand Frère d’Outre-Atlantique définit ses intérêts au niveau global sans vergogne depuis la disparition de l’ennemi soviétique. Cela continuera tant que le monde acceptera ses manières de cow-boy.
Organiser la résistance à l’hégémonisme US
Pourtant la résistance à la nouvelle doctrine de l’OTAN s’organise. Le Président de l’Académie russe des sciences militaires, le Professeur Machmoud Gareïev exprime ses réserves de manière succincte et concise : « Un nouvel ordre mondial apparaît : une petite communauté d’Etats occidentaux sous l’égide américaine entend dominer et dicter le cours des événements. Le message que cette communauté nous lance est clair : ne dérangez pas notre cercle ». Le député socialiste allemand (SPD), Hermann Scheer, manifeste son scepticisme face aux ambitions globales de l’Alliance occidentale. Il écrit à propos des zones de conflit qui se dessinent en Asie : « Les Etats-Unis tentent de contrôler politiquement cette région riche en ressources ; l’Alliance doit dès lors devenir l’escorte militaire des consortiums pétroliers et gaziers (…). L’élargissement de l’OTAN en Asie a une odeur de poudre. Nous devrions ne pas nous en mêler ».
Conclusion : la force des uns repose toujours sur la faiblesse des autres. L’hégémonie mondiale que concocte l’OTAN est possible parce que le reste du monde ne s’en est pas soucié. Pour cette raison, il nous apparaît urgent de forger des alternatives à la domination américaine et de leur donner une assise politique. Avec les élites établies, infectées par les virus de la banque et de l’idéologie mondialiste, un tel projet ne sera pas possible. En revanche, si des hommes et des femmes à la pensée claire, capables de tirer les conclusions qui s’imposent, agissant de Madrid à Vladivostok, l’alternative sera parfaitement possible. L’Internationale des peuples libres : voilà le projet qu’il faudra élaborer pour le XXIième siècle.
Karl RICHTER.
(Nation-Europa, 6/1999).
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jeudi, 01 avril 2010
Quand les alliés des Etats-Unis sont aussi (etsurtout) leurs concurrents: le rôle d'espionnage universel d'"ECHELON"
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1999
Quand les alliés des Etats-Unis sont aussi (et surtout) leurs concurrents : le rôle d’espionnage universel d’ « ECHELON »
Début 1998, Steve Wright, membre d’OMEGA, une association britannique pour les droits des citoyens basée à Manchester, constate dans un rapport qu’il adresse au Parlement Européen, que tous les courriers électroniques, les conversations téléphoniques et les fax sont enregistrés par routine par le service de renseignement américain NSA (National Security Agency). La NSA fait suivre toutes ces données récoltées en Europe à l’adresse du Quartier Général de la NSA aux Etats-Unis, à Fort Meade dans le Maryland. Avec raison, Wright conclut que la NSA a installé un système de surveillance global, dont le but est de sonder les satellites par lesquels transite la plus grande partie des communications internationales. A la différence des systèmes de surveillance électroniques, utilisés lors de la guerre froide pour sonder des organismes militaires, le système de surveillance « ECHELON » sert essentiellement à espionner des cibles civiles : des gouvernements, des organisations de toutes sortes ou des entreprises commerciales ou industrielles.
Quatre pays, explique Wright, se partagent, avec les Etats-Unis, les résultats de cet espionnage global : la Grande-Bretagne, le Canada, la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Les services secrets de ces quatre pays n’agissent en fait que comme fournisseurs subalternes de renseignements. En d’autres termes : seuls les Américains contrôlent complètement le réseau d’espionnage ECHELON. Ensuite, dans le rapport de Wright, on apprend également que la plus grande station d’écoute du monde se trouve à Menwith Hill, en Angleterre dans le Comté du Yorkshire. Cette station serait en mesure d’écouter la plupart des communications en Europe et dans les pays de l’ex-URSS.
Dans ce rapport de Wright, pour la première fois, on apprend officiellement dans l’UE qu’un système d’écoute global et électronique, dont le nom est ECHELON, existe ! Pendant des années, seules des informations fortuites et superficielles circulaient à propos d’ECHELON. Le premier à avoir parler du concept même d’ECHELON a été le journaliste britannique, spécialisé dans les affaires d’espionnage, Duncan Campbell. Dans un article pour le magazine New Statesman du 12 août 1988. Il y a onze ans, Campbell révélait qu’ECHELON permettait de surveiller toutes les communications venant et arrivant en Grande-Bretagne, à la condition que cette surveillance serve l’intérêt national ou favorise l’économie britannique. Récemment, Campbell a lui-même rédigé un rapport à la demande d’un groupe de travail de l’UE, le STOA (Scientific and Technological Options Assessments). Le titre de son rapport : Interception Capabilities 2000 (soit : Etat des techniques d’écoutes en l’an 2000). Il traitait en détail d’ECHELON.
Les gouvernements décident de l’utilisation du matériel récolté
Campbell montre notamment dans son rapport que chaque Etat, participant à ECHELON, a autorisé ses services secrets ou certains ministères, de consulter tout matériel récolté ayant une importance d’ordre économique ou de les commander. Grâce aux informations ainsi engrangées, des objectifs très divers peuvent être poursuivis. Campbell ajoute que la décision d’exploiter ou d’utiliser ces informations acquises par espionnage ne relève pas des services secrets impliqués mais des gouvernements.
Ce rapport ne manque pas de piquant : en effet, la Grande-Bretagne est membre de l’UE et participe à l’espionnage généralisé de tous ses partenaires. Rappelons à ce propos deux faits : le journal anglais The Independant du 11 avril 1998 constate, vu la participation de la Grande-Bretagne à ECHELON, que celle-ci participe à un consortium de services électroniques de renseignements, qui espionne systématiquement les secrets économiques et commerciaux des Etats de l’UE. Le journal citait l’avocat français Jean-Pierre Millet, spécialisé en criminalité informatique. Les partenaires de la Grande-Bretagne, disait Millet, auraient raison d’en vouloir aux Britanniques, parce que ceux-ci n’ont pas abandonné leur coopération avec les Américains. Disons aussi en passant que la France, en matière d’espionnage économique, n’est pas un enfant de chœur. Ainsi, par exemple, l’ancien chef des services secrets français, Pierre Marion, avait déclaré que la guerre faisait toujours rage, y compris entre pays alliés, dès qu’il s’agissait d’affaires (cf. Spectator, 9 avril 1994). La grogne des Français, dans ce contexte, se justifiait non pas tant parce que la Grande-Bretagne faisait partie du cartel d’ECHELON, mais parce que la France ne pouvait pas participer à cette gigantesque machine globale à fouiner.
Le nom de code ECHELON découle du terme militaire français « échelon ». ECHELON a été au départ conçu par les services de renseignements pour surveiller l’Union Soviétique. Après l’effondrement de celle-ci, ce projet, qui a coûté des milliards, devait servir à combattre officiellement le terrorisme international. Mais cette justification n’est qu’un rideau de fumée, destiné à dissimuler le véritable objectif. D’après les informations dont on dispose, on peut désormais affirmer qu’ECHELON a bel et bien été conçu prioritairement pour l’espionnage industriel et économique à grande échelle.
L’allié militaire officiel peut être l’ennemi économique réel
Dans un rapport du 29 mars de cette année, Der Spiegel évoquait que les termes-clefs, avec lesquels ECHELON fonctionne, proviennent avant tout du domaine économique américain. Indice supplémentaire que les Américains ne se gênent nullement pour combattre les concurrents étrangers de leurs entreprises par tous les moyens, même illicites. Cela leur est complètement égal de savoir si la firme espionnée appartient à un pays allié ou ennemi. Deux auteurs ont bien mis cela en exergue, Selig S. Harrison et Clyde V. Prestowitz, dans un article du périodique Foreign Policy (79/90) : les alliés militaires des Etats-Unis sont ses ennemis économiques. Il est fort probable que les Etats-Unis nieront qu’une rivalité fondamentale les oppose aux autres puissances occidentales sur les plans des relations commerciales internationales, ce qui les empêchera, par la même occasion, de réagir adéquatement au niveau des règles de la concurrence.
