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lundi, 14 novembre 2022

Le choc épochal entre l'Occident et l'Eurasie

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Le choc épochal entre l'Occident et l'Eurasie

Luciano Lago

Source: https://www.geopolitika.ru/it/article/lo-scontro-epocale-occidente-versus-eurasia

La succession rapide des événements cruciaux se fait à un rythme soutenu, jour après jour en Europe, et la possibilité d'une confrontation directe entre l'Occident dirigé par les Anglo-Américains et la Russie semble inévitable après les attaques en Crimée menées, comme cela semble confirmé, par les forces spéciales britanniques. La Russie a promis une réponse aux actions secrètes de la Grande-Bretagne, notamment celle que constitue sabotage des gazoducs Nord Stream dans la Baltique, effectué par les forces spéciales sous-marines de la Royal Navy britannique.

D'après les dernières informations ayant fuité dans les cercles du Pentagone, il semble que la manœuvre que Washington prépare consiste à mettre sur pied une force multinationale extra-OTAN qui sera utilisée en Ukraine pour attaquer la Russie sur son territoire. Cette proposition a été avancée par l'ancien chef d'état-major américain David Petraeus et tout porte à croire qu'elle a été acceptée par les cercles du Pentagone pour éviter une défaite en Ukraine. Comme l'avait déclaré le Secrétaire de l'OTAN, M. Stoltenberg, une défaite en Ukraine serait une défaite pour l'OTAN et aurait des conséquences fatales pour l'Alliance.

Toute la question réside dans les objectifs ultimes de l'entreprise, qui sont extrêmement vagues. Quel devrait être le résultat ? Serait-ce d'expulser les forces russes d'Ukraine, de renforcer les défenses ukrainiennes et de parvenir à un cessez-le-feu avec une post-transition pour maintenir une position forte dans les négociations ?

On ne sait pas encore comment les États-Unis se positionneraient dans cette coalition, étant donné que, s'ils y sont, la Russie déterminera qui en prend la tête dans un avenir immédiat et agira en conséquence.

On peut s'attendre à ce que Moscou réponde à la menace en se concentrant sur la destruction de la structure militaire américaine, y compris le commandement spatial, le centre de commandement et de contrôle, le renseignement et la surveillance. L'initiative occidentale semble donc comporter des risques de déclencher un conflit majeur dont l'issue serait impossible à prévoir. Les États-Unis ont besoin de ce stratagème pour des raisons politiques ou veulent simplement transférer une partie de la responsabilité et de l'engagement à leurs alliés, tandis que la question se pose de savoir comment les forces américaines et alliées pourront protéger les nombreuses voies de transport, les aéroports et les bases en Europe contre les attaques des forces russes. En outre, dans ce type d'opération, il est nécessaire de préciser dans quelle mesure le risque est justifié ; le manque de clarté sur l'objectif spécifique peut avoir de graves conséquences.

Il n'est pas difficile de prévoir quelle serait la réaction de la Russie si sa sécurité était menacée, et l'utilisation d'armes nucléaires tactiques ne peut être exclue dans ce cas, conformément à la doctrine militaire russe.

D'autre part, les États-Unis ne peuvent accepter une nouvelle débâcle en Ukraine qui les exposerait à une perte de prestige et de leadership auprès des alliés et à la possibilité d'une rupture de l'Alliance atlantique. Par conséquent, Washington serait prêt à prendre le risque d'un conflit direct avec la Russie, qui a jusqu'à présent été reporté. Cela explique pourquoi le haut commandement du Pentagone y voit une issue possible à l'impasse.

Le conflit imminent entre l'OTAN et la Russie découle d'un contraste entre les deux parties, l'Occident dirigé par les Anglo-Américains et la Russie, qui n'est pas seulement géopolitique et militaire, mais aussi par essence un contraste idéologique et systémique. L'opposition se situe entre le monde occidental arc-bouté sur le totalitarisme libéral-mondialiste et les pays qui veulent garder leur souveraineté et leur identité nationale intactes, refusant de se soumettre aux règles dictées par les États-Unis et leurs alliés.

Le président Biden et son secrétaire d'État Antony Blinken ont tenté à plusieurs reprises de qualifier ce contraste de "division entre les démocraties et les autocraties". En réalité, cette terminologie relève d'un double langage typiquement orwellien.

Par "démocraties", les propagandistes de Washington entendent les États-Unis et les oligarchies financières occidentales qui sont ses alliées. Leur objectif est de centraliser la planification économique entre les mains de gouvernements élus par Wall Street et par d'autres centres financiers sous contrôle américain.

Sous la couverture rhétorique des exposants américains, par "autocraties", Biden et Blinken entendent les pays qui résistent à cette prise de contrôle visant la financiarisation et la privatisation. Dans la pratique, la propagande américaine accuse la Russie et la Chine d'être des régimes autocratiques dans la régulation de leurs propres économies et la promotion de leur propre croissance économique et de leur niveau de vie, c'est en particulier la cas de la Chine dans le maintien de la finance et de la banque comme services publics pour soutenir l'économie réelle de production et de consommation.

Il est bien connu que les diplomates américains utilisent les organismes supranationaux qu'ils contrôlent, tels que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, pour appeler sans cesse à la privatisation des infrastructures, des entreprises minières et des sociétés de services du monde entier, et pour rendre les pays émergents dépendants des exportations de technologies, de pétrole et de nourriture par l'intermédiaire des multinationales américaines.

Cette approche est appelée "démocratie libérale" et "société ouverte" mais elle cache en réalité une forme de néocolonialisme déguisé imposé par la pression économique, le chantage et les menaces de sanctions pour les gouvernements qui ne se conforment pas.

Tout se résume à la fracture entre la vision unipolaire du monde par les Etats-Unis et la vision multipolaire vers laquelle tendent non seulement la Russie et la Chine, mais aussi l'Inde et une série de pays des différents continents qui adhèrent à ce nouveau bloc émergent organisé dans les BRICS et l'accord de Shanghai. Des accords qui unissent une majorité de pays dans le monde, marquant le détricotage de l'ordre mondial préfiguré par les Etats-Unis et ses vassaux.

Ce qui se passe en ce moment historique est un tournant historique qui suggère qu'il sera impossible de revenir en arrière, alors que nous assistons au démantèlement, pièce par pièce, de l'ancien système et de l'ordre mondial qui était fondé sur la suprématie impériale des États-Unis.

Ce sont les mois à venir qui détermineront si le tournant sera pacifique ou si le monde sera soumis à un conflit majeur suite aux initiatives de la puissance anglo-saxonne qui ne se résigne pas au changement et au nouvel équilibre des forces.

jeudi, 20 octobre 2022

La Chine et la fin de l'Occident

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La Chine et la fin de l'Occident

Karl Richter

Le monde est en train de vivre un changement de pôle dans la répartition du pouvoir mondial : l'Occident s'en va, quelque chose d'autre arrive. En l'état actuel des choses, des puissances comme la Russie, la Chine et l'Inde jouent un rôle déterminant dans ce processus, tandis que l'Oncle Sam ne jouera plus les premiers violons à l'avenir. C'est une évolution qu'il faut soutenir à tous égards.

Lorsque quelqu'un comme le chef du PC chinois Xi Jinping, qui est en fait le chef d'État de son pays, s'exprime clairement, il faut l'écouter aussi attentivement que Poutine. Les deux ne sont pas des faiseurs de phrases et se distinguent ainsi des pompes à air de Bruxelles, Berlin et Washington. La situation pourrait maintenant devenir passionnante. La réunification de Taiwan avec la Chine ne concerne que les Chinois, a déclaré Xi lors du congrès du PCC dimanche. Dans ce contexte, Pékin a récemment exhorté tous les Chinois vivant en Ukraine à quitter le pays. Le fait que les médias de propagande occidentaux, comme le journal allemand Bild, se soient récemment déchaînés contre Xi de la même manière que contre Poutine, s'inscrit également dans cette logique. Cela signifie que l'homme fait quelque chose de bien.

Les événements se déroulent à plusieurs niveaux. Le niveau politico-militaire n'en est qu'un, le niveau économique en est un autre. Entre-temps - mais en fait depuis un certain temps déjà - on ne peut plus ignorer qu'avec le groupe BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) se forme un nouveau grand bloc économique qui se considère comme un "contre-G7". Les principaux participants, en particulier la Russie et la Chine, ont profité de cette période pour faire progresser l'intégration des pays participants et d'autres partenaires, y compris sur le plan technique ; en effet, l'alternative russe au système de règlement américain SWIFT, le système de paiement MIR, est désormais en place et utilisé par un nombre croissant de pays. Parallèlement, de plus en plus de partenaires abandonnent le dollar pour leurs transactions énergétiques (pétrole, gaz), ce qui le rend superflu pour une partie croissante du monde. Si l'on ajoute à cela les chocs croissants auxquels les économies occidentales sont confrontées - par leur propre faute ! - (inflation, pénurie d'énergie, etc.), tout cela tombe très mal pour l'économie mondiale en dollars de l'Occident. On peut à juste titre se demander si l'escalade flagrante à laquelle se livre l'Occident en Ukraine n'est pas une conséquence directe de l'économie financière occidentale menacée d'effondrement.

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Quoi qu'il en soit, la formation du bloc BRICS prendra du temps ; il s'agit plus d'une affaire de décennies que d'années. Néanmoins, les BRICS ont le vent en poupe et sont déjà perçus comme des concurrents. La guerre en Ukraine accélère le mouvement. Pour l'Occident, le train a tendance à s'arrêter.

Taïwan : la Chine est généralement un acteur discret, qui agit avec une prudence extraordinaire. Je ne mettrais pas ma main au feu que Pékin aborde la question de Taïwan dans un avenir proche - mais je peux me tromper (et je ne m'attendais pas non plus à l'attaque russe en février). En fait, les préparatifs chinois ne sont pas encore terminés. Pour l'instant, la marine populaire chinoise manque encore d'un grand nombre de navires de débarquement et de transports de troupes nécessaires, qui ne devraient pas être disponibles avant 2027. Pour le reste, l'armement chinois, malgré des progrès considérables, est encore loin d'être prêt pour que Pékin cherche de son propre chef la confrontation avec les Etats-Unis.

Mais il est possible que Pékin analyse l'impact de la guerre en Ukraine sur les forces armées occidentales. Les armées de l'UE ne sont pas les seules à se "cannibaliser" dangereusement en raison des livraisons excessives d'armes à l'Ukraine. Il y a des mois, l'ex-inspecteur général de l'armée allemande, Kujat, avait déjà mis en garde contre le fait que les livraisons menaçaient massivement sa propre capacité de défense. Indépendamment de cela, le ministère allemand de la Défense a fait savoir ces derniers jours que l'armée allemande ne disposerait de munitions que pour deux jours (!!) en cas d'urgence. Mais même aux États-Unis, les avertissements concernant les stocks de munitions vides et la réduction drastique des stocks d'armes antiaériennes et antichars (Stinger, Javelin) se font de plus en plus entendre. On sait que près de 900.000 munitions pour l'obusier M777 de 155 mm ont été livrées - le Pentagone doit maintenant supplier la Corée du Sud et le Canada de reconstituer les stocks.

En d'autres termes, l'occasion est belle. L'Occident, y compris les États-Unis, est pleinement impliqué en Ukraine et atteint déjà partiellement ses limites. Dans ces conditions, faut-il attendre que la guerre en Ukraine se termine d'une manière ou d'une autre et que l'OTAN puisse souffler un peu ? D'autant plus que l'administration Biden a fait savoir ces jours-ci qu'elle avait l'intention d'équiper Taïwan à l'aide de milliards de dollars et d'en faire un immense arsenal à l'image de l'Ukraine. La guerre en Ukraine montre clairement où cela mène si l'on en arrive là, et Pékin en tirera les leçons.

A cela s'ajoute l'atout que constitue le fait que la Chine (et la Russie à partir de novembre) possède déjà dans son arsenal des missiles hypersoniques à longue portée - qui peuvent être équipés d'armes nucléaires - alors que les Etats-Unis n'en disposent pas encore. Dans ces conditions, on peut se demander si Washington sortirait la carte nucléaire en cas de conflit. Le prix conventionnel d'un engagement militaire serait déjà élevé - avec ses missiles DF-21 et DF-26, considérés comme des "tueurs de porte-avions", ainsi que le glacis avancé construit ces dernières années en mer de Chine méridionale, la Chine dispose désormais de bons moyens pour tenir à distance les unités de porte-avions américaines. On peut raisonnablement se demander si Washington est prêt à prendre le risque d'une confrontation nucléaire à cause de Taïwan.

Nous entrons dans une phase intéressante de changement de pôle politique mondial. Les choses s'accélèrent maintenant. Tout porte à croire que le départ de l'Occident - y compris des régimes satrapes européens - se fera plus rapidement que beaucoup ne l'imaginent. Le plus tôt sera le mieux.

 

mardi, 27 septembre 2022

Réactions chinoises à la Russie et à la réunion de l'ONU dominée par l'Occident

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Réactions chinoises à la Russie et à la réunion de l'ONU dominée par l'Occident

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2022/09/22/kiinalaisreaktioita-venajaan-ja-lannen-dominoimaan-yk-kokoukseen/

Lorsque le président russe Vladimir Poutine, soumis à une pression toujours plus forte de la part des États-Unis et de l'Occident, a annoncé mercredi la mobilisation partielle des réserves militaires du pays, les rédactions occidentales sont entrées dans une frénésie folle, les journalistes et les "experts" répétant leurs diatribes russophobes.

Parallèlement à leurs propres élans d'indignation, les Occidentaux ont rapporté que "d'autres pays" avaient "condamné" les actions de la Russie en Ukraine. Je n'ai pas personnellement observé que l'opération spéciale de la Russie ait suscité une réaction aussi vive dans les pays BRICS, par exemple, qu'à l'Ouest, de sorte que l'interprétation selon laquelle la Russie est "laissée à elle seule" relève en partie de la manipulation de l'information occidentale.

Plus révélateur encore, le jour même où Poutine a annoncé une mobilisation partielle et des référendums dans les régions de l'est de l'Ukraine tenues par les rebelles qui veulent se joindre la Russie, le président chinois Xi Jinping a appelé ses forces armées à se préparer aux batailles à venir.

"Il faut résumer et appliquer les leçons tirées des réformes réussies, gérer les nouvelles situations et comprendre les exigences des tâches, se concentrer sur la préparation à la guerre et faire preuve d'audace dans l'exploration et l'innovation", a formulé le dirigeant chinois.

La Chine, l'Iran, l'Inde et d'autres pays qui, par le simple effet de leur propre développement, "défient" l'hégémonie américaine, savent pertinemment que si la Russie tombe et que l'Occident et l'OTAN gagnent, ils seront les prochaines cibles en tant que "puissances montantes" pour un centre de pouvoir atlantiste qui ne tolère pas la multipolarité mais veut poursuivre la voie de sa propre autocratie.

Les experts chinois ont également commenté les actions de la Russie, tout en critiquant la réunion des Nations unies en cours, où Poutine et l'Ukraine ont reçu trop d'attention, au détriment d'autres questions.

Selon les Chinois, la crise en Ukraine s'aggrave, d'autant plus que l'alliance occidentale a "détourné l'Assemblée générale des Nations unies en cours et l'a transformée en un théâtre où l'on joue le sketch de l'hostilité anti-russe, attisant davantage les flammes et sapant encore plus les perspectives de négociations pacifiques".

Selon certains experts chinois, "il y a un risque que le conflit dégénère en une guerre entre la Russie et l'Europe qui pourrait devenir incontrôlable". Selon eux, la "situation malheureuse actuelle mérite une réflexion approfondie sur ce qui a conduit à une crise sans précédent et comment".

"L'ordre de mobilisation montre que la Russie a procédé à des ajustements tactiques des opérations en cours, ce qui signifie que le conflit entre dans une nouvelle phase", déclare Zhao Huirong, expert en études est-européennes à l'Académie chinoise des sciences sociales.

"Il est inévitable que la confrontation s'intensifie et se prolonge. Comme les deux parties cherchent l'avantage absolu et même la victoire finale sur le champ de bataille, la perspective de négociations devient moins probable", estime Zhao.

"Nous devrions comprendre qui a conduit le conflit Russie-Ukraine là où il est maintenant, et qui a fait en sorte que la Russie et l'Ukraine ratent l'occasion de négocier", laisse entendre Cui Heng, chercheur adjoint au Centre d'études russes de l'Université normale de Chine orientale, sans mentionner Washington, Londres et Bruxelles.

Lors de l'Assemblée générale de l'ONU - un forum censé se concentrer sur les préoccupations mondiales telles que les problèmes climatiques, la crise alimentaire et le redressement post-colonial - les dirigeants de plusieurs pays occidentaux se sont concentrés, comme d'un commun accord, sur la critique des actions de la Russie en Ukraine.

"Les pays qui refusent de se ranger du côté de l'Ukraine sont complices du nouvel impérialisme de Moscou", a déclaré le président français Emmanuel Macron à l'Assemblée générale des Nations unies mardi.

Selon Cui Hongjian, directeur du département des études européennes à l'Institut chinois d'études internationales, la "perspective extrême" de Macron considère la question comme un choix partisan "ou bien ou bien" et "la critique des pays neutres montre que l'Europe a amorcé une confrontation aiguë [contre la Russie]".

Le président américain Joe Biden a continué à utiliser l'Assemblée générale pour faire avancer un programme anti-russe et a également blâmé Poutine dans un discours mercredi, affirmant que le monde a connu une "guerre brutale et inutile choisie par un seul homme, Poutine". Bien entendu, M. Biden n'a rien dit du propre rôle des États-Unis dans la déstabilisation de l'Ukraine.

Au moins, tout le monde ne partage pas l'avis de l'administration Biden. Le président brésilien Jair Bolsonaro a appelé à un cessez-le-feu et a réitéré sa volonté de promouvoir des négociations pour résoudre le conflit entre la Russie et l'Ukraine. Il a également demandé la levée des sanctions et de l'isolement économique de la Russie.

La position de la Chine sur la crise ukrainienne va dans le même sens. Mercredi dernier, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Wenbin, a exhorté "les parties concernées à parvenir à un cessez-le-feu par le dialogue et la négociation et à trouver des moyens de résoudre les préoccupations raisonnables de sécurité de toutes les parties dès que possible".

La Chine comprend que, avec la Russie, l'Occident a les yeux rivés sur Pékin. Lorsque les États-Unis et certains pays occidentaux mettent constamment l'accent sur la "menace" chinoise, ils s'inquiètent uniquement du fait qu'ils ne peuvent plus maintenir leur hégémonie mondiale.

"La guerre froide est terminée depuis plus de 30 ans, mais la mentalité des États-Unis et de l'Occident est toujours bloquée à l'époque de la guerre froide", voilà comment la Chine interprète la situation.

La non-pensée occidentale

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La non-pensée occidentale

par Daniele Perra

Source : Daniele Perra & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/l-antipensiero-occidentale

Il y a certains faits que de nombreux "analystes", journalistes (ou supposés tels) oublient (en raison de limitations cognitives évidentes ou de mauvaise foi) lorsqu'ils observent la réalité à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui : 1) l'histoire ne se réduit pas aux événements des deux derniers mois ; 2) la géographie ne se combat pas avec des sanctions économiques.

La guerre de Crimée (1853-1855), par exemple, a été particulièrement traumatisante pour la confiance en soi du peuple russe. Ces derniers, en particulier, n'appréciaient pas le fait que l'Europe (stimulée par la puissance de la thalassocratie britannique) formait un front uni en faveur de l'Empire ottoman désormais en déclin pour des raisons purement géopolitiques (dans le but de contenir la projection et l'influence russes sur la mer Noire, les Balkans et les détroits) après que la Russie elle-même ait contribué de manière décisive à la défaite de Napoléon. Dostoïevski a écrit des vers enflammés dans ce contexte : "Honte à vous, apostats de la croix, qui éteignez la lumière divine".

Il convient de répéter que la projection sud-ouest était celle à laquelle la politique étrangère de l'empire tsariste était historiquement la plus intéressée, pour des raisons d'affinité culturelle-historique liées à l'hypothèse d'un héritage direct de Byzance et à la communion ethnique avec les peuples slaves (d'ailleurs, le panslavisme n'est rien d'autre que la diffusion des sentiments et des idées du romantisme européen, en particulier du romantisme allemand, dans la sphère russe). Même à la fin du 19ème siècle, Vladimir Solov'ev écrivait, à travers les mots du personnage du général dans ses "Dialogues", que la Russie devait aller au-delà de Constantinople jusqu'à Jérusalem (un centre sacré rapporté dans les carnets de voyage d'Igumen Danil de l'époque de la Rus' de Kiev).

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En fait, la guerre de Crimée n'était qu'un épisode du "Grand Jeu" (ou du "Tournoi des Ombres") entre l'Empire des Tsars et l'impérialisme britannique le long de la "ligne" allant de Constantinople à l'Asie centrale.

À la fin, cependant, les cercles conservateurs russes ont suggéré que les intérêts nationaux de l'empire devraient être orientés vers l'est, "laissant l'Europe tranquille en attendant des circonstances meilleures" (selon l'idéologue de l'époque, Mikhaïl Pogodine), comme c'est encore le cas aujourd'hui (pensez à la doctrine Trenin, qui envisage une réorientation de la politique étrangère russe vers l'Asie). Pour sa part, le général Pavel Grabbe a écrit : "Si nous sommes destinés à devenir un royaume de l'Est, c'est là que se trouve le véritable champ d'action de la puissance russe. Nous avons été cloué en Europe pendant longtemps sans rien obtenir. L'Europe nous est hostile et nous lui avons pris très peu de choses".

Il va sans dire que la Russie, à l'époque comme aujourd'hui, était considérée par le "progressisme" européen, idéologie dominante et rampante, comme un bastion de la préservation des valeurs traditionnelles, du conservatisme, donc un empire despotique et "obsolète" exerçant une influence pernicieuse sur le reste du continent et devant être repoussé vers ses homologues orientaux.

Alors qu'une partie de l'intelligentsia russe voyait la conquête de l'Est comme une mission civilisatrice dans le style du "fardeau de l'homme blanc" (bien que dans certains cas édulcorée par l'idée de redécouvrir la "patrie originelle" des peuples indo-européens, ce qui est très similaire à la mythologie du touranisme contemporain), les élites européennes (en particulier les Britanniques) l'interprétaient comme une expansion orientale d'un peuple déjà oriental.

Entre 1859 et 1897 (avec l'intermède de la vente de l'Alaska aux États-Unis et la fondation de Vladivostok, la "Dame de l'Orient"), la Russie pousse jusqu'à Port Arthur, jetant les bases de la résistance à l'expansionnisme naissant du Japon et au désastre guerrier qui s'ensuivit en 1905.

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Si la conquête de la Sibérie a été essentiellement pacifique, on ne peut pas en dire autant de la conquête du Caucase (qui a même commencé sous Pierre le Grand, qui voulait contrôler les flux du commerce vers l'Europe) et de l'Asie centrale. La figure de Pierre le Grand, en particulier, a été fondamentale en ce sens, car le processus d'absorption de la culture européenne-occidentale qui a débuté sous son règne s'est également avéré décisif pour l'assimilation de la vision géographico-idéologique fondée sur l'opposition entre l'Est et l'Ouest (caractéristique de la modernité et exaspérée ultérieurement par les pouvoirs thalassocratiques britannique et nord-américain). L'historien Aldo Ferrari écrit : "À la lumière de cette redéfinition idéologique, la double nature européenne et asiatique du pays était également considérée comme similaire à celle des empires coloniaux européens émergents, avec une mère patrie européenne et un territoire colonial non européen. La principale différence était que les territoires impériaux russes ne se situaient pas dans un espace étranger (comme le Raj britannique en Inde), mais étaient géographiquement liés au centre impérial, ce qui rendait indéfinissable une distinction claire entre les deux.

Pour cette raison, toute comparaison entre l'impérialisme européen (et plus tard nord-américain) typique et l'empire russe (et même soviétique) est décidément imparfaite. Ferrari poursuit : "La Russie n'avait pas d'empire, mais c'était un empire. Un empire continental plutôt que maritime, procédant sur la base d'aspirations expansionnistes coloniales traditionnelles plutôt que modernes. L'histoire de la pénétration russe en Asie diffère de celle des autres puissances européennes précisément parce qu'il s'agit d'une histoire qui mûrit lentement au fil des siècles, et dans laquelle les relations pacifiques ou guerrières entre pays voisins se répètent. Une conscience coloniale semblable à celle qui a poussé les peuples d'Europe occidentale à s'expatrier - les Portugais en Inde, les Hollandais en Indonésie, les Français en Louisiane, les Espagnols au Mexique, les Britanniques en Amérique du Nord - ne s'est pas formée spontanément chez les Russes, mais seulement plus tard, également en tant que résultat tardif d'une violente occidentalisation. Dans la steppe, on ne sait pas exactement où et quand les frontières de la patrie sont franchies, et la volonté d'expansion russe, que ce soit dans les forêts sibériennes, dans les zones civilisées de l'Asie centrale musulmane ou dans le Caucase, ressemble à l'expansionnisme des grandes puissances européennes de l'ère pré-nationale, plutôt qu'à la colonisation occidentale : guerres de domination, création de relations de vassalité plus ou moins féodales, jamais création d'un sentiment de véritable supériorité ethnique".

Les raisons profondes de la haine "occidentale" de la Russie y sont expliquées en quelques lignes. On ne peut pardonner à la Russie d'avoir adopté une attitude entièrement "pré-moderne" envers l'Est. L'Est n'a jamais été un "tout autre" pour la Russie. Outre la marque notoire d'être profondément influencée par le monde turco-mongol (dans ce contexte, il convient de rappeler qu'au Moyen Âge européen, il y avait des gens qui louaient les Mongols pour avoir détruit le califat), elle est coupable de ne pas traiter les peuples orientaux assimilés à son empire de la manière raciste et exclusiviste typique du colonialisme européen moderne. Au contraire, elle s'inspire de la tradition romaine, exprimée dans la divinité typiquement italienne de Janus à deux visages, et s'adresse à la fois à l'Orient et à l'Occident, au passé et au futur. En ce sens, elle est la "troisième Rome".  

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En même temps, il faut garder à l'esprit que l'expansion vers l'Est n'a jamais rencontré le même intérêt de la part du public russe que les affaires occidentales de l'Empire (une tendance qui est encore fortement présente aujourd'hui). Au contraire, il y a eu pendant longtemps une grande peur des peuples orientaux (même si la Russie elle-même a accompagné la Chine dans sa parabole impériale descendante de manière presque paternaliste). Solov'ev, que nous venons de citer, a écrit dans son poème Panmongolisme, où il a prophétisé l'effondrement de l'autocratie tsariste : "Lorsque dans la Byzance corrompue / l'autel du Seigneur s'est figé / et a renié le Messie / princes et prêtres, peuple et empereur, / une nation étrangère inconnue / s'est levée de l'Est / et sous le lourd instrument du destin / la seconde Rome a plié dans la poussière. / Nous ne voulons pas apprendre / du sort de Byzance déchue / et continuer à répéter les flatteurs de la Russie : / Tu es la troisième Rome, tu es la troisième Rome ! / Ainsi soit-il ! Le châtiment divin / a d'autres instruments en réserve'.

La peur de l'Orient est une caractéristique essentielle de la culture européenne moderne. Un Orient qui inclut toutefois la Russie, bien que Catherine II considère déjà son empire comme une "puissance européenne" à part entière. Les perceptions européennes de la Russie restent toutefois façonnées par les siècles au cours desquels la noblesse polonaise a tenté (avec un succès mitigé) de se présenter comme l' antémurale (= la muraille avancée) catholique-occidentale contre l'expansionnisme russe-orthodoxe (une autre tendance récurrente dans le présent, alimentée par les pouvoirs thalassocratiques, bien que sous la forme d'une opposition à une forme plus fumeuse de néo-bolchevisme).

Une puissance européenne oui, mais avec une énorme ramification orientale! À l'occasion d'une victoire sur les Ottomans, le poète Gavrila Derzavin a dédié ces vers à Catherine : "Son trône se dresse / sur quarante-deux piliers / sur les montagnes de Scandinavie et du Kamtchatka, sur les collines dorées / des terres de Timur au Kouban".

Une ramification dont la propagation a été facilitée par l'absence de véritables barrières physiques. Cela montre que l'idée d'une frontière européenne dans les montagnes de l'Oural est géographiquement non pertinente. Comme l'a noté Nikolaï Danilevsky, l'Europe n'est en fait rien de plus qu'une péninsule du continent horizontal, bien plus vaste, qui s'étend du Pacifique à l'Atlantique.

Dans cet espace, la civilisation russe, du moins pour le dernier millénaire, a joué le rôle de pont entre les deux extrémités.

L'idée que la Rus' de Kiev était un monde à part (un éden indo-européen sans influences ni contacts avec les peuples turcs environnants) est un fantasme créé par la déformation de l'histoire par les penseurs du nationalisme ukrainien qui se considèrent comme ses héritiers ethniques directs. Il suffit de dire que le métropolite de Kiev désignait le Grand Prince Vladimir par le terme turc "Kagan".

En même temps, l'idée que la géographie peut être combattue en construisant des murs de sanctions est une fois de plus un fantasme qui envahit cycliquement la pensée (ou plutôt l'anti-pensée) occidentale, pour se briser ensuite contre la réalité des processus historiques.

20:02 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : russie, occident, actualité, histoire | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 07 septembre 2022

Alain Daniélou et le point de vue hindou sur le Kali-Yuga européen

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Alain Daniélou et le point de vue hindou sur le Kali-Yuga européen

Nicolas Bonnal

Alain Daniélou, frère du cardinal, est païen et a vécu quinze ans en Inde au beau milieu du vingtième siècle. Là, il parfait sa connaissance de l’hindouisme, des textes sacrés, de la musique traditionnelle et de la danse initiatique. Puis il revient en Europe et assiste bien placé par ses relations mondaines au déploiement de cette Europe décadente dont a parlé Raymond Aron. Au début des années 80 il publie ses mémoires, Le Chemin du labyrinthe.

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Le livre est fabuleux, à couper le souffle, totalement passionnant. Et il va appliquer sa connaissance de la Tradition, jointe à un remarquable esprit libertarien, cet esprit libre n’ayant jamais supporté la discipline occidentale, pour analyser ce qui se passe en Europe, qui, dès les années 60 et 70, court au Reset et à la dystopie.

« C’est armé de ce bagage que j’ai commencé à reprendre contact avec l’Europe qui m’est apparue comme une région malade, atteinte d’une sorte de cancer qui fait que certaines cellules se développent de façon incontrôlée et contaminent peu à peu les autres. Ce développement à forcement une limite. L’espace vital est de plus en plus réduit pour chacun dans ces énormes termitières qui recouvrent peu à peu les campagnes et les forêts. »

Le cancer de la civilisation et la fin de l’espace vital, nous y sommes. A l’époque on en parlait, aujourd’hui on applique. Daniélou évoque son toupet habituel les origines « aryennes » (violence et pillage) de ces occidentaux toujours en guerre et colonialistes :

« La recherche de la prospérité étouffe celle de la sagesse et du bonheur de vivre. Je me suis interrogé sur les raisons qui rendaient les Occidentaux modernes si agités et en somme assez rarement heureux. Les Aryens dont sont issus la plupart des peuples qui ont dominé l’Europe, les Achéens, les Doriens, les Celtes, les Romains, les Germains, les Russes, sont des peuples prédateurs. Ayant récemment envahi une grande partie de la planète, peuplé les Amériques et l’Australie, imposé leurs langues à l’Afrique et parfois même à l’Asie, ils ont atteint une limite et leur force d’expansion se retourne contre eux-mêmes. Il semble peu probable qu’ils arrivent à se contrôler. »

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Oui, la force se retourne contre soi, et avec quelle alacrité !

