vendredi, 30 mai 2008
E. Jünger, lecteur de Léon Bloy
Alexander PSCHERA:
Ernst Jünger, lecteur de Léon Bloy
Les sept marins du “renversement copernicien” sont un symbole, qu’Ernst Jünger met en exergue dans la préface des six volumes de ses “Journaux”, intitulés “Strahlungen”. Les notes de ces “Journaux”, rédigées pendant l’hiver 1933/1934 “sur la petite île de Saint-Maurice dans l’Océan Glacial Arctique” signalent, d’après Jünger, que “l’auteur se retire du monde”, retrait caractéristique de l’ère moderne. Le moi moderne est parti à la découverte de lui-même, explique Jünger, conduisant à des observations de plus en plus précises, à une conscience plus forte, à la solitude et à la douleur. Aucun des marins ne survivra à l’hiver arctique. Nous avons énuméré là quelques caractéristiques majeures des “Journaux” de Jünger. Celui-ci rappelle simultanément les pierres angulaires de l’œuvre et de l’univers d’un très grand écrivain français, qu’il a intensément pratiqué entre 1939 et 1945: Léon Bloy.
Léon Henri Marie Bloy est né le 11 juillet 1846 à Périgueux. Il est mort le 3 novembre 1917 à Bourg-la-Reine. Il se qualifiait lui-même de “Pèlerin de l’Absolu”. Converti au catholicisme sous l’impulsion de Barbey d’Aurevilly en 1869, il devient journaliste, critique littéraire et écrivain et va mener un combat constant et vital contre la modernité sécularisée, contre la bêtise, l’hypocrisie et le relativisme, contre l’indifférence que génère un ordre matérialiste. Bloy remet radicalement en question tout ce qui fait les assises de l’individu, de la société et de l’Etat, ce qui le conduit, bien évidemment, à la marginalisation dans une société à laquelle il s’oppose entièrement.
Pour Bloy, Dieu n’était pas mort, il s’était “retiré”
Conséquences de la radicalité de ses propos, de son œuvre et de sa langue furent la pauvreté extrême, l’isolement, le mépris et la haine. Sa langue surtout car Bloy est un polémiste virulent, à côté de beaucoup d’autres. Son Journal, qui compte plusieurs volumes, couvre les années de 1892 à 1917; sa correspondance est prolixe et bigarrée; ses nombreux essais, dont “Sueur de sang” (1893), “Exégèses des lieux communs” (1902), “Le sang du pauvre” (1909), “Jeanne d’Arc et l’Allemagne” (1915) et surtout ses deux romans, “Le désespéré” (1887) et “La femme pauvre” (1897) forment, tous ensemble, une œuvre vouée à la transgression, que l’on ne peut évaluer selon les critères conventionnels. La pensée et la langue, la connaissance et l’intuition, l’amour et la haine, l’élévation et la déchéance constituent, dans les œuvres de Bloy, une unité indissoluble. Il enfonce ainsi un pieu fait d’absolu dans le corps en voie de putréfaction de la civilisation occidentale. Ainsi, Bloy se pose, à côté de Nietzsche, auquel il ressemble physiquement, comme l’un de ces hommes qui secouent et ébranlent fondamentalement la modernité.
L’impact de Bloy ne peut toutefois se comparer à celui de Nietzsche. Il y a une raison à cela. Tandis que Nietzsche dit: “Dieu est mort”, Bloy affirme “Dieu se retire”. Nietzsche en appelle à un homme nouveau qui se dressera contre Dieu; Bloy réclame la rénovation de l’homme ancien dans une communauté radicale avec Dieu. Nous nous situons ici véritablement —disons le simplement pour amorcer le débat— à la croisée des chemins de la modernité. Aux limites d’une époque, dans le maëlström, une rénovation s’annonce en effet, qu’et Nietzsche et Bloy perçoivent, mais ils en tirent des prophéties fondamentalement différentes. Chez Nietzsche, ce qui atteint son sommet, c’est la libération de l’homme par lui-même, qui se dégage ainsi des ordonnancements du monde occidental, démarche qui correspond à pousser les Lumières jusqu’au bout; chez Bloy, au contraire, nous trouvons l’opposition la plus radicale aux Lumières, assortie d’une définition eschatologique de l’existence humaine. Nietzsche a fait école, parce que sa pensée restait toujours liée aux Lumières, même par le biais d’une dialectique négative. Pour paraphraser une formule de Jünger: Nietzsche présente le côté face de la médaille, celle que façonne la conscience.
Bloy a été banni, côté pile. Il est demeuré jusqu’à aujourd’hui un auteur ésotérique. Ses textes, nous rappelle Jünger, sont “hiéroglyphiques”. Ils sont “des œuvres, pour lesquelles, nous lecteurs, ne sommes mûrs qu’aujourd’hui seulement”. “Elles ressemblent à des banderoles, dont les inscriptions dévoilent l’apparence d’un monde de feu”. Mais malgré leurs différences Nietzsche et Bloy constituent, comme Charybde et Scylla, la porte qui donne accès au 20ième siècle. Impossible de se décider pour l’un ou pour l’autre: nous devons voguer entre les deux, comme l’histoire nous l’a montré. Bloy et Nietzsche sont les véritables Dioscures du maëlström. Peu d’observateurs et d’analystes les ont perçus tels. Et,dans ce petit nombre, on compte le catholique Carl Schmitt et le protestant Ernst Jünger.
Si nous posons cette polarité Nietzsche/Bloy, nous considérons derechef que l’importance de Bloy dépasse largement celle d’un “rénovateur du catholicisme”, posture à laquelle on le réduit trop souvent. Dans sa préface à ses propres “Strahlungen” ainsi que dans bon nombre de notices de ses “Journaux”, Ernst Jünger cite Bloy très souvent en même temps que la Bible. Car il a lu Bloy et la Bible en parallèle, comme le montrent, par exemple, les notices des 2 et 4 octobre 1942 et du 20 avril 1943. C’est à partir de Bloy que Jünger part explorer “le Livre d’entre les Livres”, ce “manuel de tous les savoirs, qui a accompagné d’innombrables hommes dans ce monde de terreurs”, comme il nous l’écrit dans la préface des “Strahlungen”. Bloy a donné à Jünger des “suggestions méthodologiques” pour cette nouvelle théologie, qui doit advenir, pour une “exégèse au sens du 20ième siècle”.
Mais Jünger place également Bloy dans la catégorie des “augures des profondeurs du maëlström”, parmi lesquels il compte aussi Poe, Melville, Hölderlin, Tocqueville, Dostoïevski, Burckhardt, Nietzsche, Rimbaud, Conrad et Kierkegaard. Tous ces auteurs, Jünger les appelle aussi des “séismographes”, dans la mesure où ils sont des écrivains qui connaissent “l’autre face”, qui sentent arriver l’ère des titans et les catastrophes à venir ou qui les saisissent par la force de l’esprit. Dans “Le Mur du Temps”, Jünger nous rappelle que ces hommes énoncent clairement leur vision du temps, de l’histoire et du destin. Trop souvent, dit Jünger, ces “augures” s’effondrent, à la suite de l’audace qu’ils ont montrée; ce fut surtout le cas de Nietzsche, “qu’il est de bon ton de lapider aujourd’hui”; ensuite ce fut aussi celui de Hamann qui, souvent, “ne se comprenait plus lui-même”. On peut deviner que Jünger, à son tour, se comptait parmi les représentants de cette tradition: “Après le séisme, on s’en prend aux séismographes” —modèle explicatif qui peut parfaitement valoir pour la réception de l’œuvre de Jünger lui-même.
Le chemin qui a mené Jünger à Bloy ne fut guère facile. Jünger le reconnait: “Je devais surmonter une réticence (...) —mais aujourd’hui il faut accepter la vérité, d’où qu’elle se présente. Elle nous tombe dessus, à l’instar de la lumière, et non pas toujours à l’endroit le plus agréable”. Qu’est-ce donc que cet “endroit désagréable”, qui suscite la réticence de Jünger? Dans sa notice du 30 octobre 1944, rédigée à Kirchhorst, Jünger écrit: “Continué Léon Bloy. Sa véritable valeur, c’est de représenter l’être humain, dans son infamie, mais aussi dans sa gloire”. Pour comprendre plus en détail cette notice d’octobre 1944, il faut se référer à celle du 7 juillet 1939, qui apparaît dans toute sa dimension drastique: “Bloy est un cristal jumelé de diamant et de boue. Son mot le plus fréquent: ordure. Son héros Marchenoir dit de lui-même qu’il entrera au paradis avec une couronne tressée d’excréments humains. Madame Chapuis n’est plus bonne qu’à épousseter les niches funéraires d’un hôpital de lépreux. Dans un jardin parisien, qu’il décrit, règne une telle puanteur qu’un derviche cagneux, qui est devenu l’équarisseur des chameaux morts de la peste, serait atteint de la folie de persécution. Madame Poulot porte sous sa chemise noire un buste qui ressemble à un morceau de veau roulé dans la crasse et qu’une meute de chiens a abandonné après l’avoir rapidement compissé. Et ainsi de suite. Dans les intervalles, nous rencontrons des sentences aussi parfaites et vraies que celle-ci: ‘La fête de l’homme, c’est de voir mourir ce qui ne paraît pas mortel’ “.
Bloy descend en profondeur dans le maëlström, les yeux grand ouverts. Cela nous rappelle la marche de Jünger, en plein éveil et clairvoyance, à travers le “Foyer de la mort”, dans “Jardins et routes”. Ce qui m’apparaît décisif, c’est que Bloy, lui aussi, indique une voie pour sortir du tourbillon, qu’il ressort, lui aussi, toujours du maëlström: “Bloy est pareil à un arbre qui, plongeant sa racine dans les cloaques, porterait à sa cime des fleurs sublimes” (notice du 28 octobre 1944). Cette image d’une ascension hors des bassesses de la matière, qui s’élance vers le sublime de l’esprit, nous la retrouvons dans la notice du 23 mai 1945, rédigée à la suite d’une lecture du texte de Bloy, “Le salut par les juifs”: “Cette lecture ressemble à la montée que l’on entreprend dans un ravin de montagne, où vêtements et peau sont déchiquetés par les épines. Elle trouve sa récompense sur l’arête; ce sont quelques phrases, quelques fleurons qui appartiennent à une flore autrement éteinte, mais inestimable pour la vie supérieure”.
“On doit prendre la vérité où on la trouve”
Dans la pensée de Bloy, Jünger ne trouve pas seulement une véhémence de propos qui détruit toutes les pesanteurs de l’ici-bas, mais aussi les prémisses d’un renouveau, d’une “Kehre”, soit d’un retournement, des premières manifestations d’une époque spirituelle au-delà du “Mur du temps”, quand les forces titanesques seront immobilisées et matées, quand l’homme et la Terre seront à nouveau réconciliés. Nous ne pouvons entamer, ici, une réflexion quant à savoir si Jünger comprend la pensée sotériologique de Bloy de manière “métaphorique”, comme tend à le faire penser Martin Meyer dans son énorme ouvrage sur Jünger, ou s’il voit en Bloy la dissolution du nihilisme annoncé par Nietzsche —cette thèse pourrait être confirmée par la dernière citation que nous venons de faire où l’image de l’épine et de la peau indique un ancrage dans la tradition chrétienne. Mais une chose est certaine: Bloy a été, à côté de Nietzsche, celui qui a contribué à forger la philosophie de l’histoire de Jünger. “Les créneaux de sa tour touchent l’atmosphère du sublime. Cette position est à mettre en rapport avec son désir de la mort, qu’il exprime souvent de manière fort puissante: c’est un désir de voir représenter la pierre des sages, issue des écumes les plus basses, des lies les plus sombres: un désir de grande distillation”.
Alexander PSCHERA.
(article tiré de “Junge Freiheit” n°09/2005; trad. franç. : Robert Steuckers).
Alexandre Pschera est docteur en philologie germanique. Il travaille actuellement sur plusieurs projets “jüngeriens”.
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mardi, 27 mai 2008
Pierre Gripari vu par Pierre Monnier
Pierre Gripari
par Pierre Monnier
(paru dans Minute, 1990)
C'est une histoire très simple. En 1990, un homme est mort à l'âge de 65 ans dont très peu de gens savaient qu'il était un très grand écrivain. Seuls quelques-uns pour qui la lecture est une drogue lui vouaient une admiration sans bavure.
Il y a une quinzaine d'années, l'un des admirateurs de Pierre Gripari décida de lui rendre un hommage original. Il le pria de se rendre auprès de lui dans la capitale de l'Autriche où il habitait. Quelques jours plus tard, devant la gare de Vienne, une fanfare accueillait à la descente du train de Paris un gaillard souriant, au regard vif derrière d'énormes lunettes de myope. Les acclamations d'un petit groupe lui faisaient un visage hilare. L'inviteur qui tenait à fêter un grand écrivain français méconnu se nommait Jean-Jacques Langendorf. Il dirigeait lui-même la fanfare. Vladimir Dimitrijevic se réjouissait de l'amicale aubade offerte à l'auteur qu'il défendait de tout son cœur au sein de sa maison d'édition l'Age d'homme. Quant à Pierre Gripari, jamais il n'avait connu aussi bruyant hommage.
Pierre Gripari est pourtant l'auteur d'une soixantaine de textes de toute nature, nouvelles, romans, adaptations théâtrales, pièces pour le café-théâtre, poésie, anthologies, aphorismes, pièces et livres pour enfants (ces livres pour enfants dont les Contes de la rue Broca connaissent un succès ininterrompu). Leur énumération tiendrait ici trop de place, de Pierrot-la-lune à Frère gaucher, de Reflets et réflexes à La vie, la mort et la résurrection de Socrate-Marie Gripotard, mais si vous ignorez tout de cette œuvre, foncez et procurez-vous Je suis un rêve et autres contes exemplaires. C'est un choix judicieux de 33 textes établi par Jean-Pierre Rudin aux éditions de Fallois-L'Age d'homme.
Je sais que, quand vous aurez lu celui-là, vous ne dormirez pas avant d'aller voir plus loin. Le recueil est préfacé par l’orfèvre Jean Dutourd : "Il avait tous les dons : le style, la gaieté, la légèreté, la profondeur, la fantaisie et, par-ci, par-là, de ces idées saugrenues qui font chanter une œuvre. Rien n'est plus invisible que le talent. Celui de Gripari était immense, éclatant, il crevait les yeux, comme on dit, et à peu près personne ne le voyait."
Vous avez compris que, toute affaire cessante, il faut lire Gripari. Dans la forme la plus directe, avec une déconcertante aisance, Gripari raconte, comme en se laissant aller, sans qu'un mot paraisse en surnombre et sans qu'il y ait à rajouter. La perfection de l'écriture. Je ne résiste pas au plaisir de vous faire juge. Voici la fin d'un petit conte d'une vingtaine de lignes. Dieu qui a créé le monde vient examiner son oeuvre en fin de semaine :
"Puis il vit l'homme, et fit la grimace :
- C'est de moins en moins ça, songea-t-il. Ensuite il vit la femme :
- Oh la la ! On voit bien que je l'ai faite à la fin de semaine ! J'étais fatigué.
Alors ce matin-là, en pleine aurore de ses forces, Dieu décida de faire, tout de suite, son chef-d'œuvre... Et il créa le chat."
Gripari traite avec naturel et désinvolture les sujets les plus divers et ne tombe jamais dans le piège du didactisme. Il sait trop bien "dire" pour n'avoir jamais besoin "d'expliquer". Il est irrespectueux, insolent, arrogant parfois, et toujours en souriant. Quand les exégètes s’empareront de son œuvre, on sera stupéfait de découvrir l'ampleur et les prolongements d'un tel ouvrage élaboré dans la diversité, l'imagination, la curiosité légère et l'ironie. On essaiera d'approcher l'homme et l'on découvrira qu'il vivait et travaillait dans une petite chambre au premier étage d'un vieil immeuble, rue de la Folie-Méricourt. Quelques livres et un lit que chaque jour il relevait pour l'encastrer dans le mur. Des murs presque nus sur lesquels étaient épinglées trois ou quatre images parmi lesquelles un dessin de Claude Verlinde... Tant de talent et d'érudition dans un décor aussi simple. Les éditions de L'Age d'homme ont publié un attachant Gripari, mode d'emploi ; des entretiens révélateurs avec son ami Alain Paucard (que je salue au passage, celui-là aussi, un singulier bien fait pour s’entendre avec Pierrot-la-lune). Dans ce dense petit livre, Pierre Gripari se raconte sans chiqué avec une sincérité qui ajoute à sa "présence". Bien sûr, il faut lire Gripari. Si vous aimez les textes courts et rapides, si vous êtes pressé, procurez-vous Du rire et de l'horreur et Reflets et réflexes, des aphorismes, des mots, des sourires.
Pour terminer voici encore Jean Dutourd : "Il était l'image quasi idéale du ronchon, c’est-à-dire d'un homme qui aime tout et qui est sceptique sur tout. Mais je m'aperçois que cela pourrait être aussi bien la définition du grand écrivain."
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samedi, 10 mai 2008
Citation de Hermann Hesse
"Le bourgeois (...) cherche à s'installer entre les extrêmes, dans la zone agréable et tempérée, sans orage ni tempête violente, et il y réussit mais aux dépens de cette intensité de vie et de sentiments que donne une existence orientée vers l'extrême et l'absolu. (...) Ainsi, au détriment de l'intensité, il obtient la conservation et la sécurité ; au lieu de la folie en Dieu, il récolte la tranquillité de la conscience ; au lieu de la volupté, le confort ; au lieu de la liberté, l'aisance ; au lieu de l'ardeur mortelle, une température agréable. Le bourgeois, de par sa nature, est un être doué d'une faible vitalité, craintif, effrayé de tout abandon, facile à gouverner. C'est pourquoi, à la place de la puissance, il a mis la majorité ; à la place de la force, la loi ; à la place de la responsabilité, le droit de vote."