L’ancien directeur du FBI, William Sessions, voit les choses de la même façon : dans un entretien, il a expliqué qu’aujourd’hui déjà, et, a fortiori dans l’avenir, une puissance est ou sera l’alliée ou l’ennemie des Etats-Unis non seulement selon les nécessités militaires, mais aussi et surtout selon les résultats des observations que les Etats-Unis obtiendront de leurs services de renseignement dans les domaines scientifiques, technologiques, politiques et économiques (cf. Washington Times, 30 avril 1992) (ndlr : autrement dit, aucune puissance européenne ou asiatique ne pourra désormais développer un programme de recherches scientifiques ou technologiques, et réussir des applications pratiques, sans risquer d’encourir les foudres des Etats-Unis et d’être décrite dans les médias comme « totalitaire », « dictatoriale », « communiste » ou « fasciste », ou « rouge-brune »).
L’espionnage scientifique renforce la mainmise politique
Philip Zelikov est encore plus clair dans son ouvrage American Intelligence and the World Economy (New York, 1996). La victoire dans la bataille pour être compétitif sur les marchés du monde est le premier point à l’ordre du jour dans l’agenda de la sécurité américaine. Même vision chez Lester Thurow, célèbre économiste américain du MIT (Massachusetts Institute of Technology), auteur de Head to Head : The Coming Battle between Japan, Europe and America (New York, 1992). Sans s’embarrasser de circonlocutions, Thurow écrit que les Etats qui dominent les plus grands marchés définissent également les règles. Il en a toujours été ainsi. Raison pour laquelle les Américains refusent même aux Etats qui participent au réseau ECHELON d’accéder à toutes les données récoltées. Ce genre de restriction est également habituel. Ainsi, par exemple, Mark Urban, dans son livre UK Eyes Alpha. The Inside Story of British Intelligence (Londres, 1996), évoque la coopération entre les services secrets britannique et américain et constate que les Américains n’ont jamais cessé de retenir des informations, de les garder pour eux seuls. Il s’agissait surtout des informations relatives aux affaires commerciales.
Ce détail et cette pratique de rétention expliquent les véritables motivations des Américains et de leurs partenaires dans le réseau d’écoute global ECHELON. Pourtant il serait inexact et insuffisant d’affirmer que le seul but d’ECHELON est l’espionnage économique. Comme auparavant, l’intelligence militaire et politique occupe une large part des activités de ce réseau. En priorité, ECHELON sert à faire valoir ses propres intérêts de manière plus efficace.
Les révélations du Néo-Zélandais Nicky Hager
D’après les explications du Néo-Zélandais Nicky Hager, qui, avec son livre Secret Power. New Zealand’s Role in the International Spy Network (1996), a permis de mieux savoir comment fonctionnait ECHELON, ce système d’espionnage n’est pas agencé de façon à contrôler et à copier chaque courrier électronique ou chaque télécopie. Le système vise plutôt à trier et à sonder de grandes quantités de communications électroniques. Les ordinateurs d’ECHELON filtrent au départ de mots-clefs ou de concepts-clefs, consignés dans des « dictionnaires » et, à partir de la masse d’informations récoltées, trient ce qui est intéressant pour les divers services de renseignement.
Dans cette pratique, écrit Hager dans son article du magazine Covert Action Quarterly (56/96-97), le système de filtrage « Memex », élaboré par la firme britannique Memex Technology, joue un rôle primordial. Memex est en mesure de rechercher de grandes quantités de données au départ de concepts-clefs. Ces concepts-clefs englobent les noms de certaines personnalités, d’organisations, de désignations de pays ou de termes scientifiques ou spécialisés. Parmi ces concepts-clefs, on trouve les numéros de fax et les adresses électroniques de certains individus, d’organisations ou d’institutions étatiques.
Une chaîne mondiale d’installations d’écoute (comme, par exemple, Menwith Hill ou Bad Aibling en Bavière) a été placée tout autour du globe, pour pomper les réseaux internationaux de télécommunications. ECHELON relie entre elles toutes ces installations d’écoute, qui permettent aux Etats-Unis et à leurs alliés de surveiller une bonne part des communications qui s’effectuent sur la Terre.
Ce qui est substantiellement nouveau dans ECHELON n’est pas tant le fait que des ordinateurs sont utilisés pour exploiter des renseignements électroniques à l’aide de certains concepts-clefs (car c’était déjà possible dans les années 70), mais c’est surtout la capacité d’ECHELON et de la NSA de pouvoir placer en réseau tous les ordinateurs mis en œuvre et cela, à grande échelle. Cette mise en réseau permet aux diverses stations d’écoute de travailler comme autant de composantes d’un système global intégré. La NSA, le service secret néo-zélandais GCSB (Government Communications Security Bureau), le service secret britannique GCHQ (Government Communications Head Quarters), le service secret canadien CSE (Communications Security Establishment) et le service secret australien DSD (Defence Signals Directorate) sont les partenaires contractuels de l’UKUSA Signals Intelligence, un pacte entre les divers services de renseignements des puissances anglo-saxonnes. Cette alliance explique par ses origines : elle date de la coopération entre ces services pendant la seconde guerre mondiale. Au départ, elle visait à faire surveiller l’URSS par les services de renseignement.
Pomper les satellites
Grosso modo, ECHELON poursuit trois objectifs. D’abord contrôler les satellites permettant les communications internationales qu’utilisent les sociétés téléphoniques de la plupart des Etats du monde. Un anneau de tels satellites entoure la Terre. En règle générale, ces satellites sont positionnés à hauteur de l’Equateur. D’après ce que nous en dit Nicky Hager, cinq stations d’écoutes du réseau ECHELON servent à pomper ce que contiennent ces satellites.
Deuxième objectif : espionner les satellites qui n’appartiennent pas à Intelsat. Il s’agit surtout de satellites russes, mais aussi d’autres satellites régionaux de communications. Les stations qui surveillent ces satellites-là sont, d’après Hager, Menwith Hill (Angleterre), Shoal Bay (Australie), Bad Aibling (Bavière/RFA), Misawa (Nord du Japon) et Leitrim (Canada). Cette dernière s’occupe principalement des satellites latino-américains.
Enfin, troisième objectif d’ECHELON : coordonner les stations qui s’occupent des systèmes de communications terrestres. Celles-ci sont spécialement intéressantes car elles s’effectuent par l’intermédiaire de câbles transocéaniques et d’une technique de haute fréquence, et véhiculent d’énormes quantités de communications officielles, commerciales ou gouvernementales.
Le gouvernement allemand tolère cette surveillance tous azimuts
La station d’écoute très puissante de Menwith Hill dans le Nord de l’Angleterre disposerait de 22 stations satellitaires de réception. Menwith Hill sert en première instance la NSA, en tant que station terrestre des satellites-espions américains. Ceux-ci surveillent les télécommunications à rayon réduit comme par exemple les émetterus militaires ou les « walkie talkies ». Les stations terrestres d’Alice Springs (Australie) et de Bad Aibling (Bavière) ont une fonction analogue.
En Allemagne, les autorités officielles ne veulent rien entendre de tout cela. Ainsi, l’ancien Secrétaire d’Etat Eduard Lintner (CSU), en poste au ministère de l’intérieur de Bonn, a répondu le 30 avril 1998 à une question écrite, posée par le député socialiste Graf, portant sur les activités de la NSA, que le gouvernement fédéral allemand ne savait rien de plus que ce qu’avait dit la presse à ce sujet !
En d’autres termes : le gouvernement fédéral allemand ne sait officiellement rien de cette incursion massive et de cette grave entorse à l’intégrité des Etats nationaux et des individus. Mais cette attaque vient d’ « Etats amis » de l’Allemagne. C’est tout dire…
Michael WIESBERG.
(article paru dans Junge Freiheit, n°26/99 ; redaktion@jungefreiheit.de
Site : http://www.jungefreiheit.de
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mardi, 30 mars 2010
Rusia, clave de boveda del sistema multipolar
RUSIA, CLAVE DE BÓVEDA DEL SISTEMA MULTIPOLAR
de Tiberio Graziani *
El nuevo sistema multipolar está en fase de consolidación. Los principales actores son los EE.UU., China, India y Rusia. Mientras la Unión Europea está completamente ausente y nivelada en el marco de las indicaciones-diktat procedentes de Washington y Londres, algunos países de la América meridional, en particular Venezuela, Brasil, Bolivia, Argentina y Uruguay manifiestan su firme voluntad de participación activa en la construcción del nuevo orden mundial. Rusia, por su posición central en la masa eurasiática, por su vasta extensión y por la actual orientación imprimida a la política exterior por el tándem Putin-Medvedev, será, muy probablemente, la clave de bóveda de la nueva estructura planetaria. Pero, para cumplir con tal función epocal, tendrá que superar algunos problemas internos: entre los primeros, los referentes a la cuestión demográfica y la modernización del país, mientras, en el plano internacional, tendrá que consolidar las relaciones con China e India, instaurar lo más pronto posible un acuerdo estratégico con Turquía y Japón y, sobre todo, tendrá que aclarar su posición en Oriente Medio y en Oriente Próximo.
