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mercredi, 03 novembre 2010

La nouvelle gauche et le mépris des classes populaires

La nouvelle gauche et le mépris des classes populaires

Ex: http://unitepopulaire.over-blog.com/

GaucheCaviar.jpg« En France, c'est le film Dupont Lajoie (Yves Boisset, 1974) qui illustre de manière à la fois emblématique et caricaturale, l'acte de naissance d'une nouvelle gauche, dont le mépris des classes populaires, jusque-là assez bien maîtrisé, pourra désormais s'afficher sans le moindre complexe. C'est, en effet, au lendemain de la défaite sanglante du peuple chilien, défaite dont le pouvoir alors traumatisant est aujourd'hui bien oublié, que cette nouvelle gauche s'est progressivement résolue à abandonner la cause du peuple (dont chacun pouvait désormais mesurer les risques physiques que sa défense impliquait) au profit d'une réconciliation enthousiaste avec la modernité capitaliste et ses élites infiniment plus fréquentables. C'est alors, et alors seulement, que l'"antiracisme" (déjà présenté, dans le film de Boisset, comme une solution idéale de remplacement) pourra être méthodiquement substitué à la vieille lutte des classes, que le populisme pourra être tenu pour un crime de pensée et que le monde du showbiz et des médias pourra devenir la base d'appui privilégiée de tous les nouveaux combats politiques, aux lieux et place de l'ancienne classe ouvrière. »

 

Jean-Claude Michéa, "L’Empire du Moindre Mal : Essai sur la Civilisation Libérale " (Climats, 2007)

mardi, 02 novembre 2010

Un esprit libre: Slavoj Zizek

Un esprit libre: Slavoj Zizek

Ex: http://unitepopulaire.over-blog.com/

Slavoj_Zizek.jpg« Ce philosophe, issu d’un pays encore plus improbable que la Pologne d’Ubu Roi, la Slovénie, est un dur, aux antipodes des essayistes tièdes dont la France s’est fait une manière de spécialité. Mais sa dureté est bardée d’humour. [...] Marxisme et christianisme, qui ont été chats et chiens avant d’être copains comme cochons ont aujourd’hui un ennemi commun : les "nouvelles spiritualités", c’est-à-dire, en langage politiquement incorrect, la bétise bleu ciel. "L’héritage chrétien authentique est bien trop précieux pour être abandonnés aux freaks intégristes" insiste avec vigueur et jubilation Zizek. [...] Confrontant l’amour (la charité chrétienne) à la loi (la prescription judaïque), et défaisant la première par la seconde à partir des épîtres de Saint Paul, comme l’avait déjà fait son maître Alain Badiou, Zizek montre avec brio que les droits de l’homme sont en réalité des droits autorisant la violation des dix commandements. L’ONU ne descend pas du Sinaï, elle le contourne. [...] Aussi rappelle-t-il comment [en Slovénie] la régression ethnique et nationaliste a été vécue par ceux qui s’y étaient éclatés comme une formidable libération vis-à-vis d’une société postmoderne mondialisée, permissive et hédoniste en apparence, corsetée de restrictions et d’interdits en réalité, et donnée comme indépassable partout. Les démocraties occidentales ont tout faux lorsqu’elles s’imaginent que toutes les libertés sont de leur côté et toutes les servitudes de l’autre. »


Christian Godin, "Slavoj Zizek : sauver le christianisme... et le marxisme !", Marianne, du 16 au 22 février 2008



Sur la Suisse :

« Je l’aime beaucoup et je déteste les gauchistes qui la trouvent trop aseptisée. Au moment de son indépendance, le rêve de la Slovénie était d’ailleurs de devenir une autre Suisse. D’une certaine manière, elle a réussi : on est anonyme, personne ne sait qui est notre premier ministre... »

 

Sur la liberté et l’ordre :

« Je suis absolument hostile à l’idée selon laquelle l’ennemi serait l’autorité ou l’ordre. La liberté suppose d’abord que les choses fonctionnent. Aujourd’hui, dès que vous dites discipline ou sacrifice, ou vous répond fascisme ou goulag. La gauche devrait rejeter ce chantage et se réapproprier l’ordre et l’héroïsme. »

 

Sur la société hédoniste :

« Les psychanalystes constatent qu’on se sent coupable lorsqu’on ne peut pas jouir. La jouissance est littéralement élevée au rang de devoir. La formule libérale est : ton devoir est de jouir. La formule autoritaire : tu dois jouir de ton devoir. Cet hédonisme radical est hégémonique. [...] Le destin de la psychanalyse se joue là : est-ce qu’elle va nous apprendre à nous libérer de ce surmoi obscène qui nous contraint à la jouissance ? »

 

Sur la gauche :

« Qu’est devenue la gauche ? Quand j’étais jeune, on parlait de socialisme à visage humain. Aujourd’hui, tout ce que la gauche est capable d’imaginer, c’est le capitalisme à visage humain, avec plus d’écologie, un peu plus de respect pour le tiers-monde... Mais on reste devant le même horizon : tout le monde considère qu’on ne peut pas penser au-delà du capitalisme associé à la démocratie libérale. »

 

Sur le marxisme :

« Je ne suis pas un marxiste en quête de révolution, je suis plutôt un marxiste pessimiste qui observe les contradictions du capitalisme global. [...] Nous ne sommes pas devant une alternative entre le capitalisme sous sa forme actuelle et autre chose. Dans quelques décennies, il est clair que cela sera autre chose. »

 

 

Slavoj Zizek, L’Hebdo, 6 mars 2008

00:15 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : philosophie, slovénie, sociologie, esprits libres | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 01 novembre 2010

Des protozoaires de la gauche Caviar-Carla

Des protozoaires de la gauche Caviar-Carla

Ex: http://ruminances.unblog.fr/

caviar01.jpgA l'origine, j'avais envisagé d'écrire un billet sur la gauche Caviar-Carla (Ca²). La composante la plus récente mais non la moins influente du Sarkozysme. Celle qui a permis à notre président de découvrir à 54 ans les joies de la lecture, du théâtre et des concerts branchouilles. Celle pour qui l'argent a une odeur fétide mais qui est bien contente d'en posséder un max. Celle qui méprise la bande du Fouquet's, noyau dur et socle initial du Sarkozysme, constituée avant tout de puissants patrons de groupes industrialo-médiatiques comme Bernard Arnault, Martin Bouygues, Vincent Bolloré ou Serge Dassault mais également de poids lourdingues du monde du show bizz et du sport  comme Johnny Hallyday, Christian Clavier, Jean Réno, Arthur, Basile Boli, Bernard Laporte ou encore Richard Virenque. Une belle brochette de joyeux drilles soit dit en passant…

La gauche Ca² n'a pas plus de considération pour la branche politique du Sarkozysme, faite de courtisans du premier cercle qui doivent tout à Nico 1er. Un aréopage improbable de perroquets dressés à répéter dans les médias exactement les mots que leur a appris leur maître le matin même. Des porte-flingues fidèles à jamais, prêts à tout pour sauver leur chef car ils n'existent politiquement que grâce à lui. Et là, on trouve pêle-mêle Frédéric Lefebvre, Xavier Bertrand, Brice Hortefeux, Nadine Morano, Christian Estrosi, les époux Balkany, Roger Karoutchi (actuellement sur la touche) ou encore Rachida Dati (revenue  en cour)…

Non la gauche Ca², c'est autre chose, voyez-vous. Je m'apprêtais à essayer de savoir ce qu'elle recouvrait exactement quand je suis tombé sur un excellent papier du Monde signé Ariane Chemin. Il narre la soirée de mariage d'Henri Weber et de Fabienne Servan Schreiber, le 15 septembre 2007, soit quelques jours avant la rencontre mythique chez Séguéla entre la belle transalpine et le petit teigneux.  Force est de constater que tous les composants de la gauche Ca² sont au rendez-vous. Ils sont venus, ils sont tous là. Inutile d'en rajouter…

La gauche à la noce
Gare aux trompettes de la renommée. Par un bouche-à-oreille très parisien, le mariage de Fabienne Servan-Schreiber, productrice de cinéma et de télévision, et d’Henri Weber, héros trotskiste devenu député socialiste européen, s’est transformé en quelques jours en un petit happening politique, échappant malgré eux à ses organisateurs. Restes d’une belle lucidité soixante-huitarde, génération qui aime tant se raconter ? Nombre des 800 invités de la fête ont éprouvé l’envie de rapporter, les jours suivants, leur soirée du samedi 15 septembre, sentant confusément que, sous les rampes du Cirque d’hiver, s’était dessiné un tableau allégorique. Ou devinant que, dans ces retrouvailles de la gauche arrivée, s’était écrite, volens nolens, une petite fable.

Quand ils ont trouvé le carton d’invitation dans leur boîte aux lettres, grâce au carnet d’adresses impeccablement tenu de “Fabienne”, certains se sont d’abord demandé : “Comment ? Ces deux-là ne sont pas encore mariés ?” Beaucoup ont souri sans méchanceté : “Ce vieux soixante-huitard d’Henri souscrit même au rite bourgeois et passe la bague au doigt devant monsieur le maire !” Le dernier samedi de l’été, jour de ciel bleu, de Vélib’ et de Technoparade, ce couple star de Mai 68, en présence de ses trois grands enfants, s’est donc dit “oui” devant Bertrand Delanoë, avant d’être accueilli par les clowns du Cirque d’hiver. Une adresse fameuse, entre République et Bastille, là où, au XXe siècle, quand elle gagnait encore les élections présidentielles, la gauche fêtait ses victoires, fidèle au Paris ouvrier et rebelle.

Avec la Mutualité, le Cirque d’hiver demeure l’un des lieux de mémoire parisiens. C’est ici, sur la piste aux étoiles des Bouglione, qu’est né le MRAP, organisation antiraciste, en mai 1949. Là que se sont tenus quelques célèbres meetings de campagne de François Mitterrand, Lionel Jospin, puis Ségolène Royal. Là que s’est souvent réunie en messes unitaires la gauche partisane et syndicaliste. “On se fait une Mutu ?” “On se tente un Cirque ?”, demandaient les responsables. La “Mutu” est moins chère - entre 12 000 et 15 000 euros la salle -, mais le “Cirque” est plus vaste. Or, a expliqué sur la piste Denis Olivennes, le patron de la FNAC, dans un compliment bien troussé : “Quand on se marie à 25 ans, on invite 50 amis ; à 35, 200. Quand on se marie beaucoup plus tard, on en reçoit 800. Et avec les connaisssances, il leur aurait fallu le Stade de France !

Durant la campagne présidentielle, Fabienne Servan-Schreiber, indéfectible soutien de la gauche, avait réuni artistes et intellectuels prêts à soutenir Ségolène Royal dans un gymnase parisien. A 63 an, le marié, lui, est un lieutenant fidèle de Laurent Fabius, comme son ami Claude Bartolone, y compris lorsqu’il lui a fallu dire non à la Constitution européenne. Foin des querelles entre ex-trotskistes, des oukases contre ceux qui lorgnent trop, depuis quelques mois, vers la droite : du groupe trotskiste lambertiste OCI aux hauts fonctionnaires centristes des Gracques, ce soir-là, Henri Weber réunissait gaiement tout le monde.

Lionel Jospin et son épouse, Sylviane Agacinski, dînaient à quelques tables de la présidente de la région Poitou-Charentes, venue avec ses enfants. “Il paraît qu’il a écrit un livre terrible et ignoble contre moi“, confiait-elle à ses voisins (c’était deux jours avant que Libération ne publie les extraits chocs de L’Impasse - éd. Flammarion). Entre deux avions, Dominique Strauss-Kahn, alors futur patron du FMI, honorait les mariés de sa présence. “On le regardait déjà différemment, il est devenu international“, s’amusait un convive.

Enfin, last but not least, la gauche sarko-compatible, des chargés de mission aux ministres, avait fait le déplacement en masse : l’ex-patron d’Emmaüs, Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives, le secrétaire d’Etat aux affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet, le ministre des affaires étrangères, Bernard Kouchner - une des vedettes de la fête. “Il est resté tard, pour montrer qu’il n’avait pas de problème avec sa famille politique, commente un invité. Quand on pense en revanche à tout ce qu’Henri lui a donné, Fabius aurait pu s’attarder.” Arrivé pour le cocktail, l’ancien premier ministre est reparti avant le dîner…

Est-ce la présence des banquiers - Bruno Roger, le patron de Lazard, Philippe Lagayette, de chez JP Morgan, ou Lindsay Owen-Jones, le patron de L’Oréal ? Celle des ténors du barreau, ou des patrons de télévision - Patrice Duhamel, Jérôme Clément, Patrick de Carolis ? “C’était comme si la gauche n’avait pas perdu les élections“, sourit un membre de la noce. “Si on n’est pas invité ce soir, c’est qu’on n’existe pas socialement“, souffle le psychanalyste Gérard Miller à ses camarades de table. Patrick Bruel, Carla Bruni ou Julien Clerc… Mélange des étiquettes et des genres provoquent toujours quelques scènes dignes du cinéma, comme l’arrivée spectaculaire de Georges Kiejman accompagné de Fanny Ardant, ou le compagnonnage du journaliste Jean-François Kahn, patron de Marianne, avec Alain Minc, ami du président de la République.

S’ils sont tous là, c’est parce que la petite histoire des héros de la soirée a rencontré celle de la gauche. Leurs vies militantes se sont emmêlées avec la grande politique, puis, une fois la gauche au pouvoir, avec la réussite. Avant de devenir sénateur à Paris puis député à Bruxelles, le fabiusien Henri Weber fut un enfant de Mai 68. Cofondateur de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) avec Alain Krivine, il a dirigé Rouge, le journal de l’organisation trotskiste, qu’il a créé avec les droits d’auteur de son Mai 1968 : une répétition générale - réédité tous les dix ans en “poche”. Pour le mariage, Fabienne portait d’ailleurs une robe bustier écarlate, dessinée par Sonia Rykiel. Et c’est une ancienne claviste de Rouge, Sophie Bouchet-Petersen, devenue “plume” et amie de Ségolène Royal, qui prononça le deuxième discours de la soirée. “Les bonnes formations passent les années !”, applaudit en expert l’un des trotskistes de la fête au Cirque d’hiver.

C’est justement là, en juin 1973, que s’est nouée l’idylle. Avec la petite caméra qui ne la quitte jamais, une jolie étudiante filme, devant le bâtiment, la foule qui proteste contre la dissolution de la Ligue communiste, après les affrontements violents qui ont opposé ses militants à ceux du groupe d’extrême droite Ordre nouveau. A l’intérieur, Jacques Duclos, secrétaire général du PCF, s’indigne - grande première - des ennuis causés aux “gauchistes” par le ministre de l’intérieur, Raymond Marcellin. Perché sur un feu rouge, un jeune homme vocifère dans son mégaphone et tempête contre l’emprisonnement du camarade Krivine. Belle gueule, bel esprit. Dans le viseur de sa super-8, Fabienne Servan-Schreiber tombe amoureuse du fils d’immigré d’Europe de l’Est grandi à Belleville…

L’avantage, quand on devient célèbre et qu’on se marie tard, c’est qu’on échappe aux discours potaches et aux mauvaises vidéos amateurs. De sa maison de production, Cinétévé, Fabienne Servan- Schreiber, scénariste et réalisatrice du film de ses noces, a tout prévu. Côté archives, le fonds “maison” est large. On peut aussi puiser dans celui des invités : Romain Goupil et son Mourir à trente ans, les épisodes de Génération des historiens de Mai 68 Patrick Rotman et Hervé Hamon…

La mariée a confié les commentaires du film-souvenir, Trente-quatre ans de fiançailles, à l’un des plus solides amis du couple, celui des bons et des mauvais jours : Régis Debray. Devant Edgar Morin et un parterre d’intellectuels sexagénaires, le philosophe peut enfin commenter à sa sauce les fameux “événements” d’il y a presque quarante ans et… leur apothéose. Les Weber cabotant le long des côtes dans leur caïque turc à voiles plutôt qu’en croisière sur le Paloma, n’est-ce pas la dernière différence entre la droite et la gauche ? “Tendres sarcasmes”, signe Régis Debray au générique.

Ont-ils trop vieilli, l’ont-ils trop aimée, la révolution ? Sur la piste, une fois le sirtaki de Bernard Kouchner et de Christine Ockrent fini, il n’y eut vite plus que les enfants des invités pour danser sur les “compil” du DJ déniché par “Fabienne” au festival du documentaire de Biarritz. Lionel Jospin est resté assis sur le bord de la piste. Le dernier carré des révolutionnaires est parti se coucher, après avoir exhumé, tristes et désolés, les jolis coups et les bons mots de l’ami Jean-François Bizot, grand absent de la fête, mort juste une semaine plus tôt.

Des convives présents, on n’a guère entendu que le chercheur Patrick Weil protester, les jours suivants, contre la politique d’immigration du nouveau gouvernement. Invité aux noces, Alain Krivine avait décliné l’invitation.

Que le très fabiusien Henri Weber se marie, c’est son droit le plus strict, commentait Rouge d’une brève, le 21 septembre. Qu’il organise un dîner politico-mondain où se sont retrouvés, outre le panel des dirigeants socialistes, la députée UMP Françoise de Panafieu et Bernard Kouchner, le va-t-en-guerre, montre que nous ne vivons pas dans le même monde et que nous n’avons pas la même conception de la politique.” Cette fois-ci, c’est Krivine qui jouait les trouble-fête. Pour parfaire la légende, il faut toujours quelques absents au banquet de la jeunesse disparue.

Ariane Chemin

Photo : Fabrizio Ferri

jeudi, 28 octobre 2010

Les banlieues masquent les vraies fractures françaises

Les banlieues masquent les vraies fractures françaises

Ex: http://fortune.fdesouche.com/

Quinze ans après le fameux slogan de campagne de Jacques Chirac sur la « fracture sociale », où en sont les inégalités ? Le constat du géographe Christophe Guilluy dénonce l’incapacité de nos dirigeants à pallier les inégalités territoriales.

Il y a 15 ans maintenant, Jacques Chirac emportait l’élection présidentielle grâce à une intuition que résumait non pas son indigeste premier slogan « manger des pommes » mais le second, ô combien plus politique, dénonçant la « fracture sociale ».

Pour Christophe Guilluy, rien n’a vraiment changé en 15 ans. Au contraire, d’évitement en évitement, les cassures se sont approfondies, diffusées, multipliées, comme un cancer mal soigné se métastase.

Avec « Fractures françaises », son dernier essai, dont on peut lire quelques extraits ci-dessous, le géographe dresse un constat alarmiste sur la situation des couches populaires après 20 ans de mondialisation à marche forcée. Cette fois-ci, ce sera sans cartes, mais avec en appui un sérieux paquet de statistiques.

Car il s’agit ni plus ni moins pour ce chercheur que de dénoncer l’incroyable cécité des politiques publiques, à comprendre, apprécier, mesurer les inégalités territoriales qui se sont maintenant enkystées dans ce «vieux pays». Derrière ces territoires, ce sont évidemment des populations.

Alors que les dynamiques de mondialisation, de « métropolisation », et d’émergence du multiculturalisme à l’œuvre depuis deux voire trois décennies ont ébranlé le « principe d’égalité sociale ». Les réponses apportées ont à chaque fois tapé à coté de l’objectif, mainte fois répété, rarement atteint, de maintien des principes républicains.

La banlieue occulte tous les autres territoires

 

Cet aveuglement, les politiques l’ont en partage avec nombre d’acteurs de la sphère publique. Et d’abord les médias, comme on l’a encore vu récemment avec ces journalistes du Point abusés par leur « fixeur » de Montfermeil dans leur « enquête » sur la polygamie en banlieue.

S’il est vrai que se posent dans ces espaces des questions aussi sensibles que le « vivre-ensemble », comme viennent le confirmer les travaux du sociologue Hugues Lagrange sur la sur-délinquance, cette banlieue est, selon l’auteur, désignée à tort comme une terra incognita. Guilluy rappelle l’importance des travaux académiques qui lui sont consacrés comme des milliards d’argent public qui y sont dispensés.

Le problème est que la banlieue finit par occulter tous les autres territoires. Et par ricochet, la question sociale, pour le plus grand profit d’une droite sarkozyste qui a fait de l’insécurité son fonds de commerce, avec les (non-) résultats que mesurent parfaitement les statistiques.

Pour lui, un consensus « caricatural » s’est imposé : les banlieues concentrent tous les problèmes, sous-entendu il n’y en a pas ailleurs. Dit autrement : « l’idée d’une société française divisée entre les exclus, essentiellement les minorités qui vivent en banlieue, et la classe moyenne ».

A la faveur de ce discours, qualifié de dominant, disparaît donc la question de la relégation culturelle et spatiale (les grands espaces périurbains, au-delà des banlieues) des classes moyennes et populaires. A cette montée des inégalités monétaires, et surtout d’opportunité d’ascension, tant pour les français dits de souche que pour les immigrés, répond une politique centrée sur une analyse essentiellement communautariste.

La promotion de la diversité qui en découle aboutit aux rustines de la discrimination positive, déjà en place à l’ENA ou à Sciences-Po. Pourtant, comme le note l’auteur, « si les élites sont prêtes à s’ouvrir à la diversité ethnique, peu considèrent la diversité sociale, que remettrait en cause un système dont elles bénéficient, comme une priorité ».

Ces fractures françaises dessinent un territoire en recomposition, où seuls s’imposent les problèmes de la banlieue, que résoudraient à bon compte l’émergence d’une société dite multiculturelle. De leur déni nait le mythe d’une société apaisée au sein de laquelle s’épanouirait une classe moyenne majoritaire et bénéficiaire de la mondialisation.

En fait, le chômage de masse qui s’incruste depuis 30 ans, l’abstention massive, les inégalités de revenus qui s’accroissent, ou encore le fait que les masses populaires disparaissent des écrans radar des médias, invalident totalement cette analyse.

L’ouverture massive des frontières aux biens et aux personnes, qui élargissent ces « fractures françaises » demeure un invariant, dont l’élite profite indéniablement, quitte à faire voler en éclats le modèle républicain.

———————–

Extraits du livre « Fractures Françaises », du géographe Christophe Guilluy, chez François Bourin Editeur, 19 € :

Certaines thématiques structurent plus que d’autres le discours dominant. Depuis 1990, la banlieue, les minorités et la classe moyenne occupent ainsi l’essentiel du discours des prescripteurs d’opinions et, singulièrement, de la classe politique.

À aucun moment, la question de la pertinence de ces représentations sociales et territoriales n’a été posée ; celles-ci traduisent pourtant une interprétation très idéologique des oppositions sociales.

La remise en cause des représentations sociales de la société française n’est pas un exercice «technique», ni même un débat sociologique. Cette critique des représentations courantes permet d’interroger la pertinence des discours politiques, médiatiques et culturels, et d’identifier ainsi l’une des causes majeures de la fracture entre le peuple et ses élites.

La montée de l’abstention et du « populisme » est présentée comme un rejet du politique ou des partis. Elle est en réalité l’illustration d’un décalage croissant entre la réalité et les représentations qui influencent le discours des partis politiques.

On comprend, dans ce contexte, que 67% des Français ne fassent plus confiance ni à la gauche ni à la droite et que seulement une minorité d’entre eux arrivent encore à se situer sur l’échelle gauche/droite. Comment se sentir impliqué par un débat politique essentiellement centré sur des représentations erronées de la société française ?

La crise démocratique est d’abord celle d’une grille de lecture dépassée. La question des banlieues occupe une place de choix dans cette grille. Il s’agit certainement de la thématique la plus médiatisée et certainement la plus erronée. Elle s’articule avec celle des classes moyennes.

Ces deux thèmes ne sont pourtant jamais mis en relation. La littérature consacrée aux deux sujets est abondante, mais ne montre pas comment ces questions se nourrissent l’une de l’autre. Pourtant, l’une n’existe pas sans l’autre.

banlieues.jpgLes quartiers sensibles se définissent ainsi comme des territoires désertés par les classes moyennes. L’image de ces « no-middle-class-land » s’est construite en creux, en comparaison d’une classe moyenne majoritaire et intégrée vivant sur d’autres territoires, notamment périurbains.

Cette analyse caricaturale d’une société divisée entre les « exclus » et les « petits bourgeois », entre les cités et les pavillons, a été confortée par l’émergence de la thématique des minorités. Les exclus, ceux qui se concentrent dans les quartiers sensibles, font partie des minorités visibles, les classes moyennes appartenant mécaniquement à la majorité invisible.

L’opposition d’une France des ghettos ethnicisés à une France des pavillons permet de valider l’idée d’une société structurée par un apartheid urbain et ethnique. Peu importe que les banlieues ne soient pas les ghettos américains, que la France pavillonnaire ne soit plus celle de l’ascension sociale des classes moyennes, et que, au final, cette géographie sociale n’existe pas.

Cette construction sociologique et urbaine est désormais gravée dans le marbre politique et médiatique : des territoires et des populations qui ne seront jamais des classes moyennes, face à des territoires qui, au contraire, y sont fermement arrimés.

Cette doxa « sociospatiale » n’est pas seulement une posture médiatique, elle a des conséquences idéologiques profondes. Elle permet, nous le verrons, d’accompagner en douceur l’intégration à la mondialisation libérale en rendant obsolète la question sociale et ainsi, de remplacer peu à peu l’égalitarisme républicain par un «égalitarisme multiculturel», beaucoup moins exigeant socialement.

La déconstruction du discours sur la banlieue, les minorités et les classes moyennes, vise à remettre en cause une représentation idéologique de la société française, afin de discerner les véritables dynamiques à l’œuvre dans la société et sur les territoires.

En effet, « la banlieue » n’existe pas. Il ne s’agit évidemment pas là de remettre en cause l’existence de territoires urbains où vivent les trois quarts de la population urbaine. Il ne s’agit pas non plus de nier l’évidence d’une concentration des difficultés sur certains territoires où les taux de chômage et de pauvreté sont effectivement très élevés.

Il s’agit, en revanche, de nous interroger sur la signification du surgissement dans le discours politique du « ghetto à la française ». Stigmatisée et victimisée, la « banlieue-ghetto » participe à la construction d’une représentation erronée de la société française.

Hormis le fait qu’elle empêche de poser le véritable diagnostic des quartiers sensibles, elle masque l’importance des nouvelles dynamiques urbaines et sociales. La situation des banlieues est d’abord la conséquence de l’émergence d’une nouvelle géographie sociale insuffisamment prise en compte.

Une géographie médiatique

Ainsi, pour y voir plus clair, une petite leçon de géographie sociale s’impose. La transformation des villes, les évolutions économiques, la démographie modèlent insensiblement le paysage social.

La géographie sociale est aussi le fruit d’un héritage. Les représentations des territoires sont pour partie héritées de deux périodes : celle de la révolution industrielle et celle, plus récente, des Trente Glorieuses.

La vision dix-neuvièmiste des territoires oppose les quartiers ouvriers et les régions industrielles aux quartiers bourgeois et aux régions tertiairisées. Née de la révolution industrielle, cette géographie structure encore socialement le territoire.

Une autre est venue compléter ce dispositif, celle forgée durant les Trente Glorieuses (1945-1975). Cette géographie de la « moyennisation » est celle de la France pavillonnaire. Cette France périurbaine se confond avec la France des classes moyennes en voie d’ascension sociale.

Ces géographies sociales « héritées » s’effacent peu à peu dans les années 1980, pour laisser la place à une autre représentation sociale des territoires, celle des banlieues.

Contrairement aux autres, cette géographie-là est d’abord une « géographie médiatique » : « vu à la télé », modelé au fil des ans par la puissance médiatique des images, le paysage des quartiers sensibles s’est imposé à l’ensemble des prescripteurs d’opinions, avant même d’avoir fait l’objet d’une analyse sociale et scientifique sérieuse.

L’étude des dynamiques sociales pèse en effet peu, face aux images d’émeutiers armés de Villiers-le-Bel ou du quartier de la Villeneuve à Grenoble.

Ainsi, et pour la première fois, ce ne sont plus les seuls acteurs sociaux qui modèlent et écrivent l’histoire sociale, mais les médias et plus largement les prescripteurs d’opinions. Le traitement médiatique de la question des banlieues n’aura pas seulement contribué à créer de nouvelles représentations sociologiques, il est aussi à l’origine d’une géographie sociale qui structure désormais les discours politiques.

Il est ainsi frappant de constater la rapidité avec laquelle la géographie sociale traditionnelle s’est effacée. Les territoires de la France ouvrière, industrielle, l’histoire bicentenaire des quartiers populaires des grandes villes, sans parler de la France rurale… tout cela s’est évanoui peu à peu dans les années 1980-1990, au fur et à mesure qu’émergeait l’obsession des banlieues.

Cette disparition n’est pas seulement la conséquence du passage de la société industrielle à la société postindustrielle, mais participe à un mouvement idéologique qui vise notamment à substituer la question sociale à des questions sociétales. Ce qui est vraiment en cause ici n’est pas le traitement de la crise des banlieues par les médias, mais l’utilisation politique de ce traitement.

2008-01-22T180422Z_01_NOOTR_RTRIDSP_2_OFRTP-FRANCE-BANLIEUES-GAUCHE-20080122.jpgLe « paysage médiatique » est devenu le « paysage social de référence » et le reflet de l’idéologie des élites. L’analyse de la genèse de cette représentation permet d’éclairer cette dimension idéologique.

Les urbanistes et sociologues ont l’habitude de faire démarrer la crise des banlieues et la politique de la ville en 1973. Les pouvoirs publics créent alors le premier groupe de réflexion sur les quartiers de grands ensembles de logements sociaux. Cette année de naissance est techniquement pertinente puisque l’attention portée aux grands ensembles va précéder les émeutes urbaines.

Cet acte de naissance marque une volonté, dès les années 1980, de « techniciser » et d’«urbaniser» une question qui est d’abord démographique, culturelle et idéologique. La banlieue comme « objet politique et médiatique » est née en septembre 1979, précisément dans la banlieue lyonnaise, à Vaulx-en-Velin.

Pour la première fois, des émeutes urbaines, que l’on croyait réservées aux pays anglosaxons ou à ceux du tiers-monde, venaient frapper le territoire français. Pendant plusieurs jours, les jeunes du quartier de la Grappinière multiplient les « rodéos », affrontent la police et incendient des voitures.

Pire, ces échauffourées sporadiques se multiplient et touchent d’autres communes et quartiers de la banlieue lyonnaise. Villeurbanne, notamment la cité Olivier-de-Serres, est touchée en 1980.

Un an plus tard, c’est au tour de Vénissieux et du quartier des Minguettes de subir des violences urbaines d’une rare intensité. Les politiques sont sous le choc, comme paralysés par des violences qui concernent une France qu’on ne connaît pas, celle des jeunes Français issus de l’immigration maghrébine. La banlieue, c’est d’abord une image, celle de ces jeunes Français qui défient la police.

Le choc est d’abord culturel, et non pas urbain. Ces événements seront d’ailleurs le point de départ en 1983 de la « Marche civique pour l’égalité et contre le racisme », baptisée « Marche des Beurs » par les médias, dont les revendications sont sociales et culturelles ; la question urbaine et celle des violences n’apparaissent qu’en second plan.

Le traitement médiatique et politique de ces événements modèle assez rapidement l’image-type d’un paysage angoissant, celui de grands ensembles de logements sociaux, souvent dégradés et où les violences sont récurrentes. Le discours sur l’« urbanisme criminogène » prend le pas sur la question sociale et culturelle.

La loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire définira, en 1995, ces quartiers difficiles comme des « zones sensibles se caractérisant par la présence de grands ensembles ou de quartiers d’habitat dégradés ».

Plus tard, sur un même registre, on évoquera la question de la « concentration des difficultés », l’idée étant toujours d’aborder le sujet à travers un prisme urbanistique, qui suggère qu’il existe une volonté politique de concentrer les populations issues de l’immigration maghrébine dans des ghettos.

La sur-représentation, depuis trente ans, des banlieues difficiles, non seulement dans les médias mais aussi dans le monde de la recherche, impose alors le ghetto comme le paysage emblématique de la crise de la société française. La thématique banlieusarde est désormais omniprésente.

Sur le sujet, la littérature, notamment sociologique, est prolifique. Il n’y a désormais plus un seul quartier sensible qui n’ait échappé à sa thèse, à sa recherche urbaine, plus un seul îlot qui ne vive en permanence sous l’œil d’un observatoire local ou national. On connaît tout, absolument tout de ces territoires les plus étudiés de France ; de l’immeuble à l’îlot, rien n’échappe à l’analyse.

Paradoxalement, cette attention extrême ne semble pas remettre en cause l’idée selon laquelle la banlieue resterait une « terra incognita » ; une idée très répandue, qui permet au passage de faire perdurer la production de reportages, sous prétexte d’investigations inédites ou de nouvelles recherches.

Cette attention générale impose de fait les quartiers difficiles dans l’agenda des politiques. Pour l’année 2008, le journal Le Monde avait relevé que le seul département difficile de la Seine-Saint-Denis avait ainsi enregistré 174 déplacements ministériels.

Il n’y a pas que des jeunes en banlieue, et il y a aussi des jeunes ailleurs !

On pourrait expliquer cette exploration en continu des quartiers difficiles, par l’intérêt pernicieux de médias pour des territoires qui font vendre. L’explication est un peu courte.

En réalité, cette attention médiatique est provoquée par le fantasme d’une classe dirigeante persuadée d’être face à l’apparition en France du « ghetto black américain » et d’une jeunesse rebelle issue des minorités ethniques : la France est désormais face aux jeunes du ghetto.

Problème, la banlieue française n’est pas le « ghetto black ». La jeunesse agitée et en décrochage des quartiers ne représente qu’une faible minorité des habitants.

La question de la médiatisation de cette jeunesse des banlieues pose plusieurs questions. La première tient à la réduction de la population des quartiers sensibles aux seuls jeunes, alors que la majorité de la population est composée d’adultes et de personnes âgées. Bref, les banlieues vieillissent aussi.

Les quartiers classés « sensibles » ne sont pas en effet des « fontaines de jouvence ». Sur ces territoires, le vieillissement des populations n’est jamais évoqué. Si les adultes sont invisibles, les retraités n’existent pas. La part des plus de 60 ans progresse, en fait, rapidement dans la plupart des quartiers sensibles, avec une « tendance à un rapprochement de la pyramide des âges des ZUS à celle de la France entière ».

En banlieue, il semble malgré tout que les jeunes restent toujours jeunes. On peut pourtant raisonnablement imaginer que, biologiquement, les jeunes qui ont pris part aux émeutes de 1979 à Vaulx-en-Velin ont désormais près de 50 ans. Traînent-ils encore en bas de leurs immeubles ? Brûlent-ils encore des voitures ? Plus certainement, ils ont, a priori, fondé des familles, travaillent, et, pour beaucoup, ont quitté le quartier de la Grappinière.

L’association mentale « jeunes de banlieues » est si forte, qu’il convient de rappeler une vérité qui s’applique y compris sur ces territoires : on vieillit aussi en banlieue ! Les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier et ne seront pas ceux de demain.

Rappeler cette évidence n’est pas inutile, à un moment où le jeunisme est devenu une valeur dominante et que la fascination (entre attraction et répulsion) du monde médiatique et politique pour la « jeunesse des banlieues » semble truster toute réflexion sur les autres tranches d’âge.

Le vieillissement dans le parc social est pourtant devenu un sujet de préoccupation pour l’ensemble des bailleurs sociaux. Le « papy-boom » des banlieues est en marche et le nombre de retraités pauvres, déjà en augmentation, risque de progresser très rapidement dans les prochaines années.

La réduction de la banlieue à la jeunesse tend également à imposer l’idée d’une réduction de la jeunesse à celle des banlieues.

En 2006, Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, déclarait qu’il fallait « bien que les Français aient en tête une chose, c’est que l’avenir du pays se joue là ». Cette affirmation pose deux problèmes.

Le premier est de considérer que 8 % de la population résume l’avenir d’un pays. Par ailleurs, si la part des moins de 20 ans est effectivement plus élevée en ZUS (30%, contre 25% en moyenne en France), elle ne cesse de diminuer depuis 1990, au profit des plus de 60 ans dont le nombre a fortement augmenté dans ces quartiers depuis vingt ans.

Le deuxième est de se persuader que la jeunesse relative des banlieues et, au-delà, des populations issues de l’immigration, pourra infléchir un processus de vieillissement qui, rappelons-le, est un processus inéluctable et quasiment mondial.

Ce discours est caractéristique de l’amnésie française qui, après avoir oublié la classe ouvrière et plus généralement les catégories populaires, est dans l’impossibilité désormais de concevoir une autre jeunesse, par exemple celle des espaces périurbains et ruraux, que celle, « vue à la télé », des quartiers sensibles.

L’affirmation selon laquelle la jeunesse des quartiers sensibles serait l’avenir de la France est évidemment généreuse, mais elle pose quelques questions de fond.

La première est qu’affirmer que les quartiers sensibles, c’est-à-dire les territoires où les violences urbaines et aux personnes sont plus fréquentes, constituent l’avenir de la France, est particulièrement anxiogène pour l’ensemble de la société.

De la même manière, considérer que les jeunes des quartiers sensibles sont emblématiques de la jeunesse issue de l’immigration, alors même qu’une minorité d’entre eux vivent dans ces quartiers, participe à la construction d’une représentation négative de l’ensemble des jeunes issus des minorités.

On le voit, la démagogie sur la « jeunesse des quartiers » se révèle contre-productive, notamment au regard de l’objectif recherché, celui de favoriser l’intégration et de promouvoir une image positive des minorités.

Cette représentation négative est renforcée par une utilisation sans modération du concept de ghetto pour décrire la réalité des banlieues françaises.

A Villiers-le-Bel, 12 000 € par habitant, près de Verdun… 11 €

En l’espace de quelques décennies, l’histoire urbaine et sociale de ces territoires a laissé la place à une représentation « à l’américaine », celle qui oppose le ghetto ethnicisé au reste de la société.

La grille de lecture de la réalité banlieusarde est fondamentalement anglo-saxonne et américaine. Le modèle du ghetto américain a été d’autant plus rapidement adopté qu’il permet d’évoquer la crise des sociétés urbaines et multiculturelles.

On peut s’étonner de la rapidité avec laquelle l’intelligentsia française, pourtant critique à l’égard du modèle anglo-saxon, a adopté une telle grille de lecture pour décrire une réalité sociale. S’il existe une Amérique racialiste qui rejette la communauté noire, la France ferait émerger une « société d’apartheid », affirme la bien-pensance. Ce discours apparaît comme une critique à peine voilée du modèle républicain et égalitaire que nous connaissons.

L’idée de la ghettoïsation « à l’américaine » suggère, en effet, que l’État républicain a déserté ces territoires. Stigmatisées, reléguées, les banlieues seraient ainsi sous-équipées et l’État y serait moins présent qu’ailleurs.

banlieues.jpgCette affirmation ne correspond pas à la réalité. Si la permanence des difficultés sociales révèle une forme d’impuissance des pouvoirs publics, elle ne signifie pas pour autant que l’État s’est désengagé. D’ailleurs, ces territoires bénéficient le plus souvent d’une densité d’équipements publics supérieure à celle des territoires périurbains et ruraux.

C’est dans cette optique que le sociologue Dominique Lorrain a réalisé une étude comparative sur les investissements publics entre le quartier des Hautes-Noues à Villiers-sur-Marne et un quartier de la périphérie de Verdun.

Dans les deux cas, les populations concernées sont modestes et/ou précaires et les taux de chômage sont élevés. La cité des Hautes-Noues est classée « sensible », tandis que le quartier de la périphérie de Verdun n’a jamais fait parler de lui.

Première surprise, le revenu moyen par habitant du quartier sensible de Villiers-sur-Marne est de 20% supérieur à celui de Verdun. L’auteur précise par ailleurs que les équipements culturels, les services publics et les facilités de transports sont moins fournis à Verdun : il faut compter trois heures pour rejoindre la métropole nancéenne, contre vingt minutes pour rallier Paris depuis le quartier des Hautes-Noues.

Enfin, et pour faire litière de l’idée d’un abandon des quartiers sensibles, le chercheur calcule le total des investissements publics par habitant. Le programme de réhabilitation dont bénéficie le quartier des Hautes-Noues prévoit une dotation de 12 450 euros par habitant, tandis que le contrat de ville mis en place dans les quartiers de Verdun n’alloue que 11,80 euros par habitant.

Les investissements publics étaient donc mille fois plus élevés dans le quartier sensible que dans les quartiers de Verdun, pourtant socialement défavorisés !

Cet exemple, extrême, n’est certainement pas représentatif de la situation qui prévaut sur l’ensemble du territoire, mais vise, a minima, à démontrer, qu’à situation sociale égale, les pouvoirs n’ont pas choisi d’abandonner les ghettos. Au contraire, ces territoires jouissent pleinement d’une forme de discrimination positive.

L’accentuation des opérations de démolitions-reconstructions, initiées depuis 2004, confirme la poursuite de ces investissements massifs : environ 40 milliards d’euros seront investis, d’ici à 2013, pour la rénovation urbaine de ces quartiers.

La banalisation de l’« émeute urbaine »

Concernant les banlieues, la réalité des faits pèse peu face au bruit médiatique. Les relances en matière de politique de la ville ne sont pas l’aboutissement d’une pression syndicale ou d’un mouvement social, mais sont toutes consécutives à des périodes de tension ou d’émeutes urbaines médiatisées.

Sans diagnostic, sans interlocuteurs représentatifs et face à des émeutes toujours plus spectaculaires, les pouvoirs publics initient des politiques qui ne sont pas des réponses à une « demande sociale », mais d’abord une réaction à une « demande médiatique ». Les émeutes de 2005 ont, par exemple, contribué à accélérer la mise en place d’une politique de discrimination positive.

Depuis les années 1980, les pouvoirs publics réagissent aux émeutes comme s’ils étaient face à un mouvement social structuré. Cette confusion entre délinquance et revendication sociale tend à légitimer la violence.

Tout se passe comme si le système considérait l’« émeute urbaine » comme un mode d’expression sociale acceptable, destiné à remplacer une médiation traditionnelle, quasi inexistante sur ces territoires. Cette légitimation des violences participe fortement à la construction du stéréotype du jeune de banlieue.

La violence d’une minorité de délinquants est ainsi associée au mode de revendication de prédilection des jeunes banlieusards et, même, d’une majorité des habitants. Pire, l’association violence et jeunes issus de l’immigration maghrébine et subsaharienne est pour partie indirectement validée par les pouvoirs publics.

Parce qu’elles se déploient comme une réponse aux violences médiatisées, les politiques publiques sont aussi des opérations de com. Les opérations de démolitions-reconstructions entrent pour partie dans cette logique.

La question sociale, pourtant déterminante comme on l’a vu, est le plus souvent délaissée pour donner la priorité à ce qui se voit. La manne de l’argent public investi dans les banlieues bénéficie ainsi plus aux entreprises de BTP et aux agences d’architecture qu’aux habitants.

Les opérations de démolitions-reconstructions, qui entretiennent l’illusion de faire disparaître les difficultés, n’ont qu’un impact social limité. Elles donnent parfois l’opportunité à certains maires de disperser quelques familles immigrées, souvent africaines, dans des communes ou quartiers mitoyens, mais ne traitent aucune question de fond.

Le comité d’évaluation et de suivi de l’Anru a confirmé que les opérations de démolitions-reconstructions n’ont fait évoluer la population qu’à la marge puisque, dans les faits, 68% des nouvelles habitations sont construites en zone urbaine sensible (ZUS) et près de la moitié dans la même commune.

Ces opérations, souvent contestées par les habitants, représentent une forme d’apogée de la réponse politico-médiatique. Il s’agit de démontrer à l’opinion (surtout celle qui vit à l’extérieur des quartiers) que « les choses bougent » par la volonté politique. Quoi de plus médiatique qu’une démolition d’immeuble qui, de plus, permet à l’État de réaffirmer une forme d’autorité largement perdue sur ces territoires ?