Hermann Hesse, Le Loup des steppes
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vendredi, 02 mai 2008
Connaître et aimer Knut Hamsun
Pierre Le Vigan |
Né en 1859, mort en 1952, Hamsun – ce « personnage original et puissant » comme disait Octave Mirbeau – est déjà de notre temps, de la première modernité en tout cas, sans l’être tout à fait : il n’a connu que la première phase de son déchaînement, il est vrai significative puisqu’elle comporte Hiroshima, Dresde février 45, les camps nazis, les camps staliniens, et aussi la TSF, l’avion, le téléphone. Hamsun a connu cela, et il a connu aussi le temps d’avant, celui que chacun d’entre nous n’a pas connu, le temps des chevaux, des charrettes, des dialogues sur la place du bourg, des amours cachés dans les foins et non sur le web.
Dans une œuvre longue, ponctuée par le prix Nobel en 1920, pour Les fruits de la terre (traduit sous le nom de L’éveil de la glèbe), le héros hamsunien, note d’Urance, « figure son époque par delà l’infinité ou la différence des personnages. » « Fixer l’ambiance d’époque, devenir un mémorialiste de son temps » c’est à cela, écrit encore justement d’Urance, que l’on reconnaît un grand écrivain. Ce héros hamsunien dit, comme celui de Balzac, l’époque et l’époque qui change – et l’homme qui change avec son époque. « Nous changeons même si c’est infime, dit l’un des personnages d’Hamsun. Aucune volonté, aussi stricte soit-elle, ne peut avoir d’influence sur cette progression naturelle (…). Du point de vue historique, le changement est un signe de liberté et d’ouverture » (Crépuscule, 1898).
Knut Pedersen-Hamsun a voyagé, notamment aux Etats-Unis, et a exercé plusieurs métiers. Il a vu les nuances du monde et c’est pourquoi il convient de porter sur lui un jugement plein de nuances. En Amérique, il est frappé par la solidité des bases morales données par la religion ainsi que par le patriotisme exagéré des Américains (August le marin, 1930). Il note l’excès de morale et la faiblesse de l’analyse, la faiblesse de ce que les Français appellent « l’esprit » qui caractérise ce peuple. Il est encore frappé par quelque chose d’une extrême dureté que l’on trouve selon lui dans la mentalité des Américains. En Caucasie, au contraire, ce qui lui parait décisif c’est que plus on va vers l’est, plus on va vers le silence, plus le sort de l’homme devient non plus de parler, mais d’écouter la nature, celle-ci devenant de plus en plus massive, de plus en plus tellurique. « J’en aurais toujours la nostalgie » écrit Hamsun.
Patriote norvégien – il est pour l’indépendance de son pays en 1905, au moment de la séparation avec la Suède -, moderniste en littérature, dénué de xénophobie et d’antisémitisme, qu’est-ce qui a poussé Knut Hamsun à se « rallier », avec des nuances bien entendu, au régime pro-allemand de Quisling de 1940 à 1945 et d’une manière plus générale à la cause de l’Allemagne national-socialiste et de l’Axe (un de ses fils sera combattant dans une unité de Waffen SS comme nombre de nordiques et de Baltes).
Ce choix aventureux - dans lequel Hamsun avait beaucoup à perdre et rien à gagner - n’est de fait pas venu par hasard, et Michel d’Urance éclaire de manière fine cet épisode qui donne un caractère de souffre à l’approche d’Hamsun dont les amitiés littéraires (il fut préfacé par André Gide notamment) n’avaient strictement rien de « fasciste ». Pour autant, il est exact que Hamsun était critique quant à la modernité, il est exact qu’il souhaitait un équilibre entre celle-ci et des valeurs traditionnelles comme la proximité avec la nature, l’expérience personnelle, toutes choses qui amenaient à critiquer les sociétés de masse, à refuser le communisme, à ne pas se satisfaire non plus du libéralisme et son culte du commerce. D’où un intérêt pour tout système paraissant ouvrir une nouvelle voie.
Il est de fait aussi que, trente ans avant l’arrivée de Hitler au pouvoir, Hamsun avait manifesté sa sympathie pour l’Allemagne. Il est de fait que l’Allemagne devenue nazie, sa sympathie n’a pas faibli. Comme beaucoup, Hamsun n’a pas voulu voir la réalité de l’antisémitisme nazi et a sous-estimé son extrême violence (dont les manifestations et l’aboutissement criminel n’étaient pas forcément décelable vu de Norvège, les nazis ayant mis en place une politique du secret et du camouflage qui trompa bien des observateurs). Bien entendu, des facteurs plus personnels sont à prendre en compte : Hamsun a 81 ans en 1940, et il est sourd. Sans aller jusqu’à dire que sa surdité explique sa cécité ( !) sur le nazisme, il est certain que ce handicap l’éloigne du monde. Hamsun est toutefois parfaitement lucide durant ces années. En 1940, il souhaite publiquement l’arrêt des combats et la collaboration de la Norvège avec le Reich. Sa principale motivation est la détestation des anglo-saxons et de leur civilisation. Nulle hystérie antisémite chez lui. Très vite, Hamsun est déçu de la forme que prend la politique de collaboration. Il reste toutefois fidèle à ses prises de position initiale. Le 7 mai 1945, il rend hommage dans la presse à Hitler en des termes lyriques et quasi-christiques (on pense à Alphonse de Chateaubriand), le présentant comme un homme qui « proclamait son évangile de la justice pour toutes les nations » et « une de ces figures éminentes qui bouleversent le monde » (la seule chose que l’on ne contestera pas, c’est le fait qu’Hitler ait bouleversé le monde en parachevant la catastrophe inaugurée en 1914 et qui a vu l’Europe presque au bord de la sortie de l’histoire. Cf. Dominique Venner, Le siècle de 1914, Pygmalion, 2006). En vérité, un entretien d’Hamsun avec Hitler en 1943 avait montré l’ampleur des malentendus, comme le montre bien Michel d’Urance. Hamsun était un idéaliste et rêvait d’une Europe nordique fédérée, faisant vivre une civilisation débarrassée des excès de l’économisme et Hitler était avant tout un pangermaniste darwinien, scientiste et ultra-moderniste qui souhaitait que la Norvège lui cause le moins de souci possible.
En 1945, Hamsun est mis en résidence surveillée puis jugé. Il est libéré au bout de 5 ans, il a alors 90 ans et est complètement ruiné. Il meurt 2 ans plus tard. On ne connaît pas de personnes qui ait été arrêtées suite à des dénonciations venant de lui, par contre, plusieurs personnes lui doivent la vie ou leur libération suite à des interventions qu’il a faite durant la guerre auprès des Allemands. Il avait écrit : « Il est bon que certains gens sachent comment un homme de fer se comporte devant une morsure de serpent ».
notes |
Michel d’Urance, Hamsun, Qui suis-je, Pardès, 2007, 128 p., 12 €. |
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mercredi, 30 avril 2008
Céline e Alessandro Piperno
Louis-Ferdinand Céline:
Céline e Alessandro Piperno
Tratto da http://lf-celine.blogspot.com/
Riportiamo un articolo di Alessandro Piperno su Céline, apparso sul Corriere della Sera del 7 gennaio 2008.
Voyage au but de la nuit, di Louis-Ferdinand Céline andava come qualsiasi altro bestseller natalizio. Lascio ad altri la riflessione sui celiniani tempi che viviamo, e mi chiedo: chi più di Céline ha patito gli sbalzi di umore del pubblico e della critica? E tutto per via di quel libro: Bagatelle per un massacro, il primo dei pamphlet filo-nazisti, che qualcuno ritiene il prodotto di «un delirante teppismo antisemita» (la definizione è di Mengaldo), e qualcun’altro — come Emile Brami — uno dei vertici dell’opera celiniana. Contagiato da quel fermento parigino, ho acquistato Céline vivant, un cofanetto di dvd con le interviste televisive concesse da Céline del dopoguerra. Molto di questo materiale mi era noto.
Ma vedere Céline, sentirlo parlare, be’ è un’esperienza impagabile. Sicché eccolo lì, sullo schermo del televisore della mia stanza d’albergo: il collo avvolto dai leziosi foulard con cui i barboni si danno un tono. Eccolo lì, nella dimora-tomba di Meudon, ostentare il corpo martoriato con la cristologica impudicizia di Artaud. La vacuità dello sguardo corrisponde all’atonia della voce: monotona come quella di certi bambini autistici, marcata da uno smangiucchiato accento parigino. È il Céline che ti aspetti, che gioca a depistare gli intervistatori con risposte vezzose. A quello che gli chiede perché ha scritto il Voyage risponde che lo ha fatto per pagare l’affitto. A quello che gli domanda se lui pensa che si possa scrivere solo del proprio vissuto, oppone ancora un’altra metafora economica: «Solo delle cose che hai pagato». E allora quello gli chiede se non ci sia affettazione in tutto quel dolore esibito dalla sua voce e strillato dai suoi libri. Céline s’infuria. Quello che nessuno capisce è che lui è figlio di una ricamatrice di merletti e come tale, a dispetto di molti suoi colleghi che utilizzano formule corrive (Mauriac, un politicante; Morand, un rincoglionito; Giono, insignificante), lui ha una artigianale dedizione per la raffinatezza dello stile. Ma certo il solito adagio celiniano: io sono solo uno stilista.
Ma perché Céline insiste tanto sulla raffinatezza? Perché conosce i suoi punti di forza. Perché sa di rappresentare uno di quei casi virtuosi in cui la rivoluzione stilistica trova sontuosa corrispondenza nella rivoluzione della sensibilità.
Lo capì Robert Denoël, un giovane editore, quando, nella primavera del ‘32, s’imbatté nel manoscritto del Voyage e sentì di avere tra le mani uno dei libri del secolo. Fu così che nella Parigi di Breton e di Cocteau atterrò quell’astronave giunta da un’altra galassia, guidata da un medico non ancora quarantenne, invalido a un braccio per una gravissima ferita di guerra, con la sua collezione di viaggi in capo al mondo: dall’Africa nera agli Stati Uniti. Un libro che, sotto forma di monologo, irradiava un’energia titanica. Ferdinand Bardamu — il Narratore — era un vitalista delle tenebre: la sua voce appariva moderna, mimetica, capace di esprimere tutto il sarcasmo della disperazione e di irradiare l’infuocata luce delle grandi disfatte. A suo modo Ferdinand si rivelava perfino un umorista (qualità che, purtroppo, il suo creatore avrebbe sacrificato in seguito sull’altare della paranoia). Ma ciò che rendeva davvero speciale il Voyage era quella miscela di lucidità e pietà per la condizione umana. Ed è esattamente questo cocktail che spinse tutti a urlare al miracolo: da Sartre a Daudet, da Bernanos a Nizan, da Bataille a Trotzkij, tutti intuirono che l’entità copernicana di quella rivoluzione era nel modo con cui Céline aveva sporcato la sua prosa di mille inflessioni tratte dalla vita vera e, allo stesso tempo, nel modo in cui tutta quella sporcizia aveva reso la sua prosa scandalosamente raffinata. Così i francesi, dopo Flaubert, hanno di nuovo uno scrittore il cui virtuosismo stilistico è pari solo al disincanto nichilista delle sue convinzioni. D’altra parte, a dispetto delle abiure con cui Céline negli anni successivi avrebbe provato a ridimensionare la potenza innovativa di quel capolavoro, nessuno meglio di lui sapeva cosa lo avesse spinto a scrivere il libro in quella precisa maniera. «Non si sa niente della vera storia degli uomini» esclama a un tratto Ferdinand, nel romanzo.
Esiste aspirazione più novecentesca di questa? Raccontare la vera storia degli uomini. Come ogni scrittore di genio (come James Joyce con il quale condivide un debole per l’ellisse grammaticale e per la scatologia), Céline sapeva che tale ricerca della «vera storia» passava attraverso un nuovo modo di esprimersi. E quindi, banalmente, attraverso un nuovo modo di girare le frasi.
Ecco cosa intende Céline per raffinatezza. Il problema è che ci si può ammalare di stile. Già in Morte a credito — il secondo memorabile romanzo — la consapevolezza stilistica si è come cristallizzata. La prosa sta assumendo la forma che non perderà più. L’ironia cede al sarcasmo. La frase si spappola in singulti inframmezzati dai celebri tre punti di sospensione. Il presente indicativo sta prendendo il sopravvento su tutti gli altri tempi e modi verbali. La lucidità è offuscata dal delirio. La pietà dall’odio. La misantropia degenera in razzismo. Molti anni dopo Simone de Beauvoir annoterà: « Morte a credito ci aprì gli occhi. Vi è un certo disprezzo velenoso per la piccola gente. Che è un atteggiamento prefascista». Atteggiamento prefascista che inaugura l’era sciagurata dei Pamphlet nazisti (come altro chiamarli?). Cosa spinge lo scrittore pacifista del Voyage a inneggiare allo sterminio degli ebrei? A mettersi al fianco della più violenta organizzazione criminale della storia, in nome di una pace che sicuramente i nazisti tradiranno? Ragioni personali e non confessabili? Un’idea pervertita dell’anticonformismo e dell’anarchia? O semplice opportunismo?
A tal proposito Sartre scrisse: «Se Céline ha potuto sostenere le tesi socialiste dei nazisti, è perché lui era pagato». Ma purtroppo le motivazioni erano più nobili del danaro e quindi ancora più aberranti. L’antisemitismo di Céline non ha niente di originale. Non c’è nulla in quello che lui dice che non abbia detto Drumont — e con lui tanti altri — molti decenni prima. Bagatelle, con buona pace di chi ne apprezza certi passaggi, è un libro schifoso. E lo è tanto più perché è scritto con raffinatezza. La cosa più sconcertante è come l’uomo distintosi per lucidità di visione e capacità empatica, dia prova stavolta di ottusità e mancanza di simpatia.
«Vorrei proprio fare un’alleanza con Hitler. Perché no? Lui non ha detto niente contro i Bretoni, contro i Fiamminghi… Lui ha parlato solo degli ebrei… Lui non ama gli ebrei… E neanch’io… E non amo neppure i negri fuori dal loro Paese…». Una frase (in mezzo a tante altre dello stesso tenore) che dimostra come uno degli errori di questo libro stia nell’aver confuso le vittime con i carnefici. E come l’errore di questo stile così esagitato (ormai totalmente celiniano) sia di essersi messo al servizio di quell’errore di valutazione storica. Così come c’era una relazione inestricabile tra la lucidità esibita da Céline nel Voyage e l’innovazione stilistica, allo stesso modo c’è un nesso tra la cantonata ideologica e l’oracolare impreziosirsi dello stile. Ecco perché concordo con quelli che dicono che Bagatelle fu un fallimento artistico (e intellettuale) ancor prima che etico. E non mi convince Pasolini quando bacchetta gli intellettuali di sinistra, che in nome di Céline, si sono messi a distinguere tra le scelte ideologiche di uno scrittore e il suo valore letterario. Questa «dissociazione» a Pasolini è indigesta. Bah, non credo che le scomuniche politiche abbiano importanza in letteratura. Il problema di Céline non è di aver scelto l’ideologia sbagliata, ma di aver consacrato a quell’ideologia una troika di libelli eccessivamente raffinati, incapaci di raccontare il dramma che l’umanità stava per vivere. Tre pamphlet che nulla tolgono all’esemplare magnificenza del Voyage edi Morte a credito, ma che forse gettano una luce fosca sui tre libri della maturità: la così detta Trilogia del nord. Ancora una volta i detrattori di Céline considerano Da un castello all’altro, Nord e Rigadon opere biecamente auto-apologetiche di un nazista che non ha voluto fare i conti con il passato.
Jean-Pierre Martin, nel suo Contre Céline, scrive: «In Rigadon, Céline ci dice, dall’inizio alla fine, in lungo e in largo: io muoio razzista ». Ancora una volta un’osservazione mal calibrata. Nelle opere di Sade o di Lautréamont troviamo confessioni non meno indigeste. La questione anche stavolta è artistica: la Trilogia è l’affascinante scoria di un genio paranoico ormai incapace di entrare in relazione con il mondo. Un’opera fallita per eccesso di ambizione e di stile (un po’ come la joyciana Finnegans Wake). C’è qualcosa nell’ossessiva ripetitività dei suoi stilemi che appare fin troppo estetizzante. È quella che Massimo Raffaelli, con felice espressione, non senza ammirazione, chiama: «stilizzazione dell’orrore».
Così quando uno degli intervistatori (quello che gli ha dato più filo da torcere) chiede conto a Céline dei suoi eventuali sensi di colpa, lui risponde che tutti gli uomini sono colpevoli, tranne lui.
È possibile scrivere qualcosa di necessario senza sentirsi — almeno un po’! — colpevoli?
Credo che non si debbano sprecare molte parole su questo “compitino” di Piperno. Trascureremo di evidenziare le boutade stilistico-radical chic come “i leziosi foulard con cui i barboni si danno un tono”, notazione che, sia in riferimento ai senzatetto, sia alla drammatica situazione di Céline nel dopoguerra, poteva venire in mente solo ad un ragazzino mantenuto, che nella vita ha pagato ben poco di suo, e la metafora non è solamente, per l’appunto, “economica”. Céline ha pagato con il carcere e l’isolamento il suo genio, come gli scrisse nel 1949 Roger Nimier. Mi vergogno a citare nello stesso capoverso l’Hussard Nimier e il professorino saccente Piperno, ma tant’è, spero che i due grandi francesi mi perdoneranno. Piperno dimostra di conoscere l’opera e soprattutto la vita di Céline in maniera molto superficiale, altrimenti non avrebbe scritto:
“Atteggiamento prefascista che inaugura l’era sciagurata dei Pamphlet nazisti (come altro chiamarli?). Cosa spinge lo scrittore pacifista del Voyage a inneggiare allo sterminio degli ebrei? A mettersi al fianco della più violenta organizzazione criminale della storia, in nome di una pace che sicuramente i nazisti tradiranno? Ragioni personali e non confessabili? Un’idea pervertita dell’anticonformismo e dell’anarchia? O semplice opportunismo? A tal proposito Sartre scrisse: «Se Céline ha potuto sostenere le tesi socialiste dei nazisti, è perché lui era pagato». Ma purtroppo le motivazioni erano più nobili del danaro e quindi ancora più aberranti. L’antisemitismo di Céline non ha niente di originale. Non c’è nulla in quello che lui dice che non abbia detto Drumont — e con lui tanti altri — molti decenni prima. Bagatelle, con buona pace di chi ne apprezza certi passaggi, è un libro schifoso.”
