Dominique Venner, Le choc de l'histoire
vendredi, 25 octobre 2013
Conversations with History: Robert Fisk
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jeudi, 24 octobre 2013
Conversations with History: Howard Zinn
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mardi, 22 octobre 2013
Conversations with History: Chalmers Johnson
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lundi, 21 octobre 2013
La croissance est morte dans les années 70...
La croissance est morte dans les années 70...
Entretien avec Serge Latouche
Propos recueillis par Kevin Victoire
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com
Nous reproduisons ci-dessous un long entretien avec Serge Latouche, cueilli sur Ragemag. Economiste, sociologue et fondateur du MAUSS (Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales), Serge Latouche est le principal théoricien français de la décroissance et dirige la revue Entropia. Il a publié de nombreux essais, dont, notamment, L'occidentalisation du monde (La découverte, 1989 ), La mégamachine (La découverte, 1995), Le Pari de la décroissance (Fayard, 2006) et Sortir de la société de consommation (Les liens qui libèrent, 2010).
Serge Latouche : « La croissance est morte dans les années 1970. »
Les statistiques de croissance du PIB au 2e trimestre viennent d’être publiées [NDLR : l’interview a été réalisée le 20 septembre] et il semblerait que la zone euro retrouve le chemin de la croissance : qu’en pensez-vous ?
Je pense que c’est totalement bidon ! D’une part, savoir si la croissance est de +0,5% ou -0,5% n’a pas de sens : n’importe quelle personne qui a fait des statistiques et de l’économie sait que pour que cela soit significatif, il faut des chiffres plus grands. Ensuite, de quelle croissance s’agit-il ? Nous avons affaire à cette croissance que nous connaissons depuis les années 1970, à savoir une croissance tirée par la spéculation boursière et immobilière. Dans le même temps, le chômage continue de croître et la qualité de vie continue de se dégrader dangereusement. Il faut bien comprendre que la croissance est morte dans les années 1970 environ. Depuis, elle est comparable aux étoiles mortes qui sont à des années-lumière de nous et dont nous percevons encore la lumière. La croissance que notre société a connue durant les Trente Glorieuses a disparu et ne reviendra pas !
La récession était-elle l’occasion idéale pour jeter les bases d’une transition économique ?
Oui et non : le paradoxe de la récession est qu’elle offre les possibilités de remettre en question un système grippé, mais en même temps, le refus de l’oligarchie dominante de se remettre en cause – ou de se suicider – la pousse à maintenir la fiction d’une société de croissance sans croissance. Par conséquent, elle rend encore plus illisible le projet de la décroissance. Depuis le début de la crise, il y a un tel délire obsessionnel autour de la croissance que les projets alternatifs ne sont pas audibles auprès des politiques. Il faut donc chercher de manière plus souterraine.
La décroissance est souvent amalgamée à la récession. Pourtant, vous affirmez que celle-ci n’est qu’une décroissance dans une société de croissance et qu’une vraie décroissance doit se faire au sein d’une société qui s’est départie de l’imaginaire de la croissance. Pouvez-vous détailler ?
Le projet alternatif de la décroissance ne devait pas être confondu avec le phénomène concret de ce que les économistes appellent « croissance négative », formulation étrange de leur jargon pour désigner une situation critique dans laquelle nous assistons à un recul de l’indice fétiche des sociétés de croissance, à savoir le PIB. Il s’agit, en d’autres termes, d’une récession ou d’une dépression, voire du déclin ou de l’effondrement d’une économie moderne. Le projet d’une société de décroissance est radicalement différent du phénomène d’une croissance négative. La décroissance, comme symbole, renvoie à une sortie de la société de consommation. A l’extrême limite, nous pourrions opposer la décroissance « choisie » à la décroissance « subie ». La première est comparable à une cure d’austérité entreprise volontairement pour améliorer son bien-être, lorsque l’hyperconsommation en vient à nous menacer d’obésité. La seconde est la diète forcée pouvant mener à la mort par famine.
Nous savons, en effet, que le simple ralentissement de la croissance plonge nos sociétés dans le désarroi, en raison du chômage, de l’accroissement de l’écart qui sépare riches et pauvres, des atteintes au pouvoir d’achat des plus démunis et de l’abandon des programmes sociaux, sanitaires, éducatifs, culturels et environnementaux qui assurent un minimum de qualité de vie. Nous pouvons imaginer quelle catastrophe serait un taux de croissance négatif ! Mais cette régression sociale et civilisationnelle est précisément ce que nous commençons déjà à connaître.
Depuis la récession de 2009, l’écart entre la croissance du PIB et celle de la production industrielle s’est accentué dans les pays développés : sommes-nous entrés dans une nouvelle phase de la société technicienne ?
Oui et non là encore. Oui, dans la mesure où depuis de nombreuses années, on parle de « nouvelle économie », « d’économie immatérielle », « d’économie de nouvelles technologies » ou encore « d’économie numérique ». On nous a aussi parlé de « société de services ». Nous voyons bien que ce phénomène n’est pas nouveau et qu’il y avait déjà dans les sociétés industrielles un phénomène de désindustrialisation. Pourtant, ce n’était pas un changement dans le sens où l’industrialisation existe toujours. Mais elle est partie en Inde, en Chine ou dans les « BRICS ». Il y a eu une délocalisation du secteur secondaire, ce qui nous amène à réimporter, à un chômage très important et à cette croissance spéculative. Nos économies se sont spécialisées dans les services haut de gamme : les services financiers, les marques, les brevets, etc. La production est délocalisée tout en conservant la marque, ce qui est plus rentable. Mais nous assistons aussi à un développement par en bas des services dégradés ou à la personne et à une nouvelle forme de domesticité qui se développe avec cette désindustrialisation.
Est-ce que vous confirmeriez les prévisions de Jacques Ellul qui voyait la naissance d’une dichotomie entre d’un côté les « nations-capitalistes » du Nord et de l’autre les « nations-prolétaires » du Sud ?
Cela n’est pas nouveau, ni totalement exact ! Les nations occidentales se prolétarisent aussi. Avec la mondialisation, nous assistons surtout à une tiers-mondisation des pays du Nord et un embourgeoisement des pays du Sud. Il y a par exemple aujourd’hui 100 à 200 millions de Chinois qui appartiennent à la classe moyenne mondiale, voire riche.
Le 20 août dernier, nous avons épuisé les ressources de la Terre pour 2013 et nous vivons donc à « crédit » vis-à-vis de celle-ci jusqu’à la fin de l’année. Il faudrait donc réduire d’environ un tiers notre consommation en ressources naturelles si nous voulons préserver notre planète. N’a-t-on pas atteint le point de non-retour ? La décroissance se fera-t-elle aux dépens des pays en voie de développement ?
Déjà soyons clairs, la décroissance est avant tout un slogan qui s’oppose à la société d’abondance. Ensuite, il ne s’agit surtout pas de régler les problèmes des pays du Nord aux dépens de ceux du Tiers-Monde. Il faudra résoudre simultanément les problèmes et du Nord et ceux du Sud. Évidemment, ce que vous évoquez, et que l’on appelle l’over shoot day, n’est qu’une moyenne globale. La réduction de l’empreinte écologique pour un pays comme la France n’est pas de l’ordre de 30%, mais de 75%. Une fois explicité comme cela, les gens se disent que ça va être dramatique. Justement, ce n’est pas nécessaire : nos modes de vie sont basés sur un gaspillage fantastique de la consommation et encore plus de la production, donc des ressources naturelles. Il ne faudra donc pas forcément consommer moins, mais consommer mieux. Tout d’abord, la logique consumériste pousse à accélérer l’obsolescence des produits. Il ne s’agit donc pas forcément de consommer moins mais de produire moins en consommant mieux.
Au lieu de consommer une seule machine à laver dans notre vie, nous en consommons 10 ou 15, de même pour les réfrigérateurs et je ne parle même pas des ordinateurs ! Il faut donc un mode de production où les individus ne consomment qu’une seule voiture, une seule machine à laver, etc. Cela réduirait déjà énormément l’empreinte écologique. Nous savons aussi que la grande distribution entraîne un grand gaspillage alimentaire. Environ 40% de la nourriture va à la poubelle, soit à cause des dates de péremptions dans les magasins, soit chez les particuliers qui ont emmagasiné de la nourriture qui finit par périmer. L’idée n’est pas de décroître aux dépens des pays pauvres, qui eux doivent au contraire augmenter leur consommation et leur production, mais de changer cette logique de gaspillage forcenée et de fausse abondance.
Nicholas Georgescu-Roegen, affirmait : « Chaque fois que nous produisons une voiture, nous le faisons au prix d’une baisse du nombre de vies à venir. » La décroissance doit-elle être accompagnée d’un contrôle démographique pour être soutenable ?
Il est toujours délicat d’aborder la question démographique. Les prises de position sur le sujet sont toujours passionnelles car touchant à la fois aux croyances religieuses, au problème du droit à la vie, à l’optimisme de la modernité avec son culte de la science et du progrès, elles peuvent déraper très vite vers l’eugénisme, voire le racisme au nom d’un darwinisme rationalisé. La menace démographique, vraie ou imaginaire, peut donc être facilement instrumentalisée pour mettre en place des formes d’écototalitarisme. Il importe donc de cerner les différentes dimensions du problème et de peser les arguments en présence, avant de se prononcer sur la taille d’une humanité « soutenable ».
Si l’insuffisance des ressources naturelles et les limites de la capacité de régénération de la biosphère nous condamnent à remettre en question notre mode de vie, la solution paresseuse consisterait, en effet, à réduire le nombre des ayants droit afin de rétablir une situation soutenable. Cette solution convient assez bien aux grands de ce monde puisqu’elle ne porte pas atteinte aux rapports sociaux et aux logiques de fonctionnement du système. Pour résoudre le problème écologique, il suffirait d’ajuster la taille de l’humanité aux potentialités de la planète en faisant une règle de trois. Telle n’est évidemment pas la position des objecteurs de croissance, ce qui n’empêche qu’ils soient taxés de malthusianisme parfois par ceux-là mêmes qui condamnent les deux tiers de l’humanité à l’extermination.
Il est clair que si une croissance infinie est incompatible avec un monde fini, cela concerne aussi la croissance de la population. La planète, qui n’a que 55 milliards d’hectares, ne peut pas supporter un nombre d’habitants illimité. C’est la raison pour laquelle presque tous les auteurs de référence de la décroissance, ceux qui ont mis en évidence les limites de la croissance (Jacques Ellul, Nicholas Georgescu-Roegen, Ivan Illich, René Dumont, entre autres) ont tiré le signal d’alarme de la surpopulation. Et pourtant, ce ne sont pas, pour la plupart, des défenseurs du système… Même pour Castoriadis, « la relation entre l’explosion démographique et les problèmes de l’environnement est manifeste ».
Cela étant, ce que la décroissance remet en cause, c’est avant tout la logique de la croissance pour la croissance de la production matérielle. Même si la population était considérablement réduite, la croissance infinie des besoins entraînerait une empreinte écologique excessive. L’Italie en est un bon exemple. La population diminue, mais l’empreinte écologique, la production, la consommation, la destruction de la nature, des paysages, le mitage du territoire par la construction, la cimentification continuent de croître. On a pu calculer que si tout le monde vivait comme les Burkinabés, la planète pourrait supporter 23 milliards d’individus, tandis que si tout le monde vivait comme les Australiens, d’ores et déjà le monde serait surpeuplé et il faudrait éliminer les neuf dixièmes de la population. Il ne pourrait pas faire vivre plus de 500 millions de personnes. Qu’il y ait 10 millions d’habitants sur Terre ou 10 milliards, note Murray Bookchin, la dynamique du « marche ou crève » de l’économie de marché capitaliste ne manquerait pas de dévorer toute la biosphère. Pour l’instant, ce ne sont pas tant les hommes qui sont trop nombreux que les automobiles… Une fois retrouvé le sens des limites et de la mesure, la démographie est un problème qu’il convient d’affronter avec sérénité.
Si une croissance infinie est incompatible avec un monde fini, cela concerne aussi la croissance démographique. La population ne peut, elle non plus, croître indéfiniment. La réduction brutale du nombre des consommateurs ne changerait pas la nature du système, mais une société de décroissance ne peut pas évacuer la question du régime démographique soutenable.
Que faire pour changer de régime ? Combattre l’individualisme ?
Les gens accusent souvent les partisans de la décroissance d’être des passéistes. Pourtant, nous ne souhaitons pas un retour en arrière. Mais, comme le préconisaient Ivan Illich ou même Castoriadis, il s’agit d’inventer un futur où nous retenons certains aspects du passé qui ont été détruits par la modernité. Sur ce sujet, un grand sociologue français, Alain Touraine, vient de sortir un livre intitulé La Fin des sociétés. C’est vrai qu’avec la mondialisation, on assiste à la fin des sociétés.
À ce sujet, un ancien Premier ministre anglais, Margareth Thatcher, a dit : « Il n’existe pas de société, il n’existe que des individus ». C’est énorme de dire cela ! Donc, dans le projet de la décroissance, il ne s’agit pas de retrouver une ancienne société disparue, mais d’inventer une nouvelle société de solidarité. C’est-à-dire qu’il faut réinventer du lien social, parfois par la force des choses comme avec la fin du pétrole, sur la base d’une économie de proximité, avec une relocalisation de la totalité de la vie. Ce n’est pas un repli sur soi, mais une nouvelle redécouverte de la culture, de la vie, de la politique et de l’économie.
Justement, relocaliser les activités humaines serait une nécessité écologique. Mais la réindustrialisation potentielle qui en découlerait ne serait-elle pas une entrave à la décroissance ?
Non, parce qu’il ne s’agit pas de la réindustrialisation prônée par notre système. Madame Lagarde, quand elle était ministre de l’Économie, avait inventé le néologisme « rilance » : de la rigueur et de la relance. Pour nous, c’est exactement le contraire : nous ne voulons ni rigueur, ni relance, ni austérité. Évidemment qu’il faut sortir de la récession et récréer des emplois, non pas pour retrouver une croissance illimitée, mais pour satisfaire les besoins de la population. En fait, la réindustrialisation dans une optique de décroissance est plus artisanale qu’industrielle. Il faut se débarrasser des grosses entreprises au profit d’une économie composée de petites unités à dimensions humaines. Ces dernières peuvent être techniquement très avancées mais ne doivent en aucun cas être les monstres transnationaux que nous connaissons actuellement. Elles doivent être plus industrieuses qu’industrielles, plus entreprenantes qu’entrepreneuses et plus coopératives que capitalistes. C’est tout un projet à inventer.
L’État moderne se comporte toujours comme un soutien au productivisme, soit en favorisant l’offre pour les libéraux, soit en favorisant la demande pour les keynésiens. La décroissance a-t-elle besoin d’une disparition de l’État ?
Cela dépend de ce que nous mettons derrière le mot « État ». Même si l’objectif n’est pas de maintenir cet État-nation, bien sûr qu’une société de décroissance devra inventer ses propres institutions. Elles devront être plus proches du citoyen avec une coordination au niveau transnational. Celle-ci est vitale, car beaucoup de phénomènes environnementaux sont globaux : il est alors impossible d’imaginer un repli total. Il faudra donc inventer de nouvelles formes qui diffèrent de l’appareil bureaucratique moderne.
La décroissance implique aussi un changement de mode de vie. Comment faire pour lutter contre la société marchande sans se marginaliser ?
Effectivement, il faut les deux. Il y a d’ailleurs dans les objecteurs de croissance des gens très investis dans des coopératives alternatives comme des écovillages. De plus, il faut tenir les deux bouts de la chaîne : une société ne change pas du jour au lendemain. Il faut donc penser la transition sans attendre un changement global simultané. Les meilleurs exemples sont les villes en transition où l’on essaie de réorganiser l’endroit où l’on vit afin de faire face aux défis de demain comme la fin du pétrole. Ce qui m’intéresse surtout dans les villes en transition, c’est leur mot d’ordre : « résilience », qui consiste à résister aux agressions de notre société. Mais cela n’implique pas de revenir à l’âge de pierre, comme les Amish. Au contraire, cela implique une qualité de vie maximale sans détruire la planète.
Changer de régime économique est-il possible pour un pays seul ? Une initiative isolée ?
Ça rappelle le vieux débat qui a opposé Staline à Trotsky pour savoir si le socialisme pouvait se faire dans un seul pays. Mais en réalité, la réponse n’est pas « oui » ou « non ». La question ne peut pas être posée de façon manichéenne, simplement parce que nous ne pouvons pas changer le monde du jour au lendemain et il faut bien commencer ! Donc, le commencement se fait petit à petit, au niveau local, en visant le global. La parole d’ordre des écologistes fut pendant longtemps : « Penser globalement, agir localement ». Ce n’est pas qu’il ne faille pas agir globalement, mais c’est plus compliqué. Donc le point de départ est local pour une visée plus large. De toute manière, le projet ne se réalisera ni totalement ni globalement. La société de décroissance est un horizon de sens, mais pas un projet clé en main réalisable de façon technocratique.
La décroissance, selon vous, commencerait-elle par une démondialisation pour tendre vers une forme d’altermondialisme ?
Je n’aime pas le terme « altermondialisme ». Il s’agit évidemment d’une démondialisation, qui n’est pas une suppression des rapports entre les pays. Mais qu’est-ce que la mondialisation que nous vivons ? Ce n’est pas la mondialisation des marchés mais la marchandisation du Monde. Ce processus a commencé au moins en 1492 quand les Amérindiens ont découvert Christophe Colomb (rires). Démondialiser veut surtout dire retrouver l’inscription territoriale de la vie face au déménagement plantaire que nous connaissons. Car la mondialisation est surtout un jeu de massacres ! C’est-à-dire que nous détruisons ce qui fonctionnait traditionnellement bien dans les différents pays pour les asservir aux marchés. Par exemple, l’agriculture était fleurissante en Chine mais le capitalisme occidental a déraciné la majorité des paysans qui sont devenus des min gong : des ouvriers qui s’entassent en périphérie des grandes villes, comme Pékin ou Shanghai. Mais, dans le même temps, ces ouvriers chinois détruisent nos emplois et notre industrie. Nous nous détruisons mutuellement. Il faut au contraire que nous nous reconstruisons les uns les autres. La solution est une relocalisation concertée par un dialogue interculturel et non pas par l’imposition de l’universalisme occidental.
Les nouvelles technologies, et plus globalement la technique et la science, peuvent-elles être employées contre l’oligarchie ou sont-elles intrinsèquement néfastes ?
Ça c’est une très grande question, très difficile. Jacques Ellul avait énormément réfléchi dessus et n’avait jamais dit qu’elles étaient intrinsèquement mauvaises. Il pensait même que, dans certaines situations, elles pouvaient être utiles à la société d’avenir. Celle qui est, selon lui, intrinsèquement mauvaise, c’est la structure sociale dans laquelle la technique et la science sont produites et utilisées. Alors bien évidemment, il faut les détourner et c’est ce que certains font. Il y a une sorte de guérilla. Sur internet, par exemple, nous le voyons. Dans ma jeunesse, nous parlions de retourner les armes contre l’ennemi. Dans une société de décroissance, qui n’est plus une société dominée par la marchandisation et le capital, ces techniques fonctionneraient autrement. Il y a aussi plein de choses intéressantes créées par le génie humain qui ne sont pas utilisées, car elles ne correspondent pas à logique du système. Nous aurons besoin de ces derniers dans une société différente. Nous devons, en réalité, surtout concevoir un nouvel esprit. Notre système est dominé – d’un point de vue technico-scientifique – par un esprit prométhéen de maîtrise de la nature, que nous ne maîtrisons pourtant pas. Il faudra donc se réinsérer dans une vision plus harmonieuse des rapports entre l’Homme et la nature.
Jacques Ellul estimait que le travail était aliénant. Est-ce à dire que la décroissance doit passer par l’abolition du salariat ?
Il n’y a pas d’urgence à l’abolir. Dans l’immédiat, il faut surtout créer les postes de salariés nécessaires. Il faut surtout réduire l’emprise de la nécessité en développant notamment la gratuité. Je pense que l’idée d’un revenu universel, ou au moins d’un revenu minimal assurant la survie, n’est pas une mauvaise chose car il réduirait l’espace de la nécessité. Dans une société de décroissance, il faudra des échanges d’activités et d’œuvres qui auront remplacé le travail. Mais ce n’est évidemment plus l’échange marchand obsédé par le profit. Il faut réintroduire l’esprit du don – qui n’a pas totalement disparu – dans les rapports de clientèle et dans les marchandages. En Afrique, par exemple, il existe encore une sorte de métissage entre la logique marchande et celle du don. Ce qu’il faut surtout abolir, c’est le travail salarié en tant qu’abstraction inhumaine.
Pensez-vous que la monnaie s’oppose à la logique du don et qu’en conséquence, une société de décroissance doit abolir le système monétaire ?
Sûrement pas ! Par contre, il doit y avoir l’abolition de certaines fonctions de la monnaie. Il faut par exemple en finir avec la monnaie qui engendre de la monnaie, car l’accumulation monétaire est très perverse. Mais la monnaie comme instrument de mesure et d’échange est une nécessité dans une société complexe. Je dirais même que c’est un acquis de la civilisation.
Des personnalités de gauche comme de droite se revendiquent aujourd’hui de la décroissance. Qu’en pensez-vous ?
Que la décroissance soit un projet politique de gauche constitue, pour la plupart des objecteurs de croissance, une évidence, même s’il en existe aussi une version de droite. Allons plus loin : il s’agit du seul projet politique capable de redonner sens à la gauche. Pourtant, ce message-là se heurte à une résistance très forte et récurrente. La décroissance constitue un projet politique de gauche parce qu’elle se fonde sur une critique radicale du libéralisme, renoue avec l’inspiration originelle du socialisme en dénonçant l’industrialisation et remet en cause le capitalisme conformément à la plus stricte orthodoxie marxiste.
Tout d’abord, la décroissance est bien évidemment une critique radicale du libéralisme, celui-ci entendu comme l’ensemble des valeurs qui sous-tendent la société de consommation. On le voit dans le projet politique de l’utopie concrète de la décroissance en huit R (Réévaluer, Reconceptualiser, Restructurer, Relocaliser, Redistribuer, Réduire, Réutiliser, Recycler). Deux d’entre eux, réévaluer et redistribuer, actualisent tout particulièrement cette critique. Réévaluer, cela signifie, en effet, revoir les valeurs auxquelles nous croyons, sur lesquelles nous organisons notre vie, et changer celles qui conduisent au désastre. L’altruisme devrait prendre le pas sur l’égoïsme, la coopération sur la compétition effrénée, l’importance de la vie sociale sur la consommation illimitée, le local sur le global, l’autonomie sur l’hétéronomie, le raisonnable sur le rationnel, le relationnel sur le matériel, etc. Surtout, il s’agit de remettre en cause le prométhéisme de la modernité tel qu’exprimé par Descartes (l’homme « comme maître et possesseur de la nature ») ou Bacon (asservir la nature). Il s’agit tout simplement d’un changement de paradigme. Redistribuer s’entend de la répartition des richesses et de l’accès au patrimoine naturel entre le Nord et le Sud comme à l’intérieur de chaque société. Le partage des richesses est la solution normale du problème social. C’est parce que le partage est la valeur éthique cardinale de la gauche que le mode de production capitaliste, fondé sur l’inégalité d’accès aux moyens de production et engendrant toujours plus d’inégalités de richesses, doit être aboli.
Dans un deuxième temps, la décroissance renoue avec l’inspiration première du socialisme, poursuivie chez des penseurs indépendants comme Elisée Reclus ou Paul Lafargue. La décroissance retrouve à travers ses inspirateurs, Jacques Ellul et Ivan Illich, les fortes critiques des précurseurs du socialisme contre l’industrialisation. Une relecture de ces penseurs comme William Morris, voire une réévaluation du luddisme, permettent de redonner sens à l’écologie politique telle qu’elle a été développée chez André Gorz ou Bernard Charbonneau. L’éloge de la qualité des produits, le refus de la laideur, une vision poétique et esthétique de la vie sont probablement une nécessité pour redonner sens au projet communiste.
Pour finir, la décroissance constitue une critique radicale de la société de consommation et du développement, la décroissance est une critique ipso facto du capitalisme. Paradoxalement, on pourrait même présenter la décroissance comme un projet radicalement marxiste, projet que le marxisme (et peut-être Marx lui-même) aurait trahi. La croissance n’est, en effet, que le nom « vulgaire » de ce que Marx a analysé comme accumulation illimitée de capital, source de toutes les impasses et injustices du capitalisme. Pour sortir de la crise qui est inextricablement écologique et sociale, il faut sortir de cette logique d’accumulation sans fin du capital et de la subordination de l’essentiel des décisions à la logique du profit. C’est la raison pour laquelle la gauche, sous peine de se renier, devrait se rallier sans réserve aux thèses de la décroissance.
Tout le monde se souvient de l’échec de la commission Stiglitz-Sen mise en place par l’ex-Président Sarkozy dans le but de trouver un indicateur de « bien-être » autre que le simple PIB. Le problème ne viendrait-il pas de l’obsession des mesures quantitatives ?
