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dimanche, 19 septembre 2021

L'accord américano-britannico-australien sur les sous-marins est une plaisanterie dangereuse qui ne fera qu'aggraver la crise géopolitique avec la Chine

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L'accord américano-britannico-australien sur les sous-marins est une plaisanterie dangereuse qui ne fera qu'aggraver la crise géopolitique avec la Chine

L'Australie a du mal à maintenir opérationnels ses six sous-marins à propulsion diesel actuels; elle veut maintenant construire huit sous-marins à propulsion nucléaire, bien qu'elle ne dispose ni de la main-d'œuvre qualifiée ni de l'infrastructure nucléaire nécessaire.

Il s'agit d'une histoire d'achats militaires géopolitiques devenus fous.

L'Australie est une nation insulaire dont la survie même dépend de sa capacité à accéder aux lignes de communication maritimes stratégiques (SLOC) afin que les liaisons commerciales essentielles puissent fonctionner de manière durable. En bref, si une nation ou un groupe de nations devait couper les liaisons maritimes de l'Australie avec le reste du monde, le pays finirait par s'étioler et mourir.

Malgré son impressionnante masse terrestre, l'Australie est une nation relativement petite, avec une population d'un peu moins de 26 millions d'habitants (ce qui la place au 55e rang mondial) et un PIB de 1,3 billion de dollars (13e rang mondial). Le budget de la défense pour 2021 prévoit que l'Australie dépense 2,1 % de son PIB, soit environ 44,6 milliards de dollars australiens. Un peu moins de 16 milliards de dollars australiens ont été consacrés à la marine australienne, qui compte près de 50 navires en service et plus de 16.000 personnels à son service.

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Parmi les types de navires sur lesquels l'Australie compte pour sa défense navale figure le sous-marin à missiles guidés de classe Collins, une modification de la classe suédoise Vastergotland de sous-marins diesel-électriques. L'Australie a acheté six sous-marins de la classe Collins entre 1996 et 2003. Le sous-marin de classe Collins utilise trois moteurs diesel pour charger des batteries géantes qui permettent au sous-marin de fonctionner en quasi-silence, un avantage dangereux dans la guerre navale moderne. En effet, un sous-marin de classe Collins a réussi à pénétrer les défenses d'un porte-avions américain lors d'un exercice en 2000, se positionnant pour le couler. Cet incident n'est pas un cas unique pour le sous-marin de classe Collins, dont les opérations silencieuses en font l'une des classes de sous-marins les plus dangereuses en termes de guerre navale déployée aujourd'hui.

Le sous-marin de classe Collins présente toutefois de nombreux problèmes. Des défauts de conception et une pénurie de pièces de rechange ont eu un impact sur la disponibilité opérationnelle des sous-marins, coûtant aux Australiens des centaines de millions de dollars en frais de maintenance par an. Et bien que chaque sous-marin soit doté d'un équipage d'environ 60 personnes spécialement formées, il n'y avait qu'un équipage suffisant pour faire fonctionner trois ou quatre sous-marins à la fois.

Les sous-marins de la classe Collins devraient terminer leur vie utile avant 2030. Le gouvernement australien a opté pour un sous-marin de remplacement basé sur un sous-marin nucléaire français existant, mais en remplaçant le système de propulsion nucléaire par une configuration diesel plus silencieuse.

Il était prévu de construire douze de ces sous-marins pour un coût compris entre 40 et 50 milliards de dollars australiens. En 2021, cependant, ces projections de coûts avaient explosé pour atteindre plus de 90 milliards de dollars australiens pour la construction et 145 milliards de dollars australiens pour l'entretien pendant leur cycle de vie. En outre, le premier sous-marin ne serait pas disponible avant 2034 environ, ce qui obligerait la marine australienne à entreprendre un coûteux programme de prolongation de la durée de vie de ses sous-marins existants de la classe Collins.

Les États-Unis entrent en scène. Les États-Unis sont actuellement focalisés sur la nécessité d'affronter militairement la Chine dans la région du Pacifique, mais ils sont désavantagés en termes de capacités et de soutien régional. Alors que les États-Unis ont fait pression sur le Royaume-Uni pour qu'il augmente son engagement naval dans le Pacifique, ce qui s'est traduit par le déploiement très médiatisé de grands navires de guerre, l'adhésion de l'Australie à la campagne de lutte contre la Chine est considérée comme un atout majeur pour la crédibilité de toute dissuasion navale dirigée par les États-Unis.

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Conscient du potentiel offert par la débâcle de l'Australie en matière d'acquisition du sous-marin de classe Collins, le président Joe Biden, ainsi que le premier ministre britannique Boris Johnston, ont lancé une bouée de sauvetage politique au premier ministre australien Scott Morrison, permettant à l'Australie d'annuler son coûteux projet de sous-marin de classe Collins et de le remplacer par un sous-marin à propulsion nucléaire de conception encore indéterminée, qui sera développé avec les États-Unis et le Royaume-Uni au cours des 18 prochains mois.

L'Australie a rapidement accepté l'offre.

L'intérêt de la proposition américano-britannique réside dans le fait qu'elle n'est accompagnée d'aucun détail - combien coûtera le programme, comment l'Australie exploitera-t-elle les systèmes avancés d'énergie nucléaire alors qu'elle n'a aucune expérience indigène en la matière et, peut-être plus important encore, comment l'Australie prévoit-elle d'équiper huit grands sous-marins alors qu'elle peut à peine fournir quatre équipages pour sa flotte existante de classe Collins ?

En outre, au-delà de la prémisse opérationnelle dictée par les États-Unis consistant à "défier les Chinois", le dossier ne dit rien sur la manière dont l'acquisition de grands sous-marins à propulsion nucléaire fera progresser la sécurité nationale australienne. C'est le silence et la manœuvrabilité qui font du sous-marin de classe Collins une arme potentiellement mortelle. Toute flotte australienne équipée de sous-marins nucléaires aura des difficultés à opérer dans les eaux peu profondes qui définissent la majorité des SLOC qu'elle devra défendre. En outre, le bruit et la configuration plus volumineuse d'un sous-marin à propulsion nucléaire signifieront que toute future force australienne sera beaucoup moins capable de tuer un adversaire naval moderne, et beaucoup plus susceptible d'être détectée et détruite.

En réalité, l'offre américano-britannique de fournir des sous-marins nucléaires à l'Australie n'est guère plus que de la politique intérieure projetée sur une carte géopolitique théorique créée par les États-Unis. L'Australie est confrontée à une crise budgétaire due à l'explosion du budget associé au remplacement du sous-marin de classe Collins de conception française, une crise qui pourrait menacer de faire tomber le gouvernement de Scott Morrison. Boris Johnston cherche désespérément une plateforme à partir de laquelle il peut projeter une image de pertinence géopolitique du Royaume-Uni. Et Biden a désespérément besoin de pouvoir faire de même pour un électorat américain ébranlé par l'humiliation d'avoir perdu un conflit de 20 ans en Afghanistan.

Il n'en reste pas moins que les États-Unis n'ont pas de contrepoids militaire significatif face à la Chine, que le Royaume-Uni n'est pas en mesure de maintenir une présence militaire crédible dans le Pacifique et que l'Australie ne peut se permettre d'acquérir et d'exploiter une force de huit sous-marins d'attaque à propulsion nucléaire. Le projet de sous-marin nucléaire australien est une plaisanterie dangereuse qui ne fait qu'exacerber la crise géopolitique existante avec la Chine en y injectant une dimension militaire qui ne verra jamais le jour.

Source: https://www.rt.com/op-ed/535199-australia-submarine-deal-dangerous/

vendredi, 17 septembre 2021

Le pacte AUKUS et l'Europe

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Le pacte AUKUS et l'Europe

Ex: https://www.kulturaeuropa.eu/2021/09/17/il-patto-aukus-e-leuropa/

Le Pacte AUKUS est né. L'Australie, l'Angleterre et les États-Unis s'unissent dans un pacte militaire, qui aura également une dimension économique, dans le but déclaré de maintenir la zone indo-pacifique "libre et ouverte". Il va sans dire que l'intention, même si elle est mal dissimulée, est d'endiguer la (sur)puissance croissante et de plus en plus rampante de la Chine.

Mais ce qui devrait nous faire réfléchir, c'est que les États-Unis et le Royaume-Uni ne se sont même pas posé le problème de savoir qui devrait être leur partenaire dans cette nouvelle frontière géopolitique: l'Europe doit être hors jeu, ils se tournent donc vers l'Australie. Celle-ci n'est certainement pas un partenaire militairement stratégique, mais elle l'est à coup sûr tactiquement dans une position clé dans la région, même s'il faut dire qu'au troisième millénaire, le dernier problème pour l'armée Stars and Stripes est de trouver un point d'ancrage. Cela suggère que le seul objectif, en fin de compte, était de donner une gifle au Vieux Continent. Et ça a marché, ça a vraiment marché. La France, à l'occasion de la naissance de ce nouvel accord, a perdu une commande d'environ 31 milliards d'euros pour l'achat de sous-marins à propulsion nucléaire qu'elle s'apprêtait à vendre à l'Australie.

L'Alliance atlantique s'effrite, comme en témoignent les déclarations de Rome, Paris et Berlin (les capitales des pays les plus influents de l'UE) qui ont ouvertement admis qu'ils n'avaient nullement été informés. Ainsi, le très apprécié et acclamé Joe Biden, après une retraite de Kaboul, à la limite de la lâcheté et de l'embarras, a porté un nouveau coup à ce qui serait l'Alliance des pays les plus à même de garantir l'"équilibre" au niveau mondial. 

Il faut admettre que l'équilibre de l'OTAN a déjà été mis à l'épreuve, il n'est donc pas surprenant que les Anglo-Américains continuent à tirer les ficelles. En effet, pour être précis, suite à la déclaration de la future projection de l'UE dans la zone indo-pacifique, les Etats-Unis indiquent clairement qu'ils veulent et désirent évidemment que leurs alliés européens soient là où ils mènent leurs guerres (même si elles sont plus ou moins froides), mais plus généralement les Etats-Unis veulent que les Européens soient et se déplacent comme eux le veulent, sans jamais agir de manière autonome.

Dans ce contexte, que faire ? Malheureusement rien, l'UE n'est qu'un grand fourre-tout qui s'effondre et qui a réussi à réveiller un nationalisme renaissant, mais qui n'a aucune intention apparente de se transformer en un véritable État qui prend des décisions dans son propre intérêt.

Le temps nous dira comment les choses évolueront, mais ce qui est certain, c'est que nous semblons toujours aimer nous montrer comme d'humbles serviteurs. Pas étonnant qu'ils nous traitent de cette façon.

mercredi, 01 septembre 2021

Écosse : Des presbytériens sans Dieu ?

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Écosse: Des presbytériens sans Dieu?

Konrad Rękas

https://www.geopolitica.ru/en/article/scotland-presbyterians-without-god

Politiciens chrétiens dans un pays athée

L'identité historique des Écossais s'est forgée dans le feu des luttes religieuses, pour l'essentiel convergentes avec les disputes politiques. Et celles-ci n'ont jamais été douces ou particulièrement transparentes au sein de cette nation constituée de clans. Car lorsque l'Église calviniste d'Écosse, qui s'assume comme "nationale", a été victorieuse des catholiques habituellement royalistes, elle a immédiatement dû lutter contre l'influence de l'épiscopalisme qui proposait sa vision politique d'une oligarchie couronnée. Et les presbytériens écossais eux-mêmes - les Covenanters - étaient divisés comme les hussites, entre les radicaux, appelés le parti Kirk, qui voyaient l'Écosse comme une fédération de clans / congrégations, même dans une alliance avec les Anglais puritains, et ceux qui choisissaient une forme de collaboration avec leur propre dynastie nationale comme méthode de maintien de l'indépendance vis-à-vis du voisin du sud éternellement agressif. Oui, la religion en Écosse a toujours été vivante, avec de nombreuses morts violentes. Alors pourquoi est-elle presque morte aujourd'hui ?

Le genre au lieu de Dieu

L'Écosse a (?) la réputation d'être le pays le plus sécularisé d'Europe occidentale. Selon diverses estimations, environ 56 % des habitants se déclarent athées, et près de 70 % sont généralement non religieux. Et ce malgré, ou peut-être précisément parce que, la principale dénomination, l'Église d'Écosse, continue d'être reconnue comme l'Église nationale et une composante importante de l'identité écossaise en tant que telle. Cela est dû en partie au fait que la politique écossaise est devenue athée mais n'a pas perdu les caractéristiques formelles et typiques du calvinisme. Elle reste donc agressivement missionnaire et empreinte de déclarations moralisatrices. Sauf qu'aujourd'hui, bien sûr, elle est complètement opposée au rigorisme éthique historique des anciens protestants. Les politiciens écossais d'aujourd'hui sont le plus souvent les successeurs de presbytériens fanatiques qui ne croient plus au presbytérianisme, mais qui croient toujours fermement au fanatisme.

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Justement, avec un tel feu, digne de John Knox (bien que contre toutes ses recommandations) - le gouvernement autonome écossais de Nicola Sturgeon fixe ses principaux objectifs idéologiques pour imposer une plate-forme "gendériste" complète, y compris la doctrine du "genre par choix" avec des réglementations pénales très strictes pour les contrevenants et contestataires, dépassant toutes les limites de la définition des crimes de haine. Sur la base de la nouvelle loi de 2021 sur les crimes de haine et l'ordre public (Écosse), une raison suffisante pour engager des poursuites pour discours haineux n'est pas seulement une critique acerbe ouinjurieuse du "gendérisme", mais même le simple fait de constater que seules les femmes ont leurs règles. Pour compléter le sentiment d'étouffement qu'impose le serpent du progressisme, il convient de mentionner que cette loi est déjà utilisée pour poursuivre non pas des misogynes, mais... des féministes et des lesbiennes.

Oui, ces deux attitudes, sans rien changer dans leurs présupposés - ne sont plus classées comme modernes et progressistes, mais comme... réactionnaires et fascistes! La première de ces attitudes pour avoir rappelé que les suffragettes sont allées en prison pour obtenir le droit de vote et d'éligibilité et non pour avoir réclamé quelques mascarades comme le droit d'utiliser les toilettes pour femmes et de gagner des compétitions sportives féminines. La seconde de ces attitudes, parce que les lesbiennes s'entêtent à affirmer qu'elles veulent coucher avec d'autres femmes, et non avec des hommes en prétendant que cela a donné de la personnalité aux femmes.

D'abord l'homme - ensuite la femme politique

Voilà quel est le niveau actuel des querelles idéologiques en Écosse, de sorte que la consternation a été d'autant plus grande que l'on a vu apparaître au sein du gouvernement local une secrétaire déclarant ouvertement et à haute voix son attachement aux valeurs chrétiennes et témoignant de leur confession dans la vie privée et publique. Kate Forbes (photo), 31 ans, secrétaire d'État aux finances et à l'économie, est une militante du Scottish National Party (organisation responsable de toutes les expériences idéologiques susmentionnées), une partisane enthousiaste de l'indépendance du pays - et en même temps une fidèle zélée de la Free Church of Scotland, la faction presbytérienne du XIXe siècle, décrite aujourd'hui avec un peu de mépris comme "quelque chose comme l'Église d'Écosse mais avec du christianisme".

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Fille de missionnaires calvinistes en Inde, où elle a passé son enfance, Mme Forbes parle de sa dévotion à Dieu avec une passion que ses parents lui ont inculquée. "Pour être franche, je crois en la personne de Jésus-Christ. Je crois qu'il est mort pour moi, qu'il m'a sauvée et que ma vocation est de le servir et de l'aimer et de servir et d'aimer mes prochains de tout mon cœur, de toute mon âme, de tout mon esprit et de toute ma force. Pour moi, c'est donc essentiel à mon être. La politique passera. Je suis une personne avant d'être une femme politique et cette personne continuera à croire que je suis faite à l'image de Dieu" - a déclaré l'actuel secrétaire, il y a quelques années, dans une interview pour la BBC, et rappelons que ce ne sont pas des mots que l'on entend souvent aujourd'hui de la part des politiciens occidentaux.

Paradoxalement, une éthique chrétienne comme celle de Mme Forbes, et aussi expressive, se démarque radicalement de la ligne dominante actuelle du SNP, qui jusqu'à récemment était encore multiforme, avec une forte aile moralement conservatrice, autrefois construite sous le patronage de la légendaire Winnie Ewing (photo, ci-dessous), la première députée SNP élue à la Chambre des Communes en 1967.

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Toutefois, cette tendance a été presque totalement éliminée au sein du SNP. La démission de Dave Thompson (photo, ci-dessous), l'animateur du mouvement des Chrétiens pour l'Indépendance, et aujourd'hui le leader du groupe de campagne Action pour l'Indépendance, le père spirituel de la carrière politique de Forbes, avec qui elle a commencé comme assistante, en est l'illustration. Mais d'un autre côté, la jeune politicienne a gagné la reconnaissance des communautés chrétiennes, même celles de l'autre côté de la rivière Tweed.

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Exprimons notre foi sans crainte

L'actuelle secrétaire est toutefois fidèle à son parti, même si elle n'hésite pas à faire valoir une opinion distincte - qui n'est d'ailleurs plus populaire dans les rangs du SNP mainstream, dont la direction fait la chasse au "politiquement incorrect", à toute trace de "trans-" et "queerphobia", sans parler d'attitudes encore plus... réactionnaires. Pendant ce temps, Kate Forbes a prié à voix haute lors de la Journée de prière publique de 2018: "Que nos politiciens reconnaissent que la façon dont nous traitons les plus vulnérables - que ce soit les enfants à naître ou les malades en phase terminale - est une mesure du véritable progrès". Ainsi, alors que même les politiciens de l'opposition unioniste admettent qu'il n'y a personne au Parlement écossais qui n'aime pas Kate personnellement - au sein de son propre parti, il y avait de sérieux doutes sur sa promotion de secrétaire à l'un des postes les plus importants du gouvernement autonomiste. Forbes doit s'occuper, entre autres, des préparatifs pour l'introduction de sa propre monnaie par l'Écosse indépendante - et cela peut-il être fait par quelqu'un dont l'attitude envers le mouvement LBGTQ est pour le moins controversée !

Forbes, cependant, a reçu la nomination en tant que secrétaire, ce qui a été considéré comme un geste de la direction du SNP envers les électeurs plus traditionalistes, en particulier ceux de la région des Highlands et des îles, où les communautés chrétiennes (Église d'Écosse, Église libre d'Écosse et catholiques), bien que ne soutenant pas le postmodernisme extrême de Holyrood, mais appuyant bien sûr aussi le nationalisme écossais, constituent de véritables bastions du mouvement indépendantiste. Il y a quelques mois, les milieux les plus radicaux du gendétisme ont donc lancé une attaque collective, tant en public qu'en coulisses, dans le but d'empêcher les partisans de Forbes de voter pour former un gouvernement. Toutefois, une députée de l'une des plus belles circonscriptions d'Écosse - Skye, Lochaber et Badenoch - a répondu dignement qu'elle représentait tous ses électeurs, quelle que soit leur attitude vis-à-vis de la religion. Mais le christianisme est l'essence même de son existence, et elle considérait et considère qu'une telle honnêteté sur sa foi est le plus important. - Je voudrais que mon exemple inspire d'autres personnes à surmonter la peur et les difficultés liées à l'expression publique de notre foi dans le service public - a annoncé Mme Forbes.

Les critiques se sont tues. Mais nous pouvons être sûrs que ce ne sera pas pour longtemps...

samedi, 21 août 2021

La "thalassocratie" de Marco Ghisetti

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La "thalassocratie" de Marco Ghisetti

Luciano Pisani

Ex: https://www.geopolitica.ru/it/article/la-talassocrazia-di-marco-ghisetti

Marco Ghisetti, Talassocrazia. I fundamenti della geopolitica anglo-statunitense,(=Thalassocratie. Les fondements de la géopolitique anglo-américaine), Préface de Leonid Savin, Anteo Editions, 2021, Pages 200, € 18,00.

Marco Ghisetti est un jeune collaborateur prometteur de la revue géopolitique Eurasia, responsable de la série "Classics" chez "Anteo Edizioni" et responsable de la "section anglo-saxonne" au "Centro Studi Eurasia e Mediterraneo".

La monographie "Thalassocratie" a été publiée, selon l'auteur, après une année de recherche sur l'évolution doctrinaire de la pensée du monde anglo-saxon en matière de relations internationales, et en particulier du Royaume-Uni et des États-Unis, en vue d'identifier les sources originales à partir desquelles elle s'est développée et sur lesquelles elle s'est construite.

L'ouvrage propose ensuite une méthode de recherche composée d'un triangle interprétatif qui combine les contingences internationales avec les faits géographiques et, enfin, les éléments interprétatifs et volitifs qui caractérisent l'acteur politique. L'ajout de l'élément interprétatif et volitif (le troisième sommet du triangle) constitue une originalité dans la recherche scientifique et se caractérise par le fait qu'il s'agit d'une force précieuse qui accompagne l'ensemble du livre; c'est une force parce qu'elle réussit à sonder et à rendre compte non seulement des motivations, mais aussi des désirs et des craintes qui influencent réellement les décisions que prend l'acteur politique lorsqu'il est confronté à un dilemme auquel il doit donner une réponse.

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Par exemple, la révolution spatiale qui s'est produite en Angleterre au début de la période dite colombienne (XVIe-XIXe siècles), décrite par Ghisetti à l'aide d'une quantité remarquable de références scientifiques, réussit, en décrivant habilement le contexte historico-géographique et l'horizon de sens dans lequel l'Angleterre se déplaçait et interprétait le monde, à expliquer pourquoi l'Angleterre a décidé de couper, pour ainsi dire, le cordon ombilical qui la liait à l'Europe et à devenir une "baleine" (Carl Schmitt), s'insérant ainsi dans un tissu de significations qui l'a amenée à se considérer comme un pays "de l'Europe, mais pas en Europe" qui, finalement, lui a fait pratiquer la politique bien connue de l'isolationnisme-interventionnisme et de l'équilibre des forces (balance of power) envers le continent européen tout en s'étendant le long des voies océaniques du monde, construisant ainsi son propre empire transocéanique. Ce faisant, Ghisetti parvient à expliquer pourquoi un autre pays, par exemple le Japon, également situé dans une conjoncture spatio-temporelle similaire à celle de l'Angleterre (le Japon est, comme l'Angleterre, un empire insulaire qui, d'une part, fait face à une énorme masse terrestre et, d'autre part, dispose du vaste océan) a décidé au contraire de se fermer au monde extérieur avec la politique du Sakoku.

Plus précisément, le texte de Ghisetti accorde une attention particulière à la "représentation géopolitique" ou au "tissu de sens" dans lequel les différents acteurs internationaux se situent et pour lequel ils opèrent certains choix plutôt que d'autres (par exemple, se replier sur soi comme le Japon ou traverser les océans comme l'Angleterre). En résumé, l'homme est certes un animal politique, mais il est aussi un homme géographique, puisqu'il habite, vit et interprète l'espace (ou les espaces); en somme, il "habite géopolitiquement l'homme".

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En particulier, Ghisetti attire l'attention sur la représentation géopolitique qui caractérise les acteurs qui décident de suivre une politique démonstrative mondiale de type thalassocratique, qui consiste évidemment à établir un réseau particulier de signification. Tout cela peut paraître très philosophique, voire trop théorique, pourtant le triangle interprétatif qui unit, pourrait-on dire, l'espace, le temps et la culture, et à travers lequel l'auteur interprète la réflexion et l'action géopolitique des Etats-Unis et de l'Angleterre, constitue une originalité qui est, à notre avis, très prometteuse et porteuse d'excellents développements possibles pour l'avenir de la recherche sur les relations internationales.

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La recherche de Ghisetti réussit, en effet, et, en même temps, montre (bien qu'indirectement, puisqu'il n'est pas intéressé à traiter ce sujet spécifique dans cette monographie) ce qu'un auteur profond mais ignoré, Carlo Maria Santoro, déplorait déjà dans les années 90. C'est-à-dire, comment l'étude de la politique internationale, surtout après l'avènement du moment unipolaire américain, a été dominée par un paradigme interprétatif de type économiste qui fut fusionné avec une autre et tout aussi grave déviation conceptuelle, d'une matrice normative, orientée vers l'illumination du futur avec la torche fumante du passé récent. Ce paradigme, qui constituait déjà une alternative sans alternative dans le débat géopolitique aux échelons supérieurs de la société américaine au moins depuis les années 50, s'est imposé égoïstement aussi dans les milieux académiques et politiques italiens et européens (à la plus petite exception de la France, peut-être parce qu'elle est encore vaguement influencée par le passé gaulliste).

Eh bien, selon la thèse devenue majoritaire en Europe en si peu de temps (au point que l'on se demande si cette conquête des esprits n'était pas gramsciennement téléguidée), le monde devait marcher inexorablement sur la voie dite du progrès, progrès qui est certes interprété comme linéaire mais dont le fondement est plutôt contesté quand il n'est pas tout simplement mythique. Et ce progrès, selon la pensée générale sur la politique mondiale qui avait été imposée, se serait maintenant arrêté en raison de l'action compensatoire de certains acteurs qui, en résistant militairement, institutionnellement et culturellement à la propagation de cette mentalité sur le globe, ne peuvent être interprétés que comme des États voyous et criminels, puisqu'ils empêchent ce qui est normativement juste, bon et souhaitable.

Mais c'est (aussi) ici que le texte "Thalassocratie" s'avère utile, car, en identifiant "les fondements de la géopolitique anglo-américaine", il révèle à la fois les concepts fondateurs du discours géopolitique contemporain, et les intérêts gramsciens derrière l'imposition de certaines idées et horizons de sens, ainsi que leurs éventuelles contradictions ou insuffisances pratiques et théoriques, et leur éventuelle désirabilité.

Il peut être facile, par exemple, de montrer comment les idées sur l'ordre mondial qui ont été acceptées presque unanimement et immédiatement au lendemain de la guerre froide étaient les idées de la thalassocratie anglo-américaine, mais il est beaucoup plus difficile de montrer comment ces idées sont représentatives presque exclusivement de certaines fractions du big business américain, en particulier celles liées aux intérêts industriels et bancaires-financiers multinationaux.

Plus difficile encore, d'ailleurs, est de démontrer où se situe le hiatus dans la représentation géopolitique du type thalassocratique - du moins dans la manière dont il s'est affirmé dans la pensée et l'action anglo-américaines.

Et pourtant, le livre de Ghisetti réussit à identifier le péché originel de la vision thalassocratique du monde propagée par les États-Unis et le Royaume-Uni. Si en effet, comme l'écrit Ghisetti, la stratégie mondiale thalassocratique est basée sur un double mouvement d'isolationnisme et d'interventionnisme, sur une stratégie qui veut dominer les océans du monde (puisque la mer ne peut être que dominée, et non organisée/organisable ou possédée) et que pour une puissance maritime la mer n'est pas le point où finit la terre et son empire, mais une grande route qui relie les différentes régions du monde, la promotion d'un expansionnisme économique agressif devient presque obligatoire pour qui veut entreprendre une stratégie maritime globale.

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L'arrière-pays de son propre État ne devient alors qu'une base, une île entourée d'un monde hostile où l'on peut se retirer après avoir navigué dans le monde et frappé ses adversaires: une frappe sans pouvoir en retour être frappé. Et en effet, Ghisetti note, en commentant les travaux du "père de la géopolitique américaine", Alfred Mahan, comment cet amiral, en tentant de fournir une justification normative à l'expansion américaine et à la conquête de territoires et de bases outre-mer, va jusqu'à "promouvoir l'occupation de territoires déjà habités par d'autres populations en faisant appel à la nécessité d'exploiter et de rendre productifs tous les territoires du monde" à travers un principe universel de "droit d'occupation" dont les détenteurs sont "les plus productifs et les plus efficaces". Et, en raison de la relation intime entre le pouvoir économique et le pouvoir militaire qui caractérise les pouvoirs thalassocratiques libéraux anglo-américains, ce droit justifie aussi moralement et normativement les opérations de conquête anglo-américaines, tout en blâmant et en diabolisant ceux qui tentent d'y résister. En fait, cette résistance à la conquête et à la promotion de l'"esprit occidental" libéral et maritime est un frein au progrès linéaire qui veut étendre l'"oasis dans le désert" qu'est, selon Mahan, la "civilisation" qui a Washington pour capitale.

On trouve donc ici l'une des sources de la pensée géopolitique libérale et américaine et la raison pour laquelle, une fois que le communisme historique du XXe siècle s'est effondré, tant sur le plan statistique qu'idéologique, l'employé du département d'État des États-Unis, c'est-à-dire l'employé du même département qui planifie les bombardements au phosphore blanc contre les États voyous (et qui est considéré à tort comme un philosophe et dont le nom est Francis Fukuyama) a décrété la "fin de l'histoire", c'est-à-dire l'unification complète des mentalités, des cultures et des traditions, toutes devant se diluer dans l'océan indistinct du libéralisme. En d'autres termes, la création d'un espace mondial unique, uni sous l'égide du président des États-Unis, qui n'est rien d'autre que le chef de l'exécutif responsable devant les centres de pouvoir où se trouve le véritable centre de commandement dont dépend la Maison Blanche elle-même : les groupes bancaires-financiers colossaux qui dominent l'économie.

Mais l'histoire n'est pas terminée, et elle ne pourrait pas l'être : le maître de l'histoire n'est pas l'homme, et de toute façon d'autres acteurs (géo)politiques, que l'on peut encadrer dans le même triangle interprétatif proposé par Ghisetti afin d'identifier leur diversité spatiale, culturelle et temporelle, ont endigué le flot thalassocratique qui se déversait dans toutes les parties du monde. D'où également la capacité de notre auteur à proposer et à créer de nouveaux cadres d'interprétation pour comprendre les développements de la théorie de la politique mondiale qui seraient mieux valorisés, car plus utiles pour comprendre les actions et les réflexions des différents acteurs mondiaux que ceux qui, depuis la guerre froide, ont été établis dans les milieux universitaires et médiatiques.

