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mardi, 03 mars 2009

La mort du leadership américain

Un pays discrédité et en faillite/La mort du leadership américain

ex: http://polemia.org/ 

Une fois encore, Paul Craig Roberts présente une analyse pessimiste sur l’avenir américain. Il ne voit pas comment les Etats-Unis retrouveraient leur leadership et il ne peut s’empêcher d’observer l’ancien rival pour se demander si le monde n’assiste pas à l’avènement d’une nouvelle ère « Poutine ». Polémia

Un nombre incroyable de personnes, aux Etats-Unis et à l’étranger, espère que le Président Obama mettra fin aux guerres illégales de l’Amérique, qu’il mettra un terme au soutien de l’Amérique aux massacres de Libanais et de Palestiniens commis par Israël et qu’il punira, au lieu de les récompenser, les banquiers gangsters (ou les « banksters escrocs »), dont les instruments financiers frauduleux ont détruit l’économie et imposé une souffrance massive à tous les gens dans le monde. Si les nominations d’Obama sont une indication, tous ces gens qui espèrent vont être déçus. (…)

Ce qui est décourageant est le fait que, même confronté à une crise économique et à une crise de politique étrangère, le système politique américain est incapable de produire le moindre leadership. Nous nous trouvons dans la pire crise économique de toute une vie, peut-être de notre histoire, et à la veille d’une guerre au Pakistan et en Iran, alors que la guerre en Afghanistan s’escalade. Et tout ce que nous obtenons est un gouvernement constitué de ces mêmes personnes qui nous ont amenés ces crises.

L’ère du leadership américain est révolue. Le système financier d’escrocs de l’Amérique a plongé le monde entier dans la crise économique. Les guerres d’agression de l’Amérique sont vues comme servant d’autres buts, comme l’enrichissement des industries militaires associées à Dick Cheney. Le monde est à la recherche d’un autre leadership.

Vladimir Poutine a bien joué à Davos pour endosser ce rôle. Son discours, lors de la cérémonie d’ouverture, était le plus intelligent de tout l’évènement. Poutine a rappelé au Forum Economique Mondial que les délégués américains qui s’exprimaient depuis cette tribune, il y a tout juste un an, avaient insisté sur la stabilité fondamentale de l’économie américaine et ses perspectives limpides. Aujourd’hui, les banques d’investissement, la fierté de Wall Street, ont virtuellement cessé d’exister. En 12 mois exactement, elles ont publié des pertes excédant les profits qu’elles ont réalisés au cours des 25 dernières années

Poutine a défendu l’idée selon laquelle le système financier existant, basé sur le dollar et l’hégémonie financière américaine, avait échoué.

Poutine a démontré que sa compréhension de l’économie était supérieure à celle de l’équipe d’Obama, lorsqu’il a déclaré que créer plus de dettes venant s’ajouter à des « dettes inextricables », comme le fait Obama, « prolongerait la crise ».

Dans une autre pique visant le leadership économique raté de l’Amérique, Poutine a déclaré qu’il est temps de se débarrasser de l’argent virtuel, des faux rapports financiers et des notations de crédit douteuses. Poutine a proposé un nouveau système de devise de réserve pour « remplacer le concept mondial unipolaire obsolète. » Poutine a dit qu’un monde en sécurité nécessitait la coopération, qui elle-même nécessite la confiance. Il a bien fait comprendre que les Américains avaient prouvé qu’on ne peut pas leur faire confiance.

Ce fut un message puissant qui a été beaucoup applaudi..

Par Paul Craig Roberts
CounterPunch, 3 février 2009
article original : "The Death of American Leadership"
Traduction : [JFG-QuestionsCritiques]
http://questionscritiques.free.fr/

Correspondance Polémia
12/02/09

La "diversité" au service des inégalités

LA "DIVERSITE" AU SERVICE DES INEGALITES


united colors of nowheristan« Au cours des 30 dernières années, les pays comme la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Canada sont devenus de plus en plus inégalitaires, économiquement parlant. Et plus ils sont devenus inégalitaires, plus ils se sont attachés à la diversité. C'est comme si tout le monde avait senti que le fossé grandissant entre les riches et les pauvres était acceptable du moment qu'une partie des riches sont issus des minorités. Les gens se sont de plus en plus attachés à un modèle libéral de justice, dans lequel la discrimination – racisme, sexisme, homophobie, etc. – est le pire de tous les maux. Si ça marche, c'est à la fois parce que c'est vrai – la discrimination est évidemment une mauvaise chose – et parce que ça ne mange pas de pain – le capitalisme n'a pas besoin de la discrimination. Ce dont le capitalisme a besoin, c'est de l'exploitation.


Il est évident que la diversité ne réduit pas les inégalités économiques. Si vous prenez les 10% de gens les plus riches (ceux qui ont en fait tiré le plus de bénéfices de l'explosion néolibérale des inégalités) et que vous vous assurez qu'une proportion correcte d'entre eux sont noirs, musulmans, femmes ou gays, vous n'avez pas généré plus d'égalité sociale. Vous avez juste créé une société dans laquelle ceux qui tirent avantage des inégalités ne sont pas tous de la même couleur ou du même sexe. Les avantages en termes de gouvernance sont assez évidents, eux aussi. L'objectif du néolibéralisme, c'est un monde où les riches peuvent regarder les pauvres et leur affirmer (à raison) que personne n'est victime de discrimination, leur affirmer (tout autant à raison) que leurs identités sont respectées. Il ne s'agit pas, bien sûr, de les rendre moins pauvres, mais de leur faire sentir que leur pauvreté n'est pas injuste. (...)


Aux Etats-Unis, les Noirs radicaux se sont battus à la fois contre le racisme et le capitalisme. Des gens comme le Black Panther Bobby Seale ont toujours estimé qu'on ne peut pas combattre le capitalisme par le capitalisme noir, mais par le socialisme. Mais avec l'ère du marché triomphant débutée sous Reagan et Thatcher, l'antiracisme s'est déconnecté de l'anticapitalisme et la célébration de la diversité a commencé. Bien entendu, il n'y a rien d'anticapitaliste dans la diversité. Au contraire, tous les PDG américains ont déjà eu l'occasion de vérifier ce que le patron de Pepsi a déclaré dans le New York Times il y a peu: "La diversité permet à notre entreprise d'enrichir les actionnaires". De fait, l'antiracisme est devenu essentiel au capitalisme contemporain. Imaginez que vous cherchiez quelqu'un pour prendre la tête du service des ventes de votre entreprise et que vous deviez choisir entre un hétéro blanc et une lesbienne noire. Imaginez aussi que la lesbienne noire est plus compétente que l'hétéro blanc. Eh bien le racisme, le sexisme et l'homophobie vous souffleront de choisir l'hétéro blanc tandis que le capitalisme vous dictera de prendre la femme noire. Tout cela pour vous dire que même si certains capitalistes peuvent être racistes, sexistes et homophobes, le capitalisme lui-même ne l'est pas. (...)


Ces quarante dernières années, les étudiants des universités américaines ont changé, et de deux façons. Premièrement, ils se sont beaucoup diversifiés. Deuxièmement, ils sont toujours plus riches. Cela signifie qu'alors que les universités américaines se sont autoproclamées de plus en plus ouvertes (à la diversité), elles se sont en réalité de plus en plus fermées. Ça ne veut pas seulement dire que les jeunes issus de milieux modestes ont du mal à payer leur scolarité, ça signifie aussi qu'ils ont reçu un enseignement si bas de gamme dans le primaire et le secondaire qu'ils n'arrivent pas à passer les examens d'entrée à l'université. Donc, la première chose à faire lorsqu'on décide de mettre en place une politique de discrimination positive, c'est de le faire par classes et non par races. La seconde – mais de loin la plus importante – chose à faire serait de commencer à réduire les inégalités du système éducatif américain dès le primaire. Tant que ça ne sera pas fait, les meilleures universités américaines continueront à être réservées aux enfants de l'élite comme le sont, pour l'essentiel, les meilleures grandes écoles françaises. (...)


Du point de vue de la justice économique, Obama, c'est juste un Sarkozy noir. Bien sûr, ce n'est pas un problème pour Sarkozy, mais c'est un problème pour tous les gens qui se disent de gauche, qui aiment Obama et pensent que l'engagement dans la diversité dont il est le produit va également produire une société plus égalitaire. Le thème central de La Diversité contre l'Egalité, c'est qu'ils se trompent ; la diversité est au service du néolibéralisme, et non son ennemie. »



Walter Ben Michaels, auteur de "La Diversité contre l’Egalité" (Liber, 2009), interviewé par Marianne, 21 février 2009

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lundi, 02 mars 2009

Quand j'entends le mot "culture"....

QUAND J’ENTENDS LE MOT "CULTURE", JE SORS MON HAMBURGER !


La culture étatisée se voulait un élitisme pour tous : elle n’a abouti qu’à une usine à gaz dont seuls les petits malins, les propagandistes, les copains et les coquins, les fumistes, les nullités et les fonctionnaires des arts peuvent comprendre les arcanes. Nous sommes entraînés, avec la masse, dans des expositions temporaires et médiatisées, aux longues queues et à la contemplation du dos et des crânes de nos concitoyens, ce qui, à vrai dire, ne nous change guère de l’univers des fast food. De même, qui n’a pas admiré les théories blasées des publics captifs en tout genre, allant pérégriner dans les lieux "évènementiels", découvrant avec perplexité les inventions géniales de nos installateurs et autres conceptualistes ? Les chiffres occultent la réalité plus sordide d’une société consumériste de moins en moins sensible aux créations profondes, et de moins en moins éduquée à la délectation artistique. Le nombre d’entrées aux musées et autres "espaces" culturels, dont les statistiques sont aussi pertinentes que l’étaient celles de l’industrie soviétique, est inversement proportionnel à ce qui reste de happy few dans une société abêtie par la télévision et cyniquement mercantile.


Mario Resca en tire les conséquences : les nations européennes sont des entreprises dont le patrimoine est le capital qu’ont légué les ancêtres. Il faut le faire fructifier, d’autant plus que l’art contemporain nous a habitués à une connivence intime entre la création et le monde de l’argent. On peut dire par là que Berlusconi achève le processus d’annihilation de l’identité italienne, donc, en grande partie, européenne. »



Claude Bourrinet, "Quand j’entends le mot culture, je sors mon hamburger", VoxNR, 5 février 2009


LE LIBERALISME CONTRE LA CULTURE ET LA MEMOIRE : L’EXEMPLE DE L’ITALIE

mardi, 17 février 2009

Les sortilèges du capitalisme et le réenchantement du monde

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Les sortilèges du capitalisme et le réenchantement du monde

Trouvé sur: http://www.polemia.com/ 

Dans le monde moderne, « tout fonctionne et le fonctionnement entraîne toujours un nouveau fonctionnement, et la technique arrache toujours davantage l’homme à la terre (*). » écrit Heidegger (« Essais et conférences, la question de la technique »). Le principe de l’arraisonnement du monde s’autoalimente en dispositifs toujours plus techniques.

Kant avait déjà noté que la raison arraisonne. Dans le monde moderne la pensée se trouve coupée en deux, la pensée méditante, de plus en plus réduite, et la pensée instrumentale, de plus en plus envahissante. En d’autres termes, les arts mécaniques supplantent les arts libéraux. Au rationalisme qui calcule, met en coupe réglée le monde, il serait tentant d’opposer l’irrationalisme. Mais ce n’est pas ce dernier qui remédie aux maux du premier. Le problème est moins celui de la prédominance des arts mécaniques sur les arts libéraux que de leur disjonction. Le turbocapitalisme et sa logique financière relèvent plus de la magie que de la raison. C’est du coté du monde arraisonné par la technique marchandisante que se situent les sortilèges, et cela dans un processus qui a été bien été mis en lumière par Philippe Pignarre et Isabelle Stengers dans « La sorcellerie capitaliste. Pratiques de désenvoûtement » (La Découverte, 2005).

C’est pourquoi le dépassement du capitalisme ne peut se faire que dans et par le même mouvement que celui de dépassement de l’imaginaire de la marchandise, comme l’ont montré  Ludovic Duhem et Eric Verdure (« Faillite du capitalisme et réenchantement du monde, L’Harmattan », 2006). En conséquence tant de l’épuisement des ressources naturelles que, plus encore, de l’impératif de ménager les ressources humaines, Il va peut-être s’agir (« peut-être » car l’histoire est ouverte) de revenir au sens ancien du mot économie, à savoir économiser, comme le montre Bernard Perret (« Le capitalisme est-il durable ? », Carnets nord, 2008).

C’est encore Heidegger qui écrivait dans « Introduction à la métaphysique » (1935) : « Cette Europe qui, dans un incurable aveuglement, se trouve toujours sur le point de se poignarder elle-même, est prise aujourd'hui dans un étau entre la Russie d'une part et l'Amérique de l'autre. La Russie et l'Amérique sont toutes deux, au point de vue métaphysique, la même chose; la même frénésie sinistre de la technique déchaînée, et de l'organisation sans racines de l'homme normalisé.[ souligné par nous] » La disparition de la Russie soviétique comme régime économique et social rend cette réalité du déchainement sans âme de la technique asservie au profit plus nue encore. Il va falloir trouver la voie d’une réconciliation entre la raison et les techniques, hors de la toute puissance de l’argent, du court-termisme, du bougisme et de l’impératif de rentabilité immédiate. Il nous faut retrouver les deux qualités qu’Aristote (« Ethique à Nicomaque ») attribuait aux non-esclaves, les facultés de délibérer et de choisir (« to bouleutikon », la « boulè » est l’unité de base de la démocratie athénienne, c’est l’assemblée qui délibère, assemblée instituée par Solon et Clisthène), et la faculté de prévoir, l’horizon de ce que l’on souhaite (« proairesis ») – les deux étant liées, comme on le comprendra aisément, l’avenir étant fait de prévisions sur des conditions qui nous échappent en partie et d’actes qui modifient l’avenir et ses conditions mêmes.

L’historien des techniques Alain Gras relève la multiplicité des voies techniques possibles et le caractère très contestable de la notion de progrès au sens linéaire du terme. Il explique : « Ma position première est donc anti-évolutionniste y compris sur le plan de la science et de la technique ». C’est peut-être par là qu’il faut commencer.

Pierre Le Vigan
Février 2009
Correspondance Polémia
07/02/09(*) la terre ne s’entend pas au simple sens de l’éloignement du mode de vie rural bien sûr. Il s’agit de quitter le « sol » sur lequel se déploie le propre de l’homme. En ce sens ce n’est pas forcément le cosmonaute qui s’arrache plus à la terre que l’usager de clubs de vacances au bout du monde par exemple.

Pierre Le Vigan

samedi, 14 février 2009

Wat maakt een leger onoverwinnelijk?

Wat maakt een leger 'onoverwinnelijk'?

Algemeen wordt aangenomen dat het leger van de Verenigde Staten van Amerika het sterkste leger ter wereld is. De VS is “de” leidende macht inzake de ontwikkeling en toepassing van de nieuwste en modernste bewapening, tactieken en opleiding. Toch slaagt het sterkste leger ter wereld er niet in om een “boeren”-leger als dat van de Taliban in Afghanistan te verslaan. Integendeel zelfs, de Taliban is na al die jaren er enkel nog sterker uit gekomen. Toch beschikt de Taliban naar schatting over gevoelig minder troepen dan de coalitiestrijdkrachten die toch meer dan superieur bewapend zijn. Hoe is het mogelijk dat het meest technologische leger van de wereld hier niet kan zegevieren?

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lundi, 02 février 2009

Quelques notes sur la notion d' "aristocratie"

 

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Quelques notes sur la notion d'«aristocratie»

par Philippe JOUET


Un projet politique, projet culturel, reposant né­cessairement sur un certain nombre de choix éthi­ques qui expriment, à l'aide de références choi­sies tenues pour cohérentes, les aspirations, les idéaux, la culture de leurs promoteurs.


De toutes ces références, de ces «mots-clés» qui s'affrontent, s'appuient et se repoussent au gré des «combats d'idées», il en est une, pas la plus employée ni la plus claire, qui mérite qu'on s'y arrête: celle d'«aristocratie» qui poursuit, çà et là, une carrière idéologique déjà ancienne. Le terme est suffisamment vague pour qu'on l'admette sans examen et, de plus, il est évocateur d'his­toi­re(s). C'est cependant un terme suspect, au con­te­nu ambigu et dont l'usage ne va pas de soi. Son insignifiance politique présente contraste plaisam­ment avec l'abus que l'on en peut faire dans cer­tains milieux droitistes. C'est pourquoi tout débat sur la notion d'«aristocratie» doit commencer par une clarification sémantique. Ce faisant, on n'é­chap­pera pas, et l'on s'en excuse, aux détermi­na­tions intellectuelles de l'espace francophone. Mais si le mot est d'introduction ré­cente en fran­çais (le terme aristocratie, latinisé dans les traduc­tions d'Aristote, n'est usuel qu'à partir de 1750. L'aristocrate date du XVIe s. et ne se vulgarise, si l'on peut dire, qu'à la veille de la révolution (1778, Linguet) (1). La notion est ancienne.


Il faut donc s'attacher à donner des points de repère historiques relatifs à l'origine de cette no­tion, tant il est vrai que le «style aristocratique», quelles que soient les analogies que peuvent pré­senter sur ce point différentes civilisations, ne se laisse définir que dans un milieu culturel donné, en relation avec une situation historique précise. L'«aristocratie chinoise», ou pharaonique, ou in­ca, mais on risquerait alors de méconnaître l'uni­vers mental particulier qui les explique.


Aussi ces quelques notes s'attachent-elles aux données de la tradition indo-européenne, recon­nues comme fondement de la notion européenne d'«aristocratie». On a ainsi accès moins aux réali­tés des aristocraties historiques qu'à l'image que nous permettent d'atteindre les textes les plus an­ciens des cultures indo-européennes.


1.1. Le vocabulaire


Le sens du terme ayant varié au cours des temps, il convient de rechercher les valeurs premières. Si l'on se reporte au grec ancien, on se rend compte que les composés en aris- sont extrêmement nom­breux, de même que les noms de personnes. C'est l'indice d'une notion traditionnelle conser­vée par le formulaire et comme telle révélatrice des idéaux du peuple qui l'utilise, donc une no­tion fondamentale.


áristos sert de superlatif à ágathós «bon», et s'ap­plique à l'«excellent», au «meilleur», au «plus brave», au «plus noble». L'aristocrate est donc celui qui se distingue dans un emploi précis, jugé essentiel par la tradition nationale. A l'origi­ne, l'emploi devait être guerrier, l'áristeus étant «celui qui tient le premier rang», le «chef le plus distingué, le plus brave». Chez Homère, le terme s'applique à la suite ou à l'entourage des rois (Iliade 15, 363; 23, 236, etc…), d'où l'épique án­dres áristèes. L'áristeía est la supé­riorité, no­tamment la vaillance et, au pluriel, les hauts faits, les exploits qui procurent la gloire ári-prepéoos «impérissable». Aussi trouve-t-on l'adverbe ári-prepréoos «avec distinction, supé­rieurement». La notion de hiérarchie, ou mieux de hiérarchi­sa­tion (active) des mérites n'est pas loin et se traduit dans le vocabulaire du gouver­nement: áristarxéoo est «exercer la magistrature avec distinction», on classe les hommes áristín­dèn «par rang de no­blesse ou de mérite». L'idéal social d'áristeúoo «ex­celler» entretient les espé­rances lignagères, d'où le composé áristo-gónos «qui enfante les plus nobles fils». L'áristokratía est donc le «gou­vernement des plus puissants ou des meilleurs». L'«aristocratie» est donc une no­tion issue de l'ex­périence sociale, vérifiée et somme toute relative. Elle n'est pas un concept métaphysique.


1.2. Dans la tradition indo-européenne


1.2.1. L'individu dans le groupe


On remarque l'association de l'«aristocratie», qui est un terme composé et donc secondaire par rap­port à la notion d'aristeia, constatée, éprouvée dans les faits, avec les valeurs guerrières et la compétition sociale. Le rapport avec Indien arya- est probable mais le sens de ce dernier terme est discuté (2): l'arí- (avec sa personnification le dieu Aryaman) désigne la confédération des tribus qui constitue la «nation», tous ceux qui se revendi­quent du même «naître»; mais en même temps qu'il désigne la communauté nationale par op­position aux non-aryens, arí- désigne l'étranger à la famille, au clan et à la tribu. Emile Benvéniste a pu écrire que le style indo-européen était «a­ristocratique» et Meillet n'a pas dit autre chose: l'analyse du vocabulaire hérité montre que l'indo-européen «est une langue de chefs et d'orga­nisa­teurs imposée par le prestige d'une aristocratie» (3). L'étude du formulaire tradition­nel confirme cette impression d'ensemble: «on y trouve l'ima­ge d'une fière aristocratie guerrière, qui aime la vie, les larges espaces, les biens de ce monde et par-dessus tout la gloire, et qui con­sacre à l'éle­vage, aux sports équestres et à la chasse les loi­sirs du temps de paix. Aristocratie pour qui le «caractère» (*ménos) est la qualité es­sentielle de l'homme, et la gloire (*kléwos «ce qu'on en­tend») le but suprême de l'existence» (4). Nul doute que l'organisation distendue de la «nation» entre clans rivaux et compétiteurs a fa­vorisé la sélection de ces «aristocraties» guer­rières. Tel est encore le mode d'organisation de plusieurs peu­ples indo-européens historiques, en particulier les Celtes de l'Antiquité et du Haut Moyen Age irlan­dais.


L'«aristocratie» se laisse ainsi définir comme la recherche et la maîtrise d'une perfection technique dans les activités caractéristiques de son mode de vie et génératrices de hauts faits. Les exploits du guer­rier lui valent la gloire, la «bonne réputation» qui fait que l'on parlera de lui. C'est le seul mo­yen de conquérir l'immortalité, car la gloire est «im­périssable» (formule reconstruite à partir de védique áksitan ´srávah et grec homérique kléos áphthiton (5)). Le meilleur échappera ainsi à l'a­no­nymat de la «seconde mort» qui est le lot com­mun de ceux que guette l'oubli.


Comment cette idéologie d'apparence très «in­di­viduelle» s'inscrit-elle dans une doctrine sociale éminemment communautaire, entretenue par une tra­dition orale nécessairement supra-in­dividuelle? C'est d'abord que la recherche de gloire profite au groupe tout entier, puisqu'elle lui assure la maîtrise du «large espace», de l'«espace pour vi­vre». Ainsi les cosmogonies vantent les exploits du héros qui a fixé le soleil et repoussé les Té­nè­bres (Indra), servant en cela l'Ordre divin et ren­dant possible la vie du peuple et de l'univers (li­bé­ration des eaux/vaches/aurores). La victoire mi­li­taire permet aussi l'instauration du sacrifice, l'or­ganisation mystique de l'espace, la maîtrise dis­tinctive des champs de pouvoir (les différents ager de Rome). C'est aussi parce que la réussite individuelle renforce le sens de la lignée dont la famille, le premier des cercles de l'appartenance sociale, est l'expression synchronique: «Les de­voirs envers la lignée sont ceux du système que les sociologues nomment trustee, «caractérisé par la croyance que la race, la lignée étaient la réalité métaphysique, et que l'individu n'était qu'un mail­lon transitoire d'une chaîne permanente de la famille idéalement éternelle, gardant le nom, la ré­putation, le statut et la propriété de la famille en dépôt (in trust) pendant son temps de vie. C'était la responabilité de l'individu de transmettre ce dé­pôt non diminué et si possible accru par sa propre conduite. L'individu acquérait l'immortalité quant la postérité et en particulier ses propres descen­dants se rappelaient son nom avec orgueil et hon­neur» (6)».


Cette conception est inséparable de la solidarité cla­nique (famille étant ici à entendre comme «gran­de famille», élargie à l'ensemble de la pa­ren­té, pratiquement l'unité réelle de la vie natio­nale). C'est d'ailleurs la reconnaissance de la so­lidarité-dépendance qui seule permet l'existence sociale. On peut résumer ainsi E. Benvéniste (7): «En latin et en grec, l'homme libre, *(e)leud­heros, se définit positivement par son appar­te­nance à une «croissance», à une «souche»; à preu­ve, en latin, la désignation des «enfants» (bien nés) par liberi: naître de bonne souche et ê­tre libre, c'est tout un. En germanique, la parenté encore sensible par exemple entre all. frei «libre» et Freund «ami», permet de reconsti­tuer une no­tion primitive de la liberté comme ap­partenance au groupe fermé de ceux qui se nom­ment mutuel­lement «amis». A son appartenance au groupe –de croissance ou d'amis– l'individu doit non seulement d'être libre, mais aussi d'être soi: les dérivés du terme *swe, gr. idiotes «particulier», lat. suus «sien», mais aussi gr. étes, hetaîros «al­lié, compagnon», lat. sodalis «compagnon, col­lè­gue», font entrevoir dans le *swe primitif le nom d'une unité sociale dont chaque membre ne découvre son «soi» que dans «l'entre-soi».


On n'est libre que dans le mesure où on reconnaît sa dépendance de nature, on n'est une personne que dans la mesure où le groupe vous reconnaît. L'aristocratie, la première à suivre le modèle so­cial des sodalités et des unions de lignages, avec le système complexe d'engagements réciproques qu'elles supposent, participe entièrement de cette idéologie de la cohésion sociale, de type pourrait-on dire génétique.


1.2.2. Hiérarchie des valeurs et mobilité sociale.


Les différentes sociétés issues des Indo-Euro­péens ont conservé et cette exaltation de l'excel­lence sociale et le sens corollaire de la hié­rarchi­sa­tion: «Un ensemble formulaire constitué à partir de la racine *kens- «qualifier», «porter un juge­ment de valeur sur» évoque ces mécanismes com­plémentaires (la louange et le blâme). Ainsi la no­tion indo-européenne de *nára(m) ou *nárya-´sám­sa «la qualification des seigneurs» est per­sonnifiée en une entité à la fois crainte et aimée; on en retrouve peut-être le nom dans les anthro­ponymes grecs comme kássandros, kassándra. On se fait une mauvaise réputation (*dus-klewes) en manquant au code d'honneur de la commu­nau­té ou à l'un des devoirs de sa condition» (8).


Les idéaux, les valeurs qui permettent la sélec­tion, l'orientation, la fixation d'un idéal type, ce­lui d'un homme qui tient son «honneur», sont codifiés par la tradition, ensemble des formules et des schèmes notionnels transmis intangiblement (et considérés comme vrais parce que d'origine divine), qui sous-tendent les mythes, les épo­pées, l'onomastique, etc… (9). La qualité d'«a­ris­to­crate», si elle est favorisée par une bonne nais­sance, n'en est pas moins soumise à un juge­ment de valeur communautaire, celui du code so­cial lui-même, et tout manquement à ce code si­gne le déclassement du fautif: si les diri­geants ont des privilèges, ils ont de lourds de­voirs, ressorts de la fatalité historique.


A Rome, une même exigence se retrouve dans le cursus honorum et les distinctions de la titulature, amplissimus, cum primis honestus, bonus, in­fimo loco (10). Chez les Celtes, c'est la distinc­tion irlandaise entre les dee «dieux» et les andee «non dieux», ces derniers étant les cultivateurs, les premiers tous les possesseurs d'un «art».


Dans tous les cas, l'homme bien doué par la na­tu­re ou les dieux chargés de la distribution des dons (nordique gaefumadhr) doit en faire la preuve et les mettre au service de son lignage et donc de son clan.


Lorsque l'homme d'exception, dont le type «litté­rai­re» le plus connu est le héros homérique, vient à succomber sous les coups des hommes, des dieux, ou de quelque alliance des deux vou­lue par le destin, le drame prend des proportions déme­su­rées et dévoile brutalement le tragique de la «va­leur mortelle». Ainsi dans le récit irlandais de La Mort tragique des Enfants de Tuireann, le vieux père qui se lamente sur la mort héroïque mais injuste de ses trois fils laisse échapper cette plainte: «le pire est qu'ils n'aient pas d'égaux vi­vants». Même personnelle, la douleur humaine ne prend tout son sens que par le drame plus général dont elle participe: le drame de la qualité, l'atteinte irréparable faite à «ce qu'il y a de meilleur» dans l'humanité.