Il est certain que nous devons nous débarrasser de l’obsession des mesures quantitatives. Notre objectif n’est pas de mesurer le bonheur puisque cet objectif n’est par définition pas mesurable. Mais je ne crois pas que nous puissions parler d’échec de la commission Stiglitz-Sen, puisqu’elle a quand même proposé des indicateurs alternatifs pertinents. D’un autre côté, et malgré toutes les critiques qui peuvent lui être adressées, le PIB est tout à fait fonctionnel dans la logique de la société mondialisée de croissance. Il existe bien sûr d’autres indicateurs intéressants comme l’Happy Planet Index (HPI) mis au point par la fondation anglaise New Economics Foundation, mais ce dernier n’est pas fonctionnel dans notre système. Il est cependant intéressant comme indicateur critique du PIB. Pourquoi ? Parce que les États-Unis est en termes de PIB au 1er rang mondial, en termes de PIB par tête au 4ème rang et en termes de bonheur au 150ème rang ! La France se situe dans les mêmes ordres de grandeur. Tout cela signifie que si nous mesurons le bonheur par l’espérance de vie, l’empreinte écologique et le sentiment subjectif du bonheur — qui sont les trois critères du HPI —, les pays qui arrivent en tête sont le Vanuatu, le Honduras, le Venezuela et d’autres pays de ce type [ndlr : le trio de tête de 2012 est composé, dans l’ordre, du Costa Rica, du Vietnam et de la Colombie] . Malheureusement, il n’est pas fonctionnel dans notre système. Un autre indice de ce type qui pourrait être retenu, c’est l’empreinte écologique qui est elle-même synthétique. Le problème n’est pas de trouver l’indicateur miracle mais bel et bien de changer la société. Ces indices ne sont que des thermomètres et ce n’est pas en cassant le thermomètre que la température du malade change.
La rupture avec la croissance n’est-elle pas aussi une rupture avec l’économie comme science au profit d’autres disciplines comme la philosophie ou la sociologie ?
Oui, il s’agit bien d’une rupture avec l’économie. Mais celle-ci ne s’effectue pas seulement avec l’économie en tant que science mais aussi avec l’économie en tant que pratique. Il faut réenchâsser l’économique dans le social, au niveau théorique mais surtout au niveau pratique. Au niveau théorique d’abord parce que la « science économique » est une fausse science, et que la manière de vivre des Hommes appartient à l’éthique au sens aristotélicien du terme et donc à la philosophie ou à la sociologie. Sinon, pour paraphraser Lévi-Strauss, il n’existe qu’une seule science humaine : l’anthropologie. Au niveau pratique ensuite, en réintroduisant l’économique dans les pratiques de la vie et pas ne pas la laisser dans l’obsession du quantitatif avec la valorisation de l’argent, du profit ou du PIB.
Serge Latouche, propos recueillis par Kévin Victoire (Ragemag, 15 octobre 2013)
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dimanche, 20 octobre 2013
Entretien avec Aymeric Chauprade sur la Russie
"Si la Russie court derrière le modèle occidental, elle sera toujours en retard"
Entretien avec Aymeric Chauprade
Propos recueillis par Alexandre Latsa
Ex: http://fr.rian.ru
Aymeric Chauprade bonjour, pourriez-vous vous présenter aux lecteurs de RIA-Novosti qui ne vous connaîtraient pas?
Je suis géopolitologue. Une formation scientifique d'abord (mathématiques) puis de sciences politiques (docteur) et dix années titulaire de la Chaire de géopolitique de l'Ecole de Guerre à Paris, entre 1999 et 2009. J'ai aussi enseigné la géopolitique et l'histoire des idées politiques en France à la Sorbonne et en Suisse à l'Université de Neuchâtel.
Je suis maintenant également consultant international et très heureux de travailler de plus en plus avec la Russie. Mais je suis également souvent en Amérique Latine et j'ai des réseaux africains développés.
Vous êtes considéré comme l’un des fondateurs de la nouvelle géopolitique française, pluridisciplinaire, attentive à décrire le « continu et le discontinu » dans l’analyse des questions internationales, pourriez vous expliquer aux lecteurs de RIA-Novosti ce qu’il en est exactement?
Je me rattache au courant dit réaliste qui tient compte de la force des facteurs de la géographie physique, identitaire et des ressources, dans l'analyse des relations internationales. Mais pour autant, je ne néglige pas les facteurs idéologiques. Ils viennent en combinaison des facteurs classiques de la géopolitique que j'évoquais à l'instant à savoir les déterminants liés à l'espace, aux hommes dans leur identité culturelle (ethnie, religion...), et à la quête des ressources. J'insiste sur la multicausalité (il n'y a pas de cause unique mais chaque situation est la combinaison unique, un peu comme l'ADN d'une personne, d'une multiplicité de facteurs déterminants) et sur la multidisciplinarité (je refuse l'idée que ma matière, la géopolitique, puisse rendre compte à elle seule de la complexité de l'histoire ; attention au "tout géopolitique", au "tout économique" ou "tout sociologique"). La tentation de tout expliquer par sa discipline, comme le font beaucoup les sociologues aujourd'hui, est une dérive née de l'hyperspécialisation qui nous éloigne de l'époque des savants généralistes, ces savants du XVIe siècle qui étaient à la fois philosophes, mathématiciens et souvent hommes de lettres!
Quant au "continu et au discontinu" c'est ce souci qui me vient de ma première formation scientifique de séparer la dimension continue et même parfois linéaire des phénomènes, de leur dimension discontinue et parfois erratique. Il faut savoir suivre les courbes des facteurs de temps long (la démographie par exemple) mais il faut aussi savoir lire les discontinuités, les sauts, de l'Histoire.
Vous avez le mois dernier été invité au prestigieux Forum Valdaï, cofondé par RIA-Novosti. Pourriez-vous nous faire part de vos impressions sur ce forum?
D'abord j'ai été très honoré de figurer parmi les nouveaux invités du Forum de Valdaï. Ce fut une expérience véritablement passionnante. Les débats sont de qualité, l'organisation rigoureuse. C'est une sorte de Davos russe mais avec une différence notable : il n'y a pas de pensée unique mondialiste unanimement partagée. Des sensibilités différentes sont représentées. Si l'on voulait simplifier d'un côté, les Occidentalistes qui, Russes ou Occidentaux, célèbrent le "modèle démocratique occidental", essentiellement américain et considèrent que celui-ci doit être l'horizon vers lequel doit tendre la société russe, et de l'autre côté, les partisans d'un modèle original russe, dont je fais partie, bien que n'étant pas russe, qui considèrent que la Russie n'est pas seulement une nation, mais une civilisation, dont la profondeur historique est telle qu'elle permet de proposer aux Russes un modèle original. A Valdai, j'ai beaucoup entendu les Occidentalistes se lamenter du fait que la Russie était encore loin des standards occidentaux, à cause d'un prétendu déficit démocratique et d'une forte corruption. Je n'idéalise pas la Russie sous Poutine qui travaille d'arrache-pied au redressement de ce pays depuis 13 ans ; j'en mesure les maux mais je dis simplement que lorsque l'on parle de corruption il faudrait premièrement rappeler que les indicateurs de mesure sont faits pour l'essentiel par les Occidentaux, et les Américains en particulier, ce qui n'est pas une assurance d'objectivité, et deuxièmement s'intéresser non seulement à la corruption de l'Occident lui-même mais à son fort pouvoir corrupteur dans les pays en voie de développement!
Par ailleurs je considère que si la Russie court derrière le modèle occidental, elle sera toujours en retard. Bien au contraire, un pays qui a su pousser si loin la création artistique et scientifique, me paraît plus que capable de proposer un contre-modèle, lequel ne devra pas être fondé sur la toute puissance de l'individualisme, mais au contraire sur l'âme russe, sur la dimension spirituelle de ce pays. Il faut faire attention à une chose : le communisme, comme rouleau compresseur de l'esprit critique et de la dimension spirituelle de l'homme, a été un préparateur redoutable pour le projet de marchandisation de l'homme que propose l'individualisme américain.
Je suis convaincu que le retour à la Sainte Russie, au contraire, peut être un formidable réveil du génie créateur russe, qui seul lui permettra de reconstruire, au-delà des hydrocarbures et d'autres secteurs, une économie performante et innovatrice.
La question de l’identité a été extrêmement discutée et le président russe a utilisé une rhétorique eurasiatique pour parler de l’Etat Civilisation russe, pensez vous comme certains que le réveil russe l’éloigne de l’Occident, et donc de l’Europe, et devrait intensifier son rapprochement avec la Chine?
Si la Russie s'éloigne de l'Occident ce sera de la faute de l'Occident américain. La Russie est en effet diabolisée dans les médias américains dominants et par conséquent dans les médias européens qui s'en inspirent. Cette diabolisation est injuste, c'est de la mauvaise foi qui vise à présenter le redressement russe comme agressif alors que celui-ci cherche à consolider sa souveraineté face à l'impérialisme américain qui fait glisser les frontières de l'OTAN aux frontières de la Russie et de la Chine.
La Russie développe ses relations avec la Chine, dans le cadre notamment du groupe de Shangaï et aussi parce que les Chinois ont compris que les Russes pouvaient être des partenaires solides dans un monde multipolaire. De fait, ces deux puissances partagent la même vision de l'organisation du monde : elles respectent la souveraineté des Etats, refusent l'ingérence chez les autres, veulent l'équilibre des puissances comme garantie de la paix mondiale. Toutes deux s'opposent au projet unipolaire américain qui, il suffit de le constater, a déclenché une succession de guerres depuis l'effondrement soviétique : Irak, Yougoslavie, Afghanistan, Libye, Syrie maintenant... Où avez-vous vu les Russes dans toutes ces guerres?
Je pense que la Russie ne veut pas se contenter d'un partenariat avec la Chine. Certes la Russie est une puissance eurasiatique, mais il suffit de s'intéresser à son histoire, à son patrimoine culturel, pour voir qu'elle est une puissance profondément européenne et qu'elle n'entend pas se couper de l'Europe. Si les Européens se libéraient de leur dépendance à l'égard des Etats-Unis tout pourrait changer et un fort partenariat stratégique pourrait se nouer entre l'Europe et la Russie.
Vous aviez lancé le 13 juin dernier un « Appel de Moscou », quel regard global portez vous sur la Russie d’aujourd’hui?
D'abord j'essaie de ne pas idéaliser la Russie même si je ne vous cache pas que je me sens extrêmement bien dans ce pays, parce que le matérialisme m'y paraît sans cesse équilibré par une sorte de profondeur d'âme insondable. Je pense que quelque chose est en train de se passer dans la Russie de Poutine et j'espère seulement que le Président Poutine pense à la manière de perpétuer son héritage, car la pire chose qui pourrait arriver ce serait le retour des occidentalistes de l'ère Eltsine, qui prennent la Russie pour un pays du Tiers monde qu'il faudrait mettre aux normes occidentales. L'appel de Moscou que j'ai lancé poursuivait deux buts: d'abord montrer mon soutien au refus russe du programme nihiliste venu d'Occident (mariage homosexuel, théorie du genre, merchandisation du corps), ensuite montrer aux Français qui défendent la famille et les valeurs naturelles que la Russie peut être une alliée précieuse dans ce combat. Je suis très surpris et heureux de constater à quel point mon appel de Moscou lancé à la Douma le 13 juin 2013 a circulé en France dans les milieux catholiques qui se sont mobilisés contre le mariage homosexuel.
Le souverainisme est à vos yeux une notion clef de l’équilibre mondial. Très curieusement ce concept est abandonné en Europe alors qu’en Russie et dans nombre de pays émergents l’affirmation et le maintien de la souveraineté semble au contraire un objectif essentiel. Comment expliquez-vous cette différence d’orientation?
La souveraineté est une évidence pour tous les peuples du monde, et en particulier pour ceux qui ont pris leur indépendance récemment ou qui aspirent à créer un Etat indépendant. Les Européens de l'Ouest, ou plutôt leur fausses élites gouvernantes, sont les seules du monde à avoir abdiqué la souveraineté de leurs peuples. C'est une trahison dont elles devront répondre devant l'Histoire. Des millions de Français ont péri à travers l'Histoire pour défendre la liberté et la souveraineté du peuple français, sous les monarques comme en République. Mon nom est inscrit sur les monuments aux morts français. Si les Français voulaient s'en souvenir, il n'est pas une famille française qui n'ait son nom inscrit sur ces monuments aux morts, de la Première, de la Deuxième ou des guerres de défense de l'Empire français.
Imaginez-vous un Américain ou un Russe abdiquer sa souveraineté? Pour eux le patriotisme est une évidence, qui va d'ailleurs tellement de soi que tout parti affirmant un programme nationaliste en Russie est perçu comme extrémiste parce qu'il n'y a nul besoin là-bas d'affirmer l'évidence. Nos amis russes doivent comprendre en revanche qu'en France ce n'est plus l'évidence et par conséquent qu'il est normal qu'un parti politique qui veut rendre au peuple la souveraineté, mette celle-ci au sommet de son programme!
Aujourd’hui nous assistons à une relative rapide modification des relations internationales, avec le basculement du monde vers l’Asie et la potentielle fin du monde unipolaire. Comment envisagez vous que cette transition puisse se passer?
Ce que je vois c'est que les Etats-Unis refusent de perdre leur premier rang mondial et peuvent créer de grands désordres, peut-être même des guerres de grande ampleur, dans les décennies à venir, et que les Européens, quant à eux, sont dans la gesticulation kantienne, la proclamation de belles leçons de morale qui s'accompagnent d'un déclin en puissance dramatique et donc pathétique.
Au sein de cet basculement, la France semble quant à elle pourtant de plus en plus aligner sa politique étrangère sur les intérêts américains, cela est visible avec la crise en Syrie. Comment l’expliquez-vous?
Je l'explique très simplement. L'oligarchie mondialiste a pris le contrôle des principaux partis de gouvernement français, le PS et l'UMP. La majorité de ses dirigeants ont été initiés dans les grands clubs transatlantiques. Ils ont épousé le programme mondialiste et ne raisonnent plus en patriotes français comme le faisait le général de Gaulle. Lorsque le peuple français l'aura compris, ces fausses élites seront balayés car elles n'ont pour bilan que le déclin en puissance de la France et la perte de sa souveraineté.
Vous avez soutenu Philippe de Villers en 2004, auriez appelé à Voter pour Nicolas Sarkozy en 2007 et vous venez de vous ranger au coté de Marine Le Pen. Souhaitez-vous désormais entamer une carrière politique?
Le mot carrière ne me va guère. Si j'avais choisi de faire une carrière dans le système, alors j'aurais choisi de proclamer autre chose que des vérités qui dérangent. Je n'ai qu'une ambition, pouvoir dire à mes enfants, au seuil de la mort, que j'ai fait ce que je pouvais pour défendre la liberté et la souveraineté du peuple français. J'ai soutenu Philippe de Villiers que je respecte.
Mais je n'ai jamais appelé à voter pour Nicolas Sarkozy, que je vois comme soumis aux intérêts américains. Je ne sais qui a pu dire une chose pareille mais je vous mets au défi de trouver un seul texte de soutien de ma part à Nicolas Sarkozy. C'est d'ailleurs son gouvernement, en la personne de son ministre de la défense Hervé Morin, qui m'a brutalement écarté de l'Ecole de Guerre parce j'étais trop attaché à l'indépendance de la France et que je m'opposait au retour de la France dans les structures intégrées de l'OTAN. Donc de grâce que l'on ne dise jamais que j'ai soutenu ou appelé à voter Sarkozy.
En revanche, oui je soutiens Marine le Pen et il est possible que je joue prochainement un rôle sur la scène politique à ses côtés. Marine a un caractère fort, une carapace héritée des coups que son père a pris pendant tant d'années, et je la sens donc capable de prendre en main avec courage le destin du pays. Le courage plus que l'intelligence est ce qui manque aux pseudo-élites françaises, lesquelles sont conformistes et soumises à l'idéologie mondialiste par confort.
Comment envisageriez vous la relation franco-russe?
Je l'ai dit et je le redis haut et fort. Si le Front national arrive au pouvoir, il rompra avec l'OTAN et proposera une alliance stratégique avec la Russie. Ce sera un tremblement de terre énorme au niveau international et c'est la raison pour laquelle, avant d'arriver en haut des marches, et même avec le soutien du peuple, il nous faudra affronter des forces considérables. Nous y sommes prêts. Et n'oubliez pas que la France est le pays de Jeanne d'Arc. Tout est possible donc, même quand tout semble perdu!
Merci Aymeric Chauprade.
Les lecteurs souhaitant en savoir plus peuvent consulter votre blog ou le site Realpolitik-TV.
L’opinion exprimée dans cet article ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction, l'auteur étant extérieur à RIA Novosti.
Alexandre Latsa est un journaliste français qui vit en Russie et anime le site DISSONANCE, destiné à donner un "autre regard sur la Russie".
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Interview with Davide Di Stefano
Interview with Davide Di Stefano
1) Sei stato in missione a Damasco, a fine agosto, quando c’era una seria minaccia di un intervento militare statunitense. Possiamo dire che ti trovavi nell’occhio del ciclone. Qual è stata la sensazione che hai provato in quel momento?
C’era sicuramente un po’ di apprensione in tutti noi della delegazione, visto che l’immagine che arrivava qui in Italia attraverso i media occidentali era di un paese totalmente distrutto. Senza contare che noi siamo arrivati a Damasco venerdì 30 agosto, con Obama che fino a due giorni prima aveva annunciato da giovedì 29 agosto l’inizio di due giorni di raid. A dire la verità la paura più grande era che la missione saltasse per ragioni di sicurezza.
2) Damasco è una città circondata. Nonostante gli avanzamenti dell’esercito siriano, intorno alla capitale ci sono diverse aree controllate dai ribelli. Come stanno affrontando questa situazione? In città hai notato una carenza di alimenti? Ci sono state interruzioni nella fornitura di energia elettrica e di acqua?
L’immagine che fornisce Damasco, almeno nella gran parte del suo territorio è quella di una città assediata ma paradossalmente “tranquilla”. La paura più grande girando per le strade della città è sempre quella di un possibile attentato. La situazione più calda si trova nei sobborghi est della città, dove si trova ad esempio il quartiere di Jobar. La popolazione come detto sembra affrontare con relativa tranquillità la situazione, pur nelle difficoltà anche economiche e pratiche che comporta. Ad esempio ci sono dei razionamenti per quanto riguarda l’energia elettrica e alcuni generi di prima necessità, soprattutto medicinali e latte in polvere spesso scarseggiano. A ricordare che c’è una guerra ci pensa l’artiglieria governativa, che dalle postazioni sul monte Qasioun colpisce i ribelli annidati nei sobborghi est, spesso rintanati in tunnel sotterranei.
3) Nonostante la minaccia di un attacco militare da parte di alcuni governi dei paesi occidentali, il popolo siriano era informato dell’ostilità dell’opinione pubblica occidentale nei confronti di un potenziale intervento militare?
Sia il popolo siriano che le autorità sono al corrente che esiste una differenza tra la politica dei nostri governanti e il grosso dell’opinione pubblica occidentale. I duri colpi incassati da Obama sul piano politico, come la posizione non interventista di paesi come l’Italia o la Germania, insieme al no del parlamento inglese, generano fiducia. Quando ci trovavamo in Siria la tv pubblica e i principali quotidiani hanno dato grande risalto alla nostra missione, anche per dimostrare alla popolazione che in Europa non sono tutti allineati. Anche la posizione del Papa e il digiuno contro la guerra hanno avuto grande risalto in Siria, proprio nei giorni in cui ci trovavamo là.
4) Durante la missione ha avuto l’opportunità di conoscere diversi elementi dell’esercito siriano. Sei stato anche ad un funerale di un giovane soldato quando stavate in viaggio per Tartus. Qual è lo spirito dell’esercito siriano? Le truppe sono motivate a sconfiggere i fondamentalisti islamici o temono un attacco americano?
L’esercito siriano è composto da molti soldati valorosi e convinti delle proprie ragioni. Il sentimento diffuso in tutta la popolazione è quello che un attacco contro la loro nazione rappresenterebbe una grave ingiustizia e che hanno tutto il diritto di difendersi. Così come spesso capita in medio oriente, l’esercito rappresenta un po’ il pilastro dello Stato ed è composto all’80% da elementi di etnia alawita, la stessa di Assad. Tra le truppe appare un po’ di stanchezza, anche perché oltre 28 mesi di guerra civile sfiancherebbero chiunque. Fino al 21 agosto l’esercito regolare siriano aveva riconquistato molte città e postazioni, i ribelli stavano vivendo un brutto periodo. Poi dal presunto attacco con le armi chimiche le cose sono cambiate e l’attenzione si è spostata su un possibile attacco americano, insieme a Gran Bretagna e Francia. Questo genera molta preoccupazione ma i siriani sono comunque fiduciosi di riuscire a reggere anche in caso di attacco americano, grazie al sostegno dei propri alleati Russia e Iran, alla forza e alla solidità della propria nazione e alla paura di Israele di subire un attacco missilistico.
5) Quali sono i piani per le future missioni del Fronte europeo per la Siria?
Questa è stata la prima missione del Fronte Europeo per la Siria ed ha avuto un forte significato politico e simbolico, portando la solidarietà diretta nel momento più difficile. Per il futuro, soprattutto come Solidarité Identités, abbiamo intenzione di realizzare una missione solidale già nei prossimi mesi. Abbiamo stretti ottimi contatti, soprattutto a Tartus, che essendo il secondo porto della Siria ha una buona predisposizione per l’invio di generi di prima necessità come latte in polvere e medicinali.
6) Per concludere, se potessi inviare un messaggio al Presidente degli Stati Uniti che gli diresti?
Di riconsegnare il premio nobel per la pace.
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samedi, 19 octobre 2013
Zankapfel Balkan
Dr. T. Sunic:
„ Zankapfel Balkan“
(Interview)
Deutsche Militärzeitschrift-DMZ (10/2013. Nr.96)
DMZ: Herr Dr. Sunić, der Balkan ist stets Zankapfel der europäischen Großmächte und auch innerlich zerstritten gewesen. 1913 – vor 100 Jahren – kam es zum Zweiten Balkankrieg. Nur wenige Monate zuvor endete der Erste Balkankrieg. Warum ging es vor 100 Jahren so heiß her im südöstlichen Europa?
Sunic: Auf dem Balkan prallen viele Interessen aufeinander. Der Erste Balkankrieg begann als eine romantische Bewegung an, als Bündnis der sudostslawischen, christlich-orthodoxen Völker - also der Serben, Bulgaren, Montenegriner und Griechen - gegen die jahrhundertlange osmanische Despotie. Also in diesem Sinne war der erste Balkankrieg in dem Jahre 1912 eine positive Bewegung, da endlich eine fremde, nichteuropäische Macht aus Europa rausgeworfen wurde.
DMZ: Allerdings führte der Krieg schnell zu Revanchegedanken und Zwist unter den Bundesgenossen und mündete wenig später im nächsten Balkankrieg…
Sunic: Ja, Bulgarien griff kurz nach dem Krieg Serbien und Griechenland an, woraufhin Rumänien seine Chance sah, sich auf Kosten des kriegführenden Bulgariens zu vergrößern. Und das Osmanische Reich erkannte die Chance, die Niederlage im Ersten Balkankrieg zu revidieren.
DMZ: Welche Rolle spielten dabei die europäischen Großmächte?
Sunic: Vor allem der russische, christlich-orthodoxe Panslawismus spielte dabei eine große Rolle. Die zaristische Politik am Anfang des 20. Jahrhunderts sah in der österreichischen Annexion Bosniens im Jahr 1908 nicht nur eine geopolitische Gefahr sondern auch eine kulturelle Einmischung des dekadenten Westens. Alles was in Europa im 20. Jahrhundert geschah, war ein kausaler Nexus, wenn ich hier Nolte paraphrasieren darf. So wird es in Europa auch in der Zukunft weiter sein - abgesehen davon, daß die Türken heute besser in Europa eingewurzelt sind, als sie es sich 1683 vor den Toren Wiens auch nur erträumt hätten.
DMZ: Welche Folgen hatte der Krieg für den Balkan und für Europa? Die Balkankriege werden oft als Wegbereiter für den Eintritt der südosteuropäischen Staaten in den Ersten Weltkrieg betrachtet. Das Pulverfaß Balkan war zudem erst die Initialzündung für den Weltkrieg.
Sunic: Über die Ansprüche oder die Komplotttheorien der damaligen Großmächte läßt sich viel debattieren. Es herrschten auch damals zwischen den Politikern in Frankreich, Rußland, und Großbritannien schwere Divergenzen – von den Interessenskonflikten mit dem Deutschen Reich und Österreich-Ungarn ganz zu schweigen. Der Erste Weltkrieg hatte mehrere Väter.
DMZ: Das gesamte 20. Jahrhundert über war allerdings der Balkan immer wieder von Spannungen gezeichnet. Warum ist die Region so instabil? Woher rühren die Konflikte?
