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mardi, 14 février 2012

La télévision tue, la télévision abêtit : faut-il l’interdire ?

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La télévision tue, la télévision abêtit : faut-il l’interdire ?

par Andrea MASSARI

Assurément non : la liberté d’expression, la liberté des ondes et d’Internet sont des biens précieux… de surcroît protégés par la technologie. Et pourtant on sait aujourd’hui de source sûre que la télévision tue et abêtit. La méta-étude du neuroscientifique Michel Desmurget, T.V. Lobotomie. La vérité scientifique sur les effets de la télévision (1), ne laisse aucune place au doute. Il n’est plus possible à l’honnête homme d’ignorer ces faits. Ni de ne pas en tenir compte. Ce qui implique de limiter l’emprise publicitaire, notamment sur les enfants. Andrea Massari fait le point.

Polémia

 

T.V. Lobotomie : la méta-étude de Michel Desmurget

 

Depuis plus d’un demi-siècle des études scientifiques sont conduites sur les effets de la télévision. Michel Desmurget a réalisé la synthèse d’un millier d’entre elles : T.V. Lobotomie. La vérité scientifique sur les effets de la télévision.

 

La conclusion est sans appel : les 3 h 30 passées en moyenne chaque jour devant l’écran de télévision – au total seize ans de vie éveillée – ont un coût terrifiant : fréquence plus grande de l’obésité, augmentation des risques de maladies cardio-vasculaires, déclin du niveau cognitif des seniors, corrélation entre exposition à la télévision et développement de la maladie d’Alzheimer, diminution de l’espérance de vie et affaiblissement de la vie sociale. Voilà pour la population générale. Et le professeur Desmurget de conclure : après la cigarette ou le fast food, nul doute que la télévision sera la prochaine grande question de santé publique.

 

Pour les jeunes, il faut ajouter : apathie plus fréquente et taux d’échec scolaire proportionnels à l’exposition à la télévision, propension accrue à la violence et aux comportements sexuels à risques.

 

La télévision et l’enfant

 

Le blogue de la liberté scolaire (2) a ainsi résumé l’impressionnante liste des effets nocifs de la télévision tels que Michel Desmurget les a établis :

 

— La télévision « empêche le déploiement optimal des fonctions cérébrales », compromettant ainsi « l’ensemble du devenir intellectuel, culturel, scolaire et professionnel de l’enfant ».

— La télévision fait apparaître des troubles du langage chez l’enfant, associés à des troubles de l’élocution, notamment parce qu’elle limite les interactions entre les personnes réelles et laisse moins de temps aux activités ludiques spontanées.

— La télévision occasionne des retards de langage et fait baisser le niveau de compétence langagière; elle limite l’acquisition de vocabulaire et l’accès aux compétences syntaxiques de base.

— La télévision a un « impact négatif sur l’attention, les facultés d’apprentissage et la réussite scolaire à long terme », avec un risque accru de quitter l’école sans diplôme et de ne jamais s’asseoir sur les bancs de l’université.

— La télévision occasionne des difficultés en lecture et fait baisser le temps de lecture, qui se trouve réduit à la portion congrue; ainsi, un flux cathodique permanent (la télévision en bruit de fond) diminue de presque 30 % le temps de lecture des 5 – 6 ans, qui passe de 49 à 35 minutes quotidiennes en moyenne.

— La télévision fait baisser le niveau scolaire général, en français comme en mathématiques et, par manque d’interaction, n’aide en rien à apprendre les langues étrangères.

— La télévision fait baisser le niveau universitaire. L’étudiant soumis depuis la petite enfance à une forte exposition à la télévision souffre de très graves lacunes en orthographe, en conjugaison, en syntaxe, en vocabulaire, il manque de logique, de capacités analytiques et d’esprit de synthèse – tout cela lui interdit tout accès à des savoirs complexes.

— La télévision, « troisième parent cathodique », réduit « drastiquement le volume et la qualité des interactions parents – enfants », mutilant ainsi la sociabilité intrafamiliale.

— La télévision castre l’imaginaire enfantin; les enfants rejouent les scripts des films et des séries et n’inventent plus de jeux.

— La télévision augmente la consommation de tabac et d’alcool et la fait commencer plus tôt.

— La télévision pousse au sexe de plus en plus jeune et génère des taux élevés d’avortements chez les adolescentes (cf. une étude qui porte spécifiquement sur l’addiction à la série mythique « Desperate Housewives » et démontre qu’elle multiplie par trois le risque de grossesses non désirées chez les adolescentes).

— La télévision constitue une addiction psychologique chez les enfants et les adultes, notamment en accaparant l’attention par le changement perpétuel.

— La télévision augmente l’obésité. Regarder la télévision plus de deux heures par jour multiplie le risque de surpoids d’un enfant de trois ans de 2,6 %; pour un adolescent, ce risque augmente de 55 %.

L’étude de Michel Desmurget doit être prise au sérieux surtout si l’on considère que 50 % des Français allument la télévision en arrivant chez eux, par réflexe, et qu’ils la regardent en moyenne 3 h 30 par jour.

 

Protéger les jeunes enfants d’une exposition dangereuse à la télévision

 

C’est évidemment aux parents d’agir pour protéger leurs enfants des effets néfastes de la télévision alors qu’elle apparaît souvent comme le baby-sitter le plus commode (toujours disponible) et le moins coûteux (du moins à court terme !).

 

Michel Desmurget donne cinq pistes aux parents responsables : au mieux « zéro télé » pour toute la famille; sinon, pas de poste dans la chambre des enfants; pas de télévision avant six ans; moins de trois heures par semaine devant un écran (télévision ou vidéo) pour les écoliers et les collégiens, et jamais le soir; et pour les adultes, avoir toujours à l’esprit les risques d’isolement, de maladies, de déclin cognitif…

 

Casser l’addiction publicitaire

 

Encore faut-il que les parents soient correctement informés : or, la réalité est tout autre ! Les parents sont en effet sollicités par des publicités en faveur de programmes pour bébés ou très jeunes enfants dont on leur raconte que cela contribue à leur éveil… Ce qui est un mensonge absolu.

 

Il nous faut aussi décrypter la logique publicitaire : réaliser des programmes pour enfants, truffés d’images et de messages, pour transformer les mineurs en prescripteurs d’achats de leurs parents; et les formater à la consommation avant dix ans. Cette logique-là est proprement inacceptable Elle pourrait être brisée : en interdisant la mise à l’étalage des produits dont la promotion repose sur la publicité – ouverte ou clandestine – à destination des enfants. Mais cela supposerait une indépendance de la classe politique vis-à-vis des lobbies… (3)

 

De même, l’usage de la télévision par les nourrices agréées devrait être strictement interdit, au même titre que l’est le recours à des calmants chimiques.

 

Ne pas imposer aux adultes une exposition non voulue à la télévision

 

« Fumer tue ». La télévision aussi.

 

Contre le tabac des mesures de prophylaxie collective ont été prises : chacun reste libre de fumer mais l’interdiction de fumer dans les lieux publics protège les non–fumeurs de la nocivité du tabac.

 

Il devrait en être de même pour la télévision. Chacun, bien sûr, doit pouvoir rester libre de regarder ou non, chez lui, la télévision. Mais chacun devrait aussi pouvoir rester libre de ne pas se voir imposer la télévision en dehors de chez lui. Tel n’est pas le cas. Au contraire, il est insupportable que les écrans de télévision soient imposés à tous dans l’espace public : commerces, transports, cafés et restaurants. Et qu’on ne vienne pas dire que chacun peut choisir de regarder dans une autre direction car le cerveau humain est un cerveau programmé pour regarder ce qui bouge. Quand une télévision est allumée, tout le monde la regarde, volens nolens.

 

L’exposition publicitaire télévisuelle obligatoire dans les lieux publics n’est donc rien d’autre qu’une technique d’ahurissement qui doit être dénoncée comme telle. Et elle doit être interdite pour préserver la liberté d’esprit de tous.

 

Les voleurs de cerveaux

 

Nous n’avons fait qu’évoquer ici de simples mesures d’hygiène.

— Hygiène individuelle, chez soi.

— Hygiène collective : à l’extérieur.

 

Leur mise en œuvre sera évidemment difficile : car le monde d’aujourd’hui appartient à ceux qui – selon l’expression de Patrick Le Lay – « achètent du temps de cerveau disponible » à T.F.1. C’est bien contre « Big Brother » qu’il faut se révolter.

 

Andrea Massari

 

Notes

 

1 : Michel Desmurget, T.V. Lobotomie. La vérité scientifique sur les effets de la télévision, Max Milo Éditions, 2011, 318 p., 19,90 €.

2 : cf. Le blogue de la liberté scolaire, <http://www.liberte-scolaire.com/>.

3 : Cf. sur Polémia l’article de H. Calmettes « L’Addictature : La tyrannie de la dépendance », mis en ligne le 19 mai 2010.

• D’abord mis en ligne par Polémia, le 12 octobre 2011.


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jeudi, 09 février 2012

Une vague d’émeutes à venir en Europe ?

Une vague d’émeutes à venir en Europe ?

Ex: http://mediabenews.wordpress.com/

Une étude anglaise met en exergue le lien direct entre coupes budgétaires et révoltes sociales. Les auteurs, sociologues de l’université du Kent, prédisent l’augmentation des émeutes, des manifestations et des grèves, au Royaume-Uni et ailleurs en Europe, dans les prochains mois. 

 

Les Européens pourront-ils supporter la course à l’austérité qui sévit actuellement dans en Europe? Une étude anglaise “More cutbacks mean more riots”, (“Une hausse des coupes budgétaires entraîne une augmentations des émeutes”), publiée cette semaine, analyse les liens entre les coupes budgétaires et les révoltes sociales. Alors que le nombre de manifestations constatées en Europe et dans le monde en 2011 a battu tous les records, cette étude donne des éléments de réponse.

Emeutes, délinquance et assassinats

Le sociologue Peter Taylor-Gooby de l’université du Kent s’est d’abord appuyé sur les travaux des économistes Jacopo Ponticelli et Hans-Joachim Voth. Ils avaient souligné en août dernier une forte corrélation entre les périodes de réductions budgétaires et celles d’augmentation de l’”instabilité” sociale, à savoir les émeutes et manifestations ainsi que la délinquance et les assassinats constatés.

Comme le montre le schéma ci-dessus, le nombre d’événements augmente toujours en période de coupes budgétaires. Lorsque les réductions de dépenses dépassent les 2% du PIB, l’instabilité grimpe de manière significative. Et lorsque ce seuil dépasse les 3%, on constate jusqu’à un doublement des indicateurs choisis.

 

Les coupes sociales à éviter

Le professeur Peter Taylor-Gooby a, lui, tenté de comprendre quelles dépenses supprimées engendrent cette instabilité. Il s’est penché sur les conséquences sociales des réductions de budgets réalisées dans 26 pays, principalement européens*, entre 1980 et 2005.

Premier constat: les phases de réduction des dépenses ne correspondent pas toujours à des périodes d’émeutes. En elle-même, l’austérité  ne serait donc pas facteur de révolte sociale si l’on en croit les événements depuis 1980.

L’étude montre, par contre, que les vagues de privatisations “qui privent une partie de la population de l’accès aux services publics”, les coupes brutales dans les “amortisseurs sociaux” ainsi que les phases d’augmentation de la pauvreté, engendrent systématiquement un regain de désordre social. Une invitation, selon l’auteur, à modérer les coupes dans les budgets sociaux lorsque les économies sont mises à la diète.

Bien sûr, Peter Taylor-Gooby rappelle que les manifestations recensées ne visent pas forcément les politiques gouvernementales en matière sociale, mais peuvent être liées à des contextes locaux. Même si certaines émeutes ont été retirées des données, comme celles dénonçant les décisions gouvernementales de politique étrangère, ces biais restent importants. Par ailleurs, la manifestation est un fait social qui prend des significations différentes selon les pays. Ces corrélations sont donc à prendre avec des pincettes.

Mais l’auteur du rapport n’hésite pas à s’inquiéter des événements à venir au Royaume-Uni, où sont organisées des coupes budgétaires sans précédent. Il fait le lien entre ces réductions de budget et les semaines d’émeutes qui ont secoué le pays l’été dernier:

Ce sont les quartiers les plus pauvres qui ont vécu les pires émeutes. Le tout s’est suivi de manifestations records contre la politique du gouvernement, notamment la réduction des retraites.

Selon lui, toute l’Europe est menacée:

En 2012 nous verrons une augmentation de la pauvreté, une réduction de la sécurité de l’emploi et davantage de privatisations et de coupes dans les budgets sociaux. Nous assisterons donc aussi à plus d’émeutes, de manifestations et de grèves.

Thibaut Schepman

mercredi, 08 février 2012

The communitarian critique of liberalism left and right

The communitarian critique of liberalism left and right

by Graham Lister

Ex: http://majorityrights.com/

For the philosophical communitarian, the Sartrean cogito, spontaneously reinventing itself ex nihilo, permanently free to choose and revise its definition of the good, is a fiction that pervades all modern liberalism. From Hobbes, Locke and Kant, through to Mill and Rawls, the rootless, solitary and “unencumbered self”, as Michael Sandel describes it, prior to and independent of its ends and rationally deliberating on the value of its voluntary attachments, is adopted as the starting point of social analysis.

This conception of the subject, it is argued, precludes from the start the possibility of genuinely communal forms of association, of “constitutive” communities “bound by moral ties antecedent to choice”. This is why communitarians stress the cultural constitution of the subject, the way the individual forms his or her identity, sense of self, and intuitive system of values by inheriting and passing on an unchosen legacy of collective orientations, shared meanings and standards, networks of kinship and pre-contractual forms of solidarity which are a prerequisite for, rather than the outcome of, the subject’s capacity for moral commitment.

Rising discontinuity is accompanied by the diversity of visible cultures and lifestyles. This is promoted by the density of urban populations, high social mobility and change, unprecedented choice for the individual consumer - albeit at the potential cost of a rapid decline in the overall diversity of our natural stocks - and the impact of transport and communications technology, especially on the tourist industry. Exposure to different forms of life, particularly those that are too exclusive or stylized to permit participatory understanding by outsiders, inevitably creates a sense of cultural relativism. Where ethnic, class, national and religious traditions do intermingle and combine, discrete cultural narratives are severed or reinvented, and hybrid cultural forms emerge which lack historical precedent, thus weakening the constitutive bonds between generations.

There is also the well-documented impact of the mass media, another factor which has served to heighten many of the trends already noted. The entertainment media have encouraged the privatization of society and the decline of face-to-face interaction through which communal narratives are reaffirmed and passed on. The proliferation of sophisticated images has blurred the boundaries between the real and the imaginary and saturated social life with ubiquitous representations of novelty and difference, representations which typically incorporate easily identifiable elements of ordinary life and recycle them in impossibly exotic, erotic, and alluringly faultless images. Moral and cultural relativism reflects the success with which the media has, by providing simulated substitutes for human interaction, made us wide-eyed strangers to those lives and cultures whose basic elements - from the mundane aspects of work and play, to the feelings and puzzles which human existence gives rise to - we all share in common.

At the same time, our insatiable appetite for remote and alien experience has attenuated our capacity to recover something of the child’s original wonder at the everyday world, to yield to a curiosity for the most familiar aspects of our surroundings, to find joy in the simple passage of the seasons, to marvel at the growth of children, to renew our affections and attachments without the aid of imported novelty and change.

Today’s “imaginative hedonism”, this limitless and self-gratifying appetite for rootless novelty and conquest which seems so hostile to our need to re-establish an ethic of self-limitation, is not a “postmodern” phenomenon, as is largely assumed, but is better described as a characteristic of “hyper-modernity”, in which society has failed to steer the emancipatory dynamic of modernity towards a political end. Daniel Bell saw it as a radical extension of the trends in modernist culture itself, reinforced by the hedonistic compensatory mechanisms of organized capitalism. Christopher Lasch believed its origins lie in our failure to achieve psychological individuation, a process demanding that we repudiate our memories of pre-natal bliss and find connections with a world that is independent of our wishes yet responsive to our needs. Robert Bellah and his colleagues identified the clear emergence of this “expressive individualism” in nineteenth-century America, contrasting it with a scientific culture of utilitarian calculation to which it was both a reaction and a complement. And with greater precision, Colin Campbell has located the religious source of the consumerist outlook in the Pietist strand of the same Protestant ethic that helped generate the entrepreneurial spirit of capitalism.

For the philosophical communitarians, then, it is the cultural and historical heritage of individuals, their identities as “bearers of a tradition”, which provides the moral particularity essential for an authentic life. In MacIntyre’s account, it is the roles and attachments of one’s family, one’s profession, one’s city or nation, which incur “a variety of debts, inheritances, rightful expectations and obligations” that “constitute the given of my life, my moral starting point”.

This theme is taken up by Sandel, who rejects what he refers to as liberalism’s depiction of a “deontological” self whose identity is never tied to its aims or attachments. He writes:

“We cannot regard ourselves as independent in this way without great cost to those loyalties and convictions whose moral force consists partly in the fact that living by them is inseparable from understanding ourselves as the particular persons we are.

... Allegiances such as these … go beyond the obligations I voluntarily incur and the ‘natural duties’ I owe to human beings as such. They allow that to some I owe more than justice requires or even permits, not by reason of agreements I have made but instead in virtue of those more or less enduring attachments and commitments which taken together partly define the person I am”.

A person without such constitutive attachments, Sandel continues, would be lacking in moral character and depth:

“For to have character is to know that I move in a history I neither summon nor command, which carries consequences none the less for my choices and conduct. It draws me closer to some and more distant from others; it makes some aims more appropriate, others less so”.

The “deontological self” which is the starting point to liberal contract theory is, by contrast, a self so bereft of character that it is incapable of self-knowledge, and therefore self-direction. Being “unencumbered” by its conception of the good, having no attributes and aims other than those it has voluntarily chosen, its enquiry into its own motives and ends “can only be an exercise in arbitrariness”. Sandel’s belief that “some relative fixity of character appears essential to prevent the lapse into arbitrariness which the deontological self is unable to avoid”, is shared by MacIntyre, who sees the work of Sartre as the epitome of this liberal individualism. Should we follow MacIntyre and dispense with Sartre’s existentialism for depicting “a self that can have no history”, that is “entirely distinct from any particular social role which it may happen to assume”, and that creates a human life “composed of discrete actions which lead nowhere, which have no order”?

Comments, thoughts, reactions?

Ex: http://majorityrights.com/

samedi, 21 janvier 2012

Karl A. Wittfogel: oosterse samenlevingen, hydraulische samenlevingen en oosters despotisme

Karl A. Wittfogel: oosterse samenlevingen, hydraulische samenlevingen en oosters despotisme

 

Tussenkomst van Robert Steuckers op de 8ste Zomeruniversiteit van "SYNERGIES EUROPÉENNES", Gropello de Gavirate, zomer 2000

 

Waarom dienen we ons vandaag de dag nog onledig te houden met de biografie, het werk en de werkingscontext van Karl August Wittfogel?

Drie belangrijke redenen hebben ons ertoe gebracht om op deze 8ste zomeruniversiteit van "Synergies Européennes" het onderwerp Karl August Wittfogel aan te snijden. Het doel van deze zomeruniversiteit is om, net zoals de voorgaande edities, allerlei vergeten of zelden geraadpleegde auteurs binnen de culturele niche waarin wij werkzaam zijn opnieuw in de belangstelling te plaatsen. 

Ten eerste, omdat Wittfogel een groot Duits-Amerikaans socioloog was, aan wie we belangrijke concepten, zoals de “oosterse samenleving”,de “hydraulische samenleving” en het “oosters despotisme” te danken hebben. 

De tweede reden ligt vervat in het dubbele culturele milieu dat hem heeft voortgebracht: aan de ene kant de Wandervogel-beweging, aan de andere kant de ontluikende Duitse communistische beweging, de USPD, en later de KPD, om dan in dit marxistisch milieu te eindigen bij de beroemde “Anti-imperialistische Liga”, die fungeerde als overgangsveld tussen partijcommunisten en de nationaal-revolutionaire beweging, verenigd in hun revolte tegen het westen. 

De derde reden, tenslotte, is van theoretische en filosofische aard. Wittfogel is iemand die Marx op een originele en vruchtbare manier aanvult, zoals we nog zullen zien. Wittfogel verduidelijkt een aantal bronnen die van belang zijn voor het denken van Marx en die tevens de vitale bronnen van ons eigen politieke traject vormen:
- het culturele relativisme van Herder,
- het denken van Montesquieu, dat geworteld is in de tijd ,de ruimte, het klimaat en de etniciteit,
- de geografie van Carl Ritter, de vader van de moderne cartografie (cf. Robert Steuckers, "Carl Ritter", in: Encyclopédie des Oeuvres philosophiques, PUF, 1992; en "Aux sources de la géopolitique allemande: la vision de Carl Ritter", in: Vouloir, n°9-nieuwe serie, 1997).


Wittfogel voegt aan dit drievoudig corpus een rationalistische noot toe, die eigen is aan de Franse Verlichtingsfilosofen, meer bepaald door geregeld het materialisme van d'Holbach en d'Helvétius aan te halen. Wittfogels eerste doelstelling ligt in het benadrukken van de historiciteit van de fenomenen, teneinde hen uit de vergeetput van de verstarde corpora te halen, die altijd een symptoom van mentale blokkering zijn en de reden vormen voor politieke inertie, die uiteindelijk tot de ondergang leidt.

In die zin beschouwt Wittfogel het marxisme en zijn filosofische, politieke en revolutionaire optie als een instrument dat kan bijdragen tot de “ontgrendeling” van fenomenen, door hen uit té verstarde en té nauwe conceptuele corsetten te bevrijden, die hen van de tijd vervreemden. Het dringt blijkbaar niet door tot Wittfogel dat het marxisme zelf verstrikt is geraakt in dogma’s, meer bepaald vanaf de opname van de sociaal-democratie in het Duitse politieke leven vóór 1914. De jonge Wittfogel heeft, in tegenstelling tot de nationaal-revolutionaire discipelen van Sorel (ook deze in Duitsland), de les van de dissidente socialistische theoreticus Roberto Michels niet onthouden, die de transformatie van de SPD naar een gesloten politieke oligarchie hekelde. Michels hakte vol ironie in op wat hij noemde de Verbonzung, de Verkalkung en de Verbürgerlichung van het socialisme, zelfs vóór het uitbreken van de Eerste Wereldoorlog (deze Duitse polemische termen betekenen: “bonzificering”, zijnde de voortschrijdende overheersing door de “bonzen”, aderverkalking en verburgerlijking).   

Een reële interesse voor de geopolitiek 

Wittfogel rehabiliteert volledig de rol van de geografie in het politieke denken. Zijn voornaamste inspiratiebron in dezen is Montesquieu, die zich gebogen heeft over het belang van het klimaat. Wittfogel haalt tevens de aarde aan, die de sokkel voor een precieze landbouwproductie vormt, en die verschilt naargelang de plaats en de bevolking die erop leeft. Wittfogel ontwijkt evenmin de etnische of zelfs raciale factoren, en citeert in het bijzonder Hippolyte Taine (men is zich sinds de werken van Zeev Sternhell bewust van de belangrijke rol die Taine gespeeld heeft in de groei en de consolidering van de Franse “revolutionare rechterzijde”). Wittfogel interesseert zich vanaf dan voor de geopolitiek van zijn tijd: hij citeert beurtelings Richthofen, Kjellén, Ratzel, Haushofer, en, om wat tegengewicht te bieden aan die ruimtedenkers die men veeleer in het “conservatief-revolutionaire” kamp kan plaatsen, haalt hij vaak de Amerikaanse Ellen Semple en de Engelsman J. F. Horrabin aan, die beide tot het socialistische kamp behoren. Horrabin ziet zichzelf als leerling van de anarchistische Franse geograaf Elisée Reclus, net zoals een andere hedendaagse vernieuwer van het geopolitieke denken, Yves Lacoste, die zijn eigen inzichten haalt bij de levendige geografie van Reclus. 

Ziehier nu de “wetenschappelijke” redenen die ons moeten aanzetten tot het herlezen van de werken van Wittfogel. Maar los van deze “wetenschappelijke” redenen, zijn er ook redenen van zeer actuele aard om de werken van deze oude Wanderogel die daarna overgelopen is naar het Duitse communisme uit de kast te halen.

Beheersing van het water en “hydraulische samenlevingen"

Zijn denken met betrekking tot de “hydraulische samenlevingen” herinnert ons op zeer realistische wijze aan het feit dat elk politiek handelen begint bij de beheersing van het water: verwerven van drinkbaar water, irrigatie die regelmatige landbouw mogelijk maakt die onttrokken wordt aan de grillen van de natuur, gebruik van waterwegen die het transport van grote hoeveelheden goederen mogelijk maken. De beheersing van het water is eigen aan alle georganiseerde samenlevingen, al zijn ze nog zo bescheiden. Ze impliceert evenwel een groepsdiscipline, die bij momenten dwingend is, en die men volgens de jonge Wittfogel kan vereenzelvigen met een autoritair politiek bestel.

Het ontstaan van staten en rijken, zoals China (Wittfogel toont zich vooral een groot sinoloog), Egypte of Mesopotamië, bewijst de pertinentie van Wittfogels stellingen. Maar hij speelt niet enkel de historicus van voorbije grote hydraulische mogendheden, hij durft ook te vergelijken en zijn theorie toe te passen op het heden. Zo trekt hij parallellen tussen de grote rijken van de Oudheid en de twee grote mogendheden van zijn tijd, de Sovjetunie en de Verenigde Staten. Vanaf de machtsovername van Stalin begint de Sovjetunie met grote “hydraulische” werken: het graven van kanalen, verbindingen tussen de grote rivieren (bijvoorbeeld tussen de Don en de Volga), stuwdammen, irrigatiewerken, enzovoort. Dankzij deze werken kon de Sovjetunie opklimmen tot de status van supermogendheid en kan het huidige Rusland, spijts de afschuwelijke terugval waarin het zich vandaag “dankzij” het in de praktijk brengen van de stellingen van Bzrezinski bevindt, deze meerwaarde heractiveren. Het stalinisme werkte disciplinerend, dwingend of autoritair: het is, volgens Burnham, de Russische of Sovjetversie van het “tijdperk der directeurs”, eigen aan de jaren onmiddellijk na de Eerste Wereldoorlog, zowel in de Sovjetunie als in andere Europese en Amerikaanse landen. 

Tussen 1920 en 1940 kenden de Verenigde Staten ook een belangrijke fase van hydraulische ontwikkelingen, meer bepaald de grote werken ter beheersing van de loop van de Mississipi. Deze fase impliceert dan ook het tijdelijk bevriezen van de gangbare praktijken van het klassieke politieke liberalisme. De republikeinse oppositie spreekt vanaf dat moment van het “cesarisme” van Roosevelt, de Amerikaanse versie van het “tijdperk der directeurs”.

Het tijdperk der directeurs

Ondanks de Italiaanse (fascistische) en Duitse (nationaalsocialistische) versie van het “tijdperk der directeurs” bleek een hydraulische harmonisering van het continent onmogelijk. Het nationaalsocialistische Duitsland tracht evenwel de richtlijnen uit het in 1752 geschreven “Politieke Testament” van Frederik II van Pruisen door te voeren. Pruisen bereikte economische coherentie door de Elbe, de Spree en de Oder door middel van kanalen te verbinden, en daardoor zowel aan de Noordzee (Hamburg) als aan de Baltische Zee (Stettin) over een haven te beschikken. Men diende nog werk te maken van een verbinding tussen de Elbe en de Weser en tussen de Weser en de Rijn. Als Duitse variant van het “tijdperk der directeurs” realiseert het nationaalsocialistische Duitsland, volgens Burnham, deze werken, meer bepaald dankzij de inzet van de mankracht die door de “verplichte arbeidsdienst” (Reichsarbeitsdienst) wordt aangeleverd. De verbinding tussen Rotterdam of Antwerpen (via het in 1928 in dienst genomen Albertkanaal) en Berlijn en vervolgens Frankfurt/Oder wordt perfect voorstelbaar, hoewel ze op dat ogenblik onvoldoende afgewerkt is. Ondanks de nederlaag van het Derde Rijk zouden de werken na de oorlog tot een goed einde gebracht worden door de Nederlandse, Belgische en West-Duitse overheden, met die beperking dat het IJzeren Gordijn deze watersynergie ter hoogte van de grens op de Elbe blokkeert, en nog eens hetzelfde doet op de Donau-ader in het zuiden, tussen Oostenrijk en Hongarije. De Duitse hereniging van oktober 1990 herstelt vervolgens de communicatie en maakt zelfs een projectie richting Weichsel mogelijk, en schenkt op die manier een indirect Atlantisch venster aan Polen, zonder het anders noodzakelijke omvaren van de Deense archipel. 

Het harmoniseringsproject van rivieren en kanalen heeft een heel lange voorgeschiedenis in Europa; Karel de Grote had reeds het plan opgevat om de Main met de Donau te verbinden. Frederik II van Pruisen constateerde in de 18de eeuw dat de rivieren van de Noord-Duitse vlakte parallel verlopen. En dat bijgevolg de communicatielijnen een zuid-noordas volgen, grosso modo van de Alpen naar de Noordzee of de Baltische Zee. Maar ook dat de oost-westverbindingen minder ontwikkeld waren, waardoor het Germaanse geografische geheel tot politieke versplintering veroordeeld werd, aangezien dit natuurgegeven steeds een centrifugale logica met zich meebracht. Frederik II schrijft in zijn hierboven aangehaald Politiek Testament dat de oplossing voor dit probleem bestaat uit het graven van kanalen die de rivieren met elkaar verbinden, en dit volgens een oost-westas. Daardoor zou het Pruisische (Noord-Duitse) grondgebied een coherentie te beurt vallen, waarvan het door de natuur verstoken blijft. De grote architect van dit project zou Friedrich List worden, een econoom uit de 19de eeuw. Deze zou later zijn visie exporteren: naar de Verenigde Staten waar hij verschillende kanaalprojecten uitwerkt, naar Frankrijk en België, waar hij tijdens een privé-audiëntie aan Leopold I suggereert om het Centrumkanaal (tussen de Samber-Maas en de Hene-Schelde) te graven, een grootschalige waterweg tussen Antwerpen en Luik te graven (dit wordt het latere Albertkanaal, dat pas in 1928 wordt opgeleverd), de verbinding tussen Brussel en Antwerpen uit te diepen en het kanaal Brussel-Charleroi te openen. Zonder dergelijke werken zou België niet langer dan twee decennia overleefd hebben. Het land leed namelijk op kleine schaal aan het hetzelfde gebrek als de Noord-Duitse vlakte, die op dat ogenblik door Pruisen bestuurd werd. De parallelle configuratie van haar rivierstelsel legt nolens volens een centrifugale logica op. 

Vandaag realiseert Duitsland onder het toeziend oog van Kanselier Kohl vlak na zijn hereniging het duizend jaar oude project van Karel de Grote: de verbinding tussen Main en Donau, waardoor een waterweg geopend wordt die vertrekt van de Noordzee en eindigt in de Zwarte Zee en vandaar verder loopt naar de olierijke Kaukasus. Ik heb de problematiek van de verbinding tussen Main en Donau reeds uitvoerig genoeg behandeld, om er hier verder op in te gaan.

Hydraulische politiek en riviergebonden lotsbestemming van de naties

Vanuit Pruisen zou geen enkele Duitse éénmaking mogelijk zijn geweest zonder het graven van kanalen en zonder een “hydraulische” politiek. Net zo min is vandaag de dag een Europese vorm van imperialiteit mogelijk zonder “hydraulische” politiek, gericht op de loop van de Rijn, de Main en de Donau. Deze politiek dient vanzelfsprekend ondersteund te worden door andere grote werken of communicatieprojecten (satellieten, snelle hovercrafts, hogesnelheidstreinen, enzovoort). 

Begin jaren ’30 beschreven de Duitse geopolitici Hennig en Körholz de riviergebonden lotsbestemming van de grote Europese naties. Er bestonden volgens hen twee gelukkige lotsbestemmingen, die van Frankrijk en Rusland, wier waterbekkens een centripentale (en dus geen centrifugale) logica met zich meebrengen. En er was één ongelukkige lotsbestemming, die van Duitsland, wier politieke éénmaking vertraagd werd door een andere configuratie van zijn stroombekkens, met parallelle stromen en rivieren, die de valleien van elkaar isoleerden en bijgevolg culturele en commerciële contacten in telkens verschillende richtingen genereerden (cf.: R. Hennig & L. Körholz, "Fluvialité et destin des Etats", in: Vouloir nr. 9, 1997). 

Tweede hoofdreden om terug te komen op Wittfogel door eens te meer in termen van hydraulische politiek of “hydropolitiek” te redeneren: het schaarser wordende drinkbaar water overal ter wereld. Deze toenemende schaarste leidt tot steeds heviger wordende conflicten. Turkije houdt zodoende, door het optrekken van stuwdammen in het oostelijke Taurusgebergte het water van de Tigris en de Eufraat tegen, ten koste van de lager gelegen regio’s, zijnde Syrië en Mesopotamië (Irak). Het ontzegde water verzwakt beide Arabische landen en onderwerpt hen aan de wil van Turkije. Een deel van dit water wordt doorverkocht aan Israël, dat aan chronische waterschaarste lijdt die zelfs zijn voortbestaan op lange termijn hypothekeert, aangezien de joodse immigranten volgens een westers patroon van groot waterverbruik leven, terwijl de veel zuiniger verbruikende Arabisch-Palestijnse massa’s hun waterreserves aanzienlijk zien wegslinken, wat dan weer hun verwarring en woede versterkt. Dit leidt op zich dan weer tot confrontaties. Dit spel om water in een uiterst explosieve regio als het Midden-Oosten genereert uiteraard op termijn nieuwe oorlogen.

Water in Tibet, Brazilië en Congo

De verbetenheid waarmee de Chinezen vasthouden aan Tibet kan verklaard worden door de aanwezigheid in dit gebied, het “Tibetaans Plateau”, van de bronnen van de belangrijkste Chinese en Indochinese stromen, die resulteren uit het smelten van de sneeuw van de Himalaya, zoals de Gele Rivier, de Jangtsekiang, de Salween, de Mekong en de Tsangpo. De bronnen van de twee belangrijkste Indische stromen, de Indus en de Ganges, bevinden zich eveneens in het Himalayamassief. Voor de uit de beheersing van de rivieren ontstane hydromacht China is de beheersing van het grondgebied met daarop de bronnen van levensbelang. Daarvan is de Tibetaanse cultuur, wier originaliteit essentieel is, uiteraard het slachtoffer.

De geschiedenis van Zuid-Amerika wordt volledig bepaald door de wil van Brazilië om het gehele Amazonegebied te controleren. Bij zijn stichting stond deze staat lijnrecht tegenover zijn buren in een conflict over de beheersing van de volledige loop van de Plata.

Congo is potentieel een hydromacht. De Congostroom kent een zodanig debiet dat hij voor de gehele mensheid een waardevolle reserve vormt waar men in de toekomst spaarzaam mee om zal moeten gaan.

Wittfogel: Wandervogel, communisme, Frankfurter Schule 

Laat ons terugkeren naar Wittfogel. Wie was hij? Hij werd in Lüneburg geboren in een familie van protestantse onderwijzers met een uitgesproken zin voor cultuur en met een ware voorliefde voor boeken. Op jonge leeftijd begint Wittfogel een groot aantal instructieve boeken te verslinden. Karl August Wittfogel is tijdens zijn puberteit een gecultiveerde en rebelse ziel, die revolteert tegen het verstikkende conformisme van zijn tijd (hetgeen in het bijzonder door de socioloog Simmel, die we besproken hebben op de Zomeruniversiteit van 1998, aan de kaak werd gesteld). Zijn culturele background en zijn revolte zorgen ervoor dat hij contact zoekt met de Wandervogel, de jeugdbeweging die in 1896 in de buurt van Berlijn werd opgericht onder invloed van Karl Fischer. Hij zou in 1914 weliswaar niet meestappen in de patriotische bevlogenheid van zijn makkers. Hij zou geen dienst nemen bij de stoottroepen, zoals de eenheden die zich in de pan lieten hakken bij Langemark in West-Vlaanderen. Wittfogel evolueert daarna in pacifistische richting en naar een links sociaal en politiek engagement. In 1915 schrijft hij zich in aan de universiteit en volgt er colleges geografie, sociologie, filosofie en sinologie. Van 1916 tot 1918 sluit hij zich aan bij het politieke marxisme, zonder evenwel toe te treden tot de sociaal-democratische SPD, die hij té gematigd en té compromisbereid ten opzichte van de macht vindt, maar wel tot de USPD van Rosa Luxemburg en later tot de KPD. Hij interesseert zich voor het agitatiewerk van Karl Radek, de agent van Lenin en van de Komintern in Duitsland. Dit contact zou hem brengen tot de beroemde “Anti-imperialistische Liga”, die een alliantie tussen China, de Sovjetunie, Duitsland, de gekoloniseerde en revolterende volkeren, waaronder India, en bepaalde revolutionaire krachten in het westen voorstond. Deze Liga wist ook enkele figuren aan te trekken die door Armin Mohler bij de “conservatieve revolutie” werden gerekend, zoals Niekisch en Jünger. Wittfogel volgt tevens de werken van de Frankfurter Schule, en dit vanaf haar oprichting in 1924 (Institut für Sozialforschung). Wanneer de NSDAP in 1933 aan de macht komt, emigreert hij naar de Verenigde Staten.

Hoe heeft het denken van Wittfogel zich binnen deze dubbele, universitaire en politieke, context kunnen uitkristalliseren en vormen? Zijn denken berust voornamelijk op een nauwgezette lectuur van Karl Marx en van Max Weber, bij wie Wittfogel een tegenstelling tussen het westen en het oosten ontdekt. Het model bij uitstek van het Westen is “Manchester-Engeland”. Het oosterse paradigmatische ontwikkelingsmodel is het Chinese model. Als sinoloog verdiept Wittfogel de marxistische en weberiaanse stellingen over de “Aziatische productiewijze”. Hij leidt daaruit af dat China (maar ook het oude Egypte en Mesopotamië) “despotisch” (om efficiënt opgewassen te zijn tegen de wetmatigheden van de natuur) en “hydraulisch” zijn. Dit Aziatisch model vormt volgens hem een niet-burgerlijk “tegenmodel”. Wittfogel, die in zekere zin een “maoïst” avant-la-lettre was, neemt zich voor om de Europeanen het oosterse en niet-burgerlijke China te leren kennen.

Hydraulische samenlevingen = totalitaire samenlevingen? 

Later zal deze fascinatie voor China omslaan in kritiek. Wittfogel is antistalinist en bijgevolg wordt Stalin gezien als een Aziatisch despoot. Maar hij schrijft tenslotte weinig over de onder Stalin uitgevoerde grote hydraulische werken in Siberië en Centraal-Azië. In 1938 publiceert hij in de VS het werk The Theory of Oriental Society, waarin hij de hydraulische samenleving ontegensprekelijk gelijkstelt met despotisme en totalitarisme. Een jaar later, nadat Hitler en Stalin het Duits-Sovjetrussisch pact ondertekend hebben, verdiept deze gelijkstelling zich in zijn denken. In deze ietwat propagandistische stelling liggen Wittfogels antihitleristische en antistalinistische gevoelens vervat. Hetzelfde werk verschijnt opnieuw in gepolijste vorm in 1957, ditmaal onder de titel Oriental Despotism: A Comparative Study of Total Power. Hitler en Stalin zijn inmiddels van het wereldtoneel verdwenen, de Koreaanse Oorlog ligt achter de rug, McCarthy slaat niet langer wild om zich heen in de VS en de koude oorlog verloopt niet meer zo gespannen als voorheen. Na 1945 vervoegt Wittfogel de rangen van het Amerikaanse anticommunisme, en noemt Stalin een agent van de “Aziatische restauratie”, terwijl hij de Verenigde Staten voorstelt als een hydraulische samenleving die niet despotisch is. In die zin vormen zij een te volgen model voor de wereld.

Hoe komt het dat een vroegere student van de Duitse linkerzijde zo geëvolueerd is? Hoe is hij tot zo’n in se tegenstrijdig standpunt gekomen? Hij werd hoogstwaarschijnlijk opgevist door bepaalde geheime diensten die nogal wat vroegere militanten van de Duitse linkerzijde rekruteerden, gezien het feit dat deze vertrouwd waren met de Komintern, de communistische structuren en de Sovjetmethoden in de Aziatische landen.  

Vanaf 1953 wordt Wittfogel in de Verenigde Staten dé autoriteit op het vlak van de beheersing van de grote rivieren. Hij wordt professor aan de Columbia University en vanaf 1966 doceert hij Chinese geschiedenis in Washington. Zijn werk omvat interessante wetenschappelijke, maar tevens apolitieke ontwikkelingen.

Een theorie van de beschavingen

Wittfogel presenteert doorheen zijn werk een theorie van de beschavingen, van het ontstaan van de beschavingen. Voor hem, net zoals eerder bij Hobbes, is het de angst die de politicus, de staat, het “commonwealth”, de roep om gezag (dat de wetten maakt - auctoritas non veritas facit legem) aanvuurt. Maar deze angst vloeit niet voort uit de vrees voor een invasie van buitenaf, zoals bij Hobbes, die prematuur geboren, omdat zijn moeder vreesde voor de ontscheping van de Spaanse troepen van de Grote Armada. De angst die de mens motiveert en die hem aanzet tot het opbouwen van stevige en duurzame politieke structuren is de panische angst voor overstromingen en droogte, overstromingen die de oogst overspoelen en droogte die leidt tot hongersnood. Deze angst haalt de mens uit zijn lethargie en dwingt hem tot samenwerking met zijn tot een andere clan behorende medemens en dwingt hem tot gehoorzaamheid jegens diegenen die technisch in staat zijn om de rivieren te beheersen, het water te kanaliseren (voor irrigatie of transport) en te irrigeren. De angst voor de grillen van het water doet de figuur van de “Grote Weldoener” aanvaarden. Het oude China, een hydraulische beschaving, eikt de term "Shiu li", die zoveel als “beheersing der wateren” betekent. De beschavingsdiscipline wordt uit deze angst geboren. Aan het ontstaan van grote staten of rijken ligt zo goed als altijd een hydraulische reden ten grondslag. De Chinese wijzen uit de Oudheid waren van mening dat, indien het water niet volgens een regelmatig en voorspelbaar ritme vloeit, men afglijdt in de chaos, gaande tot de burgeroorlog.

De staatsmacht vervult de rol van stuwdam.

In filosofisch en anthropologisch opzicht toont Wittfogel zich een leerling van Montesquieu en van Carl Ritter (cf. supra). Hij analyseert de interactie tussen mens en natuur en vice versa. De studie van deze interactie ligt aan de basis van het ware intellectuele, politieke en historische materialisme zoals Marx het persoonlijk had opgevat, in tegenstelling tot nogal wat van zijn discipelen. De geopolitiek is een discipline die zich meze interactie bezig houdt. Waarschijnlijk is dit de reden waarom Wittfogel deze discipline heeft aangesneden in het kader van de Frankfurter Schule. Kan men hier gewagen van een erfenis van zijn plattelandsafkomst, zijn rurale wortels, was het onder invloed van de Wandervogel en van het discours van Ludwig Klages, wiens naar aanleiding van de zomerzonnewende van 1913 op de Hoher Meißner voorgedragen rede de ware grondsteen van de moderne ecologie vormt? Een diepgaandere analyse van Wittfogels verleden zal ons ooit de nodige antwoorden bieden. In 1928 vindt deze materialistische en marxistische interesse voor de geopolitiek haar weerslag in het werk Geopolitik, geographischer Materialismus und Marxismus.

Het voorbeeld van de Pueblo-, Zuni- en Hopi-indianen

Wittfogel stelt dus een fundamentele anthropologische kwestie voorop. De beheersing van het water ligt aan de basis van de staat. Maar hoe ontstaat deze irrigatie als basis van de staten, de rijken en de beschavingszones? Het eerste stadium is dat van de vijver waar de huisdieren drinken. De clan die deze vijver gebruikt moet de randen ervan bewaken en het ecosysteem beheren. Uiteindelijk moet men grachten graven om de plantages te irrigeren. In de Verenigde Staten voert Wittfogel onderzoek naar de Pueblo-, Zuni- en Hopi-indianen, waaruit duidelijk blijkt dat de Volkswerdung [letterlijk: het “volk-worden"] van deze Amerindiaanse etnische groepen vertrekt vanuit de beheersing van het water op hun grondgebied. Deze studies tonen duidelijk aan dat losse clans er op een bepaald ogenblik in hun geschiedenis in slagen om op hun schaal de waterlopen en het stilstaande water, de bronnen en de freatische vlakken te beheersen, evenwel zonder de eigen dimensie te verliezen. 

In het bekken van de Rio Grande del Norte gaan clans zich verenigen om stammen te vormen die vervolgens samen volkeren worden. Deze “wording” gaat altijd gepaard met een verdedigingssysteem dat steeds verder wordt uitgewerkt, en gericht is tegen hen die de irrigatie-orde willen omgooien, de bevoorradingslijnen willen afsnijden of er onterecht gebruik van willen maken.

Irrigatiewerken en corvee 

China kende volgens Wittfogel bij het begin van zijn geschiedenis een gelijkaardige evolutie als deze die etnologen bij de Amerindianen van het bekken van de Rio Grande del Norte hebben vastgesteld. Helemaal in het begin was China een los mozaïek van stammen, dorpen en autonome clans (China valt bij momenten terug in dit stadium, zoals tijdens de heerschappij van allerlei provinciale of lokale krijgsheren, de warlords). De éénmaking van deze Chinese micro-entiteiten wordt voltrokken onder het toezicht van een technische elite die de grote rivieren gaat beheren. Zowel voor de eerdere libertaire Wittfogel, als voor de latere anticommunistische Wittfogel heeft de voortschrijdende machtsovername door deze elite negatieve kanten, aangezien zij de gedwongen mobilisering van alle beschikbare armkracht voor de grote werken van hydraulische aard met zich meebrengt. In deze massaconcentratie veroorzaakt de promiscuïteit van de gerekruteerde arbeiders epidemieën, zoals de aanwezigheid van een wormsoort die tot 90% van de Chinese bevolking aantast. Wittfogel haalt zijn negatief oordeel over de mobilisering van werkkracht bij Julien Barois, een Frans socioloog uit de 19de eeuw en specialist in de geschiedenis van de corvee.  

