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jeudi, 03 octobre 2013

Michel Collon à "Algerie patriotique"


Ex: http://www.michelcollon.info

Algeriepatriotique : Comment évaluez-vous le développement de la situation en Syrie en ce moment ?


Michel Collon : Je crois que l’on assiste à un tournant historique. On voit que les Etats-Unis, qui ont été, jusqu’à présent, très arrogants et se permettaient de déclencher des guerres assez facilement, sont maintenant face à une résistance très forte en Syrie, face aussi à un refus de la Russie et face à la résistance croissante des pays du Sud. Le sentiment qui se développe en Amérique latine, en Afrique, dans le monde arabe aussi et en Asie bien entendu, est que les Etats-Unis sont une puissance déclinante, qu’ils mènent une politique égoïste visant seulement à voler les richesses pendant que les peuples restent dans la pauvreté, et qu’il est donc temps de résister à ces guerres qui sont purement économiques, des guerres du fric, et qu’il faut construire un front par rapport aux Etats-Unis et à leurs alliés européens, puisque l’Europe suit les Etats-Unis de manière très docile et hypocrite et est impliquée dans ce système.


Nous avons réalisé une série d’entretiens avec des personnalités aussi divergentes les unes que les autres, notamment Paul Craig Roberts qui fut conseiller de Reagan. Un point revient souvent : dans le monde occidental, aujourd’hui, les anti-guerre par rapport à ceux qui dénonçaient la guerre du Vietnam, par exemple, sont à droite. Pourriez-vous nous faire un commentaire à ce sujet ?

Nous avions, en Europe, un mouvement anti-guerre extrêmement puissant qui s’était développé justement pendant la guerre du Vietnam. Ce mouvement a été très affaibli. On en a vu encore une pointe en 2003 au moment où Bush a attaqué l’Irak et où nous étions des millions dans la rue, mais il faut bien constater que quand les Etats-Unis ont attaqué la Libye, quand ils sont intervenus en Yougoslavie et en Afghanistan, il n’y a pas eu de forte résistance. Je pense qu’il faut analyser le problème en se demandant comment la Gauche européenne qui avait toujours été en principe anti-guerre, anti-coloniale, anti-injustices sociales, se retrouve maintenant, à de très rares exceptions, aux côtés des Etats-Unis et de l’Otan, dans une grande alliance qui englobe Israël, l’Arabie Saoudite, le Qatar et toutes ces dictatures épouvantables qui prétendent qu’elles vont apporter la démocratie en Syrie. Et la gauche européenne marche avec ça ? C’est une comédie et il est très important d’expliquer d’où cela provient. Je pense qu’on a perdu le réflexe de se méfier du colonialisme, de refuser la guerre et de rechercher des solutions politiques aux problèmes. On a perdu cette idée que les nations ont le droit de décider de leur système social, de leur avenir, de leurs dirigeants et que ce n’est pas à l’Occident colonial de dire qui doit diriger tel ou tel pays. Nous avons un grand examen de conscience et une analyse à faire : comment se fait-il que ceux qui devraient être à gauche se retrouvent avec ceux que je considère, moi, comme l’extrême droite, à savoir Israël, l’Arabie Saoudite et le Qatar ?

D’après les informations que nous avons récoltées à travers nos entretiens et qui se confirment, Barack Obama serait otage du lobby israélien, notamment via l’Aipac et ses partisans, comme Susan Rice, Lindsay Graham, etc., et les néo-conservateurs pro-israéliens. Qu’en pensez-vous ?

C’est une thèse très répandue que les Etats-Unis sont dirigés par Israël et je ne suis pas d’accord avec cette position. Je pense, en fait, que c’est le contraire. Ce n’est pas le chien qui commande à son maître, c’est le maître. Quand vous regardez l’économie israélienne et son budget, vous voyez bien que la force est aux Etats-Unis et qu’Israël est ce que j’appelle le « porte-avions » des Etats-Unis au Moyen-Orient. Bien sûr, le lobby est un phénomène qui joue, mais le jour où l’élite des Etats-Unis décidera qu’Israël ne nous est plus utile ou qu’il nous fait du tort parce que tout le monde arabe est en train de résister et nous allons perdre notre crédit et notre marge de manœuvre au Moyen-Orient, ce jour-là, les Etats-Unis lâcheront Israël. Il y a des fantasmes sur le lobby juif qui dirigerait le monde, mais je ne crois pas à cette théorie.

L’Aipac n’est pas une vue de l’esprit…

Nous sommes dans un monde dirigé par les multinationales. Quand vous voyez qui a le pouvoir de contrôler les richesses, de décider l’économie, de contrôler Wall Street, la City, Frankfurt, etc., ce sont des multinationales. Et le fait qu’il y ait quelques patrons juifs n’est pas le problème. Je pense vraiment que l’on doit s’en prendre au système des multinationales et ne pas prendre la conséquence pour la cause.

Vous avez dit dans l’émission de Taddéï : « Vous m’inviterez un jour car ce sera au tour de l’Algérie d’être ciblée par une frappe ou une guerre. » Le pensez-vous toujours ?

Oui, je pense que ce qu’il se passe en Tunisie et au Mali et l’attaque contre la Syrie annoncent qu’effectivement les Etats-Unis sont en train d’exécuter un plan de recolonisation de l’ensemble du monde arabe et des pays musulmans – puisqu’il y a l’Iran aussi – qui ont échappé au colonialisme classique. Clairement, l’Algérie fait partie des cibles, comme l’Iran, et donc il est très important de voir qu’en défendant l’autodétermination du peuple syrien, on empêche les Etats-Unis d’attaquer les cibles suivantes. Ce que je dis dans ce cas, c’est que, en fait, il s’agit toujours de la même guerre. Nous sommes dans les différents chapitres d’une même guerre de recolonisation.

Entretien réalisé par Mohsen Abdelmoumen

 

Source : Michel Collon pour Algérie Patriotique

vendredi, 27 septembre 2013

Entretien avec Lucien Cerise

Entretien avec Lucien Cerise auteur de "Oliganarchy"

 

Version revue et retouchée pour Égalité & Réconciliation du texte paru dans Rébellion, n°58 mars/avril 2013.

Ex: http://www.scriptoblog.com

Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?

Venant de l'extrême gauche de l'échiquier politique, je vote « Non » en 2005 au référendum sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe, comme 55 % des votants. Quand je vois au cours des années 2006 et 2007 ce que le pouvoir fait du scrutin, cela me décide à m'engager dans les mouvements anti-Union européenne et antimondialistes, donc nationalistes, autonomistes et localistes. L'autogestion signifie pour moi « liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes » ainsi que « souveraineté » dans tous les sens du terme : alimentaire, énergétique, économique, politique et cognitive. Au fil du temps et des rencontres, je me suis rendu compte que le clivage politique droite/gauche est en fait complètement bidon et que la seule différence à considérer est entre la vie et la mort.

En 2010, vous faisiez paraître Gouverner par le chaos – Ingénierie sociale et mondialisation chez Max Milo. Pouvez-vous revenir sur l'origine de votre réflexion et sur votre choix de l'anonymat ?

L'origine est multiple. D'abord, comme beaucoup de monde, j'ai observé chez nos dirigeants politiques, économiques et médiatiques une telle somme d'erreurs et une telle persistance dans l'erreur que j'ai été amené à me demander s'ils ne le faisaient pas exprès. En Occident, les résultats catastrophiques des orientations prises depuis des décennies sont évidents à court terme, si bien qu'on ne peut leur trouver aucune excuse. Une telle absence de bon sens est troublante. Cela induit un vif sentiment de malaise, qui peut devenir une dépression plus ou moins larvée, qui a été mon état pendant longtemps. J'en suis sorti progressivement, mais certains éléments ont été plus décisifs que d'autres pour me faire comprendre ce qui se passait vraiment et l'origine de ce malaise.

 


La lecture de La Stratégie du choc, de Naomi Klein, a été un choc, justement. On comprend enfin à quoi servent ce que l'on pourrait appeler les « erreurs volontaires » de nos dirigeants. Dans un premier temps, on attribue leurs erreurs à de la stupidité, ou à de la rapacité aveugle. En réalité, ces erreurs volontaires obéissent à une méthode générale tout à fait rationnelle et maîtrisée, développée sur le long terme et qui envisage positivement le rôle de la destruction. La Stratégie du choc aborde pour la première fois dans un livre pour le grand public cette doctrine de la destruction positive, qui constitue le cœur du capitalisme depuis le XVIIIe siècle et qui repose sur des crises provoquées et récupérées. Klein met cela en parallèle avec les méthodes de torture et de reconditionnement mental du type MK-Ultra, qui procèdent de la même inspiration : détruire ce que l'on ne contrôle pas, pour le reconstruire de manière plus « rationnelle » et assujettie.

En 2003, j'avais aussi fait des recherches sur le groupe de conseillers ultra-sionistes qui entourait Georges W. Bush et qu'on appelle les néoconservateurs. Je me suis plongé dans leurs publications, A Clean Break, le PNAC, ainsi que dans leur maître à penser, Leo Strauss, lequel m'a ramené sur Machiavel et sur Kojève, et sur une approche de la politique qui ne dédaigne pas le Fürherprinzip de Carl Schmitt, l'État-total cher à Hegel, ni de faire usage de « moyens extraordinaires », selon le bel euphémisme de l'auteur du Prince. De là, je suis allé voir du côté de la synarchie, avec Lacroix-Riz, puis j'ai élargi mon étude à tous ces clubs, groupes d'influence, sociétés secrètes et discrètes qui n'apparaissent que rarement dans les organigrammes officiels du pouvoir.

Par ailleurs, au cours de ces années, j'ai été en contact de deux manières différentes avec le monde du consulting, dans ses diverses branches : management, marketing, intelligence artificielle, mémétique, ingénierie sociale, cybernétique, etc. J'ai rencontré des gens qui étaient eux-mêmes consultants professionnels mais j'ai vu également l'autre côté de la barrière car j'ai subi sur mon lieu de travail des méthodes de management négatif, du même type que celles appliquées à France Telecom. Cela m'a poussé à devenir représentant syndical dans le cadre du Comité hygiène, sécurité et conditions de travail (CHSCT). Je m'étais spécialisé sur les questions de « souffrance au travail », de « burn-out », de « harcèlement moral » (cf. Hirigoyen, Dejours, Gaulejac).

À la même période, j'ai aussi commencé à m'intéresser très sérieusement à l'univers du renseignement, du lobbying, de l'influence et de la guerre cognitive, car j'envisageais de m'y réorienter pour y faire carrière (École de Guerre économique, DGSE, etc.). Pendant toute cette période, j'ai rencontré des gens et lu des publications qui m'ont beaucoup appris sur les méthodes de travail des manipulateurs professionnels, que ce soit en entreprise, en politique ou en tactique militaire, car on y rencontre les mêmes techniques et concepts : storytelling, management des perceptions, opérations psychologiques (psyops), attentats sous faux drapeau, etc.

Au début des années 2000, j'avais aussi exploré la piste du transhumanisme et du posthumanisme. J'y ai adhéré sincèrement, par déception de l'humain essentiellement, avant de comprendre que c'était une impasse évolutive. Ma formation universitaire, que j'ai débutée en philosophie et poursuivie en sciences humaines et sociales, en particulier dans la communication et la sémiotique, m'a donné les outils conceptuels pour synthétiser tout cela. Donc, pour revenir à la question « Nos dirigeants font-ils exprès de commettre autant d'erreurs ? », après vérification, je peux confirmer que oui, et que cela obéit même à une méthodologie extrêmement rigoureuse et disciplinée. Il existe une véritable science de la destruction méthodique, qui s'appuie sur un art du changement provoqué, et dont le terme générique est « ingénierie sociale ». (J'ai introduit par la suite une nuance entre deux formes d'ingénierie sociale, mais nous y reviendrons.)

Pourquoi l'anonymat ? Et j'ajoute une question : pourquoi suis-je en train de le lever plus ou moins ces temps-ci ? Pour tout dire, je me trouve pris dans une double contrainte. Je n'ai aucune envie d'exister médiatiquement ni de devenir célèbre. Une de mes maximes personnelles est « Pour vivre heureux, vivons cachés ». Je préfère être invisible que visible. En même temps, quand on souhaite diffuser des informations, on est contraint de s'exposer un minimum. Or, je veux vraiment diffuser les informations contenues dans Gouverner par le chaos (GPLC), ou dans d'autres publications qui ne sont pas forcément de moi. Je ne vois personne d'autre qui le fait, alors j'y vais. Je pense qu'il est indispensable de diffuser le plus largement possible les méthodes de travail du Pouvoir. J'ai un slogan pour cela : démocratiser la culture du renseignement.
Une autre raison à l'anonymat est de respecter le caractère collectif, ou collégial, de GPLC. Plusieurs personnes ont participé plus ou moins directement à son existence : inspiration, rédaction, médiatisation, etc. J'avoue en être le scribe principal, mais sans la contribution d'autres personnes, ce texte n'aurait pas existé dans sa forme définitive.

Que pensez-vous de la production du « Comité invisible » et de la revue Tiqqun ? L'affaire de Tarnac marque-t-elle une étape supplémentaire dans la manipulation des esprits et de la répression du système contre les dissidents de celui-ci ?

J'ai lu tout ce que j'ai pu trouver de cette mouvance situationniste extrêmement stimulante. Leurs textes proposent un mélange bizarre d'anarchisme de droite, vaguement dandy et réactionnaire, tendance Baudelaire et Debord, avec un romantisme d'extrême ou d'ultra gauche parfois idéaliste et naïf. Le tout sonne très rimbaldien. La vie de Rimbaud, comme celle d'un Nerval ou d'un Kerouac, combine des tendances contradictoires : la bougeotte du nomade cosmopolite avec la nostalgie d'un retour au réel et d'une terre concrète dans laquelle s'enraciner ; mais aussi une soif d'action immanente et révolutionnaire coexistant avec le mépris pour tout engagement dans le monde et la fuite dans un ailleurs fantasmé comme plus authentique. Une constante de ce « topos » littéraire, c'est que l'étranger est perçu comme supérieur au local. Ceci peut conduire à une sorte de masochisme identitaire, une haine ou une fatigue de soi qui pousse à rejeter tout ce que l'on est en tant que forme connue, majoritaire et institutionnelle, au bénéfice des minorités ou des marginaux, si possible venant d'ailleurs. Il y a une sorte de foi religieuse dans les « minorités », desquelles viendrait le Salut, croyance entretenue par de nombreux idéologues du Système, de Deleuze et Guattari à Toni Negri et Michael Hardt, en passant par la rhétorique des « chances pour la France ». Dans L'Insurrection qui vient, les lumpen-prolétaires animant les émeutes de banlieue en 2005 sont idéalisés de manière assez immature (et apparemment sans savoir que des agitateurs appartenant à des services spéciaux étrangers, notamment israéliens et algériens, s'étaient glissés parmi les casseurs).

Pour recentrer sur le corpus de textes en question, aujourd'hui je n'en retiens que le meilleur, le côté « anar de droite », c'est-à-dire une critique radicale et profonde du Capital, de la Consommation et du Spectacle mais qui reste irrécupérable par la gauche capitaliste, libertaire, bobo, caviar, sociétale, bien-pensante et « politiquement correcte ». De Tiqqun, je retiens donc surtout la « Théorie de la Jeune-Fille », texte absolument génial et très drôle. On y trouve des références à l'historien de la publicité Stuart Ewen, dont les recherches montrent comment le féminisme et le jeunisme furent dès les années 1920 les outils du capitalisme et de la société de consommation naissante aux USA.

En outre, je suis très travaillé par la question du rapport entre le visible et l'invisible. J'ai beaucoup « mangé » de phénoménologie pendant mes études de philo, comme tous les gens de ma génération : Husserl, Heidegger, Merleau-Ponty, Michel Henry, etc. Cette dialectique visible/invisible recoupe aussi le couple « voir et être vu » des théories de la surveillance, de Jeremy Bentham à Michel Foucault, et fait également écho au champ lexical du situationnisme. Et là on revient dans l'univers du Comité invisible.

Sur l'affaire de Tarnac proprement dite. Il se trouve que j'ai croisé certaines personnes de cette mouvance en diverses occasions, sans jamais faire partie directement de leur carnet d'adresses. J'évoluais à peu près dans les mêmes réseaux et la même nébuleuse dans les années 2000-2005, entre les squats, les revues, les collectifs et l'université de Paris 8 (Vincennes/Saint-Denis). Je me suis donc senti visé par l'affaire de Tarnac, dont le seul avantage a été de faire progresser la critique de la criminologie, en particulier dans sa forme actuarielle.

La science actuarielle consiste à calculer le potentiel de dangerosité et à prendre des mesures par anticipation. Sur ce sujet, il faut lire notamment Bernard Harcourt, dont voici l'extrait d'une interview sur le sujet :
« La dangerosité, écrivait il y a plus de 25 ans Robert Castel dans un livre prémonitoire intitulé La Gestion des risques ; la dangerosité, écrivait-il, est cette notion mystérieuse, qualité immanente à un sujet mais dont l'existence reste aléatoire puisque la preuve objective n'en est jamais donnée que dans l'après-coup de sa réalisation. Le diagnostic qui est établi est le résultat d'un calcul de probabilité ; la dangerosité ne résulte pas d'une évaluation clinique personnalisée, mais d'un calcul statistique qui transpose aux comportements humains les méthodes mises au point par l'assurance pour calculer les risques. D'où une nouvelle science (et retenez bien ce mot) : la science actuarielle. »

Globalement, la présomption d'innocence est inversée en présomption de culpabilité. Ce n'est plus au procureur d'apporter la preuve que vous êtes coupable, c'est à vous d'apporter la preuve que vous êtes innocent. Votre « dangerosité évaluée » et votre « potentiel criminel » suffisent à déclencher la machine judiciaire et à faire s'abattre sur vous le GIGN ou le RAID. La « menace terroriste », dont Julien Coupat et ses amis ont été accusés, s'inscrit complètement dans ce dispositif qui permet de criminaliser à peu près quiconque ne pense pas « correctement », tel qu'un Varg Vikernes, le Norvégien établi dans un village de Corrèze (lui aussi !) avec femme et enfants et suspecté de « nazisme ».

L'accusation purement médiatique autorise parfois le Pouvoir à tuer arbitrairement et sans procès, comme on l'a vu avec Mohamed Merah, qui n'a jamais été identifié légalement et formellement comme l'auteur des meurtres de Toulouse, mais qui a été pourtant bel et bien assassiné. Dans un état de droit, la culpabilité d'un accusé émerge au cours d'un procès équitable et contradictoire pendant lequel on apporte les preuves de la culpabilité si elles existent. Il semble que cela soit devenu superflu quant au traitement des prétendus « islamistes », que ce soit en France ou à Guantanamo. Pour tous ceux qui sont tués pendant leur arrestation, nous ne saurons donc jamais s'ils étaient coupables dans le monde réel, et pas seulement dans celui des médias !

Dans la série des montages politico-médiatiques visant à terroriser la population, passons rapidement sur l'affaire Clément Méric, dont l'objectif semblait être de faire exister une « menace fasciste » émanant d'une « droite radicale » pourtant très assagie. Et pour revenir à Tarnac, si le montage s'est effondré rapidement, c'est parce que les inculpés disposaient de soutiens dans l'intelligentsia parisienne ; sans cela, il y a fort à parier qu'ils seraient passés à la postérité comme des terroristes d'ultragauche avérés. Le cauchemar de science-fiction imaginé par Philip K. Dick et transposé au cinéma dans Minority report est devenu réalité. On pense aussi au chef d'œuvre absolu de Terry Gilliam, Brazil.

Pour vous, le contrôle des masses a profondément changé avec l'apparition de l'ingénierie sociale. Que recouvre ce terme selon vous ?

Il y a plusieurs définitions de l'ingénierie sociale. On peut les trouver en tapant sur Google. Certaines universités proposent un diplôme d'État d'ingénierie sociale (DEIS) et donnent quelques descriptions sur leurs sites. Il existe aussi de nombreuses publications, des articles sur la sécurité informatique, de la littérature grise, des manuels de sociologie et de management, des rubriques d'encyclopédies, etc.
Je propose la synthèse suivante de toutes ces définitions : l'ingénierie sociale est la modification planifiée du comportement humain.

Il est difficile de fixer une date précise à l'apparition du terme. En revanche, l'intuition qui est derrière, en gros la mécanisation de l'existence, remonte probablement à l'apparition des premières villes en Mésopotamie et dans l'Égypte pharaonique, vers 3000 avant J.-C. Je pense aux premiers centres urbains rassemblant plusieurs milliers de personnes dans une structure différenciée et néanmoins relativement unifiée sous un seul nom qui en définit les contours.

L'échelle du village et de l'artisanat n'est pas suffisante pour percevoir l'existence comme un mécanisme. Le passage des sédentaires ruraux aux sédentaires urbains a fait émerger la première représentation des groupes humains comme étant des objets automates, ou du moins automatisables dans une certaine mesure. En adoptant le point de vue surplombant qui était celui des premiers oligarques du Proche-Orient, une ville ressemble assez à une grosse machine : une horloge, ou un ordinateur, au risque de l'anachronisme. Quand les intellectuels de l'époque, c'est-à-dire les prêtres, ont eu sous leurs yeux les premières villes, donc les premiers mécanismes d'organisations humaines complexes, l'idée du contrôle et de la prévisibilité de ces mécanismes a nécessairement germé en eux. Quelques siècles plus tard, Platon invente le terme de cybernétique, ou l'art du pilotage. L'alchimie et la franc-maçonnerie sont les héritières spirituelles de ces premières observations, avec leurs métaphores physicalistes et architecturales récurrentes.

Le fil conducteur de cette tradition rationaliste en politique est la réduction de l'incertitude, qui est l'objectif poursuivi par tout gestionnaire de système. Quand il s'agit d'un système vivant, cet objectif peut avoir des effets sclérosants et meurtriers. Je ne suis pas loin de partager le point de vue radical de Francis Cousin, à savoir que nos problèmes ont commencé au néolithique !

Cependant, inutile de remonter aux chasseurs-cueilleurs pour retrouver le « paradis perdu ». L'échelle rurale et villageoise, voire la petite agglomération urbaine, me paraissent suffisants pour une relocalisation autogestionnaire satisfaisante qui permette d'éviter certaines pathologies du contrôle à distance. La nouveauté au XXe siècle vient de ce que l'on passe d'un contrôle social par l'ordre à un contrôle social par le désordre. L'ordre par le chaos.

Je fais remonter le projet concret de la gouvernance par le chaos à l'invention du « capitalisme révolutionnaire » entre 1750 et 1800, c'est-à-dire un capitalisme provoquant des révolutions pour faire avancer son agenda. Mais il a fallu attendre les années 1960 pour fabriquer le consentement total des masses au capitalisme en l'introduisant dans les mœurs sous les termes de « libertarisme » ou d'« émancipation des minorités ».

En France, l'événement fondateur de cet arraisonnement complet des masses par le Capital et sa gouvernance par le chaos fut Mai 68. Il faut voir le documentaire Das Netz, de Lutz Dammbeck, qui fait la jonction entre les projets de contrôle social issus de la cybernétique dans les années 1950 et l'émergence dix ans plus tard de la contre-culture pop anglo-saxonne, comme par hasard. Les preuves existent que la contre-culture était un outil du Capital pour produire de l'entropie sociale. On pense au financement de Pollock par la CIA, ou encore à ce que rapporte Mathias Cardet dans L'Effroyable Imposture du rap. À partir des années 1960, donc, une idéologie dominante fondée sur des principes d'anarchie, d'individualisme, d'anomie, d'hédonisme et de « jouissance sans entrave » s'est diffusée dans toute la sphère culturelle occidentale, préparant le tsunami de pathologies mentales et sociales qui nous submerge depuis les années 1980 : dépressions, vagues de suicides, violences conjugales, épidémie d'avortements de confort, enfant-roi hyperactif, délinquance juvénile, toxicomanies, criminalité sociopathe, obésité, cancers, pétages de plombs divers qui finissent en bain de sang, etc.

Cette idéologie dominante individualiste et an-archique, voire acéphale, commune à la gauche libertaire et à la droite libérale, n'a qu'un but : faire monter l'entropie, c'est-à-dire le désordre et le déséquilibre dans les groupes humains, pour les disloquer, les atomiser et améliorer l'asservissement des masses en rendant leur auto-organisation impossible. Diviser pour régner. Pousser les masses à « jouer perso », les éduquer au « chacun pour soi », pour enrayer la force des collectifs. Donc dépolitiser. En effet, le geste fondateur du phénomène politique consiste à soumettre la liberté individuelle à l'intérêt collectif. En inversant les priorités par le sacrifice de l'intérêt collectif sur l'autel de la sacro-sainte liberté individuelle, l'ingénierie sociale du Capital paralyse et sape ainsi toute capacité organisationnelle concrète. Comme on le voit, le capitalisme contrôle les masses par le désordre. Le véritable anticapitalisme, c'est donc l'ordre. La rébellion, la dissidence, la résistance, la subversion, c'est l'ordre.

La psychanalyse semble avoir un rôle ambivalent dans ce phénomène. Quelle est votre opinion sur cette école (sur Freud, Jung ou Lacan) ?

La psychanalyse passe son temps à rétablir du surmoi, c'est-à-dire de l'ordre, de l'autorité morale, des limites comportementales et de la stabilité mentale. Elle est donc l'ennemie du capitalisme. Mais elle est perçue aussi comme une ennemie par les religions, car elle leur fait concurrence dans une certaine mesure. Donc, tout le monde la déteste et la passe en procès.

Le problème, c'est que ce mauvais procès fait à la psychanalyse n'est pas toujours très cohérent. On dit simultanément : « La psychanalyse ne marche pas » et « La psychanalyse détruit les êtres qui s'y adonnent ». Il faudrait choisir. Les deux accusations sont mutuellement incompatibles sur le plan strictement logique. Si elle ne marchait pas, elle n'aurait aucun effet, même pas destructeur. Ce serait un facteur nul, un zéro, ni « plus », ni « moins ». En fait, la psychanalyse marche, raison pour laquelle elle peut effectivement détruire les gens qui sont sous son influence. Ses applications excèdent le cadre de la thérapie et se retrouvent aussi beaucoup en management, en marketing et, ce que l'on sait moins, en sécurité informatique, dans sa branche ingénierie sociale, justement.

Le fait que Freud ait été chez les B'nai B'rith est une raison supplémentaire pour s'informer sur les méthodes de manipulation et de déconstruction psychologique qui nous sont appliquées. C.-G. Jung est indispensable à connaître également, mais Jacques Lacan est encore plus précis et nous propose une vraie boîte à outils permettant d'agir directement sur soi ou sur autrui. Pour user de métaphores biologiques ou informatiques, la psychanalyse lacanienne, et le structuralisme en général, donnent accès au « code génétique », ou au « code source » de l'esprit et de la société.

Par exemple, un mathème lacanien, le schéma R (pour Réalité), modélise le mécanisme de la construction de confiance, qui est exactement le même que le mécanisme de la construction de la réalité : on peut donc appliquer ce schéma pour abuser de la confiance d'autrui en lui créant une réalité virtuelle, ou à l'inverse pour empêcher la construction de confiance, en soi ou en autrui, et ainsi empêcher la construction d'une réalité viable et habitable. Si vous observez les choses de près, vous trouverez l'équation « confiance = réalité ». Quand la confiance disparaît, c'est la réalité qui s'effondre. En revanche, si vous me faites confiance, je commence à construire votre réalité.

On voit le danger : si la psychanalyse dévoile et met à nu les règles de base de la construction de la réalité, du psychisme et de la vie en société, elle peut être utilisée également pour déconstruire la réalité, le psychisme et rendre impossible la vie en société. Comment ? En jouant sur l'Œdipe, c'est-à-dire le sens dialectique. Je détaille.

Une société possède nécessairement des différences. Une société parfaitement homogène n'existe pas. Or, la gestion des différences, leur articulation fonctionnelle et organique, ne se fait pas toute seule. L'articulation des différences porte un nom : la dialectique. La dialectique, cela s'apprend. Les différences premières, fondatrices de toute société, se résument par un concept : le complexe d'Œdipe. Ce sont les différences hommes/femmes et parents/enfants (par extension jeunes/vieux). Ces différences sont néanmoins articulées et fonctionnent ensemble, de manière organique, au sein de la famille. Le schéma familial offre ainsi le modèle originel du fonctionnement de tout groupe social : des différences respectées, on ne fusionne pas, mais fonctionnant ensemble.

Si on n'intériorise pas ce premier système de différences articulées, on ne peut pas en intérioriser d'autres et on développe des problèmes d'identité et d'adaptation sociale. En effet, l'identité est à l'image du système social : dialectique. Je ne sais qui je suis que par opposition et différenciation. L'identité, la construction identitaire, repose donc sur la position d'une différence première, originelle, fondatrice. Pour que je puisse agir dans le monde et me socialiser normalement, je dois donc sortir du flou identitaire pré-œdipien, le flou fusionnel qui précède la perception des différences.

Dans sa vidéo de janvier 2013, Alain Soral et son équipe rapportent un document stupéfiant. À l'occasion d'une audition sur le projet de « mariage pour tous », l'anthropologue Maurice Godelier préconisait de remplacer les termes « père » et « mère » par le terme générique de « parents ». D'après lui, le mot « parent », qui peut désigner simultanément le père, la mère, comme le grand-père et la grand-mère, présente ce double avantage d'effacer la différence des sexes et d'effacer la différence des générations. Quiconque possède quelques éléments d'anthropologie ou de psychanalyse repère immédiatement où Godelier veut en venir : produire intentionnellement du flou identitaire, donc de la psychose, en effaçant le complexe d'Œdipe, les différences hommes/femmes et parents/enfants, donc les différences au sein de la famille, et par extension au sein de la société.

En fait, les différences persistent dans le réel, mais elles ne sont plus perçues, ni intériorisées. Si les différences ne sont plus perçues, les identités non plus. Cette incapacité à percevoir, intérioriser et gérer les différences et les identités porte un nom : la psychose, le flou identitaire. « Je ne sais pas qui je suis parce que je ne sais pas ce qui est en face de moi. » Godelier et les partisans de la théorie du genre, qu'il faudrait renommer « théorie de la confusion des genres », cherchent à produire du flou identitaire chez les enfants, et pourquoi pas chez les adultes. Ils cherchent donc à produire des handicapés mentaux, incapables de se socialiser. Ils cherchent à créer des problèmes d'identité et à générer des pathologies mentales et sociales, qui finiront en suicides, en meurtres ou en toxicomanies de compensation.

L'effacement des différences fondatrices, c'est l'effacement des limites, de toutes les limites. L'objectif, c'est la plasticité identitaire infinie, qu'on renommera « liberté identitaire infinie » pour mieux hameçonner la proie avec une accroche désirable, au prix de l'émergence de nouvelles souffrances. Toujours dans sa vidéo de janvier 2013, Soral remarquait fort justement que « la liberté, c'est la folie ». C'est bien de cette folie que Deleuze et Guattari se sont faits les chantres à partir de L'Anti-Œdipe, cette bible de l'antipsychiatrie dont le sous-titre est « Capitalisme et schizophrénie ». Publié en 1972, ce texte a profondément marqué la pensée libertaire. Il y est fait une apologie de la schizophrénie comme étant le parachèvement du capitalisme en tant que libération de toutes les structures et affranchissement de toutes les limites psychiques, comportementales et identitaires. L'alliance objective entre libertarisme et libéralisme est donc conclue officiellement et revendiquée depuis une bonne quarantaine d'années.

Une liberté sans limite rend fou et empêche donc la socialisation. À l'opposé, la psychanalyse tourne entièrement autour de cet adage : « Ma liberté s'arrête où commence celle des autres. » La limite, le surmoi dans le jargon freudien, a un effet positif et négatif en même temps. La limite réprime l'expression libre du désir. Apprendre à vivre en société, c'est apprendre qu'on ne fait pas ce qu'on veut et qu'il y a des limites à respecter. Il y a des bornes à l'expression de mon désir, il y a des règles, des lois, des structures, des cadres, des interdits à respecter et sans lesquels la société ne peut pas fonctionner. Cette répression de la liberté du désir permet donc de vivre en société, mais induit également une frustration. Cette frustration peut s'accumuler, s'enkyster, et devenir une névrose. C'était la pathologie la plus courante jusque dans les années 1970. L'ordre social exercé par une autorité morale et l'intériorisation d'une limite (un Père ou un phallus symbolique) était simultanément répressif et socialisant, frustrant et structurant, névrotique et normatif. C'était le mode de socialisation normal dans l'espèce humaine, avec des avantages et des inconvénients. C'est la gouvernance par l'ordre, par l'imposition de limites rigides à ne jamais dépasser, sous peine de punition.
Cet ordre ancien, celui de notre espèce et de ses constantes anthropologiques depuis ses origines, est aujourd'hui attaqué. L'Occident postmoderne a vu naître un « ordre nouveau », un mode de gouvernance par le chaos qui est une forme de contrôle social entièrement neuve consistant à lever toutes les limites et à laisser le désir s'exprimer librement. Dans un premier temps, on a l'impression de respirer enfin, on s'amuse, sans le surmoi phallique et surplombant. Le problème, quand on tue le Père, c'est qu'on est récupéré par la Mère, qui est en réalité tout aussi despotique que le Père. En Mai 68, Lacan disait à ses étudiants libertaires : « Vous aussi, vous cherchez un maître. » En l'occurrence, une Maîtresse, car la libre expression du désir, sans plus aucune limite ni structure, est le mode d'être hystérique, puis pervers, puis psychotique. Sans répression du désir, pas de sublimation, pas de symbolisation, pas de structuration psychique et comportementale possible, pas d'accès au langage et à la dialectique articulée.

Il existe donc une véritable ingénierie psychosociale de la levée des limites, de la transgression des interdits, des lois, des tabous et de l'abolition des frontières, donc une ingénierie de la désocialisation, de l'ensauvagement, de la déstructuration des masses et de la régression civilisationnelle provoquée, en un mot une ingénierie de la dés-œdipianisation, mise en œuvre par des gens qui savent exactement ce qu'ils font, grâce ou à cause de Freud et Lacan (Jung n'ayant pas reconnu le caractère fondateur de l'Œdipe et de la limite), qu'il s'agisse de psychanalystes à proprement parler ou d'auteurs imprégnés de psychanalyse. La théorie de la confusion des genres n'est qu'un outil de cette offensive du Capital pour transformer l'humain en une matière plastique modelable à l'infini, fluidifier toutes les structures comme le recommande l'Institut Tavistock, afin de parvenir à la « société liquide » décrite par Zygmunt Bauman.

Le résultat de cette déshumanisation, ou dés-hominisation, c'est ce que d'autres psys dénoncent, dont Julia Kristeva, dès les années 1980 dans Les Nouvelles Maladies de l'âme, ou l'Association lacanienne internationale (ALI), notamment Charles Melman et Jean-Pierre Lebrun dans L'Homme sans gravité : l'explosion de ces pathologies très contemporaines, dépression, perversion, toxicomanie, hystérie banalisée, « psychoses froides », « états limites », « borderline », sociopathie, psychopathie. On lira aussi Dominique Barbier, Dany-Robert Dufour ou Jean-Claude Michéa.

Vous évoquiez dans un de vos récents textes « l'industrie du changement ». Qui sont pour vous ces « faiseurs » des bouleversements que nous subissons ? Que recherchent-ils ?

À l'occasion d'un séminaire auquel j'ai assisté, un consultant spécialisé en conduite du changement nous avait dit que son entreprise travaillait à « industrialiser la compétence relationnelle ». Les changements provoqués au moyen de crises dirigées ne servent donc pas à améliorer le fonctionnement des choses, mais à l'industrialiser, c'est-à-dire à le rationaliser, le standardiser, l'automatiser. Cela consiste à changer d'échelle de production et de contrôle. Quand on passe de l'artisanat à l'industrie, on passe aussi d'une production locale à une production globale. La production locale est décentralisée, enracinée, contextualisée, démocratique, quand la production globale est centralisée, déracinée, décontextualisée, oligarchique. L'industrie du changement consiste à transférer tout le contrôle de la production de l'échelle locale à l'échelle globale. La gouvernance par le chaos consiste à détruire le pilotage local et autonome de l'existence pour le remplacer par un pilotage global et hétéronome, toujours à distance.

En géopolitique, la transitologie est la discipline qui traite du « regime change », les changements de régime que l'Empire américano-israélien cherche à produire dans les pays arabo-musulmans, et un peu partout en fait, pour s'approprier le pilotage à distance de ces pays. En dernière instance, le but recherché est la modification de la structure générale des relations humaines : passer d'un lien social normal, fondé sur l'altruisme, l'empathie et la mutualité, à un lien social sociopathe, retravaillé par le capitalisme et le libertarisme, fondé sur la liberté individuelle. C'est ça, l'industrialisation de la compétence relationnelle. Concrètement, cela donne le « mariage homo », la GPA, soit la location du ventre des femmes, la PMA, soit le commerce des enfants, et pour finir l'euthanasie pour tous.

En fait, le « comment ? », la méthode appliquée, m'intéresse plus que le « qui ? », l'identité. En outre, la réponse au « comment ? » donne la réponse au « qui ? » Donc, qui sont les faiseurs des bouleversements pathogènes que nous subissons ? Réponse : tous ceux qui appliquent la méthode générale de bouleversement contrôlé. En gros, ce sont tous les acteurs du capitalisme et des révolutions de rupture, dont 1789 et 1917 sont les prototypes, et dont les « révolutions colorées », de Mai 68 au « printemps arabe », sont les prolongements, jusqu'en Libye et en Syrie aujourd'hui. Ces acteurs du capitalisme sont secondés par ce que l'on dénommait jadis les conseillers en propagande du Prince, et qu'on appelle aujourd'hui des spin doctors, des consultants, des influenceurs, des communicants, bref tous ceux qui travaillent à faire du storytelling et de la désinformation dans des entreprises, des think tanks, des lobbies, des médias, des services de renseignement, des sociétés de pensée plus ou moins ésotériques.

Cette stratégie du choc amène la notion de chaos que vous utilisez pour définir la logique du système. Pouvez-vous revenir sur la généalogie de cette soif de destruction de l'oligarchie mondiale ?

La pulsion de mort est largement partagée dans l'espèce humaine. Il semble néanmoins que certains groupes sociologiques l'actualisent davantage que d'autres. En termes de topologie structurale lacanienne, la destruction est une place à occuper, et en termes de psychologie archétypale jungienne, le Destructeur est un rôle à endosser. La question qui me vient tout de suite est : qui occupe cette place dans mon environnement immédiat, que je puisse m'en protéger ?

Si l'on fait une généalogie de la destruction en Occident, on arrive à un résultat qui n'est pas « politiquement correct ». Une histoire des idées impartiale montre que, sous nos latitudes monothéistes, le premier exposé d'un programme politique fondé sur la destruction est déposé dans le texte que les juifs appellent la Torah, et les chrétiens le Pentateuque. Pour certaines personnes, détruire est donc un commandement divin, consigné noir sur blanc dans des textes sacrés. Un échantillon :

Deutéronome : chapitre 20, versets 10 à 16.

« Quand tu t'approcheras d'une ville pour l'attaquer, tu lui offriras la paix. Si elle accepte la paix et t'ouvre ses portes, tout le peuple qui s'y trouvera te sera tributaire et asservi. Si elle n'accepte pas la paix avec toi et qu'elle veuille te faire la guerre, alors tu l'assiégeras. Et après que l'Éternel, ton Dieu, l'aura livrée entre tes mains, tu en feras passer tous les mâles au fil de l'épée. Mais tu prendras pour toi les femmes, les enfants, le bétail, tout ce qui sera dans la ville, tout son butin, et tu mangeras les dépouilles de tes ennemis que l'Éternel, ton Dieu, t'aura livrés. C'est ainsi que tu agiras à l'égard de toutes les villes qui sont très éloignées de toi, et qui ne font point partie des villes de ces nations-ci. Mais dans les villes de ces peuples dont l'Éternel, ton Dieu, te donne le pays pour héritage, tu ne laisseras la vie à rien de ce qui respire. »

Cela dit, personne ne détient le monopole de la pulsion de mort. Le Japon ou la Corée du Sud connaissent des processus d'auto-génocide liés au « tout technologique ». Certaines régions d'Orient et d'Asie sont à la pointe de tous les délires post-humains et cybernétiques ; on y parle sérieusement de clonage reproductif ou de remplacement du peuple par des robots, ce genre de choses.

Je pense que la soif de destruction et d'autodestruction remonte en fait à un profil psychologique qui porte au moins trois noms : sociopathe, psychopathe, pervers narcissique. Le psychiatre polonais Lobaczewski est l'un des premiers à l'avoir étudié et il en a tiré une science, la ponérologie, ou la science du Mal. Je suis extrêmement convaincu par ce modèle ; pour ma part, je situe l'origine du Mal sur Terre dans ce profil psychologique sociopathe. Sa caractéristique est l'absence d'empathie, ce qui le conduit à traiter autrui comme un objet, un moyen, et à le chosifier. On peut rencontrer ce profil psychologique dans toutes les cultures, mais il semble néanmoins que certaines conjonctures favorisent son apparition. Notamment, les environnements socioculturels marqués par les thèmes de la destruction et du génocide sont, par excellence, des fabriques de sociopathes.

 

Lucien Cerise

Retrouvez le dernier roman de Lucien, Oliganarchy sur notre boutique.

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jeudi, 26 septembre 2013

PIERRE LE VIGAN : UN OUVRAGE EN PERSPECTIVE

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PIERRE LE VIGAN : UN OUVRAGE EN PERSPECTIVE

Entretien avec http://metamag.fr


Propos recueillis par Jean PIERINOT
Jean Pierinot : Vous préparez un nouveau livre. Sur quoi portera-t-il ?

Pierre le Vigan : Sur la pensée politique en Europe depuis le XVème siècle donc sur la constitution de la philosophie politique moderne. Il y sera beaucoup question de la naissance de la forme nation, de l’Etat, de son rôle, de la question de la médiation. L’homme peut-il être présent au monde directement, immédiatement? Je ne le pense pas. Je pense que l’homme est au monde en tant que membre d’une collectivité politique et populaire. L’Etat est l’aspect premier du politique mais il ne résume pas tout le politique. Tout le peuple n’est pas dans l’Etat. L’Etat peut même se retourner contre le peuple. Or l’homme appartient toujours à un peuple et existe en tant qu’acteur politique. L’Etat devrait donc, idéalement, être l’Etat des citoyens.

Vous écrivez beaucoup et sur beaucoup de sujets. Pourquoi  et comment ?

Beaucoup de sujets m’intéressent. Beaucoup de sujets sont liés. Difficile de réfléchir sur la guerre sans s’intéresser, parmi des milliers d’autres exemples possibles, à la théorie des trois cerveaux – qui doit d’ailleurs être discutée et non acceptée sans nuances. Difficile de s’intéresser à la pensée politique sans s’intéresser à la littérature, et bien sûr à l’histoire. Difficile de s’intéresser à la philosophie sans être attentif aux questions de la religion et des religions. En outre, toutes ces questions sont intéressantes par elles-mêmes.
 
Il se trouve en outre que je suis par tempérament un intellectuel en chemin. J’ai le goût d’arpenter le territoire des idées. Je n’ai jamais été un homme de chapelle, ni un doctrinaire, pas même un théoricien (et pourtant il en faut car les théories sont des appuis pour la réflexion). Je suis un homme de points de vue. C’est assez normal car quand on chemine, on multiplie les points de vue. C’est bien entendu une limite mais les limites sont faites pour être éventuellement déplacées mais pas niées.
 
Vos thèmes ont-il un rapport avec votre formation ?
 
J’ai une formation d’économie, urbanisme et droit public (que j’ai enseigné un temps). Je l’ai complétée en histoire, géographie, et, plus tard, – ce qui est assez éloigné des domaines précédents – en psychopathologie. Ce  dernier domaine a bien entendu un lien avec la philosophie, qui est un de mes centres d’intérêts depuis les années 80, n’ayant par ailleurs pas le moindre diplôme en ce domaine.

Comment trouvez-vous le temps de lire et d’écrire ?
 
Il se trouve que je travaille dans le domaine du logement social. Je ne suis donc pas un « intellectuel à temps plein ». Je m’occupe notamment de travaux de bâtiment, toutes choses qui ne sont pas très philosophiques (quoi que… je renvoie à l’excellent livre Eloge du carburateur de Matthew B Crawford, sous-titré Essai sur le sens et la valeur du travail. Ed La découverte). Plus jeune, j’ai été, entre autres activités, chargé de cours dans quelques universités et formateur.


Pour écrire et publier, il n’y a pas d’autres recettes que de travailler énormément. Lire, décrire, écrire, se réécrire. Je consacre une bonne partie de mes congés au travail et prends des vacances courtes voire studieuses. Si on n’aime pas le travail on ne produit pas. Je lis surtout en annotant. J’ai quelques milliers de livres tous lus et annotés depuis les années 1970. Les notes servent de support. Elles obligent à une lecture attentive. Il faut user des livres mais ne pas se laisser user par eux. J’écoute aussi des conférences à la radio ou en téléchargement. L’oralité est en fait d’une exigence souvent supérieure à l’écrit. Lire à haute voix un de ses textes est souvent un test redoutable.
 
Un conseil à donner en matière d’écriture ?
 
J’estime avoir encore beaucoup à apprendre. Vous me demandez un conseil, le voilà. : il faut se lancer. Il faut écrire sur des sujets qui vous portent. Il faut à la fois se forcer à écrire assez vite (c’est comme le vélo, si on va trop lentement, on tombe) et s’obliger à se relire maintes fois, à vérifier ses sources, à se faire relire par autrui, à s’assurer qu’on est clair et fluide. Facile à dire, moins facile à faire !

Les livres de Pierre Le Vigan se commandent à « La barque d’or »

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jeudi, 12 septembre 2013

Alexander Dugin on Syria and the New Cold War

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Alexander Dugin on Syria and the New Cold War

Alternative Right

An interview with Alexander Dugin on the Syrian crisis.

 

Prof. Dugin, the world faces right now in Syria the biggest international crisis since the downfall of the Eastern Block in 1989/90. Washington and Moscow find themselves in a proxy-confrontation on the Syrian battleground. Is this a new situation?

Dugin: We have to see the struggle for geopolitical power as the old conflict of land power represented by Russia and sea power represented by the USA and its NATO partners. This is not a new phenomenon; it is the continuation of the old geopolitical and geostrategic struggle. The 1990s was the time of the great defeat of the land power represented by the USSR. Mikhail Gorbachev refused the continuation of this struggle. This was a kind of treason and resignation in front of the unipolar world. But with President Vladimir Putin in the early years of this decade, came a reactivation of the geopolitical identity of Russia as a land power. This was the beginning of a new kind of competition between sea power and land power.

How did this reactivation start?

Dugin: It started with the second Chechen war (1999-2009). Russia by that time was under pressure by Chechen terrorist attacks and the possible separatism of the northern Caucasus. Putin had to realize all the West, including the USA and the European Union, took sides with the Chechen separatists and Islamic terrorists fighting against the Russian army. This is the same plot we witness today in Syria or recently in Libya. The West gave the Chechen guerrillas support, and this was the moment of revelation of the new conflict between land power and sea power. With Putin, land power reaffirmed itself. The second moment of revelation was in August 2008, when the Georgian pro-Western Saakashvili regime attacked Zchinwali in South Ossetia. The war between Russia and Georgia was the second moment of revelation.

Is the Syrian crisis now the third moment of revelation?

Dugin: Exactly. Maybe it is even the final one, because now all is at stake. If Washington doesn´t intervene and instead accepts the position of Russia and China, this would be the end of the USA as a kind of unique superpower. This is the reason why I think Obama will go far in Syria. But if Russia steps aside and accepts the US-American intervention and if Moscow eventually betrays Bashar al-Assad, this would mean immediately a very hard blow to the Russian political identity. This would signify the great defeat of the land power. After this, the attack on Iran would follow and also on northern Caucasus. Among the separatist powers in the northern Caucasus there are many individuals who are supported by the Anglo-American, Israeli and Saudi powers. If Syria falls, they will start immediately the war in Russia, our country. Meaning: Putin cannot step aside; he cannot give up Assad, because this would mean the geopolitical suicide of Russia. Maybe we are right now in the major crisis of modern geopolitical history.

So right now both dominant world powers, USA and Russia, are in a struggle about their future existence…

Dugin: Indeed. At the moment there is no any other possible solution. We cannot find any compromise. In this situation there is no solution which would satisfy both sides. We know this from other conflicts, such as the Armenian-Azeri or the Israeli-Palestinian conflict. It is impossible to find a solution for both sides. We witness the same now in Syria, but on a bigger scale. The war is the only way to make a reality check.

Why?

Dugin: We have to imagine this conflict as a type of card game like Poker. The players have the possibility to hide their capacities, to make all kinds of psychological tricks, but when the war begins all cards are in. We are now witnessing the moment of the end of the card game, before the cards are thrown on the table. This is a very serious moment, because the place as a world power is at stake. If America succeeds, it could grant itself for some time an absolutely dominant position. This will be the continuation of unipolarity and US-American global liberalism. This would be a very important moment because until now the USA hasn´t been able to make its dominance stable, but the moment they win that war, they will. But if the West loses the third battle (the first one was the Chechen war, the second was the Georgian war), this would be the end of the USA and its dominance. So we see: neither USA nor Russia can resign from that situation. It is simply not possible for both not to react.

Why does US-president Barrack Obama hesitate with his aggression against Syria? Why did he appeal the decision to the US-Congress? Why does he ask for permission that he doesn´t need for his attack?

Dugin: We shouldn´t make the mistake and start doing psychological analyses about Obama. The main war is taking place right now behind the scenes. And this war is raging around Vladimir Putin. He is under great pressure from pro-American, pro-Israeli, liberal functionaries around the Russian president. They try to convince him to step aside. The situation in Russia is completely different to the situation in USA. One individual, Vladimir Putin, and the large majority of the Russian population which supports him are on one side, and the people around Putin are the Fifth column of the West. This means that Putin is alone. He has the population with him, but not the political elite. So we have to see the step of the Obama administration asking the Congress as a kind of waiting game. They try to put pressure on Putin. They use all their networks in the Russian political elite to influence Putin´s decision. This is the invisible war which is going on right now.

Is this a new phenomenon?

Dugin: (laughs) Not at all! It is the modern form of the archaic tribes trying to influence the chieftain of the enemy by loud noise, cries and war drums. They beat themselves on the chest to impose fear on the enemy. I think the attempts of the US to influence Putin are a modern form of this psychological warfare before the real battle starts. The US-Administration will try to win this war without the Russian opponent on the field. For this they have to convince Putin to stay out. They have many instruments to do so.

But again: What about the position of Barrack Obama?

Dugin: I think all those personal aspects on the American side are less important than on the Russian side. In Russia one person decides now about war and peace. In the USA Obama is more a type of bureaucratic administrator. Obama is much more predictable. He is not acting on his behalf; he simply follows the middle line of US-American foreign politics. We have to realize that Obama doesn´t decide anything at all. He is merely the figurehead of a political system that makes the really important decisions. The political elite makes the decisions, Obama follows the scenario written for him. To say it clearly, Obama is nothing, Putin is everything.

You said Vladimir Putin has the majority of the Russian population on his side. But now it is peace time. Would they also support him in a war in Syria?

Dugin: This is a very good question. First of all, Putin would lose much of his support if he does not react on a Western intervention in Syria. His position would be weakened by stepping aside. The people who support Putin do this because they want to support a strong leader. If he doesn´t react and steps aside because of the US pressure, it will be considered by the majority of the population as a personal defeat for Putin. So you see it is much more Putin´s war than Obama´s war. But if he intervenes in Syria he will face two problems: Russian society wants to be a strong world power, but it is not ready to pay the expenses. When the extent of these costs becomes clear, this could cause a kind of shock to the population. The second problem is what I mentioned already, that the majority of the political elite are pro-Western. They would immediately oppose the war and start their propaganda by criticizing the decisions of Putin. This could provoke an inner crisis. I think Putin is aware of these two problems.

When you say the Russians might be shocked by the costs of such a war, isn´t there a danger that they might not support Putin because of that?

Dugin: I don´t think so. Our people are very heroic. Let us look back in history. Our people were never ready to enter a war, but if they did, they won that war despite the costs and sacrifices. Look at the Napoleonic wars or World War II. We Russians lost many battles, but eventually won those wars. So we are never prepared, but we always win.

dimanche, 08 septembre 2013

La bipolarisation droite-gauche n'existe plus en milieu populaire

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"La bipolarisation droite-gauche n'existe plus en milieu populaire"...

