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dimanche, 28 février 2021

Urga. Le pays de Ungern

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Urga. Le pays de Ungern

Par Stanislav Khatuntsev

Ex : https://centroevolianogranada.blogspot.com

Traduction vers l’espagnol de Juan Gabriel Caro Rivera

Le baron blanc qui a accordé l'indépendance à la Mongolie

Dans la steppe montagneuse de Mongolie, le vent souffle de façon incontrôlable d'un côté à l'autre, ne laissant que de l'herbe à la surface du sol. Le sifflement et le hurlement des éléments provoquent une horreur à la fois archaïque et mystique. Et au milieu des hurlements du vent, on entend le hennissement d'un cheval qui brise la monotonie de ce paysage abrupt et sauvage. Au-delà de l'horizon, au sommet d'une haute colline rocheuse, sur laquelle les nuages passent fantastiquement et rapidement, apparaît la figure d'un cavalier portant une robe mongole dorée. Le cheval, comme s'il s'agissait d'une énorme tour sombre, se cabre et se cabre, coupant l'atmosphère avec ses yeux fous. Son cavalier l'apprivoise avec une main de fer. Il s'agit du baron Ungern.

Il y a exactement 100 ans, une série d'événements importants se sont produits qui sont associés à son nom.

Le lieutenant général Roman Fedorovitch von Ungern-Sternberg est sans aucun doute une figure légendaire. Il était l'un des dirigeants du mouvement Transbaïkalien Blanc, étant le second à commander ce système qui avait été créé par l'ataman Semyonov, à qui l'amiral Koltchak, en tant que souverain suprême de la Russie, avait transféré tous les pouvoirs militaires et civils des territoires qui se trouvaient dans "l'Extrême-Orient russe".

Roman Fedorovitch était un ami de Semyonov pendant la Première Guerre mondiale et les deux hommes se connaissaient depuis longtemps. Tous deux se sont battus ensemble. Au cours de l'été 1917, Semyonov, qui avait les pouvoirs du gouvernement provisoire, retourna dans sa patrie en Transbaïkalie. Il a appelé Ungern à venir dans sa patrie et à y rester avec lui. C'est là qu'ils ont commencé à lutter ensemble contre les bolcheviks. Lorsque Semyonov prit Chita en août 1918, le baron de la division de cavalerie asiatique établit plus tard sa base d'opérations à Dauria, où il contrôlera le trafic de l'East China Railway.

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C'est là que ce général blanc a commencé à concocter des plans de proportions véritablement planétaires: il souhaitait ressusciter dans tout l'Ancien Monde les monarchies qui étaient tombées, en restaurant les dynasties renversées de Chine (les Qing) et de Russie (les Romanov). Le territoire de Khalkha, également connu sous le nom de ‘’Mongolie extérieure’’, sera la première étape de la réalisation de ses plans. En août 1920, Ungern, avec son armée de "smachus" (cosaques), arrive en Mongolie fin octobre et prend d'assaut sa capitale Urga.

À partir de l'automne 1919, la Khalkha est occupée par les "gamins", soldats de l'Armée républicaine de la Chine révolutionnaire, qui volent et oppriment les Mongols, perpétrant toutes sortes d'injustices et de violences contre la population, afin de venger le fait que, quelques années auparavant, les Mongols avaient osé se libérer de la domination chinoise. Urga était la base et le quartier général de ces envahisseurs, qui disposaient d'une force militaire assez importante et bien équipée selon les normes locales. Les troupes d’Ungern étaient 10 à 12 fois moins nombreuses que les troupes chinoises, tandis que les fils de l'Empire Céleste étaient largement inférieurs en nombre de canons. Il n'est donc pas surprenant que les deux assauts désespérés que le baron a lancés contre Urga aient échoué.

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Finalement, Ungern a retiré ses troupes de l'autre côté du fleuve Kerulen, qui était le centre de la résistance contre les envahisseurs chinois et où l'empire de Gengis Khan a émergé. De nombreux Mongols, mécontents de la domination chinoise sur leur pays, y affluent de partout.

La Division de Cavalerie Asiatique a rapidement récupéré les troupes qu'elle avait perdues, tandis que son chef, qui comprenait parfaitement l'ennemi, menait une guerre psychologique efficace contre la garnison des "gamins". Après quelques mois, les Chinois superstitieux, qui se sont retrouvés dans un pays très différent de leur patrie, laquelle est pleine de riz et de soie, attendaient que le terrible châtiment des dieux puissants qui protégeaient le "Bouddha vivant", le grand prêtre d'Urga et souverain de Mongolie, Bogdo-Gegen, leur tombe dessus à tout moment. Chaque nuit, ils regardaient avec crainte les gigantesques feux de joie allumés par les habitants et les soldats d’Ungern au sommet de la montagne sacrée Bogdo-Khan-ul, au sud de la ville. Les terribles rumeurs propagées par les agents du baron privent les "gamins" de tout espoir de victoire.

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Peu avant la nouvelle attaque contre Urga, quelque chose d'absolument incroyable se produisit: dans la cour de la maison du gouverneur, Chen Yi, et en plein jour, un jour d'hiver, Ungern lui-même est apparu. Comment il a réussi à traverser la capitale ennemie sans se faire repérer est incompréhensible, surtout si l'on considère qu'elle était pleine de troupes, grouillante de patrouilles et entourée de toutes sortes de postes armés. Sur le chemin du retour, le baron a remarqué une sentinelle chinoise qui dormait devant la porte de la prison. Une telle violation de la discipline militaire l'exaspère au plus profond de son âme, et le général blanc réveille le soldat négligent à coups de poings, lui expliquant qu'il est impossible de dormir pendant la garde, car lui, Ungern, va le punir de ses propres mains. Après cela, le chef de la Division de Cavalerie Asiatique a calmement quitté la ville et s'est rendu à Bogdo-Khan-ul. Après la panique provoquée par sa fuite, les soldats n'ont pas pu organiser un escadron pour le poursuivre. L'incident a fini par être considéré comme un miracle : seules des forces surnaturelles auraient pu aider le baron dans son infiltration sur le territoire d'Urga et le faire sortir sain et sauf.

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Ce sont ces mêmes forces surnaturelles qui, selon les soldats chinois, ont aidé Ungern à kidnapper - en plein jour, devant toute la ville (au sens littéral du terme) et sous le nez de tout un bataillon de gardes - Bogdo-Gegen, qui était assigné à résidence. Cet événement démoralise même les commandants du corps expéditionnaire chinois : le général Guo Songling s'enfuit de la capitale à la tête d'une unité de gardes qui sont les mieux préparés au combat : c’était un corps de 3000 soldats d'élite de la cavalerie.

La supériorité numérique des Chinois sur la Division de Cavalerie Asiatique diminue, mais elle reste assez importante, étant de cinq à huit fois supérieure au nombre de soldats alignés par Ungern. En revanche, les soldats d’Ungern possédaient 5 à 6 fois plus d'artillerie et de mitrailleuses que les Chinois.

Cela n'a pas empêché le baron de poursuivre une opération bien planifiée qui allait mener au succès de son corps expéditionnaire. Au petit matin du 2 février 1921, un assaut frontal est lancé, auquel les Chinois résistent farouchement. Le lendemain, les combats ont cessé, puis l'assaut a repris et les "gamins" ont fui dans la terreur. La capitale de la Mongolie extérieure a été libérée le 4 février, et Ungern a remporté d'énormes trophées, dont de grandes quantités d'or et d'argent raflées dans les entrepôts de la banque d'Urga.

La guerre contre les Chinois n'était cependant pas terminée et toute une série de batailles acharnées s'ensuivit contre le corps expéditionnaire des Gamins, dont les effectifs étaient encore plusieurs fois supérieurs à ceux de la division de cavalerie asiatique. Mais à la fin, ils furent pratiquement détruits. Peu d'entre eux retournèrent en Chine, et les troupes d’Ungern gagnèrent à nouveau un important butin de guerre, dont plusieurs milliers de prisonniers.

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Le 22 février 1921, une cérémonie solennelle a lieu à Urga : Bogdo-Gegen VIII monte à nouveau sur le trône du Grand Khan de Mongolie. La monarchie est à nouveau rétablie et les Mongols accordent à Ungern toutes sortes d'honneurs et de privilèges. Il a reçu le surnom de Tsagan (c'est-à-dire Blanc) Burkhan, ou "Dieu de la guerre", étant considéré comme l'incarnation de Mahakala-Idam, une divinité lamaïste à six bras qui punissait cruellement les ennemis de la "foi jaune". Désormais, le nom du baron inspirait à ses ennemis une peur superstitieuse. Sous ses bannières étaient réunis tous les représentants de plus d'une douzaine de peuples d'Asie et d'Europe : Russes, Autrichiens, Français, Bachkirs, Chinois, Japonais, Tibétains, Coréens et Mandchous. Il y eut même... un Noir qui servit dans la division de cavalerie asiatique. Il s'agissait d'une petite Internationale blanche qui, sous la bannière de diverses religions traditionnelles - christianisme, bouddhisme et islam - s'opposait à l'athée Internationale rouge.

Fin mai, Ungern a lancé sa dernière campagne contre la Russie soviétique. Il espérait provoquer des soulèvements anti-bolcheviques dans l'Altaï et le Yenisei supérieur, dans la province d'Irkoutsk, en Transbaïkalie. Mais le peuple n'avait aucune envie de se confronter au nouveau gouvernement qui avait remplacé un système prédateur d'appropriation des excédents par une série d'impôts en nature relativement supportables. La lutte dans la région du Baïkal s'est avérée vaine et le baron a fini par se replier en Mongolie. C'est sur le fleuve Egiin-Gol, poursuivi par les "Rouges" et divisé en deux brigades, que la mutinerie a éclaté dans la Division de Cavalerie Asiatique. Von Ungern-Sternberg perdit le contrôle de ses troupes et fut arrêté par les officiers d'une division mongole qu'il s'attendait à ce qu’elle lui restât fidèle. La cavalerie asiatique s'est mise en route vers l'est, en direction de la Mandchourie, et le 15 septembre, le baron a été abattu dans la ville de Novonikolaïvsk, qui était la capitale de la "Sibérie rouge".

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L'épopée d’Ungern à Urga et en Mongolie a eu un impact significatif sur l'histoire de l'Asie intérieure. Sans lui, la Khalkha serait resté sous le contrôle du gouvernement de Pékin. Les autorités de la Russie soviétique ne voulaient pas entrer en conflit avec son voisin du sud et si le baron n'avait pas éliminé les "gamins", les bolcheviks n'auraient pas envahi la région et la Mongolie extérieure n'aurait pas quitté la sphère d'influence chinoise, ce qui est arrivé à la Mongolie intérieure, à l'Ordos, etc. C'est donc grâce à la guerre menée par Ungern que la Mongolie s'est détachée de l'orbite de Pékin et est entrée dans celle de Moscou.

Il est intéressant de noter que, pour la même raison ("l'aventure de Ungern"), la Chine a fini par perdre la région d'Uryankhai, la future Tuva, qui, en 1914, est passée du statut de partie de l'Empire céleste à celui de protectorat de l'Empire russe, et a fait partie de l'URSS jusqu’en 1944. Comme chacun sait, c'est à Tuva (dans la ville de Chadan) que l'actuel ministre de la défense de la Fédération de Russie, Sergei Shoigu, est né.

D'ailleurs, l'actuelle République de Chine (l'île de Taïwan) considère toujours cette région autonome turque, qui fait partie de la Fédération de Russie, comme faisant partie du territoire d'État de la Chine.

Ajoutons à cela que dans l'actuelle république de Mongolie, beaucoup considèrent le général blanc comme un héros national qui a libéré le pays d'une puissance étrangère. En novembre 2015, le musée dédié à Ungern a été solennellement ouvert près d'Oulan-Bator avec l'aide directe de l'Institut d'histoire et d'archéologie de l'Académie des sciences de ce pays.

C'est, à bien des égards, un résultat paradoxal de la vie du monarchiste le plus fidèle et le plus convaincu du XXe siècle.

vendredi, 26 février 2021

Les Pages nordiques de Robert Steuckers

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Les Pages nordiques de Robert Steuckers

par Georges Feltin-Tracol

Recension: ROBERT STEUCKERS, Pages nordiques. Fidèles à Thulé, Éditions du Lore, 2020, 100 p., 15 €.

Les excellentes Éditions du Lore poursuivent à un rythme toujours soutenu la publication des nombreux articles, recensions et conférences de l’Européen Robert Steuckers. Après Pages celtiques en 2017 (cf. SN 48), voici maintenant un nouveau recueil qui explore un monde nordique souvent lié à l’univers celtique.

Dix textes forment cet ouvrage qu’il importe de mettre dans toutes les mains, à l’exception de ceux qui croient encore à la fable de la « Lumière » venue d’Orient, de Mésopotamie et d’Afrique. Aidé par les découvertes archéologiques, Robert Steuckers examine d’un œil neuf la thèse de Jürgen Spanuth pour qui l’Atlantide se situe en Mer du Nord et dont l’île d’Héligoland serait l’une des dernières traces physiques.

L’ancien directeur des revues Vouloir et Orientations insiste sur l’action des Vikings, en particulier en Amérique du Nord dès l’An Mil. Leurs multiples expéditions et les leçons qu’ils en tirent alimenteront bien plus tard la curiosité du Génois d’origine corse Christophe Colomb. L’auteur établit par ailleurs une chronologie didactique dédiée au « Retour de la conscience païenne en Europe » de 1176 à 1971. On y apprend que le poète pan-celtique Charles De Gaulle (l’oncle de…) « appelait [...] les peuples celtiques à émigrer uniquement en Patagonie » nommée par le Gallois Michael D. Jones « Y Wladfa ». Ce dernier décida d’y implanter une colonie éphémère. Quel impact a eu cet article de 1864 sur le futur roi des Patagons Orélie-Antoine de Tounens ? La patrie patagone chère à Jean Raspail aurait-elle donc une origine celtico-nordique projetée dans l’hémisphère austral ?

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L’auteur de Pages nordiques évoque enfin le culte de la Déesse-Mère. Il remarque que « la Terre-Mère, dans ces cultes, est fécondée par l’astre solaire, dont la puissance se manifeste pleinement au jour du solstice d’été : la religion originelle d’Europe n’a donc jamais cessé de célébrer l’hiérogamie du ciel et de la terre, de l’ouranique et du tellurique ». On a perdu Alice Coffin et Pauline Harmange !

Avec son immense érudition, son sens de l’éclectisme et sa polyglossie, Robert Steuckers interprète depuis un angle différent les références spirituelles de la civilisation européenne. Celle-ci ne se cantonne pas au triangle Athènes – Rome – Jérusalem. Elle intègre l’héritage du Nord et de l’Ouest. On attend par conséquent avec les prochains volumes : Pages slaves, Pages germaniques, Pages latines, Pages balkaniques, Pages helléniques, etc.

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Pour commander l'ouvrage: http://www.ladiffusiondulore.fr/home/849-pages-nordiques-fideles-a-thule.html

 

mardi, 23 février 2021

Les sectes de l’Occident

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Les sectes de l’Occident

Par Claudio Mutti

Ex : https://www.eurasia-rivista.com

Les sectes et les États-Unis

Alors que, dans le passé, le terme ‘’secte’’ désignait surtout un groupe de personnes qui, suivant une certaine école de pensée, adoptaient une position de séparation ou de conflit par rapport à l'orthodoxie religieuse. Depuis plusieurs décennies, le même terme est utilisé pour désigner un groupe qui a grandi autour d'une personnalité charismatique et se caractérise par une attitude qui présente des traits caractéristiques, tels que "la certitude de posséder la vérité et de constituer la seule sphère de salut, le prosélytisme agressif, l'anxiété eschatologique, la dépendance poussée jusqu'à la morbidité à l'égard d'un leader ou d'un gourou, etc"[1].

i-nuovi-culti.jpgC'est ce qu'écrit un initié, le fondateur du CESNUR (‘’Centre d'étude des nouvelles religions’’), qui, en présentant son panorama des sectes chrétiennes, souligne la relation étroite existant entre le phénomène du sectarisme chrétien et la réalité quotidiennes aux États-Unis. La plupart des groupes qui se présentent sous le nom de "sectes" ou de "nouveaux mouvements religieux" - observe le sociologue - sont nés aux États-Unis : c'est le cas des Témoins de Jéhovah, des Mormons, de la Science chrétienne, de la Scientologie. Pour d'autres mouvements divers d'origine orientale ou européenne, l'expansion commence généralement par le transfert d'un leader aux États-Unis, une translatio à laquelle on attribue souvent une signification symbolique"[2]. 2] A titre d'exemple, Introvigne rappelle que le premier transfert d'une secte vers la "terre promise" américaine a eu lieu en 1774, lorsque Mother Ann Lee (1736-1784), chef du groupe des Shakers, a débarqué à New York ; Il mentionne ensuite l'arrivée plus récente aux États-Unis de certains "maîtres spirituels" célèbres, dont le fondateur du mouvement Hare Krishna, Bhaktivedanta Swami Prabhupada (1896-1977), le révérend Moon (1920-2012) et le gourou "orange" Bhagwan Shree Rajneesh (1931-1990). Si l'on voulait, on pourrait rappeler d'autres cas exemplaires, comme celui du controversé "shaykh" du prince Charles d'Angleterre, Nazim al-Haqqani al-Qubrusi (1922-2014)[3], qui, après avoir prophétisé une attaque russe contre la Turquie qui aurait été le début de la "plus grande guerre avant le Dernier Jour"[4], a inauguré en 1991, par une visite à Disneyland[5], une série de voyages aux États-Unis ; ou comme celle de son successeur Hisham Kabbani (1945 - ), qui, après avoir créé un Ordre soufi d'Amérique, a obtenu la reconnaissance officielle de sa fonction lors d'une série de rencontres avec George Bush, Bill Clinton et Hillary Clinton.

L'extraordinaire familiarité des Etats-Unis d'Amérique avec la réalité multiforme de l'univers sectaire ne peut que rappeler un fait emblématique : l'entité politique qui a vu le jour sur le sol nord-américain a, pour origine, l'action d'une secte, la secte puritaine[6].

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Les "Pilgrim Fathers", qui ont navigué en septembre 1620 sur le Mayflower depuis la baie de Plymouth et ont débarqué deux mois plus tard à Cape Cod, ont fondé une colonie anglaise sur la côte du Massachusetts, la deuxième plus grande du Nouveau Monde après Jamestown, fondée en Virginie en 1607. Engagés dans la recherche de la plus haute conformité individuelle et collective aux préceptes de l'Ancien Testament, les Puritains se croyaient les nouveaux protagonistes de l'Exode biblique: ils avaient abandonné l'Egypte pharaonique, c'est-à-dire l'Europe dépravée et idolâtre, et avaient débarqué dans la nouvelle Terre promise[7]. Animés par une véritable haine théologique envers l'Europe, quatre cents colons, presque tous puritains congrégationalistes, embarquent en mars 1630 sur cinq navires quittant Londres pour la Nouvelle-Angleterre. Parmi eux se trouvait le théologien John Winthrop (1588-1649), premier gouverneur de la colonie de la baie du Massachusetts, auteur du sermon dans lequel les colons étaient exhortés à construire en Nouvelle-Angleterre une Cité gouvernée selon la loi divine : "Nous devons considérer," dit Winthrop, "que nous serons comme une Cité sur une colline (a City upon a Hill), les yeux du monde seront sur nous ; de sorte que si nous nous comportons faussement envers notre Seigneur dans cette œuvre que nous avons entreprise, et que nous lui faisons retirer le secours qu'il nous donne maintenant, nous serons la risée du monde entier (...)"[8].

Ce concept a été développé comme suit par le pasteur Peter Bulkeley (1583-1659) : "Nous sommes comme une Cité sur une colline (...) parce que nous prétendons être un peuple qui a fait une alliance avec Dieu" [9]. Et sur la notion biblique de "l'alliance perpétuelle" stipulée entre Dieu et le "peuple élu" a été fondée la doctrine impérialiste, clairement résumée en ces termes : "Puisque Dieu nous a favorisés, nous avons le droit de soumettre les autres nations à notre volonté" [10]. En bref, "l'Israël de la Nouvelle-Angleterre"[11], selon le ministre et théologien John Cotton (1585-1652), aurait dû adopter systématiquement l'hébreu comme langue officielle ; la Divine Providence lui avait confié la mission de convertir les autres peuples à son mode de vie. Cette doctrine a ensuite été formulée par le journaliste et diplomate John L. O'Sullivan (1813-1895), qui l'a résumée par le mot-clé de "Destin Manifeste" lorsqu'il a affirmé que les États-Unis avaient reçu de Dieu lui-même le mandat de s'étendre dans toute l’Amérique du Nord. "Et de telles prétentions, écrit-il dans un article paru le 27 décembre 1845 dans le New York Morning News, sont, au nom du droit dérivé de notre destin manifeste, d'étendre et de posséder tout le continent que la Providence nous a donné pour le développement de la grande expérience de liberté et d'autonomie fédérale qui nous a été confiée". Ce sera le président Wilson qui étendra les revendications de l'Amérique au monde entier, lorsqu'à la fin d'un conflit qu'il comprend comme "la bataille apocalyptique d'Armaggedon, l'affrontement final entre les forces du Bien et les forces du Mal" [12], il invente l'expression "Nouvel ordre mondial" et réitère le dogme selon lequel les États-Unis, "phare du monde" [13], sont "un nouvel Israël, une nation choisie, destinée de façon messianique par la Providence à apporter la loi et l'ordre dans le monde" [14].

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Le "Grand Réveil" et les "enfants de la Lumière"

Grâce aux sermons enflammés d'un autre pasteur, Jonathan Edwards (1703-1758), le thème de l'alliance avec Dieu conclue par le nouvel Israël américain avait déclenché entre les années 1830 et 1840 le "Grand Réveil" une vague de fanatisme millénariste avait déferlé du Connecticut sur la Nouvelle-Angleterre, "avec des foules en extase qui écoutaient les sermons des pasteurs itinérants, des femmes en pleurs et en cris qui se tordaient dans l'expérience purificatrice de la 'conversion'"[15]. Au siècle suivant, également en raison de l'arrivée de nouvelles vagues migratoires, les sectes les plus extravagantes prolifèrent, toutes d'inspiration biblique: ‘’Réarmement moral’’, Science chrétienne, Nouvelle Harmonie, les Phalanges intégrales, l'Armée du Salut etc. etc. [16] ; néanmoins le puritanisme ne disparaît pas, mais prend la forme d'une religiosité sécularisée et démocratique.

Quant au thème du "Grand Réveil", il connaît actuellement une nouvelle vie, étant réapparu comme la force d'idées "anti-mondialistes" opposée au projet de la ‘’Grande Restitution’’. Une telle conception a trouvé un terrain fertile dans la faction des trumpistes [17], dont les dirigeants ne comprennent pas seulement des personnalités appartenant aux confessions protestantes les plus disparates [18], comme Donald Trump lui-même, ancien presbytérien et maintenant "chrétien non confessionnel" [19], mais aussi des personnalités juives, comme Jared Kushner et sa femme Ivanka Trump, et catholiques, comme le célèbre agitateur populiste Steve Bannon [20] et l'archevêque catholique Carlo Maria Viganò, ancien nonce apostolique aux États-Unis. Dans une interview accordée le 1er janvier 2021, l'agitateur a demandé à l'archevêque : "Que peuvent faire concrètement les enfants de la Lumière du Grand Réveil pour saper l'alliance impie [du soi-disant "État profond"] avec ce régime communiste [chinois] brutal ? (...) C'est une bataille de notre époque entre les enfants de la Lumière et les enfants des Ténèbres (...)"[21].

51ZJtgt8CnL._SX336_BO1,204,203,200_.jpgLa formule du conflit entre les enfants de la Lumière et les enfants des Ténèbres, que Steve Bannon tire d'une lettre envoyée par Monseigneur Viganò au Président Trump le 12 juin 2020, est un élément eschatologique qui a été injecté dans l'imagerie trumpiste ; mais sa première apparition dans la mythologie politique américaine remonte à 1944, lorsque le théologien réformé Reinhold Niebuhr (1892-1971) a publié un pamphlet à succès intitulé Les enfants de la lumière et les enfants des ténèbres, sur l'affrontement guerrier en cours entre la démocratie américaine et ses ennemis européens. La formule, que Niebuhr a tirée de la description des Adeptes de la Rose-Croix faite par le philosophe franc-maçon Karl von Eckartshausen (1752-1803)[22] ou directement de certains passages bibliques (Ancien Testament[23] et Nouveau Testament[24]), a été confirmée par le texte d'un manuscrit umranique que l'Université hébraïque de Jérusalem a acquis en 1947. C'est la Règle de la guerre ou Guerre des fils de la Lumière contre les fils des Ténèbres, une apocalypse juive dans laquelle "les membres de la secte (...) constituent (...) les forces du bien par excellence. Contre eux se battront les "fils des ténèbres", une catégorie qui comprend à la fois les païens (...) et (...) la grande masse des Israélites qui n'ont pas adhéré à la secte"[25]. Avant Niebuhr, le thème récemment repris par Viganò et Bannon avait été un leitmotiv publicitaire de la Theosophical Society [26] (fondée en 1875 à New York) et du magicien britannique Aleister Crowley [27] (1875-1947), qui s'était installé à New York à la veille de la Première Guerre mondiale.

"Enfants de la Lumière" semble donc être la nouvelle désignation de ceux qui, dans les années 1890, ont été identifiés par la célèbre organisation fondamentaliste Christian Identity comme "les seuls, authentiques, littéralement les vrais enfants de Dieu". La déclaration doctrinale de l'organisation proclamait : " Nous croyons que les États-Unis sont le lieu qui a été prophétisé (Sam. II 7:10 ; Ésa. II:12 ; Ézéch. 36:24) où les chrétiens de toutes les tribus d'Israël se rassembleront (...) L'Amérique du Nord est le désert où Dieu a apporté les graines dispersées d'Israël (...) où le désert fleurit comme la rose " [28].

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Fondamentalement, les motifs apocalyptiques "judéo-chrétiens" ravivés aux États-Unis par Steve Bannon (et en Europe par certains idéologues du "souverainisme") s'inscrivent dans la vieille tendance fondamentaliste relancée dans les années 1980 par la vague conservatrice qui a installé Ronald Reagan à la présidence des États-Unis d'Amérique. C'est une tendance qui traverse toutes les administrations américaines des quatre-vingts dernières années et qui a pour père le pasteur évangélique Bill Graham (1918-2018), chef de l'Eglise baptiste du Sud (14 millions de fidèles). Célèbre pour son action évangélique au niveau international et pour avoir exercé "sa charge pastorale auprès des différents locataires qui se sont succédé à la Maison Blanche, d'Eisenhower à Bill Clinton" [29], le pasteur Graham "a mêlé une théologie fondamentaliste à des choix politiques conservateurs : on pense à l'approche anticommuniste virulente de certains de ses sermons radiophoniques, à sa défense publique du sénateur Mc Carthy pendant les années de la "chasse aux sorcières" et à son soutien à la guerre au Vietnam" [30].

Dans la plupart des cas, en fait, la doctrine morale des sectes protestantes a fourni les justifications appropriées pour les actions étrangères et les guerres d'agression menées par la superpuissance américaine. "Lorsque la nouvelle pratique du néocolonialisme a été définie, [les missionnaires protestants] ont été envoyés, et sont toujours envoyés avec le ‘’Corps de la Paix’’, dans des pays désignés pour les mêmes objectifs. Ils doivent être considérés comme des agents du gouvernement américain, engagés dans la propagande et l'espionnage. Les missions protestantes à l'étranger sont donc financées soit par des groupes économiques privés ayant des intérêts dans le pays néocolonial donné (...) soit par le gouvernement américain directement, soit par une combinaison des deux"[31].

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Mais des scénarios apocalyptiques sont également évoqués dans les milieux non protestants. La conviction de la fin des temps, répandue dans la vaste zone du fondamentalisme protestant américain, converge avec les attentes messianiques cultivées dans les milieux juifs. À cet égard, on peut citer comme exemple une secte d'origine hassidique : celle des Lubavitchers. "La secte Chabad Lubavitch", écrit un juif américain, "a quitté la Russie pour New York en 1940, dirigée par le rabbin Yosef Yitzhok Schneersohn, auquel a succédé son gendre, le rabbin Menachem Mendel Schneerson. Beaucoup de disciples des Lubavitch en sont venus à croire que Schneerson était le messie que les prophéties juives avaient prédit. Les vrais croyants l'appelaient le roi Moshiach. Il est mort en 1994 à l'âge de 92 ans"[32]. En 1991, Rebbe Schneerson avait dit à ses disciples : "J'ai fait tout ce que je pouvais pour amener le Messie, maintenant je vous transmets cette mission ; faites tout ce que vous pouvez pour l'amener ! Il a ensuite lancé une campagne médiatique pour annoncer le début de l'ère messianique ; parmi les nombreuses annonces, une page entière a été publiée dans le New York Times, invitant les gens à se préparer à l'arrivée imminente du Messie. La secte des Lubavitcher est particulièrement influente aux États-Unis, où elle compte également des adeptes dans les milieux politiques. En 1983, le Congrès et le Président des États-Unis ont décerné au rabbin Menachem Mendel Schneerson le National Honor Roll et ont décrété que le jour de sa naissance, le 11e Nisan du calendrier juif, soit proclamé "Journée de l'éducation et du partage". Le 2 novembre 1994 (date anniversaire de la Déclaration Balfour), les deux chambres des États-Unis ont approuvé à l'unanimité l'attribution posthume de la médaille d'or du Congrès américain à Rebbe Schneerson, en reconnaissance de l'éminent rabbin pour ses "contributions extraordinaires à l'éducation mondiale, à la morale et à ses importantes actions caritatives". Lors de la cérémonie de remise de la médaille, le président Bill Clinton a déclaré : "L'éminence de feu le Rabbin en tant que dirigeant moral de notre nation a été reconnue par tous les présidents depuis Richard Nixon"[33].

L'actuel président Joe R. Biden peut se targuer d'une longue familiarité avec la secte des Lubavitcher. Dès 2008, David Margules, président de Chabad Lubavitch du Delaware, a exprimé l'enthousiasme de sa communauté pour les positions pro-sionistes de Biden : "Il a acquis la réputation d'être un fervent défenseur d'Israël"[34]. Six ans plus tard, alors qu'il participait en tant que vice-président à l'allumage de la Menorah nationale et qu'il vantait la centralité des valeurs juives dans la vie américaine ("l'héritage juif, la culture juive, les valeurs juives sont une partie si essentielle de ce que nous sommes"), Biden se référait explicitement à l'enseignement de Rebbe Schneerson et exprimait son souhait d'une nouvelle augmentation du pouvoir de la secte : "Puissiez-vous tous croître de force en force"[35].

NOTES

[1] Massimo Introvigne, Le sètte cristiane. Dai Testimoni di Geova al Reverendo Moon, Mondadori, Milano 1990, p. 8.

[2] Massimo Introvigne, op. cit., p. 19.

[3] Contre lui, le Conseil Spirituel Musulman du Daghestan diffuse un document qui l’accuse « d’avoir diffusé force corruption sur la terre et d’avoir fait mésusage du nom de l’Islam parmi ceux qui ne savent pas grand chose de l’Islam, en se travestissant en érudit pour dissimuler aux gens sa véritable identité ».

[4] Nazim al-Haqqani, Pure Hearts, Zero Publications, London 1998, p. 40. Cit. in: Rhiannon Conner, From Amuq to Glastonbury: Situating the apocalypticism of Shaykh Nazim and the Naqshbandi-Haqqaniya, University of Exeter, 2015, p. 121.

[5] https://youtu.be/fxfMhf4S0DQ (Youtube, 13 ottobre 2013).

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[6] Sur l’influence du puritanisme sur la formation des Etats-Unis, voir surtout S. Bercovitch, The Puritan Origins of the American Self, Yale University Press, New Haven 1975. Si veda anche: G.T. Amos, Defending the Declaration. How the Bible Influenced the Writing of the Declaration of Independence, Wolgemut & Hyatt 1990; A.J. Reck, The Declaration of Independance as an “Expression of the American Mind”, in “Revue Internationale de Philosophie”, XXXI, 1977, 3-4, pp. 401-437; W. Cullen Dennis, Puritanism as the Basis for American Conservatism, in “Modern Age”, autunno 1974, pp. 404-413.

[7] « L’Amérique est donc née d’une aventure à caractère religieux, biblique plus exactement. Et, dès le départ, le mythe de la Terre Promise, propagée par toute une série de sectes, s’yest révélé sous forme immanente. Il a pris la forme d’une religiosité sociale (Giorgio Locchi – Alain de Benoist, Il male americano, Settimo Sigillo, Roma 2015, p. 27).

[8] R.C. Winthrop, Life and Letters of J. Winthrop, 2 voll., Boston 1864-1967, vol. I, p. 57; cit. in T. Bonazzi, Il sacro esperimento, Il Mulino, Bologna 1970, p. 38.

[9] Peter Bulkeley, The Gospel-Covenant or the Covenant of Grace opened, Londra 1651, p. 431, cit. in T. Bonazzi, op. cit., p. 23.

[10] William Culden Dennis, Puritanism as the Basis for American Conservatism, “Modern Age”, autunno 1974.

[11] Sacvan Bercovitch, America puritana, Editori Riuniti, Roma 1992, p. 45.

[12] Emilio Gentile, Le religioni della politica. Fra democrazia e totalitarismi, Laterza, Roma-Bari 2001, p. 39.

[13] Anders Stephanson, Destino manifesto. L’espansionismo americano e l’Impero del Bene, Feltrinelli, Milano 2004, p. 154.

[14] Anders Stephanson, op. cit., p. 150.