Les opérations policières sont à ce titre exemplaires d’une politique «sous influence médiatique». Les services de police sont ainsi régulièrement mis à contribution dans le montage d’opérations « coup de poing », dont tous les criminologues expliquent qu’elles ne servent strictement à rien sur le plan sécuritaire.

L’absence de structures représentatives des habitants, et donc de contre-pouvoirs, laisse ainsi la place à des opérations médiatiques, peu en phase avec la réalité sociale. Ce déficit n’est malheureusement pas compensé par une représentation municipale qui, le plus souvent, n’est élue que par une fraction très minoritaire d’une population qui ne prend plus guère part aux élections.

Aux municipales de 2008, le maire de La Courneuve a été élu avec 3665 voix, ce qui représente 49% des suffrages exprimés, mais 26% des inscrits et 9,6% de l’ensemble de la population totale. Ce vide démocratique favorise, au final, le développement de politiques dont l’influence sur le réel sera faible.

Le piège de la médiatisation s’est peu à peu refermé sur la banlieue et ses habitants. Un point d’orgue a été atteint en 2005, où les « experts » invités à commenter la situation étaient le plus souvent issus du monde médiatique. Le seul fait de vivre ou d’avoir vécu en banlieue suffisait alors à rendre crédible l’« analyse ». Cette « illusion biographique » permet de crédibiliser le spectacle.

Après les rappeurs, un degré supplémentaire dans le ridicule fut atteint par la presse, qui sollicita sans retenue l’expertise du comique Jamel Debbouze. On allait enfin comprendre. Cette « pipolisation » de l’expertise de la question des banlieues parachève un processus de substitution de la question sociale et démographique, au profit de l’analyse médiatique.

Un phénomène qui touche moins d’autres territoires ou populations. Malgré leurs origines populaires, on n’a jamais demandé à Gérard Depardieu ou à Jean-Marie Bigard de commenter les délocalisations industrielles ou la dégradation des conditions de travail de la classe ouvrière.

Marianne2

(Tous les liens insérés dans cet article, l’ont été par fortune.fdesouche.com)

lundi, 25 octobre 2010

Néolibéralisme et euthanasie des classes moyennes

Néolibéralisme et euthanasie des classes moyennes

Ex: http://www.mecanopolis.org/

Par Bernard Conte

Pendant que le néolibéralisme fait son travail de sape, nos élites complices, grassement rémunérées, tentent de détourner l’attention des populations. À l’instar des prestidigitateurs, elles pointent des faits, des « évidences », des idées, des théories… pour mieux dissimuler la réalité et manipuler les opinions.

Après avoir longtemps nié le phénomène du laminage des classes moyennes en Occident, les néolibéraux – de « gauche », comme de « droite »2 [1] – l’admettent, au moins implicitement, aujourd’hui. Mais pour eux, ce phénomène serait tout à fait « naturel », car il se doublerait de l’apparition et de l’essor de classes moyennes au Sud et plus particulièrement dans les pays émergents.

Quoi de plus équitable ? Les pays du Sud n’ont-ils pas un « droit » inaliénable au développement et leurs populations ne peuvent-elles prétendre à « s’embourgeoiser » à leur tour ? La mondialisation néolibérale, tant décriée, aurait des effets positifs sur les classes moyennes au Sud. Face à la dynamique inéluctable de délocalisation des classes moyennes au Sud, les réactions égoïstes des « petits » bourgeois du Nord visant à protéger leur niveau de vie – en s’attachant à leurs privilèges, en revendiquant, en manifestant dans les rues, par exemple – seraient aussi vaines qu’inutiles, voire, à la limite, racistes.

Ce discours est totalement biaisé car la dynamique des classes moyennes suit un cycle au cours duquel elle passe par une phase de croissance, suivie d’une période de décroissement. Ces périodes sont déterminées par la nature des liens entre les classes moyennes et le capital. Pendant la phase ascendante, la classe moyenne prospère parce qu’elle est « l’alliée » du capital. Lorsqu’elle devient son « ennemie », la classe moyenne périclite. Dans les deux cas, c’est l’État, entre les mains de la classe politique, qui gère la production ou la destruction de la classe moyenne.

La dynamique cyclique des classes moyennes : entre densification et éclaircissement

Au cours des Trente glorieuses au Nord et pendant la période du développement introverti3 [2] au Sud, la classe moyenne s’est densifiée, avec plus ou moins d’intensité, dans de nombreuses zones de la planète. L’adoption de politiques néolibérales, de désinflation compétitive au Nord et d’ajustement structurel au Sud, a inversé la tendance en éclaircissant les rangs des classes moyennes. Cette évolution donne à penser que la dynamique des classes moyennes suit une trajectoire cyclique.

L’évolution de la classe moyenne en Afrique : l’exemple de la Côte d’Ivoire

L’expérience de la Côte d’Ivoire, pendant et après le « miracle » économique, illustre bien cette dynamique. Sous l’égide de son Président, Félix Houphouët-Boigny, la Côte d’Ivoire a mis en œuvre un modèle de développement « au caractère libéral et ouvert officiellement affirmé, devait présenter trois étapes successives : le capitalisme privé étranger, le capitalisme d’État, avant la relève par le capitalisme privé national, encouragé par un processus de rétrocession. La stratégie industrielle retenue était la substitution des importations. La politique industrielle s’est appuyée sur l’État et les intérêts français dont les profits étaient garantis par le code des investissements promulgué en 1959 et par la protection du marché interne4 [3] ».

Il s’agissait, pour l’État, de susciter l’apparition d’une classe « motrice », moyenne et supérieure, qui puisse prendre en main le développement national. À cette fin, l’État a mis en œuvre une stratégie multiforme notamment fondée sur :

  1. l’éducation – formation : « en 1960, l’État consacrait 22% de son budget à la formation ; cette proportion passait à 33% en 1973, pour atteindre 54,9% en 19835 [4] ».
  2. l’ivoirisation du capital et de l’emploi (et particulièrement des cadres) par la relève des étrangers dans la fonction publique, dans le secteur de l’immobilier et des PME et dans les grandes entreprises (le plus souvent filiales de sociétés transnationales) ainsi que par l’extension de l’appareil d’État et du secteur public6 [5].

« L’appareil d’État sert de précurseur, de trait d’union et de tremplin à l’intégration des nationaux aux postes économiques. L’État joue le rôle d’agent moteur, créant les conditions de l’accès aux participations économiques, ne se substituant jamais à l’initiative privée là où elle existe, et toujours de manière à ce que ces initiatives soient compatibles avec les orientations du passé. La promotion des nouvelles initiatives tend à se faire dans des secteurs réservés7 [6] ».

Ainsi, grâce à l’action publique, les classes moyennes émergent. Par exemple, « avec un effectif de 78 000 emplois en janvier 1978, l’Administration est le premier employeur du pays. Comme le secteur parapublic représente pour sa part 61 000 emplois (y compris les sociétés d’économie mixte) c’est près de 40 % de l’emploi moderne qui est, directement ou indirectement, contrôlé par l’État8 [7] ». De même, dans son étude sur l’emploi en Côte d’Ivoire, Françoise Binet dénombre, en 1978, 4 832 patrons d’entreprises à Abidjan dont 41,2 % sont ivoiriens9 [8]. Ces chiffres traduisent l’émergence et la densification progressive de classes moyennes salariées et entrepreneuriales au cours des Vingt glorieuses (ou du miracle ivoirien), aussi marquées par un taux de croissance du PIB réel d’environ 7 % par an en moyenne, une performance qui a engendré l’entrée de la Côte d’Ivoire dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire selon la classification de la Banque mondiale. Dans les années 1970, la Côte d’Ivoire bénéficie du niveau de vie le plus élevé d’Afrique de l’Ouest.

Le tournant se situe au début des années 1980 avec la chute des cours internationaux du cacao et du café, principales exportations de la Côte d’Ivoire. A partir de 1981, s’ouvre la période de l’ajustement. En raison de l’intangibilité revendiquée de la parité du franc CFA vis-à-vis du franc français, l’ajustement sera tout d’abord désinflationniste (en termes réels ), puis en 1994, il comportera la dévaluation de 50 % du CFA. Les mesures d’abaissement de la dépense publique, de réduction des effectifs de la fonction publique, la privatisation, la disparition pure et simple d’entreprises publiques ou d’entreprises liées à l’industrialisation par substitution des importations… vont se traduire par un appauvrissement de la majorité de la population avec un creusement des inégalités. En considérant l’indice du PIB réel par habitant égal à 100 en 1980, sa valeur n’était plus que de 79,7 en 198810 [9]. La réduction des emplois publics grossit les rangs du secteur informel et inverse le flux de l’exode rural: « en ce début des années 1990, nombre d’autochtones, montés dans les villes car ayant bénéficié du programme gouvernemental de 1978, dit d’ivoirisation de la fonction publique, sont forcés de revenir dans leurs villages d’origine suite à la suppression de nombreux emplois administratifs11 [10] ». Ces populations, appartenant à la classe moyenne « ajustée », « compressée », sont victimes d’un déclassement. On assiste à « l’extension de la pauvreté et à l’accroissement des inégalités12 [11] ». L’augmentation de la pauvreté, qui en « 2008 a atteint un seuil critique de 48,9 % contre seulement 10 % en 198513 [12] », traduit le fait que la classe moyenne se paupérise.

En Côte d’Ivoire, de l’indépendance à la fin des années 1970, la classe moyenne s’est constituée dans le cadre du modèle de développement mis en œuvre par Félix Houhpouët-Boigny. Cette classe a vu ses rangs s’éclaircir progressivement avec les programmes d’ajustement structurel néolibéraux. On observe cette même dynamique sous d’autres cieux.

Argentine : « la classe moyenne est détruite14 [13] »

En Amérique Latine, l’exemple de l’Argentine révèle que la période des ajustements a délité la classe moyenne nombreuse qui s’était constituée auparavant. En effet, jusqu’à la fin des années 1970, « l’Argentine était une société relativement bien intégrée – tout au moins si on la compare aux autres pays d’Amérique Latine – caractérisée par une vaste classe moyenne, résultat d’un processus de mobilité sociale ascendante dont la continuité n’avait jamais été remise en cause15 [14] ». A partir des années 1980, la classe moyenne se délite. «  On observe notamment l’entrée dans le monde de la pauvreté d’individus issus de la classe moyenne : il s’agit des « nouveaux pauvres » dont le nombre a cru de 338 % entre 1980 et 199016 [15] ». Cette tendance s’est poursuivie, si bien qu’en janvier 2002, le Président argentin nouvellement élu, Eduardo Duhalde, révélait « qu’en 2001, la classe moyenne [avait] perdu 730 000 argentins, venus grossir les rangs des 15 millions de pauvres, soit 40 % de la population du pays17 [16] ». A cette occasion, le Chef de l’État déclarait : « la classe moyenne est détruite18 [17] ».

La fin du « miracle » asiatique et le laminage des classes moyennes

En Asie du Sud-Est, de 1970 à 1995, les pays émergents ont enregistré une forte croissance économique, si bien que l’on a parlé de « miracle ». Au cours de cette période, une classe moyenne essentiellement urbaine a progressivement émergé. La grave dépression de 1997-1998 a fortement impacté « la classe moyenne des pays du Sud-Est asiatique [qui] a payé le prix fort de cette crise : de nombreuses personnes ont perdu simultanément leur emploi et les économies de plusieurs années19 [18] ». Le phénomène tend à se poursuivre avec la crise actuelle. En Corée du Sud par exemple, la crise actuelle (2008) « évoque celle de 1998. Du coup, les jeunes se ruent vers les sociétés d’État, où les emplois sont plus stables. En une décennie, la classe moyenne coréenne a diminué de 10 %. Beaucoup forment aujourd’hui une nouvelle classe de pauvres20 [19] ».

Au Nord : l’euthanasie progressive des classes moyennes

Au Nord, depuis le début des années 1980, on assiste à « l’euthanasie » de la classe moyenne constituée pendant les Trente glorieuses21 [20]. Aux États-Unis, « s’il existe un point sur lequel les années 1980 ont réussi à créer un accord (de toute façon a posteriori) entre des économistes de différentes tendances, c’est précisément sur la diminution quantitative de la classe moyenne : « the big squeeze » de l’économie domestique située au niveau des revenus intermédiaires, la mobilité vers le bas des « cols blancs », les dumpies (downwardly mobile professionals selon la définition de Business Week) ont remplacé les yuppies plus connus du début des années 198022 [21] ». La tendance au délitement a été masquée, jusqu’à la crise des « sous-primes », grâce à « un accès au crédit excessivement laxiste » qui « a permis à une grande partie des ménages moins nantis de maintenir un niveau de vie aisé » et qui « a généré ce qu’on pourrait appeler une ‘fausse classe moyenne’ aux États-Unis23 [22] ». En Allemagne, selon une étude scientifique récente de l’institut DIW, au cours des dix dernières années, « les classes moyennes se sont « rétrécies24 [23] » car elles sont « les perdantes des transformations qu’a subi la répartition des revenus au cours de la dernière décennie25 [24] ». En France, la dynamique d’atrophie des classes moyennes est moins perceptible, en raison de l’existence initiale d’un État-providence renforcé et de sa plus lente destruction. Louis Chauvel montre que, pendant les Trente glorieuses, l’ascenseur social a permis à un grand nombre de jeunes, issus du milieu agricole ou ouvrier, d’accéder à la classe moyenne qui s’est développée rapidement au cours de cette période26 [25]. C’était l’âge d’or de la classe moyenne en France. Mais, à partir du début des années 1980, la situation se détériore progressivement. « Sans nier l’importance des difficultés des classes populaires et de ceux qui font face à la marginalisation sociale, c’est au tour des catégories centrales de la société d’expérimenter une forme de précarité civilisationnelle27 [26] ».

Il apparaît que les classes moyennes se sont développées dans des lieux et à des moments différents, pendant des périodes de durée variable, mais caractérisées par une croissance économique relativement élevée. Lorsque l’environnement s’est révélé moins favorable, ces classes moyennes sont entrées en crise. La dynamique des classes moyennes semble suivre une chronologie caractérisée par une période de croissance, prolongée par une phase de décroissement.

Dans cette hypothèse, il est utile de s’interroger sur les facteurs explicatifs de la dynamique cyclique des classes moyennes.

Quelques pistes de réflexion sur les déterminants de la dynamique cyclique des classes moyennes

Notre hypothèse suggère que l’on assiste, dans le temps, à une montée des classes moyennes suivie de leur décrue. Une raison de cette trajectoire pourrait se situer dans le rôle ambigu des classes moyennes dans le processus de développement. En effet, les classes moyennes apparaissent à la fois comme un facteur de développement économique et comme un frein à la croissance des profits. Le cheminement cyclique pourrait s’expliquer par un échelonnement différencié dans le temps des effets précités. Dans tous les cas, il apparaît que l’évolution de la classe moyenne est intimement liée à l’intervention de l’État. C’est l’État (ou plutôt les élites politiques au pouvoir) qui décide de (dé)règlementer et de légiférer pour promouvoir ou enrayer le développement de la classe moyenne. La loi est (presque) toujours instrumentalisée pour servir les intérêts du capital qui peuvent coïncider avec ceux de la classe moyenne à un moment donné et en diverger à une autre période. En cas de convergence d’intérêts, la loi favorise la densification de la classe moyenne, en cas de divergence, la loi organise l’euthanasie de la classe moyenne jugée inutile, hostile et coûteuse pour le capital.

La classe moyenne « alliée » du capitalisme industriel

Dans certaines circonstances, la classe moyenne apparaît comme un facteur de développement de par son impact sur l’offre et sur la demande. Par exemple, au cours de la période des Trente glorieuses, la classe moyenne (intégrant une bonne partie de la classe ouvrière) a largement participé au bon fonctionnement du système fordiste, caractérisé par la production de masse et la consommation de masse. Pour son développement, le capitalisme industriel avait besoin d’un grand marché ainsi que de capacités productives résidentes pour l’approvisionner.

La classe moyenne a tenu un rôle important dans la création et le soutien de la demande tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Grâce à un pouvoir d’achat en progression régulière, elle a consommé des quantités croissantes de biens et de services standardisés, mais elle a aussi accepté de payer un prix plus élevé pour la « qualité », ce qui a stimulé l’investissement pour l’innovation, la différenciation et la commercialisation de nouveaux biens et services28 [27].

Du côté de l’offre, certains considèrent la classe moyenne comme un vecteur important de l’entrepreneuriat et de l’innovation des petites entreprises. La classe moyenne s’est aussi constituée à partir de la main-d’œuvre qualifiée dont les entreprises et l’État (l’État providence) avaient besoin pour leur développement. Grâce à l’effort d’éducation – formation, ladite classe a fourni le capital humain nécessaire tout en permettant à une masse d’individus issus de milieux modestes de rejoindre ses rangs. Au total, « la classe moyenne apparaît comme la source de tous les intrants requis pour assurer la croissance en termes d’économie néoclassique – idées nouvelles, accumulation du capital physique et accumulation du capital humain29 [28] ».

Ainsi, les Trente glorieuses ont scellé un compromis (une « alliance ») temporaire entre la classe moyenne, essentiellement salariée, et le capital industriel. La superposition géographique des aires de production et de consommation était un élément décisif du compromis. Grosso modo, ce qui était essentiellement produit au Nord était consommé au Nord. Ce faisant, la fraction de la valeur ajoutée à laquelle les capitalistes renonçaient dans le processus productif, pour la verser sous forme de salaire direct et indirect, revenait dans leur escarcelle lors de l’achat des biens et services par les salariés. En d’autres termes, le salaire était à la fois un coût et un vecteur de profit pour l’entreprise. La coïncidence géographique de la production et de la consommation engendrait un cercle vertueux conduisant au développement autocentré.

Dans une certaine mesure, on a constaté la mise en place de compromis similaires dans les pays du Sud, au cours de la période du nationalisme – clientéliste, notamment caractérisé par l’industrialisation par substitution des importations. En Côte d’Ivoire, par exemple, le compromis initiateur de la classe moyenne était fondé sur la redistribution de la rente agricole issue des filières cacao-café, sur le développement du secteur industriel ainsi que sur les apports d’aide extérieure30 [29]. Le capital international récupérait la rente par le biais des importations et de la production nationale qu’il assurait majoritairement.

Lorsque le contexte évolue, les intérêts des protagonistes peuvent se mettre à diverger et le compromis peut être remis en cause. Dans ce cas, la classe moyenne et le capital deviennent ennemis.

La classe moyenne « ennemie » du capitalisme financier

La survenance d’une série d’évènements va graduellement modifier le contexte de l’économie mondiale : la fin du système de taux de change fixes en 1971, les chocs pétrolier de 1973 et de 1979, la stagflation, la crise de la dette des pays du Sud en 1982, la chute du mur de Berlin et l’implosion du bloc soviétique. L’évolution va permettre l’accélération et l’approfondissement de la mondialisation néolibérale, financière et économique.

Le capitalisme se financiarise et la production industrielle est relocalisée principalement sur le continent asiatique qui dispose d’une main d’œuvre à très bas salaires. La désindustrialisation frappe les pays du Nord31 [30], mais également les pays du Sud32 [31] qui avaient, dans le cadre du nationalisme – clientéliste, adopté des stratégies d’industrialisation par substitution des importations.

Le libre-échange permet d’inonder les marchés de produits à bas prix qui concurrencent (de façon déloyale ?) les productions nationales, révélant leur défaut de « compétitivité ». (Re)devenir compétitif33 [32] implique l’abaissement des coûts de production directs et indirects. Cette démarche passe par la réduction des salaires réels, des avantages sociaux… et, plus généralement, des dépenses « clientélistes » (assimilées à de la corruption) et des dépenses liées à l’État providence (présentées comme inéquitables, car essentiellement corporatistes).

Sous prétexte de concurrence, il s’agit de rehausser les profits. Pour ce faire, il convient d’ajuster les structures économiques et sociales nationales aux règles du « laisser-faire » – « laisser-passer », étendu à l’ensemble de la planète. « Parmi la population, comme les pauvres le sont trop et que les riches sont exemptés34 [33], c’est sur la classe moyenne que reposera l’essentiel de la charge de l’ajustement35 [34] ».

Ainsi, la classe moyenne devient « l’ennemie » du capitalisme financiarisé car son existence injustifiée – puisque sous d’autres cieux, des populations assurent les mêmes tâches productives à moindre coût – réduit les profits. Le capitalisme dénonce le compromis conclu précédemment et fait procéder à l’euthanasie de la classe moyenne parasite. Pour ce faire, l’intervention de l’État, guidée par les élites politiques complices, apparaît indispensable.

La classe moyenne produite ou détruite par l’État

L’intervention de l’État est impérative pour assurer le développement de la classe moyenne ou son euthanasie, car c’est lui qui légifère, règlemente, incite, réprime… contrôlant ainsi, plus ou moins directement, une large part de la production et de la redistribution des richesses. L’État prend et donne, fait et défait, tricote et détricote… Par le biais de la loi, du secteur public, de la fiscalité – redistribution…, l’État façonne, corrige et adapte la structure sociale nationale. Les élites politiques (issues du suffrage universel en démocratie) assurent la direction de l’État, proposent et votent les lois. Ce sont donc lesdites élites politiques nationales qui portent la responsabilité de la densification ou de l’éclaircissement de la classe moyenne.

Durant la phase ascendante du cycle, le compromis entre le capital et la classe moyenne autorise les élites politiques à œuvrer en sa faveur. L’État intervient pour assurer un bien-être accru par la loi et la réglementation, pour créer des emplois, pour mettre en place des services publics de qualité…, ce qui a pour effet de densifier la classe moyenne36 [35] tout en permettant au capital de se valoriser pleinement. On assiste à la construction de l’État providence et de l’État nationaliste – clientéliste. Au cours de cette phase, dans les pays du Sud, une bonne partie du surplus dégagé sur le territoire national, principalement sous forme de rente (agricole, minière, énergétique…), est mobilisé par l’État et distribué sur place. C’est la période des « Pères de la nation » (Houphouet-Boigny, N’Krumah, Nyerere…). Au Nord, le fordisme permet la croissance autocentrée, génératrice de surplus largement redistribué. Sur le plan politique, le climat est assez serein. En effet, en démocratie, les élites politiques émanent, pour une large part, de la classe moyenne. Elles fondent leur discours sur les concessions, obtenues ou à négocier avec les capitalistes37 [36], au profit de la classe moyenne essentiellement. De ce fait, la classe politique se trouve relativement en phase avec l’électorat38 [37].

Au cours de la période descendante du cycle, qui coïncide avec la divergence des intérêts du capital et de la classe moyenne, l’État œuvre à la destruction de cette dernière. Cela signifie la défaisance39 [38] des dispositifs mis en place au cours de la période précédente : l’État providence au Nord et l’État nationaliste – clientéliste au Sud. En régime démocratique, cette démarche présente un risque majeur pour les élites dirigeantes qui doivent mettre en œuvre des politiques contraires aux intérêts de leur électorat traditionnel40 [39]. Le contournement de cet obstacle politique implique l’atomisation du pouvoir de l’Etat central41 [40], l’organisation de la démocratie virtuelle42 [41], la promotion de l’idéologie du marché, la manipulation de l’opinion publique, le changement des élites par leur internationalisation43 [42]… Les élites, au pouvoir ou susceptible d’y accéder, réunies autour du projet néolibéral (monétariste ou ordolibéral) qu’elles déclinent avec le vocabulaire propre à leur position « officielle » sur l’échiquier politique, produisent un discours étriqué et peu différencié, qui tente de cacher la réalité de la dynamique de paupérisation du plus grand nombre, imposée par le capitalisme financiarisé. Le fossé se creuse entre la classe politique et les électeurs qui expriment leur désintérêt par une abstention massive aux scrutins électoraux. Malgré cela, les élites s’impliquent de plus en plus au service du capital contre les populations et particulièrement contre la classe moyenne. Pour elles, les règles du marché qui sont censées récompenser les prudents44 [43] et sanctionner les téméraires ne s’appliquent pas aux capitalistes financiers. La crise de 2008, montre que les élites ont fait en sorte que « les téméraires semblent être les bénéficiaires de la crise qu’ils ont provoquée, tandis que le reste de la société [et particulièrement la classe moyenne] porte le fardeau de leur insouciance45 [44] ». L’instrumentalisation de l’État et des institutions supranationales au service du capitalisme financiarisé engendre une crise globale de légitimité des élites, qu’elles soient nationales ou internationales.

Au total, selon que la classe moyenne sert ou dessert le capital, les élites utilisent l’État pour en densifier ou pour en éclaircir les rangs.

Conclusion

De nombreux scientifiques et commentateurs ont souligné l’importance des classes moyennes dans le processus de développement. Les performances des pays du G7 qui, de 1965 à 2004 ont représenté une part quasi stable de 65 % du PIB mondial peuvent être, en grande partie, attribuées à une classe moyenne nombreuse46 [45]. « Ce sont les classes moyennes qui ont bâti l’économie française du XXème siècle ; elles en ont été les plus grandes bénéficiaires47 [46] ». Plus généralement, « sur le long terme (200 ans), l’économie de marché occidentale a resserré les inégalités entre les classes sociales [et] ce sont les classes moyennes qui ont le plus bénéficié de ce resserrement des inégalités48 [47] ». La tendance s’inverse à partir de la fin des années 1970 avec la mondialisation néolibérale qui lamine progressivement les classes moyennes. Face à ce constat, d’aucuns49 [48] avancent que la « réduction » des classes moyennes dans certaines zones géographiques serait surcompensée par la densification de ces mêmes classes dans d’autres zones du globe.

On s’interroge sur l’apparition et la densification des classes moyennes dans les pays émergents (Chine, Inde…). Selon notre analyse, dans un contexte de mondialisation néolibérale, de libre-échange, de déréglementation, de libre mouvement des capitaux… et de non-intervention incitatrice et protectrice de l’État, les classes moyennes ne seront qu’un phénomène éphémère. En effet, le marché mondial mettant en concurrence tous les peuples, les revenus sont forcément plafonnés par la nécessité de rester compétitifs par rapport aux nouveaux entrants sur ledit marché (par exemple : la Chine par rapport au VietNam…, etc). Dans ces conditions, une classe moyenne ne peut se développer durablement. Dès que, dans un pays, les revenus atteignent un certain seuil, les coûts de production deviennent trop élevés pour affronter la concurrence tant sur le marché national que mondial. Les productions concernées sont alors délocalisées vers des pays ou des régions plus compétitives, où se créent des embryons de classe moyenne au « détriment » de celle du pays d’origine. Il s’agit d’une sorte de jeu à somme nulle où l’un gagne ce que l’autre perd50 [49].

Pour se densifier durablement, la classe moyenne a besoin de l’intervention incitatrice et protectrice de l’État qui ne peut intervenir dans un contexte de mondialisation néolibérale. Il faut donc réhabiliter l’État. De plus, les élites politiques à la tête de l’État (ou susceptibles de l’être) doivent privilégier les intérêts de la classe moyenne par rapport à ceux du capital.

Depuis de nombreuses années, l’expérience nous montre qu’au niveau mondial – à quelques rares exceptions près51 [50] – les élites au pouvoir, au capital social internationalisé, semblent plutôt être à la solde du capital financier. Cela signifie que l’avenir radieux des classes moyennes implique le changement des élites qui ne se fera certainement pas sans violence52 [51].

Benard Conte, pour Mecanopolis [52]

Bernard Conte est économiste politique et maître de conférences à l’Université Montesquieu-Bordeaux IV 

Visiter le blog de Bernard Conte [53]

Notes :

1 [54] Cet article est une version épurée d’une communication [55] présentée au Congrès des études africaines en France, CEAN – IEP de Bordeaux, septembre 2010.
2 [56] En France, on les nomme : droite « bling bling » et gauche « caviar », sur le plan des idées politiques, une épaisseur de moins d’un cheveu les sépare.
3 [57] Au Sud pendant cette période, « de nombreux pays optent pour un développement introverti en mettant en œuvre des stratégies d’industrialisation par substitution des importations (ISI), aptes à lutter contre la détérioration des termes de l’échange (DTE). Il s’agit de remplacer progressivement les importations de produits manufacturés par la production nationale dans une stratégie de remontée de filière. Pour ce faire, le marché domestique doit être protégé (au moins temporairement) et l’État joue un rôle majeur dans la mise en œuvre de ladite stratégie (state-led-development) », Bernard Conte, Clientélisme, ajustement et conflit [58], Bordeaux, CED, DT n° 101, 2004, p. 1.
4 [59] Bernard Conte, Clientélisme, ajustement et conflit, op. cit. p. 5.
5 [60] Bernard Conte, La division internationale du travail et le développement interne : le cas de la Côte d’Ivoire, op. cit. p. 359.
6 [61] Ibidem, p. 321-376.
7 [62] Bonnie Campbell, « Quand l’ivoirisation secrète une couche dominante », Le Monde diplomatique, novembre 1981.
8 [63] République de Côte d’Ivoire, Ministère du plan, Plan de développement économique social et culturel, 1981-1985, Abidjan, 1982, p. 744.
9 [64] Bilan national de l’emploi en Côte d’Ivoire, Ministère des relations extérieures, Etudes et documents, n° 47, Paris, mai 1982, p. 132.
10 [65] Jean-Paul Azam, La faisabilité politique de l’ajustement en Côte d’Ivoire (1981 – 1990), (version révisée n°3) études du Centre de développement, OCDE, Paris, 1994, p. 71.
11 [66] « Cote d’Ivoire, compétition capitaliste aigüe autour de la répartition de la rente issue de l’exploitation des ressources naturelles », La lettre de mouvement communiste, n° 15 ; janvier 2005, http://www.mouvement-communiste.com/pdf/letter/LTMC0515.pdf [67] consulté le 19 août 2010.
12 [68] Denis Cogneau et Sandrine Mesplé-Somps, L’économie ivoirienne, la fin du mirage ? Dial, Paris, Document de travail DT/2002/18, Décembre 2002, p. 88.
13 [69]Afrik.com, « Côte d’Ivoire : la pauvreté atteint le seuil critique de 48,9 % », 6 janvier 2009,
http://www.afrik.com/breve15294.html [70] consulté le 19 août 2010.
14 [71] Gabriel Kessler, « L’expérience de paupérisation de la classe moyenne argentine », Cultures & Conflits, 35, 1999, http://www.conflits.org/index173.html [72] Consulté le 17 juillet 2010. Le délitement de la classe moyenne s’observe aussi au Brésil, cf. par exemple : Larissa Morais, «  La classe moyenne brésilienne », Jornal do Brasil, 12 mai 2004, traduction Elizabeth Borghino pour Autres Brésils, http://www.autresbresils.net/spip.php?article73 [73] consulté le 8 août 2010.
15 [74] Gabriel Kessler, « L’expérience de paupérisation de la classe moyenne argentine », art.cit.
16 [75] Idem.
17 [76] Latinreporters.com, « Argentine: le péroniste Eduardo Duhalde, 5e président en deux semaines », http://www.latinreporters.com/argentinepol020102.html [77] , consulté le 1er août 2010.
18 [78] Idem. Le délitement de la classe moyenne s’observe aussi au Brésil, cf. par exemple : Larissa Morais, «  La classe moyenne brésilienne », Jornal do Brasil, 12 mai 2004, traduction Elizabeth Borghino pour Autres Brésils, http://www.autresbresils.net/spip.php?article73 [73] consulté le 8 août 2010.
19 [79] Geneviève Brunet, « Crise des pays émergents. De bons élèves lourdement punis », L’Hebdo, http://www.hebdo.ch/crise_des_pays_emergents_de_bons_elev... [80] consulté le 1er août 2010. Voir aussi : John Evans, « Impact social de la crise asiatique. » Le Monde diplomatique, mai 1998, pp. 3.
20 [81] Alain Wang, « Asie : la crise frappe les classes moyennes », », Courriercadres.com http://www.courriercadres.com/content/asie-la-crise-frapp... [82] 19 mars 2009, consulté le 2 août 2010.
21 [83] Cf. Bernard Conte, La Tiers-Mondialisation de la planète [84], Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2009.
22 [85] Christian Marazzi, « Middle-class confusion de terme, confusion de concept », Collectif d’analyse politique, http://cap.qc.ca.edu/a-la-redecouverte-du-concept-de-clas... [86] Première publication en juillet 1994, Mise en ligne le lundi 7 juillet 2003, consulté le 2 août 2010.
23 [87] Marc-André Gagnon, « La ‘fausse classe moyenne’ piégée », Le journal des alternatives, http://www.alternatives.ca/fra/journal-alternatives/publications/archives/2009/vol-15-no-8-mai-2009/article/la-fausse-classe-moyenne-piegee 30 avril 2009 [88], consulté le 2 août 2010.
24 [89] « Elles constituent désormais moins des deux tiers de la société », Cf. note suivante.
25 [90] Cidal, « L’érosion des classes moyennes se poursuit en Allemagne », Centre d’information et de documentation sur l’Allemagne, Paris, http://www.cidal.diplo.de/Vertretung/cidal/fr/__pr/actual... [91] , publié le 17/06/2010, consulté le 4 août 2010. L’étude est disponible à cette adresse : http://www.diw-berlin.de/documents/publikationen/73/diw_0... [92]
26 [93] Louis Chauvel, Les classes moyennes à la dérive, Paris, Seuil, 2006.
27 [94] Louis Chauvel, « Classes moyennes, le grand retournement », Le Monde, 3 mai 2006. p. 24.
28 [95] Kevin Murphy, Andrei Shleifer et Robert Vishny, “Income Distribution, Market Size and Industrialization,” Quarterly Journal of Economics, (août 1989), p. 537-564.
29 [96] Homi Kharas, The emerging middle class in developing countries [97], Working Paper n° 285, Paris, OCDE, Development Centre, janvier 2010, p. 7. Traduction de l’auteur.
30 [98] Cf. Bernard Conte, « Côte d’Ivoire : du clientélisme ‘éclairé’ au clientélisme ‘appauvri’ », Strategic-Road.com, 19/04/2003, http://www.strategic-road.com/pays/pubs/cote_divoire_clie... [99] consulté le 27 août 2010.
31 [100] « [En France], de 1997 à 2007, la part de l’industrie dans le PIB est passée de 18,4% à 12,1% et les emplois industriels ont diminué de 2 millions en trente ans », Pascal Salin, « Faut-il craindre la désindustrialisation ? », La Tribune, 10/03/2010.
32 [101] « L’ajustement structurel a contribué, contrairement à ce que laisse entendre le FMI, à la désindustrialisation de l’Afrique », Joseph Stiglitz, « L’Afrique doit compter davantage sur elle-même », Les Afriques, 08/02/2010, http://www.lesafriques.com/actualite/joseph-stiglitz-l-af... [102] consulté le 26/08/2010.
33 [103] La compétitivité devient obsessionnelle. Cf. par exemple : T. Biggs, M. Miller, M. Otto, C. et G. Tyler, « Africa Can Compete! Export Opportunities and Challenges for Garments and Home Products in the European Market, » World Bank – Discussion Papers 300, World Bank. 1996.
34 [104] Les riches sont les seuls censés produire de la croissance, il faut les protéger, par exemple grâce à un « bouclier » fiscal.
35 [105] Bernard Conte, « Le oui irlandais débloque l’Europe ordolibérale », Contre Info.info, 10/10/2009, http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2835 [106] consulté le 27/08/2010.
36 [107] Au Chili, « les couches moyennes ont joui d’une redistribution favorable – à l’intérieur de l’ensemble des salariés – des dépenses publiques dans les domaines de la santé, de l’éducation et surtout du logement, sous les différents gouvernements démocratiques qui ont précédé la dictature », Rosa Jimenez et René Urbina, « Les avatars des couches moyennes dans le Chili d’aujourd’hui [108] », in. Tiers-Monde, 1985, tome 26, n° 101. Classe moyenne : la montée et la crise, p. 154-174. citation p. 161.
37 [109] Il semble que les capitalistes soient prêts à accorder la majorité des concessions, car elles vont dans le sens de la marche du fordisme et du nationalisme – clientéliste.
38 [110] Les promesses électorales peuvent être globalement tenues.
39 [111] C’est à dessein que j’emploie le terme du vocabulaire financier « défaisance », car il s’agit d’une exigence du capitalisme financier.
40 [112] En régime « moins » démocratique, la démarche peut conduire au conflit, éventuellement armé. Cf. Bernard Conte, « Afrique de l’Ouest : clientélisme, mondialisation et instabilité », Paris, Encyclopaedia Universalis, 2004, p. Du même auteur : « La responsabilité du FMI et de la Banque mondiale dans le conflit en Côte d’Ivoire [113] », Etudes internationales, vol. XXXVI, n° 2, juin 2005. p. 219-228.
41 [114] Cf. Bernard Conte, La Tiers-Mondialisation de la planète, op. cit. p. 194-199.
42 [115] Ibidem, p. 199-203.
43 [116] Cf. Yves Dezalay et Bryant G. Garth. La mondialisation des guerres de palais. Paris, Le Seuil, 2002 ; Zbigniew Brzezinski, Between Two Ages : America’s Role in the Technetronic Era, New York, Viking Press, 1970.
44 [117] Ceux qui prennent des risques « calculés » par opposition à ceux qui prennent des risques « inconsidérés ».
45 [118] George Friedman, “The Global Crisis of Legitimacy”, Stratfor, global intelligence, 4 mai 2010. http://www.stratfor.com/weekly/20100503_global_crisis_leg... [119] consulté le 19 août 2010. Traduction libre.
46 [120] “Underpinning the performance of the G7, and indeed driving the global economy, is a large middle class”, Homi Kharas, The emerging middle class in developing countries, op. cit.
47 [121] Xavier Théry, « Comment les classes moyennes ont divorcé des élites », Marianne 2, 27/09/2009, http://www.marianne2.fr/Comment-les-classes-moyennes-ont-... [122] consulté le 30/08/2010.
48 [123] Ibidem.
49 [124] Les néolibéraux évidemment.
50 [125] Par contre, le capital est toujours gagnant.
51 [126] On peut citer le Venezuela.
52 [127] Les révolutions ont souvent eu pour origine la classe moyenne.


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samedi, 23 octobre 2010

La crise de la laïcisation et le retour de la théologie politique

La crise de la laïcisation et le retour de la théologie politique

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Par Paolo Becchi

Un des piliers de l’Occident moderne a été décrit de manière exemplaire par Max Weber comme un processus de rationalisation et de désenchantement du monde. Ce modèle d’identité laïque du monde moderne n’a pas seulement entraîné l’éclatement de la métaphysique en diverses sciences mais également la relégation au domaine privé de la conscience individuelle de la religion et, d’une ma­nière plus générale, des valeurs et des normes. Parallèlement à l’apparition du positivisme scientiste axé sur le paradigme rationnel d’une science axiologiquement neutre, on a assisté à la perte de la dimension publique de la religion qui, comme l’éthique, a été réduite à une affaire privée. Contrairement à la rationalité de la science et de la technique, les choix éthiques et religieux reposent sur des décisions individuelles issues de sentiments personnels, et finalement irrationnels.

 

Depuis longtemps, l’éthique essaie de se détacher de ce schéma. Mentionnons ici John Rawls et sa théorie de la justice, Hans Jonas et son principe de responsabilité et Karl-Otto Appel et son éthique de la discussion. C’est chez ces auteurs que les efforts pour trouver une ultime justification rationnelle ont atteint leur point culminant. Leurs tentatives de réhabiliter la philosophie pratique (en partie seulement chez Jonas) rencontraient un horizon dépourvu de transcendance. Il semblait que le bon Dieu eût perdu sa fonction et le paradigme de Weber, du moins en ce qui concerne la religion, devait continuer à ne pas être mis en doute. L’éthique pouvait sans difficulté devenir publique mais la religion restait dans le domaine privé.

Cependant en raison du fait incon­testable que, ces dernières années, le sentiment religieux avait pénétré sous diverses formes dans le domaine public, cette façon de penser est entrée en crise. Ce phénomène nouveau a produit ce qu’on peut appeler une «réhabilitation de la théologie politique». Pour beaucoup de personnes, cela signifie un dangereux retour en arrière, voire un grand danger pour la démocratie. Mais à mon avis, la démocratie est aujourd’hui menacée par tout autre chose, par exemple quand il suffit à une agence de notation américaine d’élever la voix pour ­mettre l’Union européenne à genoux. Quoi qu’il en soit, il ne se passe pas de jour sans que la presse ne publie un plaidoyer en faveur de la raison laïque, lequel fait renaître un fatras idéologique néo-rationaliste tout à fait inapte à permettre de comprendre la réalité. Mais la question principale reste la suivante: L’Occident est-il sérieusement menacé par la théologie politique ou le paradigme de la laïcisation poussé à ses extrémités est-il au bord de l’effondrement? Voici quelques idées à ce sujet.

L’absence de Dieu, ou du moins sa relégation loin des événements humains, doit être remplacée par le report de sa toute-puis­sance sur l’homo creator. C’est la dernière étape audacieuse de la laïcisation. La vo­lonté humaine devient une copie de la volonté di­vine.

La recherche obstinée d’une libération de toute dépendance extérieure, caractéristique du monde moderne, se révèle actuellement être l’illusion d’une liberté absolue créant les monstres d’une quête de pouvoir qui se dresse non seulement contre la nature extérieure mais aussi contre la nature intérieure, c’est-à-dire la nature humaine. Le fait de se libérer de la transcendance, le caractère absolu donné à l’immanence ont pour conséquence paradoxale un avilissement de ­l’homme. Et pour citer Nietzsche, «il semble que l’homme soit arrivé à une pente qui descend, – il roule toujours plus loin du centre…». De sujet dominateur qu’il était, il est devenu un objet dominé, un instrument passif et sans dé­fense servant à réaliser des expériences techniques de plus en plus sophistiquées et consternantes.

Il s’agit là du projet du génie génétique et de ses nombreux partisans, projet qui représente le plus grand danger de notre ­époque car il remet véritablement en question la survie de l’homme sur Terre. Nous sommes tous reliés les uns aux autres mais prisonniers de ce réseau. Présents partout et nulle part, nous avons déjà perdu le sens de l’espace et nous sommes sur le point de perdre le sens du temps. L’espèce humaine semble avoir atteint le point final de son évolution et une nouvelle réalité se prépare déjà: la création d’une espèce nouvelle, post-humaine, grâce à une intervention directe dans le code génétique de l’espèce actuelle. Peut-on faire quelque chose contre cette évolution insensée vers le néant?

A cet égard, l’éthique et le droit montrent leur faiblesse: Dans les époques de grand danger, on a besoin d’un antidote plus efficace. Et je ne pense pas à la théologie poli­tique au sens d’un instrumentum regni, c’est-à-dire à une reconquête de la religion en tant que simple servante du pouvoir politique. L’ouverture à la transcendance, refoulée et pourtant toujours présente, pourrait peut-être se révéler une importante force motivante. En effet, l’intangibilité de l’homme peut-elle être fondée autrement que par une redécouverte, éventuellement sous forme de théologie négative, cette catégorie du sacré dont on s’est débarrassé trop vite?

Avant qu’il ne devienne un sujet avec Descartes, l’homme n’avait jamais trouvé sa mesure en lui-même, dans le fundamentum inconcussum de sa propre assurance, mais dans l’espace religieux. Afin d’éviter qu’aujourd’hui le processus d’absolutisation de l’homme, le mythe du surhomme, ne se transforme paradoxalement en son anéantissement total, nous devrions redécouvrir le sens religieux de nos limites et le frisson éprouvé devant le sacré en tant qu’ultime horizon du sens. La rationalité ne suffit pas, elle doit se nourrir de quelque chose qu’elle ne peut pas produire elle-même.

