Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 27 janvier 2010

Saint Chesterton, riez pour nous !

Saint Chesterton, riez pour nous !

Dieu : la preuve par l’Absurde

Ex: http://www.causeur.fr

g-k-chesterton

Puisque la mode est aux béatifications, j’en ai une bien bonne à vous raconter ! En plus, celle-là n’a guère été médiatisée, et pour cause : Gilbert K. Chesterton n’a pas été pape de 1939 à 1945. Primo, la place était prise ; deuxio les papes anglais, ça se fait plutôt rare ces deux mille dernières années ; et puis de toute façon, l’intéressé était mort depuis trois ans.
Accessoirement, la cause de béatification de Gilbert n’en est qu’à ses tout débuts. C’est seulement l’été passé que le Chesterton Institute a eu l’idée de l’introduire auprès du Vatican, à l’issue d’un colloque judicieusement intitulé  “The Holiness of Gilbert K. Chesterton“.
La nouvelle fut annoncée au monde ébahi le 14 juillet dernier par Paolo Giulisano, auteur de la première biographie en italien de mon écrivain ultra-mancien préféré1.

Il y raconte comment Pie XI avait réagi à l’annonce du décès de Chesterton (par la plume de son secrétaire d’Etat Eugenio Pacelli, encore lui !) Bref le pape Ratti déplorait, dans son message de condoléances, la perte de ce “fils fervent de la Sainte Eglise, brillant défenseur des bienfaits de la foi catholique.”

C’était seulement la deuxième fois dans l’Histoire qu’un pontife décernait ce titre, jadis prestigieux, de “défenseur de la foi” à un Anglais. Et encore, rappelle malicieusement Giulisano, la première fois ce ne fut pas un succès : ça concernait Henry VIII, peu avant qu’il n’invente sa propre Eglise pour des raisons de convenance personnelle2.

Le chemin de Chesterton fut exactement inverse : élevé dans le protestantisme pur porc, marié à une “high anglican“, il n’a cessé de se rapprocher du catholicisme jusqu’à s’y convertir.
Dès ses jeunes années de journaliste, Gilbert s’exerça à dézinguer tour à tour les penseurs organiques de la société anglicano-victorienne : Kipling, Wells, G.-B. Shaw et leur “monde rapetissé”.
En 1901, il publie ses chroniques dans un recueil aimablement intitulé Hérétiques. Pourtant, il ne sortira lui-même officiellement de cette hérésie dominante, en se faisant baptiser, qu’à 40 ans passés… Le temps sans doute de peser la gravité d’une telle apostasie, et surtout de ménager son épouse – qui le suivra un an plus tard dans cette conversion. Happy end !

Dans l’intervalle, il avait quand même publié Orthodoxie, son Génie du christianisme à lui, en moins chiant quand même. Ce Credo iconoclaste, si l’on ose dire, fut sa réponse à une question mille fois entendue, genre : “C’est bien beau de tout critiquer, mais tu proposes quoi, petit con ?” (Gilbert avait 27 ans à la parution d’Hérétiques.) Une réponse en forme de pamphlet prophétique et drôle qui à coup sûr, un siècle plus tard, a moins vieilli que l’avant-dernier Onfray.
Je ne saurais trop recommander la lecture de ce chef-d’œuvre d’humour et d’amour – y compris à ceux d’entre vous qui n’ont “ni Dieu ni Diable”, comme disait ma grand-mère3. Après tout, les amateurs de films de vampires ne croient pas tous à l’existence de ces fantômes suceurs de sang…

Je reviendrai volontiers, à l’occasion, sur l’apologétique chestertonienne, pour peu qu’Elisabeth Lévy m’en prie… Mais pour aborder le bonhomme, dont toute l’œuvre n’a d’autre but que de mettre l’esprit au service de l’Esprit, il semble plus raisonnable de commencer par le “e” minuscule. Surtout sur un site comme Causeur – laïc et gratuit, faute hélas d’être obligatoire.

Journaliste, essayiste et romancier, “confesseur de la Foi” et auteur de polars, Chesterton fut d’abord, dans toutes ces entreprises, un incomparable théoricien mais aussi praticien du Rire (contrairement à l’ami Bergson, qui rit quand il se brûle4).
Ainsi, dans Le Défenseur5, publié la même année qu’Hérétiques, consacre-t-il un chapitre à la “Défense du nonsense”. Est-ce à dire que sa foi relève elle-même du nonsense ?

La réponse est oui à toutes les questions ! Ce punk, figurez-vous, n’hésite pas à justifier un paradoxe par un jeu de mots. Le fou, le vrai, nous dit-il, ce n’est pas comme dans le dico l’homme qui a perdu la raison ; c’est “celui qui a tout perdu sauf la raison”.
Le nonsense au sens de l’oncle Gilbert, c’est le contraire de la folie : une des façons les plus sensées, pour nous autres pauvres créatures – peut-être même pas créées ! – d’assumer notre condition. Et d’abord notre incapacité naturelle à “comprendre” l’Univers qui nous inclut. Il ferait beau voir, n’est ce pas, qu’un contenu explique son contenant !
Mais Chesterton ne plaisante pas avec le nonsense. N’allez pas, par exemple, lui parler de Lewis Carroll ! Son Alice au Pays des Merveilles relève tout juste de l’ ”exercice mathématique”. Loin d’abjurer la foi en la déesse Raison, il en intègre tous les principes. Ses fantaisies millimétrées ne sont pas un moyen d’évasion : juste la cour de la prison !

Le vrai nonsense selon G.K., il faut aller le chercher chez Edward Lear (1812-1888), passé d’extrême justesse à la postérité grâce à ses Nonsense poems6. Pourtant, au temps de Chesterton déjà, ce ouf malade était bien démodé, quand “Alice” avait commencé de s’imposer comme la Bible du nonsense.
Eh bien, Gilbert s’en fout : la différence irréductible, explique-t-il, c’est que les limericks de Lear ne riment littéralement à rien – même si leur versification, elle, a la rigueur métronomique d’une nursery rhyme. Et si l’ensemble donne une idée de l’Absolu, c’est qu’il n’est relatif à rien de particulier : ouvert comme un Oulipo en plein air.

Bien sûr la lettre en est inaccessible, et plus encore au lecteur non anglophone. Reste l’esprit, qui n’en est que plus libre.
Un exemple ? Mais bien volontiers : à la demande générale, laissez-moi “traduire” les premiers vers de Cold are the crabs, un des plus beaux poèmes du roi Lear 7. Ça m’a pris plus d’une heure pour un quatrain, alors doucement les basses ! De toute façon, je ne risque rien : personne n’a jamais pu faire le job convenablement, même Google !

Faute de “sens” conventionnel, que traduire exactement ? Rien. A sa façon, le learisme est un darwinisme : adapt or die ! Voici donc mon adaptation de Cold are the crabs8 (on considérera comme muets, par licence poétique, les “e” qui figurent entre parenthèses) :
“Froids sont les crab(e)s qui rampent sur nos monts,
Et plus froids les concombr(e)s qui poussent tout au fond ;
Mais plus froides encor(e) les menteries cyniques
Qui emballent nos trist(e)s pilules philosophiques.”

Comment ça, je ne suis pas fidèle au texte ? Mais qui êtes-vous pour parler de contre-sens dans l’adaptation d’un nonsense ? Bien sûr, là où j’écris “menteries cyniques”, Google préfère traduire littéralement “côtelettes d’airain”. Du coup ça vous prend une consonance surréaliste, et ça perd tout sens.

Or, pour notre ami Gilbert, le vrai nonsense a un sens, et c’est précisément que le sens de la vie nous est caché ! On ne peut y accéder qu’en passant par le “Royaume des Elfes”.

Pas les délires formatés à la Lewis Carroll ; plutôt les rêveries inspirées à la C.S. Lewis… Je sais : Chesterton n’a connu que l’un des deux, et moi aucun. Mais à ce compte-là, qu’est ce qu’on fait de vous ?

En tout cas, ça serait con de se brouiller maintenant, surtout sans raison. Alors j’en ai trouvé une excellente : pinailler jusqu’au bout sur le sens du nonsense.
Deux erreurs de perspective, plutôt courantes ces derniers siècles, consistent d’un même mouvement à naturaliser le surnaturel et à surnaturaliser le naturel. Grâce au nonsense, prêche le père Gilbert, sortons enfin de ce cercle vicieux !
Admettons-le une fois pour toutes en souriant : quelque chose ici-bas nous dépasse ! “Et si les plus vieilles étoiles n’étaient que les étincelles d’un feu de joie allumé par un enfant ?”


Les enquêtes du Père Brown
Gilbert Keith Chesterton
Omnibus
Acheter chez Amazon.fr
  1. Et encore, il la partage avec l’excellent Hilaire Belloc (”Chesterton & Belloc : Apologia e Profezia”, Ed. Ancora).
  2. Du temps de son “Adversus Lutherum”, qui fait toujours autorité.
  3. Maternelle. L’autre était athée.
  4. Et encore, au deuxième degré !
  5. Un des noms de Dieu dans la Bible.
  6. Que Chesterton et son pote Hilaire ont même tenté d’imiter ; mais on ne peut pas être doué pour tout, n’est ce pas ? Moi-même, etc.
  7. D’après moi.
  8. Cold are the crabs that crawl on yonder hills,
    Colder the cucumbers that grow beneath,
    And colder still the brazen chops that wreathe
    The tedious gloom of philosophic pills
    !

mardi, 22 décembre 2009

Le monothéisme comme système de pouvoir en Amérique latine

folklore-de-colombie-visoterra-18177.jpg

 

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1999

 

 

Le monothéisme comme système de pouvoir en Amérique latine

 

 

Jacques-Olivier MARTIN

 

Considéré comme le bastion traditionnel du catholicisme, l'Amérique latine est actuellement l'enjeu de luttes d'influence entre différents groupes religieux chrétiens dont le prosélytisme atteint son paroxysme. Vivement encouragés par les dirigeants politiques du continent, le développement des sectes protestantes permet d'assurer le contrôle politique de populations misérables qui constituent le terreau des guérillas anti-américaines et dont quelques prêtres catholiques, adeptes de la Théologie de la Libération ont pris la défense. Particulièrement visés par cette stratégie, les Indiens constituent en effet une menace pour le système car ils associent revendications sociales et défense de leur identité culturelle et religieuse. D'où l'intéret d'une religion associant individualisme, universalisme et soumission à I'ordre établi, valeurs par excellence d'une société soumise à I'hégémonie américaine.

 

Un continent soumis depuis cinq siècles à l'hégémonie européenne, puis américaine

 

Avec l'accession à l'indépendance des anciennes colonies de la couronne d'Espagne, l'Amérique latine connaît tout le contraire d'un processus d'émancipation durant le XIXième siècle. Ses élites politiques, essentiellement espagnoles, ne parviennent pas à contrer les plans de l'Angleterre qui impose le morcellement de l'empire en une kyrielle de petits États. C'est ainsi qu'ils font échouer, en 1839, le projet de Grande-Colombie initié par Simon Bolivar, et font exploser les Provinces-Unies d'Amérique centrale en plusieurs petits États de taille ridicule. Conformément à sa logique de thalassocratie, l'Angleterre empêche ainsi la constitution de toute puissance continentale qui pourrait contester les règles commerciales et financières qu'elle impose facilement à de petits États clients.

 

Les États-Unis, malgré la politique de solidarité panaméricaine annoncée par la doctrine de Monroe datant de 1823, se méfient aussi de l'émergence d'une puissance ibéro-américaine. La création du micro-Etat panaméen en 1903 est la mise en application la plus éloquente de ce principe, les Américains fomentant une révolte contre la Colombie pour obtenir la sécession du Panama, afin de se faire concéder la souveraineté sur le canal par un régime panaméen faible et soumis à l'Oncle Sam.

 

L'éclatement de l'Amérique latine en une vingtaine d'États ouvre pour le continent une ère de chaos et d'anarchie entretenue par les grandes puissances. Des conflits meurtriers opposent ainsi de jeunes nations; tels que la guerre du Pacifique des années 1880, entre le Pérou et la Bolivie d'une part, et le Chili d'autre part. Les dépôts de nitrate du désert d'Atacama suscitaient en effet la convoitise des trois États mais les capitalistes européens ont soutenu financièrement le Chili, vainqueur du conflit, car le gouvernement péruvien avait appliqué une politique spoliatrice à leur égard. La stratégie américaine du Big Stick  (gros bâton) et de la diplomatie du dollar vient concurrencer les Européens, surtout vers la fin du XIXième siècle, lorsque les Etats-Unis chassent les Espagnols de Porto-Rico et de Cuba, îles dans lesquelles ils avaient investi dans les plantations de canne à sucre. En 1901, l'amendement Platt voté par le Sénat transforme Cuba en un protectorat de fait, Haïti et Saint-Domingue subissant le même sort en 1916 et en 1923. Quant à la diplomatie du dollar, elle s'applique aux États plus solides ou plus éloignés de la sphère d'influence américaine.

 

Le sous-développement endémique dont a toujours souffert l'Amérique latine s'explique donc en partie par sa dépendance politique. La composition ethnique des États de la région, héritage de la colonisation espagnole, ne fait qu'aggraver le phénomène car, face à une masse indigène, noire ou métisse, une élite créole affiche un sentiment de supériorité sociale et ne montre guère d'intérêt pour le développement économique. Lorsqu'une mine est exploitée à l'aide de capitaux et d'ingénieurs européens, il est fréquent que la ligne de chemin de fer qui achemine le minerai destiné à l'exportation vers le port ne soit même pas connectée à la ville la plus proche.

 

Eralio%20Gill%20et%20Nicolarapa.jpgLa Révolution mexicaine de 1912 est sans doute la première réaction notable à cette situation de pillage du pays par les capitalistes étrangers et leurs collaborateurs locaux. Le Mexique était en effet dépossédé de ses champs pétrolifères dont la concession était accordée aux compagnies anglo-saxonnes; tandis que lrs terres se concentraient entre les mains de quelques familles au détriment des communautés indiennes. Cette Révolution est l'aboutissement d'un mouvement pour l'émancipation des Indiens et contre le capital étranger, s'accompagnant de la lutte contre le clergé catholique qui est considéré comme le meilleur allié du régime. Le rôle de ce dernier a été déterminant dans les conflits qui ont ponctué l'histoire de l'Amérique latine, surtout au XXième siècle, période de remous et de mutations pour l'Église catholique.

 

L'Église catholique dans la tourmente révolutionnaire.

 

Les sociétés latino-américaines ont longtemps été dominées par la trilogie Evêque-Général-Propriétaire terrien. Cette alliance du sabre et du goupillon est conforme à la définition de la religion, certes restrictive  —mais particulièrement pertinente lorsque l'on analyse le rôle de l'Église catholique sur ce continent—  du sociologue français Pierre Bourdieu. Selon lui, le religieux se caractérise par sa fonction de conservation et de légitimation de l'ordre social. Si les diverses religions polythéistes traditionnelles encore pratiquées à travers le monde ont rarement pour objectif de conquérir et d'influencer le pouvoir, les monothéismes chrétien et musulman ne font quant à eux pas preuve de la même faiblesse, s'appuyant largement sur les régimes politiques en place, quelle que soit leur nature.

 

Le Vatican joue d'ailleurs un rôle direct dans la politique latino-américaine, tel le nonce apostolique négociant la reddition de Noriega à Panama ou le cardinal de Managua qui œuvre à la recomposition politique d'une opposition au gouvernement sandiniste. Si l'Église a constitué la première force d'opposition au régime du général Pinochet, la majorité de la hiérarchie catholique conservatrice du Brésil contribue à la chute du président J. Goulard en 1964 et à l'instauration du gouvernement militaire. En organisant «une marche avec Dieu pour la famille et la liberté»,en mars 1964, avec le financement de la CIA et du patronat, elle assène un coup décisif au régime civil. Son but est en effet de mettre un terme aux réformes sociales entamées par le régime, assimilées à une évolution vers le communisme et soutenues par la minorité réformiste du clergé s'inspirant de Dom Helder Camara.

 

L'Église est aussi au centre des conflits qui ensanglantent l'Amérique centrale depuis des années, où elle torpille le projet réformiste du président Arbenz au Guatemala. Au nom de l'anti-communisme, le Congrès eucharistique réunit 200.000 personnes en 1951dans une croisade pour la «défense de la propriété». Par la suite, le cardinal Casariego restera muet sur les atrocités commises par les juntes au pouvoir à partir de 1954. Quant à la famille Somoza, elle a bénéficié aussi du soutien de l'Église nicaraguéenne, l'archevêque de Managua sacrant, en 1942, la fille du dictateur reine de l'armée avec la couronne de la Vierge de Candelaria.

 

La Théologie de la libération rompt avec l'attitude traditionnelle de l'Église catholique.

 

Le changement d'attitude de l'Église date de la fin des années cinquante, à la suite du choc causé par la révolution cubaine de 1958. Bien avant la convocation du Concile Vatican II, le pape Jean XVIII manifeste en effet la volonté que l'épiscopat latino-américain sorte de son inertie et s'adapte aux réalités du continent, soulignant l'urgence d'une réforme des structures sociales. Selon lui, l'Église doit retrouver l'appui des masses en adoptant un discours différent de celui de l'acceptation des rapports sociaux, idée développée lors du congrès de Medellin de 1968.

 

Le Concile Vatican II développe ainsi plusieurs thèmes devant réconcilier le peuple et son Église, qui doit désormais se considérer comme le «peuple de Dieu». Le rôle du laïc est revalorisé afin de rendre plus active la parti­ci­pa­tion de tous les fidèles aux célébrations liturgiques et à l'enseignement du catéchisme. Les paroisses sont décentralisées pour que des «commu­nautés de base» s'auto-organisent dans le monde rural et dans les bidon­villes. L'intérêt que présentent ces communautés est double: d'une part elles intègrent dans les chants et les rituels certains éléments de la reli­gio­si­té populaire, d'autre part elles sont le lieu où les populations pau­vres dis­cu­tent des problèmes quotidiens avec des animateurs.

 

En Amérique centrale, ces théologiens de la libération sont même à l'origine du développement de plusieurs mouvements révolutionnaires, effectuant un travail de conscientisation des masses et brisant le tabou de l'incompatibilité entre chrétiens et marxistes. Che Guevara est le symbole de cette pensée christo-marxiste qui reconnaît le droit à l'insurrection. En outre, le “Che” fait figure de martyr dans les églises populaires. En disant que la révolution latino-américaine serait invincible quand les chrétiens deviendraient d'authentiques révolutionnaires, il prouvait que ce basculement idéologique de l'Église risquait de déstabiliser des régimes politiques privés de réels soutiens populaires.

 

Au Nicaragua, où les communautés de base diffusent la propagande du front sandiniste, le Père Ernesto Cardenal est converti par les Cubains aux thèses révolutionnaires et prône l'idée que le royaume de Dieu est de ce monde. Les chrétiens seront d'ailleurs représentés dans le gouvernement san­diniste dans lequel ils auront quatre ministres. Au Guatemala, la jeunes­se d'action catholique rurale se rapproche des communautés paysannes in­diennes en révolte dans les années soixante, l'accentuation de la ré­pres­sion militaire contribuant à ce phénomène.

 

C'est au Salvador que la solidarité entre les guérilleros et les chrétiens progressistes est la plus frappante, ces derniers étant plus nombreux que les marxistes dans le mouvement de guérilla. Le réseau des centres de for­ma­tion chrétienne mobilise les paysans salvadoriens, combinant évan­gé­li­sa­tion, alphabétisation, enseignement agricole et éveil socio-politique. Le par­cours de Mgr Romero, l'archevêque de San Salvador constitue presque l'ar­chétype de cette prise de conscience politique de certains hommes d'É­glise. L'élection au siège archiépiscopal de cet évêque conservateur proche de l'Opus Dei avait enchanté les dirigeants du pays, le Vatican l'ayant choisi pour faire contrepoids à son prédécesseur, Mgr Chavez, qualifié d'«ar­che­vê­que rouge». Mais, suite à l'un des nombreux assassinats de prêtres par les militaires survenu en 1977, il rejoint les rangs des révolutionnaires avant de se faire à son tour assassiné. Étant devenu le martyr de la révolution sal­va­dorienne, il est l'un des symboles d'un phénomène qui inquiète de plus en plus le Vatican.

 

La mise à pieds des chrétiens progressistes par Jean-Paul II

 

folklore.jpgLa Théologie de la libération, impulsée par des intellectuels occidentaux et par des prêtres latino-américains venus étudier dans les universités euro­péen­nes, a donc trouvé dans les réalités socio-politiques du continent le ter­reau favorable à son expansion. Dès le début des années 80, Jean-Paul II, pa­pe farouchement anticommuniste, tente cependant de juguler ce mou­ve­ment. En 1984, une “instruction sur quelques aspects de la Théologie de la li­bération” fait le point sur ce phénomène en évitant de le condamner en bloc mais en critiquant certaines de ses dérives. Dans ce document, le car­di­nal Ratzinger, préfet de la congrégation de la foi met en garde contre le ris­que de perversion de l'inspiration évangélique par la philosophie mar­xiste.

 

Par peur de se couper définitivement d'un mouvement dont il espère toujours récupérer les bénéfices, il ne condamne pas ouvertement les prêtres progressistes mais il adresse des critiques régulièrement à ceux qui confondent christianisme et marxisme. C'est ainsi qu'il avait demandé, sans succès, de se retirer aux quatre prêtres membres du gouvernement sandiniste. De même, il entretenait des relations difficiles avec Mgr Romero à qui il reprochait son zèle excessif dans l'action sociale, demandant quand même au président Carter de cesser son aide à une armée salvadorienne “qui ne sait faire qu'une chose: réprimer le peuple et servir les intérêts de l'oligarchie salvadorienne”. Au Nicaragua, alors qu'il célèbre une messe à Managua en 1983, il fait une prière pour les prisonniers du régime mais passe sous silence les crimes des contras.

 

Dans son “instruction sur la liberté chrétienne et la libération” en 1986, le cardinal Ratzinger ne renie pas la préférence de l'Eglise pour les pauvres, le discours du Vatican tentant en fait de s'approprier la théologie de la li­bé­ra­tion mais en aseptisant le discours de ses aspects les plus révolution­nai­res. La seconde stratégie adoptée par Jean-Paul II consiste à nommer systé­matiquement des évêques conservateurs de l'Opus Dei à la tête des diocèses progressistes. En Equateur, il a ainsi contenu l'influence grandis­sante d'une partie du clergé catholique qui militait en faveur de la cause indigène, incarné depuis les années 50 par Mgr Leonidas Proano, sur­nom­mé l'“évêque des Indiens”.

 

Le catholicisme latino-américain subit la concurrence croissante des sectes protestante.

 

L'engagement d'une partie du clergé en faveur des guérillas d'Amérique centrale ou de ceux qui luttent contre les latifundistes en faveur des paysans sans terres au Brésil a généré de nouvelles formes de religiosité convenant mieux aux intérêts des régimes pro-américains de la région. Il s'agit essentiellement d'églises relevant du pentecôtisme (assemblée de Dieu, Eglise de Dieu, de l'Evangile complet, Prince de la paix) ou de diverses variétés du néo-pentecôtisme (Eglise Elim, du Verbe, Club 700 de Pat Robertson ou club PTL). Ces mouvements reçoivent donc une aide importante de leur nation d'origine, les Etats-Unis, où ils sont dirigés par les anticommunistes les plus fanatiques formant l'aile droite du parti républicain.

 

On comprend dès lors pourquoi les oligarchies et les militaires ont favorisé ces sectes protestantes dont l'influence grandit sans cesse auprès des couches populaires les plus misérables. Leur message va dans le sens d'un désengagement vis-à-vis de la sphère publique en prônant une interprétation individualiste du christianisme, centré sur le perfectionnement de l'individu. Comme les protestants européens, ils assèchent la religion qui se réduit à un simple moralisme, fondé sur l'honnêteté, le refus de l'alcoolisme. Ce désintérêt pour le salut collectif se double d'une action efficace menée en direction des populations déshéritées à qui les protestants prodiguent des aides grâce à l'argent venu des Etats-Unis. Le soutien apporté aux victimes du tremblement de terre qui a frappé le Guatemala en 1976 s'est accompagné d'une vaste campagne de conversion, Jerry Faldwell et Pat Robertson venant évangéliser les foules dans les stades de football. La même année, l'Alliance évangélique se range du côté d'un régime qui a massacré entre 100.000 et 200.000 Indiens en prônant le respect des autorités. En 1982, c'est un chrétien conservateur de l'Eglise du Verbe, le général Rios Montt, qui accède au pouvoir à la suite d'un coup d'Etat. Avec lui, répression et massacres d'Indiens s'accentuent tandis que des hameaux stratégiques poussent comme des champignons. Bâtis sur le modèle des villages stratégiques de la guerre du Viet Nam, ces hameaux ont pour but de déstructurer les communautés indiennes afin de détruire les bases de la guérilla. Les Etats-Unis jouent un rôle actif en fournissant capitaux et experts à l'armée guatémaltèque.

 

Au Salvador, les militaires se servent également des évangélistes pour donner un contenu idéologique à leur action contre-révolutionnaire. Ces sectes protestantes font aussi une percée dans des pays où règne la paix. Au Brésil, ils ont supplanté les adeptes de la Théologie de la libération. Leur succès auprès des pauvres est immense car on estime qu'ils représentent près de 14% des électeurs contre seulement 2% pour les prêtres progressistes. En 1994, ils contribuent à la défaite électorale du candidat de gauche, Lula, qui est assimilé au diable. En constituant un groupe parlementaire évangélique, ils sont ainsi en mesure de négocier des aides pour leur église.

 

Un christianisme de plus en plus négateur de l'identité indienne

 

Les églises protestantes mènent aussi une politique d'éradication du «paganisme» indien avec lequel les catholiques avaient dû composer. Ce syncrétisme indien-chrétien est visible dans toutes les manifestations de la vie religieuse et dans les lieux de culte, telle l'église du village de Mixtèque s'appelant «maison du soleil» et les saints étant appelés les dieux, alors que seul le mot espagnol désigne Dieu. Les rites et les offrandes pratiqués sont d'ailleurs souvent à mi-chemin entre le sacrifice et la prière chrétienne.

 

Chez les Afro-Brésiliens, le catholicisme s'est transformé en une religion magique faite de croyance en des êtres surnaturels, de communication avec les âmes des défunts. Un rôle important est donné à l'interférence des saints dans la vie terrestre, le Dieu ne revêtant pas l'image du Père dominateur et puissant habituel.

 

Les catholiques, qui s'érigent en défenseurs des Indiens, poursuivent aussi leur vieille stratégie d'acculturation, obligeant ainsi les Amazoniens récemment convertis à adopter un mode de vie sédentaire, prélude à leur prolétarisation. Le mythe de Bartolomé de las Casas, fondateur de la pensée indigéniste, illustre l'ambiguité de ce rôle de protecteur, car, selon lui, il n'existait ni Espagnols ni Indiens, mais un seul populus christianus.  La défense des Indiens se limitait donc au domaine social mais se gardait bien d'aborder le problème de l'identité.

 

Le monothéisme latino-américain a donc été le complément indispensable à la domination socio-politique des Indiens dont la renaissance ne pourra se réaliser que par un retour aux sources de leur religion, ce que les révolutionnaires marxistes n'ont jamais compris.

 

Jacques-Olivier MARTIN.

mercredi, 21 octobre 2009

Revoluçao Conservadora, forma catolica e "ordo aeternus" romano

000.jpgRevolução Conservadora, forma católica e “ordo aeternus” romano

A Revolução Conservadora não é somente uma continuação da «Deutsche Ideologie» romântica ou uma reactualização das tomadas de posição anti-cristãs e helenistas de Hegel (anos 1790-99) ou uma extensão do prussianismo laico e militar, mas tem também o seu lado católico romano. Nos círculos católicos, num Carl Schmitt por exemplo, como nos seus discípulos flamengos, liderados pela personalidade de Victor Leemans, uma variante da Revolução Conservadora incrusta-se no pensamento católico, como sublinha justamente um católico de esquerda, original e verdadeiramente inconformista, o Prof. Richard Faber de Berlim. Para Faber, as variantes católicas da RC renovam não com um Hegel helenista ou um prussianismo militar, mas com o ideal de Novalis, exprimido em Europa oder die Christenheit: este ideal é aquele do organon medieval, onde, pensam os católicos, se estabeleceu uma verdadeira ecúmena europeia, formando uma comunidade orgânica, solidificada pela religião.Der Glanz, die Macht ist dahin» [«Estamos no fim, a Áustria está morta. O Esplendor e o Poder desapareceram»].


Depois do retrocesso e da desaparição progressiva deste organon vivemos um apocalipse, que se vai acelerando, depois da Reforma, a Revolução francesa e a catástrofe europeia de 1914. Desde a revolução bolchevique de 1917, a Europa, dizem estes católicos conservadores alemães, austríacos e flamengos, vive uma Dauerkatastrophe. A vitória francesa é uma vitória da franco-maçonaria, repetem. 1917 significa a destruição do último reduto conservador eslavo, no qual haviam apostado todos os conservadores europeus desde Donoso Cortés (que era por vezes muito pessimista, sobretudo quando lia Bakunine). Os prussianos haviam sempre confiado na aliança russa. Os católicos alemães e austríacos também, mas com a esperança de converter os russos à fé romana. Enfim, o abatimento definitivo dos “estados” sociais, inspirados na época medieval e na idade barroca (instalados ou reinstalados pela Contra-Reforma) mergulha os conservadores católicos no desespero. Helena von Nostitz, amiga de Hugo von Hoffmannstahl, escreve «Wir sind am Ende, Österreich ist tot.


Num tal contexto, o fascismo italiano, contudo saído da extrema-esquerda intervencionista italiana, dos meios socialistas hostis à Áustria conservadora e católica, figura como uma reacção musculada da romanidade católica contra o desafio que lança o comunismo a leste. O fascismo de Mussolini, sobretudo depois dos acordos de Latrão, recapitula, aos olhos destes católicos austríacos, os valores latinos, virgilianos, católicos e romanos, mas adaptando-os aos imperativos da modernidade.


É aqui que as referências católicas ao discurso de Donoso Cortés aparecem em toda a sua ambiguidade: para o polemista espanhol a Rússia arriscava converter-se ao socialismo para varrer pela violência o liberalismo decadente, como teria conseguido se tivesse mantido a sua opção conservadora. Esta evocação da socialização da Rússia por Donoso Cortés permite a certos conservadores prussianos, como Moeller van den Bruck, simpatizar com o exército vermelho, para parar a Oeste os exércitos ao serviço do liberalismo maçónico ou da finança anglo-saxónica, ainda mais porque depois do tratado de Rapallo (1922), a Reichswehr e o novo exército vermelho cooperam. O reduto russo permanece intacto, mesmo se mudou de etiqueta ideológica.
Hugo von Hoffmannstahl, em Das Schriftum als geistiger Raum der Nation [As cartas como espaço espiritual da Nação] utiliza pela primeira vez na Alemanha o termo “Revolução Conservadora”, tomando assim o legado dos russos que o haviam precedido, Dostoievski e Yuri Samarine.

Para ele a RC é um contra-movimento que se opõe a todas as convulsões espirituais desde o século XVI. Para Othmar Spann, a RC é uma Contra-Renascença. Quanto a Eugen Rosenstock( que é protestante), escreve: «Um vorwärts zu leben, müssen wir hinter die Glaubensspaltung zurückgreifen» [Para continuar a viver, seguindo em frente, devemos recorrer ao que havia antes da ruptura religiosa]. Para Leopold Ziegler (igualmente protestante) e Edgard Julius Jung (protestante), era preciso uma restitutio in integrum, um regresso à integralidade ecuménica europeia, Julius Evola teria dito: à Tradição. Eles queriam dizer por aquilo que os Estados não deviam mais opor-se uns aos outros mas ser reconduzidos num “conjunto potencializador”.
Se Moeller van den Bruck e Eugen Rosenstock actuam em clubes, como o Juni-Klub, o Herren-Klub ou em círculos que gravitam em torno da revista de sociologia, economia e politologia Die Tat, os que desejam manter uma ética católica e cuja fé religiosa subjuga todo o comportamento, reagrupam-se em “círculos” mais meditativos ou em ordens de conotação monástica. Richard Feber calcula que estas criações católicas, neo-católicas ou para-católicas, de “ordens”, se efectuaram a 4 níveis:


1) No círculo literário e poético agrupado em torno da personalidade de Stefan George, aspirando a um “novo Reich”, isto é, um “novo reino” ou um “novo éon”, mais do que a uma estrutura política comparável ao império dos Habsbourg ou ao dos Hohenzollern.


2) No “Eranos-Kreis” (Círculo Eranos) do filósofo místico Derleth, cujo pensamento se inscreve na tradição de Virgílio ou Hölderlin, colocando-se sob a insígnia de uma “Ordem do Christus- Imperator”.


3) Nos círculos de reflexão instalados em Maria Laach, na Renânia-Palatinado, onde se elaborava uma espécie de neo-catolicismo alemão sob a direcção do teólogo Peter Wust, comparável, em muitos aspectos, ao “Renouveau Catholique” de Maritain na França (que foi próximo, a dado momento, da Acção Francesa) e onde a fé se transmitia aos aprendizes particularmente por uma poesia derivada dos cânones e das temáticas estabelecidas pelo “Circulo” de Stefan George em Munique-Schwabing desde os anos 20.


4) Nos movimentos de juventude, mais ou menos confessionais ou religiosos, particularmente nas suas variantes “Bündisch”, bom número de responsáveis desejavam introduzir, por via das suas ligas ou das suas tropas, uma “teologia dos mistérios”.


As variantes católicas ou catolizantes, ou pós-católicas, preconizaram então um regresso à metafísica política, no sentido em que queriam uma restauração do “Ordo romanus”, “Ordem romana”, definida por Virgílio como “Ordo aeternus”, “ordem eterna”. Este catolicismo apelava à renovação com esse “Ordo aeternus” romano que, na sua essência, não era cristão mas a expressão duma paganização do catolicismo, explica-nos o cristão católico de esquerda Richard Faber, no sentido em que, neste apelo à restauração do “Ordo romanus/aeternus”, a continuidade católica não é já fundamentalmente uma continuidade cristã mas uma continuidade arcaica. Assim, a “forma católica” veicula, cristianizando-a (na superfície?), a forma imperial antiga de Roma, como assinalou igualmente Carl Schmitt em Römischer Katholizismus und politische Form (1923). Nessa obra, o politólogo e jurista alemão lança de alguma maneira um duplo apelo: à forma (que é essencialmente, na Europa, romana e católica, ou seja, universal enquanto imperial e não imediatamente enquanto cristã) e à Terra (esteio incontornável de toda a acção política), contra o economicismo volúvel e hiper-móvel, contra a ideologia sem esteio que é o bolchevismo, aliado objectivo do economicismo anglo-saxónico.


Para os proponentes deste catolicismo mais romano que cristão, para um jurista e constitucionalista como Schmitt, o anti-catolicismo saído da filosofia das Luzes e do positivismo cienticista( referências do liberalismo) rejeita de facto esta matriz imperial e romana, este primitivismo antigo e fecundo, e não o eudemonismo implícito do cristianismo. O objectivo desta romanidade e desta “imperialidade” virgiliana consiste no fundo, queixa-se Faber, que é um anti-fascista por vezes demasiado militante, em meter o catolicismo cristão entre parênteses para mergulhar directamente, sem mais nenhum derivativo, sem mais nenhuma pseudo-morfose (para utilizar um vocábulo spengleriano), no “Ordo aeternus”.


Na nossa óptica este discurso acaba ambíguo, porque há confusão permanente entre Europa e Ocidente. Com efeito, depois de 1945, o Ocidente, vasto receptáculo territorial oceânico-centrado, onde é sensato recompor o “Ordo romanus” para estes pensadores conservadores e católicos, torna-se a Euroamérica, o Atlantis: paradoxo difícil de resolver, porque como ligar os princípios “térreos” (Schmitt) e os da fluidez liberal, hiper-moderna e economicista da civilização “estado-unidense”?