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

guilly.jpgNous reproduisons ci-dessous un entretien avec le géographe et sociologue Christophe Guilluy, publié cet été dans le quotidien Le Figaro. Christophe Guilluy est l'auteur d'un essai intitulé Fractures françaises (Bourin, 2010) qui a suscité de nombreux commentaires lors de sa publication. Cet essai, devenu introuvable, sera réédité début octobre chez Flammarion, dans la collection de poche Champs.

LE FIGARO. - Vous êtes classé à gauche mais vous êtes adulé par la droite. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

Christophe GUILLUY.- Je ne suis pas un chercheur classique. Ma ligne de conduite depuis quinze ans a toujours été de penser la société par le bas et de prendre au sérieux ce que font, disent et pensent les catégories populaires. Je ne juge pas. Je ne crois pas non plus à la posture de l’intellectuel qui influence l’opinion publique. Je ne crois pas non plus à l’influence du discours politique sur l’opinion. C’est même l’inverse qui se passe. Ce que j’appelle la nouvelle géographie sociale a pour ambition de décrire l’émergence de nouvelles catégories sociales sur l’ensemble des territoires.

Selon vous, la mondialisation joue un rôle fondamental dans les fractures françaises. Pourquoi ?

La mondialisation a un impact énorme sur la recomposition des classes sociales en restructurant socialement et économiquement les territoires. Les politiques, les intellectuels et les chercheurs ont la vue faussée. Ils chaussent les lunettes des années 1980 pour analyser une situation qui n’a aujourd’hui plus rien à voir. Par exemple, beaucoup sont encore dans la mythologie des classes moyennes façon Trente Glorieuses. Mais à partir des années 1980, un élément semble dysfonctionner : les banlieues. Dans les années 1970, on avait assisté à l’émergence d’une classe moyenne, c’est la France pavillonnaire.

Vous avez théorisé la coexistence de deux France avec, d’une part, la France des métropoles et de l’autre la France périphérique.

On peut en effet diviser schématiquement la France en deux : la France périphérique, que certains ont dénommée mal à propos France périurbaine, est cette zone qui regroupe aussi bien des petites villes que des campagnes. De l’autre côté, il y a les métropoles, complètement branchées sur la mondialisation, sur les secteurs économiques de pointe avec de l’emploi très qualifié. Ces métropoles se retrouvent dans toutes régions de France. Bien évidemment, cela induit une recomposition sociale et démographique de tous ces espaces. En se désindustrialisant, les villes ont besoin de beaucoup moins d’employés et d’ouvriers mais de davantage de cadres. C’est ce qu’on appelle la gentrification des grandes villes, avec un embourgeoisement à grande vitesse.

Mais en même temps que cet embourgeoisement, il y a aussi dans les métropoles un renforcement des populations immigrées.

Au moment même où l’ensemble du parc immobilier des grandes villes est en train de se « gentrifier », l’immobilier social, les HLM, le dernier parc accessible aux catégories populaires de ces métropoles, s’est spécialisé dans l’accueil des populations immigrées. On assiste à l’émergence de « villes monde » très inégalitaires où se regroupent avec d’un côté des cadres, et de l’autre des catégories précaires issues de l’immigration. Dans ces espaces, les gens sont tous mobiles, aussi bien les cadres que les immigrés. Surtout, ils sont là où tout se passe, où se crée l’emploi. Tout le monde dans ces métropoles en profite, y compris les banlieues et les immigrés. Bien sûr cela va à l’encontre de la mythologie de la banlieue ghetto où tout est figé. Dans les zones urbaines sensibles, il y a une vraie mobilité : les gens arrivent et partent.

Pourtant le parc immobilier social se veut universel ?

La fonction du parc social n’est plus la même que dans les années 1970. Aujourd’hui, les HLM servent de sas entre le Nord et le Sud. C’est une chose fondamentale que beaucoup ont voulu, consciemment ou non, occulter : il y a une vraie mobilité dans les banlieues. Alors qu’on nous explique que tout est catastrophique dans ces quartiers, on s’aperçoit que les dernières phases d’ascension économique dans les milieux populaires se produisent dans les catégories immigrées des grandes métropoles. Si elles réussissent, ce n’est pas parce qu’elles ont bénéficié d’une discrimination positive, mais d’abord parce qu’elles sont là où tout se passe.

La France se dirige-t-elle vers le multiculturalisme ?

La France a un immense problème où l’on passe d’un modèle assimilationniste républicain à un modèle multiculturel de fait, et donc pas assumé. Or, les politiques parlent républicain mais pensent multiculturel. Dans la réalité, les politiques ne pilotent plus vraiment les choses. Quel que soit le discours venu d’en haut, qu’il soit de gauche ou de droite, les gens d’en bas agissent. La bipolarisation droite-gauche n’existe plus en milieu populaire. Elle est surjouée par les politiques et les catégories supérieures bien intégrées mais ne correspond plus à grand-chose pour les classes populaires.

Les classes populaires ne sont donc plus ce qu’elles étaient…

Dans les nouvelles classes populaires on retrouve les ouvriers, les employés, mais aussi les petits paysans, les petits indépendants. Il existe une France de la fragilité sociale. On a eu l’idée d’en faire un indicateur en croisant plusieurs critères comme le chômage, les temps partiel, les propriétaires précaires, etc. Ce nouvel indicateur mesure la réalité de la France qui a du mal à boucler les fins de mois, cette population qui vit avec environ 1 000 euros par mois. Et si on y ajoute les retraités et les jeunes, cela forme un ensemble qui représente près de 65 % de la population française. La majorité de ce pays est donc structurée sociologiquement autour de ces catégories modestes. Le gros problème, c’est que pour la première fois dans l’histoire, les catégories populaires ne vivent plus là où se crée la richesse.

Avec 65 % de la population en périphérie, peut-on parler de ségrégation ?

Avant, les ouvriers étaient intégrés économiquement donc culturellement et politiquement. Aujourd’hui, le projet économique des élites n’intègre plus l’ensemble de ces catégories modestes. Ce qui ne veut pas dire non plus que le pays ne fonctionne pas mais le paradoxe est que la France fonctionne sans eux puisque deux tiers du PIB est réalisé dans les grandes métropoles dont ils sont exclus. C’est sans doute le problème social, démocratique, culturel et donc politique majeur : on ne comprend rien ni à la montée du Front national ni de l’abstention si on ne comprend pas cette évolution.

Selon vous, le Front national est donc le premier parti populaire de France ?

La sociologie du FN est une sociologie de gauche. Le socle électoral du PS repose sur les fonctionnaires tandis que celui de l’UMP repose sur les retraités, soit deux blocs sociaux qui sont plutôt protégés de la mondialisation. La sociologie du FN est composée à l’inverse de jeunes, d’actifs et de très peu de retraités. Le regard porté sur les électeurs du FN est scandaleux. On les pointe toujours du doigt en rappelant qu’ils sont peu diplômés. Il y a derrière l’idée que ces électeurs frontistes sont idiots, racistes et que s’ils avaient été diplômés, ils n’auraient pas voté FN.

Les électeurs seraient donc plus subtils que les sociologues et les politologues… ?

Les Français, contrairement à ce que disent les élites, ont une analyse très fine de ce qu’est devenue la société française parce qu’ils la vivent dans leur chair. Cela fait trente ans qu’on leur dit qu’ils vont bénéficier, eux aussi, de la mondialisation et du multiculturalisme alors même qu’ils en sont exclus. Le diagnostic des classes populaires est rationnel, pertinent et surtout, c’est celui de la majorité. Bien évidemment, le FN ne capte pas toutes les classes populaires. La majorité se réfugie dans l’abstention.

Vous avancez aussi l’idée que la question culturelle et identitaire prend une place prépondérante.

Les Français se sont rendu compte que la question sociale a été abandonnée par les classes dirigeantes de droite et de gauche. Cette intuition les amène à penser que dans ce modèle qui ne les intègre plus ni économiquement ni socialement, la question culturelle et identitaire leur apparaît désormais comme essentielle. Cette question chez les électeurs FN est rarement connectée à ce qu’il se passe en banlieue. Or il y a un lien absolu entre la montée de la question identitaire dans les classes populaires « blanches » et l’islamisation des banlieues.

Vaut-il parfois mieux habiter une cité de La Courneuve qu’en Picardie ?

Le paradoxe est qu’une bonne partie des banlieues sensibles est située dans les métropoles, ces zones qui fonctionnent bien mieux que la France périphérique, là où se trouvent les vrais territoires fragiles. Les élites, qui habitent elles dans les métropoles considèrent que la France se résume à des cadres et des jeunes immigrés de banlieue. Ce qui émerge dans cette France périphérique, c’est une contre-société, avec d’autres valeurs, d’autres rapports au travail ou à l’État-providence. Même s’il y a beaucoup de redistribution des métropoles vers la périphérie, le champ des possibles est beaucoup plus restreint avec une mobilité sociale et géographique très faible. C’est pour cette raison que perdre son emploi dans la France périphérique est une catastrophe.

Pourquoi alors l’immigration pose-t-elle problème ?

Ce qui est fascinant, c’est la technicité culturelle des classes populaires et la nullité des élites qui se réduit souvent à raciste/pas raciste. Or, une personne peut être raciste le matin, fraternelle le soir. Tout est ambivalent. La question du rapport à l’autre est la question du village et comment celui-ci sera légué à ses enfants. Il est passé le temps où on présentait l’immigration comme « une chance pour la France ». Ne pas savoir comment va évoluer son village est très anxiogène. La question du rapport à l’autre est totalement universelle et les classes populaires le savent, pas parce qu’elles seraient plus intelligentes mais parce qu’elles en ont le vécu.

Marine Le Pen qui défend la France des invisibles, vous la voyez comme une récupération de vos thèses ?

Je ne me suis jamais posé la question de la récupération. Un chercheur doit rester froid même si je vois très bien à qui mes travaux peuvent servir. Mais après c’est faire de la politique, ce que je ne veux pas. Dans la France périphérique, les concurrents sont aujourd’hui l’UMP et le FN. Pour la gauche, c’est plus compliqué. Les deux vainqueurs de l’élection présidentielle de 2012 sont en réalité Patrick Buisson et Terra Nova, ce think-tank de gauche qui avait théorisé pour la gauche la nécessité de miser d’abord sur le vote immigré comme réservoir de voix potentielles pour le PS. La présidentielle, c’est le seul scrutin où les classes populaires se déplacent encore et où la question identitaire est la plus forte. Sarkozy a joué le « petit Blanc », la peur de l’arrivée de la gauche qui signifierait davantage d’islamisation et d’immigration. Mais la gauche a joué en parallèle le même jeu en misant sur le « petit Noir » ou le « petit Arabe ». Le jeu de la gauche a été d’affoler les minorités ethniques contre le danger fascisant du maintien au pouvoir de Sarkozy et Buisson. On a pu croire un temps que Hollande a joué les classes populaires alors qu’en fait c’est la note Terra Nova qui leur servait de stratégie. Dans les deux camps, les stratégies se sont révélées payantes même si c’est Hollande qui a gagné. Le discours Terra Nova en banlieue s’est révélé très efficace quand on voit les scores obtenus. Près de 90 % des Français musulmans ont voté Hollande au second tour.

La notion même de classe populaire a donc fortement évolué.

Il y a un commun des classes populaires qui fait exploser les définitions existantes du peuple. Symboliquement, il s’est produit un retour en arrière de deux siècles. Avec la révolution industrielle, on a fait venir des paysans pour travailler en usines. Aujourd’hui, on leur demande de repartir à la campagne. Toutes ces raisons expliquent cette fragilisation d’une majorité des habitants et pour laquelle, il n’y a pas réellement de solutions. C’est par le bas qu’on peut désamorcer les conflits identitaires et culturels car c’est là qu’on trouve le diagnostic le plus intelligent. Quand on vit dans ces territoires, on comprend leur complexité. Ce que le bobo qui arrive dans les quartiers populaires ne saisit pas forcément.

Christoph Guilluy (Le Figaro, 19 juillet 2013)

 

*Christophe Guilluy est un géographe qui travaille à l’élaboration d’une nouvelle géographie sociale. Spécialiste des classes populaires, il a théorisé la coexistence des deux France : la France des métropoles et la France périphérique. Il est notamment l’auteur d’un ouvrage très remarqué : Fractures françaises.

mercredi, 04 septembre 2013

Verso l’Eurasia da Dostoevskij a Limonov passando per i Cccp

Verso l’Eurasia da Dostoevskij a Limonov passando per i Cccp

di Luca Negri - Alfonso Piscitelli

Fonte: Barbadillo

limonov.jpgNell’ambito del progetto Eu-Rus vogliamo incontrare intellettuali italiani che si pongono il problema di un nuovo modello di civiltà europea, al di là del vecchio steccato tra Est ed Ovest. Il primo dialogo è con Luca Negri, firma della pagina culturale de Il Giornale, che nel suo ultimo libro (“Il ritorno del Guerin Meschino. Appunti per comprendere il nuovo Medio Evo”, Lindau) si impegna nella ricerca di quel modello. Come se fosse una post-moderna e cosciente “ricerca del Graal”.

Luca, in passato  hai scritto un libro sulla curiosa vicenda di un gruppo musicale filo-sovietico. Cosa ti ha portato a interessarti alla band CCCP?

Ho scritto un libro su Giovanni Lindo Ferretti, cantante, scrittore, leader del  gruppo punk chiamato  CCCP – Fedeli alla linea.

Anche comico “comunista” della banda di Arbore …

No quello era Ferrini.

Ah!

Sono cresciuto con le canzoni di Ferretti ed ho affrontato un percorso simile al suo: dall’estrema sinistra al cristianesimo. La sua parabola ben illustra le interazioni tra le due grandi chiese italiane: quella cattolica e quella comunista.

In effetti anche i Brigatisti Rossi nascevano come chierichetti.

I CCCP erano interessanti perché nei primi anni ’80, quando  tutti si ispiravano agli anglosassoni,  preferirono guardare ad Est: un gruppo di “punk filosovietico”  anche al di là del riferimento alla ideologia. Sentivano molto il fascino dell’Islam, della Cina, della Mongolia.

Cioè erano eurasiatisti  ante litteram?

 Sì. Il retro copertina del loro secondo album mostrava una carta geografica con al centro la Russia, a destra l’Asia e a sinistra l’appendice europea. Aggiungerei che erano affascinati dal mondo sovietico perché vedevano nella monumentalità del realismo socialista una residua traccia del Sacro ormai perso in Occidente.

Di lì a poco il sistema sovietico sarebbe crollato e sarebbe rinata la Russia delle sacre icone ortodosse.

 Quella Russia non era mai morta, perché  i semi gettati dai grandi pensatori russi come Dostoevskij continuavano a mettere radici  sotto la terra e a influenzare la grande cultura europea.

Tu approfondisci questi autori nel tuo libro “Il ritorno del Guerin Meschino. Appunti per comprendere il nuovo medio evo”.  Proprio Dostoevsky è un pensatore che affronta il problema tipicamente europeo del nichilismo. Quali le analogie e le differenze con Nietzsche?

Della questione si  occupò ampiamente Julius Evola.

Certo, in Cavalcare la Tigre.

In effetti, alcuni eroi “negativi” del romanziere russo sembrano anticipare il nichilismo di Nietzsche. I “demoni” o gli  “ossessi” di Dostoevskij  sono, in fondo, individualità con una grossa tensione spirituale, che però si muovono in un mondo in cui Dio è morto, in un’epoca in cui l’antica concezione del Dio posto al di fuori degli uomini e non nell’interiorità, sta tramontando. Ecco perché cercano disperatamente risposte che non arrivano  né dalla storia,  né dalla politica. Sono martiri inconsapevoli di un nuovo cristianesimo a venire. Finiscono tragicamente, come lo stesso pensatore tedesco, perché la loro carica spirituale non riesce a risolvere le contraddizioni. Uniche soluzioni sembrano il suicidio, l’idiozia,il terrorismo, la follia.

Le tendenze più tragiche della modernità sarebbero dunque episodi di un “interregno” tra la vecchia concezione religiosa e una nuova manifestazione del Sacro?

Il nichilismo è appunto come una notte oscura dell’anima, o come un’opera al nero alchemica. Bisogna guardarlo in faccia. Non può essere eluso, come pretendono le anime belle con appelli  sentimentali. Ma appunto, deve essere una, un passaggio, una verifica.

L’altro grande russo Tolstoj sembra più appartenere al mondo  delle ideologie sociali ed è stato considerato per certi aspetti un precursore del comunismo.

Tolstoj ha delle responsabilità nella riduzione del cristianesimo  a mera  etica umanitaria. Tolstoj comprese che il Vangelo di Cristo non può essere  ingabbiato dentro l’istituzione ecclesiastica (nel suo caso ortodossa) e deve diventare qualcosa di ancor più universale. Però non riuscì ad immaginare altro che una declinazione umanitaria, una vocazione  sociale a stare dalla parte degli ultimi. Cosa giusta di per sé, ma c’è tutto l’aspetto mistico, oserei dire magico, che rischia di perdersi in questo discorso . Quello che servirebbe è un punto d’equilibrio fra la tensione metafisica di Dostoevskij e quella  terrestre, di Tolstoj.

Un equilibrio tra vocazione celeste e terrestre. Mi viene in mente Florensky, che fu un grande mistico russo e uno dei principali scienziati del Novecento.

Pavel Florensky … anche detto il “Leonardo da Vinci” russo!  La  sua opera fu una sintesi di  teologia, filosofia, critica d’arte, matematica, scienza applicata. È come se fosse riuscito  a vedere tutto da una prospettiva superiore e unitaria. Fu sacerdote ortodosso e  martire del comunismo. Avrebbe potuto scappare in Francia, come molti altri, ma preferì sopportare le stesse sofferenze del suo popolo. I comunisti si servirono di lui e gli concessero un poco di libertà proprio perché non potevano fare a meno delle sue conoscenze ed abilità tecniche. Ma alla fine lo spedirono in un Gulag e lo fucilarono.

Un pensatore europeo che intravede un grande compito per lo Spirito Russo è Rudolf Steiner, il fondatore dell’antroposofia.

Steiner vedeva ad Est, in Russia il futuro della civiltà europea  e del cristianesimo. Dopo il cristianesimo romano nato con Pietro, quello luterano ispirato da Paolo, secondo Steiner arriverà il turno di quello slavo: il Cristianesimo di Giovanni …

 … di Giovanni che vede in Cristo il Logos che illumina il Cosmo.

Un cristianesimo  non troppo legato alle chiese, neppure a  quelle ortodosse, ma vivo nelle individualità. Ecco che i nomi fatti precedentemente, Dostoevskij, Tolstoj, Florenskij  ed altri come Soloviev Berdjaev, Merezkovski  ci appaiono veramente come precursori di questo cristianesimo futuro.

Nel tuo libro parli anche di Drieu La Rochelle, che alla fine della seconda guerra mondiale guardava alla Russia come il  polo di aggregazione di tutta l’Europa.

 Drieu La Rochelle, come Berdjaev e Florenskij, auspicava un nuovo Medioevo in alternativa all’individualismo dell’Occidente illuminista. Affidò prima le sue speranze all’ideologia fascista, poi assistendo alla disfatta militare, guardò, nei suoi ultimi giorni di vita, alla Russia di Stalin.

Vi è  però una grande differenza con i pensatori russi, che peraltro avevano sperimentato sulla loro pelle il bolscevismo: per loro la rinascita spirituale si sarebbe realizzata con il risveglio delle facoltà mistiche nell’umanità, a partire dai popoli slavi; Drieu invece era affascinato da  un potere autoritario  che imponesse dall’alto una nuova società. In questo senso, Berdjaev e Florenskij appaiono molto più moderni, maggiormente proiettati verso il futuro rispetto a Drieu  che rimane legate alle soluzioni di tipo giacobino. E fa riflettere il fatto che il francese abbia alla fine scelto la strada del suicidio, come un disperato personaggio di Dostoevskij …

Per finire, mi dai un parere su Limonov?

 Personaggio interessante con un trascorso a suo modo “punk” (e qui chiudiamo il cerchio aperto con Ferretti)  e con una  tensione metafisica che si sviluppa col passare degli anni. Può sembrare l’altra faccia di Putin: opposto e complementare. Se Putin incarna l’orgoglio nazionale, la  realpolitik e il sentimento di rispetto per la tradizione religiosa, Limonov mi sembra un uomo nuovo. O quantomeno un buon punto di partenza!

 


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dimanche, 01 septembre 2013

Entretien avec Tracy Chamoun

Tracy Chamoun: “L'extrémisme islamiste existe aussi chez vous, dans les pays occidentaux"

Entretien recueilli par

Frédéric Pons


Ex: http://www.valeursactuelles.com

cham.jpegInterview. Héritière d’une grande famille politique maronite brisée par la guerre civile, Tracy Chamoun déplore l’aveuglement euro-américain. Rencontre sur fond de crise syrienne. Son grand-père, Camille Chamoun, fut président de la République libanaise de 1952 à 1958.


Lire aussi:
> Syrie : des experts de l’ONU attaqués
> Quand la chimie fait la guerre
> La vérité sur les armes chimiques en Syrie

> Syrie: les options du Pentagone


Son père, Dany, fut assassiné, en octobre 1990, avec sa femme et deux de ses jeunes enfants, par d’autres chrétiens. Alors âgée de 30 ans, résidant à l’étranger, Tracy échappa au massacre. Elle en tira un premier livre passionné et déchirant, Au nom du père (JCLattès, 1992). Son nouvel ouvrage, le Sang de la paix, se veut plus serein, porteur de valeurs pour l’avenir du Liban, tout en rappelant les responsabilités libanaises ou étrangères dans le sort de son pays. Elle est particulièrement sévère pour le chrétien Samir Geagea, le chef des Forces libanaises, et pour le clan sunnite Hariri. On peut ne pas partager toutes ses colères, on peut réfuter telle ou telle de ses analyses, mais ses épreuves, son courage et sa force de conviction font de Tracy Chamoun, 53 ans, une voix qui porte. Il faut savoir l’écouter.

Que représente votre engagement ?

J’ai un héritage politique à assumer, pour sauvegarder la démocratie et la liberté au Liban. Mes valeurs sont celles de la tradition libérale de ma famille : le non-confessionnalisme, l’égalité, la diversité, la défense de cette passerelle unique que représente le Liban entre l’Orient et l’Occident.

Que signifie être libéral-démocrate au Liban ?

Aujourd’hui, pas grand-chose. On nous vole nos droits démocratiques en nous privant d’élections législatives sous de faux prétextes. On nous prive d’une loi électorale qui favoriserait la représentation des différentes communautés. Ils amendent la Constitution comme bon leur semble pour proroger les mandats de nos hauts fonctionnaires d’une façon inconstitutionnelle.

Pourquoi le camp chrétien est-il encore si divisé ?

Il a été délibérément divisé. Faire sortir Samir Geagea de prison, en 2005, fut un choix politique. Il avait été arrêté en 1994, condamné à mort puis à la prison à vie pour avoir commis des crimes contre sa propre communauté, ce qui divisa et affaiblit les chrétiens, en vue de contrer le général Aoun.

Pouvez-vous pardonner aux chrétiens qui vous ont fait tant de mal ?

Les chrétiens ne m’ont fait aucun mal. Certains chefs chrétiens, oui, en particulier Samir Geagea, lorsqu’il commandita l’assassinat de ma famille.

Comprenez-vous l’alliance entre le général Aoun et le Hezbollah chiite ?

L’alliance entre chrétiens et chiites date de l’époque de mon grand-père. Il en fut même l’instigateur. Elle devait préserver ces communautés. L’étiquette terroriste est une qualification occidentale qui sert des intérêts politiques régionaux, mais le Hezbollah est un parti politique qui représente un très grand nombre de chiites.

Le Liban peut-il s’apaiser avec ce parti qui conserve sa milice armée ?

La résistance est une composante essentielle de la défense du pays contre les agressions successives d’Israël. Tant que nous n’avons pas une armée forte, on ne pourra pas se passer de la résistance armée du Hezbollah. Son désarmement devra se faire dans un contexte plus large de dialogue national, sous l’autorité de l’État libanais.

Comment évaluez-vous la crise en Syrie ?

Les intérêts de la communauté chrétienne du Liban sont intimement liés à la survie du régime de Bachar al-Assad. Il représente la seule option laïque face à la poussée de l’extrémisme islamiste et djihadiste. Nous avons combattu les Syriens lorsqu’ils occupaient notre pays, mais ils sont partis. Nous savons que la survie de notre communauté dépend de nos alliances avec toutes les minorités dans la région.

Pourquoi dites-vous que l’avenir de l’Occident se joue au Liban ?

Parce que la formule de coexistence au Liban est aussi une référence de base pour la survie des communautés occidentales. L’extrémisme islamiste qui émerge du conflit syrien existe aussi chez vous, dans les pays occidentaux, dont la France, qui alimentent ce conflit en hommes. Le risque est de voir cet extrémisme revenir chez vous, dans vos pays.

Que dire aux amis du Liban qui désespèrent du pays du Cèdre ?

Réveillez-vous !

Le Sang de la paix, de Tracy Chamoun, JCLattès, 200 pages, 19 €.

samedi, 31 août 2013

Les attaques chimiques sont un coup monté

Syrie :

"Les attaques chimiques

sont un coup monté"

Ex:
http://www.levif.be/info/actualite/international/syrie-les-attaques-chimiques-sont-un-coup-monte/article-4000384171801.htm?nb-handled=true&utm_medium=Email&utm_source=Newsletter-27/08/2013

En exil depuis 35 ans, l’opposant Haytham Manna, responsable à l’étranger du Comité de Coordination nationale pour le changement démocratique (opposition syrienne non armée), s’oppose avec force à toute intervention étrangère contre son pays. 


haytham-manna-2012-3-8-8-20-28.jpgL’utilisation d’armes chimiques en Syrie pourrait amener les Occidentaux à "punir" le régime. Qu’en pensez-vous ?

HAYTHAM MANNA : Je suis totalement contre, tout comme la coordination que je dirige. Cela ne fera que renforcer le régime. Ensuite, une intervention risque d'attiser encore plus la violence, d'ajouter de la destruction à la destruction et de démanteler un peu plus la capacité de dialogue politique. Le régime est le premier responsable car il a choisi l’option militaro-sécuritaire. Mais comment peut-on parler de guerre contre le terrorisme et donner un coup de main à des extrémistes affiliés à Al Qaeda ? 

Les Occidentaux choisissent la mauvaise option, selon vous ? 

Depuis le début, c’est une succession d’erreurs politiques. Les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont poussé les parties à se radicaliser. Ils n’ont pas empêché le départ de djihadistes vers la Syrie et ont attendu très longtemps avant d’évoquer ce phénomène. Où est la démocratie dans tout ce projet qui vise la destruction de la Syrie ? Et pensez-vous que ce soit la morale qui les guide ? Lors du massacre d’Halabja [commis par les forces de Saddam Hussein en 1988], ils ont fermé les yeux. Je m’étonne aussi de voir que les victimes d’armes chimiques sont bien davantage prises en considération que les 100 000 morts qu’on a déjà dénombrés depuis le début du conflit.

Qui est responsable du dernier massacre à l’arme chimique ? 

Je n’ai pas encore de certitude mais nos informations ne concordent pas avec celles du président Hollande. On parle de milliers de victimes, alors que nous disposons d’une liste de moins de 500 noms. On est donc dans la propagande, la guerre psychologique, et certainement pas dans la vérité. Ensuite, les armes chimiques utilisées étaient artisanales. Vous pensez vraiment que l’armée loyaliste, surmilitarisée, a besoin de cela ? Enfin, des vidéos et des photos ont été mises sur Internet avant le début des attaques. Or ce matériel sert de preuve pour les Américains ! 

Pensez-vous qu’une partie au conflit a voulu provoquer les Occidentaux à intervenir ? 

C’est un coup monté. On sait que les armes chimiques ont déjà été utilisées par Al Qaeda. Or l’Armée syrienne libre et les groupes liés à Al Qaeda mènent en commun 80% de leurs opérations au nord. Il y a un mois, Ahmad Jarba [qui coordonne l’opposition armée] prétendait qu’il allait changer le rapport de forces sur le terrain. Or c’est l’inverse qui s’est produit, l’armée loyaliste a repris du terrain. Seule une intervention directe pourrait donc aider les rebelles à s’en sortir… Alors, attendons. Si c’est Al Qaeda le responsable, il faudra le dire haut et fort. Si c’est le régime, il faudra obtenir une résolution à l’ONU. Et ne pas laisser deux ou trois payer fédérer leurs amis, pas tous recommandables d’ailleurs. 

Entre Occidentaux et Russes, quelle position vous semble la plus cohérente ? 

Les Russes sont les plus cohérents car ils travaillent sérieusement pour les négociations de Genève 2 [sensées mettre autour d’une même table le régime et les opposants]. Les Américains ont triché. Deux ou trois fois, ils se sont retirés, au moment où s’opérait un rapprochement.

Une solution politique est-elle encore possible ?

Tout est possible mais cela dépendra surtout des Américains. Les Français se contentent de suivre. Une solution politique est la seule qui permettra de sauver la Syrie. Mais l’opposition armée ne parvient pas à se mettre d’accord sur une délégation. 

Que deviendra Bachar al Assad? 

Il ne va pas rester. Si les négociations aboutissent, elles mèneront de facto à un régime parlementaire. Si du moins on accepte de respecter le texte de base de Genève 2 qui est le meilleur texte, avec par-dessus un compromis international. Mais laissez-moi dire ceci : quand on parle de massacrer des minorités, et que le président fait partie d’une minorité, comment peut-on lui demander de se retirer ou ne pas se retirer ? Aujourd’hui, la politique occidentale a renforcé sa position de défenseur de l’unité syrienne et des minorités. Cela dit, personne ne pourra revendiquer de victoire : la violence est devenue tellement aveugle qu’il faudrait vraiment un front élargi de l’opposition et du régime pour en venir à bout.

François Janne d’Othée

jeudi, 29 août 2013

Европа, глобализация и метаполитика

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Европа, глобализация и метаполитика

Г-н Стойкерс, мы хотели бы начать наше интервью с описания текущей ситуации в ЕС, особенно в Северо-Западном регионе. Что вы могли бы рассказать нам об этом?
 
Ситуация в странах Бенилюкса представляет собой то, что я мог бы назвать тупиком: Нидерланды как мультикультурное государство с католическим большинством, хотя пару десятилетий назад ситуация была иной, с сильным меньшинством протестантов, включая кальвинистов, которые дали нации само ее рождение в 16-м и 17-м веках, атеистами, которые в настоящее время отвергают все формы религиозной веры, и мусульманским меньшинством из марокканской и турецкой общин иммигрантов, пытается категорически отвергнуть ислам, так как большинство иммигрантов не ведут себя должным образом в соответствии к голландскими стандартами и вообще не представляются достойными ислама, который будет соответствовать общей тенденции голландцев к порядочности, честной игре, респектабельности и мягкости. Нидерланды, в связи с доминирующей длительное время кальвинистской элитой, в настоящее время демонстрируют тенденцию подражать худшим британской или американской моделям, даже если католики, которые сейчас составляют большинство, склонны быть более восприимчивыми к немецкой или другой континентальной модели, будь то левые или правые. Исламофобский центр притяжения партии PVV ("партия свободы") Герта Вилдерса вынуждает голландское правительство следовать британской и американской внешней политике, хотя позиция бывшего исламофобского политического лидера Нидерландов Пима Фортейна, который был католиком-гомосексуалистом и был убит бандитом-псевдоэкологом, была направлена против интервенции Голландии в чьи-либо дела - он высказывался против военной акции в отношении сербов и за полный вывод голландских подразделений, которые были направлены в Боснию: это может и было реальной причина для его убийства, а не довольно агрессивная позиция по отношению к мусульманам, которую он занимал в своих политических выступлениях и брошюрах. Нидерланды, несмотря на то, что являются моделью государства в текущем кризисе ЕС, так как его финансовое положение относится к зоне евро и, кажется, остается довольно устойчивыми, но все же не без риска, потому что как и Испания, там есть спекулятивный пузырь в сфере недвижимости, который может взорваться в любой момент. Одна вещь, которую мы не должны забывать за рубежом: Нидерланды, вместе с Фландрией в Бельгии, постоянно производят огромное количество книг во всех видах гуманитарных наук, это темы, которые нас интересуют, но это, к сожалению, в значительной степени игнорируется в регионах, не говорящих по-голландски, где эти работы никогда не переводились и не цитировались в научных трудах, несмотря на то, что голландские и фламандские интеллектуалы в целом понимают, и читают, по крайней мере, на четырех языках и, следовательно, в состоянии сделать замечательный синтез.
 
Бельгия сейчас - это еще одно мультикультурное государство, разделенное языковыми границами, которые рассекли две основные католические общины - говорящих по-голландски фламандцев и франкоязычных валлонов (есть также небольшая община говорящая по-немецки на востоке страны, рядом с немецкой границей). В настоящее время фламандцы, как и голландцы, подвержены сильной тенденции подражать англосаксонской модели, а валлоны находятся под глубоким влиянием французских образов мышления. А немцы, конечно, под сильным влиянием немецких идей и дебатов. Эти "низкие Страны" представляют собой невероятное лоскутное одеяло из идей: вы более нигде не найдете таких больших потоков идей, широко распространенных среди населения и, наоборот, вы найдете все, левых или правых радикалов, иногда выражающих очень оригинальными способами, однако из этого широкого круга идей не получается никакой социальной сплоченности. Даже в рамках основных политических партий (либеральная, христиане-демократы, социалисты), тенденции довольно многочисленны как среди лидеров, так и боевиков. Основной тренд, конечно, поддерживает западную точку зрения в рамках НАТО, хотя все оппозиционные элементы, исторически (Хармель) или в настоящее время (Коллон) могут сильно критиковать идеологию и практику НАТО. Кроме того, люди на самом деле не заинтересованы в операциях, начатых в Ираке, Афганистане, Ливии или Сирии. Они не поддерживают армию, отправленную в этих страны, куда вторглось НАТО (конечно потому, что армия больше не является по призыву), так же, как Пим Фортейн требовал вывода голландских войск из бывшей Югославии. Лично я думаю, и я повторяю это снова, что это и было главной причиной его убийства, а не преднамеренный акт сумасшедшего активиста, чьи идеи парадоксально обосновали проНАТОвскую позицию преемника Фортейна в голландском популистском идеологическом течении, т.к. Герт Вилдерс, чей отец родился в католической провинции Лимбург близ немецкого города Аахен, и мать которого является индуской из Индии, скорее всего, довольно враждебны к мусульманам. Лояльность сына по отношению к матери может объяснить некоторые исламофобские подходы его партии...
 
В "низких странах" вы можете воспринимать множество изолированных реакций против Системы. Как пример можно привести усилия самого известного за рубежом политолога, воодушевленного Хомским, такого как экс-маоистский активист Мишель Коллон во франкоязычной Бельгии. Бельгия, тем не менее, является довольно проблемной страной, даже учитывая то, что три "низких страны" относятся к сильнейшим экономическим государствам в рамках ЕС. Последствия кризиса и рецессии сейчас ощутимы в Бельгии, когда цены на продукты питания и первой необходимости намного выше, чем во Франции и Германии, а общая покупательная способность населения резко снизилась. Бельгия сохраняет свою относительную стабильность только из-за гигантских клиентов соседей, которым является Германия, покупающая товары в Бельгии для производства других товаров в Германии для реализации на русских и китайских рынках. Так что Германия, и в "переводе", как сказал бы учитель математики, Бельгия и Нидерланды, - это основные партнеры Евразийского альянса стран БРИКС, даже если НАТО-ориентированная трэш-элита не хочет так считать, несмотря на экономические и коммерческие факты и цифры. Таким образом, "маленькая Бельгия" разделяет часть немецкого пирога в Евразии: в высоко коммерческих закрытых собраниях хорошо знают об этом и некоторые умники мечтают о выздоравливании позиции Бельгии, как было до 1914 года в России (когда Россия была главным торговым партнером Бельгии между 1890 и 1914 гг.), и даже в Китае, куда регулярно направляются коммерческие миссии.
 
В заключение этих коротких мыслей о "Низких странах", я хотел бы предложить русским друзьям создать небольшое закрытое собрание по голландским и фламандским исследованиям с целью сбора полезной информации, чтобы никто другой больше в долгосрочной перспективе не смог получать прибыль.
 
- Сейчас в Южной Европе воодятся меры жесткой экономии, это чувствуется на Северо-Западе? И что насчет всеевропейской солидарности или концерте наций в контексте кризиса?
 
Вы, наверное, знаете в России, что трагедия в Европе в том, что северные нации имеют не высокое мнение о их южных соседях, и политический мыслитель, такой как Жан Тириар, который остается источником вдохновения для меня и для профессора Дугина, сильно сожалел об этом. Большинство людей в Северной Европе говорят, что надо заставить Испанию, Грецию, Португалию и Италию принять эту политику жесткой экономии, однако, думая таким образом, они отказываются принимать во внимание простой факт, что спекуляции банкиров с Уолл-стрит против более хрупких стран Южной Европы являются спекуляцией против ЕС в целом и это была попытка уничтожить евро в качестве альтернативной валюты к доллару, которую некоторые страны БРИКС могли бы принять в качестве средства для регулирования международной торговли. Атлантистская слепота мешает лидерам ЕС воспринимать эти спекуляции американских банкиров как крайне смертоносное оружие в новых невоенных формах войны, так же, как шпионаж против европейских лабораторий и инженерных бюро через систему "Эшелон", столь же захватывающие бунты иммигрантов во французских пригородах, приводящие к партизанской войне против полиции и, наконец, устранение Ширака (который совершил два основных греха: дальнейшее развитие французского автономного ядерного оружия в 1995 году, в соответствии с видением де Голля, и поддержка идеи альянса между Парижем, Берлином и Москвой во время англо-американского нападения на Ирак в 2003 году) и замена его сумасшедшим политиком, таким как Николя Саркози, который несколько месяцев спустя вновь ввел Францию в верховное командование НАТО, как отправка "femens" пытающихся высмеять политиков или архиепископов, так же, как создание из ничего "оранжевых революций" и т.д. На самом деле, как вы и предлагаете, широкая и крепкая солидарность предпочтительнее для Европы, чем текущая трепка для южан, с которой мы экспериментируем этими днями, особенно учитывая, что три основных полуострова в Средиземноморском регионе имеют высокое стратегическое значение и являются потенциальными трамплинами для вторжения в Центр и Север европейского субконтинента. Одной главной идеей могла бы быть просто поддержка стран Южной Европы в новой политике, состоящей из отказа возвращать банкам кредиты и перезапуск нового направления, как было с победой сделано в Исландии. Это, конечно, разрушит все догмы неолиберализма. Но разве это не конечная цель нашей борьбы? 
 
Более или менее официальный журнал ЕС "Мир Европы", представил в своем весеннем выпуске 2013 г. две позиции по поводу кризиса. Автором одной является Ханс-Олаф Хенкель, президент Федерации немецкой промышленности (BDI), общепризнанный адвокат по вопросу евро: теперь он предлагает создать «Северный евро", что приводит к концу обещанную общеевропейскую солидарность. Затем глава Европейского института при Лондонской школе экономики Поль де Гров в том же номере "Мир Европы»" поет дифирамбы в пользу "фискального союза", такого, как и в Соединенных Штатах, даже если процесс создания для этого займет время, для того, чтобы избежать выдачи правительствами еврозоны долга в евро, не имея возможности контролировать валюту, что, в соответствии с де Гров, "мешает правительству дать гарантию держателям облигаций, что наличные всегда будут иметься для оплаты их запросов" (стр. 28). Даже если мы будем довольно подозрительными в отношении того, что главным образом предлагает неолиберальная Лондонская школа экономики, эта стратегия, предложенная де Гров, укрепила бы европейское единство и позволила бы избежать спекуляций в отношении более слабых стран. Де Гров называет предлагаемую им систему "Объединением долгов правительств еврозоны" с учетом, что "самое слабое (правительство) будет защищено от разрушительных последствий страха и паники, которые возникают на финансовых рынках, и, что в теории это может ударить по любой из стран-членов" (например, Нидерландам, если пузырь на рынке недвижимости даст некоторым банкирам возможность спекулировать против этого "славного государства"). Только таким образом Европа может стать полноправным игроком на многополярной шахматной доске и будет защищена от оружия спекуляций, что представляет постоянный риск, когда вы остаетесь приклеенным к евро-атлантическому региону, где «союзники» не являются союзниками, и как сказано в доктрине Клинтона, являются просто "чужеродной публикой", которую можно при случае отлупить, если вдруг кто-то напугает Вашингтон, что эти «союзники» могут стать вскоре стать реальными конкурентами.
 
А уполномоченные голоса в Германии предсказывают плохое будущее для экономичной сверхдержавы в самом центре Европейского субконтинента. Как консерваторы, такие как граф Кристиан фон Кроков, так и социалисты в лице Тило Саррацина перечисляют проблемы Германии в настоящее время в лице: 1) провала системы образования, которая в настоящее время не в состоянии генерировать необходимое количество технических или научных элит; 2) демографического упадка; 3) идеологического тупика; 4) отказа иммигрантов ассимилироваться или даже интегрироваться; 5) не управляемого кризиса государства всеобщего благосостояния и т.д. Кризис, охвативший Грецию или Испанию - это только прелюдия к большому кризису, который ударит по всей Европе, включая Германию, в ближайшие десятилетия, если не произойдет полного изменения в сознании людей.
 
- Является ли экономика судьбой Европы или есть более глубокие причины для объединения (или разъединения) всех европейских народов?
 
Европа, конечно, гармонизировала свою экономику после Второй мировой войны, а пять или шесть мрачных лет после 1945 г. были бедствием для наших стран, это трагический период заброшенности в нашей истории, как американско-британский историк Кит Лоу называет его в своей последней книге. это были такие же годы страданий, как и в бывшем Восточном блоке и в Советском Союзе. Германия представляла собой груду развалин, Франция и Италия также были слишком разрушены ковровыми бомбардировками (хотя и в меньшей степени, чем Германия) и разрушениями в связи с военными операциями были усеяны все страны. Мы не можем отрицать настоящий европейский патриотизм среди одних из первых архитекторов европейского объединительного процесса (таких как Шуман, Аденауэр и де Гаспери): их очевидной целью было сделать из Европы, на этот раз через экономику, а не военным путем, то, что Карл Шмитт называл "Большим пространством" ("Grossraum"). Но из-за дегенеративных процессов индуцированного массового потребления и "чувственного" материалистического отношения (я использую здесь слово "чувственное" так, как это было придумано Питиримом Сорокиным), где идеология мая 1968 была вершиной, частично в связи с постоянными, но тихими усилиями бывшего агента OSS (Офис стратегических служб США, предшественник ЦРУ - прим. пер.) Герберта Маркузе, стойкое видение объединенной Европы (или даже "Еврафрики") уступило место своего рода общей капитуляции, оставив руководство евроатлантической зоны в США, - это процесс, который вот-вот будет окончательно достигнут сейчас, когда американцы пытаются контролировать весь африканский континент через недавно созданное командование АФРИКОМ, чтобы вначале избавиться там от китайского присутствия, что сейчас сопровождается французской помощью для янки в Мали! Sic Transit Gloria Mundi! Можно согласиться с многими наблюдателями в том, что "чувственный" менталитет и приоритет материальных ценностей были специально спровоцированы американскими аналитическими центрами, которые на практике являлись воплощением идей Сунь Цзи, в соответствии с которыми вы должны ослабить ваших потенциальных врагов или конкурентов с помощью пробуждения среди них менталитета сибаритов.
 
Сейчас банковская практика, являющаяся двигателем экономики, построена на количестве, а не качестве, на материалистическом мировоззрении, которое как только возникает, то быстро устраняет все остальные ценности, как показал Жюльен Фройнд, и избавляется от всех этических или исторических чувств ответственности. Каждая форма торжествующего материализма побуждает людей больше не чувствовать себя связанными со своими соотечественниками и подстрекает их не уважать религиозные этические обязанности по отношению к другим, будь это те же убеждения, какие они разделяют, или, как говорит христианская или толстовская этика, человеческие существа должны уважаться как таковые, без иного рассмотрения. Именно в этом смысле отказ от всех национально-политических или религиозных связей, что заметил Артур Меллер ван ден Брук, который вместе со своей женой Люси Кэррик, перевеодил на немецкий язык Достоевского, уже через несколько десятилетий либерализма (т.е. "чувственной" материалистической идеологии, которую русский экономист и социолог Сергей Николаевич Булгаков (1871-1944) называл "буржуазностью", - неологизм, направленный на определение утилитарной идеологии британского либерализма) заметил, что люди просто умирают в качестве подлинного ценностно-рожденного сообщества и превращаются в кучу рассеянных индивидуумов, что происходит сейчас в наших странах. Европа должна быть вначале объединена посредством общей «культуры», общей системы образования, и на втором этапе мы бы придумали общую конституционную и гражданскую систему права, уважающую этнические и языковые общины ("реальные сообщества" ) на всей территории субконтинента. Таковы все прерогативы индоевропейской "Первой Функции", в соответствии с французским академиком Жоржем Дюмезилем, которые могли быть изложены в самом начале будущего процесса объединения. Позтом должна быть создана "Вторая функция" посредством создания автономной военной системы, а не в зависимости от структуры НАТО (как это было полностью юридически возможным в каждой западноевропейской стране), в том числе европейской сети производства современного оружия, чтобы не зависеть от военных поставок из-за рубежа. Только после создания общей культуры, образования, системы права и обороны, мы могли бы думать о различных процессах объединения на экономическом уровне. Первое, что нужно сделать, - это обозначить рамки для всех нематериалистических ценностей, что было бы реальной основой подлинной "идейной" (Сорокин) цивилизации, которую вы хотите продвигать. Исключением в европейском контексте будет конец сороковых годов и начало пятидесятых годов, где попытки унифицировать субконтинент по экономическому уровню были сведены минимуму и проводились по сути, т. e. преобразования в угольной и сталелитейной промышленности (EGKS / СЕСА).
 
- После Второй мировой войны США установили довольно сильное влияние на Западную Европу, которая трансформировалась в младшего партнера по евроатлантическому политическому сообществу с так называемыми "общими ценностями". Как "евроатлантизм" действует сейчас в Европе?
 
Процесс привязки Западной Европы, а теперь всех бывших стран СЭВ к США был долгим и достаточно сложным, чтобы понять это во всех ее аспектах (и объяснить их в коротком интервью), но можно без каких-либо колебаний сказать, что этот вопрос никогда еще не был систематически изучен. Скажем, если говорить в двух словах, что первая попытка Соединенных Штатов по ментальной колонизации европейцев (их самых опасных потенциальных врагов) происходила путем  погружения европейской кинематографической промышленности в океан голливудских постановок. Сражение было, таким образом, "метаполитическим". Голливуд должен был полностью заменить европейскую киноиндустрию. Франция, которая уже разработала хорошую киноиндустрию до 1939 года, подвергалась шантажу со стороны американцев в 1948 году: если французские кинотеатры не брали хотя бы 80% голливудских постановок, которые будут транслироваться во всей Франции, страна не получит денег по Плану Маршалла, и в решающий момент послевоенной истории Франции, когда бунты и забастовки парализовали страну, когда запасы продовольствия в крупных городах были дефицитом, мы можем безучастно задать вопрос: не выполняли ли коммунисты, организовавшие забастовки, и которые должны были действовать на благо Москвы, задания американских спецслужб, которые добивались того же с целью заставить Францию принять американский "диктат" по кредитам и показу голливудских фильмов? В 50-е годы социал-демократы были главными тайными союзниками США, так как они были выбраны в качестве партнеров американскими демократами вокруг Франклина Делано Рузвельта, чья политика Нового курса в 30-е годы стала образцом для социалистов во всех странах Европейского субконтинента. Метаполитическое влияние социализма и социал-демократии в Европе привело к тому, что американские демократы всегда лучше воспринимались в Европе, чем республиканцы: вспмоним Кеннеди, Клинтона (который организовал больше войн, чем его республиканские предшественники Рейган или Буш-старший), Обаму (который продолжает войны Буша-младшего, в результате чего есть еще более многочисленные жертвы в Афганистане и Пакистане...). Я хотел бы воспользоваться возможностью, чтобы назвать здесь две важных книги для понимания механизма колонизации Европы Соединенными Штатами: Richard F. Kuisel, Seducing the French – The Dilemma of Americanization, University of California Press, Berkeley/Los Angeles, 1993; Reinhold Wagnleitner, Coca-Colonization and the Cold War – The Cultural Mission of the United States in Austria after the Second World War, The University of North Carolina Press, Chapel Hill, 1994.
 
Но стратегии, разработанные для европейских стран, не работают должным образом: Франция при де Голле оставила НАТО и утверждала оригинальную дипломатию во всем мире, частично вдоль линии, определенной Движением Неприсоединения, как это было предложено в знаменитой декларации де Голля в Пномпене (Камбоджа) в 1966 году. Эта новая французская дипломатия, при поддержке министров Кув де Мюрвиль и Жобера, нашла место и в развитии высокой технологической отрасли французской аэронавтики, где производились, среди прочих, и знаменитые истребители Mirage III, которые дали Израилю победу в июне 1967 года. Эти самолеты были проданы по всему миру и являлись серьезными конкурентами американских эквивалентов. Германия, несмотря на ее полное уничтожение в 1945 году и миллионов людей, которые остались военнопленными в Европе (один миллион только во Франции!), в Советском Союзе и в Америке, смогла полностью восстановиться, в частности, в связи с мужеством женщин, которые помогали восстанавливать города, так называемых "Trummerfrauen" или "дам руин", и двигалась к реальному экономическому чуду в конце 50-х годов, что вызвало восхищение даже среди бывших антифашистов. Германия имела и имеет слабое место: у нее больше нет авиационной промышленности, но там хорошо развита автомобильная промышленность, пожалуй, лучшая в мире. Соединенные Штаты потеряли много преимуществ на автомобильных рынках в Европе в связи с возрождением знаменитых немецких марок автомобилей: даже американские потребители начали покупать немецкий Volkswagen, Mercedes или BMW, так же, как сейчас делают новые богачи в китае или России. Поэтому Соединенные Штаты, ранее благоприятствовавшие европейскому объединительному процессу для того, чтобы получить огромный рынок для своей продукции, стали тайно отказываться от Европы как единого экономического блока и организовали коммерческую войну против многих видов продуктов питания, таких как сыры марки "камамбер" или "Грюйер", бананов из французских островов в Карибском море и т.д. За европейскими высокотехнологичными компаниями, такими, как фабрика по производству солнечных панелей, шпионили с помощью системы "Эшелон", а некоторым бывшим членам СЭВ было предложено вступить в ЕС и НАТО, с учетом того, что европейцы будут бесконечно платить за содержание нового военного блока, направленного на "сдерживание" России. Европейцы платили за поддержание слабых стран, а американцы выигрывают из стратегических преимуществ новой ситуации, не платя ни копейки. Последний акт войны - это, конечно, спекуляции против слабых экономик Южной Европы с целью нанесения удара по слабому "средиземноморскому подбрюшью" субконтинента.
 
Согласно геополитику Роберту Штраус-Хюпе, который ранее был сотрудником "Журнала геополитики" генерала Карла Хаусхофера ("Zeitschrift fur Geopolitik") в его родной Германии, но вынужденного покинуть Рейх после прихода Гитлера к власти, потому что он был частично еврейского происхождения и должен был выехать в Америку, где он стал советником в военном аппарате США, Европа и Германия в ее средней части всегда будут потенциально сильнее, чем США, по нескольким причинам, среди которых он считал превосходство системы образования и "расовую однородность". С помощью заговора в мае 68-го, придуманным бывшими офицерами OSS, такими как Герберт Маркузе (еще один немецкий эмигрант) и многих других, удалось уничтожить или, по крайней мере, серьезно подорвать европейскую систему образования. Ввоз мигрантов, которые не имеют серьезного уровня образования в своих странах, был направлен на парализацию системы социального обеспечения и конкурентоспособности европейских государств, которые тратили невероятно огромные бюджеты на то, чтобы помочь этим новым массам безработных, чтобы они выжили в повседневной жизни, вместо того, чтобы создавать, например, хорошую военную или аэрокосмическую промышленность. Вторая цель массовой иммиграции состояла в том, чтобы иметь возможность манипулировать этими массами для того, чтобы вызвать серьезные гражданские беспорядки в странах, которые могли бы, по тем или иным причинам, иметь свободные связи с Америкой: это было откровенно сказано  бывшим послом США в Париже Чарльзом Ривкиным (которого не нужно путать с экономистом Джереми Ривкиным), который начал проводить политику поддержки лидеров агрессивных молодежных группировок в парижском пригороде, обещая им американскую, саудовскую или катарскую поддержку. Беспорядки и поджоги в пригороде Парижа в ноябре 2005 года были местью американских неоконсерваторов, направленную на отстранение "нелояльного Ширака" от власти и замены его человеком, который забрал максимум голосов от партии Ширака и от  "Национального фронта" Ле Пена, т.е. Николя Саркози, пообещавшего французам "кархеризацию пригородов" и исключение "racaille" (сброда) ("Karcher" - это бренд, полученный от существительного, Karcher-машины используются для того, чтобы удалить пыль или грязь со стен домов с помощью мощных водяных струй). Ничего подобного сделано не было, но Саркози после прихода к власти  втянул Францию в НАТО и повел войну против Ливии, так что Конгрессу в Вашингтоне не нужно было голосовать за военные кредиты... Парижские беспорядки 2005 г. были использованы для содействия мутному политику, который использовал агрессивную и истеричную риторику для того, чтобы коренным образом изменить голлистскую политическую ориентацию своей страны в пользу американской мировой стратегии. Объективные наблюдатели могут увидеть то, насколько могут быть полезны безработные массы в "чужеродной публике" (Билл Клинтон), которая, хоть и является «союзником», но иногда вызывает противоречия.
 