Consideraciones sobre el escenario actual
Con el fin de presentar un rápido examen del actual escenario mundial y para comprender mejor las dinámicas en marcha que lo configuran, proponemos una clasificación de los actores en juego, considerándolos ya sea por la función que desempeñan en su propio espacio geopolítico o esfera de influencia, ya sea como entidades susceptibles de profundas evoluciones en base a variables específicas.
El presente marco internacional nos muestra al menos tres clases principales de actores. Los actores hegemónicos, los actores emergentes y, finalmente, el grupo de los seguidores y de los subordinados. Por razones analíticas, hay que añadir a estas tres categorías una cuarta, constituida por las naciones que, excluidas, por diversos motivos, del juego de la política mundial, están buscando su función.
Los actores hegemónicos
Al primer grupo pertenecen los países que, por su particular postura geopolítica, que los identifica como áreas pivote, o por la proyección de su fuerza militar o económica, determinan las elecciones y las relaciones internacionales de las restantes naciones. Además, los actores hegemónicos influyen directamente también sobre algunas organizaciones globales, entre las cuales se encuentran el Fondo Monetario Internacional (FMI), el Banco Mundial (BM), y la Organización de las Naciones Unidas (ONU). Entre las naciones que presentan tales características, aunque con matices diversos, podemos contar a los Estados Unidos, China, India y Rusia.
La función geopolítica que actualmente ejercen los EE.UU. es la de constituir el centro físico y el mando del sistema occidental nacido al final de la Segunda Guerra Mundial. La característica principal de la nación norteamericana, con respecto al resto del planeta, está representada por su expansionismo, llevado a cabo con una particular agresividad y mediante la extensión de dispositivos militares a escala global. El carácter imperialista debido a su específica condición de potencia marítima le impone comportamientos colonialistas hacia amplias porciones de lo que considera impropiamente su espacio geopolítico (1). Las variables que podrían determinar un cambio de función de los EE.UU. son esencialmente tres: a) la crisis estructural de la economía neoliberal; b) la elefantiasis imperialista; c) las potenciales tensiones con Japón, Europa y algunos países de la América centro-meridional.
China, India y Rusia, en cuanto naciones-continente de vocación terrestre, ambicionan desempeñar sus respectivas funciones macro-regionales en el ámbito eurasiático sobre la base de una común orientación, por otra parte, en fase de avanzada estructuración. Tales funciones, sin embargo, están condicionadas por algunas variables entre las cuales destacamos:
a) las políticas de modernización;
b) las tensiones debidas a las deshomogeneidades sociales, culturales y étnicas dentro de sus propios espacios;
c) la cuestión demográfica que impone adecuadas y diversificadas soluciones para los tres países.
Por cuanto respecta a la variable referente a las políticas de modernización, observamos que, al estar estas demasiado interrelacionadas en los aspectos económico-financieros con el sistema occidental, de modo particular con los Estados Unidos, a menudo quitan a las naciones eurasiáticas la iniciativa en la arena internacional, las exponen a las presiones del sistema internacional, constituido principalmente por la triada ONU, FMI y BM (2) y, sobre todo, les imponen el principio de la interdependencia económica, histórico eje de la expansión económica de los EE.UU. En relación a la segunda variable, observamos que la escasa atención que Moscú, Pekín y Nueva Delhi prestan a la contención o solución de las respectivas tensiones endógenas ofrece a su antagonista principal, los Estados Unidos, la ocasión de debilitar el prestigio de los gobiernos y obstaculizar la estructuración del espacio eurasiático. Finalmente, considerando la tercera variable, apreciamos que políticas demográficas no coordinadas entre las tres potencias eurasiáticas, en particular entre Rusia y China, podrían a la larga crear choques para la realización de un sistema continental equilibrado.
Las relaciones entre los miembros de esta clase deciden las reglas principales de la política mundial.
En consideración de la presencia de hasta 4 naciones-continente (tres naciones eurasiáticas y una norteamericana) es posible definir el actual sistema geopolítico como multipolar.
Los actores emergentes
La categoría de los actores emergentes reagrupa, en cambio, a las naciones que, valorando particulares bazas geopolíticas o geoestratégicas, tratan de desmarcarse de las decisiones que les imponen uno o más miembros del restringido club del primer tipo. Mientras la finalidad inmediata de los emergentes consiste en la búsqueda de una autonomía regional y, por tanto, en la salida de la esfera de influencia de la potencia hegemónica, que ha de llevarse a cabo mediante articulados acuerdos y alianzas regionales, transregionales y extracontinentales, la finalidad estratégica está constituida por la participación activa en el juego de las decisiones regionales e incluso mundiales. Entre los países que asumen cada vez más la connotación de actores emergentes, podemos enumerar a Venezuela, Brasil, Bolivia, Argentina y Uruguay, la Turquía de Recep Tayyip Erdoğan, el Japón de Yukio Hatoyama y, aunque con alguna limitación, Pakistán. Todos estos países pertenecen, de hecho, al sistema geopolítico llamado “occidental”, guiado por Washington. El hecho de que muchas naciones de lo que, en el periodo bipolar, se consideraba un sistema cohesionado puedan ser hoy señaladas como emergentes y, por tanto, entidades susceptibles de contribuir a la constitución de nuevos polos de agregación geopolítica induce a pensar que el edificio puesto a punto por los EE.UU. y por Gran Bretaña, tal y como lo conocemos, está, de hecho, en vías de extinción o en una fase de profunda evolución. La creciente “militarización” que la nación guía impone a las relaciones bilaterales con estos países parece sustanciar la segunda hipótesis. La común visión continental de los emergentes sudamericanos y la realización de importantes acuerdos económicos, comerciales y militares constituyen los elementos base para configurar el espacio sudamericano como futuro polo del nuevo orden mundial (3).
Los actores emergentes aumentan sus grados de libertad en virtud de las alianzas y de las fricciones entre los miembros del club de los hegemónicos así como de la conciencia geopolítica de sus clases dirigentes.
El número de los actores emergentes y su colocación en los dos hemisferios septentrionales (Turquía y Japón) y meridional (países latinoamericanos) además de acelerar la consolidación del nuevo sistema multipolar, trazan sus dos ejes principales: Eurasia y América indiolatina.
Los seguidores-subordinados y los subordinados
La designación de actores seguidores y subordinados, aquí propuesta, pretende subrayar las potencialidades geopolíticas de los pertenecientes a esta clase con respecto a su transición a las otras. Hay que calificar como seguidores-subordinados a los actores que consideran útil, por afinidad, intereses varios o por condiciones históricas particulares, formar parte de la esfera de influencia de una de las naciones hegemónicas. Los seguidores-subordinados reconocen al país hegemónico la función de nación-guía. Entre estos podemos mencionar, por ejemplo, la República Sudafricana, Arabia Saudí, Jordania, Egipto, Corea del Sur. Los subordinados de este tipo, dado que siguen a los EE.UU. como nación guía, a menos que surjan convulsiones provocadas o gestionadas por otros, compartirán su destino geopolítico. La relación que mantienen estos actores y el país hegemónico es de tipo, mutatis mutandis, vasallático.
En cambio, se pueden considerar completamente subordinados los actores que, exteriores al espacio geopolítico natural del país hegemónico, padecen su dominio. La clase de los países subordinados está marcada por la ausencia de una conciencia geopolítica autónoma o, mejor todavía, por la incapacidad de sus clases dirigentes de valorar los elementos mínimos y suficientes para proponer y, por tanto, elaborar una doctrina geopolítica propia. Las razones de esta ausencia son múltiples y variadas, entre estas podemos mencionar la fragmentación del espacio geopolítico en demasiadas entidades estatales, la colonización cultural, política y militar ejercida por la nación hegemónica, la dependencia económica hacia el país dominante, las estrechas y particulares relaciones que mantienen el actor hegemónico y las clases dirigentes nacionales, que, configurándose como auténticas oligarquías, están preocupadas más de su supervivencia que de los intereses populares nacionales que deberían representar y sostener. Las naciones que constituyen la Unión Europea entran en esta categoría, con excepción de Gran Bretaña por la conocida special relationship que mantiene con los EE.UU. (4).
