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mercredi, 02 décembre 2009

Saint Mishima, ou le pèlerin aux Trois Montagnes

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Saint Mishima, ou le pèlerin aux Trois Montagnes

 

Au soleil couchant la lumière sous les auvents passe et disparaît Mais sur les fleurs de cerisier un instant s'est attardée.

Eifuku Monin, 1270-1342

 

Pour peu qu'on puisse encore parler de controverse au sujet de l'homosexualité présumée ou avérée de Mishima Yukio, débat relancé en ce début d'année par l'interdiction au Japon sur pression de son épouse des mémoires de Fukushima Jiro, amant de jeunesse du littérateur maudit, Le Sabre et le Piment rouge (Bungei Shunju, Tokyo), l'ami intime du prix Nobel de littérature Kawabata Yasunari, frère en Ourania du dramaturge Henry de Montherlant, n'a jamais fait silence de ses préfé­rences. Son œuvre, pour éclatée dans ses formes et ses thèmes, n'en demeure pas moins, du Pavillon d'Or à Cinq Nôs Modernes, mue par ce fil conducteur, tout de sensualité et d'appétit retenu. L'esthète romantique Mishima, le romancier apollinien, le polémiste samurai ne sont jamais que les trois visages du même Janus, chez qui le tragique naît, non de son désespoir feint, mais de la pleine acceptation de sa «différence», qui le voue à l'unique. Confession d'un masque, Une soif d'amour, Les amours interdites, L'école de la chair sont les quatre Evangiles canoniques de sa révélation, près desquelles Le Soleil et l'Acier figure le cinquième apocryphe. L'Evangile selon Saint Sébastien?

 

L'Evangile selon Saint Sébastien

 

Sans doute le tabou toujours en vigueur au Japon autour de l'homme tient-il en ce que Mishima, à travers son propre exor­cisme littéraire, a mis à nu l'essence même de l'âme nippone, socialisation du Beau viril et, par jeu de miroirs, aveu de ce que Karl Heinrich Ulrichs, écrivain homosexuel allemand du XIXième, déclarait déjà au milieu du siècle: «Nous sommes tous des femmes dans l'âme». Incarnation paroxystique du dualisme ontologique de Nihon, symbolisé par l'omniprésence du disque solaire, mâle incarnation de la chaleur divine répandue par Amaterasu, déesse-mère originelle, Mishima reste la mauvaise conscience d'un Japon qui n'en finit pas de se noyer dans les affres du consumérisme à l'occidentale, ou le por­table du self-made man a supplanté le sabre du Bushi (v. NdSE n°29, Mishima: l'homme, l'œuvre, la mort).

 

N'ayant laissé à la postérité aucune autobiographie digne de ce nom (tout juste peut-on considérer Le Soleil et l'Acier comme ses très partielles mémoires), c'est donc dans son œuvre qu'il convient de quester une vérité par-delà la réalité. Rendons grâce aux éditions Gallimard d'avoir par conséquent publié dans leur collection Folio le recueil de sept nouvelles composant Le Pèlerinage aux Trois Montagnes (initialement publié en NRF), Jets d'eau sous la pluie, Pain aux raisins, Ken, La Mer et le Couchant, La Cigarette, Martyre, Pèlerinage aux Trois Montagnes.  De valeur inégale, ces nouvelles n'en présentent pas moins dans leur ensemble le fascinant spectrographe d'une vie, tableau impressionniste où se dévoilent par petites touches les contours d'une existence en mouvement dans ses travers, ses fluctuations, ses fantasmes. Déroutante, parfois agaçante, souvent dérangeante, sa plume livre le fond d'une pensée profonde, qui s'interroge sur son homosexualité, la spiritualité orientale confrontée aux dogmes occidentaux, l'éthique martiale, la valeur de l'art. Yukio par Mishima.

 

L'apprentissage de soi et des autres, hostiles

 

«Traversée çà et là de brillants soleils, ainsi que le chante Baudelaire, ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage». C'est par ces mots que s'engage l'action de La Cigarette (Tabako), nouvelle autobiographique qui révéla le jeune Kimitake Hiraoka à Kawabata, où le jeune Nagasaki, qui n'est pas encore Mishima Yukio, fait l'apprentissage de soi et des autres, hostiles. Solitaire, mélancolique, romantique, l'adolescent maladif découvre sa sexualité auprès du champion de rugby de l'école, Imura, cependant que s'affirme sa détestation de son propre corps, sa volonté de se perdre: «Instants bénis où, moi qui avais toujours voulu m'y fondre, je crus enfin ne plus faire qu'un avec ce calme (...) cette sérénité qui me semblait couler tout droit d'une vie antérieure et dont je gardais la nostalgie». Sentiments qui se précisent et s'exacerbent dans Martyre (Junkyo). Jamais l'image du «Saint Sébastien» de Guido Reni n'aura été plus obsessionnelle. Mishima y conte les amours sado-masochistes de Watari et Hatakeyama, deux garçons pensionnaires de la même institution. Le premier, Mishima, refusant tout contact avec ses camarades, «d'une entêtante séduction», le second, projection du même quelques années plus tard, «nu, son corps d'athlète (...) modèle même de la jeunesse (...) sa silhouette et une lueur telle qu'on eût dit la statue antique d'un jeune dieu». Ces «relations particulières» aiguiseront la haine de leurs camarades, et dans un simulacre de pendaison, Watari-Saint Sébastien, les yeux plongés dans l'azur du ciel infini, subira le douloureux rituel social du passage du même au même: «un adolescent qui prétend rester lui-même sera martyrisé par les autres. L'adolescence a toujours été un effort pour se rendre semblable, ne fut-ce qu'un instant, à quelque chose d'autre». Confession (d'un masque)...

 

Se purifier dans le suicide et rejoindre l'éther

 

Composer un personnage qui puisse soutenir le regard fondamentalement détestable de l'Autre devient la préoccupation fondamentale de Mishima dans Jets d'eau sous la pluie (Ame No Naka No Funsui): «Je n'ai jamais été l'esclave de mes désirs...». La rupture entre Akio et Masako, «Mots talismans que seul un homme, un vrai, un être humain enfin, pouvait s'autoriser à prononcer... Ces mots: «Séparons-nous!», marque, dans son grotesque sordide, l'initiation à l'âge adulte et au monde d'un jeune être désespérément sensible, intérieurement réprouvé, en arrêt devant la chair. «Le monde était un parfait non-sens. Les hommes complètement stupides». Pain aux raisins (Budopan) résonne lourdement de cette chétivité tant physique que morale. Jack, l'anti-héros de la nouvelle, est de cette jeunesse de l'après-1945 gavée de références améri­caines: «(...) taillé dans une sorte de cristal transparent. N'avait-il pas eu toujours en tête de devenir un homme invisible? (...) un beau visage comme sculpté dans un ivoire immaculé (...). Pour se garantir une liberté totale et une transparence ab­solue, le jeune homme bannissait muscles et graisse superflus».

 

En proie au nihilisme surgi des décombres du grand rêve impérial, Jack ressent un jour l'impérieux besoin de quitter l'univers étouffant des villes, «pour qui les enseignes au néon les affiches des films sales et déchirés, les gaz d'échappement des voitures, les phares tenaient lieu de lumière naturelle, de parfum des champs, de parterre moussu, d'animaux domestiques, de fleurs des prés». «Pour pallier la stupidité du monde, il fallait d'abord procéder en quelque sorte à un véritable lessivage de cette stupidité, à une sanctification passionnée de ce que les moutons considéraient comme ridi­cule».

 

Se purifier dans le suicide et rejoindre l'éther. Mais l'acte fatal, d'abandon à l'occidentale, échouera. «Jack était guéri main­tenant. Il s'était trompé en pensant que son propre suicide entraînerait automatiquement la destruction de cet univers de moutons endormis». Mishima, de retour de Grèce, a reçu l'illumination. Nietzsche, les rayons du soleil en Apollon ont res­suscité l'enfant pâle. Le corps et l'âme ne font qu'un et l'entretien de l'un favorise l'expression de l'autre. Cet état d'esprit nouveau, véritable révolution culturelle dans l'univers mental du jeune littérateur, Ken le magnifie. Placée sous le signe du soleil, astre de l'éternel recommencement, cette nouvelle nietzschéenne exalte le sacrifice de Kokubu Jirô, jeune étudiant quatrième dan de kendo, entièrement dévoué à son art. «Violence pure», Jirô rejette toute émotivité, mollesse, mépris, tous les «j'aimerais bien...» pour ne s'infliger que des «je dois...». «L'homme n'a en fait que deux possibilités: être fort et droit, ou se donner la mort». L'exigence de sa règle de conduite, la pression psychologique qu'impose l'excellence, transfigurent Jirô, ultime affirmation d'une pureté millénaire désormais anachronique. «Dans son dôjô, il était tel un dieu furieux: toute l'énergie et l'ardeur de l'entraînement semblaient venir de lui, rayonner et comme se propager autour de lui. Cette chaleur et cette passion, il les tenait sans doute du soleil, de cette boule de feu qu'il avait contemplée lorsqu'il était enfant».

 

Art et spiritualité, défis lancés à la mort

 

Entrevu dans La Cigarette, le soleil irradie Jirô de sa force, le nimbe de son évidence divine: «Mais seul Jirô était là, trans­parent. Au milieu de ce monde troublé, il gardait une évidence cristalline (...) regard calme et vierge de tout sentiment». Image sublime: «Inondé du soleil qui perçait à travers les arbres, sabre au côté (...). Du sang tombé de l'aile blessée se ré­pandit sur la joue de Jirô». Héros tragique de théâtre Nô, Jirô, tout tendu vers la perfection du geste et de la pensée, sera vaincu par la médiocrité des siens. Trahi par la désinvolture de ses élèves, Jirô mesure le néant de sa tâche. Insupportable. «La lumière de la lampe de poche fit apparaître l'éclat de l'armure de laque noire, fit briller l'or du blason, les deux cotylé­dons dorés. Jirô, serrant son sabre de bambou entre ses bras vêtus d'indigo, était couché sur le dos, mort». Le fil de soie qui le retenait toutes ces années à la vie s'était rompu.

 

Jumelle de la nouvelle Patriotisme, publié dans le recueil La Mort en été, Ken préfigure, «antitestament», le crépuscule de Mishima. Le culte de la plénitude de l'instant, Mishima le découvre à l'époque dans la lecture des textes bouddhiques. «Ayant bien compris l'enseignement du Maître, il savait qu'il n'y avait pas à prier en vain pour un monde futur, ni à désirer un pays encore inconnu. Mais lorsque le soleil du soir colorait le ciel d'été, lorsque la mer n'était plus qu'un immense hori­zon pourpre, ses jambes d'elles-mêmes le conduisaient irrésistiblement au sommet du mont Shôjôgatake. «Placés dans la bouche du moine Anri (Henri), personnage central de La Mer et le Couchant (Umi To Yukake), disciple français du grand Maître Rankei Dôryù (1213-1278), ces propos reflètent le dernier tournant de son œuvre.

 

Art et spiritualité, défis lancés à la mort, sont au centre de la dernière nouvelle, la plus longue aussi, Pélérinage aux Trois Montagnes (Mikumano Mode). Histoire d'amour étouffée et complexée entre un vieux maître en poésie tanka, professeur Fujimiya, et sa dévouée servante Tsuneko, Mishima tire de sa nouvelle le prétexte, convenons-en très scolaire, de résumer mille ans de littérature nippone, à la manière de La Mer de la Fertilité, où la démonstration académique des préceptes bouddhistes et shinto prenaient le pas sur l'ardeur de la conviction. Mais, écrites sous la double tutelle de la poétesse Eifuku Monin et des Nihon Shoki (Annales du Japon, fondement du nationalisme impérial), ses pistes littéraires portent en elles l'idéal frontispice de son œuvre: «Pour soutenir l'idée que, quelle que soit l'époque ou la société, c'est en regardant de beaux paysages que l'on compose de beaux poèmes, ne fallait-il pas, du moins pour une femme, posséder comme Monin, richesse, pouvoir et prestige, ou, si l'on était un homme, préserver une pensée ferme, inébranlable dans l'adversité? (...) Eh bien, la leçon que l'on peut tirer des tankas d'Eifuku Monin, c'est précisément que la faculté de dissimuler fait partie de l'art lui-même, qu'elle en est même une des composantes des plus importantes».

 

L'adolescence est un état qui devrait se poursuivre éternellement

 

Confessions d'un masque, Watari, Nagasaki, Jirô, Anri sont les multiples facettes de la même personne, réunies en un précieux document «auto-bibliographique» où perce la nostalgie de la jeunesse, jeunesse du monde, des hommes, des sen­timents. N'écrivait-il pas dans La Cigarette, phrase qui transperça le cœur de Kawabata: «L'adolescence est un état qui de­vrait se poursuivre éternellement».

 

Laurent SCHANG.

 

vendredi, 27 novembre 2009

Giuseppe Berto, écrivain proscrit et oublié

berto3.jpgRoberto ALFATTI APPETITI:

Giuseppe Berto, écrivain proscrit et oublié

 

Malgré une biographie, remarquable de précision, publiée en 2000 et due à la plume de Dario Biagi, l’établissement culturel italien ne pardonne toujours pas à Giuseppe Berto, l’auteur d’ Il cielo è rosso, d’avoir attaqué avec férocité le pouvoir énorme que le centre-gauche résistentialiste s’est arrogé en Italie. C’est donc la conspiration du silence contre cette “vie scandaleuse”.

 

Quand, en l’an 2000, l’éditeur Bollati Boringhieri a publié la belle biographie de Dario Biagi, La vita scandalosa di Giuseppe Berto, nous nous sommes profondément réjouis et avons espéré que le débat se réamorcerait autour de la figure et de l’oeuvre du grand écrivain de Trévise et que d’autres maisons d’édition trouveraient le courage de proposer à nouveau au public les oeuvres désormais introuvables de Berto, mais, hélas, après quelques recensions fugaces et embarrassées, dues à des journalistes, le silence est retombé sur notre auteur.

 

Du reste, ce n’est pas étonnant, car à la barre d’une bonne partie des maisons d’édition italiennes, nous retrouvons les disciples et les héritiers de cet établissement culturel de gauche que Berto avait combattu avec courage, quasiment seul, payant le prix très élevé de l’exclusion, de l’exclusion hors des salons reconnus de la littérature, et d’un ostracisme systématique qui se poursuit jusqu’à nos jours, plus de vingt ans après la mort de l’écrivain. La valeur littéraire et historique du travail biographique de Biagi réside toute entière dans le fait d’avoir braqué à nouveau les feux de la rampe sur la vie tumultueuse d’un personnage véritablement anti-conformiste, d’un audacieux trouble-fête. Biagi nous a raconté son histoire d’homme et d’écrivain non aligné, ses triomphes et ses chutes. Il nous en a croqué un portrait fidèle et affectueux: “Berto avait tout pour faire un vainqueur: le talent, la fascination, la sympathie; mais il a voulu, et a voulu de toutes ses forces, s’inscrire au parti des perdants”.

 

bertodddd.jpgGiuseppe Berto, natif de Mogliano près de Trévise, surnommé “Bepi” par ses amis, avait fait la guerre d’Abyssinie comme sous-lieutenant volontaire dans l’infanterie et, au cours des quatre années qu’a duré la campagne, il a surmonté d’abord une attaque de la malaria, où il a frôlé la mort, et ensuite a pris une balle dans le talon droit. L’intempérance et l’exubérance de son caractère firent qu’il ne se contenta pas de ses deux médailles d’argent et du poste de secrétaire du “Fascio”, obtenu à l’âge de 27 ans seulement… Il cherchait encore à faire la guerre et, au bout de quelques années, passant sous silence un ulcère qui le tenaillait, réussit à se faire enrôler une nouvelle fois pour l’Afrique où, pendant l’été 1942, l’attendait le IV° Bataillon des Chemises Noires. Avec l’aile radicale des idéalistes rangés derrière la figure de Berto Ricci, il espérait le déclenchement régénérateur d’une seconde révolution fasciste. Il disait: “Avoir participé avec honneur à cette guerre constituera, à mes yeux, un bon droit à faire la révolution”.

 

Mais la guerre finit mal pour Berto et, en mai 1943, il est pris prisonnier en Afrique par les troupes américaines et est envoyé dans un camp au Texas, le “Fascist Criminal Camp George E. Meade” à Hereford, où, à peine arrivé, il apprend la chute de Mussolini. Dans sa situation de prisonnier de guerre, il trouve, dit-il, “les conditions extrêmement favorables” pour écrire et pour penser. Il apprend comment trois cents appareils alliés ont bombardé et détruit Trévise le 7 avril 1944, laissant dans les ruines 1100 morts et 30.000 sans abri. Aussitôt, il veut écrire l’histoire de ces “gens perdus”, en l’imaginant avec un réalisme incroyable. Il l’écrit d’un jet et, en huit mois, son livre est achevé. Juste à temps car les Américains changent d’attitude envers leurs prisonniers “non coopératifs”, les obligeant, par exemple, à déjeuner et à rester cinq ou six heures sous le soleil ardent de l’après-midi texan, pour briser leur résistance. Et Berto demeurera un “non coopératif”. Après de longs mois de tourments, il est autorisé à regagner sa mère-patrie.

 

L’éditeur Longanesi accepte de publier le livre de cet écrivain encore totalement inconnu et, après en avoir modifié le titre, “Perduta gente” (“Gens perdus”), considéré comme trop lugubre, le sort de presse, intitulé “Il sole è rosso”, vers la Noël 1946. Berto a confiance en son talent mais sait aussi quelles sont les difficultés pratiques que recèle une carrière d’écrivain; il commence par rédiger des scénarios de film, ce qu’il considère comme un “vil métier”, afin de lui permettre, à terme, de pratiquer le “noble métier” de la littérature. “Il sole è rosso” connaît un succès retentissant, les ventes battent tous les records en Italie et à l’étranger, en Espagne, en Suisse, en Scandinavie, aux Etats-Unis (20.000 copies en quelques mois) et en Angleterre (5000 copies en un seul jour!). On définit le livre comme “le plus beau roman issu de la seconde guerre mondiale”. En 1948, c’est la consécration car Berto reçoit le prestigieux “Prix Littéraire de Florence”. En 1951, toutefois sa gloire décline en Italie. Son roman “Brigante” demeure ignoré de la critique, alors qu’aux Etats-Unis, il connaît un succès considérable (avec “Il sole è rosso” et “Brigante”, Berto vendra Outre Atlantique deux millions de livres) et le “Time” juge le roman “un chef-d’oeuvre”. Les salons littéraires italiens, eux, ont décidé de mettre à la porte ce “parvenu”, en lui collant l’étiquette de “fasciste nostalgique” et en rappellant qu’il avait refusé de collaborer avec les alliés, même quand la guerre était perdue pour Mussolini et sa “République Sociale”. Biagi nous rappelle cette époque d’ostracisme: “Berto, homme orgueilleux et loyal, refuse de renier ses idéaux et contribue à alimenter les ragots”. Berto ne perd pas une occasion pour manifester son dédain pour ceux qui, subitement, ont cru bon de se convertir à l’antifascisme et qu’il qualifie de “padreterni letterari”, de “résignés de la littérature”. Il s’amuse à lancer des provocations goliardes: “Comment peut-on faire pour que le nombre des communistes diminue sans recourir à la prison ou à la décapitation?”. Il prend des positions courageuses, à contre-courant, à une époque où “le brevet d’antifasciste était obligatoire pour être admis dans la bonne société littéraire” (Biagi).

 

ilcieloerosso1.jpgEn 1955, avec la publication de “Guerra in camicia nera” (“La guerre en chemise noire”), une recomposition de ses journaux de guerre, il amorce lui-même sa chute et provoque “sa mise à l’index par l’établissement littéraire”. Berto déclare alors la guerre au “Palazzo” et se mue en un véritable censeur qui ne cessait plus de fustiger les mauvaises habitudes littéraires. La critique le rejette, comme s’il n’était plus qu’une pièce hors d’usage, ignorant délibérément cet homme que l’on définira plus tard comme celui “qui a tenté, le plus honnêtement qui soit, d’expliquer ce qu’avait été la jeunesse fasciste”. Et la critique se mit ensuite à dénigrer ses autres livres. Etrange destin pour un écrivain qui, rejeté par la critique officielle, jouissait toutefois de l’estime de Hemingway; celui-ci avait accordé un entretien l’année précédente à Venise à un certain Montale, qui fut bel et bien interloqué quand l’crivain américain lui déclara qu’il appréciait grandement l’oeuvre de Berto et qu’il souhaitait rencontrer cet écrivain de Trévise. Ses activités de scénariste marquent aussi le pas, alors que, dans les années antérieures, il était l’un des plus demandés de l’industrie cinématographique. Le succès s’en était allé et Berto retrouvait la précarité économique. Et cette misère finit par susciter en lui ce “mal obscur” qu’est la dépression. L’expérience de la dépression, il la traduira dans un livre célèbre qui lui redonne aussitôt une popularité bien méritée.

 

Mais il garde l’établissement culturel dans son collimateur et ne lâche jamais une occasion pour attaquer “l’illustre et omnipotent Moravia”, grand prêtre de cette intelligentsia, notamment en 1962 lorsqu’est attribué le second Prix Formetor. Ce prix, qui consistait en une somme de six millions de lire, et permettait au lauréat d’être édité dans treize pays, avait été conféré cette fois-là à une jeune femme de vingt-cinq ans, Dacia Maraini, que Moravia lui-même avait appuyée dans le jury; Moravia avait écrit la préface du livre et était amoureux fou de la jeune divorcée et vivait avec elle. Au cours de la conférence de presse, qui suivit l’attribution du Prix, Berto décide de mettre le feu aux poudres, prend la parole et démolit littéralement le livre primé, tout en dénonçant “le danger de corruption que court la société littéraire, si ceux qui jugent de la valeur des oeuvres relèvent désormais d’une camarilla”; sous les ovations du public, il crie à tue-tête “qu’il est temps d’en finir avec ces monopoles culturels protégés par les journaux de gauche”. Toute l’assemblée se range derrière Berto et applaudit, crie, entame des bagarres, forçant la jeune Dacia Maraini à fuir et Moravia à la suivre. Berto n’avait que mépris pour celui qu’il considérait comme “un chef mafieux dans l’orbite culturelle” (comme le rappelle Biagi), comme un “corrupteur”, comme un “écrivain passé de l’érotisme à la mode au marxisme à la mode”. En privé, une gand nombre de critiques reconnaissaient la validité des jugements lapidaires posés par Berto, mais peu d’entre eux osèrent s’engager dans un combat contre la corruption de la littérature et Moravia, grâce à ces démissions, récupéra bien rapidement son prestige.

 

Entretemps, Berto avait surmonté sa crise existentielle et était retourné de toutes ses forces à l’activité littéraire, sans pour autant abandonner ses activités journalistiques où il jouait le rôle de père fouettard ou de martin-bâton, en rédigeant des articles littéraires et des pamphlets incisifs, décochés contre ses détracteurs. “Male oscuro” a connu un succès inimaginable: en quelques mois, on en vend 100.000 copies dans la péninsule et son auteur reçoit le Prix Strega. Berto a reconquis son public, ses lecteurs le plébiscitent mais, comme il fallait s’y attendre, “la critique radicale de gauche le tourne en dérision, minimise la valeur littéraire de ses livres et dénature ses propos”. Ainsi, Walter Pedullà met en doute “l’authenticité du conflit qui avait opposé Berto à son père” et la sincérité même de “Male oscuro” alors que la prestigieuses revue américaine “New York Review of Books” avait défini ce livre comme l’unique ouvrage d’avant-garde dans l’Italie de l’époque. “Mal oscuro”, de plus, gagne deux prix en l’espace d’une semaine, le Prix Viareggio et le Prix Campiello.

 

Berto a retouvé le succès mais, malgré cela, il ne renonce pas au ton agressif qui avait été le sien dans ses années noires, notamment dans les colonnes du “Carlino” et de la “Nazione” et, plus tard, du “Settimanale” de la maison Rusconi, tribune du haut de laquelle il s’attaque “aux hommes, aux institutions et aux mythes”. En 1971, Berto publie un pamphlet “Modesta proposta per prevenire” qui, malgré les recensions négatives de la critique, se vend à 40.000 copies en quelques mois. Si on relisait ce pamphlet aujourd’hui, du moins si un éditeur trouvait le courage de le republier, on pourrait constater la lucidité de Berto lorsqu’il donnait une lecture anticonformiste et réaliste de la société italienne de ces années-là. On découvrirait effectivement sa clairvoyance quand il repérait les mutations de la société italienne et énonçait les prospectives qu’elles rendaient possibles. Déjà à l’époque, il dénonçait notre démocratie comme une démocratie bloquée et disait qu’au fascisme, que tous dénonçaient, avait succédé un autre régime basé sur la malhonnêteté. Il stigmatisait aussi la “dégénérescence partitocratique et consociative de la vie politique italienne” et, toujours avec le sens du long terme, annonçait l’avènement du fédéralisme, du présidentialisme et du système électoral majoritaire. Il jugeait, et c’était alors un sacrilège, la résistance comme “un phénomène minoritaire, confus et limité dans le temps, … rendu possible seulement par la présence sur le sol italien des troupes alliées”. Pour Berto, c’était le fascisme, et non la résistance, “qui constituait l’unique phénomène de base national-populaire observable en Italie depuis le temps de César Auguste”.

