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lundi, 28 avril 2008

Tombeau pour Jacques Laurent

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Tombeau pour Jacques Laurent

« C’était un combattant », Michel Déon, le 6 janvier 2001.

« Je suis comme Marcel Aymé, contre l’armée, contre les curés, contre le travail, la famille et, bon, je suis de droite »

Jacques Laurent.

 

Un seigneur s’en est allé le 29 décembre 2000: Jacques Laurent est mort de chagrin quelques semaines après sa fem­me. Avec lui, tous les amoureux de la littérature et de la liberté perdent un modèle. Libertin et érudit, surdoué et protéiforme, Jacques Laurent-Cély était né en 1919: sa dis­parition à la fin d’un siècle, oui bien stupide, est gran­de­ment symbolique. La discrétion de la « grande presse », à l’exception du Figaro et du Point en dit long aussi sur le climat intellectuel et esthétique que nous autres, ses ca­dets désolés, devrons affronter sans faiblir. Il est vrai que Jacques Laurent fut toute sa vie un homme libre, subtile­ment hostile à toutes les formes de sectarisme et de sco­lastique que la gauche idéologique, aujourd’hui installée au pouvoir, incarne avec une bonne conscience en béton ar­mé. Ayant fréquenté l’Action française dès 1934, il avait été formé à l’école de Maurras (« un nettoyeur de l’intel­ligence ») et du classicisme français. C’est précisé­ment cette imprégnation classique qui le rendit imperméa­ble au romantisme fasciste, vu comme une démesure à fuir com­me la peste. Ceci explique qu’il ne fut pas cagoulard mal­gré ses liens familiaux avec Eugène Deloncle et son goût du combat même violent: le romantisme de ces conspi­ra­teurs l’arrêta. Son engagement à Vichy, au Ministère de l’In­for­mation (sous Paul Marion et Philippe Henriot), ses articles dans la presse de la Restauration Nationale réunis en un livre publié en 1944, Compromis avec la colère (sous le nom de Jacques Bostan), puisent leur inspiration dans une volonté de restaurer l’ordre classique. Il est en cela pro­che de Mounier: « promouvoir le réel, le vivant, l’orga­ni­que, l’évolutif contre l’abstrait, le géométrique, l’im­mua­ble mis en fiche, le général et le totalitaire ».

 

Il y a quel­ques années, répondant à un journaliste du Fi­ga­ro, Laurent définissait la droite comme suit: « La droite in­terdit à l’humanité d’espérer quelque chose de mieux, de croire, béatement, en un avenir meilleur. La gauche a le rôle de la collection Harlequin ». Ceci fait de lui l’un de nos maîtres, qui nous rappelle le refus des utopies comme fondement de notre attitude. Autre leçon de Laurent: son activité d’éditeur: ses revues Arts, La Parisienne furent dans les années 50 des « oasis de liberté » pour citer Michel Déon. Sous l’apparente frivolité du dandy, Laurent cachait une générosité, un flair et un courage rarement égalés dans la droite d’après-guerre. Il faut relire ses Chroniques de ce temps (rééditées chez B. de Fallois), comme son au­to­bio­gra­phie Histoire égoïste (Table ronde), livres à la fois bril­lants et solides: la quintessence de l’authentique subver­sion, la subversion classique, alliance parfaite - et raris­sime - du style et des idées. Disciple de Stendhal (et du cher Alexandre Dumas), Laurent est enfin le romancier de l’élan vital et du divin imprévu: lire ses chefs d’œuvre Les Corps tranquilles ou Les Bêtises, constitue la meilleure des thérapies face à la morosité hivernale. Pour tous les dissi­dents, Laurent restera un maître, celui qui nous enseigne «qu’il n’y a pas d’intelligence sans liberté, sans solitude, et sans courage ».

 

Patrick CANAVAN.

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lundi, 21 avril 2008

Daniel Varoujan, poète arménien

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Archimede BONTEMPI:

Daniel Varoujan, poète arménien assassiné par les Turcs

 

Professeur en Italie, Antonia Arslan vient de publier les poè­mes de Daniel Varoujan, un des plus grands poètes ar­méniens, qui a composé une œuvre compacte, fortement symbolique: il nous parle de la terre, de la terre arménien­ne, cultivée par l'homme mais frappée par la “lance de la Lu­mière”, riche en couleurs, en odeurs, en humeurs, une ter­re-mère, une terre-sœur.

 

Sur ce grand poète arménien, l'essai le plus complet reste ce­lui de Boghos L. Zekiyan, patriarche des études sur l'his­toire et la littérature arméniennes: Daniel Varujan: Dall'e­pos al sogno, publié à Venise.  Daniel Varoujan fut l'une des premières victimes du génocide. Il fut assassiné par les Turcs, probablement par l'un de ses hamidjé de sinistre ré­putation; c'était des escadrons de la mort composés d'irré­guliers kurdes. Varoujan est mort aux côtés de son homolo­gue et ami Rupen Sevak, le 26 août 1915, journée qui fut le coup d'envoi de tous les massacres organisés ultérieure­ment par le gouvernement nationaliste turc.

 

Parmi les derniers vers qu'il a écrits, il y avait celui-ci:

 

«Que pleuve sur nos têtes

une poignée de blé,

ma douce vieille, mon amie.

Veuille le soleil automnal

Ne pas geler dans les neiges de nos cheveux…

Ne s'éteigne notre bougie

Parmi les colonnes de marbre…

Quand nous serons au cimetière,

O mon amour, que sous nos corps

La terre ne soit pas trop dure…» (*).

 

Le Chant du Pain, hymne païen à la Terre, a été magnifi­que­ment traduit en italien par Antonia Arslan et Chiara Haï­ganush Megighian (ndlr: et en français par Vahé Godel, cf. infra). La langue de ces poèmes est chère à nos oreilles. Ce splendide lyrisme de la Terre et de la liberté de l'hom­me, une liberté concrète, celle de cultiver, d'aimer les fem­mes de son clan, et, finalement, de se retrouver tou­jours dans des bras maternels.

 

Constantinople, Venise et Gand

 

La culture de Varoujan s'est épanouie dans trois villes eu­ro­péennes: Constantinople, Venise et Gand, trois capitales cul­turelles de notre Vieille Terre d'Europe, que Varoujan a unit mystérieusement, par le suc de sa propre existence. Gand a été le berceau de Charles-Quint; Venise était la por­te de l'Orient et la matrice de la liberté, valeur car­di­nale de la culture européenne. Constantinople a été l'a­vant-poste de l'Europe, de l'Empire romain d'Orient (chri­stianisé), face aux hordes turques qui déferlaient depuis les steppes asiatiques, mais auxquelles cette ville fantastique finissait par communiquer des bribes de culture européen­ne. Mais ces éléments de culture ont été pervertis, hélas, par un nationalisme "statolitaire" et raciste qui a trouvé en Turquie des esprits réceptifs aux cœurs impénétrables à tou­te pitié et toute compassion.

 

Car ce fut effectivement pour voler cette belle terre d'Ar­ménie, chantée par Varoujan, cette terre fertile et géné­reuse, travaillée par les paysans arméniens, que les Turcs ont déchaîné le génocide, en la présentant comme une “ter­re promise” aux Kurdes, qui, aujourd'hui, à leur tour, en sont chassés par l'effet d'une de ces curieuses ven­geances de la marâtre "Histoire", chère aux philosophes al­le­mands. Varoujan est resté le fils privilégié de cette cul­ture vénitienne, imprégnée de symbolisme païen. Il écrivit à son ami Theodik: «Deux atmosphères ont exercé une in­fluence sur moi: la Venise du Titien et la Flandre de Van Dyck. Les couleurs du premier et le réalisme barbare du se­cond ont formé mon pinceau». Ensuite comme Antonia Ars­lan le révèle dans son introduction: «Je sens que Venise a exercé son influence sur moi, avec ses trésors chatoyants de couleurs, d'ombres et de lumières. C'est une ville où il est impossible de penser sans recourir à des images» (lettre à Vartges Aharonian).

 

Venise, patrie idéale des poètes

 

Venise, patrie idéale des poètes, a accueilli Varoujan, com­me elle avait accueilli ses brillants éducateurs, les Pères mé­khitaristes, en leur donnant l'Ile de Saint-Lazare pour y fonder un collège. Avec la générosité d'une mère, la Sé­ré­nis­sime a donné cette île où ces religieux, exilés, as­piraient à retrouver les racines de leur mère patrie. “Justement au mo­ment où, historiquement, les Arméniens, en tant que peu­ple, voyaient leur patrie niée définiti­vement et l'unité psychologique de leur nation, brisée”, comme l'écrit Anto­nia Arslan. Le premier recueil de poèmes de Varoujan, Fré­missements, a été publié à Venise en 1906, un recueil où l'on entend les échos des Tempêtes d'Ada Negri.

 

Mais dès 1907, c'est le sang qui constitue le leitmotiv ma­jeur de sa poésie, notamment dans un poème très bref, Le massacre, écrit à la mémoire des Arméniens persécutés sous Abdul Hamid, le “Sultan rouge” qui avait amorcé le pro­cessus génocidaire, anticipant l'effrayante violence des Jeunes Turcs. Symboliste est sa poésie (et en cela inspirée par son séjour à Gand), mais non décadente, souligne An­tonia Arslan; Varoujan n'était pas un poète qui s'aban­donnait aux vagues rêves que cultivait le jeunesse euro­péen­ne décadente des années précédant la Grande Guerre. Va­roujan demeurait solidement ancré dans la culture de sa Terre, dans chaque geste posé par le paysan arménien dans ses champs, dans les moissons d'Anatolie, dans les rites sim­ples d'une société archaïque mais au civisme intact. En ce­la, Varoujan est proche de l'âme padanienne (ndlr: et aussi, ruralisme et symbolisme obligent, de l'âme gantoise et de la peinture de Laethem-Saint-Martin), de la culture lom­bar­de et frioulane de la terre et des récoltes, enracinement uni à une nos­tal­gie de la liberté dans une patrie propre, non autre, que l'on aime et que l'on défend.

 

Daniel Varoujan, qui nous a donné ses Poèmes païens (pui­sés dans la mythologie arméno-iranienne) et son Chant du Pain, nous a pleinement été restituée par Antonia Arslan (Il Canto del Pane, a cura di Antonia Arslan, Guerini e Asso­cia­ti, Milano, 146 pagg., 21.000 Lire).

 

Archimede BONTEMPI.

(article publié dans La Padania, 13 septembre 2000;

http://www.lapadania.com/2000/settembre/13 ).

 

(*) En français, on lira: Daniel VAROUJAN, Chants païens et autres poèmes, traduits et présentés par Vahé Godel, Or­phée/La Différence, 1994.

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dimanche, 20 avril 2008

Mohrt, écrivain sudiste

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Mohrt, écrivain sudiste

 

Il faut louer Pol Vandromme, hussard de Charleroi et criti­que littéraire à l'œuvre couvrant tout ce que notre litté­rature romande compte de rebelles, de Brassens à Rebatet et de Brel à Anouilh, pour son dernier essai qu'il consacre à l'un des plus méconnus des écrivains de la droite buisson­niè­re: Michel Mohrt. Né en 1914, annus horribilis, le Breton Mohrt sert plus qu'honorablement dans les Chasseurs alpins lors de la "drôle de guerre" face aux Italiens et aux côtés d'un homme au destin tragique, Jean Bassompierre, dont l'om­bre plane sur toute l'œuvre de l'académicien. Cagou­lard, juriste brillant et courageux officier, Bassompierre suivra Darnand, combattra à l'Est et sera décoré de la Croix de Fer, promu capitaine*. C'est une autre promotion qui dé­cidera de son sort: en 1944, il accepte d'aider Darnand en France et devient inspecteur général de la Milice, où il joue­­ra un rôle modérateur. Il servira ensuite dans la divi­sion Charlemagne jusqu'à la fin. Capturé en Italie, il est con­­damné à mort dans une atmosphère d'hystérie collective et fusillé malgré l'intervention de grands résistants.

 

Ce dra­me a profondément marqué Mohrt déjà traumatisé par la débâcle de 1940. Une grande partie de son œuvre té­moigne  de sa tristesse. Comme l'a fort bien dit Marcel Schnei­der dans le Figaro littéraire du 1er février 1988: "Il est de ceux qui n'ont jamais pu accepter ni même com­pren­dre la débâcle. Elle est pour eux comme la blessure d'Am­for­tas qui saigne toujours sans pouvoir se guérir". La plaie est rouverte à la Libération, ses règlements de compte et le triomphe de l'imposture. Plusieurs romans, dont Mon ro­yaume pour un cheval, paru en 1949, retracent avec autant de courage —nous sommes en plein délire résistancialiste— que de talent le climat complexe de la guerre et de l'occu­pa­tion. Bassompierre et Drieu, que Mohrt connut, apparais­sent à peine masqués. La Guerre civile (1986) est l'un d'eux.

 

Amérique sudiste et Bretagne natale

 

Mohrt quitte l'Europe et met le cap à l'Ouest: l'Amé­rique, autre thème fondamental dans son œuvre, sera son re­fuge, qu'il peindra avec sympathie dans nombre de ro­mans et de récits: il s'agit de la vieille Amérique sudiste ou anglomane, qui n'existe sans doute plus que dans chez quel­ques cœurs rebelles. Mohrt chante aussi la mer et sa Bre­tagne natale, pour laquelle il prit quelques risques: son ro­man La prison maritime (1961) narre les tribulations d'un jeune Breton mêlé à de mystérieux trafics d'armes. Il sem­ble que Mohrt n'ait pas tout inventé dans ce livre: qui est ce jeune hom­me? Est-ce le preux Vissault de Coëtlogon? Voi­re le futur académicien? Cela le rendrait encore plus cher à notre cœur… et ferait de lui le deuxième acadé­mi­cien (le troi­sième avec le regretté Laurent) amateur d'é­motions fortes.

 

Ecrivain solitaire, à la fois austère et liber­tin raffiné, Mi­chel Mohrt, sudiste et chouan, incarne une ré­bellion racée dont nous pouvons nous inspirer. Il y aurait beaucoup à dire de cette œuvre singulière, résolument à con­tre-courant: pre­nons donc Vandromme comme cicérone et prions Michel Mohrt d'enrichir un œuvre trop rare (Patrick CANAVAN).

 

Pol VANDROMME, Michel Mohrt, romancier, Table ronde, 2000, 130 FF. Voir le dernier ouvrage paru de M. Mohrt: Tom­beau de la Rouërie, Gallimard, 2000, 85 FF.

 

(*) Je pille ces informations dans la courageuse Histoire de la Collaboration de Dominique Venner (Pygmalion, 2000), un livre ap­pelé à devenir un classique.

 

 

 

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samedi, 19 avril 2008

Céline et Chateaubriand

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Marc HANREZ:

Céline et Chateaubriand

De Hugo à Sartre, en passant par Baudelaire et Proust, nombre d’écrivains ont réagi, de façons très diverses, au modèle qu’est Chateaubriand. Céline également. Mais quand l’a-t-il découvert au juste ? Il ne suffisait pas de séjourner à Saint-Malo. En exode à Baden-Baden, donc avant son exil au Danemark, il demande à Karl Epting de lui envoyer les Mémoires d’outre-tombe. Pour les lire ou les relire ? En tout cas, c’est prémonitoire. Céline a souvent provoqué le sort. Sa vocation littéraire, quoi qu’il en dise, avait besoin de cette hardiesse. 

Or, il va bientôt (se) trouver (dans) une apocalypse : ou bien la retrouver, après « l’Horreur » de 1914. Les pires événements peuvent servir de prétexte aux meilleures histoires. Rien n’est plus à la mesure de son talent que ce nouveau drame autour de lui. Céline pense déjà sans doute au parti qu’il pourra en tirer (à condition, naturellement, de s’en tirer d’abord). C’est pourquoi Chateaubriand peut l’intéresser : en tant qu’auteur historico-personnel), qui a renouvelé non seulement la conscience, mais surtout l’expression, du passage de l’être dans le temps.


Céline et Proust auraient du reste en commun ce précurseur fondamental. Proust en avait retenu le truc, ou le déclic, de la mémoire involontaire. Le chant d’une grive, entendu par hasard, chez Chateaubriand, pas grand-chose en fait, devient aussi chez lui, transposé en madeleine, aubépine ou pavé, un détail opportun qui rappelle soudain tout un monde. Par contre, ce que Chateaubriand propose pour Céline, c’est une organisation du récit comme pseudo-chronique.
À cet égard, l’Itinéraire de Paris à Jérusalem serait encore plus probant que les Mémoires. Victor Hugo s’en est peut-être inspiré pour Notre-Dame de Paris, où des sortes d’essais, notamment sur l’architecture, sont intercalés dans la fiction. Mais, comme il les dispose en chapitres distincts, et non pas au milieu de l’intrigue, Hugo n’exploite guère tout l’avantage du procédé. Céline, au contraire, l’applique judicieusement.


Dans ses Mémoires, Chateaubriand raconte toute sa vie, alors qu’il relate, dans l’Itinéraire, un long mais unique voyage. Une grande partie de son œuvre romanesque, en particulier Le Génie du christianisme, utilise ainsi le truchement d’un voyageur. Mais dans l’Itinéraire, du moins au départ, le domaine est contemporain (l’Empire ottoman jouant le rôle du Reich nazi dans la trilogie célinienne). Chateaubriand ne fait d’ailleurs pas que décrire ce qu’il découvre. Avec une attention multiforme, et continuellement renouvelée, il traverse le paysage et l’habitat, il touche à l’histoire et à la politique, il témoigne du siècle et de son ambiance, il traite de l’archéologie et de la religion, il transcrit la faune et la flore, etc. Même circonscrite au bassin méditerranéen, c’est la relation d’un voyage presque universel, par un voyageur éprouvant cette quasi-universalité. Ce touriste est d’abord un pèlerin – allant jusqu’en Espagne, pour y rejoindre une femme… D’une étape à l’autre, les aspects innombrables sont juxtaposés, voire télescopés, dans un texte prolifique et pluriel, qui correspond, par leur évocation même, aux sentiments de l’écrivain.