La pertenencia de la Unión Europea a esta clase de actores se debe a su situación geopolítica y geoestratégica. En el ámbito de las doctrinas geopolíticas estadounidenses, Europa siempre ha sido considerada, desde el estallido de la Segunda Guerra Mundial, una cabeza de puente tendida hacia el centro de la masa eurasiática (5). Tal papel condiciona las relaciones entre la Unión Europea y los países exteriores al sistema occidental, en primer lugar, Rusia y los países de Oriente Próximo y de Oriente Medio. Además de determinar el sistema de defensa de la UE y sus alianzas militares, este particular papel influye, a menudo incluso profundamente, en la política interior y las estrategias económicas de sus miembros, en concreto, las referentes al aprovisionamiento de recursos energéticos (6) y de materiales estratégicos, así como las elecciones en materia de investigación y desarrollo tecnológico. La situación geopolítica de la Unión Europea parece haberse agravado ulteriormente con el nuevo curso que Sarkozy y Merkel han imprimido a las respectivas políticas exteriores, dirigidas más a la constitución de un mercado trasatlántico que al reforzamiento del europeo.
Las variables que, en el momento actual, podrían permitir a los países miembros de la Unión Europea pasar a la categoría de los emergentes tienen que ver con la calidad y el grado de intensificación de sus relaciones con Moscú en referencia a la cuestión del aprovisionamiento energético (North y South Stream), a la cuestión de la seguridad (OTAN) y a la política próximo y medio-oriental (Irán e Israel). Que lo que acabamos de escribir es algo posible lo demuestra el caso de Turquía. A pesar de la hipoteca de la OTAN que la vincula al sistema occidental, Ankara, apelando precisamente a las relaciones con Moscú en lo referente a la cuestión energética, y asumiendo, respecto a las directivas de Washington, una posición excéntrica sobre la cuestión israelo-palestina, está en el camino hacia la emancipación de la tutela americana (7).
Los seguidores y subordinados, debido a su debilidad, representan el posible terreno de choque sobre el que podrían confrontarse los polos del nuevo orden mundial.
Los excluidos
En la categoría de los excluidos entran lógicamente todos los otros estados. Desde un punto de vista geoestratégico, los excluidos constituyen un obstáculo a las miras de uno o más actores de los actores hegemónicos. Entre los pertenecientes a este grupo, asumen un particular relieve, con respecto a los EE.UU. y el nuevo sistema multipolar, Siria, Irán, Myanmar y Corea del Norte. En el marco de la estrategia estadounidense para cercar la masa eurasiática, de hecho, el control de las áreas que actualmente se encuentran bajo la soberanía de esas naciones representa un objetivo prioritario que ha de ser alcanzado a corto-medio plazo. Siria e Irán se interponen a la realización del proyecto norteamericano del Nuevo Gran Oriente Medio, es decir, al control total sobre la larga y amplia franja que desde Marruecos llega a las repúblicas centroasiáticas, auténtico soft underbelly de Eurasia; Myanmar constituye una potencial vía de acceso en el espacio chino-indio a partir del Océano Índico y un emplazamiento estratégico para el control del Golfo de Bengala y del Mar de Andamán; Corea del Norte, además de ser una vía de acceso hacia China y Rusia, junto al resto de la península coreana (Corea del Sur) constituye una base estratégica para el control del Mar Amarillo y del Mar del Japón.
Los excluidos más arriba citados, en base a las relaciones que cultivan con los nuevos actores hegemónicos (China, India, Rusia) y con algunos emergentes podrían entrar nuevamente en el juego de la política mundial y asumir, por tanto, un importante papel funcional en el ámbito del nuevo sistema multipolar. Este es el caso de Irán. Irán goza del status de país observador en el ámbito de la OTSC, la Organización del Tratado de Seguridad Colectiva, considerada por muchos analistas la respuesta rusa a la OTAN, y es candidato al ingreso en la Organización para la Cooperación de Shangai, entre cuyos miembros figuran Rusia, China y las repúblicas centroasiáticas. Además, tiene sólidas relaciones económico-comerciales con los mayores países de la América indiolatina.
La reescritura de las nuevas reglas
Los países que pertenecen a la clase de los actores hegemónicos anteriormente descrita tratan de proyectar, por primera vez después de la larga fase bipolar y la breve unipolar, su influencia sobre todo el planeta con la finalidad de contribuir, con recorridos y metas específicas, a la realización de la nueva configuración geopolítica global. A finales de la primera década del siglo XXI se asiste, por tanto, al retorno de la política mundial, articulada esta vez en términos continentales (8). La puesta en juego está constituida, no sólo por el acaparamiento de los recursos energéticos y de las materias primas, por el dominio de importantes nudos estratégicos, sino, sobre todo, considerando el número de actores y la complejidad del escenario mundial, por la reescritura de nuevas reglas. Estas reglas, resultantes de la delimitación de nuevas esferas de influencia, definirán, con toda probabilidad durante un largo periodo, las relaciones entre los actores continentales y, por tanto, también un nuevo derecho. No ya un derecho internacional exclusivamente construido sobre las ideologías occidentales, sustancialmente basado en el derecho de ciudadanía como se ha desarrollado a partir de la Revolución Francesa y en el concepto de estado-nación, sino un derecho que tenga en cuenta las soberanías políticas tal y como se manifiestan y se estructuran concretamente en los diversos ámbitos culturales de todo el planeta.
Los Estados Unidos, aunque actualmente se encuentren en un estado de profunda postración causado por una compleja crisis económico-financiera (que ha evidenciado, por otra parte, las carencias y debilidades estructurales de la potencia bioceánica y de todo el sistema occidental), por el duradero impasse militar en el teatro afgano y por la pérdida del control de vastas porciones de la América meridional, prosiguen, sin embargo, en continuidad con las doctrinas geopolíticas de los últimos años, con la acción de presión hacia Rusia, área geopolítica que constituye su verdadero objetivo estratégico con vistas a la hegemonía planetaria. En el momento actual, la desestructuración de Rusia, o, por lo menos, su debilitamiento, representaría para los Estados Unidos, no sólo un objetivo que persigue al menos desde 1945, sino también una ocasión para ganar tiempo y poner remedios eficaces para la solución de su propia crisis interna y para reformular el sistema occidental.
Precisamente, teniendo bien presente tal objetivo, resulta más fácil interpretar la política exterior adoptada recientemente por la administración Obama con respecto a Pekín y Nueva Delhi. Una política que, aunque tendente a recrear un clima de confianza entre las dos potencias euroasiáticas y los Estados Unidos, no parece dar en absoluto los resultados esperados, a causa del excesivo pragmatismo y de la exagerada ausencia de escrúpulos que parecen caracterizar tanto al presidente Barack Obama como a su Secretaria de Estado, Hillary Rodham Clinton. Un ejemplo de esa ausencia de escrúpulos y del pragmatismo, así como de la escasa diplomacia, entre otros muchos, es el referente a las relaciones contrastantes que Washington ha mantenido recientemente con el Dalai Lama y con Pekín.
Tales comportamientos, dadas las condiciones de debilidad en que se encuentra la ex hyperpuissance, son un rasgo del cansancio y del nerviosismo con que el actual liderazgo estadounidense trata de enfrentarse y taponar el progresivo ascenso de las mayores naciones eurasiáticas y la reafirmación de Rusia como potencia mundial. Las relaciones que Washington cultiva con Pekín y Nueva Delhi trascurren por dos vías. Por un lado, sobre la base del principio de interdependencia económica y mediante la ejecución de específicas políticas financieras y monetarias, los EE.UU. tratan de insertar a China e India en el ámbito del que denominan como sistema global. Este sistema, en realidad, es la proyección del occidental a escala planetaria, ya que las reglas en las que se basaría son precisamente las de este último. Por otro lado, a través de una continua y apremiante campaña denigratoria, la potencia estadounidense trata de desacreditar a los gobiernos de las dos naciones eurasiáticas y de desestabilizarlas, sirviéndose de sus contradicciones y de sus tensiones internas. La estrategia actual es sustancialmente la versión actualizada de la política llamada de congagement (containment, engagement), aplicada, esta vez, no sólo a China sino también, parcialmente, a India.