Ce qui a été dit s'applique à la sphère théorique. Toutefois, il convient de souligner que le livre de Ghisetti consacre en fait plus de place à la discussion pratique et stratégique qui a caractérisé les actions du Royaume-Uni et des États-Unis (en tout cas placée par rapport au processus théorique d'évolution), qu'à l'approfondissement du cadre théorique discuté ci-dessus. Mais même ici, alors qu'il ne fait aucun doute que le poids accumulé des livres écrits sur l'expansionnisme nord-américain, sur la guerre froide et sur le moment unipolaire américain est déjà suffisant pour percer les planchers les plus résistants des bibliothèques, le texte de Ghisetti se caractérise par une louable originalité, qui rompt avec les schémas stériles de la discussion académique répétitive et stérile. En effet, non seulement le livre "Thalassocratie" parvient à remettre en ordre l'évolution doctrinaire des fondements de la pensée géopolitique (anglo-américaine) (la naissance de la véritable île continentale avec Mahan, le conflit entre île et continent avec Mackinder, l'union de la puissance militaire américaine avec la puissance financière avec Bowman et le conflit entre nouveau et ancien monde avec Spykman), mais relie cette réflexion à l'action concrète, en proposant des lectures qui peuvent sembler un peu trop audacieuses mais qui, pour ceux qui veulent s'arrêter et réfléchir, doivent être prises avec la plus grande considération et le plus grand sérieux.

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Par exemple, les images des forces américaines s'échappant du Viêt Nam en hélicoptère font partie de l'imaginaire commun, tout comme les nombreux films sur cette guerre au cours de laquelle les États-Unis ont tenté d'empêcher la propagation du communisme au Viêt Nam, en envoyant des milliers et des milliers de leurs propres jeunes hommes y mourir et en gaspillant une quantité énorme de ressources pour mener une guerre que, malgré leur incontestable supériorité militaire, technologique et politique sur le Viêt Nam du Nord, les États-Unis ont fini par perdre de façon désastreuse. Eh bien, pour Ghisetti, la conclusion est tout autre, puisque, affirme l'auteur, les États-Unis ont en fait gagné cette guerre. Simplement, les objectifs primaires étaient tout à fait différents de la prévention de l'expansion du communisme au Vietnam.

À la lumière de ce qu'il considère comme les fondements de la géopolitique anglo-américaine, Ghisetti explique, en reconstituant le processus d'enclenchement du conflit, qu'au Vietnam, le véritable objectif des États-Unis était d'éviter la création d'une entente entre le rimland asiatique et le cœur soviétique ou chinois du continent. Plus précisément, l'objectif était de faire en sorte que le Japon, qui était à l'époque la plus grande économie asiatique, ne joue pas la "carte asiatique", c'est-à-dire décide ou se trouve obligé de combiner la puissance de ses propres industries et de son économie avec la main-d'œuvre bon marché et les réserves d'énergie et de matières premières de la Chine et de l'Union soviétique. Les États-Unis y sont parvenus grâce à la guerre du Viêt Nam et aux divers coups d'État et aux diverses déstabilisations anticommunistes et antimaoïstes qu'ils ont lancés dans tout l'Extrême-Orient tout en combattant au Viêt Nam. Cette conclusion peut sembler étrange, mais elle est bien argumentée dans le livre et, à la réflexion, elle s'avère plus vraie (et à notre avis, c'est la vraie) que les affirmations selon lesquelles les États-Unis ont simplement perdu au Viêt Nam ou que l'objectif était de contenir le communisme et non de maintenir le Japon attaché à lui-même. Sinon, pourquoi les États-Unis n'avaient-ils aucun problème à soutenir des dictatures, même socialistes, chaque fois que cela servait leurs intérêts ?

De la même manière, la même interprétation peut être proposée pour interpréter l'invasion de l'Afghanistan et le désastreux retrait actuel, comparé à juste titre par beaucoup à celui du Vietnam. Et c'est précisément pour cette raison que les théories prétendant que l'action américaine en Afghanistan visait à arrêter Ben Laden, détruire Al-Qaïda, s'emparer des réserves énergétiques, imposer une transition démocratique, etc. Au contraire, la raison que l'on peut déduire du texte de Ghisetti semble beaucoup plus convaincante, à savoir que l'objectif principal était de maintenir le monde musulman dans une situation de chaos (la fameuse géopolitique du chaos) et de s'interposer, même militairement dans l'une des principales régions conjoncturelles entre l'Extrême et le Proche-Orient et entre le soi-disant cœur de la terre et la zone frontalière eurasiatique, en vue d'interposer son armée comme diaphragme diviseur entre les puissances eurasiatiques qui, à l'aube du XXIe siècle, se sont caractérisées comme les principaux candidats à l'organisation du continent. Même le retrait précipité des États-Unis d'Afghanistan, qui rappelle celui du Vietnam, peut être lu sous cet angle : l'intention est de créer un bourbier ingérable en Afghanistan, des sables mouvants sur lesquels couler tout accord entre Russes, Chinois et Iraniens. Pour cette raison, la mission en Afghanistan a également été, tout comme le Vietnam, un succès pour les oligarchies américaines.

Ces considérations, comme on l'a dit, peuvent sembler pour le moins curieuses, mais elles reposent sur un cadre conceptuel très habituel et sont bien argumentées. En outre, cet impact conceptuel s'avère encore plus solide si l'on prend en considération les nombreux auteurs et stratèges que Ghisetti étudie pour comprendre l'évolution et l'influence exercée par le système doctrinaire américain: des auteurs et des stratèges allant de Zbigniew Brzezinski à Manlio Graziano, de François Thual à Aleksandr Douguine, de Tiberio Graziani à Henry Kissinger, d'Yves Lacoste à John Mearsheimer, de Claudio Mutti à Colin Gray. En bref, le texte est vraiment solide et bien structuré (permettez-moi une plaisanterie: comme doivent l'être les "fondations" de toute habitation ou système de pensée), tant du point de vue historico-théorique que du point de vue pratique-stratégique. Tout cela dans un texte pas trop long et très facile à lire; un texte, en conclusion, qui a toutes les qualités pour être une véritable "fondation" pour les analyses et les recherches futures sur le sujet en question. 

mercredi, 14 juillet 2021

L'Europe à l'approche des temps troublés

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Irnerio SEMINATORE

Tout converge, dans les analyses et les réflexions actuelles, pour indiquer que nous sommes entrés dans une période de temps troubles et à la veille de chocs de haute intensité qui concerneront les acteurs moyens ou mineurs des sous-systèmes régionaux; en ce qui concerne l'Europe, les relations Nord-Sud, les rapports Est-Ouest, ainsi que la Méditerranée élargie (MEMA).

Déclarations, prises de positions, dispositifs diplomatiques et intellectuels, exercices militaires et précédents historiques, tout est mise en œuvre en vue d'un retournement de situation, à savoir une conjoncture de mouvement et de risque, qui présuppose l'hypothèse d' un engagement conflictuel étendu.

Le signe le plus inquiétant de cette montée des tensions est le démenti des dangers, le besoin de détournement des mots qui désignent la dégradation de l'environnement socio-stratégique, la confluence de tendances lourdes, le potentiel de désordre et d'incertitudes et la différente perception des risques et des menaces, impliquant une redéfinition du concept de "sécurité globale".

Les termes qui cachent cette situation et qui sont destinés à tracer les limites du tolérable dans les relations de compétition et d'affrontement possible, sont représentés par la notion de "ligne rouge".

Subtile redéfinition du vocabulaire, cette "ligne", trahit la difficulté de se retenir dans l'usage de la force militaire et l'impossibilité de la remplacer par des options substitutives.

Les intentions hostiles, la violence potentielle et la menace de sanctions, ou, pour finir, la réprobation morale se limitent pour l'heure, à la dénonciation politique et médiatique.

Nous en connaissons le vocabulaire et ses figures emblématiques, rivalité ou hostilité, ennemi ou compétiteur, partenaire ou adversaire.

Quant au régimes politiques et aux formes de gouvernement, démocratie ou autocratie.

Au sujet des régimes historiques, civilisations ou empires.

En ce qui concerne l'Europe, la condition de fragmentation politique et d'acteur subordonné, doué d'une volonté non partagée d'indépendance politique et d'autonomie stratégique.

Aux jeux du monde, l'Europe porte dans son DNA une culture du refus des enjeux conflictuels et son rôle actuel et ardus consiste à passer d'une puissance désarmée et civile à un puissance d'affrontement et de confrontation.

Cela suppose une sorte de désenchantement et d'éveil stratégique, un changement des paradigmes intellectuels et une adaptation du projet initial aux enjeux et à la logique de compétition et de survie.

Telle à un météorite dans l'espace de la galaxie systémique, l'Union Européenne est aujourd'hui sans pilote et sans direction et perce l'éther raréfié de la politique mondiale entre le réel et le virtuel.

Or, l'espace de la "pensée unique" suggère que cette course hors du temps soit celle d'un "modèle de gouvernance", qui traduit un effet de la mondialisation, en quête d'histoire.

Un "modèle" qui nécessite d'un ordre et d'une décision, capable de préserver une stabilité minimale sans plonger dans le chaos et en donnant l'illusion d'être encore dans un devenir signifiant.

Or, ce qui marque symboliquement la fin d'un cycle de régulation européenne et internationale, est l'émergence d'un système multipolaire en déséquilibre et spécifiquement d'une transversalité compétitive à long terme, comme frein et tampon à la montée paroxystique de le conflictualité.

Les États continentaux européens, depuis 1945, ont intégré, pour survivre, l'idée d'équilibre et de coalition et renoncé à celle d'empire, de supériorité nationale et de peuple-maître, sauf la Grande Bretagne, qui rêve de revenir à l'idée de Commonwelth.

Ils se sont subordonnés à l'idée de fédération ou de confédération et leurs systèmes des partis ont prêté allégeance aux deux vainqueurs, russes et américains, sous la forme idéologique du communisme et du libéralisme (ou encore de démocratie).

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Aujourd'hui la corruption de l'idée de liberté, devenue individualiste et convertie en relativisme absolu (idéologie LGBT, transgendre, écolo, Woke etc.) et la disparition de grands courants idéaux, affaiblissent l'ordre interne et l'ordre international.

Au sein de l'Union européenne, la politique de dissociation nationale (Espagne) et d'intégration (ou subordination) impériale (Otan), qui aurait dû être garantie par une tendance unitariste des institutions européennes, n'a pas préservé les équilibres internationaux face au pari lancé par le Royaume Uni (Brexit).

Ainsi des scénarios de "gouvernance" se sont imposés sous la traduction du concept aseptisé de "policy" (société civile internationale, à fondement transactionnel et coopératif), plutôt que sous celle de gouvernement des équilibres et des rapports de force, relevants du "politics" et de l’État, à base compétitive et conflictuelle et dans une perspective géopolitique, continentale et systémique.

L'universalisme démocratique abstrait et celui de droits humains ont été utilisés pour dissoudre les vieilles identités séculaires dans un globalisme apatride et encourager les flux indiscriminés de migrations, négatrices des civilisations et des cultures nationales.

L'affaiblissement des passions nationales a justifié, à gauche des échiquiers politiques nationaux,des pratiques multi-culturalistes de rabaissement du geist national.

Ces incompréhensions, d'ordre historique, n'ont pas interdit la sortie de la Grande Bretagne de l'Union Européenne, qui a dû revoir ses modèles de "gouvernance".

Voici ces mêmes "modèles", formulés il y a six ans, à la sortie du Royaume Uni de l'Union européenne et aujourd'hui à nouveau sur le tapis, en raison de leur remise en cause par le gouvernement britannique (aux jeux de l'UE).

Bruxelles, le 11 Juillet 2021

***

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Source: http://www.ieri.be/fr/publications/wp/2016/d-cembre/le-brexit-la-r-forme-de-lunion-et-la-multipolarit

Le "Brexit", la réforme de l'Union et la multipolarité

Modèles de gouvernance, interactions stratégiques et logique de risque

Irnerio Seminatore

Table des matières

Le Brexit et ses options. Une approche formelle

La réforme de l'Union et les trois types de gouvernance

La dimension Nord-Sud

Les trois modèles d’exécutif européen. Équilibres et fonctions

Sur la logique du risque

Rupture ou adaptation?

Adaptation

Rupture

Abstract

La sortie de la Grand Bretagne est examinée à partir des répercussions sur les nouveaux modèles de gouvernance de l'Union:

- celui d'un exécutif "Hard", ou d'un duopole imparfait (Fr+D)

- celui d'un exécutif "Soft", ou d'un unipolarisme souple (D)

- celui d'un exécutif "Flexible", ou d'un modèle multipolaire (Fr, D, It, Pl, Es)

On y passe en revue les caractéristiques structurelles et dynamiques (équilibre et fonctions) et on y dégage les jeux stratégiques de ces différentes conjectures. Ceci dans le cadre interne (par un questionnement sur la "rupture institutionnelle", ou sur "l'adaptation"), et dans le cadre international, en fonction des choix des acteurs, concernant la redistribution du pouvoir au sein d'une "Balance" planétaire de type multipolaire.

Le Brexit et ses options. Une approche formelle

La sortie de la Grande Bretagne de l’Union Européenne, comme acteur national essentiel, engendrera une série de répercussions, à caractère systémique :

- sur les nouveaux modèles de gouvernance de l'UE

- sur l'interaction stratégique entre acteurs majeurs de la scène mondiale

- sur la logique du risque politique, militaire et financier de l'ensemble occidental.

Ces répercussions peuvent conduire également à un séisme géopolitique prolongé : la dislocation du sous-système régional européen, car le retrait d'un acteur essentiel engendre instabilité et conflit.

En effet la défection d'un acteur étatique ne peut être compensée par un sous-système social, la "société civile", qui n'est pas inspirée par l'intérêt individuel d'un acteur national

a) La sortie de l'Union fait reprendre au Royaume-Uni son rôle traditionnel de balancier dans les affaires du continent, comme arbitre de ses équilibres politiques et militaires et comme garant de son ancrage dans le camp euro-atlantique.

En puissance océanique et nucléaire, la Grande Bretagne renforce également sa liberté d'action sur la scène européenne, à travers l'OTAN (balance régionale), et sur la scène mondiale, par le biais du Commonwealth (balance planétaire) et favorise indirectement une distribution du pouvoir plus large et plus souple, qui augmente les incertitudes et pousse à l'établissement de nouvelles règles du jeu dans le domaine économique et financier.

Ainsi une conduite diplomatico-stratégique plus résolue et plus aventureuse vis-à-vis de la Russie aura pour effet de transformer la compétition existante en rivalité et le partenariat intergouvernemental, établi avec l'Union, en hostilité, voire en confrontation eurasienne et continentale.

b) l'UE, qui s'est révélée incapable de conserver sa cohésion interne, comme création hybride et identité cosmopolite, prend conscience, dans une conjoncture de fortes tensions internationales, de l’impossibilité pour une structure administrative de créer les conditions d'une unité politique et d'un leadership partagé.

De surcroît, elle est dans l'obligation de choisir entre un partenariat atlantique et un rôle planétaire d'acteur incomplet : la première option la place dans une position subordonnée vis-à-vis de la stratégie globale des États-Unis via l'OTAN, la deuxième dans une condition solitaire par rapport à une ré-configuration de son projet initial. Il s'agit là de la quête d'un espace de manœuvre plus autonome et plus indépendant, à obtenir par des ententes bi- ou multilatérales, avec une ou plusieurs puissances extérieures, eurasienne (Russie, Turquie, Moyen Orient,Chine)) ou extra-européennes (États-Unis).

Le but de la réforme de l'Union serait de reprendre son rôle de puissance d'équilibre dans le système global, lui empêchant de dériver vers un vide géopolitique entre l'Est et l'Ouest et d'interdire la constitution d'alliances défavorables à ses intérêts dans un monde multipolaire à forte compétition stratégique.

Par ailleurs un sous-système politique sans leadership ne peut se maintenir, car il est soumis à des forces centrifuges aboutissant à la désagrégation de l'ensemble.

La réforme de l'Union et les trois types de gouvernance

Dans cette situation, trois types de gouvernance européenne sont hypothisables pour l’émergence d'un exécutif central, adapté à cette nouvelle phase de la vie internationale:

- un exécutif "hard", fondé sur un duopole imparfait, asymétrique et nécessairement élastique, autrement dit sur un centre de pouvoir d'impulsion et d'action à deux membres, dont un soit organisateur et directeur et l'autre légitimant.

Cet exécutif, aux ressources et capacités différentes, disposerait de protection dissuasive indépendante et de jeux d'influence coordonnés et repartis régionalement (Fr+D).

- un exécutif "soft", représenté par un unipolarisme souple, à prédominance allemande, mais soumis à une logique de compromis constant qui affecterait toute initiative d’envergure et toute projection extérieure.

- un exécutif "pentapolaire" ou " flexible", au pouvoir décisionnel faible ou affaibli par les variables de coalitions internes diversifiées (Fr, D, It, Pl, Es).

Du point de vue de la légitimité politique, la première figure d’exécutif serait oligarchique, la deuxième autocratique et la troisième polyarchique.

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Dans les trois hypothèses, le régime démocratique serait sur le déclin et inadapté, car la différence entre les régimes politiques semble appartenir pour certains aux conjontures ordinaires et pas aux conjonctures chaotiques.

Au sein de l'ambiance extérieure et du système international, en sa configuration planétaire et multipolaire, ces trois expressions du pouvoir européen auraient à choisir entre une vision restreinte ou élargie du système mondial, en fonction des alignements de demain ou d'une guerre générale probable :

- une vision restreinte, fondée sur la "triade stratégique" États-Unis, Russie et Chine, sur des loyautés rigides et sur un système d’alignement des intérêts, compétitif et hiérarchique.

- une vision élargie, appuyée sur des blocs régionaux, autorisant une liberté de manœuvre plus large, bien que conditionnée par des "limites" ou par des "combinaisons variables".

Il s'agirait dans ce cas d'un type d'association ambiguë, mi-coopératif, mi-conflictuel.

Les limites de ce type d'association seraient constituées par un mix d’intérêts géopolitiques globaux et de valeurs ou principes nationaux ou universels.

Si l'on prend en considération les grandes orientations de la politique mondiale et l'on tient compte de l’évolution probable du monde, l’exécutif européen aurait a trancher sur des options à large spectre entre interventionnisme, attentisme ou isolationnisme, aux différentes issues et espoirs du gain. Par ailleurs, à l'ère de la balistique et de l’atome, le recours aux alliés pour rétablir des équilibres compromis, appartient à l'époque ante-nucléaire et n'exige nullement la défaite des forces armées de l'adversaire.

La dimension Nord-Sud

Cependant, l'engagement européen fera ses épreuves obligées dans la dimension Nord-Sud, autrement dit dans une relation de jonction et de crise entre deux sous-systèmes régionaux (Europe-Méditerranée-Golfe), une relation de crise identitaire, fusionnelle ou d'endiguement, avec l'Islam et les puissances islamiques. Cette dimension est à considérer considérer comme un système sociétal et politique antagoniste et alternatif.

Cet engagement ne pourrait être assumé individuellement, mais seulement sous forme collective ou d'alliance, après avoir établi les critères de stabilité atteignables au niveau régional.

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En effet, la préservation de l’équilibre de forces dans hémisphère Nord, entre puissances majeures de la planète demeure un préalable à tout engagement. Ce dernier aurait pour but de distinguer dans l'Islam ses trois expressions conjointes:

- d'une religion politique universaliste

- d'une structure étatique supra-nationale et multi-ethnique (Califat)

- d'un ordre international, visant le "déséquilibre permanent", comme mouvement fidéiste et conquérant *.

La ré-assurance de sécurité, pour le cas d'affrontements prévisibles et destinée à intervenir dans des crises prolongées ou des conflits ouverts, internes ou extérieures, exige un choix de système d'ordre civilisationnel.

*Ce "déséquilibre" procéderait par étapes successives ou par vagues, allant du royaume de "Al Islam" (la station de la paix ou de l’équilibre), à celle de "Al Harbi" (posture du déséquilibre et de la guerre), par un moyen de transformation et d'affrontement, selon le principe d'un ordre supérieur et seul légitime, le Djihad, incompatible, par son essence universaliste, avec le principe d'ordre inter-étatique d'empreinte westphalienne, fondé sur le respect de la souveraineté et la non-ingérence.

Les trois modèles d’exécutif européen.

Équilibres et fonctions

En revenant à la figure de l’exécutif européen "hard" ou "bipolaire souple", ce type de pouvoir est fondé sur la distinction entre les deux fonctions, de légitimation (FR) et d'organisation hiérarchique et capacitaire (D).

Les mutations internes de structure politique y seraient limitées et l’intégration hiérarchique comporterait une extension fonctionnelle aux ressources, sans exclure des formes d’adhésion ou de coopération complémentaires et ultérieures et sans faire disparaître les nations et les pouvoirs indépendants. Il s'agirait dans ce cas d'un type d’exécutif supranational à caractère confédéral, qui se situe, comme sous-système régional, entre le système international de l’équilibre des XIX eme et XX ème siècles, constitué par des acteurs nationaux essentiels et le système international universel d'aujourd'hui de type multilatéral (Nations Unis), issu de l’idéalisme wilsonnien après le collapse du concert européen des entre-deux guerres mais incapable d'assurer un ordre régional quelconque.

Les marges d'initiative et de manœuvre de ce type d’exécutif seraient plus importantes des autres figures d'organisation politique, car leur fonction historique consisterait à préserver l’indépendance et la souveraineté de l'ensemble continental en crise:

- en européanisant l'OTAN

- en réintégrant la Russie dans l'architecture européenne de sécurité

- en jouant à un équilibre des forces, à caractère multipolaire et tout premièrement eurasiatique, pour éviter ou limiter les conflits systémiques ou globaux, induits par l'acteur hégémonique extérieur (USA) et visant à éliminer son rival (Russie).

L'unité allemande issue de la chute du Mur de Berlin et de l’évolution conjointe du système international et de l'Union Européenne, suggère davantage ce type de formule comme remodelage souhaitable du pouvoir en Europe.

L’exécutif "soft" correspondrait en Europe à une forme d'unipolarisme imparfait, à prédominance allemande et comporterait une latence d'oppositions internes inexprimées mai réelles.

En effet, la "limite" de ce type d’exécutif serait constituée par la préoccupation des membres de la confédération européenne des États, de faire barrage à un exécutif fort par une coalition ou une opposition de bloc, diversifiée et variable. Cette opposition se manifesterait à l'occasion de tout effort ou de toute tentative allemande d'assumer une position prépondérante de type permanent ou structuré. Elle pourrait conduire à la désagrégation de l'unité et à redessiner le pouvoir régional, remettant en cause les relations entre sous-systèmes régionaux extérieurs, par une politique d'alignement divergente ou déviante (Eurasie, Moyen Orient, Chine et Amériques).

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L’exécutif "flexible" ou "pentapolaire" (D, Fr, It, Pl, Es) correspond à une forme démocratique ou égalitariste du pouvoir et des relations de puissance à souveraineté multiples, par leur nature hiérarchique. Ainsi il serait paralysant, trop faible ou intempestif vis-à-vis des menaces, en raison du partage inégal des risques et des intérêts contradictoires de ses membres et ressemblerait plutôt au Saint Empire Romain Germanique remis à l'ordre du jour par l'histoire. Il manquerait des capacités de conception et de vision communes et ferait apparaître des clivages importants dans la définition des relations indépendantes et dans l'action de rééquilibrage avec la Russie, ainsi que dans la reconstitution d'un équilibre eurasien acceptable. Il favoriserait ainsi, dans les moments cruciaux, la discorde intergouvernementale et l’intrusion d'Hégémon.

Face au joueur russe, qui maîtrise l'ensemble de pièces sur l’échiquier de négociations aussi bien économiques et commerciales, que géopolitiques et stratégiques et qui demeure soucieux de défendre ses intérêts nationaux, privilégiant les rapports de forces et n’hésitant pas à adopter des positions dures dans les relations internationales, ce type d’exécutif serait constamment en panne d'initiatives et incapable de calculs stratégiques à long terme.

L'influence de discordances idéologiques des partenaires européens et les divisions entre l'Est et l'Ouest, apparues à propos de migrants et de préoccupations ethniques et religieuses dans la lutte au terrorisme international, approfondiraient les disparités existantes. Les uns considéreraient l'immigration et les stratégie d'accueil comme inconcevables et déstabilisantes et les autres comme compatibles et démographiquement souhaitables.

On rajoutera une divergence sécuritaire majeure quant à la "dimension septentrionale" de l’Union Européenne et au "roll-back" de l'OTAN, régulièrement dénoncé par la Russie.

L'espace baltique, la crise ukrainienne, les provocations du "regime change", les menaces balistiques des BAM, les prépositionnements militaires couvrant les frontières russes de la Lituanie à la Géorgie jusqu'au Caucase, rajouteraient de l’intrusion et du risque.

En témoigne la publication du nouveau "Livre Blanc" sur la sécurité de la République Fédérale d'Allemagne, qui traite désormais Moscou d'"adversaire", plutôt que de "partenaire" et considère que la Russie "se détourne de l'Europe, renforce la compétition stratégique et intensifie son activité militaire près des frontières avec l'Union Européenne". Selon ce document, pour l'Allemagne qui doit faire face à dix menaces conjointes, "la Russie continuera de présenter dans un proche avenir, un défi pour notre continent". Ainsi et pour conclure, un exécutif flexible, dépourvu de leadership institutionnalisé et soumis à des jeux de coalition internes variables, représente l'instrument le moins approprié pour traiter les relations internes de l'UE et pour trouver des solutions à la sécurité du continent, dans le système international multipolaire porté à l'extension des antagonismes, y compris nucléaires à tout le système, de manière uniforme.

Au courant de la nouvelle "guerre froide", conséquente à l'hétérogénéité des systèmes politiques et des pôles de pouvoir et ouverte par le coup d'État de Maïdan et le retour de la Crimée à la Russie, la pratique des alliances dépend en large partie des ressources politiques et militaires et la diplomatie d'un « linkage horizontal », permettant de jouer aux crises croisées sur plusieurs théâtres de conflit, par une forte interaction stratégique. Une aggravation du climat politique international en résulterait de manière inévitable.

Simultanément, les systèmes balistiques et nucléaires mis en place, disposant de capacités qui vont de la dissuasion totale à la dissuasion minimale, dite du "faible au fort", compliqueraient la prévisibilité des initiatives adverses.

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Dans ce cadre, les crises peuvent-elles représenter une occasion pour tester une plus grande cohésion au sein des alliances sur lesquelles fait prise l’interventionnisme des puissances majeures ? L'expérience prouve que "la paix grâce à la crise" ne peut représenter une solution, tout comme un bond dans l'inconnu ne peut être une chance pour un alpiniste au bord du gouffre.

Dans le monde actuel et à l’échelle globale, la variante des "systèmes de blocs instables" est représentée par la prolifération nucléaire incomplète.

Ainsi, le passage d'une situation bipolaire à une configuration multipolaire de l'environnement stratégique implique que la permanence d'une confrontation périodique renforce la cohésion des alliances, rendant plus stables les formes d’équilibre existantes dans un système bipolaire. La multipolarité augmenterait les incertitudes et compliquerait les combinaisons possibles au sein des alliances établies.

Or, lorsque les menaces et les adversaires sont multiples, il est difficile d'atteindre une quelconque unité d'action entre les États d'une même coalition.

Dans le cas de l'Europe, la difficile recherche de cette unité à été l'objet du Sommet de l'OTAN à Varsovie.

À ce propos, la défection d'un quelconque État ("Brexit"), pourrait avoir une importance considérable sur l’équilibre des forces, qui serait soumis à la recherche de moyens de compensation (ex. relance économique ou réarmement).

Sur la logique du risque

En termes de "risque", le développement du jeu stratégique entre adversaires potentiels, dans le cadre d'une structure de compétition à deux pôles, ne serait plus le même dans le cadre d'un échiquier multipolaire.

Les craintes réciproques, découlant du calcul d'attaquer en premier son adversaire ou de ne pas l'attaquer, engendrerait une situation de "stress" qui pousse l'attaquant à préférer la guerre préemptive à une guerre lancée par l'adversaire.

Dans un duel à plusieurs joueurs pour la suprématie mondiale, l'exigence d'un exécutif européen fort et proactif devient un facteur décisif existentiel et un élément important de négociation ou d'amoindrissement du risque, compte tenu des deux menaces qui pèsent sur l'Europe, sub-étatique, terroriste et sociétale la première, inter-étatique, pluripolaire et géopolitique la deuxième.

L’hypothèse d'une "guerre hybride" qui est la forme combinée de cette menace binaire pesant sur les pays européens de l'Ouest, cette forme de conflit s'inscrirait comme un gant de velours dans l'état de décomposition des sociétés occidentales et d'une crise interne majeure affectant l’"être" national (ex. guerre civile), en complexifiant les ripostes de survie et les "purges" anti-terroristes, stabilisatrices de l'organisme social, tant au niveau infra que trans-étatique.

Ce type de conflit, de type fusionnel, hybridant la guerre conventionnelle, irrégulière et civile, puissamment actées par la cyberguerre et le terrorisme islamiste s’étendrait à la guerre psychologique, subversive et d'intelligence, préparée et suivie par une immense manipulation de masse. Une manipulation qui à déjà commencé, car elle vise à faire accepter à des populations rétives l'inacceptable, la perte de leur identité et la soumission à une subculture tribale hostile et historiquement incompatible.

Rupture ou adaptation?

Adaptation

L'Europe, après une succession ininterrompue de crises a-t-elle atteint un seuil de rupture, qui reste à consommer, marquée par des fortes tensions sociales et politiques et par une situation de violence latente, définie par certains, de pré-révolutionnaire ?

Quel type de liaison existe-t-il entre la crise économique et financière de 2008, la dette grecque irrésolue, le rejet de la mondialisation, le malaise social et l'absence de reprise économique, l’impraticabilité du multiculturalisme, l'incompatibilité de l'Islam en ses différentes solutions, l’impossible intégration des migrants et le déni de réalité de la part des classes dirigeantes ?