Céline non si mise mai “al fianco” di alcun partito o organizzazione, tantomeno “la più violenta organizzazione criminale della storia”. Piuttosto, quando i Piperni deprecheranno a chiare lettere altre “organizzazioni criminali”, minori o maggiori che siano, senza se e senza ma, sarà un bel momento.
Si ripropone la leggenda del “Céline pagato dai nazisti”, negandola retoricamente, come si propone un passo della de Beauvoir, dove Céline è definito “prefascista”. In realtà quest’ultima scopre Céline “prefascista” ovviamente solo DOPO che Céline aveva rifiutato di schierarsi con il marxismo, come aveva rifiutato capitalismo e fascismo. Sartre, e altri, avevano invece solamente una pura, folle invidia dell’abilità di Céline quale scrittore. Forse, anche nel caso di Piperno, c’è un pò di miserabile invidia verso il successo dell’opera di Céline “Voyage… andava come un best seller natalizio”, e della sua grandezza come scrittore, a fronte del piccolo, piccolo omicciuolo Piperno.
Bagatelle e i cosidetti pamphlet sono una violenta denucia del Potere; in questo caso, per Céline, a ragione o torto, questo Potere -potere economico e politico, potere che stava spingendo la Francia ad una guerra che Céline avvertiva come inutile agli interessi della Francia, e per questa nazione fatale- aveva il volto dell’ebreo. I temi pipernici non sono nuovi, vedi http://louisferdinandceline.free.fr/indexthe/opprobr/albe...
Poi Piperno cita la Trilogia del Nord:
La questione anche stavolta è artistica: la Trilogia è l’affascinante scoria di un genio paranoico ormai incapace di entrare in relazione con il mondo. Un’opera fallita per eccesso di ambizione e di stile (un po’ come la joyciana Finnegans Wake). C’è qualcosa nell’ossessiva ripetitività dei suoi stilemi che appare fin troppo estetizzante. È quella che Massimo Raffaelli, con felice espressione, non senza ammirazione, chiama: «stilizzazione dell’orrore».
Niente di nuovo sotto il sole: già nelle opere di critica letteraria stampate in URSS si divideva il Céline “buono”, ossia il Céline che denunciava colonialismo, capitalismo, povertà (temi considerati “buoni” perchè affini all’ortodossia marxista), del Voyage, e il Céline “cattivo” di tutto il resto; Piperno, pavidamente “stronca” la Trilogia solo dal punto di vista del critico letterario “affascinante scoria… fin troppo estetizzante”, almeno i redattori sovietici, il “compitino” lo svolgevano sino in fondo.
Cfr. Gor’kij, al primo congresso degli scrittori sovietici: “[Céline]… non avendo alcun requisito per aderire al proletariato rivoluzionario, è del tutto maturo per accettare il fascismo”.
Da Gor’kij a Piperno; buon sangue non mente.
Comunque, la foto di Piperno e la sua prosa involuta, mi ricordano il Sartre tratteggiato da Céline ne L’Agité du bocal:
Nel mio culo dove si trova, non si può pretendere da J.-B. S. di vederci bene, né di spiegarsi chiaramente, sembra tuttavia che il J.-B. S. avesse previsto la solitudine e l’oscurità del mio ano… J.-B. S. evidentemente parla di se stesso quando scrive a pagina 451: “Questo uomo teme tutte le specie di solitudine, quella del genio come quella dell’assassino”. Cerchiamo di capire…
Facendo fede ai rotocalchi, il J.-B. S. non si vede ormai più che nei panni del genio. Ma secondo me e visti i suoi stessi scritti, io sono costretto a vedere J.-B. S. solo nei panni dell’assassino, o meglio ancora di un marcio delatore, maledetto, laido, merdoso servente, mulo occhialuto.
Ecco, mi sto agitando troppo! Non me lo posso più permettere, l’età, la salute… La chiuderei qui… disgustato, ecco… Ma ripensandoci…
Assassino e geniale!? Può anche succedere… Dopo tutto… Ma sarà il caso di Sartre? Assassino lo è, o lo vorrebbe essere, questo è inteso, ma geniale? Questo piccolo stronzo attaccato al mio culo, geniale? Hum?… si vedrà… si, certamente, può ancora fiorire… manifestarsi… ma J.-B. S.!? Questi occhi da embrione? queste spalle da mezza sega!?… questo panzone finto magro!? Tenia sicuramente, una tenia d’uomo, attaccata dove sapete… e filosofo, per giunta… fa un po’ di tutto… Sembra che, in bicicletta, abbia anche liberato Parigi.
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Pierre Benoit dans la magie de l'Orient
Frédéric SCHRAMME:
Pierre Benoit dans la magie de l'Orient
Dès la sortie de son premier roman Koenigsmark, Pierre Benoit s'est très vite imposé comme le nouveau maître du roman fantastique français. Les fantasmes véhiculés alors autour de la conquête coloniale ne pouvaient qu'être propices à son imagination fertile et bien vite des œuvres comme L'Atlantide et La châtelaine du Liban allaient suivre leur aînée plongeant des milliers de lecteurs dans les mystères de l'Orient.
La grande épopée de la colonisation! Au tournant de l'époque moderne, les principales nations européennes entérinent en l'achevant, leur conquête du monde commencée quelques siècles plus tôt avec le partage du Nouveau Monde. Seule une poignée d'Etats échappe à la mise en coupe réglée, comme l'Ethiopie, la Perse, le Siam. Qu'est-ce qui a bien pu pousser ces nations européennes aux régimes politiques tellement dissemblables à se jeter d'un même élan dans la colonisation du globe? Objectifs financiers et mercantiles? Désirs de conquêtes militaires? Quêtes vers la Connaissance supposée de ces terres lointaines —d'autant plus chargées d'une aura mystérieuse et magique qu'elles demeurent inconnues et inaccessibles? Probablement les trois à la fois, tellement cette synthèse presque dumézilienne suffit à résumer à elle seule l'inconscient motivé de l'âme européenne. Depuis toujours, de grands hommes ont fait « Le rêve le plus long de l'Histoire », recherchant aux confins de l'Orient ou en Afrique l'accomplissement d'un destin qui ne pouvait être qu'exceptionnel. Si Jacques Benoist-Méchin a su retracer la vie de quelques-uns de ces personnages hors du commun, d'autres tel Pierre Benoit ont préféré, souvent au moyen de l'imagination, s'attacher aux pas des aventuriers et explorateurs, des simples capitaines ou pères-blancs, quidams qui jamais n'ont noirci la moindre page des manuels d'Histoire. « Mais ceux-là étaient seuls à s'exposer. Responsables de leur vie seule, ils étaient libres» de s'éveiller à la magie de l'Orient au moment où «l'american way of life» après Jack London ne pouvait promettre plus rien d'autre que des destins d'épiciers bedonnants.
Le géant touareg
L'intérêt de Pierre Benoit pour les contrées désertiques n'est absolument pas fortuit, pas plus qu'il n'est le fruit d'un calcul commercial. Fils d'un officier supérieur de l'armée française, il doit sa découverte des portes du Sahara au gré des mutations de son père. Parmi les souvenirs de ces temps-là, il en est un qui éclaire particulièrement la réelle fascination qu'opèrent sur lui l'immense désert et ses habitants : « [Je vis] une espèce de géant vêtu de cotonnades obscures, avec de terribles yeux qui brillaient dans la fente d'un voile gainant la tête à la manière d'un heaume. C'était un chef targui (ndlr: Touareg) [.] Il rit en m'apercevant, me saisit à bout de bras et m'enleva plus haut que lui. Je voyais dans l'évasement de sa manche, son poignard, qu'un anneau de cuir retenait contre le biceps nu; à son cou, ses amulettes de perles blanches et noires. J'étais au comble de l'épouvante, de la curiosité, de l'orgueil».
Nanti de ces quelques vagues souvenirs et d'une imagination sans bornes, Pierre Benoit va se plonger dans une description minutieuse et quasiment encyclopédique des pays dans lesquels il emmène ses lecteurs. En effet, mis à part son enfance nord-africaine, Pierre Benoit n'aura voyagé dans les lieux qu'il avait décrits que bien longtemps après. Mais la description se révèle toujours exacte et c'est autant ce souci du réalisme qui contribuera à son succès que sa spéculation sur l'insondable et le mystérieux. En ce début de 20ième siècle l'auteur prend prétexte des zones laissées en blanc du planisphère ou des cartes d'état-major pour les combler de son imagination, comme pour le massif du Hoggar dans lequel il situe son Atlantide échouée. Cette bienheureuse alchimie entre le détail et l'inconnu amènera Jean Cocteau à dire de lui que « Benoit est celui qu'on lit le plus et dont on parle le moins dans les revues graves. Il a le génie de l'imprévu, mais il invente juste et tombe encore plus juste. C'est un médium. Ceux qui ne savent pas le lire ne sauront jamais».
L'œuvre de Pierre Benoit suit une constante dans son évolution tragique. Que l'on soit au cœur du Sahara ou au Liban après la mise sous tutelle française, les héros sont toujours des officiers français au faîte de leur gloire. Elite parmi l'élite, ils sont méharistes, de cette noblesse des déserts qui font d'eux les égaux des Bédouins et des Touaregs. De plus leur connaissance des us et coutumes des habitants du désert les amènera à être chargés de mission de renseignements et d'espionnage au profit de leur patrie.
L'espionnage est précisément au cœur de l'intrigue dans «La châtelaine du Liban»: Une fois la première guerre mondiale terminée, la paix » semble reprendre ses droits et avec elle l'hostilité sourde entre les deux « alliés » français et britannique. Rapidement, la « perfide Albion » est soupçonnée d'être à l'origine du massacre d'une troupe française en opération de manœuvres. Dans « l'Atlantide », il est également question du souvenir du massacre de la «mission Flatters» et la prospection de renseignements confiée au Capitaine de Saint-Avit a pour but de prévenir tout nouveau désastre. Au renseignement d'ordre militaire s'ajoute une autre quête, celle du passé: au Liban, on se souvient des Templiers et des Chevaliers teutoniques en parcourant la ligne tracée par les vestiges de leurs châteaux, et dans le Sahara on recherche des signes laissés par des tribus berbères chrétiennes ayant résisté un certain temps à l'islamisation. On ne saurait trouver de héros plus parfaitement équilibrés; sûrs de leur bons droits et au service d'un idéal supérieur à leur propre existence, ils pourraient même avoir la prétention d'être le lien entre le passé et l'avenir, entre le souvenir et la clairvoyance.
Perdre de vue sa mission
Rien ne semble pouvoir les ébranler mais pourtant, «on n'est pas impunément des mois, des années, l'hôte du désert. Tôt ou tard, il prend barre sur vous, annihile le bon officier, le fonctionnaire timoré, désarçonne son souci des responsabilités. Qu'y a-t-il derrière ces rochers mystérieux, ces solitudes mates, qui ont tenu en échec les plus illustres traqueurs de mystères?». La solitude pesante à laquelle ces hommes sont quotidiennement confrontés —ici les ordonnances indigènes et autres ascaris font intégralement partie du décor et ne sont pas meilleurs compagnons que les méharis eux-mêmes— les mène toujours au bord du précipice dans lequel tout homme finit par perdre de vue sa mission, son devoir, sa famille et sa patrie.
Dans l'œuvre de Pierre Benoit, la raison (ou plutôt la déraison) qui oblige à franchir le dernier pas est toujours la rencontre fatidique avec une femme, avec La Femme. Extraordinairement belle et totalement recluse aux confins du désert, que ce soit dans un ancien château templier ou dans la mythique Atlantide, elle est l'exact opposé de la fiancée promise et personnifie l'amour charnel, la liberté, la puissance et la fortune. Elle seule est capable de briser les serments et les idéaux des hommes. Si l'Anglaise Athelstane oblige son amant le Capitaine Domèvre à trahir son pays et à vendre des renseignements à son complice des services secrets britanniques, l'Atlante Antinéa exige pour sa part, le sacrifice ultime et attend de ses amants qu'ils meurent d'amour pour elle. Ainsi le Capitaine de Saint-Avit revendiquera sa place dans la salle de marbre rouge dans laquelle sont réunis les corps embaumés, statufiés dans un métal inconnu, des anciens amants de la dernière reine de l'Atlantide. Pour y parvenir, il ira jusqu'à l'innommable, le meurtre de son compagnon de route Morhange, véritable moine-soldat, capitaine d'active et prêtre de réserve, seul homme à avoir su résister à Antinéa et également le seul qui ait véritablement été aimé d'elle. Plus chanceux, le Capitaine Domèrve sera sauvé de l'influence d'Athelstane par la fraternité d'armes qui le lie aux officiers de son ancien régiment, l'amitié entre les hommes en armes étant la seule à pouvoir contrer l'amour d'une femme fatale.
Attitudes droitières
Le succès de Pierre Benoit reposait donc sur des recettes simples: sur la mise en scène d'une intrigue convenue, il brosse le tableau mirifique d'un paysage enchanteur avec grands renforts de personnages plus ou moins caricaturaux. Comme sa transposition de la haute société française dans les colonies libanaise et algérienne qui se laisse fréquenter de loin par les notables autochtones (tout au moins au Liban), ses marchands druzes ou maronites qui se livrent une concurrence à grands coups de dessous de table, ses trafiquants d'or juifs, ses tribus révoltées de Bédouins et de Touaregs, etc. L'écriture de Pierre Benoit reste probablement influencée par les romans-feuilletons du siècle précédent, mais « tout cela est mené sur un rythme haletant, avec une ingéniosité qui ne peut que provoquer l'admiration et même la nostalgie de ce que peut être «le vrai roman», celui qui nous raconte une histoire, comme le rappelle Jean Mabire qui a placé cet écrivain dans le premier recueil de sa série « Que lire ? », donc en très bonne place dans son Panthéon personnel, qui, on s'en doute, est meublé selon des critères fort différents de son homonyme national, autrement appelé la Maison de Tolérance de la République. Si l'auteur de «L'Atlantide» est aujourd'hui un écrivain que l'on s'efforce de faire oublier —puisqu'il fut l'ami des maîtres de l'Action française et, circonstance aggravante, on peut reconnaître dans son vocabulaire une attitude droitière —, il faut tout de même saluer l'initiative de Jacques-Henry Bornecque qui, en 1986, à l'occasion du centième anniversaire de sa naissance, lui a consacré une biographie intitulée « Pierre Benoit le magicien ».
Frédéric SCHRAMME.
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mardi, 29 avril 2008
Paul Nothomb: le délire logique
Paul Nothomb: le délire logique
Les éditions Phébus rééditent Le délire logique de Paul Nothomb. L'éditeur écrit: «Malraux resta toujours fidèle à sa première impression. Le délire logique, qui se donne pourtant comme un roman, était bien, pour lui, "le premier témoignage sur la Gestapo où l'auteur ne romance pas". Paul Nothomb raconte ici l'histoire d'un homme qui, torturé par la police militaire allemande pendant la guerre, commence par résister aux coups, puis finit par comprendre dans la nuit de sa cellule qu'il ne pourra bientôt éviter de parler, et invente pour ses bourreaux une fable si délirante qu'elle lui vaudra d'échapper à leurs tourments. L'auteur à l'époque avait vécu une aventure presque semblable et l'avait fait savoir. On ne lui avait pas pardonné: il était peut-être permis de parler sous la torture (surtout si c'était pour sauver les copains), non de raconter qu'on l'avait fait. Un grand demi-siècle après, il a voulu remettre au jour ce texte (publié en 1948 par Gallimard), accompagné ici d'un nouvel appareil de présentation —et de trois lettres inédites d'André Malraux. "Pour en finir avec quelques mensonges pieux qui empoisonnent notre histoire" (PM).
Paul Nothomb, Le délire logique, 1999, 180 pages, Editions Phébus, 119 FF.
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Pour saluer Monsieur Jadis !
Dix ans déjà!
Pour saluer Monsieur Jadis: Antoine Blondin (1922-1991)
La presse amie, et même celle "sous licence", ont fait à Antoine Blondin, décédé d'un cancer, le 8 juin 1991, âgé de 69 ans, sa juste place. On a pu lire les notices élogieuses qui lui ont été consacrées, sans doute parce qu'après avoir illustré, avec ses amis Nimier, Jacques Laurent, Michel Déon, la "Droite buissonnière" (expression de Pol Vandromme) il avait effectué un léger virage à gauche. Mais contrairement à des transfuges arrivistes tels Claude Roy ou Dominique Jamet, il mérite notre estime.
Le Cercle Prométhée ne peut qu'ajouter quelques mots à ce qui a été, dans l'ensemble, fort bien dit, concernant ce doux non-conformiste qui débuta en exerçant divers métiers. Parti en 44 au titre du Service du Travail Obligatoire, il travaillera dans une ferme en Allemagne, comme vacher. Il relatera ses aventures tragi-comiques dans son premier roman, L’Europe buissonnière (Prix des Deux Magots, 1949). Il écrit peu, difficilement, mais valablement. Il nous montre un mari léger dans Les enfants du Bon Dieu (1952), des solitaires voués à l'hôpital, à la prison, dans L’humeur vagabonde (1955), un père alcoolique dans Un singe en hiver (Prix Interallié, 1959), porté à l'écran et revu à la télévision, enfin Monsieur Jadis (1970), son roman capital qui met en scène un marginal.