Sunic: Das dauernde Problem auf dem Balkan ist die mangelnde Staatsidentität der verschieden christlichen Völker und Völkerschaften. Der jahrhundertelange türkische Despotismus hat außerdem ein großes Trauma bei allen Völkern auf dem Balkan verursacht. Auch heute hat das Wort „Türke“ dort eine negative Bedeutung, und man hört täglich die jungen Serben und die Kroaten in abschätzender Weise auch die muslimischen Bosniaken und Albaner als „Türken“ beschimpfen.
DMZ: Warum schimpfen die Völker des nördlichen Balkans auf jene des südlichen Balkans, wenn es um die Türken geht?
Sunic: Der Balkan ist innerlich zerrissen. „Balkan“ hat neben der topographischen auch eine geopolitische Bedeutung, die zudem oft abwertende belegt ist. Der Balkan ist wie gesagt von einem seelischen Mangel an Staats- und Volksidentität gezeichnet. Im Nordwesten des ehemaligen Jugoslawiens, bzw. in Kroatien und Slowenien, werden die Begriffe „Balkanismus“ und „Balkanesen“ von den Leuten in abschätzender Weise für die südöstlichen Nachbarvölker, vor allem für Montenegriner, Bosniaken, Bulgaren und Albaner benutzt. Jahrhundertlang waren Slowenen und Kroaten, diese zwei katholische Völker, Teil der Donaumonarchie, und sie gehören immer noch dem mitteleuropäischen Kulturraum an – sie fühlen sich nicht als Teil des Balkans. Ein durchschnittlicher Kroate kennt besser die Lage in Bayern oder in der Lombardei als die historischen Ereignisse in Mazedonien oder in Griechenland. Geographisch liegen Wien, München oder Triest näher an Zagreb, der Hauptstadt Kroatiens, als Belgrad oder Skopje.
DMZ: 1998 griff die NATO Jugoslawien an. Haben die Einsätze des Westens zur Stabilität auf dem Balkan beigetragen?
Sunic: Da sprechen Sie etwas Wichtiges an! Solange es die UN- und NATO-Truppen gibt, wird es tatsächlich eine relative Scheinruhe geben. Aber nur solange die selbsternannten Weltverbesserer da sind! Eines Tages - wenn sie weg sind - werden die neuen Sippenkriege beginnen. Kroatien und Slowenien sind heute Mitglieder der EU und der NATO. Mazedonien und Albanien sind zumindest Schützlinge der NATO. Serbien aber nähert sich militärisch und ökonomisch wieder an die Schutzherrschaft Rußlands.
Die Frage nach der Stabilität wird im Westen auch oft überheblich behandelt. Was meinen Sie denn, wie lange eine getürktes Deutschland noch stabil ist? Was glauben Sie, wie lange ein von Einwanderung geprägtes Frankreich stabil ist? Oder die Europäische Union?
Und vergessen Sie eines nicht: Die NATO-Bombardierung Serbiens im Jahr 1999 war ein völkerrechtswidriger Akt. Zwar wollte die NATO den Angriff mit der Verhinderung einer „humanitären Katastrophe“ begründen, aber das ist Heuchelei.
DMZ: Heuchelei? Das Leiden der Menschen und die Brutalität des Krieges können Sie kaum von der Hand weisen…
Sunic: Nein. Aber was hatte denn der Westen zuvor 1991 im Kroatienkrieg getan, um den Kroaten in ihrem Unabhängigkeitskrieg zu helfen und damit den unnötigen, brutalen Krieg mit serbischen Kämpfern und der Jugoslawischer Armee zu stoppen? Gar nichts. Kriegsgreuel aber gab es auch in diesem dort bereits.
Die Kommunistische Partei Jugoslawiens hatte von 1945 bis 1990 kein einziges ethnisches Problem gelöst, sondern mit ihren Hofhistorikern und ihren Lügen über die angebliche „kroatische Faschistengefahr“ nur den interethnischen Haß weiter verschärft. 1991 resultierte diese falsche antifaschistische Mythologie in einem Krieg, in dem letztlich gefühlt alle gegen alle standen.
DMZ: Hat die NATO-Intervention die Lage nicht aber verbessert?
Sunic: Wie gesagt: Es gibt jetzt eine Scheinruhe. Aber die psychologische Lage von Kroatien im Norden bis hin zu Mazedonien im Süden hat sich nicht geändert. Jeder neue Staat hat heute seine eigenen territorialen Ansprüche - und jeder hebt sein tatsächliches oder angeblich historisches Recht auf Kosten der anderen vorher. Die heutigen „Opferrollen“ aller ehemaligen jugoslawischen Völker sind nur die Fortsetzung des Krieges, wobei jeder Staat seine eigene Identität auf Kosten des Anderen aufbaut.
DMZ: Insbesondere das Kosovo ist nach wie vor Streitthema. Viele Staaten erkennen dessen Unabhängigkeit nicht an – darunter Serbien.
Sunic: Ob die Unabhängigkeit des Kosovo legitim oder illegitim ist, spielt gar keine Rolle. Zwei Millionen muslimische Kosovare haben mit ihrer hohen Geburtrate ihre eigene Legitimität seit langem erworben. Die Serben sind eine kleine verschwindende Minderheit im Kosovo geworden. Es ist eine Frage der Zeit, bis das Kosovo ein Teil Großalbaniens sein wird. Und die Türkei mit ihren historischen Ansprüchen ist nicht weit weg von diesem neuen Kunststaat, der einst - zusammen mit Bosnien - das Juwel des Osmanischen Reiches war.
DMZ: Noch heute stehen Bundeswehrsoldaten im Kosovo…
Sunic: Wie seit 1955 üblich, befolgt die Bundesrepublik Deutschland offenbar nur amerikanische Direktiven. Oft schon in vorauseilendem Gehorsam! Das gilt unter anderem für die deutsche Sado-Maso-Geschichtsbewältigung, die Lieferung von U-Booten an Israel – und eben auch für die deutschen Soldaten auf dem Balkan oder in Afghanistan.
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vendredi, 18 octobre 2013
Aymeric Chauprade: entretien accordé à Reopen 911
00:07 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : entretien, géopolitique, 11 septembre 2001, aymeric chauprade | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mercredi, 16 octobre 2013
Un retour vers la défense citoyenne ?
Un retour vers la défense citoyenne ?...
Entretien avec Bernard Wicht
Propos recueillis par Stéphane Gaudin
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com
Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Bernard Wicht, chercheur spécialisé dans les questions stratégiques et militaires, réalisé par Theatrum Belli à l'occasion de la sortie de son dernier essai intitulé Europe Mad Max demain ? - Retour à la défense citoyenne.
Bernard Wicht est également l'auteur de plusieurs autres essais stimulants, notamment L’idée de milice et le modèle suisse dans la pensée de Machiavel (L’Age d’Homme, 1995), L’OTAN attaque (Georg, 1999), Guerre et hégémonie (Georg, 2002) et Une nouvelle Guerre de Trente Ans (Le Polémarque 2011). Il a aussi contribué à Gagner une guerre aujourd'hui (Economica, 2013), ouvrage collectif dirigé par le colonel Stéphane Chalmin.
Un retour vers la défense citoyenne ?
A l’heure où les autorités politiques, de droite comme de gauche, transforme l’armée française en une armée de poche ; où la criminalité s’amplifie et devient toujours plus violente dans les zones urbaines, que le citoyen est victime d’une surveillance généralisée étatique et extra-étatique, qu’il subit une pression fiscale de plus en plus lourde, THEATRUM BELLI se tourne vers Bernard Wicht, qui dans son dernier livre « Europe Mad Max demain ? le retour de la défense citoyenne » prône « un retour à l’initiative individuelle » et « la formation de petites communautés organisées » pour à nouveau prendre son destin en main et assurer soi-même sa propre sécurité…en s’appuyant sur la figure du « citoyen-soldat ».
THEATRUM BELLI : Les électeurs helvétiques viennent massivement de voter à 73% pour le maintien du concept démocratique de citoyen-soldat ? Quel est votre sentiment sur résultat de ce vote ?
Bernard WICHT : C’est réjouissant ! Selon mon analyse, l’argument qui a eu le plus d’impact est celui de l’ « obligation » (pas nécessairement militaire), c’est-à-dire l’opinion – y compris dans les milieux peu sensibles aux questions militaires – qu’une société ne peut exister « sans obligation », que le citoyen se doit d’accomplir une activité au service de la communauté. L’unanimité des cantons (26) en faveur de l’obligation de servir est également particulièrement frappante dans ce sens-là. En revanche, la notion de liberté républicaine (les citoyens participant à la gestion des affaires communes) est peu apparue dans les débats. J’y vois un déficit de culture politique faisant que l’on peine à exprimer et à expliquer les concepts fondamentaux sur lesquels reposent l’Etat dans notre pays. Il faut également ajouter un autre facteur : la situation socio-économique difficile que connaît l’Europe actuellement ainsi que les pressions que subit la Suisse dans ce contexte ont certainement eu une influence sur la décision – l’ère de la « paix éternelle » promise à la fin de la Guerre froide est terminée. Le scénario des récentes manœuvres militaires de notre armée illustre bien ce changement de perception (une défense des frontières face à des bandes armées provenant d’une Europe en plein effondrement).
TB : Vous avez publié en mai dernier un livre au titre quelque peu provocateur « Europe Mad Max demain ? Retour à la défense citoyenne ». Pourquoi un tel titre ?
BW : Le titre n’est pas moi, c’est le choix de l’éditeur qui souhaitait quelque chose de percutant ! C’est le sous-titre qui indique l’orientation de ma réflexion, à savoir un travail sur le citoyen-soldat à l’âge de la globalisation et du chaos.
TB : En prônant le concept de défense citoyenne, vous mettez en relief, sans le nommer, le concept de subsidiarité ascendante qui, à l’origine, est un concept militaire : Durant l’époque romaine : le « subsidium » qui était une ligne de troupe se tenant en alerte, derrière le front de bataille, prête à porter secours en cas de défaillance… Cette philosophie politique antique peut-elle être à nouveau d’actualité au XXIe siècle ?
BW : Ma référence principale n’est pas tant l’Antiquité romaine, mais plutôt les républiques urbaines de la Renaissance italienne. Celles-ci sont déjà modernes, en particulier en raison de leurs activités commerciales et de la naissance du premier capitalisme. Ce dernier élément est très important à mes yeux et n’apparaît que peu dans l’empire romain (où l’économie est encore peu développée) : d’où mon intérêt pour les cités italiennes du Quattrocento. De nos jours en effet, je pense que toute réflexion politico-stratégique doit sous-entendre l’existence prédominante du capitalisme globale, au risque sinon de retomber dans de « mauvais remake » de l’Etat-nation et des armées de conscription. De mon point de vue à cet égard, lorsqu’on réfléchit à l’outil militaire, il faut avoir bien présent à l’esprit que nous avons perdu le contrôle de l’échelon national (sans parler de ceux situés au-dessus) et, par conséquent, des armées et gouvernements nationaux. C’est pourquoi dans ma démarche sur la défense citoyenne aujourd’hui, j’ai pris comme point de repère notamment la notion de chaos qui nous « délivre » en quelque sorte d’un cadre politique préconçu. Dans le même sens, je me suis penché attentivement sur l’affirmation des groupes armés (de tous ordres) comme nouvelles « machines de guerre » en ce début de XXIe siècle. J’ai ainsi émis l’hypothèse que ceux-ci étaient en train de supplanter les forces armées régulières des Etats, ceci au même titre que les armées mercenaires de la Renaissance ont supplanté la chevalerie médiévale et, plus tard, les armées nationales issues de la Révolution française ont supplanté celles de l’Ancien Régime. Cela signifie que je considère que le tournant est non pas seulement stratégico-militaire mais aussi, et surtout, historique.
TB : Comment analysez-vous le fossé qui se creuse entre l’Etat et la nation ?
BW : Je considère qu’il n’y a d’ores et déjà plus adéquation entre les deux. La nation avec ses valeurs et son idéal de solidarité est morte dans les tranchées de Verdun, les ruines de Stalingrad, les crématoires d’Auschwitz et les rizières du Vietnam. On oublie un peu vite le traumatisme des deux guerres mondiales, la destruction morale de notre civilisation que cela a signifié, et le fait que des sociétés ne peuvent se relever facilement d’un tel choc. J’analyse le délitement actuel de nos sociétés (de la chute de la natalité au renversement des valeurs que nous vivons notamment dans le domaine de la sexualité) comme provenant fondamentalement de ces séismes à répétition. Les travaux de l’historien britannique Arnold Toynbee sur la « grande guerre destructrice », la « sécession des prolétariats » – autrement dit sur les formes que prend le déclin d’une civilisation – trouvent ici toute leur pertinence.
TB : Dans des nations européennes qui se communautarisent, ne pensez-vous pas que ce concept de défense citoyenne puisse être appliqué par des communautés ethnico-religieuses aux intérêts antagonistes ?
BW : C’est déjà le cas ; pensons aux diasporas politiquement encadrées, aux gangs contrôlant certains quartiers urbains, aux réseaux mafieux, etc. A la fois la destruction des nations à laquelle je viens de faire référence, la globalisation financière amenant l’explosion de l’économie grise, ainsi que la fin de l’ère industrielle ont créé un terreau très favorable à la fragmentation de nos sociétés, à leur recomposition en sous-groupes pris en main par les nouveaux prédateurs susmentionnés. Il ne faut pas oublier non plus que des pans entiers de l’économie régulière ne pourraient plus fonctionner sans les travailleurs clandestins, que l’économie parallèle représente en outre environ 15% du PIB des grands Etats européens, etc., etc., etc. Il est donc urgent de se poser la question de la défense citoyenne parce que les communautés auxquelles vous faites allusion ont « fait le pas » (bon gré – mal gré) depuis longtemps : c’est le citoyen qui est « en retard », c’est lui qui est désarmé. Si nous faisons brièvement le catalogue des catégories de combattants existant de nos jours (partisans, forces spéciales, contractors, terroristes, shadow warriors), nous constatons immédiatement que le citoyen est absent; il reste donc sans défense dans une monde où la violence a retrouvé son état anarchique. En ce sens, ma contribution demeure bien modeste compte tenu de l’urgence de la situation.
TB : La défense citoyenne peut-elle être considérée comme une réponse « localiste » au phénomène de la mondialisation ?
BW : Comme je l’ai dit plus haut, je pense que nous avons perdu le contrôle de l’échelon national. Donc, oui, la réponse est sans doute plutôt « local ». Mais, selon moi, ce n’est pas tant dans l’opposition local/global qu’il faut travailler : la société de l’information nous offre l’opportunité de travailler en réseau open source, de manière coopérative… au-delà du local au sens strict. De mon point de vue, le facteur déterminant n’est donc pas tant le local que l’autonomie, c’est-à-dire la capacité de contrôler ses propres processus de fonctionnement (dont en priorité la sécurité). Car, si au niveau local nous restons totalement dépendant du niveau global, rien ne change ! J’ai insisté précédemment sur l’importance de prendre en considération la dynamique du capitalisme parce que, précisément, toute initiative qui n’est pas en mesure de développer une certaine marge de manœuvre vis-à-vis de cette dynamique est vouée à l’échec. Nous y reviendrons plus loin à propos des coopératives. Revenons à la dialectique local/global que vous évoquez, il n’est cependant pas possible d’agir localement si l’on ne dispose pas d’un discours global ; le cas du mouvement néo-zapatiste au Chiapas est particulièrement parlant à cet égard – une faible rébellion pratiquement sans impact militaire qui parvient en revanche à développer un discours de portée mondiale. Cet exemple tendrait à montrer qu’aujourd’hui aucune action locale (ou autre) ne peut s’inscrire dans la durée sans un discours adéquat. Je dis un « discours » et non pas du « storytelling », c’est-à-dire non pas du marketing mais une véritable mise en forme de la réalité apte à se démarquer des deux discours dominant que sont celui de l’empire (la mondialisation néo-libérale) et celui de l’apocalypse (l’épuisement des ressources, le réchauffement climatique et la fin des temps)…. faute de mieux, j’ai appelé pour le moment cette troisième voie le « discours du rebelle ». La notion de rebelle en lien avec celle d’autonomie (y compris le concept anarcho-punk de TAZ) ouvrent ici des perspectives prometteuses telles que le refus de la réquisition techniciste, la réappropriation de sa propre histoire ou encore le lien con-substanciel entre résistance et renaissance. Vous comprenez dès lors pourquoi je trouve la réduction de la réponse au rapport local/global un peu « courte ».
TB : Julien Freund a écrit qu’« une collectivité politique qui n’est plus une patrie pour ses membres cesse d’être défendue pour tomber plus ou moins rapidement sous la dépendance d’une autre unité politique ». La Défense citoyenne peut-elle régénérer les concepts de patrie et de souveraineté ?
BW : Certainement, la Défense citoyenne se comprend dans cette perspective, mais pas dans le sens d’une restauration de l’état antérieur. Comme je viens de le dire, nous ne retrouverons pas la Nation : « l’histoire ne repasse pas les plats » ! C’est là que se situe le premier enjeu de toute réflexion prospective : ne pas vouloir « re-bricoler le passé », s’efforcer de penser en fonction des nouveaux paramètres en vigueur (d’où l’importance de prendre en compte la société de l’information).
TB : Vous voyez le développement possible de SMP à travers le système de la coopérative. Cette idée ne pourrait-elle pas être développée au sein des mutuelles (comme services) étant donné que leur philosophie d’origine était centrée sur le secours et l’entraide avant d’être focalisée sur la dimension santé ?
BW : Sans aucun doute. Toute démarche de reconstruction passe obligatoirement par là…. la forme peut toutefois varier. L’essentiel dans le système coopératif (ou mutualiste) est de donner au groupe une certaine autonomie – nous y revoilà – notamment dans le domaine économique (une marge de manoeuvre par rapport à la dynamique du capitalisme global). A travers la coopérative, il est possible d’échapper quelque peu au diktat du marché et des grands acteurs mondiaux. Il est d’ailleurs intéressant de constater que les coopératives ne fonctionnent bien que dans un tel contexte; en période de « vaches grasses » l’idée ne fait généralement pas recette. Dans mon livre j’ai donné l’exemples des Acadiens au Canada qui, par ce biais, dès la fin du XIXe siècle ont pu se soustraire à la tutelle des grandes entreprises anglaises qui les exploitaient. De nos jours, il ne faut pas oublier non plus que le mouvement anarcho-punk a d’ores et déjà ouvert des pistes en la matière : hormis le concept de TAZ déjà évoqué, il y aussi la philosophie do it yourself (DIY) avec ses formules choc telles que « ne haïssez pas les médias, devenez les médias » ! Or aujourd’hui, d’après mon appréciation, la sécurité serait un bon point de départ : prendre en main sa propre sécurité, c’est prendre conscience que JE suis le premier responsable de mon propre destin ! En effet, comme dans toute grande transformation, la « reconnaissance précède la connaissance » (Th. Gaudin); en d’autres termes c’est la prise de conscience qui est le prérequis de l’action (qui, à son tour, a besoin ensuite d’un discours pour se légitimer dans la durée).
TB : Comment voyez-vous la Défense citoyenne comme réponse au tout sécuritaire centralisé (de plus en plus liberticide) par l’Etat ?
BW : Comme je l’ai dit plus haut à propos de la Renaissance italienne, ma démarche est foncièrement machiavélienne : je me préoccupe de la liberté républicaine (au sens de participation effective à la gestion des affaires communes). Dans cette optique, la dérive sécuritaire de l’Etat moderne est très préoccupante; les criminologues parlent désormais à ce sujet du passage à un Etat pénal-carcéral, c’est-à-dire une réorientation du monopole de la violence légitime non plus vers l’ennemi extérieur commun, vers la guerre extérieure mais vers l’intérieur, vers la population en général. L’Etat pénal-carcéral tend ainsi à déployer un dispositif sécuritaire ne visant plus à réprimer le crime et les criminels mais ciblant tout citoyen quel qu’il soit, au prétexte qu’il pourrait, un jour, avoir un comportement déviant. On parle aussi à cet égard de « nord-irlandisation » de l’Etat moderne avec la mise en place de lois d’exception, d’un système de surveillance omniprésent (caméras, portiques de sécurité, etc.) et d’une militarisation des forces de police. On le constate, l’Etat pénal-carcéral a besoin d’un « ennemi intérieur » pour fonctionner, pour pouvoir cristalliser les peurs et justifier de la sorte le renforcement des mesures coercitives… il y a risque que le citoyen ne devienne cet ennemi. Rappelons au passage que l’Etat moderne n’est pas démocratique par essence; la citoyenneté, la représentation, la souveraineté populaire sont le fruit d’une négociation, voire d’une lutte dans laquelle les populations ont été en mesure de « faire le poids » dans ce rapport de force avec l’Etat. Le citoyen-soldat a été un élément clef de ce marchandage, de cette affirmation démocratique…. qu’en reste-t-il aujourd’hui ?
C’est vis-à-vis de cette réalité que le cadre de raisonnement élaboré par Machiavel m’interpelle si fortement. Le Chancelier florentin s’est trouvé confronté à une situation très similaire avec les menaces qui pesaient sur la liberté à son époque (les oligarchies en place et le recours à des mercenaires). Dans sa réflexion, il établit à ce sujet un champ d’oppositions paradigmatiques qui se révèle très précieux : liberté/tyrannie; armée de citoyens/prétoriens; république/empire; vertu/corruption. Un tel cadre permet de répondre aux objections que j’entends souvent – « hors de l’Etat point de salut ! ». Machiavel nous indique ainsi que la communauté doit s’organiser avant tout en fonction de la liberté et de ses présupposés plutôt que selon un principe étatique moderne qui peut se révéler liberticide !
TB : Monsieur Wicht, nous vous remercions pour cet entretien.
Bernard Wicht, propos recueillis par Stéphane GAUDIN (Theatrum Belli, 7 octobre 2013)
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dimanche, 13 octobre 2013
La Serbie a servi de laboratoire
La Serbie a servi de laboratoire
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mardi, 08 octobre 2013
Entrevista a Geidar Dzhemal
Ex: http://paginatransversal.wordpress.com & Nakanune.ru
Los ministros de exteriores de Rusia, EE.UU. y Siria están discutiendo la posibilidad de destruir las armas químicas, lo que le quita motivos a los EE.UU. para llevar a cabo el ataque con misiles. El cabeza del Ministerio de Asuntos Exteriores ruso Serguei Lavrov en cuestión de nada se ha convertido en uno de los políticos más populares e influyentes, después de “haber atrapado” hábilmente a sus colegas estadounidenses en las redes que ellos mismos habían colocado. Sin embargo, ello no significa que el conflicto esté resuelto o próximo a solucionarse. En el mundo quedan bastantes fuerzas influyentes dispuestas a atacar a Siria, pero también la influencia de Rusia, China e Irán se hace cada vez más patente. Sobre quién se opone al ataque exterior, sobre los que se enfrentan a ellos, sobre el papel desempeñado por Serguei Lavrov y John Kerry y la diplomacia secreta, y sobre cómo se va a transformar la región del Próximo Oriente ha hablado con Nakanune.ru el politólogo, filósofo, presidente del Comité Islámico de Rusia Geidar Dzhemal.
Nakanune.ru – En el “Foro de Valdai” uno de los expertos dijo que la cuestión siria es el asunto diplomático más complejo desde los tiempos de la caída del telón de acero. ¿Está de acuerdo con semejante valoración?
Geidar Dzhemal - No es así en absoluto. En los tiempos del “telón de acero”, en mayor o menor medida, existía cierto enfrentamiento entre el campo socialista y el mundo capitalista. Ahora asistimos al simulacro del enfrentamiento y la confabulación real a nivel de la diplomacia secreta, porque la decisión de no atacar a Siria la tomaban a la vez Obama, Putin, Irán y, claro está, también China que está entre los bastidores, que no alza la voz, pero el factor de cuya presencia es muy real en todos los sentidos. Todos los sujetos mencionados estaban interesados en que el ataque no se llevara a cabo. Entre los interesados en que sí se produjera estaban la Unión Europea, la euroburocracia, el Fondo Monetario Internacional y algunos personajes en el escenario del Gran Oriente Próximo, quienes estaban interesados en la derrota de Asad por motivos de prestigio u otros, como es el caso, por ejemplo de Arabia Saudí y de Turquía. Para ellos la derrota o el conflicto con Occidente, con Obama sobre el tema de Siria equivalía a la bajada del rating de su régimen en casa, lo que iba a crearles problemas en política interior. Para Arabia Saudí además es importante el hecho de que no está atada al actual inquilino de la Casa Blanca, sino al segmento radical republicano de la clase política de los EE.UU., que está orientado hacia una política nacional-imperial, del tipo del Imperio Romano. En tal caso Arabia Saudí se convierte en el país clave en la región o conserva este estatus. Esos clientes: la burocracia de la UE, los especuladores del FMI, los sauditas y los turcos se orientaban nítidamente hacia el ataque contra Asad. Además de ellos existen también los círculos que entienden perfectamente que en cuanto a la imagen, la renuncia al ataque significa rebajar el estatus de Occidente como centro de la civilización, como árbitro, como el modelo-matriz global de la civilización contemporánea, es decir que el Occidente deja de ejercer la hegemonía. Pero a Obama esto le trae sin cuidado porque persigue otros objetivos.