Certes, il serait naïf de penser qu’on peut combattre le nihilisme qui gagne du terrain grâce à une synthèse entre la foi et la connaissance. Dans les premiers siècles de notre culture, c’est effectivement la synthèse, réa­lisée par la théologie, entre le christianisme et le platonisme qui l’a emporté sur le premier nihilisme (celui de la gnose). Mais, après le scepticisme radical de ­Nietzsche et de ­Heidegger, cela paraît maintenant impos­sible. Nous devons nous accommoder de l’ab­sence de Dieu, de la présence de cette ab­sence. Mais cela ne signifie de loin pas que «tout soit possible», que l’évolution soit maintenant entre les mains de la volonté de puis­sance d’un homme qui, pour prendre la place de Dieu, irait jusqu’à mettre en jeu son propre avenir. Cela signifie plutôt que nous ne pouvons pas nous empêcher de vivre dans une perspective de doute radical dans lequel il n’y a pas de certitudes et de garanties métaphysiques ultimes mais uniquement une quête de sens permanente. Ce sens n’est pas introduit dans les choses par l’homme mais il existe et l’homme est seul à pouvoir le découvrir.

Dieu ne nous a pas légué son rôle de créateur mais a créé l’homme «à son image» et lui a par là même prêté une dignité transcendante grâce à laquelle il a pu occuper une place particulière dans la nature. Avant toute valeur et au-delà, la référence à la spécificité de la condition humaine, c’est-à-dire à sa signification ontologique, nous permettra peut-être de freiner, voire de stopper la course folle de la société biotechnologique vers l’autodestruction. Cela représente peut-être un espoir pour les générations futures: nous n’avons pas le droit de les priver de la dignité qui nous caractérise et de faire de l’espèce humaine une antiquité dans l’histoire de l’évolution.

Paolo Becchi

Traduction : Horizons et Débats [2]

Paolo Becchi est chargé de cours de philosophie du droit à l’Université de Gênes depuis 1999. Depuis octobre 2006, il est titulaire de la chaire de philosophie du droit et de l’Etat à l’Université de ­Lucerne.

Ses nombreuses activités de chercheur et d’intervenant lors de congrès l’ont mis en contact constant avec la culture juridique de langue allemande. Aussi a-t-il traduit en italien des ouvrages de Hegel, de Hans Jonas et de Kurt Seelmann. Il est membre de l’Istituto Italiano di Bioetica, de la Hans-Jonas-Gesellschaft, de la direction de l’Institut für angewandte Ethik (Grünstadt), de l’Interdisziplinäres Zentrum Medizin-Ethik-Recht de l’Université Martin-Luther de Halle-Wittenberg, du comité scientifique des Rechtsphilosophische Hefte et rédacteur de la revue Ragion Pratica. Ses principaux domaines de recherches sont la philosophie du droit de Hegel, celle des Lumières, l’histoire de l’élaboration des codes aux XVIIIe et XIXe siècles, et certains sujets de bioéthique et de droit de la médecine.

 


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[2] Horizons et Débats: http://www.horizons-et-debats.ch/index.php?id=2364

dimanche, 10 octobre 2010

On achète bien les cerveaux... Sur la publicité et les médias

 

On achète bien les cerveaux...

Sur la publicité et les médias

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"Les liens des régies publicitaires avec les neurosciences prouvent que la fabrication de "cerveaux humains disponibles" chers à Patrick Le Lay, le président de TF1, est devenue une réalité des médias. Une idéologie est à l’oeuvre : elle vise à nous rendre étrangers à nous-mêmes pour faire de nous des cibles normées en fonction d’intérêts marketing.

Je suis l’auteur d’un livre dont vous n’entendrez probablement jamais parler dans vos journaux, à la télévision ou même à la radio. Son nom ? On achète bien les cerveaux (édition Raisons d’agir, 2007). Il ne s’agit pas d’un opuscule tendancieux ou d’un brûlot d’extrême gauche ou d’extrême droite. Simplement, c’est un livre qui prétend apporter une analyse critique sur un phénomène qui rythme notre quotidien : l’omniprésence massive de la publicité et ses conséquences sur les médias. Le titre fait bien sûr référence à la phrase prononcée en 2004 par Patrick Le Lay, le PDG de TF1, sur le « temps de cerveau humain disponible » que le patron de la chaîne s’enorgueillit de vendre à Coca-Cola. Je suis allée enquêter dans le cœur même de la machinerie publicitaire de la Une. Et ce dont je me suis aperçue, c’est que la commercialisation du cerveau du téléspectateur n’est pas un phantasme ou un abus de langage. C’est le reflet de la plus stricte vérité si l’on en croit les propos de neurologues qui travaillent aujourd’hui pour les principaux médias, dont TF1, sur l’impact de la publicité dans la mémoire.

Le temps n’est plus où l’on se contentait de tests et de post-tests pour prouver l’efficacité des messages publicitaires. Face à des nouveaux médias comme Google ou Yahoo, qui proposent à l’annonceur de payer pour chaque contact transformé en trafic et de suivre le client à la trace, les grands médias cherchent à montrer qu’ils arrivent à pénétrer l’inconscient des consommateurs. A l’instar des grands annonceurs américains, ils ont confié à une société spécialiste des sciences cognitives, Impact Mémoire, le soin d’explorer ce que le cerveau retient dans la communication publicitaire. Pour cela, les « neuromarketers » ont recours à une machine uniquement utilisée jusqu’à présent à des fins médicales, pour détecter les tumeurs par exemple : l’imagerie à résonance magnétique (IRM). Que disent les expériences menées en laboratoires ? Que la zone du cerveau réactive aux images publicitaires, le cortex prefrontal médian, est associée à l’image de soi et à la connaissance intime qu’on a de soi-même (c’est la région cérébrale qui est affectée lorsqu’il y a des troubles de schizophrénie par exemple). En activant le cortex prefrontal médian, les neuromarketers cherchent donc à réussir l’alchimie parfaite : l’opération qui consiste à transformer tout amour de soi en tant que soi - le narcissisme - en amour de soi en tant qu’autre - une cible publicitaire. La publicité vise donc à nous rendre en quelque sorte étrangers à nous-mêmes pour modeler en nous des comportements normatifs qui épousent les intérêts des firmes commerciales.

On le sait depuis Jean Baudrillard et John Kenneth Galbraith, la société de consommation ne peut exister sans son corollaire publicitaire. Car seule la publicité crée dans les têtes une urgence fantasmatique et pavlovienne sans laquelle il n’est pas de tension consumériste : c’est parce que je suis sans cesse sollicité par un univers euphorisant, rempli de symboles de bonheur, que je tends vers la jouissance de l’acquisition matérielle. De cette tension naît un désir structurant dans la mesure où il permet à l’individu d’exister en tant qu’homo consumans. Adhérer aux valeurs de l’imagerie publicitaire - « On vous doit plus que la lumière », « Vous n’irez plus chez nous par hasard », « Parce que je le vaux bien » -, c’est communier aux nouvelles icônes des temps modernes. Il s’agit de prendre corps dans l’espace collectif, de se transfigurer dans une identité à la fois plurielle et, puisqu’elle s’adresse à moi en tant que cible, singulière. L’essayiste François Brune parle d’une « volonté de saisie intégrale de l’individu dans ce qu’il a d’anonyme ». D’où un principe clé de la domestication des esprits : chacun cherche à se ressembler en tant que tribu consommatrice. C’est en effet parce que je renonce à mon appartenance à une identité universelle pour m’inscrire dans une fonctionnalité « tribalisée » que j’abdique de ma citoyenneté au profit d’un label de consommateur tel que l’entend l’ordre marchand. Ce faisant, la publicité permet la mutation d’une société de classes vers autant de cibles qu’il y a d’intérêts et de positions économiques à défendre. Elle vise la reproduction et la permanence de stéréotypes inhérents à tout message établi en fonction d’un statut supposé sur l’échelle sociale.

Seulement, puis-je réellement me retrouver dans cette incessante musique d’ambiance que je n’ai pas sollicitée ? Comme l’a montré Bernard Stiegler dans De la misère symbolique (éditions Galilée, 2004), « on ne peut s’aimer soi-même qu’à partir du savoir intime que l’on a de sa propre singularité ». Or les techniques marketing, parce qu’elles me donnent à entendre et à voir des sons et des images identiques à celles de mon voisin, me construisent une histoire qui est semblable à celle de mes congénères. Comme tel, c’est bien à un effondrement de la conscience individuelle et à une dissolution du désir que nous conduit l’idéologie publicitaire : « Mon passé étant de moins en moins différent de celui des autres parce que mon passé se constitue de plus en plus dans les images et les sons que les médias déversent dans ma conscience, mais aussi dans les objets et les rapports aux objets que ces images me conduisent à consommer, il perd sa singularité, c’est-à-dire que je me perds comme singularité ».( De la misère symbolique, op. cit. p. 26). Selon Bernard Stiegler, le règne hégémonique du marché entraîne inexorablement la ruine d’un « narcissisme primordial » en ce sens qu’il induit un « conditionnement esthétique » qui est aussi une « misère libidinale et affective ». En s’identifiant à la cible publicitaire à laquelle il est supposé appartenir, le consommateur consent par là même à la dissolution de son désir individuel dans un « nous » artificiel créé pour les besoins d’édification du marché des classes dominantes.

De ce conditionnement va naître une nouvelle socialité phantasmatique qui amène le consommateur à se sentir déterminé beaucoup moins par son groupe de classe, son origine sociale, que par des aspirations collectives véhiculées par les médias. Ce n’est d’ailleurs pas tant des emblèmes statutaires que cherche à promouvoir la publicité que des rapports imaginaires qui permettent à l’individu d’exister virtuellement dans le regard de ses contemporains. Tout est prétendument accessible, y compris le luxe, puisque je ne suis plus prisonnier de mon statut mais libéré par ma consommation. A la vieille division archaïque entre dominants et dominés doivent venir se substituer des communautés de désirs susceptibles de reconstruire un « nous entièrement fabriqué par le produit ou le service » comme dit Stiegler.

L’ homo economicus est en quelque sorte consommé par ce qu’il consomme. Il se jette à corps perdu dans l’addiction consumériste, non pas tant dans une course éperdue à l’avoir, comme on le croit souvent, mais pour être. Car le bonheur publicitaire apporte une forme de plénitude fugace dans une société privée de repères politiques et esthétiques. Après la fin proclamée des idéologies et l’avènement d’une classe moyenne de plus en plus compromise par des tensions inégalitaires, il structure notre être de façon rituelle en permettant la transfiguration d’un « je » devenu anarchique, incontrôlé, en un « nous -cible » standardisé et resocialisé.

Créée en 1836 pour aider les journaux à mieux se vendre aux masses populaires, la publicité s’impose aujourd’hui comme le mode de financement principal, voire exclusif, des médias à l’ère numérique. Le consommateur accepte avec insouciance cette manne providentielle qui lui permet d’accéder à des contenus. Mais en connaît-il vraiment le prix ? Information altérée au profit d’intérêts économiques, positionnements éditoriaux déterminés par les perspectives de recettes des annonceurs, campagnes véhiculant des stéréotypes sociaux... Parce qu’elle structure de façon incontestée notre inconscient collectif, la publicité est devenue un vecteur non plus seulement de revenus mais de sens... Les médias tendent à se transformer en zélés prédateurs d’une clientèle-proie pour le compte de leurs principaux clients. Des neurosciences au travestissement des contenus, tout est mis en place pour parvenir à cet objectif. Ce livre se propose d’étudier comment l’instrument économique d’une démocratisation de l’information s’est peu à peu mué en outil politique d’une domination économique."

Marie Bénilde

dimanche, 03 octobre 2010

"De l'inégalité parmi les sociétés" de Jared Diamond

« DE L'INÉGALITÉ PARMI LES SOCIÉTÉS » de Jared DIAMOND

par Pierre MARCOWICH

ex: http://www.oswald-spengler-le-retour.net/

 

jared-diamond.jpgDans son ouvrage, « DE L’INÉGALITÉ PARMI LES SOCIÉTÉS », Jared DIAMOND se donne pour ambition de nous faire découvrir les facteurs permanents qui auraient, selon lui, déterminé, comme une loi d’airain, l’évolution des sociétés humaines depuis la fin de la dernière glaciation jusqu’à nos jours, ce qui représente une période de 13.000 ans. (1) 

Je précise tout d’abord qu’en utilisant l’expression de « loi d’airain » qui aurait pesé sur l’évolution des sociétés humaines depuis la Néolithique, je suis fidèle à l’esprit de l’auteur qui a d’ailleurs voulu affirmer sa thèse dans le titre même de son ouvrage. 

En effet, le titre de l’ouvrage en anglais est nettement plus explicite que celui en français : « GUNS, GERMS, AND STEEL, THE FATES OF HUMANS SOCIETIES », titre qui se traduit en français de la façon suivante :

Canons, microbes, et acier, les Parques des Sociétés humaines. Selon le WEBSTER’S DICTIONARY, le mot "The Fates", repris du latin, signifie en anglais "Les Parques", divinités romaines qui décident de manière inflexible et impitoyable le destin de chaque homme. (2)

L'analogie est évidente, puisque l'auteur évoque trois phénomènes bruts désignés par l'auteur comme agents implacables du destin des sociétés depuis 13.000 ans. 

C’est un titre à la Jean-Jacques ROUSSEAU avec son "Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes" (1755) que le traducteur (ou l’éditeur) a préféré octroyer à l’ouvrage de Jared DIAMOND dont le titre est devenu « De l’inégalité des sociétés », Est-ce dans le but d’atteindre, avec le maximum d’efficacité, un public portée sur les questions philosophiques ?

Comme il le confie lui-même, dans son ouvrage, Jared DIAMOND, docteur en physiologie, est un spécialiste de l’évolution biologiques des oiseaux qu’il a étudiés en Papouasie-Nouvelle-Guinée, en Australie et en Amérique du sud. Dans le même temps, ses séjours lui permirent de se familiariser avec « maintes sociétés humaines technologiquement primitives » (page 34).  

La problématique telle que la pose Jared DIAMOND 

Jared DIAMOND formule la problématique de l’évolution historique des sociétés humaines depuis la fin du dernier âge glaciaire, il y a 13.000 ans, par l’énonciation suivante : 

« Certaines parties du monde ont créé des sociétés développées fondées sur l’alphabétisation et l’usage d’outil métalliques, d’autres ont formé des sociétés uniquement agricoles et non alphabétisées, et d’autres encore sont restées des sociétés de chasseurs et de cueilleurs avec des outils de pierre. » (page 11) 

De cette situation, affirme Jared DIAMOND, découle, depuis 13.000 ans, une inégalité entre les sociétés humaines, qui fait que les premières ont conquis ou exterminés les deux autres. 

Il convient de remarquer qu’il ressort de l’énoncé de Jared DIAMOND, que, selon lui, ce ne sont pas les hommes qui « créent » les « sociétés », mais certaines « parties du monde », c’est à dire des zones géographiques, autrement dit la nature (la terre, l’eau, le climat, les montagnes, la mer). Il découle de l’énoncé de Jared DIAMOND que la nature aurait la « volonté » de prendre la décision de créer les sociétés. On croit lire l’entrée en matière d’une sorte de nouvelle Génèse, matérialiste, où la nature remplacerait le Dieu de l’ancienne Bible.  

Bien sûr, le lecteur comprend ce que, malgré la faiblesse de son expression, Jared DIAMOND veut dire : selon lui, la matière, comprise uniquement comme phénomène concret, palpable, visible, se trouve être à l’origine de toute formation sociale. 

De plus, prétendre que d’autres parties du monde ont formé « des sociétés uniquement agricoles » est tout aussi aberrant, car toutes les « sociétés développées » sont passées, elles aussi, par le stade agricole pour s’urbaniser par la suite, outre qu’il paraît hasardeux de qualifier de « société » un clan de la préhistoire (biologiquement homogène) vivant de chasse et de cueillette. 

Ce manque de rigueur est frappant chez une personne qui se présente comme un scientifique de haut niveau. 

Quant à la prétendue « alphabétisation » des sociétés développées, ce n’est qu’un phénomène relativement récent dans les sociétés développées. Je préfère y voir une erreur du traducteur qui a confondu alphabétisme (système d’écriture composé de lettres) avec alphabétisation (enseigner la lecture et l’écriture aux analphabètes). 

En réalité, la vraie question que se pose Jared DIAMOND tout au long de son ouvrage, de la première page jusqu’à la dernière page, est celle-ci : 

« Pourquoi, (..), ce sont les sociétés européennes, plutôt que celle du Croissant fertile, de la Chine qui ont colonisé l’Amérique et l’Australie ? ». (page 614) 

Car, la situation de domination sur le monde exercée par l’Europe, depuis le 15ème siècle, semble beaucoup chagriner Jared DIAMOND.  

Jared DIAMOND ne veut voir dans cette domination que l’effet du hasard, provoqué par des phénomènes uniquement matériels, d’ailleurs venus de l’Asie du Sud-Est, de sorte que, selon lui, les Européens n’ont aucun mérite d’avoir créé des sociétés développées. Briser la superbe de cette Europe (État-Unis compris, où il vit), tel est l’objectif de son livre. Par quel moyen ? Pour Jared DIAMOND, l’Histoire doit devenir une science, s’inspirant de sciences comme « la génétique, la biologie moléculaire et la biogéographie appliquée aux cultures* et à leurs ancêtres sauvages* » (page 32). [Attention, il s’agit ici des cultures céréalières ou légumières et de leurs ancêtres sauvages

La thèse de Jared DIAMOND

Pour Jared DIAMOND, les sociétés qui bénéficient des milieux les plus favorables pour son alimentation seront à même de supplanter et d’exterminer les autres moins favorisées vivant sur des terres plus ingrates.Selon Jared DIAMOND, tout, à la base, est une question d’alimentation. 

Ainsi, pour qu’une société soit « supérieure » à d'autres sociétés, il est nécessaire qu’elle dispose : 

- d’une installation sur des terres où la nature se montrerait prolifique et généreuse en céréales sauvages ; 

- de la meilleures combinaison d’un certain nombre de cultures agricoles : céréales et de plantes légumières à forte concentration de protéines qui auront, au préalable, été domestiquées ; 

- du plus grand nombre d’animaux domesticables de toute taille pour son alimentation, dont pourtant certains doivent être assez robustes et d’une taille assez importante pour qu’ils soient capables de transporter la production agricole, et bien sûr, aussi le matériel de guerre et les troupes ; 

- d’une localisation géographique parfaite permettant à la société de bénéficier par simple diffusion des innovations culturelles (écriture), culturales (agricultures) et technologiques réalisées par d’autres sociétés ; 

La meilleure alimentation et la réception rapide de ces innovations venues de l’extérieur permettra à la société de passer rapidement du stade de l’âge de pierre à l’âge de bronze puis à celui du fer, qui seront d’une grande utilité non seulement pour la production agricole, mais aussi et surtout pour la fabrication des armes de guerres (fusils, canons, épées, etc.). 

En outre, l’élevage du bétail provoquera de graves maladies dans la population qui le pratique. Mais, au cours des siècles, cette population en sera finalement immunisée par l’habitude. Par contre, lorsque cette société envahira d’autres sociétés pratiquant moins ou pas tout l’élevage du bétail, ces maladies provoqueront des hécatombes dans les sociétés envahies. Par conséquent, nous dit Jared DIAMOND, l’élevage du bétail, ou du moins les microbes qui en sont la conséquences, constitue une arme de guerre. Je rappelle le titre originel anglais de l’ouvrage « canon, microbes et acier, les Parques, etc.). 

Si elle est en possession de ces atouts, ladite société est, selon Jared DIAMOND, mécaniquement assurés du succès, à savoir conquérir d’autres sociétés. C’est le miracle de la méthode d’analyse causale, d’après laquelle chaque phénomène est obligatoirement l’effet du phénomène précédent et la cause du phénomène suivant. 

Jared DIAMOND constate que, sur ce plan, c’est l’Asie qui a été privilégiée, en particulier, le Croissant fertile (Proche-Orient) où sont d’ailleurs nées les premières civilisations (Chine, Summer, Égypte, Arabe). Ce sont, selon Jared DIAMOND, les sociétés préhistoriques de cette régions qui vont conquérir les autres sociétés. Remarquons, au passage, qu’il oublie l’Inde. 

Autre objection : chacun sait que c’est l’Europe qui, dans la période historique, va conquérir l’Afrique, l’Australie, l’Océanie, l’Amérique du Nord et du Sud, l’Antartique, etc. Jared DIAMOND est conscient de cette contradiction : sa théorie ne colle pas avec les faits historiques. Qu’à cela ne tienne, il « invente » un nouvelle aire géographique, homogène selon lui, l’Eurasie, englobant à la fois l’Europe et l’Asie. Dans cette Eurasie, la région Europe aurait pratiquement tout reçu de l’Asie, en cultures céréalières, en animaux domestiques, en métaux, poudre à canon, de telle sorte que, quels que soient par la suite les progrès techniques, intellectuelles qu'elle réalisera, l'Europe n’en aurait, selon l'auteur, aucun mérite. C’est ainsi que Jared DIAMOND arrive à écrire cette véritable loufoquerie à la logique incohérente : 

« Les colons européens n’ont pas crée en Australie une démocratie industrielle, productrice de vivres et alphabétisée. Tous ces éléments, ils les ont importés de l’extérieur : le cheptel, toutes les cultures (sauf les noix de macadamia), les techniques métallurgiques, les machines à vapeur, les fusils, l’alphabet, les institutions politiques et même les germes. Il s’agissait à chaque fois de produits finis, fruits de 10 000 ans de développement dans les milieux eurasiens. Par un accident de la géographie, les colons qui débarquèrent à Sydney en 1788 avaient hérité de ces éléments (sic) » (pages 482 et 483). Bien sûr, Sydney n’existait pas en 1788. Ainsi, pour Jared DIAMOND, la démocratie, l’industrie et l’alphabétisation sont des  inventions chinoise, arabe ou égyptienne. Pourquoi pas les cathédrales gothiques, l’industrie nucléaire et les vaccinations antirabiques et antivarioliques qui ont sauvé tant de peuples conquis par l’Europe ? 

Jared DIAMOND prétend que la diffusion des innovations de Chine jusqu’en Europe du Nord, dans ce qu’il appelle, pour les besoins de sa cause, l’Eurasie, était facile sur l’axe Est-Ouest. C’est oublier les Chaînes de montagnes et le désert à traverser entre la Chine et l’Iran. 

Par contre, Jared DIAMOND prétend que l’axe Nord-Sud du continent américain était plus accidenté au niveau de l’Amérique centrale outre, les ’immenses forêts, de sorte que la diffusion des innovations entre le Nord et le Sud  était fortement ralentie, la voie marine étant impossible à utiliser à cause de la présence d’un désert au Texas. C’est ici aussi oublier que les îles Caraïbes ont été colonisées par les Indiens du même nom. Il est d’ailleurs curieux que Jared DIAMOND n’indique pas sur la carte géographique qu'il produit les mouvements d’émigration des populations des peuples Caraïbes vers les îles Caraïbes, alors que sur la même carte il indique en détail les mouvements migratoires vers les îles polynésiennes. Pourquoi cette pudeur pour les Îles caraïbes. Est-ce pour ne pas gêner sa théorie ? 

L’exemple le plus important de cette curieuse méthodologie est celui du passage des hommes préhistoriques de la Sibérie en Amérique du Nord. Les préhistoriens situent cet événement en –20.000 avant J.C., en raison de la possibilité de passage à pied sec. Jared DIAMOND le situe beaucoup plus tard vers –13.000 avant J.C., tout simplement parce qu’aucune découverte archéologique n’a été faite datant de –20.000 à –13.000 sur ce passage. Il faut dire que cela arrange sa théorie, à savoir que les Indiens n’ont pas bénéficié du temps nécessaire pour se développer autant qu’ils l’auraient pu si leurs ancêtres avaient traversé le détroit de Behring en -20.000 avant notre ère. 

Au regard du simpliste et grossier matérialisme, sur lequel Jared DIAMOND base sa thèse, Karl MARX, avec son matérialisme historique, fondé sur les contradictions naissant des rapports sociaux de production (la matière, l’infrastructure), mais qui tient compte de l’influence majeure des superstructures (l’idéologie, le psychisme) dans le cours de l’histoire, pourrait passer pour un adepte de la métaphysique platonicienne, rêvant du monde des Idées. 

Il est vrai qu’il s’agit d’un ouvrage de de compilation et de vulgarisation qui ne nécessite aucune connaissance précise en histoire, en philosophie, en sciences écrit en langage simple et même familier. Il comporte 694 pages présentant en détail les migrations préhistoriques, la domestication des légumes, des céréales et de certains animaux sauvages. Il ne nécessite un effort de réflexion de la part du lecteur moyen. En effet, les notions de société, d’histoire, de culture, de civilisation, d'Etat, employés indifféremment pour toutes les époques préhistoriques et historique, ne sont jamais définis, car toujours règne l’évidence. C’est donc un ouvrage qui fait appel au « bon sens populaire ». 

Je ne veux pas dire qu’il faille écarter d’un revers de main les données brutes relatives au climat, à la végétation, aux cultures de céréales, aux légumes cultivés et à l’élevage du bétail selon les régions géographiques que Jared DIAMOND expose dans son ouvrage. 

En effet, dès 1920, Oswald SPENGLER considérait que, pour comprendre  l’histoire des cultures, il était nécessaire de prendre en compte l’histoire de l’économie, du droit, mais aussi l’histoire du paysage. Or, à propos du paysage, voici ce qu’il écrivait  : 

« Il nous manque également une histoire du paysage (donc du sol, donc de la végétation et du climat) sur lequel s’est déroulé l’histoire humaine depuis 5.000 ans. Or, l’histoire humaine est si difficile à séparer de l’histoire du paysage, elle reste si profondément liée à elle par des milliers de racines, qu’il est tout à fait impossible, sans elle de comprendre la vie, l’âme et la pensée. 

En  ce qui concerne le paysage sud-européen, depuis la fin de l’ère glaciaire une invincible surabondance de végétation cède peu à peu sa place à l’indigence du sol.

À la suite des cultures égyptienne, antique, arabe, occidentale, s’est accomplie autour de la Méditerranée une transformation du climat selon laquelle le paysan devait abandonner la lutte contre le monde végétal et l’entreprendre pour ce même monde, s’imposant ainsi d’abord contre la forêt vierge, puis contre le désert.

Au temps d’Hannibal, le Sahara était loin au sud de Carthage, aujourd’hui, il menace déjà l’Espagne du Nord et l’Italie ; où était-il au temps des constructeurs de pyramides portant en relief des tableaux de forêts et de chasse ?

Après que les Espagnols eurent chassés les maures, le caractère sylvestre et agricoles du pays qui ne pouvait être maintenu qu’artificiellement, s’effaça. Les villes devinrent des oasis dans le désert. Au temps des Romains, cette conséquence ne se serait pas produite. » (3) 

Oswald SPENGLER est bien conscient que sa vision de l’histoire ne peut pas prendre en compte l’histoire du paysage (sol, végétation, climat), en raison de l’inexistence à son époque de telles études. Cependant, malgré le manque de données à sa disposition, Oswald SPENGLER entreprend, en une dizaine de lignes, une analyse synthétique sur un problème bien connu depuis longtemps : l’avancée du désert autour de la Méditerranée. Cependant, tout en constatant la grande importance de cet aspect physique dans l’évolution des civilisations méditerranéennes, Oswald SPENGLER introduit en même temps le facteur culturel : « Les villes devinrent des oasis dans le désert. Au temps des Romains, cette conséquence ne se serait pas produite. »

Tout laisse penser qu’après l’expulsion sur les Maures, les Espagnols de cette époque, les dizaines de milliers d’Espagnols venus du Nord qui s’étaient installés dans le Sud après la Reconquête, n’étaient pas du tout intéressés à continuer l’œuvre routinière du système d’irrigation laissé par les Arabes, en raison de son caractère administratif, collectiviste et coercitif poussé à l’extrême. C’était l’époque des chevaliers errants, de l’aventure. Les Espagnols de l’époque, en Occidentaux qu’ils étaient, tournés vers le lointain, individualistes forcenés, préférèrent partir à l’aventure au pays de l’Eldorado, en Amérique du Sud, pour y gagner richesses et liberté. Dans le sud de l’Espagne, les villes devinrent donc des oasis au milieu du désert.

Oswald SPENGLER ajoute qu’avec les Romains, une telle désertification ne se serait pas produite. En effet, quand ils conquéraient un pays, leur culture étant tournée vers l’aspect administratif et juridique des choses, les Romains construisaient des aqueducs, des routes, etc. pour contrôler le pays et ses populations avec leurs armées, de sorte que ces ouvrages d’art auraient permis d’arrêter l’avancée du désert, si, par hypothèse virtuelle, ils avaient hérité du système d’irrigation construit par les Arabes en Espagne. 

La méthode historique selon Oswald SPENGLER, allie donc les facteurs géographiques aux facteurs culturels, exerçant selon lui un rôle prédominant. L’histoire devient, dès lors, plus compréhensible. 

Jared DIAMOND, quant à lui, pour « expliquer » l’histoire humaine, ignore totalement le facteur culturel, c’est à dire la vision du monde, l’interprétation que les hommes se font de la vie : leurs mythes, leurs croyances, leurs conceptions artistiques et « scientifiques », la spécificité de leur organisation politique. 

C’est ainsi que Jared DIAMOND nous parle souvent de « ses amis » Papous (ou Néo-Guinéens), mais jamais il ne nous expose ni leur culture, ni leur leur vision du monde, etc. Il affirme que lui et ses amis néo-Guinéens se posent mutuellement « mille questions », mais nous ne saurons jamais le contenu de ces questions.

 

 

Dans le tableau intitulé « Facteurs sous-jacents de l’Histoire » depuis la fin de l’époque glaciaire (page 122), Jared DIAMOND nous « explique » les « chaînes de causalité menant des facteurs lointains (orientations des axes continentaux) aux facteurs proches (fusils, chevaux, maladies, etc.) permettant à certains peuples d’en conquérir d’autres ». C’est une conception totalement zoologique de l’homme.  

collapse.jpgL’homme peut très bien se nourrir convenablement et ne pas avoir la force (psychique) de conquérir d’autres peuples. Par exemple, les Romains du 4ème siècle après J.C., c’est à dire ceux qui vivaient dans le Bas-Empire décadent, étaient mieux nourris que les Barbares Germains, et pourtant ce sont ces Barbares qui ont détruit l’Empire romain en 476. Aujourd’hui, les Européens, dont les ancêtres ont conquis l’Amérique du Nord et du Sud, il y a 500 ans, sans trop de problèmes, sont mieux nourris que les Afghans. Pourtant, ils seraient bien incapables (psychiquement) d’envoyer une véritable Armée conquérir l’Afghanistan. Leur pacifisme affiché n’a pour objet que de voiler leur incapacité psychique. On pourrait multiplier les exemples.  

Pour comprendre pourquoi, à un moment donné de l’histoire, certaines sociétés ont conquis d’autres sociétés, il s’avère nécessaire de prendre en compte leur histoire et kleur culture. 

Mais, ne prenant jamais en compte ni l'histoire ni la culture des sociétés qu’il évoque, Jared DIAMOND a une conception totalement a-historique de l’évolution des sociétés humaines.  

C'est pourquoi, Jared DIAMOND, qui se veut historien, ne se pose jamais la question de la signification d’un événement au regard de l'histoire.

Pour qu’un évènement soit considéré comme historique, il faut qu’il ait une signification pour les hommes d’aujourd’hui, sinon, il se perd dans la masse des faites bruts. 

Or, Jared DIAMOND fonde sa théorie de l’histoire humaine sur le principe de l’alimentation la meilleure en protéines et l’élevage de bétail comme « moteur » de l’histoire, en soulignant sur de nombreuses pages les multiples conquêtes qu’ont réalisées les hommes de la préhistoire.

Jared DIAMOND expose longuement les invasions préhistoriques des Chinois du Nord vers le Sud, faisant disparaître un certain nombre de peuples ou les chassant, tandis que ceux chassés de la Chine du Sud envahissaient la péninsule indochinoise et les îles polynésiennes, exterminant au passage les peuples déjà installés. Jared DIAMOND décrit les mêmes mouvements d’extermination et de conquête en Afrique, entre tribus africaines.

Mais les ayant signalés, il les oublie tout aussitôt. Et il a raison. Car tous ces mouvements guerriers de la Préhistoire n’ont aucune signification aujourd’hui.  

En effet, les luttes entre deux tribus d’une société primitive, en Afrique ou en Europe, n’ont aucune espèce d’importance pour nous aujourd’hui,  Elles n’ont aucune signification pour la compréhension du monde actuels. 

Par contre, la victoire de la tribu barbare germanique des Chérusques sur les Romains en l’an 9, ou des Aztèques sur les Tlascanes au Mexique, s’appelle de l’histoire. Car ici, le "quand ?" a son importance. 

La défaite des Romains en l'an 9, cette défaite eut pour conséquence pour les Romains de ne plus tenter de s’aventurer en Germanie, ce qui évita ainsi la romanisation. Nous aurions alors eu une Europe Gallo-romaine. Cet événement marque donc encore le monde moderne. 

Par contre, Jared DIAMOND s’appesantit, pour les stigmatiser, lourdement sur les conquêtes européennes et les massacres qu’elle provoqua  Comme je viens de le dire, il a parfaitement raison de faire ressortir l’action de l’Europe, même s’il n’est pas conscient du motif réel et se limite à la stigmatisation.

En effet, en partant à la conquête du Monde à partir du 15ème siècle, l’Europe a forcé, au besoin par les armes, et parfois de façon cruelle, de nombreux peuples qui vivaient repliés sur eux-mêmes à entrer dans l’Histoire, dans la « modernité » telle que la conçoit l’Occident. Elle a contraint les peuples repliés sur eux-mêmes à se découvrir entre eux. Elle a également contraint d’autres peuples qui, dans les siècles passés avaient joué un grand rôle comme puissances mondiales (Chine, Inde, monde arabe) à revenir sur la scène historique. En même temps, elle leur a fait découvrir, avec les progrès technologiques et sanitaires, ses notions de Liberté, de démocratie, d’État-Nation, etc, que, d’ailleurs, ces peuples retourneront plus tard contre elle. 

Contrairement à d’innombrables conquêtes et exterminations réalisées par d'autres peuples, la conquête européenne de plusieurs continents est un exemple de fait historique ; elle fait histoire,  car il a encore aujourd’hui une signification. 

Autrement dit, en soulignant avec force la conquête de l’Amérique, de l’Afrique, de l’Australie tout en minimisant l’intérêt des conquêtes d’autres peuples,  Jared DIAMOND constate un véritable fait historique, mais sans en saisir la signification profonde.  

Ce faisant, il détruit l’intérêt de sa propre théorie comme explication exhaustive et définitive de l’histoire depuis la fin de l’époque glaciaire, car il est évident que les Européens n’ont pas conquis tous les continents de la planète parce qu’ils avaient, il y a 13.000 ans, une alimentation basée sur tels ou tels légumes ou céréales.  

Les Européens ont réalisé ces conquêtes parce que leur culture, c’est-à -ire leur vision du monde, les portait à regarder vers le lointain beaucoup plus que la culture arabe, pourtant conquérante, et la culture chinoise, elle aussi conquérante, tandis que l’indienne ni l’antique n'’avait pas du tout cette attirance vers ce qui est étranger et loitnain. 

Cet attrait vers le lointain était déjà présent vers l’an 1000 avec les Croisades, tandis que, dès le 13ème siècle, Marco Polo partait, avec sa famille, à l’aventure jusqu’en Chine pendant près de 17 années. Un Chinois, est-il venu en Europe à cette époque ?

Puis, au 15ème siècle, ce fut cet attrait vers l’Océan qui semblait constituer la voie la plus courte pour aller jusqu’en Chine et Japon où l’on trouvait, croyait-on à cette époque, de l’or à foison. Les meilleurs esprits scientifiques, en même temps théologiens et philosophes, tiraient des plans permettant de partir. Et finalement, arriva ce qui devait arriver. Un roi se laissa convaincre. On partit alors avec beaucoup d’impatience, en toute hâte, comme une pulsion puissante qui explose enfin en jaillissant du plus profond des instincts, sur de frêles embarcations vers l’inconnu, vers l’Ouest. 

Mais Jared DIAMOND, qui ignore tout de la notion d’histoire, ne pense pas à se poser la question du « Quand ? ». . « Car ici, le quand a son importance », nous dit Oswald SPENGLER. Or, à cette époque, l’Europe était encore une culture jeune, en pleine maturité, qui avait une force psychique que nous, Européens civilisés, avons du mal à imaginer et même à comprendre.

En face, qu’y avait-il ?

Des peuples dont certains étaient à peine sortis du néolithique, des empires découpés en lambeaux, des civilisations endormies ou tombées dans la barbarie (Chine, Inde, Monde islamo-arabe) aux populations psychiquement prostrées, acceptant n’importe quel conquérant, occupése seulement à se reproduire et à travailler, n’éprouvant aucun intérêtsaux luttes féroces pour le pouvoir qui se déroulaient au-dessus d'elles et dont elles n’attendaient rien.

L’empire Aztèques était en réalité l’héritier de la vieille civilisation maya, essoufflée, malgré l’apparence barbare des Aztèques qui en avaient pris le commandement par la force. Quant à l’empire Inca, à peine né, sans écriture, il était déjà profondément divisé en raison de son système politique de transmission du pouvoir.

L’Europe ne pouvait que sortir victorieuse de toute ces confrontations et amener ces peuples sur la scène de l’Histoire. Désormais, ce qui se passe au Darfour, au Rwanda, au Tibet, en Colombie, en Australie, en Iran, etc., dans la moindre contrée,  intéresse chaque habitant de la planète. C’est l’œuvre historique de l’Europe. 

Jared DIAMOND veut « expliquer » l’Histoire, comme s’il s’agissait d’expliquer un comportement de molécules ou d’une masse musculaire stimulée en laboratoire. En le lisant, on a l’impression que l’homme est surtout un estomac

Jared DIAMOND n’est pas parvenu à comprendre l’histoire, car il ignore totalement l’aspect psychique à la base des comportements et des actes des êtres humains. Cet aspect psychique apparaît dans ce qu’on appelle la culture (vision du monde, actuel, passé et à venir), mythes, croyances, morale, art.  

Par exemple, les Aborigènes d'Australie ont une culture centrée sur ce qu’ils appellent « le temps du rêve », ou simplement « le rêve » (cela rappelle le culture indoue),

 Le « temps du rêve » explique les origines de leur monde, de l’Australie et de ses habitants. Selon leur tradition, des créatures géantes, comme le Serpent arc-en-ciel, sont sorties de la terre, de la mer ou du ciel et ont créé la vie et les paysages australiens. Leurs corps géants ont créé des fleuves et des chaînes de montagne mais leur esprit est resté dans la terre, rendant la terre elle-même sacrée aux peuples indigènes. Le rêve, la terre sacrée, autant de mythe qui ont incité les aborigènes d’Australie à ne pas quitter leurs régions pour partir à la découverte d’autres peuples et profiter des innovations des peuples voisins. Jared DIAMOND, qui se prétend leur « ami »,  ne dit pas un mot sur leur culture, leurs mythes, leur vision du monde, leur religion, qui pourraient expliquer bien des choses. À mon avis, la thèse de la prépondérance de l’esprit, de la culture, sur le comportement humain permet de mieux comprendre l’histoire.

Jared DIAMOND ne se pose pas non plus la question de comprendre pourquoi après 40.000 ans d’occupation de l’Australie, on ne dénombre, à l’arrivée des premiers Européens en 1788, que 250.000 aborigènes, alors que les Indiens sont plusieurs millions après 15.000 ans d’occupation de l’Amérique, au 15ème siècle, à l’arrivée des Espagnols. Que s’est-il passé ? Quels Empires se sont effondrés ? que signifie réellement ou symboliquement ces figures de géants gravés sur les rochers il y a 10.000 ou 30.000 ans ? Mais Jared DIAMOND ne s’intéresse qu’aux estomacs.

Pour ce qui concerne les Papous de Papouasie-Nouvelle-Guinée, que Jared DIAMOND présente aussi comme « ses amis », on ne saura rien de leur culture à la fin des 694 pages, malgré tout un chapitre intitulé « Le peuple de Yali », dans lequel Jared DIAMOND se borne à récapituler toutes les cultures légumières, les élevages du cochon et les migrations depuis la Préhistoire. Pourtant, Jared DIAMOND aurait pu exposer au lecteur le fondement de la culture papoue centrée sur le prestige et la beauté du guerrier. Quelle signification symbolique pouvait avoir leur comportement nécrophage et anthropophages. Sur tout cela, Jared DIAMOND reste muet, arc-bouté sur sa thèse sur l’influence du seul milieu géographique sur l’histoire humaine. 

Mais passé « l’effet-céréales-légumes-bétail » qui, selon Jared DIAMOND, aurait expliqué à lui seul la prédominance du Croissant fertile et de la Chine sur le monde depuis la préhistoire, comment expliquer que ces deux régions ont perdu leur puissance mondiale, leur capacité d’expansion et d'innovation, de sorte que ce ne sont pas elles qui ont découvert et conquis l’Amérique, mais l’Europe ? 

 Fidèle à lui-même, sans même dire un seul mot des facteurs culturels., Jared DIAMOND ne voit qu’une explication matérialiste et mécaniste à la sortie de l’Histoire de ces deux régions. 

b054PB_lg.jpgPour ce qui concerne le Croissant fertile, Jared DIAMOND prétend que la cause du déclin se trouverait, selon lui, simplement dans la désertification, tout en « oubliant » de citer la culture arabo-islamique, pour les besoins de sa cause. Car la civilisation arabo-islamique, bien qu’issue du désert, parvient naturellement à surmonter la désertification au moyen de son esprit conquérant, de sorte qu’elle fut à deux doigts de surpasser l’Occident naissant pour la domination du monde, outre que son rayonnement a duré tout de même 5 siècles au minimum. Mais Jared DIAMOND se garde d’en parler, car ce fait historique contredit sa thèse.

Et si aujourd’hui, malgré la chance que l’Histoire leur a de nouveau donné avec le pétrole, les pays arabo-musulmans n’ont pas réussi à sortir de l’ornière, avec encore 40 % d’analphabètes, et un taux d’innovations technologiques et spirituelles parmi les plus bas du monde, cela est surtout dû (comme au 14ème siècle) à leur culture qui les tourne entièrement vers un passé mythifié et les empêche de profiter du potentiel créatif de 50 % de leurs population (les femmes). 

Aussi superficielle apparaît la raison que donne Jared DIAMOND pour « expliquer » pourquoi ce n’est pas la Chine qui a découvert et conquis l’Amérique ou l’Afrique. Car il faut savoir que, dès 1400, près de 90 ans avant l’aventure de Christophe Colomb, tout était prêt pour partir vers l’Afrique : bateaux de très gros tonnages, équipages, matériels, etc. Mais soudain, l’empereur ordonna d’arrêter tout et de brûler la flotte. Et on n’en parla plus. Jared DIAMOND y voit simplement l’effet du hasard : il y eut un coup d’État fomenté par les eunuques dont le bénéficiaire interdit toute expédition au-delà des mers ! Il ne voit pas là non plus que cette interdiction vient de la profondeur de l’âme chinoise seulement intéressée par ce qui est chinois. Même avec l’Inde, les relations étaient insignifiantes. La Chine n’a jamais rêvé d’aller en Europe. Alors pourquoi aurait-elle rêvé de l’Amérique, de l’Afrique ? Ce n’est pas un hasard non plus si elle a entouré son espace vital d’une grande muraille.

Par contre, en Occident, si Christophe Colomb était mort sans avoir réalisé son projet, d’autres « rêveurs », des savants, des aventuriers, dont l’Europe abondait alors, se seraient levés pour partir vers ce qu’ils affirmaient être la voie la plus courte pour aller en Chine, et finalement l’un d’entre eux auraient réussi. Simplement, au lieu d’être espagnole, l’Amérique du Sud aurait peut-être été française. 