La guerre hybride ukrainienne de 2014, les attentats du terrorisme islamique en France de 2015 et 2016, la politique d'ouverture aux réfugiés d’août 2015 et les accords Erdogan-Merkel sur le contrôle des flux migratoires sont-ils des moments isolés et sans connexion entre eux ?

Peut-on expliquer le coup d’État contre Erdogan et le rapprochement Ankara-Moscou par la seule soumission à la politique américaine et la crise du régime démocratique, encourageant encore davantage la désaffection diffuse du projet européen ?

Faut-il oublier l’interventionnisme actif d'Hégémon et ses savants mélanges de desseins géopolitiques et d'encouragements au "regime change" ?

La nouvelle incompréhension Est-Ouest et le fossé permanent entre Nord et Sud ont fait atteindre un seuil de rupture et une situation de tension et de confrontation sociale et politique à la relation entre la "vieille" et la "nouvelle" Europe. Or, pour l'ensemble de ces phénomènes les gouvernements n'offrent ni de solutions ni de projets et l’Union n'a pas de Plan B pour l'avenir.

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L'acceptation de la tutelle américaine, l'inertie des classes dirigeantes du continent, intellectuellement épuisées par la lutte au communisme qui les avait laissé sans rêves, sans idées, sans vision et sans stratégie à long termes, se reflète par la prédominance des États-Unis et par une évaluation de leur propres impuissances, quant au diagnostic du paysage sécuritaire et stratégique dans le monde, en même temps que de leurs impératifs de survie.

L’Europe, qui avait renoncé à la guerre comme instrument de règlement des différends infra-européens, réintégra l'Allemagne dans le jeu de la politique continentale en réarmant celle-ci au sein de l'OTAN. Dans les années 1990 la réunification du "Mittel Lage" après la chute du Mur de Berlin, sonnant le glas des pays communistes de l'Est, puis de l'Union Soviétique, ne comporta pas l'intégration de la Russie, qui avait cessé d’être l'ennemi, dans le concert européen. Par myopie politique et par faute stratégique l'Europe appuya les "révolutions de couleurs", qui compromirent les relations politiques avec la fédération russe.

S'estimant un "pôle de stabilité" consolidé, l'Europe ne bâtit pas sur cet acquis une conception large de la paix et de la co-prosperité eurasienne avec Moscou, orientant l’évolution vers une multipolarité favorable à ses intérêts bien-compris et au développement de l’immense potentiel eurasien.

L'acceptation de la prédominance américaine ne put se traduire par une adaptation de la démilitarisation du continent autour d'objectifs planétaires à long termes, concentrant les pays européens sur d'autres éléments clés d'une stratégie globale de l'Europe, à la taille de ses responsabilités, de ses capacités et des besoins du monde.

Les aspects plus évidentes de sa sécurité ne furent pas conçus comme dissuasifs par rapport à des puissances virtuellement rivales ou hostiles. Elle ne développa pas également un pouvoir militaire indépendant, renforçant ses capacités conventionnelles, nucléaires, numériques et spatiales.

D'acteur de premier rang de la vie internationale qu'elle avait été tout au long de l'histoire pendant quatre siècles, l'Europe est devenue progressivement un objet insignifiant du jeu des puissances mondiales.

L’évolution de l'Europe et de l'UE pendant la guerre froide, insularisa le continent au sein de duopole de puissance russo-américain, au lieu de le transformer en troisième force, comme la conçurent les Pères de "l'Europe des Patries", en opposition aux fauteurs de intégrationnisme atlantique. L'adaptation de la reconstruction du continent pendant la longue période de la confrontation idéologique, allant de 1945 aux années 1990, fut une reddition peu contestée aux priorités américaines. Par rapport au premier conflit mondial, l’effondrement européen de la deuxième guerre se révéla plus profond que prévu, car il affecta l'esprit national commun des différents pays, le "Geist" européen, plus encore que les cultures nationales, c'est à dire la personnalité et la "volonté d'être" de toute une civilisation.

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Ce qui fut distinctif d'un long héritage, la symbolique de la grandeur et de la conquête, devint banalisé, rabaissé et anéanti.

Le temps est ainsi venu de revenir à l'analyse des grands enjeux de la politique mondiale et à l'amoralisme de la tradition réaliste dans le combat contre le fanatisme et l'immoralité de l'islamisme. Cette analyse n'exonère pas d'un bilan du projet européen, qui a échoué dans son but et dans sa promesse, consistant à résoudre l'antinomie théorique et factuelle entre l'Histoire violente et l'idéal pacifique, autrement dit entre le problème machiavelien des moyens légitimes et le problème kantien des finalités éthiques.

Rupture

Dans la redéfinition de son rôle dans l'ordre européen et mondial, qui ne manquera pas d'avoir des répercutions de grande portée sur le continent et sur la redistribution du pouvoir en Eurasie, les institutions européennes, actuelles ou reformées et les pays membres de demain pèseront dans la balance planétaire en fonction de choix dissonants.

Ces derniers peuvent être ainsi résumés :

- reformer en profondeur l’Union et continuer de s’aligner sur la politique américaine et sur une alliance atlantique européanisée.

- s'adapter au retour de la Russie, en l’intégrant dans une architecture de sécurité renégociée en termes de zones d'influence et de pôles de pouvoir bien identifiés.

- s'appuyer sur des politiques étrangères nationales concertées, en tenant compte des intérêts communs et individuels et de la considération que dans la plupart des cas la menace anti-force demeure la plus probable et la plus crédible.

- faire reposer la sécurité du continent sur une évaluation autonome de la réalité et sur un calcul, mis à jour périodiquement, de l’équilibre global, sans se contenter des ambiguïtés de la dissuasion et des assurances et des promesses d'Hégémon, en s'adaptant au déplacement de l'axe de gravité des tensions et du potentiel de conflit vers l'Asie Pacifique.

Cette attitude préservera la personnalité, l'identité et l'homogénéité culturelle et civilisationelle, élaborées par l'Europe au cours des millénaires.

L’évolution de ces transformations internes et internationales, nous dira si ce renouveau se fera par une rupture du "status quo" ou par une adaptation douloureuse de la paix civile et de la diplomatie, par le droit, la morale ou l'idée.

A un regard lucide de la situation actuelle et de la conjoncture globale, les politiques d'adaptation semblent avoir rendu leur âme et le concept et les forces de rupture avoir pris le dessus sur le code non écrit de la légalité et de la légitimité dans l'usage de la force, en imposant leurs ambitions, leurs buts et leur soif de changement.

Au XXIème siècle, le rêve d'un nouvel ordre mondial reprend cependant son souffle, sous les turbulences d'une perspective globale, menaçante et assombrie par le risque d'un recours à la violence paroxystique entre unités politiques en compétition permanente.

Bruxelles, le 11 Août 2016

Publié sur le site www.ieri.be le 16 décembre 2016

mercredi, 02 juin 2021

La balkanisation du Royaume-Uni

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La balkanisation du Royaume-Uni

Le nationalisme écossais et le militantisme sécessionniste irlandais après le Brexit

https://katehon.com/ru/article/balkanizaciya-britanii

Les émeutes de Belfast en avril et la victoire des partisans de l'indépendance de l'Écosse aux élections locales britanniques sont à mettre en relation avec la sortie du pays de l'UE et la montée d'autres problèmes. Associés aux bouleversements économiques et sociaux intérieurs, ils pourraient déclencher l'éclatement de la Grande-Bretagne ou, à tout le moins, une flambée de conflits politiques.

Quelque 90 officiers de police ont été victimes de violentes violences de rue dans plusieurs villes d'Irlande du Nord depuis la fin mars. Les gouvernements de Belfast, Londres et Dublin ont condamné les troubles et les États-Unis ont appelé au calme alors que la police a utilisé des canons à eau pour la première fois en six ans.

Dix-huit personnes ont été arrêtées et 15 inculpées après que la foule, composée principalement de jeunes, a attaqué des rangs de policiers et des voitures avec des briques, des feux d'artifice et des bombes à essence.

La nuit de samedi à dimanche a été la première à ne pas connaître d'incidents majeurs depuis le Vendredi saint du 2 avril, l'absence de troubles étant liée à la mort du duc d'Édimbourg. Bien que tous les principaux partis d'Irlande du Nord aient condamné la violence, ils étaient divisés sur les causes.

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Les violences, impliquant des gangs de jeunes, ont commencé le 29 mars dans le quartier loyaliste de Londonderry - pour que l'Irlande du Nord continue de faire partie du Royaume-Uni. Avant la mort du prince Philip, le 9 avril, des manifestations et des émeutes ont eu lieu presque toutes les nuits dans plusieurs villes, dont Belfast, Carrickfergus, Ballymena et Newtownabbey. Les zones touchées sont parmi les plus pauvres du pays, avec les niveaux d'éducation les plus bas d'Europe.

Dans la nuit du 7 avril, les combats ont débordé du "mur de la paix" à Belfast Ouest, qui sépare les communautés loyalistes majoritairement protestantes des communautés nationalistes majoritairement catholiques qui veulent une Irlande unie.

Les barrières séparant les deux camps ont été abattues et, pendant les heures d'émeute, des policiers et un photojournaliste ont été attaqués et un bus a été détourné et brûlé.

Certaines parties de l'Irlande du Nord restent divisées selon des lignes sectaires, 23 ans après qu'un accord de paix ait largement mis fin aux troubles en Irlande du Nord qui ont duré près de 30 ans et tué plus de 3500 personnes.

Bien qu'il n'y ait pas d'indications claires que les troubles aient été organisés, la violence s'est concentrée dans des zones où les bandes criminelles affiliées aux paramilitaires loyalistes ont une influence significative.

Il y a de plus en plus de preuves que les hauts responsables d'organisations telles que l'Association de défense de l'Ulster et la Force volontaire de l'Ulster ont laissé les troubles se poursuivre.

Les analystes suggèrent que les paramilitaires loyalistes de l'UDA South East Antrim ont probablement saisi l'occasion de riposter contre les services de police d'Irlande du Nord à la suite de la récente répression de la criminalité dans le district de Carrickfergus.

Les dirigeants syndicaux attribuent les violences aux tensions loyalistes actuelles sur la frontière de la mer d'Irlande résultant de l'accord de Brexit entre le Royaume-Uni et l'UE.

La nouvelle frontière commerciale est le résultat du protocole d'Irlande du Nord, introduit pour éviter la nécessité d'une frontière dure sur l'île d'Irlande. Mais la colère suscitée par les règles commerciales post-Brexit, qui sont entrées en vigueur en février, est un facteur de conflit.

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La section de l'accord de Brexit connue sous le nom de "Protocole" a été conçue pour protéger le processus de paix en évitant la nécessité de contrôles à la frontière irlandaise.

Mais cela signifie également que certaines lois européennes continuent de s'appliquer en Irlande du Nord.

Et il a renforcé le sentiment de longue date chez les unionistes qu'ils sont coupés du reste du Royaume-Uni, qu'ils ont été trompés par le gouvernement britannique et que l'UE ne les écoute pas. Lors des négociations avec Bruxelles sur la sortie de la Grande-Bretagne de l'UE, l'accent a été mis sur la garantie que le commerce entre l'Irlande du Nord et le Royaume-Uni puisse se poursuivre librement - de sorte qu'il soit "sans restriction".

C'est ce que le Premier ministre Boris Johnson avait en tête lorsque, avant les élections générales de 2019, il a dit de façon célèbre aux commerçants qu'ils auraient sa permission de jeter tous les nouveaux documents.

Beaucoup avaient également l'impression que les échanges dans l'autre sens - du Royaume-Uni vers l'Irlande du Nord - se dérouleraient tout aussi bien. Et ce, malgré les avertissements de l'UE et des fonctionnaires britanniques selon lesquels les nouvelles règles entraîneraient inévitablement davantage de frictions.

Les derniers mois ont fourni des exemples concrets de la manière dont le "protocole" est entré en vigueur :

- Les importations de produits végétaux et animaux, tels que la mozzarella, en Irlande du Nord en provenance du Royaume-Uni nécessitent désormais plusieurs formulaires, alors qu'il y en avait peu ou pas du tout auparavant.

- Certaines entreprises, comme John Lewis, ont suspendu la livraison de colis en Irlande du Nord et certains colis en provenance du Royaume-Uni ont été marqués comme "internationaux", bien que la chaîne de grands magasins ait maintenant repris la plupart des livraisons.

- Deux fabricants de cigarettes ont déclaré qu'ils allaient réduire la gamme de produits vendus en Irlande du Nord, les règles communautaires en matière d'emballage restant inchangées.

- Les personnes qui déménagent du Royaume-Uni vers l'Irlande du Nord doivent faire une déclaration de douane pour leurs biens s'ils font appel à une société de relocation.

Certains problèmes ont été temporaires et ont disparu. D'autres sont en passe d'être résolus grâce à des solutions de contournement, de l'argent ou des programmes de soutien.

Certaines ont été aplanies par des "périodes de grâce" avant que les règles ne soient pleinement appliquées.

Un diplomate européen qui a participé à la signature de l'accord sur le Brexit m'a dit qu'il était peu probable que l'un de ces problèmes incite des adolescents à lancer des missiles sur la police cette semaine.

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Mais chacun d'eux rappelle que l'Irlande du Nord est traitée différemment du reste du Royaume-Uni en raison de l'accord conclu par le gouvernement britannique.

Et la rhétorique des politiciens unionistes suggère qu'il est peu probable que les différences soient jamais minimisées d'une manière qui les satisfasse.

Ils préféreraient que le "protocole" soit suspendu - ce qui serait autorisé en cas de menace grave pour la sécurité ou l'économie - ou que le gouvernement l'abandonne définitivement.

Ce sera la présentation du DUP lors des élections de l'Assemblée d'Irlande du Nord en mai prochain.

Et encore, lorsque Stormont votera la prolongation du "protocole" en 2024.

Cela signifie que l'instabilité entourant l'accord de Brexit en Irlande du Nord est susceptible de se poursuivre pendant des années.

Il rend également plus difficile pour le gouvernement d'Irlande du Nord de construire des postes d'inspection dans les ports et d'autres choses qu'il doit mettre en œuvre selon les termes du "protocole", ce qui pourrait compromettre l'accord de Brexit lui-même.

Boris Johnson est également sous la pression de certains de ses propres députés conservateurs, qui continuent de faire pression pour des solutions alternatives au problème de la frontière irlandaise, même si ces solutions ont été rejetées à plusieurs reprises par l'UE lors des négociations du Brexit.

Le gouvernement britannique les accuse d'être sourds aux besoins des unionistes et de privilégier les intérêts de ceux qui se soucient davantage de la relation de l'Irlande du Nord avec l'Irlande que de ceux qui se soucient de sa relation avec la Grande-Bretagne.

Selon les ministres britanniques, l'UE a donné aux unionistes une nouvelle raison de s'inquiéter en suspendant presque accidentellement le "protocole" en janvier, alors qu'elle mettait au point un mécanisme de contrôle des exportations de vaccins contre le coronavirus.

L'UE a rapidement corrigé son erreur et présenté ses excuses. Les fonctionnaires de Bruxelles déclarent en privé que les problèmes en Irlande du Nord sont dus au fait que le Royaume-Uni n'a pas été honnête quant aux changements imminents et a agi trop tard pour minimiser leur impact.

La plus grande question est de savoir dans quelle mesure la mise en œuvre de l'accord de Brexit affectera le nombre de citoyens nord-irlandais qui ont déclaré vouloir faire partie de l'Irlande.

La loi britannique oblige le ministre de l'Irlande du Nord à organiser un référendum - un scrutin frontalier - s'il est prouvé qu'une majorité de la population souhaite la réunification.

Les sondages d'opinion montrent une minorité faible mais croissante, mais la loi est muette sur les preuves à prendre en compte et sur la manière dont le vote se déroulera.

Cet éclatement potentiel du Royaume-Uni est la raison pour laquelle les détails techniques de l'accord sur le Brexit importent aux politiciens de Londres, Belfast, Dublin et Bruxelles.

lundi, 05 avril 2021

Le retour de Carthage : la nouvelle politique étrangère du Royaume-Uni

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Le retour de Carthage : la nouvelle politique étrangère du Royaume-Uni

Traduction par Juan Gabriel Caro Rivera

Le 16 mars 2021, le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord a présenté un nouveau document qui définit la stratégie de la politique étrangère et de la défense britannique pour les 30 prochaines années. Le document s'intitule "La Grande-Bretagne dans un monde compétitif". Un examen complet a donc été élaboré à Londres sur les questions de sécurité, de défense, de développement et de politique étrangère.

Selon le document, les dirigeants actuels de la Grande-Bretagne considèrent la Chine et la Russie comme la principale menace pour leur pays. Bien que le document indique clairement que la priorité doit être accordée à la région indo-pacifique (la lutte contre la Chine), l'accent est mis sur l'Europe de l'Est (l'"endiguement" de la Russie).

Londres utilisera à la fois les sanctions économiques et la pression militaire contre ses ennemis. Pour y parvenir, le Royaume-Uni procédera à une modernisation de ses armements, cybernétique, spatial, naval et nucléaire. En 2030, les forces armées britanniques prévoient de disposer de 260 têtes nucléaires. Ainsi, l'armée britannique sera présente partout dans le monde et l'île britannique deviendra "un résolveur de problèmes et un gestionnaire de conflits à l'échelle mondiale".

La Grande-Bretagne et la société ouverte

Le concept d'une Grande-Bretagne mondiale n'est en aucun cas nouveau. Il a toujours été la bannière d'une partie du pouvoir conservateur britannique qui était favorable au Brexit. Il faut garder à l'esprit que deux courants distincts étaient favorables à la sortie de la Grande-Bretagne de l'UE: d'une part, les populistes, très désabusés par l'UE en tant qu'institution transnationale et libérale, et, d'autre part, les ultra-libéraux (également connus sous le nom de néo-conservateurs). Pour ces derniers, l'UE n'était pas assez libérale et était trop "continentale" par rapport à la Grande-Bretagne, qui a historiquement lié son destin à la défense de sa mission particulière de puissance maritime, au libre marché et à la promotion de la "démocratie" dans le monde. Ce sont précisément ces forces personnifiées dans le néoconservateur britannique, l’intellectuel à l'origine du Brexit, Michael Gove, et l'ancien maire de Londres, Boris Johnson, qui ont finalement gagné et écarté les populistes qui avaient des idées beaucoup plus traditionalistes comme Nigel Farrage.

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La stratégie actuelle des élites britanniques consiste à faire de leur pays une île par laquelle transitent tous les flux financiers, informatiques et toutes sortes de "réseaux" mondiaux (le terme "réseau" est utilisé 52 fois dans le document), en faisant partie intégrante des réseaux de sécurité internationaux. Le Chatham House (Royal Institute of International Affairs) (1) avait déjà proposé plusieurs idées similaires concernant la politique internationale (la Grande-Bretagne étant une sorte de corridor mondial où convergeraient toutes les contradictions mondiales). Nous pouvons dire que le gouvernement britannique et le plus important groupe de réflexion britannique ont les mêmes idées mondialistes sur l'avenir de la Grande-Bretagne.

Le document affirme ouvertement qu'il existe une "compétition idéologique" entre les puissances libérales et "autoritaires" ; puissances autoritaires qui agissent contre les démocraties, et que Londres doit devenir l'un des principaux champions des "démocraties" dans le monde.

Le document indique que "le premier objectif de la Grande-Bretagne, en tant que ‘’force du bien’’ projetée dans le monde, doit être de soutenir toutes les sociétés ouvertes et de protéger les droits de l'homme".

Le document est caractérisé par une image manichéenne du monde divisé en noir et blanc. Dans ce sens, les ennemis (c'est-à-dire la Russie et la Chine) sont considérés comme le mal absolu et les Britanniques eux-mêmes sont considérés comme parties prenantes des "forces du bien". En outre, le concept de "société ouverte" est mentionné tout au long du document.

La mission des ‘’États puniques’’ et la ‘’Grande Reconstruction’’

Le 13 novembre 2018, la Henry Jackson Society a discuté en profondeur du concept de Grande-Bretagne mondiale dans une perspective géopolitique. La Henry Jackson Society est un think tank très influent qui compte parmi ses membres plusieurs députés britanniques (parmi lesquels on peut compter l'un des amis des enquêteurs de Bellingcat, le vétéran du renseignement militaire anti-russe Robert Seely), des journalistes (comme Mark Urban, l'un des confidents de Skripal, qui est un spécialiste des questions de renseignement et des assassinats secrets), l'ancien chef du MI-6 Sir Richard Dearlove, l'ancien chef de la CIA James Woolsey, le néoconservateur William Kristol et également certains membres qui dirigent l'Atlantic Council (organisation interdite en Russie). A également participé à ce forum le cerveau derrière le Brexit : Michael Gove.

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Lors de cette réunion de 2018, le professeur Andrew Lambert, qui appartient à la Royal Military Academy Sandhurst, l'institution militaire la plus prestigieuse du Royaume-Uni, a exposé en détail la mission historique de la Grande-Bretagne en tant que Sea Power (2). Pour Lambert, comme pour tous ceux qui ont participé à la réunion, le Sea Power constitue un type d'identité très particulier assumé dans l'Antiquité par les Phéniciens et les Carthaginois, puis par les Vénitiens, les Néerlandais et les Britanniques.

Cette identité considère le commerce comme un principe fondamental. Les puissances maritimes estiment que le marché doit être ouvert tout comme la mer est ouverte à la navigation. En outre, les puissances maritimes ne se caractérisent pas par l'utilisation directe et ouverte de forces militaires, mais pratiquent plutôt l'équilibre par le contrôle de certains points nodaux importants. La pensée des puissances "maritimes" tente de transférer les principes juridiques de la mer aux relations sociales terrestres, puisque les frontières n'existent pas en mer et que le libre-échange se développe (bien que les forces militaires puissent également se déplacer librement). Il est intéressant de voir que cette analyse reprend point par point les idées de Carl Schmitt, qui décrivait la confrontation entre Terre et Mer comme des principes géopolitiques antagonistes.

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Prof. Andrew Lambert.

Cependant, il est incroyable que l'élite britannique utilise ouvertement ces catégories et se considère comme les continuateurs de l'empire commercial carthaginois qui était l'ennemi de Rome. Le professeur Lambert voit également la Russie d'aujourd'hui comme la continuation de "Rome", tandis que l'Occident libéral est une sorte de ‘’Carthage collective’’. La Chine est considérée comme une puissance terrestre.

Tout cela aide à comprendre pourquoi Lambert préconise l'ordre fondé sur des règles, "un ordre fondé sur des règles claires". C'est l'ordre auquel Londres exhorte toujours Moscou et Pékin à revenir.

Selon Lambert, l'ordre international n'est pas seulement un "cadeau" que la puissance navale britannique a fait au monde. Tout cela s'est construit grâce aux "navires à vapeur, aux câbles télégraphiques sous-marins, aux communications sans fil, aux services bancaires, au transport maritime et à la finance internationale".

Lambert affirme que "le Royaume-Uni a créé tous ces services parce qu'ils faisaient partie de ses intérêts nationaux. Nous n'avons pas créé tout cela par charité ; un ordre fondé sur des règles claires n'est pas bon en soi, il n'est bon que dans la mesure où il sert les objectifs pour lesquels il a été créé.

La nouvelle stratégie de politique étrangère et de défense du Royaume-Uni reprend plusieurs de ces thèses, arguant que "le système international qui repose sur les règles du jeu créées après la guerre froide a largement profité au Royaume-Uni et à d'autres nations du monde". Il est donc entendu que la Russie et la Chine doivent revenir à l'ordre unipolaire qui existait auparavant et reconnaître la domination mondiale de l'idéologie libérale comme la seule idéologie possible.

En ce sens, la "société ouverte" est comprise comme une société qui doit être soumise à des influences extérieures, ou s'autodétruire, de la même manière que les Britanniques ont "ouvert" la Chine au XIXe siècle afin d'imposer le libre commerce de l'opium. Les puissances maritimes sont favorables à une société ouverte pour les mêmes raisons qu'elles ont favorisé l'ouverture des mers ou le libre-échange.

Il est également intéressant de constater que l'élite géopolitique britannique se considère comme les continuateurs de la mission de "conquête" de Carthage contre Rome. L'ancienne Carthage a perdu, dit Andrew Lambert, mais ses successeurs ont eu beaucoup de succès en étant capables de créer la civilisation occidentale moderne.

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Désormais, le rôle du prince Charles en tant qu'architecte de la "Grande Reconstruction" est clair. La volonté d'imposer l'unipolarité par la force fait désormais partie de l'agenda des libéraux britanniques et européens (Prince Charles et Klaus Schwab). Les États-Unis, malgré toute leur puissance, ont montré qu'après avoir élu et soutenu Trump, ils restent au fond trop provinciaux et sont trop liés à des principes "terrestres", ce qui les différencie beaucoup de l'ex-métropole.

Un parcours plutôt problématique

Mais il ne faut pas se leurrer: cette indépendance, ou plutôt la nouvelle autonomie de Londres par rapport à la politique de Washington, thème sur lequel insistent les partisans d'une "World Britain", ne doit pas être sous-estimée. Avec cette autonomie, Londres ne se défait pas des États-Unis, elle entend simplement les remettre sur les rails. L'empire décrépit des États-Unis, représenté par le dément Biden, doit être aidé tant qu'il n'abandonne pas sa mission libérale d'hégémon mondial. La Grande-Bretagne doit donc maintenant commencer à assumer sa responsabilité en tant que puissance maritime afin de faire face aux puissances continentales qui remettent en cause l'ordre mondial.

La Russie doit donc surveiller de près les activités de la Grande-Bretagne en Europe de l'Est et surtout en Ukraine à partir de maintenant. Les services spéciaux britanniques et ses forces armées coopèrent activement avec le régime de Kiev depuis longtemps. En ce sens, la montée des tensions militaires autour du Donbass et la future guerre qui est sur le point d'éclater sont sans doute liées à la nouvelle politique que Londres promeut. Les médias ukrainiens ont écrit sur la façon dont l'organisation britannico-néerlandaise Bellingcat fait chanter Vladimir Zelensky et menace d'ouvrir une enquête contre lui pour une prétendue "trahison" pendant son administration. Il y a aussi des preuves que Zelensky essaie de résoudre tout cela avec l'aide du MI-6.

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Dominick Chilcott et Erdogan.

Un autre grand problème auquel la Russie est confrontée est la Turquie. Londres entend aider Ankara tant sur le plan économique que sur celui de la sécurité, notamment parce qu'elle reconnaît la croissance rapide de ce pays en tant que puissance. Suite à la publication de la nouvelle stratégie de politique étrangère, l'ambassadeur britannique en Turquie, Dominic Chilcott, a déclaré sur Twitter que Londres souhaitait "travailler avec la Turquie car il s'agit d'une puissance régionale importante qui peut aider à résoudre les problèmes de Chypre et de la Libye ainsi qu'à renforcer le système international basé sur des règles du jeu claires" (3).

N'oublions pas non plus que l'actuel chef du MI-6, Richard Moore, a été ambassadeur en Turquie, et qu'Ersin Tatar, actuel président de la République turque de Chypre du Nord, qui a fait ses études secondaires en Angleterre et ses études universitaires à Cambridge, peuvent avoir des relations entre eux. Il est important de prendre en compte les réseaux d'influence britanniques dans les pays arabes du Moyen-Orient, y compris la Syrie.

Cependant, il est impossible d'ignorer l'ingérence continue de la Grande-Bretagne en Afrique et l'"empire" britannique PMC qui opère sans aucune interférence sur ce continent.

Guerre informatique

Il est curieux de constater que dans le document publié le 16 mars, qui nous donne un aperçu de la stratégie de la Grande-Bretagne dans le monde, une section est consacrée à un programme de lutte contre la désinformation et de développement des médias. Ce programme fait partie du Fonds pour les conflits, la stabilité et la sécurité du ministère britannique des affaires étrangères, connu pour avoir parrainé les Casques blancs qui ont soutenu les groupes terroristes syriens.

Le programme a commencé à fonctionner en 2017 et vise les médias qui publient en russe. Auparavant, le portail américain Grayzone (4) était soutenu par Reuters, la BBC et Bellingcat, toutes des agences financées par ce programme de contre-information.

Chaque année, ce programme dispose d'environ 23 à 25 millions de livres sterling (leur site officiel ne montre qu'une petite fraction de la somme d'argent fournie par l'APD - Aide publique au développement), qui sont dépensées :

Renforcer les médias indépendants et les ONG ;

Interagir avec des publics potentiellement vulnérables à la désinformation ;

Tous types de projets de communication stratégique, y compris le suivi, l'évaluation et la recherche sur les médias ennemis ;

Interagir avec les parties prenantes et évaluer les coûts de la mise en œuvre du programme.

Toutes sortes de projets de communication stratégique, y compris le suivi, l'évaluation et la recherche des médias ennemis ;

Interagir avec les parties prenantes et évaluer les coûts de mise en œuvre du programme.

Le site web du gouvernement britannique contient très peu d'informations sur ce programme et indique simplement qu'un certain nombre d'"ONG" et d'autres organisations connexes y participent. Cependant, la section sur les "coûts de mise en œuvre du programme et les participants intéressés par le programme" est vide. Il est simplement indiqué qu'ils sont laissés de côté pour des "raisons de sécurité", ce qui semble indiquer que les services spéciaux britanniques sont en contact direct avec les personnes "intéressées par ce projet".

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Parmi les partenaires directs de ce programme figurent le Foreign Office et le ministère britannique de la défense, ce qui indique que tout cela fait partie d'une guerre informatique dirigée contre la Russie. Et cette guerre va non seulement se poursuivre, mais aussi s'intensifier dans les années à venir.