[15] Romolo Gobbi, America contro Europa. L’antieuropeismo degli americani dalle origini ai giorni nostri, M&B, Milano 2002, p. 48.

[16] Cfr. John Humphrey Noyes, Strange Cults and Utopias of 19th Century America, Dover Publ., New York 1966.

[17] Non seulement parmi les adeptes américains du trumpisme mais aussi danslesmilieux philo-trumpistes de l’Internationale ‘’souverainiste’’. Le thème du ’’Grand Réveil’’, en fait, occupe une position centrale dans la mystique apocalyptique d’Alexandre Douguine, lequel affirme: “Our fight is no more against America. (…) There are only two parties in the world: globalist party of Great Reset and anti-globalist party of Great Awakening. And nothing in the middle. Between them there is abyss. It wants to be filled with oceans of blood. The blood of Ashley Babbitt is the first drop. (…) Trumpism is much more important than Trump himself. Trump has the merit to start the process. Now we need go further.” (A. Dugin, Great Awakening: The future starts now, www.geopolitica.ru).

[18] ‘’Les Eglises protestantes américaines peuvent se regrouper en une cinquantaine de courants : les Adventistes, les Baptistes, les Luthériens, les Méthodistes, les Pentecôtistes, les Presbytériens, les Réformés, etc. Ensuite, à leur tour, la majorité de ces confessions se subdivise en une quantité de sous-groupes, en pratique, cela équivaut à un grand nombre de congrégations indépendantes sur tous plans qui se reconnaissent cependant sous le dénominateur commun du courant auquel elles appartiennent. Par exemple, l’Eglise pentecôtiste américaine comprend les dénominations indépendantes suivantes : Apostolic Faith, Assemblies of God, Bible Church of Christ, Bible Way Church of Our Lord Jesus Christ World Wide, Church of God, Church of God Profecy, Congregational Holiness Church, General Council Christian Churches of North America, International Church of the Fourasquare Gospel, Open Bible Standard Churches, Pentecostal Assemblies of the World, Pentecostal Church of God, United Pentecostal Church International, Pentecostal Free-Will Baptist Church. Des subdivisions analogues existent pour toutes les autres églises protestantes américaines, portant le nombre de congragations indépendantes à environ 140. Cela ne vaut que pour les dénominations majeures: mais il faut aussi tenir compte des ministres du culte indépendants, ne comprenant qu’une seule paroisse. A tout cela, il convient d’ajouter toutes les sectes qui ne sont pas protestantes au sens traditionnel et historique du terme, et qui, à ce titre, ne sont pas reconnues par les autres (…) Lesplus importantes sont les Mormons, les Témoins de Jéhovah, la Worldwide Church of God et l’Armée du Salut » (John Kleeves, Un paese pericoloso. Breve storia non romanzata degli Stati Uniti d’America, SEB, Cusano Milanino 1999, pp. 245-246).

[19] Déclaration faite par lui en octobre 2020dans le cadre d’un entretien à Religion News Service.

[20] C. Mutti, L’Internazionale sovranista a difesa della “civiltà giudeo-cristiana”, “Eurasia” 3/2019, pp. 131-138; Idem, Sovranisti a sovranità limitata, in: AA. VV., Inganno Bannon, Cinabro Edizioni, Roma 2019, pp. 83-102.

[21] Entretien accordé à “War Room”, retranscrit le 4 janvier 2021 sur www.lifesitenews.com

[22] Karl von Eckartshausen, Aufschlüsse über Magie, München 1790.

[23] Sapienza 18, 4.

[24] Luca 16, 8; Giov. 12, 36 e 3, 19-21; Efesini 5, 7-9.

[25] J. Alberto Soggin, I manoscritti del Mar Morto, Newton Compton, Roma 1978, pp. 49-50.

[26] Cfr. Katherine Tingley and Her Pupils, The Mysteries of the Heart Doctrine, The Theosophical Publ. Company, Point Loma, California, 1902, pp. 118, 171, 272, 307.

[27] “(…) all the mysteries of nature are preserved in this school for the children of light” (“The Equinox. The Review of Scientific Illuminism”, a. V, vol. I, n. 1, marzo 1909, p. 7). “And my kingdom is for the children of light who trample under foot the garment of shame, and rend from their loins the sackcloth of modesty” (Ibid. p. 194). “Children of Light, Fellows of the Holy Ghost, perfect pure, Companions of the Sangreal, illustrious Knights of the Sacrosanct Order of Kadosch (…)” (Samuel Weiser, The Secret Rituals of the O.T.O. Edited and Introduced by Francis King, New York, 1973, p. 212). “There is no royal road to illumination; that which I say in Light is true to the children of Light; to them of darkness is a confusion and a snare” (Aleister Crowley, KONX OM PAX. Essays in Light, Celephaïs Press Ulthar – Sarkomand – Inquanok, Leeds 2004, p. x).

[28] Paolo Naso, Il libro e la spada, Claudiana, Torino 2000, p. 187.

[29] Paolo Naso, op. cit., p. 166.

[30] Paolo Naso, op. cit., p. 169.

[31] John Kleeves, op. cit., p. 249.

[32] Rick Alan Ross, Le sette dentro e fuori. Come le persone vi entrano e vi [sic] possono uscire, Anteo Edizioni, Cavriago 2015, pp. 311-312.

[33] “The late Rebbe’s eminence as a moral leader for our country was recognized by every president since Richard Nixon”. https://elirab.me/tag/rebbe/

[34] Dvora Lakein, Delaware Jewish Community on Senator Joe Biden, http://www4.lubavitch.com, 8 settembre 2008.

[35] When Joe Biden quoted the Rebbe, anash.org, 8 novembre 2020.

 

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Le Hohenstaufen de génie: incompris, calomnié, combattu (1194-1250)

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Le Hohenstaufen de génie: incompris, calomnié, combattu (1194-1250)

Par Bernard Plouvier

Ex: https://metainfos.com

Fils de l’empereur Henri VI et de l’héritière de Sicile, Frédéric de l’illustre dynastie souabe des Hohenstaufen semble béni, sinon des dieux, du moins de la fortune… pour les amateurs de symbole, il est même baptisé, au début de 1195, dans la même cathédrale Saint Rufin d’Assise où Jean Bernardone l’avait été en 1182. Les deux hommes se rencontreront plus tard, en une époque où le second sera devenu François d’Assise.

Papa Imperator meurt en 1197 et l’orphelin est dépouillé, vivant en pauvre humilié, à Naples. Il y gagne une formation d’autodidacte polyglotte, étant curieux de tout. Pour des raisons politiques, son tuteur, le pape Innocent III, se souvient brusquement de lui en une époque où les candidats au trône de Germanie se bousculent et en 1211, Frédéric passe du statut d’orphelin quasi-miséreux à celui de roi désigné de Germanie.

Quatre ans de conciliabules se passent avant qu’il soit enfin sacré en 1215 en la ville de Charlemagne : Aix-la-Chapelle. À 19 ans, c’est un athlète de taille moyenne (disent les chroniqueurs, ce qui signifie qu’il ne doit sûrement pas dépasser 1,75 mètre).

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Ces quatre dernières années, il est devenu lettré, féru de poésie, mais aussi d’arithmétique, d’astronomie (indissociable jusqu’au XVIIe siècle de l’astrologie : l’illustre Kepler et le triste sire Galilée seront engagés comme astrologues). Il devient un expert en fauconnerie. Il est surtout rompu à la pratique des armes et a très vite compris que, si un mauvais arrangement vaut toujours mieux qu’un long procès même gagné, il en est de même en politique : on guerroie quand il est impossible de faire autrement, le mieux étant de négocier. C’est une découverte de génie… qui restera inexploitée, en Europe, pendant près d’un millénaire.

En 1215, il a promis de partir en croisade. Mais le cinquième épisode, débuté en 1218, lui paraît tellement mal engagé qu’il décide de n’y pas prendre part.  Certes en 1220, il renouvelle son vœu, alors que les croisés vont d’échec en échec.

En 1219, est arrivé en Terre Sainte, François d’Assise qui rêve, sinon de se faire martyriser, du moins de convertir du mahométan. En cet été de 1219, François discute avec le sultan kurde d’Égypte, neveu de saladin, le très intelligent Malik al-Kâmil, beaucoup moins fanatique que son oncle qui était un fervent adepte du Djihâd, dans sa variété sanglante.     

La rencontre de Bari entre François et l’empereur Frédéric date de l’année 1222, durant laquelle François est venu prêcher dans le royaume de Naples. Ces conversations de 1222, singulièrement celles qui ont trait à l’émir d’Égypte, ont alimenté les réflexions de Frédéric, au point de lui faire organiser sa très particulière sixième Croisade, la seule qui ait réussi depuis le triomphe de 1099.

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Frédéric II est peut-être cet humaniste tant vanté par les historiens, mais c’est un humaniste étonnamment moderne, très éloigné de ceux de la Grande Renaissance des XVe et XVIe siècles : il consomme énormément d’alcool et de femmes. Outre ses trois épouses, qui lui offriront sept enfants légitimes (dont trois meurent en bas âge, ce qui est la moyenne normale de l’époque), on lui connaît une douzaine de bâtards parvenus à l’âge adulte (et l’on doit supposer l’existence d’une douzaine d’enfants illégitimes morts prématurément).

C’est avant tout un homme très intelligent, pragmatique en matière de politique, de religion et d’administration. Il a compris qu’il valait mieux éblouir qu’effrayer. Il ramène la paix dans ses états par le faste des cérémonies et de ses constructions plutôt que par l’étalage de cruauté comme le font ses confrères rois, papes et empereurs… presque jusqu’à nos jours.

Lorsque les 20 000 mahométans de Sicile s’insurgent, au lieu de les faire exécuter, il les déporte dans les Pouilles où ils font souche. Ce germano-scandinave, qui ne croit pas plus au Christ qu’à Mahomet, est strictement dépourvu d’orgueil racial. On n’a jamais pu déterminer s’il était athée ou vaguement déiste. En tous cas, il réfute les interdits religieux et introduit l’enseignement de l’anatomie à l’Université de Salerne, y autorisant la pratique des dissections de cadavres, interdite aussi bien par le fanatisme mahométan que par le chrétien. Il s’entoure d’une garde berbère (« sarrasine ») et ne sera jamais trahi.   

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Entre gens intelligents, il arrive que l’on s’entende. C’est ce qui va se passer entre Frédéric et Malik al Kâmil, dont François a longuement parlé à l’empereur. Roi de Germanie, de Sicile, Calabre, Naples et Pouilles, titulaire de la dignité impériale, Frédéric aimerait faire la paix avec les papes qui, après l’avoir excommunié en 1220, menacent de placer ses royaumes en interdit, ce qui reviendrait à déclencher une multitude d’insurrections chez ses sujets les plus fanatiquement superstitieux. Rien de tel, pour calmer l’ire des pontifes que de leur rendre l’accès à Jérusalem.

Quelques mois après la rencontre de François et de l’empereur, le roi dépossédé de Jérusalem Jean de Brienne propose à Frédéric, jeune veuf, la main d’isabelle, sa fille et unique héritière. Le mariage est célébré, à Brindisi, en novembre 1225, Frédéric exigeant d’être nommé «  administrateur du royaume » fantôme. En 1228, isabelle meurt à peine âgée de 17 ans ; Frédéric exerce ses prérogatives au nom de leur fils Conrad.

Au début de 1227, par ambassadeurs interposés, l’empereur et Malik al-Kâmil ont conclu une alliance, d’autant plus utile à l’émir du Caire qu’il lorgne le territoire de son frère l’émir de Damas. Ni l’un ni l’autre ne sont naïfs au point de croire aux billevesées sur l’œcuménisme religieux (le nom et l’adjectif sont d’ailleurs parfaitement incompatibles, tandis que foi et fanatisme sont des notions admirablement corrélées, quoiqu’en disent nos modernes hypocrites) ni en la notion d’un dieu unique, étant donnée la multiplicité des candidats au titre. Ils concluent un arrangement pour avoir la paix l’un et l’autre, de façon à mener à bien leurs projets.   

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Les premiers détachements de Normands de Sicile et de chevaliers de Germanie débarquent en Acre en avril 1227, reprenant en ce printemps quelques places fortes de la côte libanaise (« syrienne », à l’époque). Le pape Honorius III avait menacé Frédéric d’une deuxième excommunication s’il ne partait pas diriger lui-même cette sixième Croisade avant la fin de l’année 1227. Or, en cette année, le pape meurt, remplacé par le neveu d’innocent III, ennemi de l’empereur. Les camps de croisés, en Italie, sont ravagés par une épidémie de choléra. Frédéric déclare vouloir remettre sa participation à la croisade pour l’année suivante. Grégoire IX attise l’agitation guelfe (germanophobe et bigote) en Lombardie et il excommunie l’empereur le 17 novembre.

Le 21 juillet 1228, Frédéric débarque chez son vassal infidèle, le roi de Chypre Hugues de Lusignan, et mâte les barons locaux, en août, par une démonstration de force, sans effusion de sang : c’est la méthode favorite de l’empereur.

Le 7 septembre, son armée débarque à Saint-Jean-d’Acre. Le bon Grégoire IX lance une offensive des troupes pontificales en Campanie et dans les Pouilles… de façon parfaitement ignoble, puisque depuis Urbain II, le pontife de la 1ère Croisade, la doctrine constante de l’Église est de considérer comme sacré le domaine d’un croisé. En outre, le pape interdit aux Templiers, aux Hospitaliers et aux Génois d’aider l’empereur dans sa Croisade. Frédéric s’en moque : il compte sur ses fidèles Chevaliers Teutoniques. Il dirige en novembre 1228 la prise de Jaffa, qui n’est pas suivie du massacre rituel de mahométans : il n’y a pas de légat pontifical pour l’exiger. C’est en cette ville qu’est signé, le 18 février 1229, le traité entre l’empereur et le sultan qui règne désormais sur la Syrie et sur l’Égypte.

51iQrOGCJaL._SX332_BO1,204,203,200_.jpgL’empereur reçoit pour dix ans la souveraineté sur Jérusalem, Bethléem et la Haute-Galilée, où se niche, à flanc de colline, la ville de Nazareth, tandis que les mahométans gardent, dans la ville sainte, le contrôle de la mosquée al-Aqsa et le Mont Moriah (soit le quartier du Temple). Cet accord jette le pape dans une fureur prodigieuse : les dévots de Mahomet n’ont pas été étrillés en bataille rangée et une partie de Jérusalem leur est laissée, notamment celle qui intéresse au plus haut point les Chevaliers du Temple, respectueusement soumis au pontife. Le 14 mars 1229, Frédéric fait son entrée solennelle à Jérusalem, où il est sacré roi le 16, en l’église du Saint-Sépulcre, boudé, sur ordre du pape, par le patriarche latin et les chevaliers des Ordres militaires.

En juin, il rembarque pour reconquérir son domaine du sud de l’Italie, ce qui est fait dès le mois d’octobre, les troupes pontificales, mal commandées par le cardinal Pélage et le beau-père Jean de Brienne, furieux d’avoir été dépossédé de son titre de roi de Jérusalem, se débandant au moindre combat. En cette fin d’année 1229, les Templiers sont chassés du royaume de Naples-Sicile et leurs biens confisqués en faveur de l’empereur-roi. En août 1230, vaincu militairement, Grégoire IX lève l’excommunication de Frédéric… car même un homme inspiré par un dieu unique ressent parfois quelques frayeurs pour sa personne.

Jérusalem est reprise par les mahométans au début de 1241, puis restituée à l’empereur à la fin de l’année et définitivement perdue en août 1244, où les Turcs massacrent allègrement la quasi-totalité des chrétiens de la ville sainte… c’est une façon comme une autre de se défouler après leur très humiliante défaite enregistrée, en 1243, face aux Mongols. Le 17 octobre 1244, les Turcs écrasent (à sept contre un) les minces forces chrétiennes à La Forbie. Gaza est perdu en 1245. La Terre Sainte échappe aux Roumis jusqu’en 1918.

Frédéric, chef d’État surdoué, ménager du sang de ses sujets et même de celui de ses ennemis, eut le tort d’être trop peu présent dans les Allemagnes et détesté des papes-politiciens. Il fut considéré de son vivant comme un danger public par les grands feudataires de ses États et bien sûr par le clergé catholique. Vingt ans après sa mort, ses héritiers légitimes avaient tous été dépossédés en Sicile, en Germanie et dans les États de la botte italienne. 

Pour durer, une dynastie doit être composée surtout de tâcherons dociles aux vraies puissances : les maîtres de la finance ou les pontifes du dogme à la mode. La dynastie souabe disparut immédiatement après avoir atteint son apogée… comme c’est presque toujours le cas dans la triste histoire de l’humanité.

Sic transit gloria mundi.

lundi, 08 février 2021

Joseph de Maistre en Russie

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Joseph de Maistre en Russie

Arkady Minakov

Ex : https://www.geopolitica.ru

Traduction de Juan Gabriel Caro Rivera

La naissance du conservatisme, tant en Europe occidentale qu'en Russie, est inimaginable sans l'influence de Joseph de Maistre (1753-1821), l'un des pères fondateurs du conservatisme européen, qui était aussi un brillant intellectuel, un "ardent réactionnaire" (comme N. A. Berdiaev l'a appelé dans son livre Le nouveau Moyen Age), la "réaction contre Voltaire". Il ne fait aucun doute qu'il était l'un des critiques les plus radicaux de la Révolution et des sociétés démocratiques de son temps.

Joseph de Maistre est né dans la ville de Chambéry, en Savoie, dans une famille aristocratique. Il a fait ses études primaires dans un collège jésuite. Après avoir obtenu son diplôme de l'université de Turin en 1774, où il a étudié le droit, de Maistre est devenu l'un des conseillers du Sénat de Savoie et, en 1788, sénateur. Ce futur catholique ultramontain, dominé par une croyance inébranlable en la priorité du pouvoir papal sur le pouvoir séculier, était à l'époque membre d'une loge maçonnique et catholique libéral. Joseph de Maistre accède au rang de "Chevalier de la Bienfaisance de la Ville Sainte" au sein des loges maçonniques. En 1796, il publie son livre Réflexions sur la Révolution française, qui le rendra célèbre dans toute l'Europe et en fera un classique de la pensée conservatrice.

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Lorsque les troupes révolutionnaires françaises ont occupé sa Savoie natale, de Maistre s'est installé en Sardaigne, où il a été promu chancelier en 1800. Et en mai 1803, il arrive à Saint-Pétersbourg comme ambassadeur du roi de Piémont-Sardaigne. Joseph de Maistre jouit d'une grande influence au sein de la cour impériale et prend une part active à certaines initiatives politiques d'Alexandre Ier. C'est précisément en Russie qu'il a écrit ses deux œuvres les plus importantes : Les Soirées de Pétersbourg et les Lettres de Saint-Pétersbourg.

Les sermons laïques de Joseph de Maistre ont trouvé un large écho dans une partie de la haute société russe. Par exemple, le célèbre auteur et mémorialiste S. P. Zhikharev a écrit dans son journal : « Le comte de Maistre doit certainement être un grand penseur ; quoi qu'il dise, il le fait de manière divertissante, et chacune de ses remarques reste dans la mémoire de l'auditeur, car chacune d'entre elles contient une idée, une idée qui a été parfaitement exprimée par lui ».

De Maistre fréquente les salons de S. S. Uvarov, V. P. Kochubei, le comte A.K . Razumovsky, et est l'ami de l'amiral P. V. Chichagov, connu pour ses remarques, en tant que conservateur orthodoxe, qu'il écrit dans son livre Conversations d'un amoureux du verbe russe, défendues par A. S. Chishkov et G. R. Derzhavin. Dans la vie intellectuelle de la société russe au début du XIXe siècle, Joseph de Maistre a joué un rôle exceptionnel ; dans une certaine mesure, c'est grâce à ses idées que la Russie est devenue une sorte de centre d'où rayonnaient les idées anti-révolutionnaires.

De Maistre a également joué un rôle dans le développement du conservatisme russe. Les premiers conservateurs russes partageaient fondamentalement les mêmes valeurs qui caractérisaient de nombreux conservateurs d'Europe occidentale et avaient des idées très similaires, qui visaient à protéger et à actualiser les traditions et les valeurs positives d'une société traditionnelle idéalisée par eux, principalement basée sur un pouvoir monarchique centralisé et fort et sur la religion.

005709135.jpgLe conservatisme russe était typologiquement très proche du conservatisme d'Europe occidentale, car il possédait les mêmes caractéristiques de base, qui étaient fondées sur l'affirmation de la tradition, la compréhension de l'inégalité et de la hiérarchie comme état naturel de la société, le refus de l'utilisation de méthodes révolutionnaires comme moyen de reconstruction de la société, la lutte contre les idées des "Lumières", la conviction que la société a besoin d'un monopole bien établi sur la discussion et l'interprétation des problèmes sociaux et moraux les plus importants qui doivent être menés par la classe noble et l'Eglise, les classes supérieures étant précisément celles qui sont obligées de soutenir ces principes pour la protection et l'idéalisation de l'Etat.

L'une des principales raisons qui ont donné naissance au conservatisme russe est le fait qu'il est né d'une réaction patriotique contre la gallomanie, qui n'était autre que la passion d'imiter et d'adopter comme siennes tout ce qui avaient une origine française, non seulement en ce qui concerne la langue, mais aussi pour en arriver à imiter les idées, les habitudes, les modes et autres choses qui, comme la poudre à canon, ont fini par s'imposer dans la société seigneuriale russe depuis la fin du 18e et le début du 19e siècle. Pour des conservateurs comme A. S. Chishkov et F. V. Rostopchine, la francité semblait être un mal idéologique qui était responsable de toutes les menaces qui pesaient sur la Russie, pour ainsi dire, face à la Révolution française et plus tard à l'agression napoléonienne qui a suivi les événements de la Révolution.

Il faut noter que les étrangers aux idées conservatrices ont condamné la francisation dans des termes encore plus sévères que leurs homologues russes. De Maistre a écrit ce qui suit : "Je n'ai pas de mots pour vous décrire l'influence française dans ce pays. Le génie de la France a littéralement fini par seller le génie de la Russie de la même manière qu'un homme met une bride sur un cheval".

Ce fait a été considéré par de Maistre sous un jour extrêmement négatif, car "la civilisation russe absorbait à cette époque toutes les idées qui corrompaient complètement l'esprit humain (c'est-à-dire que tout cela était vu comme le résultat de la diffusion des "Lumières" et de la Révolution française - A.M.). Ces circonstances ont fini par toutes converger et, pour ainsi dire, par faire en sorte que l’on confonde totalement le peuple russe avec un peuple qui était à la fois le plus terrible instrument et la plus pitoyable victime de cette corruption... La terrible littérature que le XVIIIe siècle avait produite a pénétré immédiatement et sans retenue en Russie, faisant que les premiers enseignements qui ont été dispensés en langue française devant les oreilles du public russe n'étaient que des paroles chargées de nombreux blasphèmes".

De Maistre reproche aux occidentalistes russes la large diffusion de ces idées, en particulier dès le règne de Pierre Ier. "Je vous reproche, Pierre Ier, d'avoir commis le plus grand péché : le manque de respect que vous avez éprouvé pour votre propre nation".

Cependant, du point de vue de la Sardaigne, Pierre avait commis des péchés encore plus terribles : "En général, ce pays donne trop de libertés aux étrangers et la seule façon de se libérer de leur influence est de déclencher une révolution. La responsabilité de tout cela incombe à Pierre, qu'on appelle le Grand, mais qui était en fait le meurtrier de sa propre nation. Non seulement il la méprise et l'insulte, mais il lui apprend à se haïr en lui enlevant toutes ses coutumes, sa morale, son caractère même et sa religion, après quoi il la met au service des étrangers charlatans et fait de la Russie le jouet de toute cette canaille".

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A coup sûr, de Maistre a très probablement exagéré ses critiques en transposant la haine qu'il ressentait pour l'Europe protestante aux réformes de Pierre, dont beaucoup ont été inspirées par cette même Europe protestante.

De Maistre a passé quatorze ans en Russie, où il a vécu de 1803 à 1817, ce qui a eu un impact important sur la politique du ministère de l'Éducation publique, car il a sévèrement critiqué le système d'éducation et les formes d'enseignement qui existaient en Russie et qui, selon lui, étaient imprégnées du même esprit de gallomanie qu'à la cour et qui n'étaient rien d'autre qu'une imitation très grossière des modèles éducatifs de l'Europe occidentale. Il voyait dans ces réformes un grand danger pour l'avenir de l'État russe, car, d'elles, sortirait une strate de la population qui serait influencée par les idées en vogue en Europe occidentale.

Les nobles semi-alphabétisés et francisés étaient par essence un groupe subversif, ou du moins constituaient une faction guidée par l'esprit d'opposition et soutenant un amoralisme militant : « Leur esprit est complètement perverti et plein d’orgueil, ils détestent tout ce qui existe dans leur pays, ils condamnent toujours tout ce que fait leur gouvernement, ils adorent complètement les choses qui viennent de l'extérieur, ils adoptent les modes et le langage qui est utilisé à l'étranger, et ils sont toujours prêts à subvertir tout ce qu'ils méprisent, c'est-à-dire tout ce qui existe dans ce monde ».

"Une autre des terribles conséquences de tout cela, et qui est le fruit de la manie du gouvernement pour la science occidentale, pour laquelle il est nécessaire de faire venir des professeurs de l'étranger afin de la mettre en œuvre, est que la Russie est constamment obligée de demander l'aide de pays étrangers ; et comme les personnes vraiment éduquées et morales quittent rarement leur pays natal, où elles sont honorées et correctement récompensées, le gouvernement russe recourt à des personnes médiocres, des personnes qui sont non seulement dépravées mais aussi puériles et qui viennent au Nord uniquement parce qu'elles croient qu'on leur offre une fausse bourse qui leur procurera beaucoup d'argent.

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"Jusqu'à ce jour, la Russie est pleine d'une telle racaille venant de l'extérieur, la plupart d'entre eux ayant été expulsés de leur propre pays en raison des luttes politiques qui s'y déroulent. Ces transfuges n'apportent à la Russie que leur impudence et leurs vices. Ils ne ressentent aucun amour ni respect pour ce pays, ils ne nouent aucun lien avec cette terre dans le domaine civil ou religieux, ils se moquent complètement de ces Russes obscènes qui leur confient tout ce qui leur est le plus cher au monde, ils sont pressés de récolter assez d'or pour vivre à leur guise en écrivant des livres où ils déversent des insultes contre la Russie, des livres que le gouvernement achète à ces mêmes sycophantes et qu'il traduit même en utilisant les fonds publics.

"La situation actuelle est de plus en plus alarmante, en raison des préjugés extrêmement regrettables dont souffre ce pays. En Russie, il est tacitement admis que la morale doit être quelque chose de complètement séparée et indépendante de l'enseignement, de sorte que, par exemple, si un professeur de physique ou de langue grecque, dont on sait qu'il est dépravé ou athée, fait des choses immorales, cela amène souvent tout le monde à se demander : qu'est-ce que cela a à voir avec la physique ou la langue grecque ? Ainsi, toutes les intellectuels-voyous de l'Europe finissent en Russie et ce pays paie cher le fait d'avoir à faire face à cette multitude d'étrangers de mauvaise augure qui se consacrent exclusivement à tout gâcher".

De Maistre, en soutenant ces critiques, finit par devenir un allié idéologique des conservateurs russes qui s’étaient engagés dans une lutte contre tout type d'influence étrangère dans leur pays et qui détestent la gallomanie.

De Maistre, tout comme A. S. Shishkov et F. V. Rostopchin, a appelé à "un examen plus minutieux des étrangers (en particulier les Allemands et les protestants) qui viennent dans ce pays pour éduquer les jeunes, indépendamment de ce qu'ils vont enseigner, car nous devons considérer qu'il est presque certain que sur cent personnes qui viennent enseigner, au moins 99% d’entre eux appartiennent à cette catégorie, de sorte que l'État finit par s'impliquer avec les personnages qui le mènent au désastre, puisque personne qui a une famille, des biens, une moralité avérée et une certaine réputation n'ira jamais dans un pays étranger par nécessité, mais restera vivre dans sa terre natale".

md22704552794.jpgLes conservateurs russes ont réussi à mettre partiellement en œuvre un grand nombre des exigences qu'il demandait. C'est ainsi que le 25 mai 1811, un décret est publié "sur les pensions privées", qui stipule que "la noblesse, soutenue par l'État, estime nécessaire de placer sous surveillance les personnes qui viennent de l'étranger en cherchant leurs propres intérêts et en négligeant toutes les affaires intérieures, puisqu'elles n'ont aucune règle pure en matière de moralité ou de connaissance de celle-ci" et "après avoir ruiné la noblesse et les autres classes, ces étrangers préparent lentement la ruine de la société en général car on leur permet d'éduquer les enfants du pays".

Le décret ordonnait aux directeurs d'école de tester les qualités morales des propriétaires de pensionnats et d'exiger d'eux et des enseignants travaillant en Russie une connaissance de la langue russe. L'enseignement devait être dispensé exclusivement en russe. Au début de 1812, l'"Avis du ministre de l'éducation publique sur les enseignants étrangers dans le pays" a été publié, c'est-à-dire un ordre par lequel les enseignants étrangers devaient désormais certifier par écrit les compétences et les connaissances qu'ils enseignaient dans les écoles primaires russes.

L'existence de nombreux points de vue partagés par les conservateurs orthodoxes et de Maistre a conduit à des tentatives délibérées de ce dernier d'entrer en contact avec des représentants du "parti russe" conservateur. On sait que de Maistre a assisté aux rencontres Chichkov-Derzhavin, ce que l'on retrouve dans les Conversations d'un amoureux de la parole russe, et qu'il a également visité le célèbre salon de Tver de la Grande-Duchesse Ekaterina Pavlovna, chef officiel des représentants conservateurs du "parti russe" à la cour du Tsar. Tous ces contacts ont très probablement eu lieu parce qu'ils ont tous lutté ensemble contre l'influent "parti français", dont le chef de file était le célèbre réformateur libéral M. M. Speransky.

De Maistre porte son propre jugement sur Speransky dans une lettre qu'il envoie au roi de Sardaigne, Victor Emmanuel Ier, le 28 août (9 septembre) 1811. Les principales accusations portées contre Speransky étaient une attaque contre son milieu social "inférieur", le fait qu'il se livrait à l'espionnage au nom de la France, son adhésion aux idées constitutionnalistes et son appartenance à la franc-maçonnerie :

"C'est un homme intelligent, très diligent et qui a une excellente plume ; toutes ces qualités sont absolument indiscutables. Mais il est le fils d'un prêtre, ce qui signifie qu'ici en Russie, il appartient aux couches les plus basses du peuple libre, et de là, comme il est naturel, viennent ceux qui sont les grands promoteurs de réformes radicales. Il accompagne l'empereur à Erfurt et y rencontre Talleyrand ; certains pensent qu'il entretient une correspondance importante avec lui. Toutes les questions qui concernent son administration sont imprégnées de toutes sortes d'idées nouvelles et, surtout, il est enclin à l'établissement de lois constitutionnelles... Je dois avouer mon extrême méfiance à l'égard du secrétaire d'État... Sa Majesté ne doit pas douter un seul instant de l'existence d'une secte très influente qui a depuis longtemps juré de renverser tous les trônes d'Europe et qui utilise les souverains eux-mêmes pour accomplir cette tâche par l'utilisation d'un savoir-faire infernal".

002187016.jpgFinalement, à la suite d'une lutte en coulisses impliquant toutes ces "factions", Speransky finit par tomber en disgrâce en mars 1812, ce qui renforce considérablement les positions du "parti russe" et de Joseph de Maistre. En février 1812, ce dernier se voit proposer d'éditer tous les documents officiels publiés au nom du tsar ; 20 000 roubles lui sont transférés au nom de l'empereur afin d'assurer toutes les dépenses nécessaires "à la préparation et à l'exécution de l'un de ses plans".

Le 5 mars, le chancelier N.P. Rumiantsev annonce à Joseph de Maistre que l'Empereur a des projets pour lui en ce qui concerne la guerre à venir et qu'il souhaite l'inviter au service de la Russie. Il accepte avec lui d'envoyer un messager pour faire venir la famille de Joseph de Maistre en Russie. Dans la soirée du même jour, de Maistre se trouvait dans l'appartement de N. A. Tolstoï, maréchal en chef et président du bureau de la cour. En outre, Tolstoï était celui qui dirigeait la vie et les cérémonies qui se déroulaient à la cour à l'époque d'Alexandre Ier, et avait une conversation avec Tolstoï sur la guerre à venir et les questions liées au commandement militaire.

Au cours de cette conversation, le tsar est entré secrètement dans l'appartement de Tolstoï. À la fin de la conversation, il échangea avec Tolstoï et parla directement à Joseph de Maistre de son nouveau travail d'éditeur. Malgré toutes les offres qui lui sont faites, de Maistre décide cependant qu'il ne renoncera pas à servir le roi de Sardaigne. Il l'a annoncé à Roumiantsev, sans pour autant refuser d'exécuter les ordres que lui avait donnés le tsar Alexandre. Le même jour, après l'exil de Speransky, qui s'est avéré être le moment où la politique russe a radicalement changé, l'État russe a rejeté tout type de réformes libérales et a repris certaines des idées des représentants conservateurs du "parti russe".

Depuis que Joseph de Maistre a refusé de faire partie de la cour de Russie, en disant à Alexandre Ier que son devoir était d'abord d'être au service du roi de Sardaigne, qui ne lui permettrait pas de rompre un "accord de non-divulgation" des informations secrètes qu'un éventuel nouveau poste pourrait lui apporter. Un tel incident a finalement conduit à la rupture des relations entre Alexandre et l'ambassadeur de Sardaigne. La faveur qui lui a été accordée en tant que secrétaire personnel du souverain n'a même pas duré quatre mois.