Sur le racisme biologique 

En même temps qu’il prétend démontrer que la diversité de l’histoire humaine est simplement le résultat des différences de milieux géographiques, climatiques et végétaux, Jared DIAMOND imagine prouver l’inanité du racisme biologique : « L’histoire a suivi des cours différents pour les différents peuples en raison de différences de milieux, non pas de différences biologiques » (page 31). 

Jared DIAMOND s’est choisi un adversaire, le racisme biologique, déjà définitivement terrassé politiquement et militairement depuis 65 ans, et, sur les plans scientifique et philosophique, depuis le XXème siècle. C’est donc sans crainte d’être démenti que, à chaque fin de chapitre de son ouvrage, Jared DIAMOND stigmatise, comme une justification de sa thèse sur l’histoire, le racisme biologique dont il fait surtout grief aux Européens et aux Américains.

Son anti-racisme est d’ailleurs assez étonnant, car en réaction aux supposés racistes biologiques blancs qui pensent être plus intelligents que les gens d’une autre couleur, les Papous de Nouvelle-Guinée, en l’espèce, Jared DIAMOND prétend que ce sont les Papous de Nouvelle-Guinée, qui seraient plus intelligents que les blancs Européens : « Pourquoi, malgré leur intelligence que je crois supérieure, les Guinéens ont-ils finalement une technique primitive ».

Remarquons que Jared DIAMOND « croit » à la supériorité intellectuelle des Papous, sans estimer nécessaire de le démontrer. Il ne s’aperçoit pas qu’il fait alors du racisme biologique anti-blanc. Il tombe dans la même aberration qu’il prétend combattre. Sans s’en être conscient, il adopte une position raciste. Il est vrai que la thèse du racisme biologique est une thèse matérialiste, comme celle que défend Jared DIAMOND consistant à faire de l’estomac le moteur de l’histoire humaine. Les deux thèses en présence paraissent s’opposer, mais elles finissent par se rejoindre dans le fond, parce qu'elles sont toutes deux matérialistes.

Les Blancs et les Papous étant des homo sapiens, ils ont en moyenne le même niveau d’intelligence, au contraire de ce que pense Jared DIAMOND. Leurs différences de comportement est, pour l’essentiel, d’origine psychique, donc culturelle, et n’a rien à voir avec l’intelligence.

Le conquérant et bâtisseur du Maroc moderne, le Maréchal LIAUTEY, l’avait déjà compris en 1910, lorsqu’ils disaient à ses soldats : « Les peuples coloniaux ne nous sont pas inférieurs ; ils sont autres ».

Au surplus, le racisme d’aujourd’hui est un phénomène psychique. Par conséquent, il ne peut pas efficacement se combattre avec des arguments scientifiques. Il se combat avec des moyens psychiques : proposer un même destin à des personnes d’origines raciales différentes. 

Des hommes aux dinosaures en passant par les oiseaux 

Poussant jusqu’au bout l’assimilation de la méthode historique à la méthode des sciences physiques et biologiques, Jared DIAMOND termine son livre dans une sorte d’apothéose, nous faisant entrevoir une perspective quasi-« grandiose », et peut-être même gigantesque : 

« J’ai donc bon espoir que l’étude historique des sociétés humaines puisse se poursuivre aussi scientifiquement que l’étude des dinosaures – et pour le plus grand profit de notre société (…) ». (pages 640 et 641). 

Ainsi, Jared DIAMOND abaisse l’être humain, l’homo sapiens, au même niveau que le dinosaure.  

Certains y verront, de la part de Jared DIAMOND, l’expression d’une sorte de nihilisme absolu, conséquence de son matérialisme forcené : la négation de toutes les valeurs (spirituelles, morales, sociales, intellectuelles) et de leur hiérarchie.

Mais, après tout, les dinosaures ne sont-ils pas considérés comme les ancêtres des oiseaux ? Une façon pour Jared DIAMOND, conscient peut-être des limites de sa thèse, d’exprimer, sur un mode « inintentionnel », sa nostalgie du temps où il ne s’occupait que d’ornithologie, objet d’études moins complexe que l’histoire humaine. 

Pierre Marcowich 

(1) Jared DIAMOND, DE L’INÉGALITÉ PARMI LES SOCIÉTÉS, Éditions Gallimard, 2000, pour l’édition française, impression de février 2009, Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre-Emmanuel Dauzat, 694 pages ;  

(2) WEBSTER’S NEW TWENTIETH CENTURY DICTIONARY – unabriged –Second editionDeluxe color, World publishing Company, 1977, (2.128 pages) : Article Fate (pages 666-667) : « The Fates : in Greek and Roman mythology, the three goddesses who control human destiny and life. » 

(3) Oswald SPENGLER, LE DÉCLIN DE L’OCCIDENT ; Éditions Gallimard, 1948, renouvelé en 1976, Tome II, Chap. I, Origine et paysage, page 42, note de bas-de-page ; 

samedi, 02 octobre 2010

Immigratie in terugblik

EarlyIrishImmigrants.gifImmigratie in terugblik

Ex: http://n-sa.be/

De volgende tekst werd ons ingezonden door een sympathisant. Hij beschrijft de gevolgen van de Ierse immigratie in het 19de-eeuwse Engeland (Manchester) en is van de hand van Friedrich Engels (De toestand van de arbeidersklasse in Engeland. Hoofdstuk 4). De vraag stelt zich dus waarom marxisten in het hedendaagse "Westen" massa-immigratie ondersteunen, goed wetende dat het gaat om een door en door kapitalistisch project.

De Ierse immigratie

Wij noemden almeermaals bij gelegenheid de Ieren die naar Engeland verhuisden en zullen de oorzaken en gevolgen van deze immigratie nu nader moeten beschouwen.

De snelle uitbreiding van de Engelse industrie zou niet mogelijk geweest zijn als Engeland niet had kunnen beschikken over een reserve in de vorm van de talrijke en arme bevolking van Ierland. De Ier had thuis niets te verliezen, in Engeland echter veel te winnen en vanaf het moment dat in Ierland bekend werd dat er ten oosten van het St. George-Kanaal verzekerde arbeid en goed loon voor sterke handen te vinden was, zijn ieder jaar uit Ierland hele scharen overgekomen. Men neemt aan dat er zodoende tot op heden ruim een miljoen Ieren zijn geïmmigreerd en er nog elk jaar een vijftigduizend binnenkomen, die zich bijna allen op de industriegebieden, vooral de grote steden storten en daar de laagste klasse van de bevolking vormen. Zo telt Londen 120.000, Manchester 40.000, Liverpool 34.000, Bristol 24.000, Glasgow 40.000, Edinburgh 29.000 arme Ieren[1]. Deze lieden, bijna zonder enige beschaving opgegroeid, van jongs af aan ontberingen van elke soort gewend, ruw, drankzuchtig en onbezorgd als zij zijn voor de dag van morgen, komen zij en brengen al hun ruwe zeden mee over naar een klasse van de Engelse bevolking, die waarlijk al weinig wordt aangespoord tot beschaving en zedelijkheid. Geven wij Thomas Carlyle[2] het woord:

‘De wilde Miles-gezichten[3] waarop valse sluwheid, slechtheid, onverstand, ellende en spotternij te lezen staat, groeten u in al onze hoofd- en nevenstraten. De Engelse koetsier slaat in het voorbijrijden met de zweep naar de Milesiër, deze vervloekt hem met de tong, houdt de hoed op en bedelt. Hij is de ergste plaag waarmee dit land te kampen heeft. In zijn lompen en met zijn verwilderd lachen is hij bij de hand om elk werk te doen, waarvoor niets dan sterke armen en een sterke rug vereist zijn, voor een loon dat genoeg is om er aardappelen van te kopen. Als specerij heeft hij alleen maar zout nodig; hij slaapt met alle genoegen in het eerste het beste varkens- of hondenhok, nestelt zich in schuren en draagt een stel lompen waarvan het aan- en uittrekken één der moeilijkste operaties is, die alleen op feestdagen en op bijzonder gunstige tijden wordt ondernomen. De Saks die op zulke voorwaarden niet werken kan, wordt brodeloos. De onbeschaafde Ier verdringt — niet door zijn kracht maar door het tegendeel daarvan — de Saksische landzaat en neemt zijn plaats in. Zo leeft hij dan in zijn vuil en onverschilligheid, zijn dronken gewelddadigheid en valsheid als een bron van verval en wanorde. Wie nog tracht te zwemmen en zich drijvende te houden aan de oppervlakte, kan aan dit voorbeeld zien hoe een mens zonder te zwemmen, in gezonken toestand bestaan kan ... Dat de toestand van de onderste lagen van de Engelse arbeiders steeds meer die van de Ierse nadert, die op alle markten met hen concurreren; dat alle arbeid die alleen met lichaamskracht zonder veel handigheid gedaan kan worden, niet voor Engels loon gedaan wordt, maar slechts voor een loon dat het Ierse nadert, d.w.z. voor iets meer dan ‘dertig weken per jaar half verzadigd met aardappels van de slechtste soort’ — voor iets meer, maar bij aankomst van elke nieuwe stoomboot uit Ierland, nader tot dit einddoel komende — wie ziet dat niet?’

Afgezien van zijn overdreven en eenzijdige verwerping van het Ierse nationale karakter heeft Carlyle hierin volkomen gelijk. Deze Ierse arbeiders die voor vier penny’s (31/3 zilvergroschen) — op het dek van de stoomboot dikwijls als vee opeengepakt — overvaren naar Engeland, dringen overal binnen. De slechtste woningen zijn nog goed genoeg voor hen: over hun kleren maken zij zich geen zorgen zolang deze nog maar met een enkele draad aan elkaar hangen, schoenen zijn hun onbekend; hun voeding bestaat uit aardappels en niets meer dan aardappels: wat zij meer verdienen, verzuipen zij. Heeft zulk een slag mensen dan veel loon nodig? De ergste achterbuurten van alle grote steden zijn door Ieren bevolkt; overal waar een buurt opvalt door bijzondere smerigheid en bijzonder verval, kan men er staat op maken voornamelijk deze Keltische gezichten aan te treffen die men direct van de Saksische fysionomieën der inheemse bevolking onderscheidt, en de zingende, aspirerende Ierse tongval te horen, die de echte Ier nooit afleert. Soms heb ik zelfs Iers-Keltisch horen spreken in de dichtst bevolkte buurten van Manchester. De meeste gezinnen die in kelders wonen, zijn haast overal van Ierse oorsprong. Kortom, de Ieren hebben, zoals Dr. Kay zegt, uitgevonden wat minimum levensbehoeften zijn en dat leren zij nu de Engelse arbeiders. Ook vervuiling en drankzucht hebben zij meegebracht. Deze onzindelijkheid die op het land waar de bevolking verstrooid leeft, niet zoveel schaadt maar die de Ieren tot tweede natuur geworden is, wordt hier in de grote steden door haar concentratie pas schrikwekkend en gevaarlijk. Zoals de Milesiër thuis gewend was, gooit hij ook hier al het vuil en de afval voor de deur en veroorzaakt zo de poelen en drekhopen die de arbeidersbuurten ontsieren en er de lucht verpesten. Net als thuis bouwt hij een varkenshok tegen het huis aan en als dat niet gaat, laat hij zijn varken bij zich in de kamer slapen. Deze nieuwe, abnormale soort van veeteelt in de grote steden is geheel van Ierse oorsprong. De Ier is aan zijn varken gehecht zoals de Arabier aan zijn paard, alleen verkoopt hij het als het vet genoeg is om geslacht te worden — maar overigens eet en slaapt hij ermee, zijn kinderen spelen ermee, rijden er op en rollen ermee door het vuil, zoals men dat in alle grote Engelse steden duizenden malen zien kan. En wat daarbij in de huizen zelf voor vervuiling en ongerief heerst, daarvan kan men zich geen voorstelling maken. Aan meubels is de Ier niet gewend: een hoop stro en een paar vodden die als kledingstuk volkomen ongeschikt zijn, zijn voldoende voor zijn nachtleger. Een blok hout, een kapotte stoel en een oude kist als tafel, meer heeft hij niet nodig. Een theeketel, enige potten en scherven zijn toereikend om zijn keuken, die tegelijk woon- en slaapkamer is in te richten. En wanneer hij gebrek heeft aan brandstof verhuist alles wat binnen zijn bereik brandbaar is — stoelen, deurposten, plinten en vloerplanken als ze er zijn, naar de stookplaats. En waartoe zou hij veel ruimte nodig hebben? Thuis had hij in zijn leemhut ook maar één ruimte voor alle huishoudelijke doeleinden en meer dan één vertrek heeft het gezin ook in Engeland niet nodig. Zo is ook deze opeenhoping van velen in één enkele kamer, die nu zo algemeen is, in hoofdzaak door de Ierse immigratie ingevoerd. En omdat de arme duivel toch één geneugte moet hebben en de maatschappij hem van alle andere uitgesloten heeft, gaat hij brandewijn drinken. De brandewijn is het enige wat voor de Ier het leven nog de moeite waard maakt — de brandewijn en wellicht nog zijn zorgeloze, vrolijke temperament — en daarom zwelgt hij dan ook brandewijn totdat hij stomdronken is. Het zuidelijk, lichtzinnig karakter van de Ier, zijn ruwheid die hem maar weinig boven een wilde verheft, zijn verachting voor alle menselijke genoegens waarvoor hij juist door zijn ruwheid zelf ontoegankelijk is, zijn vervuiling en zijn armoede — dat alles werkt zijn drankzucht in de hand: de verleiding is te groot, hij kan deze niet weerstaan en zodra hij geld krijgt moet hij het door zijn keelgat gieten. Hoe zou hij ook anders? Hoe kan de maatschappij die hem in een toestand brengt waarin hij bijna noodzakelijk een zuiplap moet worden, en die hem volkomen verwaarloost en verwilderen laat — hoe kan deze maatschappij hem dan achteraf aanklagen wanneer hij werkelijk een dronkaard wordt?

Tegen zo’n concurrent moet de Engelse arbeider de strijd opnemen, tegen een concurrent die op de in een beschaafd land laagst denkbare trap staat, en die daarom dan ook minder loon nodig heeft dan wie ook. Daarom is het niet anders mogelijk dan dat, zoals Carlyle zegt, het loon van de Engelse arbeider in alle branches waarin de Ier met hem concurreren kan, steeds verder naar beneden wordt gedrukt. En zulke takken van nijverheid zijn er vele. Alle die weinig of geen kundigheid vereisen, staan voor de Ieren open. Voor werk dat een lange leertijd of een regelmatig aanhoudende werkzaamheid vereist, staat de losbandige, wankelmoedige en aan de drank geraakte Ier te laag. Om mecanicien (mechanici is in Engeland iedere arbeider die bij het maken van machinerieën wordt gebruikt), om fabrieksarbeider te worden zou hij eerst Engelse beschaving en Engelse zeden moeten aannemen, kortom, feitelijk eerst Engelsman moeten worden. Maar als het om eenvoudig, minder exact werk gaat, waar het meer op kracht dan op vaardigheid aankomt, dan is de Ier net zo goed als de Engelsman. Daarom dan ook zijn vooral zulke takken van arbeid met Ieren overstroomd; onder de handwevers, metselaarsknechten, sjouwerlieden, losse werklieden enz. zijn massa’s Ieren en het binnendringen van deze natie heeft hier heel veel bijgedragen tot het verlagen van het loon en van de arbeidersklasse zelf. En hoewel ook de in andere takken van bedrijf binnengedrongen Ieren beschaafder moesten worden, bleef er toch altijd nog genoeg van de oude rommel hangen om ook hier — naast de invloed die van het milieu van Ieren in het algemeen moet uitgaan — degraderend op de Engelse arbeidscollega’s te werken. Want daar bijna in iedere grote stad een vijfde of een vierde deel van de arbeiders Ieren of in Ierse smerigheid opgegroeide kinderen van Ieren zijn, mag men zich er niet over verwonderen dat het leven van de hele arbeidersklasse, haar zeden, haar intellectuele en morele instelling, haar hele karakter een belangrijk deel van deze Ierse wezenstrekken overgenomen heeft en zal men kunnen begrijpen hoe de reeds door de moderne industrie en haar directe gevolgen veroorzaakte schandalige toestand van de Engelse arbeiders nog mensonterender kon worden gemaakt.

[1] Archibald Alison, High Sheriff of Lancashire, The Principles of Population, and their Connection with Human Happiness (De principes van de bevolking en hun samenhang met het menselijk geluk), 2 delen, 1840. — Deze Alison is de geschiedschrijver van de Franse Revolutie en evenals zijn broeder, Dr. W. P. Alison, een religieuze Tory.
[2] Chartism, blz. 28, 31 enz.
[3] Miles is de naam van de oude Keltische koningen van Ierland.

Bron: Nederlandstalig Marxistisch Internet-Archief

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jeudi, 30 septembre 2010

Allochtonen verwerpen multiculturaliteit

Allochtonen verwerpen multiculturaliteit

 

Pascal Smet, minister van Onderwijs en Gelijke Kansen, was er nog zo enthousiast over. Deze film, over de relatie tussen een Turkse man en een Vlaamse vrouw, zou volgens Smet een belangrijke bijdrage vormen aan het debat over multiculturaliteit in onze samenleving. In samenwerking met KifKif, de Unie van Turkse Verenigingen en het Steunpunt Allochtone Meisjes zou hij zelfs laagdrempelige vertoningen organiseren. Daarna zouden ook leerkrachten hem moeten komen zien zodat ze daarna de schoolgaande jeugd verder kunnen indoctrineren over de niet-bestaande rijkdom van de multiculturele samenleving.

De allochtone gemeenschap heeft alvast getoond hoe leuk ze de film vinden en hoe ze tegenover de boodschap van multiculturaliteit staan. In Antwerpen verlieten bij de avant-première, voor een in meerderheid Turks publiek, meerdere mannen de zaal uit protest. Daarbij vergaten ze hun vrouwen, die ze daarna terug zijn komen halen. Alsof die niet zelf in staat waren te beslissen of het een goede film was. Men zou bijna denken dat de mannen zoiets als hun jas vergeten waren i.p.v. hun vrouw.

Tot zover deze poging tot multiculturaliteit. Maar ik ben zeker dat we desondanks nog steeds verder moeten aanhoren hoe leuk deze multiculturele knoeiboel wel niet is… “Hand in hand, terug naar eigen land” moet een duidelijke keuze worden van politici. Het is immers duidelijk dat de culturen niet compatibel zijn en elk op hun eigen gebied van oorsprong behoren.

jeudi, 23 septembre 2010

Serge Latouche et le refus du développement

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1986



Serge Latouche et le refus du développement

La problématique, universelle, du développement économique et social des pays faisant partie de ce que l'on appelle le Tiers Monde, constitue, depuis maintenant plusieurs décennies, un champ de débats et de controverses interminables. Deux écoles se présentent. L'une prétend que, dans une vision linéaire occidentale de l'histoire des peuples, la voie du développement est le passage obligé de tous les peuples sur le chemin de leur "évolution". Cette vision regroupe dans une conclusion commune les émules de l'école libérale (favorable non seulement au développement d'un marché mondial mais aussi à la liberté totale des échanges de biens et marchandises) et une partie de l'école marxiste, issue partiellement des mêmes doctrines propres aux économistes du XVIIIème siècle. L'autre école ne présente pas la même cohérence. Globalement, elle nie que le développement soit le résultat d'une série de mécanismes socio-économiques répétitifs et affirme même que les formes du développement "à l'occidentale" ne sont pas nécessairement positives en soi, ne favorisent pas obligatoirement le bien-être de ces peuples et ne contribuent pas automatiquement à la préservation de leurs identités.

 

Serge LATOUCHE, spécialiste du Tiers Monde, épistémologue des sciences sociales, est aussi professeur d'économie politique. Sa démarche se présente, dès le départ, comme un refus de l'école matérialiste orthodoxe, que ce soit dans sa version libérale ou marxiste. Pour lui, l'idéologie du développement constitue d'une part une idéologie de camouflage et, d'autre part, une négation plus ou moins avouée des identités ethno-culturelles. Idéologie de camouflage: l'idée de développement cache médiocrement un paradigme essentiel de la pensée issue de la matrice judéo-helléni- stique. Il y a probablement une forme de "ruse de la raison occidentale" qui assure ainsi son pouvoir de domination, pouvoir colonial proprement dit, sur les pays dits "sous-développés" ou "moins avancés" (la variété des catégories de dénomination de ces pays révèlent bien le caractère idéologique des analyses et non la neutralité du langage prétendument scientifique).

 

Qu'est-ce que le développement? Une approche vulgaire répondrait sans hésitation: le bien-être des masses et un "niveau de vie" élevé (équivalent au moins à l'American Way of Life). Cette réponse constituerait une fois de plus un camouflage du véritable discours idéologique qui sous-tend cette déclaration de principe aussi simpliste qu'intéressée. Serge LATOUCHE nous le rappelle: jusqu'à présent, toutes les expériences de politiques de développement ont échoué... Toutes les techniques ont fait la preuve de leur inefficacité... D'ailleurs face à ces échecs répétés, certains ont pu parler de "mythe du développement" (Cf. Celso FURTADO ou Candido MENDES). Le résultat de ces tentatives est catastrophique: exode rural massif, qui a entraîné non seulement une désertification des campagnes (avec des effets explicites comme la baisse de la capacité de production agricole du pays, donc l'aggravation de la dépendance alimentaire et, en même temps, la dégradation des conditions écologiques sur les terres laissées à l'abandon) mais aussi une "clochardisation" monstrueuse des paysans dans les périphéries des grandes cités occidentalisées (le phénomène des bidonvilles dans les mégalopoles comme Mexico, le développement de la criminalité juvénile comme à Rio de Janeiro ou certaines grandes villes africaines, l'augmentation des activités économiques parallèles à l'économie mondiale localisée, etc..). Phénomène aussi de destructions des tissus locaux de production s'inscrivant dans une logique mondialisée de division et de délocalisation des tâches (Cf. les stratégies des firmes transnationales).

 

Dans un certain nombre de ces pays, les recettes nouvelles procurées par l'exploitation des ressources locales, soit directement exploitées par l'Etat (version post-nassérienne en Egypte, par ex.) soit concédées à des entreprises étrangères (Cf. le cas d'Elf Aquitaine, multinationale pétrolière française, au Gabon), ces profits réalisés par cette rente naturelle, furent réutilisés dans le sens d'un mode de développement copié des modes des pays du centre du système. La construction d'énormes complexes industriels (Nigéria, par ex.), qui exigeait d'énormes investissements et dont les profits espérés en termes de développement industriel national et d'implantation sur les marchés mondiaux, fut refusée malgré les espoirs des dirigeants locaux. Ces investissements furent surtout l'occasion, pour les entreprises étrangères (bâtiments et travaux publics comme Bouygues en France), de réaliser de substantiels chiffres d'affaires sur les chantiers ouverts. Parallèlement à ces recettes, on constate que le système bancaire occidental, alléché par ce "développement" des pays du Tiers Monde, pratique alors une politique de crédit très large, dépassant même souvent les règles de sécurité généralement admises en la matière par les professionnels eux-mêmes. D'où, dans les années 80, l'affolement du système bancaire occidental face au montant de la dette internationale, surtout aggravé par l'insolvabilité évidente des pays endettés (la crise pétrolière de 1973 est aujourd'hui passée et on peut constater sans aucun effort que le marché pétrolier est aujourd'hui victime d'une crise des prix à la baisse). La rente n'est plus le gage certain d'une solvabilité.

 

Pour E. MORIN, cette crise du développement, c'est à la fois la crise de l'idéologie occidentale sous la forme de deux de ses mythes fondateurs (conquête de la nature-objet par l'homme souverain et triomphe de l'individu atomisé bourgeois) et "le pourrissement du paradigme humanistico-rationnel de l'homo sapiens/faber"...

 

Par ailleurs, Serge LATOUCHE pose ensuite la question fondamentale, valable pour toute idéologie universaliste: "Y a-t-il un niveau de bien-être quantitativement repérable et ayant une signification dans l'absolu?" (p.9). Cette "absolutisation", dans le temps et dans l'espace, des valeurs occidentales, tant au niveau des valeurs fondamentales que dans les pratiques concrètes de réalisation, se pose aussi dans la remise en question des idéaux occidentaux: 1) idéologie des droits de l'homme (qui ne sont plus les droits que l'on peut concevoir dans un système de valeurs spécifiques comme celles qui président à l'Habeas Corpus des cultures anglo-saxonnes) à prétention universaliste et impérialiste (Reagan prétend justifier ses multiples agressions dans le monde au nom d'une vague référence à cette idéologie), 2) système de "démocratie représentative" idéologiquement et politiquement hégémo- nique (cette valorisation absolue impliquant aussi une dévalorisation des autres systèmes, de tous les autres systèmes politiques), etc... Le paradigme occidental du développement se traduit en fait dans ce que Serge LATOUCHE nomme une "objectivation du social".

 

Cette objectivation, qui passe par l'acquisition théorique des formes de vie occidentales (possession des biens de consommation utiles) se conjugue avec une utilisation neutralisée de la technique. Cette dernière est alors perçue comme purement "naturelle", moyen objectif de maîtrise, donc sans caractère culturel et "engagé". Serge LATOUCHE ajoute: "L'objectivation du développement est la source de la conception "technique" des stratégies de développement". La question, précise-t-il afin de parer à toute fausse critique (du style: "c'est trop facile de refuser le développement quand on en bénéficie soi-même"), n'est pas de dire non à une augmentation des conditions matérielles d'existence des hommes, mais de traduire le développement dans un schéma qui respecte et tienne compte des spécificités culturelles de chaque peuple. Le développement ne doit pas, en sus d'une paupérisation des peuples, favoriser le phénomène majeur de déculturation. L'auteur précise que le tort provoqué par le développement aux peuples est bien celui-là et que sa nature est d'être radical. En effet, le développement est  -il faut le souligner-  un "paradigme occiden- tal". Il s'agit d'une expérience historique liée à un ensemble de valeurs propres à une aire culturelle, globalement judéo-chrétienne. LATOUCHE écrit: "Le développement, c'est un regard sur le monde qui vise à valoriser celui dont il émane et à dévaloriser l'autre". Il ajoute que proposer cette expérience en modèle universel indépassable est un "maquillage" de l'impérialisme de l'Occident. Certains, plus précis, préfèrent parler de "néo-colonialisme".

 

Nous ne prétendons pas épuiser toute la richesse des réflexions économiques et culturelles de ce livre. Les analyses des principes d'autodynamisme du capital, le débat sur l'antériorité du capitalisme sur l'impérialisme (thèse léniniste classique) contesté par Serge LATOUCHE, sont quelques-uns des éléments de ce livre magistral. Citons, en guise de conclusion, ces quelques phrases: "Finalement, par des voies différentes, libéraux et marxistes se rejoignent sur ce même "diagnostic réaliste". Ils communient dans la même vision occidentale d'une histoire unidimensionnel- le". "En limitant dans le résultat du mouvement de leur analyse théorique la portée des destructions à leur portée strictement économique, les marxistes réduisent le sous-développement des pays victimes à un recul des forces productives et non à la destruction des bases d'une autre forme d'épanouissement historique. L'équation 'sous-développement = retard' n'est tautologique que si le champ du possible est réduit à une ligne d'évolution unique, sur laquelle on ne peut effectivement qu'être en avance ou en retard".

 

Deux citations qui résument la position de Serge LATOUCHE: refuser les analyses purement économiques pour introduire les paramètres culturels et politico-historiques, non pas comme critères exogènes, de pure extériorité par rapport à un soi-disant "système" infrastructurel de nature quantitative et économique, mais comme sujets actifs de la réflexion analytique. Une indépendance intellectuelle que tous nos lecteurs apprécieront.

 

Ange SAMPIERU.

 

Serge LATOUCHE, Faut-il refuser le développement?, PUF, Paris, 1986, 135 FF.

mercredi, 22 septembre 2010

De la flexibilité du travail en Europe

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1986

 

De la flexibilité du travail en Europe

 

Au cœur du débat politique au-jourd'hui en Europe: la question de la flexibilité . Pour les libéraux, c'est la panacée salvatrice, qui va nous faire quitter les sables mouvants de la crise. Pour les syndicats et les socialistes, c'est le "Grand Satan". Bref, dans cette opposition doctrinale, les "libéraux" se donnent le masque de l'innovation et les socialistes apparaissent comme des conservateurs frileux. Et, globalement, le dilemme mène à l'impasse. Un groupe d'économistes de la FERE (Fédération Européenne de Recherches Economiques) a choisi une approche différente: celle de la régulation , combinant approche historique (une urgente nécessité) et analyse institutionnelle (pour éviter les pièges tendus par les utopies universalistes).

 

Au schématisme en vogue dans les arènes politiciennes répond, enfin, une approche nuancée, tenant compte des facteurs historiques et des modes nationaux de gestion du politique. Cette réponse nouvelle permet d'échapper à l'euro-pessimisme qui vise à faire accroire que l'Europe est irrémédiablement condamnée à cause de la rigidité de ses structures socio-économiques, à moins qu'in extremis, elle n'adopte le modèle reaganien et ne saborde ses réseaux de solidarité. Pour Robert BOYER, coordinateur de la FERE, et ses collègues européens, l'Europe peut parfaitement se donner une flexibilité propre, différente de la "flexibilité" néo-libérale des reaganomics, peut ainsi moderniser les secteurs-clefs de son industrie et conserver et maintenir ses réseaux de solidarité sociale. En clair, ce que proposent les économistes de la FERE, c'est un néo-bismarckisme socialiste, seule réponse satisfaisante au néo-libéralisme a-social. Pour reprendre le vocabulaire inauguré par ces universitaires, il s'agit de mettre au point, de concert avec les instances de représentation syndicale, une flexibilité offensive, pour répondre aux défis sans précédent qu'enregistre actuellement l'Europe.

 

Quels sont ces défis et comment la flexibilité offensive pourra y répondre? D'abord, envisageons les défis: 1) Depuis 1973, année de la première crise pétrolière, le chômage de masse, et corrélativement les inégalités sociales, n'ont cessé de croître. Si, en 1960 et en 1973, la CEE comptait 2,5 % de chômeurs, elle en compte 10,2 % aujourd'hui. Aux Etats-Unis, la progression a été de 5,5 % (1960), à 4,9 % (1973) et à 7,2 % (1985). Au Japon, on est modestement passé de 1,7 % (1960) à 1,3 % (1973) et à 2,5 % (1985).

 

2) Le deuxième défi, ce sont la lenteur et les difficultés des reconversions industrielles qui remettent en question la place internationale de notre continent. En effet, la spécialisation de l'Europe consiste surtout en "vieilles industries" qui exigent de lourds financements publics. De ce fait, il manque alors des fonds pour lancer des secteurs porteurs d'avenir. L'Europe perd du terrain face à son concurrent japonais, qui enregistre lui des percées spectaculaires dans les domaines de la haute technologie.

 

3) Le troisième défi, ce sont les politiques étroitement nationales, celles du chacun pour soi. Les Européens ont travaillé dans la dispersion et provoqué l'apparition d'une concurrence intra-européenne, non basée sur les principes du protectionnisme (ce qu'interdit le Traité de Rome) mais sur des modulations "nationales" de la flexibilité du rapport salarial, mesures destinées à faire face au Japon mais qui entraînent aussi, sans doute involontairement, des divergences d'intérêts et de stratégie entre Européens. Cette hétérogénéité fractionne l'Europe qui, face à des blocs de plus de 100 ou 200 millions de producteurs/consommateurs, n'offre plus que des résistances dérisoires, à l'échelle du "petit nationalisme". Il n'y a pas de vision continentale et cohérente, en Europe, dans les domaines de l'économie et des politiques sociales.

 

Ce "petit nationalisme", qui agit dans le Concert international comme agit l'esprit de clocher au sein des Etats-Nations, engendre précisément cet euro-pessimisme qui qualifie notre Europe de continent englouti, de nouvelle Atlantide, incapable de s'adapter à la marche du monde et aux innovations technologi- ques. Pour échapper à ce pessimisme qui fige les volontés, il convient préalablement de dresser le bilan des faiblesses réelles de l'Europe et de ses forces potentielles.

 

Les deux autres blocs de l'OCDE (E.U., Japon) connaissent une évolution bien différente et plus encourageante que celle de l'Europe. Les Etats-Unis connaissent une phase fortement extensive, avec création d'emplois mais productivité stagnante, ce qui engendrera des problèmes à moyen terme. Le Japon vit toujours à l'heure du cercle vertueux (productivité, compétitivité, emplois). Grâce à leur productivité, et contrairement aux Américains, les Japonais créent de l'emploi, augmentent leurs salaires et maintiennent leur rythme de croissance. L'Europe, elle, connaît des gains de productivité mais ceux-ci n'assurent pas notre compétitivité, et, ipso facto, suscitent le chômage. La création des emplois tertiaires ne suit pas le rythme préoccupant de la désindustrialisation. Bref, disent BOYER et ses collègues, la dynamique fordienne (de production et de consommation de masse) est enrayée, sans que les petits mondes politiciens soient capables d'apporter des substituts crédibles et acceptables par l'ensemble de la population.

 

Voilà pour les raisons légitimes d'être euro-pessimiste. Mais l'objectivité oblige à reconnaître les limites des modèles américain et japonais. La reprise américaine demeure fragile, la productivité n'augmente pas dans des proportions satisfaisantes et la surévaluation du dollar (de 1979 à 1985) a détruit des pans entiers de l'industrie américaine, ce qui a obligé les Etats-Unis à importer des quantités considérables de biens. Malgré les performances brillantes de la recherche, les Américains n'ont pas su commercialiser leurs découvertes de manière optimale. Quant au Japon Superstar, il dépend trop de l'ouverture des frontières à ses marchandises et un éventuel retour du protectionnisme, aux Etats-Unis ou en Europe, le menace comme une épée de Damoclès.

 

Conséquence: il faut valoriser les atouts de l'Europe. D'abord, la productivité, qui, en Europe, a dépassé les niveaux américains depuis 1979!! Mais cette réussite est jugulée par l'absence de cohérence en matière de recherche. L'Europe demeure tristement avare pour ses chercheurs. Les parts du PNB réservées à la recherche restent moindres en Europe qu'aux Etats-Unis et au Japon. De plus, cette recherche n'est pas liée à l'activité industrielle réelle. Le patronat européen et les clowns politiciens qui animent les vaudevilles parlementaires, refusent toujours de se soumettre à l'intelligence technique. La FERE suggère une relecture de SCHUMPETER, pour qui la sortie des crises s'opérait par "révolutions technologiques" et, corrélativement, par diminution du pouvoir politique des classes oisives (aristocratie, militaires, avocats, clergés parasitaires, rentiers, industriels sans formation d'ingénieur, etc.) au profit des classes productrices et créatrices (ingénieurs, ouvriers des secteurs de pointes, concepteurs, enseignants, médecins, etc.).

 

Ce démarrage problématique de l'Europe, qui paie drôlement cher le pouvoir qu'elle laisse aux classes oisives, la met dans une situation plus que critique. Elle est battue, dans la guerre économique et dans l'affrontement pour la maîtrise des nouvelles technologies, par les Etats-Unis et le Japon. De ce fait, ses avantages risquent de ne plus se mesurer que par rapport aux pays plus pauvres, qui, devenant parfois Nouveaux Pays Industrialisés (NPI), se mettent à leur tour à la concurrencer. D'où le risque de voir s'implanter des "zones franches" en Europe comme dans le Sud-Est asiatique, précisément pour concurrencer les productions de cette région. THATCHER a tenté le coup en Ecosse et des voix se sont élevées en Belgique (DELAHAYE et VERHOFSTADT) pour pratiquer une telle politique de démission nationale. Heureusement,  ces pitreries d'avocats politiciens sont restées lettre morte...

 

Mais l'Europe peut jouer le rôle de David face aux Goliaths. Elle peut transformer ses faiblesses en leviers d'une construction européenne. C'est ce que BOYER et ses collègues appellent "l'art du judoka". Comme Carl SCHMITT qui déplorait la disparition du "jus publicum europaeum" et souhaitait le rétablir, BOYER et alii veulent "promouvoir un espace social euro- péen". Dans ce cadre,  finalement conforme aux principes de la géopoliti- que, les Etats renonceraient aux recours à la flexibilité défensive, qui réduit les salaires sans rien résoudre, pour passer à une flexibilité offensive, en suivant trois autres axes: recomposition des dyna- miques régionales, création d'une véritable Europe industrielle et technologique, constitution d'une vraie politique économique com- mune.

 

Le premier axe, implique une décentralisation intelligente, capable de générer des complémentarités à l'échelle continentale. Le second axe implique, selon le modèle suédois de politique industrielle (Cf. Orientations n°5 et Vouloir n°27), de générer un haut niveau de vie (avec croissance démogra- phique; ce que la Suède n'a pas trop réussi) grâce à des structures de production efficaces capables de résister à la concurrence internationale. Ce qui implique, deuxième axe, de consacrer des fonds publics importants aux secteurs de pointe (projets Eureka, Esprit, etc.), en dépit des groupes de pression qui veulent maintenir les subventions aux secteurs vieillis. Mais, une telle politique requiert la formation des travailleurs, donc une revalorisation de l'enseignement qui ne s'adresserait plus aux seuls enfants et adolescents, mais engloberait la moitié ou plus de la population adulte. Le degré de discipline sociale devra augmenter. La lutte contre le chômage passe par cette nécessité et par cette volonté de se former sans cesse. Le "New Deal" européen de demain impliquera sans doute une coopération (et non une compétition) sociale-darwinienne au sein des sociétés européennes, pour permettre à notre continent de gagner son struggle for life contre les Etats-Unis et le Japon. Ce faisceau de projets constitue ce que les auteurs de la FERE appellent la flexibilité offensive, intention politique bien plus prometteuse que l'actuelle flexibilité défensive, contraignante, a-sociale et anti-politique des conservateurs thatchériens et des obscurantistes libéraux . Enfin, l'œuvre des économistes de la FERE renoue avec les grands principes économiques, qu'envers et contre toutes les modes, nous n'avons jamais cessé de défendre dans ces colonnes: FICHTE, LIST, RODBERTUS, SCHMOLLER, SCHUMPETER (1).

 

Gilles TEGELBECKERS.

 

Sous la direction de Robert BOYER, La flexibilité du travail en Europe, Editions La Découverte, Paris, 331 pages, 175 FF.

 

(1) Cf. Orientations n°5, textes de Guillaume FAYE, Thierry MUDRY et Robert STEUCKERS. Cf. également, Contre l'économisme de G. FAYE (service librairie). 

dimanche, 19 septembre 2010

J. J. Esparza: de la postmodernité

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1986

 

De la post-modernité

 

José Javier ESPARZA

 

La post-modernité est à la mode depuis une bonne décennie. Le terme "post-moderne" a été forgé par le philosophe français Jean-François LYOTARD qui entendait exprimer un sentiment hyper-critique, généré par le désenchantement que suscitaient notre époque (in: La condition postmoderne, Editions de Minuit, Paris, 1979). Depuis lors, les interprétations du phénomène post-moderne se sont succédé pour être appliquées sans trop d'ordre ni de rigueur. On en est même venu à l'identifier à une mode musicale, ce qui, finalement, revient à ne percevoir que la partie d'un tout. La musique hyper-sophistiquée par la technique, les "comics" américains ou la bande dessinée européenne, la mode, le foisonnement des manifestations artistiques de coloration dionysia- que ne sont ni plus ni moins que des facettes de la post-modernité. Mais les facettes les plus visibles donc, a fortiori, les plus appréciées par la culture mass-médiatique. Avant toute chose, il convient de comprendre ce qui a précédé ces phénomènes pour éviter de nous fourvoyer dans une analyse trop fragmentaire de la post-modernité.

 

Présentisme et désenchantement

 

Quels sont les facteurs sociologiques qui définissent la post-modernité? Pour Fernando CASTELLO, journaliste à El Pais, il s'agit de la vogue post-industrielle, portée par l'actuelle révolution scientifique et technique qui implique l'abandon des fonctions intellectuelles à la machine et se manifeste dans l'univers social par une espèce de nihilisme inhibitoire, par un individualisme hédoniste et par le désenchante- ment (1). D'autres, tel Dionisio CAÑAS, nous décrivent l'ambiance émotionnelle de l'attitude post-moderne comme un déchantement par rapport au passé marqué par l'idéologie du "progrès". Cette idéologie a donné naissance à la modernité et aujourd'hui, sa disparition engendre une désillusion face à un présent sans relief ainsi qu'une forte sensation de crainte face au futur immédiat. L'ensemble produit une vision apocalyptique et conservatrice, négatrice de la réalité, vision qui, selon CAÑAS, coïncide avec une esthétique "réhumanisante", anti-moderne et, parfois, engagée. Une telle esthétique avait déjà été annoncée par Gimenez CABALLERO, dans son ouvrage Arte y Estado, publié en 1935 (2). Pour ces deux auteurs, il s'agit, en définitive, d'un retour au conservatisme.

 

Entendons, bien sûr, que ce conservatisme ne saurait se réduire à un mental "droitier". Guillau- me FAYE (3) parle, par exemple, d'un néo-conservatisme des gauches, régressif mais tou- jours égalitaire, qui survient lorsque le progressisme se rétracte en un présent sans perspective, une fois coupées la mémoire et la dimension vivantes du passé. La post-modernité, l'attitude post-moderne, restent "progressistes" (du moins en paroles) et égalitaire, mais le progrès qu'elles évoquent est mis à l'écart lorsqu'il affronte, dans la réalité concrète, un futur incertain et critique. Le discours progressiste est, à l'épreuve des faits, freiné et immobilisé par la menace d'une crise mondiale. Mais s'il veut conserver sa valeur et sa légitimité, il doit continuer sa marche en avant tout en maintenant son utopie de normalisation du monde. Le résultat est que l'utopie progressiste commence à perdre sa crédibilité, faisant place à une forme élégante et sophistiquée de présentisme en laquelle le lyrisme technique de la modernité devient un snobisme technologique.

 

Le manque de perspectives que nous offre le futur crée un vide fatal, une sensation de désenchantement vis-à-vis du présent. Dans la modernité, le présent avait toujours été la préfiguration du futur, sa mise en perspective, qu'il s'agissait de la lutte des classes pour une société communiste ou de la normalisation légale pour aboutir au règne sans partage de la société marchande. Lorsque l'idéologie sociale, la modernité, n'a plus la possibilité de préfigurer quoi que ce soit, la post-modernité émerge. Mais pourquoi la modernité n'est-elle plus à même d'offrir un futur? Pourquoi est-on arrivé au point final de la modernité?

 

La mort du finalisme

 

L'idée de fin se trouve dans l'embryon même des idéologies de la modernité. Toutes partent d'un point de départ négatif (exploitation d'une classe prolétaire par une classe plus élevée, impossibilité de mener à bien les échanges naturels entre les individus, etc.) pour arriver à un point final positif (la société sans classes, le libre-échange, etc.). Dès lors, le finalisme est partie intégrante de la modernité en tant qu'idéologie.

 

Il est évident que la modernité n'est pas seulement une idéologie. La modernité est un phénomène ambigu parce qu'elle contient tant une idéologie homogénéisante et inorganique qu'un vitalisme transformateur de la nature organique. Ainsi, aux yeux d'Oswald SPENGLER, la modernité présente d'un côté la vitalité faustienne et aventurière qui est en grande partie à la base de la force d'impulsion du devenir historique européen, mais d'un autre côté, elle présente des tendances meurtrières qui prétendent normaliser (moderniser) la planète entière, en promouvant une vision inorganique. Une telle normalisation signifie pour SPENGLER la fin de l'âge des "hautes cultures" (Hochkulturen), la fin de l'ère des spiri- tualités et de la force vitale des peuples. Il existe donc un divorce entre la modernité comme vitalisme, comme aventure, comme "forme". La première est la vision progressiste de l'histoire, la seconde est la vision tragique du monde et de la vie. La première est celle qui a prédominé.

