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mardi, 04 septembre 2018

Le néo-impérialisme américano-britannique et ses « missionnaires » des temps modernes

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Le néo-impérialisme américano-britannique et ses « missionnaires » des temps modernes

 
 
Auteur : Tony Cartalucci
Ex: http://www.zejournal.mobi

La pire des tromperies est celle perpétrée par ceux qui prétendent défendre les plus vulnérables alors qu’ils tirent profit de leur situation, exploitent leur souffrance et, dans de nombreux cas, jouent un rôle direct dans la perpétuation des deux.

Il s’agit d’une description pertinente du racket mondial des droits de l’homme par Washington, Londres et Bruxelles – utilisé à plusieurs reprises comme prétexte à l’ingérence politique et parfois même à la guerre.

Un exemple particulièrement cynique de ce phénomène se produit au Myanmar, un pays d’Asie du Sud-Est.

Alors que les liens entre le Myanmar et la Chine se resserrent, les États-Unis et leurs partenaires européens s’efforcent de faire pression, de coopter, voire de renverser l’ordre politique actuel du Myanmar, qui comprend non seulement une armée puissante et indépendante, mais aussi un gouvernement civil que les États-Unis et le Royaume-Uni ont directement aidé à mettre au pouvoir.

Les décennies de soutien américano-britanniques à Aung San Suu Kyi – l’actuelle conseillère d’État du Myanmar – s’accrochent à elle et aux membres de son parti politique de la Ligue Nationale pour la Démocratie (NLD) comme un boulet. Les réseaux parrainés par l’étranger qu’ils ont faits entrer au Myanmar pour les aider à prendre le pouvoir sont maintenant utilisés contre eux pour contraindre la politique intérieure et étrangère du Myanmar.

Un autre rapport douteux de l’ONU

Un récent rapport de l’ONU sur les atrocités présumées commises contre la minorité Rohingya au Myanmar s’est accompagné d’une campagne de relations publiques coordonnée menée par les médias occidentaux et les organisations non gouvernementales (ONG) financées par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Union européenne.

Dans le cadre de cette campagne de relations publiques, de nombreux chefs militaires du Myanmar ont été appelés à saisir la Cour Pénale Internationale (CPI) – une institution considérée dans le monde entier comme la continuation de la colonisation occidentale – en particulier en Afrique. Des pressions ont également été exercées sur le gouvernement civil du Myanmar, dirigé par Aung San Suu Kyi et son parti, la NLD.

Cela se traduit par la capacité de l’Occident à tirer parti de la violence ethnique pour faire pression sur le Myanmar, ce qui permet à l’Occident d’exiger des concessions et d’imposer des sanctions ou de retirer du pouvoir à volonté toute personnalité politique ou militaire de premier plan.

L’objectif principal de la politique étrangère de l’Occident est de rompre les liens du Myanmar avec la Chine, de transformer le Myanmar en un État client obéissant et d’utiliser le succès de ce pays pour étendre des actions similaires dans le reste de l’Asie du Sud-Est.

Le rapport de l’ONU intitulé officiellement « Rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Myanmar » (PDF), révèle que sa méthodologie a été basée sur des entretiens. Il prétend :

« La Mission a rassemblé une grande quantité d’informations essentielles. Elle a réalisé 875 entretiens approfondis avec des victimes et des témoins oculaires, ciblés et choisis au hasard. Elle a obtenu des images satellites et authentifié une série de documents, de photographies et de vidéos. Elle a comparé ces informations à des informations secondaires jugées crédibles et fiables, y compris les données brutes ou les commentaires des organisations, les interviews d’experts, les contributions et le matériel open source ».

Le rapport admet également :

« La Mission a également tenu plus de 250 consultations avec d’autres parties prenantes, y compris des agences transgouvernementales et non gouvernementales, des chercheurs et des diplomates, en personne et à distance. Elle a reçu des soumissions écrites, et par appel public ».

C’est ce deuxième point qui est particulièrement préoccupant.

Il semble qu’une grande partie de ce que contient le rapport de l’ONU n’est qu’une simple répétition d’informations que des « ONG » supposées, financées par les États-Unis, le Royaume-Uni et l’UE – éléments centraux du racket des droits de l’homme en Occident – ont déjà rapportées dans leurs propres publications hautement suspectes.

Parmi celles-ci, il y a Fortify Rights – financé par les gouvernements des États-Unis, du Royaume-Uni, du Canada et des Pays-Bas, ainsi que l’Open Society Foundation de George Soros, un criminel financier reconnu coupable. Le rapport de l’ONU semble n’être qu’un bref résumé du rapport de Fortify Rights, « They gave them long swords » (PDF).

Les « Missionnaires » des temps modernes financés par les États-Unis et le Royaume-Uni 

Fortify Rights divulgue son financement dans au moins deux rapports annuels de 2015 et 2016.

En 2015 (PDF), les sponsors comprenaient les gouvernements néerlandais, canadien et américain par l’intermédiaire du National Endowment for Democracy (NED). Elle comprenait également Open Society Foundations et Avaaz. En 2016 (PDF), le gouvernement du Royaume-Uni a également été inclus dans sa liste de donateurs.

Face aux questions concernant l’acceptation par Fortify Rights de l’argent des gouvernements actuellement engagés dans des violations des droits de l’homme dans le monde entier – y compris la vente d’armes à Riyad et l’assistance dans la guerre de Riyad contre le Yémen – le fondateur de Fortify Rights, l’Américain Matthew Smith, a tenté de détourner et de minimiser le financement de son organisation.

Il a affirmé que l’argent de la NED ne constituait pas un financement du gouvernement américain parce que les fonds du Congrès américain ont transité par la NED avant de lui parvenir.

Il a également affirmé que l’argent que son organisation a accepté du Royaume-Uni n’a pas été utilisé pour le Myanmar, prétendant qu’il avait servi à la place à un programme que son organisation dirige en Thaïlande – apparemment convaincu que cette explication résoudrait les inquiétudes sur le conflit d’intérêts évident que représentent les activités de son organisation et son financement.

Pire encore, Smith a reconnu le rôle du Royaume-Uni dans la crise actuelle au Myanmar. C’est le colonialisme britannique qui a intentionnellement fomenté et exploité les tensions ethniques qui existent encore aujourd’hui au Myanmar. Cela inclut pratiquement tous les groupes ethniques pour lesquels Fortify Rights se pose en champion.

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Smith et d’autres membres de Fortify Rights ont été interrogés à plusieurs reprises et n’ont pas expliqué comment des étrangers financés par les gouvernements qui ont créé les tensions ethniques au Myanmar, peuvent servir de solution à ce conflit en s’insérant dans la violence actuelle.

Au lieu de cela, il est clair que ce que les Britanniques avaient intentionnellement accompli il y a des générations pour diviser et conquérir la Birmanie d’alors, se poursuit dans le Myanmar d’aujourd’hui.

Matthew Smith et son organisation, Fortify Rights, sont les équivalents modernes des missionnaires qui ont contribué à la conquête d’une grande partie de la planète par l’Empire britannique.

« L’avant-garde du colonialisme : Missionnaires et frontières en Afrique australe au XIXe siècle », écrit par le professeur Paul Gifford, donne un aperçu utile du rôle des missionnaires à l’apogée de la colonisation européenne :

« Le rôle des sociétés missionnaires en Afrique australe est controversé. À bien des égards, leurs objectifs déclarés étaient admirables : la création d’une société pacifique sans guerre intestine, l’éducation et l’élévation du peuple, et ainsi de suite. Mais dans la pratique, les missionnaires rempliraient des rôles très similaires et souvent interchangeables avec les explorateurs et diplomates européens laïcs, utilisant et manipulant les Africains qu’ils ont rencontrés comme il leur convient le mieux« .

Le professeur Gifford conclut :

« En fin de compte, la guerre n’était pas entre Dieu et Satan pour les âmes des Africains, mais entre l’Europe et l’Afrique pour les cœurs et les esprits des peuples, et le résultat final de cette bataille est encore indécis à ce jour ».

L’histoire du colonialisme européen en Asie du Sud-Est n’est pas différente.

Et ironiquement, Matthew Smith de Fortify Rights admettrait lui-même :

« …nous ne sommes pas du tout satisfaits de l’approche britannique au Myanmar en ce qui concerne l’avancée de la responsabilisation. Et nous sommes bien conscients de la terrible histoire coloniale et de ses conséquences, qui se poursuit encore aujourd’hui ».

C’est ironique parce que Smith soit ignore, soit refuse de reconnaître que la crise du Myanmar n’est pas seulement la « conséquence » de l’histoire coloniale britannique, c’est une continuation de celle-ci, et le Fortify Rights de Smith sert le rôle – textuellement – décrit par le professeur Gifford concernant les missionnaires dans la facilitation de la colonisation occidentale.

La NED finance Fortify Rights, et cette même Fortify Rights est supposée « enquêter »

Le rapport de l’ONU – 20 pages au total – ne mentionne Aung San Suu Kyi qu’une seule fois et uniquement dans le contexte de l’absence de condamnation de la violence en cours. Le rapport de l’ONU ne mentionne que les acteurs non militaires impliqués dans les violences ethniques en une seule phrase.

Pourtant, la vérité est que beaucoup de ceux qui ont directement facilité la prise de pouvoir politique par Aung San Suu Kyi en 2016 encouragent ouvertement la haine envers des groupes ethniques comme le Rohingya au Myanmar depuis des décennies. Ils ont aussi ouvertement incité et appelé à la violence contre les Rohingya. Personne n’a attiré autant l’attention que Fortify Rights ou l’ONU.

Une grande partie de la base de soutien de Aung San Suu Kyi est infectée. Les groupes qui ont reçu les éloges et le soutien des États-Unis ont ouvertement nié la reconnaissance ou la protection des groupes ethniques – en particulier des Rohingya. Beaucoup ont ouvertement incité à la haine et même à la violence contre les Rohingya.

Cela inclut non seulement les extrémistes se faisant passer pour des moines bouddhistes, mais aussi des groupes politiques comme le Groupe d’Étudiants de la Génération 88 dont le membre fondateur Min Ko Naing a reçu le prix « Democracy Award » 2012 de la NED.

L’Irrawaddy – un autre front financé par la NED américaine – dans son article « Analyse : Utiliser le terme « Rohingya », dévoile une liste de militants financés par les États-Unis et de membres de la NLD soutenus par les États-Unis et le Royaume-Uni qui dénoncent les Rohingya, contribuant ainsi à alimenter les lignes de fractures ethniques qui ont divisé le pays et apporté la violence des deux côtés.

Selon Irrawaddy, Min Ko Naing, lauréat du prix « Democracy Award » du NED, affirmerait que :

« Ils (ceux qui s’auto-identifient Rohingya) ne font pas partie des 135 groupes ethniques du Myanmar ».

U Win Tin, membre fondateur de la NLD de Suu Kyi, et récompensé par Reporters sans frontières pour le titre de « journaliste de l’année », a recommandé l’internement des Rohinya dans des camps, en revendiquant :

« Ma position est que nous ne devons pas violer les droits humains de ces personnes, les Rohingya, ou quoi qu’ils soient. Une fois qu’ils sont à l’intérieur de nos terres, nous devons peut-être les contenir en un seul endroit, comme un camp, mais nous devons respecter leurs droits humains ».

Ko Ko Gyi, un autre membre du Groupe d’Étudiants de la Génération 88, financé et soutenu par les Etats-Unis, irait jusqu’à jurer de prendre les armes contre les Rohingya qu’il appelle « envahisseurs étrangers ».

Dans un autre article sur l’Irrawaddy financé par le NED, publié en 2012 et intitulé « Le traumatisme va durer longtemps : Ko Ko Gyi », il serait révélé que :

« Début juin, Ko Ko Gyi a accusé les « pays voisins » d’alimenter les troubles dans l’État d’Arakan, et a déclaré catégoriquement que le groupe de la génération 88 ne reconnaîtra pas les Rohingyas comme une ethnie du Myanmar. Il a déclaré que son organisation et ses partisans sont prêts à prendre les armes aux côtés de l’armée pour lutter contre les « envahisseurs étrangers ».

Ko Ko Gyi – qui s’est juré en 2012 de commettre les violences qui se déroulent aujourd’hui au Myanmar – s’est retrouvé à Washington D.C. en 2013 après avoir fait ses remarques virulentes en faveur du génocide. Il a été invité spécifiquement par le NED américain à participer à une table ronde sur le thème « Examiner la transition vers la démocratie en Birmanie » (vidéo).

Même à première vue, Fortify Rights, chargée « d’enquêter » sur la violence contre les Rohingya et d’autres groupes minoritaires – y compris la violence et les appels à la violence lancés par d’autres bénéficiaires du soutien de la NED – représente un énorme conflit d’intérêts qui compromet entièrement la légitimité de l’enquête et renforce la légitimité de Fortify Rights en tant que groupe « de défense des droits de l’homme ».

Il n’est pas étonnant que dans le rapport de 162 pages de Fortify Right, « They gave them long swords » (PDF), seulement 4 pages soient consacrées aux « auteurs civils » qui sont directement reliés aux militaires et il n’y est jamais fait mention des organisations financées par les Etats-Unis auxquelles ils sont liés et par lesquelles ils sont incités.

Perpétuer la violence, ne pas protéger les personnes vulnérables

Fortify Rights rend compte de manière sélective de ce qui se passe au Myanmar. Pour l’instant, elle blâme l’armée de la retirer entièrement du paysage politique du Myanmar, expulsant ainsi une obstruction de longue date aux intérêts américains et britanniques. Elle prépare également le terrain pour contraindre le gouvernement civil si nécessaire.

Fortify Rights fournit à son gouvernement occidental, aux entreprises et aux fondations missionnaires qui la financent, un prétexte pour s’insérer dans les tensions ethniques afin de reprendre le contrôle du Myanmar, de son gouvernement, de son armée, de sa population, de ses ressources et de sa politique – comme l’ont fait les Britanniques lorsque le Myanmar était une colonie.

Il existe une véritable défense des droits de l’homme et des organisations non gouvernementales. Elle existe dans les communautés, soutenue par les personnes qu’elle prétend représenter. La défense internationale des « droits de l’homme » a toujours été, et continue d’être aujourd’hui, un écho vivant du passé colonial de l’Europe. Cela inclut les « missionnaires » qui ont aidé à la faciliter et qui se manifestent maintenant en tant « qu’ONG ».

Fortify Rights a catégoriquement échoué à répondre aux questions légitimes concernant son financement et ses méthodes, y compris pourquoi les « auteurs civils » financés – comme elle – par la NED américaine ne sont mentionnés nulle part dans leur long rapport de 162 pages.

Bien que Smith reconnaisse lui-même que la colonisation britannique a ouvert la voie à la violence ethnique au Myanmar, il couvre sciemment son propre rôle dans sa continuation aujourd’hui.

La crise du Myanmar se poursuivra tant qu’elle donnera à l’Occident l’occasion de s’impliquer dans les affaires intérieures du Myanmar par la coercition fondée sur des « préoccupations humanitaires« , alors que l’Occident lui-même alimente intentionnellement toutes les parties au conflit.

Pour le peuple du Myanmar, tenté par des querelles ethniques persistantes, le seul moyen d’expulser l’ingérence étrangère est la seule façon de parvenir à l’indépendance de la nation – une indépendance qui a toujours été incomplète en raison des vestiges du colonialisme britannique qui pèsent encore aujourd’hui sur la nation. C’est la division qui a permis aux Britanniques de s’installer, et c’est aujourd’hui la division qui continue de permettre au Royaume-Uni, aux États-Unis et à l’UE de rester sur le territoire.

Photo d'illustration: membres de la Fortify Rights

Traduit par Pascal, revu par Martha pour Réseau International


- Source : NEO (Russie)

vendredi, 31 août 2018

Idlib. Nouveau risque de conflit entre la Turquie et la Syrie

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Idlib. Nouveau risque de conflit entre la Turquie et la Syrie

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Une offensive de l'armée de Bashar al Assad (SAA, Syrian Arab Army) se prépare a reprendre le contrôle de la région de la Syrie NW, nommée Idlib qui est le dernier point du territoire tenu par l'opposition syrienne se présentant sous le nom de Syrian Free Army.

Il s'agit en fait du dernier point où Daesh, chassée de partout ailleurs, dispose encore de quelques forces. Tous les « terroristes » éliminés de Syrie par les offensives victorieuses de Bashar s'y sont réfugiés, se mêlant souvent à la population. Il est clair que la reprise d'Idlib signera la défaite complète de Daesh, en Syrie et sans doute même au Moyen Orient.

Comme l'on sait, la SAA a dès le début été appuyée par des moyens militaires aériens et terrestres russes. La Russie, qui dispose de deux petites bases en Syrie, cherche évidemment à travers son alliance de longue date avec Damas, à faire reculer l'influence américaine dans la région, au profit de la sienne. Washington le sait, mais n'a pu empêcher ces derniers mois de se faire repousser, militairement et économiquement, par l'alliance Damas-Moscou. Inutile de dire que la reprise d'idlib par Bashar sera considérée par le Pentagone comme une défaite majeure.

Aussi bien différents moyens sont utilisés par les Occidentaux alliés des Etats-Unis pour retarder voire pour empêcher l'offensive contre Idlib. Le plus visible consiste à la campagne actuellement menée par les organisations internationales humanitaires faisant valoir les morts civiles prévisibles. Mais celles-ci, à supposer qu'elles se produisent, ne seront pas plus nombreuses que lors de la reconquête par Bashar et par la coalition américano-arabe des positions de Daesh en Syrie. Comme nous venons de le rappeler l'organisation terroriste s'est toujours fondue parmi les populations pour se protéger.

Un nouvel élément est à prendre en considération, le risque de voir la Turquie, qui avait précédemment rejoint la coalition Syrie, Iran et Russie, s'y opposer à nouveau. La raison est qu'elle avait été récemment chargée par celle-ci de la prise en charge d'une zone dite de deconflictualisation comprenant essentiellement la région d'Idlib. Mais celle-ci est devenue depuis ces derniers mois le refuge de tous les combattants islamiques se rattachant à Daesh ou à l'ex. Al Qaida et ayant fui la Syrie.

Or Ankara n'a aucune envie de voir ces effectifs terroristes chassés d'Idlib se réfugier en Turquie. Bien plus, comme nul ne l'ignore, Ankara avait depuis des années financé et armé ces terroristes dans l'espoir, notamment, de les voir contribuer à renverser Bashar, considéré longtemps par Erdogan comme un rival insupportable. Les Etats-Unis le savaient et avaient encouragé ces implications d'Ankara dans le soutien aux terroristes. Ceux-ci ont été officiellement combattus par Washington, mais ils ont été discrètement pourvus en armes et en dollars par les Américains dans la mesure où ils pouvaient contribuer à la chute de Bashar et à un échec majeur pour la Russie.

La Turquie n'a pas encore choisi son camp entre Washington et Moscou. Elle a certes décidé de quitter l'Otan mais elle veut conserver des liens commerciaux et diplomatiques avec les Américains. Dans ce but, l'on peut craindre qu'elle ne se confronte, éventuellement militairement, avec la SAA lors de la bataille pour Idlib. Elle récupérerait ainsi une grande partie du soutien américain, ce qui lui sera précieux à l'avenir dans son désir de s'affirmer comme une super-puissance régionale.

Une confrontation majeure se produira-t-elle ces prochains jours dans la bataille d'Idlib?

Note 

On peut penser qu'aucune offensive ne sera déclenchée avant le 8 septembre, c'est-à-dire après la prochaine rencontre tripartite Iran-Russie-Turquie du 7, dans le cadre des accords d'Astana, qui se tiendra en Iran, où se rendra donc Erdogan. Ils vont problablement trouver un accord pour régler le cas d'Idlib sans qu'il y ait un affrontement direct entre la Syrie et la Turquie.

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Probable annexion de la région d'Idlib par la Turquie

par Jean-Paul Baquiast
 
Dans l'article récent, Idlib, l'embarras russe, nous indiquons que face à la volonté de Bashar el Assad de reconquérir la province d'Idlib, et à celle des Turcs d'y établir définitivement leur présence, les Russes, dans la mesure où il leur reste un pouvoir d'arbitre dans ce conflit, donneraient leur soutien à Damas.

Aujourd'hui, il semble bien au contraire que Recep Erdogan n'a aucune volonté de se retirer de la province d'Idlib. Au contraire, il désire l'annexer au sens propre du terme, c'est-à-dire en faire une véritable province turque.

Un article détaillé de Syria Direct en donne la raison, à la suite d'enquêtes précises de ses reporters en Syrie 1). Nous pouvons en retenir les éléments suivants :

Les Turcs semblent définitivement établis au nord de la province d'Alep, région où se trouve Idlb, à la suite de leur opération militaire lourde dite « Rameau d'olivier ». Celle-ci, entre autres visait à éliminer les Kurdes de Syrie dans cette région où ils sont traditionnellement établis. La volonté première d'Ankara est évidemment d'empêcher que la présence des Kurdes dans la région d'Alep n'encourage la dissidence de leurs propres Kurdes du PKK en Turquie.

Il est moins connu que les Turcs sont aidés dans toute cette région par des groupes militaires sunnites que Damas qualifie de terroristes et que la Turquie soutient de diverses façons, notamment par la fourniture d'armes et en y facilitant l'entrée de centaires de combattants de Daesh chassés de Syrie par les opérations victorieuses de Bashar.

Il est également peu connu que les Turcs et leurs alliés rebelles islamiques se sont établis dans la région en multipliant les violences contre la population, notamment à Afrin. Amnesty International s'en est ému 2). Il est vrai qu'Amnesty n'est pas neutre. Il s'agit d'une organisation soutenant en général la politique américaine. Néanmoins les faits semblent avérés.

La très prochaine bataille pour Idlib renouvellera les tensions entre Ankara et Damas. Les Turcs, à nouveau, bénéficieront de l'aide des musulmans sunnites de cette région, considérant que ce faisant ils se comportent quasiment en « soldats d'Allah ».

Pour les Turcs, une implantation définitive dans cette région, à commencer par une présence militaire, confortera leurs frontières avec la Syrie et pourra éviter que des centaines de milliers de réfugiés syriens fuyant la présence d'Assad ne viennent s'y établir définitivement, débordant inévitablement vers la Turquie, renforçant les quelques 3 millions de réfugiés y vivant déjà.

Un accord avec Bashar serait envisageable si ce dernier renonçait à reprendre la région d'Idlib en échange d'un soutien turc plus général au gouvernement de Damas, qui en aurait évidemment besoin. Mais il semble évident que la Turquie ne fait pas confiance à Bashar al Assad. Elle veut conserver un moyen de pression sur lui en s'établissant dans la région d'Idlib.

Contrairement à ce que concluait notre article précité, la Russie dans ce conflit mettra sans doute son pouvoir d'arbitrage au service de la Turquie, son alliée dans le processus d'Astana et aux dépends de son autre allié Bashar. Le soutien de celui-ci lui paraît définitivement acquis, car il n'a pas d'autres alternatives. Au contraire, maintenir la Turquie dans la coalition des Etats sur lesquels elle s'appuie pour éliminer l'influence américaine sera de plus en plus important.

Ajoutons que certains commentateurs, notamment libanais, considèrent que l'armée de Bashar al Assad est un relais utilisé par la Russie pour s'établir à la frontière syro-libanaise sans paraître intervenir directement dans cette région. 3)

Nous pourrions dire, avec prudence, que si ce n'est pas totalement exact, ce n'est pas totalement faux. Dans ces conditions, l'installation de la Turquie dans cette région ne pourra que provoquer des tensions entre Ankara et Moscou. Mais il nous parait probable que, comme indiqué par le présent article, la Russie, pour ne pas heurter de front l'allié turc, prendra son parti de l'arrivée des Turcs.

Références

1) https://syriadirect.org/news/as-syria%e2%80%99s-proxies-co.../

2) https://www.amnesty.org/en/latest/news/2018/08/syria-turkey...

3) https://www.lorientlejour.com/article/1123914/le-deploiem...

Note.

Concernant Syria Direct https://syriadirect.org/, il faut une nouvelle fois regretter que l'homologue, sauf erreur, n'existe pas dans la presse française. On peut lire :

Syria Direct is a non-profit journalism organization that produces timely, credible coverage of Syria while training a small group of highly talented, aspiring Syrian and American journalists in professional news-gathering and accurate, in-depth reporting. As a result of agenda-free funding, our focus is on providing credible, original, relevant and immediate news and analysis of the conflict.

Certes de telles initiatives  peuvent servir de couverture à l'intervention de différentes grandes puissances. Mais il ne faut pas prétexter de telles possibilités pour ne pas s'y intéresser.

mardi, 28 août 2018

Entre la Caspienne et la Mer Noire : bientôt le Canal Eurasien !

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Entre la Caspienne et la Mer Noire : bientôt le Canal Eurasien !

Supplantera-t-il le Canal de Suez ?