Sa passion pour le sport (Tour de France, rugby) est bien connue. Il donne aux chroniques sportives leurs lettres de noblesse littéraire. Deux cents sur les milliers qu'il a écrites pour l'Equipe sont réunies sous le titre L’ironie du sport (1988). Dans les années cinquante, à celui qui allait le voir pour les Amis de Robert Brasillach, Bardèche avait dit: «Voyez-le avant 9 heures du matin (avant qu'il ait trop bu)». Il lui avait réservé un accueil sympathique et donné son adhésion.
Vous pourrez lire ses Œuvres complètes en un volume de 1.408 pages publié sur papier bible à la Table Ronde pour un prix très abordable.
Cercle PROMÉTHÉE.
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lundi, 28 avril 2008
In memoriam Jacques Laurent
In memoriam Jacques Laurent
Le dernier des "Hussards" est mort…
Le dernier des "Hussards" est mort. Les "Hussards" étaient ce petit groupe d'écrivains, qui s'étaient rassemblés dans les années cinquante autour de Roger Nimier, un surdoué des lettres françaises, et n'avaient rien de commun entre eux, si ce n'est une volonté de résister à Sartre et à tout ce que celui-ci représentait. Dans cette résistance au pape de l'existentialisme, Jacques Laurent était indubitablement la figure la plus marquante. Il vient de mourir à Paris, juste avant le troisième millénaire, juste avant de fêter ses 82 ans. Avec lui disparaît l'un des écrivains français les plus importants de ce siècle, un des rares dont le talent était reconnu à l'unanimité. Sans doute aussi parce que les passions des décennies écoulées se sont apaisées… Car Jacques Laurent, le hussard qui s'était insurgé contre l'engagement intellectuel et idéologique obligatoire, est monté jadis sur les barricades. Contre le terrorisme intellectuel de Saint-Germain-des-Prés. Contre le Général De Gaulle. Pour l'Algérie française. Pour le Maréchal Pétain. Et plus tard, beaucoup plus tard, pour Mitterrand.
Stendhal: le modèle par excellence
L'histoire de Jacques Laurent commence le 5 janvier 1919, quand il naît à Paris dans le 9ième arrondissement, fils d'un avocat très connu. Mais la carrière d'avocat ne l'intéresse pas du tout. Avant même de fêter ses dix ans, Jacques Laurent termine d'écrire un roman d'aventure. C'est décidé: il sera écrivain. Plus encore: il deviendra célèbre. Célèbre et riche, si bien qu'il aura la liberté d'écrire ce qu'il voudra, de la manière qu'il voudra. Cela signifie qu'il fera comme le grand Henri Beyle, mieux connu sous le nom de Stendhal, qui écrivit Le Rouge et le Noir. Car Stendhal est le modèle par excellence du jeune Jacques Laurent. Si bien qu'un jour il écrira une suite et une fin à Lamiel, un chef-d'œuvre resté inachevé de Stendhal, le géant du XIXe siècle.
Mais avant que La fin de Lamiel n'arrive sur le marché, Jacques Laurent s'est déjà taillé un solide créneau dans le grand public. D'une autre manière… Non pas avec son premier roman Les Corps tranquilles, qu'il avait commencé à écrire pendant la guerre, quand il devait monter la garde dans un poste de commandement isolé sur la ligne de démarcation. Cette ligne séparait la France occupée de la France de Vichy. De ce roman, qui n'est paru qu'en 1948 et qui n'avait pas été remarqué, les critiques ont dit, beaucoup plus tard, que c'était un chef-d'œuvre oublié. Non, Jacques Laurent est d'abord devenu célèbre sous pseudonyme, sous le nom de Cécile Saint-Laurent, le créateur de "Caroline Chérie", dont on a vendu des millions d'exemplaires dans le monde. Ce personnage a permis à Jacques Laurent de fumer les cigares les plus chers, de boire des quantités impressionnantes de whisky de malt et d'honorer un nombre tout aussi impressionnant de jolies femmes. Car, pour Jacques Laurent, l'écrivain ne vient pas au monde pour l'améliorer. L'écrivain doit prendre le temps, comme Jacques Laurent, de coucher sur le papier une Histoire des dessous féminins.
«La littérature, c'est la vengeance de la vie sur l'idéologie»
«La littérature, c'est la vengeance de la vie sur l'idéologie», ne cessait de répéter Jacques Laurent. Lorsque Jean-Paul Sartre ouvrit le débat en 1948 sur la littérature qui, selon lui, devait être obligatoirement "engagée", la réponse de Jacques Laurent ne s'est pas longtemps fait attendre. Elle paraît sous la forme d'un petit roman, intitulé Le Petit Canard, et aussi, sous une forme plus académique, sous la forme d'une revue, La Parisienne, la feuille des "Hussards", qui sont aussitôt partis en guerre contre Les Temps modernes, la revue intolérante de Sartre et des existentialistes "engagés". Dans Le Petit Canard, Jacques Laurent écrit que le romancier est un homme qui doit chercher des circonstances atténuantes pour ses personnages. Le jeune Antoine, qui part, volontaire, sur le Front de l'Est, ne le fait pas par conviction idéologique, mais parce qu'un officier polonais lui a fauché sa petite amie. Un tel scénario est impensable chez Sartre, expliquait Jacques Laurent. Chez Sartre, l'homme doit poser des choix. Chez Sartre seulement, l'homme est contraint d'être responsable pour tout ce qu'il fait. Un écrivain de droite ne peut pas admettre une telle contrainte. Plus tard, dans Paul et Jean-Paul, il affinera sa pensée, réalisant du même coup une exécution en bonne et due forme de Sartre. Ce livre fut aussi le début d'une belle carrière de polémiste, un genre littéraire qui commençait à disparaître des lettres françaises.
«Pour le singulier, contre le pluriel»
Jacques Laurent appartenait au camp de la droite littéraire. Et il l'affirmait. «Nous faisons partie de la droite littéraire parce que nous sommes pour le singulier contre le pluriel». Mais Jacques Laurent ne s'est pas contenté de rester dans les cercles littéraires de la droite. Pendant la guerre d'Algérie, Jacques Laurent prend le parti de l'OAS, qui veut que l'Algérie reste française. La politique choisie par Charles De Gaulle l'amène à écrire Mauriac sous De Gaulle, un règlement de compte avec l'écrivain catholique qui vouait une admiration aveugle au général. Je n'exagère pas: Mauriac sous De Gaulle est un des pamphlets les mieux écrits de ce siècle. Il n'existe pas d'autres pamphlets où le mythe du général est aussi cruellement mis à mal. Il a même valu à Jacques Laurent un procès en 1964 pour injure au chef de l'Etat. Le livre subit la censure. Malgré les très nombreuses célébrités qui ont plaidé, dans ce cas précis, pour la liberté d'expression, dans la salle d'audience ou par le biais de pétitions, citons Jean Anouilh, Antoine Blondin, Marcel Aymé, Emmanuel Berl, Jules Roy, mais aussi Françoise Sagan et Bernard Frank. Et aussi, bien sûr, François Mitterrand, qui était opposé au fondateur de la Ve République lors des élections présidentielles de 1965. Jacques Laurent n'oubliera jamais le geste du futur président socialiste: en 1981 et en 1988, il appellera à voter pour lui.
Je voudrais encore mentionner Les Bêtises, un roman volumineux, qui valut à Jacques Laurent le Prix Goncourt en 1971 et qui lui ouvrira la voie vers l'Académie Française. Dans cette assemblée, Jacques Laurent s'est ennuyé. Mais l'ancien provocateur avait acquis une certaine sagesse et avait cessé de distribuer coups de pied et horions. Il est resté un écrivain à facettes multiples. Avec des livres sur Stendhal et sur la déroute de la langue française, avec Du mensonge, ode étrange au mensonge, sans compter des mémoires, Histoire égoïste, et des romans dont l'intrigue se passe presque toujours pendant la guerre. Parmi eux, Le Dormeur debout et Clotilde Jolivet (ce dernier sous son pseudonyme d'antan, Cécile Saint-Laurent). Le grand public se souviendra sans nul de ce nom-là plutôt que de celui, réel, de Jacques Laurent. Et pourquoi pas?
"Guitry".
(Texte paru dans 't Pallieterke, 56ième année, n°2, 10 janvier 2001).
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Tombeau pour Jacques Laurent
Tombeau pour Jacques Laurent
« C’était un combattant », Michel Déon, le 6 janvier 2001.
« Je suis comme Marcel Aymé, contre l’armée, contre les curés, contre le travail, la famille et, bon, je suis de droite »
Jacques Laurent.
Un seigneur s’en est allé le 29 décembre 2000: Jacques Laurent est mort de chagrin quelques semaines après sa femme. Avec lui, tous les amoureux de la littérature et de la liberté perdent un modèle. Libertin et érudit, surdoué et protéiforme, Jacques Laurent-Cély était né en 1919: sa disparition à la fin d’un siècle, oui bien stupide, est grandement symbolique. La discrétion de la « grande presse », à l’exception du Figaro et du Point en dit long aussi sur le climat intellectuel et esthétique que nous autres, ses cadets désolés, devrons affronter sans faiblir. Il est vrai que Jacques Laurent fut toute sa vie un homme libre, subtilement hostile à toutes les formes de sectarisme et de scolastique que la gauche idéologique, aujourd’hui installée au pouvoir, incarne avec une bonne conscience en béton armé. Ayant fréquenté l’Action française dès 1934, il avait été formé à l’école de Maurras (« un nettoyeur de l’intelligence ») et du classicisme français. C’est précisément cette imprégnation classique qui le rendit imperméable au romantisme fasciste, vu comme une démesure à fuir comme la peste. Ceci explique qu’il ne fut pas cagoulard malgré ses liens familiaux avec Eugène Deloncle et son goût du combat même violent: le romantisme de ces conspirateurs l’arrêta. Son engagement à Vichy, au Ministère de l’Information (sous Paul Marion et Philippe Henriot), ses articles dans la presse de la Restauration Nationale réunis en un livre publié en 1944, Compromis avec la colère (sous le nom de Jacques Bostan), puisent leur inspiration dans une volonté de restaurer l’ordre classique. Il est en cela proche de Mounier: « promouvoir le réel, le vivant, l’organique, l’évolutif contre l’abstrait, le géométrique, l’immuable mis en fiche, le général et le totalitaire ».
Il y a quelques années, répondant à un journaliste du Figaro, Laurent définissait la droite comme suit: « La droite interdit à l’humanité d’espérer quelque chose de mieux, de croire, béatement, en un avenir meilleur. La gauche a le rôle de la collection Harlequin ». Ceci fait de lui l’un de nos maîtres, qui nous rappelle le refus des utopies comme fondement de notre attitude. Autre leçon de Laurent: son activité d’éditeur: ses revues Arts, La Parisienne furent dans les années 50 des « oasis de liberté » pour citer Michel Déon. Sous l’apparente frivolité du dandy, Laurent cachait une générosité, un flair et un courage rarement égalés dans la droite d’après-guerre. Il faut relire ses Chroniques de ce temps (rééditées chez B. de Fallois), comme son autobiographie Histoire égoïste (Table ronde), livres à la fois brillants et solides: la quintessence de l’authentique subversion, la subversion classique, alliance parfaite - et rarissime - du style et des idées. Disciple de Stendhal (et du cher Alexandre Dumas), Laurent est enfin le romancier de l’élan vital et du divin imprévu: lire ses chefs d’œuvre Les Corps tranquilles ou Les Bêtises, constitue la meilleure des thérapies face à la morosité hivernale. Pour tous les dissidents, Laurent restera un maître, celui qui nous enseigne «qu’il n’y a pas d’intelligence sans liberté, sans solitude, et sans courage ».
Patrick CANAVAN.
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lundi, 21 avril 2008
Daniel Varoujan, poète arménien
Archimede BONTEMPI:
Daniel Varoujan, poète arménien assassiné par les Turcs
Professeur en Italie, Antonia Arslan vient de publier les poèmes de Daniel Varoujan, un des plus grands poètes arméniens, qui a composé une œuvre compacte, fortement symbolique: il nous parle de la terre, de la terre arménienne, cultivée par l'homme mais frappée par la “lance de la Lumière”, riche en couleurs, en odeurs, en humeurs, une terre-mère, une terre-sœur.
Sur ce grand poète arménien, l'essai le plus complet reste celui de Boghos L. Zekiyan, patriarche des études sur l'histoire et la littérature arméniennes: Daniel Varujan: Dall'epos al sogno, publié à Venise. Daniel Varoujan fut l'une des premières victimes du génocide. Il fut assassiné par les Turcs, probablement par l'un de ses hamidjé de sinistre réputation; c'était des escadrons de la mort composés d'irréguliers kurdes. Varoujan est mort aux côtés de son homologue et ami Rupen Sevak, le 26 août 1915, journée qui fut le coup d'envoi de tous les massacres organisés ultérieurement par le gouvernement nationaliste turc.
Parmi les derniers vers qu'il a écrits, il y avait celui-ci:
«Que pleuve sur nos têtes
une poignée de blé,
ma douce vieille, mon amie.
Veuille le soleil automnal
Ne pas geler dans les neiges de nos cheveux…
Ne s'éteigne notre bougie
Parmi les colonnes de marbre…
Quand nous serons au cimetière,
O mon amour, que sous nos corps
La terre ne soit pas trop dure…» (*).
Le Chant du Pain, hymne païen à la Terre, a été magnifiquement traduit en italien par Antonia Arslan et Chiara Haïganush Megighian (ndlr: et en français par Vahé Godel, cf. infra). La langue de ces poèmes est chère à nos oreilles. Ce splendide lyrisme de la Terre et de la liberté de l'homme, une liberté concrète, celle de cultiver, d'aimer les femmes de son clan, et, finalement, de se retrouver toujours dans des bras maternels.
Constantinople, Venise et Gand
La culture de Varoujan s'est épanouie dans trois villes européennes: Constantinople, Venise et Gand, trois capitales culturelles de notre Vieille Terre d'Europe, que Varoujan a unit mystérieusement, par le suc de sa propre existence. Gand a été le berceau de Charles-Quint; Venise était la porte de l'Orient et la matrice de la liberté, valeur cardinale de la culture européenne. Constantinople a été l'avant-poste de l'Europe, de l'Empire romain d'Orient (christianisé), face aux hordes turques qui déferlaient depuis les steppes asiatiques, mais auxquelles cette ville fantastique finissait par communiquer des bribes de culture européenne. Mais ces éléments de culture ont été pervertis, hélas, par un nationalisme "statolitaire" et raciste qui a trouvé en Turquie des esprits réceptifs aux cœurs impénétrables à toute pitié et toute compassion.
Car ce fut effectivement pour voler cette belle terre d'Arménie, chantée par Varoujan, cette terre fertile et généreuse, travaillée par les paysans arméniens, que les Turcs ont déchaîné le génocide, en la présentant comme une “terre promise” aux Kurdes, qui, aujourd'hui, à leur tour, en sont chassés par l'effet d'une de ces curieuses vengeances de la marâtre "Histoire", chère aux philosophes allemands. Varoujan est resté le fils privilégié de cette culture vénitienne, imprégnée de symbolisme païen. Il écrivit à son ami Theodik: «Deux atmosphères ont exercé une influence sur moi: la Venise du Titien et la Flandre de Van Dyck. Les couleurs du premier et le réalisme barbare du second ont formé mon pinceau». Ensuite comme Antonia Arslan le révèle dans son introduction: «Je sens que Venise a exercé son influence sur moi, avec ses trésors chatoyants de couleurs, d'ombres et de lumières. C'est une ville où il est impossible de penser sans recourir à des images» (lettre à Vartges Aharonian).
Venise, patrie idéale des poètes
Venise, patrie idéale des poètes, a accueilli Varoujan, comme elle avait accueilli ses brillants éducateurs, les Pères mékhitaristes, en leur donnant l'Ile de Saint-Lazare pour y fonder un collège. Avec la générosité d'une mère, la Sérénissime a donné cette île où ces religieux, exilés, aspiraient à retrouver les racines de leur mère patrie. “Justement au moment où, historiquement, les Arméniens, en tant que peuple, voyaient leur patrie niée définitivement et l'unité psychologique de leur nation, brisée”, comme l'écrit Antonia Arslan. Le premier recueil de poèmes de Varoujan, Frémissements, a été publié à Venise en 1906, un recueil où l'on entend les échos des Tempêtes d'Ada Negri.
Mais dès 1907, c'est le sang qui constitue le leitmotiv majeur de sa poésie, notamment dans un poème très bref, Le massacre, écrit à la mémoire des Arméniens persécutés sous Abdul Hamid, le “Sultan rouge” qui avait amorcé le processus génocidaire, anticipant l'effrayante violence des Jeunes Turcs. Symboliste est sa poésie (et en cela inspirée par son séjour à Gand), mais non décadente, souligne Antonia Arslan; Varoujan n'était pas un poète qui s'abandonnait aux vagues rêves que cultivait le jeunesse européenne décadente des années précédant la Grande Guerre. Varoujan demeurait solidement ancré dans la culture de sa Terre, dans chaque geste posé par le paysan arménien dans ses champs, dans les moissons d'Anatolie, dans les rites simples d'une société archaïque mais au civisme intact. En cela, Varoujan est proche de l'âme padanienne (ndlr: et aussi, ruralisme et symbolisme obligent, de l'âme gantoise et de la peinture de Laethem-Saint-Martin), de la culture lombarde et frioulane de la terre et des récoltes, enracinement uni à une nostalgie de la liberté dans une patrie propre, non autre, que l'on aime et que l'on défend.