Le rôle politique de Joseph de Maistre en Russie était alors très important. Le 9 avril 1812, A. S. Chishkov est nommé secrétaire d'État et le 29 mai 1812, un autre dirigeant du "parti russe", F. V. Rostopchine, est promu général d'infanterie puis nommé gouverneur général de Moscou. Il a également reçu le titre de commandant en chef de la place de Moscou. En fait, il est devenu dictateur à Moscou à la veille de la plus grande guerre qui allait avoir lieu dans l'histoire de la Russie.

Les innovations politiques et idéologiques introduites dans l'Empire russe après la guerre patriotique de 1812 et les campagnes militaires de l'armée russe en Occident, et en particulier l'expérience religieuse d'Alexandre Ier et d'A. N. Golitsyn visant à créer un "État chrétien commun" avec l'Occident, sur la base des idées européennes tirées des traités écrits par les mystiques et les francs-maçons protestants, ont conduit à la conclusion que la version catholique du conservatisme développée et défendue par Joseph de Maistre était tout simplement inacceptable pour le gouvernement autocratique russe.

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Les ultramontains, en principe, ne pouvaient pas accepter l'œcuménisme et le mysticisme. Comme l'a écrit l'historien A. N. Shebunin : "les idéologues de la réaction (Joseph de Maistre, Bonald, Lamennais) avaient une attitude nettement négative envers les mystiques et l'idéologie de la Sainte-Alliance, et dans la société biblique, ils ne voyaient que les commanditaires de sectes dangereuses et de divergences religieuses en ce qui concerne nombre de leurs pensées, etc.

Sous prétexte que le prosélytisme de Joseph de Maistre était allé trop loin et qu'une grande partie de l'aristocratie de Saint-Pétersbourg s'était convertie au catholicisme (y compris le jeune prince A. F. Golitsyn, neveu du procureur général du Saint-Synode), les jésuites reçurent l'ordre de quitter les deux capitales et de Maistre fut exilé de Saint-Pétersbourg en mai 1817, pour ensuite partir à l'étranger. En 1820, les jésuites sont finalement expulsés de Russie et en 1821, Joseph de Maistre meurt à Turin.

Ainsi, l'influence directe de l'un des fondateurs de la pensée conservatrice européenne sur la formation du conservatisme russe prit fin en 1817. Le rejet de l'expérience religieuse œcuménique qui a suivi dans les années 1822 à 1824 a été une conséquence de la victoire du "parti russe", orthodoxe et conservateur, qui a longtemps bloqué le processus de réception des doctrines occidentales conservatrices non confessionnelles. Depuis 1824, la monarchie ne remet plus en question le statut de l'orthodoxie en tant que religion dominante, et le conservatisme russe est désormais exclusivement basé sur l'orthodoxie.

Joseph de Maistre a sans aucun doute influencé la formation du conservatisme russe. Le conservatisme russe à l'époque de son émergence et de sa formation était typologiquement très proche du conservatisme d'Europe occidentale, puisque ce dernier possédait les mêmes caractéristiques fondamentales, telles que le traditionalisme, l'inégalité en tant qu'état naturel de la société, l'identité, le patriotisme, etc. En même temps, cette idéologie a influencé les penseurs conservateurs d'Europe occidentale dans leurs propres pays. Il y avait relativement peu de Russes partageant les mêmes idées ; il faut plutôt dire que le conservatisme russe est apparu parallèlement au conservatisme d'Europe occidentale et sous l'influence de facteurs très similaires.

Bibliographie :

Местр Ж. де. Петербургские письма. 1803–1817 / Ж. де Местр. - СПб. : Инапрапрессс, 1995. - – 336 с.

Местр Ж. де. Санкт-Петербургские вечера / Ж. де Местр. - СПб. : Алетейя, 1998. - – 731 с.

Дегтярева М. И. Жозеф де Местр и его руссские собеседники. Опыт философской биографии и нтеллектуальные связи в Росссиии / М. И. Дегярева. - Пермь : Астер, 2007. - – 403 с.

Минаков А. Ю. Руссский консерватизм в первой четверти XIX в. / А. Ю. Минаков. - Воронеж : Изд-во Воронежского гос. ун-та, 2011. - – 560 с.

jeudi, 04 février 2021

Naar Engeland gedeporteerd. Vlaamse geïnterneerden op het eiland Man 1940-1945 door Carlos H. Vlaemynck

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Bespreking van: Naar Engeland gedeporteerd. Vlaamse geïnterneerden op het eiland Man 1940-1945 door Carlos H. Vlaemynck

Björn Roose

11 november komt er weer aan en daarmee de jaarlijkse herdenkingen. Die zullen ook respectievelijk 100 jaar na het einde van de Eerste Wereldoorlog en bijna 75 jaar na het einde van de Tweede ongetwijfeld behalve over oorlog en vrede ook over de good guys en de bad guys gaan. Niet meer dan passend dus om in deze tijd van het jaar een boekje te lezen dat nóg maar eens aantoont dat de officiële good guys dat verre van altijd waren (en zijn).

Naar Engeland gedeporteerd - Vlaamse geïnterneerden op het eiland Man - 1940-1945 is zo'n boekje. Carlos H. Vlaemynck schreef het neer "uit de mond" (zoals dat dan heet) van Ieperling Luc Desramault en ik ga er van uit dat het in 1984 bij De Nederlandsche Boekhandel (DNB, sinds 1986 bekend onder de naam Uitgeverij Pelckmans) verschenen werk ook nu nog verbazing kan wekken bij de lezers. Ikzelf kende de basis van het verhaal, maar niet de "details", en dit boek gaat in zowel op die basis als op die "details".

Wat die basis betreft, die doet Vlaemynck al meteen in zijn inleiding uit de doeken:

"Toen België op 10 mei 1940 voor de tweede maal in nog geen kwarteeuw door Duitse troepen overrompeld werd, besloot de regering alle verdachte personen, zowel vreemdelingen als landgenoten, bij wijze van voorzorgsmaatregel in hechtenis te nemen. Van uur tot uur zonden de nationale radiozenders oproepen uit waarin de bevolking aangespoord werd hulp te verlenen bij het onschadelijk maken van vijandelijke parachutisten, spionnen en saboteurs. Weldra maakte er zich een ware spionnen-psychose van de bevolking meester. Deze psychose werd in de hand gewerkt door de sterke verhalen van de honderdduizenden vluchtelingen. Overal dacht men leden van de 'Vijfde Colonne' te zien en het aantal preventieve arrestaties steeg onrustbarend. Duizenden mensen, onder wie vooral leden van het V.N.V., het Verdinaso, Rex en de K.P. kwamen aldus in de gevangenis terecht. De meesten onder hen waren onschuldig. Zij kregen echter de kans niet hun onschuld te bewijzen omdat hun aanhouding slechts een zogenaamde 'voorlopige administratieve veiligheidsmaatregel' was, hetgeen iedere vorm van rechtsbijstand uitsloot. Nadat de Franse en Britse troepen op de 19de mei het Nederlandse en het Belgische leger te hulp waren gesneld, gingen de militaire autoriteiten van beide mogendheden eveneens tot aanhoudingen op Belgisch grondgebied over. Zij deden dit onder voorwendsel de aanvoerlijnen van hun strijdkrachten in het opmarsgebied veilig te stellen. Vooral de Fransen lieten zich bij dit wederrechtelijke optreden - België was immers een bondgenoot en geen bezet gebied - niet onbetuigd. Met het oog op de te verrichten arrestaties hadden zij zelfs maanden vooraf door geheime agenten in het neutrale België 'verdachtenlijsten' laten opstellen. Ten gevolge van het bijzonder snel oprukken van de Duitse troepen werd een aanzienlijk aantal politieke gevangenen in uiterst verwarde omstandigheden naar Frankrijk gedeporteerd. Voor velen onder hen betekende deze wegvoering het begin van een wekenlange lijdensweg. [Voor onder andere Joris Van Severen betekende het zelfs het einde, noot van mij] Een kleine groep verdachten kwam evenwel in Engeland terecht."

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Bij die "kleine groep verdachten" het hoofdpersonage van dit boekje, Luc Desramault, destijds gouwleider (regionaal leider) van het Algemeen Vlaamsch Nationaal Jeugdverbond, voor wie deze deportatie vijf jaar zou duren. Liever dan hier het hele verhaal dunnetjes over te doen, houd ik het bij een aantal veelbetekenende citaten:

"Onze bewaking [bij de eerste stop, de gevangenis van Ieper, noot van mij] bestond deels uit politieagenten en deels uit leden van een soort plaatselijke burgerwacht." [terwijl in "klassieke" geschiedenisboeken altijd volgehouden wordt dat burgers pas andere burgers gingen gevangenhouden tijdens de repressie-annex-straatterreur, noot van mij]

"In de bus [waarmee de stouterds afgevoerd werden richting Oostende om van daar richting Engeland gedeporteerd te worden, noot van mij] kregen wij het gezelschap van een zestal Joodse vrouwen die drie kinderen bij zich hadden. Voorts waren er nog enkele communisten bij uit Moeskroen, Wervik en Menen alsook enkele vreemdelingen." [Geef toe, een gezelschap dat, als de Vlaams-nationalistische "verdachten" nationaal-socialisten zouden geweest zijn, toch wel zéér explosief was samengesteld, noot van mij.]

"Op onze bus zat er een jonge jodin die door de natuur met heel wat charmes begunstigd was. Zij bracht het zover dat een van de gendarmen erg verlangend werd om even met haar alleen te zijn ... Toen beiden na geruime tijd terugkwamen, bleek de jodin in het bezit te zijn van enkele koekjes en karamels die wij van haar konden kopen om onze kwellende honger te stillen. Zij bracht het zover dat wij zelfs een weinig water kregen om onze brandende keel te verfrissen." [Het gemengde gezelschap had dus duidelijk ook geen hekel aan mekaar, noot van mij.]

"Niettegenstaande wij slechts verdachten waren, werden wij onderworpen aan het reglement dat van toepassing was op de veroordeelden [in de Londense gevangenis Pentonville, noot van mij] (...) Onze ondervragers hadden een burgerpak aan en waren telkens met vieren. Merkwaardig genoegen kregen wij nooit hun gelaat te zien. Zij droegen steeds een zwarte satijnen kap voorzien van twee doorkijkspleten en een mondopening over het hoofd. Het maakte aanvankelijk een vrij lugubere indruk en liet ons het ergste vermoeden. (...) De ondervragingen duurden twee dagen telkens zonder onderbreking van 8 tot 12 uur en van 13 tot 17 uur. Zij gingen gepaard met heel veel intimidatie. Herhaaldelijk kregen wij te horen dat indien wij de waarheid niet zouden zeggen, zij er die wel uit zouden krijgen! Herhaalde malen verklaarden zij onomwonden dat zij ons zouden afmaken, hetgeen bij ons de bedenking ontlokte dat indien zij toch reeds van plan waren ons te liquideren het dan in feite geen zin meer had om ons te ondervragen. Het kruisverhoor bestond meestal uit vragen die zij door elkaar stelden in de hoop ons op tegenstrijdige antwoorden te kunnen vangen. Dit leverde evenwel niets op aangezien wij niets te verbergen hadden. Wij waren weliswaar allemaal op de een of andere wijze in de Vlaamse beweging actief geweest, maar dit had met de oorlog nooit iets te maken gehad." [Deze mensen waren dus zonder welke officiële beschuldiging dan ook opgepakt, gedeporteerd en gevangen gezet en nu hoopte de belgische staat er op dat ze zelf bewijzen zouden leveren van collaboratie terwijl ze zelfs ... de oorlog niet van dichtbij hadden gezien, noot van mij.]

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"Toen wij in Hutchinson [Hutchinson Camp, een Brits concentratiekamp op het eiland Man, noot van mij] aankwamen, zaten er naar schatting wel vijfduizend joden in het kamp en hoop en al een vijftigtal niet-joden, onder wie Leo Hoste en ik." [Weer dat eigenaardige idee om potentiële "nationaal-socialisten" op te sluiten samen met joden, noot van mij.]

"Het is via dit communicatiesysteem [in de gevangenis van Leeds, de volgende halte van Desramault, noot van mij] dat wij tot de ontdekking kwamen dat er in de gevangenis heel veel Ierse politieke gevangenen zaten. Zij waren leden van de I.R.A. Wij hadden deze drie mysterieuze letters reeds herhaaldelijk als graffiti op de muren van de gevangenis zien prijken, maar de inhoudelijke betekenis van dit letterwoord was toen nog maar een vaag begrip voor ons. Geleidelijk aan leerden wij deze Ierse nationalisten en hun strijd voor de volledige hereniging van hun eiland in één onafhankelijke republiek beter kennen." [Ofte flater nummer zoveel van de Engelsen, noot van mij.]

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"Hoezeer de Londense politiemannen zich [dit keer in Camp X, een ander concentratiekamp op het eiland Man, noot van mij] ook inspanden om het kampleven draaglijker te maken, toch kreeg de drang naar de vrijheid sommigen van ons zo erg te pakken dat er ontvluchtingspogingen werden ondernomen. Een van de merkwaardigste pogingen werd op touw gezet door drie geïnterneerde Nederlanders. Een was officier bij de Koninklijke Nederlandse Marine, de tweede was stuurman bij de Nederlandse Koopvaardij en de derde was piloot bij de K.L.M.. Alle drie werden, terecht of ten onrechte, dat heb ik nooit geweten, verdacht van lidmaatschap bij de N.S.B. Zij hadden hun tocht zorgvuldig gepland en voorbereid. Aldus hadden zij wekenlang in de fabriek waar zij overdag werkten kleine hoeveelheden benzine gehamsterd. Op een mooie morgen kaapten zij ongezien een motorbootje, brachten de benzine aan boord en startten de motor. Met een brede zwaai staken zij van wal en stevenden op volle kracht de Ierse Zee in zuidwestelijke richting op met de kennelijke bedoeling de kust van de neutrale Ierse Republiek te kunnen bereiken. Aanvankelijk scheen hun poging te zullen slagen maar plots kwamen zij echter in een opstekende storm terecht. Aangezien de Ierse Zee een soort van binnenzee is, zijn de golfslagen er kort maar krachtig. Zij kregen water in de boot en de motor begon te sputteren. Weldra viel hij geheel stil en wat zij ook probeerden om hem weer op gang te krijgen, niets mocht baten. Voortgestuwd door de storm dreven zij af naar de Schotse kust. Een Brits legervliegtuig had reeds de drenkelingen opgemerkt en toen hun vaartuig in de branding aan diggelen sloeg en zij uitgeput aan land strompelden, werden zij er opgewacht door militairen die hen oprecht feliciteerden met de gedurfde stunt! Later moesten zij voor een krijgsgerecht verschijnen en werden er tot één maand gevangenisstraf veroordeeld wegens diefstal van benzine en het ontvreemden van een boot. De Britse eigenaar van het vaartuigje weigerde schadevergoeding te vragen. Als sportieve Engelsman vond hij het al erg genoeg dat hun poging mislukt was!" [En dat zijn nu de dingen die een mens veel te weinig leest in "oorlogsverhalen", het respect dat "vijanden" voor mekaar kunnen opbrengen in de juiste omstandigheden, noot van mij]

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"Aldus gingen langzaam maar zeker de oorlogsjaren voorbij. Een paar malen kregen wij bezoek van leden van het Belgische Rode Kruis. Vóór onze aankomst in 'Camp X' hadden wij ze nog nooit gezien. Met veel tegenzin spraken zij Nederlands en het eerste wat zij deden, was ons verwijten maken. Volgens hen waren wij slechte Belgen, omdat wij in een interneringskamp zaten. Het was onze plicht dienst te nemen bij het Belgisch Leger en te gaan strijden tegen de Duitsers. Daarop hebben wij hen ons standpunt uiteengezet. Wij zegden dat wij bereid waren de Belgische strijdkrachten in Groot-Brittannië te vervoegen op voorwaarde dat wij eerst volledig in het openbaar gerehabiliteerd zouden worden. Daar konden zij niet voor instaan, zegden zij, wij moesten dat met de Engelsen regelen. En wanneer wij dan met de Engelsen daarover van gedachten wisselden, verwezen zij ons naar de Belgische regering te Londen. Het gevolg was dat de zaken bleven zoals zij waren en dat de afgevaardigden van het Belgische Rode Kruis ons kamp niet meer bezocht hebben." [Kafka, iemand ?, noot van mij]

En dan, dan moest de kers op de taart nog komen:

"Toen de afreisdatum aanbrak, pakten wij onze koffers en kregen wij onze identiteitskaarten terug. Voorts gaven de Britten ons een vrijgeleidebrief waarop stond dat wij in België overal mochten heengaan waar wij maar wensten. Op 20 mei 1945, Pinksterzondag, stapten wij voor het eerst in ruim vijf jaar als vrije burgers aan boord van een Brits legervliegtuig. (...) Bij de uitgang van de luchthaven [die van Evere, noot van mij] werden wij tegengehouden door enkele mannen in burger. Zij wensten onze persoonsbewijzen te zien. Geen onheil vermoedend toonden wij ze onze vrijgeleidebrieven. Daarop zegden zij dat er voor ons vervoer voorzien was om ons naar Brussel te brengen. (...) Toen men ons daar ter hoogte van het Cantersteen liet uitstappen, werden wij spoedig omringd door een vijandig gezinde menigte die, naar wij later vernomen hebben, daar uit Duitsland gerepatrieerde collaborateurs stond op te wachten. Wij werden er uitgemaakt voor 'sales boches' (smerige moffen) en kregen harde klappen te incasseren. (...) Onder veel gejouw en getier van de omstaanders werden wij [na een ondervraging in Cantersteen, noot van mij] terug in de camion geduwd die ons na een korte rit in het 'Klein Kasteeltje' afleverde. Wij vlogen er bij de aldaar reeds opgesloten incivieken en brachten daar een tiental dagen door. Het eten was er bar slecht en bestond hoofdzakelijk uit gedeshydrateerde rode kool en wortelen. Weldra zat iedereen met diarree geplaagd. Daarna werden wij overgebracht naar de gevangenis van Sint-Gillis (...) Vanuit Sint-Gillis werd ik dan overgeplaatst naar de inmiddels tijdens de oorlog wederopgebouwde gevangenis van Ieper. (...) Het duurde tot in september 1945 vooraleer ik de militaire auditeur te zien kreeg. Hij wist mij alleen maar te vertellen dat er tegen mijn gedrag tijdens de oorlog niets viel in te brengen en dat er derhalve geen reden was om mij te vervolgen. (...) Aangezien ik onschuldig was, gaf de krijgsauditeur bevel mij op staande voet [na zo'n vijf jaar volkomen onterechte vrijheidsberoving dus, noot van mij] in vrijheid te stellen. Hij gaf mij echter de raad mij voor mijn eigen veiligheid voorlopig niet in de buurt van Ieper te vestigen. Ik heb zijn raad opgevolgd en heb eerst een drietal maanden in Vilvoorde bij een zuster van mijn vader gewoond. (...) Daarna heb ik nog zogezegd mijn domicilie gehad bij mijn broer in Komen. Het is daar dat ik dan op 28 februari 1946 een officieel attest van buitenvervolgingstelling heb bekomen."

Om dit waanzinnige verhaal te beëindigen geef ik nog graag mee dat in die officiële buitenvervolgingstelling nog steeds geen reden stond aangegeven waarom Luc Desramault vijf jaar van zijn leven beroofd is door de Belgische staat, maar wel dat die buitenvervolgingstelling "slechts van voorloopigen aard" was en "het hernemen van het onderzoek niet [verhindert] ingeval er zich nieuwe bezwaren voordoen".

Allemaal het overdenken waard als de wereld van de oorlogsjaren weer eens door iemand opgedeeld wordt in zwart en wit ...

mercredi, 03 février 2021

Karl Haushofer en het nationaal-socialisme: tijd, werk en invloed door Perry Pierik

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Bespreking van: Karl Haushofer en het nationaal-socialisme: tijd, werk en invloed door Perry Pierik

Björn Roose

Wie zich ook maar voor een uurtje in geopolitiek verdiept – en dat zijn er sinds die tak van de wetenschap de laatste decennia weer enigszins gededouaneerd is geraakt toch niet weinig –, komt hoe dan ook bij de naam Karl Haushofer terecht. Het is dan ook enigszins spijtig dat Perry Pierik het woord “geopolitiek” niet eens vernoemt op de cover van dit boek, zodanig dat wie nog nooit gehoord heeft van geopolitiek niet door dat woordje kan aangetrokken worden om het boek ter hand te nemen. Nah ja, “nationaal-socialisme” zal een belangrijker verkoopsargument geweest zijn en Pierik is per slot van rekening niet alleen schrijver, maar ook uitgever (dit boek is uitgegeven bij Aspekt, waarvan hij de eigenaar is) en boeken over het nationaal-socialisme en aanverwanten zijn zo’n beetje de specialiteit van zijn uitgeverij. “Als de nationaal-socialisten niet hadden bestaan, dan hadden ze ze moeten uitvinden”, zei een Franstalige kennis van me wel eens en hij had voor de wereld van uitgevers, documentairemakers en cineasten zeker gelijk.

frontImagesLink.jpgNu, los daarvan, dit Karl Haushofer en het nationaal-socialisme is een redelijk sterk boek. Ook voor wie meer wil weten over geopolitiek, want Pierik gaat uitgebreid op het vakgebied in in het derde hoofdstuk Geopolitik: de mores van het vak. De ideeën van Friedrich Ratzel, Rudolf Kjellén, Halford Mackinder en uiteraard Karl Haushofer en de andere geopoliticus in de familie, zijn zoon Albrecht passeren, samen met die van een aantal mindere goden, uitgeverijen, begunstigers, enzovoort, de revue. Bovendien zijn in het boek 35 bladzijden aan voetnoten opgenomen en 20 bladzijden aan literatuurregister. Daarin zit héél veel over de geopolitiek, zodat wie zich verder wil verdiepen in die wetenschap zich nog lang niet zal gaan vervelen.

Maarreuh, geopolitiek, was dat niet iets van de nationaal-socialisten? Was dat niet de semi-wetenschappelijke uitleg die ze gaven aan hun drang naar Lebensraum (en nach Osten)? Zou zoiets niet beter in de hoek blijven liggen waarin het na WOII geschopt is? Wel, dat soort vragen zal allicht ook de reden geweest zijn waarom Pierik dit boek geschreven heeft.

Mijn mening: politici (en dat zijn nationaal-socialisten net zo goed al communisten en “democraten”) maken altijd, net zoals “gewone” burgers (én een groot deel van de wetenschappelijke wereld), misbruik van die conclusies die de wetenschap (tijdelijk) trekt en stofferen er hun eigen aannames mee. Dat dat zal gebeuren, mag geen reden zijn om niet verder te streven naar kennis. En als iemand streeft naar kennis, zal hij doorgaans niet zoveel zelfbeheersing aan de dag leggen dat hij die voor zich houdt tot ze “volledig” is. Wetenschappers hebben een ego, willen niet dat een ander hen vóór is, en verdienen óók graag hun boterham.

Dat er zelfs in de definitie van geopolitiek nogal verschillen zitten van persoon tot persoon, van instelling tot instelling, maakt het er uiteraard niet makkelijker op. Dat er héél veel factoren meespelen óók niet. En dat iedereen er mee doet wat hem zint al evenmin. David Criekemans definieerde geopolitiek in 2005 als “het wetenschappelijk studieveld behorende tot zowel de Politieke Geografie als de Internationale Betrekkingen, die de wisselwerking wil onderzoeken tussen de politiek handelende mens en zijn omgevende territorialiteit (in haar drie dimensies; fysisch-geografisch, menselijk-geografisch en ruimtelijk)”, wat het wel zo’n beetje samenvat, maar ook meteen duidelijk maakt dat geopolitiek over álles kan gaan en overal heen kan.

md1367120941.jpgIs het dan eigenlijk wel een wetenschap, kan je je afvragen? En, weerom mijn mening, dat is het en dat is het niet. Is filosofie een wetenschap? Is psychologie een wetenschap? Is economie een wetenschap? Die eerste twee vragen zullen veel mensen meteen met een “nee” beantwoorden, al zullen de beoefenaars van de wetenschap in kwestie daar wellicht een andere mening over hebben, maar economie wordt algemeen gezien als wetenschap. Ik, als economist, zeg dat het dat niet is. Op basis van de economische “wetenschap” zijn systemen gevestigd die zo ver uiteenlopen als communisme en kapitalisme, verdedigt de ene een “miljardairstaks” en de andere een “flat tax”, is de ene in crisistijden voor zware overheidsinvesteringen terwijl de andere pleit voor het buiten de economie blijven van de staat. En elke politicus én elke economist heeft “wetenschappelijke” bewijzen die zijn gelijk staven. En stuk voor stuk zijn ze van oordeel dat hun tegenstanders onwetenschappelijke klungelaars zijn. Of ze negeren die tegenstanders volkomen. Ergo: als we economie als een wetenschap beschouwen, kunnen we geopolitiek óók als een wetenschap beschouwen.

Sterker nog: er is eigenlijk véél meer overeenstemming in de geopolitieke wereld dan er in de economische wereld is. Zonder dat die overeenstemming met de macht van de straat afgedwongen wordt (cfr. de zogenaamde consensus in de wetenschappelijke wereld over klimaatopwarming, afgedwongen door activistische politieke instellingen en dito van mediatieke roeptoeters voorziene burgers). Er zijn een aantal verschillende verklaringsmodellen, geen daarvan is volledig, en er is sprake van voortschrijdend inzicht, maar de voorlopige conclusies gaan geen radicaal verschillende richtingen uit. Én het is ook gewoon een razend interessant kennisdomein, zeker in tijden waarin grotendeels gedaan wordt alsof grenzen voor eeuwig vastliggen, handels- en andere oorlogen zich bedienen van flauwe excuses, en gedateerde internationale instellingen hun leven proberen te rekken.

51MI6LAnouL._SX339_BO1,204,203,200_.jpgNu, ook los van de rol van Karl Haushofer in de geopolitiek – een rol die eigenlijk nauwelijks kan overschat worden – is dit een interessant boek. De naam van Haushofer zal namelijk zelden genoemd worden zonder ook die van Rudolf Hess te noemen. Rudolf Hess, de gevangene en gehangene van Spandau, de plaatsvervanger van Adolf Hitler, de man met een vredesmissie, is ondanks alle literatuur die over hem gepleegd is nog steeds een van de enigma’s van de twintigste eeuw (daar kom ik bij een latere boekbespreking nog op terug). En hij was jaren een leerling en vriend van Karl Haushofer en diens zoon Albrecht. Hij had hun naamkaartje op zak toen hij naar Schotland vloog. De Haushofers wisten (de zoon in verschillende hoedanigheden) naar alle waarschijnlijkheid van zijn plannen. Al die zaken komen aan bod in Karl Haushofer en het nationaal-socialisme – Tijd, werk en invloed, wat toch veel meer is dan wat Wikipedia ter zake vermeldt. Dat spreekt namelijk alleen van Hess die Haushofers ideeën zou geïntroduceerd hebben bij Hitler en van Hess die Haushofers “joodse familie” (Haushofers vrouw was joods) beschermde tegen diezelfde Hitler, maar vertikt het het ook maar met een woord te hebben over de invloed die de Haushofers (zowel Karl als Albrecht) gehad hebben op zijn “vlucht”.

En dan is er natuurlijk ook nog Karl als vader van Albrecht. De twee kwamen na de “vlucht” van Hess in een neerwaartse spiraal terecht (het nationaal-socialistische regime was zich wél bewust van het feit dat er een samenhang was tussen Hess en de Haushofers die véél verder ging dan het promoten van geopolitieke ideeën), maar zelfs binnen die spiraal bleven ze een merkwaardig evenwicht bewaren. Een evenwicht tussen afkeuring en goedkeuring van de Führer, tussen conservatisme en nationaal-socialisme, tussen oost en west, tussen esoterisme en wetenschap. Een evenwicht dat kennelijk heel moeilijk te begrijpen is in hysterische tijden als de onze en dat daarom steeds weer afgedaan wordt als onzin. Een evenwicht dat Karl Haushofer niet kon redden van een gevangenschap in Dachau en Albrecht Haushofer van executie in de nasleep van het conservatieve von Stauffenberg-complot. Een evenwicht dat Karl Haushofer en zijn echtgenote Martha definitief verloren toen ze zich op 10 maart 1946 achtereenvolgens vergiftigden en ophingen (al lijkt me dat, in combinatie met het lot van Hess, sowieso ook weer een eigenaardigheid).

Voeg aan dit alles een een hoofdstuk toe over de Duitse Sonderweg, een gedegen uitleg over de revolutionaire toestand die uiteindelijk Hitler aan de macht bracht, een stavaza van de geopolitiek op het moment van publicatie (2006) en zelfs – al hoefde dat voor mij niet – een hoofdstuk over wat er van Karl Haushofer gemaakt is in de esoterische literatuur, en je weet dat dit boek van Perry Pierik een aanrader is. Lezen dus !

mardi, 02 février 2021

L'histoire de la tradition européenne selon le rebelle Dominique Venner

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L'histoire de la tradition européenne selon le rebelle Dominique Venner

La maison d'édition l'Arco e la Corte a publié l'essai de l'intellectuel français Histoire et tradition des Européens". 30 000 ans d'identité.

par Francesco Marotta

Ex: https://www.barbadillo.it

    "[...]L'histoire est une créatrice de sens. A l'éphémère de la condition humaine, elle oppose le sentiment de l'éternité des générations et des traditions [...]". (Dominique Venner)

510AY7pYSFL._SX355_BO1204203200_-310x433.jpgL’ouvrage est désormais disponible dans toutes les librairies italiennes. Histoire et tradition des Européens. 30.000 ans d'identité de Dominique Venner se trouve donc partout en Italie. Cet essai, publié par L'arco e la Corte, édité par Manlio Triggiani et traduit par Gaetano Marabello, est passé presque inaperçu. Une chose inexplicable, surtout dans ces milieux "culturels" qui devraient lire les écrits de Venner avec plus d'attention, au lieu d'exalter seulement la magniloquence des samouraïs d'Occident. En bref, analyser soigneusement ses œuvres et comprendre sa personnalité est une toute autre chose. Mais comme souvent, pour eux, construire autour de la fin tragique de Dominique le panégyrique habituel qui heurte même sa mémoire, passe avant tout. Mais c'est un essai dans lequel il n'y a presque aucune trace du dernier acte, de "secouer les consciences anesthésiées et de réveiller la mémoire de nos origines". C'est un écrit que nous recommandons en particulier à ceux, nombreux, qui ne connaissent pas ses œuvres, sa passion pour l'histoire et, en même temps, les nuances de l'historien avec son talent descriptif et narratif peu commun.

Dans l'introduction de Gaetano Marabello, sur la base d'un article de Francesco Borgonovo publié dans le journal La Verità du 1er octobre 2018, intitulé "Défendons maintenant les hommes doux et assez de la rhétorique du rebelle", la querelle habituelle se détache : Dominique Venner, le rebelle ou le révolutionnaire ? Borgonovo semble n'avoir aucun doute. Selon le journaliste, l'historien français fait partie du grand groupe catalogué à droite, selon un étiquetage facile, l'inscrivant de plein droit dans le seul rôle du révolutionnaire. Dommage que Venner, quiétait conscient des vicissitudes troublantes de notre époque, qu’il lisait notamment avec les yeux clairs, dépourvus des préoccupations idéologiques de la modernité : il y flairait l'humus des révolutions du Petit Siècle. L'un des traits distinctifs de Venner était son rejet de l'ordre dominant. Ses valeurs ne coïncident pas avec celles de la modernité. Sa conduite humaine dépeignait son intériorité. Pour preuve, il suffit de considérer comment il a été ostracisé pendant longtemps parce qu'il était contre toute orthodoxie. Anticonformiste et lucide dans l'exposé des particularités de la "pensée unique", interdite et souvent raillé par les scribes bien intentionnés, il dédaigne tout ce que les autres recherchent. Dominique Venner, le cœur rebelle, savait dire "Non".

Après avoir terminé ce petit et consciencieux préambule, il est maintenant temps d'aborder l'essai en question. Publié en France en février 2002 par les Éditions du Rocher, Histoire et tradition des européens : 30 000 ans d'identité, montre clairement dès les premières pages qu'il n'y a pas de "Tradition" des peuples européens mais des traditions. Ceux-ci font partie de la notion d'Ethnos, comprise comme une communauté caractérisée par l'homogénéité de la civilisation, de la langue, de l'histoire, de la culture, des coutumes, des traditions et des mémoires historiques, traditionnellement installée sur un territoire donné. Le point de vue de Venner, imprimé dans son exposition captivante, est celui d'un "historien témoin de son temps". Par conséquent, l'histoire et les traditions européennes font inévitablement partie d'une communauté de culture qui ne peut être trouvée "en aucune façon ailleurs". Ses examens font une brèche dans une époque dont la caractéristique principale est le désaveu total des particularités de tout un continent, victime du déracinement, de la pathologie sociale de notre temps. Mais pour comprendre le chaos dans lequel nous vivons, il est nécessaire d'observer les choses en posant des questions importantes.