Voor de Wittfogel van de jaren ‘20 en ‘30, die het communisme omarmt, heeft deze mobilisering positieve aspecten, aangezien zij de ontwikkeling van de wetenschappen bevordert: de astronomie, de wiskunde, de architectuur, de geografie (Yves Lacoste haalt dit aan in zijn werken over de eerste cartografen van de keizerlijke Chinese legers). Wittfogel bestudeert eveneens de mythologische aspecten van de beheersing van het water: Osiris en Hapi in Egypte, de Nijlgoden, Ninurta in Mesopotamië en de vergoddelijking van de Ganges in India. In Europa is water in overvloed aanwezig en zijn de rivieren kalmer dan in China, vandaar de minder despotische vormen van politiek hydraulisme. De optimale democratie schiet steeds daar wortel, waar water vrij en overvloedig beschikbaar is, zoals, bijvoorbeeld, in Zwitserland. 

De Chinese beschaving, een beschaving van grote werken

Laat ons even terugkeren naar de corvee (en naar de stellingen van Julien Barois, die door Wittfogel verder ontwikkeld werden). De corvee wordt eerst opgelegd voor irrigatiewerken, vervolgens voor stuwdammen, dan voor wegen, vestingbouw (de Chinese Muur), en tenslotte voor prestigewerken (piramiden en zigurats). China laat zodoende zijn eerste kanalen graven vanaf 581 voor Christus. Het ontstaan en het behoud van de antieke Chinese beschaving vloeit dus voort uit de beheersing van de Gele Rivier (Huang Ho) of veeleer uit de strijd tegen zijn wrede grillen. Deze rivier heeft miljoenen mensen het leven gekost en de recente overstromingen in China zijn slechts een volgende episode in zijn verschrikkelijke geschiedenis van groei en verval.  

De studies van Wittfogel met betrekking tot de Chinese beschaving, een beschaving van grote werken die in een eerste fase hydraulisch van aard waren, heeft hem ertoe gebracht om de volgende vraag te stellen: is China intrinsiek despotisch of niet? Wittfogels antwoord is dubbel, hoewel de communistische Wittfogel van de jaren ’20 (die het totalitarisme niet bekritiseert) de neiging heeft om deze vraag negatief te beantwoorden, terwijl de antitotalitaire, antinazistische en anticommunistische Wittfogel eerder positief zou antwoorden en dit “hydraulische” China zou beschouwen als matrix voor latere politieke dwangsystemen. Volgens hem schommelt China evenwel tussen confucianisme en taoïsme. Het confucianisme impliceert een strenge discipline, terwijl het taoïsme (met de Tao Te King van Lao Tse), de machthebbers aanraadt om “zoals het water” te zijn, soepel en vleierig. Conclusie van Wittfogel: door de aanwezigheid van het taoïsme is China uiteindelijk minder centralistisch, lees: minder despotisch, dan Egypte of de staatkundige entiteiten van Mesopotamië. 

De werken van de "Tennessee Valley Authority"

In de jaren ’30, toen de militante vereenvoudigingen hoogtij vierden, had men zonder veel moeite een propagandistische dichotomie kunnen creëren op basis van de werken van Wittfogel, door de gelijkschakeling tussen hydraulische samenlevingen en totalitaire samenlevingen te poneren; in tegenstelling tot niet-hydraulische samenlevingen, die dan per definitie zouden worden beschouwd als zijnde democratisch en liberaal. Wittfogel moest vaststellen dat, kort na zijn aankomst in de Verenigde Staten, zijn bestemming als balling, in dat land een groot hydraulisch project in de steigers stond, en dit onder leiding van de "Tennessee Valley Authority". De Verenigde Staten, nochtans de vaandeldragers van het democratische ideaal in zijn liberale versie, waren ook een hydraulische mogendheid. Tot dan waren de Verenigde Staten een onvolledige mogendheid geweest. Ze werden “bi-oceanisch” (met een venster op de Atlantische Oceaan en ééntje op de Stille Oceaan) tegen het midden van de 19de eeuw. De transcontinentale treinverbinding had een gigantisch fortuin gekost en slechts een bescheiden resultaat opgeleverd. Vóór de Eerste Wereldorlog staken de Verenigde Staten diep in de schulden en alles wees op hun onvermijdelijke neergang. Na 1918 werden de Europese staten, in het bijzonder Frankrijk en Groot-Brittannië, schatplichtig aan hen.

Maar een betere organisatie van het Amerikaanse grondgebied drong zich op: daarom diende het Mississipibekken aangepast te worden. Een groot deel van de tijdens de Eerste Wereldoorlog gemaakte winst werd aangewend voor het hydraulische project van de "Tennessee Valley Authority".  

De jaren tussen 1920 en 1940 waren voor de Verenigde Staten twee decennia van grote aanpassingswerken, tijdens dewelke de principes van het zuivere liberalisme toch wel enigszins met voeten getreden werden. Burnham spreekt in dit verband van het “tijdperk der directeurs”, toen het decisionisme van de beslissers het haalde op de parlementaire discussies van het tijdperk van het klassieke liberalisme, zowel in Europa, met het fascisme en het nationaalsocialisme, als in de Sovjetunie, met de stalinistische planeconomie, alsook in de Verenigde Staten. Lawrence Dennis pleit op dat moment voor een continentaal, panamerikaans isolationisme met als doel de rigoureuze organisatie van het continent volgens een autoritaire logica. Maar Dennis is, in tegenstelling tot Roosevelt, voorstander van continentale autarkie zonder oorlog, zonder interventie buiten de Amerikaanse ruimte. De liberale oppositie tegen Roosevelt spreekt van het “cesarisme van Roosevelt”, dat slechts gedeeltelijk slaagt in zijn opzet om het grondgebied te herorganiseren, omdat de klassieke liberale traditie op de rem gaat staan, terwijl deze remmechanismen in West-Europa en in de Sovjetunie uit de weg waren geruimd, wat dan weer de weg vrijmaakte voor een despotisme dat in staat was om de technische en industriële moderniteit snel op te leggen en daardoor aan schaalvergroting te doen. Aangezien de Amerikaanse liberale instellingen sterker zijn en bijgevolg een absoluut despotisme à la Stalin of een dictatuur à la Hitler onmogelijk maken, dient Roosevelt bijgevolg een “conjunctuurinjectie” in te roepen om de nodige fondsen te kunnen verzamelen en zo dit geheel aan macroprojecten af te ronden. Wat dan weer de reden vormt voor zijn vroege voorbereiding van de oorlogen tegen Duitsland en Japan. De interne doelstelling van deze dubbele externe oorlog was dus de financiering van de definitieve irrigatie van de Mid West en het Westen.

De Noord-Amerikaanse irrigatieprojecten maken van de Verenigde Staten de graanschuur van de wereld

De Amerikaanse democratie is volgens de oppositie tegen Roosevelt een verbloemde democratie die het Congres en het Hooggerechtshof in de pas doet lopen en de populistische oppositie een halt toeroept. Met Roosevelt komt de megamachine aan de macht, het raakveld tussen de macht en de grote industriële trusts, die aan de kaak gesteld worden door Lewis Mumford en later, in Europa, door de ecologist en Oost-Duitse dissident Rudolf Bahro.  

Maar deze inbreuken op de traditionele liberale praktijk van de Amerikaanse democratie hebben de politiek in staat gesteld grote werken uit te voeren, die de Verenigde Staten nodig hadden om hun nationale machtsbasis te consolideren, wat an sich een noodzakelijke voorwaarde was voor hun mondialistische (zo genoemd ten tijde van Roosevelt) of globalistische (in het huidige taalgebruik) politiek. De Amerikaanse irrigatieprojecten, voornamelijk dan in het bekken van de Mississippi, en de bouw van stuwdammen in het Westen hebben de VS in staat gesteld om de graanschuur van de mensheid te worden en zodoende hun dominantie in Europa, de voormalige Sovjetunie (en dus het huidige Rusland) en het steeds opnieuw door hongersnoden geplaagde Afrika te betonneren.

Ik herinner vaak aan de woorden van Eagleburger: "Food is the best weapon in our arsenal" ("Voeding is het sterkste wapen van ons arsenaal"). Alle Europees-Amerikaanse conflicten inzake landbouwpolitiek zijn terug te voeren op de Amerikaanse wil om kost wat kost hun leiderschap in dit domein te behouden en zoveel mogelijk de Europese autonomie op voedselvlak te beperken. De soja-oorlog, ongetwijfeld ook de gekkekoeiencrisis, de pastastrijd, het opleggen van normen, de poging om Europa met massa’s immigranten te overspoelen die zijn reserves opeten, enzovoort, zijn slechts een aantal aspecten van de Europees-Amerikaanse oorlog die begonnen werd onder Roosevelt, die culmineerde in de Tweede Wereldoorlog en verre van gestreden is! 

Door hun feilloos aanvoelen van de macht die een goede beheersing van de waterwegen hen biedt trachten de Verenigde Staten – door Carl Schmitt de “vertragers van de geschiedenis” genoemd – de beheersing van de waterwegen door anderen af te remmen, een halt toe te roepen of te saboteren. We waren getuige van het manipuleren van ecologistische en “souverainistische” milieus in Frankrijk, van sociaal-democratische en neogaullistische signatuur, teneinde de verbinding tussen de bekkens van de Rijn, de Rhône en de Donau af te remmen. Vervolgens waren we getuige, onmachtig en vermoeid door het mediatieke discours dat slechts een kopij van CNN, lees: van het Pentagon en de Amerikaanse inlichtingendiensten, is, van het bombardement van de Donaubruggen in Belgrado en Novi Sad, en dit onder het voorwendsel van een strafactie tegen een zekere Milosevic.

Degenen die Jupiter in het verderf wil storten, ontneemt hij eerst hun zinnen.
 

Robert STEUCKERS, Vorst, juli 2000.  

Bibliografie:

 

  1. Gary L. ULMEN, The Science of Society. Toward an Understanding of the Life and Work of Karl August Wittfogel, Mouton Publishers, The Hague/Paris/New York, 1978. 
  2. Karl A. WITTFOGEL, Oriental Despotism. A Comparative Study of Total Power, Vintage Books/Random House, New York, 1981 (herdruk van de eerste uitgave van 1957).
  3. Donald WORSTER, "Water, Aridity and the Growth of the American West", introduction to Rivers of Empire: Water, Aridity and the Growth of the American West, Oxford University Press, Oxford/New York, 1985 (pp. 19-61). Deze fundamentele, helder en didactisch geschreven tekst kan op internet geraadpleegd worden: http://www.cudenver.edu/stc-link/weblink/water/materials/...

 

 

jeudi, 19 janvier 2012

THORSTEIN VEBLEN, WERNER SOMBART AND THE PERIODIZATION OF HISTORY

THORSTEIN VEBLEN, WERNER SOMBART AND THE PERIODIZATION OF HISTORY

Ex: http://library.by/portalus/modules/economics/

 
 
 

Источник: Journal of Economic Issues, Jun91, Vol. 25 Issue 2, p421, 8p
Loader, Colin & Waddoups, Jeffrey

THORSTEIN VEBLEN, WERNER SOMBART AND THE PERIODIZATION OF HISTORY

It is often alleged that the German historical school and the American institutional school possess a number of doctrinal and theoretical similarities.[1] Since ideas of figures within each of these schools are not homogeneous, a comparison in a short piece such as this is best focused on specific individuals. We have chosen to compare the work of a pioneer in institutional economics. Thorstein Veblen (1857-1929), with one of the second generation of the historical school, Werner Sombart (1863-1941).[2] As the dates indicate, the two were contemporaries, having published their first major works within a year of each other.[3] We will show that the two men move from similar premises in markedly different directions.


Both men offered critiques of the capitalist present supported by a schema of historical development, which posited a past golden age in pre-industrial Europe. Crucial to both critiques was an attempt to place modern capitalism in a larger historical context. This meant placing the periodization of the historical process into a series of epochs[4]--a nonmaterial (spiritual/instinctual) realm that became actualized through institutional structures. The way back to the golden age, however, would be traversed along two very different paths--for Veblen, it would mean a reiteration of his commitment to egalitarianism, for Sombart, a movement toward fascism.


Spirit and Instinct


Sombart wrote that economic epochs could be delineated by discernible types of character consisting of two elements, a spirit and a set of material forms. The spirit, defined as "the sum total of the purposes, motives, and principles which determine man's behaviour in economic life"[5] was more important than material forms, for its defined the era. Spirit, however, was not all-powerful; in order to form life in its image, certain conditions had to be present. Economic institutions, technology, material conditions, certain types of subjects and their wills all were necessary conditions for the "actualization" of spirit. There was some confusion in Sombart's writings regarding causal priority of spirit and material forces. Sometimes he wrote of spirit[6] creating material forms; at other times of material forms actualizing spirit; sometimes the spirit seemed to precede the new economic institutions; at other times it seemed to follow. However, it is clear that the economic system, or epoch, was defined by its spirit.


Veblen also wrote of "spirit," but he defined it as "[t]he complement of instinctive dispositions."[7] The peaceful instincts mentioned were the instinct of workmanship, the parental bent, the instinct of idle curiosity, while the predatory instincts were divided up into their sporting and pecuniary components. Veblen also stated that "all instinctive action is intelligent and teleological,"[8] indicating an affinity of his configuration of instincts with Sombart's spirit as a set of dominant "purposes, motives and principles" that gave meaning to his definition of historical epochs. Veblen's use of the concept, "spirit," was less central to his analysis than was the case for Sombart. The central element was, rather, the cumulatively changing institutional structure.


The spiritual/instinctual elements appeared in different ratios in the various epochs and racial groups in the two men's systems. For Sombart the whole (spirit) was more important, while the component (instinct) was more important for Veblen. An additional difference is that, for Veblen, the wholes were largely historical, while the components were immutable. For Sombart, on the other hand, both the wholes and the components (constituent elements) were historical (although not always coterminous).
Both men denied that epochs were homegeneous, although both believed an epoch could be dominated by a certain spirit/instinct. Sombart wrote that when a spirit was clearly dominant, one could speak o a "pure" or "high" period. In addition to these pure epochs there were "mixed" epochs, which were periods of transition between high epochs. These were termed either "early" or "late" depending on whether the perspective was past- or future-oriented. Thus the period from the Renaissance to the end of the eighteenth century was defined as early capitalism." While Veblen did not use the adjectives "early" and "late," he believed that periods such as the handicraft era (which chronologically approximated Sombart's early capitalist period) combined instincts that were dominant in earlier or later periods.[10]


Veblen's instincts and Sombart's spiritual elements also show remarkable structural similarities. Of the instincts postulated by Veblen, three are especially relevant to a comparison with Sombart's "spirit": the parental bent, the instinct of workmanship, and the predatory instincts. The parental bent was an instinct that went beyond having and nurturing children; it was essentially a communal instinct, which placed the common good above all else, and which disapproved of "wasteful and useless living." The instinct of workmanship promoted the desire to do a task thoroughly and well, producing a pride in the quality of work done. Veblen believed it was primarily responsible for the technical progress of humankind.[11] The parental bent and an uncontaminated instinct of workmanship were seen as positive forces (which furthered the generic ends of life) in contrast to the predatory instinct, which represented aggression--the will to compete, to subordinate, to conquer. In its sporting form, the predatory instinct gave rise especially to military activities and in its pecuniary form, to business competition and the desire to accumulate wealth and power.[12]


For Sombart, there were two primary spirits: precapitalist, dominated by the idea of sustenance, and the capitalist, which contained the principles of both accumulation (the profit motive) and rational calculation. The idea of sustenance and its extension, the principle of meeting needs, were both concerned with consumption; in the former, consumption to survive, in the latter, consumption to meet needs appropriate to one's status. In its primitive form, the idea of sustenance had the same concern for communal survival as Veblen's parental bent. The discrepancy in status characterizing more complex forms of economic organization resulted from the emergence of a military, land-owning elite, whose outlook was not unlike that defined by Veblen's predatory instinct. Within the precapitalist spirit, this aggressive orientation was subordinate to the idea of sustenance, as was craft ethic that was very to Veblen's instinct of workmanship. An important difference was that, unlike the latter, Sombart's craft ethic was oriented towards stasis, and therefore hindered rather than promoted the development of technology.[13]


Sombart's capitalist was embodied by the entrepreneur (Unternehmer), whose adventurous activities often in pursuit of wealth contradicted the stasis inherent in the idea of sustenance. The drive for accumulation embodied in sombart's entrepreneur was similar to Veblen's predatory instinct.[14] The principle of rational calculation also embodied in sombart's entrepreneur--with its objectification of the subjective elements of the work process, its instrumentality, its reduction of quality to calculable quantification in the form of money-- had no direct equivalent in Veblen's set of instincts. For Veblen, these characteristics were just a part of a contaminated manifestation of the instinct of workmanship in a capitalist institutional structure.


Economic Epochs


Using spirit and instinct as central concepts in their periodization of economic history, Sombart and veblen each delineated a set of economic stages, which cannot be directly to one another. Veblen's stages were more anthropological and less historically defined, applying to humankind's entire tenure on earth. (One and possibly two of his stages were prehistorical.) Sombart's stages were strictly historical, beginning with the European Middle Ages. (He did not address at any length the situations of prehistoric and ancient peoples.) Despite this difference, it will be argued that the two sets demonstrate important structural similarities. The configuration of spiritual/instinctual elements in the different stages, however, were weighted in such a way as to make the two men's systems incompatible.
Veblen's first three economic stages occupied the sane structural, but not chronological, positions as Sombart's first two stages and their subdivision. Veblen's first stage was "primitive savagery," characterized by stasis, communal ownership, and the parental bent. It was an economically inefficient and technologically stagnant period due to an anthropomorphic, rather than scientific, view of view of nature,[15]


This stage demonstrated qualities similar to an element of Sombart's first stage, precapitalist Europe. That element, the village community, was dominated by the idea of sustenance whose similarity to the parental bent has already been noted. In addition, the characteristics of stasis, communal ownership, a nonscientific view of nature ("empirical" and "traditional") and a lack of technological advancement were also present.[16]


Veblen's second stage, barbarism, saw the beginning of predatory culture. Here society was dominated by exploitative and warlike institutions, such as those the feudal nobility in Europe. Economic surplus, resulting from technological improvement, became the target of aggressive barbarian communities as they raided one another. Surplus also stratified communities internally by providing the means for "invidious distinction" based on command over the economic surplus.[17] A second element of Sombart's precapitalist stage, the seigniorial economy, was akin to barbarism and was also identified with the feudal nobility of Europe. This stage was also characterized by an economic surplus controlled by the lord, and an aggressive, military spirit.[18]


The third stage of Veblen, the handicraft era, witnessed the emergence of a more pervasive and less contaminated form of the instinct of workmanship, although predatory instincts of barbarism had not disappeared. This stage was characterized by the individual craftsman, who embodied all elements of the production process. He as the owner of his shop and tools and at the same time provided the labor power necessary to carry out production. The individual craftsman demonstrated a pride in his workmanship, which he saw as statement of his own work. He was willing to make the necessary technological adjustment to modify work as conditions demanded. Technological innovation, however to lead the era's demise, for as markets widened, fueled by the development of transportation and communication technologies a division of labor between pecuniary and productive pursuits arose. This development resulted in the individual placing his own interests over those of the community and the reemergence of pecuniary/ predatory instinct dominance and a contamination of the instinct of workmanship. This domination would reach its fullest development in the fourth stage of the "machine era."[19]


Sombart portrayed the handicraft element of the precapitalist epoch in terms very similar to Veblen's. He also emphasized that the handicraft system was more "natural," more communal, and conductive to the creative elements of the individual's personality. A major difference, as noted above, was that Sombart believed that the handicraft system inclined to a stasis found in the village economy, whereas, Veblen saw the predatory instinct retarding the development of technological efficiency and scientific insight, Sombart saw it promoting those factors. This can be seen in his assertion that the rise of cities stemmed not from the productive forces that Veblen identified with the instinct of workmanship, but from consumption demands of the predatory class. The latter were the "city founders;" the craftsmen and traders were simply the "city fillers" who serviced the formers' needs.[20]


Like Veblen, Sombart wrote that the impetus for the development of capitalism came from the adventurous, enterprising, predatory element of the earlier period. Entrepreneur were risk takers, those who sought to accumulate wealth and power by challenging the status quo. They range from conquerors to economic speculators. Accordingly, Sombart noted the association of trade with piracy in the early capitalist period. He presented this group as if they were the heirs of the feudal nobility with its "heroic" convictions.[21]


In other capitalists, the bourgeois spirit predominated, implying a lack of "heroism." Instead, they possessed the organizational ability to rationally plan steps toward a goal, thriftiness, an insistence on the profitable expenditure of time and the ability to calculate, to reduce things to quantities. Rather than forcing people to do their bidding, they convinced strangers to enter into contracts with them and to buy their products. This group emerged not from the nobility but from the handicraft system.[22]
While the early capitalist contained both the adventurous and calculating elements, the entrepreneurial spirit was the stronger. The bourgeois spirit was partially held in check by the traditional convictions and form of the guilds. As capitalism developed during its early period, the bourgeois spirit became stronger, so that by the epoch of high capitalism it had come to dominated the entrepreneurial spirit.[23]


Veblen's machine age and Sombart's high capitalist epoch began in the last half of the eighteenth century. Both saw these stages as characterized by artificial (as opposed to natural), impersonal relationships in which large-scale productive process reduced all qualitative standards to the simple quantitative standard of increased output for more money.


Veblen believed that the machine age brought standardization and mechanistic discipline, especially to the working class. The impersonal working of the system, the attention to cause and effect, resulted in loss of the personal qualities of work. The rationalities of a reified world were oblivious to more conventional standards of morality, truth, and beauty. While the presence of the machine was ubiquitous, the business classes maintained their pecuniary outlook. The standardized regimentation of the working classes and the pecuniary instincts of the businessman were complementary in the machine age.[24]


Sombart wrote that the high capitalist period, like the high precapitalist period, was static, but its stasis was enforced through science, self-interest and flexibility rather than through the rigid traditions of the community. It is important to note the decline of the entrepreneurial spirit in high capitalism. The reified mechanism demonstrated non of the dynamic adventurism that characterized the emergence of capitalism. Thus, while Veblen's machine age was characterized by the dominance of the predatory instinct over all others, Sombart saw the decline of its analogous spiritual element in high capitalism.[25]


Conclusion


Like Veblen, sombart distinguished two aspects of modern capitalism that were traced to the mobility and the artisanry respectively. Sombart also connected the predatory aspect of the nobility with consumption, especially luxury consumption. Unlike Veblen, however, he viewed the nobility positively, rather than simply as parasites. They were the real creators of capitalism through their will to power and wealth. They were the heroes. While Sombart, like Veblen, extolled the virtues of the producing artisan, he saw them giving way to the negative aspect of the modern capitalist system. Thus, the very element Veblen condemned as predatory and parasitic in machine age capitalism was held out by Sombart as the only hope for the future.


As a remedy for the ills of modern capitalism, Veblen looked to the instinct as they were expressed in a past golden age while Sombart became interested in a new breed of heroes--the socialist warriors. In revising Socialism and the Social Movement in 1919, he added a chapter describing Russian Bolshevism as a fighting movement that was preventing socialism from being coopted by capitalism and restoring its heroic spirit. When Bolshevism failed him, him the extreme nationalism that he displayed in Traders and Heroes moved him into the cap of the new "heroism," that of National Socialism.[26]
Veblen's evolutionary perspective and his cultural lag theory stressed the likelihood of atavistic continuities and left him uncertain of the future because blind drift was as likely an outcome as any. In his last years, while Sombart took refuge in Nazi apologetics, Veblen, though adhering to egalitarian ideas and an open society, became increasing pessimistic regarding the possibilities of throwing off the yoke of the vested interests.[27]


Notes


[1.] For example, cf. Lev E. Dobriansky, Veblenism: A New Critique (Washington, D. C.: Public Affairs Press, (1975), pp. 171-73; David Reisman, Thorstein Veblen: A Critical Interpretation (New York: Charles Scribner's Sons, 1960) pp. 155-56; Joseph Dorfman, Thorstein Veblen and His America (New York: Augustus M. Kelley, 1966) pp. 147, 156, 212-13, 323.
[2.] For Sombart's place in the German Historical School, see Dieter Lindenlaub, Richtungkampfe im Verein fur Soziapolitik (Wiesbaden: Franz Steiner, 1967) pp. 314-37; Arthur Mitzman, Sociology and Estrangement (New York: Alfred A. Knopf, 1973, 135-264; Joseph Schumpeter, History of Economic Analysis (New York: Oxford University Press. 1954) pp. 815-18.
[3.] Cf. Veblen, Essays, Reviews and Reports, ed. Joseph Dorfman (clifton, N.J.: August M. Kelley. 1973) pp. 463-65, 498-506, 529-32; sombart, Luxury and Capitalism, trans, W.R. Dittmar (An Arbor: University of Michigan Press, 1967), p. 61. In a note to Wesley Mitchell, Sombart wrote that Mitchell and Veblen were exceptions to the rule of America economists who wander along completely antiquated paths. Mitchell Papers, Butler Library, Columbia University, New York. Also cf. Arthur K. Davis, Thorstein Veblen's Social Theory (New York: Arno Press, 1980), pp. 417-32; Carle c. Zimmerman, Consumption and Standards of Living, (New York: Van Nostrand, 1936), pp. 498-520.
[4.] Leo Rogin, "Werner Sombart and the Natural Science Method," Journal of Political Economy, 41 (1933): 224; Sombart, Der moderne Kapitalismus second edition (Munich and Leipzig: Duncker und Humblot, 1928) vol. I, p. xx.
[5.] Sombart, "Economic Theory and Economic History," The Economic History Review 2 (1929): 14.
[6.] Sombart, Moderne Kapitalismus, vol. I pp. 13-14, vol. II, p. 3; Sombart, Die deutsche Volkwirtschaft im neuzehnten Jahrhundert, 8th ed. (Darmstadt: Wissenchaftliche Buchgemeinschaft, 1954) p. 44.
[7.] Veblen, The Instinct of Workmanship and the State of the Industrial Arts (new York: Augustus M. Kelley, 1964), p. 15.
[8.] Ibid., p. 32.
[9.] Sombart, Modern Kapitalismus, vol. I p. 26, pp. 3-5.
[10.] Sombart, Instinct, pp. 231-98.
[11.] Ibid., pp. 27,35.
[12.] Veblen, The Theory of the Leisure Class, (New York: New American Library, 1912) pp. 165-76.
[13.] Sombart, Moderne Kapitalismus, vol. I, pp. 14, 31-34; Sombart, The Quintessence of Capitalism, trans. and ed. M. Epstein (New York: Howard Fertig, 1967) pp. 13-21.
[14.] Sombart, Quintessence, pp. 51-55.
[15.] Veblen, Instinct, p. 74.
[16.] Sombart, Moderne Kapitalismus, vol. I, 36-37.
[17.] Veblen, Instinct, p. 32.
[18.] Sombart, Moderne Kapitalismus, vol. I p. 66.
[19.] Veblen, Instinct, pp. 344-45.
[20.] Sombart, Moderne Kapitalismus, vol. I pp. 131, 159, 190-97, 737.
[21.] Ibid., vol. II pp. 23-28; Quintessence, pp. 51-53.
[22.] Sombart, Moderne Kapitalismus, vol. II, pp. 31-34; Quintessence pp. 53-55.
[23.] Sombart, Quintessence pp. 172-180.
[24.] Veblen, The Theory of Business Enterprise (new York: Charles Scribner's Sons, 1904) chapts. 2,4.
[25.] Sombart, Quintessence pp. 344-46, 358.
[26.] Sombart, Sozialismus und soziale Bewegung, 7th edition (Jena: Gustav Fisher, 1919) 190-91; Sombart, Handler und Helden (Munich: Duncker und Humblot. 1915).
[27.] Cf Veblen Absentee Ownership (New York: B. W. Huebsch, 1923) pp. 398-445 © Library.by

vendredi, 06 janvier 2012

Le jeu de l’hyperclasse pour 2012

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Le jeu de l’hyperclasse pour 2012

par Georges FELTIN-TRACOL

Il ne fait guère de doute que 2012 sera une année décisive. Non pas parce qu’elle marquerait la « fin du monde » selon une prédiction du calendrier maya, mais plus sûrement parce que cette année connaîtra des élections présidentielles en Chine, aux États-Unis, en Russie, au Venezuela, au Mexique et en France. Du fait de ces échéances cruciales et des effets durables d’une crise économique féroce, l’hyperclasse se montre attentive à l’évolution politique de ces pays, Hexagone compris…


L’« hyperclasse » : un ensemble composite

 

Désignée d’abord par Christopher Lasch en tant que « Nouvelle Classe » (1), puis définie comme une « Oligarchie » transnationale, l’hyperclasse est un ensemble mondialiste fortuné, richissime même, qui veut imposer sa domination sur les États au moyen des médias, des marchés et de la dette souveraine (bel oxymore !). Rapportant les conclusions d’une étude de trois chercheurs suisses mise en ligne sur Plos One, Emmanuel Ratier évoque dans son excellente lettre confidentielle « une “ super-entité économique dans le réseau global des grandes sociétés ” […]. Sur ces 147 firmes, les trois quarts appartiennent au secteur financier. Il existe donc un véritable “ syndicat caché ”, un “ État profond ” de la finance apatride et cosmopolite, qui contrôle l’essentiel de l’économie […]. Les liens entre ces dirigeants, ces “ traders ” vedettes et les gouvernements font qu’il s’agit d’un petit milieu très étroit, où les modes, les erreurs, les alliances font qu’une seule décision (en particulier une mésestimation ou une erreur) peut avoir des conséquences colossales sur l’ensemble du système (2) ». Dans L’oligarchie au pouvoir, Yvan Blot examine son pendant hexagonal qui « comporte les dirigeants des intérêts économiques les plus divers, grand patronat, grands syndicats, associations diverses souvent prétendument à but non lucratif mais à activités souvent affairistes, lobbies ethniques poussant leurs avantages, etc. Ce socle est très important car il sert souvent de base financière aux autres parties de l’oligarchie (3) ». Il y intègre aussi sous ce terme générique la « caste » médiatique, les « autorités morales », les politiciens et les appareils bureaucratiques.

 

Unie par des valeurs communes, les mêmes codes culturels et des endroits identiques (Davos), l’hyperclasse n’en demeure pas moins un groupe hétérogène parcouru par des antagonismes parfois vifs en raison des sensibilités nationales, des contentieux économiques, des inimités personnelles. Nul n’ignore que deux des plus grandes fortunes françaises, François Pinault et Bernard Arnault, ne s’apprécient guère… « On croit que le libre-échange globalisé a engendré une oligarchie transnationale, prévient Emmanuel Todd. Parce qu’on fait abstraction des facteurs culturels, on ne voit pas qu’il existe plusieurs oligarchies dont les relations sont structurées par d’implacables rapports de forces. La spécificité de l’oligarchie française, c’est sa proximité avec la haute administration. Les membres ont souvent étudiés dans de grandes écoles – sans forcément être des héritiers -, parlent en général très mal l’anglais, sont incroyablement français dans leurs mœurs et n’en finissent pas de se faire rouler par les vrais patrons, l’oligarchie américaine. La soumission à Standard & Poor’s et Moody’s est une soumission à l’oligarchie américaine. Quant à l’oligarchie allemande, nouvelle venue dans le système de domination, elle s’habitue ces jours-ci à traiter les Français comme de simples vassaux. Le charme singulier de l’oligarchie chinoise est son étroite intrication avec le Parti communiste. La plupart des analystes passent à côté de cette hétérogénéité (4). »

 

L’hyperclasse, pour le moins la part qui s’intéresse à l’Europe,  s’inquiète de la montée du « populisme », en particulier en France, vieille terre de jacqueries, d’émeutes et de révolutions. Elle craint qu’une éventuelle vague populiste n’affecte durablement son ascendance. Elle s’emploie à conjurer ce risque en s’assurant d’une maîtrise certaine des événements. Longtemps, son champion à la course élyséenne destiné à remplacer l’actuel locataire déconsidéré et dévalorisé, fut Dominique Strauss-Kahn. Au printemps 2011, quelques sondages mettaient Marine Le Pen en tête du premier tour. Cette véritable manœuvre de guerre « psychologique et médiatique » prévoyait d’écarter du second tour Nicolas Sarközy et d’assurer ainsi une large victoire « républicaine » et pseudo-consensuelle à D.S.K. Cependant, un regrettable événement hôtelier survenu à New York ruina la belle mécanique. Dépitée et résignée, la « ploutocratie » a réparti son soutien entre Sarközy, François Hollande et François Bayrou qui assume sans complexes sa foi envers la présente politogénèse européenne mondialiste.

 

Dans Le Point, Emmanuel Todd relève que « l’oligarchie se comporte comme une classe sociale, mais en même temps on sent en elle de l’irrationalité et même un vent de folie collective (5) ». Il estime par ailleurs que « le monde de l’oligarchie est un monde de pouvoir et de complots (6) ». Sans verser dans le délire conspirationniste, on peut néanmoins supposer qu’une faction de l’hyperclasse, redoutant un déchaînement incontrôlable de colères populaires suite aux méfaits de la crise, choisirait par défaut… Marine Le Pen !

 

La ploutocratie contre les élections

 

Soyons précis. La présidente du Front national n’est pas la candidate de l’hyperclasse, mais il est envisageable qu’une tendance, minoritaire, des « élites mondialisées » parie sur son hypothétique élection dans le dessein machiavélique de montrer aux peuples récalcitrants, aux Français d’abord, qu’il n’y a aucune alternative possible hors de la voie qu’elles ont préparée.

 

Certes, la plus grande majorité des oligarques espèrent un second tour entre François Hollande et Nicolas Sarközy. Toutefois, le grain de sable n’est pas à exclure. Les électeurs français réfractaires aux injonctions médiatiques risqueraient de bouleverser le bel ordonnancement prévu, ce que les « pseudo-élites » détestent. Pour éviter toute perspective de nouveau « 21 avril 2002 » (à l’endroit ou à l’envers, peu importe), le plus simple serait d’empêcher la candidature de Marine Le Pen, perçue comme l’avocat radical du « petit peuple ». On sait que Jean-Marie Le Pen a toujours eu de très grandes difficultés pour récolter les cinq cents parrainages obligatoires. L’intercommunalité, le poids financier du département et de la région, l’influence de la partitocratie et le rôle délétère des médias mettent une incroyable pression sur les maires des communes rurales et des petits bourgs urbains. Incapable de réunir les signatures nécessaires, Marine Le Pen ne pourrait pas postuler à la magistrature suprême sans que les règles démocratiques ne soient formellement violées. Autre supposition : Marine Le Pen parvient à rassembler les parrainages indispensables. Sa candidature est cependant invalidée par le Conseil constitutionnel. Les hiérarques du Palais royal reviendraient sur leur jurisprudence de 1974 quand leurs prédécesseurs entérinèrent après débat la candidature du royaliste de gauche Bertrand Renouvin. Ils se justifieraient au nom du respect des traités européens et de l’abolition constitutionnelle de la peine de mort alors que Marine Le Pen prône la sortie de l’euro et propose un référendum sur le rétablissement de la peine capitale. Une décision pareille provoquerait en retour le mécontentement des électeurs et, peut-être, le début d’un « printemps tricolore » en écho aux révolutions arabes de 2011…

 

Si ces entraves ne se produisent pas, une infime minorité de l’hyperclasse estime vraisemblable que Marine Le Pen arrive au soir du 22 avril 2012 première ou seconde, puis remporte – à la surprise générale – l’élection. Mieux, dans la foulée et dans la logique institutionnelle de la Ve République, une nouvelle majorité présidentielle – frontiste ou lepéniste – gagnerait une confortable majorité à l’Assemblée nationale. Commencerait alors le subtil et pernicieux travail d’étouffement des oligarques.

 

En effet, quand bien même une large majorité de députés suivrait la nouvelle présidente de la République, celle-ci se retrouverait cernée. Au-dessus d’elle la surplomberaient des « surveillants supranationaux » : l’O.N.U., l’O.M.C., l’O.T.A.N., l’Union européenne, la Cour européenne des droits de l’homme et le Conseil constitutionnel. Son gouvernement devrait composer avec un Sénat de gauche, la totalité des collectivités territoriales aux mains de l’opposition U.M.P.S. et l’hostilité des syndicats, de la magistrature et du Conseil d’État. Le pays serait en proie à des grèves générales pénalisantes pour la population. Par ailleurs, tout le système médiatique contesterait les moindres faits et gestes des membres de la nouvelle majorité (la campagne de presse contre les vacances tunisiennes de Michèle Alliot-Marie passerait alors pour une aimable réprimande…) et pratiquerait une large désinformation contre le pouvoir. Enfin, la haute-administration, gangrenée par des réseaux enchevêtrés d’intérêts catégoriels discrets, freinerait, retarderait, bloquerait les décisions précises au point de gripper l’appareil d’État. Dans les ministères, ce sont les fonctionnaires qui dirigent, pas les ministres. Yves Blot mentionne une anecdote révélatrice quand il était député R.P.R. du Pas-de-Calais lors de la Ire Cohabitation (1986 – 1988). Invité avec d’autres collègues de la majorité au ministère du Budget détenu par Alain Juppé pour suggérer des réformes, « on fait le tour de table et Juppé se tourne vers son conseiller fiscal, un haut fonctionnaire venant de la direction générale des impôts du ministère des Finances. “ Alors ? Que pouvons-nous réformer ? ” Réponse : “ Rien, Monsieur le Ministre. Toutes les propositions des députés sont en contradiction avec la doctrine de la direction ”. Là-dessus Juppé nous quitte et lance à son conseiller : “ Réfléchissez, vous changerez peut-être d’avis pour faire certaine réforme ”. Réponse du conseiller : “ Certainement pas, Monsieur le MInistre ! ” Je vais voir Juppé et je lui dis : “ Ton conseiller est    arrogant ! Tu ne vas pas le suivre ? ” “ Écoute, me répond-il : tu connais l’administration. Si je ne lui obéis pas, je ne contrôlerai plus aucune manette dans ce ministère ! ” (7) ». En 1995, Alain Madelin dut batailler ferme pour enfin savoir la rémunération des responsables des services de Bercy ! On les lui remit avec maintes précautions sur du papier spécial non photocopiable…

 

Médias, fonctionnaires, juges, syndicats et politiciens profiteraient de cette chienlit pour dénoncer l’incompétence et l’amateurisme des nouveaux dirigeants. Des pénuries de carburant, d’énergie, de produits de première nécessité surgiraient alors. Des violences (émeutes dans les banlieues, sécession de certaines collectivités au nom de l’« anti-fascisme » réactivé), fomentées par des officines clandestines spécialisées liées à des services spéciaux étrangers (étatsuniens, britanniques, allemands, algériens, chinois, israéliens…), plongeraient la France dans une subversion généralisée. Au bout de quelques mois ou années (mais pas cinq ans !), Marine Le Pen, désavouée, se verrait obligée de démissionner.

 

Un pari oligarque risqué

 

Une dernière hypothèse serait aussi plausible. Supputant sur le pragmatisme intéressé et l’attrait des palais officiels, l’Oligarchie pourrait tabler sur les précédents péruviens d’Alberto Fujimori entre 1990 et 2000 et d’Ollanta Humala en 2011, ou équatorien de Lucio Gutierrez en 2002 – 2005 et espérer un ralliement – contraint et forcé ? – de la nouvelle élue au Diktat du F.M.I., de la Banque mondiale et de l’hyperclasse.  Il en résulterait un immense désarroi des Français et une grande désaffection au profit de l’abstention, neutralisant ainsi des suffrages potentiellement contestataires.

 

Ravie par cette élection, génératrice de désordres, et le travail de sape inhérent, l’hyperclasse pourrait favoriser un gouvernement de techniciens et d’« union républicaine » comme en Grèce avec Lukas Papadémos et en Italie avec Mario Monti. François Fillon, Martine Aubry ou même Jean-Claude Trichet s’installerait à l’Élysée ou à Matignon. L’hypothèse populiste française serait enfin levée pour le plus grand bonheur des ploutocrates et le grand malheur des Français désespérés.

 

Mais ces circonstances dramatiques peuvent au contraire renforcer la ténacité de l’équipe dirigeante. Détentrice de la légitimité et seule capable de déterminer la situation d’exception, elle pourrait contrarier leurs projets par le recours à l’article 16 de la Constitution de 1958 ou la réalisation d’un coup d’État. La France n’est pas une terre de putschs. Seuls ceux organisés par l’exécutif ou des membres éminents de l’exécutif ont été des succès : Maupeou sous Louis XV en 1771, Napoléon Bonaparte les 18 et 19 brumaire an VIII, le Prince-Président Louis-Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851. Avalisé ensuite par une consultation populaire, le coup de force salutaire serait une prompte réponse aux menées oligarchiques. Quant aux pressions extérieures, la France dispose encore du droit de veto au Conseil de sécurité de l’O.N.U. et de la force nucléaire…

 

Tous ces scenari appartiennent pour l’instant à de la politique-fiction. Rien ne présume que la France s’achemine à quatre mois de l’échéance présidentielle vers les tempêtes ainsi décrites. Tout annonce plutôt un duel Sarközy – Hollande. N’oublions pas toutefois que les présidentielles françaises ont toujours été propices à l’inattendu.

 

Georges Feltin-Tracol

 

Notes

 

1 : En lançant cette expression de « Nouvelle Classe », Christopher Lasch avait peut-être à l’esprit les écrits dissidents du Yougoslave Milovan Djilas et du Soviétique Mikhaïl Voslenski qui disséquait la Nomenklatura communiste. L’hyperclasse est aujourd’hui la Nomenklatura de l’Occident mondialisé.

 

2 : Emmanuel Ratier, dans Faits & Documents, n° 327, du 15 décembre 2011 au 15 janvier 2012, p. 8.

 

3 : Yvan Blot, L’oligarchie au pouvoir, Paris, Économica, 2011, pp. 81 – 82.

 

4 : Emmanuel Todd, « Annulons la dette du Vieux Monde ! », entretien, Le Point, du 1er décembre 2011.

 

5 : Idem.

 

6 : Id.

 

7 : Yvan Blot, op. cit., p. 89.

 


 

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mardi, 27 décembre 2011

Qu'y a-t-il de social dans les réseaux sociaux ?

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Qu'y a-t-il de social dans les réseaux sociaux ?

Ex: http://www.huyghe.fr/

L'expression "réseaux sociaux" connaît un incroyable effet de mode à la fois

- pour des raisons pratiques évidentes (nous sommes des millions à "y être" et une bonne part de nos relations avec des amis ou des gens avec qui nous partageons une forme quelconque d'intérêt passe par Facebook, Twitter, Viadeo)

- pour des raisons quasi idéologiques : leurs pouvoirs sont célébrés à la fois par le monde de l'entreprise qui se dit souvent elle-même "en réseaux" (il faut avoir son community manager défendre sa e-réputation par la e-influence et faire le buzz sur le hub pour ne pas être archaïque) et par celui de la politique (les réseaux sont crédités d'avoir "fait" les révolutions arabes et l'année électorale - en France ou aux USA - sera placée sous le signe de la Web-stratégie des candidats, mais aussi de la confrontation avec les protestataires utilisant médias sociaux et self médias..). On peut donc aussi bien évoquer les réseaux sociaux avec le sérieux du manager qu'avec les accents de révolte du libertaire.

De fait les travaux sur les réseaux en tant que systèmes reliant des groupes ou des individus exerçant des interactions et pratiquant des échanges (notamment des échanges d'information) datent de l'après-guerre. Le réseau au sens quotidien (les gens sur qui l'on peut compter pour rendre un service, donner un conseil, ou apporter une forme quelconque de convivialité ou d'intérêt affectif) préexiste, bien entendu à la banalisation des technologies de l'information et de la communication.

Et la notion de réseaux (souvent opposée à celle de pyramide et de hiérarchie) est vraiment entrée dans le Zeitgeist depuis déjà quelques temps. Du reste nous vivons à "L'ère des réseaux", titre d'un livre de Robert Castells date de 1998 et Patrice de Flichy dans "L'imaginaire d'Internet" fait remonter le discours sur les petites communautés fonctionnant démocratiquement grâce à de nouveaux outils de communication des années 70 et 80. Ajoutons que les techniques sur lesquelles reposent les plates-formes des réseaux étaient déjà là potentiellement depuis les débuts d'Internet : de la "page perso" au blog, des bases de données aux sites de partage type Flickr, des forums et réseaux de développement communautaire (BBS, Free Net, Fidonet et autres) aux réseaux au sens actuel, il n'y a pas eu de changement de paradigme.Et le premier "vrai" site de réseau social au sen moderne, sixdegrees.com, au départ sorte de club assez élitiste, date de 1997.

Mais il y a eu, bien entendu, une vraie révolution des usages accompagnée de facilités technologiques : facilités d'expression ou de production (pas besoin de gros budget ou de long apprentissage) et de connexion (s'agréger à un réseau, les faire interférer, beaucoup transmettre à haut débit, trouver des interlocuteurs ou des thèmes d'intérêt, recommander, indexer, commenter, le tout depuis un simple smartphone que l'on porte en permanence, tout cela aussi est devenu enfantin).

Le réseau social en ligne se reconnaît à plusieurs pratiques :

- l'inscription (avec pseudo, anonymement ou pas suivant le site, si invité ou librement),

- le "profil" plus ou moins public et élaboré,

- les listes d'accès, d'invités, de suiveurs et de suivis, de gens autorisés à commenter, modifier, répondre, etc., le contenu, bien sûr

- et la possibilité de lier tous ces éléments (et par exemple d'étendre théoriquement à l'infini son réseau et par le partage de données et par des systèmes de recherche de contenus et de futurs correspondants). Il existe de très fortes variations dans les pratiques ainsi des réseaux où la publicité est la règle et le privé l'exception, des systèmes d'acceptation ou d'exclusion, etc.