Sin embargo, hay que subrayar que el dato cierto de esta administración demócrata, que tomó posesión en Washington en enero de 2009, es la creciente militarización con la que tiende a condicionar las relaciones con Moscú. Más allá de la retórica pacifista, el premio Nobel Obama, de hecho, sigue, con la finalidad de alcanzar la hegemonía global, las líneas-guía trazadas por las precedentes administraciones, que se reducen, de forma sumamente sintética, a dos: a) potenciación y extensión de las guarniciones militares; b) balcanización de todo el planeta según parámetros étnicos, religiosos y culturales.
Ante la clara y manifiesta tendencia de los EE.UU. hacia el dominio global –en los últimos tiempos marcadamente sustentada por el corpus ideológico-religioso veterotestamentario (9) más que por un cuidadoso análisis del momento actual que llevase la impronta de la Realpolitik –China, India y Rusia, al contrario, parecen ser bien conscientes de las condiciones actuales que les llaman a una asunción de responsabilidades tanto a nivel continental como global. Tal asunción parece desarrollarse mediante acciones tendentes a la realización de una mayor y mejor articulada integración eurasiática así como mediante el apoyo de las políticas pro-continentales de los países sudamericanos.
La centralidad de Rusia
La reencontrada estatura mundial de Rusia como protagonista del escenario global impone algunas reflexiones de orden analítico para comprender su posicionamiento tanto en el ámbito continental como global, así como también las variables que podrían modificarlo a corto y medio plazo.
Mientras en relación a la masa euroafroasiática, la función central de Rusia como su heartland, tal y como fue sustancialmente formulada por Mackinder, es nuevamente confirmada por el actual marco internacional, más problemática y más compleja resulta, en cambio, su función en el proceso de consolidación del nuevo sistema multipolar.
Espina dorsal de Eurasia y puente eurasiático entre Japón y Europa
Los elementos que han permitido a Rusia reafirmar su importancia en el contexto eurasiático, muy esquemáticamente, son:
a) reapropiación por parte del Estado de algunas industrias estratégicas;
b) contención de los impulsos secesionistas;
c) uso “geopolítico” de los recursos energéticos;
d) política dirigida a la recuperación del “exterior próximo”;
e) constitución del partenariado Rusia-OTAN, como mesa de discusión destinada a contener el proceso de ampliación del dispositivo militar atlántico;
f) tejido de relaciones a escala continental, orientadas a una integración con las repúblicas centroasiáticas, China e India;
g) constitución y cualificación de aparatos de seguridad colectiva (OTCS y OCS).
Si la gestión, antes de Putin y ahora de Medvedev, del agregado de elementos más arriba considerados ha mostrado, en las presentes condiciones históricas, la función de Rusia como espina dorsal de Eurasia, y, por tanto, como área gravitacional de cualquier proceso orientado a la integración continental, sin embargo, no ha puesto en evidencia su carácter estructural, importante para las relaciones ruso-europeas y ruso-japonesas, es decir, el de ser el puente eurasiático entre la península europea y el arco insular constituido por Japón.
Rusia, considerada como puente eurasiático entre Europa y Japón, obliga al Kremlin a una elección estratégica decisiva para los desarrollos del futuro escenario mundial: la desestructuración del sistema occidental. Moscú puede conseguir tal objetivo con éxito, a medio y largo plazo, intensificando las relaciones que cultiva con Ankara por cuanto respecta a las grandes infraestructuras (South Stream) y poniendo en marcha otras nuevas con respecto a la seguridad colectiva. Acuerdos de este tipo provocarían ciertamente un terremoto en toda la Unión Europea, obligando a los gobiernos europeos a tomar una posición neta entre la aceptación de una mayor subordinación a los intereses estadounidenses o la perspectiva de un partenariado euro-ruso (en la práctica, eurasiático, considerando las relaciones entre Moscú, Pekín y Nueva Delhi), que respondiera en mayor medida a los intereses de las naciones y de los pueblos europeos (10). Una iniciativa análoga debería ser tomada por Moscú con respecto a Japón, incluyéndose como socio estratégico en el contexto de las nuevas relaciones entre Pekín y Tokio y, sobre todo, poniendo en marcha, siempre junto a China, un proceso apropiado de integración de Japón en el sistema de seguridad eurasiático en el ámbito de la Organización para la Cooperación de Shangai (11).
Clave de bóveda del nuevo orden mundial
Con respecto al nuevo orden mundial, Rusia parece poseer los elementos base para cumplir una función epocal, la de clave de bóveda de todo el sistema. Uno de los elementos está constituido precisamente por su centralidad en el ámbito eurasiático como hemos expuesto anteriormente, otros dependen de sus relaciones con los países de la América meridional, de su política en Oriente Próximo y en Oriente Medio y de su renovado interés por la zona ártica. Estos cuatro factores resultan problemáticos ya que están estrechamente ligados a la evolución de las relaciones existentes entre Moscú y Pekín. China, como se sabe, ha estrechado, al igual que Rusia, sólidas alianzas económico-comerciales con los países emergentes de la América indiolatina, lleva en Oriente Medio y en Oriente Próximo una política de pleno apoyo a Irán y, además, manifiesta una gran atención por los territorios siberianos y árticos (12). Considerando lo que acabamos de recordar, si las relaciones entre Pekín y Moscú se desarrollan en sentido todavía más acentuadamente eurasiático, prefigurando una especie de alianza estratégica entre los dos colosos, la consolidación del nuevo sistema multipolar se beneficiará de una aceleración, en caso contrario, sufrirá una ralentización o entrará en una situación de estancamiento. La ralentización o el estancamiento proporcionarían el tiempo necesario para que el sistema occidental pudiera reconfigurarse y volviera a entrar, por tanto, en el juego en las mismas condiciones que los otros actores.
El nudo gordiano de Oriente Próximo y de Oriente Medio – la obligación de una elección de campo
Entre los elementos más arriba considerados, referentes a la función global que Rusia podría desempeñar, la política próximo y medio-oriental del Kremlin parece ser la más problemática. Esto es así a causa de la importancia que este tablero representa en el marco general del gran juego mundial y por el significado particular que ha asumido, a partir de la crisis de Suez de 1956, en el interior de las doctrinas geopolíticas estadounidenses. Como se recordará, la política rusa, o mejor, soviética, en Oriente Próximo, después de una primera orientación pro-sionista de los años 1947-48, que, por otra parte, se extendió hasta febrero de 1953, cuando se consumó la ruptura formal entre Moscú y Tel Aviv, se dirigió decididamente hacia el mundo árabe. En el sistema de alianzas de la época, el Egipto de Nasser se convirtió en el país central de esta nueva dirección del Kremlin, mientras el neo-estado sionista representó el special partner de Washington. Entre altibajos, Rusia, tras la licuefacción de la URSS, mantuvo esta orientación filo-árabe, aunque con algunas dificultades. En el cambiado marco regional, determinado por tres acontecimientos principales: a) inserción de Egipto en la esfera de influencia estadounidense; b) eliminación de Irak; c) perturbación del área afgana que atestiguan el retroceso de la influencia rusa en la región y el contextual avance, también militar, de los Estados Unidos, el país central de la política próximo y medio-oriental rusa está lógicamente representado por la República Islámica de Irán.
Mientras esto ha sido ampliamente comprendido por Pekín, en el marco de la estrategia orientada a su reforzamiento en la masa continental euroafroasiática, no se puede decir lo mismo de Moscú. Si el Kremlin no se da prisa y declara abiertamente su elección de campo a favor de Teherán, disponiéndose de esa manera a cortar el nudo gordiano que constituye la relación entre Washington y Tel Aviv, correrá el riesgo de anular su potencial función en el nuevo orden mundial.
* Director de Eurasia. Rivista di studi geopolitici – www.eurasia-rivista.org - direzione@eurasia-rivista.org
(Traducido por Javier Estrada)
1. El sistema occidental, tal y como se ha afirmado desde 1945 hasta nuestros días, está estructuralmente compuesto por dos principales espacios geopolíticos distintos, el angloamericano y el de la América indiolatina, a los que se añaden porciones del espacio eurasiático. Estas últimas están constituidas por Europa (península eurasiática y cremallera euroafroasiática) y por Japón (arco insular eurasiático). La América indiolatina, Europa y Japón han de ser considerados, por tanto, en relación al sistema « occidental », más propiamente, como esferas de influencia de la potencia del otro lado del Océano.