Cet art du contraste inopiné de retrouve en plein dans le mélange célinien. À l’instar de Chateaubriand, Céline rapproche alors, dans un laps verbal très court, et comme à l’improviste (bien sûr il n’en est rien), des éléments parfois disparates ou fort éloignés. Certes, son texte, à première vue, paraît désordonné. Mais bientôt il s’organise d’une manière librement rigoureuse. C’est le résultat d’une économie, toujours structurale et stylistique, permettant un maximum de dérogation. Car ici le langage, par son caractère elliptique, accentue essentiellement ce phénomène.


Si Chateaubriand est le premier auteur moderne, en France du moins, Céline est déjà, dans sa génération, bien au-delà du postmoderne. On pourrait aussi les comparer sur d’autres points, et notamment sur leur usage, comme autobiographes, de la mystification ou du mensonge. Enfin, tous les deux s’appuient sur l’émotion, plutôt que sur la raison, pour exprimer le vécu et surtout le vivant.


Chateaubriand était partisan du dynamisme existentiel. Céline au fond n’a jamais changé d’opinion sur la vie : « La vraie maîtresse des véritables hommes ». Il a cependant varié sa technique pour en saisir le mystère et puis le rendre au plus près. Vu l’évolution du monde, il a vite estimé que, désormais, civilisation = robotisation. C’était sa croyance la plus intime, qui n’avait que faire de toute idéologie. Quelle prophétie, au demeurant, pour notre époque !

Marc HANREZ,

© Le Siècle de Céline, éd. Dualpha, 2006.
 

1. Le Journal de la Culture, n° 11, novembre-décembre 2004, pp. 57-65.

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jeudi, 17 avril 2008

Bernanos contre les robots

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Bernanos contre les robots
http://www.immediatement.com
La leçon faite à Jacques Delors, Alain Minc et Hans Tietmayer : dès 1940, Georges Bernanos dénonçait prophétiquement le futur empire économique universel et la violence totalitaire de la technique.
Le monde moderne a le feu dans ses soutes et va probablement sauter , écrivait lucidement Georges Bernanos le 17 Avril 1935 dans Marianne, l'hebdomadaire de la gauche républicaine où, à la demande pressante d'Emmanuel Berl, il avait choisi d'écrire.. Le feu moderne, Bernanos l'avait éprouvé dans la sainteté misérable des tranchées de 1914-1918, dans la brutalité de la guerre de matériel où le poilu mystérieusement héroïque acceptait son destin de chair à canon, abdiquait chaque jour davantage toute initiative aventureuse et renonçait à ce que Le Chemin de la Croix-des-Ames allait appeler l'art individuel, l'inspiration du soldat.
Là où Jünger, Ernst von Salomon ou Blaise Cendrars dans L'Homme foudroyé voient encore des occasions de combats chevaleresques, de coups de main qui défient la camarde, Bernanos, comme Jules Romains, Genevoix et surtout Jean Giono, entrevoit dans la guerre moderne, dans la mobilisation totale de masses de combattants au front et de masses d'ouvriers dans les usines d'armement, le triomphe sinistre de la technique, la mort de la vieille civilisation chrétienne et des plus belles libertés. Un monde gagné par la technique, écrira-t-il en 1945 dans La France contre les robots, est perdu pour la liberté.
A chaque fois que Bernanos réfléchit à la technique, à son emprise totalitaire sur les hommes du XXe siècle, à l'ordre mondial dont la deuxième guerre et Yalta ont accouché dans la pire violence, il revient douloureusement à l'expérience des tranchées, à cette solitude de la pitié -- selon la belle expression de Giono -- qui lui révéla, en même temps que la soumission de ses contemporains à une mort planifiée, leur grandeur surnaturelle, leur part divine.
C'est pourquoi Bernanos n'a pas le triste honneur de figurer dans le mémorial glacé des penseurs de la technique au XXe siècle. Face à ce qu'il appelle un nouveau Moloch, il a refusé le bouclier menteur du concept ou du système ramifié, il a rejeté les arguties jésuites, leur odieux réalisme capitulard qui s'accommode de toutes les aliénations, les justifications aristotéliciennes ou thomistes du monde industriel par une prétendue croissance de l'information ou un élan vital à la Teilhard de Chardin.
Il n'a pas toujours choisi les armes de Saint-Georges. Les pages géniales sur la genèse des totalitarismes dans Les Grands Cimetières sous la lune, les centaines de chroniques ou les conférences d'après-guerre multiplient certes les coups contre l'ordre technicien mondial, les Etats totalitaires avoués -- Allemagne, Italie ou Russie -- ou honteux comme l'Amérique capitaliste. Mais le plus souvent, ses phrases bousculées, pressées, emportées échappent à l'ordre humain, au lecteur moderne, à celui qui ne peut plus se livrer à l'aventure abyssale du c ur, de l'abandon à Dieu, à celui qui est fouaillé par la crainte du surnaturel .
Ses chroniques, ses pamphlets se tiennent donc à la lisière de notre monde. Mais ce serait péché de bêta orgueilleux que de prétendre qu'on y voit la trame de l'autre, et Bernanos le premier en bondirait de rage. Mieux vaut alors ne rien dire. Mais comme Léon Bloy, le créateur de Mouchette court ici le risque de la plus grande liberté que nous ayons : reconnaître ce qui nous dépasse.
Il n'y aura donc chez lui, prévient Bernanos, aucun système de la technique, aucune critique universelle. Rien qu'un témoignage. Mais à chaque vision de la monstruosité du monde où l'homme accepte de s'éloigner un peu plus du dépôt sacré de ses origines, l'écrasant et victorieux Moloch technicien va faire saigner davantage le c ur aimant du témoin.
Il n'y a pas de résumé possible du Chemin de la Croix-des-Ames ou de La France contre les robots. C'est dommage pour Jacques Attali, Jean-Claude Trichet ou les crétins cyniques qui veulent vendre aux esclaves modernes une mondialisation heureuse : s'ils s'engagent dans la lecture de Bernanos, dans le beau chemin souffrant que lui a révélé la mise en place du marché mondial, déjà dénoncé en 1945, ils en sortiront plus humbles et à genoux.
Car c'est à eux, les maîtres du monde, les élites nouvelles, comme à nous, les infimes agents soumis de l'ordre mondial, que s'adresse prophétiquement Bernanos. Il ne pouvait souhaiter meilleur lecteur que le Français d'aujourd'hui, battu de mauvaises nouvelles, accablé d'incertitudes et de mensonges odieux, perdu de voir sa nation disparaître dans le silence trompeur et rusé des édiles et des élites : l'Etat totalitaire, national ou mondial, démontre Bernanos, a toujours menti et pratiqué l'imposture. La guerre américaine contre le nazisme n'était pas une croisade de la démocratie, écrivait-il dès 1943, mais le meilleur moyen d'asseoir un capitalisme qui parle le patois yankee .
Le mythe de l'égalité devant la loi, c'était aussi, en d'autres temps, l'habillage de la soumission des individus à l'Etat le plus omnipotent, le plus brutal, adversaire des anciennes libertés dans la famille, la commune ou le métier . Et la démocratie, c'était les comices agricoles, le maquignonnage de l'intérêt grossier et du profit solide.
Bernanos a devancé un Jünger ou un Heidegger
Ce qu'Amsterdam et l'AMI réalisent, Bernanos l'avait dénoncé il y a cinquante ans. Parce qu'il n'affronte pas la technique avec les armes qu'elle impose à ses adversaires reconnus -- le langage sectionné, lui-même mécanique, de l'analyste, ou juridique c'est-à-dire romain et païen dit La France contre les robots -- Bernanos a vraiment devancé un Jünger ou un Heidegger. Il faut attendre 1953 pour que ce dernier prononce à Munich sa célèbre conférence sur La Question de la technique, devant un public enthousiaste où figurent trois spécialistes du problème : Ortega y Gasset et les frères Jünger -- Ernst, bien sûr, l'auteur du Travailleur et de La Mobilisation totale avant-guerre, et Friedrich-Georg, qui venait de publier La Perfection de la technique. Heidegger y montre que l'essence de la technique n'est pas seulement, comme le croyaient ses prestigieux auditeurs, la provocation envers la nature, sa mise en demeure comme l'a dit Pierre Boutang : elle accomplit aussi l'exil de la philosophie grecque hors de son sol natal, achevant ainsi le mouvement d'éloignement des origines que représente la métaphysique. C'est, au sens propre, l'Occident, le déclin de la pensée grecque, du seul moment philosophique de l'histoire humaine.
A l'inquiétude soulevée par ce lent processus peut seul répondre un recours mystérieux à ce qui nous sauve , au risque d'une transcendance sacrée, à ce que Heidegger appelle encore la piété de la pensée Ainsi, ce cheminement philosophique, même s'il relève de cette pensée allemande que Bernanos tenait pour une des sources du totalitarisme moderne, aboutit à la même ligne de crête entre le danger permanent, envahissant de la technique et la révélation surnaturelle qu'elle ménage à l'homme moderne.
Bernanos, lui, a la grâce d'aller plus loin : puisque la grande machinerie met à mort la chrétienté, puisque le moderne aveugle ne peut plus voir la sainteté, la technique est l'occasion du seul combat mystique que puisse comprendre l'homme du XXe siècle.
Le parcours aventureux d'un autre assistant à la conférence de Heidegger vient nourrir cette vérité dérangeante, cette flamme fragile :
Ernst Jünger, après avoir brossé à coups de concepts techniciens précis et froids comme l'acier le portrait de l'homme nouveau, le travailleur, renonce au piège d'une armature théorique trop semblable au monde totalitaire qu'elle prétendait librement décrire.
Dès la fin des années trente, il recourt plus volontiers à des fables, à de vrais mythes comme Sur les Falaises de marbre ou à son Journal. Il s'y transforme alors, à l'instar de Bernanos, en témoin inspiré des ravages du nihilisme : Heidegger aussi ou Pierre Boutang dans l'Ontologie du secret ont relié cette tendance lourde du XXe siècle au triomphe du contrôle mécanique de l'existence. Cependant, jusque dans les derniers tomes de Soixante-dix s'efface, il continue à voir dans la technique une incarnation de forces naturelles qui rappellent souvent les dieux païens.
Or Bernanos discerne justement dans l'Etat technicien une résurrection du paganisme antique dont il rend moins responsable le Diable que l'Eglise de la Renaissance ou les Borgia. Le XVIe siècle est frère du nôtre en idolâtrie et abjection. C'est à peine si nos glorifications païennes changent de nom : la raison d'Etat, le profit, la spéculation abondée par la machine demeurent, auxquelles nous avons ajouté les usurpations de la race, de la nation, du parti.
Reprendre le grand mouvement de 1789
Il faut donc voir Helmut Kohl, Tietmayer ou Jacques Delors au XVIe siècle, la fraise au cou, bien plissée et délicate : ce sont de vieux robots , les dangereux imbéciles bernanosiens. Mais Bernanos, dans sa grande et prophétique charité, ne désespère pas d'eux : il est l'écrivain de l'espérance. Et ses mots, aussi simples et dénués de ruse que ceux de Jeanne à son procès, parlent à notre liberté : la civilisation, la France -- deux parfaits synonymes -- peuvent nous garder du pire à condition de reprendre le grand mouvement de 1789 , notre tradition de presque mille ans de franchises coutumières et personnelles que 1793, la révolution industrielle, le capitalisme, sa version léniniste ou fasciste ont voulu mettre à bas.
Mais Bernanos n'est pas un petit marquis à paradoxes, un clerc soucieux de briller dans le vide affreux de sa nuit intérieure : c'est le marcheur sacré, le pauvre divinisé qui ne renonce à rien de ce que l'éclatante justice de la sainteté lui peut montrer.
On voit souvent, à la Bayorre, Bernanos chevaucher sa moto Peugeot. Ailleurs, on apprend qu'il était fier d'avoir fait 46 heures d'avion de guerre en 1917. C'était un humble usage, médiéval et gamin, de la technique : lui qui préférait le brutal Pizarro, un barbare que peut encore saisir la pitié, à l'ingénieur américain ou russe qui ne voit rien des destructions lointaines et immenses qu'il a provoquées, cherchait toujours l'échappée libre, l'assaut chevaleresque, le moment où, à moto ou sur un biplan Farman, l'homme croit qu'il est plus que jamais dans la main de Dieu.
Jean Védrines
 
Jean Védrines est critique et romancier. Dernier livre paru : Château perdu, La Différence, 1997.
La Liberté pourquoi faire ? est disponible en Folio, La France contre les robots et Le Chemin de la Croix-des-Ames figurent dans le tome II des Ecrits de combat dans la Pléiade.

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mardi, 15 avril 2008

Hommage à Pierre Monnier

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Hommage à Pierre Monnier,

par Marc Laudelout

Pierre Monnier est décédé le 27 mars 2006 à Nice, où il s’était retiré depuis plusieurs années. Il allait avoir 95 ans. 
Tout célinien a dans sa bibliothèque Ferdinand furieux, ce bouquin épatant dans lequel il raconte dans quelles circonstances il rencontra Céline après la guerre et les relations qui se nouèrent entre eux. Il est difficile aujourd'hui d'imaginer à quel point l'écrivain était alors non seulement victime d'une conspiration du silence, mais considéré par nombre de ses pairs comme un écrivain fini, voire démodé. 


Pierre Monnier m’a souvent dit que les amis de Céline demeurés fidèles se comptaient alors sur les doigts d’une seule main. Et de citer invariablement Marie Canavaggia, Arletty, Daragnès et André Pulicani. Dans ces années-là, Céline lui-même disait : «Autant de cloches à Montmartre que de potes qui m’ont renié». Monnier, qui n’avait pas 40 ans, se lança dans cette entreprise folle qu’est l’édition pour redonner à l’écrivain qu’il admirait l’occasion de se faire entendre à nouveau. Ce ne fut pas sans difficultés mais ce serait sans nul doute faire injure aux lecteurs de ce Bulletin que de rappeler plus avant ces faits bien connus d’eux.


En juin 1993, ce bulletin lui rendit hommage suite à un déjeuner-débat qui eut lieu à Bruxelles et dont il avait été l'invité d'honneur. J'écrivais ceci : «Les qualités du conférencier sont aussi celles de l’homme. Sincérité, lucidité, chaleur, générosité, enthousiasme : tels sont les mots qui se bousculent sous ma plume lorsqu’il me faut définir Pierre Monnier.» C'est bien ainsi qu'il m'est toujours apparu. Et c'est sans aucun doute cet amour de la vie qui transcendait toute sa personnalité. Pourtant les fées ne s'étaient pas penchées sur son berceau. Parlant de son père, officier de carrière mort au combat en 1915, il disait : «J’ai eu peu de temps pour l’aimer». Orphelin de guerre dès l’âge de quatre ans, il dut, adolescent, gagner sa vie tout en suivant des cours à l’École des Beaux-Arts. Rude apprentissage, comme on s’en doute, mais qui n’entama jamais le caractère volontaire de ce Breton féru de peinture, de littérature et de... politique. Dans ses livres de souvenirs, il a raconté son compagnonnage avec l’Action Française, puis cette étonnante aventure de L’Insurgé, éphémère hebdomadaire nationaliste et progressiste fondé en 1937 par Jean-Pierre Maxence et Thierry Maulnier, et dont il fut le secrétaire de rédaction. Il y tenait aussi une chronique sociale qui marquait la volonté de réconcilier syndicalisme et nationalisme. De 1940 à 1942, il participa à la création et au développement des «Centres d’apprentissage des jeunes», créés par Vichy en zone occupée. Après la guerre, il vécut, difficilement, de la peinture et des dessins de presse (notamment dans Aux Écoutes), puis de l'édition sous le nom de « Frédéric Chambriand», avant de faire une belle carrière à L'Oréal. Sa retraite fut très active puisqu'il écrivit pas moins de dix livres, dont deux sur Céline. Et il se voua aussi à l'amitié, ayant pendant de nombreuses années le bonheur d'avoir auprès de lui, dans sa ville d'adoption, ses amis Louis Nucéra et Alphonse Boudard. Une vie assurément variée et bien remplie.


Ceux qui l'ont connu garderont de lui un souvenir lumineux. C'était un homme attachant, loyal, fidèle à ses convictions et d'une humeur joyeusement roborative. Un être d'exception que nous n'oublierons pas. Il n'est que juste de saluer ici sa mémoire.

Marc Laudelout

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jeudi, 28 février 2008

José Vasconcelos

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28 février 1882: Naissance à Oaxaca au Mexique de José Vasconcelos, romancier, philosophe, pédagogue et homme politique. Recteur de l’Université de Mexico, puis ministre de l’Education entre 1920 et 1924, il réforma de fond en comble l’enseignement de base dans son pays, impulsa le mouvement politico-artistique national-révolutionnaire du muralisme mexicain. Sa philosophie repose sur la notion de “monisme esthétique”, terme qui tente d’exprimer son enthousiasme pour l’unité cosmique, perdue par le rationalisme occidental, avatar d’un dualisme qui rejette a fortiori une partie du réel. Les peuples d’Amérique latine, en puisant dans leur passé indien, pourront ainsi transcender les étroitesses que génèrent ce rationalisme et ce dualisme mutilant. On lira cette thèse, à fortes connotations indigénistes, en parallèle avec celles d’un grand dissident anglais, passionnément amoureux du Mexique : David Herbert Lawrence. En 1925, Vasconcelos publie La raza cosmica, ouvrage où il appelle cette synthèse cosmique et moniste sud-américaine, à la fois amérindienne et hispanique. En 1934, il écrit Bolivarismo y Monroismo, opposant la conception de Bolivar à celle de Monroe sur l’unité panaméricaine (Robert Steuckers).

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L'apothéose de Céline

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Marc LAUDELOUT:

 

L’apothéose de Céline

 

Un double DVD, un livre sur l’exil danois et la réédition de la correspondance à Marie Canavaggia. Ces trois parutions ont suscité une presse abondante qui contraste singulièrement avec la façon dont Céline était traité par la critique dans les dernières années de sa vie. Petit aperçu.