 

Lors d’une intervention tenue pendant le “Congrès pour la Défense de la Culture” à Turin, sous les auspices du MSI, Berto se déclare “a-fasciste” tout en affirmant qu’il ne tolérait pas pour cela l’antifascisme car, “en tant que pratique des intellectuels italiens, il est terriblement proche du fascisme… l’antifascisme étant tout aussi violent, sinon plus violent, coercitif, rhétorique et stupide que le fascisme lui-même”. Berto désignait en même temps les coupables: “les groupes qui constituent le pouvoir intellectuel... tous liés les uns aux autres par des principes qu’on ne peut mettre en doute car, tous autant qu’ils sont, se déclarent démocratiques, antifascistes et issus de la résistance. En réalité, ce qui les unit, c’est une communauté d’intérêt, de type mafieux, et la RAI est entre leurs mains, de même que tous les périodiques et les plus grands quotidiens… Si un intellectuel ne rentre pas dans un de ces groupes ou en dénonce les manoeuvres, concoctées par leurs chefs, il est banni, proscrit. De ses livres, on parlera le moins possible et toujours en termes méprisants… On lui collera évidemment l’étiquette de ‘fasciste’, à titre d’insulte”. Dans son intervention, Berto conclut en affirmant “qu’en Italie, il n’y a pas de liberté pour l’intellectuel”.

 

On se doute bien que la participation à un tel congrès et que de telles déclarations procurèrent à notre écrivain de solides inimitiés. Aujourd’hui, plus de vingt ans après sa mort, il continue à payer la note: son oeuvre et sa personne subissent encore et toujours une conspiration du silence, qui ne connaît aucun précédent dans l’histoire de la littérature italienne.

 

Roberto ALFATTI APPETITI.

(article paru dans le magazine “Area”, Rome, Anno V, n°49, juillet-août 2000; trad. franç.: Robert Steuckers, novembre 2009).

jeudi, 26 novembre 2009

Le Bulletin célinien n°313

Sortie du Bulletin célinien n°313, novembre 2009 :

Au sommaire :
- Marc Laudelout :
Bloc-notes (Céline à l’I.N.A.)
- Jacques Francis Rolland : Roger Vailland l’affabulateur
- M. L. : « Céline & Cie » : une nouvelle collection célinienne
- Eugène Fabre : Justice rendue à Céline (décembre 1961)
- Frédéric Saenen : Incorrect (au sens premier du terme). « Une histoire politique de la littérature ».
- M. L. : Pol Vandromme (« Une famille d’écrivains »)
- M. L. : Le souvenir de Robert Denoël
- M. L. : Louis-Albert Zbinden
- Michel Bergouignan : L.-F. Céline contradictoire et passionné (II)
- François Marchetti : Mort d’un éditeur courageux (Kay Holkenfeldt)
- Céline sur Internet

Le numéro 6€



Le Bulletin célinien
B.P. 70

B 1000 Bruxelles 22

mercredi, 25 novembre 2009

Georg Trakl: "Triumph des Todes"

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Triumph des Todes

Peter Brueghel d. Ä. pinxit, ca. 1562 -
cf.: http://rezistant.blogspot.com

O der Seele nächtlicher Flügelschlag:
Hirten gingen wir einst an dämmernden Wäldern hin
Und es folgte das rote Wild, die grüne Blume und der lallende Quell
Demutsvoll. O, der uralte Ton des Heimchens,
Blut blühend am Opferstein
Und der Schrei des einsamen Vogels über der grünen Stille des Teichs.

O, ihr Kreuzzüge und glühenden Martern
Des Fleisches, Fallen purpurner Früchte
Im Abendgarten, wo vor Zeiten die frommen Jünger gegangen,
Kriegsleute nun, erwachend aus Wunden und Sternenträumen.
O, das sanfte Zyanenbündel der Nacht.

O, ihr Zeiten der Stille und goldener Herbste,
Da wir friedliche Mönche die purpurne Traube gekeltert;
Und rings erglänzten Hügel und Wald.
O, ihr Jagden und Schlösser; Ruh des Abends,
Da in seiner Kammer der Mensch Gerechtes sann,
In stummem Gebet um Gottes lebendiges Haupt rang.

O, die bittere Stunde des Untergangs,
Da wir ein steinernes Antlitz in schwarzen Wassern beschaun.
Aber strahlend heben die silbernen Lider die Liebenden:
Ein Geschlecht. Weihrauch strömt von rosigen Kissen
Und der süsse Gesang der Auferstandenen.

Georg Trakl, Abendländisches Lied.

samedi, 14 novembre 2009

Trois critiques de Gus Bofa sur Céline

celine-et-arletty.jpgTrois critiques de Gus Bofa sur Céline

Article paru dans "Le Bulletin célinien", n°297, mai 2008

Gustave Blanchot, dit Gus Bofa (1883-1968), fut un illustrateur et un affichiste français de grand talent, bien oublié aujourd’hui. Grâce à la brève mais florissante vogue du livre de luxe dans la France des années 20, il parvint à réaliser la synthèse entre le dessin et l’écriture, laissant une œuvre singulière qu’il faudrait redécouvrir. Entre les deux guerres, il collabora, comme critique littéraire, au mensuel Le Crapouillot de Jean Galtier-Boissière. Son ami Pierre Mac Orlan a dit de lui : « Gus Bofa est avant tout un écrivain qui a choisi le dessin pour atteindre ses buts. Un texte de Bofa, un dessin de Bofa sont construits dans la même matière et l'un et l'autre sont animés de ce même rayon de poésie humoristique qui comprend tout ce qui tient une place entre la vie et la mort. ». Nous reproduisons ici les trois notes de lecture qu’il consacra à Céline en 1933 et 1937.

 

Voyage au bout de la nuit[

 

L'autre roman-dreadnought. Autant le livre de M. Mazeline est habilement construit et armé de tous les perfectionnements les plus récents, autant celui-ci est désobligeant, non-conforme aux règles, en quelque sorte difforme. Et pourtant il flotte. Et il y a là-dedans le meilleur et le pire : des pages d'humour excellentes, un très grand souffle de vérité profonde, émouvante, sous ce vagabondage délirant qui n'en finit plus, et surtout une rogne persistante, obstinée, souvent puissante, qui réjouira ou navrera le lecteur, dès l'abord, selon son goût et son tempérament. Ce mélange un peu chaotique, ce choix délibéré d'être sincère avec soi, au prix même d'être déplaisant, peuvent bien signifier le génie, dans le cas de M. Céline. Il est bien vrai qu'il y a, dans ce trop gros bouquin, quelque chose de considérable, d'anormal, d'inquiétant, mais de neuf, qui rebute d'abord et séduit ensuite, d'un attrait bien étonnant. Par une sorte de perversité inexplicable, l'auteur a adopté, pour rendre plus difficile la lecture de cette confession, une sorte de langue nouvelle, mêlée de péquenot et d'argot, que rien dans le personnage de son héros ne peut justifier et que lui-même oublie parfois pour parler en français. L'effet en est curieux, mais sans charme.

(Le Crapouillot, 1er février 1933)

 

L'Église

 

Cette pièce énigmatique n'a pas été jouée encore, et, malgré le succès du Voyage au bout de la nuit, ne le sera probablement jamais.

C'est dommage d'ailleurs, car elle ne prendrait son véritable sens qu'à la scène.

L'audace de certaines scènes y trouverait sa valeur de scandale possible, qui passe iaperçue à la lecture.

Le livre de Céline nous a étonné surtout par sa masse, aggravée d'un argot fanriqué exprès, plus encore que par la qualité ou la violence des idées de l'auteur.

La pièce, plus schématique, moins travaillée et surchargée, ne nous fournit plus cette sorte d'inquiétude qui donnait au roman sa qualité.

Céline n'est pas un pamphlétaire né. toute son énergie satirique est artificielle. c'est un effort brutal et vite vulgaire, pour sortir de soi-même, qui est timide, passif, bon et pitoyable.

Cet effort apparaît constamment à la lecture de ces cinq actes. il serait insensible au théâtre.

L'acte de la S.D.N., qui est un excellent sketch de revue, y serait amusant. Et certaines scènes – si la censure les laissait passer – y prendraient un caractère d'obscénité, capable d'émouvoir sûrement le public difficile de bourgeois moyens, que l'auteur veut atteindre d'abord.

Les fidèles de cette fameuse Eglise, qu'il renie si énergiquement.

 

(Le Crapouillot, 15 novembre 1933)

 

NDLR : Cette pièce fut jouée pour la première fois, par une troupe d’amateurs, le 4 décembre 1936, au Théâtre des Célestins, à Lyon.

 

Mea culpa suivi de La vie et l'œuvre de Semmelweis

 

La déconvenue parallèle de Céline s'exprime plus vertement que celle de Gide.

Elle est aussi plus totale et définitive.

Ecoeuré de l'Etat bourgeois, Céline a voulu croire au communisme russe. Déçu à nouveau, sa haine et son dégoût du monde occidental se doublent désormais d'une haine et d'un dégoût semblables pour l’U.R.S.S.

il exprime ce double sentiment – à son ordinaire – par un feu d'artifice d'imprécations choisie, pleines de force et de couleur, qui, étant cette fois admirablement en situation, prennent toute leur valeur littéraire. le morceau me paraît atteindre au chef-d'oeuvre du genre et mérite de figurer dans les anthologies.

Au point de vue critique, on pourrait trouver à y reprendre. Il détaille et précise mal ses griefs et ses reproches. Mais il n'est pas dans la nature de Céline de spéculer, non plus que dans celle d'une mitrailleuse de faire des cartons à la foire.

Parmi les éclats de tonnerre de son style, on discerne à peu près la solution que Céline propose au problème social.

Il voudrait abattre sommairement la moitié des humains, et massacrer sans façon l'autre moitié.

Ce remède, radical au moins en ce qui concerne le chômage, me semble mériter d'être longuement pesé.

Dans la seconde partie de Mea culpa (sans prendre sa part du titre, j'imagine!) il publie une réédition de sa thèse de doctorat sur la vie douloureuse et méconnue de Semmelweiss, "l'inventeur" de l'antisepsie.

Cet essai, écrit (pour un tas de raisons excellentes) dans une langue plus sévère et réservée que le Voyage ou Mort à crédit, n'en laisse pas moins apparaître l'ardeur, l'exubérance de son tempérament littéraire, comprimé comme la vapeur d'essence dans un moteur d'avion où chaque étincelle provoque une explosion et actionne les pistons dans les cylindres.

A l'état de prime jeunesse qu'il nous montre dans cette thèse d'examen, il rappelle par plusieurs points le tempérament d'un autre écrivain qui eut son heure de célébrité : Joseph Delteil.

Il y eut même un précurseur à l'un et à l'autre, oublié aujourd'hui, qui ne pouvait lui aussi écrire qu'à coups de canon et de hache, et qui avait nom : Georges d'Esparbès.

Mais c'étaient de pauvres petits canons de l'époque, qui paraissent risibles à côté de l'artillerie de dreadnought de Céline !

(Le Crapouillot, 15 février 1937)

 

 

jeudi, 12 novembre 2009

Dmitri Merezkovskij

Merezhkovsky.jpgDmitri Merezkovskij

Antonio Rossiello / http://www.italiasociale.org/


Lo scrittore e critico letterario Dmitri Sergèyevich Merezkovskij nacque a San Pietroburgo nella Russia zarista il 14 agosto 1865, ovvero il 2 agosto 1865 del calendario Giuliano allora in uso in Russia. Dmitri era figlio di un modesto funzionario, ufficiale di Corte a San Pietroburgo. Dal 1884 al 1889 studiò storia e filologia all'Università di San Pietroburgo, laureandosi in storia e filosofia con una tesi di dottorato in filologia su Montaigne. Merezhkovskij esordì in letteratura, essendo discepolo del poeta simbolista S. Nadon, con ''Stichotvorenija (1883 -1887)'', ( Poesie), nel 1888. Incontrò Zinaida Nikolevna Gippius, (nata il 20 novembre, ovvero l'8 novembre 1869 del calendario Giuliano, a Belyov in Russia), sua futura moglie, nel maggio 1888 durante una permanenza nel Borhoni / Borzhom in Caucaso; si sposarono nel gennaio 1889, all'età di 23 anni lui e di 19 lei. La coppia si stabilì a San Pietroburgo, dove nelle decadi seguenti il loro matrimonio, divennero animatori di un salotto, varando una società religiosa, ospitante intellettuali ed artisti, punto d'incontro del giro del secolo della scena intellettuale della capitale. Nel 1891 Dmitri fu in viaggio a Vienna ed a Venezia. Le sue fonti di reddito erano dovute ad un mantenimento da parte dei suoi familiari, nei primi anni, specie quando si assunse la responsabilità di sostenere dei viaggi per ragioni mediche relative a sua moglie. Nel 1892 uscì la sua seconda raccolta ''Simvoly, pesni i poemy''(Poemi, Simboli), che può essere considerata una sorta di ''manifesto'' poetico della nuova sensibilità decadente e simbolista.

In essa Merezhkovsky fu influenzato da Poe e da Baudelaire, introducendo temi e motivi che poi ricorsero nell'opera di altri simbolisti: cupo pessimismo, orgogliosa affermazione del proprio individualismo, condizione dell'uomo ''figlio della notte'', che è prigioniero di questo mondo e anela all'''altro'', dicotomia tra culto pagano della bellezza terrena e aspirazioni mistico-religiose. Merezhkovsky pubblicò una raccolta di articoli, ''O pricinach upadka i o novych tecenijach sovremennoj russkoj literatury'' ( Sulle cause della decadenza e sulle nuove correnti della letteratura russa contemporanea), del 1893, che è la prima ''dichiarazione d'intenti'' del decadentismo russo. In essa Merezhkovsky auspicava la creazione di ''una nuova arte ideale'', che avrebbe sostituito in Russia ''il volgare realismo utilitaristico''. Alla luce di tale concezione idealistica, che nel tempo assumerà connotazioni accentuatamente metafisiche e religiose, Merezhkovsky sentì l'esigenza di ''rivisitare'' l'eredità letteraria dei grandi scrittori del passato e si dedicò alla critica letteraria. Fu pensatore mistico cristiano ed ottenne delle entrate dai compensi dei suoi scritti filosofici, storici, religiosi e biografici, oltre che dalle sue poesie. Pubblicò novelle, poesie ed articoli su periodici di letteratura e di arte; libri dai quali percepì royalties e diritti d'autore. Fu uno scrittore sempre conosciuto, da quando pubblicava in Russia guadagnando molto.

Per le traduzioni, ricevette i diritti d'autore occasionalmente, dato che in Russia mancava un corrispondente accordo internazionale, gli editori stranieri erano liberi di rimunerare o meno le loro traduzioni degli autori russi. Queste considerazioni valgono per il periodo in cui visse all'estero. Zinaida descrisse nelle sue epistole le condizioni di vita non sempre facili. Le loro riserve erano limitate. La giovane coppia condusse una vita in condizioni più elevate in San Pietroburgo grazie agli scritti. Non ebbero figli per ragioni sconosciute. Il loro matrimonio burrascoso divenne apertamente una relazione a tre dal 1901 in avanti con Dmitri Vladimirovich Filosofov (1872-1940) che visse con loro nella stessa casa. Dmitri Filosofov e Vladimir Zlobin (1894-1967) furono i suoi segretari, editori e coautori. Merezhkovskij ammirò molto Dostoievsky e Soloviev, che incontrò. Negli anni seguenti al 1890 popolarizzò il simbolismo francese in Russia. La tradizione naturalista da Tolstoj a Dostoevskij era allora decadente, soppiantata dalla tendenza mistico/religiosa, verso cui Merezhkovskij si orientava. Arguì che gli autori naturalisti non erano stati tali, ma mistici. Merezhkovskij si accreditò iniziando il Simbolismo russo e l'età d'oro russa. Il Simbolismo era una reazione al naturalismo ed al realismo. Un grido della spiritualità contro il pensiero materialistico consecutivo russo. La pittura simbolista russa favorì le misteriose figure in cui raffigurò suggestivamente una sorta di spiritualità cui fu interessata. Giunsero ad una sorta di melanconia elegiaca.

I Simbolisti avocarono a sé una visione spirituale del mondo. Essi intrapresero una guerra contro il generale utilitarismo ed una concezione del mondo positivista, fra cui non inclusero né l'arte né la filosofia, sostituite da nuove istanze per i valori eterni. I primi simbolisti russi compresero che una sintesi tra il mondo corrotto e materiale e gli eterni valori non era possibile. Essi rigettarono la credenza che l'arte potesse servire il progresso sociale. Posizionarono l'artista come una figura libera divina in cui la vita ed il lavoro potevano puntare verso una vita elevata e spirituale. Essi videro l'artista come un mediatore di forze tra i mondi fenomenali e noumenali (intellettuali). Merezhkovski rappresentò gli scrittori come sé stesso quali veggenti di due differenti mondi, la carne e lo spirito. Questo tipo di pensiero si sviluppo in ''Cristo e l'Anticristo''. I Merezhkovski erano figure preminenti dell'età argentea. Zinaida Gippius fu una poetessa prolifica, scrittrice di romanzi e saggi, memorie, critiche, commedie; scrisse molti saggi critici di letteratura, religione e politica. Essi furono pubblicati su riviste letterarie di Mosca e San Pietroburgo e sui quotidiani sotto vari pseudonimi incluso Anton Krajny e Roman Arensky.

''L'anima è religiosa dalle origini, il sentimento di solitudine nel mondo è intollerabile se non c'è Dio'' e (Zinaida Gippius). La religione si connette con ogni sorta di Chiesa, inclusa la Chiesa Ortodossa, non si adeguò ad essa ed a suo marito. Dmitri cercava la sua via verso il divino come Fiodor Dostoevsky. Stimolò l'idea di una nuova Cristianità; una nuova Chiesa, dove la persona e Dio sono eguali. Espressero la loro neocristianità nelle parole e nei fatti di una vita scandalosa. La loro triplice unione con il filosofo Dimitri Filosofov, pubblicista e critico giocò un ruolo importante nell'unione artistica del mondo delle arti. Questa unione o famiglia allargata, mostrò assolutamente la nuova unione spirituale, ma la società considerava ciò con arroganza, come la continuazione della sua scandalosa poesia: ''Io non posso obbedire a Dio se io amo Dio...Non siamo schiavi ma figli di Dio, ed i bambini sono liberi come Lui''.

Nel 1900 l'enorme impero russo si era industrializzato con l'indebitamento finanziario estero tramite i prestiti monetari, senza una modernizzazione della sua struttura sociale. Nessuna prospettiva era data all'indicibile miseria della sua popolazione contadina, entrambi senza terra sotto la mercè dei proprietari terrieri, o indipendenti ma schiacciati dalle gigantesche tasse destinate a provvedere ai pagamenti dell'indebitamento russo ( i proprietari non pagavano le tasse). L'immensa sottoclasse proletaria viveva in condizioni miserevoli e si riversava nelle città e nei centri industriali. La crescita enorme della popolazione supplì ai soldati dell'esercito, ai lavoratori dell'industria, ai lavoratori siberiani coloni e nelle campagne. L'Impero fu scosso da una politica disordinata. Scioperi, dimostrazioni, scontri con la polizia occorsero in parecchie città. I radicali di sinistra ripreso il terrorismo politico. Le strutture rigide autoritarie dell'autocrazia sembrarono inabili a rispondere o ad afferrare ciò che stava accadendo.

Tolstoj veniva scomunicato dalla Chiesa Ortodossa. Dopo il 1900, Merezhkovsky propagò attivamente una ''nuova coscienza religiosa'', animò un gruppo di ''Cristiani spirituali'' che chiamò i cercatori di Dio (Hogoiskateli), o i decadenti. I Bogoiskatjeli o cercatori di Dio, erano una corrente che riunivano i personaggi noti come Società Russa del 1900. Tal gruppo incluse sua moglie Zinaida Gippius e Dimitri Filosofov, Vasilij Rozanov, V. Ternavcev ed altri. Fu direttore del movimento spiritualizzato, con al suo fianco nella direzione la poetessa Zinaida Kippius, Balmont, Brjusou, Sollogub. Dal novembre 1901 Merezhkovsky proiettò le discussioni tra ''i cristiani spirituali'' ed ''i cristiani ufficiali'' (rappresentativi della Chiesa Ortodossa). Nel 1901, entrambi i Merezhkovsky e l'amico Dmitri V. Filosofov, diventarono gli animatori di un movimento religioso filosofico, il cui scopo era promuovere in Russia una ''nuova coscienza religiosa'', fondando la Società Filosofico - Religiosa, il cui strumento di divulgazione fu la rivista ''Novyi put''(La Nuova via), che rifletteva le loro idee metafisiche. Questi incontri regolari erano conosciuti come le assemblee religiose di San Pietroburgo e durarono dal 1901 al 1903. Pensatore religioso e mistico, prospettò l'avvento di un mondo nuovo di libertà e compimento cristiano a cui si giungerebbe con l'attuarsi del regno dello spirito, invocato da Gioacchino da Fiore. L'attesa del Terzo Regno gli impose la necessità di svolgere un'azione pratica, che tentò a più riprese, in convegni religiosi e filosofici nel 1901 memorabili nella storia della cultura contemporanea russa. Nell'aprile 1903, queste assemblee filosofico-religiose furono proibite dalla Chiesa (da Pobedonoscev, procuratore del Sinodo Sacro, Ministro russo della Chiesa Ortodossa).

Perse molti lettori ed ebbe problemi finanziari dopo il moto ostile della Chiesa dall'aprile 1903. Merezhkovsky cercò altri contribuenti, i nuovi idealisti. Nel 1904 ''Novy Put'' fu sospesa. Merezhkovsky e sua moglie viaggiarono in profondità nella Russia oltre il fiume Volga, per visitare i mistici russi appartati nei monasteri. Si incontrarono con i rappresentanti di diverse sette mistiche. Merezhkovsky mantenne una corrispondenza con alcuni di questi Gnostici russi. Gippius scrisse una storia, descrivendo, con un grande percorso all'interno della conoscenza, i riti segreti della comunità Gnostica Khlystic. Gli autori da lui presi in esame vengono analizzati seguendo un procedimento ''antitetico'' che prende origine da un'opposizione fondamentale, che secondo Merezhkovsky ha determinato l'intera storia umana: l'antitesi tra religione della carne e religione dello spirito, tra paganesimo e cristianesimo. E nella storia letteraria russa gli ''archetipi'', le perfette incarnazioni di questi due principi contrapposti sarebbero state Tolstoj (''veggente della carne'') e Dostoevsky (''veggente dello spirito''). Su tale antitesi è basata anche una delle opere più significative di Merezhkovsky, pubblicata tra il 1896 ed il 1905 intitolata la trilogia di racconti storici ''Christos i Antichrist'', ''Christo e Antichristo'', un best- sellers europeo, formata dai romanzi ''Smert' bogov. Yulian Otstupnik'', (La morte degli dei. Giuliano l'Apostata) del 1896, ''Voskressie bogi. Leonardo da Vinchi (1899-1900)'', (La Resurrezione degli Dei. Leonardo da Vinci)'' nel 1901, e ''Antikhrist: Pyotr i Aleksej'', (L'Anticristo: Pietro ed Alessio) nel 1905 .

In quest'opera, costruita secondo un preciso, quanto ambizioso disegno filosofico, Merezhkovsky concentrò la propria attenzione su tre momenti storici nei quali più forte è stato, a suo parere, il presentimento del Terzo Regno, di quell'età aurea in cui l'umanità saprà giungere ad una conciliazione e ad una sintesi tra paganesimo e cristianesimo. Con questa trilogia fece rivivere il romanzo storico in Russia. Le sue tre parti, ambientate nelle separate epoche e aree geografiche, rivelarono l'erudizione storica, e servirono come veicoli per autori di idee storiche e teologiche. Sui problemi scottanti della Russia contemporanea, coloro che cercavano Dio non ebbero una chiara risposta o atteggiamento. Il loro misticismo era solo romantico, mostrarono poche potenzialità nel sollevare domande politiche e provvedere con soluzioni politiche. La sua trilogia fu contemporanea ai suoi viaggi a Roma e Costantinopoli. Fu il suo periodo più lucido, intellettualmente, in cui la forza espressiva del linguaggio raggiunse l'acme.