Daniélou attaque l’occident là où il se croit fort, sur le plan des idées et de l’intellect ; il est aussi percutant que René Guénon :

« J’ai été surpris par l’incohérence des concepts, la naïveté des croyances, le manque de rigueur des raisonnements. De soi-disant « intellectuels » s’acharnent, sur des bases plus qu’incertaines, à changer le monde sans en étudier la logique ni en rechercher la raison d’être ; et prétendent « reformer » la société en partant de postulats irréalistes qui en tiennent aucun compte de la nature et du rôle de l’animal humain dans l’ensemble de la  Création. »

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Daniélou comprend comme Schopenhauer (voyez mon texte) que l’on ne peut convaincre en Occident. Alors il faut exterminer – surtout si on est le plus fort :

« Cette sorte de jeu artificiel ne peut aboutir qu’à de fausses valeurs imposées par des formes de tyrannie car, quand on arrive au bout du mensonge, on n’a plus d’autre issue que la destruction des preuves des opposants et l’annihilation physique de ceux qui les soutiennent ainsi que l’Histoire l’a trop souvent démontré. »

Il balaie la France fonctionnaire, républicaine et liquéfiée en une phrase :

« Les Français notamment apparus comme des gens particulièrement légers et irresponsables. »

La clé c’est la catastrophe bourgeoise. Taine en a très bien parlé dans son La Fontaine et les fables (voyez mon texte) ; Daniélou ajoute que le bourgeois est dangereux, surtout sur le plan culturel, car il est un snob. Cela donne les Femmes savantes, le bourgeois gentilhomme, la quête du mamamouchi et pas du Graal, ou le festival de Cannes et la sous-culture moderne qui repose sur la bêtise conformiste et le terrorisme critique :

«Le monde occidental, qu’il se prétende capitaliste ou socialiste, est entièrement dominé par la mentalité bourgeoise, c’est-à-dire par l’esprit qui caractérise la troisième caste, celle des marchands, non point tellement par suite de la puissance que donne l’argent que par l’importance attachée aux questions matérielles et surtout par le snobisme, un mot qui, selon certains, viendrait de l’italien snobile, « sans noblesse »

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L’esprit libre et indépendant devient une rareté dans cet occident alors :

« Les esprits indépendants qui cherchent leur propre vérité, veulent vivre selon leurs goûts, sont suspects dans ce monde artificiel et prétentieux. Les snobes prônent les modes artistiques comme s’il s’agissait de valeurs incontestables. »

Daniélou insiste sur ce snobisme qui crée un déclin actif de l’art (visible par tous dès le dix-neuvième siècle, voyez Tolstoï ou Max Nordau) :

« Il semble qu’il n’existe plus de lien entre la cosmologie et la science, entre l’art et le sacré. Il y a des maladies et des idéologies à la mode alors qu’il s’agit de questions d’importance vitale. Le communisme de salon va de pair avec la musique aléatoire ou l’enthousiasme feint pour des toiles dépourvues d’intérêt esthétique, de talent ou même de technique. »

Et de conclure sur cette question :

« Les snobs sont des naïfs vaniteux aisément manipulés par les intérêts des puissances d’argent et des impérialismes. Les prétendus intellectuels font bien souvent partie de ce troupeau. »

41DQGVP2TPL._SX195_.jpgLe déclin de la science est évident aujourd’hui, sur fond d’épidémie, de la fin de l’énergie et d’arnaque spatiale (coucou Apollo ? Coucou Ariane ?) ; Daniélou ajoute :

« Rares sont les savants qui au bout de leur carrière osent jeter, comme le faisait Oppenheimer, un regard effrayé sur le monde qu’ils ont contribué à construire tout en sachant qu’ils sont irresponsables, que la science collective poursuit son développement aveugle vers un destin inconnu que chacun pressent, qu’en théorie nul ne désire, et qui nous terrifie tous. »

L’abrutissement téléradio en une phrase :

« Un silence inquiétant est tombé sur les hommes saturés du bruit des radios et des images publicitaires de la télévision. »

Daniélou pressent la liquidation au nom de la lutte contre le racisme de la diversité sur terre :

« Au lieu de permettre aux différentes races de coexister, on encourage un abâtardissement général comme une solution qui contredit en fait la notion d’égalité de base. Là encore, au lieu de contempler, d’admirer, d’essayer de comprendre d’œuvre divine dans sa multiplicité, on cherche à l’abolir. »

Enfin après ce bilan la solution ? Il n’y en a pas de solution :

« On m’a souvent demandé si je ne pourrais pas définir des lignes de conduite, une méthode, une « religion » qui pourrait sortir l’Occident de l’impasse ou du moins aider quelques-uns à se réaliser. Mais je ne suis ni un maître ni un prophète. Dans un monde qui court à sa perte, selon la théorie des cycles, il n’existe de salut qu’individuel. Nous approchons, selon la conception hindoue, de la fin de kali yuga, l’âge des conflits, qui doit finir par un cataclysme. »

Macron réélu impose à son lâche et débile "peuple nouveau" (son peuple prolétaire, dirait le grand roumain Vlaicu Ionescu) un totalitarisme énergétique sur fond d’effondrement intellectuel et moral. "L’homme libre au milieu des ruines" (Julius Evola) ne peut qu’espérer passer au milieu des gouttes notamment s’il développe, dirait Laborit, sa capacité de fuite et ses dons manuels. Daniélou surdoué prétendait pouvoir exercer 32 métiers dont celui d’horloger, de jardinier ou de mécanicien.

J’oubliais : sur les USA, il explique, qu’avant Roosevelt et la guerre, ce pays était un paradis avec des gens libres et de bonne humeur – noirs compris (ils constituaient une caste). Puis est venu l’empire et sa bureaucratie… On croirait lire du Rothbard. Comme je l’ai expliqué dans mon opus sur la comédie musicale cette nostalgie a créé un genre spécial : l’americana

Sources :

Alain Daniélou – Le Chemin du labyrinthe, Robert Laffont, pp.321 -341 et 75.

Nicolas Bonnal – Chroniques sur la Fin de l’Histoire

https://www.dedefensa.org/article/max-nordau-et-lart-dege...

https://www.dedefensa.org/article/taine-et-le-cretinisme-...

https://www.dedefensa.org/article/leon-tolstoi-et-les-joy...

 

 

mercredi, 06 juillet 2022

Le théâtre de guerre de Brzezinski - L'Occident "civilisé" et l'Eurasie "barbare"

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Le théâtre de guerre de Brzezinski - L'Occident "civilisé" et l'Eurasie "barbare"

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2022/07/05/brzezinskin-sotateatteri-sivistynyt-lansi-ja-barbaarien-euraasia/

Dès 1997, feu le stratège politique et initié mondialiste occidental Zbigniew Brzezinski a soutenu que la seule façon de maintenir l'hégémonie occidentale et de contenir la montée des pays asiatiques - en particulier la Chine - était de contrôler les ressources énergétiques mondiales.

Le psychodrame du 11 septembre 2001, la série d'attaques terroristes contre les tours jumelles du World Trade Center à New York et contre le Pentagone, a fourni un "événement catastrophique et catalytique - comme un nouveau Pearl Harbor" pour lancer une intervention militaire.

Comme l'a dit le général américain Wesley Clark, "en plus de l'Afghanistan, nous allons détruire sept pays en cinq ans : l'Irak, la Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et l'Iran".

Les réserves énergétiques de ces pays - en plus de celles déjà détenues par l'élite dirigeante de l'Occident - feraient que l'Occident contrôlerait 60 % des réserves mondiales de gaz et 70 % des réserves mondiales de pétrole.

Deux décennies après que Brzezinski a présenté sa stratégie, l'Occident s'est plongé dans ses efforts militaires pour contrôler les ressources énergétiques mondiales. En 2018, il était clair que les plans initiaux avaient échoué.

L'impossibilité de maintenir l'hégémonie mondiale occidentale est devenue évidente avec l'érosion continue de l'influence occidentale, qui a coïncidé avec une augmentation de l'influence des concurrents occidentaux.

Cette situation a nécessité une action corrective, un "soi-disant plan B", comme l'écrit le Dr Fadi Lama, conseiller et consultant auprès de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD).

L'Occident tente de ressusciter un monde bipolaire dans lequel il dirigerait encore au moins une partie du monde dans le cadre de ses "valeurs" et de ses propres "règles" truquées. L'autre région resterait, du moins pour le moment, sous l'influence des puissances eurasiennes "barbares".

La géostratégie actuelle de l'Occident vise à ériger un nouveau rideau de fer entre la Russie et l'euro-cavalerie américaine. Avec le conflit en Ukraine, cet objectif a déjà été partiellement atteint. L'Union européenne, elle aussi, est devenue sous Biden une zone encore plus subordonnée aux intérêts américains.

L'explication généralement admise est que l'Occident a imposé des sanctions sévères au Kremlin dans l'espoir que cela provoquerait l'effondrement de l'économie russe, affaiblirait le pouvoir du président Poutine et rendrait le climat politique intérieur propice à une tentative de coup d'État menée par l'Occident.

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Aucune de ces attentes ne s'est encore concrétisée. Au contraire, le rouble s'est renforcé par rapport au dollar et à l'euro et l'économie russe se porte mieux que la plupart des économies occidentales, où l'inflation atteint des sommets. Au moins, les médias font passer la hausse des prix pour la "faute de Poutine".

Cependant, l'impact dévastateur de ces sanctions sur le sud du monde a souvent été négligé. Les crises alimentaire, énergétique et économique sont exacerbées par le fait que la Réserve fédérale américaine a augmenté les taux d'intérêt.

Cela affecte la capacité de service de la dette des pays du Sud et les place au bord de la faillite et à la merci de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international dominés par l'Occident. Le Sri Lanka est un exemple édifiant de cette tendance.

Bien que les sanctions aient un impact économique très négatif sur les pays occidentaux eux-mêmes, elles s'inscrivent parfaitement dans l'objectif stratégique qui consiste à utiliser les crises actuelles pour tenter d'amener le plus grand nombre possible de pays de l'hémisphère sud sous l'influence occidentale.

La stratégie occidentale a également cherché à creuser un fossé entre les grandes puissances eurasiennes. La stratégie chinoise de l'ère Nixon ne fonctionne peut-être pas aujourd'hui, mais le conflit en Ukraine et la politique de sanctions ont tenté de faire de la Russie un État paria.

Ainsi, dans la nouvelle guerre froide, avec la chute du rideau de fer, le monde est à nouveau divisé en deux : un bloc occidental dirigé par les États-Unis et une "Barbarie" - en d'autres termes, l'Eurasie - désignée comme telle par Brzezinski, avec les "RIC", la Russie, l'Iran et la Chine, en son centre.

"L'Occident poursuit toujours la voie du néolibéralisme", doit-on conclure. Avec la diminution de sa population et de ses ressources sous son contrôle, il deviendra nettement plus pauvre qu'aujourd'hui, ce qui nécessitera la création d'États policiers pour garder les citoyens mécontents sous contrôle. Le gel des activités dû aux confinements et les autres mesures coercitives prises ces dernières années offrent un aperçu de l'avenir des "démocraties".

Les pays du Sud, subordonnés à l'Occident, continueront à s'appauvrir, ce qui nécessitera l'instauration de régimes dictatoriaux fidèles à l'Occident. Au fur et à mesure que les conditions socio-économiques se détériorent, on peut s'attendre à davantage d'instabilité et de troubles politiques.

Dans une tempête parfaite de crises alimentaires, énergétiques, d'inflation et de gestion de la dette, de nombreux pays du Sud seront vulnérables et pourraient être contraints de rejoindre le monde occidental. Cela est facilité par le fait que leurs élites économiques et politiques sont déjà mariées au système financier occidental.

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Toutefois, si l'Occident est incapable d'apporter des solutions efficaces aux crises qu'il a créées, cet échec, combiné à un passé colonial, rendra l'intégration eurasienne encore plus attrayante pour d'autres pays. La question de savoir si la Russie et la Chine sont en mesure d'apporter un soutien suffisant aux pays du Sud en cette période de turbulences jouera également un rôle.

Lama souligne que la Russie a déjà proposé d'aider l'Afghanistan et les pays africains en leur fournissant de la nourriture et que l'Iran a fourni de l'essence au Venezuela pendant sa crise du carburant. La Chine, pour sa part, a développé des infrastructures dans le Sud global grâce à son projet "Belt and Road".

Comme l'a déjà laissé entendre l'économiste russe et ministre de l'intégration de l'Union économique eurasienne Sergei Glazyev en décrivant le réseau financier mondial alternatif émergent : "Les pays du Sud peuvent être des participants à part entière du nouveau système, indépendamment de leurs dettes en dollars, euros, livres et yens. Même s'ils ne respectent pas leurs obligations dans ces monnaies, cela n'aurait aucun impact sur leur cote de crédit dans le nouveau système financier."

La question que pose la récession est donc la suivante : combien de pays du Sud peuvent-ils raisonnablement s'attendre à ce que l'Occident s'accroche si l'alliance eurasienne offre un nouveau départ avec une ardoise propre et sans dette, plutôt que les politiques d'exploitation de l'Occident ?

Ce sera également une période politiquement turbulente en Irak et au Liban. Étant donné que l'Occident est incapable de proposer des solutions durables et que les partis de résistance locaux ont de l'influence dans ces pays, l'Irak et le Liban pourraient finalement rejoindre l'Eurasie "barbare", tout comme le gouvernement rebelle du Yémen.

Les communautés des sables bitumineux du Golfe sont des créations occidentales et appartiennent donc à l'Occident par défaut. Les événements des deux dernières décennies peuvent encore changer cet état d'esprit. Les échecs occidentaux en Afghanistan, en Irak, en Syrie et au Yémen ont convaincu les communautés arabes que l'Occident a perdu son avantage militaire et ne peut plus offrir de protection à long terme.

En outre, contrairement à l'Occident, la Russie et la Chine ne se sont pas directement immiscées dans les affaires intérieures des pays, ce qui est un facteur important pour les communautés de cheikhs. Les récentes tensions diplomatiques avec l'Occident sont illustrées par le rejet sans précédent par les dirigeants saoudiens et émiratis des exigences de l'administration américaine en matière de production pétrolière.

L'ère dirigée par l'Occident touche à sa fin, bien que les médias grand public, ici et dans d'autres pays de la zone euro, tentent toujours de brosser un tableau différent. Bien sûr, la fin d'une telle ère ne sera pas pacifique ; les guerres des trois dernières décennies en sont la preuve. Les turbulences ne feront donc qu'augmenter.

vendredi, 01 juillet 2022

L'OTAN et la déstabilisation de l'Asie

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L'OTAN et la déstabilisation de l'Asie

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2022/06/30/nato-ja-aasian-epavakautus/

Dans son nouveau concept stratégique dévoilé cette semaine, l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) reconnaît ouvertement que la puissance et l'influence mondiale croissantes de la Chine remettent en cause l'alliance et que le rapprochement de Pékin avec Moscou va à l'encontre des intérêts occidentaux. Les puissances rivales devraient toujours être maintenues en état de faiblesse et de soumission.

"Les ambitions affichées et les mesures coercitives de la République populaire de Chine remettent en cause nos intérêts, notre sécurité et nos valeurs", indique le document publié lors du sommet de Madrid. Selon le texte de l'OTAN, la Chine "cherche à subvertir l'ordre international fondé sur des règles, y compris dans les domaines spatial, cybernétique et maritime".

Une telle affirmation de la part d'une alliance militaire dirigée par les États-Unis qui, depuis des décennies, menace la sécurité mondiale par ses politiques et actions coercitives et expansionnistes, a provoqué à la fois l'amusement et la colère de la Chine.

Le plan de guerre de l'OTAN visant à bloquer les mouvements de la Russie est au cœur du conflit actuel entre la Russie et l'Ukraine. Ayant causé suffisamment de dégâts avec ses opérations en Europe et en Asie occidentale, l'OTAN semble regarder de plus en plus vers l'est, vers la région Asie-Pacifique et la Chine en particulier.

Bien que l'OTAN ait déclaré publiquement à plusieurs reprises qu'elle reste une alliance régionale et qu'elle ne cherche pas à s'étendre géopolitiquement à d'autres régions, l'alliance militaire dirigée par les États-Unis a, ces dernières années, lancé à plusieurs reprises des attaques dans la région Asie-Pacifique et effectué des exercices navals provocateurs à proximité des eaux chinoises, provoquant des tensions et des litiges.

Comme en prévision de futures confrontations "indo-pacifiques", les dirigeants du Japon, de la Corée du Sud, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande ont également été invités au sommet de l'OTAN, cette année à Madrid. Tous ont l'objectif tacite mais clair de contenir la puissance et l'influence mondiale sans cesse croissantes de la Chine.

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"L'OTAN devrait cesser de tracer des lignes idéologiques, d'attiser la confrontation politique ou d'essayer de déclencher une nouvelle guerre froide", a déclaré le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian (photo), en commentant le sommet, réitérant le point de vue de la République populaire. "Les États-Unis doivent réfléchir à leur rôle infâme dans la crise ukrainienne et cesser de dénigrer la Chine", a-t-il poursuivi.

L'alliance militaire archaïque du "bloc occidental" de l'époque de la guerre froide a toujours besoin d'une sorte de "bloc oriental" pour rester pertinente. Depuis des décennies, l'OTAN vit des guerres et des conflits ou de la peur des menaces extérieures.

En l'absence d'un ennemi crédible, l'OTAN risquerait de se désintégrer. Des tentatives ont donc été faites pour revitaliser l'alliance en invoquant la "menace russe". Elle cherche également à créer de nouvelles menaces en cas d'adversité, ce qui explique le désir existentiel de l'Occident et de l'OTAN de faire de la Chine "le nouveau défi à court terme" aux côtés de la Russie.

Contrairement à l'Occident dirigé par les États-Unis, la Chine a poursuivi une politique étrangère pacifique. Pékin ne s'est pas beaucoup immiscé dans les affaires intérieures d'autres pays, ni n'a tenté de répandre son idéologie politique par la force, comme l'ont fait les bombardiers de la "démocratie et de la liberté". La Chine ne poursuit pas non plus une politique de coercition à la manière américaine.

En tant que produit de la guerre froide et plus grande alliance militaire du monde, l'OTAN s'est accrochée à un concept de sécurité dépassé et est devenue un instrument de l'élite dirigeante de l'Occident pour maintenir son hégémonie. La suprématie américaine peut convenir aux nostalgiques finlandais de l'Occident, mais comme on le voit en Chine et en Russie, cette suprématie va à l'encontre du désir de la majorité de la communauté internationale qui souhaite un ordre mondial multilatéral et multipolaire.

L'OTAN a déjà miné la sécurité européenne avec son programme d'élargissement, mais les élites politiques de la Finlande et de la Suède s'enthousiasment avec frénésie de leurs demandes d'adhésion. Au plus tard, lorsque l'alliance militaire cherchera à déstabiliser la Chine et l'ensemble de l'Asie, la jubilation pourrait se transformer en pleurs et en grincements de dents.

dimanche, 26 juin 2022

L'Occident ? Il a rétréci

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L'Occident ? Il a rétréci

par Marcello Veneziani

Source : Marcello Veneziani & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/l-occidente-si-e-...

Quel que soit le jugement porté sur la guerre en Ukraine et quelle que soit l'issue de la crise ruineuse qui secoue le monde, nous pouvons d'ores et déjà affirmer une chose : il est profondément faux de continuer à croire que l'Occident est le monde et que ses modèles, ses canons, ses directives guideront encore la planète.

Les gouvernements euro-atlantiques et l'industrie de l'information préfabriquée - qui fonctionnent chez nous à plein régime comme les machines de propagande des régimes autocratiques et despotiques - nous ont donné ces derniers mois une fausse représentation de la réalité: Poutine est isolé, tous sont contre la Russie. Mais la réalité est tout autre : quatre cinquièmes du monde, et même plus si l'on se réfère à la démographie, n'ont adopté aucune sanction, aucune condamnation contre la Russie de Poutine. De gigantesques démocraties comme l'Inde, de puissants États totalitaires comme la Chine, de grandes nations islamiques comme l'Iran, des continents entiers comme l'Asie et l'Afrique, à quelques exceptions près, n'ont pas partagé le plan de contre-guerre, de menaces et de représailles de l'OTAN et de l'administration américaine du Président Biden. Seule l'Europe s'y est ralliée, et dans certains pays, ce ralliement s'est fait à contrecœur, en freinant ou en essayant d'établir un double standard.

Jusqu'à hier, nous pensions que la mondialisation signifiait l'occidentalisation du monde, voire l'américanisation de la : et certes, pendant de nombreuses années, cette identification a largement fonctionné, la mondialisation était l'extension planétaire des modèles, produits, modes de vie, formes politiques et économiques occidentaux. Mais aujourd'hui, il faut reconnaître honnêtement que ce n'est plus le cas. Et Donald Trump n'a pas eu tort d'avoir voulu changer la direction des États-Unis: si la mondialisation signifie aujourd'hui l'expansion commerciale et politique de la Chine et de l'Asie du Sud-Est, et non plus l'hégémonie américaine, mieux vaut changer de cap, jouer la défensive, se concentrer sur son propre pays et initier une politique de protection de ses propres biens face à la sauvagerie du marché mondial et à son inflexion chinoise croissante.

L'Occident a rétréci, et le pro-atlantisme retrouvé de l'Europe, et de l'Italie en particulier, sonne vraiment anachronique, comme si l'on se précipitait sous le parapluie de l'OTAN comme s'il s'agissait du salut du monde. Que l'OTAN nous protège des menaces des autres est au moins aussi vrai que son contraire: qu'avec ses positions et ses prétentions hégémoniques, elle nous expose aux conflits et aux représailles. Cela est prouvé par les nombreux conflits auxquels l'OTAN a participé au cours de ces décennies de "paix", les nombreux bombardements effectués sur des populations et des pays jugés criminels, et la mobilisation périodique des appareils militaires.

Mais sortons des limites de la guerre actuelle, et sortons aussi des considérations pratico-commerciales sur la mondialisation déviante, qui a changé d'égide et de direction. Abordons la question au niveau des principes, des orientations fondamentales et des visions du monde : le point de vue occidental, le modèle culturel et idéologique de l'Occident, les questions des droits de l'homme et des droits civils, agités en Occident, ne sont plus la clé du monde. De l'élan occidental vers la mondialisation, il reste deux grands instruments, la Technologie et le Marché, mais ils ne s'identifient plus à l'Occident ; ce sont deux moyens et ils ont été transférés dans des contextes sociaux et culturels différents, chinois, japonais, coréens, indiens, asiatiques en général. Même les deux antécédents de la mondialisation n'ont plus une matrice universaliste et impérialiste précise de type occidental : à savoir la colonisation du monde, grâce aux entreprises militaires, et l'évangélisation du monde, grâce aux missions religieuses. Aujourd'hui, les appareils de guerre les plus agressifs ne sont pas l'héritage exclusif de l'Occident. Et la mission de convertir les peuples et d'apporter le christianisme partout, s'estompe, obtient des résultats fortement minoritaires, subit des représailles et des persécutions dans le monde entier ; sans parler de l'offensive massive de l'Islam. Et ailleurs, elle souffre de l'imperméabilité, de la rétivité de nombreuses sociétés à d'autres cultures et traditions. Le christianisme décline en Occident mais ne s'enracine plus massivement dans le reste du monde.

L'Occident est la partie et non le tout, il a pour ainsi dire rétréci ; l'Amérique n'est plus culturellement le leader de la planète, ainsi que le gardien du monde et l'Empire du Bien, même si elle dispose encore d'appareils culturels, commerciaux et militaires exceptionnels. L'Europe est devenue un vieil hospice, où nous avons les populations les plus âgées de la planète (avec le Japon et les États-Unis), où le taux de dénatalité est élevé, et où la population globale se réduit au vingtième environ de la planète.

Bref, habituons-nous à penser à l'avenir que l'Occident n'est pas le Seigneur du Monde, le Phare de l'Humanité, mais seulement une de ses options. Et habituons-nous à craindre que le monde remplace l'hégémonie occidentale par l'hégémonie chinoise, l'importation de biens, de modèles et de mentalités de la Chine et son mélange inquiétant de capitalisme et de communisme, de dirigisme et de contrôle capillaire. Espérons plutôt que le monde retrouvera sa pluralité de civilisations et de cultures, remontant à au moins une douzaine de zones homogènes, d'espaces différenciés : la Chine et l'Asie du Sud-Est, l'Inde et le Japon, l'Afrique et le Moyen-Orient, l'Australie, la Russie. Et l'Occident est désormais une catégorie déforcée et obsolète, car il est plus réaliste de le voir séparé en États-Unis (et Canada), Europe et Amérique latine. Accepter un monde pluriel, multipolaire, divisé en ces espaces vitaux sur lesquels Carl Schmitt et la meilleure géopolitique ont écrit, et récemment Samuel Huntington, est la meilleure façon d'accepter la réalité et de rejeter toute visée hégémonique et expansionniste. Cela ne nous met pas à l'abri des guerres, des abus et des prétentions ; mais au moins, cela commence par une reconnaissance réaliste de l'équilibre des différences.

lundi, 13 juin 2022

Quand tout affecte tout - La Russie, l'Occident et l'ère de l'instabilité

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Quand tout affecte tout - La Russie, l'Occident et l'ère de l'instabilité

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2022/06/09/kun-kaikki-vaikuttaa-kaikkeen-venaja-lansi-ja-epavakauden-aika/

"C'est une chose d'affirmer de manière clichée que tout dans le monde est interconnecté. Mais c'est tout autre chose de voir ce qui se passe réellement lorsque ces connexions se rompent", écrit Wolfgang Münchau, directeur du groupe de réflexion Eurointelligence.

Münchau, qui vit à Oxford, au Royaume-Uni, admet que les sanctions occidentales étaient fondées sur le "postulat trompeur selon lequel la Russie est plus dépendante de nous que nous le sommes de la Russie".

Mais la Russie a "plus de blé qu'elle ne peut en manger et plus de pétrole qu'elle ne peut en brûler". La Russie est "un fournisseur de produits primaires et secondaires dont le monde est devenu dépendant". Comme on le sait, le pétrole et le gaz sont les principales sources de revenus des exportations russes.

9783446423459-fr-300.jpgMais c'est dans d'autres secteurs que notre dépendance est la plus forte, souligne M. Münchau : certains produits alimentaires et les métaux des terres rares. La Russie n'en a pas le monopole, "mais lorsque le plus grand exportateur de ces produits disparaît, le reste du monde en souffre immédiatement".

La Russie est le plus grand producteur de gaz naturel au monde, représentant un peu moins de 20 % des exportations mondiales. Pour le pétrole, la Russie vient après l'Arabie Saoudite avec 11% des exportations mondiales. La Russie est également le plus grand fournisseur d'engrais et de blé, la Russie et l'Ukraine représentant près d'un tiers des exportations mondiales de blé.

En termes de métaux de terres rares, la Russie est la plus grande source de palladium au monde. Le palladium est un métal précieux important pour les industries de l'automobile et de l'électronique et est actuellement plus cher que l'or. La Russie est également le premier fournisseur mondial de nickel, nécessaire pour les batteries et les voitures hybrides.

L'industrie allemande a déjà prévenu qu'elle était dépendante du gaz russe, mais aussi d'autres fournitures importantes en provenance de Russie. Ce fait ne sera pas modifié par les fluctuations politiques, mais le gouvernement finlandais, par exemple, ne semble pas s'intéresser à la realpolitik.

Münchau se demande maintenant si cette politique de sanctions a été pensée jusqu'au bout. Les ministres ont-ils imaginé que les crises mondiales en matière d'énergie et de nourriture pouvaient être résolues simplement en pointant du doigt Poutine ? Même pendant la guerre froide entre l'Union soviétique et l'Occident, le commerce se poursuivait et les robinets de gaz restaient ouverts.

Les confinements de l'ère du coronavirus nous ont appris à quel point les différents pays sont vulnérables aux perturbations des chaînes d'approvisionnement. Les Européens n'ont que deux voies pour transporter des marchandises en masse vers et depuis l'Asie : soit par conteneur et par mer, soit par rail via la Russie.

9783446418479-fr-300.jpgMünchau estime qu'il n'existait aucun plan spécifique pour faire face à une pandémie, et encore moins à une guerre. Les conteneurs sont maintenant bloqués à Shanghai et les chemins de fer ont été fermés à cause de la guerre en Ukraine. En tant qu'analyste appartenant au courant dominant, Münchau n'avance cependant pas les raisons les plus radicales de l'état actuel des choses.

Il rappelle que les sanctions économiques occidentales fonctionnaient lorsque le pays cible était suffisamment petit. Il cite en exemple l'Afrique du Sud, l'Iran et la Corée du Nord dans les années 1980. Mais la Russie est une cible beaucoup plus grande et plus difficile à influencer.

Même le PIB n'est pas une mesure suffisamment significative. En termes de PIB, la Russie peut n'avoir que la taille des pays du Benelux ou de l'Espagne, mais cette mesure ne tient pas compte des effets de réseau.

"Ces effets de réseau sont suffisamment importants pour rendre les sanctions économiques insoutenables", déclare Münchau. Il existe des sources d'approvisionnement alternatives pour les biens russes, mais si l'approvisionnement est coupé de façon permanente, les mêmes biens ne peuvent pas être produits dans les mêmes quantités qu'auparavant. L'économie réagira en augmentant les prix et en réduisant l'offre et la demande.

Comme de nombreux commentateurs de la politique mondiale, Münchau est arrivé à la conclusion que tous les pays sont tellement interdépendants que des sanctions ne peuvent être imposées à l'un d'entre eux sans causer d'énormes dommages aux autres, et dans ce cas à l'Occident lui-même.

Et que dire des fanatiques anti-russes qui prétendent que le mal des sanctions en vaut la peine, tant que les conséquences sont subies entre les murs du Kremlin ? Pour le chef d'Eurointelligence, cela semble aussi fou que si "un professeur d'économie soutenait que la hausse du chômage en vaut la peine".

Münchau répète le mantra de l'infoguerre occidentale selon lequel "l'impact direct des sanctions sur la Russie est plus important que sur l'Occident", mais "la différence entre l'impact et notre seuil de douleur est cruciale" ; le seuil de Poutine est, selon le chercheur, beaucoup plus élevé.

L'analyste allemand ne voit pas de solution facile pour sortir de la situation actuelle. Bien que l'objectif ultime de l'administration américaine soit de se débarrasser de Poutine et de le remplacer par un "dirigeant démocratique pro-occidental", cette issue semble peu probable.

9780071634786-fr-300.jpgMême une défaite militaire russe - qui n'est pas à l'horizon, malgré les vœux pieux des militants pro-Ukraine - ne déclencherait pas nécessairement une nouvelle révolution russe dans le sens de la soumission à l'Occident, et les problèmes d'approvisionnement resteraient inchangés.

Münchau pense qu'une sorte d'accord devrait être conclu avec Poutine, y compris la levée des sanctions. Sinon, le monde risque d'être divisé en deux blocs commerciaux, "l'Occident et les autres". Dans son état actuel de dégradation, l'"Occident" n'est plus un dictateur triomphant, mais risque de s'isoler du reste.

Il faut donc un regain de diplomatie et de pragmatisme en politique étrangère. Si les chaînes d'approvisionnement sont réorganisées, l'énergie et les terres rares russes continueront d'être consommées ailleurs, mais "il nous restera les hamburgers Big Mac", s'emporte Münchau.

Pour Münchau, les sanctions économiques ressemblent au "dernier hourra d'un Occident dysfonctionnel". La guerre en Ukraine lui semble être un "catalyseur de la démondialisation massive".

L'analyste doute que l'Occident soit réellement prêt à faire face aux conséquences des politiques étrangères et économiques actuelles, à savoir "une inflation continue, une baisse de la production industrielle, un ralentissement de la croissance et une hausse du chômage".

Personnellement, j'estime que l'actuel "état de désordre" est fondamentalement un problème créé par le système capitaliste et la mondialisation néolibérale. L'effondrement est ralenti par les crises afin de mettre à jour un système obsolète. Les puissances supranationales actuelles ne sont pas prêtes à abandonner les acquis qu'elles ont obtenus.

Les effets de ces politiques destructrices restent à voir. Un challenger au pouvoir occidental de l'argent émergera-t-il ? On pense que la Chine est une puissance qui va reprendre sa place au centre du monde, mais j'ai aussi quelques doutes sur ce scénario.

Même s'il y a un passage à une configuration compétitive basée sur les blocs au niveau des États dans un avenir proche, les agendas transnationaux semblent continuer à progresser. C'est au niveau international qu'un changement radical des objectifs et des actions des différentes institutions serait nécessaire, mais ce n'est certainement pas encore en vue.

lundi, 23 mai 2022

Le nouveau rideau de fer de l'Occident

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Le nouveau rideau de fer de l'Occident

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2022/05/20/lannen-uusi-rautaesirippu/

La nouvelle guerre froide en Europe a commencé lorsque Vladimir Poutine est devenu président de la Russie après Boris Eltsine. Certains affirment que la "guerre hybride" de l'Occident contre la Russie dure depuis l'époque des tsars. Elle se poursuivra jusqu'à ce que la Russie soit détruite ou jusqu'à ce qu'elle vainque ses adversaires.

Dans les temps modernes, l'Occident a intensifié sa guerre anti-russe en organisant un coup d'État en Ukraine en 2014 qui a monté les Ukrainiens les uns contre les autres. La stratégie géopolitique de Zbigniew Brzezinski pour déstabiliser et immobiliser la Russie s'est poursuivie avec succès.

Les Etats-Unis ont enregistré une autre victoire dans leur lutte, lorsque les derniers neutres d'Europe, la Finlande et la Suède, ont été encouragés à demander leur adhésion à la machine de guerre transatlantique de Washington, l'OTAN, en invoquant des "conditions de sécurité modifiées".

Comme le souligne Patrick Lawrence, cette alliance renforce encore le mur que Washington, avec l'aide de ses alliés européens, a érigé pour séparer la Russie de l'Europe. Un nouveau rideau de fer s'est levé, cette fois-ci par l'Occident seul, divisant à nouveau ce coin du monde en "un Est et un Ouest".

Les États-Unis sont toujours la première superpuissance mondiale déstabilisatrice et maintenant, grâce à la guerre de l'information menée par les médias 24 heures sur 24, la culture russe est devenue une culture paria, que sous prétexte des événements d'Ukraine, on tente d'éradiquer.

De nombreux exemples de la censure de la culture russe pourraient être cités, visant les athlètes, les artistes, les écrivains et autres citoyens russes, mais citons, comme exemple le plus récent, le fait que la ville de Turku en Finlande a jugé bon de retirer la statue de Lénine du centre ville.

Il est ironique qu'à la suite de l'opération militaire russe, la statue de l'homme qui a donné à l'Ukraine et à la Finlande leur indépendance ait été retirée de l'espace public en Finlande. L'histoire qui nous unit à la Russie est maintenant balayée d'un revers de main, tout comme les statues ont été renversées aux États-Unis au nom de l'idéologie Woke. Est-ce cela que signifie cette "compatibilité avec l'OTAN" dont on parle tant ?