 

Le Nouvel Observateur, organe de la gauche bien-pensante, n’est pas le moins dithyrambique : « Cinquante ans bientôt que l’écrivain est mort. Son  œuvre n’a jamais été aussi  vivante. (…) Comment ne pas être attiré par un bonhomme pareil, n’avoir pas envie d’aller y jeter un œil, dans ses livres qui suscitent pareils intérêts ? » ¹  Le quotidien Libération est également séduit : « On ne lit pas les lettres de Céline pour les croire ou s’en indigner. On les écoute. Ce sont d’abord des expériences musicales, de petites notes rapides, joyeuses et surprenantes qui font descendre et monter les tristes portées de la condition humaine. Les romans sont des concertos, des symphonies ; les lettres, c’est sa musique de chambre » ². Philippe Sollers, qui a le mérite de l’antériorité, n’est pas en reste : « Les lettres de Céline sont des chefs-d’œuvre, sa correspondance complète devrait être réunie un jour, magnifique volume électrique, au niveau (et ce n’est pas peu dire) de Voltaire et de Flaubert. » ³ Hélas, l’édition d’une correspondance générale semble relever de l’utopie. Car c’est bien une anthologie de cet océan que proposera cette année le cinquième et dernier volume de La Pléiade consacré à Céline.

 

Le double DVD « Céline vivant », centré sur ses dernières années, offre une image saisissante de l’écrivain qui n’a pas fini de retenir l’attention. « On reste hypnotisé par les monologues hallucinés de l’ermite de Meudon. (…) Ce clochard génial, dont toute la vie aura consisté à “ mettre par écrit l’émotion du langage parlé ” ensorcelle la caméra ». 4 C’est, en effet, peu dire que Céline captive les spectateurs : « Parmi les grands moments des “pièces” offertes par celui que l’un des témoins surnomme le “comédien du martyre”, il y a cette façon de revendiquer un raffinement inné et de déplorer l’accablante “lourdeur de l’homme”, son plaidoyer  pour les auteurs qui inventent un style et mettent leur “peau sur la table”, ses diatribes et invectives contre la vulgarité, les plagiaires ». 5  Un constat s’impose :  «  On rit,  car il  est  drôle et méchant. Céline maîtrise  donc ses  interviews  comme il maîtrise  ses livres, son style ». 6  Mieux : « À l’oral et dans ses écrits, Louis-Ferdinand Céline possède un style qui fait assurément de l’effet à ses interlocuteurs et lecteurs. Parler, écrire, ressentir… et danser sur un volcan ! Tel fut le destin tragique d’un homme libre dont la vie et l’écriture sont inséparables, et qui confesse ne pas croire en Dieu, mais « ne demanderait pas mieux d’y croire ». Sous le masque du tragique, apparaît alors le visage d’un grand créateur et dispensateur de vie » 7 Une belle conclusion assurément pour celui qui se disait du « parti de la vie ».

 

M. L.

 

1. Delfeil de Ton, « Voyage au bout de la télé. Céline, bête d’écran », Le Nouvel Observateur, 22 novembre 2007.

2. Philippe Lançon, « Céline et la “vache matière” », Libération, 29 novembre 2007.

3. Philippe Sollers, « Céline », Le Journal du Dimanche, 28 octobre 2007.

4. Jérôme Dupuis, « D’une caméra l’autre », L’Express, 2 novembre 2007.

5. Jean-Luc Douin, « Céline, par lui-même et ses proches », Le Monde, 29 novembre 2007.

6. Camille Aranyossy, « Céline vivant », Le littéraire.com, 12 novembre 2007

7. Arnaud Guyot-Jeannin, « Quand Céline crevait l’écran », Le Choc du mois, novembre 2007.

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mercredi, 27 février 2008

A. Romualdi: Introduccion a Gobineau

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Introduccion a: Arthur de Gobineau; la desigualdad de las razas

Adriano ROMUALDI

Hay libros que actúan sobre la realidad de muchos de los hechos políticos y que, saliendo del círculo estrecho de la discusión, se convierten en idea-fuerza, mitos, sangre que alimenta los procesos históricos. El más típico es indudablemente El Capital de Marx, un estudio histórico-económico que se ha convertido en dogma religioso, arma de batalla, evangelio del vuelco mundial de todos los valores cumplimentado por la casta servil. A estos libros pertenece el Ensayo sobre la desigualdad de las razas humanas del conde de Gobineau, ignorado durante el tiempo que el autor vivió pero que - difundido en Alemania después de su muerte - fue destinado a transformarse en un de las más poderosas idea-fuerza del siglo XX: el mito de la sangre del nacionalsocialismo alemán.

Arturo de Gobineau nace en Ville d’Avray en el 1816 de una familia de antiguo origen normando. Poco antes de morir, en el Histoire d’Ottar Jara él revivirá los hechos del conquistador vikingo que arribó a las costas de Francia dando origen a su familia. El padre de Gobineau fue capitán en el Guardia Real de Carlo X. Después de la revolución del 1830 se apartó a vivir en Bretaña mientras el hijo fue a estudiar a Suiza. Aquí Gobineau aprendió el alemán y tuvo modo de asomarse a las vastas perspectivas que la filología germánica abrió en aquellos años. Ya Federico Schlegel en su Ueber die Sprache und Weisheit der Inder enseñó la afinidad entre las lenguas europeas y el sánscrito planteando una migración aria de Asia a Europa; en 1816, Bopp con su gramática comparada del griego, sánscrito, persa, griego, latino y gótico fundó la filología indoeuropea; por su parte, los hermanos Grimm redescubrieron el Edda y poesía germánica haciendo revivir el antiguo heroísmo y la primordial mitología germánica mientras Kart O. Müller halló en los dorios (Die Dorier, 1824) el alma nórdica de la antigua Grecia. Así, Gobineau tuvo modo que familiarizarse desde la adolescencia con un mundo que la cultura europea iba lentamente asimilado.

En 1834 Gobineau va a París. No es rico, y trata de hacerse paso como escritor y periodista. De sus obras literarias de entonces, Le prisionnier chancheux, Ternote, Mademoiselle Irnois, Les aventures de Nicolas Belavoir, E’Abbaye de Thyphanes, muchas páginas han resistido la usura del tiempo.

Un artículo aparecido en la Revue de deux mondes lo puso en contacto con Alexis de Tocqueville, el famoso autor de La democracia en América, también él de antigua estirpe normanda. Esta amistad les unió toda la vida a pesar de las fuertes diferencias de opinión entre los dos hombres: Tocqueville, el aristócrata que se resigna, y - sea incluso con melancolía - acepta la democracia como una realidad del mundo moderno y Gobineau, el aristócrata que se rebela e identifica la civilización con la obra de una raza de señores.

Fue Tocqueville, nombrado Ministro de Exteriores, quien llamó al amigo como jefe de gabinete. En vísperas del golpe de estado napoleónico Tocqueville dimitió; En cambio Gobineau hizo buen cara al cesarismo que - si bien no le reportaba a la predilecta monarquía feudal - al menos colocaba las esposas a la democracia y al parlamentarismo. Entró en diplomacia y fue como primer secretario a tomar la delegación de Berna. Es en Berna que escribió el Essai sur el inégalité des races humaines, cuyos dos primeros volúmenes aparecieron en el 1853, los segundos en 1855.

El ensayo retoma los movimientos del gran descubrimiento de la unidad indoeuropea, es decir de una gran familia aria extendida desde Islandia hasta la India. La palabra latina pater, el gótico fadar, el griego patér, los sánscritos pitar se revelan como derivaciones de un único vocablo originario. Pero si ha existido una lengua primordial de la que se han ramificado varios lenguajes, también habrá existido un estirpe primordial que - moviendose desde su patria originaria - difundirá este lengua en el vasto espacio existente entre Escandinavia y el Ganges. Es el pueblo que se dio el nombre de ario, término con el que los dominadores se designaban a sí mismos en contraposición a los indígenas de las tierras conquistadas (compara el persa y el sánscrito arya = noble, puro; el griego àristos = el mejor; el latino herus = dueño; el tudesco Ehre = honor).

Es aquí donde se encauza el razonamiento de Gobineau, movilizando a favor de sus tesis los antiguos textos indios nos muestra a estos arios prehistóricos - altos, rubios y con los ojos azules - penetrando en la India, en Persia, en Grecia, en Italia para hacer florecer las grandes civilizaciones antiguas. Con una demostración muy forzada también las civilizaciones egipcia, babilonia y china son explicadas con el recurso de la sangre aria. Cada civilización surge de una conquista aria, de la organización impuesta por una elite de señores nórdicos sobre una masa.

Si comparamos entre si a las tres grandes familias raciales del mundo la superioridad del ario nos aparecerá evidente. El negro de frente huidiza lleva en el cráneo "los índices de energías groseramente potentes". "Si sus facultades intelectuales son mediocres - Gobineau escribe - o hasta nulas, él posee en el deseo… una intensidad a menudo terrible". Consecuentemente, la raza negra es una raza intensamente sensual, radicalmente emotiva, pero falta de voluntad y de claridad organizadora. El amarillo se distingue intensamente del negro. Aquí los rasgos de la cara son endulzados, redondeados, y expresan una vocación a la paciencia, a la resignación, a una tenacidad fanática, pero que él diferencia de la verdadera voluntad creadora. También aquí tenemos que ver a una raza de segundo orden, una especie infinitamente menos vulgar que la negra, pero falta de aquella osadía, de aquella dureza, de aquella cortante, heroica, inteligencia que se expresan en el rostro fino y afilado del ario.

La civilización es pues un legado de sangre y se pierde con el mezcolanza de la sangre. Ésta es la explicación que Gobineau nos ofrece de la tragedia de la historia del mundo.

Su clave es el concepto de la degeneración, en el sentido propio de esta palabra, que se expresa en el alejamiento un género de su tipo originario (los alemanes hablarán de Entnordung, de desnorcización). Los pueblos antiguos han desaparecido porque han perdido su integridad nórdica, e igualmente puede ocurrir a los modernos. "Si el imperio de Darío todavía hubiera podido poner en campo a la batalla de Arbela persas auténticos, a verdaderos arios; si los romanos del basto Impero hubieran tenido un senado y una milicia formadas por elementos raciales iguales a los que existieron al tiempo de los Fabios, su dominación no habría tenido nunca fin."

Pero la suerte que ha arrollado las antiguas culturas también nos amenaza. La democratización de Europa, iniciada con la revolución francesa, representa la revuelta de las masas serviles, con sus valores hedonísticos y pacifistas, contra los ideales heroicos de las aristocracias nórdicas de origen germánico. La igualdad, que un tiempo era sólo un mito, amenaza de convertirse en realidad en el infernal caldero donde lo superior se mezcla con lo inferior y lo que es noble se empantana en lo innoble.

El Essai sur el inégalité des races humaines, si en muchos rasgos aparece hoy envejecido, conserva una sustancial validez. Gobineau tiene el gran mérito de haber afrontado por primera vez el problema de la crisis de la civilización en general, y de la occidental en particular. En un siglo atontado por el mito plebeyo del progreso, él osó proclamar el fatal ocaso de cada cultura y la naturaleza senil y crepuscular de la civilización ciudadana y racionalista. Sin el libro de Gobineau, sin los graves, solemnes golpes que repican en el preludio del Ensayo sobre la desigualdad de las razas humanas, y en aquellas páginas en que se contempla la ruina de las civilizaciones, toda la moderna literatura de las crisis de Spengler, a Huizinga, a Evola resulta inimaginable.

Falta valorar la solución que Gobineau ha ofrecido problema de la decadencia de la civilización. A menudo es simplista. El mito ario, queda como indispensable instrumento para la comprensión de la civilización occidental, no se puede explicar mecánicamente el nacimiento de las varias civilizaciones del globo. Gobineau se encarama sobre los espejos para encontrar un origen ario a las civilizaciones egipcia, babilona, chino. Aunque muchos recientes estudios ayudarían a sus tesis (piénsese en la hipótesis de un Heine-Geldern sobre una migración indo-europea de la región póntica a China, o a la comprobación de un elemento ario en el seno a los casitas que invadieron Babilonia y a los hyksos que dominaron Egipto), queda el simplismo de los métodos demostrativos gobinianos. Además, los materiales arqueológicos y filológicos de que él se servirá son completamente inadecuados frente a la masa de los datos de que disponemos hoy (1).

Y sin embargo, la idea de un diferente origen de las razas está demostrada por los estudios más recientes en la materia (Véase Coon. L’origene delle razze, Bombiani 1970), mientras que las estadísticas sobre los cocientes de inteligencia asignan un valor cuantitativo inferior a los negros con respecto de los blancos y a los amarillos. Mientras la civilización blanca arrastra en su movimiento a los pueblos de color, ellos se revelan en su mayor parte imitadores y parásitos, de lo que no hay duda que de que el mestizaje de la humanidad blanca conduciría a un estancamiento, si no a un retroceso. La crisis de las cepas germánicas y anglosajonas, a cuya voluntad e iniciativa se debe el dominio euro-americano sobre el mundo, y que en el tipo blanco representan el elemento más puro, es seguro la más dramática situación desde los principios de la historia.

La gran obra del Ensayo sobre la desigualdad de la razas fue terminada. Pero la cultura francesa no se dio cuenta.

Tocqueville intentó consolar a Gobineau profetizando que este libro sería introducido en Francia desde Alemania: fue en efecto una respuesta a un problema surgido en la cultura alemana, y de ella habría regresado a Francia, desde Alemania: fue en efecto una respuesta a problemas surgidos en la cultura alemana, y en ella habría sido discutida. De Berna, Gobineau pasó a Fráncfort, luego - como ministro plenipotenciario - a Teherán, Atenas, Rio de Janeiro y Estocolmo. El tiempo que estuvo en Persia le permitió dedicarse a sus predilectos estudios orientalísticos. El Traité des écritures cuneiformes, La Historie des Perses, Réligions et philosophie dans l’Asia centrale. También escribió las Nouvelles Asiatiques y, siempre en literatura, la novela Adelaida, el poema Amadis, el fresco histórico sobre La Renassance y la que es quizás su novela mejor lograda: Les Pleiades.

La guerra franco-prusiana le sorprende en el castillo de Trye que formaba parte del antiguo dominio de Ottar Jara y que él adquirió. No se hacía graciosas ilusiones (un biógrafo suyo cuenta: "El canto de la Marsellesa, los gritos: a Berlín!, repugnaron a su naturaleza. No le dio el nombre de patriotismo a esas sobreexcitaciones peligrosas, demasiado ayuntamientos con las razas latinas. Donde divisó síntomas funestos"), pero en su calidad de alcalde organizó la resistencia civil contra el invasor. Sobrevenidos los prusianos, se comporta con gran dignidad y, aunque se valiera de la lengua alemana como la suya propia, nunca quiso hablar con ellos otra que el francés.

El desastre del los años 70 y la suspensión de su candidatura a la Academia de Francia le disgustaron completamente. La misión a Estocolmo, en aquella Escandinavia que quiso como a una segunda patria, le fue de algún consuelo, hasta que en el 1877 fue jubilado anticipadamente. Para Gobineau transcurrieron los últimos años de su vida entre Francia e Italia. En Venecia conoció a Richard Wagner el cual dijo de él: "Gobineau es mi único contemporáneo". Un reconocimiento basado en una recíproca afinidad. Ambos advirtieron el atractivo romántico de los orígenes primordiales: los tonos profundos que se vislumbran en los abismos del caudal de El oro del Rin son los mismos que repican en el Essai sur el inégalité des races humaines. Fue Wagner quien presentó a Gobineau al profesor Schemann de Freiburg, el cual fundaría el Gobineau-Archiv.

Gobineau murió de repente en Turín en el octubre de 1882. Nadie pareció darse cuenta de su desaparición. Fue universalmente admirado como un hombre de espíritu y como brillante conversador. Años después, fue cuando en la universidad comenzaron a haber cursos sobre de él, Anatole France dijo: " Je el ai connu. El venait chez el princesse Matilde. Ello était un grand diable, parfaitement simple et très spirituel. On savait qu'il écrivait des livres, maíz personne de ello les avait lus. ¿Alors, el avait du génie? Comme c’est curieux."

Fueron los alemanes los que lo valorizaron. Wagner le abrió las columnas del Bayreuther Blätter: ahora el wagneriano Hans von Wolzogen, Ludwig Schemann, Houston Stewart Chamberlain anunciaron su obra. Fue Ludwig Schemann quien fundó el culto a Gobineau instituyendo un archivo cerca de la universidad de Estrasburgo, entonces alemana. En el 1896 Schemann fundó el Gobineau-Vereinigung que difundiría el gobinismo en toda Alemania. En el 1914 pudo contar con una red influyente de protectores y amistades; el Kaiser mismo la subvencionó y buena parte del cuerpo enseñante fue influido por sus ideas.

Sobre la estela de la obra de Gobineau nació el racismo: Vacher de Lapouge, Penka, Pösche, Wilser, Woltmann, H. S. Chamberlain y luego - después de la guerra - Rosenberg, Hans F. K. Günther, Clauss retomaron las intuiciones gobinianas y las amplificaron en un vasto organismo doctrinal. En el 1933 el Nacionalsocialismo - asumiendo el poder en Alemania - reconoció oficialmente la ideología de la raza. Se realizó así lo que Wittgenstein había profetizado a Gobineau: "Vos os decís un hombre del pasado, pero en realidad sois un hombre del futuro."

El batalla de Gobineau no fue en vano. Él escribió: "Quand la vie n'est pas un bataille, ell n'est rien."

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Las citas aquí indicadas están sacadas del primer libro del Ensayo sobre la desigualdad de las razas humanas, Ediciones de Ar, Padua 1964.

(1) Una exposición moderna de las migraciones arias y su importancia para la civilización he tratado de exponerla en mi "Introduzzione al problema indoeuropeo" en el prólogo al libro de Hans F. K. Günther, Religiosità indoeuropea, Edizioni de Ar, Padua 1970. A ella me remito para quién de este ensayo sobre Gobineau le llevara el deseo de conocer los puntos de vista más recientes en arqueología, filología y antropología.

samedi, 23 février 2008

Quelques fleurs pour Knut Hamsun...