En somme un réseau permet deux choses principales :

- s'exprimer (au sens de dire et montrer quelque chose que l'on veut répandre, mais aussi présenter une image de soi dont on est censé avoir la maîtrise et qui peut être falsifiée). Cette expression peut d'ailleurs être purement commerciale : améliorer l'image de son entreprise ou de ses produits, se vendre soi même sur le marché du travail, se faire connaître des clients et prospects. Par ailleurs, le contenu de la communication peut être le réseau lui-même : on montre (publiquement ou de façon semi-publique) l'extension et les composantes de son réseau.

- se relier. Ce lien peut aller de la simple rencontre par écrans interposés de gens avec qui l'on partage un très vague intérêt pour un sujet très commun, jusqu'à un travail d'expertise mené en commun. Les réseaux sociaux ne servent pas seulement à partager de l'information - que ce soit pour sa valeur de connaissance nouvelle ou pour le sentiment communautaire que cela crée-. Ils servent aussi à évaluer en commun, à élaborer, à décider, à voter, à recommander, voire à lutter (organiser des manifestations dans la rue, résister à des tentatives de censure et d'interruption). Ils peuvent aussi s'étendre (et leur extension peut être un objectif en soi, comme pour les usagers de Twitter qui cherchent à se valoriser en ayant un maximum de "followers") : il y a d'ailleurs des dispositifs techniques qui permettent, en cherchant de profil en profil ou de liste en liste, d'étendre le réseaux à tous ceux que l'on vise, pourvu que l'on soit assez habile.

Le lien créé par les réseaux a donc une composante d'affinité (retrouver ceux qui, d'un certain point de vue, sont comme vous, soit parce que vous avez le même profil socioculturel, les mêmes convictions, etc, soit parce que vous avez une passion en commun, depuis le goût pour les vêtements à la mode jusqu'au désir de renverser une dictature et que vous vous découvrez ainsi).

Mais il y a aussi une composante d'intérêt et de réalisation : grâce aux réseaux, on fait et on reçoit.

On fait quelque chose dans la vraie vie ou l'on élabore des travaux en commun (par exemple un encyclopédie de type Wikipedia qui repose sur l'intelligence collective et la "sagesse des foules").

On reçoit quelque chose : il y a toujours un intérêt à être sur un réseau qui vous donne notamment des informations pratiques : conseils, bons tuyaux pour la consommation, bonnes adresses, liens intéressants, documentation précieuse que l'on trouve ainsi de façon bien plus ciblée qu'en recherchant classiquement dans une bibliothèque ou avec un moteur de recherche. Il se peut aussi que ce que l'on reçoit soit de l'ordre des satisfactions psychiques : sentiment d'appartenir à une élite, plaisir de se regrouper avec des gens qui pensent comme vous et vous confirment l'excellence de vos choix, plaisir du nouveau et de la découverte. Les satisfactions narcissiques ("j'ai tant de friends, de fans, de followers...") ne sont pas les plus négligeables

Il peut aussi y avoir des buts pratiques, entre faire et recevoir : trouver une épouse, jouer en ligne, monter un projet, avoir un entretien d'embauche, améliorer sa valeur professionnelle ou marchande, vendre...

Dans un réseau social, il y a un média social (un dispositif de communication) plus une médiation sociale (une communauté sociale à travers laquelle on atteint des objectifs, mais qui nous transforme en retour). Cela en fait un défi pour une réflexion stratégique ou médiologique que nous avons bien l'intention de poursuivre sur ce site.

dimanche, 25 décembre 2011

Sexe et dévoiement

Sexe et dévoiement

Les éditions du Lore viennent de publier Sexe et dévoiement, un nouvel essai de Guillaume Faye.

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com/

Figure de la Nouvelle Droite dans les années 70-80, auteur d'essais importants, servis par un style étincellant, comme Le système à tuer les peuples (Copernic, 1981) ou L'Occident comme déclin (Le Labyrinthe, 1984), Guillaume Faye est revenu au combat idéologique en 1998 avec L'archéofuturisme (L'Æncre, 1998), après dix années d'errance dans les milieux de la radio et du show-businness. Dans cet essai, premier d'une nouvelle série d'écrits de combat, il a su développer des idées stimulantes telles celles d'archéofuturisme, de constructivisme vitaliste et de convergence des catastrophes. Par la suite, l'auteur s'est enfermé, au nom d'un anti-islamisme rabique, dans une surenchère dans la provocation qui semble lui avoir fait perdre de vue l'ennemi principal et l'avoir amené à opérer des rapprochements surprenants. On lira donc avec intérêt, mais non sans circonspection, cet essai qu'il consacre au thème de la sexualité, thème qu'il avait déjà abordé de façon percutante, il y a plus de vingt-cinq ans, dans Sexe et idéologie (Le Labyrinthe, 1983).

 

sexe-et-devoiement.jpg

"Dans son nouvel essai, comme toujours, Guillaume Faye brouille les pistes. Véritable électron libre de la Nouvelle Droite européenne, aussi inquiétant que controversé, il sévit à nouveau autour d’un sujet devenu sulfureux : le voici traitant de la sexualité, thème central à la croisée de tous les chemins. Est-il judicieux de préciser que ce livre fera polémique ?...

Pornographie, famille, amour, homosexualité, métissage, mariages, natalité, féminisme, érotisme, morale chrétienne, islam, prostitution, manipulations génétiques, surhomme, intelligence artificielle : tous ces thèmes d’une brûlante actualité sont abordés ici par Faye de son point de vue archéofuturiste. Parfois excessives, totalement décomplexées car impeccablement documentées, les théories de l’auteur nous amènent à réfléchir armés notamment de munitions aristotéliciennes.

Voici une remarquable étude sociologique exécutée par un homme de terrain ; il convient de la lire à la manière d’un roman, mais un roman qu’on ne saurait mettre entre toutes les mains."

lundi, 12 décembre 2011

L'entreprise autogérée

 

L'entreprise autogérée

Ex: http://physis.lautre.net/

Préambule : ce texte est la suite d’un précédent intitulé : « Démocratie politique, démocratie économique, démocratie globale » [1]; il se veut une approche de l’entreprise autogérée en tant qu’application des pratiques démocratiques à l’entreprise et plus généralement à l’économie. Malgré ses défauts structurels, l’entreprise capitaliste moderne est l’outil de production le plus évolué ayant jamais existé, il ne s’agit pas ici de voir l’entreprise autogérée en tant que « contraire » à son homologue capitaliste, mais comme un dépassement de celle-ci. Le point de départ permettant l’appréhension de l’entreprise autogérée ne peut donc ici être que l’entreprise capitaliste moderne, et non pas les différentes tentatives plus ou moins autogestionnaires ayant eu lieu dans d’autres contextes.

 

L’objectif de cet essai n’est pas de présenter un impossible modèle d’entreprise autogérée parfait et fini, mais d’apporter quelques éléments de réponse simples et concrets aux citoyens, de plus en plus nombreux, qui s’interrogent sur une alternative crédible à l’entreprise capitaliste.

 

L’idée d’autogestion

 

Si l’idée d’autogestion connut une certaine vogue en France dans les années 1970 son origine est plus ancienne ; même si le mot apparaît beaucoup plus tard, l’idée elle-même existe déjà dès le dix-neuvième siècle dans le courant de pensée socialiste, elle est inséparable des idées de « démocratie économique », de « socialisme libéral », et de « crédit social » que développe P.J. Proudhon, d’ailleurs souvent nommé « le père de l’autogestion ».

 

L’autogestion dans son application à l’entreprise correspond à une forme de gestion démocratique de celle-ci par ses travailleurs, mais l’idée peut être élargie au fonctionnement global du système socio-économique : l’autogestion généralisée (socialisme autogéré) permettant alors d’aboutir vers la démocratie globale. On ne détaillera pas ici le pourquoi de l’entreprise autogérée qui a déjà été argumenté : d’un point de vue socio-économique global [2], et du point de vue de la démocratie[3]. L’autogestion est le mode d’organisation de l’entreprise qui peut à la fois permettre de s’affranchir des incohérences sociales, économiques, et écologiques, qu’entraînent les mécanismes d’accumulation du capital et la loi du profit privé, et permettre l’instauration de véritables pratiques démocratiques dans l’entreprise.

 

Qu’est-ce qu’une entreprise autogérée ?

 

Une entreprise autogérée est avant tout une entreprise gérée par ses travailleurs, cette forme de gestion d’entreprise existe déjà dans le cadre des « coopératives ouvrières ». L’exemple le plus connu est celui de Mondragon (Mondragon Corporation Cooperativa), cette entreprise créée en 1943 par un prêtre du pays basque est aujourd’hui une société internationale qui emploie plus de 30 000 personnes. En France les 1500 « scops » existantes sont beaucoup plus petites puisqu’elles réunissent environ 30 000 salariés, soit ensemble un nombre équivalent à celui de Mondragon. Tout salarié-associé participe à la gestion démocratique de l’entreprise, mais l’entreprise peut employer de simples salariés qui ne bénéficient pas forcément des mêmes droits que les salariés-associés. Si l’entreprise coopérative présente une avancée certaine par rapport à l’entreprise capitaliste, elle ne règle pas pour autant le problème de l’inégalité du droit de propriété, car pour devenir associé il faut apporter sa part de capital qui dans le cas de Mondragon s’élève à un an de salaire. La scop peut elle-même faire appel à des actionnaires extérieurs, ce qui ne règle nullement le problème de l’inégalité économique créée par le privilège des revenus de l’argent. Il apparaît donc que les avancées permises par les coopératives sont très relatives, et que leur statut n’est pas encore suffisant pour correspondre aux critères essentiels de la démocratie économique.

 

Comme on l’a déjà vu [4], les deux obstacles essentiels à la démocratie économique sont le droit de propriété privée de l’entreprise, et les revenus privés de l’argent qui sert à son financement. La remise en question de ces deux éléments implique de définir un nouveau statut pour l’entreprise, ainsi qu’un nouveau mode de financement.

 

Le statut de l’entreprise autogéré

 

Le premier point concerne bien évidemment celui de la propriété de l’entreprise, si elle se libère de ses actionnaires, à qui sa propriété peut-elle bien revenir ?

 

- Aux travailleurs associés comme dans le cas des scops ? Il y aurait alors juste transfert du droit de propriété, le privilège du droit de propriété de l’entreprise passerait de l’actionnaire-rentier à l’actionnaire-travailleur, celui-ci devrait acheter son droit à participer à l’entreprise et l’inégalité économique inhérente à ce droit ne disparaîtrait pas.

 

- A l’État, comme dans le système socialiste soviétique ? L’histoire a montré, à ceux qui en doutaient, que concentrer entre les mains de l’État le pouvoir politique et le pouvoir économique était très néfaste pour la démocratie en général [5], et peu efficace d’un point de vue économique.

 

Si on veut vraiment que l’entreprise appartienne à quelqu’un, on risque d’avoir des difficultés à trouver d’autres possibilités, posons alors le problème différemment. Si on veut limiter le droit de propriété de l’entreprise de telle sorte qu’elle ne puisse être ni vendue ni achetée, ni que quiconque puisse tirer des bénéfices de ce seul droit, il ne reste guère que le droit d’y travailler, peut-on alors encore parler de droit de propriété ? Ne peut-on pas alors donner à l’entreprise un statut juridique la reconnaissant en dehors de tout droit de propriété, comme le sont de nombreuses associations ? D’ailleurs si la nature de l’entreprise autogérée n’est plus d’être l’objet de profit de ses actionnaires/propriétaires, ne devient-elle pas justement une association de travailleurs qui peuvent maintenant gérer eux-mêmes l’entreprise à laquelle ils participent ? Il existe en France de nombreuses « associations loi 1901″ qui emploient du personnel, produisent des biens et des services, et qui pourtant n’appartiennent à personne et ne peuvent être vendues. Il en est de même pour des administrations, pour des collectivités locales : une commune fonctionne comme une grosse entreprise, gère un budget important, assure une production de services et mêmes de certains biens, et pourtant ne peut être vendue ni achetée. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour l’entreprise ?

 

Puisque c’est justement ce droit de propriété de l’entreprise qui est ici le premier point de blocage de la démocratie économique, l’adoption d’un nouveau statut juridique de l’entreprise doit permettre de la soustraire à cette contrainte. Comme toute association, elle pourra alors être démocratiquement gérée par ses membres, sans que ceux-ci en tirent un quelconque privilège inégalitaire. Seul leur travail dans l’entreprise sera la source de leur revenu, et aucun propriétaire ne pourra les en spolier d’une partie, ni décider à leur place la manière de gérer leur « association de travailleurs », ce qui correspond tout à fait aux valeurs de liberté et d’égalité associées aux pratiques démocratiques.

 

Le financement de l’entreprise autogérée

 

Dans l’entreprise capitaliste ou étatique, c’est d’une part le ou les propriétaires qui apportent à l’entreprise les fonds nécessaires à ses investissements, mais d’autre part elle se finance aussi soit à partir de ses profits, soit surtout à partir du crédit. L’entreprise autogérée n’ayant pas de propriétaire, et son objectif n’étant pas de dégager du profit et d’accumuler du capital mais de redistribuer à ses membres le fruit de leur travail, ne pourra logiquement être financée que par du crédit.

 

Dans l’entreprise capitaliste actuelle, le crédit provient de l’épargne et est fourni directement par des « ménages capitalistes » ou par l’intermédiaire d’établissements financiers privés, on peut facilement imaginer qu’ils ne vont pas être partants pour favoriser ce nouveau genre d’entreprise. En effet, ces agents financiers fonctionnent généralement suivant la logique du profit maximum et leurs intérêts vont dans le sens de l’entreprise capitaliste, l’entreprise autogérée entrera en concurrence avec celle-ci et risquera donc d’avoir du mal à trouver de cette manière les moyens de son nécessaire financement. De toute façon, ce type de financement fait appel au capital financier privé dont les revenus sont sources d’inégalités économiques [6], et ne peut guère s’accorder avec l’entreprise autogérée dont l’objectif est justement de pouvoir accéder à la démocratie économique la plus large possible.

 

Toutefois, l’entreprise autogérée a besoin d’accéder au crédit, et ceci dans des conditions égales pour chacun. Pour pouvoir le financer il y a au moins deux solutions techniques possibles :

 

- Un fond d’investissement financé par l’impôt, c’est à dire par une « épargne forcée ».

 

- Une libre sollicitation à l’épargne des ménages comme dans le système capitaliste. Bien sûr il ne s’agit pas ici de solliciter « l’épargne capitaliste » qui permet aux plus riches de s’enrichir sans limite, mais heureusement les ménages n’épargnent pas que pour s’enrichir. Malgré sa faible rémunération, une énorme majorité de français possèdent un livret de Caisse d’Épargne, beaucoup d’entre eux pourraient placer cet argent sous forme de placements de type capitaliste beaucoup plus avantageux, et pourtant ils ne le font pas. Les Caisses d’Épargne collectent ainsi une épargne populaire qui est normalement destinée à être prêtée pour des investissement à caractère social, cette épargne est à l’origine d’un « crédit social » que l’on peut nettement différencier du « crédit capitaliste ». Non seulement les intérêts versés aux déposants sont faibles, mais le montant des dépôts est plafonné ; même si le revenu de l’argent existe toujours, son aspect inégalitaire est ici considérablement diminué, il devient alors impossible aux plus riches d’assurer leurs revenus grâce à leur seule fortune. Vu le succès que rencontrent les livrets de Caisse d’épargne, on pourrait aisément collecter de la même manière de l’épargne destinée à assurer le financement des entreprises autogérées.

 

Dans le cadre de l’entreprise capitaliste, l’argent est attribué aux entreprises par des investisseurs privés qui agissent essentiellement suivant la seule règle de leur profit maximum. Cette règle fait dépendre l’investissement, et l’économie en général, de considérations et d’intérêts personnels qui le soumettent au bon vouloir des plus riches et n’ont absolument rien de démocratiques. Dans ce système l’accès au l’argent n’est pas égalitaire, une petite entreprise locale aura plus de mal à trouver l’argent nécessaire pour financer son développement qu’une société multinationale délocalisant sa production.

 

Dans le cadre de l’entreprise autogérée financée par du crédit social, les contraintes ne sont plus les mêmes, l’entreprise doit seulement rembourser des intérêts à taux fixes. Le financement de l’entreprise n’est plus soumis à la loi du profit maximum, mais à la seule contrainte de rembourser normalement ses emprunts. La « Caisse » chargée d’attribuer les crédits peut enfin examiner les dossiers de demande en fonctions de critères démocratiquement déterminés, la décision d’accorder ou non le prêt ne relèvera plus du seul privilège du plus riche, mais des conclusions d’une commission qui pourra être démocratiquement nommée.

 

La gestion de l’entreprise autogérée

 

Si les problèmes du statut et du financement de l’entreprise autogérée relèvent de questions d’ordre technique et peuvent trouver des réponses simples, il en est tout autrement de la gestion de l’entreprise. On touche ici un domaine qui est celui du comportement humain, l’autogestion n’est pas conçue comme un système où l’humain doit s’adapter aux besoins de l’entreprise (ce qui est le cas de l’entreprise capitaliste), mais au contraire où l’entreprise doit être le fruit de pratiques humaines librement choisies, et inévitablement différenciées et évolutives. On peut évidemment concevoir que cette gestion se fera en accord avec les valeurs et les pratiques démocratiques déjà connues, que l’entreprise sera sans doute gérée par un conseil d’administration élu par les travailleurs de l’entreprise, mais il ne faut pas oublier que la démocratie c’est aussi la diversité et le choix, c’est aux travailleurs eux-mêmes de décider comment organiser le fonctionnement de leur association. Ceci est vrai aussi bien pour l’organisation du travail que pour celui de la gestion de l’entreprise. D’un point de vue plus général, vouloir imposer aux membres de l’entreprise, « par le haut », un système prédéterminé, n’est pas conforme au principe de liberté de choix attaché à la démocratie, et est donc contradictoire avec l’idée même d’autogestion. On peut parfaitement imaginer que des entreprises autogérées fonctionnent suivant des pratiques productives différentes (postes fixes, rotation des tâches), suivant des hiérarchies de revenus différentes, suivant des modes de gestion différents ; ces méthodes de fonctionnement interne variant suivant des facteurs tels que la taille de l’entreprise, son type de production, ou les particularités culturelles locales.

 

Avantages de l’entreprise autogérée

 

Nul doute que ceux qui s’enrichissent en tirant profit de l’absence de démocratie dans l’entreprise trouveront des désavantages à l’entreprise autogérée, en attendant on voit mal quels pourraient être les effets négatifs d’une telle avancée sociale alors que ses avantages sont évidents :

 

- Dans l’entreprise capitaliste, l’intérêt des propriétaires, donc de l’entreprise, était contradictoire avec celui des salariés [7] ; dans l’entreprise autogérée, les intérêts de l’entreprise et des salariés deviennent communs. Les travailleurs sont directement responsables du bon fonctionnement de l’entreprise autogérée qui reste soumise à la concurrence et au risque de faillite ; c’est à eux de la gérer soit directement, soit en confiant cette charge à des gestionnaires compétents, qui ne leur seront pas imposés, mais qu’ils auront démocratiquement choisis pour défendre les intérêts de l’entreprise commune.

 

- L’investisseur capitaliste, qui peut facilement déplacer ses capitaux et qui vise le profit maximum, privilégie souvent la recherche du profit à court terme ; les membres de l’entreprise autogérée qui veulent sauvegarder leur outil de travail ont au contraire tout intérêt à gérer rationnellement leur outil de travail sur le long terme, il ne peut plus être ici question de négliger l’investissement ni de délocaliser la production.

 

- Contrairement à l’entreprise capitaliste, soit-disant libre mais en fait soumise au seul intérêt de ses propriétaires et à la seule loi du profit, l’entreprise autogérée est réellement libre. Elle est débarrassée du diktat de ses actionnaires qui la soumettaient au seul intérêt de leurs profits particuliers, elle n’est plus soumise à la contrainte de la rentabilité maximum, mais seulement à celle de son équilibre financier.

 

- La recherche des gains de productivité, qui ne profiteront plus aux profits du capital mais aux seuls travailleurs, jouera toujours le même rôle de stimulant à l’innovation technique. Les travailleurs devront eux-mêmes décider comment affecter ces gains : choisir entre plus de revenu ou plus de loisir ; bien sûr le rôle du législateur sera d’éviter les abus et de prendre les mesures utiles pour tendre vers un partage optimum du travail et des revenus.

 

- L’attribution du crédit selon des critères démocratiquement déterminés, et non plus selon celui du profit maximum, rendra son accès plus facile aux petites et moyennes entreprises souvent peu rentables.

 

- Le créateur d’entreprise, qui bien souvent aujourd’hui se trouve à la merci d’investisseurs capitalistes n’hésitant pas à lui « confisquer » sa création si elle s’avère rentable, pourra non seulement bénéficier plus facilement de fonds, mais ne pourra pas se faire exproprier d’un bien non négociable. Le créateur d’entreprise est un acteur économique très utile à la communauté, qui ne pourra qu’être encouragé et bénéficier d’un statut particulier dans la gestion de l’entreprise dont il est à l’origine.

 

Faisabilité de l’entreprise autogérée

 

Les paragraphes précédents montrent qu’aucun problème technique rédhibitoire ne se pose, aussi bien du point de vue du statut que de celui du financement ou de la gestion. L’entreprise autogérée n’a rien d’utopique et est parfaitement viable, elle présente même de nombreux et importants avantages par rapport à l’entreprise capitaliste. Elle est en elle-même révolutionnaire car fondée sur une approche socio-économique radicalement différente de l’approche capitaliste, mais son instauration n’implique pas nécessairement pour autant des changements profonds dans le système capitaliste lui-même. Elle peut parfaitement se greffer sur le système socio-économique capitaliste actuel sans pour autant nier totalement le droit de propriété d’entreprise qui peut toujours s’exercer au niveau des entreprises capitalistes. L’entreprise autogérée n’appartient à personne, donc à fortiori pas à l’État, elle n’est pas financée par des fonds gouvernementaux mais par une libre épargne ; il serait mal venu pour les idéologues capitalistes libéraux de la critiquer au nom de la libre concurrence et de la libre entreprise car, contrairement à l’entreprise capitaliste soumise à la loi du profit, elle est réellement libre et démocratique.

 

Contrairement à d’autres projets socialistes impliquant un changement radical et immédiat de la base économique capitaliste, l’entreprise autogérée peut parfaitement coexister avec l’entreprise capitaliste y compris sur une base concurrentielle ; elle offre donc l’avantage de se présenter en tant qu’alternative immédiate, dépendant d’une seule volonté politique. C’est un projet parfaitement adapté à un mouvement social avide de démocratie, et on ne voit pas bien quels arguments convaincants un gouvernement pourrait-il trouver pour rejeter une telle avancée économique ; il serait au contraire très intéressant pour tout le monde de tester ce genre d’entreprise, de pouvoir comparer en situation de concurrence l’entreprise capitaliste soumise à la loi du profit, et l’entreprise autogérée fonctionnant selon des pratiques démocratiques.

 

Le problème de la faisabilité de l’entreprise autogérée n’est pas d’ordre technique mais apparaît d’ordre politique et conjoncturel. On vit dans un système socio-économique capitaliste soumis à la nécessité d’accumulation et de croissance du capital privé, ce type d’entreprise est étranger à ce système, il lui serait même concurrent. Dans nos pays « développés », cette revendication est politiquement difficilement compatible avec une phase de croissance du capitalisme comme par exemple celle des trente glorieuses, car la conjoncture positive pour les salaires et l’emploi y rend difficilement acceptable l’idée d’un changement dont la masse des travailleurs ne peut que difficilement voir l’intérêt profond. En situation de « crise molle » telle que nous la connaissons depuis la fin des trente glorieuses, pour tenter d’éviter l’aggravation de la détérioration économique et sociale une des priorités essentielles des gouvernements est d’assurer les profits et la croissance du capital privé ; il apparaît alors difficilement imaginable que les dirigeants acceptent le principe d’une nouvelle forme d’entreprise qui pourrait prendre des parts de marchés si importantes pour la croissance du système capitaliste [8], d’autant plus que dans ce type de période les organisations ouvrières semblent se limiter essentiellement à des revendications défensives et ne s’intéresser guère à la recherche de solutions réellement alternatives. En fait cette revendication pourrait surtout vraiment montrer sa pertinence dans une phase d’aggravation de la crise, elle pourrait dans ce cas parfaitement devenir un mot d’ordre syndical, citoyen, et même politicien, porteur de réelle alternative. Si la crise s’aggravait fortement et se doublait de grosses difficultés du système financier, voire même de son effondrement, on pourrait alors concevoir que face à l’avalanche des faillites d’entreprises, et bien sûr sous la pression sociale habituelle à ce genre de situation, un gouvernement soucieux de relancer l’économie pourrait trouver tout avantage à accepter leur transformation en entreprises autogérées, tout comme il pourrait aussi avoir tout avantage à remplacer le crédit capitaliste, alors défaillant, par le crédit social.

 

L’entreprise autogérée, premier pas vers l’autogestion généralisée

 

Si l’entreprise autogérée est une avancée démocratique importante, et si on peut parfaitement concevoir son existence dans le cadre du système socio-économique capitaliste, elle peut aussi être conçue comme élément majeur d’un système socio-économique nouveau. Sa généralisation permettrait de libérer l’économie de la contrainte de la loi du profit et des conséquences négatives qu’elle induit dans le système socio-économique, elle aboutirait à l’abandon de l’entreprise capitaliste et à l’abolition du privilège des revenus de l’argent. On pourrait alors enfin connaître un système socio-économique :

 

- où la spéculation financière serait devenu impossible
- où le privilège de la richesse, permettant l’enrichissement grâce aux revenus de son argent, serait aboli,
- où l’exploitation systématique de l’homme, par l’argent et celui qui le possède, ne deviendrait plus qu’un souvenir,
- où l’économie ne serait plus au service du capital, mais à celui de l’humain,
- où le développement économique ne serait plus soumis à une absurde logique de croissance absolue, mais pourrait enfin devenir durable,
- où les gouvernants ne seraient plus soumis aux pressions et contraintes des lobbies de l’argent et du marché capitaliste, et pourraient enfin gérer le pays dans le sens de plus d’égalité économique et de respect de l’écosystème, dans le sens de plus de bien-être équitablement partagé.

 

Michel Lasserre (01/2002)

 

——————————————————
[1] http://m-lasserre.com/textes/democratie.htm
[2] Cf « Vers le socialisme autogéré … » : http://www.m-lasserre.com/vlsa/vlsa.htm
[3] Id. (1) .
[4] Id. (1) .
[5] Le programme du Parti Social-Démocrate allemand de 1891, corrigé par Engels, soulevait déjà ce point. « Le parti social-démocrate n’a rien de commun avec ce qu’on appelle le socialisme d’état, avec le système des exploitations par l’état dans un but fiscal, système qui substitue l’état à l’entrepreneur particulier et qui, par là, réunit en une seule main la puissance de l’exploitation économique et de l’oppression politique ». (Critique des programmes de Gotha et d’Erfurt, Marx Engels, éd.sociales).
[6] Id. (1) .
[7] Id. (1) .
[8] Ce qui ne serait d’ailleurs pas si évident à démontrer : d’une part l’entreprise autogérée drainerait une partie de l’épargne qui ne s’investirait plus dans la finance capitaliste, ce qui diminuerait d’autant la croissance de la masse globale du capital financier donc ses exigences de croissance du marché capitaliste; d’autre part, pour sa production, l’entreprise autogérée pourrait utiliser les services d’entreprises capitalistes, et créer ainsi une extension de leur marché.

dimanche, 09 octobre 2011

Une génération instable a-t-elle surgi en Europe ?

Une génération instable a-t-elle surgi en Europe ?

Ex: http://fortune.fdesouche.com/

Des voitures ont été brûlées en banlieue de Paris, des bagarres se sont produites dans le centre d’Athènes, des manifestations ont eu lieu à Madrid avec la participation de quelque dix mille personnes et Londres a été le théâtre d’émeutes. Du fait de la crise financière, l’Europe est en proie à une crise sociale si profonde que les jeunes européens ont de la peine à contenir leur colère.

La génération instable en Europe peut être divisée en trois catégories : un petit nombre de nécessiteux comme des voyous. Ils ont tendance à la criminalité. La deuxième catégorie : les jeunes ayant reçu une bonne éducation ont espéré pouvoir trouver un bon travail. Mais leur désir ne peut pas être satisfait. Pour la troisième catégorie, les jeunes salariés, qui avaient une expérience de travail, ont perdu leur position ancienne, du fait de la crise économique. Ils ont alors reporté leur colère sur les étrangers.

Cette catégorie de personnes est vulnérable à la démagogie des éléments d’extrême droite et devient des facteurs dangereux susceptibles d’ébranler le mode social de l’Occident. Le vrai danger est la croissance de la xénophobie et des forces nationalistes hostiles à l’intégration de l’Europe.

Les jeunes sont les premières victimes de la crise économique. A l’heure actuelle, le taux de chômage parmi les jeunes âgés d’entre 15 et 24 ans s’est élevé à 20,4%, soit une augmentation de plus de 30% par rapport à celui de 2008.

Parmi les pays européens, la situation est la plus désastreuse en Slovénie et en Pologne : parmi les employés âgés de moins de 25 ans, 60% sont ceux à temps partiels. Et ce pourcentage a dépassé 50% en Allemagne, en France, en Suède, en Espagne et au Portugal. En Espagne, le salaire des jeunes âgés d’entre 16 et 19 ans ne représente que 45,5% de celui des adultes. Le salaire des jeunes âgés d’entre 20 et 24 ans ne représente que 60,7% de celui des personnes d’âge moyen.

Un professeur de l’Université de Bath en Grande-Bretagne indique que la crise économique a fait naître une nouvelle couche dangereuse : une génération instable.

La génération instable touche non seulement à la stabilité de l’État, mais aussi aux relations entre les jeunes et les personnes âgées. L’Europe a fourni un bon système de bien-être aux jeunes, les plaçant sous protection. Tant que ce système commençait à vaciller, les élites politiques qui vieillissent en Europe pensent d’abord à protéger les intérêts de leur génération. Ce qui ne peut qu’accroître le désespoir de la jeune génération.

Les jeunes européens qui ont participé à une manifestation, ont porté une large banderole sur laquelle on lisait : « Nous ne sommes pas opposés au régime. C’est le régime qui ne nous aide pas. » Tenant compte que leur propre avenir est affecté, les jeunes européens ont commencé à s’interroger si les idées de la vieille génération conviennent encore ou non à la situation de nos jours.

En fait, l’Europe devrait permettre aux jeunes de créer une occasion de se transformer et d’améliorer le système. Et cela est plus important que l’aide matérielle.

Le Quotidien du Peuple (Chine)

mardi, 27 septembre 2011

Le spectacle est devenu « la meilleure des polices »

Le spectacle est devenu "la meilleure des polices"

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Ex: http://ungraindesable.hautetfort.com/

En exergue de ce livre figurent deux belles citations de Guy Debord et Jean-Claude Michéa particulièrement bien choisies. L’auteur est très curieux à  voir l’abondante bibliographie (Jean-Pax Méfret, Murray, Michéa, Debord, Debray,Raymond Boudon, etc) ; ce livre est donc particulièrement intéressant car il s’attaque à de vrais sujets, de vrais problèmes.

Selon l’auteur, le lien est évident entre Murray et Debord ; « l’ordre spectaculaire et festif a pour conséquence (…) la disparition du réel . La " société hyperfestive " apparaît comme l’aboutissement de " la société du spectacle "».

Ce livre est une violente et véritable attaque contre le libéralisme mais sous un angle plutôt proche de Michéa que de Besancenot.
 

« (…) dans la société libérale, aucun vice ne doit en lui-même être à priori réprimé (…) Par ailleurs, et pour en revenir au présent , un taux relativement élevé de criminalité ne nuit pas au bon fonctionnement du « système libéral », au contraire. Prenons un exemple contemporain avec les émeutes urbaines : les voitures brûlées doivent être remplacées, les vitrines brisées réparées, etc. Et, comme le note avec ironie le philosophe Jean-claude Michéa dans L’emprise du moindre mal, le « système libéral «  dans sa grande ruse, a su aussi produire en parallèle toute « une industrie de l’excuse, voire de légitimation politique », se proclamant de gauche ou d’extrême gauche, mais en fait culturellement et politiquement libérale : « C’est le travail habituellement confié aux rappeurs, aux cinéastes « citoyens » et aux idiots utiles de la sociologie d’Etat. »

Il aborde ensuite le milieu du showbiz avec le politique et la corruption.

Il conclue ainsi « (…) Chaque époque a ses tabous et son idéologie dominante. Sous l’Ancien Régime, l’Eglise catholique » aujourd’hui « son influence a bien pâli » (…) le dieu caché du temps présent : la nouvelle religion spectaculaire et festive, diffuse, fluide et totalisante, avec ses prêtres et ses dévots de la médiasphère et du show-business (…) de nouvelles hiérarchies sociales, des tabous d’un genre nouveau, un conformisme inédit, tout un système dans lequel les troubadours jouent désormais les premiers rôles(d’anesthésistes). Car ainsi que le note Jean-claude Michéa, « il serait temps de reconnaître enfin que de nos jours, c’est le spectacle lui-même qui est devenu « la meilleure des polices » »

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lundi, 26 septembre 2011

Life Styles: Native and Imposed

Life Styles: Native and Imposed

By Kevin Beary

http://www.counter-currents.com/

For decades now, African American leaders have been calling for a formal United States apology for the American role in the slave trade, with some even demanding reparations. Indian tribes proclaim their tax-exempt status as something they are owed for a legacy of persecution by the United States. Mexican Americans in the southwest United States seek to incorporate this region, including California, into Mexico, or even to set up an independent nation, Aztlan, that will recreate the glories of the Aztec empire, destroyed centuries ago by the imperialistic Spaniards.

That we live in an age of grievance and victimhood is not news. But did these peoples — these Mexican-Americans, these Native Americans, these African-Americans — really lose more than they gained in their confrontation with the West? Were they robbed of nobility, and coarsened? Or did White subjugation force them to shed savagery and barbarousness, and bring them, however unwillingly, into civilized humanity?

Today our children our being taught that the people who lived in the pre-Columbian Western Hemisphere were not “merciless Indian savages” (as Jefferson calls them in the Declaration of Independence), many of whom delighted in torture and cannibalism, but rather spiritually enlightened “native Americans” whose wise and peaceful nobility was rudely destroyed by invading European barbarians; that the Aztecs were not practitioners of human sacrifice and cannibalism on a scale so vast that the mind of the 20th-century American can hardly comprehend it, but rather defenders of an advanced civilization that was destroyed by brutal Spanish conquistadores; and that Africans were not uncultured slave traders and cannibals, but unappreciated builders of great empires.

But just how did these peoples live before they came into contact with Europeans? Although historical myth is ever more rapidly replacing factual history, not only in popular culture but also in our schools and universities, we may still find accurate historical accounts buried in larger libraries or in used book stores.

Aztec Civilization

In his famous work, The Conquest of New Spain, Bernal Diaz del Castillo describes the march on Mexico with his captain, Hernan Cortés, in 1519. The Spanish forces set out from the Gulf of Mexico, and one of the first towns they visited was Cempoala, situated near the coast, where Cortés told the chiefs that “they would have to abandon their idols which they mistakenly believed in and worshipped, and sacrifice no more souls to them.” As Diaz relates:

Every day they sacrificed before our eyes three, four, or five Indians, whose hearts were offered to those idols, and whose blood was plastered on the walls. The feet, arms, and legs of their victims were cut off and eaten, just as we eat beef from the butcher’s in our country. I even believe that they sold it in the tianguez or markets.

Of their stay in Tenochtitlan, the present-day Mexico City and the heart of the Aztec empire, Diaz writes that Emperor Montezuma’s servants prepared for their master

more than thirty dishes cooked in their native style. . . . I have heard that they used to cook him the flesh of young boys. But as he had such a variety of dishes, made of so many different ingredients, we could not tell whether a dish was of human flesh or anything else. . . . I know for certain, however, that after our Captain spoke against the sacrifice of human beings and the eating of their flesh, Montezuma ordered that it should no longer be served to him.

In renouncing cannibalism, was Montezuma cooperating in the destruction of his Aztec “cultural roots,” or was he aiding a victory of civilized custom over barbaric?

A few pages later, Diaz provides a detailed description of

the manner of their [that is, the Aztecs'] sacrifices. They strike open the wretched Indian’s chest with flint knives and hastily tear out the palpitating heart which, with the blood, they present to the idols in whose name they have performed the sacrifice. Then they cut off the arms, thighs, and head, eating the arms and thighs at their ceremonial banquets. The head they hang up on a beam, and the body of the sacrificed man is not eaten but given to the beasts of prey.

Diaz also describes the great market of Tenochtitlan, and its

dealers in gold, silver, and precious stones, feather, cloaks, and embroidered goods, and male and female slaves who are also sold there. They bring as many slaves to be sold in that market as the Portuguese bring Negroes from Guinea. Some are brought there attached to long poles by means of collars round their necks to prevent them from escaping, but others are left loose.

Following the ceremony in which humans are sacrificed to their gods, high-ranking Aztecs eat the flesh of the victims. A Spanish witness commented:

This figure demonstrates the abominable thing that the Indians did on the day they sacrificed to their idols. After [the sacrifice] they placed many large earthen cooking jars of that human meat in front of their idol they called Mictlantecutli, which means lord of the place of the dead, as it is mentioned in other parts [of this book]. And they gave and distributed it to the notables and overseers, and to those who served in the temple of the demon, whom they called tlamacazqui [priests]. And these [persons] distributed among their friends and families that [flesh] and these [persons] which they had given [to the god as a human victim]. They say it tasted like pork meat tastes now. And for this reason pork is very desirable among them.

Plainly it was the Spanish who stamped out human sacrifice and cannibalism among the people of pre-Cortesian Mexico. As for slavery, it is as obvious that the Europeans did not introduce it to the New World as it is that they eradicated it, albeit not immediately. Moreover, the moral impulse to end slavery came from the West, specifically out of England. Had the Aztecs, Indians, and Africans been left to their own devices, slavery might well have endured in North and South America, as it does in parts of present-day Africa.

North American Natives

In his epic work France and England in North America, the great American historian Francis Parkman describes the early 17th-century recreational and culinary habits of the Iroquois Indians (also known as the Five Nations, from whom, some will have it, the United States derived elements of its Constitution). He tells that the Iroquois, along with other tribes of northeastern United States and Canada, “were undergoing that process of extermination, absorption, or expatriation, which, as there is reason to believe, had for many generations formed the gloomy and meaningless history of the greater part of this continent.” Parkman describes an attack by the Iroquois on an Algonquin hunting party, late in the autumn of 1641, and the Iroquois’ treatment of their prisoners and victims:

They bound the prisoners hand and foot, rekindled the fire, slung the kettles, cut the bodies of the slain to pieces, and boiled and devoured them before the eyes of the wretched survivors. “In a word,” says the narrator [that is, the Algonquin woman who escaped to tell the tale], “they ate men with as much appetite and more pleasure than hunters eat a boar or a stag . . .”

The conquerors feasted in the lodge till nearly daybreak . . . then began their march homeward with their prisoners. Among these were three women, of whom the narrator was one, who had each a child of a few weeks or months old. At the first halt, their captors took the infants from them, tied them to wooden spits, placed them to die slowly before a fire, and feasted on them before the eyes of the agonized mothers, whose shrieks, supplications, and frantic efforts to break the cords that bound them were met with mockery and laughter . . .

The Iroquois arrived at their village with their prisoners, whose torture was

designed to cause all possible suffering without touching life. It consisted in blows with sticks and cudgels, gashing their limbs with knives, cutting off their fingers with clam-shells, scorching them with firebrands, and other indescribable torments. The women were stripped naked, and forced to dance to the singing of the male prisoners, amid the applause and laughter of the crowd . . .

On the following morning, they were placed on a large scaffold, in sight of the whole population. It was a gala-day. Young and old were gathered from far and near. Some mounted the scaffold, and scorched them with torches and firebrands; while the children, standing beneath the bark platform, applied fire to the feet of the prisoners between the crevices. . . . The stoicism of one of the warriors enraged his captors beyond measure . . . they fell upon him with redoubled fury, till their knives and firebrands left in him no semblance of humanity. He was defiant to the last, and when death came to his relief, they tore out his heart and devoured it; then hacked him in pieces, and made their feast of triumph on his mangled limbs.

All the men and all the old women of the party were put to death in a similar manner, though but few displayed the same amazing fortitude. The younger women, of whom there were about thirty, after passing their ordeal of torture, were permitted to live; and, disfigured as they were, were distributed among the several villages, as concubines or slaves to the Iroquois warriors. Of this number were the narrator and her companion, who . . . escaped at night into the forest . . .

Of the above account, Parkman writes: “Revolting as it is, it is necessary to recount it. Suffice it to say, that it is sustained by the whole body of contemporary evidence in regard to the practices of the Iroquois and some of the neighboring tribes.”

The “large scaffold” on which the prisoners were placed, is elsewhere in his narrative referred to by Parkman as the Indians’ “torture-scaffolds of bark,” the Indian equivalent of the European theatrical stage, while the tortures performed by the Indians on their neighbors — and on the odd missionary who happened to fall their way — were the noble savages’ equivalent of the European stage play.

If the descendants of the New England tribes now devote their time to selling tax-free cigarettes, running roulette wheels, or dealing out black jack hands, rather than to the capture, torture, and consumption of their neighboring tribesmen, should we not give thanks to those brave Jesuits who sacrificed all to redeem these “native Americans”?

Native Africans

What kind of life did the African live in his native land, before he was brought to America and introduced to Western civilization? That slavery was widely practiced in Africa before the coming of the white man is beyond dispute. But what sort of indigenous civilization did the African enjoy?

In A Slaver’s Log Book, which chronicles the author’s experiences in Africa during the 1820s and 1830s, Captain Theophilus Conneau (or Canot) describes a tribal victory celebration in a town he visited after an attack by a neighboring tribe:

On invading the town, some of the warriors had found in the Chief’s house several jars of rum, and now the bottle went round with astonishing rapidity. The ferocious and savage dance was then suggested. The war bells and horns had sounded the arrival of the female warriors, who on the storming of a town generally make their entry in time to participate in the division of the human flesh; and as the dead and wounded were ready for the knife, in they came like furies and in the obscene perfect state of nakedness, performed the victorious dance which for its cruelties and barbarities has no parallel.

Some twenty-five in number made their appearance with their faces and naked bodies besmeared with chalk and red paint. Each one bore a trophy of their cannibal nature. The matron or leader . . . bore an infant babe newly torn from its mother’s womb and which she tossed high in the air, receiving it on the point of her knife. Other Medeas followed, all bearing some mutilated member of the human frame.

Rum, powder, and blood, a mixture drunk with avidity by these Bacchantes, had rendered them drunk, and the brutal dance had intoxicated them to madness. Each was armed also with some tormenting instrument, and not content with the butchering outside of the town of the fugitive women, they now surrounded the pile of the wounded prisoners, long kept in suspense for the coup de grâce. A ring was formed by the two-legged tigresses, and accompanied by hideous yells and encouraging cry of the men, the round dance began. The velocity of the whirling soon broke the hideous circle, when each one fell on his victims and the massacre began. Men and women fell to dispatching the groaning wounded with the most disgusting cruelties.

I have seen the tiger pounce on the inoffensive gazelle and in its natural propensity of love of blood, strangle its victim, satiate its thirst, and often abandon the dead animal. But not so with these female cannibals. The living and dying had to endure a tormenting and barbarous mutilation, the women showing more cannibal nature in the dissection of the dead than the stronger sex. The coup de grâce was given by the men, but in one instance the victim survived a few minutes when one of those female furies tormented the agony of the dying man by prostrating herself on his body and there acting the beast of double backs.

The matron, commander of these anthrophagies, with her fifty years and corpulous body, led the cruelties on by her example. The unborn babe had been put aside for a bonne bouche, and now adorned with a string of men’s genital parts, she was collecting into a gourd the brains of the decapitated bodies. While the disgusting operating went on, the men carved the solid flesh from the limbs of the dead, throwing the entrails aside.

About noon the butchering was at an end, and a general barbecuing took place. The smell of human flesh, so disgusting to civilized man, was to them the pleasing odor so peculiarly agreeable to a gastronomer …

The barbecuing over, an anthrophagous repast took place, when the superabundant preserved flesh was packed up in plantain leaves to be sent into the Interior for the warriors’ friends. I am silent on the further cruelties that were practiced this day on the unfortunate infirm and wounded that the different scouting parties brought in during the day, supposing the reader to be sick enough at heart at the above representation.

Vanishing History

This is the history that has been handed down to us by men who either were present when the recorded events took place — that is, Diaz and Conneau — or who had access to period documents — that is, Parkman. But this factual history has suffered greatly at the hands of politically correct myth-mongers. The books themselves are disappearing from the shelves: Conneau’s book has been out of print for nearly a generation; perhaps Diaz’s and Parkman’s will follow in the next 20 years. In its place, the most absurd historical fantasies are substituted. As the seemingly inexorable forces of political correctness grind on, we may be left with as much knowledge of our true history as Orwell’s Winston Smith had of his.

Were it not for their subjugation by Europeans, Mexicans would perhaps have continued to practice the Aztec traditions of slavery, human sacrifice, and cannibalism; many American Indians would probably still be living their sad and perilous life of nomadism, subsistence farming, and warfare; and Africans would likely be expiring in even greater numbers on the fields of mayhem and slaughter (as the world has noted to its horror in Rwanda, Liberia and Congo), when not being bought and sold as slaves (as still is done in Sudan and Mauritania).

In his 1965 work, The Course of Empire: The Arabs and their Successors, the sagacious Glubb Pasha wrote in defense of Western colonialism:

Foreign military conquest has not only enabled backward people to acquire the skills and the culture of the conquerors, but it has often administered a salutary shock to the lethargic mentality of the inhabitants, among whom the desire to rise to equality with the foreigners has roused a new spirit of energy. . . . Britain has permeated Asia and Africa with her ideas of government, of law and of ordered civilization. The men of races who less than a hundred years ago were naked are now lawyers, doctors and statesmen on the stage of the world.