Daniel Varoujan, qui nous a donné ses Poèmes païens (puisés dans la mythologie arméno-iranienne) et son Chant du Pain, nous a pleinement été restituée par Antonia Arslan (Il Canto del Pane, a cura di Antonia Arslan, Guerini e Associati, Milano, 146 pagg., 21.000 Lire).
Archimede BONTEMPI.
(article publié dans La Padania, 13 septembre 2000;
http://www.lapadania.com/2000/settembre/13 ).
(*) En français, on lira: Daniel VAROUJAN, Chants païens et autres poèmes, traduits et présentés par Vahé Godel, Orphée/La Différence, 1994.
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dimanche, 20 avril 2008
Mohrt, écrivain sudiste
Mohrt, écrivain sudiste
Il faut louer Pol Vandromme, hussard de Charleroi et critique littéraire à l'œuvre couvrant tout ce que notre littérature romande compte de rebelles, de Brassens à Rebatet et de Brel à Anouilh, pour son dernier essai qu'il consacre à l'un des plus méconnus des écrivains de la droite buissonnière: Michel Mohrt. Né en 1914, annus horribilis, le Breton Mohrt sert plus qu'honorablement dans les Chasseurs alpins lors de la "drôle de guerre" face aux Italiens et aux côtés d'un homme au destin tragique, Jean Bassompierre, dont l'ombre plane sur toute l'œuvre de l'académicien. Cagoulard, juriste brillant et courageux officier, Bassompierre suivra Darnand, combattra à l'Est et sera décoré de la Croix de Fer, promu capitaine*. C'est une autre promotion qui décidera de son sort: en 1944, il accepte d'aider Darnand en France et devient inspecteur général de la Milice, où il jouera un rôle modérateur. Il servira ensuite dans la division Charlemagne jusqu'à la fin. Capturé en Italie, il est condamné à mort dans une atmosphère d'hystérie collective et fusillé malgré l'intervention de grands résistants.
Ce drame a profondément marqué Mohrt déjà traumatisé par la débâcle de 1940. Une grande partie de son œuvre témoigne de sa tristesse. Comme l'a fort bien dit Marcel Schneider dans le Figaro littéraire du 1er février 1988: "Il est de ceux qui n'ont jamais pu accepter ni même comprendre la débâcle. Elle est pour eux comme la blessure d'Amfortas qui saigne toujours sans pouvoir se guérir". La plaie est rouverte à la Libération, ses règlements de compte et le triomphe de l'imposture. Plusieurs romans, dont Mon royaume pour un cheval, paru en 1949, retracent avec autant de courage —nous sommes en plein délire résistancialiste— que de talent le climat complexe de la guerre et de l'occupation. Bassompierre et Drieu, que Mohrt connut, apparaissent à peine masqués. La Guerre civile (1986) est l'un d'eux.
Amérique sudiste et Bretagne natale
Mohrt quitte l'Europe et met le cap à l'Ouest: l'Amérique, autre thème fondamental dans son œuvre, sera son refuge, qu'il peindra avec sympathie dans nombre de romans et de récits: il s'agit de la vieille Amérique sudiste ou anglomane, qui n'existe sans doute plus que dans chez quelques cœurs rebelles. Mohrt chante aussi la mer et sa Bretagne natale, pour laquelle il prit quelques risques: son roman La prison maritime (1961) narre les tribulations d'un jeune Breton mêlé à de mystérieux trafics d'armes. Il semble que Mohrt n'ait pas tout inventé dans ce livre: qui est ce jeune homme? Est-ce le preux Vissault de Coëtlogon? Voire le futur académicien? Cela le rendrait encore plus cher à notre cœur… et ferait de lui le deuxième académicien (le troisième avec le regretté Laurent) amateur d'émotions fortes.
Ecrivain solitaire, à la fois austère et libertin raffiné, Michel Mohrt, sudiste et chouan, incarne une rébellion racée dont nous pouvons nous inspirer. Il y aurait beaucoup à dire de cette œuvre singulière, résolument à contre-courant: prenons donc Vandromme comme cicérone et prions Michel Mohrt d'enrichir un œuvre trop rare (Patrick CANAVAN).
Pol VANDROMME, Michel Mohrt, romancier, Table ronde, 2000, 130 FF. Voir le dernier ouvrage paru de M. Mohrt: Tombeau de la Rouërie, Gallimard, 2000, 85 FF.
(*) Je pille ces informations dans la courageuse Histoire de la Collaboration de Dominique Venner (Pygmalion, 2000), un livre appelé à devenir un classique.
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samedi, 19 avril 2008
Céline et Chateaubriand
Marc HANREZ:
Céline et Chateaubriand
De Hugo à Sartre, en passant par Baudelaire et Proust, nombre d’écrivains ont réagi, de façons très diverses, au modèle qu’est Chateaubriand. Céline également. Mais quand l’a-t-il découvert au juste ? Il ne suffisait pas de séjourner à Saint-Malo. En exode à Baden-Baden, donc avant son exil au Danemark, il demande à Karl Epting de lui envoyer les Mémoires d’outre-tombe. Pour les lire ou les relire ? En tout cas, c’est prémonitoire. Céline a souvent provoqué le sort. Sa vocation littéraire, quoi qu’il en dise, avait besoin de cette hardiesse.
Or, il va bientôt (se) trouver (dans) une apocalypse : ou bien la retrouver, après « l’Horreur » de 1914. Les pires événements peuvent servir de prétexte aux meilleures histoires. Rien n’est plus à la mesure de son talent que ce nouveau drame autour de lui. Céline pense déjà sans doute au parti qu’il pourra en tirer (à condition, naturellement, de s’en tirer d’abord). C’est pourquoi Chateaubriand peut l’intéresser : en tant qu’auteur historico-personnel), qui a renouvelé non seulement la conscience, mais surtout l’expression, du passage de l’être dans le temps.
Céline et Proust auraient du reste en commun ce précurseur fondamental. Proust en avait retenu le truc, ou le déclic, de la mémoire involontaire. Le chant d’une grive, entendu par hasard, chez Chateaubriand, pas grand-chose en fait, devient aussi chez lui, transposé en madeleine, aubépine ou pavé, un détail opportun qui rappelle soudain tout un monde. Par contre, ce que Chateaubriand propose pour Céline, c’est une organisation du récit comme pseudo-chronique.
À cet égard, l’Itinéraire de Paris à Jérusalem serait encore plus probant que les Mémoires. Victor Hugo s’en est peut-être inspiré pour Notre-Dame de Paris, où des sortes d’essais, notamment sur l’architecture, sont intercalés dans la fiction. Mais, comme il les dispose en chapitres distincts, et non pas au milieu de l’intrigue, Hugo n’exploite guère tout l’avantage du procédé. Céline, au contraire, l’applique judicieusement.
Dans ses Mémoires, Chateaubriand raconte toute sa vie, alors qu’il relate, dans l’Itinéraire, un long mais unique voyage. Une grande partie de son œuvre romanesque, en particulier Le Génie du christianisme, utilise ainsi le truchement d’un voyageur. Mais dans l’Itinéraire, du moins au départ, le domaine est contemporain (l’Empire ottoman jouant le rôle du Reich nazi dans la trilogie célinienne). Chateaubriand ne fait d’ailleurs pas que décrire ce qu’il découvre. Avec une attention multiforme, et continuellement renouvelée, il traverse le paysage et l’habitat, il touche à l’histoire et à la politique, il témoigne du siècle et de son ambiance, il traite de l’archéologie et de la religion, il transcrit la faune et la flore, etc. Même circonscrite au bassin méditerranéen, c’est la relation d’un voyage presque universel, par un voyageur éprouvant cette quasi-universalité. Ce touriste est d’abord un pèlerin – allant jusqu’en Espagne, pour y rejoindre une femme… D’une étape à l’autre, les aspects innombrables sont juxtaposés, voire télescopés, dans un texte prolifique et pluriel, qui correspond, par leur évocation même, aux sentiments de l’écrivain.
Cet art du contraste inopiné de retrouve en plein dans le mélange célinien. À l’instar de Chateaubriand, Céline rapproche alors, dans un laps verbal très court, et comme à l’improviste (bien sûr il n’en est rien), des éléments parfois disparates ou fort éloignés. Certes, son texte, à première vue, paraît désordonné. Mais bientôt il s’organise d’une manière librement rigoureuse. C’est le résultat d’une économie, toujours structurale et stylistique, permettant un maximum de dérogation. Car ici le langage, par son caractère elliptique, accentue essentiellement ce phénomène.
Si Chateaubriand est le premier auteur moderne, en France du moins, Céline est déjà, dans sa génération, bien au-delà du postmoderne. On pourrait aussi les comparer sur d’autres points, et notamment sur leur usage, comme autobiographes, de la mystification ou du mensonge. Enfin, tous les deux s’appuient sur l’émotion, plutôt que sur la raison, pour exprimer le vécu et surtout le vivant.
Chateaubriand était partisan du dynamisme existentiel. Céline au fond n’a jamais changé d’opinion sur la vie : « La vraie maîtresse des véritables hommes ». Il a cependant varié sa technique pour en saisir le mystère et puis le rendre au plus près. Vu l’évolution du monde, il a vite estimé que, désormais, civilisation = robotisation. C’était sa croyance la plus intime, qui n’avait que faire de toute idéologie. Quelle prophétie, au demeurant, pour notre époque !
Marc HANREZ,
© Le Siècle de Céline, éd. Dualpha, 2006.
1. Le Journal de la Culture, n° 11, novembre-décembre 2004, pp. 57-65.
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jeudi, 17 avril 2008
Bernanos contre les robots
Bernanos contre les robots
http://www.immediatement.com
La leçon faite à Jacques Delors, Alain Minc et Hans Tietmayer : dès 1940, Georges Bernanos dénonçait prophétiquement le futur empire économique universel et la violence totalitaire de la technique.
Le monde moderne a le feu dans ses soutes et va probablement sauter , écrivait lucidement Georges Bernanos le 17 Avril 1935 dans Marianne, l'hebdomadaire de la gauche républicaine où, à la demande pressante d'Emmanuel Berl, il avait choisi d'écrire.. Le feu moderne, Bernanos l'avait éprouvé dans la sainteté misérable des tranchées de 1914-1918, dans la brutalité de la guerre de matériel où le poilu mystérieusement héroïque acceptait son destin de chair à canon, abdiquait chaque jour davantage toute initiative aventureuse et renonçait à ce que Le Chemin de la Croix-des-Ames allait appeler l'art individuel, l'inspiration du soldat.
Là où Jünger, Ernst von Salomon ou Blaise Cendrars dans L'Homme foudroyé voient encore des occasions de combats chevaleresques, de coups de main qui défient la camarde, Bernanos, comme Jules Romains, Genevoix et surtout Jean Giono, entrevoit dans la guerre moderne, dans la mobilisation totale de masses de combattants au front et de masses d'ouvriers dans les usines d'armement, le triomphe sinistre de la technique, la mort de la vieille civilisation chrétienne et des plus belles libertés. Un monde gagné par la technique, écrira-t-il en 1945 dans La France contre les robots, est perdu pour la liberté.
A chaque fois que Bernanos réfléchit à la technique, à son emprise totalitaire sur les hommes du XXe siècle, à l'ordre mondial dont la deuxième guerre et Yalta ont accouché dans la pire violence, il revient douloureusement à l'expérience des tranchées, à cette solitude de la pitié -- selon la belle expression de Giono -- qui lui révéla, en même temps que la soumission de ses contemporains à une mort planifiée, leur grandeur surnaturelle, leur part divine.
C'est pourquoi Bernanos n'a pas le triste honneur de figurer dans le mémorial glacé des penseurs de la technique au XXe siècle. Face à ce qu'il appelle un nouveau Moloch, il a refusé le bouclier menteur du concept ou du système ramifié, il a rejeté les arguties jésuites, leur odieux réalisme capitulard qui s'accommode de toutes les aliénations, les justifications aristotéliciennes ou thomistes du monde industriel par une prétendue croissance de l'information ou un élan vital à la Teilhard de Chardin.
Il n'a pas toujours choisi les armes de Saint-Georges. Les pages géniales sur la genèse des totalitarismes dans Les Grands Cimetières sous la lune, les centaines de chroniques ou les conférences d'après-guerre multiplient certes les coups contre l'ordre technicien mondial, les Etats totalitaires avoués -- Allemagne, Italie ou Russie -- ou honteux comme l'Amérique capitaliste. Mais le plus souvent, ses phrases bousculées, pressées, emportées échappent à l'ordre humain, au lecteur moderne, à celui qui ne peut plus se livrer à l'aventure abyssale du c ur, de l'abandon à Dieu, à celui qui est fouaillé par la crainte du surnaturel .
Ses chroniques, ses pamphlets se tiennent donc à la lisière de notre monde. Mais ce serait péché de bêta orgueilleux que de prétendre qu'on y voit la trame de l'autre, et Bernanos le premier en bondirait de rage. Mieux vaut alors ne rien dire. Mais comme Léon Bloy, le créateur de Mouchette court ici le risque de la plus grande liberté que nous ayons : reconnaître ce qui nous dépasse.
Il n'y aura donc chez lui, prévient Bernanos, aucun système de la technique, aucune critique universelle. Rien qu'un témoignage. Mais à chaque vision de la monstruosité du monde où l'homme accepte de s'éloigner un peu plus du dépôt sacré de ses origines, l'écrasant et victorieux Moloch technicien va faire saigner davantage le c ur aimant du témoin.
Il n'y a pas de résumé possible du Chemin de la Croix-des-Ames ou de La France contre les robots. C'est dommage pour Jacques Attali, Jean-Claude Trichet ou les crétins cyniques qui veulent vendre aux esclaves modernes une mondialisation heureuse : s'ils s'engagent dans la lecture de Bernanos, dans le beau chemin souffrant que lui a révélé la mise en place du marché mondial, déjà dénoncé en 1945, ils en sortiront plus humbles et à genoux.
Car c'est à eux, les maîtres du monde, les élites nouvelles, comme à nous, les infimes agents soumis de l'ordre mondial, que s'adresse prophétiquement Bernanos. Il ne pouvait souhaiter meilleur lecteur que le Français d'aujourd'hui, battu de mauvaises nouvelles, accablé d'incertitudes et de mensonges odieux, perdu de voir sa nation disparaître dans le silence trompeur et rusé des édiles et des élites : l'Etat totalitaire, national ou mondial, démontre Bernanos, a toujours menti et pratiqué l'imposture. La guerre américaine contre le nazisme n'était pas une croisade de la démocratie, écrivait-il dès 1943, mais le meilleur moyen d'asseoir un capitalisme qui parle le patois yankee .
Le mythe de l'égalité devant la loi, c'était aussi, en d'autres temps, l'habillage de la soumission des individus à l'Etat le plus omnipotent, le plus brutal, adversaire des anciennes libertés dans la famille, la commune ou le métier . Et la démocratie, c'était les comices agricoles, le maquignonnage de l'intérêt grossier et du profit solide.
Bernanos a devancé un Jünger ou un Heidegger
Ce qu'Amsterdam et l'AMI réalisent, Bernanos l'avait dénoncé il y a cinquante ans. Parce qu'il n'affronte pas la technique avec les armes qu'elle impose à ses adversaires reconnus -- le langage sectionné, lui-même mécanique, de l'analyste, ou juridique c'est-à-dire romain et païen dit La France contre les robots -- Bernanos a vraiment devancé un Jünger ou un Heidegger. Il faut attendre 1953 pour que ce dernier prononce à Munich sa célèbre conférence sur La Question de la technique, devant un public enthousiaste où figurent trois spécialistes du problème : Ortega y Gasset et les frères Jünger -- Ernst, bien sûr, l'auteur du Travailleur et de La Mobilisation totale avant-guerre, et Friedrich-Georg, qui venait de publier La Perfection de la technique. Heidegger y montre que l'essence de la technique n'est pas seulement, comme le croyaient ses prestigieux auditeurs, la provocation envers la nature, sa mise en demeure comme l'a dit Pierre Boutang : elle accomplit aussi l'exil de la philosophie grecque hors de son sol natal, achevant ainsi le mouvement d'éloignement des origines que représente la métaphysique. C'est, au sens propre, l'Occident, le déclin de la pensée grecque, du seul moment philosophique de l'histoire humaine.
A l'inquiétude soulevée par ce lent processus peut seul répondre un recours mystérieux à ce qui nous sauve , au risque d'une transcendance sacrée, à ce que Heidegger appelle encore la piété de la pensée Ainsi, ce cheminement philosophique, même s'il relève de cette pensée allemande que Bernanos tenait pour une des sources du totalitarisme moderne, aboutit à la même ligne de crête entre le danger permanent, envahissant de la technique et la révélation surnaturelle qu'elle ménage à l'homme moderne.
Bernanos, lui, a la grâce d'aller plus loin : puisque la grande machinerie met à mort la chrétienté, puisque le moderne aveugle ne peut plus voir la sainteté, la technique est l'occasion du seul combat mystique que puisse comprendre l'homme du XXe siècle.
Le parcours aventureux d'un autre assistant à la conférence de Heidegger vient nourrir cette vérité dérangeante, cette flamme fragile :
Ernst Jünger, après avoir brossé à coups de concepts techniciens précis et froids comme l'acier le portrait de l'homme nouveau, le travailleur, renonce au piège d'une armature théorique trop semblable au monde totalitaire qu'elle prétendait librement décrire.
Dès la fin des années trente, il recourt plus volontiers à des fables, à de vrais mythes comme Sur les Falaises de marbre ou à son Journal. Il s'y transforme alors, à l'instar de Bernanos, en témoin inspiré des ravages du nihilisme : Heidegger aussi ou Pierre Boutang dans l'Ontologie du secret ont relié cette tendance lourde du XXe siècle au triomphe du contrôle mécanique de l'existence. Cependant, jusque dans les derniers tomes de Soixante-dix s'efface, il continue à voir dans la technique une incarnation de forces naturelles qui rappellent souvent les dieux païens.