Quelques fleurs pour Knut Hamsun…

Dans son livre richement documenté : “Ecology in the 20th Century. A History”, 1989, (épuisé, non réédité), Anna Bramwell a consacré un large paragraphe à Knut Hamsun. Elle en parle dans le contexte des écrivains qui ont participé fin 19ième et début 20ième siècle à la création d’une Idéologie Ecologique (E. M. Forster, D. H. Lawrence, mais surtout Richard Jefferies, Henry Williamson et Knut Hamsun). De ce paragraphe intitulé “And Life can be Wastefull” (”Et la nature peut se révéler prodigue”) voici quelques citations (autotrad.) :

« Knut Hamsun naquit dans une famille de paysans norvégiens en 1859 et mourut en 1952 à Nörholm en Norvège. On lui décerna le prix Nobel (1920) comme nouvelliste. Ses livres furent exceptionnellement populaires en Allemagne et furent traduits dans toutes les langues majeures. … De sa nouvelle de l’habitat paysan, Growth of the Soil*, Thomas Mann écrivait en admirateur :

“Un ouvrage splendide, bien que totalement apolitique, en contact profond avec toutes les aspirations actuelles : glorification du fermier solitaire, de l’autonomie rustique, aversion pour la ville, l’industrie, le commerce; jugement ironique sur l’état – tout cela est du communisme poétiquement conçu ; ou mieux; de l’anarchisme humainement poétisé … plein de simplicité, de bonté, de santé, d’humanité … assurément l’esprit du futur.”…

Hamsun a même été comparé à Homère. Mais en 1945, déclaré traître à la patrie et dément, il fut incarcéré dans une clinique psychiatrique. Âgé de près de 90 ans, il publia un récit de son parcours, pour justifier son action et prouver qu’il n’était pas fou.… (”Sur les sentiers où l’herbe repousse”). …

En 1911, Hamsun – comme Williamson l’avait fait en 1935 – acheta une ferme dans un endroit reculé de la montagne norvégienne, et, comme lui, il se sentait concerné par des problèmes de fertilité/fécondité du sol et par les relations entre la culture, l’homme et la glèbe. En 1913 et 1915, il publia ses premiers livres étendus à des sujets plus vastes. Dans deux ouvrages, il disséqua le processus de la désintégration et la dégénérescence de toute une communauté : “Enfants de leur temps” et “La ville de Segelflos” brossaient le portrait d’un village norvégien transformé en centre industriel prospère par la réussite d’un émigrant, M. Holmengrâ. Holmengrâ racheta les propriétés familiales du village et créa des usines et un centre commercial. Les villageois oublièrent leur propre savoir-faire, et se laissèrent corrompre par des Ersatz, comme la margarine, des chaussures achetées et des friperies diverses. Contrairement aux socialistes réalistes, comme Zola, ou même Dickens, la critique de Hamsun de la décadence spirituelle apportée par la croissance industrielle est un criticisme intégral, qui ne se focalise pas sur les problèmes spécifiques, mais sur ce qu’il considère une qualité d’aliénation inhérente au marché. Cette qualité absolutiste est une autre caractéristique du penseur écologiste. …

Mais Hamsun avait développé ses idées bien avant la première guerre mondiale. Sa sympathie pour les anarchistes condamnés à mort à Chicago en 1889 Hamsun l’avait exprimée, comme le fit son soutien ultérieur au populisme russe. Qu’il ait également soutenu Hitler, il est probable que ce fut à cause de son aversion pour l’Angleterre et son opposition au libre marché. La désapprobation de Hamsun pour l’éthique affairiste (business ethic) concernait l’Angleterre, qu’il décrivait comme source du libre marché Protestant ennemi de toutes valeurs : les ‘Juifs Protestants’. …

En fait, l’assimilation faite entre Hamsun et le nazisme est due plus vraisemblablement à l’influence que sa propre idéologie paysanne avait exercée sur le nazisme rural plutôt qu’à l’influence du nazisme sur Hamsun. Non seulement les premiers idéologues, mais les troupes allemandes sur le Front de l’Est ont acheté ses livres par centaines de milliers. Les condamnés de Nuremberg, Jodl, Kaltenbrunner et Streicher ont souhaité avant leur exécution lire et ont lu Hamsun. …

L’épouse de Hamsun, qui avait quitté son métier d’actrice, est partie durant la deuxième guerre mondiale en tournée de lecture des oeuvres de son mari, tournée organisée par la Société Nordique (Nordische Gesellschaft ?), fondée à Lubeck en 1921 et patronnée par Walther Darré et par Alfred Rosenberg. En Allemagne, devant une audience attentive, elle lisait des extraits des oeuvres de Hamsun … . Devant une salle comble de soldats attentifs et silencieux, elle devait lire l’introduction de “Growth of the Soil”, le roman qui décrivait en langage précis mais biblique la vie du paysan en quête de terres nouvelles à cultiver, et l’arrivée d’une femme :

“L’homme est venu, marchant vers le Nord … Il est fort et mince, arbore une barbe rousse … peut-être est-ce un ancien prisonnier … peut-être est-ce un philosophe, à la recherche de la paix; en tout cas il est là, un vagabond dans cette immense solitude … ”

“Le matin elle s’était arrêtée, et elle ne partit pas de la journée. Elle se rendait utile, trayait les chèvres et frottait le fourneau avec du sable fin. Et elle ne repartit plus. Elle s’appelait Inger. Lui, on l’appelait Isak.” »

D’ailleurs parmi l’évocation des rares penseurs qui, dans le domaine écologique, ont pensé différemment sans qu’on puisse les suspecter de connivences avec le nazisme, il y avait le pasteur Oberlin. Je suis personnellement convaincu que la rage avec laquelle toute allusion à un modèle nazi a été anéantie sans réflexion, aura été la cause du retard d’un demi-siècle irrattrapable de la réflexion écologiste.

Martin Heidegger avait également manifesté son empathie pour Hamsun, en particulier dans son “Introduction à la métaphysique” cit. de l’éd. Gallimard 1967, traduite par Gilbert Kahn, p.38.

« Le véritable parler ayant trait au néant reste toujours inhabituel. Il est rebelle à toute vulgarisation. …

Citons ici un passage d’une des dernières œuvres de Knut Hamsun, “Au bout d’un an et un jour” … (qui) nous montre les dernières années et la fin de cet Auguste, en qui s’incarne l’universel savoir-faire déraciné de l’homme d’aujourd’hui, sous forme d’ailleurs d’une existence qui ne peut pas perdre son lien avec l’inhabituel, parce que, dans son impuissance désespérée, elle reste authentique et souveraine. Auguste passe ses derniers jours solitaire dans la haute montagne. L’auteur dit : “Il y est assis au milieu de ses deux oreilles et entend le vide véritable. Extrêmement drôle, une fantasmagorie. Sur la mer (il a souvent été à la mer autrefois) remuait (tout de même) quelque chose, et il y avait là-bas une rumeur, quelque chose d’audible, un chœur des eaux. Ici — le néant rencontre le néant et n’est pas là, n’est pas même un trou. Il ne reste qu’à secouer la tête avec résignation.” »

* Traduit en français sous divers titres : “L’éveil de la glèbe”, “Les fruits de la Terre”, …

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mardi, 19 février 2008

L'écrivain prolétarien Kristofer Uppdal

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19 février 1878: Naissance à Beitstad en Norvège de l’écrivain prolétarien Kristofer Uppdal, à qui l’on doit dix volumes denses de nouvelles et de romans sur l’histoire de la classe ouvrière norvégienne, montrant la transition d’un peuple essentiellement paysan et rural en direction d’un prolétariat urbain. C’est une préoccupation centrale de la littérature norvégienne de la fin du 19ième siècle et du début du 20ième. Uppdal a fait bon nombre de métiers jugés subalternes. Son œuvre doit être relue aujourd’hui en parallèle avec celle de Knut Hamsun, avec les littératures prolétariennes des autres pays d’Europe (notamment Pierre Hubermont et Constant Malva), et comme arrière-plan du néo-socialisme planiste de Henri De Man, car Uppdal, comme De Man, insiste davantage sur les métamorphoses d’ordre psychologique dans la classe ouvrière que sur les aspects strictement économiques ou politiques. On sait que De Man avait une bonne connaissance des socialismes scandinaves, qu’il trouvait leurs expériences intéressantes: l’œuvre d’Uppdal a-t-elle contribuer à la genèse de son ouvrage majeur, Au-delà du marxisme, dont le titre allemand original était Zur Psychologie des Sozialismus (Robert Steuckers).

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vendredi, 15 février 2008

"Uranus" de notre aimable Aymé

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“Uranus” de notre aimable Aymé

Un metteur en scène français a adapté à l'écran le roman de Mar­cel Aymé, Uranus, qui fit l'effet d'une bombe quand il pa­rut, en 1948, en pleine dictature résistantialiste. Mais il est é­vident que M. Claude Berri, le cinéaste en question, n'a pas pu traduire en images "l'insoutenable" vérité.

Ce pavé iconoclaste doit figurer, dans toute bibliothèque bien constituée, à côté du Pauvre Bitos et des Fables d'A­nouilh, du Confort intellectuel de ce même Aymé, des Fran­çais de la décadence d'André Lavacourt... La lecture de tels bouquins nous console d'autres lectures accablantes.

Nous pouvons, à loisir, savourer cet Uranus  aux pages si ven­geresses, cette chronique impitoyable des lendemains de la "libération".  L'action  —c'est le cas de le dire—  se dé­roule à Blémont. Il s'agit d'une petite ville au nom imaginaire, mais aux mœurs bien réelles.

Seul l'aimable écrivain au masque de Buster Keaton pouvait écrire une telle œuvre. Ecrivain "dégagé" bien avant que le mot existât. Beaucoup plus goûté par la droite jeune et fron­deuse que par les religionnaires de gauche. Ami de Céline, de Brasillach et de Rebatet, mais néanmoins sans attache d'idéologie ni de parti (ses Billets de Marianne en fournissent l'illustration). L'homme vraiment libre, sans illusions sur ses congénères, ennemi du mensonge et de l'hypocrisie. Un vé­ri­table non-conformiste. Son Travelingue (paru en 1937) était déjà un tableau resté unique des ridicules, tant nationaux que progressistes, bourgeois que prolétariens, du front po­pu­laire.

“Je vais le dire au comité d'épuration…”

Mais revenons à Uranus, à ce sujet d'une terrible noirceur mais à la prose succulente. Nous sommes donc à Blémont. La petite ville tend l'échine sous la loi de quelques malfrats à mitraillettes et de la cellule communiste. L'ingénieur Archam­baud a obéi à un réflexe charitable en hébergeant Loin, le "collaborateur " traqué. Mais il se reprochera amèrement cet­te "idiotie". A la table familiale, il fait un massacre des préju­gés bourgeois, mais il opine aux sottises d'un nouveau col­lègue dont l'agitation syndicaliste, teintée de stalinisme à la mo­de, risque de détraquer leur usine. Les prolos ne s'élè­vent au-dessus de la plus haineuse jalousie que pour deve­nir des instruments aveugles du "Parti". Lequel PC s'entend fort bien avec Monglat, le trafiquant milliardaire, seul pro­fi­teur des malheurs de la Patrie, morne canaille prête à n'im­porte quelle ignominie pour sauver sa fortune.

A Blémont —comme ailleurs— tout n'est que dénonciations en­tre gens qui voisinent et se tutoient depuis l'enfance, bas­ses­ses, lâchetés, sournois sadisme: "Je vais le dire au Co­mi­té d'épuration". Les mouchards prospèrent, en véritables "pa­triotes".

Loin, l'infortuné, aurait pu être blanchi, avec l'assentiment pu­blic s'il eût été riche, bien installé dans l'échelle sociale. Ou, à la rigueur, s'il eût fait acte de contrition. "Mais ce n'é­tait en somme qu'un petit employé, un de ces hommes de peu dont le supplice et l'ignominie procurent presque autant de plaisir aux bourgeois qu'aux prolétaires. Qu'une action d'en haut s'exerçat en sa faveur, il y avait là de quoi choquer et décevoir ses concitoyens. Les gosses eux-mêmes sont con­taminés par la cruauté et la bêtise ambiantes.

Il n'est que deux personnages pour racheter cette tourbe: Wa­trin, le professeur de math, et Léopold, l'une des plus étonnantes créations de Marcel Aymé, cabaretier herculéen, à crâne de brute, aviné, et que Racine émeut aux larmes, le suprême représentant de la poésie à Blémont. Mais Léopold, pur de tout méfait, respecté d'abord pour sa force énorme, sera abattu comme un criminel par les gendarmes, rouages stupides des machinations de Monglat. Mais Watrin, que tou­tes les formes de la vie émerveillent, en comparaison a­vec Uranus, l'astre mort, n'est qu'un rêveur, l'impuissant spec­ta­teur de la férocité humaine. Il n'y manque qu'un cu­re­ton bolchévisant pour que le panorama de la France, en 1945, soit complet avec tout son personnel.

Le chapitre le plus terrifiant d'Uranus, est celui du retour des soldats prisonniers. La population entière est allée les ac­cueil­lir à la gare, sous-préfet, municipalité et clergé en tête. Les F.F.I. rendent les honneurs. Garde-à-vous, Marseillaise, dis­cours. Mais cinq civils, posément, écartent le service d'ordre. Ils s'avancent vers les prisonniers libérés, se sai­sissent  de l'un d'eux, le jettent à terre et le rouent de coups de poings et de pieds. Ce sont des F.T.P. qui tabassent et "pu­nissent" un ancien pétainiste du Stalag. Cependant la foule, la police restent inertes, de même que les camarades de la victime ensanglantée. Et, tandis que les exécuteurs s'a­charnent, le maire, décidé à ne rien voir, poursuit son dis­cours: «Votre sacrifice, votre admirable résistance morale... la grandeur de la France... Une France jeune, ardente, gui­dée par une élite dont l'intelligence, la hauteur de vues et l'hu­manité font l'admiration du monde entier...». Et Watrin, le seul qui ose se porter au secours du blessé  —le médecin n'a pas bougé— est embarqué par la flicaille.

Cercle Prométhée.

 

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jeudi, 14 février 2008

Henri Michaux ou le corps halluciné

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Henri Michaux ou le corps halluciné

 

Réécriture d'une thèse de doctorat, Henri Michaux ou le corps halluciné, d'Anne Brun est un splendide ouvrage. En voici la présentation: «L'œuvre hallucinogène d'Henri Mi­chaux s'inscrit dans l'histoire de la drogue et de la psychia­trie, en tant que "psychose expérimentale", et mêle étroi­te­ment poétique du texte et références scientifiques. Anne Brun propose une lecture psychanalytique de ce corpus, saturé par les commentaires psychiatriques: il s'agit de le lire comme un document passionnant sur les processus de créa­tion et d'éclaircir la genèse de cette œuvre poétique et pictu­ra­le, enracinée dans un vécu corporel médiatisé par le toxi­que. L'expérience hallucinogène invite à une exploration de l'originaire, en réactivant la part la plus archaïque de la psy­ché, à la source des processus de symbolisation. Elle que­stion­ne la psychanalyse et la clinique, en renouvelant l'ap­pro­­che des toxicomanies comme de la schizophrénie. L'au­teur réinterroge particulièrement le concept de pulsion sco­pi­que, pour éclairer la spécificité des visions suscitées par la mes­caline et la nature du savoir dévoilé par la drogue. C'est à un véritable corps à corps avec ses doubles que se livre Mi­chaux, révélant un fantasme de bisexualité dans le com­bat avec la mescaline. L'œuvre hallucinogène d'Henri Mi­chaux , singulière s'il en est, ouvre la voie à une métapsy­cho­logie des processus de création» (JdB).

 

Anne BRUN, Henri Michaux ou le corps halluciné, Institut d'édition Sanofi-Synthélabo (174 avenue de France, F-75.635 Paris cedex 13), 1999, 322 pages format 240 x 280, avec de très nombreuses reproductions de l'œuvre picturale d'Henri Michaux. 250 FF.

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Friedrich Sieburg

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Friedrich Sieburg

 

Célèbre par son Dieu est-il français? (1929), Friedrich Sie­burg fait l'objet d'une excellente biographie de Cecilia von Bud­denbrock. Correspondant de presse à Paris de 1926 à 1933, pilote dans l'escadrille von Richthofen durant la Gran­de Guerre, Friedrich Sieburg reviendra à Paris de 1940 à 1943, détaché au service culturel de l'ambassade d'Allema­gne. Dominique Venner écrit dans sa préface: «Mieux que son rôle effacé entre 1940 et 1943, ce qui associe Sieburg à la France, c'est son essai Dieu est-il français?, célèbre dès sa parution. Le fait que Raymond Poincaré se soit risqué à ré­futer la livre dans une communication de l'Institut fit son suc­cès. Pourtant, la critique se montra assez peu réceptive. Ro­bert Brasillach, tout jeune encore, étrilla l'ouvrage dans L'action française du 4 décembre 1930, à l'occasion d'une chro­nique intitulée "Contrebande germanique". Relisant au­jourd'hui l'essai de Sieburg, on comprend difficilement ce re­jet, tant son auteur fait des efforts louables de compré­hen­sion. Ses censeurs lui reprochèrent de montrer la France des années 30 comme une sorte de charmant anachronisme adonné au bonheur de vivre à l'heure de son clocher, mé­prisant l'industrialisation forcenée d'une Allemagne pauvre et spartiate. Ce portrait-là était vrai, on l'a bien vu un peu plus tard. Il a même aujourd'hui valeur de document ethnologique pour une France disparue» (PM).

 

Cecilia von BUDDENBROCK, Friedrich Sieburg 1893-1964, Editions de Paris (7 rue de la Comète, F-75.007 Pa­ris), 306 pages, 159 FF.

 

dimanche, 10 février 2008

Sur Giuseppe Ungeretti

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10 février 1888: Naissance à Alexandrie en Egypte du poète italien Giuseppe Ungaretti. En 1912, il vient étudier à Paris, où sa pensée est influencée par Henri Bergson, Charles Péguy, Paul Valéry et Guillaume Apollinaire. Les avant-gardes et surtout le symbolisme, avec la poésie de Mallarmé marqueront son esprit de manière durable.

Engagé dans l’armée italienne en 1915, il rédige ses premiers poèmes sur le front, inaugurant du même coup une poésie sans rimes ni ponctuation ni formes traditionnelles, censée exprimée une liberté nouvelle, à l’instar de celle qu’avaient, en d’autres termes, annoncée les futuristes autour de Marinetti. Ungaretti voulait révolutionner la poésie en lui imposant cette liberté, cette fraîcheur et cette intensité, éloignées des raideurs académiques ampoulées. Cette liberté poétique découle pourtant des enseignements que lui a transmis Valéry.