Par Thomas W. WYRWOLL

Après des tractations préliminaires couronnées de succès, le président du Kazakhstan, Noursoultan Nazarbaïev a une nouvelle fois suggéré la mise en œuvre d’un projet, formulé déjà du temps des Tsars, lors du sommet du Haut Conseil de la Communauté Economique Eurasienne, c’est-à-dire la construction d’un canal entre la Caspienne et la Mer Noire.

Pour être précis, il existe déjà un canal qui fait le lien entre ces deux mers, le Canal Don-Volga (CDV). Cependant, ce canal, qui date de l’ère stalinienne et s’étend sur une distance de 101 km, constitue aujourd’hui un goulot d’étranglement entre les deux fleuves et est régulièrement embouteillé. Ses dimensions sont désormais inappropriées, même pour les péniches fluviales de la Volga, dont le gabarit est pourtant assez petit. Après l’ébauche des premiers projets, formulés dans les années 1930, de réaliser un canal menant directement de la Caspienne à la Mer Noire, les autorités soviétiques ont mis ceux-ci au frigo, suite à la guerre. Après la fin des hostilités, le projet ne fut pas remis à l’ordre du jour car, finalement, les Soviétiques se sont rendu compte que le Canal Don-Volga suffisait amplement pour les tâches limitées de l’époque.

Mais vu l’ampleur de l’exploitation pétrolière dans la zone caspienne et le développement des projets de « routes de la soie », l’idée d’un tel canal est plus actuelle que jamais. En 2007 déjà, le président russe Vladimir Poutine envisageait soit de creuser un canal parallèle au CDV soit de tracer un nouveau canal qui serait une liaison directe entre les deux mers. La même année, son collègue kazakh a estimé que c’était là une excellente suggestion et il s’est fait l’avocat d’un canal direct, auquel il a donné le nom de « Canal Eurasien ». En allemand, on parle donc désormais de « Canal Eurasien » (Eurasien-Kanal). Le président kazakh proposait alors un tracé partant de la courbe du fleuve Manytch en direction de la Caspienne. Ce tracé serait de 700 km.

Deux ans plus tard, la Banque Eurasienne de Développement sort une étude pour la construction d’un tel canal et pour d’éventuelles alternatives. Cette étude reste alors secrète et n’a pas été publiée. Il est évident qu’un nouveau CDV serait plus long d’environ 300 km qu’un canal direct et, pendant l’hiver, ne serait que partiellement utilisable pendant trois à cinq mois, un handicap sérieux que n’aurait pas un tracé situé plus au sud, où l’hiver ne sévirait que deux mois. On a appris que le coût des deux projets ne serait pas très différent et, en tout cas, constituerait l’initiative la plus onéreuse de l’histoire russe récente, plus chère encore que la construction du pont de Crimée. Malgré le caractère secret du projet, le monde entier était au courant de celui-ci, suite aux multiples conférences russo-sino-kazakhs. A plusieurs reprises, le président Nazarbaïev, en particulier, a tenté de le promouvoir.

Pour le Kazakhstan, les avantages d’un tel canal sont évidents : le pétrole tiré des énormes gisements  de la Mer Caspienne (10% des réserves mondiale, selon les dernières estimations)  est transporté dans un premier temps par navires pétroliers depuis les côtes kazakhs et, de là, est acheminé plus loin grâce à un système d’oléoducs, pour lequel le Kazakhstan doit payer des sommes considérables. Un canal vers la Mer Noire constituerait un mode de transport direct et donc nettement plus avantageux par mer jusqu’au pays européens clients. La Communauté Economique Eurasienne ne parlait naguère que d’améliorer les infrastructures régionales, de créer des emplois nécessaires et de promouvoir la construction de bateaux.

Pour la Chine, le canal constituerait un bon compromis entre les avantages offerts par le rail et par la navigation fluviale, permettant de raccourcir encore la distance entre la Chine et l’Europe, surtout depuis que Beijing s’active à déplacer à grande échelle ses centres de production industrielle de l’Est vers l’Ouest. Les financements proviendraient de la Banque Asiatique d’Investissements et d’Infrastructures, créée par la Chine ; pour l’exécution des travaux, on prévoit l’intervention du géant Sinohydro, relevant de l’Etat chinois. Sinohydro est l’une des plus grandes entreprises de construction au monde qui a notamment réalisé la fameux barrage des Trois Gorges. Les Chinois, toujours très actifs, prévoient un temps de construction de trois ans, plus six mois de planification. Les experts russes, en revanche, estiment que le temps de construction sera deux ou trois fois plus long.

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Un aspect intéressant dans la construction de ce canal est qu’il passera par la République de Kalmoukie. A l’origine, le peuple kalmouk vient du Nord-Ouest de la Chine, de Dzoungarie. Il s’est installé sur le cours de la Volga au 17ème siècle. Sous Staline, il a subi un véritable génocide, poussant de nombreux Kalmouks à combattre dans les rangs allemands pendant la seconde guerre mondiale. Sous Khrouchtchev, les survivants ont pu revenir dans leur patrie et sont de nouveau, à l’embouchure de la Volga, le peuple le plus nombreux, après les Russes. Un deuxième grand groupe de Kalmouks vit encore dans l’Ouest de la Chine, où leurs ancêtres, après la dissolution du Khanat de Kalmoukie par Catherine la Grande en 1771, y étaient revenus à l’invitation des empereurs mandchous. Aujourd’hui, il y a presque autant de Kalmouks en Chine qu’en Russie.

Le gouvernement de la République kalmouk a signé récemment avec la Chine un accord, accepté par les Russes, invitant à un nouveau retour des Kalmouks de Chine dans la région russe de la Volga. Si ces Kalmouks de Chine revenaient effectivement, le peuple titulaire de la République kalmouk actuelle serait dominant sur son territoire « ethnique » et pourrait s’étendre aussi à des régions contigües que Staline avait annexées à la Russie. Les Kalmouks de Chine sont cependant très loyaux à l’égard de la Chine, fait intéressant à plus d’un titre sur le plan géostratégique. Jusqu’ici, la Chine s’est montré très réticente pour installer des fragments de ses propres populations sur le territoire russe, car les autorités chinoises savent que les Russes sont très méfiants et très sensibles à ce genre de transferts de populations ; cependant, l’installation de Kalmouks originaires de Chine dans le cadre de la construction du Canal Eurasien pourrait s’avérer plus aisé.

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Potentiellement, les problèmes écologiques que poserait la construction de ce canal sont importants. Non seulement, les biotopes aquatiques s’entremêleraient mais les routes de migrations d’une grande partie des populations d’antilopes saïga à l’Ouest de la grande steppe, ce qui aurait d’énormes répercussions sur celles-ci et sur la part de l'écosystème de cette steppe dépendant de ces animaux. On a songé à installer des ponts pour faire passer cette faune sauvage mais ces antilopes sont craintives et risqueraient de ne pas les emprunter. De plus, leur nombre serait insuffisant : ils devraient être complétés par des ouvrages plus larges sous formes de corrals devant être entretenus par l’homme. Pour la faune ornithologique, plusieurs zones humides seraient mises en danger, notamment par la salinisation des sols. On pourrait y remédier par un réglage compliqué des adductions d’eau pour le canal. La Mer d’Azov serait elle aussi menacée, alors que son état est déjà déplorable. Minimiser les dégâts écologiques potentiels est l’un des principaux défis à relever pour les constructeurs du Canal.

Ces défis pourront toutefois être surmontés. Réaliser ce projet, vieux de plus d’un siècle, apporterait de grands changements géostratégiques, comparables au creusement du Canal de Suez, dont le rôle serait alors considérablement minimisé.

Thomas W. Wyrwoll.

(article tiré de « zur Zeit », Vienne, n°34/2018, http://www.zurzeit.at ).

jeudi, 16 août 2018

Moscou se veut désormais le protecteur des Kurdes

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Moscou se veut désormais le protecteur des Kurdes

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Depuis les événements au Moyen-Orient, ceux que l'on nomme par facilité les Kurdes ont joué un rôle permanent dans les conflits entre puissances.

Les Kurdes ne sont pas généralement évoqués sous la forme d'une communauté. Nous avons nous-mêmes relaté le rôle de ceux que l'on appelle les Kurdes de Syrie, ayant joué un rôle important dans les batailles contre Daesh, généralement soit de leurs propres chefs, soit comme alliés des coalitions arabo-américaine, ces mêmes Kurdes de Syrie étant considérés par Bashar al Assad ou parfois par les Russes comme des obstacles à une réunification de la Syrie sous l'autorité de Damas. On mentionne aussi les Kurdes d'Irak, souvent proches des Kurdes de Syrie.

Recip Erdogan, dotés en Turquie d'une importante communauté de Kurdes turcs, disposant de larges pouvoirs d'auto-gouvernement, a toujours manifesté le refus de négocier avec les Kurde de Syrie ou d'Irak, de peur qu'ils ne s'allient avec les Kurdes de Turquie pour reconstituer une entité autonome établie à cheval sur des 3 territoires, Turquie, Syrie et Irak et susceptible de ressusciter l'antique Royaume du Kurdistan https://fr.wikipedia.org/wiki/Kurdistan . Celui-ci l'amputerait d'un petit tiers de son territoire.

Il faut ajouter que les Kurdes de Syrie, traditionnellement établis sur les vastes réserves pétrolières et gazières de la province de Deir Es Zor, à la frontière syro-turque, en jouent pour se rendre indispensables à toute exploitation sérieuse de ces ressources.

Rappelons que les Kurdes sont en majorité musulmans, mais de ce que l'on pourrait appeler en France des musulmans laïcs, ayant depuis longtemps renoncé aux prescriptions rigoristes de l'Islam, concernant notamment la nécessité de maintenir les femmes dans un rôle subordonné. Les Kurdes de Syrie et d'Irak, excellents combattants par ailleurs, se sont fait remarquer par la présence de militaires femmes dans leurs rangs, en uniforme et certaines ayant d'importantes responsabilités d'encadrement.

Les Kurdes se rapprocheraient dorénavant de Damas et de Moscou

Vu le poids politique des Kurdes de Syrie, les Etats-Unis ont longtemps réussi à les faire combattre contre Bashar al Assad aux côtés des autres mercenaires, provenant d'organisations terroristes, qu'ils recrutaient à cette fin en leurs fournissant des armes et des dollars. Cependant, ces derniers jours, un accord semblait conclu entre les Kurdes de Syrie et Damas, sur le base d'un respect réciproque et la renonciation à toute action agressive. On lira à ce sujet un article de EJ Magnier datant du 30/07 1). Celui-ci estime que cet accord obligera les Américains à cesser de manipuler la communauté kurde à son profit, et plus généralement à se retirer complètement de Syrie, n'ayant plus guère de moyens d'action.

Mais la Russie, jusqu'ici très réservée à l'égard des Kurdes parait désormais décidée à les aider. Elle ne s'adresse pas uniquement aux problèmes des Kurdes de Syrie mais à l'ensemble du problème kurde. On apprend, comme l'indique le message référencé ci-dessous de M.K. Bhadrakumar 2), qu'elle a facilité la création à Moscou d'une Fédération Internationale des Communautés Kurdes.

Cette Fédération sera animée par un certain Mirzoyev Knyaz Ibragimovich, intellectuel Kazakh renommé originaire des Kurdes d'Arménie. Elle devrait, dans l'esprit des autorités russes, être une « plate-forme » où pourraient se retrouver l'ensemble des Kurdes. L'objectif prioritaire devrait être d'encourager tous les Kurdes à lutter contre Daesh et les autres groupes terroristes.

Reste à savoir comment cette initiative sera reçue par les Kurdes de Syrie et d'Irak. Comment par ailleurs Recep Erdogan, allié actuel de la Russie, soutiendra-t-il cette démarche ?

On rappellera que depuis le 19e siècle, sinon avant, les Russes et les Kurdes ont eu des échanges politiques et culturels nombreux, dont le cœur se trouvait à Saint-Pétersbourg. Les slaves russes et les musulmans kurdes se sont retrouvés dans de nombreux domaines.

Références

1) https://ejmagnier.com/2018/07/30/why-will-the-us-leave-sy...

2) http://blogs.rediff.com/mkbhadrakumar/2018/08/07/russia-p...

 

vendredi, 03 août 2018

Ruimterevolutie: Hoe de walvisjacht ons wereldbeeld veranderde

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Ruimterevolutie: Hoe de walvisjacht ons wereldbeeld veranderde

door Erwin Wolff

Ex: http://www.novini.nl

Het boek Land en zee van de Duitse rechtsfilosoof Carl Schmitt is een opvallende afwijking van zijn gebruikelijke discours. In zijn andere werken schrijft hij vooral over recht, politiek en direct aanverwante zaken. Een voorbeeld is het boek Die geistesgeschichtliche Lage des heutigen Parlamentarismus waarin Schmitt in 1923 de parlementaire democratie van de Weimarrepubliek bekritiseert. Bekender is het werk Der Begriff des Politischen waarin hij de politiek tot wij-zij tegenstellingen herleidt. In Land en zee gaat hij echter op heel andere zaken in.

Wat is de aarde eigenlijk en hoe komt het dat we de aarde zien zoals wij die zien? Hoe komt het dat wij anno 2018 de aarde zien als een groen-blauwe bol in een oneindige ruimte? Hoe kan dat zo verschillen van het wereldbeeld van andere volkeren? Volgens Carl Schmitt ligt hier een zogenoemde “ruimterevolutie” aan ten grondslag en die heeft alles te maken met de manier waarop onze voorouders naar hun wereld keken.

CSlandenzee.jpgDe eersten die de omslag maken zijn de oude Grieken in de klassieke Oudheid. Griekenland bestaat uit vele stadstaten, maar de zeemacht Athene en de landmacht Sparta steken in deze Griekse wereld boven allen uit. Het denken van de Grieken veranderde van een volk dat zich enkel met landbouw bezighield naar een zeemacht, omdat het op een gegeven moment het gehele oostelijke deel van de Middellandse zee ging beheersen. De Grieken waren opgesloten in deze context en ze misten de mankracht om hieruit te breken.

Pas toen het Romeinse Rijk uitdijde naar het tegenwoordige Frankrijk en dus naar de Atlantische oceaan, wist de klassieke Oudheid uit deze kooi te breken in de eerste eeuw van onze jaartelling. Maar toen was het eigenlijk al gedaan. Het Romeinse Rijk stortte zichzelf daarna in chaos en er was onder Romeinse leiding geen paradigmaverschuiving.

In de middeleeuwen was heel Europa, van het noorden tot het hele zuiden, opgemaakt uit verschillende agrarische staten. Aan de randen van deze boerenstaten werd er visserij bedreven. Met de Bijbel in de hand werden de Germaanse volkeren van noord tot zuid bekeerd tot het Christendom. De ruimte op de aarde is wat de Middeleeuwers betreft een heleboel land en een heleboel agrarische producten op dat land. Tot het einde van de middeleeuwen is er geen echte verandering in deze zienswijze.

In het Oude Testament is er een mythisch zeedier te vinden, de leviathan (Job, hoofdstuk 40 en 41), en leviathan gaat een grote rol spelen in de omslag van het besef van ruimte van de Germaanse volkeren in Europa. De leviathan, meestal afgebeeld als walvis, lokt de vissers van Europa de zee op omdat deze vis zich niet laat vangen aan de kust. Zonder de walvisjacht zouden de Europese vissers in een smalle strook van de kust zijn gebleven. Het besef van de ruimte op aarde verandert onder druk van de walvisjacht razendsnel. Carl Schmitt beschrijft dit fenomeen als een “ruimterevolutie”. De ruimte waarin men denkt te leven verandert van landmassa naar land- en zeemassa.


Ook de middelen om zich op de zee te begeven veranderen. De galei van de Klassieke wereld worden afgedaan en schepen die de wind opvangen met zeilen doen hun intrede. Men kan veel verder en veel sneller zich op zee begeven. Er wordt een nieuw continent ontdekt en daarmee nieuwe handel, nieuwe regels, nieuwe innovaties. Ongeveer tussen de jaren 1490 en 1600 vinden deze veranderingen plaats. Het besef van de ruimte waarin men denkt te leven verandert en de middeleeuwse ordening der dingen komt definitief ten einde. Hulpeloos rolt de Europese beschaving een nieuw tijdperk binnen.

Het begin is nog wat onhandig. Er gebeurt ook iets geks met Engeland. Vooral Engeland is in de middeleeuwen ook een boerenstaat die zich voornamelijk bezighoudt met schapen, textiel en Frankrijk proberen te veroveren. Het protestantse Engeland draait zijn rug naar het continent Europa en richt zich op de zee. Met zo’n succes zelfs dat het de katholieke landen Spanje en Portugal inhaalt. De heerschappij van de zee is van niemand of iedereen. Maar eigenlijk vooral van één land: Engeland. Dit Germaanse volk beheerst in de negentiende eeuw de zee, de zeehandel en daarmee de wereld. Zozeer zelfs dat Engeland zichzelf niet meer als Europese macht ziet.

We belanden aan in de 20e eeuw en dan vindt een tweede ruimterevolutie plaats. Het oudtestamentische monster, Leviathan, is niet meer zozeer een vis, maar een ijzeren monster in de vorm van een modern slagschip. De overgang van stoomboot naar modern slagschip is niet kleiner dan de overgang van galei naar zeilschip, verklaart Carl Schmitt. Duitsland en enkele andere landen zijn industriële machten geworden en kunnen net zo produceren als Engeland. Hiermee komt de onbetwiste heerschappij over de zee door Engeland ten einde.

Land en Zee is een bijna dichterlijke beschrijving van deze gigantische veranderingen. Het zijn mooie woorden die laten zien hoe het komt dat de Europese beschaving andere volkeren ontdekte en dat het niet die andere volkeren zijn geweest die ons ontdekt hebben.

lundi, 30 juillet 2018

Une “OTAN arabe” - L’instrument de Trump contre l’Iran

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Une “OTAN arabe”

L’instrument de Trump contre l’Iran

A Washington, on sait qu’en cas de guerre avec l’Iran, les Etats-Unis auront le besoin urgent du soutien des pays arabes voisins. Une OTAN arabe serait dès lors bien utile !

Par Marco Maier

Au Proche Orient, on envisage la création d’une nouvelle alliance militaire et politique, que l’on désigne déjà comme une « OTAN arabe », car la comparaison semble licite. Six pays arabes du Golfe, l’Eypte et la Jordanie agiraient ensemble au sein de cette organisation, en tant qu’alliés des Etats-Unis et uniraient leurs efforts contre l’Iran.

Selon certaines informations, la Maison Blanche inciterait ces pays à coopérer plus étroitement dans la défense anti-missiles, dans les manœuvres militaires communes et dans les mesures anti-terroristes et à renforcer leurs relations économiques et diplomatiques dans la région. Il s’agirait surtout de ruiner les efforts de Téhéran qui cherche à étendre son influence dans la région, en tablant notamment sur les pays à dominante chiite, comme, par exemple, l’Irak ou le Yémen.

Officiellement, les Américains appliquent la doctrine du « No Regime Change » en ce qui concerne l’Iran ; cependant, il est de notoriété que la CIA, le Mossad et d’autres services utilisent tous les moyens à leur disposition pour susciter ou envenimer des troubles au sein de la théocratie chiite, afin, dans la mesure du possible, de précipiter le pays dans une guerre civile qui entraînerait, en bout de course, la chute des mollahs. Voilà ce qu’espèrent les services secrets. Et si, finalement, le régime des mollahs ne tombe pas ? Alors, la situation chaotique, qui règnerait suite à toutes ces amorces de conflit civils, ferait en sorte que Téhéran serait forcé à se replier sur son front intérieur et ne pourrait plus œuvrer à s’installer comme puissance régionale qui compte.

En cas d’extrême nécessité, on pourrait aussi fabriquer un prétexte pour autoriser cette OTAN arabe de rentrer en Iran pour obliger les chiites perses, traités d’« adorateurs du diable », à « rentrer dans la droit chemin » (les sunnites radicaux haïssent davantage les chiites que les « mécréants »). Selon la bonne habitude, ce seront alors les Arabes qui feraient le sale boulot, verseraient leur sang en abondance, pour qu’à la fin, les Américains arrivent comme des héros resplendissants, comme des libérateurs.

Ex: https://www.compact-magazin.com

lundi, 23 juillet 2018

L’Union Européenne est l’ennemie des Etats-Unis depuis la fin de l’ancienne guerre froide

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L’Union Européenne est l’ennemie des Etats-Unis depuis la fin de l’ancienne guerre froide

Par Tyler Durden

Trump a fait sensation cette semaine en décrivant l’Union Européenne comme une ennemie des Etats-Unis

Cette Remarque du Président américain, “politiquement incorrecte” et impensalbe jusqu’il y a peu a été prononcée après le sommet de l’OTAN, à l’occasion d’un entretien que Trump a donné à CBS News. Les journalistes ont demandé à Trump de décrire « le plus grand ennemi global d’aujourd’hui » : celui-ci a répondu, laissant tout un chacun complètement pantois : « Eh bien, je pense que nous avons un tas d’ennemis. Je pense que l’Union Européenne en est un pour ce qu’elle inflige à notre commerce. Certes, je comprends votre stupéfaction, car vous ne songiez pas à l’Union Européenne, mais, oui, elle est un ennemi ».

Très vite, le Président américain a édulcoré ses propres paroles en disant : « Je respecte les dirigeants de ces pays. Mais, du point de vue commercial, ils ont fini par prendre l’avantage sur nous et bon nombre de ces pays sont dans l’OTAN et ne paient pas leurs factures ». Mais le mal était fait.

Un sondage recent (recent poll ) nous apprend que deux tiers des Allemands pensent que Trump est « plus dangereux » que le Président russe Poutine. Quant au ministre allemand des affaires étrangères, il a déclaré lundi que son pays « ne pouvait plus entièrement faire confiance à la Maison Blanche » (voir : déclaration ).

Les médias « mainstream » décrivent cet incident majeur comme un désastre que l’Amérique s’inflige à elle-même « en rejetant ses liens traditionnels transatlantiques » et en répétant « que Trump a trahi les alliés les plus proches des Etats-Unis ». Cependant la situation est bien plus complexe que ne le veulent ces explications simplistes.

L’idéologie « America First » de Trump est complètement opposée  à l’approche globaliste de l’élite européenne de gauche. Trump, l’homme d’affaires milliardaire, n’accepte pas que les contribuables américains continuent à financer injustement les notes de l’OTAN tandis que les Européens gardent les mains libres grâce à leurs sacrifices. De plus, Trump n’accepte pas le déséquilibre tarifaire existant entre les Etats-Unis et l’Union Européenne ; toutefois, sa réponse est le résultat d’une manipulation des chiffres due à une tactique habile de gestion de la perception (cf. skillful perception management tactics ), tendant à faire croire à « une attaque non provoquée contre le commerce libre et honnête ». La réalité nous oblige à dire qu’il n’y a jamais eu de véritable commerce « libre et honnête » et que ce conflit larvé a toujours existé.

Les Etats-Unis avaient décidé, dès la fin des années 1940, de subsidier “l’utopie socialiste de l’Etat-Providence” dans l’Union Européenne, pour gagner des atouts lors de l’ancienne guerre froide. Cette raison, dorénavant caduque, a pourtant toujours été évoquée et traduite dans la pratique pour  faire triompher des objectifs globalistes favorisant l’unipolarité américaine (cf.  continued for unipolar globalist ends ).

Exactement comme les Russes soviétiques n’ont jamais cessé de redistribuer leurs ressources aux autres républiques de l’URSS puis aux pays européens du bloc de l’Est et aux pays alliés du « Sud soviétique » en Afrique et en Asie. Les Américains éprouvent des sentiments négatifs à l’égard de leurs gouvernements qui, pendant des décennies, ont favorisé les Européens et même les Chinois en leur octroyant des arrangements commerciaux asymétriques.

Aujourd’hui, les implications possibles en matière de sécurité, sur le long terme, qu’a ce transfert continu de richesses des Etats-Unis vers l’Europe, sont les motifs principaux pour lesquels Trump a considéré l’Union Européenne comme un « ennemi » car c’est là une façon simple et claire de définir la concurrence économique et stratégique entre ces deux pôles qui sont des « amis/ennemis » ; certes, cela a surpris considérablement les Européens d’être apostrophés de la sorte par le Président américain lui-même.

Ex: https://www.zero-hedge.com

samedi, 21 juillet 2018

Le chef de la fraction des “Verts” en Allemagne veut de nouvelles alliances asiatiques pour l’Europe !

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Adieu à l’alliance américaine ?

Le chef de la fraction des “Verts” en Allemagne veut de nouvelles alliances asiatiques pour l’Europe !

Robert Habeck, chef de la fraction des Verts estime que l’Europe a besoin de nouveaux partenaires et alliés, surtout en Asie, quitte à ne plus être orientée exclusivement sur le partenariat transatlantique.