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En bon Français qu'il était, la question qu’il se posait était évidente : qu'est-ce que la France ? Du point de vue de quelqu'un qui croit en une Europe très différente de la bureaucratisation et de la financiarisation de l'économie : qu'est-ce que l'Europe ? Mais le point central, la hantise, était avant tout la question de savoir ce que nous sommes et où nous allons. Pour Dominique Venner, soit l'Europe s'élève par une volonté de puissance, soit elle est condamnée à périr aux mains d'hommes "dénaturés", ne tirant plus ses richesses des peuples qui la constituent. Et la seule façon qu'il a connue d'exprimer sa pensée a été de voyager à travers l'histoire, en mettant en évidence un héritage spirituel à la merci de l'idéologie de la mondialisation qui se moque de la poésie homérique, des légendes celtiques et nordiques, de l'héritage romain, de l'imagination médiévale et de l'amour courtois. L'objectif de Dominique Venner, on peut le résumer à ceci : apporter des éléments utiles pour ne pas exclure la possibilité pour quiconque d'entreprendre une recherche authentique de nos traditions, en réaffirmant la seule façon que nous connaissons d'"être face à la vie, à la mort, à l'amour et au destin".

Poussant ses investigations dans les méandres de la mythologie grecque, de la mythologie romaine et de la mythologie nordique, son livre ressemble beaucoup à une invitation à faire pleinement l'expérience d'une "certaine humanité" qui est profondément ancrée dans les peuples d'Europe. D'Achille à Ulysse, nous avons des héros qui "expriment un monde intérieur" bien au-delà des contextualisations fournies par une certaine historiographie. Discuter longuement des deux héros, aux passions opposées mais à la même volonté, qui "traversent le temps depuis les poèmes homériques", sans rien faire d'autre que de nous dire comment ils ont consacré leur existence à "se construire par l'exercice du corps et de l'esprit" ; nous parler, de l'Histoire telle que nous la comprenons, le "théâtre de la volonté" qui est alors "une invention européenne" et non le fruit de l'héritage de l'exotisme des XVIIIe et XIXe siècles ; continuellement mis à jour, avec de nouveaux traits stylistiques universels teintés de naïveté. Mais dans cet essai, l'Orient a toute sa place, dépouillé des pièges et assimilant les particularités des autres : "Nous disons Orient, mais l'Orient a tous les visages. L'Égypte n'est pas la Chine, le monde sémitique n'est pas l'Inde", car le substrat des peuples de la Terre est formé par la pluralité des peuples et des cultures particulières. Caché par cette civilisation universelle d'abord, puis par les "cultures multiples", tant vantées par Lévi-Strauss et par l'ethnocentrisme qui imprègne l'idéologie du progrès.

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Dans un paragraphe auquel il a donné un titre sans équivoque, "Tendances suicidaires contemporaines", comme s’il avait eu une vision anticipatrice du désastre que nous vivons aujourd'hui, Venner met l'accent sur ces pulsions autodestructrices des peuples européens, qui essaient de se donner la mort par un suicide collectif tout en aigreur et en fureur : "Il n'y a pas d'exemple historique de civilisation qui ait poussé à un tel degré le refus de survivre et la volonté de se supprimer". Un des héritages des deux guerres mondiales qui est lié au développement bourgeois d'un certain protestantisme (voir aussi les postulats d'un certain catholicisme), ainsi que le mantra d'une sotériologie d'absolution des péchés commis par le biais de l'expiation perpétuelle, en vue d'une possible rédemption et d'un salut. Mais pour sortir de cette dépendance et des résidus des utopies universalistes, "nous sommes obligés de faire un effort intellectuel et spirituel à la hauteur du défi", en prenant soin de toutes ces nuances auxquelles nous n'avons même pas pensé. En particulier, approfondir et élaborer avec de nouvelles synthèses aussi cette herméneutique créative déjà traitée par Mircea Eliade, une source d'inspiration pour la raison qu'"elle révèle des interprétations qui n'étaient pas saisies auparavant" en raison de la tendance à traiter les problèmes avec des grilles interprétatives-idéologiques sur l'état des choses.

Mais le long voyage accompli par Venner, pour rédiger cet ouvrage, tient compte des 30.000 ans de culture européenne, de l'espace géographique où elle s'est développée, avant même les preuves symboliques et esthétiques que l'on trouve dans la grotte Chauvet, en Ardèche, dans le sud de la France. Un fil conducteur qui relie l'histoire des peuples indo-européens aux spécificités de la personnalité des protagonistes de l'Iliade et de l'Odyssée, ou, en termes de linguistique : d'Émile Benveniste à Georges Dumézil, de la Túatha Dé Danann irlandaise au chaudron celtique, du voyage des Pythies au mystère des Hyperboréens, etc. A la fin de son tour du monde à des époques plus récentes, il en vient à comparer les vicissitudes des "poèmes fondateurs" de la culture européenne. Comme La Chanson de Roland écrite dans la seconde moitié du XIe siècle avec Homère, Achille, Priam, Siegfried, Hector, "du héros avant la Destinée", illustrant son essence et le fameux "sentiment d'une communauté de destin". Fournir une clé de lecture qui ressemble à la continuation d'un long voyage, en compagnie de Télémaque, un encouragement pour le lecteur à redécouvrir les expériences et la valeur du voyage : les différentes significations de l'"être" par rapport à nous mais certainement pas "univoque".

Rome est morte à cause de ses conquêtes, lorsque "ses empereurs ont cessé d'être d'origine romaine" et que les Romains eux-mêmes ont été supplantés par des masses d'immigrants de tous les peuples conquis, assimilant leurs traditions, leurs identités, leurs cultures et leur sens du "Sacré". Sans s'en rendre compte, ils sont passés de l'ordre du cosmos à la mortification radicale de l'autosuffisance de l'homme (unicum peccatorum), sanctionnant ainsi l'inversion des pôles, de la mesure à l'excès. Dans ce travail de Venner, l'un des plus importants de sa mouvance, on distingue l'interlocuteur très préoccupé par les dynamiques négatives qui ont investi le Vieux Continent. Il est également une invitation à relire attentivement l'injonction delphique qui dit "Connais-toi toi-même". Dominique, l'historien qui a exploré avec prudence mais grande conscience les secrets de la chevalerie, du sens de la dignité et de l'honneur, de la loyauté et de la générosité, de la courtoisie et de l'éthique du service, avait sans doute une vision verticale des choses dans le monde. Il a parfaitement réussi à combiner ses examens sur le nihilisme et le pillage de la nature avec l'étude des œuvres de Huxley et Orwell, de Guy Debord et des écrits de Flora Montcorbier. Un amateur de longues réflexions qui a lu attentivement "Le Communisme de Marché" : De l'Utopie Marxiste à l'Utopie Mondialiste" du philosophe et économiste, insérant dans cet ouvrage certaines de ses idées sur "la fabrication des zombies", la religion de l'Humanité de l'Occident et l'homo œconomicus du futur, pour une métaphysique renouvelée de l'histoire. On peut comprendre que Dominique, ait pu voir la descente d'Hypnos et de Thanatos, le sommeil et la mort, prêts à conduire l'esprit de l'Europe devant le destin ultime.

*Storia e tradizione degli europei. 30.000 anni d’identità I Dominique Venner (traduzione a cura di Gaetano Marabello e con postfazione di Manlio Triggiani, L’arco e la Corte, Collana “Historiae”, pp. 278, euro 18)

jeudi, 21 janvier 2021

Benoist-Méchin sur le déclin de l'Occident

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Benoist-Méchin sur le déclin de l'Occident

« Pour ma part, je n’ai pas honte de le proclamer – et d’employer pour le dire, les termes les plus honnis – j’ai été ce qu’on appelle un impérialiste et un raciste. J’ai cru, de tout mon cœur, à la supériorité intrinsèque de l’homme blanc. J’ai cru qu’une Europe qui aurait mis en commun toutes ses ressources économiques et militaires, politiques et morales, qu’une Europe capable, par ses institutions, de porter à son sommet ses meilleurs éléments et de mettre en valeur son prodigieux héritage religieux et culturel, j’ai cru que cette Europe-là, était capable d’imposer sa loi au monde et de servir de tuteur aux peuples étrangers. J’ai pensé qu’elle seule était à même d’engendrer une ‘Race de Seigneurs’, susceptible d’empêcher le monde de sombrer dans l’informe et de succomber sous le faix des masses inorganisées. Mais attention. Je charge ici chaque mot de son poids le plus dense. On ne joue pas à la ‘Race des Seigneurs’ ! On l’est ou on ne l’est pas. L’autorité de cette aristocratie dure et lucide n’aurait été acceptée qu’à condition de se fonder sur une supériorité réelle.

Or, force m’est de reconnaître que cette Europe-là n’est plus. On lui a brisé l’échine. Maintenant elle gît à terre, morcelée, disloquée, en proie au pire désordre intellectuel et incapable de poursuivre sa mission ordonnatrice.

Cette Europe en laquelle j’ai cru de toute mon âme, au point, s’il le fallait, d’y sacrifier ma vie – ici encore, je donne à chaque mot son sens le plus formel – je vois bien qu’elle est morte et qu’aucun rêve, aucun effort ne pourront la ressusciter. J’aurais voulu que l’histoire s’engageât dans une autre voie. Mais la page est tournée. Ne cherchons pas à la faire revivre, car l’histoire ne se répète jamais que sous une forme caricaturale.

En soi, c’est déjà triste. Mais s’il n’y avait que cela ! Or, pour la première fois, je me demande si ce rêve d’hégémonie blanche était réalisable. Ni durant mon procès ni durant les années qui ont suivi, je n’ai été effleuré par le moindre doute sur la valeur de la cause pour laquelle j’avais combattu. Ma foi restait entière. Et maintenant, ici au Caire, au contact de cette conférence, je m’interroge pour la première fois et, pour la première fois, je me demande si je ne me suis pas trompé.

Nous croyions que notre lutte déterminerait le sort du monde ‘pour les mille années à venir’. C’était une formule exaltante, mais c’était une illusion. C’était voir trop grand dans le temps, et trop petit dans l’espace. Comme tant d’autres, la victoire d’une Europe fasciste aurait été éphémère.

Que s’est-il donc passé d’assez fort pour modifier mes convictions ? Simplement ceci : j’ai pris conscience depuis lors, une conscience directe, presque physique, de l’ampleur des masses humaines qui peuplent le monde extra-européen et de leur refus grandissant de se laisser gouverner par nous. C’est un facteur qui m’avait échappé, il y a vingt ans, parce qu’il n’apparaissait pas d’une façon aussi évidente. J’avais cru à la pérennité des empires, et j’avais accordé à la race blanche une puissance d’expansion illimitée. Or, penser que nous aurions imposé longtemps notre domination aux peuples de couleur, croire qu’ils auraient accepté longtemps d’être divisés en zones d’influence – même déguisées du nom d’‘espaces organisés’ – ce n’était pas seulement surestimer nos possibilités ; c’était méconnaître les lois de la vie. Ces lois on peut les violenter ; on ne peut pas les anéantir. Elles sont beaucoup plus fortes que les théories politiques. Rien n’aurait empêché ces masses de proliférer. Déjà énormes, elles seraient devenues plus énormes encore. A demi somnolentes, elles se seraient réveillées. Une minorité peut imposer sa loi à une majorité, à condition que cette dernière ne grandisse pas sans cesse. Sinon, le jour arrive où le rapport de forces se trouve inversé. Alors la fin de l’aventure est inéluctable.

[…]

Dans tout cela, ce qui m’inspire, c’est le sort de l’Occident. Il est grand temps qu’il se réveille, qu’il sache que le péril est à ses portes, qu’il risque d’être submergé. Jadis il a surestimé ses forces, aujourd’hui il sous-estime sa fragilité. Il sait qu’il n’est plus invincible, mais il se croit encore attrayant. Qu’il se détrompe. Il attire de moins en moins les esprits et les cœurs parce qu’il a perdu sa foi en lui-même. Il n’a plus les idées déliées et l’imagination créatrice qui faisaient autrefois sa primauté. Il n’est plus le beau fruit mûr, gorgé de jardins et de palais, de fresques et de musiques, qu’ont connu les générations qui ont précédé la nôtre. Il n’est même plus certain des démarches de sa pensée. Le front ridé, la bouche amère et pleine de menaces, il ne s’appuie plus que sur des forces matérielles qui seront bientôt moins grandes que celles des autres continents. Pourquoi dédaigner ce que nous avions d’unique, ce que les autres peuples ne pouvaient imiter ? Pourquoi placer notre espoir de survie dans des mécaniques que le reste du monde ne tardera pas à fabriquer moins cher et en plus grandes quantités que nous. Enfin, au moment où de vastes ensembles humains se groupent et s’organisent, pourquoi maintenir nos divisions, qui nous affaiblissent et nous ruinent ?

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C’est plus que jamais le moment de se rappeler l’avertissement de Proudhon : ‘Le XXe siècle verra l’ère des grandes fédérations, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille ans’. Sachons regarder en face la montée des peuples sous-développés. Mais apportons-lui la seule réponse qui convienne : redevenons nous-mêmes. Libérons-nous d’un matérialisme qui nous dégrade et nous défigure, pour retrouver les valeurs immatérielles qui faisaient notre supériorité. Sachons dégager les grandes lois organiques dont le monde s’est écarté, mais qui n’auraient jamais dû cesser de présider à la croissance des sociétés humaines, car elles sont les seules garantes de la civilisation.

Ah ! je le sens bien, rien n’est encore perdu si l’Occident retrouve sa véritable figure. Ce qui m’angoisse, ce n’est nullement que se forment un monde arabe, un monde africain. C’est qu’il n’y ait pas d’Europe pour leur servir d’exemple et leur faire contrepoids dans la balance des continents. »

(extrait de J. Benoist-Méchin, Un printemps arabe, 1974 ; rédigé en 1957-1958).

mercredi, 20 janvier 2021

Pearse, poète armé

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Pearse, poète armé

Par Marina Naves, rédactrice de « Nôva Resistencia » (Brésil)

Ex : https://therevolutionaryconservative.com

Patrick Pearse (ou Pádraig Mac Piaraisc, en gaélique irlandais), est considéré aujourd'hui comme l'une des principales figures du nationalisme irlandais. Après avoir combattu, après s’être sacrifié pour l'indépendance de l'Irlande – alors colonie britannique - son image s'est transformée en celle d'un martyr ; après tout, Pearse n'a pas seulement pris part au fameux "Easter Rising" (insurrection rebelle et séparatiste qui a pris les rues de Dublin en avril 1916), mais l'a également placé aux côtés d'Éamon de Valera et de Michael Collins.

Pourtant, on parle peu du poète qui a endossé l'uniforme vert et s’est saisi d’armes à feu. Cette impasse sur sa poésie nous fait sans aucun doute perdre la capacité de comprendre et de saisir la question humaine qui se profile derrière le conflit politique et historique. Je propose donc une brève analyse de certains vers du poème Le Rebelle, qui est importante pour comprendre les sentiments d'insatisfaction et de révolte qui nourrissaient les insurgés de Dublin en 1916.

Partant de ce désir d'indépendance proprement dit, les premiers vers du poème soulignent déjà le contraste entre, d’une part, la pauvreté et la souffrance d'un peuple négligé et, d’autre part, l'imaginaire d'une Irlande glorieuse, "pré-normande" (et, par conséquent, "pré-anglicisée") de l'époque des ard-ríor (‘’hauts rois’’) - qui, bien que grands personnages du folklore et de la littérature d’Irlande, "ne détenaient pas de réel pouvoir politique" (ORPEN, 1911, p. 23-24).

"Je suis issu de la semence du peuple, du peuple qui souffre,

Qui n'a pas de trésor mais de l'espoir,

Pas de richesses en réserve, mais un souvenir

D'une gloire ancienne".

“I am come of the seed of the people, the people that sorrow,
That have no treasure but hope,
No riches laid up but a memory
Of an Ancient glory”

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Il faut se rappeler que l'Irlande, quelques décennies avant la rédaction de ce poème, avait traversé une période qui sera connue sous le nom de An Gorta Mór, "Grande Famine", au cours de laquelle plus d'un million de personnes sont mortes par la peste, due à la famine, près de deux millions ont quitté l'île pour, principalement, les États-Unis d'Amérique. Un tel événement a non seulement été dévastateur sur le plan démographique, mais a également provoqué une grave diminution de la pratique du gaélique irlandais, affaiblissant la langue et laissant la place à une plus grande domination culturelle des Anglais.

En poursuivant l'analyse, un autre aspect important du poème réside dans la façon dont le sujet lyrique est présenté comme le portrait des douleurs et des souhaits du peuple au nom duquel il parle; son rôle est donc celui d'un porte-parole qui parlera et se battra en faveur de son peuple, assumant un rôle de martyr dont l'image est, peut-être, la même que celle de Jésus-Christ :

" (...) moi qui ai une âme plus grande que celles des maîtres de mon peuple,

Moi qui ai une vision et une prophétie et le don de la parole enflammée,

Moi qui ai parlé avec Dieu au sommet de sa sainte colline (...)".

“(…) I that have a soul greater than the souls of my people’s masters,
I that have vision and prophecy and the gift of fiery speech,
I that have spoken with God on the top of His holy hill (…)”

L'association avec les images de l'idéal chrétien n'est pas le fruit du hasard : le peuple irlandais possède une forte tradition catholique, et Pearse n'était pas différent. Lors du soulèvement de 1916, il savait que la puissance militaire britannique était supérieure, et que la mort était certaine, d'autant plus qu'il s'était accrédité que le sang des rebelles serait comme le sang du Christ : mort et renaissance - sauver les hommes du péché et l'Irlande de ses chaînes. De même, on pouvait dire que le sacrifice des insurgés était, au moins dans leur esprit de convaincus, tel que le sacrifice de Jésus en étant crucifié.

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Enfin, l'auteur amène aussi son poème vers le sentiment d'insurrection et de révolte qui se fortifie à chaque pulsation, approuvant de plus en plus le désir de révolution et de changement, criant aux maîtres de son peuple - les bourgeois, les Britanniques - un avertissement de ce qui est sur le point de se produire dans la réalité d'un autre monde, au-delà des paroles.

"Et je dis aux maîtres de mon peuple Prenez garde,

Méfiez-vous de ce qui s'en vient, méfiez-vous des ressuscités,

Qui prendront ce que vous ne donniez pas.

Avez-vous pensé à conquérir le peuple,

Ou que la Loi est plus forte que la vie et que le désir des hommes d'être libres ?

Nous allons l'expérimenter avec vous, vous qui vous êtes pressés et qui avez tenu bon,

Vous qui avez intimidé et soudoyé, des tyrans, des hypocrites, des menteurs !"

And I say to my people’s masters: Beware,
Beware of the thing that is coming, beware of the risen people,
Who shall take what ye would not give.
Did ye think to conquer the people,
Or that Law is stronger than life and that men’s desire to be free?
We will try it out with you, ye that have harried and held,
Ye that have bullied and bribed, tyrants, hypocrites, liars!

Références :

ORPEN, G. H. Ireland under the Normans, Oxford, 1911.

Source :

http://novaresistencia.org/2019/08/18/pearse-e-o-poeta-po...

dimanche, 17 janvier 2021

Musique pour un empire : de Glinka à Tchaïkovski

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Musique pour un empire : de Glinka à Tchaïkovski

Sergio Fernández Riquelme

Ex: https://adaraga.com

Chaque empire a besoin d'une expression sonore. Et une génération de compositeurs a mis en musique la grandeur dont la dynastie Romanov avait besoin pour son autocratie. C'est Mikhail Glinka qui a été le premier représentant de ce mouvement culturel et artistique. Inspiré par la musique traditionnelle hispanique (qu'il a recueillie dans son ouvrage Las oberturas españolas), il a construit sous le règne de Nicolas I la première musique nationaliste russe dans ses compositions Una vida por el Zar (= Une vie pour le Tsar, 1836) et Ruslán y Liudmila (1842, sur le livret de Pouchkine), qui ont pour la première fois introduit des mélodies populaires nationales dans le genre académique de l'opéra grand-européen.

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Mikhail Glinka.

Leur œuvre exaltée et célèbre a inspiré Mili Balakirev, Cesare Cui, Modest Moussorgski, Nikolai Rimski-Korsakov et Aleksandr Borodin. Connus sous le nom de "Les Cinq Grands", prenant pour modèle les courants romantiques européens de l'époque, ils ont développé depuis les années 50 du XIXe siècle la "musique nationaliste russe" la plus connue. Le point de départ a été lorsqu'en mai 1867, le critique Vladimir Stasov a écrit l'article "Le concert slave de M. Balakirev" (événement organisé avant la visite des délégations slaves à l'exposition ethnographique russe à Moscou) où les œuvres de Balakirev, Glinka et Rimski-Korsakov ont été jouées, et où il a souligné que "Dieu a permis à nos invités slaves de ne jamais oublier le concert d'aujourd'hui, Dieu leur a permis de conserver dans leur mémoire combien de sentiments, de poésie, de talent et d'intelligence sont possédés par la petite mais déjà grande poignée de musiciens russes".

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Moussorgski.

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M. Balakirev.

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César Cui.

Un groupe de jeunes musiciens autodidactes, formé après une première rencontre entre Balakirev et Cui, rejoint Moussorgski en 1857 (militaire), Rimski-Korsakov en 1861 (officier de marine) et Borodine en 1862 (chimiste). Issus de l'aristocratie provinciale, ils étaient conscients d'un "esprit de corps" authentiquement russe, avec un langage musical qui leur était propre par opposition à l'académie classique du populaire Tchaïkovski, et du formalisme excessif de Mikhaïl Glinka et d'Alexandre Dargomizhsky. Ils sont restés profondément unis jusqu'en 1870, date à laquelle leur éloignement de la vie musicale centrée autour de Balakirev a commencé. Leur langue, étrangère au conservatoire, se caractérisait par l'incorporation de la musique traditionnelle (des danses cosaques et caucasiennes aux chants d'église et à l'utilisation des cloches), par l'imitation de paroles paysannes et la préservation des aspects distinctifs de la musique folklorique russe (mutabilité tonale, hétérophonie et gamme hexagonale) en surmontant la sonorité ou l'harmonie occidentale, et par leur amour pour les thèmes orientaux particuliers qui avaient historiquement construit le caractère national russe ; Cet "orientalisme" profond était évident dans Islamey de Balakirev, Prince Igor de Borodine et Shéhérazade de Rimski-Korssakov.

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Rimski-Korsakov.

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Danses polovtsiennes.

Nous avons là une génération unique d'auteurs avec des œuvres d'une énorme importance. Balakirev, aristocrate et mathématicien, est l'auteur de l'ouverture fantaisiste sur le thème d'une marche espagnole, du poème symphonique Tamara, et de sa première Symphonie 1 en do majeur. Borodine, fils illégitime d'un noble et chimiste géorgien, a laissé à la postérité l'œuvre précitée (avec ses célèbres Danses polovtsiennes) et les quatuors à cordes Dans les steppes d'Asie centrale. Rimski-Korsakov, le grand maître de l'orchestration, a composé des œuvres de la stature du Caprice espagnol, l'Ouverture de la Grande Pâque russe ou la suite symphonique Schéhérazade que nous venons d’évoquer. Moussorgski, fils d'un propriétaire paysan, est à l'origine de l'opéra populaire Boris Godounov et des légendaires poèmes symphoniques Une nuit sur le mont Pelado et Images à une exposition. Et le militaire russe Cui, d'origine française, a écrit des compositions remarquables telles que Le Prisonnier du Caucase, Le Fils du Mandarin et La Fille du Capitaine, ou la musique du célèbre thème Le Chat botté de Perrault.

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Le Lac des cygnes.

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Opéra Eugène Onéguine.

Et face aux cinq grands patriotes, nous trouvons le célèbre et classique Piotr Tchaïkovski, auteur de certaines des plus belles et des plus célèbres pièces musicales, comme les ballets Le Lac des cygnes, La Belle au bois dormant et Casse-Noisette ou l'opéra Eugène Onéguine. Élève d'Anton Rubinstein et de Nikolai Zaremba dans la société musicale russe et au Conservatoire de Saint-Pétersbourg, il s'est toujours considéré comme un perfectionniste et a toujours recherché la célébrité ; c'est pourquoi son travail professionnel et sa sensibilité envers le monde occidental lui ont valu la faveur de publics à l'autre bout du monde, mais presque jamais l'acceptation des musiciens et des critiques de son époque dans son pays. Il a cependant forcé le respect de la scène musicale nationaliste, en particulier du futur Cercle Beliáyev, une société de musiciens russes de Saint-Pétersbourg qui a existé entre 1885 et 1908, avec des étudiants de Rimski-Korssakov comme Aleksandr Glazunov et Anatoli Liádov, et parrainée par l'homme d'affaires Mitrofán Beliáyev ; Bien qu'opposé à la tendance artistique aristocratique et libérale du magazine Mundo del Arte, ce cercle appréciait la capacité de construction de Tchaïkovski et son esthétique thématique, assumant des modèles occidentaux parfaitement adaptés.

Sergio Fernández Riquelme.

Sergio Fernández Riquelme est historien, docteur en politique sociale et professeur d'université. Il est l'auteur de nombreux livres et articles sur la recherche et la diffusion dans le domaine de l'histoire des idées et de la politique sociale, et est un spécialiste des phénomènes communautaires et identitaires passés et présents. Il est actuellement le directeur de La Razón Histórica, une revue hispano-américaine sur l'histoire des idées.

histoire, musique, russie, Nicolás II, mártir para unos y errático para otros, fue el último zar de todas de las Rusias. En pocos años cayó el inmenso Imperio ruso, dando lugar al triunfo de la primera revolución comunista del mundo, profetizada por Leontyev como la victoria del anticristo. Sergio Fernández Riquelme es historiador, doctor en política social y profesor titular de universidad. Autor de numerosos libros y artículos en el campo de la historia de las ideas y la política social, es especialista en los fenómenos comunitarios e identitarios pasados y presentes. En la actualidad es director de La Razón Histórica, revista hispanoamericana de historia de las ideas.

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samedi, 16 janvier 2021

Le visage ambigu de la révolution conservatrice allemande

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Le visage ambigu de la révolution conservatrice allemande

Luca Leonello Rimbotti

Ex: https://www.centrostudilaruna.it

La Révolution conservatrice - un phénomène essentiellement allemand, mais pas seulement - était un réservoir d'idées, un laboratoire, dans lequel infusaient tous ces idéaux qui, d'une part, rejetaient le progressisme des Lumières occidentales, et, d’autre part, préconisait le dynamisme d'une révolution de grand style : mais dans le sens d'un renouveau, d'un retour à la tradition nationale, à l'ordre des valeurs naturelles, à l'héroïsme, à la communauté du peuple, à l'idée que la vie est une lutte tragique mais aussi magnifique.

Entre 1918 et 1932, ces idéaux ont eu des dizaines de partisans d'une grande profondeur intellectuelle, selon un éventail très large de variations idéologiques : de la petite minorité de ceux qui ont vu dans le bolchevisme l'aube d'une nouvelle conception communautaire, à la grande majorité de ceux qui ont plutôt lutté pour l'affirmation extrême du destin européen à l'ère des technologies de masse, en gardant intactes, voire en les relançant de manière révolutionnaire, les qualités traditionnelles liées aux origines du peuple : identité, histoire, lignée, patrie, culture. Parmi ces derniers, de loin les plus importants, se trouvaient des personnalités du calibre de Jünger, Schmitt, Moeller van den Bruck, Heidegger, Spengler, Thomas Mann, Sombart, Benn, Scheler, Klages et bien d'autres. Dans le Sodome chaotique qu'était la République de Weimar - où la crise du Reich était lue comme la crise de tout l'Occident libéral - tous ces esprits avaient un dénominateur commun : s'engager dans la lutte pour s'opposer à la désintégration de la civilisation européenne en rétablissant l'ordre traditionnel sur des bases modernes par la révolution. Malheureusement, aucun d'entre eux n'a jamais été homme politique. Et peu d'entre eux avaient même une culture politique. Cette absence de sensibilité politique est la raison pour laquelle, le moment venu, l'enjeu historique a trop souvent été méconnu. Et, parmi les plus célèbres, seuls quelques-uns ont compris que le destin ne peut pas toujours avoir le visage que nous imaginons dans le silence de nos études, mais qu'il apparaît parfois soudainement, parlant le langage simple et brutal des événements.

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Ils ont écrit sur une Allemagne à restaurer dans sa puissance, ils ont proposé à leurs lecteurs un type d'homme héroïque et courageux, métallique, qui dominerait le nihilisme de l'époque moderne ; ils ont décrit la civilisation occidentale comme le plus grand des maux, le progrès comme une sinistre diablerie, le capitalisme comme une lèpre d'usuriers, l'égalitarisme et le communisme comme des cauchemars primitifs... et ils sont retournés aux racines du germanisme, aux sources de l'identité. Armé de Nietzsche et d'anciens mythes dionysiaques, il y a même eu ceux qui ont rallumé les feux de ces nuits primordiales où l'homme européen est né ... Pourtant, quand tout cela a pris vie sous leurs fenêtres, quand les mythes et les invocations ont pris la forme d'hommes de chair et de sang, d'un parti, d'une volonté politique, d'une voix, quand l'"homme d'acier" décrit dans les livres a frappé à leur porte dans les formes stylisées de la politique, beaucoup de yeux se sont détournés, beaucoup d'oreilles ont commencé à ne plus nous entendre... Le vieux syndrome du rêveur, qui ne veut pas être dérangé même par son propre rêve qui prend vie... La révolution conservatrice allemande a souvent exprimé la tragique cécité de beaucoup de ses épigones face à l’émergence de bon nombre de leurs constructions théoriques.

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Ils n'ont pas voulu reconnaître le son d'un carillon, dont le tintement est largement sorti de leurs propres livres. Puis, soudain, tout est devenu trop "démagogique", trop "plébéien". L'intellectuel voulait laisser le militantisme, la vraie lutte, à ceux qui acceptaient de se salir les mains dans les faits. Ainsi, certaines dérives du national-socialisme peuvent être historiquement attribuées à la réticence d'intellectuels et d'idéologues, qui n'ont pas participé à la "lutte pour les valeurs" et qui, après avoir longuement prêché, se sont isolés au moment de l'action dans un petit monde de romans et de digressions. La mentalité de club est-elle vraiment un "exil intérieur" ou est-elle plutôt désertion face à ses propres idéaux ? Et pourtant, un certain espace critique a existé, à l’époque, même au sein du régime totalitaire, car beaucoup d’historiens font état de luttes idéologiques internes sous le Troisième Reich, de controverses, de divergences de vues : Rosenberg ne pensait certainement pas comme Klages ; Heidegger et Krieck étaient des opposants politiques campés sur des rivages différents... Prenons Jünger. Toujours en 1932, il avait parlé de la Herrschaft, de la Hiérarchie des Formes, de la Sagesse des Ancêtres, du Guerrier, du Réalisme Héroïque, de la Force Primordiale, du Soldat Politique, de la "Masse qui voit son existence réaffirmée par l'Individu doté de la Grandeur"... Rappelons au passage que Jünger a collaboré, dans les années 20, aux journaux les plus connus du nationalisme radical, également au Völkischer Beobachter, le journal national-socialiste, et qu'en 1923 il a envoyé à Hitler un exemplaire de son livre Orages d’acier, avec une dédicace... À la lumière des faits, est-il peut-être temps de considérer ces proclamations uniquement comme de bons exercices littéraires ? Dans le feu de la véritable lutte pour la domination politique globale, qui va bientôt se déclencher pendant les années décisives de la Seconde Guerre mondiale, nous retrouvons Jünger non pas dans les tranchées où il avait été dans sa jeunesse, mais aux tables des cafés parisiens. On le voit ici décidé à se moquer d'Hitler dans le secret de son journal, aux pages duquel il se réjouit de l'appeler par le surnom de Knièbolo. Tout cela était-il une "frange" ésotérique ou une paupérisation du talent idéologique ? Un exemple historique de haute dissidence aristocratique ou un pathétique épuisement d'un ancien courage de militant ?

Et Spengler ? Lui aussi, après avoir prédit le réarmement du germanisme et de la civilisation blanche, dès que ces postulats ont eu l'ébauche d'un parti politique qui semblait les prendre au sérieux, il s'y est opposé avec un détachement dédaigneux. Et Gottfried Benn ? Après avoir chanté les destinées de "l'homme supérieur qui combat tragiquement", après avoir célébré la "bonne race" de l'Allemand qui a "le sentiment de sa terre natale", en voyant que tout cela devenait un État, une loi, une politique, il a laissé tomber sa plume....

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Mais la révolution conservatrice, à vrai dire, n'a pas été que cela. C'était aussi le socialisme de Moeller, l'anti-économisme de Sombart, l'idée nationale et populaire de Heidegger, le philosophe-paysan proche des SA. En effet, la majorité des personnes affiliées aux différents groupes révolutionnaires-conservateurs ont rejoint la NSDAP, contribuant ainsi largement à la consolidation de sa pensée politique et, dans certains cas, devenant ses hommes de tête : on pense à Baeumler et à Krieck. Selon Ernst Nolte - le plus grand historien allemand contemporain - la Révolution conservatrice a eu l'occasion d'être davantage une révolution qu'une conservation, uniquement parce qu'elle s’est mêlée à la voie politique nationale-socialiste : à un parti de masse, à une propagande moderne, à un leader charismatique capable de viser le pouvoir. Tout ce qui manquait aux théoriciens. « Le national-socialisme n'était-il pas, se demandait Nolte, simplement une négation de la Révolution française et de la Révolution bolchevique-communiste, il était une contre-révolution aussi révolutionnaire que la Révolution conservatrice aurait pu l'être ».

Après tout, comme l'a déclaré l'expert le plus expérimenté en ces sujets, Armin Mohler, "le national-socialisme reste une tentative de réalisation politique des prémisses culturelles présentes dans la révolution conservatrice". La tentative posthume de découpler la RC du NSDAP est objectivement anti-historique : essayez d'additionner les thèmes idéologiques des différents mouvements nationaux-populaires de l'époque de Weimar, et vous obtenez l'idéologie nationale-socialiste.