Le papier World Britain in a Competitive World. A Comprehensive Review of Security, Defence, Development and Foreign Policy Issues indique que Londres cherche à renforcer son rôle sur la scène internationale en étant l'une des principales forces libérales promouvant la "Grande Reconstruction". Cela signifie qu'une guerre ouverte a été déclarée contre la Russie et la Chine. Sur le front idéologique, cette guerre prend la forme d'une lutte pour la "démocratie" et la "société ouverte" mondiales en tant que "forces du bien" qui doivent éliminer le mal. Il ne faut pas faire de prisonniers. Carthage dit que "Rome" doit être détruite.

Notes :

  1. (1) https://www.chathamhouse.org/2021/01/global-britain-global-broker
  2. (2) https://henryjacksonsociety.org/members-content/the-future-of-global-bri...
  3. (3) https://twitter.com/DChilcottFCDO/status/1372091995443855361
  4. (4) https://thegrayzone.com/2021/02/20/reuters-bbc-uk-foreign-office-russian-media/

Source : https://katehon.com/

dimanche, 04 avril 2021

États-Unis et Grande-Bretagne : guerre, commerce et piraterie

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États-Unis et Grande-Bretagne : guerre, commerce et piraterie

par Cristian Taborda

Ex : http://novaresistencia.org/2021/03/28/

Suite à plusieurs défaites subies dans le monde au cours de ces dernières années, un rapprochement stratégique entre les États-Unis et la Grande-Bretagne s’est opéré récemment, surtout ces dernières semaines, avec l'arrivée au pouvoir de Joe Biden et avec une Grande-Bretagne qui est sortie de l'Union européenne. L'objectif est de préserver autant que possible les possessions et l'influence des grandes puissances atlantistes dans le monde.

Avec la sortie de l'UE, le Royaume-Uni avait l'intention et la prétention de reprendre ses liens privilégiés avec les États-Unis et de forger une alliance stratégique pour en quelque sorte reconstruire l'impérialisme anglo-américain, ou du moins préserver son hégémonie et son contrôle en Amérique et en Europe, face à l'avancée de la Chine et parallèlement au harcèlement contre la Russie. Il ne s’agit plus de préserver cette hégémonie par le consensus et le multilatéralisme, mais dorénavant par la force et la violence économique. Cette position a été rendue publique et ouvertement dévoilée par le gouvernement et le Foreign Office britanniques, ainsi que par les États-Unis et la nouvelle administration de Joe Biden.

Il y a quelques mois, le Premier ministre britannique a annoncé le plus grand investissement dans la défense depuis trente ans, le plus important depuis la "guerre froide", 21,9 milliards de dollars, et il a déclaré que "le Royaume-Uni doit être fidèle à son histoire et soutenir ses alliés", un message direct adressé aux États-Unis. Boris Johnson a d'ailleurs été l'un des premiers dirigeants à féliciter Joe Biden après les élections frauduleuses que furent les dernières présidentielles: "Les États-Unis sont notre allié le plus important et j'espère que nous travaillerons en étroite collaboration sur nos priorités communes, du changement climatique au commerce et à la sécurité", a tweeté Boris Johnson. Pour sa part, M. Biden, dans son discours d'investiture, a rendu la politesse et a appelé à la reconquête des alliances historiques. Cela s'est concrétisé par un appel téléphonique au début de l'année, au cours duquel les Britanniques ont félicité Biden pour son retour dans l'accord de Paris sur le changement climatique et dans l'Organisation mondiale de la santé, dont Trump s'était retiré ; les deux puissances ont également commencé à tracer des lignes directrices pour un accord de libre-échange.

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Mais l'irruption du coronavirus a compliqué la stratégie. Jusqu'à présent, le principal bénéficiaire de la "pandémie" a été la Chine, qui parvient à imposer son système de contrôle et de surveillance dans le monde entier, et la crise des vaccins provoquée par le consortium pharmaceutique britannique Astrazeneca confère à la Russie de Poutine une influence géopolitique encore plus grande que celle qu'elle avait déjà. La Russie vise en effet à déstabiliser la bipolarité entre les États-Unis et la Chine, avec des avancées dans le développement scientifique et technologique, le contrôle des ressources, par exemple la fourniture de gaz à l'Europe, et la puissance militaire, grâce à ses capacités en matière de missiles balistiques. Un autre point clé est la diplomatie et la gestion par le Kremlin de l'opinion publique mondiale, malgré l'opposition des médias occidentaux hégémoniques. La géopolitique du coronavirus a déstabilisé le pouvoir absolu des Etats-Unis et largement ruiné les prétentions britanniques.

Cette situation a modifié l'humeur de la Grande-Bretagne et des États-Unis, qui commencent à voir leurs "leaderships" vulnérabilisés et délégitimés par la crise du coronavirus. Le déclin des puissances maritimes est en cours.

Celui qui a le mieux décrit, sans le savoir, le fondement de l'atlantisme, soit la puissance par la maîtrise de la mer, ou, comme le dit très justement Peter Sloterdijk, qui a élaboré une "théorie de la mondialisation", c'est Goethe dans Faust :

"Guerre, commerce et piraterie. Ils sont trois en un, inséparables."

Cette phrase résume la politique étrangère britannique et c'est dans un tel contexte que l'on peut comprendre les dernières déclarations de Boris Johnson contre l'Argentine et celles de Biden contre la Russie.

Ils n'ont plus suffisamment d’approbation ou de consensus dans le monde pour "stabiliser" celui-ci à leur guise et à leur avantage, alors ils font recours à la menace et à la coercition, qu'ils n'ont cependant jamais abandonnées. C'est le désespoir de voir qu’il n’est plus possible de revenir à un monde libéral unipolaire, parce qu’un tel monde n'existe plus. "S'il n'y a plus de piraterie possible et plus de commerce libéral, qu'il y ait alors la guerre" semble être la devise du mondialisme aujourd’hui. Et les disciples de ce mondialisme obéissent à l'ordre : Boris Johnson n'a pas hésité à menacer l'Argentine et indirectement l'Espagne quand elle revendique Gibraltar, selon le rapport publié par The Telegraph, disant aussi qu'il utilisera la force pour défendre les îles Malouines, c'est-à-dire utiliser les forces armées pour "assurer la sécurité des 14 territoires d'outre-mer". Territoires par ailleurs usurpés. Elle ajoute qu'elle "dissuadera et contestera les incursions dans les eaux territoriales britanniques à partir de Gibraltar" et "maintiendra une présence permanente dans les îles Falkland, l'île de l'Ascension et les territoires britanniques de l'océan Indien".

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Presque au même moment, Joe Biden a fait des déclarations dans les médias, qualifiant Vladimir Poutine de "killer" et menaçant de lui faire "payer le prix" pour sa prétendue ingérence dans les élections, ces mêmes élections où plus de morts que de vivants ont voté pour Biden, dans des États où il y a eu plus de votes que d'électeurs, et où le magazine Time a mis en lumière et révélé l'alliance entre le secteur financier de Silicon Valley Big Tech et le parti démocrate pour modifier l'ingénierie électorale en faveur des démocrates par le biais du vote par correspondance avec des contributions importantes. Tout un éventail de fondations ont contribué pour des dizaines de millions de dollars de leurs propres fonds à l'administration des élections. C'est le cas de l'initiative Chan Zuckerberg, qui a apporté 300 millions de dollars dans l’affaire.

D'abord Boris Johnson, puis Joe Biden. Tous deux opèrent en liaison avec des déclarations retentissantes et avec une intentionnalité manifeste. L'un fulmine contre ceux qui ont su résister et affronter l'impérialisme anglo-américain de l'époque, comme l'Argentine de Perón. L'autre fustige ceux qui expriment aujourd'hui une résistance au mondialisme progressiste et à la destruction des valeurs. La distinction entre amis et ennemis est toujours essentielle en politique, ils l'ont bien définie. Tous ceux qui ont osé défendre leur souveraineté et initier une résistance à l'hégémonie anglo-américaine sont des ennemis. L'impérialisme économique a beau se présenter comme égalitaire, avec une rhétorique gauchiste ou un langage inclusif et des drapeaux arc-en-ciel dans une main, il porte toujours le bâton dans l'autre.

Source : Geopolitica.ru

vendredi, 26 mars 2021

Le souverainisme gallois, pas plus identitaire que sa version écossaise

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Le souverainisme gallois, pas plus identitaire que sa version écossaise

Les récents sondages effectués dans le Pays de Galles, au nord-ouest de l’Angleterre, démontrent qu’il y aurait un engouement pour l’indépendance. Ils seraient aujourd’hui 40%, particulièrement les jeunes (https://www.theguardian.com/uk-news/2021/mar/04/westminster-warned-as-poll-shows-record-backing-for-welsh-independence), à s’affirmer en faveur d’un tel projet, alors que l’option souverainiste a longtemps stagné sous la barre du 10%. Le contexte y est pour beaucoup; nombreux sont les Gallois qui soulèvent de nombreux griefs face à la gestion pandémique de Boris Johnson et d’ailleurs les travaillistes gallois n’hésitent pas à utiliser cette vague séparatiste pour tenter de négocier un « fédéralisme renouvelé. »

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En tant que tel, le projet de souveraineté est officiellement porté par le Plaid Cymru d’Adam Price, parti dont le programme n’est pas sans rappeler celui des socio-démocrates du Scottish National Party (SNP) ou du Parti québécois (PQ). À l’origine ce parti fondé en 1925 faisait de la défense des traditions et de l’ethnie galloises le point central de son programme, une démarche “volkish” qui le rapprocha idéologiquement d’autres mouvements anticonformistes de l’avant-guerre. Toutefois, il s’est converti dans les années 60 dans la défense d’une souveraineté civique vidée de tout substance. Le parti annonce d’entrée de jeu son adhésion au multi-culturalisme en faisant une profession de foi, qui, bien qu’historiquement pas tout à fait vraie, est sans ambiguïté : « L’idée du Pays de Galles comme une communauté de communautés, unies dans sa diversité, a toujours été au cœur de la mission du Plaid Cymru. » (LIEN).

Exactement comme c’est le cas dans cette constellation séparatiste qui comprend les Écossais, les Catalans, les Basques, les Québécois, les Bretons et tant d’autres.

Ce n’est pas nécessairement que ces peuples ont renié leurs racines ou ne tiennent pas à leur identité, mais plutôt que les élites indépendantistes rejettent toute forme de nationalisme pour adopter une approche mièvre dictée par la rectitude politique. La souveraineté peut donc avancer sans risque de se faire diaboliser. Mais le remède est parfois pire que le mal qu’on veut curer : en renonçant à définir le peuple qu’ont dit représenté, en le limitant à une expression purement géographique, on porte un projet vide. L’indépendance est un projet visant à permettre à un peuple, doté de caractéristiques qui lui sont propres, et non à un territoire, qui n’est sans le peuple qui l’habite qu’une parcelle de terre, au rang de nation souveraine.

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Sans cette prise de conscience, tout rêve souverainiste reste un simple projet de bureaucrate qui espère éviter de dédoubler sa paperasse à deux administrations.

Mais il y aussi le terme souveraineté que ni le SNL, ni le PQ, ni même le Plaid ne définissent réellement. On fait l’impasse sur le « peuple » mais également sur la « souveraineté » comme telle. Car dans les faits, comme l’a fort bien souligné Pierre Hillard, ce que proposent souvent les souverainistes actuels c’est de simplement faire sauter l’administration nationale pour se placer directement sous tutelle des organismes internationaux. Sur ce point il n’a pas tout à fait tort : le SNL et le Plaid sont partisans d’une Union européenne forte et le Parti québécois n’envisage pas de se libérer de la tutelle mondialiste actuelle; il aimerait juste qu’un siège à l’OTAN, à l’ONU et au FMI soit marqué d’un fleurdelysée. La souveraineté en ce sens n’est qu’une déformation sémantique : on recherche dans les faits une gestion plus localisée du mondialisme.

Pour en revenir au Pays de Galles, il est peu probable qu’un référendum soit tenu sur la question à brève échéance. Lorsque la poussière retombera après la pandémie, la balloune indépendantiste risque de se dessouffler, à moins bien sûr que le Plaid ne redonne un moteur à sa cause en lui insufflant un sens profond.

samedi, 20 mars 2021

Les "pivots vers l'Asie" de la Grande-Bretagne: c’est pour contenir la Chine

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Les "pivots vers l'Asie" de la Grande-Bretagne: c’est pour contenir la Chine

Hyperextension impériale, vœux pieux et illusions

Par Tom Clifford

Global Research : https://www.globalresearch.ca/britain-pivots-asia-contain...

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De l'est de Suez à l'amont du Yangtze. Les clients des bars de Pékin font la fête, mais ce n'est pas le pivot de la Grande-Bretagne vers l'Asie qui les fait bavarder bruyamment et se taper dans le dos.

La Saint-Patrick, le 17 mars, était la raison de leur jovialité non masquée dans les bars et les pubs. Plus de 50 ans après que le ministre de la défense travailliste de l'époque, Denis Healey, ait annoncé en 1968 le retrait du Royaume-Uni, à court d'argent, de toutes les implantations ex-impériales à l'est de Suez, la Grande-Bretagne est de retour. Enfin, du moins, elle en parle.

Le Premier ministre britannique Boris Johnson et ses amiraux ont devant eux un nouvel horizon qui s'étend le long de voies maritimes encombrées, de l'Inde au Japon à l'est et de la Chine à l'Australie au sud. La Grande-Bretagne, ou, en réalité, le haut commandement conservateur, estime que l'Union européenne a étouffé l'élan impérial, privant la Grande-Bretagne de sa véritable place, qui est d’assumer un rôle mondial dominant. Le déclin de la Grande-Bretagne, selon certains Tories, peut être attribué à l'UE, à l'introduction de l’enseignement général et, pourquoi pas, au beurre à tartiner.  Ce Johnson, affaibli par le Covid-19, mais dûment vacciné, est-il en train de réagir en s'enveloppant dans l’Union Jack et en se lançant dans un fantasme impérial ?

L'Asie est le nouveau centre économique du monde et le Royaume-Uni est à la traîne dans ses relations avec elle. La Chine est le seul pays asiatique figurant parmi les dix premiers marchés de la Grande-Bretagne. Les États-Unis, l'Allemagne et l'Irlande sont les trois premiers, selon la Database of British Products & Verified British Exporters.

Il y a clairement quelque chose qui cloche. L'Irlande, bien sûr, est toute proche de l’Angleterre, mais elle a aussi une population d'environ 5 millions d'habitants. C'est à peu près la taille de mon quartier de Pékin. Et voilà la contradiction. La Grande-Bretagne change de politique principalement non pas pour stimuler le commerce avec la Chine mais pour la contrer, politiquement, militairement et économiquement. Bien sûr, dit Londres, nous ferons des affaires avec Pékin si la bonne occasion se présente. N'y comptez pas.

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Rule Britannia contre la Chine : Le nouveau porte-avions britannique HMS Queen Elizabeth dans la mer de Chine méridionale en 2021 ?

En un mot, la Grande-Bretagne veut contenir la Chine. Il existe des raisons légitimes de stimuler le commerce avec l'Asie, mais contenir la Chine est ridicule, tant dans son raisonnement que dans ses conséquences. C'est également impossible.

La Grande-Bretagne a annoncé qu'elle allait envoyer son tout nouveau porte-avions, le HMS Queen Elizabeth, en mer de Chine méridionale pour donner à Pékin un coup de semonce, dans une démonstration de faiblesse. Elle avait l'intention de le faire plus tôt, mais des retards et des dépassements budgétaires ont retardé le déploiement de cette formidable unité aéronavale. Elle n'ose pas s'aventurer seule dans la mer de Chine méridionale, la vraie politique exige que Washington fixe le calendrier et envoie ses navires pour, euh, eh bien, la protéger et s'assurer que les choses ne dégénèrent pas. Il ne sert à rien de remonter le Yangtze sans pagaie. Bien sûr, cela sera décrit comme une opération commune d’alliés travaillant ensemble, pour envoyer un message uni. En réalité, la Chine n'est pas inquiète.

Elle sait comment traiter avec les anciens détenteurs de concessions du 20e siècle sur son territoire.

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En février 2019, le secrétaire à la défense britannique de l'époque, Gavin Williamson, aujourd'hui un ministre de l'éducation incroyablement impopulaire maintenu à son poste en tant que paratonnerre, a annoncé que le HMS Elizabeth se rendrait en mer de Chine méridionale et serait prêt à utiliser la force létale pour défendre des voies navigables libres et ouvertes. La Chine, après avoir été prise d'un fou rire, a répondu en retirant son invitation à la visite du chancelier, Phillip Hammond, pour des négociations commerciales.

Les Chinois ne sont pas anti-anglais. Loin de là. Toutes les écoles chinoises enseignent l'anglais ou souhaitent le faire si les enseignants et les ressources sont disponibles. En Angleterre, environ 13 % des écoles publiques et 50 % des écoles indépendantes enseignent le chinois. Les tribulations des équipes de football anglaises sont suivies avec passion en Chine. La question de savoir qui vous soutenez est fréquente. Avant la pandémie, les étudiants voulaient aller en Grande-Bretagne pour étudier. Beaucoup l'ont fait. Londres et Édimbourg étaient des destinations de choix pour les touristes chinois.

La Chine mise à part, la Grande-Bretagne ne doit pas se faire d'illusions sur le fait que son retour en Asie marquera le début d'une nouvelle ère du Raj.

La région visée est devenue le moteur de l'économie mondiale. De la rive orientale du Bosphore à la baie de Tokyo, elle représente la moitié de la production économique mondiale et plus de la moitié de la population mondiale. Et cela ne cesse de croître. Elle abrite les deux nations les plus peuplées du monde, la Chine et l'Inde, les deuxième et troisième économies mondiales, la Chine et le Japon, ainsi que la plus grande démocratie du monde, l'Inde.

Le pivot vers l'Asie est une perspective alléchante. Mais dans quelle mesure le Londres du confinement a-t-il bien réfléchi à la question ? Les pays asiatiques veulent des visas pour que leurs ressortissants puissent étudier et travailler en Grande-Bretagne. Le Royaume-Uni sera-t-il prêt à accorder à l'Inde et aux autres pays asiatiques l'accès aux marchés britanniques, ainsi que des dizaines de milliers de visas ?

Les Asiatiques ont été victimes de la mondialisation rampante menée à coups de sabre à l'âge de l'empire.

Ils veulent, et obtiendront, un meilleur deal cette fois-ci. 

Levons les ancres ! 

 

dimanche, 28 février 2021

Britanniques et Saoudiens au Yémen

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Britanniques et Saoudiens au Yémen

Par Marco Ghisetti

Ex : https://www.eurasia-rivista.com

La guerre civile yéménite a éclaté en 2014, lorsque les insurgés houthi, rassemblant autour d'eux le mécontentement populaire généralisé causé par la "double" et continue ingérence américaine et saoudienne (1) dans leurs affaires intérieures, ont conquis la capitale yéménite Sanaa, incitant le président Hadi à se rendre en Arabie Saoudite et à demander au gouvernement de Riyad d'intervenir militairement contre les rebelles. Le 26 mars 2015, encouragée par le consentement tacite des États-Unis, l'Arabie saoudite a lancé la campagne de bombardement massif appelée "Storm of Resolve", qui est toujours en cours. Actuellement, les forces sur le terrain sont divisées en trois groupes : les Houthi, dirigés par Ansar Allah et soutenus par l'Iran (qui gagne de plus en plus de terrain), le gouvernement en exil de Hadi, soutenu par l'Arabie Saoudite, et le Conseil de transition du Sud, de moindre poids et soutenu par les Émirats. La guerre au Yémen a jusqu'à présent entraîné la mort violente de 100 000 à 250 000 personnes, selon les estimations, en plus des 4 millions de personnes déplacées et des 24 millions de personnes ayant besoin d'une aide humanitaire. La guerre au Yémen est considérée comme la plus grave catastrophe humanitaire en cours, "dont il est presque interdit de parler et d'écrire pour le moment"(2). Le silence du cirque médiatique et du clergé journalistique s'explique peut-être par l'insistance sur l'importance stratégique du Yémen et le rôle que jouent deux alliés des Etats-Unis - l'Arabie Saoudite et le Royaume-Uni - dans le conflit et, par conséquent, leur responsabilité plus ou moins directe dans la tragédie qui gangrène la population yéménite.

***

Quelle que soit l'ampleur des bombardements contre les forces houthi, il ne fait désormais aucun doute que le Royaume-Uni a joué un rôle d'accompagnement aux côtés des Saoudiens depuis le début de la campagne aérienne. Depuis 2015, "le Royaume-Uni a accordé au régime saoudien des licences d'armes d'une valeur d'au moins 5,4 milliards de livres sterling. 2,7 milliards de livres ont été dépensés pour les licences ML10, y compris les avions, les hélicoptères et les drones, et 2,5 milliards pour les licences ML4, y compris les grenades, les bombes, les missiles et les contre-mesures. En juin 2020, l'ONU a rapporté que plus de 60 % des morts de civils au Yémen sont causés par des frappes aériennes dirigées par les Saoudiens. BAE Systems - la plus grande société d'armement du Royaume-Uni - a réalisé un chiffre d'affaires de plus de 15 milliards de livres sterling en ventes et services à l'Arabie saoudite depuis 2015" (3).

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John Develler, un ancien employé du ministère britannique de la défense en Arabie Saoudite, a déclaré que "les Saoudiens sont complètement dépendants de BAE Systems. Ils ne pouvaient rien faire sans nous". Le soutien britannique aux Saoudiens va au-delà de la simple vente d'armes et d'équipements de guerre : on estime qu'il y a actuellement 6300 forces britanniques en Arabie Saoudite qui fournissent un soutien logistique continu, auquel il faut ajouter environ 80 soldats de la RAF. Un employé de BAE a déclaré : "Sans nous [les Britanniques], il n'y aurait pas un seul jet [saoudien] dans le ciel d'ici sept ou quatorze jours"(4).

L'aide britannique à l'Arabie Saoudite n'a pas été sans susciter des critiques internes. En raison de l'illégalité, au regard du droit international, de l'intervention saoudienne au Yémen, en 2019, un tribunal britannique a ordonné l'arrêt immédiat des ventes d'armes car elles étaient également utilisées contre la population civile. Toutefois, cette décision a été de facto annulée l'année suivante par la secrétaire d'État au Commerce national, Liz Truss : elle a déclaré qu'elle pouvait être rétablie après avoir "constaté" que de telles armes n'avaient pas été utilisées contre des civils, confirmant ainsi la volonté du Royaume-Uni de continuer à soutenir l'Arabie saoudite.

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L'importance du Yémen

Le choix des Britanniques et des Saoudiens d'intervenir au Yémen est dû au fait suivant : ces deux acteurs doivent maintenir leur relation privilégiée avec le géant nord-américain, ils doivent partager les "responsabilités" qui leur ont été confiées par les Etats-Unis alors que ces derniers s’occupent de l'Asie. Par exemple, la "nécessité de créer un espace d'action pour Londres" a incité le Royaume-Uni à "renforcer les liens qui existent déjà entre les deux côtés de l'Atlantique" (5), afin de cultiver et de raviver la "relation spéciale" qu'il entretient avec le géant d'outre-mer après s'être séparé de l'Union européenne. Et de ce point de vue, si la guerre par procuration contre le Yémen est en fait une des "responsabilités" que Riyad doit assumer tandis que les Etats-Unis se concentrent sur l'Asie, la guerre et le soutien logistique britanniques à Riyad est une des "responsabilités" qui incombent à Londres.

La République du Yémen est stratégiquement positionnée pour dominer les voies maritimes qui, comme l'indique la stratégie navale américaine pour la décennie 2020-30, détermineront l'équilibre des pouvoirs au XXIe siècle (6). Selon cette stratégie, les États-Unis doivent maintenir leur domination sur les mers qu'ils ont acquise grâce à leur victoire lors de la Seconde Guerre mondiale, mais doivent également la partager et la placer partiellement sur les épaules de leurs "alliés" afin de tenir tête aux acteurs qui érodent leur suprématie navale (principalement: la Chine, la Russie et l'Iran). Le détroit de Bab al-Mandeb, qui sépare la péninsule arabique de la Corne de l'Afrique, peut être facilement fermé par une puissance qui exploite le Yémen comme un pivot terrestre ; c'est, avec le détroit de Gibraltar, le point terminal qui relie la route maritime qui, en passant par la Méditerranée, le canal de Suez et la mer Rouge, relie l'océan Atlantique à l'aire maritime indo-pacifique. Celui qui est maître de ces centres névralgiques de la mer est donc aussi maître d'une des principales routes maritimes mondiales.

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Plus précisément, le rival des États-Unis que l'Arabie saoudite et le Royaume-Uni combattent au Yémen est l'Iran. En fait, si la République islamique devait obtenir, par l'intermédiaire des rebelles houthi qu'elle soutient, un accès direct au détroit de Bab al-Mandeb, "l'équilibre des forces dans la région changerait considérablement" (8) au détriment des États-Unis, car la suprématie américaine dans ces eaux serait grandement renforcée en faveur de son rival iranien. En outre, "un Yémen contrôlé par des Houthi serait un client potentiel pour les compagnies pétrolières russes ou chinoises" (9).

En tout cas, "si l'Arabie Saoudite est jusqu'à présent le grand perdant de la guerre" et que le Royaume-Uni a beaucoup perdu en termes d'image, "la population yéménite est sans aucun doute la grande victime de ce conflit" (10). Le rôle joué par l'Arabie Saoudite et le Royaume-Uni, deux des principaux alliés des Etats-Unis, au Yémen - et donc leur responsabilité plus ou moins directe dans la tragédie qui se déroule dans ce pays - explique pourquoi les médias occidentaux restent silencieux sur ce que les Nations Unies ont qualifié de crise humanitaire des plus graves en cours.

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Notes :

  • (1) Haniyeh Tarkian, La guerra contro lo Yemen, in “Eurasia. Rivista di studi geopolitici”, 3/2019, p. 142
  • (2) Marco Pondrelli, Continente eurasiatico. Tra nuova guerra fredda e prospettive di integrazione. Prefazione di Alberto Bradanini, Anteo, 2021, p. 89.
  • (3) Gabrielle Pickard-Whitehead, UK urged to follow Biden’s lead and end Yemen war support,  leftfootforward.org, 8 febbraio 2021
  • (4) Arron Merat, ‘The Saudis couldn’t do it without us’: the UK’s true role in Yemen’s deadly war, theguardian.com, 18 giugno 2019
  • (5) Andrea Muratore, Il tramonto della “global Britain”?, eurasia-rivista.com, 3 luglio 2020
  • (6) Pour une analyse de la nouvellestratégie navale américaine, voir : Marco Ghisetti, “Advantage at Sea”: la nuova strategia navale statunitense, 26 dicembre 2020, eurasia-rivista.com
  • (7) Haniyeh Tarkian op. cit., p. 142
  • (8) Angelo Young, War In Yemen: Tankers Moving Unimpeded Through Bab Al-Mandeb Oil Shipment Choke Point, Says Kuwait Petroleum Corporation, 29 marzo 2015, ibtimes.com
  • (9) William F. Engdahl, Yemen Genocide About Oil Control, 20 novembre 2018, williamengdahl.com
  • (10) Massimiliano Palladini, Cinque anni di guerra in Yemen, in “Eurasia. Rivista di studi geopolitici” 4/2020, p. 196

jeudi, 04 février 2021

Naar Engeland gedeporteerd. Vlaamse geïnterneerden op het eiland Man 1940-1945 door Carlos H. Vlaemynck

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Bespreking van: Naar Engeland gedeporteerd. Vlaamse geïnterneerden op het eiland Man 1940-1945 door Carlos H. Vlaemynck

Björn Roose

11 november komt er weer aan en daarmee de jaarlijkse herdenkingen. Die zullen ook respectievelijk 100 jaar na het einde van de Eerste Wereldoorlog en bijna 75 jaar na het einde van de Tweede ongetwijfeld behalve over oorlog en vrede ook over de good guys en de bad guys gaan. Niet meer dan passend dus om in deze tijd van het jaar een boekje te lezen dat nóg maar eens aantoont dat de officiële good guys dat verre van altijd waren (en zijn).

Naar Engeland gedeporteerd - Vlaamse geïnterneerden op het eiland Man - 1940-1945 is zo'n boekje. Carlos H. Vlaemynck schreef het neer "uit de mond" (zoals dat dan heet) van Ieperling Luc Desramault en ik ga er van uit dat het in 1984 bij De Nederlandsche Boekhandel (DNB, sinds 1986 bekend onder de naam Uitgeverij Pelckmans) verschenen werk ook nu nog verbazing kan wekken bij de lezers. Ikzelf kende de basis van het verhaal, maar niet de "details", en dit boek gaat in zowel op die basis als op die "details".

Wat die basis betreft, die doet Vlaemynck al meteen in zijn inleiding uit de doeken:

"Toen België op 10 mei 1940 voor de tweede maal in nog geen kwarteeuw door Duitse troepen overrompeld werd, besloot de regering alle verdachte personen, zowel vreemdelingen als landgenoten, bij wijze van voorzorgsmaatregel in hechtenis te nemen. Van uur tot uur zonden de nationale radiozenders oproepen uit waarin de bevolking aangespoord werd hulp te verlenen bij het onschadelijk maken van vijandelijke parachutisten, spionnen en saboteurs. Weldra maakte er zich een ware spionnen-psychose van de bevolking meester. Deze psychose werd in de hand gewerkt door de sterke verhalen van de honderdduizenden vluchtelingen. Overal dacht men leden van de 'Vijfde Colonne' te zien en het aantal preventieve arrestaties steeg onrustbarend. Duizenden mensen, onder wie vooral leden van het V.N.V., het Verdinaso, Rex en de K.P. kwamen aldus in de gevangenis terecht. De meesten onder hen waren onschuldig. Zij kregen echter de kans niet hun onschuld te bewijzen omdat hun aanhouding slechts een zogenaamde 'voorlopige administratieve veiligheidsmaatregel' was, hetgeen iedere vorm van rechtsbijstand uitsloot. Nadat de Franse en Britse troepen op de 19de mei het Nederlandse en het Belgische leger te hulp waren gesneld, gingen de militaire autoriteiten van beide mogendheden eveneens tot aanhoudingen op Belgisch grondgebied over. Zij deden dit onder voorwendsel de aanvoerlijnen van hun strijdkrachten in het opmarsgebied veilig te stellen. Vooral de Fransen lieten zich bij dit wederrechtelijke optreden - België was immers een bondgenoot en geen bezet gebied - niet onbetuigd. Met het oog op de te verrichten arrestaties hadden zij zelfs maanden vooraf door geheime agenten in het neutrale België 'verdachtenlijsten' laten opstellen. Ten gevolge van het bijzonder snel oprukken van de Duitse troepen werd een aanzienlijk aantal politieke gevangenen in uiterst verwarde omstandigheden naar Frankrijk gedeporteerd. Voor velen onder hen betekende deze wegvoering het begin van een wekenlange lijdensweg. [Voor onder andere Joris Van Severen betekende het zelfs het einde, noot van mij] Een kleine groep verdachten kwam evenwel in Engeland terecht."