Par Marco Maier

Enfin, un gars parmi les Verts qui devient intelligent ! Après avoir quasiment exclu le mouvement pacifiste de ses rangs et surtout depuis le gouvernement Schröder/Fischer, les Verts de la tendance « Realo » et leurs amis ralliés à l’établissement ont donné le ton dans le parti qui, depuis, n’a cessé de vouloir pratiquer une politique férocement antirusse, surtout sous la pression du lobby homosexuel, ce qui a permis aux atlantistes de contrôler la marche des affaires en politique étrangère, induisant une suite ininterrompue de stratégies filandreuses et boiteuses. Aujourd’hui, les choses semblent changer : le chef du parti, Robert Habeck veut que l’Union Européenne se choisisse de nouveaux partenaires et alliés.

“Certes, nous ne pouvons pas abandonner l’espoir que nous plaçons dans une Amérique après Trump, où les relations transatlantiques reprendraient vigueur”, a déclaré Habeck, “mais une chose doit être claire désormais : l’Europe doit forger de nouvelles alliances, surtout en Asie ». L’Europe doit abandonner l’idée qu’il n’y aurait « qu’un seul véritable allié », a insisté Habeck. « En lieu et place du vieux camp (atlantiste), nous devons faire émerger un tissu d’alliance, suffisamment puissant, pour éviter toutes nouvelles guerres ». Ce qui est important, c’est que « l’Europe doit agir à l’unisson », a demandé le chef des Verts, « sinon nous ne jouerons plus aucun rôle (sur la scène internationale), y compris l’Allemagne ».

Le Président des Etats-Unis, a-t-il ajouté, « a un plan : la destruction de l’ordre ancien ». Dans le conflit qui oppose désormais l’Europe aux Etats-Unis, la Chine pourrait devenir l’un de nos partenaires, a dit Habeck, même si la République Populaire n’est nullement un modèle sur le plan des droits de l’homme (ce qui semble important pour les Verts…). Notre commentaire : s’il faut s’unir contre Trump, les droits de l’homme semblent tout d’un coup revêtir une importance bien moindre pour les Verts.

Toutefois, le politicien vert s’oppose contre toute augmentation aveugle du budget militaire allemand, comme l’a réclamé le Président des Etats-Unis et quelques politiciens allemands de la CDU, de la CSU et de la FDP. « Avant de poser la question ‘combien ?’, il faut poser la question du pourquoi et l’expliquer”, selon Habeck.  « Au départ, il faut procéder à une analyse stratégique pour déterminer quelles sont les tâches de la Bundeswehr et celles de ses partenaires européens aujourd’hui ». Et c’est sur la base de cette analyse stratégique qu’il faudra fixer les dépenses et non autrement.

Ex : https://www.contra-magazin.com

dimanche, 15 juillet 2018

Investissements le long des nouvelles routes de la Soie : l’Allemagne et la Chine signent 22 traités !

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Investissements le long des nouvelles routes de la Soie : l’Allemagne et la Chine signent 22 traités commerciaux !

Berlin – Malgré l’indécrottable obsession occidentaliste et atlantiste des dirigeants politiques de la République fédérale d’Allemagne, les relations économiques inter-eurasiatiques s’intensifient, en marge des querelles sous-jacentes qui troublent les relations transatlantiques. Suite à sa visite lors de la rencontre dite « 16 + 1 », à Sofia, capitale de la Bulgarie, le Président chinois Li Kequiang s’est rendu à Berlin, où il a plaidé pour une imbrication économique plus étroite entre Européens et Chinois. A cette occasion, plusieurs traités économiques germano-chinois ont été signé pour un valeur totale de 20 milliards d’euros.

Le but de ces pourparlers communs était de discuter des mauvaises conditions dans lesquelles évoluait le commerce internationale suite aux dernières sanctions douanières américaines. Tant la Chancelière Merkel que son hôte venu de Chine ont plaidé en faveur d’un commerce libre, libéré de toute entrave. Li a déclaré : « Nous sommes en faveur du commerce libre, du multilatéralisme ».

Beijing, ces derniers jours, a réagi face aux sanctions douanières américaines en imposant des taxes spéciales sur les produits américains importés en Chine.

En marge de ces consultations germano-chinoises, vingt-deux traités gouvernementaux et économiques ont été signés. Le principal de ces traités porte sur la construction d’une usine pour piles cellulaires destinées aux automobiles électriques et qui s’établira à Erfurt en Thuringe. Le producteur chinois CATL veut y investir, dans un premier temps, plusieurs centaines de millions. Le premier gros client pour ces piles est BMW. Le constructeur automobile bavarois veut faire construire des piles à Erfurt et en acheté pour 1,5 milliards d’euros. Merkel a aussitôt déclaré : « C’est un grand jour pour la Thuringe » mais elle a déploré, dans la foulée, que la Chine avait acquis une avance indubitable en ce domaine. "Si nous avions pu les produire par nous-mêmes, je n’aurais pas été triste ".

En Chine, désormais, plus de 5000 entreprises allemandes se sont installées. Le Chine est, depuis deux ans, le principal partenaire commercial de l’Allemagne.

Ex : http://www.zuerst.de

 

samedi, 14 juillet 2018

Projet de loi au Congrès américain : le gazoduc Nord Stream 2 est visé !

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Projet de loi au Congrès américain : le gazoduc Nord Stream 2 est visé !

Washington – Les Etats-Unis ne lâchent pas le morceau : ils ne veulent pas du projet de gazoduc germano-russe Nord Stream 2. Un projet de loi a été introduit au Congrès américain : il concerne les conséquences politiques et économiques qu’aura le projet de gazoduc. Le texte du document en question est paru sur le site officiel du Congrès. On y trouve les exigences du ministre américain des affaires étrangères, du chef des services de renseignement et du ministre des finances : tous veulent des rapports détaillés sur les effets que pourrait avoir l’installation de ce gazoduc dans la Baltique.

Littéralement, on peut lire la phrase suivante dans le texte du projet de loi : « La Fédération de Russie propose de construire un gazoduc partant de Russie pour aboutir en Allemagne ; ce gazoduc portera le nom de Nord Stream 2. Sa construction permettrait de couvrir l’augmentation éventuelle de la consommation d’énergie en Europe mais accroîtrait simultanément la dépendance de l’Europe à l’endroit de l’énergie russe et aurait des effets déstabilisants pour le gouvernement ukrainien si l’Ukraine, suite à la construction de ce gazoduc Nord Stream 2, perdait des dividendes dus au transit de l’énergie ».

Le projet de loi avance d’autres arguments : les Etats-Unis continueront à s’opposer à la réalisation de ce projet en Europe du Nord et prendront des « mesures diplomatiques » pour empêcher la construction du gazoduc.

Si la loi est adoptée, le chef des services de renseignement américain serait alors dans l’obligation de rédiger un rapport sur les effets du gazoduc Nord Stream 2 sur la sécurité énergétique de l’Union Européenne, sur les intérêts des Etats-Unis et de l’Ukraine dans cette affaire.

Le projet de loi a été introduit par le député démocrate Dennis Heck et son collègue républicain Ted Poe. Préalablement, le ministre américain des affaires étrangères Mike Pompeo avait déclaré que les Etats-Unis tenteraient de convaincre l’Union Européenne d’abandonner le projet Nord Stream 2.

Ex : http://www.zuerst.de

 

jeudi, 12 juillet 2018

Sommet de l’OTAN et sommet Trump/Poutine : que faut-il en penser ?

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Sommet de l’OTAN et sommet Trump/Poutine : que faut-il en penser ?

Par Robert Steuckers

Script de l'entretien d'aujourd'hui, 11 juillet 2018, accordé à Channel 5 (Moscou), sous la houlette d'Alexandra Lusnikova

Le sommet de l’OTAN qui se tient aujourd’hui, 11 juillet 2018, et se poursuivra demain à Bruxelles, aura pour point principal à son ordre du jour la volonté affichée par Donald Trump d’obtenir de ses partenaires, plutôt de ses vassaux, européens ce qu’il appelle un « Fair Share », c’est-à-dire une participation financière accrue des petites puissances européennes dans le budget de l’OTAN. Pour Trump, les pays européens consacrent trop d’argent au « welfare » et pas assez à leurs armées. C’est une antienne que l’on entend depuis belle lurette de la part de tous les ténors américains de l’atlantisme. Ceux-ci veulent que tous les pays européens consacrent au moins 2% de leur PNB à la chose militaire. Les Etats-Unis, engagés sur de multiples fronts de belligérance, consacrent 3,58% de leur PIB à leurs dépenses militaires. En Europe, la Grèce (qui craint surtout son voisin turc et doit sécuriser les îles de l’archipel égéen), le Royaume-Uni, la Pologne, l’Estonie et la Roumanie dépassent ces 2% exigés par Trump. La France consacre 1,79% à ses forces armées ; l’Allemagne 1,22%. Evidemment, ces 1,22% du PIB allemand sont largement supérieurs aux 2% consacrés par des pays moins riches. Malgré les 3,58% dépensés par les Etats-Unis,  précisons toutefois que ce budget, certes énorme, est en constante diminution depuis quelques années.

L’exigence américaine se heurte à plusieurs réalités : d’abord, les Etats-Unis ont sans cesse, depuis la création de l’OTAN, empêché les pays européens de développer leurs aviations militaires, en mettant des bâtons dans les roues de Dassault, de Saab, de Fiat, etc. et en interdisant la renaissance des usines aéronautiques allemandes. Si l’Europe avait reçu de son « suzerain » le droit de développer ses propres usines aéronautiques, ses budgets militaires, même réduits en apparence, auraient permis de consolider sérieusement ses armées, tout en créant des emplois de qualité sur le marché du travail ; ensuite, certains chiffres parlent pour eux-mêmes : si l’on additionne les budgets militaires des principales puissances européennes de l’OTAN (Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Espagne), ceux-ci dépassent de loin le budget de la Russie, posée comme « ennemi majeur ». Le bugdet de l’OTAN, Etats-Unis compris, est donc pharamineux.

Bon nombre de voix estiment que cette problématique de « Fair Share » est le rideau de fumée qui masque le problème réel: celui de la guerre commerciale larvée entre l’Europe et les Etats-Unis. Le but réel de Trump et du « Deep State » américain est de réduire les importations européennes (et chinoises) vers les Etats-Unis. Le but de Trump, louable pour un Président des Etats-Unis, est de remettre l’industrie américaine sur pied, de manière à débarrasser la société américaine des affres qu’a laissées la désindustrialisation du pays. Pour Trump, mais aussi pour ses prédécesseurs, l’UE imposerait des barrières, en dépit de ses crédos néolibéraux, qui empêcheraient les Etats-Unis d’exporter sans freins leurs produits finis en Europe, comme ils le faisaient dans les deux décennies qui ont immédiatement suivi la seconde guerre mondiale. L’UE est un problème pour l’élite financière américaine, tout simplement parce qu’elle est largement (bien qu’incomplètement) autarcique. Trump estime que, dans les relations commerciales bilatérales, les pertes américaines, par manque à gagner, s'élèveraient à 151 milliards de dollars. Le déficit commercial entre l’UE et les Etats-Unis serait actuellement de 91 milliards de dollars, au détriment de Washington.

Autre point à l’agenda : les efforts qui vont devoir, selon l’OTAN, être déployés pour que la Géorgie puisse adhérer le plus rapidement possible à l’Alliance Atlantique. Dans l’ordre du jour du sommet d’aujourd’hui et de demain, ici à Bruxelles, la question géorgienne est évidemment le thème le plus intéressant à analyser. La stratégie habituelle des puissances maritimes, l’Angleterre au 19ième siècle et puis les Etats-Unis qui prennent son relais, est de contrôler les bras de mer ou les mers intérieures qui s’enfoncent le plus profondément à l’intérieur de la masse continentale eurasienne et africaine. L’historien des stratégies navales anglaises depuis le 17ième siècle, l’Amiral américain Mahan, s’intéressait déjà à la maîtrise de la Méditerranée où l’US Navy avait commis sa première intervention contre les pirates de Tripolitaine à la fin du 18ième siècle. Halford John Mackinder retrace aussi, dans ses principaux traités de géopolitique, l’histoire de la maîtrise anglaise de la Méditerranée. Dans le cadre des accords Sykes-Picot et de la Déclaration Balfour, les Anglais protestants, en imaginant être un « peuple biblique », accordent, contre l’avis de leurs compatriotes et contemporains conservateurs, un foyer en Palestine pour les émigrants de confession mosaïque. Le but, que reconnaissait pleinement le penseur sioniste Max Nordau, était de faire de cette entité juive la gardienne surarmée du Canal de Suez au bénéfice de l’Empire britannique et de créer un Etat-tampon entre l’Egypte et l’actuelle Turquie afin que l’Empire ottoman ne se ressoude jamais. Les guerres récentes dans le Golfe Persique participent d’une même stratégie de contrôle des mers intérieures. Aujourd’hui, les événements d’Ukraine et la volonté d’inclure la Géorgie dans le dispositif de l’OTAN, visent à parachever l’œuvre de Sykes et de Balfour en installant, cette fois au fond de la Mer Noire, un Etat, militairement consolidé, à la disposition des thalassocraties. Le fond du Golfe Persique, le fond de la Méditerranée et le fond de la Mer Noire seraient ainsi tous contrôlés au bénéfice de la politique globale atlantiste, contrôle qui serait encore renforcé par quelques nouvelles bases dans la Caspienne. Je pense vraiment que ce point à l’ordre du jour est bien plus important que les débats autour du « Fair Share » et de la balance commerciale déficitaire des Etats-Unis.

Le sommet Trump-Poutine

D’après maints observateurs, le sommet prochain entre Trump et Poutine à Helsinki en Finlande aurait pour objet principal de laisser la Syrie à la Russie, après les succès de l’armée régulière syrienne sur le terrain. Reste à savoir si la Syrie, laissée à Assad, sera une Syrie tronquée ou une Syrie entière, dans ses frontières d’avant l’horrible guerre civile qu’elle a subi depuis 2011. L’objectif des Etats-Unis et d’Israël semble être de vouloir tenir l’Iran, et son satellite le Hizbollah, hors de Syrie. Poutine, apparemment, y consentirai et offre d’ores et déjà une alternative à l’Iran qui, depuis les premiers empires perses de l’antiquité, souhaite obtenir une façade sur la Méditerranée, directement ou indirectement par tribus ou mouvements religieux interposés. Poutine offre à l’Iran la possibilité d’emprunter une voie par la Caspienne (d’où l’intérêt récent des Américains à avoir des bases dans cette mer intérieure et fermée), la Volga, le Canal Volga/Don, le Don (par Rostov), la Mer d’Azov, l’isthme de Crimée et la Mer Noire. L’Iran préfère évidemment la voie directe vers la Méditerranée, celle qui passe par la Syrie et la partie chiite de l’Irak. Mais si l’Iran doit renoncer à son fer de lance qu’est le Hizbollah, les Etats-Unis devraient renoncer, en toute réciprocité, à soutenir des mouvements protestataires, souvent farfelus, en Iran.

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Deuxième condition, pour que l’éviction hors de Syrie de l’Iran soit crédible, il faudrait aussi expurger définitivement la Syrie de toutes les séquelles du djihadisme salafiste ou wahhabite. Or, on observe, ces derniers mois, que ces forces djihadistes sont alimentés voire instruites au départ de la base américaine d’al-Tanf sur la frontière syro-irakienne. Question à l’ordre du jour : les Etats-Unis vont-ils quitter cette base terrestre entre la Méditerranée et le Golfe Persique ou y rester, en tolérant des poches de résistance djihadiste qu’ils alimenteront au gré de leurs intérêts ?

L’objectif des Russes, dans le cadre syrien, est de sauver la viabilité économique du pays, de rouvrir les grands axes de communication et de soustraire définitivement ceux-ci à toute forme de guerre de basse intensité (low intensity warfare), à toute stratégie lawrencienne modernisée. Pour y parvenir, Poutine et Lavrov suggèreront sans nul doute le rétablissement d’une Syrie souveraine dans ses frontières de 2011, ce qui implique de purger le pays de toutes les formes de djihadisme, portées par les « Frères Musulmans » ou par Daesh et de prier la Turquie d’évacuer les zones qu’elle occupe au Nord du pays, le long de sa frontière. Le Hizbollah, lui, a toujours promis d’évacuer les territoires syriens où il est présent, dès que les forces djihadistes sunnito-wahhabites en auront été éliminées.

Force est de constater que le projet russe correspond certes aux intérêts traditionnels de la Russie, tsariste, soviétique ou poutinienne, mais aussi aux intérêts des puissances ouest-européennes comme la France et l’Italie et même à une puissance germano-centrée ou austro-centrée qui aurait retrouvé sa pleine souveraineté dans le centre de la presqu’île européenne.

Le volet géorgien du sommet de l’OTAN et les futurs échanges sur la Syrie et la présence iranienne en Syrie, entre Trump et Poutine, me paraissent les enjeux les plus intéressants de l’actualité qui se fait et se fera, aujourd’hui et demain, ici à Bruxelles.

Robert Steuckers, Bruxelles, 11 juillet 2018.

mercredi, 11 juillet 2018

Brzezinski, le Zbig boss du grand échiquier

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Brzezinski, le Zbig boss du grand échiquier

par Edouard Rix

Zbigniew Brzeziński, dont l’économiste James K. Galbraith disait que « son passe-temps est de nuire à la Russie », s’est éteint le 26 mai dernier à l’âge de 89 ans. Moins connu du grand public que son alter ego républicain Henry Kissinger, peut-être à cause de son nom imprononçable (on le surnomme Zbig à Washington), son influence a été tout aussi forte.

Zbigniew Brzeziński est né à Varsovie le 28 mars 1928, au sein d’une famille noble et catholique. Fils d’un diplomate au service de la jeune République de Pologne, il émigre au Canada à l’âge de dix ans lorsque son père y est muté. Le partage de la Pologne entre l’Allemagne et l’URSS empêche la famille de rentrer au pays. Massacre de Katyn, soviétisation de la Pologne, Rideau de Fer, autant d’événements tragiques qui façonnent sa future vision géopolitique, viscéralement anticommuniste et antirusse. « Son objectif, fixé dès sa jeunesse, était de détruire l’Empire soviétique, faire cesser sa mainmise sur l’Europe de l’Est et faire imploser l’URSS elle-même », écrit l’historien français Julien Vaïsse[1].

Diplômé de l’université McGill de Montréal, il poursuit ses études à Harvard, où il soutient en 1953 une thèse de doctorat sur Le totalitarisme soviétique et les purges. Il y reste pour y enseigner de 1953 à 1960, puis rejoint l’université de Columbia où il sera professeur de 1960 à 1989. Membre entre 1966 et 1968 du Conseil de planification politique du Département d’État lors de la campagne présidentielle de 1968, il appartient à l’équipe du candidat démocrate qui sera battu par Nixon.

De la Trilatérale à la Maison Blanche

En 1970, dans Between Two Ages[2], il expose sa vision d’un nouvel ordre politique mondial s’appuyant sur un lien économique trilatéral entre le Japon, l’Europe et les USA. Enthousiasmé, le millionnaire David Rockefeller le recrute alors pour créer la très mondialiste Commission Trilatérale qui regroupe les décideurs économiques et politiques nord-américains, européens et japonais. Brzeziński en sera le directeur de 1973 à 1976.

Un proche de la Commission, Jimmy Carter, est élu à la Maison Blanche, et Zbig devient directeur du Conseil national de sécurité de 1977 à 1981. Bien que démocrate, il défend des positions conservatrices et anticommunistes. Très critique envers la politique de « coexistence pacifique » suivie par Nixon et Ford qu’il dénonce comme « coexistence passive », il pense que l’URSS profite de la détente pour progresser dans le Tiers monde, et contre le secrétaire d’État Cyrus Vance prône la fermeté.

C’est ainsi qu’il est l’un des promoteurs de l’Opération Cyclone, visant à soutenir les moudjahidin afghans dès juillet 1979 et enliser l’armée russe dans un conflit périphérique. Dans un entretien accordé au Nouvel Observateur, il précisera : « Selon la version officielle de l’histoire, l’aide de la CIA aux moudjahidines a débuté courant 1980, c’est-à-dire après que l’armée soviétique eut envahi l’Afghanistan le 24 décembre 1979. Mais la réalité, gardée secrète jusqu’à présent, est tout autre : c’est en effet le 3 juillet 1979 que le président Carter a signé la première directive sur l’assistance clandestine aux opposants du régime prosoviétique de Kaboul. Et ce jour-là j’ai écrit une note au président dans laquelle je lui expliquais qu’à mon avis cette aide allait entraîner une intervention militaire des Soviétiques. » Il poursuit : « Cette opération secrète était une excellente idée. Elle a eu pour effet d’attirer les Russes dans le piège afghan []. Le jour où les Soviétiques ont officiellement franchi la frontière, j’ai écrit au président Carter, en substance : “Nous avons maintenant l’occasion de donner à l’URSS sa guerre du Vietnam“. » À ceux qui lui reprochent d’avoir favorisé le terrorisme islamiste, il répond cyniquement : « Qu’est-ce qui est le plus important au regard de l’histoire du monde ? Les talibans ou la chute de l’empire soviétique ? Quelques excités islamistes ou la libération de l’Europe centrale et la fin de la Guerre froide ? [3] »

Il poursuit la normalisation des relations sino-américaines amorcée par Kissinger. Soutien indéfectible du régime du Shah, il sera l’un des promoteurs, en avril 1980, de l’opération commando Eagle Claw visant à libérer les otages américains de Téhéran.

ZBZ-Gech.jpgLe grand échiquier

Il rompt avec les Démocrates en 1988 en soutenant la candidature du républicain George Bush, dont il est l’un des conseillers à la sécurité nationale durant la campagne. L’année suivante, il publie The Grand Failure[4] (« Le grand échec »), ouvrage dans lequel il prédit l’échec de la politique de glasnost et perestroïka de Gorbatchev et l’effondrement final de l’URSS… d’ici quelques décennies. En 1990, il critique les thèses de Fukuyama sur la « fin de l’Histoire » et s’oppose à la guerre du Golfe. Au cours des années 1990, on le retrouve émissaire spécial du président des USA pour la promotion du plus grand projet d’infrastructure pétrolière au monde, l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan, destiné à contourner la Russie.

En 1997 sort son magnum opus, The Grand Chessbord[5] (« Le grand échiquier »), « l’analyse politique et stratégique la plus rigoureuse du nouvel ordre mondial dominé par les États-Unis et des voies et moyens pour que perdure cette suprématie »[6] selon le géostratège Gérard Chaliand. Conformément à l’enseignement des géopoliticiens anglo-saxons, Brzeziński tient le continent eurasiatique, qui regroupe 75% de la population mondiale, une grande partie des ressources naturelles et les deux tiers de la production mondiale, pour le pivot du monde. « L’Eurasie reste l’échiquier sur lequel se déroule la lutte pour la primauté mondiale », écrit-il, car « se situant au centre du monde, quiconque contrôle ce continent, contrôle la planète[7] ». Pour que la suprématie américaine perdure, il faut empêcher qu’un État n’y devienne hégémonique.

Zbig entend profiter du recul de la Russie pour passer de l’endiguement de la guerre froide au refoulement (roll back). C’est ainsi qu’il souhaite que les USA s’emploient à détacher de l’orbite russe ce que Moscou appelle « l’étranger proche », c’est-à-dire les États qui constituaient l’URSS autour de la Fédération de Russie. Selon lui, l’effort américain doit porter prioritairement vers l’Ukraine, l’Azerbaïdjan, riche en hydrocarbures et l’Asie centrale musulmane – pour lui la clef pour contrôler l’Eurasie est l’Asie centrale, et la clef pour contrôler l’Asie centrale est l’Ouzbékistan -. Il insiste sur l’importance géopolitique de l’Ukraine : « « L’indépendance de l’Ukraine modifie la nature même de l’État russe. De ce seul fait, cette nouvelle case importante sur l’échiquier eurasien devient un pivot géopolitique. Sans l’Ukraine, la Russie cesse d’être un empire en Eurasie. Et quand bien même elle s’efforcerait de recouvrer un tel statut, le centre de gravité en serait alors déplacé, et cet empire pour l’essentiel asiatique serait voué à la faiblesse[8] ». Il estime aussi que la Russie doit être évincée de la zone qu’il appelle les « Balkans d’Eurasie », à savoir la Turquie, le Caucase, l’Iran, l’Afghanistan et l’Asie centrale. Son objectif final : que les USA dominent l’espace de l’ancienne route de la soie (Silk road), une route non plus caravanière mais pétrolière et gazière parsemée d’oléoducs et de gazoducs, en reliant l’Europe à la Chine par une chaîne de petits États vassaux de l’Amérique.