2. La ONU, el FMI y el BM, en el ámbito de la confrontación entre el sistema occidental guiado por los EE.UU. y las potencias eurasiáticas, de hecho, desempeñan la función de dispositivos geopolíticos por cuenta de Washington.
3. Por cuanto respecta al redescubrimietno de la vocación continental de la América centromeridional en el ámbito del debate geopolítico, madurado en relación a la oleada globalizadora de los últimos veinte años, nos remitimos, entre otros, a los trabajos de Luiz A. Moniz Bandeira, Alberto Buela, Marcelo Gullo, Helio Jaguaribe, Carlos Pereyra Mele, Samuel Pinheiro Guimares, Bernardo Quagliotti De Bellis; señalamos, además, la reciente publicación de Diccionario latinoamericano de seguridad y geopolitíca (dirección editorial a cargo de Miguel Ángel Barrios), Buenos Aires 2009.
4. Luca Bellocchio, L'eterna alleanza? La special relationship angloamericana tra continuità e mutamento, Milán 2006.
5. Por motivaciones geoestratégicas análogas, siempre referentes al cerco de la masa eurasiática, los EE.UU. consideran Japón una de sus cabezas de puente, muy semejante a la europea.
6. En el específico sector del gas y del petróleo, la influencia estadounidense y, en parte, británica determinan la elección de los miembros de la UE respecto a sus socios extra-europeos, a las rutas para el transporte de los recursos energéticos y la proyección de las consiguientes infraestructuras.
7. Un enfoque teórico referente a los procesos de transición de un Estado de una posición de subordinación a una de autonomía respecto a la esfera de influencia en que se inscribe, ha sido recientemente tratado por el argentino Marcelo Gullo en el ensayo La insubordinación fundante. Breve historia de la construcción del poder de las naciones, Buenos Aires 2008.
8. A tal respecto, son significativos los llamamientos constantes de Caracas, Buenos Aires y Brasilia a la unidad continental. En el apasionado discurso de toma de posesión de la presidencia de Uruguay, que tuvo lugar en la Asamblea general del parlamento nacional el 1 de marzo de 2010, el recién elegido José Mujica Cordano, ex tupamaro, subrayó con vigor que “Somos una familia balcanizada, que quiere juntarse, pero no puede. Hicimos, tal vez, muchos hermosos países, pero seguimos fracasando en hacer la Patria Grande. Por lo menos hasta ahora. No perdemos la esperanza, porque aún están vivos los sentimientos: desde el Río Bravo a las Malvinas vive una sola nación, la nación latino-americana”.
9. Eso también en consideración de la política “prosionista” que Washington lleva en Oriente Próximo y en Oriente Medio. Véase a tal propósito el largo ensayo de J. Mearsheimer e Stephen M. Walt, La Israel lobby e la politica estera americana, Milán, 2007 (Hay versión española, El lobby israelí, Taurus, 2007).
10. Una hipótesis de partenariado euro-ruso, basado en el eje París-Berlín-Moscú, fue propuesto en un contexto diverso del actual en el brillante ensayo de Henri De Grossouvre, Paris, Berlin, Moscou. La voie de la paix et de l’independénce, Lausana 2002.
11. La ampliación de las estructuras continentales (globales en el caso de la OTAN) de seguridad y defensa parece ser el índice del grado de consolidación del sistema multipolar. Además de la OTAN, la OTSC y las iniciativas en el ámbito de la OCS, hay que recordar también el Consejo de Defensa Suramericano (CDS) de la Unión de Naciones Suramericanas (UNASUR).
12. Linda Jakobson, China prepares for an ice-free Arctic, Sipri Insights on Peace and Securiry, no. 2010/2 Marzo 2010.
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lundi, 29 mars 2010
La géopolitique brésilienne
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1989
La géopolitique brésilienne
Bertil HAGGMAN
L'évolution de la géopolitique au Brésil remonte à une date déjà très ancienne: dès le moment où les autorités du pays ont décidé d'amorcer une expansion au-delà de la Ligne Tordesillas, fixée par le Pape en 1494, pour délimiter les possessions portugaises et espagnoles. Cette expansion est la troisième en ordre d'importance depuis l'âge des découvertes, après celles des Etats-Unis et de la Russie. Le Brésil a fini par devenir le plus vaste Etat de l'Amérique du Sud. Aujourd'hui, les Etats voisins du Brésil lusophone, tous hispanophones, craignent quelque peu sa politique étrangère. Le développement du Brésil lusophone a suscité une sorte de réaction instinctuelle chez les géopolitologues latino-américains d'expression castillane: tous ont craint ou craignent un leadership brésilien, attitude patente dans les années de 1930 à 1970. La pensée géopolitique brésilienne repose essentiellement sur les expériences acquises au cours de l'histoire. Il semble que la géopolitique brésilienne s'oriente selon trois axes majeurs:
- elle met l'accent sur la sécurité nationale et cherche à se donner une position de force dans la région et sur le continent.
- les géopolitologues brésiliens ont souvent mis l'accent sur l'industrialisation, la colonisation et le développement des régions excentrées du pays.
- l'objectif majeur de ces géopolitologues a été d'atteindre le statut de grande puissance au moins pour l'horizon 2000.
La géopolitique en Amérique du Sud repose surtout sur la dimension physique du continent: les Andes et les chaînes de montagne, les plateaux et les bassins des trois grands fleuves (l'Orénoque dans le Nord, l'Amazone au centre et le Rio de la Plata dans le Sud). Le Plateau bolivien a été considéré par quelques géopolitologues sud-américains comme le heartland de leur continent, selon la terminologie de Mackinder. Un géopolitologue, ambassadeur des Etats-Unis, Lewis A. Tambs (1) a un jour paraphrasé Mackinder comme suit, à propos de la Bolivie: «Celui qui tient Santa Cruz, contrôle Charcas. Qui tient Charcas, tient le heartland. Qui tient le heartland, contrôle l'Amérique du Sud».
L'ambassadeur Tambs concluait ses raisonnements par une question: «Pourquoi la Bolivie ne contrôle-t-elle pas le continent?». La raison de ce non-contrôle, c'était, bien sûr, que la Bolivie ne contrôlait pas les ressources, au contraire de la Russie en Eurasie, et ne pouvait dès lors pas dominer. Donc, il semble plus pertinent aujourd'hui d'émettre l'hypothèse que le Plateau Brésilien détient une importance capitale dans la région et devrait plutôt être, lui, considéré comme le heartland du continent. On le considère aussi souvent comme le “centre de gravité” du Brésil.
Les travaux d'Everardo Backheuser
Quand la géopolitique brésilienne a commencé à prendre forme dans les années 20, elle s'est inspirée de son homologue allemande. Le géopolitologue qui introduisit la géopolitique au Brésil, Everardo Backheuser, était un élève du géopolitologue suédois Rudolf Kjellén, tout comme Karl Haushofer lui-même. Les quatre thématiques majeures de la géopolitique brésilienne ont été:
- la location stratégique du Brésil;
- un souci constant de maintenir et de défendre l'intégrité territoriale et les frontières nationales;
- un désir constant d'accéder au Pacifique (la dite “Projection continentale”);
- le développement du pays et l'intégration nationale comme bases pour accéder au statut de grande puissance.
Backheuser était un civil, un professeur. Il fut le premier à étudier les théories géopolitiques européennes et à les interpréter au service de la géopolitique brésilienne. Son premier ouvrage s'intitulait A Estrutura politica do Brasil - Notas Previas (1925). Avec ce livre, le Brésil peut être considéré comme un pays pionnier dans l'interprétation des thèses de Rudolf Kjellén. En 1933, il poursuit son œuvre avec Problemas do Brasil. Dans les années 40, Backheuser avait atteint son but: la géopolitique était devenue un sujet d'interrogation commun dans tout le Brésil. En 1944-45, il enseigne à l'Institut Etranger. En 1947-48, à l'Institut Culturel Brésilien. En 1948, l'Université Catholique Pontificia crée pour lui une “chaire de géopolitique”. En 1952, son ouvrage le plus connu sort de presse. Il s'intitule Curso de Geopolitica geral e do Brasil, et résume l'ensemble de ses idées.