Pour celui-ci, il fallait se concentrer sur la forme; pour Ungaretti, se concentrer sur une forme dépouillée de toute rhétorique inutile et de toutes les lourdeurs d’un sentimentalisme désuet. Comme plus tard pour bon nombre de surréalistes et notamment pour Michaux, Ungaretti veut dégager le noyau primitif de chaque mot, faire jaillir de lui la puissance religieuse qui y est tapie. La lecture d’Ungaretti est impérative, tout comme une approche de Trakl (cf. article “03 fév 1887″), pour comprendre la trajectoire intellectuelle des post-surréalistes, dont Evola et Drieu.

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lundi, 04 février 2008

En canot sur les chemins d'eau du roi

En canot sur les chemins d’eau du roi

par Ivan de Duve

(Article paru dans Le Libre Journal de la France Courtoise du 17 novembre 2005 et, sur le Web, dans le site Les manants du roi)

(Ivan de Duve, 11 nov 05) - Un nouveau Raspail est toujours un événement qui nous ravit, nous Patagons. Celui-ci est un grand Raspail et Raspail étant un véritable terroir de la doulce France, l’on peut dire sans exagérer qu’il s’agit d’un cru fameux. Jean Raspail se souvient à 79 ans du Jean qu’il était à 24 ans, en 1949, lorsque, avec trois autres scouts, formant l’équipe Marquette, lui et Philippe Andrieu à bord du canot Huard, Jacques Boucharlat et Yves Kerbendeau à bord du canot Griffon, il réalise le rêve de descendre en canots du Québec à La Nouvelle-Orléans. Des Français les ont précédés sur ces chemins d’eau du roi connu sous le nom de Louis XIV, Roi-Soleil d’un siècle exceptionnel comme l’a nommé si joliment notre ami Jean-Jacques Henri de Bourbon-Parme, roi au nom duquel Cavelier de La Salle prend possession (…) de ce pays de Louisiane (…) acte de naissance de l’Amérique française. L’acte de décès suivra vite. Il ne s’en faudra que de quatre-vingt-dix ans.

C’est le Suisse Nicolas Bouvier (1929-1998) qui m’a ouvert le monde des écrivains-voyageurs qui écrivait Si on ne laisse pas au voyage le droit de nous détruire un peu, autant rester chez soi et, quelques mois avant son décès, Désormais c’est dans un autre ailleurs / qui ne dit pas son nom / dans d’autres souffles et d’autres plaines / qu’il te faudra / plus léger que boule de charbon / disparaître en silence.

Après lui, le Jean Raspail de Secouons le cocotier et de Punch Caraïbe avait suivi la voie qui n’était pas encore royale.

Aujourd’hui Jean Raspail, au sommet de son art, nous fait revivre non seulement son aventure en Amérique mais l’aventure de l’Amérique française. Au long de ces pages, nous passons avec ravissement du 17ème siècle, à l’année 1949 et aux temps présents. Le père Marquette et Louis Joliet ont ouvert la voie, Jean Raspail l’a refermée.

Il annonce la couleur : J’en conviens, c’était un jeu, mais tout jeu de symbole, à l’exemple des enfants, se doit d’être joué sérieusement. J’ai souvent joué à ces jeux au cours de mon existence, du Pérou des Incas à la Patagonie. Je me demande si ce n’est pas, justement, en jouant de cette façon-là que le 21 janvier 1993, bicentenaire de la mort de Louis XVI, j’avais rameuté trente mille personnes à l’emplacement de l’échafaud, devant le Crillon, place de la Concorde, à dix heures vingt-trois, heure précise où tomba la tête du roi, les prières de la foule s’envolant au-dessus d’un océan de voitures bloquées, la chaussée jonchée de bouquets de lys blancs. Quand les convictions tournent à vide parce qu’on est débordé de toutes parts et qu’on ne distingue plus aucun moyen de les voir un jour s’imposer, il faut les habiller d’attitudes tranchées. Cela est un jeu… (…) Il en est des rites comme des jeux, on s’y applique sérieusement ou pas du tout, faute de quoi cela n’a pas de sens et on a salopé quelque chose, un rêve d’enfant, une étincelle de sacré.

L’abbé Tessier lui avait dit : C’est égal, mais en vous regardant vous débattre comme des mangeurs de lard avec vos canots le jour où vous êtes partis, je n’aurais pas misé une piastre sur vous. J’avoue que j’aurais quant à moi volontiers misé un peso patagon, oh, oui !

Raspail connaît l’histoire :
Et le canot, donc !
Les brigades des compagnies de la Fourrure, de Montréal et de Trois-Rivières, les embarcations des missionnaires, des marchands, des colons, naviguèrent sur les chemins d’eau jusqu’à la moitié de XIXe siècle, jusqu’à ce qu’un autre chemin, celui du Canadian Pacific Railway, souvent parallèle aux fleuves et rivières, n’envoie définitivement les canots, la « civilisation du canot », au pourrissement et à l’oubli. L’épopée avait tout de même duré deux cent et trente années.

Quant aux Français, sous le commandement de Cavelier de La Salle, Isolés à des milliers de kilomètres de leur base et de plus loin encore de leur patrie, ils ont conquis l’immensité.

Nos quatre scouts de France continuent leur périple : Souvent, nous scrutions l’eau, silencieux, mais rien n’apparaissait jamais, seulement le reflet de notre imagination. Nous avions cent cinquante ans de retard, et ce retard ne pouvait se combler. (…) La rivière nous appartenait. Depuis les voyageurs elle n’avait pas changé. « Griffon » et « Huard » naviguaient de conserve : une petite brigade attardée qui prenait le courant en plein dans le nez mais qui s’en sortait fort bien. (…) Il y fallait une certaine ambiance rare, la plénitude, l’isolement, l’élan religieux jubilatoire qui se dégage d’un environnement naturel et vrai, comme si le monde venait d’être crée, le sentiment presque monastique de s’échapper de l’univers réel et d’être mis en la présence de Dieu. (…) à la poursuite d’un royaume qu’en fait ils portaient en eux. (…) Sur le moment, nous n’avons pas pensé à sainte Anne. Sans doute veillait-elle en permanence(…) Sainte Anne, ma patronne ! Émouvant !

Comme est émouvant le père Allouez quand il évoque Louis XIV devant les sauvages d’Amérique Le grand capitaine, que nous nommons notre roi, vit par-delà les mers. C’est le capitaine de tous les capitaines et il n’a pas son égal dans le monde.

Mais Raspail revient à sa randonnée : Nous avironnions furieusement, les dents serrées, sans un mot, sans une pensée, l’œil rivé à l’île Mackinac qui grossissait peu à peu, mais si lentement, au-dessus de l’horizon.

Quant aux descendants de tant de peuples européens en Amérique, des Français, ils n’avaient rien hérité, ni la langue, ni l’histoire, ni les façons, ni l’élégant détachement des biens matériels et encore moins leur inclination fraternelle à l’égard des populations indiennes.

Et parlant de sa petite équipe : j’ai dit que nous étions des messagers, des passeurs sur les chemins d’eau du roi de France entre autrefois et aujourd’hui…
Et revenant à Cavelier de La Salle : Il s’était retiré dans sa cabine pour méditer furieusement sur la médiocrité humaine. Que d’affinités électives ! Un siècle plus tard, Goethe écrivait à Schiller : Il ne m’est jamais arrivé, dans le cours de mon existence, de rencontrer… un bonheur inespéré, un bien que je n’aie dû conquérir de haute lutte. Raspail aurait pu écrire cette lettre. Quand je vous disais qu’il est au sommet de son art. Je ne peux qu’ajouter qu’il est aussi au sommet de sa race… Nous étions des messagers, des passeurs de mémoire sur les chemins d’eau… Le père Jacques Marquette et Louis Joliet ? Ils avaient ouvert la route. Nous la fermions. (…) J’étais l’un d’entre eux. Je veillais aux frontières oubliées. Et, plus loin : Un nombre infini de Français se sentent sudistes. Ils savent qu’en réalité, ce n’était pas pour maintenir l’esclavage que tout le Sud se battait, mais pour défendre, face aux Yankees, une patrie charnelle qui tenait à l’âme autant qu’à la terre, un style de vie, une façon d’être et d’envisager le bonheur, des usages, une certaine urbanité partagée par toutes les classes de la société. Nous étions sudistes, nous aussi. On ne peut être plus clair et ce ne sont ni Maurice Bardèche (Sparte et les sudistes) ni Dominique Venner (Gettysburg) qui diraient autrement.

La conclusion de Jean Raspail est criante de vérité : On a passé là d’excellents moments, flottant entre le XVIIe et le XXe siècle. C’est exactement cela que son aventure d’Amérique nous offre : d’excellents moments, flottant entre le XVIIe et le XXe siècle.

Un merveilleux livre d’aventure où se rejoignent passé et présent. Un monument de mémoire. Merci Jean Raspail d’avoir su si bien exprimer ce que nous ressentons.

Jean Raspail, En canot sur les chemins d’eau du roi, Albin Michel, 352 p., novembre 2005.
ISBN 2-226-16824-9

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dimanche, 03 février 2008

P.A. Cousteau, Céline et la 4ième République

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Marc LAUDELOUT:

P.-A. Cousteau, Céline et la Quatrième République

 

Les relations entre Pierre-Antoine Cousteau et Céline se sont détériorées en 1957. L’ancien journaliste de Je suis partout n’apprécia guère de voir railler le petit monde de la collaboration dans D’un château l’autre. Lui-même se considérait comme l’homme de ce clan et faisait bloc avec lui.  Son agacement fut  ravivé  par  le fait que  Céline se laissa interviewer par L’Express qui était alors l’un des organes de la gauche avancée. Pour Cousteau, Céline pactisait avec l’ennemi et il ne se fit pas faute de le faire savoir. Tout d’abord dans Rivarol – auquel il collaborait  depuis sa sortie de prison – par un article vengeur dans lequel il l’accusait d’avoir rallié le « Système ». Il devait récidiver quelques jours plus tard avec un autre libelle, « D’un ratelier l’autre », où il mettait en parallèle des citations extraites des pamphlets, d’une part, et de l’entretien accordé à L’Express, d’autre part. Et enfin dans Lectures françaises, mensuel précisément créé en cette année 1957 ¹.

 

Cousteau n’avait pas toujours détesté Céline. Sous l’Occupation, il écrivit même deux textes louangeurs sur l’auteur des pamphlets et  truffa son livre L’Amérique juive de citations extraits de ceux-ci ².

 

Comme on s’en doute, Céline ne demeura pas en reste, le traitant dans Rigodon de « petit jaloux, député raté, bien fait pour fanatiser les turlupins... ». Les amis de Cousteau lui en tinrent rigueur pendant des années.  Ce fut, entre autres, le cas d’Étienne Lardenoy. À l’occasion de la parution du deuxième tome des romans de Céline dans La Pléiade, il publia un article très hostile, choqué par ce qu’écrivait l’auteur de Rigodon sur celui que ses amis appelaient « PAC ». Une allusion à la maladie qui devait l’emporter suscita en particulier l’ire de Lardenoy. Pis : à l’instar de l’écrivain juif Rabi, il estimait que Voyage au bout de la nuit était un chef-d’œuvre demeuré sans suite et que le reste de son œuvre n’avait dès lors pas sa place  dans la prestigieuse collection de Gallimard ³.

 

À la différence de son frère, feu le célèbre Commandant Cousteau élu à l’Académie française en 1988, « PAC »  est bien oublié aujourd’hui. Or, des deux Cousteau, c’est incontestablement lui qui avait un talent de plume, manifestant un brio polémique reconnu par ses adversaires. En atteste le recueil d’articles, Après le déluge, que les éditions Déterna viennent de faire paraître.

 

La première édition de cet ouvrage parut à la fin de l’année 1956. Pierre-Antoine Cousteau avait été élargi trois ans auparavant. Il ignorait alors qu’il n’avait plus que deux ans à vivre. C’est en décembre 1958 que Lucien Rebatet, son compagnon de galère à Clairvaux, signa le superbe et poignant « Testament  et tombeau de Pierre-Antoine Cousteau » : « Je ne vais pas apprendre aux lecteurs de Rivarol que Cousteau a été un des plus grands journalistes de ce second tiers du XXe siècle. (…) Combien sommes-nous encore à savoir ce que c’est que la vraie prose française ? La sienne était ferme, simple, sûre, sans aucun effort. » 4  À quoi  il faut  ajouter  cet art de la litote assassine où PAC était passé maître.  Comme on s’en doute,  elle  fut  souvent stimulée par la déliquescence du régime finissant de la Quatrième République. De sa grâce – accordée par Vincent Auriol en 1947  – à la parution de ce livre, Pierre-Antoine Cousteau aura connu une vingtaine de gouvernements !

 

Après le déluge sort de presse alors que le socialiste Guy Mollet est Premier ministre (on disait alors Président du Conseil) avec, comme Garde des Sceaux, un certain François Mitterrand dont ce n’était pas le premier poste ministériel. Ce gouvernement eut une existence tout aussi brève que les précédents. Sans doute faut-il rappeler aux jeunes lecteurs que le régime politique était alors bien différent de celui que les Français connaissent actuellement : le Président de la République – élu par les deux chambres et non au suffrage universel – en était réduit, peu ou prou, à inaugurer les chrysanthèmes, et les partis régnaient en maîtres absolus. Le mode de scrutin (proportionnel), alors en vigueur,  favorisait  en outre l'existence d'un nombre assez élevé de partis dont les incessants revirements d'alliance entraînaient des chutes régulières de gouvernement. Les noms de ceux qui les dirigèrent se retrouvent tout naturellement dans ce livre, de Ramadier à Pleven en passant par Faure, Pinay et naturellement Mendès-France qui suscite plus particulièrement les sarcasmes de PAC en tant que principal acteur de la décolonisation en Indochine. L’époque est aussi celle qui voit le début du conflit algérien ; c’est d’ailleurs l’incapacité du régime à le résoudre qui précipitera sa chute. Sans doute le lecteur béotien devra-t-il se reporter à quelque manuel d’histoire pour mieux comprendre les allusions aux forces politiques en présence : le PCF (parti communiste alors puissant), la SFIO (les socialistes d’alors), le Parti Radical avec son aile gauche (Mendès-France) et son aile droite (Edgar Faure), le MRP (démocrate-chrétien), et enfin le RPF (créé par De Gaulle en 1947 et résolument hostile au régime).  Et que dire des confrères journalistes auxquels PAC réserve quelques unes de ses flèches les plus acides  : Pierre Hervé (communiste bientôt en rupture de ban), Roger Stéphane (gaulliste de gauche, co-fondateur de France-Observateur – futur Nouvel Observateur – arrêté en 1955 pour divulgation de secrets de la défense nationale),  Claude Bourdet  (autre fondateur de France-Observateur, ardent partisan de l’indépendance de l’Algérie), Robert Lazurick (directeur du journal L’Aurore), Carmen Tessier (échotière à France-Soir), Madeleine Jacob (chroniqueuse judiciaire au quotidien communiste Libération), etc. Tous ces personnages, aujourd’hui bien oubliés, figurent dans le Dictionnaire de la Politique française de Henry Coston, indéfectible ami de PAC  et premier éditeur de ce livre. Coston demeura toujours fidèle à son souvenir et lui consacra une notice substantielle dans son Dictionnaire. Telle était sa conclusion : « Ce militant a l’esprit caustique et à la plume acérée avait un cœur d’or. On lui connaissait des adversaires : on ne lui connaissait pas d’ennemis. Même ceux qui ne partagèrent pas ses idées, même ceux qui combattaient sa politique lui témoignaient leur estime. »

 

M.  L.

 

1. Pierre-Antoine Cousteau, « M. Céline rallie le fumier (doré) du Système », Rivarol, 20 juin 1957 ; « D’un ratelier l’autre », Rivarol, 11 juillet 1957 ; « Fantôme à vendre », Lectures françaises, juillet-août 1957.

2. Pierre-Antoine Cousteau, L’Amérique juive, Les Éditions de Paris, 1942 ; « Mais relisez donc Céline ! », Je suis partout, 4 avril 1942 ; « Pour une acceptation totalitaire de Céline », Ibidem, 16 juin 1944.

3. Étienne Lardenoy, « Une “rigolade” vomitive : le Céline de la fin », Rivarol, 19 décembre 1974. Quelques semaines plus tard, Robert Poulet, chroniqueur littéraire de l’hebdomadaire, lui répondit : « Aux funérailles du docteur Louis Destouches, Louis-Ferdinand Céline en littérature, nous étions là, Lucien Rebatet et moi, parmi les vingt-cinq personnes qui conduisirent au-delà de la nuit le « voyageur » foudroyé. J’imagine que Pierre-Antoine Cousteau serait venu, lui aussi, s’il avait été encore vivant. Cette attitude, pour nous, allait de soi. En pareille circonstance, disputes et griefs perdent toute importance. Quand il s’agit de haute littérature, il faut savoir anticiper sur le point de vue de l’éternel, en fonction duquel elle fut conçue. (…) Calmé, peut-être notre ami reviendra-t-il sur l’appréciation plus que péjorative que lui ont inspirée les œuvres de Céline, appréciation qui risque de lui causer quelque confusion dans un proche avenir. » (« Pour ou contre Céline », Rivarol, 1er janvier 1975).

4. Ce texte est intégralement reproduit, en guise de préface, dans la réédition de En ce temps-là…, livre de souvenirs de PAC publié après sa mort (Éditions Déterna, 2004). Cet ouvrage comprend également son journal de prison.