Or Bernanos discerne justement dans l'Etat technicien une résurrection du paganisme antique dont il rend moins responsable le Diable que l'Eglise de la Renaissance ou les Borgia. Le XVIe siècle est frère du nôtre en idolâtrie et abjection. C'est à peine si nos glorifications païennes changent de nom : la raison d'Etat, le profit, la spéculation abondée par la machine demeurent, auxquelles nous avons ajouté les usurpations de la race, de la nation, du parti.
Reprendre le grand mouvement de 1789
Il faut donc voir Helmut Kohl, Tietmayer ou Jacques Delors au XVIe siècle, la fraise au cou, bien plissée et délicate : ce sont de vieux robots , les dangereux imbéciles bernanosiens. Mais Bernanos, dans sa grande et prophétique charité, ne désespère pas d'eux : il est l'écrivain de l'espérance. Et ses mots, aussi simples et dénués de ruse que ceux de Jeanne à son procès, parlent à notre liberté : la civilisation, la France -- deux parfaits synonymes -- peuvent nous garder du pire à condition de reprendre le grand mouvement de 1789 , notre tradition de presque mille ans de franchises coutumières et personnelles que 1793, la révolution industrielle, le capitalisme, sa version léniniste ou fasciste ont voulu mettre à bas.
Mais Bernanos n'est pas un petit marquis à paradoxes, un clerc soucieux de briller dans le vide affreux de sa nuit intérieure : c'est le marcheur sacré, le pauvre divinisé qui ne renonce à rien de ce que l'éclatante justice de la sainteté lui peut montrer.
On voit souvent, à la Bayorre, Bernanos chevaucher sa moto Peugeot. Ailleurs, on apprend qu'il était fier d'avoir fait 46 heures d'avion de guerre en 1917. C'était un humble usage, médiéval et gamin, de la technique : lui qui préférait le brutal Pizarro, un barbare que peut encore saisir la pitié, à l'ingénieur américain ou russe qui ne voit rien des destructions lointaines et immenses qu'il a provoquées, cherchait toujours l'échappée libre, l'assaut chevaleresque, le moment où, à moto ou sur un biplan Farman, l'homme croit qu'il est plus que jamais dans la main de Dieu.
Jean Védrines
Jean Védrines est critique et romancier. Dernier livre paru : Château perdu, La Différence, 1997.
La Liberté pourquoi faire ? est disponible en Folio, La France contre les robots et Le Chemin de la Croix-des-Ames figurent dans le tome II des Ecrits de combat dans la Pléiade.
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mardi, 15 avril 2008
Hommage à Pierre Monnier
Hommage à Pierre Monnier,
par Marc Laudelout
Pierre Monnier est décédé le 27 mars 2006 à Nice, où il s’était retiré depuis plusieurs années. Il allait avoir 95 ans.
Tout célinien a dans sa bibliothèque Ferdinand furieux, ce bouquin épatant dans lequel il raconte dans quelles circonstances il rencontra Céline après la guerre et les relations qui se nouèrent entre eux. Il est difficile aujourd'hui d'imaginer à quel point l'écrivain était alors non seulement victime d'une conspiration du silence, mais considéré par nombre de ses pairs comme un écrivain fini, voire démodé.
Pierre Monnier m’a souvent dit que les amis de Céline demeurés fidèles se comptaient alors sur les doigts d’une seule main. Et de citer invariablement Marie Canavaggia, Arletty, Daragnès et André Pulicani. Dans ces années-là, Céline lui-même disait : «Autant de cloches à Montmartre que de potes qui m’ont renié». Monnier, qui n’avait pas 40 ans, se lança dans cette entreprise folle qu’est l’édition pour redonner à l’écrivain qu’il admirait l’occasion de se faire entendre à nouveau. Ce ne fut pas sans difficultés mais ce serait sans nul doute faire injure aux lecteurs de ce Bulletin que de rappeler plus avant ces faits bien connus d’eux.
En juin 1993, ce bulletin lui rendit hommage suite à un déjeuner-débat qui eut lieu à Bruxelles et dont il avait été l'invité d'honneur. J'écrivais ceci : «Les qualités du conférencier sont aussi celles de l’homme. Sincérité, lucidité, chaleur, générosité, enthousiasme : tels sont les mots qui se bousculent sous ma plume lorsqu’il me faut définir Pierre Monnier.» C'est bien ainsi qu'il m'est toujours apparu. Et c'est sans aucun doute cet amour de la vie qui transcendait toute sa personnalité. Pourtant les fées ne s'étaient pas penchées sur son berceau. Parlant de son père, officier de carrière mort au combat en 1915, il disait : «J’ai eu peu de temps pour l’aimer». Orphelin de guerre dès l’âge de quatre ans, il dut, adolescent, gagner sa vie tout en suivant des cours à l’École des Beaux-Arts. Rude apprentissage, comme on s’en doute, mais qui n’entama jamais le caractère volontaire de ce Breton féru de peinture, de littérature et de... politique. Dans ses livres de souvenirs, il a raconté son compagnonnage avec l’Action Française, puis cette étonnante aventure de L’Insurgé, éphémère hebdomadaire nationaliste et progressiste fondé en 1937 par Jean-Pierre Maxence et Thierry Maulnier, et dont il fut le secrétaire de rédaction. Il y tenait aussi une chronique sociale qui marquait la volonté de réconcilier syndicalisme et nationalisme. De 1940 à 1942, il participa à la création et au développement des «Centres d’apprentissage des jeunes», créés par Vichy en zone occupée. Après la guerre, il vécut, difficilement, de la peinture et des dessins de presse (notamment dans Aux Écoutes), puis de l'édition sous le nom de « Frédéric Chambriand», avant de faire une belle carrière à L'Oréal. Sa retraite fut très active puisqu'il écrivit pas moins de dix livres, dont deux sur Céline. Et il se voua aussi à l'amitié, ayant pendant de nombreuses années le bonheur d'avoir auprès de lui, dans sa ville d'adoption, ses amis Louis Nucéra et Alphonse Boudard. Une vie assurément variée et bien remplie.
Ceux qui l'ont connu garderont de lui un souvenir lumineux. C'était un homme attachant, loyal, fidèle à ses convictions et d'une humeur joyeusement roborative. Un être d'exception que nous n'oublierons pas. Il n'est que juste de saluer ici sa mémoire.
Marc Laudelout
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jeudi, 28 février 2008
José Vasconcelos
28 février 1882: Naissance à Oaxaca au Mexique de José Vasconcelos, romancier, philosophe, pédagogue et homme politique. Recteur de l’Université de Mexico, puis ministre de l’Education entre 1920 et 1924, il réforma de fond en comble l’enseignement de base dans son pays, impulsa le mouvement politico-artistique national-révolutionnaire du muralisme mexicain. Sa philosophie repose sur la notion de “monisme esthétique”, terme qui tente d’exprimer son enthousiasme pour l’unité cosmique, perdue par le rationalisme occidental, avatar d’un dualisme qui rejette a fortiori une partie du réel. Les peuples d’Amérique latine, en puisant dans leur passé indien, pourront ainsi transcender les étroitesses que génèrent ce rationalisme et ce dualisme mutilant. On lira cette thèse, à fortes connotations indigénistes, en parallèle avec celles d’un grand dissident anglais, passionnément amoureux du Mexique : David Herbert Lawrence. En 1925, Vasconcelos publie La raza cosmica, ouvrage où il appelle cette synthèse cosmique et moniste sud-américaine, à la fois amérindienne et hispanique. En 1934, il écrit Bolivarismo y Monroismo, opposant la conception de Bolivar à celle de Monroe sur l’unité panaméricaine (Robert Steuckers).
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L'apothéose de Céline
Marc LAUDELOUT:
L’apothéose de Céline
Un double DVD, un livre sur l’exil danois et la réédition de la correspondance à Marie Canavaggia. Ces trois parutions ont suscité une presse abondante qui contraste singulièrement avec la façon dont Céline était traité par la critique dans les dernières années de sa vie. Petit aperçu.
Le Nouvel Observateur, organe de la gauche bien-pensante, n’est pas le moins dithyrambique : « Cinquante ans bientôt que l’écrivain est mort. Son œuvre n’a jamais été aussi vivante. (…) Comment ne pas être attiré par un bonhomme pareil, n’avoir pas envie d’aller y jeter un œil, dans ses livres qui suscitent pareils intérêts ? » ¹ Le quotidien Libération est également séduit : « On ne lit pas les lettres de Céline pour les croire ou s’en indigner. On les écoute. Ce sont d’abord des expériences musicales, de petites notes rapides, joyeuses et surprenantes qui font descendre et monter les tristes portées de la condition humaine. Les romans sont des concertos, des symphonies ; les lettres, c’est sa musique de chambre » ². Philippe Sollers, qui a le mérite de l’antériorité, n’est pas en reste : « Les lettres de Céline sont des chefs-d’œuvre, sa correspondance complète devrait être réunie un jour, magnifique volume électrique, au niveau (et ce n’est pas peu dire) de Voltaire et de Flaubert. » ³ Hélas, l’édition d’une correspondance générale semble relever de l’utopie. Car c’est bien une anthologie de cet océan que proposera cette année le cinquième et dernier volume de La Pléiade consacré à Céline.
Le double DVD « Céline vivant », centré sur ses dernières années, offre une image saisissante de l’écrivain qui n’a pas fini de retenir l’attention. « On reste hypnotisé par les monologues hallucinés de l’ermite de Meudon. (…) Ce clochard génial, dont toute la vie aura consisté à “ mettre par écrit l’émotion du langage parlé ” ensorcelle la caméra ». 4 C’est, en effet, peu dire que Céline captive les spectateurs : « Parmi les grands moments des “pièces” offertes par celui que l’un des témoins surnomme le “comédien du martyre”, il y a cette façon de revendiquer un raffinement inné et de déplorer l’accablante “lourdeur de l’homme”, son plaidoyer pour les auteurs qui inventent un style et mettent leur “peau sur la table”, ses diatribes et invectives contre la vulgarité, les plagiaires ». 5 Un constat s’impose : « On rit, car il est drôle et méchant. Céline maîtrise donc ses interviews comme il maîtrise ses livres, son style ». 6 Mieux : « À l’oral et dans ses écrits, Louis-Ferdinand Céline possède un style qui fait assurément de l’effet à ses interlocuteurs et lecteurs. Parler, écrire, ressentir… et danser sur un volcan ! Tel fut le destin tragique d’un homme libre dont la vie et l’écriture sont inséparables, et qui confesse ne pas croire en Dieu, mais « ne demanderait pas mieux d’y croire ». Sous le masque du tragique, apparaît alors le visage d’un grand créateur et dispensateur de vie » 7 Une belle conclusion assurément pour celui qui se disait du « parti de la vie ».
M. L.
1. Delfeil de Ton, « Voyage au bout de la télé. Céline, bête d’écran », Le Nouvel Observateur, 22 novembre 2007.
2. Philippe Lançon, « Céline et la “vache matière” », Libération, 29 novembre 2007.
3. Philippe Sollers, « Céline », Le Journal du Dimanche, 28 octobre 2007.
4. Jérôme Dupuis, « D’une caméra l’autre », L’Express, 2 novembre 2007.
5. Jean-Luc Douin, « Céline, par lui-même et ses proches », Le Monde, 29 novembre 2007.
6. Camille Aranyossy, « Céline vivant », Le littéraire.com, 12 novembre 2007
7. Arnaud Guyot-Jeannin, « Quand Céline crevait l’écran », Le Choc du mois, novembre 2007.00:25 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mercredi, 27 février 2008
A. Romualdi: Introduccion a Gobineau
Introduccion a: Arthur de Gobineau; la desigualdad de las razas
Adriano ROMUALDI
Hay libros que actúan sobre la realidad de muchos de los hechos políticos y que, saliendo del círculo estrecho de la discusión, se convierten en idea-fuerza, mitos, sangre que alimenta los procesos históricos. El más típico es indudablemente El Capital de Marx, un estudio histórico-económico que se ha convertido en dogma religioso, arma de batalla, evangelio del vuelco mundial de todos los valores cumplimentado por la casta servil. A estos libros pertenece el Ensayo sobre la desigualdad de las razas humanas del conde de Gobineau, ignorado durante el tiempo que el autor vivió pero que - difundido en Alemania después de su muerte - fue destinado a transformarse en un de las más poderosas idea-fuerza del siglo XX: el mito de la sangre del nacionalsocialismo alemán.
Arturo de Gobineau nace en Ville d’Avray en el 1816 de una familia de antiguo origen normando. Poco antes de morir, en el Histoire d’Ottar Jara él revivirá los hechos del conquistador vikingo que arribó a las costas de Francia dando origen a su familia. El padre de Gobineau fue capitán en el Guardia Real de Carlo X. Después de la revolución del 1830 se apartó a vivir en Bretaña mientras el hijo fue a estudiar a Suiza. Aquí Gobineau aprendió el alemán y tuvo modo de asomarse a las vastas perspectivas que la filología germánica abrió en aquellos años. Ya Federico Schlegel en su Ueber die Sprache und Weisheit der Inder enseñó la afinidad entre las lenguas europeas y el sánscrito planteando una migración aria de Asia a Europa; en 1816, Bopp con su gramática comparada del griego, sánscrito, persa, griego, latino y gótico fundó la filología indoeuropea; por su parte, los hermanos Grimm redescubrieron el Edda y poesía germánica haciendo revivir el antiguo heroísmo y la primordial mitología germánica mientras Kart O. Müller halló en los dorios (Die Dorier, 1824) el alma nórdica de la antigua Grecia. Así, Gobineau tuvo modo que familiarizarse desde la adolescencia con un mundo que la cultura europea iba lentamente asimilado.
En 1834 Gobineau va a París. No es rico, y trata de hacerse paso como escritor y periodista. De sus obras literarias de entonces, Le prisionnier chancheux, Ternote, Mademoiselle Irnois, Les aventures de Nicolas Belavoir, E’Abbaye de Thyphanes, muchas páginas han resistido la usura del tiempo.
Un artículo aparecido en la Revue de deux mondes lo puso en contacto con Alexis de Tocqueville, el famoso autor de La democracia en América, también él de antigua estirpe normanda. Esta amistad les unió toda la vida a pesar de las fuertes diferencias de opinión entre los dos hombres: Tocqueville, el aristócrata que se resigna, y - sea incluso con melancolía - acepta la democracia como una realidad del mundo moderno y Gobineau, el aristócrata que se rebela e identifica la civilización con la obra de una raza de señores.
Fue Tocqueville, nombrado Ministro de Exteriores, quien llamó al amigo como jefe de gabinete. En vísperas del golpe de estado napoleónico Tocqueville dimitió; En cambio Gobineau hizo buen cara al cesarismo que - si bien no le reportaba a la predilecta monarquía feudal - al menos colocaba las esposas a la democracia y al parlamentarismo. Entró en diplomacia y fue como primer secretario a tomar la delegación de Berna. Es en Berna que escribió el Essai sur el inégalité des races humaines, cuyos dos primeros volúmenes aparecieron en el 1853, los segundos en 1855.
El ensayo retoma los movimientos del gran descubrimiento de la unidad indoeuropea, es decir de una gran familia aria extendida desde Islandia hasta la India. La palabra latina pater, el gótico fadar, el griego patér, los sánscritos pitar se revelan como derivaciones de un único vocablo originario. Pero si ha existido una lengua primordial de la que se han ramificado varios lenguajes, también habrá existido un estirpe primordial que - moviendose desde su patria originaria - difundirá este lengua en el vasto espacio existente entre Escandinavia y el Ganges. Es el pueblo que se dio el nombre de ario, término con el que los dominadores se designaban a sí mismos en contraposición a los indígenas de las tierras conquistadas (compara el persa y el sánscrito arya = noble, puro; el griego àristos = el mejor; el latino herus = dueño; el tudesco Ehre = honor).
Es aquí donde se encauza el razonamiento de Gobineau, movilizando a favor de sus tesis los antiguos textos indios nos muestra a estos arios prehistóricos - altos, rubios y con los ojos azules - penetrando en la India, en Persia, en Grecia, en Italia para hacer florecer las grandes civilizaciones antiguas. Con una demostración muy forzada también las civilizaciones egipcia, babilonia y china son explicadas con el recurso de la sangre aria. Cada civilización surge de una conquista aria, de la organización impuesta por una elite de señores nórdicos sobre una masa.
Si comparamos entre si a las tres grandes familias raciales del mundo la superioridad del ario nos aparecerá evidente. El negro de frente huidiza lleva en el cráneo "los índices de energías groseramente potentes". "Si sus facultades intelectuales son mediocres - Gobineau escribe - o hasta nulas, él posee en el deseo… una intensidad a menudo terrible". Consecuentemente, la raza negra es una raza intensamente sensual, radicalmente emotiva, pero falta de voluntad y de claridad organizadora. El amarillo se distingue intensamente del negro. Aquí los rasgos de la cara son endulzados, redondeados, y expresan una vocación a la paciencia, a la resignación, a una tenacidad fanática, pero que él diferencia de la verdadera voluntad creadora. También aquí tenemos que ver a una raza de segundo orden, una especie infinitamente menos vulgar que la negra, pero falta de aquella osadía, de aquella dureza, de aquella cortante, heroica, inteligencia que se expresan en el rostro fino y afilado del ario.
La civilización es pues un legado de sangre y se pierde con el mezcolanza de la sangre. Ésta es la explicación que Gobineau nos ofrece de la tragedia de la historia del mundo.