But if the present trend of denigrating the West’s mission civilisatrice continues, the achievements of that great civilizing venture might well be squandered and lost forever. If we permit inhumane customs and mores to reassert themselves, the ultimate dissolution of the West itself is not an impossibility. In his famous poem “White Man’s Burden,” Rudyard Kipling eloquently spelled out the fate of a culture that loses faith in itself and its mission:

And when your goal is nearest
The end for others sought,
Watch Sloth and heathen Folly
Turn all your hope to naught.

Journal of Historical Review 17, no. 3 (May–June 1998), 7–11.

Online source: http://library.flawlesslogic.com/lifestyles.htm [2]


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

lundi, 15 août 2011

Londres dans la tempête anthropotechnique

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Londres dans la tempête anthropotechnique

par Jean-Paul BAQUIAST

Ex: http://www.polemia.com/ 

Pourquoi employer, pour désigner les émeutes qui se produisent en ce moment dans certains quartiers londoniens, un terme apparemment obscur, celui de tempête anthropotechnique, plutôt que parler de simples émeutes des banlieues, semblables à celles s'étant produites en France il y a quelques années?

Pourquoi, plus banalement encore, ne pas parler de simples scènes de pillage, comme l'on en voit partout dans le monde? Parce que s'il s'agit d'un phénomène sans doute classique, la révolte de minorités non assimilées par le système de pouvoirs dominants et par conséquent marginalisées, il prend des formes nouvelles, l'émergence de modèles de destruction de l'ordre social en place particulièrement visibles et exemplaires. Ces modèles sont « virtuels », sous la forme d'images et de commentaires se réverbérant en écho. Mais ils naissent d'actions concrètes sur le terrain et donnent à ces actions une force d'exemple quasiment illimitée. De nouveaux acteurs jusque là passifs sont incités à prendre des initiatives. Les troubles semblent alors se générer et se répandre spontanément, sur le mode viral.

Inévitablement les sociétés attaquées génèrent des réactions de défense dont les modèles se répandent à leur tour à travers les réseaux. Ces réactions, constructives ou destructrices selon le point de vue des observateurs politiques, sont d'abord classiques, sur le mode de la répression policière traditionnelle. Mais devant l'échec de cette forme de défense, les pouvoirs inventent des solutions reposant le plus souvent sur le contrôle des activités à travers les outils technologiques fournis par les réseaux et l'intelligence artificielle. Ces solutions paraissent émerger elles-aussi spontanément. Ceci tient en partie à la capacité d'adaptation rapide des technologies utilisées et des humains faisant appel à elles. Il est aujourd'hui difficile de prévoir le type de société qui résultera des affrontements à prévoir entre les forces agonistes et antagonistes en présence. D'où l'intérêt d'essayer de rafraichir en permanence les outils d'analyse.

Le facteur technologique

Le premier facteur à prendre en compte est la puissance du facteur technologique aujourd'hui en action, que nous venons de résumer rapidement. La capacité des réseaux sociaux et des images virtuelles à fédérer les oppositions a été découverte à l'occasion des révoltes arabes. Aujourd'hui, il semble que le pouvoir de Bachar El Hassad, malgré ses centaines de chars, sera obligé à la longue de s'incliner devant la mobilisation en profondeur provoquée par la diffusion des images, aussi rares et réprimées que soient celles-ci. Le pouvoir chinois est lui-aussi dans l'expectative face à la naissance d'oppositions de ce type.

Ce facteur technologique est désormais bien connu. Il comporte le volet des médias, la télévision et internet, qui propagent dans le monde entier des symboles d'une grande puissance contagieuse, servant pour beaucoup de spectateurs d'exemples à suivre. La mémétique a décrit ce mode de propagation, les acteurs se copiant les uns les autres tout en diversifiant par mutation la nature de leurs initiatives. Il faut actualiser les modèles mémétiques déjà anciens pour tenir compte de la puissance des nouveaux modes de production et de diffusion des contenus propres aux sociétés urbaines. On voit se généraliser des outils de communication instantanée entre individus et petits groupes qui les rendent en cas de confrontation plus mobiles et réactifs que les forces de l'ordre n'employant que des moyens traditionnels de communication. Il s'agit pourrait-on dire alors de superorganismes en reconstitution permanente.

Un point méritera d'être précisé. La généralisation de la société en réseau a depuis les origines favorisé l'apparition apparemment spontanée et quasiment irrépressible d'agents internes de destruction d'autant plus efficaces qu'ils s'attaquent spontanément aux systèmes complexes, comme si la complexité les stimulaient. Il s'agit des virus informatiques et en associations avec eux, des humains, pirates ou hackers. Beaucoup semblent motivés, non pour des raisons politiques ou économiques, mais par le désir très puissant de se montrer supérieurs, fut-ce anonymement, aux barrières qui leur sont opposées. Dans notre terminologie, il s'agit typiquement d'agents de type anthropotechniques, associant des technologies de type proliférant et des humains (anthropos) tourmentés par un besoin de sortir de la norme. Cela peut prendre une forme ludique mais aussi déboucher sur des actions qui seront qualifiées de criminelles.

Or dans le cas des émeutes urbaines, on voit systématiquement apparaître des groupes dits de casseurs qui ne se bornent pas à piller mais, semble-t-il, à détruire pour détruire. On a parlé de jeu ou de sport. Médiatisés sur les réseaux, de tels comportements se répandent et se diversifient sur le mode mémétique viral. On peut s'interroger sur les raisons de leur succès reproductif, déploré par les responsables de l'ordre. S'agit-il d'une propension séculaire des sociétés organisées à générer des comportements destructifs externes de la part de ceux que cette organisation rejette? Faut-il alors intensifier les mesures répressives classiques? S'agit-il au contraire de formes d'auto-destruction internes qui seront de plus en plus nombreuses et agressives au fur et à mesure que les sociétés en réseau se complexifieront? Quels rapports entretiendront ces auto-destructions avec les actions de contestation plus pacifiques s'exprimant à travers des manifestations médiatisées, sur le mode des campements de la place Tahrir au Caire. Ces dernières en souffriront-elles ou en tireront-elles profit? Des analyses systémiques semblent s'imposer, si l'on ne veut pas s'enfermer dans la vieille dialectique du « surveiller et punir » illustrée par Michel Foucault.

Le facteur anthropologique

En état de co-activation avec ce facteur technologique se trouve le facteur que nous nommons ici anthropologique. Il faut pas à cet égard se cacher derrière les non-dits bien pensants, qui ne trompent plus personne aujourd'hui. Les insurgés des banlieues européennes conjuguent le refus de l'exploitation propre à tous prolétariats ou minorités exploitées ou rejetées par le secteur productif avec des composantes ethniques. La Grande Bretagne, pour ce qui la concerne, dans la suite d'une histoire coloniale et industrielle dont les hauts-faits inspirent encore l'imagination des classes dirigeantes, a cru pouvoir faire venir sur son territoire, pratiquement sans contraintes, les représentants de populations et de religions qui se livraient chez elles à des conflits incessants. Elle espérait apparemment pouvoir les réconcilier autour des bonnes moeurs de la gentry, tout en continuant à exploiter leur force de travail sans offrir de perspective d'emplois sérieux et de promotion. Des aides à l'assimilation avaient été mises en place sous les gouvernements travaillistes, mais elles viennent d'être supprimées.

Il n'y a rien d'étonnant à ce que, la crise économique et politique actuelle aidant, ce soit dans le pot-pourri de nationalités provenant principalement de l'ancien Empire, que se recrutent - fussent-ils naturalisés depuis plusieurs générations, les individus les plus activistes. Certes, les affrontements de la décenie précédente opposants protestants et catholiques en Irlande avaient rappelé que les Européens peuvent à tout moment prendre les armes les uns contre les autres, comme ils l'ont fait tout au long du 20e siècle. Reste qu'aujourd'hui les images des combats de rue véhiculent l'image détestable de conflits ethniques, même si comme d'habitude les premières victimes des destructions sont des famlles fraichement immigrées. Il peut s'agir d'une véritable dynamite. Parler comme le fait aujourd'hui le gouvernement Cameron de comportements relevant du banditisme classique ne suffit donc pas à prendre la mesure anthropologique du problème.

En France ou dans les autres pays européens, il paraît évident que des facteurs voisins sont à l'oeuvre qui nourriront si rien n'est fait des révoltes également destructrices. Mais pour le moment il nous semble que le maillon faible face à de telles révoltes risque bien d'être le Royaume Uni. Pourquoi? La société britannique, bien qu'indéniablement profondément démocratique en termes politiques, est aussi profondément inégalitaire en termes sociaux. De plus elle a depuis des décennies perdu la capacité de faire appel au secteur public et à de véritables mesures économiques où l'Etat et les organisations syndicales pourraient faire un contrepoids aux oligarchies financières. C'est ainsi que la majorité libérale conservatrice a embouché sans aucunes précautions les trompettes du FMI et de Wall Street en démantelant la police, les universités et les services sociaux, entre autres barrages possibles aux revendications de la rue. S'est ajoutée à cela la corruption profonde générée par le système médiatique, où même l'austère Scotland Yard a perdu sa respectabilité.

Face aux mouvements de rue, le gouvernement se trouve un peu dans la situation de Bachar El Assad: devoir durcir encore la répression ou démissionner. Certains parlent de faire appel à l'armée. Cela fera peut-être taire un moment les manifestants. Mais ne fera qu'aggraver les difficultés à terme. Il faudrait pensons-nous proposer aux minorités ethniques en réseau des perspectives à plus long terme qui réinséreraient les manifestants les plus désireux de s'intégrer au sein d'autres réseaux offrant des perspectives d'activités technologiques motivantes. C'est la question évoquée dans notre éditorial du 27 juillet, « L'avenir de la Grèce est aussi le nôtre ». Mais cette perspective supposerait un véritable changement de système politique et économique. Rien ne prouve pour le moment que la peur générée par les émeutes fasse progresser, en Grande Bretagne comme ailleurs en Europe, la prise au sérieux du besoin d'un tel changement.

Jean-Paul Baquiast
Europe solidaire
09/08/2011  

Correspondance Polémia – 12/08/2011

mercredi, 03 août 2011

Généalogie de l'individualisme moderne

Généalogie de l'individualisme moderne

par Edouard Rix

Ex: http://tpprovence.hautetfort.com/

S’interroger sur la filiation de l’individualisme moderne, c’est poser la question des origines et de l’évolution historique d’un des principes fondateurs de nos sociétés contemporaines.

« Le terme “individualisme“ recouvre les notions les plus hétérogènes que l’on puisse imaginer » (1) écrivait le sociologue Max Weber dans L’Ethique protestante et l’Esprit du capitalisme. Nous définirons l’individualisme comme une dimension de l’idéologie moderne qui érige l’individu, en tant qu’être moral, en valeur suprême.

De la famille à l’individu

Pour établir notre généalogie de l’individualisme moderne, nous commencerons par les travaux d’un juriste britannique, sir Henry Sumner Maine. Ce dernier, grand spécialiste du droit comparé, est l’auteur d’un ouvrage publié en 1861 et qui a connu de nombreuses rééditions, Ancient Law, dans lequel il examine les concepts juridiques des sociétés anciennes en s’appuyant sur le droit romain, les systèmes juridiques de l’Inde et de l’Europe orientale, ou encore les jurisprudence contemporaines.

Selon Maine, les sociétés humaines ont connu successivement deux grands principes d’organisation  politique : la parenté de sang, puis la communauté de territoire. Dans un chapitre intitulé « La société primitive et l’ancien droit », consacré au droit dans les sociétés archaïques, il écrit : « L’histoire des idées politiques commence, en fait, avec l’idée que la parenté de sang est la seule base possible d’une communauté de fonctions politiques ; et aucun de ces renversements de sentiments que nous appelons solennellement révolutions n’a été si surprenant et si complet que le changement survenu lorsque quelque autre principe, celui de contiguïté locale par exemple, fut établi pour la première fois comme base d’une action politique commune » (2). Sa thèse est limpide : c’est lorsque le cadre territorial s’est substitué aux liens de parenté comme fondement du système politique que l’organisation sociale moderne que nous connaissons est apparue.

Pour Maine, tout commence avec la famille : « la famille est le type même de la société archaïque ». Pour retracer l’histoire des sociétés les plus anciennes, il va s’appuyer, dans son enquête, sur des sources variées : les observations des contemporains, les archives, mais surtout les institutions et les systèmes juridiques primitifs qui se sont transmis jusqu’à nos jours. Il analyse ainsi les premiers chapitres de la Genèse, où l’organisation politique de la société apparaît fondée sur le pouvoir patriarcal. Utilisant également la littérature antique, il cite le passage de l’Odyssée concernant les cyclopes : pour Homère, ces monstres incarnent « le type de civilisation étrangère et moins avancée » (3). Les cyclopes n’avaient ni assemblées, ni thémistes, et les chefs de famille exerçaient le pouvoir sur leurs épouses et leur descendance. Dans la Grèce ancienne et à Rome, Maine trouve la trace des groupes de filiation à partir desquels s’est constitué l’Etat. On peut donc supposer que les premières communautés politiques apparurent partout ou les familles, au lieu d’éclater à la mort du patriarche qui les dirigeait, gardèrent leur unité. Les institutions romaines ont conservé les vestiges de cette tradition : « Le groupe élémentaire est la Famille, rattachée au plus ancien descendant mâle. L’agrégation des Familles forme le Gens ou la Maison. L’agrégation des tribus constitue l’Etat (Commonwealth) » (4). Maine en conclut que l’idée d’un lien lignager commun est une donnée fondamentale des sociétés archaïques. Ce phénomène est commun aux Indo-européens qui retracent leurs origines à partir d’un même rameau familial.

Les thèses de Maine sur les origines lignagères de la sociétés sont à mettre en rapport avec les discussions sur le droit naturel. Pour Maine, l’état de nature est une notion « non historique, invérifiable », de même que l’idée de contrat social qui est au centre des doctrines philosophiques. Sa position est à l’opposé des thèses défendues par Hobbes, Locke et Rousseau. Pour lui, les philosophes voient l’état de nature, l’état d’avant l’Etat, avec les yeux de l’individualisme moderne, présupposant l’existence d’un contractualisme avant l’heure.

Au modèle de l’autorité patriarcale, les sociétés modernes opposent une autre conception du lien politique, la cellule de base n’étant plus la famille mais l’individu. « L’unité de la société archaïque était la famille, celle de la société moderne est l’individu » (5) insiste-t-il. La grande nouveauté du monde moderne, c’est le remplacement du lien statutaire qui prévalait dans les sociétés anciennes par la relation purement contractuelle. Comme le résume Maine dans un célèbre aphorisme : « Le mouvement progressif des sociétés jusqu’à nos jours a été un mouvement du status au contrat » (6). Certes, au XIXème siècle, il n’a pas été le seul à opposer le caractère individualiste des sociétés modernes aux sociétés archaïques communautaires. Tocqueville, par exemple, a fort bien analysé le développement et le triomphe de l’individualisme dans l’Amérique démocratique et, au-delà les pays développés d’Occident. De même, dans Gemeinschaft und Gesellschaft, publié en 1887, Ferdinand Tonnies oppose la communauté (gemeinschaft), unité organique, à la société (gesellschaft), construction mécanique et rationalisée. « Maine inaugure une pensée du politique à deux vitesses, selon laquelle une scission fondamentale sépare archaïsme et modernité, ou, selon une formulation plus moderne, sociétés holistes et sociétés individualistes » (7) écrit Marc Abélès dans Anthropologie de l’Etat.

Sociétés holistes et sociétés individualistes

C’est à Louis Dumont, dont l’œuvre embrasse l’ensemble des domaines des sciences sociales (sociologie, anthropologie, philosophie, histoire, droit et sciences politiques), que l’on doit l’analyse la plus pertinente sur les concepts d’individualisme et d’holisme, permettant une appréhension nouvelle de la modernité. En effet, Dumont distingue les sociétés traditionnelles de la société moderne. « Dans les premières, écrit-il, comme par ailleurs dans la République de Platon, l’accent est mis sur la société dans son ensemble, comme Homme collectif ; l’idéal se définit par l’organisation de la société en vue de ses fins (et non en vue du bonheur individuel) ; il s’agit avant tout d’ordre, de hiérarchie, chaque homme particulier doit contribuer à sa place à l’ordre global et la justice consiste à proportionner les fonctions sociales par rapport à l’ensemble » (8). Le sociologue qualifie ce type de sociétés de « holiste ».

Il poursuit : « Pour les modernes au contraire, l’Etre humain c’est l’homme “élémentaire“, indivisible, sous sa forme d’être biologique et en même temps de sujet pensant. Chaque homme particulier incarne en un sens l’humanité entière. Il est la mesure de toute chose (…) Le royaume des fins coïncide avec les fins légitimes de chaque homme, et ainsi les valeurs se renversent. Ce qu’on appelle encore “société“ est le moyen, la vie de chacun est la fin. Ontologiquement la société n’est plus, elle n’est plus qu’un donné irréductible auquel on demande de ne point contrarier les exigences de liberté et d’égalité » (9). Dumont constate que « parmi les grandes civilisations que le monde a connues, le type holiste de société a prédominé » (10). Il ajoute que « tout se passe même comme s’il avait été la règle, à la seule exception de notre civilisation moderne et de son type individualiste de société » (11). La civilisation européenne est donc, à l’origine, une civilisation holiste, la société y étant perçue comme une communauté, comme un tout organique auquel on appartient par héritage.

« Ce n’est pas en tant qu’individu, note Jean-Pierre Vernant, que l’homme grec respecte ou craint un dieu, c’est en tant que chef de famille, membre d’un genos, d’une phratrie, d’un dème, d’une cité ». De même, aucune tradition philosophique classique ne pose l’homme comme un individu isolé. Ainsi, pour Aristote, l’homme est par nature un zoon politikon, un animal politique, qui n’est nullement détaché des autres hommes. Toutefois, « la transition dans la pensée philosophique de Platon et d’Aristote aux nouvelles écoles de la période hellénistique montre une discontinuité », souligne Louis Dumont, « l’émergence soudaine de l’individualisme » (12). En effet, précise-t-il, « alors que la polis était considérée comme autosuffisante chez Platon et Aristote, c’est maintenant l’individu qui est censé se suffire à lui-même. Cet individu est, soit supposé comme un fait, soit posé comme un idéal par les épicuriens, cyniques et stoïciens tous ensemble » (13).

Dans son ouvrage, désormais classique, A History of Political Theory, Georges Sabine classe les trois écoles philosophiques comme différentes variétés de “renonciation“ (14). En effet, ces écoles enseignent la sagesse, et pour devenir un sage, il faut d’abord renoncer au monde… Comment interpréter la genèse de cet individualisme philosophique ? Dumont l’explique ainsi : « L’activité philosophique, l’exercice soutenu par des générations de penseurs de l’enquête rationnelle, doit avoir par lui-même nourri l’individualisme, car la raison, si elle est universelle en principe, œuvre en pratique à travers la personne  particulière qui l’exerce, et prend le premier plan sur toutes choses, au moins implicitement » (15). Si Platon et Aristote, après Socrate, avaient su reconnaître que l’homme est essentiellement un être social, leurs successeurs hellénistiques posèrent comme idéal supérieur celui du sage détaché de la vie sociale. La ruine de la polis grecque et l’unification du monde – Grecs et Barbares confondus – sous l’égide de l’empire universel d’Alexandre, événement historique sans précédent, aura sans doute favorisé l’avènement de cet individualisme.

L’individualisme chrétien

Ainsi que l’a montré Louis Dumont dans ses travaux, c’est avec le christianisme que l’individualisme fait véritablement son apparition dans l’espace mental européen, de pair avec l’égalitarisme et l’universalisme.

L’universitaire écrit : « Il n’y a pas de doute sur la conception fondamentale de l’homme née de l’enseignement du Christ : comme l’a dit Troeltsch, l’homme est un individu-en-relation-avec-Dieu, ce qui signifie, à notre usage, un individu essentiellement hors du monde » (16). Et d’ajouter : « La valeur infinie de l’individu est en même temps l’abaissement, la dé-valuation du monde tel qu’il est : un dualisme est posé, une question est établie qui est constitutive du christianisme et traversera toute l’histoire » (17). Il précise : « Il suit de l’enseignement du Christ et ensuite de Paul que le chrétien est un “individu-en-relation-à Dieu. Il y a, dit Ernst Troelsch, “individualisme absolu et universalisme absolu“ en relation à Dieu. L’âme individuelle reçoit valeur éternelle de sa relation filiale à dieu, et dans cette relation se fonde également la fraternité humaine : les chrétiens se rejoignent dans le Christ dont ils sont les membres » (18). Conclusion : « L’individu comme valeur était alors conçu à l’extérieur de l’organisation sociale et politique donnée, il était en dehors et au-dessus d’elle, un individu-hors-du-monde » (19). A l’aide de l’exemple indien, Dumont soutient que l’individualisme n’aurait pas pu se développer autrement à partir du holisme traditionnel.

La relation de l’individu et du monde va subir toute une évolution dans la conception chrétienne. Dans un premier temps, correspondant à l’époque du christianisme primitif, l’opposition au monde est très forte. Les obligations sociales, confondues avec le service des valeurs païennes, sont niées ; la vie dans le monde est à la fois une condition et un obstacle au salut individuel. Dans un deuxième temps, l’Eglise ayant triomphé du paganisme, revendique son droit au pouvoir politique. La conversion de l’Empereur et ensuite de l’Empire impose à l’Eglise une relation plus étroite à l’Etat. Elle se « mondanise » : ce qui est du monde devient simplement subordonné à ce qui est hors-du-monde. Du même coup, l’individualisme, porteur de l’élément extramondain, peut se développer librement au détriment de la communauté. Cette « mondanisation » s’opère en deux étapes. D’abord, le pape Gélase développe une théorie de la relation entre l’Eglise et l’Empereur qui aboutit à une dyarchie hiérarchique, faisant la distinction hiérarchique entre l’auctoritas du prêtre et la potestas du souverain. Le prêtre est subordonné au souverain dans les affaires mondaines qui concernent l’ordre public. On a affaire à une « complémentarité hiérarchique » (20). Puis, au VIIIème siècle, se produit un changement majeur. Les papes rompent leurs liens avec Byzance et s’arrogent le pouvoir temporel suprême en Occident. L’Eglise prétend maintenant régner, directement ou indirectement, sur le monde, ce qui signifie que l’individualisme chrétien est maintenant engagé dans le monde à un degré sans précédent.

Tels sont les stades de la transformation de l’individu-hors-du-monde à l’individu-dans-le-monde : l’individu chrétien, étranger au monde à l’origine, s’y trouve progressivement de plus en plus profondément impliqué. L’Histoire de l’Europe chrétienne va devenir l’Histoire de la diffusion progressive de l’individualisme. « Par étages, la vie mondaine sera ainsi contaminée par l’élément extramondain jusqu’à ce que, finalement, l’hétérogénéité du monde s’évanouisse entièrement. Alors le champ entier sera unifié, le holisme aura disparu de la représentation, la vie dans le monde sera conçue comme pouvant être entièrement conformée à la valeur suprême, l’individu hors-du-monde sera devenu le moderne individu-dans-le-monde » (21).

Laïcisation de l’individualisme

L’étape suivante est la laïcisation. A partir de la Renaissance, le christianisme, confronté à la Réforme protestante, ne peut plus organiser naturellement la vie collective. La religion « cesse le garant d’une structure hiérarchique : elle révèle, au plan politique, sa charge égalitaire » écrit Paul Claval (22).

La laïcisation des valeurs chrétiennes fait de l’individualisme, de l’égalitarisme et de l’universalisme des notions concrètes de la vie profane. L’Etat moderne est une « église transformée », dixit Louis Dumont, qui ne règne que sur des individus. L’individualisme progresse, à partir du XIIIème siècle, à travers l’émancipation d’une catégorie : le politique, et la naissance d’une institution, l’Etat. Le processus culmine chez Calvin qui fait du monde une vaste théocratie, où règne la valeur individualiste. Avec lui, « la dichotomie hiérarchique qui caractérisait notre champ d’étude prend fin : l’élément mondain antagonique, auquel l’individualisme devait jusque-là faire une place, disparaît entièrement dans la théocratie de Calvin. Le champ est absolument unifié. L’individu est maintenant dans le monde, et la valeur individualiste règne sans restriction ni limitation. Nous avons devant nous l’individu-dans-le-monde » (23).

Le libéralisme a hérité de la conception individualiste, égalitariste  et universaliste, induite par le christianisme. Pour Dumont, à partir du XVIIIème siècle, l’émancipation de la catégorie économique représente, à son tour, par rapport à la religion et à la politique, à l’Eglise et à l’Etat, un progrès de l’individualisme. « La vue économique est l’expression achevée de l’individualisme » précise-t-il (24). Dans un premier temps historique, le libéralisme hérite de la justification religieuse de l’individualisme : « Pour Locke, concevoir la société comme juxtaposition d’individus abstraits fut possible seulement parce que, aux liens concrets de la société, il pouvait substituer la moralité en tant qu’elle réunit ces individus de l’espèce humaine sous le regard de Dieu » (25). Il insiste : « La substitution à l’homme comme être social de l’homme comme individu a été possible parce que le christianisme garantissait l’individu en tant qu’être moral » (26). La moralité prend alors appui sur la foi « pour offrir un substitut au holisme dans l’espèce humaine en tant que porteur de l’obligation morale » (27). Dans un deuxième temps, lorsque la religion, victime du processus de désacralisation, de désensorcellement, de désenchantement (Entzauberung) du monde, mis en œuvre par le rationalisme, commence à perdre de son influence, les bases morales du libéralisme tendent à s’effacer tandis que, parallèlement, le goût de l’effort et de la discipline du travail individuel sont progressivement remplacés par la recherche hédoniste du bonheur individuel. Avec l’affaiblissement de la croyance en Dieu, l’individualisme changera de pôle : il ne s’exprime plus sous la forme d’une volonté tendue vers l’effort, la glorification de Dieu dans le monde, mais sous celle d’un pur hédonisme, d’un désir de jouissance et la recherche du bonheur.

La sécularisation des idéologies religieuses, la laïcisation de l’individualisme entraîne, nécessairement, le matérialisme. La recherche individuelle du bonheur, sans prise en considération de l’intérêt collectif, fait de la conquête des choses, et non plus du dépassement de soi, le but essentiel de l’existence. C’est ainsi que La Déclaration d’Indépendance américaine, proclamée à Philadelphie, le 4 juillet 1776, insiste moins sur les droits politiques du citoyen que sur la recherche pour l’homme du bonheur, sur le droit de l’individu à résister à toute souveraineté qui entraverait son libre arbitre et son bon plaisir. On y trouve, en effet, cette formule révélatrice : « Nous considérons comme des vérités évidentes par elles-mêmes que les hommes naissent égaux ; que leur Créateur les a dotés de certains droits inaliénables, parmi lesquels sont la vie, la liberté, la recherche du bonheur (pursuit of happiness); que les gouvernements humains ont été institués pour garantir ces droits ». Chez les Pères de l’Indépendance on retrouve donc l’idée, déjà formulée chez Hobbes, Locke ou Rousseau, que l’individu constitue l’unité de base de la vie. Or, remarque à juste titre Guillaume Faye, « une telle idée, aujourd’hui, rejetée par les sciences sociales et l’éthologie, provient, comme l’on montré Halbwachs et Baudrillard, de la transposition politique du dogme chrétien du salut individuel. Le destin collectif et historique se trouve mis entre parenthèses, rendu provisoire, au profit du destin existentiel de l’individu » (28).

Karl Marx n’échappe pas à cette vue-du-monde. Le sociologue et économiste révolutionnaire-conservateur autrichien Othmar Spann avait déjà souligné la prédominance des traits individualistes chez lui (29). De même, Dumont soutient la thèse que « Marx est essentiellement individualiste » (30). Dans le marxisme, peuples et nations ne sont qu’accessoires par rapport à cette humanité potentielle, simple somme d’individus elle aussi, qu’est la classe. « Le but de Marx demeure l’émancipation de l’homme par la révolution prolétarienne, écrit Dumont, et ce but est construit sur la présupposition de l’individu » (31). La conception de l’homme comme individu est ainsi à la base de la théorie de la valeur-travail, chez Ricardo comme chez Marx. Pour lui, la cause est entendue : « Le socialiste Marx croit à l’Individu d’une manière qui n’a pas de précédent chez Hobbes, Rousseau et Hegel et même, dirait-on, chez Locke » (32).

Postmodernité et néo-individualisme

Dans les années 70, les sociétés occidentales développées entrent dans un processus de changement radical quant à leur mode d’organisation social, culturel et politique, qui équivaut à un changement complet de civilisation. C’est alors que le concept de postmodernité fait son apparition pour désigner ce changement complet de civilisation. Il renvoie à plusieurs éléments : l’effondrement de la rationalité et la faillite des « grands récits » ou « métarécits » (33), la fin de l’ère industrielle productiviste, la consommation de masse, la montée de l’individualisme, le dépérissement des normes d’autorité et de discipline, la désaffection pour les passions politiques et le militantisme, la désyndicalisation.

Le philosophe Gilles Lipovetsky a produit une magistrale analyse de ce phénomène dans des essais brillants comme L’ère du vide et L’Empire de l’éphémère. Il estime que la société postmoderne est caractérisée avant tout par un néo-individualisme hédoniste et autiste, ce qu’il appelle la « seconde révolution individualiste » : engouement pour les nouvelles technologies et les sports de glisse, indifférence à autrui, désinvestissement de la vie publique, perte de sens des grandes institutions sociales et politiques, dissolution de la mémoire collective, relativisme moral, narcissisme exacerbé, « cocooning » de la jeunesse. Autant de thèmes à rapprocher des travaux du sociologue américain Christopher Lasch qui, dans La culture du narcissisme, met l’accent sur l’apparition d’un nouveau type d’individu caractérisé par une « personnalité narcissique ». Loin de s’alarmer de l’inéluctable progression de cet individualisme de masse, Lipovetsky s’en félicite. Finie la contrainte autoritaire, voici venu le temps de l’explication et du dialogue. Pour lui, cet individualisme contemporain est une « chance démocratique ».

Mais, depuis les attentats du 11 septembre 2001, les choses auraient changé. L’individu jouissif de la postmodernité serait devenu un individu anxieux. Au désir d’affranchissement de toutes les normes, aurait succédé une demande généralisée de protection, une obsession de la santé, et une inquiétude vis-à-vis du futur. Nous aurions basculé dans les Temps hypermodernes (34), caractérisés par l’ « hyper » : hyper-puissance américaine, hyperconsommation et hypernarcissisme. Fin de la postmodernité, bienvenue à l’hypermodernité ! Lipovetsky insiste sur la recomposition de notre rapport au temps. C’est le règne de l’économie du stock zéro, de la production à flux tendu, de la consommation immédiate. Le passé étant invalidé, le futur apparaissant comme incertain voire risqué, reste le présent qui devient l’axe central du rapport au temps. L’ici et maintenant est prédominant. Le triomphe de l’instantanéité signe l’abandon de toute attitude prométhéenne. Le présent hédoniste l’emporte.

Robert Steuckers a parfaitement résumé la généalogie intellectuelle de l’individualisme moderne tel que nous venons de la décrire : « L’Occident a raisonné depuis mille ans en termes de salut individuel, lors de la phase religieuse de son développement, en termes de profit individuel, lors de sa phase bourgeoise et matérialiste, en termes de narcissisme hédoniste, dans la phase de déliquescence totale qu’il traverse aujourd’hui ».

Edouard Rix, Terre & Peuple magazine, solstice d’été 2011, n°48, pp. 11-15.

NOTES

(1) M. Weber, L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme, Plon, Paris, 1964, p. 122, note 23.

(2) H.S. Maine, Ancient Law, Oxford University Press, Londres, 1959, p. 106.

(3) Ibid, p. 103.

(4) Ibid, p. 106.

(5) Ibid, p. 104.

(6) Ibid, p. 141.

(7) M. Abélès, Anthropologie de l’Etat, Petite bibliothèque Payot, Paris, 2005, p. 46.

(8) L. Dumont, Homo hierarchicus. Essai sur le système des castes, Gallimard, coll. Bibliothèque des sciences humaines, Paris, 1966, p. 23.

(9) Ibid.

(10) L. Dumont, Homo aequalis. Genèse et épanouissement de l’idéologie économique, Gallimard, Paris, 1977, p. 12.

(11) Ibid.

(12) L. Dumont, Essais sur l’individualisme. Une perspective anthropologique sur l’idéologie moderne, Seuil, coll. Esprit, Paris, 1983, p. 37.

(13) Ibid.

(14) G. H. Sabine, A History of Political Theory, Londres, 1963, p. 137.

(15) L. Dumont, Essais sur l’individualisme, op.cit., p. 39.

(16) L. Dumont, « La genèse chrétienne de l’individualisme. Une vue modifiée de nos origines »,  Le Débat, septembre-octobre 1981, 15, p. 127.

(17) Ibid, p. 129.

(18) L. Dumont, Essais sur l’individualisme, op.cit., p. 40.

(19) Ibid, p. 58.

(20) Ibid, p. 53.

(21) L. Dumont, « La genèse chrétienne de l’individualisme », op. cit., p. 130.

(22) P. Claval, « Idéologie et démocratie », in Michel Prigent, éd., Les intellectuels et la démocratie, PUF, Paris, 1980, p. 81.

(23) L. Dumont, Essais sur l’individualisme, op.cit., p. 60.

(24) Ibid, p. 23.

(25) L. Dumont, Homo aequalis, op. cit., p. 81.

(26) Ibid.22)

(27) Ibid, p. 80.

(28) G. Faye, Le Système à tuer les peuples, Copernic, Paris, 1981, p. 100.

(29) O. Spann, Der wahre Staat, 1931, pp. 130-131.

(30) L. Dumont, Homo aequalis, op. cit., p. 139.

(31) Ibid, p.197.

(32) L. Dumont, Essais sur l’individualisme, op.cit., p. 111.

(33) J.F. Lyotard, La condition postmoderne, éditions de Minuit, Paris, 1979.

(34) G. Lipovetsky, Les Temps hypermodernes. Entretien avec Sébastien Charles, Grasset, Paris, 2004.

BIBLIOGRAPHIE

M. Abélès, Anthropologie de l’Etat, Petite bibliothèque Payot, Paris, 2005, 253 p.

L. Dumont, Homo hierarchicus. Essai sur le système des castes, Gallimard, coll. Bibliothèque des sciences humaines, Paris, 1966, 445 p.

L. Dumont, Homo aequalis. Genèse et épanouissement de l’idéologie économique, Gallimard, Paris, 1977, 270 p.

L. Dumont, Essais sur l’individualisme. Une perspective anthropologique sur l’idéologie moderne, Seuil, coll. Esprit, Paris, 1983, 272 p.

C. Lasch, La culture du narcissisme, Champs Flammarion, Paris, 2006, 332 p.

G. Lipovetsky, L’ère du vide. Essais sur l’individualisme contemporain, Gallimard, Paris, 1983, 246 p.

G. Lipovetsky, L’empire de l’éphémère : la mode et son destin dans les sociétés modernes, Gallimard, Paris, 1987, 345 p.

G. Lipovetsky, Les Temps hypermodernes. Entretien avec Sébastien Charles, Grasset, Paris, 2004, 186 p.

J.F. Lyotard, La condition postmoderne, éditions de Minuit, Paris, 1979, 128 p.

H.S. Maine, Ancient Law, Oxford University Press, Londres, 1959, p. 106.

dimanche, 31 juillet 2011

The NewDark Age: The Frankfurt School and "Political Correctness"

The New Dark Age: The Frankfurt School and 'Political Correctness'

Michael Minnicino

Ex: http://www.wermodandwermod.com/

The people of North America and Western Europe now accept a level of ugliness in their daily lives which is almost without precedent in the history of Western civilization. Most of us have become so inured, that the death of millions from starvation and disease draws from us no more than a sigh, or a murmur of protest. Our own city streets, home to legions of the homeless, are ruled by Dope, Inc., the largest industry in the world, and on those streets Americans now murder each other at a rate not seen since the Dark Ages.

At the same time, a thousand smaller horrors are so commonplace as to go unnoticed. Our children spend as much time sitting in front of television sets as they do in school, watching with glee, scenes of torture and death which might have shocked an audience in the Roman Coliseum. Music is everywhere, almost unavoidable—but it does not uplift, nor even tranquilize—it claws at the ears, sometimes spitting out an obscenity. Our plastic arts are ugly, our architecture is ugly, our clothes are ugly. There have certainly been periods in history where mankind has lived through similar kinds of brutishness, but our time is crucially different. Our post-World War II era is the first in history in which these horrors are completely avoidable. Our time is the first to have the technology and resources to feed, house, educate, and humanely employ every person on earth, no matter what the growth of population. Yet, when shown the ideas and proven technologies that can solve the most horrendous problems, most people retreat into implacable passivity. We have become not only ugly, but impotent.

Nonetheless, there is no reason why our current moral-cultural situation had to lawfully or naturally turn out as it has; and there is no reason why this tyranny of ugliness should continue one instant longer.

Consider the situation just one hundred years ago, in the early 1890's. In music, Claude Debussy was completing his Prelude to the Afternoon of a Faun, and Arnold Schönberg was beginning to experiment with atonalism; at the same time, Dvorak was working on his Ninth Symphony, while Brahms and Verdi still lived. Edvard Munch was showing The Scream, and Paul Gauguin his Self-Portrait with Halo, but in America, Thomas Eakins was still painting and teaching. Mechanists like Helmholtz and Mach held major university chairs of science, alongside the students of Riemann and Cantor. Pope Leo XIII's De Rerum Novarum was being promulgated, even as sections of the Socialist Second International were turning terrorist, and preparing for class war.

The optimistic belief that one could compose music like Beethoven, paint like Rembrandt, study the universe like Plato and Nicolaus of Cusa, and change world society without violence, was alive in the 1890's—admittedly, it was weak, and under siege, but it was hardly dead. Yet, within twenty short years, these Classical traditions of human civilization had been all but swept away, and the West had committed itself to a series of wars of inconceivable carnage.

What started about a hundred years ago, was what might be called a counter-Renaissance. The Renaissance of the fifteenth and sixteenth centuries was a religious celebration of the human soul and mankind's potential for growth. Beauty in art could not be conceived of as anything less than the expression of the most-advanced scientific principles, as demonstrated by the geometry upon which Leonardo's perspective and Brunelleschi's great Dome of Florence Cathedral are based. The finest minds of the day turned their thoughts to the heavens and the mighty waters, and mapped the solar system and the route to the New World, planning great projects to turn the course of rivers for the betterment of mankind. About a hundred years ago, it was as though a long checklist had been drawn up, with all of the wonderful achievements of the Renaissance itemized—each to be reversed. As part of this "New Age" movement, as it was then called, the concept of the human soul was undermined by the most vociferous intellectual campaign in history; art was forcibly separated from science, and science itself was made the object of deep suspicion. Art was made ugly because, it was said, life had become ugly.

The cultural shift away from the Renaissance ideas that built the modern world, was due to a kind of freemasonry of ugliness. In the beginning, it was a formal political conspiracy to popularize theories that were specifically designed to weaken the soul of Judeo-Christian civilization in such a way as to make people believe that creativity was not possible, that adherence to universal truth was evidence of authoritarianism, and that reason itself was suspect. This conspiracy was decisive in planning and developing, as means of social manipulation, the vast new sister industries of radio, television, film, recorded music, advertising, and public opinion polling. The pervasive psychological hold of the media was purposely fostered to create the passivity and pessimism which afflict our populations today. So successful was this conspiracy, that it has become embedded in our culture; it no longer needs to be a "conspiracy," for it has taken on a life of its own. Its successes are not debatable—you need only turn on the radio or television. Even the nomination of a Supreme Court Justice is deformed into an erotic soap opera, with the audience rooting from the sidelines for their favorite character.

Our universities, the cradle of our technological and intellectual future, have become overwhelmed by Comintern-style New Age "Political Correctness." With the collapse of the Soviet Union, our campuses now represent the largest concentration of Marxist dogma in the world. The irrational adolescent outbursts of the 1960's have become institutionalized into a "permanent revolution." Our professors glance over their shoulders, hoping the current mode will blow over before a student's denunciation obliterates a life's work; some audio-tape their lectures, fearing accusations of "insensitivity" by some enraged "Red Guard." Students at the University of Virginia recently petitioned successfully to drop the requirement to read Homer, Chaucer, and other DEMS ("Dead European Males") because such writings are considered ethnocentric, phallocentric, and generally inferior to the "more relevant" Third World, female, or homosexual authors.

This is not the academy of a republic; this is Hitler's Gestapo and Stalin's NKVD rooting out "deviationists," and banning books—the only thing missing is the public bonfire.

We will have to face the fact that the ugliness we see around us has been consciously fostered and organized in such a way, that a majority of the population is losing the cognitive ability to transmit to the next generation, the ideas and methods upon which our civilization was built. The loss of that ability is the primary indicator of a Dark Age. And, a new Dark Age is exactly what we are in. In such situations, the record of history is unequivocal: either we create a Renaissance—a rebirth of the fundamental principles upon which civilization originated—or, our civilization dies.

I. The Frankfurt School: Bolshevik Intelligentsia

The single, most important organizational component of this conspiracy was a Communist thinktank called the Institute for Social Research (I.S.R.), but popularly known as the Frankfurt School.

In the heady days immediately after the Bolshevik Revolution in Russia, it was widely believed that proletarian revolution would momentarily sweep out of the Urals into Europe and, ultimately, North America. It did not; the only two attempts at workers' government in the West— in Munich and Budapest—lasted only months. The Communist International (Comintern) therefore began several operations to determine why this was so. One such was headed by Georg Lukacs, a Hungarian aristocrat, son of one of the Hapsburg Empire's leading bankers. Trained in Germany and already an important literary theorist, Lukacs became a Communist during World War I, writing as he joined the party, "Who will save us from Western civilization?" Lukacs was well-suited to the Comintern task: he had been one of the Commissars of Culture during the short-lived Hungarian Soviet in Budapest in 1919; in fact, modern historians link the shortness of the Budapest experiment to Lukacs' orders mandating sex education in the schools, easy access to contraception, and the loosening of divorce laws—all of which revulsed Hungary's Roman Catholic population.

Fleeing to the Soviet Union after the counter-revolution, Lukacs was secreted into Germany in 1922, where he chaired a meeting of Communist-oriented sociologists and intellectuals. This meeting founded the Institute for Social Research. Over the next decade, the Institute worked out what was to become the Comintern's most successful psychological warfare operation against the capitalist West.

Lukacs identified that any political movement capable of bringing Bolshevism to the West would have to be, in his words, "demonic"; it would have to "possess the religious power which is capable of filling the entire soul; a power that characterized primitive Christianity." However, Lukacs suggested, such a "messianic" political movement could only succeed when the individual believes that his or her actions are determined by "not a personal destiny, but the destiny of the community" in a world "that has been abandoned by God [emphasis added-MJM]." Bolshevism worked in Russia because that nation was dominated by a peculiar gnostic form of Christianty typified by the writings of Fyodor Dostoyevsky. "The model for the new man is Alyosha Karamazov," said Lukacs, referring to the Dostoyevsky character who willingly gave over his personal identity to a holy man, and thus ceased to be "unique, pure, and therefore abstract."

This abandonment of the soul's uniqueness also solves the problem of "the diabolic forces lurking in all violence" which must be unleashed in order to create a revolution. In this context, Lukacs cited the Grand Inquisitor section of Dostoyevsky's The Brothers Karamazov, noting that the Inquisitor who is interrogating Jesus, has resolved the issue of good and evil: once man has understood his alienation from God, then any act in the service of the "destiny of the community" is justified; such an act can be "neither crime nor madness.... For crime and madness are objectifications of transcendental homelessness."

According to an eyewitness, during meetings of the Hungarian Soviet leadership in 1919 to draw up lists for the firing squad, Lukacs would often quote the Grand Inquisitor: "And we who, for their happiness, have taken their sins upon ourselves, we stand before you and say, 'Judge us if you can and if you dare.' "

The Problem of Genesis

What differentiated the West from Russia, Lukacs identified, was a Judeo-Christian cultural matrix which emphasized exactly the uniqueness and sacredness of the individual which Lukacs abjured. At its core, the dominant Western ideology maintained that the individual, through the exercise of his or her reason, could discern the Divine Will in an unmediated relationship. What was worse, from Lukacs' standpoint: this reasonable relationship necessarily implied that the individual could and should change the physical universe in pursuit of the Good; that Man should have dominion over Nature, as stated in the Biblical injunction in Genesis. The problem was, that as long as the individual had the belief—or even the hope of the belief—that his or her divine spark of reason could solve the problems facing society, then that society would never reach the state of hopelessness and alienation which Lukacs recognized as the necessary prerequisite for socialist revolution.

The task of the Frankfurt School, then, was first, to undermine the Judeo-Christian legacy through an "abolition of culture" (Aufhebung der Kultur in Lukacs' German); and, second, to determine new cultural forms which would increase the alienation of the population, thus creating a "new barbarism." To this task, there gathered in and around the Frankfurt School an incredible assortment of not only Communists, but also non-party socialists, radical phenomenologists, Zionists, renegade Freudians, and at least a few members of a self-identified "cult of Astarte." The variegated membership reflected, to a certain extent, the sponsorship: although the Institute for Social Research started with Comintern support, over the next three decades its sources of funds included various German and American universities, the Rockefeller Foundation, Columbia Broadcasting System, the American Jewish Committee, several American intelligence services, the Office of the U.S. High Commissioner for Germany, the International Labour Organization, and the Hacker Institute, a posh psychiatric clinic in Beverly Hills.

Similarly, the Institute's political allegiances: although top personnel maintained what might be called a sentimental relationship to the Soviet Union (and there is evidence that some of them worked for Soviet intelligence into the 1960's), the Institute saw its goals as higher than that of Russian foreign policy. Stalin, who was horrified at the undisciplined, "cosmopolitan" operation set up by his predecessors, cut the Institute off in the late 1920's, forcing Lukacs into "self-criticism," and briefly jailing him as a German sympathizer during World War II.