 

• Pierre-Antoine Cousteau, Après le déluge (pamphlets), Éditions Déterna, coll. « En ce temps-là », 2007, 346 p.  (31 €)

 

 

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Sur le poète expressionniste Georg Trakl

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03 février 1887 : Naissance à Salzbourg du poète expressionniste Georg Trakl, dont les thèmes majeurs, accentués par ses effroyables expériences au cours des premiers mois de la première guerre mondiale, sont le déclin et la mort. Ami de Wittgenstein, qui lui a vraisemblablement légué une part de son patrimoine afin qu’il puisse entièrement se consacrer à la poésie, Trakl étudie la pharmacie, sans nul doute pour avoir accès à des stupéfiants. Trakl était un toxicomane notoire. Mobilisé en 1914 comme lieutenant pharmacien et envoyé sur le front de Galicie, il assiste 90 blessés jugés incurables et ne résiste pas nerveusement aux horreurs consécutives de la bataille de Grodek, où les armées austro-hongroises et russes s’étaient affrontées dans un choc frontal particulièrement brutal et sanglant. Après une tentative de suicide, il est envoyé en observation à l’hôpital militaire de Cracovie, où il meurt d’une overdose de cocaïne. L’œuvre poétique de Trakl est intéressante, dans la mesure où elle préfigure très nettement le surréalisme (et l’expérience contrôlée des stupéfiants chez un Henri Michaux, par exemple). Il avait subi la quadruple influence de Rimbaud, Baudelaire, Dostoïevski et Hölderlin.

Dans son œuvre confluent divers filons littéraires, que la veine surréaliste exploitera ultérieurement: l’immédiateté (menaçante) de l’expérience cruelle du monde (les “frictions”, diraient les disciples de Clausewitz), la fascination pour le déclin (très prononcée en général dans la littérature autrichienne; cf. Musil), toutes deux assorties d’une volonté d’établir, malgré toute, un ordre spirituel (cf. Julius Evola et Marc. Eemans) et d’un désir de retourner aux traditions religieuses. Comme les futuristes et comme Julius Evola dans ses poèmes, Trakl fait usage d’une syntaxe “disjointe”, expression d’une inquiétude très profonde, d’une angoisse existentielle difficilement maîtrisable. Il est indispensable de comprendre la démarche de Trakl, si l’on veut réellement comprendre celles, ultérieures, d’un Evola, d’un Drieu et de tous ceux qui ont connu, de près ou de loin, l’aventure surréaliste voire avant-gardiste.

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mercredi, 30 janvier 2008

Entretien avec Michel Mohrt

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Entretien avec Michel MOHRT

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L’écrivain Michel Mohrt, membre de l’Académie Française, nous a fait l’honneur de nous recevoir. Elégant dans tous les sens du terme, d’une gentillesse et d’une simplicité à toute épreuve, il revient pour nous sur toute une vie de bruit et de fureur qu’il a observée avec son œil de peintre. Moteur !

R&A : Aujourd’hui, nous parlons beaucoup de l’Europe. Dans l’un de vos articles (De bonne et de mauvaise humeur, Le Rocher, 1999), vous disiez que vous aviez compris la nécessité de faire l’Europe en 1940. Pourquoi ?

Michel Mohrt : Quand on a vécu la défaite de 1940 comme moi… Enfin, je l’ai vécu un peu différemment puisque j’étais dans les Alpes, face aux Italiens et non aux Allemands. J’ai quand même ressenti terriblement la catastrophe de la défaite. J’ai pensé que la France n’était plus le grand pays que j’avais connu et espéré après la victoire de la première Guerre Mondiale. Déjà, dès 1930, j’avais compris que la France était un pays en décadence. La IIIe République ne la préparait pas à cette guerre qui est arrivée. Je sentais que la France allait perdre ses colonies, ce qui arriva peu de temps après. Elle n’avait qu’une chance, c’est d’appartenir à une entité politique plus grande qu’elle-même et où elle pourrait jouer un rôle important : l’Europe. Je n’ai pas cru dès 1940 (et je ne l’ai pas entendu d’ailleurs) au message de De Gaulle. Je pense que de Gaulle a été un homme politique extrêmement habile mais il n’a nullement détruit les effets malheureux de la défaite de 40.

R&A : En fait, vous vous êtes posé les mêmes questions que Renan et bon nombre d’intellectuels français au lendemain de Sedan. Ce fut d’ailleurs l’objet de votre livre Les Intellectuels français devant la défaite de 1870 (Gallimard, 1944 - réédition Editions du Capucin, 2004)…

Michel Mohrt : Exactement. Les gens qui viennent de relire mon livre à la faveur de sa réédition m’ont dit qu’il n’avait pas vieilli et qu’il était toujours d’actualité. En effet, on voit que les Renan, les Taine, au lendemain de 1870, ont dit que la France devait faire des réformes qu’elle n’arrive toujours pas à faire. D’où ce besoin d’Europe.

R&A : De plus, il y a en Europe une unité de civilisation plurimillénaire…

Michel Mohrt : Oui, c’est ce qui fait que je me suis senti tout à fait européen dès 1940. Et je le suis resté. Ce pourquoi aussi, je ne suis pas aujourd’hui pour l’entrée de la Turquie dans l’Europe. Je suis aussi attaché à l’Europe chrétienne. Il suffit de traverser la France en chemin de fer pour voir ses villages avec leurs clochers.

R&A : Dans vos livres, vous préférez observer, témoigner que vous engager. Je pense notamment à votre roman Mon royaume pour un cheval où vous expliquez cette attitude en rendant aussi hommage à l’engagement de votre ami Bassompierre. C’est un trait de votre caractère de vous méfier de ces aventures politiques ?

Michel Mohrt : En effet… D’abord, je n’aime pas la foule. Je me rappelle, en 1940, quand on a fait le SOL (Service d’Ordre Légionnaire), très vite, je me suis dépris de ce mouvement auquel j’adhérais au début car je n’aime pas la foule, perdre mon temps avec des palabres qui n’aboutissent à rien. Je me sens un observateur, un romancier. Et le roman suppose un décalage par rapport aux évènements que l’on veut raconter. J’ai toujours pris de la distance vis-à-vis des évènements et de mes propres engagements qui sont demeurés purement intellectuels d’une certaine façon. Je n’ai pas voulu m’impliquer dans un mouvement politique quelconque et je ne le ferai toujours pas.

R&A : Tout en témoignant ainsi par le biais du roman, vous avez quand même une indéniable estime pour « cette race d’hommes faite pour vivre entre hommes, race de moines et de soldats durs à eux-mêmes comme aux autres, race de demi-soldes, éternelle race des héros, des terroristes et des saints ». A travers Bargemont (double romanesque de Bassompierre dans Mon royaume pour un cheval), vous rendez hommage à l’amitié mais aussi au courage d’hommes comme lui…

Michel Mohrt : Bassompierre était un ami avec qui j’ai fait la guerre. Il commandait le Fort de la Colmiane dans les Alpes, juste au dessus de la Vésubie. Moi, je commandais une section d’éclaireurs-skieurs devant ce fort. Nous nous sommes vus beaucoup après la Drôle de Guerre, en attendant l’invasion allemande. C’est lui, avec quelques autres, qui a fondé le SOL. Très vite, j’ai pris cette distance mais j’ai continué à le voir durant l’Occupation. Et quand il m’a appris qu’il partait sur le Front de l’Est avec la LVF, cela ne m’a pas étonné car il l’a fait par anti-communisme. Aujourd’hui, on a oublié qu’à l’époque, le communisme apparaissait comme le vrai et principal danger. Sans les troupes alliées en Europe d’ailleurs, nous aurions eu le communisme en France. De Gaulle a été obligé de pactiser avec eux et de prendre Thorez qui s’était courageusement planqué à Moscou, en quittant l’armée pendant la guerre. J’ai dit à Bassompierre de laisser cela aux gens qui n’avaient rien dans la tête et qu’on avait besoin de gens comme lui pour refaire la France. Mais non, il voulait mettre son action en rapport direct avec ses idées. C’était très courageux de sa part d’entrer dans la LVF, d’accepter de porter l’uniforme allemand avec toutefois l’écusson tricolore.

R&A : Vous étiez au Canada lorsqu’il a été fusillé…

Michel Mohrt : Hélas ! A cette époque, on ne traversait pas l’Atlantique en quelques heures. Le bateau mettait 5 à 9 jours. J’ai regretté mais son avocat m’a dit que mon témoignage n’aurait servi à rien. Tous ses anciens compagnons d’armes qui avaient servi sous ses ordres dans les Alpes dirent quel homme admirable il avait été, en pure perte puisqu’il fut fusillé.

R&A : Vous avez dit que « le devoir de mémoire ne consiste pas à perpétuer les drames, à attiser les haines qui ont dressé les uns contres les autres les fils d’un même pays. Ce devoir c’est d’apaiser les discordes et de rassembler ceux que la mort a déjà unis. » Dans vos articles, vous avez célébré le courage des brigadistes internationaux, partis aider les républicains espagnols. Par contre, croyez-vous qu’un jour, les bobos du Nouvel Observateur ou BHL reconnaîtront à leur tour la pureté de l’engagement des soldats de la Charlemagne comme Bassompierre ou assistons-nous à « un Nuremberg permanent dans l’Europe » comme vous l’avez écrit, toujours 50 ans après ? Que pensez-vous de cette supercherie intellectuelle qui fait des uns des héros et des autres des salauds ?

Michel Mohrt : C’est le politiquement correct. On ne reproche pas, en effet, aux gens d’avoir été communistes alors que l’on sait l’effroyable bilan humain du communisme. Des gens comme Bassompierre se sont battus par idéalisme. J’avais écrit cet article que vous citez après une déclaration de Mitterrand en Allemagne où il disait très justement qu’il y a eu deux sortes de Français à cette époque : ceux qui ont voulu être dans l’action et les autres. Mitterrand et moi étions ces autres. Bassompierre, lui, a voulu s’engager. Mitterrand avait ajouté que, quelque soit l’uniforme sous lequel ils se sont battus, nous devions le reconnaître.

R&A : Ce qui montre qu’avec un bilan politique aussi catastrophique, Mitterrand était sur ce sujet plus lucide et courageux que Chirac et, bien entendu, beaucoup plus cultivé, avec des goûts littéraires très marqués à droite…

Michel Mohrt : Mitterrand avait été vichyssois. Sa formation fut la même que la mienne. Il a été chez les curés puis militant à droite (avec l’Action Française) puis il a été vichyssois. Ce n’est que parce qu’il avait une ambition politique qu’il a compris qu’il devait finir à gauche.

R&A : Pompidou l’avait bien défini en disant qu’il était « l’aventurier de sa propre ambition ».

Michel Mohrt : C’est une très bonne formule en effet. Il a compris qu’il fallait devenir résistant. Comme l’ont compris beaucoup de Français qui avaient été vichyssois.

R&A : Comment expliquez-vous ce basculement politique du monde intellectuel de l’Après-guerre, après l’Epuration en fait…

Michel Mohrt : Déjà, la gauche et la droite ne veulent plus dire grand chose. La « droite » et la « gauche » gouvernent en fait au centre et font des politiques difficilement distinguables. En 1981, Mitterrand et Mauroy ont voulu faire une politique réellement de gauche. Ca a duré deux ans et, pour moi, Mitterrand l’a fait exprès pour montrer que la chose était impossible. La France ne peut pas rester à rebours contre le reste du monde.

R&A : Pour revenir à ce que nous disions d’hommes comme Bassompierre, un roman comme les Réprouvés de Von Salomon vous avait-il plu ?

Michel Mohrt : J’avais lu cela au début de la guerre. J’ai trouvé que c’était très beau. La France est un peu responsable, comme Bainville l’a montré dans Les Conséquences politiques de la paix. Le Traîté de Versailles était trop faible pour ce qu’il avait de dur. Notamment vis-à-vis de l’Allemagne et je comprends que Salomon n’ait pas pu accepter cette humiliation et cette occupation française sur son sol.

R&A : La Bretagne tient une grande place dans vos livres (Le Serviteur fidèle, Les Moyens du bord, La Prison maritime)…

Michel Mohrt : Je suis breton. En dépit de mon nom d’origine germanique, mon grand-père paternel avait épousé une bretonne qui parlait très bien le breton d’ailleurs. Il l’écrivait aussi et avait même eu une correspondance avec un barde (Taldyr). Puis leur fils, mon père, a épousé une bretonne 100%, de Brest. Je suis donc plus qu’aux trois-quarts breton par le sang et je suis né en Bretagne que je n’ai quittée qu’à 23 ans pour aller dans le midi, pour voir autre chose. Mais je me sens profondément breton. Ma famille avait une maison à Locquirec, sur les Cotes d’Armor. Maison où je vais toujours. C’est dans la baie de Lannion que j’ai appris à naviguer et je suis 100% breton. J’y vais souvent, je parle un peu breton.

R&A : Que pensez-vous des gens, comme ceux de Breizh Atao hier, qui luttent pour une Bretagne plus forte et reconnue ?

Michel Mohrt : Je les comprends même si je n’ai jamais cru que la Bretagne pouvait devenir indépendante. Par contre, un certain provincialisme oui. L’Europe va permettre à des pays comme la Bretagne, la Corse, la Savoie, le Pays Basque de retrouver une partie de leur identité. Je le crois profondément. Les Bretons ont une langue qui n’a cependant pas donné de grands ouvrages littéraires. Ils ont eu la chance de pouvoir s’exprimer en français mais cela date d’après la reine Anne. Depuis, la Bretagne est française et je pense que c’est tant mieux pour elle car elle est quand même restée la Bretagne. Dans ma jeunesse, on se sentait très loin de Paris, à Brest ou Morlaix, au bout de la terre (Finistère). On se sentait un peu abandonné et donc c’est là qu’est né Breizh Atao. Je les ai d’ailleurs côtoyés quand je faisais mes études de Droit à Rennes. J’ai souvent discuté avec eux tout en leur disant que leur idéologie était à mon avis irréalisable. J’étais par contre ravi qu’ils aient fait sauter devant la mairie de Rennes une statue représentant la Bretagne à genoux devant la France ! Ce sont des nuances tout cela. Je n’ai jamais cru que la Bretagne pouvait ou avait intérêt à devenir indépendante. Le breton est une langue celtique. Il est d’ailleurs émouvant qu’il n’y ait qu’un seul mot en breton pour désigner deux couleurs, le bleu et le vert : glass. Pour un pays qui est entouré de mer, et ce sont les couleurs de la mer, je trouve cela très beau.

R&A : Une mer qui ne vous sépare pas tant que cela de vos cousins celtiques. Vous devez vous sentir un peu chez vous au Pays de Galles (la langue déjà) ou en Irlande ?

Michel Mohrt : La côte ouest de l’Irlande est la même que la côte bretonne. Bien sûr que je me sens tout à fait chez moi là-bas. Sans aucun doute. J’aime beaucoup l’Irlande, le Connemara notamment. Ce dernier ressemble d’ailleurs à mes Côtes d’Armor qui sont restées assez sauvages, qui n’ont pas été abîmées par le béton (par rapport au sud de la Bretagne). Cette côte qui va de Saint-Malo jusqu’à Brest est vraiment très très belle. Je l’ai faite en bateau bien des fois. Cela dit, il y avait chez moi (il est mort aujourd’hui) un palmier !

R&A : Vous disez que « nous assistons à la mort de l’art oratoire dans les prétoires, dans les églises, dans les assemblées politiques » que vous reliez avec raison avec la mort des humanités. N’a-t-on pas aujourd’hui un désert idéologique où l’économique a tué le politique ?

Michel Mohrt : La diminution du latin et du grec, qui sont des langues oratoires, a été pour beaucoup dans la décadence de l’art oratoire. Il n’y a plus qu’à l’Académie que l’éloquence garde un certain sens. L’éloquence a disparu, même chez les avocats (même s’il en reste quelques grands) ou chez les prêtres où il n’y a plus de sermons. Le ton est devenu celui de la télévision. On dit les choses rapidement, n’importe comment, dans un mauvais français truffé d’anglicismes.

R&A : C’est la mort de Cicéron et Bossuet…

Michel Mohrt : Hélas oui. Curieusement, par opposition à cette décadence de la langue parlée, il y a chez maintenant chez de jeunes écrivains une certaine préciosité de la langue écrite. Cela m’a frappé dans des romans récents.

R&A : Malgré votre attachement à notre langue, vous avez beaucoup apprécié et popularisé la littérature anglo-saxonne, notamment Faulkner. Et un roman comme L’Ours des Adirondacks est très américain…

Michel Mohrt : J’ai personnellement été plus influencé par Hemingway que par Faulkner. Quoique mon roman Le Serviteur fidèle (qui vient de ressortir chez Albin Michel) avait été qualifié par le critique Jean-Louis Bory de faulknerien.

R&A : La Bretagne c’est votre Oxford à vous…

Michel Mohrt : Oui, c’est mon Sud ! Cela dit, ces romanciers américains avaient eux-mêmes été inspirés par les romanciers anglais du XVIIIe siècle. Les premiers romans étaient épistolaires. Un roman par lettres c’est un roman parlé. Simplement, les lettres remplacent les voix.

R&A : Avant, il y avait eu Madame de Lafayette et sa Princesse de Clèves

Michel Mohrt : Madame de Lafayette, en effet, ainsi que les Liaisons dangereuses de Laclos. C’était très fréquent les romans épistolaires à cette époque. Je suis venu de plus en plus, au travers d’Hemingway, au dialogue. Mon dernier roman, On liquide et on s’en va, est tellement dialogué qu’il n’est pas un roman. Je l’ai d’ailleurs qualifié de sotie.

R&A : D’autres Américains vous ont-ils influencé également ? Miller, Steinbeck, Dos Passos ?

Michel Mohrt : Steinbeck moins qu’Hemingway. Miller non. Dos Passos non plus : il a beaucoup influencé Sartre par contre.

R&A : Et les auteurs français ?

Michel Mohrt : Tout d’abord Flaubert. Avec mon roman le plus important (La Guerre civile), j’ai voulu faire l’équivalent pour mon époque de L’Education sentimentale.

R&A : Stendhal, ce souffle épique, ce style ?

Michel Mohrt : Ah oui, Stendhal, le mouvement rapide, la sensibilité qui galope. Que l’on puisse lire dans le Chasseur Vert trois fois dans la même page « Madame de Chastelet était charmante… Madame de Chastelet était très charmante… Elle était vraiment très charmante », eh bien, cela ne me gêne pas. Car c’est enlevé par un mouvement de grande rapidité. Pour moi, un style c’est une voix. Si un romancier n’a pas le courage de faire comme Stendhal, il n’écrira pas de roman.