Nak – ¿Cuáles?
GD – Obama quiere conservar los EE.UU. como el centro emisor del dólar, que emite la moneda de cambio para la economía mundial, que no tiene alternativas, y así poder conservar el papel de árbitro para los EE.UU. Pero también comprende que el papel de arbitraje de los EE.UU. no puede conservarse ejerciendo el imperialismo romano de tipo arcaico, sino poniendo el sistema mundial del dólar al servicio de la recuperación de la economía real en los Estados Unidos y algunos otros aspectos. Para eso hace falta replegarse de la serie de conflictos iniciados por la administración republicana. Es su objetivo personal, no se trata del superobjetivo de la élite estadounidense que está dividida en varios clanes.
Nak – Con Obama la cosa está clara ¿pero cómo interactúan Irán, Rusia y China?
GD- Estos países forman un bloque unido, dentro del cual, por supuesto, hay diferentes posturas y estatus, pero en este bloque, aunque le sorprenda a la opinión pública, domina la República Popular China. Siguiendo su costumbre, RPCh. actúa desde detrás de los bastidores, como figura en la sombra, que presuntamente se une a las propuestas de Moscú en el Consejo de Seguridad de la ONU, pero en realidad el factor principal, que determina la dirección de este bloque es China, al menos para Rusia. Precisamente China posee las palancas de influencia política, conexiones necesarias al sistema mundial, el recurso político-militar y económico, que permite a la actual dirección de Pekín tener una política independiente propia.
Irán es un país totalmente autosuficiente al día de hoy, prácticamente único en el Próximo Oriente que mantiene su seguridad alimentaria, que no pueden romper las sanciones, y que además forma parte de los diez países de mayor potencial militar. Irán prácticamente no tiene análogos, pero el hecho se suele olvidar, lo siguen percibiendo como si fuera un país tercermundista de Oriente Próximo. Irán es una civilización independiente con 2,5 mil años de historia que ejerció su influencia sobre la formación de la conciencia europea, de la civilización europea hace dos mil años, porque las capas culturales iranís formaron al Imperio Romano tardío y ejercieron influencia sobre toda la región mediterránea. La tradición religiosa persa, su tradición preislámica moldeó el rostro de toda la posterior civilización occidental. Irán es un país muy poderoso e influyente, al que no lograrán aislar las sanciones de ningún tipo. Ayer 17 empresas iranís por decisión judicial fueron liberadas de las sanciones en la Unión Europea, antes hubo otros casos similares. De facto, sin airearlo están desmontando las sanciones, teniendo en cuenta que además tenían un carácter en gran medida declarativo, porque incluso en los momentos más duros del aislamiento de Irán y de las presiones externas las empresas estadounidenses seguían sacando petróleo de Irán, sin hablar de China, que seguía comerciando con Irán abiertamente.
Así que no es correcto comparar la situación actual con la de la “cortina de hierro”, hoy todos los enfrentamientos dentro del sistema tienen un carácter simulado y procuran camuflar la confabulación real, la diplomacia secreta, que por supuesto también existía durante el período del enfrentamiento entre los dos campos, pero no hasta ese punto. Entonces este sistema estaba polarizado y era más sólido que ahora. En la actulidad hay más de dos factores, cada uno de los cuales tira para su lado, hoy, como mínimo son tres y, posiblemente, más. Actualmente el sistema es más blando, por eso la necesidad de la diplomacia secreta es mayor, y como bien dijo el ministro de exteriores de Francia Laurent Fabius, hoy no existe ni la unipolaridad, ni la bipolaridad, ni la multipolaridad. Hoy existe la ceropolaridad, lo que significa que ningún país, incluyendo a los EE.UU., Unión Europea y la RPCh. puede ejercer la influencia definitiva sobre el transcurso de los acontecimientos. Ninguno. Lo que significa que ha aumentado la necesidad de la diplomacia secreta, porque en la época bipolar, la URSS y los EE.UU. se turnaban y podían ejercer cada uno por separado su influencia en el curso de los acontecimientos.
Por ejemplo, gracias a la URSS los EE.UU. perdieron la guerra en Vietnam. Gracias a la URSS y la a confabulación de la diplomacia secreta en Francia en 1968 no se hundió el régimen capitalista y los comunistas no llegaron al poder – ese fue el pacto entre Moscú y Washington. Hay bastantes ejemplos así. Pero si en el primer plano está la diplomacia secreta y la confabulación, entonces hablar del triunfo de la así llamada diplomacia “blanca”, es decir de la diplomacia abierta, oficial, es simplemente ridículo. Esto se hace para la opinión pública, para los espectadores, para crear un espacio unívoco, no es más que eso.
Nak – A muchos les había sorprendido que los EE.UU. hicieran caso de la propuesta de Rusia y suspendieran el ataque por aire. Ahora Serguei Lavrov y John Kerry está discutiendo sobre la cuestión de las armas químicas. Algunos expertos aseguran que Lavrov sobre esa ola se ha convertido en un político de nivel mundial. ¿Qué lugar en esta combinación ocupa la cuestión de las armas químicas?
GD – En este caso puede observar cómo un show simulado lleva a las valoraciones exageradas e igualmente simuladas. En primer lugar, la iniciativa sobre las armas químicas, como todos recordarán, se debía a Kerry, quien siguiendo las órdenes de su jefe Obama apareció y anunció que “si fuera posible que Asad renunciara a su arsenal químico, entonces, tal vez, nosotros consideraríamos la posibilidad de no llevar a cabo el ataque, pero Asad no lo hará nunca – es imposible”. Está claro que los políticos de semejante nivel oficial nunca hablan por hablar, no se ponen a divagar sobre lo que podría suceder. Está claro que fue una bola lanzada que había que recoger. En seguida tras esta declaración Lavrov dijo: “le tomamos la palabra a los EE.UU.”. Pero los Estados Unidos no podían dirigirse directamente a Rusia y decir: “Por qué no hacemos una jugada que nos quite la responsabilidad de asestar el ataque, porque había una “línea roja” con respecto a las armas químicas, y nos están empujando fuerzas, atadas a la UE y al FMI, para meternos en este asunto. Vamos a hacer juntos esta jugada”. Entonces ya no sería la diplomacia secreta.
Nak – ¿Y cómo ha trabajado en este caso la diplomacia secreta?
GD – La diplomacia secreta es cuando esta iniciativa de Kerry, expresada en modo conjuntivo con gran dosis de duda, se le pasa a Irán. Irán habla con Asad, después de lo cual se dirige, en secreto, a Rusia, y le propone intervenir con la iniciativa de poner las armas químicas bajo control. Y aunque la primera frase fue vocalizada por Kerry, pero Rusia dice que “le toma la palabra a los EE.UU.”. Son juegos de niños. Por otro lado, está totalmente claro que Irán no podría tomar iniciativa sin los EE.UU., porque cómo iban a saber los iranís que el consentimiento de Asad en entregar las armas químicas realmente suspendería el ataque contra Siria. Para eso hacen falta garantías secretas, pero sólidas. Resulta que Irán mantiene la comunicación directa con los EE.UU. y esas garantías fueron dadas – si las iniciativas son presentadas como la “toma de la palabra”, entonces los EE.UU. tienen la posibilidad de no atacar a Siria. A continuación Irán ya seguro se lo dice a Rusia, Lavrov recibe el encargo, y junto con Kerry los dos toman el pelo a la opinión pública mundial, como dos héroes, dos caballeros, que han salvado el mundo de la guerra, del abismo que se habría abierto de haber sido asestado el ataque con misiles. Está claro que se trata de un show, sin el cual la diplomacia actual no puede funcionar, porque la política actual se ha convertido en puro simulacro, debido a que el 5% del peso pertenece a los diplomáticos “blancos” y el 95% a varios escalones de la trastienda secreta, cuando todas las cuestiones se resuelven entre los bastidores fuera de alcance de la opinión pública. Y, por cierto, la cosa no ha empezado ayer. Y si alguien afirma que no es más que conspirología, entonces, perdonen, pero en 1918 el camarada Lenin hizo público el acuerdo diplomático secreto de la Entente, anterior a la Primera Guerra Mundial. Así que vayan a decir que todo es conspirología y que se lo había inventado.
Nak – ¿La acusación de los Estados Unidos de que estuvimos suministrando armas químicas a Siria de la que durante toda la semana se estuvo defendiendo Serguei Ivanov, también forma parte del espectáculo diplomático?
GD – Todo lo que se hacía entonces era transparente para ambos bandos. En la última etapa los EE.UU. y la URSS formaban un iceberg – si los EE.UU. representaban la cúspide que se elevaba por encima del agua, la parte de abajo era la URSS y viceversa. El sentido de esta metáfora es que todos los asuntos de los EE.UU. tenían una parte subacuática en forma del campo socialista, todos los asuntos de la URSS tenían una parte subacuática representada por los EE.UU. y el “mundo libre”. La CIA y el KGB eran como la cinta de Moebius, también hoy lo conservan, aunque en mucho menor medida, porque el KGB realmente era el protagonista de la guerra invisible, del “frente invisible”, a diferencia del FSB que no tiene semejante nivel. Ambos bandos tenía su red de agentes del mismo valor. Así que todo lo que hacía la CIA era transparente para el KGB y viceversa. Existía la línea telefónica directa – el “teléfono rojo”. Así que todas esas acusaciones son una tontería.
Nak – ¿Y si hablamos del intercambio de artículos de Putin y McCain, qué significado tiene?
GD – El significado de este pique es que Putin abiertamente cuestiona las pretensiones de los EE.UU. al estatus de la autoridad moral mundial, pero la polémica de Obama con Putin es inadmisible, porque Obama se apoya en Putin, quien le entrega el pase. En particular, con el asunto del ataque a Siria Putin le ha proporcionado a Obama la posibilidad de conservar la influencia política, autoridad, estatus y las perspectivas de los demócratas para las elecciones de 2014 al proporcionarle la excusa para no meterse en el conflicto sirio. Por eso Obama no puede mantener semejante polémica con Putin, máxime, cosa muy probable, que en el fondo de su alma está de acuerdo con Putin.
Nak – ¿Por qué lo piensa?
GD – Obama es demócrata-cosmopolita, que ha nacido no se sabe dónde y estudió en un colegio musulmán en Indonesia. Su padre real es un keniata musulmán, y su padrastro con el que vivió en sus años ya más conscientes es un musulmán indonesio. Es un hombre que ha vivido fuera de los Estados Unidos y no es tan idiota como McCain, quien representa el producto completo del sistema aislacionista estadounidense de conciencia y quien, por lo visto, descubrió el extranjero por primera vez al ser enviado al frente en Vietnam. Y dado que Obama no fue formado por la matriz estadounidense, por cierto, de las más precarias del planeta, creo que para sus adentros está plenamente de acuerdo con Putin. Al mismo tiempo, los EE.UU. no podían dejarlo sin respuesta, pero confiaron la respuesta a McCain, un payaso, quien representa el lado republicano del establishment político, pero que incluso en este lado no es tomado en serio. Es una figura odiosa. Es como Zhirinovsky, pero sin reflexión. Zhirinovsky hace el tonto conscientemente, a sabiendas, pero McCain lo hace totalmente en serio, convencido de que es el portavoz de la profunda verdad estadounidense, lo cual lo convierte en todavía más absurdo y cómico. Es decir que McCain es un payaso que no sabe que es un payaso.
Nak – ¿Y le encargan a él la respuesta?
GD – Le encargan la contestación que se convierte así en una payasada, desprovista de toda convicción, de toda fuerza, que deja paso a insultos personales. Putin les dice a los Estados Unidos, “no sois excepcionales, así que quedaros tranquilos, porque no tenéis autoridad moral para ser los árbitros del proceso mundial”. Y McCain le contesta: “y tú eres un cabrón, un tirano”. A lo mejor es un tirano ¿pero acaso es una respuesta? Cualquiera que hay leído la carta y la respuesta pensará “que la peste se lleve a vuestras dos casas”. En cualquier caso es una respuesta de payaso, porque Putin toca los temas fundamentales, hablando de los Estados Unidos en general – él no dice quién es Obama, qué es la constitución norteamericana, en qué cree o no cree Obama y su predecesor. Pero McCain como un clown contesta: “chavales, este tipo os gobierna mal, no cree en vosotros”. Vaya estupidez. Qué más da en lo que cree o no cree Putin. ¿Acaso la situación cambiaría, si apareciera, por ejemplo, Prójorov, quien cree de otra manera? La respuesta por sí misma es propia de un colegial de provincia, desprovisto del pensamiento sistémico y que simplemente se dedica a tirar de los pelos a las niñas durante el recreo o a meterse con alguno más débil del curso inferior. No es la respuesta de un hombre que esté conectado a algún significado, que domine aunque sea en el modelo estadounidense de pensamiento. Fue hecho a propósito. McCain, quien es un don nadie, que representa el bando republicano, hostil a Obama, es llamado a responder a un artículo fundamental que causó una gran conmoción en los Estados Unidos. Es una respuesta asimétrica, pero no a favor de los EE.UU. A lo mejor es una forma de pago a Putin de parte de los Estados Unidos y de Obama – una respuesta tan inadecuada.
Nak – ¿Con la situación creada es posible pronosticar cómo se va a desarrollar la situación en torno a Siria? El ataque fue suspendido, parece que se han puesto de acuerdo sobre las armas químicas ¿pero y después qué?
GD – Es bastante difícil pronosticar. Creo que Asad durará hasta las próximas elecciones. La suspensión del ataque como resultado aumenta poderosamente el peso y la importancia de Irán en Oriente Próximo. Irán se convierte realmente en la superpotencia regional que, siguiendo los canales diplomáticos secretos, es reconocida como tal por los Estados Unidos, que con Obama contribuyeron bastante a su paso al primer plano. En particular, las propias sanciones son un potente medio para fortalecer a Irán: reforzar su estabilidad política interior, solidaridad, preparación defensiva. Las experiencias adversas han demostrado a todo el mundo que Irán es autosuficiente e incluso si se le aísla y se le rodea con alambre de espino o con un muro según el modelo israelí, este muro no va a ayudar, porque en un territorio de 1 millón 600 mil kilómetros cuadrados los recursos agrícolas y demás de Irán son suficientes para mantener a flote a la población de cien millones de personas, aunque incluso no llegan a cien. A lo mejor no estarán prosperando y tendrán que apretarse el cinturón, pero no tendrán especiales problemas. En el mundo hay pocos centros que pueden ser autosuficientes.
Nak – ¿Quién más aparte de Irán?
GD – Los EE.UU. y Canadá podrían subsistir en aislamiento, Unión Europea podría sobrevivir, tiene la posibilidad de mantener a su población a flote. China ha alcanzado este nivel, es exportadora de la producción agrícola. China ha logrado tener la autosuficiencia agrícola y es su principal baza. Todo el siglo XX el imperialismo ha luchado para que ningún pueblo, salvo Occidente poseyera la autosuficiencia agrícola. Allá donde había países del tercer mundo exportadores de alimentos, les llevaban la ayuda humanitaria, gracias a sus presidentes colocados a traición que daban el visto bueno. La ayuda humanitaria, que se repartía allí gratis, acababa con la agricultura como ocurrió, por ejemplo, con Bangladesh. Al país llevaron el arroz en cantidades gigantescas que repartían gratis y así destruyeron a la agricultura. Y si no podían hacerlo de esta manera, entonces establecían tales impuestos para los granjeros, como ocurrió en Egipto con Mubárak, que éstos abandonaban el campo y se iban a subsistir a las ciudades, porque con aquellos impuestos era imposible trabajar – los precios de compra eran ridículos y los impuestos enormes.
Nak – ¿Se trata de una política programada de Occidente?
GD – Era una directriz del FMI. Incluso América Latina tiene problemas con la alimentación. A principios del siglo pasado Argentina era un poderoso país agrícola que suministraba carne al mundo entero. Después aquello fue destruido. Prácticamente todos los países se encuentran sumidos en el caos agrícola y dependen de unos pocos monopolios que controlan el producto agrícola mundial. Más concretamente el mercado del grano está controlado por 5 Compañías Transnacionales, que controlan el 85% del mercado mundial de trigo. Tan solo están China e Irán que pueden subsistir por su cuenta pese a todo, al igual que la Unión Europea, los EE.UU. y Canadá. Rusia se autoabastece tan solo en un 30%. Imagínese que mañana aíslan a Rusia, declaran sanciones contra ella la colocan bajo boicot. Ello significaría que el 70% de la población se iba a quedar sin alimentos. La gente tendría que abandonar las ciudades y lanzarse al campo para conseguir allí patatas, raíces, zanahorias o lo que sea. Se trata simplemente del colapso agrícola que siempre lleva a la destrucción de la vertical del poder etc., porque cuando no hay nada que comer comienza el caos. Por algún motivo nadie habla de ello. Todo el mundo habla del dinero, del petróleo, de la industria ligera y pesada, pero nadie dice que la seguridad alimentaria es el tema Nº1. Y en Irán está asegurada, por eso el desenlace de la situación en Siria lleva a que, tras unos años de pruebas muy duras Irán expulsará a Arabia Saudí, Turquía y Egipto del podio, sobre el que habían permanecido como los líderes de la región y países Nº1.
Nak – ¿O sea que en la región va a haber una seria transformación?
GD - Queda claro que Egipto ahora no está en ninguna parte ni en el sentido moral, ni político, ni económico. La autoridad de Arabia Saudí disminuye notablemente a raíz de cómo ha terminado el asunto con el ataque contra Siria. Se sabe que el ministro de seguridad de Arabia Saudí Bandar bin Sultán, estrechamente vinculado a la CIA y miembro del clan más influyente dentro de la dinastía saudita, quien hace poco estuvo visitando a Putin para convencerlo sobre Siria – está rabioso, histérico, al ver los resultados a los que ha llevado el espectáculo puesto en escena por Kerry y Lavrov, por Obama y Putin, con el esencial papel de intermediario desempeñado por Irán. Las campanas doblan por Arabia Saudí y su papel en la región. Irán se convierte en el país Nº1 y a continuación crece la inestabilidad alrededor de Irán y de sus fronteras porque hay en marcha la movilización de los sunitas radicales contra este país chiita. En realidad este es el esquema previsto desde el principio. Mientras tanto en el mundo la crisis prosigue su marcha, el mundo se desliza hacia la gran guerra con esta configuración. Ha sido asestado un golpe al FMI, ha sido asestado un golpe contra el predominio mundial del capital bancario especulativo en su conjunto. De momento está ganando Obama con su máquina impresora de dólares y la RPCh. con su 30% de las reservas mundiales de oro almacenadas. Lógicamente, el conflicto entre ellos también es inevitable, porque el dólar por un lado y el oro, por el otro, son como dos osos metidos en la misma guarida.
22/09/2013
(Traducido del ruso para por Arturo Marián Llanos)
Fuente: Nakanune.ru
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jeudi, 03 octobre 2013
Michel Collon à "Algerie patriotique"
Ex: http://www.michelcollon.info
Algeriepatriotique : Comment évaluez-vous le développement de la situation en Syrie en ce moment ?
Michel Collon : Je crois que l’on assiste à un tournant historique. On voit que les Etats-Unis, qui ont été, jusqu’à présent, très arrogants et se permettaient de déclencher des guerres assez facilement, sont maintenant face à une résistance très forte en Syrie, face aussi à un refus de la Russie et face à la résistance croissante des pays du Sud. Le sentiment qui se développe en Amérique latine, en Afrique, dans le monde arabe aussi et en Asie bien entendu, est que les Etats-Unis sont une puissance déclinante, qu’ils mènent une politique égoïste visant seulement à voler les richesses pendant que les peuples restent dans la pauvreté, et qu’il est donc temps de résister à ces guerres qui sont purement économiques, des guerres du fric, et qu’il faut construire un front par rapport aux Etats-Unis et à leurs alliés européens, puisque l’Europe suit les Etats-Unis de manière très docile et hypocrite et est impliquée dans ce système.
Nous avons réalisé une série d’entretiens avec des personnalités aussi divergentes les unes que les autres, notamment Paul Craig Roberts qui fut conseiller de Reagan. Un point revient souvent : dans le monde occidental, aujourd’hui, les anti-guerre par rapport à ceux qui dénonçaient la guerre du Vietnam, par exemple, sont à droite. Pourriez-vous nous faire un commentaire à ce sujet ?
Nous avions, en Europe, un mouvement anti-guerre extrêmement puissant qui s’était développé justement pendant la guerre du Vietnam. Ce mouvement a été très affaibli. On en a vu encore une pointe en 2003 au moment où Bush a attaqué l’Irak et où nous étions des millions dans la rue, mais il faut bien constater que quand les Etats-Unis ont attaqué la Libye, quand ils sont intervenus en Yougoslavie et en Afghanistan, il n’y a pas eu de forte résistance. Je pense qu’il faut analyser le problème en se demandant comment la Gauche européenne qui avait toujours été en principe anti-guerre, anti-coloniale, anti-injustices sociales, se retrouve maintenant, à de très rares exceptions, aux côtés des Etats-Unis et de l’Otan, dans une grande alliance qui englobe Israël, l’Arabie Saoudite, le Qatar et toutes ces dictatures épouvantables qui prétendent qu’elles vont apporter la démocratie en Syrie. Et la gauche européenne marche avec ça ? C’est une comédie et il est très important d’expliquer d’où cela provient. Je pense qu’on a perdu le réflexe de se méfier du colonialisme, de refuser la guerre et de rechercher des solutions politiques aux problèmes. On a perdu cette idée que les nations ont le droit de décider de leur système social, de leur avenir, de leurs dirigeants et que ce n’est pas à l’Occident colonial de dire qui doit diriger tel ou tel pays. Nous avons un grand examen de conscience et une analyse à faire : comment se fait-il que ceux qui devraient être à gauche se retrouvent avec ceux que je considère, moi, comme l’extrême droite, à savoir Israël, l’Arabie Saoudite et le Qatar ?
D’après les informations que nous avons récoltées à travers nos entretiens et qui se confirment, Barack Obama serait otage du lobby israélien, notamment via l’Aipac et ses partisans, comme Susan Rice, Lindsay Graham, etc., et les néo-conservateurs pro-israéliens. Qu’en pensez-vous ?
C’est une thèse très répandue que les Etats-Unis sont dirigés par Israël et je ne suis pas d’accord avec cette position. Je pense, en fait, que c’est le contraire. Ce n’est pas le chien qui commande à son maître, c’est le maître. Quand vous regardez l’économie israélienne et son budget, vous voyez bien que la force est aux Etats-Unis et qu’Israël est ce que j’appelle le « porte-avions » des Etats-Unis au Moyen-Orient. Bien sûr, le lobby est un phénomène qui joue, mais le jour où l’élite des Etats-Unis décidera qu’Israël ne nous est plus utile ou qu’il nous fait du tort parce que tout le monde arabe est en train de résister et nous allons perdre notre crédit et notre marge de manœuvre au Moyen-Orient, ce jour-là, les Etats-Unis lâcheront Israël. Il y a des fantasmes sur le lobby juif qui dirigerait le monde, mais je ne crois pas à cette théorie.
L’Aipac n’est pas une vue de l’esprit…
Nous sommes dans un monde dirigé par les multinationales. Quand vous voyez qui a le pouvoir de contrôler les richesses, de décider l’économie, de contrôler Wall Street, la City, Frankfurt, etc., ce sont des multinationales. Et le fait qu’il y ait quelques patrons juifs n’est pas le problème. Je pense vraiment que l’on doit s’en prendre au système des multinationales et ne pas prendre la conséquence pour la cause.
Vous avez dit dans l’émission de Taddéï : « Vous m’inviterez un jour car ce sera au tour de l’Algérie d’être ciblée par une frappe ou une guerre. » Le pensez-vous toujours ?
Oui, je pense que ce qu’il se passe en Tunisie et au Mali et l’attaque contre la Syrie annoncent qu’effectivement les Etats-Unis sont en train d’exécuter un plan de recolonisation de l’ensemble du monde arabe et des pays musulmans – puisqu’il y a l’Iran aussi – qui ont échappé au colonialisme classique. Clairement, l’Algérie fait partie des cibles, comme l’Iran, et donc il est très important de voir qu’en défendant l’autodétermination du peuple syrien, on empêche les Etats-Unis d’attaquer les cibles suivantes. Ce que je dis dans ce cas, c’est que, en fait, il s’agit toujours de la même guerre. Nous sommes dans les différents chapitres d’une même guerre de recolonisation.
Entretien réalisé par Mohsen Abdelmoumen
Source : Michel Collon pour Algérie Patriotique
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vendredi, 27 septembre 2013
Entretien avec Lucien Cerise
Entretien avec Lucien Cerise auteur de "Oliganarchy"
Version revue et retouchée pour Égalité & Réconciliation du texte paru dans Rébellion, n°58 mars/avril 2013.
Ex: http://www.scriptoblog.com
Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?