 

Le souci d'homogénéiser et de normaliser le monde, pour qu'il accède enfin à la fin paradisiaque promise, trouve son cheval de bataille dans l'idéologie du progrès, véhiculant une vision du temps linéaire qui relie le monde réel négatif au monde idéal positif. Cette particularité rappelle ce que NIETZSCHE nommait l'inversion socratique: la césure du monde en deux mondes, germe de toutes les utopies. Le progrès idéologique se perçoit comme matrice de la modernité. Mais ce progrès signifie aussi la certitude de l'existence d'un point final, puisqu'on ressent l'infinitude du progrès comme une hypocrisie et que, dans ce cas, il faudra un jour cesser de croire en lui. NIETZSCHE n'a-t-il pas écrit dans l'Antéchrist: "L'humanité ne représente pas une évolution vers quelques chose de meilleur ou de plus fort, ou de plus haut, comme on le croit aujourd'hui; le progrès est purement une idée moderne; c'est-à-dire une idée fausse". Par sa propre nature, la notion de progrès implique la fin de l'histoire. C'est ce que pressentait sans doute Milán KUNDERA, lorsqu'il écrivait: "Jusqu'à présent, le progrès a été conçu comme la promesse d'un mieux incontestable. Aujourd'hui cependant, nous savons qu'il annonce également une fin" (4). Cette certitude qu'une fin surviendra est cela précisément qui produit le désenchantement. Tous les finalismes sont à présent morts parce qu'ils ne sont légitimes que dans la mesure où ils atteignent un but hic et nunc.

 

Régression et fin de l'histoire

 

Mais quid dans le cas où l'on affirmerait aucun finalisme? Dans le cas où l'on ne prétendrait pas arriver à une fin de l'histoire, à la fin des antagonismes et des luttes entre volontés oppo- sées? Cette conclusion, consciemment ou inconsciemment, des milliers d'intellectuels l'ont déjà tirée. En se posant une question très simple: où se trouve ce fameux paradis annoncé par les progressistes? La réponse est lapidaire: nulle part. Déduction: la seule possibilité qui reste pour sauver l'utopie, c'est de cultiver une idéologie de la régression. On passe de ce fait à un culte du "régrès" qui remplace la culte du "progrès" devenu désuet et sans objet.

 

Ce n'est pas un hasard si la gauche de notre époque vire au "vert" et à un certain passéisme idyllique. Pour la gauche actuelle, l'Arcadie pastoraliste s'est substituée à l'Utopie constructiviste. Cette mutation est dans la logique des choses. Le progrès avait été conçu selon une double optique: idéologique et technologique. Le progrès technologique, véhiculé par cet esprit faustien et aventurier (SPENGLER), qui donna toute son impulsion au développement de l'Europe, a, plutôt que de normaliser et de pacifier, créé plus de tensions et d'antagonismes. Prométhée, dit-on, est passé à droite... La gauche a réagi, consciente que le progrès technique était par définition sans fin et limitait ipso facto son "monde idéal"; elle délaissa la technique, abandonna son promé- théisme (sauf, bien sûr en URSS où le technicisme marxiste se couple au mythe de Gengis Khan). La gauche a opéré un tour de passe passe conceptuel: elle n'a plus placé la fin de l'histoire, l'homogénéisation de la planète, dans un avenir hypothétique. Sur le plan des idées et de la praxis, elle a replacé cette fin dans l'actualité. Attitude clairement observable chez les idéologues de l'Ecole de Francfort et leurs disciples.

 

Cette mutation s'est effectuée de manière relativement simple. Il s'agit, dans la perspective actuelle de la gauche, de vivre et de penser comme si la révolution et le paradis sans classes, idéaux impossibles à atteindre, existaient de manière intemporelle et pouvaient être potentialisés par l'éducation, le combat culturel et la création de mœurs sociales nouvelles. On constate que la gauche intellectuelle effectue cette mutation conceptuelle au moment où sociaux-démocrates et sociaux-libéraux affirment de fait la fin de l'histoire parce qu'ils estiment, sans doute avec raison, que leur société-marché a abouti. On croit et l'on estime qu'est arrivé le moment d'arrêter le mouvement qui a mis fin jadis à l'Ancien Régime et implanté l'ordre social-bourgeois.

 

Mais que faire si ce mouvement ne s'arrête pas partout, en tous les points de la planète? Si le principe de révolution agite encore certains peuples sur la Terre? En Occident, on a décrété que l'histoire était terminée et que les peuples devaient mettre leurs volontés au frigo. Et en ce bel Occident, c'est chose faite. Elles croupissent au frigidaire les volontés. Ailleurs dans le monde, la volonté révolutionnaire n'est pas extirpée. Le monde effervescent du politique, la Vie, les relations entre les peuples et les hommes n'obéissent pas partout à la règle de la fin des antagonismes. Croire à cette fiction, c'est se rendre aveugle aux motivations qui font bouger le monde. C'est déguiser la réalité effeverscente de l'histoire et du politique avec les frusques de l'idéologie normalisatrice et finaliste.

 

Là nous percevons clairement la contradiction fondamentale de la société post-moderne.

 

Un doux nihilisme

 

Dans de telles conditions, nos sociétés ne peuvent que vivre en complet dysfonctionnement. D'un côté, nous avons un monde idéal, suggéré par les idéologies dominantes, conforme à ses présupposés moraux qu'il convient de mettre en pratique dans sa vie quotidienne pour ne pas se retrouver "marginal" (humanitarisme, égalitarisme, bien-être). D'un autre côté, nous voyons un monde réel qui, en aucun cas, n'obéit à l'idéologie morale moderne et qui nous menace constamment d'une crise finale, d'une apocalypse terrible.

 

La technique qui nous permet de survivre dans cette contradiction est simple: c'est la politique de l'autruche. Le divorce entre les deux réalités crée une formidable schizophrénie sociale. Selon les termes de BAUDRILLARD: Perte du rôle social, déperdition du politique... De toutes parts, on assiste à une perte du secret, de la distance et à l'envahissement du domaine de l'illusion... Person- ne n'est actuellement capable de s'assumer en tant que sujet de pouvoir, de savoir, d'histoire (5). Le spectateur a supplanté l'acteur. Quand les hommes, les citoyens avaient un rôle, le jeu social détenait un sens. N'étant plus que des spectateurs impuissants, tout sens s'évanouit. Et derrière le spectacle, en coulisses, se déploie un monde qui n'a rien à voir avec celui qui nous est offert, suggéré, vanté. Le système cherche à ce que nous vivions comme si la fin de l'histoire, du politique, du social était déjà survenue. Autrement dit, le système simule la disparition du sens que nous évoquions.

 

Il ne reste plus aux hommes qu'à s'adonner au nihilisme "soft" d'un monde sans valeurs. Mais le sens des valeurs a-t-il réellement disparu? Non. Il se cache. Il est imperceptible dans les sociétés de consommation de masse d'Europe mais reste vivace là où se manifeste une volonté collective d'affirmation. Du point de vue de l'idéologie occidentale dominante, les signes d'un tel sens restent cachés comme un visage derrière un masque. Pourtant, ce visage est celui d'un être bien vivant. C'est ce qui explique pourquoi l'homo occidentalis ne mesure les phénomènes nationalistes du Tiers-Monde que sous l'angle de folies individuelles alors qu'en réalité, il s'agit de volontés nationales d'échapper à la dépradation américaine ou soviétique. Dans nos sociétés, au contraire, il n'y a déjà plus de volonté collective mais il règne un individualisme englouti dans l'indifférence généralisée de la massification. C'est un univers où chacun vit et pense comme tous sans pour autant sortir de son petit monde individuel. C'est là une autre forme de nihilisme et l'on ne détecte rien qui puisse affirmer une quelconque volonté.

 

Cet individualisme a déteint sur toute la société post-moderne. Il a suscité tous les phénomènes qui caractérisent ce post-modernisme, y compris ce nihilisme hédoniste, né de la disparition du sens. Gilles LIPOVETSKI confirme cet individualisme intrinsèque de la société post-moderne en énumérant les traits qui la caractérisent: recherche de la "qualité de la vie", passion pour la personnalité, sensibilité "écolo", désaffection pour les grands systèmes qui exigent la motivation, culte de la participation et de l'expression, mode rétro,... (6).

 

Arrêtons nous un moment à ce culte de la participation et de l'expression qui sont symptômes supplémentaires de la schizophrénie sociale et, par là, facteurs de nihilisme. Il existe dans nos sociétés une impulsion de type moral qui appelle constamment à la participation dans la vie publique et à l'expression de la volition individuelle par le biais de la communication. Ainsi, l'on prétend que nos sociétés sont des sociétés de communication, thème que l'on retrouve chez des auteurs aussi éloignés l'un de l'autre que HABERMAS, MARSHALL McLUHAN ou Alvin TOFFLER. Mais où participer, où s'exprimer quand les institutions qui avaient traditionnelle- ment la fonction de canaliser ces pulsions et ces nécessités ont cessé de posséder un sens, ont succombé aux impulsions commerciales de la communication de masse? Comme l'a vu justement BAUDRILLARD (7), le système appelle sans cesse à la participation, il veut sortir la masse de sa léthargie, mais la masse ne réagit pas: elle est trop bien occupée à assurer son bien-être individuel. La participation et l'expression jouent aujourd'hui le même rôle de norme sociale que l'idée que le souverain était l'incarnation d'un pouvoir divin. Actuellement, les normes morales  -déjà non politiques-  du système social-démocratique ne sont qu'un simple vernis, comme le fut, à la fin du XVIIème siècle, l'idée du souverain comme principe incarnateur. Cela signifierait-il que nous sommes à la fin d'un cycle? En termes clairs: le silence des masses, l'impossibilité des dogmes fondamentaux du système démocratique signifie- raient-ils le terme, la mort de l'idée démocratique de participation du peuple, laissant cette participation à une simple fiction juridique, comme le pense Jürgen HABERMAS (8)?

 

Ainsi, l'impossibilité de réaliser ce qui paraît le plus important dans toute société démocratique qui se respecte pourrait donner naissance à un nouveau facteur de nihilisme qui s'ajouterait à ceux déjà énumérés. D'autre part, à la vision apocalyptique inhérente à tout finalisme, se joignent actuellement divers paramètres de crise: économiques, écologiques, géostratégiques... Tous pourraient, à un moment donné, converger. En réalité, la crise est l'état habituel du monde depuis que l'homme existe sur cette planète. Le sens que l'on donnait à la vie était celui qui réduisait l'acuité des crises; il y avait alors quelque chose à leur opposer. Aujourd'hui, en revanche, la crise se profile avec netteté et le consensus a disparu. L'appareil macroéconomique transnational qui régit actuellement l'Occident est occupé à régulariser un système de crise. Mais cette crise ne peut être régularisée indéfiniment. Après la crise viendra inéluctablement la guerre... ou une autre situation conflictuelle qui ne prendra pas nécessairement le visage de la confrontation militaire directe; Songeons aux guerres économiques et culturelles qui affaiblissent déjà l'Europe, avec parfois la frappe chirurgicale et précise d'un terrorisme manipulé...

 

Parier pour l'interrègne

 

Le nihilisme de notre actuelle quotidienneté n'a rien à voir avec le nihilisme classique, exprimé par le terrorisme urbain et le chaos social. Le nihilisme actuel est un nihilisme doux, "soft", accepté comme tel par le système en tant que rouage de son mécanisme complexe. Un nihilisme qui peut se présenter comme inhibiteur, c'est-à-dire comme une acception des normes politiques et morales du système couplée à un refus d'avaliser son fonctionnement et les hiérarchies qu'il implique. Mais un nihilisme qui peut aussi se présenter comme nihilisme "exhibé", comme c'est le cas pour les "nouveaux barbares". Finalement, aucun des deux modèles n'est réellement nocif pour le système. Ce flou est précisément ce qui fait de la post-modernité une époque potentiellement décisive, dans la mesure où on peut franchement la définir comme un interrègne. Interrègne obscur, chargé d'ivresse dionysiaque sourde, comme nous l'a décelé Guillaume FAYE (9). Interrègne qui est prémisse de quelque chose d'encore incertain. Quelque chose qui pourrait rendre à notre monde son enthousiasme, son sens de l'aventure, la nécessité du risque et la volonté de prendre à nouveau des décisions. Tel est le pari de tout interrègne.

 

Giorgio LOCCHI écrit que les représentants les plus autorisés de la Révolution Conservatrice allemande du temps de Weimar, de JüNGER à HEIDEGGER, ont appelé "interrègne" cette période d'attente durant laquelle le destin bascule entre deux possibilités: 1) achever le triomphe de la conception du monde égalitaire avec sa "fin de l'histoire" ou 2) promouvoir une régénération de l'histoire (10). La post-modernité actuelle est un interrègne. Pour cela elle peut être le creuset d'une nouvelle révolution culturelle comme celles qu'a connues l'Europe tout au long de son histoire. En dernière instance, la balance penchera de l'un ou de l'autre côté...

 

Dès lors, nous pouvons affirmer qu'il existe quatre attitudes fondamentales en jeu actuellement. L'une de ces attitudes est proprement post-moderne, elle est hédoniste, éclectique, dionysiaque, indécise. Cette atittude-là est celle du pari pour les mutations superficielles mais contestatrices. Une deuxième attitude est également conforme au système; elle intériorise les présupposés "progressistes" et prône l'aveuglement face à l'histoire en marche, face au devenir du réel; elle fuit tout espèce de pari. Une troisième attitude pourrait être celle de nouveaux barbares, citadins ou ruraux. Elle consiste à sortir du système, à en sortir psychiquement pour les premiers, physiquement pour les secondes. Il s'agit de tuer les parieurs en "cassant le jeu". Enfin, la quatrième attitude est l'attitude faustienne et aventurière: miser et gagner. Mais pour quel enjeu? La régénération de l'histoire européenne. La décision de miser constitue alors un moment-clef.  Telle pourrait être l'attitude d'une Nouvelle Révolution, inspirée de la révolution conservatrice allemande des années 20. Tous les révolutionnaires conservateurs, écrit Louis DUPEUX (12), se définissent comme résolument modernes... Loin de la peur et des tourments qu'engendre le pessimisme conservateur traditionnel, la Révolution Conservatrice dégage une modernité contre le modernisme ou le progressisme, une contre-modernité. Il s'agit, en clair de se décider pour le côté organique de la modernité et d'abandonner les chimères inorganiques. Accepter et assumer la modernité comme forme vitale, comme impulsion et non comme sens orienté vers un finalisme inéluctable (et finalement misérabiliste) qu'on n'atteindra en fin de compte jamais. Rappellons-nous l'expression de JüNGER: fondre passé et futur en un présent vivant, ardent.

 

Il faut que dès maintenant, ceux qui ont décidé de parier pour cette nouvelle révolution spirituelle prennent conscience que le destin de notre culture et de notre continent se trouve entre leurs mains. Il serait toutefois assez ingénu de rejeter simplement les manifestations sociales et esthétiques de la post-modernité au nom d'un "conservatisme" qui, au bout du compte, ne pourrait conduire à rien. Il s'agit de savoir ce que peut donner comme résultat "l'orgiasme" en lequel se plonge la post-modernité. FAYE a écrit que dans les orgies romaines, seul l'amphitryon reste sobre: parce que le "climax", l'apogée du dionysisme n'est autre que le signal du prochain retour d'Apollon. Dans la perspective de cette nouvelle révolution culturelle, notre nouvelle révolution culturelle, la post-modernité ne peut être que la certitude, esthétique et mobilisatrice, que Dionysos sait ce qu'il fait même si ses serviteurs ignorent ses desseins.

 

Javier ESPARZA.

(traduction française de Rogelio PETE).

 

Cet article de Javier ESPARZA, traduit par Rogelio PETE est extrait de la revue PUNTO Y COMA (N°2, décembre 85 - février 1986). Adresse: Revista PUNTO Y COMA, Apartado de Correos 50.404, Madrid, España. Tel.: 410.29.76. Abonnement pour six numéros pour tout pays européen: 2600 pesetas. Tarif étudiant: 2200 pesetas.

 

Notes

 

(1) Castello, F., Tiempos Posmodernos, El Pais, 30/1/1985.

(2)  Cañas, D., La posmodernidad cumple 50 años en España, El Pais, 28/4/1985.

(3) Faye, G., La modernité, ambigüités d'une notion capitale, in: Etudes et Recherches n°1 (2ème série), printemps 1983.

(4) Kundera, M., cité par Régis Debray in Le pouvoir intellectuel en France, Ramsay, Paris, 1979.

(5) Baudrillard, Jean, Les stratégies fatales, Grasset, 1983.

(6) Lipovetsky, G., L'ère du vide, Gallimard, 1983.

(7) Baudrillard, J., Cultura y Simulacro, Kairos, 1984.

(8) Habermas, J., Historia y crítica de la opinión pública, Gili, Col. Mass Media, 1982.

(9) Faye, G., La nouvelle société de consommation, Le Labyrinthe, 1984.

(10) Locchi G., Wagner, Nietzsche e il mito sovrumanista, Akropolis, 1982.

(11) L'auteur du présent article ne trouve pas, dans la "révolution conservatrice" actuelle des Etats-Unis, d'éléments valables pour une régénération historico-culturelle de l'Europe. Il estime que ces éléments sont davantage à rechercher dans le sillage de la "Nouvelle Droite" française et des mouvements qu'elle a influencé ou dont elle a reçu l'influence en Europe.

(12) Dupeux L., Révolution Conservatrice et modernité, in Revue d'Allemagne, Tome XIV, Numéro 1, Janvier-Mars 1982.

 

jeudi, 19 août 2010

Multiculturalisme kent alleen maar verliezers

 
Multiculturalisme kent alleen maar verliezers

O. DELECRUZE - 16 AUGUSTUS 2010


Multiculturalisme dites-vous.jpgLinkse activisten dragen de schuld voor de fouten in het huidige integratiebeleid: sinds lang hebben die ieder debat onmogelijk gemaakt. Maar bovenal was en is het doel van de multiculturele campagnes de vernietiging van het eigene, "tot de overgrote meerderheid weet wat van hen verwacht wordt en de rol speelt die hen is opgelegd."

In Groot Brittannië had de massa-immigratie en daarmee de "multicultuur" als doel "de ziel van de natie te wijzigen," om "het demografische en culturele patroon van het land te veranderen," om door overmacht de verandering in houding te veroorzaken waar de Britse evenknie van de PvdA, Labour, zich de representant van beschouwde. Deze streefde naar "een multiculturele samenleving die zijn eigen geschiedenis zou moeten heroverwegen, en de traditionele trots vervangen door een besef van schuld."

Klootjesvolk

Ook in Nederland is het voorduren van de massa-immigratie zeer aannemelijk een opzettelijk project van de progressieve politiek die volgde op de ontrouw van de wegvluchtende kiezers waar vooral de PvdA eind zestiger mee te kampen had.[1] Volgens de Provo-beweging in die periode had de welvaartsmaatschappij het ontrouwe arbeiderselectoraat "in slaap gesust". De arbeiders waren ontaard tot een "grauwe, gemakzuchtige massa". Van dit "klootjesvolk" hoefde niemand mee iets positiefs te verwachten," schrijft Duco van Weerlee in Wat de provo’s willen.[2] Of in de taal van de Amsterdamse Provo’s:
"Bourgeoisie en voormalig proletariaat zijn samengeklonterd tot een groot grijs klootjesvolk, de misselijk makende middenstand, de torren en lieveheersbeestjes, de spruitjeseters."
Het is even wennen, schrijft Jos van Lans,[3] maar alras stijgt uit dit soort kritiek een groeiende sympathie op voor alles wat afwijkt, wat buiten de grauwe grijze middelmaat treedt. Het boek van Herman Milikowski 'Lof der onaangepastheid' trekt deze radicale kritiek door naar de onmaatschappelijkheidsbestrijding:
"Er treedt een bont palet van sociale bewegingen aan die zich rondom een specifieke identiteit manifesteren: de gekkenbeweging, de kraakbeweging, de milieubeweging, de jongerenbeweging, de vrouwenbeweging, de ene nog radicaler dan de andere."
Het gevolg was dat de uit de hand gelopen massa-immigratie voor de progressieve politiek nooit een issue werd of mocht worden. Alleen bij de grondwetsherziening begin jaren '80 speelde het een bijrol, maar dan alleen om immigranten het stemrecht toe te kennen (voor gemeenteraden), wat zeer lucratief zou zijn voor vooral linkse partijen. Aan de andere kant moest het morrende "klootjesvolk" onder controle gehouden worden. Daarvoor werden vooral begin 90'er jaren, na de val van het communisme, "multicultuur" en "diversiteit" het toneel opgevoerd en konden "de spruitjeseters" (inmiddels aangeduid met "onderbuik"[4]) die zich tegen die multicultuur durfde te uit te spreken ineens inherent als "racisten" bestempeld worden.

Over de moedwillige bevolkingspolitiek
schreef de oud-diplomaat C. van Nispen tot Sevenaer in 2005:
"De massale immigratie is door bepaalde mensen nagestreefd. Terwijl Jacques Wallage fractievoorzitter was van de PvdA in de Tweede Kamer (coalitieregeringen van CDA, PvdA, VVD en D66), zijn onder een zogenaamd restrictief toelatingsbeleid tussen 1990 en 1999 één miljoen honderdertigduizend – legale – immigranten naar Nederland gekomen [CBS] met nu een totaal van 3 miljoen mensen van allochtone afkomst, 20 procent van de Nederlandse bevolking. Wallage, (oud burgemeester van Groningen, recent informateur van het mislukte Paars Plus), zegt: "Wie zijn wij om een eerstgeboorterecht uit te oefenen, hoezo is Nederland voor zijn inwoners? Iedereen heeft recht op dit stukje aarde, waarom zouden wij, toevallige inwoners, daar enig bijzonder recht op doen gelden?"
Multiculturalisme is tweedeling

In het
rapport "De armoedigheid van het multiculturalisme", dat in hetzelfde jaar, 2005, werd uitgebracht door de denktank Civitas, werd geconcludeerd dat het politieke concept "multiculturalisme", raciale scheidslijnen bevordert (ofwel: tweedeling), en mogelijk heeft bijgedragen aan de zelfmoordaanslagen in het Verenigd Koninkrijk. Het rapport bekritiseeert de overtuigde multiculturalisten:
"…die beweren dat geen enkele cultuur is beter dan een andere, maar ook de eersten zijn om te benadrukken dat de westerse cultuur eigenlijk minderwaardig is. Het feit dat de plegers van de zelfmoordaanslagen in Londen geboren en getogen zijn in Groot-Brittannië en door de staat zijn aangemoedigd om anders te zijn, toont aan dat het harde multiculturalisme het niet alleen in zich heeft om verdeeldheid te zaaien maar ook zondermeer dodelijk kan zijn."
In een Franse studie uit 2007, Seculariteit in de Lage Landen? Over hoofddoekjes in een neutrale staat,[5] werd zelfs specifiek gewaarschuwd voor het Nederlandse multiculturalisme: "Wat is er in de ogen van de Fransen mis gegaan met het Nederlandse minderhedenbeleid?" Volgens dit rapport van de Franse Commissie-Stasi uit 2007, maakt de Nederlandse politiek zich schuldig aan een destructieve vorm van multiculturalisme. De typisch Nederlandse zuilen-traditie heeft allochtone groepen aangemoedigd tot zelf-organisatie in gesloten culturele gemeenschappen: "Sinds de jaren zestig is Nederland aan het wegglijden in communitarisme."

Jacqueline Costa, lid van de delegatie van de commissie-Stasi die ter plaatse onderzoek heeft verricht naar de Nederlandse situatie, beweert dat het rapport uit beleefdheid veel te mild is geformuleerd. Naar haar mening zou het accurater zijn geweest om te zeggen dat de integratie in Nederland is uitgelopen tot een complete mislukking:

"De traditionele Nederlandse tolerantie heeft zich tegen zichzelf gekeerd met het bieden van een veilige haven aan islamisten die het als operationele basis gebruiken om de liberale staat van binnenuit op te blazen. Het Rapport Stasi werd sterk beïnvloed door de negatieve bevindingen in Nederland"
Rekening houdend met het feit dat Nederland als afschrikwekkend voorbeeld kan dienen, heeft de Commissie daaropvolgend vastgesteld dat de Nederlandse manier koste wat kost vermeden moest worden. "Deze situatie voedt etnische en religieuze spanningen en doet het anti-semitisme heropleven…"

Terug naar de middeleeuwen

Valentina Colombo in Decepties, Dwalingen en Slachtoffers van het Multiculturalisme
wijst op de verzuiling waar ook het Franse rapport aan refereerde, als voorloper van het multiculturalisme. Die verzuiling had als opzet "een vreedzame samenwerking mogelijk te maken tussen de leiders van de verschillende zuilen, maar met nog grotendeels gescheiden achterbannen" [maar volgens Paul Scheffer, "wel met een algemeen aanvaarde grondwet en kon worden uitgevochten in een en dezelfde taal."] Vandaag de dag echter zou dergelijke verzuiling met verschillende codes en rechtsvormen, zoals de sharia, onvermijdelijk leiden tot een vergaande en gevaarlijke discriminatie van vrouwen: "Het probleem zit in het misplaatste geloof dat deze wandaad uitsluitend iets van- en voor de minder fortuinlijke immigranten zou zijn, en de samenleving als geheel onaangetast zou laten." Multiculturalisten pleiten voor uitbreiding van een pertinent gelijke status voor de verschillende etnische en religieuze groepen, "echter zonder het bevorderen van welke etnische, religieuze of culturele waarden dan ook."

Colombo haalt twee recente door moslimvrouwen geschreven boeken aan die het multiculturalisme definiëren als "een dwaling" en "een deceptie." Der Multikulti-Irrtum, Wie wir in Deutschland besser zusammen leben können ("De Multiculti-dwaling"), gepubliceerd in Duitsland in 2007, geschreven door
Seran Ates, een advocaat die geboren is in Istanbul en getogen in Duitsland; en L'Inganno - Vittime del Multiculturalismo ("De Deceptie, Slachtoffers van Multiculturalisme") dat verscheen in Italië in 2010 en was geschreven door Souad Sbai, een Italiaans parlementslid en journalist, geboren in Marokko, opgegroeid in Duitsland en woonachtig in Italië.

Beide auteurs hebben – op verschillende manieren – met allochtone vrouwen gewerkt. En allebei stellen ze dat het multiculturalisme niet alleen achterhaald is, maar vooral tegen de rechten van de vrouw indruist:
Seyran Ates, die in toenemende mate werd verstikt door haar autoritaire huiselijke omgeving, besloot op haar zeventiende weg te lopen van haar familie. Zij zocht toevlucht in een opvanghuis voor vrouwen, waar ze in een gemeenschap terecht kwam van mishandelde Turkse en Duitse vrouwen. Een gewapende ultra-nationalistische groep Turkse jongeren viel in 1984 de vrouwen in het centrum aan. Ates werd in de keel geschoten en raakte ernstig gewond, een vrouw naast haar werd gedood.
Het kostte Ates vijf jaar om te herstellen van de wonden en het trauma. Na deze aanslag op haar leven besloot ze dat niemand het recht had haar droom om advocaat te worden te vernietigen, en ging zich inzetten voor de rechten van vrouwen. In 2007, na weer een doodsbedreiging, stopte ze met haar werk als advocaat voor Turkse migrantenvrouwen. Maar haar gedrevenheid behield ze: in de hoop de situatie in Duitsland te kunnen veranderen ging ze schrijven. Haar boek, "De Multiculti-dwaling" is een heldere analyse van de situatie in haar land.

Ates beschouwt met name linkse activisten als de schuldigen voor de fouten in het huidige integratiebeleid: sinds lang hebben die ieder debat onmogelijk gemaakt.
Ondanks alles waar linkse activisten zich voor inzetten, stelt Ates dat zij nooit goed hebben gekeken naar wat er werkelijk gaande is binnen de gemeenschappen die zich in Duitsland [en elders in de Westerse wereld] hebben gevestigd. Zij schrijft dat een nadere bestudering van de derde generatie de gevolgen laat zien van waar Duitsland in de afgelopen decennia in is gefaald: een groot deel van haar boek is gewijd aan vrouwen en geweld – gedwongen huwelijken, eerwraak en geweld in het algemeen.

Souad Sbai, een Italiaans parlemenslid die sinds jaar en dag met allochtone vrouwen werkt, beschouwt de situatie van moslimvrouwen in het Westen als het resultaat van het falen van de "multiculturele samenleving" als geheel. Multiculturalisme, volgens Sbai, is een afschuwelijk veelkoppig monster en belichaamt twee van de belangrijkste fenomenen: 1. Het instrumentele gebruik van religie door islamisten om hun politieke doel en de onderwerping van de vrouw na te streven; 2. De afschaffing van de burgerlijke vrijheden en de waardigheid van de mens.

De ondertitel van haar boek, "Slachtoffers van het Multiculturalisme," identificeert het belangrijkste probleem als het resultaat van een juridische en politieke terugtreding, daar waar het gaat om het bevorderen van de universele rechten van de mens en het respecteren van de centrale plaatsing en de onaantastbaarheid van het individu. Hoewel het woord "slachtoffers" hier kan klinken alsof het alleen verwijst naar allochtone vrouwen in het Westen en hun segregatie in een wereld van onnozelheid en geweld, heeft het een universele waarde: De boodschap in haar boek is dat elke persoon, man of vrouw, van welke religie ook, slachtoffer van islamisme en fanatisme kan worden.

Volgens Souad Sbai, is deceptie de blind makende illusie van het multiculturalisme: de weigering om het karakter van een ideologie [islam] en de rampzalige gevolgen ervan te erkennen, maar ook de neiging van mensen om muliculturalisme te verwarren met "iets positiefs."  Deceptie is, zo stelt Souad Sbai, de promotie van abstracte ideeën en ideologieën van mensenrechten en universeel broederschap op zodanige wijze dat ze ironisch genoeg degenereren in een perverse vorm van onverschilligheid en ontkenning van rechten. Deceptie is een juridisch en cultureel relativisme dat de schuldigen vrijpleit en weerloze vrouwen geslagen, verkracht, verbrand, en misbruikt laat.
Colombo eindigt haar artikel met te stellen dat we het niet kunnen toelaten dat vrouwen in het Westen in hun geboorteland gediscrimineerd worden, of, zoals Souad Sbai zegt, "dat vrouwen in het algemeen in Europa worden teruggeleid naar de middeleeuwen". Souad Sbai zegt op haar eigen website:

"Het beginsel van de politieke correctheid vergt een absoluut respect voor de cultuur van niet-westerse volkeren, wat multiculturalisme genoemd wordt. Maar wat als die niet-westerse culturen in hun gedrag geen respect voor vrouwen kennen? (…) Het multiculturalisme kent alleen maar slachtoffers. Slachtoffers als Hina Saleem uit Brescia, de Pakistaanse die door haar vader onthoofd werd en in de tuin begraven "omdat zij zich gedroeg als een christen"; als Bouchra, een Marokkaanse uit Verona, die doodgestoken werd door haar man omdat zij weigerde de sluier te dragen; als Fouzia, de Egyptische uit Milaan die door haar echtgenoot voor de ogen van haar driejarige dochtertje gewurgd werd en vervolgens in een park gedumpt, omdat zij zich westers kleedde; als Fatima Saamali, de Marokkaanse uit Aosta die door haar man werd vermoord omdat zij aan de politie had gerapporteerd dat zij door haar man mishandeld werd…"

Maar het multiculturalisme leidt niet alleen vrouwen terug naar de middeleeuwen. Volgens emeritus hoogleraar Russische en Slavische Studies, Frank Ellis, speelt er ook nog iets anders en is de onmiddellijke context voor het begrijpen van de politieke correctheid en het multiculturalisme, de Sovjet-Unie en haar catastrofale utopische experiment:


Multiculturalisme, voorbode voor de Goelag?

door Frank Ellis
"Omwille van het dagelijks bestaan was het zondermeer noodzakelijk, of soms van belang, om goed na te denken alvorens iets te zeggen; maar een lid van De Partij die benaderd werd voor een politiek of ethisch oordeel, werd geacht in staat te zijn de correcte zienswijzen net zo volautomatisch uit te sproeien als een machinegeweer dat met kogels doet." – George Orwell, "1984".
Er bestaat geen succesvolle samenleving die een spontane neiging tot multiculturalisme of multi-etniciteit kent. Succesvolle en duurzame samenlevingen vertonen een hoge mate van homogeniteit. Degenen die het multiculturalisme voorstaan zijn hier óf niet van op de hoogte, óf – wat waarschijnlijker is – beseffen terdege dat als zij de Westerse samenlevingen willen transformeren tot strikt gereguleerde, etnisch-gefeminiseerde bureaucratieën, ze eerst die samenlevingen zullen moeten saboteren.

Deze transformatie is even radicaal en revolutionair als indertijd het project was om het communisme in de Sovjet-Unie te vestigen. Net als dat ieder aspect van het leven onder politieke controle moest worden gebracht – zodat de commissarissen hun visie aan de samenleving konden opleggen – hopen de multiculturalisten ieder aspect van ons leven te controleren en te domineren. Hoewel hun variant in vergelijking met de genadeloze tirannie van de Sovjets wat softer en milder lijkt, is het wél één waarmee ze ons hopen net zo strak te kunnen houden als een gevangene in de Goelag: de tegenwoordige "politieke correctheid" stamt immers rechtstreeks af van die communistische terreur en -hersenspoeling.

Wat het multiculturalisme – in tegenstelling tot het direct herkenbare vreemde implantaat communisme – bijzonder verraderlijk en moeilijk te bestrijden maakt, is dat het zich de morele en intellectuele infrastructuur van het Westen toeëigent. Hoewel het zich voordoet als een voorvechter van de diepste overtuigingen van het Westen, is het daar in feite een perversie van en breekt het systematisch het hele idee van het Westen af.

Wat wij "politieke correctheid" noemen stamt uit de Sovjet-Unie van de jaren '20 (politicheskaya pravil’nost heette dat in het Russisch), en was de uitwaaiering van de politieke controle naar onderwijs, psychiatrie, ethiek en gedrag. Het was een essentieel element in het streven om alle aspecten van het leven in overeenstemming te brengen met de ideologische orthodoxie (wat het onderscheidend kenmerk is van alle totalitaire regimes). In het post-Stalin-tijdperk betekende politieke correctheid zelfs dat dissidentie werd gezien als het symptoom van een psychische aandoening, waarvoor permanente opsluiting de enige kuur was.

Zoals Mao Tse-Tung, de Grote Roerganger, stelde: "Het niet hebben van een politiek correcte oriëntatie is als het niet hebben van een ziel." Mao's Rode Boekje staat vol met aansporingen om het juiste pad van de communistische gedachte te volgen, en eind jaren '60 had de maoïstische politieke correctheid zich al stevig in de Amerikaanse en Europese universiteiten genesteld. De laatste fase van die ontwikkeling waar we nu sinds ruim twee, drie decennia getuige van zijn, is het resultaat van een kruisbestuiving met de nieuwste "ismen:" anti-racisme, feminisme, structuralisme, post-modernisme [en het opkomende islamisme], die nu de universitaire curricula domineren. Het resultaat is een nieuwe en virulente stam van het totalitarisme, dat duidelijke parallellen heeft met het communistische tijdperk. De hedendaagse dogma's hebben geleid tot rigide eisen met betrekking tot woordgebruik, het denken en het gedrag, en de onwilligen worden behandeld alsof zij mentaal onevenwichtig zijn, net als de Sovjet-dissidenten indertijd.
Matthijs van Nieuwkerk: "U zegt dat mensen die op Wilders stemmen, en dan vooral de mensen die de krant lezen en gezond verstand hebben, want die zijn toerekeningsvatbaar dan blijkbaar."

Maarten van Rossum: "Ik kan me niet voorstellen dat je een gezond verstand hebt en dan op Wilders stemt."

Matthijs van Nieuwkerk: "Maar wat er nu gebeurt is, we hadden hier gisteren Bram Moszkovicz zitten, de advocaat van Geert Wilders… Herman van Veen vergeleek de PVV met de NSB… u zegt nu dat de mensen die op WIlders stemmen zijn niet goed bij hun hoofd."

Maarten van Rossum: "Ja, daar komt het in grote trekken op neer."

Matthijs van Nieuwkerk: "Dus u denkt dat demonisering, want dat woord valt nogal eens de laatste tijd, en Bram Moszkovicz had het er ook weer over, gaat door."

Maarten van Rossum: "Nou, ik zie dat helemaal niet als demonisering, het gaat erom dat vrij makkelijk kan worden aangetoond dat in feite de wereld die, die Wilders aan zijn kiezers aandoet …biedt, dat dat een paranoïde waanwereld is, dat 'ie in feite heel weinig of niets met de werkelijkheid van doen heeft."

Matthijs van Nieuwkerk:  "Maar d'r zijn er meer dan éénmiljoen mensen niet goed bij hun hoofd op dit moment in Nederland."

Maarten van Rossum: "Ik denk dat dat op zichzelf al een vrij conservatieve conclusie is." (publiek lacht).[6]
Er zijn er die gesteld hebben dat het onrechtvaardig is om het regime van Stalin als "totalitair" te kenschetsen, erop wijzend dat één man, hoe genadeloos hij ook de macht uitoefende, onmogelijk alle handelingen van de staat kon controleren. Maar in feite hoefde hij dat ook helemaal niet. Totalitarisme is veel meer dan staatsterreur, censuur en concentratiekampen; totalitarisme is een geestestoestand waarin het idee van een prive-mening of eigen standpunt uitgewist is. De totalitaire propagandist dwingt de mensen om te geloven dat slavernij vrijheid is, vunzigheid een beloning, onwetendheid kennis, en dat een streng gesloten samenleving de meest open samenleving in de wereld is. En zodra ervoor is gezorgd dat genoeg mensen op deze manier zijn gaan denken, is er spake van functioneel totalitairisme: zelfs als een dictator het allemaal niet persoonlijk onder controle heeft.

Tegenwoordig uiteraard, wordt men voorgehouden dat diversiteit winst is, perversiteit een deugd, succes onderdrukking, en dat het keer op keer herhalen van deze ideeën een uitdrukking van "tolerantie" en "diversiteit" is. Inderdaad, de multiculturele revolutie zorgt overal voor subversie, net als de communistische revoluties dat deden: juridisch activisme ondermijnt de rechtsstaat, "tolerantie" ondergraaft de omstandigheden die een echte tolerantie mogelijk maakt; universiteiten – die paradijzen van het waardevrije onderzoek zouden moeten zijn – praktiseren een censuur die dat van de Sovjets naar de kroon steekt. Tegelijkertijd is er een tomeloze drang naar "gelijkheid": de Bijbel, Shakespeare, rap-teksten, zijn simpelweg teksten met "gelijkwaardige perspectieven"; afwijkend en crimineel gedrag is een "alternatieve leefgewoonte" (of "andere cultuur"). Dostojewski's Misdaad en Boete zou vandaag de dag met de titel Criminaliteit en Counseling zijn uitgegeven.

In het communistische tijdperk was de totalitaire staat gebaseerd op geweld. De zuiveringen van de jaren '30 en de Grote Terreur (wat Mao's model voor de Culturele Revolutie werd) pasten geweld toe tegen de "klassevijanden" om loyaliteit af te dwingen. Partijleden tekenden zonder scrupules doodvonnissen voor "vijanden van het volk", met een vanzelfsprekend geloof in de juistheid van de aanklachten, wetende dat de beschuldigden in werkelijkheid onschuldig waren. In de jaren '30, rechtvaardigde de collectieve schuld het vermoorden van miljoenen Russische boeren. Zoals door Robert Conquest aangehaald in The Harvest of Sorrow (p.143), was de visie van de Staat op deze klasse dat:
"…niet één van hen zich schuldig aan iets had gemaakt, maar zij behoorden nu eenmaal tot een klasse die schuldig was aan alles."
Het stigmatiseren van complete instituties en sociale groepen ["spruitjeseters" of de "onderbuik"] maakt het veel gemakkelijker om een grootschalige verandering te bewerkstelligen. Hierin ligt natuurlijk de aantrekkelijkheid van het onderwerp "racisme" en "seksisme" voor de hedendaagse cultuurafbrekers – de zonde kan dan worden uitgestrekt tot ver voorbij het individu, om instellingen, literatuur, taal, geschiedenis, wetten, gebruiken, en complete beschavingen binnen bereik te brengen. De beschuldiging van "institutioneel racisme" [evenals als "xenophobie" en "islamofobie"] is niet anders uit te leggen dan het tot een vijand van het volk verklaren van een complete economische klasse. "Racisme" en "seksisme", de aanvalswapens van het multiculturalisme, zijn Grote Ideeën, net als wat de klassenstrijd betekende voor de communisten; en de gevolgen zijn hetzelfde. Als een misdrijf gecollectiviseerd wordt kan iedereen schuldig zijn, alleen omdat zij tot de verkeerde groep behoren. De jonge autochtonen die het slachtoffer zijn van raciale voorkeuren [van "positieve" discriminatie bijvoorbeeld], zijn de hedendaagse Russische boeren. Zelfs als zij nog nooit eigenhandig iemand onderdrukt hebben, "behoren zij tot het soort dat schuldig is aan alles."

Het doel van deze multiculturele campagnes is de vernietiging van het eigene. De mond beweegt, de juiste gebaren volgen, maar het is de mond en het zijn de gebaren van een zombie, van een nieuwe Sovjet-mens of – zoals tegenwoordig – een Politiek Correcte Mens.[7] Zodra er maar genoeg mensen op deze wijze geconditioneerd zijn, is geweld niet langer noodzakelijk. We bereiken dan het steady-state totalitarisme, waarin de overgrote meerderheid weet wat van hen verwacht wordt en de rol speelt die hen is opgelegd.

Het Russische experiment met de revolutie en totalitaire social engineering is uitvoerig geboekstaafd door twee van de grootste schrijvers van dat land, Fjodor Dostojevski (1821-1881) en Aleksandr Solzjenitsyn (1918-2008). Zij ontleedden op briljante wijze de methoden en psychologie van de totalitaire controle. Dostojewski's De Bezetenen [uit 1872, ook verschenen met de titel Duivels] kent geen gelijke in zijn indringende en verontrustende analyse van revolutionaire en utopische gedachten. De "bezetenen" zijn radicale studenten van de midden-en hogere klassen die flirten met iets wat ze niet begrijpen. De heersende klasse probeert bij hen in de gunst te komen en de universiteiten hebben in wezen de oorlog verklaard aan de samenleving als geheel. De luide roep van de studenten-radicalen is vrijheid: de bevrijding van de gevestigde normen van de samenleving, de bevrijding van de zeden, de bevrijding van ongelijkheid en van het verleden.
Hans Vandeweghe in De Morgen: "De Bezetenen van Fjodor Dostojevski vertelt het verhaal van de terroristische nihilisten van Sergei Nechajev. In zijn roman beschrijft Dostojevski de grotere maatschappij waarin ze actief zijn. Alle slimmerds, van de rechters tot de weldenkende en welvarende dames, staan aan Nechajevs kant. Tijdens het theedrinken fezelen de dames tegen elkaar: 'Prachtig toch wat die kerels willen bereiken. Jammer dat ze niet goed begrepen worden.' Diezelfde houding trof je ook aan in Duitsland tijdens de terreur van de Rote Armee Fraktion. In die periode was ik in Berlijn om research te doen voor mijn doctoraalscriptie. Ik huurde een flat van vage, gefortuneerde kennissen, die zeer sympathiek stonden tegenover de terroristen van de RAF. In de flat onder die van mij hebben ze lange tijd een koppel gehuisvest dat actief was in de Baader-Meinhofgroep. Mijn huisbaas – een kaviaarsocialist – was er erg trots op dat hij dat soort mensen onderdak verleende. In rijke linkse kringen golden RAF-terroristen als een statussymbool…"[8]
Rusland's onderdompeling in moord en krankzinnigheid is een krachtige waarschuwing voor wat er gebeurt wanneer een natie de oorlog verklaart aan het verleden in de hoop een aards paradijs [socialistische heilstaat] op te kunnen bouwen. Dostojevski leefde niet lang genoeg om getuige te zijn van de gruwelen die hij had voorzien, Solzjenitsyn echter maakte ze mee uit eerste hand. "De Goelag Archipel" en "Augustus 1914" kunnen worden gezien als een geschiedenis van ideeën, van pogingen om verslag uit te brengen van het verschrikkelijke lot dat Rusland trof na 1917.