Американское влияние закрепляется через музыкальное направление, моду, средства массовой информации и учреждения, которые всегда передают американскую интерпретацию мировых событий. Во Франции лучшим примером являются так называемые "новые философы".  Эта куча болтунов, несущих глупости и являющиеся производителями бреда, определяют повестку дня французской политики с конца семидесятых годов. Главная фигура из этой связки, несомненно, Бернар-Анри Леви, который имеет косвенно левый или псевдо-богословский или псевдо-республиканский (французский стиль) "ветренный язык" (это выражение было придумано Режи Дебре) и поддерживает все американские или израильские ходы на международной шахматной доске, изображающий всех врагов Америки как если бы они были опасными фашистами, ядовитыми диктаторами или консервативными популистами, националистами или палео-коммунистами. Во Франции Бернар-Анри Леви ведет систематическую кампанию против всех возможных претендентов во внутренней политике, а не только против националистов вокруг Ле Пен. Таким образом, "общие ценности" так называемого "атлантического сообщества ценностей" в настоящее время представляют сочетание консервативных атлантистов (когда некоторые наивные католики или протестанты считают, что Вашингтон является своего рода новой защитой для доброжелательного Рима, как теоретизировал интересный студент покойного Карла Шмитта, Эрих Вугенлин, который мигрировал в Соединенные Штаты во времена Гитлера), социалисты всех мастей, связанные с американскими демократами в традиции Рузвельта, манчестерские либералы, которые верят в религиозное кредо наследников Адама Смита, левое крыло либералов в стиле Кон-Бендит, которое стремится содействовать развитию растеканию антиценностей 68 мая для того, чтобы постоянно ослаблять Европу в пользу Соединенных Штатов, троцкисты второй волны, которые подменили большевистское понимание "перманентной революции" реальной практикой "перманентной войны" Бжезинского на "евразийской шахматной доске" (см. полемические книги и статьи Роберта Кагана), перманентной войны вокруг территории Афганистана, направленную на локализацию и уничтожение России, воспринимаемую как наследницу царей и Сталина. Есть, конечно, и «анти-ценности", ценности "Небытия", как Жан Парвулеско полемически называл их, против которых мои друзья и я боролись с самого начала нашей общественной деятельности. Они действительно являюбся ценностями "небытия", так как невозможно построить прочное государство или империю, опираясь на них (например, с точки зрения Парвулеско из его работы "Конец времен евразийской империи»). Усилия Бернар-Анри Леви имеют своей основной и единственной целью не допустить возвращения реальных политических ценностей, таких, каторые Карл Шмитт и Жюльен Фройнд (как и многие другие), описывают в их драгоценных произведениях.
 
- Вы ощущаете больше «свободы» в Европе после того, как Обама заявил о появлении "тихоокеанской оси" США?
 
Нет. Конечно, нет. Но, возможно, мы можем сказать, что постоянное давление  Западной Европе теперь больше не требуется, потому что наши страны являются политически мертвыми после стольких десятилетий "либерализма", как сказал бы Артур Меллер ван ден Брук. Верно также и то, что после трагических и ужасных событий в Ливии в 2011-2012 годах, когда Леви был советником Саркози, вместо французских генералов армии (!), фигура "новых философов" потерял свое влияние на общественное мнение. Ливийский вопрос вызвал среди других изменений во внутренней политики Франции ухудшение положения Саркози, предавшего видение де Голля международной политики, где Франция должна была играть роль независимой страны перед другими сверхдержавами. Один из последних провалов Леви совершил в апреле 2012 года, когда говорил об Алжире, который сейчас обхаживается Соединенными Штатами, чтобы присоединить его к неофициальному "Южному НАТО" вокруг главного союзника США Марокко, в том числе посредством угроз, как в Сирии, направленных на сохранение военизированного Фронта национального освобождения у власти с начала независимости страны в 1962 году - как о не арабской и мусульманской, а как о еврейской и французской стране! Эта жесткая атака определенным образом символизирует то, что Алжир хотел быть арабской, панарабской и арабской националистической страной в рамках сообщества арабских стран, несмотря на то, что большинство алжирцев берберского и кабильского происхождения. Арабская связь с алжирскими националистами, которые в шестидесятые года говорили на диалекте, сильно отличавшимся от классического арабского языка, должна была вытащить новую независимую страну из изоляции для участия в Движении неприсоединения и сделать ближе к насеритской версии панарабского идеала. Хотя очень интересная политическая фигура, такой как бывший президент Алжира Хуари Бумедьен, остался чисто политическим мыслителем, который мог генерировать команды очень способных дипломатов в семидесятых и восьмидесятых (до ужасной гражданской войны "Кровь десятилетия" с 1992 по 2003). Эти дипломаты могли, например, решить проблемы между Ираном и Ираком в 1975 году, когда суда с нефтью могли спокойно проходить в арабской части залива. Иран был представлен шахом, а Ирак Саддамом Хусейном. Мохаммед Сахнун, советник президента Шадли (преемник Бумедьена), был главой геополитической школы в Алжире и возглавлял дипломатическую миссию для решения проблем в районе Больших озер в Африке. Сахнун призвал к Евро-Африканскому союзу в целях изгнания Соединенных Штатов с Черного континента, особенно из стран Африканского Рога, регионе, который является стратегическим плацдармом для Индийского океана, описанным наследником Макиндера как "Сердцевиное море" перед Россией как "Сердцевинной Землей". Еще интереснее то, что Сахнун предполагал более тесное сближение с Тихоокеанским регионом на международной шахматной доске "культур", что предполагало возвращение к своим корням и отказ от ложных соблазнов убогих современных идеологий. Сахнун - это реальное противоядие от конфликта, который рассматривал в перспективе поздний Самуэль Хантингтон, автоматически воспринимавший культуры как антагонистов. Его идеи находят отклик в работах его японского альтер эго, Мориюки Мотоно, советника бывшего премьер-министра Накасонэ, который также признавал сближение тихоокеанских "культурных областей" но, на этот раз, через соседние "пересекающиеся регионы", которые помогут соседям лучше понимать друг друга просто потому, что они имеют в своих духовных ценностях наследие, общее для обеих соседних культур.
 
Бумедьен изучал арабскую литературу и, конечно, был благочестивым мусульманином, но он никогда не использовал религию в качестве эмблемы своего «специфического алжирского социализма». Когда Леви говорит, что Алжир не является мусульманской страной, он также нападает на салафитов из широкого спектра мусульманско ориентированных политических сил в Алжире. Сказать, что Алжир является как еврейским, так и французским, это значит, что Алжир не в состоянии помочь себе и требует повторной колонизации евреями и французами, которые были изгнаны оттуда в 1962 году. Леви добавил, что в краткосрочной перспективе в Алжире начнется «Арабская весна», как в Ливии и Сирии. Это, конечно, явная угроза для независимой страны, которая уже экспериментировала с гражданской войной, где погибло сотни тысяч людей. Но это было уже чересчур: Леви не воспринимается больше всерьез. Даже бельгийская ежедневная газета "Le Soir" (от 25 апреля 2013) в статье под названием “la Syrie ne fait plus recette”  ("Сирия не приносит больше наличных денег"), выразила сожаление, что инициативы по сбору денег для сирийских повстанцев в Бельгии потерпели неудачу. Таким образом, вся идеология, которую Леви и его чумные прихвостни пытаются насильно навязать, теряет в настоящее время свое влияние: люди более в ней не заинтересованы.
 
Эта атака против Алжира подводит меня непосредственно к вашему вопросу: целью атлантистов является включение Алжира в своего рода "Южное НАТО», присоединяя бывшую испанскую Сахару - Марокко и Мавританию как своего рода по новому оформленные колонии к официально антиколониальному Алжиру так, чтобы Алжир мог бы получить свою геополитическую мечту, будучи одновременно частью Средиземноморской и Атлантической силой. Проблема в том, что расстояние между Средиземным морем и берегом мавританской Атлантики довольно большое: более трех тысяч километров песчаной пустыни, с плохой коммуникацией шоссе или железной дороги, без какой-либо экономической пользы и под постоянной угрозой марокканской армии, которая может в любое время выйти с Атласских гор и нанести ответный удар когда захочет. Этот дар не является даром. Цель США - это контроль всей бывшей Французской Западной Африки, от Дакара в Сенегале до Сомали и Джибути для того, чтобы защищать добычу на нефтяных месторожденях в Нигерии, Камеруне и Чаде и предотвращать усиление китайского влияния в Черной Африке. Так что ваш вопрос, чувствуют ли европейцы себя более "безопасно" или "свободно", так как Обама решил отдать приоритет тихоокеанской оси, наверное, будет отрицательным, так как сдерживание Китая в Тихом океане подразумевает присутствие США в Африке и создание " Южного НАТО" как приложения к главному затвору - АФРИКОМу, что даст возможность полностью опоясать Европу на меридиональном фланге. Если Китай потеряет свои позиции Африке, то она будет значительно ослаблена и не в состоянии покупать столько товаров в Европе, как в настоящее время. Германия также будет ослаблена и Бельгия рискует быть в такой же ситуации, как Греция и Испания, чей государственный долг достаточно велик, тем более, что нужно принимать меры после более двух обанкротившихся банков в 2008 году (Fortis и Dexia / Belfius): запланированный обвал в еврозоне будет доведен до конца, и "Северный евро" останется лишь мечтой палео-националистов в Германии и Северной Европе. Нельзя забывать, что Бельгия и особенно Валлония - регионы угля и стали, пострадали от иранской исламской революции, которые помешали консолидации ядерной энергетики и сотрудничества сталелитейной промышленности, которое шах начал с Францией, Германией и Бельгией. Так называемая Исламская революция в Иране была для всех нас тяжелым последствиям, так что, даже если бы мы отказались от всех форм агрессии против современного Ирана, и если мы уважаем позиции президента Ахмадинежада на евразийской шахматной доске и в Латинской Америке (когда он сотрудничал с Чавесом), мы не разделяем некоторые взгляды и бывшего маоистского журналиста Мишеля Коллон об истории Ирана до исламской революции 1978-79 гг. Мы не забываем, что те же "новые философы" и троцкисты, который проповедовали против шаха на улицах Парижа, Брюсселя и Берлина в 1977-78 гг., в настоящее время пытаются подстрекать народ против Ахмадинежада точно так, как они это делали против Милошевича, Путина, Лукашенко, Каддафи и других! Цель состоит в том, чтобы предотвратить всякое сотрудничество между Европой и Ираном, будь то имперский или исламский режим, поэтому мы отстаиваем позиции шаха семидесятых, и мы поддерживаем все инициативы, направленные на предотвращение бесполезной и преступной войны против Ирана Ахмадинежада.
 
Тихоокеанская ось Обамы, таким образом, воздействует на южный фланг Европы. Где бы они ни ударили, они поражают нас всех. Давление на Китай в Африке означает также и удар по Европе.
 
- Что вы думаете о таких аутсайдерах для ЕС, как Турция, Сербия и некоторые постсоветские страны - Молдова, Беларусь и Украина?
 
Турция является чрезвычайно интересной страной для изучения, и она очаровывала меня в два незабываемых периода в моей жизни: 1) во время долгой поездки, которую наши учителя по философии и латыни организовали для нас летом 1972; 2) мое последующее чтение страниц Арнольда Тойнби о Вифинии, Византийской империи и Османской византийской стратегии, согласно Тойнби, который был "византологом", силе, которая господствовала в небольшой бывший римской провинции Вифинии возле Босфора, из которой можно действовать во всех направлениях: Черному морю, Балканах, Кавказу, Сирии, Египте и Северной Африке и даже за ее пределами, если есть достаточное количество материальных и человеческих ресурсов. Может быть поэтому американский стратег Эдвард Люттвак недавно написал книгу о византийской стратегии, где описано время, когда Византийская империя была еще мощным содружеством, контролирующим все бывшие провинции первой Римской империи так же, как оттоманы позже проводили ту же геостратегическую линию. Оттоманы не смогли выполнить задачу: их морское могущество стало уязвимым после битвы при Лепанто (1571 г.) а окончательное падение стало фактом после того как они не смогли взять Вену в 1683 году. После страшного поражения перед стенами Вены начался период их распада, хотя они и сохраняли свою власть на Балканах, в Сирии, Палестине, Ираке и Египте до русско-турецкой войны 1877-78 гг., балканских восстаний 1912 - 13 гг. и поражения 1918 года. По мнению их лидера Мустафы Кемаля Ататюрка исламско-османскому варианту пришел конец, а оставшееся турецкое государство должно было следовать другим путем. Он должен был сначала избавиться от исламского прошлого и найти новую идентичность, которая в соответствии с идеями Ататюрка, должна была быть хеттской идентичностью (поэтому он открыл археологический музей в Анкаре). Выбирая хеттскую идентичность, Ататюрк намеревался идентифицировать свою страну, уменьшенную до анатолийской части бывшей Османской империи и лишенную всех иракских нефтяных месторождений, с индо-европейскими народами, которые пришли из Европы завоевать Анатолию, где они оставили удивительную цивилизацию, и индуцировали геостратегические линии, которые были захвачены римлянами и крестоносцами, прошедших через Сирию и Месопотамию. Хеттская ярость продолжалась недолго и в современной Турции была заменена на политическую мифологию антиисламской военной элиты пантюркизма или пантуранизма, направленную на объединение всех тюрко-говорящих людей в одно гигантское государство от эгейского моря до Китая. Эта пантюркистская идеология была явно антисоветской, так как основные тюрко-говорящие страны, которые пантюркисты хотели захватить, были в советских руках в Центральной Азии. В 1942 году, когда немцы могли бы взять Сталинград и сократить свои маршруты поставок, а американцы организовали пути снабжения через железные дороги в Иране, а в Северной Атлантике из Нью-Йорка в Мурманск, создав огромные колонны "Кораблей Свободы", везущие боеприпасы и снаряжение для Советской Армии, турецкие офицеры из окружения главы генерального штаба генерала Чакмака предложили в Берлине осуществить вторжение на Кавказе, но их схема была настолько заумной, что немцы отвергли ее, опасаясь появления еще более опасного сверхгосударства на Востоке.
 
Эрдоган принял участие в открытии новой эры турецкой политики, поскольку он официально отверг не религиозные хеттский и пантуранский/пантюрский проекты в пользу возобновления османской исламской схемы. Его целью было уничтожение бывшей военной элиты и замены ее на новую благочестивую "буржуазию", которая процветала бы экономически в новом развивающемся регионе на юго-востоке современной Турции. Мы не можем вмешиваться во внутренние дела Турции и диктовать туркам каким образом они должны думать. Будь-то официальная кемалистская идеология или неооттаманская исламская, мы не заботимся и просто слушаем то, что говорят турецкие политики. Но когда Эрдоган приезжает в Германию или Бельгию и настоятельно призывает турецких людей, живущих в наших странах не ассимилироваться (которых я могу понять, потому что Европа в настоящее время переживает опасный и вредный период распада) и образуют своего рода «пятую колонну» в Eвропе с целью установления контроля, мы не можем с этим согласиться. Мы не согласны также с сирийской политикой, которую Эрдоган использует для поддержки повстанцев, за которыми стоит Запад и Катар против режима Баас и Башара Асада. Было бы лучше, если бы Турция, следуя своей изначальной политике дружеских отношений с Сирией до пророческого визита Эрдогана и Гюля в Дамаск в августе 2011 года, когда они пытались навязать министрам мятежных "Братьев-мусульман" для гипотетически следующего сирийского правительства. Связи, которые современный президент Турции имеет в банковском мире Эмиратов и, скорее всего, Катара, конечно, являются еще одной проблемой, которая может поставить под угрозу будущие плодотворные отношения с Европой и Россией. Министр иностранных дел Турции Эрдогана Ахмет Давутоглу по прозвищу "профессор" хотел разработать нео-османскую внешнюю политику, которую мы могли бы приняли в его первой версии, так как он хотел «ноль проблем с соседями" и первым начал положительную политику в отношении Сирии, Ирана, Ливии и других держав на Ближнем и Среднем Востоке. Но эта ориентация не имела будущего, к сожалению. Конечно, с европейской, австрийской, всеправославной и русской точек зрения, мы не можем принять расширение неоосманской схемы на Балканах, что поддерживалось США, Саудовской Аравией, Катаром и так называемыми исламскими финансами, с помощью которых, по-видимому, поднялся и Гюль. Даже если профессор Дугин и его итальянский друг Клаудио Мутти были под сильным влиянием идей Леонтьева, который предпочитал османское владычество на Балканах, чем сближение псевдоправославных минигосударств с сильным влиянием современных западных идей, все изменилось во второй половине ХХ века, и, конечно, сейчас для всех нас лучше поддерживать на Балканах хорватскую или сербскую геополитику.
 
Это подводит нас к Сербии. Эта страна является "основной зоной" на Балканах. Даже если немцы имели общую тенденцию поддерживать Хорватию вместо Сербии в 90-х годах, австрийский геополитик барон фон Йордис Лохаузен поддерживал Сербию в конце своей жизни и даже говорил об оси "Вена-Белград", направленную на связывание дунайской Европы с эгейским побережьем кратчайшими речными и сухопутными путями. Хорватия имеет другую точку зрения на геополитику: геополитические линии Адриатического и Средиземного моря и единственный конфликт с Сербией был за "окно" на реке Дунай в Вуковаре, где проходили ожесточенные бои между хорватскими войсками и сербской армией. В 1995 году хорватская армия завоевала регион Краина, которая была населена сельскими жителями сербского происхождения, и являлась стратегическим балконом, угрожающим гаваням Далмации, которые ранее были хорватско-венецианскими. Драмы Вуковар и Краины, конечно, оставили горький осадок в бывшей Югославии, но они не были ключевой областью, которая бы так опасно угрожала Сербии, как это позже произошло с движением за независимость Косова, начатое албанским ополчением из Армии освобождения Косово. Косово до османского нашествия в 14 веке было чисто сербской провинцией, где произошла трагическая битва на "поле черных дроздов", и в которой стояли древнейшие православные монастыри. Независимость Косово, безусловно, это самое странное увечье сербской территории, о котором мы должны сожалеть. Как вы, возможно, знаете, я был другом и Томислав Сунича, хорватского мыслителя, и Драгоша Калаича, художника и традиционного сербского философа, который издавал сербскую версию журнала "Элементы". Я также дружу с Юре Вуич, хорватским геополитиком и политологом, который недавно опубликовал книгу об атлантизме и евразийстве, для которой я написал предисловие: Вы прокомментировали эту книгу и мое предисловие на одном из ваших сайтов. Сунич, Вуич и Калаич выступали на летних курсах нашей организации "Евро-Синергия" во Франции, Италии и Германии. Сунич написал книгу об американском зле на хорватском и Калаич ("Amerikanski Zlo") на сербском языке. В 1999 году вместе с Лораном Озон во Франции, я выступал против интервенции НАТО в Югославии, и я говорил с Калаичем и его итальянским другом Архимедом Бонтемпи в Милане вместе с мэром города, чтобы объяснить, что война против Сербии была войной против Европы, целью которой была блокада всех речных перевозок по Дунаю и уничтожение инфраструктуры на Адриатическом море, где истребители НАТО сбрасывали дополнительные бомбы в море, убивая итальянских рыбаков. Мы направили письма галантному американскому сенатору сербского происхождения Бобу Джурджевичу и, со своей стороны, левые профессора Мишель Коллон и Жан Брикмон сделали то же самое: Коллон помнит все это вокруг диспетчеризации контринформации по Сербии, когда после первого первого акта сопротивления в Интернете и своей речи в Брюсселе и Брикмоне он был жестоко избит бандитами из Брюссельской полиции и брошен на всю ночь в грязную камеру, потому что он стоял перед зданием НАТО в столице Бельгии, точно так же, как несколько лет спустя поступил итальянский член Европейского парламента и бывший министр юстиции Марио Борджезио, который выступал против бомбардировки Белграда - ему тоже досталось, хотя он и был пожилым человеком, его избили дубинками и бросили в клетку: посольству Италии пришлось отправить своих клерков в бельгийское правительство, чтобы оно немедленно его освободило.
 
Косово является центральной частью того, что Калаич называл "исламской цепью государств", которую американцы и саудовцы установили на Балканах для того, чтобы построить кордон между Центральной Европой и восточной частью Средиземного моря, в результате чего Греция оказалась изолированной, а все возможные союзники России в этой области ослаблены. В Косово будет находиться огромнейшая военная база Соединенных Штатов в Европе - "Кэмп Бондстил", который была построена компанией "Халлибартон", куда переедет значительная часть американского гарнизона в Германии. О цели этой политики можно прочитать в книге сэра Найджела Бэгнэлла об "иллирийцских операцях" римлян между 229 и 227 г. и между 215 и 205 г. до н.э. В этих исторических исследованиях бывшего начальника британского Генштаба должным образом подчеркивается важность центральных районов Балкан: книга была написана в 1990 году и его немецкий перевод датируется 1995 годом, т.е. всего за четыре года до бомбардировки Сербии (Sir Nigel Bagnall, Rome und Karthago – Der Kampf ums Mittelemeer, Siedler, Berlin, 1995). Контроль над этой центральной косовско-сербской частью Балкан позволяет любой сверхдержаве угрожать или контролировать Италию и воспользоваться трамплином в Анатолию и дальше на восток, так же, как древние македонцы делали во времена Александра Македонского в канун своего вторжения в Персидскую империю. Османы, как только они смогли контролировать те же области в 14 веке, стали постоянной угрозой для Италии, Центральной Европы и региона Черного моря (Понтийского). Значит нетронутая Сербия, возможно, была бы территорией, которая бы объединила Центральную Европу (Австрию имперского наследия) и Россию (с Всеправославной точки зрения) в борьбе для изгнания всех иностранных держав из Балкан, Восточного Средиземноморья, Адриатическое моря и Причерноморья.
 
В настоящее время ЕС и США пытаются шантажировать Сербию, обещая быстрое членство в ЕС, если Сербия признает Косово как независимое государство. Я надеюсь, что Сербия не собирается отказываться от своей традиционной позиции и по-прежнему будет рассматривать Косово как потерянную провинцию, которая однажды снова станет сербской.
 
Если мы не слышим почти ничего о Молдове здесь, в Западной Европе, то Беларусь описывается в наших основных средствах массовой информации как шутовская диктатура палео-коммунистических фанатиков. Беларусь все же входит в центральную часть балто-черноморской линии Север-Юг. Есть три таких линии Север-Юг в Европе: 1) Линия Рейн / Рон, соединяющая сухопутные пути от Северного до Средиземного моря; 2) Балтийско/ Адриатическая линии от Штеттина или Гданьска / Данцига до Триеста в Италии или Пулы в Хорватии; эта область будет в краткосрочной перспективе будет связана прямой железной дорогой, соединяющей Данциг и Равенну в Северной Италии, город, который был столицей Остготского Королевства в Италии, которая была завоевана византийским полководцем Велизарием в 536 г. В Средние века король Богемии Отакар II Пржемысл (1253-1278 гг.) хотел создать царство, соединяющее Балтийское и Адриатическое моря: будущая скоростная железная дорога  между Гданьском / Данцигом и Равенной осуществит его мечту; 3) Балтийско-Черноморская линия никогда не была единым целым, за исключением, возможно, кануна вторжения гуннов в Центральную Европу и Римскую империю, поэтому эту линию иногда называют "готической осью". Польско-Литовское государство пыталось восстановить эту ось на основе Балтийско-славянской Ягеллонской династии, но проект не удался из-за османского завоевания современных украинских территорий за Одессой и Крымским полуостровом. В 18 веке императрица России Екатерина мечтала вместе с немецким философом Иоганном Готфридом Гердером создать в этом пространстве между Литвой и Крымом мир, который был бы новой германо-балто-славянской Элладой по образцу древней Греции. Новое просвещенное общество было бы создано в этом регионе для разделения Западной и Центральной Европы от России, то есть, одновременно была бы "областью пересечения" в соответствии с японским "культурологическим" философом Мориюки Мотоно (см. выше), который воспринимает "пересекающиеся области" как объединяющие факторы, а не разделяющие силы. Сама важность Беларуси как центральной части этого потенциала "пересекающейся области" и "Балто-черноморская" линии должны препятствовать европейским СМИ в постоянном очернении Беларуси и ее президента Лукашенко и вместо этого должны быть найдены все возможные положительные подходы к белорусскому фактору.
 
Во время так называемой «оранжевой революции» (2004-2005 гг.) мы опасались, что украинское государство может присоединиться к НАТО и изолирует Крымскую военно-морскую базу Черноморского флота России, что являлось одной из целью Збигнева Бжезинского, которой он хотел достичь. Для Бжезинского падение Украины означало бы полное и окончательное достижение его долгосрочной разработанной стратегии, так как это окончательно ослабило бы Россию и сделало Черное море американо-турецким озером. Благодаря победе анти-оранжевых партий в Киеве и Харькове проект Бжезинского был обречен на провал, что он признал, говоря, что его давняя политика состоявшая в разрушении России путем поддержки моджахедов в Афганистане, сепаратистских сил в мусульманских республиках бывшего Советского Союза и украинских националистов, не может быть выполнена в срок и что Соединенные Штаты теперь изменят стратегию и попытаются вступить в союз с Россией, чтобы создать большой альянс "Северного полушария" с Северной Америкой, Европой, Россией и Турцией (см. одну из своих последних книг «Стратегическое видение», опубликованную в Соединенных Штатах в марте 2012 года).
 
- Вы думаете, что некоторые из этих стран могли бы присоединиться к НАТО или ЕС по политическим мотивам, как Румыния и Болгария сделали во время так называемого расширения НАТО?
 
Турция уже является членом НАТО и одним из наиболее важных членом альянса из-за старого стратегического положение своей территории, занимающей пространство между Черным морем, Балканами, регионом Сирии, Восточным Средиземноморьем и Египтом. Но нет абсолютно никакой необходимости в новых странах в НАТО, так как этот альянс был создан в то время, когда коммунизм был еще довольно опасной идеологией, которая якобы хотела экспортировать «мировую революцию» и поджечь весь остальной мир. Этой идеологии больше не существует, кроме как в форме "троцкизма" теперь умело замаскированного в неоконсерватизме, где «перманентная революция» (Троцкий) стала "перманентной войной" (Каган): реальной «коммунистической опасностью» в настоящее время является Америка как троцкистская/неоконсервативная супердержава, еще более опасной, чем был Советский Союз. И даже в последние годы «холодной войны», американский контроль над Европой стал крепче, после того, как "век рынка", который принес американские истребители во все ВВС Западной Европы вместо французских Mirage или шведского истребителя Viggen или новых истребителей, созданных на совместном шведско-французское предприятии. Этот инцидент доказал, что наша политическая элита была гнилой и коррумпированной, и что они неосознанно совершили измену, и что мы не были свободными и постоянно предавались выродившимися политиками, все это побудило нас отказаться от НАТО как кабальной организации (рабы не имеют права на ношение оружия). Таким образом, с самого начала нашей деятельности мы были враждебны НАТО, а Жан Тириар действовал так еще около десяти лет до нас. Мы могли создать несколько бельгийских политических традиций, которые никогда не могли быть реализованы: когда НАТО было создано в соответствии с импульсом бельгийского министра-социалиста Поля-Анри Спаак, консерваторы среди бельгийских политиков издевались над попыткой построения такого союза и прозвали его "Спаакистан". Они не хотели включать Бельгию и бельгийскую колонию Конго в такую "спаакистанскую" конструкцию. Позже католический премьер-министр и будущий министр иностранных дел Пьер Армель пытался выскользнуть из тисков Америки, предложив новые двусторонние отношения между малыми странами содружества НАТО и малыми странами Организации Варшавского договора, т. e. между Бельгией и, например, Польшей или Венгрией (как католическими странами, а Венгрия, как и Бельгия принадлежала к Австрийской империи). Эти идеи, которые было невозможно реализовать из-за полного несоответствия Бельгии, все же еще живы в дебатах внутри страны: Профессор Рик Коолсэт и дипломатический тележурналист Ян Балью продолжили эту критическую традицию бельгийских интеллектуалов и дипломатического персонала, которые никогда не уставали критиковать американскую политику на международной шахматной доске.
 
В 1984 году у меня была возможность встретиться на Франкфуртской книжной ярмарке с бывшим дивизионным генералом немецкой армии Йохеном Лёзером, который был последним молодым офицером, эвакуированным на самолете Ju52 из Сталинграда после потери руки. Лёзер испытывал отвращение к колониальному поведению американцев и, в том числе, по вопросу размещения ракет "Першинг", направленных на позиции Варшавского договора, рискуя спровоцировать советский ответный удар по немецкой земле. Следовательно Германия, Восток и Запад, возможно, были бы стерты с карты земли из-за ковровой бомбардировки ядерным оружием. Нейтралитет политики, основанной на моделях Австрии, Швейцарии, Финляндии, Швеции и Югославии, поэтому, был единственной рациональной возможностью. Нейтральная центральная зона в Европе, должна была, в соответствии с Лёзером, быть увеличена до Восточной и Западной Германии, Польши, Чехословакии, Венгрии, Нидерландов, Бельгии и Люксембурга. Швейцарско-югославская бункеризированная система обороны должна была обезопасить весь регион. Перестройка Горбачева сделала такого рода спекуляции бесполезными. Через год генерал Гюнтер Кисслинг, немецкий делегат-офицер в штаб-квартире НАТО в Касто (Бельгия) также испытывал отвращение к тому факту, что офицеры высшего ранга всегда являлись американскими или британскими, несмотря на то, что европейские армии были более многочисленны в силах НАТО; Кисслинг впоследствии выступал за внешнюю политику, основанную на идеях Армеля. Наши позиции с самого начала истории наших журналов "Orientations" и "Vouloir", основывалась на этом рациональном и политическом, а не идеологическом образе мышления и наша враждебность к поджигателям войны из Вашингтона исходит из этих объективных формулировок.
 
- В одной из своих статей, опубликованных в 1998 году вы написали о приоритете народа (Volk) над абстрактным государством. Что вы думаете об этой позиции сейчас, когда у нас есть постмодернистская смесь с социальными сетями, национализм на дистанции и потоки мигрантов?
 
Я не помню точно, о какой статье вы говорите. Но все же чувство принадлежности, чувство долга и, в случае необходимости, жертвы, возможно только тогда, когда вы погружены в кровь и почву или если вы "в связке" ("encordes"), как альпинисты со своими коллегами-гражданами, как современный французский философ Роберт Редекер говорит, осуждая дегенеративную западную моду, сфокусированную только на больном «эго», сведенному к одному физическому телу, "Egobody", как он это называет, и старающемуся приукрасить его искусственным вмешательством или странными трюками, такими как татуировки, пирсинг, имплантаты грудей и т.д. Благопристойные традиционные люди должны иметь "страну-колыбель", язык, т. e. собственные слова, которые являются частью их интимной идентичности, идентичности, которая должна связывать с помощью "давней истории" или памяти, которые должны быть внедрены в подлинной истории и в песнях, стихах и романах, которые принадлежат им, а не импортируются. Интеллектуалы, конечно, всегда имели более открытое мышление и могли уехать за границу, но это, конечно, не повод, чтобы злобно отказаться от самих себя и создать искусственно космополитические общества и псевдоценности, полагая, что они являются единственными ключами к будущему, т. e. космополитические общества, которые неолибералы а-ля Сорос теперь называют "открытым обществом". Общество опасно "открыто" когда все его члены потеряли свои воспоминания и когда они пронумерованы как серия банок с тушенкой. Понятие народ (Volk) было впервые введено философом Иоганном Готфридом Гердером, который оказал большое влияние в России и вдохновил "народников". Это побудило царя в XIX веке платить лингвистам и грамматикам, чтобы они составили первую научную грамматику русского языка, а также, несколько десятилетий спустя, грамматику балтийских языков. Позже даже советская система помогла лучше сохранить малочисленные народы современной Российской Федерации, такие как мордва, чуваши, марийци и т.д. и дать им автономные округа или республики, которые сохранили их культурное наследие нетронутым и не угрожали Советскому Союзу или нынешней России как наднациональному целому. Это также является наследием мышления Гердера, что было "другим Просвещением", совершенно отличным от Просвещения, которое сгенерировало западную идеологию. Конечно, вы можете сказать, что советская система этнических республик привела к трагедии Чечни и опасности исламского восстания в Татарстане или Башкортостане. Я отвечю на это возражение, помня, что другие республики, как и, конечно, Осетия, остались абсолютно верными связям, которые у них есть уже около двух веков с Россией, и что мусульманские религиозные власти в Казани развивали ислам, который является оригинальным и имеет иммуннитет перед всеми ложными соблазнами ваххабизма.
 
Религиозные ценности могут сохраниться только в "этническо-идеационных" рамках, которыми “Volker” объективно и являются, без ханжеских или фанатичных выводов. Большие перенаселенные города представляют опасность для человеческого рода не только в Европе, в Японии или в России, но и в Африке (см. ужасы трущоб в Нигерии) и в Латинской Америке (Мехико и его преступные группировки превратили эту бедную страну, которая когда-то давно очаровала английского писателя Дэвида Герберта Лоуренса в "несостоявшееся государство"). Более того, идея разнообразия народов на поверхности Земли, выраженная несколько десятилетий тому назад бретонским мыслителем Янн Фуэре и его ирландскими товарищами из истинных лидеров Ирландии (Де Валера, Макбрайд, и т.д.), является истинной и приемлемой "международной" идеей, т. e. идеей общего "между народами" (лат. "inter nationes»), т. к. люди «реально существуют», а псевдо-международные и космополитические идеи являются лишь химерами. Вы не можете продать космополитические идеи парижских интеллектуалов а-ля Бернар Анри Леви в Африке. Китайцы искусно отказываются навязывать свои понятия африканцам, что помогло им завоевать рынки в самых заброшенных государствах Черного континента, потому что их лидеры были сыты по горло морализаторством и навязчивым вмешательством Запада в их внутренние дела. Франкоязычный поэт и писатель Леопольд Седар Сенгор, который стал президентом Сенегала, был внимательным читателем графа де Гобино, описанном во всех возможных "антифа" книгах и статьях как "отец расизма". Пару страниц Гобино, посвященных африканским народам в его "Эссе о неравенстве человеческих рас" не расстроили будущего президента Сенегала, когда он читал их будучи студентом, участвуя в  движении "негритюд" во Франции и французских колониях в Африке. Сенгор подчеркивал необходимость иметь в каждой возможной культуре: в Африке, Европе или в каком-либо другом месте мира, фигуры "conteur", "рассказчика", который передает память народа к будущим поколениям. В развитой стране коллективным "рассказчиком" могут быть историки и филологи, которые, конечно, живут лучше всего в наших обществах, но вытеснены с первого плана всевозможными отрицательными фигурами современности, такими как банкиры, экономисты, юристы, технократы и т.д., которые уничтожили коллективную память в наших развитых обществах, уничтожая то, что Редекер, как внимательный читатель Хайдеггера, называет "encordements", "бархатным канатом единения", оставляя после себя несчастный искалеченный (суб?)человеческий род, который не в состоянии реагировать должным образом перед всеми вызовами эпохи постмодерна.
 
Постмодернистская мысль могла бы избавиться от западной идеологии, которая претендует на статус единственного наследника эпохи Просвещения 18-го века и как таковая является только "истинно" приемлемым способом мышления: все другие формы мысли неприемлемы как расистские, фашистские, не демократические и т.д., и автоматически становятся противоправными и, несомненно, будут полностью игнорироваться средствами массовой информации (что противоречит принципам "Правам человека" как таковым, запрещающим политические преступления, осуждающие граждан на "гражданскую смерть") или отнесены к международным бандитыам, чье государство будет занесено в "черный список" презренных стран "оси зла". Армин Мёлер, который написал самую памятную книгу, дающую представление о всех аспектах так называемой  немецкой «консервативной революции» и просил всех нонконформистских европейцев в 60-х и 70-х гг. показать фактическую солидарность во всех государствах, которые США назвали "государствами-изгоями" - надеялся в 1988-89 гг., всего за несколько месяцев до разрушения Берлинской стены, что постмодернистские тенденции подточат западную идеологию, которая в Германии стала должной в версиях, придуманных сэром Ральфом Дарендорфом ( который был британским гражданином) и Юргеном Хабермасом. Никто не мог продумать и разработать идеологический корпус за пределами лишь нескольких путей, указанных Хабермасом, желчным профессором, который всегда поднимал указательный палец. Постмодерн означает прежде всего релятивизм. Кто-то, возможно, нуждался в релятивизме именно чтобы "релятивизировать" новую обязательную догматическую идеологию не только в Германии, но и повсюду в Западной Европе.
 
К сожалению, для Западной Европы и для бывшего СЭВ, в настоящее время включенного в ЕС, релятивизм некоторых постмодернистских мыслителей не смог выполнить работу, на которую надеялся Мёлер. Релятивизм постмодернистской мысли приводит к еще более "чувственному" миру распада, которому поздний и сожалеющий французский мыслитель Филипп Мюрэй дал имя "festivism", смеясь над текущей тенденцией придумывать новые «постмодернистские» торжества типа гей парадов для замены традиционных и литургических религиозных праздников и церемоний. Мёлер надеялся, что постмодерн восстановил бы ироническую критику на основе традиционной иронии древнегреческой философии (Диоген), знаменитой "философии молота" Ницше с целью обобщения "радостного знания" и на некоторых аспектах Хайдеггерианской воли к "разжижению понятий", чтобы устранить всю ригидность, которую концепты приобрели со временем из-за плохих привычек официальных философов, которые только и могли, что тупо повторять то, что их блестящие учителя сказали в прошлом, так что они постоянно теряли суть и основу форм. Конрад Гробер, приходской священник Хайдеггера (который как выдающийся теолог позднее стал архиепископом Фрайбург-им-Брайсгау) заставлял его учить концепции Аристотеля для того, чтобы думать не только жесткими понятиями, которые схоласты неуклюже извлекают из подлинных аристотелевских материалов. Согласно Гроберу концепции Аристотеля были более динамичными, чем статичными: схоласты не поняли должным образом значение времен греческой грамматики, которые выражают различные значения времени, среди которых некоторые были довольно статическими, а другие динамическими. Школяры сохранили только статический смысл в своих скудных мозгах. Гробер хотел восстановить динамические оттенки и сохранить католическую веру (это была его главная цель!), которая подверглась склерозу из-за слишком статической интерпретации понятий Аристотеля в схоластической традиции.
 
Во всем мире адаптация бедной безсущностной космополитической мысли, конечно, уничтожит этнические и этические ценности, т. e. ценности, означающие "Volker" и "volkisch" Гердера и народников, которые хотели сохранить постоянную активность поэтов, археологов, филологов, историков и грамматиков, а также те религиозные традиционные ценности, которые хотели восстановить такие выдающиеся люди, как Генон, Эвола, Туччи, Шуон, Кумарасвами и т.д. «Национализм» в положительном смысле этого слова, как его понимал Гердер, который хотел дать импульс в Германии, России и других странах, означает, что вы чувствуете за собой обязанность погрузить себя в национально-этническо-языковое окружение как фактическую и не вымышленную среду, в ваше "Nahe", ваше соседство, как Хайдеггер учил нас и как он практиковал это, выпивая пиво со своим любимым и часто забываемым братом Фрицем в пабе в своем родном городе Мескирх и подолгу прогуливаясь по тропинкам Черного леса рядом с его небольшим шале Тодтнауберга. Хайдеггер также подчеркивал важность "Nahe" в речи, которую он держал для жителей Мескирха в 1961 г. Речь была о телевидении: Хайдеггер объяснил, что телевидение - это дьявольское устройством введения "удаленности" ("die Ferne") в нашу «близость» (наш "Nahe"), разрушающее укрепления и реальные связи, в которых мы нуждались как стабильные и укорененные существа. В настоящее время современные устройства, как MP3, плееры и другие бесполезные безделушки, все возможные события или зрелищные фантазии постоянно вторгаются в нашу повседневную жизнь: резкие или какофонические GSM-колокола звонят, когда вы находитесь в своей ванной, в трамвае, в романтическом ресторане, в постели своей подружки или на серьезном совещании, ученики могут посмотреть фильм в классе, не будучи пойманным ничего не подозревающим учителем, молодые девочки и мальчики излучают любопытные звуки в автобусе, потому что они слушают громкую сумасшедшую музыку и осознают шумят. Этот вид субчеловечества вы можете наблюдать сейчас в вашей повседневной жизни, может быть, является человечеством "последних моргающих людей" (Ницше), но это, безусловно, "люди без центра", как Шуон назвал их в своей интересной книге "Avoir un centre", пытаясь одновременно найти и лекарство от этой антропологической катастрофы. Шуон выбирал место для медитации в пустыне Сахара или у сиу в Северной Америке.
 
Это те самые результаты потери всех форм литургии в религиозной жизни: Лоуренс предупреждал против такой потери в своем эссе "Апокалипсис", а Мирча Элиаде посвятил почти всю свою жизнь изучению реальных конфессий. Может быть, как объясняет Орландо Файджес в "Танец Наташи", его последней книге о русской интеллектуальной жизни до большевистской революции, "старообрядцы" выступали против современного мира в 16, 17 и 18 веках потому, что ритуалы и литургическое таинство были выхолощены из русской религиозной жизни... Можно, конечно, создать виртуальное сообщество "националистов" или "традиционалистов" в сети, получать много информации со всех частей света, но свой долг, тем не менее "hic et nunc", здесь и нигде больше, сейчас, а не в прошлом или в гипотетическом будущем, здесь, в литургической традиции и жестах, которые сплотили общины ваших предков. Если эти традиции были забыты или ушли прочь, вы просто должны помнить о них, и дать возможность помнить вашим землякам, выполняя иногда скромную должность филолога, этнолога или археолога, как Гердер нас побуждал делать. Множество людей в Западной Европе в настоящее время пытаются возрождить былые благородные и хорошо сбалансированные традиции, несмотря на молчание основных СМИ.
 
Массовая иммиграция представляет собой оружие, направленная на уничтожение обществ, бывший посол США Чарльз Ривкин признал это: современные европейские общества разрушаются по причине релятивизма - индуцированные современностью и дьявольской постмодернистской подрывной интеллигенцией люди не могут найти положительное решение для этой проблемы. Иммигранты также разрушаются тем простым фактом, что их традиционные семейные ценности также будут уничтожены, так как все они в краткосрочной перспективе станут "бесцентровыми" существами.
 
- А как бы вы связали традиционные "volkisch" идеи с предложением профессора Дугина, сформулированное в его Четвертой политической теории, для которой "народ" или “Volk”  являются субъектом истории, но не выраженные в виде "нации" на земле или "классе", но как "Dasein", согласно философии Хайдеггера?
 
Сложно ответить на этот вопрос, поскольку я не читал "Четвертую политическую теорию" Дугина. "Volker" больше не может быть эффективным субъектом истории, даже если иногда есть и явные исключения, например, протестующий исландского народ, который смог избежать удушья космополитической политики банкиров, или венесуэльский народ, стоящий за Уго Чавесом (Мадуро). Карл Шмитт очень хорошо объяснил, что сейчас реальными субъектами истории являются "Grossraum" ( "большие пространства»), свободные объединения этнических или не этнических стран вокруг гегемонистской (супер)державы. Малые народы не могут ничего добиться в настоящее время, за исключением внутренней политики сплоченности, что, конечно, необходимо. БРИКС-страны в настоящее время это "большие пространства" и являются гегемонами на своих собственных внутренних территориях, они также могут собрать вокруг себя и малые державы по соседству.
 
"Dasein" буквально означает на немецком языке "быть там" или "бытие-здесь", так что мы вернулись к предыдущему вопросу. Я потому что я нахожусь здесь. Я не может "быть" повсеместно в двух или трех разных местах, поэтому я не могу выступать в качестве подлинного "zoon politikon" (Аристотель), если у меня нет места или есть множество локаций, как у так называемых современных «Кочевников», которыми так восхищался псевдо-мыслитель Жак Аттали и предлагал в качестве модели для будущего человечества. Человек связан с его "Ойкос" и не может быть идеальным "zoon politikon", если он живет в другом месте, или если он непрерывно передвигается. Это один аспект. Но Хайдеггер, даже если он называл себя уроженцем Мескирха, конечно, не был близоруким мыслителем. Я предполагаю, что аспект, который хочет подчеркнуть Дугин в своей книге - это понятие "аутентичного человека", желающего уйти из мира современной стандартизации, мира, который ученик и бывшая подруга Хайдеггера Ханна Арендт называла "world of the petty jobs". Мы живем в антропологических руинах (Эвола!) современного мира, где само существование зациклено, скучно и бессмысленно. Это не может быть «реальной жизнью» в соответствии с экзистенциалистом Хайдеггером. Таким образом, "Dasein" разъясняется в узком смысле второго значения в философии Хайдеггера. "Dasein" часто переводится на французский язык словом "экзистенция" (как у Сартра в конце 40-х годов). В таком смысле "Sein" - это просто мир или вселенная, которая имеет смысл, будь то статичная, неживая, материальная или яркая, развивающаяся, динамичная, растительная или животная. Для человека, или лучше сказать для "zoon politikon", "Sein" без данного смысла не достаточно. Он или она должны добровольно перейти к экзистенции и если вы прыгаете из ("ех") неопределенного места, каким простой "Sein" ("res stantes") и является, вы попадете, конечно, в "там", где вы родились или "там", которое вы выбрали, чтобы быть в "ех" "res stantes", т. e. в динамичном, опасном мире "суще-ствования" (“ex-istence”), где вы должны бороться и страдать, чтобы быть аутентичным. Мы не удовлетворены руинами современного мира, беспорядком "фестивистического" постмодернистского общества, в котором мы не можем ничего сделать, кроме бунта. Наш "Dasein" - это восстание, которое является прыжком из этого беспорядка или, лучше сказать, результат готовности к прыжку, на который у нас есть смелость, чтобы не загнить в «аутентичности». Этот мятежный прыжок выполняется тысячами и тысячами людей во всем мире в результате рождения или перерождения в "реальной рискованной и революционной жизни" подлинных людей, которые хотят навсегда остаться традиционным "zoon politikon" или традиционными "кшатриями" или "брахманами". Именно в этом смысле я понимаю ваш вопрос, а затем и позицию Дугина. Дугин мечтает, очевидно, о мировом сплочении "аутентичных традиционных людей", которые сделали шаг назад на фронте хаоса, который представляет современность, тем самым избрав вначале то, что Арнольд Тойнби называл "уходом" для медитации, чтобы воссоздать метафизическую аутентичность в несовременных духовных пространствах, как делали старообрядцы в отдаленных деревнях на берегу Белого моря или в самых глубоких лесах Сибири, чтобы вернуться в один прекрасный день, в день "Возвращения" (Тойнби), когда начнется новый цикл.
 
Размышляя дальше над этим видением Хайдеггера и Арендт "аутентичной жизни", я сейчас читаю работы итальянскиого теолога Вито Манкузо, который написал книгу с точно таким же названием - "La Vita Autentica».
 
- В этом смысле как политическая метафизика может стать актуальной в Европе, где сейчас доминируют сильные светские настроения и в то же время заметен подъем ислама как в европейском обществе, так и на другой стороне Средиземного моря?
 
Дугин, действительно, очень часто использует фразу "политическая метафизика", обращаясь, главным образом, к традиционным корпусам из Генона и Эволы. Десятки авторов после Эволы, Генона, Шуона и многих других возрождают то, что мы можем назвать «политической метафизикой» или просто «метафизикой», где «метафизика», в конечном итоге, может быть политизирована. Метафизика как традиционное знание активных и взаимосвязанных вещей за пределами проявленной физики, как нематериальные, интуитивно понятные и поэтические способности избранных людей, воспринимающих божественные "ноумены" за рамками простого «явления», была постепенно отвергнута как "смешная иррациональность" в западных моделях мышления, а Иммануил Кант провозгласил конец метафизики в последнее десятилетие 18-го века. Многие пытались спасти метафизику от забвения, другие заменили ее "философией культуры" (Гамман, Гердер) или (Гегель, гегельянцы и марксисты). Мир модерна и постмодерна отвергает метафизику с 18-го века, а также с момента последней фазы этого катастрофического сдвига, ведущей через современную видимую "Кали-югу" и культуру как цемент общества, и историю как перспективный шаг к лучшему будущему, потому что как культура, так и история предполагают и обязанности. Кант мог теоретизировать об этическом подходе к долгу без метафизики, потому что он был философом, который заявил, что метафизика была отменена или будет отменена: это чувство кантианского (прусского!) долга было разрушено в долгосрочной перспективе путем крайнего индивидуализма и общества потребления. «Культура» как ее понимали Гамман или Гердер, также исчезла, а история, какой она ранее задумывалась у некоторых экзистенциалистов (Сартр, Камю, Мальро) и марксистов также подверглась издевкам и отвергнута постмодернистским релятивизмом. Даже самая соблазнительная "эрзац" метафизика ныне отвергнута и осмеяна постмодернистским релятивизмом. Тем не менее, здесь нужно сказать, что истинное понимание метафизики было лишь привилегией интеллектуальной или религиозной элиты, которая претерпевала длительный процесс обучения или инициацию: для основного количества людей литургия, религиозные праздники и обряды были фактически более важны, потому что они давали смысл их жизни и являлись ритмом их повседневного существования. Все эти старые крестьянские праздники и обряды, также исчезли из нашей повседневной жизни и им на смену пришло то, что Филипп Мюрэй называет "аттракционами", т. e. трюками в СМИ, или "пародиями", как сказали бы Генон или Эвола. Франческо Ламендола, современный итальянский философ, чьи статьи вы можете найти на интересных сайтах http://www.arianneditrice.it или http://www.centrostudilaruna.it, объяснил нам недавно, что даже официальная Католическая Церковь теперь не в состоянии, несмотря на определенные усилия Папы Бенедикта XVI, возродить метафизику или традиционные практики, так как она слишком долго пыталась подражать современным медиа субкультурам, чтобы спастись от общего распада: его статья была проиллюстрирована фото, показывающее священников и монахинь, танцующих и изгибающих свои тела как сумасшедшая молодежь в стиле хиппи... После того как вы потерпели такое недостойное отношение от самих хранителей вашей религии, вы не легко сможете найти путь назад к более достойным позициям. Светские безделушки вторглись и нейтрализовали все, что можно в религиозной сфере людей в Америке и Западной Европе, что вынудило другого итальянского философа Умберто Джмлимберти определить христианство как "религию пустых небес" ("La Religione Даля Cielo Vuoto").
 