* * *

Extrait de Linea du 25 juillet 2004.

mercredi, 13 janvier 2021

America First: 1939–1941

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America First: 1939–1941

thoseangrydays-200x300.jpgLynne Olson
Those Angry Days: Roosevelt, Lindbergh, and America’s Fight over World War II, 19391941
New York: Random House, 2013

The idea of America First policy is back after a long hiatus. The first proponent for such a policy was none other than George Washington. He endorsed the idea in his farewell address [2], stating:

The nation which indulges towards another a habitual hatred or a habitual fondness is in some degree a slave . . . which is sufficient to lead it astray from its duty and its interest. Antipathy in one nation against another disposes each more readily to offer insult and injury, to lay hold of slight causes of umbrage…when accidental or trifling occasions of dispute occur. Hence, frequent collisions, obstinate, envenomed, and bloody contests.”

The president who took an opposing view [3] was John F. Kennedy:

“Let every nation know, whether it wishes us well or ill, that we shall pay any price, bear any burden, meet any hardship, support any friend, oppose any foe to assure the survival and the success of liberty.” (My emphasis.)

How the standard wisdom went from Washington’s concern for entangling foreign alliances to Kennedy’s declaration that he’ll bet the farm on the liberty of an ally occurred in the years between 1939 and 1941. The great issue was whether or not the United States should become involved in World War II.

How that debate occurred is documented by Lynne Olson’s [4] book Those Angry Days: Roosevelt, Lindbergh, and America’s Fight over World War II, 19391941. The book is highly illuminating. The controversy was hot and heavy from the start of World War II in 1939 until the attack on Pearl Harbor. The quarrel split families, caused fistfights in Congress, and led to deplatforming and other forms of nastiness. When reading about the conflict, there is a raw sense of current events to it also.

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For example, how far does America go to protect an ally? If an ally is spying on one’s citizens, are they really an ally? Are “dictators” an automatic evil or are they a rational response to a nation’s foreign and domestic threats? How big should the military be in a time of peace? Are Jews full citizens or a separate people pursuing their own interests?

To Fight or Not to Fight

The two men that personified the struggle are Charles A. Lindbergh and Franklin Delano Roosevelt. Lindbergh, the first man to cross the Atlantic solo in an airplane, believed the United States should keep out of the war in Europe. Roosevelt was the chief interventionist. Or, more accurately, Roosevelt’s passionate supporters caused him to be an interventionist.

Lindbergh’s and Roosevelt’s mutual dislike went back to a controversy in 1934. Roosevelt wanted to end any appearance of impropriety involving airmail contracts to private aviation firms by using Army Air Corps aircraft to deliver the mail. Lindbergh argued that the Army’s aircraft were not suited to the role for technical reasons. After several crashes, Roosevelt went back to contracted aircraft. Lindbergh won his first round against the President.

In September 1939, the antipathy between the two men intensified when the British declared war on Germany for invading Poland. Lindbergh and the isolationists felt that the United States should stay out of the war. They were motivated by the unsavory end to the First World War.

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In brief, the United States had lent money to various Allied powers. Thus Americans were drawn into the conflict to protect their investments, then weren’t paid back anyway. World War I killed 500 Americans per day during the Meuse-Argonne Offensive, so the price for involvement was steep. The British also loaded armaments on passenger ships and flew the US Flag on these ships to deceive German U-Boats. When those passenger ships were sunk, Americans understood they were being manipulated by the British. Additionally, British propaganda about “The Hun” had been proven false before the 1920s were finished. Furthermore, there was a sense that the British were not an innocent party in the war — they were an imperialist power.

Shortly after the start of hostilities, Lindbergh argued for [5] an American policy along the following lines:

  1. An embargo on offensive weapons and munitions.
  2. The unrestricted sale of purely defensive armaments.
  3. The prohibition of American shipping from the belligerent countries of Europe and their danger zones.
  4. The refusal of credit to belligerent nations or their agents.

He further argued that the United States had an important racial connection to all of Europe that should not be forgotten in a time of increasing Japanese belligerence and other problems with non-whites.

Since Lindbergh was already a national hero, people took notice.

Meanwhile, there was a highly active pro-intervention group consisting of different factions with different backgrounds and motivations. Olson mentions Jewish pressure in Hollywood, but she doesn’t say much about Jewish influence in the Roosevelt administration. Olson also mentions “anti-Semites,” but puts them in the category of kooks rather than the serious thinkers that they were. Of that, Wilmot Robertson says,

Instead of submitting anti-Semitism to the free play of ideas, instead of making it a topic for debate in which all can join, Jews and their liberal supporters have managed to organize an inquisition in which all acts, writings, and even thoughts critical of Jewry are treated as a threat to the moral order of mankind. The pro-Semite has consequently made himself the mirror image of the anti-Semite . . . the Jewish intellectual who believes passionately in the rights of free speech and peaceful assembly for all, but rejoices when permits are refused for anti-Semitic meetings and rocks crack against the skulls of anti-Semitic speakers. [1] [6]

In addition to the organized Jewish community, several other groups supported American involvement in the conflict. Some were American Anglophiles who were prominent in New England. There was also a sub-set of men who can be called the Plattsburg graduates.

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The Plattsburg graduates were upper-class Americans who had attended military training in Plattsburg, New York in 1915. These men went on to become officers during the First World War. They were not isolationists so much as men wishing the nation be prepared for conflict should it come. Although they had some training, many of their enlisted soldiers were rushed into battle with only two days’ training. Since they were prominent men as well as veterans, people took notice of their ideas. They pushed for enlarging the armed forces in 1940.

A First Look at the Isolationists’ Problems

The isolationists’ main problem was that the German point of view was never well-received by Americans. The fact that Hitler was greeted with flowers in Austria, the Sudetenland, and other parts of German-speaking Europe just didn’t register. Instead, the public felt that Nazi Germany was an enormous threat. The German American Bund, a pro-Nazi group based in New York City, were painted as “fifth columnists” in the media. German books and publications that stated their case didn’t sell.

Fascist optics have never worked in America.

Interventionist Dirty Tricks and Metapolitics

The pro-interventionist faction had two things going for them: dirty tricks and great metapolitics. The British government focused on intelligence gathering on isolationists, German diplomats in the US, and German sympathizers. This included wiretapping as well as infiltration of spies by the British, the FBI, and private groups like the Jewish Anti-Defamation League (ADL). The ADL didn’t use Jews as spies; they found whites to do the job.

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Other than a few exceptions, most isolationists had no connection to any foreign government and they weren’t able to draw upon organizational resources or any government to do the same to their enemies.

The dirty tricks weren’t as important as metapolitics:

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One of the best metapolitical leaders for intervention was Robert E. Sherwin [9], a playwright who came to believe that America should enter the war. Many of his plays were made into influential pro-intervention movies. Some of the outstanding movies based on Sherwin’s work were:

  • Waterloo Bridge [10] (1940): This is a fallen woman/romance story that made the British look cool.
  • Abe Lincoln in Illinois [11] (1940): “The implied comparison of America’s dilemma in the 1850s to that in the late 1930s was clearly understood by the play’s audiences. Heywood Broun of the New York World called Abe Lincoln in Illinois “the finest piece of propaganda ever to come into our theater. . . . To the satisfied and the smug, it will seem subversive to its very core. And they will be right. . . . It is the very battle cry of freedom.” [2] [12]

Pastor-Hall-images-94004dff-57c6-41b4-a00a-ed9815faef8.jpgOther pro-intervention movies were:

  • Pastor Hall [13](1940): This film tells the story of a Christian minister put in a Nazi prison camp. It is probably more fiction than fact.
  • That Hamilton Woman [14] (1941): Starring Vivian Leigh, it compares Hitler to Napoleon and endorses war against dictators.
  • Mrs. Miniver [15] (1942): This film follows the life of a happy upper-middle-class English family that participates in the Dunkirk evacuation and the following Battle of Britain. It is the best of the pro-war films of the early 1940s.

No Hollywood movies were portraying the Communists in Europe during the 1920s and 30s in a poor light. There was nothing about Germans stranded in dysfunctional new Eastern European nations following the collapse of the Austro-Hungarian Empire. There was nothing about Bela Kun, Soviet atrocities, or Gulags. The pro-intervention movies were “propaganda with a very thick coating of sugar.” [3] [16]

An Incident Was Inevitable . . .

By late 1941, the Battle of Britain was over, but the Roosevelt administration had drafted many young men into the armed forces where they trained with wooden rifles or trucks labeled “tank.” Morale was low, and the economy had not shifted to producing war equipment. Meanwhile, Roosevelt also adopted the Lend-Lease Policy. This allowed the British to get American aid, and it effectively made America a British ally, albeit a non-belligerent one.

By this point, Lindbergh felt that war was inevitable. It was only a matter of time before some incident would draw the United States into the fray. On September 11, 1941, Lindbergh decided to deliver a speech [17] explaining which factions had pushed America into a corner. He identified the three factions as the British, the Roosevelt administration, and the Jews. The Des Moines speech was entirely true, and it led to an explosion in the national conversation. Any criticism of Jewish interests carries the charge of anti-Semitism. [4] [18] Olson argues that the speech caused the American public to focus on Jewish issues rather than avoiding entry into the conflict.

The incidents were already on the way, though, so it hardly mattered. The US Navy was escorting merchant ships to Britain as far as Iceland, and the USS Greer had already fired shots at a German U-Boat.

Between September and December 1941, the isolationists retained a solid grip on the public mind and confined pro-war activists a great deal. Wrinkles from the USS Greer incident could be smoothed over. Then isolationist newspaper, the Chicago Tribune, owned by the isolationist Robert R. McCormick, published a leaked War Department plan to fight Germany. Ironically, the plan was created by a pro-German American army officer, Albert Coady Wedemeyer, and it was used when war came. The leak was probably made by US Army Air Forces General “Hap” Arnold.

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Then came Pearl Harbor.

In the wake of the devastation in Hawaii, the isolationists admitted that the United States had to go to war — with Japan. And the President agreed with them. The US only declared war on Japan. It was Hitler who declared war on the United States following the attack. Had that not occurred, it is highly likely that America would have cut aid to England and Russia and focused on the Pacific. The conflict in Europe would have played out far differently.

Charles Lindbergh spent the war as an industry consultant. He ceased criticism of Roosevelt and became a test pilot and aircraft developer. The pro-German Wedemeyer helped the invasion of Normandy and became a general officer. Other prominent America First activists joined the war effort and did heroic service. One of them, Gerald Ford, eventually became president. Another isolationist who became president was John Kennedy. Indeed nearly all the isolationists turned out to be heroes later, but most had to “disavow,” to a degree, their previous activism.

The far-Right of the isolationists, William Dudley Pelley and Laura Ingalls [19] (the aviator, not the girl from Little House on the Prairie) (photo) were sent to jail for a time under trumped-up charges.

Laura_Ingalls_aviator_2a.jpgAmerica First and isolationism still matter. Indeed, the isolationists were not proved wrong. They could claim that they had kept America neutral until it was attacked by a treacherous foe. They did, however, make mistakes that can be discussed in retrospect.

Isolationist Failings 

The Second World War was not caused by Hitler, it was caused by the reaction to his rise to power. Hitler was greeted with the same hysteria by the same sorts of people that got hysterical over Trump. Hitler’s movement could have been tempered by the ordinary workings of the representative government, but an Antifa mattoid burned down the Reichstag, allowing Hitler to assume emergency powers.

Additionally, the British drew the red line against Hitler in the wrong place. It should have been drawn between Germany and France and Germany and the Low Countries. Instead, it was drawn at Poland. Once the British and French drew the line in Poland, it was only a matter of time before the United States was involved due to the many ties between the two nations. In the end, isolationism came apart when the Japanese attacked Pearl Harbor.

There was also never creative output on the part of the isolationists that matched the pro-war effort. Anne Lindbergh’s book that supported America First ideas, The Wave of the Future, was difficult to understand. Futurist books are always iffy. In addition to good movies, the interventionists had Dr. Seuss as a cartoonist who portrayed isolationists as ostriches with their heads in the sand. There were also many pro-intervention newspaper editors and reporters.

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America’s Yankee elite was terribly divided. Yankees from the Mid-West tended to support isolationism. Those in New England wanted preparedness, if not outright interventionism. Meanwhile, the hostile organized Jewish community was united in pushing for war. Therefore, criticism of Jews as war agitators could be balanced by many examples of blue-blooded Northeastern WASPs who were members of Jew-free country clubs that supported interventionism.

Epilogue

The isolationists did shape policy to such a degree that the British paid a dear price for World War II. To get the Lend-Lease Act passed, Roosevelt pressured the British government to sell large British holdings in the United States. [5] [20] This action was repeated enough times that by the end of the conflict, Britain had debts and no assets to generate income to pay the debts. Additionally, the Labour Party made several poor economic decisions after they came to power at the end of the war. The British were the richest and most powerful people in the world in 1914. By the winter of 1946, the British were on food rations and they were suffering a coal shortage.

The isolationists were also not wrong about Jewish and Communist influence on American policy. In the aftermath of World War II, the political Right in Hollywood organized a blacklist and removed the worst of the lot. American cultural products flourished afterward. The music, movies, and television of the 1950s remain the gold standard. Consider that there are TV channels devoted to shows from the 50s and early 60s, but none replay the 1980s sitcom Head of the Class or the late 1970s’ Welcome Back Kotter. The America First Right also used the various tools — anti-subversion acts, anti-totalitarianism measures, et cetera that were designed for use against American “Nazis” — against Communists.

The interventionists were right about other things too. It became standard wisdom that “dictators” were always a threat, and Hitler could have been “stopped at Munich” before the war. Events in Iraq, Egypt, and Libya during the Arab Spring have proven that anarchy is far worse than “dictators.” Furthermore, stopping “aggression” at some figurative “Munich” is not always a viable option. Those who escalated the Vietnam War genuinely believed they were stopping a “Hitler” at the “Munich” of South Vietnam.

The questions raised by the America First and isolationist movements remain valid today.  How far should America go to support an ally? How can we take sides in far-off wars involving nations with vastly different cultures than our own? How big should America’s military be? When is the right time to get involved?

Notes

[1] [21] Wilmot Robertson, The Dispossessed Majority (Cape Canaveral, Florida: Howard Allen Press, 1981), p. 187.

[2] [22] Ibid., 109.

[3] [23] Ibid., 409.

[4] [24] One of Lindbergh’s supporters during this time was Kurt Vonnegut. He would go on to serve in the Battle of the Bulge and was a prisoner of war in Dresden when it was firebombed in 1945. Vonnegut would go on to write Slaughter House Five, perhaps one of the greatest anti-war works of literature.

[5] [25] For further reading on this matter, I suggest The Last Thousand Days of the British Empire (2009).

Article printed from Counter-Currents: https://counter-currents.com

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[1] Image: https://counter-currents.com/wp-content/uploads/2021/01/thoseangrydays.jpeg

[2] farewell address: https://www.ourdocuments.gov/doc.php?flash=true&doc=15&page=transcript

[3] an opposing view: https://www.jfklibrary.org/archives/other-resources/john-f-kennedy-speeches/inaugural-address-19610120

[4] Lynne Olson’s: http://www.lynneolson.com/

[5] argued for: http://www.charleslindbergh.com/americanfirst/speech3.asp

[6] [1]: #_ftnref1

[7] Image: https://counter-currents.com/wp-content/uploads/2020/10/HERES-THE-THING-scaled.jpg

[8] here.: https://counter-currents.com/2020/10/heres-the-thing-selected-interviews-vol-2/

[9] Robert E. Sherwin: https://www.imdb.com/name/nm0792845/?ref_=ttfc_fc_wr4

[10] Waterloo Bridge: https://www.imdb.com/title/tt0033238/fullcredits?ref_=tt_ov_wr#writers/

[11] Abe Lincoln in Illinois: https://www.imdb.com/title/tt0032181/

[12] [2]: #_ftnref2

[13] Pastor Hall : https://www.imdb.com/title/tt0032894/

[14] That Hamilton Woman: https://www.imdb.com/title/tt0034272/

[15] Mrs. Miniver: https://www.imdb.com/title/tt0035093/?ref_=nv_sr_srsg_0

[16] [3]: #_ftnref3

[17] deliver a speech: https://modernhistoryproject.org/mhp?Article=Lindbergh1941

[18] [4]: #_ftnref4

[19] Laura Ingalls: http://wesclark.com/burbank/ingalls.html

[20] [5]: #_ftnref5

[21] [1]: #_ftn1

[22] [2]: #_ftn2

[23] [3]: #_ftn3

[24] [4]: #_ftn4

[25] [5]: #_ftn5

dimanche, 10 janvier 2021

L'idée impériale japonaise chez Karl Haushofer

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L'idée impériale japonaise chez Karl Haushofer

Outre la géopolitique, la plus grande passion intellectuelle du professeur et général bavarois était l’Empire du Soleil Levant

par Riccardo Rosati

Ex: https://www.barbadillo.it

haushofer-sviluppo-idea-imperiale-nipponica.jpgLa maison d'édition de Parme, méritante et courageuse, All’Insegna del Veltro, dirigée par l'excellent traditionaliste Claudio Mutti, a publié, il y a déjà quelques années, plusieurs textes fondamentaux du savant et yamatologue (= japonologue) allemand Karl Haushofer (1869-1946), fondateur en 1924 de la prestigieuse Zeitschrift für Geopolitik ("Revue de géopolitique") et auteur de nombreux ouvrages liés à la géopolitique. Il était un défenseur tenace de la nécessité d’unir la masse continentale eurasienne. Dénoncé comme un idéologue du soi-disant expansionnisme d'Hitler, Haushofer était au contraire authentiquement anti-impérialiste. D'ailleurs, son plus grand connaisseur dans notre mouvance, le Belge Robert Steuckers, est profondément convaincu que la Géopolitique de Haushofer était précisément "non hégémonique", en opposition aux intrigues des puissances thalassocratiques anglo-saxonnes voulant une domination totale sur le monde, puisque ces dernières empêchaient le développement harmonieux des peuples qu'elles soumettaient et divisaient inutilement les continents.

GiuseppeTucci1.jpgOutre la géopolitique, la plus grande passion intellectuelle du professeur et général bavarois était le Japon, qu'il a analysé, à son époque, avant la première guerre mondiale, d'un point de vue absolument original. Pour démontrer l’excellence et l'utilité des écrits de Haushofer sur le Pays du Soleil Levant, il faut mentionner un fait : il a été impliqué par le grand orientaliste italien Giuseppe Tucci (1894 - 1984) (photo) dans les activités de l'IsMEO (Institut italien pour le Moyen-Orient et l'Extrême-Orient). En effet, il a été invité à Rome par cet institut pour donner deux conférences. Son texte, Le développement de l'idée impériale japonaise, n'est qu’un extrait de la deuxième conférence donnée par Haushofer, le 6 mars 1941, en pleine Seconde Guerre mondiale ! Le texte est à insérer, historiquement, comme le souligne l'éditeur du "Cahier", le regretté Carlo Terracciano, dans le contexte des activités culturelles promues par Tucci lui-même.Celui-ci visait à informer et à sensibiliser l'intelligentsia italienne sur les opportunités et les nécessités, ainsi que sur les problèmes, de l'unité géopolitique de l'Eurasie, afin d'orienter la politique nationale vers la promotion d'une vision culturelle géopolitiquement centrée sur les relations entre l'Europe et le continent asiatique.

Les intuitions brillantes et toujours d'actualité de Tucci

Lorsque nous parlons de Giuseppe Tucci, nous devons nous rappeler que nous faisons référence à l'homme qui est considéré par de nombreux spécialistes du domaine de l’orientalisme comme le plus grand expert de l'Asie au 20ème siècle, et donc, avec le Père Matteo Ricci (1552-1610), qui fut missionnaire jésuite en Chine à la cour des Ming et le fondateur de l'orientalisme, une voix essentielle pour traiter des civilisations de ce continent complexe et archaïque. Comme par hasard, ils étaient tous deux originaires de Macerata, et nous ne pouvons pas nous empêcher de reprocher à cette ville de ne pas abriter un musée qui leur soit consacré ! Cela révèle la "cécité culturelle" contre laquelle Tucci s'est constamment battu. Son approche, cependant, n'était pas seulement académique et soutenait parfois la politique proactive du nouvel empire italien, mais elle était également encline à nourrir ces ‘’collaborations cruciales’’, comme le disait Haushofer, qui les qualifiait de pan-continentales ou de pan-impériales. Nous pensons sincèrement qu'il est limitatif de définir le professeur italien uniquement comme un tibétologue. Il doit être considéré à tous égards comme un eurasianiste, et son IsMEO a été créé afin de fonctionner comme un "agent culturel", capable de faire en sorte que notre Italie dialogue avec les peuples asiatiques de la manière la plus profitable qui soit. Pour ce faire, il a fait appel à des experts valables, parmi lesquels Haushofer. Malheureusement, c'est l'échec de cette alliance aristocratique et de cette sodalité entre orientalistes et japonologues préconisée dans les années 1930 par ces deux superbes chercheurs qui a fait tomber le monde entier sous l'emprise de la politique néocolonialiste des thalassocraties anglo-saxonnes. En fait, le Japon impérial dont parle Haushofer visait à créer une zone de coopération panasiatique qui exclurait enfin de compte les Américains et les Britanniques de toute ingérence dans le destin de l'Orient.

haj_co10.jpgL'Allemand, dans le rapport qu’il a exposé à Rome, propose un parallélisme continu entre l'histoire européenne et japonaise : "[...] les luttes sauvages entre Taira et Minamoto, semblables à la guerre des Deux Roses, [...]" (18). Il souligne ainsi ce destin commun de l'histoire européenne et japonaise. (18), destin commun auquel il croyait obstinément. Tucci a été très impressionné par le caractère non fictionnel de la spéculation de Haushofer, par le fait que le géopolitologue a reconnu la primauté de Rome et de l'Italie en général, afin de construire une alliance avec le Japon qui ne soit pas seulement politique, mais spirituelle ; par exemple, lorsqu'il compare Kitabatake Chikafusa (1293-1354) à Dante (19), puisque tous deux ont été les auteurs de grands "poèmes politiques". Cela l'amène à déclarer que la Divine Comédie a trouvé une grande résonance dans le Jinnoshiki contemporain (神皇正統記, "Jinnō shōtōki", ca. 1339) de Kitabatake, qui peut raisonnablement être considéré comme un classique de la pensée politique japonaise, où les principes de légitimité de la lignée impériale ont été établis, conformément à la tradition shintoïste. Un tel texte, dans son ancrage de la "légitimité politique" à une matrice religieuse, ne pouvait qu'attirer l'intérêt des Allemands, qui en appréciaient les valeurs, ce qui aurait pu être une inspiration pour les nations occidentales non asservies à l'Economie et à la recherche de formules éthico-politiques sur lesquelles modeler une nouvelle forme de société, tournée vers le passé, certes, mais non nostalgique.

Les références à l'Italie dans le rapport de Haushofer sont diverses et variées, ce qui confirme sa connaissance et son admiration pour l’Italie. Dans son analyse de la structure politique du Japon, ses pensées se tournent plusieurs fois vers la grande culture et la beauté de notre nation, et il va même jusqu'à mentionner le trésor qu'est le musée du Bargello à Florence (21), inauguré en 1865, qui conserve la plus importante collection de sculptures de la Renaissance au monde. Dans les travaux du géopolitologue, dont celui-ci, il tente de proposer un canon occidental à comparer avec celui de l'Orient, notamment en ce qui concerne le Soleil Levant, et il l'identifie avec grande sagesse à la Ville Éternelle. Sa célèbre définition de Kyoto comme "la Rome japonaise" n'est donc pas un hasard. Malgré son nationalisme marqué, qui l'a convaincu de collaborer avec le Troisième Reich de Hitler, sur les conseils de son ami et étudiant Rudolf Walter Richard Heß (1894-1987), le professeur et général n'a jamais eu de doutes sur la primauté culturelle italienne, qui, selon lui, était indispensable pour réorganiser dans une perspective traditionnelle un Occident, mutilé parce que dominé par le mercantilisme des pouvoirs "démocratiques". C'est l'une des principales raisons qui ont poussé Tucci à divulguer la pensée de Haushofer en Italie. Hier comme aujourd'hui, Haushofer suscite plus d'attention en Italie que dans sa propre patrie ; bien que, comme nous le répéterons à la fin, elle souffre d'une diffusion et d'une exégèse rares.

KH-pacifique.jpgUne synthèse inestimable sur la ‘’japonicitié’’

Le texte de Haushofer se distingue par sa clarté et sa précision, et en ce sens, il représente un document "didactique" d'une importance énorme pour les spécialistes de la géopolitique. Sa contribution à la recherche et, surtout, à la yamatologie (= japonologie) est unique dans le secteur, même si, comme nous l'avons mentionné, il est apriori et factieusement qualifié d'idéologue de l'expansionnisme national-socialiste.

Il faut rappeler que le séjour de Haushofer au Japon a duré de 1908 à 1910, pendant les toutes dernières années de la période Meiji (1868-1912), avec la Restauration qui a revigoré l'Archipel, en l'ouvrant aux meilleurs esprits étrangers, les Oyatoi Gaikokujin (お雇い外国人, littéralement : "les honorables employés étrangers"), parmi lesquels trois éminents Italiens : Edoardo Chiossone, Antonio Fontanesi et Vincenzo Ragusa, qui ont jeté les bases de l'art moderne au pays du Soleil Levant. Le voyage d'étude de Haushofer au Japon s'inscrit dans ce climat culturel florissant, lui fournissant des informations de première main qui seront plus tard développées dans son importante et peut-être encore inégalée analyse de l'essence du concept impérial au Japon.

L'archipel s'est unifié selon un modèle "ethno-politique" précis. À cet égard, Haushofer ne cache pas sa conviction que l'Occident n'a jamais vraiment compris la puissance particulière du Tennō (天皇, l'Empereur) dans l'histoire du Japon. À cette figure de l'homme déifié sur Terre, il associe celle du pape ; même si alors, en accord avec de nombreux penseurs traditionalistes illustres, tout d'abord Julius Evola, l'Allemand identifie dans le christianisme ce que Terracciano définit caustiquement comme "l'infection spirituelle" (9). Dans le cas du Japon, pour Haushofer, cette contamination allogène était représentée par la diffusion du bouddhisme à partir du VIe siècle après J.-C., qui a généré un danger mortel pour le sens de l’Empire au Japon. En fait, il pense que la spécificité de l'impérialité japonaise réside dans le concept de "survie" (13), totalement différent de celui de koming ("Retrait du mandat céleste"), auquel il fait allusion dans son discours, et qui a toujours connoté le régime dynastique en Chine. Nous pensons qu'il est fondamental de comprendre que c'est exactement là que réside la différence substantielle entre l'idée du Souverain en Chine et son homologue au Japon, une différence d'une importance cruciale et que de nombreux orientalistes contemporains, trop habitués aux lectures stéréotypées de matrice américaine, donc structurellement incapables de déchiffrer les codes profonds de l'Asie, ne se rendent pas compte que si le Souverain dans l'Archipel est éternel, dans ce que nous appelons encore le Céleste Empire, il ne l'est pas.

kh-jap.jpgIl convient maintenant de proposer une petite clarification linguistique. En transcrivant le terme chinois susmentionné, Haushofer utilise étrangement, pour un Allemand, le système de transcription de l'EFEO (École française d'Extrême-Orient), au lieu du Wade-Giles alors plus populaire. Dans ce système de romanisation phonétique, "Ko" correspond au "Ge" de l'actuel pinyin, le mot devient donc "gémìng" (革命, "revolt/revolt"), terme également utilisé pour désigner la grande révolution culturelle maoïste (文化大革命, "Wénhuà dà gémìng"). Cela nous fait comprendre comment certains concepts enracinés en Chine depuis l'Antiquité ont survécu aux bouleversements politiques les plus dramatiques. Dans l'Empire du Milieu, en effet, lorsqu'une famine ou toute autre catastrophe naturelle se produisait, l'Empereur lui-même était responsable, puisqu'il avait perdu la bienveillance des Déités, et le Peuple se sentait autorisé à se rebeller contre lui et à le déposer de force. Cela explique l'alternance de tant de dynasties dans le pays. Tout le contraire, comme on l'a dit, pour le Japon traditionnel, où l'empereur est un Dieu intouchable.

Haushofer parle également de la nature intrinsèquement "bicellulaire" (14) du Japon, en précisant comment : "De la conjonction de la cellule maritime (Naikai) et de la cellule continentale (Kamigata) est ainsi né l'empire primitif "Yamato", qui a absorbé les autres petits États et était sur le point de compléter l'empire insulaire, s'étendant vers le nord-ouest et le nord" (16). Dans son interprétation de la structure politique du Japon, il tient à souligner qu'en dépit du fait que le Japon, pendant ce que l'historiographie occidentale conventionnelle appelle le militarisme des années 1930 et 1940, a agi comme une thalassocratie, se déplaçant par mer, afin d'imposer ses intérêts économiques et stratégiques, principalement en Chine, pour exploiter ces matières premières qui ont toujours fait défaut au Soleil Levant, il a cependant conservé son âme "tellurique". En d'autres termes, le Japon ne devrait jamais être confondu avec l'Empire britannique ou les États-Unis, puisque ces puissances étaient mues par de simples intérêts mercantiles, sans apporter une vision "supérieure" au monde. Voici donc l'"idée impériale japonaise" chère à Haushofer : cette ‘’japonicité’’ qui s'exprime dans le sang et la terre d'un Peuple qui s'identifie au Dieu incarné, l'Empereur, qui n'est pas investi d'un "mandat", comme dans le cas chinois, mais qui est lui-même un descendant direct de la principale Déité du shintoïsme, Amaterasu-Ōmikami (天照大御神). Ce lien sacré n'a été rompu que par l'occupation américaine, à l'époque de laquelle Tennō a dû se déclarer "humain", au mépris d'une tradition millénaire.

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Version française du volume dont question dans cet article.

En analysant le récit de sa conférence romaine, nous comprenons comment Haushofer a vécu dans le monde réel. Il avait, à notre avis, sagement compris que les Puissances (religieuses et temporelles) doivent nécessairement trouver une forme de coexistence au sein de la société occidentale, au mieux si c'est dans un seul individu, comme dans le cas du Tennō précité, qu'il juge une synthèse parfaite et harmonieuse entre le divin et le politique. Ce faisant, les Allemands s'inscrivent parfaitement dans ce courant de penseurs européens qui ont poussé le Vieux Continent à redécouvrir les anciennes valeurs perdues du fait d'une constante dé-spiritualisation, qui a commencé avec la Révolution française et a été immédiatement incarnée par la figure infâme de Napoléon B(u)onaparte. 

La voie géopolitique dans la tradition

Une caractéristique de Haushofer, qui est très rare même chez les traditionalistes les plus raffinés, est son honnêteté intellectuelle, qui consiste à ne pas vouloir forcer le raisonnement pour soutenir à tout prix certaines positions. Une comparaison utile en ce sens peut se faire avec Julius Evola (1898-1974). Si, pour le grand philosophe romain, les frontières d'un Peuple sont essentiellement spirituelles, pour Haushofer ce sont au contraire les frontières tangibles du territoire ; tout part de la Géographie dans le système traditionnel élaboré par l'Allemand. Ce n'est pas pour rien qu'en revenant au Japon, dans cette Nation complexe, il a reconnu et précisément illustré le sacré dans la relation entre les deux pôles que sont "le sang et la terre". Il y a cependant des affinités entre la pensée évolienne et celle de Haushofer, c'est-à-dire une perception négative du christianisme. Au Japon, pendant le shogunat Tokugawa (1603 - 1868), la nouvelle religion importée par les missionnaires portugais au milieu du XVIe siècle se répandait silencieusement, allant jusqu'à convertir certains seigneurs locaux (les Daimyō, 大名) du sud du pays. Cela a déclenché de fortes persécutions de la part du pouvoir central. Haushofer, également dans ce texte, souligne le fait que le christianisme est entré en conflit avec une idée impériale renaissante et bénéfique, et a finalement été interdit en 1636. Le géopolitologue allemand va jusqu'à définir la religion chrétienne comme une "doctrine dangereuse" (23). En fait, Evola était du même avis en ce qui concerne l'Occident, considérant le message de l'Evangile comme la cause principale de la décadence de ce sentiment héroïque qui avait caractérisé l'Europe sous l'égide de Rome. La critique, parfois sévère, de Haushofer à l'égard de la présence chrétienne dans l'archipel doit être encadrée par l'importance qu'il accorde à l'unité raciale (24) du peuple japonais : un aspect fondamental dans sa vision du Japon, résumé dans sa fréquente répétition de l'expression "sang et terre" mentionnée ci-dessus. Par conséquent, tout facteur étranger/imparfait pourrait mettre en péril cette spécificité ethnique, à la base de l'âme impériale de l'archipel. 

51YnYZ37omL._SX358_BO1,204,203,200_.jpgQuoi qu'il en soit, il faut préciser que le penseur allemand n'a pas simplement posé les prémisses d'une géopolitique qui n'était pas eurocentrique, c'est-à-dire encline à protéger les intérêts des puissances occidentales oppressives habituelles. Haushofer est allé beaucoup plus loin, à l'autre bout du globe, jusqu'au lointain Japon, en essayant de saisir des éléments structurels de valeur universelle. Comprenant que, pour déchiffrer ce Peuple, il est nécessaire de ne jamais séparer le politique du sacré, il nous apparaît comme le meilleur yamatologue (japonologue) du 20ème siècle, avec notre Père Mario Marega - missionnaire salésien très cultivé, auteur d'une indispensable traduction de Kojiki, publiée par Laterza en 1938 - et Fosco Maraini. Il faut également rappeler le principe très clair de Haushofer selon lequel le gouvernement du territoire doit être garanti par une appartenance éthico-politique dont le souverain est le symbole vivant, représentant la "dimension interne" : le kokoro (心) (21), son "cœur". Et cette frontière spirituelle - pas seulement dans le cas du Japon - doit être défendue à tout prix. Ce n'est pas pour rien qu'il utilise à plusieurs reprises le terme "marca", qui à l'époque des Carolingiens indiquait un territoire frontalier.