Il s’oppose à la première guerre de Tchétchénie et préside dès 1999 le Comité américain pour la paix en Tchétchénie, qui apporte un soutien occulte aux indépendantistes. Il s’agit, comme jadis en Afghanistan, d’entretenir une guerre périphérique qui affaiblisse la Russie et l’éloigne des richesses de la Caspienne. Après l’arrivée de Poutine au pouvoir, il prône l’extension de l’OTAN aux États post-soviétiques, idée qui se concrétisera en 2002 avec l’intégration des trois républiques baltes à l’Organisation.

Renouant avec les démocrates, Zbig est nommé conseiller aux affaires étrangères par Obama lors de sa campagne présidentielle, ce qui provoque l’ire des néoconservateurs, qui lui reprochent d’avoir soutenu les auteurs du livre Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine.

Dans son dernier ouvrage, paru en 2012, Strategic vision[9], il prend acte du recul des USA et de l’avènement d’un monde multipolaire, et abandonne temporairement son hostilité à la Russie. Toutefois, lorsqu’éclate en 2014 la crise ukrainienne, repris par son tropisme antirusse, il pousse à l’affrontement dans un article intitulé « Qu’est-ce qui doit être fait ? L’agression de Poutine en Ukraine nécessite une réponse » : « L’Occident doit reconnaître rapidement le gouvernement actuel de l’Ukraine comme légitime [...]. L’Occident doit affirmer que l’armée ukrainienne peut compter sur l’aide occidentale immédiate et directe afin de renforcer ses capacités de défense[10] ». Encore et toujours nuire à la Russie !

Edouard Rix, Réfléchir & Agir, automne 2017, n°57, pp. 12-14.

Notes:

[1] J. Vaïsse, Zbigniew Brzeziński, le stratège de l’Empire, Odile Jacob, 2016.

[2] Between Two Ages : America’s Role in the Technetronic Era, Viking Press, New York, 1970.

[3] Le Nouvel Observateur, 15 au 21 janvier 1998, n° 1732, p. 76.

[4] The Grand Failure : The Birth and Death of Communism in the Twentieth Century, Charles Scribner’s Sons, New York, 1989.

[5] Le grand échiquier : L’Amérique et le reste du monde, Bayard, coll. « Actualité », 1997.

[6] Ibid, p. 21.

[7] Ibid, p. 24.

[8] Ibid, p. 74.

[9] Strategic Vision : America and the Crisis of Global Power, Basic Books, New York, 2012.

[10] Washington Post, 3 mars 2014.

dimanche, 01 juillet 2018

Gazoduc contesté : Washington s’insurge encore et toujours contre le projet « Nord Stream 2 »

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Gazoduc contesté : Washington s’insurge encore et toujours contre le projet « Nord Stream 2 »

Washington. Le gouvernement américain cherche encore à torpiller le projet germano-russe de gazoduc « Nord Stream 2 » qui traverse la Mer Baltique. Il ne fait pas mystère de ses tentatives d’immixtion.

Devant le Sénat des Etats-Unis, Pompeo, le ministre américain des affaires étrangères, a déclaré sans circonlocutions verbales : « Nous travaillons activement (…) à convaincre les pays européens et les entreprises européennes que toute augmentation de la dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie est en contradiction avec nos projets de contrer les initiatives russes ». Dans le cas où la construction du gazoduc « Nord Stream 2 » serait décidée, la Russie, a ajouté Pompeo, « aurait encore davantage de possibilité d’exercer son influence sur tous les pays européens ».

Le projet « Nord Stream 2 » prévoit un double tracé avec une capacité annuelle de 55 milliards de m3. Ce nouveau gazoduc devrait être opérationnel en 2019. Plusieurs pays s’opposent au projet, avec l’appui énergique de Washington. Parmi ces pays, il y a l’Ukraine, qui craint de voir disparaître ses revenus dus au transit du gaz russe, alors qu’elle a toujours utilisé dans le passé sa position de pays-transit comme moyen de chantage. Les Etats-Unis, de leur côté, caressent des projets ambitieux pour exporter du gaz de schiste vers l’Europe et cherchent à éliminer leurs concurrents russes. Pour des motifs russophobes, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne s’opposent aussi au projet germano-russe.

Source : http://www.zuerst.de

jeudi, 28 juin 2018

Quel destin pour l’Europe ?

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Quel destin pour l’Europe ?

par Georges FELTIN-TRACOL

Politologue d’origine bulgare, Ivan Krastev est un des fondateurs du Conseil européen des relations étrangères et le directeur de l’édition bulgare de Foreign Policy, la revue étatsunienne proche des cénacles interventionnistes mondialistes. Il appartient pleinement à cette caste cosmopolite. Les crises simultanées ou quasi-consécutives de l’euro, des migrants, de l’Ukraine, du Brexit, de la Catalogne, etc., qui ébranlent la construction européenne lui donnent une sensation de déjà vu. L’étudiant qu’il était en Bulgarie en 1989 – 1990 a vécu l’effondrement rapide du système soviétique. Il craint maintenant de connaître un nouvel effondrement, celui des structures eurocratiques. Son essai s’ouvre d’ailleurs sur les derniers instants de l’Empire austro-hongrois. « Vivons-nous aujourd’hui, en Europe, un “ moment de désintégration ” similaire (p. 9) » à la chute des Habsbourg ?

Le destin de l’Europe a été écrit au lendemain du Brexit et de l’élection de Donald Trump. Krastev se félicite bien sûr des échecs répétés du « populisme » en Autriche, aux Pays-Bas et en France. Il ne pouvait néanmoins pas prévoir que cet arrêt ne serait que momentané. Depuis la parution de son ouvrage en France, l’Autriche est gouvernée par une coalition entre les conservateurs et le FPÖ, la Hongrie a triomphalement réélu Viktor Orban et une entente entre le Mouvement Cinq Étoiles et la Ligue dirige désormais l’Italie. On peut imaginer que l’auteur développera ces derniers événements dans un prochain essai.

L’Europe, destination de Cocagne…

couv web Destin de l'Europe avec bandeau300-large.jpgPeut-être y approfondira-t-il aussi son analyse de « géopolitique psychologique » qu’il émet au sujet des États-Unis ? « De nombreuses cartes électorales dessinées après la victoire de Trump aux dernières présidentielles américaines montrent très bien que, si les régions acquises à Trump correspondent à peu près à 85 % du territoire total des États-Unis, les régions acquises, elles, à Clinton représentent en gros 54 % de la population américaine. Si nous imaginons que ces régions constituent deux pays différents, nous notons immédiatement que le “ pays de Clinton ”, composé des régions côtières et d’îles urbaines, évoquent l’Angleterre du XIXe siècle; tandis que le “ pays de Trump ” ressemble quant à lui bien plus aux grandes étendues de l’Eurasie régentées par la Russie et l’Allemagne. Le combat politique qui a opposé Clinton et Trump fut un combat entre dimension maritime et dimension terrestre, entre des personnes pensant en termes d’espace et des personnes pensant en termes de lieux (pp. 49 – 50). » Subtile insinuation pour rapprocher Trump de la Russie de Vladimir Poutine…

Pour Ivan Krastev, le destin de l’Europe ne concerne pas l’avenir de l’euro, le devenir des relations euro-atlantiques ou le sort de l’Ukraine et des minorités russophones, mais le traitement des immigrés clandestins. « Au XXIe siècle, la migration est la nouvelle révolution – non pas une révolution des masses comme au XXe siècle, mais une révolution menée contre leur gré par des individus et des familles chassés de chez eux (p. 24). » Il ne s’interroge jamais sur ses causes. Les immigrés quittent leur foyer parce qu’ils fuient l’impitoyable domination économique néo-coloniale de Wall Street, de Chicago et de la City, ainsi que les opérations déstabilisatrices menées par l’Occident au Sahel, en Libye, en Syrie et au Yémen.

Véritable submersion démographique, la présente immigration de peuplement engendre une aporie. « Afin d’assurer leur prospérité, les Européens ont besoin d’ouvrir leurs frontières; pourtant, une telle ouverture menace d’annihiler ce qui fait leur spécificité culturelle (p. 61). » Cette crainte réelle que minimise l’auteur suscite la confrontation entre « ceux du n’importe où » et « ceux du quelque part (p. 49) ». Les immigrés viennent en Europe attirés par les images désormais diffusées par tout type d’écran qui leur présentent des pays de Cocagne. « La globalisation a fait du monde un village, mais celui-ci vit sous une sorte de dictature : la dictature des comparaisons globales (p. 45). » Films, séries télévisées et réclame publicitaire influencent les futurs clandestins qui se prennent à rêver de vivre comme des Occidentaux tout en conservant leurs coutumes d’origine. Ce désir, purement matérialiste, hédoniste et eudémoniste, serait rarement politique. « Un simple franchissement de frontière – celle de l’Union européenne en l’occurrence – est ici plus attirant que toute utopie. Pour tant de damnés de la Terre d’aujourd’hui, l’idée de changement est synonyme de changement de pays, de départ, et non pas de changement de gouvernement (pp. 44 – 45). »

Les immigrés ne comprennent pas qu’en tentant leur chance en Europe, ils perturbent des modes de vie ancestraux déjà bien fragilisés. « Seule crise authentiquement paneuropéenne, [la crise des “ migrants ”] remet en cause le modèle politique, économique et social de l’Europe (p. 29) », de l’Union soi-disant européenne faudrait-il plutôt écrire. Cette remise en cause est en soi salutaire puisque « l’Union européenne est désormais prônée, du moins par bon nombre de ses partisans, comme le dernier espoir d’un continent devenu forteresse (p. 54) ». Longtemps, l’Union dite européenne s’est ouverte à tous les vents de la concurrence planétaire et a condamné Budapest pour son intransigeance à appliquer les Accords de Schengen. Or, la roue de l’Histoire tourne. Le Danemark, l’Autriche et l’Italie approuvent en partie l’argumentation du Groupe de Visegrad animé par la Hongrie et la Pologne afin de contenir la submersion migratoire. Délaissant la question « souverainiste » de l’euro pour l’enjeu « identitaire » des migrations extra-européennes, le nouveau gouvernement « anti-Système » italien comprend instinctivement qu’une autre Europe pourrait résoudre avec fermeté ce défi majeur à la condition toutefois qu’elle entérine enfin un « post-libéralisme ».

En effet, pour l’auteur, « les migrants sont ces acteurs de l’Histoire qui décideront du sort du libéralisme européen (p. 33) ». Soucieux de l’avenir de cette pensée obsolète, il se préoccupe de la floraison rapide des régimes illibéraux en Europe centrale, orientale et maintenant occidentale. Ainsi nomme-t-il le « paradoxe centre-européen (p. 97) » qui complète un autre paradoxe, « ouest-européen (p. 111) » celui-là, à savoir des générations connectées et mondialisées, les enfants du programme Erasmus, qui se détournent dorénavant du projet européen « bruxellois » et qui adhèrent au « populisme »…

Contre l’internationalisme financier

Ivan Krastev oublie dans sa démonstration que la Pologne accueille déjà des miliers de réfugiés ukrainiens sans que cette présence massive n’entraîne d’insurmontables problèmes de cohabitation. La proximité anthropologique, culturelle et historique joue ici à plein, ce que Bruxelles persiste à ne pas vouloir comprendre. Résultat, « les nouvelles majorités populistes perçoivent les élections comme une occasion non pas de choisir entre différentes options politiques mais de se révolter contre des minorités privilégiées – dans le cas de l’Europe, de se révolter contre ses élites mais aussi contre un “ autre ” collectif clé : les migrants (p. 100). » il ajoute toutefois que « les visages de Janus de la globalisation sont ceux du touriste et du réfugié. Le touriste, protagoniste de la globalisation, est apprécié et accueilli à bras ouverts. Il est l’étranger bienveillant. […] Le réfugié […] incarne la nature menaçante de la globalisation. […] Il est parmi nous mais sans être des nôtres (pp. 28 – 29) ». En réalité, le tourisme lui-même est une nuisance, un fléau pour les sociétés qui ne tablent que sur cette forme unique de développement.

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Approchent donc les temps des affrontements entre colons et autochtones en terres d’Europe. « Des outsiders arrivent de toutes parts, les natifs, eux, n’ayant aucune possibilité de prendre la tangente. En ce sens, les électeurs des formations droitières perçoivent leur destin comme étant bien plus tragique que celui des pieds-noirs français, parce qu’ils n’ont, eux, pas d’endroit où retourner (p. 41). » C’est la raison pour laquelle la crise migratoire peut soit précipiter la décadence de l’Europe, soit faciliter la fondation d’une véritable renaissance civilisationnelle identitaire. Alors que « l’Europe est intégrée comme elle ne l’a jamais été auparavant (p. 10) », la construction européenne continue à se dépolitiser, à neutraliser tout élément de puissance, à demeurer une entité purement technique, administrative et fonctionnelle. « Il nous faut reconnaître que le projet européen actuel est intellectuellement enraciné dans l’idée de “ fin de l’Histoire ” (p. 31). » Pis, « l’Union européenne a toujours été une idée en quête de réalité (p. 13) ».

La brutalité de la crise migratoire pourrait redonner à un projet continental refondé les moyens d’aboutir sur de nouvelles assises novatrices hors du champ électoral politicien bien décati. « La ligne de partage gauche – droite, qui avait été sévèrement tracé et qui avait structuré la politique européenne depuis la Révolution française, s’en voit progressivement brouillée (p. 109). » Mieux, « le clivage gauche – droite se voit […] remplacé par un conflit opposant internationalistes et nativistes (p. 99) ». Les « nativistes » peuvent et doivent construire une alter Europe puissante et viable, une Europe d’après. « Parler d’une Europe d’après signifie que le Vieux Continent a à la fois perdu la position centrale qui était la sienne dans la politique internationale, à l’échelle du globe, et la confiance des Européens eux-mêmes – leur confiance en la capacité de ses choix politiques à façonner l’avenir du monde. Parler d’une Europe d’après, c’est dire que le projet européen a perdu de son attrait téléologique et que l’idée d’« États-Unis d’Europe » est bien moins source d’inspiration qu’auparavant – jamais sans doute le fut-elle aussi peu au cours de ces cinquante dernières années. Parler d’une Europe d’après, c’est signifier que l’Europe souffre d’une crise d’identité, que son héritage chrétien ainsi que le legs des Lumières ne sont plus pour elle des piliers de soutènement sûrs (p. 18). » Excellente nouvelle ! L’Europe n’est plus le phare du monde ! « Le postmodernisme de l’Europe, son postnationalisme et sa culture laïque la distinguent du reste du monde et n’en font pas nécessairement le modèle d’une éventuelle évolution future de ce monde (p. 17). » L’Europe de demain sera peut-être une Europe archaïque enfin délestée des fétides droits de l’homme.

Illibéralisme pro-européen ?

Ivan Krastev avance en outre un fait méconnu. « Alors que l’Union européenne est fondée à la fois sur l’idée française de nation (pour laquelle l’appartenance nationale est synonyme de loyauté aux institutions de la République) et sur la conception allemande de l’État (de puissants Länder et un centre fédéral relativement faible), les États d’Europe centrale, eux, ont été construits à l’inverse : ils combinent une admiration très française pour un État centralisé et tout-puissant avec une conception de la citoyenneté comme ascendance commune et culture partagée (pp. 68 – 69). » D’où le succès de l’illibéralisme à Bratislava, à Varsovie et à Budapest. L’illibéralisme serait au fond la fusion de Colbert et de Bismarck. L’auteur n’a pas tort, mais il se focalise trop sur les immigrés, quitte à mésestimer l’impact de l’euro dans la vie quotidienne et l’égoïsme sournois allemand. Contrairement à ce que pensent les nationaux-républicains et autres souverainistes nationaux de France et de Navarre, l’Allemagne n’est nullement européiste. Sous tutelle étatsunienne depuis 73 ans, elle refuse toute véritable unité européenne susceptible de s’affranchir du giron atlantiste. À diverses reprises, le Tribunal constitutionnel de Karlsruhe a réaffirmé une pseudo-souveraineté par rapport aux mécanismes institutionnels européens. Ayant renoncé à l’orée des années 2000 au modèle rhénan, les gouvernements d’outre-Rhin ont perverti l’ordo-libéralisme et imposé d’abord aux Allemands, puis aux peuples du « Club Med » ou aux PIGS (acronyme anglais signifiant « Cochons » pour désigner le Portugal, l’Italie, la Grèce et l’Espagne) des cures toujours plus sévères d’austérité si bien que témoins de cet asservissement financier qui bafoue le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, Hongrois, Slovaques, Tchèques, Polonais ont commencé à se révolter « contre les principes et les institutions du libéralisme constitutionnel, qui vont les piliers de soutènement même de l’Union européenne (p. 110) ».

Cependant, « si la désintégration devait se produire, ce ne serait pas en raison d’une désertion de la périphérie mais d’une révolte du centre (p. 19) ». Il n’est pas impossible que l’Allemagne se retire finalement de la Zone euro en compagnie de la Finlande, des États baltes, de l’Autriche, des Pays-Bas et de la Flandre (ou de la Belgique si elle n’explose pas sous la pression conjuguée des revendications nationales flamandes et communautaristes musulmanes) pour former une Zone euromark. Les membres restants de l’Eurolande constitueraient alors autour de la France une Zone eurofranc (hypothèse de l’économiste Christian Saint-Étienne dans La fin de l’euro en 2009). La guerre commerciale lancée par Donald Trump risque d’affecter en priorité l’industrie allemande. Berlin pourrait dès lors dévisser en terme de compétitivité économique et envisager un « Germanexit » qui avantagerait les collusions transatlantiques et empêcherait la constitution de tout axe grand-continental Madrid – Rome – Paris – Berlin – Moscou – Téhéran – Delhi – Pékin. Cet axe se concrétise par les nouvelles « Routes de la soie » à travers les premières liaisons ferroviaires sino-européennes. Si cette prévision se réalisait, la finalité de la construction européenne s’en trouverait totalement bouleversée.

Extorsions bancaires

computer-1500929__180-1.jpgLa défiance des peuples d’Europe à l’égard des instances supranationales ne cesse de croître. En effet, « au lieu de redistribuer les produits de l’imposition, des classes fortunées vers les classes pauvres, les gouvernements européens maintiennent désormais leur santé financière précaire en empruntant au nom des générations futures sous la forme du financement par le crédit. Par conséquent, les populations ont perdu le pouvoir démocratique de réguler le marché à travers leur participation aux élections (p. 15) ». Ivan Krastev estime que « si l’Union devait s’effondrer, la logique de sa fragmentation serait celle d’un retrait massif de dépôts bancaires et non celle d’une révolution (p. 19) », d’où plusieurs mesures adoptées depuis une décennie par la Commission afin de déposséder légalement les détenteurs de compte bancaire à l’exemple de Chypre et de la Grèce. Une directive européenne prise en 2013 et effective depuis le 1er janvier 2016 stipule que les dépôts bancaires des particuliers et des entreprises s’élevant à plus de 100 000 € pourraient être mis autoritairement à contribution afin de renflouer les banques en faillite. Ce montant pourrait bien évidemment baisser pour mieux spolier l’ensemble de la population dont les plus fragiles. La saisie prochaine des biens immobiliers (et uniquement immobiliers), en particulier des retraités, des chômeurs et des travailleurs précaires, est programmée par les mafias bancaires liées à l’Oligarchie mondiale. L’emploi de plus en plus fréquent de la monnaie électronique en Occident, mais aussi en Inde et en Corée du Sud, prépare cette future expropriation insidieuse pour le seul profit des banksters et des marchés. Déjà, en novembre 2011, « la chute de Berlusconi […] symbolisa plutôt le triomphe sans équivoque du pouvoir des marchés financiers (p. 93) ». Dernièrement, le 29 mai 2018, le commissaire « européen » au Budget, l’Allemand Günther Oettinger, déclarait au sujet de l’entente gouvernementale conclue entre le Mouvement Cinq Étoiles et la Ligue que « les marchés vont apprendre aux Italiens à bien voter ». Il a ensuite démenti ses propos tout en maintenant le fond de sa pensée.

Les « marchés » ne sont pas éthérés. Ce sont des algorithmes fort complexes et des individus qui recherchent avant tout leur seul intérêt personnel. « En Europe, note Ivan Krastev, l’élite méritocratique est une élite mercenaire dont les membres ne se comportent pas différemment de ces stars de football que s’arrachent les plus grands clubs à coups de chéquiers. […] Les banquiers néerlandais à la carrière fulgurante partent à Londres. Les hauts fonctionnaires allemands de talent rejoignent Bruxelles (p. 120). » Capables de faire défection dès le premier contretemps survenu, « les élites méritocratiques de notre temps, de cette époque de globalisation et d’intégration européenne, sont des élites de la “ no loyalty ”, pour laquelle l’idée d’allégeance nationale n’a pas de sens (p. 122) ». Serait-ce le rôle d’autres élites pas encore advenues d’orienter le projet européen vers une autre direction : la survie ethnique des peuples albo-européens ? Face au tsunamimigratoire, « les Européens pourraient bien sûr opter pour l’autre possibilité et fermer leurs frontières; mais alors il leur faudrait se préparer à un déclin brutal de leur niveau de vie général ainsi qu’à un futur où tout le monde aurait besoin de travailler jusqu’à ce que le corps ne puisse plus suivre (p. 61) ». Cette hypothèse ne se vérifierait que si les Européens commettaient l’erreur de garder leur modèle moderne, libéral, individualiste et bourgeois dépassé. Leur révolution est d’abord spirituelle et morale. Ils doivent par conséquent écarter certains arguments immigrationnistes fallacieux. Les immigrés représenteraient une nouvelle main-d’œuvre bon marché suppléant le vieillissement de l’Europe. Or, le progrès technique annule cette justification. « La peur d’une invasion barbare cœxiste […] avec une autre peur, prévient encore Krastev : celle de voir le lieu de travail bouleversé par les transformations liées à la robotique. Dans la dystopie technologique que nous voyons naître, il n’y aura tout simplement plus de travail pour les êtres humains (p. 60). » Dans une trentaine d’années, 43 % des postes de travail actuels seraient automatisés, robotisés et informatisés. Le travail ne sera plus un droit ou un devoir, mais un simple privilège. Que faire des masses inemployées ?

Dans ces conditions, les Européens peuvent fort bien prendre la voie de la décroissance, de la frugalité et de la pauvreté volontaire couplée à une implacable préférence européenne. L’Europe cesserait dès lors d’être attractive. Si l’Europe veut vraiment conserver un destin, elle devra accepter un avenir spartiate.

Georges Feltin-Tracol

• Ivan Krastev, Le destin de l’Europe. Une sensation de déjà vu, Éditions Premier Parallèle, 2017, 155 p., 16 €.

lundi, 25 juin 2018

Géopolitique de la Belgique, géopolitique en Belgique

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Géopolitique de la Belgique, géopolitique en Belgique

Par Robert Steuckers

Depuis de nombreuses années, j’ai consacré articles et causeries à la géopolitique, le plus souvent celle des points chauds de la planète, puisque ce sont évidemment ces thèmes-là qui intéressent le public, friand de découvrir des explications aux événements dramatiques qui animent la scène internationale.

En marge de ces conférences, dans des conversations privées avec des collègues ou des amis qui ne souhaitent pas fréquenter des cercles métapolitiques ou politisés, une question revient très souvent : qu’en est-il de la géopolitique en Belgique ? Qu’en est-il d’une pensée et d’une stratégie géopolitiques proprement belges, du moins si l’extrême petitesse du territoire permet d’en élaborer une sans susciter des sourires de commisération ?

David_Criekemans.jpgLe travail du Prof. David Criekemans

Pendant longtemps, le thème d'une géopolitique proprement belge n’intéressait personne. Cette discipline, mixte de sciences concrètes comme la géologie, l’hydrographie ou l’économie politique et de spéculations stratégiques, a été la grande absente de l’espace universitaire et des débats (où l’on répétait stupidement les axiomes d’une géopolitique américaine, britannique ou française, dans tous les cas « occidentale »). Si les Français ont pu bénéficier d’ouvrages généraux majeurs et incontournables comme ceux d’Yves Lacoste, d’Ayméric Chauprade ou de Pascal Gauchon, les Belges, soit la population vivant sur le dernier lambeau de la Lotharingie historique non conquis par les héritiers de la Francie occidentale de Charles le Chauve, n’avaient pas un ouvrage majeur de référence à leur disposition. C’est chose faite, cependant, depuis la parution de l’énorme pavé dû à la plume du Professeur David Criekemans, intitulé Geopolitiek – « geografisch geweten » van de buitenlandse politiek ?, composé de trois parties :

  • Une étude scientifique du rapport territorialité/politique ;
  • Une généalogie critique de la « géopolitique » (avec notes sur Hérodote, Thucydide, Aristote, Strabon, Bodin, Montesquieu, von Humboldt, Toynbee, Ratzel, Mahan, Mackinder, Kjellen, Haushofer, Vidal de la Blache, Demangeon, Spykman, Mead Earle, Strausz-Hupé, Morgenthau, etc.) ;
  • Une approche géopolitique dans l’étude des relations internationales ;

A ces trois parties s’ajoutent deux longues annexes :

  • Sur les conceptualisations possibles du néologisme « géopolitique » ;
  • Sur un survol général des centres d’études scientifiques autour du concept de géopolitique dans le monde (aux Etats-Unis, en France avec un passage en revue de toutes les universités qui offrent des modules géopolitiques à leurs étudiants, aux Pays-Bas, en Italie, en Allemagne, en Scandinavie, en Amérique latine, en Israël, en Russie et dans les pays asiatiques, etc.).