Что касается ислама, вы должны иметь в виду, что мы полностью принимаем истинно традиционный ислам, каким он был показан такими выдающимися личностями как Сейед Хоссейн Наср, Анри Корбен (и его последователь Христиан Джамбет), Мишель Ходкевич или алжирский мыслитель Мерибут. Их взгляды, которые могли бы быть духовными моделями для Ирана и Средней Азии, или могут быть связаны с иранской средневековой мистикой Сохраварди или фламандско-рейнской мистической традицией (Руусбрук, Майстер Экхарт, сестра Хадевих, Николай Кузанский и т.д.), конечно, не имеют ничего общего с современным ваххабизмом или салафизмом или с неадекватными проповедями братьев-мусульман, которые ввергли Сирию в огонь в 1981-82 гг. и еще раз около двух лет назад. К сожалению, сочетание салафизма, ваххабизма и братьев-мусульман в настоящее время соблазняет тысячи молодых иммигрантов в современной Европе, которые отвергают и модернистский лунатизм и здоровые остатки традиционной Европы. Мысли Тарика Рамадана имеют также реальное влияние в настоящее время на мусульман в Европе, но, даже если этот швейцарский мусульманский интеллектуальный лидер высказывает некоторые интересные антизападные идеи, мы не должны забывать, что в соответствии с недавними историческими исследованиями, проведенными в Соединенных Штатах и Германии, его дядя Саид Рамадан, другой видный брат-мусульманин 50-х гг., активно помогал смещению всех проевропейских (и антисоветских) имамов главной мечети Мюнхена и мусульманского религиозного центра в Германии при содействии братьев- мусульман  и агентов ЦРУ, а братья-мусульмане в то время устроили заговор против египетского лидера Гамаля Абдель Насера (прозванному "Фараоном" его внутренними врагами) на благо Израиля, так же как сейчас они действуют против сирийской баасистской властной элиты. Такой ислам, несмотря на "големы"  американского производства типа Аль-Каиды или бен Ладена, является инструментом в руках Соединенных Штатов и Саудовской Аравии и нацелены на реализацию многих других проектов в воссоздании сильной стратегической «связки» исламизированных или полуисламизированных государств (Великая Албания, Косово, потенциально исламизированная Македония, автономные мусульманско-турецкие области в Болгарии, и т.д.) на Балканах против Сербии, Европы и России, как отмечал сербский традиционалистский мыслитель, дипломат и художник Драгош Калаич до своей ранней смерти несколько лет назад. Калаич называл этот проект "dorsale islamique dans les Balkans".
 
- Мы видим, что много людей протестует на улицах различных европейских столиц, но как сопротивление может возникнуть и развиваться в "буржуазном обществе", каким является ЕС?
 
Первое «буржуазное» общество исчезнет, если люди из среднего класса и трудящиеся будут полностью разбиты инфляцией и экономическим кризисом. В Испании, Португалии и Греции можно видеть социальную агитацию, но не революционный дух, который в состоянии изменить общество. В Исландии демонстрации, по крайней мере, вынудили правительство отказаться от выплат, подать в суд на ответственных министров и посадить их в тюрьму. В Италии, где на последних выборах победил Беппе Грилло, стало понятно, что люди не верят в обычные коррумпированные партии обветшалой партократии: это хорошо, что избирательный процесс, представленный в СМИ как квинтэссенция истинной демократии, разрушен, и является чистой подделкой, как только избранные технократы не захватывают власть, несмотря на отказ народа от коррупции и технократического управления. В Бельгии обычные профсоюзы пытались мобилизовать своих боевиков, чтобы отказались от мер жесткой экономии, но они ничего не говорят нам о слишком высоких ценах на энергоносители, продукты питания в супермаркетах и страховых взносах, которые подрывают покупательную способность всех наших сограждан. Во Франции ситуация удивительна: люди устали от неолиберального Саркози, но отвергают и социалиста Олланда, а протесты связаны с гомосексуальными браками. Франция, кажется, отвергает левый вольтеровской панкритицизм и типично французский Май-68, для которых идеология гомосексуализма, гендерные проблемы, преступность, маргинальность и т.д. считались аспектом определенного интеллектуального и морального превосходства перед условной массой гетеросексуальных женщин и мужчин, отцов и матерей: эта ранее не политизированная масса, кажется, теперь уже сыта по горло, и основными медиа показана как низшее сословие (или как потенциальные фашистские головорезы) и над которой издевалась так называемая «интеллектуальная элита». Гендерные спекуляции и гей-парады были также выставлены в качестве выражения истинных "республиканских ценностей", которые в настоящее время отвергнуты более широкими массами граждан, реагирующих не материалистическим, не "чувственным" способом. Это может являться выходом из буржуазной психики, которая, конечно, "чувственна" по определению Питирима Сорокина.
 
- По словам Грамши гражданам требуется консенсус для менеджмента и коэволюции, но, теперь кажется, что евробюрократия и транснациональные финансисты узурпировали все необходимые инструменты для принятия решений...
 
С технической точки зрения мы не живем  больше во времена Грамши, поэтому мы должны избегать всех анахронизмов. Грамши был под влиянием итальянской неомаккиавельянской социологической школы (Моска, Парето, Михельс), где понятие правящей элиты (олигархия) и элиты, бросающей вызов (революционеры), было очень важным. Грамши был основным мыслителем дофашистского итальянского коммунистического движения, в котором он видел инструмент упразднения власти итальянской олигархии (его любимый брат, напротив, видел в Фашизме лучший инструмент для управления олигархией). Для того, чтобы быть эффективными, революционерам пришлось начинать с культурной борьбы, в основном, с помощью популярного и классического театра в качестве инструмента. Так делали и футуристы вокруг Маринетти, которые стали фашистами, и так же Брехт в Германии, который остался коммунистом. В глазах Грамши современная арена итальянских улиц могла бы создать консенсус, но сейчас наследниками являются не коммунисты, а левые (Ленин: "детская болезнь левизны коммунизма») создающие распри во французском обществе, а акции типа Pussy Riot или FEMEN в стиле шестидесятых в основном рассматриваются как вульгарные и смешные. Настоящая «подрывная деятельность» против нынешней власти может осуществляться только через возвращение обычных "порядочных" традиционных обществ, как Джордж Оруэлл хотел в свое время сделать основным вариантом социалистических сил в Великобритании и других странах. Оруэлл и его наследник славист Энтони Берджесс (который больше не читает...) отклонили девиантное поведение левых, так как это было, в их глазах, лучшим инструментом для олигархии разрушить эффективность народного протеста.
 
Еврократия теперь вообще отрицается во всех странах Западной Европы. Политика жесткой экономии приводит к общему оспаривании еврократической власти так, что в конце апреля этого года они объявили официально, что найдут еще одно решение. Но для них невозможно  изменить их тип управления, так как они автоматически и окончательно будут исключены из власти. Европа уже сделала выбор: либо она принимает вариант для близорукой олигархии "экономических / финансовых причин" или она принимает решение в пользу "жизненно важных причин". Первый вариант означает политическую смерть, второе - выживание.
 
- Что политики и геополитики в Европе думают о России и других стран Евразийского пространства, таких как Индия и Китай?
 
Политики и те, кто формирует общественное мнение, в основном следуют тому, что говорит НАТО. Во Франции, несмотря на современные восстание против элит мая 68-го, "новые философы" по-прежнему определяют внешнюю политику. О России говорят, конечно же, плохо, Путин описывается как своего рода "новый Сталин", который управляет всеми выборами в вашей стране. Про Китай говорят, что там полностью пренебрегают правами человека, Тибет раздавлен вместе с уйгурами из Китайского Туркестана (Sin Kiang). Индия, пожалуй, воспринимается лучше, кроме случаев, когда индуистские националисты у власти. Геополитические школы в Европе, наоборот, имеют объективный взгляд на Россию, Индию и Китай. В Германии люди, такие как Питер Шолль-Латур или Александр Рар знают, что Соединенные Штаты постоянно следуют геополитическим взглядам, которые противопречят естественным интересам Германии. Эмрик Шопрад, который опубликовал свои книги по геополитике в издетельстве "Эллипсы" в Париже, был уволен из военной академии, как только Саркози пришел к власти, потому что он хотел остаться верным голлистской независимой французской позиции по отношению к НАТО. Геополитические школы рассматривают развитие стран БРИКС как положительное явление, поскольку это позволит нам избежать Американоцентричной однополярности на международной шахматной доске и, в первую очередь, создать многополярную сплоченности в мире, который будет сильно связан теллурическими, континентальными дорог от Атлантического побережья до Тихого океана.
 
- С точки зрения европоцентризма, что такое Россия? Есть ли опасения по поводу "желтой угрозы"?
 
Когда мы используем слово "европоцентризм" в положительном смысле, мы думаем об исторических периодах, когда своего рода евразийское единство было возможно без особых усилий или де-факто актуализированно. В 18 веке Людовик XVI, Мария Тереза Австрийская и Екатерина в России были союзниками против турок и Британии (по крайней мере, неофициально), и их царства и империи простиралась от Атлантики до Тихого океана. Нужно не забывать, что Россия обладала в то время Аляской, Гавайями и частью Тихоокеанского побережья Северной Америки до Форт-Росс на бывшей русско-испанской границе в Калифорнии! Священный союз или Пентархия (как Константин Франц называл его) был имплицитным альянсом от Ирландии до Аляски, который был специально уничтожен англичанами и французами во время Крымской войны. "Drei-Kaiser-Bund" ("Союз трех императоров») Германии, Австрии и России был также неявным альянсом, но не таким сильным, как два предыдущих, так как западное атлантическое побережье было потеряно, а США стали силой, которые могли бы завоевать калифорнийское побережье после войны с Мексикой и купить Аляску, чтобы дать царю покорить Центральную Азию. Артур Меллер ван ден Брук и "национал-большевики" среди немецких дипломатов или боевиков, хотели, по крайней мере, сделать германо-советский тандем, который мог стратегически объединить половину Европы и советской России от Гамбурга до Владивостока. Повальное увлечение возможной «желтой угрозы» не является особенностью западно-европейских или немецких фобий, даже если император Вильгельм II был, может быть, одним из главных представителей этоих фобических тенденции до 1914 года. Французский славист Жорж Нива проанализировал страх "китайской угрозы" в русской литературе между 1850 и 1914 гг., а также идеологический отказ от азиатской или буддийской моды среди некоторых интеллектуалов-петербуржцев, в результате чего "китайскую угрозу" не следует рассматривать исключительно как расовую, но как отказ от слишком централизованного и бюрократизированного государства. Императорский китайский "мандаринат" рассматривался как угроза для человеческой свободы и свободной воли, как подлинныех добродетелей "христианства" (то есть европейской и древнегреческой культуры). В принципе Китай не представляет опасности, так как Китай сосредоточен на себе. Китай предлагает миру международную организацию, при которой ни одна сила не будет иметь право вмешиваться во внутренние дела других стран. В Африке Китай может создать проблему в том случае, если займется рыболовством: если африканцы не могут извлечь выгоду из рыбных ресурсов вдоль своих берегов, они ужасно рискуют попасть в продовольственную зависимость, которая может иметь катастрофические последствия, особенно вместе с уже существующими дефицитом еды районе Сахеля.
 
- Николай Данилевский в своей книге "Россия и Европа" пишет, что европейцы боялись России из-за ее огромной суши, нависающей над Европой... Кроме того, у нас есть различия в религии, этике и т.д.
 
Мы давно говорили, что русские патриоты качаются между национализмом в стиле Данилевского и традиционализмом, ориентированным на Леонтьева. Данилевский частично был под влиянием дарвинизма как некоторые, но не все "пангерманисты" и увидел грядущую борьбу за выживание и господство между "старыми народами" (Великобритания, Франция) и "молодыми народами" (Россия и славяне в целом). Леонтьев был более традиционным и православным, и хотел сохранить статус-кво, особенно на Балканах. Европейцы опасались демографического бума в России в 19 веке, так же как европейцы и русские боялись китайской демографии или боятся нынешнего африканского или Североафриканского бума перенаселения или, как французы в конце 19-го века были одержимы увеличением немецкого населения, а их собственное население сокращалось. Россия в 19 веке, в основном, представляла угрозу не для Европы, так как Франция, Бельгия и Германия много вложили в Россию, но для британского либерализма и для Британской Индии, так как только царской армии удавалось контролировать страны Центральной Азии до афганской границы: огромные армии готовы были вторгнуться в Индию, краеугольный камнем британской империи и ключом к контролю "Сердцевинного моря", которым является Индийский океан. Крымская война, которая разрушила стратегическое единство Пентархии как воплощения европейской цивилизации и ослабила Россию за несколько десятилетий, является главным источником геополитического и метафизического противостояния между Востоком и Западом, как Достоевский указал на это в «Дневнике писателя». Запад появился в качестве подрывной силы, которая разрушала единство "Христианства" (то есть Европа и Россия воспринимались как стратегическое единство). По словам Константина Франца, отсутствие интереса к европейскому единству во Франции и Англии было связано с колониализмом: французская и британская империй больше не имели центра в Европе и могли выжить без необходимости единства: это непосредственно привело к катастрофе Первой мировой войны. Различия в религии и этосе могут более легко преодолеться при единственном условии, что католики или протестанты не попытаются обратить других всеми средствами, не только в России или в православных странах, но и в мусульманских регионах, в Китае или в Индии. Протестанты американских сект также должны отказаться от своей миссии в католической Латинской Америки. Отказ от прозелитизма должен быть одним из условий мира во всем мире наряду с отказом вмешиваться во внутреннюю политику, о чем говорят китайцы.
 
Французский еженедельный журнал "Valeurs actuelles" недавно (№ 3989)  опубликовал карту мира, изображающую «динамику столкновения между религиями», где не только Ислама или мусульманский фундаментализм выходит на передовую в мусульманских странах, в Африке (Нигерия) или в Индии, но и там, где по большей части процветает американсканская "Евангелическая церковь", поскольку они очень активны в Латинской Америке (и в Испании, в связи с иммиграцией выходцев из Латинской Америки!), в католической Черной Африке (Западная Африка, Конго, Ангола и др.), в Китае, Японии и на Филиппинах. Карта показывает нам также прогрессирование "религиозное разнообразие" в США, в Австралии, во всех европейских странах, в России и в Китае, Корее и Японии. "Религиозное разнообразие" означает, очевидно, снижение социальной сплоченности, когда это разнообразие импортируется и означает, что не стоит забывать, общие проблемы разрушения корней народов, когда "естественная" или "родная" религии исчезают даже в христианстве или исламизированных синкретических формах (см. недавние трагические случаи с мечетями Тимбукту и библиотеками или сербскими православными монастырями в Косово). Завоевания ваххабизма (или салафизма) и американской «Евангелической Церкви" являются доказательствами побед "однополярности", даже если Соединенные Штаты притворяются, что их главный враг - это "Аль-Каида". Оба гиперактивных фундаментализма, т. e. саудовский ваххабизм и американо-извращенный евангелизм, направлены на завоевание или повторное завоевание потерянных территорий или территорий, которые имели иммунитет от пуританско-ваххабитской подрывной деятельности, например, в интеллектуальных и эффективных гражданско-военных развивающихся режимах. Латинская Америка достигла определенного уровня независимости благодаря общему рынку Меркосур, индигенистских позиций Моралеса в Боливии или антиимпериалистической активности и дипломатии покойного президента Чавеса: Южно-Американский континент рискует в долгосрочной перспективе подвергнуться разрушению и повторному завоеванию со стороны социально активных церквей евангельского направления. В Африке очевидно, что тайной целью этих церквей является уменьшения связей франкоязычных стран Африки с Францией и ЕС и замена французского или европейского (и китайского!) влияния на американское господство для того, чтобы получать нефть из этой части мира. В Китае евангелические активисты иметь целью нарушить сплоченность китайского общества и создавать хаос, как было в 19-ом веке, когда гражданская война началась по инициативе обращенных христиан в Китае и унесла жизни более 20 миллионов человек. Так что эта религиозная подрывная деятельность является одним из орудий, используемых для устранения Китая как сверхдержавы-конкурента на Дальнем Востоке, вместе с другим оружием, направленным против Пекина - военным сдерживанием, поддержкой фундаменталистсов-уйгуров в Синьцзяне, кибервойной и т.д. 
 
Увеличение "религиозного разнообразия" в основных странах ЕС означает потерю социальной и политической сплоченности, которая соответствует целям геополитики Роберта Штраус-Хюпе, который стал советником президента США Рузвельта и Трумэна, наряду с Моргентау, который хотел превратить Германию в буколическое аграрное государство в самом центре Европы. Теперь, как опасается социалист Тило Саррацин, Германия будет в состоянии производить необходимое количество инженеров, чтобы немецкая промышленность работала должным образом. То же самое верно и для других европейских стран, так что мечта Моргентау рискует стать реальностью: роль Германии как слабой промышленной страны оживляется сумасшедшими социологами, которые представляют собой праздный класс, что может наложить фестивистский образ жизни (с вездесущей сексуальной вседозволенности и с "femens" как новыми монахинями!), и называть «фашистами» всех тех, кто хочет для себя более рациональное общество (см. Гельмут Шельски "Die Arbeit tun die Anderen»). 
 
- Спасибо, г-н Стойкерс, за интересные ответы на наши вопросы. Вы хотите что-то добавить или пожелать?
 
Такие организации как ваша и наша должны изучать геополитику и историю во всех их аспектах и знать все о силах, которые активизируют мусульманский мир от Атлантического побережья Морокко до мельчайших островов Индонезии. Мы должны создать мировую элиту мужчин и женщин, полностью застрахованную от искусственной агитации созданную американскими медиа-агентствами. Поэтому мы должны встречаться как можно чаще, обмениваться идеями с помощью интервью, но в более беспокойном темпе, чем делалось раньше: другим ведь не лень, поэтому и нам нужно быть не менее активными, в противном случае метаполитическая битва бой будет окончательно проиграна нами.
 
Беседовал Леонид Савин

jeudi, 22 août 2013

U.S., Britain and New Big Game in Near East

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U.S., Britain and New Big Game in Near East

Interview with Jeffrey Steinberg

Ex: http://www.geopolitca.ru

1. Please give us a brief review of the contemporary situation in Egypt with respect to the recent government change and the recent riots, in Syria with respect to the ongoing civil war and insurgency, and in Turkey with respect to the recent socio-political crisis encountered by the Erdogan government.

The three situations must be treated as distinct but clearly all part of the same mosaic of change in the region.  Regarding Egypt, more and more evidence is coming out publicly, indicating that the Morsi government was more interested in consolidating absolute Muslim Brotherhood control over the state apparatus than in governing on behalf of the entire Egyptian people.  When somewhere between 10 and 22 million Egyptians turned out on the street on June 30 in a peaceful protest, demanding Morsi’s resignation, the Egyptian generals acted on that popular mandate.  This is an old story in Egypt.  The Army comes out of the Nasser tradition and sees itself as the guardians of the nation.  They had evidence that the Muslim Brotherhood was planning a purge of the top generals, arrests of opposition leaders and a move to consolidate the “Ikhwanization” of the country.  The interaction between the top leaders of the Muslim Brotherhood and the Army was intense prior to, during and after the ouster of Morsi.  This is an ongoing process.  Unless the Muslim Brotherhood decides to launch an all-out military campaign to take back power, they will be incorporated into the political process, including the upcoming elections.  Morsi and Khayrat al-Shatar, the power behind the scenes within the Muslim Brotherhood, made the mistake of presuming that the Obama Administration would assure that they remained in power by pressuring the Army to stay in the barracks, regardless of what happened on June 30.  Ultimately, the Muslim Brotherhood failed to live up to the mandate that they were given by the Egyptian people.  General Martin Dempsey, the wise Chairman of the U.S. Joint Chiefs of Staff recently observed that modern history has seen very few successful revolutions.  He noted that in almost every instance, except for the American Revolution, the first generation got it wrong, the next generation in power overcompensated and also got it wrong, and the third generation managed to get it mostly right.  We are at the very early stages of the Egyptian revolution.  Economic well-being for the vast majority of Egyptians is the ultimate test.  Egypt has water, which is the most precious commodity in the region, and has the capacity to grow vast amounts of food.  Development projects have been on the drawing board for a long time.  This will be the measure of success of the future governments.

The Syria crisis is a tragedy in almost every respect.  No one involved in the Syria events of the past two-and-a-half years is immune from some responsibility for the bloodshed and the near-total destruction of a nation.  A country that was once a model of communal integration (Sunni, Shiite, Alawite, Kurd, Druze, Christian) and was a birthplace of Christianity has been thoroughly Balkanized into warring factions.  Outside powers played the Syrian situation to their own interests and advantages.  President Obama, declared that President Bashar al-Assad had to go almost two years ago, before receiving any intelligence or military assessments of the situation there.  Saudi Arabia, Qatar and Turkey all jumped into the situation early on, promoting an armed Syrian opposition that was expected to oust President Assad in short order.  Now, Syria is the epicenter of a regional sectarian conflict between Sunni and Shiites/Alawites that has spread to Turkey, Iraq, Lebanon, Jordan.  The British have been promoting just such a sectarian “Hundred Years War” within the Muslim world as part of a classic Malthusian population reduction campaign.  Saudi hatred for the Syrian Alawites has been exploited by London, assuring that arms and cash have been flowing into the hands of a global Sunni jihadist apparatus.  Now, the Obama Administration is weighing in with covert support for a more “moderate” anti-Assad Free Syrian Army, centered in Jordan.  Weapons that were confiscated after the execution of Muammar Qaddafi in Libya in late 2011 have been smuggled into the hands of Syrian rebels, including the Al Qaeda-linked Al Nusra Front since April 2012.  The program has been coordinated out of the Obama White House and managed by the CIA.  President Obama has his own “Iran-Contra” scandal brewing and is attempting to cover up for crimes that have been ongoing for over a year and which could lead to his impeachment.  At one point, the danger of the Syrian crisis triggering a global war prompted US Secretary of State John Kerry and Russian Foreign Minister Sergei Lavrov to attempt to convene a Geneva II peace conference, as a way to avoid the situation slipping totally out of anyone’s control.  That Geneva II option remains the last best hope that further destruction of the entire region, and a possible trigger for general war can be prevented. 

There are some significant parallels between the Erdogan government in Turkey and the recently deposed Morsi Muslim Brotherhood government in Egypt.  Since coming into power, Prime Minister Erdogan had pursued a policy of economic and political cooperation with all of Turkey’s neighbors.  That policy served Turkey well for several years, building trade with Russia and Iran, settling Kurdish conflicts involving both Turkey and Syria, and building a strong economic bridge with the Kurdish Regional Government in Iraq, without damaging Ankara-Baghdad relations.  When the Syrian protests erupted in early 2011, President Obama urged Prime Minister Erdogan (one of the few foreign heads of state to have any kind of personal relationship with the US President) to “take the lead” in pressing for Assad’s rapid removal from power.  Erdogan presumed that Washington would make good on its demand for Assad’s removal from power.  Given the US role in the overthrow and execution of Qaddafi in Libya, and given the Obama Administration’s strong promotion of humanitarian interventionism and “R2P” (“Responsibility to Protect”), post-Westphalian dogmas permitting a full range of intervention into the internal affairs of formerly sovereign states, Erdogan was not totally foolish in his expectation that Washington would run a replay of Libya in the Eastern Mediterranean and Assad’s days were numbered.  That prospect never materialized, and as the result, the Turkish people are becoming disillusioned with the Erdogan AKP approach.  The Turkish Army, having been a target of Erdogan purges, is becoming restless.  The Turkey situation has become an important piece of the regional disintegration.  Economic and political agreements with Iran, Russia, Syria and even Iraq are now in doubt.  Turkey is facing a period of potential turmoil.  The European economic crisis, far from being solved, will add further fuel to the fire in Turkey.

2. What is nature of the Arab Spring, and how do you see the Arab Spring developing in the future?

There are two dimensions to the Arab Spring that are generally ignored.  First, a combination of economic depravations and political persecution created a “perfect storm” for popular dissatisfaction to spill over into mass action.  In Tunisia, as well as Egypt, a well-educated segment of youth revolted over the fact that they had no prospect for a future in their own country.  The initial impulse was that of a classic “mass strike” when a large percentage of the population concluded that they had nothing left to lose, and they seized upon a symbolic event and launched a public demand for change.  Second, once events on the ground reached a critical mass, external political forces intervened for self-serving reasons.  London wants a permanent war of “each against all” to reduce the population levels in the developing world.  Saudi Arabia and Qatar, two rival Wahhabi monarchies, began pouring money into contending factions of the Islamist opposition and the militaries.  The Obama Administration concluded that the Muslim Brotherhood were the safest representatives of “political Islam” and began backing them in both Egypt and Syria.  The fact that the United States has turned Qatar into a forward-based hub of Washington power projection in the region has, up until the recent change of power in Qatar, meant a combined Doha-Washington backing for the Muslim Brotherhood as the “pragmatic” Islamists.  There is a serious reassessment now underway in Washington.  The outside factors made it impossible for the internal dynamics of Egypt and Syria to come to an understanding about a way forward.  At no time was there adequate outside economic assistance to provide breathing room for a raw political process to evolve.  The standard IMF recipes for economic starvation and “shock therapy” privatization and de-subsidization made matters worse. 

3. What is the role of the Muslim Brotherhood in Syria and in Egypt?

Historically, the Muslim Brotherhood was a creation of the Sykes-Picot colonial process and of British intelligence.  The organization evolved, spread, spawned a far more virulent network of more radical jihadists including Al Qaeda.  A long exile in Saudi Arabia, following the Nasser crackdown against the Brotherhood beginning in the 1950s, spawned a new neo-Salafist phenomenon.  When Hafez Assad launched his own harsh crackdown against the Syrian Muslim Brothers in the early 1980s, that led to a second wave migration and exile in Saudi Arabia.  Under the influence of Dr. Bernard Lewis, a British intelligence “Arabist” who is also a leading Zionist, successive American administrations adopted the “Islamic Card” as a tool to bring down the Soviet Union.  The Afghan War of the 1980s saw British and American intelligence deepen the alliance with the Muslim Brothers.  This spawned Al Qaeda and a large number of groups that were foreign fighters brought to Afghanistan as “muhahideen” trained and armed to fight the “Godless” Soviet Red Army.  The Libyan Islamic Fighting Group (LIFG), an arm of Al Qaeda created by Afghanzi fighters who returned to Libya after that Soviet withdrawal from Afghanistan, is exemplary of the spreading neo-Salafist problem that emerged out of the “Bernard Lewis Plan” to play Islam against Communism.  When Communism collapsed in the early 1990s, the West in general and the United States in particular became the “New Satan” to be targeted.  The Obama Administration’s belief that the Muslim Brotherhood was potential allies led to a string of policy blunders and mishaps that are still playing out.  In recent weeks, Washington’s love affair with the Muslim Brotherhood has fractured.  The ouster of the Emir and prime minister of Qatar has weakened the financial support for the Muslim Brotherhood.  It is too early to say what the next phase of the process will look like, but the naïve presumptions about the Muslim Brotherhood are being severely challenged right now.

4. Is there a difference between the policy supported by General Dempsey and Defence Secretary Hagel on the one hand and the State Department and White House forces on the other? If yes, please explain these differences.

There are significant differences.  General Dempsey is a leading figure in a war-avoidance faction inside the governing institutions of the United States.  He has taken a courageous stand, opposing direct US military engagement in Syria.  He wants to bring home the American troops who have been engaged for over a decade in Afghanistan, and he wants to assure that there is never again a long war that drains the armed forces and the nation’s resources of the US.  He has the backing of Defense Secretary Hagel in this quest.  General Dempsey believes that it is a priority to deepen cooperation with Russia and China, the other two leading world military powers.  He judges all military options from a global overview.  The contrasting views inside the Obama Administration are centered at the White House with people like Dr. Susan Rice and the former Special Assistant to the President Samantha Power, now the President’s nominee to replace Rice at the UN.  They are extreme proponents of humanitarian interventionism.  In that respect the “liberal” humanitarian interventionists are soul mates of the neoconservatives of the Bush-Cheney era.  It is ironic but also not surprising that the leading war-avoidance forces in the United States are active duty and retired flag officers of the armed forces, who have lived through the hell of the post-911 long wars and want no more of it.  They are painfully aware that a conflict that pits the United States against Russia and/or China could lead to thermonuclear war and extinction of mankind.  They understand war as Dr. Rice and Samantha Power (and President Obama) do not.

5. What is the role of Israel and of the U.S. Israeli lobby in the contemporary upheaval in the Middle East and the Eastern Mediterranean in general? 

The Revisionist Zionist Movement, founded by Jabotinsky and now ruling Israel under Netanyahu, is a British colonial creation—part of the divide and conquer strategy that the British and French imposed on the Middle East from the end of World War I.  Israel and the Israeli Lobby, as such, are expendable pawns in the larger British game.  To the extent that Israel has any pretence of being a sovereign state, they have been pursuing a series of tragic self-destructive policies ever since the assassination of Prime Minister Yitzhak Rabin in 1995 after his historic Oslo Agreement with Yasser Arafat and the PLO.  Without a drastic change in policy, Israel is likely doomed.  The Israeli Lobby is a powerful force in Washington politics but is not all-powerful.  Right now, their focus is on Iran.  Their primary objective is to keep up pressure on President Obama to where he will eventually take military action for regime change in Iran.  That could be a trigger for all-out war, which is exactly what General Dempsey and the rest of the JCS want to avoid at all costs.  Israel was, ironically, sidelined as a minor player in the unfolding events in Egypt and Syria.  There is no good outcome of the Syrian mess from Israel’s standpoint.  They had a truce with the Assad governments in Syria and came close on several occasions to formalizing it in a Camp David-style treaty with Damascus.  Israel may appreciate the benefits of the Syrian Army being gutted, but they do not welcome a Jihadist state on their northern border.  The British will sell out Israel in a heart-beat to pursue their new game of permanent brutal sectarian war within Islam.

6. Which is the strategy of Netanyahu and the Zionist political forces in general in the fields of geopolitics and geoeconomics?

The Netanyahu Zionists want to maintain the status quo of gradual absorbtion of the entirety of the West Bank into a Jewish state.  They will exploit so-called peace negotiations with the Palestinians to stall, as new settlement expansion accelerates by the day.  As pawns of larger forces, including the British, they do not really have a strategic vision.  They have integrated their high-tech aerospace and electronics sector into the United States economy to such an extent that they are defacto the 51st state.  Most Israeli high-tech companies have their stock traded on the NASDAQ exchange in New York. A majority of Israeli Jews are so fed up with the madness dominating Israeli politics that they would prefer to live in the United States.

Interviewed by  Dr Nicolas Laos (member of the faculty of International Relations at the University of Indianapolis, Athens Campus (Greece) and a columnist of the Greek political daily newspaper "Ellada").

 

jeudi, 11 juillet 2013

Ernst Jünger et la révolution conservatrice

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Dominique Venner:
 
Ernst Jünger et la révolution conservatrice
 
 
Pauline Lecomte : Vous avez publié naguère une biographie intellectuelle consacrée à Ernst Jünger, figure énigmatique et capitale du XXe siècle en Europe. Avant de se faire connaître par ses livres, dont on sait le rayonnement, cet écrivain majeur fut un très jeune et très héroïque combattant de la Grande Guerre, puis une figure importante de la "révolution conservatrice". Comment avez-vous découvert l’œuvre d'Ernst Jünger ?

Dominique Venner : C'est une longue histoire. Voici longtemps, quand j'écrivais la première version de mon livre Baltikum, consacré à l'aventure des corps-francs allemands, pour moi les braises de l'époque précédente étaient encore chaudes. Les passions nées de la guerre d'Algérie, les années dangereuses et les rêves fous, tout cela bougeait encore. En ce temps-là, un autre écrivain allemand parlait à mon imagination mieux que Jünger. C'était Ernst von Salomon. Il me semblait une sorte de frère aîné. Traqué par la police, j'avais lu ses Réprouvés tout en imaginant des projets téméraires. Ce fut une révélation. Ce qu'exprimait ce livre de révolte et de fureur, je le vivais : les armes, les espérances, les complots ratés, la prison... Ersnt Jünger n'avait pas connu de telles aventures. Jeune officier héroïque de la Grande Guerre, quatorze fois blessé, grande figure intellectuelle de la "révolution conservatrice", assez vite opposé à Hitler, il avait adopté ensuite une posture contemplative. Il ne fut jamais un rebelle à la façon d'Ernst von Salomon. Il a lui-même reconnu dans son Journal, qu'il n'avait aucune disposition pour un tel rôle, ajoutant très lucidement que le soldat le plus courageux - il parlait de lui - tremble dans sa culotte quand il sort des règles établies, faisant le plus souvent un piètre révolutionnaire. Le courage militaire, légitimé et honoré par la société, n'a rien de commun avec le courage politique d'un opposant radical. Celui-ci doit s'armer moralement contre la réprobation générale, trouver en lui seul ses propres justifications, supporter d'un cœur ferme les pires avanies, la répression, l'isolement. Tout cela je l'avais connu à mon heure. Cette expérience, assortie du spectacle de grandes infamies, a contribué à ma formation d'historien. A l'époque, j'avais pourtant commencé de lire certains livres de Jünger, attiré par la beauté de leur style métallique et phosphorescent. Par la suite, à mesure que je m'écartais des aventures politiques, je me suis éloigné d'Ernst von Salomon, me rapprochant de Jünger. Il répondait mieux à mes nouvelles attentes. J'ai donc entrepris de le lire attentivement, et j'ai commencé de correspondre avec lui. Cette correspondance n'a plus cessé jusqu'à sa mort.

P. L. : Vous avez montré qu'Ernst Jünger fut l'une des figures principales du courant d'idées de la "révolution conservatrice". Existe-t-il des affinités entre celle-ci et les "non conformistes français des années trente" ?

D. V. : En France, on connaît mal les idées pourtant extraordinairement riches de la Konservative Revolution (KR), mouvement politique et intellectuel qui connut sa plus grande intensité entre les années vingt et trente, avant d'être éliminé par l'arrivée Hitler au pouvoir en 1933. Ernst Jünger en fut la figure majeure dans la période la plus problématique, face au nazisme. Autour du couple nationalisme et socialisme, une formule qui n'est pas de Jünger résume assez bien l'esprit de la KR allemande : "Le nationalisme sera vécu comme un devoir altruiste envers le Reich, et le socialisme comme un devoir altruiste envers le peuple tout entier".
 
     Pour répondre à votre question des différences avec la pensée française des "non conformistes", il faut d'abord se souvenir que les deux nations ont hérité d'histoires politiques et culturelles très différentes. L'une était sortie victorieuse de la Grande Guerre, au moins en apparence, alors que l'autre avait été vaincue. Pourtant, quand on compare les écrits du jeune Jünger et ceux de Drieu la Rochelle à la même époque, on a le sentiment que le premier est le vainqueur, tandis que le second est le vaincu.
 
     On ne peut pas résumer des courants d'idées en trois mots. Pourtant, il est assez frappant qu'en France, dans les différentes formes de personnalisme, domine généralement le "je", alors qu'en Allemagne on pense toujours par rapport au "nous". La France est d'abord politique, alors que l'Allemagne est plus souvent philosophique, avec une prescience forte du destin, notion métaphysique, qui échappe aux causalités rationnelles. Dans son essais sur Rivarol, Jünger a comparé la clarté de l'esprit français et la profondeur de l'esprit allemand. Un mot du philosophe Hamman, dit-il, "Les vérités sont des métaux qui croissent sous terre", Rivarol n'aurait pas pu le dire. "Il lui manquait pour cela la force aveugle, séminale."

P. L. : Pouvez-vous préciser ce qu'était la Weltanschauung du jeune Jünger ?

D. V. : Il suffit de se reporter à son essai Le Travailleur, dont le titre était d'ailleurs mal choisi. Les premières pages dressent l'un des plus violents réquisitoires jamais dirigés contre la démocratie bourgeoise, dont l'Allemagne, selon Jünger, avait été préservée : "La domination du tiers-état n'a jamais pu toucher en Allemagne à ce noyau le plus intime qui détermine la richesse, la puissance et la plénitude d'une vie. Jetant un regard rétrospectif sur plus d'un siècle d'histoire allemande, nous pouvons avouer avec fierté que nous avons été de mauvais bourgeois". Ce n'était déjà pas mal, mais attendez la suite, et admirez l'art de l'écrivain : "Non, l'Allemand n'était pas un bon bourgeois, et c'est quand il était le plus fort qu'il l'était le moins. Dans tous les endroits où l'on a pensé avec le plus de profondeur et d'audace, senti avec le plus de vivacité, combattu avec le plus d'acharnement, il est impossible de méconnaître la révolte contre les valeurs que la grande déclaration d'indépendance de la raison a hissées sur le pavois." Difficile de lui donner tort. Nulle part sinon en Allemagne, déjà avec Herder, ou en Angleterre avec Burke, la critique du rationalisme français n'a été aussi forte. Avec un langage bien à lui, Jünger insiste sur ce qui a préservé sa patrie : "Ce pays n'a pas l'usage d'un concept de la liberté qui, telle une mesure fixée une fois pour toutes est privée de contenu". Autrement dit, il refuse de voir dans la liberté une idée métaphysique. Jünger ne croit pas à la liberté en soi, mais à la liberté comme fonction, par exemple la liberté d'une force : "Notre liberté se manifeste avec le maximum de puissance partout où elle est portée par la conscience d'avoir été attribuée en fief." Cette idée de la liberté active "attribuée en fief", les Français, dans un passé révolu, la partagèrent avec leurs cousins d'outre-Rhin. Mais leur histoire nationale évolué d'une telle façon que furent déracinées les anciennes libertés féodales, les anciennes libertés de la noblesse, ainsi que Tocqueville, Taine, Renan et nombre d'historiens après eux l'ont montré. A lire Jünger on comprend qu'à ses yeux, à l'époque où il écrit, c'est en Allemagne et en Allemagne seulement que les conditions idéales étaient réunies pour couper le "vieux cordon ombilical" du monde bourgeois. Il radicalise les thèmes dominants de la KR, opposant la paix pétrifiée du monde bourgeois à la lutte éternelle, comprise comme "expérience intérieure". C'est sa vision de l'année 1932. Avec sa sensibilité aux changements d'époque, Jünger s'en détournera ensuite pour un temps, un temps seulement. Durant la période où un fossé d'hostilité mutuelle avec Hitler et son parti ne cessait de se creuser.

Dominique Venner, Le choc de l'histoire

dimanche, 07 juillet 2013

Entretien avec Pierre Le Vigan

« J’ai écrit jeune dans des revues ou bulletins de la droite radicale.
J’y ai toujours un peu fait figure d’atypique, mais en fait, il y a bien plus d’atypiques qu’on ne le croit dans ce milieu »

Entretien avec Pierre Le Vigan, auteur du Front du Cachalot (éditions Dualpha)

(Propos recueillis par Fabrice Dutilleul)

levigan.jpgNé en 1956, Pierre Le Vigan a grandi en proche banlieue de Paris. Il est urbaniste et a travaillé dans le domaine du logement social. Collaborateur de nombreuses revues depuis quelque 30 ans, il a abordé des sujets très divers, de la danse à l’idéologie des droits de l'homme, en tentant toujours de s'écarter des pensées préfabriquées. Attentif tant aux mouvements sociétaux ou psychi­ques qu'aux idées philosophiques, il a publié, notamment dans la revue Éléments, des articles nourris de ses lectures et de ses expériences et a été un des principaux collaborateurs de Flash Infos magazine.

 

Pour quoi avoir réuni vos carnets sous ce titre ?

C’est le mystère que j’ai voulu exprimer, le mystère de nos destinées, de notre présence terrestre. D’où mon allusion au front « chaldéen », donc difficilement déchiffrable, et toujours polysémique, du cachalot, front plein de traces, de griffures, de vestiges. Cet animal, un cétacé et un mammifère, est un peu notre frère et notre double. C’est le miroir de notre force et de notre fragilité. C’est pourquoi Philippe Randa a mis une photo de cachalot sur la couverture de mon livre.

Racontez-nous votre itinéraire…

En deux mots, j’ai écrit jeune dans des revues ou bulletins de la droite radicale, dirigés par Maurice Bardèche, François Duprat et Jean-Gilles Malliarakis, notamment. J’y ai toujours un peu fait figure d’atypique, mais en fait, il y a bien plus d’atypiques qu’on ne le croit dans ces milieux. Très vite, je me suis intéressé à la Nouvelle droite en étant malgré tout un peu allergique à certains de ses aspects, jusqu’en 1975/1980. Après, je me suis retrouvé de plus en plus en phase avec les gens d’Éléments, qui est d’ailleurs le magazine qui a accueilli une partie de mes carnets avant leur publication dans Le Front du Cachalot.

De quoi parlez-vous dans Le Front du Cachalot ?

De politique, de l’amour, de l’art, des doutes… C’est un peu une maïeutique. Elle est à usage collectif. Le moi n’est pas important. Ce qui compte, c’est le « nous » : comment allons « nous » construire quelque chose ensemble ? Comment allons-nous « nous » libérer de ce monde gris et moche de la marchandise, de la « pub », de la non-pensée, des slogans ?

Vous parlez de maïeutique à propos de vos carnets, c’est donc un peu une histoire de réminiscence ?

Oui, le chaldéen auquel je faisais allusion, c’est une langue, c’est l’araméen, cela remonte loin. Je pars du principe suivant : nous en savons toujours plus que nous ne le croyons, plus sur nous et plus sur le monde. Seulement, cela nous encombre un peu, ce que nous savons. Cela nous fait peur, alors nous travaillons à oublier ce que nous savons.

Le Front du Cachalot de Pierre Le Vigan, éditions Dualpha, collection «À nouveau siècle, nouveaux enjeux», dirigée par Philippe Randa, 578 pages, 35 euros.

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vendredi, 05 juillet 2013

Les enjeux écologiques et énergétiques par Laurent Ozon

Les enjeux écologiques et énergétiques par Laurent Ozon

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jeudi, 04 juillet 2013

Dominique Venner: entretien sur la chasse

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Dominique Venner: entretien sur la chasse


Ex: http://archaion.hautetfort.com/


Voici, datant de 2001, un entretien avec Dominique Venner, publié à l’occasion de la parution de son Dictionnaire amoureux de la chasse. Il me paraît convenir, pour un dernier adieu, de laisser parler Dominique Venner.

 

Christopher Gérard: Qui êtes-vous ? Comment vous définissez-vous ? Un loup-garou, un gerfaut ?

 

Je suis un Français d’Europe, un Européen de langue française, d’ascendance celtique et germanique. Par mon père, je suis d’une ancienne souche paysanne et lorraine, venue de Suisse alémanique au XVIIe siècle. La famille de ma mère, où l’on était souvent militaire, est originaire de Provence et du Vivarais. Moi-même je suis né à Paris. La généalogie a donc fait de moi un Européen. Mais la naissance serait une qualité insuffisante sans la conscience d’être ce que l’on est. Je n’existe que par des racines, une tradition, une histoire, un territoire. J’ajoute que, par destination, j’étais voué à l’épée. Il en est sûrement resté quelque chose dans l’acier de ma plume, instrument de mon métier d’écrivain et d’historien. Faut-il ajouter à ce bref portrait l’épithète de loup-garou ? Pourquoi pas ? Effroi des bien-pensants, initié aux mystères de la forêt, le loup-garou est un personnage en qui je peux me reconnaître.

 

Dans Le Cœur rebelle (Belles Lettres, 1994), vous évoquez avec sympathie “ un jeune homme intolérant qui portait en lui comme une odeur d’orage ” : vous-même au temps des combats militaires en Algérie puis politiques en France. Qui était donc ce jeune Kshatriya, d’où venait-il, quels étaient ses maîtres, ses auteurs de prédilection ?

 

C’est ici que l’on retrouve l’allusion au “ gerfaut ” de votre première question, souvenir d’une époque grisante et dangereuse où le jeune homme que j’étais croyait pouvoir inverser un destin contraire par une violence assumée. Cela peut paraître extrêmement présomptueux, mais, à l’époque, je ne me reconnaissais pas de maître. Certes, j’allais chercher des stimulants et des recettes dans le Que faire? de Lénine ou dans Les Réprouvés d’Ernst von Salomon. J’ajoute que des lectures enfantines avaient contribué à me forger une certaine vision du monde qui s’est finalement assez peu démentie. En vrac, je citerai Éducation et discipline militaire chez les Anciens, petit livre sur Sparte qui me venait de mon grand-père maternel, un ancien officier, La Légende de l’Aigle de Georges d’Esparbès, La Bande des Ayaks de Jean-Louis Foncine, L’Appel de la forêt de Jack London, en attendant de lire beaucoup plus tard l’admirable Martin Eden. Il s’agissait là des livres formateurs de ma dixième ou douzième année. Plus tard, vers vingt ou vingt-cinq ans, j’étais naturellement passé à d’autres lectures, mais les librairies étaient alors peu fournies. C’était une époque de pénurie intellectuelle dont on n’a pas idée aujourd’hui. La bibliothèque d’un jeune activiste, même dévoreur de livres, était mince. Dans la mienne, en plus d’ouvrages historiques, figurait en bonne place Réflexions sur la violence de Georges Sorel, Les Conquérants de Malraux, Généalogie de la morale de Nietzsche, Service inutile de Montherlant ou encore Le Romantisme fasciste de Paul Sérant, révélation des années soixante. On voit que cela n’allait pas très loin. Mais si mes idées étaient courtes, mes instincts étaient profonds. Très tôt, alors que j’étais encore soldat, j’avais senti que la guerre d’Algérie était bien autre chose que ce qu’on en disait ou que pensaient les naïfs défenseurs de l’“ Algérie française ”. J’avais perçu qu’il s’agissait pour les Européens d’un combat identitaire puisqu’en Algérie ils étaient menacés dans leur existence même par un adversaire ethnique. J’avais senti également que nous défendions là-bas — très mal — les frontières méridionales de l’Europe. Contre les invasions, les frontières se défendent toujours au-delà des mers ou des fleuves.

 

Dans ce même livre, qui est un peu votre autobiographie, vous écrivez : “ Je suis du pays de l’arbre et de la forêt, du chêne et du sanglier, de la vigne et des toits pentus, des chansons de geste et des contes de fées, du solstice d’hiver et de la Saint-Jean d’été ”. Quel drôle de paroissien êtes-vous donc ?

 

Pour dire les choses de façon brève, je suis trop consciemment européen pour me sentir en rien fils spirituel d’Abraham ou de Moïse, alors que je me sens pleinement celui d’Homère, d’Epictète ou de la Table Ronde. Cela signifie que je cherche mes repères en moi, au plus près de mes racines et non dans un lointain qui m’est parfaitement étranger. Le sanctuaire où je vais me recueillir n’est pas le désert, mais la forêt profonde et mystérieuse de mes origines. Mon livre sacré n’est pas la Bible, mais l’Iliade (1), poème fondateur de la psyché occidentale, qui a miraculeusement et victorieusement traversé le temps. Un poème qui puise aux mêmes sources que les légendes celtiques et germaniques dont il manifeste la spiritualité, si l’on se donne la peine de le décrypter. Pour autant, je ne tire pas un trait sur les siècles chrétiens. La cathédrale de Chartres fait partie de mon univers au même titre que Stonehenge ou le Parthénon. Tel est bien l’héritage qu’il faut assumer. L’histoire des Européens n’est pas simple. Après des millénaires de religion indigène, le christianisme nous fut imposé par une suite d’accidents historiques. Mais il fut lui-même en partie transformé, “ barbarisé ” par nos ancêtres, les Barbares, Francs et autres. Il fut souvent vécu comme une transposition des anciens cultes. Derrière les saints, on continuait de célébrer les dieux familiers sans se poser de grandes questions. Et dans les monastères, on recopiait souvent les textes antiques sans nécessairement les censurer. Cette permanence est encore vraie aujourd’hui, mais sous d’autres formes, malgré les efforts de prédication biblique. Il me semble notamment nécessaire de prendre en compte l’évolution des traditionalistes qui constituent souvent des îlots de santé, opposant au chaos ambiant leurs familles robustes, leurs enfants nombreux et leur groupement de jeunes en bonne forme. La pérennité de la famille et de la patrie dont ils se réclament, la discipline dans l’éducation, la fermeté dans les épreuves n’ont évidemment rien de spécifiquement chrétien. Ce sont les restes de l’héritage romain et stoïcien qu’avait plus ou moins assumé l’Église jusqu’au début du XXe siècle. Inversement, l’individualisme, le cosmopolitisme actuel, le culpabilisme sont bien entendu les héritages laïcisés du christianisme, comme l’anthropocentrisme extrême et la désacralisation de la nature dans lesquels je vois la source d’une modernité faustienne devenue folle et dont il faudra payer les effets au prix fort.

 

Dans Le Cœur rebelle, vous dites aussi “ Les dragons sont vulnérables et mortels. Les héros et les dieux peuvent toujours revenir. Il n’y a de fatalité que dans l’esprit des hommes ”. On songe à Jünger, que vous avez connu, qui voyait à l’œuvre Titans et Dieux…

 

Tuer en soi les tentations fatalistes est un exercice qui ne tolère pas de repos. Quant au reste, laissons aux images leur mystère et leurs radiations multiples, sans les éteindre par une interprétation rationnelle. Le dragon appartient de toute éternité à l’imaginaire occidental. Il symbolise tour à tour les forces telluriques ou les puissances malfaisantes. C’est par la lutte victorieuse contre un monstre qu’Héraclès, Siegfried ou Thésée ont accédé au statut de héros. A défaut de héros, il n’est pas difficile de reconnaître dans notre époque la présence de divers monstres que je ne crois pas invincibles même s’ils le paraissent.

 

Dans votre Dictionnaire amoureux de la chasse (Plon, 2000), vous dévoilez les secrets d’une passion fort ancienne et vous décrivez à mots couverts les secrets d’une initiation. Que vous ont apporté ces heures de traques, en quoi vous ont-elles transformé, voire transfiguré ?

 

Malgré son titre, ce Dictionnaire amoureux n’a rien d’un dictionnaire. Je l’ai conçu comme un chant panthéiste dont la chasse est le prétexte. Je dois à celle-ci mes plus beaux souvenirs d’enfance. Je lui dois aussi d’avoir pu survivre moralement et de m’être rééquilibré dans les périodes de désespoir affreux qui ont suivi l’effondrement de mes espérances juvéniles. Avec ou sans arme, par la chasse, je fais retour à mes sources nécessaires : la forêt enchantée, le silence, le mystère du sang sauvage, l’ancien compagnonnage clanique. A mes yeux, la chasse n’est pas un sport. C’est un rituel nécessaire où chacun, prédateur ou proie, joue la partition que lui impose sa nature. Avec l’enfantement, la mort et les semailles, je crois que la chasse, si elle est vécue dans les règles, est le dernier rite primordial à échapper partiellement aux défigurations et manipulations mortelles de la modernité.

 

Toujours dans ce livre, vous évoquez plus d’un mythe ancien, plus d’une figure de panthéons encore clandestins. Je pense au mythe de la Chasse sauvage et à la figure de Mithra. Que vous inspirent-ils ?

 

On pourrait allonger la liste, notamment avec Diane-Artémis, Déesse des enfantements, protectrice des femmes enceintes, des femelles pleines, des enfants vigoureux, de la vie à son aurore. Elle est à la fois la grande prédatrice et la grande protectrice de l’animalité, ce que sont aussi les meilleurs chasseurs. Sa figure s’accorde avec l’idée que les Anciens se faisaient de la nature, tout à l’opposé de l’image douceâtre d’un Jean-Jacques Rousseau et des promeneurs du dimanche. Ils la savaient redoutable aux faibles et inaccessible à la pitié. C’est par la force qu’Artémis défend le royaume inviolable de la sauvagerie. Elle tue férocement les mortels qui, par leurs excès, mettent la nature en péril. Ainsi en fut-il de deux chasseurs enragés, Orion et Actéon. En l’outrageant, ils avaient transgressé les limites au-delà desquelles l’ordre du monde bascule dans le chaos. Le symbole n’a pas vieilli, bien au contraire.

 

S’il est une figure omniprésente dans votre livre, c’est la forêt, refuge des proscrits et des rebelles…

 

Toute la littérature du Moyen Age, chansons de geste ou roman du cycle breton, gorgée qu’elle est de spiritualité celtique, brode invariablement sur le thème de la forêt, univers périlleux, refuge des esprits et des fées, des ermites et des insoumis, mais également lieu de purification pour l’âme tourmentée du chevalier, qu’il s’appelle Lancelot, Perceval ou Yvain. En poursuivant un cerf ou un sanglier, le chasseur pénétrait son esprit. En mangeant le cœur du gibier, il s’appropriait sa force même. Dans le Lai de Tyolet, en tuant le chevreuil, le héros devient capable de comprendre l’esprit de la nature sauvage. Je ressens cela très fortement. Pour moi, aller en forêt est beaucoup plus qu’un besoin physique, c’est une nécessité spirituelle.

 

Pouvez-vous conseiller quelques grands romans de chasse toujours disponibles ?