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Bij die "kleine groep verdachten" het hoofdpersonage van dit boekje, Luc Desramault, destijds gouwleider (regionaal leider) van het Algemeen Vlaamsch Nationaal Jeugdverbond, voor wie deze deportatie vijf jaar zou duren. Liever dan hier het hele verhaal dunnetjes over te doen, houd ik het bij een aantal veelbetekenende citaten:

"Onze bewaking [bij de eerste stop, de gevangenis van Ieper, noot van mij] bestond deels uit politieagenten en deels uit leden van een soort plaatselijke burgerwacht." [terwijl in "klassieke" geschiedenisboeken altijd volgehouden wordt dat burgers pas andere burgers gingen gevangenhouden tijdens de repressie-annex-straatterreur, noot van mij]

"In de bus [waarmee de stouterds afgevoerd werden richting Oostende om van daar richting Engeland gedeporteerd te worden, noot van mij] kregen wij het gezelschap van een zestal Joodse vrouwen die drie kinderen bij zich hadden. Voorts waren er nog enkele communisten bij uit Moeskroen, Wervik en Menen alsook enkele vreemdelingen." [Geef toe, een gezelschap dat, als de Vlaams-nationalistische "verdachten" nationaal-socialisten zouden geweest zijn, toch wel zéér explosief was samengesteld, noot van mij.]

"Op onze bus zat er een jonge jodin die door de natuur met heel wat charmes begunstigd was. Zij bracht het zover dat een van de gendarmen erg verlangend werd om even met haar alleen te zijn ... Toen beiden na geruime tijd terugkwamen, bleek de jodin in het bezit te zijn van enkele koekjes en karamels die wij van haar konden kopen om onze kwellende honger te stillen. Zij bracht het zover dat wij zelfs een weinig water kregen om onze brandende keel te verfrissen." [Het gemengde gezelschap had dus duidelijk ook geen hekel aan mekaar, noot van mij.]

"Niettegenstaande wij slechts verdachten waren, werden wij onderworpen aan het reglement dat van toepassing was op de veroordeelden [in de Londense gevangenis Pentonville, noot van mij] (...) Onze ondervragers hadden een burgerpak aan en waren telkens met vieren. Merkwaardig genoegen kregen wij nooit hun gelaat te zien. Zij droegen steeds een zwarte satijnen kap voorzien van twee doorkijkspleten en een mondopening over het hoofd. Het maakte aanvankelijk een vrij lugubere indruk en liet ons het ergste vermoeden. (...) De ondervragingen duurden twee dagen telkens zonder onderbreking van 8 tot 12 uur en van 13 tot 17 uur. Zij gingen gepaard met heel veel intimidatie. Herhaaldelijk kregen wij te horen dat indien wij de waarheid niet zouden zeggen, zij er die wel uit zouden krijgen! Herhaalde malen verklaarden zij onomwonden dat zij ons zouden afmaken, hetgeen bij ons de bedenking ontlokte dat indien zij toch reeds van plan waren ons te liquideren het dan in feite geen zin meer had om ons te ondervragen. Het kruisverhoor bestond meestal uit vragen die zij door elkaar stelden in de hoop ons op tegenstrijdige antwoorden te kunnen vangen. Dit leverde evenwel niets op aangezien wij niets te verbergen hadden. Wij waren weliswaar allemaal op de een of andere wijze in de Vlaamse beweging actief geweest, maar dit had met de oorlog nooit iets te maken gehad." [Deze mensen waren dus zonder welke officiële beschuldiging dan ook opgepakt, gedeporteerd en gevangen gezet en nu hoopte de belgische staat er op dat ze zelf bewijzen zouden leveren van collaboratie terwijl ze zelfs ... de oorlog niet van dichtbij hadden gezien, noot van mij.]

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"Toen wij in Hutchinson [Hutchinson Camp, een Brits concentratiekamp op het eiland Man, noot van mij] aankwamen, zaten er naar schatting wel vijfduizend joden in het kamp en hoop en al een vijftigtal niet-joden, onder wie Leo Hoste en ik." [Weer dat eigenaardige idee om potentiële "nationaal-socialisten" op te sluiten samen met joden, noot van mij.]

"Het is via dit communicatiesysteem [in de gevangenis van Leeds, de volgende halte van Desramault, noot van mij] dat wij tot de ontdekking kwamen dat er in de gevangenis heel veel Ierse politieke gevangenen zaten. Zij waren leden van de I.R.A. Wij hadden deze drie mysterieuze letters reeds herhaaldelijk als graffiti op de muren van de gevangenis zien prijken, maar de inhoudelijke betekenis van dit letterwoord was toen nog maar een vaag begrip voor ons. Geleidelijk aan leerden wij deze Ierse nationalisten en hun strijd voor de volledige hereniging van hun eiland in één onafhankelijke republiek beter kennen." [Ofte flater nummer zoveel van de Engelsen, noot van mij.]

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"Hoezeer de Londense politiemannen zich [dit keer in Camp X, een ander concentratiekamp op het eiland Man, noot van mij] ook inspanden om het kampleven draaglijker te maken, toch kreeg de drang naar de vrijheid sommigen van ons zo erg te pakken dat er ontvluchtingspogingen werden ondernomen. Een van de merkwaardigste pogingen werd op touw gezet door drie geïnterneerde Nederlanders. Een was officier bij de Koninklijke Nederlandse Marine, de tweede was stuurman bij de Nederlandse Koopvaardij en de derde was piloot bij de K.L.M.. Alle drie werden, terecht of ten onrechte, dat heb ik nooit geweten, verdacht van lidmaatschap bij de N.S.B. Zij hadden hun tocht zorgvuldig gepland en voorbereid. Aldus hadden zij wekenlang in de fabriek waar zij overdag werkten kleine hoeveelheden benzine gehamsterd. Op een mooie morgen kaapten zij ongezien een motorbootje, brachten de benzine aan boord en startten de motor. Met een brede zwaai staken zij van wal en stevenden op volle kracht de Ierse Zee in zuidwestelijke richting op met de kennelijke bedoeling de kust van de neutrale Ierse Republiek te kunnen bereiken. Aanvankelijk scheen hun poging te zullen slagen maar plots kwamen zij echter in een opstekende storm terecht. Aangezien de Ierse Zee een soort van binnenzee is, zijn de golfslagen er kort maar krachtig. Zij kregen water in de boot en de motor begon te sputteren. Weldra viel hij geheel stil en wat zij ook probeerden om hem weer op gang te krijgen, niets mocht baten. Voortgestuwd door de storm dreven zij af naar de Schotse kust. Een Brits legervliegtuig had reeds de drenkelingen opgemerkt en toen hun vaartuig in de branding aan diggelen sloeg en zij uitgeput aan land strompelden, werden zij er opgewacht door militairen die hen oprecht feliciteerden met de gedurfde stunt! Later moesten zij voor een krijgsgerecht verschijnen en werden er tot één maand gevangenisstraf veroordeeld wegens diefstal van benzine en het ontvreemden van een boot. De Britse eigenaar van het vaartuigje weigerde schadevergoeding te vragen. Als sportieve Engelsman vond hij het al erg genoeg dat hun poging mislukt was!" [En dat zijn nu de dingen die een mens veel te weinig leest in "oorlogsverhalen", het respect dat "vijanden" voor mekaar kunnen opbrengen in de juiste omstandigheden, noot van mij]

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"Aldus gingen langzaam maar zeker de oorlogsjaren voorbij. Een paar malen kregen wij bezoek van leden van het Belgische Rode Kruis. Vóór onze aankomst in 'Camp X' hadden wij ze nog nooit gezien. Met veel tegenzin spraken zij Nederlands en het eerste wat zij deden, was ons verwijten maken. Volgens hen waren wij slechte Belgen, omdat wij in een interneringskamp zaten. Het was onze plicht dienst te nemen bij het Belgisch Leger en te gaan strijden tegen de Duitsers. Daarop hebben wij hen ons standpunt uiteengezet. Wij zegden dat wij bereid waren de Belgische strijdkrachten in Groot-Brittannië te vervoegen op voorwaarde dat wij eerst volledig in het openbaar gerehabiliteerd zouden worden. Daar konden zij niet voor instaan, zegden zij, wij moesten dat met de Engelsen regelen. En wanneer wij dan met de Engelsen daarover van gedachten wisselden, verwezen zij ons naar de Belgische regering te Londen. Het gevolg was dat de zaken bleven zoals zij waren en dat de afgevaardigden van het Belgische Rode Kruis ons kamp niet meer bezocht hebben." [Kafka, iemand ?, noot van mij]

En dan, dan moest de kers op de taart nog komen:

"Toen de afreisdatum aanbrak, pakten wij onze koffers en kregen wij onze identiteitskaarten terug. Voorts gaven de Britten ons een vrijgeleidebrief waarop stond dat wij in België overal mochten heengaan waar wij maar wensten. Op 20 mei 1945, Pinksterzondag, stapten wij voor het eerst in ruim vijf jaar als vrije burgers aan boord van een Brits legervliegtuig. (...) Bij de uitgang van de luchthaven [die van Evere, noot van mij] werden wij tegengehouden door enkele mannen in burger. Zij wensten onze persoonsbewijzen te zien. Geen onheil vermoedend toonden wij ze onze vrijgeleidebrieven. Daarop zegden zij dat er voor ons vervoer voorzien was om ons naar Brussel te brengen. (...) Toen men ons daar ter hoogte van het Cantersteen liet uitstappen, werden wij spoedig omringd door een vijandig gezinde menigte die, naar wij later vernomen hebben, daar uit Duitsland gerepatrieerde collaborateurs stond op te wachten. Wij werden er uitgemaakt voor 'sales boches' (smerige moffen) en kregen harde klappen te incasseren. (...) Onder veel gejouw en getier van de omstaanders werden wij [na een ondervraging in Cantersteen, noot van mij] terug in de camion geduwd die ons na een korte rit in het 'Klein Kasteeltje' afleverde. Wij vlogen er bij de aldaar reeds opgesloten incivieken en brachten daar een tiental dagen door. Het eten was er bar slecht en bestond hoofdzakelijk uit gedeshydrateerde rode kool en wortelen. Weldra zat iedereen met diarree geplaagd. Daarna werden wij overgebracht naar de gevangenis van Sint-Gillis (...) Vanuit Sint-Gillis werd ik dan overgeplaatst naar de inmiddels tijdens de oorlog wederopgebouwde gevangenis van Ieper. (...) Het duurde tot in september 1945 vooraleer ik de militaire auditeur te zien kreeg. Hij wist mij alleen maar te vertellen dat er tegen mijn gedrag tijdens de oorlog niets viel in te brengen en dat er derhalve geen reden was om mij te vervolgen. (...) Aangezien ik onschuldig was, gaf de krijgsauditeur bevel mij op staande voet [na zo'n vijf jaar volkomen onterechte vrijheidsberoving dus, noot van mij] in vrijheid te stellen. Hij gaf mij echter de raad mij voor mijn eigen veiligheid voorlopig niet in de buurt van Ieper te vestigen. Ik heb zijn raad opgevolgd en heb eerst een drietal maanden in Vilvoorde bij een zuster van mijn vader gewoond. (...) Daarna heb ik nog zogezegd mijn domicilie gehad bij mijn broer in Komen. Het is daar dat ik dan op 28 februari 1946 een officieel attest van buitenvervolgingstelling heb bekomen."

Om dit waanzinnige verhaal te beëindigen geef ik nog graag mee dat in die officiële buitenvervolgingstelling nog steeds geen reden stond aangegeven waarom Luc Desramault vijf jaar van zijn leven beroofd is door de Belgische staat, maar wel dat die buitenvervolgingstelling "slechts van voorloopigen aard" was en "het hernemen van het onderzoek niet [verhindert] ingeval er zich nieuwe bezwaren voordoen".

Allemaal het overdenken waard als de wereld van de oorlogsjaren weer eens door iemand opgedeeld wordt in zwart en wit ...

lundi, 11 janvier 2021

Les rapports de force entre les Five Eyes et des sociétés du numérique

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Les rapports de force entre les Five Eyes et des sociétés du numérique

par Marion Rey

Ex: https://www.ege.fr

Depuis les années 2000, le développement de la société de l’information et du monde immatériel facilite les échanges internationaux. Les géants du numérique ont su exploiter la vague de l’Internet et de l’informatique pour accroître leur influence et la dépendance des usagers. Toutefois, ce développement exponentiel comporte un volet transgressif, largement exploité par les services de renseignement dans les opérations cyber, à des fins d’espionnage en masse. Malgré de nouvelles législations depuis les révélations de l’affaire Snowden, les choses ont-elles réellement changé ? Dans le bras de fer entre géants du numérique et services de renseignement, lesquels sortiront finalement vainqueurs de l’affrontement ?

Le droit, bras armé des Five-Eyes

Signé en 1946 dans le contexte de la guerre froide, le UKUSA Agreement[1] est un accord passé entre les services de renseignement britanniques et américains en matière de coopération autour du renseignement électromagnétique, dit SIGINT (Signals intelligence). En 1955 cet accord a été étendu[2] au Canada, à l’Australie et à la Nouvelle-Zélande. Cette organisation anglo-saxonne du renseignement est plus connue sous le terme Five-Eyes (FVEY).

À la suite du traumatisme du 11 septembre 2001, l’administration de Georges W. Bush déclare la guerre au terrorisme en signant l’USA Patriot Act moins de deux mois après les attentats[3]. Premièrement, cette loi autorise l’usage des nouvelles technologies pour effectuer une surveillance itinérante et une interception des communications électroniques, orales et filaires relatives au terrorisme, à l’immigration, aux infractions de fraude et d'abus informatiques (Sections 201 et 202). Deuxièmement, la loi impose le partage d'informations et la coopération entre les agences gouvernementales en matière de renseignement, de renseignement extérieur et de contre-espionnage (Section 203).

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Sont concernés les 17 agences de la communauté du renseignement (dont la CIA, la NSA et le FBI), les départements de la défense (DOD), de la sécurité intérieure (DHS) et de la justice (DOJ). Initialement, la section 203 devait être valable pour une durée de 4 ans mais a été reconduite pendant près de 15 ans par l’application du USA Patriot Improvement and Reauthorization Act of 2006[4]. Le partage d’informations a été élargi aux agences fédérales, aux États, aux collectivités territoriales, aux entités locales et tribales, et au secteur privé (dont les sociétés du numérique) par deux autres textes (Homeland Security Act of 2002 et l’Intelligence Reform and Terrorism Prevention Act of 2004). Enfin, la loi prévoit l’accès aux « dossiers et autres éléments » (Section 215), sans autorisation d’un juge, en vertu de la loi sur la surveillance des services de renseignement étrangers, la FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act).

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De son côté, le Royaume-Uni n’est pas en reste. Également conçue pour lutter contre le terrorisme, la loi RIPA 2000 (Regulation of Investigatory Powers Act 2000) autorise les services de renseignement (GCHQ, MI5, SIS), la défense (MoD), les services de la sécurité intérieure et les douanes à intercepter toute information ou communication relative à la sauvegarde du « well-being » de l’économie du Royaume-Uni contre les intérêts des puissances étrangères[5].

En matière de coopération, Américains et Britanniques sont sur la même longueur d’ondes.

Dans le rapport du faible au fort, un lanceur d’alerte peut inverser la tendance

Entre 2010 et 2013, l’ancien agent de la CIA et contractuel de la NSA Edward Snowden, révèle au monde entier l’abus et la déviance de la section 215 du Patriot Act par la méthode SIGINT, sous l’administration de Barack Obama. À ce titre, les services de renseignement américains via la NSA ont mis en place un outil central redoutable du nom de XKEYSCORE[6] utilisant le programme PRISM[7] qui a pour objectif de surveiller massivement la population, les gouvernements ennemis mais aussi alliés, les dirigeants de grandes entreprises ; et d’exploiter les métadonnées collectées (géolocalisation, historique de navigation, historiques d’appels …). Les services de renseignement américains ont obtenu la coopération (contrainte ou consentie) des opérateurs téléphoniques, des géants du numérique et de la Silicon Valley, sous couvert de l’immunité de la FISA offerte par la section 225 du Patriot Act. Par géants du numérique, sont concernés les sociétés de télécommunication comme Verizon, les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) et autres entreprises de la Tech californienne, Snap Inc (Snapchat), Twitter ou encore Reddit.

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Dans ses révélations, Edward Snowden n’épargne pas le Royaume-Uni, agissant dans le cadre de l’organisation FVEY, de la loi RIPA 2000 et de XKEYSCORE. Au travers du programme TEMPORA, le GCHQ a installé un système d’interceptions électroniques sur les câbles sous-marins et réseaux de fibres optiques entrants et sortants de Grande-Bretagne. Sachant que 99% des communications mondiales affluent au travers des câbles sous-marins et que la Grande-Bretagne est le principal point d’entrée pour le continent eurasiatique, les Britanniques sont capables de capter près d’un quart des communications mondiales. Tout comme PRISM, TEMPORA collectait et stockait de grandes quantités d’informations (emails, réseaux sociaux, historiques et appels sur Internet …).[8]

La médiatisation des révélations du lanceur d’alerte a un retentissement mondial, l’opinion publique est scandalisée, les sociétés du numérique sont décrédibilisées et les services de renseignement des FVEY sont humiliés.

Une nouvelle législation impulsée par la société civile

Il aura fallu attendre 2015 après d’âpres débats entre la société civile et l’appareil législatif pour que soit signé l’USA Freedom Act[9] en remplacement du Patriot Act. Cette nouvelle loi met fin à la controversée et abusive section 215 concernant la collecte d’informations en masse. La collecte doit désormais être justifiée, interdisant le ciblage par zone géographique, par service de communication électronique ou par service informatique (Section 201). La loi impose à la FISA la désignation de personnes indépendantes, les « amicus curiae », pour examiner les demandes d’ordonnance présentant une interprétation nouvelle ou significative du droit (Section 401). De plus, le Freedom Act impose plus de transparence de la part de la FISA, qui doit fournir certaines informations au gouvernement au travers d’un reporting régulier, telles que le nombre total d’ordonnances de la FISA rendues pour la surveillance électronique, le ciblage de personnes à l'extérieur des États-Unis, les dispositifs de traçage ou les registres des détails des appels (Section 602). Enfin, la loi donne au secteur privé, les possibilités de communiquer publiquement le nombre d’ordonnances reçues de la part de la FISA (Section 603).

RttDN3h.jpgCependant, les organisations de la société civile, à l’image de l’ACLU (American Civil Liberties Union)[10] estiment que cette nouvelle législation n’est pas suffisamment aboutie, dénonçant des failles à propos des fouilles clandestines et des méthodes de déchiffrement des services de renseignement autorisés par la FISA (Section 702). Alors qu’une révision du Freedom Act[11] a été engagée en octobre 2020, l’EFF (Electronic Frontier Foundation)[12] craint que les dispositions expirées (comme la section 215) ou arrivant à expiration, ne soient ré-autorisées ou prolongées par le Congrès, comme cela a déjà pu être le cas par le passé.

L’impact du Freedom Act est davantage retentissant médiatiquement que révolutionnaire dans la réforme du renseignement. En outre, étant donné que cette réforme concerne uniquement la collecte d’informations sur le territoire américain, les FVEY peuvent ainsi poursuivre leur surveillance dans le reste du monde.

Les sociétés du numérique sur la défensive et les FVEY en stratégie de contournement

Alors que les géants du numérique ont activement participé à la fourniture massive de données, ces derniers tentent de redorer leur blason face à la défiance des utilisateurs. Les sociétés du numérique recourent désormais au chiffrement des communications via les applications (telle que WhatsApp de Facebook) et les systèmes d’exploitation des smartphones (comme l’Android de Google ou l’iOS d’Apple). Depuis le scandale, de nouvelles sociétés se sont insérées sur le marché des messageries et des applications chiffrées, à l’image de Telegram, Signal ou encore Wiebo.

Toutefois, malgré l’adoption du Freedom Act, les services de renseignement s’adaptent et contournent le système de chiffrement des géants du numérique. En 2017, un ancien employé du gouvernement américain transmet à Wikileaks[13] (dossier Vault 7) une série de documents confidentiels révélant l’étendue des capacités de piratage et d’écoutes clandestines opérées par la CIA, en collaboration avec le MI5/BTSS (British Security Service) et le GCHQ. En effet, les FVEY ont développé des logiciels malveillants (backdoors, vers, virus, chevaux de Troie) capables de s’introduire dans les smartphones du monde entier en interceptant le trafic de données avant que le chiffrement ne soit appliqué. Principales cibles : Apple, Android et Samsung. Les smartphones infectés transmettent directement à la CIA les données de géolocalisation, les données texte, vidéo et audio.

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En adaptant les logiciels malveillants aux appareils ciblés, la collecte de données en masse n’est finalement pas réellement abolie. En effet, en ciblant Apple et donc une certaine élite de la société mondiale mais aussi Android, plus accessible et plus populaire, les FVEY continuent d’espionner une part massive de la population mondiale. Enfin, les FVEY ont mené une opération clandestine d’attaques sur des téléviseurs intelligents Samsung. Cette intrusion permettait d’utiliser les appareils comme des mouchards transmettant les écoutes des conversations enregistrées à l’insu des propriétaires.

Ainsi, les services de renseignement contournent non seulement le Freedom Act et son système d’ordonnances FISA à destination des géants du numérique, mais aussi les solutions de chiffrement mises en œuvre par ces derniers. De plus, le développement des technologies connectées, souvent plus vulnérables en matière de cybersécurité, ouvre de nouvelles perspectives et de nouvelles opportunités aux FVEY dans leur stratégie de contournement. Dans ce bras de fer, le rapport de force semble perdu d’avance pour les géants du numérique, puisqu’en l’absence de législation contraignante pour les services de renseignement, ces derniers ne cesseront de développer de nouveaux systèmes de contournement, des « cyber armes », pour arriver à leurs fins. L’enjeu sous-jacent de ces opérations est de mettre à disposition des acteurs économiques américains, les données utiles leur procurant des avantages concurrentiels dans la guerre économique qui se joue au niveau mondial.

Marion Rey.

[1] UKUSA agreement of 1946.

[2] 4ème amendement UKUSA agreement of 1955.

[3] USA Patriot Act, 2001. Uniting and strengthening America by providing appropriate tools required to intercept and obstruct terrorism.

[4] Sénat, Février 2016.

[5] 2012 Annual Report of the Interception of Communications Commissioner.  

[6] Le Monde, 2013, 2019, publié le 27 août 2013 et mis à jour le 04 juillet 2019.

[7] Wikileaks, 2015. WikiLeaks release : June 29, 2015.

[8] The Guardian, 2013. E. MacAskill, J. Borger, N. Hopkins, N. Davies et J. Ball, GCHQ taps fibre-optic cables for secret access to world's communications, 21 juin 2013.

[9] Uniting and strengthening America by fulfilling rights and ensuring effective discipline over monitoring Act of 2015.

[10] Lettre au Washington Legislative Office, 29 avril 2015.

[11] USA Freedom Reauthorization Act of 2020

[12] EFF, 16 avril 2015.

[13] Wikileaks, Vault 7: CIA Hacking Tools Revealed, 7 mars 2017.

Marion REY

Promotion SIE 24

Formation Initiale MBA Stratégie et Intelligence Economique - SIE

jeudi, 31 décembre 2020

Vladimir Avdeev et Eddy O’Sulllivan : In memoriam

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Vladimir Avdeev et Eddy O’Sulllivan : In memoriam

Par Enric Ravello Barber

Ex : https://www.enricravellobarber.eu

ur8mMV7Tc3Yfa.jpgAprès plusieurs années de santé défaillante, Vladimir Avdeyev est mort du COVID le 5 décembre à Moscou. J'avais rencontré Avdeev lors de la première rencontre dite « du monde blanc » (2006) organisée par le philosophe russe identitaire Pavel Tulaev.Cette initiative fut un jalon dansle combat métapolitique pour la défense de notre identité et de notre civilisation, une première étape dans la collaboration entre divers penseurs de l'identité de l’Europe, de la Russie et de l'Amérique européenne. Nous avons tous deux prononcé nos discours respectifs, tout comme les autres participants, dans un environnement véritablement stimulant sur le plan intellectuel. Après la clôture des conférences de ce premier « Congrès du monde blanc », un concert de musique classique a été organisé dans la Maison de la musique slave en l'honneur des participants par l'Orchestre de l'Académie nationale russe dirigé par le maestro Anatoly Poletaev, qui a dirigé des morceaux de Grieg, Glinka, Tchaïkovski et Rachmaninov. Le lendemain, visite de la galerie Tretiakov où nous avons pu apprécier des chefs-d'œuvre de l'art russe, et enfin visite du musée du peintre Konstantin Vassiliev, une remarquable peinture de l'époque soviétique à thèmes historiques et mythologiques.

J'ai donc rencontré Vladimir Avdeev à deux reprises lors des congrès successifs organisés par Pavel Tulaev dans la capitale russe (2007-2009), j'ai eu l'honneur de me faire montrer et expliquer par lui le Moscou historique, monumental et orthodoxe. Amusant et affable, il combinait ces traits avec une profonde rigueur scientifique et un dévouement absolu à sa passion : l'anthropologie humaine dont il était une figure de référence mondiale. Il était enthousiaste à l'idée de créer une structure métapolitique avec tous les participants à ces congrès. Je me souviens de nos longues conversations avec Guillaume Faye, David Duke, le brillant intellectuel finlandais Kai Murros et Pavel Tulaev lui-même à ce sujet.

Depuis des années, nous entretenions une relation permanente par courrier électronique, axée sur les questions anthropologiques, historiques et métapolitiques.

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Eddy O’Sullivan

Quelques jours plus tard, le 14 décembre, Eddy O'Sullivan, un vétéran de la lutte pour l'identité britannique, se rendait là où les combattants reposent éternellement. Quelques jours après avoir surmonté le COVID, il n'a pas pu faire de même avec un cancer vicieux récemment détecté.

Eddy était le militant typique forgé dans les rudes partis identitaires britanniques des années 1970 et 1980 : courageux, merveilleusement convaincu de sa cause, dévoué, loyal jusqu'au bout et même au-delà. En tant que responsable local du BNP, il a organisé en 2012, avec le futur éditeurManuel Quesada, une de mes conférences à Manchester, une occasion dont nous avons profité pour nous informer sur la situation de l'immigration dans la troisième ville anglaise, qui était vraiment dramatique avec de grandes parties de la ville totalement islamisées. Je me souviens que nous avons passé les portes de plusieurs écoles lorsque les enfants étaient partis, avec la grande majorité des mères portant voile ou burqa. À l'époque, le BNP, garant d'un nationalisme identitaire fort, avait atteint 6,5 % des voix et obtenu deux députés européens, dont Nick Griffin ; ces deux personnalités se sont rencontrés par l'intermédiaire d'Eddy, le lendemain de ma conférence dans la belle ville de Chester, où je me souviens que nous avions parlé des incursions anglo-saxonnes détectées dès les premier et deuxième siècles après J.-C., c'est-à-dire des siècles avant l'invasion massive, et des différentes façons d'articuler les forces identitaires dans toute l'Europe.

Deux ans plus tard, Eddy a profité de ses courtes vacances à Benidorm pour promouvoir le BNP auprès de la population britannique locale. Je m’y suis rendu aussi pour l’aider dans cette tâche : pour lui, il n'y avait pas de vacances, pas de jours fériés, pas d'heures creuses : tout fragment de temps était pur dévouement à la cause.

En 2017, profitant d'un voyage personnel à Manchester – pour moi, il n'y a jamais de voyage personnel sans activité politique - nous nous sommes revus. Il avait organisé une interview pour une station de radio nationaliste britannique dans laquelle j'ai expliqué la situation politique et migratoire en Catalogne, et je pense que j'ai été la première personne à parler de la Catalogne dans les médias nationalistes britanniques. Ensuite, nous sommes allés dîner et avons commandé de la bière anglaise (ale) et du fish and chips dans la version plus traditionnelle. Nous étions en avance parce qu'Eddy s'était levé tôt le lendemain, pour faire tourner sa petite entreprise de transport, mais je me souviens que sur le chemin, dans sa voiture, nous avions encore eu le temps de rire de la ridicule propagande "antiraciste" qu'ils avaient mise en place à un arrêt de bus. C'est ainsi qu'il était, pure passion, pure force, et surtout homme d’honneur et de dignité.

Deux amis, l'un russe et l'autre anglais, qui nous laissent leurs souvenirs, leur témoignage et leur rêve de créer et de coordonner une élite identitaire européenne, ce qui est aussi mon rêve et mon espoir.

Eddy a toujours répondu face aux difficultés en disant : "Ne jamais se rendre". Il ne se sera jamais rendu - où qu'il était. Nous non plus nous ne nous rendrons jamais et nous continuerons à former les générations qui poursuivront dans cette lutte sacrée et éternelle pour notre vie et pour l'existence de la civilisation européenne. Que personne ne pense jamais à notre possible reddition !

jeudi, 03 décembre 2020

Les promoteurs du Brexit déplorent les résultats pourtant prévisibles du Brexit

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Les promoteurs du Brexit déplorent les résultats pourtant prévisibles du Brexit

Par Moon of Alabama

Il ne reste qu’un mois avant que le Royaume-Uni ne quitte l’Union européenne. Il n’y a toujours pas d’accord sur les futures relations entre les deux entités et le temps presse. Mais même si un accord sur les questions économiques est finalisé et signé, il y aura encore de nombreux changements et inconvénients.