Lukacs survived to briefly take up his old post as Minister of Culture during the anti-Stalinist Imre Nagy regime in Hungary. Of the other top Institute figures, the political perambulations of Herbert Marcuse are typical. He started as a Communist; became a protégé of philosopher Martin Heidegger even as the latter was joining the Nazi Party; coming to America, he worked for the World War II Office of Strategic Services (OSS), and later became the U.S. State Department's top analyst of Soviet policy during the height of the McCarthy period; in the 1960's, he turned again, to become the most important guru of the New Left; and he ended his days helping to found the environmentalist extremist Green Party in West Germany.

In all this seeming incoherence of shifting positions and contradictory funding, there is no ideological conflict. The invariant is the desire of all parties to answer Lukacs' original question: "Who will save us from Western civilization?"

Theodor Adorno and Walter Benjamin

Perhaps the most important, if least-known, of the Frankfurt School's successes was the shaping of the electronic media of radio and television into the powerful instruments of social control which they represent today. This grew out of the work originally done by two men who came to the Institute in the late 1920's, Theodor Adorno and Walter Benjamin.

After completing studies at the University of Frankfurt, Walter Benjamin planned to emigrate to Palestine in 1924 with his friend Gershom Scholem (who later became one of Israel's most famous philosophers, as well as Judaism's leading gnostic), but was prevented by a love affair with Asja Lacis, a Latvian actress and Comintern stringer. Lacis whisked him off to the Italian island of Capri, a cult center from the time of the Emperor Tiberius, then used as a Comintern training base; the heretofore apolitical Benjamin wrote Scholem from Capri, that he had found "an existential liberation and an intensive insight into the actuality of radical communism."

Lacis later took Benjamin to Moscow for further indoctrination, where he met playwright Bertolt Brecht, with whom he would begin a long collaboration; soon thereafter, while working on the first German translation of the drug-enthusiast French poet Baudelaire, Benjamin began serious experimentation with hallucinogens. In 1927, he was in Berlin as part of a group led by Adorno, studying the works of Lukacs; other members of the study group included Brecht and his composer-partner Kurt Weill; Hans Eisler, another composer who would later become a Hollywood film score composer and co-author with Adorno of the textbook Composition for the Film; the avant-garde photographer Imre Moholy-Nagy; and the conductor Otto Klemperer.

From 1928 to 1932, Adorno and Benjamin had an intensive collaboration, at the end of which they began publishing articles in the Institute's journal, the Zeitschrift fär Sozialforschung. Benjamin was kept on the margins of the Institute, largely due to Adorno, who would later appropriate much of his work. As Hitler came to power, the Institute's staff fled, but, whereas most were quickly spirited away to new deployments in the U.S. and England, there were no job offers for Benjamin, probably due to the animus of Adorno. He went to France, and, after the German invasion, fled to the Spanish border; expecting momentary arrest by the Gestapo, he despaired and died in a dingy hotel room of self-administered drug overdose.

Benjamin's work remained almost completely unknown until 1955, when Scholem and Adorno published an edition of his material in Germany. The full revival occurred in 1968, when Hannah Arendt, Heidegger's former mistress and a collaborator of the Institute in America, published a major article on Benjamin in the New Yorker magazine, followed in the same year by the first English translations of his work. Today, every university bookstore in the country boasts a full shelf devoted to translations of every scrap Benjamin wrote, plus exegesis, all with 1980's copyright dates.

Adorno was younger than Benjamin, and as aggressive as the older man was passive. Born Teodoro Wiesengrund-Adorno to a Corsican family, he was taught the piano at an early age by an aunt who lived with the family and had been the concert accompanist to the international opera star Adelina Patti. It was generally thought that Theodor would become a professional musician, and he studied with Bernard Sekles, Paul Hindemith's teacher. However, in 1918, while still a gymnasium student, Adorno met Siegfried Kracauer. Kracauer was part of a Kantian-Zionist salon which met at the house of Rabbi Nehemiah Nobel in Frankfurt; other members of the Nobel circle included philosopher Martin Buber, writer Franz Rosenzweig, and two students, Leo Lowenthal and Erich Fromm. Kracauer, Lowenthal, and Fromm would join the I.S.R. two decades later. Adorno engaged Kracauer to tutor him in the philosophy of Kant; Kracauer also introduced him to the writings of Lukacs and to Walter Benjamin, who was around the Nobel clique.

In 1924, Adorno moved to Vienna, to study with the atonalist composers Alban Berg and Arnold Schönberg, and became connected to the avant-garde and occult circle around the old Marxist Karl Kraus. Here, he not only met his future collaborator, Hans Eisler, but also came into contact with the theories of Freudian extremist Otto Gross. Gross, a long-time cocaine addict, had died in a Berlin gutter in 1920, while on his way to help the revolution in Budapest; he had developed the theory that mental health could only be achieved through the revival of the ancient cult of Astarte, which would sweep away monotheism and the "bourgeois family."

Saving Marxist Aesthetics

By 1928, Adorno and Benjamin had satisfied their intellectual wanderlust, and settled down at the I.S.R. in Germany to do some work. As subject, they chose an aspect of the problem posed by Lukacs: how to give aesthetics a firmly materialistic basis. It was a question of some importance, at the time. Official Soviet discussions of art and culture, with their wild gyrations into "socialist realism" and "proletkult," were idiotic, and only served to discredit Marxism's claim to philosophy among intellectuals. Karl Marx's own writings on the subject were sketchy and banal, at best.

In essence, Adorno and Benjamin's problem was Gottfried Wilhelm Leibniz. At the beginning of the eighteenth century, Leibniz had once again obliterated the centuries-old gnostic dualism dividing mind and body, by demonstrating that matter does not think. A creative act in art or science apprehends the truth of the physical universe, but it is not determined by that physical universe. By self-consciously concentrating the past in the present to effect the future, the creative act, properly defined, is as immortal as the soul which envisions the act. This has fatal philosophical implications for Marxism, which rests entirely on the hypothesis that mental activity is determined by the social relations excreted by mankind's production of its physical existence.

Marx sidestepped the problem of Leibniz, as did Adorno and Benjamin, although the latter did it with a lot more panache. It is wrong, said Benjamin in his first articles on the subject, to start with the reasonable, hypothesizing mind as the basis of the development of civilization; this is an unfortunate legacy of Socrates. As an alternative, Benjamin posed an Aristotelian fable in interpretation of Genesis: Assume that Eden were given to Adam as the primordial physical state. The origin of science and philosophy does not lie in the investigation and mastery of nature, but in the naming of the objects of nature; in the primordial state, to name a thing was to say all there was to say about that thing. In support of this, Benjamin cynically recalled the opening lines of the Gospel according to St. John, carefully avoiding the philosophically-broader Greek, and preferring the Vulgate (so that, in the phrase "In the beginning was the Word," the connotations of the original Greek word logos—speech, reason, ratiocination, translated as "Word"—are replaced by the narrower meaning of the Latin word verbum). After the expulsion from Eden and God's requirement that Adam eat his bread earned by the sweat of his face (Benjamin's Marxist metaphor for the development of economies), and God's further curse of Babel on Nimrod (that is, the development of nation-states with distinct languages, which Benjamin and Marx viewed as a negative process away from the "primitive communism" of Eden), humanity became "estranged" from the physical world.

Thus, Benjamin continued, objects still give off an "aura" of their primordial form, but the truth is now hopelessly elusive. In fact, speech, written language, art, creativity itself—that by which we master physicality—merely furthers the estrangement by attempting, in Marxist jargon, to incorporate objects of nature into the social relations determined by the class structure dominant at that point in history. The creative artist or scientist, therefore, is a vessel, like Ion the rhapsode as he described himself to Socrates, or like a modern "chaos theory" advocate: the creative act springs out of the hodgepodge of culture as if by magic. The more that bourgeois man tries to convey what he intends about an object, the less truthful he becomes; or, in one of Benjamin's most oft-quoted statements, "Truth is the death of intention."

This philosophical sleight-of-hand allows one to do several destructive things. By making creativity historically-specific, you rob it of both immortality and morality. One cannot hypothesize universal truth, or natural law, for truth is completely relative to historical development. By discarding the idea of truth and error, you also may throw out the "obsolete" concept of good and evil; you are, in the words of Friedrich Nietzsche, "beyond good and evil." Benjamin is able, for instance, to defend what he calls the "Satanism" of the French Symbolists and their Surrealist successors, for at the core of this Satanism "one finds the cult of evil as a political device ... to disinfect and isolate against all moralizing dilettantism" of the bourgeoisie. To condemn the Satanism of Rimbaud as evil, is as incorrect as to extol a Beethoven quartet or a Schiller poem as good; for both judgments are blind to the historical forces working unconsciously on the artist.

Thus, we are told, the late Beethoven's chord structure was striving to be atonal, but Beethoven could not bring himself consciously to break with the structured world of Congress of Vienna Europe (Adorno's thesis); similarly, Schiller really wanted to state that creativity was the liberation of the erotic, but as a true child of the Enlightenment and Immanuel Kant, he could not make the requisite renunciation of reason (Marcuse's thesis). Epistemology becomes a poor relation of public opinion, since the artist does not consciously create works in order to uplift society, but instead unconsciously transmits the ideological assumptions of the culture into which he was born. The issue is no longer what is universally true, but what can be plausibly interpreted by the self-appointed guardians of the Zeitgeist.

"The Bad New Days"

Thus, for the Frankfort School, the goal of a cultural elite in the modern, "capitalist" era must be to strip away the belief that art derives from the self-conscious emulation of God the Creator; "religious illumination," says Benjamin, must be shown to "reside in a profane illumination, a materialistic, anthropological inspiration, to which hashish, opium, or whatever else can give an introductory lesson." At the same time, new cultural forms must be found to increase the alienation of the population, in order for it to understand how truly alienated it is to live without socialism. "Do not build on the good old days, but on the bad new ones," said Benjamin.

The proper direction in painting, therefore, is that taken by the late Van Gogh, who began to paint objects in disintegration, with the equivalent of a hashish-smoker's eye that "loosens and entices things out of their familiar world." In music, "it is not suggested that one can compose better today" than Mozart or Beethoven, said Adorno, but one must compose atonally, for atonalism is sick, and "the sickness, dialectically, is at the same time the cure....The extraordinarily violent reaction protest which such music confronts in the present society ... appears nonetheless to suggest that the dialectical function of this music can already be felt ... negatively, as 'destruction.' "

The purpose of modern art, literature, and music must be to destroy the uplifting—therefore, bourgeois — potential of art, literature, and music, so that man, bereft of his connection to the divine, sees his only creative option to be political revolt. "To organize pessimism means nothing other than to expel the moral metaphor from politics and to discover in political action a sphere reserved one hundred percent for images." Thus, Benjamin collaborated with Brecht to work these theories into practical form, and their joint effort culminated in the Verfremdungseffekt ("estrangement effect"), Brecht's attempt to write his plays so as to make the audience leave the theatre demoralized and aimlessly angry.

Political Correctness

The Adorno-Benjamin analysis represents almost the entire theoretical basis of all the politically correct aesthetic trends which now plague our universities. The Poststructuralism of Roland Barthes, Michel Foucault, and Jacques Derrida, the Semiotics of Umberto Eco, the Deconstructionism of Paul DeMan, all openly cite Benjamin as the source of their work. The Italian terrorist Eco's best-selling novel, The Name of the Rose, is little more than a paean to Benjamin; DeMan, the former Nazi collaborator in Belgium who became a prestigious Yale professor, began his career translating Benjamin; Barthes' infamous 1968 statement that "[t]he author is dead," is meant as an elaboration of Benjamin's dictum on intention. Benjamin has actually been called the heir of Leibniz and of Wilhelm von Humboldt, the philologist collaborator of Schiller whose educational reforms engendered the tremendous development of Germany in the nineteenth century. Even as recently as September 1991, the Washington Post referred to Benjamin as "the finest German literary theorist of the century (and many would have left off that qualifying German)."

Readers have undoubtedly heard one or another horror story about how an African-American Studies Department has procured a ban on Othello, because it is "racist," or how a radical feminist professor lectured a Modern Language Association meeting on the witches as the "true heroines" of Macbeth. These atrocities occur because the perpetrators are able to plausibly demonstrate, in the tradition of Benjamin and Adorno, that Shakespeare's intent is irrelevant; what is important, is the racist or phallocentric "subtext" of which Shakespeare was unconscious when he wrote.

When the local Women's Studies or Third World Studies Department organizes students to abandon classics in favor of modern Black and feminist authors, the reasons given are pure Benjamin. It is not that these modern writers are better, but they are somehow more truthful because their alienated prose reflects the modern social problems of which the older authors were ignorant! Students are being taught that language itself is, as Benjamin said, merely a conglomeration of false "names" foisted upon society by its oppressors, and are warned against "logocentrism," the bourgeois over-reliance on words.

If these campus antics appear "retarded" (in the words of Adorno), that is because they are designed to be. The Frankfurt School's most important breakthrough consists in the realization that their monstrous theories could become dominant in the culture, as a result of the changes in society brought about by what Benjamin called "the age of mechanical reproduction of art."

II. The Establishment Goes Bolshevik:
"Entertainment" Replaces Art

Before the twentieth century, the distinction between art and "entertainment" was much more pronounced. One could be entertained by art, certainly, but the experience was active, not passive. On the first level, one had to make a conscious choice to go to a concert, to view a certain art exhibit, to buy a book or piece of sheet music. It was unlikely that any more than an infinitesimal fraction of the population would have the opportunity to see King Lear or hear Beethoven's Ninth Symphony more than once or twice in a lifetime. Art demanded that one bring one's full powers of concentration and knowledge of the subject to bear on each experience, or else the experience were considered wasted. These were the days when memorization of poetry and whole plays, and the gathering of friends and family for a "parlor concert," were the norm, even in rural households. These were also the days before "music appreciation"; when one studied music, as many did, they learned to play it, not appreciate it.

However, the new technologies of radio, film, and recorded music represented, to use the appropriate Marxist buzz-word, a dialectical potential. On the one hand, these technologies held out the possibility of bringing the greatest works of art to millions of people who would otherwise not have access to them. On the other, the fact that the experience was infinitely reproducible could tend to disengage the audience's mind, making the experience less sacred, thus increasing alienation. Adorno called this process, "demythologizing." This new passivity, Adorno hypothesized in a crucial article published in 1938, could fracture a musical composition into the "entertaining" parts which would be "fetishized" in the memory of the listener, and the difficult parts, which would be forgotten. Adorno continues,

 

The counterpart to the fetishism is a regression of listening. This does not mean a relapse of the individual listener into an earlier phase of his own development, nor a decline in the collective general level, since the millions who are reached musically for the first time by today's mass communications cannot be compared with the audiences of the past. Rather, it is the contemporary listening which has regressed, arrested at the infantile stage. Not only do the listening subjects lose, along with the freedom of choice and responsibility, the capacity for the conscious perception of music .... [t]hey fluctuate between comprehensive forgetting and sudden dives into recognition. They listen atomistically and dissociate what they hear, but precisely in this dissociation they develop certain capacities which accord less with the traditional concepts of aesthetics than with those of football or motoring. They are not childlike ... but they are childish; their primitivism is not that of the undeveloped, but that of the forcibly retarded. [emphasis aded]

This conceptual retardation and preconditioning caused by listening, suggested that programming could determine preference. The very act of putting, say, a Benny Goodman number next to a Mozart sonata on the radio, would tend to amalgamate both into entertaining "music-on-the-radio" in the mind of the listener. This meant that even new and unpalatable ideas could become popular by "re-naming" them through the universal homogenizer of the culture industry. As Benjamin puts it,

 

Mechanical reproduction of art changes the reaction of the masses toward art. The reactionary attitude toward a Picasso painting changes into a progressive reaction toward a Chaplin movie. The progressive reaction is characterized by the direct, intimate fusion of visual and emotional enjoyment with the orientation of the expert.... With regard to the screen, the critical and receptive attitudes of the public coincide. The decisive reason for this is that the individual reactions are predetermined by the mass audience response they are about to produce, and this is nowhere more pronounced than in the film.

At the same time, the magic power of the media could be used to re-define previous ideas. "Shakespeare, Rembrandt, Beethoven will all make films," concluded Benjamin, quoting the French film pioneer Abel Gance, "... all legends, all mythologies, all myths, all founders of religions, and the very religions themselves ... await their exposed resurrection."

Social Control: The "Radio Project"

Here, then, were some potent theories of social control. The great possibilities of this Frankfurt School media work were probably the major contributing factor in the support given the I.S.R. by the bastions of the Establishment, after the Institute transferred its operations to America in 1934.

In 1937, the Rockefeller Foundation began funding research into the social effects of new forms of mass media, particularly radio. Before World War I, radio had been a hobbyist's toy, with only 125,000 receiving sets in the entire U.S.; twenty years later, it had become the primary mode of entertainment in the country; out of 32 million American families in 1937, 27.5 million had radios — a larger percentage than had telephones, automobiles, plumbing, or electricity! Yet, almost no systematic research had been done up to this point. The Rockefeller Foundation enlisted several universities, and headquartered this network at the School of Public and International Affairs at Princeton University. Named the Office of Radio Research, it was popularly known as "the Radio Project."

The director of the Project was Paul Lazersfeld, the foster son of Austrian Marxist economist Rudolph Hilferding, and a long-time collaborator of the I.S.R. from the early 1930's. Under Lazersfeld was Frank Stanton, a recent Ph.D. in industrial psychology from Ohio State, who had just been made research director of Columbia Broadcasting System—a grand title but a lowly position. After World War II, Stanton became president of the CBS News Division, and ultimately president of CBS at the height of the TV network's power; he also became Chairman of the Board of the RAND Corporation, and a member of President Lyndon Johnson's "kitchen cabinet." Among the Project's researchers were Herta Herzog, who married Lazersfeld and became the first director of research for the Voice of America; and Hazel Gaudet, who became one of the nation's leading political pollsters. Theodor Adorno was named chief of the Project's music section.

Despite the official gloss, the activities of the Radio Project make it clear that its purpose was to test empirically the Adorno-Benjamin thesis that the net effect of the mass media could be to atomize and increase lability—what people would later call "brainwashing."

Soap Operas and the Invasion from Mars

The first studies were promising. Herta Herzog produced "On Borrowed Experiences," the first comprehensive research on soap operas. The "serial radio drama" format was first used in 1929, on the inspiration of the old, cliff-hanger "Perils of Pauline" film serial. Because these little radio plays were highly melodramatic, they became popularly identified with Italian grand opera; because they were often sponsored by soap manufacturers, they ended up with the generic name, "soap opera."

Until Herzog's work, it was thought that the immense popularity of this format was largely with women of the lowest socioeconomic status who, in the restricted circumstances of their lives, needed a helpful escape to exotic places and romantic situations. A typical article from that period by two University of Chicago psychologists, "The Radio Day-Time Serial: Symbol Analysis" published in the Genetic Psychology Monographs, solemnly emphasized the positive, claiming that the soaps "function very much like the folk tale, expressing the hopes and fears of its female audience, and on the whole contribute to the integration of their lives into the world in which they live."

Herzog found that there was, in fact, no correlation to socioeconomic status. What is more, there was surprisingly little correlation to content. The key factor — as Adorno and Benjamin's theories suggested it would be — was the form itself of the serial; women were being effectively addicted to the format, not so much to be entertained or to escape, but to "find out what happens next week." In fact, Herzog found, you could almost double the listenership of a radio play by dividing it into segments.

Modern readers will immediately recognize that this was not a lesson lost on the entertainment industry. Nowadays, the serial format has spread to children's programming and high-budget prime time shows. The most widely watched shows in the history of television, remain the "Who Killed JR?" installment of Dallas, and the final episode of M*A*S*H, both of which were premised on a "what happens next?" format. Even feature films, like the Star Wars and Back to the Future trilogies, are now produced as serials, in order to lock in a viewership for the later installments. The humble daytime soap also retains its addictive qualities in the current age: 70% of all American women over eighteen now watch at least two of these shows each day, and there is a fast-growing viewership among men and college students of both sexes.

The Radio Project's next major study was an investigation into the effects of Orson Welles' Halloween 1938 radioplay based on H.G. Wells' War of the Worlds. Six million people heard the broadcast realistically describing a Martian invasion force landing in rural New Jersey. Despite repeated and clear statements that the show was fictional, approximately 25% of the listeners thought it was real, some panicking outright. The Radio Project researchers found that a majority of the people who panicked did not think that men from Mars had invaded; they actually thought that the Germans had invaded.

It happened this way. The listeners had been psychologically pre-conditioned by radio reports from the Munich crisis earlier that year. During that crisis, CBS's man in Europe, Edward R. Murrow, hit upon the idea of breaking into regular programming to present short news bulletins. For the first time in broadcasting, news was presented not in longer analytical pieces, but in short clips—what we now call "audio bites." At the height of the crisis, these flashes got so numerous, that, in the words of Murrow's producer Fred Friendly, "news bulletins were interrupting news bulletins." As the listeners thought that the world was moving to the brink of war, CBS ratings rose dramatically. When Welles did his fictional broadcast later, after the crisis had receded, he used this news bulletin technique to give things verisimilitude: he started the broadcast by faking a standard dance-music program, which kept getting interrupted by increasingly terrifying "on the scene reports" from New Jersey. Listeners who panicked, reacted not to content, but to format; they heard "We interrupt this program for an emergency bulletin," and "invasion," and immediately concluded that Hitler had invaded. The soap opera technique, transposed to the news, had worked on a vast and unexpected scale.

Little Annie and the "Wagnerian Dream" of TV

In 1939, one of the numbers of the quarterly Journal of Applied Psychology was handed over to Adorno and the Radio Project to publish some of their findings. Their conclusion was that Americans had, over the last twenty years, become "radio-minded," and that their listening had become so fragmented that repetition of format was the key to popularity. The play list determined the "hits"—a truth well known to organized crime, both then and now—and repetition could make any form of music or any performer, even a classical music performer, a "star." As long as a familiar form or context was retained, almost any content would become acceptable. "Not only are hit songs, stars, and soap operas cyclically recurrent and rigidly invariable types," said Adorno, summarizing this material a few years later, "but the specific content of the entertainment itself is derived from them and only appears to change. The details are interchangeable."

The crowning achievement of the Radio Project was "Little Annie," officially titled the Stanton-Lazersfeld Program Analyzer. Radio Project research had shown that all previous methods of preview polling were ineffectual. Up to that point, a preview audience listened to a show or watched a film, and then was asked general questions: did you like the show? what did you think of so-and-so's performance? The Radio Project realized that this method did not take into account the test audience's atomized perception of the subject, and demanded that they make a rational analysis of what was intended to be an irrational experience. So, the Project created a device in which each test audience member was supplied with a type of rheostat on which he could register the intensity of his likes or dislikes on a moment-to-moment basis. By comparing the individual graphs produced by the device, the operators could determine, not if the audience liked the whole show — which was irrelevant—but, which situations or characters produced a positive, if momentary, feeling state.

Little Annie transformed radio, film, and ultimately television programming. CBS still maintains program analyzer facilities in Hollywood and New York; it is said that results correlate 85% to ratings. Other networks and film studios have similar operations. This kind of analysis is responsible for the uncanny feeling you get when, seeing a new film or TV show, you think you have seen it all before. You have, many times. If a program analyzer indicates that, for instance, audiences were particularly titilated by a short scene in a World War II drama showing a certain type of actor kissing a certain type of actress, then that scene format will be worked into dozens of screenplays—transposed to the Middle Ages, to outer space, etc., etc.

The Radio Project also realized that television had the potential to intensify all of the effects that they had studied. TV technology had been around for some years, and had been exhibited at the 1936 World's Fair in New York, but the only person to attempt serious utilization of the medium had been Adolf Hitler. The Nazis broadcast events from the 1936 Olympic Games "live" to communal viewing rooms around Germany; they were trying to expand on their great success in using radio to Nazify all aspects of German culture. Further plans for German TV development were sidetracked by war preparations.

Adorno understood this potential perfectly, writing in 1944:

Television aims at the synthesis of radio and film, and is held up only because the interested parties have not yet reached agreement, but its consequences will be quite enormous and promise to intensify the impoverishment of aesthetic matter so drastically, that by tomorrow the thinly veiled identity of all industrial culture products can come triumphantly out in the open, derisively fulfilling the Wagnerian dream of the Gesamtkunstwerk—the fusion of all the arts in one work.

The obvious point is this: the profoundly irrational forms of modern entertainment—the stupid and eroticized content of most TV and films, the fact that your local Classical music radio station programs Stravinsky next to Mozart—don't have to be that way. They were designed to be that way. The design was so successful, that today, no one even questions the reasons or the origins.

III. Creating "Public Opinion": The "Authoritarian Personality" Bogeyman and the OSS

The efforts of the Radio Project conspirators to manipulate the population, spawned the modern pseudoscience of public opinion polling, in order to gain greater control over the methods they were developing.

Today, public opinion polls, like the television news, have been completely integrated into our society. A "scientific survey" of what people are said to think about an issue can be produced in less than twenty-four hours. Some campaigns for high political office are completely shaped by polls; in fact, many politicians try to create issues which are themselves meaningless, but which they know will look good in the polls, purely for the purpose of enhancing their image as "popular." Important policy decisions are made, even before the actual vote of the citizenry or the legislature, by poll results. Newspapers will occasionally write pious editorials calling on people to think for themselves, even as the newspaper's business agent sends a check to the local polling organization.

The idea of "public opinion" is not new, of course. Plato spoke against it in his Republic over two millenia ago; Alexis de Tocqueville wrote at length of its influence over America in the early nineteenth century. But, nobody thought to measure public opinion before the twentieth century, and nobody before the 1930's thought to use those measurements for decision-making.

It is useful to pause and reflect on the whole concept. The belief that public opinion can be a determinant of truth is philosophically insane. It precludes the idea of the rational individual mind. Every individual mind contains the divine spark of reason, and is thus capable of scientific discovery, and understanding the discoveries of others. The individual mind is one of the few things that cannot, therefore, be "averaged." Consider: at the moment of creative discovery, it is possible, if not probable, that the scientist making the discovery is the only person to hold that opinion about nature, whereas everyone else has a different opinion, or no opinion. One can only imagine what a "scientifically-conducted survey" on Kepler's model of the solar system would have been, shortly after he published the Harmony of the World: 2% for, 48% against, 50% no opinion.

These psychoanalytic survey techniques became standard, not only for the Frankfurt School, but also throughout American social science departments, particularly after the I.S.R. arrived in the United States. The methodology was the basis of the research piece for which the Frankfurt School is most well known, the "authoritarian personality" project. In 1942, I.S.R. director Max Horkheimer made contact with the American Jewish Committee, which asked him to set up a Department of Scientific Research within its organization. The American Jewish Committee also provided a large grant to study anti-Semitism in the American population. "Our aim," wrote Horkheimer in the introduction to the study, "is not merely to describe prejudice, but to explain it in order to help in its eradication.... Eradication means reeducation scientifically planned on the basis of understanding scientifically arrived at."

The A-S Scale

Ultimately, five volumes were produced for this study over the course of the late 1940's; the most important was the last, The Authoritarian Personality, by Adorno, with the help of three Berkeley, California social psychologists.

In the 1930's Erich Fromm had devised a questionnaire to be used to analyze German workers pychoanalytically as "authoritarian," "revolutionary" or "ambivalent." The heart of Adorno's study was, once again, Fromm's psychoanalytic scale, but with the positive end changed from a "revolutionary personality," to a "democratic personality," in order to make things more palatable for a postwar audience.

Nine personality traits were tested and measured, including:

  • conventionalism—rigid adherence to conventional, middle-class values
  • authoritarian aggression—the tendency to be on the look-out for, to condemn, reject and punish, people who violate conventional values
  • projectivity—the disposition to believethat wild and dangerous things go on in the world
  • sex—exaggerated concern with sexual goings-on.

From these measurements were constructed several scales: the E Scale (ethnocentrism), the PEC Scale (poltical and economic conservatism), the A-S Scale (anti-Semitism), and the F Scale (fascism). Using Rensis Lickerts's methodology of weighting results, the authors were able to tease together an empirical definition of what Adorno called "a new anthropological type," the authoritarian personality. The legerdemain here, as in all psychoanalytic survey work, is the assumption of a Weberian "type." Once the type has been statistically determined, all behavior can be explained; if an anti-Semitic personality does not act in an anti-Semitic way, then he or she has an ulterior motive for the act, or is being discontinuous. The idea that a human mind is capable of transformation, is ignored.

The results of this very study can be interpreted in diametrically different ways. One could say that the study proved that the population of the U.S. was generally conservative, did not want to abandon a capitalist economy, believed in a strong family and that sexual promiscuity should be punished, thought that the postwar world was a dangerous place, and was still suspicious of Jews (and Blacks, Roman Catholics, Orientals, etc. — unfortunately true, but correctable in a social context of economic growth and cultural optimism). On the other hand, one could take the same results and prove that anti-Jewish pogroms and Nuremburg rallies were simmering just under the surface, waiting for a new Hitler to ignite them. Which of the two interpretations you accept is a political, not a scientific, decision. Horkheimer and Adorno firmly believed that all religions, Judaism included, were "the opiate of the masses." Their goal was not the protection of Jews from prejudice, but the creation of a definition of authoritarianism and anti-Semitism which could be exploited to force the "scientifically planned reeducation" of Americans and Europeans away from the principles of Judeo-Christian civilization, which the Frankfurt School despised. In their theoretical writings of this period, Horkheimer and Adorno pushed the thesis to its most paranoid: just as capitalism was inherently fascistic, the philosophy of Christianity itself is the source of anti-Semitism. As Horkheimer and Adorno jointly wrote in their 1947 "Elements of Anti-Semitism":

 

Christ, the spirit become flesh, is the deified sorcerer. Man's self-reflection in the absolute, the humanization of God by Christ, is the proton pseudos [original falsehood]. Progress beyond Judaism is coupled with the assumption that the man Jesus has become God. The reflective aspect of Christianity, the intellectualization of magic, is the root of evil.

At the same time, Horkheimer could write in a more-popularized article titled "Anti-Semitism: A Social Disease," that "at present, the only country where there does not seem to be any kind of anti-Semitism is Russia"[!].

This self-serving attempt to maximize paranoia was further aided by Hannah Arendt, who popularized the authoritarian personality research in her widely-read Origins of Totalitarianism. Arendt also added the famous rhetorical flourish about the "banality of evil" in her later Eichmann in Jerusalem: even a simple, shopkeeper-type like Eichmann can turn into a Nazi beast under the right psychological circumstances—every Gentile is suspect, psychoanalytically.

It is Arendt's extreme version of the authoritarian personality thesis which is the operant philosophy of today's Cult Awareness Network (CAN), a group which works with the U.S. Justice Department and the Anti-Defamation League of the B'nai B'rith, among others. Using standard Frankfurt School method, CAN identifies political and religious groups which are its political enemies, then re-labels them as a "cult," in order to justify operations against them.

The Public Opinion Explosion

Despite its unprovable central thesis of "psychoanalytic types," the interpretive survey methodology of the Frankfurt School became dominant in the social sciences, and essentially remains so today. In fact, the adoption of these new, supposedly scientific techniques in the 1930's brought about an explosion in public-opinion survey use, much of it funded by Madison Avenue. The major pollsters of today—A.C. Neilsen, George Gallup, Elmo Roper—started in the mid-1930's, and began using the I.S.R. methods, especially given the success of the Stanton-Lazersfeld Program Analyzer. By 1936, polling activity had become sufficiently widespread to justify a trade association, the American Academy of Public Opinion Research at Princeton, headed by Lazersfeld; at the same time, the University of Chicago created the National Opinion Research Center. In 1940, the Office of Radio Research was turned into the Bureau of Applied Social Research, a division of Columbia University, with the indefatigable Lazersfeld as director.

After World War II, Lazersfeld especially pioneered the use of surveys to psychoanalyze American voting behavior, and by the 1952 Presidential election, Madison Avenue advertising agencies were firmly in control of Dwight Eisenhower's campaign, utilizing Lazersfeld's work. Nineteen fifty-two was also the first election under the influence of television, which, as Adorno had predicted eight years earlier, had grown to incredible influence in a very short time. Batten, Barton, Durstine & Osborne — the fabled "BBD&O" ad agency—designed Ike's campaign appearances entirely for the TV cameras, and as carefully as Hitler's Nuremberg rallies; one-minute "spot" advertisements were pioneered to cater to the survey-determined needs of the voters.

This snowball has not stopped rolling since. The entire development of television and advertising in the 1950's and 1960's was pioneered by men and women who were trained in the Frankfurt School's techniques of mass alienation. Frank Stanton went directly from the Radio Project to become the single most-important leader of modern television. Stanton's chief rival in the formative period of TV was NBC's Sylvester "Pat" Weaver; after a Ph.D. in "listening behavior," Weaver worked with the Program Analyzer in the late 1930's, before becoming a Young & Rubicam vice-president, then NBC's director of programming, and ultimately the network's president. Stanton and Weaver's stories are typical.

Today, the men and women who run the networks, the ad agencies, and the polling organizations, even if they have never heard of Theodor Adorno, firmly believe in Adorno's theory that the media can, and should, turn all they touch into "football." Coverage of the 1991 Gulf War should make that clear.

The technique of mass media and advertising developed by the Frankfurt School now effectively controls American political campaigning. Campaigns are no longer based on political programs, but actually on alienation. Petty gripes and irrational fears are identified by psychoanalytic survey, to be transmogrified into "issues" to be catered to; the "Willy Horton" ads of the 1988 Presidential campaign, and the "flag-burning amendment," are but two recent examples. Issues that will determine the future of our civilization, are scrupulously reduced to photo opportunities and audio bites—like Ed Murrow's original 1930's radio reports—where the dramatic effect is maximized, and the idea content is zero.

Who Is the Enemy?

Part of the influence of the authoritarian personality hoax in our own day also derives from the fact that, incredibly, the Frankfurt School and its theories were officially accepted by the U.S. government during World War II, and these Cominternists were responsible for determining who were America's wartime, and postwar, enemies. In 1942, the Office of Strategic Services, America's hastily-constructed espionage and covert operations unit, asked former Harvard president James Baxter to form a Research and Analysis (R&A) Branch under the group's Intelligence Division. By 1944, the R&A Branch had collected such a large and prestigeous group of emigré scholars that H. Stuart Hughes, then a young Ph.D., said that working for it was "a second graduate education" at government expense. The Central European Section was headed by historian Carl Schorske; under him, in the all-important Germany/Austria Section, was Franz Neumann, as section chief, with Herbert Marcuse, Paul Baran, and Otto Kirchheimer, all I.S.R. veterans. Leo Lowenthal headed the German-language section of the Office of War Information; Sophie Marcuse, Marcuse's wife, worked at the Office of Naval Intelligence. Also at the R&A Branch were: Siegfried Kracauer, Adorno's old Kant instructor, now a film theorist; Norman O. Brown, who would become famous in the 1960's by combining Marcuse's hedonism theory with Wilhelm Reich's orgone therapy to popularize "polymorphous perversity"; Barrington Moore, Jr., later a philosophy professor who would co-author a book with Marcuse; Gregory Bateson, the husband of anthropologist Margaret Mead (who wrote for the Frankfurt School's journal), and Arthur Schlesinger, the historian who joined the Kennedy Administration. Marcuse's first assignment was to head a team to identify both those who would be tried as war criminals after the war, and also those who were potential leaders of postwar Germany. In 1944, Marcuse, Neumann, and Kirchheimer wrote the Denazification Guide, which was later issued to officers of the U.S. Armed Forces occupying Germany, to help them identify and suppress pro-Nazi behaviors. After the armistice, the R&A Branch sent representatives to work as intelligence liaisons with the various occupying powers; Marcuse was assigned the U.S. Zone, Kirchheimer the French, and Barrington Moore the Soviet. In the summer of 1945, Neumann left to become chief of research for the Nuremburg Tribunal. Marcuse remained in and around U.S. intelligence into the early 1950's, rising to the chief of the Central European Branch of the State Department's Office of Intelligence Research, an office formally charged with "planning and implementing a program of positive-intelligence research ... to meet the intelligence requirements of the Central Intelligence Agency and other authorized agencies." During his tenure as a U.S. government official, Marcuse supported the division of Germany into East and West, noting that this would prevent an alliance between the newly liberated left-wing parties and the old, conservative industrial and business layers. In 1949, he produced a 532-page report, "The Potentials of World Communism" (declassified only in 1978), which suggested that the Marshall Plan economic stabilization of Europe would limit the recruitment potential of Western Europe's Communist Parties to acceptable levels, causing a period of hostile co-existence with the Soviet Union, marked by confrontation only in faraway places like Latin America and Indochina—in all, a surprisingly accurate forecast. Marcuse left the State Department with a Rockefeller Foundation grant to work with the various Soviet Studies departments which were set up at many of America's top universities after the war, largely by R&A Branch veterans.

At the same time, Max Horkheimer was doing even greater damage. As part of the denazification of Germany suggested by the R&A Branch, U.S. High Commissioner for Germany John J. McCloy, using personal discretionary funds, brought Horkheimer back to Germany to reform the German university system. In fact, McCloy asked President Truman and Congress to pass a bill granting Horkheimer, who had become a naturalized American, dual citizenship; thus, for a brief period, Horkheimer was the only person in the world to hold both German and U.S. citizenship. In Germany, Horkheimer began the spadework for the full-blown revival of the Frankfurt School in that nation in the late 1950's, including the training of a whole new generation of anti-Western civilization scholars like Hans-Georg Gadamer and Jürgen Habermas, who would have such destructive influence in 1960's Germany. In a period of American history when some individuals were being hounded into unemployment and suicide for the faintest aroma of leftism, Frankfurt School veterans—all with superb Comintern credentials — led what can only be called charmed lives. America had, to an incredible extent, handed the determination of who were the nation's enemies, over to the nation's own worst enemies.

IV. The Aristotelian Eros: Marcuse and the CIA's Drug Counterculture

In 1989, Hans-Georg Gadamer, a protégé of Martin Heidegger and the last of the original Frankfurt School generation, was asked to provide an appreciation of his own work for the German newspaper, Frankfurter Allgemeine Zeitung. He wrote,

 

One has to conceive of Aristotle's ethics as a true fulfillment of the Socratic challenge, which Plato had placed at the center of his dialogues on the Socratic question of the good.... Plato described the idea of the good ... as the ultimate and highest idea, which is supposedly the highest principle of being for the universe, the state, and the human soul. Against this Aristotle opposed a decisive critique, under the famous formula, "Plato is my friend, but the truth is my friend even more." He denied that one could consider the idea of the good as a universal principle of being, which is supposed to hold in the same way for theoretical knowledge as for practical knowledge and human activity.

This statement not only succinctly states the underlying philosophy of the Frankfurt School, it also suggests an inflection point around which we can order much of the philosophical combat of the last two millenia. In the simplest terms, the Aristotelian correction of Plato sunders physics from metaphysics, relegating the Good to a mere object of speculation about which "our knowledge remains only a hypothesis," in the words of Wilhelm Dilthey, the Frankfurt School's favorite philosopher. Our knowledge of the "real world," as Dilthey, Nietzsche, and other precursors of the Frankfurt School were wont to emphasize, becomes erotic, in the broadest sense of that term, as object fixation. The universe becomes a collection of things which each operate on the basis of their own natures (that is, genetically), and through interaction between themselves (that is, mechanistically). Science becomes the deduction of the appropriate categories of these natures and interactions. Since the human mind is merely a sensorium, waiting for the Newtonian apple to jar it into deduction, humanity's relationship to the world (and vice versa) becomes an erotic attachment to objects. The comprehension of the universal—the mind's seeking to be the living image of the living God—is therefore illusory. That universal either does not exist, or it exists incomprehensibly as a deus ex machina; that is, the Divine exists as a superaddition to the physical universe — God is really Zeus, flinging thunderbolts into the world from some outside location. (Or, perhaps more appropriately: God is really Cupid, letting loose golden arrows to make objects attract, and leaden arrows to make objects repel.) The key to the entire Frankfurt School program, from originator Lukacs on, is the "liberation" of Aristotelian eros, to make individual feeling states psychologically primary. When the I.S.R. leaders arrived in the United States in the mid-1930's, they exulted that here was a place which had no adequate philosophical defenses against their brand of Kulturpessimismus [cultural pessimism]. However, although the Frankfurt School made major inroads in American intellectual life before World War II, that influence was largely confined to academia and to radio; and radio, although important, did not yet have the overwhelming influence on social life that it would acquire during the war. Furthermore, America's mobilization for the war, and the victory against fascism, sidetracked the Frankfurt School schedule; America in 1945 was almost sublimely optimistic, with a population firmly convinced that a mobilized republic, backed by science and technology, could do just about anything. The fifteen years after the war, however, saw the domination of family life by the radio and television shaped by the Frankfurt School, in a period of political erosion in which the great positive potential of America degenerated to a purely negative posture against the real and, oftentimes manipulated, threat of the Soviet Union. At the same time, hundreds of thousands of the young generation—the so-called baby boomers—were entering college and being exposed to the Frankfurt School's poison, either directly or indirectly. It is illustrative, that by 1960, sociology had become the most popular course of study in American universities. Indeed, when one looks at the first stirrings of the student rebellion at the beginning of the 1960's, like the speeches of the Berkeley Free Speech Movement or the Port Huron Statement which founded the Students for a Democratic Society, one is struck with how devoid of actual content these discussions were. There is much anxiety about being made to conform to the system—"I am a human being; do not fold, spindle, or mutilate" went an early Berkeley slogan—but it is clear that the "problems" cited derive much more from required sociology textbooks, than from the real needs of the society.

The CIA's Psychedelic Revolution

The simmering unrest on campus in 1960 might well too have passed or had a positive outcome, were it not for the traumatic decapitation of the nation through the Kennedy assassination, plus the simultaneous introduction of widespread drug use. Drugs had always been an "analytical tool" of the nineteenth century Romantics, like the French Symbolists, and were popular among the European and American Bohemian fringe well into the post-World War II period. But, in the second half of the 1950's, the CIA and allied intelligence services began extensive experimentation with the hallucinogen LSD to investigate its potential for social control. It has now been documented that millions of doses of the chemical were produced and disseminated under the aegis of the CIA's Operation MK-Ultra. LSD became the drug of choice within the agency itself, and was passed out freely to friends of the family, including a substantial number of OSS veterans. For instance, it was OSS Research and Analysis Branch veteran Gregory Bateson who "turned on" the Beat poet Allen Ginsberg to a U.S. Navy LSD experiment in Palo Alto, California. Not only Ginsberg, but novelist Ken Kesey and the original members of the Grateful Dead rock group opened the doors of perception courtesy of the Navy. The guru of the "psychedelic revolution," Timothy Leary, first heard about hallucinogens in 1957 from Life magazine (whose publisher, Henry Luce, was often given government acid, like many other opinion shapers), and began his career as a CIA contract employee; at a 1977 "reunion" of acid pioneers, Leary openly admitted, "everything I am, I owe to the foresight of the CIA." Hallucinogens have the singular effect of making the victim asocial, totally self-centered, and concerned with objects. Even the most banal objects take on the "aura" which Benjamin had talked about, and become timeless and delusionarily profound. In other words, hallucinogens instantaneously achieve a state of mind identical to that prescribed by the Frankfurt School theories. And, the popularization of these chemicals created a vast psychological lability for bringing those theories into practice. Thus, the situation at the beginning of the 1960's represented a brilliant re-entry point for the Frankfurt School, and it was fully exploited. One of the crowning ironies of the "Now Generation" of 1964 on, is that, for all its protestations of utter modernity, none of its ideas or artifacts was less than thirty years old. The political theory came completely from the Frankfurt School; Lucien Goldmann, a French radical who was a visiting professor at Columbia in 1968, was absolutely correct when he said of Herbert Marcuse in 1969 that "the student movements ... found in his works and ultimately in his works alone the theoretical formulation of their problems and aspirations [emphasis in original]." The long hair and sandals, the free love communes, the macrobiotic food, the liberated lifestyles, had been designed at the turn of the century, and thoroughly field-tested by various, Frankfurt School-connected New Age social experiments like the Ascona commune before 1920. (See box.) Even Tom Hayden's defiant "Never trust anyone over thirty," was merely a less-urbane version of Rupert Brooke's 1905, "Nobody over thirty is worth talking to." The social planners who shaped the 1960's simply relied on already-available materials.

Eros and Civilization

The founding document of the 1960's counterculture, and that which brought the Frankfurt School's "revolutionary messianism" of the 1920's into the 1960's, was Marcuse's Eros and Civilization, originally published in 1955 and funded by the Rockefeller Foundation. The document masterfully sums up the Frankfurt School ideology of Kulturpessimismus in the concept of "dimensionality." In one of the most bizarre perversions of philosophy, Marcuse claims to derive this concept from Friedrich Schiller. Schiller, whom Marcuse purposefully misidentifies as the heir of Immanuel Kant, discerned two dimensions in humanity: a sensuous instinct and an impulse toward form. Schiller advocated the harmonization of these two instincts in man in the form of a creative play instinct. For Marcuse, on the other hand, the only hope to escape the one-dimensionality of modern industrial society was to liberate the erotic side of man, the sensuous instinct, in rebellion against "technological rationality." As Marcuse would say later (1964) in his One-Dimensional Man, "A comfortable, smooth, reasonable, democratic unfreedom prevails in advanced industrial civilization, a token of technical progress." This erotic liberation he misidentifies with Schiller's "play instinct," which, rather than being erotic, is an expression of charity, the higher concept of love associated with true creativity. Marcuse's contrary theory of erotic liberation is something implicit in Sigmund Freud, but not explicitly emphasized, except for some Freudian renegades like Wilhelm Reich and, to a certain extent, Carl Jung. Every aspect of culture in the West, including reason itself, says Marcuse, acts to repress this: "The totalitarian universe of technological rationality is the latest transmutation of the idea of reason." Or: "Auschwitz continues to haunt, not the memory but the accomplishments of man—the space flights, the rockets and missiles, the pretty electronics plants...."