Para outros, entre o Oriente bolchevizado e pós-ortodoxo e o Hiper-Ocidente fluido e ultra-materialista, deve erguer-se uma potência “térrea”, justamente instalada sobre o território matricial da “imperialidade” virgiliana e carolíngia, e esta potência é a Europa em gestação. Mas com a Alemanha vencida, impedida de exercer as suas funções imperiais pós-romanas uma translatio imperii (translação do império) deve operar-se em beneficio da França de De Gaulle, uma translação imperii ad Gallos, temática em voga no momento da reaproximação entre De Gaulle e Adenauer e mais pertinente ainda no momento em que Charles De Gaulle tenta, no curso dos anos 60, posicionar a França “contra os impérios”, ou seja, contra os “imperialismos”, veículos da fluidez mórbida da modernidade anti-política e antídotos para toda a forma de fixação estabilizante (NdT. Daqui presume-se uma distinção entre imperialismo e imperialidade, daí o uso dos dois conceitos).


Se Eric Voegelin tinha teorizado um conservantismo em que a ideologia derivava da noção de “Ordo romanus”, ele colocava o seu discurso filosófico-político ao serviço da NATO, esperando deste modo uma fusão entre os princípios “fluidos” e “térreos” (NdT. naturalmente esta dicotomia que o autor usa recorrentemente no texto é uma referência à tradicional oposição entre ordenamentos marítimos e terrestres), o que é uma impossibilidade metafísica e prática. Se o tandem De Gaulle-Adenauer se referia também, sem dúvida, no topo, a um projecto derivado da noção de “Ordo aeternus”, colocava o seu discurso e as suas práticas, num primeiro momento (antes da viagem de De Gaulle a Moscovo, à América Latina e antes da venda dos Mirage à Índia e do famosos discursos de Pnom-Penh e do Quebeque), ao serviço de uma Europa mutilada, hemiplégica, reduzida a um “rimland” atlântico vagamente alargado e sem profundidade estratégica. Com os últimos escritos de Thomas Molnar e de Franco Cardini, com a reconstituição geopolítica da Europa, este discurso sobre o “Ordo romanus et aeternus” pode por fim ser posto ao serviço de um grande espaço europeu, viável, capaz de se impor sob a cena internacional. E com as proposições de um russo como Vladimir Wiedemann-Guzman, que percepciona a reorganização do conjunto euro-asiático numa “imperialidade” bicéfala, germânica e russa, a expansão grande-continental está em curso, pelo menos no plano teórico. E para terminar, parafraseando De Gaulle: A estrutura administrativa acompanhá-la-á?

Robert Steuckers

 

mercredi, 14 octobre 2009

Gilbert K. Chesterton, la ironia hecha inocencia

chesterton.jpgGilbert K. Chesterton, la ironía hecha inocencia

Un escritor y pensador ameno en él que incluso sus novelas más ligeras tienen un mensaje

Ex: http://www.arbil.org/

Gilbert K. Chesterton fue uno de los más famosos y polémicos escritores ingleses de este siglo.

Este periodista británico nació en el seno de una familia pudiente de mentalidad liberal y protestante.

Sin embargo, su búsqueda de la verdad le llevó a ser después de Newman uno de los casos más llamativos de conversión al catolicismo en la Inglaterra victoriana.

Nacido el 29 de mayo de 1874 en el barrio londinense de Kensington, en una familia de corredores de fincas.

A los cinco años nació su hermano Cecil, con quien discutiría de temas intelectuales.

Ya en la escuela demuestra su interés por la polémica y forma parte de un club de debate.

De joven, su padre le hace inscribirse en Bellas Artes, es más fácil que el joven Gilbert viva del dibujo, que de escritor.

Pero desde 1895, Gilbert abandona el dibujo y decide dedicarse a escribir para una pequeña editorial.

Con ingresos mínimos se enamora de Frances, una anglocatólica de pobres recursos, menuda y tímida, con la cual iniciará un largo noviazgo que les llevará al matrimonio en 1901.

Como era natural, a Gilbert se le perdió la corbata, perdieron luego el tren y finalmente llegaron tarde al hotel donde les esperaban para la luna de miel.

Por cuestiones de salud de élla nunca pudieron tener hijos lo que les unió más en una simbiosis platónica castigada por la ausencia de descendencia.

A pesar de todo, su casa se convirtió en lugar de reunión deescritores y periodistas, donde siempre encontraban cerveza y salchichas.

Gilbert recorría las tabernas vecinas y polemizaba aficionado al borgoña y al jerez.

Sin embargo, de su excesivo trabajo, acompañado de la bebida le llevó a tener problemas cardiacos.


Gilbert K. Chesterton, con un descomunal físico y maneras de sabio despistado, fue un gran literato en la lengua inglesa con Un hombre llamado jueves, Las historias del P. Brown, La esfera y la cruz, La balada del caballo blanco, Magia, Ortodoxia, San Francisco de Asís, Santo Tomás de Aquino y otras más.

No obstante, no pasará a la historia únicamente por su labor literaria, al haberse cruzado en su camino un escritor anglofrancés de firme carácter católico, Hilarie Belloc.

Belloc era un defensor a ultranza de la justicia social frente al liberalismo capitalista y al socialismo marxista.

Pronto el anglofrancés convenció a Cecil Chesterton, hermano del novelista, para que colaborase con él en varias revistas, donde difundieron sus teorías inspiradas en las ideas que León XIII había desarrollado en la Encíclica Rerum Novarum.

Estas ideas que fomentaban la formación de una sociedad orgánica como mejor sistema para evitar las desigualdades sociales fue conocido en Inglaterra como distribucionalismo.

Pero, cuando en la Primera Guerra Mundial falleció Cecil en Francia, su hermano Gilbert decidió ocupar su puesto y colaborar con Belloc en la difusión del corporativismo católico.

Del mismo modo, en que Cecil se había convertido al catolicismo, Gilbert aceptó la Fe romana en julio de 1922, ya que había llegado al convencimiento de que las diferentes formas anglicanas eran pálidos reflejos de la verdadera Iglesia encabezada por el Papa.

El P. O`Connor, un sacerdote irlandés, con el cual tuvo sus polémicas y una antigua amistad, sirviéndole el clérigo de inspiración para su personaje literario el P. Brown


La conversión de Gilbert K. Chesterton fue tomada como la máxima provocación.

Pero Frances, su esposa, le acompañará en 1926 en su entrada en la Iglesia Católica, como su secretaria Dorothy Collins poco después.

Gilbert mantiene una gran intensidad de trabajo con conferencias que le lleva por Canada, Estados Unidos, Polonia y España.

Al mismo tiempo que publica "El retorno del Quijote" y "La vida de Santo Tomás de Aquino", Chesterton fue un periodista crítico y contracorriente que defendió el nacionalismo británico en contra del imperialismo victoriano dominante, lo que le llevó a posicionarse a favor de los böers en la guerra sudafricana y de los fascistas italianos en su toma de Abisinia.

Pero su lucha principal fue contra el parlamentarismo, al que acusaba de representar a la plutocracia política que dirigía el país y oprimía a la mayoría de la población.

Para Chesterton y Belloc, las elecciones no tenían importancia al no variar substancialmente la política.

Los resultados producían alternancias del poder entre miembros de una élite política entrelazada en intereses comunes, pero que no representaban los de la sociedad.

En cambio, el corporativismo representaría más fielmente los intereses de la sociedad real.

Chesterton y Belloc creían que esta forma política se había dado ya en la historia con éxito en la Edad Media y había que readaptarla a la época contemporanea.

El organicismo natural de la sociedad se había perdido definitivamente con la aparición del protestantismo.

Al ser la Iglesia católica la inspiradora de esa tercera alternativa al capitalismo y al socialismo.

No es raro ver como los hermanos Chesterton decidieron dar el paso hacia el catolicismo después de su lucha política por la justicia social

Su último viaje le lleva de peregrinación a Lourdes y Lisieux, pero a su vuelta debe guardar descanso.

Frances le cuida con esmero y únicamente el P. O`Connor es recibido por el obeso escritor.

Los problemas económicos se mantienen, las ganancias obtenidas por los éxitos publicados y las conferencias dadas suplen las deudas que proporciona la revista que mantiene con Hilaire Belloc.

Sin embargo, en junio empeora su estado, el P. Vincent Mc Nabb O.P. le reza el Salve Regina, costumbre que tiene la orden con sus miembros moribundos.

El 14 de junio de 1936 murió Gilbert, su mujer Frances, únicamente le sobrevivivó dos años

J.L.O.

vendredi, 09 octobre 2009

Michel, l'Archange impérial germanique

Michael-Statue.jpgManfred MÜLLER:

Michel, l’Archange impérial germanique

 

 

Sur les pèlerins et les combattants michaëliques dans l’histoire allemande

 

 

Mai 1945: l’Allemagne est au fond de l’abîme. Le pays est en grande partie détruit. Des millions de soldats ont été tués au combat, sont portés disparus, sont prisonniers ou ont péri en fuyant les provinces de l’Est ou en en étant expulsés. Pour bon nombre d’Allemands, cette année fatidique signifie aussi l’effondrement de tout un monde spirituel. Beaucoup de catholiques allemands, qui suivaient alors scrupuleusement les étapes du cycle liturgique, ont tout de suite remarqué que les Alliés ont imposé la capitulation inconditionnelle de la Wehrmacht à la date du 8 mai. C’est le jour où l’Eglise fêtait l’apparition de l’Archange Michel dans les montagnes de Gargano en Apulie. Saint Michel, que beaucoup d’Allemands considéraient alors comme “l’Ange des Allemands” et l’honoraient à ce titre, se serait-il  détourné de son peuple, à l’heure fatidique où il était livré à des vainqueurs sans pitié?

 

Dans la situation de guerre si critique de l’année 1945, certains avaient encore placé des espoirs en “l’Ange des Allemands”. Franz Führmann, originaire du Pays des Sudètes, national-socialiste qui passera après guerre au communisme, pour devenir un auteur à succès en RDA, nous rappelle dans son oeuvre une scène étonnante: son père, national-socialiste convaincu,  avait intériorisé, lors des combats du Volkssturm, les conceptions religieuses contenues dans un “Chant à Saint Michel” du prêtre-poète autrichien Ottokar Kernstock:

“... zieh voran dem Heere, es gilt die deutsche Ehre, St. Michael, salva nos!”

(“... marche en tête de l’armée,  car l’honneur allemand est en jeu, Saint Michel, sauve-nous!”).

Franz Führmann rappelle que son père lui avait confié en 1945 son espoir: l’Archange ferait un geste en ultime instance pour sauver le Reich en perdition; c’est en ces mots qu’il rappelle les paroles paternelles: “L’Ange des Allemands fendera le ciel de son épée et descendra pour sauver son peuple, à la dernière heure, au moment où la nuit sera la plus noire”.

 

Cet engouement allemand  pour l’Archange remonte loin, aux débuts du moyen-âge. Sur le Monte Sant’Angelo, dans les montagnes de Gargano en Apulie, l’Archange Michel serait apparu entre 490 et 493. Dans une grotte de la montagne, en cette région où avaient prospéré les cultes antiques, l’archéologie peut prouver des correspondances entre ces cultes païens et le culte ultérieur et christianisé de Saint Michel. Un sanctuaire michaëlien s’est établi là, qui attire encore les pèlerins de nos jours (et aussi les touristes...). Parmi les innombrables pèlerins qui ont porté leurs pas là-bas, nous comptons quelques empereurs allemands.

 

Les Empereurs pèlerins au Monte Sant’Angelo

 

Othon le Grand a escaladé la montagne dédié à l’Archange lors de son troisième voyage en Italie. Il avait tenu à remercier l’Archange car, en 955, il avait pu battre définitivement les Hongrois à Lechfeld près d’Augsbourg. Il avait préservé ainsi les peuples christianisés de notre continent de la peur des raids dévastateurs des Hongrois. Lors de la bataille, l’image de l’Archange avait été portée à l’avant, sur l’étendard impérial du Roi des Allemands. La victoire de Lechfeld, qu’emporta Othon et ses guerriers michaëliques, jetta les bases d’une rénovation complète de l’institution impériale en Europe de l’Ouest, portée désormais par les Allemands (Translation Imperii ad Germanos).

 

Le deuxième pèlerin impérial allemand à Gargano fut Othon III. En février 999, le jeune Othon, âgé de 19 ans, escalada la montagne pieds nus depuis la plaine jusqu’à la grotte, en empruntant des sentiers abrupts et caillouteux: une épreuve très douloureuse pour un jeune monarque délicat et sensible. Cet exercice de pénitence cadrait bien avec la religiosité exaltée et enthousiaste de cet empereur, surtout à un moment de l’histoire européenne où les esprits étaient hantés par l’idée d’une fin du monde: en l’an 1000, le monde devait s’écrouler, croyait-on, et, lui, l’Empereur romain-germanique aurait alors pour tâche de conduire la chrétienté dans son ensemble vers le Christ apparaissant pour prononcer le Jugement Dernier.

 

En 1022, Henri II se rend à son tour à la grotte de Gargano. En 1137, Lothaire III de Supplinburg se trouve à proximité du site michaëlien avec une armée allemande. Le 8 mai de cette année, le jour même où l’Archange serait apparu à Gargano auparavant, Lothaire parvient à battre les Normands et à leur arracher le castel solidement fortifié du Monte Sant’Angelo et, ainsi, à garantir la domination impériale-germanique en Italie du Sud.

 

Très probablement, l’Empereur Frédéric II Hohenstaufen aurait, lui aussi, visité le sanctuaire de la montagne dédiée à l’Archange. Frédéric, qui, selon les critères médiévaux, était un “libre-penseur” sur le trône impérial, a donc été fasciné par la grotte cultuelle, qui, rappelons-le, attire encore et toujours pèlerins et touristes.

 

Le culte de Michel, le guerrier qui terrasse Satan, est venu du Sud, par l’intermédiaire des Lombards qui l’ont transposé en Bavière, et de l’Ouest, par l’intervention des missions irlandaises et anglo-saxonnes, qui l’ont généralisé dans l’Empire franc. La caste guerrière des Lombards, peuple germanique, avait été vivement impressionnée par la figure lumineuse de l’Archange, vigoureux combattant contre le Dragon et maître dirigeant des batailles. Les Lombards s’élançaient au combat avec son effigie sur leurs étendards. Chez les autres peuples germaniques de l’Empire franc puis du Saint Empire Romain de la Nation Germanique, le souvenir d’Odin, maître dirigeant des batailles lui aussi, a sûrement facilité l’adoption du culte michaëlique.

 

L’histoire du culte de Saint Michel est une thématique extrêmement complexe; quoi qu’il en soit, l’idée d’un “Ange des Allemands” s’est propagée en Allemagne aux 19ème et 20ème siècles.

 

Pendant la deuxième guerre mondiale, de nombreux jeunes Allemands qui avaient, dans les organisations de la jeunesse catholique, appris de leurs aumôniers l’importance de Saint Michel, ont servi dans la Wehrmacht, portés par les vertus que représentait l’Archange: la bravoure et la fidélité dans la défense de la patrie. Ces vertus correspondaient à celles que l’on a toujours traditionnellement attribuées à l’Archange, patron des Allemands. En  septembre 1939, on pouvait lire dans un journal de l’Eglise catholique, dans le ton de l’époque: “Toujours, quand des temps durs ont frappé notre peuple... lorsque l’âme et le corps du peuple ont tremblé sous les coups puissants du destin, alors, du fond du coeur du peuple allemand, une figure s’est dressée, qui, par décret divin, est l’ange protecteur de ce peuple, et, par suite, est intimement apparenté à l’essence la meilleure de ce peuple. Alors se dresse Saint Michel, flamboyant dans sa volonté de défendre le peuple qui est sous sa protection, avec son épée et son bouclier, le voilà lumineux à la tête des Allemands. Ceux-ci, alors, le suivent et, sous sa direction, partent vers le combat et la victoire”.

 

Le père jésuite Friedrich Muckermann qui, de son exil, avait durement combattu Hitler, parfois en se fourvoyant terriblement, voyait encore, après la guerre, en l’Archange Michel, “l’Ange des Allemands”: “Tous ceux qui ont lutté pour une Allemagne chrétienne, avant Hitler, et sous Hitler, mèneront encore ce bon combat après Hitler. Car telle est la Voie allemande! Avec Dieu et avec Saint Michel!”. Dans les milieux protestants, la figure de “l’Ange des Allemands” était connue également. Ainsi, par exemple, Bernt von Heiseler, qui appartient à la “génération du front”, publie un poème en 1957 dédié “A l’Archange Michel”. La dernière strophe dit:

“Hilf den alten Kampf bestehen

den dein Volk schon oft bestand,

Erzanfänglicher der Engel

Michael, bewahr dies Land!”

 

(“Aide-nous à soutenir l’antique combat

que ton peuple à si souvent mené,

toi, l’Ange des débuts immémoriaux,

toi, Michel, protège ce pays!”).

 

Manfreed MÜLLER.

(article paru dans “DNZ”, Munich, n°25/2001; trad. franç.: Robert Steuckers, 2009).

dimanche, 13 septembre 2009

Gerbert l'Européen

Silvestre_II.jpg

 

 

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1996

Gerbert l'Européen 

 

En 1996, un colloque consacré à Gerbert, le pape de l'an Mil, Sylvestre II, a eu lieu à Aurillac. Les actes de ce colloque viennent d'être publiés sous le titre de Gerbert l'Européen.  Pierre Riché écrit en introduction à propos de Gerbert, alors archevêque de Reims: «Il attire de nombreux élèves venus de toutes les régions de l'Europe. Son école rayonne même en Lotharingie, en Italie, en Germanie. Un écolâtre de Magdebourg étonné par ce succès, envoya un de ses étudiants saxons pour prendre des notes au cours de Gerbert à Reims. Malheureusement, il n'était pas compétent et fit à son maître un rapport inexact. Gerbert devait prouver sa supériorité à Ravenne en 981. Pour son élève Otton III, il écrivit un traité de logique. Ses connaissances sur l'astrolabe à partir de 983 sont l'objet de discussions mais sa lettre à Lobet de Barcelone, traducteur d'un traité arabe, prouve qu'il s'intéresse à la question. La construction de son abaque fait penser qu'il connaît l'existence des chiffres arabes. Sa science musicale est indéniable . Après sa mort, les disciples de Gerbert ont vanté ses mérites et de nombreux manuscrits contenant ses œuvres authentiques ou non ont été diffusés. Gerbert a si bien redonné vigueur à l'enseignement de la dialectique et des sciences qu'il inquiète les clercs de son époque. En cela, il rappelle Boèce qui était son modèle, et dont il connaît les œuvres. Comme lui, Gerbert est un homme de science, son Dieu n'est pas tellement celui d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, mais le Dieu des philosophes et des savants. Comme Boèce, il croit que Dieu est le Bien suprême, celui qui régit le monde, qui organise l'harmonie des sphères et détient les Idées; comme Boèce, la philosophie est sa consolation: “La philosophie est le seul remède que j'ai trouvé... J'ai préféré les loisirs de l'étude qui ne trompent jamais aux incertitudes et aux hasards de la guerre”. C'est à ses amis d'Aurillac qu'il écrit cette lettre à une époque de difficultés, car Gerbert l'Européen qui connaît la Catalogne, Rome, Reims, Ravenne, la Saxe, les pays slaves, est resté fidèle à son monastère d'Aurillac et trouve auprès de ses anciens maîtres un réconfort. C'est en pensant à ses maîtres d'Aurillac qu'il a écrit: “La gloire du maître, c'est la victoire du disciple”». Les actes regroupent vingt-trois interventions d'universitaires et chercheurs français et étrangers (JdB).

 

Gerbert l'Européen, Comité d'expansion économique du Cantal, Hôtel du Département , F-15.000 Aurillac. 364 pages. 195 FF.

 

00:05 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, papes, catholicisme, christianisme, europe | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 13 juillet 2009

Halldor Laxness: catholique, communiste, nationaliste de libération

laxness_portrett_ein_hak.jpg

 

 

Halldor Laxness: catholique, communiste, nationaliste de libération

 

Par Josef M. Rauenthal

 

Réflexions sur la vie et l’oeuvre du Prix Nobel islandais Halldor Laxness

 

Disons-le d’emblée: ce qui m’intéresse dans le cas du grand écrivain islandais Halldor Laxness, ce n’est pas tant sa conversion de jeune homme qui passe du protestantisme au catholicisme (il est baptisé le 6 janvier 1923), ni son engagement zélé, quelques années plus tard, pour la cause de Lénine et de Staline. Soit dit en passant: il a attendu longemps, jusqu’en 1938, pour adhérer au “Front Populaire Islandais”, qui regroupaient socialistes et communistes.

 

Laxness qui, dans la phase catholique de sa vie, envisageait de devenir bénédictin ou jésuite, a transféré son désir ardent de croire vers l’idéologie communiste. Ce qui m’intéresse, dans cette existence faite de ruptures et d’engagements, c’est que ce représentant d’un peuple opprimé pendant des siècles a exprimé, pendant les quelques décennies où il fut communiste, des idées que nous qualifierions aujourd’hui de “nationalistes de libération”, au sens récent du terme. Le nationalisme peut se conjuguer à d’autres idéologies. C’est ainsi que nous trouvons des courants nationaux-conservateurs, nationaux-libéraux, nationaux-socialistes, etc. Laxness interprétait le communisme comme un instrument et une doctrine efficace de libération contre l’impérialisme du 20ème siècle, qui menaçait aussi son propre peuple.

 

Laxness aurait haussé les épaules, montré son incompréhension, si l’on avait exigé de lui, au nom de la pureté doctrinale marxiste-léniniste, qu’il nie peuple et nation parce que la théorie les pose une fois pour toutes comme des “superstructures dominatrices”. Le 8 novembre 1939, Laxness écrit dans un journal islandais: “L’impérialisme n’a rien à voir avec la nationalité: il est, de par sa nature même, une conspiration internationale de voleurs, prêts à tout moment à se battre et s’entre-déchirer, pour savoir qui aura la prééminence pour piller et rançonner le monde, pour asservir des peuples  innocents, pour s’approprier les richesses des nations et de réduire celles-ci en esclavage pour servir leurs sombres desseins; et la méthode, pour poursuivre ces intérêts si ‘nobles’, c’est de noyer les peuples dans le sang”.

 

Contre l’impérialisme

 

Laxness ne percevait pas, à cette époque-là, que toutes ces facettes négatives pouvait parfaitement être attribuées aussi à l’Union Soviétique. Il ne s’en rendra compte que graduellement, dans le sillage de la dé-stalinisation après 1953. Il perdra alors son entêtement de communiste inconditionnel. En 1956, l’invasion soviétique de la Hongrie le bouleverse et le choque profondément.

 

Sur quelles bases reposait donc les prédispositions nationales (voire nationalistes) de l’Islandais Laxness? Pour Laxness, ce qui importe pour une petite nation comme la nation islandaise, ce qui doit lui servir de pôle d’orientation, c’est la culture qu’elle produit. Il se sentait appelé, en ce sens, à conduire la petite nation islandaise et sa culture dans la modernité du 20ème siècle. Dans une lettre écrite en 1932, il formule clairement sa pensée: “Pour un écrivain, c’est un malheur d’être né dans un petit pays en marge du monde, d’être condamné à utiliser une langue que personne ne comprend. Mais j’espère qu’un jour les pierres de la terre islandaise pourront parler au monde entier, grâce à moi”. Lorsqu’il reçut le Prix Nobel de littérature en 1955, il fut convaincu que son oeuvre “allait apporter gloire et honneur à son pays et son peuple”. Pour lui, nationalité et humanité vont de pair; ce qu’il souligne d’ailleurs dans son discours de réception: “Lorsqu’un écrivain islandais oublie ses origines, qui se trouvent ancrées profondément dans l’âme populaire, en ce lieu même où les sagas s’enracinent, lorsqu’il perd le lien et le devoir qui le lie à la vie menacée, à cette vie que ma vieille grand-mère m’a enseignée, alors sa gloire est dépourvue de valeur; de même que le bonheur que procure l’argent”.

 

Pour la liberté de son peuple

 

Le patriotisme de Laxness n’était nullement tapageur, ne relevait pas de ce que les Anglo-Saxons nomment le “jingoïsme”. En mai 1939, il déclare lors d’une rencontre des jeunesses socialistes en Islande: “Il n’est pas un grand patriote celui qui exalte bruyamment la geste héroïque de la nation et qui prononce sans cesse le nom des hommes les plus célèbres du pays; vrai patriote est celui qui comprend aussi les souffrances de son peuple et la lutte silencieuse que mènent dans l’existence d’innombrables anonymes, dont le nom ne figurera jamais dans un livre d’histoire... Le vrai patriote ne reconnait pas seulement les forces de son peuple, et ses succès, il sait aussi, mieux que quiconque,  quand l’humiliation a été la plus amère, la défaite la plus terrible”. C’est parce qu’il savait tout sur l’oppression qu’avaient fait peser les Danois sur l’Islande pendant des siècles,  que Laxness soutenait la lutte pour la liberté de son peuple. Il a fallu attendre le 1 décembre 1918 pour que l’Islande obtienne un statut d’indépendance  conditionnelle. Le Roi du Danemark demeurait, par le truchement d’une “union personnelle” le chef d’Etat de la République (!) d’Islande.

 

Lors des festivités pour le jour de l’indépendance en 1935, Laxness a prononcé le principal discours, retransmis par la radio. Il  profita de l’occasion, pour fondre en un seul concept l’idée du nationalisme de libération et celle du “front populaire”: “Nous sommes au point culminant de la lutte pour la liberté menée par le peuple islandais: hommes et femmes d’Islande, engagez-vous dès aujourd’hui dans le combat, considérez que ce jour de l’indépendance et de la liberté est sacré, unissez-vous au sein du front populaire, union de toutes les forces du pays... contre l’oppression extérieure et intérieure qui prend la forme du capitalisme des banques, de la haute finance, les pires ennemis de l’humanité de chair et de peine qui vit sur cette terre, ennemis qui essaient en ces jours de faire main basse sur notre pays, de planter leurs griffes en chaque poitrine qui respire”.

 

En 1944, l’Islande est définitivement séparée du Danemark. Laxness déclare en cette occasion: “C’était remarquable: chaque habitant de ce pays, en ce jour, ressentait la vie de la nation comme étant la sienne propre, comme si chaque Islandais, cultivé ou non, sentait battre en sa poitrine l’histoire vivante du pays”. Laxness, on le voit, était un communiste très particulier, car ce qu’il  décrit ici n’est rien d’autre que la concrétisation ponctuelle d’un idéal nationaliste très ancien: l’idée de communauté populaire. Pour célébrer le nationalisme de libération islandais, Laxness écrivit un livre-monument, “La cloche d’Islande” (en trois volumes de 1943 à 1946).  La “cloche” est ici le symbole de l’humiliation et de la renaissance islandaises.

 

Lutter contre les Etats-Unis

 

“La cloche d’Islande” place son intrigue dans les 17ème et 18ème siècles; en revanche, le roman “Station atomique” (1948) se déroule après la seconde guerre mondiale. Avec ce roman et de nombreux articles, Laxness entend lutter contre les “cessions de souveraineté” que concédait à l’époque l’Islande aux Etats-Unis, dans le but de permettre aux forces américaines de construire une base militaire. Son mot d’ordre à l’époque était le suivant: “L’Islande ne peut en aucun cas devenir une station atomique pour des profiteurs de guerre étrangers” et “Nous, Islandais, voulons la souveraineté illimitée sur tout notre pays”. Aujourd’hui, l’oeuvre narrative de ce grand écrivain islandais est disponible en langue allemande, dans une édition de référence en onze volumes, achevés en 2002. Sous le IIIème Reich, un seul titre de cet auteur avait pu paraître. Après la seconde guerre mondiale, Laxness fut largement promu par la RDA, même si ses fictions ne contenaient que quelques bribes du message socialo-communiste et ne  correspondaient pas aux critères du “réalisme socialiste”.

 

En 1958, à un moment de sa vie où il s’était distancié considérablement de ses premiers engouements communistes, Laxness se moquait, dans une lettre adressée à sa femme, de “l’atmosphère sinistre qui règnait en Allemagne de l’Est”. Pour la politique de la RDA, son jugement était lapidaire et sans concession: “Je crois que l’Allemagne de l’Est mérite le prix du pays le plus laid et le plus sale que j’ai jamais visité; finalement, on peut dire que rien ne va là-bas car, en l’espace de quelques années, trois millions de personnes ont fui le pays. Si l’on compare avec les chiffres de la démographie scandinave, c’est comme si, en moins de dix ans, tous les Norvégiens avaient fui la Scandinavie”.

 

En 1970, Laxness écrit à un ami des propos peu flatteurs sur la servilité qu’il découvre dans les deux morceaux de l’Allemagne divisée: “De fait, comme je le constate dans les deux parties de l’Allemagne,  tous sont contents de leurs propres troupes d’occupation”. Ce genre de remarque n’étonne guère: le regard de Laxness était lucide, aiguisé, pour ce type de situation: il avait étudié la politique d’occupation danoise, qui avait duré des siècles.

 

Josef M. RAUENTHAL.

 

(texte issu de: http://www.deutsche-stimme.de/ ; trad. franç. : Robert Steuckers).

mercredi, 17 juin 2009

Barbey d'Aurevilly, le réfractaire

BdAM10945.jpg

 

Barbey d’Aurevilly, le réfractaire

Ex: http://archaion.hautetfort.com/

 

Réfractaire, du latin refractarius : indocile. Voilà qui définit à la perfection cet écrivain secret, né une nuit de Samain il y a deux cents ans, et que le regretté Jean Mabire décrivait comme « l’incarnation d’un esprit de révolte et de défi ».

Jules Barbey, dit d’Aurevilly (1808-1889), d’abord républicain (pour narguer une famille aux prétentions nobiliaires et chouannes) puis défenseur du Trône et de l’Autel comme son maître Balzac. Opiomane et catholique tonitruant, dandy (ses redingotes moulantes, ses cravates précieuses, son essai sur Brummell) et pigiste désargenté; bref, une somme de contradictions qui font l’homme authentique, celui qui ne fait jamais carrière. L’anticonformiste perdu au milieu des bourgeois goguenards, le solitaire entouré de coteries. Citons à nouveau Mabire, décidément doué : « la noblesse le déçoit, la bourgeoisie le hérisse, la populace l’écoeure ». Comment ne pas être séduit par un tel énergumène qui, avec le temps, se révèle comme l’un des écrivains majeurs de son siècle, aux côtés de Baudelaire et de Gobineau, ces chantres de l’aristocratie spirituelle ?

Pour mieux connaître le « Connétable des Lettres », le lecteur se plongera sans tarder dans Les Diaboliques, son chef-d’œuvre, livre inquiétant et scabreux, d’un romantisme absolu. Et quelle langue somptueuse! Le court essai que signe l’écrivain François Tallandier sera également bienvenu tant son auteur a compris Barbey, qu’il définit comme un réfractaire par vocation et par fatalité, celui qui, d’instinct, vomit la sirupeuse doxa de son temps et qui, en fin de compte, refuse de « baiser le sabot de l’âne » - pour citer un autre rebelle, Charles de Coster.

Avec une sympathie non dénuée d’esprit critique, Tallandier a relu cet irrécupérable, antimoderne résolu autant que lucide : « les économistes effarés devant cet abîme du désir forcené de la richesse, qui se creuser de plus en plus dans le cœur de l’homme, et ce trou dans la terre qui s’appelle l’épuisement du sol ». Précurseur de la décroissance, Barbey apparaît aussi – à l’instar de Mistral – comme celui du réflexe identitaire, qui résiste à tout nivellement. En témoigne son attachement – paradoxal chez ce Parisien  - à un Cotentin resté très païen. Explorateur des gouffres de l’Eros noir, Barbey a beau poser au sacristain : il scandalise les catholiques (« les vipères de vertu ») comme il horrifie les mécréants, mettant un point d’honneur à déplaire autant aux moisis qu’aux écervelés. Un libertin, qui se détache de son siècle avec superbe, les moustaches en broussaille et la cravache à la main. Le chantre des singularités proclamées comme des secrets inavouables. Un maître pour les indociles de demain.

 

Christopher Gérard

 

François Tallandier, Barbey d’Aurevilly, le réfractaire, Ed. de Bartillat, 15€. Voir aussi Jean Mabire, Que lire ? 6

jeudi, 11 juin 2009

Johann Nepomuk Ringseis (1785-1880)

 

abc_ringseis.jpg

 

SYNERGIES EUROPÉENNES - DÉCEMBRE 1992

 

 

Robert STEUCKERS:

 

RINGSEIS, Johann Nepomuk  1785-1880

 

 

Né le 16 mai 1785 à Schwarzhofen en Bavière, le jeune Ringseis, très tôt orphelin, fréquentera l'école abbatiale des Cisterciens à Walderbach, puis le séminaire d'Amberg, avant de commencer des études de médecine en 1805 à Landshut sous la direction d'Andreas Röschlaub, dont il deviendra l'assistant. Influencé par les Lumières lors de sa première année d'étude, Ringseis se dégage vite du rationalisme étroit sous l'influence des idées de Stolberg et des écrits de Baader et des romantiques (surtout Joh. Mich. Sailer). Les mesures de confiscation des biens d'église en Bavière, dues à l'influence française, le choquent, le révoltent et ancrent définitivement ses convictions anti-révolutionnaires . Ringseis entame une brillante carrière médicale; philosophes célèbres, membres de la famille royale bavaroise sont ses patients attitrés. Plusieurs séjours en Italie avec le Kronprinz  de Bavière contribuent à conforter son catholicisme. Quand le prince héritier, devenu Louis Ier, monte sur le trône en 1825, Ringseis est nommé Obermedicinalrath  (ce qui équivaut à Ministre de la santé), avec pour mission de réformer la médecine en Bavière. C'est dans le cadre de ces activités politico-médicales que paraît en 1841 son ouvrage le plus célèbre: System der Medizin.  Avec l'appui du roi Louis Ier, Ringseis devient en quelque sorte le promoteur de la nouvelle université de Munich, où se télescoperont et se fructifieront mutuellement les idées protestantes et catholiques de l'époque. Son engagement ultramontain se précise. Entre 1848 et 1850, période agitée dans toute l'Europe, Ringseis participe à la vie politique bavaroise. En 1852, il quitte l'université pour marquer son désaccord avec les réformes envisagées mais y revient en 1855 et prononce un discours sur la nécessité de l'autorité dans les hautes sphères de la science. En 1872, à 87 ans, il quitte ses fonctions ministérielles. Il meurt à Munich le 22 mai 1880.

 

 

System der Medizin. Ein Handbuch der allgemeinen und speziellen Pathologie und Therapie; zugleich ein Versuch zur Reformation und Restauration der medicinischen Theorie und Praxis (Système de la médecine. Manuel de pathologie et thérapie générales et spéciales; en même temps tentative de réformer et de restaurer la théorie et la pratique médicales) 1841

 

 

Les thèses principales de cet ouvrage très contesté dans les milieux médicaux du XIXième siècle sont: a) chaque organisme est dominé par un principe vital unitaire et individuel; b) la santé est l'état dans lequel ce principe domine seul; c) la maladie est l'état dans lequel ce principe ne domine plus seul mais est troublé par un élément étranger qu'il ne peut pas assimiler ni dominer; d) la guérison survient quand la force vitale, éventuellement soutenue par des médications, soumet et assimile le principe étranger entré dans le corps, l'élimine ou le maintient inoffensif; elle est complète quand la force vitale spécifique règne à nouveau seule dans l'organisme. Ce qui est pertinent dans cet ouvrage de médecine, c'est que Ringseis perçoit nettement la faiblesse des rationalismes issus du "satanique Descartes": ceux-ci imposent une logique qui ne vaut que pour les phénomènes extérieurs, dispersés et juxtaposés dans l'espace, et rejettent toutes formes de logique qui vaudraient pour les phénomènes intérieurs, qui s'emboîtent les uns dans les autres et se compénètrent mutuellement. Cette idée d'un "imbriquement quasi infini" (ein fast unendliches Ineinander)  rejoint les critiques contemporaines des rationalités unilinéaires et unidimensionnelles, notamment les épistémologies philosophiques inspirées par les sciences physiques modernes de Heisenberg à Prigogine, de même que certaines audaces postmodernes.

(Robert Steuckers).