1.3. Hommes qualifiés et hommes du commun


Une dualité remontant à la période commune, cel­le des Indo-Européens indivis, est celle des hom­mes supérieurs par leur qualification, les *ner–es, et des hommes du commun, les *wiro–. Les pre­miers sont associés au sacré, les seconds au bé­tail. A Rome, le patriciat était détenteur des sacra face à la plèbe occupée à la troisième fonc­tion. On se souviendra utilement que le chef de famille é­tait à l'origine le maître du sacrifice (essentiel­le­ment familial). Remarquable est ce­pendant la mo­bilité sociale des sociétés indo-eu­ropéennes histo­ri­ques: faible importance de l'esclavage en dehors de la Méditerranée, impor­tance à Rome des homi­nes noui, selon le mérite: «les Romains de la fin de la République sont per­suadés de l'existence dès l'époque royale, d'une hiérarchisation fondée sur les qualités. Tite-Live prête à Tanaquil l'idée que Rome est le lieu où la noblesse et le premier rang sont promis «forti ac strenuo viro» (…) Tant et si bien que l'histoire de Rome apporte toujours en première ligne des in­dividualités nouvelles: pa­triciens d'abords, plé­béiens ensuite,alienigenas mé­­ritants même sont succesivement et progressi­vement amenés à jouer les premiers rôles» (11).


Il s'ensuit que les distinctions sociales sont mar­quées. Elles se fondaient à l'origine sur l'exercice de la puissance et la capacité de faire durer le grou­pe clanique dans les vicissitudes de l'histoi­re. Dans les sociétés historiques, elle s'exprime par un compromis entre la nécessaire stabilité (con­servatrice) et l'appétit des nouvelles élites (dy­namique). Dans tous les cas, la renom­mée, la gloire, la bonne réputation, héritage d'une civili­sa­­tion sans écriture et d'une «shame culture» pro­to-historique, restent le moteur de la sélection. Si­gni­ficativement, le «prix de l'honneur» est en cel­ti­que brittonique l'enebwerth, le «prix du vi­sa­ge», un visage qu'une satire bien décochée peut à tout jamais flétrir.


1.4. Justification des hiérarchies: l'aristocratie comme principe «diurne».


Une chose est de constater l'existence d'individus mieux doués que les autres (dans un système don­né, selon des critères donnés), une autre de l'ex­pliquer. Dans leur plus ancienne religion, les Indo-Européens ont mis en rapport les compor­tements, les domaines éthiques avec des couleurs symboliques issues de la cosmologie. Ce rap­port a été récemment souligné par le Pr. Jean Hau­dry dans un série d'études relatives à la cos­mologie reconstruite (12). Il sert en quelque sorte de «justification» naturelle et supra-humaine au «principe d'aristocratie».


Selon la plus ancienne cosmologie indo-euro­péen­ne, reconstruite, trois cieux tournent autour de la terre. Un ciel diurne blanc (*dyew), un ciel au­roral et crépusculaire rouge (régwos) et un ciel nocturne noir (*ne/okwt). De ces trois cieux vien­nent les «trois couleurs» cosmiques: «Qu'il s'a­gisse du monde, de la société ou de l'être in­di­vi­duel, nous trouvons invariablement, à la base de la conception indo-européenne, une triade de cou­leurs: le blanc, le rouge et le noir. Pour l'être in­dividuel, on parle de trois «qualités», de trois «principes spirituels»: les Indiens disent «trois fils» (guna) mais à chacun de ces «fils» est atta­chée une couleur: le sattva («bonté») est un prin­cipe luminueux, blanc éclatant; le rajas («l'ar­deur», «passion») est un principe rouge; le tamas «inertie spirituelle» est un principe noir, la «té­nè­bre». Pour la société, on parle de trois «fonc­tions» à la suite de G. Dumézil, qui a jadis postu­lé imprudemment trois «classes sociales» corres­pondantes, comme si la vision du monde était né­cessairement le reflet de la réalité sociale. En fait, comme l'indiquent le terme indien de varna et le ter­me avestique de pistra – désignant les trois cas­tes aryennes–, ces castes sont fonda­mentalement des "couleurs" (13)».


En chacun se mêlent plus ou moins heureusement ces trois composantes. Dans le Chant de Rígr de l'Edda, Noble est blond, pâle, Karl (Paysan li­bre) est roux et Thraell (Serviteur) a la peau som­bre. Diverses valeurs, des éthiques et des de­voirs différents traduisent ces différences de par­ticipa­tion aux trois couleurs cosmiques (qui se retrou­vent aussi chez les héroïnes «aurorales» de nos contes populaires). D'autres faits (14) con­firment que l'«allure» est une caractéristique du rang so­cial. De fait, dans toutes les provinces du monde indo-européen, l'opposition des castes ou des clas­ses est d'abord celle des caractères. Ainsi s'ex­pliquent toutes ces légendes de fils de rois ou de nobles élevés modestement, loin de leur milieu d'origine, mais qui parvenus à l'adolescnece font la preuve de leurs vertus intrinsèques: ce qui est «par nature» ne peut se cacher longtemps. La ra­ci­ne *men ne désigne pas particulièrement les ac­tivités de l'intellect, mais s'applique à la puis­san­ce de la vie psychique traduite en actes, d'où l'é­qui­valence grecque ieron ménos Alkinóoio = Al­ki­noos lui-même. Celui qui possède cette ar­deur, cette force, est dit avoir «le caractère d'un sei­gneur» (*nr-menes–).


De tout cela se dégage une hiérarchie que l'on peut schématiser en l'ordonnant sur les trois «do­maines d'activité» reconnus par la tradition: la pen­sée, la parole et l'action (15):

1. Principe clair, relatif au ciel-diurne:

- La pensée est fidèle à la tradition, droite, sans ar­rière-pensée, réfléchie, consciente de sa fin.

- La parole est rare, sensée, efficace, «bien ajus­tée» (16), parfois énigmatique (thème de la «lan­gue des dieux»).

- L'acte est techniquement irréprochable.


2. Principe rouge, relatif au ciel-crépusculaire (et au­roral):

- L'esprit est peu réfléchi, sensible aux sollicita­tions, tourné vers l'acte.

- La parole, parfois imprudente, provoque l'ac­tion dont elle peut être un agent (défi hé­roïque).

- L'action est la raison d'être de l'individu.


3. Principe noir, relatif au ciel-nocturne dans son as­pect négatif:

- L'esprit est vide, irréfléchi, lent.

- La parole est pauvre ou se réduit à un vain ba­var­dage.

- L'action est tout entière dans l'obéissance, dé­pour­vue d'initiative personnelle.


Ce tableau ne se confond pas avec celui de la «tri­partition fonctionnelle» dégagée par G. Dumézil, pas plus qu'avec le système quadriparti indien (trois castes aryennes, qui sacrifient, + les su­dra). Le type supérieur qui tend vers la clarté diur­ne est ici celui de l'aristocratie guerrière dé­ten­trice des sacra (l'invention d'une classe sacer­dotale peut être récente chez les Indo-Européens. Quoi qu'en aient dit certains auteurs, les druides celtiques ne sont que les auxiliaires de la royauté sacrée (17)). C'est à cette aristocratie que se rap­portent les qualités diurnes: la perfection tech­ni­que du dire et du faire, le physique irrépro­chable, qui signalent aux yeux de tous l'être «porteur du vrai», celui qui rayonne de la puis­sance magique de ce qui est «bien ajusté».


Il est facile de retrouver dans les protagonistes du mythe et de l'épopée la mise en œuvre de ces prin­cipes d'organisation. La classe aristocratique, en dépit de son endogamie protectrice et de son sys­tème d'éducation par fosterage, garant de ses alliances et de son homogénéité (d'où le sens de Germ. Edel et d'Irl. aite), n'apparaît pas figée u­ne fois pour toutes, mais soumise elle aussi aux exigences du renouvellement comme au principe de «décadence».


Elle est d'abord, ou se doit d'être, une réalité cons­tatée et estimée pour les services qu'elle peut rendre. Estimée d'abord par les chefs eux-mê­mes, dépositaires de la tradition, et exaltée par les poètes gardiens de la mémoire nationale, mais aus­si par la communauté des hommes libres. La con­ci­liation des trois ordres de comportements, des trois natures de l'être individuel, leur mise en harmonie, leur «attelage» se manifestent dans un personnage supérieur, le roi, incarnation de son peu­ple. Position risquée, car le roi, qui par son nom di–rige, est le premier responsable de l'or­dre cosmique. De fait, une disette, une atteinte na­­tu­relle au bien-être de la communauté, la dé­fa­veur des dieux, sont souvent interprétées comme un affaiblissement du charisme royal, de son effi­cacité mystique, d'où la «mort sacrificielle du roi» celtique, si bien commentée par Mme Clé­men­ce Ramnoux (18).


1.5. La décadence.


La décadence est causée par l'éloignement du prin­cipe diurne, dans l'ordre biologique, poli­ti­que, moral. Chacun connaît la doctrine hésio­di­que des Ages du Monde et la conception in­dienne des Ages, le dernier étant le kali-yuga, dominé par le principe noir. Pour Platon (République 547 ss.) on passe de la «timocratie» (gouver­ne­ment de l'honneur) aristocratique à l'oligarchie plou­tocratique, puis à la démocratie. L'anarchie en­gendre ensuite la tyrannie. La dis­parition, la per­­version de l'aristocratie marque donc la dégra­dation des principes de l'«Age d'or». En outre, la décadence est liée au devenir cosmique: ce qui s'efface dans tous les ordres, c'est la capacité à reconnaître la supériorité du principe diurne (19).


1.6. Idéaltype hérité.


L'«aristocratie» indo-européenne est, pour autant qu'on se la puisse représenter, un idéal éthique, esthétique, moral, qui se retrouve à l'époque his­to­rique dans les littératures européennes qui ont hérité de la communauté originelle le fonds et souvent la forme de leurs constructions.


Mais cet «idéal» contraignant résulte bien d'un choix initial, probablement issu d'une sélection culturelle et biologique, celle qui a donné nais­sance, à partir d'un fond commun prénéolithique, à un peuple particulier qui en a été le propagateur. Il est permis de penser que la communauté indo-européenne indivise représente assez largement ce type moral (psychique, physique).


2. Aristocratie

et forme sociale


L'aristocratie est donc au mieux la partie «active» et «rayonnante» du peuple. Au pire, lorsque les liens sociaux sont distendus et que le sentiment de la solidarité sociale se défait, elle peut devenir une caste parasitaire, ressentie comme telle, et com­battue en conséquence par un peuple qui la considère comme un «corps étranger» (ce fut le sort des aristocrates «usés» de l'Ancien Régime fran­çais).


Dans les sociétés de l'Europe préchrétienne, les de­voirs des différentes «fonctions» reflètent la gran­de variété de l'«excellence» sociale. De mê­me, le charisme solaire nommé xvar°nah– dans l'A­vesta est triple: il y a celui des prêtres, celui des guerriers, celui des éleveurs, et c'est la perte de ces trois charismes qui entraîne la décadence du royaume de Yima.


2.1. Aristocratie/Peuple


A dire vrai, l'«aristocratie» est ce qui porte à leur perfection les qualités latentes dans l'ensemble du corps social (la*teuta). Elles sont donc l'expres­sion d'une qualification globale, celle qui relie tous les membres de la nation, quelle que soit par ailleurs leur activité sociale. Il n'est d'aristocratie que par rapport à un ensemble qui lui donne son sens. La stérile dialectique de l'«élite« et de la «mas­se», qui a pris une si grande ampleur dans la pensée française (conséquence des difficultés i­den­titaires de la «nation française» elle-même), re­lève d'une conception viciée du corps social. Trop souvent on définit l'élite (ce qui est «hors du rang») contre le peuple, alors que l'aristo­cra­tie, conformément à l'étymologie, devrait être le «meilleur du peuple» dans l'exercice de son «pou­voir» formateur (kratos). Comme telle il s'a­git d'un faisceau de qualités, d'une veine qui peut être recouverte par d'autres courants, d'autres re­présentations, d'autres «aristocraties», autres par leur éthique, leur sys­tème de pensée, leur «outil­la­ge mental» et parfois mais pas nécessairement leur origine ethnique.


2.2. Finalité de l'aristocratie?


Le conflit des peuples, des classes, des idées, tout cela se recoupant de toutes les façons, est tou­jours, en dernière analyse, une lutte destinée à établir une aristocratie destinée à servir de mo­dè­le social et devant tôt ou tard conformer à son ima­ge les groupes dirigés, ses tributaires. Les grands systèmes égalitaires n'échappent pas à ce schéma: Prophètes, dirigeants politiques, «fonda­teurs» de millénarismes, il y a toujours un groupe «en avance». La supériorité spatiale des ancien­nes élites s'est simplement transformée en supé­rio­rité temporelle: C'est la logique des «avant-gar­des».


C'est précisément la nature égalitaire ou inégali­taire de l'idéologie dominante qui fonde la raison d'être de l'aristocratie, sa finalité. Le contraste en­tre les sociétés égalitaires qui imposent à tous un stéréotype d'humanité, et les sociétés diffé­ren­tialistes de type holiste qui tolèrent et requiè­rent le jeu de plusieurs idéaltypes à l'intérieur de la mê­me «vue-du-monde» (type des «trois fonc­tions») se traduit dans l'appréhension même du temps et du devenir. Alors que les premières sont généra­le­ment progressistes et entendent trouver la fin de l'espèce dans la fin de l'histoire, les se­condes, sensibles à la notion cyclique de déca­dence, re­cher­chent leur fin dans une réalisation historique vouée à de perpétuelles métamor­phoses. Pour elles, la fin de l'humanité ne se trouve pas dans un au-delà inaccessible, mais dans la difficile réa­li­sation d'un idéal humain tenu pour supérieur (i.e. aristocratique). Un tel idéal est par nature sou­­mis à l'usure du temps, il n'est jamais «a­che­vé», il doit donc toujours être «construit». C'est pourquoi l'appel aux forces divines et les qualités supra-humaines du héros sont fréquemment ex­po­sés sur le mode tragique dans les mythes et les épopées de l'Europe an­tique: réduit à lui-même, pri­vé du secours de ses dieux, l'individu ne pour­rait se hausser jusqu'à la sur-nature que sa tradi­tion nationale lui fait un devoir d'atteindre. Mais l'humanité «ordinaire» n'est pas tenue à une telle «hé­roïsation», qui reste exceptionnelle. On sait qu'el­le a, par nature, d'autres préoccupations.


3. Recours à la tradition?


Il n'est pas illégitime de s'interroger sur le sens que peut garder aujourd'hui, dans le monde tel qu'il est, ce que nous pouvons atteindre de la «tra­dition indo-européenne». On peut le faire, cons­cient qu'une tradition ne s'efface jamais tout à fait pour peu qu'elle soit transmise, (et à la con­dition de ne pas se laisser enfermer dans la systé­matique du «traditionnalisme» intégral et univer­sel d'un René Guénon ou d'un A.K. Cooma­ras­wa­my). On constatera qu'à l'évidence, les fins de la société occidentale sont fort peu compatibles avec les «valeurs héritées». Cas de figure expres­sément prévu par la tradition elle-même, sous les vocables d'«âge noir», d'«âge de fer» ou de «mau­vais temps» (olc aimser irlandais de la Pré­diction de la Bodb), d'ailleurs équilibré par la cro­yance, elle aussi cyclique, au retour progressif de l'«âge d'or» (20).


Mais enfin, les questions fondamentales aux­quel­les toute tradition se veut une réponse —à cet é­gard, l'humanité n'est qu'un concert d'impréca­tions—, n'ont pas changé: quelle confi­guration don­ner à la cité? Quelles limites dessi­ner? Quels in­terdits formuler? A qui attribuer le titre de bo­nus uir, de uir integer? Par quoi définir le sens d'un «bien», qui doit être aussi celui d'un «mal»? Et, dans ce cas, quelles définitions don­ner d'une éventuelle «aristocratie»? A cela, quelques remar­ques et deux textes anciens servi­ront non de «ré­pon­se» (il n'y a pas de réponse à ces questions) mais d'accompagnement:


a) Si l'«aristocratie» est le «gouvernement des meilleurs», on se souviendra qu'aristos est utilisé comme superlatif d'agathos «bon». L'aristos n'est qu'une concentration exceptionnelle de «ce qui est bon». Les aristoi sont les individus qui ma­nifestent avec le plus de force ce «bien» qui don­ne à leur cité force et éclat. Le «gouverne­ment» des meilleurs révèle en fait, qu'il se tra­dui­se ou non en institutions politiques, la puissance d'attraction de «ce qu'il y a de meil­leur dans le peu­ple». En ce sens, la reconnais­sance d'une aris­to­cratie est intimement liée à la conscience du bien commun.


b) Considérée non comme une caste mais comme un principe de vie, l'aristocratie échappe à la dé­fi­ni­tion sommaire. Chaque fonction a son idéal, cha­que ordre a ses aspirations. Mais la figure de l'a­ristocrate, échappant aux catégorismes étroits, surmonte l'histoire et lui survit comme un regret, un sarcasme ou une menace.


c) L'aristocrate n'est donc pas nécessairement ce­lui qui dit les valeurs, les décrit, les représente; ce n'est pas celui qui les explique, c'est celui qui les incarne.


d) C'est par l'aristocratie que le peuple a connu ses dieux et s'est constitué en puissance. L'aris­to­­cratie est ainsi la face claire du peuple, ce qui lui donne son immortalité et sa mémoire, lui rappelle son origine, lui dicte ses espérances.


e) L'acte aristocratique par excellence est donc ce­lui qui étend au sein du peuple le pouvoir du bien, tel que le définit la tradition, dans son voca­bu­laire, ses mythes, ses exempla.


Mot usé et galvaudé, lié à des moments parfois bien douteux de l'histoire, et généralement manié à tort et à travers, sans doute vaut-il mieux ré­duire l'usage argumentaire de l'«aristocratie» et de son «aristocratie». Chacun peut se passer du mot. Mais chacun peut aussi entretenir en lui la part de bien qui lui est fixée, et veiller à protéger, à garantir, à étendre au sein du peuple la part di­vine qui le rendra meilleur (21). C'est cela qui est indispensable.


Est-il tellement vain ou audacieux de penser que l'Aristocratie, c'est notre peuple quand nous l'au­rons rappelé à l'existence?


4. Deux textes

pour s'éclairer


Pour comprendre et méditer, rien de mieux qu'un recours à notre mémoire la plus ancienne. Voici un passage de l'Avesta iranien qui nous dévoile la sollicitude du «Seigneur sage» pour ses créa­tures menacées par l'arrivée du grand hiver cos­mi­que. (Zend–Avesta, Vendidad, fargard 2, tra­duc­tion Darmesteter, Paris 1892, p.20 ss.).


Ahura-Mazda dit à Yíma fils de Vîvanhat (§ 22 ss.):

«Voici que sur le monde des corps vont fondre les hivers de malheur, apportant le froid dur et destructeur. (…) Et tout ce qu'il y a d'animaux dans les lieux les plus désolés et sur le sommet des montagnes et dans les profondeurs des cam­pagnes se réfugiera de ces trois lieux dans des abris souterrains (…). Fais-toi donc un var (abri) long d'une course de cheval sur chacun des qua­tre côtés. Porte là les germes du petit bétail et du gros bétail, et des hommes, et des chiens, des oi­seaux, et des feux rouges et brûlants (…) (§ 27). Tu apporteras là des germes d'homme et de fem­me, les plus grands, les meilleurs, les plus beaux, qui soient sur cette terre (…) (§ 28) (…). Et ces germes, tu les mettras là par couples pour y rester sans périr, aussi longtemps que ces hom­mes resteront dans les vars (§ 29). Il n'y aura là ni difforme par devant ni difforme par derière, ni impuissant, ni égaré; ni méchant, ni trompeur; ni ran­cunier, ni jaloux; ni homme aux dents mal fai­tes, ni lépreux qu'il faut isoler; ni aucun des si­gnes dont añgra Mainyu (le mauvais esprit) mar­que le corps des mortels» (§ 39). «Quelles sont les lumières, ô saint Ahura-Mazda, qui éclairent dans le var qu'a fait Yíma?» (§ 40). «Ahura-Maz­da répondit: «les lumières faites d'elles-mêmes et des lumières faites dans le monde. La seule chose qui manque là, c'est la vue des étoiles, de la lune et du soleil et une année ne semble qu'un jour». (§ 41) (…) et ces hommes vivent de la plus belle des vies dans le var fait par Yíma».


Et un passage tripa? de la Grèce ancienne: Tyrtée, fragment 12:


«Je ne songe pas», dit Tyrtée, à louer un homme parce qu'il court vite et qu'il est bon lutteur, ni s'il a la taille et la force de Cyclones, ni s'il vainc Borée à la course, ni s'il est plus beau que Titho­nos, plus riche que Midas, que Cinyras, ni s'il est roi plus que Pélops, plus éloquent qu'Adras­te, ni s'il se targue de quelque gloire que ce soit, en dehors du courage. Tenir bon dans la bataille, au moment où l'ennemi serre de près, c'est cela, la valeur, et cette louange-là, plus belle que toute autre, est celle qu'un jeune homme doit sou­hai­ter». Cité par M. Delcourt, Légendes et cultes de héros en Grèce, Paris, PUF, 1942, p. 74.


Philippe JOUET.



Notes


(1) Dauzat, Dubois, Mitterand, Dict. étym. de la langue fr., Paris, 1971.

(2) E. Benveniste, Le Vocabulaire des institutions indo-eu­ro­péennes, I, Paris, 1969, p. 367 s., G. Dumézil, «L'arî et les Aryas» in Les Dieux souverains des Indo-Européens, Pa­ris, 1977, p. 233-251.

(3) Introduction à l'étude comparative des langues indo-eu­ro­péennes, 1937, p. 47.

(4) J. Haudry, Les Indo-Européens, «Que sais-je?» n° 1965, Paris, P.U.F., p.15.

(5) Kuhn, in K. Zeitschrift, 2, p. 467; relevée dans Schmitt, Dichtung und Dichtersprache in indogerma­ni­scher Zeit.

(6) C.C. Zimmerman, in J. Haudry, op. cit., p. 32.

(7) op. cit., I, p. 321 s.

(8) Haudry, op. cit., p. 17.

(9) On trouvera une excellente définition de la «tradition indo-européenne» dans le n° 21 de la revue Etudes Indo-Eu­ro­péennes, Institut d'Etudes I-E, Fac. des Langues, Uni­ver­sité Jean Moulin, 74, rue Pasteur, 69007 Lyon. Ici abrégé EIE.

(10) Guy Achard, «La société romaine à la fin de la Ré­pu­blique, une société de classes?», EIE 15, p. 33-42.

(11) G. Achard, loc. cit., p. 40-41.

(12) L'Information grammaticale, n°29, p. 3-11, «La tra­di­tion indo-européenne au regard de la linguistique», La Re­ligion cosmique des Indo-Européens, Archè/Les Belles Let­tres, Milan/Paris, 1987.

(13) Haudry, art. cit., p. 5-6.

(14) Dans EIE 15, p. 43-50. Une étymologie nouvel­le­ment proposée interprète par trois verbes de mouvement les noms des trois classes de la société germanique: °erla d'une racine signifiant «s'élever», le nom de l'Homme libre de °ger- «se mouvoir», le nom du Serviteur de °trek- «cou­rir, se hâter», donc trois manières de se déplacer, perçues dif­fé­rentiellement.

(15) Schème notionnel indo-européen. Voir B. Schlerath, Gedanke, Wort und Werk im Veda und im Awesta, in An­ti­quitates Indogermanicas, Gedenkschrift für H. Güntert, Innsbruck, 1974. Nouvelles attestations dans EIE 9, p. 36.

(16) Lalies, 2, revue, Paris, 1981.

(17) Cf. Ph. Jouët, L'Aurore celtique, à paraître.

(18) Dans une série d'études remarquables récemment réédi­tées: Le Grand Roi d'Irlande, éd. L'Aphélie, Perpignan, 1989.

(19) La notion de décadence a été récemment revisitée par J. Haudry, EIE 1990, p. 99 s. Il semble bien qu'initia­le­ment une phase «ascendante» répondait à la phase «descen­dante» des cycles; cette phase de «progrès» comportait elle-même plusieurs «âges».

(20) Voir la note précédente et les considérations relatives au «roi caché du monde à venir» dans Haudry, Religion cos­mique.

(21) Lire P. Simon, «Le sacré: unité du monde et destin du peu­ple, in Nouvelle Ecole, revue, Paris, n° 37.

00:05 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : politique, aristocratie, histoire, sociologie, élitisme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

jeudi, 29 janvier 2009

Televisie kijken...

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"Televisie kijken is de favoriete afleiding (inactiviteit zou beter passen) voor miljoenen mensen op de planeet. De gemiddelde Amerikaan heeft 15 jaar van zijn leven achter de televisie doorgebracht zodra hij 60 jaar geworden is. De cijfers wijken weinig af hiervan voor vele andere landen. Veel mensen vinden deze activiteit ontspannend. Observeer jezelf maar eens wanneer je voor de televisie zit en je komt er vanzelf achter dat, het gros van de tijd, het beeld je aandacht houdt en je geestelijke activiteit passief blijft. En gedurende de lange tijden dat je praatprogramma's, spelprogramma's, sitcoms of zelfs reclame kijkt, merk je dat je geestelijk vrijwel geen enkele gedachte voortbrengt. Niet alleen ben je al je problemen vergeten, maar je bent zelfs tijdelijk van jezelf bevrijd. Wat kan meer ontspannend dan dat zijn?

Dus, is het televisie kijken dan een manier om een interne ruimte te creëren? Is het de televisie die je aanzet tot aanwezigheid in deze wereld? Helaas niet! Gezien je geest niet aangezet wordt tot het aanhoudend genereren van gedachten gedurende lange perioden, synthetiseert het de geestelijke activiteit juist in de uitzending die je bekijkt. Het synthetiseert een televisie versie van de collectieve- én van de eigen gedachten. Je geest is inactief, maar enkel in de zin dat ze geen eigen gedachten voortbrengt. Echter, het absorbeert wel voortdurend de gedachten en beelden van het beeldscherm, deze activiteit vangt je in een passieve toestand van hypergevoeligheid, vergelijkbaar met hypnose. Het is hierdoor dat deze toestand zich goed verleent voor manipulatie. Zoals de politici zo goed weten, of de belangengroepen en publiciteitsagentschappen, die miljoenen dollars betalen om je te vangen in deze beïnvloedbare toestand. Ze willen dat hun gedachten de jouwe worden en, over het algemeen, slagen ze hierin."


Eckhart Tolle

Bron: Zentropa

Denk daar maar eens een weekje over na...

vendredi, 23 janvier 2009

Zinoviev's "Homo Sovieticus": Communism as Social Entropy

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Zinoviev’s “Homo Sovieticus”: Communism as Social Entropy

Tomislav Sunic

Students and observers of communism consistently encounter the same paradox: On the one hand they attempt to predict the future of communism, yet on the other they must regularly face up to a system that appears unusually static. At Academic gatherings and seminars, and in scholarly treatises, one often hears and reads that communist systems are marred by economic troubles, power sclerosis, ethnic upheavals, and that it is only a matter of time before communism disintegrates. Numerous authors and observers assert that communist systems are maintained in power by the highly secretive nomenklatura, which consists of party potentates who are intensely disliked by the entire civil society. In addition, a growing number of authors argue that with the so-called economic linkages to Western economies, communist systems will eventually sway into the orbit of liberal democracies, or change their legal structure to the point where ideological differences between liberalism and communism will become almost negligible.

The foregoing analyses and predictions about communism are flatly refuted by Alexander Zinoviev, a Russian sociologist, logician, and satirist, whose analyses of communist systems have gained remarkable popularity among European conservatives in the last several years.

According to Zinoviev, it is impossible to study communist systems without rigorous employment of appropriate methodology, training in logic, and a construction of an entirely new conceptual approach. Zinoviev contends that Western observers of communism are seriously mistaken in using social analyses and a conceptual framework appropriate for studying social phenomena in the West, but inappropriate for the analysis of communist systems. He writes:

A camel cannot exist if one places upon it the criteria of a hippopotamus. The opinion of those in the West who consider the Soviet society unstable, and who hope for its soon disintegration from within (aside that they take their desires for realities), is in part due to the fact that they place upon the phenomenon of Soviet society criteria of Western societies, which are alien to the Soviet society.