 

Je pense d’emblée aux Veillées de Saint-Hubert du marquis de Foudras, recueil de nouvelles qui vient d’être réédité par Pygmalion. Foudras était un merveilleux conteur, comme son compatriote et successeur Henri Vincenot — dont il faut lire naturellement La Billebaude. Il était à l’univers des châteaux et de l’ancienne vénerie ce que Vincenot est à celui des chaumières et de la braconne. Parmi les grands romans qui font accéder aux mystères de la chasse, je place très haut Le Guetteur d’ombres de Pierre Moinot, qui va au-delà du récit littéraire bien ficelé. Dans l’abondante production de Paul Vialar, rendu célèbre par La grande Meute, j’ai un faible pour La Croule, nom qui désigne le chant nuptial de la bécasse. C’est un joli roman assez rapide dont le héros est une jeune femme comme on aimerait en rencontrer de temps en temps, et que possède la passion du domaine ancestral. Je suggère aussi de lire La Forêt perdue, bref et magnifique roman médiéval dans lequel Maurice Genevoix fait revivre l’esprit de la mythologie celtique à travers la poursuite impossible d’un grand cerf invulnérable par un veneur acharné, en qui l’on découvre une jeune et intrépide cavalière à l’âme pure.

 

Equinoxe de printemps MMI

 

(1) Dominique Venner précise que la traduction âpre et scandée de Leconte de Lisle (vers 1850) a sa préférence. Cette version de l’Iliade et de l’Odyssée est disponible en deux volumes aux éditions Pocket.

mercredi, 03 juillet 2013

Entretien accordé à Manuel Quesada

Robert Steuckers:

Entretien accordé à Manuel Quesada

1.

Monsieur Steuckers, vous avez passé de nombreuses années à circuler dans l’espace défini comme “identitaire” voire “nationaliste” ou “néo-nationaliste”, de tendance “nouvelle droite”. Nous avons un ami commun, le Britannique Troy Southgate. Qu’est-ce qui vous a incité à choisir cet espace culturel et politique?

ATHENA.jpgAu départ, rien, mais absolument rien, ne me prédestinait à aller circuler dans ce milieu, qui a précédé puis fondé l’espace politico-culturel de la “nouvelle droite”. Aucune tradition familiale ne m’a incité à aller chercher du sens dans un tel espace: en effet, les agitations politiciennes relevaient, pour mon père, issu du paysannat limbourgeois-hesbignon, de la “folie des villes”. Sa devise était: “pour vivre heureux, vivons caché” et il la citait volontiers en français, qui n’était pas sa langue maternelle. Quant à ma mère, elle était issue d’une famille qui entendait vivre en parfaite autarcie par rapport à une société que mon grand-père, ancien combattant de 14-18, méprisait, quelles qu’en aient été les facettes. Quand on évoquait des grands problèmes sociaux, irrésolus, ma mère disait, en flamand: “’t is ver van mijn bed!” (“C’est loin de mon lit!”), sous-entendu, “je n’ai pas à m’en occuper”. Mon père a travaillé de 1938 à 1944, et de 1952 à 1978 pour le Comte Guillaume de Hemricourt de Grünne, l’oncle de Rodolphe de Hemricourt de Grünne, le héros de l’aviation franquiste pendant la guerre d’Espagne, où ce jeune et fringant aristocrate, issu du Collège Saint-Louis de Bruxelles, s’était porté volontaire pour s’affranchir d’une vie de dandy qui ne le satisfaisait plus. Les frères de Guillaume de Grünne, Eugène et Xavier, étaient eux aussi des héros militaires. Eugène, chantre du sacrifice du soldat chrétien (catholique), a d’ailleurs été tué à la guerre, aux côtés du beau-frère de mon père, à Maldegem, en mai 1940, fidèle aux préceptes qu’il énonçait, volontaire de guerre en première ligne à 57 ans! Xavier, alpiniste chevronné, puis sénateur rexiste, puis adversaire de Degrelle, puis fondateur d’une “Phalange belge” hostile tant aux Anglais qu’aux Allemands, mourra en déportation à Mauthausen, fidèle à la neutralité belge jusqu’à son dernier souffle, en dépit de tous les rapports de force! Un idéalisme d’une pureté inouïe qui s’est fracassé contre le “granit du pragmatisme”, comme aurait dit le regretté Dominique Venner!

 

Mais l’option catholique intransigeante, qui n’avait plus aucune représentation politique en Belgique dans les années 50, 60 et 70, était totalement refoulée, à l’époque bénie de mon enfance, sous l’impact du consumérisme, de la modernité, des modes un peu canailles (existentialisme sartrien, hédonisme à la Françoise Sagan, Beatles anglais, hippies, etc.). On ne parlait plus de politique. On cherchait d’autres choses, sans les trouver vraiment ou alors très furtivement, car ces “choses” étaient démodées déjà avant qu’on ne les ait comprises, tant dans leur aspect subversif que dans leur aspect superficiel de pure fabrication médiatique. Bref les adages que répétaient mes parents, à satiété, semblaient parfaitement de mise: mieux vaut ne pas s’occuper des folies modernes, mieux vaut s’occuper de ses propres affaires, gérer sa vie selon les principes immémoriaux (ma mère: “Ne t’occupe pas du chapeau de la gamine, pousse ta voiture!”), bref selon une forme modeste de “mos majorum”. Je ne me suis pas révolté contre cette limitation volontaire: je l’ai acceptée. Je n’avais pas le loisir de me payer le luxe d’une révolte fracassante comme les gamins des bourgeois nantis. Les modes et les chansonnettes m’horripilaient et j’aime toujours à regarder cette planche désopilante de Franquin, le créateur de “Gaston Lagaffe”, où le chef de bureau Prunelle, excédé par la niaiserie des paroles chantées, canarde à la carabine de chasse, suite à une maladresse technique de l’inénarrable gaffeur, les disques virevoltants qui reproduisaient bruyamment les chansonnettes ineptes et qui appartenaient à la vieille Tante Hortense de Lagaffe: c’est ce sentiment de Prunelle excédé que je partageais quand les filles passaient de tels disques lors de mes vacances franc-comtoises. Mais j’ai estimé, dès l’âge de quatorze ans, qu’on ne pouvait pas toujours vivre caché et qu’il y avait bien des choses passionnantes loin de mon lit...

 

En fait, vous me demandez un travail d’anamnèse un peu harassant: quels ont été chez moi les déclics qui, cumulés, ont provoqué le rejet du pandémonium dominant? D’abord, oui, cet univers cucu-la-praline des chansonettes des années 60, aussi navrantes que celles des années 30 (dont se rappelait ma mère, qui les écoutait en français à Bruxelles, sa ville natale); ensuite, le basculement du catholicisme sociologique vers des choses qui me paraissaient tout-à-fait inintéressantes; ce nouveau catholicisme abandonnait ce que la religion dominante avait auparavant d’exaltant: art, cathédrales somptueuses (qui, avec leurs rosaces, me fascinent toujours, me rappellent un culte michaélien et zoroastrien du soleil et de la lumière), esprit de croisade, etc. Nous vivions dans un porte-à-faux permanent en ce milieu belge du catholicisme sociologique dans les années 60, en pleine mutation, en plein passage d’un virilisme latin à la liquéfaction para-hippy. Certains instituteurs exaltaient le passé médiéval et bourguignon de la Belgique. D’autres n’avaient aucune vision historique. Un jour, quand une formidable bataille s’était déclenchée à la cour de récréation de mon école primaire, et que les élèves encourageaient les combattants comme autour d’un ring de boxe, le vicaire-aumônier B., pourtant haut en couleurs, est arrivé, en criant et en levant les bras au ciel: “Mais enfin, les enfants, est-il chrétien de se battre comme ça?”. J’ai répondu: “Et les croisés, monsieur l’Abbé?”. Le vicaire B. est resté sans voix et a tourné les talons. Deux ans plus tard, quand, pour rire et pour faire les malins devant les filles, nous nous bagarrions comme de vrais sauvageons dans l’autobus qui nous ramenait du prieuré où nous avions fait retraite quelques jours avant notre communion solenelle, le successeur du vicaire B., le frêle et triste abbé G., tentait de nous ramener à la raison, en posant la même question. J’ai eu exactement la même réponse. J’ai fait ma communion solenelle avec le front maquillé, enduit de fond de teint, car il était d’un bleu violacé, tout en laideur: un condisciple, Yves M., m’avait atteint le front d’un maître coup de catapulte tiré quasi à bout portant, alors que je donnais l’assaut à sa position, perché qu’il était au sommet d’une cage à poules. Ces joyeusetés étaient devenues tout-à-coup tabou. Interdites. On nous pressait de rentrer dans un moule étriqué, dans un monde aseptisé, sans joie, sans couleurs, tout de retenue, avec pour consolation, on allait le voir, des musiques et des glapissements fabriqués aux Etats-Unis et, avec mai 68, un an plus tard, une “libération sexuelle” sérialisée, sans danger ni piment dans la mesure où veillaient la pilule et la capote anglaise

 

Même glissement dans le mouvement scout. J’étais louveteau, selon les rituels de Baden-Powell, à huit ans sous l’autorité d’un Akéla extraordinaire, le fils de la famille Biswall des chocolats Côte-d’Or. On s’amusait comme des petits fous. On arpentaient les sentiers de la Forêt de Soignes. On se distribuait, dans la joie et sans rancune, moults horions et maîtres coups de bâton. Akéla-Biswall est parti à l’université, pour y étudier le droit, et a été remplacé par le fils compassé d’un gargotier du quartier, prolo mental, style démo-crétin, totalement coincé, qui a interdit tous les jeux collectifs un peu vigoureux, a supprimé les sorties dans la Forêt de Soignes. Un emmerdeur, pire, un emmerdeur compassé, car les tenants de l’idéologie dominante sont finalement tous des emmerdeurs. Il nous fallait, tout un après-midi, alors que le soleil était là, qu’une belle hêtraie verdoyante était à 300 m, mimer, à l’intérieur du local sans lumière, le vol de la petite abeille Maya. Je me suis enfui. Plus tard, grâce à une émission de la VRT ou de la RTBF, j’ai appris que l’animal qui avait voulu rendre le mouvement scout “politiquement correct” —ante litteram— n’était autre que le futur premier ministre Jean-Luc Dehaene, le patapouf qui a ruiné la Belgique, contracté des dettes pharamineuses, mis par terre la banque Dexia, endetté le pays et ses familles pour de nombreuses générations. Non seulement ces gens sont des emmerdeurs mais ils sont aussi des incapables.

 

Réflexion faite, je pense toutefois que c’est l’immersion dans l’univers héroïque du “De Viris Illustribus” simplifié que nous utilisions en deuxième année de latin en 1968-69 qui m’a conduit sur la voie d’une adhésion aux tréfonds de la culture européenne. J’ai racheté, il y a deux ou trois ans, un exemplaire quasi neuf de cette vieille méthode d’enseignement du latin, jetée bien sûr aux orties par les nouveaux pédagogues qui croient avoir trouvé la clef qui ouvrira aux élèves tous les secrets de l’univers. J’ai été stupéfait de constater combien de phrases, de règles, de schémas, d’exercices me revenaient à l’esprit en feuilletant cette méthode du Prof. Van Rijckevorsel. Il y avait là les Horaces et les Curiaces, l’enlèvement des Sabines, les oies du Capitole, Mucius Scaevola (mon préféré!) et surtout Cincinnatus, qui sauvait les “res publicae” et retournait tranquillement à sa charrue. La maturation politique, qui germait dans l’intériorité du pré-adolescent que j’étais, venait incontestablement de ces modèles: on ne pouvait être homme, “vir”, on ne pouvait faire de la politique, oeuvrer dans la Cité, que si l’on prenait ces héros de la Rome antique comme exemples! Après venaient les quelques copains —une toute petite minorité— qui, eux aussi, rejetaient et les niaiseries à la mode des années 60 —les stupides chansonnettes françaises prisées par la “Tante Hortense”— et l’esprit de la revue branchée “Salut les copains” que nous abominions au profit, bien sûr, tradition locale oblige, du journal “Tintin”, parce qu’il y avait notamment, dans ses pages, l’univers antique d’Alix, avec la Reine Adréa de Sparte et le sage commandant de sa “Garde Noire”, Astyanax... Les “modes” ne nous intéressaient pas, nous les détestions et dans le mot “mode”, il y a la racine du terme “moderne”. Est “moderne” au départ, celui qui ne prête plus attention aux fondements (politiques, religieux, philosophiques, ethnologiques, anthropologiques), ceux des “Anciens”, et s’entiche des dernières créations en vogue, toujours artificielles, toujours éphémères et vite remplacées par de nouveaux engouements: pérenniser cette succession ininterrompue d’historiettes et de radotages bricolés, dépourvus de fondements, est l’objectif de la modernité, est le noyau même de la démarche moderne qui fait de la disparition des fondements, des assises de toute civilisation, un “progrès”, accompagné du relativisme et des “petits récits” sans continuité de la postmodernité (qui n’a pas su prendre révolutionnairement le relais de la modernité libérale).

 

A notre pré-adolescence, donc, il fallait, nous semblait-il, penser en termes de fondements donc cultiver la “longue mémoire”, procéder par la méthode “généalogique” ou “archéologique”, qu’une lecture assez rapide de Nietzsche, vers quinze ans, aller conforter: certes, cette lecture peut s’avérer dangereuse et destructrice pour un jeune esprit, faire de lui un être hostile à la religion en général —à toute religion— ou un être dépourvu de tout sens moral ou éthique, s’estimant autorisé à commettre sans scrupules les actes les plus répréhensibles. On a pu relever, quelques fois, des dérapages dus à une lecture mal digérée de textes ou de citations de Nietzsche, non pas tant dans un quelconque espace politisé mais dans des bandes “à la mode” (encore!) qui se donnaient un style agressif, avec des oripeaux ou des coiffures de grande laideur, destinés à faire peur ou à se démarquer de toute bienséance, se marginalisant du même coup, rendant impossible la transposition de leurs quelques vagues idées “nietzschéennes” dans la réalité concrète des citoyens actifs de la Cité, ceux qui, avec abnégation et persévérence, affrontent en permanence les défis qui se présentent, dans toute leur concrétude. Les “sub-cultures”, qu’elles soient de gauche ou de droite, qu’elles se donnent des allures soft, comme les hippies, ou hard, comme les “blousons noirs” ou les “skinheads”, participent du système qui génère les modes parce que les modes font oublier les fondements de notre culture européenne (et japonaise au Japon, chinoise en Chine, etc.) et aussi et surtout parce qu’elles permettent, adroitement, de marginaliser les contestations puis de les récupérer ou de les diaboliser, justement parce qu’elles ont été “montées en spectacle”, visibilisées sous les feux de rampe médiatiques, par ce système aliénant moderne que Guy Debord, le situationniste, nommait la “société du spectacle”.

 

 

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Cela nous ramène à l’actualité, quand l’historienne américaine des idées Susan Jacoby publie en 2008 son ouvrage de référence indispensable à assimiler pour bien gérer le combat métapolitique de la mouvance identitaire européenne actuelle, “The Age of American Unreason – Dumbing Down and the Future of Democracy” (Old Street Publishing, London, 2ème éd.). Dans ce livre, Susan Jacoby dénonce la culture populaire actuellement dominante, issue des fabriques à ahurir basées aux Etats-Unis. C’est une culture de la déraison totale, de la non-raison, que proposent paradoxalement une société et une superpuissance qui prétendent que leurs racines résident dans les “Lumières” du 18ème siècle, dans le savoir rationnel et pragmatique que ces “Lumières” ont induit pour contrecarrer les effets permanents et anciens d’une “tradition” (tout à la fois aristotélicienne et religieuse), tradition qu’elles posaient derechef comme irrationnelle et obscurantiste. Or, en bout de course, la superpuissance-guide de l’Occident “éclairé” générait chez elle et exportait partout dans le monde un “junk thought”, une “pensée-détritus” qui ne tenait plus compte de la pondération, de la rationalité, du bon sens, pour produire, via les médias, via le fondamentalisme religieux le plus stupide et via l’enseignement américain à la dérive, via, aussi, la crédulité entretenue du grand public, une sous-culture de l’“infotainment” (des loisirs via l’information médiatisée), qui ne mobilisait plus du tout l’esprit critique, nécessaire en permanence pour ne pas s’enliser dans les répétitions, pour être apte à répondre à tous les défis qui pourraient se présenter. Ce “junk thought” a-critique n’est pas vraiment assimilable aux irrationalismes d’antan ou aux formes philosophiques d’anti-intellectualisme ou d’anti-rationalisme: la “non-raison” qu’il répand à grande échelle engendre un déclin bien perceptible, d’abord dans l’enseignement et la transmission (devenue, sous toutes ses formes, “politiquement incorrecte” et sabotée par les pédagogues officiels, fonctionnaires des ministères); ensuite, cette “non-raison” s’infiltre dans le vaste public, toujours plus ignorant des tenants et aboutissants réels du monde passé et présent, un public devenu “reality-denier”, “négateur du réel”, et répétant des banalités sans fondements dans un langage codé par les médias. Susan Jacoby constate l’impasse dans laquelle les “Lumières” se sont fourvoyées en pariant, non pas, à terme, sur le despotisme éclairé des monarques politiques, mais sur le “moderne” (donc sur les “modes” inventées puis oubliées et remplacées). Il fallait qu’au nom d’une “liberté” faussement comprise, il débouche immanquablement sur le “junk thought”.

En 1975, je découvre le livre de Pierre Chassard, “La philosophie de l’histoire  dans la philosophie de Nietzsche”, publié par le GRECE à Paris. J’ai passé l’été 1975 à lire non seulement ce livre mais à me référer à toutes les oeuvres de Nietzsche lui-même, citées dans les pages de Chassard. C’est ainsi que j’ai reçu ma formation nietzschéenne. Au même moment, Bernard Garcet, qui avait été cadre de “Jeune Europe” à l’Université de Louvain au début des années 60 avait réanimé, chez lui, une “école des cadres”, cette fois non politisée, et très “sciences po” dans ses exigences: il m’a forcé à lire Burke, Mannheim, Rougier et à structurer mes notes de lecture, à les couler dans un exposé cohérent. Etonnant personnage que ce Garcet, professeur de religion catholique, agréé par le vicariat diocésain, tout en se réclamant d’un catholicisme irlando-écossais du haut moyen âge en rupture de ban avec les dogmes habituels de l’Eglise et avec Vatican II sans adhérer au lefébvrisme, percevant le christianisme de Scot Erigène comme la continuation du druidisme païen... Un Garcet qui parlait d’Orwell dans son cours... Un Garcet qui sera aussi un redoutable professeur de “Thaï Boxing”, célèbre à Schaerbeek et environs. Un Garcet quinquagénaire qu’on avait muté dans une école de sages jeunes filles pour terminer sa carrière car il avait secoué un élève violent... le directeur avait ri sous cape...

Sur cette note un peu nostalgique, je termine tout de même ma réponse à votre question: c’est l’école primaire, puis l’école secondaire et l’université qui m’ont formé. C’est toujours dans leur cadre que j’ai appris les fondamentaux qui font aujourd’hui ma vision du monde. Si j’ai eu entre les mains le livre de Chassard et si j’ai fréquenté l’“école des cadres” de Garcet, c’est parce que des professeurs m’avaient mis sur la voie: comment ne pas évoquer avec tendresse le patriotisme bourguignon de l’instituteur M., très sévère et fils  d’un résistant royaliste ardennais, et les cours de littérature allemande d’Albert D. (dont je narrerai un jour l’époustouflante biographie... qui fera  jaser les “Vigilants”...).

 

2.

Vous défendez l’idée eurasienne. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’elle est, ce qui en tient lieu de fondement, pour vous? Quelles sont de votre point de vue les racines de l’eurasismecontemporain?

J’ai toujours souligné, surtout dans l’introduction que j’ai rédigée pour le livre du géopolitologue croate Jure Vujic, que ma perspective “eurasienne” (et donc “eurasiste”), provient d’une lecture ancienne, celles des atlas historiques du Britannique Colin McEvedy. Cet historien, géographe et cartographe avait écrit de nombreux atlas historiques pour les écoles du Royaume-Uni. Dans son introduction au premier de ces précieux volumes, McEvedy ne réduit pas l’histoire proto-historique et antique d’un point de vue exclusivement européen actuel, donc euro-centrique au mauvais sens du terme, dans la mesure où il serait limité aux seuls pays européens actuels: pour lui, l’espace de déploiement des peuples européens (indo-européens) englobe certes l’ensemble du sous-continent européen mais aussi l’espace nord-africain, parce Rome s’y est imposé suite aux guerres puniques, le Levant jusqu’à la Mésopotamie, parce que les Empereurs romains y ont mené leurs légions. McEvedy va même plus loin: l’espace des peuples européens s’étend jusqu’aux montagnes du Pamir, là où ont buté les peuples cavaliers de souche européenne au seizième siècle avant l’ère chrétienne. Il inclut également l’Ouest de l’Iran actuel, là où les cavaliers indo-européens venus soit des hauts plateaux de l’Iran soit de l’aire mésopotamienne ont rencontré les peuples élamo-dravidiens. Je rappelle notamment que Dominique Venner, dans “Histoire et tradition des Européens – 30.000 ans d’identité” estimait que l’identité de nos peuples trouve ses racines dans ce lointain passé, dans ces quelques vingt-huit millénaires de proto-histoire et de haute antiquité. McEvedy dans la première édition de son Atlas historique du monde antique posait l’hypothèse d’une origine des peuples européens dans l’espace dit de la “culture swiderienne”, une culture préhistorique, datant de 12 ou 13 millénaires avant l’ère chrétienne. Cet espace se situait en lisière de la banquise glaciaire de l’époque, sur une bande territoriale d’une profondeur maximale de 250 km, située approximativement entre le Sud de la Finlande et la Thuringe. A partir de ce territoire matriciel, les pré-Européens auraient essaimé vers l’Est et l’Ouest, de l’Irlande au Pamir et de l’Espagne à l’Indus.

 

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L’épopée des peuples cavaliers, de souche européenne, fait partie intégrante de notre héritage le plus ancien. Le chercheur ukrainien Iaroslav Lebedynsky publie la plupart de ses ouvrages en français à Paris, où il enseigne à l’“Institut national des langues et civilisations orientales”: on lui doit de remarquables monographies sur les Scythes, les Sarmates, les Saces, les Cimmériens, les Iazyges et les Roxolans, les Alains, etc. qui nous procurent un regard absolument inédit sur l’aventure extraordinaire de ces peuples de souche européenne sur un espace que l’on qualifie un peu vite d’ “asiatique” dans les atlas d’écoles primaires. Il n’y a pas de frontières naturelles entre l’Europe orientale et l’Asie sibérienne, expliquait le Général Heinrich Jordis von Lohausen dans son fameux traité de géopolitique de l’année 1979, que j’allais résumer dans le tout premier numéro des revues parues sous ma houlette. Les Monts Ourals ont une hauteur maximale de 1600 m, pas davantage que le Chasseral dans le Jura suisse. De la plaine hongroise, la Puszta, à la Mandchourie, il n’y a pas d’obstacles majeurs, si l’on évite les massifs montagneux du Pamir et de l’Altaï, du Danube pannonien au Don, de celui-ci à la Caspienne et de celle-ci à la Mer d’Aral et au Lac Balkach. C’est la future route de la soie menant d’Europe en Chine. Jusqu’à l’irruption des Huns, sur le Don face aux Goths, puis dans la plaine hongroise puis jusqu’aux Champs Catalauniques de Champagne, cet immense espace a été déterminé par des cultures de souche européenne, comme le prouvent aussi les momies du Tarim, découvertes par des archéologues il y a une trentaine d’années.

 

L’histoire européenne depuis les Champs Catalauniques est l’histoire d’un long et gigantesque combat pour reprendre l’initiative. Le Prof. Lebedynsky, suite sans doute aux ouvrages du professeur français René Gousset, le rappelle dans son dernier volume sur les peuples cavaliers de souche européenne, consacré aux Cosaques. Ce sont eux qui ont repris le contrôle de la Sibérie et empêché la réémergence de coalitions irrésistibles de cavaliers turco-mongols dans cet espace nomade. En Méditerranée, la flotte de Don Juan à Lépante en 1571, les armées de hussards ailés du Roi Jean III Sobieski en 1683 et les techniques militaires du Prince Eugène de Savoie-Carignan jusqu’en 1718 ont contenu définitivement les Ottomans, comme nous l’a très bien expliqué, dans plusieurs livres clairs, l’historien français, ancien officier de la Légion étrangère, Dominique Farale. A partir de ce moment-là seulement, quand les Ottomans étaient contenus en Méditerranée et dans les Balkans, et que les Cosaques surveillaient le territoire initial des Mongols en lisière de la Mandchourie, l’Europe a pu maîtriser le monde. La question qui se pose aujourd’hui est la suivante: vit-on à nouveau un ressac de la puissance européenne? Plusieurs historiens en vue dans le monde anglo-saxon, dont notamment John Darwin, auteur de “After Tamerlan” (2007), estiment d’ailleurs que la suprématie européenne de ces deux ou trois cents dernières années pourrait bien être une anomalie passagère de l’histoire, l’Inde et la Chine ayant constitué plus de 35% du commerce mondial dans la seconde moitié du 18ème siècle. Un autre historien britannique, Ian Morris, pense lui, au contraire, que la suprématie européenne, qui a certes connu des hauts et des bas, est un fait historique inscrit dans une assez longue durée et qu’elle explique la survie de la culture européenne, capable de réagir vite, même au bord du gouffre (cf. Ian Morris, “Why the West Rules – For Now – The Patterns of History and What They Reveal about the Future”, Profile Books, London, 2010-2011). Le débat est ouvert...

 

Dès les victoires autrichiennes du Prince Eugène et de ses successeurs contre les Ottomans dans les Balkans, l’Europe pense, avec la Russie désormais maîtresse de la Sibérie jusqu’aux côtes pacifiques, à avoir une frontière commune, favorisant les échanges directs, avec l’autre môle d’impérialité sur la masse continentale eurasienne, la Chine. Le philosophe, diplomate et mathématicien allemand Leibniz raisonnera en de tels termes et couchera sur le papier des réflexions géopolitiques qui conservent, en leur noyau, fraîcheur et actualité. Un peu plus tard, au 18ème siècle, nous avons une alliance tacite, eurasienne avant la lettre et assez conforme aux vues de Leibniz, entre la France de Louis XVI (réconcilié avec l’Autriche par son mariage avec Marie-Antoinette de Habsbourg-Lorraine), l’Autriche de Marie-Thérèse puis de Joseph II et la Russie de Catherine II la Grande. Cette alliance tacite, étayée par les meilleurs diplomates (Vergennes par exemple), offrait un espace stratégique de la Bretagne atlantique, voire de l’Espagne des Bourbons éclairés notamment sous le règne de Carlos III, jusqu’aux confins pacifiques de la Sibérie orientale. Cette alliance eurasienne a permis, entre l’avènement de Louis XVI en 1774 et la révolution française, d’esquisser une unité géostratégique entre les trois principales puissances continentales européennes (où la France avait acquis une supériorité navale dans l’Atlantique Nord suite à la guerre d’indépendance des Etats-Unis).

 

En 1815, la Sainte-Alliance a voulu répéter cette unité, en y ajoutant l’Angleterre et la Prusse protestantes. La Prusse jouera le jeu jusqu’à l’éviction de Bismarck, qui rendra caduque l’alliance Berlin-Pétersbourg. L’Angleterre —en détachant progressivement la France de cette Sainte-Alliance, une France qui ne s’était pas vraiment guérie de son fondamentalisme jacobin et de ses folies révolutionnaires— fera émerger l’exception occidentale dès la guerre de Crimée, comme le constatera avec pertinence Dostoïevski dans son “Journal d’un écrivain”. L’espace stratégique eurasien s’étendra désormais du Rhin au Pacifique et non plus de l’Atlantique au Pacifique. L’Union des Trois Empereurs (Russie, Allemagne, Autriche) prendra le relais de la Sainte-Alliance, dont la puissance potentielle, et la présence sur le continent américain, en Alaska (jusqu’en 1867) et dans les Caraïbes (à Cuba jusqu’en 1898), avait contraint le Président américain Monroe à proclamer sa célèbre doctrine de “l’Amérique aux Américains”, visant d’abord à chasser l’Espagne du Nouveau Monde, pour être sûr que, dans son sillage, et au nom d’une unité “eurasienne”, les autres puissances européennes, unies dans leurs visées stratégiques, n’interviennent en Amérique, au départ d’une quelconque possession espagnole ou au départ de l’Alaska, russe à l’époque. Cette logique géopolitique nord-américaine a été tout de suite dénoncée par le ministre autrichien Hülsemann, qui a vu, avant tout le monde, émerger, sur l’autre rive de l’Atlantique, une puissance négatrice de l’excellence européenne, une “puissance-antipode”. D’autres verront également clair: le diplomate allemand Constantin Frantz constate, après la guerre de Crimée, que la Sainte-Alliance a péri et que l’Occident anglo-français est tout prêt à importer en Europe des querelles nées bien loin en dehors du sous-continent, matrice géographique des peuples européens. Ces querelles risquent de susciter des guerres en Europe pour des raisons étrangères à l’indispensable équilibre de l’Europe. Sans cet équilibre, l’Europe risque l’implosion. Et, privée de cet équilibre, elle a effectivement implosé dès 1914.

 

La Doctrine de Monroe, par la pression constante qu’elle a exercée, a conduit à l’effondrement définitif de l’Espagne impériale en 1898 et à la crise morale qui s’en est suivie. L’Espagne est, en ce sens, la première victime européenne de la Doctrine de Monroe. Tarabustée par une “légende noire” fort tenace, inventée par les fondamentalistes protestants hollandais et par l’Angleterre élizabéthaine, puis reprise par les Français de Richelieu, l’Espagne a été paralysée, depuis la fin du 16ème jusqu’à nos jours, par une légende négative, colportée ad infinitum: c’est là une technique de déstabilisation de l’adversaire, qu’ont utilisé les propagandistes protestants hier, les tenants de la “correction politique” et des vérités médiatiques aujourd’hui; cette technique propagandiste sera reprise et affinée pour éliminer et affaiblir en permanence l’Allemagne, suite aux deux guerres mondiales du 20ème siècle, tant et si bien que l’hebdomadaire britannique “The Economist” pouvait sortir un dossier récent (début juin 2013), consacré à l’Allemagne d’Angela Merkel; ce dossier, assez copieux, campait la superpuissance économique germanique en plein milieu de notre Europe comme un nain politique, à cause de son incapacité à surmonter sa propre “leyenda negra”. La Russie, à son tour, même après le communisme, est victime d’une autre “légende noire”, colportée et amplifiée depuis les diatribes du Marquis de Custines et la propagande anglaise lors de la Guerre de Crimée. Il conviendrait donc de réfléchir à annuler les effets de toutes les “leyendas negras”, par des efforts coordonnées, à l’échelle globale, dans tous les Etats européens, en Iran, au sein de toutes les puissances du BRICS.

 

L’eurasisme, à mon sens, doit être la reprise actualisée de l’alliance austro-franco-russe du 18ème, de la Sainte-Alliance (surtout telle qu’elle fut envisagée par Hülsemann) et de l’Union des Trois Empereurs, voire une résurrection des projets d’alliance franco-germano-austro-russe de Gabriel Hanotaux (1853-1944), avant 1914. On ne parle pas assez de ce Gabriel Hanotaux, qui deviendra ministre des affaires étrangères en France en 1894. Nationaliste de coeur, il a soutenu le programme de colonisation française en Afrique, en Algérie et à Madagascar, tout en s’opposant à la pénétration britannique au Soudan, où il a été un partisan de la fermeté au moment de la fameuse affaire de Fachoda en 1898, quand des forces françaises et britanniques s’étaient affrontées pour le contrôle du Nil soudanais. Selon certaines sources, qu’aimait citer l’eurasiste européiste Jean Parvulesco, malheureusement décédé en 2010, Hanotaux ne souhaitait pas l’alliance britannique, préférait à coup sûr l’alliance russe et aurait envisagé une réconciliation franco-allemande.

 

3.

Nous aimerions que vous nous révéliez vos idées sur l’éventuelle résolution des facteurs raciaux au sein de l’Eurasie, car celles-ci contient effectivement des peuples ethniquement et racialement très différents...

 

Mon concept d’Eurasie est synonyme d’une confédération solidaire de peuples de souche européenne qui devront, éventuellement, occuper des territoires où vivent d’autres peuples, pour des raisons essentiellement stratégiques. J’ai oublié de dire, en répondant à votre deuxième question, que l’idée eurasienne provient également du géopolitologue allemand Karl Haushofer, pour qui les puissances d’Europe et le Japon devaient unir leurs forces pour organiser en parallèle, selon des “corridors Nord-Sud” —des corridors eurafricain, russo-irano-indien, nippo-micronésien, sino-indochinois, tous bien délimités— la masse continentale entre Atlantique et Pacifique: il appelait cela la troïka germano-russo-japonaise, puis, après la consolidation en 1938 de l’Axe Rome-Berlin, le quadrige germano-italo-russo-japonais. Mis à part le Japon —qui devait se développer de préférence en direction du Sud et dans l’espace pacifique (après avoir hérité à Versailles de la Micronésie jadis espagnole puis devenue allemande), sans meurtrir la Chine— les autres puissances de la troïka ou du quadrige étaient européennes dans leur esprit, dérivé de Rome ou de la Troisième Rome byzantine (que représente la Russie). La vision ethno-différentialiste postule que les peuples non européens ne soient pas obligés de singer les Européens, de modifier leurs substrats naturels, que ce soit par fusion, par mixage ou par aliénation culturelle. Il me semble que l’URSS de Brejnev, dans sa constitution modifiée de 1977, ait quelque peu répondu à votre question, sans que nous ne soyons obligés, à l’heure actuelle, de reprendre en compte les archaïsmes et les schématismes communistes que cette constitution soviétique véhiculait.

 

La pensée des “autres Lumières” (celles que ne sont plus jugées “politiquement correctes” par la pensée dominante actuelle), notamment les “Lumières” qui ont promu la vision ethno-différentialiste de Herder, a donné le mouvement slavophile des “narodniki” en Russie, que le communiste n’a jamais pu éradiquer, tant et si bien, que, dès les années soixante, la culture soviétique, contrairement à l’Occident, retourne timidement, et parfois plus audacieusement, vers le passé slavophile. On a pu parler, fin des années 70, avec le dissident occidentaliste Yanov, réfugié en Californie, d’une “nouvelle droite” soviétique, bien ancrée dans les cercles académiques de l’URSS, déjà en phase d’implosion. Cet esprit herdérien a permis, même sous Staline (mutatis mutandis) de créer des républiques ethniques, parfois, hélas, avec des tracés aberrants. Généralement, les républiques ethniques finno-ougriennes et indo-européennes (comme les Ossètes), sont restées fidèles à l’URSS, puis à la Fédération de Russie. Certaines républiques turcophones ou tatars (ouralo-altaïques) aussi. On sait que la Doctrine Brzezinski visait à soulever tout le ventre mou de l’URSS, dès 1978, quand l’Afghanistan officiel avait opté pour une alliance afghano-soviétique. Pour soulever ce “ventre mou”, il fallait utiliser un levier: le seul levier possible était l’islam fondamentaliste, lequel pouvait évidemment bénéficier de la manne financière saoudienne.

 

Brzezinski-strategic-vision1.jpgToutefois, cette stratégie a échoué, comme l’avoue Brzezinski lui-même dans son dernier ouvrage de mars 2012, intitulé “Strategic Vision”. Pour le théoricien de la conquête de la “Route de la Soie” (“Silk Road”) et de l’inclusion de l’Ukraine dans l’OTAN, pour l’homme qui a suggéré l’armement des talibans contre les Soviétiques en Afghanistan, toutes ces strtatégies, qu’il a préconisées, ont échoué. Selon le regard nouveau qu’il propose de jeter sur l’échiquier international, il ne faut donc plus fragmenter la Russie à l’infini mais s’allier à elle, dans une sorte de grande alliance de l’hémisphère Nord, avec l’Amérique du Nord, l’Europe (Turquie comprise) et la Russie! Au soir de sa vie, à 84 ans, cet homme avoue sans état d’âme, sans s’effondrer mentalement, que ses projets n’ont pas abouti! Et propose exactement ce que propose un théoricien néo-droitiste français, tout à fait inclassable, comme Guillaume Faye! Ou que proposent aussi beaucoup de théoriciens nationalistes américains, partisans d’une “unité du monde blanc”! Brzezinski est devenu “Amereurasiste”! Apparemment, il n’est guère écouté Outre-Atantique, où l’“Administration Obama” poursuit les guerres de Bush et le contrôle des esprits dissidents ou contestataires aux Etats-Unis mêmes, avec une acribie encore plus frénétique.

 

Personnellement, pour moi, il faudrait que l’Amérique du Nord revienne à une pensée aristotélicienne, renaissanciste (au sens où l’ntendait Julien Freund), débarrassée de tous les résidus de ce puritanisme échevelé, de cette pseudo-théologie fanatique où aucun esprit d’équilibre, de pondération et d’harmonie ne souffle, pour envisager une alliance avec les puissances du Vieux Monde. Le biblisme nord-américain s’exporte en Amérique ibérique, disloquant souvent les sociétés ibéro-améridiennes de ce continent. Cette propension à s’exporter vient de la nature messianique de cette pseudo-théologie, parfois laïcisée et transformée en une vulgate médiatique particulièrement nocive. Le Vieux Monde comprend trois ou quatre pôles civilisationnels: l’Europe (Russie comprise), car je ne retiens pas, pour l’Europe, le clivage entre, d’une part, un Occident catholico-protestant (où règnerait d’office la “bonne gouvernance”) et, d’autre part, une zone russo-byzantino-orthodoxe (où se maintiendraient des résidus d’autoritarisme) comme le faisait Samuel Huntington dans son “Choc des civilisations”; l’Inde et la Chine (ou le complexe sino-nippon bouddhisto-confucéano-taoisto-shintoïste). Ian Morris en voit deux, nés dès la fameuse période axiale de l’histoire, selon Karl Jaspers et Karen Armstrong: l’espace européen, ultérieurement marqué par Rome qui l’a unifié “impérialement”, et la Chine, unifiée et transformée en empire dès les Qing. Pour moi, aujourd’hui, il y en a quatre voire cinq: l’Europe, héritière de Rome et de la germanisation, par Prétoriens et Foederati interposés, dès le Bas Empire et pendant le haut moyen-âge (en Espagne, on peut parler de la “wisigothisation”); l’Iran post-avestique, pré-islamique, zoroastrien et islamisé selon un mode très différent de l’espace arabophone ou turcophone, avec une composante mystique et nationale; l’Inde, qui a retrouvé son identité grâce au mouvement métapolitique du RSS, né sous le “Raj” britannique en tant que mouvement contestataire de la colonisation et de l’exploitation sauvage du sous-continent indien; la Chine, monde en soi, rejetant tout messianisme, tout esprit de conversion et toute forme d’immixtion dans les affaires intérieures d’entités politiques tierces; le Japon, cinquième pôle, animé par la spiritualité shintoïste, également non messianique car intransmissible aux non Japonais. Ces entités ne constituent pas une menace pour l’Europe car elles ne sont pas animées par le messianisme américano-bibliste ou par l’effervescence wahhabite-salafiste, qu’elles considèrent comme de dangereuses aberrations, bouleversant équilibres et harmonies.

 

Il y a d’ailleurs alliance implicite du messianisme nord-américain bibliste et du messianisme saoudien, wahhabitico-salafiste. Ces anomalies dangereuses doivent être contrées par l’idée équilibrante et harmonieuse de l’auto-centrage des aires civilisationnelles.

 

4.

Ne serait-il pas plus correct de procéder à une extension du fait politique européen sur l’échiquier eurasiatique, en englobant la “Russie blanche” dans un ensemble européen homogène, plutôt que de parler d’Eurasie?

 

De toutes les façons, dans un cas comme dans l’autre, la Russie actuelle, la Fédération de Russie, présidée par Poutine ou Medvedev, est pour l’essentiel, de souche européenne: les autres ethnies, minoritaires, sont neutralisées par l’idéologie herdérienne, post-narodnikiste. Y compris les Tatars du Tatarstan et les Bachkirs du Bachkirtostan, dont les imams se sont farouchement opposés aux menées wahhabites, virulentes du temps où Brzezinski espérait encore disloquer la Russie en utilisant le levier wahhabite et saoudien. La seule exception semble être le Nord-Caucase tchétchène et daghestanais, travaillé par la propagande wahhabite. Nous avons là le seul front “chaud”, résidu de l’ancienne stratégie Brzezinski. Par ailleurs, le Président kazak Nazarbaïev n’a pas succombé aux tentations, auxquelles les Américains auraient bien voulu qu’il succombe: ni au fondamentalisme wahhabite ni aux sirènes du panturquisme/pantouranisme du temps du premier ministre turc Türgüt Özal. La géopolitique kazak actuelle est la négation même du “brzezinskisme”, la preuve vivante de sa faillite, la preuve que le tronçon central de la “Route de la Soie” n’est pas assimilable à la géostratégie offensive et disloquante de Washington sur l’échiquier eurasiatique. Et la preuve aussi qu’une géopolitique, portée par un peuple turcophone, asiatique et non européen, peut s’harmoniser parfaitement avec l’idée d’une troïka ou d’un quadrige haushoférien —et, partant, européen et euro-nippon— réactualisé.

 

5.

Quel est votre opinion sur l’Europe des ethnies?

 

Il y a deux visions de l’Europe des ethnies: celle qui veut la fragmentation du continent ad infinitum, de manière à le rendre aussi “invertébré” que l’Espagne après 1898, phénomène de dissolution dénoncé par Ortega y Gasset dans son fameux ouvrage “España invertebrada”, livre de chevet de Jean Thiriart, en même temps que “La révolte des masses”. Cette vision “invertébrée” ne retient pas l’idée impériale, pourtant respectueuse des diversités qui composent les grands ensembles transnationaux ou transethniques. La Suisse et l’Allemagne fédérale, tout comme l’Autriche, sont des entités fédérales, respectueuses des diversités régionales, sans que personne, au sein de ces Etats fédéraux, ne songe à ruiner l’unité. A côté des “ethnistes fragmenteurs”, il y a ce que je nommerais les “ethnistes impériaux”, qui couplent l’idée impériale-européenne au souci herdérien de l’enracinement des peuples dans leur propre culture. Quand on prend en compte les oeuvres politiques des mouvements ethnistes, on doit pouvoir distinguer entre, d’une part, les “fragmenteurs”, qui commettent un “politicide” dans la mesure où ils participent à la balkanisation de notre sous-continent au bénéfice des superpuissances hégémoniques et où ils prennent le relais des “petits-nationalismes” étriqués qui ont précipité l’Europe dans les guerres fratricides qui l’ont ruinée; et, d’autre part, les “impériaux” qui cherchent à unir les hommes réels, de chair et de sang, dans un vaste projet commun, où les réalités charnelles ne seront ni gommées ni oblitérées.

 

Certains mouvements ethnistes peuvent contribuer à ruiner des polities ou des républiques qui ont tendance, systématiquement, à se replier sur elles-mêmes et à se placer en position antagoniste, contre le reste du continent, contre leur propre aire civilisationnelle, au nom d’un égoïsme à courte vue ou d’un messianisme laïque complètement ridicule. C’est, au fond, l’opposition du 16ème siècle entre Charles-Quint, Impérial et soucieux du destin de l’Europe face au danger ottoman, et François I, qui s’allie à ces derniers pour satisfaire des appétits égoïstes, hostiles à l’harmonie de notre aire civilisationnelle. Dans cette même optique, toute velléité ethniste, dans un pays européen quelconque, qui vise à se détacher d’une forme ou l’autre d’Etat, dont l’existence est en contradiction avec le “testament de Charles-Quint” et qui aurait annexé des territoires ayant un jour fait partie, ou ayant un jour voulu faire partie, de la “Grande Alianza” (Bourgogne + Habsbourg + Castille-Aragon), est bien évidemment légitime: un peuple, ou un fragment de peuple, qui souhaite revenir dans le giron de la “Grande Alianza”, après en avoir été détaché par la force ou la contrainte, pose là une démarche “impériale” et non une démarche “fragmenteuse”. Je rappelle ici que Sud-Néerlandais, Autrichiens, Hongrois, Croates, Allemands, Espagnols, Italiens du Nord ne sont “vertébrés” politiquement, au sens où l’entendait José Ortega y Gasset, que s’ils gardent en tête le “testament de Charles-Quint”, base inamovible de toute véritable démarche européenne. S’ils n’ont pas ce “Testament” en tête, ils sont vecteurs de folie, de dissensus, de conflits civils, ils participent à la ruine de notre civilisation.

 

6.

Dans un entretien que vous avez naguère accordé aux animateurs du “Mouvement International Eurasiste” (“International Eurasian Movement”), vous évoquez la vision d’un monde multipolaire. Y a-t-il une possibilité réelle de faire émerger un tel monde, alors que la globalisation a déjà tout envahi? Cette multipolarité ne serait alors que le cache-sexe d’une globalisation parachevée, où le monde entier serait soumis aux intérêts de la haute finance...

 

Après l’effondrement de l’Union Soviétique suite à la perestroïka de Gorbatchev, que le dissident et philosophe Alexandre Zinoviev nommait la “catastroïka”, le monde semblait basculer vers l’unipolarité, centrée sur la seule “américanosphère”. Le penseur nippo-américain Francis Fukuyama annonçait la fin de l’histoire et l’entrée du monde dans l’ère de la parousie néo-libérale. Pour lui, avec l’avènement d’Eltsine suite à un putsch paléo-communiste avorté qui entendait chasser Gorbatchev du pouvoir, l’ex-URSS allait se fondre à son tour dans la “Globalia” néo-libérale. Eltsine plonge alors la Russie dans le marasme, Poutine l’en sortira. Moralité: les prévisions de Fukuyama se sont avérées fausses. L’histoire est revenue, d’abord avec les néo-conservateurs américains, trotskistes recyclés qui ont remplacé la “révolution permanente” théorisée par leur maître initial par la “guerre permanente” que doivent mener les Etats-Unis, instance étatique élue par Dieu (?) pour faire triompher le Bien sur la Terre, contre le reste du monde, y compris contre leurs propres alliés qu’ils espionnent avec ECHELON et, très récemment, avec le système d’écoute “Prism” de la NSA ou “Tempora” de leurs homologues britanniques. Les théoriciens néo-conservateurs comme Robert Kagan ont annoncé “le retour de l’histoire” et non pas son terminus, et, surtout, “la fin des rêves” (cf. R. Kagan, “The Return of History and the End of Dreams”, 2008). Evidemment, pour Kagan, seuls les Etats-Unis sont autorisés à retourner au chantier de l’histoire, à quitter le monde onirique des idéologies iréniques. Ils doivent combattre les môles de puissance irréductibles que sont la Russie, la Chine et l’Iran, tout en se méfiant de l’Inde. Ils considèrent l’Europe comme un espace neutralisé, gouverné par des pitres sans envergure (seul Poutine est considéré comme un “chien dangereux” selon les documents révélés par Assange lors de l’affaire “Wikileaks”), un espace émasculé que l’on peut piller à qui mieux-mieux via les systèmes d’espionnage satellitaires. Dans un ouvrage plus récent, un autre néo-conservateur américain, Robert D. Kaplan, rappelle qu’un empire —en l’occurrence, pour lui, l’empire américain— doit en permanence se souvenir des impératifs de la géographie (cf. R. D. Kaplan, “The Revenge of Geography – What the Map Tells Us about Coming Conflicts and the Battle Against Fate”, Random House, New York, 2012) quand il façonne ses stratégies. Dans cet ouvrage qui réhabilite complètement les démarches géopolitiques et passe en revue les fondements géographiques de chaque puissance eurasienne, avouant implicitement qu’il y a, de facto, une multipolarité, mais une multipolarité que les Américains, selon Kagan ou Kaplan, doivent affronter, dont ils doivent réduire les môles de puissance, contenir leurs éventuelles expansions.

 

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Kaplan est également l’auteur d’un ouvrage de géopolitique capital pour comprendre le monde d’aujourd’hui et les intentions de l’hyperpuissance américaine: ce livre est consacré à l’Océan du Milieu, en d’autres termes, l’Océan Indien. Il s’intitule “”Monsoon – The Indian Ocean and the Future of American Power” (Random House, 2010, 2nd ed., 2011). Kaplan rejette la projection géographique usuelle aux Etats-Unis, où l’hémisphère occidental, c’est-à-dire les deux Amériques, est placé au centre des cartes, escamotant du même coup l’Océan Indien, alors que cet espace océanique est véritablement central, qu’il offre à qui le contrôle la domination sur le “rimland” asiatique des moussons. Cette “Asie des moussons” a donné aux Britanniques la puissance la plus déterminante sur l’échiquier européen et mondial, dès la seconde moitié du 18ème siècle. Au 21ème siècle, il en sera de même, il faudra, pour détenir l’hyperpuissance sur la planète, contrôler l’espace de l’Océan des Moussons: les Etats-Unis, pour Kaplan, ont intérêt à contrôler ou à contenir rapidement les puissances, petites ou moyennes, de l’arc de l’Asie des moussons, soit l’Inde, le Pakistan, la Chine, l’Indonésie, la Birmanie/Myanmar, Oman, le Sri Lanka, le Bengla Desh et la Tanzanie. Car c’est là, précise Kaplan, dans cet espace fragmenté, bigarré, sans homogénéité raciale ou culturelle, vaguement rassemblé dans une “Association des pays riverains de l’Océan Indien pour une coopération régionale” (IOR-ARC), que la lutte planétaire pour la “démocratie” (évidemment!), pour l’indépendance énergétique (américaine) et pour la “liberté religieuse” (?) sera gagné ou perdu. La diplomatie américaine doit concentrer tous ses efforts sur cette partie du monde si Washington veut continuer à garder un certain hégémonisme sur la Terre. Les pères fondateurs de la géopolitique, Mackinder et Haushofer ne disaient rien d’autre... L’Océan Indien baigne un espace à pôles multiples: il est l’espace même d’une multipolarité divergente.

 

La mondialisation/globalisation procède certes par le truchement d’un mode de société toujours plus consumériste. Les Chinois commencent à consommer avec la même frénésie que les Américains et les Européens. La délocalisation de bon nombre d’industries manufacturières, qui ont quitté l’Amérique du Nord et l’Europe pour l’Asie et surtout pour la Chine, provoquant un chômage endémique dans nos pays, sanctionne finalement une “division du travail”, générant plus de problèmes qu’elle n’en résout. Il n’empêche que cette fusion apparente dans le creuset d’une globalisation économique laisse intacte les desseins géopolitiques et géostratégiques des “pôles” de la multipolarité.

 

Les sphères émergentes contestent l’hégémonisme américain, contestent aussi l’idéologie que cet hégémonisme véhicule. Le point commun de tous les pôles, sauf l’Europe, totalement neutralisée, est de refuser l’immixtion permanente des Etats-Unis, notamment par le biais de l’idéologie dite des “droits-de-l’homme”, inventée, ou plutôt ré-inventée, à l’époque de la Présidence de Jimmy Carter, pour subvertir l’Iran du Shah et l’URSS de Brejnev (à l’époque, la Chine maoïste était exemptée de tout immixtionnisme américain puisqu’elle venait de sceller une alliance anti-soviétique avec Washington). Les cibles demeurent les mêmes: l’Iran, la Russie, la Chine qui retrouve le rôle négatif qu’on lui avait attribué dans les années 50 et 60. L’Inde —qui, explique Kaplan dans “Monsoon” (op. cit.), cherche à s’étendre “horizontalement” (vers l’Est et vers l’Ouest) et non pas “verticalement” (du Nord vers le Sud) comme le fait au contraire la Chine qui, en outre, cherche à devenir une puissance bi-océanique, d’où la condamnation de ses stratégies par Washington aujourd’hui— est tantôt ménagée, parce qu’elle doit participer à l’endiguement (“containment”) de la Chine, tantôt fustigée, quand elle affirme son caractère hindou (avec le BJP) ou qu’elle conserve ses liens étroits avec la Russie. L’Inde se définit comme “un pont entre différents mondes”, sans se reconnaître dans aucun groupe d’Etats (sous-entendu, elle garde ses distances avec le fameux “Groupe de Shanghai”). Malgré le poids de leur hyperpuissance militaire, les Etats-Unis seront toujours incapables d’absorber et de neutraliser les pôles asiatiques ou eurasiatiques comme ils ont brisé l’Europe, en détruisant l’Allemagne d’abord, en contrôlant totalement l’UE ensuite, par l’importation d’un néo-libéralisme qui a empêché l’Europe de consolider ses velléités d’autarcie, d’ordo-libéralisme (de capitalisme patrimonial rhénan ou, au Japon, “samourai”) ou de socialisme bien conçu, disons de facture bismarcko-keynesienne, comme le voulaient ses pères fondateurs ou encore un Jacques Delors. L’Europe, que nous espérions voir devenir un pôle à part entière dans un monde recomposé et enfin sorti du bipolarisme figé du temps de la Guerre Froide, enfin émancipé complètement de la tutelle américaine, est, aujourd’hui plus que jamais, un espace neutralisé, au tissu industriel mité, aux sociétés disloquées par toutes sortes de facteurs au départ exogènes, un espace d’amnésie historique, un espace totalement “invertébré”, un espace qui vénère benoîtement la “norme” sans oser se doter de force (Zaki Laïdi); ces dernières semaines de juin 2013 nous apportent une preuve éloquente de cette déliquescence de tout un continent potentiellement puissant mais paralysé, quand la Commissaire à la justice Viviane Reding, qui avait capitulé sans condition devant les Américains et les Britanniques qui espionnent, avec les systèmes d’écoute “Prism” et “Tempora”, les autres Européens, au mépris des règles diplomatiques et internationales les mieux établies, tout en promettant, la pauvre bougresse, de prendre des “mesures”, qui ne viendront évidemment jamais ou resteront au stade de voeu pieux...