Frontières vivantes et mortes
Pour Backheuser, le Brésil affronte trois problèmes majeurs d'ordre géopolitique: celui posé par la qualité de l'espace brésilien, celui posé par le site de la capitale, celui posé par la division territoriale du pays. Pour ce qui concerne les frontières, Backheuser considérait qu'elles étaient toujours marquées par l'instabilité dans le monde moderne. Cette instabilité était la résultante de la force et de la volonté. Il a inventé un “quotient de pression”: P = VF (où P = la pression géopolitique latente qui s'exerce sur une frontière, V = le taux de vitalité d'une nation et F = la force matérielle que peut déployer l'Etat pour rompre la barrière constituée par une frontière). La population ne constitue qu'un des facteurs dans l'index V. Backheuser énonça également trois hypothèses sur les frontières “vivantes” et les frontières “mortes”:
- Hypothèse n°1: là où deux zones frontalières “mortes” se joignent, il est peu probable qu'une pression s'exercera. La frontière restera donc stable.
- Hypothèse n°2: là où deux zones frontalières “vivantes” se touchent, il est probable que survienne une friction. La nation la plus forte sur le plan militaire l'emportera, du moins si elle est capable de se défendre aussi sur le plan diplomatique.
- Hypothèse n°3: là où une frontière “vivante” rencontre une frontière “morte”, l'Etat dont dépend la frontière “morte” risque d'être envahi par son voisin, dont la frontière est “vivante”, donc dynamique et expansive.
Une frontière “vivante” est une frontière occupée par une population vivante, en pleine expansion démographique, jeune et agressive. Une frontière “morte” ne l'est pas. Sur base de cette distinction, Backheuser a élaboré des lois géopolitiques, proches des notions mises au point par Friedrich Ratzel:
- La “loi de la volonté” repose sur le présupposé que le tracé de la frontière découle d'un acte de volonté, posé par des Etats en compétition les uns avec les autres.
- La “loi de l'équilibre dynamique” signifie qu'une frontière n'est stable que parce qu'elle est l'expression d'un équilibre dynamique.
- La “loi de friction” démontre qu'une zone frontalière est toujours par définition une zone de friction; et finalement:
- La “loi de pression” tend à prouver que la pression exercée sur les frontières est une fonction combinant la vitalité relative des adversaires et les éléments de force disponibles (P=VF).
Revitalisation des frontières
Historiquement parlant, les frontières brésiliennes se sont étendues considérablement à l'époque coloniale. Pendant la monarchie, elles ont été régularisées; plus tard, elles ont été juridiquement fixées et ont servi de fait à démarquer des territoires. Finalement, pendant les années 50, on a assisté à un processus de revitalisation des frontières brésiliennes. Les conclusions du Prof. Backheuser ont été les suivantes: le Brésil doit revitaliser ses frontières afin de préserver le territoire de la nation. Cela signifier peupler les campagnes, explorer les zones inhabitées et industrialiser. En bref, cela implique une “marche vers l'Ouest”, finalement peu différente de celle qui a marqué l'histoire des Etats-Unis au XIXième siècle.
La géopolitique de Mario Travassos
Autre pionnier de la géopolitique au Brésil: Mario Travassos. Ses idées ont marqué l'“Escola de Estado Maior do Exercito” (L'école de l'état-major de l'armée), jusqu'en 1950. Dans son premier ouvrage important, Projeção Continental do Brasil, Travassos affirme que le Brésil doit se développer selon un axe Est-Ouest et pas seulement le long de la côte atlantique. La seconde édition de son livre date de 1935. Comme Tambs, il reconnaît l'importance d'une domination du Plateau Bolivien. Il a plaidé pour que la Bolivie obtienne un accès à l'Atlantique via le Brésil, mais, à titre de réciprocité, il espérait que le Brésil reçoive un accès aux ports du Pacifique détenus par le Chili et le Pérou. L'influence de Travassos dans les milieux militaires démontre clairement le lien entre la pensée géopolitique brésilienne et l'éducation des officiers de l'armée. Ce lien allait devenir encore plus évident dans les années 60.
La géopolitique de Golbery do Couto e Silva
Le géopolitologue qui a eu la plus grande influence au Brésil après la seconde guerre mondiale a sans doute été Golbery do Couto e Silva. C'était un officier servant dans l'état-major du Collège National de Guerre. Plus tard, après la révolution de 1964, il a fait partie de tous les gouvernements, sauf un. Ses théories ont dès lors pu être mises à l'épreuve du réel, surtout dans le domaine du développement économique du Brésil.
Son premier ouvrage, Aspectos geopoliticos do Brasil (1952), a été réédité ultérieurement, accompagné de plusieurs essais complémentaires, tels Geopolitica do Brasil. En 1955, il publie Planejamento estrategico. Ses travaux étaient souvent un mixte de théories pragmatiques et de visions mystiques. Il a défini la science géopolitique comme suit: «La géopolitique est avant toutes choses un art, un art lié à celui de la politique et, en particulier, à la stratégie et à la politique de la sécurité nationale. Elle cherche à orienter tous ces arts, à la lumière des faits géographiques propres aux espaces organisés politiquement et divergeant par l'action des hommes. Les fondements de la géopolitique s'enracinent dans la géographie politique, mais la géopolitique consiste surtout en propositions et projections, qui induisent une dynamique tournée vers l'avenir. Les perspectives offertes par la géopolitique étant très nombreuses, elle se manifeste sous des formes très différentes, elle englobe tous les faits de la politique, de l'économie et de la culture qui touchent l'Etat, elle déborde inévitablement dans d'autres domaines du savoir, comme l'histoire, la psychologie, la sociologie et, bien sûr, la stratégie militaire...» (2).
Les principales thématiques des travaux de Golbery traduisent véritablement les théories de la géopolitique en plans d'action gouvernementaux concrets, visant le développement du territoire brésilien. Golbery s'était fait évidemment l'avocat de l'intégration du Brésil occidental dans le reste du pays (la façade atlantique). Il visait surtout le développement de la vaste aire amazonienne. Les analyses de Golbery débouchent sur des projets nationaux concrets visant à bien situer le Brésil dans le cadre du continent sud-américain et dans le monde. Le Brésil, écrit Golbery, fait partie de la civilisation occidentale et doit contribuer à la défense de l'hémisphère occidental. Pour garantir la sécurité de cet hémisphère occidental contre ce que Golbery appelle l'“hémicycle extérieur”, soit l'URSS, il faut contrôler les continents africain et antarctique, de même que les îles du Pacifique, car l'Afrique occidentale, l'Amérique du Sud et l'Antarctique étaient, selon Golbery, des objectifs de l'expansionisme soviétique.
La géopolitique du Général Carlos de Meira Mattos
Bon nombre d'experts estiment que le Général Carlos de Meira Mattos a été le successeur de Golbery; c'est lui qui est devenu le principal des géopolitologues brésiliens. Meira Mattos s'intéresse lui aussi au développement du pays. Dans son premier livre, Projeção mundial do Brasil (1960), il exprime son souhait: le Brésil, avec son vaste espace, sa nationalité et sa position stratégique détient tous les atouts pour devenir une puissance mondiale. Il était important, aux yeux de Meira Mattos, de rester fidèle à l'Occident. Le Brésil contrôle d'importantes routes maritimes, mais avait besoin de construire à grande échelle des liaisons terrestres, notamment des routes. La mission de l'élite brésilienne était la suivante: faire du pays une puissance mondiale en l'espace d'une génération.
Dans Brasil - Geopolitica e Destino (1975), Meira Mattos résume ses idées. Il commence par une analyse des différentes écoles et théories de la géopolitique. Ses faveurs vont aux notions élaborées par le Français Vidal de la Blache: «la géographie est le destin». C'est donc la géographie qui fournit des solutions à la destinée des peuples. Les pays dont les formes sont compactes, à l'instar du Brésil et de la France, dégagent une supériorité en matière géopolitique. De telles formes facilitent la centralisation de l'administration politique, le commerce intérieur et la défense militaire. Le Brésil, selon Meira Mattos, détient les cinq attributs de la puissance: dimension géographique, population, possession de ressources naturelles, capacités scientifiques et technologiques et cohésion interne. Meira Mattos cite comme exemple le “Plan de Développement National” de 1975-79, qui prouve que le Brésil est bien décidé à devenir une nation développée en l'espace d'une seule génération.