 

 

- Bibliographie complète, articles et discours universitaires et circonstantiels compris, dans E.R., "Johann Nepomuk Ringseis", Allgemeine Deutsche Biographie,  28. Band, Leipzig, Duncker & Humblot, 1889; comme textes principaux: Über den revolutionären Geist der deutschen Universitäten,  Rectoratsantrittsrede, Munich, 1833; Manifest der bayerischen Ultramontanen,  écrit anonyme, Munich, 1848; Über die Nothwendigkeit der Autorität in den höchsten Gebieten der Wissenschaft,  Rectoratsantrittsrede, Munich, 1855 (2ième et 3ième éd. complétées, 1856); Über die naturwissenschaftliche Auffassung des Wunders,  Munich, 1861; Über das Ineinander in den Naturdingen,  texte publié par les Dr. Schmauß et Geenen dans Beilage zum Tagblatt der 36. Versammlung deutscher Naturforscher und Aertze in Speyer,  1861.

 

- En français: références in Georges Gusdorf, L'Homme romantique,  Payot, 1984, pp. 273-277; Georges Gusdorf, Du néant à Dieu dans le savoir romantique,  Payot, 1983, pp. 242-245.  

 

vendredi, 29 mai 2009

G. Maschke: Der Engel der Vernichtung

maistre.gif

Dossier "Günter Maschke"

 

Der Engel der Vernichtung
Angriff gegen den aufklärerischen Optimismus, verdunkelt von Kraftworten: Zum 250. Geburtstag von Joseph de Maistre

Ex: http://www.jungefreiheit.de/

Günter Maschke

 

La neve sulla tosta, ma il fuoco nella bocca!", rief ein begeisterter Italiener aus, der das einzige überlieferte Portrait Joseph de Maistres betrachtete, das kurz vor dessen Tode entstand. Das Haupt weiß, wie von Schnee bedeckt und aus dem Munde strömt Feuer: De Maistre gehört zu den wenigen Autoren, die mit zunehmenden Jahren stets nur radikaler und schroffer wurden und sich der sanft korrumpierenden Weisheit des Alters entschlungen, gemäß der man versöhnlicher zu werden habe und endlich um die Reputation bemüht sein müsse. Fors do l'honneur nul souci, außer der Ehre keine Sorge, war der Wahlspruch des Savoyarden, und zu seiner Ehre gehörte es, immer unvermittelter, schonungsloser und verblüffender das Seine zu sagen.

Der Ruhm de Maistres verdankt sich seinen Kraftworten, mit denen er den ewigen Gutmenschen aufschreckt, der sich's inmitten von Kannibalenhumanität und Zigeunerliberalismus bequem macht. "Der Mensch ist nicht gut genug, um frei zu sein", ist wohl noch das harmloseste seiner Aperçus, das freilich, wie alles Offenkundige, aufs Äußerste beleidigt. Beharrliche Agnostiker und schlaue Indifferenzler entdecken plötzlich ihre Liebe zur Wahrheit und erregen sich über den kaltblütigen Funktionalismus de Maistres, schreibt dieser: "Für die Praxis ist es gleichgültig, ob man dem Irrtum nicht unterworfen ist oder ob man seiner nicht angeklagt werden darf. Auch wenn man damit einverstanden ist, daß dem Papste keine göttliche Verheißung gegeben wurde, so wird er dennoch, als letztes Tribunal, nicht minder unfehlbar sein oder als unfehlbar angesehen werden: Jedes Urteil, an das man nicht appellieren kann, muß, unter allen nur denkbaren Regierungsformen, in der menschlichen Gesellschaft als gerecht angesehen werden. Jeder wirkliche Staatsmann wird mich wohl verstehen, wenn ich sage, daß es sich nicht bloß darum handelt, zu wissen, ob der Papst unfehlbar ist, sondern ob er es sein müßte. Wer das Recht hätte, dem Papste zu sagen, daß er sich geirrt habe, hätte aus dem gleichen Grunde auch das Recht, ihm den Gehorsam zu verweigern."

Der Feind jeder klaren und moralisch verpflichtenden Entscheidung erschauert vor solchen ganz unromantischen Forderungen nach einer letzten, alle Diskussionen beendenden Instanz und angesichts der Subsumierung des Lehramtes unter die Jurisdiktionsgewalt erklärt er die Liebe und das Zeugnisablegen zur eigentlichen Substanz des christlichen Glaubens, den er doch sonst verfolgt und haßt, weiß er doch, daß diesem die Liebe zu Gott wichtiger ist als die Liebe zum Menschen, dessen Seele "eine Kloake" (de Maistre) ist.

Keine Grenzen mehr aber kennt die Empörung, wenn de Maistre, mit der für ihn kennzeichnenden Wollust an der Provokation, den Henker verherrlicht, der, zusammen mit dem (damals) besser beleumundeten Soldaten, das große Gesetz des monde spirituel vollzieht und der Erde, die ausschließlich von Schuldigen bevölkert ist, den erforderlichen Blutzoll entrichtet. Zum Lobpreis des Scharfrichters, der für de Maistre ein unentbehrliches Werkzeug jedweder stabilen gesellschaftlichen Ordnung ist, gesellt sich der Hymnus auf den Krieg und auf die universale, ununterbrochene tobende Gewalt und Vernichtung: "Auf dem weiten Felde der Natur herrscht eine manifeste Gewalt, eine Art von verordneter Wut, die alle Wesen zu ihrem gemeinsamen Untergang rüstet: Wenn man das Reich der unbelebten Natur verläßt, stößt man bereits an den Grenzen zum Leben auf das Dekret des gewaltsamen Todes. Schon im Pflanzenbereich beginnt man das Gesetz zu spüren: Von dem riesigen Trompetenbaum bis zum bescheidensten Gras - wie viele Pflanzen sterben, wie viele werden getötet!"

Weiter heißt es in seiner Schrift "Les Soirées de Saint Pétersbourg" (1821): "Doch sobald man das Tierreich betritt, gewinnt das Gesetz plötzlich eine furchterregende Evidenz. Eine verborgene und zugleich handgreifliche Kraft hat in jeder Klasse eine bestimmte Anzahl von Tieren dazu bestimmt, die anderen zu verschlingen: Es gibt räuberische Insekten und räuberische Reptilien, Raumvögel, Raubfische und vierbeinige Raubtiere. Kein Augenblick vergeht, in dem nicht ein Lebewesen von einem anderen verschlungen würde.

Über alle diese zahllosen Tierrassen ist der Mensch gesetzt, dessen zerstörerische Hand verschont nichts von dem was lebt. Er tötet, um sich zu nähren, er tötet, um sich zu belehren, er tötet, um sich zu unterhalten, er tötet, um zu töten: Dieser stolze, grausame König hat Verlangen nach allem und nichts widersteht ihm. Dem Lamme reißt er die Gedärme heraus, um seine Harfe zum Klingen zu bringen, dem Wolf entreißt er seinen tödlichsten Zahn, um seine gefälligen Kunstwerke zu polieren, dem Elefanten die Stoßzähne, um ein Kinderspielzeug daraus zu schnitzen, seine Tafel ist mit Leichen bedeckt. Und welches Wesen löscht in diesem allgemeinen Schlachten ihn aus, der alle anderen auslöscht? Es ist er selbst. Dem Menschen selbst obliegt es, den Menschen zu erwürgen. Hört ihr nicht, wie die Erde schreit nach Blut? Das Blut der Tiere genügt ihr nicht, auch nicht das der Schuldigen, die durch das Schwert des Gesetzes fallen. So wird das große Gesetz der gewaltsamen Vernichtung aller Lebewesen erfüllt. Die gesamte Erde, die fortwährend mit Blut getränkt wird, ist nichts als ein riesiger Altar, auf dem alles, was lebt, ohne Ziel, ohne Haß, ohne Unterlaß geopfert werden muß, bis zum Ende aller Dinge, bis zur Ausrottung des Bösen, bis zum Tod des Todes."

Im Grunde ist dies nichts als eine, wenn auch mit rhetorischem Aplomb vorgetragene banalité supérieure, eine Zustandsbeschreibung, die keiner Aufregung wert ist. So wie es ist, ist es. Doch die Kindlein, sich auch noch die Reste der Skepsis entschlagend, die der frühen Aufklärung immerhin noch anhafteten, die dem Flittergold der humanitären Deklaration zugetan sind (auch, weil dieses sogar echtes Gold zu hecken vermag), die Kindlein, sie hörten es nicht gerne.

Der gläubige de Maistre, der trotz all seines oft zynisch wirkenden Dezisionismus unentwegt darauf beharrte, daß jede grenzenlose irdische Macht illegitim, ja widergöttlich sei und der zwar die Funktionalisierung des Glaubens betrieb, aber auch erklärte, daß deren Gelingen von der Triftigkeit des Glaubens abhing - er wurde flugs von einem bekannten Essayisten (Isaiah Berlin) zum natürlich 'paranoiden' Urahnen des Faschismus ernannt, während der ridiküle Sohn eines großen Ökonomen in ihm den verrucht-verrückten Organisator eines anti-weiblichen Blut- und Abwehrzaubers sah, einen grotesken Medizinmann der Gegenaufklärung. Zwischen sich und der Evidenz hat der Mensch eine unübersteigbare Mauer errichtet; da ist des Scharfsinns kein Ende.

Der hier und in ungezählten anderen Schriften sich äußernde Haß auf den am 1. April 1753 in Chanbéry/Savoyen geborenen Joseph de Maistre ist die Antwort auf dessen erst in seinem Spätwerk fulminant werdenden Haß auf die Aufklärung und die Revolution. Savoyen gehörte damals dem Königreich Sardinien an und der Sohn eines im Dienste der sardischen Krone stehenden Juristen wäre wohl das ehrbare Mitglied des Beamtenadels in einer schläfrigen Kleinstadt geblieben, ohne intellektuellen Ehrgeiz und allenfalls begabt mit einer außergewöhnlichen Liebenswürdigkeit und Höflichkeit in persönlich-privaten Dingen, die die "eigentliche Heimat aller liberalen Qualitäten" (Carl Schmitt) sind.

Der junge Jurist gehörte gar einer Freimaurer-Loge an, die sich aber immerhin kirchlichen Reunionsbestrebungen widmet; der spätere, unnachgiebige Kritiker des Gallikanismus akzeptiert diesen als selbstverständlich; gelegentlich entwickelte de Maistre sogar ein wenn auch temperiertes Verständnis für die Republik und die Revolution. Der Schritt vom aufklärerischen Scheinwesen zur Wirklichkeit gelang de Maistre erst als Vierzigjährigem: Als diese in Gestalt der französischen Revolutionstruppen einbrach, die 1792 Savoyen annektierten. De Maistre mußte in die Schweiz fliehen und verlor sein gesamtes Vermögen.

Erst dort gelang ihm seine erste, ernsthafte Schrift, die "Considérations sur la France" (Betrachtungen über Frankreich), die 1796 erschien und sofort in ganz Europa Furore machte: Die Restauration hatte ihr Brevier gefunden und hörte bis 1811 nicht auf, darin mehr zu blättern als zu lesen. Das Erstaunliche und viele Irritierende des Buches ist, daß de Maistre hier keinen Groll gegen die Revolution hegt, ja, ihr beinahe dankbar ist, weil sie seinen Glauben wieder erweckte. Zwar lag in ihr, wie er feststellte, "etwas Teuflisches", später hieß es sogar, sie sei satanique dans sons essence. Doch weil dies so war, hielt sich de Maistres Erschrecken in Grenzen. Denn wie das Böse, so existiert auch der Teufel nicht auf substantielle Weise, ist, wie seine Werke, bloße Negation, Mangel an Gutem, privatio boni. Deshalb wurde die Revolution auch nicht von großen Tätern vorangetrieben, sondern von Somnambulen und Automaten: "Je näher man sich ihre scheinbar führenden Männer ansieht, desto mehr findet man an ihnen etwas Passives oder Mechanisches. Nicht die Menschen machen die Revolution, sondern die Revolution benutzt die Menschen."

Das bedeutete aber auch, daß Gott sich in ihr offenbarte. Die Vorsehung, die providence, leitete die Geschehnisse und die Revolution war nur die Züchtigung des von kollektiver Schuld befleckten Frankreich. Die Furchtbarkeit der Strafe aber bewies Frankreichs Auserwähltheit. Die "Vernunft" hatte das Christentum in dessen Hochburg angegriffen, und solchem Sturz konnte nur die Erhöhung folgen. Die Restauration der christlichen Monarchie würde kampflos vonstatten gehen; die durch ihre Gewaltsamkeit verdeckte Passivität der Gegenrevolution, bei der die Menschen nicht minder bloßes Werkzeug sein würden. Ohne Rache, ohne Vergeltung, ohne neuen Terror würde sich die Gegenrevolution, genauer, "das Gegenteil einer Revolution", etablieren; sie käme wie ein sich sanftmütig Schenkender.

Die konkrete politische Analyse aussparen und direkt an den Himmel appellieren, wirkte das Buch als tröstende Stärkung. De Maistre mußte freilich erfahren, daß die Revolution sich festigte, daß sie sich ihre Institution schuf, daß sie schließlich, im Thermidor und durch Bonaparte, ihr kleinbürgerlich-granitenes Fundament fand.

Von 1803 bis 1817 amtierte de Maistre als ärmlicher, stets auf sein Gehalt wartender Gesandter des Königs von Sardinien, der von den spärlichen Subsidien des Zaren in Petersburg lebt - bis er aufgrund seiner lebhaften katholischen Propaganda im russischen Hochadel ausgewiesen wird. Hier entstehen, nach langen Vorstudien etwa ab 1809, seine Hauptwerke: "Du Pape" (Vom Papste), publiziert 1819 in Lyon, und "Les Soirées de Saint Pétersbourg" (Abendgespräche zu Saint Petersburg), postum 1821.

Die Unanfechtbarkeit des Papstes, von der damaligen Theologie kaum noch verfochten, liegt für de Maistre in der Natur der Dinge selbst und bedarf nur am Rande der Theologie. Denn die Notwendigkeit der Unfehlbarkeit erklärt sich, wie die anderer Dogmen auch, aus allgemeinen soziologischen Gesetzen: Nur von ihrem Haupte aus empfangen gesellschaftliche Vereinigungen dauerhafte Existenz, erst vom erhabenen Throne ihre Festigkeit und Würde, während die gelegentlich notwendigen politischen Interventionen des Papstes nur den einzelnen Souverän treffen, die Souveränität aber stärken. Ein unter dem Zepter des Papstes lebender europäischer Staatenbund - das ist de Maistres Utopie angesichts eines auch religiös zerspaltenen Europa. Da die Päpste die weltliche Souveränität geheiligt haben, weil sie sie als Ausströmungen der göttlichen Macht ansahen, hat die Abkehr der Fürsten vom Papst diese zu verletzlichen Menschen degradiert.

Diese für viele Betrachter phantastisch anmutende Apologie des Papsttums, dessen Stellung durch die Revolution stark erschüttert war, führte, gegen immense Widerstände des sich formierenden liberalen Katholizismus, immerhin zur Proklamation der päpstlichen Unfehlbarkeit durch Pius IX. auf dem 1869 einberufenen Vaticanum, mit dem der Ultramontanismus der modernen, säkularisierten Welt einen heftigen, bald aber vergeblichen Kampf ansagte.

Die "Soirées", das Wesen der providence, die Folgen der Erbsünde und die Ursachen des menschlichen Leidens erörternd, sind der vielleicht schärfste, bis ins Satirische umschlagende Angriff gegen den aufklärerischen Optimismus. Hier finden sich in tropischer Fülle jene Kraftworte de Maistres, die, gerade weil sie übergrelle Blitze sind, die Komplexität seines Werkes verdunkeln und es als bloßes reaktionäres Florilegium erscheinen lassen.

De Maistre, der die Leiden der "Unschuldigen" ebenso pries wie die der Schuldigen, weil sie nach einem geheimnisvollen Gesetz der Reversibilität den Pardon für die Schuldigen herbeiführen, der die Ausgeliefertheit des Menschen an die Erbsünde in wohl noch schwärzeren Farben malte als Augustinus oder der Augustinermönch Luther und damit sich beträchtlich vom katholischen Dogma entfernte, der nicht müde wurde, die Vergeblichkeit und Eitelkeit alles menschlichen Planens und Machens zu verspottern, - er mutete und mutet vielen als ein Monstrum an, als ein Prediger eines terroristischen und molochitischen Christentum.

Doch dieser Don Quijote der Laientheologie - doch nur die Laien erneuerten im 19. Jahrhundert die Kirche, deren Klerus schon damals antiklerikal war! -, der sich tatsächlich vor nichts fürchtete, außer vor Gott, stimmt manchen Betrachter eher traurig. Weil er, wie Don Quijote, zumindest meistens recht hatte. Sein bis ins Fanatische und Extatische gehender Kampf gegen den Lauf der Zeit ist ja nur Gradmesser für den tiefen Sturz, den Europa seit dem 13. Jahrhundert erlitt, als der katholische Geist seine großen Monumente erschuf: Die "Göttliche Komödie" Dantes, die "Siete Partidas" Alfons' des Weisen, die "Summa" des heiligen Thomas von Aquin und den Kölner Dom.

Diesem höchsten Punkt der geistigen Einheit und Ordnung Europas folgte die sich stetig intensivierende Entropie, die, nach einer Prognose eines sanft gestimmten Geistesverwandten, des Nordamerikaners Henry Adams (1838-1918), im zwanzigsten und einundzwanzigsten Jahrhundert zur völligen spirituellen, aber auch politischen und sittlichen Anomie führen würde.

Der exaltierte Privatgelehrte, der in St. Petersburg aufgrund seiner unbedeutenden Tätigkeit genug Muße fand, sagte als erster eine radikale, blutige Revolution in Rußland voraus, geleitet von einem "Pugatschev der Universität", was wohl eine glückliche Definition Lenins ist. Die Prophezeiung wurde verlacht, war Rußland doch für alle ein Bollwerk gegen die Revolution. Er entdeckte, neben Louis Vicomte de Bonald (1754-1840), die Gesetze politisch-sozialer Stabilität, die Notwendigkeit eines bloc des idées incontestables, Gesetze, deren Wahrheit sich gerade angesichts der Krise und des sozialen Atomismus erwies: Ohne Bonald und de Maistre kein August Comte und damit auch keine Soziologie, deren Geschichte hier ein zu weites Feld wäre. De Maistre, Clausewitz vorwegnehmend und Tolstois und Stendhals Schilderung befruchtend, erkannte als erster die Struktur der kriegerischen Schlacht und begriff, daß an dem großen Phänomen des Krieges jedweder Rationalismus scheitert; der Krieg war ihm freilich göttlich, nicht wie den meist atheistischen Pazifisten ein Teufelswerk; auch ihn durchwaltete die providence.

Endlich fand de Maistre den Mut zu einer realistischen Anthropologie, die Motive Nietzsches vorwegnahm und die der dem Humanitarismus sich ausliefernden Kirche nicht geheuer war: Der Mensch ist beherrscht vom Willen zur Macht. Vom Willen zur Erhaltung der Macht, vom Willen zur Vergrößerung der Macht, von Gier nach dem Prestige der Macht. Diese Folge der Erbsünde bringt es mit sich, daß, so wie die Sonne die Erde umläuft, der "Engel der Vernichtung" über der Menschheit kreist - bis zum Tod des Todes.

Am 25. Februar 1821 starb Joseph de Maistre in Turin. "Meine Herren, die Erde bebt, und Sie wollen bauen!" - so lauteten seine letzten Worte zu den Illusionen seiner konservativen Freunde. Das war doch etwas anderes als - Don Quijote. 

Günter Maschke lebt als Privatgelehrter und Publizist in Frankfurt am Main. Zusammen mit Jean-Jacques Langendorf ist er Hausgeber der "Bibliothek der Reaktion" im Karolinger Verlag, Wien. Von Joseph de Maistre sind dort die Bücher "Betrachtungen über Frankreich", "Die Spanische Inquisition" und "Über das Opfer" erschienen.

vendredi, 22 mai 2009

200 Jahre Donoso Cortés

Donoso.jpg

200 Jahre Donoso Cortés

von Marc Stegherr : Ex: http://www.sezession.de/

Kaum war die Exkommunikation der vier Bischöfe der »ultratraditionalistischen« Piusbruderschaft aufgehoben, ergossen sich über den Papst und die katholische Kirche, vor allem aus Deutschland, Fluten an unsachlichen, tendenziösen Kommentaren, die mit der Sache rein gar nichts mehr zu tun hatten.

Man mußte sich fragen, ob jene Theologen und Kirchenvertreter, die die katholische Kirche unablässig zum Frieden mit der Moderne drängen, nicht mit Blindheit geschlagen sind. Die Moderne ist in ihrem Ursprung eine Häresie gegen das Geoffenbarte, das Verbindliche. Der liberale Kulturhistoriker Peter Gay nannte nicht von ungefähr seine kürzlich erschienene Geschichte der Moderne die »Verlockung der Häresie« (The Lure of Heresy).

Die heftigsten Affekte der Moderne richten sich seit jeher gegen jene Institution, die die moderne Häresie, den Kult des Relativismus (Benedikt XVI.), nicht mitmachen will. Die jüngsten Ausfälle haben gezeigt, daß diese Affekte nur ruhten, sie sind keineswegs Vergangenheit, und sie werden sich im Zeichen des »neuen Atheismus« weiter verstärken. Der katholische Staatsmann und Geschichtsphilosoph Juan Francisco María de la Salud Donoso Cortés, Marques de Valdegamas, der 1809 das Licht Spaniens erblickte, hatte keinerlei Illusionen, was die Phobien und die aggressive Konsequenz der politischen Irrlehren der Moderne betraf.

Seine Ansicht, daß es zwischen der gottverleugnenden Moderne, ihren Ausgeburten Liberalismus und Sozialismus, und dem Katholizismus keinen Kompromiß geben könne, weil die Moderne de natura auf die Ablösung, ja Vernichtung des Katholischen angelegt sei, diese Radikalität des Spaniers beeindruckte nicht nur das katholische Europa seiner Zeit. Carl Schmitt, der Donoso »gesamteuropäisch« interpretierte, rühmte dessen Klarsicht und Radikalität. Treffend sei Donosos Erkenntnis, daß die modernen Ideologien Ersatzreligionen sind, ihre Begriffe säkularisierte theologische Begriffe. Nur der Liberalismus weiche jeder begrifflichen Festlegung aus.

Auch die Kirche war zu Donosos Zeit keinesfalls frei von dieser tödlichen Krankheit der »diskutierenden Klasse«, der »clasa discutidora«, die nicht weiß, ob sie es »mit Barabbas oder mit Jesus halten soll«. Während das revolutionäre Europa, die Mazzini und Proudhon, sofort erkannten, welches polemische Genie ihrem spanischen Todfeind eignete, hielten sich die Vertreter des liberalen Katholizismus, vor allem in Frankreich, an Detailfragen seiner Schriften auf. Sie irritierte die von keinem Zweifel angekränkelte Glaubensfestigkeit Donosos, während Rom über diesen glänzenden Anwalt heilfroh war, und sein Hauptwerk, den Essay, mit dem höchsten Segen bedachte.

Nicht anders heute: Ein österreichischer Geistlicher, der von Rom zum Weihbischof ausersehen ist, weil er den Glauben seiner Kirche ohne Abstriche verkündet, wird von seinen liberalen Amtsbrüdern solange gemobbt, bis er seine Berufung ablehnt. Die Kirche, für die Donoso Cortés stritt, hatte noch einen Klerus und eine Theologenzunft, die weitgehend immun waren gegen die Verlockungen der modernen Häresien. Heute haben sie ihren Marsch durch die Institution Kirche soweit abgeschlossen, daß selbst Personalentscheidungen am linkskatholischen Widerspruch gegen das Orthodoxe scheitern.

Donoso hat das vorhergesehen. In seinem Hauptwerk charakterisiert er den Liberalismus als ein Phänomen einer Gesellschaft in Auflösung: »Die Zeit ihrer Herrschaft ist jene flüchtige Übergangsperiode, in der die Menschheit hin- und herschwankt zwischen radikaler Negation und gläubiger Hinnahme der Offenbarung.« Dann ist ihr eine Schule gerade recht, bei der alles Für ein Wider hat. Der Reformtheologe Hans Küng, den der Papst im Sommer 2005 noch in Audienz empfangen hatte, mischte dieser Tage ätzende Galle mit verlogener Diplomatie. Wenn der Papst sicher auch selbst nicht antisemitisch sei, so hätte doch jeder gewußt, daß die vier Pius-Bischöfe antisemitisch eingestellt sind. Wie einst der Kreml schirme sich der Papst vor seinen Kritikern ab. Donoso hatte recht. Der atheistische Sozialismus hätte wenigstens den Mut zur Negation. »Für den Liberalismus hat er nur Verachtung.« Dem ist nichts hinzuzufügen.

Bücher von Donoso Cortés:
Über die Diktatur. Drei Reden
Essay über den Katholizismus, den Liberalismus und den Sozialismus und andere Schriften

jeudi, 26 mars 2009

La figure du "Katechon" chez Carl Schmitt

Schmitt%20mid%201933.jpg

 

La figure du “Katechon” chez Schmitt

 

 

(intervention du Prof. Dr. Fabio Martelli - Université d'été de la FACE, 1995)

 

Dans sa Théologie politique (1922), la figure du katechon est celle qui, par son action politique ou par son exemple moral, arrête le flot du déclin, la satanisation totale de ce monde de l'en-deçà. Catholique intransigeant, lecteur attentif du “Nouveau Testament”, Schmitt construit sa propre notion du katechon au départ de la Deuxième Lettre aux Thessaloniciens de Paul de Tarse. Le Katechon est la force (un homme, un Etat, un peuple-hegemon) qui arrêtera la progression de l'Antéchrist. Schmitt valorise cette figure, au contraire de certains théologiens de la haute antiquité qui jugeaient que la figure du katechon était une figure négative parce qu'elle retardait l'avènement du Christ, qui devait survenir immédiatement après la victoire complète de l'Antéchrist. Schmitt fonde justement sa propre théologie civile, après avoir constaté cette différence entre les théologiens qui attendent, impatients, la catastrophe finale comme horizon de l'advenance de la parousie, d'une part, et, ceux qui, par le truchement d'une Theologia Civilis tirée en droite ligne de la pratique impériale romaine, veulent pérenniser le combat contre les forces du déclin à l'œuvre sur la Terre, sans trop se soucier de l'avènement de la parousie. Les sociétés humaines, politiques, perdent progressivement leurs valeurs sous l'effet d'une érosion constante. Le katechon travaille à gommer les effets de cette érosion. Il lutte contre le mal absolu, qui, aux yeux de Schmitt et des schmittiens, est l'anomie. Il restaure les valeurs, les maintient à bout de bras. Le Prof. Fabio Martelli a montré comment la notion de Katachon a varié au fil des réflexions schmittiennnes: il rappelle notamment qu'à l'époque de la “théologie de la libération”, si chère à certaines gauches, où un Dieu libérateur se substituait, ou tentait de se substituer, au Dieu protecteur du statu quo qu'il avait créé, Schmitt sautait au-dessus de ce clivage gauche/droite des années 60-70, et aussi au-dessus des langages à la mode, pour affirmer que les pays non-industrialisés (du tiers-monde) étaient en quelque sorte le katechon qui retenait l'anomie du monde industriel et du duopole USA/URSS. Finalement, Schmitt a été tenté de penser que le katechon n'existait pas encore, alors que l'anomie est bel et bien à l'œuvre dans le monde, mais que des “initiés” sont en train de forger une nouvelle Theologia Civilis, à l'écart des gesticulations des vecteurs du déclin. C'est de ces ateliers que surgira, un jour, le nouveau katechon historique, qui mènera une révolution anti-universaliste, contre ceux qui veulent à tout prix construire l'universalisme, arrêter le temps historique, biffer les valeurs, et sont, en ce sens, les serviteurs démoniaques et pervers de l'Antéchrist.

(résumé de Robert Steuckers; ce résumé ne donne qu'un reflet très incomplet de la densité remarquable de la conférence du Prof. Fabio Martelli, désormais Président de Synergies Européennes-Italie; le texte paraîtra in extenso dans  Vouloir).

 

 

vendredi, 13 mars 2009

Falange contra el Opus: la gran contradiccion bajo el franquismo

Falange contra el Opus: la gran contradicción bajo el franquismo

Infokrisis.-Dentro de nuestra iniciativa de recopilar escritos elaborados hace años, hemos encontrado éste, inacabado, que debería haber formado parte de un estudio más amplio sobre la historia de España en el que intentábamos realizar una aproximación a nuestro pasado desde el punto de vista de la doctrina evoliana. Para esta doctrina el elemento central es el reconocimiento de la antítesis de dos fuerzas a las que Evola llama "Luz del Norte" de tipo viril,  guerrero, masculino, solar y de otra la "Luz del Sur" de carácter femenino, telúrico, sacerdotal y lunar. Nos pareció que en el siglo XX, la antítesis desarrollada bajo el franquismo entre la Falange y el Opus Dei respondía con una precisión asombrosa a este esquema interpretativo. Ahora recuperamos el artículo escrito hace 15 años.

 

Estabilizada la España de la postguerra, resuelto el contencioso entre el nazismo y las democracias y aislados del resto del mundo, la vida siguió en nuestro numantino país. Aquella manifestación en la Plaza de Oriente que contestó el aislamiento internacional fue el desfío que lanzó la España vencedora en la guerra civil. "Si ellos tienen ONU, nosotros tenemos dos". El humor de "La Codorniz", conducido por antiguos voluntarios de la "División Azul", humoristas próximos a la Falange y cínicas gentes de derecha, junto al surrealismo cultural, hizo posible aguantar las precariedades de la postguerra.

La España vencida desapareció en el exilio, las cárceles, los silencios y las sentencias de muerte, ejecutadas o no. El maquís representó poco, numérica y efectivamente. La "invasión" del Valle de Arán, fue una gesta apreciada solo para sus protagonistas. España permaneció indiferente. A principios de los sesenta los últimos maquisards fueron cazados como conejos sin que sus muertes merecieran algo más que escuetas notas de prensa en las que inevitablemente se hablaba de "bandoleros" y atracadores. La España republicana estuvo ausente durante 40 años ("Cien años de honradez y 40 de vacaciones", fue la irónica adaptacion del lema del PSOE en la transición) y solo los comunistas, con sus rígidos criterios organizativos, su esquematismo mental y utilizando la estrategia de la hormiga laboriosa consiguieron salir del franquismo con un activo político que, luego, Carrillo se encargó de dilapidar.

Estábamos en 1946. El régimen había sufrido una evolución desde que los militares se alzaran diez años antes apoyados por grupos activistas de derecha y extrema-derecha y con la adquiescencia de un sector de la sociedad y el apoyo de los fascismos internacionales. Mientras la victoria sonrió a las tropas del Eje, Franco, gallego él, apostó sin fanatismo por la alianza germano-italiana. Colocó en el tablero a los 18.000 voluntarios de la División Azul. Y subrayo lo de voluntarios; los he conocido bien y doy fe de que fueron los que quisieron, incluso los que lo hicieron no por idealismo sino para redimir su apellido de pasadas colaboraciones republicanas. Pero Franco se reservó alguna que otra carta. No entró en la guerra. La victoria de las armas aliadas, iniciada a partir del desembarco en el Norte de Africa, hubiera resultado imposible de estar las dos orillas de Gibraltar en manos de un Eje ampliado con España asociada. A partir de ahí todo fue coser y cantar y, por lo demás, los contingentes judíos asilados por España, justificaban el que, en caso de victoria de los aliados, Franco pudiera presentar algún as en la manga.

Venció el bando aliado. Hasta ese momento, Franco había utilizado la retórica imperial de la Falange para dar empaque y tono al régimen. Probablemente él mismo se sintiera atraído por este discurso ampuloso que hundía sus raíces en una parte de nuestra historia. Nadie cuestionaba -solo algunos falangistas- que el partido fundado por José Antonio Primo de Rivera, Ramiro Ledesma y Onésimo Redondo, era el "fascismo español". Si vencía el Eje, la carta de Franco era tener un partido único de características similares al fascismo y al nazismo. Al resultar derrotado, hubo que buscar una ideología de sustitución. Esa fue el nacional-catolicismo; con él la "Luz del Sur" prendió de nuevo en nuestro país.

Las críticas e ironías a las que se ha hecho acredor el franquismo proceden en buena medida de este giro ideológico. "El florido Pensil", el catecismo de Ripalda y los rosarios del Padre Peyton, la censura en manos eclesiales y la mojigatería, eran propias del nacional-catolicismo, no de la Falange. Un somero estudio sobre la Sección Femenina o sobre el carácter de los intelectuales falangistas, los hace muy distantes del espíritu sacerdotal y pacato de sus colegas nacional-católicos. Estos, surgidos del adaptacionismo de la derecha liberal (la CEDA) que, con los años, tras percibir que lo del franquismo iba para largo, se convirtieron en la cuarta fuerza del régimen (tras al falange, el carlismo y el ejército), con pretensiones hegemónicas. Los falangistas fueron recluidos en algunos ministerios arquetípicos y en consonancia con sus ideales sociales. Girón de Velasco instituyó la Seguridad Social y el grueso de la legislación laboral franquista; por más que antiliberales, tales leyes podrían ser hoy reivindicadas por las organizaciones obreras situadas más a la izquierda, en caso de que supieran algo de la historia social de éste país. En cuanto al carlismo, se le encasilló en el Ministerio de Justicia y poco más, a la espera de que se fuera desleyendo como un azucarillo, como así ocurrió. El ejército ya había tenido una guerra (la civil), algunos militares tuvieron dos (la civil y el frente del Este junto con la Wermatch) y los más veteranos, incluso tres (la civil, la División Azul y las anteriores campañas de Africa). Los hubo con cuatro (a las anteriores hubo que añadir la miniguerra del Ifni). Todos ellos querían tranquilidad y disfrutar los galones y condecoraciones ganadas. Los "propagandistas" católicos subieron enteros en el gobierno.

Y así llegamos a los años cincuenta cuando aparecen elementos nuevos. España tenía que salir, no solo del subdesarrollo, sino del hambre secular. Había restricciones eléctricas, racionamiento y carestía, estraperlo; miseria, en definitiva.

Cuando Franco e Eisenhower firman los acuerdos de cooperación, España entra en la recta del desarrollismo y, oh maravilla de maravillas, ni los carlistas, ni la falange, ni los propagandistas, ni mucho menos el ejército, estaban en condiciones de liderar la nueva etapa y facilitar una clase política tecnocrática. Un oscuro grupo, en cambio, sí: el Opus Dei. A partir de ese momento se instaló una contradiccion fundamental en el interior del régimen, entre los sectores de la Falange (no específicamente conservadores, sino dotados de ideales patrióticos y sociales) y el Opus Dei (no necesariamente progresista, sino simplemente tecnócratico). Todos ellos, como los carlistas, propagandistas y militares, eran "franquistas" en el sentido de que el adaptacionismo de Franco, permitió que en unos momentos del régimen se jugara con una alineación y en otros con otra; o incluso que en el mismo tiempo unos peones fueran puestos a trabajar en unas posiciones y otros en otras. Y la cosa duró hasta el último aliento del eufemísticamente llamado "anterior jefe del Estado".

Pero todas estas vivas muestras de pragmatismo, oportunismo de escasos principios, realpolitik y adaptacionismo, no pueden eludir el hecho fundamental, a saber, que entre la Falange y el Opus Dei existió una contradicción metafísica que hacía de ambos, quintaesencias de dos principios opuestos desde la fundación de nuestro país: el elemento guerrero y el sacerdotal, lo solar y lo lunar, lo guerrero y lo sacerdotal, lo viril y lo telúrico, la "Luz del Norte" y la "Luz del Sur", se manifestaron nuevamente e imprimieron carácter a esos años.

Influyente, primero, en la Corte del "anterior jefe de Estado", residual en el decenio de la rosa, el Opus Dei, en el momento de escribir estas líneas, cabalga de nuevo a lomos del centro-derecha [recordar que este artículo se escribió durante la primera legislatura del "aznarato"]. Por lo demás, Juan Pablo I, al buscar apoyos sobre los que reconstruir la Iglesia, tras la desbandada postconciliar, buscó y obtuvo sostén en "Comunión y Liberación" y el "Opus Dei". Agradecido, el polaco, tuvo a bien hacer aquello que iba mucho más allá del surrealismo religioso: intentar llevar a Escribá de Balaguer a los altares. Y uno se pregunta, si los santos de hoy son como son -y en el caso de Escribá, sabemos cómo son- ¿qué podremos pensar de los santos de ayer que, a lo peor, les concedieron tal título por cualquier componenda de baja estofa?.