L’un des arguments avec lesquels le gouvernement britannique a promu le Brexit était la « fin de la libre circulation ». La plupart des personnes qui ont voté pour le Brexit ont probablement pensé que cela signifierait la fermeture d’une rue à sens unique qui ne concerne que les migrants en provenance de pays pauvres. Aujourd’hui, ils se rendent compte que le Brexit ferme une route à double sens.

Les expatriés britanniques en colère critiquent vertement les nouvelles 
règles de l'UE sur les voyages post-Brexit, qui leur interdiront de passer
plus de trois mois d'affilée dans leur maison de vacances, à partir de janvier * Les règles de voyage changeront après la fin de la période de transition
post-Brexit * Après le 1er janvier, les touristes britanniques visitant les pays de l'UE
seront limités à des séjours de 90 jours * Les règles ont provoqué une réaction brutale de la part des Britanniques
qui possèdent une maison de vacances dans l'UE

Il ne s’agit pas de « nouvelles » règles européennes. À compter du 1er janvier, les Britanniques pourront prendre des vacances dans l’UE pendant 90 jours au maximum par semestre. Il s’agit des règles en vigueur depuis longtemps pour les citoyens non européens si leur pays n’a pas conclu d’accord bilatéral de libre circulation avec l’UE.

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Le Daily Mail, qui se lamente aujourd’hui sur cette question, a fait campagne pendant des années pour que le Royaume-Uni devienne l’un de ces pays. Il est aujourd’hui indigné par les conséquences de cette décision.

Il y aura d’autres « surprises » de ce genre, dont les promoteurs du Brexit pourront se lamenter, même si elles étaient tout à fait prévisibles.

Aujourd’hui, alors que le Brexit devient une réalité, les gens prennent enfin conscience de la myriade de problèmes que cela va créer pour les constructeurs automobiles, les agriculteurs, la logistique et tout le monde en Grande-Bretagne :

Le 1er janvier, la libre circulation des marchandises à travers la Manche 
doit prendre fin pour la première fois depuis un demi-siècle. Ce changement
fait craindre de graves goulets d'étranglement dans les ports et les autoroutes
britanniques, où les douaniers inspecteront les camions dans un contexte de
manque aigu de personnel, ce qui pourrait perturber les chaînes d'approvisionnement. Quelque 10 000 camions traversent la Manche sur des ferries chaque jour,
transportant environ la moitié des marchandises qui transitent entre le
Royaume-Uni et le continent, tandis que des dizaines de traversées quotidiennes
transportent du fret principalement entre Douvres, du côté britannique, et les
ports français de Calais et de Dunkerque. "Le problème est qu'il faut s’arrêter", déclare Richard Ballantyne, directeur
général de la British Ports Association, un organisme commercial. "Le conducteur
et le transitaire devront tous deux présenter des documents et si vous faites
la queue, vous serez immédiatement confrontés à des embouteillages et des retards"
.

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Une grande partie des entreprises qui définissaient Londres comme un centre financier mondial s’installent maintenant dans l’UE :

La plateforme paneuropéenne de négociation d'actions du London Stock Exchange, 
Turquoise, a ouvert ses portes lundi, a déclaré une porte-parole de la bourse,
rejoignant ainsi deux opérateurs rivaux. La plate-forme, basée à Amsterdam, a été mise en place pour éviter de perturber
les clients européens de la Bourse de Londres, qui devront négocier des actions
libellées en euros à l'intérieur du bloc à partir de janvier, car l'accès libre
de la Grande-Bretagne à l'UE se termine le 31 décembre. Deux autres plate-formes de négociation d'actions basées à Londres, Cboe et Aquis
Exchange
, ont ouvert des plateformes dites Brexit dans l'UE pour négocier des

actions libellées en euros. Goldman Sachs ouvre également une plateforme, juste à temps pour le mois de
janvier. ... Si l'ouverture de plates-formes financières alternatives dans l'UE n'entraînera
pas la fuite de nombreux emplois de Londres, d'autres activités liées à la
négociation, telles que la compensation et le règlement, sont également
susceptibles de se déplacer au fil du temps. De nombreuses banques internationales basées à Londres ont ouvert des
plate-formes Brexit dans l'UE et subissent des pressions de la part des
régulateurs pour entreprendre des activités telles que les transactions
sur actions, obligations et produits dérivés pour les clients de l'UE à
l'intérieur du bloc plutôt qu'à Londres.

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Il s’agit là de nombreux emplois très bien rémunérés et de recettes fiscales considérables qui manqueront à la Grande-Bretagne :

Dans un rapport publié le mois dernier, [la société de conseil] EY a déclaré 
que les 7 500 postes et les 1 200 milliards de livres sterling (1 600 milliards
de dollars) d'actifs qui ont déjà été transférés ne sont peut-être qu'un début.
Elle s'attend à d'autres changements de personnel et d'actifs une fois que la
période de transition du Royaume-Uni sera officiellement terminée. Cela est de mauvais augure pour le Royaume-Uni, où la finance emploie plus
d'un million de personnes, représente environ 7 % de l'économie et plus d'un
dixième de toutes les recettes fiscales. Malgré cela, cette industrie n'a
guère bénéficié de l'attention accordée à la pêche, qui ne représente que
0,1 % de l'économie britannique, dans les longues négociations du Brexit.

Le niveau d’accès entre les marchés de la Grande-Bretagne et de l’UE n’est toujours pas défini. Les négociations sont toujours en cours, mais elles portent sur les droits de pêche, sur des conditions de concurrence équitables pour éviter la concurrence déloyale et sur la gouvernance de l’accord.

Bien que l’UE souhaite un accord, personne ne sait si le Premier ministre britannique Boris Johnson veut vraiment en conclure un. Il se peut qu’il ne fasse que jouer avec le temps pour parvenir à un Brexit dur, sans accord avec l’UE.

Mais même si un accord de dernière minute est conclu, il y aura encore de nombreux changements et perturbations. En l’absence d’accord, ces changements seront considérables et risquent de causer des dommages irréparables à la Grande-Bretagne.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone

lundi, 05 octobre 2020

Le recentrage des puissances anglo-saxonnes sur les enjeux stratégiques de la guerre de l’information

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Le recentrage des puissances anglo-saxonnes sur les enjeux stratégiques de la guerre de l’information

Intelco/DCI puis l’Ecole de Guerre Economique ont défendu depuis plus d’un quart de siècle l’importance capitale qu’allait prendre la guerre de l’information dans la hiérarchie des modes de confrontation.  En septembre 2020, les lignes se mettent à bouger de manière incisive dans le monde anglosaxon. Aux Etats-Unis, la House Intelligence Committee qui est la commission chargée d’évaluer les activités des agences de renseignement américaine estime qu’elles ne font plus le poids face à la Chine. Selon elle, l’erreur majeure qui a été commise sur le plan stratégique est d’avoir considéré que la menace majeure état le terrorisme alors qu’en réalité c’était la Chine.

Une fois de plus, il est question de grille de lecture et d’ordre de grandeur (notions qui ont perdu beaucoup de sens dans un pays comme le notre). Les membres de la House Intelligence Committee posent une question de bon sens : Qu’est-ce qui est le plus vital pour les Etats-Unis :

Présenté ainsi, la problématique est plus simple à lire. Vue de Washington, la réponse est d’autant plus claire. La priorité n’est plus le court terme et l’écoute des peurs de l’opinion publique. L’avenir des Etats-Unis ne se joue pas dans le storytelling d’un Ben Laden et des fantasmes de la folie islamique, il se joue à Pékin ainsi que dans les jeux croisés des puissances en embuscade telles que la Russie, l’Iran ou la Turquie. Autrement dit, la priorité est de contrer la Chine.

Pendant que les Etats-Unis concentraient leurs forces sur le Moyen, la Chine communiste profitait de cette focalisation pour étendre ses moyens de ses services de renseignements pour piller technologiquement les pays les plus avancés, prendre à revers les puissances occidentales sur les continents où elles s’affaiblissaient, notamment en Afrique et multiplier les jeux d’alliance partielle avec la Russie et l’Iran et des économies émergentes susceptibles de la rendre encore plus forte sur le plan international.

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La CIA sommée de structurer une guerre de l’information plus efficace contre la Chine

L’élu démocrate, Adam Schiff qui préside cette commission estime qu’il faut revoir les objectifs stratégiques du renseignement américain, en faisant passer la Chine en priorité absolue afin de la contrer dans le domaine de l’espionnage, du cyber mais aussi celui de la guerre de l’information par le contenu. Contrairement aux lendemains de la seconde guerre mondiale où la jeune CIA pouvait s’appuyer sur différents types de relais extérieurs (1) y compris  culturels, pour contrer l’influence soviétique :

  • Dissidents politiques du Komintern.
  • Intellectuels tels que Raymond Aron.
  • Ecrivains (Arthur Koestler, George Orwell);
  • Artistes (peinture, musique).
  • Journaux alternatifs, revues.
  • Maisons d’édition.

En 2020, les services de renseignement américains travaillent désormais dans un contexte très différent. Il leur faut reconstruire une démarche nouvelle de contre-information et de contre influence alors que le tissu politico-culturel nord-américain était entrain d’être fortement pénétré par les intérêts chInois, y compris dans l’industrie du spectacle d’Hollywood.

Le changement de la doctrine de Défense de la Grande Bretagne

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Sans être aussi explicite que la House Intelligence Committee américaine, le pouvoir exécutif britannique par la voix du général Nick Carter (photo) estime qu’il faut prendre bien plus amont les risques de confrontation  avec les « compétiteurs » du monde occidental. Dit poliment, en l’occurrence la Chine et la Russie. Pour neutraliser le passage à l’acte d’un adversaire potentiel, les Britanniques estiment qu’il faut accorder beaucoup plus d’importance aux manœuvres de basses intensité qui affectent le terrain politique économique et sociétal. Il est question de dissuasion dans la manière de montrer ses capacités de neutralisation des coups informationnels initiés par les puissances rivales. Ce changement de cap affecte la répartition des crédits et réduit la voilure des forces conventionnelles. Selon Raphaël Chauvency, officier français basé en Grande Bretagne, il s’agit pour leurs forces armées de contrer les compétiteurs du royaume dans les champs immatériels situés « sous le seuil de la conflictualité » et de répondre sur les terrains juridique, moraux, éthiques etc. Il considère qu’un conflit général « plus politique que cinétique » vise dès maintenant à « saper la cohésion, à éroder la résilience économique, politique et sociale ».

En France, le CAPS (2) avait donné en 2018 une vision partielle de l’importance des manipulations de l’information. Il n’avait pas pris en compte la dimension stratégique de l’erreur relevée par la House Intelligence Committee des Etats-Unis d’Amérique. Dans le même ordre d’idées, les préconisations du CAPS n’étaient pas non plus à la hauteur des enjeux de la guerre de l’information multidimensionnelle qui se développe aujourd’hui sur des fronts très différenciés. Le discours très politiquement correct affiché par cet organisme a atteint ses limites. Le recentrage des puissances anglosaxonnes sur les enjeux stratégiques de la guerre de l’information est une fois de plus une alerte que nous allons ranger dans des cases appauvrissantes sur le plan stratégique. Parler de travailler sur les effets comme e font certains officiers généraux de l’armée de terre française ne suffit pas, il faut se donner les moyens d’être réellement crédibles sur le plan offensif. Sur ce plan précis, la vision politique de la France reste encore très très loin du compte.

Christian Harbulot

Notes

1- Frances Stonor Saunders, Qui mène la danse ? La CIA et la guerre froide culturelle, (traduction française du texte paru en 1999), Paris, Denoël, 2003.

2- Lesmanipulationsdel’informationCAPS

lundi, 11 mai 2020

Démocratie parlementaire contre gouvernement des juges : le problème ne se pose pas qu’en Pologne et en Hongrie !

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Démocratie parlementaire contre gouvernement des juges : le problème ne se pose pas qu’en Pologne et en Hongrie !

Ex: http://www.lesobservateurs.ch

 
Europe – La question de la démocratie parlementaire contre le gouvernement des juges ne concerne pas que la Pologne et de la Hongrie, même si la Commission européenne et la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) semblent concentrer leur attention principalement sur ces deux pays d’Europe centrale depuis maintenant 10 ans (depuis 2010 pour la Hongrie et depuis 2015 pour la Pologne). Et d’ailleurs, la limitation des pouvoirs des parlements démocratiquement élus au moyen d’un équilibre des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire n’est pas une condition indispensable à la démocratie, comme le montre la tradition de souveraineté illimitée du parlement au Royaume-Uni. À cet égard, n’oublions pas que l’un des principaux points mis en avant par les partisans du Brexit et autres eurosceptiques britanniques, c’était justement que soumettre leur pays aux décisions de tribunaux supranationaux ou internationaux comme la Cour de justice de l’UE et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) empiète de plus en plus sur la souveraineté du Parlement de Westminster et est par nature antidémocratique. La Grande-Bretagne n’a certes pas pour le moment l’intention de se retirer de la Convention européenne des droits de l’homme et de rejeter la juridiction de la CEDH, mais la question peut à nouveau se poser à la suite du rapport publié en février par le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ), où il est fait état des liens étroits entre un nombre important de juges de la CEDH et l’Open Society Foundations de George Soros, ce qui soulève des questions sur l’impartialité des auteurs de nombreux jugements importants. En vertu du Traité de Lisbonne, les précédents établis par la CEDH affectent le droit de l’UE, et cela pose donc des limites claires à la souveraineté des États-nations, comme c’est aussi le cas avec la CJUE. Cette dernière est une institution de l’Union européenne et elle a, depuis longtemps déjà, pris l’habitude d’interpréter les traités européens de manière à favoriser l’évolution vers une Europe fédérale bien au-delà de ce qui est prévu par la lettre de ces traités. La question de l’actuelle réforme judiciaire polonaise, soumise à la CJUE par la Commission européenne, offre justement aux juges de Luxembourg une opportunité pour étendre les pouvoirs de Bruxelles comme jamais auparavant.

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L’UE prend parti pour les juges rebelles en Pologne au nom de l’État de droit et de la démocratie

En effet, le 8 avril dernier (soit un mois avant la date originellement prévue pour l’élection présidentielle polonaise), la CJUE répondait favorablement à une demande de la Commission européenne en délivrant une ordonnance provisoire censée « geler » la Chambre disciplinaire créée au sein de la Cour suprême polonaise (qui est une cour de cassation) dans le cadre de la réforme judiciaire adoptée en 2018 par le Parlement dominé par le parti Droit et Justice (PiS) de Jarosław Kaczyński et sa coalition Droite unie (une majorité absolue reconduite à la chambre basse du Parlement lors des élections législatives d’octobre 2019). La dispute autour de cette Chambre disciplinaire entre dans le cadre d’un conflit plus large concernant la façon dont sont nommés les quinze juges siégeant au Conseil national de la magistrature (KRS), car c’est le KRS qui présente au Président polonais un choix de candidats à la Chambre disciplinaire. Depuis la réforme du KRS adoptée en 2018, ces quinze juges (sur 25 membres du KRS au total) sont nommés non plus par d’autres juges mais par le Parlement, ce qui signifie que la majorité parlementaire PiS est désormais à l’origine de la majorité des nominations au KRS. Ces membres choisis par le PiS ont donc eu une voix décisive quant aux candidatures soumises au président Andrzej Duda (qui vient lui aussi du PiS) pour siéger à la Chambre disciplinaire. Il convient toutefois de préciser que, si elle stipule qu’il doit y avoir 15 juges parmi les 25 membres du Conseil national de la magistrature, la Constitution polonaise laisse au Parlement le soin de déterminer la façon dont ces juges doivent être nommés, et le Tribunal constitutionnel polonais a confirmé en mars 2019 que la procédure de nomination des membres actuels du KRS était conforme à la Constitution.

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Pourtant, certains juges polonais remettent en cause la légitimité de ce KRS réformé et de la Chambre disciplinaire nouvellement créée à la Cour suprême. La juge Małgorzata Gesdorf, première présidente de la Cour suprême qui s’est engagée activement depuis 2017 contre les réformes de la justice adoptées par le Parlement (y compris en prenant part à des manifestations organisées par l’opposition), a publiquement demandé aux juges de la Chambre disciplinaire de ne plus rendre de jugements plusieurs mois avant l’arrivée à terme de son propre mandat de première présidente le 30 avril dernier. Le président de l’association de juges Iustitia a annoncé pour sa part qu’il ne comparaîtrait pas devant la Chambre disciplinaire, alors qu’il avait été convoqué pour son militantisme politique (les juges en Pologne n’ont pas le droit de faire de la politique de manière publique). Pire encore, certains juges de rang inférieur siégeant dans les tribunaux locaux ont prétendu pouvoir contester les décisions rendues par d’autres juges dont la nomination avait été proposée au président de la Pologne par le KRS réformé, car ils considèrent que ces nominations n’avaient pas été faites de manière valide, le KRS réformé ne jouissant pas de la légitimité nécessaire à leurs yeux (en vertu de leur propre interprétation de la Constitution, chose pourtant normalement réservée au Tribunal constitutionnel). Même si en vertu des traités européens l’organisation du pouvoir judiciaire est normalement une compétence souveraine de chaque État membre, en août 2018 un groupe de juges polonais rebelles siégeant à la Chambre du travail et des assurances sociales de la Cour suprême a envoyé à la CJUE une série de questions préjudicielles portant sur les réformes du PiS dans une affaire sans lien direct avec ces questions, ce qui est une pratique interdite par le droit européen. Dans un jugement rendu en novembre 2019, la Cour de justice a déclaré que c’est à la juridiction de renvoi, en l’occurrence à la Chambre du travail et des assurances sociales près la Cour suprême polonaise, « de vérifier si la KRS offre ou non des garanties suffisantes d’indépendance à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif ».

1551892270_026505_1551892328_noticia_normal.jpgCe jugement avait de quoi surprendre, car en droit polonais seul le Tribunal constitutionnel a cette compétence, et les traités européens n’autorisent pas la CJUE à attribuer une telle compétence à un autre organe judiciaire d’un État membre. Néanmoins, prétendant se fonder sur cette décision de novembre de la CJUE, la première présidente de la Cour suprême Małgorzata Gesdorf (dessin, ci-contre)a convoqué le 23 janvier une audience rassemblant trois des cinq chambres de la Cour suprême, soit environ la moitié de tous les juges de la Cour suprême, afin d’adopter une résolution par laquelle toutes les décisions prises par la Chambre disciplinaire étaient déclarées non valides et tous les juges nommés par le Président Duda sur la base des candidatures présentées par le KRS réformé devaient cesser de prononcer des jugements, cette résolution de la Cour suprême affirmant que les réformes votées par le Parlement en 2017-18 violaient le droit européen, à savoir le principe d’indépendance de la justice mentionné en termes généraux dans les traités européens. La présidente de la Diète (la chambre basse du parlement polonais) a donc saisi le Tribunal constitutionnel sur la question des compétences respectives du Parlement et de la Cour suprême. Les juges constitutionnels ont alors suspendu à titre provisoire la résolution de la Cour suprême avant de constater dans un arrêt définitif rendu le 20 avril que la résolution adoptée le 23 janvier à la Cour suprême violait à la fois la Constitution polonaise et le droit européen et n’avait donc aucun effet.

Pour ajouter à la confusion, le 20 avril, soit 10 jours avant la fin de son mandat de première présidente de la Cour suprême, la juge Małgorzata Gesdorf délivrait un arrêt en vertu duquel elle transférait toutes les affaires confiées à la Chambre disciplinaire aux autres chambres de la Cour suprême. Mme Gesdorf justifiait sa décision en brandissant l’ordonnance provisoire du 8 avril de la CJUE, alors que les décisions de la CJUE ne peuvent pas s’appliquer directement (il aurait fallu un vote du parlement polonais pour mettre en œuvre l’ordonnance provisoire de la CJUE, c’est-à-dire pour suspendre l’application de la loi ayant décidé de la création de ladite Chambre disciplinaire). Le 5 mai, cet arrêt était annulé par le premier président par interim de la Cour suprême polonaise, Kamil Zaradkiewicz. Conformément à la Constitution polonaise, le juge Zaradkiewicz a été nommé par le président Andrzej Duda pour conduire la procédure d’élection du prochain premier président de la Cour suprême, Małgorzata Gesdorf n’ayant pas conduit cette élection avant la fin de son mandat.

Toutefois, de même que la Commission Juncker auparavant, la Commission Von der Leyen prend ouvertement parti pour les juges polonais rebelles qui, comme mentionné plus haut, demandaient eux aussi à la Cour de justice de l’UE de se prononcer un jugement sur la validité du régime disciplinaire mis en place par le Parlement polonais. Ce jugement de la CJUE serait censé s’appuyer sur les principes généraux d’État de droit et d’indépendance des tribunaux mentionnés dans les Traités européens. Le 29 avril, la Commission européenne engageait d’ailleurs une nouvelle procédure contre la Pologne, cette fois à propos d’une réforme du régime disciplinaire des juges adoptée en janvier 2020. Cette réforme vise à pouvoir sanctionner efficacement ces juges qui, prétendant appliquer directement la décision de la CJUE de novembre 2019, remettent en cause la légitimité d’autres juges quand ceux-ci ont été nommés sur recommandation du Conseil national de la magistrature (KRS) après les réformes du PiS. Dans tout autre pays de l’UE, un juge ne peut pas invalider un jugement au prétexte que le juge à l’origine de la décision ne serait pas légitime à ses yeux. Mais pour la Commission européenne, que la Pologne sanctionne ce type de comportements rebelles de la part de juges militants serait une atteinte au principe d’indépendance de la justice !

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UE contre Hongrie

De manière assez similaire, lorsqu’en 2011 Viktor Orbán, fort d’une majorité constitutionnelle au parlement, a introduit une nouvelle constitution qui restreignait les compétences de la Cour constitutionnelle hongroise et abaissait l’âge de la retraite des juges à 62 ans, de manière à éliminer les juges qui avaient commencé leur carrière sous le régime communiste, la Commission européenne a pris le parti de ceux qui voyaient en ces réformes une menace pour l’État de droit et pour la démocratie. Elle a alors porté la question de l’âge de la retraite devant la CJUE qui a estimé en novembre 2012 que « l’abaissement radical de l’âge de la retraite des juges hongrois constitue une discrimination fondée sur l’âge non justifiée », et la Hongrie a dû porter l’âge de la retraite des juges à 65 ans, soit l’âge standard de la retraite dans ce pays. En juin 2011, le Parlement européen a de son côté adopté une résolution critiquant la nouvelle Loi Fondamentale hongroise parce qu’elle serait « susceptible de mettre en péril l’indépendance de la justice hongroise », notamment à cause des « dispositions portant sur la nouvelle Cour constitutionnelle hongroise ». Autre exemple : en juin 2019, la Commission européenne a adressé au Conseil une recommandation sur la Hongrie dans laquelle elle explique que « l’équilibre des pouvoirs, crucial pour assurer l’indépendance de la justice, a été encore affaibli dans le système des tribunaux ordinaires. Le Conseil national de la magistrature fait face à des difficultés croissantes pour exercer un contrepoids face aux pouvoirs du Président de l’Office national de la justice. Cela fait naître des inquiétudes concernant l’indépendance judiciaire. » Sans surprise, tandis que les membres du Conseil national de la magistrature sont des juges nommés par d’autres juges, le président de l’Office national de la justice est nommé par le Parlement. Ici encore, la Commission européenne, tout comme le Parlement européen, attaque la Hongrie pour avoir mis en place un contrôle parlementaire sur des juges nommés (et non élus), comme si l’État de droit et la démocratie ne pouvaient être garantis que par l’existence d’un pouvoir judiciaire totalement indépendant, et comme si un pouvoir judiciaire contrôlé uniquement par lui-même était en soi la meilleure garantie de démocratie.

Pourquoi l’UE n’a-t-elle jamais remis en cause le principe de la souveraineté illimitée du Parlement britannique ?

colloque-10.10.19.pngSi c’était le cas, les institutions de l’UE auraient dû mettre le Royaume-Uni sous le feu des projecteurs dès son adhésion au bloc européen en 1973, ou au minimum dès l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne en 2009, puisque ce traité a incorporé dans le droit européen la Charte des droits fondamentaux et l’obligation de souscrire à la Convention européenne des droits de l’homme. Il est vrai que le protocole n° 30 de la Charte des droits fondamentaux stipule explicitement que « La Charte n’étend pas la faculté de la Cour de Justice de l’Union européenne, ou de toute juridiction de la Pologne ou du Royaume-Uni, d’estimer que les lois, règlements ou dispositions, pratiques ou action administratives de la Pologne ou du Royaume-Uni sont incompatibles avec les droits, les libertés et les principes fondamentaux qu’elle réaffirme. ». Mais alors, en vertu dudit Protocole, ce qui s’appliquait au Royaume-Uni jusqu’au Brexit devrait s’appliquer à la Pologne aussi, ce qui n’est manifestement pas le cas aux yeux de la Commission européenne et de la CJUE (voir le jugement du 19 novembre 2019 à propos du Protocole n° 30 et de l’application de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne à la République de Pologne et au Royaume-Uni : « il ne remet pas davantage en question l’applicabilité de la Charte en Pologne et n’a pas pour objet d’exonérer la République de Pologne de l’obligation de respecter les dispositions de la Charte »).

Tandis que l’on reproche à Varsovie et Budapest des réformes décrites comme constituant un abus de pouvoir par le parlement et comme remettant en cause le système d’équilibre et de séparation des pouvoirs et donc, paraît-il, l’État de droit et la démocratie, dans l’une des plus anciennes démocraties d’Europe la souveraineté du parlement est définie de la manière suivante : « La souveraineté parlementaire est un principe de la constitution britannique. En vertu de ce principe, le Parlement est l’autorité juridique suprême du Royaume-Uni qui peut adopter ou abroger toute loi. D’une manière générale, les tribunaux ne peuvent pas annuler ses lois et aucun Parlement ne peut adopter de lois que les futurs Parlements ne pourront pas modifier. La souveraineté parlementaire est l’élément le plus important de la constitution britannique. »

La moitié des juges de la Cour suprême polonaise et sa première présidente se sont arrogé en janvier le droit d’invalider une loi adoptée par le Parlement, en se fondant sur le jugement de la CJUE de novembre où il était dit que le droit européen est supérieur aux lois nationales, et en arguant du fait que le deuxième alinéa de l’article 19, par. 1, du traité sur l’Union européenne stipule que « Les États membres établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union ». Malheureusement, la Commission européenne soutient ouvertement cette attitude clairement inconstitutionnelle au nom du principe de l’application directe du droit européen. En Pologne, seul le Tribunal constitutionnel a la capacité d’invalider des lois approuvées par le Parlement, et c’est pourquoi les juges constitutionnels polonais ont invalidé le 20 avril 2020 cette résolution adoptée le 23 janvier à la Cour suprême, la considérant comme non conforme à la Constitution polonaise et au droit européen. En même temps, dans un autre pays ayant appartenu à l’Union européenne jusqu’en janvier 2020, le Parlement « peut adopter ou abroger toute loi » et « les tribunaux ne peuvent pas annuler ses lois », ce qui n’a jamais posé problème à la Commission européenne actuelle ni à aucune Commission antérieure.

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Par ailleurs, le Royaume-Uni n’a pas de cour constitutionnelle et sa Cour suprême, qui est considérée par de nombreux observateurs comme contraire à la tradition parlementaire britannique, n’a été créé qu’en 2009 par une loi promulguée par le Parlement sous le gouvernement travailliste de Tony Blair. Puisque d’après la constitution britannique « aucun Parlement ne peut adopter de lois que les futurs Parlements ne pourront pas modifier », la Cour suprême britannique pourrait facilement être abolie par la majorité parlementaire actuelle. Il se trouve que le nouveau Procureur général pour l’Angleterre et le pays de Galles nommé par le premier ministre Boris Johnson en février, Suella Braverman, est d’avis que, pour le bien de la démocratie, le Parlement doit récupérer la souveraineté qui lui a été confisquée non seulement par l’Union européenne mais aussi par les tribunaux. Mme Braverman a écrit en janvier que l’arrêt par lequel la Cour suprême avait décidé en septembre que la suspension du Parlement par Boris Johnson était illicite était un nouvel exemple de « l’intrusion continue et chronique des juges » sur le terrain de la politique. Elle a critiqué l’« activisme judiciaire » et déclaré : « Oui, les tribunaux doivent agir pour contenir les abus de pouvoir par le gouvernement, mais si un petit nombre de juges non élus et n’ayant de comptes à rendre à personne continuent de déterminer les grandes politiques publiques en s’opposant aux décideurs élus, notre démocratie ne peut pas être qualifiée de représentative. La légitimité du parlement est sans égale et c’est la raison pour laquelle nous devons reprendre les commandes, non seulement aux dépens de l’UE, mais aussi de l’appareil judiciaire ». En tant que procureur général, Braverman est maintenant procureur en chef pour l’Angleterre et le Pays de Galles et premier conseiller juridique du gouvernement.