 

L’Europe-croupion, que nous avons devant les yeux, est une victime consentante de la globalisation voulue par l’hegemon américain. Les autres pôles ne le sont pas. Ils ont encore tous une pensée “vertébrée”, des traditions orthodoxes, hindouistes ou confucéennes intactes. En ce sens, l’Europe actuelle, sans “épine dorsale”, est effectivement soumise aux diktats de la haute finance internationale. Comme l’avait réclamé dans son recueil “Von rechts gesehen” (“Vu de droite”), Armin Mohler, théoricien de la “révolution conservatrice” allemande et ancien secrétaire de l’écrivain Ernst Jünger, écrivait que, pour se dégager des tutelles exogènes, l’Allemagne devait opter pour une alliance avec la France gaullienne —à l’époque une réalité, aujourd’hui disparue sous l’effet délétère des politiques aberrantes de Sarközy et de Hollande— et ne jamais hésiter à entretenir des relations avec les Etats que la propagande américaine nommait déjà les “Rogue States”. Armin Mohler et Jean Thiriart étaient au fond sur la même longueur d’onde. L’actualisation de leurs injonctions politiques postule évidemment, pour nous, de privilégier les rapports euro-BRICS ou euro-Shanghaï, de façon à nous dégager des étaux de la propagande médiatique américaine et du banksterisme de Wall Street, dans lesquels nous étouffons. La multipolarité pourrait nous donner l’occasion de rejouer une carte contestatrice à la Mohler et à la Thiriart en matières de politique extérieure.

 

7.

Aujourd’hui, 10% de la population vivant en Europe est musulmane et à ces 10% il faut ajouter l’installation en Europe de toute une série d’autres populations non indigènes; sans entrer dans les détails, je ne citerai qu’un exemple: la population européenne (de souche, toutes nationalités confondues) ne totalise qu’un tiers de la population de Londres aujourd’hui, elle est donc en état d’infériorité numérique par rapport aux autres “races” qui, de plus, ont un taux de natalité bien supérieur, le triple de la moyenne européenne. A quel phénomène faisons-nous face? Et comment le résoudre?

 

Vous savez bien qu’il est interdit de parler sereinement de ces phénomènes, surtout en France ou en Belgique où la liberté d’expression n’existe plus en ce domaine bien particulier. Vous pouvez blasphémer à qui mieux-mieux contre les religions autochtones, surtout le catholicisme lorsque des “femens” déchaînées et camées s’attaquent à Bruxelles à un archevêque qui, très timidement, veut ramener un tout petit peu de bon sens dans une église à la dérive depuis un demi siècle, vous pouvez vous moquer avec la plus extrême des méchancetés de toutes les traditions européennes, religieuses ou culinaires, historiques ou littéraires, artistiques ou philosophiques, vous pouvez fabriquer la pornographie la plus outrancière et la plus perverse, mais vous ne pouvez souffler mot sur le phénomène que certains polémistes français comme Renaud Camus appellent le “grand remplacement”. Depuis les émeutes de Paris et des grandes villes françaises en novembre 2005, depuis les émeutes de grande ampleur à Londres en août 2011, depuis les récentes émeutes de Suède en mai 2013, on sait que la situation va devenir très difficilement gérable dans la décennie à venir, surtout sur fond de crise économique et financière car la gestion de ces populations, précarisées du fait de leur non intégration, va coûter de plus en plus cher et l’argent n’est plus là, tout simplement. Ces installations irréfléchies de populations hétéroclites dans les grands centres urbains de l’Europe va, à terme, provoquer l’effondrement du système de sécurité sociale, laborieusement mis en place pendant les “Trente Glorieuses” et maintenu vaille que vaille durant les “Trente Piteuses”, effondrement dont pâtiront et les autochtones les plus précarisés et les migrants intégrés ou non, sans distinction.

 

Ce n’est évidemment pas ce seul phénomène “migratoire” qui va faire s’effondrer le système, bon dans ses principes organisationnels et dans ses intentions premières, mais malheureusement bâti sur du sable et non sur le réalisme politique et économique de la tradition aristotélicienne, bâti, hélas, sur le sable mouvant des “nuisances idéologiques” (Raymond Ruyer), qui sont nuisances justement parce qu’elles ignorent tout principe d’harmonie et d’équilibre, toute limite et toute pondération; parmi elles, il y a surtout l’emballement que provoque la forme dominante du néo-libéralisme, imposé depuis l’ère Thatcher & Reagan, depuis les années 1979 à 1982. Le néo-libéralisme en place est principalement une forme de capitalisme financier, et non industriel et patrimonial, qui a misé sur le court terme, la spéculation, la titrisation, la dollarisation, plutôt que sur les investissements, la recherche et le développement, le long terme, la consolidation lente et précise des acquis, etc. La crise de l’automne 2008 et la période de ressac que nous connaissons tous depuis lors, surtout dans les pays méditerranéens, en Grèce et en Espagne, sont l’aboutissement d’une idéologie fumeuse, inapplicable car irréelle, que mes amis et moi-même dénonçons depuis le moment même de son avènement: nous avons été des “voces clamantes in deserto”.

 

Cette crise va fragiliser les phénomènes connexes à cette globalisation néo-libérale, dont l’immigration-peuplement, surtout qu’il y a eu, en plus, “délocalisation” du tissu industriel donc perte massive d’emplois pour travailleurs peu qualifiés. Bon nombre d’auteurs, même en dehors du microcosme dit “identitaire”, ont pourtant tiré la sonnette d’alarme.

 

Je pense notamment au Français Jean-Paul Gourévitch qui, en 2007, énumérait quatre défis majeurs auxquels les pays accueillant de fortes minorités immigrées allaient être confrontés:

1)     le vieillissement de la population européenne, observable déjà depuis les années 60, notamment par un historien comme Pierre Chaunu (père de l’“histoire sérielle”), est un phénomène très préoccupant d’implosion et de ressac qui n’a jamais été contré par une politique nataliste et volontariste, semblable à celle que Poutine tente de mettre en place en Russie; le recul des naissances, dans la logique d’une société de consommation, où le quantitatif prime le qualitatif, oblige à faire appel à des migrations comme palliatifs, des migrations d’abord bien encadrées, quand la bonne conjoncture des “Trente Glorieuses” le permettait encore, puis déversées dans nos villes de manière anarchique et incontrôlée;

2)     la lutte difficile contre les inévitables discriminations, lutte amorcée en vue de faciliter l’intégration; ces difficultés sont dues, notamment, entre beaucoup d’autres pierres d’achoppement, à l’impossibilité d’étendre à l’infini le marché public du logement social, lequel se compose, notamment en France, d’appartements de quatre pièces, insuffisants pour abriter des familles extrêmement nombreuses, parfois polygames; le parc immobilier, mis à la disposition des plus démunis, exige des frais d’entretien énormes que les municipalités ne peuvent plus financer; les volontés de “mixité” sociale, exprimées par les pouvoirs publics, se heurtent tout à la fois à l’hostilité des autochtones, qui quittent les villes pour les périphéries, et des immigrés qui veulent rester entre eux, sans immixtion constante de fonctionnaires municipaux, dénués de raison vitale et adeptes de toutes les niaiseries idéologiques; les discriminations à l’emploi continuent à frapper les immigrés, en dépit de plus de deux décennies de propagande massive en faveur de l’intégration; on doit donc en conclure que les politiques d’intégration ont partout fait faillitte car elles ne sont acceptées ni des autochtones, qui restent silencieux et fuient les villes pour constituer une nouvelle catégorie démographique, celle des “néo-ruraux”, ni des immigrés, qui manifestent parfois bruyamment leur mécontentement, quand les subsides qui leur sont pourtant généreusement alloués leur semblent trop chiches (voir les récents événements de Suède).

3)     Les Etats hôtes d’Europe occidentale n’ont pas pu maîtriser l’immigration clandestine qui, par le flux ininterrompu qu’elle représente, précarise, bien au-delà du simple regroupement familial préconisé depuis la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, les strates immigrées déjà présentes ou anciennes; elles rendent encore plus hétéroclites les masses non intégrées, créant de la sorte, en ce début de 21ème siècle, la situation aberrante que narre le mythe biblique de la “Tour de Babel”, où tous finissent pas fuir parce que s’instaure la confusion générale. Les flux hétérogènes, différents des premières vagues migratoires légales vers l’Europe, génèrent, de par leur illégalité, une exploitation cruelle, assimilable à une forme d’esclavage, n’épargnant pas les mineurs d’âge (50% des nouveaux esclaves!) et basculant largement dans une prostitution incontrôlable. A laquelle s’ajoutent aussi les trafics d’organes. Cette “économie” parallèle contribue à corrompre les services de police et de justice. Autre horreur: la réapparition de “murs” (après la disparition de celui de Berlin) le long de la frontière américano-mexicaine, en lisière des villes espagnoles de Ceuta et Melilla, et de murs “virtuels” sous forme de radars et de détecteurs en Mer du Nord et en Méditerranée, dispositifs chimiques pour détecter l’émission des gaz carboniques émis par les corps humains dissimulés, etc. Toutes ces infrastructures de dissuasion coûtent fort cher et mobilisent des budgets qui rognent sur ceux, utiles, de la sécurité sociale, de la recherche et du développement, du réarmement de l’Europe, de l’enseignement, etc. Ils contribuent ainsi à l’affaiblissement généralisé de l’Europe, citadelle aujourd’hui assiégée de toutes parts. Tous ces problèmes horribles, inouïs, et le sort cruel des exploités, des enfants réduits à une prostitution incontrôlée, les pauvres hères à qui on achète les organes, les travailleurs sans protection qu’on oblige à prester des travaux dangereux ne font pas sourciller les faux humanistes, qui se donnent bonne conscience en défendant les “sans papiers” mais qui sont, par là même, les complices évidents des mafieux —également “sans papiers” pour échapper à toute poursuite et à toute localisation. Ceux-ci peuvent ainsi tranquillement poursuivre leurs activités lucratives: en tant qu’“idiots utiles”, les humanistes à faux nez sont complices et donc coupables, co-auteurs, des crimes commis contre ces pauvres déracinés sans protection et que ne protègeront pas, bien entendu, les fameux “papiers” qu’on réclame pour eux. Nos angélistes aux discours tout de mièvrerie sont donc complices des forfaits commis, au même titre que les proxénètes, les négriers et les trafiquants. Sans la mobilisation des “bonnes consciences”, ces derniers ne pourraient pas aussi aisément poursuivre leurs menées criminelles.

4)     Le quatrième défi, mis en évidence par Gourévitch, est celui de l’économie informelle, phénomène antérieur aux flux migratoires, mais que ceux-ci ont amplifiés, tout en alimentant la fraction, de plus en plus nombreuse, des populations migrantes qui ne parviennent pas à s’insérer dans le tissu social, en dépit des dispositifs d’intégration mis en place depuis trois bonnes décennies. La France a beau avoir mis en place la DILTI (“Délégation Interministérielle à la Lutte contre le Travail Illégal”), l’OCDE a eu tout aussi beau jeu de tirer à son tour la sonnette d’alarme, l’ethnic business et l’économie souterraine, les recels et les locations de taudis insalubres, bref la totalité de l’économie informelle aurait brassé, selon l’enquête menée par Gourevitch en 2007 à plus de 300 milliards d’euro, soit 17 à 18% du PIB français. L’ampleur de cette économie informelle et l’opacité du milieu qui la génère rend les services de police et la justice totalement impuissants.

 

Nous faisons donc face à cette économie informelle, qui génère des “sociétés parallèles” (qu’appuie un certain Erdogan en Europe centrale, avec tout le poids de la diplomatie turque...) et à la démultiplication quasi à l’infini des frais sociaux, prévus par l’Etat-Providence. Cette démultiplication va entraîner très vite, dans les cinq à dix ans à venir, l’assèchement des caisses municipales (et autres...) et à l’impossibilité de lever de nouveaux impôts sur une classe moyenne considérablement appauvrie par la crise. La démesure babelienne que les intellos écervelés et les “croyeux” naïfs ont prise pour du “progressisme”, à grand renfort de propagande médiatique, va se muer en un bel éventail de facteurs non niables de “régressisme”, de régression sociale, de détricotage de tous les acquis sociaux et syndicaux. Selon l’adage: qui veut faire l’ange, fait la bête... Les négateurs de balises et de limites, qui voulaient tout bousculer au nom du “progrès” (qu’ils imaginaient au-delà de tout empirisme), vont provoquer une crise qui rendra leurs rêves totalement impossibles pour au moins une dizaine de générations, sauf si nous connaîtrons l’implosion totale et définitive... Quant aux solutions que nous pourrions apporter, eh bien, elles sont nulles car le système a bétonné toute critique: il voulait poursuivre sa logique, sans accepter le moindre correctif démocratique, en croyant que tout trouverait une solution. Ce calcul s’est avéré faux. Archi-faux. Donc tout va s’effondrer. Devant notre lucidité. Nous rirons de la déconfiture de nos adversaires mais nous pleurerons amèrement sur les malheurs de nos peuples.

 

8.

Si nous prenons en considération l’avancée profonde du matérialisme et de l’individualisme dans les pays occidentaux, ne devons-nous pas craindre d’être poussé vers une perte totale de spiritualité?

 

Nous avons déjà perdu toute spiritualité. Les traditionalistes, qui s’inspirent de Guénon et d’Evola, évoquent une ère de “Kali Yuga”, d’âge sombre, telle que l’entrevoit la tradition hindoue. C’est bien l’époque que nous vivons car Evola a signalé qu’en fin de cycle, les phénomènes de dégénérescence et de déclin vont en s’accélérant, plongeant les Empires et les Etats dans la déliquescence totale. En Europe, où nous n’avons même plus un Kagan ou un Kaplan pour nous rappeler quelques recettes élémentaires pour tenir un Empire, même à une époque de ressac. Le “Kali Yuga” est donc bien palpable de nos jours: la France, depuis Sarközy et Hollande (dit “Holl’andouille”) n’est plus que la caricature d’elle-même, et la négation de sa propre originalité politico-diplomatique gaullienne; l’Allemagne se cramponne à des idées fixes et n’ose pas s’affirmer, sous le règne d’une Angela Merkel qui n’a bien entendu ni le tonus ni la clairvoyance de ses prédécesseurs socialistes, d’un Schroeder ou d’un Schmitt. Votre question, si j’y répondais de manière exhaustive, exigerait la rédaction d’un livre tout entier. Je ne peux dire en quelques lignes ce qu’Evola, Schuon, Guénon ou d’autres traditionalistes ont dit en plusieurs dizaines de volumes, car, souvent, il n’y a pas grand chose à ajouter à leurs diagnostics, si ce n’est les traduire en un langage plus quotidien.

 

L’histoire de mon pays, la Belgique, nous fait entrevoir le désastre, rien que dans l’involution de la famille politique catholique, puis “démocrate-chrétienne”. Notre histoire politique montre donc que l’exigence morale des tenants de la “Jeune Droite” de Henry Carton de Wiart au début du 20ème siècle, puis des militants de l’ACJB (“Action Catholique de la Jeunesse Belge”), quelles qu’aient été leurs options ultérieures après l’émergence du rexisme de Léon Degrelle, que le souci éthique que le Prof. Marcel Decorte avait encore voulu réveiller dans les années 50, se sont bien vite évanouis au profit d’un technocratisme sans épaisseur éthique, importé par Paul Van Zeeland avant-guerre et poursuivi par toute une série de politiciens sans envergure ou sans scrupules après 1945 ou au profit d’un démocratisme du “je-ne-sais-quoi” et du “presque-rien” qui a débouché sur la mascarade puante d’un parti dirigé par des festivistes écervelés qui se donnent désormais l’étiquette d’“humanistes”. On se demande en quoi leurs salades sont “humanistes”: Erasme, qui était hypocondriaque mais un véritable humaniste renaissanciste, doit galoper plein tube vers un bassinet pour y vômir sa soupe aux légumes quand, du haut de son empyrée céleste, il jette un regard sur le spectacle que nous donne en permanence cette brochette de connards et de connasses qui ont galvaudé le terme même d’humanisme puis transformé, par leurs sottises, la principale force politique de la Belgique, en un parti estropié et minoritaire, à la remorque des socialistes, qui titubent d’une corruption à l’autre, pour chavirer ensuite dans une autre perversité. En Flandre, les excès de technocratisme, tourné en “plomberie” du temps de Dehaene, ont également ruiné le pôle démocrate-chrétien au profit d’une forme de pseudo-nationalisme, centré sur la vacuité et la vanité d’un gros bonhomme qui a maigri pour faire jacasser les médias, une formation idéologiquement filandreuse à relents festivistes, avec laquelle personne ne veut gouverner. Bref, l’absence d’éthique dans le pôle politique qui, précisément, entendait l’incarner, du moins jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, a provoqué l’implosion du pays. L’Europe et le reste du monde occidental présentent la même implosion, parfois en moins ridicule mais toujours sur un mode aussi navrant, aussi impolitique, aussi incapable de sortir notre aire civilisationnelle de l’ornière où elle s’est enlisée.

 

La disparition de toute épine dorsale éthique dans le monde occidental, le plus touché par la décadence, entraîne toute une série de maladies psycho-sociales, dont quelques universitaires dressent la cartographie, tout en étant complètement ignorés des “décideurs” politiques qui, comme on le sait, préfèrent la politique de l’autruche. Parmi ces universitaires, je ne citerai que le Flamand Dirk De Wachter, professeur à la KUL de Louvain, et l’Allemand Manfred Spitzer, directeur de la clinique psychiatrique de l’Université d’Ulm (cf. Dirk De Wachter, “Borderline Times – Het einde van de normaliteit”, Lannoo Campus, Tielt, 2012; Manfred Spitzer, “Digitale Demenz – Wie wir uns und unsere Kinder um den Verstand bringen”, Droemer, München, 2012).

 

Le Prof. De Wachter voit disparaître toute forme de “normalité” et glisser nos populations vers ce qu’il appelle, en jargon de psychiatrie, le “borderline”, la “limite” acceptable pour tout comportement social intégré, une “borderline” que de plus en plus de citoyens franchissent malheureusement pour basculer dans une forme plus ou moins douce, plus ou moins dangereuse, de folie: en Belgique, 25% de la population est en “traitement”, 10% ingurgitent des anti-dépresseurs, de 2005 à 2009 le nombre d’enfants et d’adolescents contraints de prendre de la rilatine a doublé rien qu’en Flandre (de 15.000 à 30.000...); en 2007, la Flandre est le deuxième pays sur la liste en Europe quant au nombre de suicides par million d’habitants (161/un million). C’est là, on en conviendra, une brillante réussite de la politique régimiste! Bilan désastreux pour nos “progressistes” qui croyaient avoir trouvé toutes les formules pour faire le bonheur des masses! Pour le Prof. De Wachter, la solution réside dans un renouveau culturel, littéraire et artistique, basé sur des principes radicalement différents de ceux appliqués aujourd’hui dans les établissements d’enseignement: l’effondrement du niveau, où le prof doit se mettre au niveau des élèves et capter leur attention “no matter what” et la négligence des branches littéraires, artistiques et musicales, qui permettent à l’enfant de tenir compte d’autrui, font basculer les nouvelles générations dans une déshumanisation problématique, constate le Prof. De Wachter, en se réclamant du philosophe conservateur britannique Roger Scruton et de la “communautariste” américaine Martha Nussbaum, vigoureuse avocate du retour aux humanités classiques, à nos racines grecques et aristotéliciennes. Guérir notre société malade passe donc par une révolution culturelle, soit par un retour, par un “revolvere” aux fondements sûrs de notre civilisation, aux humanités classiques et aux bases identitaires. Sans identité, sans tradition, sans “centre” intérieur (Frithjof Schuon), on devient fou: tel est notre constat, schématisé ici de manière certes un peu abrupte, et il est corroboré par l’une des plus grandes sommités de la médecine psychiatrique de la célèbre université de Louvain. Ceux qui nous contrarient au nom de leurs chimères et de leurs délires, sont, par voie de conséquence, sans trop solliciter les faits, des fous qui veulent précipiter leurs contemporains au-delà de la “borderline”, où on ne survit qu’à grands renforts d’anti-dépresseurs ou d’euphorisants, à moins de passer dans la catégorie des 161 infortunés sur un million d’habitants qui recourent au suicide.

 

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Quant à ce spécialiste des recherches sur le fonctionnement du cerveau qu’est le Prof. Manfred Spitzer, il s’est penché tout spécialement, dans son dernier livre (op. cit.) sur la “démence digitale”, où il dénonce l’utilisation abusive de médias digitalisés dans l’enseignement. Son ouvrage est une riposte à une dangereuse élucubration de la “Commission d’enquête” du Bundestag allemand, qui avait prévu d’offrir un “notebook” à tous les écoliers et de promouvoir la “pédagogie par jeux informatiques”: il paraît d’après ces délirants germaniques que cette bimbeloterie high tech et cette pédagogie de cornecul vont offrir “un meilleur avenir pour nos enfants” (gnagnagna...). Pour le Prof. Spitzer, nobelisable, ce délire témoigne d’une méconnaissance totale du fonctionnement du cerveau humain (surtout au stade de l’enfance et de l’adolescence) et d’un commercialisme sans scrupules (car les marchands d’ordinateurs et de logiciels ont sûrement graissé la patte des politicards et des pédagogogues). Pourtant, bon nombre d’études scientifiques ont prouvé que les médias digitalisés ne donnaient que de piètres résultats sur le plan pédagogique. Pire, ils endommagent les corps et les cerveaux, dans la mesure où la mémoire et la concentration en pâtissent. On entraîne ainsi les nouvelles générations dans la superficialité, dans l’a-socialité (les amis virtuels de “Facebook” ou de “Twitter” ne sont pas des amis de chair et de sang), dans la dépression (cf. De Wachter), due notamment à l’absence de sommeil cumulée sur des mois voire des années. Et dans les pages 276 à 281 de son livre, Spitzer pointe du doigt les coupables: les politiciens, tous partis confondus; citation: “Lors de conférences et de débats, on m’a souvent demandé d’aller parler aux hommes politiques. Je l’ai fait, à plusieurs reprises, notamment, il y a quelques années, lors d’un audit d’experts mandé par la Commission de la jeunesse du Bundestag. Cet audit a duré deux fois plus de temps que prévu et les députés ont trouvé formidable tout ce que nous leur disions. Après environ six semaines, on a pondu un long protocole qui concluait... qu’il n’y avait aucune raison d’agir... Le lobby médiatique, entretemps, n’avait pas perdu son temps”. Mieux: “Le sort des enfants n’est pas pris au sérieux par les responsables politiques. Ils les perçoivent plutôt comme du bétail et non pas comme des êtres en pleine croissance, comme de petits diamants que l’on doit traiter raisonnablement et avec respect”. Voilà donc l’avis de deux experts, issus de facultés de médecine prestigieuses, un avis que les politiciens ignorent... Et peuvent ignorer en toute tranquillité parce qu’il n’y a pas de structures de combat métapolitique dans nos quartiers pour contrer leurs agissements criminels et anti-sociaux dans nos assemblées municipales, dans nos écoles, dans nos comités de voisinage, etc. Il y a des dizaines de savants irréprochables, comme De Wachter et Spitzer, qui ne peuvent pas faire entendre leur voix parce qu’ils n’ont aucun relais dans la société civile, aucune association métapolitique pour leur venir en aide et faire triompher, dans chaque quartier, dans chaque bourg, leurs idées justes et bonnes.

 

9.

Quelles est votre opinion sur la montée ou sur les avatars des partis dits “nationalistes” en Europe aujourd’hui?

 

A partir de la perestroïka de Gorbatchev, au moment de la chute du Mur de Berlin, au début des années 90 du 20ème siècle, tous les espoirs étaient quasi permis: le communisme disparaissait en tant que partie prenante du duopole de Yalta. Sa fonction de croquemitaine pour imposer le libéralisme manchestérien à l’Europe occidentale s’évanouissait. On pouvait envisager ce que nous appellions, à l’ère du duopole, une “troisième voie” (Jean-Gilles Malliarakis à Paris) ou un “solidarisme” (Lothar Penz et Ulrich Behrenz à Hambourg). Rien n’est arrivé. Nos espoirs ont été totalement déçus. Les partis dits “nationalistes” sont apparus à la même époque: Le Pen prend son envol, grâce aux efforts de Stirbois à Dreux, dès 1984, un an avant l’accession de Gorbatchev au pouvoir. D’autres partis sortent de la marginalité ailleurs en Europe: le bilan de cette effervescence nouvelle à l’époque, je l’ai dressé, encore assez enthousiaste, avec le regretté Roland Gaucher, dans un numéro spécial sur les “nouveaux nationalistes” du célèbre mensuel parisien “Le Crapouillot” en 1994. C’était là une enquête minutieuse que j’avais pu mener allègrement, grâce, surtout, à la formidable documentation qu’avaient compilée Peter Dehoust, Heinz-Dieter Hansen et Wolfgang Strauss en Allemagne dans les colonnes de revues ou de bulletins comme “Nation Europa”, “DESG-Inform” ou “Staatsbriefe” (du Dr. Hans-Dieter Sander). Deux écueils expliquent la stagnation actuelle de toutes ces formations politiques, stagnation assortie par d’interminables querelles entre personnes: 1) le mirage du néo-libéralisme, dont ces formations ne se sont pas assez démarquées au profit d’un solidarisme nouveau, c’est-à-dire d’un socialisme comme aux temps héroïques, comme au temps de Georges Sorel ou de Roberto Michels, d’un socialisme débarrassé de toutes corruptions mais demeurant inébranlablement au service du peuple, ce qui n’est plus le cas d’un socialisme “diroupetté” ou “hollandouillé”; 2) l’incapacité à s’unir dans le domaine de la politique étrangère; on a vu certains partis faire l’apologie de Bush et du néo-conservatisme new-yorkais, au nom d’une islamophobie qui confondait l’islam avec les dérapages inacceptables du wahhabisme saoudien ou du salafisme nord-africain. Position aussi imbécile que celles des socialistes (corrompus) des vieilles sociales-démocraties usées d’Europe qui croyaient qu’Obama allait nous apporter une ère de paix diamétralement différente du bellicisme néo-conservateur! Alors qu’Obama poursuit, opiniâtre, le programme guerrier et pétrolier du père et du fils Bush!

 

Seule la FPÖ autrichienne offre, dans sa presse, des articles anti-impérialistes bien argumentés et documentés, dus à la plume d’un véritable héros contemporain de l’européisme sainement conçu, un héros modeste et effacé, le Dr. Bernhard Tomaschitz, que j’ai le vif plaisir de traduire assez souvent. En Italie, le quotidien de la “Lega Nord”, “La Padania”, offrait aussi de fructueuses analyses en politique étrangère et je me souviens, avec nostalgie, de ma coopération avec Archimede Bontempi, lors de la guerre de l’OTAN contre la Serbie. En dehors des partis représentés dans les hémicycles, le quotidien romain “Rinascita”, organe d’une “gauche nationale” offre chaque jour, grâce à un excellent réseau de correspondants dispersés dans le monde entier, des analyses de politique internationale qui devraient servir d’exemples à tous et faire honte à tous les cancres qui ne s’en inspirent pas...

 

En tant qu’admirateur de la clarté conceptuelle de Jean Thiriart, j’ai donc été déçu de ne pas voir les analyses de Tomaschitz, de Bontempi (et de ses amis) et de la formidable équipe de “Rinascita” être traduites en un militantisme offensif, tous azimuts, mobilisant les universités (si c’est encore possible, à l’heure de la démence digitalisée stigmatisée par le Prof. Spitzer...), les cercles culturels, para-politiques et métapolitiques, les débats parlementaires en commission des affaires étrangères, de manière à s’opposer systématiquement aux diktats de l’hegemon, non pas par une politique frontale, car nous n’en avons pas (encore) les moyens, mais par une stratégie des petits coups d’épingle constants et incessants, une stratégie dont les partis dits “nationalistes” auraient dû se faire le fer de lance, faute d’autres combattants représentatifs et à cause des scléroses mentales des formations d’extrême-gauche, pourtant plus férues de politique étrangère... Beaucoup n’ont pas opté pour ce combat constant et nécessaire... En attendant, l’Europe des tartuffes constate qu’elle est espionnée, que l’Oncle Sam a des yeux et des oreilles partout, jusque dans les chiottes du Parlement européen (pour parler comme Poutine...), grâce au système Prism et que John Bull fait de même, avec “Tempora”. Les cocus magnifiques... Nous n’avons pas attendu un tel scandale ni les révélations de Julian Assange ou d’Edward Snowden pour réagir, pour organiser un mini-pôle de rétivité. Une fois de plus, nous avons eu raison, mille fois raisons. Notre politique de refus de l’américanisme était la bonne. La seule qui soit politiquement rationnelle face à un hegemon malhonnête.

 

10.

Pour terminer cet entretien, je voudrais que vous expliquiez aux néophytes que nous sommes ce qu’a été le rôle de “Synergies Européennes”?

 

Vous pourrez consulter l’entretien que j’ai accordé au site scandinave “Oskorei” pour comprendre ce qu’a été “Synergies Européennes”. L’objectif était de faire travailler ensemble des Européens lucides et enracinés dans leur culture par des colloques, conférences et universités d’été communes et par une politique de traduction tous azimuts. Lors de mon intervention sur les ondes de la radio libre “Méridien Zéro” en juin 2012, l’animateur de service ce jour-là m’a bien avoué qu’il manque aujourd’hui en Europe une association “baldaquin” du genre que celle que j’ai animée jusqu’en 2004, avant de passer au virtuel comme tout le monde —ce qui n’est pas la même chose, hélas, que les rapports directs et personnels entre confrères— sur les sites http://euro-synergies.hautetfort.com puis http://vouloir.hautetfort.com et http://archiveseroe.eu . Mes textes personnels se trouvent sur http://robertsteuckers.blogspot.com . Si d’aucuns estiment opportune la renaissance d’une telle structure souple et ouverte, d’un tel baldaquin, que les volontaires se présentent au bureau de recrutement, avec leurs références, prouvant qu’ils savent travailler dans la constance et la détermination. Et tout redémarrera comme au premier jour.

 

11.

Merci d’ajouter les quelques mots de la fin pour nos lecteurs...

 

Méditez l’adage tiré de la fable de Lafontaine, “Le laboureur et ses enfants”: “Travaillez, prenez de la peine, c’est le fond qui manque le moins”.

 

lundi, 01 juillet 2013

Entretien avec Gilbert Sincyr

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« Le Paganisme est une Vue du monde

 

basée sur un sens du sacré, qui rejette le fatalisme.

 

Il est fondé sur le sens de l’honneur

 

et de la responsabilité de l’Homme,

 

face aux évènements de la vie »

 

Entretien avec Gilbert Sincyr, auteur du livre Le Paganisme. Recours spirituel et identitaire de l’Europe

Propos recueillis par Fabrice Dutilleul

 

Votre livre Le Paganisme. Recours spirituel et identitaire de l’Europe est un succès. Pourtant ce thème peut paraître quelque peu « décalé » à notre époque.

Bien au contraire : si les églises se vident, ce n’est pas parce que l’homme a perdu le sens du sacré, c’est parce que l’Européen se sent mal à l’aise vis-à-vis d’une religion qui ne répond pas à sa sensibilité. L’Européen est un être qui aspire à la liberté et à la responsabilité. Or, lui répéter que son destin dépend du bon vouloir d’un Dieu étranger, que dès sa naissance il est marqué par le péché, et qu’il devra passer sa vie à demander le pardon de ses soi-disant fautes, n’est pas ce que l’on peut appeler être un adulte maître de son destin. Plus les populations sont évoluées, plus on constate leur rejet de l’approche monothéiste avec un Dieu responsable de tout ce qui est bon, mais jamais du mal ou de la souffrance, et devant qui il convient de se prosterner. Maintenant que l’Église n’a plus son pouvoir dominateur sur le peuple, on constate une évolution vers une aspiration à la liberté de l’esprit. C’est un chemin à rebours de la condamnation évangélique, originelle et perpétuelle.

Alors, qu’est-ce que le Paganisme ?

C'est d’abord un qualificatif choisi par l’Église pour désigner d’un mot l’ensemble des religions européennes, puisqu’à l’évidence elles reposaient sur des valeurs communes. C’est donc le terme qui englobe l’héritage spirituel et culturel des Indo-européens. Le Paganisme est une Vue du monde basée sur un sens du sacré, qui rejette le fatalisme. Il est fondé sur le sens de l’honneur et de la responsabilité de l’Homme, face aux évènements de la vie. Ce mental de combat s’est élaboré depuis le néolithique au fil de milliers d’années nous donnant une façon de penser, une attitude face au monde. Il est à l’opposé de l’assujettissement traditionnel moyen-oriental devant une force extérieure, la volonté divine, qui contrôle le destin de chacun. Ainsi donc, le Paganisme contient et exprime l’identité que se sont forgés les Européens, du néolithique à la révolution chrétienne.

Vous voulez donc remplacer un Dieu par plusieurs ?

Pas du tout. Les temps ne sont plus à l’adoration. Les Hommes ont acquit des connaissances qui les éloignent des peurs ancestrales. Personne n’a encore apporté la preuve incontestable qu’il existe, ou qu’il n’existe pas, une force « spirituelle » universelle. Des hommes à l’intelligence exceptionnelle, continuent à s’affronter sur ce sujet, et je crois que personne ne mettrait sa tête à couper, pour l’un ou l’autre de ces choix. Ce n’est donc pas ainsi que nous posons le problème.

Le Paganisme, qui est l’expression européenne d’une vue unitaire du monde, à l’opposé de la conception dualiste des monothéismes, est la réponse spécifique d’autres peuples aux mêmes questionnements. D’où les différences entre civilisations.

Quand il y a invasion et submersion d’une civilisation par une autre, on appelle cela une colonisation. C’est ce qui s’est passé en Europe, contrainte souvent par la terreur, à changer de religion (souvenons-nous de la chasse aux idoles et aux sorcières, des destructions des temples anciens, des tortures et bûchers, tout cela bien sûr au nom de l’amour). Quand il y a rejet de cette colonisation, dans un but de recherche identitaire, on appelle cela une libération, ou une « Reconquista », comme on l’a dit de l’Espagne lors du reflux des Arabes. Et nous en sommes là, sauf qu’il ne s’agit pas de reflux, mais d’abandon de valeurs étrangères au profit d’un retour de notre identité spirituelle.

Convertis par la force, les Européens se libèrent. « Chassez le naturel et il revient au galop », dit-on, et voilà que notre identité refoulée nous revient à nouveau. Non pas par un retour des anciens Dieux, forme d’expression d’une époque lointaine, mais comme un recours aux valeurs de liberté et de responsabilité qui étaient les nôtres, et que le Paganisme contient et exprime.

Débarrassés des miasmes du monothéisme totalitaire, les Européens retrouvent leur contact privilégié avec la nature. On reparle d’altérité plutôt que d’égalité, d’honneur plutôt que d’humilité, de responsabilité, de volonté, de défi, de diversité, d’identité, enfin de ce qui constitue notre héritage culturel, pourchassé, rejeté et condamné depuis deux mille ans.

S’agit-il alors d’une nouvelle guerre de religion ?

Pas du tout, évidemment. Les Européens doivent dépasser ce qui leur a été imposé et qui leur est étranger. Nous devons réunifier sacré et profane, c’est-à-dire réaffirmer que l’homme est un tout, que, de ce fait, il est le maître de son destin car il n’y a pas dichotomie entre corps et esprit. Les Européens ne doivent plus s’agenouiller pour implorer le pardon de fautes définies par une idéologie dictatoriale moyen-orientale. Ce n’est pas vers un retour du passé qu’il nous faut nous tourner, gardons-nous surtout d’une attitude passéiste, elle ne serait que folklore et compromission. Au contraire des religions monothéistes, sclérosées dans leurs livres intouchables, le Paganisme, comme une source jaillissante, doit se trouver de nouveaux chemins, de nouvelles expressions. À l’inverse des religions du livre, bloquées, incapables d’évoluer, dépassées et vieillissantes, le Paganisme est l’expression de la liberté de l’homme européen, dans son environnement naturel qu’il respecte. C’est une source de vie qui jaillit de nouveau en Europe, affirmant notre identité, et notre sens du sacré, pour un avenir de fierté, de liberté et de volonté, dans la modernité.

Le Paganisme. Recours spirituel et identitaire de l’Europede Gilbert Sincyr, éditions de L’Æncre, collection « Patrimoine des Religions », dirigée par Philippe Randa, 232 pages, 25 euros.

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samedi, 29 juin 2013

Les guerres d'Afrique

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Les guerres d'Afrique

Des origines à nos jours

Entretien avec Bernard Lugan

Africaniste renommé, récemment auteur entre autres ouvrages d'une Histoire de l'Afrique, d'une Histoire de l'Afrique du Sud et d'une Histoire du Maroc, expert auprès du TPI-Rwanda et éditeur de la lettre d'information L'Afrique Réelle, Bernard Lugan signe aujourd'hui une nouvelle somme.

Son livre est très logiquement divisé selon un plan chronologique en quatre grandes parties : "Guerres et sociétés guerrières en Afrique avant la colonisation", "Les guerres de conquête coloniale", "Les guerres de la période coloniale" et "Les guerres contemporaines, 1960-2013", tous conflits dont il fait le récit chronologique et factuel. On voit bien l'ampleur du sujet et Bernard Lugan nous fait plusieurs fois traverser le continent de part en part au fil des époques. La grande région sahélienne, celle des Grands Lacs et l'Afrique australe reviennent bien sûr à plusieurs reprises et certaines situations résonnent en écho jusqu'à aujourd'hui. Tous les chapitres, agrémentés d'encarts qui précisent des situations locales ou des données chiffrés, sont intéressants et l'on ne retiendra à titre d'exemple que quelques titres de la dernière partie (sait-on que pour la période 2000-2010 70% des décisions de l'ONU sont relatives aux conflits africains ?) : "La guerre civile algérienne (1992-2002)", "Les guerres de Somalie : clans contre clans (depuis 1977)", "Nigeria : de la guerre du Biafra au conflit ethno-religieux Nord-Sud", "La deuxième guerre du Kivu (depuis 2007)" : autant de coups de projecteur extrêmement utiles et souvent pertinents sur des zones crisogènes dont l'Europe ne peut pas se désintéresser (même si elle le voulait, de toute façon).

L'ensemble de ces chapitres, rédigés d'une plume alerte et toujours référencés, est complété par un cahier central d'une soixantaine de cartes en couleurs, parfaitement lisibles et pédagogiques, et le livre se termine sur un index complet et une bibliographie significative. Ceux qui connaissent déjà tel ou tel engagement pourront regretter que certaines campagnes ne soient pas traitées davantages en détail, mais aborder autant d'opérations et de combats en 400 pages témoigne d'un bel esprit de synthèse. Au total, un ouvrage appelé à devenir très rapidement de référence et que liront avec le plus grand intérêt les étudiants et tous ceux qui soit s'intéressent à l'histoire du continent, soit se préoccupent de l'avenir. 

Editions du Rocher, Monaco, 2013, 403 pages, 32 euros.
ISBN : 978-2-268-97531-0.


Bernard Lugan a bien voulu répondre à quelques questions pour nos lecteurs :

Question : Votre livre dresse un impressionnant tableau des conflits en Afrique de la plus haute Antiquité aux guerres actuelles. Par grande période, une introduction présente un résumé des évolutions, mais vous ne tentez pas d'en tirer des enseignements généraux en conclusion. Pourquoi ?

Réponse : Parce que nous ne devons par parler de l’Afrique, mais des Afriques, donc des guerres africaines. Mon livre est construit sur cette multiplicité, sur ces différences irréductibles les unes aux autres et sur leur mise en perspective. Dans ces conditions, il est vain de faire une typologie, sauf pour les guerres de la période contemporaine, ce que j’ai fait, et encore moins une classique conclusion de synthèse.

Question : La grande région saharienne-Sahel est présente dans chaque partie, des "Origines de la guerre africaine" aux "Guerres contemporaines". Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce qui semble bien être une zone de conflits quasi-permanents ?

Réponse : Cette zone qui court de l’Atlantique à la mer Rouge en couvrant plus de dix pays, est un véritable rift racial et ethnique en plus d’être une barrière géographique. Ce fut toujours une terre convoitée car elle fut à la fois le point de départ et le point d’arrivée -hier du commerce, aujourd’hui des trafics transsahariens, une zone de mise en relation entre l’Afrique « blanche » et l’Afrique des savanes, un monde d’expansion des grands royaumes puis de l’islam.

Aujourd’hui, cette conflictualité ancienne et résurgente tout à la fois est exacerbée par des frontières cloisonnant artificiellement l’espace et qui forcent à vivre ensemble des populations nordistes et sudistes qui ont de lourds contentieux. Le tout est aggravé par le suffrage universel fondé sur le principe du « un homme, une voix », qui débouche sur une ethno mathématique donnant automatiquement le pouvoir aux plus nombreux, en l’occurrence les sudistes. Voilà la cause de la guerre du Mali, mais ce problème se retrouve dans tout le Sahel, notamment au Niger et au Tchad. Au Mali, le fondamentalisme islamiste s’est greffé sur une revendication politique nordiste de manière récente et tout à fait opportuniste. Or, comme le problème nord-sud n’a pas été réglé, les causes des guerres sahéliennes subsistent.

Question : On a dit beaucoup de choses sur le retentissement de l'échec italien lors de la première tentative de conquête de l'Ethiopie à la fin du XIXe siècle. Si les conséquences en politique intérieure à Rome sont compréhensibles, ces événements ont-ils un écho réel dans les autres capitales européennes et sur le sol africain lui-même ?

Réponse : L’originalité de la défaite d’Adoua est qu’elle a, sur le moment, mis un terme au projet colonial italien. Ce fut une défaite stratégique. Français, Anglais et Allemands connurent eux aussi des défaites, les premiers, notamment au Sahara, mais cela n’interrompit pas la prise contrôle de ces immensités ; les Britanniques furent battus à Isandhlawana, ce qui n’empêcha pas la conquête du royaume zulu ; quant aux Allemands, ils subirent plusieurs déconvenues contre les Hehe et les Maji Maji, mais l’Est africain fut néanmoins conquis. Le désastre italien fut d’une autre nature, d’une autre échelle, alors que, à l’exception d’Isandlhawana, Anglais, Français et Allemands ne perdirent en réalité que des combats à l’échelle d’une section, au pire, d’une compagnie. Quant aux Espagnols, même après leurs sanglantes déroutes lors de la guerre du Rif, leur présence dans le Maroc septentrional ne fut pas remise en cause et, dès qu’ils décidèrent d’utiliser leurs troupes d’élite comme le Tercio et non plus des recrues tant métropolitaines qu’indigènes, ils reprirent le contrôle de la situation. Il faut cependant remarquer qu’avant son éviction par Pétain, Lyautey avait, comme je le montre dans mon livre, rétabli la situation sur le front de l’Ouergha et de Taza, ce qui enlevait toute profondeur d’action aux Riffains.

Autre conséquence, auréolée par sa victoire de 1896, puis par sa résistance sous Mussolini, l’Ethiopie eut un statut particulier d’Etat leader du mouvement indépendantiste et ce fut d’ailleurs pourquoi, dès sa création en 1963, le siège de l’Organisation de l’unité africaine fut établi à Addis-Abeba.

Question : Vous décrivez "Un demi-siècle de guerres au Zaïre/RDC", et l'on a finalement le sentiment qu'une amélioration de la situation reste très hypothétique. Comment l'expliquez-vous ?

Réponse : Ici le problème est sans solution car il n’est pas économique mais ethnique et politique. Nous sommes en effet en présence d’un Etat artificiel découpé au centre du continent à la fin du XIX° afin de retirer le bassin du Congo à la convoitise des colonisateurs et cela afin d’éviter une guerre européenne pour sa possession. Cet Etat artificiel, désert humain en son centre forestier, englobe sur ses périphéries de vieux Etats comme le royaume Luba, l’empire Lunda ou encore le royaume de Kongo. Ces derniers ont une forte identité et leurs peuples ne se reconnaissent pas dans l’artificielle création coloniale qu’est la RDC. Quant à l’impérialisme rwandais qui s’exerce au Kivu, il entretient un foyer permanent de guerre dans tout l’est du pays. La raison en est claire : étouffant sous sa surpopulation, le « petit » Rwanda doit trouver un exutoire humain s’il veut éviter le collapsus. De plus, comme 40% du budget du pays provient de l’aide internationale et le reste, à plus de 90% du pillage des ressources du Congo, pour le Rwanda, la fin de la guerre signifierait donc la mort économique du pays. Appuyé par les Etats-Unis qui en ont fait le pivot de leur politique régionale, le Rwanda exploite avec habileté ce que certains ont appelé la « rente génocidaire » pour dépecer sans états d’âme la partie orientale du pays.

Question : Vous intitulez la partie dans laquelle vous traitez de la décolonisation : « Des guerres gagnées, des empires perdus », pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

Réponse : Parce que la parenthèse coloniale fut refermée sans affrontements majeurs, sans ces combats de grande intensité qui ravagèrent l’Indochine. En Afrique, les guérillas nationalistes ne furent jamais en mesure de l’emporter sur le terrain, pas plus en Algérie où les maquis de l’intérieur n’existaient quasiment plus en 1961, qu’au Kenya où les Britanniques avaient éradiqué les Mau Mau, ou encore que dans le domaine portugais -à l’exception de la Guinée Bissau-, où, et mes cartes le montrent bien, l’armée de Lisbonne était maîtresse du terrain. En Rhodésie, la pugnace et efficace petite armée de Salisbury avait réussi à tenir tête à une masse d’ennemis coalisés, massivement aidés par l’URSS et la Chine avant d’être trahie par l’Afrique du Sud qui pensa naïvement acheter son salut en abandonnant les Blancs de Rhodésie. Partout, la décolonisation fut un choix politique métropolitain ; elle ne fut nulle part imposée sur le terrain. Les combats de grande intensité apparurent après les indépendances, dans le cadre de la guerre froide, et je les décrits dans mon livre : Angola, South African Border War, Corne de l’Afrique, Congo etc.

Merci très vivement pour toutes ces précisions et plein succès pour votre ouvrage. A très bientôt.

 

 
 

mardi, 25 juin 2013

P. Scholl-Latour: “L’Occident s’allie avec Al-Qaeda”

“L’Occident s’allie avec Al-Qaeda”

Peter Scholl-Latour, le grand expert allemand sur le Proche et le Moyen Orient s’exprime sur la guerre civile syrienne, sur le rôle de l’Europe et des Etats-Unis, sur le programme nucléaire iranien qui suscite bien des controverses...

Entretien avec Peter Scholl-Latour

PSLatour.jpgQ.: En Syrie, l’armée vient de reprendre un bastion des rebelles, la ville de Qussayr et a enregistré d’autres succès encore. Ces victoires représentent-elles un tournant dans cette guerre civile atroce, cette fois favorable à Bechar El-Assad?

PSL: Jamais la situation n’a vraiment été critique pour le Président El-Assad, contrairement à ce qu’ont toujours affirmé nos médias. Il y a bien sûr des villages qui sont occupés par les rebelles; des frontières intérieures ont certes été formées au cours des événements mais on peut difficilement les tracer sur une carte avec précision. La Syrie ressemble dès lors à une peau de léopard. Aucun chef-lieu de province n’est tombé aux mains des rebelles, bien que bon nombre d’entre eux soient entourés de villages hostiles à El-Assad. Il est tout aussi faux d’affirmer que tous les Sunnites sont des adversaires d’El-Assad, et la chute d’une place forte stratégique aussi importante que Qussayr est bien entendu le fruit d’une coopération avec le Hizbollah libanais.

Q.: Le Liban sera-t-il encore plus impliqué dans la guerre civile syrienne qu’auparavant? 

PSL: Le Liban est profondément impliqué! Quand j’étais à Tripoli dans le Nord du pays, il y a trois ans, des coups de feu s’échangeaient déjà entre les quartiers alaouites et sunnites. La ville de Tripoli a toujours été considérée comme le principal bastion au Liban de l’islam rigoriste et, pour l’instant, on ne sait pas encore comment se positionneront vraiment les chrétiens. On peut cependant prévoir qu’ils en auront bien vite assez de la folie des rebelles syriens, dont le slogan est le suivant: “Les chrétiens à Beyrouth, les alaouites au cimetière!”.

Q.: L’UE vient encore de prolonger l’embargo sur les armes contre la Syrie, vu que l’Europe ne montre aucune unité diplomatique ou stratégique. Peut-on considérer cette posture comme un prise de position inutile de la part de l’UE?

PSL: Les Européens montrent une fois de plus une image lamentable, surtout les Français et les Anglais. Cette image lamentable, à mes yeux, se repère surtout dans la tentative maladroite des Français de prouver que le régime d’El-Assad utilise des gaz de combat, affirmation purement gratuite car il n’y a pas l’ombre d’une preuve. Cependant, les seuls qui auraient un intérêt à utiliser des gaz, même en proportions très limitées, sont les rebelles, car Obama a déclaré naguère que l’utilisation de telles armes chimiques constituerait le franchissement d’une “ligne rouge”, permettant à l’Occident d’intervenir.

Q.: L’Occident pourra-t-il encore intervenir, surtout les Etats-Unis, même sans utiliser de troupes terrestres et en imposant militairement une zone interdite aux avions d’El-Assad?

PSL: Les Américains ne sont pas prêts, pour le moment, à franchir ce pas parce qu’ils ne veulent pas s’impliquer encore davantage dans les conflits du Proche Orient et surtout parce qu’ils en ont assez du gâchis libyen. L’Occident a certes connu une forme de succès en Libye, en provoquant la chute de Khadhafi, mais le pays est plongé depuis lors dans un inextricable chaos dont ne perçoit pas la fin. En Cyrénaïque, plus précisément à Benghazi, où l’on a cru naïvement qu’un soulèvement pour la démocratie avait eu lieu, l’ambassadeur des Etats-Unis a été assassiné. On aurait parfaitement pu prévoir ce chaos car la Cyrénaïque a toujours été, dans l’histoire, la province libyenne la plus travaillée par l’islamisme radical.

On a cru tout aussi naïvement que des élections allaient amener au pouvoir un gouvernement modéré et pro-occidental, mais on n’a toujours rien vu arriver... Les luttes acharnées qui déchirent la Libye sont organisées par les diverses tribus qui ont chacune leurs visions religieuses propres.

Q.: L’Occident soutient les rebelles en Syrie tandis que la Russie se range derrière El-Assad. Peut-on en conclure que, vu les relations considérablement rafraîchies aujourd’hui entre l’Occident et la Russie, la guerre civile syrienne est une sorte de guerre russo-occidentale par partis syriens interposés?

PSL: Bien sûr qu’il s’agit d’une guerre par partis syriens interposés: les Russes se sont rangés derrière El-Assad, comme vous le dites, de même que l’Iran et le premier ministre irakien Nouri Al-Maliki. La frontière entre la Syrie et la Turquie est complètement ouverte, ce qui permet aux armes, aux volontaires anti-Assad et aux combattants d’Al Qaeda de passer en Syrie et de renforcer le camp des rebelles. De plus, en Turquie, on entraîne des combattants tchétchènes, ce qui me permet de dire que l’Occident s’est bel et bien allié à Al-Qaeda.

Q.: Quelles motivations poussent donc les Turcs? Sont-ils animés par un rêve de puissance alimenté par l’idéologie néo-ottomane?

PSL: Selon toute vraisemblance, de telles idées animent l’esprit du premier ministre turc Erdogan. Mais, depuis peu, des troubles secouent toute la Turquie, qu’il ne faut certes pas exagérer dans leur ampleur parce qu’Erdogan est bien installé au pouvoir, difficilement délogeable, ne peut être renversé. Mais les événements récents égratignent considérablement l’image de marque de la Turquie, telle qu’elle avait été concoctée pour le public européen, celle d’un pays à l’islam tolérant, exemple pour tout le monde musulman. Cette vision vient d’éclater comme une baudruche. Mais les véritables inspirateurs des rebelles syriens sont les Saoudiens, dont la doctrine wahhabite est précisément celle des talibans.