Les Japonais ne comprenaient pas entièrement ses enseignements

Haushofer, dans son discours, met en garde le Japon contre l'attrait d'un désir expansionniste excessif, et lui conseille plutôt de suivre l'exemple fondateur (660 av. J.-C.) du Jinmu Tennō, consolidant le noyau de l'Empire (26-27). Malheureusement, les choix politiques du régime militaire, qui a dirigé le pays à partir des années 1930, ont été très différents.

Il est intéressant de noter comment Carlo Tracciando reconnaît une continuité de la Tradition japonaise dans les temps récents chez l'écrivain Yukio Mishima, qu'il considère comme le dernier représentant de la royauté japonaise : "En quelques mots, la sensibilité traditionnelle et moderne de Yukio Mishima saisit l'essence même du Japon éternel, l'idée impériale, synthèse et symbole vivant du pays compris comme une seule famille dirigée par le Souverain-Père ; [...]" (6). (6). Non seulement ce grand auteur et cet intellectuel prodigieux n'a pas été écouté par ses compatriotes, mais les soldats se sont même moqués de lui lorsqu'il a récité sa poignante Proclamation, avant de commettre un suicide rituel (seppuku) le 25 novembre 1970, lorsqu'avec ses fidèles compagnons du Tatenokai, il a pris d'assaut le quartier général des Jieitai (自衛隊, "Forces d'autodéfense") à Ichigaya (Tōkyō).

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Deux numéros de le revue ''Vouloir'' sur le Japon.

Sommaire (5 articles en ligne): http://www.archiveseroe.eu/vouloir-50-51-a48784108

Sommaire (5 articles en ligne + l'itinéraire): http://www.archiveseroe.eu/vouloir-101-104-a48797738

Tout aussi stimulante, et en parfaite harmonie avec la méthodologie du professeur et général, est la comparaison effectuée par Terracciano entre le Japon et l'Europe, en particulier avec notre pays. "Et le géopolitologue bavarois suit pas à pas l'histoire de la formation du Japon en établissant des comparaisons continues entre des épisodes de l'histoire japonaise et des épisodes similaires de l'histoire européenne : la Renaissance japonaise du XVIe siècle et la Renaissance italienne, la destruction de Kamakura et le sac de Rome, etc. En fait, l'approche comparative est récurrente chez Haushofer, en ce qui concerne sa tentative de créer des "ponts" entre les moments les plus élevés et les plus glorieux du Vieux Continent européen et ce qui pourrait leur être plus semblable et qui s’est produit dans l'Archipel nippon. De plus, il remet en question les racines mêmes des mythes japonais, identifiant une surprenante matrice indo-iranienne, comme le soutient Castrese Cacciapuoti dans l'annexe : "À titre d'exemple, nous citons la coïncidence symbolique des trois trésors célestes de la famille royale scythe avec les trois trésors impériaux sacrés du Japon (le miroir d'Amaterasu Yataka no kagami, l'épée de Susanowo Ame no Murakumo no Kurugi, et le joyau courbe d'Okuninishi Yasakani no Magatama), qui [...] représentent respectivement les trois fonctions - magico-religieuse, guerrière, productive - du pouvoir" (48) ; juste pour confirmer, s'il en était encore besoin pour un yamatologue de formation solide et honnête, combien le Japon raconté par Haushofer est quelque chose de riche et de profond, jamais un pays banal. Autrement dit, nous n’avons pas eu affaire aux habituelles "conférences" imprégnées de l'arrogance des professeurs d'aujourd'hui, surtout ceux d'orientation américaine, qui sont arides, s’imaginent toujours être des fins en soi. Au contraire, dans la langue allemande, les faces les plus cachées du Soleil Levant se rencontrent sans interruption, ce qui permet de pénétrer profondément dans son essence souvent inintelligible.  

Ci-dessous, l'étude du Prof. Spang, la plus complète sur le rapport Haushofer/Japon

41UXi4f7dSL._SX333_BO1,204,203,200_.jpgLe concept nodal de Lebensraum ("Espace de vie"), linteau de toute la géopolitique haushoférienne, ne pouvait pas manquer dans ce document. Cependant, dans l'exemple singulier du Japon, il est représenté par la mer, qui permet l'isolement, par lequel s'est développé le facteur ethnique du Japon spécifique : "Le simple fait que, contrairement à ce qui s'est passé pour toutes les autres émergences nationales, les migrations des peuples n'ont pas exercé d'influence sur l’émergence nationale japonaise : celle-ci est née indépendamment des migrations des tribus et suffirait à caractériser de façon absolue la genèse de l'État japonais" (14). Nous comprenons donc que l'expansionnisme voulu par le gouvernement militaire, et qui a conduit le pays à la guerre contre la Grande-Bretagne et les États-Unis, était à sa manière une trahison de cette doctrine que le scientifique allemand avait donnée aux nombreux officiers japonais qui furent ses étudiants : jeter une influence sur l'Asie pourrait également être une solution équitable pour le Japon, à condition toutefois de ne pas affaiblir ce chapelet d'identité et d'autodéfense qui, des siècles auparavant, à deux reprises, avec la force du vent et de l'eau, avait sauvé l'archipel de l'invasion mongole. Dit d'une manière plus "technico-militaire", l'armée japonaise était dispersée dans tout l'Extrême-Orient, laissant, après le désastre de Midway (3-6 juin 1942), le Peuple chez lui, pratiquement sans défense.

Encore peu d'Haushofériens parmi les traditionalistes

En conclusion, il faut laisser la place aux deux grands exégètes de Haushofer, que nous avons largement cités dans cet article. Commençons par Terracciano, dont les mots nous paraissent tout à fait appropriés pour identifier le Tennō comme "[...] le dernier survivant de la fin du kali-yuga"(8). Jamais cet érudit italien n'aurait imaginé que même cette figure, échappant partiellement à la fureur iconoclaste des Américains, aurait un jour cédé aux maux du tangible, ce qui s'est produit avec l'abdication d'Akihito, le 30 avril 2019. Tout aussi excellente est la synthèse de Terracciano qui nous parle d'une parfaite unité entre "tradition vivante et modernité opérationnelle" (10) au Japon, mettant correctement en évidence la capacité, pour la plupart constamment réussie, de ce pays à absorber, de manière fonctionnelle, les usages, les coutumes et la technologie occidentale, sans que ceux-ci n'affectent profondément l'âme. Et c'est précisément la thèse de Haushofer : les Japonais ont exploité les connaissances scientifiques venant de l'étranger, tout en maintenant intact un sentiment sacré d'unité nationale. Franchement, on ne peut s'empêcher de noter que la Bibliographie à la fin du livre montre combien peu d'études visent encore à valoriser et à diffuser la pensée du géopolitologue allemand.

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Carlo Terracciano, un ami très cher, disparu trop tôt. Il saisissait les enjeux géopolitiques avec une acuité sans pareille.

Pour en venir maintenant à Robert Steuckers, toujours dans l'essai inclus ici, il décrit l'anti-impérialisme dans la perspective de Haushofer, puisqu'il s'oppose aux intrigues visant une domination globale, manigancées par les puissances thalassocratiques anglo-saxonnes. Ces dernières empêchaient le développement harmonieux des peuples qu'ils soumettaient et isolaient cyniquement les continents. Fasciné par les idées panasiatiques et paneuropéennes, Haushofer espérait le dépassement des nationalismes et voulait contribuer, par ses écrits, à l'apparition de "grands espaces continentaux" distincts, mais unis, comme lorsqu'il prônait la collaboration entre Européens, Russes et Japonais pour former une grande alliance eurasienne à l'abri des influences britanniques et américaines (32-33). Steuckers rappelle que Haushofer avait une conception vivante du concept de frontière (34), dans lequel l'eau (mers et rivières) unit et ne divise pas, mettant en place une interprétation en totale antithèse avec celle de la thalassocratie, pour laquelle le vecteur mer sert à asservir et à piller. En fait, le chercheur belge reproche aux Britanniques et aux Américains d'asphyxier le monde et, citant Haushofer, il souligne que ces nations : "[...] pratiquent la politique de l'anaconda : elles s'agrippent à leur proie et l'étouffent lentement" (41). Il explique en outre comment Haushofer, paradoxalement, s'inspire du courant "petit-eurasiste" de la matrice russe, peut-être la meilleure école de géopolitique, même si sur des positions antagonistes par rapport à la vision spécifiquement européenne.

La grandeur de Haushofer réside dans le fait qu'il a souligné les lacunes de la vision paneuropéenne de Richard Nikolaus von Coudenhove-Kalergi (1894-1972), le partisan de l'idée de "métissage mondial", ainsi que le patron de l'Europe technocratique actuelle. Le professeur et général ne s'est toutefois pas limité à la critique, mais a proposé une alternative, dans laquelle les peuples devaient être inclus dans un espace de vie en harmonie avec leur ethnicité et leur histoire, sous la bannière de la coopération entre les civilisations. Si nous saisissions aujourd'hui les nombreuses et précieuses idées formulées il y a des années par le géopolitologue, japonologue et général d’artillerie bavarois, la mondialisation trouverait enfin un adversaire redoutable.

*Le développement de l'idée impériale japonaise, par Karl Haushofer (Parme, all'insegna del Veltro, 2004)

@barbadilloit

Riccardo Rosati

lundi, 04 janvier 2021

Sorel et la religion : l'éthique comme logique révolutionnaire

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Sorel et la religion : l'éthique comme logique révolutionnaire

Giovanni Sessa

Ex : https://www.ereticamente.net

La marchandisation universelle de la vie, que le libéralisme et les processus de mondialisation ont réalisée au cours des dernières décennies dans le monde, attire l'attention d'un public de plus en plus large sur les écrits de ceux qui se sont positionnés, dès l'aube du XXe siècle, et sur un mode antagoniste, contre l'injustice sociale manifeste que ce mode de production capitaliste imposait.

S-2-5-200x300.jpgParmi ces intellectuels figure Georges Sorel, dont un ouvrage a été récemment réédité, l'un des moins connus de ses lecteurs. Nous nous référons à La religione d'oggi, qui est parue en librairie grâce aux éditions OAKS (pour les commandes : info@oakseditrice.it, p. 126, 16 euros).

Le volume rassemble les écrits que le syndicaliste révolutionnaire a consacrés à la religion et est précédé d'une préface de Francesco Ingravalle, visant à contextualiser l'œuvre de Sorel dans son époque. Les écrits qui composent cette anthologie ont été publiés à l'origine dans les colonnes de la Revue de Métaphysique et de Morale et traduits en Italie par Agostino Lanzillo, syndicaliste révolutionnaire et plus tard porte-voix du fascisme mouvementiste, dont l'intention était de contrôler et de diriger la violence issue de la Première Guerre mondiale, comme le note Ingravalle, et de faire de cette violence l’instrument d’"une régénération éthique à mettre au service de la vie sociale" (p. XXIV). La lecture de ce livre nous permet de comprendre comment l'inspiration éthique est au fond de la vision du monde de l'ingénieur français, dont la pensée a eu une profonde influence sur la culture politique des premières décennies du XXe siècle. En fait, comme Ingravalle le souligne toujours, Sorel a étudié à fond les manuscrits économico-philosophiques de Marx de 1844, dans lesquels le concept d'exploitation du prolétariat s'accompagnait de celui d'aliénation de l'essence humaine du travailleur, imposée à ce dernier par la productivité capitaliste. Les entrepreneurs se sont limités à rémunérer uniquement la main-d'œuvre du travailleur, mais pas la valeur des biens produits, réalisant ainsi la plus-value. Cela impliquait que : "pour un certain nombre d'heures, le travailleur (produit) est gratuit pour le capitaliste. Le profit de ce dernier était tiré du travail d'autrui" (p. IX).

sorel-violenza.jpgLe problème posé par Marx n'est pas, sic et simpliciter, économique, mais moral. Dans le travail en usine, l'ouvrier s'aliène sa propre condition d'être de raison. Kant, se référant dans la Raison pratique à la dignité de l'homme, n'avait fait que synthétiser les préceptes qui avaient initialement émergé de la bonne nouvelle chrétienne : "Derrière le concept d'aliénation [...] il y a la notion d'être humain développée par la philosophie moderne [...] à partir de la notion chrétienne d'égale dignité humaine" (p. XI). Quelle est la voie à suivre, selon Marx et Sorel, pour parvenir à la désaliénation ? La Révolution. Seul l'acte révolutionnaire humaniserait les circonstances historico-économiques dans lesquelles, en fait, l'homme vit concrètement. Le "soupir religieux" de la créature opprimée se transformerait ainsi en une lutte socio-politique : en elle, l'exigence éthique reste primordiale. Pour accéder aux thèses de Sorel dans le domaine religieux, il ne suffit pas de se référer au marxisme. En effet, à partir de la fin du XIXe siècle, les certitudes gnoséologiques du positivisme et du néo-positivisme ont progressivement disparu. Sorel soutient, dans le livre que nous présentons, les thèses probabilistes de Boutroux, selon lesquelles dans la sphère scientifique, il fallait toujours passer du dogmatisme positiviste au raisonnement suivant : « passer du nécessaire au probable, passer des mathématiques de la certitude aux mathématiques de l'incertitude" (p. XIV).

Tout processus vital, pour l'épistémologue français, est caractérisé par la contingence, et non par les lois naturelles nécessaires. En fait, si le cours de la nature était uniforme, les nouveaux personnages ne pourraient pas se manifester dans la succession des êtres vivants. De plus : "La conscience de soi et la personnalité ne sont pas complètement explicables par la chimie et la physique ; la volonté l'est moins". (p. XV). De telles thèses gnoséologiques rendaient les indications de la science non paradigmatiques et, par conséquent, le comportement humain n'était plus ressenti comme lié à celles-ci. En fait : "de la description de la nature, on ne peut tirer aucune prescription pour le comportement d'un être naturel" (p. XVII). À la lumière de ces conclusions, Sorel corrige le marxisme par l’adoption d’une clé volontariste dans son ouvrage bien connu, Réflexions sur la violence. Il y rejette également toute praxis politique gradualiste et réformiste, allant jusqu'à lire, dans les pages de La Religion d'aujourd'hui, l'apport historique des religions en termes "positifs". Pour agir, les hommes ont à leur disposition une morale : elle peut être coutumière ou absolue. Dans ce deuxième cas, derrière les principes éthiques, il y a la foi : "La foi est la vie, l'action, l'action qui tend vers "Dieu", vers un Dieu vivant avec lequel une relation est possible" (p. XVII). Les essais de l’anthologie traitent de différents aspects de la pensée religieuse. Ils sont en effet nés des stimulations théoriques suscitées par la diffusion du mouvement moderniste, dont les représentants étaient présents dans le vif débat culturel français. De plus, les autres réponses à de tels stimuli ne manquaient pas. On pense, dans le domaine du judaïsme, aux écrits de Martin Buber, ou à ceux, d'orientation différente, de Georg Simmel.

51-fEbQASnL._AC_UY218_.jpgPour Sorel, la ligne moderniste en France était née dans le sillage des thèses d'Ernest Renan et du philosophe Eduard Hartmann. Les deux penseurs estimaient que l'affaiblissement dogmatique de la foi conduirait à l'émergence d'une religiosité intérieure plus authentique. Il s'agirait de vivre véritablement l'expérience religieuse, d'en témoigner concrètement dans les actes de la vie. Cela aurait déterminé la réduction du nombre de fidèles, qui se seraient toutefois transformés en authentiques croyants. Sorel, qui proposait aux masses le mythe de la grève générale, a montré, même si c'était avec une certaine ambiguïté, un intérêt sincère pour cette possible religion du futur. À notre avis, il était naïf, les instances modernistes au sein de l'Église, ainsi que dans la société, se sont avérées, en réalité, fonctionnelles au plein déploiement de la Forme-Capital, qui est devenue définitivement mondiale, des décennies plus tard, dans la mythique « révolution » de Soixante-Huit. Puis le Père, symbole de la Loi et de la Tradition, a été assassiné. De son sang est né le royaume de la marchandise absolue, dans lequel nous vivons encore.

Giovanni Sessa

samedi, 02 janvier 2021

Frédéric II de Souabe : une perspective méta-historique sur l'Europe

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Frédéric II de Souabe : une perspective méta-historique sur l'Europe

Andrea Virga

Ex : https://www.geopolitica.ru/es

Traduction de Juan Gabriel Caro Rivera

L'anniversaire du 26 décembre (ou 826ème anniversaire de la naissance de Frédéric II de Hohenstaufen, Empereur romain et roi de Sicile) est l'occasion idéale pour nous de réfléchir à certains aspects strictement méta-historiques et méta-politiques de notre discours, à partir du symbole que nous avons choisi pour représenter le GRECE italien.

En effet, contrairement au symbole originel du centre d'études historiques en France, représenté par le nœud breton, récupéré par la suite par certaines expériences politiques italiennes, l'homologue italien du GRECE a décidé d'opter pour un plan stylisé du château de Frédéric II lui-même, soulignant ainsi, en toute cohérence, la défense par le GRECE des différences ethno-culturelles en fonction de nos spécificités nationales. Alors que le premier fait référence au substrat celtique profond qui imprègne une grande partie de l'Europe centrale et occidentale, de l'Atlantique au Danube et des Orcades au Pô, un héritage d'une époque antérieure aux processus de romanisation et de christianisation, le second, qui conserve également une forme radiale d'origine solaire, est la projection d'un contexte spatio-temporel différent, même s'il appartient entièrement à la civilisation européenne.

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Castel del Monte, comme des centaines d'autres châteaux construits ou rénovés, a été construit par Frédéric II dans l'intention de renforcer son autorité dans le royaume de Sicile sur une colline près d'Andria, au cœur des terres des Pouilles. La raison politique de sa création correspond donc à la recomposition de l'autorité centrale face à la fragmentation féodale. Le projet de monarchie universelle réalisé par les Staufen préfigurait - il est vrai - l'avènement de l'État moderne (bien que dans une perspective qui transcendait les frontières nationales), mais, d'autre part, il constituait une restauration de l'ordre impérial romain qui s'était désintégré en Occident huit siècles auparavant et qui, à cette époque, s'effondrait également à l'Est sous les coups des Croisés et des Turcs. Ainsi, un réseau de châteaux fidèles au souverain empêchait toute action centrifuge des barons et des municipalités. Les grands espaces du Nord, les forêts sombres, les mers orageuses, les friches gelées, les forêts brumeuses, sont pour nous les porteurs de la menace d'un chaos informe, s'il n'y a pas la pierre d'un vallum, d'un castrum, d'une via, d'un templum, qui impose au cosmos la civitas.

De plus, son architecture complexe révèle, pour citer un document de l'UNESCO, "une fusion harmonieuse d'éléments culturels de l'Europe du Nord, du monde islamique et de l'Antiquité classique", affirmant ainsi une véritable synthèse non seulement des cultures présentes à l'époque du Royaume de Sicile (cultures grecque, latine, arabe et juive, normande et souabe), mais aussi des racines qui ont contribué à donner vie à la Kultur européenne (comme l'explique Spengler), dénotant ainsi une réelle rupture avec le monde méditerranéen classique : c'est l'union entre les vestiges de la civilisation gréco-romaine classique avec les populations "barbares" d'origine indo-européenne et la religion chrétienne qui a une origine au Moyen-Orient. Si, dans la pensée des intellectuels français, la Méditerranée est souvent apparue comme une barrière - et les cultures grecque et romaine ont parfois été réinterprétées de façon anachronique comme l'œuvre des élites "aryennes" - pour nous, Italiens, les descendants ainés de Rome, le rapport avec les rives orientale et méridionale de la Mare Nostrum ne peut être que totalement différent.

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Notre petit sous-continent, qui est une péninsule dans une péninsule d'Eurasie, entourée par les Alpes, a vu l'afflux et la fusion du Nord (Latins, Gaulois, Achéens, Goths, Lombards) et du Sud (Phéniciens, Pélasgiens, Tyrrhéniens, Byzantins, Arabes). Nous ne sommes pas un corps étranger à l'Europe, comme on l'a dit à tort, trompé par la controverse économique actuelle, mais le cœur de l'Empire, où Charlemagne et Charles Quint, Otton et Barberousse, empereurs romains et germaniques, ont été couronnés ; où Saint Benoît a commencé à répandre la Croix du Christ et les manuscrits de Virgile dans toute l'Europe ; où les pas des pèlerins et les caravanes de marchands se sont succédé lors de la traversée des Alpes. Mais nous sommes en même temps un quai qui se projette vers la mer du milieu, vers l'Afrique et le Levant, où depuis des millénaires nous négocions et dialoguons au moyen de l'or et du fer. Il n'y avait pas de ports sans emporium dans nos républiques, et les flottes de nos villes rivalisaient pour les mers avec celles des royaumes et des empires.

Enfin, sur le plan symbolique, Castel del Monte est la véritable couronne impériale en pierre, toujours baignée par le soleil, et qui est sous le signe du huit (8). C'est le nombre naturel qui suit le sept et représente donc ce qui est au-delà de la perfection terrestre : le ciel d'étoiles fixes et incorruptibles que l'on trouve après les sept planètes en mouvement, mais surtout, selon la symbolique chrétienne, c'est le huitième jour, le jour de la résurrection, le dimanche où il n'y a pas de coucher de soleil. Bien sûr, ce n'est pas par hasard que les Baptistères, depuis le début de l'ère chrétienne, avaient huit côtés. Toutefois, les principales références, pour le cas présent, sont au nombre de deux : la chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle, érigée par Charlemagne et devenue plus tard le lieu de sépulture, ainsi que le siège du couronnement des rois d'Allemagne ; et le Dôme du Rocher à Jérusalem, construit sur la première pierre de laquelle le monde a été créé, où Adam a été formé, où Abraham a lié Isaac pour le sacrifier, où Salomon a placé l'Arche d'Alliance, où Muhammad a commencé son voyage vers l'autre monde, où la trompette du Jugement dernier sera sonnée et les Templiers ont consacré, pour une brève période, une église latine. Castel del Monte, géographiquement, se trouve à peu près à mi-chemin entre ces deux villes (bien que plus proche de la première), non loin du sanctuaire de Saint-Michel Archange sur le Monte Sant'Angelo et du port de Bari, sur les chemins des pèlerins. Frédéric lui-même était un empereur croisé - et les Croisades n'étaient-elles rien d'autre que des pèlerinages armés, comme le rappelle Cardini ? - couronné à Aix-la-Chapelle ainsi qu'à Rome et à Jérusalem.

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Cela dit, la figure de ce grand souverain italo-germanique n'est pas seulement une inspiration pour l'Italie, mais pour toute l'Europe. Son règne correspond à la période de plus grande puissance du Saint Empire romain au plus fort de la période classique du Moyen Âge, entre la Renaissance de l'an 1000 et la crise du XIVe siècle. Outre le royaume de Sicile, qui comprenait toute l'Italie du Sud, les frontières impériales s'étendaient de l'Ems au Tibre, de la Vistule au Rhône, en passant par la Provence et la Silésie, la Toscane et la Frise. Les États croisés de Jérusalem et l'Ordre Teutonique ont juré allégeance à l'Empereur, étendant leurs domaines à l'Orient. Les autres rois ont également reconnu, au moins d'un point de vue formel, la supériorité de leur rang. Frédéric, appelé Constantin par sa mère à sa naissance, a extrait des ruines de Constantinople l'idée que l'Empereur était le Vicaire du Christ, et donc que l'Empereur était à égalité avec le Pape, ce qui a conduit à la création des thèses et revendications de la faction gibeline qui seront exposées au cours des siècles suivants. Ce Premier (et le plus authentique) Reich était l'embryon d'une véritable unité européenne supranationale.

Grâce à tout cela, nous pouvons mener une réflexion plus approfondie sur les relations entre l'Europe et l'Occident et, surtout, sur le rôle que le premier devrait jouer dans ce monde globalisé, dans le contexte de l'unipolarité occidentale dirigée par les États-Unis et qui cède la place à l'émergence d'un monde de plus en plus multipolaire, déterminé par la montée de puissances émergentes comme la Chine. Les réactions apocalyptiques, qui parlent d'une "révolution mondiale des peuples de couleur" ou de la "fin de l'homme blanc", tout en constituant une forme de ressentiment au sens nietzschéen, sont fondamentalement anachroniques. D'un point de vue radicalement anti-libéral, comme le nôtre, la Belle Époque durant laquelle l'homme blanc chrétien occidental dominait le monde n'était pas un âge d'or digne de susciter un deuil aujourd’hui : c'était plutôt une époque où, derrière le voile de la suprématie et du progrès technique, se préparait une double guerre fratricide qui, en trente ans (1914-1945), a réduit notre continent à un satellite et à une frontière entre deux superpuissances. Pendant ce temps, l'exploitation impérialiste qui a lieu en Afrique et en Asie a jeté les bases des grandes inégalités entre le Nord et le Sud du monde, qui sont la cause des flux migratoires actuels devenus non durables. Pendant ce temps, la société bourgeoise et industrielle européenne a commencé à uniformiser et à dévorer toutes les traditions locales, à commencer par les langues considérées comme "minoritaires".

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Cependant, si l'on considère les cycles historiques dans leur intégralité, on s'aperçoit que l'exceptionnalité de l'Occident n'a occupé que l'espace de quelques siècles dans l'ensemble de l'histoire universelle. Avec sa fin, la Grande Divergence qu'elle représentait se referme sur les grandes civilisations orientales prêtes à retrouver la place qu'elles avaient sur la scène mondiale bien avant le XIXe siècle. L'Europe que nous devons construire et viser est donc politiquement celle de Federico et non l'Europe victorienne des chauvinismes nationalistes conflictuels qui contrastent avec la tendance à l'unité dans la diversité appliquée au niveau continental ; au lieu d'une hégémonie mondiale et d'une concurrence inter-impérialiste, nous voulons un équilibre et une coopération multipolaire entre les grands espaces. En outre, il convient de rappeler aujourd'hui que le règne de Frédéric II a coïncidé avec l'émergence de la Pax Mongolica, une époque où l'Orient était unifié sous le sceptre de fer de Gengis Khan et de ses disciples, ce qui a permis de maintenir ouvertes de nouvelles routes commerciales de l'Adriatique à la mer Jaune : une époque qui anticipait le rêve chinois actuel de créer un réseau de routes commerciales terrestres et maritimes destinées à relier plus étroitement les deux côtes de l'Eurasie.

Nous tournons alors notre regard pour dépasser l'image de cette Europe qui, consciente des limites imposées par la sagesse païenne et la doctrine chrétienne, et qui dialogue en position de force avec les forts et traite les faibles avec justice, sans sujétion ni arrogance, qui sait répondre avec une sérénité apollinienne aux défis de l'Extrême-Orient et de l'Extrême-Orient, qui oppose les sirènes faustiennes à la sagesse épicurienne du Stupor Mundi : "Idiots comme nous sommes, nous voulons tout conquérir, comme si nous avions le temps de tout posséder."

mercredi, 30 décembre 2020

La formation de la mentalité américaine

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La formation de la mentalité américaine

par Ernesto Milà

Ex: https://legio-victrix.blogspot.com

Peu à peu, la mentalité américaine a pris forme dans ce que l'on appelle aujourd'hui l'American way of life. La "Terre promise" ne pouvait être atteinte que par la souffrance et le travail. Persister dans cette ligne conduirait graduellement à une progression infinie dont le but logique serait la reconstruction du Paradis originel.

Lorsque les impulsions religieuses initiales se sont atténuées, l'idée séculaire d'un progrès et d'un travail infini a persisté. L'enracinement du calvinisme aux États-Unis fut immédiat; pour cette doctrine, la fortune et le succès constituaient le signe indubitable avec lequel la divinité marquait les élus. Le juste était le multimillionnaire, l'homme qui réussissait, et le paria dans sa misère semblait être coupable devant la loi de Dieu.

De tels concepts ne pouvaient qu'aboutir à faire des colons du Nouveau Monde quelque chose de radicalement différent des sujets la métropole. Le problème théologique consistait à expliquer comment le mal était apparu dans le Nouveau Monde, considéré comme une réédition du Paradis, et était même comme le Paradis lui-même. L'explication, d'un manichéisme exaspérant, reliait fondamentalement l'entrée du mal en Amérique à la présence de colons catholiques, français et espagnols. Ce sont eux qui ont armé les indigènes et qui leur ont inculqué leurs mauvaises habitudes. Ce sont eux qui avaient amené l'Antéchrist en Amérique. Les "pères pèlerins" devaient construire un mur contre le mal : ils devaient terminer le cours traditionnel de l'histoire et commencer quelque chose d’entièrement nouveau.

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C'est de ce point de vue que l'on peut comprendre l'inclusion de l'adjectif "New" dans la plupart de leurs fondations : "New York", "Nouvelle-Angleterre", "New Harbor", "Nouvelle-Écosse", etc. Ce n'était rien d'autre que la traduction d'une impulsion intérieure ancrée dans la mentalité des colons : il s'agissait de renouveler le monde.

Bientôt, lorsque l'impulsion religieuse originelle a cédé la place, en sécularisant l'idéal eschatologique, les conceptions du progrès infini et du culte de la jeunesse ont pris forme. Le slogan psychologique associé à la société américaine de ce siècle est "le pays où tout le monde peut devenir président". Harry S. Truman n'était-il pas, par hasard, un vendeur de chemises ? Et Clinton ? N'est-il pas le fils du bourgeois moyen et honnête ?

Comme nous le voyons, l'un des moteurs organisationnels de l'américanisme était la franc-maçonnerie, des institutions qui étaient également influencées par cet esprit. Là, ils ont pris la forme de légendes maçonniques spécifiquement américaines qui distillaient l'identique esprit messianique et régénérateur du monde. L'un d'eux - pourtant en usage dans les magasins américains - affirme qu'un groupe de Templiers a réussi à atteindre les côtes américaines après la persécution de Philippe le Bel. Ils y ont apporté des trésors, des reliques et des rites qui allaient passer à la maçonnerie locale. On dit que les Templiers ont apporté le Graal au Nouveau Monde. Les Indiens n'ont pas partagé cette version...

Du bon sauvage et de l'homme naturel

L'affrontement avec les Indiens a été immédiat : dès les premiers moments de la colonisation, il y a eu confrontation avec les "païens". Les Indiens, bien ancrés dans leur conception du monde, n'étaient pas prêts à embrasser le puritanisme ; leurs principes religieux étaient fortement ancrés dans leur vie sociale, la conversion n'aurait pas représenté seulement l'adoption d'une nouvelle foi, mais le renoncement à la totalité de leur mode de vie.

lazarus.jpgEn 1624, Thomas Morton, un avocat anglais, un des fondateurs du Massachusetts, vendait déjà des armes aux indigènes au nom du vieux paganisme. En 1629, les puritains l'arrêtent après avoir organisé une fête du "mât de mai", équivalent des rites païens de consécration de l'arbre de vie. Ceux qui assistaient à la fête portaient des cornes de cerf et pratiquaient des rites orgiaques. Brûlé à son domicile et arrêté, il est déporté en Angleterre ; il retourne en 1643 en Amérique et est arrêté à nouveau, il meurt en 1647.

Thomas Morton nous met sur la piste d'un élément nouveau qui apparaît dans certains collectifs de la société américaine des origines : des restes déformés du paganisme européen, probablement des cultes telluriens et cinétiques qui, survivants au Moyen Age, ont été assimilés aux rites sataniques du vieux continent. Clandestins et cachés en Europe, ils ont pu s'exprimer avec plus de liberté et de confiance dans le Nouveau Monde.

Le point de vue de Morton ne diffère pas de celui qui a donné la vie aux États-Unis : pour Morton, il s'agissait aussi de retrouver sur le sol américain la pureté des origines. L'Amérique était la patrie du "bon sauvage" ou si vous voulez de "l'homme naturel".

Malgré les activités de Morton en faveur des Indiens, qu'il considérait comme de "bons sauvages", ces derniers avaient, en les puritains, qui exprimaient la tendance dominante de la société américaine, leurs ennemis les plus impitoyables. Les puritains ne pouvaient pas admettre que les "bons sauvages" non seulement ignoraient le message du Christ, mais étaient aussi imperméables à leur prédication.

Depuis le début du XVIIe siècle, parallèlement à la colonisation, les Indiens ont été décimés ; mais ce ne fut pas le cas sur l'ensemble du territoire. Seulement dans le Nord et le Nord-Ouest. Il est curieux de constater que pendant la guerre civile, les tribus indiennes les plus combatives constituaient des unités de cavalerie régulières qui combattaient aux côtés des Confédérés du Sud chez qui le puritanisme était presque totalement absent. Les Indiens Cherokee, les Séminoles, les Choctaws, les Creeks, ont non seulement versé leur sang pour la Confédération et mis leur valeur à son service mais, en plus, ont été les dernières troupes confédérées à se rendre. Il faut savoir que les deux brigades de cavalerie légère, dirigées par le chef cherokee Stan Watie, ont déposé les armes deux mois après la reddition du général Lee.

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Cavalier cherokee, armée confédérée.

Les puritains voulaient s'adapter au schéma qui avait créé leur fanatisme religieux : eux et pas d'autres étaient les "hommes naturels", les "bons sauvages". Ils vénéraient la simplicité et considéraient l'intelligence comme un trait diabolique : "Plus vous cultivez l'intelligence, plus vous travaillez pour Satan", a exprimé John Cotton. Là où un fermier puritain vivait dans les plaines, il y avait un homme juste. Les villes ont été rejetées comme étant des foyers de corruption dont les ports du vieux continent étaient l’expression la plus extrême et la plus décadente.