No vemos gran cosa de santo en el Opus, como no sea la candidez de sus más abnegados miembros. Lo que vemos en el Opus es la quintaesencia acrisolada del Espíritu del Sur, oscuro, sufriente y lunar, telúrico y ginecocrático (a pesar de su misoginia), en la que se entremezclan lo peor del modus operandi masónico, la piedad más beata y, finalmente, los trucos de ilusionismo propios de cualquier espectáculo de "music hall".

Se diría que, con el Opus Dei estamos ante un tipo de espiritualidad femenina químicamente puro, enemigo jurado e irreconciliable de cualquier otra posición y que, a la postre, explica la conflictualidad con la Falange, e incluso con los jesuitas (los "soldados del papa") y otras órdenes religiosas de distinta inspiración. Difícilmente el Opus Dei podría entenderse con los Jesuitas. El hijo de comerciantes que era Escribá estaba espiritual y anímicamente alejado del espíritu militar de los hijos de Ignacio de Loyola y en cuanto a las órdenes mendicantes, Escribá no podía sino despreciarlas. Dios debía ser adorado con pompa, boato y ostentación.

Casi a modo de caricatura, el Opus Dei remite a los aspectos más problemáticos de la "Luz del Sur". Luz lunar, el Opus prefiere el secreto y la clandestinidad a los espacios abiertos y a las claridades solares. Para justificar tal opción gusta hablar de discrección y silencio. La máxima 970 del "Camino" dice: "Es verdad que he llamado a tu apostolado discreto "silenciosa y operativa misión" y no tengo nada que rectificar" y "que pase inadvertida vuestra condición como pasó la de Jesús durante treinta años". Hay otras muchas referencias más en el librito caótico, y en ocasiones delirante, escrito por Escribá; el mismo tema del secreto vuelve a repetirse en las Constituciones de la Obra: "Con el objeto de alcanzar su fin con eficacia, el Instituto como tal quiere vivir oculto"; más adelante especifican "Los miembros numerarios y supernumerarios deben estar convencidos de la necesidad de guardar un prudente silencio acerca del nombre de otros miembros y no revelar a nadie su propia filiación a la obra". En cuanto a las propias Constituciones "no han de divulgarse, ni siquiera han de traducirse a lenguas vulgares".

Junto al secreto, el desprecio por la naturaleza humana que se considera fuente de pecado en sí misma, remite igualmente a la temática propia de la "Luz del Sur", del ser caído, incapaz de superar por sí solo su miseria existencia y al que sólo la Gracia de Dios puede redimir. La Gracia es administrada por el sacerdote que opera en el Opus en forma de director espiritual y al que se le debe sumisión total. Las desafortunadas comparaciones entre el hombre y el borrico (una canción cantada a menudo en centros del Opus dice así "Vas a ser burro de noria, borrico siempre serás") que ya hiciera Lutero cuatro siglos antes ("El alma del hombre es como un asno que puede ser cabalgado por Dios o por el diablo"), el cerco de censuras y prohibiciones al que está sometido el miembro de la Obra (las revistas de información general están prohibidas), la falta de autonomía personal de los miembros que deben consultar cualquier pequeña decisión de sus vidas a su director espiritual al que le deben, no fidelidad, sino sumisión absoluta ("Ocultar algo personal a los directores era tener un pacto con el diablo" decía una ex-miembro del Opus), su consideración enfermiza de la sexualidad en la que los llamamientos a la castidad son todavía más desagradables que en lo más desagradable de la concepción evangélica, y, finalmente, la consideración mesiánica de que solo hay salvación posible en el interior de la institución y, fuera de ella, aguarda una irremisible condenación eterna ("El que se va de la Obra traiciona y vende a Jesús", "Nadie que se ha ido de la Obra ha sido feliz"), y finalmente, el papel atribuido a la Virgen en la fundación de la Obra (las biografías "oficiales" sostienen que la Virgen se apareció a Escribá con una rosa en la mano pidiéndole la fundación del Opus), todo ello definen un tipo de espiritualidad enfermiza idéntica a la que ha dado origen a otras manifestaciones de la "Luz del Sur".

En cuanto a la vida y a la personalidad del fundador, existe en él una apetencia de lujo y ampulosidad propias de una espiritualidad telúrica y lunar. No se recató de utilizar estrategias subrepticias y ladinas, callar, esconder, permanecer en la sombra, ocultos, estudiar cómo alcanzar más influencia y peso (tema titánico de la búsqueda de poder). Escribá dijo en cierta ocasión a un colaborador, "cuando tengamos las cátedras, todos tendrán sus carreras, sus doctorados, muchos títulos, porque eso atrae mucho a la gente (...) Nuestro fin es acaparar todas las carreras para que así podamos dar a los nuestros sus carreras hasta sin examinarse, muchos títulos y condecoraciones". Nosotros mismos nos hemos sorprendido de leer estas líneas y confirmar, por nuestros conocimientos directos, que efectivamente algunos miembros del Opus Dei están modelados en esta óptica. Hemos conocido incluso a uno que ha llegado a falsificar burdamente el título de periodista y a llenar las paredes de su despacho con decenas de títulos de dudosa catadura. Seguramente eso es lo que Escribá alababa en su "Camino" llamándolo "santa desvergüenza".

Junto a todo este cúmulo de despropósitos, la personalidad de Escribá se muestra pobre, justo en aquel punto en donde debería de aquilatar más riqueza el fundador de una Orden religiosa: en su espíritu. Ególatra despiadado, orgulloso y engreído, caprichoso, altivo, despreciativo incluso para con la figura del Papa y de la jerarquía ("He conocido siete papas, cientos de cardenales, miles de obispos. Pero fundadores del Opus solo hay uno"), altamente inmaduro (en una discusión intrascendente durante una comida, al verse sin argumentos contra su oponente, Escribá fue acalorándose y en un momento dado sacó la lengua a su oponente), esclavo de la gula (en una ocasión pidió la séptima tortilla porque las seis anteriores no estaban a su gusto) y de la avaricia (ya desde pequeño confiesa que le gustaba tocar las monedas que entraban en el comercio paterno), proclive a los accesos de ira (bastaba con que alguien no lo tratara como creía que merecía ser tratado o que ocurriera un error de protocolo para que se enfureciera. Ruiz Jiménez, entonces Ministro de Educación, al encontrárselo en Roma se dirigió a él diciéndole "¿Qué tal padre Escribá?". Escribá se volvió enfurecido y sin recoger la mano que Ruiz Jiménez le tendía. En efecto, quería que se le llamara Padre o Monseñor, pero no "Padre Escribá" como a cualquier otro sacerdote. Otros han dicho de él que sus maneras eran "bruscas y violentas", a la más mínima contrariedad perdía los estribos y empezaba a gritar), en cuanto a la envidia no podía evitar sentirla hacia los jesuitas (el padre Arrupe, General de la Compañía de Jesús hubo de llamarlo tres veces y por tres veces recibió la respuesta de que "el Padre no se encontraba en casa". Escribá jamás devolvió la llamada)... Escribá no ahorraba en demasía ninguno de los siete pecados capitales.

Desgraciadamente para el Opus Dei, la figura de Escribá de Balaguer está demasiado próxima a nuestro presente como para que podamos mitificarla y hacer de él un santo. Falta materia prima y sobran medios de comunicación. La característica de nuestro tiempo es la inmediatez en la transmisión de la información y esto va en detrimento de que nos podamos tomar en serio el proceso de beatificación y su presumible resultado final.

Las biografías oficialistas cuentan que la Virgen se apareció al joven Escribá de Balaguer, cuando aún no se llamaba así, y le pidió la fundación del Opus Dei, organización que, ya desde el principio, se sitúa bajo el signo de la Madre. Para colmo, en cierta correspondencia Escribá firma como
"Mariano" detalle, ya de por sí, suficientemente significativo de su fe en la "Mediadora".

Es suficientemente conocido que nuestro hombre nació en Barbastro, pero mucho menos que fue bautizado con el nombre de José María Escriba Albás. Y decimos bien, Escriba y no Escribá. La sutileza del acento o no acento en la "a", marca la diferencia. Por algún motivo que se nos escapa, el "Padre", tal como gustan referirse al fundador del Opus sus miembros, desfiguró hasta tal punto su nombre que, con el paso de los años, este inicial se transformó en Josemaría Escribá de Balaguer. El segundo apellido, Albás, fue relegado al olvido; un "de Balaguer" que parecía otorgarle prosapia y patente de nobleza, vino de Dios sabe dónde y el José María se hizo uno, transformándose en Josemaría sin que se sepan los motivos exactos que justificaron la transformación.

Su juventud no fue ni edificante edificante ni aplicado. Estudiante más que irrelevante, vocación tardía, Jesús Ynfante llega a decir de él que fue "oscuro, introvertido, y con notable falta de agudeza, un hombre -concluye- de pocas luces". Hubo en 1920 una expulsión del seminario de Logroño por motivos no suficientemente aclarados. Algunos se imaginan lo peor que, por respeto a los muertos, preferimos silenciar. En el seminario de Zaragoza destacó, no por arriba, sino por abajo; Salvador Bernal lo califica de "inconstante y altivo".

La mitología del Opus explica que el 2 de octubre de 1928, en el momento de la consagración de la Hostia y el Cáliz, el curita tiene una visión: ve lo que Dios espera de él. Es el pistoletazo de salida del Opus Dei. Pero nadie se entera, ni siquiera sus amigos más íntimos de la época, para los que el único proyecto fundacional era una asociación universitaria que debería de haberse llamado "Caballeros Blancos". Ninguna crónica registra nada mas de tales caballeros. El nombre, en cualquier caso, sugiera que el gusto por los títulos y los nombres altisonantes le venía ya de lejos.

Pocos años después se sabe que Escribá utilizaba un látigo de nueve colas y cadena con púas para flagelarse. Las paredes del cuarto de baño estaban frecuentemente bañadas con su propia sangre que salpicaba las paredes. Cuando uno se azota es, fundamentalmente, por tres motivos: por perversión, porque le provoca placer o por trastorno psíquico. Los místicos pertenecen al segundo grupo; sinceramente, no sabemos en cuál de los tres situar a Escribá. Esta y otras costumbres y rumores que circulaban en aquellos años sobre su persona, nos dan de él un cuadro particularmente sombrío. Y desde luego, poco sano. A esto hay que añadir la misoginia. Escribá y su Opus opinan que el estado natural de la mujer de la Obra debe ser el embarazo y el padre Urteaga, uno de los mejores comunicadores de la Obra allá por los años sesenta, sostenía que "las mujeres se salvan teniendo hijos".

Esta misoginia, demasiado evidente, por lo demás, parece en contradicción el espíritu telúrico del Opus al cual ya hemos aludido. No es así. El telurismo está presente en toda la obra a y en todo el espíritu de Escribá. La "Luz del Sur" no exige fidelidad sino sumisión (Escribá aborrecía que le besaran solo el anillo pastoral, exigía que le besaran la mano de rodillas). La "Luz del Sur" se caracteriza en su arte por una frondosidad exuberante y desenfrenada, bien presente en los oratorios de la Obra y el de Escribá en particular, "opulento e inaccesible". Nada que ver con la austeridad olímpica de la "Luz del Norte". Escribá viajó siempre, a partir de sus años de gloria, acompañado de un séquito encargado de servirle. Una ex-miembro del Opus declaró que había tenido que dar por inservivle un colchón recién comprado por que no alcanzaba por 3 cm. las dimensiones establecidas. Cuando se desplazaba a América se hacía enviar los melones por avión. Comía siempre con platos de la mejor porcelana, cubiertos de plata. En Roma, durante el Concilio, un obispo invitado por Escribá se sintió sumamente incómodo comiendo con cubiertos chapados en oro. Todo eso que hoy se llama "imagen", que no es realidad sino reflejo de la realidad, pertenece a la concepción sudista del mundo, hoy en marcha triunfal hacia el precipicio. Escribá, para eso de la imagen, era único. Amaba los títulos universitarios y de nobleza, convencido de que podían atraer dinero e influencia. Tras la "Luz del Sur" y tras el Opus, en definitiva, lo que se percibe es un amor al dinero, no en tanto que tal, sino como vehículo de poder. Es el dominio de la naturaleza, una vez más, lo que interesa, incluso con un cierto desprecio sobre sí mismo. Escribá, por cierto, decía que "para fundador bueno, el que viene embotellado", refiriéndose a la conocida marca de coñac. A partir de 1968, cultivando su imagen, recibe -mejor, compra- el título de Marqués de Peralta. Ese gusto por la imagen alcanzó más allá de la muerte. Su proceso de beatificación hay que considerarlo como el maquillaje final de su imagen.

¿Dónde radica la fuerza del Opus Dei? ¿por qué sus afiliados están tan comprometidos con la asociación y tienen tanta fe en la obra del "Padre"? No basta con decir que se trata de un grupo de presión y que, por tanto, sus miembros extraen beneficios e influencia social. Esto equivaldría a dar la razón a quienes han comparado al Opus con una "masonería blanca". No es así, conozco bien a ambos bandos y puedo decir que mientras el compromiso masónico es extremadamente débil (un ágape, una tenida a la semana y poco más), el miembro del Opus Dei lo es desde que ingresa en la Obra hasta que muere, lo que se le exige es de tal calibre que nadie que no haya sufrido un lavado previo de cerebro, puede aceptar. Si a un masón se le pidiera que utilizara el cilicio y el flagelo veríamos donde quedaba su "compromiso con la humanidad". La masonería y el Opus, fuera de alguna coincidencia formal, son estructuras radicalmente diferentes y que, en absoluto, responden a una misma mentalidad. La fuerza del Opus radica en algo muy distinto que la convicción de que en sus filas se va a obtener promoción social. En cuanto a las similitudes formales, es cierto que los miembros del Opus se reconocen entre sí mediante palabras secretas ("Pax" dice uno para reconocer si hay algún miembro de la Obra; "in aeternum", se le responde), como también es cierto que en las reuniones de cúpula se llamen por un número y no por su nombre. En un momento dado hubo incluso un código secreto para la correspondencia en el que cada numeral o combinación de numeral con vocales tenía un significado. "El código se guardaba en un libro llamado de San Girolano", recuerda una ex-miembro de la Obra.

La lectura de algunas obras de místicos y sus biografías dan la sensación de que les ha sonado la flauta por casualidad. En el Siglo de Oro, ya hemos visto, hubo muchos de estos casos. Se trató de místicos autodidactas que sufrieron una experiencia paranormal trescientos años antes de que Aldoux Huxley escribiera "Las puertas de la percepción". En la historia y en las vivencias de algunos miembros del Opus se divisan los mismos elementos tratados por Huxley. ¿Espiritualidad? Más bien habría que hablar de trucos, meros trucos generados a partir de una alteración en la química de la sangre que producen visiones beatíficas. El sujeto interpreta tales visiones y las dramatiza en forma de experiencias místicas, pero en realidad se trata de fenómenos suficientemente conocidos y explicados, sobre los que no hay duda. Caso diferente de las auténticas experiencias místicas de, por ejemplo, San Juan de la Cruz o en nuestro siglo de Teresa Neumann que, efectivamente, se sitúan en un terreno más próximo a la experiencia trascendente.

Javier Ropero en su libro "Hijos del Opus Dei" profundiza brillantemente en este terreno y a él remito. Con todo, hay otros testimonios y rumores que corren por la "Obra" que abundan en la dirección interpretativa de Ropero.

España en los años 20 y 30 es un hervidero de espiritismo, mesmerismo, teosofía y doctrinas ocultistas. Incluso los medios anarquistas fueron un receptáculo de estas corrientes. Al leer "Camino", da la sensación de que Escribá de Balaguer estaba familiarizado con esta temática y, por lo demás, no hay que olvidar que las 999 sentencias de su libro han sido colocadas deliberadamente. El era consciente e ironizaba al respecto que 999 es el número de la Bestia, 666, invertido. Se decía, igualmente, que en el primer oratorio del Opus, Escribá, mediante un hábil juego de luces y espejos, daba la sensación de que levitaba. Más elementos, confirman que Escribá conocía algunos "trucos" que facilitaban el acceso a engañosas experiencias seudo-místicas. 

Cito a Huxley: "Una mezcla -completamente no tóxica- se siete partes de oxígeno y tres de anhídriho carbónico produce en quienes la inhalan ciertos cambios físicos y psicológicos que han sido descritos minuciosamente. Entre estos cambio el más impotante, es un notable incremento en nuestra capacidad para "ver cosas" cuando los ojos están cerrados (...) Estas largas suspensiones de respiración llevan a una alta concentración de anhidrido carbónico en los pulmones y en la sangre y este aumento de la concentración de CO2 disminuye la eficiencia del cerebro como válvula reductora y permite la entrada a la conciencia de experiencias visionarias o místicas del más allá". Ropero, recuerda que los oratorios del Opus Dei son reducidos, cerrados, con escasa ventilación, hay en ellos velas, flores y se consume incienso, suelen utilizarse para sesiones de oración comunitaria, se entonan cánticos religiosos y oraciones decenas de veces repetidas. Es fácil intuir lo que sucede: la atmósfera del lugar se empobrece de oxígeno, mientras la proporción de CO2 crece. De manera monocorde se recitan jaculatorias que inhiben la consciencia. Tras un cuarto de hora de recitar una jaculatoria (frase breve), permaneciendo en silencio y con los ojos cerrados, con la química de la sangre alterada, se accede a un estadio diferente al de la conciencia ordinaria y, por tanto, se tiene tendencia a creer que se ha vivido una experiencia mística. Tal experiencia está además facilitada por las mortificaciones (el cilicio, las flagelaciones, el dormir poco cambiando incluso la almohada por una guía telefónica y el colchón por una tabla). Huxley escribe: "si se analizan los efectos de la autoflagelación resulta muy claro que provocaban experiencias visionarias. Para empezar, liberaban gran cantidad de adrenalina y gran cantidad de histamina, y ambas tienen efectos muy extraños sobre la mente. En el Medievo, cuando no se conocía el jabón ni los antisépticos, cualquier herida que pudiese infectarse lo hacía y los productos proteínicos de emergencia entraban en la sangre. También sabemos que estas cosas tienen efectos psicológicos muy interesantes y extraños. El cura de Ars, a quien un obispo prohibió las flagelaciones escribió nostálgicamente: "Cuando se me permitía hacer lo que quería con mi cuerpo, Dios no me negaba nada"".

La falta de alimento, los ayunos prolongados, unido a todo lo anterior, contribuyen a aumentar la facilidad para tener experiencias seudo-místicas que no son sino respuestas fisiológicas del cuerpo ante situaciones distintas de las habituales pero que nada tienen que ver con la verdadera espiritualidad. La "Luz del Sur" está plagada de estos casos en los que los coribantes, los sacerdotes de Atis, los flagelantes medievales, se azotaban hasta la saciedad o se castraban simplemente para alabar a la Diosa y obtener de ella visiones beatíficas. Stanley Krippner recuerda que "... algunas sectas judías también utilizaban los vapuleos rituales para obtener experiencias de éxtasis; tal era una de las grandes ceremonias del Día del Perdón. La flagelación voluntaria tuvo lugar como devoción extática o exaltada en casi todas las religiones. Los egipcios se azotaban a sí mismos durante los festivales anuales en honor de su diosa Isis; en Esparta, los niños eran flagelados ante el altar de Artemisa Ortia hasta hacerlos sangrar. En Alea, en el Peloponeso, se azotaba a las mujeres en el templo de Dionisos; y en el festival romano de las lupercalias se azotaba a las mujeres en una ceremonia purificadora"... Cultos femeninos (Artemisa, Isis) o telúricos (Dionisos, las lupercalias, el hebraismo), henos aquí en las antípodas de la serenidad olímpica que busca la experiencia trascendente en la serenidad y en la quietud, no por la vía del martirio del cuerpo, sino por el distanciamiento consciente y voluntario del mundo de los sentidos. La misma iglesia católica -y más en concreto la Regla de San Benito y el propio San Francisco- condenó la búsqueda de la experiencia mística si era, a la postre, una búsqueda del placer.

Habría que añadir que la abundancia de oro o de irisaciones doradas en las salas del Opus reservadas al culto, con sus reflejos, facilita el engaño de los sentidos. A partir de todo esto puede entenderse que los crucifijos -ricamente labrados en oro y piedras- vistos por gentes que han pasado por las pruebas descritas antes (cilicio, látigo, ayunos, jaculatorias, respirando atmósfera rica en CO2), crean ver que Cristo se mueve en su cruz, les habla o flota en el aire... Se trata de un simple "truco" del que Escribá no fue el único en beneficiarse. Hoy, buena parte de las sectas destructivas -entre las que el Opus figura para muchos- obtienen el control de sus miembros generando visiones de esta forma. Tal es la fuerza de atracción del Opus. En un mundo en el que la verdadera espiritualidad está ausente, cualquier "emoción fuerte" neoespiritualista, puede cautivar al más escéptico.

Junto a esto, hay algo en el Opus que no está complementamente clarificado. No me voy a referir a sus inextricables orígenes, a la imposibilidad histórica de confirmar la historia ideal del Opus dictada por Escribá, sino a las influencias que sufrió. No creo que tomara un modelo en la masonería, más bien creo que lo encontró en "El Abetal" (La Sapiniere, organización clandestina y secreta católica de finales del sgilo pasado y principios de este) de Monseñor Benigni y en los jesuitas. ¿Eso es todo?

Hay algo más que se escapa al analista pero que planea en los primeros años de la Obra. Hay algunos elementos tomados de la mística masónica ("sobre este aparente desorden cada uno tiene que construir su propio orden" escribía el opusdeista Salvador Bernal parafraseando el "Ordo ab Chao" masónico). Miguel Fisac, uno de los primeros afiliados al Opus, cuenta que cuando fue por primera vez al primer oratorio de calle Ferraz, 50, se alarmó. El confesor de Escribá, el padre Valentín Sánchez, vislumbró también aroma de herejía en el Opus y rompió con Escribá. Algún testimonio remite a la residencia de la calle Jenner de Madrid, donde existía un oratorio "adornado con signos cabalísticos y masónicos". Un profesor de Derecho Internacional afirmó que la palabra "SOCOIN" (Sociedad de Cooperación Intelectual, sigla con la que el Opus dió sus primeros pasos) corresponde a una secta hebraica. En 1941, tras crearse el Tribunal para la Represión de la Masonería y el Comunismo, Escribá debió compadecer al sospecharse que "bajo el nombre de Opus Dei se escondía una rama judaíca de la masonería"... Exajeraciones, quizás, pero todas van en la misma dirección y, por lo demás, me parece excepcionalmente sólida la opinión de quienes hacen de Escribá de Balaguer un judío converso, cuya psicología responde a la del "marrano" tal como ha sido acotada y definida por Julio Caro Baroja.

Ya hemos visto la portentosa historia de los criptojudíos españoles, veamos ahora las pistas que nos da la biografía de Escribá. Su propio nombre, aquel con el que fue bautizado, Escriba, delata su origen. Un escriba es un "doctor e intérprete de la ley judía". Caro Baroja, bromeando, decía que este apellido no era el mejor para pasar camuflado. El acento cambia poco, apenas transforma un apellido grave en agudo. Su padre, comerciante en paños, tenía la misma profesión que los judíos altoaragoneses. Barbastro, por lo demás, fue en el siglo XV una de las más prósperas juderías del reino. En el siglo XI, durante el reinado de Pedro I, ya se registraron falsas conversiones de Judíos en Huesca. El propio Escribá parecía querer delatar este origen: "somos el resto del pueblo de Israel" decía frecuentemente. Las sucesivas modificaciones del nombre de Escriba corresponde a la traducción judía. Mendizábal, el factotum de al desarmotización, era un judío converso de apellidos Alvárez Méndez. La costumbre judía de evitar que los muertos judíos o "marranos" reposaran en cementerios consagrados, fue seguida por Escribá al enterrar a sus progenitores en la cripta de la casa del Opus en la madrileña calle de Diego de León.

También es posible establecer vínculos con una especie de neo-templarismo adulterado del que existieron pequeños núcleos en España desde 1820 como ya hemos visto. Durante mucho tiempo los supernumerarios, para acentuar su carácter de pobreza, dormían en parejas en los pisos del Opus, lo que dió lugar a que la falange les acusara repetidamente de prácticas homosexuales. Quizás fuera en imitación de la leyenda templaria que mostraba a dos caballeros sobre una sola montura. El Opus y los templarios tienen como característica común utilizar cruces sin que aparezca el cuerpo de Cristo, ni la notación INRI. Y también la extraña tendencia a utilizar patas de oca. Se sabe que monseñor Escribá solía dibujar patos, e incluso en el Molino Viejo, en la provincia de Segovia, se conserva pintado un pato dibujado por él. Los templarios y las hermandades de constructores que de ellos dependieron utilizaban el grafiti de la pata de oca como símbolo de reconocimiento y firma. Otros han querido ver en la insistencia de la cruz sin la imagen de Cristo y la reiteración de rosas en toda la iconografía del Opus, una alusión a la secta de los rosacruces. ¿Dónde empieza la exageración y dónde termina la realidad?

En los primeros tiempos, Escribá acarició la la idea de forjar una orden católica y caballeresca, los "Caballeros Blancos", y siempre tuvo presente el deseo de entroncar con la nobleza. Caro Baroja recordaba que una característica de los conversos fue "buscar entronque con linajes aristocráticos". Dado el voto de castidad y su alejamiento de la nobleza tradicional, su único camino, como hemos visto, fue la adquisición del título nobiliario a buen precio.

Lo que más llama la atención en los encontronazos entre la Falange y el Opus es que los primeros, que contaban entre sus fundadores con una buena cantidad de títulos nobiliarios (como también existieron en el Partido Fascista y el en Partido Nazi, especialmente en las SS), quisieron proletarizarse, mientras que los miembros del Opus (y, muy en especial, su fundador) buscaron recubrirse del manto de nobleza. Ya hemos expuesto las razones de la ubicación del Opus Dei en las cotas iluminadas por la "Luz del Sur". Vayamos a por su oponente.

En la Falange distinguimos dos elementos perfectamente diferenciados; de un lado aquellos que le confieren un carácter excepcionalmente vitalista y aristocrático, frecuentemente enunciados a nivel simbólico y existencial, y de otro, un grado de confusionismo ideológico que, lejos de desaparecer, fue creciendo a medida que avanzaba en su andadura política. Estos dos elementos se contrarrestaron frecuentemente; ninguno de sus miembros estuvo en condiciones de superar la contradicción y las influencias opuestas, ni siquiera el mismo Primo de Ribera y mucho menos Manuel Hedilla. Así pues, oscilando entre las altas cimas de la metafísica y las más bajas cotas de la demagogia social, entre lo más vertical y lo horizontal por definición, la Falange supuso el último intento de encarnar la "Luz del Norte", de la que lo único que nos queda es un compendio de libros y escritos, buscados por los bibliófilos y coleccionistas y que, nadie hasta ahora, ha sabido "aggiornar".

Hemos hablado de símbolos. Mal que les pese a los falangistas, su organización jamás tuvo una ideología digna de tal nombre; como máximo una concepción del mundo y en absoluto cerrada. No, la Falange fue entre 1933 y 1936, entre su fundación y el desencadenamiento de la guerra civil, un estado de espíritu, en absoluto una ideología. Antes de esa fecha no existía y después estuvo combatiendo en los frentes. Entre ambas, las necesidades de la lucha política hicieron que no pudiera elaborarse ninguna doctrina coherente. Pero existieron símbolos, allí donde las teorías callan, que nos hablan de un impulso vital en el cual se reconocen, si bien que atenuados, confusos y de forma inconsciente, los rasgos de la "Luz del Norte".

El yugo y las flechas (la Y de Ysabel y la F de Fernando, blasón de los Reyes Católicos que herederá Carlos V), el hecho de que sean cinco las flechas (número de perfección y límite de las posibilidades humanas), el cisne (emblema del Frente de Juventudes y del Sindicato Español Universitario, ave solar por excelencia junto al aguila y el león, identificada con Helias, el caballero del Sol), el rojo y el negro de la bandera (símbolos de la dualidad, de la muerte y de la vida, de la tradición y la revolución), la garra irradiante (la garra del león, otro animal solar, de la que irradia el sol), el "Cara al Sol" (título suficientemente explícito del espíritu solar que animaba a la primera Falange), el recuerdo a los muertos, "presentes" (al igual que los antiguos pueblos nórdicos germánicos que se sentían acompañados por sus ancestros), las alusiones a la "guardia de los luceros" (entendida como la compuesta por aquellos camaradas que han muerto en circunstancias heroicas), las continuas referencias a un estilo austero y duro, desprovisto de lujo y oropeles, castellano, en definitiva, la valoración de la Edad Media como quintaesencia de lo español, los llamamientos a una vocación heroica, las asimilaciones del militante como "mitad monje mitad soldado", o de la sociedad ideal con "ángeles armados en las jambas de las puertas", todo esto, si bien no conforma una ideología en el sentido estricto de la palabra, si en cambio conforma una concepción del mundo emanada directamente de la "Luz del Norte".

No queremos entrar en las polémicas sobre las implicaciones reales o supuestas de la Falange en episodios indignos y rechazables; los años en los que dió a luz fueron turbulentos y precedieron la gran catástrofe de nuestro país en el siglo XX, la guerra civil. El fusilamiento de García Lorca (refugiado en casa de falangistas sevillanos), la represión contra los militantes republicanos, las "patrullas del amanecer", son solamente episodios aislados en la historia de la Falange y, más bien, forman parte de la historia de la guerra civil. Es suficientemente conocido que los entendimientos entre anarquistas y falangistas, incluso hasta los años sesenta, habían empezado con el trasvase de militantes de la CNT y del pestañismo a filas falangistas en los años de la preguerra. A efectos del presente estudio, lo que hace que podamos valorar un movimiento histórico como Falange Española, no es su participación en tal o cual episodio concreto, afortunado o desgraciado, sino lo que puede deducirse de su espíritu. A este respecto, incluso los más acérrimos detractores reconocerán que una élite falangista  -en la que podemos situar a Dionisio Ridruejo- no solamente proclamaron unos valores y principios generales, sino que estuvieron dispuestos a vivir y a morir, inspirados en ellos. Eso les llevó a muchos de ellos a las estepas rusas enrolados como voluntarios en la División Azul y que solo recibieron una cruz de palo como recompensa; otros, prefirieron desligarse del régimen que nació de la sublevación de julio de 1936, y que, en su criterio, no se adaptaba a la imagen que se hacían de su estado ideal; muy pocos formaron organizaciones disidentes, inspiradas en Miguel Hedilla, segundo Jefe Nacional de Falange. Estos fueron los menos y, en una condiciones políticas muy favorables, no estuvieron en condiciones de completar los principios apenas enunciados por Primo de Rivera, Onésimo Redondo y Ramiro Ledesma. Falange se fue extinguiendo poco a poco.

Respecto a los tres fundadores hay en ellos diferencias no desdeñables. Están, bien es cierto, unidos por lo que podríamos llamar "sentimiento imperial", la sensación de que el mejor momento de la hispanidad fue el período iniciado con los Reyes Católicos y concluido con los últimos austrias. Las ideas de centralidad, de ímpetu político-religioso, el carácter antiburgués, el culto a la juventud, el sentido de disciplina y sacrificio, esto es, el espíritu de milicia heroica, el gusto por la aventura y, finalmente, la síntesis entre la Tradición española y la Revolución, hacen de Falange Española, lo que algunos han llamado "Vía Solar". Pero, al margen de esto, Primo de Ribera, Ledesma y Redondo, sostenían orientaciones sensiblemente diferentes. Redondo era un castellano viejo; católico, antisemita, su austeridad y entereza fueron siempre proverbiales; cuando uno se aproxima a su biografía cree estar ante aquellos castellanos que combatieron a la morisma y tiene la sensación de que las gentes de Fernán González debieron estar, más o menos, cortadas con el mismo patrón. Onésimo es el católico militante de viejo estilo que tiene muy pocos puntos en común con Ramiro Ledesma, ateo impenitente, vitriólico, activista, intelectual frío que unos días colocaba un petardo y al día siguiente publicaba un ensayo en "La Revista de Occidente". Partidario de "nacionalizar a las masas anarcosindicalistas", hubo en él rasgos de populismo y demagogia que compartió con Primo de Rivera. Este, por su parte, hijo del General del mismo nombre, pertenecía a los círculos aristocráticos madrileños y estaba relacionado con una pléyade de intelectuales y artistas de vanguardia que constituyeron el núcleo fundacional de la Falange. Formado por Rafael Sanchez Mazas, Agustín de Foxá, Alvaro Cunqueiro, Eugenio Montes, Rafael García Serrano, Luys Santa Marina, Felipe Ximenez de Sandoval, Gonzalo Torrente Ballester, Dionisio Ridruejo, Ernesto Giménez Caballero, Mourlane Michelena, Víctor de la Serna, pintores como Alfonso Ponce de León o Cossío, Samuel Ros, José María Alfaro, con el patronazgo espiritual de Eugenio d’Ors, Maeztu y Ortega, estamos ante un grupo de intelectuales, más que ante el grupo activista que hoy recordamos.

Pero Falange Español no representaba la "Luz del Norte" en estado puro sino adulterado y con la tensión metafísica rebajada. Su "vocación imperial" no tuvo posibilidad de manifestarse en una opción política concreta, simplemente se tradujo en un nacionalismo extremo, al igual que la oposición a la burguesía y al capitalismo no llevó a fórmulas de superación, sino a una admiración indecorosa y acrítica hacia los movimientos sociales de izquierda, por igualitarios y uniformizadores que fueran. Ramiro Ledesma, desde su revista "La Conquista del Estado" pudo gritar "Viva la Alemania de Hitler, viva la Italia de Musolini, viva la Rusia de Stalin", y escribir luego que más le lucía la camisa roja de Garibaldi que la negra de Mussolini, expresiones desgarradas de un deseo de revancha social e igualitarismo uniformizador, en contradicción con los ideales jerárquicos que exhibía en otros escritos.

Especialmente, en Ramiro Ledesma se percibe la falta de sensibilidad hacia lo sagrado. Viendo en la Edad Media, una edad oscura, percibe en las formas renacentistas su estilo ideal.  Alguién pudo decir con justicia que mientras Marx practicaba un materialismo económico, Ledesma profesaba un materialismo guerrero. La "idea imperial" no es tomada sino en función del poder que le atribuye para relanzar un nacionalismo español, un nacionalismo laico y de masas. Ledesma, pero también José Antonio y Onésimo Redondo, no dudan a la hora de utilizar y predicar la violencia para alcanzar los objetivos políticos. Se trata de un pragmatismo exajerado y de un activismo a ultranza derivados de su particular visión del mundo. Hubo en Falange una desviación titánica y prometeica, en ocasiones incluso fálica, única vía en la que supieron hacer desembocar la visión militar y heroica de la vida. Por lo demás, cuando José Antonio aludía a la "dialéctica de los puños y las pistolas" no hacía otra cosa más que abrir o insertarse en una espiral de violencia que terminó por anegarle a él y al propio movimiento.

Pero allí donde el espíritu de la Falange es más distante de la "Luz del Norte" es en la concepción del Estado. Ni Ramiro Ledesma, ni Primo de Rivera, consiguieron consolidar una teoría del Estado, pero las pocas frases, esparcidas aquí y allí, en sus escritos, dan pie a pensar que junto a la idealización del papel de las masas (la "nacionalización de las masas sindicales" que pedía Ramiro Ledesma), ambos perciben el Estado como un "instrumento totalitario". En sus escritos no se encuentran alusiones a la sociedad trifuncional, mucho menos a los cuerpos intermedios, tan solo vagas y preocupantes alusiones al papel de los sindicatos. Fueron los teóricos del franquismo quienes se encargaron de completar estos enunciados y dar forma a la "democracia orgánica" como alternativa a la "democracia liberal".

El elemento que permite situar a José Antonio Primo de Rivera por encima de los otros dos fundadores y ver en él al receptáculo de la "Luz del Norte" es su vocación poética. Solo José Antonio como figura central del grupo de intelectuales falangistas, supo apreciar el valor de la poesía en la formación de una visión del mundo.