Le travail de Criekemans est gigantesque, est source d’informations incontournables, d’autant plus que ce professeur flamand maîtrise à coup sûr les six langues acceptées par l’Académie Royale de Belgique, soit le français, le néerlandais, l’allemand, l’anglais, l’italien et l’espagnol, modèle d’ouverture que j’ai essayé de concrétiser au sein de l’association « Synergies européennes » que j’animais avec Gilbert Sincyr et Robert Keil, tous deux décédés en 2014.

RC-polext.gifTropisme anglo-saxon et spaakisme atlantiste

Depuis la seconde guerre mondiale, la Belgique officielle, réceptacle d’ignorance et d’opportunisme, est entièrement alignée sur le monde anglo-saxon. A Londres, contre l’avis du roi Léopold III, le gouvernement en exil Spaak/Pierlot envisage même l’annexion déguisée de la Belgique et du Congo à la couronne britannique ou, au moins, songe à une inféodation quasi complète qui ne garderait que les formes les plus superficielles de l’indépendance. Rien de cela n’arrivera mais l’adhésion précoce à l’OTAN, dont Spaak fut le premier secrétaire général, introduira le « suivisme » atlantiste dans la pratique des relations internationales. Ce suivisme sera contesté, en surface, par l’idée d’« Europe totale », lancée dans les années 1960 par le ministre Pierre Harmel. Le Professeur Rik Coolsaet, de l’université de Gand, dressera, il y a plus d’une vingtaine d’années, un bilan de toutes les tentatives de sortir de l’étau otanesque et « spaakiste ». En fait, seules les marges politiques, sans espoir d’asseoir ne fût-ce qu’une minorité parlementaire, ont élaboré des esquisses de politique étrangère intéressantes parce que non alignées sur les Etats-Unis : c’est pourquoi l’étude de leurs projets ou de leurs espoirs est plus intéressante à parfaire aujourd’hui, à l’heure où le leadership américain est contesté, au vu des désastres que le bellicisme atlantiste a provoqué en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Ukraine et dans les Balkans.

harmel.JPGCependant, le projet d’« Europe totale » du catholique Pierre Harmel, admiré par le socialiste alternatif Coolsaet, n’est possible que si tous les pays européens, à l’unisson, décidait, en un espace-temps très court, de suivre le même ordre du jour. Dans le contexte actuel, c’est évidemment impossible, l’idéal d’un Axe Paris-Berlin-Moscou, explicité en son temps par Henri de Grossouvre, n’ayant été qu’éphémère. Les dirigeants post-gaulliens que sont Sarközy, Hollande et Macron ne peuvent imaginer enclencher une audace innovante qui adhèrerait spontanément et très rapidement à l’idée harmélienne d’« Europe totale » (et à celle, tout aussi totale, d’un Jean Thiriart…). Cette absence de réalisme politique, métapolitique et géopolitique interdit de sortir de ce qu’il faut bien appeler une impasse, à l’heure où Washington appelle à une guerre contre la Russie de Poutine, à refouler toute présence chinoise en Mer de Chine du Sud et à un boycott général contre l’Iran, excellent client des industries européennes. Une impasse où nous ne pourrons connaître rien d’autre que le marasme et le déclin.

Venons-en maintenant à la géopolitique de la Belgique.

Avant-guerre, Jacques Crokaert, père de Monique Crokaert, épouse de Marc Eemans, avait écrit, pour l’éditeur Payot, un ouvrage remarqué sur la « Méditerranée américaine », soit les Caraïbes, sécurisées au bénéfice de Washington suite à l’éviction de l’Espagne hors de Cuba en 1898. Cet ouvrage de géopolitique important ne concernait pas l’espace réduit de la Belgique dans le Nord-Ouest européen. Pendant la seconde guerre mondiale, la collaboration germanophile opte évidemment pour une réorientation complète des stratégies en politique internationale. Le modèle centre-européen, préconisé par les Allemands, est alors interprété en Belgique comme un retour à Charles-Quint. Dans le chef des rexistes, autour de Léon Degrelle, s’ajoute, à ce tropisme germanisant (théorisé par Léon Van Huffel dès juin 1940), un universalisme camouflé, d’inspiration catholique et hispanisant où l’on cultivait sans doute l’espoir de « re-catholiciser » l’espace germanique, non pas en modifiant les cultes mais en absorbant les énergies allemandes pour un projet européen et global, né aux temps de la Grande Alliance entre les Habsbourgs/Bourgogne et les Aragonnais/Castillans. L’option pour le drapeau à Croix de Bourgogne (ou Croix de Saint André) symbolise ce choix  absolument non allemand et non national-socialiste, à peine dissimulé.

LH-MY.jpgMatière bourguignonne

Pendant la seconde guerre mondiale, nous avions donc un engouement néo-bourguignon, dont le théoricien premier n’était pas un rexiste mais un de leurs adversaires, en l’occurrence Luc Hommel, historien ardennais de la matière de Bourgogne et auteur d’un ouvrage sur la formation de la « Grande Alliance » hispano-bourguignonne. Hommel avait été le secrétaire du principal adversaire politique de Degrelle, le catholique technocratique Paul Van Zeeland.

En dehors de cet engouement « bourguignon » des rexistes, engouement vite abandonné par leurs adversaires qui ne voulaient plus être comparés à eux, il y avait une petite brochure, totalement oubliée et signée « J. Mercier » et intitulée « Géopolitique du Nord-Ouest ». Cette brochure, probablement tirée à compte d’auteur et non liée à une quelconque officine politique, collaborationniste ou non, est remarquable à plus d’un titre : en effet, elle ne développe pas une théorie géopolitique où l’espace belge ferait partie d’un plus vaste ensemble, comme le Saint-Empire ou la « Grande Alliance », mais prend acte de la réduction territoriale subie depuis le 17ième siècle, avec la perte des territoires qui forment aujourd’hui les départements français du Nord et du Pas-de-Calais, avec la disparition graduelle de l’espace lorrain contigu, arraché au Saint-Empire par lambeaux de François I à Louis XV, et, enfin, avec la perte du glacis franc-comtois, projection vers l’espace rhodanien et méditerranéen.

Le petit opuscule de J. Mercier

L’opuscule de Mercier définit l’espace belge actuel comme situé dans un « Nord-Ouest » englobant évidemment le Grand-Duché du Luxembourg, le cours de la Moselle, une partie de l’espace rhénan et les parties des Pays-Bas au sud des grandes rivières (Meuse, Rhin, Waal). C’est l’espace où se sont déroulées toutes les grandes batailles de l’histoire de ce « Nord-Ouest » depuis le haut moyen-âge et que les Anglais appellent la « fatal avenue ». Pour ce Mercier, demeuré inconnu, cet espace se subdivise en trois parties :

  • L’espace scaldien, entre l’Escaut et la Meuse, avec la vallée de la Sambre ; c’est l’espace central et principal de l’ensemble belge ;
  • L’espace transmosan, avec le massif ardennais ;
  • L’espace flandrien, poldérien et littoral, permettant, le cas échéant de prendre l’espace scaldien par l’Ouest.

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Mercier montre que l’ennemi principal, qui fut français pendant près d’un millénaire et fit de notre espace un espace exposé frontalement à ses coups réguliers, concentrera ses poussées vers le Nord en exploitant la « trouée de l’Oise » (die Oisepforte dans le langage des géopolitologues allemands), là où l’Oise prend sa source au sud de la petite ville de Chimay.

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La fameuse bataille de Rocroy (Rocroi), dans la zone de la « trouée de l’Oise », illustre très bien cette volonté de prendre Bruxelles et Anvers : sous les ordres du vieux Colonel Fontaine (‘de la Fuente’ dans les sources en castillan), qui mourra au combat à 80 ans, les tercios espagnols se battront aux côtés de leurs homologues allemands, luxembourgeois, wallons, alsaciens, francs-comtois et croates pour barrer la route de Bruxelles aux troupes françaises. Ils seront vaincus mais l’ennemi, assez durement éprouvé, n’exploitera pas sa victoire car les Luxembourgeois du Colonel espagnol von Beck approchaient avec des troupes fraîches. Jourdan aura plus de chance en 1794 et sera vainqueur à Fleurus. Napoléon passe par la « trouée de l’Oise » lors de la campagne des Cent Jours. La leçon, tirée du choc de Rocroi (1643), amène le Vauban espagnol, Monterrey, à construire sur le territoire du petit village de Charmoy, la forteresse de Charleroi, appelée à défendre, sur la Sambre, le Brabant, cœur de l’espace scaldien. Il en fait bâtir une autre, à Bruxelles, face à la Porte de Hal, sur le territoire de la commune de Saint-Gilles, si prisée par les bobos français qui s’installent de nos jours dans la capitale belge. De cette forteresse de Monterrey, il ne reste d’autres souvenirs que le nom de deux rues : la rue du Fort et la rue des Fortifications.

Flandre poldérienne et « trouée de l’Oise »

A l’ouest de l’espace scaldien, s’étendant des rives orientales de l’Escaut aux rives occidentales de la Meuse, se trouve l’ancien comté de Flandre, qui s’était étendu vers le sud au haut moyen-âge, s’était détaché de la tutelle française au fil des siècles pour y échapper de jure suite à la bataille de Pavie, gagnée par les armées de Charles-Quint en 1525. Il a été le théâtre de combats entre protestants néerlandais et catholiques, sujets du roi d’Espagne, à Nieuport lors de la bataille des plages en 1600, où les tercios espagnols étaient majoritairement composés de Wallons et de Britanniques catholiques (Anglais et Irlandais), et les troupes hollandaises de Wallons et de Britanniques protestants (Anglais et Ecossais). Louis XVI annexa Nieuport et Furnes à l’ouest de l’Escaut pendant ses campagnes militaires contre les Pays-Bas espagnols mais dut rendre finalement ces villes aux Habsbourgs. En 1794, le Général révolutionnaire Moreau prend la ville de Nieuport aux Autrichiens et y fait massacrer tous les émigrés royalistes français qui s’y trouvaient. La basse Flandre poldérienne a donc également été un axe de pénétration pour les armées françaises. En 1600, l’objectif de l’archiduc Albert, commandant des troupes du roi d’Espagne, était de protéger Dunkerque, encore espagnole à l’époque, contre un envahisseur venu du Nord.

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En 1690, le Duc de Luxembourg, commandant des armées françaises, pénètre, à son tour, par la « trouée de l’Oise et s’avance vers Fleurus où il livre victorieusement bataille au général zu Waldeck, commandant des troupes impériales et espagnoles : il ne prend pas Charleroi et ne peut exploiter sa victoire, pourtant retentissante. Les Impériaux et les Espagnols rameutent leurs troupes de réserve et les Brandebourgeois et les Liégeois compensent les pertes en mobilisant des troupes dans toute la région. En 1794, l’axe de pénétration des sans-culottes en Flandre poldérienne est un axe secondaire puisque c’est juste au-delà de la « trouée de l’Oise » que Jourdan emporte la décision finale et conquiert définitivement les Pays-Bas autrichiens, qui seront annexés à la République l’année suivante, en 1795, suite au Traité de Campoformio. Les révolutionnaires avaient pris Charleroi, assurant leur victoire qui, elle, sera bien exploitée. En 1815, Napoléon emporte une nouvelle victoire française à Fleurus/Ligny contre les Prussiens mais ne l’exploite pas, oublieux, peut-être, de la leçon de 1690 : des troupes fraiches attendaient aussi au-delà de la Meuse, où les Prussiens avaient une brigade intacte, qui allait épauler les trois autres brigades, étrillées durement à Ligny mais qui s’étaient regroupées et réorganisées, n’ayant pas été poursuivies. De plus, une armée russe était stationnée à Cologne et les Suédois campaient dans le Brabant septentrional. Cette négligence napoléonienne permit la victoire anglo-prussienne à Waterloo, le 18 juin 1815.

ballon_fleurus.jpgFleurus, 1794

Ces attaques par la « trouée de l’Oise » visent à prendre le cœur de l’espace scaldien, situé autour de Bruxelles et de Malines, et à s’emparer d’Anvers, port de guerre potentiel au fond de l’estuaire de l’Escaut. La victoire de Jourdan en 1794 amène les Britanniques à rejeter toute alliance avec la France révolutionnaire puis bonapartiste, tant que celle-ci se trouve à Anvers et libère le port du blocus imposé par les Pays-Bas protestants. La victoire française de Fleurus est à l’origine de la détermination des Anglais qui finiront par l’emporter à Waterloo, onze ans plus tard. Les manœuvres par la « trouée de l’Oise » sont aussi des manœuvres dans l’Entre-Sambre-et-Meuse, glacis devant le cœur de l’espace scaldien et face à la vallée mosane. Toute conquête de l’Entre-Sambre-et-Meuse permet d’anticiper la conquête de tout l’espace scaldien et d’arriver dans la vallée mosane.

La portion du cours de la Meuse, qui appartint jadis aux Pays-Bas espagnols puis autrichiens et qui est sous souveraineté belge aujourd’hui, part de Givet (actuellement ville française) pour arriver à Dinant, Namur, Huy, Liège et Maastricht, autant de villes dotées de forteresses destinées à empêcher toute pénétration française en direction de Cologne et des plaines westphaliennes. A l’est du fleuve se trouve le massif ardennais, jugé difficilement pénétrable jusqu’en 1914 et même jusqu’en 1940. L’espace transmosan, exclusivement wallon, alors que l’espace scaldien est bilingue roman/germanique, a généralement été contourné par les envahisseurs du sud qui préféraient l’axe mosan à l’ouest du massif ardennais et l’axe mosellan à l’est de celui-ci, dont la continuation géologique en Allemagne s’appelle l’Eifel.

Raisonner en termes hydrographiques et hydropolitiques

Comprendre la géopolitique de l’espace belge implique de raisonner en termes hydrographiques et hydropolitiques. L’Oise, l’Escaut, la Sambre, la Meuse et la Moselle sont des axes fluviaux et stratégiques dont il faut impérativement saisir l’importance pour comprendre les dynamiques historiques qui ont tout à la fois façonné et disloqué le territoire aujourd’hui belge. L’Oise avait été, à l’aurore de l’histoire française, l’axe de pénétration pacifique des tribus franques/germaniques vers le bassin parisien. On nous donnait à méditer un chromo avec de grands guerriers débonnaires, barbus, qui accompagnait leurs riantes marmailles et leurs plantureuses épouses à tresses, paisiblement assises sur des chars à bœufs tandis que chevaux et bétail buvaient l’eau de l’Oise. Ils allaient, nous disait-on, régénérer un pays ravagé par l’effondrement de l’empire romain et en proie à une population autochtone et bigarrée (les bagaudes) retournée à une anarchie féroce et improductive, que Jean-François Kahn fait mine de prendre pour une panacée. Elle deviendra, après bien des vicissitudes historiques et a contrario, la voie de pénétration des armées françaises vers l’axe mosan et l’espace scaldien, d’où les Francs étaient venus.

Battle_audenarde.pngL’Escaut, curieusement, n’a guère été, sur ses rives et dans les environs immédiats de son cours, le théâtre de batailles aussi mémorables que celles de Rocroi, Fleurus ou Ligny, à l’exception peut-être de celle d’Audenarde (Oudenaarde), convoitée par les Français à plusieurs reprises au 17ième siècle, sous Louis XIV. En 1708, la coalition regroupant Autrichiens, Impériaux et Anglais, sous la conduite du Prince Eugène de Savoie-Carignan, du Duc de Marlborough (le «Malbrouck » de la chanson) et d’Henri de Nassau battent les troupes du Duc de Vendôme qui avaient fait de cette place flamande un redoutable bastion français.

La Meuse, axe de pénétration français en direction de la capitale symbolique du Saint-Empire, Aix-la-Chapelle, a été fortifiée en tous ses points, à Givet, où un régiment de zouaves est stationné aujourd’hui, à Dinant, Namur, Huy, Liège et Maastricht. Les Prussiens surtout entendaient sécuriser cet axe mosan pour tenir les Français éloignés du Rhin. Les Hollandais refuseront, avec l’appui prussien et russe, de rétrocéder à la nouvelle Belgique, la place de Maastricht (Mosae trajectum en latin, soit « le passage au-dessus de la Meuse », à une grosse vingtaine de kilomètres d’Aix-la-Chapelle). Sur un plan diplomatique, les Français, au 17ième siècle, chercheront à s’assurer de la neutralité des Princes-Evêques de Liège, maîtres de toute la vallée mosane qui, elle, rappelons-le, n’appartenait pas aux Pays-Bas espagnols puis autrichiens, contrairement à l’espace scaldien et aux Ardennes luxembourgeoises.

L’axe mosellan

La Moselle, formant une partie importante des frontières de l’ancien duché impérial du Luxembourg, est l’axe de pénétration français en direction du Palatinat et de la ville rhénane de Coblence, au confluent de cette rivière avec le Rhin. L’axe stratégique mosellan donne à la forteresse de la ville de Luxembourg une importance stratégique majeure, disputée depuis 1815, où les Prussiens ne voulaient pas la laisser aux mains des Français, les Hollandais aux mains des Belges après 1830, les Belges à la portée des Français immédiatement après la première guerre mondiale. L’importance de cet axe est notamment souligné dans un pamphlet signé par l’Abbé Norbert Wallez, le mentor d’Hergé : il ne fallait pas laisser à la République, qui voulait détacher la Rhénanie du Reich et autonomiser une république fantoche de Rhénanie, l’occasion d’occuper indirectement la vallée de la Moselle.

leapic.jpgEnfin, pour trouver des positions géopolitiques et géostratégiques directement liées à l’espace aujourd’hui belge, nous devons nous référer à un ouvrage absolument fondamental, toujours exploité par les puissances thalassocratiques anglo-saxonnes de nos jours : celui d’Homer Lea, intitulé The Day of the Saxons. Cet ouvrage de 1912, réédité immédiatement après l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan en 1979 et pourvu d’une remarquable préface du stratégiste suisse Jean-Jacques Langendorf, explique, à la suite de Halford John Mackinder, comment sécuriser les « rimlands » persan et indien contre les poussées russes dans le cadre du fameux « Great Game ». C’est là l’essentiel du livre mais rien n’a pris une ride : Lea préconise une politique de fermeté extrême voire prévoit un casus belli si l’influence russe dépasse la ligne Téhéran-Kaboul. En 1979, Brejnev a franchi délibérément cette ligne. La guerre afghane et toutes les guerres connexes dans l’espace entre Méditerranée et Indus sont le résultat d’un refus américain et britannique de voir s’étendre une influence russe ou soviétique au-delà de la ligne Téhéran-Kaboul.

Lea et la géopolitique anglaise en Mer du Nord

Mais Lea développe également une géostratégie visant à protéger les abords de la métropole anglaise. Les craintes anglaises ne remontent pas tellement à l’aventure tragique de la Grande Armada espagnole, battue par la marine et les pirates d’Elizabeth I. Elles se justifient plutôt par le souvenir cuisant des expéditions de l’Amiral hollandais De Ruyter au 17ième siècle. Les vaisseaux de De Ruyter mettaient une nuit à franchir la Mer du Nord depuis le « Hoek van Holland », à pénétrer dans l’estuaire de la Tamise et à incendier Londres. Il faut dès lors sécuriser les côtes et l’arrière-pays qui fait face aux Iles Britanniques. Ceux-ci doivent avoir une politique étrangère neutre et bienveillante à l’égard de l’Angleterre et ne jamais tomber aux mains d’une puissance disposant d’un hinterland de grandes dimensions, comme la France ou l’Allemagne réunifiée sous la férule de Bismarck. Lea a donc énoncé les règles qui ont justifié l’intervention immédiate des Britanniques aux côtés des Français dès que l’Allemagne de Guillaume II a fait valoir son « droit historique » à sécuriser la vallée de la Meuse et à l’interdire aux Français. Parce que les Allemands, en août 1914, pour faire face aux armées de la IIIème République, devaient non seulement sécuriser les axes mosan et mosellan, ce dont pouvait s’accommoder les Anglais, mais simultanément occuper tout l’espace scaldien et la côte de la Flandre poldérienne. L’Allemagne aurait alors disposé d’une façade maritime en Mer du Nord, ce qu’elle consolidera en effet pendant la première guerre mondiale : les ports de Zeebrugge et d’Ostende ont été développés par les ingénieurs de la Kriegsmarine, ont été sortis de l’insignifiance où ils avaient été plongés depuis plusieurs siècles. Les Allemands pouvaient dès lors rééditer les exploits de l’Amiral De Ruyter. L’historien flamand Ryheul, spécialiste de cette politique allemande pendant la première guerre mondiale et auteur d’un ouvrage de référence sur le « Marinekorps Flandern », montre comment le Canal maritime de Bruges grouillait de sous-marins sans protection antiaérienne à une époque où l’aviation militaire en était encore à ses premiers balbutiements : les Britanniques couleront un vieux navire en face de ce canal afin de barrer la route aux redoutables sous-marins du Kaiser.

mkfl.jpgPour les Allemands, l’espace scaldien et la zone transmosane sont donc des tremplins pour arriver à Paris. Comme le firent les Francs à l’aurore de l’histoire de France. L’histoire prouve toutefois que l’espace change de qualité et de dimensions entre l’ancienne frontière méridionale des Pays-Bas espagnols et le bassin parisien. L’espace s’y étire, l’habitat s’y raréfie, rendant la logistique plus compliquée voire ingérable avec un charroi précaire et exclusivement hippomobile. Les armées de Philippe II d’Espagne, commandées par le Comte d’Egmont et par Emmanuel-Philibert de Savoie, ne dépasseront pas Saint-Quentin malgré leur belle victoire. Les lansquenets de Götz von Berlichingen s’arrêteront à Saint-Dizier en Haute-Marne. En 1914, les troupes du Kaiser arriveront jusqu’à la Marne mais ne pourront pousser plus loin.

Le destin géopolitique de tous les Européens est désormais lié !

Pour vaincre l’espace entre les Flandres et le Bassin parisien, il faut un élément motorisé et suffisamment de pétrole. Gallieni parvient à sauver Paris en mobilisant les taxis de la capitale qui amèneront les renforts nécessaires. Pétain introduit une logistique motorisée sur la Voie Sacrée qui mène à Verdun. Fort des pétroles livrés par les Soviétiques de Staline, Hitler franchit allègrement l’espace que les armées du Kaiser n’avaient pas pu franchir. La mise en place de l’alimentation en carburant ralentit pendant plusieurs semaines la progression des Alliés anglo-américains vers le Nord, après le débarquement du 6 juin 1944 dans le Calvados. Les Allemands, malgré leurs carences en pétrole, peuvent gagner encore la bataille d’Arnhem en octobre 1944 parce que la logistique alliée reste encore lente. L’Europe, après la seconde guerre mondiale, est devenue un petit espace stratégique gérable : elle nous apprend que le destin géopolitique de tous les Européens est désormais indissolublement lié. La Mitteleuropa est accessible facilement depuis tous les littoraux de la péninsule eurasienne qu’est la Vieille Europe. On prend Hambourg au départ des plages normandes, Stuttgart à partir d’un débarquement réalisé en Provence, Berlin ou Vienne suite à une victoire à Koursk dans l’espace steppique russe.

Il reste sans doute beaucoup à écrire sur tous les aspects que j’ai évoqués dans cette modeste réponse aux questions qui me sont habituellement posées lors d’agapes entre amis ou de débats avec des collègues historiens. Certains sont férus de géopolitique, d’autres sont des historiens éminents, tantôt spécialistes de la diplomatie belge suite à des lectures sur Harmel ou émanant de la plume du Prof. Coolsaet, de l’histoire de la neutralité belge entre le Traité de Londres de 1839 et l’invasion allemande d’août 1914, de la Flamenpolitik des Allemands pendant la première guerre mondiale, des relations belgo-russes au fil de l’histoire, de la Principauté de Liège aux 17ième et 18ième siècles, de la gestion des Pays-Bas méridionaux sous les règnes de Marie-Thérèse et de Joseph II, etc.