Zinoviev’s main thesis is that an average citizen living in a communist system -- whom he labels homo sovieticus -- behaves and responds to social stimuli in a similar manner to the way his Western counterpart responds to stimuli of his own social landscape. In practice this means that in communist systems the immense majority of citizens behave, live, and act in accordance with the logic of social entropy laid out by the dominating Marxist ideology. Contrary to widespread liberal beliefs, social entropy in communism is by no means a sign of the system’s terminal illness; in fact it is a positive sign that the system has developed to a social level that permits its citizenry to better cope with the elementary threats, such as wars, economic chaos, famines, or large-scale cataclysms. In short, communism is a system whose social devolution has enabled the masses of communist citizens to develop defensive mechanisms of political self-protection and indefinite biological survival. Using an example that recalls Charles Darwin and Konrad Lorenz, Zinoviev notes that less-developed species often adapt to their habitat better than species with more intricate biological and behavioral capacities. On the evolutionary tree, writes Zinoviev, rats and bugs appear more fragile than, for example, monkeys or dinosaurs, yet in terms of biological survivability, bugs and rats have demonstrated and astounding degree of adaptability to an endlessly changing and threatening environment. The fundamental mistake of liberal observers of communism is to equate political efficiency with political stability. There are political stability. There are political systems that are efficient, but are at the same time politically unstable; and conversely, there are systems which resilient to external threats. To illustrate the stability of communist systems, Zinoviev writes:

A social system whose organization is dominated by entropic principles possesses a high level od stability. Communist society is indeed such a type of association of millions of people in a common whole in which more secure survival, for a more comfortable course of life, and for a favorable position of success.

Zinoviev notes that to “believe in communism” by no means implies only the adherence to the ruling communist elite of the unquestionable acceptance of the communist credo. The belief in communism presupposes first and foremost a peculiar mental attitude whose historical realization has been made possible as a result of primordial egalitarian impulses congenial to all human beings. Throughout man’s biocultural evolution, egalitarian impulses have been held in check by cultural endeavors and civilizational constraints, yet with the advent of mass democracies, resistance to these impulses has become much more difficult. Here is how Zinoviev sees communism:

Civilization is effort; communality is taking the line if least resistance. Communism is the unruly conduct of nature’s elemental forces; civilization sets them rational bounds.

It is for this reason that it is the greatest mistake to think that communism deceives the masses or uses force on them. As the flower and crowning glory of communality, communism represents a type of society which is nearest and dearest to the masses no matter how dreadful the potential consequences for them might be.

Zinoviev refutes the widespread belief that communist power is vested only among party officials, or the so-called nomenklatura. As dismal as the reality of communism is, the system must be understood as a way of life shared by millions of government official, workers, and countless ordinary people scattered in their basic working units, whose chief function is to operate as protective pillars of the society. Crucial to the stability of the communist system is the blending of the party and the people into one whole, and as Zinoviev observes, “the Soviet saying the party and the people are one and the same, is not just a propagandistic password.” The Communist Party is only the repository of an ideology whose purpose is not only to further the objectives of the party members, but primarily to serve as the operating philosophical principle governing social conduct. Zinoviev remarks that Catholicism in the earlier centuries not only served the Pope and clergy; it also provided a pattern of social behavior countless individuals irrespective of their personal feelings toward Christian dogma. Contrary to the assumption of liberal theorists, in communist societies the cleavage between the people and the party is almost nonexistent since rank-and-file party members are recruited from all walks of life and not just from one specific social stratum. To speculate therefore about a hypothetical line that divides the rulers from the ruled, writes Zinoviev in his usual paradoxical tone, is like comparing how “a disemboweled and carved out animal, destined for gastronomic purposes, differs from its original biological whole.”

Admittedly, continues Zinoviev, per capita income is three to four times lower than in capitalist democracies, and as the daily drudgery and bleakness of communist life indicates, life under communism falls well short of the promised paradise. Yet, does this necessarily indicate that the overall quality in a communist society is inferior to that in Western countries? If one considers that an average worker in a communist system puts in three to four hours to his work (for which he usually never gets reprimanded, let alone fears losing his job), then his earnings make the equivalent of the earnings of a worker in a capitalist democracy. Stated in Marxist terminology, a worker in a communist system is not economically exploited but instead “takes the liberty” of allocating to himself the full surplus value of his labor which the state is unable to allocate to him. Hence this popular joke, so firmly entrenched in communist countries, which vividly explains the longevity of the communist way of life: “Nobody can pay me less than as little as I can work.”

Zinoviev dismisses the liberal reductionist perception of economics, which is based on the premise that the validity or efficiency of a country is best revieled by it high economic output or workers’ standard of living. In describing the economics of the Soviet Union, he observes that “the economy in the Soviet Union continues to thrive, regardless of the smart analyses and prognoses of the Western experts, and is in fact in the process of becoming stronger.” The endless liberal speculations about the future of communism, as well as the frequent evaluations about whether capitalist y resulted in patent failures. The more communism changes the more in fact it remains the same. Yet, despite its visible shortcomings, the communist ideal will likely continue to flourish precisely because it successfully projects the popular demand for security and predictability. By contrast, the fundamental weakness of liberal systems is that they have introduced the principles of security and predictability only theoretically and legally, but for reasons of economic efficiency, have so far been unable to put them into practice. For Claude Polin, a French author whose analyses of communist totalitarianism closely parallel Zinoviev’s views, the very economic inefficiency of communism paradoxically, “provides much more chances to [sic] success for a much larger number of individuals than a system founded on competition and reward of talents.” Communism, in short, liberates each individual from all social effort and responsibility, and its internal stasis only reinforces its awesome political stability.

TERROR AS THE METAPHOR
For Zinoviev, communist terror essentially operates according to the laws of dispersed communalism; that is, though the decentralization of power into the myriad of workers’ collectives. As the fundamental linchpins of communism, these collectives carry out not only coercive but also remunerative measures on behalf of and against their members. Upon joining a collective, each person becomes a transparent being who is closely scrutinized by his coworkers, yet at the same time enjoys absolute protection in cases of professional mistakes, absenteeism, shoddy work, and so forth. In such a system it is not only impossible but also counterproductive to contemplate a coup or a riot because the power of collectives is so pervasive that any attempted dissent is likely to hurt the dissenter more than his collective. Seen on the systemic level, Communist terror, therefore, does not emanate from one central source, but from a multitude of centers from the bottom to the top of society, whose foundations, in additions to myriad of collectives, are made up of “basic units,” brigades, or pioneer organizations. If perchance an individual or a group of people succeeds in destroying one center of power, new centers of power will automatically emerge. In this sense, the notion of “democratic centralism,” derided by many liberal observers as just another verbal gimmick of the communist meta-language, signifies a genuine example of egalitarian democracy -- a democracy in which power derives not from the party but from the people. Zinoviev notes:

Even if you wipe out half the population, the first thing that will be restored in the remaining half will be the system of power and administration. There, power is not organized to serve the population: the population is organized as a material required for the functioning of power.

Consequently, it does not appear likely that communism can ever be “improved,” at least not as Westerners understand improvement, because moral, political, and economic corruption of communism is literally spread throughout all pores of the society, and is in fact encouraged by the party elite on a day-to-day basis. The corruption among workers that takes the form of absenteeism, moonlighting, and low output goes hand in hand with corruption and licentiousness of party elite, so that the corruption of the one justifies and legitimatizes the corruption of the others. That communism is a system of collective irresponsibility is indeed not just an empty saying.

IN THE LAND OF THE “WOODEN LANGUAGE”
The corruption of language in communist societies is a phenomenon that until recently has not been sufficiently explored. According to an elaborate communist meta-language that Marxist dialecticians have skillfully developed over the last hundred years, dissidents and political opponents do not fall into the category of “martyrs,” or “freedom fighters” -- terms usually applied to them by Western well-wishers, yet terms are meaningless in the communist vernacular. Not only for the party elite, but for the overwhelming majority of people, dissidents are primarily traitors of democracy, occasionally branded as “fascist agents” or proverbial “CIA spies.” In any case, as Zinoviev indicates, the number of dissidents is constantly dwindling, while the number of their detractors is growing to astounding proportions. Moreover, the process of expatriation of dissidents is basically just one additional effort to dispose of undesirable elements, and thereby secure a total social consensus.

for the masses of citizens, long accustomed to a system circumventing al political “taboo themes,” the very utterance of the word dissident creates the feeling of insecurity and unpredictability. Consequently, before dissidents turn into targets of official ostracism and legal prosecution, most people, including their family members, will often go to great lengths to disavow them. Moreover, given the omnipotent and transparent character of collectives and distorted semantics, potential dissidents cannot have a lasting impact of society. After all, who wants to be associated with somebody who in the popular jargon is a nuisance to social peace and who threatens the already precarious socioeconomic situation of a system that has only recently emerged from the long darkness of terror? Of course, in order to appear democratic the communist media will often encourage spurious criticism of the domestic bureaucracy, economic shortages, or rampant mismanagement, but any serious attempt to question the tenets of economic determinism and the Marxist vulgate will quickly be met with repression. In a society premised on social and psychological transparency, only when things get out of hand, that is, when collectives are no longer capable of bringing a dissident to “his senses,” -- which at any rate is nowadays a relatively rare occurrence -- the police step in. Hence, the phenomenon of citizens’ self-surveillance, so typical of all communist societies, largely explains the stability of the system.

In conclusion, the complexity of the communist enigma remains awesome, despite some valid insights by sovietologists and other related scholars. In fact, one reason why the study of communist society is still embryonic may be ascribed to the constant proliferation of sovietologists, experts, and observers, who seldom shared a unanimous view of the communist phenomenon. Their true expertise, it appears, is not the analysis of the Soviet Union, but rather how to refute each other’s expertise on the Soviet Union. The merit of Zinoviev’s implacable logic is that the abundance of false diagnoses and prognoses of communism results in part from liberal’s own unwillingness to combat social entropy and egalitarian obsession on their own soil and within their own ranks. If liberal systems are truly interested in containing communism, they must first reexamine their own egalitarian premises and protocommunist appetites.

What causes communism? Why does communism still appear so attractive (albeit in constantly new derivatives) despite its obvious empirical bankruptcy? Why cannot purportedly democratic liberalism come to terms with its ideological opponents despite visible economic advantages? Probably on should first examine the dynamics of all egalitarian and economic beliefs and doctrines, including those of liberalism, before one starts criticizing the gulags and psychiatric hospitals.

Zinoviev rejects the notion that the Soviet of total political consolidation that can now freely permit all kinds of liberal experiments. After all, what threatens communism?

Regardless of what the future holds for communist societies, one must agree with Zinoviev that the much-vaunted affluence of the West is not necessarily a sign of Western stability. The constant reference to affluence as the sole criterion for judging political systems does not often seem persuasive. The received wisdom among (American) conservatives is that the United States must outgun or out spend the Soviet Union to convince the Soviets that capitalism is a superior system. Conservatives and others believe that with this show of affluence, Soviet leaders will gradually come to the conclusion that their systems is obsolete. Yet in the process of competition, liberal democracies may ignore other problems. If one settles for the platitude that the Soviet society is economically bankrupt, then one must also acknowledge that the United States is the world’s largest debtor and that another crash on Wall Street may well lead to the further appeal of various socialistic and pseudosocialist beliefs. Liberal society, despite its material advantages, constantly depends on its “self-evident” economic miracles. Such a society, particularly when it seeks peace at any price, may some day realize that there is also an impossibly high price to pay in order to preserve it.

[The World and I   (Washington Times Co.), June, 1989]

Mr. Sunic, a former US professor and a former Croat diplomat, holds a Ph.D. in political science. He is the author of several books. He currently resides in Europe.

http://doctorsunic.netfirms.com

jeudi, 22 janvier 2009

Le régime de votre grand-père

Le régime de votre grand-père

Par Zentropa

 

 

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Encore une fois est venu le temps des bonnes résolutions du nouvel an. De nombreux hommes vont ainsi prendre l’engagement de se remettre en forme et de perdre du poids. Ces derniers se sont certainement déjà bien documentés sur les moyens d’y parvenir, en particulier en regardant la télévision, en feuilletant discrètement des bouquins de régimes à la librairie ou en lisant des articles prétendants avoir enfin trouvé la solution miracle à l’embonpoint. En général, les solutions modernes incluent des substituts alimentaires du genre milk-shake ou des coupe-faims, manger plus souvent mais moins, couper sur les protéines ou créer des programmes d’entraînement super exigeants.

Avec toutes ses infos en main, on pourrait penser que tous les hommes modernes seraient plus en forme que leurs ancêtres. Le fait est que ce n’est pas vraiment le cas. Paradoxalement, nos ventres ont grossis proportionnellement à notre connaissance en matière de santé. Au lieu de rendre les gens moins gros, la cacophonie sur les régimes et autres nouvelles études tendent à nous faire oublier qu’être en forme est en fait assez simple. Nos grands-parents n’ont jamais passé leur temps à peser le poids de la portion de poulet dans leur assiette ou à chercher de nouveaux exercices physiques pour se bâtir un corps de rêve. Ils travaillaient, élevaient une famille et profitaient de la vie. Le reste venait naturellement.

Bien sûr si votre but est d’être taillé comme un dieu grec, le régime de grand-père ne suffira pas, mais si vous désirez seulement être en forme, sans rondeurs excessives, il vous permettra probablement d’atteindre votre but.

1- Ne rien manger qui vienne d’une boite, d’un tube ou d’un sac. Votre grand-père n’aurait probablement pas considéré cela comme de la nourriture. Les plats cuisinés tout près, les conserves ou autres sacs de chips sont plein de colorants, de conservateurs, de sel ce qui explique qu’ils peuvent rester des mois dans vos placards. Non seulement les conservateurs ne sont pas excellents pour la santé mais certaines sociétés incluent aussi des produits qui trompent le sentiment de satiété et ainsi poussent à manger plus. Au lieu de cela, on peut baser son régime alimentaire sur des produits frais. Votre grand-père mangeait de tout et suivait les saisons. Ainsi il achetait des produits locaux et éventuellement cultivait un jardin l’été. Cela permet de faire un lien avec ce qu’est vraiment la nourriture et d’où elle vient et ainsi de l’apprécier et d’être reconnaissant qu’elle soit sur la table.

2- Le gras et les protéines ne sont pas des ennemis. Votre grand-père aurait pensé que votre mayonnaise ou votre yogourt allégé ont un goût ignoble. Lui ne se privait pas pour manger un peu de gras et de la viande aussi souvent que possible. Les études récentes tendent d’ailleurs à discuter les effets néfastes des gras saturés. Le gras et les protéines permettent un sentiment de satiété durable et de bâtir des muscles solides et élèvent le niveau de testostérone.

3- Prendre le temps de manger. Contrôler son poids est simple, il suffit de respecter un principe : manger quand on a faim, arrêter quand on a plus faim. Malheureusement, face aux distractions modernes, le rythme rapide de nos vies, les hommes perdent un peu le sens du sentiment faim/satiété. Aujourd’hui, nous mangeons souvent sur le pouce, s’empiffrant d’un sandwich ou d’un hamburger arrosé copieusement d’un soda. Nos grands-parents se nourrissaient à des heures régulières, à table, entouré de la famille ou d’amis. Ils mangeaient lentement afin d’apprécier la nourriture et la conversation. Ils buvaient de l’eau ou du vin. La télévision était éteinte et n’envoyaient pas de SMS au milieu du repas.

4- Contrôler les portions. Nos grands-parents mangeaient de tout, ils ne pesaient pas les portions sur une balance ou calculaient les calories de chaque repas. Ils consommaient ce qui leur faisait plaisir. Pourtant, ils n’étaient pas pour autant obèses. La raison est certainement la taille des portions. Nos grands-parents savaient que la nourriture coûte cher et ne la gaspillaient pas. Aujourd’hui, il est de plus en plus difficile de trouver des portions raisonnables. Les restaurants ont augmenté la taille des assiettes pour s’attirer les faveurs des clients. Ainsi, aucun aliment ne devrait être enlevé d’un régime alimentaire mais le mot d’ordre est la modération. À la maison, on devrait se servir une portion raisonnable et manger lentement afin de laisser le temps au sentiment de satiété de s’installer. Précisons enfin qu’en général, nos grands-parents avaient un travail manuel et donc bougeaient beaucoup. Pour l’homme moderne, sédentaire par excellence, un peu de sport est donc recommandé!


 

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mercredi, 21 janvier 2009

Habermas sur la défensive: politique, philosophie et polémique

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Archives de SYNERGIES EUROPÉENNES / CRITICON (Munich) - ORIENTATIONS (Bruxelles) - Février 1988

Habermas sur la défensive:

Politique, philosophie et polémique

par Hans-Christof Kraus

N.B.: Ce texte est en même temps une recension critique de deux ouvrages récents de Jürgen Habermas:  Die Neue Unübersichtlichkeit (Francfort, Suhrkamp Verlag, 1985, 269 p., 14 DM) et  Der philosophische Diskurs der Moderne (Francfort, Suhrkamp Verlag, 1985, 450 p., 36 DM), recueil de douze cours. Dans le texte ci-dessous, ces deux livres sont indiqués par les abréviations NU et PhD.

Incroyable mais vrai: Jürgen Habermas, la tête pensante la plus en vue et la plus féconde de la gauche ouest-al-le-mande, est sur la défensive. Lui qui proclamait encore en 1979: "Je tiens à passer pour un mar-xiste" (1), se plaint aujourd'hui avec cette faconde dont il a le secret, de ce que "les efforts de la praxis philosophique pour re-for-muler le projet de la modernité dans une optique marxiste ont perdu de leur crédibilité" (PhD, 380). Le socia-lisme, il ne peut, au mieux, que le définir a contrario: "Le socialisme consiste avant tout à savoir ce dont on ne veut pas" (NU, 73). Quant au capitalisme, il n'est peut-être pas si condamnable que cela! "Faisons donc vio-lence à nos sentiments: le capitalisme a été un franc succès, au moins sur le plan de la reproduction maté-rielle, et il l'est toujours" (NU, 194). Faussement perspicace, Habermas pérore sur la "singulière évanescence d'un certain type de progrès" (NU, 67) qui serait (quelle découverte!) "le propre des peuples qui n'ont pas eu leur révolution" (NU, 68).

Habermas manie la litote avec bonheur. Et donne dans la modestie: "Je ne suis pas un producteur de Weltan-schauung;  je voudrais en fait laisser quelques petites vérités. Pas une seule et grande Vérité". Il faut dire qu'il a dé-jà mis au rancart la "conception élitaire de la Vérité chez les Anciens", qu'il considère comme un "mythe creux". Pour finir, il se drape avec une feinte irritation dans le rôle de "l'auteur inactuel" auquel le temps pré-sent n'est pas particulièrement propice et ne manifeste qu'un goût mitigé pour sa théorie de la "rationalité com-municative" (NU, 179).

Contre les rénégats de la gauche et les conservateurs impénitents!

A partir de cette position défensive, et se rappelant que "l'attaque est la meilleure défense", Habermas prend pour cible deux catégories d'adversaires dont il tente de minimiser les différences: d'une part, les renégats de la gauche, espèce particulièrement prolifique en France (Foucault, Glücksmann, Lévy, Lyotard), chez lesquels il croit déceler "les thèmes bien connus de la contre-Aufklärung": les "théories sur la puissance" propres au "pessimisme bourgeois" de Hobbes à Nietzsche; celles-ci ne seraient plus que des "positions de repli pour trans-fuges désabusés" (PhD, 302, note 26). Bien entendu, Habermas ne se pose à aucun moment la seule ques-tion intéressante qui puisse être posée: pourquoi ce sont précisément d'anciens gauchistes que l'on trouve au-jour-d'hui prêts à "sacrifier leur intelligence à seule fin de mettre un terme à leur déboussolement" et à "s'a-ban-donner au jeu grotesque de l'extase esthético-religieuse" (PhD, 361)! Sa polémique contre les "renégats de la gau-che" trahit plutôt sa propre perplexité et ne peut faire oublier qu'à l'évidence, une certaine forme d'Auf-klä-rung rationaliste, à laquelle adhère encore Habermas, est devenu inacceptable, y compris pour ces intellectuels de gauche qui, naguère, ne juraient que par la raison.

L'autre cible de Habermas, ce sont les conservateurs de tout poil. Cependant, une espèce particulière retient son attention. Habermas sait reconnaître l'adversaire; il aura au moins retenu cela de Carl Schmitt: ce sont les "vieux nietzschéens" qui "sortent de leurs trous pour clamer publiquement les fantasmes élitistes qui ont tou-jours meublé leurs cervelles" (NU, 61). A la bonne heure. D'autant que le compliment peut être retourné à l'en-vo-yeur: souhaitons à monsieur le professeur Habermas (et à nous-mêmes!) l'avènement d'une époque où lui et ses épigones marxiens auront l'occasion de réintégrer leurs trous de souris sans oublier d'emporter leurs fan-tas-mes égalitaires!

I. La critique de la pensée conservatrice

Habermas est connu pour affectionner l'abstraction, la classification, la schématisation. Les conservateurs, il les range d'emblée dans quatre tiroirs: les "vieux conservateurs", les "néo-conservateurs", les "nouveaux con-servateurs allemands" et le courant "jungkonservativ".  Les premiers sont expédiés en un tour de main; le dé-bat est en effet stérile: "le recours des paléoconservateurs à des vérités religieuses ou métaphysiques ne pèse plus d'aucun poids dans le discours philosophique de la modernité" (PhD, 74).

Le libéralisme fondamental des "néo-conservateurs" américains

Les "néo-conservateurs" sont déjà un adversaire plus sérieux. L'expression désigne chez Habermas un groupe de publicistes américains, ci-devant de gauche voire gauchistes, reconvertis dans le libéral-conservatisme (Pod-ho-retz, Kristol) ou dans la sociologie (Bell, Berger et Lipset). L'une de leurs préoccupations est par exemple de savoir comment transposer sur le marché les problèmes du budget de l'Etat et pallier la crise culturelle ac-tuelle "en modérant des principes démocratiques qui ont placé trop haut leur niveau de légitimation" (NU, 34). Mais la critique finale de Habermas parle d'elle-même: il n'a pas affaire à des conservateurs. Irving Kristol s'est lui-même défini, à juste titre, comme un "libéral malmené par les réalités"… Quant à Daniel Bell, qui juge né-ces-saire "une égalité ouverte au compromis", il n'est pour Habermas, qu'un "libéral logique avec lui-même" (NU, 39). La première joute avec les conservateurs est donc un coup d'épée dans l'eau: sous l'étiquette de "néo-con-servateurs", Habermas critique non des conservateurs mais… des libéraux (2).

Les "nouveaux conservateurs" de la tradition allemande

Le troisième tiroir s'ouvre sur les "nouveaux conservateurs" en République fédérale (3). Héritiers de l'hégélia-nisme de droite, ils se laissent docilement porter par "la dynamique de la modernité sociale en banalisant la cons-cience moderne du temps et en ramenant la raison à l'intellect (Verstand).  Leur conception de la rationa-lité est de type utilitariste" (PhD, 57). Habermas tente ensuite d'illustrer leur "réconciliation timide" (selon lui) avec la modernité (NU, 40) en évoquant Joachim Ritter, Ernst Forsthoff et Arnold Gehlen (NU, 41 ss.). Mais ses arguments ne sont, pour la plupart, que des combats d'arrière-garde à peine déguisés: lorsqu'il repro-che à Gehlen et à Schelsky d'avoir profité du chaos culturel orchestré (mais non voulu paraît-il…) par les idéo-logues de gauche pour en tirer prétexte à une "chasse aux intellectuels" et "mobiliser les ressentiments de la classe moyenne" (NU, 46), sa critique fait sourire. Aux thèses conservatrices, comme celle de l'épuisement de la modernité culturelle ou de la nécessité d'une nouvelle conscience de la tradition, Habermas ne trouve rien d'au-tre à opposer que la sempiternelle phraséologie creuse de la gauche: il faut-moraliser-la-politique, "démo-cra-tiser les procesus de décision pour placer l'action politique sous le signe de la justice sociale, trouver des formes de vie souhaitables" (NU, 51), etc… Il garde pour la fin sa grosse artillerie: les nouveaux conser-va-teurs veulent "tourner le dos à l'Occident et aux Lumières", ils se réclament (horribile dictu!)  de traditions spé-cifiquement allemandes, comme celle du "luthérianisme d'Etat" qui repose sur une "anthropologie pessi-mis-te" (NU, 54), l'objectif final étant "l'abandon de la modernité" et "l'hommage à la modernisation capitaliste" (id.). Sur le plan philosophique, l'argumentaire n'est guère plus rigoureux: le "traditionalisme" néo-conser-va-teur d'un Freyer et surtout d'un Ritter délégitime les "positions critiques de l'universalisme moral et des forces créatrices et subversives de l'art d'avant-garde" (PhD, 93) au nom de "conceptions esthétiques rétrogrades" (bien entendu). Ici encore, les concepts s'affolent: subitement, il n'est plus question de "nouveaux conser-va-teurs" mais de "l'émergence de libéraux tardifs militants (!) qui, chez nous, sont allés à l'école de Gehlen et de Carl Schmitt" (NU, 181), récusent "l'héritage du rationalisme occidental" et mobilisent la Gegenaufklärung  (NU, 182). Ce seraient donc, à nouveau, des libéraux? Si les catégories sémantiques qu'Habermas élabore lui-mê-me sont aussi exigües, et leurs cloisons aussi perméables, rien d'étonnant à ce que Habermas soit aujour-d'hui acculé à la défensive…

Les "jeunes conservateurs" qui veulent faire éclater le cadre du rationalisme occidental

Mais les choses se compliquent encore: dans le dernier tiroir qu'ouvre Habermas s'entassent les "jeunes con-ser-va-teurs" dont la généalogie lui pose les mêmes problèmes que leurs (soi-disant) représentants actuels: en effet, nous avons, d'un côté, les "nouveaux conservateurs" (c'est-à-dire, nous venons de le voir, les "libéraux tar-difs" formés chez Carl Schmitt!) qui seraient les héritiers des Jungkonservativen  de la République de Weimar sous l'influence desquels ils auraient opéré une "réconciliation timide avec la modernité" (NU, 40). Mais, d'au-tre part, ces mêmes "nouveaux conservateurs" seraient essentiellement les héritiers des hégéliens de droite (NU, 41; PhD, 57, 71, 86 ss.) dont l'erreur, au rebours des hégéliens de gauche, serait une interprétation fausse des rapports entre l'Etat et la société. D'un côté, donc, Carl Schmitt et ses élèves, Huber et Forsthoff ("jeunes con-servateurs" s'il en fut!) sont considérés comme des "hégéliens de droite" (PhD, 89); de l'autre, les "jeunes con-servateurs" ne seraient que des disciples de Nietzsche (PhD, 57) dont "l'antihumanisme" consistait à vou-loir "faire éclater le cadre du rationalisme occidental, à l'intérieur duquel évoluaient encore les tenants de l'hé-gé-lianisme, de gauche comme de droite" (PhD, 93).

Mais là où la démonstration devient vraiment curieuse, c'est lorsque Habermas avance les noms de quelques "re-présentants" de la tendance jungkonservativ:  à l'exception d'Ernst Jünger, sur lequel il passe rapidement (NU, 40 et PhD, 161), on ne trouve dans son énumération aucun "conservateur révolutionnaire" ni personne per-pétuant cette tradition; après Heidegger et Bataille, on trouve surtout, pour la période actuelle, Derrida, La-can, Foucault et Lyotard (PhD, 120, 7). Baptiser "jeunes conservateurs" ces auteurs, uniquement parce que cer-tains d'entre eux ont repris des thèmes déjà présents chez Nietzsche, est proprement absurde (Heidegger mis à part).

Bataille, Lacan, Lyotard, Derrida et Foucault: pour Habermas, ils seraient les "Jungkonservativen" d'aujourd'hui!

Bataille, par exemple, doit être écarté d'entrée de jeu: il fut un communiste convaincu qui vit dans le stalinisme ins-titué la condition première de la réalisation de ses idées. Quant à savoir ce que fait Lacan, psychanalyste struc-turaliste, dans les rangs des "Jeunes conservateurs", la  question demeure sans réponse sérieuse possible. Son nom, heureusement, n'est que rarement cité par Habermas. Lyotard, que Habermas se faisait fort de "démasquer", voici cinq ans, comme "néo-conservateur", a, depuis, opposé un démenti formel à cette appelation (4). Mê-me chose pour Derrida.

Quant à Foucault, mort en 1984, s'il s'est justement moqué de l'étroitesse d'esprit de la vieille gauche (à la-quel-le il a lui-même appartenu, puisqu'il militait au PC), cela ne signifie nullement qu'il se soit transformé en "conservateur": l'anarchisme bizarre, à prétentions esthético-hédonistes, qu'il a incarné vers la fin de sa vie (5) ne relève pas plus de l'idéologie jungkonservativ  que son étrange enthousiasme pour la révolution ira-nien-ne (6). Et s'il fallait une preuve de la distance qui sépare Foucault d'un Arnold Gehlen, par exemple, (avec le-quel Habermas tient sans cesse à le mettre en parallèle), il n'est que de relire sa critique des "institutions to-ta-les" des temps modernes, dont les conclusions sont diamétralement opposées aux thèses centrales de la théo-rie des institutions chez Gehlen. Là encore, la critique des "conservateurs" est boîteuse: les "jeunes conser-va-teurs" ne sont finalement, pour la plupart, qu'un mélange insolite de paléo-marxistes et de néo-anarchistes qui, d'ailleurs (dans la mesure où ils sont encore en vie et peuvent donc se défendre), ont vivement protesté contre les classifications pour le moins arbitraires de Habermas.