Tout porte les empreintes des stratèges de Washington, car c'est l'État profond américain qui reconstruit l'infrastructure euro-atlantique qui définira la nouvelle guerre froide. L'entrée des Finlandais et des Suédois dans l'OTAN est la dernière étape de la tentative d'isoler la Russie. La mer Baltique doit également être transformée en une "mer de l'OTAN" (dont les ressources naturelles des profondeurs doivent être accaparées par l'élite qui dirige l'Occident...).

Malgré les efforts et les facéties de Washington, il se pourrait bien que l'Occident, qui représente la "communauté internationale" dans son propre imaginaire, s'isole de la majorité des peuples du monde qui n'ont pas rejoint les masses haineuses et russophobes qui arborent des drapeaux ukrainiens sur leurs profils de médias sociaux.

Même l'annonce de la demande d'adhésion de la Finlande à l'OTAN et l'appel sans détour du président Sauli Niinistö à Poutine de "se regarder dans le miroir" n'ont pas, à la déception des zélateurs atlantistes, fait réagir le Kremlin. La Russie a adopté une attitude professionnelle, mais cela n'a fait qu'encourager la presse finlandaise à continuer de ricaner sur le fait que Poutine "n'ose rien faire".

Il y aura certainement une sorte de représailles si et quand la Finlande deviendra un membre officiel de l'OTAN. La Russie a déjà expulsé les diplomates finlandais et les robinets de gaz sont fermés. Il ne fait aucun doute que Moscou verra d'abord quel genre de mouvements militaro-techniques les États-Unis feront sous la bannière de l'OTAN dans l'espace territorial finlandais.

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Après que le président américain Ronald Reagan ait demandé au dernier dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev, à Berlin en 1987, de "démolir le mur" qui symbolisait la séparation entre l'Est et l'Ouest, le programme "Build Back Better" créé sous la présidence de Joe Biden a pris une nouvelle signification en matière de politique étrangère ces derniers mois, à mesure que le rideau de fer occidental est tombé.

Comme dans les moments les plus froids de la confrontation entre les blocs de l'Ouest et de l'Est, ainsi dans la crise ukrainienne, la conscience des Européens et des Américains a été ratatinée par une éducation médiatique appropriée, de sorte que tout est devenu binaire, manichéen, dualiste. L'objectivité est absente et c'est maintenant la vision du monde en noir et blanc de la Finlande occidentalisée qui est servie au public dans la presse.

La Russie est catégoriquement "mauvaise" dans cette bulle de politique étrangère et de sécurité occidentale, tandis que l'Occident, avec ses guerres par procuration et ses sanctions contre la Russie, est "bon" dans toute sa grotesque exhibition. Les Européens sont prêts à perdre les derniers rêves de souveraineté qui leur restent et à commettre un suicide économique à la poursuite des intérêts de Washington.

La Finlande d'autrefois semble être en train de mourir. En raison de leur complexe d'infériorité, de nombreux Finlandais, y compris l'élite politique, sont prêts à tout pour avoir le sentiment d'"appartenir à l'Occident". La nation unique qui s'est dressée entre l'Est et l'Ouest est en train de reculer, alors que le processus d'américanisation met la touche finale à son adhésion à l'alliance militaire.

L'adhésion à l'Union européenne était déjà une erreur fatale et une perte d'indépendance, mais sur l'échiquier de l'Occident, étant devenue un pion à sacrifier à la politique des grandes puissances, la Finlande officielle abandonne son ancienne position, sûre et respectée, et ce de manière tout à fait inutile.

L'Union européenne s'est également rendue un mauvais service en participant aux plans sinistres de l'administration Biden. Bruxelles peut oublier le rôle potentiel du continent en tant que centre de pouvoir indépendant. Les rêves d'importance politique mondiale des eurocrates peuvent être enterrés à cause de la politique étrangère des États-Unis.

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Pour Sauli Niinistö et ses partenaires, le plus important est de promouvoir la cause de l'élite qui dirige l'Occident. La dernière visite à Washington (photo) a été un autre spectacle embarrassant, avec ce vendu souriant comme un laquais à côté du président Biden et de la Première ministre suédoise Andersson. Peut-être que cette théâtralité des Coalitionnistes sera suivie d'une sévère gueule de bois et d'une dépression ?

Heureusement, une grande différence entre la première et la deuxième guerre froide est que maintenant le reste du monde a son mot à dire. Comme l'a dit la Chine, si je me souviens bien, dans le monde actuel d'interdépendance, aucun pays ne peut être simplement isolé par une décision unilatérale des États-Unis.

L'Occident cherche désespérément à déstabiliser et à diviser le monde en camps car sa suprématie est de plus en plus menacée. Elle est prête à lever un nouveau rideau de fer et à construire des murs pour tenter de répéter l'histoire. Bien sûr, cela ne réussira pas très longtemps, mais il ne fait aucun doute que l'hégémon aura le temps de créer davantage de chaos et de destruction avant d'être évincé.

dimanche, 22 mai 2022

L'Europe et/ou l'Occident - L'Europe contre l'Occident

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L'Europe et/ou l'Occident - L'Europe contre l'Occident

Par Franco Cardini

Source: https://domus-europa.eu/2022/03/03/europa-e-o-occidente-europa-versus-occidente-di-franco-cardini/

La crise russo-ukrainienne, que nous vivons actuellement, a eu parmi ses effets les plus délétères sur le plan conceptuel - outre le caractère tragique des destructions et des victimes - celui de pousser de nombreux Européens vers des choix opposés et polarisants: pour certains, l'Atlantique semble s'être réduit à un filet d'eau, tandis que la ligne séparant la Fédération de Russie des pays anciennement membres de l'URSS ou liés au Pacte de Varsovie, mais qui ont rejoint l'UE et donc automatiquement l'alliance de l'OTAN, s'est transformée en un mur infranchissable, immense et très haut. Certains Européens, qui se revendiquent "atlantistes", semblent même avoir mis de côté des auto-qualifications telles que celles de "souverainistes" ou de "patriotes" (termes impropres de toute façon, étant donné leur asservissement à l'OTAN, qui les subordonne à la volonté du haut commandement américain et à celle de Washington) et se qualifient fièrement et résolument d'"Occidentaux".

A cette idéologie, que l'on pourrait définir très grossièrement comme "atlantiste" et "occidentaliste", s'oppose une autre, très minoritaire mais plus solidement structurée d'un point de vue géo-historique et géo-anthropologique, qui se définit sciemment depuis quelque temps comme "eurasiste" et qui vise à la valorisation culturelle et politique - mais pas, ou pas encore, institutionnelle - de l'unité du macro-continent compris entre la péninsule ibérique et les îles britanniques à l'ouest et la Chine à l'est.

De notre point de vue de pro-européens, qui réclamons depuis longtemps une redéfinition politique et institutionnelle unitaire décisive de notre "Grande Patrie" commune - pour laquelle un modèle institutionnel confédératif serait peut-être préférable, étant donné les nombreuses différences nationales et régionales qui existent dans notre pays et leur nécessaire défense - nous considérons que la position eurasiste est plausible et compatible avec la nôtre, même si nous considérons que sa configuration concrète est un objectif encore lointain, tandis que nous rejetons fermement, ou plutôt considérons qu'elle est hostile à toute option "atlantiste-occidentaliste". Ceci est principalement dû à une raison politique: la lourde hégémonie américaine sur ce front avec une soumission presque totale de la liberté et des intérêts du continent européen à la volonté et aux intérêts des USA. Il est en effet clair à présent, malgré le ton arrogant et triomphaliste de nombreux médias qui fonctionnent selon le "pays légal" et selon les partis discrédités qui se partagent les sièges de notre parlement, que les sanctions "anti-russes" voulues par les Américains se traduisent par des mesures et des situations qui mettent la Russie, mais surtout l'Europe, à genoux en termes de production, d'économie et de finances.

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En réalité, le fait est que, de manière générale, dans les années 1960, De Gaulle et, dans les années 1980, Gorbatchev avaient de très bonnes raisons d'affirmer que l'Europe et la Russie vivent (habitent) dans une "maison commune", alors qu'on ne peut pas en dire autant des relations entre les États-Unis, le Canada et l'Australie d'une part (l'Occident proprement dit) et au moins l'Europe continentale d'autre part: avec peut-être une certaine possibilité d'exception pour les îles britanniques, auxquelles il serait peut-être raisonnable de laisser la liberté de choix pour des raisons socio-historiques et linguistico-culturelles.

En d'autres termes, malgré l'enthousiasme nonchalant avec lequel certains dirigeants politiques italiens se sont qualifiés d'"Occidentaux", les deux concepts et les deux zones historico-culturelles, l'occidentale et l'européenne, ne sont pas les mêmes, restent distantes l'une de l'autre et différentes entre elles. En particulier, alors que l'Occident moderne se qualifie désormais pour un choix de société de plus en plus libéral sur le plan économique et un choix culturel inspiré par la "pensée unique" homologuée de manière conformiste (et on ne comprend pas comment des Européens qui se disent conservateurs peuvent être d'accord avec des choix tels que l'avortement et l'euthanasie, qui, au moins sur le plan éthique, sont loin de leur horizon, tout comme le phénomène de la répartition injuste et inégale des richesses, leur concentration entre quelques mains et la disparition consécutive des classes moyennes). Au contraire, les traditions européennes sont orientées vers une politique plus décisive de collaboration et de solidarité interclasse, que l'Occident hyper-libéral indigné rejette.

En bref, l'Occident n'est plus la pars Occidentis de l'empire romain ou de la "chrétienté occidentale", mais un espace dominé par l'arbitraire pratiquement illimité des grands lobbies multinationaux et en nette régression en termes de justice sociale et de progrès: et les Européens qui se sentent occidentalistes doivent fermement reconsidérer leurs positions.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, lorsque Oswald Spengler a écrit et publié son ouvrage Der Untergang des Abendlandes, il n'y avait encore aucun doute (ou du moins le doute n'était pas encore profondément ancré ou répandu) que - sur la voie de ce qui avait été une définition célèbre de Hegel, "l'Occident comme le grand soir du jour de l'Esprit" - entre les dimensions occidentale et européenne, il existait un sentiment et une conscience d'identité absolue.

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Longtemps identifié tout court à l'Europe, l'Occident est aussi autre chose. Emanuele Severino (photo) a soutenu que son âme profonde est techne : un mot ambigu, difficile à esquiver. En ce sens, il a semblé à beaucoup que le monde auquel l'Occident peut s'identifier est la Modernité: le monde du faire, du construire, du dominer, de l'avoir.

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Le héros fondateur de l'Occident moderne - un grand historien, David S. Landes (photo), l'a bien compris - est Prométhée. Dans un splendide tableau de Gustave Moreau, conservé dans son musée parisien, le héros qui se sacrifie pour l'humanité a les traits inimitables du Christ: et son supplice, enchaîné sur un pic caucasien, rappelle la crucifixion avec une force passionnante. C'est l'héroïsme humain déifié, le Christ immanentisé dans l'humanité (l'immanentisation, qui est bien différente de l'Incarnation), la représentation parfaite du mythe romantique et progressiste de l'Occident qui brise toutes les contraintes et tous les obstacles, qui désobéit aux dieux et se fait dieu de lui-même, qui prétend ne faire que le Bien pour le simple fait, tautologique, qu'il considère toujours ce qu'il fait comme bon : comme le vieil optimisme historiciste, selon lequel tout ce qui est arrivé est bon parce que c'est arrivé et est arrivé parce que c'est bon.

Se croyant le créateur du meilleur des mondes possibles et le découvreur-inventeur de la formule constitutive d'un tout inséparable de liberté, de vérité, de justice, de raison, de tolérance et de poursuite du bonheur, l'Occident moderne ne veut pratiquement pas tolérer l'"Autre que lui", de quelque manière que ce soit ; il ne peut accepter aucune forme de civilisation différente de la sienne mais d'égale dignité, croire qu'il est possible que des alternatives existent (et encore moins qu'elles soient fausses). Les apologistes de l'Occident, en confondant le relativisme éthique avec le relativisme anthropologique, montrent qu'ils ignorent la grande leçon de Levi-Strauss, selon laquelle chaque civilisation doit être jugée dans son ensemble et il n'y a rien de plus impraticable que d'isoler ses composantes individuelles pour les examiner à la lumière de principes qui ne sont pas les siens.

Il s'ensuit que l'Occident moderne est atteint de l'infection totalitaire exprimée par sa "pensée unique" qui le conduit à concevoir un modèle unique de développement pour toute l'humanité. Elle est, en outre, victime d'une schizophrénie irrémissible entre la tolérance et les droits de l'homme, valeurs qu'elle considère comme fondamentales pour son identité, qu'elle révère en paroles et qu'elle prétend défendre, et le noyau dur et profond de sa réalité fondée sur l'avoir et le faire au lieu de l'être: la volonté de puissance. 

La néo-idéologie de "l'exportation de la démocratie" proposée il y a des années par le groupe néo-conservateur qui a inspiré au moins une partie de la politique du président George W. Bush Jr, le groupe Wolfowitz, Perle et Kagan - certains de ses épigones réapparaissent aujourd'hui avec Biden - repose sur le vertige de cette persuasion d'excellence et de supériorité, sur la conviction d'une "destinée manifeste" capable et habilitée à étendre au monde entier cette "arrière-cour" qui, dans la thèse isolationniste de Monroe formulée en 1823, s'étendait à l'ensemble du continent américain. Que cette volonté illimitée de puissance, cette recherche inusable du bien-être, de la sécurité du bonheur, finisse par rendre ceux qui tombent dans ce tourbillon éternellement insécurisés, malheureux et insatisfaits, est une autre affaire: mais c'est précisément de là que découle le risque de la "guerre sans fin" dans laquelle les chantres du nouvel Occident risquent de nous entraîner.

Mais, au niveau des définitions, nous sommes dans le champ d'un malentendu infini. Aujourd'hui, l'Occident semble être une véritable "chose", un terme clair indiquant un sujet précis : cette "civilisation occidentale" qui, selon un livre de Samuel P. Huntington écrit il y a quelques années et faisant l'objet d'un succès alors injustifié et non accidentel, courrait le risque d'être assaillie par d'autres civilisations, compactes et bien délimitées comme la sienne mais qui lui sont hostiles. Dommage que ce ne soit, au contraire, qu'une nomination nue.  "L'Occident" n'est pas une chose, une réalité géo-historique ou géo-culturelle: c'est un mot équivoque, qui a subi une série de glissements sémantiques au fil du temps et dont le sens actuel est aussi récent qu'équivoque et perversement différent de la façon dont de nombreux Européens le comprennent, convaincus que cet Occident et l'Europe sont presque synonymes.

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Ce qui, rappelons-le, est également vrai d'un point de vue étymologique. Giovanni Semerano a montré que le mot "Europe" provient d'une racine akkadienne qui est ensuite passée au grec "erebos", indiquant l'endroit de l'horizon où le soleil se couche, alors que le mot "Asie", au contraire, dérive d'un autre terme akkadien indiquant le lever du soleil. Si nous pouvions nous limiter à de simples valeurs étymologiques, l'identité entre l'Europe et l'Occident (et entre l'Asie et l'Orient) serait parfaite. Mais ce n'est malheureusement pas un luxe que l'on peut se permettre lorsqu'on veut éviter de tomber dans des pièges grossiers.

Au-delà de l'opposition ancienne entre l'Asie et l'Europe, célébrée dans un passage immortel des Perses d'Eschyle, l'attraction et la fusion des valeurs "orientales" (asiatiques) et "occidentales" (helléniques puis romaines) passent par la grande synthèse hellénistique, initiée par Alexandre le Grand et perfectionnée par César - héritier de la grande pensée mûrie dans le "cercle des Scipions" - et la christianisation de l'empire. Les termes "Orient" et "Occident" étaient certes utilisés dans le monde de l'Antiquité tardive et du Moyen Âge : mais dans la perspective de la relation entre la pars Orientis et la pars Occidentis de l'empire romain qui émergeait de la partition imposée par la volonté de Théodose à la fin du IVe siècle. Au début du XIIe siècle, un chroniqueur de la première croisade, Foulcher de Chartres, célébrant le fait que des "Francs" et des "Italiques", après la conquête de la Terre Sainte, s'étaient installés en Palestine, affirmait que des "Occidentaux", ils étaient devenus des "Orientaux". Mais cela ne va même pas au-delà de la distinction théodosienne de l'origine.

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Malgré ce que l'on croit aujourd'hui, l'utilisation actuelle de l'identification de "notre nous" à la "civilisation occidentale" est récente. Même au début du 20e siècle, on parlait encore d'"Europe", bien qu'il soit peut-être possible de discerner l'"invention de l'Occident" dans cette projection de l'Europe au-delà de ses frontières qui a eu lieu à partir de la fin du 15e siècle et a coïncidé avec le début de l'ère des grandes découvertes et des conquêtes géographiques. L'émergence de l'orientalisme en tant que courant esthético-littéraire, certes, envisageait une sorte de distinction Est-Ouest ; mais ce dernier terme restait synonyme d'Europe. Oswald Spengler, en parlant d'un "crépuscule de l'Occident", pensait surtout à l'Europe. Même les historiens qui ont utilisé avec assurance les termes "Occident" et "civilisation occidentale", comme Christopher Dawson et Elijahu Ashtor, ne sont pas allés au-delà d'une distinction qui implique la diversité mais n'apparaît pas comme une opposition. On pourrait cependant, entre le 16ème et le 20ème siècle, suivre l'itinéraire d'une connexion constante entre l'idée de développement, de domination technologique, de rationalité-raison, de progrès, à l'Ouest compris comme l'Europe, en contraste croissant avec un 'Est' (ou plusieurs 'Est') lieu(x) de tradition, de calme, de rêve, de magie, de fabuleux-irrationnel. La civilisation européenne ressentie par Hegel comme "le grand soir" de la journée de la civilisation humaine est peut-être le point culminant de la maturation de cette conception.

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Le changement important qui concerne nos jours, cependant, a ses racines dans la publicité américaine.  Comme le démontre Romolo Gobbi dans son ouvrage L'Amérique contre l'Europe, c'est au XIXe siècle que les écrivains et les hommes politiques américains ont considéré leur continent et les États-Unis comme cet Occident de la liberté auquel s'oppose un "Orient" auquel les Européens ne s'attendent pas: cet Orient, c'est l'Europe précisément (et d'ailleurs elle se trouve, sans exception et objectivement, à l'est de l'Amérique); cette Europe-Orient est décrite comme une terre de l'autoritarisme, de la tradition et des infinies contraintes théologiques et juridiques qui brident la liberté.

Il est symptomatique qu'au moment même où Spengler écrivait en Europe son livre sur le "crépuscule", une chaire de culture occidentale était fondée à l'université Columbia de New York, dont la conception montre clairement que l'Occident - le lieu du progrès et de la liberté - est le lieu de tous les malheurs. dont les États étaient le cœur - n'était nullement contrée par l'Orient de Rudyard Kipling et son péremptoire "Oh, East is East, and West is West, and never the twain shall meet", mais par l'Europe, lieu de l'autoritarisme et du culte stérile et poussiéreux du passé.

Cette identité américaine de l'Ouest et de la liberté est revenue, après Yalta, pour étayer la nouvelle dichotomie du pouvoir sur l'écoumène, désormais distinguée entre un "monde libre" et un "monde socialiste": deux mondes qui se rencontraient précisément et qui bordaient le rideau de fer qui coupait l'Europe en deux ; et qui ont convergé pour faire disparaître le concept même d'Europe, selon le dessein convergent du président Roosevelt et du maréchal Staline, sous les yeux sensiblement impuissants mais somme toute pas du tout mécontents de Winston Churchill, qui - pour le dire en termes schmittiens - de la défaite finale du Béhémoth territorial attendait sinon le triomphe, du moins une survie plus ou moins longue du Léviathan impérial britannique, seigneur d'un système complexe de terres et de mers.

Mais, après le Finis Europae, la fin du temps de l'équilibre entre les deux superpuissances (guerre froide oui, mais aussi partition et, à bien des égards, complicité) avait également semblé conduire à une nouvelle situation, définie précisément par Samuel P. Huntington : l'Occident comme culture unitaire et compacte, mais caractérisée par le leadership de la volonté politique et des valeurs élaborées par les États-Unis, auxquelles la "vieille Europe" était appelée à bien des égards à se conformer et à laquelle on reprochait de ne pas le faire suffisamment. Le temps de cette proposition, lié à l'ère de l'unilatéralisme américain explicite, semble désormais irréversiblement révolu. Aujourd'hui, face à un nouvel "Occident" qui propose d'accepter la subalternité et la marginalisation, l'Europe - en accord d'ailleurs avec la réalité géographique du globe - peut peut-être répondre en retraçant sa vocation de civilisation née et élevée en contact étroit avec la Méditerranée, l'Asie et l'Afrique, et en revendiquant à la lumière de cela un rôle charnière avec l'"Orient". Être occidental et être européen ne sont plus synonymes.

Les événements des vingt premières années du XXIe siècle, qui se sont tragiquement ouverts sur le scénario apocalyptique du 9/11, ont néanmoins eu le mérite de nous inciter tous à repenser en profondeur des catégories qui auraient pu sembler claires et consolidées, et qu'au contraire, tant les événements que la corrosion d'une critique stimulée et accélérée par leur rythme pressant ont fini par fragmenter, voire pulvériser. Dans un beau livre paru il y a quelques années, L'Europe et le mythe de l'Occident. La construction d'une histoire, Georges Corm (photo) a retracé d'une main ferme et élégante les étapes d'un processus tortueux par lequel la notion géographique d'"Occident" est devenue l'axiome organisateur d'une vision du monde. Nous sortons lentement mais laborieusement de la toile des malentendus, de la mer des stéréotypes, du marais des mystifications.

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Il est donc sérieusement nécessaire de partir d'un point fixe, qui devra rester l'axe d'une conscience ayant enfin acquis une base claire et ferme : "la catégorie de l'Occident est une invention idéologique".  Il n'y a pas non plus de scrupules politiquement corrects à utiliser des auteurs que la pruderie de professeurs également préparés et intelligents, mais disons pas exactement audacieux, les incite parfois à reléguer timidement à quelques notes de bas de page ou même à ne pas citer : de Serge Latouche Augusto Del Noce à Emanuele Severino à Massimo Fini à Guillaume Faye.

On peut légitimement conclure que la civilisation "occidentale" est celle qui s'est formée dans l'espace de l'Occident à l'époque moderne et à partir de la "modernité", elle-même une notion comprise comme l'émancipation de la subjectivité des contraintes immobilisantes de la tradition, de la transcendance et du sacré, auto-présentée comme l'émancipation d'un mode de vie qui autorise le libre usage de la raison, sans avoir à la soumettre à un pouvoir extérieur, et la libre planification de l'avenir, sans l'obligation de tenir compte du passé. La modernité comme primauté de l'individualisme et de la dimension économico-financière, par rapport à laquelle la dimension proprement politique est reléguée au second plan tandis que disparaît la glorieuse dimension aristotélicienne et thomiste du bien public.

Il est d'autant plus urgent de s'en rendre compte à une époque comme la nôtre où les attaques continues contre la vérité, la justice et même le bon sens sont déchaînées par une partie de la politique et des médias précisément "occidentalistes" (pensez par exemple à la culture de l'annulation) dans le but de justifier les agressions, les occupations et les répressions en prétendant traiter comme des objets historiques concrets et réels ceux qui sont au contraire le résultat d'une manipulation idéologique: comme le concept de "civilisation occidentale". Cette conscience doit être tenue fermement comme un vade-mecum précieux dans notre combat pour le désenchantement et, par conséquent, la libération de la mystification et des mensonges.

Franco Cardini

dimanche, 15 mai 2022

Les intérêts cachés de la guerre de l'Occident contre la Russie

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Les intérêts cachés de la guerre de l'Occident contre la Russie

par Luciano Lago

Source: https://www.ideeazione.com/gli-interessi-celati-della-guerra-delloccidente-alla-russia/

La guerre prolongée entre la Russie et l'Ukraine, avec l'implication indirecte (pour le moment) de l'OTAN, aurait dû faire apparaître clairement quels sont les intérêts cachés derrière ce conflit sanglant.

Les États-Unis et leur bulldog britannique, les deux sangsues au cœur de l'OTAN, sont ses centres de commandement, de contrôle et de coordination financière, ceux qui sont les plus intéressés à épuiser la Russie et l'Europe dans un conflit prolongé dont Washington et Londres peuvent tirer profit afin de maintenir un contrôle hégémonique sur le vieux continent en empêchant la soudure d'un axe eurasien entre la Russie et l'Europe.

Prolonger la guerre sert les intérêts de ceux qui l'ont instiguée et promue : les élites du pouvoir anglo-saxon.

Parmi les autres objectifs des Anglo-Saxons, à ne pas négliger, figure celui de la perturbation des lignes d'approvisionnement mondiales qui, dans les plans des centres de commandement, devrait isoler la Russie et également créer des difficultés pour la Chine, dont la puissance industrielle, technologique et militaire est de plus en plus considérée comme la menace existentielle pour les Etats-Unis.

Régler ses comptes avec la Russie et ensuite tourner son attention vers la Chine, telle est la stratégie pas si secrète de Washington qu'ils ont bien comprise à Pékin.

La stratégie américaine, mise en œuvre depuis de nombreuses années, est la même que celle théorisée par les stratèges de la Maison Blanche, qui envisageait d'encercler la Russie avec une ceinture d'États hostiles à travers laquelle il s'agirait de déstabiliser et d'attaquer le cœur de la Russie. Cette stratégie prévoyait, dans un premier temps, la mise en scène de révolutions colorées, telles que celles déclenchées en Géorgie, dans les Balkans et en Ukraine, puis un changement de régime dans les pays les plus fragiles, où il existe des tensions et des fractures potentielles dues à la présence de minorités russes, pour ensuite déboucher sur de véritables guerres civiles et la déstabilisation de ces pays. L'Ukraine a été la plus grosse "morsure" et un cas d'école où une telle stratégie a été mise en œuvre et a partiellement réussi.

Seule l'intervention opportune de Poutine en 2014 pour rendre la Crimée à la Fédération de Russie par référendum populaire a empêché le plein succès du coup d'État de Maidan. La déstabilisation s'est ensuite poursuivie avec l'intervention massive des Occidentaux pour soutenir l'armée de Kiev dans ses activités contre les séparatistes russophiles du Donbass.

Cependant, le plan de nettoyage ethnique et d'ukraïnisation de ces territoires a finalement été stoppé par l'intervention militaire de la Russie qui a débuté en février de cette année.

L'instrument principal de l'hégémonie militaire américaine, l'OTAN, travaille maintenant à plein régime pour soutenir l'Ukraine dans sa tentative de ralentir et d'arrêter l'offensive russe et, à cette fin, a déployé non seulement une cargaison massive d'armes létales mais aussi la présence de plusieurs milliers d'instructeurs militaires, de conseillers et de mercenaires de l'OTAN dont la tâche est d'appuyer les forces ukrainiennes et de prolonger le conflit autant que possible. Hillary Clinton elle-même l'avait explicitement déclaré quelques semaines avant l'intervention russe : "nous devons créer un nouvel Afghanistan, comme celui qui a mis l'URSS en crise en 1980", cette fois au milieu de l'Europe. Un objectif confirmé par les déclarations ultérieures du président Biden et de son secrétaire à la défense Austin.

Il devient donc clair qu'il ne s'agit pas d'un conflit entre la Russie et l'Ukraine mais entre la Russie et l'OTAN où cette dernière est de plus en plus impliquée.

Un défi que Washington a lancé pour sa suprématie en Europe dès qu'il a utilisé l'Ukraine comme plateforme contre la Russie depuis 2014 et depuis les précédentes tentatives de révolutions colorées menées par la CIA.

Cependant, quelqu'un à Washington a fait un mauvais calcul et l'offensive russe menace de mettre à mal les plans de Washington sur l'Ukraine, avec la perspective d'un conflit qui ouvre la boîte de Pandore de ce qui représente la stratégie destructrice des Anglo-Saxons en Europe. Une sirène d'alarme pour les peuples d'Europe asservis aux intérêts impériaux de Washington qui cherche à empêcher à tout prix un axe eurasien entre l'Allemagne et la Russie, l'Europe devant elle-même subir les pires conséquences de ce conflit.

L'aveuglement des gouvernements européens et leur mauvaise foi dans la poursuite d'intérêts extérieurs contraires et opposés à ceux des peuples européens sont rendus évidents et retentissants par ce conflit.

En Russie aussi, les effets de ce conflit commencent à se faire sentir en interne, mais d'une manière inattendue par rapport aux attentes de l'Occident.

Comme cela s'est produit plus d'une fois dans l'histoire de la Russie, la guerre a mis en évidence la nécessité d'un changement radical et immédiat. dans la société russe.

La décision de passer à l'offensive en Ukraine le 24 février, selon divers analystes russes, a déclenché une véritable avalanche de demandes de changement, certaines instances en suscitant d'autres, l'une entraînant l'autre. Ce qui a commencé comme une révolution d'en haut, comme une opération spéciale, mènera inévitablement à ce à quoi mène toute révolution : l'implication des larges masses dans la vie du pays.

En substance, il s'agit d'une purification de l'âme du peuple russe qui est lavée des incrustations idéologiques issues des influences occidentales, celles du libéralisme et du consumérisme exacerbé.

La survie de la Russie et le développement du pays eurasien face aux sanctions et à la confrontation militaire nécessitent une combinaison de volonté étatique et d'un environnement économique décentralisé actif, d'autant plus que les sanctions ont porté un coup sévère aux anciens capitaines d'entreprise, les cinquièmes colonnes pro-occidentales que l'on appelle les oligarques.

La Russie n'est pas encore habituée à son nouveau rôle : celui d'un foyer de changement dans le système d'ordre mondial. On peut dire qu'il y a encore de la méfiance pour ce nouveau rôle. Cependant, pour le monde russe ce n'est pas la première fois dans l'histoire à soulever une révolte globale, cela s'était déjà produit en 1917 mais dans une direction différente. On peut dire que le passé révolutionnaire avec tous ses attributs est ancré dans la mémoire génétique du peuple russe. Cependant, le contenu de la révolution actuelle n'a évidemment rien en commun avec l'idéologie communiste.

Avant tout, c'est une révolution de libération du peuple. En Ukraine, les troupes russes libèrent leurs frères slaves de l'oppression d'une idéologie nationaliste qui leur est étrangère. À l'intérieur de la Russie, la tâche consiste à se libérer de la dépendance extérieure dans l'économie, de l'influence des agents pro-occidentaux, professionnels et volontaires.

De plus, dans l'actualité de l'action du groupe dirigeant russe, il y a aujourd'hui la défense du pays contre ces idées contre nature qui sont au cœur du dernier totalitarisme occidental, un retour aux valeurs qui assurent le développement de la société et non l'effondrement du tissu social : l'amour de la patrie, la famille traditionnelle, les enfants, le travail, la liberté de pensée. Et dans ce sens, on peut parler d'une révolution conservatrice.

Si les forces de cette révolution l'emportent, ce sera un énorme signal qui aura également son effet en Europe et sera le véritable moteur du changement.

12 mai 2022

lundi, 09 mai 2022

L'Occident : le non-être de l'Europe

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L'Occident : le non-être de l'Europe

par Luigi Tedeschi

Source : Italicum & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/occidente-il-non-essere-dell-europa

Une Europe toujours identique à elle-même

L'Europe s'est-elle retrouvée dans son unité, c'est-à-dire dans l'OTAN ? L'Europe, déjà embaumée et amorphe, s'est-elle transformée en un sujet géopolitique avec le choix atlantiste du terrain ? Non, la subordination soumise et consensuelle de l'Europe à l'OTAN est la manifestation claire et évidente de son aptitude génétique au non-choix. L'Europe reste en hibernation dans son non-être, en tant que territoire continental enchâssé dans l'Ouest atlantique. L'Europe reste subordonnée à la puissance américaine et, qui plus est, éloignée d'un contexte géopolitique mondial qui subit de profondes transformations.

L'UE, désormais en parfaite symbiose avec l'OTAN, ne veut que se préserver, avec sa structure technocratico-financière, son modèle économique néo-libéral, et sa stratification sociale éminemment fondée sur les classes. L'UE est en fait une entité supranationale immobile, qui s'est révélée irréformable dans ses équilibres oligarchiques. L'Europe est, et reste, toujours la même ; ni la crise pandémique ni la guerre en son sein n'ont affecté son manque d'identité. Les urgences récurrentes n'ont pas non plus amené les peuples d'Europe à se repenser et à repenser le rôle de l'Europe dans le monde.

La crise énergétique, déjà présente pendant la phase post-pandémique, a été encore aggravée par le conflit russo-ukrainien. Les propositions d'un accord entre les membres de l'UE sur les achats et les stocks communs d'énergie et l'établissement d'un plafond sur les prix de l'énergie se sont heurtées à un mur d'hostilité de la part des pays frugaux. Les prix de l'énergie sont négociés à la bourse d'Amsterdam. En fait, les prix de l'énergie sont le résultat de la spéculation financière, pas de la guerre. Ont également été rejetés les appels à un nouveau PNR pour faire face à la récession économique naissante et les propositions de partage de la dette contractée par les États pendant la crise de la pandémie. Il convient également de noter la rigidité dont font preuve les pays économes à l'égard d'une éventuelle réforme du pacte de stabilité, dont les faucons de l'austérité réclament le rétablissement en 2023. Ni la pandémie ni la guerre n'ont détourné les élites européennes des projets liés à la révolution numérique et à la transition environnementale. Avec quelles ressources de telles transformations structurelles à grande échelle peuvent être réalisées, nous ne le savons pas. Enfin, la question se pose de savoir quelle part des fonds du PNR sera détournée des investissements structurels pour être utilisée pour l'armement en soutien à la guerre américaine en Ukraine !