Solzjenitsyn wijst op het onderwijs – op de manier waarop leerkrachten het als hun plicht zagen om een soort van vijandigheid in te prenten tegen iedere vorm van traditionele autoriteit – als de belangrijkste factor die verklaart waarom de jeugd van Rusland werd verleid voor socialistische revolutionaire ideeën. In het Westen gedurende de jaren '60 en '70 – die collectief "de jaren '60" genoemd kunnen worden – zien we een krachtige echo van de collectieve mentale capitulatie die in de jaren '70 van de negentiende eeuw in Rusland plaatsvond, en werd voortgezet in de revolutie (van 1917).
Solzjenitsyn in een lezing in 1978: "Het is vrijwel universeel erkend dat het Westen de hele wereld een manier toont voor succesvolle economische ontwikkeling, hoewel dat in de afgelopen jaren sterk is verstoord door een chaotische inflatie. Veel mensen in het Westen echter zijn niet tevreden met hun eigen samenleving. Zij verachten het, of beschuldigen het niet op het niveau van volkomenheid te zijn dat door de mens bereikt is. Een aantal van zulke critici wenden zich tot het socialisme, wat een valse en gevaarlijke stroming is.

Ik hoop dat niemand hier mij ervan zal verdenken dat mijn persoonlijke kritiek op het Westerse systeem bedoeld is om het socialisme als een alternatief te presenteren. Als iemand die het toegepaste socialisme heeft meegemaakt in een land waar het alternatief gerealiseerd is, zal ik mij er zeker niet voor uitspreken. De bekende Russische wiskundige Shafarevich, lid van de Russische Academie van Wetenschappen, heeft een briljant boek geschreven met de titel Socialisme, een grondige analyse die aantoont dat het socialisme van elk type en soort leidt tot een totale vernietiging van de menselijke geest en tot een nivellering van de mensheid in de dood. Shafarevich's boek werd bijna twee jaar geleden gepubliceerd in Frankrijk en tot nu toe is niemand gevonden die het kon weerleggen." (…)

Het communistische regime in het Oosten kon stand houden en groeien als gevolg van de enthousiaste steun van een enorm aantal westerse intellectuelen die verwantschap voelden en weigerden om de misdaden van het communisme te zien. Toen ze hier niet meer onderuit konden, probeerden ze het te vergoeilijken. In onze Oost-Europese landen heeft het communisme een complete ideologische nederlaag geleden, het is niks en minder dan niks. Maar westerse intellectuelen kijken er nog steeds naar op met belangstelling en empathie…"[9]
Eén van de echo's van het marxisme die vandaag de dag maar blijft nagalmen, is het idee dat waarheid in een klasse zit opgesloten (of geslacht of ras of erotische geaardheid). De waarheid is dan niet iets dat kan worden vastgesteld door rationeel onderzoek, maar is afhankelijk van het perspectief van de spreker. In het multiculturele universum is het perspectief van een persoon "getaxeerd" naar klasse. Feministen en allochtonen bijvoorbeeld hebben een grotere aanspraak op de waarheid, omdat ze "onderdrukt" zouden worden. In de ellende van die "onderdrukking" vinden zij de waarheid eerder dan bij de witte heteroseksuele mannen die hen "onderdrukken". Dit is een perfect spiegelbeeld van de morele en intellectuele superioriteit van het marxistische proletariaat ten opzichte van de bourgeoisie. Tegenwoordig verleent "onderdrukking" een "bevoorrecht perspectief" dat in wezen onfeilbaar is. Om een uitdrukking uit Robert Bork's Naar Gomorra te parafrasereren, zijn etnische minderheden en feministische activisten "gestaald tegen het logische argument" – net zoals de ware communistische gelovigen dat waren.

Inderdaad, feminisme- en anti-racisme-activisten verwerpen openlijk de objectieve waarheid. Ervan overtuigd dat ze hun oppositie geïntimideerd hebben, zijn feministen in staat om allerlei eisen af te dwingen om de veronderstelling dat mannen en vrouwen in alle opzichten gelijk zijn van een waarheid te voorzien. Wanneer de resultaten niet overeenkomen met dat geloof, dienen die alleen maar als nog meer bewijs van de witte, mannelijke kwaadaardigheid.

Wat het meest deprimerend is om te zien in het Westen van vandaag, met name in de universiteiten en in de media, is de bereidheid om het feminisme te propageren als een belangrijke bijdrage aan kennis en zich te onderwerpen aan haar absurditeiten. Opmerkelijk is dat dit geen fysiek geweld vereist. De wens geaccepteerd te worden maakt het dat mens zich slaafs opstelt ten opzichte van deze middenklasse van would-be revolutionairen. Peter Verkhovensky, die moord en doodslag regisseerde in Dostojevski's Duivels, spreekt met bewonderenswaardige minachting: "Alles wat ik hoef te doen is mijn stem verheffen en ze te vertellen dat ze niet links genoeg zijn." Uiteraard spelen de anti-racismeclubs hetzelfde spel: beschuldig een laat-20e eeuwse linksliberaal van "racisme" of "seksisme" en zie hoe hij uiteenvalt in een orgie van zelfkastijding en maoïstische zelfkritiek. Zelfs "conservatieven" krimpen ineen bij het horen van die woorden.

Aloude vrijheden en veronderstellingen van onschuld hebben geen enkele betekenis waar het "racisme" betreft: u bent schuldig tot het tegendeel bewezen is, wat bijna onmogelijk is, en zelfs dan bent u nog altijd verdacht. Een beschuldiging van "racisme" heeft nagenoeg hetzelfde effect als de beschuldiging van hekserij had in het 17e eeuwse Salem.

Het is de kracht van de beschuldiging van "racisme" dat het de hoon smoort die anders zou volgen op het idee dat we de "diversiteit moeten waarderen". Maar als "diversiteit" de autochtonen werkelijk voordeel zou bieden, zouden zij er veel meer van willen, en graag zien dat nog meer steden aan immigranten zouden worden overgedaan. Maar natuurlijk staan zij niet in een rij te dringen om diversiteit en multiculturalisme te omarmen: ze maken dat ze wegkomen in de tegenovergestelde richting. Het aanprijzen van diversiteit is een hobby voor mensen die niet dagelijks met de voordelen ervan geconfronteerd worden.

Een multiculturele samenleving is een samenleving die inherent vatbaar is voor conflicten, niet voor harmonie. Dit is waarom wij een enorme groei in de overheidsbureaucratieën zien die zich wijden aan het oplossen van geschillen die langs etnische en culturele lijnen onstaan. Deze conflicten kunnen nooit definitief worden opgelost omdat de bureaucraten één van de belangrijkste oorzaken ervan ontkennen: ethiciteit. Dit is waarom er zoveel over "multicultureel" gesproken wordt in plaats van het meer precieze "multi-etnisch." Steeds meer veranderingen en wetten worden doorgevoerd om de ontvangende samenleving meer verwant te maken met etnische minderheden. Dit veroorzaakt alleen maar nog meer eisen, en moedigt de ongewapende oorlog tegen de autochtonen aan, tegen hun beschaving, en zelfs tegen het hele idee van het Westen.

Hoe wordt een dergelijk radicaal programma doorgevoerd? De Sovjet-Unie had een enorm censuur-apparaat – de communisten censureerden zelfs stadsplattegronden – en het is vermeldenswaard dat er twee soorten censuur waren: de openlijke censuur door overheidsdiensten, en de meer subtiele zelfcensuur die inwoners van "volksdemocratieën" zich al snel hadden aangeleerd.

De situatie in het Westen is niet zo enkelvoudig. Er is [nog] niet iets dat vergelijkbaar is met Sovjet-achtige overheidscensuur en toch kennen we een opzettelijke onderdrukking van afwijkende meningen. Arthur Jensen, Hans Eysenck, J. Philippe Rushton, Chris Brand, Michael Levin en Glayde Whitney zijn allemaal eind negentiger jaren verketterd voor hun standpunten over etnische kwesties. De zaak van de Canadese professor
Rushton [wiens onderzoek naar intelligentie en raciale verschillen door mensenrechtenactivisten werd veroordeeld als 'racistisch'] was vooral verontrustend omdat zelfs zijn wetenschappelijke werk door de politie werd onderzocht. De poging om hem tot zwijgen te brengen waren gebaseerd op de bepalingen in de Canadese hate speech-wetgeving. Dit is precies het soort intellectuele terreur dat men in de oude Sovjet-Unie kon verwachten. Om het dan toegepast te zien in een land dat er prat op gaat een toonbeeld te zijn van een Westerse liberale democratie, is één van de meest verontrustende uitvloeisels van het multiculturalisme.

Een controlemodus over de publieke opinie die meer omvloerst is dan regelrechte censuur is de huidige obsessie met fictieve rolmodellen. Het feministische en anti-racistische thema wordt voortdurend in films en televisieprogramma's verwerkt, wat een voorbeeld is van Bartold Brecht's stelling dat de marxistische kunstenaar de wereld niet moet zien zoals het is, maar als zoals het zou moeten zijn. Dit is bijna rechtstreeks ontleend aan het Sovjet achtige socialistisch-realisme, met geïdealiseerde voorstellingen van stoere proletariërs die het kapitalistische ongedierte te lijf gaan.

Het multiculturalisme heeft dezelfde ambities als het Sovjet-communisme. Het is absolutistisch in de uitvoerig van haar verschillende agenda's, maar relativeert tegelijkertijd alle gezichtspunten van anderen in zijn aanval op haar vijanden. Het multiculturalisme is een ideologie die een einde maakt aan alle andere ideologieën, en deze totalitaire aspiratie leidt tot twee gevolgen: ten eerste moet het multiculturalisme overal alle oppositie elimineren: er kan en mag geen veilig toevluchtsoord zijn voor dissidenten. Ten tweede moet, zodra het eenmaal vaste grond onder de voeten heeft gekregen, het multiculturele paradijs ten koste van alles verdedigd worden. De socialistische orthodoxie dient dan behouden te blijven met alle middelen die de overheid ter beschikking staat.

Een dergelijke (multiculturele) maatschappij is hard op weg totalitair te worden. Misschien nog niet direct met strafkampen, maar wel met heropvoedingscentra voor die trieste wezens die maar blijven volharden in hun "hegemonische witte-mannen discours." Eerder dan met het harde totalitarisme van de Sovjetstaat, hebben we dan met een mildere variant van doen waar onze geesten worden ingekwartierd door de staat. We zouden dan bevrijd worden van de last van het nadenken en daarom niet in de ketterij van politieke incorrectheid kunnen vervallen.

Als we het multiculturalisme zien als de zoveelste uiting van het 20ste-eeuwse totalitarisme (socialisme, fascisme, nazisme, communisme, enz), kunnen we ons dan troosten met de gedachte dat de Sovjet-Unie toch uiteindelijk ineenstortte? Is het multiculturalisme een fase, een periodieke crisis waar het Westen doorheen moet, of vertegenwoordigt het misschien iets fundamentelers en iets wat onomkeerbaar is?

Ondanks de inspanningen van pro-Sovjet elementen werd het Sovjet-imperium wel degelijk door het Westen als een bedreiging herkend. Het multiculturalisme echter wordt niet op een vergelijkbare wijze als bedreiging gezien. Hierdoor blijven veel van de aannames en doelstellingen van het multiculturalisme zonder weerwoord. Toch zijn er een aantal redenen voor optimisme, bijvoorbeeld de snelheid waarmee de term "politieke correctheid" opgepakt werd. De zichzelf onkwetsbaar achtende radicalen werden hier compleet door verrast, maar dit is slechts een kleine winst.

Op de termijn zal het belangrijkste slagveld van de oorlog tegen het multiculturalisme in de Verenigde Staten zijn. Deze strijd wordt dan waarschijnlijk een langzame, frustrerende uitputtingsslag. Maar als het mislukt, zal de waanzin van het multiculturalisme iets worden waar de witte Amerikanen mee zullen moeten leren leven. Natuurlijk, op een bepaald punt kunnen ze eisen dat er een einde komt aan het gestraft worden voor het falen van andere bevolkingsgroepen. Of, zoals professor Michael Hart in de negentiger jaren betoogde in The Real American Dilemma, zou een deling van de Verenigde Staten plaats kunnen gaan vinden langs etnische lijnen. Wat in de Balkan is gebeurd hoeft zich niet per sé tot dat deel van de wereld te beperken. Hoewel een etnische oorlog niet iets is waar de welgestelde radicalen bewust op aansturen, duwt hun beleid wel die kant op.

Tot dusver heb ik betoogd dat de onmiddellijke context voor het begrijpen van de politieke correctheid en het multiculturalisme, de Sovjet-Unie en haar catastrofale utopische experiment is. En toch is de politiek correcte/multiculturele mentaliteit al veel ouder. In Reflections on the Revolution in France, schetst Edmund Burke een portret van Franse radicalen die nog steeds, 200 jaar nadat hij het schreef, relevant is:
“Ze hebben geen respect voor de wijsheid van anderen, maar kopen dat af met een volle portie vertrouwen in zichzelf. Voor hen is 'omdat het oud is' al voldoende reden om de oude manier waarop de dingen gedaan werden te vernietigen. Ook met betrekking tot het nieuwe maken zij zich in het geheel geen zorgen over de tijd die een aanloop naar haast kost, want tijdsduur is geen kwestie voor diegenen die denken dat er voor hun tijd weinig of niets bereikt was, en die al hun hoop op het nieuwe richten."
Uiteraard staat het multiculturalisme ver af van een oplossing voor etnische of culturele conflicten. Integendeel zelfs: het multiculturalisme is de weg naar een speciaal soort van hel, naar iets wat we eerder gezien hebben in de gruwelijke 20ste eeuw; een hel die de mens — die de rede verlaat en in opstand komt tegen Gods schepping, voor zichzelf en anderen creëërt.
"O, Westerse vrijheidslievende "linkse" denkers! O, linkse vakbondsmensen! O, Amerikaanse, Duitse, Nederlandse en Franse progressieve studenten! Dit alles zal nog steeds niet duidelijk genoeg zijn voor u. Het hele boek is voor u nutteloos geweest. Maar u zult alles meteen begrijpen wanneer u zelf – "met de handen op de rug" – onze Archipel binnenstrompelt."[10]

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Valentina Colombo (PhD) is onderzoeker van de islam, doceert aan de universiteit van Bologna en is Senior Research Fellow aan de IMT school of Advanced Studies in Lucca (Italië), de European Foundation for Democracy (Brussel) en Center for the Liberty in the Middle East (Brussel.Washington). Samen met Gustavo Gozzi is zij de auteur van "Culturele tradities, juridische systemen en de mensenrechten in Middellandse-Zeegebied" (Le edizioni del Mulino, 2003). "Deceits, Mistakes and Victims of Multiculturalism" door Valentia Colombo is gepubliceerd op
Annaqed.

Dr. Frank Ellis is voormalig hoogleraar Russische en Slavische Studies aan de Universiteit van Leeds in Engeland. In 2006 sprak hij zijn steun uit voor de Bell Curve theory, zoals werd beschreven in een boek van Richard Hernnstein en Charles Murray waarin werd geconcludeerd dat etniciteit een rol zou kunnnen spelen in IQ niveaus. Meer dan 500 studenten ondertekenden daarop een petitie waarin geëist werd dat hij zou worden
ontslagen waarna hij vervolgens uit zijn aanstelling werd ontheven. Dit is een vrije veraling van "Multiculturalism and Marxism" dat in 1999 werd gepubliceerd op American Renaissance. Citaten zijn toegevoegd door de vertaler.

[1] Remieg Aerts: "Land van kleine gebaren: een politieke geschiedenis van Nederland, 1780-1990"; p.305: "In 1967, het verkiezingsjaar waarin D66 opeens in de politiek was verschenen, werd de PvdA getroffen door de ontrouw van de zwevende kiezers: met 23,4 procent van de stemmen bereikten de socialisten en dieptpunt. De PvdA-leiding was zwaar aangeslagen door die nederlaag en was daardoor rijp voor en ommezwaai van de partijkoers. Die diende zich aan in de vorm van Nieuw Links. Rond 1970 had deze oppositiegroep vrijwel alle topfuncties binnen de PvdA veroverd"
[2] Duco van Weerlee, "Wat de provo’s willen", De Bezige Bij, Amsterdam 1966, p.25.
"De nieuwe tijd rekent hardhandig af met het burgermansfatsoen dat Nederland tot in de laagste regionen van de samenleving in zijn greep heeft genomen. Of in de taal van de Amsterdamse Provo’s: "Bourgeoisie en voormalig proletariaat zijn samengeklonterd tot een groot grijs klootjesvolk, de misselijk makende middenstand, de torren en lieveheersbeestjes, de spruitjeseters."
[3] Jos van Lans, "Zelfbeschikking of bemoeizorg" (
html)
[4] Max van Weezel, Margalith Kleijwegt "Guusje ter Horst: 'Een opstand van de elite is hard nodig", 7 juli 2009 (VN): "In haar studententijd had je ook "een anti-autoritaire revolte," vertelde ze, maar wel eentje "met inhoud," en "nu zijn het vooral onderbuikgevoelens. Ik heb het over een algemene desavouering van alles wat met autoriteit te maken heeft."
[5] Jean Monnet Working Paper 14/07; Cees Maris 2007, "Laîcité in the Low Countries? On Headscarves in a Neutral State"; p.3 e.v. (
html)
[6]
Citaten Van Nieuwkerk en Van Rossum uit: De Wereld Draait Door (DWDD), VARA, 10 november 2009, Deel 1
[7] Takuan Seiyo in zijn onvolprezen reeks "
Van Mekka naar Atlantis" vergelijkt de Politiek Correcte Mens met "Pods" die uitgroeien tot "Body Snatchers".
[8]
Citaat van nevski-prospekt.blogspot.com; Hans Vandeweghe, De Morgen, 13/12/2008
[9]
Citaat uit: Alexander Solzhenitsyn, "Text of address at Harvard Class Day Afternoon Exercises", 8 juni 1978.
[10]
Citaat uit "De Goelag Archipel" Deel VII, Hoofdstuk 3. ("Nederlandse" toegevoegd)

samedi, 14 août 2010

A.M. Le Pourhiet: la discrimination positive marque le "retour au droit des orangs-outans"

Anne-Marie Le Pourhiet : la discrimination positive marque le « retour au droit des orangs-outans »

Ex: http://www.communautarisme.net/

Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public à l’Université Rennes-I, se livre dans cet entretien à l'Observatoire du communautarisme à une dénonciation en règle des principes de la discrimination positive et du règne du politiquement correct qui pèse chaque jour davantage sur le débat public. Rappel des principes républicains élémentaires, défense de l'assimilation comme modèle historique, du droit à la distinction et au jugement et critique de l'indifférenciation postmoderne : un entretien tonitruant et décapant !



Anne-Marie Le Pourhiet (droits réservés)
Anne-Marie Le Pourhiet (droits réservés)
Entretien réalisé par courrier électronique

B[Observatoire du communautarisme : Quels sont les principes de la discrimination positive ?]b

B[Anne-Marie Le Pourhiet :]b Le terme de discrimination lui-même est aujourd’hui tellement galvaudé qu’on ne sait plus du tout de quoi l’on parle. Il paraît donc nécessaire de « déconstruire » un peu notre sujet.

Le mot « discriminer » n’a a priori aucun sens péjoratif ou répréhensible puisqu’il désigne simplement le fait de distinguer, séparer, sélectionner ou discerner et vous m’accorderez qu’il est en principe tout à fait louable de savoir distinguer les êtres, les choses, les caractères ou les oeuvres. Il est rassurant de jouir de ses « facultés de discernement » et c’est le contraire qui est jugé inquiétant par le corps médical. Savoir distinguer un homme courageux d’un lâche, un homme vertueux d’un fainéant, un savant d’un ignorant, le permis de l’interdit ou encore un chef d’œuvre d’un barbouillage est traditionnellement une qualité.
Il se trouve cependant que par un glissement sémantique dont on ignore l’origine mais qui est peut-être lié au goût postmoderne pour l’indifférenciation, le terme de discrimination a acquis une signification essentiellement péjorative désignant des distinctions arbitraires et mal fondées. Dès lors, une discrimination devient une sélection négative préjudiciable à celui qui la subit au point d’être moralement et/ou juridiquement condamnée. C’est ce qui résulte clairement de la politique dite de « lutte contre les discriminations ». On n’affirme pas haut et fort vouloir lutter contre de bonnes actions. En conséquence, parler de discrimination positive n’a a priori pas de sens puisque cela revient à reconnaître un caractère positif à ce contre quoi on prétend lutter y compris pénalement ! Il faut donc être cohérent : si la discrimination c’est le mal, alors toutes les discriminations sont mauvaises, sans exception.

La vérité est cependant plus complexe car elle est essentiellement idéologique.

Tout d’abord, il n’est plus certain que la capacité de discernement soit encore perçue comme une qualité dans nos sociétés. Distinguer une tenue de sport d’une tenue de classe et s’étonner qu’une élève vienne au collège en jogging constitue désormais une « humiliation », de même que rendre les copies par ordre de notes décroissantes (Le Monde, 14 septembre 2005) ; qualifier un certain art contemporain d’« excrémentiel » est un scandale ; distinguer les sexes et les âges est pénalement répréhensible tandis que différencier l’enfant légitime de l’enfant adultérin est civilement inacceptable ; donner une dictée ou une dissertation à faire à des élèves ou candidats est un « mode de reproduction des inégalités sociales » ; vouloir sélectionner à l’entrée des Universités est une faute politique impardonnable. De façon plus générale, sélectionner, préférer, hiérarchiser ou tout simplement juger est devenu révélateur d’une « phobie » c'est-à-dire d’une maladie mentale à soigner d’urgence par les moyens idoines. Dans ces conditions, le terme de discrimination est évidemment voué à un usage illimité et la « Haute Autorité » en charge de la lutte contre cette infamie à un fabuleux destin de Big Brother. L’« apparence physique » étant récemment devenue un motif de discrimination sanctionné par le droit français on se demande comment les agences de mannequins et le concours de Miss France sont encore tolérés.
Il est donc désormais interdit de discriminer sauf ... quand il s’agit d’attribuer des privilèges à ceux qui ont la chance d’appartenir au club très prisé des « dominés ». Femmes, handicapés, « issus de l’immigration africaine et maghrébine », homo-bi-trans-sexuels, originaires de régions « à identité forte », etc. ont le droit de bénéficier d’avantages refusés aux hommes mâles, blancs, valides, hétérosexuels et originaires de régions hexagonales à … identité faible. Voilà très exactement ce qu’est une discrimination « positive » : un passe-droit reconnu aux membres de catégories ethnico-culturelles ou sexuelles ayant réussi à se forger un statut de victimes d’une domination perpétrée par une catégorie de bourreaux qui ne sera donc pas fondée à s’en plaindre. Préférer une femme à un homme n’est pas répréhensible, c’est, au contraire une discrimination « positive » fortement encouragée. Préférer recruter un chômeur français qu’un étranger est révélateur d’une « xénophobie populiste » mais réserver les emplois et professions des collectivités d’Outre-mer aux autochtones est une judicieuse prise en compte de la « situation de l’emploi local ». La « Haute Autorité » précitée devrait plutôt s’intituler de « lutte contre certaines discriminations seulement ».
Mais le terme de discrimination positive est un oxymore si flagrant et révélateur de l’imposture intellectuelle qu’il désigne que les promoteurs de cette politique de passe-droit le laissent aujourd’hui au placard pour lui préférer une terminologie plus neutre et moins voyante du type « promotion de l’égalité des chances » ou « diversité ».
Il existe aussi une autre forme de camouflage terminologique qui consiste à utiliser, au contraire, la notion de discrimination positive tous azimuts pour tenter de la banaliser en la neutralisant. C’est ce qu’a tenté de faire Eric Keslassy
dans son livre consacré aux discriminations positives. On prétendra alors voir des discriminations positives dans la moindre subvention aux agriculteurs, prime à la délocalisation d’entreprise ou à l’emploi dans les zones rurales. Une dispense de concours d’entrée dans une grande école pour les candidats à la peau basanée sera ainsi mise sur le même plan que l’adoption d’une mesure fiscale d’aménagement du territoire … anodine et inoffensive donc. La stratégie consiste à feindre de confondre discrimination positive et politique publique prioritaire. Dans ces conditions la loi de finances de l’année n’est plus qu’une collection de discriminations positives et on réussit ainsi à « noyer le poison ».
Personnellement, je ne considère pas la politique des zones d’éducation prioritaires comme une discrimination, c’est une priorité scolaire comme tant d’autres. Quand il faut rénover cinquante lycées il faut bien hiérarchiser les urgences et commencer par les plus abîmés. Un instituteur qui s’attarde à l’école pour aider à faire ses devoirs un élève qui a de mauvaises conditions de travail chez lui ne pratique pas une discrimination, en revanche s’il s’amuse à le dispenser d’épreuve ou à lui remonter ses notes il trahit l’esprit républicain et renie son métier. C’est toute
la différence entre le système de l’ESSEC et celui de Sciences-Po : le premier aide à affronter l’obstacle alors que le second l’enlève, le premier respecte la règle du jeu méritocratique le second la bafoue, il triche. La raison pour laquelle la vraie discrimination positive, celle qui déroge à la règle, est si sulfureuse c’est qu’elle transgresse précisément nos grands interdits républicains, philosophiques et juridiques.


B[OC : En quoi sont-ils opposés aux principes de la République française ?]b

B[AMLP :]b Dans notre pays où la Révolution a substitué le droit écrit à la coutume et donc l’autodétermination à la tradition, les principes de la République ne sortent pas de l’air du temps mais de textes explicites auxquels il suffit de se référer pour comprendre en quoi la discrimination positive est en totale contradiction avec ces valeurs. Je constate souvent que pas un seul de nos dirigeants n’est capable de citer un article de la Déclaration de 1789 ou de la Constitution de 1958 et qu’en particulier, le Président de la République, pourtant garant de notre texte fondamental, semble ignorer copieusement son contenu. Lisons-le.
I[« Les hommes naissent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune »]i (article 1er de la Déclaration de 1789), « La loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège soit qu’elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » (article 6). I[« Tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance possède des droits inaliénables et sacrés »]i (préambule de la Constitution de 1946, alinéa 1), « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme » (alinéa 3). La France « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion » (préambule de la Constitution de 1958).
Tous ces textes ont pleine valeur constitutionnelle et sont d’une parfaite clarté : ils proclament l’égalité de droit, elle-même consubstantielle à la liberté, mais aucunement une égalité de fait. C’est Marx qui a précisément critiqué le caractère formel des libertés révolutionnaires en les qualifiant de libertés bourgeoises que seules les nantis auraient les moyens d’exercer. Mais il s’inscrivait ouvertement dans une remise en cause radicale de ces conceptions. Or on constate aujourd’hui que de nombreux hommes politiques, militants ou « sociologues » en arrivent à revendiquer une rupture de l’égalité juridique et une remise en cause de ces principes explicites en invoquant pourtant les valeurs de la République, c’est un comble ! On convie la République à sa répudiation, quelle imposture !
Lorsque le Conseil constitutionnel explique, en 1982 et en 1999, que « ces principes constitutionnels s’opposent à toute division par catégories des électeurs ou des éligibles » et qu’il invalide en conséquence les quotas par sexe ou la parité dans les élections, il applique à la lettre et dans son esprit la philosophie juridique de la République française. En contournant cette jurisprudence pour pouvoir imposer la parité, le pouvoir politique a donc délibérément écarté les valeurs de la République et introduit une contradiction fondamentale au sein du texte constitutionnel. De même, en consacrant une « préférence autochtone » en matière d’accès aux emplois et professions et même à la propriété foncière en Nouvelle-Calédonie puis dans toutes les collectivités d’Outre-mer régies par le nouvel article 74 de la Constitution, la droite et la gauche françaises confondues ont renié l’article 1er qui interdit les distinctions entre citoyens français fondées sur la race ou l’origine. Lorsque Monsieur Baroin ose citer l’Outre-mer comme modèle de non-discrimination (Le Figaro du 12 juillet 2005) il oublie les « horreurs constitutionnelles » qui ont été commises sous l’égide de son ministère et feint d’ignorer que les collectivités qui relèvent de sa responsabilité baignent entièrement, comme la Corse, dans la discrimination « positive » c'est-à-dire les privilèges systématiques, de fait ou de droit, avec les résultats finaux (désastreux) que l’on sait. Le même ministre ne propose t-il pas d’introduire une nouvelle discrimination ultra-marine dans le droit de la nationalité ?


B[OC : Que penser du débat autour des « statistiques ethniques », c'est-à-dire la mise en place d’indicateurs statistiques triant la population en ethnies ? Que vous inspirent les récentes déclarations d’Azouz Begag : « Il faut inoculer dans le corps social le virus de l’origine pour se débarrasser de l’origine dans le corps social. J’utilise en quelque sorte la méthode Pasteur » ?]b

B[AMLP :]b Il faut bien comprendre ce qu’on est en train de faire et pourquoi on le fait. Si je me mets, comme Renaud Camus, à compter le nombre de journalistes juifs à France-Culture c’est parce que je m’apprête évidemment à juger qu’il y en a « trop » à partir d’un critère standard qu’il me faudra bien expliciter. Que veut dire « trop » ou « pas assez de » ? Si le gouvernement et le patronat demandent à la CNIL l’autorisation de recenser les origines ethniques ou nationales des salariés c’est bien pour que ce comptage débouche sur une appréciation de type « trop » ou « pas assez de » d’inspiration proportionnelle. Et où cela nous mène t-il directement ? A des quotas, bien entendu, même si le mot est pudiquement caché et si l’on se garde bien d’afficher publiquement les standards numériques retenus. L’IEP de Paris n’a sans doute pas fixé à l’avance un pourcentage officiel de Beurs ou de Noirs à recruter chaque année, il n’en demeure pas moins que l’objectif est bien, pour parler comme Fernand Raynaud, d’en faire entrer « un certain nombre ». On introduit bien le poison de l’ethnicité dans les critères de recrutement et de promotion. Or ce critère est foncièrement injuste et pervers. Alors que le concours et le mérite provoquent une concurrence et une compétition stimulante entre les individus, l’introduction d’un critère ethnique ne peut que provoquer des rivalités inter-ethniques et un permanent sentiment de frustration et d’injustice. C’est une erreur politique et psychologique colossale.

Ayant plusieurs fois lu et entendu Monsieur Azouz Begag avant sa nomination je ne peux m’empêcher de penser que celle-ci constitue elle-même une discrimination positive car la vacuité et la médiocrité de ses idées ou propos ne le destinaient certainement pas objectivement à une carrière ministérielle. Quand il ne compare pas la France à une voiture il se prend lui-même pour Pasteur en confondant cependant les microbes et les virus, c’est lourd et c’est irresponsable. Les déclarations de Dominique de Villepin sur sa prétendue hostilité aux discriminations positives alors qu’il nomme monsieur Begag ministre délégué auprès de lui-même c'est-à-dire chargé d’agir et parler pour le compte et sous la responsabilité de Matignon sont d’une incroyable hypocrisie, on baigne dans le mensonge public le plus effronté et on prend les Français pour des imbéciles. C’est bien M. Begag qui affirmait que « la police nationale a besoin de recruter des jeunes issus de l’immigration magrébine et africaine » (mesure effectivement adoptée sous le nom trompeur de « cadets de la République ») et proposait d’imposer une présence systématique de policiers issus de l’immigration dans les jurys ainsi que d’abandonner des épreuves « trop culturellement marquées » ! Tout cela commence à sentir sérieusement le népotisme. C’est aussi ce que proposent certains syndicats étudiants d’obédience musulmane : il faudrait « adapter » les modalités d’examens et de notation universitaires aux différences culturelles ! On va finir en république bananière !

On constate cependant, depuis très peu de temps, une tendance à rendre publiques un certain nombre d’informations jusque là occultées. Le journal Le Monde se met à révéler l’existence de réseaux puissants et structurés de personnalités « issues de l’immigration » dont le lobbying (Club du XXIème siècle, Club Averroès, notamment) est à l’origine desdites revendications et qui démontrent de façon éclatante la fausseté des affirmations selon lesquelles les « minorités visibles » seraient absentes des lieux de pouvoir (« L’« élite beurre » mène le débat sur les minorités … hors des partis », Le Monde, 20-21 février 2005). Ces clichés victimaires sont, en effet, totalement faux et la liste est longue des personnes très influentes qui effectuent un lobbying efficace en faveur des discriminations positives rebaptisées « diversité ». De même, plusieurs
rapports récents remettent en cause les préjugés généralement colportés sur l’échec scolaire des enfants d’immigrés. A force de concentrer l’attention médiatique et politique sur les « sauvageons » des mauvais quartiers on a fini par occulter la réussite tout à fait répandue de très nombreux Beurs et Noirs. J’ai moi-même distribué d’excellentes notes d’oral à un très fort pourcentage d’étudiants issus de l’immigration qui ont fait ensuite de belles carrières. Bien entendu, ces étudiants sont parfaitement assimilés, s’expriment dans un français impeccable et ont une culture et une tenue correctes, on n’imagine pas que des individus incultes au vocabulaire limité à moins de cent mots et déboulant au collège en jogging à capuche en injuriant des professeurs vont pouvoir rentrer à l’ENA ! Un chasseur de têtes africain expliquait récemment dans la presse qu’il recrute en France des diplômés d’origine africaine pour essayer de les faire revenir au pays, c’est donc bien que cette élite existe (Le Monde, 16 septembre 2005). Quant aux Antillais - dont je ne parviens pas à comprendre pourquoi ils veulent s’assimiler aux immigrés alors qu’ils sont Français depuis plus longtemps que les Corses et les Savoyards - cela fait longtemps que les « hussards » de la République en ont fait des avocats, des procureurs, des professeurs, des énarques, des médecins etc.… Un ancien député martiniquais se plaît à affirmer que son île est la région de France où il y a le plus d’intellectuels au mètre carré … ce qui n’est d’ailleurs pas forcément un gage de bonne santé économique.


B[OC : Quel bilan peut être fait des politiques de discrimination positive aux Etats-Unis ?]b

B[AMLP :]b Votre question présuppose déjà que le but de l’Affirmative Action est en soi légitime et qu’il suffit de vérifier s’il a été atteint ou non. Or précisément, on peut être tout à fait colour ou sex blind et se moquer du point de savoir s’il y a ou non des Noirs ou des femmes dans telle profession ou assemblée politique. Je ne serais pas du tout gênée s’il n’y avait aucune femme à l’Assemblée Nationale car je me moque du sexe des députés comme de celui des anges d’autant que les interventions et travaux des parlementaires féminins ne sont guère brillants et que la parité n’apporte évidemment et absolument rien au regard de l’intérêt public. Je suis un jour tombée des nues en entendant un de mes étudiants martiniquais me faire remarquer qu’il y avait deux professeurs juifs dans un jury de thèse que j’avais composé … je ne m’en étais pas aperçue et j’ai trouvé cette remarque obscène. Je dois sans doute être « ethnophobe » et le simple constat qu’il y a ou qu’il n’y a pas de Noirs, d’Arabes, de Juifs ou de Bretons dans un endroit me choque profondément, je trouve cela vulgaire et déplacé. Ernest Renan appelait cette comptabilité de la « zoologie » et y voyait un « retour au droit des orangs-outans », je partage tout à fait son analyse. Je suis trop individualiste et libre pour pouvoir raisonner en termes de groupe et ne comprends pas qu’on puisse accepter d’être rangé dans un troupeau.
Le bilan de l’AA aux USA est évidemment impossible à faire sérieusement puisque son évaluation véritable supposerait qu’on puisse savoir où en serait aujourd’hui l’Amérique sans cette politique. Autant dire qu’on ne pourra jamais vraiment juger. Il y a de toute évidence en Amérique beaucoup de Noirs qui ont parfaitement réussi naturellement, sans le secours de l’AA (Condoleezza Rice et le maire de la Nouvelle-Orléans, Ray Nagin, par exemple). Il est coutumier de dire que l’AA a permis l’émergence d’une moyenne bourgeoisie noire mais il est difficile d’affirmer que celle-ci n’aurait pas existé sans cette politique. Je suis personnellement tellement habituée à côtoyer une grande et moyenne bourgeoisie antillaise, pur produit de l’élitisme républicain, que j’ai peine à imaginer que des progrès similaires ne se sont pas aussi faits spontanément aux USA. Pour ce qui est du domaine que je connais, c'est-à-dire l’Université, il faut bien admettre que les quotas ayant évidemment conduit à recruter au moindre mérite ont surtout débouché sur la spécialisation des Noirs dans les voies de garage des black studies. Les sciences sociales sont le réceptacle privilégié des étudiants moyens ou faibles qui n’ont pas le niveau pré-requis pour les disciplines littéraires ou scientifiques. Lorsqu’on n’est pas recruté sur les mêmes critères d’exigence que les autres on n’arrive pas non plus à suivre le même cursus. On n’entre pas par effraction dans l’élite scientifique. Ceci s’observe évidemment aussi en France où les écoles Centrale et Polytechnique ne pourraient pas s’offrir un gadget de type Sciences-Po, on ne triche pas avec la science et ce qui est possible dans une école de pouvoir ne l’est pas forcément dans un lieu de savoir. On peut dispenser de dissertation dans une école de « tchatche », on ne peut pas dispenser de résoudre une équation dans une école d’ingénieurs. Si l’on pratiquait des discriminations positives à l’Ecole nationale d’aviation civile je ne monterais plus dans un avion !


B[OC : Vous avez vécu aux Antilles : quelle est votre expérience des politiques de discrimination positive là-bas ?]b

B[AMLP :]b Il n’y a pas officiellement de politique de discrimination positive dans les DOM puisque, contrairement aux collectivités de l’article 74 (ex-TOM), ils sont soumis au principe de l’assimilation juridique simplement « adaptée ». Il y a néanmoins des méthodes de recrutement qui aboutissent de facto à une préférence autochtone : par exemple si on déconcentre le recrutement de certains fonctionnaires territoriaux en organisant les concours sur place, il est évident que des candidats métropolitains ne vont pas faire le voyage et que ce système privilégie partout, mais surtout dans les collectivités insulaires, le recrutement local.
Mais on trouve cependant aux Antilles et en Guyane, à la différence de la Réunion où ne sévit pas cette mentalité, le même comportement « nationaliste » qu’en Corse qui aboutit à une discrimination positive de fait dans tous les domaines. Du point de vue économique, on connaît d’abord les privilèges fiscaux, sociaux et salariaux délirants aux effets pervers inouïs mais qu’on ne parvient pas à supprimer puisqu’ils sont considérés comme des « droits acquis » intouchables par des syndicats qui se disent indépendantistes mais dont le comportement infantile plombe l’économie de leur région et l’enfonce définitivement dans la dépendance. On retrouve la même spirale qu’en Corse, dans le Mezzogiorno italien et, maintenant aussi, dans les länder d’Allemagne de l’Est qui vivent sous perfusion et dont la population s’aigrit d’un système de transfert censé lui profiter mais qui l’installe durablement dans l’assistanat et le ressentiment. Du point de vue ethnique la « préférence nationale » est également revendiquée aux Antilles et en Guyane et le « modèle » calédonien a fait des envieux. En tout état de cause la racialisation des rapports sociaux et professionnels est omniprésente et délibérément entretenue car elle permet des chantages efficaces. En métropole des militants antillais se plaignent des « écrans pâles » mais en Martinique, le personnel de RFO n’hésite pas à se mettre en grève pour protester contre la nomination d’un directeur blanc. La vulgate habituelle consiste à dénoncer le fait que les magistrats et les hauts fonctionnaires de l’Etat sont majoritairement métropolitains en faisant semblant d’imputer cela à la « persistance d’une situation coloniale » alors qu’il s’agit évidemment des conséquences quantitatives d’une simple logique minoritaire. Dès lors que le personnel de direction de l’administration d’Etat est recruté par concours nationaux et que la mobilité est une condition essentielle de l’impartialité et de la qualité du service, il est inévitable que les préfets, recteurs et directeurs de services soient essentiellement métropolitains. Cela résulte du caractère unitaire de l’Etat français et n’a rien à voir avec le colonialisme. J’ajoute que bon nombre de hauts fonctionnaires et magistrats antillo-guyanais ne souhaitent nullement être affectés dans leur région d’origine par crainte des pressions du milieu local mais aussi par préférence pour l’horizon et l’esprit continentaux plus larges. Dans l’enseignement supérieur la préférence raciale joue depuis longtemps dans le recrutement et la promotion des enseignants-chercheurs et le résultat est regrettable. Alors que l’université de la Réunion s’en sort plutôt bien grâce à un esprit d’ouverture, l’université des Antilles et de la Guyane a raté ses ambitions. Par exemple, le président de l’université de la Réunion peut parfaitement être métropolitain alors que c’est impensable aux Antilles où on préférera avoir comme doyen de faculté un assistant « local » non docteur à la légitimité scientifique absolument nulle plutôt que d’avoir un doyen blanc aux titres reconnus. Pour le contingent local de promotion des maîtres de conférences et des professeurs, on assiste parfois à des situations ubuesques : sera promu un professeur « local » non agrégé dont les publications se résument à quelques articles sans intérêt dans une revue locale ou même dans France-Antilles tandis qu’un professeur agrégé métropolitain au CV exemplaire devra renoncer … Cela n’a heureusement pas de conséquence personnelle grave dans la mesure ou la majorité des promotions est bien assurée au niveau national mais cela discrédite totalement l’établissement ainsi voué à végéter scientifiquement. J’ai vu le conseil d’administration de l’Université refuser d’entériner le recrutement d’un très bon maître de conférences métropolitain pour réserver le poste à la promotion ultérieure d’un candidat local dont aucune université métropolitaine n’aurait voulu. L’« antillanisation » du corps enseignant est désormais ouvertement prêchée par certains de mes anciens collègues. Le problème est que lorsqu’une institution commence à faire passer le mérite au second plan elle recrute des médiocres qui ne supportent pas, ensuite, de voir arriver des meilleurs de telle sorte que le pli s’installe durablement et qu’on ne peut plus remonter la pente. Même entre deux candidats locaux on préférera, au bout du compte, choisir le moins bon pour qu’il ne fasse pas d’ombre et la rivalité devient plus aiguë encore à l’intérieur même du milieu local. Quand le mérite s’efface, il ne reste plus que l’arbitraire et la « tête du client » c’est à dire la loi de la jungle et le ridicule. Les spécialistes de sciences des organisations analysent très bien ces phénomènes psychologiques à l’œuvre dans les ressources humaines et devraient s’emparer davantage de l’audit des discriminations positives. Le problème est que le sujet est tabou et que personne n’ose vraiment l’affronter.
On parle aussi souvent du racisme des Corses à l’égard des continentaux et des maghrébins mais on retrouve le même aux Antilles à l’égard des Métropolitains, des Haïtiens ou des Saint-Luciens et je ne parle pas de la campagne antisémite effroyable qui s’est développée il y a quelques années dans un journal martiniquais auquel collaborent les principaux apôtres de la « créolité ». La « concurrence des victimes » sévit partout.


OC : Quelles sont les forces politiques qui poussent à l’adoption de politiques de discrimination positive ? Pourquoi ?