Q.: L’Autriche va retirer ses casques bleus du Golan. On peut dès lors se poser la question: la mission de l’ONU dans cette région pourra-t-elle se maintenir? Si la zone-tampon disparaît, ne peut-on pas craindre une guerre entre Israël et la Syrie?

PSL: Pour les Israéliens, ce serait stupide de déclencher une guerre, ce serait une erreur que personne ne comprendrait car depuis la fin de la guerre du Yom Kippour, il y a près de quarante ans, il n’y a pas eu le moindre incident sur la frontière du Golan. J’ai visité là-bas les casques bleus autrichiens et ils ne m’ont pas mentionné le moindre incident. Aujourd’hui toutefois les échanges de tirs ont commencé et les groupes islamistes extrémistes s’infiltrent; il vaut donc mieux que les Autrichiens, qui ont l’ordre de ne jamais tirer, se retirent au plus vite.

Q.: Mais alors une guerre entre Israéliens et Syriens devient possible...

PSL: Israël a une idée fixe: la grande menace viendrait de l’Iran, ce qui est une interprétation totalement erronée. Si les rebelles ont le dessus en Syrie, Israël aura affaire à des islamistes sunnites sur les hauteurs du Golan. Bien sûr, on me rétorquera que le Hizbollah chiite du Liban est, lui aussi, sur la frontière avec Israël, mais il faut savoir que le Hizbollah est une armée disciplinée. Sa doctrine est aussi beaucoup plus tolérante qu’on ne nous l’a dépeinte dans les médias occidentaux: par exemple, dans les régions tenues par le Hizbollah, il n’y a jamais eu de persécutions contre les chrétiens; les églises y sont ouvertes et les statues mariales y demeurent dressées. Toutes choses impensables en Arabie Saoudite, pays qui est un de nos chers alliés, auquel l’Allemagne ne cesse de fournir des chars de combat... Nous vivons à l’heure d’une hypocrisie totale.

Q.: Vous venez d’évoquer l’Iran: un changement de cap après les présidentielles est fort peu probable, surtout si la figure de proue religieuse demeure forte en la personne de Khamenei...

PSL: On a largement surestimé Ahmadinedjad. Il a certes dit quelques bêtises à propos d’Israël mais dans le monde arabe il y a bien d’autres hommes politiques qui ont dit rigoureusement la même chose, sans que les médias occidentaux n’aient jugé bon de lancer des campagnes d’hystérie. Certes, le zèle religieux est bien repérable chez les Chiites d’Iran et, dans les villes surtout, le nationalisme iranien est une force politique considérable. Si un conflit éclate, l’Iran n’est pas un adversaire qu’il s’agira de sous-estimer.

Q.: Le programme nucléaire iranien, si contesté, est aussi et surtout l’expression d’un nationalisme iranien...

PSL: On ne peut prédire si l’Iran se dotera d’un armement nucléaire ou non. Mais on peut émettre l’hypothèse qu’un jour l’Iran deviendra une puissance nucléaire. Cela ne veut pas dire que l’Iran lancera des armes atomiques contre ses voisins car Téhéran considèrera cet armement comme un atout dissuasif, comme tous les autres Etats qui en disposent. L’Iran, tout simplement, est un Etat entouré de voisins plus ou moins hostiles et aimerait disposer d’un armement atomique dissuasif.

Propos recueillis par Bernhard Tomaschitz.

(entretien paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°24/2013).

mardi, 18 juin 2013

D. Venner: Kein zweiter Faschismus

Kein zweiter Faschismus

Ein Interview mit Dominique Venner (2010)

Ex: http://www.sezession.de/

Dominique Venner ist Historiker, Schriftsteller und Chefredakteur der Pariser Zeitschrift Nouvelle Revue d’Histoire. Zuletzt erschien von ihm die Monographie Ernst Jünger. Un autre destin européen (Le Rocher, Monaco 2009). Zu seinen wichtigsten Buchveröffentlichungen zählen die Großessays Histoire et tradition des Européens (Le Rocher, Monaco 2002/2004) und Le Siècle de 1914 (Pygmalion, Paris 2006), in denen Venner die Grundlagen der europäischen Identität und die europäische Geschichte des 20. Jahrhunderts neu interpretiert. Zudem veröffentlichte er Le coeur rebelle (Belles Lettres, 1994), eine persönliche Reflexion über seine radikale Jugend, den Algerienkrieg, seine Haftzeit, die Bewegung »Europe Action« und die Ursprünge der »Nouvelle Droite«. Sein erstes zeitgeschichtliches Werk (Baltikum, 1974) befaßte sich mit den Freikorps. Die deutsche Ausgabe erschien unter dem Titel Söldner ohne Sold (Paul Neff Verlag, Wien 1974).

Kontakt: www.dominiquevenner.fr

dv-ej585234835.jpgSezession: Herr Venner, in Deutschland hat man nur eine recht vage Vorstellung von den Entwicklungen im Frankreich der fünfziger und sechziger Jahre. Welche Kräfte bestimmten das Schicksal Ihres Landes zwischen Dien Bien Phu und dem Ende der Algérie française?

Venner: Die »patriotische« Strömung im Denken und Handeln zur Zeit des Algerienkriegs läßt sich nicht isoliert von einer sehr viel breiteren historischen Bewegung betrachten. Um jene Epoche ebenso wie unsere eigene zu verstehen, muß man die europäische Geschichte des 20. Jahrhunderts deuten lernen. Bis 1914 vermochte eine »europäische Ordnung« Traditionen und Moderne zu versöhnen. Der Erste Weltkrieg zerstörte diese Ordnung, die von dynamischen Aristokratien errichtet worden war. Auf den Trümmern dieser Zivilisation spielten sich ab 1920 gewaltige sozialistische und nationalistische Revolutionen ab. Daß diese Revolutionen, der italienische Faschismus ebenso wie der Nationalsozialismus, scheiterten und einen neuen Weltkrieg und weitere Katastrophen auslösten, lag vor allem an ihrem aggressiven Nationalismus und der Brutalität, mit der sie gegen ihre Gegner vorgingen. Allmählich beginnt sich die Erkenntnis durchzusetzen, daß Europa zwischen 1914 und 1945 einen zweiten »Dreißigjährigen Krieg« erlebte. Er endete mit dem überwältigenden Sieg der USA und der Sowjetunion. Diese beiden Mächte teilten Europa zwischen sich auf und zwangen ihm ihre jeweilige Ideologie auf. Gebrochen von einem halben Jahrhundert erst des Gewaltwahns, dann des Schuldgefühls, ist Europa daraufhin in tiefen Schlaf gefallen. Die »patriotischen« und militärischen Bewegungen, die in Frankreich zwischen Dien Bien Phu (1954) und dem Ende des Algerienkriegs (1962) entstanden, lassen sich als instinktive Revolten gegen diese Erniedrigung Europas deuten, die in Frankreich durch die Dekolonisierung schmerzhaft spürbar wurde.

Sezession: Sie haben damals die Herausforderung gesucht. Mit zwanzig kämpften Sie in Algerien, um die französische Herrschaft dort zu verteidigen. Zu Zeiten des Budapester Volksaufstands kämpften Sie gegen die Kommunisten. Sie waren am Putsch der Generäle vom April 1961 beteiligt, dem Versuch, Staatspräsident Charles de Gaulle zu stürzen. Für Ihre Beteiligung am Kampf der Untergrundbewegung Organisation de l’ Armée Secrète (OAS) verbüßten Sie eine Gefängnisstrafe. Was war der Anstoß, daß Sie zu einem »rebellischen Herzen« wurden?


Venner: Ich hatte damals ein sehr ausgeprägtes Lebensgefühl. Gemeinsam mit einer Handvoll Kameraden bekämpfte ich das politische und intellektuelle Hundepack, das wir für unseren Niedergang verantwortlich machten. Unsere Ideen waren kurzlebig, unsere Instinkte aber tief. In tollkühnen Aktionen riskierten wir Kopf und Kragen. Dieses Engagement hatte wenig mit dem gemein, was man landläufig als »politisch« bezeichnet. Wir träumten weniger davon, eine »Partei« zu gründen als vielmehr einen mystisch-militärischen Orden. Unsere Vorbilder waren die spanischen Falangisten von 1936 oder ein Mann wie Oberst Nasser 1952.

Sezession: Wenn Sie von der damaligen Zeit sprechen, bezeichnen Sie sich selber als einen »Nationalisten«. Warum?


Venner: Wir nannten uns damals »nationalistisch «, um zuvorderst unsere Radikalität zu betonen und uns von der bürgerlichen Rechten abzugrenzen, die sich als »national« bezeichnete. Scherzeshalber pflegten wir zu sagen: »Der Nationale verhält sich zum Nationalisten wie das Rindfleisch zum Stier.« Zudem verstanden wir uns als europäische Nationalisten. Wir waren unserer Zeit voraus.

Sezession: Später verfaßten Sie eine »positive Kritik « des Nationalismus. Was hat sich verändert?


Venner: Das Manifest Pour une critique positive habe ich im Gefängnis geschrieben, Ende 1962, nachdem der Kampf für die französische Kolonialherrschaft in Algerien gescheitert war. Es entstand als Antwort auf die Herausforderung einer historischen Niederlage und wollte neue Denkansätze und Stoßrichtungen für den Kampf formulieren. Die Situation, in der wir uns heute befinden, ist eine radikal andere. Damals mußte alles wiederaufgebaut werden, ohne daß irgendeine Grundlage vorhanden gewesen wäre. Der kraftvolle Gestaltungswille der zwei Jahrzehnte zwischen 1920 und 1940 war durch den Sieg des Kommunismus und des amerikanischen Demokratismus gebrochen, zu schweigen von den antifaschistischen »Säuberungen«. Der Algerienkrieg bewirkte zwar eine patriotische Erneuerung, die jedoch, statt Impulse für ein neues Denken zu geben, große Verwirrung stiftete. Nach 1962 war unsere Ideenwelt dementsprechend verödet. Der Veröffentlichung von Pour une critique positive folgte 1963 die Gründung der Zeitschrift Europe Action, die sich in vielerlei Hinsicht spürbar auswirkte. Wenngleich Europe Action nicht alle in sie gesetzten Erwartungen erfüllen konnte, gelang es doch, Grundlagen zu schaffen. Dazu zählt die Öffnung des Nationalismus für die europäische Dimension, die Befreiung vom Christentum, die Fruchtbarmachung sämtlicher Forschungsergebnisse aus der Philosophie und Geschichtswissenschaft. Dies bildete die Vorlage für das spätere intellektuelle Wirken der Nouvelle Droite.

Sezession: Im Januar 2010 sind seit dem »Barrikadenputsch « in Algier genau fünfzig Jahre vergangen. Wie denken Sie heute über Ihren damaligen Hauptfeind: General de Gaulle?


Venner: Ich habe ein Buch über diese komplexe Figur geschrieben: De Gaulle. La grandeur ou le néant? (Le Rocher, Monaco 2004). Der Titel »De Gaulle. Die Größe oder das Nichts« unterstreicht die Ambivalenz seiner Persönlichkeit. De Gaulle verfügte über große politische Fähigkeiten. Er hätte sie zugunsten der europäischen Einigung und unserer Loslösung von den USA einsetzen können. Leider blieb er zeitlebens der Logik des antifaschistischen Bürgerkriegs verhaftet, auf die er in zwei Schicksalskämpfen gesetzt hatte: 1940/45 und erneut 1958/62. Das Ergebnis ist bekannt. Im Mai 1958 kam de Gaulle an die Macht zurück, getragen von einer breiten Bewegung der nationalen Erneuerung. Zehn Jahre später hatte er dieser Bewegung so sehr das Rückgrat gebrochen, daß ihr politisches Gegenteil triumphierte: der Geist vom Mai ’68, der heute noch dominant ist.

Sezession: Armin Mohler, der von 1953 bis 1960 als Korrespondent für Schweizer und deutsche Zeitungen in Paris arbeitete, schrieb 1958 in der Zeit, Frankreich sei das einzige Land, in dem der Faschismus eine »zweite Chance« hatte. Warum, glauben Sie, entwickelte sich aus dem Nationalismus, der OAS und den Bewegungen der pieds-noirs, der Algerienfranzosen, nie eine neue Form des Faschismus?


Venner: Aus soziologischer Sicht läßt sich die Existenz eines allgemeinen Phänomens namens »Faschismus« feststellen, einschließlich des freilich sehr anders gearteten deutschen Nationalsozialismus. Dabei handelt es sich um eine einmalige historische Erscheinungsform, die nur in einer bestimmten Epoche auftrat. Entgegen den Vorstellungen der Antifaschisten ist der Faschismus weder räumlich noch zeitlich übertragbar. Ohne den Ersten Weltkrieg, ohne den Tod der vormaligen europäischen Ordnung hätte es keinen Faschismus gegeben. Seine Entstehung verdankt er den verzweifelten Umständen sowie dem Aufkommen einer Ersatz-Elite innerhalb der Kriegsgeneration. Er ist im übrigen nur eine Reaktion auf die bolschewistische Bedrohung. Hinzu kommen die Auswirkungen eines verwundeten Nationalismus. Nach 1945 und der historischen Niederlage einer neuen, aus den »Stahlgewittern« hervorgegangenen Elite bestand niemals irgendeine Chance für einen anderen »Faschismus«. Eine Wiederkehr des Faschismus wird es genausowenig geben wie eine neue Reformation. Die Geschichte der großen Bewegungen wiederholt sich nicht. Wir leben längst in einer anderen Zeit, nämlich jener des Zusammenpralls der Zivilisationen und ihres Wiederauflebens – und nicht zu vergessen: Europas.

Sezession: Herr Venner, wir bedanken uns für das Gespräch.

Das Interview führte Karlheinz Weißmann

 


 

Article printed from Sezession im Netz: http://www.sezession.de

 

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[1] pdf der Druckfassung: http://par5.sezession.de/wp-content/uploads/2010/07/Venner_Kein-zweiter-Faschismus.pdf

[2] Image: http://www.sezession.de/heftseiten/heft-34-februar-2010

dimanche, 16 juin 2013

Romain Lecap: Manipulations médiatiques

Romain Lecap:

Manipulations médiatiques

vendredi, 14 juin 2013

M. Drac : Enjeux géopolitiques pour l'avenir

Entretien avec Michel Drac :

Enjeux géopolitiques pour l'avenir

jeudi, 13 juin 2013

Europe, Globalization and Metapolitics

 

Robert Steuckers:

Europe, Globalization and Metapolitics

Questions by Leonid Savin (April/May 2013)

Ex: http://www.geopolitca.ru/

Mr. Steuckers, we would like to start our interview by describing the current situation in the EU, especially in its North-West region. What could you tell us about it?

 
The situation in the Benelux-countries is what I could call a blind alley: the Netherlands, as a multicultural state —now with a majority of Catholics since only a couple of decades, a strong minority of Protestants including the Calvinists, who gave the nation its very birth in the 16th and 17th centuries, Atheists, who currently reject all forms of religious belief, and a Muslim minority within the predominently Moroccan and Turkish immigrant communities— is trying to reject vehemently Islam, as most immigrants don’t behave properly according to the Dutch standards and don’t represent at all a dignified Islam that would fit the general tendency of the Dutch people towards decency, fair play, respectability and gentleness. The Netherlands, due to the long dominating Calvinist elite, show currently a tendency to imitate the worst British or American models, even if Catholics, now a majority, incline to be more receptive to German or other Continental models, be they left-wing or right-wing. The islamophobic bias of the current leader of the PVV-party (“Liberty Party”), Geert Wilders, induce the Dutch government to follow the British and American foreign policy, although the positions of the former islamophobic political leader of the Netherlands, Pim Fortuyn, who was a Catholic homosexual and was assassinated by a pseudo-environmentalist thug, was against all Dutch intervention in the Balkan to crush the Serbians and pleaded for a complete withdrawal of the Dutch units that had been sent to Bosnia: this may have been the real reason for his assassination and not the lack of ecological positions in his programme or the quite agressive stances against Muslims he had taken in his political speeches and pamphlets. The Netherlands, although a model state in the current EU-crisis, as its financial status in the euro-zone seems to be perfectly sound, are nevertheless at risk because, exactly like Spain, they have a speculative bubble in real estate, that could explode at any moment.
 
One thing we should not forget abroad: the Netherlands, together with Flanders in Belgium, are constantly producing a huge amount of books on all levels of human sciences, on topics we are interested in, but that are unfortunately largely ignored in non Dutch-speaking areas, never translated and never quoted in scientific works, despite the fact that Dutch and Flemish intellectuals generally understand and read at least four languages and are therefore able to make remarkable synthesis.
 
Belgium is now another multicultural state, divided by a linguistic border separating two mainly Catholic communities, the Dutch-speaking Flemings and the French-speaking Walloons (there is also a small German-speaking community in the East of the country, alongside the German border). The Flemings have nowadays a stonger tendency, like the Dutch, to imitate Anglo-Saxon models while the Walloons are deeply influenced by French ways of thinking. The Germans are of course strongly influenced by German ideas and debates. These Low Countries are an incredible patchwork of ideas: you don’t find overthere large currents of ideas widely partaken within the population; on the contrary, you’ll find everything, left-wing or right-wing, sometimes expressed in very original ways but no social coherence deduced from this wide variety of ideas. Even within the main political parties (liberal, christian-democrats, socialists), tendencies are numerous among the leaders and the militants. The main trend is of course to accept the Western views within the frame that NATO is, although all the opposite elements are historically (Harmel) or currently (Collon) available to develop a strong critique of the NATO-ideology and praxis. Besides, people are not really interested in the operations launched in Iraq, Afghanistan, Libya or Syria. They don’t support the army sent overthere in these NATO-invaded countries (surely because the army is not a conscription army anymore), just as Pim Fortuyn wanted to withdraw Dutch troops from ex-Yugoslavia. I think personally, and I repeat it here, that this was most probably the main reason for his assassination and not the deliberate act of a crazy environmentalist activist; later, when the filmmaker Theo Van Gogh was murdered in Amsterdam by a Muslim fanatic because he had produced a short film allegedly criticizing presumed Islamic anti-feminism, the religious creeds of the assassin contributed to justify paradoxically the pro-NATO attitudes of Fortuyn’s successor in the Dutch populist ideological area, i. e. Geert Wilders, whose father was born in the Catholic province of Limburg near the German City of Aachen and whose mother is an Indian Hindu, most probably quite hostile to Muslims. The loyalty of the son towards his mother could explain some islamophobic BJP-like attitudes...
 
In the Low Countries, you can perceive a lot of isolated reactions against the System whereby the efforts of a Chomsky-inspired politologist like the ex-Maoist activist Michel Collon in French-speaking Belgium are the most notorious abroad. Belgium is nevertheless a fragilized country, even if the three Low Countries belong to the strongest economical powers within the EU. The effects of the crisis and the recession are palpable in Belgium now, as prices for food and first necessity products are a lot higher than in France and Germany, reducing drastically the common people’s purchasing power. Belgium maintains its relative stability only because of the giant customer-neighbour that is Germany, that buys goods in Belgium to produce other goods in Germany for the Russian and Chinese markets. So Germany, and by “translation” as a math teacher would say, Belgium and the Netherlands, are main partners of the most prominent Eurasian BRICS-countries, even if the NATO-oriented thrash-elite doesn’t want to be considered as such, despite the economical and commercial facts and figures. Thus “Little Belgium” shares a part of the German pie in Eurasia: in high commercial caucuses they are well aware of it and some cleverer minds dream of recuperating the positions Belgium had before 1914 in Russia (as Russia was the main commercial partner of Belgium between 1890 and 1914) and even in China, where many commercial missions are sent regularly. 
 
To conclude these short thoughts about the Low Countries, I would suggest Russian friends to create a small caucus for Dutch and Flemish studies in order to gather useful information that no one else would in the long run be able to take profit of.
 
- Austerity policies are now implemented in Southern Europe: how do you perceive them in the North-West? And what about the idea of a Pan-European solidarity or concert of nations in a crisis context?
 
You’ll probably know in Russia that the tragedy in Europe is that Northern people don’t have high consideration for their Southern neighbours and a political thinker such as Jean Thiriart, who remains a source of inspiration for me and for Prof. Dugin, deeply regretted it. Most people in Northern Europe say that we should force Spain, Greece, Portugal and Italy to accept these austerity policies but by thinking so they refuse to take the plain fact into consideration: the speculation of Wall Street banksters against the more fragile Southern European countries are speculations against the EU as a whole and an attempt to smash the euro as an alternative currency to the dollar, that some BRICS countries could have accepted as a mean to regulate international trade. The Atlanticist blindness prevent the EU-leaders to perceive these US-based banksters speculation as an extreme lethal weapon in the new non military types of warfare, just as spying European labs or engineering bureaus through the ECHELON-satellites system, just as exciting immigrants in French suburbs to start a guerilla warfare against the police to finally eliminate Chirac (who committed two main sins: developing further a French autonomous nuclear armament in 1995, according to De Gaulle’s vision, and having supported the idea of an Alliance between Paris, Berlin and Moscow during the British-American assault on Iraq in 2003) and replace him by a wacko politician such as Nicolas Sarkozy, who would some months later reintroduce France in the NATO High Command, just as sending “femens” trying to ridicule able politicians or archbishops, just as creating ex nihilo “orange revolutions”, etc. Indeed, as you suggest it, a wide and indefectible solidarity would be preferable in Europa than the current Southerner-bashing we are experimenting these days, especially as the three main peninsulas in the Mediterranean area are of the highest strategical importance and are potential springboards to invade the Centre and the North of the European subcontinent. One key idea would simply be to support the Southern European countries in a new policy consisting of refusing to pay banks back and to restart a new area, as they successfully did in Iceland. This would of course ruin all the dogmas of neo-liberalism. But is this not the ultimate aim of our struggle? 
 
The more or less official journal of the EU, “Europe’s World”, presents in its Spring 2013 issue two positions about the crisis, the one of Hans-Olaf Henkel, President of the Federation of German Industries (BDI), once an avowed advocate of the euro: he suggests now to create a “Northern euro” making an end to the promised Pan-European solidarity. Then the head of the European Institute at the London School of Economics, Paul De Grauwe, in the same issue of “Europe’s World”, pleads in favour of a “fiscal union” as that in the United States, even if the process of establishing it would take time, in order to avoid eurozone governments issuing debt in euros without being able to control the currency, what, according to De Grauwe, “prevents governments to give a guarantee to bondholders that the cash will always be available to pay them at maturity” (p. 28). Even if we have to be quite suspicious in front of all what the mainly neo-liberal London School of Economics theorizes, this strategy, suggested by De Grauwe, would reinforce European unity and avoid speculation against weaker countries. De Grauwe calls his suggested system the “pooling of eurozone governments’ debts” in order that “the weakest are protected from destructive movements of fear and panic that arise in the financial markets, and that in theory can hit any member country” (for instance, the Netherlands if the real estate bubble would give some banksters the opportunity to speculate against this otherwise financial “sound state”). Only this way could Europe become a full actor on the multipolar chessboard and be protected against the weapon of speculation that is a permanent risk when you remain glued in the Euro-Atlanticist realm where the “allies” aren’t allies anymore since the Clinton Doctrine described them as mere “alien audiences” that can be thrashed if there is somehow a fear in Washington that these “allies” could become very soon real competitors. 
 
Northern pride or not, learned and authorized voices in Germany predict a bad future for the economical superpower in the very Middle of the European subcontinent: both Conservative Count Christian von Krockow and Socialist Thilo Sarrazin enumerate the problems Germany has now to face: dereliction of the education system, which is now unable to generate the needed amount of technical or scientific elites, demographic downfall, ideological stalemate, refusal of the immigrants to assimilate or even to integrate, non manageable crisis of the Welfare State, etc. The crisis affecting Greece or Spain are only preludes to the big crisis that will hit whole Europe, including Germany, in the next decades, if a complete and total change of mind doesn’t occur. 
 
- Are economics a fate for Europe or is there a deeper base for a union (or a separation) of all European people?
 
Europa had of course to harmonize its economy after the Second World War, as the five or six gloomy years that followed 1945 were a disaster for our countries, a tragical derelict period in our history that an American or British historian, Keith Lowe, describes in a recent book; these were years of misery just as in the former Eastern Block and in the Soviet Union. Germany was a heap of ruins and France and Italy had been harshly hit too by carpet bombings (although to a lesser extent than Germany) and destructions due to military operations dotted both countries. We cannot deny a real European patriotism among the first architects of the European unification process (as Schuman, Adenauer and De Gasperi): their obvious aim was to make of Europe —this time through economical and not through military means— what Carl Schmitt would have called a “Greater Area” (a “Grossraum”). But due to a degenerative process induced by mass consumption and “sensate” materialistic attitudes (I use here the word “sensate” as it was coined by Pitirim Sorokin), out of which the May 68 ideology was the apex, partly due to the constant but silent efforts of former OSS-agent Herbert Marcuse, the staunch vision of a United Europe (or even of a “Eurafrica”) gave way to a kind of general capitulation, leaving the leadership of the Euro-Atlantic zone to the United States, a process that is about to be definitively achieved now when the Americans are trying to control the whole African continent through the recently set up AFRICOM-Command and so to get rid there of the Chinese first, who will be followed by the French now helping the Yankees in Mali! Sic transit gloria mundi! We can agree with many observers that the “sensate” mentality and the priority given to materialistic values have been deliberately induced by American think tanks who were and are transfering into practice the ideas of Sun Tsu, according to whom you have to weaken your potential ennemies or competitors by awakening among them a Sybarite mentality. 
 
If set down as the main and only possible motor to create a social system at narrow-national or wide-continental levels, economics induces by fatality, and as a practice banking on quantities and not rightly on qualities, a materialistic worldview that emerges and eliminates quickly all other values, as Julien Freund could demonstrate it, and gets rid of all ethical or historical sense of duty. Each form of triumphant materialism prompt people not to feel linked to their fellow countrymen anymore or instigates them not to respect religious ethical duties towards others, be they partaking the same beliefs as they do or, as Christian or Tolstoian ethics lays it, be they simply human beings who should be respected as such with no other consideration. It is in this sense of abandoning all national-political or religious links that Arthur Moeller van den Bruck, who together with his wife Lucy Kerrick, translated Dostoievski into German, said that after only some decades of liberalism (i. e. The “sensate” materialistic ideology of what the Russian economist and sociologist Sergej Nikolaievich Bulgakov —1871-1944— called “bourgeoisnost”, a neologism aiming at defining the utilitarian ideology of British liberalism) a people simply dies as a genuine value-born community and become a heap of scattered individuals, as we have now in our countries. Europe should have first be unified by means of a common “culture”, by a common educational system, and, in a second step, we would have coined a common constitutional and civil law system, respecting ethnic and linguistic communities (“real communities”) throughout the subcontinent. So all the prerogatives of the Indo-European “First Function”, according to the French academician Georges Dumezil, would have been set down as a very first frame for a future unification process. Later, the “Second Function” should have been established by constituting an autonomous military system, not depending on the NATO structures (as it was fully juridically possible in each Western European country), including a European production network for modern weapons in order not to depend from abroad for military supplies. Only after having created a general culture, education, law and defence frame, we could have thought of various unification processes on economical levels. The first think you have to do is to design the frame for all non materialistic values, which would be the real backbone of the genuine “ideational” (Sorokin) civilisation you want to promote, except perhaps in the European context in the late Forties and in the beginning of the Fifties, where urgently needed attempts to unify the subcontinent on economical level were reduced to the essential and the minimum, i. e. the coal and steel industry (EGKS/CECA).
 
- After the Second World War, the United States got a very strong influence on Western Europe, that was subsequently transformed into a junior partner in a Euro-Atlantic political community with so-called “shared values”. How does “Euro-Atlanticism” works nowadays in Europe?
 
The process of linking Western Europe, and now all the former COMECON-countries, to the United States has been long and quite complicated to understand it in all its aspects (and to explain them in a short interview) but one can say without any hesitation that it has never been studied systematically till yet. Let’s say, to put it in a nutshell, that the first attempt of the United States to colonize mentally the Europeans (their most dangerous potential foes) was to submerge the European cinematographic industry in the ocean of Hollywood productions. The battle was thus “metapolitical”. Hollywood was supposed to replace entirely the European film industry. France, that had already developed a good film producing industry before 1939, was positively blackmailed by the Americans in 1948: if the French cinemas didn’t take at least 80% of Hollywood productions to be broadcast everywhere in France, the country wouldn’t benefit from the money of the Marshall Plan, at a crucial moment of postwar French history, when riots and strikes were paralysing the country, when food supplies in big cities were undergoing scarcity, so that we can now blankly ask the question: weren’t the Communists, who organized the strikes and were supposed to operate for the benefit of Moscow, not performing the job the American secret services wanted actually to be done, in order to force France to accept the American “diktat” to give money if the movies were alone productions of Hollywood? In the Fifties, the Social-Democrats were the main secret allies of the Americans, as a result that they were chosen as partners by the American Democrats around Franklin Delano Roosevelt, whose New Deal policy in the Thirties became a model for socialists throughout the European subcontinent. The metapolitical influence of socialism and social-democracy in Europe has as result that American Democrats are always prefered in Europe than Republicans: remember Kennedy, Clinton (who waged more wars than his Republican predecessors Reagan or Bush Senior), Obama (who’s continuing Bush Junior’s wars and replacing troops by drones, causing even more numerous casualties in Afghanistan and Pakistan...). I would like to take the opportunity to evoke here two important books to understand the mechanisms of Europe’s colonization by the United States: 
- Richard F. Kuisel, Seducing the French – The Dilemma of Americanization, University of California Press, Berkeley/Los Angeles, 1993;
- Reinhold Wagnleitner, Coca-Colonization and the Cold War – The Cultural Mission of the United States in Austria after the Second World War, The University of North Carolina Press, Chapel Hill, 1994.
 
But the strategies developed in the European countries didn’t work properly: France under De Gaulle left NATO and asserted an original diplomacy throughout the world, partly along the lines defined by the Non-Aligned as suggested by De Gaulle’s famous declaration in Pnonh Penh (Cambodia) in 1966. This new French diplomacy, supported by able ministers like Couve de Murville and Jobert, was also backed by the high technological development of French aeronautics industry, producing among others the famous Mirage III fighters, that gave Israel the victory in June 1967. These planes were sold everywhere in the world and were serious competitors to American equals. Germany, despite its total destruction in 1945 and the millions of men who were prisoners of war in Europe (one million alone for France!), in the Soviet Union and in America could recover completely, in particular due to the courage of the women who helped rebuild the towns, the so-called “Trummerfrauen” or “Ruins ladies”, and could start the real economical wonder at the end of the Fifties, what aroused admiration even among former anti-Fascists. Germany had and still has a weak point: it has no aeronautics industry anymore but a well-developed automobile industry, perhaps the best in the world. The United States lost a lot of parts on the car markets in Europe due to the renewal of the celebrated German car brands: even American consumers started to buy German Volkswagen, Mercedes or BMW, just as Chinese or Russian new rich do nowadays. So the United States, once favorable to the European unification process, in order to get a huge market for their own products, began to reject secretely Europe as a unified economical block and to organize a commercial war against a lot of products like Camembert or Gruyere cheese, bananas from the French islands in the Caribbean Sea etc. European high technology companies, such as a German one producing solar panels, were spied by the ECHELON-Satellites; some former COMECON-countries were invited to join the EU and the NATO, so that the Europeans would pay endlessly for the constitution of a new military block aiming at “containing” Russia. The Europeans were to pay to sustain the weak countries and the Americans were taking the strategic benefits of the new situation without giving out a single penny. The last act of war is of course the speculation against the weaker economies of Southern Europe, in order to strike the “weak Mediterranean” belly of the subcontinent officially described as an ally but actually treated as a foe. 
 
According to geopolitican Robert Strauss-Hupe, who was formerly a collaborator of General Karl Haushofer’s “Journal of Geopolitics” (“Zeitschrift fur Geopolitik”) in his native Germany but had to leave the Reich after Hitler’s arrival to power because he was partly Jewish or had a Jewish wife and had to settle in America where he became an adviser of the US war machine, Europe and Germany in its middle part will always be potentially stronger than the United States for several reasons, among which he counted the excellence of the education systems and the “racial homogeneity”. The May 68 plots, coined by former OSS-officers like Herbert Marcuse (another German emigre) and many others, managed to destroy or at least to handicap seriously the European education systems. The importation of immigrants, having not benefited from a serious level of education in their own derelict countries, aimed at paralysing the social security systems and at compelling the European States to devote incredibly huge budgets to help these new masses of jobless people to survive in everyday life instead of creating for instance a good military or aeronautics industry. Second purpose of mass immigration is to be able to manipulate these masses in order to create severe civilian disorder in countries that could, for one reason or another, loose the links that bond them to America: this was said frankly by a former US ambassador in Paris, Charles Rivkin (that we shouldn’t confuse with the economist Jeremy Rivkin), who started a policy of supporting leaders of agressive youth gangs in the Parisian suburbs and promising them American and Saoudi or Qatari support. The riots that set ablaze the Parisian suburbs in November 2005 were a revenge of the US neo-conservatives aiming at chasing “disloyal Chirac” from power and to replace him by the man who took away a maximum of votes from Chirac’s RPR/UMP and from Le Pen’s “Front National”, i. e. Nicolas Sarkozy, by promising the French to “karcherize the banlieues” and to eliminate the “racaille” (the riffraff) (a “Karcher” is a brand derived noun, as Karcher-machines are used to remove the dust or the filth from houses’ walls by using an extreme powerful water spray). Nothing of that sort was obviously ever done but Sarkozy came to power and brought France back in the NATO and waged a war against Libya, so that the Congress in Washington hadn’t to vote war credits... The 2005 Parisian riots were used to promote an obscure suburb politician, who uttered a strong agressive and hysterical language to gather votes in order to change radically the Gaullist political orientations of his country in favour of the American world strategy. Objective observers can so see what can be the useful purpose of jobless masses in “alien audiences” (Bill Clinton), that are perhaps “allies” but should sometimes be thrashed. 
 
American influence is consolidated by several musical fashions and modes and through media agencies that always convey the US interpretation of world events. In France, the best exemple is furnished by the so-called “nouveaux philosophes”. This bunch of jabbering nonsense and humbug producers is determining the agenda of French politics since the end of the Seventies. The figurehead of the bunch is undoubtedly Bernard-Henry Levy (BHL), who has indirectly —with a leftist or pseudo-theological or pseudo-republican (French style) “wind language” (this expression was coined by Regis Debray)— supported all the American or Israeli moves on the international chessboard, depicting all the ennemies of America as if they all were dangerous Fascists, venomous dictators or backward populists, nationalists or paleo-communists. In France, BHL lead a systematic campaign against all possible challengers in domestic politics and not only against the nationalists around Le Pen. So the “shared values” of the so-called “Atlantic Community of Values” are now a mix of conservative Atlanticists (when some naive Catholics or Protestants believe that Washington is a kind of new protecting and benevolent Rome, as an otherwise interesting student of late Carl Schmitt, Erich Voegelin, who migrated to the United States during Hitler’s time, theorized), of Socialists of all kinds linked to the American Democrats in the Rooseveltian tradition, Manchesterian liberals who believe religiously in the credos coined by Adams Smith’s heirs, left-wing liberals a la Cohn-Bendit whose endeavours to promote the dissoluting anti-values of May 68 in order to weaken permanently Europe for the benefit of the United States, recycled Trotskites who replace the former Bolshevik notion of “permanent revolution” by the the actual practice of “permanent war” on Brzezinski” Eurasian chessboard (see the polemic books and articles of Robert Kagan), a permanent war around the territory of Afghanistan aiming at containing and destroying Russia, perceived as the heir power of the Czars and of Stalin. These are of course the “anti-values”, the values of “Non Being” as Jean Parvulesco polemically called them, against which my friends and I have struggled since the very beginning of our public activities. They are indeed “non being” values as it is impossible to build a lasting state or empire banking on them (for instance Parvulesco’s vision of an “End of time’s Eurasian Empire”). BHL endeavours have as main and only purpose to prevent the return of real political values, such as the ones Carl Schmitt and Julien Freund (among many others) illustrated in their precious works.
 
- Do you feel more “freedom” in Europe after Obama announced the emergence of a US “Pacific Axis”?
 
No. Not really. But maybe we can say that constant pressure is not needed anymore in Western Europe now because our countries are politically dead after so many decades of “liberalism” as Arthur Moeller van den Bruck would have said. It is also true that after the tragical and awful events in Libya in 2011-2012, where BHL was Sarkozy’s adviser instead of the French army’s generals (!), the figurehead of the “nouveaux philosophes” has lost a good deal of his impact on public opinion. The Lybian affair caused among other changes in French domestic politics the fall of Sarkozy who betrayed De Gaulle’s vision of international politics, in which France should have played an independant role in front of the orther superpowers. One of the last flops BHL committed in April 2012 was to describe Algeria —which is now simultaneously courted by the United States to join an informal “Southern NATO” around US main ally Morrocco and threatened like Syria is for keeping the militarized FLN in power since the independance of the country in 1962— not as an Arab and Muslim country but as a Jewish and French country! This vicious attack is emblematic in a certain way as Algeria wanted to be an Arab, Panarabian and Arab nationalist country within the community of Arab countries, despite the fact that most of the Algerians are of Berber/Capsian stock. The Arab reference of the Algerian nationalists, who spoke in the Sixties a dialect quite different from the classical Arabic language, was to take the new independant country out of isolation, to participate to a wider range of non aligned nations and to be close to the Nasserite form of the Panarabian ideal. Although a very interesting political figure as the former Algerian President Houari Boumediene remained a purely political thinker who could generate a team of very able diplomats in the Seventies and Eighties (before the terrible civil war of the “Blood Decade” from 1992 to 2003). These diplmats could for instance solve the problems between Iran and Iraq in 1975, when the circulation of oil vessels could be pacifically regulated in the Chatt-el-Arab part of the Gulf. Iran was represented by the Shah and Iraq by Saddam Hussein. Mohammed Sahnoun, adviser of President Chadli (Boumediene’s successor), was the head of a geopolitcal school in Algeria and lead the diplomatic mission to solve the problems in the Grand Lakes area in Africa. Sahnoun pleaded for an Euro-African alliance aiming at keeping the United States out of the Black Continent, especially out of the Horn of Africa, a region which is a strategic bridgehead to the Indian Ocean, described by Mackinder’s heir as the “Heart Sea” in front of Russia as the “Heart Land”. Still more interesting, Sahnoun theorized in a positive way the pacific and cooperative juxtaposition on the international chessboard of “cultures”, that would have to come back to their roots and abandon the false seductions of mean modern ideologies. Sahnoun is the real antidote to the conflict arousing perspective of late Samuel Huntington, who perceived the cultures as automatically antagonist. His ideas find an echo in the works of his Japanese alter ego, Moriyuki Motono, adviser of former Prime Minister Nakasone, who also pleaded for a pacific juxtaposition of “cultural areas” but having this time neighbouring “intersection areas” which would help neighbours to understand each other better, simply because they have in their spiritual heritage values shared by both neighbouring cultures. 
 
Boumediene had been a student of Arab literature and was surely a pious Muslim but he never used religion as an emblem of his “Algerian specific socialism”. When BHL says that Algeria is neither a Muslim country, he attacks also the Salafists of the wide range of Muslim-oriented political forces in Algeria. To say that Algeria is both Jewish and French means that Algeria is unable to help itself and needs a recolonization by the Jews and French, who were expelled in 1962. BHL added that in the short run Algeria will be undergoing an “Arab Spring” like Libya and Syria. This is of course a clear threat to an independant country which has already experimented a civil war that caused hundreds of thousands of casualities. But this has been too much: BHL isn’t taken seriously anymore. Even the Belgian daily paper “Le Soir” (25th April 2013) titled “la Syrie ne fait plus recette” (“Syria doesn’t bring cash anymore”), deploring that initiatives to raise money for the Syrian rebels in Belgium isn’t a success. So the whole ideology that BHL and his chums are trying to impose with a good dose of forcefulness loses currently all impact: people aren’t interested anymore. 
 
This attack against Algeria brings me directly back to your question: the purpose of the Atlanticists is to include Algeria in a kind of “Southern NATO” by giving the former Spanish Sahara to Morrocco and give Mauretania as a kind of newly designed colony to an officially anti-colonialist Algeria, so that Algeria could get its geopolitical dream fulfilled by being simultaneously a Mediterranean and an Atlantic power. The problem is that the distance between de Mediterranean and the first parts of the Mauretanian Atlantic shore is incredbly long: more than three thousand kilometers of sand desert, with poor communications by road or railway and so without any economical utility and permanently under the threat of the Morroccan army, which can at any time withdraw in the Atlas mountains and strike back at will. The gift suggested is not a real gift. The US goal is to control the whole former French West Africa, from Dakar in Senegal to Somalia, Djibuti included, in order to protect the exploitation of oil fields in Nigeria, Camerun and Chad and to prevent the Chinese to be the leading exploiting power in Black Africa. So your question asking if Europeans feel more “safe” or “free” since Obama decided to give priority to a Pacific Axis can be obviously answered negatively as the containment of China in the Pacific implies a US presence in Africa and the creation of a “Southern NATO” being an annex of a general AFRICOM-bolt that would encircle completely Europe on its meridional flank. If China loses its African positions, it will be considerably weakened and unable to order as many goods as nowadays in Europe. Germany would also be weakened and Belgium risks to be in the same situation as Greece or Spain, as its public debt is quite high, especially since the compelled taking over of two bankrupt banks after 2008 (Fortis and Dexia/Belfius): the planned crumbling down of the eurozone would be brought to an end and the “Northern euro” would only be a dream of paleo-nationalists in Germany and Northern Europe. One must not forget that Belgium and especially the Walloon coal-and-steel areas were hit by the Iranian Islamic revolution that prevented the consolidation of the nuclear power and steel industry cooperation that the Shah started with France, Germany and Belgium. The so-called Islamic revolution in Iran had for us all severe consequences so that, even if we refused all forms of agression against present-day Iran and if we respect the positions of President Ahmadinedjad on the Eurasian chessboard and in Latin America (when he cooperated with Chavez), we don’t share some views of yours and of former ex-Maoist journalist Michel Collon about the history of Iran before the Islamic revolution of 1978-79. We don’t forget that the same “nouveaux philosophes” and Trotskites, who preached against the Shah in the streets of Paris, Brussels and Berlin in 1977-78, are now trying to excite people against Ahmadinedjad, exactly as they did against Milosevic, Putin, Lukachenko, Khadafi and others! The purpose is to prevent all cooperation between Europe and Iran, be the regime overthere Imperial or Islamic; therefore we defend the positions of the Shah in the Seventies and we support all initiatives trying to prevent a useless and criminal war against Ahmadinedjad’s Iran.
 
Obama’s Pacific Axis has thus effects on the Southern flank of Europe. Wherever they strike, they hit us all. Hitting China in Africa means hitting Europe here and there too. 
 
-What do you think about EU-outsiders such as Turkey, Serbia and some ex-Soviet countries like Moldova, Belarus and Ukraine?
 
Turkey is a tremendously interesting country to study and it fascinates me since two memorable periods in my life: 1) the long trip our Latin and Philosophy teachers organized for us to Turkey in the Summer of 1972; 2) My subsequent reading of Arnold Toynbee’s pages on Bythinia, the Byzantine Empire and the Ottoman Byzantine strategy; according to Toynbee, who was a “byzantologist”, the power that dominates the small narrow former Roman province of Bythinia and the neighbouring Bosphorus area is able to expend in all directions, i. e. the Black Sea, the Balkan, Caucasus, Syria, Egypt and Northern Africa and even beyond if enough material and human means are available. It’s maybe therefore that the American strategist Edward Luttwak has recently written a book about the Byzantine strategy, which aimed, when the Byzantine Empire was still a powerful commonwealth, at controlling all the former areas of the first Roman Empire exactly like the Ottomans will later try to expend alongside the same geostrategical lines. The Ottomans couldn’t perform the task: their sea power was fragilized after the battle of Lepanto (1571) and the definitive blowback was a fact after they failed to take the City of Vienna in 1683. After the terrible defeat in front of Vienna’s walls, their decay period started, even if they could maintain their grip on the Balkans, Syria, Palestina, Iraq and Egypt till the Russian-Turkish war of 1877-78, the Balkan uprisings of 1912-13 and the defeat of 1918. In the eyes of their leader Mustafa Kemal Ataturk, the Islamic-Ottoman option had been brought to an end and the remaining Turkish state had to follow other paths. It should first get rid of the Islamic past and find a new identity that according to Ataturk himself should be a Hittite identity (he therefore opened an archeological museum in Ankara). By choosing a Hittite identity, Ataturk intended to identify his country, reduced to the Anatolian part of the former Ottoman Empire and bereft of all the Iraqi oil fields, with an Indo-European people that came from Europe to conquer Anatolia, where it left an astonishing civilisation, and induced geostrategical lines that were taken over by the Romans and the Crusaders marching towards Syria and Mesopotamia. The Hittite rage didn’t last long in modern Turkey and was replaced in the political mythology of the anti-islamic military elite by Panturkism or Panturanism, aiming at assembling all Turkish-speaking people in one giant state from the Egean to China. This Panturkic ideology was resolutely anti-Soviet as the main Turkish-speaking area the Panturkists wanted to acquire were in Soviet hands in Central Asia. In 1942, when the Germans could have taken Stalingrad and cut in their very middle the supply routes the Americans had created in Iran by organizing the Paniranian railways and in the Northern Atlantic from New York to Murmansk by organizing huge convoys of “Liberty ships” bringing ammunitions and material to the Soviet Army, Turkish officers around Staff-Chief General Cakmak proposed in Berlin to invade the Caucasus but their scheme was so abstruse that the Germans didn’t want this suggested alliance implying the emergence of an even more dangerous super-state in the East. 
 
Erdogan has inaugurated a new era in Turkish politics as he rejects officially the non religious Hittite and Panturanic/Panturkic projects in favour of a renewed Ottoman-Islamic scheme. His aim is to crush the former military elite and to replace it by a new pious “bourgeoisie” that thrived economically in the new developing area in the South-East part of present-day Turkey. We cannot meddle in the domestic affairs of Turkey and dictate the Turks in which way they should think. So be the official ideology Kemalist or Neo-Ottoman/Islamic, we don’t care and simply hear and listen to what Turkish politicians say. But when Erdogan comes to Germany or Belgium and urges Turkish people living in our countries not to assimilate (which I can understand because Europe lives now in a dangerous and deleterious period of decay) and to form a kind of “Fifth Column” in a Europa that they will in the end control and bereave of its identity, we cannot agree. We disagree too with the Syrian policy that Erdogan followed in supporting the Western- and Qatari-backed rebels against the Baath regime of Bechar El-Assad. It would have been better if Turkey had followed its initial policy of friendly relationships with Syria before the fatidic visit of Erdogan and Gul in Damascus in August 2011, when they tried to impose ministers of the rebellious “Muslim Brotherhood” in a next hypothetical Syrian government. The links that the present-day Turkish president has in the bank world of the Gulf Emirates and most probably of Qatar are of course another problem, that can jeopardize fruitful future relations with Europe and Russia. Erdogan’s Minister of Foreign Affairs, Ahmet Davutoglu, nicknamed the “Hoca”, the “Professor”, in Turkey, wanted to develop a neo-Ottoman foreign policy, which we could have accepted in its first version, as it wanted “zero problems on our borders” and started the first positive policy towards Syria, Iran, Libya and other powers in the Near- and Middle-East. But this orientation has had no future, unfortunately. Of course from a European, Austrian, Panorthodox and Russian point of view, we cannot accept the expansion of a neo-Ottoman scheme in the Balkan, that would be backed by the United States, Saudi Arabia, Qatar and the so-called Islamic finance, from which apparently Gul proceeds. Even if Prof. Dugin and his Italian friend Claudio Mutti were deeply influenced by Leontiev’s ideas, which prefered an Ottoman domination in the Balkan than the juxtaposition of false Orthodox mini-powers strongly influenced by modern Western ideas, things have changed in the second half of the 20th century and it is of course now better for all of us to support in the Balkan Croatian or Serbian geopolitics. 
 
This brings us to Serbia. This country is the “core area” of the Balkan. Even if Germans had a general tendency to support Croatia in the Nineties instead of Serbia, the Austrian geopolitician Baron Jordis von Lohausen supported Serbia at the end of his life and even evoked an Axis “Vienna-Belgrado” to link Danubian Europe to the Egean by the shortest river and land roads. Croatia has a different perspective on geopolitics: its geopolitical lines are Adriatic-Mediterranean and the only conflict with Serbia was about a “window” on the Danube river at Vukovar where fierce fights opposed Croatian troops to the Serbian Army. In 1995, the Croatian Army conquered the Kraina region, which was peopled by Serbian villagers but was a strategic balcony threatening Dalmatia’s harbours which were formerly Croatian-Venetian. The dramas of Vukovar and the Kraina have certainly left a huge amount of bitterness in former Yugoslavia but the core area that Serbia is has not been so dangerously threatened as it was later by the Kosovar independance movement lead by the Albanian-speaking UCK-militia. Kosovo was till the Ottoman invasion in the 14th century a pure Serbian province, in which the tragical battle of the “Blackbirds’ Field” took place and in which the oldest Orthodox monastries stood. The independance of Kosovo is certainly the oddest mutilation of Serbian territory that we have to deplore. As you perhaps know, I am and was a friend of both Tomislav Sunic, the Croatian thinker, and of late Dragos Kalajic, the Serbian painter and traditional philosopher who published the Serbian version of the magazine “Elementy”. I am also a friend of Jure Vujic, the Croatian geopolitician and political scientist who recently published a book on Atlanticism and Eurasianism, for which I wrote a foreword: you have commented this book and my introduction on one of your websites. Sunic, Vujic and Kalajic were speakers at our Euro-Synergies’ Summer Courses in France, Italy and Germany. Sunic has written a book on the American Evil in Croatian and so did Kalajic (“Amerikanski Zlo”) in Serbian. In 1999, together with Laurent Ozon in France, I opposed the NATO-intervention against Yugoslavia and I spoke with Kalajic and his Italian friend Archimede Bontempi in Milano, together with the Mayor of the City, to explain how the war against Serbia was a war against Europe, which purpose it was to block all river traffic on the Danube and to destroy for long all developments in the Adriatic Sea, where NATO-fighters dropped their extra bombs in the sea, killing Italian fishermen. We dispatched the texts of the gallant American senator of Serbian origin, Bob Djurdjevic and, on their side, the left-wing Professors Michel Collon and Jean Bricmont did the same: Collon remembers this all around dispatching of counter-information on Serbia as the first resistance action on the internet in a recent speech he held in Brussels and Bricmont was even savagely beaten up by the thugs of the Brussels police and thrown an all night in a dirty cell because he stood in front of the NATO-buildings in the Belgian capital, just as some years later the Italian member of European Parliament and former Justice Secretary of State Mario Borghezio, who had opposed the bombings of Belgrado too, got also —even if he is an elderly man— a hiding with truncheons by the same scum and thrown in a cell: the Italian Embassy had to send officers to order the Belgian government to let him immediately free. 
 
Kosovo is the central part of what Kalajic called the “Islamic chain of States” that Americans and Saudis intended to install in the Balkan in order to bolt the landway between Central Europe and the Eastern Mediterranean, leaving Greece isolated and weakening all possible allies of Russia in this area. Kosovo will shelter the hugest military base of the United States in Europe, the “Camp Bondsteele”, that was built by Halliburton and where a substantial part of the US garrisons of Germany will move to. The purpose of this policy could have been read in Sir Nigel Bagnall’s book about the “Illyrians operations” of the Romans between 229 and 227 B.C. and between 215 and 205 B.C. In these historical studies by the former Chief of the British General Staff, the importance of the central areas of the Balkan are duly stressed: the book has been written in 1990 and its German translation dates back 1995, just four years before the bombings started in Serbia (Sir Nigel Bagnall, Rome und Karthago – Der Kampf ums Mittelemeer, Siedler, Berlin, 1995). A control of this central Kosovar-Serbian part of the Balkan allows every superpower to threaten or control Italy and to benefit from a springboard towards Anatolia and further East, exactly like the Ancient Macedonians did at the time of Alexander the Great at the eve of his invasion of the Persian Empire. The Ottomans, once they could control the same areas in the 14th century, became a permanent threat for Italy, Central Europe and the Black Sea (Pontic) area. So an intact Serbia could have been the territory that would have united Central Europe (Austria’s imperial heritage) and Russia (in a Panorthodox perspective) in the struggle to repel all foreign powers out of the Balkans, the Eastern Mediterranean, the Adriatic Sea and the Pontic area. 
 