L'expansion de l'OTAN à l'est aurait signifié l'exportation vers l'Ukraine du modèle occidental, américaniste dans sa culture et néo-libéral dans son économie. Une Ukraine déracinée de son identité historico-culturelle et intégrée dans la zone d'influence russe, aurait l'américanisme comme seule valeur unificatrice, conformément à sa fonction géopolitique d'avant-poste de l'OTAN en Eurasie. L'Europe de l'OTAN a ainsi été transformée en un terrain intermédiaire fonctionnel pour l'expansion vers l'est du modèle d'entreprise néolibéral. Avec la propagande assourdissante de la guerre médiatique, le courant dominant induit les masses à croire qu'elles vivent dans le meilleur des mondes possibles, à concevoir l'Occident comme une civilisation supérieure, identifiable aux valeurs de la démocratie libérale, de l'égalité et du bien-être généralisé. Mais sans tenir compte du fait que le modèle libéral-démocratique se trouve aujourd'hui à un stade avancé de décomposition en Occident même, puisque l'avènement du néolibéralisme économique a généré une société de plus en plus élitiste et technocratique, avec la disparition progressive de l'aide sociale et du bien-être généralisé.

L'Europe du bien-être consumériste ne pouvait en aucun cas se transformer en une puissance géopolitique. Une puissance mondiale place ses propres objectifs politiques et stratégiques avant la croissance économique et le bien-être de ses citoyens. Cette confrontation/clash entre l'Occident et la Russie entraînera de profonds traumatismes pour l'Europe. L'occidentalisation économique a depuis longtemps conduit l'Europe à sortir de l'histoire. La Russie, quant à elle, affirme son rôle de puissance mondiale en s'appuyant sur des valeurs identitaires. Cette fracture irrémédiable entre l'Occident et la Russie est bien décrite par Pierangelo Buttafuoco dans une récente interview : "Pour l'Occident, la Russie est un ennemi plus hostile même que l'Union soviétique, car des décennies de matérialisme scientifique n'ont pas réussi à égratigner son identité et son esprit. La Russie est la première puissance chrétienne du continent européen, elle a de solides traditions, les Russes croient vraiment en Dieu. Tout ceci est inquiétant et détestable pour ceux qui regardent le monde à travers les yeux de la laïcité et du scientisme occidental.

L'UE : un échec qui se fait attendre

La guerre russo-ukrainienne se déroule depuis 2014 et a connu diverses évolutions. Dans un premier temps, la Russie a occupé la Crimée et le Donbass, suite au coup d'État pro-occidental de la place Maidan en Ukraine. Puis, dans une deuxième phase, l'invasion russe a eu lieu, contrée par la résistance ukrainienne.  Une troisième phase est en cours, dans laquelle les États-Unis et la Russie sont indirectement montés l'un contre l'autre par le biais du soutien de l'OTAN à l'Ukraine.

Au-delà de l'unité monolithique actuelle entre l'UE et l'OTAN, compte tenu de la crise économique et énergétique qui va frapper l'Europe et de l'évidente divergence d'objectifs entre les Etats-Unis et l'Europe (éviction de Poutine et déstabilisation de la Russie pour les Américains - négociation avec la Russie et fin du conflit du côté européen), il ne peut y avoir que de profondes dissensions entre l'OTAN et l'Europe et au sein même de l'UE. Cette guerre a conduit à la mobilisation de l'Europe par les États-Unis, qui veulent protéger leurs intérêts stratégiques par l'action de l'OTAN. Cependant, les charges résultant de la guerre, des représailles russes aux sanctions économiques, ainsi que les coûts de la diversification énergétique, les dépenses d'armement et les conséquences de la crise économique, retombent sur les Européens. La stratégie américaine d'étranglement de la Russie, par le biais de sanctions et d'usure de la guerre, ne peut que conduire à la rupture des relations entre l'UE et la Russie et, par la suite, à l'inclusion (ou l'emprisonnement ?) de l'Europe dans l'espace géopolitique anglo-saxon-atlantique.

En fait, une réorientation géopolitique au sein de l'Europe est en cours. Le centre de gravité de l'Europe s'est déplacé vers l'est. Il faut dire que l'adhésion des pays d'Europe de l'Est à l'UE était conditionnée à leur adhésion à l'OTAN dans une fonction anti-russe. Ce n'est pas une coïncidence si aujourd'hui les pays d'Europe de l'Est, ainsi que les pays du Nord et les pays baltes, avec le soutien de la Grande-Bretagne, sont de fervents partisans d'une confrontation directe entre les États-Unis et la Russie (contrairement aux autres pays européens). Et comme le théâtre du conflit est l'Europe, il est clair que les USA veulent, en exacerbant leur politique de sanctions et leur conflit avec la Russie, provoquer l'éclatement de l'Europe. Si Poutine n'a pas réussi à diviser l'Europe, Biden réussira à la déstabiliser.

L'expansion de l'OTAN en Europe de l'Est est la cause profonde du conflit russo-ukrainien. Poutine a exigé des garanties écrites que l'Ukraine ne rejoindrait pas l'OTAN. Mais Biden a refusé toute négociation avec Poutine. Il convient également de noter que l'expansion de l'OTAN en Europe de l'Est s'est faite en violation ouverte du Traité atlantique et de la Charte des Nations Unies. En effet, le Traité de l'Atlantique prévoit le règlement pacifique des différends internationaux (Art. 1), la défense mutuelle des Etats membres (Art. 5/6), - mais l'Ukraine ne l'est pas - et surtout (Art. 7), que le Traité ne peut affecter les droits et obligations établis par le Statut de l'ONU à l'égard des Etats membres de l'ONU. Il est donc clair que l'expansion de l'OTAN vers l'est constitue une violation ouverte du traité de l'Atlantique et du statut de l'ONU, car elle empiète sur le droit de la Russie à la sécurité, c'est-à-dire celui d'un État membre. L'action de l'OTAN constitue donc une violation flagrante du droit international, comme le souligne Fabio Mini dans un article publié dans Limes n° 2/2022 intitulé "La route du désastre" : "La Russie fait partie des Nations unies et la politique de l'OTAN a porté atteinte à ses droits, compromettant la paix et la sécurité dans le monde entier. La réaction russe est basée sur cette blessure et il est surprenant qu'elle n'ait pas été déclenchée plus tôt.

L'article 10 stipule que les parties <peuvent>, par accord unanime, inviter tout autre État européen capable de favoriser le développement des principes du traité et <contribuer à la sécurité de la région de l'Atlantique Nord> à adhérer au traité.  Lors du sommet de l'OTAN à Bucarest en 2008, le président américain G.W. Bush, malgré l'avis contraire de ses propres services de renseignement, a parlé explicitement de l'admission de la Géorgie et de l'Ukraine dans l'OTAN. Des pays qui ne pourraient pas contribuer à la sécurité de l'Alliance, voire l'aggraver".

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Les effets de la politique de sanctions de Biden contre la Russie seront dévastateurs pour l'Europe, dont le rôle économique dans le monde sera considérablement réduit. Les sanctions n'entraîneront pas le défaut de paiement de la Russie, et encore moins l'implosion du système politique russe, qui s'en trouvera renforcé. Ils n'affecteront pas l'économie américaine, mais l'économie européenne sera détruite. La perte des capitaux européens investis en Russie s'élève à 310 milliards de dollars, tandis que les capitaux américains ne représentent que 14 milliards de dollars. Mais surtout, la hausse des prix de l'énergie provoquera une inflation et une récession économique en Europe, alors que les États-Unis sont autosuffisants en énergie. Les États-Unis visent à remplacer la dépendance énergétique européenne vis-à-vis de la Russie par une dépendance énergétique américaine. La diversification énergétique européenne impliquera l'importation de gaz de schiste américain et la nécessité d'importants investissements dans des usines de regazéification. Le coût du gaz de schiste importé des États-Unis (dont l'impact environnemental est dévastateur) est environ deux fois plus élevé que celui du gaz russe. Sur le sujet des sanctions contre la Russie, cependant, il existe un clivage important entre les pays européens. Giacomo Gabellini déclare dans son livre "Ukraine : le monde à la croisée des chemins" : "Au sein du camp euro-atlantique, cependant, une scission manifeste est apparue, séparant le groupe "extrémiste" formé par les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Pologne et les pays baltes, du groupe aspirant à la mise en œuvre d'une désescalade, qui comprend la France, l'Allemagne et - dans une position plus éloignée - l'Italie. Pour eux, au-delà des proclamations grandiloquentes et des déclarations solennelles d'engagement, le rétablissement d'une relation moins conflictuelle avec la Russie est une nécessité économique vitale. En témoignent les déclarations retentissantes du PDG de Basf, l'une des plus grandes entreprises chimiques du monde, qui affirme que l'interruption de l'approvisionnement en gaz russe mettrait en péril la survie des petites et moyennes entreprises allemandes et provoquerait "la pire crise économique en Allemagne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, capable de détruire notre prospérité".

L'impact décisif sur l'économie européenne de l'arrêt des importations de grains et céréales russes et ukrainiens est également noté. Entre autres choses, les importations alimentaires américaines vont-elles ouvrir les portes de l'Europe aux OGM ? Ainsi, les sanctions contre la Russie ouvriront de nouveaux marchés aux États-Unis, mais, dans le même temps, elles entraîneront la déconstruction de l'économie européenne. En outre, si le conflit devait se poursuivre, il y aurait une fuite inévitable des capitaux de la zone euro instable vers la zone dollar. Un phénomène qui s'est déjà produit plusieurs fois dans le passé se répéterait ainsi : les États-Unis ont souvent stimulé leur propre économie au détriment des pays en crise.

L'UE est un organisme construit sur la base d'un projet d'ingénierie financière totalement artificiel et révèle son incapacité à faire face aux crises récurrentes de la géopolitique mondiale. Pour survivre, l'Europe devra donc, au prix d'affronter des crises et des conflits, se réintégrer dans le contexte historico-politique contemporain, étant donné que cette crise représente pour l'UE un échec annoncé depuis trop longtemps. Gennaro Scala, à propos de la genèse de l'UE, a effectivement déclaré : "On ne peut pas penser à créer artificiellement ce que l'histoire n'a pas créé".

L'Allemagne, entre déclassement économique et réarmement

Cette guerre aura pour effet de bouleverser l'équilibre interne de l'Europe. En effet, outre la déstabilisation de la Russie, les objectifs américains incluent la rupture du lien historique entre Berlin et Moscou. En d'autres termes, les États-Unis visent à détruire la zone d'influence de la puissance économique allemande en Eurasie en mettant sous embargo le gaz et le pétrole russes et en faisant la guerre. Une attaque conjointe des États-Unis et de la Grande-Bretagne contre la suprématie économique de l'Allemagne au nom de la domination européenne est en cours. Les États-Unis veulent frapper le modèle économique allemand, qui s'est construit pendant 20 ans grâce à des relations privilégiées avec la Russie, à l'accès à des approvisionnements bon marché en matières premières et en énergie, et à la délocalisation industrielle vers les pays d'Europe de l'Est. Mais ce sont surtout les exportations allemandes et l'excédent commercial allemand, obtenu grâce à l'adoption de l'euro comme monnaie sous-évaluée par rapport au mark, un facteur qui a largement contribué à accroître la compétitivité des exportations allemandes sur les marchés américains, qui sont attaqués par les États-Unis. Avec cette guerre, Biden entend compléter la stratégie d'affaiblissement de l'économie européenne déjà initiée par Trump avec sa politique tarifaire.

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Cette guerre entraînera le déclassement de la puissance allemande et européenne dans le monde. Le rôle géopolitique central joué par l'Allemagne en Europe dans le contexte de l'évolution de la stratégie géopolitique de l'Amérique va disparaître. Le rideau de fer a été déplacé vers l'est avec le renforcement de la présence de l'OTAN dans les pays baltes et dans les pays du Trimarium (une zone s'étendant de la Pologne à la mer Noire). La stratégie d'endiguement de l'OTAN à l'est de la Russie implique donc la dissolution de la sphère d'influence allemande en Europe orientale, la fin de l'interdépendance énergétique russo-allemande et la fracture des liens géopolitiques entre l'Allemagne et l'Eurasie. Dans le cadre de ce nouvel expansionnisme de l'OTAN, toute aspiration à l'autonomie européenne est écrasée.

Dans cette phase de transformation de la géopolitique européenne, les perspectives du réarmement allemand sont particulièrement importantes. Scholz a annoncé que 100 milliards d'euros, soit plus de 2% du PIB allemand, seront investis dans l'armement au cours des prochaines années. Le réarmement allemand représente-t-il donc un tournant décisif ? L'Allemagne passera-t-elle du statut de puissance économique mercantile à celui de puissance géopolitique ? Dans tous les cas, il s'agit d'un changement politique qui a eu lieu sur une base nationale, et donc certainement pas en vue de créer une armée européenne commune. Le réarmement allemand n'a pas été conçu pour répondre aux besoins de sécurité de l'Allemagne, mais plutôt dans le cadre de la stratégie de l'OTAN visant à contenir la Russie. La nouvelle Allemagne armée devient une puissance continentale, mais dans le cadre de la stratégie américaine de dévolution à l'Europe des coûts de défense du nouveau rideau de fer érigé par l'OTAN à la frontière avec la Russie.

La perspective du réarmement allemand est pleine d'inconnues. L'Allemagne est au bord d'une grave crise économique causée par la hausse des prix de l'énergie, les difficultés d'approvisionnement en semi-conducteurs pour la production industrielle et l'inefficacité de la chaîne de production suite à la pandémie. En outre, le spectre de l'inflation est réapparu, ce qui pourrait avoir un impact traumatisant sur la population allemande, compte tenu de son contexte historique. Dans ce contexte, comment le peuple allemand réagira-t-il à un gouvernement qui décide de consacrer des ressources importantes à l'armement, qui seraient autrement utilisées pour soutenir l'économie et les dépenses sociales afin de faire face à la crise post-pandémique ? Le réarmement allemand s'accompagne d'un déclassement économique et politique de l'Allemagne. Quel impact aura la perspective d'un réarmement allemand en termes anti-russes sur une population qui a vécu pendant des générations dans un climat de pacifisme post-historique et qui comprend des secteurs significatifs de l'opinion publique pro-russe, notamment dans les Länder de l'Est ? Quelqu'un a ironiquement dit, à propos de l'atlantisme servile du gouvernement Draghi, que l'Italie est le Belarus de l'Occident. Mais alors, l'Allemagne du réarmement ne deviendra-t-elle pas la DDR des USA ?

L'Occident : le non-être de l'Europe

La guerre russo-ukrainienne marque la fin de l'ère de la domination américaine globale et unilatérale qui a commencé avec la dissolution de l'URSS. L'échec de l'Union européenne, ainsi que les perspectives d'une future désintégration de l'UE, étaient déjà implicites dans sa genèse même, en tant qu'organe économique et financier supranational enchâssé dans le contexte atlantiste de l'OTAN.

L'Europe n'est pas un sujet géopolitique en tant que partie intégrante de l'Occident atlantique. L'identification entre l'Europe et l'Occident s'est avérée être une contradiction irrémédiable. L'affiliation de l'Europe à l'Occident a signifié une occupation militaire américaine et une souveraineté limitée pour l'Europe. L'Occident représente aujourd'hui le non-être de l'Europe. Toute perspective de souveraineté géopolitique européenne implique la séparation de l'Europe de la zone atlantique occidentale. Il est donc nécessaire d'identifier d'abord l'Occident comme l'ennemi irréductible de l'Europe. Franco Cardini déclare dans son essai "La guerre en Ukraine et l'Europe contre l'Eurasie" : "Ce qui est certain, c'est que les anciennes oppositions sociopolitiques et socioculturelles n'existent plus. Le processus de mondialisation, qui a commencé il y a un demi-millénaire, est presque terminé"... "Face à tout cela, un choix doit être fait : pas immédiatement peut-être, progressivement et sagement sans doute, mais avec une rigueur qui n'est pas encore claire pour tout le monde mais qui le deviendra. Maintenant que l'unanimité artificielle et forcée "pro-Ukraine" (c'est-à-dire pro-OTAN) commence à montrer des signes de métabolisation, alors qu'il devient de plus en plus clair que nous, Européens, paierons une grande partie du fardeau des sanctions insensées contre la Russie, qui sont directement ou indirectement dirigées contre nous aussi, et de celles du réarmement d'une armée qui est "la nôtre" et que nous ne commandons pas et qui n'agit pas sous nos ordres, la décision fondamentale reste la nôtre et uniquement la nôtre : si nous acceptons en tant qu'Européens d'être désormais "ameuropéens" (rappelez-vous l'Amérique amère d'Emmanuel Emmanuel) ou si nous acceptons d'être "ameuropéens" (rappelez-vous l'Amérique amère d'Emmanuel). (vous souvenez-vous de l'America amara d'Emilio Cecchi ?) ou reprendre une voie millénaire qui est la nôtre depuis l'Antiquité et, avec une conscience de plus en plus sévère, se dire "eurasien"... "Aujourd'hui, chacun de nous, Européens, est appelé à choisir s'il préfère vivre dans la périphérie occidentale de l'Eurasie ou dans la périphérie orientale de l'AmEurope. Le soleil s'est toujours levé à l'Est, il est toujours mort à l'Ouest. Laissez-nous décider."

Il y a une guerre en cours entre les États-Unis et la Russie qui transcende la crise ukrainienne. Nous assistons à un affrontement entre deux modèles géopolitiques alternatifs, dont l'issue déterminera des transformations importantes dans le cours de l'histoire des décennies à venir. On oppose la mondialisation néolibérale aux États et aux identités des peuples. Ce n'est pas une coïncidence si les États opposés à la domination américaine sont définis comme des "États voyous". A l'universalisme unilatéraliste américain s'oppose le pluriversalisme multilatéraliste des différentes cultures continentales. Comme le dit Pierangelo Buttafuoco, "D'un côté, il y a l''imperium', les puissances impériales, y compris les États-Unis : comme le dit Dario Fabbri, ce sont les peuples qui ne prennent pas d'apéritifs, qui ont un esprit combatif et des identités plurielles. D'autre part, il y a le "dominium" des Européens, la tentative de réunifier le monde avec une seule identité, un seul projet. Au lieu de perdre du temps avec la propagande, nous devrions réfléchir à une guerre qui défie la mondialisation. Nous, les Occidentaux, sommes convaincus d'avoir le dernier mot sur les événements de l'histoire, mais il existe un dessein mondial où des puissances spirituellement fortes se sont réunies : la Chine, la Russie, l'Inde, le Pakistan". L'horizon immanentiste de la post-histoire de l'idéologie libérale est contré par le retour de l'histoire comme dimension naturelle de la vie de l'homme et des peuples.

Ces contrastes réapparaîtront au-delà du conflit actuel. Les conflits entre parties opposées font partie intégrante de la dialectique de l'histoire. Les régimes, les idéologies et les doctrines politiques sont destinés à se dissoudre au cours de l'histoire. Mais les peuples et leurs identités demeurent. Il est donc nécessaire de prendre parti sur la base de ses propres motivations idéales et géopolitiques, indépendamment de l'orientation politique et idéologique des classes dirigeantes des deux puissances en conflit. On ne peut pas être un fan de Poutine ou de Biden. Il est nécessaire de prendre parti parce que la transformation de l'ordre géopolitique mondial est en cours, parce que notre être dans l'histoire est en jeu. Parce que non seulement Poutine est tombé dans le "piège atlantique", mais surtout l'Europe. Nous devons prendre parti, car sinon les États-Unis prendront parti pour nous, en tant que sujets de l'empire mondial atlantique.

Quelle pourrait être la valeur unificatrice d'une alliance entre les peuples d'Europe ? Le rejet de l'américanisme, entendu comme matérialisme consumériste, économisme totalisant, infection mortelle de l'esprit, destruction de l'éthique des communautés humaines, expansionnisme armé de guerres sans fin. Il faut mettre en place un front européen du refus, c'est-à-dire une coalition transversale des peuples, transcendant les États et même les continents. De nouvelles identités et de nouveaux mouvements politiques émergeront de ce rejet, issus de la lutte pour la souveraineté des peuples et des États européens.

L'histoire a subi une accélération soudaine, ce qui implique des choix existentiels avant les choix politiques. L'éloignement de l'histoire conduirait à la dissolution fatale de l'Europe dans le nihilisme de la post-histoire. 

vendredi, 29 avril 2022

Où l'Occident trouvera-t-il des roubles?

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Où l'Occident trouvera-t-il des roubles?

par Luciano Lago

Source: https://www.ideeazione.com/loccidente-dove-trovera-i-rubli/

Poutine a ordonné que le marché monétaire national de la Russie soit préparé au passage au règlement en roubles des livraisons à l'exportation, pour l'instant, notamment du gaz naturel. Cette demande devient urgente car les banques des "pays hostiles" (un terme technique qui inclut l'UE et la plupart des pays anglophones) retardent délibérément et volontairement les paiements pour l'énergie russe. Par conséquent, les livraisons sont désormais effectuées à crédit - un crédit basé sur le rouble !

Entre-temps, le taux de référence de la banque centrale russe est passé à 17%, contre 20% précédemment, mais quand même ! Il semble que quelqu'un de pas très intelligent fasse tout pour faire grimper les prix de l'énergie. Entre-temps, les paiements reçus pour les exportations de pétrole et de gaz ont été réduits de moitié, ce qui rend probable que ces mêmes exportations (vers des "pays hostiles") seront également réduites de moitié. À ce stade, certains historiens pourraient sortir de vieux livres poussiéreux et prétendre que ce genre de politique commerciale folle était la cause de la Grande Dépression. Je ne suis pas d'accord et je l'appelle l'effondrement des entreprises, qui suit l'effondrement financier avec sa perte d'accès au crédit causée par un risque de contrepartie excessif.

Poutine aimerait que ce problème soit résolu. Il veut que l'Europe soit maintenue en vie car la Russie n'a pas besoin d'un énorme cadavre en décomposition à sa frontière occidentale. Le problème avec le décret de Poutine est que les banques russes feront office d'agents de change dans le règlement du programme "marchandises contre roubles" et que les transactions de conversion auront lieu sur le marché des devises de la Bourse de Moscou au sein du système financier russe, et que ce système connaît une grave pénurie d'acheteurs de devises étrangères.

Poutine n'est pas un magicien, et il ne peut pas générer à partir de rien une armée de zombies qui voudront emprunter des roubles et acheter avec eux des dollars et des euros qu'il n'y a aucun moyen d'investir de manière rentable pour rembourser les intérêts de la dette libellée en roubles; pas avec une inflation à deux chiffres dans la zone euro et la zone dollar; pas avec un taux d'intérêt d'au moins 17% sur le rouble. Sauf une, sur laquelle je reviendrai plus tard.

Si ce ne sont pas les zombies, alors qui élargira ses positions en dollars et en euros à une échelle aussi gigantesque?

Des importateurs russes? Non, les importations représentent la moitié des exportations, sans parler des problèmes logistiques et contractuels dus aux sanctions.

Le peuple russe? Certainement pas! La mode consistant à conserver un stock de billets de 100 dollars sous le matelas a disparu depuis longtemps, tout comme celle consistant à conserver des comptes en dollars dans les banques russes. Tout le paradigme monétaire a changé et il n'y a pas assez de monnaie libre parmi la population russe pour absorber les flux d'exportation.

Des entreprises russes ? Parmi eux, seuls les exportateurs disposent de ressources importantes, mais leur faire accepter des dollars ou des euros les ramène à la case départ et ne fait qu'exacerber leur problème en les obligeant à vendre 80 % de ces dollars et euros en roubles. Et le problème est encore pire pour les exportateurs russes, qui doivent maintenant essentiellement vendre 100 % de leurs revenus en dollars et en euros pour des roubles.

Les banques russes? C'est une possibilité ce mois-ci, mais pas dans les mois à venir. Les banques servent les intérêts de leurs clients et ceux-ci, ayant été coupés du système financier occidental, n'ont plus besoin de dollars ou d'euros. Et comme ils ont eux-mêmes été coupés du système financier occidental, ils n'ont pas non plus besoin de ces monnaies. Ils liquident leurs actifs en dollars et en euros.

Oh, et enfin, les étrangers n'ont pas accès au marché des changes russe. Cela rend les choses vraiment simples, n'est-ce pas?

Il ne reste plus que la banque centrale russe et le gouvernement russe qui la possède et l'exploite. Alors qu'auparavant ils se contentaient d'accumuler des réserves en dollars et en euros, la définition des réserves a été modifiée pour exclure ces deux éléments. Si une accumulation de réserves de change devait avoir lieu maintenant, ce serait en yuan, et alors tous ces roubles excédentaires passeraient directement des mains des acheteurs d'énergie des "nations hostiles" aux mains amicales des exportateurs chinois.

On pourrait penser que les Chinois polis seraient prêts à accepter des dollars et des euros en échange de leurs exportations vers la Russie, ce qui leur permettrait de gagner des roubles en utilisant ces deux monnaies. Malheureusement non, la Chine et la Russie ont passé des accords pour transférer leurs échanges commerciaux vers le rouble et le yuan, excluant spécifiquement le dollar.

J'ai bien peur de ne pas avoir d'idées brillantes à proposer pour résoudre ce problème, comme l'a ordonné Poutine. Il y a cependant une idée. Il est possible d'obtenir des crédits en roubles très bon marché dans le but de remplacer les importations. Le plan consiste donc à emprunter des roubles, à les utiliser pour acheter des dollars ou des euros, puis à utiliser ces dollars ou ces euros pour acheter, emballer et expédier en Russie des usines et des équipements occidentaux capables de fabriquer des produits pour lesquels il existe une demande en Russie et dans les pays amis de la Russie.

Bien sûr, les gouvernements occidentaux tenteront très probablement de bloquer ce plan. Ils n'ont plus beaucoup d'occasions de se tirer une balle dans le pied, mais ils vont certainement continuer à essayer. Et la Russie se retrouvera avec un énorme cadavre en décomposition à ses frontières occidentales. J'espère que quelqu'un trouvera le moyen d'exécuter l'ordre de Poutine, mais je n'ai aucune idée de ce que cela pourrait être.

26 avril 2022

Pourquoi l'Occident déteste la Russie et Poutine

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Pourquoi l'Occident déteste la Russie et Poutine

par Fabrizio Marchi

Source : Fabrizio Marchi & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/perche-l-occidente-odia-la-russia-e-putin

Bien que cela puisse ressembler à un fantasme politique, surtout pour ceux qui ne sont pas impliqués dans la politique internationale, il est important de souligner que l'objectif stratégique de l'offensive globale américaine (lire, entre autres, l'expansion de l'OTAN à l'Est), est la Chine, et non la Russie.

L'affaiblissement, voire la déstabilisation de la Russie à moyen-long terme n'est "que" (avec beaucoup de guillemets...) une étape intermédiaire, même si elle est d'une importance énorme, pour isoler la Chine, le véritable et plus important concurrent des Américains. Tout reste à vérifier, bien sûr, pour savoir si cela est possible, mais à mon avis, telle est bien l'intention.

Les États-Unis cherchent à prolonger le conflit en Ukraine le plus longtemps possible, voire à le rendre permanent. Ils espèrent ainsi saigner la Russie, tant sur le plan militaire que, surtout, sur le plan économique, et l'user psychologiquement au fil du temps, en sapant sa cohésion interne. À moyen terme, la guerre pourrait renforcer le leadership de Poutine, et c'est déjà le cas, mais à long terme, elle pourrait peut-être l'affaiblir. Après tout, rester embourbé dans une guerre à long terme peut être, et a été, déstabilisant pour tout le monde. Pensez au Vietnam pour les États-Unis et à l'Afghanistan pour l'Amérique et l'Union soviétique, pour ne citer que quelques exemples bien connus. Et quelle que soit la solidité du leadership de Poutine, nous ne pouvons pas exclure a priori qu'il puisse être affaibli en interne au fil du temps. Dans quelle mesure et si cela est possible, comme je l'ai dit, est une autre question, mais je crois que la stratégie du Pentagone est la suivante.

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Immédiatement après l'effondrement de l'URSS (mais la désintégration avait déjà commencé depuis un certain temps), la Russie a été réduite à l'état de colonie, un pays disposant d'un énorme réservoir de matières premières à piller et d'une grande masse de main-d'œuvre bon marché à la disposition des multinationales et des entreprises occidentales, ainsi que d'un gouvernement d'hommes d'affaires sans scrupules, de mèche avec la mafia et dirigé par une marionnette ivre au service des États-Unis. Ils étaient convaincus qu'ils avaient le monde entre leurs mains. Et c'était leur plus grande erreur. Une erreur qu'ils ont en fait souvent commise au cours des trente dernières années. Ils ont été littéralement délogés par la croissance économique impétueuse, voire inquiétante, de la Chine et n'ont pas pensé que la Russie pouvait se relever et retrouver sa force, son centre de gravité, son identité, qui est celle d'un grand pays, avec une grande histoire, une grande culture et un grand peuple qui ne peut accepter d'être réduit à une colonie de l'Occident.

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Qu'on le veuille ou non (cela n'a absolument rien à voir avec la compréhension des choses), Poutine était l'homme qui incarnait cette renaissance. Et c'est précisément cela que l'Occident ne lui pardonne pas. Parce qu'il leur a enlevé le grand jouet qu'ils pensaient avoir entre les mains et, ce faisant, leur a enlevé le rêve - qui semblait avoir été réalisé - de pouvoir dominer la planète entière.

Que la croisade anti-russe se fasse pour défendre les valeurs occidentales, la liberté, les droits civils et la démocratie, c'est évident, mais c'est du bavardage, de la propagande des plus évidentes, de la soupe pour les naïfs (je ne veux pas m'y frotter...). L'Occident fait et a fait des affaires, a soutenu, financé, armé et souvent créé les dictatures les plus féroces dans le monde entier (tout comme il n'hésite pas aujourd'hui à anoblir la pire racaille nazie-fasciste jamais vue en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale), et encore moins si le problème peut être les droits et la démocratie. Si Putin était à votre service, vous pourriez aussi bien manger littéralement de la chair de petit enfant au petit déjeuner et personne ne s'en soucierait le moins du monde et tout le monde trouverait même un moyen de le dissimuler.

Affaiblir, réduire radicalement ou même déstabiliser la Russie et installer un gouvernement complaisant signifierait, comme je l'ai dit, isoler la Chine. Pensons aujourd'hui à l'Inde, un pays formellement placé dans la sphère d'influence occidentale, mais en fait non homogène avec cette même sphère, pour des raisons géographiques évidentes et donc économiques et commerciales. Avec la disparition de la Russie, l'autre principal bastion, outre la Chine, du bloc (euro-asiatique), l'Inde serait inévitablement aspirée dans la sphère d'influence occidentale, et peut-être aussi le Pakistan, un allié des États-Unis jusqu'à il y a tout juste un an ou deux.

Il s'agit évidemment d'une stratégie et d'un projet très ambitieux avec lesquels les Américains pourraient jouer à moyen et long terme. D'autre part, s'ils ne parviennent pas à briser d'une manière ou d'une autre le lien entre la Russie et la Chine, c'est-à-dire l'axe central du bloc asiatique (possible mais pas encore complètement homogène), les choses pourraient se gâter pour les États-Unis et le bloc occidental.

C'est pourquoi la crise actuelle est certainement la plus grave et la plus inquiétante depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Objectivement, nous ne sommes pas en mesure de prévoir les évolutions et, surtout, les résultats potentiellement dramatiques.

jeudi, 21 avril 2022

L'Occident distributif, une menace pour la multipolarité

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L'Occident distributif, une menace pour la multipolarité

А. Drevov

Source: http://www.elespiadigital.com/index.php/noticias/geoestrategia/37397-el-occidente-distributivo-una-amenaza-para-la-multipolaridad

Maintenant que près de deux mois se sont écoulés depuis le début de l'opération militaire spéciale des forces armées russes en Ukraine, il est possible de mettre de côté les émotions et l'agitation initiales pour se consacrer à une réflexion sur les événements et les changements globaux majeurs qui se sont produits dans les sphères économiques et socioculturelles de diverses régions du monde.

Le Heartland distributif

Le philosophe russe Alexandre Douguine a observé en 2019 que l'un des impératifs de la géopolitique multipolaire était la création d'un Heartland distributif [1]. La géopolitique classique - à laquelle Douguine a apporté plusieurs contributions - stipule que le Heartland est le point de départ à partir duquel se forment les civilisations terrestres conservatrices, stables, religieuses, antiglobalistes ou altermondialistes. Le Heartland a toujours été considéré comme la pierre angulaire de la géopolitique, car celui qui contrôle le centre du continent eurasien contrôlera le monde.

Les puissances terrestres du Heartland s'opposent aux puissances maritimes, thalassocratiques ou atlantistes, soit les Civilisations de la Mer dont les principes économiques, culturels et politiques sont incarnés par l'"Occident moderne". Selon A. Douguine, si nous voulons évoluer vers la multipolarité, nous ne pouvons plus parler d'un seul Heartland ou d'une seule puissance maritime, car la confrontation entre ces deux principes s'est déplacée vers chacun de ces pôles, blocs ou puissances militaires et économiques. Les forces conservatrices en faveur de la multipolarité, de l'autarcie culturelle et de l'autarcie des civilisations existent dans tous les États du monde et chacun a son propre Heartland régional : les Russes, les Européens, les musulmans, les Chinois, les Sud-Américains et même les Américains ont des formes particulières de conservatisme. L'Américain moyen tend vers l'isolationnisme et vers l'idéal de Make America Great Again. Cette confrontation ne touche donc plus seulement des frontières géographiques et politiques particulières, mais s'étend également au-delà des États, des nations et des cultures.