Cuando faltaron los fundadores de la Falange y los elementos más representativos, poco dados a tareas de gobierno, prefirieron optar por enrolarse en la División Azul, nadie se preocupó de completar la doctrina falangista. El franquismo utilizó a la Falange como levadura de las masas; sus ideales sociales, su consigna mil veces repetida de "Patria, Pan, Justicia", podían constituir un reclamo, como de hecho así ocurrió durante veinticinco años, entre 1939 y 1964. Al cerrarse este ciclo, el Opus Dei ya despuntaba como la fuerza hegemónica en los gobiernos de Franco.

La lucha entre la Falange y el Opus Dei fue larvando durante los años 60 y estalló con el "affaire" MATESA. Por esas fechas la Falange ya estaba excepcionalmente debilitada y reducida a una mera cáscara sin vida. Los locales del Movimiento Nacional estaban vacíos, el Frente de Juventudes, la Sección Femenina, los Sindicatos, la Guardia de Franco, no eran sino estructuras burocráticas esclerotizadas que apenas podían hacer nada frente al Partido Comunista y a la extrema-izquierda.

El Opus Dei, sus bancos y ministerios, sus industriales, sus tecnócratas, no preveyeron que al trabajar por la construcción de un capitalismo tardío, estaban generando una estructura económica de tipo liberal-capitalista que entraba flagrantemente en contradicción con la estructura política del Estado, autoritaria y paternalista. Cuando, para sobrevivir, esa estructura económica precisó impulsar un cambio para promover un mayor crecimiento, sacrificó a la estructura política. Eso ocurrió a mediados de los años 70.

En el momento que Franco muere, la derecha carece de organización política, está en el poder, es el poder, pero no tiene estructura de partido y, por tanto, no estará en condiciones de afrontar una etapa democrática formal. Es el período de las Asociaciones Políticas, el "espíritu del 12 de febrero" y la Ley de Reforma Política. La derecha intenta ganar tiempo, liderar el proceso de cambio. Ahí está el Opus Dei intentando no perder el tren. Sin embargo, a partir de 1977, los mayores éxitos los consigue en el extranjero y, a partir de la entronización de Juan Pablo II, en la propia Roma.

En cuanto a la Falange, llegó a la transición en un estado de total descomposición y con un alto grado de confusionismo político. Multifraccionada, perdidos los líderes e intelectuales que le dieron vida, habiendo dado la espalda incluso a los propios orígenes, sufrió un proceso continuado de empequeñecimiento y gropuscularización en el que todavía se encuentra hoy.

Lo que tuvo de "Luz del Norte" hace sesenta años, hace ya mucho que se extinguió.

© Ernest Milà – infokrisis – infokrisis@yahoo.es – http://infokrisis.blogia.com – Se prohíbe la reproducción de este artículo sin indicar procedencia

lundi, 05 janvier 2009

H. Laxness : Katholik; Kommunist, Befreiungsnationalist

Katholik, Kommunist, Befreiungsnationalist

http://www.deutsche-stimme.de/

Vor 10 Jahren starb der isländische Nobelpreisträger Halldór Laxness

Interessant an dem großen isländischen Erzähler Halldór Laxness ist nicht so sehr die Tatsache, daß er als junger Mann vom Protestantismus zum Katholizismus konvertierte (Taufe: 6. Januar 1923). Auch nicht, daß er schon wenige Jahre später ein eifriger Parteigänger der Sache Lenins und Stalins wurde (den Beitritt zur isländischen Volksfrontpartei aus Sozialisten und Kommunisten jedoch bis 1938 hinauszögerte).

Laxness, der in seiner katholischen Lebensphase mit dem Gedanken spielte, Benediktiner- oder Jesuitenpater zu werden, übertrug seine Glaubensinbrunst auf den Kommunismus. Von besonderem Interesse an seinem Leben ist eher der Umstand, daß er als Angehöriger eines jahrhundertelang unterdrückten Volkes auch in seinen kommunistischen Lebensjahrzehnten Ansichten äußerte, die man heute eher dem modernen Befreiungsnationalismus zuordnen würde.
Der Nationalismus kann sich mit anderen Ideologien verbinden. So gibt es nationalkonservative, nationalliberale, nationalsozialistische und nationalkonservative Strömungen. Laxness verstand den Kommunismus als wirksame Befreiungslehre gegen den Imperialismus des 20. Jahrhunderts, der auch sein Volk bedrohte.

Laxness hätte kein Verständnis dafür gehabt, wenn man um der Reinheit der marxistisch-leninistischen Lehre willen von ihm verlangt hätte, Volk und Nation als dominierende Lebenswirklichkeiten zu negieren. Am 8. November 1939 schrieb er in einer isländischen Zeitung: »Der Imperialismus hat nichts mit Nationalität zu tun, sondern ist seiner Natur nach eine internationale Verschwörung von Dieben, die allzeit bereit sind, sich darum zu schlagen und zu prügeln, wer das Vorrecht haben sollte, die Welt zu bestehlen und zu plündern, unschuldige Völker zu knechten, sich die Reichtümer der Nationen anzueignen und diese zu ihrem Zweck zu versklaven; und die Methode, ihre noblen Interessen zu verfolgen, ist die, die Nationen in Blut zu ertränken.«

Gegen den Imperialismus

Freilich erkannte Laxness damals nicht, daß alle diese negativen Kennzeichnungen auch auf den Sowjetimperialismus zutrafen. Dies ging ihm erst andeutungsweise auf, als er im Zuge der Entstalinisierung nach 1953 seine kommunistische Verbohrtheit verlor und 1956 durch die sowjetische Vergewaltigung Ungarns geschockt wurde.

Worauf gründete die nationale Einstellung des Isländers Laxness? Maßstab gerade für eine kleine Nation ist, so Laxness, die Kultur, die sie hervorbringt. Er selbst fühlte sich berufen, in diesem Sinne die kleine isländische Kulturnation in die Modernität des 20. Jahrhunderts zu führen. 1932 brachte er es in einem Brief auf die Formel: »Es ist ein Unglück für einen Schriftsteller, in einem kleinen Land am Rande der Welt geboren zu sein, verdammt zu einer Sprache, die keiner versteht. Aber ich hoffe, daß die Steine Islands eines Tages zur ganzen Welt sprechen werden, durch mich.«
Die Verleihung des Nobelpreises für Literatur (1955) bestätigte ihm, daß sein Werk »Land und Volk zu Ruhm und Ehre« gereichen konnte. Nationalität und Humanität gehörten für ihn, wie er beim Empfang des Preises betonte, zusammen: »Wenn ein isländischer Dichter seine Herkunft vergißt, die in der Tiefe der Volksseele liegt, dort, wo die Saga zu Hause ist, wenn er seine Verbindung und seine Verpflichtung gegenüber dem bedrohten Leben verliert, dem Leben, das mich meine alte Großmutter gelehrt hat, dann ist der Ruhm so gut wie wertlos; und ebenso das Glück, das Geld beschert.«

Für die Freiheit seines Volkes

Ein Hurrapatriotismus war nicht Laxness‘ Sache. Im Mai 1939 sagte er bei einem Treffen sozialistischer Jugendverbände auf Island: »Nicht der ist der größte Patriot, der die Heldensagen der Nation am lautesten preist und ständig die Namen der berühmtesten Männer auf den Lippen führt, sondern der, der zugleich auch die Leiden seines Volkes versteht, den schweigenden Kampf der zahlreichen namenlosen Menschen, die es nie auf die Seiten der Geschichtsbücher gebracht haben … Der Patriot erkennt nicht nur die Stärke seines Volkes und dessen Erfolge gebührend an, er weiß auch, besser als jeder andere, wo die Erniedrigung am bittersten, die Niederlage am größten war.«
Das Wissen um die jahrhundertelange dänische Unterjochung Islands sensibilisierte Laxness für den Freiheitskampf seines Volkes. Erst am 1. Dezember 1918 konnte die bedingte Unabhängigkeit Islands errungen werden; der dänische König blieb jedoch in Personalunion noch Staatsoberhaupt der Republik (!) Island.

Am Unabhängigkeitstag des Jahres 1935 durfte Laxness bei den Feierlichkeiten die Hauptrede halten, die vom Rundfunk übertragen wurde. Er nutzte die Gelegenheit, um Befreiungsnationalismus und Volksfrontpolitik miteinander zu verknüpfen: »Wir stehen jetzt am Höhepunkt des Freiheitskampfes des isländischen Volkes: Isländische Männer, isländische Frauen, nehmt den Kampf noch heute auf, haltet diesen Tag der Unabhängigkeit und der Freiheit heilig, indem ihr euch vereint in der Volksfront, der Union aller Kräfte… gegen die ausländische und inländische Unterdrückungsmacht in Form des Bankenkapitals, des Finanzgroßkapitals, dieser schlimmsten Feinde der lebendigen und sich mühenden Menschheit auf Erden, die auch in diesen Tagen danach streben, ihre Pranken auf unser Land zu legen, auf jede einzelne atmende Brust.«

Erst 1944 erlangte Island die völlige Trennung von Dänemark. Laxness: »Es war bemerkenswert, wie jeder Einwohner des Landes in diesen Tagen das Leben der Nation als sein eigenes empfand, als ob jeder Mensch, gebildet oder ungebildet, die lebendige Geschichte des Landes in seiner Brust spürte.«
Laxness war ein sehr merkwürdiger Kommunist, denn was er hier beschrieb, war nichts anderes als die punktuelle Realisierung eines uralten nationalistischen Ideals: des Gedankens der Volksgemeinschaft. Dem isländischen Befreiungsnationalismus setzte Laxness mit seinem Roman »Die Islandglocke« (3 Bde., 1943 – 1946; deutsch: 1951 bzw. 1993) ein Denkmal. Die Glocke wird darin zum Symbol für Erniedrigung und Wiederauferstehung des isländischen Volkes.

Im Kampf gegen die USA

Weist »Die Islandglocke« ins 17. und 18. Jahrhundert zurück, so spielt der Roman »Atomstation« (1948, deutsch: 1955 bzw. 1993) in der Zeit nach dem Zweiten Weltkrieg. Mit diesem Roman und zahlreichen Artikeln kämpfte Laxness gegen die Abtretung von Landrechten an die USA (zwecks Errichtung eines militärischen Stützpunktes). Seine Parolen lauteten damals: »Island darf nie eine Atomstation ausländischer Kriegsgewinnler werden« und »Wir Isländer wollen das uneingeschränkte Hoheitsrecht über unser ganzes Land«.
In deutscher Sprache ist das großartige Erzählwerk dieses Isländers inzwischen in der elfbändigen Werkausgabe (abgeschlossen 2002) leicht zugänglich. Im Dritten Reich konnte nur ein Titel des Autors erscheinen.
Nach dem Zweiten Weltkrieg wurde Laxness in der DDR stark gefördert, obwohl seine fiktionalen Werke nur in sehr begrenztem Umfang Träger einer sozialistisch-kommunistischen Botschaft waren und auch nicht den Vorgaben des sozialistischen Realismus entsprachen.

1958, zu einem Zeitpunkt, als er schon stark von seiner früheren kommunistischen Begeisterung abgerückt war, mokierte sich Laxness in einem Brief an seine Frau über die »miese Atmosphäre in Ostdeutschland«. Für die Politik der DDR hatte er nur ein vernichtendes Urteil übrig: »Ich glaube, Ostdeutschland verdient den Preis des übelsten Dreckslandes, in das ich je gekommen bin, schließlich geht es nicht mit rechten Dingen zu, daß innerhalb weniger Jahre 3 Millionen Menschen aus dem Land geflohen sind. Im Vergleich zu den Bevölkerungszahlen in Skandinavien wäre es dasselbe, wenn in weniger als zehn Jahren alle Norweger aus Skandinavien fliehen würden.«

Wenig schmeichelhaft ist auch, was Laxness 1970 einem Freund über die Untertänigkeitshaltung in beiden Teilen Rumpfdeutschlands mitteilte: »Übrigens, wie ich aus den beiden Teilen Deutschlands höre, sind alle mit ihren jeweiligen Besatzungstruppen zufrieden.« Eine solche Beobachtung verwundert nicht: Laxness´ Blick war durch die Beschäftigung mit der jahrhundertelangen dänischen Besatzungspolitik in Island hinreichend geschärft.

Josef M. Rauenthal

jeudi, 18 décembre 2008

Nationalisme, concert européen impérial, nouvelle droite et renouveau catholique

250px-Barbarossa.jpg

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1994

Nationalisme, concert européen impérial , nouvelle droite et renouveau catholique

Entretien avec Robeert STEUCKERS - Propos recueillis par Xavier Cheneseau

Animateur des revues «Vouloir» et «Orientations» (qui ont pris peu à peu la place d'«Eléments» dans le public de la «Nouvelle Droite», pouvez-vous nous dire comment vous percevez le retour des nationalismes en Europe?

Le terme «nationalisme» recouvre une quantité d’aspirations politiques, parfois divergentes. Alors, je commencerai par mettre les choses au point: pour moi, le «nationalisme», en tant qu’idéologie et pratique politiques, dérive tout naturellement du mot «nation»; au sens étymologique, c’est-à-dire au sens premier, le mot «nation» contient la même racine que «naître» (du latin «nascere»/«nasci», «natus»). La nation est donc la grande famille dans laquelle je nais, et aussi le sol où cette grande famille s’est épanouie. La nation est donc le peuple et le pays au sens charnel du terme. Toute autre définition de la nation est pour moi abusive, tronquée ou extrapolée. Donc fausse. Comme l’Europe est faite de multiples nations, voisines les unes des autres, le philosophe, l’historien ou le militant qui pensent en termes de nationalité déploient automatiquement une pensée qui accepte la variété, la diversité, la multiplicité, la pluralité et s’en réjouissent. Il veut un monde fait d’une infinité de coloris et non un monde de grisaille, comme nous en connaissons dans les banlieues de nos grandes villes. Cette définition de la nation postule que je dois admettre que l’autre veuille gérer son destin local à sa manière. Mais cette multiplicité est difficile à gérer à l’échelle de notre continent, surtout à l’heure où de vieux peuples réclament une structure étatique propre et une voix dans le concert européen. De cette revendication peut jaillir un nouveau désordre, si toutes ces entités politiques, les vieilles comme les nouvelles, se ferment sur elles-mêmes et se refont la guerre au nom de querelles anciennes. Mais si l’on se place directement au niveau européen, au niveau de notre civilisation, et que nous acceptons que cette civilisation s’exprime par une grande variété de modes et de façons, on s’efforcera automatiquement d’élaborer un droit des gens capable de gérer cette diversité sans heurts. Et ce droit des gens s’inspirera des techniques impériales (propres au Saint-Empire médiéval), des modalités fédéralistes de gestion de l’Etat (Suisse, RFA) et acceptera les clauses de la CSCE quant à la protection des minorités linguistiques. En effet, le retour des nationalismes n’est pas tant un retour à l’Etat fermé qu’une volonté de se débarrasser des centralismes trop contraignants et des modes de gestion propres au communisme marxiste-léniniste et au technocratisme libéral occidental. Aujourd’hui, grâce aux nouvelles technologies de communication, le centralisme rigide d’autrefois n’est plus de mise. L’homme du 21ième siècle devra faire face à cette triple nécessité: nécessité géopolitique de concevoir l’unité de l’Europe, nécessité éthique de respecter les diversités productrices de richesses et nécessité pratique de mettre les appareils politiques au diapason des nouvelles techniques de communications.

 

Ces nationalismes peuvent-ils déboucher sur l'émergence d'un Empire européen?

 

Il me semble qu’il est encore trop tôt pour parler d’«Empire européen». D’abord parce que la logique impériale, qui est fédérale, et fonctionne selon le principe de subsidiarité, n’est pas également répartie en Europe. Il subsiste des zones rétives à cette logique de pacification intérieure du continent. Je crois qu’il faut d’abord travailler au sein d’une structure qui existe et qui est la CSCE (qui regroupe tous les pays européens, Russie comprise, plus les Etats-Unis et le Canada). L’idéal, ce serait que la CSCE évolue vers un concert civilisationnel européen et euro-centré, que les Etats-Unis et le Canada s’en retirent pour concentrer leurs efforts sur l’ALENA (Association de Libre-Echange Nord-Américaine). Les Etats d’Amérique du Nord (USA, Canada et Mexique) auront une longueur d’avance: tous trois sont effectivement gérés par un système fédéral. Ce qui facilite les choses. La CEE, c’est-à-dire l’Europe de Maastricht est insuffisante. La fermer sur elle-même est une erreur géopolitique et une injustice sociale à l’égard des pays de l’Est. De plus, sur le plan stratégique et militaire, cette CEE n’est pas viable. La seule entité géostratégiquement viable à très long terme, c’est l’union stratégique des pays européens et asiatiques de la CSCE, reposant sur une interprétation du droit des gens qui accepte les différences culturelles, les gère et les cultive. L’erreur de la CEE a été de vouloir uniformiser l’économie avant d’arriver à un accord inter-européen sur les principes de droit (droit des gens et droit constitutionnel). Le travail de la CEE a été de déconstruire les barrières douanières en tous domaines. Il est évident que c’était peut-être nécessaire dans certaines grosses industries (le charbon et l’acier, d’où la CECA) mais nullement en agriculture. Résultat, nous avons partout en Europe des zones périphériques déshéritées, incapables de sortir de la mélasse puiqu’elles ne peuvent plus recourir à la technique des barrières douanières pour protéger l’emploi chez elles. De surcroît, globalement, l’Europe n’est pas indépendante sur le plan alimentaire, ce qui la met à la merci des puissances exportatrices de céréales (les Etats-Unis). La CSCE est intéressante parce qu’elle repose prioritairement sur le droit et non sur l’économie. Et ce droit règle notamment des problèmes de minorités, qui sont des entités collectives porteuses de culture. Si un «Empire européen» doit advenir —mais je préfère parler d’un concert européen intégré— il reposera sur la généralisation d’un droit constitutionnel de type fédéral, sur la défense de toutes les minorités linguistiques et culturelles et sur l’effort concret de parvenir à l’indépendance alimentaire.

 

Longtemps la «Nouvelle Droite» s'est présentée comme païenne, comment voyez-vous le renouveau du catholicisme en Europe et dans le monde?

 

Je tiens beaucoup à préciser que le paganisme, pour moi, dès le départ, n’a jamais été la volonté de forger un comportement religieux nouveau, mais essentiellement une défense des humanités gréco-latines et l’étude des racines culturelles de tous les autres grands goupes ethniques européens. Ces «humanités» nous dévoilaient une conception du droit et de l’Etat (des «res publicae», des choses publiques: notons le pluriel!) qui pourrait parfaitement nous inspirer encore aujourd’hui. Je rappelle aux zélotes d’une religion caricaturale et sulpicienne que les notions de droit, propres aux Romains, aux Grecs et aux Germains, sont plus anciennes que la religion chrétienne et que ce sont eux qui forment véritablement l’armature de la civilisation européenne. Bien sûr, j’ai toujours reproché aux cercles de la Nouvelle Droite de ne jamais avoir exploré cette veine-là et d’avoir voulu rétablir un culte païen, en ne tenant pas compte du fait que l’Europe pré-chrétienne était animée par une religion de la Cité, c’est-à-dire une religion éminemment politique et non prioritairement esthétique, morale ou éthique. En voulant théoriser une «éthique païenne» ou recréer ex nihilo une «esthétique païenne», avant de rétablir le droit romain ou germanique dans sa plénitude et dans son sens initial, les vedettes les plus bruyantes de la «Nouvelle Droite» ont fait du christianisme inversé, ont tout simplement joué, comme des adolescents irrévérencieux, à renverser les tabous de leur éducation catholique. C’était stupide et peu constructif. Quant au renouveau catholique, je suis sceptique. Evidemment, plusieurs revues italiennes, plus ou moins proche du Vatican (Il Sabato, 30 Giorni), publient des textes de grande valeur, qui renouent avec les grands principes généraux de la politique romaine et abandonnent les chimères de Vatican II ou de mai 68. Par ailleurs, la dépravation morale contemporaine, due aux excès de matérialisme socialiste ou capitaliste, rend attirantes la religion en général et l’idée de communauté fraternelle en particulier. Mais, je ne suis pas prêt à parier pour un catholicisme qui voudrait réduire à néant les acquis du protestantisme ou le caractère sublime de l’orthodoxie gréco-byzantine et russe ou reprendre une croisade contre l’Islam ou dénaturer le vieux fond gréco-celto-romano-germano-slave. Chez les catholiques, il faut retenir, à mon sens, mais en laïcisant ces intuitions et en les ramenant à leur matrice juridique romaine:

1) L’idée d’un œkumène européen, animé par une nouvelle synthèse spirituelle (ce qu’avait voulu réaliser le Tsar Alexandre Ier après la parenthèse napoléonienne).

2) La notion de forme politique basée sur la famille (mais non plus la famille nucléaire actuelle ou évangélique, mais la “gens” au sens romain ou la “Sippe” au sens germanique). Carl Schmitt est le penseur qui a théorisé la notion de «forme politique catholique (au sens d’universel)». Il faut le relire.

2) Reprendre, en les laïcisant, les linéaments du catholicisme social, tant dans sa variante corporatiste que dans sa variante sociologique (Othmar Spann).

3) En France, s’inspirer des études de Stéphane Rials et de Chantal Millon-Delsol, pour y généraliser un droit inspiré par la subsidiarité.

Le renouveau catholique ne saurait être, pour mes camarades et moi-même, le triste guignol intégriste avec ses monstrations esthétiques et ses vaines recherches d’une vérité éthique; ce qui fait urgence, c'est bien le retour à une forme romaine du politique, valable pour toute l’Europe. Un véritable renouveau catholique devrait abandonner la fibre religieuse évangélique, renoncer à toute forme de bigoterie, sphères où désormais les pires simagrées psycho-pathologiques sont possibles, où ont sévi les pires vecteurs de l’anti-politisme, pour redevenir purement et pleinement religiosité politique. Il ne faut retenir du message catholique que ce qui a amélioré et perfectionné le vieux fond politico-juridique romain (au sens pré-impérial, républicain, du terme). Méditons en ce sens Caton l’Ancien.

 

 

mercredi, 10 décembre 2008

L'univers de G. K. Chesterton

L’univers de G.K. Chesterton

L’univers de G.K. Chesterton

petit dictionnaire raisonné
Philippe Maxence
24,00 €

Auteur de plus de cent livres, maître du suspense, de l’humour et de la polémique, le romancier et poète Gilbert Keith Chesterton (1874-1936) a bâti une œuvre qui a vite traversé les frontières de son Angleterre natale.
En dépit de sa série des “Father Brown”, son héros de prêtre détective, aujourd’hui traduite dans le monde entier, il manquait cependant un aperçu audacieux de ses thèmes et de ses bons mots.

Voici le libre abécédaire de cet univers étoilé de bonheur, de bon sens, de paradoxe et d’excentricité : une occasion unique de découvrir l’homme de cœur et de conviction.
“Chesterton est l’un des premiers écrivains de notre temps et ceci non seulement pour son heureux génie de l’invention, pour son imagination visuelle et pour la félicité enfantine ou divine que laisse entrevoir chaque page de son œuvre, mais aussi pour ses vertus rhétoriques, pour sa pure virtuosité technique.”
Jorge Luis Borge

Passionné par le monde anglo-saxon, Philippe Maxence est notamment l’auteur de Baden-Powell, éclaireur de légende et fondateur du scoutisme (Perrin, 2003), du Monde de Narnia décrypté (Presses de la Renaissance, 2005), et de Pâques 1916, renaissance de l’Irlande. Il est rédacteur en chef du bimensuel L’Homme Nouveau.

 

http://www.librairiecatholique.com

dimanche, 23 novembre 2008

De Reconquista in 10 vragen - Interview met J. J. Esparza

De Reconquista in 10 vragen:
Interview met Jose Javier Esparza, gesprek gevoerd door Arnaud Imatz en Philippe Conrad


 

Vraag: Wat gebeurde er precies tijdens de 8ste eeuw, de eeuw van de verovering door de muzelmannen. Hoe kon Spanje door deze invasie van muzelmannen worden onderworpen?

Antwoord: Het Wisigothisch koninkrijk werd door een interne oorlog getroffen, die het gevolg was van een erfeniskwestie. Een van de beide kampen riep de muzelmannen aan de andere kant van de Straat van Gibraltar te hulp. Die kwamen in Spanje tussen, maar bleven achteraf wel ter plaatse – wat uiteraard niet voorzien was.
De staat van ontbinding van de Wisigotische orde vergemakkelijkte wel de vervanging van de elite van de Wisigothische aristocratie. De muzelmannen stelden zich in de plaats van de Goten om zo het land te overheersen. Heel wat Gotische edelen bekeerden zich tot de islam, vooral in de Ebrovallei, en andere weken uit naar het noorden van het schiereiland om zo aan de muzelmanse overheersing te ontsnappen. Zo is eigenlijk alles begonnen.


Vraag: Was koning Pelagius, dé baanbreker van de Reconquista vanaf de 8ste eeuw, een koning of een zuiver legendarische figuur?

Antwoord: Er bestaan voldoende convergerende historische bronnen om voortaan niet meer te twijfelen aan het werkelijke bestaan van Pelagius. Wij weten dat hij een edelman was uit het gevolg van koning Roderik, een van de pretendenten op de troon van het Wisigotische Spanje en verslagen in de slag van Guadalete. Pelagius trok zich in het noorden, in Asturië, terug, in de buurt van Toledo, de historische hoofdstad van het koninkrijk. De episodes van zijn militaire loopbaan zijn gekend en bekend. Legenden hebben achteraf sommige gebeurtenissen verfraaid, zoals de slag van Covadonga (722), maar in essentie is alles vastgelegd. Pelagius voerde een verzetsoorlog in Asturië, eerst als aanvoerder van de Asturiërs op het ogenblik dat het “een zadel was dat men kon berijden”, waardoor hij een aantal volkeren op het schiereiland onder zijn gezag kon verenigen. Zelf werd hij nooit tot koning uitgeroepen, maar zijn nakomelingen schiepen het Asturisch koninkrijk.

Vraag: Geschiedde de islamisering van het schiereiland vlug en gemakkelijk of werd er tegen de overweldigers lang weerstand geboden?

Antwoord: Men heeft lange tijd gedacht dat de muzelmanse verovering gemakkelijk gebeurde, maar dat is slechts een gemeenplaats. Het is waar dat de vervanging van de aristocratie van de Wisigoten door de Arabo-Berbers zeer vlug gebeurde, onder andere mogelijk gemaakt door de opportunistische bekering van tal van Gotische edellieden naar de islam. Dat leidde ertoe te denken dat de Spaanse bevolking geen weerstand zou hebben geboden aan de invasie, indien die er toch maar voor zorgde dat het ene gezag gewoonweg vervangen werd door een ander. Maar de bezetters waren erop uit hun religie en hun islamitische orde op te leggen in zowat alle gebieden, wat natuurlijk alles veranderde. De weerstand gebeurde vooral op “beschavings”-vlak. De uitdrukking “uitbreiding tot het gehele schiereiland” verdient nader bepaald te worden. Een goed deel van het noord-westen van Spanje werd nooit bezet. Dat gebied werd geconfronteerd met de islamitische militaire dreiging, maar werd nooit overheerst en kende een toestand van voortdurend verzet.

Vraag: Hoe gebeurde de Reconquista? Was het slechts een zaak van adel of nam gans het volk er aan deel? Hoe kan men verklaren dat men nog zolang heeft moeten wachten voordat het ganse schiereiland bevrijd werd? In de 11de eeuw werden toch enorme successen behaald?

Antwoord: Vooral tijdens die eerste eeuwen was de Reconquista een zaak van het ganse volk. Wat ongetwijfeld een van meest verbazende fenomenen is. De vorsten begonnen de herovering van die gebieden die zich ten zuiden van hun koninkrijken bevonden, geleidelijk aan te vatten. Maar wie de expansiewens vooral in daden omzetten, waren de verwanten van de boeren die in de Duerovallei de kans hadden gezien hun levensomstandigheden te verbeteren. Die bevolking was namelijk gedwongen zelf haar economische overleving en haar veiligheid te verzekeren, wat een heel eigen mentaliteit van boeren-soldaten creëerde. In het Oosten, in de Ebrovallei en in het toekomstige Catalonië, gebeurde het anders. In die tamelijk verstedelijkte streek – al sinds het Romeinse Rijk was dit het geval – waar de gezagsstructuren beter georganiseerd waren, was er geen plaats voor een nieuwe inplanting van landbouwers. De Karolingische monarchie organiseerde er een “Spaanse Mark”, die de onafhankelijke graafschappen beschermde. Die werden op hun beurt aangemoedigd nieuwe gebieden in het zuiden te veroveren, en dit gebeurde onder de leiding van de strijdlustige adel.

Vraag: Hoe kan men de uiterste traagheid van de Reconquista verklaren?

Antwoord: Dat de Reconquista tot in de 11de eeuw uiterst langzaam vorderde, heeft vooral demografische redenen. Het noorden van het schiereiland was veel minder bevolkt dan het zuiden. Maar telkens de muzelmannen opdaagden om bepaalde stukken Spaans grondgebied te vuur en te zwaard te bezetten, keerden de autochtonen terug om de verwoeste gebieden terug in te nemen, en om ze tot militaire grens om te vormen. Men zag op die manier een onverwachte toestand ontstaan: de vroegere onderworpen en in het defensief gedwongen Spaanse koninkrijkjes werden omgevormd tot kleine militaire machten, waar het kalifaat zelf op het einde van zijn heerschappij kleine koninkrijkjes, ‘taifas’, zag ontstaan, die niet in staat waren de muzelmanse dominantie te bestendigen. Men zag dan het stelsel van ‘parias’ ontstaan, een soort tol die de rijke, maar militair verzwakte muzelmanse koninkrijkjes moesten afdragen aan de arme maar strijdlustige christelijke koninkrijken. “Al-andalus” zal enkele momenten van kortstondig reveil kennen, maar de toestand zal tot het einde van de Reconquista weinig evolueren.

Vraag: Hoe reageerden de muzelmannen op het religieus en cultureel belang van het heiligdom van Compostella? Wat bedoelde men met het aanroepen van Sint-Jacob als helper van Spanje tijdens de gevechten?

Antwoord: Het ontdekken van het vermeende graf van Sint-Jacob kreeg een enorme echo in gans de christelijke wereld, vooral in het Karolingische Frankrijk. Vanaf de 9de eeuw betekende het Galicisch heiligdom voor heel Europa een legendarische band, wat de muzelmannen uiteraard wisten. Al Manssur bespaarde zich geen moeite om het heiligdom in 997 te verwoesten. Maar dat schaadde het belang van de cultus niet. Men bouwde een nieuwe kathedraal en de bedevaart naar Compostella werd een soort basis ritueel voor gans het christelijke Europa.

Wat betreft het aanroepen van Sint-Jacob in de Spaanse militaire traditie, die lijkt terug te gaan tot het midden van de 9de eeuw, op het moment dat de traditie – rond de periode van de slag bij Clavijo – de heilige afbeeldde, gezeten op een wit paard, het zwaard in de hand. Het is van toen dat het beeld van “Santiago Matamoros” (de Morenverdelger) opduikt, gezeten op een wit paard en op de hoofde van de overwonnen Sarasijnen rijdt. Uit die tijd stamt ook de strijdkreet “Santiago y cierra, Espana”. “Cierra” betekent aanval. Zo werd Sint-Jacob in de loop van de Middeleeuwen tot patroon van Spanje verheven, en hij is dat tot op vandaag gebleven, zelfs als de cultus dreigt te vervagen.

Vraag: Waarom was de slag van Las Navas de Tolosa in 1212 van zo’n groot belang voor de geschiedenis van Spanje en van Europa?

Antwoord: Omdat gans Europa betrokken was. Het kwam erop aan de ultieme grote Afrikaanse invasie in het westen te stoppen, waarbij de Merinitische poging, die in 1340 bij Rio Salado werd gestopt, maar een belang had in de marge. De Almohaden, een strijdlustige sekte uit het zuiden van Marokko, hadden hun heerschappij aan gans Noord-Afrika opgelegd, alvorens zich in Spanje te begeven om zich de macht in Andalusië tot te eigenen. Dit gebeurde op het einde van de 12de eeuw. Zij hadden voldoende militaire, politieke en economische macht om de grens, die toen ter hoogte van de Sierra Morena lag, te doorbreken en de Castilliaanse hoogvlakte te bezetten. De bedreiging was zo sterk dat de koning van Castilië weinig moeite had van paus Innocentius III te bekomen dat die opriep tot een kruistocht. Zo kwam het dat in de lente van 1212 duizenden Iberische en Europese strijders – Duitsers, Bretoenen, Lombarden, Provençalen, Aquitaniërs, inwoners van de Langue d’Oc, enzovoort) in Toledo verzamelden om de Almohaden te stoppen. Een groot aantal van die Europese troepen verliet later de kruistocht, maar de Provençaalse ridders bleven tot het einde aan de zijde van de troepen die de Iberische vorsten hadden geleverd en deelden in de overwinning. Vanaf Las Navas de Tolosa zou men nooit meer meemaken dat muzelmanse overweldigers het Europese continent vanuit het zuiden militair zouden bedreigen.

Vraag: Enkele duizenden mannen, onder het bevel van Roger de Flor, de befaamde Almugavaren, elitetroepen van de kroon van Aragon, samengesteld uit herders uit de Spaanse Sierra, droegen er door hun actie in de oostelijke Middelandse Zee toe bij dat de dood van Byzantium met enkele eeuwen werd uitgesteld. Hoe kan men zoiets verklaren?

Antwoord: nu lijkt dit onwaarschijnlijk, maar toen gebeurde het wel. Die Almugavaren waren een soort elitetroep van de legers van de christelijke Reconquista, zowel Aragonnezen als Catalanen. Ze bestonden vooral uit voetknechten. Die merkwaardige mannen leefden met hun gezinnen vlakbij de frontlijn. Hun leven bestond erin de vijand voortdurend aan te vallen en het gebied van de tegenstrever voortdurend te infiltreren. Toen het koninkrijk Aragon de zuidelijkste grens van zijn expansie bereikte, werden de Almugavaren – de term komt eigenlijk van de Moren en stamt van het Arabisch ‘almugavar’, wat betekent ‘hij die in verwarring brengt’ – ingezet in de expansieplannen van de Aragonese kroon in de middellandse zee. Na Sicilië en Napels veroverd te hebben, beantwoordden ze de roep van de Byzantijnse keizer die door de Turken werd bedreigd. We waren 1302 en de idee om naar Byzantium te trekken om er de Turken te bestrijden, leek waanzinnig…. Hun leider, Roger de Flor (zijn echte naam was Roger von Blum, zoon van een valkenier van Frederik II von Hohenstaufen, opgevoed door de Tempeliers en zelf ook Tempelier), nam de uitdaging aan en scheepte met 4.500 man in, richting Constantinopel. In Anatolië bracht hij 7.000 man bijeen. Hun avontuur wekt op zijn minst verbazing op: eerst versloegen ze de Turken bij Cuzykos (de zee van Marmara), later over geheel de Egeïsche kust en aan de voet van het Taurusgebergte. Ze werden uiteindelijk verraden door de Byzantijnen, maar slachtten die af bij Gallipoli, drongen door tot in Griekenland en stichtten in Thessalië een hertogdom dat ze een eeuw lang konden in stand houden.

Vraag: Waarom waren de “katholieke koningen” Isabella van Castilië en Ferdinand van Aragon zo’n belangrijke figuren voor de Spaanse geschiedenis?