Cette conception constitue l'une des origines de l'antagonisme entre les États du Nord et du Sud, qui a conduit d'abord à la guerre d'indépendance, puis à la guerre de sécession. Les colons puritains ont d'abord pensé que la condition sine qua non pour l'avènement du "millénaire" était le retour à la pureté du christianisme primitif, qui se heurtait aux forces démoniaques venues d'Europe, à leurs gentlemen urbains oisifs et vicieux, bref, à la pratique religieuse anglaise comme culte voué à l'Antéchrist.

Mircea Eliade reconnaît que dans la marche vers l'indépendance "l'Angleterre prend la place de Rome", dès que le Sud sera considéré comme l'ennemi pour son raffinement, devant le Nord qui n'a pas hésité à proclamer sa supériorité morale en reconnaissant avec jubilation son infériorité culturelle. Il est frappant de voir comment, pendant la guerre civile américaine, les troupes de Grant, Sherman et Sheridan ont pillé les grandes villes du Sud avec une singulière bonne conscience. Et pourtant, il est strictement vrai que l'esprit missionnaire, puritain et messianique était présent dans une certaine mesure dans les États et les peuples du Sud. Le plus grand des généraux du Sud, Jonathan Jackson, s'est fait l'écho du même esprit lorsqu'il a écrit à sa femme : "Dieu a voulu accorder à ma brigade le rôle le plus important. Je dis cela uniquement pour vous informer d'où vient ma gloire". L'une des raisons de la victoire du Nord sur le Sud est son homogénéité : en effet, le Sud est un agrégat de tendances, parfois opposées, dont le seul élément cimentant est d’être né sur un même territoire.

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Général Thomas Jonathan Jackson, armée confédérée.

La vie urbaine n'a été considérée comme respectable que dans les dernières années du XIXe siècle. Et même à cette époque, la vie urbaine était suspecte. Lorsque la révolution industrielle aux États-Unis a triomphé et que les grandes villes ont été créées, les magnats de l'industrie ont mené des activités et offert des dons philanthropiques pour tenter de démontrer que la science et la technologie pouvaient également contribuer à faire triompher les valeurs spirituelles.

Pendant ce temps, l'Europe languissait dans les bouleversements qui ont précédé le renversement de l'ancien régime absolutiste. Les Américains étaient considérés depuis l'Europe, surtout par l'idéologie des Lumières, comme des hommes simples, ressemblant dans leur essence à l'état d'enfance primitive et dotés d’une ingéniosité naturelle spontanée. Leur situation et leurs habitudes contrastaient avec la décadence sophistiquée de la noblesse poudrée, celle des perruques et du tabac à priser, qui détenait le pouvoir en Europe. C'était précisément la vertu la plus appréciée des puritains: la simplicité rustique des gens qui rejetaient la culture parce qu'ils la considéraient comme une démonstration de satanisme emblématique. On peut ainsi comprendre la haine puritaine des Jésuites, grands cultivateurs d'intelligence au service de la papauté. Les "bons sauvages" jouissaient sur le vieux continent d'une réputation exotique étrangère à la mentalité nord-américaine.

C'est précisément cette opinion qui a sauvé l'Europe de l'influence de la mentalité américaine. Tout au long du XVIIIe siècle et après une longue guerre d'émancipation, les colonies du Nouveau Monde ont été libérées de la métropole. La nouvelle société qui y est créée suscite une certaine admiration dans les milieux intellectuels européens, mais c'est précisément cette simplicité primitive qui constitue un obstacle incontournable pour que ces conceptions influencent l'Europe. Ils étaient considérés comme des gens simples et pieux, tolérants, et on les tenait pour des philosophes nés, des hommes justes qui avaient éradiqué le luxe, les privilèges et la corruption ; pourtant, ils demeuraient quelque chose d'impossible à traduire dans les faits quotidiens en Europe.

Il fallait qu'un homme providentiel vienne établir un pont entre le Nouveau Monde et la Vieille Europe. Cet homme fut Benjamin Franklin.

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Franklin est arrivé en Europe avec la réputation d'être un homme juste, simple et sage. La plupart des sources le dépeignent dans le dernier quart du XVIIIe siècle, légèrement chauve, tirant vers l’avant le peu de cheveux qui lui restaient ; un beau jour, alors qu'il voyageait à bord du "Reprisal", il a jeté sa perruque par-dessus bord et ne l'a plus jamais portée. Ce fait apparemment banal a fait sensation dans la société française, où même ses représentants les plus progressistes n'ont pas pu se passer de cet ornement inutile. Ils ont vu dans ce geste une démonstration de simplicité et de pragmatisme. L'anecdote, mille fois répétée dans les salons intellectuels français, suscite un courant de sympathie pour le personnage ; Franklin sait canaliser ce flot d'adhésions au profit des intérêts de la nouvelle nation américaine et de ses idéaux qu'il diffuse en Europe avec un zèle missionnaire.

Condorcet a écrit à propos de Franklin : "C'était le seul homme en Amérique qui avait une solide réputation en Europe... Son arrivée a fait de lui un objet de vénération. On considérait comme un honneur de l'avoir vu : tout ce qu’il disait était répété. Dans chaque invitation mondaine qu'il a dû accepter, dans chaque maison où il a consenti à aller, il a gagné de nouveaux admirateurs dans la société, ce qui a eu pour résultat de faire naître de nombreux autres partisans de la révolution américaine". Voltaire a dit des Quakers américains - une dérivation du puritanisme - que « ces primitifs sont les hommes les plus respectables de toute l'humanité ». Le philosophe allemand Immanuel Kant a écrit à propos de Franklin que « c'est le nouveau Prométhée qui a volé le feu du ciel ». En 1767, il rencontre Mirabeau, au cours de son premier voyage en Europe, l'un des grands animateurs de la future Révolution française. Mirabeau l'a chaleureusement loué : "Franklin est l'homme qui a le plus contribué à étendre la conquête des droits de l'homme sur terre. L'historien Bernard Fay reconnaît l'importance qu'il a eue dans la gestation de la Révolution française : "Tout le groupe des futurs révolutionnaires est autour de lui : Brissot, Robespierre, Danton, La Fayette, Marat, Bailly, Target, Pétion, le duc d'Orléans, Rochefoucauld". Van Doren reconnaît également ce rôle : "Pour les Français, il est le chef de leur rébellion : celle de l'Etat de la nature contre la corruption de l'ordre ancien".

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Benjamin Franklin a sans doute été le diffuseur des idées de la Révolution américaine en Europe. Certes, certaines de ses valeurs coïncidaient avec celles de l'encyclopédisme, mais, pour celui-ci, il s'agissait d'une idée philosophique, très bien considérée par la monarchie (D'Holbach, un des grands encyclopédistes français a décrit Louis XVI - plus tard guillotiné – comme un "monarque juste, humain, bienfaisant ; père de son peuple et protecteur des pauvres"). Il manquait à l'encyclopédisme un modèle de société alternatif à l'"ancien régime", un lieu réel où il avait été réalisé et où il avait montré sa capacité à vertébrer un nouveau modèle d'organisation sociale. Depuis l'arrivée de Franklin en Europe, la levure révolutionnaire a acquis un modèle et un exemple à suivre.

Mais la promptitude avec laquelle Franklin se fit connaître dans les Gaules est inconcevable si l'on fait abstraction d'un élément capital : l'appartenance du missionnaire américain à la franc-maçonnerie et l'importance exceptionnelle qu'avaient les loges maçonniques pour faire fermenter les idées des intellectuels lors des prémisses de la Révolution française.

Le parti maçonnique est autant le parti de la révolution américaine que celui de la révolution française.

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lundi, 28 décembre 2020

Quatre Livres d'Histoire pour Mieux Comprendre le Monde

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Café Noir N.03

Quatre Livres d'Histoire pour Mieux Comprendre le Monde

Café Noir – Un Autre Regard sur le Monde.
Émission du Vendredi 25 décembre 2020 avec Pierre Le Vigan et Gilbert Dawed. 
 
François Reynaert – La Grande Histoire du Monde (Livre de Poche) https://bit.ly/3mKqt2Y
François Reynaert – La Grande Histoire du Monde Arabe (Livre de Poche) https://bit.ly/38yjaqc
Sébastien Rauline – L'Histoire pour Tous (Ellipse) https://bit.ly/2JksULY
Hugh Thomas – Histoire Inachevée du Monde (Robert Laffont) https://bit.ly/3aJ0dUr
 

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Les intellectuels populistes en Amérique latine. Quelques perspectives

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Les intellectuels populistes en Amérique latine. Quelques perspectives

Par Cristián Barros

Ex : https://www.geopolitica.ru

Pour une grande partie de l'opinion académique et libérale, le populisme est un terme aussi vague que péjoratif. Le populisme est grégaire, moraliste, clientéliste, charismatique, cathartique et irrationnel, et il poursuit un programme économique de redistribution à court terme, purement conjoncturel. En tant que mouvement, il est nostalgique de la petite propriété et abhorre à la fois la centralisation bureaucratique et la division du travail. Sa base démographique tend à être constituée de groupes prémodernes tels que la paysannerie et les artisans - ou encore le Lumpenproletariat. Très souvent, le populisme est considéré comme le terreau de courants politiques autoritaires. Ainsi énoncé, le stigmate peut facilement devenir un anathème : le populisme représente finalement l'avatar inconscient du fascisme.

Ce n’est pas étonnant car le populisme constitue une étiquette hétérogène voire hétéroclite, parce qu’elle désigne des phénomènes très différents, et dont la fonction taxonomique est de prolonger un cordon sanitaire autour d'une entité suspecte et rebelle. Cependant, la construction rhétorique du populisme par l'orthodoxie académique trahit les craintes mêmes des citadins libéraux et des universitaires du courant dominant, qui regardent avec méfiance l'émergence de la politique sans médiation, de l'action directe et de la démocratie plébiscitaire. En conséquence, le populisme et les intellectuels ont toujours semblé en désaccord, puisque le populisme proclame la futilité - voire la perniciosité - d'une classe cléricale.

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Néanmoins, le populisme est en soi une tradition intellectuelle respectable, dont les partisans ont engagé dès le début un dialogue controversé avec le rationalisme politique dans ses versions libérales et marxistes - et ont résolument influencé le second ! Certes, les Narodniki russes de la fin du XIXe siècle ont été les pionniers du populisme et du socialisme agraire, et les premiers à élaborer une critique solide des téléologies libérales et marxistes, défiant l'idée de progrès dans ses formes tant linéaires que dialectiques.

220px-Voroncov,_Vasilij_Pavlovich.jpgLe populisme russe a scandalisé la rationalité bourgeoise car il visait à suspendre les travaux du capital et à rétrograder l'économie vers l'agriculture et le pastoralisme communaux. En ce sens, le populisme était non-téléologique et non-universaliste, soulignant le caractère exceptionnel du développement périphérique russe. Néanmoins, le rejet de la modernité capitaliste par les populistes était loin d'être une utopie romantique négative. Vassily Vorontsov (photo), un économiste populiste, considérait la Russie, une nation modernisatrice tardive, incapable de rattraper les pays capitalistes matures, compte tenu de l'accès restreint de la Russie aux marchés et technologies internationaux. En effet, le populisme avait une vision plus vive, plus sophistiquée et moins mécanique des « relations cœur-périphérie » que le marxisme vulgaire. Il est intéressant de noter que les auteurs narodniki ont exploré les contextes de dépendance du capitalisme mondial, et ont ainsi anticipé la théorie du développement inégal et combiné -notion attribuée à tort à Trotsky.

220px-Ткачёв_Пётр_Никитич.jpgIl est vrai que le marxisme canonique n'avait même pas de théorie de l'impérialisme, que Lénine a improvisée après avoir bricolé avec les thèses sur l'impérialisme formulées par Hobson, sans les connotations antisémites. Marx lui-même a atténué sa vision naïvement progressiste et whiggish du capitalisme grâce aux études de Kovalevsky sur l'obschina et la question agraire (1879). Le populiste Tkachev (photo) a également influencé Lénine sur les questions tactiques. De plus, Podolinsky a fait progresser les calculs énergétiques et écologiques, afin d'affiner l'analyse métabolique du capitalisme. Après l'Octobre rouge, le sociologue agrarien Tchaïanov a conçu un modèle rigoureux d'économie domestique paysanne. Pendant ce temps, Kondratieff - membre du Parti social révolutionnaire, une version du populisme parlementaire - a tracé les cycles à long terme de l'expansion technologique et financière depuis les années 1750, sans nul doute une oeuvre géniale.

II

Vers les années 1900, l'Amérique latine ressemblait à la Russie sous plusieurs aspects. Les deux régions languissaient dans un retard relatif, l'inertie étant par intermittence dynamisée par les aubaines que pouvaient constituer les exportations ponctuelles de matières premières. Bien que l'autocratie éclairée soit une caractéristique particulière de la Russie (et aussi du Brésil jusqu'en 1889), le reste de l'Amérique latine abondait en républiques peu représentatives, de style Potemkine, dominées par des cliques mercantiles. Sur le plan démographique, les paysans et les anciens serfs peuplaient les vastes espaces des deux blocs continentaux, tandis que l'analphabétisme et l'urbanisation chaotique ont donné naissance à une intelligentsia déracinée et inorganique.

Personnalités_des_arts_et_des_lettres_-_Alexandre_Herzen.jpgLa bohème russe et les rastaquouères sud-américains se sont retrouvés au carrefour que fut Paris à la Belle Époque, ressentant leur propre étrangeté aux portes de la culture métropolitaine. D'où un sentiment commun d'aliénation. D'où aussi la ruée vers la refonte et la mise à jour de leurs propres sociétés. Mais était-ce possible ? Était-ce même souhaitable ? Le zèle des Russes et des Latino-Américains pour l'aggiornamento s'est très vite éteint et s'est transformé en frustration. Le progrès matériel semblait être un horizon toujours plus lointain et, s'il était enfin réalisable, ses sombres conséquences décourageaient l'émulation. Telle était, par exemple, l'attitude de Herzen (photo) après de longs séjours à l'Ouest - Herzen lui-même un libéral repenti qui devint le doyen et le mentor du narodnischestvo. Les provinciaux hésitaient à adhérer pleinement au projet de modernité universelle et à sa fugue vers l'avenir.

Parallèlement, la réponse latino-américaine à l'Angst (l’angoisse) moderne fut l'Arielismo, la poétisation du retard économique en tant que forteresse contre l'industrialisme et le pragmatisme anglo-saxons. Ariel était l'esprit de légèreté qui s'opposait au génie terrestre Caliban, les personnages antagonistes de Shakespeare dans le cadre épique de La Tempête. Ariel incarnait la plupart des vertus prétendument latines de l'honneur et de la religion, tandis que Caliban était un daimon tellurique dont le déchaînement précipiterait le monde dans le matérialisme de base. Il est clair que ce discours n'était qu'une consolation esthétique, bien qu'il révèle un certain complexe d'infériorité. Jusqu'à présent, l'arielismo était un thème agréable et inoffensif pour les conversations d'après-dîner sous les régimes libéraux oligarchiques. Ce n'est que dans les années 1910, en particulier avec le déclenchement de la révolution mexicaine, que l'opinion publique a connu un changement radical. Les masses rurales ont commencé à se révolter.

III

Ironiquement, celui qui est souvent reconnu comme le premier marxiste d'Amérique latine est en réalité son premier populiste théorique. L'écrivain et activiste Juan Carlos Mariátegui est l'auteur des Sept thèses interprétatives sur la réalité péruvienne (1928), essai qui revendique la prééminence des contextes locaux et nationaux sur la pensée sociale eurocentrique appliquée passivement. Il a critiqué le positivisme formulé de la Seconde Internationale, ainsi que le scolastique soviétique naissante. Il a plaidé pour une interprétation contextuelle, organique et in situ des réalités sociales, en évitant le doctrinarisme abstrait.

imagesmariat.jpgEn même temps, il assimile les thèmes volontaristes précédemment posés par le syndicaliste révolutionnaire Georges Sorel, notamment la grève générale, d'où découle un nouvel élan mythique pour les luttes populaires. Pendant son exil en Italie dans les années 20, Mariátegui a été témoin du double processus, que fut la montée du communisme et du fascisme, héritier de la décomposition de la social-démocratie révisionniste. Ce phénomène qui l'a intrigué. À ce titre, il a adopté un point de vue indigéniste concernant la population autochtone du Pérou, une approche qui rappelle le vieux populisme. Bien qu'il soit un socialiste engagé, Mariátegui a subtilement nuancé le protagonisme du prolétariat moderne. Rétrospectivement, le volontarisme et l'indigénisme - sans parler de l'analyse de la dépendance coloniale - peuvent rapprocher Mariátegui de la matrice populiste plutôt que du marxisme officiel.

portada.jpgEn fait, l'indigénisme reste un élément fort du populisme latino-américain, en particulier au Mexique et dans les pays andins. Sa principale éclosion s'est produite dans le sillage de la révolution mexicaine, qui s'est cristallisée dans une législation corporatiste protégeant les propriétés foncières collectives indiennes (ejidos) et donc l'agriculture de subsistance. Quoi qu'il en soit, l'institutionnalisation complète de la révolution mexicaine n'a eu lieu que sous le gouvernement de Lázaro Cárdenas (1934-1940), connu pour sa nationalisation du pétrole et l'approfondissement de la réforme agraire. La figure clé de toute cette période est José Vasconcelos, éducateur, polymathe éclectique et apologiste de la synthèse culturelle et raciale du peuple mexicain.

L'essai de Vasconcelos intitulé La race cosmique (1925) présente un rare mélange de darwinisme social optimiste et de messianisme laïc. Pour le dire avec humour, Vasconcelos est une sorte de Spengler à l'envers, puisque l'auteur mexicain exalte le métissage et postule un avenir extatique en perspective, où toutes les différences humaines pourraient trouver une réconciliation finale. De manière inattendue, sa réputation d'humaniste a subi un sérieux revers après avoir soutenu les puissances de l'Axe. Il admire les expériences fascistes pour leur élan mobilisateur lors des turbulentes vicissitudes, une situation qui ressemble alors à un scénario mexicain. Bien qu'antiraciste accompli, Vasconcelos professait toujours un patriotisme métaphysique pittoresque - d'où la tension entre son universalisme et son nativisme. Tout au long de sa carrière, Vasconcelos a été un détracteur acharné des puissances atlantiques. 

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Vivant sur les rives du Pacifique, Víctor Raúl Haya de la Torre a été une figure importante au Pérou et au Mexique, où il a trouvé refuge après avoir été expulsé de son propre pays pour des raisons politiques. Né au Pérou en 1895, Haya de la Torre a fondé peut-être le seul parti national d'Amérique latine avec de véritables projections continentales. Il est à l'origine, en 1924, de l'Alliance populaire révolutionnaire américaine (APRA), un mouvement formellement social-démocrate avec de forts tropismes populistes, qui a fini par dégénérer en démagogie, en corruption parlementaire et en clientélisme rampant. Malgré cela, les débuts de l'APRA étaient prometteurs. L'APRA a inspiré la formation du Parti socialiste du Chili en 1933, qui a adhéré à un programme anti-impérialiste et anti-oligarchique, n'accordant qu'un intérêt de pure forme aux orthodoxies figées des marxistes. À cette époque, des purges internes ont eu lieu parce que les rivalités entre staliniens et trotskystes entravaient l'action politique des partis communistes locaux, laissant un vide bientôt comblé par ce nouveau socialisme populiste.

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IV

Selon la sagesse populaire, Lázaro Cárdenas au Mexique, Gétulio Vargas au Brésil et José Domingo Perón en Argentine ont incarné les aventures du populisme à travers le continent. Le péronisme est probablement le cas le plus étudié des trois, étant aussi le plus dramatique et le plus important dans la modélisation du système politique argentin jusqu'à présent. Caméléonesque et mercuriel, le péronisme a recueilli en son sein un éventail disparate de tendances : Intégrisme maurrassien, syndicalisme, fascisme, coopérativisme et même trotskysme. Bien que la position pro-travailliste soit apparue très tôt à l'époque de Perón, la ferveur anti-impérialiste s'est réellement enflammée après la révolution cubaine (1959), épisode qui a déclenché l'émergence de guérillas urbaines pendant l'exil de Perón dans l'Espagne franquiste. À l'origine, l'archétype évident du péronisme était le fascisme italien, dont le général argentin a copié à la fois la politique et le style. Logiquement, la législation sociale a suscité le soutien véhément de la classe ouvrière, en particulier des travailleurs de l'arrière-pays métis, les cabecitas negras – les "petites têtes noires", une comparaison ornithologique plutôt que raciste.

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Curieusement, un groupe d'anciens intellectuels sociaux-libéraux désenchantés a préparé la voie au péronisme en tant qu'idéologie. Ils ont formé un conclave d'historiens révisionnistes, qui ont jugé de façon critique les truismes libéraux sur le passé républicain de l'Argentine, lui-même marqué par la dépendance coloniale envers la Grande-Bretagne - ainsi, l'avènement de la modernité pour l'Argentine n'a pas été une libération politique mais simplement un asservissement impérial. Le nom du groupe, FORJA (forge, creuset), était censé transmettre un sentiment de rectification virile par l'effort et l'endurance, et proposait une renaissance industrielle. FORJA a officiellement duré une décennie entière (1935-1945), bien que ses échos prosélytes résonnent encore aujourd'hui. Ses membres les plus prolifiques furent Arturo Jauretche et Raúl Scalabrini Ortiz, propagandistes zélés d'un évangile nationaliste de gauche.

Gaffeurpatenté d'origine basque et rustique, Jauretche dénonce le système de la Banque centrale et l'entrée de l'Argentine au FMI (Plan Prebisch, 1956) comme des mécanismes de dépendance mis en place par l'impérialisme atlantique. Il s'aligne avec conviction sur Perón, dont la première administration (1946-1955) a réussi à isoler l'Argentine des exigences de la finance internationale. De même, Jauretche a été une figure importante du révisionnisme historique latino-américain, contrevenant ainsi aux mythes conventionnels du dogme libéral depuis l'indépendance (1810). Il a anticipé la plupart des résultats de la théorie des dépendances, bien qu'il les ait exprimés avec un flair journalistique tout personnel et intellectuellement instable. Dans l'ensemble, il était l'économiste du pauvre, occupant le poste de directeur de banque au début du péronisme. Jauretche lui-même a eu un certain impact sur le jeune Ernesto Laclau, le père de ce dernier étant en bons termes avec Jauretche - On Populist Reason (2005), livre de Laclau a récemment renouvelé les études sur notre sujet, celui de la redoute post-marxiste.

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Rétrospectivement, on peut affirmer que 1910, 1929 et 1959 ont marqué les itinéraires axiaux du populisme pour l'Amérique latine. La révolution mexicaine a fourni les thèmes agraires et indigénistes, tandis que le crash de Wall Street a bouleversé les économies latino-américaines orientées vers l'exportation, provoquant des réactions protectionnistes et développementales d'un hémisphère en ruines. Trois décennies plus tard, la Révolution cubaine a électrisé les nouvelles générations et a poussé le nationalisme plébéien dans une position ouvertement anti-impérialiste. Soit dit en passant, le virage à gauche de l'Église catholique a fait apparaître un autre moment intéressant pour l'effervescence populiste. Cette évolution a été incarnée avec éloquence par les conférences épiscopales de Medellín (1968) et de Puebla (1979). En conséquence, la Théologie de la Libération a revigoré les traditions missionnaires de la Contre-Réforme et a catalysé une vague de communautés paysannes militantes, notamment au Nicaragua et au Brésil, où le Sandinisme et le MST (« Mouvement des Sans Terre ») sont actuellement des acteurs majeurs sur la scène politique.

vendredi, 25 décembre 2020

L'Histoire de Rome par Thomas Ferrier - Partie 1 : Romulus et Rémus

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L'Histoire de Rome par Thomas Ferrier

Partie 1 : Romulus et Rémus

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vendredi, 18 décembre 2020

La Chine est en constante évolution mais reste toujours une

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La Chine est en constante évolution mais reste toujours une

Alejandro Linconao

Ex : https://grupominerva.com.ar

Si nous cherchons à comprendre l'histoire comme le fit Spengler qui la voyait en tant qu'organisme vivant et changeant, nous pouvons comprendre le dynamisme des civilisations, avec leurs périodes de paix et de chaos, un dynamisme d'une logique toujours inattendue. Du point de vue du visionnaire allemand, l'histoire, comme tout ce qui est cosmique, "porte l'empreinte de la périodicité" (Spengler, 1966). Cette périodicité, cette alternance, est clairement perceptible dans la vaste histoire chinoise.

L'histoire de l'homme semble répéter des cycles similaires à ceux de la nature. Une période d'instabilité est suivie d'un changement qui établit une nouvelle stabilité, puis cette même stabilité est renouvelée à son tour. Lorsqu'une forme primitive devient plus complexe, il devient nécessaire d'avoir de nouvelles formes d'organisation qui puissent l’englober. Ainsi, partant de clans isolés, le processus va créer des villages, puis transformer les villages en villes-État, puis enx royaumes et, dans certains cas, il est nécessaire d’établir un empire. L'histoire de la Chine est un bon exemple d’un tel processus.

La longue existence de la Chine en tant qu'unité se reflète dans le fait qu'elle connaît des cycles différents mais similaires. Son groupe humain, bien que diversifié, en est venu à former une identité qui occupera les mêmes coordonnées géographiques pendant des milliers d'années. Le peuple chinois a connu cinq dynasties et de multiples guerres, invasions et révolutions jusqu'à l'arrivée des temps modernes. Les Chinois d'aujourd'hui pourraient bien tourner leur regard et s'identifier aux Chinois d'il y a deux millénaires et même à ceux d'il y a 4000 ans. Ils peuvent remonter à des époques lointaines et trouver des formes, des particularités qui leur sont communes, ils peuvent constater que ceux d'hier et ceux d'aujourd'hui partagent une identité.

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Chine : identité et changement

La Chine a traversé les millénaires en actualisant toujours son visage, il est toujours le même mais différent. Tout au long de son histoire, elle a conservé des caractéristiques identifiantes qui la rendent unique. Divers groupes ethniques ont développé des axes qui ont commencé à dominer les différences linguistiques et ethniques.

La dynastie des Zhou (1046 av. J.-C. - 256 av. J.-C.) est la plus ancienne des dynasties mentionnées dans la littérature chinoise. Parmi les œuvres littéraires de cette époque figure le célèbre I Ching.  Dans cette longue période, Confucius émerge avec sa doctrine morale qui coexiste avec des conceptions plus anciennes et est liée à des pratiques magiques. Ces croyances moyennement uniformes ont été fusionnées sous le nom de taoïsme. La Chine, dans des mouvements pendulaires, se concentrera davantage sur l'une ou l'autre école, mais il ne fait aucun doute que les deux constituent partiellement le noyau de « l'être chinois ». La dynastie des Zhou, au sein de laquelle ces doctrines ont pris une forme achevée, a été la dernière avant l'arrivée des empires. Durant cette dynastie, une façon de penser les relations humaines et le pouvoir a été cultivée. Cet intérêt pour la bonne gouvernance et la conscience sociale déterminera un lien fort entre l'intelligentsia et la classe dirigeante qui prendra une importance particulière dans la prochaine dynastie (Pletcher, 2010).

Sous la dynastie Zhou, les gouvernements féodaux tomberont et l'empire chinois naîtra avec la dynastie Qin. Au temps de l'empereur Qin Shi Huang (247 av. J.-C. - 221 av. J.-C.), les différentes cultures locales ont commencé à s'unir en une civilisation commune, la Chine a ainsi acquis son visage définitif. Ainsi, un autre élément essentiel de l'identité chinoise verra le jour : l'empereur, quelqu'un qui détient un pouvoir absolu. Sa figure est l'emblème de l'unité du pays.

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La bureaucratie, autre élément caractéristique de l'État chinois, naîtra également à cette époque. On cherchait un système administratif stable qui établisse une bureaucratie centralisée. Pour avoir accès à la bureaucratie, il fallait passer des examens pour prouver la connaissance des classiques confucéens. Après deux millénaires, le système d'examen de la fonction publique chinoise a été aboli en 1905 par la dynastie Qing dans une tentative maladroite de modernisation. Le système lui-même a finalement été démantelé avec l'avènement de la révolution communiste (Pletcher, 2010).

L'échec de la rupture provoquée par la modernité

La figure de Mao a été un séisme dans l'histoire chinoise, mais même ses apparentes nouveautés ont répété l'histoire de ce pays ancien. C'était un révolutionnaire, oui, mais avec une grande empreinte chinoise.

Le communisme avec Mao a changé les institutions et a cherché, inutilement, à détruire leur milieu culturel. Cependant, les anciennes institutions, telles que les clans familiaux, ainsi que la pensée, les pratiques et les croyances populaires resteront latentes dans le cœur des gens.

Le gouvernement communiste maintiendra et même renforcera la bureaucratie, bien qu'elle soit dissociée de sa tradition. De même, le gouvernement communiste égalitaire établirait Mao comme le chef suprême et inattaquable, ce qui, sans le dire, fit de lui l’équivalent d’un empereur. Il revenait une fois de plus à l'une des coordonnées de l'idiosyncrasie chinoise.

La présence de l'absolutisme est une figure commune dans l'histoire chinoise. Sous la dynastie Ming, en 1380, la fonction de Premier ministre a été abolie, l'empereur exerçant directement le pouvoir. Toutes les décisions importantes sont venues directement de lui. Les classes moyennes sont devenues les véhicules des désirs impériaux. Au niveau communautaire, les villages étaient organisés de façon autonome et régis par la morale confucéenne plutôt que par le droit civil. Les communautés fonctionnaient indépendamment du pouvoir central, même le premier empereur Ming a opposé son veto à l'entrée des fonctionnaires dans les zones rurales (Huang, 1998). Le système politique atomisé a compensé leur manque de force par des appels moraux et des punitions brutales. Le pouvoir impérial et ses décisions ont été renforcés, bien que les communautés aient conservé leurs propres particularités.

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La révolution culturelle chinoise sanglante (1966-1976), qui a persécuté les traditions millénaires, n'était pas quelque chose de nouveau. L'histoire de la Chine enregistre de nombreuses persécutions comme celles qui ont privilégié les taoïstes contre les bouddhistes et les néo-confucéens. À bien des égards, la pensée de Mao a un prédécesseur dans la rébellion de Hong Xiuquan. Le Hong messianique s'opposerait à la fois à l'influence étrangère et aux traditions chinoises et, après de violentes luttes, deviendra empereur. Cependant, il ne peut échapper à son histoire et inscrit des idées dans la tradition confucéenne (Pletcher, 2010). Le régime des rebelles de Hong, un siècle avant celui de Mao, a dicté des mesures révolutionnaires et radicales parmi lesquelles la collectivisation de la propriété foncière. Cependant, ces idées collectivistes, ainsi que les idées confucéennes qu'il détenait, remontent à deux mille ans.

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L'idée d'une organisation communautaire forte remonte au moins au savant Mancio ou Mencius (370 av. J.-C. - 289 av. J.-C.) et à d'autres écrivains de la fin de la période Chou et du début de la période Han. Ils décrivent un système idéal dont on peut supposer qu'il s'inspire du I Ching. Le système appelé Ching t'ien (Bodde, 2008) impliquait la division des terres en une grille de neuf secteurs distribués à huit familles. Chaque famille occupe un secteur, laissant le neuvième pour la culture communale, par laquelle elle rend hommage au seigneur du lieu (Legge, 1875). Les paysans ont dû privilégier le travail du secteur commun avant celui de leur propre secteur. Cette image commune est restée ancrée dans certaines connotations idylliques en Chine et on peut supposer que ces récits ont encouragé les aspirations socialistes.

Le "Grand Bond en avant" proposé par Mao, qui visait à industrialiser le pays, n'était pas non plus sans précédent. Des mesures similaires avaient déjà été prises, par exemple, sous la dynastie Song (960-1279) avec l'industrie sidérurgique, il y a mille ans.

La répétition historique dans l’orbite du géant asiatique est une évidence historique. C'est un signe de renouvellement dans ce qui est similaire, sa forte identité le fait se renouveler, changer mais à sa manière.

Sa forte identité l'amène à se concevoir comme le centre du monde. Depuis la dynastie des Zhou, ce que nous, Occidentaux, désignons comme la Chine s'appelle Zhōngguó, le pays du centre. Cette pensée a animé sans doute l'histoire du pays pendant des millénaires, apportant parfois sa propre inertie.

L'arrivée du communisme a été un événement perturbateur mais, en même temps, la répétition de constantes historiques. L'intervention de Mao dans l’histoire chinoise a été l'une de ces tempêtes qui balaient cycliquement la Chine et les nations en général. Cependant, elle ressemblait à une tempête dévastatrice qui frappe des régions entière et fait apparaître les anciennes fondations sur lesquelles l’histoire et la vie du peuple se sont déroulées.

Bien que les conséquences de la désastreuse Révolution culturelle ne soient pas encore guéries, la sève de la Chine coule toujours dans son corps ancien. Aujourd'hui, les pratiques d'inspiration taoïste se mêlent à la pensée confucéenne ; la médecine traditionnelle à la science occidentale, les rituels sont maintenus et récupérés tout en s'adaptant au contexte mondial. La Chine allie la tradition à une modernité qui ne parvient pas à étouffer ses valeurs consubstantielles. Le géant restera debout tant qu'il conservera ses coordonnées fondatrices, les mâts de son existence, son ancienne identité.

L'histoire chinoise est un exemple particulier de cycles historiques qui ne sont autres que des cycles humains. L'histoire humaine est imprévisible et changeante, cette imprévisibilité et ces changements relevant du particulier, mais elle prend une forme cyclique, ce qui est une règle générale. Comme le mythique Zhang Guo Lao chevauchant son âne à l'envers, lorsque nous avançons, nous le faisons en regardant en arrière.