Cela nous amène à dire que s'il existe un Heartland distributif, il existe également un Sea Power distributif. Nous tenterons ci-dessous d'identifier certaines de ses caractéristiques.

L'atlantisme est un projet civilisationnel holistique et total dont la description et l'image de l'avenir peuvent être comprises dans une perspective culturelle et économique. Le projet économique de l'atlantisme est sans aucun doute très complexe, mais nous nous concentrerons sur une critique beaucoup plus conjoncturelle et l'associerons à l'approche culturelle qui a permis l'hégémonie occidentale grâce à la technologie.

Alexandre Douguine a consacré un volume entier de Noomakhia à la Grande-Bretagne et il y souligne que l'une des caractéristiques les plus intéressantes de l'Empire britannique était la manière dont il a quitté la scène mondiale [2]: contrairement à d'autres empires, qui ont été détruits par la Première Guerre mondiale ou la Révolution russe, Douguine soutient que la liquidation de l'Empire britannique était comme un faisceau de lumière frappant un prisme et se divisant en un spectre infini de couleurs. La Grande-Bretagne cesse d'être un empire colonial et devient une lumière multicolore qui baigne désormais le monde de son éclat: la musique des Beatles, la mode, le style de vie, son système économique, ses idées technologiques (y compris les ordinateurs), etc. On peut dire que leur influence n'a pas disparu, mais qu'elle a pris une forme et un sens très différents, qui seraient désormais culturels (en comprenant la culture au sens large, c'est-à-dire toute activité humaine). La Grande-Bretagne a, en effet, été la première puissance à convertir son hégémonie militaro-industrielle et économique en une puissance culturelle diffuse et distributive. Bien sûr, le nombre de bases militaires et d'administrations coloniales britanniques a diminué, mais aujourd'hui, tout le monde écoute du rock britannique à la radio et copie les subcultures londoniennes. La règle britannique est devenue la mode britannique !

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Un tel héritage a rapidement été repris par l'héritier géopolitique de la Grande-Bretagne: les États-Unis d'Amérique, un pays qui non seulement développera un complexe militaro-industriel qui lui est propre, mais tentera également de dominer la culture et l'imaginaire de tous les peuples du monde par le biais d'Hollywood, en essayant d'apporter le rêve américain partout. Jean Baudrillard a consacré plusieurs de ses ouvrages à l'étude de la culture, des médias et des systèmes symboliques américains.

Au début du 21e siècle, les États-Unis ont tenté de créer un nouveau pôle d'attraction en plus d'Hollywood: la Silicon Valley ou Vallée du Silicium. Les technologies de l'information, les BigTech et les réseaux sociaux ont atteint un niveau de popularité et de pertinence sans précédent ces dernières années. En fait, les dirigeants de ces entreprises font partie des personnes les plus riches du monde, sont des leaders importants de l'opinion publique et sont devenus un phénomène culturel autonome. Les technologies de l'information offrent un statut, un revenu et une mobilité aux jeunes du monde entier. Elle est devenue un pilier de l'Occident, au même titre que le complexe militaro-industriel et la communauté intellectuelle.

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Sanctions et réactions

Le nombre de sanctions imposées à la Russie ces derniers mois est très parlant, car il révèle le mode de fonctionnement de l'Occident. L'attention du public s'est principalement concentrée sur la fuite de nombreuses personnalités politiques et culturelles importantes, mais le principal problème de la Russie réside dans la sphère technologique et les problèmes culturels qu'elle entraîne. Malheureusement, trop peu d'attention a été accordée à ce problème.

Il est intéressant de noter que la quasi-totalité des marques, entreprises, services, applications et systèmes de paiement IT & HighTech les plus célèbres au monde ont quitté la Russie au début du premier trimestre 2022. La Russie a été déconnectée des réseaux et des systèmes occidentaux (y compris des marques et des codes culturels qui leur sont associés) afin de faire pression sur la population et les autorités russes pour qu'elles arrêtent la guerre. L'Occident estime que l'exclusion des Russes de ses systèmes culturels, d'information et d'infrastructure détruira non seulement l'économie, mais aussi l'identité des citoyens russes et les obligera ainsi à se ranger du côté de la "mondialisation". Mais ces tentatives n'ont pas fonctionné. En outre, certaines plateformes, réseaux sociaux et services occidentaux ont été fermés par les tribunaux russes en raison de leurs actions agressives.

Néanmoins, le niveau de pénétration de la culture occidentale à l'intérieur de la Russie est révélé de la manière suivante: les médias ont appelé au remplacement des importations occidentales par des produits, des plateformes et des réseaux sociaux créés en Russie. Les médias et les fonctionnaires ont commencé à dire à la population que l'utilisation privée de Meta (une société qui a été déclarée par la Russie comme une organisation extrémiste) ne sera pas punie par la loi, mais qu'il existe des plateformes et des réseaux sociaux très similaires pour échanger des messages, ainsi que des services de streaming (RuTube, VKontakte), des fournisseurs de films (Okko, ivi), des logiciels et des systèmes d'exploitation domestiques créés par des Russes. Des promesses ont même été faites pour créer des applications populaires telles que Yappy [3] pour remplacer TikTok ou un réseau appelé Rossgram pour remplacer Instagram. Il a également été annoncé qu'une application russe sera créée pour remplacer Google Play et Apple Store au cas où ceux-ci quitteraient également le pays.

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Les autorités russes affirment que les programmeurs, les spécialistes des technologies de l'information et les entreprises bénéficieront d'avantages fiscaux, ainsi que d'un traitement favorable pour leurs industries, car "leurs concurrents ont cessé leurs activités dans le pays". Le problème est encore plus compliqué dans le domaine de la microélectronique, qui est dominé par la Chine et ses systèmes technologiques, à commencer par la société Huawei.

Nous pourrions dire qu'ils essaient de montrer à la population que l'infrastructure et la culture "occidentales" existent toujours en Russie, bien que sous une forme très différente et en changeant d'apparence. En bref, il s'agit d'une variante glocale [4] de "l'Occident sous une apparence russe" sans se débarrasser d'abord d'Internet. Des choses similaires se sont produites dans des pays qui ont été soumis à des sanctions américaines et européennes pendant des décennies, comme l'Iran et la Chine. L'Iran conservateur dispose de toutes sortes de systèmes, de plates-formes culturelles et de haute technologie analogues à ceux de l'Occident qui sont distribués ouvertement et légalement, comme Aparat (substitut de YouTube), FILIMO (Netflix), TaxiMaxim (Uber), CafeBazaar (Google Play), etc. Les services VPN qui permettent d'accéder à l'Internet fonctionnent très bien.

D'autre part, les produits et équipements occidentaux sont introduits en contrebande dans le pays en violation des droits d'auteur et vendus ouvertement partout. Bien sûr, il existe des marques originales qui ne fonctionnent qu'à l'intérieur du pays, mais il n'est pas impossible de se procurer des produits étrangers en Iran. Cela nous amène à dire que l'Iran est un pays économiquement et technologiquement autarcique, mais qu'il n'a pas réussi à échapper (même s'il est "enfermé" !) au pouvoir pénétrant de la culture "occidentale". On peut dire que toutes ces influences sont les drapeaux et les bataillons d'occupation culturelle et technologique que la civilisation de la mer distribuée utilise pour finalement subjuguer la République islamique d'Iran, tandis que le commun des mortels est fasciné par ces merveilles occidentales. Cela nous amène à conclure que si le régime des ayatollahs permet aux marques occidentales d'ériger leurs panneaux publicitaires et leurs centres commerciaux sur son territoire, alors les fondements de son règne s'érodent rapidement et une partie du peuple iranien est déjà prête à renoncer à sa souveraineté en échange de faire à nouveau partie du monde.

L'influence de l'Occident est encore plus évidente en Chine qui - malgré son opposition ouverte aux États-Unis en termes d'économie, de politique et de valeurs - s'appuie sur les mêmes méthodes et technologies occidentales. En Chine, nous retrouvons les mêmes principes culturels qu'en Occident et ils ne sont pas toujours déguisés sous une apparence locale. Cela est particulièrement évident dans l'architecture de leur métropole où brillent les néons, l'intégration de leur vie sociale dans la réalité virtuelle grâce à des applications telles que WeChat, les excellentes connexions VPN qui leur permettent d'échapper aux pare-feu gouvernementaux, le développement de systèmes de surveillance étatiques, l'autonomisation sociale (les banques privées et les BigTech fonctionnent à peu près de la même manière que les entreprises occidentales) et devenir le premier fabricant industriel mondial et l'un des leaders mondiaux de la microélectronique et des équipements de réseau (IBM et CISCO ont fait pression sur le gouvernement de Donald Trump pour qu'il ferme les succursales américaines de Huawei). L'industrie cinématographique chinoise s'est intégrée avec succès à Hollywood, car cette dernière se pare de l'esthétique chinoise et utilise des acteurs chinois autochtones dans nombre de ses superproductions afin de réaliser de gros profits dans l'Empire du Milieu. Ainsi, malgré la confrontation économique et géopolitique, il n'y a pas de différence entre la Chine et l'Occident en termes de culture et de technologie.

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C'est pourquoi beaucoup en Russie s'attendent à ce que les "technologies chinoises" remplacent les "technologies occidentales" maintenant que ces dernières ont quitté notre pays. Cependant, les technologies chinoises ne sont rien d'autre qu'une copie des technologies occidentales. La boucle est bouclée et nous sommes de retour à la case départ: la multipolarité ne peut être réduite à une confrontation politique, culturelle et économique, puisque les mêmes structures et "modèles" créés par les puissances maritimes pour assujettir les autres pôles existent toujours. Nous n'assistons pas à la naissance d'une véritable autarcie, mais à la création de "Wests" locaux et semi-fermés. Nous pourrions parodier la vieille formule stalinienne en disant que nous construisons un "Occident dans un seul pays".

Tant les élites qu'une grande partie du peuple russe espèrent que les difficultés actuelles passeront et qu'ensuite tout redeviendra comme "avant". Ce souhait a été clairement et ouvertement exprimé pendant la pandémie et l'est à nouveau aujourd'hui: tout le monde s'attend à ce que les applications occidentales, Google, Apple, Twitter et Facebook fonctionnent à nouveau lorsque la guerre sera terminée. Et tandis que certaines personnes le souhaitent consciemment, parce que c'est la civilisation à laquelle elles appartiennent, d'autres veulent revenir à leurs anciennes habitudes par une sorte d'inertie parce qu'il n'y a pas de véritable alternative en vue. En attendant, de nombreux Russes se contentent d'utiliser VKontakte parce que Facebook est bloqué.

Sur la neutralité de la technologie

L'un des mythes de la modernité est la neutralité supposée de la technologie, celle-ci étant considérée comme un simple outil que chacun peut utiliser de manière passive. Cependant, ceci est faux. La technologie fait partie de la culture et n'est pas un objet ou un produit passif, mais un sujet qui cherche à l'améliorer et à la reproduire, en transformant les relations sociales, de travail et économiques (révolutions technologiques) ainsi qu'en produisant ses propres signes et unités sémantiques (mèmes). La technologie transforme notre rapport au temps, à la communication, à la nature, à l'écologie ou à l'exploitation du sous-sol (le monde est réduit à un moyen de consommation), etc.

heidegger-by-barry-bruner1-208x300.pngLa philosophie de Martin Heidegger [5] part de l'hypothèse que la technologie est une forme de destruction et d'annihilation du Dasein, qui produit une fuite dans l'inauthenticité, c'est-à-dire le renoncement à l'être pour la mort. Martin Heidegger a décrit cela comme le Gestell, le Dispositif, une sorte de forme métaphysique et de technologie qui nous est imposée, établie (er-stellen, installer) et qui cherche à bloquer l'être authentique des hommes. L'existence inauthentique se consacre à regarder des séries sur Netflix ou RuTube ou à créer ses propres applications pour smartphone.

De plus, comme le souligne à juste titre le philosophe français Alain de Benoist, l'hégémonie technologique et l'idéologie de la consommation sont nées en Europe grâce à [6] :

- La disparition de la culture paysanne vivante et sa réduction à des éléments folkloriques ;

- L'urbanisation et l'anthropocentrisme comme "abandon de l'état de nature" ;

- L'esprit prométhéen de la croissance et du capitalisme ;

- La disparition de la prudence (phronesis) et le décontrôle de l'orgueil (hubris) ;

- Le triomphe des religions abrahamiques et la destruction de "l'harmonie naturelle" ;

- L'émergence du cartésianisme et la naissance du sujet comme "maître et seigneur de la nature" ;

- Le triomphe du mythe du progrès, de la croissance et du profit éclairé illimité.

La technologie ne peut être dissociée des chaires universitaires, qui se consacrent à la production et à la création des calculs, des connaissances et des champs d'application de la technologie. Sans oublier l'économie comme moyen de rationaliser la production (usines, transports) et la distribution (centres commerciaux, marchés) des biens de consommation [7]. La culture d'aujourd'hui a été dominée par la technologie, donnant naissance à de nouvelles formes qui ont leurs propres sphères et influences.

Or, la technologie est née de l'oubli du soi en Occident et ce processus a culminé avec la naissance de l'idéologie du progrès qui a embrassé à la fois la Modernité et la Postmodernité. La technologie n'est pas neutre et nous pourrions dire qu'elle est la quintessence de la métaphysique occidentale sous la forme d'appareils, d'infrastructures et de services de consommation. Nous pouvons même parler d'une subjectivité indépendante et autonome de la technologie par rapport aux êtres humains, car il existe en son sein une logique interne qui s'incarne dans une série de formes idéologiques qui semblent viser à détruire la vie sur terre.

Tout ce qui précède nous amène à douter de mythes tels que "la modernisation sans occidentalisation", car il est impossible d'adopter une technologie sans en assumer au préalable les valeurs et l'idéologie. Une telle idée ne peut être réalisée que de manière partielle et superficielle : même si nous soumettons la technologie à nos propres valeurs, elle finira par les détruire à long terme. En outre, la technologie exige certains paramètres et mesures dictés par les codes ISO qui opèrent à l'échelle mondiale. La technologie numérique est mondiale et nécessite une société ouverte, des marchés libres, la circulation des informations et des produits, etc. Le cosmopolitisme et la société ouverte font partie du matériel technologique. Ce n'est pas une coïncidence si les personnels des médias et de l'informatique sont à l'avant-garde des protestations telles que celles qui ont eu lieu récemment dans la CEI ou les récentes émeutes violentes à Hong Kong. De plus, ce sont eux qui proposent leurs propres solutions aux conflits.

Il existe également des tentatives pour justifier la technologie d'un point de vue non-européen, à la suite des travaux du penseur chinois Yuk Hui (photo). Cependant, ces variantes ne font que renforcer directement ou indirectement les tendances du mythe eurocentrique du progrès en concluant que même des civilisations et des systèmes métaphysiques différents finissent par développer des technologies similaires en suivant des voies très différentes.

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Nous pouvons démontrer la fausseté de cette façon de penser en utilisant la métaphore du matériel et du logiciel. Les logiciels sont les programmes, les applications et, surtout, le système d'exploitation ou l'interface utilisateur graphique (GUI) qui permettent à l'utilisateur d'interagir avec le matériel. Le matériel est constitué des puces, structures, connecteurs, cartes et alimentations d'un ordinateur. En utilisant cette métaphore du matériel et du logiciel, nous pourrions dire que la multipolarité actuelle est un conflit au niveau du logiciel, c'est-à-dire du système d'exploitation et de ses différentes propositions sur la gouvernance et la souveraineté étatique des Grands Espaces. Cependant, tous ces Grands Espaces restent dépendants du matériel occidental, l'essence même de la décadence. C'est pourquoi nous pensons que ce système technologique qui a envahi toutes les sphères de la vie quotidienne et de la culture est l'expression par excellence du Sea Power distributif, pour le dire en termes géopolitiques. Un État peut être isolé par des sanctions et des embargos, comme c'est actuellement le cas de la Russie, mais il reste prisonnier des structures et des systèmes d'exploitation créés par l'Occident, qui espère gagner à long terme.

La dé-technologisation est la seule vraie voie vers la multipolarité

Tout ce que nous avons dit jusqu'à présent nous convainc que seule une dé-technologisation totale nous permettra d'évoluer vers une véritable multipolarité, une pluralité culturelle et naturelle.

Alain de Benoist parle de la nécessité de rejeter totalement l'idéologie de la croissance et du progrès, tant sur le plan philosophique que culturel, typique de la mentalité occidentale, et parle donc de l'émergence d'un homme nouveau, ou plutôt du réveil de l'homme européen authentique, capable de rompre avec le système frénétique et anti-européen qui a fondé la société occidentale moderne. Alexandre Douguine affirme dans ses traités d'ethnosociologie que "les sociétés ne se développent pas, elles vivent".

Si nous n'abandonnons pas l'idée de progrès et le culte de la technologie, la multipolarité ne sera qu'une fiction, un terrain intrinsèquement instable où le hardware-Gestell dominera de manière unipolaire. Aujourd'hui, nous assistons à l'émergence de "Wests locaux" qui sont soit des copies exactes de celui-ci, soit qui introduisent clandestinement des gadgets, des réseaux sociaux et des services occidentaux avec la connivence et même le parrainage des autorités. Les alternatives multipolaires n'ont pas été en mesure de surmonter la mondialisation technologique et l'hypnose produite par les marques commerciales ou les écrans brillants qui piègent notre conscience, injectant dans notre cerveau de la dopamine et toutes sortes de simulacres.

Nous avons besoin non seulement d'une idée différente et d'une idéologie différente, mais aussi d'une alternative totalement différente. D'autre part, nous devons laisser de côté le piège des alternatives technologiques locales, car la multipolarité ne peut être une bataille de hardwares: hardware-2 et hardware-3 contre hardware-1. Cette dernière ne signifierait rien d'autre que le triomphe du Gestell et réduirait tout ce conflit à une lutte de hardwares opérationnels au sein du dispositif technologique. La multipolarité ne doit pas être considérée comme une confrontation d'un logiciel contre un autre logiciel ou d'un matériel-1 contre un matériel-2, mais d'un matériel contre autre chose. Nous devons également sauver la critique de la technologie qui existe au sein de la philosophie européenne et que nous pouvons trouver dans les livres d'Oswald Spengler, Ernst et Friedrich-Georg Jünger, Werner Sombart, Alain de Benoist et Martin Heidegger, etc. [8].

Essayer de construire un "Occident local" et de recréer ses applications, son architecture, ses réseaux sociaux et culturels est, a priori, la voie du désastre et de l'acceptation de la défaite. Aussi isolé qu'un tel État puisse être, il capitulera à long terme. L'Iran a tenté de créer une alternative en 1979, mais celle-ci s'est effondrée en 2022. Le problème est encore plus grave pour la Russie, car nous manquons d'une idée propre que nous pourrions proposer comme alternative.

La véritable multipolarité implique la détechnologisation et la démondialisation du monde et des communautés. Nous n'avons donc pas besoin de construire un âge des ténèbres local dans les limites d'un État ou d'un bloc militaire renforcé par un armement technologique de pointe. Les observations de l'écologiste finlandais C. P. Linkola, selon lesquelles une société écologique aurait besoin d'un armement avancé pour protéger ses frontières et son mode de vie de ses voisins beaucoup plus avancés, sont exactes. Cependant, cela signifie retomber dans le Gestell.

C'est pourquoi notre proposition est la désindustrialisation et la déstechnologisation de l'Occident lui-même, qui est devenu aujourd'hui le centre de cet anti-monde. Puisque l'Occident d'aujourd'hui est, par nature, une Anti-Europe qui renie le véritable héritage européen de l'Antiquité et de Rome, devenant une anti-humanité qui veut tout détruire par le biais du transhumanisme et du progressisme. La multipolarité veut, paradoxalement, libérer l'Occident et l'Europe de ses propres maux et rendre à l'homme européen sa propre culture et son identité.

Cela signifie que le Heartland européen et américain doit se réveiller. La multipolarité, qui est née comme un moyen de mettre fin à l'hégémonie mondiale de l'Occident incarnée par sa domination culturelle et technologique, doit également détruire le matériel occidental et libérer le Dasein de l'Amérique du Nord et de l'Europe qui est désormais recouvert de toutes sortes de machines et de puces.

La doctrine thalassocratique d'Alfred Mahan stipule que "la défense de nos rivages commence par la maîtrise des rivages de l'ennemi". Si nous tenons compte de cette thèse, alors notre véritable défense contre les sanctions occidentales consiste à détruire les serveurs DNS, l'infrastructure Internet, les satellites, les câbles de connexion, les centres de données et la Silicon Valley. Notre objectif doit être de détruire le système d'exploitation même de l'ennemi.

Notes :

[1] См. : Экспертиза Дугина №49 : Императив новой геопополититики // URL : https://www.geopolitika.ru/directives/ekspertiza-dugina-no49-imperativ-novoy-geopolitiki

[2] См. : А. Дугин "Ноомахия : войны ума. Англия или Британия ? Морская миссия и позитивный субъект".

[3] Ce nom est une sorte de référence à la sous-culture américaine des jeunes urbains Yuppie, férus de mode, des années 1980 et 1990.

[4] La glocalisation est un mot qui combine le global et le local en adaptant et en utilisant des outils, des valeurs et des applications globaux aux spécificités des cultures locales. Il s'agirait de déviations archéomodernes.

[5] Voir Heidegger "L'origine de l'œuvre d'art", Е. Фалев "Герменевтика языка в философиии Мартина Хайдегера".

[6] Alain de Benoist, But : Décroissance. Pour une écologie intégrale.

[7] См. Е. Нечкасов "Традиция и футурошок. Образы не нашего будущего".

[8] Voir l'article d'E. Nechkasov Contre la technologie et le capital.

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mercredi, 20 avril 2022

La démolition contrôlée de l'Occident

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La démolition contrôlée de l'Occident

Damjan Pirc

Source: http://www.elespiadigital.com/index.php/tribuna-libre/37402-2022-04-14-18-28-28

Le déclin de l'Occident se produit sous nos yeux, en ce moment même, mais il sera dévastateur pour bien plus de lieux que l'Occident lui-même. Ne vous méprenez pas, ce qui se passe est une démolition contrôlée conçue par l'élite. La dernière fois (bien sûr, ce n'est qu'un bref rappel de l'histoire) que nous avons vu quelque chose de similaire, c'était à la fin de l'Empire britannique et lors de la montée des États-Unis.

Par exemple, lorsque la République de Venise était en déclin, l'élite s'est simplement déplacée vers le nord, à Amsterdam, dans certaines parties de l'Allemagne actuelle et dans ce qu'on appelle la City de Londres. Ils n'avaient pas besoin de défendre le territoire dans lequel ils vivaient. Ainsi, lorsqu'une place n'a plus le contrôle des principales routes commerciales, elle devient inutile pour l'élite. Lorsque la "découverte" de l'Amérique a rendu la République de Venise obsolète (elle ne pouvait plus contrôler les routes les plus importantes du commerce/du pillage), l'élite vénitienne a alors déménagé à Amsterdam. Et vers la City de Londres, qui est devenue le noyau de l'empire britannique qui a longtemps eu le contrôle des routes commerciales du monde. Et lorsque l'Empire britannique est devenu obsolète, l'élite s'est déplacée aux États-Unis, qui sont devenus une superpuissance mondiale. Et les États-Unis ont très bien joué le rôle de puissance hégémonique mondiale. Mais comme on dit, toutes les choses ont une fin à un moment donné et nous y sommes.

Ainsi, lorsque la Belt & Road Initiative de la Chine est entrée en jeu, les voies maritimes américaines contrôlables n'étaient soudain plus les lignes majeures de la vie commerciale/économique (ou du moins n'étaient plus les plus importantes) pour le commerce mondial. Nous pouvons ajouter ici au moins la Route de la soie polaire, le projet ferroviaire PAKAFUZ, le NSTC (North-South Transport Corridor)... qui ne peuvent plus être contrôlés par les États-Unis et leurs alliés. Cela signifie que l'élite n'a plus besoin des États-Unis et que quelque chose de nouveau doit remplacer les States pour que l'élite reste aux commandes. Pour conserver ce contrôle qui était en jeu au cours des dernières décennies, le prix à payer était énorme. Que ce soit sous la forme de vies humaines à travers les guerres, ou de dettes accumulées qui ne peuvent plus être cachées, et encore moins remboursées. Et surtout maintenant, alors que le pétrodollar perd à son tour le contrôle des flux, les options sont de plus en plus rares. Mais cela ne signifie pas que les États-Unis ou l'Occident sont finis pour de bon. Cela signifie simplement que les gens ordinaires de l'Ouest seront coincés avec beaucoup de dettes et de chaos. L'élite (par élite, j'entends quelques familles qui contrôlent l'humanité non seulement financièrement, mais qui essaient aussi de contrôler notre évolution mentale) a un nouveau plan. Ils n'ont plus besoin de grands États, encore moins d'États souverains, mais de petites entités facilement contrôlables.

Pour y parvenir, ils doivent balkaniser les régions. Mais pas seulement la balkanisation de l'Europe de l'Est, des Balkans, de l'Asie centrale, du Moyen-Orient... Mais aussi la balkanisation des États-Unis et de l'UE. Les États d'aujourd'hui ne sont plus durables ni même nécessaires. L'époque où des armées massives ou de grandes flottes navales étaient nécessaires est révolue. Ma prédiction est donc que nous verrons les États-Unis s'effondrer. Lentement mais sûrement, certaines parties des États-Unis (notamment la Floride, le Texas...) vont s'effondrer. Les cercles de l'élite travaillent à établir l'infrastructure de base pour ce scénario. Le fossé entre les États américains va devenir de plus en plus grand et ce n'est pas une coïncidence.

Cependant, il s'agit d'une démarche délibérée de l'élite pour poursuivre le processus d'installation du "Nouvel Ordre Mondiale" qui se situera essentiellement dans le cyberespace, dans l'espace..... Et elle ne sera pas gérée par des États, mais par des entreprises privées et par des personnes qui ne connaissent aucune allégeance étatique, de sorte qu'elles peuvent facilement se déplacer dans d'autres parties du monde. Ne laissant derrière elle que destruction et dettes. Pour cela, ils ont besoin de balkaniser le monde face à des pays qui restent encore nationaux et souverains et qui seront posés comme les principaux ennemis. Pour y parvenir, ils sont prêts à tout, si nécessaire, ils tueront la moitié de l'humanité. C'est un jeu ancien et ils sont passés maîtres dans l'art de le jouer.

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samedi, 12 mars 2022

L'Europe suspendue entre l'être et le non-être : est-ce une patrie commune ou un cadavre atlantique ?

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L'Europe suspendue entre l'être et le non-être: est-ce une patrie commune ou un cadavre atlantique?

par Luigi Tedeschi

Source : Italicum & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/l-europa-sospesa-tra-essere-e-non-essere-e-una-patria-comune-o-un-cadavere-atlantico

L'avènement du multilatéralisme dans la géopolitique mondiale place l'Europe devant un dilemme existentiel entre: être une patrie commune ou ne pas être un cadavre atlantique. L'histoire impose parfois des choix cruciaux et inéluctables.

La nécessaire neutralité de l'Ukraine

La guerre en Ukraine a des origines lointaines. Elle est le résultat de tensions de longue date qui ont explosé en raison de l'ineptie européenne et de la politique expansionniste de l'OTAN, qui ont empêché l'existence d'un équilibre stable entre la Russie et l'Occident. Avec l'effondrement de l'URSS et l'indépendance des républiques d'Europe de l'Est qui faisaient déjà partie de l'ancien empire soviétique, la logique de partition déjà éprouvée à Versailles en 1919 avec le démembrement des empires centraux s'est reproduite. L'Europe était en fait fragmentée en de nombreux États, souvent artificiels, et de nombreux peuples, très différents sinon hostiles les uns aux autres, étaient contraints de vivre ensemble. Comme on le sait, Versailles a jeté les bases de la Seconde Guerre mondiale.

L'ouest de l'Ukraine est peuplé de catholiques ukrainophones qui veulent être intégrés à l'Europe, tandis que l'est est habité par une population majoritairement orthodoxe et russophone qui s'identifie à la Russie. Pour Kissinger, l'indépendance de l'Ukraine était un facteur d'instabilité politique potentielle. Soljénitsyne, qui considérait que l'Ukraine faisait partie intégrante de l'histoire et de l'identité russes, s'y opposait. Une réconciliation pacifique entre les deux âmes de l'Ukraine s'est avérée impossible, en raison de l'expansion progressive de l'OTAN à l'est, qui envisageait l'intégration de l'Ukraine à l'Ouest en hostilité ouverte avec la Russie, qui, elle, voyait sa sécurité menacée. Le coup d'État pro-occidental de Maidan en 2014 en est une preuve objective.

Il était possible de parvenir à un équilibre géopolitique qui empêcherait cette guerre d'éclater : la médiation européenne aurait pu favoriser l'entrée de l'Ukraine dans l'UE, à condition qu'elle ne rejoigne pas l'OTAN. Une telle perspective aurait impliqué une rupture entre l'Europe et l'Alliance atlantique. Mais l'Europe n'est pas une entité géopolitique indépendante ; au contraire, elle ne trouve son unité que dans le contexte atlantique.

En effet, l'Ukraine est déjà associée à l'UE depuis 2017 et a bénéficié d'un financement européen de plus de 5 milliards, en plus des 1,2 milliard déboursés récemment. Par ailleurs, les accords de Minsk de 2014 (jamais respectés par l'Ukraine), entre la Russie et l'Ukraine, qui prévoyaient l'autonomie des républiques russophones du Donbass, ramenées à la souveraineté ukrainienne, ont été signés sous les auspices de l'OCDE. Afin d'éviter un conflit russo-ukrainien, l'Europe pourrait exiger que la partie ukrainienne les respecte. Mais l'Europe a brillé par son ignorance coupable.

Cette guerre entraînera une redéfinition des frontières entre l'Occident et la Russie, évoquant un retour au rideau de fer qui a marqué l'époque de la guerre froide. Mais les similitudes sont plus apparentes que réelles. Pendant la guerre froide, deux puissances mondiales, les États-Unis et l'URSS, se sont affrontées en tant que systèmes idéologiques, politiques et économiques alternatifs, entre lesquels les affrontements (jamais directs) alternaient avec les négociations. Aujourd'hui, les États-Unis et la Russie sont tous deux des puissances capitalistes. Les Américains ne reconnaissent pas le statut de puissance mondiale de la Russie et ne concluent donc pas d'accords avec Poutine, qui n'est pas considéré comme un partenaire égal. Avec la dissolution de l'URSS et la dissolution du Pacte de Varsovie, l'OTAN, en tant qu'alliance de défense de l'Occident contre la menace soviétique, aurait également dû être liquidée. L'expansion dans les pays d'Europe de l'Est et les guerres "humanitaires" menées par l'OTAN sur une période de 30 ans ont réfuté la nature défensive de l'Alliance atlantique. Il faut également considérer que l'OTAN a été fondée en 1949, tandis que le Pacte de Varsovie a vu le jour en 1955. Donc, entre les États-Unis et l'URSS, qui a dû se défendre contre qui ? La nature agressive de l'OTAN n'était-elle pas génétique ?

Cette guerre aurait pu être évitée si la nécessaire neutralité de l'Ukraine avait été reconnue. La stabilité et la sécurité de la région ne peuvent être garanties que par la neutralité ukrainienne, comme l'a observé Henry Kissinger : "Trop souvent, la question ukrainienne se présente comme une épreuve de force : l'Ukraine choisit-elle de rejoindre l'Est ou l'Ouest ? Mais si l'objectif de l'Ukraine est de survivre et de prospérer, elle ne peut être l'avant-poste de deux factions qui se combattent - elle doit être un pont." Kissinger, en 2014, était également un prophète facile lorsqu'il a déclaré qu'en l'absence d'une politique de réconciliation, "la dérive vers le conflit va s'accélérer, et à ce rythme, elle se produira assez rapidement". 

L'Amérique, une puissance en crise entre pacifisme et russophobie

Cette guerre a éclaté parce qu'elle a été déclenchée par le désir de la Russie de sauvegarder sa sécurité et de contrer l'avancée de l'OTAN à l'est et par le désir des États-Unis d'éradiquer toute relation entre l'Europe et la Russie et de réaffirmer ainsi leur domination sur l'Europe elle-même. Les États-Unis ont en fait facilité l'invasion russe en déclarant leur réticence à s'engager dans une intervention militaire directe et en refusant tout accord avec Poutine. L'Amérique de Biden est pacifiste. Les divisions au sein de la société américaine ont eu pour effet de paralyser la politique étrangère américaine. L'aile libérale de la côte américaine ne veut pas la guerre pour des raisons pacifistes-idéologiques, pas plus que la population intérieure, patriotique par nature mais désormais fatiguée et désabusée par la succession des défaites américaines dans le monde.