In Giuliano si ebbe lo slancio vivificante di numerose immagini, la fredda bianca Afrodite Amaudiomane, nata dalla spuma, non vergognosa nella sua medità, davanti a cui il futuro imperatore, nelle vesti del monaco cristiano, l'animo macerato dal dubbio, si inchina, stordito della luce improvvisa che lo risveglia alla vita - è l'attivo del trionfo pagano. Attivo oppositore del positivismo, predominante nella cultura russa, mosse la sua speculazione nei termini dell'antinomicità e della popolarizzazione; al pathos di Tolstoj, geniale veggente della carne pagano e panteista, oppose l'opera dell'eccelso veggente dello spirito che fu Dostoevskij, rivelatore dello spirito cristiano in senso vero. Antinomica è la trilogia del romanzo storico ''Cristo e l'anticristo'', opera modernista, dove alla storia di ''Giuliano l'Apostata, o la morte degli dei'', del 1896, è contrapposta ''Leonardo da Vinci, o la resurrezione degli dei'', del 1901 ; ''Pietro e Alessio'', nel 1905, la cui idea centrale è l'opposizione fra concezione greca della santità della carne e la concezione cristiana dello spirito, l'urto fra Cristo e l'anticristo.

L'anticristo acquisisce una terribile evidenza drammatica nella lotta narrata in un terzo romanzo ''Pietro e Alessio'' del 1905, a tal trilogia seguì un'altra storica, che rappresenta la lotta storica tra gli stessi principi (Cristo e anticristo) in rapporto ai futuri destini della Russia: composta dal dramma ''Pavel I'', (La morte di Paolo I) del 1908; e dai romanzi ''Aleksandr I (1911-'12) Pervyj'', (I segreti di Alessandro I) del 1911; ''Perventsy svobody. Istorija vosstanija 14 - go Dekabrja 1825'', (La congiura dei decabristi) del 1917. Allargò tale visione antinomica e la ripropose, come rivelatrice, in altre sue prospettazioni di storia e di critica. La storia fu pensata come processo che si compie in opposizione antinomica tra Regno del padre, nel Vecchio Testamento, e Regno del figlio, attuato nel cristianesimo.

Non riuscì a conferire a questa antinomicità una vera funzionalità dialettica, ad avvalorarla come il principio dell'interiore dinamismo di vita e della storia. Un ordine esteriormente immutato ed immutabile era effettivamente corroso, mentre piomba sulla Santa Russia - la Russia dello Zar, della visione messianica dell'Impero, della Terza Roma - la mannaia della rivoluzione sovietica. La missione implicita nella scritta scolpita nel salone dello zar ''il sole conobbe il suo ponente, e fu notte'' passò in mani che invertirono il significato e che l'agitarono fino al 1989, anno della caduta del comunismo sovietico. In seguito Merezhkovsky scrisse altre opere storiche, dove la storia risultava sempre più artificiosamente ''interpretata'' e finalizzata a precisi intenti dimostrativi da parte dello scrittore.

Pubblicò nel 1896 ''Novyj e stijkhotvorenija. (1891 - '95)''; nel 1897 ''Vechnye sputniki. Portrety iz vsemirnoj literatury'', ( Eterni compagni), raccolta di saggi su vari scrittori, e nel 1901-'03 ''Tolstoj i Dostoevskij'', (Tolstoj come uomo e artista: con un saggio su Dostoevsky), Il saggio critico ''Tolstoj e Dostoevskij ( 1901 - '03)'' segue la maturazione e l' inserimento di Merezhkovsky nel gran filone Dostoevskiano di fine ottocento, con un suo personale apporto. Fu pubblicato a puntate sul periodico ''Mondo dell'arte'' dal 1901 in avanti. Vladimir Pozner scrisse che era il libro di Merezhkovsky più profondo e vivo nella storia della critica letteraria russa. Delineò una sua prospettiva metafisica, una sua visione degli eventi umani fondata sull'avvento del Regnum, superiore armonia in cui si risolveva l'eterna lotta tra il Bene ed il Male attraverso la risoluzione degli estremi opposti - quando le due metà della verità, la cristiana e la pagana, saranno mature per integrarsi o ricongiungersi.

Piotr Kogan scrisse che la storia dell'umanità è da Merezhkovsky presentata come un presentimento del futuro Regno che unirà il principio pagano ed il principio cristiano. Merezhkovsky apprezzava i momenti in cui il presentimento del futuro si manifestava, quando in mezzo al cristianesimo trionfante o al paganesimo trionfante, cioè in mezzo al trionfo di una delle due metà della verità integrale, comparivano i cercatori di Dio, gli insoddisfatti, incapaci di scoprire le verità interna e incapaci di appagarsi ad una verità incompleta. Cercò la verità totale, integrale, assoluta. Sull'interpretazione antitetica fra Tolstoj, poeta della carne, e Dostoevsky, poeta dello spirito. Seguirono nel 1904 ''Sobranie stikhov. 1883-1903'', ( Collezione poetica); ''Gogol' i chort. Isledovanie.'', ( Gogol' e il diavolo) del 1906; ''Probok russkoj revoljatsii. Kjubileja Dostoevskogo'', ( Il profeta della rivoluzione russa) del 1906 di nuovo su Dostoevskij; i saggi di ''Grjaduscij Cham'', (Il veniente Cam) del 1906; nel 1906 ''Grjadushij kham. Chekhov i Gorkij''; nel 1908 ''Ne mir, no mech''; nel 1910 ''Bol'naja rossija'', (L Russia malata) ''Lermontov poet sverkhchelovechestvagogol, tvorchestvo, hizo, religija'', (Lermontov, il poeta della superumanità) del 1909 su Lermontov. Nel 1911 -'15 ''Polnoc sobranie sochinenij''; nel 1904 ''Dafnis i chloa. Povest-lotusa'', nel 1904 ''Ljubov' sil'nee smerti-ital'janskaja novella XV veka'', nel 1915 ''Bylo i budet. Dnevnik 1910-1914'', nel 1915''Dve tajny russkoj poezii. Nekrasov i tjutchev''; nel 1916 ''Budet radost, p'esa''; nel 1917 ''Nevoennyj dnevnik. 1914-1916''; nel 1917 ''Romantiki. P'esa''; se le opere in russo precedenti al 1915 erano state edite a San Pietroburgo, quelle successive fino al 1917 furono edite con il nuovo nome della medesima città capitale, ovvero Pietrogrado.

Merezhkovsky sostenne la monarchia russa, cui attribuiva una istituzione divina. Resistette al severo criticismo degli scrittori progressisti. Fu schernito in un articolo stampato in ''Osvobozhdenie'' nel 1902, un periodico underground pubblicato all'estero, in relazione al suo paragonare l'autocrazia russa ad un mistico ordine nel suo libro su Dostoevsky, riportava che il dipartimento di polizia, le regolazioni sui controlli fossero intensificati; sul ''Moskovskie vedomosti'', sul ''Grazhdanin'', sul ''Cossack'', si fece sarcasmo sulla convocazione e le forche ed altri attributi di protezione: erano anche oggetti dell'ordine mistico? Contenevano l'indescrivibile segreto di Dio. Il misticismo obbliga. Se l'idea di Monarchia è solo mistica e promossa, non come una frase sonora, ma con rispetto e timore, tale convinzione obbliga a combattere con furia contro l'ordine di polizia russo. L'autocrazia è un'idea religiosa, ma la difesa di tale idea è un argomento per Dio, e non per il dipartimento di Polizia. Qualunque sofferenza e miseria del popolo, il regime zarista manteneva il suo prestigio attraverso l'espansione dell'impero russo. Il Caucaso, l'Asia centrale ed il lontano est, province assorbite nel XIX secolo. All'inizio del XX secolo, la situazione mutò brutalmente. Nella guerra dell'est, l'imperialismo russo e il modernizzato Giappone si scontrarono.
Una guerra scoppiò circa l'influenza di zona in Corea e Manciuria.

merej9785699219971.jpgGli attacchi giapponesi alla flotta Russa di Porth Arthur nel febbraio 1904 assediarono la città ed inflissero una severa sconfitta all'esercito russo in battaglie gigantesche e spietate coinvolgenti più di 500.000 soldati ed annunciando i combattimenti di trincea della prima guerra mondiale. Porth Arthur divenne giapponese nel gennaio 1905 e la notizia della sua caduta scosse la Russia. I successi militari fornirono la giustificazione all'autocrazia dello Zar. Nel gennaio 1905, una folla di 200.000 persone si avvicinò al Palazzo di San Pietroburgo per portare una petizione allo zar. Fu crudelmente colpita dalle guardie, lasciando centinaia di morti e proruppe la via delle proteste e degli scioperi. La liberazione della Russia si ebbe con lo scoppio di una guerra contro il Giappone che attraversò metà del globo dal Mar Baltico al Mar di Giappone e per una controffensiva, fu affondata la flotta russa dall'armata navale giapponese nel maggio 1915, vicino all'isola di Tsushima.

Questo aggravò l'insurrezione popolare. Nell'agosto 1905, lo zar sotto la pressione della strada concesse un'assemblea parlamentare Duma al popolo, affossandola nei due anni successivi. Merezhkovsky, che era stato sostenitore della monarchia russa, cambiò opinione durante la rivoluzione del 1905, che apertamente sostenne. Sua moglie e lui divennero zelanti rivoluzionari, e scrisse molti versi politici. Con il fallimento della rivoluzione, la coppia emigrò a Parigi. Vissero due anni lì tra il 1906 ed il 1907, poi ritornarono. Dmitri mostrò l'insurrezione del 1905 come un evento religioso, rivelante una rivoluzione religiosa di cui divenne un fidato profeta.

Nel 1907, Dmitri e Zinaida Gippius, con l'aiuto di un circolo di amici ( Ern, Pavel Florenskii, Sergei Bulgakov Brikhnichev) fondarono in Mosca un giornale chiamato ''Zhivaia Zhizn''. Merezhkovsky e Gippius divisero la storia dell'umanità ed il suo futuro in tre fasi. Il regno di Dio Padre, il regno del Vecchio Testamento; il regno di Gesù Cristo, il regno del Nuovo Testamento, la presente fase che era chiusa, e il regno dello Spirito Santo o l'era del Terzo Testamento, che stava ora albeggiando, gradualmente rivelando un messaggio all'umanità. In queste rivelazioni, gli eventi del 1905 furono un messaggio di trasformazioni. Il Regno del Vecchio Testamento ebbe l'autorità divina come suprema; il Regno del Nuovo Testamento ebbe l'amore come autorità suprema; e il Regno del Terzo Testamento poteva rivelare un inno di libertà come suprema autorità. Questa felice via mondiale rispecchiò la felicità nella vita di Merezhkovsky, giovane importante, autore, famoso in Europa, sufficientemente ricco per disporre della sua vita liberamente.

I previsti Regni simboleggiavano un cambiamento nella coscienza umana; così il regno finale del Terzo Testamento annunciava una nuova coscienza religiosa, la genesi di una Nuova Umanità. Il Terzo Testamento doveva risolvere le presenti antitesi - sesso e ascetismo, individualismo e società, schiavitù e libertà, ateismo e religiosità, odio e amore. L'enigma della terra e del cielo, la carne e lo spirito poteva essere risolto nello Spirito Santo. Lo Spirito Santo avrebbe potuto redimere il mondo, dando all'umanità una nuova vita di pace, armonia e amore. Il Trino si realizzava nell'Uno, e la Cristianità Spirituale poteva essere condotta all'apertura.

Nel propagare la loro Causa del Trino nell'Uno Gippius e Merezhkovsky speravano in una rivoluzione religiosa, una metamorfosi spirituale dell'uomo per prepararlo al Terzo Regno. Gippius accordò lo scopo dello sviluppo di tutto l'universale storico, nella dell'umanità e del mondo nella loro forma presenti attraverso l'Apocalisse. Solo la venuta di Cristo potrebbe unire l'umanità nell'amore fraterno e nell'armonia della vita familiare. Nell'evoluzione spirituale della umanità la Chiesa apocalitticamente potrebbe essere instaurata non come un tempo, ma come una nuova esperienza di Dio nell'umana coscienza e nell'animo umano. Quando scoppiò la prima guerra mondiale nell'agosto 1914, le truppe russe entrarono in Germania. Merezhkovsky vide nella I guerra mondiale una battaglia per la cultura, che era, per la Russia, contro il militarismo tedesco. Dopo le iniziali vittorie l'offensiva russa tornò a scontrarsi per San Pietroburgo. Le truppe russe persero tutto il territorio tedesco che avevano guadagnato, poi la Polonia e la Lituania.

Nel 1916, l'esercito russo, interamente demoralizzato, malamente comandato perse costantemente terreno. La popolazione si lamentava contro l'imperatrice nata tedesca e contro il suo favorito guaritore Grigori Rasputin. San Pietroburgo si stava sgretolando sotto il peso dei rifugiati di guerra e della miseria dell'enormi classi inferiori. La società si stava lentamente disintegrando. Nella classe elevata, gli uomini erano attratti dalle ragazze giovani impoverite ed il numero dei divorzi salì. All'inizio della guerra, la città capitale era stata ribattezzata con il nome non tedesco di Pietrogrado. Zinaida Gippius la soprannominò Chertograd, città del diavolo, perché lo stato d'animo era nella città spaventoso. Successivamente la catastrofe militare della sconfitta e la seguente perdita finale del prestigio dello zar, la disintegrazione dello stato, la rivoluzione rovesciò lo zar nel marzo 1917.

Un regime democratico fu eretto, Merezhkovsky fu un forte sostenitore della giovane democrazia russa. La nuova Russia andò a combattere la Germania. San Pietroburgo fu messa in ginocchio, Berlino giocò la carta delle sollevazioni popolari interne alla Russia. Quivi si spandé un piccolo gruppo sovversivo, i Bolscevichi, con mezzi finanziari con la missione di prendere il potere, dopo la resa, per cui fu ceduto un'enorme territorio all'impero tedesco. Il leader bolscevico ebreo Vladimir Ilijc Ulianov, detto Lenin fu spedito in Russia in un treno militare tedesco, al fine di indebolire la difesa russa, dato che i rivoluzionari comunisti stavano adempiendo alla loro missione. Infatti organizzarono un colpo di stato e prendendo il potere nel novembre 1917 (la Rivoluzione d'Ottobre), firmarono l'armistizio con la Germania nel dicembre 1917. Sottoscrissero il trattato di pace di Brest - Litovsk con la Germania nel marzo 1918, con il quale essi rinunciavano all'Ucraina, alla Bielorussia, alla Finlandia, che entrarono nella sfera d'influenza della Germania.

In seguito i Bolscevichi edificarono un regime totalitario mostruoso, governando con il terrore, giustiziando migliaia di persone nei primi mesi della sua esistenza. Stabilirono la presa dell'industria con la nazionalizzazione delle fabbriche ( spesso estere) e denunciando tutto il debito estero. Si assicurarono il controllo dell'esercito con l'assegnazione di un ''guardiano'' comunista per ogni ufficio. Quando l'impero tedesco cadde, nel novembre 1918, sconfitto dagli U.S.A., il regime bolscevico abilmente sopravvisse in Russia in regime di autarchia, basandosi sulle proprie forze secondo i principi del marxismo leninismo del compagno Stalin. Merezhkovsky rigettò la nuova dittatura comunista come una caricatura diabolica del governo di Dio, come egli lo definiva, e fece un'attiva opposizione. I poteri democratici occidentali (Francia ed Inghilterra) sostennero, opportunisticamente come stati capitalistici, le truppe oppositrici al Bolscevismo con lo scopo di recuperare il loro patrimonio - debiti e facilitazioni già concesse al regime corrotto degli zar - e restaurare un governo eletto democraticamente.

Durante il 1919, le ''armate bianche'' per la democrazia si spinsero intensamente nella profondità della Russia. Le ''armate rosse'' vittoriosamente contrattaccarono nell'ottobre 1919 ed assicurarono il controllo di Pietrogrado. Nel dicembre 1919, Merezhkovsky abbandonò la vicina Polonia. Già sostenitore dei moti del 1905, in cui volle vedere l'inizio di quella ''rivoluzione religiosa'' che avrebbe preceduto l'avvento del Regno dello spirito in Russia, appoggiò anche la rivoluzione di febbraio 1917 ma le speranze di rinnovamento crollarono definitivamente con la successiva rivoluzione d'ottobre 1917, che egli considerava controrivoluzionaria, e con la presa del potere da parte dei bolscevichi.

Nell'aprile 1920, le truppe bolsceviche attaccarono l'esercito polacco ( per cui si avventurarono lontano dal Dniepr), raggiunsero la Vistola ed andarono vicino alla conquista di Varsavia nell'agosto 1920. Grazie all'intervento dell'Occidente, le armate russe furono sconfitte, mantenendo in uno stato di sopravvivenza la Polonia.

Nel 1919 i Merezhkovsky lasciarono la Russia e nell'ottobre 1920 emigrarono in esilio a Parigi in Francia, descrivendo il Bolscevismo nel 1920 ''Tsarevich Aleksej'', (Lo zarevic Aleksej) e nel 1921 ''Tsarstvo antikhrista'', edita a Monaco di Baviera, (Il Regno dell'Anticristo. Russia e il Bolscevismo) ed altri lavori poi tradotti in varie lingue. Fu autore di alcuni feroci pamphlet contro il regime comunista sovietico. Dmitri pubblicò due racconti storici sotto l'universale titolo di ''Rozhdenie Bogoy'' tra il 1924 - '25, (Nascita degli Dei), una bilogia ''Rozhdenie Bogov. Tutankhamon na krite'', ( Nascita degli Dei. Tutankhamon in Creta), edita a Praga e nel 1925 ?: ''Messija'' ( Il Messia o Akhenaton, re dell'Egitto o''Akhenaton, gioia del sole'', del 1927), edito a Parigi. ''La nascita degli Dei'',(romanzo onnicomprensivo dell'opera di Merezhkovsky, anche come tempo d'azione era situato all'origine delle tre trilogie).

Pozner riassunse il senso dell'impegno letterario di Merezhkovsky: ''Dopo anni di positivismo ricco di mediocrità e tracotanza, il tono profetico di Merezhkovsky, la sua erudizione, il suo interesse per i fenomeni della vita spirituale e religiosa, gli assicurarono i primi posti nella sua generazione, facendone uno scrittore la cui importanza oltrepassò le frontiere di un Paese. Nel 1925 ''Tajna trekh. Egipet i vavilon'', (I misteri d'Oriente), edito a Praga, romanzo di argomento egiziano, ambientato nell'Egitto faraonico. I racconti si concentrarono attorno al faraone egiziano Akhenaton, il fondatore ed uno dei primi conosciuti, vita breve, religione monoteista. Raffiguravano Akhenaton come un Messia, nel senso cristiano, come un'antica manifestazione di Cristo. Entrambe le novelle condivisero l'idea centrale di continuità ed integrità del mondo pre-cristiano e cristiano.

Il punto di volta del 1919-'20 fu la prova critica per i Merezhkovsky. Da allora, Gippius produsse lavori furibondi contro i bolscevichi, molto amareggiata. Il suo ultimo lavoro fu così soggettivo e capriccioso che si fece notare più per la forma che per il contenuto. Merezhkovsky divenne molto pessimista. Emerse il futuro felice di una Terza Età di libertà e lo Spirito Santo della sua vita dandy ed elegante in San Pietroburgo. Divenne il profeta di un destino funesto, prevedendo una fine imminente del mondo in ''Atlantis -Europa. Il segreto dell'Occidente'' del 1930. I Merezhkovsky ebbero successo nell'animare un salotto letterario russo nella loro casa, durante il loro esilio parigino. ''Tajna zapada. Atlantica - Evropa'', (Il mistero dell'Occidente: Atlantide - Europa), edito a Belgrado e tradotto in italiano come ''Atlantida'', edizione Hoepli nel 1937 a Milano. Nel 1932 - '34 ''Iisus neizvestnyj'', ( Gesù sconosciuto), edito a Belgrado; nel 1934''Jesus, der kommende'', edito a Frauenfeld; nel 1935 ''Tod und auferstehung; nel 1936 ''Pavel, Augustin''; nel 1938 ''Franz von Assisi'', edito a Monaco; nel 1938 ''Zanna d'Ark'', edito a Berlino; nel 1939 ''Dante'', edito a Parigi; nel 1942 ''Calvin'', edito a Parigi; nel 1933 ''Napoleone'', edito a Belgrado; ''Nirvana''. Le sue opere corsero di pari passo con la sua vita. La tristezza slava fu segnata da una aspirazione alla trascendenza.

La Terza Trilogia in cui, superati i momenti amari dei primi anni dell'esilio, la sua penna riprese ad essere lo strumento fervido della sua religiosità, della sua spiritualità inesausta - dei suoi tentativi di piegare gli uomini e gli avvenimenti per ricondurli più docili nel solco della sua visione profetica. Tale fu il suo limite, come sostenne Prampolini: ''l'ideologo ricorse al romanzo per illustrare il proprio pensiero, e la creazione artistica ne soffrì per i dominanti intendimenti sociali. I quadri sono arbitrari, perché preconcetti, l'arte del narratore soggiace alle intenzioni del teorico''. Merezhkovsky svolse l'attività di ''cercatore'' del divino sincero ed appassionato; a metà anni '20 era il più celebre degli scrittori russi del '900, mentre la cultura degli esuli russi antibolscevichi oppure nei Gulag, si era dispersa. Per Jean Chuzeville era divenuto disconosciuto. Merezhkovsky orientò l'attenzione di un settore di intellettuali russi verso il dominio della religiosità e dell'etica, contribuendo a riannodare le tradizioni letterarie russe abbandonate dopo la morte di Dostoevsky. La storia è considerata come titanomachia, e le personalità geniali al centro dei suoi romanzi sono in assoluto solipsismo.

Nell'agosto 1927, fondarono un circolo letterario chiamato ''Il lume verde'' con sue riunioni con giovani e vecchi scrittori russi ed un rispettabile numero di membri. Nel 1933 Merezhkovsky ricevette la nomina per il Premio Nobel per la letteratura grazie ai favori che riscontrò la sua trilogia ''Cristo e Anticristo''. ''Profeta'' ormai inascoltato, Merezhkovsky continuò a scrivere fino alla morte, limitandosi a divulgare, in maniera stanca e fumosa, le concezioni filosofiche e critiche elaborate nei decenni precedenti. Nella tarda età, Merezhkovsky stimò Benito Mussolini e Adolf Hitler, quali leaders capaci di sradicare il comunismo. Morì a Parigi il 09 dicembre 1941 a Parigi in Francia ovvero il 26 novembre 1941 del calendario Giuliano fu tumulato nel cimitero di Saint-Geneviève-des-Bois, lo stesso in cui fu inumata sua moglie, che morì il 09 settembre 1945 a Parigi. Nell'editoria italiana è stato dimenticato, infatti si reperiscono in librerie antiquarie solo ''Giuliano l'Apostata.

La morte degli Dei'', solo rare copie di ''Leonardo'' (La resurrezione degli Dei), introvabile il terzo volume della trilogia ''L'Anticristo'', (Pietro e Alessio). Altri scritti pubblicati in Italia negli anni '30 sui santi Agostino, Paolo e Francesco sono introvabili. L'editoria di estrema destra rivoluzionaria o radicale ha sempre trasmesso oralmente, mirando al nostalgico. Il militante nazionalrivoluzionario o nazionalpopolare rimaneva nel 1968 un sensitivo, senza una base dottrinaria, legata agli stati di animo ed influenzata dalla televisione e dai giochi senza ecologia, sociologia ed etologia, con una totale inadeguatezza. Il '68 con la sua sconfitta generazionale fece sì che, tale cultura per gli ostacoli finanziarii, fu ristretta ad un ambiente chiuso, che ha fatto ristagnare il mercato, frenando la programmazione editoriale a lungo termine. La cultura diversa e differente da quella marxista o anarcosettecentesco fece il resto. Merezhkovsky rappresenta la coscienza del progresso o avvicinamento dopo la contestazione giovanile del '68 per favorire il progressivo compimento di una organica formazione politico / culturale. Scrittore inattuale nell'Italia odierna, col suo misticismo fiammeggiante e il suo impegno sociale e politico antibolscevico. L'impegno traslato nella sua collaborazione alla rivista in lingua russa ''Sovremennyja Zapiski'' ( Annali Contemporanei ) negli anni d'esilio a Parigi. I suoi richiami amari e pressanti ai contemporanei, espressi nelle lettere aperte a Wells, Nansen e Hauptmann, assunsero valore profetico. Occorreva schiacciare il Regno della Belva che aveva la sua tana tra le mura dal Cremino: né la fede né le armi sarebbero serviti. Nel solco mistico ed esistenziale di Dostoevsky e Solov'ev. Lo sforzo intellettuale di rinnovamento lo fece assurgere a massimo esponente mistico corrente.


Antonio Rossiello  

 

15/04/2007

samedi, 07 novembre 2009

L.-F. Céline et Jacques Doriot

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L.-F. Céline et Jacques Doriot

Textes parus dans "Le Bulletin célinien", n°297, mai 2008

 

Durant l’Occupation, deux grands partis étaient en concurrence : le PPF de Jacques Doriot et le RNP de Marcel Déat.  Les collaborationnistes, eux, se partageaient tout naturellement en deux camps : ainsi, au sein de la rédaction de l’hebdomadaire Je suis partout, Lucien Rebatet était un partisan de Déat alors que Pierre-Antoine Cousteau, lui, soutenait Doriot. La parution d’une monographie consacrée au chef du PPF nous donne l’occasion de revenir sur les relations entre lui et Céline.