Antwoord: Door hun verenigende en moderniserende werking. Onder hun bewind liep de Reconquista ten einde, het koninkrijk Navarra werd in het nieuwe Spanje geïncorporeerd, de moderne Castilliaanse taal werd gereglementeerd. De religieuze eenheid van het land werd verwezenlijkt met het uitdrijven van de joden. Er tekende zich een post-feodale macht af die meer rechten toekende aan de steden dan aan de edellieden.
Toen ook ontstonden instellingen die aan een nationaal kader beantwoordden, en men vatte de verovering van Amerika aan. Dat was een methodisch georganiseerd plan, vrucht van de gemeenschappelijke wil: de twee soevereine vorsten deelden de idee van een “christelijke republiek”. Met de katholieke koningen werd het moderne Spanje geboren en de Reconquista sloot af met de inname van Granada op 2 januari 1492. Die zege werd in haast alle Europese hoofdsteden gevierd, van Rome tot Londen. Voor de Spaanse geschiedenis heeft dat gebeuren een zeer groot belang, want voor de eerste keer kon het schiereiland de eenheid die het in de Romeinse tijd ook al had gekend, eindelijk opnieuw realiseren (zelfs als het bestaan van Portugal een politieke verdeling betekende). Voor Europa betekende de inname van Granada voor minstens vijf eeuwen het verwijderd houden van de islam tot minstens voorbij de straat van Gibraltar.

Vraag: Twee van de meest betwiste episodes uit de Spaanse geschiedenis blijven de uitdrijving van de joden door de katholieke koningen bevolen in 1492 en die van de Morisken, door Filips III in 1609 opgelegd. Voor de ene waren dat uitingen van onverdraagzaamheid, waardoor de voorspoed van het land bedreigd werd, voor anderen waren het onvermijdelijke vruchten van de volkshaat en beslissende stappen naar de religieuze en politieke eenmaking van het land. Wat is het nu? En hoeveel joden en Morisken werden er uitgedreven?

Antwoord: Het betreft twee verschillende episodes die ook een andere oorsprong hebben. De uitdrijving van de joden is een etappe in de godsdienstige eenmaking van Spanje. Het probleem lag niet bij het bestaan van praktiserende joden, en ook niet van hun beweerde invloed op hen die zich tot het christendom hadden bekeerd. De promotoren van de uitdrijving waren meestal “nieuwe christenen”, eigenlijk dus bekeerde joden. De vijandigheid van het volk zorgde voor de rest. Op te merken valt dat de Sorbonne bijvoorbeeld de katholieke koningen geluk wenste met de genomen maatregel. Overigens werden door de uitdrijving, althans volgens de recentste berekeningen, zo’n 100.000 mensen getroffen.

De zaak ligt anders bij de uitdrijving van de Morisken – muzelmannen die na 1492 in Spanje gebleven waren. De context vindt men terug in de vrees dat een sterke minderheid muzelmannen in Spanje een soort “vijfde colonne” zou kunnen worden voor de Turken als die het schiereiland zouden aanvallen. De gewelddadige opstand in de Alpujarras (een bergketen ten zuiden van Granada), waar die Moorse bendes in 1568-1571 terreur zaaiden, bevestigde die vrees. De bendes verzamelden tot 25.000 oproerkraaiers en werden ondersteund met Algerijns en Turks geld. Een geregelde militaire kampanje was noodzakelijk om dit probleem op te lossen. Desondanks decreteerde men in Spanje nog niet de uitdrijving van de Morisken, maar hun herplaatsing in andere regio’s van Spanje. De uitdrijving greep later plaats toen bleek dat de “integratie” van de Moriske gemeenschappen onmogelijk bleek. Het aantal uitgedrevenen wordt geschat op ongeveer 300.000.

Jose Javier Esparza is schrijver, journalist en politicoloog. In 1963 geboren in Valencia. Hij leidt tegenwoordig het internet dagblad El Manifesto. Hij tekent ook verantwoordelijk voor twee uitzendingen die tot de meest beluisterde behoren van de radioketen COPE: een culturele en een historische uitzending met name. Vroeger werkte hij mee aan verschillende nationale dagbladen, waaronder ABC en hij leidde het politiek-culturele tijdschrift Hesperides. Onlangs nog publiceerde hij twee historische boeken, La Gesta espanola en El Terror Rojo en Espana, twee essais Los Ocho Pescados del Arte Contemporaneo en Curso de Disidencia. Hij is ook auteur van een roman El Final de los Tempos.


Vertaling: Karel Van Vaernewijck

mardi, 18 novembre 2008

El "katechon" como idea metapolitica

ritterk.gif

El katechon como idea metapolítica

 

 

Por Alberto Buela
Filósofo Argentino

 

El término griego katechon que debe castellanizarse como katechon y pronunciarse katéjon, es el participio presente del verbo katecho (katécho) que significa: retener, agarrar, impedir.

Es el apóstol San Pablo en su segunda carta a los Tesalonicenses, versículos 6 y 7, quien lo utiliza por primera vez como idea de obstáculo, de impedimento, a la venida del Anticristo.

Veinte siglos después, es el filósofo del derecho y jurista alemán Carl Schmitt (1888-1985) quien en varios trabajos suyos recupera la idea de katechon otorgándole una significación politológica. 

Nuestra tarea va a ser exponer primero la versión de San Pablo y las más significativas interpretaciones, luego la del pensador de Plettenberg, para finalmente intentar, nosotros, una lectura metapolítica de la idea  de katechon.

 

Doctrina paulina del katechon

Antes de la parusía o segunda venida de Cristo tienen que suceder dos hechos: la gran apostasía universal, y la manifestación del hombre de pecado llamado por San Juan el anticristo. Pero San Pablo agrega una cláusula para determinar más precisamente todos estos eventos, él transmite a los fieles de Tesalonia la doctrina del katechon.

El texto apocalíptico completo es el siguiente:  

“Hermanos, os suplicamos, por el advenimiento de nuestro Señor Jesucristo y de nuestra reunión con él, que no abandonéis ligeramente vuestros sentimientos, ni os alarméis con supuestas revelaciones, con ciertos discursos o con cartas que se suponga enviadas por nosotros, como si el día del Señor estuviera ya cercano. Que nadie os engañe en manera alguna. Porque antes ha de venir la apostasía y se ha de manifestar el hombre de la iniquidad, el hijo de la perdición. El cual se opondrá y se alzará contra todo lo que se dice Dios, o es objeto de culto, hasta llegar a sentarse en el mismo templo de Dios, dando a entender que es Dios. Vosotros sabéis lo que ahora lo detiene (to katechon), de manifestarse a su tiempo. Porque el misterio de iniquidad ya está actuando. Tan solo sea quitado del medio el que ahora lo detiene (ho katechon). Y entonces se dejará ver aquel inicuo a quien el Señor Jesús matará con el aliento de su boca y destruirá con el resplandor de su venida. Aquel inicuo que vendrá con el poder de Satanás, con todo poder, señales y prodigios falsos. Y con todo engaño de iniquidad para los que se condenan por no haber aceptado el amor de la verdad a fin de salvarse. Por eso Dios les enviará el artificio del error que les hace creer en la mentira. Para que sean juzgados todos los que no creyeron en la verdad, sino que se complacieron en la injusticia.” (2ª Tes. 2, 1-12)     

El contexto de la carta es el siguiente: En la Iglesia de Tesalónica habían sucedido disturbios a consecuencia de la creencia que la segunda venida de Cristo era inminente. Esta señal era perteneciente parcialmente a unos malos entendidos de la 1ª. de Tesalonicenses (4:15 y sigs.), parcialmente a las maquinaciones de los impostores. Fue como una forma de remediar éstos desórdenes que San Pablo escribió su segunda epístola a los Tesalonicenses, introduciendo específicamente en los versículos 6 y 7 su doctrina del katechon como un complemento a su visión apocalíptica. 

Si releemos en forma detenida el contenido de las cláusulas 6 y 7:

Vosotros sabéis lo que ahora lo detiene (to katechon) de manifestarse a su tiempo. Porque el misterio de iniquidad ya está actuando- Tan solo sea quitado del medio el que ahora lo detiene (ho katechon). Y entonces se dejará ver aquel inicuo a quien el Señor Jesús matará con el aliento de su boca y destruirá con el resplandor de su venida.

VUL 2 Thes 2:6 "et nunc quid detineat scitis ut reveletur in suo tempore 7 nam mysterium iam operatur iniquitatis tantum ut qui tenet nunc donec de medio fiat 8 et tunc revelabitur ille iniquus quem Dominus Iesus interficiet spiritu oris sui et destruet inlustratione adventus sui" 

Vemos como aquí el apóstol nos habla de dos tipos de katechon. En el versículo 6 usa una frase con el pronombre neutro to, que traducimos por lo, y en el versículo 7 utiliza el pronombre masculino ho, que traducimos por el.

Al haber utilizado San Pablo en dos versículos seguidos y continuos vocablos personales –ho- como impersonales –to- para referirse al mismo participio substantivado katechon como el obstáculo o el impedimento, muchas han sido a lo largo de la historia las hipótesis para explicar la frase. Hay opiniones para todos los gustos.

Recopilemos algunas interpretaciones del katechon. 

  1. Para la mayoría de los autores latinos y sus traductores el principal impedimento es el Imperio Romano, con sus leyes e instituciones. San Agustín, así como gran parte de los padres de la Iglesia son de esta opinión.

  2. Para el teólogo oficial de la Iglesia, Santo Tomás de Aquino, trece siglos después, también el impedimento era el Imperio Romano, quien luego de su caída se prolongó en la Iglesia, ya que el vínculo con Roma estaba dado por la continuación de la antigua localización en el espacio: La Roma eterna unión  del imperium y el sacerdotium.

  3. Para los teólogos protestantes que vivieron después del siglo XVII, San Pablo se refirió a personas y acontecimientos de su tiempo es así que para ellos, el impedimento son los emperadores Calígula, Tito, Nerón, Claudio.

  4. Otra opinión es la del teólogo B. B. Warfield, quien sugiere que “el poder que lo detiene” es la continuación del Estado Judío, luego que la apostasía judaica se completó y el cristianismo perseguido por Roma y sus emperadores, Santiago de Jerusalén es el que personifica este katechon.

  5. Los teólogos Frame,  Best, Grimn y Sinar, consideran que la fuerza que mantiene el dominio no es otra que Satanás, cuya influencia ya está en el mundo como misterio de iniquidad.

  6. Una opinión totalmente opuesta es la desarrollada por Strobel Trilling, afirmando que es el propio Dios en la persona del Espíritu Santo, la fuerza que demora la parusía que los fieles de la época estaban experimentando.

  7. Tenemos también la opinión de un teólogo como O. Cullman, que se suma a una tradición muy extendida según la cual el obstáculo que retiene es la proclamación del evangelio a todas las naciones por los misioneros cristianos incluida la conversión de Israel.

Luego de esta colección de hipótesis acerca de la naturaleza del katechon, es casi temerario hacer una afirmación categórica, no obstante la de mayor hondura teológica es aquella que sostiene que es Dios mismo a través del Espíritu Santo quien en última instancia permite que el Anticristo se manifieste, luego de poder predicar el evangelio a todas las naciones.

En cuanto a éste último, afirma el prestigioso Dollinger en la Enciclopedia Católica:

“La persona individual de Anticristo no será un demonio, como algunos de los escritores antiguos creían; tampoco será la persona del Diablo encarnado en la naturaleza humana de Anticristo. Él será una persona humana, tal vez de extracción Judía, si la explicación de Génesis 49:17, junto con aquella de la omisión de Daniel en el catálogo de las tribus, como se encontró en el Apocalipsis, sea correcto”.

El Anticristo que se sentará en el trono de Pedro y hará prodigios es denominado por San Pablo, anomos, “el sin ley”, esto último nos da pie para pasar a la teoría de Carl Schmitt.

 

La teoría schmittiana sobre el katechon

El concepto aparece fugazmente mencionado en las breves páginas de "Historiographia in nuce: Alexis de Tocqueville" en el opúsculo "Ex Captivitate Salus" (1946) y desarrollado luego in extenso en voluminoso trabajo sobre  "El Nomos de la tierra" (1952), retomando finalmente el tema en "Teología política II" (1970).

La primera observación que podemos hacer siguiendo las fechas de los trabajos, es que el interés de Schmitt por el tema corresponde a su período de postguerra.

Para nuestro autor las categorías con que se maneja la política moderna no son otra cosa que categorías teológicas secularizadas, en esta tesis se apoya toda su teología política, una de cuyas ideas cardinales es la de katechon.

Es un concepto históricamente decisivo que desde el Imperio Romano,  recorre todo el medioevo cristiano y que tiene como cadena de transmisión, para impedir el avance del mal, la lengua común del derecho romano y un sistema de orden espacio-temporal que ha practicado la ciencia jurídica europea, el ius publicum europaeum, del cual, él Carl Schmitt, se considera su último representante. Como vemos, él se asume existencialmente como un katechon, observación esta última obviada por sus comentaristas. En este sentido no hay que olvidar que él es contemporáneo de Heidegger, de Marcel, de Junger, de Le Senne, pensadores todos que adoptan vitalmente sus propios postulados filosóficos.

Para Schmitt el concepto tiene una pluralidad de significados que ejemplifica con realizaciones históricas. Así, menciona como impedimentos u obstáculos:

  1. Al “Imperio bizantino, que desde Constantinopla regía los vestigios romanos de Oriente, era un Imperio costero. Disponía aún de una poderosa flota y poseía un arma secreta: el llamado fuego griego. Sin embargo, estaba por completo reducido a la defensiva. Así y todo, pudo, en cuanto potencia naval, realizar algo que el Imperio de Carlomagno- pura potencia terrestre- no fue capaz de llevar a cabo; fue un auténtico dique, un katechon, empleando la voz helénica; pese a su debilidad, se sostuvo frente al Islam durante varios siglos y, merced a ello, impidió que los árabes conquistasen toda Italia, De lo contrario, hubiese sido incorporada aquella península al mundo islámico, con completo extermino de su cultura antigua y cristiana, como por entonces ocurrió con el Norte de Africa” (1)

  2. A la Iglesia católica “cuyo poder político no reside en los medios económicos o militares. La Iglesia posee ese Pathos de la autoridad en toda su pureza. Es una representación personal y concreta de una personalidad concreta. Además es portadora, en la mayor escala imaginable, del espíritu jurídico y la verdadera heredera de la jurisprudencia romana. En esa capacidad que tiene para la Forma jurídica radica uno de sus secretos sociológicos. Pero tiene energía para adoptar esta Forma o cualquier otra porque tiene la fuerza de la representación. Representa la civitas humana, representa en cada momento histórico al propio Cristo personalmente” (2) y en su capacidad representativa  radica su tarea de katechon, sobre todo frente a la era del pensamiento económico y la sociedad de consumo.

  3. La Respublica Christiana “que enlaza el Derecho medieval de Gentes con el Imperio romano. Lo fundamental de este imperio cristiano es el hecho de que no sea un imperio eterno, sino que tenga en cuenta su propio fin y el fin del eón presente, y que a pesar de ello sea capaz de poseer fuerza histórica. El concepto decisivo de su continuidad, de gran poder histórico, es el de katechon. Imperio significa en este contexto la fuerza histórica que es capaz de detener la aparición del anticristo y el fin del eón presente, una fuerza qui tenet, según las palabras de San Pablo apóstol” (3). Destaca así mismo a los emperadores medievales Otón el Grande y Federico Barbarroja que con su luchas han aplazado la llegada del Anticristo. Y así lo afirma explícitamente en su conferencia del 11 de mayo de 1951 en el Ateneo de Madrid, titulada "La Unidad del mundo", cuando dice: “Siglos enteros de historia medieval cristiana y de su idea de Imperio se basan en la convicción de que el Imperio de un príncipe cristiano tiene sentido de ser precisamente un tal katechon. Magnos emperadores medievales como Otón el Grande y Federico Barbarroja, vieron la esencia histórica de su dignidad imperial en que, en su calidad de katechon, luchaban contra el Anticristo y sus aliados, y aplazaban así el fin de los tiempos” (4)

Estos ejemplos, los más sobresalientes por su tarea de katechon nos muestran de manera palpable que Schmitt, como buen jurista, finca su teoría a partir del katechon como nomos, como impedimento a la instauración del mal, entendido por él como anomia.

Pero como eminente politólogo que fue sabe que “detrás de toda gran política hay un arcano” y este secreto es la función de la gran política como katechon. Si se prescinde de esto solo se puede hacer surgir políticamente “el cesarismo”, que es una forma de poder no cristiano, separado de una corona real, de un reino y de una misión. Este cesarismo sin misión se expresa, según Schmitt, en “la exclamación de los judíos antes de la crucifixión de Jesucristo: “No tenemos mas rey que el cesar” (San Juan, 19,15)(5).

 

El katechon como idea metapolítica

La metapolítica, según la hemos definido en nuestros trabajos (6), es una ciencia interdisciplinaria que tiene por objeto el estudio de las grandes categorías que condicionan la acción política. Supone una crítica a la cultura dominante que después se proyecte a la realidad de la vida. Es decir, que no puede existir metapolítica sin política, lo que obliga a no pensar al nudo sino en miras a una transformación de la realidad moderna “para suplantar a los gobernantes y mantenedores de la presente conducción”, en palabras de Max Scheler(7).

Al enigma de San Pablo acerca de  nunc quid detineat (lo que ahora detiene) y qui teneat nunc (el que ahora detiene) nosotros, siguiendo en parte a Schmitt en su idea de Grossraum, sostenemos que: Ante el proceso ideológico de globalización anunciado en 1991 por el presidente Busch, padre, en el sentido de la construcción de un one world, un mundo uno, debemos propiciar la construcción de grandes espacios autocentrados y específicamente la de un gran espacio suramericano, como katechon a la “visión fundamentalista de la globalización según la cual éste es el único de los mundos posibles” (8) y su proyecto mundialista de dominación de la tierra bajo un gobierno único. Y decimos un gran espacio y no un Estado solo, porque la época del Estado-nación ya caducó, incluso la de países continente como Rusia, China, India o Brasil. Hoy la acción de un Estado aislado es irrelevante para el gobierno mundial del G8, como poder ejecutivo, el FMI como poder gerencial-financiero o de Davos, como poder deliberativo.

El sentido metapolítico de la idea de katechon lo vislumbramos en la idea de gran espacio, pero no en cualquier gran espacio, sino sólo en aquel que se construya sobre un arcano. Esto es, para la realización de una gran política. "Lo grande nace grande" dice Heidegger, y un gran espacio suramericano tiene que nacer grande, y así comenzar por la alianza de Brasil y Argentina, los dos grandes, hasta extenderse a toda Suramérica. Para ello, poseemos una lengua franca, el portuñol, una historia común económica y cultural  de expoliación y colonización cultural, un enemigo común: el anglosajón, ingleses en el siglo XIX y yanquis en el XX,(9) una religión común: el cristianismo inculturizado de expresión heterodoxa. Genuinas instituciones políticas en común, más allá de la democracia liberal, como la figura del caudillo y su representación por acclamatio. Una masa poblacional hoy (2002) de 330 millones de habitantes. Cincuenta mil kilómetros de ríos navegables en el interior. Con una complementación tecnológica de cada uno de sus diez Estados-nación que parece surgida por azar. Y todo ello localizado en un espacio común de esta isla continental de casi 18 millones de km2, el doble que Europa y, también de los Estados Unidos.

El segundo sentido metapolítico del katechon lo barruntamos nosotros en el hecho que Suramérica forma parte de un espacio cultural mayor que es Iberoamérica; esto es, los pueblos que van desde el Río Grande hasta Tierra del Fuego. Y este espacio tiene un singular destino escatológico que está dado por el esplendor solar de la Virgen Morena de Guadalupe, que como observa el estudioso Primo Siena: “Confirmamos que es la primera vez, en el entero curso milenario de las teofanías marianas, que la imagen de Nuestra Señora aparece encinta como lo fue en el oculto viaje hacia Belén narrado por los evangelistas, o como resulta del maravilloso cuadro solar, presentido en el Apocalipsis por el discípulo predilecto. Existe una correspondencia desde el mil seiscientos entre la Virgen guadalupana y  la “Mujer vestida de Sol” del texto profético” (10).

Es muy probable que este sea el arcano de la gran política que deba darse este nuevo katechon que tiene que ser Nuestra América.

El tercer sentido metapolítico de katechon está dado en la lucha por la pertenencia a un espacio territorial determinado y la conservación del mismo expresado en la defensa de lo que Virgilio llamó genius loci, esto es suelo, clima y paisaje. Hoy el misterio de iniquidad es la idolatría hacia el monoteísmo del libre mercado, que genera el individualismo y el nihilismo social y aquello que lo detiene, quid detineat (to katechon) es la resistencia cultural, ética y espiritual que en el interior del sistema de globalización neoliberal llevan a cabo las personas, los grupos y los pueblos que quieren seguir manteniendo su identidad, su ipse, su sí mismo.

Lo difícil es saber qui teneat (ho katechon), quien lo obstaculiza, y aquí sólo podemos apelar al poeta, que tiene caminos que el filósofo desconoce, cuando decía:

Se necesitaría Roosevelt, ser Dios mismo,
El Riflero terrible y el fuerte Cazador,
Para poder tenernos en vuestras férreas garras.
Y, pues, contáis con todo; falta una cosa: Dios. (11)

 

Notas

 

  1. Schmitt, Carl: Tierra y Mar, Madrid, Estudios Políticos, 1952, pp. 19/20. -

  2. Schmitt, Carl: Catolicismo y Forma política, Madrid, Tecnos, 2000, p.23

  3. Schmitt, Carl: El Nomos de la tierra, Madrid, Est.Const. , 1979, p.38

  4. Schmitt, Carl: La Unidad del mundo, Madrid, Ateneo, 1951,  p.32.-

  5. Schmitt, Carl: El Nomos, op.cit. p.44.-

  6. Buela, Alberto: Ensayos de disenso, Barcelona, Nueva República, 1999, p. 93 a 98. -

  7. Scheler, Marx: El hombre en la etapa de la nivelación, en  Metafísica de la libertad, Bs.As. , Nova, 1960, p.189.-

  8. Jaguraribe, Helio: Argentina y Brasil en la globalización, Bs.As. , FCE, 2001,  p.39.-

  9. Cagni, Horacio: Escritos de política mundial de Carl Schmitt, Bs.As., Heraclés, 1995, p.24.- “El Grossraum es para Schmitt una idea basada en su invariante amigo-enemigo. La enemistad determina el gran espacio”.

  10. Siena, Primo: La Virgen morena y el destino escatológico americano, en revista Disenso N° 10, Bs.As. , verano 1997. - 

  11. Darío, Rubén: Poema a Roosevelt en Cantos de vida y esperanza (1905)

dimanche, 12 octobre 2008

Un réquisitoire à contre-époque

medium_jacques_julliard_2.jpg

Un réquisitoire à contre-époque

ex: www.lefigaro.fr

Péguy, Bernanos et Claudel nous arrachent à la vulgarité ambiante,

écrit Jacques Julliard

dans « L'Argent, Dieu et le diable » .

Un des livres qu'on lira avec le plus de profit cet automne porte un titre très simple — L'Argent —, il est signé Charles Péguy et vient d'être réédité dans un volume préfacé par Antoine Compagnon, professeur au Collège de France et auteur des Antimodernes.

Le croirez-vous ? Ce Cahier de la Quinzaine publié pour la première fois à Paris le 16 février 1913 se lit comme si l'encre de Péguy n'avait pas séché… « On n'avait jamais vu tant d'argent rouler pour le plaisir, et l'argent se refuser à ce point au travail » ; « De mon temps (…) il n'y avait pas cet étranglement économique d'aujourd'hui, cette strangulation scientifique, froide, rectangulaire, régulière, propre, nette, sans une bavure, implacable, sage, commune, constante, commode comme une vertu, où il n'y a rien à dire, et où celui qui est étranglé a si évidemment tort. »

Charles Péguy, un prophète du passé ? Plutôt un témoin extralucide du règne de l'argent dans le monde moderne, répond Jacques Julliard dans un recueil d'essais à contre-époque qui souligne l'actualité de la pensée du poète — c'est-à-dire sa capacité à inspirer des actes. Pour faire bonne mesure, l'historien des idées lui associe le Georges Bernanos de La France contre les robots  « Il faut lire et regarder ce dernier Bernanos non comme le dernier samouraï du monde préindustriel mais comme l'un des premiers prophètes de la société postindustrielle » et un Paul Claudel inattendu, provocateur et insolent, qui revendique le droit de se contredire à propos de tout avec les personnages de ses Conversations dans le Loir-et-Cher.

« Quand le monde tout entier paraît s'affaisser sur son axe et qu'on se sent gagné par la lâche tentation de composer avec ce qu'il charrie de plus médiocre, écrit le directeur délégué de la rédaction du Nouvel Observateur, alors Péguy, Bernanos et Claudel sont des recours. Ils nous arrachent à la vulgarité ambiante et bien souvent nous en protègent. »

Les mauvais riches

Lecteur passionné de Pierre Joseph Proudhon, Georges Sorel, et Édouard Berth, fin connaisseur des maîtres petits et grands du socialisme français, Jacques ­Julliard, qui se dit « psychologiquement athée, culturellement anticlérical, spirituellement chrétien » n'a jamais caché sa sympathie pour le christianisme social. On le savait attaché au souvenir d'une certaine nébuleuse « catho-proudhonienne » dont il perpétue l'héritage avec de jeunes chercheurs dans le cadre de la revue Mil neuf cent. Sa passion et son savoir débordent aujourd'hui le strict cadre de l'histoire intellectuelle pour entrer en résonance avec les folies de notre siècle.

Dans L'Argent, Dieu et le Diable, Jacques Julliard s'emploie joyeusement à prendre ses contemporains à contre-pied en faisant entendre la voix de trois écrivains catholiques un peu oubliés qui ont maudit chacun à sa manière le royaume impie de « Goulavare », un univers impitoyable dans lequel l'argent, sans devoir pour les opulents et sans enfer pour les mauvais riches, ordonne toute valeur.

Un des chapitres importants de l'Argent, Dieu et le Diable place Bernanos et Claudel « face au mystère d'Israël ». Pour en finir avec les calomnies que continuent de véhiculer Bernard-Henri Lévy et ses amis, il est essentiel de rappeler que les deux écrivains ont abjuré dans leur maturité ce que leur tradition et leur préjugé leur avaient fait imaginer de la « grande banque juive ». Leur rencontre avec le judaïsme a peut-être été tardive, mais elle a eu lieu, ouvrant les voies de la réflexion catholique sur l'espérance d'Israël lors du concile Vatican II. Jacques Julliard retrace avec soin la longue marche spirituelle accomplie par Bernanos et Claudel pour s'ouvrir à la réalité historique et théologique d'Israël. Comment l'ignorer ? Moïses porteurs de thoras sans nombre, gardiens têtus de livres saints, les Juifs ne peuvent pas être tenus pour responsables du caractère clos du monde moderne.

Mais ce rappel, ce n'est pas tant à la droite ni aux catholiques qu'il convient de le faire aujourd'hui qu'aux têtes molles qu'on trouve à gauche de la gauche.

L'Argent, Dieu et le Diable - Péguy, Bernanos, Claudel face au monde moderne de Jacques Julliard Flammarion, 230 p., 19 €. Lire aussi : « Le Choix de Pascal », de Jacques Julliard , entretiens avec Benoît Chantre, Champs-Flammarion, 330 p., 9 € ; « L'Argent » , de Charles Péguy, Éditions des Équateurs, 100 p., 10 €.

samedi, 04 octobre 2008

Der Beutewert des Staates

Der Beutewert des Staates

Autor: Thor v. Waldstein
ISBN: 978-3-902475-33-6
Verlag: ARES

 

Die vermeintlichen Vorzüge des Pluralismus werden in der öffentlichen Diskussion häufig betont; allerdings wissen die wenigsten, welcher konkrete politische Begriff sich hinter dieser Vokabel verbirgt. Tatsächlich geht es nicht um die – richtige – philosophische Feststellung, daß die Welt vielfältig, also plural ist und dies auch bleiben sollte. Im politikwissenschaftlichen Kontext ist vielmehr ein Staat pluralistisch, wenn seine Willensbildung beeinflußt – wenn nicht dirigiert – wird von dem Kampf und dem Kompromiß von wirtschaftlich-sozialen, im nichtstaatlichen Raum angesiedelten Mächten. Dieser verdeckte Kampf der Pressuregroups, denen eine demokratische Legitimation fehlt, läßt sich heute für den aufmerksamen Zeitgenossen auf nahezu allen Politikfeldern beobachten, so daß das Thema von hoher Aktualität ist.


Es war Carl Schmitt, die paradigmatische Gestalt im deutschen Staatsrecht des 20. Jahrhunderts, der die von Harold Laski in England nach dem Ersten Weltkrieg entwickelte Pluralismustheorie in den Jahren 1926–1934 einer ebenso gründlichen wie schillernden Kritik unterzog. In seiner Pluralismuskritik spiegeln sich die zentralen Schmitt’schen Positionen und Begriffe der 1920er und 1930er Jahre. Im Fortgang der Untersuchung schält sich die Analyse Carl Schmitts an der unsichtbaren Herrschaft der Verbände als ein zentrales Element seines Antiliberalismus heraus.


Die vorliegende Arbeit, eine bei dem Hobbes-Forscher Bernard Willms („Die Deutsche Nation“) entstandene Dissertation, arbeitet Begriff und Gestalt des Laski’schen Pluralismus heraus, um anschließend die Kritik Schmitts im einzelnen darzustellen und zu analysieren.

 

Der Autor: Thor v. Waldstein wurde 1959 in Mannheim geboren. Von 1978 bis 1985 Studium der Rechtswissenschaft, Geschichte, Philosophie, Politikwissenschaft und Soziologie an den Universitäten München, Mannheim und Heidelberg. 1989 Promotion zum Dr. rer. soc. an der Ruhr-Universität Bochum mit der vorliegenden Arbeit. 1992 Promotion zum Dr. iur an der Universität Mannheim mit einer Arbeit aus dem Binnenschiffahrtsrecht. Seit 1989 als Rechtsanwalt in Mannheim tätig.

www.ares-verlag.com


jeudi, 02 octobre 2008

Les leçons de Peter Koslowski face à la post-modernité

784-awesome-hands.jpg

 

 

Les leçons de Peter Koslowski face à la post-modernité

 

par Jacques-Henry Doellmans

 

Peter Koslowski, jeune philosophe allemand né en 1952, est pro­fes­seur de philosophie et d'économie politique à l'Université de Wit­ten/Her­decke, président de l'Institut CIVITAS, Directeur de l'In­sti­tut de Recherches en Philosophie de l'Université de Hanovre. Son ob­jectif est de déployer une critique fondée de la modernité et de tous ses avatars institutionalisés (en politique comme en économie). Ses argu­ments, solidement étayés, ne sont pas d'une lecture facile. Rien de son œuvre, déjà considérable, n'a été traduit et nous, fran­co­phones, avons peu de chances de trouver bientôt en librairie des traductions de ce philosophe traditionnel et catholique d'aujour­d'hui, tant la ri­gueur de ses arguments ruine les assises de la pen­sée néo-gnosti­ci­ste, libérale et permissive dominante, surtout dans les rédactions pa­risiennes!

 

Koslowski est également un philosophe prolixe, dont l'éventail des pré­occupations est vaste: de la phi­losophie à la pratique de l'écono­mie, de l'éthique à l'esthétique et de la métaphysique aux questions re­ligieuses. Koslowski est toutefois un philosophe incarné: la réfle­xion doit servir à organiser la vie réelle pour le bien de nos pro­chains, à gommer les dysfonction­ne­ments qui l'affectent. Pour at­teindre cet op­timum pratique, elle doit être interdisciplinaire, évi­ter l'impasse des spécialisations trop exigües, pro­duits d'une pensée trop analytique et pas assez orga­ni­que.

 

Pour la rédaction d'un article, l'interdisciplinarité préconisée par Koslowski fait problème, dans la me­sure où elle ferait allègrement sauter les limites qui me sont imparties. Bornons-nous, ici, à évo­quer la présentation critique que nous donne Koslowki de la “post­mo­dernité” et des phénomènes dits “postmodernes”.

 

La “modernité” a d'abord été chrétienne, dans le sens où les chré­tiens de l'antiquité tardive se dési­gnaient par l'adjectif moderni, pour se distinguer des païens qu'ils appelaient les antiqui. Dans cette ac­ception, la modernité correspond au saeculum de Saint-Augustin, soit le temps entre la Chute et l'Accomplissement, sur lequel l'homme n'a pas de prise, seul Dieu étant maître du temps. Cette con­ception se heurte à celle des gnostiques, constate Koslow­ski, qui protestent contre l'impuissance de l'homme à exercer un quelconque pouvoir sur le temps et la mort. Le gnosticisme  —qu'on ne confon­dra pas avec ce que Koslowski appelle “la vraie gnose”—  prétendra qu'en nommant le temps (ou des segments précis et définis du temps), l'homme parviendra à exercer sa puissance sur le temps et sur l'histoire. Par “nommer le temps”, par le fait de donner des noms à des périodes circonscrites du temps, l'homme gnostique a la prétention d'exercer une certaine maîtrise sur ce flux qui lui échappe. La divi­sion du temps en “ères” antique, médiévale et moderne donne l'illusion d'une marche en avant vers une maîtrise de plus en plus assurée et complète sur le temps. Telle est la logi­que gnostique, qui se répé­tera, nous allons le voir, dans les “grands récits” de Hegel et de Marx, mais en dehors de toute réfé­rence à Dieu ou au Fils de Dieu incarné dans la chair des hommes.

 

Parallèlement à cette volonté d'arracher à Dieu la maîtrise du temps, le gnosticisme, surtout dans sa version docétiste, nie le ca­ractère historique de la vie de Jésus, rejette le fait qu'il soit réelle­ment devenu homme et chair. Le gnosticisme spiritualise et dés-his­torise l'Incarnation du Christ et introduit de la sorte une anthro­pologie désincarnée, que refusera l'Eglise. Ce refus de l'Eglise per­met d'éviter l'écueil de l'escapisme vers des empyrées irréelles, de déboucher dans l'affabulation phantasmagorique et spiritualiste. L'In­carnation revalorise le corps réel de l'homme, puisque le Christ a partagé cette condi­tion. Cette revalorisation implique, par le biais de la caritas  active, une mission sociale pour l'homme politique chré­tien et conduit à affirmer une religion qui tient pleinement compte de la communauté humaine (paroissiale, urbaine, régionale, natio­na­le, continentale ou écouménique). L'homme a dès lors un rô­le à jouer dans le drame du saeculum,  mais non pas un rôle de pur sujet au­tonome et arbitraire. Si les gnostiques de l'antiquité avaient nié toute valeur au monde en refusant l'Incarnation, l'avatar mo­der­ne du gno­sticisme idolâtrera le monde, tout en le désacralisant; le monde n'aura plus de valeur qu'en tant que matériau, que masse de ma­tiè­res premières, mises à la totale disposition de l'homme, je­tées en pâture à son arbitraire le plus complet. Le gnosticisme mo­der­ne dé­bou­che ainsi sur la “faisabilité” totale et sur la catastrophe écolo­gi­que.

 

Si le premier concept de modernité était celui de la chrétienté im­bri­quée dans le saeculum  (selon Saint-Augustin), la deuxième ac­ception du terme “modernité” est celle de la philosophie des Lumiè­res, dans ses seuls avatars progressistes. Koslowski s'insurge contre la démarche de Jürgen Habermas qui a érigé, au cours de ces deux dernières décennies, ces “Lumières progressistes” au rang de seul pro­jet valable de la modernité. Habermas perpétue ainsi la super­sti­tion du progressisme des gauches et jette ainsi un soupçon per­manent sur tout ce qui ne relève pas de ces “Lumières progres­sistes”. L'idée d'un progrès matériel et technique infini provient du premier principe (galiléen) de la thermodynamique, qui veut que l'énergie se maintient en toutes circonstances et s'éparpille sans ja­mais se perdre au tra­vers du monde. Dans une telle optique, l'ac­crois­sement de complexité, et non la diminution de com­plexité ou la régression, est la “normalité” des temps modernes. Mais, à partir de 1875, émerge le se­cond principe de la thermodynamique, qui con­sta­te la déperdition de l'énergie, ce qui permet d'envisager la déca­dence, le déclin, la mort des systèmes, la finitude des ressources na­turelles. Le pro­jet moderne de domi­ner entièrement la nature s'ef­fon­dre: l'homme gnostique/moderne ne prendra donc pas la place de Dieu, il ne sera pas, à la place de Dieu, le maître du temps. Dans ce sens, la post­modernité commence en 1875, comme le notait déjà Toynbee, mais ce fait de la déperdition n'est pas pris en compte par les idéologies politiques dominantes. Partis, idéologues, décideurs politiques a­gis­sent encore et toujours comme si ce second principe de la ther­mo­dynamique n'avait jamais été énoncé.