L'Occident veut donc contrer la Russie avec l'arme des sanctions. Avec l'éviction de la Russie du système de paiement rapide et l'embargo économique, elle veut provoquer l'implosion financière de la Russie, avec le défaut de paiement russe associé. Mais la Russie est déjà sous le coup de sanctions depuis 2014. L'arme des sanctions provoque nécessairement des représailles et s'est toujours révélée inefficace. Au contraire, les sanctions politiques renforcent la cohésion interne des nations et encouragent la production de biens pour remplacer les produits étrangers qui ne sont plus importés. En outre, la Russie a été bien équipée au fil des ans pour faire face à de telles éventualités. Devenue économiquement vulnérable lors de la crise de 2014, la Russie a adopté ses propres contre-mesures. Depuis 2016, l'économie russe a enregistré une croissance annuelle du PIB de plus de 4 %, augmenté ses réserves de 631 milliards de dollars, principalement en devises autres que le dollar, contre une dette de 350 milliards de dollars, augmenté ses réserves d'or de 196 %, réalisé d'importants investissements dans le numérique, et le commerce avec la Chine s'élève désormais à 140 milliards de dollars, avec l'objectif d'atteindre 200 milliards de dollars.

Les sanctions ont évidemment aussi un impact majeur sur l'Occident, étant donné l'interdépendance des marchés mondiaux. L'Europe dépend du gaz russe pour 40 % de ses besoins et, puisque les approvisionnements de Gazprom ont été exclus des sanctions, paradoxalement, l'UE finance indirectement les dépenses militaires russes pour l'invasion de l'Ukraine avec les revenus de l'énergie. Alors que la bourse russe a été fermée pour cause de baisse excessive et que le rouble est à son plus bas niveau historique, les marchés européens ont enregistré des pertes de plus de 20 % depuis janvier. Standard & Poor's a rétrogradé la dette publique de la Russie au statut de "junk", mais cette dette ne représente que 20 % du PIB. La crise énergétique, avec des prix du gaz et du pétrole à des niveaux records et une inflation galopante, ainsi que la hausse des prix des matières premières, causent des dommages importants à l'économie européenne. Par le biais de sanctions, l'Occident veut amener la Russie à faire défaut, mais toute implosion russe impliquerait aussitôt l'Europe, étant donné l'exposition du système bancaire européen à la Russie (l'Italie seule est exposée pour plus de 25 milliards), et le blocage des flux commerciaux avec la Russie elle-même. Pour l'Europe, les dommages causés par les mesures de sanction sont encore incalculables.

L'expansion progressive de l'OTAN en Eurasie occidentale est conforme à une stratégie américaine bien connue, poursuivie depuis 1991. La pénétration de l'Atlantisme en Eurasie entraînerait la déstabilisation de la Russie. Les guerres qui ont déjà éclaté en Géorgie et en Tchétchénie, ainsi que la révolution colorée en Ukraine, sont des événements fonctionnels à une stratégie globale : la décomposition de la Russie en de nombreux petits États et leur insertion dans le contexte de l'OTAN, avec l'exploitation indiscriminée de leurs ressources, sous l'égide de la domination américaine.

L'objectif est de reproduire en Russie la stratégie qui a conduit à la fragmentation de l'ex-Yougoslavie (qui a également été expérimentée sans succès au Moyen-Orient). Mais quelqu'un a-t-il prévenu Biden et son équipe que la Russie n'est pas comparable à la Yougoslavie ? Le défaut de paiement et la déstabilisation économique de la Russie devraient être suivis d'une déstabilisation politique, avec la défenestration de Poutine par un complot ourdi par les oligarques russes sanctionnés. Mais les États-Unis, qui ont été incapables de faire tomber Saddam, Assad ou Milosevic, pourront-ils un jour faire tomber Poutine et avec lui tout l'appareil politique et militaire russe ?

À l'ONU, la résolution condamnant la Russie, outre l'unité des talibans européens pro-OTAN et son approbation par 141 voix, a enregistré 35 abstentions et 5 voix contre. Parmi les abstentions figurent la Chine, l'Inde, l'ensemble du monde islamique (à l'exception du Qatar et du Koweït), l'Afrique du Sud, le Brésil, le Mexique et le Congo. Il est donc nécessaire de réfléchir à l'importance économique et géopolitique de ces pays (qui, par ailleurs, détiennent une grande partie des matières premières mondiales et représentent la moitié de la population mondiale). La Turquie elle-même n'appliquera pas de sanctions à la Russie et Israël s'est déclaré prêt à jouer un rôle de médiateur dans le conflit : les intérêts d'Israël ne coïncident manifestement pas toujours avec ceux des Américains. Le front abstentionniste est donc hostile à l'Occident et constitue une démonstration tangible que la Russie n'est nullement isolée dans le contexte géopolitique mondial. La politique de l'Occident américain est inspirée par une profonde russophobie, qui conduira à l'isolement de l'Occident lui-même et à sa réduction géopolitique.

La politique expansive de l'OTAN a favorisé la création d'un partenariat russo-chinois qui pourrait devenir stratégique. La Chine a adopté une politique d'attention prudente dans le conflit russo-ukrainien. La Chine est le premier partenaire commercial de l'Ukraine, mais il faut surtout noter que 90 % du commerce de l'Europe avec la Chine passe par la Russie et l'Asie centrale. Cette guerre pourrait être un coup mortel pour l'économie européenne. Mais le plus important est que l'intensification des relations économiques et politiques de la Chine, de l'Inde et du monde islamique avec la Russie entraînerait une contraction drastique de la zone dollar, qui a jusqu'à présent dominé le commerce mondial. Et, à cet égard, on peut s'interroger : mais l'euro n'a-t-il pas été créé comme monnaie alternative au dollar afin de libérer l'Europe de la tyrannie financière américaine ? Cependant, des changements systémiques dans l'économie mondiale nous attendent.

L'Europe sortira-t-elle de son hibernation historique ?

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec les accords de Yalta et de Potsdam, l'Europe est divisée en deux zones d'influence : l'américaine à l'ouest et la soviétique à l'est. Alors que l'Europe de l'Est a souffert de l'occupation soviétique et de ses régimes totalitaires, l'Europe occidentale a accepté la domination américaine avec un large consentement. Le régime pro-américain de souveraineté limitée a ensuite été étendu, après 1989, aux pays de l'ancien bloc soviétique et s'est étendu à l'UE elle-même, au point de déterminer une identification parfaite entre l'Europe et l'OTAN.

L'Europe a ainsi renoncé à son indépendance et à un rôle puissant dans le contexte géopolitique mondial. Le statut de l'Europe est comparable à celui d'un colonialisme consentant, c'est-à-dire un groupe de pays économiquement avancés, à la prospérité généralisée, mais politiquement aseptisés, culturellement américanistes, dépourvus de pouvoir de décision et de responsabilité en matière de défense et de politique internationale, délégués aux États-Unis. Ce statut colonial, perpétué jusqu'à ce jour, a représenté la sortie de l'Europe de l'histoire.

Ce modèle socio-politique, qui a présidé à la fondation de l'UE elle-même, trouve sa pleine réalisation en Allemagne, qui, en vertu de sa suprématie économique continentale, l'a imposé à l'ensemble de l'Europe. Depuis 70 ans, l'Allemagne vit dans la dimension de la post-histoire. Le diplomate allemand Thomas Bagger a effectivement déclaré que "la fin de l'histoire était une idée américaine, mais une réalité allemande". Dans un article paru dans Limes, Ulrike Franke affirme que, pour la génération des millennials allemands, l'histoire est un récit d'événements passés, et non un processus dynamique en constante évolution. L'oubli de la mémoire historique a condamné les nouvelles générations à vivre dans une dimension existentielle absorbée par l'éternel présent. Il s'agit d'une dimension nihiliste, qui implique l'impossibilité de concevoir des réalités historiques et des horizons futurs comme des alternatives à celle-ci. Le progrès, le bien-être, le cosmopolitisme libéral pacifiste et le marché mondial sont les traits distinctifs d'un modèle économique et social occidental post-historique, qui a néanmoins généré dans la génération post-1989 l'idée de vivre dans le meilleur des mondes possibles.

Ulrike Franke dit : "Et la fin de l'histoire a pris notre avenir. Après tout, nous savions tous comment cela allait se terminer. La politique est devenue ennuyeuse - une activité administrative plutôt qu'une compétition idéologique. Et cela peut aussi nous aider à comprendre pourquoi tous les partis allemands prétendent toujours être du centre. Il semble qu'il ne soit pas nécessaire de penser stratégiquement à l'avenir. Une telle vision ahistorique de la réalité a été transmise à l'ensemble de l'Europe, qui est devenue un continent dépourvu de toute identité culturelle et sans aucune perspective d'avenir".

L'avènement de la post-histoire est lié à une époque où la souveraineté politique de l'Europe était dévolue au protectorat atlantique. L'UE elle-même a été créée en tant qu'organe supranational intégré à l'OTAN à l'extérieur et en tant que structure financière qui a établi un système économique d'extrême compétitivité entre les États à l'intérieur. L'UE n'a pas favorisé le développement et l'émancipation, mais a créé un système de domination économique de l'Allemagne et de ses satellites dans lequel la croissance allemande s'est accompagnée d'une dépression dans les pays du sud. Mais aujourd'hui, l'Europe est confrontée à un ordre géopolitique considérablement modifié. Les États-Unis poursuivent des objectifs qui ne sont pas compatibles, voire conflictuels, avec l'Europe.

Les États-Unis, qui se sont engagés à contenir la Russie et la Chine, n'ont plus l'intention de soutenir les dépenses militaires pour la défense des pays européens, qui sont tenus de consacrer 2 % de leur PIB à l'armement. L'objectif géopolitique poursuivi par les Américains n'est en fait pas la défense de l'Ukraine contre l'invasion russe, mais la restauration de leur domination politique absolue dans l'espace européen, en rompant les relations entre l'Europe et la Russie et en interrompant les flux commerciaux entre l'Europe et la Chine. Une Europe, dévastée par la crise économique provoquée par l'urgence énergétique et réduite dans son rôle de puissance économique dans le monde (surtout en ce qui concerne ses exportations vers les USA), pourrait être réduite à une condition de subordination totale aux USA. Les États-Unis pourraient alors imposer à l'Europe un traité de libre-échange transatlantique capricieux, semblable au tristement célèbre TTIP.

Le retrait américain d'Afghanistan a entraîné un changement substantiel de la stratégie géopolitique américaine. La politique étrangère de Biden, dans la continuité de celle d'Obama et de Trump, n'envisage pas d'interventions militaires dans le monde, sauf si les intérêts américains sont directement menacés. Par conséquent, des déploiements politico-militaires de dimension continentale ont été mis en place pour sauvegarder les zones d'influence de l'Amérique dans le monde. Dans le cadre de cette nouvelle stratégie géopolitique américaine, à travers le pacte abrahamique, la nouvelle OTAN du Moyen-Orient a été établie, dirigée par Israël et avec la participation de nombreux pays arabes. Et aussi l'AUKUS, qui est une alliance militaire dans la zone Indo-Pacifique qui vise à contenir la puissance chinoise. La décision de l'Allemagne d'allouer 100 milliards d'euros aux dépenses d'armement doit être interprétée de la même manière. Jusqu'à hier, le réarmement allemand aurait suscité l'inquiétude de tout l'Occident. L'Europe, sous la direction de l'Allemagne, devrait devenir une puissance continentale au sein de l'OTAN dans une fonction anti-russe. Mais il semble hautement improbable que la société allemande accepte de mourir pour l'Ukraine, comme la société japonaise le ferait pour Taïwan.

La phase post-historique de l'Europe touche donc à sa fin. Une perpétuation de l'hibernation historique de l'Europe est inconcevable. Nous devons occuper une place dans une histoire en constante évolution, sinon l'histoire elle-même s'occupera de nous, c'est-à-dire que d'autres décideront pour nous en fonction de leurs propres intérêts. Et dans notre cas, ce seront les Américains qui décideront.

L'Europe à la croisée des chemins entre multilatéralisme et abandon de l'histoire

Le conflit entre Poutine et l'Occident a pris la dimension d'une opposition d'époque de nature historico-idéologique. Depuis la crise de 2014, la réaction de Poutine au tournant pro-occidental en Ukraine a été interprétée par le courant dominant officiel comme la renaissance d'une conception de la politique du XIXe siècle, qui a été reproposée à travers la résurrection du nationalisme russe comme une réaction à une Russie assiégée et visant à défendre ses frontières et à sauvegarder son indépendance nationale. Ces concepts étaient considérés par l'intelligentsia libérale comme relégués à des époques historiques dépassées. Poutine est donc considéré comme un leader anti-historique.

Cependant, nous voyons dans le conflit ukrainien une opposition géopolitique et un affrontement idéologique, qui avaient déjà émergé dans l'histoire récente. L'Occident est dominé par un système néolibéral et une culture postmoderne qui postulent l'individualisme absolu, les droits de l'homme, la primauté de l'économie sur la politique, l'éradication des cultures identitaires et la dissolution des États. Ainsi, le conflit entre l'Occident et la Russie, selon l'idéologie libérale, est interprété comme le choc entre liberté et répression, progrès et réaction, démocratie et autocratie, laïcité et obscurantisme.

L'émergence de nouvelles puissances continentales telles que la Russie, la Chine, l'Inde, l'Iran et d'autres puissances mineures, qui revendiquent au contraire leur propre identité nationale, la valeur de la patrie en tant que destin commun des peuples, leurs racines historiques et culturelles, a mis en évidence depuis longtemps le déclin de l'idéologie libérale comme seul canon d'interprétation de la réalité dans une clé post-historique, individualiste et progressiste. La défense des droits de l'homme et l'imposition du système libéral-démocratique au niveau mondial constituent donc les valeurs en vertu desquelles l'Occident revendique sa suprématie morale dans le monde. Ces principes constituent la légitimation idéologique du "Nouvel Ordre Mondial". Les conflits qui ont eu lieu au cours des dernières décennies démentent les hypothèses idéologiques sur lesquelles repose le "Nouvel Ordre".  C'est ce que dit Alberto Negri dans son article dans "Il Manifesto" du 13/02/2022 : "Cette fois, l'atlantisme est nu. Comme le roi" : "Quel "ordre" libéral les États-Unis et l'OTAN préconisent-ils? Celle qui a incité Washington à utiliser les djihadistes contre l'URSS dans les années 1980? Celle de l'Afghanistan 2021? L'"ordre" de l'intervention fabriquée en Irak en 2003? L'"ordre" de la guerre en Libye en 2011, dont les désastres sont encore sous nos yeux?

L'"ordre" américain qui nous a valu des attaques en Europe et des millions de migrants traités comme des objets et repoussés dans le désespoir, tout en nous privant des ressources énergétiques de nos voisins? L'"ordre" de la Turquie, un pays de l'OTAN utile pour massacrer les Kurdes sous le sultan Erdogan? L'"ordre" qui réduit au silence et efface les Palestiniens?

Les Américains et les atlantistes s'arrogent le droit de décider de ce qui est bon et de ce qui est mauvais, s'accrochant à des principes d'autodétermination des peuples qu'ils sont les premiers à violer.

Prenez la Syrie : pendant des années, Washington et Bruxelles ont déclaré que "Assad devait partir", mais pour le déstabiliser, ils ont encouragé Erdogan à envoyer des milliers d'égorgeurs djihadistes de l'autre côté de la frontière. Ils ont demandé à la Syrie de rompre ses liens avec l'Iran, puis la Russie, alliée historique de Damas, est intervenue.

Que voulait l'Occident, peut-être le bien des Syriens, toujours maintenus sous un embargo dramatique? Que voulaient les Américains de l'Afghanistan? Pour se venger du 11 septembre 2001, comme Biden l'a lui-même admis? Eh bien, après avoir tué Ben Laden, ils auraient pu partir, mais ils sont restés et ont tué plus de civils que les talibans, à qui ils ont rendu le pays, et maintenant ils se vengent sur la population en gelant les fonds afghans et en entravant l'acheminement de l'aide humanitaire.

L'unilatéralisme américain a généré de nouveaux conflits dans le monde entier entre les États dominés par le néolibéralisme et les États dominés par la souveraineté, entre les gagnants et les perdants de la mondialisation, entre l'Occident post-moderniste et l'Orient traditionaliste. Ce conflit irréductible est également présent au sein de la société occidentale. Les classes dominantes sont idéologiquement libérales et mondialistes, les classes subalternes revendiquent les valeurs communautaires, l'État-providence, les cultures identitaires.

Le monde occidental s'est révélé anti-historique dans la mesure où il n'a pas su comprendre l'esprit de notre époque, dans laquelle un nouvel ordre multipolaire émerge dans la géopolitique mondiale. Et c'est la cause du déclin progressif de l'unilatéralisme américain.

Nous sommes au seuil d'un tournant historique, annoncé prophétiquement par Alexandre Douguine dans son ouvrage La quatrième théorie politique: "La seule alternative plausible, aujourd'hui, se trouve dans le contexte d'un monde multipolaire. Le multipolarisme peut garantir à chaque pays et civilisation de la planète le droit et la liberté de développer son propre potentiel, de s'organiser intérieurement selon l'identité de sa culture et de son peuple, de fournir une base acceptable pour un système de relations internationales justes et équilibrées entre les nations du monde. La multipolarité doit être fondée sur le principe d'équité entre les différentes organisations politiques, sociales et économiques des diverses nations. Le progrès technologique et l'ouverture croissante doivent favoriser le dialogue entre les peuples et les nations et leur prospérité, mais ne doivent pas pour autant mettre en péril leur identité. Les différences entre les civilisations ne doivent pas nécessairement culminer dans un affrontement inévitable - contrairement à ce que pensent de manière simpliste certains auteurs américains. Le dialogue - ou plutôt le polylogue - est une possibilité réaliste que nous devrions tous explorer.

L'avènement du multilatéralisme dans la géopolitique mondiale place l'Europe devant un dilemme existentiel entre être une patrie commune ou ne pas être un cadavre atlantique. L'histoire impose parfois des choix cruciaux et inéluctables. 

lundi, 07 mars 2022

Construction d'un État totalitaire en Occident

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Construction d'un État totalitaire en Occident

Par Marcelo Ramirez*

Source: KontraInfo (26 décembre 2021) - https://kontrainfo.com/la-construccion-de-un-estado-totalitario-en-occidente-por-marcelo-ramirez/

Les initiatives que la Russie a proposées aux États-Unis et à l'OTAN ont commencé à se révéler. Selon Moscow Today, Vladimir Poutine a donné à l'organisation atlantique un délai de 30 jours pour sa réponse : si la réponse est négative ou s'il n'y a que du silence, la Russie commencera à agir en fonction de ses besoins.

La nouvelle attitude de la Russie est une réponse au fait qu'elle semble avoir achevé la période nécessaire pour réajuster ses structures économiques et militaires, les moderniser et définir les cadres d'alliance appropriés afin de ne pas être isolée face à la menace occidentale.

Il en va de même pour la Chine, qui a subi une série de menaces et de pressions, notamment l'annonce de la création de l'alliance AUKUS (avec le Royaume-Uni et l'Australie), qui vise à équiper un pays non nucléaire de sous-marins à propulsion nucléaire. À cela s'ajoutent de nouvelles actions économiques qui visent à menacer la souveraineté chinoise sur les micropuces, comme cela s'est produit avec la Manufacturing International Corporation, ce qui a conduit Pékin à annoncer l'unification en une seule société d'État des entreprises impliquées dans l'exploitation des composants essentiels à l'électronique connus sous le nom de terres rares.

La situation tendue s'est accrue de façon exponentielle depuis les événements en Ukraine, lorsque le gouvernement de Kiev a commencé son offensive contre les territoires russophones du Donbass et a même menacé de reprendre par la force la péninsule de Crimée, désormais partie intégrante du territoire russe. Volodomir Zelenski, le président ukrainien, a implicitement soutenu l'OTAN dans son aventure guerrière et commence à bouter le feu à la région en impliquant des pays tiers comme le Belarus et la Pologne.

En réponse, la Russie a tracé ses lignes rouges et a fait connaître à Washington ses intentions de signer un accord pour éviter que l'escalade des tensions à laquelle nous assistons ne dégénère en une confrontation ouverte. De cette manière, Moscou offre à l'OTAN des garanties de sécurité et de non-recours à la force, garantissant par écrit qu'elle cherchera à apaiser les différends en s'abstenant de recourir à la force. Le document russe stipule que "les participants s'engagent à résoudre tous les différends internationaux dans le cadre des relations bilatérales de manière pacifique et à s'abstenir de tout recours ou menace de recours à la force d'une manière incompatible avec les objectifs des Nations Unies".

Le gouvernement de Poutine avertit que les participants doivent éviter les exercices et autres activités militaires à grande échelle près de la frontière russe, et ne pas mener d'activités de cette nature sur le territoire de l'Ukraine et d'autres États d'Europe de l'Est, de Transcaucasie et d'Asie centrale. Un point important concerne le rejet du déploiement de missiles à courte et moyenne portée capables d'atteindre le territoire ennemi, déploiement qu'il faut empêcher, selon Moscou. La Russie propose ensuite de créer des lignes téléphoniques d'urgence dignes de la guerre froide, ainsi que de travailler ensemble pour prévenir d'éventuels incidents maritimes ou aériens dans la mer Noire ou la mer Baltique.

La pièce maîtresse de la proposition russe est que l'OTAN s'engage à mettre fin à l'élargissement du bloc et à ne pas autoriser l'Ukraine, la Géorgie et d'autres pays qui ont fait partie de l'Union soviétique dans le passé à adhérer. Pour éviter que le conflit ne dégénère en conflit nucléaire, le gouvernement propose d'empêcher tout déploiement d'armes nucléaires sur un territoire qui n'est pas celui du détenteur même de ces armes, ce qui permettrait d'obtenir une plus grande sécurité entre les acteurs.

"Les parties élimineront également les infrastructures existantes pour le déploiement d'armes nucléaires en dehors de leur territoire". Dans cette section, il est établi qu'aucun personnel militaire ou civil de pays non nucléaires ne doit être formé à l'utilisation d'armes atomiques ou effectuer des manœuvres visant à l'utilisation d'armes nucléaires, ce qui heurte de front le projet AUKUS susmentionné.

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Enfin, l'accord invite également les États-Unis à ne pas élargir l'OTAN et à renoncer à la création de bases militaires ou à l'utilisation d'infrastructures militaires dans les anciens pays soviétiques qui n'ont pas encore adhéré. Le silence des États-Unis et de l'OTAN a d'abord été suivi de signaux peu optimistes quant à la possibilité d'un accord. Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a finalement rompu le silence pour dire que son organisation avait reçu le projet de garanties de sécurité de la Russie, et que tout dialogue devait prendre en considération le point de vue de l'Ukraine, ajoutant qu'un cycle de consultations avec ses partenaires européens serait nécessaire pour une détermination finale.

Le 15 décembre, au cours d'une réunion entre le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Ryabkov, et la sous-secrétaire d'État américaine aux Affaires européennes et eurasiennes, Karen Donfried, la Russie a officiellement remis aux États-Unis le texte de l'accord susmentionné. D'autres affirmations attestant que l'OTAN a décidé de s'étendre davantage laissent peu de place à l'optimisme.

Lors d'une rencontre ultérieure entre Stoltenberg lui-même et le président ukrainien, il a été réaffirmé que l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord poursuivra son expansion vers l'est, rappelant que la Macédoine du Nord et le Monténégro ont été invités à rejoindre l'organisation. À cette occasion, il a également été réaffirmé que l'OTAN continuera à approfondir la coopération technique et la livraison d'équipements militaires à l'Ukraine, approfondissant ainsi la coopération entre l'alliance et ce pays, notamment en mer Noire et en mer d'Azov, les zones les plus sensibles pour la Russie en ce moment.

De cette manière, l'Occident, dirigé par le monde anglo-saxon, semble déterminé à ignorer les appels à la paix, un signe très inquiétant qui s'ajoute à d'autres signaux parallèles qui indiquent la construction d'un État totalitaire. Il convient de noter que Biden a appelé à un sommet sur la démocratie entre le 10 et le 19 décembre. Nous voyons alors simultanément comment les principaux pays qui constituent l'axe de ce nouveau secteur "démocratique" qui se met en place pour faire face au monde multipolaire dirigé par la Chine et la Russie, violent de jour en jour de plus en plus de libertés avec des excuses différentes.

Si l'émergence d'une pandémie suite à l'apparition d'un virus dont les origines sont suspectes et la létalité extrêmement faible a été l'occasion pour les gouvernements d'installer une série de mesures de blocage qui ont pulvérisé l'économie mondiale en brisant les chaînes de valeur, la nouvelle souche omicron semble être taillée sur mesure pour approfondir ces politiques. L'Occident adopte des mesures de contrôle des citoyens plus sévères que les mesures très critiquées appliquée par la Chine, et ce dans des sociétés qui n'ont pas, dans leurs gènes, la pensée confucianiste orientale qui insiste sur la hiérarchie et sur l'obéissance sociale.

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La rhétorique sanitaire apocalyptique des médias soutenue par les médias sociaux pour créer - selon les mots du médecin sud-africain qui a découvert la nouvelle variante du virus - une "névrose en Occident", le contraste est énorme entre les déclarations de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, et celles du Dr. Angelique Coetzee, présidente de l'Association médicale sud-africaine, qui a déclaré que "ce que nous voyons maintenant en Afrique du Sud, et rappelez-vous que je suis à l'épicentre, est extrêmement bénin", ajoutant "nous n'avons encore hospitalisé personne. J'ai parlé à d'autres collègues et le tableau est le même". En revanche, von der Leyden a rapidement tiré la sonnette d'alarme, exagérant le danger et faisant chuter les marchés boursiers, affirmant que la variante omicron était une "course contre la montre" tout en exhortant à "se préparer au pire".

Un amour désintéressé pour l'humanité ? Peut-être pas quand on sait qui elle est d'après son passé. Ursula von der Leyen, dont le vrai nom de famille est Albrecht, est marié à Heiko von der Leyen qui est le directeur médical d'Orgenesis, une société liée à Pfizer et GlaxoSmithKline (GSK) et faisant partie de l'initiative Bioshield. Ursula von der Leyen est une alliée politique de Merkel, qui a promu l'abrogation du code de Nuremberg, établi naguère pour empêcher la répétition d'"études" scientifiques telles que celles menées par Josef Menguele au temps du nazisme. L'abrogation ouvrirait la voie à l'obligation de deux doses pour les citoyens de l'UE, qui pourrait passer à trois, ou qui sait à combien, dans l'avenir.

Le contrat de fourniture de vaccins n'est pas gratuit ; le contrat est estimé à 36 milliards d'euros et à 20 dollars la dose, ce qui rapporte à Ursula, ou à son mari, quelque 760 millions (2 %) de commissions. C'est sûrement un chiffre très motivant pour elle de considérer la variante omicron comme hyper dangereuse et de faire des déclarations aussi alarmistes et explosives alors qu'elle ne savait encore rien des caractéristiques de la nouvelle souche, sans tenir compte du fait que des informations ont été partagées depuis l'Afrique du Sud pays où les plus hautes autorités médicales disent qu'il s'agit d'une variante extrêmement faible.

Bien sûr, des voix se sont élevées pour dénoncer l'incompatibilité de sa fonction publique avec les intérêts privés qu'elle représente, mais ni le pouvoir judiciaire, ni les gouvernements européens, ni les médias grand public n'y ont prêté attention ou n'ont demandé ce qui se passait. Ursula von der Leyen n'est pas une novice innocente ; son fils David a été impliqué dans un scandale pour avoir fait partie du cabinet de conseil McKinsey, conseillant la Bundeswehr, les forces armées allemandes, pour lequel il a reçu d'importantes sommes d'argent alors que sa mère était, par coïncidence, ministre de la défense à Berlin.

Au collier de doutes s'ajoutent les récentes nouvelles concernant les courriels d'Anthony Fauci et de son patron aux Instituts nationaux de la santé (NIH) des États-Unis, qui pressent d'éliminer de façon "rapide et dévastatrice" les experts de la santé qui proposent une stratégie de contrôle du Covid-19 non bloquante, différente de la stratégie officielle. Dans les circonstances actuelles, il est donc très difficile de démêler les mesures sanitaires de celles qui sont motivées par des raisons politiques. Nous ne devrions pas être surpris si nous nous rappelons qu'après les événements peu transparents du 11 septembre 2001 aux États-Unis, de larges secteurs du monde islamique ont été diabolisés en tant que terroristes, et à partir de là, une série de mesures ont été prises pour restreindre les libertés individuelles, d'abord aux États-Unis, mais rapidement mises en œuvre dans le monde entier.

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Cette politique, soutenue par le célèbre Patriot Act - qui habilite les gouvernements américains à priver les citoyens de leurs droits constitutionnels - a rapidement conduit à une nouvelle guerre internationale sous le prétexte de combattre le terrorisme fondamentaliste islamique, qui a détruit plusieurs pays du Moyen-Orient et se poursuit encore. Aujourd'hui, nous commençons à voir avec inquiétude un processus présentant de nombreuses similitudes, par exemple lorsque le récit officiel du pouvoir mondial a encouragé le bâillonnement de ceux qui ne sont pas d'accord avec ses politiques, ce qui poursuit ce que nous avons déjà vu à l'oeuvre dans les processus politiques de ces dernières années, en appliquant la culture désormais tristement célèbre de l'annulation ("cancel culture") face aux discours dit "de haine".

À l'époque, il s'agissait de la peur de la terreur inspirée par les attaques de musulmans radicalisés, dont les actions mettaient en danger la vie et les biens des citoyens ordinaires. Aujourd'hui, l'excuse semble être la nécessité de prendre des mesures sanitaires face à la gravité de la situation sanitaire, et donc de suspendre toutes sortes de droits et garanties tels que la liberté de réunion, de mouvement, d'expression et d'information. La fin justifie les mesures, qui peuvent être draconiennes comme nous le voyons en Australie, des mesures qui sont prises même face aux protestations de plus en plus massives des citoyens qui s'opposent à voir leur liberté et leur argent disparaître.

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L'inadéquation des analyses idéologiques qui sont restées ancrées dans le mental de la guerre froide et qui divisent le monde entre la gauche et la droite constitue un terrain fertile pour l'avancée de l'État totalitaire. Ce ne sont pas les gouvernements de "droite" qui promeuvent ces politiques, cette fois la plupart des gouvernements de ce monde meurtri se présentent comme des "progressistes", promeuvent de nouveaux droits même face à la résistance de leurs propres sociétés, et soutiennent des politiques environnementalistes radicalisées aux effets pervers dont nous pouvons déjà voir les effets avec la hausse des prix de l'énergie et la disparition des engrais du marché pronostiquant la future hausse des prix des produits alimentaires.

Vladimir Mikheev, chef du siège de la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture) à Moscou, prévient que 130 millions de personnes ont commencé à souffrir de la faim en raison de la crise économique provoquée par les mesures anti-pandémie. Ce n'est pas une coïncidence si c'est Moscou qui émet cet avertissement. Alors que les États-Unis et leurs partenaires occidentaux s'inquiètent de l'impact du dioxyde de carbone et désormais du méthane dans l'atmosphère ou des quotas à accorder aux minorités sexuelles, la Russie joue un jeu différent. Les positions sont donc très différentes.

La politique de pénétration idéologique menée ces dernières décennies par l'Occident a vidé les gauches révolutionnaires du passé de leur contenu et les a transformées en simples ONG revendiquant des droits individuels dits "de seconde génération". Cela a produit un glissement idéologique qui rend aujourd'hui très confus le fait d'identifier quelqu'un par ses idées politiques selon qu'il est de gauche ou de droite.

Prenons deux exemples pour illustrer ce qui est exprimé en théorie : le président brésilien Jair Bolsonaro, que l'on accuse d'être un fasciste et un négationniste pour ses positions politiques, a rompu ses liens avec le Fonds monétaire international, arguant que le FMI opère contre son pays en donnant des prévisions alarmistes pour déprimer les marchés et n'est donc plus le bienvenu au Brésil. En conséquence, le représentant du FMI au Brésil a déclaré que les préparatifs ont commencé pour démanteler les bureaux du Fonds et se retirer du pays en juin prochain. Cette nouvelle a été très peu couverte par les médias, ce qui s'explique par le fait qu'elle ne peut être comprise en termes de la dialectique traditionnelle gauche-droite qu'ils promeuvent pour maintenir la crédibilité du système.

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Bolsonaro n'est pas le seul cas. Le président du Salvador, Nayib Bukele, vient de déclarer que les protestations contre son gouvernement sont financées par Washington. Bukele a d'abord été vilipendé puis ignoré par la gauche traditionnelle et le progressisme régional, alors comment comprendre son gouvernement en fonction des catégories de gauche et de droite ?

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En revanche, au Chili, le président Boric, récemment élu, a exprimé sa désapprobation face aux gouvernements de Daniel Ortega au Nicaragua, de Maduro au Venezuela, de Díaz Canel à Cuba, et accuse même la Chine d'être une dictature. Boric est le candidat de la gauche chilienne et bénéficie du soutien de la gauche et du progressisme régional, comment peut-on le comprendre de ce point de vue ?

On pourrait ajouter à cette liste le président argentin Alberto Fernández et son gouvernement, qui ont pris leurs distances avec le Venezuela et surtout le Nicaragua, en faisant venir leurs ambassadeurs pour des consultations, situation qui dure depuis cinq mois. Ou encore ses tentatives de conclure un accord avec le FMI, qu'il considère aujourd'hui d'un œil favorable.  Il est clair que le gouvernement du Frente de Todos s'identifie au progressisme et à la gauche, et nous pouvons alors répéter la même question face au contraste notoire qui est apparu avecles positions prises par Bolsonaro.

Il est donc insuffisant de comprendre la dynamique internationale en termes de gauches et de droits, car ces termes sont bel et bien obsolètes, car ils ne sont finalement qu'une partie de la pyrotechnie discursive-idéologique utilisée par le mondialisme occidental dirigé par les États-Unis et ses alliés d'Europe occidentale pour semer la confusion et diviser. Il ne fait aucun doute que la plus grande résistance au monde global anglo-saxon poussé par Washington vient d'un conservateur comme Poutine, qui a fermé les portes aux ONG occidentales qui, par ailleurs, sont solidement intégrées dans les Etats latino-américains.....