 

   Une chose est certaine : même s’il lui reconnaissait du talent, Céline estimait Marcel Déat suspect en raison de ses anciennes fréquentations maçonniques et de ses liens étroits avec le parlementarisme de la IIIe République.

Ainsi, dans sa correspondance à Lucien Combelle, Céline n’a que sarcasmes  pour le chef du Rassemblement National Populaire ¹. Avant-guerre, Céline ne réservait d’ailleurs pas un sort plus enviable à Doriot, le raillant comme tous ceux (La Rocque, Maurras,…) qu’il qualifiait ironiquement de « redresseurs nationaux » ou de « simples divertisseurs » : « Alors avec quoi il va l’abattre Hitler, Doriot ? (…) Il veut écraser Staline en même temps ? Brave petit gars ! Pourquoi pas ? D’une pierre deux coups !... (…) Nous sommes en pleine loufoquerie » ². Céline, chantre d’une alliance continentale censée prévenir une guerre fratricide, voyait naturellement d’un mauvais œil les menées qu’il estimait bellicistes.

 

   Mais, sous l’Occupation, son appréciation de Doriot évolue,  celui-ci ayant adopté le tournant radical que l’on sait après la rupture du pacte germano-soviétique. Le chef du PPF lui-même s’engage en septembre 1941 dans la Légion des Volontaires Français contre le bolchevisme qui vient de se créer. Dans un entretien que Céline accorde peu de temps après à l’hebdomadaire doriotiste L’Émancipation nationale, il déclare : « Doriot s’est comporté comme il a toujours fait. C’est un homme. Eh oui, il n’y a rien à dire. Il faut travailler, militer avec Doriot. (…) Chacun de notre côté, il faut accomplir ce que nous pourrons. Cette légion si calomniée, si critiquée, c’est la preuve de la vie. J’aurais aimé partir avec Doriot là-bas, mais je suis plutôt un  homme de mer, un Breton. Ça m’aurait plu d’aller sur un bateau, m’expliquer avec les Russes. » ³. Pour les besoins de sa défense, Céline démentira après-guerre avoir tenu ces propos. Mais, dans une lettre adressée au même moment à Karen Marie Jensen, il écrivait : « J’irai peut-être tout de même en Russie pour finir. Si les choses deviennent trop graves, il faudra bien que tout le monde participe – ce sera question de vie ou de mort – si cela est vivre ce que nous vivons ! 4 »

 

   Quelques mois plus tard, le dimanche 1er février 1942, a lieu au Vélodrome d’Hiver un meeting organisé par la LFV sous la présidence de Déat avec Doriot comme invité vedette.  Céline y assiste en compagnie de Lucette Destouches. Une photographie en atteste, légendée de la sorte dans L’Émancipation nationale : « Le grand écrivain Louis-Ferdinand Céline a assisté à la réunion du Vél’d’Hiv’. Le voici suivant avec attention l’exposé de Jacques Doriot,  “Ce  que j’ai vu  en  U.R.S.S.“ » 5 .

   Alors que Doriot a regagné le front de l’Est, Céline lui adresse une lettre qui sera publiée dans le mensuel de doctrine et de documentation du PPF, les Cahiers de l’émancipation nationale. Céline y préconise notamment l’instauration d’un parti unique, « L’Aryen Socialiste Français, avec Commissaires du Peuple, très délicats sur la doctrine, idoines et armés » 6. Un passage vilipendant l’Église ayant été caviardé, il critiquera vivement « Doriot, formel et devant témoins, [qui avait juré]  de  tout  imprimer » 7. On observera que, durant toute l’Occupation, aucune lettre de Céline n’est publié dans L’Œuvre, le quotidien de Marcel Déat.

 

   Après une permission, Doriot rejoint à nouveau le Front de l’Est en mars 1943. Occasion pour son journal Le Cri du peuple de solliciter, durant une quinzaine de jours, les réactions de personnalités, dont Céline qui, laconique,  aurait déclaré : « Je n’ai pas changé d’opinion depuis août  [en fait, septembre] 1941, lorsque Doriot est parti pour la première fois » 8.

 

   Comme on le sait, toutes les lettres que Céline adressa aux journaux de l’occupation n’ont pas été publiées. Un exemple fameux : la lettre sur la France du nord et du sud adressée de Bretagne à Je suis partout (juin 1942). Jugée impubliable par la rédaction, elle fut conservée par le secrétaire de rédaction, Henri Poulain, pour n’être exhumée qu’un demi-siècle plus tard 9.

Apparemment, une autre lettre – adressée en août 1943 à Jacques Doriot – aurait subi le même sort car elle mettait en cause des cadres du PPF. Elle n’était d’ailleurs peut-être pas destinée à la publication, celle-là, encore que Céline l’aurait remise personnellement à Doriot. Voici ce qu’en écrit Victor Barthélemy, secrétaire général du parti et familier des réunions dominicales à Montmartre  : « Un dimanche de septembre [1943], je profitai de l’occasion pour dire deux mots à Céline à propos d’une lettre qu’il avait adressée, ou plutôt portée lui-même à Doriot, après l’affaire Fossati [NDLR : cadre du PPF exclu pour avoir entamé, sans l’aval de Doriot, des négociations avec le RNP en vue de la création d’un parti unique]. Céline affirmait qu’il n’était pas étonnant que Fossati « fût un traître », car avec ce nom en i et son origine « maltaise » c’était couru d’avance… D’ailleurs  il était  urgent que Doriot se débarrasse de ces Méditerranéens douteux (toujours les noms en i ou en o) tels que Sabiani, Canobbio, etc., et aussi de ce Barthélemy, dont le patronyme commençant par « Bar » pouvait à bon droit laisser supposer des origines juives. (À l’époque, on prétendait volontiers que les préfixes Ben, Bar, Ber pouvaient constituer présomption d’origines juives.) Cette lettre, Doriot me l’avait fait lire, en riant à gorge déployée : “Ce Ferdinand, il est impayable !”, avait lancé Doriot. J’en étais, pour ma part, un peu irrité, et bien décidé à dire à Ferdinand ce que j’en pensais. Il prit lui aussi la chose en riant et l’affaire fut « noyée » comme il convenait » 10. Maurice-Ivan Sicard, autre cadre du PPF, écrira, de son côté, que « les lettres que [leur] envoyait Céline étaient délirantes, difficilement publiables » 11.

 

   Plus tard, lorsque les jeux seront faits, Céline daubera sur le jusqu’au-boutisme des ultras et fera, dans D’un  château l’autre, un portrait sans complaisance des rescapés de la collaboration échoués dans le Bade-Wurtemberg. Quand on lui reprochera d’avoir fréquenté Doriot  à  plusieurs reprises, il écrira : « Il n’était point bête et mon métier de médecin et de romancier est de connaître tout  le monde » 12.  Manière de dire que seule sa curiosité était coupable…

Marc LAUDELOUT

Notes

1. « 43 lettres à Lucien Combelle (1938-1959) » in L’Année Céline 1995, Du Lérot-Imec Éditions, 1996, pp. 68-156. Relevons que ce sentiment n’était pas réciproque :

 « Céline, cette source vivante du verbe, qui,  après des livres prophétiques et macabres, rabelaisiens et pessimistes, avait publié Les Beaux draps, ceux-là mêmes que les bien-pensants vichyssois n’auraient pas voulu qu’on lave à la fontaine, et que, justement, il fallait blanchir avant de refaire le lit de la France » (Marcel Déat, Mémoires politiques, Denoël, 1989, p. 774).  Voir aussi cette relation d’un dîner chez le docteur Auguste Bécart, ami doriotiste de Céline : «  On arrive ainsi à 8 h moins le quart. Lecourt et le Dr Bécart viennent nous prendre. Nous dînons chez celui-ci avec Céline, etc. Très intéressant. Pluie de vérités truculentes sur tout le monde. Attaques raciales contre Laval “nègre et juif”, etc. Au demeurant très sympathique. » (« Journal de guerre de Marcel Déat », note du 23 décembre 1942, Archives nationales. Extrait cité par Philippe Alméras in Les idées de Céline, Berg International, coll. « Pensée Politique et Sciences Sociales », 1992, p. 172.)

2. L’École des cadavres, Denoël, 1938, p. 257. Doriot est également évoqué pages 84 et 174. Voir aussi Bagatelles pour un massacre, Denoël, 1937, p. 310.

3. Lettre inédite à Karen Marie Jensen, 8 décembre [1941], citée par François Gibault in Céline. Délires et persécutions (1932-1944), Mercure de France, 1985, p. 288.

4. Ivan-M. Sicard, « Entretien avec Céline. Ce que l’auteur du Voyage au bout de la nuit “pense de tout ça...” », L’Émancipation nationale, 21 novembre 1943. Repris dans Cahiers Céline 7 (« Céline et l’actualité, 1933-1961 »), Gallimard, 1986, pp. 128-136.

5. Albert Laurence, « Le Meeting », L’Émancipation nationale, 7 février 1942.

6. « Lettre à Jacques Doriot », Cahiers de l’Émancipation nationale, mars 1942, repris dans Cahiers Céline 7, op. cit., pp. 155-161.

7. Lettre à Lucien Combelle, 17 mars [1942] in L’Année Céline 1995, op. cit., p. 117.

8. « Le Départ de Doriot, Céline a dit... », Le Cri du peuple de Paris, 31 mars 1943,  repris dans Cahiers Céline 7, op. cit., p. 185.

9. Louis-Ferdinand Céline, Lettres des années noires, Berg International, coll. « Faits et Représentations », 1994, pp. 29-35.

10. Victor Barthélemy, Du communisme au fascisme. L’histoire d’un engagement politique, Albin Michel, 1978, pp. 365-366.

11. Saint-Paulien, Histoire de la collaboration, L’Esprit nouveau, 1964, p. 257.

12. Lettre à Thorvald Mikkelsen, 2 juillet 1946 in Louis-Ferdinand Céline, Lettres de prison à Lucette Destouches et à Maître Mikkelsen, Gallimard, 1998, p. 257.

 

 

 

Jacques Doriot

DoriotLaFrance.jpgFormé dans les écoles du Komintern à Moscou, député communiste à 25 ans, maire de Saint-Denis à 32, Jacques Doriot fut au sein du PCF le grand rival de Maurice Thorez. Pour avoir refusé de se plier aux exigences de Staline et prôné trop tôt un rapprochement avec les socialistes, il est exclu du Parti en 1934.

Deux ans plus tard, il fonde le Parti populaire français (PPF), qui n’est pas encore un parti fasciste au sens strict du terme, mais qui le deviendra pendant l’Occupation. Rallié prudemment à la Collaboration tant qu’a subsisté l’hypothèque du pacte germano-soviétique, Doriot ne brûlera vraiment ses vaisseaux qu’en juin 1941, lorsque les divisions allemandes se lanceront à l’assaut de l’URSS. Il réclame alors la création d’une Légion des volontaires français contre le bolchevisme (LVF) et, de tous les dirigeants des grands partis collaborationnistes, il sera le seul à combattre sur le front de l’Est, à plusieurs reprises.

Alors que les Allemands se méfient de lui, il affiche désormais sa volonté de faire du PPF « un parti fasciste et totalitaire » (novembre 1942) et finit par trouver auprès des SS le soutien que lui a refusé Otto Abetz sur instruction d’Hitler. Il trouvera la mort en Allemagne, le 22 février 1945, mitraillé sans doute au hasard par des avions alliés.

Ainsi disparaissait l’une des figures les plus énigmatiques de l’histoire politique française du XXe siècle. Le livre de Jean-Claude Valla retrace le destin singulier d’un personnage dont Pierre Pucheu, qui ne l’aimait guère, a pu écrire : « À vrai dire, je n’ai pas connu dans notre génération d’homme ayant reçu à tel point du ciel des qualités d’homme d’État. »

 

Jean-Claude Valla, Doriot,  Éd. Pardès, coll. « Qui suis-je ? », 2008, 128 pages, ill. (12 €).

jeudi, 05 novembre 2009

Paganisme et nature chez Hermann Löns

loensp1.jpgPaganisme et nature chez Hermann Löns

 

Recension: Martin ANGER, Hermann Löns. Schicksal und Werk aus heutiger Sicht, G.J.Holtzmeyer Verlag, Braunschweig, 1986, 190 p., 32 ill., ISBN 3-923722-20-6.

- Thomas DUPKE, Mythos Löns. Heimat, Volk und Natur im Werk von Hermann Löns, DUV/Deutscher Universitäts-Verlag, Wiesbaden, 1993, 381 p., DM 64,

ISBN 3-8244-4140-3.

- Thomas DUPKE, Hermann Löns. Mythos und Wirklichkeit, Claasen, Hildesheim, 1994, 224 p., 20 ill., DM 38, ISBN 3-546-00086-2.

 

Dans sa thèse de doctorat sur Löns, Dupke récapitule toutes les thématiques qui font de Löns un précurseur des mouvements naturalistes allemands (Wandervögel, écologistes, adeptes de l'amour libre). La thématique de l'amour libre procède d'une volonté de sensualiser la vie, d'échapper à la rationalité bureaucratique et industrielle. Amour libre et sentiment de la nature vont de paire et s'opposent à la Ville, réceptacle de toutes les laideurs. Löns fuit dans un espace sans société, où les règles de l'urbanité n'ont pas de place.

 

Le rapport paganisme/christianisme transparaît clairement: les paysans de la Lande de Lünebourg sont certes devenus de “bons chrétiens”, mais en surface seulement; dans leur intériorité, ils sont restés les mêmes, “ils secouent les liens que leur avait imposés la religion des chrétiens”. Mais, chez Löns, qui n'est pas à proprement parler un auteur néo-païen Dieu n'est pas remis en question, mais, face aux marodeurs qui écument la région, il devient, pour les paysans armés (les Wehrwölfe) un Dieu de la vengeance, comme dans l'Ancien Testament, mais aussi comme dans l'idéal païen-germanique de la Feme. Löns expose un conglomérat païen et vétéro-testamentaire, où il n'y a aucune séparation nette entre les deux héritages.

 

Pour Löns, le paysan de la Lande est un être éternel, sans histoire, inamovible face aux changements: il est l'Urtyp (le type originel) de l'“être du Volk”. Le paysan selon Löns est l'idéal d'un homme de communauté qui sélectionne sans état d'âme les plus forts, pour que survive sa communauté, matrice du peuple. L'idée dérive du projet eugéniste d'Otto Ammon, cherchant à préserver et à valoriser les classes rurales dans l'Allemagne en voie d'industrialisation et d'urbanisation. Cet idéal dérive également, constate Dupke, d'une triple lecture de Nietzsche, Lagarde et Langbehn. De Nietzsche, Löns a retenu les tirades contre les “Philistins”, imbus de leur “culture”. De Lagarde, l'idée d'une renaissance germanique, d'un retour aux valeurs originelles de la Germanie et des rites païens, capables de fortifier un christianisme régénéré et germanisé (Lagarde n'est pas païen!). De Langbehn, l'idée du paysan comme “meilleur Allemand”, par sa simplicité, sa frugalité et sa forte capacité d'intuition.

 

Le contexte dans lequel évolue Löns, qui est celui de toute la contestation allemande de 1890 à 1914, débouche sur deux perspectives pratiques: l'Heimatkunstbewegung (= le mouvement de l'art du terroir) et sur la fondation de “parcs naturels”. Le 30 mars 1898, le parlement prussien vote une mention préconisant la création de réserves naturelles sur le modèle de la loi américaine de 1872 (pour le “Yellowstone Park”). Löns a soutenu cette initiative, avec le botaniste Hugo Conwentz, mais était sceptique; les parcs ne deviendront-ils pas zones récréatives pour citadins, les dimanches ensoleillés? Pour Löns, la protection de la nature et du patrimoine rural ne devait pas se limiter à ces parcs, mais être généralisée à tout le pays, en tous domaines (Robert Steuckers).

mercredi, 04 novembre 2009

Trece poetas argentinos y un homenaje a Ezra Pound

Trece poetas argentinos y un homenaje a Ezra Pound

“ARGENTARIUM”, UNA ANTOLOGIA BILINGÜE DE LOS POEMAS CORTOS DEL ESCRITOR

En 1885, en una cabaña de Idaho, en la norteamerica profunda, nacía un bebé de nombre Ezra y de apellido Pound. A poco de crecer, Ezra fue expulsado por conductas indecorosas como ayudante universitario, emigró a Europa y desde allí fue el padre maldito de la poesía norteamericana contemporánea, promotor e influjo de las vanguardias literarias en el mundo. Hoy el sello Ediciones en Danza le rinde tributo con “Argentarium”.

El título corresponde a un libro bilingüe que, bajo la mirada atenta del poeta Jorge Aulicino, reúne las traducciones que 13 poetas argentinos de distintas generaciones hicieron sobre la obra de Pound a lo largo del último siglo. Desde la versión que en 1946 Rodolfo Wilcock publicó sobre La Primavera, hasta los recientes trabajos de Ezequiel Zaidenwerg. Los créditos de las traducciones no están debajo de cada uno de los 47 poemas incluidos, sino al terminar el libro. El fin buscado es el de exaltar la obra poética y poner en segundo plano la intervención de los traductores.

Esta decisión produce un segundo efecto, curioso. Porque si, efectivamente, una voz homogénea parece recorrer los textos, hay una segunda voz que, si bien prudente, por momentos emerge del Pound universal: es la voz de un Pound rioplatense.


A pesar de su presencia intermitente, el uso del voceo, la incorporación de términos coloquiales o locales como “chicos” en vez de “niños”, y hasta la decisión que Aulicino toma al elegir -con todo lo que connota en estas tierras- la palabra “asado” para referirse a la carne asada al horno en el poema Versos gnómicos, son rasgos que diferencian a “Argentarium” de cualquier otra antología del poeta en lengua castellana. Decisiones que, cuando se toman, armonizan con la idea que el propio Pound tenía de la traducción: traducir lenguas, épocas, situaciones culturales, generar textos autónomos respecto de los originales e, incluso, a veces, rubricarlos con la firma del traductor.

Cuenta Javier Cófreces, poeta y director de Ediciones en Danza, que hacía más de 20 años que no se publicaban libros con traducciones argentinas de Pound. La decisión de “Argentarium” es, en cierto modo, una toma de posición en el campo intelectual.

Pound es un padre incómodo para la literatura norteamericana y para la poesía contemporánea en general. “Está claro que su genio y figura resultan más conocidos por los escándalos políticos, que por la lectura profunda y minuciosa de su obra” opina Cófreces.

“Argentarium” comienza con las traducciones que ya habían sido publicadas. Son los trabajos de Alfredo Weiss, Rodolfo Wilcock, Carlos Viola Soto, Marcelo Covian, E.L. Revol, Jorge Perednik y Gerardo Gambolini.

A continuación aparecen las traducciones inéditas hasta el momento. Son las de Jorge Aulicino, Jorge Fondebrider, Javier Cófreces-Matías Mercuri, Jonio González, Ezequiel Zaidenwerg y Silvia Camerotto.

En uno y otro caso, la mitad de los poemas elegidos por traductores y poetas, corresponden a “Lustra”, un libro en que Pound experimenta cabalmente con la utilización del verso libre. Una práctica que marcó a fuego los últimos cien años de poesía.

Gabriel Reches

Extraído de Clarín.

~ por LaBanderaNegra en Octubre 22, 2009.

lundi, 02 novembre 2009

Statthalter des Geheime Deutschlands

StefanGeorge.jpgJanuar 2004

 

Statthalter des Geheimen Deutschlands

Mit Stefan George verschied vor 70 Jahren eine elitäre Jahrhundertpersönlichkeit der deutschen Dichtung

 

In der Person Stefan Georges (1868-1933) erwuchs zuerst dem literarischen Naturalismus, der sich dem Häßlichen und Gewöhnlichen zuwandte, und dann der modernen Massendemokratie ein Kritiker von unerbittlicher Strenge. Georges Kontrastprogramm zielte in gemeißelter Sprache auf eine Vergöttlichung der Kunst und die Überwindung des liberalkapitalistischen Dekadenzsystems durch die Vision eines Geistesadels und eines mythenumrankten neuen Reiches. Bis heute hat der George-Kreis und dessen Kraftquell des Geheimen Deutschlands nichts von seiner Faszinationskraft eingebüßt.

Als Ausdruck der europäischen Zeitkrise hatte sich im letzten Drittel des 19. Jahrhunderts der Naturalismus zu einer machtvollen Kunstströmung entwickelt. Mit der drastischen Wiedergabe des Lebens und seiner Spannungen und Schattenseiten verbanden viele Naturalisten eine Anklage der Verhältnisse im Zeitalter der Hochindustrialisierung. Aus dem Widerwillen gegen die Elendsschilderungen des Naturalismus mit ihrer gewollt glanzlosen und alltagsnahen Sprache erwuchs die Gegenbewegung der Symbolisten und Neuromantiker. Ein neues Kunstwollen in Sprache und Motivik sollte die Alltagsniedrigkeit hinter sich lassen und in einer symbolhaltigen Sakralsprache die Ehre der Kunst und der Kultur wiederherstellen.

 

Anreger Nietzsche

 

Bedeutender Anreger der Symbolisten und Neuromantiker war kein Geringerer als Friedrich Nietzsche (1844-1900). Mit seinem Hauptwerk »Also sprach Zarathustra« (1883/84) schlug der Künder des Übermenschen seine Zeitgenossen in den Bann. Auch der junge Stefan George ließ sich von der religiös-erhabenen, kunstvoll durchformten Dichtersprache gefangennehmen. Über das Ästhetische hinaus faszinierten der seherische Gestus und die Ankündigung einer Zeitenwende, in der ein neuer Adel über die »letzten Menschen« triumphieren und den Nihilismus zu Grabe tragen werde. Als Nietzscheaner griff George zum Federkiel und sollte als weihevoller Sprach- und Ideenschöpfer selber einmal einen stattlichen Kreis von Jüngern um sich sammeln.

In Büdesheim bei Bingen wurde George am 12. Juli 1868 geboren. Mit 18 Jahren begann der Sohn eines Weinbauern mit dem Dichten, das sich noch weitgehend im Kosmos jugendlicher Gefühle bewegte; auffällig ist allenfalls die häufige Beschwörung von Dunkelheit und Vergänglichkeit. Gesichtsausdruck und Gebaren hatten bereits in den jungen Jahren etwas Melancholisches, Kühles und Erstarrtes, zu dem dann mit zunehmendem Alter das Abweisende und Imperatorische hinzutrat.

In betonter Abschottung vom verachteten Gesellschaftstreiben setzte George seine Dichtung ins Werk. Der deutschen Sprache sollte Würde, Glanz und Zucht wiedergegeben werden. Die Zeilen prunken mit einer feierlichen, mythischen und dräuenden Stimmung. Streng geformte Verse, bisweilen schimmernd wie schwarze Perlen, wurden durch eine eigene Rechtschreibung und Zeichensetzung mit der Aura des Exklusiven versehen.

Der Rheinhesse verachtete den Markt und dessen Reklamehaftigkeit und Nutzendenken; seine hochgezüchtete Lyrik, die bisweilen übertrieben und gekünstelt wirkt, sollte deshalb auch einem schnellen Kunstkonsum und billiger Marktgängigkeit entgegenwirken. Ganz Symbolist, Sinnbilder (Symbole) zur Errichtung einer autonomen Welt der Schönheit und Reinheit zu verwenden, baute er am Tempel einer zweckfreien Kunst. Für sich selbst sah er die Aufgabe als Tempelwächter, ja als Tempelherr. Später, nach seiner Hinwendung zu einem neuen Reich als Dach einer veredelten deutschen Gemeinschaft, umschrieb er seinen Sendungsauftrag mit den Worten: »Ich bin gesandt mit Fackeln und mit Stahl, daß ich euch härte.«

Nach dem Abschluß der Schule 1888 bereiste George als unruhiger Schönheitssucher Europa, erlernte Sprachen und unternahm weitere Bildungsanstrengungen. Mit den »Hymnen«, den »Pilgerfahrten« und dem Ludwig II. geweihten »Algabal« erschienen die ersten Gedichtbände. Als Forum für einzelne Dichtungen dienten die »Blätter für die Kunst«. In der zweiten Hälfte der neunziger Jahre hatte sich der Dichter bereits größere Anerkennung erworben und einen Kreis von Freunden und Bewunderern um sich versammelt.

Mit der Zeit entwickelte sich aus dem losen Gesinnungskreis um die »Blätter für die Kunst« der George-Kreis als strenge und hierarchische Gemeinschaft. George fungierte als unangefochtener dichterischer Meister, geistiger Ideenformer und sozialer Gesetzgeber. Noch heute widmen Literaturwissenschaftler, Historiker und Sozialpsychologen dem Faszinosum des George-Kreises Aufsätze und Bücher. Um den Meister als Zentralinstanz dieses »Staates« sammelten sich Jünger, von denen einige Spuren in der Geistesgeschichte hinterließen, so Max Kommerell, Friedrich Gundolf, Ernst Kantorowicz und Claus von Stauffenberg. Der Versuch Georges, den Symbolisten Hugo von Hofmannsthal und den Lebensphilosophen Ludwig Klages in sein Herrschaftsgebilde einzubinden, scheiterten, wie generell die eigentümlichen Sozialbeziehungen des Kreises höchst zerbrechlich waren. Hinzu kamen bizarre Blüten wie der Göttlichkeitskult, den George um den Knaben Max (»Maximin«) Kronberger veranstaltete, und skurrile Maskenfeste, die den Verdacht eines homoerotischen Männerbundes nährten.