Signalons pour terminer une autre contradiction flagrante dans sa critique du "néo-" ou du "nouveau" conser-va-tis-me: d'un côté, Habermas critique le refoulement de l'Etat hors de la sphère économique au nom d'une éco-no-mie politique orientée sur l'offre, qu'il juge, évidemment, "anti-sociale" (NU, 34, 153 ss.); de l'autre, il vitu-pè-re rageusement le "hobbisme", l'"étatisme", le "légalisme autoritaire" et autres horribles méfaits des conser-vateurs (NU, 65, 91, 97, 102, 104, 107 ss.), coupables à ses yeux de réclamer "trop d'Etat". Ici encore, Ha-bermas devrait accorder ses violons… Les attaques véhémentes de Habermas contre tout ce qu'il estime "con-servateur" (que ce soit "paléo", "néo", "nouveau" ou jungkonservativ)  ne sont, tout compte fait, que du vent, soit parce qu'Habermas se trompe de cible, soit parce qu'il oppose la polémique aux arguments.

II. Habermas et l'actualité politique

"Je suis moi-même un produit de la reeducation;  un produit pas trop raté, j'espère", disait de lui-même Ha-ber-mas en 1979. Sur ce point, qu'il se rassure: ses craintes en la matière sont totalement injustifiées, il n'est que de lire, pour s'en convaincre, ses déclarations et confidences politiques. Habermas se félicite de ce que "la Ré-pu-blique fédérale se soit, pour la première fois, ouverte sans retenue à l'Occident", de ce que "nous ayons fait nô-tre la théorie politique de l'Aufklärung", "… compris que le pluralisme était un grand formateur de men-ta-li-tés" et "appris à connaître l'esprit radical-démocratique du pragmatisme américain" (NU, 54). Mais cela ne lui suffit pas: apparemment, nous ne sommes pas encore suffisamment rééduqués: comment expliquer autrement que "nous ayions en Allemagne une culture politique aussi dévoyée" dont le responsable n'est autre, bien en-ten-du, que le "fil de la tradition" (Traditionsstränge):  "le Reich impérial, le wilhelminisme, les nazis, la ré-vo-lution bourgeoise, restée partiellement inopérante, etc…" (NU, 192). Mais, quelques pages plus loin, on lit: "La République fédérale est à ce point devenue le 52ème Etat des USA qu'il ne nous manque plus que le droit de vote" (NU, 217 ss.) - on l'a bien vu dans la question du réarmement. Il faudrait savoir! D'abord, nous som-mes américanisés, et c'est très bien. Ensuite, nous ne le sommes pas, et c'est très mal. Et voilà que pour fi--nir, nous le sommes tout de même un peu, et c'est… encore très mal! Décidément, la défensive ne doit pas être une position très confortable lorsqu'elle en arrive à déboussoler un penseur d'une telle sagacité.

Ses autres propos politiques sont moins équivoques. La nation, par exemple, est selon lui devenue inapte à fon-der des valeurs (PhD, 424). Interrogé sur la question allemande et sur certains signes avant-coureurs d'un na-tionalisme de gauche, Habermas se réfugie sous l'aile de Willy Brandt et proclame sur un ton apodictique: "La question allemande n'est plus ouverte. Parler d'un nouveau nationalisme allemand est pour moi une absurdité… La nostalgie d'une identité allemande perdue, chez plusieurs intellectuels, sent le kitsch et rappelle les discours sur la 'réunification' de nos orateurs du dimanche de la CSU" (NU, 251).

En revanche, Habermas ne trouve rien à redire à la "rééducation", ce qui s'explique puisque, en bon "produit" de la rééducation, selon ses propres dires, il y participe activement: certes, "personne (?), aujourd'hui, ne soutient plus la thèse de la faute collective", mais quiconque "persiste à nier la responsabilité collective des Alle-mands", ne vise en fait qu'à occulter le problème du regard sur l'histoire, problème "inextricablement lié à no-tre propre identité, et à celle de nos enfants et petits-enfants" (NU, 264). Le propos est clair, comme d'ailleurs son hommage au discours "digne d'un Heinemann" (!) du président de la République du 8 mai 1985 (NU, 268)…

La "désobéissance civile" et la "théorie de la justice"

Habermas se révèle également comme un pur produit de la rééducation dans son plaidoyer en faveur de la "dé-so-béissance civile". Pour lui, cette forme de "résistance non violente" fait partie des "formes non con-ven-tion-nelles de la formation de la volonté politique" (NU, 79). Il faut "faire comprendre à l'Allemagne que la dé-so-béissance civile est le signe d'une culture politique parvenue à maturité" (NU, 81). Pour cela, Habermas mo-bi-lise la "théorie de la justice" du moraliste américain John Rawls, dont il retient la définition de la déso-béis-sance civile comme "action publique, non violente, dictée par la conscience mais politiquement illégale, et or-dinairement destinée à provoquer une modification de la loi ou de la politique gouvernementale" (8). Fort de l'au-torité (?) de ce professeur de Harvard largement imperméable à la politique et qui annonce tout de go que les ac-tes politiques dans un Etat de droit peuvent être illégaux (9), Habermas tente de démontrer que le degré de "dé-sobéissance civile" est un baromètre de la "maturité" de la République fédérale (NU, 84). Point de vue aussi aventureux qu'exhorbitant: par quels arguments un citoyen agissant dans l'illégalité peut-il exiger de l'Etat et de ses institutions le respect du droit existant? Et même si l'on admet, avec Rawls, que la désobéissance civile ne doit pas "troubler l'ordre constitutionnel", la question surgit aussitôt: où, exactement, tracer les limites? Et surtout: qui veillera au respect de ces limites? Les manifestants? Dans ce domaine, les limites sont très vite fran-chies lorsque le droit en vigueur a été enfreint et que les institutions sont bafouées.

Or, ce problème de la dynamique propre à l'action politique ne semble manifestement pas exister pour Rawls et Ha-bermas (10): fidèle aux principes universalistes du droit naturel, Habermas se fait l'avocat d'un fossé béant entre légalité et légitimité qui a déjà conduit, au cours de ce siècle, à la suppression de l'Etat (et à la dictature de Béhémoth) (NU, 85 ss., 97). Pour lui, les véritables "gardiens de la légitimité" d'un Etat sont "les labo-rieux et les besogneux qui ressentent plus que d'autres l'injustice dans leur chair" (NU, 88). Mieux: appelant à la rescousse un autre théoricien anglo-saxon du droit, R. Dworkin, il va jusqu'à affirmer que les "violations ci-vi-les de la loi" sont des "expériences moralement justifiées dans lesquelles une République vivante ne peut con-server ni sa capacité d'innovation ni sa légitimité aux yeux de ses citoyens" (ibidem). Ces vues surréalis-tes, et même dangereuses si elles étaient mises en pratique, ne sont possibles que parce que Habermas, pur pro-duit de la "rééducation", ignore totalement la tradition réaliste de la pensée politique, celle qui va de Machia-vel à Hobbes jusqu'à Carl Schmitt en passant par Hegel et Nietzsche. A cette tradition, Habermas préfère ma-ni-fes-tement quelques théories moralisantes anglo-saxonnes sur le droit naturel.

"Pour un usage réflexif de la règle majoritaire"

Son argumentaire est également très révélateur lorsqu'il émet des réserves à l'encontre du principe démocratique de la majorité (bien que lui et ses semblables aiment s'appeler des "démocrates radicaux"), notamment lorsque l'ap-plication de ce principe aboutit à des décisions déplaisantes pour lui et ses compagnons de route (voir l'af-fai-re de l'implantation des fusées Pershing). Mais il ajoute ensuite: "Le principe majoritaire n'est vraiment con-vaincant que dans certaines situations" (NU, 96); il est inopérant "lorsque le Non de la minorité exprime le refus d'une forme d'existence… taillée en fonction des besoins de la modernisation capitaliste" (NU, 95), bref lorsqu'il y a "face à face entre deux formes opposées de l'existence". Que faire alors? Habermas a bien sûr trou-vé la solution. L'un de ses disciples, le sociologue de Bielefeld Claus Offe, la définit ainsi: "C'est un usage ré-flexif de la règle majoritaire… de telle façon que les objets, modalités et limites de l'application du principe ma-joritaire lui-même soient mis à la disposition de la majorité" (NU, 96). La solution, n'en doutons pas, fera mer-veille, à condition que la population ne soit composée que de sociologues venus de Bielefeld ou de Franc-fort!

III. Le problème philosophique de la modernité

En 1954 parut à Berlin-Est un volumineux ouvrage qu'il faut considérer comme la contribution communiste la plus importante à la rééducation intellectuelle des Allemands de RDA (et pas seulement de RDA…). Son titre: Die Zerstörung der Vernunft  de Georg Lukàcs. Ce livre, rédigé à Moscou pendant la guerre, développe, sous la for-me d'une pérégrination à travers l'histoire récente des idées en Allemagne, la thèse de la "destuction de la rai-son" par les philosophes et écrivains "irrationalistes". Auxquels Lukàcs oppose la "bonne" tradition, la tra-dition rationaliste qui va, comme il se doit, de Hegel à Marx et à ses épigones.

Sauver la raison de ses "falsifications"

Si Habermas, dans ses lectures sur le discours philosophique de la modernité, ne procède pas de façon aussi su-per-ficielle ni aussi tapageuse, il semble bien par moments se prendre pour un nouveau Lukàcs (comme le sug-gè-re une allusion dans NU, 179) qui suivrait les traces de son prédécesseur, mais avec des ambitions intellec-tuel-les plus élevées. Déjà, dans ses écrits politiques, Habermas tentait d'expliquer tous les aspects négatifs de la modernité, critiqués par les "post-modernes" (et par lui-même) par des "effets secondaires" (NU, 63), des "fal-sifications" du véritable esprit de la modernité (NU, 15), des "exagérations", dans l'architecture moderne par exemple, (NU, 23), afin de "sauver le projet inachevé de la modernité qui s'emballe" (NU, 15). Son point de départ philosophique est donc à nouveau la défensive: la reconstruction du discours philosophique de la mo-der-nité est une réaction au "défi de la critique néostructuraliste de la raison" (PhD, 7).

Voici, brossée à grands traits, la démarche intellectuelle de cet ouvrage (Der philosophische Diskurs der Mo-der-ne)  sans doute ambitieux dont l'argumentaire se meut  -et se perd-  dans les hautes sphères de la réflexion: l'"é-mancipation de la modernité" (PhD, 26) commence avec Hegel dont la philosophie érige la subjectivité en prin-cipe des temps nouveaux. En même temps, la subjectivité reconnaît la supériorité du monde moderne (com-me monde de progrès) mais aussi sa crise (comme monde de l'esprit aliéné), et c'est pourquoi "la première ten-ta-tive de conceptualiser la modernité est originellement inséparable d'une critique de la modernité" (PhD, 27). A la rupture du principe de subjectivité en trois formes de raison depuis Kant (raison pure, raison pratique et ju-gement esthétique), qui sera suivie d'autres dissociations (entre science et foi, par exemple), Hegel oppose la "notion d'absolu" (PhD, 32) grâce à laquelle la philosophie peut révéler "la raison comme force de synthèse afin de répondre à la crise née de la dissociation (Ent-zweiung)  de l'existence" (ibidem) (11). Grâce à cet "ab-solu", posé en principe central et conçu par Hegel comme "le processus conciliatoire de la relation incon-di-tion-nelle à soi-même" (PhD, 46), Habermas peut certes "convaincre la modernité de ses errements sans re-cou-rir à un principe autre que celui, inhérent à la modernité, de subjectivité", mais il n'aboutit qu'à une "ré-con-ci-liation partielle" (PhD, 49) puisque sa solution revient à privilégier la généralité concrète (das konkrete Allgemeine)  par rapport au sujet concret, c'est-à-dire à "donner la préférence à une subjectivité supérieure, cel-le de l'Etat, plutôt qu'à la liberté subjective de l'individu" (PhD, 53). L'alternative possible (mais que rejette He--gel) eût été une "intersubjectivité supérieure de la volonté libre … dans une communauté de commu-ni-ca-tion" (PhD, 54). Ce point sera ultérieurement repris par Habermas lorsqu'il développera le concept dialectique de rai-son chez Hegel.

Les trois perspectives posthégéliennes

Après avoir développé ces prolégomènes dans ses 1ère et 2ème lectures, Habermas ébauche dans la troisième les trois perspectives posthégéliennes:

1) les hégéliens de gauche, qui veulent faire la révolution au nom de la raison totale (umfassend)  contre une rai-son étiolée et mutilée par l'esprit bourgeois;

2) les hégéliens de droite, qui font confiance à l'Etat et à la religion pour faire contrepoids à l'inquiétude de la so-ciété bourgeoise;

3) Nietzsche qui veut démasquer la raison, toute raison, comme une volonté de puissance déguisée et pervertie (PhD, 71).

La quatrième lecture traite d'ailleurs du seul Nietzsche qu'Habermas considère comme la plaque tournante de l'ir-rup-tion de la post-modernité. Dans une interprétation largement abrégée de la pensée nietzschéenne (et dans la-quelle il ne fait de surcroît aucune différence entre le jeune Nietzsche et le Nietzsche de l'âge mûr), Habermas ex-pose le projet nietzschéen de rénovation du mythe (PhD, 107 ss.) destiné à surmonter les déficits du ratio-na-lisme des Lumières. Il s'agit pour Nietzsche de "rompre radicalement (totaler Abkehr!) avec une modernité ex-ca-vée par le nihilisme" (PhD, 117). La délivrance dyonisiaque de l'homme moderne par l'expérience esthétique, que propose Nietzsche, supprime tous les intermédiaires de la raison hégélienne (PhD, 116 ss.) et la volonté de puissance se révèle comme fondamentalement esthétique (PhD, 118).

Le problème de Nietzsche

Mais le problème de Nietzsche est qu'il ne peut légitimer rationnellement sa critique de la raison, critique "qui se place d'emblée hors de l'horizon rationnel" (PhD, 119), pas plus d'ailleurs que ses critères du jugement esthé-tique (c'est un reproche fondamental que Habermas fera plus tard également à Heidegger, à Bataille, à Derrida et à Foucault). Pour résoudre ce problème, Nietzsche oscille entre deux stratégies:

1) la possibilité d'un regard artistique, en même temps sceptique et antimétaphysique, sur le monde, mobilisant des méthodes scientifiques  et sur ce point, Bataille, Lacan et Foucault n'ont pas dit autre chose;

2) la possibilité d'une critique de la métaphysique, critique qui ne serait pas une philosophie au sens tra-di-tion-nel du terme mais le fait d'un initié participant d'un mystère dyonisiaque: ici, Nietzsche rejoint Heidegger et Derrida (PhD, 120).

Cependant, avant d'écorcher ces deux derniers auteurs, Habermas essaie, dans sa cinquième lecture, de "sauver la dialectique de l'Aufklärung", jadis théorisée par Horkheimer et Adorno, afin d'empêcher les auteurs post-mo-dernes d'en abuser. Ce qui ne l'empêche pas lui-même, dans un premier temps, de critiquer la part trop belle fai-te par Horkheimer et Adorno à la raison instrumentale: certes, l'éclatement des sphères qui englobaient les va-leurs culturelles est à l'origine de la "régression sociale de la raison" mais il a provoqué également une "diffé-ren-ciation progressive d'une raison qui en acquiert une forme procédurale" (PhD, 137), en sorte que la "dia-lec-ti-que de l'Aufklärung" appréhende mal "le contenu rationnel de la modernité culturelle" (PhD, 137 ss.). Pour-tant, Habermas décèle en filigrane, chez ces deux auteurs, une "fidélité fondamentale à la démarche de l'Aufklä-rung" (PhD, 143) puisqu'ils s'offrent le paradoxe d'une critique radicale de la raison… avec les intruments de la rai-son (PhD, 145).

Habermas contre Heidegger

Habermas n'a pas la même indulgence à l'égard de Heidegger et de Derrida, qu'il aborde dans ses 6ème et 7ème lec-tures. Heidegger, qui se range comme Bataille, "sous la bannière de Nietzsche pour la lutte finale" (PhD, 158), en arrive lui aussi, à force de critiquer en bloc la philosophie moderniste du sujet, à évacuer la raison, de sor-te que, comme l'indique Habermas (on croirait lire du Lukàcs), "il ne fait plus la différence entre, d'une part, le contenu universaliste de l'humanisme, des Lumières … et, d'autre part, les idées d'auto-affirmation du parti-cu-lier, propres au racisme, au nationalisme et aux typologies rétrogrades du style Spengler ou Jünger" (PhD, 160 ss.). Le "décisionisme volontariste" qui s'exprime dans Sein und Zeit  débouche, pour Habermas, sur …  le na-tio--nal-socialisme. Aux prises avec celui-ci, Heidegger développe alors sa philosophie tardive, à savoir le Den-ken der Kehre,  l'idée de retournement (12). Cette pensée nouvelle se dévoile alors comme une "tempora-li-sa-tion de la philosohie originelle" (PhD, 158, 182): l'Etre comme "principe primordial selon la philosophie ini-tiale" est temporalisé et se révèle comme événement vrai, actuel en permanence, mais caché et qui, en tant que tel, ne peut se donner à voir que par le biais d'une critique radicale et destructrice de l'histoire de la méta-phy-sique. Or, dans une telle démarche, le "déracinement de la vérité propositionnelle" va de pair avec une "dé-va-lorisation de la pensée discursive" (PhD, 182), en sorte que Heidegger ne parvient qu'à "renverser les sché-mas de la philosophie du sujet" tout en restant "prisonnier de la Problématique de cette philosophie" (PhD, 190).

Le cheminement intellectuel de Derrida est très proche de celui de son maître Heidegger. Chez ce penseur fran-çais, l'absolu primordial est non l'Etre mais l'Ecrit "comme signe originel, … soustrait à tous les contextes prag-matiques de la communication" (PhD, 210). L'"Ecrit primordial" (Ur-schrift),  "force originelle diffuse dans le temps" (PhD, 211), rend possibles, en excluant tout sujet transcendental, "les distinctions, sources d'in-formation sur le monde, entre l'intelligible des significations et l'empirique qui se donne à voir dans l'ho-ri-zon de ce dernier" (PhD, 210). Pour réfuter ces conceptions, Habermas mobilise les arguments déjà utilisés con-tre Heidegger: Derrida lui aussi ne fait qu'ériger en mythe des "pathologies sociales manifestes" (PhD, 214).

Derrida: un irrationaliste proche de la mystique juive; Heidegger: un néo-païen "hölderlinien"

Détail intéressant: Habermas relève une différence notoire entre ces deux auteurs, même s'il les confond dans sa cri-tique: à l'actif de Derrida, il note que cet auteur "reste proche de la mystique juive" et ne souhaite pas "reve-nir, comme les néo-païens, à une période antérieure aux prémisses du monothéisme" (PhD, 214), ce qui le met à l'abri "tant de l'imperméabilité politico-morale que du mauvais goût esthétique d'un nouveau paganisme enri-chi d'Hölderlin" (PhD, 197). Heureusement, Derrida "reste en-deçà de Heidegger" car "l'expérience mystique… des traditions juive et chrétienne ne peut déployer toute sa puissance explosive, capable de liquider insti-tu-tions et dogmes" (!) (NU, 216) que par référence à un dieu caché, alors que "la mystique néo-païenne de Hei-deg-ger… a, au mieux, les charmes de la charlatanerie" (PhD, 217). Remarquable confession monothéiste, qui con-firme, s'il en était besoin, ce que la Nouvelle Droite, en France, a dévoilé au grand jour: une parenté idéo-lo-gique directe entre la pensée marxiste et les religions monothéistes du salut (13).

Dans la huitième lecture, Habermas présente la continuité qui court de Nietzsche à Bataille: pour ce penseur fran-çais, il s'agit de réhabiliter un sacré séculier qui s'exprime dans les expériences fondamentales (refoulées par la modernité) que sont l'ivresse, le rêve, la vie des instincts et que Bataille appelle la souveraineté (PhD, 248 ss.). Sa vision utopique d'un tel "retour de l'homme à lui-même" (PhD, 268), auquel tend son Economie gé-nérale,  se réalise dans le sillage du soviétisme marxiste de type stalinien (PhD, 266 ss.). Comme Nietzsche avant lui, Bataille se trouve confronté au problème (irrésolu) de la maîtrise théorique de la souveraineté comme "au-tre que la raison" puisque toute théorie est tributaire de ses présupposés rationnels (PhD, 277).

                                                       

Au centre de la pensée de Foucault: la puissance

La pensée de Foucault, auquel Habermas consacre de longs développements dans ses 9ème et 10ème lectures, se rat-tache à celle de Bataille et de Nietzsche. Historien des sciences, ce philosophe parisien décédé en 1984 met la notion de puissance au centre de son analyse. Pour lui, la modernité se caractérise avant tout par "un pro-ces-sus inquiétant de montée en puissance d'interactions concrètes" (PhD, 285), qu'il aperçoit aussi bien dans l'histoire des sciences humaines (PhD, 279 ss.) que dans l'apparition et le développement des "institutions to-ta-les": prison, asile, établissement psychiatrique, école, etc… (PhD, 286 ss.). Chez Foucault, la puissance devient donc "la notion de base historico-transcendentale d'une historiographie critique à l'égard de la raison" (PhD, 298 ss.). En même temps, sa démarche est "nominaliste, matérialiste et empirique puisqu'elle envisage les pratiques transcendentales de la puissance comme relevant du particulier, mais aussi de l'inférieur, du corpo-rel, du sensuel, de ce qui escamote l'intelligible, enfin du contingent qui pourrait être autre car il n'obéit à au-cun ordre directeur" (PhD, 301) -passages soulignés par l'auteur. Or, dans la mesure où Foucault utilise, dans sa gé-néalogie des sciences humaines, un concept de puissance posé en absolu et qui se manifeste de surcroît dans un rôle empirique et transcendental (PhD, 322), il ne parvient qu'à inverser le signe des apories de la philo-so-phie du sujet traditionnelle, et ne résoud le paradoxe qu'en substituant la vérité à la puissance (PhD, 323): son "historiographie généalogique" se révèle exactement comme "… la pseudo-science présentiste, relativiste et cryp-to-normative que précisément elle se défend d'être". Bref, elle se résorbe dans un "subjectivisme sans is-sue" (PhD, 324).

L'alternative habermasienne: la notion de "rationalité communicative"

Comme alternative aux apories des critiques de la raison depuis Nietzsche, Habermas propose, dans les 11ème et 12ème lectures, la notion de "rationalité communicative" qu'il avait déjà présentée en 1981 dans un pavé de 1200 pages intitulé Theorie des kommunikativen Handelns.  Cette conception reprend, du moins à en croire Ha-bermas, des éléments déjà présents chez Hegel, Marx ou même Heidegger (PhD, 94, 177 ss. et 345). Elle per-met de surmonter à la fois le paradigme désuet de la connaissance (= Erkenntnis  dans la philosophie du su-jet) (PhD, 345) et le paradigme de la production dans la philosophie de la praxis (PhD, 95 ss.). Cette nouvelle no-tion de "raison communicative" peut contribuer à "réhabiliter le concept de raison" (PhD, 395) en réac-ti-vant le vieil objectif de "révision de l'Aufklärung, mais avec les instruments de l'Aufklärung" (PhD, 353) et en renouant avec le "contre-discours inhérent à la modernité qui est critique du logocentrisme occidental, mais une critique qui diagnostique non un excès mais un déficit de la raison" (PhD, 361). La raison communicative "est intégrée directement au processus de la vie sociale" (PhD, 367) et la "praxis rationnelle doit être en-ten-due comme raison concrétisée dans l'histoire, la société, le corps et le langage" (PhD, 368 ss.): ce n'est que lors-qu'on a admis ces deux postulats que le "contenu normatif de la modernité" peut se manifester (PhD, 390). Ce contenu s'exprime notamment à travers le progrès social, méconnu par Nietzsche et ses successeurs (PhD, 392 et 342) et dont Habermas ne doute à aucun moment même s'il admet quelques "phénomènes de pathologie so-ciale" (PhD, 403)… qu'il s'empresse d'ailleurs de banaliser en les baptisant "pathologies de la commu-ni-ca-tion".

Habermas s'envisage donc, même s'il ne le dit pas ouvertement, comme le véritable héritier tant de la phi-lo-so-phie du sujet de l'idéalisme allemand que des velléités praxisphilosophisch  des hégéliens de gauche dans la me-sure où il dépasse par le haut les apories de ces deux lignages, à savoir par une redéfinition sociologique de la rationalité, et écarte en même temps d'un revers de main toutes les objections et points de vue de l'adver-sai-re postmoderne. Pour lui, le seul protagoniste vraiment sérieux est Niklas Luhmann, héritier bon teint de l'hé-gé-lianisme de droite (PhD, 408 ss.), qui porte aux extrêmes, dans sa théorie des systèmes sociaux, "l'affir-ma-tion néo-conservatrice de la modernité sociale" (PhD, 441). Sa thèse, "actuellement inégalée par sa puissance de conceptualisation, son imagination théorique et sa capacité à brasser les concepts" (ibidem, 444), atteint "une hauteur de réflexion où tout ce que les avocats de la postmodernité ont pu avancer… a déjà été pensé par lui mais de façon plus subtile" (PhD, 411). Son "sens des réalités" trahirait un "héritage très allemand, qu'il par-tage avec les hégéliens de droite sceptiques, jusqu'à Gehlen" (PhD, 432)! Néanmoins, face à Luhmann, Ha-ber-mas maintient qu'il n'y a pas seulement des systèmes sociaux parcellaires (Teilsysteme)   —il traite les con-ceptions de Luhmann d'"antihumanisme méthodique"!— et que l'ensemble social peut, grâce à ses opinions pu--bliques plurielles (Öffentlichkeiten)  exprimant, même de façon diffuse, une "conscience commune", "pren-dre normativement ses distances vis-à-vis de lui-même et réagir aux phénomènes de crise" (PhD, 435).

IV. Penser Habermas contre Habermas

Habermas a déclaré un jour qu'il fallait "penser avec Heidegger contre Heidegger" (14). Le précepte peut, à bien des égards, lui être retourné. Les éléments de critique sont nombreux; nous en retiendrons cinq:

1. Habermas applique le principe "deux poids, deux mesures": "Ce qui m'horripile, ce qui me heurte", a-t-il avoué un jour, "ce sont les agressions de ceux qui refusent de faire chez moi la différence entre le publiciste politique et le philosophe… et qui mélangent tout" (NU, 205). Or, n'est-ce pas ce que fait Habermas lui-même? Quand, dans sa 6ème lecture, il évoque un cours de Heidegger sur Nietzsche, il observe immédiatement (si ce n'est pas là de la basse polémique!) que pour Heidegger, "le surhomme a le visage du SA type" (PhD, 159). On se demande qui mélange ici la politique et la philosophie, et de manière diffamatoire de surcroît (15). A un au-tre endroit, Habermas proclame: "la chaire du professeur et l'amphithéatre de la faculté ne sont pas le lieu où l'on vide les querelles politiques; ce sont des lieux de débat scientifique" (NU, 212). On peut se demander, en li-sant un passage de sa 12ème lecture, s'il prend au sérieux son propre avertissement: "la communauté de va-leurs atlantique, focalisée autour de l'OTAN, n'est guère qu'un slogan de propagande pour ministres de la dé-fen-se" (PhD, 424), ou encore: "Cette science-fiction de la guerre des étoiles est tout juste bonne pour les planifi-ca-teurs idéologiques qui pourront ainsi agiter le spectre macabre d'un espace militarisé de façon à déclencher l'impulsion innovatrice qui mobilisera le colosse du capitalisme mondial pour le prochain round techno-lo-gi-que" (PhD, 425). Sans doute Habermas ne voit-il là aucune polémique. Seulement un "débat scientifique"…

2. L'un des reproches fondamentaux de Habermas à l'encontre des critiques de la raison dans le sillage de Nietz-sche est que leur discours ne fait "aucune place à la praxis quotidienne" (PhD, 393). Le responsable, encore et toujours, est Nietzsche: il aurait "tellement fixé ses disciples sur les phénomènes de l'extra- et du supra-quo-ti-dien" que la praxis quotidienne en est venue à être méprisée comme "du dérivé, de l'inauthentique" (un-eigentlich).  Outre qu'un tel reproche, rapporté à Nietzsche et formulé de cette façon, est inexact, l'objection n'est fon-dée que si l'on est convaincu, avec Habermas, que les modalités et les formes de la communication quoti-dien-ne dans le monde vivant recèlent effectivement ce que l'on peut appeler les structures fondamentales de la ra-tionalité. Mais il y a autre chose: Habermas ne fait pas la distinction, pourtant évidente chez Nietzsche et les nietzschéens, entre la petite élite de ceux qui sont vraiment capables d'une pensée philosophique et la mas-se qui demeure nécessairement impénétrable à ces dimensions supérieures de l'esprit humain. Bien évidemment, c'est à cette élite que s'adresse Nietzsche (comme ses prédécesseurs et successeurs), à une élite pour qui l'exis-ten-ce quotidienne devient inessentielle (un-wesentlich)  comparée au monde supérieur de la pensée dont elle par-ticipe. Cela ne signifie nullement que pour ces penseurs le quotidien ne soit absolument pas digne de ré-fle-xion! Dans ses brillantes analyses de critique culturelle, notamment dans Sein und Zeit,  Heidegger montre clai-rement qu'un étude rigoureuse du quotidien et la reconnaissance de son importance pour l'existence humaine, peut très bien s'accompagner d'une critique de ce monde de la quotidienneté qui, entrevu sur un plan plus élevé, s'a-vère précisément comme uneigentlich  (16).