Dans ces circonstances, de nombreux penseurs qui s'identifient, ou pour le dire en termes actuels, "s'auto-perçoivent" comme progressistes et de gauche, devraient jeter un regard rétrospectif et faire un effort pour comprendre la logique actuellement à l'oeuvre. S'il y a des Bolsonaros au pouvoir aujourd'hui, c'est parce que les sociétés se sont lassées de ce jeu entre la gauche et la droite qui convergent vers le même point : une politique économique et financière similaire. L'une parce qu'elle croit être la meilleure, et l'autre parce qu'"il n'y a pas d'autres options". Comme l'a dit le Général, la seule vérité est la réalité.

La construction d'un État totalitaire se fait en s'appuyant sur une excuse extérieure qui permet de rejeter toutes les fautes, tous les dysfonctionnements, sur un facteur de perturbation extérieur. À une époque, c'était les juifs pendant l'Allemagne nazie, les communistes pendant le maccarthysme, les néo-nazis dans l'hégémonie néo-libérale de l'après-guerre froide, le patriarcat pour le féminisme, et ainsi de suite jusqu'à ce que nous arrivions à une époque où la question de la santé est celle qui pose qu'il y a un ennemi de notre côté qui doit être combattu. Bien sûr, à chaque moment, il y avait une excuse pour justifier les positions qui ont conduit à des politiques très similaires qui conduisaient à la restriction des droits de protestation, de la liberté d'expression, de la liberté d'information et, à un moment donné, appliquaient le déplacement et l'enfermement des dissidents et des contestataires comme résultat final.

Depuis la chute de l'Union soviétique, les médias grand public ont brandi le spectre du fascisme ou d'un néo-nazisme/néo-fascisme qui, en vérité, n'existe que dans quelques petites poches marginales (lunatic fringe) contrôlées par les Renseignements au service du Pouvoir. Nous ne pouvons pas oublier que l'opération Gladio était une initiative de la CIA en Europe, discréditant le communisme qui menaçait de prendre le pouvoir lors des élections, créant de faux attentats et encourageant des organisations de gauche prétendument révolutionnaires telles que la Fraction armée rouge allemande, également connue sous le nom de Bande Baader-Meinhof. Les quelques vestiges que l'on peut réellement trouver de formations rappelant les néo-nazis et ayant une quelconque pertinence politique sont, par exemple, les curieux alliés du gouvernement de Kiev qui a été soutenu précisément par les démocraties occidentales.

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Le mondialisme occidental contrôlé par le pouvoir financier a aujourd'hui construit un récit qui fonctionne très bien puisqu'il entraîne le monde dans une guerre contre la Chine et la Russie. Nous avons des sociétés qui s'inquiètent des néo-nazis anti-vaccins à la suite de l'apparition inoffensive d'une souche, alors qu'en arrière-plan, elles glissent vers la guerre thermonucléaire en franchissant toutes les lignes rouges posées par les Chinois et les Russes et en ignorant les avertissements répétés d'abord de Moscou et maintenant aussi de Pékin.

Nous devons comprendre comment les démocraties ainsi comprises fonctionnent en Occident, préparant un univers où la discipline interne est imposée et consolidée sous le couvert de la santé, éliminant virtuellement la possibilité de s'exprimer et de manifester contre leurs politiques. Si la cause est un virus dont les dernières souches ont une létalité extrêmement faible, il est plus qu'étrange que ce soient les fascistes qui s'opposent à ces politiques de restriction des droits des citoyens. Quelque chose ne va pas.

La politique actuelle de l'Occident a besoin d'un contrôle absolu de ses propres sociétés car elle a décidé de se lancer dans une guerre qui menace la survie de la planète elle-même. De toute évidence, des voix de protestation se feront entendre et il est peu probable que ses propres citoyens acceptent passivement cette immense folie. Aujourd'hui, l'Occident a trouvé une solution à ce problème de rébellion interne par le biais d'une urgence sanitaire qui lui permet de prendre le contrôle de l'opinion publique et des espaces d'expression, qu'ils soient physiques ou virtuels, afin d'empêcher toutes protestations.

Dans cette situation, il est nécessaire de comprendre les politiques gouvernementales, et d'influencer les gouvernements et les organisations de base qui constituent les structures politiques et déterminent les mesures que les gouvernements vont prendre, afin qu'ils comprennent la réalité et les enjeux. La réalisation d'un monde orwellien est en cours, ce n'est pas nouveau et nous le savons tous depuis longtemps, cette réalité se présente déjà sous une forme obscène et laisse peu de place à la réaction.  Pour cela, il est essentiel de comprendre, et surtout d'accepter, les changements qui ont eu lieu au cours du dernier demi-siècle. Ces changements signifient qu'il n'y a plus de gauche et de droite qui se disputent le contrôle du monde. Les deux secteurs ont été achetés par le pouvoir, et la seule division possible et visible est entre ceux qui défendent la souveraineté des États et ceux qui recherchent un monde globalisé et ordonné basé sur l'argent.

Marcelo Ramírez / AsiaTV / Mugica Magazine

jeudi, 24 février 2022

Jusqu'à ce que les Russes craquent ?

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Jusqu'à ce que les Russes craquent?

par Klaus Kunze

Source: http://klauskunze.com/blog/2022/02/23/bis-die-russen-quietschen/

Selon une légende chère aux puissances occidentales, les "démocraties de l'Ouest" forment une "communauté de valeurs". Parmi leurs valeurs suprêmes, elles comptent la paix, les droits de l'homme et l'entente entre les peuples.

En Allemagne, les proclamations de bonnes intentions sont traditionnellement prises au sérieux. Nous avons toujours été un peuple bienveillant et apolitique. Nous ne prenons pas ce que quelqu'un fait réellement aussi sérieusement que ses prétendues intentions. Notre classe politique semble en effet croire à ce monde idéal dans lequel le mal est banni par les traités multilatéraux et où la paix et la liberté individuelle sont garanties par les droits de l'homme. Pourquoi s'équiper militairement alors que nous avons des accords juridiquement contraignants ?

Ils s'imaginent que les grandes questions de l'histoire mondiale ne seront pas tranchées par le sang et le fer, mais par des discours et des décisions parlementaires, par des traités et des proclamations morales.

Jusqu'à présent, aucune connaissance historique n'a pu les détourner de ce rêve. Aucun Donald Trump ne les a réveillés lorsqu'il n'a pas respecté l'accord nucléaire avec l'Iran, et ils se sont même crus à l'abri de la Russie. Sur la base de calculs économiques, ils se croyaient à l'abri de la puissance orientale, car "une guerre ne vaut pas la peine" et "ne fait que des perdants". Leurs platitudes bien-pensantes éclatent dans la réalité comme des bulles de savon, ce qu'elles sont aussi.

Le réalisme anglo-saxon

Les Anglo-Saxons sont plus réalistes. Ils savent parfaitement que l'on peut prêcher le bien tout en faisant le "mal". Ronald Reagan, président des Etats-Unis (1981-1989), avait brièvement levé le voile. Avant l'effondrement de l'Union soviétique, il a déclaré sans détour :

    "Nous allons les mettre au pied du mur jusqu'à ce qu'ils craquent". (Reagan cité par : Fricke 1999 : 158). Dans l'une de ses déclarations, le président américain Reagan laisse clairement entendre qu'il voulait créer une menace forcée par le biais de sa supériorité militaire vis-à-vis de l'URSS".
    Thomas Bäcker,  Die Wiedervereinigung. Die Außenpolitik der BRD in der Legislaturperiode 1986-1990 und die Folgen.

Mais comme la soif de pouvoir et la volonté de domination sont mal perçues par les médias, "l'Occident" a toujours mis en avant ses "valeurs".

    Sans négliger le facteur de puissance, les positions libérales soulignent au contraire l'attractivité économique et sociale des sociétés occidentales. Le conflit Est-Ouest était moins un conflit de pouvoir qu'un conflit de valeurs, dans lequel l'autodétermination, la démocratie et l'économie de marché (capitaliste) ont fini par l'emporter sur la dictature et l'encadrement de l'économie par l'État.
    Peter Schlotter. Review of Saal, Yuliya von, KSZE-Prozess und Perestroika in der Sowjetunion: Demokratisierung, Werteumbruch und Auflösung 1985–1991. H-Soz-u-Kult, H-Net Reviews. January, 2016 

Le conflit de valeurs n'est toutefois que superficiel. Les "valeurs" ne sont que les jolies bulles de savon colorées. Elles ne servent à rien si l'ennemi n'y croit pas. Ce ne sont jamais des valeurs qui s'affrontent, mais des hommes. Pour se justifier, ils se réfèrent à l'extérieur à ce qu'ils jugent utile pour eux. Derrière les prétendus conflits de valeurs idéales se cachent toujours des conflits d'intérêts réels.

Les parties prenantes d'un marché mondial

Les pays anglo-saxons ont traditionnellement fondé leur prospérité et leur puissance sur le commerce. Avec le slogan de la "liberté des mers", les Britanniques se sont jadis appropriés un cinquième de la surface terrestre de la planète. Ils entendaient, par cette liberté, leur droit de s'assurer des ressources d'outre-mer dans des conditions qui leur étaient favorables.

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Au XIXe siècle déjà, les impérialismes anglo-saxon et russe s'affrontaient à l'échelle mondiale (caricature, origine inconnue, source de l'image).

Les États-Unis ont adopté ce concept. De la liberté des mers, ils ont fait une idée de liberté humaine générale. Avec le slogan "Make the world safe for democracy", ils ont déclaré que chaque être humain avait le droit fondamental d'entretenir des relations commerciales pacifiques, en particulier avec les États-Unis, pays financièrement dominant. Sont potentiellement considérés comme des États voyous tous ceux qui ne voulaient pas être pris dans le réseau mondial du capital. Ils utilisaient le colt à l'extérieur et la Bible pour leur propagande.

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Entre-temps, l'économie financière de l'"Occident" dépasse de loin l'économie réelle et est conçue pour une croissance continue. Comme en 2008, la bulle financière risque d'éclater à nouveau à tout moment, car l'économie réelle des pays "occidentaux" ne peut plus servir les taux d'intérêt et les taux de croissance dont la bulle financière a besoin. L'économie financière risque de s'effondrer et d'entraîner la dévalorisation d'immenses actifs financiers.

Pour empêcher le marché des capitaux de s'effondrer, "l'Occident" cherche sans cesse de nouveaux "marchés". Son idéologie libérale tend à transformer toutes les relations en relations de marché : Elle transforme les ennemis en clients, les personnes en capital humain et les concurrents en partenaires commerciaux. Elle cherche à éliminer les États et les frontières nationales, car toute réglementation étatique impose des limites au pouvoir global du capital. Sa Russie idéale ne serait plus une communauté étatique, mais une société de clients dépendants du capital. Les nouveaux clients doivent être intégrés de manière permanente par des contrats appropriés de sorte qu'ils ne puissent plus jamais se retirer. Leur but est de renoncer à tout autre pouvoir que celui du capital, de déposer les armes et de déclarer solennellement qu'ils renoncent à la violence et qu'ils ne refuseront à personne le "libre" accès au "marché" et à ses bienfaits.
L'intérêt russe

Les représentants de la "communauté des valeurs occidentales" déclarent qu'il est tout à fait terrible que les Russes définissent leurs intérêts de manière totalement différente. Le pays n'est riche que de ses ressources naturelles. Pour ne pas se laisser coloniser par le marché financier mondial, ils ont recours à des valeurs totalement différentes de celles de "l'Occident". Ils insistent sur un État-nation fort. C'est lui qui doit contrôler les flux financiers et non l'inverse.

Pour que l'État soit le plus fort possible, Poutine réprime la société. Personne ne doit sortir du rang. Les valeurs religieuses du christianisme orthodoxe sont invoquées et les valeurs occidentales de l'individualisme absolu sont vouées aux gémonies. Elles sont considérées comme décadentes. Les liens internes doivent être renforcés par une idéologie nationale : un peuple, un empire, un Poutine, et parmi ce peuple, il compte apparemment aussi les Biélorusses et les Ukrainiens.

L'Occident est idéalement pacifique et non militaire, mais en réalité armé jusqu'aux dents et conventionnellement supérieur aux Russes. Depuis 1989, il n'a cessé d'étendre sa sphère d'influence vers l'Est jusqu'à ce que les Russes "craquent". La Russie, en revanche, n'idéalise pas du tout la "paix". Là où il est possible de faire une bonne affaire territoriale sans trop de risques, Poutine saute volontiers sur l'occasion. Comme tous les hommes de pouvoir de l'époque impérialiste, il préfère prendre ce qu'il peut sans guerre. Jusqu'à présent, il n'a pas encore tiré un seul coup de feu. Au XIXe siècle, on appelait cela la politique de la canonnière : la menace entraîne l'obéissance préventive.

Vis-à-vis de notre classe politique locale, cela fonctionne. En déclarant son amitié au monde entier, elle croit avoir aboli l'hostilité. Ils croiront encore à la valeur des traités interétatiques quand les chenilles des chars rouleront déjà, et ils nous feront valoir que les frais d'essence pour les trajets en chars de la Volga à la Spree ne seront "pas rentables" quand les chars seront déjà devant la Chancellerie fédérale. Poutine le sait. De son point de vue, l'Allemagne est mentalement prête pour la tempête.

Que faire ?

L'assaut russe sur l'Allemagne n'aura pas lieu. Les efforts de Poutine pour un retour en arrière sur l'extension de l'OTAN ont tendance à être défensifs. Notre Big Brother de l'autre côté de l'Atlantique est l'adversaire de Poutine, pas nous. Nous ne sommes qu'une proie potentielle. Une attaque contre nous équivaudrait à un suicide de la volonté de puissance de la Russie. Il serait plus dans l'intérêt du capital financier américain que dans celui de la Russie si Poutine était provoqué à attaquer le territoire de l'OTAN.

Qu'est-ce qui serait dans l'intérêt de l'Allemagne ? Dans cette question, nous ne devons pas nous laisser guider par des affinités ou des aversions. Les peuples n'ont pas d'amis, ils n'ont que des intérêts. Personnellement, je n'ai jamais rencontré d'Américain qui ne soit pas si gentil que je veuille l'appeler mon ami. J'ai beaucoup de sympathie pour l'aspiration ukrainienne à la liberté. Cela me rappelle les Hongrois, dans le pays desquels les chars russes ont également roulé en 1956. Ne me demandez pas ce que je pense des Russes et de leur autocratie. Ma mémoire historique remonte à 1945. Plus la Russie et les États-Unis sont éloignés, mieux c'est.

La réponse à la question de notre intérêt national est d'abord que nous en ayons un. Il ne coïncide pas avec celui de nos chers "libérateurs" occidentaux et orientaux de 1945, et encore moins avec leurs ambitions actuelles de puissance mondiale. Il ne coïncide pas non plus avec des sympathies ou des antipathies. La première chose à faire est d'aider l'Allemagne à prendre conscience de cette réalité.

Nous avons un intérêt élémentaire à vivre en paix, car l'Allemagne n'est pas du tout en état de faire la guerre en 2022. Notre armée fédérale ne l'est pas, et la société allemande dans son ensemble, dirigée par une élite politico-médiatique pacifiste, encore moins. Être envoyé comme chair à canon sur un front oriental, to make the world safe for democracy, est la dernière chose dont nous avons besoin ou que nous pourrions nous permettre. C'est la deuxième prise de conscience qui doit s'imposer.

Et le fait que la politique mondiale ne soit pas dirigée par des bulles morales et ne puisse pas être réduite à des calculs coûts-bénéfices constitue la troisième et la quatrième conséquence que nous devons tirer du monde réel d'aujourd'hui. Mourir pour la liberté de la Crimée ? Déclencher une guerre commerciale pour la démocratie à Hong Kong ? Faire claquer le sabre quand on n'a qu'une épée en bois à la main ? Ce n'est ni par la grandiloquence morale ni par la guerre commerciale que nous assurerons notre sécurité.

mardi, 22 février 2022

Buchanan et le grand effondrement moral et militaire américain (et occidental)

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Buchanan et le grand effondrement moral et militaire américain (et occidental)

par Nicolas Bonnal

L’Amérique « phare protecteur du monde et de l’union européenne » est à la dérive sur tous les plans. Après Rachel Levine, le gâteux Biden a nommé un activiste queer, SM et maître-chien adjoint à l’énergie. Le bougre vient du MIT et on comprend l’effondrement de la science et de la technologie américaines, sauf quand s’il s’agit de nous coller un code QR ou une saleté dans l’ADN. L’effondrement américain (ou français) est physique, moral, culturel, spirituel, anthropologique. A-t-il gagné la majeure partie de la population ou simplement les minorités (y compris la minorité catho Bergoglio) qui soutiennent cette sanie globalisée, c’est un autre problème. On le saura cette année car si la masse apeurée et abrutie avalise tous ces monstres (réélire Macron ou les démocrates) et la guerre contre la population ou la Russie, nous sommes cuits à titre personnel.

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Pat Buchanan, qui incarne depuis Nixon le « paléo-conservatisme » pacifiste américain, remarque toutefois comme nous l’autre jour que la plaisanterie va avoir assez duré. Et de noter :

« Nous avions tout. Nous étions la « nation indispensable ». Nous avons vu plus loin dans le futur. Nous pourrions imposer notre « hégémonie mondiale bienveillante » à toute l'humanité. Et c'est ainsi que nous avons entrepris de créer un « nouvel ordre mondial », plongeant dans des guerres successives en Irak, dans les Balkans, en Afghanistan, à nouveau en Irak, en Syrie, en Libye, au Yémen. »

Le résultat ne s’est pas fait attendre :

« Ce faisant, nous nous sommes saignés, nous nous sommes distraits, nous nous sommes épuisés et nous nous sommes séparés, jusqu'à ce que la moitié du pays fasse écho au slogan de la campagne de George McGovern en 1972 : « Come home, America ». »

Buchanan ne se fait pas d’illusions : la Russie et la Chine sont plus fortes et aussi plus ambitieuses. Au lieu de jouer au pleurnichard russophobe (Poutine est nul, il se laisse marcher sur les pieds, etc.) comme certains dont le cacochyme Craig Roberts, Buchanan remarque (il est proche de Meyssan) :

« Et alors que nous partions en croisade pour un nouvel ordre mondial, la Russie de Vladimir Poutine s'est progressivement remise de sa défaite écrasante de la guerre froide, et la Chine a commencé à sortir de l'ombre de l'Amérique pour devenir le rival le plus puissant que l'Amérique moderne ait jamais affronté. »

Buchanan est lucide ; et cela donne sur le basculement géopolitique que nous observons tous :

« Aujourd'hui, l'hégémonie américaine est partout remise en question - en Europe de l'Est, au Proche-Orient, en Asie du Sud-Est, en Asie de l'Est. Et les défis émanent d'autocrates unis dans leur volonté de réduire le pouvoir et la présence des États-Unis dans leur partie du monde. »

11167391._SY475_.jpgIl poursuit :

« Tous les adversaires de l'Amérique ont quelque chose en commun : ils veulent que nous sortions de leur quartier. Après le retrait humiliant du président Joe Biden d'Afghanistan, l'Ukraine est le site du dernier défi, déclenché par le déploiement par la Russie de quelque 100 000 soldats aux frontières de l'Ukraine. »

La Russie parano et cernée ? C’est Poutine qui impose et c’est Poutine qui exige, nous rappelle Buchanan :

« Étant donné qu'il a provoqué cette crise, Poutine ne retirera probablement pas toutes ses forces sans l'assurance visible que l'Ukraine ne deviendra jamais membre de l'OTAN. Et, étant donné qu'aucun allié de l'OTAN ou voisin de l'Ukraine n'a montré une disposition à combattre la Russie pour l'Ukraine, Poutine finira probablement par l'emporter. »

D’où la rage anglo-saxonne : la mythologie McKinder et le Grand Jeu s’écroulent. Finalement la Chine et la Russie ont pris ce que le capitalisme avait de bon tout en gardant ce que le communisme avait de bon. Nous, nous avons pris ce que le communisme et le capitalisme avaient de pire. Et cela semble motiver la masse imbibée de télé. Mais n’anticipons pas.

On laisse Buchanan conclure pour le plaisir :

« Là où l'ancien président George W. Bush mettait en garde contre un « axe du mal » comprenant l'Irak, l'Iran et la Corée du Nord, son successeur comprend aujourd'hui la Russie, la Chine, l'Iran et la Corée du Nord, un axe bien plus redoutable. »

Nous sommes en état de Schadenfreude en ce moment. Sauf pour nos factures d’électricité dues aussi à leur rapacité comme à leur incompétence…

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Sources :

https://reseauinternational.net/les-veritables-victimes-d...

https://www.fdesouche.com/2022/02/12/etats-unis-le-nouvel...

https://www.infowars.com/posts/buchanan-stress-test-for-a...

 

samedi, 12 février 2022

Du Grand Reset à la grande claque économique occidentale

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Du Grand Reset à la grande claque économique occidentale

par Nicolas Bonnal

Les élites occidentales sont folles, c’est entendu. Elles veulent à la fois détruire/transformer leur population par les injections et la dictature sanitaire, le passeport vaccinal ou le délire vert. En même temps elles sont coincées du fait de l’effondrement rapide de leurs économies : Snyder parlait de trois millions d’emplois disparus cet hiver en Amérique, données trafiquées par les « données corrigées de variations saisonnières ». En Espagne nous avons eu une augmentation de la facture énergétique de 60% l’an dernier, et cette année on parle de 70% d’augmentation des prix de l’électricité en Grande-Bretagne qui veut en même temps livrer une guerre nucléaire à la Russie (l’Allemagne veut la guerre et le gaz…). Les prix alimentaires ont aussi monté de 20 à 30%. Comme on sait l’inflation est niée par le pouvoir comme les effets des vaccins du démentiel duo Bourla-Bancel.  Les banques centrales, avant de créer leur euro numérique et de tout confisquer sur ordre de papa Schwab, font si j’ose dire « bonne impression » pour acheter des voix et enrichir un peu plus nos oligarques : c’est ainsi que Bernard Arnault pèse mille milliards de francs (oui, oui, 190 milliards de dollars)… pour vendre des sacs à main produits par des ouvrières payées par exemple en Bourgogne 1400 euros par mois (info de première main, la femme d’un lecteur y travaille). Mais cette fortune virtuelle ne pèsera pas cher le jour du grand effondrement. 

Il est alors impressionnant de voir pourquoi la Russie les exaspère : excédent commercial prodigieux (le troisième du monde), économie matérielle et réelle, autarcie à volonté, excédent budgétaire, faible dette, bref tout ce qui peut « exaspérer les imbéciles » (Léon Bloy), sans LGBTQ ou autres ; les sociaux-démocrates et autres keynésiens qui dévastent l’économie occidentale depuis un demi-siècle maintenant, voient avec leur cerveau de chien Ran-Tan-Plan (« je sens confusément quelque chose ») qu’ils sont arrivés à un point de rupture. La plaisanterie est en train d’avoir assez duré. Le blanc occidental arrogant progressiste et raciste (racisme renforcé par son pathologique caquetage antiraciste) est en train de dérouiller sur le plan intellectuel et matériel, comme je le montrais déjà dans ma Lettre ouverte il y a dix ans. Il ne lui reste plus que la péroraison où il a toujours excellé depuis les vieux orateurs gréco-romains et les théologiens baroques.

Xavier Moreau a expliqué pourquoi le criminel et débile Zelensky a dû se calmer dans ses ardeurs guerrières : il était en train de ruiner l’économie de son pays déjà bien mal en point, et la baisse trimestrielle du PNB va sans doute être de 10%. S’il peut toujours écouter les conseils de l’infatigable BHL (qui propose aussi de coffrer les non vaccinés factieux en France), il n’a pas les moyens de faire sa guerre ni sur le plan militaire ni sur le plan économique. Nos abrutis ici aussi sont en train d’être rattrapés par la réalité : voir les rayons vides dans les supermarchés américains, l’explosion des prix de la bouffe (alimentaire, mon cher Watson !), l’inflation à deux chiffres pour les logements ou les automobiles, et en France cette donnée intéressante : 55% des bagnoles roulent encore au Diesel et Macron, auteur du plus fantastique déficit commercial de l’histoire de… l’Europe (on nous l’a vendu comme génie économique) veut les INTERDIRE. On ne peut que se réjouir quand on apprend en même temps qu’1% des bagnoles sont électriques, et que ces bagnoles ne marchent pas ou presque (essayez une longue distance pour rire). Dans le même temps le sinistre et prétentieux rêve nucléaire français prend fin faute d’uranium ou d’entretien ou de savoir-faire et nos centrales connaissent un sort proche de celle de Tchernobyl (souvenez-vous comme on s’en gaussa alors).

Le futur (le présent) de l’Occident, c’est donc la déglingue, comme disait Lucien Cerise. Pas de chance pour nous, nous sommes mal tombés. Cette déglingue est folle, est provoquée par la politique (les banquiers Draghi-Macron sont de furieux destructeurs) mais pas seulement : l’écroulement face à la pénurie énergétique qu’on a trop longtemps masqué derrière l’écologie et le « réchauffement climatique » se produit sous nos yeux et nous allons tous en pâtir plus, alors que la Chine comme la Russie, pour des raisons communes et complémentaires (espace ; énergie ; savoir-faire ; discipline des populations et compétence de la classe dirigeante) se préparent un siècle à leur mesure – mais qui ne sera pas long si la crise démographique persiste.

Car s’il faut se réjouir de l’effondrement US ou européen, vu ce que ces épaves morales et culturelles sont devenues, il ne faut pas non plus trop trompeter. « Le destin du Spectacle n’est pas de finir en despotisme éclairé », disait Guy Debord, qui pressentait sans doute ce mixte de déglingue et d’atroce tyrannie. De toute manière leur destructeur monde moderne créé par la consommation effrénée des énergies fossiles était bien condamné. Je citerai pour finir cette belle envolée de Drieu la Rochelle écrite au lendemain de l’ignoble Guerre de 14-18 :

« Tous se promènent satisfaits dans cet enfer incroyable, cette illusion énorme, cet univers de camelote qui est le monde moderne où bientôt plus une lueur spirituelle ne pénétrera…Il n'y a plus de partis dans les classes plus de classes dans les nations, et demain il n'y aura plus de nations, plus rien qu'une immense chose inconsciente, uniforme et obscure, la civilisation mondiale, de modèle européen. »

Reste à savoir maintenant si la grande claque économique nous évitera la dictature des Schwab-Gates-v. d. Leyen…

 

16:44 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : grand reset, actualité, occident, nicolas bonnal | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 29 décembre 2021

L'Occident: hégémonie ou déclin - Eléments du débat sur l’hégémonie, la politique et les civilisations

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L'Occident: hégémonie ou déclin

Eléments du débat sur l’hégémonie, la politique et les civilisations

par Irnerio Seminatore

Ex: https://www.ieri.be/fr

L'Occident: hégémonie ou déclin

La crise des paradigmes

L'approche civilisationnelle et historique

L'Occident et la déclin de la  puissance américaine

L’Europe et l'unité stratégique de l'Occident

Partenariat et leadership, constantes structurelles d'ordre stable

Etats-Unis et Europe, une communauté d'intérêts partagés, leadership et hégémonie de cooptation

Irréductibilité de l'Oiccident à ses seules valeurs

Le déclinisme et ses arguments

La scène planétaire et la vision pluraliste du monde

***

L'OCCIDENT : HEGEMONIE OU DECLIN 

L’Occident, comme espace de liberté politique et religieuse, d'État de droit, d'équilibre des pouvoirs et d'économie de marché, s'est imposé au monde comme un modèle de pluralisme et de contre-poids institutionnels entre la force contraignante de la constitution et de l’État et la liberté exigeante des individus et des forces intermédiaires de la société. Un équilibre qui n'a pas d'égal dans d'autres contextes civilisationnels, dont la faiblesse congénitale est représentée par le déficit de « sens », qui est la composante « hard » de l'esprit humain et la force entraînante de l'hégémonie historique. Par ailleurs, l’approche réaliste rappelle que l'Occident sera dominant jusqu'au moment où le scrupule de la morale, de la loi ou des intérêts n'effacera pas son besoin primordial de survie.   Il dominera jusqu'au moment où la ruse lui permettra de   vivre dans la civilisation et la pulsion originelle de la force dans un système international bâti sur l’anarchie et sur la guerre

En effet, la loi profonde de tout changement et de toute transformation humaine repose au même temps sur l'ascétisme moral et sur la force primitive de la violence. Le déclin d'une civilisation commence avec la naissance du sentiment de piété, de justice et d’inclusion, qui demeurent les principes corrupteurs de la domination et de la hiérarchie humaines. Pour que la civilisation perdure, il faut l’existence de deux lois, l'une pour le rappel du passé et l’autre pour l’engagement dans l’avenir, l’une pour l'ami et l'autre pour l’ennemi, suivies d’une application intransigeante de cette discrimination.

L'humanisme et l'égalité marquent en effet le début de la fin d'une civilisation, comme la tolérance, la dissipation, ou la crise démographique, car la règle de la coercition, de la violence et de la rigueur qu'ont fait grands les Empires sont certes constantes, mais pas immuables au cours de l'Histoire. En effet, les moyens de leur exercice se sont démocratisés et étendus à travers la création d'institutions et de bureaucraties impersonnelles et l'usage de la force ou la répression des révoltes ont sapé la croyance en une destinée pacifiée et civile, différente de celle qui se déroulait cycliquement avec l'ascension, l'affirmation et la chute des États et des Empires.

LA CRISE DES PARADIGMES

Après la chute de la bipolarité une série d’auteurs occidentaux ont contribué à donner naissance à la nouvelle manière d'écrire l'histoire, sans le pathos de la philosophie allemande de l'histoire ou du devenir des civilisations à la Spengler. Ils nous ont rappelé que l'Occident n'est plus le seul « sujet » de l'Histoire universelle et que celle-ci n'est pas le champ intellectuel de son monologue intérieur.

Leur mérite a été de remettre en cause une série de paradigmes fondamentaux de notre connaissance et de faire apparaitre les vieux postulats comme désuets et inadaptés. C'est sur la base de cette crise des paradigmes, si salutaire pour l’esprit, qu’il est devenu possible et nécessaire de reprendre le débat sur les notions héritées d'Orient et d'Occident, d’hégémonie et de bataille culturelle

L'APPROCHE CIVILISATIONNELLE ET HISTORIQUE

Suivant un courant de pensée qui va de Spengler à Toynbee, de Quincy Wright à Ortega y Gasset, l'hypothèse de Huntington selon lequel : « dans le monde nouveau, les conflits n'auront pas pour origine l'idéologie ou l'économie. Les grandes causes de division de l'humanité et les principales sources de conflits seront culturelles », est apparue inattendue, tout en poursuivant le même héritage. « Les États-nations continueront à jouer le premier rôle dans les affaires internationales mais les principaux conflits politiques mondiaux mettront aux prises des nations et des groupes, appartenant à des civilisations différentes. Les chocs des civilisations seront les lignes de front de l'avenir».

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Après avoir rappelé que « la communauté des cultures est une précondition de l'intégration économique » il rappelle que « l'axe central de la politique mondiale sera probablement, dans l'avenir, le conflit entre l'Occident et le reste du monde ».

D’autres auteurs, à l’Est comme à l’Ouest, se sont longuement demandé qu'est-ce que cela implique pour l'Occident (Europe et Etats-Unis) ?

« Tout d'abord, que les identités forgées par l'appartenance à une civilisation, remplaceront toutes les autres appartenances, que les Etats-nations disparaitront et que chaque civilisation deviendra une identité politique autonome ». Le thème de l’identité est devenu depuis un argument privilégié du débat politique interne, discriminatoire et souverainiste.

L'OCCIDENT ET LE DÉCLIN DE LA PUISSANCE AMÉRICAINE

L'Occident, comme pouvoir dominant et conquérant a été dissocié de l’exigence d’ordre et de stabilité et il est devenu une cible des thèses pessimistes et simplistes sur son déclin inévitable et sa décomposition inéluctable. Or l'Occident, autrement dit les USA, l'Europe et l'hémisphère Nord de la Planète, l'Amérique Latine et l'Océanie, auxquels on ajoutera le Japon et l'Inde, dominent sans partage tous les domaines de la l'activité humaine et de la vie politique et sociétale, bref, de la connaissance et de la culture, des arts et des sciences, des modes de vie et des modèles culturels.

Cette prédominance évidente ne disparaîtra qu'avec une catastrophe mondiale ou une guerre planétaire et nucléaire, effaçant tout souvenir de civilisation. Dans une dimension plus proche de ces propos, celle de la relativité de l'expérience humaine, on constatera que la force et la faiblesse déterminent toujours le statut d'une nation ou d’une culture sur la scène du monde. Il en est ainsi à chaque période historique. Or, une réflexion sur la position actuelle de l'Occident nous pousse au constat que l'Amérique est en train de perdre son statut d'hyper-puissance pour redevenir un des principaux membres du Club des grandes puissances du XXIème siècle. C'est la thèse soutenue par l'historien Paul Kennedy de l'Université de Yale à partir d'une comparaison historique avec le déclin de l'Empire britannique dès la deuxième moitié du XIXème siècle. Lorsqu'un pays a été au faîte de la puissance dans toute une série de domaine, d'autres acteurs émergents commencent à combler leur retard, de telle sorte qu'une redistribution de la puissance internationale fait décroître l'importance relative du leader et engendre plus loin la transition de la puissance déclinante à la nouvelle puissance montante qui aspire à l'hégémonie. Sommes-nous confrontés à l’analogie historique dans le cas du duopole actuel des Etats-Unis et de la Chine et donc à la répétition du « Piège de Thucydide » qui, selon Graham T. Allison, porte fatalement les deux compétiteurs à l’affrontement militaire.