This erotic liberation should take the form of the "Great Refusal," a total rejection of the "capitalist" monster and all his works, including "technological" reason, and "ritual-authoritarian language." As part of the Great Refusal, mankind should develop an "aesthetic ethos," turning life into an aesthetic ritual, a "life-style" (a nonsense phrase which came into the language in the 1960's under Marcuse's influence). With Marcuse representing the point of the wedge, the 1960's were filled with obtuse intellectual justifications of contentless adolescent sexual rebellion. Eros and Civilization was reissued as an inexpensive paperback in 1961, and ran through several editions; in the preface to the 1966 edition, Marcuse added that the new slogan, "Make Love, Not War," was exactly what he was talking about: "The fight for eros is a political fight [emphasis in original]." In 1969, he noted that even the New Left's obsessive use of obscenities in its manifestoes was part of the Great Refusal, calling it "a systematic linguistic rebellion, which smashes the ideological context in which the words are employed and defined." Marcuse was aided by psychoanalyst Norman O. Brown, his OSS protege, who contributed Life Against Death in 1959, and Love's Body in 1966—calling for man to shed his reasonable, "armored" ego, and replace it with a "Dionysian body ego," that would embrace the instinctual reality of polymorphous perversity, and bring man back into "union with nature." The books of Reich, who had claimed that Nazism was caused by monogamy, were re-issued. Reich had died in an American prison, jailed for taking money on the claim that cancer could be cured by rechanneling "orgone energy." Primary education became dominated by Reich's leading follower, A.S. Neill, a Theosophical cult member of the 1930's and militant atheist, whose educational theories demanded that students be taught to rebel against teachers who are, by nature, authoritarian. Neill's book Summerhill sold 24,000 copies in 1960, rising to 100,000 in 1968, and 2 million in 1970; by 1970, it was required reading in 600 university courses, making it one of the most influential education texts of the period, and still a benchmark for recent writers on the subject. Marcuse led the way for the complete revival of the rest of the Frankfurt School theorists, re-introducing the long-forgotten Lukacs to America. Marcuse himself became the lightning rod for attacks on the counterculture, and was regularly attacked by such sources as the Soviet daily Pravda, and then-California Governor Ronald Reagan. The only critique of any merit at the time, however, was one by Pope Paul VI, who in 1969 named Marcuse (an extraordinary step, as the Vatican usually refrains from formal denunciations of living individuals), along with Freud, for their justification of "disgusting and unbridled expressions of eroticism"; and called Marcuse's theory of liberation, "the theory which opens the way for license cloaked as liberty ... an aberration of instinct." The eroticism of the counterculture meant much more than free love and a violent attack on the nuclear family. It also meant the legitimization of philosophical eros. People were trained to see themselves as objects, determined by their "natures." The importance of the individual as a person gifted with the divine spark of creativity, and capable of acting upon all human civilization, was replaced by the idea that the person is important because he or she is black, or a woman, or feels homosexual impulses. This explains the deformation of the civil rights movement into a "black power" movement, and the transformation of the legitimate issue of civil rights for women into feminism. Discussion of women's civil rights was forced into being just another "liberation cult," complete with bra-burning and other, sometimes openly Astarte-style, rituals; a review of Kate Millet's Sexual Politics (1970) and Germaine Greer's The Female Eunuch (1971), demonstrates their complete reliance on Marcuse, Fromm, Reich, and other Freudian extremists.

The Bad Trip

This popularization of life as an erotic, pessimistic ritual did not abate, but in fact deepened over the twenty years leading to today; it is the basis of the horror we see around us. The heirs of Marcuse and Adorno completely dominate the universities, teaching their own students to replace reason with "Politically Correct" ritual exercises. There are very few theoretical books on arts, letters, or language published today in the United States or Europe which do not openly acknowledge their debt to the Frankfort School.

The witchhunt on today's campuses is merely the implementation of Marcuse's concept of "repressive toleration"—"tolerance for movements from the left, but intolerance for movements from the right"—enforced by the students of the Frankfurt School, now become the professors of women's studies and Afro-American studies. The most erudite spokesman for Afro-American studies, for instance, Professor Cornell West of Princeton, publicly states that his theories are derived from Georg Lukacs. At the same time, the ugliness so carefully nurtured by the Frankfurt School pessimists, has corrupted our highest cultural endeavors. One can hardly find a performance of a Mozart opera, which has not been utterly deformed by a director who, following Benjamin and the I.S.R., wants to "liberate the erotic subtext." You cannot ask an orchestra to perform Schönberg and Beethoven on the same program, and maintain its integrity for the latter. And, when our highest culture becomes impotent, popular culture becomes openly bestial. One final image: American and European children daily watch films like Nightmare on Elm Street and Total Recall, or television shows comparable to them. A typical scene in one of these will have a figure emerge from a television set; the skin of his face will realistically peel away to reveal a hideously deformed man with razor-blade fingers, fingers which start growing to several feet in length, and—suddenly—the victim is slashed to bloody ribbons. This is not entertainment. This is the deeply paranoid hallucination of the LSD acid head. The worst of what happened in the 1960's is now daily fare. Owing to the Frankfurt School and its co-conspirators, the West is on a "bad trip" from which it is not being allowed to come down.

The principles through which Western Judeo-Christian civilization was built, are now no longer dominant in our society; they exist only as a kind of underground resistance movement. If that resistance is ultimately submerged, then the civilization will not survive—and, in our era of incurable pandemic disease and nuclear weapons, the collapse of Western civilization will very likely take the rest of the world with it to Hell.

The way out is to create a Renaissance. If that sounds grandiose, it is nonetheless what is needed. A renaissance means, to start again; to discard the evil, and inhuman, and just plain stupid, and to go back, hundreds or thousands of years, to the ideas which allow humanity to grow in freedom and goodness. Once we have identified those core beliefs, we can start to rebuild civilization.

Ultimately, a new Renaissance will rely on scientists, artists, and composers, but in the first moment, it depends on seemingly ordinary people who will defend the divine spark of reason in themselves, and tolerate no less in others. Given the successes of the Frankfurt School and its New Dark Age sponsors, these ordinary individuals, with their belief in reason and the difference between right and wrong, will be "unpopular." But, no really good idea was ever popular, in the beginning.

Source: http://tinyurl.com/lkbrg6

jeudi, 14 juillet 2011

Sécurité nationale et sécurité sociétale

Sécurité nationale et sécurité sociétale

par Marc ROUSSET

previewins01.jpgÀ moins d’un an des élections présidentielles, le 7 juillet 2011, comme par hasard, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant vient subitement de réaliser qu’il serait « irresponsable » de ne pas s’attaquer au problème de l’immigration légale de 200 000 personnes par an, au-delà des  50 000 clandestins, soit en tout environ 250 000  personnes par an qui continuent à entrer chaque année en France. Cet apport de population  représente une agglomération lilloise nouvelle tous les trois ans peuplée presque exclusivement d’immigrés en provenance de l’Afrique, autrement dit une invasion légale, autorisée et suicidaire organisée par les inconscients qui nous gouvernent depuis trente ans et qui continue , ne l’oublions pas, avec le président  Sarkozy, malgré ses propos lénifiants, ses belles paroles et ses talents de prestidigitateur, à l’inverse d’un de Gaulle, pour ne pas  s’attaquer d’une façon efficace aux problèmes très réels de fond !

Claude Guéant vient en fait de redécouvrir le concept de « l’insécurité sociétale ». La sécurité nationale recouvre la protection de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité du territoire d’un État contre les attaques militaires et la domination politique d’un autre État. La sécurité sociétale telle que l’ont définie Ole Waevar et ses collaborateurs de l’École de Copenhague dans les années 1990 est « la capacité d’une société à perdurer dans ses caractéristiques essentielles lorsque son environnement change ou qu’elle est exposée à des menaces hypothétiques ou réelles ». Si la sécurité nationale concerne donc le maintien de la souveraineté, la « sécurité sociétale » concerne celui de l’identité, de la capacité des populations à conserver leur culture, leurs institutions et leur mode de vie. Dans le monde contemporain, la menace la plus importante pour la sécurité sociétale des nations provient de l’immigration.

Samuel P. Huntington remarque dans son ouvrage, Qui sommes- nous ? (Paris, Odile Jacob, 2004) que l’Amérique n’a jamais connu véritablement le modèle et concept du melting pot mis en avant par Hector St-John de Crèvecoeur  dans les années 1780 pour fabriquer une nouvelle race métissée d’hommes, le nouvel Américain qui serait « un mélange d’Anglais, d’Écossais, d’Irlandais, de Français, de Hollandais, d’Allemands et de Suédois ». L’Amérique aurait plutôt connu  le modèle de la « soupe de tomates ».

Selon Milton Gordon, le modèle de « la soupe de tomates » présuppose que « les immigrants et leurs descendants adoptent les modèles culturels communément admis de la culture anglo-saxonne » et qu’ils « s’adaptent à l’histoire culturelle de la partie anglo-américaine de la population ». Ce modèle tient pour acquis le caractère déterminant et pérenne de la culture des colons fondateurs. La métaphore culinaire correspondante est celle de « la soupe de tomates » que l’immigration agrémente de céleri, de croûtons, d’épices, de persil et d’autres ingrédients qui enrichissent et diversifient le goût, mais ils n’en sont pas moins intégrés dans un ensemble qui, fondamentalement, demeure de la soupe à la tomate (cf. Huntington, p. 132). C’est ce modèle qui décrit le plus fidèlement l’intégration des immigrants aux États-Unis jusque dans les années 1960.

Aujourd’hui, l’Amérique et l’Europe vivent le modèle d’une autre métaphore, celle de la « salade sociétale » (salad bowl), métaphore conçue par l’Américain Horace Kallen en 1915, qui est en fait l’image du pluralisme ethnique et culturel. Philippe Némo remarque que « le multiculturalisme est aussi absurde qu’un jeu auquel chacun prétendrait jouer avec ses propres règles ». En fait, salade sociétale = société multi-ethnique = société multiculturelle = délitement de la nation = décadence = déculturation = non-intégration des immigrés = à terme guerre civile avec intervention de l’armée ! C’est alors que l’insécurité sociétale, tout juste découverte par Monsieur Claude Guéant, devient un problème grave et tragique de sécurité nationale !

Marc Rousset


Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

URL to article: http://www.europemaxima.com/?p=2055

dimanche, 29 mai 2011

Philippe Meirieu, prix Lyssenko

Philippe Meirieu, prix Lyssenko :

Les origines du délire pédagogique

par Jean VIOLETTE

Ex: http://www.polemia.com/ 

Philippe-Meirieu-2010.jpgA l’occasion de la remise du Prix Lyssenko par le Club de l’Horloge au pédagogue Philippe Meirieu, Jean Violette s’est interrogé sur les origines du délire pédagogique : il y trouve d’abord le désintérêt de la droite (entre « évitement » et « lâchage ») pour l’école et notamment pour l’école publique. Jean Violette montre aussi l’imposture des pédagogues français qui n’ont fait que reprendre les théories des behavioristes américains et soviétiques et des pères de « l’éducation nouvelle » de Dewey à Makarenko. Le tout sur fond de petits intérêts économiques, corporatistes et idéologiques.

Mais pour Jean Violette, la révolution pédagogique a pu s’imposer d’autant plus facilement qu’elle sert le système économique dominant car elle est :

  • -un vecteur du déracinement culturel,
  • -un vecteur de l'anglicisation de la culture,
  • -un vecteur du développement de l'individualisme,
  • -un vecteur de diffusion d’une culture de la facilité.

Les pédagogues à la Ph. Meirieu sont en réalité des idiots utiles au service du Système et de la nouvelle classe dominante à qui ils fournissent des individus déracinés et déculturés, des électeurs conformes, des consommateurs fidèles et des travailleurs résignés.

C’est ce qui explique que réformes catastrophiques sur réformes catastrophiques aient pu s’enchaîner.

Jean Violette estime néanmoins que nous arrivons au terme de ce processus. Et que le temps de la revanche des faits est venu : la médiocre productivité pédagogique française n’est plus contestable ; le recul de la France dans les classements internationaux PISA non plus. Le temps de la déglaciation pédagogique est donc venu. Voici en tout cas un texte très solidement argumenté.

Polémia.

Pédagogie : pourquoi en est-on arrivé là ?

Il y a, certes, le poids des individualités comme celle qui vient d'être honorée aujourd’hui par le Prix Lyssenko, mais il y a aussi des raisons systémiques à l’éclosion et au développement du délire pédagogique au sein de l’Education nationale.

1) D’abord, la droite ne s'est pas assez préoccupée de l'école et encore moins de la pédagogie, à l'exception du Club de l’Horloge, des campagnes du Figaro Magazine dans les années 1980 sur les manuels scolaires et de certaines initiatives de la Nouvelle Droite (revue Nouvelle Education par exemple).
C'est la gauche seule qui a investi à long terme ces questions et sans réelle contradiction publique.

Car la droite parlementaire n'a abordé la question scolaire que sous l'angle de la préservation de l'école libre, c'est-à-dire de la possibilité d'échapper à l'école publique.

De même pour la réforme de la carte scolaire qui offre la possibilité d'échapper aux établissements les plus dégradés. C'était important mais pas suffisant : car la concurrence exercée par l'école libre a été impuissante à éviter les dérapages de l'école publique.

Le « marché de l'enseignement », comme une certaine droite libérale le croyait dans les années 1980, n'a pas fonctionné, en tout cas pas dans le sens imaginé. Le succès de l’enseignement privé ou libre n’a nullement incité l’Education nationale à se réformer. Il a, au contraire, joué le rôle de soupape de sécurité pour un système au risque d’imploser, en permettant à un nombre croissant d’enfants d’y échapper.

Mais tout se passe comme si la droite avait ainsi abandonné les enfants des autres à leur triste sort. Comme l’écrit Sophie Coignard dans son livre Le Pacte immoral (Albin Michel 2011), les politiques s’accommodent d’un grand écart prodigieux entre le discours (l’éducation nationale serait une priorité nationale) et la réalité (les performances éducatives du système diminuent) : mais c’est parce que ce sujet « ne passionne pas nos éminences. La plupart d’entre elles ont été, si l’on ose dire, à bonne école » (page 102) et leurs enfants et petits-enfants également : ils ont su échapper au mammouth.

Pire : la droite depuis 1968 a fait le jeu de la gauche en la matière. Ce sont des ministres, qui n'étaient pas tous de gauche, qui ont mis en œuvre le plan Langevin-Wallon et ses succédanés – comme le collège unique – et qui ont cautionné de leur autorité toutes les dérives des pédagomanes. Or tout était connu et analysé dès les années 1970, pour la simple raison que les révolutions pédagogiques introduites en France au nom des « sciences de l’éducation » n'avaient rien d'original : elles avaient déjà été mises en œuvre ailleurs – notamment aux Etats-Unis – avec des résultats tout aussi catastrophiques. La droite ne peut en la matière plaider l'ignorance. Il suffisait de se renseigner et de lire un peu…

Car les pédagogues à la Ph. Meirieu sont à la pédagogie ce que les tenants de l’art dit moderne ou contemporain sont à l’art : ce sont des imposteurs qui se contentent de remettre au goût du jour de vieilles lunes conçues à la fin du XIXe siècle pour l’essentiel, ou au XVIIIe siècle, mais qu’ils présentent pourtant comme des nouveautés révolutionnaires ; et des imposteurs qui imposent un nouvel académisme, pédant et intolérant de surcroît, au nom du progressisme.

Car quand Ph. Meirieu affirme, par exemple, qu’il faut « faire le deuil de la maîtrise, pour accepter l’émergence de l’autre dans son altérité » (cf. Des enfants et des hommes, 1999), il ne fait que reprendre – dans un français obscur au surplus – ce que déclarait, par exemple, l’Américain John Dewey, le père de « l’éducation nouvelle » au tout début du siècle dernier, à savoir que « Pour enseigner le latin à John il n’est pas nécessaire de connaître le latin mais de connaître John » ! On le voit, John Dewey était plus lisible que Ph. Meirieu ! Ou bien il reprend aussi ce qu’affirmait le pédagogue soviétique Makarenko (1888-1939) pour qui la relation maître/élève devait être cassée (« Je répète qu’un tel couple n’existe pas. Pour cette raison les méthodes d’enseignement et d’éducation ne doivent pas être déduites du rapport éducatif maître/élève » (La pédagogie socialiste, Théo Dietrich, Maspero 1973).
Ou de copier J .J. Rousseau qui écrivait dans L’Emile « J’appelle plutôt gouverneur que précepteur le maître de cette science parce qu’il s’agit moins pour lui d’instruire que de conduire. Il ne doit point donner de préceptes, il doit les faire trouver ».

Malheureusement, vis-à-vis de l'école la droite s'est cantonnée dans une posture passive et non pas offensive, posture dont les deux mamelles étaient l'évitement et le lâchage.

L'évitement : éviter d’abord le ministère de l’Education nationale (car ce portefeuille ministériel est perçu comme une corvée voire une sanction), éviter le conflit social, éviter la mauvaise rentrée scolaire, éviter les vagues, éviter les manifestations d'étudiants, éviter de mettre ses enfants dans l'école publique ; en déversant au surplus une part croissante du budget de l'Etat dans le gouffre opaque de l'Education nationale [depuis 1980 le budget moyen par élève a augmenté de 80%, selon Luc Chatel, Les Echos du 27/4/2011] ou de l’Université pour acheter la paix sociale. Au demeurant, la durée moyenne de passage d’un ministre rue de Grenelle est de deux ans, alors que les réformes pédagogiques ne produisent que des effets à moyen et long terme : les mauvais résultats ont donc toutes les chances de ne pas apparaître tout de suite et c’est donc le ou les successeurs qui auront à les gérer…

Le lâchage, un sport auquel, à la différence de la gauche, elle excelle. Les ministres de droite qui ont essayé de réformer le mammouth ont tous, tôt ou tard, été lâchés par l'exécutif ou leur majorité au premier incident. Il va de soi que cette attitude n'a pas contribué à soutenir les bonnes volontés.

Et pour couronner le tout, la droite parlementaire se donnait bonne conscience en jouant périodiquement [le temps d'une élection…] les pleureuses devant les résultats médiocres de l'institution. « Pleure comme une femme ce que tu n’as pu défendre comme un homme », comme dit la légende arabe !

Cette attitude a conduit la droite au KO idéologique. Et c'est le KO idéologique qui a ouvert la voie au KO pédagogique car les dérives pédagogiques ont non seulement été tolérées mais aussi reconnues, encouragées et distinguées. Et les Ph. Meirieu ont eu toute latitude pour expérimenter sur les enfants des autres leurs théories bizarres.

Nous payons aujourd'hui collectivement les conséquences de cette non-stratégie, de cette bataille non livrée et du monopole idéologique exercé par la gauche sur les questions d’enseignement.

2) Ensuite, le bouleversement de la pédagogie cache des intérêts discrets mais puissants

Des intérêts économiques, d'abord.
Car derrière le bouleversement des méthodes pédagogiques, il y a aussi le monde tentaculaire de l'édition scolaire (10% du total de l'édition) et des techniques de communication. Car à chaque nouveau programme il faut de nouveaux manuels et supports pour l'élève et pour l'enseignant, de nouvelles « mallettes pédagogiques » gentiment proposées par certains groupes industriels, de nouveaux ordinateurs à vendre, de nouveaux « échanges culturels » ou linguistiques à organiser. Et puis, il y a aussi les fructueuses officines de soutien et de rattrapage scolaire ou universitaire pour pallier les graves déficiences du système public. Rattrapage qui profite aussi aux enseignants qui ne l’assurent pas toujours gratuitement : un marché d’environ 800 M€ annuels, d’après le ministre de l’Education nationale (débat au Sénat du 30/3/2011) auquel il faut ajouter le crédit d’impôt pour les dépenses de soutien scolaire privé. Il faut aussi citer les psychologues scolaires qui ont vu s’ouvrir un fructueux marché pour lutter contre les prétendus troubles des élèves (dyslexie par exemple), résultant en réalité de l’institution elle-même.

Au fur et à mesure que l’école s’est écartée de l’enseignement des disciplines et des humanités, elle est devenue plus perméable, au nom des activités d’éveil, aux lobbies, aux marques et aux intérêts mercantiles. Même si elle enseigne mal l’économie, au surplus !

Des intérêts corporatistes, ensuite.
Le bouleversement pédagogique a aussi facilité le laxisme de certains enseignants, conséquence d'une baisse de motivation liée notamment à l'évolution du recrutement (le métier d'enseignant est de moins en moins une vocation, le niveau des concours de recrutement tend à la baisse) : il est plus facile de demander aux élèves de faire un exposé, d'exprimer leur « créativité » ou leur « maîtrise des discours » que de préparer un cours. Il est plus facile de demander aux élèves de « commenter l'actualité » que d'enseigner des disciplines et de contrôler l'acquisition des connaissances. Il est plus facile d'être laxiste en matière de comportement des « apprenants » que de faire régner l'ordre dans des classes hétérogènes. La déconstruction des instruments sanctionnant l'acquisition des connaissances des élèves (exemples : notation, contrôles, redoublement), autre volet de la révolution pédagogique mise en œuvre en France, permet en effet du même coup d'éviter d'apprécier… les performances réelles des enseignants. D'où aussi sans doute l'adhésion syndicale au discours sur la non-sélection des élèves…

Il est comique de voir les mêmes organisations syndicales qui ont couvert ou encouragé ces dérives depuis des années se plaindre aujourd'hui que leurs adhérents soient victimes… de l'insécurité et de la violence dans les établissements scolaires, ou bien de déplorer que l'école ne contribue plus à « l'intégration » des étrangers : comment pourrait-il y avoir intégration à un modèle culturel alors même que l'on a détruit l'enseignement des humanités ? Ces pompiers incendiaires sont comiques et tristes à la fois.

Des intérêts idéologiques, enfin :
Les dérives pédagogiques ont aussi eu pour fonction de tenter de masquer l’échec manifeste du dogme égalitaire dans l’enseignement, du fait de la croissance puis du caractère de plus en plus hétérogène de la population scolaire. Elles ont un caractère fonctionnel.

L'école publique dans la seconde moitié du XXe siècle a déjà eu beaucoup de mal à relever le défi de la démocratisation de l'enseignement – conséquence du baby boom des années 1950 – et à répondre à la demande sociale en faveur d'un accès large à l'université, dans des conditions de sélectivité et donc de qualité suffisantes.

Mais elle ne se relève pas du choc de l'immigration de peuplement.

Le pédagogisme a eu pour fonction idéologique de légitimer la baisse des exigences de l'enseignement public consécutive à l'arrivée massive – même si elle est inégalement répartie sur le territoire – d'une population scolaire maîtrisant mal la langue, la culture française et aux aptitudes académiques inégales, derrière le pathos de nouveaux référentiels éducatifs ; au nom de l’idée, en réalité discriminante, que puisque les publics changeaient il fallait changer « les méthodes et les contenus » et en particulier réduire la transmission des normes et des traditions culturelles. A bas l’étude de La Princesse de Clèves : ce n’est utile ni aux enfants de pauvres ni aux enfants d’immigrés ! Tel était le curieux mot d’ordre de ces nouveaux progressistes qui veulent « briser la transmission des savoirs », tout en se lançant périodiquement dans des campagnes contre « l’illettrisme ».

Le bouleversement pédagogique n'est donc pas neutre idéologiquement : il s'inscrit dans le mouvement de rééducation et de déracinement de l'homme européen, qui est à l'œuvre depuis la seconde moitié du XXe siècle.

Le pédagogisme n'est pas seulement fou ou risible : il est en réalité au service d'un projet cynique de domestication.

La véritable révolution pédagogique qui a été mise en œuvre sous l’influence des pédagomanes comme Ph. Meirieu s’inscrit totalement dans le sens de l’idéologie de la superclasse dominante (ce qui est normal car « l'esprit de Mai-1968 » a en réalité été le brise-glace du néo-capitalisme et du mondialisme qui perçoit les cultures, les spécificités et les disciplines non marchandes comme autant d'obstacles à son pouvoir naissant et qu'il fallait détruire).

La révolution pédagogique aboutie est en réalité en effet :

  • -un vecteur du déracinement culturel par la déstructuration des humanités traditionnelles (langues anciennes, histoire, orthographe) ; la promotion des disciplines abstraites comme outil principal de sélection (mathématiques) ; « la lutte contre les stéréotypes », c’est-à-dire la lutte contre la représentation traditionnelle du modèle culturel français et européen (exemple : mixité). Procède aussi de ce mouvement « l'ouverture » aux autres cultures (toujours à sens unique et jamais critique, donc relativiste). Au contraire de la promotion d'une approche avant tout critique de l'histoire européenne seule (esclavage, colonisation, persécutions religieuses ou raciales) qui contribue à développer la haine de soi et de sa culture, la valorisation du métissage au nom de l'antiracisme produit les mêmes effets indirects ;
  • -un vecteur de l'anglicisation de la culture, l’anglais devenant langue obligatoire de référence (dès la maternelle…), puisque c’est la langue des dominants (dieu merci les performances de l’Education nationale en matière d’apprentissage des langues sont mauvaises…) ;
  • -un vecteur du développement de l'individualisme et de déstructuration des familles (droits de l'enfant, promotion des préférences sexuelles, volonté de couper l'école de la famille par des pratiques pédagogiques de rupture ; on voit même maintenant qu’il faut favoriser l’accès des « apprenants » à la contraception, etc.) ;
  • -un vecteur de diffusion d’une culture de la facilité (suppression des notes, de la sélection officielle [mais la sélection officieuse, elle, se porte très bien…], encouragement à l’expression [collective car c’est plus « citoyen »], valorisation de l'oral et de l’image par rapport à l'écrit, de la spontanéité/créativité). L’école a été en effet non seulement incapable de relever le défi des médias et des NTIC qui ont transformé les « apprenants » en consommateurs passifs de données, d’images et de sons, mais elle s’est jetée tête baissée dedans, au nom de la « modernité » et de la « citoyenneté »: il est désormais plus facile de récupérer une notice sur Wikipedia pour préparer à la va-vite un « exposé » que de lire un livre (on recommande même parfois de visionner un film tiré du livre en lieu et place de la lecture du livre… c’est plus rapide et plus facile).

Mais cette révolution pédagogique – qui repose aussi sur l’idée bizarre [commerciale en fait, cf. la méthode Assimil] selon laquelle l’on pourrait s’instruire en s’amusant, et que l’enseignement [et plus encore l’éducation] pourrait être ludique – débouche en réalité sur un dressage : sur un apprentissage de la soumission à l'égard du Système, en particulier de la soumission aux médias et au politiquement correct, c’est-à-dire à la nouvelle idéologie dominante.

Le Système a, en effet, besoin d’individus déracinés et déculturés, d’électeurs conformes, de consommateurs fidèles et de travailleurs résignés, trop heureux d’avoir un emploi. Il a besoin d’une jeunesse molle et si possible très longue. Les pédagomanes les lui fournissent.

On vient de voir sur nos écrans de télévision qu’il faudrait proscrire les gifles qui seraient, paraît-il, des « violences éducatives » néfastes. Mais que dire de la violence éducative instituée qui consiste chaque année à déverser sur le marché du travail des milliers de jeunes déracinés, maîtrisant mal la langue et la lecture, ne connaissant ni l’histoire ni la géographie de leur pays et qui ne savent pas rédiger un CV sans faire 20 fautes d’orthographe ni comment se comporter face à un adulte lors d’un entretien d’embauche ?

Il faudrait rappeler ce qu’écrivait J.J. Rousseau sur ce plan dans l’Emile ou de l’Education – qui est une sorte de manuel de manipulation toujours très actuel : « Prenez une route opposée avec votre élève ; qu’il croie toujours être le maître et que ce soit toujours vous qui le soyez. Il n’y a point d’assujettissement si parfait que celui qui garde l’apparence de la liberté ; on captive ainsi la volonté même. Le jeune enfant qui ne sait rien, qui ne peut rien, qui ne connaît rien n’est-il pas à votre merci ? ». J.J. Rousseau était, certes, optimiste : le maître aujourd’hui ne maîtrise plus l’élève. Mais celui-ci n’en est que plus à la merci du Système.

Les pédagogues à la Ph. Meirieu sont en réalité des idiots utiles au service du Système et de la nouvelle classe dominante.

3) Il y a quand même une bonne nouvelle : la glaciation pédagogique qui a commencé en 1968 a commencé à fondre, tout simplement à l'épreuve des faits, comme c'est toujours le cas avec les utopies.

– Il y a d'abord un phénomène générationnel simple : les anciennes générations d'enseignants ont surtout profité de la révolution pédagogique, qu'elles ont contribué, sinon à instaurer, en tout cas à promouvoir, mais elles partent désormais en retraite. Elles sont remplacées par de nouvelles générations d'enseignants qui, elles, sont surtout confrontées aux effets pervers de la mise en œuvre des recettes miracles des pédagomanes : manque de respect, manque de motivation des élèves, violences, refus de suivre certains cours pour différentes raisons, hétérogénéité des classes, diminution des performances, etc. Elles sont, en outre, moins motivées et plus féminisées que leurs anciens. Et elles ont donc tendance à se retourner contre l'institution scolaire comme responsable [à juste titre] de ces dérives (cf. l'attitude des enseignants victimes de violences de la part des élèves ou des parents d’élèves mais qui portent plainte contre… leur hiérarchie).

– Les effets sociaux catastrophiques de la dégradation de l’enseignement public apparaissent ensuite de plus en plus clairement : la mobilité sociale se réduit, les performances diminuent, la violence prospère.
D’après l’OCDE, qui mesure « l’équité » des systèmes d’enseignement des pays développés, la France serait la championne de la prédestination scolaire en fonction de l’origine sociale (Haut Conseil de l’Education « Le collège bilan des résultats de l’école » 2010).

Les performances éducatives sont, en outre, d’une médiocrité désormais mesurable et publique :
En 2007, 19% des élèves sont en graves difficultés de lecture à l’entrée en sixième (31,3% dans les ZEP). D’après le Haut Conseil de l’Education, 40% des élèves sortent du CM2 avec de « graves lacunes » (L’Ecole primaire, 2007). Selon l’enquête PISA (Program for International Student Assessment), réalisée tous les trois ans par l’OCDE, en 2006 22% des élèves de 15 ans ne maîtrisent pas la lecture ; 21,4% des jeunes gens testés lors des JAPD en 2008 se révèlent être des « lecteurs inefficaces ». Le taux d’échec en première année universitaire est de 50%, etc.

Ces difficultés ont tendance à se cumuler dans le temps puisque les jeunes en échec restent dans un système qui prétend exclure la sélection et qui n’arrive pas à mettre en œuvre un « soutien » adapté à leur intention. Elles sont renforcées en retour par un effet d’écrémage/fuite des meilleurs hors du système de l’Education nationale. Comme le dit fort bien Jean-Paul Riocreux, L’Ecole en désarroi, cette école formatée conformément aux préconisations des Ph. Meirieu ne sélectionne pas, en effet : elle laisse hypocritement le monde réel s’en charger à sa place. C’est l’école de Ponce Pilate.

– Par conséquent, la remise en cause des méthodes pédagogiques qui ont manifestement démontré leur inefficacité ou leur nocivité n'est donc plus aujourd’hui un sujet tabou, même au sein de l’Establishment éducatif (cf. L. Schwartz au début des années 1980, rapport Thélot de 2004 sur l'échec du collège unique, la circulaire De Robien de janvier 2006 sur l'apprentissage de la lecture, remise en cause du rôle des IUFM, 67% des Français réclament la remise en cause du collège unique, 81% constatent que beaucoup d’élèves maîtrisent mal les fondamentaux à la fin du primaire – sondage CSA/APPEL – etc.). Il suffit d’entrer dans une librairie pour voir que les ouvrages critiques sur les dérives de l’Education nationale sont de plus en plus nombreux. Cette remise en cause s’appuie sur les faits. Les contrôles d'aptitudes conduits selon des méthodes internationales relèvent publiquement la baisse de compétence des élèves français dans la durée, malgré une durée d'enseignement en général plus longue et des programmes plus fournis que dans les autres pays européens : donc une productivité éducative médiocre et, au surplus, en baisse dans notre pays, ce qu’il est de moins en moins possible de cacher.

Il y a d’ailleurs des enseignants qui s'efforcent depuis longtemps de retourner en catimini aux méthodes « traditionnelles » mais en réalité éprouvées. Ce sont des résistants dont on reconnaîtra un jour les mérites alors qu’aujourd’hui ils sont encore marginalisés voire sanctionnés par le Système.

* * *

Il en va de l’enseignement comme de l’endettement public :

Il s’agit de phénomènes d’accumulation qui ne produisent leurs effets que dans la durée.
Il y a d’ailleurs beaucoup de points communs entre la fuite en avant du système économique occidental dans l’endettement et l’implosion du système éducatif :

  • -dans les deux cas ce sont les générations futures que l’on sacrifie au profit d’intérêts à court terme ;
  • -dans les deux cas le sentiment s’impose progressivement qu’on ne peut plus continuer ainsi ;
  • -dans les deux cas on sait ce qu’il faut faire ; on sait ce qu’il ne faut pas faire ; il manque seulement la volonté de le faire et le courage de le faire.

Le dernier chapitre de l’ouvrage du Club de l’Horloge, l’Ecole en accusation, paru en 1984 – soit il y a 27 ans, et un an avant que Ph. Meirieu publie son livre L’Ecole mode d’emploi – s’intitulait « Pour un vrai changement dans l’école ». Il est toujours d’actualité et je vous invite à vous y reporter.

C’est sans doute un peu frustrant d’avoir prêché dans le désert. Mais c’est aussi réconfortant de savoir que le temps des Ph. Meirieu, qui était déjà dénoncé dans L’Ecole en accusation, est désormais compté.

Jean Violette
30/04/2011

Voir aussi :

Correspondance Polémia – 23/05/2011

jeudi, 26 mai 2011

Bonald's Economic Thought

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Bonald’s Economic Thought

By F.  Rober DEVLIN

Ex: http://www.counter-currents.com/

The French Age of Enlightenment witnessed and celebrated an economic revolution: the rapid growth of speculation and a money economy, and a corresponding diminution in the importance of landed wealth. Bonald believed that the change had been brought about by the practice of usury. He did not condemn all lending at interest as usury, but distinguished between the cases of lending for the acquisition of productive goods (such as land or capital) and lending for unproductive goods meant for consumption.

For example, if I lend a man money to buy a farm, I may legitimately charge him interest out of the goods produced by the farm. In the France of Bonald’s day, this would usually have yielded an interest rate of around four or five percent per annum. On the other hand, if I lend a man money to by bread, his purchase, far from being productive of further value, loses what value it has if not quickly consumed. In contrast to the earth itself, “the products of the earth, are dead values which diminish in quantity or quality.” To earn money by lending for consumption is, in Bonald’s view, essentially unjust and a violation of Christian charity even if freely agreed to between borrower and lender.

It might appear that such a doctrine would forbid an ordinary greengrocer from operating his store at a profit. Bonald holds that the grocer’s ‘profit’ really amounts to a wage for the work he does:

The labor of men who purchase, transport, store, preserve and improve goods merits a salary. The natural decrease, the accidental and eventual loss of goods and the inevitable waste they suffer from their transformation into industrial values all require compensation.

This contradicts the teaching of Adam Smith:

The profits of stock, it may perhaps be thought, are only a different name for the wages of a particular sort of labour, the labour of inspection and direction. They are, however, altogether different, are regulated by quite different principles, and bear no proportion to the quantity, the hardship, or the ingenuity of this supposed labour of inspection and direction. They are regulated altogether by the value of the stock employed, and are greater or smaller in proportion to the extent of this stock. . . . In many great works, almost the whole labour of this kind is committed to some principal clerk. His wages properly express the value of this labour of inspection and direction. Though in settling them some regard is had commonly, not only to his labour and skill, but to the trust which is reposed in him, yet they never bear any regular proportion to the capital of which he oversees the management; and the owner of this capital, though he is thus discharged of almost all labour, still expects that his profit should bear a regular proportion to his capital. In the price of commodities, therefore, the profits of stock constitute a component part altogether different from the wages of labour, and regulated by quite different principles. (The Wealth of Nations, Book I, Chapter 6)

I will not venture to decide the question in Bonald’s favor, but I am inclined to wonder how many modern economists could give a coherent explanation of why his unfashionable view is mistaken.

Money, in Bonald’s view, is properly a sign of value and medium of exchange rather than a commodity like any other. It should not, therefore, command a ‘price’ in the form of interest (except as noted). Where usury is permitted,

interest, or rather the price of money, is infinitely greater than the produce of the earth, [so] everyone wishes to sell his land in order to procure money to lend. But when everyone wants to sell, no one wants to buy. The produce of the land tends to rise to the highest prices, and the lands themselves fall to the lowest, or they are unable to be sold at any price, and one buys only what misery leaves behind or revolutions make available. One notes a general tendency to leave one’s home and the home of one’s fathers, to leave one’s family and country. A vague restlessness and desire for change torments landowners. They complain of being attached to an estate burdened with so many cares, and with too little income left to pay for their luxuries and pleasures. We see an immoderate desire to become rich extending even to the lowest orders of society, causing horrible disorders and unheard of crimes; while in others giving rise to a cold, hard egoism, a total extinction of every generous sentiment, and an insensible transformation of the most disinterested and friendly nation into a people of stock-jobbers who see in the events of society only chances for gain or loss.

To this unstable, calculating and hectic system Bonald opposes the traditional landed or agrarian system of economy which flourishes when interest rates are not allowed to exceed the production of the earth:

Those who can live within the revenue of their capital seek to acquire productive land, because the revenue of land is approximately the same as the interest paid for money, and it is more secure because the capital itself is more sheltered from events. Yet were everyone wants to buy, no one wants to sell. Lands are therefore at a high price relative to goods. All the citizens aspire to move from being possessors of money to being possessors of land, i.e., from a mobile and dependent political condition to a fixed and independent position. This is the most happy and most moral cast of the public mind, the one most opposed to the spirit of greed and to revolution.

The reader will learn more about agrarianism from a few pages of Bonald than from all the literary exercises in I’ll Take My Stand.

Bonald saw no reason why the legislator should remain neutral regarding developments so harmful to the moral habits of society:

A wise policy, one more attentive to general interests than to private ones, would seek to render the circulation of money less rapid: in Sparta, by using iron money, in modern states, by the prohibition of lending at usury. . . . If the profits of commerce regularly rise far above the revenue of the land, it would be a wise measure to bring them back to equality, either by favoring the cultivation of the earth in every possible way, or by containing the speculations of commerce within the limits of general utility.

To restore the agrarian order, Bonald also advocated the restoration of primogeniture and entail: “a law not made for the benefit of the eldest, but for the preservation and permanence of the landowning family.” Revolutionary legislation had mandated the equal division and inheritance of landed estates. This was not unlike Solomon’s judgment of carving the child in two: a half or a quarter or an eighth of an estate is often not worth the corresponding fraction of the original. It may be unfortunate that all men cannot live off their own lands, but parceling out estates into a welter of vegetable gardens does not improve matters; it only forces the ‘heirs’ to sell out for any price they can get. As a leading citizen of his district, Bonald got to know the evils of the new system at first hand.

A rich cultivator whom the author congratulated for the good state of his properties responded in a dolorous tone: “It is true, my property is beautiful and well cultivated. My fathers for several centuries and I for fifty years have worked to extend, improve and embellish it. But you see my large family, and with their laws on inheritance, my children will one day be servants here where they were the masters.”

Bonald even defended the guild system, which Smith had criticized for restricting competition and inefficiently requiring seven year apprenticeships for trades which took six months to learn.

For the inferior classes, the corporations of arts and trades were a sort of hereditary municipal nobility that gave importance and dignity to the most obscure individuals and the least exalted professions. These corporations were at the same time confraternities, and this is what excited the hatred of the philosophes who hunted down religion even in its most modest manifestations. This monarchical institution brought great benefits to administration. The power of the masters restrained youths who lacked education, who had been taken away from paternal authority at an early age by the necessity to learn a trade and win their bread, and whose obscurity hid from the public power. Finally, the inheritance of the mechanical professions also served public morals by posing a check to ruinous and ridiculous changes of fashion.

The author’s first point is especially worth pondering: a man can be happy in a low station, so long as it is a recognized station within his society. The ‘equality bug’ infects men who are deracinated, i.e., who do not belong anywhere. Those with the dignity of even a modest ‘place’ are seldom disturbed by the greater fortunes of others.

Bonald criticized Smith directly:

Wealth, taken in a general and philosophical sense, is the means of existence and conservation; opes, in the Latin tongue, signifies both wealth and strength. For the individual—a physical being—these means are material wealth, the produce of the soil and of industry. For society—a moral being—the means of existence and duration are moral riches, and the forces of conservation are, for the domestic society, morals, and for the public society, laws. Morals and laws are, therefore, the true and even the only wealth of societies, families and nations.

Here again we see Bonald’s sharp distinction between universal or public interests and particular or private ones: economic goods are always private, even if they happen to be enjoyed by all the individuals in a given society. This is why Liberalism (which, according to no less an authority than Ludwig von Mises, is “merely applied economics”) cannot give any account of why citizens should have to sacrifice their lives for their country:

A public spirit cannot be maintained in a commercial and manufacturing nation devoted to calculations of personal interest, and still less today when the laws of war protect the personal property of the vanquished and in our humanitarian sentiments we call it a crime for a citizen not to be paid to defend his land. In every era, poor nations have conquered rich ones, even though they held in their wealth the most powerful motives for self-defense.

Similarly, in his earlier treatise On Divorce [2] (see my review here [3] and here [4]), Bonald pointed out that commercial peoples tend to think even of marriage on the model of a business contract. He writes of “the degradation of a neighboring people [the English] which evaluates the weakness of a woman, the crime of a seducer, and the shame of a husband in pounds, shillings, and pence, and sues for the total on expert estimates.”

Bonald rejects the “privatize everything!” impulse which sees socialism lurking in every town square:

The use of common things, temples, waters, woods, and pastures constitutes the property of the community. Indeed, there is no more community where there is no longer a community of use. It may be true that the commons were poorly administered. I would even believe that their division, in some places, has produced a little more wheat. Yet in some lands this division restricts flocks to spaces too small for them and thus ruins and important branch of agriculture. More importantly, there is no more common property among the inhabitants of the same place and, consequently, no more community of interests, no more occasions for deliberation and agreement. For example, if there were only one public fountain in a village from which water was distributed to all the households, to take away the fountain would be to deny the inhabitants a continual occasion to see, speak to, and hear one another.

Bonald, like Marx after him, saw that industrial poverty was different in kind from the poverty in agricultural states, and a greater threat to traditional social order. Indeed, he comes close to calling the industrial proletariat the vanguard of the Revolution.

The true politician is concerned about the disorders that arise from the alternation of ease and misery to which the industrial population is exposed, which, making the objects of industry without being able to consume them, is no less obliged to consume the fruits of the soil without the ability to produce or even purchase them—and which, finding itself without work and without bread, is a ready-made instrument for revolution. . . . Let it not be doubted that it is in hopes of one day taking this superabundant population into its pay that one party in Europe promotes the exaggerated growth of industry, certain that it can give work to these idle arms in the immense workshop of the revolutionary industry.

Recommended reading:

Louis de Bonald
The True and Only Wealth of Nations: Essays on Family, Economy, and Society [5]
Ttranslated by Christopher Olaf Blum
Naples, Fla.: Sapientia Press of Ave Maria University, 2006

Critics of the Enlightenment: Readings in the French Counter-Revolutionary Tradition [6]
Edited and translated by Christopher Olaf Blum
Wilmington, Del.: ISI Books, 2004

Louis de Bonald
On Divorce [2]
Translated and edited by Nicholas Davidson
New Brunswick, N.J.: Transaction Publishers, 1992

TOQ Online, Dec. 5, 2009


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jeudi, 19 mai 2011

Victime, c'est la mode

Victime, c'est la mode

Couv59-Karkwa1.jpgLu sous la plume de Jean Luc Eluard dans le magazine gratuit disponible à la FNAC Longueur d'ondes ce texte plutôt politiquement incorrect pour ce genre de magazine"Victime, c’est la mode (tel est leur nom de code)

Il n’y a rien de plus détestable qu’une victime. Généralement, une victime, c’est un bourreau qui n’a pas réussi. Mais qui le deviendra à la première occasion. C’est ainsi que j’ai revu récemment un des mes anciens congénères de collège. Je me souviens très bien de ce délicat garçon (...)

Victimes chétives et humiliées pendant dessiècles de tous les crétins à gros bras qui voyaient dans leur isolement et leur faiblesse l’occasion d’exercer leur médiocre tyrannie jusqu’à l’écoeurement, les Juifs, désormais cadres supérieurs de la communauté internationale, peuvent désormais se permettre d’emmerder à loisir leurs voisins géographiques immédiats avec la conscience tranquille du retard de harcèlement à rattraper. Plus proche de nous, les Kosovars surent tirer profit de la consternante guimauverie victimophile d’un Occident qui, après avoir été tourmenteur lorsque c’était la mode, se transforme en redresseur de torts tendant à considérer que la victime est un saint : aussitôt affranchis de la surveillance sourcilleuse des Serbes, ils entreprirent, avec l’esprit facétieux qui est le leur, de créer un État mafieux tirant tout le parti nécessaire de la niaiserie de leurs sauveurs, au premier rang desquels l’ineffable Kouchner-j’ai-inventé-le-droit-d’ingérence qui poursuivait là sa glorieuse carrière de perpétuel roulé dans la farine.
Sans oublier les innombrables “victimes” ou “apparentés à une victime” (c’est comme la grippe aviaire, ça s’attrape facilement) de faits divers auxquels on tend un micro emmiellé de bons sentiments pour les y entendre déverser leur bile, réclamant la juste sanction pour leur bourreau (“juste” signifiant dans ce cas “maximale”), quand ce n’est pas le rétablissement de la peine de mort, Graal ultime de toute victime qui se respecte. Dernier sport en date, lancé dernièrement par le magazine Têtu : le concours de victimes. Un sondage réalisé par ce magazine montrait que les homosexuels étaient plus souvent “victimes d’agressions verbales” (31%) que les “agressions liées à la couleur de peau” (25%). Prochainement donc, sans aucun doute verront le jour les “Jeux olympiques des victimes”, où accidentés de la route, boiteux divers et variés, injuriés de tous pays se donneront la main, ou le moignon pour les plus mal lotis, afin de célébrer en choeur leur malheur universel et la punition des vilains. Pour la cérémonie finale, subventionnée par la HALDE et mise en scène par John Galliano dans le cadre de ses travaux d’intérêt général, ils tortureront au couteau à beurre un cadre blanc, hétérosexuel, quadragénaire, droitier, vivant en lotissement et père de 1,8 enfant. (...)"