Habermas demuere crispé sur l'utopisme

3. Habermas se crispe sur les positions classiques de la gauche: celle de l'utopisme. Il s'agit certes, dès l'a-bord, d'un utopisme très atténué, abstrait dans sa formulation. Rappelons-nous le jeune Marx qui pensait que, dans la société communiste, il serait possible de "faire aujourd'hui une chose, demain une autre, de chasser le ma-tin, pêcher l'après-midi, pratiquer l'élevage le soir, critiquer le repas sans jamais être chasseur, pêcheur, éleveur ou critique", exactement selon son humeur (17), ou les prophéties absurdes de Labriola ou de Trotsky qui pen--saient que les Platons, les Brunos et les Galilées courraient un jour les rues et que la "moyenne humaine" s'élèverait au niveau d'un Aristote, d'un Goethe et d'un Marx (18). Bien sûr, il ne reste plus grand chose, chez Ha-bermas, de ces élucubrations: l'expérience du "socialisme bureaucratique" (NU, 266; c'est ainsi qu'Habermas dé-signe le régime politique d'au-delà de l'Elbe!) est un bagage assez encombrant… Les "accents utopistes", af-fir-me-t-il, se déplacent aujourd'hui "de la notion de travail à celle de communication" (NU, 160); "le contenu uto-pique de la société de communication se réduit aux aspects formels d'une intersubjectivité laissée intacte" (NU, 161). Mais Habermas va au delà de cette formule passablement creuse: son "intuition fondamentale", qu'il avoue puisée aux archétypes de la mystique protestante et juive, serait "la réconciliation de la modernité a-vec elle-même" grâce à des "formes d'interaction réussie" (NU, 202 et 223) et à "la perspective d'une praxis par-venue à la conscience d'elle-même et où l'auto-détermination solidaire de tous devrait être compatible avec l'au-to-épanouissement authentique de chaque individu" (PhD, 391). Habermas en aperçoit d'ailleurs les prémices (c'est, dit-il, une "parcelle de raison existante") "dans le féminisme, les révoltes culturelles, les résistances éco-logiques et pacifistes" (NU, 252). Autrement dit, les symptômes de décadence sont à ses yeux des signes évi-dents de progrès. On croirait voir gesticuler sous nos yeux les "derniers hommes" de Nietzsche qui clignent de l'œil en disant qu'ils ont "inventé le bonheur". Les professions de foi utopistes à la Habermas n'inter-pel-lent pas le contradicteur; leur propre ridicule les tue plus sûrement.

Une lacune chez Habermas: un jugement sur l'éthologie d'un Konrad Lorenz

4. Cet utopisme s'explique largement, chez Habermas, par le rejet de toute anhropologie réaliste. Habermas de-vrait tout de même savoir que Kant, dès 1793, ajoutait aux trois interrogations fondamentales de la philoso-phie (la métaphysique, la morale et la religion) un quatrième questionnement: "Qu'est-ce que l'homme?" (Was ist der Mensch)  (19). Or, ce questionnement-là, Habermas, somme toute logique avec lui-même, s'y dérobe. On le voit bien dans sa critique du conservatisme: il dénombre quatre types d'argumentaires conservateurs, mais, de façon significative, esquive le quatrième, le "discours éthologique de Konral Lorenz… parce qu'il dé-bou-che plutôt sur la Nouvelle Droite française que sur le néoconservatisme allemand" (NU, 41). L'argument n'est guère solide: Habermas ne comprend-il rien à l'éthologie? Rien n'est moins sûr: quiconque, outre ses dis-ci-plines de travail, se sent à son aise aussi bien dans la psychanalyse que dans la mystique juive, aussi bien en économie classique que dans les prolégomènes du post-structuralisme le plus récent, doit bien avoir éga-le-ment quelques notions d'éthologie. Pourquoi, dans ces conditions, escamote-t-il le problème et refuse-t-il (y com-pris dans d'autres écrits) d'accepter les acquis de la science moderne du comportement? Parce qu'à l'évi-den-ce, ses utopies se dégonfleraient, même et surtout ses utopies politiques, puisque nous savons désormais, au moins depuis Carl Schmitt, que "la conception de l'homme comme être problématique/non problématique est la condition première de toute réflexion politique" (20). Et ce n'est pas avec des coups de bec agressifs contre ce qu'il appelle "l'anthropologie pessimiste" (NU, 54) des conservateurs qu'Habermas pourra combler un déficit idéo-logique flagrant: sa propre anthropologie, implicitement optimiste.

Il n'y a plus de raison universelle...

5. Le concept de raison chez Habermas reste prisonnier des illusions de l'Aufklärung. En fait, ce concept de rai-son est au centre de son argumentaire philosophique et politique. Au premier abord, Habermas semble en fai-re un usage modéré: il ne peut plus exister de raison qui serait au service d'une "motivation philosophique en dernier ressort". L'erreur de Nietzsche, de Heidegger et même d'Adorno et de Derrida aura été d'avoir "con-fon-du les questionnements universalistes, toujours présents en philosophie, avec leur prétention   —aban-don-née, elle, depuis longtemps—   à avoir rang de statut, prétention que la philosophie exprimait naguère pour les réponses qu'elle apportait". Certes, "la conscience de la faillibilité des sciences… a depuis longtemps rat-tra-pé la philosophie", mais celle-ci "se conçoit, aujourd'hui comme hier, comme la gardienne de la rationalité au sens d'une prétention rationnelle inhérente à notre forme d'existence" (PhD, 247, rem. 74). Mais cette as-ser-tion fait elle-même problème: comment conserver les "questionnements traditionnels et universalistes" si l'on jette par dessus bord le statut traditionnel de la philosophie où s'enracinent  —et se justifient—  ces ques-tion-nements, et si les réponses de portée universelle deviennent impossibles? (La réserve de Habermas selon la-quelle les "propositions universelles" doivent nécessairement se couler dans un "moule grammatical" de-vient très vite relative). Comment la philosphie peut-elle encore de nos jours se comprendre comme "la gar-dienne de la rationalité" (comme dans l'Aufklärung) lorsqu'on sait que l'universalité de la raison (prétention qu'elle soutenait encore naguère) n'est plus crédible aujourd'hui? Sur ce point, Nietzsche et Dilthey voyaient plus loin qu'un Jürgen Habermas, auquel le XVIIIème siècle colle encore à la peau…

Un panrationalisme qui ne tient pas à l'analyse...

Habermas précise que sa conception de la raison est en rupture avec la raison archaïque de l'idéalisme allemand: "Il n'existe aucune raison pure qui se serait ensuite glissée dans l'habit du langage. La raison est raison incar-née d'entrée de jeu dans l'acte de communication comme dans les structures du  monde vivant" (PhD, 374). Il se-rait plus juste de parler ici de panrationalisme (comme il y a un "panthéisme"): la raison communicative de Habermas est omniprésente puisqu'elle "décrit… l'universel d'une forme de vie commune" (PhD, 377). L'uni-versum (das Ganze)  est traversé par le fil de la raison: même l'erreur, le crime et l'illusion ne sont pas a-ra-tion-nels: ce ne sont que les manifestations d'une raison "à contre-sens" (verkehrt).  A l'évidence, c'est cela qui jus-tifie aux yeux d'Habermas la possibilité de croire encore à l'utopisme au nom du "progrès", puisque tous les phé-nomènes indésirables du monde moderne ne sont pour lui que des manifestations d'une "raison à contre-sens", qu'il appelle "pathologies de la communication" et qui peuvent être corrigées par le retour à des formes ra-tionnelles de communication. Ici, c'est l'élève de Hegel qui parle: on critique certes la modernité mais sur le ter-rain et avec les instruments de la modernité, afin de perpétuer le projet culturel de la modernité.

La conception de Habermas repose entièrement sur une absolutisation du concept de la raison dialectique hégé-lienne, concept qu'il avance comme fondement intellectuel incontournable d'une modernité conçue sur le mode mo-nolithique. Or, une telle démarche n'est possible que si l'on occulte purement et simplement un héritage phi-losophique d'une importance et d'une richesse capitales.

Habermas ignore tout un continent de la philosophie, vieux de deux siècles

Habermas occulte le fait que depuis le XVIIIème siècle, parallèlement au surgissement kantien, s'articule une ré-sis-tance à l'idée d'une modernité hypostasiant la rationalié et que cette résistance n'a pas commencé avec Hamann, Möser et Herder: elle a atteint, chez ces auteurs, une première apogée mais s'est prolongée ensuite avec des penseurs comme Jacobi et les Romantiques (parmi lesquels Habermas ne cite que Schelling et F. Schlegel, et brièvement de surcroît; PhD, 111 ss.). Schopenhauer et Kierkegaard perpétuent, sous des approches diffé-ren-tes, cette lignée philosophique qui produira Nietzsche et le vitalisme et se développera jusqu'à Spengler, Kla-ges et les intellectuels de la "Révolution conservatrice". Dès les origines de la modernité (qui n'a jamais été cet-te entité fermée et monolithique que suggèrent les textes de Habermas), il a donc existé une tradition de l'es-prit qui a identifié et conceptualisé les dangers inhérents à la césure, introduite par la modernité, entre horizon de l'expérience et horizon de l'espérance, selon l'expression de Koselleck, et dont la Révolution française fut un exemple. Comme l'a montré sans ambiguité Bernard Willms, "la pensée allemande, de Herder à Gehlen, se con-çoit effectivement comme un face-à-face permanent avec l'Aufklärung de l'Occident et l'on peut démontrer que, dans ce débat, la pensée allemande se percevait et se perçoit toujours comme une riposte aux Lumières" (21). Cela ne signifie nullement que cette pensée ait dégénéré en "irrationalisme" et en borborygmes mys-ti-ques: "La contre-Aufklärung, c'est le dépassement critique de l'Aufklärung par une relation plus réaliste à l'his-toi-re et au réel… La contre-Aufklärung, ce n'est donc pas l'érection d'une ligne de défense face à l'Aufklärung, c'est une réflexion plus profonde sur les notions générales et abstraites auxquelles la Révolution française avait réduit l'histoire et l'humanité" (22).

La contre-Aufklärung fait contrefeu à l'optimisme panrationaliste du "progrès", caractéristique d'une praxis phi-lo-sophique indigente dont les héritiers se parent aujourd'hui des oripeaux des "théories de la communication" et essaient de revendre sous un emballage nouveau les vieilles lunes de l'utopisme des XVIIIème et XIXème siècles.

Habermas a la conviction apparemment inébranlable que seule la raison émet un accès privilégié au réel. Plus le monde vivant est appréhendé de façon abstraite, mieux cela vaut. Plus la réflexion est brumeuse, plus l'em-pri--se sur le réel est précise. Ce qui permet accessoirement (au grand plaisir de Habermas) de disqualifier le dis-cours adverse comme unterkomplex:  trop simple!! (PhD, 394). Il juge évidemment dangereuse l'idée que le réel puis-se se manifester plutôt dans le concret que dans l'abstrait. On le voit bien lorsqu'il déclare que les mou-ve-ments sociaux doivent intégrer en eux le "contenu normatif de la modernité", c'est-à-dire ce "droit à l'erreur" (Fallibilismus),  "cet universalisme et ce subjectivisme qui sapent la force et la forme concrète de tout ce qui est particulier" (PhD, 424, souligné par l'auteur). On ne peut être plus clair: l'ennemi, c'est tout ce qui est par-ticulier, spécifique, concret! En effet: l'"analyse structurelle des mondes vivants", fondée sur la théorie de la com-munication, n'est viable que si on fait l'impasse du concret; faute de quoi, on nage, selon Habermas, "dans la mer des contingences historiques" (NU, 191). Que le réel consiste justement en cette "mer des contingences his-toriques", que ce "tout autre" (das Andere)  d'une raison conçue sur le mode abstrait puisse se poser en anti-thèse du Général, de l'Universel, de l'Abstrait et du Médiat (23), non seulement comme rêve, fantasme, folie ou ex-tase mais également comme Individuel, Concret ou Immédiat, cette idée-là, le panrationalisme d'un Jürgen Ha-bermas ne peut que s'en détourner avec horreur…

Redécouvrir "l'autre que la raison" et échapper à l'hybris du panrationalisme

Pourtant, ce n'est peut-être pas un hasard si la pensée contemporaine connait actuellement un nouveau change-ment de cap pour lequel c'est surtout "l'expérience de la finitude… qui fait l'homme", c'est avant toute chose "comprendre que l'homme ne pourra jamais faire coïncider totalement sa pensée avec le réel" (24). Ce qui im-plique nullement un rejet de la raison comme entité; cela suppose seulement que l'on reconnaisse "l'Autre que la raison" (das Andere der Vernunft)  et que l'on incorpore dans son schéma mental cet élément qui n'est pas "in-férieur" à la raison puisqu'il est au cœur du réel. Réapprendre que l'esprit humain se heurte toujours en fin de comp-te aux limites de l'aporie et du paradoxe, c'est échapper à l'hybris  d'un rationalisme omnipotent.

C'est Hermann Lübbe qui a le mieux cerné la portée actuelle d'une pensée comme celle de Habermas: "Dans une ci-vi-lisation qui nous est une contrainte culturelle et politique, moins par sa sclérose que par sa dynamique, les attitudes progressistes deviennent obsolètes" (25). Mais on soupçonne fort, par moments, que la forme de ces at-titudes, cet emballement intellectuel qui se résorbe dans ces abstractions toujours plus insaisissables, signale l'irruption de cette "barbarie de la réflexion" dont parlait déjà Vico puis, après lui, Nietzsche, Sorel et Speng-ler et qui annonce invariablement la barbarie tout court.

Hans-Christof KRAUS.

(traduction française: Jean-Louis Pesteil).

Notes:

(1) Interview de D. Horster et W. van Reijen du 23 mars 1979, in: D. Horster, Habermas zur Einführung,  Hanovre, 1980, p. 76.

(2) On le voit très bien quand Habermas découvre… Richard Löwenthal et Kurt Sontheimer comme "pen-dants ouest-allemands" des néoconservateurs américains (NU, 39)! Ces deux libéraux de gauche, te-nants d'un "patriotisme de la Constitution" (Verfassungspatriotismus),  n'ont strictement rien à faire dans le camp "conservateur". Ils seraient d'ailleurs eux-mêmes fort contrariés d'une telle classification!

(3) Sur le plan de la définition, Habermas les distingue nettement des néoconservateurs américains (NU, 40). Ce qui ne l'empêche pas ensuite d'accoler ce qualificatif aux Allemands (NU, 39, 46, 49 et 182). On aurait aimé un peu plus de rigueur dans le maniement de certains concepts!

(4) Sur la controverse entre Habermas et les Français, on consultera A. Huyssen, "Die Postmoderne. Eine amerikanische Internationale?" in dito et K.R. Scherpe (éd.), Postmoderne - Zeichen eines kulturellen Wandels,  Reinbek bei Hamburg, 1986, pp. 26 ss.

Sur Lyotard, on peut lire dans le texte de présentation de ses livres parus chez Merve-Verlag (Berlin): "… Militait pendant la guerre d'Algérie dans le groupe d'extrême-gauche de la revue "Socialisme ou Bar-barie"".

(5) Voir par exemple le recueil de textes M. Foucault: Mikrophysik der Macht - Über Strafjustiz, Psychiatrie und Medizin,  Berlin 1976 ou encore le "Dialogue entre Michel Foucault et les étudiants" in M. Foucault: Von der Subversion des Wissens,  Francfort, Berlin, Vienne, 1978, pp. 110 ss.

(6) Cf. J. Altwegg, Die Republik des Geistes,  Munich, 1986, p. 210.

(7) Horster (cf. Note 1), p. 73.

(8) J. Rawls, Eine Theorie der Gerechtigkeit,  Francfort, 1979, p. 401.

(9) La citation de Rawls par Habermas est tronquée; Habermas a omis un "détail" important: l'adjectif "po-litique", sans en aviser le lecteur (NU, 83).

(10) D'autant que pour Habermas, la question de savoir si la théorie de Rawls, pur produit de la tradition anglo-saxonne, est transposable à l'Allemagne, ne semble même pas se poser…

(11) Habermas essaie d'éluder la critique de l'Aufklärung par Hegel (par exemple la critique du primat du "devoir-être" sur l'Etre) en affirmant que Hegel est "obligé" de développer sa notion de modernité "à par-tir d'une dialectique elle-même inhérente au principe de l'Aufklärung" (PhD, 33), ce qui laisse com-plè-tement de côté, évidemment, les différences qui peuvent exister entre la notion de raison chez Hegel d'une part, dans l'Aufklärung d'autre part. A ce jour, Bernard Willms est, il me semble, le seul à avoir mon-tré comment les "théoriciens critiques" de l'Ecole de Francfort s'évertuent à gommer ces différences: "La prétention de la Théorie critique à incarner un courant "progressiste" qui apercevrait comme axe de ce "progrès" l'offensive de l'Aufklärung, ses intentions révolutionnaires (comme le tournant de la dialec-tique) et surtout son prolongement révolutionnaire par le marxisme, repose en fait sur une double er-reur: premièrement, la Théorie critique n'a pas vu que Marx, en remontant au 18ème siècle, ne pouvait que retomber dans un système de pensée qui avait déjà été dépassé et surmonté par l'idéalisme. Deuxiè-me-ment, elle n'a pas vu que le matérialisme "scientifique", que le marxisme prétendait incarner, se con-ten-tait en réalité de reformuler la rationalité de l'Aufklärung dans le sens du 19ème siècle scientiste et positiviste. En sorte que la "Théorie critique" a conservé, malgré toutes les subtilités et toutes les acro-ba-ties de sa réflexion, le caractère réactionnaire des schémas de pensée hérités du 18ème siècle: une rai-son prétentieuse, reproduisant une démarche intellectuelle de type religieux, ne pouvait qu'être une idéo-lo-gie au sens strict de théocratie intellectuelle et se dégrader en activisme jacobin, voire en véritable sco-lastique. Tout cela n'a plus rien à voir avec une quelconque appréhension du réel, en dépit du rem-plis-sage sociologique et des jongleries avec les "totalités". A cause du marxisme, les acquis phi-loso-phiques de l'idéalisme allemand se sont vus ramenés aux vieilles lunes de l'Aufklärung" (B. Willms, "Deutscher Idealismus und die Idee der Nation - Aufklärung und Idealismus in ihrem Verhältnis zur historischen und politischen Wirklichkeit" in: A. Mölzer (éd.), Österreich und die deutsche Nation,  Graz, 1985, p. 395).

(12) Cette interprétation est en contradiction flagrante avec les résultats des recherches les plus récen-tes sur Heidegger: elles montrent que le "retournement de Heidegger", la Kehre,  a commencé dès 1930, et non pas après 1933-34 (W. Franzen, Martin Heidegger, Stuttgart, 1976, p. 81; cf. également p. 76 ss.).

(13) Cf. Alain de Benoist, Aus rechter Sicht (=Vu de droite),  VoL. II, Tübingen, 1984, pp. 33 ss., 156 ss.; du même: Kulturrevolution von Rechts,  Krefeld 1985, p. 122.

(14) J. Habermas, Philosophisch-politische Profile,  Francfort, 1984, p. 469.

(15) Au demeurant, tout le chapitre sur Heidegger est entrecoupé d'allusions plus ou moins polémiques et malveillantes au faux-pas politique du grand philosophe. Détail révélateur: sur ce point comme sur d'au-tres, Habermas utilise deux poids et deux mesures: on ne sache pas qu'il ait jamais critiqué son pa-tron de thèse, Eric Rothacker, philosophe à Bonn, très méritant du reste, qui collabora allègrement après 1933 (cf. sa "Philosophie de l'histoire", Munich et Berlin, 1934, p. 135 ss.) et qui, après la dé-fai-te, préféra "tout oublier" (cf. ses Heitere Erinnerungen,  Francfort et Bonn 1963, p. 73)!

(16) M. Heidegger, Sein und Zeit,  Halle, 1941, p. 166 ss. (§§ 35-38).

(17) Karl Marx, Die Frühschriften,  éd. S. Landshut, Stuttgart 1953, p. 361.

(18) Labriola et Trotsky cités par W. Sombart: Der proletarische Sozialismus,  vol. I, Iéna 1924, p. 323.

(19) Kant à C.F. Stäudlin, du 4 mai 1973, in: Kant, Briefe,  éd. par J. Zehbe, Göttingen, 1970, p. 216.

(20) Carl Schmitt, Der Begriff des Politischen,  Berlin, 1963, p. 59.

(21) Bernard Willms, Die Deutsche Nation,  Köln 1982, p. 88.

(22) B. Willms, Idealismus und Nation - Zur Rekonstruktion des politischen Selbstbewusstseins der Deutschen,  Paderborn, 1986, p. 41.

(23) Cf. à ce sujet Armin Mohler: "Die nominalistische Wende", in A. Mohler, Tendenzwende für Fortgeschrittenen,  München 1978, p. 187 ss.

(24) A. Mohler, Was die Deutschen fürchten,  Stuttgart, 1965, p. 18.

(25) H. Lübbe: Zeit-Verhältnisse,  Graz,1983, p. 142.

jeudi, 15 janvier 2009

A Posthumous Conversation With Arnold Gehlen

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A Posthumous Conversation With Arnold Gehlen

Thomas Molnar

My only "encounter" with Arnold Gehlen was on the pages of Criticon: He was the subject of the Autorenportrat in the first issue of the review; I was the subject in the second. This is not much, yet I have mentally "conversed" with him several times, thereafter as a conservative social anthropologist. I employ conservative both as a term of praise and disagreement. Facing his progressive colleagues, a conservative social philosopher is one who does not indulge in wishful imaginings that he presents as the inevitable future of mankind. At the same time, he runs the risk of becoming intellectually rigid when he assumes that man, less plastic than the evolutionists believe, is determined by successive civilizational forms, from that of the hunter-gatherers to postindustrial society.
       
        Gehlen is part of a school of thought whose members divide history--not l'histoire evenementielle but sociotechnical history--into boxes, then shuffle their contents and are visibly annoyed when the cards from one box spill over to another box. A good illustration of this method of over classification is found in the works of the cultural anthropologist Pitirim Sorokin who involves himself in so many cross-references that the reader finally loses the line of argument and can only hold on to a few passages for their illustrative value.
       
        In the above paragraph, I tried to unmask the scholarly processes of these men when I called their professional object "sociotechnical history." It seems to me that most, if not all, of these admirable thinkers are over impressed by our "age of technology," and have become its victims in the sense that they regard it as the end of history, culture, and the human condition. To be sure, this view may be more defensible than that of their progressive colleagues. These latter are similarly overimpressed but build temples to technology, congratulating each other that they can now pray at the same shrine, members of the same ultimate cult. Gehlen and his colleagues were less naïve; they did not like what they saw. Yet they, too, considered technological civilization as the ultimate human achievement, though perhaps in the negative sense, as if man's being turned into a machine were inscribed in the natural order of things.
       

History As Positive Achievement
       
        What can one do after reaching such a conclusion? Two possibilities are left. One is given by the pessimistic historian Oswald Spengler: the replaying of the whole scenario from infancy to senility in some other geographical setting, endlessly. The fatalism of this process shuts off all discussion. The other possibility was explored by Gehlen: the explanation of our supposedly final civilizational shape as seen in reference to former ages, now perceived as approaches to the present level of mechanized living. Facing Spengler's picture of a cyclical history, Gehlen declares the course of history irreversible and, as such, a positive achievement.
       
        The French philosopher Henri Bergson at least contemplated a pair of alternatives, one of them negative, and the other positive. The élan vital had two choices, one of which ended in the cul-de-sac of perfect but mechanized instincts (the lepidoptera); the other of which flowed in the direction of an incalculable freedom and in the direction of man--the open intelligence, the creative artist, mystic, saint. Gehlen, however, insists on basic human constants--stability, regularity, and domination over nature--and is led to such a strange rapprochement: equation between the magical practices of archaic man and modern technological inventions. In both cases, Gehlen holds, man projects his need for regularity and routing onto the outside world. Magic brings him the obedience of the organic universe (or what his animism regards as organic); governing technology brings him the scientific laws of inorganic matter.
       
        This is, of course, reductionism of a rather materialistic kind. Marx and Engels, and before them, Helvetius and the Renaissance adepts of Epicurus, could have subscribed to it: Religion is merely a method of influencing imaginary superior forces. Once these forces are harnessed, scientific laws and their technical embodiments take over--and give us at least as much satisfaction as religion. The logic of this position does not stop here; it compels us to distinguish between our dependence on animate forces (in the age of magic) and our freedom today, as we manipulate the inanimate world. Max Weber's concept Entzauberung may be relevant here; that is, nature's desacralization as not merely an option, but an inevitable and irreversible transformation. As Gehlen writes, with man's switch from near passive object to active-dominant subject of historical and productive forces, the moral ideal has also changed. Is this not the line of argument of all utopian thinkers, from Joachim of Fiore to Teilhard de Chardin, not to mention the solid phalanx of progressive social scientist and ideologues?

       
A Rationalistic Future

       
        I hope the reader sees now the nature of my objection to Gehlen's quasi-deterministic vision. It is a vision that German thinkers adopted at the end of the last century, and that they have had certain reasons to cultivate in this one. Writes Gehlen: "The future no longer holds any prospect of a resurgence of mystical consciousness, since the industrial culture now conquering the globe is rationalistic through and through" (Man in the Age of Technology, p. 122). He proceeds to analyze industrialization's dreary consequences, the bureaucratization of life, mechanization of work, and institutional dissolution. This is Max Weber and Oswald Spengler again, themselves influenced by Vico, Burckhardt, and Tocqueville, and in their turn influencing Toynbee, Ortega, and others. Gehlen is by no means along; in fact, the cultural mood he represents has become all-pervasive, a sign of the times. But no matter how many brilliant names subscribe to and illustrate this mood and trend of thought, it is no more than a vision of the world closing in upon us.
       
        If I read Gehlen correctly, his philosophical anthropology contains two principal propositions. The first is that one may speak of culture only in a magical ritualistic sense, which suggests man views himself as a fragile being. This would also explain the human need for institutions because they mediate the sphere of transcendence to communities, at least to Gemeinschaften. And it further explains why, according to Gehlen, the place of institutions in our time is taken over by organizations (Gesellschaften). These temporary products of social relationships regulate themselves without pointing to a beyond and express ad hoc subjective desires.
       
        Gehlen's second proposition is that the consciousness of an age alters in response to changes in culture, in the form of human settlement or method of production. In our industrial civilization, then, culture has come to an end, and our consciousness is shaped by vast, manipulated, and manipulatory forces (the media, commercial publicity, government propaganda). The small enclave, in which each of us lives his impoverished private existence, with neither gods nor genuine human contacts to console us, has no cultural motivation and is easily adaptable to a hedonistic life-style.
       
        Although Arnold Gehlen and the other philosophers of civilization neither make excessive use of the so-called objective methods of measurement nor reject value judgments such as "decadence," "moral decline," and "social fragility," their central weakness is their inability to rise above the typological view of history. They ought to take into account the fact that every age proceeds to divide historical time according to its own convenience or prejudice, distributing praise, difference, or hostility by means of labels it nails to the various time-sections. "Middle Ages" contains a negative verdict, "Enlightenment" a positive one, while "ecumenic age" has a question mark attached to it.
       