Venant de l'extrême gauche de l'échiquier politique, je vote « Non » en 2005 au référendum sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe, comme 55 % des votants. Quand je vois au cours des années 2006 et 2007 ce que le pouvoir fait du scrutin, cela me décide à m'engager dans les mouvements anti-Union européenne et antimondialistes, donc nationalistes, autonomistes et localistes. L'autogestion signifie pour moi « liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes » ainsi que « souveraineté » dans tous les sens du terme : alimentaire, énergétique, économique, politique et cognitive. Au fil du temps et des rencontres, je me suis rendu compte que le clivage politique droite/gauche est en fait complètement bidon et que la seule différence à considérer est entre la vie et la mort.
En 2010, vous faisiez paraître Gouverner par le chaos – Ingénierie sociale et mondialisation chez Max Milo. Pouvez-vous revenir sur l'origine de votre réflexion et sur votre choix de l'anonymat ?
L'origine est multiple. D'abord, comme beaucoup de monde, j'ai observé chez nos dirigeants politiques, économiques et médiatiques une telle somme d'erreurs et une telle persistance dans l'erreur que j'ai été amené à me demander s'ils ne le faisaient pas exprès. En Occident, les résultats catastrophiques des orientations prises depuis des décennies sont évidents à court terme, si bien qu'on ne peut leur trouver aucune excuse. Une telle absence de bon sens est troublante. Cela induit un vif sentiment de malaise, qui peut devenir une dépression plus ou moins larvée, qui a été mon état pendant longtemps. J'en suis sorti progressivement, mais certains éléments ont été plus décisifs que d'autres pour me faire comprendre ce qui se passait vraiment et l'origine de ce malaise.
La lecture de La Stratégie du choc, de Naomi Klein, a été un choc, justement. On comprend enfin à quoi servent ce que l'on pourrait appeler les « erreurs volontaires » de nos dirigeants. Dans un premier temps, on attribue leurs erreurs à de la stupidité, ou à de la rapacité aveugle. En réalité, ces erreurs volontaires obéissent à une méthode générale tout à fait rationnelle et maîtrisée, développée sur le long terme et qui envisage positivement le rôle de la destruction. La Stratégie du choc aborde pour la première fois dans un livre pour le grand public cette doctrine de la destruction positive, qui constitue le cœur du capitalisme depuis le XVIIIe siècle et qui repose sur des crises provoquées et récupérées. Klein met cela en parallèle avec les méthodes de torture et de reconditionnement mental du type MK-Ultra, qui procèdent de la même inspiration : détruire ce que l'on ne contrôle pas, pour le reconstruire de manière plus « rationnelle » et assujettie.
En 2003, j'avais aussi fait des recherches sur le groupe de conseillers ultra-sionistes qui entourait Georges W. Bush et qu'on appelle les néoconservateurs. Je me suis plongé dans leurs publications, A Clean Break, le PNAC, ainsi que dans leur maître à penser, Leo Strauss, lequel m'a ramené sur Machiavel et sur Kojève, et sur une approche de la politique qui ne dédaigne pas le Fürherprinzip de Carl Schmitt, l'État-total cher à Hegel, ni de faire usage de « moyens extraordinaires », selon le bel euphémisme de l'auteur du Prince. De là, je suis allé voir du côté de la synarchie, avec Lacroix-Riz, puis j'ai élargi mon étude à tous ces clubs, groupes d'influence, sociétés secrètes et discrètes qui n'apparaissent que rarement dans les organigrammes officiels du pouvoir.
Par ailleurs, au cours de ces années, j'ai été en contact de deux manières différentes avec le monde du consulting, dans ses diverses branches : management, marketing, intelligence artificielle, mémétique, ingénierie sociale, cybernétique, etc. J'ai rencontré des gens qui étaient eux-mêmes consultants professionnels mais j'ai vu également l'autre côté de la barrière car j'ai subi sur mon lieu de travail des méthodes de management négatif, du même type que celles appliquées à France Telecom. Cela m'a poussé à devenir représentant syndical dans le cadre du Comité hygiène, sécurité et conditions de travail (CHSCT). Je m'étais spécialisé sur les questions de « souffrance au travail », de « burn-out », de « harcèlement moral » (cf. Hirigoyen, Dejours, Gaulejac).
À la même période, j'ai aussi commencé à m'intéresser très sérieusement à l'univers du renseignement, du lobbying, de l'influence et de la guerre cognitive, car j'envisageais de m'y réorienter pour y faire carrière (École de Guerre économique, DGSE, etc.). Pendant toute cette période, j'ai rencontré des gens et lu des publications qui m'ont beaucoup appris sur les méthodes de travail des manipulateurs professionnels, que ce soit en entreprise, en politique ou en tactique militaire, car on y rencontre les mêmes techniques et concepts : storytelling, management des perceptions, opérations psychologiques (psyops), attentats sous faux drapeau, etc.
Au début des années 2000, j'avais aussi exploré la piste du transhumanisme et du posthumanisme. J'y ai adhéré sincèrement, par déception de l'humain essentiellement, avant de comprendre que c'était une impasse évolutive. Ma formation universitaire, que j'ai débutée en philosophie et poursuivie en sciences humaines et sociales, en particulier dans la communication et la sémiotique, m'a donné les outils conceptuels pour synthétiser tout cela. Donc, pour revenir à la question « Nos dirigeants font-ils exprès de commettre autant d'erreurs ? », après vérification, je peux confirmer que oui, et que cela obéit même à une méthodologie extrêmement rigoureuse et disciplinée. Il existe une véritable science de la destruction méthodique, qui s'appuie sur un art du changement provoqué, et dont le terme générique est « ingénierie sociale ». (J'ai introduit par la suite une nuance entre deux formes d'ingénierie sociale, mais nous y reviendrons.)
Pourquoi l'anonymat ? Et j'ajoute une question : pourquoi suis-je en train de le lever plus ou moins ces temps-ci ? Pour tout dire, je me trouve pris dans une double contrainte. Je n'ai aucune envie d'exister médiatiquement ni de devenir célèbre. Une de mes maximes personnelles est « Pour vivre heureux, vivons cachés ». Je préfère être invisible que visible. En même temps, quand on souhaite diffuser des informations, on est contraint de s'exposer un minimum. Or, je veux vraiment diffuser les informations contenues dans Gouverner par le chaos (GPLC), ou dans d'autres publications qui ne sont pas forcément de moi. Je ne vois personne d'autre qui le fait, alors j'y vais. Je pense qu'il est indispensable de diffuser le plus largement possible les méthodes de travail du Pouvoir. J'ai un slogan pour cela : démocratiser la culture du renseignement.
Une autre raison à l'anonymat est de respecter le caractère collectif, ou collégial, de GPLC. Plusieurs personnes ont participé plus ou moins directement à son existence : inspiration, rédaction, médiatisation, etc. J'avoue en être le scribe principal, mais sans la contribution d'autres personnes, ce texte n'aurait pas existé dans sa forme définitive.
Que pensez-vous de la production du « Comité invisible » et de la revue Tiqqun ? L'affaire de Tarnac marque-t-elle une étape supplémentaire dans la manipulation des esprits et de la répression du système contre les dissidents de celui-ci ?
J'ai lu tout ce que j'ai pu trouver de cette mouvance situationniste extrêmement stimulante. Leurs textes proposent un mélange bizarre d'anarchisme de droite, vaguement dandy et réactionnaire, tendance Baudelaire et Debord, avec un romantisme d'extrême ou d'ultra gauche parfois idéaliste et naïf. Le tout sonne très rimbaldien. La vie de Rimbaud, comme celle d'un Nerval ou d'un Kerouac, combine des tendances contradictoires : la bougeotte du nomade cosmopolite avec la nostalgie d'un retour au réel et d'une terre concrète dans laquelle s'enraciner ; mais aussi une soif d'action immanente et révolutionnaire coexistant avec le mépris pour tout engagement dans le monde et la fuite dans un ailleurs fantasmé comme plus authentique. Une constante de ce « topos » littéraire, c'est que l'étranger est perçu comme supérieur au local. Ceci peut conduire à une sorte de masochisme identitaire, une haine ou une fatigue de soi qui pousse à rejeter tout ce que l'on est en tant que forme connue, majoritaire et institutionnelle, au bénéfice des minorités ou des marginaux, si possible venant d'ailleurs. Il y a une sorte de foi religieuse dans les « minorités », desquelles viendrait le Salut, croyance entretenue par de nombreux idéologues du Système, de Deleuze et Guattari à Toni Negri et Michael Hardt, en passant par la rhétorique des « chances pour la France ». Dans L'Insurrection qui vient, les lumpen-prolétaires animant les émeutes de banlieue en 2005 sont idéalisés de manière assez immature (et apparemment sans savoir que des agitateurs appartenant à des services spéciaux étrangers, notamment israéliens et algériens, s'étaient glissés parmi les casseurs).
Pour recentrer sur le corpus de textes en question, aujourd'hui je n'en retiens que le meilleur, le côté « anar de droite », c'est-à-dire une critique radicale et profonde du Capital, de la Consommation et du Spectacle mais qui reste irrécupérable par la gauche capitaliste, libertaire, bobo, caviar, sociétale, bien-pensante et « politiquement correcte ». De Tiqqun, je retiens donc surtout la « Théorie de la Jeune-Fille », texte absolument génial et très drôle. On y trouve des références à l'historien de la publicité Stuart Ewen, dont les recherches montrent comment le féminisme et le jeunisme furent dès les années 1920 les outils du capitalisme et de la société de consommation naissante aux USA.
En outre, je suis très travaillé par la question du rapport entre le visible et l'invisible. J'ai beaucoup « mangé » de phénoménologie pendant mes études de philo, comme tous les gens de ma génération : Husserl, Heidegger, Merleau-Ponty, Michel Henry, etc. Cette dialectique visible/invisible recoupe aussi le couple « voir et être vu » des théories de la surveillance, de Jeremy Bentham à Michel Foucault, et fait également écho au champ lexical du situationnisme. Et là on revient dans l'univers du Comité invisible.
Sur l'affaire de Tarnac proprement dite. Il se trouve que j'ai croisé certaines personnes de cette mouvance en diverses occasions, sans jamais faire partie directement de leur carnet d'adresses. J'évoluais à peu près dans les mêmes réseaux et la même nébuleuse dans les années 2000-2005, entre les squats, les revues, les collectifs et l'université de Paris 8 (Vincennes/Saint-Denis). Je me suis donc senti visé par l'affaire de Tarnac, dont le seul avantage a été de faire progresser la critique de la criminologie, en particulier dans sa forme actuarielle.
La science actuarielle consiste à calculer le potentiel de dangerosité et à prendre des mesures par anticipation. Sur ce sujet, il faut lire notamment Bernard Harcourt, dont voici l'extrait d'une interview sur le sujet :
« La dangerosité, écrivait il y a plus de 25 ans Robert Castel dans un livre prémonitoire intitulé La Gestion des risques ; la dangerosité, écrivait-il, est cette notion mystérieuse, qualité immanente à un sujet mais dont l'existence reste aléatoire puisque la preuve objective n'en est jamais donnée que dans l'après-coup de sa réalisation. Le diagnostic qui est établi est le résultat d'un calcul de probabilité ; la dangerosité ne résulte pas d'une évaluation clinique personnalisée, mais d'un calcul statistique qui transpose aux comportements humains les méthodes mises au point par l'assurance pour calculer les risques. D'où une nouvelle science (et retenez bien ce mot) : la science actuarielle. »
Globalement, la présomption d'innocence est inversée en présomption de culpabilité. Ce n'est plus au procureur d'apporter la preuve que vous êtes coupable, c'est à vous d'apporter la preuve que vous êtes innocent. Votre « dangerosité évaluée » et votre « potentiel criminel » suffisent à déclencher la machine judiciaire et à faire s'abattre sur vous le GIGN ou le RAID. La « menace terroriste », dont Julien Coupat et ses amis ont été accusés, s'inscrit complètement dans ce dispositif qui permet de criminaliser à peu près quiconque ne pense pas « correctement », tel qu'un Varg Vikernes, le Norvégien établi dans un village de Corrèze (lui aussi !) avec femme et enfants et suspecté de « nazisme ».
L'accusation purement médiatique autorise parfois le Pouvoir à tuer arbitrairement et sans procès, comme on l'a vu avec Mohamed Merah, qui n'a jamais été identifié légalement et formellement comme l'auteur des meurtres de Toulouse, mais qui a été pourtant bel et bien assassiné. Dans un état de droit, la culpabilité d'un accusé émerge au cours d'un procès équitable et contradictoire pendant lequel on apporte les preuves de la culpabilité si elles existent. Il semble que cela soit devenu superflu quant au traitement des prétendus « islamistes », que ce soit en France ou à Guantanamo. Pour tous ceux qui sont tués pendant leur arrestation, nous ne saurons donc jamais s'ils étaient coupables dans le monde réel, et pas seulement dans celui des médias !
Dans la série des montages politico-médiatiques visant à terroriser la population, passons rapidement sur l'affaire Clément Méric, dont l'objectif semblait être de faire exister une « menace fasciste » émanant d'une « droite radicale » pourtant très assagie. Et pour revenir à Tarnac, si le montage s'est effondré rapidement, c'est parce que les inculpés disposaient de soutiens dans l'intelligentsia parisienne ; sans cela, il y a fort à parier qu'ils seraient passés à la postérité comme des terroristes d'ultragauche avérés. Le cauchemar de science-fiction imaginé par Philip K. Dick et transposé au cinéma dans Minority report est devenu réalité. On pense aussi au chef d'œuvre absolu de Terry Gilliam, Brazil.
Pour vous, le contrôle des masses a profondément changé avec l'apparition de l'ingénierie sociale. Que recouvre ce terme selon vous ?
Il y a plusieurs définitions de l'ingénierie sociale. On peut les trouver en tapant sur Google. Certaines universités proposent un diplôme d'État d'ingénierie sociale (DEIS) et donnent quelques descriptions sur leurs sites. Il existe aussi de nombreuses publications, des articles sur la sécurité informatique, de la littérature grise, des manuels de sociologie et de management, des rubriques d'encyclopédies, etc.
Je propose la synthèse suivante de toutes ces définitions : l'ingénierie sociale est la modification planifiée du comportement humain.
Il est difficile de fixer une date précise à l'apparition du terme. En revanche, l'intuition qui est derrière, en gros la mécanisation de l'existence, remonte probablement à l'apparition des premières villes en Mésopotamie et dans l'Égypte pharaonique, vers 3000 avant J.-C. Je pense aux premiers centres urbains rassemblant plusieurs milliers de personnes dans une structure différenciée et néanmoins relativement unifiée sous un seul nom qui en définit les contours.
L'échelle du village et de l'artisanat n'est pas suffisante pour percevoir l'existence comme un mécanisme. Le passage des sédentaires ruraux aux sédentaires urbains a fait émerger la première représentation des groupes humains comme étant des objets automates, ou du moins automatisables dans une certaine mesure. En adoptant le point de vue surplombant qui était celui des premiers oligarques du Proche-Orient, une ville ressemble assez à une grosse machine : une horloge, ou un ordinateur, au risque de l'anachronisme. Quand les intellectuels de l'époque, c'est-à-dire les prêtres, ont eu sous leurs yeux les premières villes, donc les premiers mécanismes d'organisations humaines complexes, l'idée du contrôle et de la prévisibilité de ces mécanismes a nécessairement germé en eux. Quelques siècles plus tard, Platon invente le terme de cybernétique, ou l'art du pilotage. L'alchimie et la franc-maçonnerie sont les héritières spirituelles de ces premières observations, avec leurs métaphores physicalistes et architecturales récurrentes.
Le fil conducteur de cette tradition rationaliste en politique est la réduction de l'incertitude, qui est l'objectif poursuivi par tout gestionnaire de système. Quand il s'agit d'un système vivant, cet objectif peut avoir des effets sclérosants et meurtriers. Je ne suis pas loin de partager le point de vue radical de Francis Cousin, à savoir que nos problèmes ont commencé au néolithique !
Cependant, inutile de remonter aux chasseurs-cueilleurs pour retrouver le « paradis perdu ». L'échelle rurale et villageoise, voire la petite agglomération urbaine, me paraissent suffisants pour une relocalisation autogestionnaire satisfaisante qui permette d'éviter certaines pathologies du contrôle à distance. La nouveauté au XXe siècle vient de ce que l'on passe d'un contrôle social par l'ordre à un contrôle social par le désordre. L'ordre par le chaos.
Je fais remonter le projet concret de la gouvernance par le chaos à l'invention du « capitalisme révolutionnaire » entre 1750 et 1800, c'est-à-dire un capitalisme provoquant des révolutions pour faire avancer son agenda. Mais il a fallu attendre les années 1960 pour fabriquer le consentement total des masses au capitalisme en l'introduisant dans les mœurs sous les termes de « libertarisme » ou d'« émancipation des minorités ».
En France, l'événement fondateur de cet arraisonnement complet des masses par le Capital et sa gouvernance par le chaos fut Mai 68. Il faut voir le documentaire Das Netz, de Lutz Dammbeck, qui fait la jonction entre les projets de contrôle social issus de la cybernétique dans les années 1950 et l'émergence dix ans plus tard de la contre-culture pop anglo-saxonne, comme par hasard. Les preuves existent que la contre-culture était un outil du Capital pour produire de l'entropie sociale. On pense au financement de Pollock par la CIA, ou encore à ce que rapporte Mathias Cardet dans L'Effroyable Imposture du rap. À partir des années 1960, donc, une idéologie dominante fondée sur des principes d'anarchie, d'individualisme, d'anomie, d'hédonisme et de « jouissance sans entrave » s'est diffusée dans toute la sphère culturelle occidentale, préparant le tsunami de pathologies mentales et sociales qui nous submerge depuis les années 1980 : dépressions, vagues de suicides, violences conjugales, épidémie d'avortements de confort, enfant-roi hyperactif, délinquance juvénile, toxicomanies, criminalité sociopathe, obésité, cancers, pétages de plombs divers qui finissent en bain de sang, etc.
Cette idéologie dominante individualiste et an-archique, voire acéphale, commune à la gauche libertaire et à la droite libérale, n'a qu'un but : faire monter l'entropie, c'est-à-dire le désordre et le déséquilibre dans les groupes humains, pour les disloquer, les atomiser et améliorer l'asservissement des masses en rendant leur auto-organisation impossible. Diviser pour régner. Pousser les masses à « jouer perso », les éduquer au « chacun pour soi », pour enrayer la force des collectifs. Donc dépolitiser. En effet, le geste fondateur du phénomène politique consiste à soumettre la liberté individuelle à l'intérêt collectif. En inversant les priorités par le sacrifice de l'intérêt collectif sur l'autel de la sacro-sainte liberté individuelle, l'ingénierie sociale du Capital paralyse et sape ainsi toute capacité organisationnelle concrète. Comme on le voit, le capitalisme contrôle les masses par le désordre. Le véritable anticapitalisme, c'est donc l'ordre. La rébellion, la dissidence, la résistance, la subversion, c'est l'ordre.
La psychanalyse semble avoir un rôle ambivalent dans ce phénomène. Quelle est votre opinion sur cette école (sur Freud, Jung ou Lacan) ?
La psychanalyse passe son temps à rétablir du surmoi, c'est-à-dire de l'ordre, de l'autorité morale, des limites comportementales et de la stabilité mentale. Elle est donc l'ennemie du capitalisme. Mais elle est perçue aussi comme une ennemie par les religions, car elle leur fait concurrence dans une certaine mesure. Donc, tout le monde la déteste et la passe en procès.
Le problème, c'est que ce mauvais procès fait à la psychanalyse n'est pas toujours très cohérent. On dit simultanément : « La psychanalyse ne marche pas » et « La psychanalyse détruit les êtres qui s'y adonnent ». Il faudrait choisir. Les deux accusations sont mutuellement incompatibles sur le plan strictement logique. Si elle ne marchait pas, elle n'aurait aucun effet, même pas destructeur. Ce serait un facteur nul, un zéro, ni « plus », ni « moins ». En fait, la psychanalyse marche, raison pour laquelle elle peut effectivement détruire les gens qui sont sous son influence. Ses applications excèdent le cadre de la thérapie et se retrouvent aussi beaucoup en management, en marketing et, ce que l'on sait moins, en sécurité informatique, dans sa branche ingénierie sociale, justement.
Le fait que Freud ait été chez les B'nai B'rith est une raison supplémentaire pour s'informer sur les méthodes de manipulation et de déconstruction psychologique qui nous sont appliquées. C.-G. Jung est indispensable à connaître également, mais Jacques Lacan est encore plus précis et nous propose une vraie boîte à outils permettant d'agir directement sur soi ou sur autrui. Pour user de métaphores biologiques ou informatiques, la psychanalyse lacanienne, et le structuralisme en général, donnent accès au « code génétique », ou au « code source » de l'esprit et de la société.
Par exemple, un mathème lacanien, le schéma R (pour Réalité), modélise le mécanisme de la construction de confiance, qui est exactement le même que le mécanisme de la construction de la réalité : on peut donc appliquer ce schéma pour abuser de la confiance d'autrui en lui créant une réalité virtuelle, ou à l'inverse pour empêcher la construction de confiance, en soi ou en autrui, et ainsi empêcher la construction d'une réalité viable et habitable. Si vous observez les choses de près, vous trouverez l'équation « confiance = réalité ». Quand la confiance disparaît, c'est la réalité qui s'effondre. En revanche, si vous me faites confiance, je commence à construire votre réalité.
On voit le danger : si la psychanalyse dévoile et met à nu les règles de base de la construction de la réalité, du psychisme et de la vie en société, elle peut être utilisée également pour déconstruire la réalité, le psychisme et rendre impossible la vie en société. Comment ? En jouant sur l'Œdipe, c'est-à-dire le sens dialectique. Je détaille.
Une société possède nécessairement des différences. Une société parfaitement homogène n'existe pas. Or, la gestion des différences, leur articulation fonctionnelle et organique, ne se fait pas toute seule. L'articulation des différences porte un nom : la dialectique. La dialectique, cela s'apprend. Les différences premières, fondatrices de toute société, se résument par un concept : le complexe d'Œdipe. Ce sont les différences hommes/femmes et parents/enfants (par extension jeunes/vieux). Ces différences sont néanmoins articulées et fonctionnent ensemble, de manière organique, au sein de la famille. Le schéma familial offre ainsi le modèle originel du fonctionnement de tout groupe social : des différences respectées, on ne fusionne pas, mais fonctionnant ensemble.
Si on n'intériorise pas ce premier système de différences articulées, on ne peut pas en intérioriser d'autres et on développe des problèmes d'identité et d'adaptation sociale. En effet, l'identité est à l'image du système social : dialectique. Je ne sais qui je suis que par opposition et différenciation. L'identité, la construction identitaire, repose donc sur la position d'une différence première, originelle, fondatrice. Pour que je puisse agir dans le monde et me socialiser normalement, je dois donc sortir du flou identitaire pré-œdipien, le flou fusionnel qui précède la perception des différences.
Dans sa vidéo de janvier 2013, Alain Soral et son équipe rapportent un document stupéfiant. À l'occasion d'une audition sur le projet de « mariage pour tous », l'anthropologue Maurice Godelier préconisait de remplacer les termes « père » et « mère » par le terme générique de « parents ». D'après lui, le mot « parent », qui peut désigner simultanément le père, la mère, comme le grand-père et la grand-mère, présente ce double avantage d'effacer la différence des sexes et d'effacer la différence des générations. Quiconque possède quelques éléments d'anthropologie ou de psychanalyse repère immédiatement où Godelier veut en venir : produire intentionnellement du flou identitaire, donc de la psychose, en effaçant le complexe d'Œdipe, les différences hommes/femmes et parents/enfants, donc les différences au sein de la famille, et par extension au sein de la société.
En fait, les différences persistent dans le réel, mais elles ne sont plus perçues, ni intériorisées. Si les différences ne sont plus perçues, les identités non plus. Cette incapacité à percevoir, intérioriser et gérer les différences et les identités porte un nom : la psychose, le flou identitaire. « Je ne sais pas qui je suis parce que je ne sais pas ce qui est en face de moi. » Godelier et les partisans de la théorie du genre, qu'il faudrait renommer « théorie de la confusion des genres », cherchent à produire du flou identitaire chez les enfants, et pourquoi pas chez les adultes. Ils cherchent donc à produire des handicapés mentaux, incapables de se socialiser. Ils cherchent à créer des problèmes d'identité et à générer des pathologies mentales et sociales, qui finiront en suicides, en meurtres ou en toxicomanies de compensation.
L'effacement des différences fondatrices, c'est l'effacement des limites, de toutes les limites. L'objectif, c'est la plasticité identitaire infinie, qu'on renommera « liberté identitaire infinie » pour mieux hameçonner la proie avec une accroche désirable, au prix de l'émergence de nouvelles souffrances. Toujours dans sa vidéo de janvier 2013, Soral remarquait fort justement que « la liberté, c'est la folie ». C'est bien de cette folie que Deleuze et Guattari se sont faits les chantres à partir de L'Anti-Œdipe, cette bible de l'antipsychiatrie dont le sous-titre est « Capitalisme et schizophrénie ». Publié en 1972, ce texte a profondément marqué la pensée libertaire. Il y est fait une apologie de la schizophrénie comme étant le parachèvement du capitalisme en tant que libération de toutes les structures et affranchissement de toutes les limites psychiques, comportementales et identitaires. L'alliance objective entre libertarisme et libéralisme est donc conclue officiellement et revendiquée depuis une bonne quarantaine d'années.