R&A : Vous rejoignez le point de vue d’un Céline qui disait que le style c’est tout. Céline, c’est quelqu’un qui vous touche ?

Michel Mohrt : Ah oui beaucoup, beaucoup. Surtout le Voyage.

R&A : Vous aviez consacré votre premier livre à un hommage à Montherlant. Vous l’avez connu ?

Michel Mohrt : Je l’ai en effet connu à la suite de ce livre. Mon livre l’avait touché. Contrairement à ce que l’on pouvait penser, c’était un homme très simple et ouvert. J’ai souvent déjeuné avec lui, quelquefois à Paris lorsque j’arrivais à passer de la zone sud à la zone occupée. Nous mangions au Voltaire. La conversation était facile avec lui. Pas du tout comme on l’imagine, le menton haut sur la cravate. Maintenant, écrire un livre sur un auteur, c’est un peu le tuer, se débarrasser d’une influence.

R&A : Un adieu à sa jeunesse en quelque sorte…

Michel Mohrt : Oui, Montherlant m’a moins marqué ensuite. J’avais été davantage touché avant la guerre par ses textes lyriques (Tombeau pour les morts de Verdun, Service inutile, Mors et vita…) que par les Jeunes filles. Service inutile a beaucoup marqué bon nombre de gens de ma génération.

R&A : Plutôt que Montherlant, on vous aurait davantage vu près de Drieu qui, comme vous, est très anglais (Mémoires de Dirk Raspe), élégant voire dandy et grand amateur de femmes… Il vous correspond plus que Montherlant.

Michel Mohrt : En effet ! J’ai été marqué par Drieu aussi. C’est une question de chance aussi. j’ai découvert ses romans plus tard. J’ai même rencontré Drieu une fois. C’était quelques mois avant la fin de la guerre et donc son suicide. Je me rappellerai toujours cette après-midi passée dans son appartement qui était juste derrière les Invalides. Il avait une vue superbe sur le dôme des Invalides et sur Montmartre dans le lointain. Je venais alors d’écrire un article sur L’Homme à cheval. Je venais de le découvrir pour ainsi dire. On s’est très bien entendu. A la fin de cet après-midi, il allait rejoindre des amis aux Champs-Elysées pour aller au cinéma. Je me rappelle encore de ses derniers mots. Il s’est retourné sur le quai du métro et il m’a lancé : « Alors on se revoit ! Où on se voit souvent où on ne se voit jamais. »

R&A : C’est une belle formule ! Et son roman qui vous a le plus marqué ?

Michel Mohrt : L’Homme à cheval donc et Rêveuse bourgeoisie qui tombait sur beaucoup des problèmes que je connaissais moi-même. Quant à Gilles, je l’avais dans ma cantine durant la Drôle de Guerre.

R&A : Comme les Pensées de Pascal pour Drieu ! Et chez les écrivains depuis 1945, qui aimez-vous ?

Michel Mohrt : Ca m’est difficile de répondre. Ce sont mes contemporains. Ce sont les anciens qui m’ont influencé, comme pour tout écrivain. J’aime bien entendu mon ami Michel Déon. Ceci dit, je n’étais pas un Hussard. J’étais plus vieux de 10 ans qu’eux. Eux n’ont pas fait la guerre…

R&A : Ce sont les fameux 20 ans en 45 !

Michel Mohrt : Oui, et la guerre est une expérience qui a beaucoup compté pour notre génération. Avant, j’avais terminé un service de 3 ans en 1939 puis la guerre a éclatée. De sorte que je suis resté 4 ans sous l’uniforme. C’est beaucoup 4 ans dans la vie d’un homme, surtout entre 24 et 28 ans ! Ca compte ! C’est une époque où quelques années de différence comptaient presque autant qu’une génération. Nous avions ressenti la défaite plus cruellement qu’eux et puis nous en avions assez des armes. J’avais donné et j’avais envie d’écrire, de travailler. Cette différence d’âge fut énorme : « Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà » !

R&A : Vous vous intéressez au cinéma ?

Michel Mohrt : J’ai fait de la critique de cinéma au Figaro pendant longtemps. J’ai assisté aux débuts du parlant après avoir connu le cinéma muet. Maintenant, je n’y vais plus. Je regarde la télévision. Je vais même vous avouer que j’attends avec impatience le samedi soir pour revoir la fameuse série Dallas. C’est remarquablement fait, astucieux. J’adore J.R. qui est devenu mon ami de la semaine.

R&A : C’était la première série soap c’est vrai à arriver sur nos écrans européens… Et la musique ?

Michel Mohrt : La musique m’a beaucoup aidé, notamment à vivre sous l’Occupation. Le Quatuor LowenGoethe qui a donné tous les quatuors de Beethoven m’a énormément touché. J’aime beaucoup la musique, tout particulièrement la musique de chambre. La chanson française me barbe. J’en suis resté à Charles Trénet. J’ai bien aimé le jazz aussi et les negro-spirituals. J’adore les chansons de mer. J’en connais des tas que je pourrais vous chanter. Mon ami François-Régis Bastide m’avait dit que j’étais un taureau et que la partie importante du taureau (astrologique) est le cou. Il paraît que le taureau aime chanter. Dans mon cas, c’est tout à fait vrai. Je me rappelle même avoir chanté en breton, notamment un soir avec Pierre-Jakez Hélias.

R&A : On parle de mer. Vous avez eu une tendresse pour les flibustiers, ces gentilhommes de fortune ?

Michel Mohrt : Oh bien sûr ! LE roman qui m’a le plus marqué de toute ma vie et que j’ai voulu imiter dans la Prison maritime c’est L’Ile au Trésor de Stevenson.

R&A : Qui n’a pas rêvé sur ce livre !

Michel Mohrt : Je l’ai lu et relu. C’est mon père qui me l’avait donné. Il a beaucoup compté pour ma formation littéraire.

R&A : Pour finir cet entretien, que pensez-vous de notre monde moderne ?

Michel Mohrt : Je n’en pense que du mal. L’autre jour, j’ai vu le débat actuel sur le mariage des homosexuels. Il y a quelque temps, j’aurais pris cela à la rigolade. Mais là, ça m’a foutu le cafard. J’étais triste. Dans quel monde va-t-on vivre demain ? Je viens de fêter mes 90 ans et je n’ai qu’une envie c’est de m’en aller lorsque je vois où nous en sommes arrivés !

R&A : Et l’immigration qui dénature notre Europe ?

Michel Mohrt : Malheureusement j’ai bien peur qu’il ne soit trop tard. On s’est battu à Poitiers et l’Espagne a retrouvé sa terre après la Reconquista. Mais là, nous vivons une autre conquête de manière pacifique. Si j’étais plus jeune, je fuirais en Californie, dans cette Amérique où j’ai vécu 7 ans (on dit d’ailleurs que pour bien connaître un pays, il faut y payer ses impôts et y tomber amoureux, ce que j’ai fait là-bas !). La côte ouest de la Californie ressemble assez curieusement à la côte ouest de la Corse qui est superbe. La France et l’Europe me déçoivent de ce côté là. Heureusement que sur mes Côtes d’Armor, rien n’a bougé. Je déteste Paris.

Recueilli par Pierre Gillieth, Réfléchir & Agir n°18, automne 2004

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lundi, 28 janvier 2008

Joseph Conrad, voyageur au bout de l'être

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Frédéric SCHRAMME:

Joseph Conrad, le voyageur au bout de l'être

 

On ne peut évoquer l'aventure en littérature sans se pencher sur le cas Conrad. Mais, avec lui, on s'éloigne radicalement des romans de marins de Stevenson et la seule île au trésor est celle de l'esprit, le trois-mâts, conquérant des sept mers devient le véhicule de la pensée de Conrad et le prétexte pour une aventure introspective.

 

Joseph Conrad aimait à se définir comme un romancier qui a été capitaine au long cours plutôt que comme un capitaine en retraite écrivant des romans, son expérience de la vie maritime ne constituant en réalité qu'une trame de fond pour une œuvre d'une autre nature. Ainsi, bien que la fiction de son œuvre épouse largement la réalité des événements vécus par lui ou portés à sa connaissance, son récit est avant tout celui de la vie intérieure, des sentiments et des sensations d'une humanité confrontée aux forces naturelles et de ce qui en résulte. Si l'œuvre de Joseph Conrad parcours toutes les mers du globe, la véritable aventure est celle d'une âme mise à nu et de sa place dans le monde, consciente de ses possibilités, rongée par le doute et libre de ses choix. C'est cette dimension de l'homme où la réflexion précède l'action qui est la véritable mesure du « vrai » dans la pensée de Conrad et lui-même sait « qu'un auteur vit dans son œuvre. Il est là, seule réalité d 'un monde fictif; parmi des choses, des événements, des gens imaginaires. En, les décrivant, il ne fait que se décrire lui-même. »

 

Si la forme de l'œuvre conradienne est une retranscription de son expérience maritime, le fond est imagination pure car « Ce n'est que dans l'imagination des hommes que toute vérité trouve une réelle et indéniable existence. L'imagination, non l'invention, est la maîtresse de l’art comme de la vie ». Et comme : « L'inspiration vient de la terre, qui a un passé, une histoire, un avenir, non du ciel froid et immuable », l'appréhension du monde qui en résulte est soumise à une identité culturelle définie et non à une Raison universellement innée. Donc, si à la lumière de la vie de l'homme s'étire l'ombre de sa pensée, il convient de jeter un regard sur ses origines:

 

Des origines polonaises et nationales-révolutionnaires

 

De son vrai nom Teodor Jozef Konrad Korzeniowski, il naît en 1857 à Terechowa, ville polonaise alors sous administration russe, dans une famille catholique et activiste patriote, précision qui serait un pléonasme concernant les Polonais (et les Irlandais) selon Jean Mabire, il est déporté en même temps que ses parents en Sibérie et deviendra orphelin à l'âge de onze ans. Recueilli par un oncle maternel, il s'embarque à dix-sept ans comme matelot à bord d'un voilier. Lié au milieu des activistes carlistes, du nom du prétendant légitimiste à la succession d'Espagne, il s'adonnera à la contrebande d'armes et tirera de cet épisode de sa vie matière à un roman d'inspiration largement autobiographique: La flèche d'or. Après être devenu lieutenant, il obtient la nationalité britannique, retourne pour quelques mois en Pologne où il est accueilli chaleureusement, passe son brevet de capitaine, débarque définitivement après avoir passé une vingtaine d'années sur les mers et devient écrivain. En tant que sujet britannique, Conrad choisira de s'exprimer dans la langue de Shakespeare, choix qui lui imposera une véritable torture intellec­tuel­le pour chaque phrase sortie du néant. Sa carrière littéraire dure une tren­taine d'années environ et il meurt en 1924 et est enterré à Can­torbéry.

 

Passé directement de l'état de victime dans une société sous admi­nistration étrangère à celui d'acteur dans une civilisation impé­rialiste et colonisatrice, de la solitude contrainte par la suspicion d'é­tat à celle des voyages en mer et surtout de la précarité d'un destin sou­mis à des événements incertains - I'incertitude précaire du mo­ment se révélant souvent être propice au dévoilement des âmes et des comportements - Conrad peut développer une scrupuleuse capacité d'observation du monde des hommes, adoptant le ton d'un relati­vis­me neutre et radical passé à l'aune d'un détachement moral, le dé­ta­chement désignant en fait une réalité aussi étrangère à celle de l'indifférence que peut l'être celle de neutralité à la modération, la tié­deur, l'esprit de conciliation d'un conformisme bien-pensant. C'est sur l'axe qui va du neutre, qui ne s'engage pas, au radical, qui ne tran­sige pas sur l'essentiel, que prend place l'expression de la libre pensée de l'exilé polonais devenu voyageur anglais, se gardant la possibilité de passer de l'un à l'autre au gré des conditions et des difficultés rencontrées.

 

Une valeur cardinale : la fidélité

 

Si l'absence d'un véritable engagement envers une quelconque idéologie a permis à certains de ses biographes de dénier à Conrad la possession de la moindre pensée cohérente, tout au plus de quelques vagues opinions, c'est en réalité le scepticisme qui est le point central, la pierre d'achoppement de la perspective conradienne. Mais ce scepticisme, loin d'entraîner l'aigreur et la désespérance est en fait le catalyseur lui permettant de jeter un regard contemplatif sur un « univers conçu comme un pur spectacle » et capable de dépas­ser le réel ou l'apparent pour atteindre le vrai. « Le scepticisme, le tonique des esprits, le tonique de la vie, l'agent de la vérité - la voie de l’art et du salut ». Mais si pour le biographe Albert Guérard, « Une vision moralisante et conservatrice de la vie était pour Conrad une seconde nature et tenait en échec un fort penchant au scepticisme et de forts élans de révolte » ; le scepticisme est également le moyen pour Conrad d'éviter l'écueil des vérités absolues d'une société victorienne mercantile, sûre d'elle-même et dominatrice, et dont les lois sont à l'opposé des convictions de Conrad puisque, comme il le déclare : « Ceux qui me lisent savent ma conviction que le monde, le monde temporel, repose sur quelques idées très simples, si simples qu'elles doivent être aussi vieilles que lui. Il repose notamment, entre autres choses, sur l'idée de fidélité. ». Cette fidélité, qui est la cause de tout engagement durable, mais aussi celle qui lui permet de maintenir un lien avec la tradition des siens et leur combat, comme le marin perdu en mer se cramponne à la bouée de sauvetage, fidélité entière et totale, même si ses compatriotes lui ont souvent reproché son exil volontaire hors de sa patrie d'origine car, pour Conrad, « La fidélité à une tradition particulière persiste à travers les événements d'une existence qui ne lui est pas liée, tout en suivant scrupuleusement le chemin tracé par une impulsion inexplicable » et dans les abords de ce chemin se démarque « Une vue impartiale de l'humanité à tous ses degrés de splendeur et de misère, jointe à un respect particulier pour les droits des non-privilégiés de ce monde, non pour des raisons mystiques, mais par simple solidarité et par un honorable esprit d'entraide, fut le caractère dominant de l'atmos­phè­re intellectuelle et morale des maisons qui abri­tè­rent mon enfance hasardeuse et constitua l’objet d'une con­viction sereine et profonde, durable et cohérente, aussi éloignée que possible de cet huma­nita­risme qui semble seulement l'effet d'un déséquilibre nerveux ou d'une conscience morbide ».

 

La fidélité et la solidarité, lois fondamentales pour la survie des ma­rins en mer, marquées dans leur cœur plutôt qu'au fronton des capitaineries, sont également nécessaires à l’écrivain en quête de vé­rité et, dans tous les cas, garants contre l'individualisme, l’indé­pen­dance égoïste, l’idée que l'homme serait une unité se suffisant à elle-même mue par des motifs de concurrence, qui donne l'utilitarisme en éthique et le libéralisme en économie (Jacques Berthoud, cf. biblio­graphie).

 

Le sens de l’honneur

 

Avec la fidélité et la solidarité, c'est le sens de l'honneur qui est l'un des thèmes majeurs de la pensée de Conrad puisqu'il reviendra à plusieurs reprises parmi les romans les plus importants de l'auteur. Le premier d'entre eux, La folie Almayer est le récit de la déchéance d'un marchand néerlandais promis à un bel avenir mais qui, au fur et à mesure qu'il s'enfonce dans les terres inconnues, se déshonore et devient la risée de tout le comptoir colonial, finit par vendre de la poudre à ceux qui contestent la présence des siens et meurt, seul et dérisoire dans l'attente d'un hypothétique coup du sort censé le mettre en présence d'un trésor. D'honneur perdu, il est encore question dans Lord Jim, I'histoire d'un jeune marin, commandant en second d'un navire rempli de passagers qu'il abandonne lâchement à leur sort et qui se défend des accusations portées contre lui devant Marlow, personnage récurent, probable alter ego de Conrad, solidaire de l'accusé malgré son ironie et sa distanciation.

 

D'une manière générale, les récits de Conrad sont matières propices à dévoiler toute une galerie de personnages présents pour évoquer toutes les gammes de comportement possible sous ces degrés de latitude et leurs contradictions mutuelles. Par exemple, la fille d'Almayer, métisse indonésienne, incarnation symbolique du choix donné à tous entre une civilisation marchande occidentale rendue pré­caire par la concurrence et celle, tout aussi précaire mais bien plus gratifiante des guerriers (malais en l'occurrence). Mais si le discours de Conrad n'a pas sa place dans le débat sur l'inégalité des races, il réduit à néant également celui sur l'éventuelle supériorité d'une civilisation sur les autres, maladie honteuse de la social-démocratie occidentale et des héritiers universalistes de Jules Ferry, d'autant qu'il est étranger à tout exotisme rousseauiste.

 

L’homme moderne indifférent et inconséquent

 

D'ailleurs, chez Conrad, les Européens sont autant guerriers (sans aucun rapport avec le citoyen conscrit, habituelle chair à canons des guerres économiques qui le dépassent) que les Malais peuvent être domestiques, comme en témoigne Tom Lingard, légataire d'Almayer, et, à l'opposé de Chester, marchand invétéré invitant le lord Jim aux promesses de richesse d'une île à guano, le personnage du Dr Stein, véritable entomologiste de choc, explorateur et guerrier capable de se défendre lui et les siens, philosophe à ses heures et initiateur de la réintégration du jeune lieutenant dans son honneur et que certains ont rapproché de la figure de Merlin ou de Prospero. On le voit, le monde issu de l'imaginaire conradien, donc représentation vitale du vrai, est celui des opposés qui réfute le modèle universel d'un monde des contraires forcément manichéens et qui ne peut aboutir qu'à la diabolisation de l'un des éléments par son antagoniste. Chez Con­rad, le choix est toujours possible sans exclusion (le Dr Stein est également commerçant) et va jusqu'aux figures extrêmes repré­sentées dans Au cœur des ténèbres sous les yeux de Marlow par Kurz, guerrier retombé dans le primitivisme et par le directeur du comp­toir congolais, fonctionnaire comptable zélé et déshumanisé. Mais des deux, c'est paradoxalement Kurz qui, au long du récit, garde à l'esprit la prégnance de l'esprit occidental tandis que le directeur, homme pratique et technocratique est transposable dans toutes les civilisations sans que son caractère en soit affecté. Mais si Kurz est coupable de trahir la civilisation européenne en l'aban­don­nant, le directeur est un homme qui a su régresser avec son temps pour devenir le prototype de l'homme moderne indiffé­rent et inconséquent, archétype de la civilisation du Progrès.