Now the EU and the United States are trying to blackmail Serbia, promising a rapid membership in the EU if Serbia recognizes Kosovo as an independant state. I hope Serbia is not going to abandon its traditional position and still will consider Kosovo as a lost province that will one day be Serbian again. 
 
If we hear almost nothing about Moldova here in Western Europe, Belarus is described in our mainstream media as a clownish dictatorship of paleo-communist bigots. Belarus is nevertheless the central part of the North-South “Baltic/Pontic” line. There are three such North-South lines in Europe: 1) the Rhine/Rhone line linking by landways the North Sea to the Mediterranean; 2) the Baltic/Adriatic line from Stettin or Gdansk/Dantzig to Trieste in Italy or Pula in Croatia; this area will in the short run be linked by a direct railway track linking Dantzig to Ravenna in Northern Italy, a City that was the capital of the Ostrogothic Kingdom in Italy, which was conquered by the Byzantine General Belisarius in 536. In the Middle Ages, King Ottokar II Przmysl (1253-1278) of Bohemia wanted to create a realm linking the Baltic Sea to the Adriatic: the future rapid railway track between Gdansk/Dantzig and Ravenna will fulfill his dream; 3) the Baltic/Pontic line has never been united except perhaps by the Goths at the eve of the Hun invasion of Central Europe and the Roman Empire; therefore this line is sometimes called the “Gothic Axis”. The Polish-Lithuanian state was an attempt to restore this Axis under the Baltic-Slavonic Jagellon dynasty but the project failed due to the Ottoman conquest of the present-day Ukrainian territories beyond Odessa and of the Crimean peninsula. In the 18th century, the Empress of Russia Catherine dreamt together with the German philosopher Johann Gottfried Herder to create in this space between Lithuania and Crimea a realm that would be a new Germanic-Baltic-Slavonic Hellas, on the model of Ancient Greece. New enlightened societies would have been created in this area separating Western and Central Europe from Russia, that is simultaneously an “intersection area” according to the Japanese “culturalist” philosopher Moriyuki Motono (cf. supra), who perceives “intersection areas” as unifying factors and not as dividing forces. The very importance of Belarus, as the central part of this potential “intersection area” and of the “Baltic/Pontic” line should prevent the European medias to bash constantly Belarus and its President Lukatshenko and find instead all possible positive approaches of the Belarussian factor. 
 
At the time of the so-called “Orange revolution” (2004-2005), we could have feared that the Ukrainian state would have joined the NATO and have isolated the Crimean Navy base of the Russian Black Sea Fleet, which was one of the purposes Zbigniew Brzezinski hoped to achieve. For Brzezinski the fall of the Ukraine would have meant the total and complete achievement of his long elaborated strategy, as it would have weakened Russia definitively and made of the Black Sea an American-Turkish lake. Due to the victory of the anti-orange party in Kiev and Kharkov, Brzezinski’s project is doomed to be a failure, what he has recognized himself by saying that his long hammered policy of destroying Russia, by supporting the Mujahiddin in Afghanistan, the secessionist forces in the Muslim Republics of the former Soviet Union and the Ukrainian nationalists couldn’t be carried out in due time and that the United States had now to change strategy and try to ally with Russia in order to create a “Northern Hemisphere” Big Alliance with Northern America, Europe, Russia and Turkey (see one of his last books “Strategic Vision”, published in the United States in March 2012). 
 
- Do you think that some of these countries could possibly join the NATO or the EU for political reasons, like Rumania and Bulgaria did at the time of the so-called NATO-enlargement? 
 
Turkey is already a NATO-member and among the most important ones due to the old strategic position its territory occupies between the Black Sea, the Balkan, the Syrian area, the Eastern Mediterranean and Egypt. But there is absolutely no necessity for new countries to join the NATO as this Atlantic Alliance had been set up in the time when communism was still a quite virulent ideology that allegedly wanted to export a “world revolution” and put the rest of the world ablaze. This ideology doesn’t exist anymore, except in the form of “trotskism” now skillfully disguised in neo-conservatism as “permanent revolution” (Trotsky) has become “permanent war” (Kagan): the real “communist danger” nowadays is America as a trostskite/neo-con superpower, even more virulent than the Soviet Union ever was. And even in the last years of the “Cold War”, the American grip on Europe became tighter, after the “century’s market” which imposed American fighters in all the air forces of Western Europe instead of the French Mirage or the Swedish Viggen fighter or a new fighter having been produced by a joint Swedish-French venture. This incident proved that our political elite was rotten and corrupted and that they were not conscious of the treason they committed and, subsequently that we were not free and constantly betrayed by degenerated politicians; all that induced us to reject NATO as an enslaving organisation (slaves are not entitled to carry weapons). So since the very beginning of our activities we were hostile to NATO, as Jean Thiriart was some ten years before us. We could bank on several Belgian political traditions, that never could be implemented: when NATO was created under the impulse of the Belgian socialist minister Paul-Henri Spaak, the conservatives among the Belgian politicians were mocking the attempt to build such an Alliance and nicknamed it “Spaakistan”. They were reluctant to include Belgium and the Belgian Congo colony into such a “Spaakistanese” construct. Later the Catholic Prime Minister and future Foreign Affairs minister Pierre Harmel tried to escape the grip of America by proposing new bilateral relationships between small powers of the NATO commonwealth and small powers of the Warsaw Pact, i. e. between Belgium and, for instance, Poland or Hungary (as Catholic countries, Hungary being a State having belonged like Belgium to the Austrian Empire). These ideas, that were impossible to implement due to the total infeodation of Belgium, are nevertheless still alive in the debates run in the country: Prof. Rik Coolsaet and diplomatic TV-journalist Jan Balliauw continue this critical tradition of Belgian intellectuals and diplomatic personnel who were never tired to criticize American policies on the international chessboard. 
 
In 1984 I had the opportunity to meet at the Frankfurt Book Fair former Division General Jochen Loser of the German Army, who also was the last young officer who had been evacuated by a Ju52 plane from Stalingrad after having lost his hand. Loser had been disgusted by the colonialist behaviour of Americans and moreover by the policy of installing Pershing rackets targeting Warsaw Pact positions, risking to provoke Soviet retaliation on the German soil. Consequently Germany, East and West, could have been wiped out the map through a carpet bombing through nuclear weapons. A neutrality policy based on the models of Austria, Switzerland, Finland, Sweden and Yugoslavia was therefore the only rational possibility. The neutral central zone in Europe should, according to Loser, be enlarged to East and West Germany, Poland, Czechoslovakia, Hungary, the Netherlands, Belgium and Luxemburg. A Swiss-Yugoslavian bunkerized defence system should have sanctuarized the whole area. The perestroika of Gorbachev made this kind of speculations useless. One year later, General Gunther Kiessling, German delegate officer at the NATO Headquarters in Casteau (Belgium) was also disgusted by the fact that High Staf officers were always American or British despite the fact that European armies were more numerous in the forces displayed by NATO; Kiessling subsequently advocated a foreign policy based on Harmel’s ideas. Our positions, at the very beginning of the history of our magazines “Orientations” and “Vouloir”, stood in this rational, political and non ideological way of thinking and our hostility to Washington’s warmongers derives from these objective statements.
 
- In one of your articles issued in 1998 you wrote about the priority of “Volk” over abstract state. How do you think about this position now when we have a postmodern mix with the social networks, the long-distance nationalism and the immigrants flows?
 
I don’t remember exactly about which article you are talking. But nevertheless the sense of belonging, the sense of duty and, if necessary of sacrifice, is only possible when you are embedded in a blood and soil humus or if you’re “roped together” (“encordes”) like alpinists with your fellow-citizens as the present-day French philosopher Robert Redeker says in denouncing the degenerative Western fashions, focussing only on the diseased “ego” reduced to the only physical body, the “Egobody”, as he calls it, and trying to embellish it by artificial interventions or bizarre tricks like tattoos, piercings, mamal implants, etc. Modest traditional people should have a “craddle country”, have a dialect, i. e. words of their own that are a part of their intimate identity, an identity that has to be linked by a “long story” or a memory which ought to be embedded in a genuine history and in songs, poems and novels that are their own and non imported. Intellectuals of course have always had a more open mind, could always throw and catch a glimpse beyond the border of their own kinship but this is of course not a reason to reject viciously what’s carved in your own self and create artificially cosmopolitan societies and pseudo-values, believing they are the only keys to the future, i. e. cosmopolitan societies that neo-liberals a la Soros now call “open societies”. A society is dangerously “open” when all its members have lost their memories, when they are serialized like preserved meat cans or like poor battery chickens. The notion of “Volk” was first coined philosophically by Johann Gottfried Herder, who had a great influence in Russia and inspired the “Narodniki” thinkers. This enabled the Czar in the 19th century to pay linguists and grammarians to write down a first scientific Russian grammar and also, a couple of decades later, grammars of the Baltic languages. Later, even the Soviet system could better preserve the small peoples of the present-day Russian Federation like the Mordves, the Chuvashes, the Maris, etc. and give them autonomous districts or republics that kept their cultural heritage intact without even endangering Soviet Union or current Russia as supranational wholes. This also is a heritage of Herder’s thinking, which is “another Enlightenment” quite different than the Enlightenment that generated the Western ideology. You could of course say that the Soviet system of ethnical republics lead to the tragedy of Chechnya and the dangers of an Islamic rebellion in Tatarstan or Bashkirtostan. I answer this objection by remembering that other Republics, like of course Ossetia remained absolutely true to the links they have since about two centuries with Russia and that the Muslim religious authorities in Kazan develop an Islam that is original and immune in front of all the false seductions of Wahhabism. 
 
Religious values can only be kept alive in the “ethnical-ideational” frames that “Volker” objectively are, without any sanctimonious or bigot derivations. Big overcrowded Cities are a danger for the human kind not only in Europe, in Japan or in Russia but also in Africa (see the horrors of the slums in Nigeria for instance) and in Latin America (Mexico City and his criminal gangs having transformed this poor country —that once upon a time fascinated the English writer David Herbert Lawrence— in a “failed State”). Once more the idea of a variety of people on the surface of the Earth, expressed some decades ago by the Breton thinker Yann Fouere and his Irish fellows among the true leaders of Eire (De Valera, MacBride, etc.), is a true and acceptable “inter-national” idea, i. e. an idea shared “among nations” (Latin, “inter nationes”), as the people are “actually existing” and the pseudo-international, cosmopolitan ideas are mere chimaeras. You cannot sell the cosmopolitan ideas of Parisian intellectuals a la Bernard-Henri Levy in Africa. The Chinese by cleverly refusing to impose their own foreign notions to Africans could conquer markets in the most derelict states of the Black Continent because their leaders were fed up by the moralizing and intrusive interference of the West with their domectic affairs. The French-speaking poet and writer Leopold Sedar Senghor, who became President of Senegal, was an attentive reader of Count de Gobineau, described in all possible “antifa” books and essays as the “Father of Racism”. The couple of pages Gobineau devoted to the African people in is “Essay on the Inequality of Races” didn’t upset the future President of Senegal when he read them as a student involved in the “Negritude” movement in France and French-dominated Africa. Senghor stressed the necessity to keep in each possible culture, in Africa, Europe or elsewhere in the world, the figure of the “conteur”, the “storyteller”, who transmit the people’s memory to the future generations. In a developed country the collective “storyteller” could be the historians and philologists, who surely exist in the best way in our societies, but are edged out and bereft of all consideration in front of all the negative figures of modernity like bankers, economists, lawyers, technocrats, etc. who have wiped out the collective memories in our developed societies, destroying what Redeker, as an attentive reader of Heidegger, calls the “encordements”, the “roped-togetherness”, leaving behind a miserable crippled (sub?)human kind unable to react properly in front of all the challenges of postmodern age. 
 
Postmodern thoughts could have been an opportunity to get rid of the Western ideology that claims to be the only heir of the 18th Century Enlightenment and as such the only “true” acceptable way of thinking: all other forms of thoughts being dismissed as unacceptable, racist, fascist, non democratic, etc. becoming automatically a domestic outlaw, who would surely be totally ignored by the mainstream media (which is a contradiction to the “Human Rights” principles as such an edging-out is equivalent to the forbidden political crime of condemning a citizen to the “civil death”) or an international thug, whose state would be registered in the “Black List” of the contemptible “Axis of Evil States”. Armin Mohler —who wrote the most memorable book introducing us to all the aspects of the German so-called “Conservative Revolution” and asked all non-conformist Europeans in the Sixites and Seventies to show an actual solidarity towards all the States that the USA described as “Rogue States”— had hoped in 1988-89, just some months before the destruction of the Berlin Wall, that postmodern trends would have eroded the Western ideology, which in Germany had become a must in the versions coined by Sir Ralf Dahrendorf (who was a British citizen) and Jurgen Habermas. No one could think, elaborate an ideological corpus outside the only few paths indicated by Habermas, the atrabilious professor who was always rising an admonishing finger. Postmodernity signifies first of all relativism. One could have needed a relativism precisely to “relativize” the new compulsory ideology imposed not only in Germany but everywhere else in Western Europe. 
 
Unfortunately for Western Europe and for the ex-Comecon states now included in the EU, the relativism of some postmodern thinkers couldn’t perform the job that Mohler hoped that we would have achieved. The relativism of postmodern thoughts leads to a still more “sensate” world of decay, that the late and regretted French thinker Philippe Muray called the “festivism”, mocking the current trend to invent new “postmodern” festivities like Gay Prides to replace traditional and liturgical religious festivals or ceremonies. Mohler hoped that postmodernity would have restored an ironical criticism banking on the traditional irony of Ancient Greek philosophy (Diogenes), on the famous “Hammer’s philosophy” of Nietzsche aiming at generalizing a “joyful knowledge” and on some aspects of the Heideggerian will to “fluidify the concepts”, that’s to say to eliminate all the rigidities the concepts had acquired by time because of the bad habits of starchy philosophers who only could repeat stupidly what their brilliant teachers in the past had said, so that they were constantly losing the substance and rigidifying the forms. Heidegger had been ordered by Conrad Grober, his parish priest (who as an eminent theologist became later the Archbishop of Freiburg-im-Breisgau), to study the concepts of Aristoteles in order to think beyond the rigid concepts the Scholastics had clumsily fabricated out of the genuine Aristotelian materials. According to Grober, Aristoteles’ concepts were more dynamic than static: the schoolmen hadn’t understood properly the meaning of the Greek grammar tenses, that express a variety of time meanings, among which some were rather static and others frankly dynamic. The schoolmen had only kept the static meaning in their narrow brains. Grober wanted to restore the dynamic nuances and save the Catholic faith (it was his main aim!) of sclerosis due to a too static interpretation of Aristoteles’ concepts by the scholastic tradition. 
 
The worldwide adoption of the poor substanceless cosmopolitan cogitations will surely destroy ethnical and ethical values, i. e. the “Volker” and “volkisch”-determined values Herder and the Narodniki wanted to save by a constant acitvity of poets, archeologists, philologists, grammarians and historians as well as the religious traditional values eminent men like Guenon, Evola, Tucci, Schuon, Coomaraswamy, etc. wanted to restore. “Nationalism” in the positive sense of the word, that’s to say in the sense Herder had wanted to impulse in Germany, Russia and elsewhere, implies that you feel as your duty to immerge yourself in your national-ethnical-linguistic surroundings, as actual and non fictional surroundings, in your “Nahe”, your proximity, as Heidegger has taught us and as he had practiced it by drinking beers with his beloved and often forgotten brother Fritz in the pub of his native town of Messkirch in Schwabenland and by having long walks on the paths of the Black Forest near his small chalet of Todtnauberg. Heidegger also stressed the importance of the “Nahe” in a speech he held in plain language for the inhabitants of Messkirch in 1961; the speech was about television: Heidegger explained that television was a devilish device introducing “Farness” (“die Ferne”) into our “proximity” (our “Nahe”), ruining the entrenchments and real-life links we needed as stabile and not uprooted beings. Nowadays with modern devices as MP3, iPods and another useless knick-knacks every possible event or presposterous fancy spectacle is permanently irrupting in our daily lives: strident or cacophonic GSM-bells are ringing when you’re in your bath, in a tramcar, in a romantic restaurant, in your girlfriend’s bed or at a serious meeting, pupils can watch a film in the classroom without being caught by the unaware teacher, young girls and boys are emitting curious sounds in the bus because they’re listening to loud crazy music, so that they’re even conscious of making noises. This kind of subhumanity you can observe now in your daily life is maybe the humanity of the “last men twinkling their eyes” (Nietzsche) but they are surely “people without a centre” as Schuon explained it in his tremedously interesting book “Avoir un centre”, trying simultaneously to find a remedy to this anthropological disaster. Schuon opted for meditation in the Sahara desert or among the Sioux in North America. 
 
These are the very results of the lost of all form of liturgy in religious life: D. H. Lawrence warned against such a lost in his booklet “Apocalypse” and Mircea Eliade devoted almost all his life to the study of real-life faiths. Maybe as Orlando Figes explains it in “Natasha’s Dance”, his recent book about Russian intellectual life before the Bolshevik revolution, the “Old Believers” revolted against the modern world in being in the 16th, 17th and 18th centuries because rituals and liturgical sacred gestures were scrapped out of Russian religious life... So you can surely create a virtual community of “nationalists” or of “traditionalists” on the net, you can get a lot of information from all parts of the world but your duty is nevertheless “hic et nunc”, here and nowhere else, now and not in the past or in a hypothetical future, here in the liturgical traditions and gestures that have given cohesion to your ancestors’ communities. If these traditions have been forgotten or mocked away, you simply have to remember them and let them remember by your fellow-countrymen, by performing the sometimes modest job of the philologist or the ethnologist or the archeologist as Herder induced us to do. Scores of people in Western Europe are now trying to revive past gentle and well-balanced traditions, despite the silence of the mainstream medias.
 
Mass immigration is a weapon to destroy societies, as former US Ambassador Charles Rivkin has acknowledged it: the present-day European societies are destroyed because the relativism —induced by modernity and forcefully imposed by devilish postmodern subversive intellectuals— renders the people unable to find a positive solution to the problem. The immigrants are also destroyed by the simple fact that their traditional family values will also be eradicated, as all will in the short run become “centerless” beings. 
 
- And how would you link your traditional “volkisch” ideas with the suggestion Prof. Dugin has formulated in his 4th Political Theory, for which the “People” as “Volk” or “Narod” remains a subject of history but not expressed as a “nation” in a land or as a “class” but as a “Dasein” according to Heidegger’s philosophy?
 
Difficult question to answer as I wasn’t sent a copy of Dugin’s “Fourth Political Theory”. The “Volker” cannot be efficient subjects of history anymore, even if there are sometimes notable exceptions as the protesting Icelandic people that could escape the choking policy of the cosmopolitan banksters or the Venezuelan people that stood behind Hugo Chavez. Carl Schmitt explained very well that now the real subjects of history are the “Grossraume” (the “Greater Areas”), a volunteer assembly of ethnical or non ethnical countries around a hegemon (super)power. Small nations cannot achieve anything now, except domestic cohesion policies, which are of course duly needed. The BRICS-countries are now all “Greater Areas” and are hegemon in their own domestic territory; they are also able to assemble around their leadership smaller powers in their neighbourhood. 
 
“Dasein” means literally in German “to be there” or the “being-there”, so that we are brought back to the previous question. I am because I am located here. I cannot “be” ubiquitously in two or three different places, so I cannot act as a genuine “zoon politikon” (Aristoteles) if I have no location or a score of locations, like the so-called modern “nomads” that a mainstream pseudo-thinker like Jacques Attali admires so much and suggests as models for future mankind. Man is linked to his “oikos” and cannot be a perfect “zoon politikon” if he lives elsewhere or if he is moving ceaselessly. That’s one aspect. But Heidegger, even if he defined himself as a native of Messkirch, was certainly not a short-sighted thinker. I suppose the aspect Dugin wants to stress in his book is the notion of “authentic man”, willing to escape the world of modern standardization, the world that his student and former girlfriend Hannah Arendt called the “world of the petty jobs”. We live in the anthropological ruins (Evola!) of modern world where mere existence is repetitive, dull, nonsensical. This cannot be “real life” according to existentialist Heidegger. Therefore “Dasein” has, let’s say for the purpose of explaining here the matter in a narrow nutshell, a second meaning in Heidegger philosophy. “Dasein” is often translated into French by the word “existence” (as Sartre did in the late Forties). In this way the “Sein” is simply the world or the universe that was given a sense yet, be it static, lifeless, material or be it vivid, growing, dynamic, vegetal or animal. For a human being, or better said for a “zoon politikon”, “Sein” without a given sense is not enough. He or she has to jump voluntarily into existence and if you jump from (“ex”) an indefinite place, as the mere “Sein” (“res stantes”) is, you arrive of course “there” where you’re born or “there” where you’ve chosen to be, you are “ex” the “res stantes”, i. e. in a dynamic, dangerous world, an “ex-istence”, where you have to struggle or to suffer to be authentic. We are not satisfied with the ruins of modern world, with the mess of the “festivistic” postmodern societies in which we cannot do anything else but rebel. Our “Dasein” is also this rebellion which is the jump out of this mess, or better said the result of the willing jump we had the audacity to perform in order not to rotten in “in-authenticity”. This rebellious jump is performed by thousands and thousands of people throughout the world, resulting in the birth or rebirth in the “real risky and revolutionary life” of the authentic men, the ones who want to remain for ever traditional “zoon politikon” or traditional “Kschatriyas” or “Brahmani”. It is in this sense that I understand your question and subsequently Dugin’s position. Dugin dreams obviously of a worldwide rallying unity of “authentic traditional men” that have set a step backward in front of the mess that modernity is, thus having opted first for what Arnold Toynbee called a “withdrawal” to meditate, to recreate metaphysical authenticity in non modern spiritual areas, like the Old Believers lived in remote villages on the shore of the White Sea or in the deepest forests of Siberia, to come back one day, the day of the “return” (Toynbee), when a new cycle will start. 
 
To think further into this Heidegger and Arendt vision of “authentic life”, I am reading now the works of the Italian theologist Vito Mancuso, who wrote precisely a book significantly titled “La Vita autentica” (= “Authentic Life”). 
 
- In this sense how might political metaphysics become actual in Europe where strong secular moods are now dominating, while you have the rise of Islam within the European societies now as well as on the other side of the Mediterranean?
 
Dugin indeed very often uses the phrase “political metaphysics”, referring mainly to the traditional corpuses of Guenon and Evola. Dozens of authors revive now, after Evola, Guenon, Schuon and many others what we can call “political metaphysics” or simply “metaphysics”, whereby “metaphysics” can eventually be politicized. Metaphysics as the traditional knowledge of things active and linked together behind the physical appearances, as a non material, intuitive and poetical ability of selected humans to perceive the divine “noumena” beyond the mere “phenomena” has been gradually rejected as a “ridiculous irrationality” in the Western thought patterns and Immanuel Kant proclaimed the end of metaphysics in the last decade of the 18th century. Many tried to save metaphysics from oblivion, others replace it by “culture philosophy” (Hamann, Herder) or by history (Hegel, the Hegelians and the Marxists). The modern and postmodern world rejects metaphysics since the 18th century as well as, since the last phases of this catastrophic shift leading towards present-day visible “Kali Yuga”, culture as cement of societies and history as a prospective move towards a better future, because both culture and history implies also duties. Kant could theorize an ethical approach of duty without metaphysics, because he was the philosopher who declared metaphysics was abolished or to be abolished: this sense of Kantian (Prussian!) duty was ruined in the long run by extreme individualism and consumption society. “Culture” as Hamann or Herder undesrtood it has also vanished and history as it had been formerly conceived by some existentialists (Sartre, Camus, Malraux) and by the Marxists is also mocked and rejected by postmodern relativists. Even the most seducing “Ersatze” of metaphysics are now rejected and mocked by postmodern relativism. Nevertheless it must be said here that the true understanding of metaphysics was only a privilege of intellectual or religious elites, having undergone a long training or initiation: for common people liturgy, religious festivities and rites were factually more important, because they were giving sense to their lifes and were rhythming their daily existence. All these old peasants’ festivities and rites have also vanished out of our everyday life to be replaced by what Philippe Muray calls “attractions”, i. e. media tricks, or “parodies” as Guenon or Evola would have said. Francesco Lamendola, a present-day Italian philosopher, whose articles you can find on high interesting sites like http://www.arianneditrice.it or http://www.centrostudilaruna.it , explained us recently that even the official Catholic Church is now unable, despite certain efforts of Pope Benedict XVI, to revive metaphysics or traditional ways as it has too long tried to ape modern media subcultures to be saved again from total decay: his article was illustrated by a photo showing priests and nuns dancing and twisting their bodies like crazy youths, hippy-style... Once you tolerate such undignified attitudes by the very guardian of your religion you cannot find easily the way back to more worthy positions. Secular bric-a-brac has invaded and neutralized everything in the religious realm of people in America and Western Europe, what induces another current Italian philosopher, Umberto Galimberti, to define christianity as “a religion of the empty heavens” (“la religione dal cielo vuoto”). 
 
What concerns Islam, you must keep in mind that we would fully accept a truely traditional Islam as it has been illustrated by high figures such as Seyyed Hossein Nasr, Henry Corbin (and his follower Christian Jambet), Michel Chodkiewicz or the Algerian thinker Meriboute. Their visions, that could be spiritual models for Iran and Central Asia, or could be connected with the Iranian medieval mystique (Sohrawardi) or the Flemish-Rhinish mystical tradition (Ruusbroec, Meister Eckhart, Sister Hadewych, Nicolaus von Cues, etc.), have of course nothing to do with present-day salafism or wahhabism or with the inadequacies preached by the Muslim Brotherhood that has set Syria aflame in 1981-82 and once again since about two years. Unfortunately the mix of salafism, wahhabism and Brotherhood’s Islam is currently seducing thousands of young immigrants in Europe today, who then reject both the modernist lunacies and the healthy remains of traditional Europe. Tariq Ramadan’s thoughts have also a real impact nowadays on Muslims in Europe but, even if this Swiss-based Muslim intellectual leader seems to suggest some interesting anti-Western ideas, we should not forget that, according to very recent historical studies performed in the United States and in Germany, his uncle Said Ramadan, another prominent Muslim Brother in the Fifties, helped actively to replace all the pro-European (and anti-Soviet) imams of Munich’s main mosque and Muslim religious centre in Germany by Muslim Brothers with the help of CIA-agents as the Muslim Brothers were at that time plotting against the Egyptian leader Gamal Abdel Nasser (nicknamed the “Pharao” by his domestic foes) for the high benefit of Israel as they are plotting now against the Syrian Baathist power elite. This kind of Islam is, despite American-made “Golems” like Al Qaeda or Bin Laden, an instrument in the hand of the United States and Saudi Arabia and aims under many other projects at recreating a strong strategic “bolt” of islamized or semi-islamized states (Greater Albania, Kosovo, a potentially islamized Macedonia, autonomous Muslim-Turkish areas in Bulgaria, etc.) in the Balkan against Serbia, Europe and Russia, as the Serbian traditionalist thinker, diplomat and artist Dragos Kalajic observed attentively before his early death some years ago. Kalajic used to call this project the “dorsale islamique dans les Balkans”. 
 
- We see that many people are protesting in the streets of many European capitals but how resistance can occur and develop in “bourgeois societies” like these of the EU?
 
First “bourgeois” societies are going to vanish if middle classe people and workers all together will be completely ruined by inflation and economical crisis. In Spain, Portugal and Greece you’ve surely a social agitation but not a revolutionary spirit able to modify thoroughly society. In iceland the demonstrations have at least compelled the government to refuse to pay banks back and to sue the responsible ministers and throw them in jail. In Italy, the last elections, with the success of Beppe Grillo, prove that people don’t believe in the usual corrupted parties of the worn-out old partitocracy: this is a good thing, proving that the election process, presented in the media as the quintessence of true democracy, is ruined, is pure fake, as soon as non elected technocrats are taking over power in spite of people’s rejection of corruption and technocratic governance. In Belgium the conventional trade unions tried to mobilize their militants so that they refuse austerity but tell us nothing about the too high prices for energy, food in supermarkets and insurance fees, that are eroding the purchase power of all our fellow-citizens. In France, the situation is astonishing: people were tired of neo-liberal Sarkozy but reject also socialist Hollande whereby protests are focussed on homosexual marriage. France seems to reject left-wing Voltairian pan-criticism and the typical French May-68 ideology for which homosexuality, gender problems, criminality, marginality, etc. were considered as an aspect of a certain intellectual and moral superiority in front of the conventional mass of heterosexual women and men, of fathers and mothers: this previously non politicized mass seems now to be fed up to be seen by all mainstream medias as inferior (or as potential fascist thugs) and mocked by the so-called “intellectual elite”. Gender speculations and Gay Prides were also set out as expressions of the true “Republican values”, which are now rejected by a wider mass of citizens reacting in a non materialistic, non “sensate” way. This could be a way out of the bourgeois mentality which is of course “sensate” in the definition once given by Pitirim Sorokin. 
 
- In Gramsci’s words, citizens need a consensus for managemant and co-evolution but it seems now that the Euro-bureaucracy and the transnational financists have usurped all the necessary tools for decision-making...
 
Technologically speaking we don’t live in Gramsci’s time anymore so we must avoid all anachronisms. Gramsci was influenced by the Italian neo-Macchiavellian school of sociology (Mosca, Pareto, Michels) where the notions of ruling (oligarchy) and challenging elites (revolutionists) were very important. Gramsci was the main thinker of the pre-Fascist Italian communist movement, in which he saw an instrument to abolish the power of the Italian oligarchy (his beloved brother on the contrary saw Fascism as a better instrument to control the oligarchy!). In order to be efficient, the revolutionists had to start a cultural struggle mainly by using popular and classical theater as a tool. So did the Futurists around Marinetti, who became fascists, and so did Brecht in Germany, who remained a communist. In the eyes of Gramsci, modern Italian street theater would create consensus but now the heirs of the non communist but leftist (Lenin: “leftism as the infantile illness of communism”!) are creating dissensus in French society and the pussy riots or femen “happenings” in the purest Sixties’ style are mainly considered as vulgar and ridiculous. True “subversion” of the establishment’s power can only be now a kind of blowback, a return of the usual “decency” of traditional societies as George Orwell wanted also in his time to be the main option of socialist forces in Britain and elsewhere. Orwell and his heir the Slavist Anthony Burgess (who is not read anymore...) rejected deviant behaviours within the Left as it was, in their eyes, the best tools of the oligarchies to cancel the efficiency of peoples’ protest. 
 
The Eurocracy is now generally rejected in all Western European countries. The policy of austerity leads to a general contestation of the Eurocratic power so that at the end of April this year they announced officially that they would find out another solution. But it is impossible for them to change their type of governance as they would automatically and definitively be expelled from power. Europe has now to make a choice: either she takes the option for the shortsighted oligarchy’s “economical/financial reasons” or she makes the decision in favour of the “vital reasons”. The first option means political derath; the second, survival. 
 
- What do politicians and geopoliticans in Europe think about Russi and other Eurasian countries such as India and China?
 
Politicians and mainstream opinion-makers generally follows what NATO says. In France, despite the present-day revolt against the May 68-elites, the “nouveaux philosophes” still determine foreign policy. Bad things are said about Russia, of course, as Putin is described as a kind of “new Stalin” who manipulates all elections held in your country. In China the Human Rights are said to be fully neglected and Tibet is considered as crushed as well as the Uighours of Chinese Turkestan (Sin Kiang). India is perhaps better perceived, except when the BJP-Hindu nationalists are in power. The geopolitical schools in Europe on the contrary have an objective view on Russia, India and China. In Germany people as Peter Scholl-Latour or Alexander Rahr knows that the United States are constantly imposing geopolitical views that are opposite to the natural interests of Germany. Aymeric Chauprade, who published his books on geopolitics by the “Ellipses” publisher in Paris, was fired from the Military Academy as soon as Sarkozy came to power because he wanted to remain true to the Gaullist independent French position towards NATO. Geopolitical schools see the development of the BRICS-powers as positive because it allows us to escape America-centrered unipolarity on the international chessboard and, above all things, create a multipolar cohesion in the world that will be strongly linked by telluric-continental highways from the Atlantic shores till the Pacific Ocean.
 
- From the point of view of eurocentrism, what is Russia? Is there any fears of a “yellow threat”?
 
When we use the word “eurocentrism” in a positive way, we think about historical periods where a kind of Eurasian unity would have been possible without great efforts or was de facto actualized. In the 18th century, Louis XVIth, Maria Theresa of Austria and Catherine of Russia were allied against the Turks and the British (at least unofficially), and their kingdoms and empires stretched from the Atlantic to the Pacific, not to forget that Russia possessed at that time Alaska, the Hawai and a portion of the Pacific Coast of North America till Fort Ross on the former Russian-Spanish border in California! The Holy Alliance or Pentarchy (as Constantin Frantz called it) was an implict alliance from Ireland to Alaska that was deliberately destroyed by the British and the French at the time of the Crimean War. The “Drei-Kaiser-Bund” (the “Three-Emperors-Alliance”) of Germany, Austria and Russia was also an implicit alliance but not so strong as the two previous ones, as the Western Atlantic coast was lost and as the United States had become a non negligible power, that could conquer the Californian coast after a war against Mexico and buy Alaska to allow the Czar to conquer Central Asia. Arthur Moeller van den Bruck and the “National-Bolsheviks” among the German diplomats or militants wanted at least a German-Soviet tandem that would have strategically united half Europe and Sovietized Russia, from Hamburg till Vladivostok. The craze of a possible “yellow threat” is not a specific West-European or German phobia, even if Emperor Wilhelm II was maybe one of the main representative of this phobic trend before 1914. The French Slavist Georges Nivat has analyzed the fear of a “Chinese threat” in Russian literature between 1850 and 1914 as well as the ideological rejection of Asian or Buddhist fashions among some Petersburger intellectuals, whereby the “Chinese threat” shouldn’t be seen exclusively as racial but also as a rejection of a too centralized and bureaucratized state. The Imperial Chinese “Mandarinate” was seen as a threat for human freedom and free will, as genuine virtues of “Christianity” (i. e. of European and Ancient Greek culture). In principle China isn’t a danger as China is centered on itself. China proposes the world an international organization where no single power would have the right to interfere in others’ domestic affairs. In Africa, the only problem China can create is on the level of high sea fishing: if Africans cannot benefit from the fish along their own coasts, they risk an awful food dependancy that could have catastrophic consequences, especially if coupled with the already existing food shortages and the draughts in the Sahel area. 
 
- Nikolai Danilevski in his book “Russia and Europe” wrote that Europeans were afraid of Russia because of its huge landmass overhanging over Europe... But we have also differences in religion, ethos, etc.
 
We’ve stated since long that Russian patriots are swinging between a Danilevski-oriented nationalism and a Leontiev-oriented traditionalism. Danilevski was partially influenced by Darwinism like some but not all “Pangermans” and saw a coming struggle for survival and domination between “old peoples” (Britain, France) and “young peoples” (Russia, the Slavs in general). Leontiev was more traditional and ortthodox and wanted the status quo being preserved, especially in the Balkans. The Europeans feared Russia’s demographic boom in the 19th century, exactly as Europeans and Russians had also feared Chinese demography or fear the current African or Northern African population boom or as the French at the end of the 19th century were obsessed by the increase of German population, while their own population was decreasing. Russia in the 19th century was mainly a threat not for Europe, as France, Belgium, Germany invested a lot in Russia, but for British liberalism and for British India as soon as the Czar’s armies managed to control Central Asia till the Afghan borders: huge armies could have been ready to invade India, the cornerstone of the British Empire and the key to control the “Heart Sea”, which is the Indian Ocean. The Crimean War, that destroyed the strategical unity of Pentarchy, as the embodiment of European civilization, and weakened Russia only for a couple of decades, is the very source of the geopolitical and metaphysical opposition between East and West, as Dostoievsky pointed it out in his “Diary of a Writer”. The West appeared as a subversive force that was undermining the unity of “Christianity” (i. e. Europe and Russia perceived as a strategical unity). According to Constantin Frantz, the lack of interest in European unity in France and Britain was due to colonialism: both French and British empires hadn’t their centre in Europe anymore and could survive without the necessity of a unity: this lead directly to the catastrophe of World War One. The differences in religion and ethos can more easily be bridged, at the sole condition that Catholics or Protestants aren’t trying to convert others by all means, not only in Russia or in Orthodox countries but also in Muslim areas, in China or in India. Protestants US based sects should also give up their missions in Catholic Latin America. The giving up of proselytism should be one condition of world peace alongside the renouncing to interfere in domestic policies as the Chinese have asked for. 
 
This week, the French weekly magazine “Valeurs actuelles” (n°3989) publishes a world map showing the “clash between religious dynamics” where not only Islam or Muslim fundamentalism is pushing forward in Muslim countries, in Africa (Nigeria) or in India but where the mostly US based “Evangelic churches” are thriving tremendously as they are extremely active in Latin America (and in Spain due to Latino immigration!), in Catholic Black Africa (West Africa, Congo, Angola, etc.), in China, Japan and the Philippines. The map shows us also the progression of “religious diversity” in the United States, in Australia, in all European countries, in Russia and in China, Corea and Japan. “Religious diversity” means obviously a decrease in social coherence when this diversity is imported and means also, one should not forget it, a general and problematic uprooting of people when “natural” or “native” religions are disappearing, even in their christianized or islamized syncretic forms (see the recent tragical fate of Tumbuctu mosques and libraries or of the Serbian Orthodox monastries in Kosovo). Both the conquests of Wahhabism (or Salafism) and of the American “Evangelic Churches” are proofs of the victories of “unipolarity” even if the United States pretend to be the main foe of “Al Qaeda”. Both hyper-active fundamentalisms, i. e. Saudi Wahhabism and US-perverted Evangelism, aims at conquering or re-conquering lost territories or territories that had been previously immunized against Puritanical-Wahhabite subversion, for instance by intelligent and efficient civilian-military developing regimes. Latin America has reached a certain level of independance thanks to the Mercosur common market, the indigenist positions of Morales in Bolivia or the anti-imperialist actions and diplomacy of late President Chavez: the South-American continent risks in the long run to be totally subverted and reconquered by the social action of the Evangelic churches. In Africa it is obvious that the secret aim of these churches is to cut French-speaking Africa from France and the EU and to replace French or European (and Chinese!) influence by American domination in order to get the oil of this part of the world. In China the Evangelical moves have as purpose to break the cohesion of the Han Chinese society and to create confusion and dissensus, exactly like in the 19th century when a civil war lead by a curious convert to a kind of strange christianity cost China more than 20 millions dead. So this religious subversion is one of the weapons used to eliminate China as a competitor superpower in the Far East, like military containment, support of fundamentalist Uighurs in Sinkiang, Cyberwarfare, etc. are other weapons pointed against Beijing. 
 
The increase of “religious diversity” in the main countries of the EU means a lost of social and political cohesion that corresponds to the purposes of the geopolitician Robert Strauss-Hupe, who became an adviser of the US presidents Roosevelt and Truman, alongside a certain Mr. Morgenthau who wanted to transform Germany into a bucolic agrarian state in the very middle of Europe. Now, as Socialist Thilo Sarrazin fears it, Germany will be unable to produce the needed engineers to let the German industrial machine work properly. The same is true for other European countries and so Morgenthau’s dream risks to become reality: Germany as a weak industrial country animated by crazy sociologists, who would be a kind of leisure class priesthood, that would impose a “festivist” way of life (with ubiquitous sexual permissiveness and with the “femens” as new tarty nuns!) and would flay as “fascist” all those who would plead for a more rational society (see Helmut Schelsky, “Die Arbeit tun die Anderen”). 
 
- Thank you, Mr. Steuckers, for having answering these questions. Do you want to add something or to formulate some other remarks?
 
Caucuses like yours and ours should study geopolitics and history in all their aspects and know all about the forces that activate the Muslim world from the Atlantic coasts of Morrocco to the tiniest islands of Indonesia. We must create a world elite of men and women totally immune to the artificial propagandas produced by US based media agencies. Therefore we must meet as often as possible, exchange ideas by means of interviews, but at a more trepident tempo as it has been done till yet: the others are not lazy, so we may certainly not be less active, otherwise the metapolitical battle will be definitively lost for us. 

Interviewed by Leonid Savin

Richard Millet im Gespräch

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„Wächter des Niedergangs“

Richard Millet im Gespräch

Benedikt Kaiser

Ex: http://www.sezession.de/

SEZESSION: Der Freitod Dominique Venners vollzog sich in einem nervösen Frankreich. Demonstrationen und Ausschreitungen begleiten die Installierung der  „Lex Taubira“, die homosexuellen Paaren Heirat und Adoption erlaubt. Wie gestaltet sich die Lage vor Ort?

MILLET: Dominique Venner wollte einen symbolischen Freitod. Ich befürchte, daß er unter diesem Gesichtspunkt „gescheitert“ ist: er hat weder die spektakuläre Wirksamkeit eines Mishima noch die diskrete, sehr römische Größe eines Montherlant. Man muß sich nicht in Notre-Dame umbringen, dann schon eher vor dem Pariser Rathaus, dieser Hochburg der sozialistisch-homosexuellen Lobby.

SEZESSION: Wie reagierten die Medien?

MILLET: Die gesamte Presse (und rechts wie links ist es dieselbe politisch korrekte, unwahre Einheitspresse), stellt nur die Tatsache fest, daß ein Historiker der extremen Rechten verzweifelt ist: Sie verschweigt die Gründe für diese Handlung, sie spricht nicht darüber. Wie mehrere Millionen weitere Franzosen wurde Venner vom Gesetz über die Homo-Ehe geschockt, das in der Tat eine Unsinnigkeit und ein politischer Schlag ist, der zum Unterdrückungsarsenal der antirassistischen Religion hinzutritt. Der Tod von Venner erfolgt in einem Zustand der Verzweiflung und einer tiefen Depression in Frankreich wie in vielen weiteren europäischen Ländern, die durch eine massive, nichteuropäische – häufig muslimische – Einwanderung zermürbt werden.

SEZESSION: Zermürbt durch Zustände, die bald an Bürgerkriege erinnern lassen?

MILLET: Europa kennt einen mehr oder weniger latenten Bürgerkrieg: ethnische Unruhen im schwedischen Paradies; Durchschneiden der Kehle eines Soldaten im belebten London durch einen islamistischen Schwarzen; Versuch des Durchschneidens der Kehle eines französischen Soldaten in einer Station der Pariser U-Bahn durch einen Mann mit „dunkler Haut und langen schwarzen Bart“; und ich erinnere gar nicht an Breivik und Merah, ans Bostoner Attentat. Frankreich ist in die post-histoire eingetreten: Es hat Probleme, sich wiederzuerkennen. Das Nachgeschichtliche (nachchristlich, nachkulturell, nachidentitär) trifft auf die Wirtschaftskrise. Es ist unvermeidlich, daß Voraussetzungen für eine Verzweiflung entstehen, von der man nicht weiß, wie die Franzosen, die nicht bereit sind, sich zu bewegen, ihr entkommen sollen. Sie sind gelähmt durch die mediale und politische Propaganda, terrorisiert durch die Gesetze Gayssot und Taubira…

SEZESSION: Nun sieht man aber hunderttausende Menschen demonstrieren, die nicht gelähmt sind. Wieso sorgt ausgerechnet das Gesetz über die Homo-Ehe für eine solche Protestbewegung?

MILLET: Die Demonstranten sind größtenteils französische Katholiken, aber auch andere Menschen guten Willens, die über etwas entrüstet sind, das eine rein geschlechtliche Angelegenheit ist und daher im Privatleben bleiben müßte, obwohl es die sozialistische Propaganda als „sozialen Fortschritt“ präsentiert hat. Wir sahen, wie die erste „homosexuelle Ehe“ spektakulär durch die im Solde der Macht stehenden Medien vermarktet worden ist. Das reicht, um zu begreifen, daß man dabei ist, die Kultur zu verändern.

SEZESSION: Ist die Bewegung „Manif pour tous“ thematisch breiter angelegt als die Fokussierung auf homosexuelles Adoptionsrecht und auf das Unmittelbare, das damit zusammenhängt, erahnen läßt?

MILLET: Es ist bedauernswert, daß diese Demonstranten bei der Homo-Ehe halt machen und es nicht für richtig gehalten haben, ihre Überlegungen auf den gesamten Vorgang auszudehnen: den unwiderruflichen Austausch der europäischen Völker durch andere, die aus nichteuropäischen Kulturkreisen stammen und diese nicht ablegen, oft indes die Maske der amerikanischen Subkultur tragen – als Weichensteller für den Islam. Zwischen der Homo-Ehe und der Islamisierung Europas gibt es also eine objektive Komplizenschaft, eine Zusammenkunft von Interessen, die mit der Globalisierung und dem kulturellen und geistigen Defizit Europas zusammenhängen.

SEZESSION: Umtriebige Verteidiger der „westlichen Zivilisation“ werfen aber doch gerade islamischen Glaubensrichtungen vor, rückständig zu sein und die Rechte sexueller Minderheiten – etwa Homosexueller – nicht zu respektieren. Die „offene“, postmoderne Gesellschaft als Komplize des Islam, der seinerseits ausschließlich die Ehe zwischen Mann und Frau anerkennt – beißt sich das nicht?

MILLET: Es hat bei bestimmten Demonstrationen auch Muslime gegeben, die neben den Katholiken marschiert sind (mit arabisch-sprachigen Spruchbändern, versteht sich!). Es existiert für mich allerdings keine Frontlinie zwischen moderner Sexualität und archaischer Religion. Ich wiederhole es: Sex ist eine private Angelegenheit und Homosexuelle sind keine politische Minderheit …

Die tatsächliche Frontlinie verläuft im Krieg zwischen einem abendländischen und einem islamisiertem Europa, das als angeschlossenes Terrain an das fungiert, was man das arabisch-amerikanische oder muslimisch-amerikanische Kondominium (weil Pakistan eingeschlossen werden muß) nennen kann. Für Europa ist dies bereits ein verlorener Krieg, wenn man die Rolle bedenkt, die Katar, die Vereinigten Arabischen Emirate und Saudi-Arabien, ja selbst die Türkei einnehmen: Der Islamismus spielt vor Ort mit, und zwar als Akteur des Kapitalismus (demnach wirkt er post-kulturell; Kultur hier als höchster Wert des judeochristlichen Europas verstanden).

Der Terrorismus ist nur ein etwas vulgäres Verhandlungselement, das glauben lassen soll, daß es jenseits von ihm einen „guten Islam“ gebe. Aber es gibt keine „gute“ Religion, sobald sie sich in die Politik einmischt. All das ist nicht widersprüchlich: Es ist eher ein Zeichen des Zusammenbruchs innerhalb jener so „offenen“ Gesellschaften, die als solche doch schon längst nicht mehr bestehen.

SEZESSION: Ist die Selbstaufgabe und freiwillige Preisgabe Europas ein Zeichen der Wehrlosigkeit einer gegen die Realität konstruierten, nun untergehenden offenen Gesellschaft? Hat sich Venner vielleicht auch deshalb umgebracht, weil der Okzident dabei ist, sich selbst umzubringen?

MILLET: Es ist tatsächlich diese Verweigerung vor der unmittelbaren Realität, die mich am meisten überrascht, diese geistige Konstruktion, justiert durch die medienpolitische Macht: diese von Toleranz, von Transparenz, von universeller Demokratie träumenden Konzepte; die offene Gesellschaft, alternative Gesellschaft, Globalisierung, Ablehnung der Grenzen, das allgemeine Rassenmischungsprogramm, die Dekonstruktion jeder Metaphysik, der Haß auf den Katholizismus, der Ersatz des „Mannes“ durch ein entladenes, transsexuelles, erratisches und metamorphes Subjekt undsoweiter. All das wird zu einer vielförmigen Ideologie vermengt, die der hedonistischen Knechtung des Individuums gewidmet ist, das alsdann nicht mehr in der Lage ist, etwas selbst zu schaffen.

Sie sprechen richtigerweise von Wehrlosigkeit, denn sie ist charakteristisch für den europäischen Menschen, der zwar weiß, daß die Propaganda ihn belügt, aber der meistens ignoriert, wie diese Lüge, die Umkehrung von Wahr in Falsch, zu entziffern ist. Der europäische Mensch geht in der Wehrlosigkeit auf, die ihm die Schuld aufzwingt; er kann nur in der unendlichen nachkolonialen, nachgenozidalen, nachkulturellen Sühne verschwinden.

SEZESSION: Sie schreiben in ihrem fulminanten Essay Antirassismus als Terror gegen die Literatur, der bald in deutscher Fassung erscheinen wird, trotz dieser Zustandsbeschreibung des gegenwärtigen Abendländers, daß Sie „die Waffen nicht strecken“ können, und führe es auch zu der von Ihnen ebenfalls erwähnten „einsamen Nacktheit“. Venner hat die Waffen auf seine Art und Weise gestreckt und doch nicht gestreckt; die Hoffnung auf folgende Generationen hat er letztlich doch in sich getragen. Haben Sie noch Hoffnung?

MILLET: Das größte Vergnügen, das wir unseren Feinden machen könnten, bestünde darin, zu verstummen. Die Propaganda will die Schriftsteller ruhigstellen, sie einschüchtern. Es ist politischer Terror, vor dem ich mich weigere, das Handtuch zu werfen – trotz der Versuchung der etwaigen Stille. Um jeden Preis weiterzuschreiben, koste es, was es wolle, ist eine Notwendigkeit und zugleich eine Frage der Ehre (Ehre! – eine vergessene Kategorie der Neuen Weltordnung). Besser noch: man kann durchaus eine Art Hoffnung in dieser Haltung des Letzten sehen – letzter Schriftsteller, letzter „Mann“ undsoweiter. Nun: Wir werden wir bis zum Ende die Wächter des Niedergangs sein.

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mercredi, 12 juin 2013

Chute programmée du système financier

Entretien avec Pierre Jovanovic :

chute programmée du système financier

mardi, 04 juin 2013

Turkish revolution

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Turkish revolution

An interview with Claudio Mutti

Ex: http://www.granews.info/

Natella Speranskaya:  The national revolution has started in Turkey. What are the forces behind it? Who is fighting whom?

Claudio Mutti:  The slogans about "human rights" and "democracy", the Femen's performances, the solidarity expressed by Madonna and other hollywoodian stars, the antifa rhetoric peppered with "Bella ciao" as its soundtrack are the symptoms of an "orange revolution" or a "Turkish spring", rather than of a national revolution. At present it is impossible to know if the troubles have broken out in a spontaneous way, or if really foreign agents have provoked the troubles, as pretended by Erdogan. But we must consider that US Ambassador Francis Ricciardone has repeated twice in two days his message in favour of protesters and that John Kerry has made a declaration about the right of protesting. Certainly, among the protesters there are also militants and activists of national, anti-Atlantist and also pro-Eurasian movements (as, for example, the Workers' Party, İşçi Partisi); but I don't think that they are in the position to direct a so heterogeneous mass towards the goal of a national revolution.

Natella Speranskaya:  How is the Turkish revolution related to the geopolitical opposition of Eurasianism (Russia, Iran, Syria) and atlantism (NATO, USA, EU)?

Claudio Mutti:  It is true that many people have been troubled by Turkey's envolvement in the Syrian conflict. Nevertheless, when the protesters claim "We are the children of Ataturk", they express a concern related to secularistic and laicistic beliefs, not to a Eurasianistic position. Unfortunately I don't see a significant anti-Atlantic trend in the present revolt.

Natella Speranskaya:  Your prognosis of the development of events in Turkey and how it will effect the situation in Syria?

Claudio Mutti:  It is probable that the Turkish revolt will induce Erdogan to think about the saying "sow the wind and reap the whirlwind" and to devote himself more to Turkish affairs than to Syrian ones; probably he will take note of the fact that Americans are always ready to oust their collaborators, after making use of them. Two months ago his Foreign Minister Ahmet Davutoglu has signed a protocol of agreement with the SCO. If the Turkish government wants to be consistent with this decision, it must drop that kind of "neo-Ottomanism" which conceals a subimperialistic role, useful to North American interests. Even better, if Turkey really wants to be a point of reference for muslim peoples of Mediterranean Sea and Middle East, it must break off its ties with NATO and with the Zionist regime. It is schizofrenic to destabilize Syria and at the same time to accuse Zionism and Israel of being, according Erdogan's words, "a crime against humanity" and "a threat to regional peace".