Jean Luc Eluard

 

samedi, 14 mai 2011

Othmar Spann / Jungkonservativ

 

Jungkonservativ

 

pdf der Druckfassung aus Sezession 41 / April 2011

 

Sebastian Maaß: Dritter Weg und wahrer Staat. Othmar Spann – Ideengeber der Konservativen Revolution
(= Kieler Ideengeschichtliche Studien, Bd. 3)
,  Kiel: Regin-Verlag 2010. 174 S., 18.95 €  (hier bestellen).

 

spann01.jpgDie »Kieler Ideengeschichtlichen Studien« gewinnen mit
Band III an Konturen.

 

Den vorausgehenden Monographien über Edgar Julius Jung und Arthur Moeller van den Bruck steuert Sebastian Maaß mit der Studie zu Othmar Spann ein weiteres Puzzleteil in der Darstellung der »profiliertesten Vertreter der jungkonservativen Richtung der Konservativen Revolution« bei.

 

Als Fraktion mit gemäßigten Strukturelementen nahm der Jungkonservatismus eine Mittelstellung zwischen Völkischen und Nationalrevolutionären ein und konnte sowohl in der Weimarer Republik (Regierung von Papens) als auch der Ersten Republik Österreichs (Heimwehrbewegung) in die realpolitischen Auseinandersetzungen der Zeit eingreifen. Die Kontextualisierung in die ideengeschichtliche Umwelt der KR unternimmt Maaß einerseits über das Aufzeigen dezidiert jungkonservativer Positionen (ständestaatliche Konzeption, mittelalterliche Reichsidee, christliche Bezugspunkte, ganzheitlicher Ansatz) in Abgrenzung zu anderen Gruppierungen der KR, andererseits mittels Bezugnahme auf die charakteristischen Analogien (Mythos der »Ewigen Wiederkehr«, Antiliberalismus und -marxismus) von Jungkonservatismus und restlichen konservativ-revolutionären Strömungen. Dem Vorwort des Spann-Kenners Hanns Pichler, der die von Maaß vorgenommene Fokussierung auf Gesellschafts- und Staatslehre Spanns als klugen Ansatz für eine einführende Darstellung bezeichnet und gerade den in dessen frühen Schriften ausgebreiteten »ganzheitlichen« gesellschaftswissenschaftlichen Ansatz als erkenntnisleitend für diesen Rahmen betrachtet, folgt ein biographischer Überblick. Anschließend widmet sich Maaß den Spann-Schülern Jakob Baxa und Walter Heinrich, die maßgeblichen Anteil an der akademischen Verbreitung der universalistischen Lehre Spanns besaßen, Heinrich versuchte darüber hinaus die ganzheitliche Lehre Spanns in reale Politik (Heimwehrbewegung in Österreich; Kameradschaftsbund für volks- und sozialpolitische Bildung im Sudetenland; Institut für Ständewesen in Düsseldorf) umzusetzen.

 

spann02.jpgAnschließend behandelt Maaß »Philosophie und Religion als Grundlagen der Ganzheitslehre«, um über die Darlegung der »Kategorienlehre« und der politischen Publizistik (Der wahre Staat; Vom Wesen des Volkstums) den Aufbau des Spannschen »organischen« Staatswesens zu rekonstruieren. Indem der Verfasser das Wirken des Wiener Kreises um Spann sowohl in Österreich als auch dem deutschsprachigen Kulturraum analysiert, wird die meta- und realpolitische Bedeutung dieses Dritten Weges deutlich, der mit seiner machtpolitischen Ausprägung in Österreich um 1930 eine ernsthafte historische Alternative zu den »dritten Wegen« des Nationalsozialismus und des Faschismus darstellte. Das im Untertitel verwandte Konstrukt »Ideengeber der Konservativen Revolution« stellt – aufgrund der überschaubaren Rezeption von Spanns Universalismus in der Weimarer Republik – einen einzelnen Kritikpunkt an dieser soliden Monographie dar.

 

 

 

 

 

 

Farbportrait_Maaß.jpg

 

 

Sebastian Maaß M. A. (geb. 1981) studierte Politik, Geschichte und Erziehungswissenschaft an den Universitäten Konstanz und Tübingen, Studienschwerpunkte waren Neuere Ideen- und Philosophiegeschichte sowie Altertumswissenschaften, umfassende Forschungstätigkeit insbesondere zum Themenkomplex der Konservativen Revolution (KR). Maaß' Studie über Leben und Werk von Edgar Julius Jungist einer zentralen und wirkmächtigen Gestalt der KR gewidmet und erscheint nun als Monographie in der akademischen Reihe „Kieler ideengeschichtliche Studien“

 

 

 

 

 

dimanche, 08 mai 2011

Christopher Lash et la culture populaire

Christopher Lasch et la culture populaire

par Claude BOURRINET

lasch-1e84a.jpgJean-Claude Michéa, dans le même temps qu’il éclaire de façon érudite et rigoureuse les esprits encore libres de ce temps d’aveuglement généralisé, se fait l’inlassable passeur d’un grand penseur d’outre-Atlantique, Christopher Lasch, plume lucide et caustique, qui prouve que l’Amérique a pu produire, avec les formes les plus abrutissantes de la modernité, la critique qui la nie. Ce travail de présentation d’une réflexion nous a valu de beaux livres, comme La Révolte des élites, ou La Culture du narcissisme, entre autres, que Jean-Claude Michéa a préfacés, de même qu’il nous présente substantiellement un texte, qui fut rédigé en 1981 dans la revue Democracy sous le titre « Mass culture reconsidered », dont la traduction française, parue aux Éditions Climats, adopte celui, hautement significatif, de Culture de masse ou culture populaire ?.

L’opposition entre « masse » et « peuple » a le mérite, plus que le titre anglais, qui évoque une démarche intellectuelle, d’impliquer brutalement le champ politique. Ce qu’elle sous-tend est un engagement profond au service d’une vision que l’on pourrait appelée « républicaine », au sens que la vieille Amérique, celle du XIXe siècle, lui donnait, et qui était encore proche de celle qui était défendue en Europe, mais chargée sans doute de plus d’optimisme. En effet, Lasch, contrairement peut-être à une tradition héritière de l’Ancien Régime, singulièrement en France où les « anti-modernes » étaient richement représentés, a toujours attaché, jusqu’à sa mort, une foi inébranlable dans le combat pour les classes populaires. Et il nous montre comment cet idéal, qui devait rendre la société meilleure, plus solide, plus riche humainement, plus solidaire, avait été trahi par ceux-là mêmes qui en avaient été les hérauts, cette frange « éclairée » de la bourgeoisie, qui porte volontiers un regard paternaliste et condescendant sur ces couches prétendument hostiles aux formes savantes de la culture. Il n’est certes pas inintéressant de connaître certains théoriciens américains de la culture, comme John Dewey, réformateur anti-autoritaire de l’enseignement, Thorstein Veblen, qui louait les effets « émancipateurs » de l’activité industrielle, et bien d’autres, comme Dwight MacDonald, beaucoup plus critiques qu’un Herbert Gans, dont la niaiserie « démocratique » frise l’indigence publicitaire, ou qu’un Randolph Bourne, « précurseur des actuels défenseurs de la conscience ethnique et de la diversité culturelle ».

lasch-the_culture_of_narcissism.jpgDeux volets paraissent se succéder dans ce petit livre, à première vue dissemblables, en tout cas appartenant à des sphères différentes : celui consacré à la culture, en l’occurrence celle que l’on destine, ou que l’on prête aux masses; et celui des médias, de la communication. Mais Christopher Lasch démontre que ces deux vecteurs de la société contemporaine, non seulement détiennent une importance capitale pour le projet qu’entretiennent les élites de contrôler efficacement le corps social, prévenant ainsi la guerre civile, comme l’indique pertinemment Régis Debray, dont le théoricien américain s’inspire parfois, mais aussi sont intimement imbriqués, tant la « culture » est devenue une affaire médiatique, fondée sur la publicité, la posture, l’esbroufe et le vide. Lasch montre même que le combat politique a pris le ton de cette culture de masse, faite d’annonces, de chocs, d’effets de miroirs,  de clowneries (il cite Mark Rudd, Jerry Rubin et Abbie Hoffman, mais nous pourrions tout aussi bien invoquer les noms illustres de la carnavalesque « révolution » de 68, dont certains leaders ont bien fait leurs affaires), et que ce « style » fondé sur la fugacité de l’image et du son s’aligne intégralement sur la vérité marchande du capitalisme contemporain, fait de flux, de conditionnement, de légèreté idiote, et surtout de choix fallacieux, car puérils et grossiers.

L’intérêt de cet écrit vieux de maintenant trente ans, outre qu’il fut perspicace en son temps, n’est pas de nous apprendre l’intrication entre le monde de l’économie et celui d’une culture de masse qui nie toute véritable liberté, et se réduit à des productions uniformes, pauvres et de plus en plus se confondant avec le Diktat mercantile. Les théoriciens de l’individualisation de la dilection artistique revendiquent un démocratisme radical, relativiste et anti-autoritaire, hostile au monde ancien, à tout ce qui relève du passé, égalitarisme dont la gauche s’est fait le champion, contre un prétendu capitalisme patriarcal, misogyne, répressif et étouffeur de créativité. Nous savons maintenant qu’il n’en est rien, et que le capitalisme est le plus formidable destructeur de traditions et d’autorité qui ait existé. Aussi Lasch manie-t-il une ironie roborative, mettant les intentions en face des réalités, la rhétorique « rebelle » avec les résultats dévastateurs d’une politique culturelle qui vise à mettre l’individu face à des désirs indéfinis et à la mesure de ses (pauvres) rêves (comme nous l’enjoignit un slogan fameux de 68). Au lieu de la liberté, l’esclavage; au lieu de la réalisation de soi (autre utopie puérile), le narcissisme et l’auto-congratulation; au lieu d’un monde bâti en commun, une addition d’atomes erratiques mirant leur abîme de misère. L’univers de 1984 s’est imposé, voilant, enfumant, travestissant les valeurs.

Pour autant, Christopher Lasch ne se réclame pas, comme Dwight MacDonald, d’une séparation radicale entre la culture de l’élite et celle des classes populaires, ce qui induirait une forme de ségrégation, et, en définitive, une stérilité générale, travers que l’on constate d’ailleurs chez les théoriciens de l’École de Francfort, Max Horkheimer, T.W. Adorno, lesquels critiquaient la culture populaire au nom de la culture savante (Adorno méprisait le jazz, par exemple); il ne partage pas non plus l’ancienne illusion progressiste d’une « évangélisation » culturelle de peuple, censé végéter dans son obscurantisme indécrottable  et dans ses superstitions malsaines, préjugé issu des Lumières, lesquelles désiraient l’élever à la maturité politique (c’est-à-dire au progrès).

lasch-hardcover-cover-art.jpgLe point crucial de sa réflexion, et son originalité, tiennent à l’analyse de la modernité comme arrachement des racines, des modes d’existence qui étaient liées à une mémoire, un groupe, une classe, et qui se prévalaient d’habitudes, de pensées, d’arts qui devaient autant aux familles qu’aux métiers, dont beaucoup étaient artisanaux, qu’à toutes espèces d’appartenances, celle des amis, des terroirs, des activités de tous ordres, et, plus généralement, aux traits caractéristiques des ensembles dans lesquels la personne se coulait sans s’anéantir. C’est justement ce vivier, cette incalculable, incomparable expérience populaire, cette  richesse multiséculaire, qui ont été  arasés par la gestion bureaucratique et marchande des égos et des pulsions, par une éducation sans caractère, universaliste et mièvre, un traitement technique des besoins et souffrances humains. Les  familles éclatent, les  générations  ne se transmettent plus rien, le nomadisme, vanté par l’hyper-classe, est méthodiquement imposé, les lavages de cerveau sont menés par  la télé et des films idiots, la société de consommation  abaisse et uniformise les goûts, instaure un totalitarisme d’autant plus efficace qu’il sollicite un hédonisme de bas étage. Ces danses, ces chants, cette poésie authentiques des anciennes sociétés rendaient plus libres, plus autonomes et fiers de soi que cette production « artistique » qui ressemble tant aux produits de la publicité, lesquels visent à rendre les cerveaux malléables et les cœurs mélancoliques. Le temps où une véritable création populaire irriguait celle des élites, à charge de revanche, comme on le voit par exemple dans les œuvres de Jean-Sébastien Bach, et précisément dans les grands chefs d’œuvres, semble révolu, détruit complètement par la barbarie marchande.

Claude Bourrinet

• Christopher Lasch, Culture de masse ou culture populaire ?, Éditions Climats, coll. « Documents et essais d’actualité », 2011, 75 p., 7 €.


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samedi, 16 avril 2011

Wilhelm Heinrich Riehl (1823-1897)

Archives 1994

 

Wilhelm Heinrich Riehl (1823-1897)

 

Jos VINKS

 

220px-Wilhelm_Heinrich_Riehl_01.jpgIl y a 170 ans, W. H. Riehl naissait, le 6 mai 1823, à Bieberich dans le pays de Hesse, aux environs de Giessen. Je m’étonne que son nom ne soit plus cité dans les publications conservatrices ou dextristes. Récemment, la très bonne revue allemande “Criticon” a consacré un article à Riehl. En 1976 était paru, dans une collection de livres publiés par l’éditeur Ullstein, le texte “Die bürgerliche Gesellschaft”, un des plus importants écrits socio-politiques de notre auteur, paru pour la première fois en 1851.

 

Avant de traiter de l’oeuvre de cet auteur zélé et fécond, nous retracerons en bref sa biographie, ce qui s’avère nécessaire pour la situer dans le temps et dans la société.

 

Riehl a suivi l’école primaire à Bieberich, le lieu de sa naissance, après quoi il fréquenta le Pedagogium de Wiesbaden. En 1837, il s’inscrit au Gymnasium de Weilheim. En 1839, son père se suicide, parce qu’il estimait être une victime de l’arbitraire bureaucratique. Riehl voulait étudier la théologie et devenir prédicateur évangélique, contre la volonté de son père, qui, en tant qu’homme de confiance des Ducs de Nassau et d’intendant de leur château, avait quelque connaissance du monde, grâce aux voyages qu’il avait entrepris. Riehl se trouvait tout à la fois sous l’influence des théories de son père, un rationaliste et un adepte des idées de 1789, et sous celles, traditionalistes, de son grand-père, Grand Maître de Maison auprès des Nassau. C’est ainsi que l’on peut expliquer la position intermédiaire qu’il prendra, entre l’ordre ancien d’une communauté d’états (Stände) et la problématique d’un dépassement révolutionnaire de ces vieilles structures, ce qui donnera un “conservatisme réflexif”. En 1841, il débarque à l’Université de Marbourg. Son intérêt pour l’histoire culturelle s’y éveille. De Marbourg, il ira à Giessen car l’université de cette ville se trouvait plus près de Bieberich; ce seront surtout des considérations financières qui le forceront à prendre cette décision. A Giessen, il se lie d’amitié avec Michael Carrière, un ami de Bettina von Arnim, égérie du “Cercle des Romantiques”. Le romantisme, avec la sympathie qu’il cultivait pour le moyen âge, avec sa vision artistique mais aussi sociale et économique sur l’histoire, sur le caractère national et sur la “populité”, va s’emparer de la pensée de notre auteur, même s’il s’était auparavant familiarisé avec les pensées de Kant et de Hegel, par l’intermédiaire de ses professeurs de Marbourg et de Giessen. Plus tard, il aurait dit qu’il avait des dispositions trop nettes pour le réalisme et ne pouvait dès lors pas s’enfermer dans un système philosophique.

 

Après Giessen, il s’en va à Tübingen, une université où les Jeunes Hégéliens donnent le ton. Dans les textes qu’il rédige à l’époque, il salue avec passion le succès de la Révolution de Juillet en France, en 1848. Sa position politique, à ce moment, n’est pas unilatéralement révolutionnaire, selon Geramb (Bibliographisches Jahrbuch, 1900) mais témoigne bel et bien d’une liberté de pensée et d’esprit, surtout dans le domaine religieux. L’influence des Jeunes Hégéliens et de l’esprit libéral de cette époque se perçoivent clairement chez lui ainsi qu’un sens résolument national, opposé à toutes les idées cosmopolites. A l’automne 1843, Riehl avait passé l’examen de théologie à Herborn et avait obtenu des subsides pour poursuivre ses études. Ce qu’il fera à Bonn, où, notamment, le fougueux nationaliste démocrate Ernst Moritz Arndt dispensait ses leçons. Finalement, il abandonnera les études de théologie pour se consacrer entièrement à l’étude du peuple et des structures que celui-ci génère, dans la continuité anthropologique qu’il représente. Il finit par admettre que l’Etat constitue le “peuple organisé” et qu’il existe “pour la volonté du peuple”. Pour gagner son pain, il se fait journaliste dans les colonnes du journal libéral-conservateur “Oberpostamts-Zeitung” de Francfort entre 1845 et 1847. A partir de 1847, il devient rédacteur auprès de la “Karlsruher Zeitung”, puis directeur du “Badische Landtagsbote”.

 

La révolution de 1848 impulse un tournant à son développement intellectuel. D’après lui-même, ce fut l’année où il devint conservateur en pleine conscience. Il quitte Bade et revient à Wiesbaden. Il y fonde la “Nassauische Allgemeine Zeitung” et devient aussi le cofondateur du Parti démocrate-monarchiste. Pendant un bref laps de temps, il dirigera le Théâtre de la Cour à Wiesbaden. La conséquence de tout cela fut une prise de distance avec la politique et avec le journalisme: il quitte son poste de rédacteur en 1850. Il commence alors les études qui le conduiront à rédiger “Die bürgerliche Gesellschaft”. Même s’il a quitté la politique, il y revient indirectement par le biais de ses études culturelles. Il publie dans un ouvrage en quatre volumes, “Naturgeschichte des Volkes”, les études qu’il avait fait paraître dans les journaux ainsi que quelques travaux de circonstances.

 

En 1851 parait la première édition de “De bürgerliche Gesellschaft” et, trois ans plus tard, “Land und Leute” (“Le pays et les gens”). “Die bürgerliche Gesellschaft” avait pour intention première de décrire le peuple dans tous les liens qu’il tisse, dans tous ses “états”, mais détaché de toute particularité locale. Dans “Land und Leute”, au contraire, il s’efforcera de pénétrer dans toutes les particularités et les différences locales et régionales du peuple. “Au départ des relations individuelles du pays et des hommes se développe l’abstraction culturelle/historique de la société bourgeoise/citoyenne”, écrit-il. Le Roi Maximilien II de Bavière est vivement impressionné par ce travail. Il appelle donc Riehl à ses côtés.

 

Riehl devient ainsi membre du “Cabinet littéraire” puis est admis dans le “Symposium”, sorte de table ronde autour de la personne du Roi, où siègent déjà, entre autres illustres personnages, Liebig, Bodenstedt, Geibel et Kaulbach. Au cours de cette même année 1853, il obtient un poste honoraire de professeur à l’Université de Munich. Il avait déjà été nommé responsable des relations avec la presse pour la Maison Royale et pour le Ministère bavarois des affaires étrangères. Son discours inaugural à l’Université était consacré à l’ethnographie: il y déclara que la richesse et la diversité de la nature, des paysages et des sols dans les Allemagnes d’alors dépendait de la formation individuelle au sein du peuple allemand et que, pour cette raison, l’Allemagne devait impérativement viser son unité politique, sans toutefois sombrer dans les affres d’un unitarisme centralisateur. Les activités de Riehl se mesurent au nombre de ses conférences et des lieux qu’il a visités —plus de cent— et au nombre de personnes qui sont venues l’écouter: environ 300.000.

 

En 1857, Riehl, avec Felix Dahn, prend en charge un important travail d’ethnographie et de topographie: les “Bavarica”. En 1860 parait le volume consacré à la Haute Bavière (Oberbayern) et en 1863 un volume sur le Haut Palatinat (Oberpfalz) et la Souabe. En 1873, il est promu recteur de l’Université de Munich et en 1883 il reçoit un titre de noblesse. En 1885, il est nommé directeur du Musée National Bavarois et conservateur général des bâtiments et monuments classés de Bavière. En 1894, l’année où meurt sa femme, il écrit son dernier livre, “Religiöse Studien”. Deux ans plus tard, notre philosophe, à moitié aveugle et fort affaibli, épouse Antonie Eckhardt, qui le soignera jusqu’à sa mort, le 16 novembre 1897.

 

Riehl est le père de l’ethnographie scientifique. Il nous a aussi laissé un testament politique. Ses critiques disent que ce testament, qui insiste sur le concept social d’état (Stand), ne tient pas compte des nouvelles formes d’organisation de la société industrielle. Selon Riehl, les peuples, dans leur diversité, sont un produit de différences et de caractéristiques de nature ethnique, historique ou naturelle/territoriale. Pour lui, les noyaux naturels (la famille, la tribu, le peuple/Volk) reçoivent une sorte de primauté. Ils revêtent une signification plus profonde que l’Etat. Les liens familiaux et tribaux sont plus anciens que la conscience individuelle ou la conscience d’appartenir à un Etat, c’est-à-dire plus anciens que les formes créées par les individus ou par les Etats. L’importance qu’il assigne à la famille se voit encore soulignée par le fait qu’il y consacre un volume entier de son oeuvre principale, “Naturgeschichte”.

 

Ses conceptions socio-politiques sont dominées par l’idée de deux forces qui influencent toute la vie sociale: la force de maintenir (Macht des Beharrens) et la force du mouvement; c’est-à-dire une force conservatrice et une force révolutionnaire. Les forces conservatrices sont représentées par la paysannerie et l’aristocratie. Les forces du mouvement par la bourgeoisie et par le quart-état. Parmi les forces du mouvement, Riehl compte aussi le prolétariat, à côté de la bourgeoisie. Mais son concept de prolétariat est totalement différent de celui de Marx. Il est “le stade de la chute” et “l’état d’absence d’appartenance à un état”. Les ressortissants du prolétariat sont ceux qui se sont détachés ou ont été exclus des groupes existants de la société. Ils se sont alors déclarés “véritable peuple” et c’est dans cette proclamation tacite qu’il faut voir l’origine de toutes les tentatives d’égalitarisme.

 

On peut certes rejeter la division de la société en “états”, que propose Riehl, comme étant en contradiction flagrante avec les réalités sociologiques de la société moderne. Mais on ne peut pas non plus considérer que Riehl est un théoricien borné, dont la pensée s’est figée sur les rapports sociaux préindustriels. Il s’est efforcé de partir du donné réel pour affronter une société en train de se moderniser et de comprendre celle-ci à l’aide de concepts conservateurs-sociaux (cf. Peter Steinbach, Introduction à “Die bürgerliche Gesellschaft”).

 

La tentative de classer les strates sociologiques de la société selon des forces fondamentales, telle les “états”, pour les opposer au concept de classe selon Marx, s’est manifestée également après Riehl. Ferdinand Tönnies a défini la société comme une “Communauté” (Gemeinschaft) et comme une “Société” (Gesellschaft) tout à la fois. La première consiste en un ordonnancement selon des caractéristiques et des liens naturels (famille, tribu, peuple); la seconde selon des appartenances changeantes et interchangeables (classe, parti, travail, profession, etc.). A côté du cosmos naturel de la vie du peuple, Riehl a placé la nature proprement dite sur un pied d’égalité avec la culture et a suggéré qu’il fallait la conserver, la défendre, car c’était une nécessité incontournable. Le mouvement de préservation de la nature, le mouvement pour la Heimat (en Allemagne et en Suisse, ndt), le mouvement de jeunesse Wandervogel, entre 1890 et 1914, ont trouvé chez Riehl des idées d’avant-garde (ainsi que nos mouvements verts, avec trois quarts de siècle de retard!). Ernst Rudolf se réclame de Riehl à plusieurs reprises, notamment dans “Heimatschutz” (Berlin, 1897). En dénonçant la destruction du patrimoine forestier allemand, il soulève une question éminemment conservatrice, en réclamant un droit propre à la nature. Sa critique de l’urbanisation outrancière doit également être lue à la lumière des travaux de Riehl.

 

Riehl avait ses défenseurs et ses critiques. Grimm se basait sur ses écrits, par exemple pour expliquer la différence essentielle entre Schiller et Goethe. Marx en revanche considérait que les conceptions sociales et politiques de Riehl constituaient “une injure au siècle du progrès”. Treitschke aussi s’attaqua à la conception organique du peuple chez Riehl et surtout contre sa vision de la société divisée en “états”: “il n’y a pas plus d’états naturels qu’il y a un état de nature”, écrivait-il dans sa thèse universitaire. Riehl eut un admirateur en la personne de Tolstoï. Leo Avenarius le nommait le “Altmeister der Wanderkunst” (“le vieux maître en l’art de pérégriner”) et avait chaleureusement recommander la lecture de ses “Wanderbücher” à la jeunesse du Wandervogel.

 

Riehl fut honoré dans l’Allemagne nationale-socialiste: cela s’explique pour maintes raisons mais ne signifie rien quant à ses options véritables. Jost Hermand, dans son ouvrage “Grüne Utopien in Deutschland” (“Utopies vertes en Allemagne”), écrit, entre autres choses: “Riehl avait la ferme conviction qu’une industrialisation et une urbanisation croissantes, avec pour corollaire la destruction du fond paysan, devaient immanquablement conduire à une ‘dégénérescence de la nature’”.

 

Le conservatisme de Riehl, avec son idée centrale de conservation de la nature et de la culture et son rejet principiel de l’individualisme libéral et de la pensée libérale qui ne raisonne qu’en termes de déploiement de puissance matérielle, font de l’auteur de “Die bürgerliche Gesellschaft”, un philosophe qui, au début de l’ère industrielle, théorisait non pas l’ère pré-industrielle, mais l’ère post-industrielle. Il pensait donc ses idées parce qu’il avait préalablement investiguer les racines mêmes du peuple, les avait décortiquées et en avait conclu, après observation minutieuse et reconnaissance des données naturelles, qu’il fallait protéger et la nature et la culture populaire.

 

Jos VINKS.

(article paru dans “Dietsland Europa”, Anvers, n°5/1994).

mardi, 12 avril 2011

Das Rivkin-Projekt: Wie der Globalismus den Multikulturalismus zur Unterwanderung souveräner Nationen benutzt

 

rivkin.jpg

Das Rivkin-Projekt: Wie der Globalismus den Multikulturalismus zur Unterwanderung souveräner Nationen benutzt – Teil 1 von 3

 

Von Kerry Bolton, übersetzt von Deep Roots.

Ex: http://flordman.wordpress.com/

Das Original The Rivkin Project: How Globalism Uses Multiculturalism to Subvert Sovereign Nations, Part 1 erschien am 14. März 2011 bei Counter-Currents Publishing/North American New Right.

Von 19. bis 22. Oktober 2010 lud Charles Rivkin, US-Botschafter in Frankreich, eine aus 29 Mitgliedern bestehende Delegation des Pacific Council on International Policy (PCIP) zu einer Konferenz nach Frankreich ein, deren Hauptzweck die Diskussion arabischer und islamischer Beziehungen in Frankreich war. [1] Das Treffen war Teil einer weitreichenden subversiven Agenda zur Verwandlung des gesamten Charakters von Frankreich und insbesondere des Bewußtseins der französischen Jugend, was die Benutzung von Frankreichs moslemischer Jugend in einer typisch manipulativen globalistischen Strategie hinter der üblichen Fassade von „Menschenrechten“ und „Gleichheit“ einschließt.

Globalistische Delegation in der US-Botschaft

Der Bericht der PCIP sagt über die Konferenz:

… Die Delegation konzentrierte sich weiters auf drei Schlüsselthemen. Erstens untersuchte die Gruppe französisch-moslemische Fragen in Frankreich durch Austausch mit Dr. Bassama Kodmani, dem Direktor des Arabischen Reforminstituts, und Miss Rachida Dati, dem ersten weiblichen französischen Kabinettsmitglied von nordafrikanischer Herkunft und gegenwärtig Bürgermeisterin des 7. Arrondissements in Paris. Eine Exkursion zur Großen Moschee von Paris und ein Treffen mit dem dortigen Direktor der Theologie und dem Rektor boten zusätzliche Einsichten. Zweitens, Treffen mit Mr. Jean-Noel Porier, dem Vizepräsidenten für Auswärtige Angelegenheiten von AREVA (einer höchst innovativen französischen Energiefirma) und mit Mr. Brice Lalonde, dem Klimaverhandler und ehemaligen Umweltminister, hoben Fragen der Energie- und Nuklearpolitik und der Unterschiede zwischen der US- und der französischen Politik auf diesen Gebieten hervor. Und schließlich erforschte die Delegation die Verbindungen zwischen den Medien und der Kultur in Kalifornien (Hollywood) und Frankreich im Zuge von Treffen im Louvre, im Musee D’Orsay und bei FRANCE 24 – dem in Paris ansässigen Kanal für internationale Nachrichten und aktuelle Angelegenheiten. [2]

Das vorrangige Interesse schien Fragen von multikultureller Dimension gegolten zu haben, einschließlich nicht nur arabischer und islamischer Beziehungen in Frankreich, sondern vielleicht langfristig noch wichtiger einer Diskussion über die Wirkung von Hollywoods „Kultur“ auf die Franzosen.

Die USA haben seit langem ein Doppelspiel betrieben, indem sie als eines der primären Elemente ihres Strategems der fabrizierten permanenten Krisen nach dem Kalten Krieg „Terrorismus von islamischer Natur bekämpft“ haben, während sie den „radikalen Islam“ für ihre eigenen Zwecke nutzten, wofür es folgende wohlbekannte Beispiele gibt:

1) die Unterstützung von Bin Laden im Krieg gegen Rußland in Afghanistan,

2) die Unterstützung von Saddam Hussein im Krieg gegen den Iran,

3) die Unterstützung der Kosovarischen Befreiungsarmee [UCK] bei der Beseitigung der serbischen Souveränität über den mineralreichen Kosovo, wobei die UCK wundersamerweise von einer laut US-Außenministerium „terroristischen Organisation“ in „Freiheitskämpfer“ verwandelt wurde.

Wenn US-Globalisten als Freunde von Moslems posieren, sollten letztere beim Dinieren mit dem Großen Shaitan einen äußerst langen Löffel verwenden.

Was ist der Pacific Council on International Policy?

Der PCIP, dessen Mitglied Rivkin ist, wurde 1995 als regionales Anhängsel der allgegenwärtigen Denkfabrik Council on Foreign Relations (CFR) gegründet [3], hat sein Hauptquartier in Los Angeles, aber mit “Mitgliedern und Aktivitäten an der gesamten Westküste der Vereinigten Staaten und international.” Firmenspenden kommen unter anderem von:

Carnegie Corporation of New York
Chicago Council on Foreign Relations
City National Bank
The Ford Foundation
Bill and Melinda Gates Foundation
The William & Flora Hewlett Foundation
Rockefeller Brothers Fund
The Rockefeller Foundation
United States Institute of Peace [4]

Der PCIP ist daher noch ein weiterer großer Teilnehmer an dem globalistischen Netzwerk, das Hunderte von üblicherweise miteinander verbundenen Organisationen, Lobbies, „Zivilgesellschafts“-Gruppen, NGOs und Denkfabriken umfaßt, im Verein mit Banken und anderen Konzernen. Wie üblich gibt es eine auffällige Präsenz von Rockefeller-Interessen.

Warum Frankreich?

Frankreich ist dem US-Globalismus seit langem ein Dorn im Auge gewesen wegen seines sturen Festhaltens an französischen Interessen überall auf der Welt anstelle jener der fabrizierten „Weltgemeinschaft“, obwohl das Sarkozy-Regime eine Ausnahme ist. Jedoch ist Frankreich einer der wenigen verbliebenen Staaten in Westeuropa mit einem starken Nationalbewußtsein. Der beste Weg zur Zerstörung jeglicher solcher Gefühle – die sich nur zu oft auf die Politik übertragen – besteht darin, Vorstellungen von Volkstum und Nationalität durch Förderung von „Multikulturalismus“ zu schwächen.

War es nur Zufall, daß die Studentenrevolte von 1968, die aus kindischsten Gründen ausgelöst wurde, zu einer Zeit geschah, in der sowohl die CIA sehr aktiv bei der Finanzierung von Studentengruppen überall auf der Welt war als auch Präsident de Gaulle den USA in Sachen Außenpolitik ein Maximum an Ärger machte? De Gaulle tat wenig, um mit Amerikas Nachkriegsplänen mitzuspielen. Er entzog Frankreich dem NATO-Kommando, und während des Zweiten Weltkriegs mißtrauten ihm die USA. [5]

Von besonderem Interesse ist de Gaulles Befürwortung eines geeinten Europas, um der US-Hegemonie entgegenzuwirken. [6] 1959 sagte er in Straßburg: „Ja, es ist Europa, vom Atlantik bis zum Ural, es ist das ganze Europa, welches das Schicksal der Welt bestimmen wird.“ Die Aussage implizierte eine Kooperation zwischen einem zukünftigen Europa und der UdSSR. 1967 erklärte er ein Waffenembargo gegen Israel und freundete sich mit der arabischen Welt an. Dies ist die Art von Vermächtnis, das die Globalisten fürchten.

Mit den Kaspereien von Sarkozy und steigenden Spannungen mit der unzufriedenen moslemischen Jugend könnte im Zuge einer Gegenreaktion ein kompromißlos antiglobalistisches, „xenophobes“ Regime an die Macht kommen. Was wäre nun im heutigen Kontext ein besserer Weg, den französischen Nationalismus und jedes Potential zu dessen Wiederbelebung als antiglobalistische Kraft zu untergraben, als Frankreichs große, unassimilierte islamische Komponente zu benutzen, genauso wie die bolschewistische Revolution in bedeutendem Ausmaß von den unzufriedenen Minderheiten des russischen Reiches unternommen wurde?

Interessant ist auch Wichtigkeit, die diese Delegation dem Einfluß Hollywoods auf die französische Kultur beimaß. Dies mag auf den ersten Blick als seltsames Anliegen erscheinen. Jedoch ist Hollywood als das wirtschaftliche Symbol der globalistischen kulturellen Auswüchse ein wichtiger Faktor bei der Globalisierung, in etwas, das auf einen kulturellen Weltkrieg hinausläuft. Letztendlich ist es nicht das Ziel des Globalismus, das Überleben ethnischer Kulturen und Identitäten zu fördern, sondern vielmehr, diese in einen großen Schmelztiegel des globalen Konsumismus zu tauchen, jedes Individuum aus seiner Identität und seinem Erbe zu reißen und diese durch das globale Einkaufszentrum und das „globale Dorf“ zu ersetzen. Daher sollte man den Multikulturalismus als die Antithese dessen sehen, wofür er gehalten wird.

Weit davon entfernt, daß die globalen Konzerne den sogenannten Multikulturalismus im Sinne der Sicherstellung der Existenz einer Vielzahl von Kulturen fördern wollten, wie der Begriff andeutet, ist er also im Gegenteil ein Teil eines dialektischen Prozesses, im Zuge dessen unter der Fassade von Idealen Völker von sehr unterschiedlichem Erbe wie Bauern auf einem Schachbrett über die Welt verschoben werden, mit dem Ziel, kulturell spezifische Nationen niederzureißen. Es ist ein Beispiel für Orwell’sches „doublethink.“ [7]

Es ist bemerkenswert, daß die Anstifter der “samtenen Revolutionen”, die nun durch Nordafrika fegen und bis in den Iran reichen, großteils „säkularisierte“ junge Leute ohne starke traditionalistische Wurzeln sind. In ähnlicher Weise besteht der beste Weg zur Lösung von Frankreichs ethnischen Konflikten und zur Sicherstellung, daß Frankreich nicht wieder hervortritt, um sich US-/globalistischen Interessen entgegenzustellen, in der dialektischen Schaffung einer neuen kulturellen Synthese, bei der es weder eine französische noch eine islamische Kultur gibt, sondern eine globalistische, jugendbasierte Kultur unter dem Banner von „Menschenrechten“ und „Gleichheit“, die von Hollywood, MTV, dem Cyberspace, McDonald’s und Pepsi genährt wird.

Daß dies mehr als eine Hypothese ist, wird von der Art angedeutet, in der die säkularen Jugendrevolten, die nun in Nordafrika stattfinden, von einer Allianz aus Konzerninteressen hervorgebracht wurden, gesponsert vom US-Außenministerium und allerlei NGOs wie Freedom House. [8] Die nordafrikanischen „Revolutionäre“, die Regime stürzen, sind genau die Art von „Moslem“, die die Globalisten bevorzugen, erfüllt von der Cyber-Konsumentenmentalität.

Was also haben Rivkin und das US-Außenministerium in Frankreich vor, daß sie so interessiert wären am Platz Hollywoods und der Moslems in dem Land?

Anmerkungen:

1. “2010 France Country Dialogue,” PCIP,  http://www.pacificcouncil.org/page.aspx?pid=583

2. “2010 France Country Dialogue,” ibid.

3. “Gegründet 1995 in Partnerschaft mit dem Council on Foreign Relations,” PCIP, Governance, http://www.pacificcouncil.org/page.aspx?pid=373

4. Finanzierung durch Firmen und Stiftungen: http://www.pacificcouncil.org/page.aspx?pid=513

5. S. Berthon, Allies At War (London: Collins, 2001), S. 21.

6. A. Crawley, De Gaulle (London: The Literary Guild, 1969), S. 439.

7. “Die Macht, zwei widersprüchliche Glaubensvorstellungen gleichzeitig im Kopf zu haben und sie beide zu akzeptieren . . .” George Orwell, Nineteen Eighty-Four (London: Martin Secker and Warburg, 1949), Teil 1, Kaph. 3, S. 32.

8. K. R. Bolton, “Twitters of the World Unite! The Digital New-New Left as Controlled Opposition,” Part 1, Part 2, Part 3, and Part 4. Tony Cartalucci, “Google’s Revolution Factory – Alliance of Youth Movements: Color Revolution 2.0,” Global Research, February 23, 2011, http://www.globalresearch.ca/index.php?context=va&aid=23283

Das Rivkin-Projekt: Wie der Globalismus den Multikulturalismus zur Unterwanderung souveräner Nationen benutzt – Teil 2 von 3

Das Rivkin-Projekt zur Unterwanderung der französischen Jugend

Als der US-Botschafter Charles Rivkin im Jahr 2010 eine Delegation von anderen Mitgliedern des Pacific Council on International Policy nach Frankreich einlud, hatte er ein Programm zur Amerikanisierung Frankreichs umrissen, das hauptsächlich die Benutzung der moslemischen Minderheiten und die Indoktrinierung der französischen Jugend mit globalistischen Idealen im Sinne der Konzerne umfaßte. Das dabei beschworene Schlagwort war das historische Engagement Frankreichs und Amerikas für die „Gleichheit.“

WikiLeaks veröffentlichte das „vertrauliche Programm“. Es trägt den Titel „Minority Engagement Strategy.“ [1] Hier umreißt Rivkin ein Programm, das eine schamlose Einmischung in die inneren Angelegenheiten einer souveränen Nation ist und in einem tieferen Sinne die Änderung der Einstellungen von Generationen moslemischer und französischer Jugendlicher anstrebt, sodaß sie zu einer neuen globalistischen Synthese verschmelzen, oder zu dem, was man eine neue Menschheit nennen könnte: Homo oeconomicus, oder was der Finanzanalyst G. Pascal Zachary „das globale Ich“ nennt [2], um zu verwirklichen, was Rivkin als das „nationale Interesse“ der USA beschreibt.

Rivkin beginnt, indem er sagt, daß seine Botschaft eine „Minority Engagement Strategy“ geschaffen hat, die sich primär an die Moslems in Frankreich richtet. Rivkin erklärt als Teil des Programms: „Wir werden auch die Bemühungen verschiedener Abteilungen der Botschaft integrieren, auf einflußreiche Führer unter unserem primären Publikum abzielen und sowohl materielle als auch immaterielle Indikatoren des Erfolgs unserer Strategie bewerten.“ [3]

Rivkin ist zuversichtlich, daß Frankreichs Geschichte des ideologischen Liberalismus „uns gut dienlich sein wird, wenn wir die hier umrissene Strategie umsetzen… bei der wir Druck auf Frankreich ausüben…“ Beachten Sie die Redewendung „Druck auf Frankreich ausüben.“ Amerikas globale Agenda wird von Rivkin mit seinem Plan der Umwandlung Frankreichs in ein „blühendes, integratives französisches Staatswesen, das uns bei der Förderung unserer Interessen an der Ausweitung von Demokratie und zunehmender weltweiter Stabilität helfen wird“ in Verbindung gebracht. Das Programm wird sich auf die „Eliten“ der französischen und der moslemischen Gemeinschaften fokussieren, aber auch eine massive Propagandakampagne umfassen, die sich an die „allgemeine Bevölkerung“ mit Schwerpunkt auf der Jugend richtet.

Auf hoher Ebene werden US-Offizielle französische Offizielle in die Defensive drängen. Zu dem Programm gehört auch die Neudefinierung der französischen Geschichte in den Lehrplänen der Schulen, um der Rolle der nicht-französischen Minderheiten in der französischen Geschichte Aufmerksamkeit zu schenken. Es bedeutet, daß die Pepsi/MTV-Generation von Amerikanern neue Definitionen der französischen Kultur formulieren und neue Seiten der französischen Geschichte schreiben werden, die mit globalistischen Agendas übereinstimmen sollen. Zu diesem Zweck „…werden wir unsere Arbeit mit französischen Museen und Lehrern fortsetzen und intensivieren, um den in französischen Schulen unterrichteten Lehrstoff in Geschichte zu reformieren.“

„Taktik Nummer drei“ trägt den Titel „Aggressive Öffentlichkeitsarbeit unter der Jugend starten.“ Wie in anderen Staaten, die vom US-Außenministerium und dessen Verbündeten im Soros-Netzwerk, Freedom House, Movement.org, National Endowment for Democracy, Solidarity Center [4] und so weiter ins Visier genommen wurden, stehen unzufriedene junge Leute im Fokus der Veränderungen. Führend in diesen Bemühungen, zielt die „Inter-Agency Outreach Initiative“ des Botschafters darauf ab, „eine positive Dynamik in der französischen Jugend zu erzeugen, die zu einer größeren Unterstützung für US-Ziele und Werte führt.“ Können die Absichten noch klarer ausgedrückt werden? Es ist kulturelle und politische Amerikanisierung.

Hier können wir am leichtesten an der Heuchelei vorbei deutlich sehen, was hinter der Strategie steckt: eine Generation zu formen, „die zu größerer Unterstützung für US-Ziele und Werte führt.“ Diese „US-Ziele und Werte“ wird man den Franzosen als französische Werte verkaufen, auf der Grundlage der bourgeoisen Ideale von 1789, mit denen die französische Ideologie sowohl der Linken wie der Rechten weiterhin belastet ist. Man wird sie zu glauben lehren, daß sie französische Traditionen aufrecht erhalten, statt als Agenten von Veränderungen gemäß „amerikanischen Werten“ zu handeln: den Werten des globalen Dorfes und des globalen Einkaufszentrums. Ein weitreichendes Programm, das eine Vielzahl von Indoktrinierungsmethoden umfaßt, wird umrissen:

Zur Erreichung dieser Ziele werden wir die bereits vorhandenen expansiven Programme für öffentliche Diplomatie ausbauen und kreative zusätzliche Mittel zur Beeinflussung der Jugend Frankreichs entwickeln, neue Medien, Firmenpartnerschaften, landesweite Wettbewerbe, zielgerichtete Veranstaltungen für Öffentlichkeitsarbeit und speziell eingeladene US-Gäste einsetzen. [5]

Das Programm, das sich an die Jugend in Frankreich richtet, ist ähnlich dem, das sich an die Jugend richtete, welche die Vorhut der „samtenen Revolutionen“ von Osteuropa bis Nordafrika bildete. Potentielle Führer werden vom US-Außenministerium in Frankreich aufgenommen und dazu herangezüchtet werden, eine Rolle im zukünftigen Frankreich nach amerikanischem Design zu spielen:

Wir werden auch neue Hilfsmittel entwickeln, um zukünftige französische Führer zu identifizieren, von ihnen zu lernen und sie zu beeinflussen.

Während wir die Ausbildung und die Austauschgelegenheiten für Frankreichs Jugend erweitern, werden wir weiterhin absolut sicherstellen, daß der Austausch, den wir unterstützen, integrationsorientiert ist.

Wir werden auf existierenden Jugendnetzwerken in Frankreich aufbauen und neue im Cyberspace schaffen, die Frankreichs zukünftige Führer in einem Forum miteinander verbinden, deren Werte wir zu formen helfen – Werte der Integration, des gegenseitigen Respekts und offenen Dialogs. [6]

Hier befürwortet Rivkin etwas, das über die Beeinflussung von Moslems in Frankreich hinausgeht. Er sagt, daß ein bedeutender Teil des Programms sich auf die Kultivierung der französischen Jugend, der potentiellen Führer, nach amerikanischen Idealen unter der Fassade französischer Ideale richten wird. Das US-Außenministerium und seine Verbündeten unter den Konzernen und NGOs beabsichtigen, „ihre Werte zu formen.“ Das globalistische Programm für Frankreich wird deutlich genug als Umerziehung der französischen Jugend bezeichnet. Man möchte meinen, daß dies die wichtigste Rolle der französischen Regierung, der katholischen Kirche und der Familie ist, insbesondere der beiden letzteren. Amerikanische Bürokraten und ihre aus verschiedenen Berufen rekrutierten dümmlichen Kumpane sollen neue „französischen Werte“ formulieren.