B[AMLP :]b Bonne question à laquelle je n’ai malheureusement pas de réponse. Là aussi il faut approfondir l’analyse pour essayer de comprendre. On voit bien quels sont les lobbies à l’œuvre dans cette affaire, les associations et réseaux divers et variés de minorités défendant leur part de gâteau. Ce qui est plus difficilement explicable c’est le positionnement politique sur cette question. Globalement, je pense que l’état de faiblesse de nos dirigeants de tous bords et surtout leur clientélisme éhonté les empêche de dire « non » à quelque revendication que ce soit y compris la plus immorale et la plus nocive pour la société. Depuis une décennie, hormis la loi sur le voile, nous n’avons pas vu une seule décision politique de refus : c’est toujours « oui ». Qu’un gouvernement censé appartenir à la droite libérale ait pu faire adopter une loi liberticide, digne des soviets, sur la répression des propos sexistes et homophobes malgré l’
avis négatif de la Commission nationale consultative des droits de l’homme est proprement ahurissant. La vénalité et la couardise de notre classe politique défient l’entendement.
La gauche nous a habitués à préférer l’égalité réelle à la liberté, c’est l’essence du marxisme et on ne s’étonne donc pas trop de sa conversion aux discriminations positives.
Mais à droite je ne comprends pas. On veut m’expliquer que le libéralisme et le communautarisme vont de pair mais je ne parviens pas à saisir le lien logique qui les unirait. Quoi de plus anti-libéral que la sanction des discriminations dites « indirectes », les CV anonymes et l’obligation de recruter des membres des minorités ? Tout est autoritaire voire totalitaire là dedans. J’avoue que ce que Pierre Méhaignerie peut trouver aux discriminations positives m’échappe complètement.
Quant à la prétendue opposition entre messieurs de Villepin et Sarkozy sur cette question elle et évidemment totalement factice et Azouz Begag est là pour le démontrer quotidiennement. Jacques Chirac s’était offusqué à Nouméa de ce que les fiches de recensement comporte la mention de l’origine ethnique alors que c’est lui qui a promulgué les lois constitutionnelle et organique qui consacrent l’ethnicisation juridique du « caillou », et que c’est encore lui qui a étendu cette préférence autochtone aux autres collectivités d’Outre-mer à la demande de son ami Gaston Flosse. Il a aussi commencé par juger que ce n’était pas « convenable » de chercher un préfet musulman puis s’est quand même empressé d’en nommer un et il se fait maintenant le chantre de la fameuse « diversité » qui n’est évidemment que le faux nez de la discrimination positive. A vrai dire je ne suis pas certaine que le président de la République pense beaucoup. Il semble n’avoir aucune conviction réelle et lire des discours préparés par des collaborateurs dont la culture philosophique et juridique est inégale. Tout cela est consternant et je ne crois pas qu’il faille réellement chercher d’autres explications à ces choix que le clientélisme, la lâcheté et peut-être la bêtise.
La seule chose réjouissante à observer est le parfait accord des républicains de gauche comme de droite sur la condamnation des discriminations positives. L’avenir leur donnera raison mais peut-être trop tard.


B[OC : Face à la question des « discriminations » quel diagnostic et quelles politiques mener ? Quelles réflexions vous inspirent la question de la lutte contre les discriminations ?]b

B[AMLP :]b Pour « diagnostiquer » des discriminations il faut d’abord s’entendre sur la définition de ce terme et s’accorder sur ce qui est juste et ce qui ne l’est pas. Constater qu’il y a peu de descendants d’immigrés maghrébins ou africains à Polytechnique ou peu de handicapés au barreau de Paris ou aucune femme sur les échafaudages des ravalements d’immeubles ou derrière les camions-poubelles ne permet pas forcément de crier à l’injustice et à la discrimination. Encore faut-il accepter d’examiner les choses avec bonne foi et réalisme au lieu de le faire avec du sectarisme idéologue et de l’opportunisme militant.
Il est évidemment, naturellement et normalement plus difficile à des enfants d’immigrés de réussir rapidement dans la société d’accueil qu’à des nationaux de souche. Et plus la différence culturelle et économique avec cette société est grande, plus longue et difficile sera l’intégration. I[A fortiori]i si une idéologie multiculturaliste conseille aux migrants de ne pas s’assimiler et de cultiver leur différence, les chances d’intégration se réduisent et le risque de rejet et de ghettoïsation se développe. Prétendre contester ces évidences ou les combattre relève de l’angélisme ou de l’intégrisme. Avant de dénoncer la « panne » de l’ascenseur social regardons donc ce qu’on inflige à cet ascenseur : n’est-il pas trop ou mal chargé, auquel cas il est inévitable qu’il s’arrête ?
Il n’est pas anormal pour un client de préférer être défendu par un avocat valide que par un handicapé, il n’est donc pas forcément discriminatoire pour un cabinet de tenir compte des exigences de la clientèle. Il n’est pas interdit aux femmes de bouder les métiers du bâtiment et leur absence des chantiers n’est donc pas forcément révélatrice d’une discrimination sournoise.
J’ai entendu le président de la HALDE, Louis Schweitzer tenir dans l’émission « Les matins de France Culture » des propos parfaitement circulaires et vides de sens qui semblaient en lévitation au-dessus du réel et révélaient son incapacité à savoir exactement contre quoi l’institution qu’il préside est chargée de « lutter ». Cela n’a rien d’étonnant car le sujet des discriminations baigne dans le politiquement correct tel que le décrivent fort bien André Grjebine et Georges Zimra (1), c'est-à-dire « un discours hypnotique qui anesthésie l’esprit critique et qui s’impose comme une croyance ». On ne sait tout simplement plus de quoi on parle tant le slogan creux s’est substitué à l’argument.
Nul ne répond d’abord à des questions de pure légitimité. Pourquoi, si l’on a un studio à louer ou un emploi à offrir, serait-ce « mal » de préférer le donner à un citoyen français qu’à un étranger et pourquoi serait-ce au contraire « bien » de faire le choix inverse ? Pourquoi inscrit-on dans la Constitution de la République la préférence locale de type ethnique dans les collectivités d’outre-mer et pourquoi la simple préférence nationale, juridique et non ethnique, au niveau de la France entière est-elle condamnée pour xénophobie ? L’existence même de l’Etat n’implique t-elle pas, par définition, une solidarité et une priorité nationales ? Pourquoi le Premier ministre peut-il faire preuve de « patriotisme d’entreprise » pour s’opposer aux OPA d’actionnaires étrangers et pourquoi ne pourrait-on pas donner la priorité d’emploi aux demandeurs français ?
Si un employeur préfère un candidat français blanc moins diplômé et expérimenté qu’un candidat français noir, il est certainement raciste et commet sans doute une grosse erreur managériale préjudiciable à son entreprise, mais à CV équivalent en quoi est-ce « mal » de préférer le Blanc et, au contraire, « bien » de préférer le Noir ?
En quoi est-ce critiquable, pour un jeune créateur d’entreprise aux débuts difficiles, de préférer recruter un homme plutôt qu’une femme enceinte qui va devoir partir rapidement en congé ? En quoi est-ce condamnable de préférer mettre en contact avec le public un employé élégant au physique agréable plutôt qu’un handicapé ou un obèse ? En quoi est-ce répréhensible de ne guère apprécier la collaboration avec un homme maniéré et efféminé ?
Faute de vouloir aborder ces questions toutes simples le législateur s’expose à l’incompréhension des citoyens qui ne parviennent plus à distinguer en quoi tel ou tel comportement qui leur paraît parfaitement légitime est cependant illégal. Le divorce entre les deux appréciations mènera au mieux au mépris de la loi, au pire au goulag.
Il devient indispensable de crever la bulle politiquement correcte et de passer chaque questionnement au crible si on ne veut pas continuer à dire et faire n’importe quoi.
La « concurrence des victimes » a débouché sur un nivellement et une indifférenciation entre les différentes revendications qui se traduit par une législation fourre-tout ou l’on mélange absolument tout : les Noirs et les homosexuels, les femmes et les handicapés, les Juifs et les obèses, la religion et l’âge, l’apparence physique et l’opinion, l’origine nationale et l’appartenance syndicale, les violences physiques et les plaisanteries verbales, etc…
Les conséquences de cette disparition du jugement au profit d’une confusion mentale et morale généralisée peuvent être dramatiques. Un jeune Noir me disait récemment dans une réunion publique que la mauvaise indemnisation des Sénégalais engagés dans l’armée française était un « génocide » ! On utilise les mêmes notions pour désigner un massacre et une injustice matérielle !
Max Gallo s’est récemment fait traiter de « révisionniste » pour avoir osé dire qu’il ne savait pas si l’esclavage était un crime contre l’humanité. Examinons la question de plus près. Il n’a pas nié l’existence matérielle de l’esclavage en prétendant qu’il n’avait pas eu lieu mais a seulement exprimé un doute sur le bien-fondé de sa qualification politico-juridique, c'est-à-dire sur le point de savoir si on peut ou non le qualifier de crime contre l’humanité (au même titre que la Shoah, cela s’entend). Cette question est tout à fait légitime car la notion de crime contre l’humanité est évidemment politique et a été forgée en 1945 pour décrire une extermination physique moderne de telle sorte qu’utiliser le même terme pour désigner aussi une exploitation économique ancienne est évidemment très discutable au regard de la rigueur nécessaire aux catégories juridiques. Et ce que révèle ce refus de la hiérarchisation et cette tendance à la confusion conceptuelle c’est bien, au final, la non-discrimination généralisée.

En somme, il est devenu juridiquement obligatoire d’être idiot et de ne plus rien savoir distinguer. Monsieur Schweitzer et sa HALDE pourraient ainsi se transformer bientôt en instrument totalitaire de lutte contre l’intelligence.

B[OC : Le dernier concept à la mode est celui de « diversité ». S’oppose t-il celui d’ « assimilation » qui semble être devenu un véritable tabou ?]b

B[AMLP :]b J’ai déjà indiqué auparavant que la diversité est simplement devenue le faux nez de la discrimination positive. Ce terme n’a pas d’autre fonction que de camoufler la politique de passe-droit généralisé qui se met en place. Mais en lui-même, il ne signifie absolument rien, c’est un slogan débile.
J’avais pu vérifier en 1996 aux Antilles, lors de l’anniversaire de la loi de départementalisation, combien le mot « assimilation » était curieusement devenu imprononçable. C’est un repoussoir absolu pour la doctrine multiculturaliste mais je constate cependant que ce terme est encore largement revendiqué à la Réunion … autre mentalité. J’approuve personnellement le mouvement de Nicolas Dupont-Aignan, Debout la République, qui aborde cette question de façon très décomplexée en utilisant délibérément le terme d’assimilation au lieu et place de celui d’intégration.
Le journal Libération avait accusé Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain de propagande frontiste au motif que le seul Arabe du film se prénommait Lucien ! Ce prénom « assimilé » semblait déplaire au journaliste pour lequel un « bon » Arabe est sans doute exclusivement celui qui s’appelle Mohammed ou Mustapha. Pour ma part, si ma fille faisait un jour sa vie en Italie je lui conseillerai vivement d’appeler ses enfants Massimo ou Umberto pour signifier leur appartenance à la nouvelle patrie, j’y vois une question d’hommage à la terre d’accueil et de respect pour celle-ci.
Je crains que la nouvelle idéologie qui nous submerge nous apporte davantage « d’indigènes de la République » schizophrènes, pétris de bêtise et professionnels du ressentiment que de citoyens dignes de ce nom et bien dans leur peau. Je ne suis guère optimiste.

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1) « De la langue de bois au politiquement correct : un dialogue », Géopolitique n°89, 2005, « Le politiquement correct », p.53

D'Anne-Marie Le Pourhiet, lire :

mercredi, 23 juin 2010

Gender Mainstreaming: Woher kommt eigentlich der Wahnsinn?

Gender Mainstreaming: Woher kommt eigentlich der Wahnsinn?

Wang Xin Long

Ex: http://info.kopp-verlag.de/

Das Gender-Konzept ist ganz sicher nicht gottgegeben. Es ist eine Erfindung des Menschen. Aber welcher Mensch kann sich diese Doktrin ausgedacht haben, und welche Leute sind es, die hinter dieser Doktrin stehen? Irgendwoher muss der Wahnsinn doch kommen! Gehen wir heute gemeinsam auf die Suche nach dem Ursprung.

 

Wie bereits zu einem früheren Zeitpunkt dargelegt, ist das Gender-Konzept eine tragende Säule des Neoliberalismus, jener Ideologie, die die Abschaffung aller gesellschaftlicher Werte zum Ziel hat, zur Erschaffung dessen, was als die Totale Wirtschaft umschrieben werden kann. Es sind die klugen und redegewandten, aber auch arbeitsscheuen und anderweitig nutzlosen Vordenker, die diesen Angriff auf die Gesellschaft führen.

Geschichtlich gesehen hat dieser Vorgang seinen Ursprung irgendwann im Europa des 16. oder 17. Jahrhunderts genommen. Zu einem Zeitpunkt, an dem die oben genannte Klientel im Sinne des neu zu erschaffenden Humanismus alles »absolutistische« verteufelt und ein neues »Freidenken« erschaffen hat. Mit anderen Worten: Die Herrschenden des alten Europas wurden verdrängt, von einer Handvoll oppositioneller – und heute opportunistischer – Kräfte, die vom Kuchen der Herrschaft ein Stückchen abhaben wollten. Im Morgengrauen des neuen Zeitalters gibt es den absoluten Herrscher nicht mehr, denn es rückte eine ganze Heerschar neuer Herrscher empor. Die absolute Macht der Eine-Person-Regierung wurde auf die Mehrzahl der neuen Machthaber multipliziert: Die Geburtsstunde dessen, was im weiteren Verlauf der Geschichte als Demokratie gedacht, umgesetzt und vom Volk erlitten wird.

Selbstverständlich waren bzw. sind die in diesem Artikel genannten Abläufe wesentlich komplexer, sie können aber im Rahmen und zum Zwecke dieses Artikels ohne Weiteres wie hier beschrieben reduziert werden. Die Abläufe können nachgelesen werden in Büchern der Geschichte und der Philosophen. Und es werden verschiedene Blickwinkel und Interpretationen dessen, was das Konstrukt Regierung eigentlich ist, offenbar. Im Zuge und in der Vielfalt der geschichtlichen Interpretationen zu den Themen »Macht« und »Regierung« hatte sich im neuzeitlichen Sinne ein Philosoph besonders hervorgetan: Michel Foucault. Der 1926 geborene und 1984 verstorbene französische Philosoph war es, der den Begriff der Postmoderne bzw. des Poststrukturalismus prägte und diesen in seiner Analyse der Denk- und Herrschaftssysteme zur Anwendung brachte. Und es sind seine Analysen und Lehren, die als Ausgangspunkt des heutigen Neoliberalismus angesehen werden müssen.

 

 

Interessanterweise war Foucault alles andere als ein Befürworter einer totalen Wirtschaft oder des heutigen Neoliberalismus. Das Gegenteil scheint sogar der Fall gewesen zu sein, denn schließlich war er – wenn auch nur kurz – Mitglied der Kommunistischen Partei Frankreichs. Aber wenn Foucault den Neoliberalismus auch nicht begrüßte, so hat er ihn dennoch überaus trefflich analysiert, zerlegt und die Komponenten für eine breite Anwendungsmöglichkeit aufbereitet. Mit anderen Worten: Foucaults Kritik an Macht und Herrschaft hat die jeweiligen technischen Komponenten derart klar hervorgehoben, dass die heute Herrschenden sich dieser Technologien bei der Verfeinerung ihrer Machtausübung bedienen. Foucault überreichte der Elite ein soziales und politisches Baukastensystem, welches beim Ausbau dessen, was heute Macht und Regierung sind, zum Einsatz kommt.

Zwar wurde und wird Foucault von Philosophen und Sozialwissenschaftlern munter kritisiert, aber alle Kritik kommt in ihrem Verlauf immer wieder auf die Kernaussagen seiner Lehren und Analysen zurück; insofern steht Foucault wie ein Fels in der Brandung der neuzeitlichen Sozialwissenschaften. Kein anderer Wissenschaftler wird so oft kritisiert, aber auch zitiert und interpretiert. Überzeugen Sie sich selbst: Sie können alle heute vorhandenen universitären Forschungsarbeiten zu Themen wie Gesellschaft, Feminismus, Gender, Globalisierung, Neoliberalismus, aber auch im Bereich der Betriebswirtschaftslehre und des Managements nachschlagen, Sie werden immer – und mehrfach – auf einen Namen stoßen: Michel Foucault.

 

Foucault hat viele bemerkenswerte Bücher und Aufsätze geschrieben, besonders hervorzuheben sind allerdings drei seiner Werke: Sein Erstlingswerk Wahnsinn und Gesellschaft, eine Analyse zur Geburtsstunde der Psychiatrie und eine Kritik der Psychologie. Ein weiteres, für wirtschaftliche und politische Kreise besonders wichtiges Werk ist Foucaults Buch Überwachen und Strafen, in dem er wichtige Analysen und Hinweise auf »erfolgreiche« Regierungsstrategien gibt. Letztlich ist noch eine seiner Vorlesungen, die als Aufsatz erschienen ist, als besonders wichtig zu erwähnen: Gouvernementalität (im französischen Original: gouvernementalité). Dieser Begriff ist ein sprachliches Kunstprodukt, welches aber den Kern der Theorie bereits beschreibt: die Mentalität, die dem Herrschen innewohnt.

Mit seinen Analysen lenkte Foucault, der einen Lehrstuhl für die »Geschichte der Denksysteme« am Pariser College de France hatte, die Aufmerksamkeit auf die intrinsischen Abläufe des Herrschens. Er hat diese Abläufe derart geschickt dargelegt, dass seine Befunde rein technisch gesehen als Werkzeuge in der Weiterführung dessen, was er beschrieben und kritisiert hat, verwendet werden: bei der Ausübung von Macht. Wobei Foucault den Macht- und Herrschaftsbegriff immer wieder auf das Individuum überträgt, und zwar dem Individuum als Träger als auch Adressaten von Macht. Im weiteren Verlauf ist festzustellen, dass die erfolgreichste und gleichzeitig auch unaufwendigste Ausübung von Macht jene ist, die sich der Zustimmung und Mitarbeit der Individuen erfreut. Mit anderen Worten: Das Individuum soll nicht mehr gelenkt werden, sondern es lenkt sich selbst – unter den Vorgaben der Elite.

Insofern kann sich die Elite freuen: Mit Foucault, einem der größten und fähigsten Kritiker dessen, was heute abläuft, hat man den intellektuellen Hausmeister gefunden, der im neoliberalen Gedankengebäude für Ruhe, Ordnung und Sauberkeit sorgt. Somit ist geklärt, woher das Gedankenkonstrukt des Neoliberalismus kommt. Die Elite, auch wenn sie aus Menschen besteht, die unterschiedlicher Auffassungen sind, vereint sich in Verfolgung ihrer jeweiligen Ziele unter dem intellektuellen Schirm der Postmoderne und des Poststrukturalismus. Feministen, Globalisten, Unternehmen, Nationen, Gewerkschaften, ja sogar die Kirche und alle anderen erdenklichen Gruppierungen und Interessensvertreter: Sie mögen zwar alle unterschiedliche Ziele haben, aber sie bedienen sich alle derselben Techniken, die ihnen von Foucault in die Hände gegeben wurden. Damit ist auch zu verstehen, warum es sich hier um Einebnung und Gleichschaltung handelt: Unterschiedliche Ziele werden mit denselben Methoden verfolgt. Es führen viele Wege nach Rom. Auf die unterschiedlichen Wege machen sich viele, und alle kommen früher oder später in Rom an: im Neoliberalismus.

Somit ist geklärt, dass das geistige Konstrukt des Neoliberalismus vielleicht nicht auf eine Person zu reduzieren ist, sich jedoch eine Person besonders hervorgetan hat: Michel Foucault. Er war ein Kritiker dieser Abläufe, und doch ist er es gewesen, der diese Abläufe auf akademischer Ebene identifizierbar und handhabbar gemacht hat.

Nähern wir uns nun der Antwort auf die Frage, wer denn die Leute sind, die Foucault für sich entdeckt haben und seine Lehren für sich vereinnahmen. Wie gesagt, Foucault war Franzose, sein Wirken wurde aber im englischsprachigen Raum deutlich stärker aufgenommen und instrumentalisiert. Während er am Pariser College als Philosoph einen eher stoischen akademischen Arbeitstag hatte (dieser Langeweile suchte Foucault zu entkommen, indem er gerne an Demonstrationszügen, Diskussions- und Wahlveranstaltungen teilnahm), wurde er posthum von der englischsprachigen akademischen Welt entdeckt, und zwar von einer Klientel, die zwar als Minderheit angesehen werden kann, die aber den heutigen Mainstream bestimmt: Linke, Feministinnen und Feministen (ja, es gibt Feministen!) sowie Homosexuelle. Allesamt Personen bzw. Gruppierungen, die für sich Bedarf sahen, die eigenen Ansichten oder Neigungen salonfähig zu machen, um das eigene Leben und Streben innerhalb der Gesellschaft einfacher zu gestalten. Und im Verlauf dieser, nennen wir es einfach einmal »sozialpolitischen Lobbyarbeit«, bedient man sich eben der poststrukturalistischen, neoliberalen Techniken. Selbstverständlich hören das die jeweiligen Protagonisten nicht gern: Linke und Gewerkschaften wollen bestimmt nicht als Globalisierer identifiziert werden – und sie sind es trotzdem, und zwar ganz eindeutig! Feministinnen und Feministen wollen bestimmt nicht eingestehen, dass sie sich einer Technik bedienen, die zwar die eigenen Ziele innerhalb der Gesellschaft weiterbringt, aber auch gleichzeitig die Idee des freien Individuums verrät. Und es war bzw. ist diese Klientel, die an den Universitäten Dozentenstellen und Professuren innehatte und hat. Somit ist der Poststrukturalismus in der akademischen Welt auf breiter Straße zum Erfolg gefahren. Nicht zuletzt aber auch deshalb, weil Foucault, der selbst ein Linker und ein Homosexueller war, von vielen als einer der Ihren betrachtet wurde.

Die chamäleonartige Natur des Poststrukturalismus wird allerdings noch weiter offenbar, wenn man sich vor Augen hält, dass diese Techniken sich auch auf anderem Gebiet betätigen. Auf dem nordamerikanischen Kontinent, aber auch in Neuseeland und Australien, haben sich in den 1990er-Jahren neoliberale Think-Tanks gebildet, jene akademischen Abteilungen, die, unter direkter Aufsicht und Beauftragung der jeweiligen Regierungen, auf der Suche nach den bestmöglichen Regierungsstrategien sind. Und die bestmöglichen Regierungsstrategien sind nun einmal neoliberaler Natur. Warum? Weil der Neoliberalismus das Individuum am ehesten zu lenken versteht, weil das Individuum sich unter der Doktrin selber lenkt. Aber auch große Unternehmen gehen dazu über, sich der neoliberalen Techniken zu bedienen; sei es mit der Gründung entsprechender Abteilungen oder durch Inanspruchnahme von entsprechenden Dienstleistern. Führende Unternehmensberatungen lassen Experten auf dem Gebiet des Poststrukturalismus für sich arbeiten.

Folgende Fragen drängen sich nun auf: Wie sieht eine neoliberale Politik und Herrschaft aus? Und: Wie kann man solche Praktiken identifizieren?

Nun, es gibt eine herausragende Eigenschaft, derer man sich bewusst werden muss: Eine im Neoliberalismus eingebettete Regierung ist ein kühles, emotionsloses Wesen. Dieses kann man an den folgenden Beispielen gut erkennen.

In Deutschland können wir aktuell eine besonders »erfolgreiche« neoliberale Kampagne bezeugen: Hartz VI ist ein gutes Beispiel dafür, wie die neoliberale Regierung mit dem innerhalb der Volkswirtschaft entstehenden Überschuss an Arbeitskraft umgeht. Hartz VI unterscheidet nicht mehr zwischen den Komponenten Arbeitslosigkeit, Arbeitsunfähigkeit und Arbeitsunwilligkeit, sondern es verteilt die – statistisch sorgfältig ermittelten – staatlichen Zuwendungen zu gleichen Anteilen an jene Schicht, die an der volkswirtschaftlichen Leistung keinen Anteil hat. Das Individuum und sein Schicksal hat aufgehört zu existieren; es wird im neoliberalen Sinne fragmentiert, identifiziert, klassifiziert und abgefertigt.

Ein weiteres gutes Beispiel, das erneut die Bandbreite der Anwendungsmöglichkeiten der neoliberalen Doktrin verdeutlicht, kommt aus Nordamerika. In den USA und in Kanada werden der illegale Drogenhandel, da er nun einmal nicht abgestellt werden kann, kurzerhand besteuert. Die polizeibekannten Drogenhändler bekommen die Zahlungsaufforderungen der Finanzämter mit der Post zugestellt. Und die Dealer zahlen. Warum? Nun, solange ein Drogenhändler nicht auf frischer Tat gefasst wird, kann er für seine Aktivitäten nicht eingebuchtet werden. Aber Steuerhinterziehung ist ebenfalls kein Kavaliersdelikt, und wer der steuerstatistisch ermittelten Zahlungsaufforderung nicht nachkommt, wandert ein. Eine neoliberale Regierung hat kein Problem damit, an illegalen Geschäften zu verdienen.

Es muss noch einmal gesagt werden: Der Neoliberalismus ist ein kühles, emotionsloses Wesen.

Die Lehre des Poststrukturalismus wird an den Universitäten weiter verbreitet, »multipliziert«, wie es im Neusprech heißt. Und auch hier offenbart sich dieses Wesen erneut: Postmodernes und poststrukturalistisches Gedankengut wird in den höheren Studiendisziplinen im Bereich der Wirtschafts- und Sozialwissenschaften heute nicht mehr nur angewendet, sondern die Kenntnis der Techniken vorausgesetzt. Aber wer studiert denn heute in den Master- und Doktorstudiengängen der Wirtschafts- und Sozialwissenschaften? Es sind fast ausnahmslos Stipendiaten, die an der einen oder anderen Zitze des Systems hängen, und sich dankbar indoktrinieren und zu Werkzeugen des Neoliberalismus formen lassen. Insofern hat der Neoliberalismus erneut zwei Fliegen mit einer Klappe geschlagen, denn er schafft mit seinen Stipendien ein Wissensmonopol, welches er nutzen kann, welches sich aber niemals gegen ihn wenden wird.

Damit ist erklärt, woher der ganze Wahnsinn kommt und warum auch in der akademischen Welt jegliche Opposition ausgeschaltet ist. Schauen Sie sich die heutige Landschaft der Professoren und insbesondere der Juniorprofessoren in den einschlägigen »Fachgebieten« an: Die intellektuelle Elite befindet sich im Angriff auf die Gesellschaft – ob mit gutgemeinten oder offen feindseligen Aktionsplänen. Aber egal auf welcher Seite des Spektrums die Forscher und Dozenten auch stehen: Alle gehen durch den Flaschenhals des Poststrukturalismus und treffen sich auf der anderen Seite auf gleicher Ebene: der Ebene des Neoliberalismus. Dass das Ganze sich verselbstständigt hat, liegt auf der Hand, und kann aufgrund der Auswüchse, die der Neoliberalismus – auch in Gestalt der Globalisierung, Genderisierung und sonstiger »Ideen« – genommen hat, erkannt werden.

Es ist noch einmal ganz deutlich hervorzuheben: Es ist die Natur, die Verlockung und auch der Erfolg des Neoliberalismus, dass er sämtliche Strömungen einzufangen und zu neutralisieren versteht. Wer das nicht begreift, wird weiterhin bei der Verfolgung vordergründig wünschenswerter Ziele den Ast, auf dem er sitzt, absägen.

 

Préférences de structures européennes: circuit, travail et réciprocité

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

Préférences de structures européennes:

Circuit, travail et réciprocité

 

par Bernard NOTIN

 

Meunier2xxxccvv.jpgLe système économique dominant est actuelle­ment du type transnational: des groupes privés ont des stratégies mondiales. Ce type d'organi­sa­tion est renforcé depuis les années soixante par une conquête des esprits à travers les thèmes de propagande américains: culture de masse, droits de l'homme, etc…, et trouve un ap­pui au sein des bu­reaucraties publiques des Etats européens où se conjuguent sécurité de l'emploi et avantages de la richesse. Ce n'est toutefois qu'une modalité pos­sible d'organisation. Notre réflexion sur l'Em­pire suggère trois paradigmes alternatifs, dont l'ensemble forme système. Un paradigme politico-économique: le circuit euro­péen, moyen de puissance de l'Empire; un para­digme socio-économique: le travailleur, mobili­sateur de la tech­nique; un paradigme éthique: le service so­cial avec plus de réciprocité. Ces trois para­dig­mes favoriseraient l'émergence de structures eu­ro­péennes qui permettraient d'entretenir notre foyer de civilisation.

 

1 – Paradigme politico-économique

 

Le circuit européen a été abordé dans le numéro 45 de Nouvelle Ecole  consacré à l'économie. L'exis­tence d'une monnaie commune est l'hypo­thèse fondamentale, dont les chances de réali­sa­tion s'améliorent régulièrement. La monnaie per­met l'intégration des économies en éliminant les difficultés de changes et en don­nant naissan­ce à une masse financière d'un poids suffisant pour éliminer les effets de domi­nation du dollar. Les aménagements institu­tionnels ont leur im­por­tance. En particulier, le statut d'une banque centrale européenne condi­tionne l'indépendance des autorités monétaires par rapport aux autorités politiques. La fonction politique, dont nous de­vons aussi étudier les mo­dalités de repré­sen­ta­tion, se limite, dans le do­maine de l'économie, à favoriser l'émergence de l'innovation, et à éli­mi­ner les causes d'incertitudes par une infor­ma­tion de qualité. La constitution de banques de données est un en­jeu majeur en matière de cultu­re et d'information. L'idée générale est de li­mi­ter les conflits entre producteurs européens par une ac­tion communautaire en amont, sur l'in­dus­trie de l'information, mariage de l'infor­ma­tique, des télécommunications, de l'audiovisuel, de l'information de base dans ses dimensions mul­tiples dont les banques de données. L'allian­ce entre logique industrielle et fonde­ments cultu­rels est la question économique prin­cipale au ni­veau du politique.

 

Le paradigme politico-économique intègre aussi une perspective spatiale. L'activité des régions est à vivifier au prix de politiques reposant sur la notion de territoire. La logique territoriale repose sur la structure sociale existante, sur les liens créés par l'histoire et l'expérience entre des in­dividus et des agents vivant dans le même es­pace. Elle suppose d'offrir des opportunités par la décentralisation sur des thèmes aussi divers que la culture, les transports, la formation, et de fon­der une souveraineté régionale dans certains sec­teurs: ceux qui intéressent directement les ca­ractéristiques des acteurs du territoire (âge, com­position familiale, etc.), et ceux qui contribuent à l'amélioration des performances économiques. Les actions de soutien à la technologie sont pos­sibles pour favoriser des spécialisations. Reste à étudier les questions de financement, vaste sujet sur lequel les analyes de M. Allais (prix Nobel) à propos de l'impôt sur le capital nous paraissent la voie à suivre.

 

II – Paradigme socio-économique

 

Le changement technique est une des forces im­por­tantes qui donne forme aux directions que prend le système économique. Le cadre socio-ins­titutionnel influence toujours (et parfois faci­lite ou retarde) les processus de changements techniques et sociaux. Le changement de mé­tho­des de production est guidé par plusieurs forces. Il y a les connaissances générales (biens pu­blics); les contributions des autres firmes (con­cur­rentes ou coopérantes); le savoir-faire propre de la firme. La progression technologique est cu­mulative: à chaque étape s'ajoute des con­nais­san­ces nouvelles, et d'autres sont retirées. An­ciennes et nouvelles techniques s'insèrent par­fois dans un dispositif original. En sorte que les technologies comprennent une partie spéci­fique (issue de l'expérience et de l'apprentissage) et une partie générale (acquise à l'extérieur de la fir­me).

 

Un axe de réflexion lié à la pratique française est la distinction, dans le domaine de la technique, en­tre le Noble et le Vil. La technique est noble en ce qu'elle renvoie à l'univers de la connaissance pure et désintéressée et de l'art. Cette pratique é­lè­ve l'homme au dessus du règne de la néces­sité. Cette distinction Noble/Vil a des effets sur le nom­bre et le statut des métiers. La valorisation de la compétence, quelle qu'elle soit, assure une pla­ce de l'homme technicien dans l'entreprise et dans un groupe plus large, celui de ses sem­bla­bles, dans la notion de métier. Le vil apparaît com­me ce qui doit être minimisé dans la préoc­cupation technicienne.

 

Le second axe du paradigme socio-économique est la dialectique entre l'utilitaire immédiat et l'inutile. La théorie est souvent inutile à court ter­me, mais innerve, de façon indirecte, l'en­sem­ble des réalisations techniques. L'articu­la­tion entre ces deux données est essen­tielle. Nous avons à apprendre des pratiques al­lemande ou japonaise. La connaissance théo­rique y est sou­mi­se à la pratique dans toute orga­nisation: les per­sonnes démarrent au plus bas de l'échelle a­fin de comprendre ce que chacun fait. Alors, el­les peuvent monter en responsabilité.

 

Le paradigme socio-économique demande beau­coup de formation. En amont, le système éducatif doit préparer toujours plus de généralistes éclai­rés et cultivés, terreau indispensable à une in­dustrie qui doit se nourrir d'intelligence perma­nente. Une formation régulière pour tout le per­sonnel des organisations est à généraliser.

 

III – Paradigme éthique:

le service social

 

L'éthique est spécifique, non autonome. Ce n'est pas une activité pour elle-même. Elle se greffe sur toutes les autres actions. L'éthique consiste en la manière dont nous utilisons les moyens des autres activités avec la volonté d'atteindre leur fin propre. C'est selon la manière négligée ou ri­goureuse dont le chercheur scientifique accom­plit son travail qu'il agira moralement ou non. Il en va ainsi pour l'entrepreneur, le pédagogue, l'homme politique, etc.

 

Nous proposons de définir le service social com­me la recherche de l'optimum social, c'est-à-dire l'engagement en direction du meilleur état du monde possible pour l'Europe, à partir de main­tenant.

 

Le service social suppose une compréhension d'ensemble de la question européenne et la sélec­tion de principes qui guident l'action. L'iden­ti­fi­ca­tion des grands champs de force qui rendent in­terdépendantes les différentes facettes de notre continent est obtenue par la notion de pouvoir, ou de puissance. Dans cette perspective, l'éthique du service social s'exerce dans quatre grands champs de force:

 

– Puissance politique: recherche de la cohésion in­terne à l'Europe.

– Puissance administrative: rendre cette cohé­ren­ce effective.

– Puissance économique: produire le maximum de richesses.

– Puissance des groupes d'intérêts: animer la vie collective.

 

Les interrelations entre ces quatre champs sont multiples, et il faut chercher, pour chaque pro­blème, la meilleure action en terme de finalité et d'applicabilité. Nous pouvons considérer l'ac­tion comme un art: celui de trouver à chaque épo­que et en chaque lieu, la meilleure harmonie en­tre ces quatre champs. En économie par exemple, la question soulevée par Serge-Christophe Kolm est à méditer: comment réduire la part du mar­ché (échanges) et du plan (transferts forcés), au pro­fit de plus de réciprocité (dons).

 

Bernard NOTIN.

(résumé d'une intervention à l'Université d'été du GRECE, août 1991).

 

vendredi, 18 juin 2010

Jean-Pierre Le Goff et l'ultraviolence

barbarie-douce1.jpgJean-Pierre Le Goff et l'ultraviolence

Ex: http://www.lesmanantsduroi.com/

Encore un effort...

Pour remonter aux causes! Mais, c'est un bon début... Autruches de « gauche » ou « matamores  néocons » sans s'étendre sur les adeptes de la vie en « Vert », tous ânonnent d'impossibles réponses face à la violence, joliment appelée « ultraviolence »... L'enfant version « Rousseau » ou l'enfant-cible consommateur direct ou indirect, est devenu un parfait tyran. Si les causes profondes ne sont pas encore abordées, Jean-Pierre Le Goff, sociologue, entrouvre la porte... C'est un bon début...

Nous ne manquerons pas de poursuivre...

Mais notre société est amnésique en toute chose.

Ultraviolence? Il serait plus juste de dire barbarie. Et face à la barbarie les réponses ne sont pas de la même nature que face à la violence...

Portemont, le 15 juin 2010

Jean-Pierre_Le_Goff.jpg

J.P. Legoff : « l'ultraviolence est stimulée par l'angélisme éducatif »

Cette semaine Marianne consacre un dossier sur l'ultraviolence. Pour Jean-Pierre Le Goff, sociologue, le discours gentillet des élites éducatives sur la jeunesse favorise l'émergence d'enfants persuadés de leur toute puissance. Conjuguée avec la précarité accélérée par la crise et l'effondrement de la cellule familiale ce phénomène joue un rôle dans la montée des actes de barbarie et d'ultra-violence.

Marianne : Comment expliquez-vous cette multiplication, notamment chez les adolescents, d’actes ultraviolents sans motifs crapuleux ?

Jean-Pierre Le Goff : La stupeur de certains commentateurs m’étonne. Depuis des années, une partie de nos élites s’est enfermée dans une « bulle » qui se rêve pacifiée et hygiéniste, un mixte d’angélisme et de cécité niant ces phénomènes avec un discours gentillet sur la jeunesse, nourri par l’idée que tout est affaire de conditions économiques et sociales… Il faut rompre avec cette illusion d’une extériorité du mal à la personne humaine, comme si toute pulsion d’agressivité n’était qu’un pur produit des conditions sociales et d’institutions défectueuses et qu’il suffirait donc de les changer pour que s’institue le « meilleur des mondes ». Un gauchisme post-soixante-huitard a triomphé par étapes dans la gauche française, conduisant une bonne partie de celle-ci à rompre avec l’anthropologie républicaine traditionnelle — mais aussi juive et chrétienne — marquée par une vision beaucoup plus réaliste de l’homme.

Au profit de quelle vision ?

J.-P. Le G. : Un refus, d’abord, de tout jugement qui, de près ou de loin, rappellerait la morale. L’euphémisme et la victimisation se sont tellement répandus que les agresseurs eux-mêmes sont avant tout considérés comme des victimes. Jean-Pierre Chevènement avait suscité un tollé en évoquant les « sauvageons », formule plutôt empreinte de mansuétude – en jardinage un sauvageon est une plante qui a grandi sans tuteur —, mais qui heurtait cette gauche bien-pensante pour qui l’autorité reste synonyme de domination et qui se refuse à assumer les fonctions répressives nécessaires à toute vie collective.

Vous suggérez donc que l’ultraviolence revient d’autant plus sur le devant de la scène que sa possibilité a été obstinément niée dans l’éducation ?

J.-P. Le G. : L’enfance et la jeunesse ont été érigées en de purs moments d’innocence et idéalisées au nom d’un épanouissement individuel qu’il ne faut pas contrarier. Les nouvelles couches moyennes ont promu l’idée d’une créativité enfantine qu’il faut laisser s’exprimer en libérant les enfants des carcans contraignants du passé. Ce modèle éducatif prohibant toute expression d’agressivité favorise le sentiment de toute—puissance chez les enfants. Parce qu’on refuse de reconnaître cette part sauvage, on décrète qu’elle n’existe pas ou que de gentils pédagogues et psychologues peuvent la faire disparaître en douceur grâce à leurs boîtes à outils. En n’assumant plus leur rôle d’autorité, des adultes et des institutions ont placé certains jeunes dans des situations paradoxales des plus déstabilisantes.

Cette « lame de fond » culturelle nous empêcherait ainsi de comprendre ces phénomènes d’ultraviolence ?

J.-P. Le G. : En donnant une idée déformée de l’humain, elle empêche de bien saisir l’ampleur et l’intensité de la déstructuration identitaire qui s’est amorcée depuis les années 1970. S’il est vrai que les crimes et les passages à l’acte violents ont existé de tout temps, le caractère inédit des actuelles montées aux extrêmes, accompagnées d’une sauvagerie qu’on croyait révolue, devrait nous faire réfléchir. Car deux phénomènes inquiétants n’ont cessé d’additionner leurs effets : d’une part le chômage de masse et le développement de la précarité, d’autre part la dislocation de la structure familiale, gentiment rebaptisée « famille recomposée ». Là aussi, une -gauche moderniste a le plus grand mal à affronter, par peur de ringardise, le rôle essentiel de structuration joué par la famille. -Combinés l’une avec l’autre, la précarité socioéconomique et l’effondrement de la cellule familiale produisent des effets puissants de déstructuration anthropologique qui rendent possibles ces actes de violence non maîtrisés.

Le travail, pour vous comme pour Freud, c’est le principe de réalité…

J.-P. Le G. : Il permet, en effet, la confrontation avec la limite du possible et il est une condition essentielle de l’estime de soi par le fait de se sentir utile 
à la -collectivité et de pouvoir être autonome en gagnant sa vie. L’exclusion du travail de catégories sociales de plus en plus massives au nom d’une compétitivité mondialisée est tout à la fois un problème social et anthropologique qui lamine l’ethos commun. Cette dimension est quasi absente de la plupart des discours politiques alors qu’elle est essentielle pour notre vie collective.

Mais pourquoi cette violence s’exprime-t-elle si facilement ?

J.-P. Le G. : Dans les anciens villages et les bourgs, les quartiers, les cités -ouvrières, tout le monde connaissait tout le monde. Les relations sociales étaient souvent marquées par une grande âpreté des relations, mais prévalaient une solidarité et une régulation sociale minimales par les habitants eux-mêmes. Des drames survenaient, mais les débordements de violence étaient maintes fois jugulés par la collectivité imprégnée d’une morale commune : « Il y a des choses qui ne se font pas »…

Dans le passé, les bagarres n’étaient pourtant pas rares ?

J.-P. Le G. : Non, mais il s’agissait d’une tolérance vis-à-vis d’une violence qui elle-même flirtait avec la limite, surtout quand elle venait des jeunes générations qu’on ne considérait pas alors comme des adultes avant l’heure : « Il faut bien que jeunesse se passe. » Cette brutalité était ritualisée et pouvait être canalisée par les jeux, le sport et le service militaire qui, avec le travail, constituait une étape clé du passage à l’âge adulte pour les garçons, contraints à renoncer à leurs fantasmes de toute-puissance infantile. Aujourd’hui, toutes les manifestations d’agressivité sont vues comme le signe d’une montée aux extrêmes -pathologique qu’il faut soumettre au tamis de l’expertise psychoclinique, tandis que des « cellules psychologiques » servent tant bien que mal de palliatifs aux victimes des agressions. Misère d’une époque où l’on répond par l’éthique du « care » à la désintégration des liens sociaux élémentaires !

Récemment, une étudiante qui avait fait une queue-de-poisson en voiture fut pourchassée et violée par sa « victime ». Que révèle ce type de comportement ?

J.-P. Le G. : Des actes involontaires ou anodins peuvent aujourd’hui être interprétés comme le signe d’un « irrespect », d’une insulte ou d’une agression insupportable, provoquant un déchaînement de violence sans pareil. Au-delà de cet exemple, que je me garderai de commenter, ces criminels me semblent être sous l’empire de leurs affects et de leurs pulsions : la moindre remarque, le -moindre geste mettent le feu aux poudres et font basculer leur destin. Ils deviennent meurtriers, si l’on peut dire, par « inadvertance », incapables de mesurer la gravité de leurs actes, quitte à dire qu’ils ne l’ont « pas fait exprès ». Le moindre regard peut provoquer une montée aux extrêmes parce qu’il ravive des blessures et des humiliations passées, des fragilités internes insupportables, inassimilables. L’image dévalorisée de soi-même, la haine de soi, se décharge sur l’autre, avant parfois de se retourner contre soi. Ils ont « la haine ». Et n’oublions pas non plus le sentiment de toute-puissance que peut procurer la domination ou la destruction de l’autre. Certains peuvent y prendre goût.

Que faire alors face à cette ultraviolence ? S’occuper des parents ?