Pluriversum et grands espaces

Je pense notamment à une analyse des travaux de Drion du Chapois, qui dirigea jadis le journal Le Rappel à Charleroi, où oeuvrait aussi Pol Vandromme. Ses travaux sur la « mission européenne des Belges » sont remarquables et expliquent pourquoi le « petit nationalisme » ne fait guère recette chez les esprits lucides de nos régions, où l’on préfère alors le repli sur le vernaculaire flamand ou wallon ou l’engouement pour l’Europe, dans une perspective rupturaliste  dans les cénacles nationaux-révolutionnaires (héritiers du militantisme de « Jeune Europe ») ou, chez les alignés par opportunisme ou par souci d’œuvrer dans un cadre institutionnel établi, dans une perspective européiste mais eurocratique donc a-historique et purement technocratique. Au-delà, il y a les universalistes qui émettent de lassants vœux pieux et imaginent un « universum » homogénéisable, alors que le monde restera toujours un « pluriversum » de variétés et de bigarrures. Si l’on veut dépasser le vernaculaire ou les nationalismes trop étroits, il faut penser, avec Carl Schmitt, en termes de « grands espaces », de Grossräume.  

Robert Steuckers,

Forest-Flotzenberg, juin 2018.

 

vendredi, 25 mai 2018

Visión Geopolítica - Manipulación Mediática: Control de la libertad

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Visión Geopolítica

Manipulación Mediática:

Control de la libertad

 
Esta edición de Visión Geopolítica, conducida por el
analista geopolítico Pedro Baños, analiza la situación
de los medios de comunicación en el mundo global
y la manipulación que muchas veces se hace de la
información. Participan los expertos José Javier
Esparza, Juan Antonio Aguilar y Luis Togores.
 
 
 
 

Hat die «Allianz» Russland-Türkei eine Zukunft?

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Hat die «Allianz» Russland-Türkei eine Zukunft?

Ex: http://stategische-studien.com 

Byzanz dürfte 660 v. Chr. durch griechische Dorier als Byzantion gegründet worden sein. Der römische Kaiser Konstantin liess nach sechs Jahren Bau über dem ursprünglichen Byzantion seine Stadt am 11. Mai 330 n.Chr., die später als Konstantinopel seinen Namen erhielt, als Hauptstadt des römischen Reichs konsekrieren. Zu diesem Zeitpunkt war der Kaiser 58 Jahre alt. Konstantin hatte eine neue Metropolis an der Meeresenge, die Asien von Europa trennt, errichten lassen. Nach der Aufteilung des Römischen Reiches 395 n.Chr. wurde die Stadt zur Hauptstadt des oströmischen Reiches. Später wurde dieses Teilreich als byzantinisches Reich bezeichnet.[1] Obwohl ab dem 7. Jahrhundert in Byzanz das Griechische das Latein als Hof- und Verwaltungssprache immer mehr verdrängte, bezeichneten sich die Bewohner der Stadt bis zu ihrer Eroberung durch die Osmanen 1453 immer noch als Römer (Rhomäer).

Immer wieder wurde Konstantinopel während Jahrhunderten durch fremde Völker belagert. Nur zweimal gelang eine Eroberung der Stadt. Die ersten, die eine Eroberung dieser geostrategischen Drehscheibe versuchten, waren die Goten 378 n. Chr.[2]. Es folgte 626 die Belagerung von Konstantinopel durch den Sassaniden Chosro II., dem Herrscher über das neupersische Reich.[3]. Als Folge dieses «letzten grossen Krieges der Antike» waren am Ende beide Reiche ausgeblutet. 636 konnten die arabischen Heere nach der Schlacht von Yarmuk Syrien erobern.[4] 640 folgte die arabische Eroberung von Ägypten und 647 von Nordafrika.[5] Byzanz konnte noch Anatolien, sowie Gebiete auf dem Balkan und in Italien bewahren. 674-78 belagerten die Araber zum ersten Mal Konstantinopel. Durch den Einsatz des griechischen Feuerswurden die arabischen Seestreitkräfte vernichtet.[6] Zu dieser Zeit war das Sassanidenreich bereits durch die Arabererobert worden. 717 folgte die zweite Belagerung Konstantinopels durch die Araber. Wiederum wurde das griechische Feuer eingesetzt. Die Provinzarmeen der Themen waren bei der Abwehr der Araber sehr erfolgreich.[7] Nach dem Sturz der Dynastie der Omayyaden 750 war das Reich durch Angriffe der Araber nicht mehr gefährdet.[8]

Nach der Schlacht von Mantzikert, 1071, verlor Byzanz beinahe ganz Anatolien an die türkischen Seldschuken.[9]Gleichzeitig wurde das Reich durch normannische Abenteurer aus Sizilien und Italien verdrängt. Diese eroberten unter ihrem Anführer Robert Guiscard 1081 auch Illyrien. Nach verlustreichen Kämpfen mussten sich die Normannen unter dem Sohn von Guiscard, Bohemund, nach Italien zurückziehen. Als das Ritterheer des ersten Kreuzzuges 1096 in Byzanz eintraf, war einer der Anführer der Kreuzfahrer der Normanne Bohemund.[10] Sehr bald kam es zu Spannungen zwischen den Kreuzfahrern und Byzanz. 1204 hetzte Venedig, ein früherer Alliierte von Byzanz, die Teilnehmer am vierten Kreuzzug gegen Konstantinopel auf. Im April dieses Jahres wurde die grösste Stadt der Christenheit nach ihrer Eroberung durch die Kreuzfahrer während drei Tagen geplündert und gebrandschatzt.[11] Venedig und seine Alliierten gründeten das kurzlebige Lateinische Kaiserreich. Gleichzeitig entstanden drei byzantinische Nachfolgestaaten, die den Kreuzfahrern Widerstand leisteten.

1261 konnte Michael VIII. Palaiologos (1259-82), Herrscher über das byzantinische Nachfolgereich Nikäa, Konstantinopel zurückerobern.[12] Seine Dynastie konnte während zwei Jahrhunderten über ein Reich herrschen, zu dem Griechenland, Teile von Kleinasien und des Balkans gehörten.[13] Durch dieses kleine Territorium konnten aber nicht genügend Ressourcen für den Unterhalt einer wirkungsvollen Streitmacht generiert werden. Der Sieg von Timur in der Schlacht von Ankara von 1402 verhalf Konstantinopel zu einer Atempause. Schlussendlich eroberte der osmanische Sultan Mehmet II. (1444-46/1451-81) am 29. Mai 1453 dank seinen genuesischen Geschützen und seiner Übermacht von 80’000 Muslimen gegenüber den 7’000 Verteidigern die Stadt. Während 1’000 Jahren hatte Byzanz eine hohe militärische Professionalität bewiesen[14] und während Jahrhunderten Europa vor einer islamischen Eroberung geschützt und bewahrt. Als Dank dafür wurde das Reich der Rhomäer in seinem Abwehrkampf gegen die Osmanen am Ende durch das christliche Abendland im Stich gelassen.

Eines der wichtigsten Ereignisse in der Geschichte von Byzanz war die Taufe des Grossfürsten von Kiew, Wladimir I. der Grosse (980-1015), Nachkomme des Waräger Rjurik (als Rus bezeichnet) 987 nach dem orthodoxen Ritus.[15] Ein Grund für diese Taufe war die Hilfe von Wladimir bei der Rekrutierung von Skandinaviern für die Waräger-Garde des byzantinischen Kaisers. Diese Taufe wurde durch den Vertrag von 1046 und die Heiraten zwischen den beiden Herrschaftshäusern besiegelt.[16] Nachdem die Rus früher mehrmals versucht hatten Byzanz zu erobern, wurden die Beziehungen zwischen den beiden Reichen immer freundschaftlicher. Die heutigen Gebiete von Russland, Serbien, die Ukraine, Belarus, Rumänien und Bulgarien übernahmen Tradition, Kultur und den orthodoxen Glauben von Byzanz.[17]

Nach dem Fall von Konstantinopel bezeichnete der russische Mönch Filofei (Filotheos) in einer Schrift an die russischen Grossfürsten Moskau als das dritte Rom.[18] Im ersten Rom würden Häretiker herrschen und das zweite Rom, Konstantinopel, sei durch die Ungläubigen erobert worden. Dieses Konzept übernahm der Herrscher über Moskau, Grossfürst Ivan IV. (1534-1584). Ivan IV. liess sich 1547 als Nachfolger der byzantinischen Kaiser zum Zar krönen.[19] Die Legimitation dazu konnte er auch mit seinem Grossvater, Ivan III. (1462-1505), begründen, der mit Zoë Palaiologos, Nichte des letzten byzantinischen Kaisers, verheiratet gewesen war.[20] Ivan IV. war nun der einzige freie orthodoxe Herrscher. Seine Religion bestimmte die Kreuzzüge Russlands gegen das katholische Königreich Polen-Litauen, der Feind im Westen, Schweden, das Tartaren-Kanat von Kazan und das osmanische Reich. Ziel der Kriege gegen das osmanische Reich war die Befreiung der Balkan-Völker und Konstantinopels vom türkischen Joch.[21]

Ab dem 16.Jahrhundert wurde Russland in den orthodoxen Kirchen als Erbe von Konstantinopel und der Zar von Russland als Wächter über die gesamte orthodoxe Welt anerkannt.[22] Die russische Kirche war von einer siegreichen Mission gegen die muslimischen Ungläubigen und über die katholische Gegnerschaft überzeugt.[23] Russland hatte den byzantinischen Thron zu bewahren. Von dieser Mission und dem Kreuzzug waren alle Zaren bis und mit der Romanow-Dynastie überzeugt. Die verschiedenen Kriege des russischen Imperiums gegen das osmanische Reich, die vom 18. Jahrhundert bis zum ersten Weltkrieg dauerten, belegen dies.[24] Diese Mission dürfte grundsätzlich auch die Aussenpolitik von Wladimir Putin bestimmen.

Zur Durchsetzung ihrer Interessen in Syrien verfolgen Russland und die Türkei seit 2017 eine Art «Allianz». Syrien soll durch diese gemeinsame «Allianz», zusammen mit der Islamischen Republik Iran,  befriedet werden. Wladimir Putin dürfte dabei auch das Ziel verfolgen, die Türkei aus dem westlichen Bündnis NATO herauszubrechen. Der türkische Machthaber Erdogan dürfte seinem Machtstreben im Mittleren Osten frönen und von der Wiedererrichtung des osmanischen Reichs träumen. Auf dem Hintergrund der während Jahrhunderten verfolgten russischen Machtansprüche und der Kriege gegen die Osmanen erscheint diese «Allianz» als widernatürlich. Das Endziel von Russland könnte nach wie vor die «Befreiung» von Konstantinopel von den muslimischen Ungläubigen sein.

 

[1] Decker, M.J., The Byzantine Art of War, Westholme Publishing, Yardley, Pennsylvania, 2013, P,1.

[2] Decker, M.J., P. 13.

[3] Decker, M.J., P. 15-18.

[4] Decker, M.J., P. 21.

[5] Decker, M.J., P. 21.

[6] Decker, M.J., P. 22.

[7] Decker, M.J., P. 24.

[8] Decker, M.J., P. 24.

[9] Decker, M.J., P. 32/33.

[10] Decker, M.J., P. 36.

[11] Decker, M.J. P. 37.

[12] Decker, M.J., P. 37.

[13] Decker, M.J., P. 40.

[14] Decker, M.J., P. 40.

[15] Decker, M.J., P. 30.

[16] Obolensky, D., The Relations between Byzantium and Russia (11th-15th Century), Oxford University, Updated 02 July 2001, P. 2.

[17] Obolensky, D., P. 4ff.

[18] Laats, A., The Concept of the Third Rome and its Political Implications, P. 98.

[19] Laats, A., P. 104.

[20] Laats, A., P. 104.

[21] Laats, A. P. 105.

[22] Laats, A., P. 106.

[23] Laats, A., P. 108.

[24] Laats, A., P. 112.

 

jeudi, 24 mai 2018

«La force de la géographie: comment expliquer la politique mondiale à l’aide de dix cartes géographiques»

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«La force de la géographie: comment expliquer la politique mondiale à l’aide de dix cartes géographiques»

par Wolfgang van Biezen

Ex: http://www.zeit-fragen.ch/fr

«Après la lecture de ce livre, on comprend mieux les crises actuelles de notre monde, on considère les articles exigeants de la presse quotidienne de manière moins fragmentaire, ce qui mène à une meilleure compréhension. La mutation de la seule puissance mondiale, les Etats-Unis, vers un monde multipolaire est déjà accomplie. Pourquoi il en est ainsi est bien décrit dans ce livre captivant et intéressant à lire.»

TMgéo2.jpgAu début de l’année 20151, lors d’une intervention au sein du Chicago Council on Foreign Relations, George Friedman de la société de renseignement américaine Stratfor a insisté sur l’intention des Etats-Unis de continuer à faire la guerre et comment, depuis un siècle, la politique américaine avait défini, de façon primordiale et doctrinale, l’empêchement d’une quelconque réconciliation entre l’Allemagne et la Russie. Cela concorde entièrement avec politique de guerre et la politique étrangère des Britanniques pour l’Europe, menées depuis plusieurs siècles conformément à la tradition et connue sous le nom d’«équilibre des forces». Actuellement cela correspond au déplacement dans le cadre de l’OTAN des Rapid Forces internationales vers l’Est jusqu’à la frontière russe.


La transformation de l’OTAN d’une alliance défensive en une alliance offensive sous la direction des Etats-Unis, les guerres au Proche-Orient, les alliances opaques dans le conflit syrien, la sécession armée en Ukraine orientale et une ministre de la Défense allemande semblant être prête à tout, nous rappelle fatalement la situation à la veille de la Première Guerre mondiale. A cette époque, il ne manquait plus que l’étincelle serbe pour faire sauter l’Europe. Le les poudrières sont en place. Selon George Friedman, l’Allemagne ne s’est pas encore décidée d’assumer le rôle de chef en Europe que ses alliés veulent lui imposer. Rappelons-nous: le mensonge de l’ancien ministre allemand de la Défense M. Scharping, a fourni la raison pour l’intervention militaire illégale au Kosovo. Jusqu’aujourd’hui, il est préférable de ne pas parler ouvertement sur l’horrible souffrance humaine provoquée par l’emploi des armes à l’uranium appauvri utilisées par les forces alliées dans cette région.


Il est difficile de ne pas voir les signes d’une nouvelle guerre, et les citoyens européens réalisent de plus en plus qu’un nouveau conflit est en préparation. Quiconque ne veut pas fermer les yeux, désire comprendre l’histoire récente de l’Europe et décèle des parallèles avec la Première et la Seconde Guerre mondiale dans les activités bellicistes contemporaines, ferait bien de s’approfondir dans la lecture du livre de Tim Marshall intitulé «Die Macht der Geographie – Wie sich Weltpolitik anhand von 10 Karten erklären lässt» (DTV-Paperback 34917) [La force de la géographie. Comment expliquer la politique mondiale à l’aide de dix cartes]. (Version originale en anglais: «Prisoners of Geography. Ten Maps That Explain Everything About the World»).


Le livre met l’accent sur le mot «géo» et entend par là simplement ceci: «La géopolitique démontre comment on peut comprendre des affaires internationales dans le contexte de facteurs géographiques.» En fonction de l’histoire, l’auteur britannique Tim Marshall sensibilise l’œil du lecteur à la situation actuelle de dix régions choisies de notre monde. Il le fait de façon cohérente sur la base de la géographie et de la topographie.


Le premier chapitre déjà clarifie pourquoi Staline, n’avait guère l’intention, après la Seconde Guerre mondiale, d’étendre l’ancienne Union soviétique jusqu’à l’Atlantique, comme l’ont appris des générations d’élèves mais également des stratèges miliaires pendant leur formation.


Les attaques contre la Russie et la sécurisation du ravitaillement nécessaire venant de l’Ouest ont toujours eu lieu par la plaine nord-européenne. Toutes les autres voies sont bloquées par des chaînes de montagnes. Cette voie fut choisie par Napoléon tout comme les armées allemandes pendant les deux guerres mondiales. Actuellement, la Pologne et l’Ukraine servent à nouveau de têtes de pont stratégique et sont ainsi essentiel pour les militaires occidentaux. En même temps cela représente d’autre part une énorme menace pour la Russie. Nous apprenons aussi pourquoi le contrôle et la fermeture de la «ligne GIUK»2 ont à plusieurs reprises barré le chemin de la marine russe vers les océans. Et lorsqu’on peut lire dans la presse quotidienne que toutes les transactions financières de l’Europe vers les Etats-Unis et retour passent par des faisceaux de câbles sous-marins transatlantiques, parallèles à la «ligne GIUK», et comment les Russes seraient capables de couper ces liaisons à l’aide de leur sous-marins, le lecteur attentif se rend compte du fait qu’il s’agit ici éventuellement d’une préparation d’un casus belli.


tmgéo3.jpgLe projet chinois du réseau des Routes de la soie, peu considéré par les Etats-Unis, est vu comme une réponse aux questions urgentes de la communauté mondiale. L’Eurasie se rapproche et collabore dans ce programme d’infrastructure (One Belt One Road – OBOR). Des transports ferroviaires de Pékin à Duisbourg ont déjà lieu plusieurs fois par semaine. La Russie soutient ce projet. La Chine désire davantage de coopération non seulement sur le contient eurasiatique, mais dans tous les domaines et au bénéfice mutuel de tous les participants. Par le port de Gwadar, la Chine atteint l’océan Indien et inclut le Pakistan et l’Iran dans ce projet eurasiatique.


D’autres chapitres importants déchiffrent la géopolitique actuelle des Etats-Unis, de l’Europe occidentale, du Moyen-Orient, de l’Inde et du Pakistan, de la Corée et du Japon aussi bien que de l’Amérique latine.
Le livre fort inspirant de M. Marshall se termine par un chapitre sur l’Arctique. Dans cette région, le soi-disant «changement climatique» travaille en faveur de la Russie. Nulle part, les Etats-Unis et la Russie ne sont si proches l’un de l’autre. Toutefois, le dégel ouvre des possibilités de nouveaux passages entre l’Atlantique et le Pacifique. Là aussi, sur son propre plateau continental, il semble que la Russie tienne la corde, relativement inaperçue et tranquille.


Après la lecture de ce livre, on comprend mieux les crises actuelles de notre monde, on considère les articles exigeants de la presse quotidienne de manière moins fragmentaire, ce qui mène à une meilleure compréhension. La mutation de la seule puissance mondiale, les Etats-Unis, vers un monde multipolaire est déjà accomplie. Les raisons pour lesquelles il en est ainsi sont bien décrites dans ce livre captivant et intéressant à lire.    •

1     https://www.youtube.com/watch?v=ablI1v9PXpI newscan du 17/3/2015
2     Le GIUK est une ligne imaginaire de l’Atlantique nord formant un passage stratégique pour les navires militaires. Ce nom est l’acronyme de l’anglais «Greenland, Iceland, United Kingdom». En cas de conflit, la ligne sera bloquée par les Etats-Unis ou plutôt par l’OTAN. (cf. aussi la NZZ du 13/2/18, p. 7)

mardi, 22 mai 2018

L’Eurasie tiraillée entre guerre et paix

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L’Eurasie tiraillée entre guerre et paix

Pepe Escobar

Ex: http://www.zejournal.mobi

Deux sommets récents, la poignée de mains transfrontalière des présidents Kim et Moon, qui a surpris le monde entier, et la promenade de santé amicale sur les berges du lac à Wuhan entre les présidents Xi et Modi, ont pu donner l’impression que le processus d’intégration eurasiatique est entré dans une phase plus calme. Or, cela n’est pas vraiment le cas. Ce serait plutôt un retour à la confrontation : comme on pouvait s’y attendre, la mise en pratique de l’accord sur le nucléaire iranien, connu sous l’acronyme disgracieux de JCPOA (en français l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien), est au cœur du problème. Fidèles au processus lent de leur projet d’intégration eurasiatique, la Russie et la Chine sont les plus fidèles soutiens de l’Iran.

La Chine est le premier partenaire commercial de l’Iran, en particulier grâce au volume des ses importations énergétiques. L’Iran, de son côté, est un importateur net de denrées alimentaires. La Russie entend couvrir cette demande alimentaire.

Les sociétés pétrolières chinoises aident au développement des immenses champs pétrolifères de Yadaravan, dans le nord des champs pétrolifères d’Azadegan. La CNPC (China National Petroleum Corporation) a acquis 30% des parts du projet pour exploiter South Pars, le plus grand gisement de gaz naturel au monde. Un contrat de 3 milliards de dollars a été signé pour remettre à niveau les raffineries pétrolières iraniennes, dont un contrat entre Sinopec et la NIOC (National Iranian Oil Company) pour agrandir l’ancienne raffinerie d’Abadan.

Lors d’une visite d’État célèbre effectuée en 2015 juste après la signature de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, le président Xi Jinping a annoncé un projet ambitieux de multiplier par dix le commerce bilatéral entre les deux pays à hauteur de 600 milliards de dollars dans la prochaine décennie.

L’Iran est au cœur du dispositif de Pékin des Nouvelles Routes de la soie (aussi appelé «  Une ceinture, Une route »). Un de ses projets d’infrastructures majeur est une ligne ferroviaire à grande vitesse de 926 kilomètres reliant Téhéran à Mashhad ; la Chine a alloué un prêt de 1,6 milliards de dollars à ce qui fut le premier projet en Iran bénéficiant du soutien d’un pays étranger après la signature de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien.

De folles conversations à Bruxelles font état de l’impossibilité qu’ont les banques européennes de financer des projets en Iran, à cause des féroces sanctions imprévisibles imposées par Washington, dont l’obsession pour l’Iran n’est plus à démontrer. Cette paralysie européenne a ouvert la voix à la CITIC (China International Trust Investment Corporation) pour débloquer plus de 15 milliards de dollars en crédits disponibles pour ces projets.

La Banque pour l’exportation et l’importation de Chine (placée sous la tutelle directe du Conseil des affaires de l’État) a jusqu’à présent financé 26 projets en Iran, de la construction d’autoroutes, à l’extraction minière en passant par la production d’acier, pour un montant de 8,5 milliards de dollars US en prêts. SinoSure (une compagnie d’assurance pour les entités qui prêtent des fonds à l’export, l’équivalent en Chine de la COFACE française) a quant à elle signé un protocole d’accord pour assister les sociétés chinoises qui investissent dans des projets d’infrastructures en Iran.

La société d’État chinoise National Machinery Industry Corp. a signé un contrat de 845 millions de dollars pour construire une ligne ferroviaire de 410 kilomètres dans l’ouest de l’Iran reliant Téhéran à Hamedan et Sanandaj.

Des rumeurs persistantes font état du fait que la Chine pourrait à long terme remplacer l’Inde en manque de fonds propres dans le développement du port stratégique de Chabahar, sur la mer d’Arabie, qui est le point de départ suggéré pour une mini route de la Soie indienne reliant l’Inde à l’Afghanistan, et contournant le Pakistan.

Ainsi, au milieu de cette tornade de contrats, Beijing ne cache pas son mécontentement vis-à-vis de l’attention portée par le Ministère de la Justice américain à la société chinoise Huawei, principalement à cause des fortes ventes de téléphones mobiles d’entrée de gamme qu’elle enregistre sur le marché iranien.

C’est chic de voler en Sukhoï

La Russie réplique, et dépasse même l’offensive commerciale chinoise en Iran.
Habituellement très lente dans ses décisions d’acquisitions d’avions américains ou européens, la compagnie aérienne Aseman Airlines a décidé d’acquérir 20 Sukhoï SuperJet 100, tandis qu’Iran Air Tours, une filiale d’Iran Air, en a commandé une autre vingtaine. Les deux commandes, d’un montant de plus de deux milliards de dollars, ont été scellées la semaine dernière lors de l’édition 2018 du Eurasia Airshow, organisé à Antalya en Turquie, sous la supervision du vice-ministre russe à l’Industrie et au Commerce, Oleg Bocharov.

L’Iran et la Russie sont tous deux les cibles des sanctions américaines. Malgré des différends historiques, les deux nations se rapprochent de plus en plus. Téhéran peut apporter une profondeur stratégique à la présence russe en Asie du sud-ouest. Et Moscou est un soutien inconditionnel de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, qui est au cœur du problème. Le partenariat entre Moscou et Téhéran prend en tous points la même direction que le partenariat stratégique développé entre Moscou et Beijing.

Selon Alexander Novak, le ministre de l’Énergie de la Russie, le contrat « pétrole contre nourriture » passé en 2014 entre Moscou et Téhéran est entré en vigueur, avec un achat quotidien de 100,000 barils de brut iranien par la Russie.

La Russie et l’Iran coordonnent étroitement leurs politiques énergétiques. Six accords ont été signés pour collaborer sur des achats stratégiques dans le domaine de l’énergie, d’un montant total de trente milliards de dollars. Selon l’assistant du président Poutine, Iouri Ouchakov, l’investissement de la Russie dans le développement des gisements de pétrole et de gaz naturel iraniens pourrait atteindre 50 milliards de dollars.

L’Iran va officialiser sa participation à l’initiative russe d’Union économique eurasiatique avant la fin de l’année. Et grâce au soutien vigoureux de la Russie, l’Iran deviendra en 2019 un membre à part entière de l’Organisation de coopération de Shanghai.