Wie in den Staaten, die für „samtene Revolutionen“ ausersehen sind, besteht ein Teil der Strategie in der Abgrenzung des politischen Handlungsrahmens. Wie Hillary Clinton neulich hinsichtlich der Art von Staat gesagt hat, die vom US-Establishment nach Gaddafi erwartet wird, sollte das neue Libyen eine umfassende Demokratie sein, offen für alle Meinungen, solange diese Meinungen eine Verpflichtung zur „Gleichheit“ und „Demokratie“ umfassen, in anderen Worten, es muß eine neue Verteilung der Freiheit in Libyen geben, solange diese Freiheit nicht über Amerikas Definition derselben hinausgeht. Und falls jemand die Grenzen der akzeptablen Demokratie übertritt, stehen Amerikas Bomber in Bereitschaft. Im Kontext mit Frankreich jedoch ist klar, daß die Grenzziehung der französischen Politik gemäß den globalistischen Diktaten keine Elemente sogenannter „Xenophobie“ (sic) einschließen darf, wozu im heutigen Kontext eine Rückkehr zur großen Politik der Ära de Gaulles gehören würde. Daher besagt „Taktik 5“:

Fünftens werden wir unser Projekt fortsetzen, die besten Praktiken mit jungen Führern in allen Bereichen zu teilen, einschließlich junger politischer Führer aller moderaten Parteien, sodaß sie die Hilfsmittel und die Beratung haben, um vorwärts zu kommen. Wir werden Schulungs- und Austauschprogramme schaffen oder unterstützen, die Schulen, Gruppen der Zivilgesellschaft, Bloggern, politischen Beratern und Lokalpolitikern den nachhaltigen Wert der breiten Integration beibringen. [7]

Rivkin umreißt ein Programm zur Ausbildung von Frankreichs zukünftigen politischen und zivilen Führern. Während die Programme der von der US-Regierung unterstützten NGOs wie National Endowment for Democracy – ursprünglich bestimmt zur Entwicklung ganzer Programme und Strategien für politische Parteien in „Entwicklungsdemokratien“ wie den Staaten des ehemaligen Sowjetblocks – mit einem fehlenden Erbe liberal-demokratischer Parteipolitik begründet werden können, kann dieselbe Begründung kaum verwendet werden, um Amerikas Einmischung in Frankreichs Parteipolitik zu rechtfertigen.

Rivkin sagt, daß zu diesem Zweck 1000 amerikanische Englischlehrer, die an französischen Schulen arbeiten, die notwendigen Propagandamaterialien erhalten werden, um ihren französischen Schülern die erwünschten Ideale einzuimpfen: „Wir werden auch dem Netzwerk von über 1000 amerikanischen Universitätsstudenten, die jedes Jahr an französischen Schulen Englisch unterrichten, die Mittel liefern, Toleranz zu lehren.“

Das breit gefächerte Programm wird von der „Minority Working Group“ im „Tandem“ mit der „Youth Outreach Initiative“ koordiniert werden. Eines der Probleme, die von der Gruppe überwacht werden, wird die „Verringerung der öffentlichen Unterstützung für fremdenfeindliche politische Parteien und Plattformen“ sein. Das soll sicherstellen, daß das Programm wie beabsichtigt den Erfolg jeder „extremen“ oder „fremdenfeindlichen“ Partei blockiert, die die Globalisierung herausfordern könnte.

Rivkin verdeutlicht die subversive Natur des Programms, wenn er sagt: „Während wir niemals das Verdienst für diese positiven Entwicklungen beanspruchen könnten, so werden wir doch unsere Anstrengungen auf die Ausführung von Aktivitäten wie oben beschrieben konzentrieren, die die Bewegung in die richtige Richtung anstoßen, drängen und anregen.“

Was wäre die Reaktion, wenn die französische Regierung über ihre Botschaft in Washington ein Programm zur radikalen Umwandlung der USA in Übereinstimmung mit „französischen nationalen Interessen“ unternehmen und mit Schwerpunkt auf der Jugend mittels einer „aggressiven Öffentlichkeitsarbeit“ „französische Ideale“ unter dem Deckmantel „amerikanischer Ideale über Menschenrechte“ einimpfen würde? Was wäre die Reaktion der US-Regierung, wenn sie herausfinden würde, daß die französische Regierung die Einstellungen der Afroamerikaner, Indianer und Latinos zu beeinflussen versuchte? Was wäre die offizielle US-Reaktion, wenn man herausfinden würde, daß französische Sprachlehrer in amerikanischen Schulen und Colleges versuchen, amerikanischen Schülern Ideale im Dienste französischer Interessen einzuimpfen?

Die hypothetische Reaktion kann man von der US-Reaktion auf die „Sowjetverschwörung“ ableiten, als Komitees des Senates und Kongresses eingerichtet wurden, um gegen jeden zu ermitteln, der auch nur vage mit der USA in Verbindung stand. Was ist also anders? Die USA betreiben eine subversive Strategie im Interesse ihrer globalistischen Konzernelite anstatt im Interesse der UdSSR oder des Kommunismus. Es ist nicht so, als ob die USA viel kulturelles Erbe hätte, das sie irgendeiner europäischen Nation, ganz zu schweigen von Frankreich, als Inbegriff des guten Geschmacks und der künstlerischen Verfeinerung präsentieren könnte, nach dem man eine nationale Identität konstruieren könnte. In dieser Sache ist es ein Fall von Dekonstruktion.

Anmerkungen:

1. C. Rivkin, “Minority Engagement Report,” US Embassy, Paris, http://www.wikileaks.fi/cable/2010/01/10PARIS58.html

2. G. Pascal Zachary, The Global Me: Why Nations will succeed or Fail in the Next Generation (New South Wales, Australia: Allen and Unwin, 2000).

3. Rivkin.

4. K. R. Bolton, “The Globalist Web of Subversion,” Foreign Policy Journal, February 7, 2011, http://www.foreignpolicyjournal.com/2011/02/07/the-globalist-web-of-subversion/

5. Rivkin.

6. Rivkin.

7. Rivkin.

Das Rivkin-Projekt: Wie der Globalismus den Multikulturalismus zur Unterwanderung souveräner Nationen benutzt – Teil 3 von 3

Die Rolle des Multikulturalismus in der globalistischen Agenda

Viele schändliche Ziele sind unter dem Banner des Multikulturalismus und Schlagworten wie „Gleichheit“ und „Menschenrechte“ erzwungen worden. So wie „Demokratie“ in der ganzen jüngeren Geschichte zur Rechtfertigung der Bombardierung von Staaten benutzt worden ist, dienen diese Schlagworte oft als Rhetorik zur Vortäuschung guter Absichten, während sie die Ziele derjenigen verbergen, die von wenig, wenn überhaupt von irgendetwas anderem als Macht und Habgier motiviert sind.

Man könnte an die Art denken, wie das Thema der Uitlanders agitiert wurde, um den Anglo-Burenkrieg zum Zwecke der Beschaffung von Südafrikas Mineralreichtum zugunsten von Cecil Rhodes, Alfred Beit et al zu rechtfertigen.

Ein ähnliches Thema wurde in unserer eigenen Zeit unter dem Namen der „Bekämpfung der Apartheid“ wiederbelebt, und während die Welt über die Machtübernahme durch den ANC jubelte, bestand die Wirklichkeit darin, daß die Afrikaner kein Jota materiell davon profitierten, sondern die parastaatlichen oder staatlichen Unternehmen privatisiert wurden, sodaß sie an den globalen Kapitalismus verkauft werden konnten. Als der Patriarch des südafrikanischen Kapitalismus, Harry Oppenheimer, dessen Familie ein traditioneller Feind der Afrikaaner [= Buren; d. Ü.] war, im Jahr 2000 starb, lobte Nelson Mandela ihn so: „Sein Beitrag zur Errichtung einer Partnerschaft zwischen Großunternehmen und der neuen demokratischen Regierung in dieser ersten Periode demokratischer Herrschaft kann nicht zu sehr geschätzt werden.“ [1]

Die „Demokratie”, die Oppenheimer und andere Plutokraten im Tandem mit dem ANC in Südafrika schufen, ist die Freiheit des globalen Kapitalismus zur Ausbeutung des Landes. Mandela sagte 1996 über das Ergebnis dieses „langen Marsches zur Freiheit“:  “Die Privatisierung ist die fundamentale Politik des ANC und wird das auch bleiben.“ [2] Als Kommentar zur Privatisierung der gemeindeeigenen Wasserversorgung von Johannesburg, die jetzt dem französischen Konzern Suez Lyonnaise Eaux untersteht, gab der ANC Erklärungen heraus, die erklärten: „Eskom ist eine der vielen in Regierungsbesitz befindlichen ‚Parastaatlichen’, die während der Apartheid geschaffen wurden und deren Privatisierung die demokratisch gewählte Regierung in Angriff genommen hat, um Geld aufzutreiben.“ [3] Es ist in Südafrika dasselbe Ergebnis, wie es durch die “Befreiung” der kosovarischen Mineralvorkommen im Namen der “Demokratie” und im Namen der Rechte von Moslems unter serbischer Herrschaft erreicht wurde, während andere, unter ihrer eigenen Herrschaft befindliche Moslems von den USA und ihren Verbündeten in die Unterwerfung gebombt wurden.

Die Ziele des globalen Kapitalismus

Die Natur des globalistischen Kapitalismus ist besonders stichhaltig von Noam Chomsky erläutert worden:

Sehen Sie, der Kapitalismus ist nicht grundsätzlich rassistisch – er kann den Rassismus für seine Zwecke ausnutzen, aber der Rassismus ist ihm nicht eingebaut. Der Kapitalismus will im Grunde, daß die Menschen austauschbare Zahnräder sind, und Unterschiede zwischen ihnen, wie zum Beispiel auf Basis der Rasse, haben üblicherweise keine Funktion für ihn. Ich meine, sie mögen eine Zeitlang eine Funktion haben, zum Beispiel wenn man eine super-ausgebeutete Arbeiterschaft oder dergleichen will, aber diese Situationen sind irgendwie anomal. Langfristig kann man erwarten, daß der Kapitalismus antirassistisch ist – einfach weil er anti-menschlich ist. Und Rasse ist eigentlich eine menschliche Eigenschaft – es gibt keinen Grund, warum sie eine negative Eigenschaft sein sollte, aber sie ist eine menschliche Eigenschaft. Daher beeinträchtigen auf Rasse beruhende Identifikationen das grundsätzliche Ideal, daß die Menschen als Konsumenten und Produzenten austauschbar sein sollten, austauschbare Zahnräder, die all den Müll kaufen, der produziert wird – das ist ihre letztendliche Funktion, und alle anderen Eigenschaften, die sie haben könnten, sind irgendwie irrelevant und gewöhnlich ein Ärgernis. [4]

Die Aussage von Chomsky drückt die Situation in ihrer Gänze stichhaltig aus.

Frankreich als Soziallabor für die Globalisierung

Die Rivkin-Offensive ist das letzte in einer langen Reihe von Programmen zur Untergrabung der französischen Identität. Frankreich ist ein Paradox, das die kosmopolitischen Werte der bourgeoisen Revolution von 1789 mit sturem Traditionalismus und Nationalismus kombiniert, den die Globalisten „Xenophobie“ nennen. Er manifestiert sich selbst im Kleinen wie bei der gesetzlichen Verpflichtung für französische Beamte und Politiker, mit ausländischen Medien nur französisch zu sprechen, ungeachtet ihrer Kenntnisse irgendeiner anderen Sprache, oder im verbreiteten Widerstand gegen McDonald’s und Disney World.

Wie ein Großteil der restlichen Welt führt Frankreich jedoch auf der Verliererseite einen Kulturkampf gegen die Globalisierung. Jeff Steiners Kolumne „American in France“ bezieht sich auf die Art, wie die Franzosen einst Widerstand gegen die Eröffnung amerikanischer Fast-Food-Franchises als „Teil einer amerikanischen Kulturinvasion“ leisteten. Steiner schreibt:

… Dies schein Vergangenheit zu sein, da McDonald’s so sehr ein Teil der französischen Kultur geworden ist, daß es nicht mehr als amerikanischer Import gesehen wird, sondern als gänzlich französisch. Kurz, McDonald’s ist den Franzosen ans Herz gewachsen wie in so vielen anderen Ländern.

Ich bin in einigen McDonalds in Frankreich gewesen, und außer einem in Straßburg, das von außen wie im traditionellen elsässischen Stil erbaut aussieht, sehen alle McDonalds in Frankreich, die ich gesehen habe, nicht anders aus als ihre amerikanischen Gegenstücke.

Ja, es gibt welche, die McDo immer noch als Symbol der Amerikanisierung Frankreichs verfluchen (sie sind jetzt eine sehr kleine Gruppe und werden großteils ignoriert) und die es auch als ein Zeichen dafür sehen, daß Frankreich seine kulinarische Einzigartigkeit verliert. Das Menü in einem französischen McDonald’s ist fast eine exakte Kopie dessen, was man in jedem McDonald’s in den Vereinigten Staaten finden würde. Es ist mir als etwas seltsam aufgefallen, daß ich wie in den Vereinigten Staaten bestellen konnte, das heißt auf Englisch, mit gelegentlich eingestreuten französischen Vorwörtern.

Ehrlich gesagt, die Franzosen, die bei McDonald’s essen, sind dort genauso zu Hause, wie es irgendein Amerikaner sein könnte. [5]

Dieses scheinbar triviale Beispiel ist tatsächlich von immenser Wichtigkeit, indem es zeigt, wie eine Kultur, die so stark ist wie die Frankreichs – das bis vor kurzem eine immens stolze Nation war – unterliegen kann, besonders unter dem Eindruck des Marketings gegenüber jungen Leuten. Es ist eine Fallstudie par excellence für die Standardisierung, die die amerikanische Konzernkultur nach sich zieht. Es ist das, was die globalistische Elite im Weltmaßstab wünscht, bis hin zu dem, was man ißt.

Es ist bemerkenswert, daß die Vorhut des Widerstands gegen McDonald’s von den Bauern kam, einem traditionalistischen Segment von Europas Bevölkerung, das zunehmend anomal und unter dem globalistische Regime zur ausgestorbenen Spezies wird, während die Landwirtschaft den Agro-Konzernen weicht.

Angesichts Frankreichs Status in Europa und seiner historischen Tendenz, seine Souveränität  angesichts von US-Interessen aufrecht zu erhalten – sogar noch vor recht kurzer Zeit mit seiner Opposition gegen den Krieg im Irak – bleibt Frankreich einer der wenigen Stolpersteine des Globalismus in Europa. Eine zusätzliche Sorge ist die, daß die Franzosen ihre sture „Xenophobie“ in die Wahllokale mitnehmen und eine strikt antiglobalistische Partei wählen werden, wie es sich im Auf und Ab der Wahlerfolge der Front National widerspiegelt, die sowohl die Globalisierung als auch die Privatisierung ablehnt.

Dies ist ein Hauptgrund für Rivkins weitreichendes subversives und interventionistisches Programm zur Assimilierung der Moslems in die französische Gesellschaft, welches das französische Bewußtsein in Richtung von deutlich mehr Kosmopolitentum verwandeln würde. Die Absicht wird in Rivkins Botschaftsdokumenten deutlich genug, in denen es heißt, daß die Botschaft die Auswirkungen des „Outreach“-Programmes auf die „Abnahme der öffentlichen Unterstützung für fremdenfeindliche politische Parteien und Plattformen“ überwachen wird.

Im Widerspruch zur „Xenophobie“ Frankreichs zeigt die Studie „Global Research“ [6] von R. J. Barnett und R. E. Müller über die globalen Konzerne, die auf Interviews mit Konzernmanagern beruht, daß die französische Wirtschaftselite seit langem die Grundlagen der französischen Tradition zu untergraben bestrebt war. Jacques Maisonrouge, Präsident der IBM World Trade Corporation, „weist gern darauf hin, daß ‚Nieder mit den Grenzen’, ein revolutionäres Studentenschlagwort der Pariser Universitätserhebung von 1968 – an der einige seiner Kinder beteiligt waren – auch ein willkommenes Schlagwort von IBM ist.“ [7] Maisonrouge sagte, daß die „Welt-Manager” (wie Barnett und Müller die Konzern-Führungskräfte nennen) glauben, daß sie die Welt „kleiner und homogener“ machen. [8] Maisonrouge beschrieb in zustimmender Weise die globalen Konzernmanager als „die de-tribalisierten internationalen Karrieremänner.“ [9] Es ist diese „Detribalisierung“, welche die Basis einer „Weltkonsumkultur“ ist, die für die effizientere Schaffung einer Weltwirtschaft gefordert wird.

Paris ist bereits ein kosmopolitisches Zentrum und daher ideal als Prototyp für die „globale Stadt“ der Zukunft. In den 1970ern bereiteten Howard Perlmutter und Hasan Ozakhan vom Wharton School of Finance Worldwide Institutions Program einen Plan für eine „globale Stadt.“ Für diesen Zweck wurde Paris ausgewählt. Professor Perlmutter war ein Berater globaler Konzerne. Sein Plan wurde von der Planungsbehörde der französischen Regierung in Auftrag gegeben. Perlmutter sagte voraus, daß die Städte während der 1980er zu „globalen Städten“ werden würden.

Für Paris erforderte dies, „weniger französisch zu werden“ und eine „Entnationalisierung“ durchzumachen. Dies, sagte er, erfordert eine „psycho-kulturelle Veränderung des Bildes hinsichtlich des traditionellen Eindrucks der ‚Xenophobie’, die die Franzosen auszustrahlen scheinen.“ Die Parallelen zum gegenwärtigen Rivkin-Programm sind offensichtlich. Perlmutter schlug vor, daß der beste Weg zur Beseitigung von Frankreichs Nationalismus die Einführung des Multikulturalismus wäre. Er befürwortete „die Globalisierung kultureller Veranstaltungen“ wie internationaler Rock-Festivals als Gegenmittel gegen die „übermäßig nationale und manchmal nationalistische Kultur.“ [10]

Die Untergrabung von Frankreichs „übermäßig nationaler und manchmal nationalistischer Kultur“ ist der Grund, warum Rivkin stärkere Verbindungen zwischen Hollywood und der französischen Kulturindustrie zu pflegen suchte. [11] Rivkin kennt den Wert der Unterhaltung bei der Umwandlung der Einstellungen, besonders unter den Jungen. Nachdem er bei Salomon Brothers als Finanzanalyst gearbeitet hatte, trat Rivkin 1988 als Direktor für strategische Planung in die Jim Henson Company ein. Zwei Jahre später wurde er zum Vizepräsidenten der Firma ernannt.

Die Jim Henson Company produziert die „Sesamstraße“, deren putzige kleine Muppets den Knirpsen eine wohlkalkulierte globalistische Agenda aufdrängen. Lawrence Balter, Professor der angewandten Psychologie an der New York University, schrieb, daß die „Sesamstraße“ die Kinder mit einem breiten Spektrum von Ideen, Informationen und Erfahrungen über vielfältige Themen wie Tod, kulturellen Stolz, Rassenbeziehungen, Menschen mit Behinderungen, Ehe, Schwangerschaft und sogar Weltraumforschung bekannt machte.“ Die Serie sollte die erste sein, die Bildungsforscher mittels Gründung einer Forschungsabteilung beschäftigte. [12] „Sesamstraße“ hat Finanzierung von der Ford Foundation, der Carnegie Corporation und dem US-Erziehungsministerium erhalten. Von beiläufigem Interesse ist, daß die Carnegie Corporation und die Ford Foundation auch Förderer des Pacific Council on International Policy sind.

Schaffung des Weltkonsumenten

Wie Chomsky hingewiesen hat, sieht der globale Kapitalismus die Menschheit als austauschbare Zahnräder im Produktions- und Konsumkreislauf. Den Konzernen zufolge ist der Gipfel der menschlichen Evolution die Verwandlung in „detribalisierte internationale Karrieremenschen.“ Laut dem Finanzanalysten G. Pascal Zachary stellen diese wurzellosen Kosmopoliten eine „informelle globale Aristokratie“ dar, die von den Konzernen überall auf der Welt rekrutiert wird und total von ihren Firmen und „wenig von der breiteren Öffentlichkeit“ abhängig ist, eine neue Klasse, unbehindert von nationalen, kulturellen oder ethnischen Bindungen. [13]

Barnett und Müller zitierten John J. Powers von Pfizer mit der Aussage, daß die globalen Konzerne „Agenten des Wandels sind; sozial, ökonomisch und kulturell.“ [14] Sie sagten, daß die globalen Führungskräfte „irrationalen Nationalismus“ als Behinderung des „freien Flusses von Finanzkapital, Technologie und Gütern in globalem Maßstab“ sehen. Ein entscheidender Aspekt des Nationalismus sind „Unterschiede in psychologischen und kulturellen Einstellungen, die die Aufgabe der Homogenisierung der Erde zu einer integrierten Einheit komplizieren… Kultureller Nationalismus ist auch ein Problem, weil er das Konzept des globalen Einkaufszentrums bedroht.“ [15]

Dieser „kulturelle Nationalismus“ wird von Rivkin und allen anderen Parteigängern des Globalismus als „Xenophobie“ gesehen, außer wenn diese „Xenophobie“ für ein militärisches Abenteuer eingespannt werden kann, falls Bestechungen, Embargos und Drohungen einen zugeknöpften Staat nicht auf Linie bringen, wie in den Fällen von Serbien, Irak und vielleicht bald Libyen. Dann werden die amerikanische globalistische Elite und ihre Verbündeten zu „Patrioten.“

Barnett und Müller zitieren A. W. Clausen, als dieser die Bank of Amerika leitete, mit der Aussage, daß nationale, kulturelle und rassische Unterschiede „Vermarktungsprobleme“ erzeugen, und mit der Klage, daß es „so etwas wie einen einheitlichen globalen Markt nicht gibt.“ [16] Harry Heltzer, Generaldirektor von 3M, sagte, daß globale Konzerne eine „mächtige Stimme für den Weltfrieden sind, weil ihre Loyalität keiner Nation, Sprache, Rasse oder Religion gehört, sondern den besseren Hoffnungen der Menschheit, daß die Völker der Welt im gemeinsamen wirtschaftlichen Streben vereinigt sein mögen.“ [17]

Diese „besseren Hoffnungen der Menschheit“, die man anderswo als Habgier, Geiz und Mammonverehrung kennt, haben die Erde geplündert, globales wirtschaftliches Ungleichgewicht verursacht und funktionieren mittels Wucher, der in besseren Zeiten als Sünde betrachtet wurde. Diese „besseren Hoffnungen“ gemäß der Wertung der Konzerne haben mehr Kriege verursacht als jeder „xenophobe“ Diktator, üblicherweise im Namen von „Weltfrieden“ und „Demokratie“.

Die Rivkin-Doktrin für Frankreich – die laut dem durchgesickerten Dokument in subtiler Weise umgesetzt werden muß – ist ein weitreichendes subversives Programm zur Umwandlung besonders der Jungen in globale Klone bar jeder kulturellen Identität, während es in der Art des Orwell’schen „doublethink“ unter dem Namen des „Multikulturalismus“ voranschreitet.

Anmerkungen:

1. “Mandela honours ‘monumental’ Oppenheimer”, The Star, South Africa, August 21, 2000, http://www.iol.co.za/index.php?set_id=1&click_id=13&art_id=ct20000821001004683O150279 (27. September 2009).

2. Lynda Loxton, “Mandela: We are going to privatise,” The Saturday Star, 25. Mai 1996, S.1.

3. Tägliche Nachrichtenaussendung des ANC, 27. Juni 2001. Siehe auch “Eskom,” ANC Daily News Briefing, 20. Juni 2001, 70.84.171.10/~etools/newsbrief/2001/news0621.txt

4. Noam Chomsky, Understanding Power: The Indispensable Chomsky (New York: The New York Press, 2002), S. 88–89.

5. J. Steiner, “American in France: Culture: McDonalds in France, http://www.americansinfrance.net/culture/mcdonalds_in_france.cfm

6. R. J. Barnett und R. E. Müller, Global Reach: The Power of the Multinational Corporations (New York: Simon and Schuster, 1974).

7. Global Reach, S. 19. Zwecks Aktualisierung wegen Maisonrouge siehe: IBM, http://www-03.ibm.com/ibm/history/exhibits/builders/builders_maisonrouge.html

8. Global Reach, S. 62.

9. Global Reach, ebd.

10. Global Reach, S. 113–14.

11. “2010 France Country Dialogue,” PCIP, op. cit.

12. L. Balter, Parenthood in America: An Encyclopaedia, Vol. 1 (ABC-CLIO, 2000), S. 556.

13. G. Pascal Zachary, The Global Me (New South Wales: Allen & Unwin, 2000).

14. Global Reach, S. 31.

15. Global Reach, S. 58.

16. Global Reach, ebd.

17. Global Reach, S. 106.

dimanche, 10 avril 2011

Guerre et psychologie

Guerre et psychologie

par Jean-Gilles Malliarakis

5.jpg L'opération de Libye comme la tragédie de la Côte d'Ivoire nous ramènent durement à la réalité du monde. L'Europe consommatique comme l'éducation soixante huitarde avaient voulu, depuis un demi-siècle, ignorer : la guerre. La voilà de retour. On ne peut pas s'en réjouir, on peut seulement espérer que son avertissement, aujourd'hui encore à moindre frais, du moins vu de Paris, réveille les opinions.

Entre l'époque du Livre banc sur la Défense de 1972, écrit sous l'influence ministérielle du jacobin Michel Debré, et celui de 2008, les doctrines stratégiques et les capacités militaires de la France ont changé, radicalement. La nature même des conflits, les ennemis potentiels ou déclarés, les théâtres d'opérations se sont déplacés.

Paradoxalement aussi, un chef d'État-major de l'armée de Terre tel que le général Elrick Irastorza a pu estimer le 22 octobre 2010 à Coëtquidan "particulièrement compliqué" voire même "anxiogène" le format actuel et futur de nos moyens de défense. Et, simultanément, jamais l'uniforme français n'a été déployé sur autant de territoires, pour des missions éloignées, aux caractères de plus en plus complexes.

De la guerre coloniale selon Gallieni à la contre-insurrection du général américain Petraeus l'objectif semble cependant toujours le même : "transformer l'adversaire en administré". Et, tragiquement, l'épée demeure aujourd'hui encore "l'axe du monde" – ceci pour reprendre la formule d'un homme qui sut si bien, tout au long de sa propre carrière, utiliser, par ailleurs, les micros.

Or, dans la préparation comme dans la gestion des conflits, dans le vote des budgets des armées comme dans la conduite et l'exécution des opérations, l'état d'esprit des individus, des foules et des dirigeants, joue le rôle fondamental.

La psychologie de la guerre redevient dès lors une matière urgente.

En 1915, Gustave Le Bon, dont l'ouvrage sur la "Psychologie des Foules" (1895) fait aujourd'hui encore autorité, lui consacrait un livre. Dans le contexte du premier conflit mondial, l'éditeur avait intitulé l'édition originale : "Enseignements psychologiques de la Guerre européenne". Sous-titre explicatif dans la manière du temps : "Les causes économiques, affectives et mystiques de la guerre. Les forces psychologiques en jeu dans les batailles. Les variations de la personnalité. Les haines de races. Les problèmes de la paix. L'avenir."

L'ambition scientifique, sociologique et objective y tranche avec ce qui se publiait à l'époque, dans le cadre de ce terrible contexte d'affrontement européen. Il étonnera peut-être le lecteur actuel par les développements qu'il consacre au bellicisme allemand, à son hégémonisme commercial d'avant-guerre et au pangermanisme. On remarquera cependant qu'il demeure singulièrement libre, d'esprit et d'écriture, s'agissant des motivations des Alliés. Il ne les résume aucunement en une simple, fraîche et joyeuse "guerre du Droit". Présentée pour telle par ses propagandistes, elle se révélera tout autre.

On notera en particulier un aspect essentiel des années qui avaient précédé le déclenchement de cet "orage d'acier". Elles avaient été marquées, de manière pacifique, par une influence de plus en plus forte, au centre du continent, du pays alors le plus puissant et le plus dynamique, rival sans cesse grandissant des empires maritimes et financiers.

On remarquera également ici un parallélisme très fort entre les deux guerres mondiales : on est tenté de considérer que, de ce point de vue, elles en forment une seule, comme si la seconde prolongeait la première dont elle accentuait simplement les traits, comme le conflit que Thucydide décrivit, expliqua et synthétisa sous le nom de Guerre du Péloponnèse. Celle-ci, à la fin du Ve siècle avait frappé à mort la Grèce des cités. La nôtre allait mettre un terme en Europe, au XXe siècle à l'idée de souveraineté des nations.

Résolument, Gustave Le Bon (1841-1931) s'inscrit en faux face aux explications d'inspiration matérialiste et marxisante.

"Derrière les événements dont nous voyons se dérouler le cours, écrit-il ainsi, se trouve l’immense région des forces immatérielles qui les firent naître.
Les phénomènes du monde visible ont leur racine dans un monde invisible où s’élaborent les sentiments et les croyances qui nous mènent.
Cette région des causes est la seule dont nous nous proposons d’aborder l’étude.
La guerre qui mit tant de peuples aux prises éclata comme un coup de tonnerre dans une Europe pacifiste, bien que condamnée à rester en armes."

Tout conspirait donc pour qu'un tel écrit soit relégué dans l'oubli des textes maudits, politiquement incorrects.

Au lendemain de la victoire de 1918, les Alliés tournèrent en effet le dos aux enseignements de son auteur. On s'engouffra dans le mythe de la sécurité collective. On prétendit mettre "la guerre hors la loi" : on connaît la suite. Cet ouvrage terrible et prophétique, annonçait en somme la reprise des hostilités. Il démontre, aussi, combien les dirigeants politiques, bien connus du public, rois ou ministres, se trouvent régulièrement dépassés par les forces intérieures, celles de l'inconscient des peuples.

JG Malliarakis



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"Psychologie de la Guerre" par Gustave Le Bon
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vendredi, 08 avril 2011

Tout s'accélère: la maladie de l'urgence

Tout s’accélère : la maladie de l’urgence

par Pierre LE VIGAN

2866996630_1.jpgTout s’accélère. Nous mangeons de plus en vite. Nous changeons de modes vestimentaires de plus en plus vite. L’obsolescence de nos objets quotidiens (téléphone mobile, I-Pad, ordinateur, etc.) est de plus en plus rapide. Nous envoyons de plus en plus de courriels, ou de S.M.S. Nous lisons de plus en plus d’informations en même temps (ce qui ne veut pas dire que nous les comprenons). Nous parlons de plus en plus vite : + 8 % de mots à la minute entre l’an 2000 et 2010. Nous travaillons peut-être un peu moins mais de plus en plus vite – conséquence logique de la R.T.T. Les détenteurs d’actions en changent de plus en plus souvent : la durée moyenne de possession d’une action sur le marché de New York est passée de huit ans en 1960 à moins d’un an en 2010. Nous imaginons et produisons des voitures de plus en plus vite. Nous zappons d’un film à l’autre de plus en plus vite : les films ne durent même pas une saison, parfois moins d’un mois. Ils passent sur support D.V.D. de plus en plus rapidement après leur sortie en salle, parfois presque en même temps. Les films anciens (qui n’ont parfois que trois ans) que l’on peut encore voir en salles diminuent à grande vitesse : l’oubli définitif va de plus en plus vite. C’est ce que Gilles Finchelstein a bien analysé sous le nom de La dictature de l’urgence (Fayard, 2011). L’urgence va avec la profusion, la juxtaposition des divers plans du vécu et la dissipation. Dans le même temps que la durée de vie des films est de plus en brève, pour laisser la place à d’autres, le nombre de plans par films s’accélère – et est quasiment proportionnel à la médiocrité des films. Conséquence : les plans longs sont de moins en moins nombreux. Et… de plus en plus court ! Trois secondes cela commence à être beaucoup trop long. Il se passe de plus en plus de choses à la fois dans les feuilletons : comparons Plus Belle La Vie (P.B.L.V. pour faire vite) à Le 16 à Kerbriant (1972). Paul Valéry écrivait : « L’homme s’enivre de dissipation : abus de vitesse, abus de lumière, abus de toxiques, de stupéfiants, d’excitants, abus de fréquences dans les impressions, abus de diversités, abus de résonances, abus de facilités, abus de merveilles. Toute vie actuelle est inséparable de ces abus (Variété, 1924). »

Il y a plus de cinquante ans, André Siegfried de son côté analysait « l’âge de la vitesse » dans Aspects du XXe siècle (Hachette, 1955). Il soulignait que la vitesse des bateaux avait été multipliée par cinq avec la vapeur remplaçant la voile. Que ne dirait-il quand aux progrès de la capacité de stockage et de calcul de nos ordinateurs ! Mais la vitesse peut être un vice : le « seul vice nouveau du XXe siècle » avait dit Paul Morand. « L’homme résistera-t-il en à l’accroissement formidable de puissance dont la science moderne l’a doté ou se détruira-t-il en le maniant ? Ou bien l’homme sera-t-il assez spirituel pour savoir se servir de sa force nouvelle ? », s’interrogeait encore Paul Morand (Apprendre à se reposer, 1937).

9782081228740.jpgElle nous fait bouger de plus en plus vite, ou surtout, elle nous fait croire que ce qui est bien c’est de bouger de plus et plus, et de plus en plus vite. En cherchant à aller de plus en plus vite, et à faire les choses de plus en rapidement, l’homme prend le risque de se perdre de vue lui-même. Goethe écrivait : « L’homme tel que nous le connaissons et dans la mesure où il utilise normalement le pouvoir de ses sens est l’instrument physique le plus précis qu’il y ait au monde. Le plus grand péril de la physique moderne est précisément d’avoir séparé l’homme de ses expériences en poursuivant la nature dans un domaine où celle-ci n’est plus perceptible que par nos instruments artificiels. »

Notre société malade de l’urgence

Nos enfants sont les enfants de l’urgence. Et tout simplement parce que nous-mêmes sommes fils et filles de l’urgence. Et ce sentiment d’urgence va avec la vitesse. Si c’est grave, et il n’y a pas d’urgence sans gravité, alors, il faut réagir tout de suite. De nos jours, explique la sociologue et psychologue Nicole Aubert, l’homme doit réagir aux événements « en temps réel ». Au moment même. Plus encore, même quand il « ne se passe rien », il est sommé d’être « branché », connecté avec le monde, au cas où il se passerait quelque chose. Une urgence par exemple. L’homme est mis en demeure de provoquer des micro-événements sans quoi il ne se sent pas vivre. Il s’ennuie. De ce fait, ce ne sont pas seulement les machines, c’est l’homme lui-même qui vit « à flux tendu ». La durée, qui suppose l’endurance, a été remplacée par la vitesse, qui répond à une supposée urgence. Mais cette vitesse n’a pas une valeur optimum, c’est l’accélération qui est requise. La bonne vitesse c’est la vitesse supérieure à celle d’hier. De même qu’un ordinateur performant ce n’est pas un ordinateur qui suffit à mes besoins c’est un ordinateur plus performant que les autres et en tout cas plus performant que ceux du trimestre dernier. Il y a dans ce culte de l’urgence et de la vitesse – ce n’est pas la même chose mais cela va ensemble – une certaine ivresse.

« L’expérience majeure de la modernité est celle de l’accélération » écrit Hartmut Rosa (Accélération. Une critique sociale du temps, La Découverte, 2010). Nous le savons et l’éprouvons chaque jour : dans la société moderne, « tout devient toujours plus rapide ». Or le temps a longtemps été négligé dans les analyses des sciences sociales sur la modernité au profit des processus de rationalisation ou d’individualisation. C’est pourtant le temps et son accélération qui, aux yeux de Hartmut Rosa, permet de comprendre la dynamique de la modernité. Pour ce faire, nous avons besoin d’une théorie de l’accélération sociale, susceptible de penser ensemble l’accélération technique (celle des transports, de la communication, etc.), tout comme l’accélération du changement social (des styles de vie, des structures familiales, des affiliations politiques et religieuses) et l’accélération du rythme de vie, qui se manifeste par une expérience de stress et de manque de temps. La modernité tardive, à partir des années 1970, connaît une formidable poussée d’accélération dans ces trois dimensions. Au point qu’elle en vient à menacer le projet même de la modernité : dissolution des attentes et des identités, sentiment d’impuissance, « détemporalisation » de l’histoire et de la vie, etc. L’instantanéisme tue la notion même de projet, fut-il moderne. « En utilisant l’instantanéité induite par les nouvelles technologies, la logique du Marché, avec ses exigences, a donc imposé sa temporalité propre, conduisant à l’avènement d’une urgence généralisée. » note Nicole Aubert (Le culte de l’urgence, Flammarion, 2004; L’individu hypermoderne, Eres, 2004).

paulmorand-lhommepresse.jpgHartmut Rosa montre que la désynchronisation des évolutions socio-économiques et la dissolution de l’action politique font peser une grave menace sur la possibilité même du progrès social. Déjà Marx et Engels affirmaient ainsi que le capitalisme contient intrinsèquement une tendance à « dissiper tout ce qui est stable et stagne ». Dans Accélération, Hartmut Rosa prend toute la mesure de cette analyse pour construire une véritable « critique sociale du temps susceptible de penser ensemble les transformations du temps, les changements sociaux et le devenir de l’individu et de son rapport au monde ».

L’ivresse de la vitesse fait même que la figure tutélaire de notre société est la personnalité border line, une personnalité qui recherche toujours l’extrême intensité dans chaque instant. Mais la contrepartie de cette recherche est la fragilité : la désillusion, le dégrisement douloureux, l’atonie, la désinscription dans une durée qui ne fait plus sens parce qu’elle n’a jamais été la durée d’un projet et que l’intensité ne peut suppléer à tout. C’est pourquoi on peut analyser certaines maladies de l’âme comme des réponses plus ou moins conscientes à une pression du temps social vécue comme excessive (Nicole Aubert, Le culte de l’urgence. La société malade du temps, Flammarion, 2003).

La dépression, une stratégie de ralentissement du temps ?

Ainsi la dépression est-elle en un sens une stratégie de ralentissement du temps. L’homme dépressif succède à l’homme pressé – celui-ci dans tous les sens du terme, pressé de faire les choses et pressé comme un citron. Le dépressif se donne du temps – et c’est sans doute cela aussi que Pierre Fédida désignait, paradoxalement, comme « les bienfaits de la dépression ». Bien évidemment cette solution n’est pas satisfaisante si elle perdure, car le dépressif mélancolique souffre d’un temps sans histoire personnelle possible, par sentiment de perte irrémédiable et de destruction de son estime de soi. La cassure de l’« élan personnel » du mélancolique lui interdit de produire sa temporalité propre. La dépression ou la griserie passagère, toujours à réactiver, du psychopathe border line, tels sont ainsi les deux effets du culte de l’urgence.

L’ensemble de notre société et de ses dirigeants est pris dans cette obsession d’une temporalité « en temps réel », c’est-à-dire d’un temps de l’action sans délai de transmission. Action sans médiation. C’est une fausse temporalité. C’est un instantanéisme ou encore un présentisme. Les plans d’urgence fleurissent, élaborées eux-mêmes dans l’urgence. Les lois d’urgence aussi : sur les Roms, sur les étrangers délinquants, sur le logement, sur des sujets aussi techniques que la suppression du tiers payant quand on refuse un médicament générique (Rousseau, reviens, ils ont oublié la grandeur de la Loi), etc. De là un « mouvementisme » (Pierre-André Taguieff), puisqu’il s’agit de toujours « coller » à un présent par définition changeant. Aussi, au culte de l’urgence doit succéder un réinvestissement du temps dans son épaisseur. Il est temps de réencastrer l’instant dans le temps du projet et de la maturation. « Il est temps qu’il soit temps » dit Paul Celan (Corona). Par principe, le temps est « ce qui nous manque ». C’est la condition humaine. « L’art a besoin de ce temps que je n’ai pas » dit Paul Valéry.

Résister à l’urgence

L’urgence ? Réagir dans l’urgence, c’est souvent la catastrophe. Au nom de l’urgence, c’est le titre d’un film d’Alain Dufau (1993) sur la construction, très vite et trop vite, des grands ensembles H.L.M. dans les années 50 à 70 (cf. les sites Voir et agir et Politis, Au nom de l’urgence). Au nom de l’urgence, ce pourrait aussi être le nom d’un reportage sur la folie de l’immigration décidée par le grand patronat et les gouvernements qui lui étaient et lui sont inféodés à partir de 1975. (cf. Hervé Juvin, « Immigration de peuplement » sur le site Realpolitik.tv). Immigration décidée pour fournir, très vite, de la main d’œuvre pas cher au patronat des trusts et pour tirer tous les salaires, y compris bien sûr ceux des Français, vers le bas.  Au nom de l’urgence, c’est la réaction de Sarkozy et de presque toute la classe politico-médiatique face à la répression rugbyllistique des agitations et rebellions (armées) en Libye par Mouammar Kadhafi. Réaction inconsidérée et épidermique. En urgence et à grande vitesse, c’est même ainsi que l’on décide de la construction ou non de lignes de train à grande vitesse, dites T.G.V.

Un nouveau dictionnaire des idées reçues de Flaubert dirait donc peut-être : « Urgence. Répondre à ». Répondre en urgence à la question du mal-logement par exemple. Avec… des logements d’urgence. Erreur. La bonne réponse est : « Résister à ». Il faut (il faudrait !) résister à l’urgence. Mais ce n’est pas si simple. La preuve : en tapant sur un célèbre moteur de recherche « résister » et « urgence », vous n’obtenez guère de réponses sur le thème « Il faut résister à l’urgence, au Diktat de l’urgence, et voici comment » mais beaucoup de réponses du type « Il est urgent de résister » ! Ce qui n’est pas du tout la même chose et est même le contraire. 0r s’il est parfois nécessaire de résister (à bien des choses d’ailleurs), il est plus nécessaire encore de comprendre à quoi l’on devrait résister, pourquoi on en est arrivé là, et comment résister de manière efficace – ce qui nécessite en général de prendre un peu de temps. Le contraire de réagir dans l’urgence.

Les techniques proliférantes nous imposent l’immédiateté. Difficile de répondre à Nicolas Gauthier que son courrier nous demandant pour jeudi au plus tard un papier sur l’urgence est arrivé trop tard, pour cause d’un accident de cheval au relais de poste. Dans le même temps, nous vivons de plus en plus vieux mais sommes de plus en plus angoissés par l’avenir, par le temps, et surtout par… la peur du manque de temps. Jacques André, professeur à l’Université Paris-Diderot, a appelé cela Les désordres du temps (P.U.F., 2010). L’immédiateté en est un des aspects, la frénésie de « ne pas perdre son temps » en est un autre aspect : elle amène à aller vite, à faire plein de choses en peu de temps, voire… en même temps, à rencontrer plein de nanas parce que le temps est compté, à être tout le temps « surbooké » sans guère produire de choses définitives ni même durables. Nicole Aubert écrit : « Pour les drogués de l’urgence, atteindre le but fixé, s’arrêter, c’est l’équivalent de la mort. On le voit très bien dans les séries télévisées qui ont actuellement le plus de succès : Urgences, 24 heures chrono… Elles mettent en évidence que si l’on cesse de foncer ne serait-ce qu’une seconde, quelqu’un va mourir. » Exemple : que restera-t-il de Sarkozy ? Le symbole d’un homme pressé, inefficace, et un peu dérisoire. Trois fois moins que Spinoza ou Alain de Benoist, qui n’ont pas fait de politique mais qui ont pris le temps d’une œuvre et d’une pensée.

Chercher la performance donc la vitesse est gage d’efficacité dans notre monde. Ce n’est pas strictement moderne. Napoléon, le dernier des Anciens, était comme cela. Mais le monde moderne tend à ériger cela – qui était l’exception – en modèle. Le rapport faussé au temps est une des formes du malaise de l’homme moderne. « Aujourd’hui, nous n’avons plus le temps d’incuber les événements et de les élever au statut d’événements psychiques  » note le psychanalyste Richard Gori. Nous nous laissons ballottés par le présent sans nous donner le temps de le digérer. Nous ne maîtrisons plus rien car toute notre énergie est dans la réaction à ce qui nous arrive. Le psychanalyste Winnicott note : « Pour pouvoir être et avoir le sentiment que l’on est, il faut que le faire-par-impulsion l’emporte sur le faire-par-réaction. » Il faudrait pour cela échapper à la pression, c’est-à-dire à l’urgence. Laurent Schmitt, professeur de psychiatrie, s’interroge, dans Du temps pour soi (Odile Jacob, 2010) sur notre faculté à suroccuper notre temps, fusse par des futilités. « Cette facilité à combler le moindre temps mort conduit tout droit à l’ennui et au mal-être. Voici un nouvel enjeu essentiel à notre qualité de vie. Le combat ne se limite plus à gagner du temps libre mais à reconnaître “ notre ”  temps, derrière les multiples occupations, celui en accord avec notre intimité et nos vraies aspirations. » En fait, ce que l’économiste américain Joseph Stiglitz appelle Le triomphe de la cupidité concerne aussi notre rapport au temps. Peter Sloterdijk remarque : « Notre nouveau rapport au temps peut s’appréhender comme “ existentialisme de la synchronisation ” et implique « l’égalité de tous devant le présent homogène de la terre. »

Ne pas vouloir « perdre son temps », ne pas discuter avec un inconnu, ne pas consacrer du temps à un gamin revêche, etc., à un certain degré, cela relève de l’égoïsme. De la volonté forcenée de ne pas « gaspiller son temps ». Se libérer de l’urgence, c’est aussi se libérer de cela.

Le culte de l’urgence est lié à celui de la transparence. Il s‘agit de réagir vite à une situation que l’on suppose claire, transparente, sans équivoque. Les deux maux se tiennent. Ils concourent tous deux à ce que Pierre Rosanvallon appelle « la myopie démocratique ». La logique du monde moderne, c’est de saturer à la fois l’espace et le temps. « Le progrès et la catastrophe sont l‘avers et le revers d’une même médaille. C’est un phénomène qui est masqué par la propagande du progrès », note Paul Virilio. La propagande du progrès est en d’autres termes le court-termisme, l’absence d’horizon. Face à cela, la fonction présidentielle, à laquelle nous pouvons penser hors de l’urgence – il reste plus de douze mois – devrait répondre aux besoins de long terme, de permanence des choix et des identités, à la sécurité de notre être personnel et collectif, on appelle cela la nation, ou plus simplement encore : le peuple, notre peuple. L’exercice de cette fonction devrait répondre aux besoins de durabilité de la France, notre pays, et de l’Europe, notre destin. Le moment viendra où il faudra s’en souvenir.

Pierre Le Vigan

• D’abord paru dans Flash, n° 62, 24 mars 2011, (quelques modifications et ajouts ont été introduits pour le présent texte).


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