        No wonder, then, that our preoccupation with industry and technology has introduced and encouraged a new classification based on the ways and methods of production. This is why we discovered in retrospect the nomadic gatherers; the clans of hunters and fishermen; the settled agriculturists and animal breeders; the urban population; artisanship and trade; large-scale, indeed global, industry; then, with an anxious look at the future, the age of nuclear energy and spatial navigation. The postulate that overarches this enumeration is irreversibility. As Gehlen writes, we cannot return from the industrial to the mythical consciousness because the former destroyed the later with its cold, rationalistic methods and has expanded throughout the planet.
       

The Shaping Of Societal Consciousness
       
        Where is my disagreement with Gehlen and the school to which he belongs? It is questionable to what extent the consciousness of a society is shaped by its material substratum, productive forces, and social relationships. It was the Marxist Lucien Goldman who tried (in Le Dieu cache) to demonstrate that Pascal's and Racine's work can be explained in terms of the new sociological position of the noblesse de robe--a thesis brilliantly demolished by a young scholar, Gerard Ferrey-rolles. Similar attempts at a basically Marxist analysis abound in the works of sociologists of knowledge like Karl Mannheim, and, of course, Georg Lukacs and the
Frankfurt School.
       
        Gehlen did not belong to any of these groups, yet he shares with them a number of intellectual ancestors and presuppositions. Industrial society was so traumatic for scholars holding a tradition-based worldview that some drew apocalyptic conclusions from its predominant position and gradual annexation of various areas of daily and cultural life. Let us not forget that in the nineteenth century not scholars but primarily artists opposed scientific progress (Blake, Baudelaire, Flaubert, then Pound, Yeats, Eliot); most intellectuals were swept off their feet by the prospect of utopia, but art historians soon joined the artists in their opposition to technology and mechanization (Sedlmayr, Ortega, Weidle).
       
        We must, however, question the theories of civilization built on nineteenth century culture shock, and regard fully developed technological society not as the last phase of a sadly declining history, but as a dead-end street, in the sense that lepidoptera represent an exhausted biological line in Bergson's system. (This is not a general approval of his Evolution cretrice!) Ghelen was impressed by the gradual buildup of the civilizational stages from the nomadic food gatherers to the present, cybernetic era. When the nomads made fire with a flint, that act was profoundly needed; hence, it was sponsored by a god (Agni in the Hindu pantheon, Vulcanus in the Roman), and it was an organic, unremovable part of civilization. This quality of permanence integrated "fire" with theology, philosophy (from the pre-Socratics until the Stoics), the magical worldview, alchemy, mining, poetry, and images of love and passion.
       
        Cybernetics, no matter what its giant achievements, cannot create counterparts in imagination nor install them in the pantheon. It is in the strictest sense unneeded, an embarrassing burden, a manipulative device; since nobody really wants it, it cannot catch our fancy. It is not part of the human condition. In short, there will never be a "cybernetic consciousness", only the learning by specialists of an auxiliary branch of industrial technology. No matter what sophisticated machines we build, man remains man, and machines, insofar as they enter our imagination at all, will be strange, freakish, monstrous, or ridiculous Frankensteins.
       
The Building Of A "Lepidopteran" World

       
        Thus industrial civilization, which so overwhelms us today, is a Bergsonian quasi-impasse in the succession of civilizations. I mentioned that its first opponents were those nineteenth-century artists who rebelled against photography, the railroad, the grisaille of factory life, functional architecture, the smoke that defiles the air of cities--not mere Luddites but clear-sighted insurgents against mechanization. Of course, this kind of milieu created its own human type, utilitarian man, who judges beauty in terms of supermarkets and building speculation.
       
        However, the whole thing can be diagnosed as a "lepidopteran" undertaking: Technology will simply not fuse with consciousness, it will frighten it, alienate it. The machine encourages things like the Centre Pompidou; it may even reach a kind of apotheosis in a night skyline mirrored in the river, as the illuminated cubes of
Manhattan. Such a vista is impressive, but it does not speak to the emotional roots where time, exaltation, awe, and humility enter into alchemic combination.
       
        Like many of his colleagues, Gehlen feared, in fact, the end of history, a typical and understandable rightist response to the present dehumanization and vulgarity of bureaucracy and mass culture. An abundance of histories of civilization has been written in the last hundred years. The authors either spoke openly of the decadence of the West or tried to balance Western civilization on the point of a needle, guessing whether it would remain or fall. At any rate, the authors believed they were publishing the last book before the end of the world, an end to come in an apocalypse or a whimper, as T.S. Eliot suggested. The books themselves were conceived on the model of inventories, the last tour d'horizon before all books are closed.
       
        Yet, history continues, and it is not irreversible. Indeed, irreversibility itself is a mechanical concept, exemplified by the machine that never stops functioning. But how could we say of Chartres or a Mozart symphony that it is irreversible, or that Augustine and Michelangelo did forever? Such statements, we know deep inside, do not make sense. Likewise, we know that a mechanical product, like the Centre Pompidou, regardless of how long it stands, will not be assimilated by historical consciousness.
       
        The modern reductionist methodology is responsible for Gehlen's pessimism about civilizations. It may be tempting and spectacular to equate archaic magic with the mathematical certainties derived from scientific technology, but it is a false equation. Magic was not solely an attempt to secure desired results--it suggested that the cosmos is one totality, the unimaginably vast scene of cross-influences by all its myriad components, human and other. Even when the magician obtained negative or no results, he felt the safety of belonging to a meaningful whole.
       
        The contemporary engineer has no such support. Our civilization, built on a "second nature" as it were, cannot be intimately ours. We will leave it behind and proceed to new configurations in the light of which dehumanizing technology and its computer brain may again appear as marginal--abandoned by post-technological man. Industrial society does not have to be followed by "more of the same"; envisioning the next civilization postulates is not in our power.

The Argument For Divine Censorship
       
        A final point. Gehlen expected, like many modern thinkers, that mankind would formulate a new, sound moral relationship with industrial culture. This may take the form of an "ethics of responsibility" (Hans Jonas) inspired by ecological considerations, a new awareness of our growing and perhaps unlimited power over nature. It must be noted, however, that morals are not formulated and observed in vacuo; they are creations of an ontological penetration into the universe by which human relations, too, are seen in a new light.
       
        Even if we accept the classification of previous historical epochs as sedentarization, agriculture, city building, and so on, it is obvious that each presented itself under the sponsorship of divinities who fulfilled two essential civilizational functions: They offered their followers a meaning of, and justification for, what gods and men were doing, thereby suggesting myths, rituals, and art forms. Their second function was setting the limits that the given technical instruments were unable to transcend--unless the gods themselves changed, but that act created another civilization.
       
        No such relationship exists between the technological age and what I have called the ontological penetration. Science has cleared the cosmos of the sacred presence; technology simply fills the empty place thus left, the way chairs fill the stage in Ionesco's Les Chaises: relentlessly, endlessly, even after the curtain falls. In other words, for a morality to exist as an active agent, the universe must have a meaning, and therefore techne must have limits. As if he had anticipated Hans Jonas' call for an "ethics of responsibility", Gehlen warned that Western man has had two centuries of conditioning in an uncritical admiration of technology. I think we must go farther and realize that we do have a system of ethics adjusted to science and technology, just as we have a system of esthetics. The trouble is that both are false: "Technological esthetics" is represented by the Centre Pompidou, while "technological ethics" is contained in the phrase, What is technically feasible is also moral. Neither system harmonizes with man's deeper vision of himself and the world.
       
        Thus my final disagreement with Gehlen can now be summarized. If there were a law according to which a new and different moral vision must coincide with every major change in technology, then the weight of importance in spiritual anthropology would have to shift from the moral demand as such to what technology can offer. In short, technology would determine morality, and anthropologists would merely register this fact. This is a fashionable view, which recently found a brilliant expression in Le desenchantement du monde, by Marcel Gauchet. The French writer's work is predicated on an also fashionable "historical entropy": We have left the religious worldview behind and have descended, as if from the mountains to the endlessly stretching plain, onto a self-regulating society.
       
        However attractive this thesis may appear, it is merely speculation for people ideologically committed to the infrastructure/superstructure process of history: With changes in the material and psychological preconditions, moral truth also shifts in a predetermined direction. But how do we measure the ratio that exists between, let us say, the structure of production or ownership, and the moral judgement? To my knowledge, there is no formula for the calculation of such a ratio, and speculation about the existence of one is the fading legacy of nineteenth-century positivism. There is thus no demonstrable relationship between infrastructure and superstructure, to use these loaded terms. The freedom and specificity of man--and if we do not postulate them, we might as well abandon all thought of an anthropology--are ultimately not tied to his material condition. Otherwise, given the present state of civilization, this "conversation with Arnold Gehlen" could not take place or would be without meaning.

Thomas Molnar is professor of religion at Yale. He is the author of The Pagan Temptation; The Decline of the Intellectual; Sartre: Ideologue of Our Time; and God and Knowledge of Reality.

[The World and I (New York), November, 1989]

 

lundi, 12 janvier 2009

Revue "Entropia": trop d'utilité?

Revue Entropia : Trop d’utilité ?

Tandis que s’étrécit le champ des possibles en partage, le trop excède en tout : trop d’injustices, trop d’insignifiances, trop de violences, de crises écologiques et de désastres sociaux…
Cette situation ne serait-elle pas en relation paradoxale avec l’importance démesurée accordée à l’utilité ? L’utilitarisme est une doctrine - née en 1827 - selon laquelle l’utile est le principe de toutes les valeurs, dans le domaine de la connaissance comme dans celui de l’action.

Cette peste moderne a conduit l’espèce humaine au bord du gouffre. Confondant le nécessaire et l’utile, elle ampute l’être humain des registres de la gratuité, de l’inutilité et de la sensibilité de la pensée qui sont pourtant les signes universels de sa singularité plurivoque. Elle mutile tous les rapports sociaux en les soumettant aux diktats de la marchandise. On peut avancer que, par nombre de ses aspects, l’idée de décroissance est née d’un sursaut de rébellion contre cet égarement.

Depuis sa création, en 1981, le MAUSS - Mouvement Anti-utilitariste dans les Sciences Sociales - a exploré le terrain d’un anti-économisme effectif. Sans renier cette filiation parmi d’autres, l’objection de croissance a choisi de radicaliser l’analyse et de bouleverser l’offre théorique et politique face à une crise anthropologique sans précédent.

La discussion de famille engagée entre ces deux mouvements d’idées se devait de devenir publique. Serait-ce, là, une autre façon d’oser ranimer le vieux débat entre réforme et révolution ?

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Maatschappij allarmerend individualistisch

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Maatschappij allarmerend individualistisch

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Bijna een op tien Vlamingen heeft geen vrienden

Bijna 1 op 10 van de Vlamingen, of 8 procent, zegt dat hij of zij geen vrienden heeft. Dat staat in het januarinummer van het gratis tijdschrift "çava? " van de Christelijke Mutualiteit (CM) Midden-Vlaanderen.

(belga) - CM Midden-Vlaanderen ondervroeg zo'n 1.500 Vlamingen over vriendschappen. Hoewel 8 procent zei dat ze geen vrienden heeft, telde de Vlaming toch gemiddeld zeven vrienden. Gemiddeld waren er daarvan 2,5 beste vrienden.

Vier op tien leerde zijn vrienden kennen op het werk, ruim een derde via het verenigingsleven en meer dan een vierde via het uitgaansleven. Bijna de helft gaf aan dat ze hun vrienden leerden kennen via gemeenschappelijke vrienden.

Opvallend is dat een derde van de ondervraagden zei online vrienden te hebben. Dat was eerder het geval bij mannen dan bij vrouwen, met respectievelijk 40 procent en 27 procent. Vrouwen sluiten vriendschappen vooral via fora, mannen via gamen of bloggen. Wel zei ruim een vierde dat ze die vrienden nooit in werkelijkheid zien. Ook zou een op acht zich anders voordoen op het net dan in werkelijkheid. Drie kwart van de ondervraagden maakte een onderscheid tussen online vrienden en andere: ruim de helft vond die eerste oppervlakkiger.

Tenslotte zou meer dan een derde een afspraak met vrienden laten doorgaan, ook als de baas zou vragen om over te werken. Als de partner een vriend als liefdesrivaal zou beschouwen zou bijna 9 op 10 van de Vlamingen een en ander proberen uit te praten. Van de ondervraagden zou 3 procent de vriendschap laten vallen, 2 procent zou de relatie beëindigen. Zes procent zou de vriend stiekem blijven ontmoeten.


Het huidige beleid dat steeds meer de nadruk legt op het individu en egoisme ten koste van de gemeenschap, het middenveld en het gezin.
Het beleid dat steeds opnieuw tracht tradities te breken, onze cultuur te vernietigen, en multicultuur in te voeren zodat mensen van elkaar vervreemden, heeft zijn vruchten afgeworpen.
Het middenveld gaat kapot, gezinnen vallen uit elkaar, tradities gaan verloren en de Vlaming vereenzaamd.

vendredi, 09 janvier 2009

Une modernité en état critique

 

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Archives de SYNERGIES EUROPÉENNES -

VOULOIR (Bruxelles) - Juillet 1994

 

 

Fabrice MISTRAL:

Une modernité en état critique

 

 

Il n’y a pas si longtemps, il fallait absolument être moderne. Aujourd’hui, on s’interroge. La modernité n’est plus à la mode. Alain Touraine propose une “critique de la modernité”. Bruno Latour écrit: “Nous n’avons jamais été modernes”. Reste à savoir de quoi parle-t-on ? La modernité philosophique semble se caractériser, indique Didier Paquette, par “l’affirmation plus appuyée du “sujet pensant” et par une “capacité à penser les relations entre des plans d’existence ou de réalité jusque là posés sans liens définis” (1). Pour B. Latour, si la modernité a consisté à penser séparement l’homme et le monde, la nature et la culture, nous n’avons pas pensé intelligemment les écarts entre chacun des deux termes. Et surtout, nous n’avons cessé de produire des objets hybrides sans en faire l’analyse. La mentalité pré-moderne partait du principe de non-séparabilité entre la nature et l’homme; elle rendait donc impossible toute expérimentation sur la nature à grande échelle puisqu’elle eut signifié une transformation de la société de même ampleur. Avec la mentalité moderne, nous en sommes au stade d’une action transformatrice de la nature qui transforme l’homme lui-même, dans ses dimensions tant économiques que non-économiques - anthroponomiques (2). Les transformations de l’homme-producteur concernent l’homme tout entier. Mais l’inconvénient est que nous pensons très insuffisamment l’effet de ces transformations. “Nous n’avons jamais été modernes” (3); c’est-à-dire que nous n’avons jamais bien pensé l’unité de ce que nous avons “découpé”: l’homme, Dieu (ou les dieux), les différents champs de l’existence.

 

Alain Touraine critique la modernité d’un autre point de vue. Selon lui, la modernité a consisté a assigner des tâches à la raison et à la conscience: comprendre le monde et l’humaniser. Il propose de “reprendre le projet moderne” là où il a “dérapé”, quand la raison, classant et articulant les différents plans de l’existence et du réel, serait devenue folle. Moment de l’accident: le siècle des Lumières. Circonstance: la collision de la raison et de la laïcisation. Avatar: le lancement des philosophies de l’histoire comme “mise-à-la-raison” totalisante du monde. Dans le détail, les choses sont un peu plus complexes. Retour sur image(s).

 

 

Au début du 18ème siècle, le rationalisme est solidement installé dans la pensée française. Entendons par là que s’est imposé depuis Descartes l’idée que la certitude de l‘existence de Dieu avait comme corollaire la valeur certaine de nos idées “claires et précises” sur le monde.  Si Dieu a créé l’homme, il a aussi créé ses idées, ajoute Malebranche. A partir de cet “acquis” se déploie le dualisme cartésien: d’un coté Dieu créateur du monde (y compris l’homme), de l’autre l’homme connaisseur - et en charge - du monde. Comme l’a justement remarqué Jean-François Revel, Descartes ne révise pas les fins de la philosophie, il en ajuste simplement les moyens (4). A savoir qu’il donne à la raison une force et un domaine d’application inégalés jusqu’alors. Cette raison triomphante est fondée sur l’évidence (le “bon sens”), l’analyse, le dénombrement et la synthèse. Il reste - on doit le remarquer - peu de place pour l’incertain, l’aléatoire, le contingent, le problématique.

 

La tâche à accomplir ne fait désormais pas de doute au début du 18è siècle. L’abbé Terrasson  choisit pour idéal (1715) la droite raison et la belle nature  (5). La nature s’entend comme l’extérieur de l’homme mais aussi comme les phénomènes intérieurs à celui-ci. Le projet philosophique consiste alors à mettre en cohérence l’homme et la nature.

 

D’une part, le rationalisme de Descartes a affirmé les droits de la raison à la souveraineté du savoir, d’autre part, ce savoir se laïcise: puisque Dieu a donné la raison à l’homme, celui-ci a le droit de tout connaître. Plus, devant la force de la raison, tout est connaissable. Tout est susceptible d’investigation, de classement, d’analyse. Et par là de transformation.

 

La philosophie des Lumières complète cette initiation à la modernité. Tout d’abord en affirmant que l’homme a des droits “naturels”, puis que, précisément au nom de ces droits - “les droits de l’homme” - la nature est corvéable et taillable à merci. Nous avons à nous rendre, dit Kant, “maîtres et possesseurs de la nature”. L’homme, “trop mauvais pour le hasard” (Kant toujours), doit corriger le monde et lui-même par la morale, et la condition en est l’autonomie de la volonté (l’étymologie de “morale” renvoie justement à “volonté, usage, moeurs” indiquant ainsi que la volonté n’est pas pensable hors de l’habitus).

 

La difficulté, c’est qu’il existe un continuum entre l’homme et la nature (le monde des objets animés et inanimés). Et que l’exploitation sans réserve de la nature aboutit à l’exploitation de l’homme par l’homme.

 

Alain Touraine incrimine dans le divorce du sujet et du monde l’”orgueil” de la philosophie des Lumières, puis l’envol des philosophies de l’histoire. Celles-ci ont prétendu interpréter l’histoire par un grand facteur explicatif. Pour faire court: la lutte des classes chez Marx, la lutte des races chez Disraëli, le développement du progrès chez A. Comte. Le rôle des philosophies de l’histoire a été celui de “grands récits” déréalisants. Ils ont abouti à une tendance à la dissociation de la vie publique et de la vie privée qui signe le divorce entre entre la modernité et la subjectivité. Alain Touraine en souligne justement le danger: “La séparation complète de la vie publique et de la vie privée entrainerait le triomphe de pouvoirs qui ne seraient plus définis qu’en terme de gestion et de stratégie, et face auxquels la plupart se replieraient sur un espace privé, ce qui ne laisserait qu’un gouffre sans fond là où se trouvait l’espace public, social et politique et où étaient nées les démocraties modernes”. De son coté, Gilles Polycarpe remarque: “L’annulation des lieux de symbolisation du pouvoir menace la vie démocratique”(6). C’est le revers du même problème: la visibilité du pouvoir est la condition de la participation démocratique.

 

 

Dans les sociétés post-socialistes (dorénavant !) comme dans les sociétés occidentales (néo-capitalistes), la dissociation du public et du privé est le produit d’un assèchement du monde. Par le libéralisme capitaliste comme par une certaine utopie du socialisme productiviste. Camus écrivait: “Quand on veut unifier le monde au nom d’une théorie, il n’est pas d’autre voie que de rendre ce monde aussi décharné, aveugle et sourd que la théorie elle-même” (7).

 

Mais on ne peut s’en tenir, dans la critique de la modernité, au dérapage dü à l’orgueil. Le rabattement de l’histoire sur la “nature”, et de celle-ci sur des lois universelles est dans les prémices de la modernité. Kant écrit (dans son Idée d’une histoire universelle du point de vue cosmopolite, 1784): “quel que soit le concept qu’on se fait, du point de vue métaphysique, de la liberté du vouloir, ses manifestations phénomènales, les actions humaines, n’en sont pas moins déterminées, exactement comme tout évênement naturel, selon les lois universelles de la nature”. Cette idée de naturalité de l’homme, de religion naturelle et de caractère naturel de la raison est l’idée dominante au 18è siècle, à la notable exception de Rousseau. Elle prolonge le projet “moderne” de Marsile Ficin de montrer l’ordonnancement “à Dieu et par Dieu” de la création (Jean-Claude Margolin). Ainsi la raison de Descartes s’enracine dans le “bon sens”, considéré comme une disposition “naturelle” de l’homme. Toutefois, face au constat de l’imperfection de la situation de l’homme dans le monde, bien que tous deux - homme et monde - créés par Dieu, il s’impose assez vite l’idée que le “bon sens”, ça se cultive, et qu’il n’est pas forcément partagé par tous, enfin, que les sociétés sont faites pour être perfectionnées. Ce qui, après un détour par l’idée de “despotisme éclairé” amène à celle de la nécessaire arrivée au pouvoir des “compétents” (et surtout de ceux qui l’ont prouvé en sachant s’enrichir).

 

 

Le cercle est ainsi bouclé. “Le “développement de la raison” inscrit à l’ordre du jour, est absolument lié à l’”accroissement du bonheur”, que permet le règne d’une liberté entière”, note François Azouvi (8). Le travail est ce par quoi la raison développe son emprise en vue du bonheur commun. C’est ce qui permet la détermination du droit naturel. Quesnay écrit: “Le droit naturel est indéterminé dans l’ordre de la nature; il le devient dans l’ordre de la justice par le travail” (9). Les physiocrates pensent, comme Mercier de La Rivière que “tous nos intérêts, toutes nos volontés viennent se réunir et former pour notre bonheur commun une harmonie qu’on peut regarder comme l’ouvrage d’une divinité bienfaisante qui veut que la terre soit couverte d’hommes heureux” (10). “Bonheur commun” ? quel bonheur ? La réponse est fournie par l’imagerie et la statuaire. A Reims, les allégories du piédestal de la statue de Louis XV représentent "une femme dont le visage serein exprime la douceur du gouvernement  et un citoyen heureux assis sur un ballot de marchandises “(11). Evidemment, le bonheur marchand a un coût. Pour ceux qui en sont privés d’abord, et qui sont ainsi dépossédés non seulement de tout statut social, mais de tout statut proprement humain. Un pauvre, dans notre société, n’est pas seulement un pauvre, c’est aussi “un pauvre type”, note Alain Caillé, car il est supposé inefficace et raté - par le système et dans le système. C’est donc une nuisance.

 

La modernité a aussi un coût qui concerne “exclus” comme “intégrés”. “On se modernise pour survivre, mais on se détruit pour être moderne”, indique Serge Latouche. La modernité nous a dépouillé, remarque Jean Chesneaux, de “la pratique des marches de nuit sous les étoiles, (de) l’odeur des tomates lentement muries au soleil, (de) la douceur intacte de paysages édifiés de siècle en millénaire” (12). C’est un peu cher payé.

 

 

 

 

 

Fabrice MISTRAL

 

 

_____________________

(1) Société-magazine, n°5, juillet-aout 1990.

(2) le concept d’anthroponomie se trouve utilisé principalement chez Jean-Paul de Gaudemar et Paul Boccara. Ce dernier la définit comme “les aspects non économiques de la société et rapports sociaux de la reproduction ou de la régénération des hommes eux-mêmes” (Issues, n°32, 1988). Cf. aussi Jean Lojkine, cinq ans de recherches anthroponomiques, in La Pensée, n°258, juillet-aût 1987.

(3) B. Latour, nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique. La Découverte, 1991.

(4) Histoire de la philosophie occidentale, tome 2, Stock, 1970 et Le livre de poche.

J-F Revel est l’auteur d’un vigoureux pamphlet contre Descartes, ruinant l’interprétation le mettant à l’origine de la science moderne: Descartes inutile et incertain (Stock, 1976). Dans un autre registre, son livre fameux Pourquoi des philosophes (Livre de poche, 1979) avait fait l’objet d’une attentive récension par Jacques Milhau (cf. Chroniques philosophiques, éditions sociales, 1972). Milhau s’y trouvait d’accord avec Revel sur de nombreux points.

(5) cité in La littérature du siècle philosophique, PUF, 1947. 

(6) Révolution, 29 novembre 1991.

(7) Actuelles 1, Le témoin de la liberté, 1948.

(8) Introduction à L’institution de la raison, sous la dir. de F. Azouvi, Vrin/EHESS, 1992. Les citations en italique sont de Destutt de Tracy, Elements d’idéologie, 1803.

(9) cité par Roger Daval, histoire des idées en France, PUF, 1977, p. 65.

(10) idem.

(11) Jean-Louis Harouel, histoire de l’urbanisme, PUF, 1981, p. 58.

(12) Modernité-monde (Brave modern world), La Découverte, 1989.

 

 

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dimanche, 28 décembre 2008

"La machine à abrutir" de Pierre Jourde

La machine à abrutir par Pierre Jourde

Le Monde diplomatique, Août 2008 : "Jusqu’à présent, la qualité des médias audiovisuels, public et privé confondus, n’était pas vraiment un sujet. Puis le président de la République découvre que la télévision est mauvaise. Il exige de la culture. En attendant que la culture advienne, l’animateur Patrick Sabatier fait son retour sur le service public. En revanche, des émissions littéraires disparaissent. C’est la culture qui va être contente.

Avec l’alibi de quelques programmes culturels ou de quelques fictions « créatrices », les défenseurs du service public le trouvaient bon. Ils ne sont pas difficiles. Comme si, à l’instar d’une vulgaire télévision commerciale, on n’y avait pas le regard rivé à l’Audimat. Comme si la démagogie y était moins abondante qu’ailleurs.

Les médias ont su donner des dimensions monstrueuses à l’universel désir de stupidité qui sommeille même au fond de l’intellectuel le plus élitiste. Ce phénomène est capable de détruire une société, de rendre dérisoire tout effort politique. A quoi bon s’échiner à réformer l’école et l’Université ? Le travail éducatif est saccagé par la bêtise médiatique, la bouffonnerie érigée en moyen d’expression, le déferlement des valeurs de l’argent, de l’apparence et de l’individualisme étroit diffusées par la publicité, ultime raison d’être des grands groupes médiatiques. Bouygues envoie Jules Ferry aux oubliettes de l’histoire.

Lorsqu’on les attaque sur l’ineptie de leurs programmes, les marchands de vulgarité répliquent en général deux choses : primo, on ne donne au public que ce qu’il demande ; secundo, ceux qui les cri-tiquent sont des élitistes incapables d’admettre le simple besoin de divertissement. Il n’est pas nécessairement élitiste de réclamer juste un peu moins d’ineptie. Il y a de vrais spectacles populaires de bonne qualité. Le public demande ce qu’on le conditionne à demander. On a presque abandonné l’idée d’un accès progressif à la culture par le spectacle populaire. Victor Hugo, Charlie Chaplin, Molière, René Clair, Jacques Prévert, Jean Vilar, Gérard Philipe étaient de grands artistes, et ils étaient populaires. Ils parvenaient à faire réfléchir et à divertir. L’industrie médiatique ne se fatigue pas : elle va au plus bas.

Chacun a le droit de se détendre devant un spectacle facile. Mais, au point où en sont arrivées les émissions dites de « divertissement », il ne s’agit plus d’une simple distraction. Ces images, ces mots plient l’esprit à certaines formes de représentation, les légitiment, habituent à croire qu’il est normal de parler, penser, agir de cette manière. Laideur, agressivité, voyeurisme, narcissisme, vulgarité, inculture, stupidité invitent le spectateur à se complaire dans une image infantilisée et dégradée de lui-même, sans ambition de sortir de soi, de sa personne, de son milieu, de son groupe, de ses « choix ». Les producteurs de télé-réalité — « Loft story », « Koh-Lanta », « L’île de la tentation » —, les dirigeants des chaînes privées ne sont pas toujours ou pas seulement des imbéciles. Ce sont aussi des malfaiteurs. On admet qu’une nourriture ou qu’un air viciés puissent être néfastes au corps. Il y a des représentations qui polluent l’esprit.

Si les médias des régimes totalitaires parviennent, dans une certaine mesure, à enchaîner les pensées, ceux du capitalisme triomphant les battent à plate coutureEt tout cela, bien entendu, grâce à la liberté. C’est pour offrir des cerveaux humains à Coca-Cola que nous aurions conquis la liberté d’expression, que la gauche a « libéré » les médias. Nous, qui nous trouvons si intelligents, fruits de millénaires de « progrès », jugeons la plèbe romaine bien barbare de s’être complu aux jeux du cirque. Mais le contenu de nos distractions télévisées sera sans doute un objet de dégoût et de dérision pour les générations futures.