L’Iran est coupable parce que nous l’avons décrété

Mettons ceci en perspective avec la politique iranienne de l’administration Trump.

À peine confirmé dans sa fonction de Ministre des affaires étrangères, le premier voyage à l’étranger de Mike Pompeo en Arabie saoudite et en Israël est dans les fait un partage d’information avec ses alliés de la décision de Trump du retrait imminent des États-Unis de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, prévu pour le 12 mai. Cela, dans les faits, implique l’application de toute une série de nouvelles sanctions des États-Unis à l’encontre de l’Iran.

Riyad, par l’intermédiaire du «  chouchou du Capitole », le prince Mohammed ben Salmane (MBS), sera tout entière dans le camp anti-Iran. Parallèlement, MBS ne relâchera pas son blocus raté sur la Qatar, même si l’administration Trump pourrait le lui demander, ni le désastre humanitaire qui résulte de son invasion du Yémen.

Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y aura aucun front commun du Conseil de coopération des États arabes du Golfe contre l’Iran. Le Qatar, Oman et le Koweït considèrent un tel front comme contre-productif. Cela laisse l’Arabie saoudite, les Émirats, et le vassal à peine déguisé et largement inutile de l’Arabie saoudite, Bahreïn.

Sur le front européen, le président Macron s’est autoproclamé Roi d’Europe officieux, se vendant à Trump comme l’exécuteur pressenti des restriction sur le programme de missiles balistiques de l’Iran, et celui qui intimera l’ordre à l’Iran de se tenir à l’écart de la Syrie, de l’Irak et du Yémen.

Macron a établi un parallèle direct et manifestement absurde entre le fait que Téhéran ait démantelé son programme d’enrichissement de l’uranium (y compris la destruction de ses stocks d’uranium enrichi à moins de 20%) et le fait que la France serait le porte-flingue ayant aidé Bagdad et Damas à écraser Daech et les autres entrepreneurs du djihad salafiste.

Il n’est pas étonnant que Téhéran, tout comme Moscou et Beijing, établissent un parallèle entre les énormes contrats d’armement entre les États-Unis et Riyad, ainsi que les importants investissements de MBS en Occident, et les tentatives de Washington et Paris de renégocier l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien.

Le porte-parole de Poutine, Dmitry Peskov, est catégorique : l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien est le résultat de négociations ardues entre sept protagonistes pendant plusieurs années. « La question est de savoir s’il est encore possible d’atteindre un tel succès dans le contexte actuel ? ».

Certainement pas

La rumeur a commencé à circuler à Moscou, Beijing, et même Bruxelles, que l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien irrite Trump car il est, dans les faits, un accord multilatéral qui ne met pas en avant la primauté des intérêts américains, qui plus est qui a été négocié par l’administration Obama.

Le pivot vers l’Asie opéré par l’administration Obama, dont le succès reposait largement sur le règlement du dossier du nucléaire iranien, a eu pour conséquence le déclenchement d’une série d’événements géopolitiques accidentels.

Les factions néo-conservatrices à Washington ne pourront jamais accepter une normalisation des relations entre l’Iran et l’Occident. Malgré cela, non seulement l’Iran fait des affaires avec l’Europe, mais se rapproche de ses partenaires eurasiatiques.

Jeter de l’huile sur le feu de la crise nord-coréenne pour tenter de provoquer Pékin a finalement mené au sommet Kim-Moon qui a désarmé la clique belliqueuse qui poussait au bombardement de la Corée du Nord. Sans compter que la Corée du Nord, même avant que ne se tienne le sommet Kim-Moon, suit attentivement les évolutions de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien.

En résumé, le partenariat sino-russe ne tolèrera pas la renégociation de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, pour un certain nombre de raisons.

Sur la question des missiles balistiques, la priorité de Moscou est de vendre ses batteries de missiles S-300 et S-400 à Téhéran, sans tenir compte des sanctions américaines.

L’alliance Russie-Chine pourrait accepter une extension de la «  clause crépusculaire » décennale [une clause de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien qui rend caduque cet accord au bout de dix ans, et que les néoconservateurs critiquent car elle donnerait à Téhéran la possibilité de ne rien faire pendant une décennie jusqu’à ce que cet accord arrive à terme, NdT], même s’ils ne forceront pas l’Iran à accepter cette renégociation.

Sur la question syrienne, Damas est considérée comme un allié indispensable à la fois pour Moscou et Beijing. La Chine investira dans la reconstruction de la Syrie, et dans sa transformation en nœud central de la portion sud-ouest asiatique des Nouvelles routes de la Soie. Ainsi, la rhétorique «  Assad doit partir » est malvenue. L’alliance Russie-Chine considère Damas comme un acteur essentiel de la lutte contres tous les divers entrepreneurs du djihad salafiste qui pourraient être tentés de revenir et de semer le chaos en Tchétchénie et au Xinjiang.

Il y a une semaine, lors d’une réunion ministérielle de l’Organisation de coopération de Shanghai, l’alliance Russie-Chine a communiqué une déclaration conjointe soutenant l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien.

C’est donc bien un autre des piliers fondamentaux de l’intégration eurasiatique que l’administration Trump cherche à dynamiter.

Traduction : Le Saker Francophone

vendredi, 18 mai 2018

Will EU Block China Economic Silk Road?

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Will EU Block China Economic Silk Road?

By F. William Engdahl

Ex: http://www.williamengdahl.com 

In the clearest sign to date, EU Ambassadors to Beijing have just released a document critical of China’s vast Belt, Road Initiative or New Economic Silk Road infrastructure project. All EU ambassadors excepting Hungary signed off on the paper in a declaration of growing EU opposition to what is arguably the most promising economic project in the past century if not more. The move fits conveniently with the recent Trump Administration targeting of China technology trade as tensions grow .

Twenty-seven of the 28 EU ambassadors to China have just signed a report sharply critical of China’s BRI development. Ironically, as if the EU states or their companies did not do the same, the report attacks China for using the BRI to hamper free trade and put Chinese companies at an advantage. The document claims that the Chinese New Economic Silk Road project, unveiled by Xi Jinping in 2013, “runs counter to the EU agenda for liberalizing trade and pushes the balance of power in favor of subsidized Chinese companies.”

Two Models of Global Development

Chinese President Xi Jinping first proposed what today is the Belt, Road Initiative, today the most ambitious infrastructure project in modern history, at a university in Kazakhstan five years ago in 2013. Despite repeated efforts by Beijing to enlist the European Union as a whole and individual EU member states, the majority to date have remained cool or distant with the exception of Hungary, Greece and several eastern EU countries. When China officially launched the project and held an international conference in Beijing in May 2017, it was largely boycotted by EU heads of state. Germany’s Merkel sent her economics minister who accused the Chinese of lack of commitments to social and environmental sustainability and transparency in procurement.

Now 27 of 28 EU ambassadors in Beijing have signed a statement suspiciously similar to that of the German position. According to the German business daily, Handelsblatt, the EU ambassadors’ declaration states that the China BRI “runs counter to the EU agenda for liberalizing trade and pushes the balance of power in favor of subsidized Chinese companies.” Hungary was the only country refusing to sign.

The latest EU statement, soon to be followed by a long critical report on the new Silk Road from the EU Commission in Brussels, fits very much the agenda of the Trump Administration in its latest trade tariffs against Chinese goods that alleges that Chinese companies force US partners to share technology in return for projects in China.

Moreover, the EU Commission has just released a long report on China in connection with new EU anti-dumping rules. The report declares that the fact that China is a state-directed economy with state-owned enterprises engaging in the construction of the Belt Road Initiative is in effect “the problem.” China answers that her economy is in the “primary stage of socialism”, has a “socialist market economy” and views the state-owned economy as the “leading force” of national development. The targeting of China’s state enterprises and of its state-directed economic model is a direct attack on her very economic model. Beijing is not about to scrap that we can be sure.

The latest stance of EU member states, led by Germany and Macron’s France, is an attempt to pressure China into adhering to the 2013 World Bank document, China 2030. There, as we noted in an earlier analysis, it declared that China must complete radical market reforms, to follow the failed Western “free market” model implemented in the West since the 1970’s with disastrous consequences for employment and stability. China 2030 states, “It is imperative that China … develop a market-based system with sound foundations…while a vigorous private sector plays the more important role of driving growth.” The report, cosigned then by the Chinese Finance Ministry and State Council, further declared that “China’s strategy toward the world will need to be governed by a few key principles: open markets, fairness and equity, mutually beneficial cooperation, global inclusiveness and sustainable development.”

As Xi Jinping established his presidency and domination of the Party after 2013, China issued a quite different document that is integral to the BRI project of President Xi. This document, China 2025: Made in China, calls for China to emerge from its initial stage as an economy assembling technologies for Apple or GM or other Western multinationals under license, to become self-sufficient in its own technology. The dramatic success of China mobile phone company Huawei to rival Apple or Samsung is a case in point. Under China 2025 the goal is to develop the next transformation from that of a cheap-labor assembly economy to an exporter of Made in China products across the board from shipbuilding in context of the Maritime Silk Road to advanced aircraft to Artificial Intelligence and space technologies.

Refusal to Constructively Engage

By its recent critical actions, the EU Commission and most EU states are, while not slamming the door shut on what is developing as one of the few positive growth spots outside military spending in the world today, doing everything to lessen the engagement of EU states in the BRI.

For its part, China and Chinese state companies are investing in modernizing and developing deep water ports to handle the new Silk Road trade flows more efficiently. China’s State Oceanic Administration (SOA) is responsible for developing the so-called “blue economy” maritime ports and shipping infrastructure, the “belt” in Belt and Road. Last year China’s marine industries, exploitation of ocean resources and services such as tourism and container and other transport, generated the equivalent of more than $1 trillion turnover. Little wonder that China sees investment in ocean shipping and ports a high priority

Sea lane shipping via the Malacca Strait and Suez is at present China’s life line for trade to EU states and vulnerable to potential US interdiction in event of a serious clash. Today twenty-five percent of world trade passes through the Malacca Strait. Creation of a network of new ports independent of that vulnerable passage is one aim of the BRI

The Piraeus Example

China’s Maritime Silk Road envisions directing state investment into key sectors such as acquisition of port management agreements, investment in modernized container ports and related infrastructure in select EU states.

At present the most developed example is the Greek port of Piraeus, operated under an agreement with the Chinese state company, COSCO, as port operator. Modernization and more than €1.5 billion investment from China has dramatically increased the port’s importance. In 2016 Piraeus’s container traffic grew by over 14 percent and COSCO plans to turn Piraeus into the fifth largest European port for container traffic. Before COSCO, it was not even in the EU top 15 in 2007. In 2016 COSCO bought 51% of Piraeus Port Authority for €280 million, and now owns 66%. Last year Piraeus Port, COSCO and Shanghai Port Authority, China’s largest container port, signed a joint agreement to further boost trade and efficiency at Piraeus. Greek Deputy Economy Minister Stergios Pitsiorlas said at the time, “The agreement means that huge quantities of goods will be transported to Piraeus from Shanghai.”

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As the economically-troubled Greek economy produces few products China needs, China has encouraged growth of a mainstay of Greece’s economy, tourism trade with China. This year an estimated 200,000 Chinese tourists will visit Greece and spend billions there. As Piraeus is also a port for luxury cruise liners, Chinese cruise operators are servicing that as well. China company Fosun International, engaged in modernizing the former site of Athens Airport into one of the biggest real-estate projects in Europe, is also interested in investing in Greek tourism. Significantly, they own a share in Thomas Cook Group and are designing holiday packages aimed at the huge China tourist market. Fosun sees 1.5 million Chinese tourists in Greece in the next five years and is investing to accommodate at least a fair share.

Piraeus is only one part of China’s larger maritime strategy. Today Chinese ships handle a mere 25% of Chinese ocean container shipping. Part of the Made in China 2025 transformation is to increase that by investing in state-of-the-art commercial shipbuilding modernization. China’s State Oceanic Administration and the NDRC national development council have defined select industries in the port and shipbuilding sector as “strategic.” This means they get priority in receiving state support. Areas include upgrading fisheries, shipbuilding, and offshore oil and gas technologies and technologies for exploitation of deep sea resources. Further areas of priority in the current 5-year China state plan include developing a modern maritime services industry with coastal and sea tourism, public transport, and maritime finance. All these will benefit from the BRI Silk Road.

This is the heart of the present Xi Jinping transformation of China from a cheap labor screwdriver assembly economy to an increasingly self-reliant producer of its own high-technology products. This is what the ongoing Trump Section 301 and other trade war measures target. This is what the EU is increasingly trying to block. China is determined to develop and create new markets for its goods as well as new sources of imports. This is the essence of the Belt and Road Initiative.

Why import oil platforms from US companies if China can make them itself? Why charter Maersk or other EU shipping companies to carry Chinese goods to the EU market if China can do the same in their own ships? Isn’t the “free market,” so much touted since the 1970’s in the West, supposed to be about competition? In 2016 the Central Committee of China’s Communist Party and the State Council adopted the “Innovation Driven Development Strategy”, adopted in 2016 by the Central Committee and the State Council. According to this China intends to become an “innovative country” by 2020, to move into the top tier of innovative countries by 2030-35, and attain global leadership by 2050. This is what China 2025 is all about and why Washington and the EU Commission are alarmed. They have a plan. We in the West have so-called free markets.

Rather than take the Chinese strategy as a challenge to be better, they attack. For certain EU interests, free market works fine when they dominate the market. If someone comes along and does it one better, that is “unfair,” and they demand a “level playing field” as if the world economy was some kind of cricket field.

Silk Road Fund

One of the most amusing charges by EU countries against China and their state-guided economic model—a model not too different in essence by the way from the model used by Japan after the war or by South Korea– is that EU critics attack the funding practices of the China Silk Road Fund. A report by the German government has criticized the fact that Chinese state banks give some 80% of their loans for the BRI projects to Chinese companies.

The Silk Road Fund is a Chinese state fund established three years ago with $40 billion initial capital to finance select projects in Eurasia of the BRI or Silk Road. It is not to be confused with the separate Asian Infrastructure Investment Bank. Among its various projects to date are construction of a Mombasa–Nairobi Standard Gauge Railway; investment in the Karot Hydropower Project and other hydropower projects in Pakistan as part of the China-Pakistan Economic Corridor; or a share of Yamal LNG project in Russia.

The fact that a Chinese state-controlled fund, investing funds resulting from the hard work of Chinese people to produce real goods and services, decided to use its state funds to benefit Chinese companies is hardly surprising. The real issue is that the European Union as a group or the individual states so far have boycotted full engagement with what could be the locomotive of economic recovery for the entire EU. They could easily create their own versions of China’s Silk Road Fund, under whatever name, to give subsidized state-guaranteed credits to German or other EU companies for projects along the BRI, along the model of Germany’s Marshall Plan bank, KfW, which was used effectively in rebuilding communist East Germany after 1990. This it seems they do not want. So they boycott Chinafor lack of “transparency” instead.

These examples are useful to illustrate what is going on and how ineffective the EU “free market” model is against a coordinated state development strategy. It is time to rethink how France, Germany, and other EU member states rebuilt after World War II. The state played an essential role.

F. William Engdahl is strategic risk consultant and lecturer, he holds a degree in politics from Princeton University and is a best-selling author on oil and geopolitics, exclusively for the online magazine “New Eastern Outlook”

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mercredi, 16 mai 2018

Trump déclare la guerre économique à l’Europe

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Trump déclare la guerre économique à l’Europe

Jean-Michel Vernochet

Ex: http://www.geopolintel.fr

En se décidant à sortir du Traité relatif au programme nucléaire iranien dit 5+1 (les Cinq membres permanents du Conseil de Sécurité + l’Allemagne), Donald Trump déclare en fait, littéralement, la guerre à l’Europe. Ceci n’étant pas une clause de style parce qu’en dénonçant unilatéralement cet accord collectif et en annonçant le rétablissement d’une batterie de sanctions draconiennes à l’encontre de Téhéran au cours du prochain semestre, il met du même coup, la France et l’Allemagne à genoux. Il s’agit en effet ni plus ni moins, dans l’actuel contexte de crise sociétale aiguë, de la perte d’un marché providentiel de 83 millions d’âme.

Un débouché en pleine expansion depuis la fin de 22 années de blocus économique [1] et l’accord de contrôle extérieur du programme nucléaire civil iranien du 14 juillet 2015. Lequel pouvait laisser espérer aux Allemands de regagner leurs positions perdues après 2005. Celles-ci cumulaient alors à 5,67 milliards de dollars soit 14,4% de leurs exportations. Pour la France, les constructeurs automobiles PSA et Renault sont eux aussi immédiatement menacés par la volte-face de la politique américaine. Peugeot détient actuellement 30% d’un marché iranien difficilement reconquis après son retrait de 2012 pour obéir à l’injonction comminatoire de son partenaire américain General motors [2]. Celui-ci avait fait miroiter à PSA, en échange d’un manque à gagner à l’export vers l’Iran de 450.000 véhicules l’an, l’ouverture de l’immense marché chinois. Promesse mirobolante, évidemment non tenue. Notons qu’à l’époque, les syndicats compradores habituellement si prompts à s’insurger pour un oui ou pour un non, ne pipèrent mot.

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Au moment où est tombé le couperet américain ce 8 mai (avec quatre jours d’avance sur la date annoncée), le groupe PSA se préparait à la production en Iran de la Peugeot 301 ainsi que de la Citroën C3. Rappelons que les constructeurs français tenus par leurs partenariats transatlantiques, tombent, en cas de refus d’obtempérer, sous le coup de la loi fédérale, laquelle n’a pas la main légère avec les contrevenants. Tous les acteurs économiques ont à l’esprit les 8,9 milliards de dollars d’amende que dut verser la BNP au Trésor américain en mai 2015 pour avoir transgressé les oukases de Big Sister America et fricoté de l’an 2000 à 2010 avec Cuba, l’Iran, le Soudan et la Libye, tous pays sous embargo.

Beaucoup pensent que l’interdépendance économique est un puissant facteur de paix internationale. Que nenni ! C’est oublier que certains, les forts, sont alors en position de dicter leur loi aux faibles et que ceux-ci n’ont d’autres choix que de se soumettre. Cinquante ans après mai 1968, il serait judicieux de se souvenir de l’embargo américain instauré sur le tourteau de soja et les porcs menacés de famine dans les élevages bretons… L’initiative du président Trump est à ce titre un véritable coup bas pour l’économie européenne sacrifiée notamment sur l’autel des fantasmes sécuritaires de l’État hébreu… mais pas seulement, car l’affaire est au final beaucoup plus complexe et plus tordue.

On peut en effet s’interroger sur l’enchevêtrement de calculs nébuleux qui conduit l’Amérique à s’aliéner volontairement et à peu de profit, ses alliés européens ? Parce que cela revient avons-nous dit, à les mettre au pas et les faire passer (une fois de plus) sous les fourches caudines de l’État profond américain seul décideur… le président Trump ne se maintenant actuellement à la Maison-Blanche que dans la mesure où il en exécute les consignes. Une hyperclasse qui agit en sous-main et qui, ayant échoué à imposer une hégémonie directe sur le reste du monde, préfère désormais opter pour les voies détournées de la guerre économique, de la subversion politique et de la diplomatie armée (soft power), afin d’atteindre ses objectifs de domination tous azimuts.

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Un rappel à l’ordre n’est donc pas à exclure à l’endroit des Macron et Merkel qui se sont crus autorisés à venir s’ingérer (à domicile) dans la géostratégie de l’imperium nord-américain. Notons que M. Macron s’est ridiculisé en allant quémander à Washington que le Département d’État accepte de prendre en considération ses misérables desiderata (la préservation de la petite part hexagonale du juteux marché persan), prétendant pouvoir faire accepter la renégociation de l’accord par Téhéran. Ce dont il n’est pour l’heure pas question. Alors que déduire sinon que conclure, de la décision des élites américaines de revenir sur l’engagement pris en 2015 ? Précisant que ni le Département d’État, ni le Pentagone, ni la CIA, et surtout pas le Deep State - à savoir le complexe militaro-industriel, les néoconservateurs (d’anciens trotskystes, soixante-huitards reconvertis, qui pour beaucoup tiennent aujourd’hui le haut du pavé), les likoudniki de diverses obédiences, les puissants groupes de pression sionistes faiseurs et tombeurs de rois, Wall Street – n’ont été mis hors-jeu, exclus ou seraient restés étrangers à cette fatale décision de sortie de l’Accord 5+1. De plus, qui parmi ces différents acteurs, aurait pu se préoccuper de plaire ou déplaire au petit marquis élyséen et de chercher des voies raisonnables en vue d’éteindre les incendies qui n’en finissent pas de se multiplier au Levant ? Reste qu’à défaut d’avoir conservé une influence directe au Proche Orient - ayant perdu la guerre de Syrie et l’Irak livré à la majorité chiite - la Grande Amérique gouverne par le maintien d’un certain chaos et le soutien relatif de l’irrédentisme kurde ?

Les oligarchies du Nouveau Monde savent les européens lâches, désunis et dépendants, auto-intoxiqués qu’ils sont - entre autres - par leurs soi-disant Valeurs ! Par ailleurs ce sont des rivaux qu’il convient de brider. Le grand théoricien de l’impérialisme yankee, le franckiste Brzezinski, énonçait la chose avec clarté dans le Grand échiquier (1998) - reprenant en cela les idées directrices de l’immémoriale politique continentale des Britanniques – à savoir que l’Europe devait demeurer coûte que coûte désunie (rien de contradictoire ici avec l’Union européenne qui est un moyen d’assujettir les nations tout en détruisant leur puissance souveraine) et politiquement débile. Nous y sommes. Cette loi géopolitique s’applique aujourd’hui dans toute sa rigueur derrière les embrassades et les guignoleries de façade. Peu chaut à M. Trump que M. Macron ait été désavoué par le dangereux revirement de la politique extérieure de l’Union. Il n’a cure de lui sauver la face. De toute façon la presse dont le président hexagonal est le fils puîné l’aura fait à sa place.

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Comme si également ces fantoches européens - les trois « M » Merkel, May, Macron - pesaient lourds face aux bibliothèques de dossiers et de disques compacts dramatiquement dévoilés par le triste sire Netanyahou, ci-devant Premier ministre du 51e membre des États-Unis ? Oubliant de dire au passage que ces documents d’archives exfiltrés d’Iran on ne sait par qui ni comment, dataient de 2003. Comme quoi les vieilles ficelles font toujours recette. Et ce depuis la fiole de sucre glace brandie naguère au Conseil de Sécurité par l’Oncle Ben’s Colin Powell prétendant qu’il s’agissait d’Anthrax, preuve accablante de la poursuite d’un programme irakien d’armes de destruction massive ! Néanmoins, prouver de cette manière, en ouvrant l’armoire aux squelettes, la perpétuation en 2018 d’un programme offensif en contredisant ex abrupto tout les rapports de l’Agence internationale à l’énergie atomique (AIEA) relatifs au suivi de l’application de l’Accord de dénucléarisation, il faut à la fois une certaine dose de cynisme et de mauvaise foi… ainsi que l’active complicité d’une presse détenant tous pouvoirs sur une opinion publique entièrement forgée par ses soins… et par ses assidus mensonges !

Ajoutons que le Premier ministre israélien, parle toujours de guerre contre le grand voisin iranien, mais qu’il n’a guère les moyens de ses ambitions guerrières hormis ses inutilisables vecteurs Jéricho à tête nucléaire : ses chasseurs-bombardiers F16 sont à bout de souffle et sa dizaine de F35 sont trop précieux pour être exposés sans nécessité absolue à des tirs de représailles… pas plus qu’il n’aurait la sottise d’envoyer ses pilotes au casse-pipes, lesquels, lorsqu’ils tirent leurs missiles vers des positions iraniennes de Syrie, le font généralement depuis l’espace aérien libanais, prudence oblige car le 10 février un chasseur-bombardier de Tsahal était abattu par la défense aérienne syrienne, le premier depuis 1982. Les temps changent. Au demeurant les guerres israéliennes destinées à nettoyer par cercles concentriques successifs la périphérie de l’entité sioniste, se font toujours à moindre coût et assez généralement par procuration : 1991 « Tempête du désert », 2003 « Choc et effroi »…

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Ou bien encore s’achèvent en foirade comme lors de la deuxième guerre du Liban de juillet 2006 – le sixième conflit israélo-arabe – lancée (mais non déclarée) au prétexte controuvé que deux soldats de Tsahal auraient été capturés en Eretz Israël (et non enlevés comme le clamait la presse hébreu). Pour l’heure, la puissante Armée de défense israélienne excelle surtout à faire des cartons meurtriers sur les Palestiniens… 40 mort ces dernières six semaines et deux milliers de blessés. Là encore nous aurions pu nous attendre à des reportages de la part de ces mêmes envoyés spéciaux qui, dans Alep Ouest assiégée par les forces loyalistes ou dans la Ghouta orientale où s’étaient retranchés un dernier carré de terroristes d’Al-Qaïda (prétendument perpétrateurs du 11 Septembre ?), faisaient pleurer Margot sur le sort des djihadistes en dépit du fait que ceux-ci avaient pris les habitants de ces villes martyrs en otages et comme boucliers humains.