 

Geheimes Deutschland

 

Tragende Idee des George-Kreises war das Geheime Deutschland, ein Mythos, der in der Herrlichkeit und geistigen Strahlkraft des staufischen Kaisertums Friedrich Barbarossas und Friedrichs II. seinen Wurzelgrund hat und von Hölderlin verschlüsselt in die Dichtung eingeführt wurde. Im November 1933 sprach der Georgianer Ernst Kantorowicz in einer Vorlesung vom Geheimen Deutschland als dem teutonischen Olymp, dem ewigen deutschen Geisterreich:

»Es ist die geheime Gemeinschaft der Dichter und Weisen, der Helden und Heiligen, der Opferer und Opfer, welche Deutschland hervorgebracht hat und die Deutschland sich dargebracht haben. (…) Es ist ein Seelenreich, in welchem immerdar die gleichen deutschesten Kaiser eigensten Ranges und eigenster Artung herrschen und thronen, unter deren Zepter sich zwar noch niemals die ganze Nation aus innerster Inbrunst gebeugt hat, deren Herrentum aber dennoch immerwährend und ewig ist und in tiefster Verborgenheit gegen das jeweilige Außen lebt und dadurch für das ewige Deutschland.«

Das Geheime Deutschland ist danach zugleich ein Reich von dieser und nicht von dieser Welt, ein Reich der Toten und Lebenden. Eine solch metaphysische Reichsidee wies eine natürliche Distanz zu den politischen Realitäten mit ihrem schnöden Tagesgeschäft auf. Den Kriegsausbruch 1914 wertete deshalb auch George als reinigendes Gewitter, das in eine morsche Zivilisation fahre und einem gehärteten Menschenschlag aus überlegenem Geist das Feld bereite. Im dritten Buch des »Stern des Bundes« von 1914 entwirft George das Bild eines Adels, der vom überlebten Blutadel strikt abgegrenzt wird: »Neuen adel den ihr suchet/ Führt nicht her von schild und krone!/ Aller stufen halter tragen/ Gleich den feilen blick der sinne/ Gleich den rohen blick der spähe…/ Stammlos wachsen im gewühle/ Seltne sprossen eigenen ranges/ Und ihr kennt die mitgeburten/ An der Augen wahrer Glut.«

George verstand sich als »Dichter in Zeiten der Wirren«, der von seinem Schwabinger Hochsitz den Weimarer Demokratismus voller Verachtung anprangerte und durch die Rangordnung eines führergeleiteten neuen Reiches ersetzt sehen wollte. Voll Gegenwartshaß und in raunendem Prophetenton erklingt diese Vision in dem bekannten Gedicht, das er dem Andenken des Grafen Bernhard Uxkull widmete.

Das Dritte Reich Adolf Hitlers erfüllte die hohen Erwartungen des elitären Dichters aber nicht und löste Distanzreaktionen aus. Zu seinem Geburtstag am 12. Juli 1933 gratulierte Joseph Goebbels dessen ungeachtet in einem Telegramm: »Dem Dichter und Seher, dem Meister des Wortes, dem guten Deutschen zum 65. Geburtstag ergebenste Grüße und Glückwünsche.« Kurz darauf fuhr George in die Schweiz, wo er seit Jahren die Wintermonate verbrachte und im Dezember 1933 verstarb.

Kurz darauf hielt der Expressionist Gottfried Benn eine Rede, in der er den verstorbenen Dichterherrscher als das »großartigste Durchkreuzungs- und Ausstrahlungsphänomen« der deutschen Geistesgeschichte feierte. Der Laudator, der seinen elitären Ordnungswillen von der Kunst auf die Politik übertragen hatte und so zum Faschisten geworden war, destillierte die beiden Begriffe heraus, die wie keine sonst das Wesen von Georges »imperativer Kunst« erfassen: »Form und Zucht«. Dem Geist der neuen Zeit entsprechend, die demokratische Formlosigkeit durch Form, libertäre Anarchie durch Ordnung ersetzte, würdigte Benn das Formgefühl Georges aus dem Geist des Griechentums und Friedrich Nietzsches: »Form, das ist für weite Kreise Dekadenz, Ermüdung, substantielles Nachlassen, Leerlauf, für George ist es Sieg, Herrschaft, Idealismus, Glaube. Für weite Kreise tritt die Form ,hinzu‘, ein gehaltvolles Kunstwerk und nun ,auch noch eine schöne Form‘; für George gilt: die Form ist Schöpfung; Prinzip, Voraussetzung, tiefstes Wesen der Schöpfung; Form schafft Schöpfung.«

 

Jürgen W. Gansel

samedi, 31 octobre 2009

Dominique de Roux et L.-F. Céline

derouxceline2.jpgDominique de Roux et L.-F. Céline

Textes parus dans "Le Bulletin célinien", n°286, mai 2007

 

 

Passionnante correspondance que  celle de  Dominique de Roux.  Les lettres du début des  années  soixante  intéresseront  particulièrement les lecteurs de ce Bulletin.  On y voit  un  jeune homme  de vingt-sept ans préparer activement un monument qui éblouira plusieurs générations de céliniens.  Comme l’écrit Jean-Luc Barré, l’éditeur de cette correspondance, « Dominique de Roux prend conscience de l’ostracisme qui pèse, depuis la fin de la guerre,  sur  une  génération de poètes et d’écrivains frappés d’interdit en raison de leurs prises de position politiques, nonobstant le génie de quelques-uns dont Céline. Cette prise de conscience sera à l’origine, en 1961, de la création des Cahiers de l’Herne, précisément conçus pour réhabiliter ou faire mieux connaître l’œuvre des “grands réprouvés” de la création contemporaine, française et étrangère. » 

 

   Quelques mois avant la mort de Céline, en mars 1961, Dominique de Roux songe à lui écrire afin de solliciter son témoignage sur Bernanos auquel sera consacré le deuxième « Cahier de l’Herne » (le premier fut centré sur René-Guy Cadou). Le 10 juillet, il écrit à Robert Vallery-Radot : « Je devais aller le voir pour notre Cahier Bernanos, saisir une interview sur votre ami. C’est à Bernanos mort qu’on a demandé un témoignage sur le Céline enterré. Le Figaro a ressorti un article qui traite du Voyage au bout de la nuit»

Comment ne pas rêver à cette rencontre Céline – de Roux ¹ et regretter que le premier n’ait pas pu prendre connaissance de cette somme à lui consacrée ?

   Pour ce cahier, il rencontre, au début de l’année suivante, Lucien Rebatet qui lui donnera un intéressant témoignage : « L’homme m’a reçu très gentiment, avec une gentillesse dont je ne doutais pas ; mais vous le connaissez, petit, nerveux, robuste, avec des muscles longs, des muscles sur les mains, une tête carrée, des yeux vifs, une voix grave, de la gorge, un peu capitaine de la marine en bois, s’exclamant, riant, s’enquérant tour à tour, violent parfois et avide de se renseigner. (…) Ce que je regrette le plus en cet homme courageux dont le premier abord m’a pris, c’est son esprit antisémite, toujours, et  une certaine méchanceté encore, qui fait des Décombres un livre insupportable malgré des pages magnifiques et un chapitre sur Maurras, Pujot, l’A. F. de la rue du Boccador qui est un portrait d’anthologie. » Et de conclure le portrait par cette formule tranchante comme un couperet : « Rebatet, c’est Robespierre ».

   En août, on le voit travaillant à ce numéro qui sortira de presse au début de l’année suivante : « J’émerge de plusieurs semaines de travail consacrés entièrement à Céline. Je n’ai pas levé les yeux de kilos de documents : revues, coupures de presse, etc.,  les classant, les relevant en une bibliographie précise. J’ai remonté de la nuit à l’aurore. Quel poète énorme, quel lyrisme ! Quelle pitié ! »

   derouxceline3.jpgEn octobre, il rencontre deux autres témoins importants : Marcel Brochard, qui lui fera des confidences (dont certaines absentes de son témoignage), et Évelyne Pollet qui vint le voir à Paris : « Céline disait : une ville pour moi est une femme. Étreintes rapides dans les hôtels du bord de l’Escaut, détails croustillants (il faisait vite et une fois lavé interdisait qu’on lui parle amour). Évelyne, cinquante-cinq ans, belle encore, haute stature flamande, blonde, yeux bleus, de beaux restes, pleure sur son amant. »

   Bien entendu, Dominique de Roux se rendit à plusieurs reprises à Meudon : « Cet après-midi, le jour tombant, je l’ai passé assis sur des nattes dans le bureau de Céline à Meudon, sa femme Lucette si fine, si aérienne, si gracieuse, parlant de Louis, de Saint-Malo… »

Portrait sensible qui ne sera pas payé de retour : Lucette le qualifia de « brillant avorton, visqueux à force d’être brillant », lui reconnaissant tout de même une « belle énergie littéraire » ² — et pour cause.

   Alors que ce premier cahier de l’Herne consacré à Céline est sorti de presse, il songe déjà à « un livre (…) qui ne serait pas une vie de Céline, mais comme Bernanos a écrit sa vie de Drumont. ». En juin 1965, il est aux prises avec cet ouvrage : « Cela m’épuise. L’écriture est comme l’amour fou, une obsession, un penchant morbide et l’effort m’éreinte. »

On regrette évidemment que, dans cette correspondance choisie, il n’y ait aucun écho de la réception critique tumultueuse de son livre La mort de L.-F. Céline et notamment de la polémique avec l’équipe de Tel Quel. Il faut surtout regretter que l’éditeur de cette correspondance n’ait pas pris contact avec Marc Hanrez, autre pionnier célinien, auquel Dominique de Roux adressa une centaine de lettres dont, on s’en doute, beaucoup concernent précisément Céline.

 

Marc LAUDELOUT

 

1. Elle eut lieu néanmoins (voir ci-contre).

2. Marc-Édouard Nabe, Lucette, Gallimard, 1995, pp. 66-67.

 

 

 

Chronologie de Roux / Céline

Janvier 1963.  Parution  du premier numéro des  Cahiers de l’Herne consacré à Céline. Grand succès. Dominique de Roux y annonce la création d’une « Société des Amis de Céline ». Le siège de la société est fixé à Meudon, route des Gardes. Cette association, dont l’un des buts était de réunir de la documentation sur Céline, eut une existence éphémère, d’autant qu’elle fut rapidement désavouée par Lucette Destouches. « J’ai trop fréquenté un moment les “amis” de Céline pour vous dire qu’une telle association était impossible, tant les querelles, mesquineries, jalousies éclatent et fusent sans cesse. Madame Destouches n’avait fait que jeter de l’huile sur ce feu tremblant. Alors à quoi bon ? Mieux vaut continuer de défendre sa mémoire et son œuvre en en parlant, en écrivant sur Céline et nous retrouver comme aujourd’hui amis, grâce à l’auteur du Voyage » (lettre de Dominique de Roux à Edmond Gaudin, 1968).

 

deroux.jpgMars 1962 : Dominique de Roux souhaite la réédition de Bagatelles pour un massacre. Refus en mai de Gallimard. « Je le trouve révulsé. Il me montre une lettre qui vient de lui arriver de la maison Gallimard, en réponse au vœu qu’il exprimait de savoir, avant Cahier, si seraient rééditées Bagatelles pour un massacre. Non, lui dit-on, en aucune façon il ne sera procédé à cette réédition, ni dans l’immédiat ni dans un futur volume de Céline en Pléiade. C’est définitif. Paulhan bien d’accord là-dessus lui aussi. Dominique de Roux râle, frappe la lettre de son coupe-papier, conchie  les lâchetés éditoriales ! »  (Christian Dedet,  Sacrée  jeunesse,  op.  cit., p. 385). Deux ans plus tard, le projet d’une « anthologie » des pamphlets de Céline, par les éditions de L’Herne, ne sera pas davantage couronné de succès.

 

Mars 1965. Second numéro spécial des Cahiers de l’Herne consacrés à Céline.

 

Hiver 1966 : Parution de La mort de L.-F. Céline aux éditions Christian Bourgois. Violente polémique  entre  Dominique de Roux et  la revue Tel quel,  dirigée par Philippe Sollers, suivie d’un non moins violent réquisitoire de Jean-Pierre Faye dans Le Nouvel Observateur. Le livre obtient le « Prix Combat » au début de l’année suivante.

 

Mars 1968 : Première réédition (partielle) des « Cahiers de l’Herne » sur Céline en format de poche (Éd. Pierre Belfond). La seconde paraîtra en 1987 (Le Livre de poche).

 

Avril 1969 : Participation de Dominique de Roux à l’émission « Bibliothèque de poche » de Michel Polac consacrée à Céline. Déprogrammée, cette émission sera finalement diffusée en deux parties, les 2 et 18 mai, sur la 2ème chaîne de la télévision française.

 

1972 : Réédition en un volume, sans l’iconographie mais avec la bibliographie mise à jour, des deux Cahiers de l’Herne.

 

Mars 1997 : La revue Exil (H) publie un numéro spécial « Dominique de Roux / Louis-Ferdinand Céline » sous la direction de Pascal Sigoda.

vendredi, 30 octobre 2009

Les "Ailleurs" d'Henri Michaux

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Les Ailleurs d'Henri Michaux

 

Sous le titre Les Ailleurs d'Henri Michaux, la revue belge Sources  a publié les actes d'un colloque consacré au grand poète à Namur en 1995. Des nombreuses interventions, nous citerons un passage de Sylviane Gora; intitulée «Henri Michaux: sur la Voie orientale»: «Ce par quoi Michaux va être fasciné, d'une manière indiscutable, est cette possibilité pour un Oriental d'accepter et d'assumer tout sentiment d'incomplétude de soi. Michaux se détourne de la civilisation judéo-chrétienne dans laquelle il se sent si mal, s'expatrie au moins le temps d'un voyage, s'exile vers des pays autres, pays différents qui ne considèrent pas forcément la Raison comme une faculté universelle, qui font voler en éclats le principe d'identité et d'unité du sujet. L'Occidental décentré va trouver une autre orientation en Orient. Plusieurs principes spirituels ou principes philosophiques vont, dans une certaine mesure, le fasciner ou le séduire. Mais ces éléments vont ou non se couler subtilement dans son œuvre littéraire et picturale pour former ce fameux “alliage” dont parlait René Bertelé. Mais au fait, de quel Orient s' agit-il, de quelle religion en l'occurrence: le bouddhisme chinois ou tibétain, le taoïsme, le shintoïsme, etc.? De quelle peinture orientale s'agit-il? Ne risque-t-on pas de ressasser de belles généralités en tentant de la sorte de pointer du doigt tel ou tel aspect typiquement oriental chez Michaux? Ceci est beaucoup plus qu'une précaution oratoire. A mes yeux, le piège est réel. La seule manière de s'en sortir est de signaler, çà et là, et dans les limites de cette étude, d'étranges et de troublants accords entre cet Occidental par force et cet Orient à la fois réel et mythique. Ce que l'on peut dire, sans trop se tromper je crois, c'est que Michaux a été fasciné par l'art oriental (la peinture et la musique) ainsi que par la religion orientale, en particulier par la pensée hindoue en raison de son caractère foncièrement prométhéen. Dans sa longue quête de la connaissance, Michaux a été attiré par cette manière dont les Hindous considèrent la perte. Il constate en lui cette béance ontologique qui, dans le cadre européen, est perçue comme une faiblesse difficilement réparable. Il va être étonné par le renversement de perspective qu'opèrent les Orientaux dans ce domaine. Lui, le dépouillé, le pauvre hère, le désorienté va considérer la souffrance et le dépouillement de l'être comme des éléments nécessaires, vitaux, révélateurs de la condition humaine, en premier lieu parce que ces éléments donnent à l'être une conscience corporelle. François Trotet, dans «Henri Michaux ou la sagesse du vide», démontre combien la souffrance, notion centrale dans le bouddhisme, à la fois physique et intérieure chez le poète, est utile car elle permet à l'être d'acquérir une conscience corporelle dégagée de tout dualisme». A signaler aussi les bons textes de Jean-Luc Steinmetz («Le démon de Henri Michaux») et de Madeleine Fondo-Valette («Michaux lecteur des mystiques») (J. de BUSSAC).

 

Les ailleurs de Henri Michaux, Sources, Maison de la Poésie, (rue Fumal 28, B-5000 Namur),1996, 250 pages, 100 FF.

vendredi, 23 octobre 2009

Gabriele d'Annunzio: "Entre la lumière d'Homère et l'ombre de Dante"

GabrieleD_Annunzio.jpgGabriele D’Annunzio :« Entre la lumière d’Homère et l’ombre de Dante »

« En quelque sorte, un dialogue d'esprit, une provocation, un appel... »

Friedrich Nietzsche

Ex: http://scorpionwind.hautetfort.com/

Né en 1863, à Pescara, sur les rivages de l'Adriatique, D'Annunzio sera le plus glorieux des jeunes poètes de son temps. Son premier recueil paraît en 1878, inspiré des Odes Barbares de Carducci. Dans L'Enfant de volupté, son premier roman, qu'il publie à l'âge de vingt-quatre ans, l'audace immoraliste affirme le principe d'une guerre sans merci à la médiocrité. Chantre des ardeurs des sens et de l'Intellect, D'Annunzio entre dans la voie royale de l'Art dont l'ambition est de fonder une civilisation neuve et infiniment ancienne.

Le paradoxe n'est qu'apparent. Ce qui échappe à la logique aristotélicienne rejoint une logique nietzschéenne, toute flamboyante du heurt des contraires. Si l'on discerne les influences de Huysmans, de Baudelaire, de Gautier, de Flaubert ou de Maeterlinck, il n'en faut pas moins lire les romans, tels que Triomphe de la Mort ou Le Feu, comme de vibrants hommages au pressentiment nietzschéen du Surhomme.

Il n'est point rare que les toutes premières influences d'un auteur témoignent d'une compréhension plus profonde que les savants travaux qui s'ensuivent. Le premier livre consacré à Nietzsche (celui de Daniel Halévy publié en 1909 ) est aussi celui qui d'emblée évite les mésinterprétations où s'embrouilleront des générations de commentateurs. L'écrivain D'Annunzio, à l'instar d'Oscar Wilde ou de Hugues Rebell, demeurera plus proche de la pensée de Nietzsche,- alors même qu'il ignore certains aspects de l'œuvre,- que beaucoup de spécialistes, précisément car il inscrit l'œuvre dans sa propre destinée poétique au lieu d'en faire un objet d'études méthodiques.

On mesure mal à quel point la rigueur méthodique nuit à l'exactitude de la pensée. Le rigorisme du système explicatif dont usent les universitaires obscurcit leur entendement aux nuances plus subtiles, aux éclats brefs, aux beaux silences. « Les grandes idées viennent sur des pattes de colombe » écrivait Nietzsche qui recommandait aussi à son ami Peter Gast un art de lire bien oublié des adeptes des « méthodes critiques »: « Lorsque l'exemplaire d'Aurores vous arrivera en mains, allez avec celui-ci au Lido, lisez le comme un tout et essayez de vous en faire un tout, c'est-à-dire un état passionnel ».

L'influence de Nietzsche sur D'Annunzio, pour n'être pas d'ordre scolaire ou scolastique, n'en est pas pour autant superficielle. D'Annunzio ne cherche point à conformer son point de vue à celui de Nietzsche sur telle ou telle question d'historiographie philosophique, il s'exalte, plus simplement, d'une rencontre. D'Annunzio est « nietzschéen » comme le sera plus tard Zorba le Grec. Par les amours glorieuses, les combats, les défis de toutes sortes, D'annunzio poursuit le Songe ensoleillé d'une invitation au voyage victorieuse de la mélancolie baudelairienne.

L'enlèvement de la jeune duchesse de Gallese, que D'Annunzio épouse en 1883 est du même excellent aloi que les pièces de l'Intermezzo di Rime, qui font scandale auprès des bien-pensants. L'œuvre entière de D'Annunzio, si vaste, si généreuse, sera d'ailleurs frappée d'un interdit épiscopal dont la moderne suspicion, laïque et progressiste est l'exacte continuatrice. Peu importe qu'ils puisent leurs prétextes dans le Dogme ou dans le « Sens de l'Histoire », les clercs demeurent inépuisablement moralisateurs.

Au-delà des polémiques de circonstance, nous lisons aujourd'hui l'œuvre de D'Annunzio comme un rituel magique, d'inspiration présocratique, destiné à éveiller de son immobilité dormante cette âme odysséenne, principe de la spiritualité européenne en ses aventures et créations. La vie et l'œuvre, disions-nous, obéissent à la même logique nietzschéenne,- au sens ou la logique, désentravée de ses applications subalternes, redevient épreuve du Logos, conquête d'une souveraineté intérieure et non plus soumission au rationalisme. Par l'alternance des formes brèves et de l'ampleur musicale du chant, Nietzsche déjouait l'emprise que la pensée systématique tend à exercer sur l'Intellect.

De même, D'Annunzio, en alternant formes théâtrales, romanesques et poétiques, en multipliant les modes de réalisation d'une poésie qui est , selon le mot de Rimbaud, « en avant de l'action » va déjouer les complots de l'appesantissement et du consentement aux formes inférieures du destin, que l'on nomme habitude ou résignation.

Ce que D'Annunzio refuse dans la pensée systématique, ce n'est point tant la volonté de puissance qu'elle manifeste que le déterminisme auquel elle nous soumet. Alors qu'une certaine morale « chrétienne » - ou prétendue telle - n'en finit plus de donner des lettres de noblesse à ce qui, en nous, consent à la pesanteur, la morale d’annunzienne incite aux ruptures, aux arrachements, aux audaces qui nous sauveront de la déréliction et de l'oubli. Le déterminisme est un nihilisme. La « liberté » qu'il nous confère est, selon le mot de Bloy « celle du chien mort coulant au fil du fleuve ».

Cette façon d’annunzienne de faire sienne la démarche de Nietzsche par une méditation sur le dépassement du nihilisme apparaît rétrospectivement comme infiniment plus féconde que l'étude, à laquelle les universitaires français nous ont habitués, de « l'anti-platonisme » nietzschéen,- lequel se réduit, en l'occurrence, à n'être que le faire valoir théorique d'une sorte de matérialisme darwiniste, comble de cette superstition « scientifique » que l'œuvre de Nietzsche précisément récuse: « Ce qui me surprend le plus lorsque je passe en revue les grandes destinées de l'humanité, c'est d'avoir toujours sous les yeux le contraire de ce que voient ou veulent voir aujourd'hui Darwin et son école. Eux constatent la sélection en faveur des êtres plus forts et mieux venus, le progrès de l'espèce. Mais c'est précisément le contraire qui saute aux yeux: la suppression des cas heureux, l'inutilité des types mieux venus, la domination inévitable des types moyens et même de ceux qui sont au-dessous de la moyenne... Les plus forts et les plus heureux sont faibles lorsqu'ils ont contre eux les instincts de troupeaux organisés, la pusallinimité des faibles et le grand nombre. »

Le Surhomme que D'Annunzio exalte n'est pas davantage l'aboutissement d'une évolution que le fruit ultime d'un déterminisme heureux. Il est l'exception magnifique à la loi de l'espèce. Les héros du Triomphe de la Mort ou du Feu sont des exceptions magnifiques. Hommes différenciés, selon le mot d'Evola, la vie leur est plus difficile, plus intense et plus inquiétante qu'elle ne l'est au médiocre. Le héros et le poète luttent contre ce qui est, par nature, plus fort qu'eux. Leur art instaure une légitimité nouvelle contre les prodigieuses forces adverses de l'état de fait. Le héros est celui qui comprend l'état de fait sans y consentir. Son bonheur est dans son dessein. Cette puissance créatrice,- qui est une ivresse,- s'oppose aux instincts du troupeau, à la morale de l'homme bénin et utile.

Les livres de D'Annunzio sont l'éloge des hautes flammes des ivresses. D'Annunzio s'enivre de désir, de vitesse, de musique et de courage car l'ivresse est la seule arme dont nous disposions contre le nihilisme. Le mouvement tournoyant de la phrase évoque la solennité, les lumières de Venise la nuit, l'échange d'un regard ou la vitesse physique du pilote d'une machine (encore parée, alors, des prestiges mythologiques de la nouveauté). Ce qui, aux natures bénignes, paraît outrance devient juste accord si l'on se hausse à ces autres états de conscience qui furent de tous temps la principale source d'inspiration des poètes. Filles de Zeus et de Mnémosyne, c'est-à-dire du Feu et de la Mémoire, les Muses Héliconiennes, amies d'Hésiode, éveillent en nous le ressouvenir de la race d'or dont les pensées s'approfondissent dans les transparences pures de l'Ether !