 

Pourtant, malgré les 122 ans qui se sont écoulés depuis 1875, l'usa­ge du vocable “postmoderne” est venu bien plus tard et révèle l'exis­tence d'un autre débat, parti du constat de l'effondrement de ce que Jean-François Lyotard appelait les “grands récits”. Pour Lyo­tard, les “grands récits” sont représentés par les doctrines de Hegel et de Marx. Ils participent, selon Koslowski, d'une “immanentisation ra­di­cale” et d'une “historicisation” de Dieu, où l'histoire du monde de­vient synonyme de la marche en avant de l'absolu, libérant l'hom­me de sa prison mondaine et de son enveloppe charnelle. Pour Marx, cette marche en avant de l'absolu équivaut à l'émancipation de l'homme, qui, en bout de course, ne sera plus exploité par l'hom­me ni assu­jet­ti au donné naturel. Lyotard déclarera caducs ces deux “grands récits”, expressions d'un avatar contemporain du filon gno­sti­que.

 

A la suite de cette caducité proclamée par Lyotard, le philosophe al­lemand Odo Marquard embraye sur cette idée et annonce le rem­pla­cement des deux “grands récits” de la modernité européenne par une myriade de “petits récits”, qu'il appelle (erronément) des “my­thes”. Le marxisme, l'idéalisme hégé­lien et le christianisme, dans l'optique de Marquard, sont “redimensionnés” et deviennent des “pe­tits récits”, à côté d'autres “petits récits” (notamment ceux du “New Age”), auquel il octroie la mê­me va­leur. C'est le règne de la “po­lymythie”, écrit Koslowski, que Marquard érige au rang d'obli­ga­tion éthique. Le jeu de la concurrence entre ces “mythes”, que Kos­low­ski nomme plus justement des “fables”, devient la catégorie fon­damentale du réel. La concurrence et l'affrontement entre les “pe­tits récits”, le débat de tous avec tous, le jeu stérile des discussions aimables non assorties de décisions constituent la variante anarcho-libérale de la postmodernité, conclut Koslowski. Ce néo-polythéisme et cet engouement naïf pour les débats entre tous et n'importe qui dévoile vite ses insuffisances car: 1) La vie est unique et ne peut pas être inscrite exclusivement sous le signe du jeu, sans tomber dans l'aberration, ni sous le signe de la discussion perpétuelle, ce qui serait sans issue; 2) Totaliser ce type de jeu est une aberration, car s'il est totalisé, il perd automati­quement son caractère ludique; 3) Cette po­lymythie, théorisée par Marquard, se méprend sur le ca­rac­tère intrinsèque des “grands ré­cits”; con­trai­rement aux “petits ré­cits”, alignés par Marquard, ils ne sont pas des “fables” ou de sym­pa­thiques “historiettes”, mais un “mé­lange hybri­de d'histoire et de philosophie spéculative”, qui est “spéculation dog­matique” et ne se laisse pas impliquer dans des “dé­bats” ou des “jeux discursifs”, si ce n'est par in­térêt stratégique ponctuel. La polymythie de Mar­quard n'affirme rien, ne souhaite même pas mainte­nir les différen­ces qui distin­guent les “petits récits” les uns des autres, mais a pour seul effet de mélan­ger tous les genres et d'estomper les limites en­tre toutes les catégories. Les ratiocinations évoquant une hypothéti­que “pluralité” qui serait indépassable ne con­duisent qu'à renoncer à toute hiérarchisation des valeurs et s'avèrent pu­re accumulation de fables et d'affabu­la­tions sans fondement ni épaisseur.

 

Après la “polymythie” de Marquard, le second volet de l'offensive postmoderne en philosophie est re­présentée par le filon “décon­struc­ti­viste”. En annonçant la fin des “grands récits”, Lyotard a jeté les bases d'une vaste entreprise de “déconstruction” de toutes les in­stitutions, instances, initiatives, que ces “grands récits” avaient générées au fil du temps et imposées aux sociétés humaines. Procé­dant effecti­vement de cette “spécu­la­tion dogmatique” assimilable à un néo-gnosticisme, les “grands récits” ont été “constructivistes”  —ils relevaient de ce que Joseph de Maistre appelait “l'esprit de fa­bri­cation”—  et ont installé, dit Ko­slow­ski, des “cages d'acier” pour y enfermer les hommes et, aussi, les mettre à l'abri de tout appel de l'Ab­solu. Ces “cages d'acier” doi­vent être démantelées, ce qui légi­ti­me la théorie et la pratique de la “déconstruction”, du moins jus­qu'à un certain point. Si déconstruire les cages d'acier est une nécessité pour tous ceux qui veulent une restauration des valeurs (tradition­nel­les), fai­re du “déconstructivisme” une fin en soi est un errement de plus de la mo­dernité. Toujours hostile aux ava­tars du gnosticis­me an­ti­que, à l'instar du penseur conserva­teur Erich Voegelin, Ko­slowski rap­pelle que pour les gnoses extrê­mes, le réel est toujours “faux”, “inauthen­tique”, “erratique”, etc. et, derrière lui, se trouvent le “sur­na­turel”, le “tout-autre”, l'“inattendu”, le “nouveau”, l'“étran­ger”, tou­jours plus “vrais” que le réel. Pour Lyotard et Derrida, le phi­lo­so­phe doit tou­jours placer ce “tout-autre” au centre de ses pré­occu­pa­tions, lui oc­troyer d'office toute la place, au détriment du réel, tou­jours con­si­déré comme in­suffisant et imparfait, dépourvu de valeur. Lyotard veut privilégier les “discontinuités” et les “hété­ro­généités” contre les “continuités” et les “homogénéités”, car elles témoignent du ca­ractère “déchiré” du monde, dans lequel jamais au­cun ordre ne peut se déployer. L'idée d'ordre  —et non seulement la “cage d'a­cier”—   est un danger pour les déconstructivistes et non pas la chan­ce qui s'offre à l'homme de s'accomplir au service des autres, de la Cité, du prochain, etc.

 

Pour Koslowski, cette logique “anarchisante” dérive de Georges Ba­taille, récemment “redécouvert” par la “nouvelle droite”. Bataille, notamment dans La littérature et le mal, explique que la souverai­neté consiste à accroître la liberté jusqu'à obtenir un “être-pour-soi” absolu, car toute activité consistant à maintenir l'ordre est signe d'es­calavage, d'une “conscience d'esclave”, servile à l'égard de l'“objectivité”. L'homme ne peut être souverain, pour Bataille, que s'il se libère du langage et de la vie, donc s'il est capable de s'auto-détruire. Le moi de Bataille renonce de façon absolue à défendre et à maintenir la vie (laquelle n'a pas de valeur comme le monde n'a­vait pas de valeur pour les gnosti­ques de la fin de l'antiquité, qui refusaient le mystère de l'Incar­na­tion). L'apologie du “gaspillage”, anto­nyme total de la “conservation”, et la “mystique du moi” chez Ba­taille débouchent donc sur une “my­sti­que de la mort”. En ce sens, elle surprivilégie la dispersio des mystiques médiévaux, lui accorde un sta­tut ontologique, sans affirmer en contre-partie l'unio mystica.

 

Telle est la critique qu'adresse Koslowski à la philosophie postmo­der­ne. Elle ne s'est pas contenté de “déconstruire” les structures im­posées par la modernité, elle n'a pas rétabli l'unio mystica, elle a gé­né­ralisé un “déconstructivisme” athée et nihiliste, qui ne débou­che sur rien d'autre que la mort, comme le prouve l'œuvre de Ba­taille. Mais si Koslowski s'insurge contre le refus du réel qui part du gnosticisme pour aboutir au déconstructivisme de Derrida, que pro­pose-t-il pour ré-ancrer la philosophie dans le réel, et pour dégager de ce ré-ancrage une philosophie politique pratique et une écono­mie qui permette de donner à chacun son dû?

 

Dans un débat qui l'opposait à Claus Offe, politologue allemand vi­sant à maintenir une démocratie de facture moderne, Koslowski in­diquait les pistes à suivre pour se dégager de l'impasse moderne. Of­fe avait constaté que les processus de modernisation, en s'am­pli­fiant, en démultipliant les différencia­tions, en accélérant outranciè­re­ment les prestations des systèmes et sous-systèmes, confis­quaient aux structures et aux institutions de la modernité le ca­rac­tè­re normatif de cette même modernité. Différenciations et accé­lé­rations finissent par empêcher la modernité d'être émancipatrice, a­lors qu'au départ son éthique foncière visait justement l'émanci­pa­tion tota­le (i.e.: échapper à la prison du réel pour les gnostiques, s'émanciper de la tyrannie du donné naturel chez Marx). Pour réin­troduire au centre des préoccupations de nos contemporains cette idée d'é­man­cipation, Offe prône l'arrêt des ac­cumulations, différen­ciations et ac­célérations, soit une “option nulle”. Offe veut la moder­ni­té sans pro­grès, parce que le progrès fini par générer des struc­tu­res gigantesques, incontrôlables et non démo­cratiques. Il réconcilie ainsi la gauche post-industrielle et les paléo-conservateurs, du moins ceux qui se contentent de ce constat somme toute assez fa­cile. Effectivement, constate Koslowski, Offe démontre à juste titre qu'une accumulation incessante de différenciations diminue la vi­ta­lité et la robustesse de la société, surtout si les sous-systèmes du sy­stème sont chacun monofonctionnels et s'avèrent incapables de ré­gler des problèmes complexes, chevauchant plusieurs types de compétences. Si les principes de vérité, de justice et de beauté s'é­loi­gnent les uns des autres par suite du processus de différencia­tion, nous aurons, comme l'avait prévu Max Weber, une vérité in­juste et laide, une justice fausse et laide et une esthétique immorale et fausse. De même, le divorce entre économie, politique et solida­ri­té, conduit à une économie impolitique et non solidaire, à une politi­que anti-économique et non solidaire, à une so­lidarité anti-écono­mi­que et impolitique. Ces différenciations infécondes de la moder­ni­té doivent être dépassées grâce à une pratique de l'“in­ter­péné­tration” générale, conduisant à une polyfonctionalité des insti­tutions dans lesquelles les individus seront organiquement imbriqués, car l'individu n'est pas seulement une unité économique, par exemple, mais est simultanément ouvrier d'usine, artiste ama­teur, père de famille, etc. Chaque institution doit pouvoir répondre tout de suite, sans médiation inutile, à chacune des facettes de la personnalité de ce “père-artiste-ouvrier”. Offe con­si­dère que l'“interpéné­tration” pourrait porter atteinte au prin­cipe de la séparation des pouvoirs. Koslowski rétorque que cette sé­pa­ration des pouvoirs serait d'au­tant plus vivante avec des insti­tu­tions polyfonctionnelles et plus robustes, taillées à la mesure d'hommes réels et complexes. L'“op­tion nulle” est un con­stat d'échec. L'effondrement de la modernité politique et des es­poirs qu'elle a fait naître provoque la déprime. Un monde à l'en­sei­gne de l'“option nulle” est un monde sans per­spective d'avenir. Un sy­stème qui ne peut plus croître, s'atrophie.

 

Pour Koslowski, c'est le matérialisme, donc la pensée économiciste,  —la sphère de l'économie dans la­quelle la modernité matérialiste avait placé tous ses espoirs—  qui est contrainte d'adopter l'“option nulle”. Comme cette pensée a fait l'impasse sur la culture, la reli­gion, l'art et la science, elle est incapable de générer des développe­ments dans ces domaines et d'y susciter des effets de compensation, pourtant essentiels à l'équilibre humain et social. L'impasse, le sur-place du domaine socio-économique doit être un appel à investir des énergies créatrices et des générosités dans les dimensions re­li­gieuses, artis­tiques et scientifiques, conclut Koslowski.

 

Telle est bien son intention et Koslowski ne se contente pas d'émet­tre le vœu d'une économie plus con­forme aux principes de conser­va­tion et d'équilibre des philosophies non modernes. Deux livres très denses témoignent de sa volonté de sauver l'économie et le so­cial de la stagnation et du déclin induits par l'“option nulle”, consta­tée par Offe, un politologue déçu de la modernité mais qui veut à tout prix la sauver, en dépit de ses échecs patents. Dans cette opti­que, Koslowski a écrit Wirtschaft als Kultur  (1989) et Die Ordnung der Wirtschaft  (1994) (réf. infra). Ces deux ouvrages sont si fonda­mentaux que nous serons contraints d'y revenir: retenons, ici, que Koslowski, dans Wirtschaft als Kultur, part du constat que les réser­ves naturelles de la planète s'épuisent, qu'elles sont limitées, que cette limite doit être prise en compte dans toutes nos actions, qu'elle implique ipso facto que le progrès accumulatif il­limité est une impossibilité pratique. A ce progressisme qui avait structuré toute la pensée moderne, Koslowski oppose les idées d'une “justice” et d'une “réciprocité” dans les échanges entre l'homme et la nature. Ensuite, il plaide pour une réinsertion de la pensée économique dans une culture plus globale, laissant une large place à l'éthique du devoir. Il esquisse ensuite les contours de l'Etat social postmo­derne, qui doit être “subsidiaire” et prévoir une solidarité en tous sens en­tre les générations. Cet Etat postmoderne et subsidiaire doit partici­per, de concert avec ses homologues, à la restauration d'un marché intérieur européen, prélude à la naissance d'une “nation européen­ne”, capable d'organiser ses différences ethniques et culturelles sans sombrer dans le nivellement des valeurs qu'un certain dis­cours sur la “multiculturalité” appelle de ses vœux (Koslowski se mon­tre très sévère à l'égard de cet engouement pour la “multicul­tu­re”).

 

Dans Die Ordnung der Wirtschaft, ouvrage très solidement char­pen­té, Koslowski jette les bases d'un néo-aristotélisme, où s'al­lient “phi­lo­sophie pratique” et “économie éthique-politique”. Cette al­liance part d'une “interpénétration” et d'une “compénétration” des ratio­na­lités éthique, économique et poli­tique. Ainsi, la “bonne politi­que” est celle qui ne répond pas seulement aux impératifs politiques (con­servation du pouvoir, évitement des conflits), mais vise le bien commun et la couverture optimale de tous les besoins vitaux. Les structures économiques, toujours selon cette logique néo-aristotéli­cien­ne, doivent également répondre à des critères politiques et é­thi­ques. Quant à l'éthique, elle ne saurait être ni anti-économique ni anti-politique. Cette volonté de ne pas valoriser un domaine d'acti­vi­té humaine au détriment d'une autre postule de recombiner ce que la modernité avait voulu penser séparément. La philosophie prati­que d'Aristote entend également conserver les liens d'amitié politi­que (philia poli­tike)  entre les citoyens et les communautés de cito­yens, qui fondent le sens du devoir et de la récipro­cité. Koslow­ski relie ce principe cardinal de la pensée politique aristotélicienne aux travaux de la nou­velle école communautarienne américaine (A. MacIntyre, M. Walzer, Ch. Taylor, etc.). Le néoaristoté­lisme met l'ac­cent sur le retour indispensable de la vertu grecque de phrone­sis:  l'intelligence pratique, capable de discerner ce qui est bon et utile pour la Cité, dans le contexte propre de cette Cité. En effet, la ratio­na­lité pure, sur laquelle l'hypermodernité avait parié, exclut le con­texte. L'application de cette ra­tionalité décontextualisante dans le domaine de l'économie a conduit à une impasse voire à des cata­s­tro­phes: une rationalité économique réelle et globale exige une im­mersion herméneutique dans le tissu social, où se conjuguent ac­tions économiques et politiques. Enfin, le réel est le fondement pre­mier de la philosophie pratique et non le “discours” ou l'“agir com­mu­nicationnel” (cher à Habermas ou à Apel), car tout ne procède pas de l'agir et du parler: l'Etre transcende l'action et ses détermi­na­tions précèdent l'acte de parler ou de discourir.

 

La pensée philosophique et économique de Koslowski constitue une réponse aux épreuves que nous a infligées la modernité: elle repré­sente la facette positive, le complément constructif, de sa critique de la modernité gnosticiste. Elle est un chantier vers lequel nous al­lons immanquablement devoir retourner. Puisse cette modeste in­troduction éveiller l'attention du public francophone pour cette œu­vre qui n'a pas encore été découverte en France et qui complèterait celles de Taylor, MacIntyre, Spaemann, déjà traduites.

 

Bibliographie:

 

- Peter KOSLOWSKI, «Sein-lassen-können als Überwindung des Modernismus. Kommentar zu Claus Offe», in Peter KOSLOWSKI, Robert SPAEMANN, Reinhard LÖW, Moderne oder Postmo­der­ne?, Acta Humaniora/VCH, Weinheim, 1986

 

- Peter KOSLOWSKI, Wirtschaft als Kultur. Wirtschaftskultur und Wirtschaftsethik in der Postmoderne, Edition Passagen, Wien, 1989.

 

- Peter KOSLOWSKI, Die Prüfungen der Neuzeit. Über Post­mo­dernität. Philosophie der Geschichte, Metaphysik, Gnosis, Edition Passagen, Wien, 1989.

 

- Peter KOSLOWSKI, «Supermoderne oder Postmoderne? Dekon­struk­tion und Mystik in den zwei Postmodernen», in Günther EIFLER, Otto SAAME (Hrsg.), Postmoderne. Anspruche einer neuen Epoche. Eine interdisziplinäre Erörterung, Edition Pas­sagen, Wien, 1990.

 

- Peter KOSLOWSKI, Die Ordnung der Wirtschaft, Mohr/Siebeck, Tübingen, 1994.

par Jacques-Henri Doellmans 

jeudi, 25 septembre 2008

La décision dans l'oeuvre de Carl Schmitt

200px-Carl_Schmitt.jpg

La décision dans l'œuvre de Carl Schmitt

 

par Robert Steuckers

 

Carl Schmitt est considéré comme le théoricien par excellence de la décision. L'objet de cet exposé est:

- de définir ce concept de décision, tel qu'il a été formulé par Carl Schmitt;

- de reconstituer la démarche qui a conduit Carl Schmitt à élaborer ce concept;

- de replacer cette démarche dans le contexte général de son époque.

 

Sa théorie de la décision apparaît dans son ouvrage de 1922, Politische Theologie. Ce livre part du prin­cipe que toute idée poli­tique, toute théorie politique, dérive de concepts théologiques qui se sont laïcisés au cours de la période de sécularisation qui a suivi la Renaissance, la Réforme, la Contre-Réforme, les guerres de reli­gion.

 

«Auctoritas non veritas facit legem»

 

A partir de Hobbes, auteur du Leviathan  au 17ième siècle, on neu­tralise les concepts théologiques et/ou religieux parce qu'ils condui­sent à des guerres civiles, qui plongent les royaumes dans un “état de nature” (une loi de la jungle) caractérisée par la guerre de tous contre tous, où l'homme est un loup pour l'homme. Hobbes ap­pelle “Léviathan” l'Etat où l'autorité souveraine édicte des lois pour pro­téger le peuple contre le chaos de la guerre civile. Par consé­quent, la source des lois est une autorité, incarnée dans une per­sonne physique, exactement selon l'adage «auctoritas non veritas facit le­gem»  (c'est l'autorité et non la vérité qui fait la loi). Ce qui revient à dire qu'il n'y a pas un principe, une norme, qui précède la déci­sion émanant de l'autorité. Telle est la démarche de Hobbes et de la philosophie politique du 17ième siècle. Carl Schmitt, jeune, s'est enthousiasmé pour cette vision des choses.

 

Dans une telle perspective, en cas de normalité, l'autorité peut ne pas jouer, mais en cas d'exception, elle doit décider d'agir, de sévir ou de légiférer. L'exception appelle la décision, au nom du principe «auctoritas non veritas facit legem».  Schmitt écrit à ce sujet: «Dans l'exception, la puissance de la vie réelle perce la croûte d'une mé­canique figée dans la répétition». Schmitt vise dans cette phrase si­gnificative, enthou­siaste autant que pertinente, les normes, les mé­caniques, les rigidités, les procédures routinières, que le républica­nisme bourgeois (celui de la IIIième République que dénonçait Sorel et celui de la République de Weimar que dénonçaient les te­nants de la “Révolution Conservatrice”) ou le ronron wilhelminien de 1890 à 1914, avaient généralisées.

 

Restaurer la dimension personnelle du pouvoir

 

L'idéologie républicaine ou bourgeoise a voulu dépersonnaliser les mécanismes de la politique. La norme a avancé, au détriment de l'incarnation du pouvoir. Schmitt veut donc restaurer la dimension personnelle du pouvoir, car seule cette dimension personnelle est susceptible de faire face rapidement à l'exception (Ausnahme, Ausnahmenzustand, Ernstfall, Grenzfall). Pourquoi? Parce que la décision est toujours plus rapide que la lente mécanique des procé­dures. Schmitt s'affirme ainsi un «monarchiste catholique», dont le discours est marqué par le vitalisme, le personnalisme et la théolo­gie. Il n'est pas un fasciste car, pour lui, l'Etat ne reste qu'un moyen et n'est pas une fin (il finira d'ailleurs par ne plus croire à l'Etat et par dire que celui-ci n'est plus en tous les cas le véhicule du poli­tique). Il n'est pas un nationaliste non plus car le concept de nation, à ses yeux et à cette époque, est trop proche de la notion de volonté générale chez Rousseau.

 

Si Schmitt critique les démocraties de son temps, c'est parce qu'elles:

- 1) placent la norme avant la vie;

- 2) imposent des procédures lentes;

- 3) retardent la résolution des problèmes par la discussion (reproche essentiellement adressé au parlementarisme);

- 4) tentent d'évacuer toute dimension personnelle du pouvoir, donc tout recours au concret, à la vie, etc. qui puisse tempérer et adapter la norme.

 

Mais la démocratie recourt parfois aux fortes personnalités: qu'on se souvienne de Clémenceau, applaudi par l'Action Française et la Chambre bleu-horizon en France, de Churchill en Angleterre, du pouvoir direc­torial dans le New Deal et du césarisme reproché à Roosevelt. Si Schmitt, plus tard, a envisagé le recours à la dictature, de forme ponctuelle (selon le modèle romain de Cincinnatus) ou de forme commissariale, c'est pour imaginer un dictateur qui suspend le droit (mais ne le supprime pas), parce qu'il veut incarner tempo­rairement le droit, tant que le droit est ébranlé par une catastrophe ou une guerre civile, pour assu­rer un retour aussi rapide que pos­sible de ce droit. Le dictateur ou le collège des commissaires se pla­cent momentanément  —le temps que dure la situation d'exception—  au-dessus du droit car l'existence du droit implique l'existence de l'Etat, qui garantit le fonctionnement du droit. La dictature selon Schmitt, comme la dictature selon les fas­cistes, est un scandale pour les libéraux parce que le décideur (en l'occurrence le dictateur) est indépendant vis-à-vis de la norme, de l'idéologie dominante, dont on ne pour­rait jamais s'écarter, disent-ils. Schmitt rétorque que le libéralisme-normativisme est néanmoins coercitif, voire plus coer­citif que la coercition exercée par une personne mortelle, car il ne tolère justement aucune forme d'indépendance personnalisée à l'égard de la norme, du discours conventionnel, de l'idéologie éta­blie, etc., qui seraient des principes immortels, impas­sables, appelés à régner en dépit des vicissitudes du réel.

 

La décision du juge

 

Pour justifier son personnalisme, Schmitt raisonne au départ d'un exemple très concret dans la pratique juridique quotidienne: la dé­cision du juge. Le juge, avant de prononcer son verdict est face à une dualité, avec, d'une part, le droit (en tant que texte ou tradi­tion) et, d'autre part, la réalité vitale, existentielle, soit le contexte. Le juge est le pont entre la norme (idéelle) et le cas concret. Dans un petit livre, Gesetz und Urteil  (= La loi et le jugement), Carl Schmitt dit que l'activité du juge, c'est, essentiellement, de rendre le droit, la norme, réel(le), de l'incarner dans les faits. La pratique quotidienne des palais de justice, pratique inévitable, incontour­nable, contredit l'idéal libéral-normativiste qui rêve que le droit, la norme, s'incarneront tous seuls, sans intermédiaire de chair et de sang. En imaginant, dans l'absolu, que l'on puisse faire l'économie de la personne du juge, on introduit une fiction dans le fonctionnement de la justice, fiction qui croit que sans la subjectivité inévitable du juge, on obtiendra un meilleur droit, plus juste, plus objectif, plus sûr. Mais c'est là une impossibilité pratique. Ce raisonnement, Carl Schmitt le transpose dans la sphère du politique, opérant par là, il faut l'avouer, un raccourci assez audacieux.

 

La réalisation, la concrétisation, l'incarnation du droit n'est pas au­tomatique; elle passe par un Vermittler  (un intermédiaire, un in­tercesseur) de chair et de sang, consciemment ou inconsciemment animé par des valeurs ou des sentiments. La légalité passe donc par un charisme inhérent à la fonction de juge. Le juge pose sa décision seul mais il faut qu'elle soit acceptable par ses collègues, ses pairs. Parce qu'il y a iné­vitablement une césure entre la norme et le cas concret, il faut l'intercession d'une personne qui soit une autorité. La loi/la norme ne peut pas s'incarner toute seule.

 

Quis judicabit?

 

Cette impossibilité constitue une difficulté dans le contexte de l'Etat libéral, de l'Etat de droit: ce type d'Etat veut garantir un droit sûr et objectif, abolir la domination de l'homme par l'homme (dans le sens où le juge domine le “jugé”). Le droit se révèle dans la loi qui, elle, se révèle, dans la personne du juge, dit Carl Schmitt pour contredire l'idéalisme pur et désincarné des libéraux. La question qu'adresse Carl Schmitt aux libéraux est alors la suivante, et elle est très simple: Quis judicabit?  Qui juge? Qui décide? Réponse: une personne, une autorité. Cette question et cette réponse, très simples, consti­tuent le démenti le plus flagrant à cette indécrottable espoir libé­ralo-progressisto-normativiste de voir advenir un droit, une norme, une loi, une constitution, dans le réel, par la seule force de sa qua­lité juridique, philosophique, idéelle, etc. Carl Schmitt reconstitue la dimension personnelle du droit (puis de la politique) sur base de sa réflexion sur la décision du juge.

 

Dès lors, la-raison-qui-advient-et-s'accomplit-d'elle-même-et-par-la-seule-vertu-de-son-excellence-dans-le-monde-imparfait-de-la-chair-et-des-faits n'est plus, dans la pensée juridique et politique de Carl Schmitt, le moteur de l'histoire. Ce moteur n'est plus une abstraction mais une personnalité de chair, de sang et de volonté.

 

La légalité: une «cage d'acier»

 

Contemporain de Carl Schmitt, Max Weber, qui est un libéral scep­tique, ne croit plus en la bonne fin du mythe rationaliste. Le sys­tème rationaliste est devenu un système fermé, qu'il appelait une «cage d'acier». En 1922, Rudolf Kayser écrit un livre intitulé Zeit ohne Mythos  (= Une époque sans mythe). Il n'y a plus de mythe, écrit-il, et l'arcanum  de la modernité, c'est désormais la légalité. La légalité, sèche et froide, indifférente aux valeurs, remplace le mythe. Carl Schmitt, qui a lu et Weber et Kayser, opère un rappro­chement entre la «cage d'acier» et la «légalité» d'où, en vertu de ce rapprochement, la décision est morale aux yeux de Schmitt, puisqu'elle permet d'échapper à la «cage d'acier» de la «légalité».

 

Dans les contextes successifs de la longue vie de Carl Schmitt (1888-1985), le décideur a pris trois vi­sages:

1) L'accélarateur (der Beschleuniger);

2) Le mainteneur (der Aufhalter, der Katechon);

3) Le normalisateur (der Normalisierer).

 

Le normalisateur, figure négative chez Carl Schmitt, est celui qui défend la normalité (que l'on peut mettre en parallèle avec la lé­galité des années 20), normalité qui prend la place de Dieu dans l'imaginaire de nos contemporains. En 1970, Carl Schmitt déclare dans un interview qui restera longtemps impublié: «Le monde en­tier semble devenir un artifice, que l'homme s'est fabriqué pour lui-même. Nous ne vivons plus à l'Age du fer, ni bien sûr à l'Age d'or ou d'argent, mais à l'Age du plastique, de la matière artifi­cielle».

 

1. La phase de l'accélérateur (Beschleuniger):

 

La tâche politique de l'accélérateur est d'accroître les potentialités techniques de l'Etat ou de la nation dans les domaines des arme­ments, des communications, de l'information, des mass-media, parce tout accroissement en ces domaines accroît la puissance de l'Etat ou du «grand espace» (Großraum), dominé par une puissance hégémonique. C'est précisément en réfléchissant à l'extension spa­tiale qu'exige l'accélération continue des dynamiques à l'œuvre dans la société allemande des premières décennies de ce siècle que Carl Schmitt a progressivement abandonné la pensée étatique, la pensée en termes d'Etat, pour accéder à une pensée en termes de grands espaces. L'Etat national, de type européen, dont la po­pula­tion oscille entre 3 et 80 millions d'habitants, lui est vite apparu in­suffisant pour faire face à des co­losses démographiques et spatiaux comme les Etats-Unis ou l'URSS. La dimension étatique, réduite, spatialement circonscrite, était condamnée à la domination des plus grands, des plus vastes, donc à perdre toute forme de souveraineté et à sortir de ce fait de la sphère du politique.

 

Les motivations de l'accélérateur sont d'ordres économique et tech­nologique. Elles sont futuristes dans leur projectualité. L'ingénieur joue un rôle primordial dans cette vision, et nous retrouvons là les accents d'une certaine composante de la “révolution conservatrice” de l'époque de la République de Weimar, bien mise en exergue par l'historien des idées Jeffrey Herf (nous avons consulté l'édition italienne de son livre, Il mo­dernismo reazionario. Tecnologia, cultura e politica nella Germania di Weimar e del Terzo Reich, Il Mulino, Bologne, 1988). Herf, observateur critique de cette “révolution conservatrice” weimarienne, évoque un “modernisme réactionnaire”, fourre-tout conceptuel complexe, dans lequel on retrouve pêle-mêle, la vi­sion spenglerienne de l'histoire, le réalisme magique d'Ernst Jünger, la sociologie de Werner Sombart et l'“idéologie des ingénieurs” qui nous intéresse tout particulièrement ici.

 

Ex cursus: l'idéalisme techniciste allemand

 

Cette idéologie moderniste, techniciste, que l'on comparera sans doute utilement aux futurismes italien, russe et portugais, prend son élan, nous explique Herf, au départ des visions technocratiques de Walter Rathenau, de certains éléments de l'école du Bauhaus, dans les idées plus anciennes d'Ulrich Wendt, au­teur en 1906 de Die Technik als Kulturmacht (= La technique comme puissance cultu­relle). Pour Wendt, la technique n'est pas une manifestation de matérialisme comme le croient les marxistes, mais, au con­traire, une manifestation de spiritualité audacieuse qui diffusait l'Esprit (celui de la tradition idéaliste alle­mande) au sein du peuple. Max Eyth, en 1904, avait déclaré dans Lebendige Kräfte  (= Forces vi­vantes) que la technique était avant toute chose une force culturelle qui asservissait la matière plutôt qu'elle ne la servait. Eduard Mayer, en 1906, dans Technik und Kultur,  voit dans la technique une expression de la personnalité de l'ingénieur ou de l'inventeur et non le résultat d'intérêts commerciaux. La technique est dès lors un «instinct de transformation», propre à l'essence de l'homme, une «impulsion créatrice» visant la maîtrise du chaos naturel. En 1912, Julius Schenk, professeur à la Technische Hochschule de Munich, opère une distinction entre l'«économie commerciale», orientée vers le profit, et l'«économie productive», orientée vers l'ingénierie et le travail créateur, indépendamment de toute logique du profit. Il re­valorise la «valeur culturelle de la construction». Ces écrits d'avant 1914 seront exploités, amplifiés et complétés par Manfred Schröter dans les années 30, qui sanctionne ainsi, par ses livres et ses essais, un futurisme allemand, plus discret que son homologue italien, mais plus étayé sur le plan philosophique. Ses col­lègues et disciples Friedrich Dessauer, Carl Weihe, Eberhard Zschimmer, Viktor Engelhardt, Heinrich Hardenstett, Marvin Holzer, poursuivront ses travaux ou l'inspireront. Ce futurisme des ingénieurs, poly­techni­ciens et philosophes de la technique est à rapprocher de la sociolo­gie moderniste et “révolutionnaire-conservatrice” de Hans Freyer, correspondant occasionnel de Carl Schmitt.

 

Cet ex-cursus bref et fort incomplet dans le “futurisme” allemand nous permet de comprendre l'option schmittienne en faveur de l'«accélérateur» dans le contexte de l'époque. L'«accélérateur» est donc ce technicien qui crée pour le plaisir de créer et non pour amasser de l'argent, qui accumule de la puissance pour le seul profit du politique et non d'intérêts privés. De Rathenau à Albert Speer, en passant par les in­génieurs de l'industrie aéronautique al­lemande et le centre de recherches de Peenemünde où œuvrait Werner von Braun, les «accélérateurs» allemands, qu'ils soient dé­mocrates, libéraux, socialistes ou na­tionaux-socialistes, ont visé une extension de leur puissance, considérée par leurs philosophes comme «idéaliste», à l'ensemble du continent européen. A leur yeux, comme la technique était une puissance gratuite, produit d'un génie naturel et spontané, appelé à se manifester sans entraves, les maîtres poli­tiques de la technique devaient dominer le monde contre les maîtres de l'argent ou les figures des anciens régimes pré-techniques. La technique était une émanation du peuple, au même titre que la poésie. Ce rêve techno-futuriste s'effondre bien entendu en 1945, quand le grand espace européen virtuel, rêvé en France par Drieu, croule en même temps que l'Allemagne hitlé­rienne. Comme tous ses compatriotes, Carl Schmitt tombe de haut. Le fait cruel de la défaite militaire le contraint à modifier son op­tique.

 

2. La phase du Katechon:

 

Carl Schmitt après 1945 n'est plus fasciné par la dynamique indus­trielle-technique. Il se rend compte qu'elle conduit à une horreur qui est la «dé-localisation totale», le «déracinement planétaire». Le juriste Carl Schmitt se souvient alors des leçons de Savigny et de Bachofen, pour qui il n'y avait pas de droit sans ancrage dans un sol. L'horreur moderne, dans cette perspective généalogique du droit, c'est l'abolition de tous les loci, les lieux, les enracinements, les im-brications (die Ortungen). Ces dé-localisa­tions, ces Ent-Ortungen, sont dues aux accélarations favorisées par les régimes du 20ième siècle, quelle que soit par ailleurs l'idéologie dont ils se ré­clamaient. Au lendemain de la dernière guerre, Carl Schmitt estime donc qu'il est nécessaire d'opérer un retour aux «ordres élémen­taires de nos existences ter­restres». Après le pathos de l'accélération, partagé avec les futuristes italiens, Carl Schmitt déve­loppe, par réaction, un pathos du tellurique.

 

Dans un tel contexte, de retour au tellurique, la figure du décideur n'est plus l'accélérateur mais le kate­chon, le “mainteneur” qui «va contenir les accélérateurs volontaires ou involontaires qui sont en marche vers une fonctionalisation sans répit». Le katechon est le dernier pilier d'une société en perdition; il arrête le chaos, en main­tient les vecteurs la tête sous l'eau. Mais cette figure du katechon n'est pourtant pas entièrement nouvelle chez Schmitt: on en perçoit les prémices dans sa valorisation du rôle du Reichspräsident  dans la Constitution de Weimar, Reichspräsident qui est le «gardien de la Constitution» (Hüter der Verfassung), ou même celle du Führer  Hitler qui, après avoir ordonné la «nuit des longs cou­teaux» pour éliminer l'aile révolutionnaire et effervescente de son mouvement, apparaît, aux yeux de Schmitt et de bon nombre de conservateurs allemands, comme le «protecteur du droit» contre les forces du chaos révolutionnaire (der Führer schützt das Recht). En effet, selon la logique de Hobbes, que Schmitt a très souvent faite sienne, Röhm et les SA veulent concrétiser par une «seconde révolution» un ab­solu idéologique, quasi religieux, qui conduira à la guerre civile, horreur absolue. Hitler, dans cette lo­gique, agit en “mainteneur”, en “protecteur du droit”, dans le sens où le droit cesse d'exister dans ce nou­vel état de nature qu'est la guerre civile.