Su clave es el concepto de la degeneración, en el sentido propio de esta palabra, que se expresa en el alejamiento un género de su tipo originario (los alemanes hablarán de Entnordung, de desnorcización). Los pueblos antiguos han desaparecido porque han perdido su integridad nórdica, e igualmente puede ocurrir a los modernos. "Si el imperio de Darío todavía hubiera podido poner en campo a la batalla de Arbela persas auténticos, a verdaderos arios; si los romanos del basto Impero hubieran tenido un senado y una milicia formadas por elementos raciales iguales a los que existieron al tiempo de los Fabios, su dominación no habría tenido nunca fin."
Pero la suerte que ha arrollado las antiguas culturas también nos amenaza. La democratización de Europa, iniciada con la revolución francesa, representa la revuelta de las masas serviles, con sus valores hedonísticos y pacifistas, contra los ideales heroicos de las aristocracias nórdicas de origen germánico. La igualdad, que un tiempo era sólo un mito, amenaza de convertirse en realidad en el infernal caldero donde lo superior se mezcla con lo inferior y lo que es noble se empantana en lo innoble.
El Essai sur el inégalité des races humaines, si en muchos rasgos aparece hoy envejecido, conserva una sustancial validez. Gobineau tiene el gran mérito de haber afrontado por primera vez el problema de la crisis de la civilización en general, y de la occidental en particular. En un siglo atontado por el mito plebeyo del progreso, él osó proclamar el fatal ocaso de cada cultura y la naturaleza senil y crepuscular de la civilización ciudadana y racionalista. Sin el libro de Gobineau, sin los graves, solemnes golpes que repican en el preludio del Ensayo sobre la desigualdad de las razas humanas, y en aquellas páginas en que se contempla la ruina de las civilizaciones, toda la moderna literatura de las crisis de Spengler, a Huizinga, a Evola resulta inimaginable.
Falta valorar la solución que Gobineau ha ofrecido problema de la decadencia de la civilización. A menudo es simplista. El mito ario, queda como indispensable instrumento para la comprensión de la civilización occidental, no se puede explicar mecánicamente el nacimiento de las varias civilizaciones del globo. Gobineau se encarama sobre los espejos para encontrar un origen ario a las civilizaciones egipcia, babilona, chino. Aunque muchos recientes estudios ayudarían a sus tesis (piénsese en la hipótesis de un Heine-Geldern sobre una migración indo-europea de la región póntica a China, o a la comprobación de un elemento ario en el seno a los casitas que invadieron Babilonia y a los hyksos que dominaron Egipto), queda el simplismo de los métodos demostrativos gobinianos. Además, los materiales arqueológicos y filológicos de que él se servirá son completamente inadecuados frente a la masa de los datos de que disponemos hoy (1).
Y sin embargo, la idea de un diferente origen de las razas está demostrada por los estudios más recientes en la materia (Véase Coon. L’origene delle razze, Bombiani 1970), mientras que las estadísticas sobre los cocientes de inteligencia asignan un valor cuantitativo inferior a los negros con respecto de los blancos y a los amarillos. Mientras la civilización blanca arrastra en su movimiento a los pueblos de color, ellos se revelan en su mayor parte imitadores y parásitos, de lo que no hay duda que de que el mestizaje de la humanidad blanca conduciría a un estancamiento, si no a un retroceso. La crisis de las cepas germánicas y anglosajonas, a cuya voluntad e iniciativa se debe el dominio euro-americano sobre el mundo, y que en el tipo blanco representan el elemento más puro, es seguro la más dramática situación desde los principios de la historia.
La gran obra del Ensayo sobre la desigualdad de la razas fue terminada. Pero la cultura francesa no se dio cuenta.
Tocqueville intentó consolar a Gobineau profetizando que este libro sería introducido en Francia desde Alemania: fue en efecto una respuesta a un problema surgido en la cultura alemana, y de ella habría regresado a Francia, desde Alemania: fue en efecto una respuesta a problemas surgidos en la cultura alemana, y en ella habría sido discutida. De Berna, Gobineau pasó a Fráncfort, luego - como ministro plenipotenciario - a Teherán, Atenas, Rio de Janeiro y Estocolmo. El tiempo que estuvo en Persia le permitió dedicarse a sus predilectos estudios orientalísticos. El Traité des écritures cuneiformes, La Historie des Perses, Réligions et philosophie dans l’Asia centrale. También escribió las Nouvelles Asiatiques y, siempre en literatura, la novela Adelaida, el poema Amadis, el fresco histórico sobre La Renassance y la que es quizás su novela mejor lograda: Les Pleiades.
La guerra franco-prusiana le sorprende en el castillo de Trye que formaba parte del antiguo dominio de Ottar Jara y que él adquirió. No se hacía graciosas ilusiones (un biógrafo suyo cuenta: "El canto de la Marsellesa, los gritos: a Berlín!, repugnaron a su naturaleza. No le dio el nombre de patriotismo a esas sobreexcitaciones peligrosas, demasiado ayuntamientos con las razas latinas. Donde divisó síntomas funestos"), pero en su calidad de alcalde organizó la resistencia civil contra el invasor. Sobrevenidos los prusianos, se comporta con gran dignidad y, aunque se valiera de la lengua alemana como la suya propia, nunca quiso hablar con ellos otra que el francés.
El desastre del los años 70 y la suspensión de su candidatura a la Academia de Francia le disgustaron completamente. La misión a Estocolmo, en aquella Escandinavia que quiso como a una segunda patria, le fue de algún consuelo, hasta que en el 1877 fue jubilado anticipadamente. Para Gobineau transcurrieron los últimos años de su vida entre Francia e Italia. En Venecia conoció a Richard Wagner el cual dijo de él: "Gobineau es mi único contemporáneo". Un reconocimiento basado en una recíproca afinidad. Ambos advirtieron el atractivo romántico de los orígenes primordiales: los tonos profundos que se vislumbran en los abismos del caudal de El oro del Rin son los mismos que repican en el Essai sur el inégalité des races humaines. Fue Wagner quien presentó a Gobineau al profesor Schemann de Freiburg, el cual fundaría el Gobineau-Archiv.
Gobineau murió de repente en Turín en el octubre de 1882. Nadie pareció darse cuenta de su desaparición. Fue universalmente admirado como un hombre de espíritu y como brillante conversador. Años después, fue cuando en la universidad comenzaron a haber cursos sobre de él, Anatole France dijo: " Je el ai connu. El venait chez el princesse Matilde. Ello était un grand diable, parfaitement simple et très spirituel. On savait qu'il écrivait des livres, maíz personne de ello les avait lus. ¿Alors, el avait du génie? Comme c’est curieux."
Fueron los alemanes los que lo valorizaron. Wagner le abrió las columnas del Bayreuther Blätter: ahora el wagneriano Hans von Wolzogen, Ludwig Schemann, Houston Stewart Chamberlain anunciaron su obra. Fue Ludwig Schemann quien fundó el culto a Gobineau instituyendo un archivo cerca de la universidad de Estrasburgo, entonces alemana. En el 1896 Schemann fundó el Gobineau-Vereinigung que difundiría el gobinismo en toda Alemania. En el 1914 pudo contar con una red influyente de protectores y amistades; el Kaiser mismo la subvencionó y buena parte del cuerpo enseñante fue influido por sus ideas.
Sobre la estela de la obra de Gobineau nació el racismo: Vacher de Lapouge, Penka, Pösche, Wilser, Woltmann, H. S. Chamberlain y luego - después de la guerra - Rosenberg, Hans F. K. Günther, Clauss retomaron las intuiciones gobinianas y las amplificaron en un vasto organismo doctrinal. En el 1933 el Nacionalsocialismo - asumiendo el poder en Alemania - reconoció oficialmente la ideología de la raza. Se realizó así lo que Wittgenstein había profetizado a Gobineau: "Vos os decís un hombre del pasado, pero en realidad sois un hombre del futuro."
El batalla de Gobineau no fue en vano. Él escribió: "Quand la vie n'est pas un bataille, ell n'est rien."
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Las citas aquí indicadas están sacadas del primer libro del Ensayo sobre la desigualdad de las razas humanas, Ediciones de Ar, Padua 1964.
(1) Una exposición moderna de las migraciones arias y su importancia para la civilización he tratado de exponerla en mi "Introduzzione al problema indoeuropeo" en el prólogo al libro de Hans F. K. Günther, Religiosità indoeuropea, Edizioni de Ar, Padua 1970. A ella me remito para quién de este ensayo sobre Gobineau le llevara el deseo de conocer los puntos de vista más recientes en arqueología, filología y antropología.
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samedi, 23 février 2008
Quelques fleurs pour Knut Hamsun...
Quelques fleurs pour Knut Hamsun…
Dans son livre richement documenté : “Ecology in the 20th Century. A History”, 1989, (épuisé, non réédité), Anna Bramwell a consacré un large paragraphe à Knut Hamsun. Elle en parle dans le contexte des écrivains qui ont participé fin 19ième et début 20ième siècle à la création d’une Idéologie Ecologique (E. M. Forster, D. H. Lawrence, mais surtout Richard Jefferies, Henry Williamson et Knut Hamsun). De ce paragraphe intitulé “And Life can be Wastefull” (”Et la nature peut se révéler prodigue”) voici quelques citations (autotrad.) :
« Knut Hamsun naquit dans une famille de paysans norvégiens en 1859 et mourut en 1952 à Nörholm en Norvège. On lui décerna le prix Nobel (1920) comme nouvelliste. Ses livres furent exceptionnellement populaires en Allemagne et furent traduits dans toutes les langues majeures. … De sa nouvelle de l’habitat paysan, Growth of the Soil*, Thomas Mann écrivait en admirateur :
“Un ouvrage splendide, bien que totalement apolitique, en contact profond avec toutes les aspirations actuelles : glorification du fermier solitaire, de l’autonomie rustique, aversion pour la ville, l’industrie, le commerce; jugement ironique sur l’état – tout cela est du communisme poétiquement conçu ; ou mieux; de l’anarchisme humainement poétisé … plein de simplicité, de bonté, de santé, d’humanité … assurément l’esprit du futur.”…
Hamsun a même été comparé à Homère. Mais en 1945, déclaré traître à la patrie et dément, il fut incarcéré dans une clinique psychiatrique. Âgé de près de 90 ans, il publia un récit de son parcours, pour justifier son action et prouver qu’il n’était pas fou.… (”Sur les sentiers où l’herbe repousse”). …
En 1911, Hamsun – comme Williamson l’avait fait en 1935 – acheta une ferme dans un endroit reculé de la montagne norvégienne, et, comme lui, il se sentait concerné par des problèmes de fertilité/fécondité du sol et par les relations entre la culture, l’homme et la glèbe. En 1913 et 1915, il publia ses premiers livres étendus à des sujets plus vastes. Dans deux ouvrages, il disséqua le processus de la désintégration et la dégénérescence de toute une communauté : “Enfants de leur temps” et “La ville de Segelflos” brossaient le portrait d’un village norvégien transformé en centre industriel prospère par la réussite d’un émigrant, M. Holmengrâ. Holmengrâ racheta les propriétés familiales du village et créa des usines et un centre commercial. Les villageois oublièrent leur propre savoir-faire, et se laissèrent corrompre par des Ersatz, comme la margarine, des chaussures achetées et des friperies diverses. Contrairement aux socialistes réalistes, comme Zola, ou même Dickens, la critique de Hamsun de la décadence spirituelle apportée par la croissance industrielle est un criticisme intégral, qui ne se focalise pas sur les problèmes spécifiques, mais sur ce qu’il considère une qualité d’aliénation inhérente au marché. Cette qualité absolutiste est une autre caractéristique du penseur écologiste. …
Mais Hamsun avait développé ses idées bien avant la première guerre mondiale. Sa sympathie pour les anarchistes condamnés à mort à Chicago en 1889 Hamsun l’avait exprimée, comme le fit son soutien ultérieur au populisme russe. Qu’il ait également soutenu Hitler, il est probable que ce fut à cause de son aversion pour l’Angleterre et son opposition au libre marché. La désapprobation de Hamsun pour l’éthique affairiste (business ethic) concernait l’Angleterre, qu’il décrivait comme source du libre marché Protestant ennemi de toutes valeurs : les ‘Juifs Protestants’. …
En fait, l’assimilation faite entre Hamsun et le nazisme est due plus vraisemblablement à l’influence que sa propre idéologie paysanne avait exercée sur le nazisme rural plutôt qu’à l’influence du nazisme sur Hamsun. Non seulement les premiers idéologues, mais les troupes allemandes sur le Front de l’Est ont acheté ses livres par centaines de milliers. Les condamnés de Nuremberg, Jodl, Kaltenbrunner et Streicher ont souhaité avant leur exécution lire et ont lu Hamsun. …
L’épouse de Hamsun, qui avait quitté son métier d’actrice, est partie durant la deuxième guerre mondiale en tournée de lecture des oeuvres de son mari, tournée organisée par la Société Nordique (Nordische Gesellschaft ?), fondée à Lubeck en 1921 et patronnée par Walther Darré et par Alfred Rosenberg. En Allemagne, devant une audience attentive, elle lisait des extraits des oeuvres de Hamsun … . Devant une salle comble de soldats attentifs et silencieux, elle devait lire l’introduction de “Growth of the Soil”, le roman qui décrivait en langage précis mais biblique la vie du paysan en quête de terres nouvelles à cultiver, et l’arrivée d’une femme :
“L’homme est venu, marchant vers le Nord … Il est fort et mince, arbore une barbe rousse … peut-être est-ce un ancien prisonnier … peut-être est-ce un philosophe, à la recherche de la paix; en tout cas il est là, un vagabond dans cette immense solitude … ”
“Le matin elle s’était arrêtée, et elle ne partit pas de la journée. Elle se rendait utile, trayait les chèvres et frottait le fourneau avec du sable fin. Et elle ne repartit plus. Elle s’appelait Inger. Lui, on l’appelait Isak.” »
D’ailleurs parmi l’évocation des rares penseurs qui, dans le domaine écologique, ont pensé différemment sans qu’on puisse les suspecter de connivences avec le nazisme, il y avait le pasteur Oberlin. Je suis personnellement convaincu que la rage avec laquelle toute allusion à un modèle nazi a été anéantie sans réflexion, aura été la cause du retard d’un demi-siècle irrattrapable de la réflexion écologiste.
Martin Heidegger avait également manifesté son empathie pour Hamsun, en particulier dans son “Introduction à la métaphysique” cit. de l’éd. Gallimard 1967, traduite par Gilbert Kahn, p.38.
« Le véritable parler ayant trait au néant reste toujours inhabituel. Il est rebelle à toute vulgarisation. …
Citons ici un passage d’une des dernières œuvres de Knut Hamsun, “Au bout d’un an et un jour” … (qui) nous montre les dernières années et la fin de cet Auguste, en qui s’incarne l’universel savoir-faire déraciné de l’homme d’aujourd’hui, sous forme d’ailleurs d’une existence qui ne peut pas perdre son lien avec l’inhabituel, parce que, dans son impuissance désespérée, elle reste authentique et souveraine. Auguste passe ses derniers jours solitaire dans la haute montagne. L’auteur dit : “Il y est assis au milieu de ses deux oreilles et entend le vide véritable. Extrêmement drôle, une fantasmagorie. Sur la mer (il a souvent été à la mer autrefois) remuait (tout de même) quelque chose, et il y avait là-bas une rumeur, quelque chose d’audible, un chœur des eaux. Ici — le néant rencontre le néant et n’est pas là, n’est pas même un trou. Il ne reste qu’à secouer la tête avec résignation.” »
* Traduit en français sous divers titres : “L’éveil de la glèbe”, “Les fruits de la Terre”, …
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mardi, 19 février 2008
L'écrivain prolétarien Kristofer Uppdal
19 février 1878: Naissance à Beitstad en Norvège de l’écrivain prolétarien Kristofer Uppdal, à qui l’on doit dix volumes denses de nouvelles et de romans sur l’histoire de la classe ouvrière norvégienne, montrant la transition d’un peuple essentiellement paysan et rural en direction d’un prolétariat urbain. C’est une préoccupation centrale de la littérature norvégienne de la fin du 19ième siècle et du début du 20ième. Uppdal a fait bon nombre de métiers jugés subalternes. Son œuvre doit être relue aujourd’hui en parallèle avec celle de Knut Hamsun, avec les littératures prolétariennes des autres pays d’Europe (notamment Pierre Hubermont et Constant Malva), et comme arrière-plan du néo-socialisme planiste de Henri De Man, car Uppdal, comme De Man, insiste davantage sur les métamorphoses d’ordre psychologique dans la classe ouvrière que sur les aspects strictement économiques ou politiques. On sait que De Man avait une bonne connaissance des socialismes scandinaves, qu’il trouvait leurs expériences intéressantes: l’œuvre d’Uppdal a-t-elle contribuer à la genèse de son ouvrage majeur, Au-delà du marxisme, dont le titre allemand original était Zur Psychologie des Sozialismus (Robert Steuckers).
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vendredi, 15 février 2008
"Uranus" de notre aimable Aymé
“Uranus” de notre aimable Aymé
Un metteur en scène français a adapté à l'écran le roman de Marcel Aymé, Uranus, qui fit l'effet d'une bombe quand il parut, en 1948, en pleine dictature résistantialiste. Mais il est évident que M. Claude Berri, le cinéaste en question, n'a pas pu traduire en images "l'insoutenable" vérité.
Ce pavé iconoclaste doit figurer, dans toute bibliothèque bien constituée, à côté du Pauvre Bitos et des Fables d'Anouilh, du Confort intellectuel de ce même Aymé, des Français de la décadence d'André Lavacourt... La lecture de tels bouquins nous console d'autres lectures accablantes.
Nous pouvons, à loisir, savourer cet Uranus aux pages si vengeresses, cette chronique impitoyable des lendemains de la "libération". L'action —c'est le cas de le dire— se déroule à Blémont. Il s'agit d'une petite ville au nom imaginaire, mais aux mœurs bien réelles.