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En décomposant les facteurs de puissance, Paul Kennedy, a tenté d’élaborer, dans son étude sur « La montée et le déclin des grandes puissances », les lois d’évolution de celles-ci par la variation de leurs taux de croissance économique.

Or, dans le cas des Etats-Unis, à la détérioration de leur perception par les autres acteurs de la scène multipolaire, ainsi qu'à l'hostilité croissante pour leurs entreprises militaires, menées sans succès par le monde, s’ajoutent des considérations morales et philosophiques, qui opposent les deux courants de pensées, le réaliste et le transnationale, dont sont imprégnés les défenseurs et les opposants de l’Occident  Par ailleurs, l’autre important pilier du pouvoir de l'Amérique, le pouvoir économique et financier, s'est fortement dégradé en raison des déficits commerciaux et des déficits publics, mais aussi de la titrisation des crédits pourris, qui ont été à l'origine de la crise mondial de 2008.

Quant à la responsabilité des élites, un vieil article de l'éditorialiste économique Martin Wolf dans le Monde du 18 janvier 2014, au titre « La faillite des élites » développa la thèse du manquement des élites européennes et mondiales dans la crise actuelle et dans celle de la première guerre mondiale (1914-18). Le trait commun d'hier et d'aujourd'hui est représenté par un cumul impressionnant d'ignorance et de préjugés ayant conduit, avec le premier conflit, à détruire les deux piliers de l'économie du XIXème siècle, le libre-échange et l'étalon d'or et, avec la crise actuelle, à avoir encouragé un gigantesque pari consistant à dissocier responsabilité (répercussions d'une crise systémique) et pouvoir (système de décision) portant atteinte à la « gouvernance démocratique ». Par ailleurs, le divorce entre élites et citoyens aurait engendré en Europe une concentration du pouvoir, toujours actuelle, entre trois bureaucraties non élues (la Commission, la Banque Centrale Européenne et le Fonds Monétaire International) et une série de pays créanciers, en particulier l'Allemagne, sur lesquels les opinions et les citoyens n'ont aucun pouvoir d'influence.

Reste le pouvoir militaire, exorbitant, qui demeure le plus solide, en ses capacités de projection de puissance et dont l'efficacité opérationnelle et dissuasive est destinée à décroître en relation aux conflits asymétriques et aux diverses incertitudes géopolitiques.

Ces derniers s'accroissent en revanche, avec la montée des forces irrégulières et la démultiplication des situations de crise. Cependant, l'élément le plus déstabilisant, suivant le schéma interprétatif du déclin des grandes puissances, est l'empiètement des puissances retardataires ou perturbatrices, à l'intérieur des espaces de sécurité d’Hégémon, doublé du risque d'une atténuation du rôle des alliances militaires et d'une redéfinition générale des stratégies du long terme, pouvant éloigner les Etats-Unis de l'Europe.

Ce risque, réduisant les ambitions et les engagements de la République Impériale dans le monde, les conduirait à l'isolement international et à une normalité, qui leur feraient perdre le rôle, encore actuel, de pivot du monde.

L'EUROPE ET L'UNITÉ STRATÉGIQUE DE L'OCCIDENT

L'absence de leadership affaiblit l'Europe et les États-Unis dans un monde multipolaire, où l'unité du commandement relève de la plus haute fonction stratégique. L'unité stratégique permet de concevoir et de mettre en œuvre une architecture de systèmes défensifs hiérarchisés et intégrés à un seul pôle de décision. Planifier les seuils de la dissuasion ou les niveaux de la stabilité, ou encore les priorités des engagements et de la logique de préemption aux deux grandes échelles du monde, le système planétaire et les aires régionales plus menaçantes, cela relève du leadership comme porteur d'atouts stratégiques.

Cette unité de conception, de décision et d'action est géopolitique et géostratégique Elle est au même temps stratégique et systémique, car elle définit les coalitions, les acteurs hostiles et les théâtres de conflit. Ce sont les acteurs hostiles qui portent atteinte à la stabilité mondiale, en utilisant la force et la menace directe et indirecte, dans le but d'obtenir des gains par l'utilisation de revendications autrement impossibles à accepter, car assorties de risques démesurés.

PARTENARIAT ET LEADERSHIP, CONSTANTES STRUCTURELLES D’UN ORDRE STABLE

Le partenariat politique et la « pax consortis » apparaissent, à l’ère des interdépendances, comme les méthodes les plus efficaces pour rechercher des solutions appropriées aux problèmes multiformes du système international de demain. Ce partenariat comporte un nouvel équilibre des initiatives, des tâches et des responsabilités.

L’image des « superpuissances » s’était enracinée un peu partout dans les consciences politiques depuis 1945, associée à celle, tutélaire, des leaderships de l’Est et de l’Ouest. Cette conscience tirait sa raison d’être d’une concentration exorbitante des moyens inhibitoires de la force.

Une disproportion entre l’impuissance de la force (potentiel de destruction), la puissance politique visant à l’utiliser (au moins diplomatiquement), et les capacités économiques des détenteurs de celle-ci, s’est insinuée dans la représentation collective, mettant en crise les options de politique étrangère qui s’étaient inspirées de celle-ci et notamment celles de « globalisme unilatéral », et de « unilatéralisme globaliste ».

Le pluralisme des valeurs et la disparité des intérêts entre les USA et l'Europe, requièrent davantage une gestion du système, basée sur la « pax consortis » et le dialogue multilatéral, car cette gestion collective par les acteurs majeurs du système est aussi la plus équilibrée, face aux nouvelles formes de vulnérabilité.

Au regard de la gestion du système international actuel, les États sont brusquement confrontés à des défis globaux, qui exigent coopération et partage de responsabilités.

Ne poursuivant pas des objectifs réductibles à la logique du marché, les États visent, aujourd’hui comme hier, l’instauration ou la définition d’un ordre international maîtrisable, un ordre stable.

Ce dernier exige une forme de pouvoir politique qui prenne en charge les problèmes liés à la gestion de la sécurité et ceux qui découlent d’une complexité croissante et de la poursuite d’un processus d’intégration étendu.

La restriction de l’autonomie des États et l’imbrication toujours plus étroite de la politique intérieure et de la politique extérieure, ainsi que l’extension de la scène planétaire, liée à la multiplication des acteurs sub et trans-étatiques et à celle de flux de communication afférents à des foyers mouvants d’incertitude et de crise, interdisent l’utilisation de paradigmes explicatifs uniques et de théories générales à portée universelle.

ETATS-UNIS ET EUROPE, UNE COMMUNITE D’INTERETS PARTAGES ?

LEADERSHIP ET HEGEMONIE DE COOPTATION

Ainsi, dans le décryptage des transformations consécutives à l'effondrement de la bipolarité, Z. Brzezinski a dégagé une lecture du système international où le choix d’un engagement cohérent de l’Amérique à côté de l'Europe visait la préservation et l’exercice d’un leadership cooptatif et d’une hégémonie démocratique. L’intimité de ces deux notions était liée à la gestion des alliances et à la légitimité internationale de l’action des États-Unis.

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C’est donc à partir d’une analyse globale de la scène planétaire que l’auteur parvint à historiciser et à relativiser la priorité absolue accordée par l’Administration Bush à la « guerre contre le terrorisme ». Celle-ci ne pouvait représenter à ses yeux qu’un but stratégique à court terme, dénoué de pouvoir fédérateur. En effet, s’interrogeant sur l’hégémonie américaine et, en perspective, sur son déclin historique à long terme, Brzeziński replaça la complexité du paysage mondial et ses turbulences, dans le cadre d’une stratégie d’alliance permanente avec l’Europe. Seule cette alliance, interdépendante et toutefois asymétrique, était en mesure d’assurer, à ses yeux, une communauté d’intérêts partagés entre l’Europe et les USA.

Cette alliance aurait pu garantir l’évolution de la prééminence des USA sous la forme qui correspond le plus à une démocratie impériale, l’hégémonie de cooptation. Aucune alliance de circonstance ne pouvait élargir les bases d’une direction éclairée, fondée sur le consensus plutôt que sur la domination pure. Aucun autre acteur ou ensemble d’unités politiques – à l’exception de l’Europe – n’aurait pu permettre l’exercice d’un leadership mondial, sous la forme d’un pouvoir fédérateur et rassembleur vis-à-vis de ses alliés.

IRREDUCTIBILITÉ DE L’OCCIDENT À SES SEULES VALEURS

La réduction de l’Occident a ses seules valeurs, selon une approche récente de l’ordre européen, est une antinomie d’ordre culturel, qui risque d’occulter la complexité du réel et conduire à des dévoiement politiques.  Dans l’Union Européenne elle a pour fonction de réduire à l’obéissance Orban et les pays de Visegrad, au sein d’une dispute d’apparence constitutionnelle et en Russie a lutter contre l’atlantisme et le globalisme libre-échangiste, menant une opposition civilisationnelle et sémantique. Ce réductionnisme et son inscription dans la perspective d’un renversement de l’hégémonie occidentale, occulte l’épaisseur de l’objet d’analyse et son importance historique. En effet le principal des inspirateurs des eurasistes russes prétend que « l’Occident est une source d’empoisonnement du monde et d’hégémonie impérialiste » et considère que l’Occident a la même signification, pour la pensée russe, que l’invasion mongole, arguant que celle-ci avait privé les russes de leur indépendance politique, tandis que l’identité culturelle et religieuse les avait empêchés d’être soumis à l’expansion catholique. Ainsi la Russie serait une civilisation distincte et l’Occident son principal ennemi et adversaire. De surcroit les eurasistes eux-mêmes, auraient abandonné la confrontation avec l’Occident et son idéologie matérialiste -le communisme- remplacée par une autre forme de matérialisme -le libéralisme ; abandon qui mènerait tout droit à la désintégration de la Russie. Le développement et la dégradation de l’Occident serait le destin d’un autre continent sémantique, car, pour l’Ouest, selon Troubetskoï, cité a l’appui de cette thèse, la force de l’Occident serait avant tout un impérialisme sémantique, une hégémonie épistémologique. Par une étrange analogie, cette interprétation adoptant comme lecture d’appartenance à l’Union européenne ses seules valeurs, rapprocherait Mme von der Leyen des eurasistes dans un même combat, un combat d’idées, vidées de substance historique et de pertinence stratégique. Dans les deux cas, l’affrontement hégémonique, dépolitisé et désarmé serait réduit aux deux aspects d’un même chantage, la soumission a un ordre culturel dogmatique et a une autorité sans légitimité. Non, l’Occident n’est pas l’invasion mongole pour le monde russe, mais une réfutation stérile de l’importance de la puissance et de l’influence de l’univers européen

LE DECLINISME ET SES ARGUMENTS

Le New Statesman de Londres, repris par le Courrier International a publié en octobre 2021 un article du philosophe anglais, John Gray, au titre Comment le monde a basculé, dans lequel il résume la plupart des thèses déclinistes, pour conclure que l’Occident n’est pas mort et que nous ne vivons pas dans un monde post- occidental. L’argument central est constitué par le renversement de la prise de conscience des réalités historiques les plus durables et de leur portée géopolitique, le guerres perdues, l’abandon par l’Occident de régions stratégiques -l’Irak, la Syrie, la Libye, l’Afghanistan et le vortex illusoire de la stratégie du – « Regime Change ». Plus important et plus grave, l’oubli de la force disruptive de la liberté et de la tolérance, qui ont fait la force et l’idéal des révolutions intellectuelles du passé et la limitation de la démocratie à l’orthodoxie du dogme, préservé par une série d’interdits idéologiques.

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En termes de pouvoir international, l’épuisement de la stratégie américaine et de son empire démesuré, a rendu ingérable son leadership.  Difficulté qui est intervenue avec l’écroulement de l’Union soviétique et l’apparition d’un monde unipolaire. Un monde dans lequel, parallèlement a la montée étonnante de la Chine, les vieilles idées de l’Occident des années 30-4O ont inspirés les nouveaux régimes autoritaires. C’est surprenant en effet que dans les universités chinoises soient lus attentivement les classiques de la pensée occidentale Hobbes, Rousseau, Tocqueville, Burke et surtout Carl Schmitt. Des lectures qui ont pour toile de fond la quête de l’unité du pays, la recherche de l’homogénéité politique et culturelle et sont ostracisés les facteurs de division représentés par les minorités -ouighours, tibétaines, hongkongaises, taiwanaises et par les oppositions internes diverses, défendues par le recours aux droits de l’homme. C. Schmitt a fait école en une situation de crise permanente et d’anarchie et d’ingouvernabilité. Cependant la décomposition de l’hégémonie occidentale, comme fait culturel et intellectuel a eu une autre composante délétère, la crise de confiance en soi des européens, une crise spirituelle datant de la première guerre mondiale et du maitre ouvrage de O. Spengler- « Le déclin de l’Occident », auquel se sont inspirés les bons et les mauvais lecteurs de l’auteur fameux et ses héritiers. Une toute dernière remarque est imputable enfin à la conception occidentale selon laquelle il n’y aurait pas d’alternative à la civilisation occidentale et que nous serions parvenus avec le collapse de l’Union Soviétique,-à la « Fin de l’Histoire » - de Fukuyama.

LA SCÈNE PLANÉTAIRE ET LA VISION PLURALISTE DU MONDE

La scène planétaire est caractérisée par l'interdépendance croissante de l’humanité et par une complexité inégalée des univers culturels.

À présent, nous observons la fin provisoire de l'âge idéologique, mais cela ne signifie point sa disparition définitive, car les utopies réapparaissent perpétuellement dans le siècle et elles en constituent la trame signifiante.

Or la vision pluraliste du monde s'est, tour à tour, opposée à la vision moniste et dogmatique de la réalité. Ainsi, la variété des civilisations et des croyances et la multiplicité des régimes politiques nous forcent au constat, exaltant pour les uns et désarmant pour les autres, que l'hégémonie de l'Occident, qui préserve cette variété et cette richesse d'expressions, perdurera encore longtemps, avant de se dissoudre et de justifier une nouvelle candidature à la stabilité et à l'ordre universel dans le monde. C’est pourquoi l’Occident ne nous apparait pas fini et qu’il est encore loin de l’être, suicide exclu et histoire défigurée.

Bruxelles- Bucarest le 19 Décembre 2O21

Irnerio Seminatore est l’auteur de l’ouvrage – « La Multipolarité au XXIe siècle », Préface de Charles Zorgbibe ,à paraitre auprès des Editions VA Press (Fr)

Prochains titres :

Hégémonie et stabilité systémique

Hégémonie et transition de système

lundi, 29 novembre 2021

Chine : Les propos stupéfiants de l’Ambassadeur Zhang Jun sur l’Occident

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Chine : Les propos stupéfiants de l’Ambassadeur Zhang Jun sur l’Occident

Remarques de l’Ambassadeur Zhang Jun lors du dialogue interactif entre la Troisième commission et le Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités.

Source : Ministry of Foreign Affairs of China
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises ( https://www.les-crises.fr/chine-les-propos-stupefiants-de-l-ambassadeur-zhang-jun-sur-l-occident/ )

21 octobre 2021

Monsieur le Président,

L’objectif du dialogue interactif entre la Troisième commission et le Rapporteur spécial est d’améliorer la confiance mutuelle et de renforcer la coopération. Cependant, les États-Unis, la France et quelques autres pays ne peuvent résister à leur mauvaise habitude. Une fois de plus, ils ont abusé de la plate-forme de la Troisième commission pour lancer des accusations sans fondement contre la Chine, répandre le virus politique et la désinformation, et empoisonner l’atmosphère de coopération. La Chine s’oppose fermement à cela et le rejette résolument.

Aux États-Unis et à quelques autres pays, permettez-moi de dire ceci : vos mensonges banals sont totalement infondés. Le Xinjiang jouit de la stabilité, du développement et de la prospérité, et la vie du peuple chinois s’améliore de jour en jour. Le peuple chinois est satisfait et fier de ces réalisations, et ces réalisations sont largement reconnues et saluées par les peuples du monde entier. Peu importe le nombre de fois où ils sont répétés, les mensonges restent des mensonges. Vous pouvez vous tromper vous-mêmes, mais vous ne pouvez pas tromper le monde. Vous utilisez les droits humains comme un prétexte à des manœuvres politiques pour provoquer une confrontation. En fait, vous êtes le fauteur de troubles et le plus grand obstacle à la coopération internationale en matière de droits humains.

Pour les États-Unis et quelques autres pays : votre complot visant à entraver le développement de la Chine est voué à l’échec. La voie du développement de la Chine est choisie par le peuple chinois lui-même. Vous n’êtes pas en mesure de faire des choix pour le peuple chinois, et encore moins de faire la leçon à la Chine. Le progrès de la Chine est inarrêtable. Personne ne peut priver le peuple chinois de son droit à mener une vie heureuse. Il est temps de se réveiller ! L’époque où vous brimiez et opprimiez les pays en développement est révolue depuis longtemps.

Aux États-Unis et à quelques autres pays : vos tentatives désespérées de dissimuler votre terrible bilan en matière de droits humains ne fonctionneront pas. Le monde le voit clairement. Les États-Unis ont mené un génocide contre les Indiens d’Amérique. Ils ont réprimé leur propre peuple au point qu’il crie « Je ne peux pas respirer ». Ils ont ignoré la mort de plus de 700.000 ressortissants due à la pandémie. Et elle a souillé ses mains du sang de centaines de milliers de civils musulmans au Moyen-Orient et en Asie centrale. La liste est longue. Les droits humains ne sont pas une couverture. Blâmer les autres pays n’effacera pas vos propres méfaits, mais ne fera que révéler votre méchanceté et votre hypocrisie.

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Aux États-Unis et dans quelques autres pays : vos tentatives pour vous débarrasser de ceux qui ont des opinions différentes au nom de la démocratie n’aboutiront qu’à un échec. La démocratie n’est pas votre apanage, mais un droit dont jouissent les peuples de tous les pays. La meilleure démocratie consiste à laisser le peuple être le véritable maître du pays, au lieu d’en faire la chair à canon de la manipulation politique. Le monde est diversité. Il en va de même pour les approches de la démocratie. La question de savoir si un pays est démocratique ou non doit être jugée par son propre peuple, et non par des personnes extérieures au pays, et encore moins par des pays comme vous. Les tragédies survenues dans des pays comme l’Afghanistan, l’Irak et la Libye ont prouvé à maintes reprises que l’intervention militaire de l’extérieur et la soi-disant transformation démocratique n’entraînent rien d’autre que des dommages pour les pays concernés et pour l’idéal de la démocratie lui-même.

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Aux États-Unis et à quelques autres pays : vos tentatives de politiser les questions de droits humains à des fins de manipulation ne trouveront aucun soutien. Les peuples du monde entier sont lucides sur la vérité. Plus de 60 pays ont fait une déclaration commune de soutien à la Chine, dans laquelle ils s’opposent à l’ingérence dans les affaires intérieures d’autres pays au nom des droits humains, et appellent à respecter les objectifs et les principes de la Charte des Nations Unies. L’histoire et la réalité ont prouvé à maintes reprises que votre recours inconsidéré à la désignation de coupables, à la pression et à l’intimidation vous a fait perdre tout le soutien des peuples du monde entier. Vous êtes du côté opposé de la communauté internationale.

Aussi, à la France et aux autres partisans des États-Unis : ce que vous faites, c’est soumettre votre indépendance et votre autonomie, et servir d’hommes de main aux États-Unis, comme si vous pouviez acquérir une supériorité en agissant à la demande de la superpuissance. Mais la vérité est que vous abandonnez votre propre dignité et que vous ne gagnerez aucun respect de la part des autres.

Le monde se développe et l’humanité progresse. Les États-Unis et quelques autres pays choisissent de s’en tenir à la mauvaise voie, qui va à l’encontre de la tendance dominante de l’époque. Finalement, ils ne feront que se déshonorer et deviendront la risée de la communauté internationale et les coupables de l’histoire.

Monsieur le Président,

Respecter et protéger les droits humains est un esprit fondamental de la civilisation moderne. Il a été inscrit dans la Constitution de la Chine et est devenu une pratique générale dans la société chinoise. Sous la direction du Parti communiste chinois, le peuple chinois de tous les groupes ethniques a déployé des efforts inlassables et a atteint le premier objectif du centenaire. Nous avons fait de la Chine une société relativement prospère à tous égards. Nous avons apporté une solution historique à la pauvreté absolue en Chine, et réalisé l’objectif de la réduction de la pauvreté avec 10 ans d’avance. Le peuple chinois jouit de plus de droits humains et de libertés que jamais auparavant.

Les droits humains sont universels, mais les chemins qui y mènent sont divers. La Chine s’en tient à sa voie en matière de droits humains, avec des caractéristiques chinoises distinctives qui conviennent à nos conditions nationales, et offre une vie meilleure au peuple chinois. Ce que nous avons réalisé montre qu’il s’agit du bon chemin et d’un avenir prometteur. Nous suivrons fermement cette voie.

La promotion et la protection des droits humains est un processus continu. La Chine accueille toutes les suggestions favorables et de bonne foi. Mais nous n’accepterons jamais de pressions politiques fondées sur des mensonges ni des leçons condescendantes. Notre détermination à défendre notre souveraineté, notre sécurité et nos intérêts en matière de développement reste inébranlable ; et notre détermination à sauvegarder les intérêts fondamentaux et la dignité du monde en développement au sens large reste inébranlable.

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La Chine continuera à mener des échanges et une coopération en matière de droits humains avec d’autres pays sur la base de l’égalité et de la confiance mutuelle. Nous continuerons à apporter la sagesse et les solutions de la Chine, à prôner la paix, le développement, l’équité, la justice, la démocratie, la liberté et d’autres valeurs partagées par l’ensemble de l’humanité, à œuvrer à la construction d’une communauté avec un avenir commun pour l’humanité, et à contribuer encore davantage à la cause internationale des droits humains.

Source : Ministry of Foreign Affairs of China, 21-10-2021
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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lundi, 08 novembre 2021

Un monde tripolaire : nouveaux horizons et Logos intemporels

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Un monde tripolaire : nouveaux horizons et Logos intemporels

Alexandre Douguine

Ex: https://www.geopolitica.ru/article/trehpolyarnyy-mir-novye-gorizonty-i-vechnye-logosy

Un monde tripolaire s'est en fait construit sous nos yeux. Il n'importe plus de savoir quelle force politique prévaut en Amérique, les mondialistes (comme Biden aujourd'hui) ou les nationalistes (comme Trump hier). L'échec du maintien de l'hégémonie mondiale américaine ne dépend plus de l'orientation de l'élite dirigeante américaine. Les néocons et les ultra-libéraux de Biden vudraient revenir au modèle unipolaire qui prévalait dans les années 1990 après l'effondrement de l'URSS, mais ils ne le peuvent tout simplement plus. La Chine et la Russie, à partir d'un certain moment, sont devenues des entités géopolitiques et civilisationnelles si manifestement souveraines qu'il n'est plus possible de le nier.

Bien sûr, les libéraux en lutte contre Trump ont essayé de l'accuser d'être celui qui a contribué (et même tout à fait délibérément) à l'indépendance de la Russie de Poutine. C'était l'une des principales thématiques de l'élection américaine. Mais il est désormais clair qu'il s'agissait d'un pur coup politicien: il n'était pas question des sympathies de Trump pour Poutine ou de l'ingérence de la Russie dans les élections américaines. Le fait est que les États-Unis ne peuvent plus diriger le monde seuls. Et Biden est exactement dans la même position que Trump : la limite stratégique de l'unipolarité a été atteinte et il n'y a plus de ressources pour la maintenir et la renforcer. En dépit de Biden ou de Trump, nous sommes effectivement passés à un monde tripolaire.

Il existe trois centres de décision pleinement souverains dans ce monde.

    - Les Etats-Unis, qui ne représentent plus l'Occident tout entier, mais l'axe anglo-saxon (d'où le lancement des alliances AUKUS et QUAD) + ses satellites régionaux ;
    - La Russie, qui, malgré tout, ne fait que renforcer sa position sur la scène internationale, en essayant de trouver de nouveaux points d'application tant dans l'espace post-soviétique que dans d'autres régions ;
    - La Chine qui supporte avec succès le poids de la confrontation économique et militaro-stratégique croissante avec les Anglo-Saxons, qui se sont sérieusement engagés dans un endiguement régional de la Chine en Asie du Sud-Est.

Entre ces centres complets de pouvoir oscillent

    - L'Union européenne, désemparée, a été amenée au bord d'un désastre énergétique par les politiques ratées de Washington et s'est retrouvée pratiquement exclue du bloc anglo-saxon ;
    - La Turquie, l'Iran et le Pakistan, qui renforcent systématiquement leurs capacités régionales ;
    - Le Japon et l'Inde, qui cherchent à renforcer leur position en utilisant de manière pragmatique l'impasse entre les États-Unis et la Chine (tandis que l'Inde, de manière tout à fait rationnelle, continue de maintenir un partenariat stratégique avec la Russie) ;
    - Les pays islamiques du Moyen-Orient et du Maghreb, qui se sont détachés des États-Unis et tentent désormais de résoudre les conflits locaux sans se tourner vers Washington ;
    - Les régimes africains qui rejettent de plus en plus le néocolonialisme européen et, plus largement, occidental (incarné de manière très vivante par la nouvelle vague de panafricanisme anti-européen - comme les Urgences panafricanistes de Kemi Seba)
    - Les pays d'Amérique latine, effectivement abandonnés par les États-Unis et cherchant une nouvelle place dans le système mondial sur le modèle du Sud global ;
    - Les acteurs émergents d'Asie du Sud - Indonésie, Malaisie, Corée du Sud, etc.

Ainsi, entre les trois piliers de la tripolarité, qui ont désormais une supériorité incontestable, bien qu'asymétrique, commence un mouvement de pôles secondaires, un peu moins établis et encore incomplets. Néanmoins, certains d'entre eux - notamment l'Inde et certains pays d'Amérique latine - ont un potentiel très élevé et ne tarderont pas à atteindre la cour des grands.

Et c'est là que la partie amusante entre en jeu. Ce monde tripolaire, et demain un monde multipolaire au sens plein, a deux aspects.

D'une part, certains aspects technologiques de la civilisation - dans le système de communication, dans la sphère énergétique, dans les modèles de réseaux numériques et de développement de l'économie virtuelle - seront communs à tous les pôles, grands et petits, même si ce n'est que pour un court moment. Cela permettra de parvenir à une standardisation, même minime, des relations entre les pôles, et de justifier des algorithmes communs. Cela permettra d'établir un modèle spécifique sur le plan pratique, accepté par tous (ou presque), constitué de protocoles et de règles reflétant les nouvelles conditions. Oui, personne n'aura le monopole de la résolution des situations problématiques à lui seul. Toute solution peut être contestée par l'autre pôle ou par une alliance situationnelle de pôles. Dans une telle situation, personne n'aura le droit exclusif d'insister sur quoi que ce soit. Le pouvoir de l'un ne sera limité que par le pouvoir de l'autre. Le reste est une question de négociation. 

Cela signifie, en fait, le début de la démocratie multipolaire ou "démocratie des normes". Une situation similaire existe d'ailleurs aux États-Unis, où chaque État a ses propres lois, qui se contredisent parfois directement. Dans un modèle international, la "démocratie des normes" peut être encore plus souple : certains pays proposent et acceptent leurs normes, d'autres acceptent les leurs, et ainsi de suite.

Bien sûr, il est dans l'intérêt de tous qu'il existe des algorithmes stables d'interaction internationale, mais les règles changeront constamment, chaque pôle cherchant à modifier la situation en sa faveur. Toutefois, un certain "universalisme" (de nature purement technique), bien que limité, sera manifestement exigé par tous.

Mais d'un autre côté, chaque pôle aura intérêt à renforcer son identité civilisationnelle. Et là, la situation sera encore plus intéressante.

Les trois pôles principaux déjà entièrement formés sont donc:

    - Les Anglo-Saxons,
    - La Russie et
    - La Chine

On insistera clairement sur l'identité historique de chacun. Sur leur propre Logos. Et c'est là que les surprises nous attendent.

Il n'est pas du tout évident que les États-Unis, par exemple, bien que fortement liés à la Grande-Bretagne et à l'Australie, continueront sur la voie de l'ultra-libéralisme, du post-humanisme, de la dégénérescence LGBT+, etc. Ce modèle mondialiste est un échec total. Elle est de plus en plus rejetée, tant aux États-Unis qu'en Europe. Il ne faut donc pas écarter la possibilité d'un retour de Trump et du trumpisme (plus largement du populisme) aux États-Unis. Il est très révélateur que le symbole de la réussite mondiale, Elon Musk, se soit mis à lire Ernst Jünger. Le vent a tourné. L'élite des milliardaires prend un détour intellectuel intéressant - et résolument conservateur. Un autre milliardaire, Peter Thiel, lit depuis longtemps mes textes géopolitiques et les écrits de Carl Schmitt. Oui, il y a toujours Soros, Gates, méta-Zuckerberg, Bernard-Henri Lévy et Jeff Bezos avec les fous furieux de Google et Twitter, mais ils seront bientôt dans une impasse irrémédiable pour avoir tenté d'établir leurs monopoles. Et eux aussi chercheront à s'attaquer à la lecture de Jünger.

En Europe, la tendance montante du nouveau conservatisme est représentée par une figure comme Eric Zemmour, la star des prochaines élections présidentielles françaises. Zemmour rejette radicalement les LGBT+ et le libéralisme, appelle à l'arrêt complet des migrations, au retour à l'identité française, au gaullisme et à une alliance eurasienne avec la Russie.

La Hongrie et la Pologne, en Europe de l'Est, démontrent que le libéralisme commence à s'enliser aussi dans cette région.

Il n'est donc pas du tout certain que dans un monde tripolaire, les posthumanistes, les postmodernes, les maniaques de la technocratie et les pervers libéraux conserveront le monopole du Logos occidental. Un virage conservateur est également très probable. Et maintenant, ça pourrait devenir intéressant. Mais il n'en reste pas moins qu'un tel virage conservateur sera fondé sur les valeurs occidentales. Oui, ils ne seront pas aussi agressifs et intrusifs que la ligne totalitaire et déjà folle des mondialistes libéraux. Mais ce sera toujours une nouvelle affirmation de l'Occident - avec tout ce que cela implique.

La Chine, avec ses milliers d'années de civilisation et son système socio-politique tout à fait original, dispose là encore d'un énorme avantage. Ce n'est pas seulement l'économie et le contrôle politique étroit du PCC qui sont la clé du succès du Logos chinois. La société chinoise - tant l'État que le peuple lui-même - est un système de valeurs cohérent, avec une dimension impériale, une éthique et une sorte de métaphysique chinoise. Ce n'est pas seulement une question de pouvoir ; le fait est qu'entre le pouvoir du PCC et la société chinoise proprement dite se trouve un continent entier de culture traditionnelle chinoise - anthropologique, éthique, spirituelle. Et la Chine ne fera que se renforcer et étendre son influence dans les régions voisines.

Il est grand temps pour la Russie de réfléchir au Logos russe. Sur l'identité russe, sur la conscience de soi historique, sur notre système de valeurs, qui n'est pas moins original et distinctif que celui de l'Occident ou de la Chine. Hélas, nous y prêtons encore très peu d'attention. Mais il vaut la peine de se tourner vers l'histoire russe, vers les trésors inestimables de l'orthodoxie et de la tradition, vers notre littérature et notre art, vers notre philosophie religieuse, vers l'éthique russe de la justice et de la solidarité - et les grandes lignes de la civilisation russe s'ouvriront devant nous. Et là, il faut être décisif : même si ce n'est pas une vérité universelle, elle n'est pas universelle, mais c'est la nôtre, la russe. Qui est prêt à l'accepter, qu'il soit le bienvene. Pour ceux qui n'y sont pas prêts, eh bien, que le monde soit plus riche et plus complet grâce à la diversité et à l'identité.

Et encore les trois Logos...

    ...l'Occidental..,
    ... le chinois et...
    le russe -

sont comme trois civilisations - et ils ne seront bientôt que les principaux pôles de la multipolarité. Les civilisations islamique ou indienne, africaine ou latino-américaine, avec toutes leurs particularités locales, auront l'occasion de multiplier leur Logos, de défendre et de développer leur identité, de construire leurs Etats, leurs cultures, leurs systèmes.

Bien sûr, il y aura des difficultés en cours de route. Mais il est parfois important de prêter d'abord attention aux nouveaux horizons, sans tout réduire à la concurrence, aux conflits, aux affrontements et au scepticisme geignard : "rien ne marchera pour l'humanité, comme rien n'a jamais marché". C'est un mensonge - cela a parfois fonctionné, et l'humanité a connu les plus grands succès, les plus grandes réalisations, les plus grands exploits et les plus hauts sommets, bien qu'il y ait eu aussi des chutes sévères et des catastrophes.

Il vaut la peine de se pencher sur un monde multipolaire - aujourd'hui tripolaire - avec responsabilité et animé de solides bonnes intentions. Après tout, c'est le monde dans lequel nous vivons que nous créons nous-mêmes. Concentrons-nous donc, nous les Russes, sur la recherche du Logos russe.

tg-Nezigar (@russica2)