Avec A Geopolitica e as projeções do poder (1977), il développe ses idées relatives aux efforts brésiliens pour atteindre le statut de puissance mondiale. A cette époque, il était le directeur de l'“Inter-American Defence College”. Il pensait que la modernisation était le moyen d'atteindre l'objectif, c'est-à-dire le développement. En pratique, il faut créer sur le territoire brésilien sept “zones intérieures d'échanges frontaliers”. Ces sept zones doivent être reliées par des voies routières de transport et par des réseaux de communication à toutes les autres régions du pays. Ces zones se situent entre les Guyanes au Nord et le Bassin de la Plata au Sud.
La théorie du “stimulus maritime”
Pour le Brésil, le “stimulus maritime” est également important. Pendant des siècles, la mer a été le lien vital qui reliait le Brésil au reste du monde. Meira Mattos appelle de ses vœux une “Communauté de Défense du Cône Sud”, incluant le Brésil, l'Argentine, le Paraguay, l'Uruguay et le Chili, afin de protéger la route du Cap empruntée par les pétroliers et par les navires des pays sud-américains. Ultérieurement, cette communauté devra s'étendre aux pays du Sud de l'Afrique, à l'Australie, la Nouvelle-Zélande et l'Indonésie. Le concept central de sa géopolitique est la notion de “puissance nationale”. Il cite la définition qu'en donne le Collège National de Guerre: “La puissance nationale est l'expression de tous les moyens à la disposition des nations à un moment donné afin qu'elles puissent promouvoir à l'intérieur comme à l'extérieur leurs objectifs nationaux, en dépit des oppositions» (3).
Dans sa conclusion, il écrit: «Nous voulons sauver le pays du marais du sous-développement et l'élever au niveau d'une société stable et avancée». Cet objectif doit être atteint pour l'an 2000, avec une amélioration du niveau de l'enseignement, avec des progrès substantiels aux niveaux de la société et de la technologie, avec un accroissement du PNB, avec des réformes sociales et une stimulation de l'esprit national au départ de la sphère culturelle.
La géopolitique panamazonienne
Uma geopolitica pan-amazonica, livre publié en 1980, est une étude géopolitique visant le développement intégré de la grande sous-région amazonienne, selon les stipulations du Pacte Amazonien de 1978. Si la partie brésilienne du Bassin amazonien réussit son développement, l'entièreté du Bassin pourra ultérieurement être développé. 69% de la zone, soit deux cinquièmes du continent, appartiennent au Brésil. Le reste appartient aux Guyanes, à la Bolivie, à la Colombie, à l'Equateur, au Pérou et au Vénézuela.
Therezina de Castro et l'orientation antarctique
Therezina de Castro, géographe et historienne, présente en 1956 sa théorie de la defrontação. Elle repose sur la revendication pour le Brésil et les autres pays sud-américains de certaines portions du continent antarctique, faisant face au continent sud-américain. Ces territoires antarctiques devraient appartenir à ces pays. Dans cette optique, le Brésil devrait recevoir une zone antarctique située entre le 28° et le 53° degrés de longitude ouest. En 1975, le Brésil a adhéré au Traité de l'Antarctique afin de se garantir une présence sur ce continent de glaces. Dans son livre Rumo a Antàrtica (1976), Therezina de Castro propose une “orientation antarctique” pour le Brésil. D'un point de vue géostratégique, la défense de l'Amérique du Sud est surtout maritime, explique-t-elle. Le Brésil possède le plus long littoral atlantique de tous les Etats sud-américains. L'Antarctique est une base naturelle pour la défense de l'Atlantique Sud.
Parmi les objectifs des géopolitologues brésiliens, il y avait l'éducation des élites du pays. Les universités brésiliennes ont donc proposé divers cours de géopolitique. En 1949, l'“Institut Brésilien de Géopolitique” est mis sur pied. De même, depuis 1949, l'“Escola Supérior de Guerra” (ESG/Ecole Supérieure de Guerre) a formé ses élèves aux matières géopolitiques. Cette école est dirigée par l'Etat-major général des armées. Elle offre trois niveaux de formation. Elle prépare les citoyens et le personnel militaire à l'art du commandement, à la manière de donner des conseils en tous domaines et en toutes organisations. Elle forme également les officiers de l'armée à remplir des missions de haut niveau, dans un cours organisé par l'Etat-major. Enfin, un cours par correspondance permet aux diplômés de suivre les dernières mises à jour des matières qui leur ont été enseignées. L'ESG semble être l'équivalent brésilien de la Försvarshögskola suédoise et des écoles de guerre des autres pays, mais, en plus, elle constitue un véritable think tank et développe un réseau d'information à l'usage de ses “anciens”.
Il existe également une association regroupant les diplômés de l'ESG, l'Associação dos Diplomados da Escola Superior de Guerra (ADESG). Cette organisation véhicule le message géopolitique de l'ESG, de même que les enseignements que cette école donne dans d'autres disciplines; elle s'adresse à plus de 25.000 membres dans les couches dirigeantes du Brésil, qui ont demandé à suivre les cours de l'ESG mais n'ont pas pu y accéder, vu le nombre réduit de places dans les classes de l'école. Parmi les instruments de l'ADESG, citons la revue Segurança e desenvolvimento (Sécurité et développement). On enseignait toujours la géopolitique à l'ESG dans les années 80, mais on lui accordait moins d'importance que dans les années 50, 60 et 70.
La géopolitique dans les écoles militaires
D'autres institutions prodiguent également des cours de géopolitique: les écoles militaires, l'“Institut Rio Branco” (Service étranger) et quelques universités. Pourtant l'âge d'or de l'enseignement de la géopolitique et de la bonne vulgarisation de cette discipline à l'intention du grand public est passé: c'était dans les années 50 et 60 (la période culminante a été 1958-64). Depuis la révolution de 1964, la géopolitique semble avoir été institutionalisée, mais, en même temps, elle a perdu de son aura. Publication importante dans la diffusion des thèses géopolitiques: A defesa nacional, revue de l'“Escola de Comando e Estado-Maior” (ECEME).
Depuis 1964, la sécurité et le développement ont constitué les deux principaux objectifs des gouvernements brésiliens. Quand les gouvernements civils ont pris le relais à partir des années 80, la dimension “sécurité” a perdu du terrain. Néanmoins, elle demeure présente, signifiant simultanément organisation militaire et sécurité intérieure; elle vise la défense des frontières du pays et la défense de l'ordre intérieur afin d'assurer un développement harmonieux. Le développement à pour but d'accroître la puissance du pays et donc d'augmenter le degré de sécurité nationale. Depuis 1972, le Brésil publie régulièrement des Plans pour le développement national. Ces plans recèlent des objectifs d'ordre géopolitique et constituent une application concrète des théories de la géopolitique mais ne font pas directement usage d'une terminologie géopolitique. En revanche, d'autres plans de développement y font plus directement référence, comme, par exemple, les plans du Transport national ou les politiques énergétiques.
Des accords bilatéraux à la lumière de la géopolitique
Dans le domaine de la politique étrangère, les idées géopolitiques se retrouvent en filigrane dans les accords bilatéraux signés avec la Bolivie, le Paraguay et l'Uruguay. Les idées de Golbery ont eu une postérité. De vastes zones de l'Ouest du pays ont été intégrées à la nation brésilienne. Le pays travaille à intégrer sur une vaste échelle le Bassin de l'Amazonie. Des connections ferroviaires, des grandes routes et des réseaux de communication ont contribué à réaliser cette “projection continentale”. Des projets de développement communs à plusieurs nations font partie de ce vaste projet: par exemple, le projet hydroélectrique Itaipu avec le Paraguay et le projet de développement Lagoa Mirim avec l'Uruguay, accompagné d'un réseau routier.
Le Brésil est probablement le pays d'Amérique du Sud (et du monde!) où les liens entre les théories et la pratique de la géopolitique sont les plus évidents. Entre 1949 et 1964, la géopolitique a bénéficié du statut de théorie officielle nationale de sécurité et de développement au Brésil. Même si l'âge d'or de la géopolitique au Brésil est passé, ces théories influencent encore et toujours la politique du pays et continueront à le faire au 21ième siècle.
Bertil HAGGMAN.
(trad. fr. de: «Geopolitics in South America, Part II, Brazil», Paper no. 5, Helsingborg 1989).
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