« Veut-on, écrit Nietzsche, la preuve la plus éclatante qui démontre jusqu'où va la force transfiguratrice de l'ivresse ?- L'amour fournit cette preuve, ce qu'on appelle l'amour dans tous les langages, dans tous les silences du monde. L'ivresse s'accommode de la réalité à tel point que dans la conscience de celui qui aime la cause est effacée et que quelque chose d'autre semble se trouver à la place de celle-ci,- un scintillement et un éclat de tous les miroirs magiques de Circé... »

Cette persistante mémoire du monde grec, à travers les œuvres de Nietzsche et de D'Annunzio nous donne l'idée de cette connaissance enivrée que fut, peut-être, la toute première herméneutique homérique dont les œuvres hélas disparurent avec la bibliothèque d'Alexandrie. L'Ame est tout ce qui nous importe. Mais est-elle l'otage de quelque réglementation morale édictée par des envieux ou bien le pressentiment d'un accord profond avec l'Ame du monde ? « Il s'entend, écrit Nietzsche, que seuls les hommes les plus rares et les mieux venus arrivent aux joies humaines les plus hautes et les plus altières, alors que l'existence célèbre sa propre transfiguration: et cela aussi seulement après que leurs ancêtres ont mené une longue vie préparatoire en vue de ce but qu'ils ignoraient même. Alors une richesse débordante de forces multiples, et la puissance la plus agile d'une volonté libre et d'un crédit souverains habitent affectueusement chez un même homme; l'esprit se sent alors à l'aise et chez lui dans les sens, tout aussi bien que les sens sont à l'aise et chez eux dans l'esprit. » Que nous importerait une Ame qui ne serait point le principe du bonheur le plus grand, le plus intense et le plus profond ? Evoquant Goethe, Nietzsche précise : « Il est probable que chez de pareils hommes parfaits, et bien venus, les jeux les plus sensuels sont transfigurés par une ivresse des symboles propres à l'intellectualité la plus haute. »

La connaissance heureuse, enivrée, telle est la voie élue de l'âme odysséenne. Nous donnons ce nom d'âme odysséenne, et nous y reviendrons, à ce dessein secret qui est le cœur lucide et immémorial des œuvres qui nous guident, et dont, à notre tour, nous ferons des romans et des poèmes. Cette Ame est l'aurore boréale de notre mémoire. Un hommage à Nietzsche et à D'Annunzio a pour nous le sens d'une fidélité à cette tradition qui fait de nous à la fois des héritiers et des hommes libres. Maurras souligne avec pertinence que « le vrai caractère de toute civilisation consiste dans un fait et un seul fait, très frappant et très général. L'individu qui vient au monde dans une civilisation trouve incomparablement davantage qu'il n'apporte. »

Ecrivain français, je dois tout à cet immémorial privilège de la franchise, qui n'est lui-même que la conquête d'autres individus, également libres. Toute véritable civilisation accomplit ce mouvement circulaire de renouvellement où l'individu ni la communauté ne sont les finalités du Politique. Un échange s'établit, qui est sans fin, car en perpétuel recommencement, à l'exemple du cycle des saisons.

La philosophie et la philologie nous enseignent qu'il n'est point de mouvement, ni de renouvellement sans âme. L'Ame elle-même n'a point de fin, car elle n'a point de limites, étant le principe, l'élan, la légèreté du don, le rire des dieux. Un monde sans âme est un monde où les individus ne savent plus recevoir ni donner. L'individualisme radical est absurde car l'individu qui ne veut plus être responsable de rien se réduit lui-même à n'être qu'une unité quantitative,- cela même à quoi tendrait à le contraindre un collectivisme excessif. Or, l'âme odysséenne est ce qui nous anime dans l'œuvre plus vaste d'une civilisation. Si cette Ame fait défaut, ou plutôt si nous faisons défaut à cette âme, la tradition ne se renouvelle plus: ce qui nous laisse comprendre pourquoi nos temps profanés sont à la fois si individualistes et si uniformisateurs. La liberté nietzschéenne qu'exigent les héros des romans de D’annunzio n'est autre que la liberté supérieure de servir magnifiquement la Tradition. Ce pourquoi, surtout en des époques cléricales et bourgeoises, il importe de bousculer quelque peu les morales et les moralisateurs.

L'âme odysséenne nomme cette quête d'une connaissance qui refuse de se heurter à des finalités sommaires. Odysséenne est l'Ame de l'interprétation infinie,- que nulle explication « totale » ne saurait jamais satisfaire car la finalité du « tout » est toujours un crime contre l'esprit d'aventure, ainsi que nous incite à le croire le Laus Vitae:

« Entre la lumière d'Homère

et l'ombre de Dante

semblaient vivre et rêver

en discordante concorde

ces jeunes héros de la pensée

balancés entre le certitude

et le mystère, entre l'acte présent

et l'acte futur... »

Victorieuse de la lassitude qui veut nous soumettre aux convictions unilatérales, l'âme odysséenne, dont vivent et rêvent les « jeunes héros de la pensée », nous requiert comme un appel divin, une fulgurance de l'Intellect pur, à la lisière des choses connues ou inconnues.

Luc-Olivier d'Algange

source: Le cygne noir numéro 1 >> Intentions 5

samedi, 17 octobre 2009

Balzac, révolutionnaire conservateur?

HBalzac.jpgDr. Hans-Christof KRAUS:

 

Balzac, révolutionnaire-conservateur?

 

Honoré de Balzac, écrivain français, est né le 20 mai 1799 à Tours et mort le 18 août 1850 à Paris. Après avoir fréquenté l’école à Vendôme, Tours et Paris, Balzac étudie de 1816 à 1820 le droit dans la capitale française. Après avoir obtenu son “Baccalauréat de droit”, il n’exercera finalement que le métier d’écrivain et de publiciste, la plupart du temps sans succès. Bref intermède: il fut éditeur et imprimeur de 1825 à 1827, ce qui se termina par une faillite catastrophique qui l’endetta jusqu’à la fin de ses jours. A partir de 1830, son oeuvre principale, “La Comédie humaine”, cycle de romans, parait à intervalles réguliers. Elle le rendra célèbre et lui procurera le succès. Désormais écrivain en vue, il s’engage politiquement dans le camp des légitimistes à partir de 1832. Mais sa candidature pour le Parlement, qu’on avait prévue, ne fut toutefois pas retenue. En tant qu’éditeur et rédacteur de revues telles “Chronique de Paris” (1836) et “Revue de Paris” (1840), il ne connut aucun succès. A partir de 1841, il dut affronter de sérieux problèmes de santé, parce qu’il travaillait trop mais cela ne l’empêcha pas d’oeuvrer inlassablement à la “Comédie”. Entre deux longs séjours en Russie (en 1847 et en 1849), chez celle qui deviendra  plus tard sa femme, la Comtesse polonaise Hanska, il prit une dernière fois position en politique française en 1848. Peu après son retour à Paris, il mourut d’épuisement, écrasé par le travail.

 

Dans la “Comédie humaine”, Balzac a mis sous une forme romanesque un panorama quasi complet de la vie politique et de l’histoire françaises entre 1789 et 1840. Il subdivisa son oeuvre en “Scènes”: “Scènes de la vie privée”, “Scènes de la vie provinciale”, “Scènes de la vie parisienne”, “Scènes de la vie politique”, “Scènes de la vie militaire”, “Scènes de la vie rurale”. Les figures principales de ces “scènes” sont, notamment, l’écrivain Lucien de Rubempré, qui se surestime et atteint l’hybris, Vautrin, criminel notoire, Rastignac, le carriériste et le courageux écrivain légitimiste d’Arthez. Sous l’influence d’écrits alchimiques, mystiques et magiques, Balzac développa une curieuse “doctrine de l’énergie”, qu’il nous faut comprendre si nous voulons saisir le sens de son oeuvre. Cette doctrine conçoit l’individu mais aussi les Etats, les peuples et les cultures comme des instances porteuses d’énergies. Elle postule dès lors que les plus hautes valeurs sont celles qui maintiennent ou augmentent cette énergie, en faisant preuve de mesure et en assurant les continuités. Dans ce sens, nous pouvons dire que la pensée politique de Balzac  est “un conservatisme énergisant” (comme le remarquera Curtius).

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Les convictions politiques fondamentales de Balzac, d’essence conservatrice et légitimiste, se révèlent tout entières dans l’avant-propos de sa “Comédie” (rédigé en juillet 1842). Le christianisme, en l’occurrence le catholicisme, est pour lui “un système achevé pour refouler les tendances les plus perverses de l’homme et constitue de la sorte l’élément le plus puissant dans l’ordre social”, à condition qu’il soit associé au monarchisme. En toute logique, Balzac rejette ainsi le droit de vote illimité et la domination des masses qui en résulte (il dit qu’elles sont “tyranniques sans limite aucune”). Il écrit: “La famille et non l’individu est le véritable élément social”; expressis verbis, il se range “du côté de Bossuet et de Bonald au lieu de courir derrière les innovateurs modernes”.

 

Déjà dans ses premières brochures politiques de 1824, le jeune Balzac avait brisé une lance pour conserver et consolider le “droit d’aînesse” (in: “Du droit d’aînesse”) et avait défendu l’ordre des Jésuites  (“Histoire impartiale des Jésuites”). En 1830, il se prononce pour une monarchie de constitutionalisme modéré, qu’il dépeint comme un “heureux mélange” de despotisme extrême et de démocratie, bien qu’il voulût plutôt rénover la royauté patriarcale du moyen âge; en 1832, il se range du côté du légitimisme d’opposition, le plus rigoureux, et finit par défendre aussi l’absolutisme pré-révolutionnaire. En 1843, il avait prévu d’écrire un ouvrage politique, glorifiant la monarchie, mais ce projet ne se réalisa pas. Dans les dernières années de sa vie, Balzac se fit l’avocat d’une dictature légitimiste, appelée à rétablir l’ordre traditionnel. Ses orientations politiques demeurèrent constantes: il voulait le retour d’un ancien régime transfiguré.

 

Balzac constatait que les pathologies qui affligeaient son pays, la France, résidaient principalement dans le centralisme et dans le rôle calamiteux du “Moloch” parisien. Bon nombre d’interprètes marxistes de l’oeuvre balzacienne n’ont pas tenu compte des principes éminemment conservateurs de ses idées politiques ni ne les ont compris; en revanche, ils ont bien capté les descriptions et la dénonciation du capitalisme bourgeois des débuts (Lukacs, Wurmser). La critique sévère et pertinente de la modernité, que l’on découvre dans les analyses précises de Balzac sur l’effondrement du vieil ordre européen, reste à étudier et à découvrir.

 

Dr. Hans-Christof KRAUS.

(entrée parue dans: Caspar von Schrenck-Notzing, “Lexikon des Konservatismus”, Leopold Srocker Verlag, Graz, 1996; trad. franç.: Robert Steuckers, 2009).

 

 

"La Mâove" de Jean Mabire vue par Robert Poulet

“La Mâove” de Jean Mabire vue par Robert Poulet (alias “Pangloss”)

 

La mode (relancée) du roman historique coïncide cette fois avec la commémoration biséculaire de la Révolution Française. Il y a donc de la guillotne dans l’air chez tous les libraires et des plumes sur le chapeau de tous les héros qui ne sont pas coiffés de carmagnoles, dans les bibliothèques de gare.

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Evidemment, les “Chouans” de Balzac ont depuis longtemps devancés tout le monde. La véritable histoire, c’est maintenant, dès que le public des figurants, des bourreaux et des victimes s’est réveillé de l’espèce de stupeur somnolente qui accompagne les événements importants. Voir “L’Homme qui n’avait pas compris...”. Jean Mabire, spécialiste français des Paras, des Panzers, des légions antibolcheviques et des chasseurs alpins, n’a pas manqué, tout de suite après les massacres gigantesques et stupides de la dernière Mondiale, plus le grand bâillement hébété qui a suivi comme d’habitude, d’y aller de son intarrisable “il était une fois” accompagné de parabellums et de kalachnikovs.

 

Mais ça ne l’empêche pas, aujourd’hui, puisque tout le monde s’y met, de remonter au Bloc cimenté, par Clémenceau. Et ça se combine pour lui avec “Je veux revoir ma Normandie”, car c’est un Viking très convaincu.

 

Alors tout y est: le Blanc qui vire au Bleu, le Bleu qui blanchit dès que Guillotin sort sa machine, le baron un peu traître et le marquis un tantinet espion, le prêtre assermenté et le chanoine maquisard, la demoiselle en culotte de chasseur du roi qui fait allègrement le coup de feu et sa soeur qui va tuer Marat dans sa baignoire, les méchants hussards qui violent en passant la  grand-mère du châtelain, les généraux qui se mettent la main sur le coeur et ceux qui ont trois chevaux tués sous eux, les fourches, les piques, les volontaires de l’An-Deux, les tricoteuses, les discours où il est question d’Armodius ou du Sacré-Coeur de Jésus, la grande rigolade jacobine, sur laquelle dégoulinent des flots d’hémoglobine. Et ça finit par du Napoléon.

 

Dans “La Mâove”, dont la voilure introduit un peu de fraîcheur au sein de cette histoire éminemment fantassine, vous aurez tout ça ou l’équivalent; plus les couples qui se rejoignent naturellement, dans les granges ou dans les arrière-boutiques. Un tel aime une telle à la folie, tel autre passe d’un camp à l’autre pour plaire à sa dulcinée en bonnet phrygien, telle cinquième reste de glace, malgré les feux qui brûlent tel sixième à l’endroit que je pense.

 

La révolution française, c’est une alternative d’idylles patriotiques et de ferveurs loyalistes. Pour le lecteur qui n’a pas lu Gaxotte, le pendard, et qui ne sait donc pas qu’en réalité ce fut une époque assomante.

 

Dans les provinces normandes, où notre Mabire ne manque pas de mener, fabuleusement, Hoche, Frotté, Cadoudal, Charlotte Corday, toute la figuration ressuscitée et revernie à neuf des bandes dessinées pour grandes personnes médiocrement instruites, ce fut assez confus. Mais  l’auteur des “Samouraï” connaît son métier. C’est le prince des narrateurs dialoguistes et des épisodistes bien renseignés, qui n’a pas perdu un mot de ce que Barras et Sieyès se sont dit en déjeunant ensemble le douze fructidor.

 

Seules réserves: il y a toujours trop de personnages, on s’embrouille et ils parlent trop pour ne pas dire toujours grand-chose. A part ça, un auteur furieusement imaginatif. Ecrivant proprement, sans plus; pas le temps d’être artiste. Il faut que la chose bouge et, en l’occurrence, qu’elle s’achève par le sacre de Bonaparte.

 

Les bateaux, dans les ports normands, hissent le grand pavois, le canon tonne, les amours irrégulières se révèlent, avec de l’anneau-de-ma-mère, les cloches de Notre-Dame sonnent à toute volée. Quel triomphe!

 

Sauf les quinze ans de guerre extérieure qui vont suivre, et les deux siècles de mauvaise paix et de bonne littérature.

 

Celle de Jean Mabire n’est qu’honnête et vivante. L’un des meilleurs échantillons du roman commémoratif. Prenez celui-là, sinon vous allez vous perdre dans la masse. Et la masse, comme toujours, ne vaut rien.

 

Quant à la “Mâove”, elle coule, pavillon haut. Le pavillon danois!...

 

Les Vikings retournent chez eux, faut croire!

 

PANGLOSS

(extrait de “Pan”, Bruxelles, n°2322, 28 juin 1989).

 

jeudi, 15 octobre 2009

Entretien avec Mary de Rachewiltz, fille d'Ezra Pound

ezra_pound.jpgARCHIVES DE SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

Entretien avec Mary de Rachewiltz, fille d'Ezra Pound et gardienne d'un mythe

 

BRUNNENBURG (Bozen). Près du village de Tyrol (cette fois il s'agit du village et non de la région) se trouve le château de Brunnenburg, ensemble composé de deux constructions bizarres: d'un côté le Musée Agricole, qui abrite les reliques de la culture paysanne, et de l'autre, le corps de logis parsemé d'escaliers en colimaçon aussi raides que nombreux. Mary de Rachewiltz, la fille d'Ezra Pound, est une dame divinement courtoise qui aime étudier ses interlocuteurs de ses grands yeux un peu scrutateurs. Au deuxième étage, nous pénétrons dans un salon bien aéré, décoré de dizaines de masques africains, de papyrus patiemment collectionnés par le prince Boris, le fameux égyptologue, mari de notre hôtesse, et de précieux petits livres de poèmes alignés minutieusement dans des vitrines.

 

«Au printemps  —explique Mme de Rachewiltz—  l'étage inférieur est le siège de l'Association Temps Réel, qui organise des expositions d'art. Par contre, pour les expositions consacrées un peu partout à Pound, je mets toujours à disposition les documents, les livres et les portraits. Voulez-vous voir la tête de Pound sculptée par Henri Gaudier-Brzeska?». Nous revenons au rez-de-chaussée. Dans une vaste salle tapissée de livres et de photos, avec les escabeaux et les supports que le poète construisait lui-même à l'aide d'équerres et de colle, nous pouvons admirer la tête du poète. Gaudier est mort en l915, à 23 ans. Pound est mort à 87 ans en 1972.

 

Madame, dans votre très bel ouvrage intitulé Discrétions, publié il y a quelques années chez Rusconi, votre mémoire s'arrête subitement quand paraît à l'horizon le monsieur qui est devenu votre mari, et vous ne nous racontez plus rien de la période la plus terrible de la vie de Pound, quand il fut interné à l'asile criminel de Saint-Elisabeths pendant plus de douze ans, entre 1945 et 1957. Pourquoi?

 

Dans la version italienne, il manque ce que j'appelle la queue, le Happy End de l'odyssée de la famille. Je ne l'ai pas incluse simplement parce que j'en avais assez de m'auto-traduire et peut-être aussi parce que je n'avais pas compris le message de Pound jusqu'au bout.

 

C'est-à-dire?

 

Voyez-vous, quand mon mari et moi achetâmes cette maison nous étions deux jeunes gens de vingt ans, complètement sans le sou, riches seulement de rêves et de fantaisies, des espoirs et des mythes de notre génération. Combien de fois n'avais-je pas entendu mon père parler de la Tour de Yeats! Pendant combien de temps n'avais-je pas espéré, tout comme lui, reconstruire le monde, avec les bras et le cerveau en syntonie, pour venir à bout de ce mystère qu'est la vie? Mais Brunnenburg, à la fin de la guerre, n'était plus qu'un tas de ruines inhospitalières et il absorbait tout notre temps.

 

En d'autres mots, vous êtes en train de me dire que...

 

Je veux simplement dire que pendant plusieurs années nous ne pûmes pas nous offrir le luxe d'aller aux Etats-Unis pour rendre visite à mon père. Cela nous fut possible seulement en 1953.

 

Quel genre d'établissement était le Saint Elisabeths?

 

Ce n'était pas un asile. C'était plutôt un enfer qui suscitait l'angoisse à chaque pas. Mais cela n'était pas grave pour mon père.

 

Comment cela?

 

Il avait trouvé l'équilibre intérieur des sages, celui dont parle Confucius que, comme vous devez le savoir, mon père traduisait lors de son arrestation par les partisans, le 3 mai 1945. Dans sa cellule, en plus du lit, on lui avait concédé une table où il pouvait écrire; on lui donnait les livres qu'il demandait à lire, et il écrivait, il écrivait... Cela faisait huit ans que je ne l'avais pas vu, et j'étais extrêmement troublée. Mais lui, étrangement, par son comportement savait redonner l'espoir, il savait consoler. Il nous invita, assez péremptoirement, à lire l'“Epître au Grand Khan”, de Dante Alighieri, et, avant de le quitter, il m'admonesta en se servant des mots de Brancusi qui, dans ses moments de désespoir, rappelait à ses parents que, certains jours, il n'aurait pour rien au monde donné ne fût-ce que cinq minutes de son temps.

 

Que fîtes-vous dès votre retour en Italie?

 

A l'aide de mon mari et de ma mère, j'étudiai la possibilité de transformer Brunnenburg en un lieu extraterritorial, une espèce de petit Etat, pour garantir à mon père, une fois sorti de l'horreur, toute la tranquillité dont il avait tant besoin.

 

Craigniez-vous que les persécutions auraient continué même après la “Libération”?

 

Je ne vous dis que ceci: aujourd'hui la cellule d'Ezra Pound au Saint-Elisabeths a été complètement rénovée... depuis que l'intérêt pour ses études et pour son œuvre se sont multipliés, cette cellule est devenue un paradis! Peinte en azur, elle est devenue un but de pèlerinage dans un lieu voué à un culte.

 

Quelle aurait été la réaction de Pound?

 

Je pense que rien ne l'aurait moins intéressé: figurez-vous que dès son arrivée ici il ne fit qu'insister fermement pour transformer la maison en un espace assez vaste à la fois pour l'échange d'idées et pour l'Usine.

 

Pour l'Usine?

 

Le Musée Agricole devait devenir le creuset d'où surgiraient simultanément “un morceau de pain et un verre de vin”. Il était hanté par l'idée que tout pouvait lentement tomber en ruine et que les mots, comme les objets, pourraient être oubliés. Pour cette raison la maison prit soudain une grande importance. Elle était pour lui une petite forteresse obstinée et tenace, le témoignage de l'amour pour la terre qu'il partageait avec les Tyroliens et l'endroit idéal de toute expérience, depuis l'amalgame des sons jusqu'à la culture du maïs avec des graines importées des Etats-Unis.

 

Si Pound était un citoyen du monde, vous, qui avez passé toute votre enfance au milieu des pics et des prairies du Haut-Adige, qui avez appris le dialecte de la Val Pusterie avant l'Allemand, l'Anglais et l'Italien, ne vous êtes-vous jamais sentie en conflit avec des cultures si opposées?

 

Allons donc! Grâce à Dieu, j'ai vécu dans une époque pré-freudienne. Le passage d'une langue à l'autre, dans mon cas, a représenté une nécessité et certainement pas un problème de conscience.

 

Le mot “conscience” se rencontre souvent dans l'œuvre de Pound.

 

Il disait toujours qu'il fallait vivre en harmonie avec cet hôte qui ne nous abandonne jamais. Sa conscience l'empêcha toujours de divorcer de sa femme Dorothy qui, telle une bizarre Pénélope le seconda pendant les années où l'Amérique, le marquant du sceau de “traître”, l'enferma à l'asile. C'est dommage que les choses se soient passées ainsi. Je pense que si à la place de Dorothy qui était une créature douce, il y avait eu Olga Rudge, ma mère, avec sa dialectique inflexible, Pound aurait été libéré beaucoup plus tôt.

 

Quand Pound arriva ici, au début des années 60, dans une société complètement différente de celle qu'il avait connu, comment réagit-il?

 

Il se plaignait du manque de relation, de plus en plus évident, entre le langage et la réalité. L'Europe, pour qui il avait combattu en incitant, à travers les micros de la Radio italienne, l'Amérique à ne pas intervenir dans le conflit européen, n'existait plus, au contraire, elle se désagrégeait sous ses yeux. Mais il s'intéressa à la question tyrolienne et puis, sous l'influence de mon mari, il étudia profondément l'esthétique et la civilisation des Pharaons, tant et si bien que dans les Cantos  on retrouva une section égyptienne qui n'y était pas auparavant.

 

Qui, aujourd'hui, poursuit le chemin que Pound a tracé?

 

Parmi les artistes qui étaient ses contemporains, tous ont subi, d'une façon ou d'une autre, son influence: depuis un poète comme Montale jusqu'à un peintre comme Marco Rotelli qui, dans ses tableaux, déclare avoir pris l'inspiration de la lumière qui règne dans les Cantos.  Parmi les autres, je voudrais rappeler en particulier l'Américain Robinson Jeffers, tellement éloigné de Pound mais en même temps si proche. Ce fut le seul poète qui prit position contre l'intervention des Etats-Unis pendant la dernière Guerre Mondiale, et de ce fait il fut censuré et interdit.

 

En changeant de sujet, avez-vous un souhait particulier?

 

Oui. Je souhaite voir représentée Cavalcanti, l'opéra en musique que Pound écrivit en 1932. C'est un vrai chef-d'œuvre. Croyez-moi, les sons ne vous abandonnent jamais.

 

(Entretien paru dans le quotidien Il Giornale de Milan, 1997. Propos recueillis par Enrico GROPPALI).

mercredi, 14 octobre 2009

Gilbert K. Chesterton, la ironia hecha inocencia

chesterton.jpgGilbert K. Chesterton, la ironía hecha inocencia

Un escritor y pensador ameno en él que incluso sus novelas más ligeras tienen un mensaje

Ex: http://www.arbil.org/

Gilbert K. Chesterton fue uno de los más famosos y polémicos escritores ingleses de este siglo.

Este periodista británico nació en el seno de una familia pudiente de mentalidad liberal y protestante.

Sin embargo, su búsqueda de la verdad le llevó a ser después de Newman uno de los casos más llamativos de conversión al catolicismo en la Inglaterra victoriana.