Une liberté sans limite rend fou et empêche donc la socialisation. À l'opposé, la psychanalyse tourne entièrement autour de cet adage : « Ma liberté s'arrête où commence celle des autres. » La limite, le surmoi dans le jargon freudien, a un effet positif et négatif en même temps. La limite réprime l'expression libre du désir. Apprendre à vivre en société, c'est apprendre qu'on ne fait pas ce qu'on veut et qu'il y a des limites à respecter. Il y a des bornes à l'expression de mon désir, il y a des règles, des lois, des structures, des cadres, des interdits à respecter et sans lesquels la société ne peut pas fonctionner. Cette répression de la liberté du désir permet donc de vivre en société, mais induit également une frustration. Cette frustration peut s'accumuler, s'enkyster, et devenir une névrose. C'était la pathologie la plus courante jusque dans les années 1970. L'ordre social exercé par une autorité morale et l'intériorisation d'une limite (un Père ou un phallus symbolique) était simultanément répressif et socialisant, frustrant et structurant, névrotique et normatif. C'était le mode de socialisation normal dans l'espèce humaine, avec des avantages et des inconvénients. C'est la gouvernance par l'ordre, par l'imposition de limites rigides à ne jamais dépasser, sous peine de punition.
Cet ordre ancien, celui de notre espèce et de ses constantes anthropologiques depuis ses origines, est aujourd'hui attaqué. L'Occident postmoderne a vu naître un « ordre nouveau », un mode de gouvernance par le chaos qui est une forme de contrôle social entièrement neuve consistant à lever toutes les limites et à laisser le désir s'exprimer librement. Dans un premier temps, on a l'impression de respirer enfin, on s'amuse, sans le surmoi phallique et surplombant. Le problème, quand on tue le Père, c'est qu'on est récupéré par la Mère, qui est en réalité tout aussi despotique que le Père. En Mai 68, Lacan disait à ses étudiants libertaires : « Vous aussi, vous cherchez un maître. » En l'occurrence, une Maîtresse, car la libre expression du désir, sans plus aucune limite ni structure, est le mode d'être hystérique, puis pervers, puis psychotique. Sans répression du désir, pas de sublimation, pas de symbolisation, pas de structuration psychique et comportementale possible, pas d'accès au langage et à la dialectique articulée.
Il existe donc une véritable ingénierie psychosociale de la levée des limites, de la transgression des interdits, des lois, des tabous et de l'abolition des frontières, donc une ingénierie de la désocialisation, de l'ensauvagement, de la déstructuration des masses et de la régression civilisationnelle provoquée, en un mot une ingénierie de la dés-œdipianisation, mise en œuvre par des gens qui savent exactement ce qu'ils font, grâce ou à cause de Freud et Lacan (Jung n'ayant pas reconnu le caractère fondateur de l'Œdipe et de la limite), qu'il s'agisse de psychanalystes à proprement parler ou d'auteurs imprégnés de psychanalyse. La théorie de la confusion des genres n'est qu'un outil de cette offensive du Capital pour transformer l'humain en une matière plastique modelable à l'infini, fluidifier toutes les structures comme le recommande l'Institut Tavistock, afin de parvenir à la « société liquide » décrite par Zygmunt Bauman.
Le résultat de cette déshumanisation, ou dés-hominisation, c'est ce que d'autres psys dénoncent, dont Julia Kristeva, dès les années 1980 dans Les Nouvelles Maladies de l'âme, ou l'Association lacanienne internationale (ALI), notamment Charles Melman et Jean-Pierre Lebrun dans L'Homme sans gravité : l'explosion de ces pathologies très contemporaines, dépression, perversion, toxicomanie, hystérie banalisée, « psychoses froides », « états limites », « borderline », sociopathie, psychopathie. On lira aussi Dominique Barbier, Dany-Robert Dufour ou Jean-Claude Michéa.
Vous évoquiez dans un de vos récents textes « l'industrie du changement ». Qui sont pour vous ces « faiseurs » des bouleversements que nous subissons ? Que recherchent-ils ?
À l'occasion d'un séminaire auquel j'ai assisté, un consultant spécialisé en conduite du changement nous avait dit que son entreprise travaillait à « industrialiser la compétence relationnelle ». Les changements provoqués au moyen de crises dirigées ne servent donc pas à améliorer le fonctionnement des choses, mais à l'industrialiser, c'est-à-dire à le rationaliser, le standardiser, l'automatiser. Cela consiste à changer d'échelle de production et de contrôle. Quand on passe de l'artisanat à l'industrie, on passe aussi d'une production locale à une production globale. La production locale est décentralisée, enracinée, contextualisée, démocratique, quand la production globale est centralisée, déracinée, décontextualisée, oligarchique. L'industrie du changement consiste à transférer tout le contrôle de la production de l'échelle locale à l'échelle globale. La gouvernance par le chaos consiste à détruire le pilotage local et autonome de l'existence pour le remplacer par un pilotage global et hétéronome, toujours à distance.
En géopolitique, la transitologie est la discipline qui traite du « regime change », les changements de régime que l'Empire américano-israélien cherche à produire dans les pays arabo-musulmans, et un peu partout en fait, pour s'approprier le pilotage à distance de ces pays. En dernière instance, le but recherché est la modification de la structure générale des relations humaines : passer d'un lien social normal, fondé sur l'altruisme, l'empathie et la mutualité, à un lien social sociopathe, retravaillé par le capitalisme et le libertarisme, fondé sur la liberté individuelle. C'est ça, l'industrialisation de la compétence relationnelle. Concrètement, cela donne le « mariage homo », la GPA, soit la location du ventre des femmes, la PMA, soit le commerce des enfants, et pour finir l'euthanasie pour tous.
En fait, le « comment ? », la méthode appliquée, m'intéresse plus que le « qui ? », l'identité. En outre, la réponse au « comment ? » donne la réponse au « qui ? » Donc, qui sont les faiseurs des bouleversements pathogènes que nous subissons ? Réponse : tous ceux qui appliquent la méthode générale de bouleversement contrôlé. En gros, ce sont tous les acteurs du capitalisme et des révolutions de rupture, dont 1789 et 1917 sont les prototypes, et dont les « révolutions colorées », de Mai 68 au « printemps arabe », sont les prolongements, jusqu'en Libye et en Syrie aujourd'hui. Ces acteurs du capitalisme sont secondés par ce que l'on dénommait jadis les conseillers en propagande du Prince, et qu'on appelle aujourd'hui des spin doctors, des consultants, des influenceurs, des communicants, bref tous ceux qui travaillent à faire du storytelling et de la désinformation dans des entreprises, des think tanks, des lobbies, des médias, des services de renseignement, des sociétés de pensée plus ou moins ésotériques.
Cette stratégie du choc amène la notion de chaos que vous utilisez pour définir la logique du système. Pouvez-vous revenir sur la généalogie de cette soif de destruction de l'oligarchie mondiale ?
La pulsion de mort est largement partagée dans l'espèce humaine. Il semble néanmoins que certains groupes sociologiques l'actualisent davantage que d'autres. En termes de topologie structurale lacanienne, la destruction est une place à occuper, et en termes de psychologie archétypale jungienne, le Destructeur est un rôle à endosser. La question qui me vient tout de suite est : qui occupe cette place dans mon environnement immédiat, que je puisse m'en protéger ?
Si l'on fait une généalogie de la destruction en Occident, on arrive à un résultat qui n'est pas « politiquement correct ». Une histoire des idées impartiale montre que, sous nos latitudes monothéistes, le premier exposé d'un programme politique fondé sur la destruction est déposé dans le texte que les juifs appellent la Torah, et les chrétiens le Pentateuque. Pour certaines personnes, détruire est donc un commandement divin, consigné noir sur blanc dans des textes sacrés. Un échantillon :
Deutéronome : chapitre 20, versets 10 à 16.
« Quand tu t'approcheras d'une ville pour l'attaquer, tu lui offriras la paix. Si elle accepte la paix et t'ouvre ses portes, tout le peuple qui s'y trouvera te sera tributaire et asservi. Si elle n'accepte pas la paix avec toi et qu'elle veuille te faire la guerre, alors tu l'assiégeras. Et après que l'Éternel, ton Dieu, l'aura livrée entre tes mains, tu en feras passer tous les mâles au fil de l'épée. Mais tu prendras pour toi les femmes, les enfants, le bétail, tout ce qui sera dans la ville, tout son butin, et tu mangeras les dépouilles de tes ennemis que l'Éternel, ton Dieu, t'aura livrés. C'est ainsi que tu agiras à l'égard de toutes les villes qui sont très éloignées de toi, et qui ne font point partie des villes de ces nations-ci. Mais dans les villes de ces peuples dont l'Éternel, ton Dieu, te donne le pays pour héritage, tu ne laisseras la vie à rien de ce qui respire. »
Cela dit, personne ne détient le monopole de la pulsion de mort. Le Japon ou la Corée du Sud connaissent des processus d'auto-génocide liés au « tout technologique ». Certaines régions d'Orient et d'Asie sont à la pointe de tous les délires post-humains et cybernétiques ; on y parle sérieusement de clonage reproductif ou de remplacement du peuple par des robots, ce genre de choses.
Je pense que la soif de destruction et d'autodestruction remonte en fait à un profil psychologique qui porte au moins trois noms : sociopathe, psychopathe, pervers narcissique. Le psychiatre polonais Lobaczewski est l'un des premiers à l'avoir étudié et il en a tiré une science, la ponérologie, ou la science du Mal. Je suis extrêmement convaincu par ce modèle ; pour ma part, je situe l'origine du Mal sur Terre dans ce profil psychologique sociopathe. Sa caractéristique est l'absence d'empathie, ce qui le conduit à traiter autrui comme un objet, un moyen, et à le chosifier. On peut rencontrer ce profil psychologique dans toutes les cultures, mais il semble néanmoins que certaines conjonctures favorisent son apparition. Notamment, les environnements socioculturels marqués par les thèmes de la destruction et du génocide sont, par excellence, des fabriques de sociopathes.
Lucien Cerise
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jeudi, 26 septembre 2013
PIERRE LE VIGAN : UN OUVRAGE EN PERSPECTIVE
Entretien avec http://metamag.fr
Propos recueillis par Jean PIERINOT
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jeudi, 12 septembre 2013
Alexander Dugin on Syria and the New Cold War
Alexander Dugin on Syria and the New Cold War
An interview with Alexander Dugin on the Syrian crisis.
Prof. Dugin, the world faces right now in Syria the biggest international crisis since the downfall of the Eastern Block in 1989/90. Washington and Moscow find themselves in a proxy-confrontation on the Syrian battleground. Is this a new situation?
Dugin: We have to see the struggle for geopolitical power as the old conflict of land power represented by Russia and sea power represented by the USA and its NATO partners. This is not a new phenomenon; it is the continuation of the old geopolitical and geostrategic struggle. The 1990s was the time of the great defeat of the land power represented by the USSR. Mikhail Gorbachev refused the continuation of this struggle. This was a kind of treason and resignation in front of the unipolar world. But with President Vladimir Putin in the early years of this decade, came a reactivation of the geopolitical identity of Russia as a land power. This was the beginning of a new kind of competition between sea power and land power.
How did this reactivation start?
Dugin: It started with the second Chechen war (1999-2009). Russia by that time was under pressure by Chechen terrorist attacks and the possible separatism of the northern Caucasus. Putin had to realize all the West, including the USA and the European Union, took sides with the Chechen separatists and Islamic terrorists fighting against the Russian army. This is the same plot we witness today in Syria or recently in Libya. The West gave the Chechen guerrillas support, and this was the moment of revelation of the new conflict between land power and sea power. With Putin, land power reaffirmed itself. The second moment of revelation was in August 2008, when the Georgian pro-Western Saakashvili regime attacked Zchinwali in South Ossetia. The war between Russia and Georgia was the second moment of revelation.
Is the Syrian crisis now the third moment of revelation?
Dugin: Exactly. Maybe it is even the final one, because now all is at stake. If Washington doesn´t intervene and instead accepts the position of Russia and China, this would be the end of the USA as a kind of unique superpower. This is the reason why I think Obama will go far in Syria. But if Russia steps aside and accepts the US-American intervention and if Moscow eventually betrays Bashar al-Assad, this would mean immediately a very hard blow to the Russian political identity. This would signify the great defeat of the land power. After this, the attack on Iran would follow and also on northern Caucasus. Among the separatist powers in the northern Caucasus there are many individuals who are supported by the Anglo-American, Israeli and Saudi powers. If Syria falls, they will start immediately the war in Russia, our country. Meaning: Putin cannot step aside; he cannot give up Assad, because this would mean the geopolitical suicide of Russia. Maybe we are right now in the major crisis of modern geopolitical history.
So right now both dominant world powers, USA and Russia, are in a struggle about their future existence…
Dugin: Indeed. At the moment there is no any other possible solution. We cannot find any compromise. In this situation there is no solution which would satisfy both sides. We know this from other conflicts, such as the Armenian-Azeri or the Israeli-Palestinian conflict. It is impossible to find a solution for both sides. We witness the same now in Syria, but on a bigger scale. The war is the only way to make a reality check.
Why?
Dugin: We have to imagine this conflict as a type of card game like Poker. The players have the possibility to hide their capacities, to make all kinds of psychological tricks, but when the war begins all cards are in. We are now witnessing the moment of the end of the card game, before the cards are thrown on the table. This is a very serious moment, because the place as a world power is at stake. If America succeeds, it could grant itself for some time an absolutely dominant position. This will be the continuation of unipolarity and US-American global liberalism. This would be a very important moment because until now the USA hasn´t been able to make its dominance stable, but the moment they win that war, they will. But if the West loses the third battle (the first one was the Chechen war, the second was the Georgian war), this would be the end of the USA and its dominance. So we see: neither USA nor Russia can resign from that situation. It is simply not possible for both not to react.
Why does US-president Barrack Obama hesitate with his aggression against Syria? Why did he appeal the decision to the US-Congress? Why does he ask for permission that he doesn´t need for his attack?
Dugin: We shouldn´t make the mistake and start doing psychological analyses about Obama. The main war is taking place right now behind the scenes. And this war is raging around Vladimir Putin. He is under great pressure from pro-American, pro-Israeli, liberal functionaries around the Russian president. They try to convince him to step aside. The situation in Russia is completely different to the situation in USA. One individual, Vladimir Putin, and the large majority of the Russian population which supports him are on one side, and the people around Putin are the Fifth column of the West. This means that Putin is alone. He has the population with him, but not the political elite. So we have to see the step of the Obama administration asking the Congress as a kind of waiting game. They try to put pressure on Putin. They use all their networks in the Russian political elite to influence Putin´s decision. This is the invisible war which is going on right now.
Is this a new phenomenon?
Dugin: (laughs) Not at all! It is the modern form of the archaic tribes trying to influence the chieftain of the enemy by loud noise, cries and war drums. They beat themselves on the chest to impose fear on the enemy. I think the attempts of the US to influence Putin are a modern form of this psychological warfare before the real battle starts. The US-Administration will try to win this war without the Russian opponent on the field. For this they have to convince Putin to stay out. They have many instruments to do so.
But again: What about the position of Barrack Obama?
Dugin: I think all those personal aspects on the American side are less important than on the Russian side. In Russia one person decides now about war and peace. In the USA Obama is more a type of bureaucratic administrator. Obama is much more predictable. He is not acting on his behalf; he simply follows the middle line of US-American foreign politics. We have to realize that Obama doesn´t decide anything at all. He is merely the figurehead of a political system that makes the really important decisions. The political elite makes the decisions, Obama follows the scenario written for him. To say it clearly, Obama is nothing, Putin is everything.
You said Vladimir Putin has the majority of the Russian population on his side. But now it is peace time. Would they also support him in a war in Syria?
Dugin: This is a very good question. First of all, Putin would lose much of his support if he does not react on a Western intervention in Syria. His position would be weakened by stepping aside. The people who support Putin do this because they want to support a strong leader. If he doesn´t react and steps aside because of the US pressure, it will be considered by the majority of the population as a personal defeat for Putin. So you see it is much more Putin´s war than Obama´s war. But if he intervenes in Syria he will face two problems: Russian society wants to be a strong world power, but it is not ready to pay the expenses. When the extent of these costs becomes clear, this could cause a kind of shock to the population. The second problem is what I mentioned already, that the majority of the political elite are pro-Western. They would immediately oppose the war and start their propaganda by criticizing the decisions of Putin. This could provoke an inner crisis. I think Putin is aware of these two problems.
When you say the Russians might be shocked by the costs of such a war, isn´t there a danger that they might not support Putin because of that?
Dugin: I don´t think so. Our people are very heroic. Let us look back in history. Our people were never ready to enter a war, but if they did, they won that war despite the costs and sacrifices. Look at the Napoleonic wars or World War II. We Russians lost many battles, but eventually won those wars. So we are never prepared, but we always win.
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dimanche, 08 septembre 2013
La bipolarisation droite-gauche n'existe plus en milieu populaire
"La bipolarisation droite-gauche n'existe plus en milieu populaire"...
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com
Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec le géographe et sociologue Christophe Guilluy, publié cet été dans le quotidien Le Figaro. Christophe Guilluy est l'auteur d'un essai intitulé Fractures françaises (Bourin, 2010) qui a suscité de nombreux commentaires lors de sa publication. Cet essai, devenu introuvable, sera réédité début octobre chez Flammarion, dans la collection de poche Champs.
LE FIGARO. - Vous êtes classé à gauche mais vous êtes adulé par la droite. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?
Christophe GUILLUY.- Je ne suis pas un chercheur classique. Ma ligne de conduite depuis quinze ans a toujours été de penser la société par le bas et de prendre au sérieux ce que font, disent et pensent les catégories populaires. Je ne juge pas. Je ne crois pas non plus à la posture de l’intellectuel qui influence l’opinion publique. Je ne crois pas non plus à l’influence du discours politique sur l’opinion. C’est même l’inverse qui se passe. Ce que j’appelle la nouvelle géographie sociale a pour ambition de décrire l’émergence de nouvelles catégories sociales sur l’ensemble des territoires.
Selon vous, la mondialisation joue un rôle fondamental dans les fractures françaises. Pourquoi ?
La mondialisation a un impact énorme sur la recomposition des classes sociales en restructurant socialement et économiquement les territoires. Les politiques, les intellectuels et les chercheurs ont la vue faussée. Ils chaussent les lunettes des années 1980 pour analyser une situation qui n’a aujourd’hui plus rien à voir. Par exemple, beaucoup sont encore dans la mythologie des classes moyennes façon Trente Glorieuses. Mais à partir des années 1980, un élément semble dysfonctionner : les banlieues. Dans les années 1970, on avait assisté à l’émergence d’une classe moyenne, c’est la France pavillonnaire.
Vous avez théorisé la coexistence de deux France avec, d’une part, la France des métropoles et de l’autre la France périphérique.
On peut en effet diviser schématiquement la France en deux : la France périphérique, que certains ont dénommée mal à propos France périurbaine, est cette zone qui regroupe aussi bien des petites villes que des campagnes. De l’autre côté, il y a les métropoles, complètement branchées sur la mondialisation, sur les secteurs économiques de pointe avec de l’emploi très qualifié. Ces métropoles se retrouvent dans toutes régions de France. Bien évidemment, cela induit une recomposition sociale et démographique de tous ces espaces. En se désindustrialisant, les villes ont besoin de beaucoup moins d’employés et d’ouvriers mais de davantage de cadres. C’est ce qu’on appelle la gentrification des grandes villes, avec un embourgeoisement à grande vitesse.
Mais en même temps que cet embourgeoisement, il y a aussi dans les métropoles un renforcement des populations immigrées.
Au moment même où l’ensemble du parc immobilier des grandes villes est en train de se « gentrifier », l’immobilier social, les HLM, le dernier parc accessible aux catégories populaires de ces métropoles, s’est spécialisé dans l’accueil des populations immigrées. On assiste à l’émergence de « villes monde » très inégalitaires où se regroupent avec d’un côté des cadres, et de l’autre des catégories précaires issues de l’immigration. Dans ces espaces, les gens sont tous mobiles, aussi bien les cadres que les immigrés. Surtout, ils sont là où tout se passe, où se crée l’emploi. Tout le monde dans ces métropoles en profite, y compris les banlieues et les immigrés. Bien sûr cela va à l’encontre de la mythologie de la banlieue ghetto où tout est figé. Dans les zones urbaines sensibles, il y a une vraie mobilité : les gens arrivent et partent.
Pourtant le parc immobilier social se veut universel ?
La fonction du parc social n’est plus la même que dans les années 1970. Aujourd’hui, les HLM servent de sas entre le Nord et le Sud. C’est une chose fondamentale que beaucoup ont voulu, consciemment ou non, occulter : il y a une vraie mobilité dans les banlieues. Alors qu’on nous explique que tout est catastrophique dans ces quartiers, on s’aperçoit que les dernières phases d’ascension économique dans les milieux populaires se produisent dans les catégories immigrées des grandes métropoles. Si elles réussissent, ce n’est pas parce qu’elles ont bénéficié d’une discrimination positive, mais d’abord parce qu’elles sont là où tout se passe.
La France se dirige-t-elle vers le multiculturalisme ?
La France a un immense problème où l’on passe d’un modèle assimilationniste républicain à un modèle multiculturel de fait, et donc pas assumé. Or, les politiques parlent républicain mais pensent multiculturel. Dans la réalité, les politiques ne pilotent plus vraiment les choses. Quel que soit le discours venu d’en haut, qu’il soit de gauche ou de droite, les gens d’en bas agissent. La bipolarisation droite-gauche n’existe plus en milieu populaire. Elle est surjouée par les politiques et les catégories supérieures bien intégrées mais ne correspond plus à grand-chose pour les classes populaires.
Les classes populaires ne sont donc plus ce qu’elles étaient…
Dans les nouvelles classes populaires on retrouve les ouvriers, les employés, mais aussi les petits paysans, les petits indépendants. Il existe une France de la fragilité sociale. On a eu l’idée d’en faire un indicateur en croisant plusieurs critères comme le chômage, les temps partiel, les propriétaires précaires, etc. Ce nouvel indicateur mesure la réalité de la France qui a du mal à boucler les fins de mois, cette population qui vit avec environ 1 000 euros par mois. Et si on y ajoute les retraités et les jeunes, cela forme un ensemble qui représente près de 65 % de la population française. La majorité de ce pays est donc structurée sociologiquement autour de ces catégories modestes. Le gros problème, c’est que pour la première fois dans l’histoire, les catégories populaires ne vivent plus là où se crée la richesse.
Avec 65 % de la population en périphérie, peut-on parler de ségrégation ?
Avant, les ouvriers étaient intégrés économiquement donc culturellement et politiquement. Aujourd’hui, le projet économique des élites n’intègre plus l’ensemble de ces catégories modestes. Ce qui ne veut pas dire non plus que le pays ne fonctionne pas mais le paradoxe est que la France fonctionne sans eux puisque deux tiers du PIB est réalisé dans les grandes métropoles dont ils sont exclus. C’est sans doute le problème social, démocratique, culturel et donc politique majeur : on ne comprend rien ni à la montée du Front national ni de l’abstention si on ne comprend pas cette évolution.
Selon vous, le Front national est donc le premier parti populaire de France ?
La sociologie du FN est une sociologie de gauche. Le socle électoral du PS repose sur les fonctionnaires tandis que celui de l’UMP repose sur les retraités, soit deux blocs sociaux qui sont plutôt protégés de la mondialisation. La sociologie du FN est composée à l’inverse de jeunes, d’actifs et de très peu de retraités. Le regard porté sur les électeurs du FN est scandaleux. On les pointe toujours du doigt en rappelant qu’ils sont peu diplômés. Il y a derrière l’idée que ces électeurs frontistes sont idiots, racistes et que s’ils avaient été diplômés, ils n’auraient pas voté FN.
Les électeurs seraient donc plus subtils que les sociologues et les politologues… ?
Les Français, contrairement à ce que disent les élites, ont une analyse très fine de ce qu’est devenue la société française parce qu’ils la vivent dans leur chair. Cela fait trente ans qu’on leur dit qu’ils vont bénéficier, eux aussi, de la mondialisation et du multiculturalisme alors même qu’ils en sont exclus. Le diagnostic des classes populaires est rationnel, pertinent et surtout, c’est celui de la majorité. Bien évidemment, le FN ne capte pas toutes les classes populaires. La majorité se réfugie dans l’abstention.
Vous avancez aussi l’idée que la question culturelle et identitaire prend une place prépondérante.
Les Français se sont rendu compte que la question sociale a été abandonnée par les classes dirigeantes de droite et de gauche. Cette intuition les amène à penser que dans ce modèle qui ne les intègre plus ni économiquement ni socialement, la question culturelle et identitaire leur apparaît désormais comme essentielle. Cette question chez les électeurs FN est rarement connectée à ce qu’il se passe en banlieue. Or il y a un lien absolu entre la montée de la question identitaire dans les classes populaires « blanches » et l’islamisation des banlieues.