 

Terre, droit et lieu - Tellus, ius et locus

 

Mais par son retour au tellurique, au lendemain de la défaite du Reich hitlérien, Schmitt retourne au conser­vatisme implicite qu'il avait tiré de la philosophie de Hobbes; il abandonne l'idée de «mobilisation totale» qu'il avait un moment partagée avec Ernst Jünger. En 1947, il écrit dans son Glossarium, recueil de ses ré­flexions philosophiques et de ses fragments épars: «La totalité de la mobilisation consiste en ceci: le moteur immobile de la philosophie aristotélicienne est lui aussi entré en mouvement et s'est mobilisé. A ce moment-là, l'ancienne distinction entre la contemplation (immobile) et l'activité (mobile) cesse d'être perti­nente; l'observateur aussi se met à bouger [...]. Alors nous devenons tous des observateurs activistes et des activistes observants. [...] C'est alors que devient pertinente la maxime: celui qui n'est pas en route, n'apprend, n'expérimente rien».

 

Cette frénésie, cette mobilité incessante, que les peintres futuristes avaient si bien su croquer sur leurs toiles exaltant la dynamique et la cinétique, nuit à la Terre et au Droit, dit le Carl Schmitt d'après-guerre, car le Droit est lié à la Terre (Das Recht ist erdhaft und auf die Erde bezogen). Le Droit n'existe que parce qu'il y a la Terre. Il n'y a pas de droit sans espace habitable. La Mer, elle, ne connaît pas cette unité de l'espace et du droit, d'ordre et de lieu (Ordnung und Ortung).  Elle échappe à toute tentative de codifica­tion. Elle est a-so­ciale ou, plus exactement, “an-œkuménique”, pour reprendre le lan­gage des géopolito­logues, notamment celui de Friedrich Ratzel.

 

Mer, flux et logbooks

 

La logique de la Mer, constate Carl Schmitt, qui est une logique an­glo-saxonne, transforme tout en flux délocalisés: les flux d'argent, de marchandises ou de désirs (véhiculés par l'audio-visuel). Ces flux, dé­plore toujours Carl Schmitt, recouvrent les «machines impé­riales». Il n'y a plus de “Terre”: nous naviguons et nos livres, ceux que nous écrivons, ne sont plus que des “livres de bord” (Logbooks, Logbücher).  Le jeune philosophe allemand Friedrich Balke a eu l'heureuse idée de comparer les réflexions de Carl Schmitt à celles de Gilles Deleuze et Félix Guattari, consignées notamment dans leurs deux volumes fondateurs: L'Anti-Oedipe  et Mille Plateaux.  Balke constate d'évidents parallèles entre les réflexions de l'un et des autres: Deleuze et Guattari, en évoquant ces flux modernes, surtout ceux d'après 1945 et de l'américanisation des mœurs, parlent d'une «effusion d'anti-production dans la production», c'est-à-dire de stabilité coagulante dans les flux multiples voire désordonnés qui agitent le monde. Pour notre Carl Schmitt d'après 1945, l'«anti-pro­duction», c'est-à-dire le principe de stabilité et d'ordre, c'est le «concept du politique».

 

Mais, dans l'effervescence des flux de l'industrialisme ou de la «production» deleuzo-guattarienne, l'Etat a cédé le pas à la société; nous vivons sous une imbrication délétère de l'Etat et de l'économie et nous n'inscrivons plus de “télos” à l'horizon. Il est donc difficile, dans un tel contexte, de manier le «concept du politique», de l'incarner de façon durable dans le réel. Difficulté qui rend impos­sible un retour à l'Etat pur, au politique pur, du moins tel qu'on le concevait à l'ère étatique, ère qui s'est étendue de Hobbes à l'effondrement du III°Reich, voire à l'échec du gaullisme.

 

Dé-territorialisations et re-territorialisations

 

Deleuze et Guattari constatent, eux aussi, que tout retour durable du politique, toute restauration impa­vide de l'Etat, à la manière du Léviathan de Hobbes ou de l'Etat autarcique fermé de Fichte, est désormais impossible, quand tout est «mer», «flux» ou «production». Et si Schmitt dit que nous naviguons, que nous consi­gnons nos impressions dans des Logbooks, il pourrait s'abandonner au pessimisme du réaction­naire vaincu. Deleuze et Guattari accep­tent le principe de la navigation, mais l'interprètent sans pessi­misme ni optimisme, comme un éventail de jeux complexes de dé-territorialisations (Ent-Ortungen)  et de re-territorialisations (Rück-Ortungen).  Ce que le praticien de la politique traduira sans doute par le mot d'ordre suivant: «Il faut re-territorialiser partout où il est possible de re-territorialiser». Mot d'ordre que je serais person­nellement tenté de suivre... Mais, en dépit de la tristesse ressentie par Schmitt, l'Etat n'est plus la seule forme de re-territorialisation possible. Il y a mille et une possibilités de micro-re-territorialisa­tions, mille et une possibilités d'injecter de l'anti-production dans le flux ininterrompu et ininterrompable de la «production». Gianfranco Miglio, disciple et ami de Schmitt, éminence grise de la Lega Nord d'Umberto Bossi en Lombardie, parle d'espaces potentiels de territorialisation plus réduits, comme la région (ou la commu­nauté autonome des constitutionalistes espagnols), où une concen­tration localisée et circonscrite de politisation, peut tenir partielle­ment en échec des flux trop audacieux, ou guerroyer, à la mode du par­tisan, contre cette domination tyrannique de la «production». Pour étendre leur espace politique, les ré­gions (ou communautés autonomes) peuvent s'unir en confédérations plus ou moins lâches de régions (ou de communautés autonomes), comme dans les initia­tives Alpe-Adria, regroupant plusieurs subdivi­sions étatiques dans les régions alpines et adriatiques, au-delà des Etats résiduaires qui ne sont plus que des relais pour les «flux» et n'incarnent de ce fait plus le politique, au sens où l'entendait Schmitt.

 

L'illusion du «prêt-à-territorialiser»

 

Mais les ersätze de l'Etat, quels qu'ils soient, recèlent un danger, qu'ont clairement perçu Deleuze et Guattari: les sociétés modernes économi­sées, nous avertissent-ils, offrent à la consommation de leurs ci­toyens tous les types de territorialités résiduelles ou artificielles, imaginaires ou symboliques, ou elles les restaurent, afin de coder et d'oblitérer à nouveau les personnes détournées provisoirement des “quantités abs­traites”. Le système de la production aurait donc trouvé la parade en re-territorialisant sur mesure, et provisoire­ment, ceux dont la production, toujours provisoirement, n'aurait plus besoin. Il y a donc en per­manence le danger d'un «prêt-à-territorialiser» illusoire, dérivatif. Si cette éventualité apparaît nettement chez Deleuze-Guattari, si elle est explicitée avec un voca­bulaire inhabituel et parfois surprenant, qui éveille toutefois tou­jours notre attention, elle était déjà consciente et présente chez Schmitt: celui-ci, en effet, avait perçu cette déviance potentielle, évidente dans un phénomène comme le New Age  par exemple. Dans son livre Politische Romantik (1919), il écrivait: «Aucune époque ne peut vivre sans forme, même si elle semble complètement marquée par l'économie. Et si elle ne parvient pas à trouver sa propre forme, elle recourt à mille expédients issus des formes véritables nées en d'autres temps ou chez d'autres peuples, mais pour rejeter immé­diatement ces expédients comme inauthentiques». Bref, des re-territorialisations à la carte, à jeter après, comme des kleenex... Par facilité, Schmitt veux, personnelle­ment, la restauration de la “forme catholique”, en bon héritier et disciple du contre-révolutionnaire espa­gnol Donoso Cortés.

 

3. La phase du normalisateur:

 

La fluidité de la société industrielle actuelle, dont se plaignait Schmitt, est devenue une normalité, qui en­tend conserver ce jeu de dé-normalisation et de re-normalisation en dehors du principe po­litique et de toute dynamique de territorialisation. Le normalisa­teur, troisième figure du décideur chez Schmitt, est celui qui doit empêcher la crise qui conduirait à un retour du politique, à une re-territorialisation de trop longue durée ou définitive. Le normalisa­teur est donc celui qui prévoit et prévient la crise. Vision qui cor­respond peu ou prou à celle du sociologue Niklas Luhmann qui ex­plique qu'est souverain, aujourd'hui, celui qui est en mesure, non plus de décréter l'état d'exception, mais, au contraire, d'empêcher que ne survienne l'état d'exception! Le normalisateur gèle les pro­cessus politiques (d'«anti-production») pour laisser libre cours aux processus économiques (de «production»); il censure les discours qui pourraient conduire à une revalorisation du politique, à la res­tauration des «machines impériales». Une telle œuvre de rigidifica­tion et de censure est le propre de la political correctness, qui structure le «Nouvel Ordre Mondial» (NOM). Nous vivons au sein d'un tel ordre, où s'instaure une quantité d'inversions sémantiques: le NOM est statique, comme l'Etat de Hobbes avait voulu être sta­tique contre le déchaînement des pas­sions dans la guerre civile; mais le retour du politique, espéré par Schmitt, bouleverse des flux divers et multiples, dont la quantité est telle qu'elle ne permet au­cune intervention globale ou, pire, absorbe toute intervention et la neutralise. Paradoxalement le partisan de l'Etat, ou de toute autre instance de re-territorialisation, donc d'une forme ou d'une autre de stabilisation, est au­jourd'hui un “ébranleur” de flux, un déstabilisa­teur malgré lui, un déstabilisateur insconscient, surveillé et neutralisé par le normalisateur. Un cercle vicieux à briser? Sommes-nous là pour ça?

 

Robert Steuckers.

vendredi, 25 juillet 2008

Sur Karl Anton Rohan

Wappen_Deutsches_Reich_-_Reichswappen_(Klein).jpg

Note sur le Prince Karl Anton Rohan, catholique, fédéraliste, européiste et national-socialiste

 

Né le 9 septembre 1898 à Albrechtsberg et décédé le 17 mars 1975 à Salzbourg, le Prince Karl Anton Rohan fut un écrivain et un propagandiste de l'idée européenne. Jeune aristocrate, ce sont les traditions "noires et jaunes" (c'est-à-dire impériales) de la vieille Autriche des familles de la toute haute noblesse qui le fascinent, lui, issu, côté paternel, d'une famille illustre originaire de Bretagne et, côté maternel, de la Maison des Auersperg. Il a grandi à Sichrow dans le Nord-est de la Bohème. Marqué par la guerre de 1914, par les expériences de la révolution bolchevique à l'Est et de l'effondrement de la monarchie pluriethnique, Rohan décide d'œuvrer pour que se comprennent les différentes élites nationales d'Europe, pour qu'elles puissent se rapprocher et faire front commun contre le bolchevisme et le libéralisme.

 

Après la fondation d'un "Kulturbund" à Vienne en 1922, Rohan s'efforcera, en suivant un conseil de J. Redlich, de prendre des contacts avec la France victorieuse. Après la fondation d'un "comité français" au début de l'année 1923, se constitue à Paris en 1924 une "Fédération des Unions Intellectuelles". Son objectif était de favoriser un rassemblement européen, Grande-Bretagne et Russie comprises sur le plan culturel. Dans chaque pays, la société et les forces de l'esprit devaient se rassembler au-delà des clivages usuels entre nations, classes, races, appartenances politiques et confessionnelles. Sur base de l'autonomie des nations, lesquelles constituaient les piliers porteurs, et sur base des structures étatiques, devant constituer les chapiteaux, des "Etats-Unis d'Europe" devaient émerger, comme grande coupole surplombant la diversité européenne.

 

Rohan considérait que le catholicisme sous-tendait le grand œcoumène spirituel de l'Europe. Il défendait l'idée d'un "Abendland", d'un "Ponant", qu'il opposait à l'idée de "Paneurope" de son compatriote Richard Coudenhove-Kalergi. Jusqu'en 1934, le Kulturbund de Rohan est resté intact et des filiales ont émergé dans presque toutes les capitales européennes.

 

Aux colloques annuels impulsés par Rohan (Paris en 1924, Milan en 1925, Vienne en 1926, Heidelberg et Francfort en 1927, Prague en 1928, Barcelone en 1929, Cracovie en 1930, Zurich en 1932 et Budapest en 1934), de 25 à 300 personnes ont pris part. Les nombreuses conférences et allocutions de ces colloques, fournies par les groupes de chaque pays, duraient parfois pendant toute une semaine. Elles ont été organisées en Autriche jusqu'en 1938. Dans ce pays, ces initiatives du Kulturbund recevaient surtout le soutien du Comte P. von Thun-Hohenstein, d'Ignaz Seipel et de Hugo von Hofmannsthal, qui a inauguré le colloque de Vienne en 1926 et l'a présidé. Les principaux représentants français de ce courant étaient Ch. Hayet, Paul Valéry, P. Langevin et Paul Painlevé. En Italie, c'était surtout des représentants universitaires et intellectuels du courant fasciste qui participaient à ces initiatives. Côté allemand, on a surtout remarqué la présence d'Alfred Weber, A. Bergsträsser, L. Curtius, Lilly von Schnitzler, le Comte Hermann von Keyserling, R. von Kühlmann et d'importants industriels comme G. von Schnitzler, R. Bosch, O. Wolff, R. Merton, E. Mayrisch et F. von Mendelssohn.

 

Rohan peut être considéré comme l'un des principaux représentants catholiques et centre-européens de la "Révolution conservatrice"; il jette les bases de ses idées sur le papier dans une brochure programmatique intitulée Europa et publiée en 1923/24. C'est lui également qui lance la publication Europäische Revue, qu'il a ensuite éditée de 1925 à 1936. Depuis 1923, Rohan était véritablement fasciné par le fascisme italien. A partir de 1933, il va sympathiser avec les nationaux-socialistes allemands, mais sans abandonner l'idée d'une autonomie de l'Autriche et en soulignant la nécessité du rôle dirigeant de cette Autriche dans le Sud-est de l'Europe. A partir de 1935, il deviendra membre de la NSDAP et des SA. En 1938, après l' Anschluß, Rohan prend en charge le département des affaires extérieures dans le gouvernement local national-socialiste autrichien, dirigé par J. Leopold. En 1937, il s'était fait le propagandiste d'une alliance entre un catholicisme rénové et le national-socialisme contre le bolchevisme et le libéralisme, alliance qui devait consacrer ses efforts à éviter une nouvelle guerre mondiale. Beau-fils d'un homme politique hongrois, le Comte A. Apponyi, il travaille intensément à partir de 1934 à organiser une coopération entre l'Autriche, l'Allemagne et la Hongrie.

 

Après avoir dû fuir devant l'avance de l'armée rouge en 1945, Rohan est emprisonné pendant deux ans par les Américains. Après sa libération, Rohan ne pourra plus jamais participer à des activités publiques, sauf à quelques activités occasionnelles des associations de réfugiés du Pays des Sudètes, qui lui accorderont un prix de littérature en 1974.

 

L'importance de Rohan réside dans ses efforts, commencés immédiatement avant la première guerre mondiale, pour unir l'Europe sur base de ses Etats nationaux. Très consciemment, Rohan a placé au centre de son idée européenne l'unité des expériences historiques et culturelles de l'Est, du Centre et de l'Ouest de l'Europe. Cette unité se retrouvait également dans l'idée de "Reich", dans la monarchie pluriethnique des Habsbourgs et dans l'universalisme catholique de l'idée d'Occident ("Abendland", que nous traduirions plus volontiers par "Ponant", ndt). Les besoins d'ordre culturel, spirituel, religieux et éthique devaient être respectés et valorisés au-delà de l'économie et de la politique (politicienne). Cet aristocrate, solitaire et original, que fut Rohan, était ancré dans les obligations de son environnement social élitiste et exclusif tout en demeurant parfaitement ouvert aux courants modernes de son époque. En sa personne, Rohan incarnait tout à la fois la vieille Autriche, l'Allemand et l'Européen de souche française.

 

Dr. Guido MÜLLER.

 

(entrée parue dans: Caspar von SCHRENCK-NOTZING (Hrsg.), Lexikon des Konservatismus, L. Stocker, Graz, 1996, ISBN 3-7020-0760-1; trad. franç.: Robert Steuckers).

 

 

 

lundi, 09 juin 2008

Hommage et entretien avec Gustave Thibon

1101522161.jpg

Hommage à Gustave Thibon

Le philosophe catholique Gustave Thibon est décédé. Dans un éditorial de la presse italienne, nous avons lu ce vibrant hommage (notre correspondant ne nous a malheureusement pas transmis les coordonnées du journal): «L'écrivain et phi­losophe français Gustave Thibon, un des penseurs chré­tiens les plus controversés de la seconde moitié du 20ième siè­cle, est décédé récemment, âgé de 97 ans, à Saint-Mar­cel, dans son pays natal de l'Ardèche. Catholique de droite, sympathisant monarchiste mais aussi ami et premier édi­teur de la philosophe d'origine juive Simone Weil, Thibon doit sa célébrité à ses aphorismes sur la foi. Certaines de ses brèves maximes font désormais partie du patrimoine ca­tholique: de «Celui qui refuse d'être l'image de Dieu sera son singe pour l'éternité» à «Pour unir les hommes, il ne suf­­fit pas de jeter des ponts, il faut construire des échel­les. Celui qui ne monte pas vers Dieu ne pourra rencontrer son frère», en passant par «La vérité est aussi une blessure, quasiment jamais un baume» et «Aime ceux qui te rendent heureux, mais n'aime pas ton bonheur». Thibon était animé par une veine mystique particulière, mais, en même temps, restait attaché à la campagne (il aimait se présenter com­me un "écrivain-paysan"). Il a affronté dans une vingtaine de livres les grandes questions de l'existence d'un point de vue chrétien: la présence de Dieu, l'amour, la foi et la grâ­ce, la domination de la technique sur l'homme. Parmi ses ou­vrages les plus connus, citons: Le destin de l'homme (1941), L'échelle de Jacob (1942) et Retour au réel (1943). En juillet 1941, Thibon rencontre Simone Weil dans son usine, alors qu'elle avait été chassée de l'université en tant qu'intellectuelle d'origine juive. Elle lui confie le manuscrit d'un de ses livres les plus célèbres, L'ombre et la grâce, que Thibon publiera en 1947, faisant ainsi connaître au monde la jeune philosophe morte de tuberculose en Angleterre en août 1943. Thibon avait été influencé par Pascal et par Pé­guy, mais aussi par Nietzsche et par Maurras. Dans tous ses livres, il a dénoncé la marginalisation des "exigences de l'es­prit" dans la société contemporaine. De concert avec Jean Guitton, il est aujourd'hui considéré comme l'un des pha­res de la pensée catholique française du 20ième siècle, mais il avait choisi de vivre en retrait, refusant toute char­ge académique».

C'est bien entendu la dimension paysanne de Thibon, l'in­fluen­ce du vitalisme (qu'il reliait à la doctrine catholique de l'incarnation), de Nietzsche et de Péguy sur sa pensée, qui nous inté­res­se dans son œuvre. De même que cette pro­­xi­mité entre le paysan monarchiste et Simone Weil, théo­­ri­cienne de l'en­racinement, à la suite de sa lecture at­tentive de Péguy, chantre des "petites et honnêtes gens", qui font la solidité des peuples. Mieux: l'œuvre de Thibon dé­marre avec une réflexion approfondie sur l'œuvre de Lud­­wig Klages, figure cardinale de la "révolution conser­va­trice" et des premières années du Cercle de Stefan George (les Cosmiques de Munich), un Klages pourtant fort peu sus­pect de complaisance avec le christianisme. Marc. Eemans, lecteur attentif de Thibon, parce que celui-ci était juste­ment le premier exégète français de Klages, reliait la pen­sée de ce catholique de l'Ardèche à celle de toutes les for­mes de catholicisme organique, liées en ultime instance à la mystique médiévale, résurgence d'un paganisme fonda­men­tal. Thibon, exégète de Klages, donne le coup d'envoi post­hume à Simone Weil, théoricienne audacieuse de l'en­ra­cinement. Lier le paganisme de Klages, le catholicisme pay­san de Thibon et le plaidoyer pour l'enracinement de Si­mone Weil permettrait de ruiner définitivement les mani­chéis­mes incapacitants et les simplismes binaires qui domi­nent l'univers médiatique et qui commencent dangereu­se­ment à déborder dans le champs scientifique (Robert Steuckers).

Gustave Thibon a accordé à notre colla­bora­teur occasionnel Xavier Cheneseau, sans nul doute l'un de ses tous derniers entretiens. Son décès le rend d'autant plus émouvant.

Entretien avec Gustave Thibon

Vous avez écrit un jour: "Le vrai traditionaliste n'est pas conservateur". Pouvez-vous expliquer ces propos. Est-ce à dire qu'un traditionaliste est révolutionnaire ?

GTh: Le vrai traditionaliste n'est pas conservateur dans ce sens qu'il sait dans la tradition distinguer les éléments ca­ducs des éléments essentiels, qu'il veille sans cesse à ne pas sacrifier l'esprit à la lettre et qu'il s'adapte à son épo­que, non pour s'y soumettre servilement mais pour en adop­ter les bienfaits en luttant contre ses déviations et ses a­bus. Telle fut l'œuvre de la monarchie française au long des siècles. Tout tient dans cette formule de Simone Weil: " La vraie révolution consiste dans le retour à un ordre éter­nel momentanément perturbé".

Ne pensez-vous pas que la tradition exclut la liberté créatrice ?

GTh: La réponse est la même que la précédente. La tra­di­tion favorise la liberté créatrice et ne s'oppose qu'à la li­ber­té destructrice. Traditionalisme ne signifie pas fixisme mais orientation du changement. Ainsi, un corps vivant renou­vel­le indéfiniment ses cellules, mais reste identique à lui-mê­me à travers ces mutations. Le cancer, au contraire, se ca­rac­té­rise par la libération anarchique des cellules.

Pour vous, la démocratie, le socialisme, le libéralisme sont-ils des systèmes anti-traditionnels ?

GTh: Il faudrait préciser le sens qu'on donne à ces mots. La démocratie s'oppose à la tradition dans la mesure où elle s'appuie uniquement sur la loi abstraite du nombre et des fluctuations de l'opinion. De même, au socialisme en tant que mainmise du pouvoir central sur la liberté des indi­vi­dus, de même, au libéralisme "sauvage", dans la mesure où il ne souffre aucun correctif à la loi de l'offre et de la de­man­de.

Est-il possible d'affirmer aujourd'hui la primauté de l'esprit sur le monde matérialiste ?

GTh: Il faudrait d'abord s'entendre sur le sens qu'on donne aux mots esprit et matière. De toute façon, il y a primauté de l'esprit sur la matière même chez les matérialistes, dans ce sens que c'est l'esprit "lumière" qui modifie la matière et l'aménage en fonction de sa puissance et de ses désirs. Mais, si l'on entend par matérialisme cet usage de l'esprit qui privilégie les conquêtes et les jouissances matérielles au détriment des choses proprement spirituelles (art, philo­so­phie, religion, etc...), il est bien certain que notre épo­que se fige dans un matérialisme destructeur.

Que signifie pour vous la notion de "culture populaire" ? N'y a-t-il pas une opposition entre ces deux termes ?

GTh: Il n'y a aucune opposition entre ces deux termes. La vraie culture n'est pas l'apanage des "intellectuels". Dans tou­te civilisation digne de ce nom, elle imprègne toutes les couches de la population par les traditions, les arts, les cou­tumes, la religion. Et c'est un signe grave de décadence que la disjonction entre l'instruction livresque et la culture populaire.

La notion d'ordre ne s'oppose-t-elle pas à une grande idée de l'homme ?

GTh: Là aussi, tout dépend de ce qu'on appelle l'ordre. Il y a l'ordre social, l'ordre moral, l'ordre divin etc... Et il arrive souvent que ces ordres entrent en conflit dans les faits. Exem­ple: Antigone représente le désordre par rapport à Créon, ignorant de la loi des Dieux, le Christ devant les Pha­risiens attachés à la lettre de la loi. Et la toute pre­mière idée de l'homme, sans rien négliger des formes infé­rieures de l'ordre, s'attache avant tout à l'ordre suprême où comme dit l'Apôtre: "On obéit à Dieu plutôt qu'aux hom­mes."

(Propos recueillis par © Xavier Cheneseau).

vendredi, 30 mai 2008

E. Jünger, lecteur de Léon Bloy

357674210.gif

Alexander PSCHERA:

Ernst Jünger, lecteur de Léon Bloy

Les sept marins du “renversement copernicien” sont un symbole, qu’Ernst Jünger met en exergue dans la préface des six volumes de ses “Journaux”, intitulés “Strahlungen”. Les notes de ces “Journaux”, rédigées pendant l’hiver 1933/1934 “sur la petite île de Saint-Maurice dans l’Océan Glacial Arctique” signalent, d’après Jünger, que “l’auteur se retire du monde”, retrait caractéristique de l’ère moderne. Le moi moderne est parti à la découverte de lui-même, explique Jünger, conduisant à des observations de plus en plus précises, à une conscience plus forte, à la solitude et à la douleur. Aucun des marins ne survivra à l’hiver arctique. Nous avons énuméré là quelques caractéristiques majeures des “Journaux” de Jünger. Celui-ci rappelle simultanément les pierres angulaires de l’œuvre et de l’univers d’un très grand écrivain français, qu’il a intensément pratiqué entre 1939 et 1945: Léon Bloy.

1460066864.jpg

Léon Henri Marie Bloy est né le 11 juillet 1846 à Périgueux. Il est mort le 3 novembre 1917 à Bourg-la-Reine. Il se qualifiait lui-même de “Pèlerin de l’Absolu”. Converti au catholicisme sous l’impulsion de Barbey d’Aurevilly en 1869, il devient journaliste, critique littéraire et écrivain et va mener un combat constant et vital contre la modernité sécularisée, contre la bêtise, l’hypocrisie et le relativisme, contre l’indifférence que génère un ordre matérialiste. Bloy remet radicalement en question tout ce qui fait les assises de l’individu, de la société et de l’Etat, ce qui le conduit, bien évidemment, à la marginalisation dans une société à laquelle il s’oppose entièrement.

Pour Bloy, Dieu n’était pas mort, il s’était “retiré”

Conséquences de la radicalité de ses propos, de son œuvre et de sa langue furent la pauvreté extrême, l’isolement, le mépris et la haine. Sa langue surtout car Bloy est un polémiste virulent, à côté de beaucoup d’autres. Son Journal, qui compte plusieurs volumes, couvre les années de 1892 à 1917; sa correspondance est prolixe et bigarrée; ses nombreux essais, dont “Sueur de sang” (1893), “Exégèses des lieux communs” (1902), “Le sang du pauvre” (1909), “Jeanne d’Arc et l’Allemagne” (1915) et surtout ses deux romans, “Le désespéré” (1887) et “La femme pauvre” (1897) forment, tous ensemble, une œuvre vouée à la transgression, que l’on ne peut évaluer selon les critères conventionnels. La pensée et la langue, la connaissance et l’intuition, l’amour et la haine, l’élévation et la déchéance constituent, dans les œuvres de Bloy,  une unité indissoluble. Il enfonce ainsi un pieu fait d’absolu dans le corps en voie de putréfaction de la civilisation occidentale. Ainsi, Bloy se pose, à côté de Nietzsche, auquel il ressemble physiquement, comme l’un de ces hommes qui secouent et ébranlent fondamentalement la modernité.

L’impact de Bloy ne peut toutefois se comparer à celui de Nietzsche. Il y a une raison à cela. Tandis que Nietzsche dit: “Dieu est mort”, Bloy affirme “Dieu se  retire”. Nietzsche en appelle à un homme nouveau qui se dressera contre Dieu; Bloy réclame la rénovation de l’homme ancien dans une communauté radicale avec Dieu. Nous nous situons ici véritablement  —disons le simplement pour amorcer le débat—  à la croisée des chemins de la modernité. Aux limites d’une époque, dans le maëlström, une rénovation s’annonce en effet, qu’et Nietzsche et Bloy perçoivent, mais ils en tirent des prophéties fondamentalement différentes. Chez Nietzsche, ce qui atteint son sommet, c’est la libération de l’homme par lui-même, qui se dégage ainsi des ordonnancements du monde occidental, démarche qui correspond à pousser les Lumières jusqu’au bout; chez Bloy, au contraire, nous trouvons l’opposition la plus radicale aux Lumières, assortie d’une définition eschatologique de l’existence humaine. Nietzsche a fait école, parce que sa pensée restait toujours liée aux Lumières, même par le biais d’une dialectique négative. Pour paraphraser une formule de Jünger: Nietzsche présente le côté face de la médaille, celle que façonne la conscience.

Bloy a été banni, côté pile. Il est demeuré jusqu’à aujourd’hui un auteur ésotérique. Ses textes, nous rappelle Jünger, sont “hiéroglyphiques”. Ils sont “des œuvres, pour lesquelles, nous lecteurs, ne sommes mûrs qu’aujourd’hui seulement”. “Elles ressemblent à des banderoles, dont les inscriptions dévoilent l’apparence d’un monde de feu”. Mais malgré leurs différences Nietzsche et Bloy constituent, comme Charybde et Scylla, la porte qui donne accès au 20ième siècle. Impossible de se décider pour l’un ou pour l’autre: nous devons voguer entre les deux, comme l’histoire nous l’a montré. Bloy et Nietzsche sont les véritables Dioscures du maëlström. Peu d’observateurs et d’analystes les ont perçus tels. Et,dans ce petit nombre, on compte le catholique Carl Schmitt et le protestant Ernst Jünger.

Si nous posons cette polarité Nietzsche/Bloy, nous considérons derechef que l’importance de Bloy dépasse largement celle d’un “rénovateur du catholicisme”, posture à laquelle on le réduit trop souvent. Dans sa préface à ses propres “Strahlungen” ainsi que dans bon nombre de notices de ses “Journaux”, Ernst Jünger cite Bloy très souvent en même temps que la Bible. Car il a lu Bloy et la Bible en parallèle, comme le montrent, par exemple, les notices des 2 et 4 octobre 1942 et du 20 avril 1943. C’est à partir de Bloy que Jünger part explorer “le Livre d’entre les Livres”, ce “manuel de tous les savoirs, qui a accompagné d’innombrables hommes dans ce monde de terreurs”, comme il nous l’écrit dans la préface des “Strahlungen”. Bloy  a donné à Jünger des “suggestions méthodologiques” pour cette nouvelle théologie, qui doit advenir, pour une “exégèse au sens du 20ième siècle”.

Mais Jünger place également Bloy dans la catégorie des “augures des profondeurs du maëlström”, parmi lesquels il compte aussi Poe, Melville, Hölderlin, Tocqueville, Dostoïevski, Burckhardt, Nietzsche, Rimbaud, Conrad et Kierkegaard. Tous ces auteurs, Jünger les appelle aussi des “séismographes”,  dans la mesure où ils sont des écrivains qui connaissent “l’autre face”, qui sentent arriver l’ère des titans et les catastrophes à venir ou qui les saisissent par la force de l’esprit. Dans “Le Mur du Temps”, Jünger nous rappelle que ces hommes énoncent clairement leur vision du temps, de l’histoire et du destin. Trop souvent, dit Jünger, ces “augures” s’effondrent, à la suite de l’audace qu’ils ont montrée; ce fut surtout le cas de Nietzsche, “qu’il est de bon ton de lapider aujourd’hui”; ensuite ce fut aussi celui de Hamann qui, souvent, “ne se comprenait plus lui-même”. On peut deviner que Jünger, à son tour, se comptait parmi les représentants de cette tradition: “Après le séisme, on s’en prend aux séismographes” —modèle explicatif qui peut parfaitement valoir pour la réception de l’œuvre de Jünger lui-même.

Le chemin qui a mené Jünger à Bloy ne fut guère facile. Jünger le reconnait: “Je devais surmonter une réticence (...)  —mais aujourd’hui il faut accepter la vérité, d’où qu’elle se présente. Elle nous tombe dessus, à l’instar de la lumière, et non pas toujours à l’endroit le plus agréable”. Qu’est-ce donc que cet “endroit désagréable”, qui suscite la réticence de Jünger? Dans sa notice du 30 octobre 1944, rédigée à Kirchhorst, Jünger écrit: “Continué Léon Bloy. Sa véritable valeur, c’est de représenter l’être humain, dans son infamie, mais aussi dans sa gloire”. Pour comprendre plus en détail cette notice d’octobre 1944, il faut se référer à celle du 7 juillet 1939, qui apparaît dans toute sa dimension drastique: “Bloy est un cristal jumelé de diamant et de boue. Son mot le plus fréquent: ordure. Son héros Marchenoir dit de lui-même qu’il entrera au paradis avec une couronne tressée d’excréments humains. Madame Chapuis n’est plus bonne qu’à épousseter les niches funéraires d’un hôpital de lépreux. Dans un jardin parisien, qu’il décrit, règne une telle puanteur qu’un derviche cagneux, qui est devenu l’équarisseur des chameaux morts de la peste, serait atteint de la folie de persécution. Madame Poulot porte sous sa chemise noire un buste qui ressemble à un morceau de veau roulé dans la crasse et qu’une meute de chiens a abandonné après l’avoir rapidement compissé. Et ainsi de suite. Dans les intervalles, nous rencontrons des sentences aussi parfaites et vraies que celle-ci: ‘La fête de l’homme, c’est de voir mourir ce qui ne paraît pas mortel’ “.

Bloy descend en profondeur dans le maëlström, les yeux grand ouverts. Cela nous rappelle la marche de Jünger, en plein éveil et clairvoyance, à travers le “Foyer de la mort”, dans “Jardins et routes”. Ce qui m’apparaît décisif, c’est que Bloy, lui aussi, indique une voie pour sortir du tourbillon, qu’il ressort, lui aussi, toujours du maëlström: “Bloy est pareil à un arbre qui, plongeant sa racine dans les cloaques, porterait à sa cime des fleurs sublimes” (notice du 28 octobre 1944). Cette image d’une ascension hors des bassesses de la matière, qui s’élance vers le sublime de l’esprit, nous la retrouvons dans la notice du 23 mai 1945, rédigée à la suite d’une lecture du texte de Bloy, “Le salut par les juifs”: “Cette lecture ressemble à la montée que l’on entreprend dans un ravin de montagne, où vêtements et peau sont déchiquetés par les épines. Elle trouve sa récompense sur l’arête; ce sont quelques phrases, quelques fleurons qui appartiennent à une flore autrement éteinte, mais inestimable pour la vie supérieure”.

“On doit prendre la vérité où on la trouve”

Dans la pensée de Bloy, Jünger ne trouve pas seulement une véhémence de propos qui détruit toutes les pesanteurs de l’ici-bas, mais aussi les prémisses d’un renouveau, d’une “Kehre”, soit d’un retournement, des premières  manifestations d’une époque spirituelle au-delà du “Mur du temps”, quand les forces titanesques seront immobilisées et matées, quand l’homme et la Terre seront à nouveau réconciliés. Nous ne pouvons entamer, ici, une réflexion quant à savoir si Jünger comprend la pensée sotériologique de Bloy de manière “métaphorique”, comme tend à le faire penser Martin Meyer dans son énorme ouvrage sur Jünger, ou s’il voit en Bloy la dissolution du nihilisme annoncé par Nietzsche —cette thèse pourrait être confirmée par la dernière citation que nous venons de faire où l’image de l’épine et de la peau indique un ancrage dans la tradition chrétienne. Mais une chose est certaine: Bloy a été, à côté de Nietzsche, celui qui a contribué à forger la philosophie de l’histoire de Jünger. “Les créneaux de sa tour touchent l’atmosphère du sublime. Cette position est à mettre en rapport avec son désir de la mort, qu’il exprime souvent de manière fort puissante: c’est un désir de voir représenter la pierre des sages, issue des écumes les plus basses, des lies les plus sombres: un  désir de grande distillation”.

Alexander PSCHERA.

(article tiré de “Junge Freiheit” n°09/2005; trad. franç. : Robert Steuckers).

Alexandre Pschera est docteur en philologie germanique. Il travaille actuellement sur plusieurs projets “jüngeriens”.