Quant à M. Netanyahou, en délicatesse avec sa propre justice pour malversations, il est en fin de compte, semble-t-il, brillamment parvenu à faire endosser par Washington une politique coercitive de sanctions maximales à l’encontre de l’Iran, sa bête noire tout en se prévalant d’une intention de neutralité de la part de Vladimir Poutine à l’égard des frappes de missiles israéliens en Syrie contre les bases de Gardiens de la Révolution [3]. Maintenant vers quoi allons-nous ? Quelles leçons provisoires tirer des récents événements ? Que veut ou que cherche M. Trump en calmant d’un côté le jeu entre les deux Corée – ce qui pourrait lui valoir un prix Nobel de la paix et le rendre de facto indéboulonnable – et en œuvrant de l’autre à la déstabilisation de l’Iran, voire en préparant une Troisième guerre du Golfe ? On en parle sérieusement dans le landernau des initiés.

Au final, en dénonçant l’accord, non seulement la Maison Blanche va créer de graves difficultés économiques à ses alliés et tributaires européens, faisant le calcul que de toutes les façons ceux-ci feront profil bas. Qu’ils se coucheront, quoiqu’il leur en coûte, devant les insatiables exigences israéliennes relayées par Washington (wag the dog… il est patent que la queue remue le chien et non l’inverse !). Allons plus loin. L’Amérique du Deep state, au-delà du complexe obsidional israélien, vise assurément plus loin que la simple destruction d’un État persan candidat au leadership régional et grand rival de l’Arabie wahhabite, alliée privilégié de Washington et de Tel-Aviv.

Iran qui certes développe des missiles à longue portée et des drones de combat à partir de technologies justement fournies par Pyongyang, et de facto menacerait à court terme la sécurité de l’État juif (puisqu’il se désigne lui même ainsi). M. Trump s’étant convaincu d’avoir fait plier la Corée du Nord (mais une interprétation inverse de la désescalade et du réchauffement des relations interétatiques autour de la Mer du Japon est également très recevable – nous y reviendrons), peut-être se dit-il que la menace d’un recours à la force, est (ou serait à nouveau), payante ? Ce faisant, dans le cas de l’Iran, il ne peut ignorer qu’en dénonçant unilatéralement l’accord de 2015, il prend le risque de déstabiliser le pays en profondeur, en accroissant la division du pays entre modernistes et conservateurs, ceci affaiblissant le camp pro occidental dont la tête de file est l’actuel président Rohani… et revigorant du même coup celui de conservateurs.

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L’on voudrait relancer en Iran une contestation insurrectionnelle que l’on ne s’y prendrait pas autrement. Les Anglo-américains ne sont jamais, ni avares ni en retard d’une révolution de couleur ou de velours… Des révolutions qui d’ailleurs se greffent souvent sur un légitime terreau de revendications et des carences politiques avérées. Ainsi de l’Ukraine et ces jours-ci l’Arménie et la Moldavie. Soyons assurés que les experts en coup tordus de la CIA, machiavéliens parmi les machiavéliens, ne chôment pas et qu’un projet de regime change pour l’Iran est peut-être d’ores et déjà en cours d’application. Avec pour premier objectif de réinsérer l’Iran [4] dans une mondialisation sociétalement et économiquement libérale-libertaire… et par la même occasion, de resserrer le dispositif de contention – le cordon sanitaire – que tissent patiemment les puissances atlantiques autour de la Russie et de l’espace continental eurasiatique.

Chacun comprendra que face à de tels enjeux, les Européens et leurs indésirables industries de haute technologie concurrentes de leurs homologues américaines, doivent rentrer dans le rang de la mondialisation heureuse et apaisée sous la férule de l’Oncle Sam… surtout au moment où la libre circulation des biens et le retour du protectionnisme font l’objet du bras de fer commercial qui se joue entre Washington et une Chine populaire trop gourmande. L’aluminium européen vient d’ailleurs d’en faire les frais. Pauvres européens, cinquième roue du carrosse de M. Trump, lequel pense en priorité à la restauration de son parc industriel et au plein emploi outre-Atlantique. L’Europe devra, en conséquence, se soumettre, continuer d’avaler des couleuvres de la taille d’anacondas, voir croître l’armée de ses chômeurs et gérer elle-même ses crises et ses krachs à venir.

13 mai 2018

Notes

[1Sévères restrictions des échanges commerciaux que R. Reagan met en place en 1988, un an avant la fin du conflit Iran/Irak. Dispositions accentuées en 1996 quand Washington adopte la loi d’Amato-Kennedy (8 août) en mettant l’embargo sur les importations de pétrole brut et en interdisant tous les investissements directs ou étrangers via les partenariat existant avec des sociétés non américaines.

[2En 2010 PSA exportait en Iran 461.000 véhicules mais se retirait du pays en 2012 sous la pression de son éphémère partenaire, General Motors, ceci afin de se mettre en conformité avec les sanctions américaines. De retour en Iran, Peugeot y a immatriculé 443.000 unités en 2017 et 83.600 au cours des deux premiers mois de 2018 soit 30% du marché.

[3https://fr.timesofisrael.com/netany... Le Kremlin 9 mai : « J’ai souligné l’obligation et le droit d’Israël à se défendre contre l’agression iranienne, menée depuis le territoire syrien. Les Iraniens ont déclaré leur intention de nous attaquer. Ils essaient de transférer des forces et des armes mortelles avec l’objectif explicite d’attaquer l’État juif dans le cadre de leur stratégie pour détruire l’Israël ».

[4Lire « Iran, la destruction nécessaire - Persia delenda est » Xenia 2012.

mardi, 15 mai 2018

Trump. Les menaces de rétorsion européenne font bien rire outre-Atlantique

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Trump. Les menaces de rétorsion européenne font bien rire outre-Atlantique

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Ce n'est pas nous qui l'affirmons. Il suffit de lire la presse américaine. Après que Donald Trump ait annoncé qu'il dénonçait le Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA) avec l'Iran concernant la renonciation de ce pays aux armes nucléaires, une majorité de gouvernants européens, notamment de Grande Bretagne, d'Allemagne et de France, ont annoncé qu'ils resteraient dans le Pacte

Il a été aussi beaucoup discuté de mesures de protection des entreprises européennes qui seraient sanctionnées par Washington au cas où elles continueraient à commercer avec l'Iran.

Les Européens auraient-ils décidé de s'affranchir de la tutelle politique et économique exercée par les Etats-Unis depuis 1950 ? Certains ont pu l'espérer en Europe. Mais la menace n'a en aucun cas été prise au sérieux par les divers intérêts américains visés. Au contraire, comme le montre la lecture des médias américains, elle a suscité un vif amusement. Ce ne serait pas encore maintenant que les nains européens pourraient commencer à s'affranchir de la domination du géant américain.

Les grandes sociétés européennes comme Daimler ou Airbus allaient-elles risquer de supporter de lourdes amendes sous prétexte que, commerçant en dollars avec l'Iran, elles devaient respecter en tout la législation américaine ? L'Union européenne n'aurait été prise au sérieux que si elle avait déclaré qu'elle prendrait des mesures de rétorsion réciproques contre les entreprises américaines opérant en Europe.

Connaissant l'inexistence d'une politique internationale et moins encore de politiques économiques communes au sein de l'Union, personne ne peut croire que de telles mesures soient décidées en Europe. Il suffirait par exemple que l'Irlande s'y oppose pour que rien n'aboutisse. Comme individuellement les grands pays européens ne peuvent rien faire de sérieux sans l'accord de Bruxelles, très largement pénétré par les lobbys pro-américains, rien ne se passera non plus à leur niveau.

Les perspectives d'un futur commerce européen avec l'Iran sont trop modestes pour que les entreprises européennes renoncent aux avantages du marché américain, tant à l'exportation qu'à l'importation. Cela signifie que malgré leurs prétentions à rester dans le JCPOA, les gouvernements européens, soumis plus que jamais à la domination américaine, devront y renoncer.

Un euro-BRICS ?

La seule façon qu'auraient les intérêts politiques et économiques d'être pris au sérieux outre-Atlantique seraient que les gouvernements européens décident de négocier enfin sérieusement avec la Russie et la Chine afin de construire avec elles l'ensemble euro-asiatique qui est en train de se mettre en place et qui se fera autrement sans eux, sinon à leurs dépens. Il est faux de prétendre que la Russie, et plus encore la Chine, chercheraient à piller les ressources européennes sans contrepartie. Les entreprises européennes, comme leurs laboratoires de recherche, ont assez de ressources pour être considérés comme des partenaires indispensables avec qui traiter sur un plan de réciprocité.

Pour prendre par exemple le domaine de l'automobile ou de l'aviation civile, même si la Chine cherche actuellement à construire des industries la rendant indépendante des Daimler et Airbus, les besoins sont si vastes qu'elle n'y arrivera pas sans l'apport des Européens. Mais comme les dirigeants de ces entreprises et plus généralement les hommes politiques européens ont été formés en Amérique (en tant que « young leaders »...) ils ne feront rien pour contrarier leurs tutelles américaines.

Le JCPOA est donc bien mort, quels que soient les démarches du président iranien Rohani pour le maintenir en activité. Nul besoin d'imagination pour se représenter les conséquences en chaîne qui en résulteront, plus dangereuses les unes que les autres.

Note

1. Voir sur ce point l'éditorial de Der Spiegel en date du 11 mai (édition européenne) 
http://www.spiegel.de/international/world/editorial-trump...

2. Voir pour plus de détails Dedefensa
http://www.dedefensa.org/article/sans-rire-ueversususa

lundi, 14 mai 2018

Face à l’«Imperium juridique» des États-Unis

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Face à l’«Imperium juridique» des États-Unis

Ex: http://echelledejacob.blogspot.com

Sans rire : UE versus USA

Pour certains, ils n’oseront pas, pour d’autres ils seront obligés d’oser. Ainsi trouve-t-on sur le site TheDuran.com, à quelques heures d’intervalle, un texte affirmant que les Européens ne réagiront pas face aux USA, qu’ils n’oseront pas (Alexander Mercouris), et un autre disant qu’ils le feront pas, qu’ils réagiront directement contre les USA (Frank Sellers)... En l’occurrence, TheDuran.com ne se contredit pas, il expose loyalement le débat qui s’est immédiatement ouvert depuis la décision de Trump de jeudi de sortir du JCPOA.

Un des aspects qui n’est pas le moins important, tant s’en faut, des effets de la décision de Trump de sortir du traité JPOAC avec l’Iran, c’est de placer les USA et l’UE sur ce qu’on nomme dans leur langage transatlantique commun a collision course. On sait de quoi il s’agit : les exorbitants pouvoirs d’exterritorialité que s’est attribuée la justice américaniste, qui permettent, en l’espèce, de punir une société non-US, essentiellement une société d’un pays de l’UE puisque c’est de cela que nous parlons, qui contreviendrait au diktat des USA interdisant tout commerce avec l’Iran, et serait lourdement punie par une amende au montant astronomique.

On a connu tant et tant de situation de confrontation potentielle entre UE et USA qui, finalement, se réglaient “à l’amiable” selon une situation de compromis qui était une capitulation à peine déguisé de l’UE, qu’on a peine à croire qu’on puisse aller jusqu’à une confrontation. Ce n’est pas l’absence de moyens, d’“armes”, qui prime en la circonstance, mais l’hypothétique manifestation d’une volonté politique et d’un courage dans l’action des Européens. Les pays de l’UE ont tout l’arsenal nécessaire pour résister, voire répliquer à ces actions de piratage juridique des USA, et c’est donc bien une affaire de volonté politique pour cette psychologie européenne qui a si souvent montré son américanisation et son zèle pour la vassalisation.

Quelles sont les circonstances qui font de ce cas plus une exception qu’un cas routinier de capitulation assurée des pays européens ? Car c’est bien le cas... L’Europe se trouve devant une situation économique, juridico-financière et surtout politique, où elle est directement engagée du point de vue de ses intérêts économiques, où elle est directement engagée en confrontation directe avec les USA, dans une circonstance qui représente l’un des seuls accomplissements solides et de poids d’une pseudo-“diplomatie européenne” ; et encore, jusque dans la possibilité d’un enchaînement pouvant entraîner par ailleurs des conditions catastrophiques d’affrontements d’engagement militaire où elle n’aurait aucun poids d’influence si elle capitulait aussitôt devant les USA. A ces exceptions de circonstances objectives de la situation, s’ajoutent les exceptions de circonstances disons subjectives qui aggravent les conditions générales et rendent tout arrangement (entre UE et USA), y compris la capitulation avec un peu de cosmétique “pour sauver la face”, – c’est-à-dire tout sauf la capitulation sans conditions extrêmement difficile sinon presque impossible.

• L’Iran est dans une situation juridiquement solide et dans une situation politique loin d’être isolée. (L’isolement,c’est plutôt pour la bête déchaînée que sont devenus les USA.) L’Iran est économiquement activement soutenu par la Russieet la Chine, et tous les pays de ce bloc hors-bloc-BOA, qui pourraient trouver dans le soutien apporté à l’Iran un moyen non négligeable de réduire la nocivité de l’action des USA, voire d’attaquer son statut de superpuissance entrée dans une folie d’entropisation en activant la crise interne à Washington D.C.

• Car Washington D.C. est plus que jamais “D.C.-la-folle”. La décision de Trump, si elle est soutenue par les divers extrémismes qui pullulent comme des rats dans un égout dans la capitale du Système, n’empêche en rien l’hostilité qui se poursuit dans autant de milieux divers contre l’actuel président. (Par exemple, la conviction de l’équipe Trump est bien que, si les démocrates emportent les élections dites mid-termde novembre prochain, pouvant aller jusqu’à la majorité dans les deux Chambres, une procédure de destitution sera lancée contre lui, – pour le motif, on verra le moment venu, n’est-ce pas...) Il ressort de tout cela que Trump reste dans une position délicate tout en sachant que l’opposition au retrait du JPCOA ne peut s’exprimer en tant que tel, – malgré certaines critiques sur l’isolement des USA ; ainsi Trump a-t-il d’autant plus tendance à être intransigeant, y compris avec les Européens d’ailleurs, – et cette intransigeance rejoignant l’une des facettes exubérantes de son hypomanie narcissique..

C’est bien là notre argument essentiel, de considérer le retrait du JCPOA d’un point de vue politique, selon deux perspectives : 1) l’extrémisme de la décision, impliquant la possibilité d’un conflit catastrophiste dont personne sauf les extrémistes qu’on sait, ne veut ; 2) l’état de crise également catastrophique où se trouvent les USA, qui font de cette monstrueuse puissance une tourmenteuse du reste du monde aux abois et au bord de l’effondrement. Dans ces conditions, la crise iranienne contient tous les ingrédients pouvant conduire au paroxysme d’une crise générale, impliquant tous les acteurs, et poussant d’ores et déjà les uns et les autres à assurer des positions aussi fermes que possibles dans la tempête qui pourrait éclater. Ce raisonnement vaut évidemment au premier chef pour les pays européens. Ils n’ont jamais brillé ni par leur courage, ni par leur indépendance d’esprit et de politique d’une part ; ils n’ont jamais rencontré de circonstances qui impliquent la possibilité d’une criss aussi catastrophique que celle qui se dessine d’autre part. On voit qu’il y a assez d’incertitudepour envisager que, cette fois, la partie n’est pas jouée et que les Européens pourraient être obligés de réagir, au cas par cas ou collectivement. Nous sommes dans une époque où les évènements décident, et dans certains cas même la couardise et la servilité ne parviennent pas à en contenir les effets.

Cela ravirait Pierre Lellouche, ce “jeune loup” proaméricaniste largement chouchouté par les amis de Washington au début de sa carrière (fin des années 1970), devenu, notamment au cours de la présidence Sarkozy, un spécialiste et un avocat ardent d’une riposte européenne aux entreprises de pressions et de chantage des USA vis-à-vis de l’Europe. Il donne ici plusieurs avis en réponse à une interview de Maxime Perrotin pour Spoutnik-français, texte publié hier soir, 11 mai 2018, et que nous reproduisons ici.
dedefensa.org
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Face à l’«Imperium juridique» des États-Unis

Avec le retour des sanctions contre l’Iran, l’extraterritorialité du droit américain est à nouveau sous les projecteurs. Face à cette situation, les hommes politiques français multiplient les «moulinets diplomatiques», regrette l’ancien Secrétaire d'État de Nicolas Sarkozy, Pierre Lellouche, auteur d’un rapport sur cette épineuse question.

«Il n'y a pas vraiment de surprise à découvrir que nous avons en fait à faire à un Imperium juridique américain, à un mur extrêmement complexe de textes de loi que les Américains n'hésitent pas à faire appliquer aux entreprises étrangères. Ce qui, naturellement, enlève toute souveraineté aux pays européens», déclare à Sputnik Pierre Lellouche, ancien Secrétaire d'État des Affaires européennes.

Trois à dix-huit mois, c'est le délai que le département du Trésor américain accorde aux entreprises françaises et européennes pour quitter l'Iran et mettre un terme à tout contact avec la République islamique. Un ultimatum qui fait suite à la décision de Donald Trump de claquer la porte de l'accord sur le nucléaire iranien et de rétablir les sanctions américaines à l'encontre de Téhéran.

Une décision unilatérale du Président américain de se retirer d'un accord négocié et avalisé par le Conseil de Sécurité, paraphé en 2015 par son prédécesseur, contre laquelle des voix s'élèvent à Paris, Berlin, Londres et Bruxelles. Jeudi 10 mai, à l'occasion du prix Charlemagne, Emmanuel Macron a plaidé en faveur d'une «souveraineté européenne», appelant notamment à ne pas être «faibles» et ne pas «subir» les décisions de gouvernements étrangers.

Vendredi matin, Bruno le Maire, affirmant s'inscrire dans la ligne du Président de la République déclarait sur le plateau d'Europe1 qu'il «est temps que l'Europe passe des paroles aux actes en matière de souveraineté économique» et se dote des «mêmes instruments dont disposent les États-Unis» afin de défendre leurs intérêts.

Une déclaration fort louable. Mais pour Pierre Lellouche, les déclarations d'intention ne suffiront pas, bien au contraire. Pour l'ancien député Les Républicains, auteur d'un rapport consacré justement à la problématique de l'extraterritorialité du droit américain, «la question d'une réaction européenne est à la fois une question économique et politique fondamentale»:

«Si l'Europe accepte cette décision sans réagir, elle aura montré spectaculairement qu'elle n'existe pas et qu'elle n'existera plus sur les questions politiques majeures du monde, même quand ces questions soulèvent directement la sécurité de 500 millions d'Européens.»

Des déclarations politiques que l'ex-député assimile donc pour l'heure à de «faux semblants». «On ne peut pas prétendre que ces sanctions sont une surprise, puisqu'elles sont appliquées par les États-Unis depuis 40 ans», insiste-t-il.

Reste à savoir de quelle manière réagiront les Européens. Toujours lors de son interview à Europe1, le ministre de l'Économie précise avoir «demandé des exemptions ou des délais d'application plus longs à son homologue américain.» Une voie sans issue, estime Pierre Lellouche, qui rappelle que jusqu'à présent, le Président américain n'a jamais, en matière de politique extérieure, considéré l'avis de ses alliés européens.

«Toutes les visites qui ont été faites par les Européens à la Maison-Blanche n'ont eu aucun résultat. Il ne faut pas se leurrer, si nous conservons le rôle de simples quémandeurs, demandant à Trump de bien vouloir nous donner des exemptions, on risque d'être lourdement déçus.»

Qu'ils s'agissent des récentes sanctions mises en place sur l'acier et l'aluminium, de la relocalisation dans la ville de Jérusalem de l'ambassade américaine en Israël ou de l'accord de Paris, force est de constater que les Européens n'ont pour l'heure jamais obtenu gain de cause face à Donald Trump,

«La seule chose que Trump et le Congrès vont respecter, c'est un rapport de force avec les Européens. Donc, il faut absolument que le Président Macron obtienne des autres Européens une position ferme et à défaut, au moins qu'on se fasse respecter, seul, en prenant au plan national les lois de blocages qui s'imposent.»

Pour Pierre Lellouche, les Européens doivent «commencer à se faire respecter» par Washington. Pour ce faire, des solutions existent, tant à l'échelle européenne que nationale, d'autant plus que la Commission européenne a déjà remporté des bras de fer avec le Trésor américain, notamment sur l'Iran, grâce à un recours devant l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Une procédure que Pierre Lellouche invite les responsables européens à réitérer, en publiant la liste des entreprises américaines qui pourraient être visées par des contre-mesures.

Pour lui, l'Europe «doit envoyer un signal fort à l'allié américain. On ne peut pas accepter de subir ce que décident unilatéralement les États-Unis.» Il rappelle également l'existence des lois de blocage qui ont vu le jour lors des précédentes passes d'armes entre les deux rives de l'Atlantique, au siècle dernier, comme en 1996 face à la loi Helms-Burton renforçant l'embargo sur Cuba.

«Les lois de blocage interdisent aux sociétés européennes ou aux sociétés du pays concerné de se soumettre au droit d'un pays étranger- en l'occurrence au droit américain- sous peine de sanctions fortes. Donc ces lois existent, elles existent même dans les codes juridiques français, nous avons des lois de blocage depuis 1968.»

Preuve que même des États européens isolés peuvent, pour l'heure, obtenir des résultats vis-à-vis des sociétés américaines, Pierre Lellouche revient sur son expérience de député:

«J'entends beaucoup de moulinets diplomatiques, mais on demande des exemptions, on va quémander des exemptions aux États-Unis. La seule façon de les obtenir, c'est de créer un rapport de force. Quand les Européens taxent Apple, je peux vous dire que les Américains font attention! Quand j'ai mis dans la loi Sapin II une clause qui permet de poursuivre les filiales d'entreprises américaines situées en France pour des actes de corruption commis à l'autre bout du monde, ça, ils l'ont parfaitement noté. Mais il appartient d'établir cette crédibilité.»

Des sanctions, qui ont coûtées cher à la France par le passé, à BNP Paribas et Alstom pour ne reprendre que les plus médiatiques. À l'échelle du vieux continent, ce ne sont pas moins de 38,5 milliards d'euros qui ont été versés — ces dernières années — par les entreprises européennes aux autorités américaines, d'après Jean-Michel Quatrepoint, auteur d'un ouvrage sur le scandale politico-judiciaire du rachat Alstom par son concurrent américain General Electrics. Des sanctions unilatérales américaines qui, comme le souligne Pierre Lellouche, sont à géométrie variable, revenant sur le cas de la banque française :

«Figurez-vous que Trump a levé les sanctions contre le Soudan. Le Général al-Bashir, qui commande le Soudan et qui est un dictateur épouvantable et sanguinaire, qui était soumis à des sanctions, brutalement est libéré de ces sanctions et devient un allié des États-Unis. Très franchement, si j'étais l'avocat de la BNP, je demanderais à être remboursé.»

Pierre Lellouche, en bon juriste et ancien Secrétaire d'État chargé des Affaires européennes, tient à rappeler, en trois points, les mesures qu'il suggère d'appliquer afin de sortir du piège des sanctions américaines.

«1) Une saisine de l'OMC, pour une initiative contraire au commerce international
2) une interdiction à nos entreprises de s'y plier, c'est la directive de blocage de 96, qui peut être complétée, y compris avec des lois de blocages prises au niveau national et
3) il convient de publier la liste des entreprises américaines qui seraient susceptibles de subir des sanctions dans la mesure où elles bénéficieraient des problèmes causés à leurs concurrents européens.»


Reste à savoir si de telles mesures, sur le long terme, seront suffisantes. Qui plus est dans une Europe où ses 28 membres n'ont pas tous les mêmes intérêts, ni la même volonté de s'opposer aux décisions américaines. À bon entendeur…

Maxime Perrotin, interview de Pierre Lellouche

dimanche, 13 mai 2018

Manuel Ochsenreiter »Russland, USA, Europa. Souveränität und Hegemonie«

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Manuel Ochsenreiter »Russland, USA, Europa. Souveränität und Hegemonie«

 
Manuel Ochsenreiter spricht über die geopolitischen Zusammenhängen in Bezug auf Syrien aber auch beispielsweise die Ukraine und die USA und wie diese in deutsche und europäische Politik hineinreichen. Besonders brisant war dies vor den in der Nacht zuvor durchgeführten, völkerrechtswidrigen aber folgenlos bleibenden Luftschlägen der USA und deren Verbündeten gegen Syrien und dessen Machthaber Assad.
 
Weiterführende Informationen:
staatspolitik.de
sezession.de
antaios.de