Vaut-il parfois mieux habiter une cité de La Courneuve qu’en Picardie ?
Le paradoxe est qu’une bonne partie des banlieues sensibles est située dans les métropoles, ces zones qui fonctionnent bien mieux que la France périphérique, là où se trouvent les vrais territoires fragiles. Les élites, qui habitent elles dans les métropoles considèrent que la France se résume à des cadres et des jeunes immigrés de banlieue. Ce qui émerge dans cette France périphérique, c’est une contre-société, avec d’autres valeurs, d’autres rapports au travail ou à l’État-providence. Même s’il y a beaucoup de redistribution des métropoles vers la périphérie, le champ des possibles est beaucoup plus restreint avec une mobilité sociale et géographique très faible. C’est pour cette raison que perdre son emploi dans la France périphérique est une catastrophe.
Pourquoi alors l’immigration pose-t-elle problème ?
Ce qui est fascinant, c’est la technicité culturelle des classes populaires et la nullité des élites qui se réduit souvent à raciste/pas raciste. Or, une personne peut être raciste le matin, fraternelle le soir. Tout est ambivalent. La question du rapport à l’autre est la question du village et comment celui-ci sera légué à ses enfants. Il est passé le temps où on présentait l’immigration comme « une chance pour la France ». Ne pas savoir comment va évoluer son village est très anxiogène. La question du rapport à l’autre est totalement universelle et les classes populaires le savent, pas parce qu’elles seraient plus intelligentes mais parce qu’elles en ont le vécu.
Marine Le Pen qui défend la France des invisibles, vous la voyez comme une récupération de vos thèses ?
Je ne me suis jamais posé la question de la récupération. Un chercheur doit rester froid même si je vois très bien à qui mes travaux peuvent servir. Mais après c’est faire de la politique, ce que je ne veux pas. Dans la France périphérique, les concurrents sont aujourd’hui l’UMP et le FN. Pour la gauche, c’est plus compliqué. Les deux vainqueurs de l’élection présidentielle de 2012 sont en réalité Patrick Buisson et Terra Nova, ce think-tank de gauche qui avait théorisé pour la gauche la nécessité de miser d’abord sur le vote immigré comme réservoir de voix potentielles pour le PS. La présidentielle, c’est le seul scrutin où les classes populaires se déplacent encore et où la question identitaire est la plus forte. Sarkozy a joué le « petit Blanc », la peur de l’arrivée de la gauche qui signifierait davantage d’islamisation et d’immigration. Mais la gauche a joué en parallèle le même jeu en misant sur le « petit Noir » ou le « petit Arabe ». Le jeu de la gauche a été d’affoler les minorités ethniques contre le danger fascisant du maintien au pouvoir de Sarkozy et Buisson. On a pu croire un temps que Hollande a joué les classes populaires alors qu’en fait c’est la note Terra Nova qui leur servait de stratégie. Dans les deux camps, les stratégies se sont révélées payantes même si c’est Hollande qui a gagné. Le discours Terra Nova en banlieue s’est révélé très efficace quand on voit les scores obtenus. Près de 90 % des Français musulmans ont voté Hollande au second tour.
La notion même de classe populaire a donc fortement évolué.
Il y a un commun des classes populaires qui fait exploser les définitions existantes du peuple. Symboliquement, il s’est produit un retour en arrière de deux siècles. Avec la révolution industrielle, on a fait venir des paysans pour travailler en usines. Aujourd’hui, on leur demande de repartir à la campagne. Toutes ces raisons expliquent cette fragilisation d’une majorité des habitants et pour laquelle, il n’y a pas réellement de solutions. C’est par le bas qu’on peut désamorcer les conflits identitaires et culturels car c’est là qu’on trouve le diagnostic le plus intelligent. Quand on vit dans ces territoires, on comprend leur complexité. Ce que le bobo qui arrive dans les quartiers populaires ne saisit pas forcément.
Christoph Guilluy (Le Figaro, 19 juillet 2013)
*Christophe Guilluy est un géographe qui travaille à l’élaboration d’une nouvelle géographie sociale. Spécialiste des classes populaires, il a théorisé la coexistence des deux France : la France des métropoles et la France périphérique. Il est notamment l’auteur d’un ouvrage très remarqué : Fractures françaises.
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mercredi, 04 septembre 2013
Verso l’Eurasia da Dostoevskij a Limonov passando per i Cccp
di Luca Negri - Alfonso Piscitelli
Fonte: Barbadillo
Nell’ambito del progetto Eu-Rus vogliamo incontrare intellettuali italiani che si pongono il problema di un nuovo modello di civiltà europea, al di là del vecchio steccato tra Est ed Ovest. Il primo dialogo è con Luca Negri, firma della pagina culturale de Il Giornale, che nel suo ultimo libro (“Il ritorno del Guerin Meschino. Appunti per comprendere il nuovo Medio Evo”, Lindau) si impegna nella ricerca di quel modello. Come se fosse una post-moderna e cosciente “ricerca del Graal”.
Luca, in passato hai scritto un libro sulla curiosa vicenda di un gruppo musicale filo-sovietico. Cosa ti ha portato a interessarti alla band CCCP?
Ho scritto un libro su Giovanni Lindo Ferretti, cantante, scrittore, leader del gruppo punk chiamato CCCP – Fedeli alla linea.
Anche comico “comunista” della banda di Arbore …
No quello era Ferrini.
Ah!
Sono cresciuto con le canzoni di Ferretti ed ho affrontato un percorso simile al suo: dall’estrema sinistra al cristianesimo. La sua parabola ben illustra le interazioni tra le due grandi chiese italiane: quella cattolica e quella comunista.
In effetti anche i Brigatisti Rossi nascevano come chierichetti.
I CCCP erano interessanti perché nei primi anni ’80, quando tutti si ispiravano agli anglosassoni, preferirono guardare ad Est: un gruppo di “punk filosovietico” anche al di là del riferimento alla ideologia. Sentivano molto il fascino dell’Islam, della Cina, della Mongolia.
Cioè erano eurasiatisti ante litteram?
Sì. Il retro copertina del loro secondo album mostrava una carta geografica con al centro la Russia, a destra l’Asia e a sinistra l’appendice europea. Aggiungerei che erano affascinati dal mondo sovietico perché vedevano nella monumentalità del realismo socialista una residua traccia del Sacro ormai perso in Occidente.
Di lì a poco il sistema sovietico sarebbe crollato e sarebbe rinata la Russia delle sacre icone ortodosse.
Quella Russia non era mai morta, perché i semi gettati dai grandi pensatori russi come Dostoevskij continuavano a mettere radici sotto la terra e a influenzare la grande cultura europea.
Tu approfondisci questi autori nel tuo libro “Il ritorno del Guerin Meschino. Appunti per comprendere il nuovo medio evo”. Proprio Dostoevsky è un pensatore che affronta il problema tipicamente europeo del nichilismo. Quali le analogie e le differenze con Nietzsche?
Della questione si occupò ampiamente Julius Evola.
Certo, in Cavalcare la Tigre.
In effetti, alcuni eroi “negativi” del romanziere russo sembrano anticipare il nichilismo di Nietzsche. I “demoni” o gli “ossessi” di Dostoevskij sono, in fondo, individualità con una grossa tensione spirituale, che però si muovono in un mondo in cui Dio è morto, in un’epoca in cui l’antica concezione del Dio posto al di fuori degli uomini e non nell’interiorità, sta tramontando. Ecco perché cercano disperatamente risposte che non arrivano né dalla storia, né dalla politica. Sono martiri inconsapevoli di un nuovo cristianesimo a venire. Finiscono tragicamente, come lo stesso pensatore tedesco, perché la loro carica spirituale non riesce a risolvere le contraddizioni. Uniche soluzioni sembrano il suicidio, l’idiozia,il terrorismo, la follia.
Le tendenze più tragiche della modernità sarebbero dunque episodi di un “interregno” tra la vecchia concezione religiosa e una nuova manifestazione del Sacro?
Il nichilismo è appunto come una notte oscura dell’anima, o come un’opera al nero alchemica. Bisogna guardarlo in faccia. Non può essere eluso, come pretendono le anime belle con appelli sentimentali. Ma appunto, deve essere una, un passaggio, una verifica.
L’altro grande russo Tolstoj sembra più appartenere al mondo delle ideologie sociali ed è stato considerato per certi aspetti un precursore del comunismo.
Tolstoj ha delle responsabilità nella riduzione del cristianesimo a mera etica umanitaria. Tolstoj comprese che il Vangelo di Cristo non può essere ingabbiato dentro l’istituzione ecclesiastica (nel suo caso ortodossa) e deve diventare qualcosa di ancor più universale. Però non riuscì ad immaginare altro che una declinazione umanitaria, una vocazione sociale a stare dalla parte degli ultimi. Cosa giusta di per sé, ma c’è tutto l’aspetto mistico, oserei dire magico, che rischia di perdersi in questo discorso . Quello che servirebbe è un punto d’equilibrio fra la tensione metafisica di Dostoevskij e quella terrestre, di Tolstoj.
Un equilibrio tra vocazione celeste e terrestre. Mi viene in mente Florensky, che fu un grande mistico russo e uno dei principali scienziati del Novecento.
Pavel Florensky … anche detto il “Leonardo da Vinci” russo! La sua opera fu una sintesi di teologia, filosofia, critica d’arte, matematica, scienza applicata. È come se fosse riuscito a vedere tutto da una prospettiva superiore e unitaria. Fu sacerdote ortodosso e martire del comunismo. Avrebbe potuto scappare in Francia, come molti altri, ma preferì sopportare le stesse sofferenze del suo popolo. I comunisti si servirono di lui e gli concessero un poco di libertà proprio perché non potevano fare a meno delle sue conoscenze ed abilità tecniche. Ma alla fine lo spedirono in un Gulag e lo fucilarono.
Un pensatore europeo che intravede un grande compito per lo Spirito Russo è Rudolf Steiner, il fondatore dell’antroposofia.
Steiner vedeva ad Est, in Russia il futuro della civiltà europea e del cristianesimo. Dopo il cristianesimo romano nato con Pietro, quello luterano ispirato da Paolo, secondo Steiner arriverà il turno di quello slavo: il Cristianesimo di Giovanni …
… di Giovanni che vede in Cristo il Logos che illumina il Cosmo.
Un cristianesimo non troppo legato alle chiese, neppure a quelle ortodosse, ma vivo nelle individualità. Ecco che i nomi fatti precedentemente, Dostoevskij, Tolstoj, Florenskij ed altri come Soloviev Berdjaev, Merezkovski ci appaiono veramente come precursori di questo cristianesimo futuro.
Nel tuo libro parli anche di Drieu La Rochelle, che alla fine della seconda guerra mondiale guardava alla Russia come il polo di aggregazione di tutta l’Europa.
Drieu La Rochelle, come Berdjaev e Florenskij, auspicava un nuovo Medioevo in alternativa all’individualismo dell’Occidente illuminista. Affidò prima le sue speranze all’ideologia fascista, poi assistendo alla disfatta militare, guardò, nei suoi ultimi giorni di vita, alla Russia di Stalin.
Vi è però una grande differenza con i pensatori russi, che peraltro avevano sperimentato sulla loro pelle il bolscevismo: per loro la rinascita spirituale si sarebbe realizzata con il risveglio delle facoltà mistiche nell’umanità, a partire dai popoli slavi; Drieu invece era affascinato da un potere autoritario che imponesse dall’alto una nuova società. In questo senso, Berdjaev e Florenskij appaiono molto più moderni, maggiormente proiettati verso il futuro rispetto a Drieu che rimane legate alle soluzioni di tipo giacobino. E fa riflettere il fatto che il francese abbia alla fine scelto la strada del suicidio, come un disperato personaggio di Dostoevskij …
Per finire, mi dai un parere su Limonov?
Personaggio interessante con un trascorso a suo modo “punk” (e qui chiudiamo il cerchio aperto con Ferretti) e con una tensione metafisica che si sviluppa col passare degli anni. Può sembrare l’altra faccia di Putin: opposto e complementare. Se Putin incarna l’orgoglio nazionale, la realpolitik e il sentimento di rispetto per la tradizione religiosa, Limonov mi sembra un uomo nuovo. O quantomeno un buon punto di partenza!
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dimanche, 01 septembre 2013
Entretien avec Tracy Chamoun
Tracy Chamoun: “L'extrémisme islamiste existe aussi chez vous, dans les pays occidentaux"
Interview. Héritière d’une grande famille politique maronite brisée par la guerre civile, Tracy Chamoun déplore l’aveuglement euro-américain. Rencontre sur fond de crise syrienne. Son grand-père, Camille Chamoun, fut président de la République libanaise de 1952 à 1958.
Lire aussi:
> Syrie : des experts de l’ONU attaqués
> Quand la chimie fait la guerre
> La vérité sur les armes chimiques en Syrie
> Syrie: les options du Pentagone
Son père, Dany, fut assassiné, en octobre 1990, avec sa femme et deux de ses jeunes enfants, par d’autres chrétiens. Alors âgée de 30 ans, résidant à l’étranger, Tracy échappa au massacre. Elle en tira un premier livre passionné et déchirant, Au nom du père (JCLattès, 1992). Son nouvel ouvrage, le Sang de la paix, se veut plus serein, porteur de valeurs pour l’avenir du Liban, tout en rappelant les responsabilités libanaises ou étrangères dans le sort de son pays. Elle est particulièrement sévère pour le chrétien Samir Geagea, le chef des Forces libanaises, et pour le clan sunnite Hariri. On peut ne pas partager toutes ses colères, on peut réfuter telle ou telle de ses analyses, mais ses épreuves, son courage et sa force de conviction font de Tracy Chamoun, 53 ans, une voix qui porte. Il faut savoir l’écouter.
Que représente votre engagement ?
J’ai un héritage politique à assumer, pour sauvegarder la démocratie et la liberté au Liban. Mes valeurs sont celles de la tradition libérale de ma famille : le non-confessionnalisme, l’égalité, la diversité, la défense de cette passerelle unique que représente le Liban entre l’Orient et l’Occident.
Que signifie être libéral-démocrate au Liban ?
Aujourd’hui, pas grand-chose. On nous vole nos droits démocratiques en nous privant d’élections législatives sous de faux prétextes. On nous prive d’une loi électorale qui favoriserait la représentation des différentes communautés. Ils amendent la Constitution comme bon leur semble pour proroger les mandats de nos hauts fonctionnaires d’une façon inconstitutionnelle.
Pourquoi le camp chrétien est-il encore si divisé ?
Il a été délibérément divisé. Faire sortir Samir Geagea de prison, en 2005, fut un choix politique. Il avait été arrêté en 1994, condamné à mort puis à la prison à vie pour avoir commis des crimes contre sa propre communauté, ce qui divisa et affaiblit les chrétiens, en vue de contrer le général Aoun.
Pouvez-vous pardonner aux chrétiens qui vous ont fait tant de mal ?
Les chrétiens ne m’ont fait aucun mal. Certains chefs chrétiens, oui, en particulier Samir Geagea, lorsqu’il commandita l’assassinat de ma famille.
Comprenez-vous l’alliance entre le général Aoun et le Hezbollah chiite ?
L’alliance entre chrétiens et chiites date de l’époque de mon grand-père. Il en fut même l’instigateur. Elle devait préserver ces communautés. L’étiquette terroriste est une qualification occidentale qui sert des intérêts politiques régionaux, mais le Hezbollah est un parti politique qui représente un très grand nombre de chiites.
Le Liban peut-il s’apaiser avec ce parti qui conserve sa milice armée ?
La résistance est une composante essentielle de la défense du pays contre les agressions successives d’Israël. Tant que nous n’avons pas une armée forte, on ne pourra pas se passer de la résistance armée du Hezbollah. Son désarmement devra se faire dans un contexte plus large de dialogue national, sous l’autorité de l’État libanais.
Comment évaluez-vous la crise en Syrie ?
Les intérêts de la communauté chrétienne du Liban sont intimement liés à la survie du régime de Bachar al-Assad. Il représente la seule option laïque face à la poussée de l’extrémisme islamiste et djihadiste. Nous avons combattu les Syriens lorsqu’ils occupaient notre pays, mais ils sont partis. Nous savons que la survie de notre communauté dépend de nos alliances avec toutes les minorités dans la région.
Pourquoi dites-vous que l’avenir de l’Occident se joue au Liban ?
Parce que la formule de coexistence au Liban est aussi une référence de base pour la survie des communautés occidentales. L’extrémisme islamiste qui émerge du conflit syrien existe aussi chez vous, dans les pays occidentaux, dont la France, qui alimentent ce conflit en hommes. Le risque est de voir cet extrémisme revenir chez vous, dans vos pays.
Que dire aux amis du Liban qui désespèrent du pays du Cèdre ?
Réveillez-vous !
Le Sang de la paix, de Tracy Chamoun, JCLattès, 200 pages, 19 €.
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samedi, 31 août 2013
Les attaques chimiques sont un coup monté
Syrie :
"Les attaques chimiques
sont un coup monté"
En exil depuis 35 ans, l’opposant Haytham Manna, responsable à l’étranger du Comité de Coordination nationale pour le changement démocratique (opposition syrienne non armée), s’oppose avec force à toute intervention étrangère contre son pays.
L’utilisation d’armes chimiques en Syrie pourrait amener les Occidentaux à "punir" le régime. Qu’en pensez-vous ?
HAYTHAM MANNA : Je suis totalement contre, tout comme la coordination que je dirige. Cela ne fera que renforcer le régime. Ensuite, une intervention risque d'attiser encore plus la violence, d'ajouter de la destruction à la destruction et de démanteler un peu plus la capacité de dialogue politique. Le régime est le premier responsable car il a choisi l’option militaro-sécuritaire. Mais comment peut-on parler de guerre contre le terrorisme et donner un coup de main à des extrémistes affiliés à Al Qaeda ?
Les Occidentaux choisissent la mauvaise option, selon vous ?
Depuis le début, c’est une succession d’erreurs politiques. Les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont poussé les parties à se radicaliser. Ils n’ont pas empêché le départ de djihadistes vers la Syrie et ont attendu très longtemps avant d’évoquer ce phénomène. Où est la démocratie dans tout ce projet qui vise la destruction de la Syrie ? Et pensez-vous que ce soit la morale qui les guide ? Lors du massacre d’Halabja [commis par les forces de Saddam Hussein en 1988], ils ont fermé les yeux. Je m’étonne aussi de voir que les victimes d’armes chimiques sont bien davantage prises en considération que les 100 000 morts qu’on a déjà dénombrés depuis le début du conflit.
Qui est responsable du dernier massacre à l’arme chimique ?
Je n’ai pas encore de certitude mais nos informations ne concordent pas avec celles du président Hollande. On parle de milliers de victimes, alors que nous disposons d’une liste de moins de 500 noms. On est donc dans la propagande, la guerre psychologique, et certainement pas dans la vérité. Ensuite, les armes chimiques utilisées étaient artisanales. Vous pensez vraiment que l’armée loyaliste, surmilitarisée, a besoin de cela ? Enfin, des vidéos et des photos ont été mises sur Internet avant le début des attaques. Or ce matériel sert de preuve pour les Américains !
Pensez-vous qu’une partie au conflit a voulu provoquer les Occidentaux à intervenir ?
C’est un coup monté. On sait que les armes chimiques ont déjà été utilisées par Al Qaeda. Or l’Armée syrienne libre et les groupes liés à Al Qaeda mènent en commun 80% de leurs opérations au nord. Il y a un mois, Ahmad Jarba [qui coordonne l’opposition armée] prétendait qu’il allait changer le rapport de forces sur le terrain. Or c’est l’inverse qui s’est produit, l’armée loyaliste a repris du terrain. Seule une intervention directe pourrait donc aider les rebelles à s’en sortir… Alors, attendons. Si c’est Al Qaeda le responsable, il faudra le dire haut et fort. Si c’est le régime, il faudra obtenir une résolution à l’ONU. Et ne pas laisser deux ou trois payer fédérer leurs amis, pas tous recommandables d’ailleurs.
Entre Occidentaux et Russes, quelle position vous semble la plus cohérente ?
Les Russes sont les plus cohérents car ils travaillent sérieusement pour les négociations de Genève 2 [sensées mettre autour d’une même table le régime et les opposants]. Les Américains ont triché. Deux ou trois fois, ils se sont retirés, au moment où s’opérait un rapprochement.
Une solution politique est-elle encore possible ?
Tout est possible mais cela dépendra surtout des Américains. Les Français se contentent de suivre. Une solution politique est la seule qui permettra de sauver la Syrie. Mais l’opposition armée ne parvient pas à se mettre d’accord sur une délégation.
Que deviendra Bachar al Assad?
Il ne va pas rester. Si les négociations aboutissent, elles mèneront de facto à un régime parlementaire. Si du moins on accepte de respecter le texte de base de Genève 2 qui est le meilleur texte, avec par-dessus un compromis international. Mais laissez-moi dire ceci : quand on parle de massacrer des minorités, et que le président fait partie d’une minorité, comment peut-on lui demander de se retirer ou ne pas se retirer ? Aujourd’hui, la politique occidentale a renforcé sa position de défenseur de l’unité syrienne et des minorités. Cela dit, personne ne pourra revendiquer de victoire : la violence est devenue tellement aveugle qu’il faudrait vraiment un front élargi de l’opposition et du régime pour en venir à bout.
François Janne d’Othée
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jeudi, 29 août 2013
Европа, глобализация и метаполитика
Европа, глобализация и метаполитика
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jeudi, 22 août 2013
U.S., Britain and New Big Game in Near East
U.S., Britain and New Big Game in Near East
Interview with Jeffrey Steinberg
1. Please give us a brief review of the contemporary situation in Egypt with respect to the recent government change and the recent riots, in Syria with respect to the ongoing civil war and insurgency, and in Turkey with respect to the recent socio-political crisis encountered by the Erdogan government.
The three situations must be treated as distinct but clearly all part of the same mosaic of change in the region. Regarding Egypt, more and more evidence is coming out publicly, indicating that the Morsi government was more interested in consolidating absolute Muslim Brotherhood control over the state apparatus than in governing on behalf of the entire Egyptian people. When somewhere between 10 and 22 million Egyptians turned out on the street on June 30 in a peaceful protest, demanding Morsi’s resignation, the Egyptian generals acted on that popular mandate. This is an old story in Egypt. The Army comes out of the Nasser tradition and sees itself as the guardians of the nation. They had evidence that the Muslim Brotherhood was planning a purge of the top generals, arrests of opposition leaders and a move to consolidate the “Ikhwanization” of the country. The interaction between the top leaders of the Muslim Brotherhood and the Army was intense prior to, during and after the ouster of Morsi. This is an ongoing process. Unless the Muslim Brotherhood decides to launch an all-out military campaign to take back power, they will be incorporated into the political process, including the upcoming elections. Morsi and Khayrat al-Shatar, the power behind the scenes within the Muslim Brotherhood, made the mistake of presuming that the Obama Administration would assure that they remained in power by pressuring the Army to stay in the barracks, regardless of what happened on June 30. Ultimately, the Muslim Brotherhood failed to live up to the mandate that they were given by the Egyptian people. General Martin Dempsey, the wise Chairman of the U.S. Joint Chiefs of Staff recently observed that modern history has seen very few successful revolutions. He noted that in almost every instance, except for the American Revolution, the first generation got it wrong, the next generation in power overcompensated and also got it wrong, and the third generation managed to get it mostly right. We are at the very early stages of the Egyptian revolution. Economic well-being for the vast majority of Egyptians is the ultimate test. Egypt has water, which is the most precious commodity in the region, and has the capacity to grow vast amounts of food. Development projects have been on the drawing board for a long time. This will be the measure of success of the future governments.
The Syria crisis is a tragedy in almost every respect. No one involved in the Syria events of the past two-and-a-half years is immune from some responsibility for the bloodshed and the near-total destruction of a nation. A country that was once a model of communal integration (Sunni, Shiite, Alawite, Kurd, Druze, Christian) and was a birthplace of Christianity has been thoroughly Balkanized into warring factions. Outside powers played the Syrian situation to their own interests and advantages. President Obama, declared that President Bashar al-Assad had to go almost two years ago, before receiving any intelligence or military assessments of the situation there. Saudi Arabia, Qatar and Turkey all jumped into the situation early on, promoting an armed Syrian opposition that was expected to oust President Assad in short order. Now, Syria is the epicenter of a regional sectarian conflict between Sunni and Shiites/Alawites that has spread to Turkey, Iraq, Lebanon, Jordan. The British have been promoting just such a sectarian “Hundred Years War” within the Muslim world as part of a classic Malthusian population reduction campaign. Saudi hatred for the Syrian Alawites has been exploited by London, assuring that arms and cash have been flowing into the hands of a global Sunni jihadist apparatus. Now, the Obama Administration is weighing in with covert support for a more “moderate” anti-Assad Free Syrian Army, centered in Jordan. Weapons that were confiscated after the execution of Muammar Qaddafi in Libya in late 2011 have been smuggled into the hands of Syrian rebels, including the Al Qaeda-linked Al Nusra Front since April 2012. The program has been coordinated out of the Obama White House and managed by the CIA. President Obama has his own “Iran-Contra” scandal brewing and is attempting to cover up for crimes that have been ongoing for over a year and which could lead to his impeachment. At one point, the danger of the Syrian crisis triggering a global war prompted US Secretary of State John Kerry and Russian Foreign Minister Sergei Lavrov to attempt to convene a Geneva II peace conference, as a way to avoid the situation slipping totally out of anyone’s control. That Geneva II option remains the last best hope that further destruction of the entire region, and a possible trigger for general war can be prevented.