Seul l'aimable écrivain au masque de Buster Keaton pouvait écrire une telle œuvre. Ecrivain "dégagé" bien avant que le mot existât. Beaucoup plus goûté par la droite jeune et frondeuse que par les religionnaires de gauche. Ami de Céline, de Brasillach et de Rebatet, mais néanmoins sans attache d'idéologie ni de parti (ses Billets de Marianne en fournissent l'illustration). L'homme vraiment libre, sans illusions sur ses congénères, ennemi du mensonge et de l'hypocrisie. Un véritable non-conformiste. Son Travelingue (paru en 1937) était déjà un tableau resté unique des ridicules, tant nationaux que progressistes, bourgeois que prolétariens, du front populaire.
“Je vais le dire au comité d'épuration…”
Mais revenons à Uranus, à ce sujet d'une terrible noirceur mais à la prose succulente. Nous sommes donc à Blémont. La petite ville tend l'échine sous la loi de quelques malfrats à mitraillettes et de la cellule communiste. L'ingénieur Archambaud a obéi à un réflexe charitable en hébergeant Loin, le "collaborateur " traqué. Mais il se reprochera amèrement cette "idiotie". A la table familiale, il fait un massacre des préjugés bourgeois, mais il opine aux sottises d'un nouveau collègue dont l'agitation syndicaliste, teintée de stalinisme à la mode, risque de détraquer leur usine. Les prolos ne s'élèvent au-dessus de la plus haineuse jalousie que pour devenir des instruments aveugles du "Parti". Lequel PC s'entend fort bien avec Monglat, le trafiquant milliardaire, seul profiteur des malheurs de la Patrie, morne canaille prête à n'importe quelle ignominie pour sauver sa fortune.
A Blémont —comme ailleurs— tout n'est que dénonciations entre gens qui voisinent et se tutoient depuis l'enfance, bassesses, lâchetés, sournois sadisme: "Je vais le dire au Comité d'épuration". Les mouchards prospèrent, en véritables "patriotes".
Loin, l'infortuné, aurait pu être blanchi, avec l'assentiment public s'il eût été riche, bien installé dans l'échelle sociale. Ou, à la rigueur, s'il eût fait acte de contrition. "Mais ce n'était en somme qu'un petit employé, un de ces hommes de peu dont le supplice et l'ignominie procurent presque autant de plaisir aux bourgeois qu'aux prolétaires. Qu'une action d'en haut s'exerçat en sa faveur, il y avait là de quoi choquer et décevoir ses concitoyens. Les gosses eux-mêmes sont contaminés par la cruauté et la bêtise ambiantes.
Il n'est que deux personnages pour racheter cette tourbe: Watrin, le professeur de math, et Léopold, l'une des plus étonnantes créations de Marcel Aymé, cabaretier herculéen, à crâne de brute, aviné, et que Racine émeut aux larmes, le suprême représentant de la poésie à Blémont. Mais Léopold, pur de tout méfait, respecté d'abord pour sa force énorme, sera abattu comme un criminel par les gendarmes, rouages stupides des machinations de Monglat. Mais Watrin, que toutes les formes de la vie émerveillent, en comparaison avec Uranus, l'astre mort, n'est qu'un rêveur, l'impuissant spectateur de la férocité humaine. Il n'y manque qu'un cureton bolchévisant pour que le panorama de la France, en 1945, soit complet avec tout son personnel.
Le chapitre le plus terrifiant d'Uranus, est celui du retour des soldats prisonniers. La population entière est allée les accueillir à la gare, sous-préfet, municipalité et clergé en tête. Les F.F.I. rendent les honneurs. Garde-à-vous, Marseillaise, discours. Mais cinq civils, posément, écartent le service d'ordre. Ils s'avancent vers les prisonniers libérés, se saisissent de l'un d'eux, le jettent à terre et le rouent de coups de poings et de pieds. Ce sont des F.T.P. qui tabassent et "punissent" un ancien pétainiste du Stalag. Cependant la foule, la police restent inertes, de même que les camarades de la victime ensanglantée. Et, tandis que les exécuteurs s'acharnent, le maire, décidé à ne rien voir, poursuit son discours: «Votre sacrifice, votre admirable résistance morale... la grandeur de la France... Une France jeune, ardente, guidée par une élite dont l'intelligence, la hauteur de vues et l'humanité font l'admiration du monde entier...». Et Watrin, le seul qui ose se porter au secours du blessé —le médecin n'a pas bougé— est embarqué par la flicaille.
Cercle Prométhée.
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jeudi, 14 février 2008
Henri Michaux ou le corps halluciné
Henri Michaux ou le corps halluciné
Réécriture d'une thèse de doctorat, Henri Michaux ou le corps halluciné, d'Anne Brun est un splendide ouvrage. En voici la présentation: «L'œuvre hallucinogène d'Henri Michaux s'inscrit dans l'histoire de la drogue et de la psychiatrie, en tant que "psychose expérimentale", et mêle étroitement poétique du texte et références scientifiques. Anne Brun propose une lecture psychanalytique de ce corpus, saturé par les commentaires psychiatriques: il s'agit de le lire comme un document passionnant sur les processus de création et d'éclaircir la genèse de cette œuvre poétique et picturale, enracinée dans un vécu corporel médiatisé par le toxique. L'expérience hallucinogène invite à une exploration de l'originaire, en réactivant la part la plus archaïque de la psyché, à la source des processus de symbolisation. Elle questionne la psychanalyse et la clinique, en renouvelant l'approche des toxicomanies comme de la schizophrénie. L'auteur réinterroge particulièrement le concept de pulsion scopique, pour éclairer la spécificité des visions suscitées par la mescaline et la nature du savoir dévoilé par la drogue. C'est à un véritable corps à corps avec ses doubles que se livre Michaux, révélant un fantasme de bisexualité dans le combat avec la mescaline. L'œuvre hallucinogène d'Henri Michaux , singulière s'il en est, ouvre la voie à une métapsychologie des processus de création» (JdB).
Anne BRUN, Henri Michaux ou le corps halluciné, Institut d'édition Sanofi-Synthélabo (174 avenue de France, F-75.635 Paris cedex 13), 1999, 322 pages format 240 x 280, avec de très nombreuses reproductions de l'œuvre picturale d'Henri Michaux. 250 FF.
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Friedrich Sieburg
Friedrich Sieburg
Célèbre par son Dieu est-il français? (1929), Friedrich Sieburg fait l'objet d'une excellente biographie de Cecilia von Buddenbrock. Correspondant de presse à Paris de 1926 à 1933, pilote dans l'escadrille von Richthofen durant la Grande Guerre, Friedrich Sieburg reviendra à Paris de 1940 à 1943, détaché au service culturel de l'ambassade d'Allemagne. Dominique Venner écrit dans sa préface: «Mieux que son rôle effacé entre 1940 et 1943, ce qui associe Sieburg à la France, c'est son essai Dieu est-il français?, célèbre dès sa parution. Le fait que Raymond Poincaré se soit risqué à réfuter la livre dans une communication de l'Institut fit son succès. Pourtant, la critique se montra assez peu réceptive. Robert Brasillach, tout jeune encore, étrilla l'ouvrage dans L'action française du 4 décembre 1930, à l'occasion d'une chronique intitulée "Contrebande germanique". Relisant aujourd'hui l'essai de Sieburg, on comprend difficilement ce rejet, tant son auteur fait des efforts louables de compréhension. Ses censeurs lui reprochèrent de montrer la France des années 30 comme une sorte de charmant anachronisme adonné au bonheur de vivre à l'heure de son clocher, méprisant l'industrialisation forcenée d'une Allemagne pauvre et spartiate. Ce portrait-là était vrai, on l'a bien vu un peu plus tard. Il a même aujourd'hui valeur de document ethnologique pour une France disparue» (PM).
Cecilia von BUDDENBROCK, Friedrich Sieburg 1893-1964, Editions de Paris (7 rue de la Comète, F-75.007 Paris), 306 pages, 159 FF.
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dimanche, 10 février 2008
Sur Giuseppe Ungeretti
10 février 1888: Naissance à Alexandrie en Egypte du poète italien Giuseppe Ungaretti. En 1912, il vient étudier à Paris, où sa pensée est influencée par Henri Bergson, Charles Péguy, Paul Valéry et Guillaume Apollinaire. Les avant-gardes et surtout le symbolisme, avec la poésie de Mallarmé marqueront son esprit de manière durable.
Engagé dans l’armée italienne en 1915, il rédige ses premiers poèmes sur le front, inaugurant du même coup une poésie sans rimes ni ponctuation ni formes traditionnelles, censée exprimée une liberté nouvelle, à l’instar de celle qu’avaient, en d’autres termes, annoncée les futuristes autour de Marinetti. Ungaretti voulait révolutionner la poésie en lui imposant cette liberté, cette fraîcheur et cette intensité, éloignées des raideurs académiques ampoulées. Cette liberté poétique découle pourtant des enseignements que lui a transmis Valéry.
Pour celui-ci, il fallait se concentrer sur la forme; pour Ungaretti, se concentrer sur une forme dépouillée de toute rhétorique inutile et de toutes les lourdeurs d’un sentimentalisme désuet. Comme plus tard pour bon nombre de surréalistes et notamment pour Michaux, Ungaretti veut dégager le noyau primitif de chaque mot, faire jaillir de lui la puissance religieuse qui y est tapie. La lecture d’Ungaretti est impérative, tout comme une approche de Trakl (cf. article “03 fév 1887″), pour comprendre la trajectoire intellectuelle des post-surréalistes, dont Evola et Drieu.
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lundi, 04 février 2008
En canot sur les chemins d'eau du roi
En canot sur les chemins d’eau du roi
par Ivan de Duve
(Article paru dans Le Libre Journal de la France Courtoise du 17 novembre 2005 et, sur le Web, dans le site Les manants du roi)
(Ivan de Duve, 11 nov 05) - Un nouveau Raspail est toujours un événement qui nous ravit, nous Patagons. Celui-ci est un grand Raspail et Raspail étant un véritable terroir de la doulce France, l’on peut dire sans exagérer qu’il s’agit d’un cru fameux. Jean Raspail se souvient à 79 ans du Jean qu’il était à 24 ans, en 1949, lorsque, avec trois autres scouts, formant l’équipe Marquette, lui et Philippe Andrieu à bord du canot Huard, Jacques Boucharlat et Yves Kerbendeau à bord du canot Griffon, il réalise le rêve de descendre en canots du Québec à La Nouvelle-Orléans. Des Français les ont précédés sur ces chemins d’eau du roi connu sous le nom de Louis XIV, Roi-Soleil d’un siècle exceptionnel comme l’a nommé si joliment notre ami Jean-Jacques Henri de Bourbon-Parme, roi au nom duquel Cavelier de La Salle prend possession (…) de ce pays de Louisiane (…) acte de naissance de l’Amérique française. L’acte de décès suivra vite. Il ne s’en faudra que de quatre-vingt-dix ans.
C’est le Suisse Nicolas Bouvier (1929-1998) qui m’a ouvert le monde des écrivains-voyageurs qui écrivait Si on ne laisse pas au voyage le droit de nous détruire un peu, autant rester chez soi et, quelques mois avant son décès, Désormais c’est dans un autre ailleurs / qui ne dit pas son nom / dans d’autres souffles et d’autres plaines / qu’il te faudra / plus léger que boule de charbon / disparaître en silence.
Après lui, le Jean Raspail de Secouons le cocotier et de Punch Caraïbe avait suivi la voie qui n’était pas encore royale.
Aujourd’hui Jean Raspail, au sommet de son art, nous fait revivre non seulement son aventure en Amérique mais l’aventure de l’Amérique française. Au long de ces pages, nous passons avec ravissement du 17ème siècle, à l’année 1949 et aux temps présents. Le père Marquette et Louis Joliet ont ouvert la voie, Jean Raspail l’a refermée.
Il annonce la couleur : J’en conviens, c’était un jeu, mais tout jeu de symbole, à l’exemple des enfants, se doit d’être joué sérieusement. J’ai souvent joué à ces jeux au cours de mon existence, du Pérou des Incas à la Patagonie. Je me demande si ce n’est pas, justement, en jouant de cette façon-là que le 21 janvier 1993, bicentenaire de la mort de Louis XVI, j’avais rameuté trente mille personnes à l’emplacement de l’échafaud, devant le Crillon, place de la Concorde, à dix heures vingt-trois, heure précise où tomba la tête du roi, les prières de la foule s’envolant au-dessus d’un océan de voitures bloquées, la chaussée jonchée de bouquets de lys blancs. Quand les convictions tournent à vide parce qu’on est débordé de toutes parts et qu’on ne distingue plus aucun moyen de les voir un jour s’imposer, il faut les habiller d’attitudes tranchées. Cela est un jeu… (…) Il en est des rites comme des jeux, on s’y applique sérieusement ou pas du tout, faute de quoi cela n’a pas de sens et on a salopé quelque chose, un rêve d’enfant, une étincelle de sacré.
L’abbé Tessier lui avait dit : C’est égal, mais en vous regardant vous débattre comme des mangeurs de lard avec vos canots le jour où vous êtes partis, je n’aurais pas misé une piastre sur vous. J’avoue que j’aurais quant à moi volontiers misé un peso patagon, oh, oui !
Raspail connaît l’histoire :
Et le canot, donc !
Les brigades des compagnies de la Fourrure, de Montréal et de Trois-Rivières, les embarcations des missionnaires, des marchands, des colons, naviguèrent sur les chemins d’eau jusqu’à la moitié de XIXe siècle, jusqu’à ce qu’un autre chemin, celui du Canadian Pacific Railway, souvent parallèle aux fleuves et rivières, n’envoie définitivement les canots, la « civilisation du canot », au pourrissement et à l’oubli. L’épopée avait tout de même duré deux cent et trente années.
Quant aux Français, sous le commandement de Cavelier de La Salle, Isolés à des milliers de kilomètres de leur base et de plus loin encore de leur patrie, ils ont conquis l’immensité.
Nos quatre scouts de France continuent leur périple : Souvent, nous scrutions l’eau, silencieux, mais rien n’apparaissait jamais, seulement le reflet de notre imagination. Nous avions cent cinquante ans de retard, et ce retard ne pouvait se combler. (…) La rivière nous appartenait. Depuis les voyageurs elle n’avait pas changé. « Griffon » et « Huard » naviguaient de conserve : une petite brigade attardée qui prenait le courant en plein dans le nez mais qui s’en sortait fort bien. (…) Il y fallait une certaine ambiance rare, la plénitude, l’isolement, l’élan religieux jubilatoire qui se dégage d’un environnement naturel et vrai, comme si le monde venait d’être crée, le sentiment presque monastique de s’échapper de l’univers réel et d’être mis en la présence de Dieu. (…) à la poursuite d’un royaume qu’en fait ils portaient en eux. (…) Sur le moment, nous n’avons pas pensé à sainte Anne. Sans doute veillait-elle en permanence(…) Sainte Anne, ma patronne ! Émouvant !
Comme est émouvant le père Allouez quand il évoque Louis XIV devant les sauvages d’Amérique Le grand capitaine, que nous nommons notre roi, vit par-delà les mers. C’est le capitaine de tous les capitaines et il n’a pas son égal dans le monde.
Mais Raspail revient à sa randonnée : Nous avironnions furieusement, les dents serrées, sans un mot, sans une pensée, l’œil rivé à l’île Mackinac qui grossissait peu à peu, mais si lentement, au-dessus de l’horizon.
Quant aux descendants de tant de peuples européens en Amérique, des Français, ils n’avaient rien hérité, ni la langue, ni l’histoire, ni les façons, ni l’élégant détachement des biens matériels et encore moins leur inclination fraternelle à l’égard des populations indiennes.
Et parlant de sa petite équipe : j’ai dit que nous étions des messagers, des passeurs sur les chemins d’eau du roi de France entre autrefois et aujourd’hui…
Et revenant à Cavelier de La Salle : Il s’était retiré dans sa cabine pour méditer furieusement sur la médiocrité humaine. Que d’affinités électives ! Un siècle plus tard, Goethe écrivait à Schiller : Il ne m’est jamais arrivé, dans le cours de mon existence, de rencontrer… un bonheur inespéré, un bien que je n’aie dû conquérir de haute lutte. Raspail aurait pu écrire cette lettre. Quand je vous disais qu’il est au sommet de son art. Je ne peux qu’ajouter qu’il est aussi au sommet de sa race… Nous étions des messagers, des passeurs de mémoire sur les chemins d’eau… Le père Jacques Marquette et Louis Joliet ? Ils avaient ouvert la route. Nous la fermions. (…) J’étais l’un d’entre eux. Je veillais aux frontières oubliées. Et, plus loin : Un nombre infini de Français se sentent sudistes. Ils savent qu’en réalité, ce n’était pas pour maintenir l’esclavage que tout le Sud se battait, mais pour défendre, face aux Yankees, une patrie charnelle qui tenait à l’âme autant qu’à la terre, un style de vie, une façon d’être et d’envisager le bonheur, des usages, une certaine urbanité partagée par toutes les classes de la société. Nous étions sudistes, nous aussi. On ne peut être plus clair et ce ne sont ni Maurice Bardèche (Sparte et les sudistes) ni Dominique Venner (Gettysburg) qui diraient autrement.
La conclusion de Jean Raspail est criante de vérité : On a passé là d’excellents moments, flottant entre le XVIIe et le XXe siècle. C’est exactement cela que son aventure d’Amérique nous offre : d’excellents moments, flottant entre le XVIIe et le XXe siècle.
Un merveilleux livre d’aventure où se rejoignent passé et présent. Un monument de mémoire. Merci Jean Raspail d’avoir su si bien exprimer ce que nous ressentons.
Jean Raspail, En canot sur les chemins d’eau du roi, Albin Michel, 352 p., novembre 2005.
ISBN 2-226-16824-9
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