Dans un article intitulé « Réparer la Cour suprême devrait être la priorité constitutionnelle de Boris Johnson », l’éditorialiste du Telegraph Charles Moore se moque de la vision d’un Brexit qui serait « une lutte entre les ‘populistes’ sans vergogne et les justes déterminés à résister à tout ce qui pourrait avoir ‘un effet extrême sur les fondements de notre démocratie’ », les derniers mots étant une citation de la décision de septembre de la Cour suprême qui avait invalidé la suspension du Parlement par Johnson quand l’opposition anti-Brexit, aidée par le Speaker John Bercow, avait pris le contrôle de l’ordre du jour de la Chambre des communes tout en refusant de nouvelles élections. Pour que cela ne se reproduise pas à l’avenir, Boris Johnson a promis d’abroger la loi de 2011 sur la durée fixe du Parlement afin de redonner au gouvernement la capacité de convoquer des élections législatives au moment où il le souhaite. Moore suggère aussi que le gouvernement et sa majorité au Parlement trouvent le moyen de restaurer une prérogative de la prorogation (suspension du Parlement pour une durée déterminée) qui ne doit pas être soumise au contrôle des juges. Il estime en outre qu’« il faut revoir le panel ‘indépendant’ chargé de nommer les juges, qui donne à l’establishment une capacité presque illimitée d’auto-réplication » En effet, écrit Moore, la « Déclaration des droits de 1689 […] protège la liberté politique en insistant pour qu’aucune ‘délibération du Parlement’ ne puisse être ‘annulée’ par un tribunal », et « il n’y avait jamais eu auparavant de séparation formelle des pouvoirs dans ce pays. C’était mieux ainsi », conclut l’éditorialiste.

Les gens comme Małgorzata Gesdorf – la première présidente de la Cour suprême polonaise jusqu’au 30 avril – ou Věra Jourová – la Vice-présidente de la Commission européenne pour les Valeurs et la Transparence qui remet aujourd’hui en cause le droit qu’a le Parlement polonais de nommer des membres de son Conseil national de la magistrature (KRS) – pensent-ils donc aussi que l’État de droit et la démocratie sont menacés en Grande-Bretagne à cause d’une séparation des pouvoirs insuffisante ?

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Les juges de Soros à la Cour européenne des droits de l’Homme

Une autre question est de savoir si les « juges non élus et n’ayant de comptes à rendre à personne » qui siègent à la CJUE et à la CEDH sont vraiment indépendants et impartiaux. La CEDH en particulier soulève de sérieux doutes. S’il ne s’agit pas d’une institution de l’Union européenne, c’est elle qui interprète la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Or « les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux. » (art. 6, par. 3, du Traité sur l’Union européenne). Au cours de la décennie écoulée, les jugements de la CEDH ont imposé à l’Italie la légalisation des unions homosexuelles et à l’Autriche l’adoption des enfants par le « deuxième parent » dans les couples homosexuel. La CEDH a aussi exercé des pressions sur la Pologne en faveur d’une libéralisation de l’avortement tandis que la Hongrie a été forcée d’abolir la perpétuité réelle (la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle). Non seulement la CEDH est-elle souvent accusée d’activisme judiciaire en raison de ses interprétations souvent très libres et militantes d’une Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales écrite en termes généraux, mais ce reproche est désormais conforté par un rapport récemment publié par le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ), une ONG internationale dédiée à la protection des droits de l’homme. On trouve en effet dans ce rapport une liste des juges de la CEDH ayant des liens étroits avec les ONG actives devant cette même CEDH. Comme on peut le lire dans l’introduction du rapport de l’ECLJ, « au moins 22 des 100 juges permanents ayant siégé à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) entre 2009 et 2019 sont anciens responsables ou collaborateurs de sept ONG fortement actives auprès de cette Cour. Douze juges sont liés au réseau de l’Open Society Foundation (OSF), sept aux comités Helsinki, cinq à la Commission Internationale des Juristes, trois à Amnesty International, un à Human Rights Watch, un à Interights et un à l’A.I.R.E. Centre. L’Open Society se distingue par le nombre de juges qui lui sont liés et par le fait qu’elle finance les 6 autres organisations citées dans ce rapport. Depuis 2009, on recense au moins 185 affaires dans lesquelles l’une de ces sept ONG est officiellement impliquée dans la procédure. Parmi celles-ci, dans 88 cas, des juges ont siégé dans une affaire dans laquelle était impliquée l’ONG avec laquelle ils étaient liés. (…) Sur la même période, on observe seulement 12 cas de déports dans lesquels un juge s’est retiré d’une affaire en raison, semble-t-il, d’un lien avec une ONG impliquée dans l’affaire. Cette situation met en cause l’indépendance de la Cour et l’impartialité des juges ; elle est contraire aux règles que la CEDH impose elle-même aux États en la matière. C’est d’autant plus problématique que le pouvoir du tribunal est exceptionnel. »

La démocratie en Occident menacée par l’activisme judiciaire plutôt que par la souveraineté parlementaire

Et si donc la véritable menace pour la démocratie occidentale aujourd’hui ne venait pas de « populistes sans vergogne » rétablissant un certain contrôle parlementaire sur le pouvoir judiciaire, mais plutôt de l’attitude de ces « justes déterminés à résister à tout ce qui pourrait avoir ‘un effet extrême sur les fondements de notre démocratie’ », et de leur volonté de mettre à la merci d’un gouvernement de juges « éclairés » toutes les lois adoptées par les parlements élus ?

Antonin_Scalia_Official_SCOTUS_Portrait.jpgLe problème n’est pas uniquement européen. Quand la Cour suprême des États-Unis a imposé la légalisation du « mariage gay » dans les 50 États de l’Union en 2015, le juge dissident Antonin Scalia (photo) a qualifié cette décision d’insulte à la démocratie et il a accusé la Cour suprême dont il faisait partie de chercher de plus en plus souvent à créer les politiques de la nation plutôt qu’à se poser en arbitre. « La décision prise aujourd’hui veut dire que mon dirigeant et le dirigeant des 320 millions d’Américains vivant entre les deux côtes, c’est une majorité des neuf juristes siégeant à la Cour suprême », a alors écrit Scalia. « Cette pratique de la révision constitutionnelle par un comité non élu de neuf personnes, toujours accompagnée (comme c’est le cas aujourd’hui) d’éloges excessifs de la liberté, prive le peuple de la liberté la plus importante qu’il s’était affirmé dans la Déclaration d’Indépendance et qu’il avait obtenu par la révolution de 1776 : la liberté de se gouverner lui-même. »

Sans aller aussi loin, l’arrêt de juin 2018 de la Cour de justice de l’Union européenne qui a contraint les 28 États membres à reconnaître les effets juridiques des unions de même sexe porte lui aussi dans une certaine mesure atteinte à la liberté des peuples de l’Europe de se gouverner eux-mêmes. En effet, en vertu des traités européens qui ont été approuvés par leurs représentants élus, ces peuples n’avaient jamais sciemment renoncé à leur droit de décider souverainement de leurs transformations sociétales futures.

Et d’ailleurs, n’en déplaise à la Commission européenne et à la Cour de Justice de l’UE, les peuples de l’Union européenne n’ont jamais non plus formellement renoncé à leur droit de préserver ou rétablir une certaine forme de contrôle démocratique sur leur propre système judiciaire et de défendre la démocratie parlementaire contre l’activisme des juges militants.

Article publié originellement le 12 mars 2020 en anglais sur kurier.plus, le site de l’Institut de coopération polono-hongroise Wacław Felczak.

Traduit en français et mis à jour le 7 mai 2020 pour le Visegrád Post.

 

Extrait de: Source et auteur

vendredi, 14 février 2020

Después del Brexit, ¿Rusia como alternativa?

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Después del Brexit, ¿Rusia como alternativa?

  • "¿A ningún dirigente se le ha ocurrido pensar por qué, desde 1992 ninguna consulta sobre Europa ha resultado vencedora? Solo en España, lo que no es casualidad"
  • "Solo se puede entender lo que está pasando en EEUU y en Gran Bretaña partiendo de que el mundo está cambiando de base geopolítica"
  • "EEUU ha intentado convertir a Rusia en una gran potencia adversaria de los pueblos europeos. Es la búsqueda de un enemigo que justifique la existencia de la OTAN"

Enric Juliana es un periodista singular y, en muchos sentidos, diferente. Su estilo consiste en situar el hecho, el dato, la noticia históricamente; intentar ir más allá del día a día y enmarcar lo que ocurre en un contexto más amplio. Hace unos días relacionaba el Brexit con la geopolítica que tiene como referente a Mackinder. No dijo mucho más. He esperado que desarrollara esta idea pero no lo ha hecho. Así que tiro de este hilo sabiendo que, seguramente, el conocido periodista catalán no estará de acuerdo con muchas de las cosas que escribo.

Sir Halford Mackinder (1861-1947) fue un geógrafo notable británico y un político muy influyente. Esta doble condición siempre hay que tenerla en cuenta; intentó conocer la realidad, siempre al servicio de los intereses estratégicos de su país. Si bien no usó nunca el término geopolítica, influyó decisivamente en esta disciplina que unos consideran ciencia y otros un arte político de Estado. En 1904 publicó una conocida conferencia con el título de El pivote geográfico de la historia. En 1919 desarrolló estas ideas en un libro muy importante en su época, llamado Democratic Ideals and Reality. No es fácil explicar en un artículo como este la complejidad, hondura y los supuestos de una concepción geográfica que ha marcado, durante más de un siglo, los debates estratégicos y políticos de un mundo en perpetuo cambio. Quizás esto es lo que más sorprende. La “problemática Mackinder” vuelve una y otra vez, y retorna -precisamente- cuando los teóricos de la globalización consideran que el territorio y la geografía habían perdido su relevancia en las relaciones internacionales.

Para entender bien lo que Mackinder nos sigue diciendo hoy, hay que partir de dos ideas centrales. La primera es la que opone estructuralmente la geopolítica del mundo entre el poder marítimo (talasocracia) y el poder terrestre (telurocracia); esta oposición es sustancial y afecta a las estrategias políticas y militares, y tiene consecuencias en la construcción y desarrollo de los Estados. La segunda se desarrolla ampliamente en el artículo de Mackinder antes citado, tiene que ver con la llegada de una nueva etapa de la geografía-mundo que podríamos llamar post-colombino. Los descubrimientos de Cristóbal Colón marcaron toda una etapa histórico-social de las potencias de Europa (que es una península de Eurasia) que se expandieron mundialmente a través de los océanos convirtiéndose en vastos imperios en colisión permanente. Mackinder considera que esa etapa terminó. El mundo se había cerrado, quedando repartido entre las grandes potencias, con una clara hegemonía del Imperio Británico. La clave -entramos ya en el fondo del debate- es que las potencias talasocráticas habían perdido parte de su ventaja estratégica y que el territorio volvía a ser un elemento central (telurocracia).

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El geógrafo británico identifica un territorio fundamental que llama la isla mundial compuesta por Europa, Asia y África. En su centro, un pivote geográfico que, posteriormente, llamaría Heartland o Corazón continental. De este centro surgen dos grandes líneas, una interna y otra externa. El Heartland ocuparía un amplio espacio de lo que llamamos Siberia y Asia central; es decir, desde el Volga al Yangtze y desde el Himalaya al océano Ártico. La conclusión de Mackinder marca toda una época y es muy conocida. “Cuando nuestros estadistas estén en conversación con el enemigo derrotado, algún alado querubín debería susurrarles, de tiempo en tiempo: quien domina la Europa oriental, controla el corazón continental; quien domina el corazón continental controla la isla mundial; quien domina la isla mundial, controla el mundo”. Una pequeña nota: lo que se está jugando en ese momento (1919) es el nuevo orden pactado en Versalles.

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Volvamos al Brexit. Este mes he publicado en El Viejo Topo un ensayo sobre la salida de Gran Bretaña de la Unión Europea. Me remito a él para otras consideraciones. Una cosa quisiera subrayar: la ferocidad de la clase dirigente y de los medios europeos contra una decisión democrática y legítima, no tiene fácil explicación. Los insultos y desprecios han llegado a límites difícilmente soportables, hasta el punto que se anima a la secesión de Escocia en un momento en el que la cuestión territorial es un problema grave en España. En esto han participado tanto la derecha como la izquierda. ¿A ningún dirigente significativo se le ha ocurrido pensar por qué, desde 1992 (referéndum francés) ninguna consulta sobre Europa ha resultado vencedora? Solo en España, lo que no es casualidad. La falta de autocrítica de la élites europeas el alarmante. La paradoja de todo este debate es que para los europeístas más federalistas la salida de Gran Bretaña tendría que haber sido vivida como una oportunidad. La construcción neoliberal de Europa ha sido justificada, en gran medida, por la presencia de Gran Bretaña; la involución social, el predominio de las libertades comunitarias y la desregulación de los mercados han tenido tradicionalmente como culpable la presencia de unas islas percibidas, más como quinta columna que como constructores leales de un proceso de integración unitario.

Solo se puede entender lo que está pasando en EEUU y en Gran Bretaña partiendo de que el mundo está cambiando de base geopolítica y que nos encontramos (en este mundo cerrado) ante una gran transición que tiene en su centro una enorme redistribución de poder. Para decirlo de otra forma, lo que hemos llamado globalización ha iniciado su fin. No será fácil comprender las mutaciones que estamos viviendo; no será fácil entenderlas y, mucho menos, disponer de una plataforma ideo-política capaz de guiarnos en un mundo que cambia aceleradamente. Lo que está pasando lo tenemos delante de nuestros ojos: una potencia (EEUU) que se niega a aceptar su decadencia, que no está dispuesta a compartir, en nuevas condiciones, su hegemonía mundial y que se enfrenta a una potencia emergente (China) que está obligada a cambiar el orden mundial. Lo diré como ha expresado Kaplan: EEUU no va a aceptar el predominio de una gran potencia en el hemisferio oriental. Lo combatirá por todos los medios y llegará hasta el final. La “trampa de Tucídides” sigue estando presente.

M0208070088X-large.jpgEn este mundo que cambia, los grandes poderes económicos británicos quieren caminar solos; ponen sus intereses estratégicos en el centro y, desde su autonomía, buscarán alianzas con Europa; mejor dicho, con algunos países europeos. Nadie cuestiona sus acuerdos de fondo con los EEUU, y el Reino Unido seguirá en ellos con voz e intereses propios. El otro lado de la cuestión debería suscitar alguna reflexión a los europeístas de andar por casa que hoy nos abruman. El dato más relevante para los hombres y mujeres que estamos en el marco de la UE es que a más integración, menos capacidad de Europa para ser un sujeto autónomo y diferenciado en unas relaciones internacionales donde las grandes potencias están definiendo intereses y marcos de actuación.

Con Mackinder retorna Rusia. Para EEUU el frente europeo es secundario, ellos están ahora en otra cosa: disputarle la hegemonía a China en el Pacífico. La OTAN sirve para este objetivo, subalternizar a una UE sin alma y sin proyecto, dividirla e impedir una asociación duradera con Rusia. La casa común europea fue un proyecto fracasado de unas élites rusas que habían llegado a confiar en una alianza con las democracias occidentales. Putin es hijo de ese fracaso. Tomó nota y sacó las consecuencias estratégicas oportunas. Los EEUU han intentado -y seguirán intentándolo- convertir a Rusia en una gran potencia adversaria de los pueblos europeos. Es la búsqueda de un enemigo que justifique la existencia de la OTAN, la carrera de armamentos y la enemistad entre Alemania y Rusia. La ampliación al Este de la OTAN, la rápida integración de los países ex socialistas en la UE y el rígido alineamiento de estos con el amigo americano es un mismo proceso dirigido, hay que insistir, a impedir cualquier asociación económica y política con Rusia; es decir, con el pivote geográfico mundial o el Heartland continental.

Hace más de 20 años Brzezinski, hablando de los peligros futuros para EEUU escribía lo siguiente: “El escenario potencialmente más peligroso sería el de una gran coalición entre China, Rusia y quizás Irán, una coalición ‘antihegemónica’ unida no por una ideología sino por agravios complementarios. Recordaría, por su escala y por su alcance, a la amenaza que planteó, en determinado momento, el bloque sino-soviético, aunque esta vez China sería probablemente el líder y Rusia el seguidor. Evitar esta contingencia, por más remota que pueda ser, requerirá un despliegue simultáneo de habilidad estratégica estadounidense en los perímetros occidental, oriental, y sur de Eurasia”. El conocido analista geopolítico norteamericano acierta de pleno y es capaz de atisbar el futuro. A la hora de las soluciones, aparece siempre Rimland  o “anillo continental” de Spykman.

Europa y Alemania tienen unas geoeconomías complementarias y podrían tener estrategias geopolíticas convergentes. Hay conflictos (como el de Ucrania) pero serían solucionables en el marco de un acuerdo de asociación económica, energética y política. La condición previa es que Europa tenga un proyecto propio y autónomo en las relaciones internacionales; es decir, que se desenganche de la OTAN, defina sus intereses estratégicos y busque su lugar en un mundo que transita, bajo enormes dificultades, a la multipolaridad. Mi viejo maestro Samir Amín habló hasta el final de un eje París-Berlín-Moscú-Beijing. Mackinder retorna y, con él, Eurasia. La historia, no solo no terminó, sino que comienza de nuevo.

lundi, 10 février 2020

Le Royaume-Uni entrera-t-il en turbulence ? L’Ecosse renforce son désir d’indépendance

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Le Royaume-Uni entrera-t-il en turbulence ? L’Ecosse renforce son désir d’indépendance

Londres/Edimbourg : Le Brexit est bel et bien devenu une réalité mais, simultanément, il précipite la Grande-Bretagne dans un malaise nouveau. L’Ecosse n’accepte pas la sortie du royaume hors de l’UE et veut dès lors accélérer son processus d’indépendance. Sturgeon, la cheffe du gouvernement écossais, membre du SNP (Parti National Ecossais) a déclaré, à propos du Brexit : « Nous sommes à deux jours de perdre notre adhésion à l’UE et tous les droits qui y sont liés ». L’indépendance est donc la seule voie qui reste à l’Ecosse pour demeurer une partie de l’Europe, après le Brexit ».

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Récemment, le parlement régional écossais s’est prononcé en faveur de l’organisation d’un second référendum sur l’indépendance. Les députés ont voté à 64 voix en faveur de cette initiative contre 54 contre.

Mais Mme Sturgeon ne peut nullement forcer l’organisation d’un tel référendum : elle doit obtenir le feu vert du gouvernement central de Londres. Le premier ministre britannique Johnson a d’ores et déjà fait savoir, en toute clarté, qu’il n’autoriserait pas un second référendum. La question, dit-il, a été réglée par le premier référendum de 2014 et ce, pour toute une génération. Lors de ce référendum de 2014, 55% des Ecossais avaient voté contre la séparation d’avec le Royaume-Uni.

Mme Sturgeon oppose son propre point de vue : les conditions ont changé depuis le référendum sur le Brexit de 2016. Les Ecossais ont alors voté en grande majorité contre la sortie hors de l’UE mais leurs voix ont été étouffées par les électeurs anglais et gallois. L’Ecosse, par voie de conséquence, a été arrachée à l’UE contre son gré. Telle est la vision de Mme Sturgeon aujourd’hui.

Article tiré de http://www.zuerst.de

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dimanche, 09 février 2020

Le Royaume-Uni brexité se tournera inévitablement vers la Chine et la Russie

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Le Royaume-Uni brexité se tournera inévitablement vers la Chine et la Russie

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Il s'agira d'une évolution que ne pourra pas empêcher la "special retationship" avec les Etats-Unis.

Si le Royaume-Uni a décidé de quitter l'Union Européenne, ce que l'on nomme le Brexit, il semble que ce soit principalement parce que, dans le cadre de l'Union, qui demeure presque entièrement dépendante politiquement de Washington, elle commençait à étouffer sous le poids de contraintes d'inspiration américaine lui interdisant toutes relations économiques avec la Russie et la Chine.

Celles-ci contrariaient de plus en plus ses intérêts économique. Or en Grande Bretagne, l'économie est plus encore que le politique un déterminant de la politique extérieure. Jusqu'à présent, dans le cadre de la « special relationship » avec les Etats-Unis, le Royaume Uni pouvait bénéficier économiquement de la domination américaine sur une partie du monde. Aujourd'hui, comme Washington perd de plus en plus de terrain face à Pékin (à supposer que l'épidémie de coronavirus s'y éteigne) et Moscou, Londres revendique plus d'indépendance.

Deux faits apparemment mineurs mais significatifs le montrent. Boris Johnson, le Premier ministre britannique, vient de refuser de se plier à l'ordre de Donald Trump lui imposant de renoncer aux équipements pour la 5G fournis par le géant chinois Huawei dominant ce secteur. Dans un tout autre domaine, il a décidé de lever à partir de 2021, certaines des « sanctions » imposées à la Russie dans le cadre de l'Union, mais sous pression de Trump. au prétexte d'une prétendue annexion de la Crimée.

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Il est clair que les intérêts financiers britanniques veulent profiter de la mise en valeur de la Russie, sur le plan industriel et géographique, notamment en Sibérie, qui vient d'être décidée par Vladimir Poutine. Cela se fera nécessairement aux dépends des intérêts américains. Une autre grande puissance économique européenne, l'Allemagne, ne voudra certainement pas être exclue de ces perspectives par les injonctions américaines. On peut penser que Berlin, bien qu'encore très soumis à Washington, n'hésitera pas à affronter les interdits américains dans ce domaine.

Il en sera de même des relations britanniques avec la Chine. Si celle-ci, répétons-le, échappe rapidement à la fragilisation que lui impose aujourd'hui l'épidémie de coronavirus, elle retrouvera rapidement son statut de première puissance économique mondiale.

Ayant retrouvé grâce au Brexit, face aux Etats-Unis et à l'Union européenne, toute sa liberté de négociation, le Royaume-Uni ne tardera pas à exploiter ces perspectives. Ceci évidemment ne l'empéchera pas de continuer à s'affirmer fidèle à la special relationship.

vendredi, 03 janvier 2020

Vers un brexit hyper-globaliste ?

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Vers un brexit hyper-globaliste ?

par Thomas Ferrier

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com

Finalement, après trois ans de tergiversations, le brexit aura finalement lieu à la fin du mois de janvier 2020 sous la conduite de Boris Johnson, premier ministre sortant réélu triomphalement grâce à un mode de scrutin favorable à la tête du pays.

Winston Churchill en 1946 estimait que le slogan envisagé par les conservateurs de « Keep Britain white » (« conserver la Grande-Bretagne blanche ») était un bon slogan. Depuis Labour et Tories n’auront pas cessé d’ouvrir les portes du pays aux flux venus de l’ancien empire colonial pour que la Grande Bretagne le soit de moins en moins, et dès 1948 en changeant le code de la nationalité afin de faciliter les naturalisations. Mosley et Powell mirent en garde les Britanniques contre ce « changement de peuple » mais ne furent pas écoutés, tout comme Robinson ne l’est pas aujourd’hui, au prix même de sa liberté.

L’adhésion du Royaume-Uni à la CEE, qui allait ensuite devenir l’Union Européenne, fut complexe. C’est finalement en 1974, après le départ de De Gaulle qui s’opposait à son adhésion en 1969, qu’elle rejoint cette organisation en même temps que le Danemark et l’Irlande. Depuis cette époque, elle n’a jamais vraiment joué le jeu, Thatcher obtenant dès les années 80 de nombreux accommodements. C’est ainsi que le Royaume-Uni d’avant brexit n’avait pas l’euro et n’était même pas dans l’espace Schengen. Cela n’a jamais empêché la presse britannique depuis des décennies de taper sur l’Union Européenne et de l’accuser de tous les maux, alors même que les émeutes de 2010 ou le scandale de Rotherham ne lui doivent rien, mais doivent tout à la politique migratoire des gouvernements britanniques de gauche comme de droite.

Pris en otage depuis plusieurs années par l’aile fanatiquement eurosceptique des Tories et menacé dans sa réélection si ce courant renforçait le mouvement UKIP de Nigel Farage qui, en divisant la droite, pouvait faire gagner le Labour, David Cameron était résolu à marginaliser cette aile à l’issue d’un vote national. Pour ce faire, il prétendit renégocier un meilleur accord avec l’UE, comme Thatcher l’avait fait avant lui, et de le soumettre à un référendum, ce qu’elle s’était bien gardé de faire. Il affirma ensuite avoir obtenu des résultats mais personne n’est vraiment capable de dire ce qu’il avait obtenu. Il organisa donc un vote qu’il était persuadé de gagner.

Dans le camp du brexit, on retrouva naturellement Nigel Farage, à la tête de UKIP puis du Brexit Party lorsqu’il quitta le premier en l’accusant de dérives identitaires et d’islamophobie. Mais c’est Boris Johnson, conservateur et ancien maire de Londres, qui se présenta en champion du brexit, avec une bonne dose d’opportunisme et sur la base d’un pari politique audacieux, le même que Fabius en 2005 en France lorsqu’il appela à voter non au TCE mais avec le succès en plus. A grands coups de démagogie, en promettant tout et son contraire, y compris la préférence non-européenne dans les banlieues à forte composante indo-pakistanaise au détriment des Polonais, sans grand résultat malgré tout, et avec l’aide d’une presse efficace pour les relayer, le camp du brexit s'imposa et Cameron, perdant, dut démissionner et se faire oublier.

Il est vrai que le Labour avait fait une campagne a minima, l’attachement d’un Corbyn à l’UE étant quasi nul, et que Sadiq Khan, opposé au brexit, envoyait par hétérotélie un message globaliste à un électoral ouvrier britannique hostile.

De nombreux britanniques, mais pas tant que ça (51,6% d’entre eux), ont choisi l’aventure du brexit au maintien dans une Union Européenne dont personne n’avait été capable de démontrer les bienfaits et alors même que les dirigeants de l’actuelle UE se complaisent dans un globalisme béat. Il est évident que ce vote en faveur du brexit a exprimé une angoisse identitaire légitime, un refus clair du globalisme, et aussi de l’immigration, européenne comme non-européenne, une confusion salement entretenue par les eurosceptiques d’ailleurs.

Et donc le brexit ayant été voté, et même si un référendum au Royaume-Uni n’a pas force de loi, personne n’a osé braver l’interdit de ne pas en tenir compte et les Libéraux Démocrates qui firent campagne en décembre 2019 pour révoquer l’article 50 auront plus choqué que convaincu.

Une fois le brexit voté, sachant que personne n’avait été capable et pour cause d’expliquer ce qu’il serait, la peur d’un brexit dur (« hard brexit ») inquiéta les milieux d’affaires. Après plus de deux ans pendant lesquels Teresa May fut incapable d’obtenir une majorité en faveur d’un accord obtenu auprès de l’UE, Boris Johnson devint enfin premier ministre et s’engagea à un brexit coûte que coûte. Son bluff aurait pu lui coûter cher car le parlement l’avait contraint à demander une prolongation du délai en cas d’absence d’accord. Et il aurait alors dû sans doute démissionner et aurait été fragilisé médiatiquement. Mais l’Union Européenne, sous la pression du gouvernement français, Macron ayant annoncé qu’il voulait que le Royaume-Uni se décide enfin, offrit un accord au rabais au dernier moment à Johnson, qui s'en saisit.

Ce dernier put donc en position de force, avec une opinion lassée, se présenter devant les électeurs britanniques le 12 décembre 2019. Le pays reste coupé en deux (48% des Britanniques ont voté pour les conservateurs) et le Brexit Party a disparu. Alors même que Nigel Farage avait dénoncé un faux brexit obtenu par Johnson, son parti stratégiquement se plaça en soutien de ce dernier, gênant le Labour dans des circonscriptions décisives. Pour Farage, mieux valait un « very soft brexit » à pas de brexit du tout, même s’il ne devait être que nominal. C’est là qu’on constate ce qu’il fallait penser de ses convictions. On ne sera pas non plus étonné d’avoir vu Donald Trump participer à sa façon à l’élection en apportant son soutien à Johnson, en tapant sur l’Union Européenne et en promettant des accords juteux en cas de brexit effectif, une ingérence dénoncée mollement et en vain par l’opposition.

Et maintenant ? Johnson a plus ou moins promis de régulariser 500 000 clandestins présents depuis plus de cinq ans au Royaume-Uni. Celui qu’une certaine droite présente comme un patriote, ce qui a amené Robinson à rejoindre récemment les Tories, mais que même Rivarol ose qualifier de « globaliste », n’est évidemment qu’un remarquable opportuniste qui a réussi à devenir premier ministre en faisant un pari gagnant. Il n’est pas sans talent mais il ne sauvera pas le Royaume-Uni sur le plan identitaire. Lui qui se présente comme un nouveau Churchill a trahi bien sûr le souhait que ce dernier avait exprimé et que j’ai évoqué au tout début de cet article. Les flux intra-européens vont se réduire en raison des tracasseries administratives, tandis que les flux post-coloniaux se renforceront.

C’est bien à un brexit globaliste que nous allons assister, et l’indépendance prétendue ne sera qu’un renforcement de la vassalité atlantiste. Certes sur le plan économique, ce sera un brexit très mou et surtout symbolique. Il ne devrait donc pas y avoir de conséquences dramatiques et d’ailleurs la presse européenne ne semble plus du tout inquiète, surtout qu’un accord véritable de mise en œuvre mettra plusieurs années à voir le jour. Les électeurs voulaient une identité britannique restaurée et ils auront une aliénation renforcée.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

lundi, 30 décembre 2019

Le royaume déglingué

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Le royaume déglingué

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Les élections législatives anticipées de ce 12 décembre marquent un tournant majeur dans l’histoire du Royaume-Uni. Offrant volontiers aux médiats et à ses détracteurs une image de bouffon provocateur, le Premier ministre Boris Johnson, excellemment conseillé par le redoutable stratège en communication politique, Dominic Cummings, a réussi son pari et bénéficie désormais d’une légitimité incontestable sortie des urnes après avoir conquis à la hussarde le vieux Parti conservateur.

Celui-ci connaît pour la circonstance son plus grand succès depuis 1987. Il s’empare de quarante-huit nouvelles circonscriptions dont de nombreuses issues du « Mur rouge » du Nord de l’Angleterre traditionnellement acquises aux travaillistes. « BoJo » dispose dorénavant d’une écrasante majorité absolue (365 sièges sur 650). Il va pouvoir réaliser le Brexit, mais va-t-il aussi transformer la Grande-Bretagne en une copie occidentalisée d’un Singapour mondialisé ? Pas forcément quand on sait que les nouveaux électeurs « bleus » sont d’anciens travaillistes Brexiters tout autant préoccupés par l’insécurité galopante que par une immigration croissante, y compris venue du Commonwealth.