On a le choix ? Bien peu, et pour combien de temps ? La concentration capitaliste réunit entre les mêmes mains les maisons d’édition, les journaux, les télévisions, les réseaux téléphoniques et la vente d’armement. L’actuel président de la République est lié à plusieurs grands patrons de groupes audiovisuels privés, la ministre de la culture envisage de remettre en cause les lois qui limitent la concentration médiatique, la machine à abrutir reçoit la bénédiction de l’Etat (1). Les aimables déclarations récentes sur l’intérêt des études classiques pèsent bien peu à côté de cela.

Quelle liberté ? La bêtise médiatique s’universalise. L’esprit tabloïd contamine jusqu’aux quotidiens les plus sérieux. Les médias publics courent après la démagogie des médias privés. Le vide des informations complète la stupidité des divertissements. Car il paraît qu’en plus d’être divertis nous sommes informés. Informés sur quoi ? Comment vit-on en Ethiopie ? Sous quel régime ? Où en sont les Indiens du Chiapas ? Quels sont les problèmes d’un petit éleveur de montagne ? Qui nous informe et qui maîtrise l’information ? On s’en fout. Nous sommes informés sur ce qu’il y a eu à la télévision hier, sur les amours du président, la garde-robe ou le dernier disque de la présidente, les accidents de voiture de Britney Spears. La plupart des citoyens ne connaissent ni la loi, ni le fonctionnement de la justice, des institutions, de leurs universités, ni la Constitution de leur Etat, ni la géographie du monde qui les entoure, ni le passé de leur pays, en dehors de quelques images d’Epinal.

Un des plus grands chefs d’orchestre du monde dirige le Don Giovanni de Mozart. Le journaliste consacre l’interview à lui demander s’il n’a pas oublié son parapluie, en cas d’averse. Chanteurs, acteurs, sportifs bredouillent à longueur d’antenne, dans un vocabulaire approximatif, des idées reçues. Des guerres rayent de la carte des populations entières dans des pays peu connus. Mais les Français apprennent, grâce à la télévision, qu’un scout a eu une crise d’asthme.

Le plus important, ce sont les gens qui tapent dans des balles ou qui tournent sur des circuits. Après la Coupe de France de football, Roland-Garros, et puis le Tour de France, et puis le Championnat d’Europe de football, et puis... Il y a toujours une coupe de quelque chose. « On la veut tous », titrent les journaux, n’imaginant pas qu’on puisse penser autrement. L’annonce de la non-sélection de Truc ou de Machin, enjeu national, passe en boucle sur France Info. Ça, c’est de l’information. La France retient son souffle. On diffuse à longueur d’année des interviews de joueurs. On leur demande s’ils pensent gagner. Ils répondent invariablement qu’ils vont faire tout leur possible ; ils ajoutent : « C’est à nous maintenant de concrétiser. » Ça, c’est de l’information.

On va interroger les enfants des écoles pour savoir s’ils trouvent que Bidule a bien tapé dans la balle, si c’est « cool ». Afin d’animer le débat politique, les journalistes se demandent si Untel envisage d’être candidat, pense à l’envisager, ne renonce pas à y songer, a peut-être laissé entendre qu’il y pensait. On interpelle les citoyens dans les embouteillages pour deviner s’ils trouvent ça long. Pendant les canicules pour savoir s’ils trouvent ça chaud. Pendant les vacances pour savoir s’ils sont contents d’être en vacances. Ça, c’est de l’information. A la veille du bac, on questionne une pharmacienne pour savoir quelle poudre de perlimpinpin vendre aux étudiants afin qu’ils pensent plus fort. Des journalistes du service public passent une demi-heure à interroger un « blogueur », qui serait le premier à avoir annoncé que Duchose avait dit qu’il pensait sérieusement à se présenter à la présidence de quelque machin. Il s’agit de savoir comment il l’a appris avant les autres. Ça, c’est de l’information. Dès qu’il y a une manifestation, une grève, un mouvement social, quels que soient ses motifs, les problèmes réels, pêcheurs, enseignants, routiers, c’est une « grogne ». Pas une protestation, une colère, un mécontentement, non, une grogne. La France grogne. Ça, c’est de l’information.

On demande au premier venu ce qu’il pense de n’importe quoi, et cette pensée est considérée comme digne du plus grand intérêt. Après quoi, on informe les citoyens de ce qu’ils ont pensé. Ainsi, les Français se regardent. Les journalistes, convaincus d’avoir affaire à des imbéciles, leur donnent du vide. Le public avale ? Les journalistes y voient la preuve que c’est ce qu’il demande.

Cela, c’est 95 % de l’information, même sur les chaînes publiques. Les 5 % restants permettent aux employés d’une industrie médiatique qui vend des voitures et des téléphones de croire qu’ils exercent encore le métier de journalistes. Ce qui est martelé à la télévision, à la radio envahit les serveurs Internet, les journaux, les objets, les vêtements, tout ce qui nous entoure. Le cinéma devient une annexe de la pub. La littérature capitule à son tour.Le triomphe de l’autofiction n’est qu’un phénomène auxiliaire de la « peopolisation » généralisée, c’est-à-dire de l’anéantissement de la réflexion critique par l’absolutisme du : « C’est moi, c’est mon choix, donc c’est intéressant, c’est respectable. »

La bêtise médiatique n’est pas un épiphénomène. Elle conduit une guerre d’anéantissement contre la culture. Il y a beaucoup de combats à mener. Mais, si l’industrie médiatique gagne sa guerre contre l’esprit, tous seront perdus."

A lire
>>> Pierre Jourde, La littérature sans estomacEd. L'Esprit des péninsules, 2002.
>>> Jourde - Naulleau, Précis de littérature du XXIe siècleMots et Cie, 2008.

samedi, 27 décembre 2008

Afrikanisering van Europa

Afrikanisering van Europa

“Hoe verdwijnt een beschaving, hoe verdwijnt de democratie? Democratie kun je niet invoeren, democratie moet te verwerven”. Eén van de vele treffende opmerkingen van mevrouw Marcia Luyten in haar boek Ziende blind in de sauna, waarin ze met veel verve waarschuwt voor een Afrikanisering van Nederland – en bij uitbreiding van Vlaanderen en Europa. Nederland gaat steeds meer op Afrika lijken, schrijft ze. 

Om de lezer vooraf toch al dit mee te geven: het boek gaat niet over de bedreiging vanwege immigranten, vanwege asielzoekers. Mevrouw Luyten is begonnen als een overtuigde telg van het multiculturele, progressieve kamp, al heeft ze ondertussen en gaandeweg een aantal van haar linkse standpunten bijgesteld. Neen, dit boek gaat over Nederlandse (Westerse) instellingen en instituties die door een kortetermijndenken in de politiek en de economie, die door een inhalige moraal, door uitholling van de moraal en door misbruikt vertrouwen ten onder dreigen te gaan, en die hierin steeds meer beginnen te lijken op Afrika.

Marcia Luyten (geboren in 1971) is journaliste, cultuurhistorica en econome, ze schrijft voor verschillende kranten en woonde van 2001 tot 2003 in Rwanda, en sinds 2007 in Oeganda. Ze kent de Afrikaanse cultuur vrij goed en beseft dus maar al te goed de draagwijdte van haar woorden. En hoewel ze zich blijft opstellen als een ‘progressief’ auteur, merkt men op elke bladzijde de sterke (soms onmerkbare trouwens) invloed van overtuigd conservatieve denkers als Dalrymple, die in zijn kritiek op het links-libertaire al wees op hun verpletterende verantwoordelijkheid in het ontkennen van elke publieke moraal. Mevrouw Luyten haalt Joep Dohmen aan: “Waarden als identiteit, individualiteit en vrijheid veronderstellen dat het individu door de samenleving een zekere morele vorming heeft ondergaan”.

Zo roept ze op “de vrijheid en de eigenzinnigheid te veroveren op de fanatiekelingen die zich in de jaren 60 van vorige eeuw hebben toegeëigend maar die daaraan behalve de emancipatie vooral één dimensie hebben: die van de permissiviteit”. Ze lijkt de politieke en metapolitieke rechterzijde na te zeggen dat “alles kan, alles mag” een deel van het probleem van Europa, van Vlaanderen en van Nederland is.

Over economie – toch wel zéér actueel, meen ik – schrijft Luyten heel treffende zinnen neer, vooral over het korte termijn winstbejag van aandeelhouders in multinationals, over de kip met de gouden eieren. En ook hier weer de parallel met Afrika: “Het aanstekelijke, bewonderenswaardige ‘leven in het moment’ van Afrika heeft een schaduwzijde: het maakt van armoede een gesloten cirkel”.

Niet alleen de economie, maar ook de politiek is ‘verafrikaniseerd’. Afrika kent vooral een politiek van aanhankelijkheden. Maar ook in Europa groeit het cliëntelisme sterk. Het gaat in de politiek – ook in België, ook in Nederland – steeds minder om politieke programma’s, om ideeën. Macht in Afrika dient vooral en bijna uitsluitend om de eigen achterban goed te verzorgen. Is dat het lot dat de politiek in Europa te wachten staat? Maar lees ook haar bladzijden over de massamediacultuur, lees haar vernietigend oordeel over allerlei schoolse experimenten!

Dit boekje van Marcia Luyten is echter geen programmabrochure van een politieke partij. Mevrouw Luyten schrijft met veel schroom, té veel schroom allicht, over de uitwassen van de multiculturele maatschappij. Maar toch is ook bij haar het taboe, om er liever niets over te schrijven dan slecht, gevallen. Zo noteert ze: “Toen een delegatie van het Nederlands Centrum voor Terrorismebestrijding het Amsterdamse stadsdeel Bos en Lommer bezocht, na de moord op Van Gogh, keken de bezoekers op van de hoeveelheid schotelantennes die er als geraniums balkons sierden”. Inderdaad, onze maatschappij is niet weinig verkleurd, mevrouw Luyten.

Het zal niemand verbazen dat geregeld wordt verwezen naar stevige Nederlandse conservatieve filosofen als Kinneging. Toch wil mevrouw Luyten verder door het leven als progressief auteur, niet zonder de arrogantie van links er stevig van links te geven. “Terug naar dat karakter (als een van de bouwstenen van een gezonde samenleving). Welke karaktereigenschappen zijn daarvoor nodig? Een schets van zo’n persoonlijkheid is niet ongevaarlijk. Voor je het weet, word je in een hoek gezet waar je niet wil zijn – bijvoorbeeld die van de conservatieven – want dat is wat sommige linkse mensen graag doen met andere linkse mensen die het over cultuur en moraal hebben”. Jaja, de verdraagzaamheid van links is een mooi ding…

Dit boek – maar dat had u al begrepen, beste lezer – bevat zeer veel stof tot nadenken. Veel introspectie in een maatschappij die wat ver in de ene richting is doorgeschoten. Marcia Luyten brengt noodzakelijke correcties aan.

(Peter Logghe)

Ziende blind in de sauna, 220 pagina’s
Auteur: Luyten, M.
Uitgeverij: Lemniscaat, Rotterdam 2008
ISBN  978 90 477 0035 7



 

Vilfreedo Pareto and Political Irrationality

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Vilfredo Pareto and Political Irrationality

Tomislav Sunic

Few political thinkers have stirred so much controversy as Franco-Italian sociologist and economist Vilfredo Pareto (1848-1923). In the beginning of the twentieth century, Pareto exerted a considerable influence on European conservative thinkers, although his popularity rapidly declined after the Second World War. The Italian Fascists who used and abused Pareto's intellectual legacy were probably the main cause of his subsequent fall into oblivion. 

Pareto's political sociology is in any case irreconcilable with the modern egalitarian outlook. In fact, Pareto was one to its most severe critics. Yet his focus extends beyond a mere attack on modernity; his work is a meticulous scrutiny of the energy and driving forces that underlie political ideas and beliefs. From his study, he concludes that irrespective of their apparent utility or validity, ideas and beliefs often dissimulate morbid behavior. Some of Pareto's students went to so far as to draw a parallel between him and Freud, noting that while Freud attempted to uncover pathological behavior among seemingly normal individuals, Pareto tried to unmask irrational social conduct that lay camouflaged in respectable ideologies and political beliefs. 

In general, Pareto argues that governments try to preserve their institutional framework and internal harmony by a posteriori justification of the behavior of their ruling elite--a procedure that stands in sharp contrast to the original objectives of government. This means that governments must "sanitize" violent and sometimes criminal behavior by adopting such self-rationalizing labels as "democracy," "democratic necessity," and "struggle for peace," to name but a few. It would be wrong, however, to assume that improper behavior is exclusively the result of governmental conspiracy or of corrupted politicians bent on fooling the people. Politicians and even ordinary people tend to perceive a social phenomenon as if it were reflected in a convex mirror. They assess its value only after having first deformed its objective reality. Thus, some social phenomena, such as riots, coups, or terrorist acts, are viewed through the prism of personal convictions, and result in opinions based on the relative strength or weakness of these convictions. Pareto argues that it is a serious error to assume that because his subjects or constituents feel cheated or oppressed, a leader of an oppressive regime is necessarily a liar or a crook. More than likely, such a leader is a victim of self-delusions, the attributes of which he considers "scientifically" and accurately based, and which he benevolently wishes to share with his subjects. To illustrate the power of self-delusion, Pareto points to the example of socialist intellectuals. He observes that "many people are not socialists because they have been persuaded by reasoning. Quite to the contrary, these people acquiesce to such reasoning because they are (already) socialists." 
       

Modern Ideologies and Neuroses 

In his essay on Pareto, Guillaume Faye, one of the founders of the European "New Right," notes that liberals and socialists are scandalized by Pareto's comparison of modern ideologies to neuroses: to latent manifestation of unreal effects, though these ideologies--socialism and liberalism--claim to present rational and "scientific" findings. In Freud's theory, psychic complexes manifest themselves in obsessional ideas: namely, neuroses, and paranoias. In Pareto's theory, by contrast, psychic impulses--which are called residues--manifest themselves in ideological derivatives. Rhetoric about historical necessity, self-evident truths, or economic and historical determinism are the mere derivatives that express residual psychic drives and forces such as the persistence of groups once formed and the instinct for combination. 

For Pareto, no belief system or ideology is fully immune to the power of residues, although in due time each belief system or ideology must undergo the process of demythologization. The ultimate result is the decline of a belief or an ideology as well as the decline of the elite that has put it into practice. 
        
Like many European conservatives before the war, Pareto repudiated the modern liberal, socialist myth that history showed an inevitable progression leading to social peace and prosperity. Along with his German contemporary Oswald Spengler, Pareto believed that no matter how sophisticated the appearance of some belief or ideology, it would almost certainly decay, given time. Not surprisingly, Pareto's attempts to denounce the illusion of progress and to disclose the nature of socialism and liberalism prompted many contemporary theorists to distance themselves from his thought. 
        
Pareto argues that political ideologies seldom attract because of their empirical or scientific character--although, of course, every ideology claims those qualities--but because of their enormous sentimental power over the populace. For example, an obscure religion from Galilee mobilized masses of people who were willing to die, willing to be tortured. In the Age of Reason, the prevailing "religion" was rationalism and the belief in boundless human progress. Then came Marx with scientific socialism, followed by modern liberals and their "self-evident religion of human rights and equality." According to Pareto, underlying residues are likely to materialize in different ideological forms or derivatives, depending on each historical epoch. Since people need to transcend reality and make frequent excursions into the spheres of the unreal and the imaginary, it is natural that they embrace religious and ideological justifications, however intellectually indefensible these devices may appear to a later generation. In analyzing this phenomenon, Pareto takes the example of Marxist "true believers" and notes: "This is a current mental framework of some educated and intelligent Marxists with regard to the theory of value. From the logical point of view they are wrong; from the practical point of view and utility to their cause, they are probably right." Unfortunately, continues Pareto, these true believers who clamor for social change know only what to destroy and how to destroy it; they are full of illusions as to what they have to replace it with: "And if they could imagine it, a large number among them would be struck with horror and amazement." 
        
Ideology and History 
        

The residues of each ideology are so powerful that they can completely obscure reason and the sense of reality; in addition, they are not likely to disappear even when they assume a different "cover" in a seemingly more respectable myth or ideology. For Pareto this is a disturbing historical process to which there is no end in sight: 
        

"Essentially, social physiology and social pathology are still in their infancy. If we wish to compare them to human physiology and pathology, it is not to Hippocrates that we have to reach but far beyond him. Governments behave like ignorant physicians who randomly pick drugs in a pharmacy and administer them to patients." 
        
So what remains out of this much vaunted modern belief in progress, asks Pareto? Almost nothing, given that history continues to be a perpetual and cosmic eternal return, with victims and victors, heroes and henchmen alternating their roles, bewailing and bemoaning their fate when they are in positions of weakness, abusing the weaker when they are in positions of strength. For Pareto, the only language people understand is that of force. And with his usual sarcasm, he adds: "There are some people who imagine that they can disarm their enemy by complacent flattery. They are wrong. The world has always belonged to the stronger and will belong to them for many years to come. Men only respect those who make themselves respected. Whoever becomes a lamb will find a wolf to eat him." 
        
Nations, empires, and states never die from foreign conquest, says Pareto, but from suicide. When a nation, class, party, or state becomes averse to bitter struggle--which seems to be the case with modern liberal societies--then a more powerful counterpart surfaces and attracts the following of the people, irrespective of the utility or validity of the new political ideology or theology: 
        
"A sign which almost always accompanies the decadence of an aristocracy is the invasion of humanitarian sentiments and delicate "sob-stuff" which renders it incapable of defending its position. We must not confuse violence and force. Violence usually accompanies weakness. We can observe individuals and classes, who, having lost the force to maintain themselves in power, become more and more odious by resorting to indiscriminate violence. A strong man strikes only when it is absolutely necessary--and then nothing stops him. Trajan was strong but not violent; Caligula was violent but not strong." 
        
Armed with the dreams of justice, equality, and freedom, what weapons do liberal democracies have today at their disposal against the downtrodden populations of the world? The sense of morbid culpability, which paralyzed a number of conservative politicians with regard to those deprived and downtrodden, remains a scant solace against tomorrow's conquerors. For, had Africans and Asians had the Gatling gun, had they been at the same technological level as Europeans, what kind of a destiny would they have reserved for their victims? Indeed, this is something that Pareto likes speculating about. True, neither the Moors nor Turks thought of conquering Europe with the Koran alone; they understood well the importance of the sword: 
        
"Each people which is horrified by blood to the point of not knowing how to defend itself, sooner or later will become a prey of some bellicose people. There is probably not a single foot of land on earth that has not been conquered by the sword, or where people occupying this land have not maintained themselves by force. If Negroes were stronger than Europeans, it would be Negroes dividing Europe and not Europeans Africa. The alleged "right" which the people have arrogated themselves with the titles "civilized"--in order to conquer other peoples whom they got accustomed to calling "non-civilized"--is absolutely ridiculous, or rather this right is nothing but force. As long as Europeans remain stronger than Chinese, they will impose upon them their will, but if Chinese became stronger than Europeans, those roles would be reversed."


        
Power Politics 
        
For Pareto, might comes first, right a distant second; therefore all those who assume that their passionate pleas for justice and brotherhood will be heeded by those who were previously enslaved are gravely mistaken. In general, new victors teach their former masters that signs of weakness result in proportionally increased punishment. The lack of resolve in the hour of decision becomes the willingness to surrender oneself to the anticipated generosity of new victors. It is desirable for society to save itself from such degenerate citizens before it is sacrificed to their cowardice. Should, however, the old elite be ousted and a new "humanitarian" elite come to power, the cherished ideals of justice and equality will again appear as distant and unattainable goals. Possibly, argues Pareto, such a new elite will be worse and more oppressive than the former one, all the more so as the new "world improvers" will not hesitate to make use of ingenious rhetoric to justify their oppression. Peace may thus become a word for war, democracy for totalitarianism, and humanity for bestiality. The distorted "wooden language" of communist elites indicates how correct Pareto was in predicting the baffling stability of contemporary communist systems. 
        
Unfortunately, from Pareto's perspective, it is hard to deal with such hypocrisy. What underlies it, after all, is not a faulty intellectual or moral judgment, but an inflexible psychic need. Even so, Pareto strongly challenged the quasi-religious postulates of egalitarian humanism and democracy--in which he saw not only utopias but also errors and lies of vested interest. Applied to the ideology of "human rights," Pareto's analysis of political beliefs can shed more light on which ideology is a "derivative," or justification of a residual pseudo-humanitarian complex. In addition, his analysis may also provide more insight into how to define human rights and the main architects behind these definitions. 
        
It must be noted, however, that although Pareto discerns in every political belief an irrational source, he never disputes their importance as indispensable unifying and mobilizing factors in each society. For example, when he affirms the absurdity of a doctrine, he does not suggest that the doctrine or ideology is necessarily harmful to society; in fact, it may be beneficial. By contrast, when he speaks of a doctrine's utility he does not mean that it is necessarily a truthful reflection of human behavior. On the matters of value, however, Pareto remains silent; for him, reasoned arguments about good and evil are no longer tenable. 
        
Pareto's methodology is often portrayed as belonging to the tradition of intellectual polytheism. With Hobbes, Machiavelli, Spengler, and Carl Schmitt, Pareto denies the reality of a unique and absolute truth. He sees the world containing many truths and a plurality of values, with each being truthful within the confines of a given historical epoch and a specific people. Furthermore, Pareto's relativism concerning the meaning of political truth is also relevant in reexamining those beliefs and political sentiments claiming to be nondoctrinal. It is worth nothing that Pareto denies the modern ideologies of socialism and liberalism any form of objectivity. Instead, he considers them both as having derived from psychic needs, which they both disguise. 
        
The New Class 
        
 For his attempts to demystify modern political beliefs, it should not come as a surprise that Pareto's theory of nonlogical actions and pathological residues continues to embarrass many modern political theorists; consequently his books are not easily accessible. Certainly with regard to communist countries, this is more demonstrably the case, for Pareto was the first to predict the rise of the "new class"--a class much more oppressive than traditional ruling elites. But noncommunist intellectuals also have difficulties coming to grips with Pareto. Thus, in a recent edition of Pareto's essays, Ronald Fletcher writes that he was told by market researchers of British publishers that Pareto is "not on the reading list," and is "not taught" in current courses on sociological theory in the universities. Similar responses from publishers are quite predictable in view of the fact that Pareto's analyses smack of cynicism and amorality--an unforgivable blasphemy for many modern scholars. 
        
Nevertheless, despite the probity of his analysis, Pareto's work demands caution. Historian Zev Sternhell, in his remarkable book La droite revolutionnaire, observes that political ideas, like political deeds, can never be innocent, and that sophisticated political ideas often justify a sophisticated political crime. In the late 1920s, during a period of great moral and economic stress that profoundly shook the European intelligentsia, Pareto's theories provided a rationale for fascist suppression of political opponents. It is understandable, then, why Pareto was welcomed by the disillusioned conservative intelligentsia, who were disgusted, on the one hand, by Bolshevik violence, and on the other, by liberal democratic materialism. During the subsequent war, profane application of Pareto's theories contributed to the intellectual chaos and violence whose results continue to be seen. 
        
More broadly speaking, however, one must admit that on many counts Pareto was correct. From history, he knew that not a single nation had obtained legitimacy by solely preaching peace and love, that even the American Bill of Rights and the antipodean spread of modern democracy necessitated initial repression of the many--unknowns who were either not deemed ripe for democracy, or worse, who were not deemed people at all (those who, as Koestler once wrote, "perished with a shrug of eternity"). For Pareto the future remains in Pandora's box and violence will likely continue to be man's destiny. 
       

The Vengeance of Democratic Sciences 
        
Pareto's books still command respect sixty-five years after his death. If the Left had possessed such an intellectual giant, he never would have slipped so easily into oblivion. Yet Pareto's range of influence includes such names as Gustave Le Bon, Robert Michels, Joseph Schumpeter, and Rayond Aron. But unfortunately, as long as Pareto's name is shrouded in silence, his contribution to political science and sociology will not be properly acknowledged. Fletcher writes that the postwar scholarly resurgence of such schools of thought as "system analysis," "behavioralism," "reformulations," and "new paradigms," did not include Pareto's because it was considered undemocratic. The result, of course, is subtle intellectual annihilation of Pareto's staggering erudition--an erudition that spans from linguistics to economics, from the knowledge of Hellenic literature to modern sexology. 
        
But Pareto's analyses of the power of residues are useful for examining the fickleness of such intellectual coteries. And his studies of intellectual mimicry illustrate the pathology of those who for a long time espoused "scientific" socialism only to awaken to the siren sound of "self-evident" neoconservativism--those who, as some French writer recently noted, descended with impunity from the "pinnacle of Mao into the Rotary Club." Given the dubious and often amoral history of the twentieth-century intelligentsia, Pareto's study of political pathology remains, as always, apt. 

Tomislave Sunic, a Croatian political theorist, has contributed a long essay to Yugoslavia: The Failure of Democratic Communism (New York, 1988).

[The World and I (New York), April, 1988]

 

 

 

 

dimanche, 21 décembre 2008

Ein Konzept, das der Wirklichkeit widerspricht


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Ein Konzept, das der Wirklichkeit widerspricht

„MenschInnen“-Autorin Barbara Rosenkranz im ZZ-Gespräch über Hintergründe, Einfluß und Folgen der „Gender-Mainstreaming“-Ideologie sowie über mögliche Gegenmaßnahmen

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Ex: http://www.zurzeit.at/

Frau Landesrat, was hat Sie dazu bewogen, das Buch „MenschInnen“ zu schreiben?

 

Barbara Rosenkranz: Es ist wichtig, daß die Gleichberechtigung der Frauen auf einer soliden, rationalen Grundlage argumentiert wird. Denn ich schätze vernunftbezogene Argumentationen und halte es für gefährlich, auf einer sehr zweifelhaften theoretischen Grundlage die notwendige Gleichberechtigung der Frauen zu verfechten.

Wenn man sich die Reaktionen auf Ihr Buch anschaut, so wurde unter anderem behauptet, es finde eine Umschreibung der Wirklichkeit statt. Trifft dieser Vorwurf nicht eigentlich auf die „Gender Mainstreamer“ zu?

Rosenkranz: Ich habe mich erfolgreich bemüht – es hat bis jetzt keinen sachlichen, inhaltlichen Widerspruch gegeben – alle meine Argumente durch Zitate und Belege aus den Aussagen und Schriften der Gender-„ExpertInnen“ zu stützen. Ich behaupte nichts, was nicht zu beweisen ist.

Warum ist das Gender Mainstreaming eine zweifelhafte theoretische Grundlage?

Rosenkranz: Der Kernsatz, mit dem sich feministische Bewegungen darstellen, aus denen das „Gender Mainstreaming“ hervorgeht, ist der über engere Kreise hinaus bekanntgewordene Satz von Simone de Beauvoir: „Man kommt nicht als Frau zur Welt, man wird es“. Daß dieser Satz falsch ist, sagt nicht nur der Augenschein, sondern das bestätigen mittlerweile auch die Humangenetik und die modernen Neurowissenschaften. Natürlich ist Biologie nicht Schicksal, aber Biologie muß der Ausgangspunkt jeder Diskussion sein.

Den „Gender Mainstreamern“ wird vorgeworfen, einen neuen Menschen schaffen wollen. Trifft dieser Vorwurf zu?

Rosenkranz: Es ist so, daß die Gender-Theorie behauptet, daß zwischen dem biologischen Geschlecht und der Geschlechterrolle – dem „Gender“ – keinerlei Zusammenhang besteht, und daß deshalb jeder Mann oder jede Frau das soziale Geschlecht, „Gender“, frei wählen kann. Das ist eine neue Idee, die leugnet, wovon wir vernünftigerweise immer ausgegangen sind, nämlich, daß das biologische Geschlecht natürlich auch die Geschlechterrolle prägt.

Was bezwecken Ihrer Meinung nach die Befürworter des Gender Mainstreaming?

Rosenkranz: Daß Gender Mainstreaming nicht nur ein Programm für Frauen ist, sondern für die Veränderung der Gesellschaft insgesamt, und auch mit den Männern einiges vorhat, können Sie in allen Texten lesen, die „Gender-ExpertInnen“ veröffentlichen. Wahrscheinlich wollte man wohlmeinend dafür sorgen, daß keinerlei Diskriminierung passiert. Aber man muß Diskriminierung vermeiden, ohne daß man sich auf eine mehr als fragwürdige Grundlage begibt. Und zum anderen ist es das Bestreben – und das zeigt jetzt die Besetzung der Ministerien in Österreich sehr deutlich – Frauen völlig unabhängig von ihrer Mutterrolle zur Verfügung zu haben, was sich auch mit den Wünschen einer Wirtschaft deckt, die sehr kurzfristig denkt. Jetzt haben wir in Österreich kein eigenes Familienministerium mehr, sondern nur mehr ein Familienstaatssekretariat, und das wurde – was ein klares Signal ist – auch dem Wirtschaftsministerium zugeordnet.