Nacido el 29 de mayo de 1874 en el barrio londinense de Kensington, en una familia de corredores de fincas.

A los cinco años nació su hermano Cecil, con quien discutiría de temas intelectuales.

Ya en la escuela demuestra su interés por la polémica y forma parte de un club de debate.

De joven, su padre le hace inscribirse en Bellas Artes, es más fácil que el joven Gilbert viva del dibujo, que de escritor.

Pero desde 1895, Gilbert abandona el dibujo y decide dedicarse a escribir para una pequeña editorial.

Con ingresos mínimos se enamora de Frances, una anglocatólica de pobres recursos, menuda y tímida, con la cual iniciará un largo noviazgo que les llevará al matrimonio en 1901.

Como era natural, a Gilbert se le perdió la corbata, perdieron luego el tren y finalmente llegaron tarde al hotel donde les esperaban para la luna de miel.

Por cuestiones de salud de élla nunca pudieron tener hijos lo que les unió más en una simbiosis platónica castigada por la ausencia de descendencia.

A pesar de todo, su casa se convirtió en lugar de reunión deescritores y periodistas, donde siempre encontraban cerveza y salchichas.

Gilbert recorría las tabernas vecinas y polemizaba aficionado al borgoña y al jerez.

Sin embargo, de su excesivo trabajo, acompañado de la bebida le llevó a tener problemas cardiacos.


Gilbert K. Chesterton, con un descomunal físico y maneras de sabio despistado, fue un gran literato en la lengua inglesa con Un hombre llamado jueves, Las historias del P. Brown, La esfera y la cruz, La balada del caballo blanco, Magia, Ortodoxia, San Francisco de Asís, Santo Tomás de Aquino y otras más.

No obstante, no pasará a la historia únicamente por su labor literaria, al haberse cruzado en su camino un escritor anglofrancés de firme carácter católico, Hilarie Belloc.

Belloc era un defensor a ultranza de la justicia social frente al liberalismo capitalista y al socialismo marxista.

Pronto el anglofrancés convenció a Cecil Chesterton, hermano del novelista, para que colaborase con él en varias revistas, donde difundieron sus teorías inspiradas en las ideas que León XIII había desarrollado en la Encíclica Rerum Novarum.

Estas ideas que fomentaban la formación de una sociedad orgánica como mejor sistema para evitar las desigualdades sociales fue conocido en Inglaterra como distribucionalismo.

Pero, cuando en la Primera Guerra Mundial falleció Cecil en Francia, su hermano Gilbert decidió ocupar su puesto y colaborar con Belloc en la difusión del corporativismo católico.

Del mismo modo, en que Cecil se había convertido al catolicismo, Gilbert aceptó la Fe romana en julio de 1922, ya que había llegado al convencimiento de que las diferentes formas anglicanas eran pálidos reflejos de la verdadera Iglesia encabezada por el Papa.

El P. O`Connor, un sacerdote irlandés, con el cual tuvo sus polémicas y una antigua amistad, sirviéndole el clérigo de inspiración para su personaje literario el P. Brown


La conversión de Gilbert K. Chesterton fue tomada como la máxima provocación.

Pero Frances, su esposa, le acompañará en 1926 en su entrada en la Iglesia Católica, como su secretaria Dorothy Collins poco después.

Gilbert mantiene una gran intensidad de trabajo con conferencias que le lleva por Canada, Estados Unidos, Polonia y España.

Al mismo tiempo que publica "El retorno del Quijote" y "La vida de Santo Tomás de Aquino", Chesterton fue un periodista crítico y contracorriente que defendió el nacionalismo británico en contra del imperialismo victoriano dominante, lo que le llevó a posicionarse a favor de los böers en la guerra sudafricana y de los fascistas italianos en su toma de Abisinia.

Pero su lucha principal fue contra el parlamentarismo, al que acusaba de representar a la plutocracia política que dirigía el país y oprimía a la mayoría de la población.

Para Chesterton y Belloc, las elecciones no tenían importancia al no variar substancialmente la política.

Los resultados producían alternancias del poder entre miembros de una élite política entrelazada en intereses comunes, pero que no representaban los de la sociedad.

En cambio, el corporativismo representaría más fielmente los intereses de la sociedad real.

Chesterton y Belloc creían que esta forma política se había dado ya en la historia con éxito en la Edad Media y había que readaptarla a la época contemporanea.

El organicismo natural de la sociedad se había perdido definitivamente con la aparición del protestantismo.

Al ser la Iglesia católica la inspiradora de esa tercera alternativa al capitalismo y al socialismo.

No es raro ver como los hermanos Chesterton decidieron dar el paso hacia el catolicismo después de su lucha política por la justicia social

Su último viaje le lleva de peregrinación a Lourdes y Lisieux, pero a su vuelta debe guardar descanso.

Frances le cuida con esmero y únicamente el P. O`Connor es recibido por el obeso escritor.

Los problemas económicos se mantienen, las ganancias obtenidas por los éxitos publicados y las conferencias dadas suplen las deudas que proporciona la revista que mantiene con Hilaire Belloc.

Sin embargo, en junio empeora su estado, el P. Vincent Mc Nabb O.P. le reza el Salve Regina, costumbre que tiene la orden con sus miembros moribundos.

El 14 de junio de 1936 murió Gilbert, su mujer Frances, únicamente le sobrevivivó dos años

J.L.O.

dimanche, 11 octobre 2009

L'enjeu esthétique des pamphlets céliniens

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

 

 

L'enjeu esthétique des pamphlets céliniens

 

L'œuvre de Céline suscite un nombre croissant d'études et nous nous en réjouissons. Ainsi, Nicole Debrie, auteur d'un L. F. Céline préfacé par Marcel Aymé en 1961, fait paraître un essai intitulé Quand la mort est en colère. L'enjeu esthétique des pamphlets céliniens. Elle écrit: «Certaines approches se voulant historiques ont cherché à commenter les pamphlets en les mettant en rapport avec l'extrême-droite des années 30. Approche absurde, non sens, qui n'éclaire rien. Céline écrit toujours en réaction à ce qu'il rencontre. Voyage  le montre rencontrant la guerre, les colonies, l'Institut Pasteur... l'Amérique. Les pamphlets le montrent rencontrant la gauche et en réaction contre elle. Le contexte historique est celui du Cartel des gauches et du Front Populaire. Une approche historique se doit donc d'étudier les pamphlets dans leurs rapports avec cette gauche, si l'on ne veut pas se condamner à ne rien comprendre de ces écrits. Cette approche devrait être facilitée par nombre d'ouvrages écrits à la suite de l'ouverture des archives soviétiques —éclairant les années au cours desquelles la propagande soviétique pénètre tous les milieux intellectuels en France mais aussi en Amérique par le biais des hommes d'Angleterre. Etudes propres à montrer que Céline était loin de fabuler ou de se faire le propagandiste de l'extrême-droite quand il signale le rôle des agitateurs à la solde de Moscou. Situons 1e thème de cette étude: l'enjeu esthétique des polemiques céliniennes... Comme le terme d'enjeu l'indique, il s'agit d'une dispute en vue de faire triompher une valeur; ce à quoi Céline attache du prix. Céline se bat. Il se bat au nom de la création, autrement dit au nom de la poésie, au sens étymologique de “faire”, “créer”. Il se bat contre une littérature absorbée par différents types d'imposture. Littérature au service de visées commerciales; standardisation, art robot; littérature au service d'une idéologie, en l'occurence la propagande soviétique en pleine expansion; littérature postiche où l'œuvre est remplacée par des théories, ce qui revient au même que par des idéologies. Bagatelles  proteste globalement contre les imposteurs et les tricheurs. Cette protestation s'accompagne d'une revendication fondamentale, incessante, répétée comme une basse chiffrée: la poésie authentique» (P. MONTHÉLIE).

 

Nicole DEBRIE, Quand la mort est en colère. L'enjeu esthétique des pamphlets céliniens, Editions Nicole Debrie (23, rue du Cherche Midi, F-75.006 Paris), 1997,126 pages, 90 FF. Le livre est en vente aux librairies Duquesnes (27, avenue Duquesnes, F-75.007 Paris) et Touzot (38, rue St. Sulpice, F-75.006 Paris).

jeudi, 08 octobre 2009

Knut Hamsun and the Cause of Europe

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Knut Hamsun and the Cause of Europe

Mark Deavin / http://www.geocities.com/integral_tradition/

After fifty years of being confined to the Orwellian memory hole created by the Jews as part of their European "denazification" process, the work of the Norwegian author Knut Hamsun — who died in 1952 — is reemerging to take its place among the greatest European literature of the twentieth century. All of his major novels have undergone English-language reprints during the last two years, and even in his native Norway, where his post-1945 ostracism has been most severe, he is finally receiving a long-overdue recognition.

Of course, one debilitating question still remains for the great and good of the European liberal intelligentsia, ever eager to jump to Jewish sensitivities. As Hamsun's English biographer Robert Ferguson gloomily asked himself in 1987: "Could the sensitive, dreaming genius who had created beautiful love stories . . . really have been a Nazi?" Unfortunately for the faint hearts of these weak-kneed scribblers, the answer is a resounding "yes." Not only was Knut Hamsun a dedicated supporter of Adolf Hitler and the National Socialist New Order in Europe, but his best writings — many written at the tail end of the nineteenth century — flow with the essence of the National Socialist spirit and life philosophy.

Born Knud Pederson on August 4, 1859, Hamsun spent his early childhood in the far north of Norway, in the small town of Hamarøy. He later described this time as one of idyllic bliss where he and the other children lived in close harmony with the animals on the farm, and where they felt an indescribable oneness with Nature and the cosmos around and above them. Hamsun developed an early obsession to become a writer and showed a fanatical courage and endurance in pursuing his dream against tremendous obstacles. He was convinced of his own artistic awareness and sensitivity, and was imbued with a certainty that in attempting to achieve unprecedented levels of creativity and consciousness, he was acting in accordance with the higher purpose of Nature.

In January 1882 Hamsun's Faustian quest of self-discovery took him on the first of several trips to America. He was described by a friend at the time as ". . . tall, broad, lithe with the springing step of a panther and with muscles of steel. His yellow hair . . . drooped down upon his . . . clear-cut classical features."

These experiences consolidated in Hamsun a sense of racial identity as the bedrock of his perceived artistic and spiritual mission. A visit to an Indian encampment confirmed his belief in the inherent differences of the races and of the need to keep them separate, but he was perceptive enough to recognize that America carried the seeds of racial chaos and condemned the fact that cohabitation with Blacks was being forced upon American Whites.

Writing in his book On the Cultural Life of Modern America, published in March 1889, Hamsun warned that such a situation gave rise to the nightmare prospect of a "mulatto stud farm" being created in America. In his view, this had to be prevented at all costs with the repatriation of the "black half-apes" back to Africa being essential to secure America's future (cited in Robert Ferguson, Enigma: The Life of Knut Hamsun, London, 1987, p.105). Hamsun also developed an early awareness of the Jewish problem, believing that "anti-Semitism" inevitably existed in all lands where there were Jews — following Semitism "as the effect follows the cause." He also believed that the departure of the Jews from Europe and the White world was essential "so that the White races would avoid further mixture of the blood" (from Hamsun's 1925 article in Mikal Sylten's nationalist magazine Nationalt Tidsskrift). His experiences in America also strengthened Hamsun's antipathy to the so called "freedom" of democracy, which he realized merely leveled all higher things down to the lowest level and made financial materialism into the highest morality. Greatly influenced by the works of Friedrich Nietzsche, Hamsun saw himself as part of the vanguard of a European spiritual aristocracy which would reject these false values and search out Nature's hidden secrets — developing a higher morality and value system based on organic, natural law. In an essay entitled "From the Unconscious Life of the Mind," published in 1890, Hamsun laid out his belief:

An increasing number of people who lead mental lives of great intensity, people who are sensitive by nature, notice the steadily more frequent appearance in them of mental states of great strangeness . . . a wordless and irrational feeling of ecstasy; or a breath of psychic pain; a sense of being spoken to from afar, from the sky or the sea; an agonizingly developed sense of hearing which can cause one to wince at the murmuring of unseen atoms; an irrational staring into the heart of some closed kingdom suddenly and briefly revealed.

Hamsun expounded this philosophy in his first great novel Hunger, which attempted to show how the known territory of human consciousness could be expanded to achieve higher forms of creativity, and how through such a process the values of a society which Hamsun believed was increasingly sick and distorted could be redefined for the better. This theme was continued in his next book, Mysteries, and again in Pan, published in 1894, which was based upon Hamsun's own feeling of pantheistic identification with the cosmos and his conviction that the survival of Western man depended upon his re-establishing his ties with Nature and leading a more organic and wholesome way of life.

In 1911 Hamsun moved back to Hamarøy with his wife and bought a farm. A strong believer in the family and racial upbreeding, he was sickened by the hypocrisy and twisted morality of a modern Western society which tolerated and encouraged abortion and the abandonment of healthy children, while protecting and prolonging the existence of the criminal, crippled, and insane. He actively campaigned for the state funding of children's homes that could take in and look after unwanted children and freely admitted that he was motivated by a higher morality, which aimed to "clear away the lives which are hopeless for the benefit of those lives which might be of value."

In 1916 Hamsun began work on what became his greatest and most idealistic novel, Growth of the Soil, which won the Nobel Prize for Literature in 1921. It painted Hamsun's ideal of a solid, farm-based culture, where human values, instead of being fixed upon transitory artificialities which modern society had deemed fashionable, would be based upon the fixed wheel of the seasons in the safekeeping of an inviolable eternity where man and Nature existed in harmony:

They had the good fortune at Sellanraa that every spring and autumn they could see the grey geese sailing in fleets above that wilderness, and hear their chatter up in the air — delirious talk it was. And as if the world stood still for a moment, till the train of them had passed. And the human souls beneath, did they not feel a weakness gliding through them now? They went to their work again, but drawing breath first, for something had spoken to them, something from beyond.

Growth of the Soil

reflected Hamsun's belief that only when Western man fully accepted that he was intimately bound up with Nature's eternal law would he be able to fulfill himself and stride towards a higher level of existence. At the root of this, Hamsun made clear, was the need to place the procreation of the race back at the center of his existence:
Generation to generation, breeding ever anew, and when you die the new stock goes on. That's the meaning of eternal life.

The main character in the book reflected Hamsun's faith in the coming man of Europe: a Nietzschean superman embodying the best racial type who, acting in accordance with Nature's higher purpose, would lead the race to unprecedented levels of greatness. In Hamsun's vision he was described thus:

A tiller of the ground, body and soul; a worker on the land without respite. A ghost risen out of the past to point to the future; a man from the earliest days of cultivation, a settler in the wilds, nine hundred years old, and withal, a man of the day.

Hamsun's philosophy echoed Nietzsche's belief that "from the future come winds with secret beat of wings and to sensitive ears comes good news" (cited in Alfred Rosenberg, The Myth of the Twentieth Century). And for Hamsun the "good news" of his lifetime was the rise of National Socialism in Germany under Adolf Hitler, whom he saw as the embodiment of the coming European man and a reflection of the spiritual striving of the "Germanic soul."

The leaders of the new movement in Germany were also aware of the essential National Socialist spirit and world view which underlay Hamsun's work, and he was much lauded, particularly by Joseph Goebbels and Alfred Rosenberg. Rosenberg paid tribute to Hamsun in his The Myth of the Twentieth Century, published in 1930, declaring that through a mysterious natural insight Knut Hamsun was able to describe the laws of the universe and of the Nordic soul like no other living artist. Growth of the Soil, he declared, was "the great present-day epic of the Nordic will in its eternal, primordial form."

Hamsun visited Germany on several occasions during the 1930s, accompanied by his equally enthusiastic wife, and was well impressed by what he saw. In 1934 he was awarded the prestigious Goethe Medal for his writings, but he handed back the 10,000 marks prize money as a gesture of friendship and as a contribution to the National Socialist process of social reconstruction. He developed close ties with the German-based Nordic Society, which promoted the Pan-Germanic ideal, and in January 1935 he sent a letter to its magazine supporting the return of the Saarland to Germany. He always received birthday greetings from Rosenberg and Goebbels, and on the occasion of his 80th birthday from Hitler himself.

Like Nietzsche's Zarathustra, Hamsun was not content merely to philosophize in an ivory tower; he was a man of the day, who, despite his age, strove to make his ideal into a reality and present it to his own people. Along with his entire family he became actively and publicly involved with Norway's growing National Socialist movement in the form of Vidkun Quisling's Nasjonal Samling (National Assembly). This had been founded in May 1933, and Hamsun willingly issued public endorsements and wrote articles for its magazine, promoting the National Socialist philosophy of life and condemning the anti-German propaganda that was being disseminated in Norway and throughout Europe. This, he pointed out, was inspired by the Jewish press and politicians of England and France who were determined to encircle Germany and bring about a European war to destroy Hitler and his idea.

With the outbreak of war Hamsun persistently warned against the Allied attempts to compromise Norwegian neutrality, and on April 2, 1940 — only a week before Hitler dramatically forestalled the Allied invasion of Norway — Hamsun wrote an article in the Nasjonal Samling newspaper calling for German protection of Norwegian neutrality against Anglo-Soviet designs. Hamsun was quick to point out in a further series of articles soon afterward, moreover, that it was no coincidence that C.J. Hambro, the president of the Norwegian Storting, who had conspired to push Norway into Allied hands and had then fled to Sweden, was a Jew. In his longest wartime article, which appeared in the Axis periodical Berlin-Tokyo-Rome in February 1942, he also identified Roosevelt as being in the pay of the Jews and the dominant figure in America's war for gold and Jewish power. Declaring his belief in the greatness of Adolf Hitler, Hamsun defiantly declared: "Europe does not want either the Jews or their gold."

Hamsun's loyalty to the National Socialist New Order in Europe was well appreciated in Berlin, and in May 1943 Hamsun and his wife were invited to visit Joseph Goebbels, a devoted fan of the writer. Both men were deeply moved by the meeting, and Hamsun was so affected that he sent Goebbels the medal which he had received for winning the Nobel Prize for idealistic literature in 1920, writing that he knew of no statesman who had so idealistically written and preached the cause of Europe. Goebbels in return considered the meeting to have been one of the most precious encounters of his life and wrote touchingly in his diary: "May fate permit the great poet to live to see us win victory! If anybody deserved it because of a high-minded espousal of our cause even under the most difficult circumstances, it is he." The following month Hamsun spoke at a conference in Vienna organized to protest against the destruction of European cultural treasures by the sadistic Allied terror-bombing raids. He praised Hitler as a crusader and a reformer who would create a new age and a new life. Then, three days later, on June 26, 1943, his loyalty was rewarded with a personal and highly emotional meeting with Hitler at the Berghof. As he left, the 84 year-old Hamsun told an adjutant to pass on one last message to his Leader: "Tell Adolf Hitler: we believe in you."

Hamsun never deviated from promoting the cause of National Socialist Europe, paying high-profile visits to Panzer divisions and German U-boats, writing articles and making speeches. Even when the war was clearly lost, and others found it expedient to keep silence or renounce their past allegiances, he remained loyal without regard to his personal safety. This was brought home most clearly after the official announcement of Hitler's death, when, with the German Army in Norway packing up and preparing to leave, Hamsun wrote a necrology for Hitler which was published in a leading newspaper:

Adolf Hitler: I am not worthy to speak his name out loud. Nor do his life and his deeds warrant any kind of sentimental discussion. He was a warrior, a warrior for mankind, and a prophet of the gospel for all nations. He was a reforming nature of the highest order, and his fate was to arise in a time of unparalleled barbarism, which finally felled him. Thus might the average western European regard Adolf Hitler. We, his closest supporters, now bow our heads at his death.

This was a tremendously brave thing for Hamsun to do, as the following day the war in Norway was over and Quisling was arrested.

Membership in Quisling's movement after April 8, 1940, had been made a criminal offense retroactively by the new Norwegian government, and the mass roundups of around 40,000 Nasjonal Samling members now began in earnest. Hamsun's sons Tore and Arild were picked up within a week, and on May 26 Hamsun and his wife were placed under house arrest. Committed to hospital because of his failing health, Hamsun was subject to months of interrogation designed to wear down and confuse him. As with Ezra Pound in the United States, the aim was to bring about a situation where Hamsun's sanity could be questioned: a much easier option for the Norwegian authorities than the public prosecution of an 85-year-old literary legend.

Unfortunately for them, Hamsun refused to crack and was more than a match for his interrogators. So, while his wife was handed a vicious three-year hard-labor sentence for her National Socialist activities, and his son Arild got four years for having the temerity to volunteer to fight Bolshevism on the Eastern Front, Hamsun received a 500,000-kroner fine and the censorship of his books. Even this did not stop him, however, and he continued to write, regretting nothing and making no apologies. Not until 1952, in his 92nd year, did he pass away, leaving us a wonderful legacy with which to carry on the fight which he so bravely fought to the end.  

samedi, 03 octobre 2009

Rebatet juge Céline

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Lucien Rebatet et Céline

 

Texte paru dans le "Bulletin célinien", n°285, avril 2007

En cette année du cinquantième anniversaire de D’un château l’autre, on ne se souvient guère des polémiques qui ont accompagné sa parution, en particulier au sein de la droite radicale. En témoigne cette réplique de Lucien Rebatet à Jean-André Faucher qui avait attaqué durement Céline dans l’hebdomadaire Dimanche-Matin.

 

   Mon cher J.-A. F.,

 

   Absent de Paris, je viens de lire ton dernier article sur « l’affaire Céline » ¹.

 

   Je ne voudrais pas que ta vivacité et ta générosité puissent faire croire à nos innombrables adversaires qu’il existe entre nous des dissentiments que cette controverse autour d’un livre aurait révélés.

 

   Le lecteur ayant en général la mémoire brève, je pense donc utile de préciser, que dans mon article du mois de juin dernier ², j’ai cherché à expliquer Céline, et que je n’ai jamais eu l’intention de le juger « honorable ». J’ai même souligné que la dignité était un des sentiments qu’il ignore le plus.

 

   Je persiste à croire que Céline ne nous doit pas les comptes qu’il est juste de réclamer à d’anciens militants, toi ou moi, par exemple. Non pas que le métier d’écrivain, que le talent, voire le génie, constituent à mes yeux un alibi, une circonstance atténuante. Au contraire, la responsabilité politique de l’écrivain m’apparaît considérable, et j’ai été, que je sache, de ceux qui l’ont clairement revendiquée pour leur part.

 

   Mais la question serait de savoir jusqu’à quel degré Céline a eu conscience de ses propres responsabilités. (Je ne dis pas : des risques qu’il courait, car sur ce point il était fort lucide.) En tout cas, il n’appartenait à aucun bord. C’était un visionnaire anarchiste, qui se mit à bouillonner de prophéties, presque malgré lui. J’estime qu’il y a quelque excès à parler de reniement pour un homme qui n’a jamais connu ni principes ni drapeau.

 

   Au moment le plus difficile de notre choix, à l’automne 1940, Céline savait déjà que Hitler avait lâché les commandes, qu’il perdrait la guerre, et que notre politique s’engloutirait dans sa catastrophe. Il me l’a dit plus d’une fois, comme à Marcel Aymé, à Ralph Soupault et à d’autres familiers. Rien de ce qu’il écrivit pendant la guerre n’infirma réellement cette conviction. Il est donc fondé à dire qu’il ne fut jamais « collaborateur ».

 

   Tu me répondras qu’il serait plus élégant de se rallier aux camarades vaincus, d’épouser leur cause ; et je suis bien de ton avis. Mais je voudrais savoir à quelle époque on a connu à Céline des élégances et des camarades ? Ce qui me surprend, c’est la surprise aujourd’hui de maints de nos amis qui me semblent avoir attendu longtemps pour découvrir le Céline de toujours, et ses capacités effarantes et contradictoires, tantôt dans l’héroïsme, tantôt dans la fuite.

 

   Pour l’énorme mensonge, à propos de l’antisémitisme, il est d’une telle taille que je me demande qui pourrait s’y tromper. Céline ne nous a-t-il pas avertis lui-même en annonçant qu’il fait un numéro de vieux clown ? Oh ! ce n’est pas reluisant. Mais la dernière idée qui puisse venir à Louis-Ferdinand, c’est bien celle de reluire. J’attribue à cette turlupinade à peu près autant d’importance que les factums que Céline nous adressait à Je suis partout et que nous n’insérions jamais, parce qu’il y préconisait, pour regénérer la France, l’extermination de tous les « Narbonnoïdes », c’est-à-dire toutes les populations au-dessous de la Loire, y compris, mon cher Faucher, ton Limousin et mon Dauphiné ³.