There are some significant parallels between the Erdogan government in Turkey and the recently deposed Morsi Muslim Brotherhood government in Egypt. Since coming into power, Prime Minister Erdogan had pursued a policy of economic and political cooperation with all of Turkey’s neighbors. That policy served Turkey well for several years, building trade with Russia and Iran, settling Kurdish conflicts involving both Turkey and Syria, and building a strong economic bridge with the Kurdish Regional Government in Iraq, without damaging Ankara-Baghdad relations. When the Syrian protests erupted in early 2011, President Obama urged Prime Minister Erdogan (one of the few foreign heads of state to have any kind of personal relationship with the US President) to “take the lead” in pressing for Assad’s rapid removal from power. Erdogan presumed that Washington would make good on its demand for Assad’s removal from power. Given the US role in the overthrow and execution of Qaddafi in Libya, and given the Obama Administration’s strong promotion of humanitarian interventionism and “R2P” (“Responsibility to Protect”), post-Westphalian dogmas permitting a full range of intervention into the internal affairs of formerly sovereign states, Erdogan was not totally foolish in his expectation that Washington would run a replay of Libya in the Eastern Mediterranean and Assad’s days were numbered. That prospect never materialized, and as the result, the Turkish people are becoming disillusioned with the Erdogan AKP approach. The Turkish Army, having been a target of Erdogan purges, is becoming restless. The Turkey situation has become an important piece of the regional disintegration. Economic and political agreements with Iran, Russia, Syria and even Iraq are now in doubt. Turkey is facing a period of potential turmoil. The European economic crisis, far from being solved, will add further fuel to the fire in Turkey.
2. What is nature of the Arab Spring, and how do you see the Arab Spring developing in the future?
There are two dimensions to the Arab Spring that are generally ignored. First, a combination of economic depravations and political persecution created a “perfect storm” for popular dissatisfaction to spill over into mass action. In Tunisia, as well as Egypt, a well-educated segment of youth revolted over the fact that they had no prospect for a future in their own country. The initial impulse was that of a classic “mass strike” when a large percentage of the population concluded that they had nothing left to lose, and they seized upon a symbolic event and launched a public demand for change. Second, once events on the ground reached a critical mass, external political forces intervened for self-serving reasons. London wants a permanent war of “each against all” to reduce the population levels in the developing world. Saudi Arabia and Qatar, two rival Wahhabi monarchies, began pouring money into contending factions of the Islamist opposition and the militaries. The Obama Administration concluded that the Muslim Brotherhood were the safest representatives of “political Islam” and began backing them in both Egypt and Syria. The fact that the United States has turned Qatar into a forward-based hub of Washington power projection in the region has, up until the recent change of power in Qatar, meant a combined Doha-Washington backing for the Muslim Brotherhood as the “pragmatic” Islamists. There is a serious reassessment now underway in Washington. The outside factors made it impossible for the internal dynamics of Egypt and Syria to come to an understanding about a way forward. At no time was there adequate outside economic assistance to provide breathing room for a raw political process to evolve. The standard IMF recipes for economic starvation and “shock therapy” privatization and de-subsidization made matters worse.
3. What is the role of the Muslim Brotherhood in Syria and in Egypt?
Historically, the Muslim Brotherhood was a creation of the Sykes-Picot colonial process and of British intelligence. The organization evolved, spread, spawned a far more virulent network of more radical jihadists including Al Qaeda. A long exile in Saudi Arabia, following the Nasser crackdown against the Brotherhood beginning in the 1950s, spawned a new neo-Salafist phenomenon. When Hafez Assad launched his own harsh crackdown against the Syrian Muslim Brothers in the early 1980s, that led to a second wave migration and exile in Saudi Arabia. Under the influence of Dr. Bernard Lewis, a British intelligence “Arabist” who is also a leading Zionist, successive American administrations adopted the “Islamic Card” as a tool to bring down the Soviet Union. The Afghan War of the 1980s saw British and American intelligence deepen the alliance with the Muslim Brothers. This spawned Al Qaeda and a large number of groups that were foreign fighters brought to Afghanistan as “muhahideen” trained and armed to fight the “Godless” Soviet Red Army. The Libyan Islamic Fighting Group (LIFG), an arm of Al Qaeda created by Afghanzi fighters who returned to Libya after that Soviet withdrawal from Afghanistan, is exemplary of the spreading neo-Salafist problem that emerged out of the “Bernard Lewis Plan” to play Islam against Communism. When Communism collapsed in the early 1990s, the West in general and the United States in particular became the “New Satan” to be targeted. The Obama Administration’s belief that the Muslim Brotherhood was potential allies led to a string of policy blunders and mishaps that are still playing out. In recent weeks, Washington’s love affair with the Muslim Brotherhood has fractured. The ouster of the Emir and prime minister of Qatar has weakened the financial support for the Muslim Brotherhood. It is too early to say what the next phase of the process will look like, but the naïve presumptions about the Muslim Brotherhood are being severely challenged right now.
4. Is there a difference between the policy supported by General Dempsey and Defence Secretary Hagel on the one hand and the State Department and White House forces on the other? If yes, please explain these differences.
There are significant differences. General Dempsey is a leading figure in a war-avoidance faction inside the governing institutions of the United States. He has taken a courageous stand, opposing direct US military engagement in Syria. He wants to bring home the American troops who have been engaged for over a decade in Afghanistan, and he wants to assure that there is never again a long war that drains the armed forces and the nation’s resources of the US. He has the backing of Defense Secretary Hagel in this quest. General Dempsey believes that it is a priority to deepen cooperation with Russia and China, the other two leading world military powers. He judges all military options from a global overview. The contrasting views inside the Obama Administration are centered at the White House with people like Dr. Susan Rice and the former Special Assistant to the President Samantha Power, now the President’s nominee to replace Rice at the UN. They are extreme proponents of humanitarian interventionism. In that respect the “liberal” humanitarian interventionists are soul mates of the neoconservatives of the Bush-Cheney era. It is ironic but also not surprising that the leading war-avoidance forces in the United States are active duty and retired flag officers of the armed forces, who have lived through the hell of the post-911 long wars and want no more of it. They are painfully aware that a conflict that pits the United States against Russia and/or China could lead to thermonuclear war and extinction of mankind. They understand war as Dr. Rice and Samantha Power (and President Obama) do not.
5. What is the role of Israel and of the U.S. Israeli lobby in the contemporary upheaval in the Middle East and the Eastern Mediterranean in general?
The Revisionist Zionist Movement, founded by Jabotinsky and now ruling Israel under Netanyahu, is a British colonial creation—part of the divide and conquer strategy that the British and French imposed on the Middle East from the end of World War I. Israel and the Israeli Lobby, as such, are expendable pawns in the larger British game. To the extent that Israel has any pretence of being a sovereign state, they have been pursuing a series of tragic self-destructive policies ever since the assassination of Prime Minister Yitzhak Rabin in 1995 after his historic Oslo Agreement with Yasser Arafat and the PLO. Without a drastic change in policy, Israel is likely doomed. The Israeli Lobby is a powerful force in Washington politics but is not all-powerful. Right now, their focus is on Iran. Their primary objective is to keep up pressure on President Obama to where he will eventually take military action for regime change in Iran. That could be a trigger for all-out war, which is exactly what General Dempsey and the rest of the JCS want to avoid at all costs. Israel was, ironically, sidelined as a minor player in the unfolding events in Egypt and Syria. There is no good outcome of the Syrian mess from Israel’s standpoint. They had a truce with the Assad governments in Syria and came close on several occasions to formalizing it in a Camp David-style treaty with Damascus. Israel may appreciate the benefits of the Syrian Army being gutted, but they do not welcome a Jihadist state on their northern border. The British will sell out Israel in a heart-beat to pursue their new game of permanent brutal sectarian war within Islam.
6. Which is the strategy of Netanyahu and the Zionist political forces in general in the fields of geopolitics and geoeconomics?
The Netanyahu Zionists want to maintain the status quo of gradual absorbtion of the entirety of the West Bank into a Jewish state. They will exploit so-called peace negotiations with the Palestinians to stall, as new settlement expansion accelerates by the day. As pawns of larger forces, including the British, they do not really have a strategic vision. They have integrated their high-tech aerospace and electronics sector into the United States economy to such an extent that they are defacto the 51st state. Most Israeli high-tech companies have their stock traded on the NASDAQ exchange in New York. A majority of Israeli Jews are so fed up with the madness dominating Israeli politics that they would prefer to live in the United States.
Interviewed by Dr Nicolas Laos (member of the faculty of International Relations at the University of Indianapolis, Athens Campus (Greece) and a columnist of the Greek political daily newspaper "Ellada").
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jeudi, 11 juillet 2013
Ernst Jünger et la révolution conservatrice
Dominique Venner, Le choc de l'histoire
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dimanche, 07 juillet 2013
Entretien avec Pierre Le Vigan
« J’ai écrit jeune dans des revues ou bulletins de la droite radicale.
J’y ai toujours un peu fait figure d’atypique, mais en fait, il y a bien plus d’atypiques qu’on ne le croit dans ce milieu »
Entretien avec Pierre Le Vigan, auteur du Front du Cachalot (éditions Dualpha)
(Propos recueillis par Fabrice Dutilleul)
Né en 1956, Pierre Le Vigan a grandi en proche banlieue de Paris. Il est urbaniste et a travaillé dans le domaine du logement social. Collaborateur de nombreuses revues depuis quelque 30 ans, il a abordé des sujets très divers, de la danse à l’idéologie des droits de l'homme, en tentant toujours de s'écarter des pensées préfabriquées. Attentif tant aux mouvements sociétaux ou psychiques qu'aux idées philosophiques, il a publié, notamment dans la revue Éléments, des articles nourris de ses lectures et de ses expériences et a été un des principaux collaborateurs de Flash Infos magazine.
Pour quoi avoir réuni vos carnets sous ce titre ?
C’est le mystère que j’ai voulu exprimer, le mystère de nos destinées, de notre présence terrestre. D’où mon allusion au front « chaldéen », donc difficilement déchiffrable, et toujours polysémique, du cachalot, front plein de traces, de griffures, de vestiges. Cet animal, un cétacé et un mammifère, est un peu notre frère et notre double. C’est le miroir de notre force et de notre fragilité. C’est pourquoi Philippe Randa a mis une photo de cachalot sur la couverture de mon livre.
Racontez-nous votre itinéraire…
En deux mots, j’ai écrit jeune dans des revues ou bulletins de la droite radicale, dirigés par Maurice Bardèche, François Duprat et Jean-Gilles Malliarakis, notamment. J’y ai toujours un peu fait figure d’atypique, mais en fait, il y a bien plus d’atypiques qu’on ne le croit dans ces milieux. Très vite, je me suis intéressé à la Nouvelle droite en étant malgré tout un peu allergique à certains de ses aspects, jusqu’en 1975/1980. Après, je me suis retrouvé de plus en plus en phase avec les gens d’Éléments, qui est d’ailleurs le magazine qui a accueilli une partie de mes carnets avant leur publication dans Le Front du Cachalot.
De quoi parlez-vous dans Le Front du Cachalot ?
De politique, de l’amour, de l’art, des doutes… C’est un peu une maïeutique. Elle est à usage collectif. Le moi n’est pas important. Ce qui compte, c’est le « nous » : comment allons « nous » construire quelque chose ensemble ? Comment allons-nous « nous » libérer de ce monde gris et moche de la marchandise, de la « pub », de la non-pensée, des slogans ?
Vous parlez de maïeutique à propos de vos carnets, c’est donc un peu une histoire de réminiscence ?
Oui, le chaldéen auquel je faisais allusion, c’est une langue, c’est l’araméen, cela remonte loin. Je pars du principe suivant : nous en savons toujours plus que nous ne le croyons, plus sur nous et plus sur le monde. Seulement, cela nous encombre un peu, ce que nous savons. Cela nous fait peur, alors nous travaillons à oublier ce que nous savons.
Le Front du Cachalot de Pierre Le Vigan, éditions Dualpha, collection «À nouveau siècle, nouveaux enjeux», dirigée par Philippe Randa, 578 pages, 35 euros.
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vendredi, 05 juillet 2013
Les enjeux écologiques et énergétiques par Laurent Ozon
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jeudi, 04 juillet 2013
Dominique Venner: entretien sur la chasse
Dominique Venner: entretien sur la chasse
Ex: http://archaion.hautetfort.com/
Voici, datant de 2001, un entretien avec Dominique Venner, publié à l’occasion de la parution de son Dictionnaire amoureux de la chasse. Il me paraît convenir, pour un dernier adieu, de laisser parler Dominique Venner.
Christopher Gérard: Qui êtes-vous ? Comment vous définissez-vous ? Un loup-garou, un gerfaut ?
Je suis un Français d’Europe, un Européen de langue française, d’ascendance celtique et germanique. Par mon père, je suis d’une ancienne souche paysanne et lorraine, venue de Suisse alémanique au XVIIe siècle. La famille de ma mère, où l’on était souvent militaire, est originaire de Provence et du Vivarais. Moi-même je suis né à Paris. La généalogie a donc fait de moi un Européen. Mais la naissance serait une qualité insuffisante sans la conscience d’être ce que l’on est. Je n’existe que par des racines, une tradition, une histoire, un territoire. J’ajoute que, par destination, j’étais voué à l’épée. Il en est sûrement resté quelque chose dans l’acier de ma plume, instrument de mon métier d’écrivain et d’historien. Faut-il ajouter à ce bref portrait l’épithète de loup-garou ? Pourquoi pas ? Effroi des bien-pensants, initié aux mystères de la forêt, le loup-garou est un personnage en qui je peux me reconnaître.
Dans Le Cœur rebelle (Belles Lettres, 1994), vous évoquez avec sympathie “ un jeune homme intolérant qui portait en lui comme une odeur d’orage ” : vous-même au temps des combats militaires en Algérie puis politiques en France. Qui était donc ce jeune Kshatriya, d’où venait-il, quels étaient ses maîtres, ses auteurs de prédilection ?
C’est ici que l’on retrouve l’allusion au “ gerfaut ” de votre première question, souvenir d’une époque grisante et dangereuse où le jeune homme que j’étais croyait pouvoir inverser un destin contraire par une violence assumée. Cela peut paraître extrêmement présomptueux, mais, à l’époque, je ne me reconnaissais pas de maître. Certes, j’allais chercher des stimulants et des recettes dans le Que faire? de Lénine ou dans Les Réprouvés d’Ernst von Salomon. J’ajoute que des lectures enfantines avaient contribué à me forger une certaine vision du monde qui s’est finalement assez peu démentie. En vrac, je citerai Éducation et discipline militaire chez les Anciens, petit livre sur Sparte qui me venait de mon grand-père maternel, un ancien officier, La Légende de l’Aigle de Georges d’Esparbès, La Bande des Ayaks de Jean-Louis Foncine, L’Appel de la forêt de Jack London, en attendant de lire beaucoup plus tard l’admirable Martin Eden. Il s’agissait là des livres formateurs de ma dixième ou douzième année. Plus tard, vers vingt ou vingt-cinq ans, j’étais naturellement passé à d’autres lectures, mais les librairies étaient alors peu fournies. C’était une époque de pénurie intellectuelle dont on n’a pas idée aujourd’hui. La bibliothèque d’un jeune activiste, même dévoreur de livres, était mince. Dans la mienne, en plus d’ouvrages historiques, figurait en bonne place Réflexions sur la violence de Georges Sorel, Les Conquérants de Malraux, Généalogie de la morale de Nietzsche, Service inutile de Montherlant ou encore Le Romantisme fasciste de Paul Sérant, révélation des années soixante. On voit que cela n’allait pas très loin. Mais si mes idées étaient courtes, mes instincts étaient profonds. Très tôt, alors que j’étais encore soldat, j’avais senti que la guerre d’Algérie était bien autre chose que ce qu’on en disait ou que pensaient les naïfs défenseurs de l’“ Algérie française ”. J’avais perçu qu’il s’agissait pour les Européens d’un combat identitaire puisqu’en Algérie ils étaient menacés dans leur existence même par un adversaire ethnique. J’avais senti également que nous défendions là-bas — très mal — les frontières méridionales de l’Europe. Contre les invasions, les frontières se défendent toujours au-delà des mers ou des fleuves.
Dans ce même livre, qui est un peu votre autobiographie, vous écrivez : “ Je suis du pays de l’arbre et de la forêt, du chêne et du sanglier, de la vigne et des toits pentus, des chansons de geste et des contes de fées, du solstice d’hiver et de la Saint-Jean d’été ”. Quel drôle de paroissien êtes-vous donc ?
Pour dire les choses de façon brève, je suis trop consciemment européen pour me sentir en rien fils spirituel d’Abraham ou de Moïse, alors que je me sens pleinement celui d’Homère, d’Epictète ou de la Table Ronde. Cela signifie que je cherche mes repères en moi, au plus près de mes racines et non dans un lointain qui m’est parfaitement étranger. Le sanctuaire où je vais me recueillir n’est pas le désert, mais la forêt profonde et mystérieuse de mes origines. Mon livre sacré n’est pas la Bible, mais l’Iliade (1), poème fondateur de la psyché occidentale, qui a miraculeusement et victorieusement traversé le temps. Un poème qui puise aux mêmes sources que les légendes celtiques et germaniques dont il manifeste la spiritualité, si l’on se donne la peine de le décrypter. Pour autant, je ne tire pas un trait sur les siècles chrétiens. La cathédrale de Chartres fait partie de mon univers au même titre que Stonehenge ou le Parthénon. Tel est bien l’héritage qu’il faut assumer. L’histoire des Européens n’est pas simple. Après des millénaires de religion indigène, le christianisme nous fut imposé par une suite d’accidents historiques. Mais il fut lui-même en partie transformé, “ barbarisé ” par nos ancêtres, les Barbares, Francs et autres. Il fut souvent vécu comme une transposition des anciens cultes. Derrière les saints, on continuait de célébrer les dieux familiers sans se poser de grandes questions. Et dans les monastères, on recopiait souvent les textes antiques sans nécessairement les censurer. Cette permanence est encore vraie aujourd’hui, mais sous d’autres formes, malgré les efforts de prédication biblique. Il me semble notamment nécessaire de prendre en compte l’évolution des traditionalistes qui constituent souvent des îlots de santé, opposant au chaos ambiant leurs familles robustes, leurs enfants nombreux et leur groupement de jeunes en bonne forme. La pérennité de la famille et de la patrie dont ils se réclament, la discipline dans l’éducation, la fermeté dans les épreuves n’ont évidemment rien de spécifiquement chrétien. Ce sont les restes de l’héritage romain et stoïcien qu’avait plus ou moins assumé l’Église jusqu’au début du XXe siècle. Inversement, l’individualisme, le cosmopolitisme actuel, le culpabilisme sont bien entendu les héritages laïcisés du christianisme, comme l’anthropocentrisme extrême et la désacralisation de la nature dans lesquels je vois la source d’une modernité faustienne devenue folle et dont il faudra payer les effets au prix fort.
Dans Le Cœur rebelle, vous dites aussi “ Les dragons sont vulnérables et mortels. Les héros et les dieux peuvent toujours revenir. Il n’y a de fatalité que dans l’esprit des hommes ”. On songe à Jünger, que vous avez connu, qui voyait à l’œuvre Titans et Dieux…
Tuer en soi les tentations fatalistes est un exercice qui ne tolère pas de repos. Quant au reste, laissons aux images leur mystère et leurs radiations multiples, sans les éteindre par une interprétation rationnelle. Le dragon appartient de toute éternité à l’imaginaire occidental. Il symbolise tour à tour les forces telluriques ou les puissances malfaisantes. C’est par la lutte victorieuse contre un monstre qu’Héraclès, Siegfried ou Thésée ont accédé au statut de héros. A défaut de héros, il n’est pas difficile de reconnaître dans notre époque la présence de divers monstres que je ne crois pas invincibles même s’ils le paraissent.
Dans votre Dictionnaire amoureux de la chasse (Plon, 2000), vous dévoilez les secrets d’une passion fort ancienne et vous décrivez à mots couverts les secrets d’une initiation. Que vous ont apporté ces heures de traques, en quoi vous ont-elles transformé, voire transfiguré ?
Malgré son titre, ce Dictionnaire amoureux n’a rien d’un dictionnaire. Je l’ai conçu comme un chant panthéiste dont la chasse est le prétexte. Je dois à celle-ci mes plus beaux souvenirs d’enfance. Je lui dois aussi d’avoir pu survivre moralement et de m’être rééquilibré dans les périodes de désespoir affreux qui ont suivi l’effondrement de mes espérances juvéniles. Avec ou sans arme, par la chasse, je fais retour à mes sources nécessaires : la forêt enchantée, le silence, le mystère du sang sauvage, l’ancien compagnonnage clanique. A mes yeux, la chasse n’est pas un sport. C’est un rituel nécessaire où chacun, prédateur ou proie, joue la partition que lui impose sa nature. Avec l’enfantement, la mort et les semailles, je crois que la chasse, si elle est vécue dans les règles, est le dernier rite primordial à échapper partiellement aux défigurations et manipulations mortelles de la modernité.
Toujours dans ce livre, vous évoquez plus d’un mythe ancien, plus d’une figure de panthéons encore clandestins. Je pense au mythe de la Chasse sauvage et à la figure de Mithra. Que vous inspirent-ils ?
On pourrait allonger la liste, notamment avec Diane-Artémis, Déesse des enfantements, protectrice des femmes enceintes, des femelles pleines, des enfants vigoureux, de la vie à son aurore. Elle est à la fois la grande prédatrice et la grande protectrice de l’animalité, ce que sont aussi les meilleurs chasseurs. Sa figure s’accorde avec l’idée que les Anciens se faisaient de la nature, tout à l’opposé de l’image douceâtre d’un Jean-Jacques Rousseau et des promeneurs du dimanche. Ils la savaient redoutable aux faibles et inaccessible à la pitié. C’est par la force qu’Artémis défend le royaume inviolable de la sauvagerie. Elle tue férocement les mortels qui, par leurs excès, mettent la nature en péril. Ainsi en fut-il de deux chasseurs enragés, Orion et Actéon. En l’outrageant, ils avaient transgressé les limites au-delà desquelles l’ordre du monde bascule dans le chaos. Le symbole n’a pas vieilli, bien au contraire.
S’il est une figure omniprésente dans votre livre, c’est la forêt, refuge des proscrits et des rebelles…
Toute la littérature du Moyen Age, chansons de geste ou roman du cycle breton, gorgée qu’elle est de spiritualité celtique, brode invariablement sur le thème de la forêt, univers périlleux, refuge des esprits et des fées, des ermites et des insoumis, mais également lieu de purification pour l’âme tourmentée du chevalier, qu’il s’appelle Lancelot, Perceval ou Yvain. En poursuivant un cerf ou un sanglier, le chasseur pénétrait son esprit. En mangeant le cœur du gibier, il s’appropriait sa force même. Dans le Lai de Tyolet, en tuant le chevreuil, le héros devient capable de comprendre l’esprit de la nature sauvage. Je ressens cela très fortement. Pour moi, aller en forêt est beaucoup plus qu’un besoin physique, c’est une nécessité spirituelle.
Pouvez-vous conseiller quelques grands romans de chasse toujours disponibles ?
Je pense d’emblée aux Veillées de Saint-Hubert du marquis de Foudras, recueil de nouvelles qui vient d’être réédité par Pygmalion. Foudras était un merveilleux conteur, comme son compatriote et successeur Henri Vincenot — dont il faut lire naturellement La Billebaude. Il était à l’univers des châteaux et de l’ancienne vénerie ce que Vincenot est à celui des chaumières et de la braconne. Parmi les grands romans qui font accéder aux mystères de la chasse, je place très haut Le Guetteur d’ombres de Pierre Moinot, qui va au-delà du récit littéraire bien ficelé. Dans l’abondante production de Paul Vialar, rendu célèbre par La grande Meute, j’ai un faible pour La Croule, nom qui désigne le chant nuptial de la bécasse. C’est un joli roman assez rapide dont le héros est une jeune femme comme on aimerait en rencontrer de temps en temps, et que possède la passion du domaine ancestral. Je suggère aussi de lire La Forêt perdue, bref et magnifique roman médiéval dans lequel Maurice Genevoix fait revivre l’esprit de la mythologie celtique à travers la poursuite impossible d’un grand cerf invulnérable par un veneur acharné, en qui l’on découvre une jeune et intrépide cavalière à l’âme pure.
Equinoxe de printemps MMI
(1) Dominique Venner précise que la traduction âpre et scandée de Leconte de Lisle (vers 1850) a sa préférence. Cette version de l’Iliade et de l’Odyssée est disponible en deux volumes aux éditions Pocket.
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