J.-P. Le G. : Je suis tenté de reprendre la remarque sceptique d’un psychiatre, qui travaille sur ces cas extrêmes et explique qu’on a aujourd’hui souvent affaire à « des bébés qui font des bébés », avec des déstructurations familiales que les psychiatres ont le plus grand mal à traiter. Je ne crois pas plus aux discours éducatifs et normatifs parce que, dans bien des cas, ceux-ci ne peuvent tout simplement pas être compris et encore moins assimilés.

Qu’est-ce qui distingue votre analyse pessimiste des discours de la droite ultrasécuritaire ?

J.-P. Le G. : Une différence élémentaire : ce « tout sécuritaire » de droite n’est que le symétrique inversé de l’angélisme d’une certaine gauche. Toutes deux ne savent plus comment s’attaquer aux conditions sociales qui rendent possibles ces violences. Et l’opposition entre répression et prévention est le type même du faux débat : le maintien nécessaire de la sécurité publique ne peut remplacer une réflexion de fond sur les causes de ces phénomènes. Si la reconstruction problématique d’un éthos commun ne se décrète pas, il devrait être envisagé dans une optique dépassant les clivages idéologiques et partisans, dans la mesure où il engage notre responsabilité -collective.

Mardi 1 Juin 2010 Frédéric Ploquin et Alexis Lacroix - M arianne
Source : http://www.marianne2.fr

 

Jean-Pierre Le Goff et l'ultraviolence

barbarie-douce1.jpgJean-Pierre Le Goff et l'ultraviolence

Ex: http://www.lesmanantsduroi.com/

Encore un effort...

Pour remonter aux causes! Mais, c'est un bon début... Autruches de « gauche » ou « matamores  néocons » sans s'étendre sur les adeptes de la vie en « Vert », tous ânonnent d'impossibles réponses face à la violence, joliment appelée « ultraviolence »... L'enfant version « Rousseau » ou l'enfant-cible consommateur direct ou indirect, est devenu un parfait tyran. Si les causes profondes ne sont pas encore abordées, Jean-Pierre Le Goff, sociologue, entrouvre la porte... C'est un bon début...

Nous ne manquerons pas de poursuivre...

Mais notre société est amnésique en toute chose.

Ultraviolence? Il serait plus juste de dire barbarie. Et face à la barbarie les réponses ne sont pas de la même nature que face à la violence...

Portemont, le 15 juin 2010

Jean-Pierre_Le_Goff.jpg

J.P. Legoff : « l'ultraviolence est stimulée par l'angélisme éducatif »

Cette semaine Marianne consacre un dossier sur l'ultraviolence. Pour Jean-Pierre Le Goff, sociologue, le discours gentillet des élites éducatives sur la jeunesse favorise l'émergence d'enfants persuadés de leur toute puissance. Conjuguée avec la précarité accélérée par la crise et l'effondrement de la cellule familiale ce phénomène joue un rôle dans la montée des actes de barbarie et d'ultra-violence.

Marianne : Comment expliquez-vous cette multiplication, notamment chez les adolescents, d’actes ultraviolents sans motifs crapuleux ?

Jean-Pierre Le Goff : La stupeur de certains commentateurs m’étonne. Depuis des années, une partie de nos élites s’est enfermée dans une « bulle » qui se rêve pacifiée et hygiéniste, un mixte d’angélisme et de cécité niant ces phénomènes avec un discours gentillet sur la jeunesse, nourri par l’idée que tout est affaire de conditions économiques et sociales… Il faut rompre avec cette illusion d’une extériorité du mal à la personne humaine, comme si toute pulsion d’agressivité n’était qu’un pur produit des conditions sociales et d’institutions défectueuses et qu’il suffirait donc de les changer pour que s’institue le « meilleur des mondes ». Un gauchisme post-soixante-huitard a triomphé par étapes dans la gauche française, conduisant une bonne partie de celle-ci à rompre avec l’anthropologie républicaine traditionnelle — mais aussi juive et chrétienne — marquée par une vision beaucoup plus réaliste de l’homme.

Au profit de quelle vision ?

J.-P. Le G. : Un refus, d’abord, de tout jugement qui, de près ou de loin, rappellerait la morale. L’euphémisme et la victimisation se sont tellement répandus que les agresseurs eux-mêmes sont avant tout considérés comme des victimes. Jean-Pierre Chevènement avait suscité un tollé en évoquant les « sauvageons », formule plutôt empreinte de mansuétude – en jardinage un sauvageon est une plante qui a grandi sans tuteur —, mais qui heurtait cette gauche bien-pensante pour qui l’autorité reste synonyme de domination et qui se refuse à assumer les fonctions répressives nécessaires à toute vie collective.

Vous suggérez donc que l’ultraviolence revient d’autant plus sur le devant de la scène que sa possibilité a été obstinément niée dans l’éducation ?

J.-P. Le G. : L’enfance et la jeunesse ont été érigées en de purs moments d’innocence et idéalisées au nom d’un épanouissement individuel qu’il ne faut pas contrarier. Les nouvelles couches moyennes ont promu l’idée d’une créativité enfantine qu’il faut laisser s’exprimer en libérant les enfants des carcans contraignants du passé. Ce modèle éducatif prohibant toute expression d’agressivité favorise le sentiment de toute—puissance chez les enfants. Parce qu’on refuse de reconnaître cette part sauvage, on décrète qu’elle n’existe pas ou que de gentils pédagogues et psychologues peuvent la faire disparaître en douceur grâce à leurs boîtes à outils. En n’assumant plus leur rôle d’autorité, des adultes et des institutions ont placé certains jeunes dans des situations paradoxales des plus déstabilisantes.

Cette « lame de fond » culturelle nous empêcherait ainsi de comprendre ces phénomènes d’ultraviolence ?

J.-P. Le G. : En donnant une idée déformée de l’humain, elle empêche de bien saisir l’ampleur et l’intensité de la déstructuration identitaire qui s’est amorcée depuis les années 1970. S’il est vrai que les crimes et les passages à l’acte violents ont existé de tout temps, le caractère inédit des actuelles montées aux extrêmes, accompagnées d’une sauvagerie qu’on croyait révolue, devrait nous faire réfléchir. Car deux phénomènes inquiétants n’ont cessé d’additionner leurs effets : d’une part le chômage de masse et le développement de la précarité, d’autre part la dislocation de la structure familiale, gentiment rebaptisée « famille recomposée ». Là aussi, une -gauche moderniste a le plus grand mal à affronter, par peur de ringardise, le rôle essentiel de structuration joué par la famille. -Combinés l’une avec l’autre, la précarité socioéconomique et l’effondrement de la cellule familiale produisent des effets puissants de déstructuration anthropologique qui rendent possibles ces actes de violence non maîtrisés.

Le travail, pour vous comme pour Freud, c’est le principe de réalité…

J.-P. Le G. : Il permet, en effet, la confrontation avec la limite du possible et il est une condition essentielle de l’estime de soi par le fait de se sentir utile 
à la -collectivité et de pouvoir être autonome en gagnant sa vie. L’exclusion du travail de catégories sociales de plus en plus massives au nom d’une compétitivité mondialisée est tout à la fois un problème social et anthropologique qui lamine l’ethos commun. Cette dimension est quasi absente de la plupart des discours politiques alors qu’elle est essentielle pour notre vie collective.

Mais pourquoi cette violence s’exprime-t-elle si facilement ?

J.-P. Le G. : Dans les anciens villages et les bourgs, les quartiers, les cités -ouvrières, tout le monde connaissait tout le monde. Les relations sociales étaient souvent marquées par une grande âpreté des relations, mais prévalaient une solidarité et une régulation sociale minimales par les habitants eux-mêmes. Des drames survenaient, mais les débordements de violence étaient maintes fois jugulés par la collectivité imprégnée d’une morale commune : « Il y a des choses qui ne se font pas »…

Dans le passé, les bagarres n’étaient pourtant pas rares ?

J.-P. Le G. : Non, mais il s’agissait d’une tolérance vis-à-vis d’une violence qui elle-même flirtait avec la limite, surtout quand elle venait des jeunes générations qu’on ne considérait pas alors comme des adultes avant l’heure : « Il faut bien que jeunesse se passe. » Cette brutalité était ritualisée et pouvait être canalisée par les jeux, le sport et le service militaire qui, avec le travail, constituait une étape clé du passage à l’âge adulte pour les garçons, contraints à renoncer à leurs fantasmes de toute-puissance infantile. Aujourd’hui, toutes les manifestations d’agressivité sont vues comme le signe d’une montée aux extrêmes -pathologique qu’il faut soumettre au tamis de l’expertise psychoclinique, tandis que des « cellules psychologiques » servent tant bien que mal de palliatifs aux victimes des agressions. Misère d’une époque où l’on répond par l’éthique du « care » à la désintégration des liens sociaux élémentaires !

Récemment, une étudiante qui avait fait une queue-de-poisson en voiture fut pourchassée et violée par sa « victime ». Que révèle ce type de comportement ?

J.-P. Le G. : Des actes involontaires ou anodins peuvent aujourd’hui être interprétés comme le signe d’un « irrespect », d’une insulte ou d’une agression insupportable, provoquant un déchaînement de violence sans pareil. Au-delà de cet exemple, que je me garderai de commenter, ces criminels me semblent être sous l’empire de leurs affects et de leurs pulsions : la moindre remarque, le -moindre geste mettent le feu aux poudres et font basculer leur destin. Ils deviennent meurtriers, si l’on peut dire, par « inadvertance », incapables de mesurer la gravité de leurs actes, quitte à dire qu’ils ne l’ont « pas fait exprès ». Le moindre regard peut provoquer une montée aux extrêmes parce qu’il ravive des blessures et des humiliations passées, des fragilités internes insupportables, inassimilables. L’image dévalorisée de soi-même, la haine de soi, se décharge sur l’autre, avant parfois de se retourner contre soi. Ils ont « la haine ». Et n’oublions pas non plus le sentiment de toute-puissance que peut procurer la domination ou la destruction de l’autre. Certains peuvent y prendre goût.

Que faire alors face à cette ultraviolence ? S’occuper des parents ?

J.-P. Le G. : Je suis tenté de reprendre la remarque sceptique d’un psychiatre, qui travaille sur ces cas extrêmes et explique qu’on a aujourd’hui souvent affaire à « des bébés qui font des bébés », avec des déstructurations familiales que les psychiatres ont le plus grand mal à traiter. Je ne crois pas plus aux discours éducatifs et normatifs parce que, dans bien des cas, ceux-ci ne peuvent tout simplement pas être compris et encore moins assimilés.

Qu’est-ce qui distingue votre analyse pessimiste des discours de la droite ultrasécuritaire ?

J.-P. Le G. : Une différence élémentaire : ce « tout sécuritaire » de droite n’est que le symétrique inversé de l’angélisme d’une certaine gauche. Toutes deux ne savent plus comment s’attaquer aux conditions sociales qui rendent possibles ces violences. Et l’opposition entre répression et prévention est le type même du faux débat : le maintien nécessaire de la sécurité publique ne peut remplacer une réflexion de fond sur les causes de ces phénomènes. Si la reconstruction problématique d’un éthos commun ne se décrète pas, il devrait être envisagé dans une optique dépassant les clivages idéologiques et partisans, dans la mesure où il engage notre responsabilité -collective.

Mardi 1 Juin 2010 Frédéric Ploquin et Alexis Lacroix - M arianne
Source : http://www.marianne2.fr

 

jeudi, 03 juin 2010

T. Sunic: Sex and Politics

Ex: http://www.theoccidentalobserver.net/authors/Sunic-Sex&Politics.html#TS


Sex and Politics

Tom Sunic

May 29, 2010 

Political mores often reflect sexual attitudes. Conversely (and more commonly) political environment affects sexual mores. In our so-called best of all worlds, “free love” has become an aggressive ideology transmitted by left-wing opinion makers. The underlying assumption, going back to the Freudian-Marxist inspired student revolts of 1968, is that by indulging in wild sex a muscled regime can be muzzled and any temptation for an authoritarian rule can be tamed.  

Palaver about “free love equals no war” is still a prevalent dogma in the liberal system. Hans Eysenck, the late psychologist and expert on race and intelligence (also occasionally defamed as a ‘racist’), deconstructed the Freudian fraud in his book The Decline and Fall of the Freudian Empire: “Freud’s place is not with Copernicus and Darwin but with Hans Christian Andersen and tellers of fairy tales.  Psychoanalysis is at best a premature crystallization of spurious orthodoxies; at worst a pseudo-scientific doctrine that has done untold harm to psychology and psychiatry alike” (1990, p. 208). One could infer from Eysenck’s statement what a great many Whites have known for decades, but have been afraid to utter aloud: Freudianism has been an excellent tool for pathologizing Whites into feelings of guilt in regard to their traditional attitudes toward sex and politics.  

Politically correct — sexually incorrect 

Freudianism, instead of curing alleged sexual neuroses and phobias, has ended up creating far more serious ones. Fifty years after the “sexual revolution” the West is replete with men suffering from sexual impotence, with an ever growing number of women and men indulging in odd, perverted and criminal sexual behavior. Yet, despite the fact that the quackery of Sigmund Freud and Wilhelm Reich is no longer trendy, the topic of sex continues to play a crucial role in social interaction. In order to liberate White youth from their feelings of traditional European shame (which is not the same as the Judaic concept of guilt), the non-stop media parading of geometric Hollywood beauties makes many young Whites develop the inferiority complex about their own sexual equipment — or performance in the bedroom.  As a result, a classical nucleus of society — the family — falls apart. 

There is a widespread assumption fostered by liberal and leftist opinion-makers that right-wingers and nationalists are sexual perverts, misogynists, or wild macho-types suffering from a proto-totalitarian Oedipus complex — which accordingly, must lead to proverbial anti-Semitic pogroms. Such a diagnosis of the White man was offered by Erich Fromm in his famed The Anatomy of Human Destructiveness, a book in which the ultimate symbols of evil, the incorrigible Hitler and Himmler, are routinely depicted as “case studies of anal-hoarding-necrophilic sadists.” (1973, pp. 333–411). Fromm’s and Freud’s avalanche of nonsense may tell us more about their own troubled childhood and their obsession with their own misshapen anal-nasal-oral-circumcised-penile-protrusions than about the non-Jewish objects of their descriptions. 

Once could invert the Freudian dogma regarding the alleged pathogenic sexuality of young Whites and supplant it by solid empirical data offered by renowned sociobiologist Gérard Zwang,  an expert on sex and sexual pathologies and a contributor to European New Right journals — and someone who enjoys the occasional privilege of being labeled a ‘racist’.

If one was to assume that traditional child rearing is conducive to a White man’s sexual aberrations and his violent behavior in the political arena, then one should start with Oriental and African practices of circumcision first — which in Europe, ever since the ancient Greeks and Romans has been viewed as an act of morbid religious fanaticism.  

Back from the Exodus, 500 years later, the "dictatorship" of Moses established circumcision as an absolute obligation, for fear of being excluded from the Chosen People. The prescription is still valid for the Orthodox Jew and for Israelis. ... In France, the pro-circumcision followers argue that the prepuce would be a parasitic remnant of the femininity inside a masculine body. The myth of "native bisexuality" is an old craze with disastrous consequences. … In our territory (France), the very numerous circumcisions requested by Jewish or Muslim parents are often paid by the Social Security of a so-called secular country!  ... The ideal should obviously be one day the definitive extinction of the dismal monotheistic religions, of their unacceptable dogmas, and of their ridiculous prescriptions. (G. Zwang, “Demystifying Circumcision)

 

 

Auguste Rodin, „The Kiss,“ 1889 

Liberal pontificators are quick to denounce the practice of infibulation (female mutilation of clitoris) on many immigrant African women residing in Europe, but hardly will they utter a word to denounce equally painful circumcision on new-born Jews or Muslims. 

With or without this strange Levantine make-believe metaphysical mimicry of penile pseudo-castration, unbridled sexual activity has become today a quasi categorical imperative, largely dependent on the whims of the capitalist market. According to the logic of supply and demand one should not rule out that the liberal system may soon issue a decree for mandatory multiracial marriages. Marriage of White couples may be “scientifically” attested as an “unhealthy union at variance with democratic principles of ethnic sensitivity training.”  Never has the West witnessed so much psycho-babble about “love”, “interracial tolerance,” “gender mainstreaming,” “women’s rights,” “gay rights,” etc. — at the time when suicidal loneliness, serial divorces, sexual narcissism, and sexual violence have become its only trademarks of survivability. 

The Ancients were no less sexually active (and probably even more so) than our contemporaries, as testified by their plastic art showing naked women in warm embrace of their men, or as depicted by Homer in his numerous stories of cupid gods and goddesses. Apuleius, a Roman writer of Berber origin, writes explicitly about a woman enchanted by the sex act. From the 14th-century ItalianBoccaccio, to modern Henry Miller, countless European authors offer us graphic stories of love making between White women and White men. But there is one crucial distinction. In the modern liberal system sex has become an aggressive ideology consisting of mechanistic rituals whose only goal is a “dictatorship of the mandatory orgasm,” thus becoming the very opposite of what sex once was.  

In societies marked by the Puritan spirit, which is still the case among large segments of the White American population, the century-old scorning of sexual encounters has had its logical postmodern backlash: prudishness, promiscuity and pornography. The English-born poet and novelist, D. H. Lawrence was a remarkable man who is close to what we call today a “revolutionary conservative” and is highly popular among European White nationalists. In his essayPornography and Obscenity he wrote how one must reject Puritanism and sentimentalism. “Puritan is a sick man, soul and body sick, so why should we bother about his hallucinations. Sex appeal, of course, varies enormously. There are endless different kinds and endless degrees of each kind.”  (The Portable D.H. Lawrence, 1977, p. 652,). 

Despite globalization, “Americanization” and the increasing difficulty to distinguish between sexual mores in White America and in White Europe, some differences are still visible and often lead to serious misunderstanding among transatlantic partners. This time, the inevitable cultural factor, and not a genetic factor, takes the upper hand. 

White Spectral Lovers  

What may be viewed as vulgar sexual conduct from the perspective of WhiteAmerica is often hailed as something natural in Europe. A sharp and well-travelled European eye, even with no academic baggage, notices a strong dose of hypermoralism and sentimentalism among White American males and females. Examples abound. For instance, public tearful confessions by an American male, either on the podium or at the pulpit about cheating on his wife, while viewed as normal in America, are viewed as pathetic in Europe. Many European White males and women, when visiting America, are stunned when an intelligent American speaker, gripped by emotions, starts shedding tears on his microphone, regardless of whether the theme of his allocution is the plight of Jesus Christ or the predicament of the White race.  

One might explain this phenomenon by suggesting that on a psychological level White Americans, given the early and strong influence of the Old Testament, have been more influenced by the Judaic spirit of guilt than White Europeans, who have traditionally been far more obsessed with a sense of shame. Judaic feelings of guilt were, in the 20th century, successfully transposed in a secular manner by the Marxist Frankfurt School on the entire White population all over the West, and particularly on the German people. By contrast, in the ancient Greek drama and even later among heroes of the Middle Ages, one can hardly spot signs of guilt. Instead, characters are mostly immersed in endless introspective brooding about some shameful act they may or may have not committed. 

Conversely, many White American women rightly conclude that sexual behavior of European males is often erratic, quirky and disorderly. European males are often poorly groomed when dating or mating, often lacking respect for their female partners. For a newcomer to Europe, the overkill of pornographic literature all over public places and the torrents of x-rate movies aired on prime time are indeed unnerving. There is also a different conceptualization of sex and decadence by White Europeans and White Americans respectively.  

Many European White nationalists like to brag about their Dionysian spirit, which often borders on undisciplined behavior. Numerous Catholic holidays in Europe, such as St. Anthony’s day in June, St. Patrick’s day in March, St. George day in April etc., are celebrated from Ireland to Flanders. Typical are Flemishkermesse celebrations depicted by Pieter Breughel.  

Pieter Brueghel the Younger, „The Kermesse of St. George“ (1628)

These celebrations are not meant for Bible preaching, but rather as an occasion to release residual, primordial and pagan feelings. The pent-up sense of the tragic, the accumulated sorrows that come along with age, must be wildly vented, even at the price of appearing grotesque in foreigners’ eyes.

The duration of such mega-feasts is strictly limited. Over the centuries, the Catholic Church has been shrewd enough to incorporate the pagan heritage into Catholic feasts, because otherwise its monotheistic dogma would not have lasted long. Not surprisingly, kermesses and carnivals are in reality far more prophylactic and effective for good sex than all the Viagra and Freudian shrinks combined. On such occasions, still alive in Catholic rural Europe, everybody revels, drinks, everybody pinches each other’s backside, as shown long time ago on Rubens’ and Breughel’s paintings. However, when the fun is over the same revelers go back to their traditional family chores.      

It is a common practice among high intellectual classes in Europe for a married man to flirt with an unknown attractive woman at a social gathering — even in the presence of his own spouse. In fact, for a married man in Europe courting an intelligent woman is considered a sign of good upbringing and chivalry — with a tacit ocular understanding between the two that they may end up in bed together — but with no strings attached. On public beaches from France’s Saint Tropez to Croatia’s Dalmatia, all the way to public parks in Copenhagen, it is normal in hot summers to observe naked women of all ages sunbathing and skinny-dipping in the presence of young children. This is something unimaginable on the Santa Cruz Riviera in California, as it would immediately attract a crazed local peeping tom or a stern-faced police officer. 

Several years ago a scandal broke out in the USA caused by the former US President William Clinton’s sexual escapade with a Jewish woman, Monika Lewinsky. Clinton’s sexual adventures literally became a federal case in America, with many American journalists across the political spectrum demanding his resignation. In Europe, Clinton’s extramarital affair was received by many with a shrug of shoulders. One can hardly imagine a voter in Europe asking for the president to be removed from office just because he was cheating on his wife. Having a mate, a concubine a maitresse has been an age-old practice among European politicians, deliberately ignored  by their spouses, approved by their constituencies, and tolerated by the Church, and in no way seen as a sign of character weakness.  

Thousands of Western scientists, artists and poets, who had an organic view of love making, have disappeared now from the academic radar screen. The antebellum South, still demonized as a backward place, was the last place in the West that had at some point in history salvaged White European medieval customs of honor, virility, generosity and chivalry. This can be seen in the tragic poetry of unreconstructed Southerners, such as John Crowe Ransom.  

By night they haunted a thicket of April mist, 
Out of that black ground suddenly come to birth, 
Else angels lost in each other and fallen on earth. 
Lovers they knew they were, but why unclasped, unkissed? 
Why should two lovers be frozen apart in fear? 
And yet they were, they were.

(John Crowe Ransom, “Spectral Lovers”)  

An iconic French nationalist scholar, an artist, and a political prisoner in France after WWII, Maurice Bardèche  was well aware of the slow coming darkness in the West following the defeat of the South in the Civil War:

Firstly, to be a Southerner is to see and feel that one of the biggest catastrophes of our times was the capture of Atlanta. The defeat atSedan is for me nothing more than an event of history; a sad event, but as any other event colorless and historical.  As for the defeat atWaterloo – I cannot convince myself that it has changed the destiny of the world. Even the collapse of Germany, although it seems to me an injustice, a bad whim of God and as any other appearance against all good sense — I do not consider irrevocable.  But the capture of Atlanta — this is for me an irreparable event, the fatal beacon of History. It is the victory of the Barbarians. (Sparte et les Sudistes, 1969, p. 96). 

  

Tom Sunic (http://www.tomsunic.info; http://doctorsunic.netfirms.com) is author, translator, former US professor in political science and a member of the Board of Directors of the American Third Position. His new book, Postmortem Report: Cultural Examinations from Postmodernity, prefaced by Kevin MacDonald, has just been released. Email him.  

Permanent link: http://www.theoccidentalobserver.net/authors/Sunic-Sex&am...

samedi, 29 mai 2010

Etats-Unis: ghettoïsation et réseaux de forteresses privées

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

Etats-Unis: ghettoïsation et réseaux de forteresses privées

 

Sur tout le territoire des Etats-Unis, les Américains se barricadent derrière des haies, des murs, des barbelés électrifiés. Ils prennent ainsi congé de leurs voisins et de leurs contemporains; ils s'enferment dans des zones contrôlées par des systèmes complexes de sécurité. On estime que huit millions de citoyens américains vivent dans des communautés fermées, à l'abri de murs. Ces communautés, on les rencontre surtout à Los Angeles, Phoenix, Chicago, Houston, New York et Miami. Cette ten­dance à l'enfermement volontaire est devenue une vogue dans les nouvelles banlieues comme dans les quartiers centraux des vieilles villes. Les résidents de ces communautés cherchent un refuge, à fuir les problèmes que pose l'urbanisation. Mais, sur le plan de l'Etat et de la nation, que signifie cette fuite à l'intérieur de bastions privés?

 

Le livre Fortress America  est la première étude globale de cette curieuse évolution et de son impact social. Les premières communautés barricadées (gated communities)  étaient des villages où allaient vivre des retraités ou des aires de luxueuses villas, propriétés des super-riches. Aujourd'hui, la majorité des nouvelles communautés barricadées sont issues de la classe moyenne, voire de la classe moyenne supérieure. Même des “voisinages” (neighborhoods)  de personnes aux revenus mo­destes utilisent désormais le système des barricades et édifient des grilles d'entrée gardées par des vigiles armés jusqu'aux dents. L'enfermement volontaire n'est plus l'apanage des seuls happy fews.

 

Fortress America  examine les trois catégories principales de com­munautés barricadées et tente d'expliciter les raisons qui les pous­sent à l'enfermement: nous trouvons

1) les lifestyle communities, y compris les communautés de retrai­tés, les communautés de loisirs et de sport (golfe, etc.), ainsi que les nouvelles villes des banlieues;

2) les prestige communities, où les grilles d'entrée symbolisent richesse et statut social; elles comprennent les enclaves ré­servées aux riches et aux personnes célèbres, les cités résidentielles fer­mées pour les professionnels de haut niveau et pour les executives de la classe moyenne;

3) les zones de sécurité, où la peur de la criminalité et des hors-la-loi motive principalement la construction de murs et de pa­lissades, âprement défendus.

 

Les auteurs, Blakely et Snyder, étudient les dilemmes sociaux et po­litiques, les problèmes que cet enfermement volontaire pose à la sim­ple governance officielle: que devient-elle si des millions d'Américains choisis­sent d'en refuser les règles et de privatiser leur environnement? Snyder et Blakely posent des questions essentielles quant à l'avenir de la société américaine: ces communautés fermées et barricadées reflètent-elles une fortress mentality,  largement répandue aux Etats-Unis? Ces communautés barricadées contribuent-elles à réduire la criminalité ou à accroître la peur? Que faut-il penser d'une société et d'un pays où les clivages sociaux séparant les zones d'habitation nécessitent des patrouilles armées et des grilles électrifiées pour éloigner d'autres citoyens, jugés indésirables? Au niveau local, quel est l'impact de ces communautés privées sur le comportement électoral des citoyens? Que se passe-t-il sur le plan du fonctionnement de la démocratie, si les services pu­blics et les autorités locales sont privatisés et si le sens de la responsabilité communautaire s'arrête à la porte d'entrée élec­trifiée? L'idée de démocratie peut-elle encore se transposer dans le réel sous de telles conditions?

 

Nos deux auteurs suggèrent des mesures préventives, mais sont bien obligés de constater que la fragmentation de la nation américaine en communautés antagonistes, retranchées derrière des barrières électrifiées et les fusils des vigiles, est un défi considérable, difficile à gérer. Les polarisations qui s'accumulent risquent fort bien de signifier à terme la fin de la “nation américaine”. Question: «Peut-il y avoir un contrat social sans contact social?». Certes, les barrières peuvent protéger, mais elles accroissent aussi la paranoïa des citoyens qui identifient vie urbaine et criminalité déchaînée.

 

Benoît DUCARME.

Edward J. BLAKELY & Mary Gail SNYDER, Fortress America. Gated Communities in the United States, Brooking Institution Press (1775 Massachusetts Avenue, NW, Washington, DC 20036), 1997, 192 p., $24.95, ISBN 0-8157-1002-x.

 

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lundi, 24 mai 2010

Politique et tyrannie de la transparence

Politique et tyrannie de la transparence

par Pierre LE VIGAN

Transparenz-142834.jpgOn vit une époque étonnante. Tout le monde s’épanche. Tout le monde y va de sa petite larme, de Jospin à Hillary Clinton. Il ne manque plus qu’Obama. Nous nageons dans l’épanchement intime. « J’ai bien connu votre “ papa ” (ou votre “ maman ”) » dit à l’un Michel Drucker dans son émission Vivement Dimanche –  il n’y a plus de père et de mère, plus que des papa et des maman. Ségolène Royal l’avait compris, elle qui se présentait en disant : « Je suis une maman ». Chacun juge utile de se « livrer », de se dévoiler, de faire si besoin son coming out. Les politiques comme les people. « J’ai souffert », affirme l’un. « J’ai changé », dit l’autre (ou le même). « Je me reconstruis », susurre une troisième. D’où la pipolisation de la politique. À tel point que cela finit par agacer d’autres politiques. « Ségolène [Royal] va trop loin dans la description de sa vie privée », disait récemment le socialiste Jean-Marie Le Guen.

La question est : faut-il « tout dire » ? Pour nous dire quoi ? Des choses que nous n’avons pas demandé à savoir ? Tel concurrent U.M.P. de Mme Pecresse en Île-de-France nous dit qu’il préfère les garçons. Et alors ? Cela n’a pas plus d’intérêt politique que de savoir s’il aime ou non les œufs au plat. Nous sommes dans l’expression brute des subjectivités, et non des idées. C’est le grand déballage des narcissismes. Exhibition et voyeurisme obligatoires : on parle à ce sujet de l’idéologie de transparence, et même à juste titre de la tyrannie de la transparence. C’est l’idée que tout doit être dit. Pour montrer qu’on est sincère et authentique. Et pour « trouver une solution » à tout.

Car si on dit tout, si on est transparent à soi et aux autres, « ça » devrait mieux « communiquer ». Donc, les conflits devraient disparaître. Exemple : la réponse au stress, ce sont les outils de gestion du stress, la réponse à l’angoisse c’est « trouver quelqu’un à qui parler » (un psy). La société de la transparence est aussi la société du « tout est psy ». Sortir du mal-être et des conflits c’est au fond une question… d’organisation et de communication.

La transparence, ce sont aussi les émissions de « sexo-réalité » dans lesquelles chacun vit en direct des expériences intimes. Ainsi, l’homme devient un objet manipulable. Il devient l’enjeu des dispositifs et des outils de gestion de la « ressource humaine ». C’est L’extension du domaine de la manipulation dont parle très bien Michela Marzano (Grasset, 2008). Car vouloir apparaître sincère et ouvert, c’est d’abord une stratégie de communication et donc une stratégie de pouvoir. La transparence repose sur la négation de la séparation entre ce qui est public et ce qui relève du privé. Les Grecs ne connaissaient pas cette séparation sous cette forme. Pour eux, il y avait ce qui est « naturel », zoologique, et n’avait en fait aucune importance, et ce qui est politique et public, et est seul important. C’est pourquoi les critiques de l’exposition de l’intime ne sont pas forcément des puritains. Ce sont des gens qui estiment que ce n’est pas important. Ou encore, ce sont des gens qui estiment qu’en ne parlant pas de tout, on préserve justement la possibilité des échanges. En effet, comme l’écrit Yves Jeanneret, la transparence est une illusion car « le langage ne donne directement accès, ni à l’être, ni à la vérité de celui qui parle ».

Les conséquences de l’exposition publique de qui était auparavant privé ne sont pas minces. C’est la réduction de l’espace public et de la politique au traitement d’affaires privées, en tout cas singulières et particulières. L’horizon du bien commun disparaît, les manifestations des ego de chacun prennent le pas sur lui. La politique se dilue dans l’expression d’intérêts particuliers, généralement humanitaires, qui appellent des réponses elles-mêmes segmentées : faire « quelque chose » pour les femmes battues, pour les handicapés, pour les supposés descendants d’esclaves, etc. Des objectifs parfois estimables mais parcellaires. Il y a là les ferments d’une privatisation du politique. « Le programme politique, l’expérience, la vision d’ensemble comptent moins que l’image personnelle, les anecdotes privées, les mésaventures mêmes qui pourront alimenter une chronique médiatique », écrivait la revue Esprit en janvier 2007 au seuil de la dernière campagne présidentielle.

Depuis Sarkozy et Royal, la médiatisation de la vie privée a pris des proportions inédites. Le privé est devenu la norme du politique. « La vie, la santé, l’amour sont précaires. Pourquoi  le travail échapperait-il à cette loi ? », disait récemment Laurence Parisot, patronne du MEDEF. C’est une façon de faire des incertitudes de la vie personnelle de chacun la norme du social et du politique. Sophisme et cynisme du grand patronat.

En conséquence, le statut de l’intime, le plus privé du privé, est chamboulé. Exposé et surexposé, l’intime devient trivial. Quand il faut « tout dire », l’homme est privé de l’intime comme l’explique Michael Foessel dans La privation de l’intime (Seuil, 2008). L’intime s’évanouit : il ne supporte pas la lumière. Pas plus qu’il ne supporte l’excès de manipulation. La privatisation du politique a ainsi pour corollaire la privation de l’intime.

Mais l’instrumentalisation de l’intime a peut-être atteint ses limites.  Le culte de la transparence aussi. Loin d’être dupe, le public est devenu méchant. Il ricane plus qu’il ne sourit. Et surtout il ne respecte plus les politiques et se détourne de la politique. Il faudra pourtant bien y revenir. Sous des formes nouvelles peut-être.

Pierre Le Vigan

samedi, 22 mai 2010

Eugen Lemberg: anthropologie des systèmes idéologiques

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1987

Eugen Lemberg: anthropologie des systèmes idéologiques

Eugen LEMBERG, Anthropologie der ideo­logischen Systeme, Nomos Verlag­sgesellschaft, Baden-Baden, 1987, 168 S., DM 39, ISBN 3-7890-1144-4.

Deuxième édition d'un ouvrage capital de po­lito­logie paru immédiatement après le décès de l'auteur en 1976. Ce livre se veut le couron­ne­ment de l'œuvre sociologique de son auteur et une analyse comparative des systèmes reli­gieux, philosophiques et politiques qui structu­rent les sociétés en leur communiquant des va­leurs et des normes et en dirigeant leur compor­tement global. D'où la question principale à la­quelle répond Lemberg: quelles sont les pulsions motrices, les systèmes-guides de l'espèce hu­maine? Quel est le rôle de l'idéologie sociale dans la pensée et dans l'agir? Dans la veine des grands fondateurs de la sociologie, Ratzenhofer, Pareto, Gumplowicz, Mosca, etc., Lemberg a écrit un classique incontournable. Il étudie les mobiles instinctifs, institutionnels et idéolo­gi­ques de l'agir social et politique. Il en retrace la phylogénèse et en examine les fonctions (for­mation des groupes, désignation de l'en­nemi, po­sitionnement dans l'environnement politico-culturel, polarisations diverses, etc.). Les sys­tè­mes idéologiques, en­suite, donnent à leurs adep­tes une explication du monde simple, «clé sur porte». Explication qui génère des vérités et des fois qu'ébranlera l'avènement des démar­ches empiriques. Lem­berg étudie aussi le rôle des dubitatifs, des héré­tiques et des dissidents dans les sociétés. L'une des fonctions essen­tiel­les des systèmes idéolo­giques est de guider le com­portement, ce qui a pour effet de stabiliser les sociétés. Stabilisation qui peut déchoir dans la rigidité ou, au contraire, permettre la persis­tan­ce d'un terreau fécond. Dans toute société, s'o­pè­re un partage des rôles entre idéologues et prag­matiques. Les hiérar­chies fonctionnantes sont dès lors marquées par un dosage de principes im­muables et de prag­matisme souple. Enfin, les systèmes idéolo­giques sont soit marqués du sceau du sacré soit rationnels. Conclusion de Lemberg: les idéolo­gies sont tantôt une malé­dic­tion tantôt une béné­diction.

 

 

vendredi, 21 mai 2010

Gender mainstreaming ganz praktisch

Ellen KOSITZA:

Gender mainstreaming ganz praktisch

Ex: http://www.sezession.de/

[1]In den Schulklassen meiner Töchter gibt es keine extravaganten Typen, die ich  in meiner Jugend durchaus kannte. Damit meine ich Jugendliche, die sich optisch und habituell von den anderen hervorhoben. Sei es als Trendsetter, die irgendwelche Accessoires oder Haltungen schon mit sich trugen, bevor sie Monate oder Jahre später irgendwie volkstümlich wurden; oder als selbstsichere Außenseiter, die sich den Moden verweigerten, indem sie entweder den Stil einer entlegenen Subkultur sich anverwandelten oder ein ganz eigenes „Selbstkonzept“ kreierten.

Anscheinend ist es heute so, daß Moden erstens mit rasender Zeit globalisiert werden (die dämliche Jungmännerhaarmode mit schräg und weich in die Stirn fallendem Pony hielt ich vor Jahren so lange für ein Dorf-Ossi-Syndrom, bis ich endlich feststellte, daß man diesen Softie-Look genauso in Berlin trägt)  und zudem ein Ausbrechen aus Konventionen schwieriger ist.

Jemand mit grünen Haaren oder einem Ring in der Lippe wurde zu meiner Zeit als kraß provokativ angesehen, heute ruft dergleichen nicht mal mehr ein Schulterzucken hervor. Die Möglichkeiten der Selbstdarstellung sind heute breiter aufgefächert, allerdings innerhalb eines Hauptstroms, der umso reißender ist. (Außenseiter gibt´s natürlich immer noch, das sind die extrem Dicken und ein paar Introvertierte, an denen die Züge der Zeit haltlos vorbeirasen.)

Ein paar Details der relativ gleichförmigen „Jugendkultur“ jenseits des Offensichtlichen sind mir bis vor kurzem völlig entgangen: das Ausmaß des Hypes um Justin Bieber, gewisse Manga-Trends sowie Stufen der Pornographisierung.

Über Justin Bieber, den 16jährigen Pop-Helden aus den Vereinigten Staaten, las ich vergangene Woche in der FAZ, daß der in einem Interview nicht gewußt habe, was „german“ bedeute. Die Existenz eines Landes „Germany“ ist anscheinend nie zu seinen Ohren gedrungen. Ist Justin Bieber besonders wichtig? Für Millionen Teenager anscheinend ja. Meine Tochter berichtete von einem „Psychotest“, der wohl in der Bravo zur Verfügung gestellt wurde und den Probanden Antwort auf die Frage gab: „Wieviel Justin Bieber steckt in deinem Freund?“ „Alle schwärmen für Justin Bieber“, erzählt die Tochter, „ganz extrem sogar“, und natürlich habe jede diesen Test gemacht, auch ohne eigenen Freund. In der Tat ist ausgerechnet dieser Bub, der stark an Heintje, den Schwarm unserer Mütter erinnert, zu einem Sexsymbol selbst für Frauen meines Alters avanciert. Ein Video [2], das ich mir bei youtube anschaute, hatte außer mir noch 25 Millionen Zuschauerinnen. Ja, ein netter, niedlicher, gaanz lieber Kerl! Nur, worauf verweist gerade die Inthronisation dieses schmächtigen Schmachters als Traummann Nr. 1?

Zur Manga-Sache: Anscheinend sind Shonen Ai [3]-Manga derzeit bei Mädchen voll im Trend. Ein paar Freundinnen meiner Töchter zeichnen selbst enthusiastisch Comics in jenem japanischen Stil und stehen als Konsumentinnen besonders auf Shonen Ai, das von deutschen Verlagen auch unter der Rubrik Boys Love geführt wird. Darin geht es um phantastische Liebesbeziehungen (auch erotischer, vorwiegend aber emotionalener Art) zwischen Knaben. Im Börsenblatt des Deutschen Buchhandels las ich, daß jenes Genre der gezeichneten Schwulen-Liebesgeschichte derzeit das erfolgreichste im Manga-Bereich ist – Zielgruppe sind wohlgemerkt nicht Homosexuelle, sondern Mädchen.  Ein einigermaßen befremdlicher Trend.

Zuletzt: Johannes Gernets hervorragendem Buch Generation Porno [4]entnahm ich, daß bereits 15jährige, egal welchen Geschlechts, heute nahezu durchgehend mit Hardcore-Pornographie konfrontiert worden seien. Eine Behauptung, die ich doch für leicht übertrieben hielt! Nachfrage bei den Töchtern, 12 und 13: Klar, Vergewaltigungsvideos oder andere bestialische Sequenzen haben viele Jungs aus ihren Klassen auf den Handies, in den Pausen werde so was unter großen „Boah“ und „hohoho“ laufend rumgezeigt.

Justin Biebers zarte Stimme, gefühlige Schwulencomics einerseits und die Popularisierung der ganz harten Tour andererseits – wie das wohl zusammenpaßt? Anscheinend ganz gut.


Article printed from Sezession im Netz: http://www.sezession.de

URL to article: http://www.sezession.de/14608/gender-mainstreaming-ganz-praktisch.html

URLs in this post:

[1] Image: http://www.sezession.de/14608/gender-mainstreaming-ganz-praktisch.html/selten-so-geweint-2

[2] Video: http://www.youtube.com/watch?v=i1zuN17t51A

[3] Shonen Ai : http://www.shonen-ai.net/sites/startseite.html

[4] Generation Porno : http://sachbuch.fackeltraeger-verlag.de/4160/Software/Buecher/Generation-Porno.jsp

dimanche, 16 mai 2010

Omar Ba: "N'émigrez pas!"

N'émigrez pas !

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com/

Une prise de conscience africaine du caractère néfaste de l'émigration : c'est tout l'intérêt du livre d'Omar Ba, N'émigrez pas ! L'Europe est un mythe, que les éditions Jean-Claude Gawsewitch viennent de publier. Bousculant le politiquement correct, il rejoint, à partir d'un point de vue différent, les analyses des observateurs les plus lucides de l'immigration en Europe. Alain de Benoist, dans un éditorial de la revue Eléments, écrivait déjà en 1983 : "L'immigration est née de l'obligation faite à des hommes de se déraciner, par un système économique désireux de faire appel à une main d'oeuvre bon marché, système fondé sur le profit qui transfère les hommes comme on transfère les marchandises ou les capitaux. Fruit de l'idéologie de la rentabilité (à courte vue), elle est une forme moderne de déportation et d'esclavage."

Omar Ba.jpg
 

"Après le succès de "Je suis venu, j’ai vu, je n’y crois plus" (plus de 10 000 exemplaires), Omar Ba nous livre un texte percutant sur l’immigration, un sujet brûlant. Omar Ba affirme que les Africains qui quittent tout pour venir en Europe perdent au change. Leur avenir est sur le continent noir. L’immigration contribue à maintenir les populations africaines en position d’assistanat. De plus, les populations immigrées sont plus touchées par le chômage : l’Europe a-t-elle besoin de l’immigration ? Les immigrés sont « conviés à la misère ». Omar Ba est contre les régularisations massives des sans-papiers, qui vont pousser de nombreux autres Africains à quitter leurs pays d’origine pour l’Europe en leur donnant de l’espoir, mais qui vont aussi priver les pays d’Afrique de leurs ressortissants. Au sujet des expulsions, il s’agit d’une sanction juridiquement approuvée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, cela ne devrait pas provoquer autant de remous. Pour Omar Ba,l’opinion publique choisit l’émotion (cas du renvoi des Afghans en décembre 2009). « Parfois il est salutaire de raccompagner l’étranger dans son pays », selon lui. Les conditions socio-économiques se dégradent dans les pays du Nord, qui ne peuvent donc plus accueillir. Mais selon Omar Ba, l’immigration ne doit pas être associée au racisme, c’est un problème socio-économique, à ne pas « racialiser » (ex : la chasse aux Camerounais exercée en Guinée Equatoriale en mars 2004, où on a vu « des Noirs s’en prendre à d’autres »)… Un texte à contre-courant des idées « bien-pensantes » sur l’immigration, le point de vue surprenant d’un immigré africain de 27 ans."