 

   Pour juger équitablement le monstre, il faut l’avoir pratiqué…

 

   Reste la peinture de Sigmaringen. Je viens d’en relire plusieurs pages. Elles m’apparaissent décidément anodines. Je répète que les gens du Système m’ont enlevé tout complexe d’infériorité sigmaringienne. Vainqueurs, repus, toutes les puissances entre les mains, ils sont pires que nous ne l’étions là-bas, vaincus à plate couture, traqués, affamés, divisés. Cette émigration ne fut ni plus ni moins affligeante que toutes les émigrations. Ce qui ne signifie pas que nous fussions beaux à voir… Tu comprendras que je me refuse, maintenant encore, à préciser davantage, pour des raisons et des sentiments qui ont toujours été étrangers à Céline. Mais je puis affirmer que ledit Céline n’a guère touché qu’à l’anecdote, à un pittoresque brenneux, et c’est d’ailleurs, littérairement, le défaut du livre.

 

 

   Tandis que se déroulaient ces farces tristes, des camarades, je ne l’oublie pas, se battaient contre les Russes, un contre cent, à Kolberg. Notre ami Lousteau a dit excellemment, la semaine dernière, tout ce qui convenait à ce sujet 4. Céline, lui, n’a rien dit. Ce silence, dans un livre sérieux, serait atroce. Mais ce livre, c’est à l’un d’entre nous de l’écrire. Les croquis de D’un château l’autre ne me paraissent pas à la taille de l’indignation qu’ils déchaînent.

 

  Je maintiens que je préfère encore le trivial cynisme de Céline, ne voulant parler que de gros sous, aux périphrases et mains sur la conscience d’un tas d’infects commerçants de plume. J’ajouterai que j’entends dans ce cynisme une sorte de « nitchevo » encore plus amer et plus sombre que tout ce que Céline autrefois écrivit de plus amer et de plus sombre. Un vieux prophète perclus et « décheux » en est réduit à faire le saltimbanque — et à le dire — dans une société qui réserve toutes ses admirations et tous ses chèques à ses gendelettres communistes. J’aurais aimé, comme toi, que Céline eût la fierté de rappeler qu’il lui aurait été bien facile de prospérer dans cette bande, qu’l lui aurait suffi d’étouffer, entre 1935 et 1939, ses mouvements d’honnêteté intellectuelle et de civisme. Sans doute Céline n’en est-il plus capable. Il me plaît, en songeant à l’ermite loqueteux de Meudon et à tout ce que je lui dois, d’être de ceux qui le rappellent à sa place.

 

   Quant à la polémique, n’avons-nous pas infiniment d’autres cibles, et plus grosses ?

 

   Je te remercie du brevet de fidélité que tu me décernes. Mais je ne crois pas que mon indulgence à l’endroit de Céline puisse signifier mon désir de « tourner la page », c’est, au contraire, à cette page que mes pensées reviennent sans cesse depuis des années, aussi bien pour y déceler nos erreurs politiques — je ne m’occupe pas de morale dans ce domaine — que pour y relire notre justification.

 

   Que cette lettre me soit l’occasion de dire ici à de nombreux amis que mon plus vif désir serait de republier Les Décombres 5, avec la préface « d’actualité » que tu devines, et que seule la… timidité des éditeurs ne m’a pas encore permis de réaliser cela.

 

   Bien amicalement à toi,

Lucien REBATET

(Dimanche-Matin, 1er septembre 1957)

 

Notes

 

1. Lucien Rebatet évoque l’article de Jean-André Faucher paru le 18 août 1957 dans Dimanche-Matin et intitulé « ...Et que chacun enterre ses morts ». Faucher s’y oppose violemment, et point par point, à la défense de Céline entreprise par Albert Paraz, Lucien Rebatet et Robert Poulet. La semaine précédente, il avait daubé sur l’interview accordée par Céline à L’Express.

J.-A. Faucher, né en 1921, était un journaliste nationaliste, antigaulliste et franc-maçon qui collaborait à plusieurs journaux de droite (Dimanche-Matin, Artaban et C’est-à-dire).

2. Lucien Rebatet, « Un prophète sans emploi », Dimanche-Matin, 30 juin 1957. Article repris dans Le Bulletin célinien, n° 263, avril 2005, pp. 17-21.

3. Céline préconisait plutôt une séparation entre la France du nord et celle du sud. Cette lettre du 15 juin 1942, refusée par Je suis partout, a été publiée dans Lettres des années noires, Éd. Berg International, 1994, pp. 29-35.

4. Jean Lousteau, « Il s’agissait de s’entendre », Dimanche-Matin, 18 août 1957. L’auteur y déplore ce qu’il considère comme un « inutile déballage » dans D’un château l’autre.

5. Ce livre ne fut jamais réédité du vivant de Lucien Rebatet. Une réédition caviardée fut procurée en 1976 par Jean-Jacques Pauvert. À noter que ce livre vient d’être réédité intégralement par les éditions de L’Homme libre.

 

dimanche, 27 septembre 2009

Aux fils d'Ungern, qui par un bel été rouge à Pékin...

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AUX FILS D’UNGERN,

QUI PAR UN BEL ETE ROUGE A PEKIN…

 

Laurent Schang

 

La nature est ainsi faite, malgré les deuils de nos proches, la proximité des cimetières « Ô France, vieux pays de la terre et des morts ! » , il est des aînés, des figures, au sens latin du mot, qu’on n’imagine pas devoir mourir un jour. Qui aurait l’idée saugrenue de peindre la baie de Saint-Malo sans son phare ? Afin de retarder l’instant fatidique, il plut au poète d’inventer un baume, une formule magique à l’usage des bonnes gens, et l’on ne parle plus de la perte de l’être cher mais de sa disparition, comme si la personne avait tourné le coin de la rue pour ne jamais revenir. Infinie pitié de la langue française… Disons donc, avec Monsieur le curé, que Jean Mabire a disparu le 29 mars dernier dans sa quatre-vingtième année, au terme d’une existence bien remplie, et restons-en là.

Par ma faute, notre relation épistolaire, je n’ose écrire notre amitié, était plutôt mal partie. Dans un article où j’encensais le travail de recherche effectué par un ex officier de l’armée soviétique sur la vraie vie du baron Ungern, Le Khan des steppes,* j’avais commis l’injustice toute journalistique de féliciter l’auteur pour l’abondance de ses sources, comparée à leur absence supposée dans la biographie romancée de Jean Mabire, Ungern le baron fou, parue en 1973. Je dis supposée parce que, sûr de mon fait, je ne m’étais pas donné la peine, élémentaire, de vérifier l’information avant de rédiger mon papier. Deux semaines plus tard, l’article paraissait dans un supplément littéraire à gros tirage. Sans se démonter, Jean Mabire m’écrivit au journal, un carton ferme mais poli accompagné d’une photocopie de sa bibliographie six pages complètes, impossibles à rater, en fin de livre. Honte à moi ! J’ai oublié depuis le contenu de ma réponse mais j’en devine la nature. L’imprudence est un péché de jeunesse et Mabire, je m’en rendrais compte au fil du temps, n’aimait rien tant qu’aller à la rencontre de ses jeunes lecteurs. J’ai conservé ce carton imprimé, un des rares écrits de sa main, et je le conserve encore dans son enveloppe, comme le plus précieux des autographes. La mansuétude n’était pas la moindre de ses qualités, je ne tarderais pas non plus à m’en apercevoir. En guise d’excuse, me connaissant j’ai dû lui griffonner à peu près ceci : « Cher Jean Mabire, (…) chose exceptionnelle chez moi, (…) pourtant, j’ai lu deux fois votre Ungern, (…) la première dans sa version de poche, la seconde dans sa réédition sous un nouveau titre : Ungern le dieu de la guerre, (…) mon livre de chevet, (…) Les Hors-la-loi, (…) Mourir à Berlin, (…) Les Samouraï, (…) L’Eté rouge de Pékin » Etc., etc. Rien que la vérité en somme.

S’en suivit dès lors une correspondance ininterrompue entre l’élève et son maître, même si au final, à relire ses lettres tapées à la machine, l’impression d’un commerce d’égal à égal domine. Jean Mabire m’y exposait l’avancée de son travail, ses projets de livres, et ils étaient nombreux, se souvenait des amis perdus, Roger Nimier, Dominique de Roux, Philippe Héduy, mais surtout, il m’interrogeait. Car derrière le bourreau d’écriture, le vénérable malouin curieux de tout, se cachait d’abord un éternel jeune homme, toujours inquiet de son époque et des siens. J’en veux pour preuve nos échanges de point de vue sur Israël – sa fascination pour les kibboutzim, leur idéologie de la charrue et de la grenade –, l’avenir de l’Union européenne, la subite redécouverte de Nietzsche, « le moins allemand des philosophes allemands », après les décennies de purgatoire. Vraiment, Christopher Gérard, dont on lira plus loin l’article, a raison de qualifier Jean Mabire d’honnête homme.

J’ai évoqué plus haut sa bonté d’âme, il me faut maintenant raconter l’extraordinaire générosité avec laquelle il me fit si souvent profiter des chefs-d’œuvre de sa collection. Mabire connaissait ma passion pour l’Extrême-Orient des années 30. Du rarissime Shanghai secret, petit bijou de reportage signé Jean Fontenoy aux portraits japonais de Sur le chemin des Dieux, de Maurice Percheron, des cadeaux de Jean Mabire mon préféré, avec son ex-libris frappé sur la page de garde, je ne compte plus le nombre de livres reçus par la poste en cinq ans. Combien en eut-il de ces gestes spontanés envers moi ? « Et va la chaîne de l’amitié… » me disait-il. Plus modestement, je lui envoyais mes nouvelles, des articles découpés dans la presse, sur l’histoire des ducs de Lorraine, la guerre de 1870, et mon livre dédicacé. Ainsi respections-nous l’antique principe du don et du contre don. « Chacun sert où il peut », aimait-il à me répéter en signe d’encouragement, lui qui confessait n’avoir été pleinement heureux qu’une fois dans sa vie en dehors de sa bibliothèque, en Algérie, où il servit de 58 à 59 sous l’uniforme de capitaine d’un commando de chasse.

Je n’insisterai pas sur la carrière du romancier ni sur la prodigalité de l’écrivain militaire, une centaine de livres, sans parler des rééditions. S’agissant du régionaliste normand, du fédéraliste européen, je renvoie le lecteur à l’entretien qui suit. Pour le détail de son œuvre, les intéressés trouveront sur Wikipédia une biobibliographie très correcte et des liens vers d’autres sites.

Jean Mabire n’aura pas vécu assez pour feuilleter la réédition de L’Eté rouge de Pékin, enrichie de sa préface inédite.** Dans son dernier courrier, déjà très affecté par la maladie, il me faisait part de sa tristesse de voir les rangs se dégarnir un peu plus autour de lui chaque année. Il n’en poursuivait pas moins d’arrache-pied la rédaction d’un essai sur la vie et l’œuvre du lieutenant-colonel Driant, de son nom de plume le capitaine Danrit, un soldat à sa mesure, rendu célèbre au début du siècle précédent par ses romans d’anticipation et tué en 1916 à la tête des 56e et 59e chasseurs, au deuxième jour de la bataille de Verdun. Une belle mort, aurait-il dit, la mort rêvée du centurion.

Jean je peux bien l’appeler Jean à présent avait choisi la voie martiale de l’écriture pour mieux se faire entendre dans ce pays « devenu silencieux et bruyant ». Il s’est tu avec, je l’espère, le sentiment du devoir accompli.

 

Jean Mabire, Paris 8 février 1927 – Saint-Malo 29 mars 2006

 

* Léonid Youzéfovitch, Editions des Syrtes, 2001.

** Editions du Rocher, 2006. Sur la genèse de ce livre, cf. l’entretien avec Eric Lefèvre ci-après.

samedi, 26 septembre 2009

Céline et la Suisse

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Céline et la Suisse

Article paru dans le "Bulletin célinien", n°277, juillet-août 2006

Pour la première période, ce thème concerne plutôt Louis Destouches que Céline. C’est de 1924 à 1927 que Destouches, médecin employé par la S.D.N., séjourne à Genève, avec de longues absences aux États-Unis, en Afrique et ailleurs. Son contrat avec la Société des Nations expire en décembre 1927.

L’iconographie ayant également sa place dans ce Bulletin, cela nous permet de présenter les deux endroits où Louis Destouches vécut en Suisse. Lorsqu’il arrive à Genève, il s’installe à « La Résidence », confortable hôtel situé sur la rive gauche, route de Florissant (voir ci-contre). Il y reste jusqu’en décembre 1925, date à laquelle il emménage dans un rez-de-chaussée de trois pièces, chemin de Miremont à Champel, dans la banlieue de Genève. C’est à la fin de l’année suivante qu’il rencontre une jeune Américaine de vingt-quatre ans, venue de Los Angeles, qui séjourne à Genève avec ses parents et suit des cours de danse classique. Il s’agit bien entendu d’Elizabeth Craig qu’il nommera « l’Impératrice », la future dédicataire du Voyage au bout de la nuit. Sans la S.D.N., Céline n’aurait donc jamais rencontré celle qui eut une si grande importance dans sa vie. La liaison dura six ans.

Ces faits sont connus de tous les céliniens. Ce qui l’est moins, ce sont les tentatives de Céline, à l’automne 1944, pour passer d’Allemagne, où il s’est réfugié, en Suisse avec l’espoir de gagner ensuite le Danemark. C’est par l’entremise de son ami suisse Paul Bonny et de son cousin Paul Gentizon – tous deux compromis dans la collaboration parisienne – qu’il tentera vainement d’obtenir un visa. C’est à cette fin qu’il utilisera les services d’un avocat suisse, Frédéric Savary, et qu’il adressera, en janvier 1945, un mémoire au consul général de Suisse à Stuttgart. « Inutile de vous certifier que je n’ai jamais émargé pour un centime ni directement ni indirectement à aucun service allemand », lui écrit-il, ce qui est exact — à la différence précisément de ses amis helvètes. Exilé au Danemark, les liens avec la Suisse ne sont pas rompus. En 1947, il écrit à Marie Canavaggia : « J’ai des amis en Suisse. Gentizon journaliste très distingué, au Lutry, canton de Vaud qui peut m’être très utile et un autre ami beaucoup plus malheureux – Bonny à Genève ». Tous deux tenteront, vainement une fois encore, de le faire éditer par « Le Cheval ailé », dirigé par Constant Bourquin. Céline renoue aussi avec Henri Poulain, ancien secrétaire de rédaction de Je suis partout, également réfugié à Genève. Tous ces personnages, dont la figure la plus connue est certainement Georges Oltramare (voir notice plus loin), sont évoqués dans un livre paru à Lausanne, il y a trois ans, et dont nous donnons les références ci-dessous.

 

 

Marc LAUDELOUT

 

 

 

Alain Clavien, Hervé Gullotti et Pierre Marti, « La province n’est plus la province ». Les relations culturelles franco-suisses à l’épreuve de la seconde guerre mondiale (1935-1950), Éditions Antipodes, coll. « Histoire », 2003, 368 p.

 

 

 

Voir aussi « Témoignage de Paul Bonny sur ses relations avec Céline » in  Louis-Ferdinand Céline, Lettres des années noires, édition présentée et établie par Philippe Alméras, Berg International, coll. « Faits et Représentations », 1994, pp. [54]-86, suivie de la correspondance de Céline aux Bonny. Sur la période antérieure, voir Louis-Ferdinand Céline (Docteur Destouches) à la Société des Nations (1924-1927). Documents, recueil publié sous la direction de Théodore Deltchev Dimitrov, Foyer Européen de la Culture, Genève-Gex, 2001, 502 p.

jeudi, 24 septembre 2009

Où es-tu Sebastiao?

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Où es-tu Sebastiao ?

 

Où il ne sera fait mention ni d’Amélie Nothomb ni de Frédéric Beigbeder, encore moins de Yannick Haenel et pas davantage de Justine Lévy, mais d’un roman portugais, Le Retour des caravelles, du dénommé Antonio Lobo Antunes, dans son édition de poche.

 

Quel eût été le destin des grands découvreurs, immortalisés face à l’Atlantique dans la pierre du Padrao dos Descobrimentos, suivant en file indienne à la conquête du monde l’Infant Henri le Navigateur (1394-1460) une caravelle à la main, s’ils avaient vécu dans le Portugal démocratique et européen, régime semi-présidentiel du football, du liège et du vin ? L’explorateur ivrogne Vasco de Gama errerait dans les ruelles de Lisebone, mendiant de quoi se saouler à tous les Ricardo Reis, Bernardo Soares et Alvaro de Campos à lunettes et col amidonné, boutiquiers, petits fonctionnaires aux prétentions poétiques trop pressés (par leurs femmes, leurs comptables, le fisc, l’heure) pour lui accorder la moindre attention. Fernao Mendes Pinto[1] tiendrait à Bélem au bord du Tage une baraque à frites de l’avis général trop grasses avec, punaisé au-dessus du frigo, un portrait de François Xavier, le saint patron de tous les amateurs d’origami. Pour survivre, Sébastien - Dom Sebastiao, le roi caché dont la défaite contre l’Infidèle à Alcazarquivir en 1578 fit crouler l’Empire portugais - vendrait des souvenirs du salazarisme sur les terrasses du vieux port, fumeur de haschich en tongues et chemise hawaïenne poignardé au petit matin par un dealer cap-verdien moins compréhensif que les autres. Quant à Camoes,[2] le poète borgne, il voyagerait aujourd’hui en classe économique, pour signer chez quelque richissime libraire brésilien collectionneur de vieilleries incongrues la version de poche des Lusiades, avec danseuses nues et palmiers sur la couverture. Où il croiserait en chemin ce fou de père Vieira,[3] prêchant devant un attroupement d’enfants métisses suceurs de canne à sucre des sermons autrefois prestigieux juché sur une caisse à savon, entre deux inhalations de colle.

         Adieu Goa, Luanda, Bissau, Lourenço Marques ; immergé dans le flot des pieds-noirs portugais qui débarquent hébétés à Lisebone de retour des colonies perdues (Guinée-Bissau en 1973, Angola et Mozambique en 1975), Pedro Alvares Cabral,[4] hier encore la gloire du Portugal, l’explorateur des côtes du Mozambique et de l’Inde, le découvreur du Brésil, n’a d’autre choix que de déambuler dans la ville, traînant les restes de son père dans un cercueil. L’enfant blond et le sébastianisme, vous connaissez ? demande-t-il aux Infantes que lutinent goulûment des amiraux décatis sous le regard soupçonneux de leurs proxénètes mauresques. Il m’aime, c’est sûr. Un jour, il m’emmènera... Et le troisième Portugais ? L’esprit polycontinental ? Le Manifeste de l’Atlantisme ? « Nous, peuple ultramarin, laissons la Terre à d’autres, car une plus grande aventure nous attend. » Mais la statue de Camoes à Lisebone est devenue la cible favorite des pigeons chieurs de fiente (« Que voulez-vous qu’on y fasse ? La municipalité est désargentée, et de toute façon on n’empêchera jamais les pigeons de chier où ça leur chante ! ») et Don Quichotte le nom du cheval de steeple-chase le mieux coté de la saison. Pourquoi crois-tu que nous ayons inventé le fado, imbécile, sinon pour mépriser Dieu qui nous a abandonnés.

Sur la plage, devant l’océan, Dominique de Roux,[5] tout de blanc vêtu, le bas de son pantalon en lin recouvert de la poussière rouge caractéristique des pistes angolaises, continue de scruter l’horizon à la recherche du Cinquième Empire et pleure la perte de Jonas Savimbi,[6] tandis que le flux et le reflux des vagues se chargent d’effacer le dessin tracé dans le sable par Pessoa.[7] Il répète tout le temps la même chose, racontent les immigrés sino-cubains mitigés de conseiller tchécoslovaque du village voisin contre un paquet d’américaines. Un truc comme : « Il fera la paix partout au monde. »

Et Antonio Lobo Antunes de s’en retourner, son livre sous le bras, au service psychiatrique en hôpital qu’il dirige.

LS



[1] Ecrivain et navigateur portugais (1509-1583)

[2] Luis de (1525-1580)

[3] Antonio Vieira, jésuite, écrivain et diplomate portugais (1608-1697)

[4] Navigateur portugais (1467-1526 ?)

[5] Ecrivain, éditeur et activiste français (1935-1977)

[6] Jonas Malheiro Savimbi, nationaliste angolais, chef du mouvement révolutionnaire UNITA (1934-2002)

[7] Ecrivain et poète portugais (1888-1935)

mardi, 22 septembre 2009

"Le conquistador aux pieds nus" d'Abel Posse

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"Cabeza de vaca le conquistador aux pieds nus" d'Abel Posse

Romans, nouvelles, récits
Textes latino-américains
Traduit  de l' espagnol (Argentine)
Romain Magras (Traducteur)

avril 2008  / 11,5 x 21,7 / 304 pages
ISBN 978-2-7427-7421-0
prix indicatif : 22,00 €

 

Le conquistador sans conquête de Charles Quint vit sa dernière année dans une modeste demeure sévillane. Sous couvert de lui faire vérifier des cartes du Nouveau Monde, une bibliothécaire charmeuse sollicite le vieillard sentimental, lui offrant du papier filigrané à ses armes. C’est qu’elle espère le récit des années escamotées dans ses Naufrages. Et le chimérique gouverneur du rio de La Plata de libérer sa mémoire pour des révélations qui bien souvent mettent à mal l’histoire officielle de la Conquête. C’est ce manuscrit imaginaire qui nous est rendu.
L’infatigable voyageur qui a parcouru, pieds nus, 8 000 kilomètres, lutté contre l’inceste et la polygamie, aboli l’esclavage, avoue l’inavouable osmose avec la culture indigène. Nature matricielle, magie, fusion avec le cosmos, plaisir des sens, contre barbarie espagnole, fièvre de l’or, croix inquisitrice et épée tolédane. Par amour, il a jeté un pont entre deux terres aux antipodes l’une de l’autre et qui ne devaient simplement pas se rencontrer. Son nom restera dans l’histoire. A-t-il à lui seul, comme le pensait Henry Miller, racheté tous les crimes des conquistadors ? Une seule évidence : l’hidalgo andalou, né riche et heureux, est mort pauvre et seul, mais probablement amoureux.

Abel Posse est né à Córdoba en 1934. Diplomate, il parcourt le monde pendant une quarantaine d’années avant de regagner Buenos Aires. Il est considéré comme un des maîtres du nouveau roman historique. Ses textes condensent les mythes et les histoires vraies ou fictives du continent latino-américain.

Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, essentiellement romanesques, dont deux ont paru en France : La Guerre au roi (Alta, 1981), et Les Chiens du paradis (Belfond, 1986).



lundi, 21 septembre 2009

"Pierre de scandale" de Nicolas Buri

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"Pierre de scandale" de Nicolas Buri

L’année 2009 est le cinq centième anniversaire de naissance de Jean Calvin. C’est donc dire que le roman de Nicolas Buri, mettant le personnage de Calvin en évidence, tombe à point. À travers Calvin Pierre de scandale nous décrit aussi toute une époque. Celle d’une chasse aux sorcières tous azimuts qui ne laissait place à aucune compassion. Les tenants de la Réforme protestante n’ont trouvé rien de mieux que d’imiter l’Inquisition catholique. Ce roman nous montre la bêtise des maniaques de dieu portant des œillères faites de récits bibliques interprétés d’obtuse façon.

 

Cruels, humains, trop humains, sont les tenants de l’orthodoxie biblique. Les ennemis du dogme, les amis de la liberté de parole « … avaient fui, chassés, une main en moins pour l’avoir levée contre un pasteur, la langue percée au fer pour blasphème, ou tués sous la torture, pour paillardise, adultère, sorcellerie, ou simplement par ignorance de ce que lui, Calvin, tenait pour vrai. » On a beau dire que cela se passait au XVIème siècle mais force est de constater qu’il en reste quelques relents de nos jours.

Calvin, âgé de vingt-sept ans arrive un jour de l'année 1536 à Genève, ville que l'on dit la plus sale et la plus paillarde d'Europe. Avant d'en devenir le maître, il livre une lutte à mort contre les ennemis de l'intérieur, ceux qui ne se conforment pas aux diktats de la bible telle qu’il se plait à l’interpréter. Cette Cité de Dieu, Jérusalem nouvelle, devient le havre de ces hérétiques que l'on appelle 'protestants'. Si Calvin crée pour eux une ville cosmopolite, pour beaucoup de Genevois il reste 'le Français', l'étranger, l'homme à abattre, pourfendeur de leurs libertés et juge de leur quotidien, leur imposant jusqu'à la couleur des vêtements et la forme des chaussures. Désormais, catholiques et protestants forment deux blocs qui se font face. Dans un camp comme dans l'autre, il y a des excommuniés, des résistants. L'âpre théorie des guerres de religion peut commencer de dévaster l'Europe.

Calvin, dans le roman de Buri, est la figure même de l’intolérance, de l’irrationalisme, de l’aveuglement biblique et de la bêtise. Pour mieux comprendre certaines attitudes contemporaines de fondamentalistes è tout crin, un roman à lire.

 

 

Nicolas Buri est né en 1965 à Genève. Il en est à son premier roman. Il travaille comme rédacteur-concepteur. Il est également l'auteur de scénarios réalisés pour la télévision et le cinéma.

 

Nombre de pages : 304
Prix suggéré : 22,8 €

Éditions Actes Sud
www.actes-sud.fr