 

L'œuvre du romancier Conrad est donc d'abord celle d'un penseur de l'homme et de ses contradictions. S'il annonce déjà Céline et sa description dans Voyage au bout de la nuit, de la déliquescence de la civilisation européenne sous les tropiques, il demeure fonda­men­tale­ment optimiste en faisant également sienne la vision nietz­schéenne de l’homme, ce ruisseau chargé des alluvions de ses vices et de ses faiblesses cherchant parfois à atteindre à son embouchure la mer de la surhumanité. Mais Conrad n'est ni juge, ni parti et ce qui découle de son œuvre c'est avant tout le choix, celui qui est donné à la plupart de ses personnages et notamment à Marlow, double imaginaire (selon sa propre définition de l’imaginaire) de l'auteur qui, au cours de ses pérégrinations, est amené à observer et à évaluer les hommes et par cet intermédiaire, à faire évoluer son propre caractère pour faire surnager le vaisseau de son propre esprit sur les mers de la contradiction. C'est la garantie de ce choix, qui évite à l'homme de sombrer avec les esprits suffisants et « La troupe vaste de ceux qui manquent complètement d'imagination, de ces êtres au regard vide et aveugle desquels [...] l'univers entier s'évanouit dans un néant total », totalement inaptes à atteindre « notre véritable tâche à nous, les hommes, dont les jours sont comp­tés sur cette terre, lieu d'opinions contradictoires [...] Tâche où le des­tin n'a peut-être rien engagé de nous que notre conscience, douée de voix af in de témoigner véridiquement du miracle visible, de la terreur obsédante, de la passion infinie et de la sérénité sans limite; de la loi suprême et du mystère immuable du spectacle su­blime ».

 

Frédéric SCHRAMME.

 

BIBLIOGRAPHIE

Joseph Conrad:

◊ Des souvenirs; récits, Gallimard 1912

◊ La folie Almayer; roman, Gallimard 1919

◊ Lord Jim; roman, Gallimard 1921

◊ Au cœur des ténèbres; nouvelles, Gallimard 1925

◊ La flèche d'or; roman, Gallimard 1918

Jacques Berthoud:

◊ Joseph Conrad: Au cœur de l'œuvre; Criterion 1992.

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dimanche, 27 janvier 2008

E. E. Dwinger: sens de la souffrance

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Ulli BAUMGARTEN:

Edwin Erich Dwinger: donner un sens à la souffrance

 

Au cours de sa jeunesse, il arrive de tomber sur les livres de certains écrivains qui vous impressionnent tellement que leur œuvre ne vous quitte jamais plus. Edwin Erich Dwinger, écrivain très célèbre sous la République de Weimar, qui fut, à côté de Werner Beumelburg, le principal écrivain du « nationalisme soldatique » (soldatischer Nationalismus), appartient aujourd’hui à la catégorie peu enviée des écrivains oubliés de l’entre-deux-guerres. Même si certains de ces livres ont été réédités, il y a quelques années, son nom ne dit plus rien à personne, y compris dans les rangs du néo-conservatisme néo-nationaliste, où, forcément, on ne lit plus ses livres. A tort !

 

Edwin Erich Dwinger est né le 23 avril 1898 à Lübeck, fils d’une mère russe et d’un officier allemand. Pendant toute sa vie, il a été tiraillé entre l’Allemagne et la Russie. Comme pour beaucoup de jeunes Allemands de sa génération, la première guerre mondiale sera l’événement central de son existence. Il se porte volontaire en 1915. Les années de guerre le marqueront tellement qu’à sa profession de paysan, librement choisie, il ajoutera celle d’écrivain, mu par le désir ardent de raconter son vécu de combattant et d’y identifier sa patrie, l’Allemagne.

 

Après un bref engagement sur le front russe, le jeune aspirant d’un régiment de dragons, âgé de 17 ans est grièvement blessé et pris prisonnier par les soldats du Tsar. Avec ses camarades, il aboutit au terrible camp de prisonniers de Totzkoïe, dont des milliers de soldats allemands ne reviendront jamais. L’administration du camp est inhumaine : les détenus meurent du typhus ou, plus simplement et plus cruellement, de faim. Dans la première partie de sa trilogie « Die deutsche Passion » (= La passion allemande), intitulée « Armee hinter Stacheldraht » (= Une armée derrière les barbelés), Dwinger tente de donner un sens à cette souffrance indicible, provoquée par la brutalité de l’administration du camp ; il écrit : « Tout homme qui n’est pas capable de sa sacrifier pour une idée, de quelque nature qu’elle soit, n’est pas un homme au sens le plus élevé (…). Nous subissons ici, ce qui fait de l’homme un homme : souffrir pour une idée ». Les survivants de cet enfer sur la Terre finiront par être transportés plus à l’Est, aux confins de la Chine. Bien que la guerre entre le Reich et la Russie se soit terminée en 1917, les prisonniers de guerre allemands, devenus jouets aux mains des Blancs et des Rouges, sont maintenus dans les camps. Les derniers ne seront libérés qu’en 1921.

 

Entre Blancs et Rouges

 

Dwinger réussit toutefois à s’échapper du camp en 1919, mais est repris prisonnier par les Blancs anti-bolcheviques, et placé devant l’alternative : ou la mort ou l’engagement dans la lutte contre les communistes. Dans le deuxième volume de sa trilogie, « Zwischen Weiß und Rot » (= Entre Blanc et Rouge), Dwinger décrit la pire et la plus brutale des guerres, la guerre civile. Il y décrit les atrocités commises par les uns et les autres, ciselant les phrases les plus poignantes de son œuvre. Au début des années 20, l’Europe a eu peur du bolchevisme mais en a également été fascinée. La peur du bolchevisme explique l’émergence de partis radicaux de droite. Seuls ceux qui ont vécu le destin du peuple russe en ces années terribles de la guerre civile entre Blancs et Rouges peut comprendre de tels sentiments.

 

La défaite de l’armée de Koltchak, à laquelle le malgré-lui Dwinger appartenait, signifia l’effondrement définitif de la résistance anti-bolchevique. Dwinger se retrouve une nouvelle fois dans un camp de prisonnier. Il s’évade et peut, à l’été 1920, franchir la frontière allemande. D’heureuses circonstances lui permettent d’acquérir un emploi d’intendant dans une grande propriété de Prusse orientale. Quelques-uns de ces camarades y ont également trouvé refuge et ont essayé d’y démarrer une carrière de paysan-défricheur. Dwinger décrit les troubles de ces années, avec la cession forcée de territoires allemands et l’inflation galopante, dans le troisième volume de sa trilogie « Wir rufen Deutschland » (= Nous appelons l’Allemagne). Cette trilogie, parue entre 1929 et 1932, a assis la réputation d’écrivain de Dwinger.

 

La majeure partie de son œuvre complète, comptant plus de trente livres totalisant près de deux millions de volumes, est consacrée aux rapports germano-russes. Ainsi, par exemple, « Die letzten Reiter » (= Les derniers cavaliers), livre paru en 1935. L’auteur y décrit la tragédie des Pays Baltes et de la caste dominante allemande qui y était installée depuis plus de 700 ans. Cette caste avait participé à l’éclosion culturelle et à l’essor économique de cette région d’Europe. « Und Gott schweigt ? » (= Et Dieu se tait ?), paru en 1936, est également un ouvrage très connu de Dwinger. Il y décrit les impressions d’un jeune communiste, qui émigre en 1933 en Russie, mais est horrifié par la situation de la Russie bolchevique, se transforme progressivement en militant anti-communiste et revient en Allemagne.

 

Dwinger et la politique slave du IIIième Reich

 

Vu ses origines et ses expériences vécues, vu cette double im­pré­gnation biologique et existentielle, Dwinger est resté pendant toute sa vie un anti-communiste convaincu, mais, sous le Troisième Reich, n’a jamais accepté la politique slave de l’Etat national-socialiste. Dwin­ger voulait donner aux peuples de Russie une place équi­va­lente, des droits égaux et un rôle égal, à celui des Allemands. Pour cette raison, les rapports entre Dwinger et les détenteurs du pouvoir nationaux-socialistes ont toujours été ambigus. En tant que repré­sen­tant du mouvement littéraire du « nationalisme soldatique », il ap­partenait davantage au camp national-révolutionnaire qu’à celui des pro­tagonistes de la politique raciale du IIIième Reich. Cependant Dwin­ger n’a pas résisté à l’appel de Heinrich Himmler, Reichsführer SS. Pendant la campagne de Russie, il devient SS-Obersturm­bann­führer et surtout conseiller spécial de Himmler pour les questions so­viétiques.

 

Mais la carrière de Dwinger s’est poursuivie aussi en dehors du ca­dre SS. Dès 1933, il était devenu membre de la section littéraire de l’Académie Prussienne des Arts et « Sénateur culturel du Reich » (Reichs­kultursenator), une fonction avant tout honorifique, non as­sor­tie d’un quelconque pouvoir dans la scène culturelle de l’Etat na­tional-socialiste, plurielle et divisée en factions antagonistes. Toute­fois, ces positions de natures académique ou politique nous permet­tent de douter du rôle de « résistant » que Dwinger s’était donné après 1945. Dans la procédure de dénazification qu’il a subie, ses ju­ges lui ont toutefois accordé « un grand courage à plusieurs repri­ses » ; il aurait été « jusqu’au bout du possible ».

 

Après la seconde guerre mondiale, Dwinger a connu encore une fois le succès littéraire, avec son livre « Wenn die Dämme brechen » (= Lorsque les barrages cèdent), paru en 1950, où il décrit l’effon­dre­ment de la Prusse orientale. Le 17 décembre 1981, Dwinger meurt ; avec lui disparaît un écrivain allemand qui a incarné, comme aucun autre, les liens tragiques entre l’Allemagne et la Russie. Certes, il serait bien trop simple de décrire Dwinger comme le contraire de Re­marque, de la réduire à une sorte d’anti-Remarque. Mais sans le suc­cès mondial de Remarque, avec « A l’Ouest rien de nouveau », et sans le rejet unanime de ce livre par le camp nationaliste sous Wei­mar, les ouvrages de Dwinger n’auraient pas connu le succès qu’ils ont eu.

 

Ulli BAUMGARTEN.

(texte issu de Junge Freiheit, n°23/1999).

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samedi, 26 janvier 2008

Menno ter Braak

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26 janvier 1902: Naissance à Eibergen aux Pays-Bas du critique et philosophe néerlandais Menno ter Braak. Nietzschéen de pure eau, Menno ter Braak va systématiquement s’attaquer aux préciosités incrustées dans la littérature, en se montrant souvent brusque et cassant. Cette activité d’arracheur de masques et de fioritures lexicales lui vaudra le surnom de “Conscience de la littérature hollandaise”. Fondateur du magazine littéraire Forum en 1931, il mènera une guerre sans pitié contre l’esthétisme ampoulé qui alourdit, à ses yeux, la littérature néerlandaise depuis les années 1880. Deux critères seulement trouvent grâce à ses yeux : l’intégrité et l’originalité. Il exprime le fondement de sa pensée dans Het carnaval der burgers (= Le carnaval des bourgeois), publié en 1930. Son nietzschéisme le conduit à haïr les gesticulations politiques et les dogmes idéologiques et religieux (cf. Politicus zonder partij ; = Homme politique sans parti). Son horreur des mouvements de masse le conduit à se suicider peu après l’entrée des troupes allemandes aux Pays-Bas en mai 1940.

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vendredi, 25 janvier 2008

Joseph Görres

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25 janvier 1776, naissance à Coblence en Rhénanie du philosophe Joseph Görres.

Au début de sa grande carrière de penseur politique et de théologien, il montre un enthousiasme pour la révolution française et pour le “Club des Jacobins” qui sévit dans sa ville natale, bientôt annexée à la “République”. Il part à Paris pour plaider cette annexion de la Rhénanie mais revient dégoûté des mœurs politiques parisiennes.

Görres avait imaginé que la révolution allait avoir un effet bénéfique sur le plan éthique. Elle n’a généré pourtant que corruption et déni de droit et de justice. Pendant la première décennie du 19ième siècle, il se retire, entièrement désillusionné, de la politique et s’adonne aux études philosophiques, pour découvrir la “Naturphilosophie” de Schelling, le renouveau romantique allemand et la pensée mystique médiévale, ce qui l’amène, tout naturellement, à rejeter les principes secs et froids de la pseudo-pensée des “Lumières”.

Dès 1814, il fonde le journal “Rheinischer Merkur”, autour duquel se forme un club politique original, critique à l’endroit des folies révolutionnaires, mais non adepte de la restauration pure et simple. Au nom d’une pensée romantique, organique et mystique, il critique sévèrement cette volonté arbitraire de restauration. Son journal est interdit et il est contraint à l’exil, en Suisse et en Alsace.

Rappelé par le roi de Bavière à Munich, pour une fonction d’enseignant, il y approfondit ses études sur la mystique et sur l’œuvre de Saint François d’Assise. La vie de Görres est donc un itinéraire intéressant, dans la mesure où il prouve que les philosophades des Lumières ne valent que ce qu’elles valent, c’est-à-dire pas grand chose sinon rien, et que le recours à l’essence de l’Europe passe par une redécouverte du patrimoine mystique. Pour en savoir plus, cf.: www.bautz.de

lundi, 14 janvier 2008

Citation de Jean Giono

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La fortune et la gloire ?

« Que faut-il pour réussir ? De la bravoure ? De l’obstination ? De la chance ? Du génie ? Non : de la médiocrité. Quoi que produise le médiocre, c’est un produit qui s’adresse au plus grand nombre. Il est sûr de son affaire, il a les qualités requises par la majorité des individus. S’il s’agit d’un milliard d’hommes, le médiocre est sûr d’être compris et trouvé logique par plus de neuf cent millions. S’il s’agit d’un livre, d’une épingle de nourrice, d’un dentifrice, de n’importe quoi que ce soit qui se vende, même d’un objet tout à fait inutile, et même embêtant, et même comme le diabolo, le yoyo, et cent mille objets médiocres dont les noms sont dans toutes les bouches, neuf cent millions d’individus sur un milliard liront le livre, adopteront l’épingle de nourrice, se laveront les dents avec le dentifrice, ou bêtifieront à qui mieux mieux avec le yoyo, inutile, mais exactement adapté à leur médiocrité personnelle.

Le génie n’est à conseiller à personne ; enfin à personne de ceux qui veulent la fortune et la gloire. On n’atteint à l’unanimité, à l’adhésion des foules et aux sommets des honneurs que par la médiocrité."

Jean Giono, La fortune et la gloire - In "Les terrasses de l’île d’Elbe", Gallimard.

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jeudi, 10 janvier 2008

A homage to A. Solzhenitsyn

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A homage to Alexander Solzhenitsyn

This is the first in what I hope will be a series of postings translated by Fred Scrooby from Robert Steuckers’ interesting and important Synergies Européennes site.

Steuckers, interviewed here by the New Right journal Synthesis, is a heavyweight figure in the philosophical background of European nativist politics.  Synergies Européennes exists to gather and circularise not Steuckers own thought particularly, but all contributions of interest to the movement.  This first quite brief translation, A homage to Alexander Solzhenitsyn, was initially published a year ago and appeared on Altermedia - though untranslated.  Steuckers chose to repost it this month, and Fred and I hope you find it a little more instantly readable now and of interest.

Finally, I want to thank Fred publicly for undertaking this task.  He is MR’s premier polyglot, and talent like that just can’t be allowed to go to waste!

GW

Slavic languages specialist Barbara de Munnynck, who is Flemish, devotes two full pages in the Flemish newspaper De Standaard (December 8, 2006) to enthusiastically paying homage to Russian author Alexander Solzhenitsyn.  She retraces and analyses his whole body of work and writes this very fitting conclusion:

Solzhenitsyn is no longer in fashion.  It’s because of the recent political upheavals.  Simply put, this man by his nature stands apart from all fashion.  Though known as a political writer, he’s closer to a religion-inspired moralist.  He critiqued the Soviet dicatorship from a spiritual point of view, not in the name of an alternative political ideology.  Measured against the yardstick of Solzhenitsyn’s ethical criteria, neither the West nor the New Russia has any worth.  For these reasons Solzhenitsyn might be considered merely a grumpy old man or a perennial dissident.  No matter:  his attitude toward life, one of coherence, commands respect.  It was forged under trying circumstances and has certain things in common with the Christian humanism of St. Augustine, St. Thomas Aquinas, and Edmund Burke.  Solzhenitsyn is a venerable prophet whose message exists beyond the passage of time.  The enthusiasm for him personally during the Cold War was as strange as the disinterest in him today.

Barbara Munnynck’s reflections allow us to draw a few general conclusions:

It becomes ever more clear that our turbulent, agitated, unbridled-capitalist age needs to be judged based on criteria that stand outside of time.  Man’s great works and his equilibrium presuppose long duration; nothing great and lasting can emerge out of the infernal parade of bizarre novelties that strike societies such as ours.  Men require long-term trail-markers and find themselves in trouble if these disappear.  Beyond this or that religion, presented here a priori as the source of Solzhenitsyn’s inspiration, it is this attitude of respect in the presence of long memory, in the presence of all manner of continuity, that we must recover.

Coming up with alternative ideologies presented as panaceas that will straighten everything out serves no purpose or can only lead to new catastrophes.

In order to recover this sense of long duration or long memory, other works than those of Augustine or Thomas Aquinas are necessary.  It amounts to taking the fascinating inventory of mankind’s great spiritual productions.

The disinterest in Solzhenitsyn is the result mainly of two things: in a famous speech at Harvard University he scourged Westernism and Americanism; in the wake of communism’s collapse he didn’t applaud Russia’s westernization.  Thus did he distance himself from the boilerplate repeated ad nauseam in the great global media, centered around opinion-forming American press agencies and leading us in every way to believe americanism is history’s happy, splendid final stage and that Russia’s westernization, despite the failures, is a magnificent opportunity being offered to Russia’s peoples.

Translation from the original French by Fred Scrooby

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