Ce scrutin fait trois victimes principales sans compter les frondeurs conservateurs anti-Johnson qui subissent de graves revers. En 2017, le Labour du sympathique Jeremy Corbyn dont les idées politiques, sociales et économiques n’ont jamais varié, avait augmenté son audience de trente élus. Cette fois-ci, malgré un programme ouvertement populiste de gauche malheureusement entaché par de néfastes considérations multiculturalistes et sociétalistes, les travaillistes perdent le double dont des bastions historiques jugés imprenables. Cette incontestable défaite attise les règlements de comptes entre l’aile gauche dirigeante et son opposition sociale-libérale d’origine blairiste. Les semaines à venir seront saignantes pour ce parti de gauche qui, à l’instar de ses homologues allemand, français, belge et autrichien, poursuit son inexorable déclin.

Europhiles convaincus et favorables à l’arrêt immédiat du Brexit sans même recourir à un nouveau référendum, les centristes libéraux-démocrates se ramassent une belle déculotté et régressent d’un siège, celui de leur présidente, l’Écossaise Jo Swinson. Soutenus par les milieux d’affaires de la City, les « Lib-Dem » n’ont pas convaincu, ce qui est une bonne nouvelle. L’Ulster connaît à son tour une révolution silencieuse. Force d’appoint indispensable aux précédents gouvernements minoritaires tories, les unionistes du DUP reculent de deux sièges et n’envoient plus que huit élus. On observe pour la première fois que le Sinn Fein, le Parti social-démocrate et travailliste et les centristes du Parti de l’Alliance s’adjugent les dix autres sièges. Ce vote confirme la montée en puissance de la population catholique. L’Irlande du Nord risque de devenir un point d’achoppement sérieux dans les prochaines années, parallèlement au retour de la brûlante question écossaise.

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Avec 48 sièges, le SNP ne renouvelle pas son triomphe de 2015 (56 sièges alors), mais le parti indépendantiste gagne néanmoins treize élus supplémentaires. Force prépondérante au-delà du Mur d’Hadrien, il constitue plus que jamais le troisième groupe parlementaire de Westminster. En Écosse, les tories arrivent en tête dans six circonscriptions, les « Lib-Dem » dans quatre et un seul élu pour le Labour longtemps hégémonique. Le regain de l’indépendantisme écossais qui coïncide avec le maintien de l’autonomisme gallois (le Plaid Cymru conserve ses quatre sièges) répond à la nette anglicisation du Parti conservateur. En phagocytant les formations nationalistes (le Parti du Brexit de Nigel Farage fait 2 %, UKIP 0,1 % et le BNP 0,0 %), les conservateurs portent le mécontentement de l’opinion publique anglaise tandis que les formations régionalistes anglaises telles que le Parti du Yorkshire, les Indépendants d’Ashfield ou le Parti pour les Cornouailles ne récoltent que des miettes inférieures à 0,1 % des suffrages. L’« Angleterre périphérique » rurale et sub-urbaine s’élève contre les différentes dévolutions (autonomies administratives) octroyées à l’Écosse, au Pays de Galles, à l’Irlande du Nord et à Londres. Elle réclame sa propre dévolution régionale et se détourne d’une capitale plus que jamais fief d’un travaillisme cosmopolite et globalitaire. Le Parti conservateur correspond donc de facto à la partie visible d’un puissant mouvement de fond nationaliste anglais pan-britannique.

Boris Johnson se retrouve donc à la tête d’un État en proie à des forces centrifuges réelles et tangibles. Loin d’atténuer les tensions territoriales, le Brexit va les accentuer au moment où le garant séculaire de l’unité, la monarchie, traverse une période difficile. Bon pied bon œil, Sa Gracieuse Majesté va néanmoins sur ses 94 ans. Son fils, le prince de Galles, assure dans les faits la régence alors que la famille royale affronte deux secousses comparables au décès de Lady Di. D’une part, le fils préféré de la souveraine, Andrew, grand pote du financier pédophile Jeffrey Epstein, a montré toute sa désinvolture au cours d’un entretien télévisé sur un sujet sensible pour des Britanniques déjà horrifiés par les scandales parlementaires et l’impunité manifeste du prédateur sexuel Jimmy Savile. D’autre part, le jeune couple princier Meghan et Harry envisagerait de s’installer outre-Atlantique, ce qui constituerait un véritable affront pour la « Firme » de Buckingham Palace.

Pour l’heure, bien que fragmentée, l’unité britannique perdure par déférence envers la reine Elizabeth II. Or sitôt celle-ci disparue, son successeur ne fera pas autant l’unanimité, bien au contraire. Telle une autre Autriche – Hongrie, le Royaume-Uni de Charles, voire de Guillaume, pourrait éventuellement exploser.

Bonjour chez vous, et passez de très bonnes fêtes !

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 153, mise en ligne sur TV Libertés, le 23 décembre 2019.

mercredi, 06 novembre 2019

Les Cours suprêmes contre le peuple et l’histoire

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Les Cours suprêmes contre le peuple et l’histoire

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Le mardi 24 septembre 2019 restera dans l’histoire européenne comme une journée de deuil. Ce jour-là, les Cours suprêmes britannique et espagnole ont pris des décisions contraires à la volonté populaire et à la réalité historique.

La Cour suprême du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord existe depuis 2009. Elle remplit des fonctions judiciaires jusque-là assumées par la préhistorique Chambre des Lords. Elle décrète à l’unanimité que la suspension du Parlement pour cinq semaines voulue par le Premier ministre Boris Johnson est « illégale, nulle et sans effet ». Le Speaker (président) de la Chambre des Communes, John Bercow, convoque alors pour le lendemain une nouvelle session parlementaire.

Il s’agit d’un indéniable coup d’État judiciaire qui accélère la mutation du système politique britannique. De régime parlementaire rationalisé dans lequel le Premier ministre détenait un pouvoir discrétionnaire pour une durée illimitée, seulement interrompue par les électeurs ou par sa propre majorité, la Grande-Bretagne passe dans un régime d’assemblée soumis à la pression permanente des cléricatures médiatique et judiciaire.

Boris Johnson est devenu Premier ministre parce qu’il veut réaliser le Brexit approuvé par 51,89 % des votants. Or la classe politique britannique n’entend pas se séparer de l’Union dite européenne. Certains anti-Brexit suggèrent même l’organisation d’un nouveau référendum. Et si on refaisait les élections dès que leurs résultats déplaisent au politiquement correct ? Le cas s’est déjà présenté pour l’Irlande avec le traité de Lisbonne, d’abord rejeté par les Irlandais, le 12 juin 2008, avant que cette pâle copie du Traité constitutionnel européen soit finalement adopté le 2 octobre 2009.

Le même jour à Madrid, la Cour suprême espagnole rejette les recours déposés par la Fondation Franco, bientôt interdite pour une supposée « apologie du franquisme », l’Association de défense de la Valle de los Caidos et la communauté bénédictine du lieu. Elle autorise le gouvernement minoritaire et prébendier du sociétaliste Pedro Sanchez à exhumer la dépouille du Caudillo Francesco Franco ainsi que, dans un second temps, celle du martyr José Antonio Primo de Rivera. La violation illégitime de la sépulture du chef d’État espagnol a eu lieu jeudi dernier, 24 octobre, dans des conditions iniques qui bafouent le respect dû au défunt et à sa dignité. Le gouvernement espagnol souhaiterait ensuite transformer ce lieu de recueillement historique en « Disneyland » de la mémoire hémiplégique. Il s’agit d’effacer la victoire incontestable de la Croisade de libération nationale commencée en juillet 1936. Pedro Sanchez aimerait réécrire, huit décennies plus tard, un conflit largement perdu par les siens de la gauche dégénérée.

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Exhumer les tombes de Franco et de José Antonio relève de la profanation, acte tristement pratiqué par les « Rouges » entre 1936 et 1939. Cette pratique infâme sape d’ailleurs les piliers d’une Espagne contemporaine toujours redevable à Franco. Dans De Gaulle, 1969. L’autre révolution (Perrin, 2019, 301 p., 22 €), Arnaud Teyssier rapporte ce propos du Général De Gaulle à son collaborateur, Pierre-Louis Blanc, après son séjour passé en Espagne au printemps 1970. Il évoque l’œuvre du Caudillo : « Tout bien pesé, le bilan de son action est positif pour son pays. Mais, Dieu, qu’il a eu la main lourde ! (note 17, p. 254) » L’auteur de cet ouvrage précise que « De Gaulle avait noté un jour dans ses carnets cette phrase de Joseph de Maistre : “ Un acte politique ne se juge pas aux victimes, mais aux maux qu’il évite ” (p. 252) ». Pas sûr que le minable Pedro Sanchez comprenne cette profonde réflexion.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 145, mise en ligne sur TV Libertés, le 28 octobre 2019.

mardi, 22 octobre 2019

Britannia Exit. Le Royaume-Uni, l'Union Européenne et les répercussions du BREXIT dans un monde multipolaire

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Britannia Exit. Le Royaume-Uni, l'Union Européenne et les répercussions du BREXIT dans un monde multipolaire

Auteur: 
Irnerio SEMINATORE
Date de publication: 
16/10/2019

Ex: http://www.ieri.be

Le 31 octobre le Royaume-Uni quittera l'Union Européenne, où il était entré en 1973, après 48 ans d'adhésion et deux véto successifs de la part du Gén. de Gaulle, en janvier 1963 et en novembre 1967.

Deux tentatives infructueuses d'entrer dans la Communauté Economique Européenne (CEE) qui donnent la clé du divorce d'aujourd'hui, marquées, en 1963, par l'incompatibilité de l'économie anglaise avec les règles du « Marché commun » de l'époque et, en particulier de la politique agricole commune (PAC), l'économie britannique étant encore liée au Commonwealth en une zone mondiale de libre-échange et, en novembre 1967, par l'irréductibilité des intérêts insulaires (GB et Pays scandinaves) et des intérêts continentaux (les Six), doublés des relations privilégiées de la G.B.avec les Etats-Unis d'Amérique.

De surcroit l'orientation atlantiste de la politique étrangère et de défense de la Grande Bretagne et son refus de participer à la création d'une force nucléaire européenne indépendante aurait transformé, aux jeux de de Gaulle, la Communauté européenne en une Communauté atlantique et la première aurait été absorbée par la deuxième.

Ces vieux sentiments de singularité des britanniques ont ils joué un réflexe instinctif d'indépendance et de liberté dans les orientations populaires, lors du référendum de juin 2016 sur l'appartenance du Royaume Uni à l'Union européenne ?

Il est certain que, du point de vue historique, cette date marquera un échec du projet européen et un tournant décisif dans son évolution.

En effet, les dangers du consensus de masse, exprimés par le référendum britannique, ont pris le pas sur la définition de l'avenir du pays.

Ce retour à l'exercice intégrale de la « souveraineté » par un choix populaire, s'est fait dans des tensions internes, parlementaires et civiles, ainsi que dans l'incertitude internationale.

Trois arguments ont pesés sur le vote populaire: l'immigration, la zone euro et deux perspectives géopolitiques divergentes sur l'espace économique et politique vers lequel projeter l'avenir des deux ensembles.

De façon générale, le vote en faveur du Brexit a représenté pour tous, continentaux et britanniques, une victoire du populisme, du nationalisme et du souverainisme.

En France et en Europe l'impuissance des traités , à proposer une offre politique à la hauteur des défis, a mis en lumière, grâce au référendum, le clivage qui existe désormais entre deux visions de la société, nationale et internationale.

Le Royaume Uni, l'intérêt national et la « Balance of Power »

En effet, c'est au nom de « l'intérêt national » que la Grande Bretagne a toujours défini ses choix, en politique interne et en politique européenne , pronant ,dans le premier cas, l'unité du royaume, et, dans le deuxième, l'adoption du vieux principe du « divide et impera! ».

L'adaptation de l'intérêt national à la politique de « l'équilibre de puissance », comportant une surveillance permanente des intentions et des manœuvres des acteurs continentaux concurrents, afin que « ne soit pas tenue en une seule main une force supérieure à toutes les autres coalisées »!, a présidé à l'entrée réluctante de la Grande Bretagne dans la Communauté Économique Européenne en 1973.

Perspectives continentales et équilibres planétaires

Si les deux impératifs, de l'intérêt national et de l'équilibre de puissance, ont été les deux fils conducteurs du Royaume Uni depuis le traité de Utrecht (en 1713, reconfirmé par le Congrès de Vienne en 1805), rien de tel n'a joué pour les 27 pays membres, irréductibles à un principe d'action commun.

Or, l'identification des intérêts de survie et l' insertion de ces intérêts dans les nouveaux équilibres planétaires, portera-t-elle la Grande-Bretagne à oublier son encrage insulaire entre l'Europe et l'Amérique?

A première vue ,le Royaume-Uni vise désormais l'Océan Pacifique et l'Océan Indien (le vieux Commonwealth) dont le contrôle représente l'enjeu majeur du XXIème siècle, comme nouveau centre de gravité du monde, où battera le cœur de la grande finance internationale  et de la grande manufacture.

Un « Partenariat ambitieux » entre le Royaume Uni et l'U.E?

Face à une Union Européenne, à qui a fait défaut une capacité de conception et d'action géopolitique et stratégique globales et qui montre une impuissance singulière en matière monétaire, de politique étrangère et de sécurité, mais aussi de frontières et d'immigration, l'attractivité de jadis s'est commuée en délégitimation de son rôle et en diffractions internes multiples, qui rendent douteuses ses propositions de « partenariat ambitieux après le Brexit » (M. Barnier/ Le Figaro du 2 août 2018).

Le Brexit permet en effet de comparer deux interprétations du concept de « souveraineté ».

Du côté britannique, une conception unitaire et cohérente du pouvoir et de la légalité, en sa liberté de manifestations historiques, dont la principale s'exprime sous forme de « Balance of Power ».

Du côté de l'Union, une définition relative et partagée du pouvoir souverain, inessentielle du point de vue historique, artificielle du point de vue institutionnel et circonstancielle du point de vue stratégique.

Or, quelles histoires sont en train d'écrire aujourd'hui, ces deux acteurs de la vie contemporaine, le Royaume Uni et l'Union Européenne?

Une histoire de vassalisation du Royaume Uni à l'entreprise déclinante du projet européen, ou, en revanche, une nouvelle aventure de la liberté des peuples de langue anglaise et un retour des nations?

La souveraineté et le multilatéralisme selon Mike Pompeo

A l'échelle mondiale, le Secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, a déclaré, au même moment du référendum, au German Marshall Fund de Bruxelles, la fin du multilatéralisme, au nom de la priorité de la souveraineté américaine sur la logique du système international. 

Après avoir rappelé que le vieux système des interdépendances et de la coopération ne fonctionne plus et qu'il profite à des acteurs de l'ombre (la Chine), leurs permettant d'avancer des pions au sein des institutions supra-nationales ou de creuser un clivage entre les intérêts de bureaucraties non élues et leurs peuples et pays (U.E), Pompéo a rappelé que les intérêts de l'Europe et des États Unis précèdent ceux des institutions supra-nationales (ONU, UE, FMI, BM, OMC etc), puisque seuls les États-Nations peuvent garantir les libertés démocratiques et ont pour assise des peuples libres.

Un monde libre est un monde d’États-Nations et ne peut être en aucun cas un univers de bureaucraties supra-nationales.

Ce nouvel ordre ne peut jaillir que d'une profonde reforme des esprits et ne peut aspirer à la stabilité, que par l'affirmation d'un principe de cohérence, fondé sur le soubassement de trois notions, le Leadership, pourvu du sentiment instinctif de l'histoire, la capacité de décision et d'action, essentielle à la vie des États et l'ordre contraignant du monde, bannissant les compromis sans fin et les déclarations illusoires.

Il ne s'agit pas de rééquilibrer, mais de refonder l'ordre international!

Pas d'inclure l'ennemi ou la menace, mais de l'exclure et de les combattre!

Lorsque la liberté et la démocratie se dissocient et la foi dans la raison disparaît ou s'affaiblit, la « guerre civile » mondiale fait son irruption violente dans le coeur des nations.

La souveraineté et la géopolitique globale

Or, si « la souveraineté » est l'autorité, qui décide du cas d'exception, le Brexit, né d'un conflit entre deux principes, de légitimité et de décision, est millénaire pour l'empire britannique et circonstanciel pour l'empire des normes (l'U.E).

En son pur concept, la souveraineté reste le nœud incontournable du maintien ou de la déconstruction de tout ordre social, interne ou international et permet d'inscrire un pouvoir dans la géopolitique des grandes espaces, constitués, au XXIème siècle, par le Pacifique et l'Océan indien, comme pivots maritimes de l'Eurasie.

Ainsi, il est à parier que l'après Brexit sera marqué par la recherche d'un nouveau destin, planétaire et multipolaire, pour les deux ensembles concurrents,le Royaume uni et l'Union Européenne

De la vieille architecture euro-continentale de la sécurité, le Royaume-Uni héritera l'objectif historique d'une opposition permanente à la Russie et à toute organisation eurasienne à caractère stratégique, dans le but d’empêcher un rapprochement euro-russe et, encore davantage germano-russe, qui en ferait un ensemble dominant et menaçant.

La souveraineté et l'ordre libéral du monde

Le Brexit, comme beaucoup d'autres moments des relations euro-britanniques a été une victime du consensus de masse des démocraties et des tentations des classes dirigeantes, divisées, de satisfaire simultanément aux revendications populaires et aux objectifs à long terme de leurs pays.

En effet le défi a été de taille et a concerné le grand l'art de gouverner,autrement dit, la capacité de conjuguer les impératifs immédiats des passions populaires et les horizons de l'avenir.

Par ailleurs le Brexit marque la fin du sentiment d'appartenir à une même communauté humaine de peuples et de nations, distincte de toutes les autres, la communauté européenne, qui avait réussi à modérer par la raison et à atténuer par le calcul et par l'équilibre des forces, les rivalités continentales.

Pour conclure, le Brexit pousse à une reconsidération sur la résilience de l’État et de la souveraineté étatique, reposant, dans la conception post-moderne du projet européen, sur le soft power, la société civile et les droits de l'homme, dépourvus de l'expérience millénaire du conflit, de la tragédie et du « daimon » de la guerre.

A la recherche d'une autre idée de l'Europe

L'activation du débat sur l'épuisement historique du modèle de l'intégration a remis à l'ordre du jour la problématique traditionnelle relative à la primauté des Nations dans les relations européennes et internationales. Dans ce cadre, l'approche réaliste (permanence de la société hobbésienne et de l'anarchie internationale) n'exclut en rien l'approche idéaliste, autrement dit l'adoption d'un déterminisme volontariste pour tout projet historique.

L’Europe a besoin de réalisme pour raviver ses conceptions de la sécurité et de la puissance, sans adhérer à l'apostolat d'une doctrine, mais elle a besoin aussi d'idéalisme  pour réactualiser en permanence son idée de l'Europe.

Le « Brexit » et ses répercussions dans un monde multipolaire.

Le Brexit et ses options

La sortie de la Grande Bretagne de l’Union Européenne, comme acteur national essentiel, engendrera une série de répercussions, à caractère systémique

- sur l'interaction stratégique entre acteurs majeurs de la scène mondiale 

- sur la logique du risque politique, militaire et financier de l'ensemble occidental.

- sur les nouveaux modèles de gouvernance de l'UE

Ces répercussions peuvent conduire également à un séisme géopolitique prolongé : la dislocation du sous-système régional européen, car le retrait d'un acteur essentiel engendre instabilité et conflit.

En effet la défection d'un acteur étatique ne peut être compensée par un sous-système social, la « société civile », qui n'est pas inspirée par l'intérêt individuel d'un acteur national.

La sortie de l'Union fait reprendre au Royaume-Uni son rôle traditionnel de balancier dans les affaires du continent, comme arbitre de ses équilibres politiques et militaires et comme garant de son ancrage dans le camp euro-atlantique.

En puissance océanique et nucléaire, la Grande Bretagne renforce également sa liberté d'action sur la scène européenne, à travers l'OTAN (balance régionale), et sur la scène mondiale, par le biais du Commonwealth (balance planétaire) et favorise indirectement une distribution du pouvoir plus large et plus souple, qui augmente les incertitudes et pousse à l’établissement de nouvelles règles du jeu dans le domaine économique et financier.

Suite au Brexit, l'UE sera dans l'obligation de choisir entre un partenariat atlantique et un rôle planétaire d'acteur incomplet : la première option la place dans une position subordonnée vis-à-vis de la stratégie globale des États-Unis via l'OTAN, la deuxième dans une condition solitaire par rapport à une ré-configuration de son projet initial.

Il s'agit là de la quête d'un espace de manœuvre plus autonome et plus indépendant, à obtenir par des ententes bi-ou multilatérales, avec une ou plusieurs puissances extérieures, eurasiennes (Russie, Turquie, Moyen Orient, Chine) ou extra-européennes (États-Unis).

Le but de la réforme de l'Union serait de reprendre son rôle de puissance d'équilibre dans le système global, lui empêchant de dériver vers un vide géopolitique entre l'Est et l'Ouest et d'interdire la constitution d'alliances défavorables à ses intérêts, dans un monde multipolaire à forte compétition stratégique.

Par ailleurs un sous-système politique sans leadership ne peut se maintenir, car il est soumis à des forces centrifuges, qui aboutissent in fine à la désagrégation de l'ensemble.

La survie des États-Nations

En réalité la survie des États-Nations, même transformés par le processus d'intégration, pose à l'Union européenne trois problèmes majeurs, qui méritent un examen critique et un bilan d'étape, théorique, historique et stratégique.

  •  Le premier concerne l’hypothèse aronienne et bien connue : « Peut-on aller au-delà de l’État-Nation ? » Or,cette hypothèse a pour objet une analyse de la notion d'autonomie et d'indépendance politiques

  •  Le deuxième concerne le multilatéralisme et donc la communauté juridique des nations qui ont leur expression supranationale et universelle dans l’organisation de sécurité des Nations Unies

  •  Le troisième, l’économie mondiale, ou le processus de mondialisation en cours, ou encore la tendance à une interdépendance planétaire sans cesse accru 

Qu'est qu'une Europe politique?

A-t-on perdu la notion du politique?

Est politique une Europe dressée sur une hiérarchie et donc sur un « leadership » reconnu, articulant la « verticale des responsabilités », en une série de cercles de nations, différenciées entre elles.

Cette Europe avec leadership, s'oppose à la démocratie égalitariste, autrement dit, à l'Europe « puissance civile », liée à la défense du « statu quo », constamment remis en cause dans la scène internationale.

A partir de l'expérience séculaire de l'Histoire, décideurs et stratèges savent pertinemment que la sphère de la politique est un maillage, dans lequel se nouent et se déploient des rapports de force, des rapports de domination, ainsi que des rapports de compétition et de lutte entre individus, groupes, classes, ethnies, peuples et nations, autour de trois grands enjeux: l'idée, l'ambition et la puissance et que dans ce contexte, seule une « Europe des Nations »,est en mesure de préserver la personnalité, l'identité et l'homogénéité, culturelles et civilisationnelles, élaborées par l'Europe, au cours d'une histoire vingt huit fois séculaire.

 

Bruxelles, 7 octobre 2019

mardi, 15 octobre 2019

Brexit. Finissons-en !

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Brexit. Finissons-en !

par Michel Carlier
Ex: http://www.ieri.be

Le pénible feuilleton du Brexit commence à devenir lassant. Plus personne n’y comprend rien ! Et pour cause. Le désamour entre le continent et le Royaume-Uni ne date pas d’hier. C’est une longue histoire qui remonte à près d’un demi-siècle, époque de De Gaulle à Paris et de MacMillan à Londres. Je ne reviendrai pas là-dessus. En 1973, le Royaume-Uni, le Danemark et l’Irlande entrent dans le Marché commun européen où ils rejoignent les Six États fondateurs, les trois du Benelux, la République fédérale d’Allemagne, la France et l’Italie signataires du traité de Rome du 25 mars 1957. Deux ans plus tard, je suis à Madrid, en ma qualité de diplomate belge. L’ambassadeur d’Irlande en Espagne que je connaissais bien me dit un jour : « Les Six ont commis une lourde erreur en laissant entrer les Britanniques dans le marché commun. Vous verrez, ils sont entrés non par pour construire l’Europe, mais pour la détruire ». J’étais stupéfait de ce propos que je jugeais excessif. À l’époque, il est vrai, les continentaux - en particulier ceux du Benelux - vivaient dans l’euphorie de l’entrée de trois États dans la communauté économique européenne (CEE). Un premier élargissement qui démontrait que ce qui avait été créé par le traité de Rome était devenu une réalité attractive à laquelle les peuples - y compris celui des îles britanniques jaloux de son identité et fier d’avoir bâti un empire mondial - adhéraient spontanément. C’était le temps de l’enthousiasme et des grandes envolées lyriques. Mais l’enchantement ou l’illusion n’ont guère duré. Ce furent les années Thatcher avec le fameux « I want my money back » et celles qui suivirent avec les vetos britanniques aux candidats belges (Dehaene en 1994 et Verhofstadt en 2004) au poste de président de la commission européenne. Le premier se présentait à la succession de Jacques Delors et fut écarté à Corfou par le veto britannique de John Major et le second à celle de Romano Prodi. Cette fois, Verhofstadt se heurta au veto du premier ministre britannique Tony Blair.

Tout au long des décennies que nous venons de vivre avec les Britanniques dans notre communauté économique européenne devenue Union européenne (UE) en 1993, les gouvernements de Londres ont tous pratiqué la politique de l’ubiquité : un pied dedans et l’autre dehors. Ceci, après avoir signé tous les traités. Dont ceux de Maastricht (7/2/1992) et de Lisbonne (13/12/2007). Mais, de toute évidence, dans les îles, le cœur n’y était pas. Au chœur des continentaux qui chantait les louanges du fédéralisme européen, les dirigeants britanniques - tous partis confondus - répondaient en brandissant les vertus de la souveraineté territoriale et financière et en dénonçant la perversion, évidente à leurs yeux, des Continentaux qui leur faisaient face et ne cédaient pas à la tentation du grand large. En 2003, ce divorce évident éclata au grand jour lors de l’invasion de l’Irak décidée par G.W Bush et Tony Blair, contre l’avis d’États membres comme la France, l’Allemagne ou la Belgique. Et puis, comme d’habitude, on a remis un semblant d’ordre à force de compromis boiteux, jusqu’à ce que le référendum du 23 juin 2016 livre son verdict inattendu : 51,9 % des électeurs en faveur d’un retrait du Royaume-Uni de l’UE. Ce n’était que la suite logique de tant d’années de présence-absence au sein d’une Union poursuivant des objectifs diamétralement opposés à ceux que l’on souhaitait à Westminster et au 10 Downing street. Depuis ce coup de tonnerre de juin 2016, on assiste à une pièce sans fin et sans but. Les députés des Communes offrent au monde un piteux spectacle et imposent aux Continentaux des choix impossibles. Alors, que peut-il se passer ? Ou bien, il n’y aura pas de Brexit. Chose qui me paraît probable vu l’incroyable imbroglio qui prévaut outre-manche, avec un parlement qui accumule les votes contradictoires et un gouvernement sans majorité. En fait, l’opacité dans laquelle on s’enfonce s’épaissit à vue d’œil. À tous égards, y compris sur la question de l’immigration que trop de gens préfèrent ne pas aborder, à tort. Sur le continent, on préfère ne pas se prononcer. Sauf pour affirmer que l’accord May-Barnier n’est pas négociable. Et pourtant, il faudra bien négocier avant la date du Brexit encore fixée au 31 octobre 2019.

Enfin, je crois que, dans l’intérêt de tous, il est plus que temps d’en finir avec cette affaire qui, depuis trois ans et demi, accapare les énergies et paralyse l’UE qui se trouve bloquée et incapable d’initiatives et de progrès. J’ajoute qu’il faut être attentif à un fait que beaucoup semblent vouloir ignorer. Dans l’hypothèse plausible d’un non Brexit, Londres ne se bornera pas à reprendre sa place autour de la table comme si rien ne s’était passé depuis le référendum de 2016. Les continentaux partisans du maintien du R-U doivent savoir que les gouvernants britanniques n’hésiteront pas à imposer leur vision sur l’avenir de l’Union. Et, ce projet sera à l’opposé de celui défendu par les Fédéralistes. Londres posera ses conditions. Parmi elles : le maintien des dérogations déjà accordées et l’assurance de l’abandon de tout projet institutionnel visant à accroître les compétences de la Commission et du parlement. Dans cette hypothèse, un coup d’arrêt définitif sera porté au grand rêve des Européens convaincus. Ce sera l’adieu à l’Europe puissance. En clair, les Fédéralistes européens n’ont guère le choix. S’ils persistent dans leur grand projet de construction européenne, ils ne peuvent plus se laisser freiner par ceux qui ne veulent pas de cette Europe unie et indépendante. À quelques semaines de la date fixée, il serait utile que nos dirigeants aient cela à l’esprit lors de leurs discutions avec Johnson et ses ministres. Et, puisque ceux-ci brandissent la menace d’une sortie sans accord, qui entraînerait - selon les Cassandre de service - un cataclysme épouvantable, il serait opportun, je crois, de ne pas s’en tenir à la posture du déni de négocier. L’avenir de l’UE est une affaire tellement sérieuse que ce serait criminel de le sacrifier sur l’autel du maintien en son sein et à tout prix d’un État qui ne partage pas, ou si peu, l’idée même de construction européenne.

S.E.M. Michel Carlier

Ambassadeur honoraire de S.M. le Roi des Belges

19 septembre 2019

NB. Le 24 septembre 2019, la Cour suprême du Royaume-Uni déclarait illégale la décision du gouvernement de Johnson de fermer durant 5 semaines le parlement de Westminster. Nouveau camouflet pour le Premier ministre dont les oppositions réclament aussitôt la démission. Réuni à nouveau dès le 25 septembre, le parlement persiste dans la cacophonie. Johnson résiste et met au défi ses adversaires de déposer une motion de censure. En outre, il renouvelle sa proposition d’organiser rapidement des élections anticipées.