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Références :

Bodde, D. (1986) The State and Empire of Chin in Fairbank, J. K., & Twitchett, D. C. (Eds.). The Cambridge History of China: Volume I, The Ch’in and Han Empires, 221 B.C.-A.D. 220. Cambridge University Press.

Huang, R. (1998) The Ming Fiscal Administration in The Cambridge History of China. Volume 8. The Ming Dynasty, 1368 – 1644, Part 2. Cambridge University Press.

Legge, J. (1875) The Chinese Classics: Vol. 2. The Life and words of Mencius.

London: Trübner & CO. & Ludgate Hill

Pletcher, K. (Ed.). (2010). The history of China. Britannica Educational Publishing.

Spengler, O. (1966) La decadencia de Occidente, Tomo II, trad. Morente, M. G.. Madrid: Espasa-Calpe, S.A.

 

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jeudi, 17 décembre 2020

Adriano Romualdi aurait eu 80 ans !

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Adriano Romualdi aurait eu 80 ans !

Hommage

Idées (à droite) pour une vision politique organique

Il y a 80 ans, le 9 décembre 1940, naissait l’intellectuel italien, demeuré jeune parce que décédé prématurément. Il impulsa dynamisme et solidité aux idées non-conformistes

par Mario Bozzi Sentieri

Ex : https://www.barbadillo.it

conservatore.jpgIl y a 80 ans, le 9 décembre 1940, Adriano Romualdi naissait à Forlì. Cet anniversaire est important pour se souvenir de cet intellectuel, demeuré jeune parce que décédé prématurément, le 12 août 1973, à la suite d'un accident de voiture. Son souvenir est resté gravé dans la mémoire de la jeune génération des années cinquante, confrontée à l'engagement politique et culturel des années soixante-dix. Adriano Romualdi était, pour cette génération, une sorte de grand frère, capable d'offrir à la vision néo-fasciste des raisons d'être plus profondes, puis d’emprunter de manière autonome les chemins d'un nouveau dynamisme culturel. Dans cette perspective, sa personnalité reste encore un exemple.

Adriano Romualdi, professeur d'université en histoire contemporaine, allait assurément connaître une brillante carrière. Il a su lier l'originalité de ses études, les aspects marginaux et sous-estimés de son œuvre dans les années 1960 et 1970 (pensez à la révolution conservatrice allemande, à la relecture de la pensée de Nietzsche, à l'européanisme intégral, aux auteurs du "romantisme fasciste", à Platon) à une vision organique cohérente et intégrale pour la droite. Ses études l’ont de fait renforcée, la faisant sortir de l’ombre, de la banalité d'un certain qualunquisme patriotique, toujours lourdement présent.

Il y a eu sa lecture du Nietzsche de la Wille zur Macht dans la perspective - il l’écrit, en 1971 – d’une "...volonté de travailler à la création d'une droite moins pathétique, plus consciente de ce qu’elle représente et plus férocedanssescombats, car, certainement, malgré la question de Longanesi, les vieilles lunes ne nous sauveront pas".

Il y a eu sa fresque intitulée "Sur le problème d'une tradition européenne" (1973) : elle constitue une synthèse exemplaire dans la perspective de révéler une physionomie méta-historique de notre Occident, physionomie qui sait, en même temps, être une future préfiguration, une recherche problématique d' « une forme spirituelle capable de contenir trois millénaires et plus de spiritualité européenne ».

Et encore, de manière explicite, il y a eu son questionnement, dans "Idées pour une culture de droite" (1965, 2e édition 1970), sur "l'être de droite", figé dans le refus des mouvements "subversifs", issus de la révolution française (du libéralisme au socialisme) et sur la "décadence des mythes rationalistes, progressistes, matérialistes" ; ce refus était soutenu par la vision d'une étatisation organique, "où les valeurs politiques prédominent sur les structures économiques", et par une revendication altière de la "droite", revendication d'une "spiritualité aristocratique, religieuse et guerrière".

Cette revendication englobait certains des principaux courants de la culture traditionnelle: de Joseph de Maistre et de Louis de Bonald, mais aussi du Hegel de La philosophie du droit, bien sûr aussi le Nietzsche de la Volonté de puissance, de la "révolution conservatrice", de Julius Evola. Ces auteurs et ces références étaient fortement ancrés dans sa vision du monde mais ne lui ont pas fait perdre de vue les "nouvelles tâches" d'une culture engagée "à droite", qui devait pouvoir affronter la réalité, en intégrant aussi les visions mythiques aux énucléations logiques, la pensée scientifique et l'anthropologie, l'écologie (alors balbutiante, mais considérée par Adriano Romualdi comme la préservation des différences et des particularités "nécessaires à l'équilibre spirituel de la planète") et évidemment la recherche historique, soutenue par une vision qui n'était pas banalement évolutive.

WhAEoo.jpegSon idée d'un droit politique "non égalitaire" repose sur ces solides fondements spirituels, que je viens d’exposer ici. C'est en septembre 1972 qu'Adriano Romualdi, à l'occasion de la conférence annuelle de la revue L'Italiano, dirigée par son père Pino, figure historique du MSI, met en évidence la distinction entre la droite (politique et culturelle) et le qualunquisme, sous ses différentes formes (qualunquisme politique, patriotique, culturel).

Protestations frivoles et « critique des prudents »

La critique d'Adriano Romualdi s'adresse à ceux qui protestent "contre quelque chose", sans bien savoir "pour quoi". C'est également une critique des "prudents", qui se plaignent dans l'ombre et s’expriment discrètement dans les urnes, mais ne veulent pas analyser en profondeur les raisons de la crise en cours. Ils se contentent donc des petits horizons du qualunquisme patriotique, de "ce pays pavoisant en rouge-blanc-vert, avec des compatriotes sympas, beaucoup de drapeaux à la main, et des majorités silencieuses de femmes au foyer et de retraités. Un pays ordinaire pour les qualunquistes, où la dimension conflictuelle planétaire - nous parlons des années 70 - est celle qui oppose deux empires aux dimensions continentales, les USA et l'URSS.

Pour se débarrasser du qualunquisme politique et "patriotique", qui ne résout rien, il est essentiel - dit Adriano Romualdi - de vaincre le "qualunquisme culturel" qui est "L'acceptation de la culture pour la culture, presque comme si l'intelligence représentait une valeur en soi et l'intellectuel une figure à défendre en tant que tel".

Dans ce choix de méthode et de valeur, il y a le rejet d'un "ordre" de droite - comme c'était à la mode à l'époque - qui "garde" l'École, l'Université et donc aussi le monde de la culture, sans aborder le problème des contenus qui sont véhiculés dans ces domaines.

Et il y avait aussi la conscience que le rapport entre la droite en place à l’époque, rapport qui n'était pas nié, avec le fascisme ne pouvaient pas être réduit à de la simple "nostalgie".

En ce début de nouvelle ère de la Droite Nationale, Adriano Romualdi souligne plutôt la nécessité d'aller au-delà de l'hagiographie facile, encore répandue dans les milieux du MSI, celle des ornements, de la pure nostalgie, faite de médailles, de pendentifs, d’images sacralisées, de bustes du Duce.

unnamedarrc.jpgEn dehors des contingences d'une situation politique et culturelle de cette époque d’avant 1973, qui sont nettement perceptibles dans certains passages de son œuvre écrite, inévitablement affectée par le temps qui a passé. Les bouleversements de notre époque ont changé la donne (il suffit de penser à la fin de l'URSS, à la crise de l'empire américain, à l'émergence de la mondialisation, à la montée des nouvelles économies asiatiques). Les propositions de Romualdi conservent leur valeur, dans la mesure où elles se nourrissent d'une vision profonde de la culture et donc de la politique, rejetant tout minimalisme et toute respectabilité rassurante.

Par conséquent, plus qu'une simple célébration, le souvenir d'Adriano Romualdi, en ce jour de son 80ème anniversaire, apparaît aujourd'hui comme une nécessité, la nécessité d’une interprétation non triviale de la réalité politique. Il y a la valeur de certains choix, le sentiment d'une appartenance idéologique/politique, qui, libéré des références contingentes, doit être "repensé" sur la base d'une vision plus élevée de la politique, et surtout de la culture qui la soutient, de la "vision de la vie et du monde" qui doit l'animer.  

Dans ce sens, ce que Donoso Cortes a prédit correspond bien à l'œuvre d'Adriano Romualdi : "Je vois venir le temps des négations absolues et des affirmations souveraines".  Il y a, aujourd'hui, un grand besoin de "négations absolues" et d'"affirmations souveraines", à droite et pas seulement à droite.

lundi, 14 décembre 2020

L'hispanophobie. À propos du livre de María Elvira Roca Barea, Imperiofobia y leyenda negra

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L'hispanophobie. À propos du livre de María Elvira Roca Barea, Imperiofobia y leyenda negra

Carlos X. Blanco

La lecture du livre de Doña María Elvira Roca Barea, Imperiofobia y leyenda negra ne m'a pas laissé indifférent. Au contraire, cela m'a profondément marqué. J'avais reporté la lecture de ce livre à la période des vacances, et il me fallut un certain temps avant qu'il ne me retombât entre les mains. Le texte, je ne sais pas très bien pourquoi ; a réveillé en moi d'étranges ressorts mentaux, ont provoqué en moi l'effet d'une libération émotionnelle. La libération de préjugés profondément enracinés et l'envie de me voir dans la nécessité de revoir et d'étudier en profondeur l'origine de ces mêmes préjugés. Le livre, me semble-t-il, est un succès d'édition, et ni l'auteur ni l'éditeur n'ont besoin de publicité de ma part. J'écris ces lignes en tant que personne qui recommande avec ferveur quelque chose de bon à un ami.

Je viens de consulter le site web de Siruela et je vois qu'il en est déjà à sa 18e édition, et le nombre de critiques et d'entretiens avec l'auteur se multiplie depuis sa sortie. Si j'écris cette brève recension, c'est uniquement pour partager des sensations et des réflexions, pour encourager sa lecture, pour recommander l'étude sérieuse et objective de l'Histoire, celle de l'Espagne et du monde, et pour fermer la voie à toutes sortes de racismes.

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Le racisme ? Oui, le livre est un plaidoyer contre le seul type de racisme qui est encore autorisé, toléré et même encouragé à l'échelle mondiale : l'hispanophobie. En fait, ce magnifique ouvrage de Mme Roca est un traité sur l'hispanophobie. Il arrive que toutes sortes d'insultes et de malédictions soient lancées à la civilisation hispanique, qui est née dans les rudes montagnes de Cantabrie et, accessoirement, dans les Pyrénées. Les propos insultants répétent à l’envi qu’il ne s’est rien passé ici. C'est une forme d’agression mentale qui trouvera difficilement une réponse. Depuis le XVIe siècle, la munition idéologique déployée contre l'idée d'Espagne, contre son projet géopolitique et spirituel, contre sa raison d'être même, est une munition chargée de haine, une haine d'un grand pouvoir destructeur et d'une énorme rentabilité justificative pour ceux qui l'ont utilisée. La "victime", l'Espagne comme idée et comme projet, n'a jamais réagi efficacement contre ces attentats métapolitiques . Dans sa phase impériale et ascendante, on peut comprendre le geste hautain et fier de ceux qui ne prêtent pas beaucoup d'attention aux mouches qui les survolent dans leur parcours triomphal. Mais déjà dans la phase de crise, et pas seulement de crise militaire et géopolitique, mais aussi de crise existentielle, l'Empire espagnol ne pouvait pas et ne savait pas comment articuler une "légende blanche" qui nettoierait ou neutraliserait l'offensive propagandiste, très noire, qui était lancée contre elle.

María Elvira Roca retrace de façon magistrale les origines de la légende noire par excellence : la légende noire anti-espagnole. Il est vrai que chaque Empire déchaîne le ressentiment et l'envie des vaincus, des citoyens de seconde classe, des rivaux, des périphériques. Il s'agit d'un phénomène universel. Rome, la Russie, les États-Unis, etc. sont des cas analysés par l'auteur, et dans tous ces cas, la création d'une légende noire est détectée. Mais il est très significatif que le terme même, légende noire sans les qualificatifs de "romain", d’"anglais", de "russe", d’"américain", soit appliqué à l'Espagne seule. A l'Espagne impériale d'abord, et à l'Espagne nationale actuelle, maintenant. La légende noire est, sans autre précision, une légende noire contre l'Espagne.

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Les origines de cette légende se trouvent en Italie. Le berceau de l'Humanisme, en pleine renaissance, est aussi l'égout pour certains "intellectuels" italiens pleins de ressentiment et d'envie qui ne pouvaient pas faire cadrer de façon saine leur insignifiance politico-militaire en tant qu'Italiens, avec la vaste et ambitieuse création impériale qui se développait dans une autre péninsule, la péninsule ibérique. La nouvelle Rome n'était pas la Rome italienne. La nouvelle Rome était, en fait, l'Espagne. L'Espagne comme cœur d'un empire mondial, dont une grande partie de l'Italie faisait partie. L'humanisme italien, tout comme sa dérivation ultérieure, les Lumières françaises, grouillait d'"intellectuels" complaisants, pleins d'orgueil national blessé, aveugles face à tout ce que représentait la contribution espagnole à la civilisation européenne, chrétienne et mondiale. Une Italie impuissante du point de vue national, au XVIe siècle, et une France frustrée du point de vue impérial, au XVIIIe siècle, ont été des centres extrêmement efficaces de propagande anti-espagnole. La pire des légendes inventées contre notre Empire et contre notre peuple n'est pas qu'elle nous souille devant le monde, qu'elles nous attaquent. Le pire, c'est la perte de la vérité, l'insulte à la vérité objective. Corriger la légende noire, c'est rendre hommage non seulement à nos ancêtres. C'est pour rendre hommage à la Vérité. Il s'agit d'étudier et d'enseigner correctement l'histoire, sans cacher les erreurs et les triomphes d'autres époques, et lorsque celles-ci doivent être reconnues en justice, il s'agit également de les replacer dans leur contexte. Mais couper le chemin de l'erreur, la détruire et la dénoncer, est une exigence pour la récupération de notre identité collective en tant que peuple, et c'est un devoir envers l'Humanité. La tâche proposée par le professeur Roca ne pourrait être plus stimulante.

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Le caractère raciste de l'hispanophobie apparaît beaucoup plus clairement lorsque Mme María Elvira Roca poursuit l'étude de la légende noire qui a émergé dans le monde protestant : Allemagne, Pays-Bas, Angleterre, etc. Après tout, les Italiens et les Français étaient toujours coreligionnaires dans la tradition catholique et latine. Bien qu'ils soient nos parents et nos voisins beaucoup plus proches, les Italiens et les Français nous ont qualifiés de Maures et de Juifs pour souligner notre faux catholicisme et notre européanité douteuse. Mais, bien qu'il y ait déjà du racisme dans ces légendes, l'existence de l'Espagne aurait pu les déranger plus que notre idiosyncrasie, et ce qui leur semblait redoutable et typique d'un Empire hégémonique : notre fierté, notre prétendue cruauté. Mais dans le monde protestant, véritable berceau de la raciobiologie, c'est-à-dire du racisme biologique que la hiérarchie des races postule, le catholique, habitant du Sud européen (auquel il faut ajouter les Irlandais) était un être inférieur du point de vue corporel et moral, un être méprisable et viscéralement décadent. L'hispanophobie était, pour les protestants, le noyau de la phobie catholique. Il fallait jeter toutes les inepties de propagande sur les réalisations de la civilisation catholique, dont la "renaissance" était menée par l'Espagne des grands Habsbourg. La civilisation catholique, le christianisme "faustien" selon Spengler, avait atteint son apogée entre le Xe et le XIIIe siècle. Le projet de l'empereur Charles Ier d'Espagne et Charles-Quint d'Allemagne, déjà au XVIe siècle, avait été, en réalité, le projet d'une restauration et d'une perpétuation de ce catholicisme qui, selon sa signification, signifie "universalité".

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Les luthériens et les calvinistes n'étaient pas meilleurs dans leur intolérance, comme le montre Mme Roca, mais ils étaient particulièrement fanatiques dans leurs origines, et traîtres à la civilisation dans laquelle ils étaient insérés, s'alliant aux Turcs et préférant le joug de ces derniers, au doux joug de l'Empire carolinien. L'histoire les jugera, car ce sont maintenant précisément ces pays intolérants et catholicophobes qui ont fait de la "tolérance" leur religion ou une religion de substitution. Et maintenant, je ne veux pas que cet Empire universel qui a étendu une civilisation catholique, ils ont le "Turc", ou quelque chose d'analogue à lui, à l'intérieur, les détruisant dans leurs entrailles.

Cependant, il est curieux que les pays du sud de l'Europe, qu'ils soient traditionnellement catholiques ou orthodoxes (comme la Grèce), soient toujours les pays suspects, les perpétuels et incorrigibles zascandiles qui méritent des étiquettes économiques et financières aussi peu aimables que les pays du PIG. Il est clair que notre caractère de porc se démarque de la prétendue pureté éthique (épargnants et entrepreneurs weberiens) des protestants de sang nordique ou anglo-saxon qui dirigent les agences de notation ou les banques pourries de Wall Street. Dans la dernière partie du livre Imperiofobia y Leyenda Negra (Empire et légende noire), il y a tout un programme de recherche visant à améliorer notre estime de soi et à veiller à nos propres intérêts, en tant qu'Espagnols et membres d'une vaste civilisation hispanique, si nous ne voulons pas hypothéquer l'avenir de nos enfants et petits-enfants. L'avenir est entre nos mains.

Cette soi-disant "mondialisation" est en fait la dictature de puissances financières qui ont longtemps été des puissances sans abri, mais qui continuent à manipuler avec succès les opinions publiques anglo-américaines et allemandes, ainsi que celles des autres pays nordiques. Cette mondialisation dont nous souffrons est encore largement une "américanisation", la branche allemande ayant créé un petit hangar appelé "Union européenne" destiné uniquement à nous acheter, nous vendre, nous asservir et nous piller. Le hangar est particulièrement corrompu, opaque et despotique, et a des liens très étroits avec les monarchies pétrolières mahométanes, qui s'emparent de tout. L'idée de l'Empire catholique, c'est-à-dire "universel", sera toujours l'objet de la légende noire, du mépris, de la manipulation illimitée, des stéréotypes, des moqueries, de la dérision dans ce sinistre contexte dans lequel nous évoluons. Toujours.

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Il est clair que, en tant qu'idée, celle d'Empire peut être mal interprétée. L'empire dont nous parlons n'est pas l'empire d'une nation sur une autre. L'Empire espagnol ne doit jamais être confondu avec le nationalisme espagnol. Ce dernier est né plus tard, au XIXe siècle, c’est un tard-venu, balourd et maladroit... Le nationalisme surgit quand l'Empire est perdu. Nous ne devons pas non plus confondre l'Empire avec le colonialisme. De ce livre de Mme Roca Barea, on pourrait facilement déduire toute une "théorie de l'Empire". Les Anglais, les Portugais, les Néerlandais et encore moins les Français n'ont jamais eu de véritables empires. Ce qu'ils ont eu, c'est un régime colonial. Cette théorie (ou méta-théorie) des empires a déjà commencé à se construire. Don Gustavo Bueno a fait la distinction entre les empires prédateurs et les empires générateurs, bien que la distinction nette et concise de Roca Barea entre le colonialisme et l'empire (au sens strict) soit plus claire. Un empire authentique est toujours protecteur et père des nations futures devant les tiers (devant les "barbares") et est toujours "civilisateur" dans son sens authentique. Pour ma part, j'ai croisé la distinction, opérée par Bueno, avec une autre distinction, celle qui sert de médiateur entre les empires agglutinants et les empires absorbants. Avec cela, je crois pouvoir placer l'Empire espagnol dans les empires civilisateurs ("générateurs"), comme Rome, mais sans le réduire complètement à un empire absorbant, comme ce fut le cas de la romanisation contre les barbares, principalement occidentaux (Celtes, Allemands, etc.) mais le décrivant comme « agglutinant », c'est-à-dire comme un Empire beaucoup plus ouvert aux particularités ethniques, juridiques, linguistiques, des différents peuples qui s’y agglutinent, se rapprochant ainsi de l'idéal du Saint Empire romain-germanique par certains aspects.

Pour terminer ma recension et ma recommandation, je dois également glisser une petite critique d'Imperiofobia. Je ne suis pas d'accord avec l'analyse de Mme Roca Barea sur les États-Unis en tant qu'empire victime de phobies. L'empire yankee est clairement un empire prédateur, qui sape les fondements culturels des pays qu'il soumet et qui changera sa "coloration" culturelle au fur et à mesure de l'évolution de sa composition ethnique interne. En fait, il est déjà vrai que la langue anglaise/américaine se distancie de l'anglais britannique, et que ce n'est même pas une civilisation anglo-saxonne (WASP) qui se répand dans le monde. De plus en plus, cet impérialisme est présenté comme un artifice pseudo-culturel (tantôt pseudo-afro, tantôt pseudo-hispanique, etc.) qui sert de simple emballage à des relations économiques brutales, qui n’ont rien de culturel. La défense de l'impérialisme yankee, que je juge incohérente chez Mme Roca Barea, n'est pas très compréhensible, sachant que la mort de l'empire hispanique (1898), ou plutôt, l'enterrement d'un homme mourant d’une longue agonie, était due aux tromperies et aux abus commis par cet artifice, par cette pseudo-nation ou par ce conglomérat ethnique articulé autour du dollar, et qui s'appelle les "États-Unis d'Amérique". Mais je parlerai des Américains un autre jour.

 

vendredi, 04 décembre 2020

Cette étrange synthèse entre communisme et nation

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Cette étrange synthèse entre communisme et nation

Par Ambrogio Lusardi

Sur Ernst Niekisch (25 mai 1889 - 23 mai 1967)

Ex: http://www.centrostudilaruna.it

phpThumb_generated_thumbnailjpgMBNB.jpgIl y a des zones d'ombre dans l'histoire que l’on ne raconte généralement pas; peut-être à cause de la difficulté de les étiqueter, de les insérer dans des schémas préconçus qui facilitent, pour les utilisateurs d'un tel code (les masses), la compréhension de la réalité comme mythe : la réalité de la lutte métaphysique du XXe siècle, la lutte du Bien (l’antifascisme sous ses diverses formes, même si les communistes, et surtout les staliniens, étaient partiellement dénigrés dans ce contexte) contre le Mal (le sulfurisme nazi, satanisé à souhait avec queue velue et ratomorphe, fourche brandie).

Ceux qui, pour une raison ou une autre, sont sortis de la Seconde Guerre mondiale en faisant partie du camp des vainqueurs, ont surtout diabolisé la "question nationale" : en bref, il est normal de chanter l'hymne national pour se donner une miette de patriotisme, mais sans jamais exagérer. La libre circulation des biens et des personnes, qui concerne toujours les marchandises, ne peut être entravée.

Parmi les vainqueurs, en particulier les gauchistes, les idées de patrie et de nation, sous toutes leurs formes, sont aujourd'hui plus que jamais combattues. Et ce n'est pas nouveau, pour vous dire la vérité. Et pourtant, il fut un temps, dans le chaudron idéologique et révolutionnaire bouillonnant de la République de Weimar, quelqu'un tenta l'audacieuse entreprise de combiner sérieusement le communisme et la nation.

Un livre récemment publié - National Bolshevismo - Uomini, Storie, Idee de Marco Bagozzi (Noctua Edizioni) raconte ce cheminement hérétique, inconnu de la plupart des gens. Bagozzi nous promène des hypothèses émises par les intellectuels "révolutionnaires conservateurs" sur le caractère "national" de la révolution bolchevique, pour nous amener aux principaux auteurs du courant idéologique dont question : en particulier à Ernst Niekisch et aux frères Ernst et Friedrich Georg Jünger, qui ont collaboré assidûment à la revue "Widerstand" (Résistance) de Niekisch. Ce dernier est né politiquement en tant que socialiste ; il avait été fasciné par la révolution russe, avait lu Marx et rejoignit bien vite la SPD (le Parti social-démocrate allemand).

Bagozzi écrit que "Niekisch admirait tout ce que les intellectuels marxistes abhorraient à propos de l'Union soviétique : la volonté de produire et de défendre la Patrie, la consolidation héroïque de l'État, l'attitude guerrière et aristocratique des classes dirigeantes". Le thème fondamental de sa production intellectuelle réside également dans la polémique anti-occidentale et anti-latine (en fait, singulièrement similaire à celle formulée par un "latin" contre-réformiste, hostile à l'Europe libérale et "moderne", Curzio Malaparte), au nom de laquelle il espère toujours une alliance avec l'Union soviétique "asiatique" et "barbare". Grâce à une telle alliance, l'Allemagne devrait retrouver ses racines, sous le signe d'un "bolchevisme prussien", et créer un bloc géopolitique radicalement opposé au monde occidental, capitaliste, libéral et bourgeois,individualiste.

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Pour avoir écrit un pamphlet anti-hitlérien, Hitler, une fatalité allemande, et pour ses activités politiques à la fin des années 1930, il fut condamné à la prison à vie, et ne fut libéré qu'à la fin de la guerre ; il rejoignit ensuite la RDA, dont il se détacha par la suite.

Les articles des frères Jünger publiés dans le magazine Niekisch sont également intéressants.

Friedrich Georg théorisa, dans les pages de "Widerstand", un état qui devait être "la quintessence du pouvoir maximum, absolu, transformé en un organisme, dont la croissance et le renforcement justifient tout critère, même le plus violent, le plus cruel". Il a également soutenu la nécessité de "détruire toutes les formes politiques de capitalisme" et de construire le "socialisme allemand", "en brisant le pouvoir de l'argent".

Le plus célèbre des deux frères, Ernst, pour sa part, a décrit le futur État comme « national, social. et militaire ». Et il sera articulé sous une forme « autoritaire ». Il considérait les "nouveaux nationalistes" comme des révolutionnaires "sains, véritables et impitoyables ennemis de la bourgeoisie". A retenir, dans ce contexte, sa célèbre phrase : "Devant la figure du Travailleur, il n'y a pas de place pour le bourgeois", tirée du texte important de 1932 intitulé Le Travailleur, qui fait le duo avec autre texte bref mais dense, La Mobilisation totale.

Dans le livre de Bagozzi, on retrace également l'histoire d'autres intellectuels mineurs du courant étudié : Paetel, Winning, Lass, Boysen ; et on raconte les expériences "bolcheviques nationales" des factions communistes et national-socialistes allemandes, telles que les nationaux-communistes hambourgeois Wolffheim et Laufenberg, les frères Strasser et les SA. Un livre recommandé pour ceux qui veulent explorer les possibilités cachées de l'histoire, et sa "zone d'ombre".

mercredi, 02 décembre 2020

L’« élite mercantile » anglaise

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L’« élite mercantile » anglaise

Saint-Paulien

Source: Saint-Paulien, Napoléon, Hitler. Deux époques, un destin, Editions Gergovie, 1999 (extraits).

La Révolution de 1688, qui exclut du trône Jacques II Stuart, marque dans l’histoire de l’Angleterre un tournant aussi important que la création de l’Eglise anglicane par Henry VIII : avec Cromwell, c’est la bourgeoisie qui tente de saisir le pouvoir.

En apparence, le XVIIIe siècle consacre l’échec de cette tentative. Walpole repasse les leviers de commande à l’aristocratie, whig [libérale] surtout, mais à la rigueur tory [conservatrice].  Le ministre des deux premiers George réussira à donner au pays une stabilité politique telle que cette aristocratie ne sera chassée du pouvoir qu’à partir de la Seconde Guerre mondiale.

Mais ce qu’on entend par aristocratie en Angleterre à partir de 1715 n’est pas ce qu’on entend par aristocratie en France, ni ce qu’on entendait, en Angleterre même, avant Cromwell. La première moitié du XVIIIe siècle a vu se réaliser dans les îles britanniques une véritable « révolution commerciale », qui précède la « révolution industrielle » de la seconde moitié. C’est à cette « révolution commerciale » qu’on doit la naissance de ce qui est en réalité une nouvelle classe, comparable à l’oligarchie vénitienne et qu’un historien britannique qualifie d’« élite mercantile » [1]. Elle groupe les grands marchands, les financiers, les banquiers, tous ceux qu’enrichit le commerce avec l’Inde, l’Amérique, la Chine, le commerce intérieur même ; elle inclut aussi l’ancienne aristocratie, mais dans la mesure où celle-ci s’est également enrichie, ou bien s’est alliée par mariage à l’« élite mercantile ». Rien n’est plus caractéristique à cet égard que la vague de ralliements des tories au parti whig après 1715.

Cette élite comprendra bientôt les squires, ex-gentilshommes campagnards qui, eux aussi, auront évolué en devenant négociants et spéculateurs. Entre le duc, millionnaire, propriétaire d’une ville entière, ministre ou ministrable, et le squire d’un village qui ne sera jamais que juge de paix, ou membre de la Commission locale de l’Education, il semble qu’il y ait un abîme. Pourtant, tous deux spéculent par l’intermédiaire de leur attorney et possèdent peut-être des parts du même navire. La prospérité de l’un et de l’autre dépend de la conservation par l’Angleterre de la maîtrise des mers, du commerce avec les colonies. Cela est si vrai que l’industrialisation du pays se fera sans que le problème social ait un retentissement politique. Les grands industriels, les propriétaires d’industrie, se recruteront dans l’« élite mercantile » existante, ou bien y entreront de plein droit.

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A la différence de la France et de l’Espagne, l’Angleterre n’a jamais décrété que le noble doit mépriser l’argent et que faire du commerce équivaut à déroger, mais au contraire que celui qui est riche, quelle que soit la source de sa richesse, est noble et doit gouverner. Aujourd’hui encore, la reine d’Angleterre anoblit systématiquement quiconque est très riche. Cette conviction fait le fond du protestantisme ; aussi la naissance et la domination de ce qu’on a appelé l’establishment sont-elles consécutives au triomphe absolu du protestantisme dans les esprits.

Ces deux phénomènes sont le résultat de la décadence de l’élément celto-normand de la population britannique. Avant Cromwell, l’aristocratie celto-normande, souvent catholique, donnait encore le ton. Elle fut décimée par la guerre civile et chassée du pouvoir par les souverains de la Maison de Hanovre. L’élément saxon étouffa l’esprit essentiellement celto-normand de la Renaissance anglaise.

A la fin du XVIIIe siècle, la classe dirigeante britannique, farouchement anglicane, se distingue par sa ténacité, sa vigueur, mais aussi son étroitesse d’esprit et son manque d’imagination. On ne pouvait lui demander de comprendre Napoléon, sorte de Cromwell papiste, pas plus qu’on ne pût demander à l’Empereur, descendant de hobereaux corses orgueilleux de leur pauvreté, de comprendre ce qu’il appelait naturellement « une nation de boutiquiers ». Il apercevait un aspect moral de la classe dirigeante anglaise, mais non pas le monolithisme politique qui en est la conséquence.

Après 1763, la marine britannique était restée maîtresse presque absolue de tous les océans et cet état de choses semblait éminemment souhaitable à toute la classe dirigeante. La France restreignit d’abord cette maîtrise en aidant les Américains à conquérir leur indépendance. Outre une colonie, la principale source des bois de mâture fut ainsi ôtée à l’Angleterre qui, peu après, dut abandonner la Méditerranée.

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Elle y revint assez vite, pour en être chassée à nouveau en 1796 par l’alliance franco-espagnole. Puis Nelson y rentra en 1798 et, en 1805, Trafalgar consacra finalement l’hégémonie absolue de la Grande-Bretagne sur mer : Britannia rules the waves.

C’est ce qui rendit possible un retournement contre l’Europe napoléonienne du Blocus continental. Par les ordres anglais de novembre et décembre 1807, tout navire neutre venant d’un port interdit aux Anglais, ou s’y rendant, fut obligé de faire escale dans un port britannique pour y acquitter un droit de 20 à 30% sur sa cargaison et y obtenir licence de faire commerce avec l’ennemi, sous peine de saisie et de confiscation en mer. Les navires neutres eurent donc le choix entre se faire prendre en haute mer par les Britanniques, ou être saisis dans les ports par les Français. Ce fut la surveillance britannique, inlassable pendant des années, qui l’emporta.

Si les exportations britanniques vers les pays de l’Europe du Nord furent réduites par le Blocus de 16,6 millions de livres sterling en 1805 à 5,4 millions en 1808, elles remontèrent en 1809. Entre ces deux années, l’ensemble des exportations anglaises diminua d’environ 14% ; mais celles de l’empire français diminuèrent de 27% et ne remontèrent pas en 1809.

Si énorme était l’enjeu aux yeux de cette « élite mercantile » qu’elle dépensera chaque année, de 1793 à 1815, de 20 à un peu moins de 100 millions de livres sterling pour faire la guerre à Napoléon. Le coût de cette guerre représentera finalement plus du quart du revenu national annuel. A partir de 1791, la Banque d’Angleterre émettra de plus en plus de papier, et les paiements en or seront suspendus. L’impôt sur le revenu sera créé en 1799 et les impôts indirects seront augmentés. La dette intérieure atteindra 846 millions de livres sterling et coûtera au Trésor 32 millions d’intérêts annuels. Les prix auront à peu près doublé depuis le début du conflit.

Mais la défaite finale de Napoléon fera de la Grande-Bretagne la nation la plus riche et la plus puissante du monde. L’impôt sur le revenu sera supprimé en 1816 par le Parlement, le cours de l’or rétabli en 1821. Ce sera la Pax Britannica, par et pour l’Angleterre.

[1] Cf. J.H. Plumb, The growth of political stability in England : 1675-1725, Londres.

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