Im Regierungsprogramm kommt dreimal das Wort „Gender“ vor, und auch auf EU-Ebene gibt es unzählige Gender-Programme. Diese Ideologie ist doch eigentlich schon sehr weit fortgeschritten und konnte schon sehr viele Bereiche für sich vereinnahmen können.

Rosenkranz: Das ist auch das Ziel und die erklärte Absicht. „Mainstreaming“ bedeutet, dass eine Strategie auf allen Ebenen, von der obersten Organisationsebene – ich meine Brüssel – bis hinunter zur Bezirksverwaltungsbehörde, und in allen Bereichen, vom Bundesheer bis zum Gesundheitsministerium, durchgezogen wird. Daher muß die Genderperspektive in allen Bereichen und auf allen Ebenen berücksichtigt werden.

Welche Strategien können bzw. sollten eigentlich gegen das Gender Mainstreaming unternommen werden?

Rosenkranz: Das wichtigste ist, eine öffentliche Diskussion über dieses Thema zustandezubringen. Das war auch der Anstoß für mein Buch, denn es ist ja eine eigenartige Sache, daß ein Konzept, das alle Bereiche prägen soll und muß, das rechtlich in Verträgen verankert ist, der Bevölkerung weitgehend unbekannt ist. Und ich halte es für notwendig, daß darüber zumindest eine breite Debatte zu führen ist, wenn das absolut nicht umstoßbare Ziel der Gleichberechtigung durch ein weiterreichendes und auch völlig daran vorbeigehendes Konzept abgelöst werden soll, wie es beim Gender Mainstreaming der Fall ist.

Glauben Sie, daß die Gender-Ideologie dahingehend erfolgreich sein wird, einen neuen Menschen zu schaffen?

Rosenkranz: Es ist ganz offenkundig, daß der Mensch als Mann und Frau besteht. Es wird nicht möglich sein, das zu ändern, auch wenn es der abgetretene Sozialminister (Erwin Buchinger, Anm.) in einem Interview mit dem Magazin „Profil“ gesagt hat. Er wurde vom „Profil“ ein bißchen ungläubig gefragt, „und wie wollen Sie nun die Geschlechter abschaffen“ und hat geantwortet: „Das biologische Geschlecht wird bleiben, als soziales Konstrukt verschwindet es. Abgesehen von der kurzen Phase des Kindergebärens sehe ich keine Unterschiede. Grundlage für soziales Verhalten ist die Gleichstellung.“ Man hat also vor, hier wirklich ein völlig anderes Rollenbild zu schaffen. Aber gelingen im positiven Sinn kann es nicht, weil es völlig gegen die Wirklichkeit gerichtet ist. Allerdings kann man gewaltige Zerstörungen anrichten.

Welche Zerstörungen wären das?

Rosenkranz: Sie brauchen sich nur anzuschauen, was unter dem Titel „geschlechtssensible Pädagogik“ praktiziert wird: Daß nämlich in öffentlich geförderten Kindergärten Mädchen ein sogenanntes weibliches Verhalten nicht zeigen dürfen und daß sie statt dessen angeregt und ermuntert werden, ein sogenanntes männliches Verhalten – Kratzen, Beißen, Raufen – anzunehmen und sie dafür gelobt werden.

Umgekehrt werden Buben für ein solches Verhalten bestraft und zu einem völlig anderen Verhalten angeleitet. Ihnen bringt man Massagekörbe und ermuntert sie dazu, in Prinzessinnenkleidung zu schlüpfen und ihre Nägel zu lackieren.

Gender Mainstreaming ist eben nicht ein Förderprogramm für Frauen, sondern hat, wie man in den theoretischen Schriften nachlesen kann, auch mit den Männern einiges vor. Einer der Pioniere auf dem Gebiet der sogenannten Burschenarbeit sagt es auch ganz deutlich: „Das Ziel ist nicht ein anderer Junge, das Ziel ist gar kein Junge.“ Das sollten wir unseren Kindern nicht zumuten.

Das Gespräch führte Bernhard Tomaschitz.

dimanche, 14 décembre 2008

L'âge de la pornophagie

L’ÂGE DE LA PORNOPHAGIE


pornographie « Il y a eu le développement d'internet, l'accès facile à des scènes pornographiques, le fait que les jeunes peuvent se filmer avec des téléphones portables en train d'avoir des relations sexuelles reproduisant ces scénarios. Sans qu'aucun adulte ne leur dise que le porno, ce n'est pas la réalité, que l'acteur joue, qu'il est dopé. Il fallait donc se demander ce qui avait changé pour qu'une petite minorité croissante de jeunes se comporte de cette manière. Des études sont en train d'être menées, notamment sur le contenu des téléphones portables. A Zurich, elles ont démontré que 60% des garçons interrogés, mais aussi 40% des filles, détenaient de la pornographie. (...)


Certaines valeurs, en particulier le respect de l'enveloppe charnelle, peuvent être altérées chez des individus n'ayant pas les outils et les accompagnements nécessaires pour gérer ce type d'images. Un certain nombre de garçons se mettent en scène comme de véritables machos. Et certaines filles consommant du porno adoptent cette image. Elles se considèrent comme un morceau de viande, un consommable.


Je parle dorénavant de pornophagie. Il y a une cinquantaine d'années, la pornographie était relativement confidentielle. Des hommes allaient au sex-shop pour en consommer. Avec l'apparition du magnétoscope et des cassettes vidéo, le porno est entré dans les foyers, l'homme l'imposant à sa conjointe. Actuellement, avec internet, il y a suroffre. On surconsomme, ce qui mène à la surstimulation, puis au mimétisme… (...) Il s'agit d'une sexualité désincarnée, sans amour. Le viol est relativement rare entre adolescents. Souvent, la fille acceptera ce que les garçons lui imposent, pour se faire adopter par le groupe. (...) On est dans une sexualité débridée, car exempte de valeurs. C'est le modèle du macho et de la salope sur MTV. (...) Pour voir quelle était la place de la pornographie chez les jeunes, je me suis intéressé à ce qu'ils achètent : du rap. Sur internet, j'ai trouvé des centaines de groupes de rap utilisant des actrices porno pour tourner des clips ! Le porno est devenu un argument marketing sur le marché jeune, ça fait vendre. (...)


Beaucoup de jeunes transportent en outre sur leur téléphone portable des images de pornographie illicite. Récemment dans le district de Boudry, trois mineurs arrêtés détenaient une vingtaine de films, dont la moitié contenaient des actes de torture ou de zoophilie. (...) Pourquoi ne pas mettre la pression sur les providers internet, afin de les contraindre à mettre à disposition de leurs clients des abonnements familiaux, avec des filtres installés automatiquement afin d'éviter les contenus pornographiques ou violents ? »



Olivier Guéniat, chef de la police de sûreté neuchâteloise, interviewé par L’Express, 21 novembre 2008

Dressage capitaliste

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Dressage capitaliste

 

Contrairement à une vision encore très répandue dans les milieux d’extrême gauche, il y a déjà bien longtemps que le dressage capitaliste des classes populaires ne repose plus prioritairement sur l’action de la police ou de l’armée (…). De nos jours, il devrait, au contraire, être devenu évident pour n’importe qui que le développement massif de l’aliénation trouve sa source véritable et ses points d’appui principaux dans la guerre totale que les industries combinées du divertissement, de la publicité et du mensonge médiatique livrent quotidiennement à l’intelligence humaine. Et les capacités de ces industries modernes à contrôler “le temps du cerveau humain disponible” sont, à l’évidence, autrement plus redoutables que celles du policier, du prêtre ou de l’adjudant – figures qui impressionnent tellement les militants des “nouvelles radicalités”.

 

Jean-Claude MICHEA, “La double pensée – Retour sur la question libérale”, coll. Champs/Essais, Flammarion, 2008.

 

 

vendredi, 05 décembre 2008

Télévision, grande régression et "âge storyque"

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Télévision, grande régression et « âge storyque »

 

« La télévision n’est pleine que du vide que la vie, en s’en allant, a laissé derrière elle. Tout l’effort épuisant de ses animateurs innombrables et successifs a consisté à faire croire qu’elle était encore remplie de vivants, alors qu’elle n’est agitée que de ce qui leur a succédé et qui est personne. ‘Loft Story’, en France, est la première émission à ne pas essayer de mentir à ce sujet (…). Avec ‘Loft Story’ la télévision, enfin, ne cache plus rien du rien qu’elle met froidement en scène (…). Ce que la télévision montre, c’est le processus de la grande Régression anthropologique à laquelle nous sommes désormais en proie ».

 

«  ‘Loft Story’ est un événement, mais ce n’est pas non plus un événement de l’Histoire ; c’est un événement de la Story. Après l’Histoire, la Story ? Oui. On vient de la voir naître. A cette période où nous entrons, et qui est si pleine de mystères avec son mélange d’exhibition, de déréalisation, de fiction en direct et de vérité fabriquée, il faudrait pouvoir donner le nom ‘d’âge storyque’ pour la différencier de toutes celles qui l’ont précédée et qui viennent de tomber dans le passé ».

 

Philippe MURAY, in « Exorcismes spirituels III », Les Belles Lettres, 2002, p. 406.

mercredi, 03 décembre 2008

La double pensée

La double pensée

ex: http://metapoinfos.hautetfort.com/

Un inédit de Jean-Claude Michéa, intitulé La double pensée et composé par plusieurs entretiens et textes indépendants, sort dans la collection Champs Flammarion au mois d'octobre.

On notera que la "nouvelle droite" est citée dès la première du livre comme l'"inventeur" de l'expression "la pensée unique" !

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"Le libéralisme est, fondamentalement, une pensée double: apologie de l'économie de marché, d'un côté, de l'Etat de droit et de la "libération des mœurs" de l'autre. Mais, depuis George Orwell, la double pressée désigne aussi ce mode de fonctionnement psychologique singulier, fondé sur le mensonge à soi-même, qui permet à l'intellectuel totalitaire de soutenir simultanément deux thèses incompatibles. Un tel concept s'applique à merveille au régime mental de la nouvelle intelligentsia de gauche. Son ralliement au libéralisme politique et culturel la soumet, en effet, à un double bina affolant. Pour sauver l'illusion d'une fidélité aux luttes de l'ancienne gauche, elle doit forger un mythe délirant: l'idéologie naturelle de la société du spectacle serait le "néoconservatisme", soit un mélange d'austérité religieuse, de contrôle éducatif impitoyable, et de renforcement incessant des institutions patriarcales, racistes et militaires. Ce n'est qu'à cette condition que la nouvelle gauche peut continuer à vivre son appel à transgresser toutes les frontières morales et culturelles comme un combat "anticapitaliste". La double pensée offre la clé de cette étrange contradiction. Et donc aussi celle de la bonne conscience inoxydable de l'intellectuel de gauche moderne. "

lundi, 01 décembre 2008

L'obésité, symbole du capitalisme terminal

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L'obésité, symbole du capitalisme terminal

" L'obésité n'est que le résultat d'un modèle de développement devenu fou, privatisé au bénéfice d'une oligarchie. Il ne s'agit donc pas de stigmatiser les obèses, mais de voir dans leur corps martyrisé la métaphore du capitalisme terminal. L'accumulation des calories ne faisant que refléter l'accumulation du capital. Obésité de la population, boulimie des marchés financiers, hypertension boursière, bulle immobilière. C'est tout un système menacé d'infarctus et d'éclatement."

Gabriel Rivière, Opération Globésité, in Le Choc du mois n°26 (octobre 2008)

00:05 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : pathologies, médecine, philosophie, sociologie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 15 novembre 2008

Echapper aux emballements médiatiques

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Echapper aux emballements médiatiques : comment décrypter les faits et les images ?

Ex: http://www.polemia.com

Journée d’étude sur la réinformation, organisée le 25 octobre 2008 par la Fondation Polémia
Communication de René Schleiter

« En 1593, le bruit courut que les dents étant tombées à un enfant de Silésie âgé de sept ans, il lui en était venu une d’or à la place d’une de ses grosses dents. Horstius, professeur en médecine dans l’université de Helmstad, écrivit en 1595 l’histoire de cette dent et prétendit qu’elle était en partie naturelle, en partie miraculeuse, et qu’elle avait été envoyée de Dieu à cet enfant pour consoler les chrétiens affligés par les Turcs. (…). En la même année, afin que cette dent en or ne manquât pas d’historiens, Rullandus en écrit encore l’histoire. Deux ans après, Ingolsteterus, autre savant, écrit contre le sentiment que Rullandus avait de la dent d’or et Rullandus fait aussitôt une belle et docte réplique. Un autre grand homme, nommé Libavius, ramasse tout ce qui avait été dit de la dent, et y ajoute son sentiment particulier. Il ne manquait autre chose à tant de beaux ouvrages, sinon qu’il fût vrai que la dent était d’or. Quand un orfèvre l’eut examinée, il se trouva que c’était une feuille d’or appliquée à la dent, avec beaucoup d’adresse ; mais on commença par faire des livres, et puis on consulta l’orfèvre. »
Eh bien voilà un orfèvre qui à la fin du XVIe siècle savait déjà décrypter les infos.

Cette anecdote, racontée sous une forme brève et enjouée par Fontenelle dans son « Histoire des oracles » (1687), transposée au XXIe siècle illustre parfaitement un phénomène courant relevé dans les médias : le journaliste présente ou commente un fait qui lui a été rapporté soit, le plus souvent, par une dépêche d’agence, soit par un confrère qui a déjà traité le sujet dans une autre publication, sans même s’être assuré au préalable de la réalité ou de l’exactitude de l’info. C’est ce que certains appellent « l’inceste entre journalistes ».

Commençons par les images.

– La manipulation la plus grossière passe par la présentation d’images d’archives (sans qu’il en soit fait mention) destinées à illustrer un événement ou des faits qui viennent de survenir. C’est hélas souvent le cas pour des scènes de guerre sur des théâtres d’opération lointains, en l’absence de journalistes sur place ou plus simplement pour mieux sensibiliser le public avec des images chocs.

– Plus raffinée est celle qui consiste à utiliser une bonne photo prise effectivement sur les lieux et au bon moment, mais dont on aura modifié le cadrage ou le champ de vision pour les besoins d’une légende orientée. J’ai retenu trois exemples pour illustrer cette dernière forme de manipulation, sans avoir malheureusement ici avec moi les documents photographiques pour vous les montrer.

1er exemple: la scène se passe le 1er octobre 1938 à la frontière germano-tchécoslovaque, lors de l’entrée des troupes allemandes dans le territoire des Sudètes.
Une première photographie extraite du livre de Robert T. Elson, « Prelude to war » (1977) représente trois Allemandes des Sudètes, appartenant à la communauté germanique vivant en Tchécoslovaquie, qui acueillent les troupes allemandes avec joie. Une des trois femmes pleure d’émotion. Sa légende est la suivante : « Trois femmes sudètes, l’une saisie par l’émotion, saluent le bras tendu et rendent hommage à la Wehrmacht qui entre dans la ville frontière de Cheb. »
Une deuxième photographie, tirée de la précédente, apparaît cette fois dans un manuel d’histoire des classes de première (1988), dû notamment à M. Jean-Pierre Azéma, à l’époque directeur de recherches à l’Institut d’histoire du temps présent présidé par le professeur René Rémond. Cette image, par rapport à la première, est amputée et ne montre que la femme qui pleure, avec cette légende surprenante : « La résignation déchirante d’une Tchèque contrainte de saluer l’entrée de la Wehrmacht en pays sudète le 1er octobre 1938. »

2e exemple : Tout le monde se souvient de Timisoara et de son charnier. C’était en décembre 1989. La révolution était en marche en Roumanie et la fièvre avait gagné l’Occident : on zappait les journaux télévisés et on sautait d’une radio à l’autre. La presse s’était déchaînée. La plus grosse affaire fut celle de la ville de Timisoara. Les caméras ont montré quelques corps exhumés d’un charnier dont les informateurs ont dit qu’il contenait jusqu’à 4.350 morts. Déjà une question pouvait se poser : « Comment a-t-il été possible d’exhumer autant de corps en une nuit ? » Et puis, on a montré les émeutes de Bucarest où ont été dénombrés 5.000 morts, 12.000 Roumains ayant été exécutés dans le pays par la Securitas, la police de Ceaucescu. Or malgré cette répression massive qui n’aurait duré que 48 heures, la foule, toujours selon les télévisions envoyées sur place, envahissait les rues. Cette foule dans les rues et 12.000 exécutions étaient-elles conciliables ? Au hit-parade de l’exagération, la première place a été conquise par la télévision hongroise qui a annoncé 60.000 morts et 300.000 blessés, pendant que les médecins occidentaux aux micros des mêmes télévisions affirmaient que les hôpitaux avaient bien en main la situation. L’emballement des chiffres étant rapidement retombé, les chiffres officiels sont parus. Selon le ministère roumain de la santé, 776 morts et 1.600 blessés hospitalisés ont été recensés. Même si ces chiffres étaient minorés, ils étaient encore loin de ceux annoncés par nos médias en plein délire et sans la moindre vérification. Après plusieurs semaines, ils ont été contraints de revenir sur leurs déclarations et les journalistes qui étaient à Timisoara ont avoué que le spectacle des corps exhumés étaient un montage pur et simple puisqu’ils étaient en vérité des dépouilles qui sortaient de l’institut médico-légal local.

3e exemple : Cette fois nous sommes à Bagdad, place Fardous, le 9 avril 2003, jour où a été déboulonnée la statue de Saddam Hussein. Très rapidement on a su que ce déboulonnage était un « bidonnage » bien monté par les « Opérations psychologiques » (PSYOP) de l’armée états-unienne. Une fois encore des images fabriquées ont trompé les téléspectateurs :
Plans rapprochés. Une foule d’Irakiens en liesse s’est réunie pour abattre le tyran. Les forces d’invasion leur prêtent un engin chenillé de dépannage, lancent une amarre et jettent à terre l’effigie du vaincu. La foule danse, s’agite, trépigne et, folle de joie, escalade le blindé. Interprétation : Les Irakiens sont contents, ils sont libérés.
Il est toutefois permis de se poser des questions.
Pourquoi les GIs, qui tirent sur à peu près tout ce qui bouge, y compris les délégués de la Croix-Rouge et les journalistes indépendants, acceptent-ils aussi sereinement la proximité d’une foule ? Un « kamikaze » pourrait s’y dissimuler.
Pourquoi n’avons-nous droit qu’à des plans rapprochés, qui ne donnent aucune information sur le contexte, ni sur le nombre des « manifestants » ?
La réponse nous est donnée par une autre photo du tournage :
Un plan large. Il éclaire l’événement qui montre un plan beaucoup plus large, et permet de comprendre comment « on » mystifie les téléspectateurs. Les « manifestants » sont tout au plus une trentaine. Tandis que les « journalistes embarqués » filment en plan rapproché pour le compte des PSYOP, l’ensemble du périmètre est bouclé par des chars et des transports de troupes.

Et maintenant les faits et l’écrit

Pour les faits proprement dits, c’est un peu différent. Il ne s’agit pas là de remettre en cause des faits patents mais de jauger les appréciations et les interprétations qui en sont faites. Encore que l’on ait connu de vraies fausses nouvelles et de fausses interviews !

J’ai retenu, là encore,  trois événements :

1er exemple : La visite de Nicolas Sarkozy en Chine, en novembre 2007 :
Volontiers cocorico, les médias français se cantonnent, en les optimisant, à relater les victoires commerciales des produits phares de nos fleurons industriels.
C’est ainsi que lors de son premier déplacement officiel en Chine de novembre 2007, le président de la République paraissait avoir rempli pleinement sa mission, en annonçant la signature de 20 milliards d’euros de contrats par les sociétés françaises avec la République populaire de Chine : 160 airbus, 2 EPR d’Areva, fourniture d’électricité par EDF etc. C’est un rituel, les voyages d’Etat s’accompagnent d’annonces de montants impressionnants de contrats.

Qu’en est-il réellement ?
Quelques semaines plus tard, au hasard d’une lecture de la presse économique, on découvre des analyses de journalistes spécialisés qui montrent que ces derniers ne croient rien des annonces de l’Elysée : Areva avait signé depuis plusieurs mois la vente des deux EPR et les 160 airbus avaient été négociés depuis longtemps… Pour les besoins de la cause, l’Elysée avait mélangé un peu tout pour parvenir au montant record de 20 milliards d’euros de contrats annoncés.

2e exemple : L’agression de trois jeunes juifs dans le XIXe arrondissement le 6 septembre 2008.
Les violences ont dans un premier temps été présentées comme un acte antisémite, dans la mesure où les trois victimes portaient une kippa. C’est d’ailleurs ce détail qui a été présenté en boucle toute la journée du lendemain dans les bulletins d’information de France-Info.
L’enquête a montré qu’il n’en était rien. Signe de la complexité de la situation, un des cinq agresseurs mis en examen est de confession juive.
Voilà un bel exemple d’emballement médiatique. « Le Monde », lui-même, a titré sa une du 18 septembre : « Paris XIXe, un emballement aux effets pervers. » En effet, dès que l’événement a été connu, les radios et les télévisions, les élus locaux, les partis politiques, les associations antiracistes, le maire de Paris qui a été le premier à lancer un communiqué, la ministre de l’Intérieur, le grand rabbin et la présidence de la République ont dénoncé « ces actes inqualifiables » et condamné « avec la plus grande fermeté les violences perpétrées à l’encontre de trois jeunes qui se rendaient à la synagogue ». En effet, tout ce que le pays comptait d’autorités morales s’y est mis, en négligeant les réserves très prudentes de la police et du procureur de la République, dès le premier instant, sur le caractère antisémite de l’agression.
Il aura fallu une dizaine de jours pour que le maire de Paris se défausse sur le cabinet du préfet de police qui l’avait mal informé et que Madame Alliot-Marie se défende de toute idée de précipitation, ne s’étant prononcée qu’à partir de ce que lui rapportent ses services. 

3e exemple : La Marseillaise sifflée
Tout le monde se souvient des faits : 14 octobre dernier, stade de France, rencontre amicale de football France-Tunisie. Sifflets massifs de la Marseillaise chantée par Lââm, chanteuse d’origine tunisienne, en provenance des gradins.
Là encore, on a assité à un emballement médiatique, mais cette fois peut-être prémédité et organisé.
Le lendemain, Sarkozy et son gouvernement, en pleine crise financière, a transformé en affaire d’Etat les sifflets de la veille. Tous ont rivalisé d’indignation, alors que lors de matchs précédents, France-Algérie et France-Maroc, le même phénomène n’avait pas fait sourciller quiconque.
En fait le gouvernement a semblé s’y être préparé. Sarkozy avait prévenu qu’il frapperait fort à l’occasion des prochains sifflets lancés dans un stade contre l’hymne national. Dès la survenance de l’incident le soir du 14, les ministres concernés, qui disposaient d’informations fournies par les services du ministère de l’Intérieur qui avaient repéré dans les heures qui ont précédé le match une mobilisation « anti-marseillaise » sur internet, sont sur le pied de guerre. Chacun apportera sa réponse.
Interprétation : faire diversion, car lundi 13 la bourse monte, mardi 14 elle rechute.

 

Alors, comment décrypter les images, les faits et leur usage par les médias ?

Hélas, je ne crois pas qu’il y ait une recette universelle. C’est essentiellement une question de flair ou d’état d’esprit, sans pour autant tomber dans le soupçon permanent, sinon lire ou voir deviendrait un supplice. En revanche, il y a quelques questions qu’il faut se poser quand on a un doute ou devant une situation qui paraît étrange.
Il y a néanmoins un postulat qu’il faut avoir en permanence à l’esprit : les mensonges, notamment au bénéfice de la politique du gouvernement et des idéologies qui concernent l’immigration, le racisme, l’antisémitisme et ses sous-produits et les travestissements flagrants de la réalité ont tous un but immédiat : décerveler le peuple chaque jour un peu plus pour obtenir de chacun qu’il croie ce que la raison d’Etat lui sussure par le truchement des médias dévoués et serviles. On comprend ainsi l’obsession médiatique de Nicolas Sarkozy qui non seulement les surutilise à son profit, mais aussi tente de les regrouper pour mieux les contrôler.

Revenons aux images

Les images dont on connaît la force sont beaucoup utilisées. Nombreux sont les sites internet, comme par exemple Polemia.com, qui les produisent pour illustrer leurs communications. Mais il y a un danger à cet usage car il y a toujours le risque qu’elles soient employées à des fins trompeuses. On l’a vu.

Quelques précautions à prendre :

1) Se demander où est la caméra, où sont ses opérateurs ;
S’imaginer un champ beaucoup plus large que celui qui est montré et tenter de reconstruire le contexte ;
Décomposer la séquence en plans et se demander s’il est certain que les différents plans ont été tournés au même instant et au même endroit.
On l’a vu dans le déboulonnage de la statue de Saddam Hussein.

2) Essayer de connaître l’origine du document ; par qui il a été créé. La personnalité de son auteur renseignera sur la qualité et la fiabilité du document. S’il s’agit d’une image d’archive exempte de copyright, sa libre utilisation est facilitée. On l’a vu dans la séquence des femmes sudètes.

3) L’image fait partie d’un tout, donc son emploi doit correspondre au sens du contenu du texte qu’elle accompagne . Voir Timisoara ; le public a été abusé avec des images qui ne correspondaient pas aux commentaires.

4) Attention à l’humour, il peut y avoir une perversité subliminale. L’humour n’est pas toujours perçu de la même façon par tout le monde. La caricature d’un personnage peut donner une connotation négative là où le texte qu’elle est censée illustrer lui est favorable.

5) Il y a les montages, ceux qui sont faits pour amuser et ils sont inoffensifs car on les découvre rapidement, mais aussi ceux plus sophistiqués qui relèvent de la propagande, donc moins décelables.

6) Echapper à l’émotionnel. C’est le plus difficile : quand l’image touche l’émotivité, attention, méfiance.

Les faits et l’écrit

1) Ne pas se laisser impressionner par des commentaires partisans : les faits, rien que les faits !
Un exemple tiré du journal « Le Monde » du 21 octobre : « La Russie a encore assez de fonds pour financer ce redéploiement de la richesse nationale. Mais ses réserves sont tombées à 530 milliards de dollars contre 600 en 2007 et les prix actuels du pétrole, autour de 70 dollars le baril, ne permettent plus d’équilibrer le budget de l’Etat. S’ils continuent de baisser, Moscou pourrait ne plus pouvoir réorganiser l’économie selon ses volontés. Enfin une bonne nouvelle ! » P. Briançon.

2) Ecarter, là aussi, tout émotionnel et se cantonner au concret.

3) Ne pas se laisser prendre par l’incohérence et les contradictions des communiqués officiels successifs, qu’ils soient émis par la même personne ou non. Cet écueil a été flagrant lors du remous médiatique à l’occasion de la tragique embuscade en Afghanistan de la part des autorités militaires qui avaient bien du mal à masquer leur insuffisance, et au début de la crise actuelle d’il y a deux mois avec les déclarations parfois surréalistes de notre ministre de l’économie, Christine Lagarde, à l’optimisme « inoxydable ».

4) Débusquer l’enflure et ne pas sombrer dans l’emballement. Là encore, ce n’est pas facile. Mais connaissant les deux armes de choc de ce phénomène – les communiqués des politiques qui suivent immédiatement la survenance de l’événement et la répétition effrénée de tel ou tel détail marquant par les médias audiovisuels – il est facile de ne pas tomber dans le piège.

5) Identifier la personnalité de l’informateur. Elle donnera le sens de son message. Voir Bernard-Henri Lévy et son flamboyant reportage sur la guerre en Géorgie publié sur deux pleines pages dans «Le Monde» daté du 19 août.

6) Ne pas hésiter, en toute occasion, à faire des recoupements avec la presse publiée à l’étranger, notamment anglo-saxonne qui est beaucoup plus libérée que la presse continentale.

7) Enfin, il y a les faux documents et les fausses interviews, une des plus célèbres ayant été l’entretien de PPDA avec Fidel Castro en 1991, mais il faut s’appeler Sherlock Holmes pour les découvrir à chaud.

 

René Schleiter

vendredi, 14 novembre 2008

La réinformation, bouclier de l'esprit contre la tyrannie médiatique

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La réinformation, bouclier de l'esprit contre la tyrannie médiatique

Ex: http://www.polemia.com

Journée d’étude sur la réinformation, organisée le 25 octobre 2008 par la Fondation Polémia Présentation de la journée par Françoise Monestier

Depuis des années, la France, le continent européen mais aussi le monde étatsunien vivent sous l’emprise de la tyrannie médiatique. Cette dernière  impose quotidiennement dans les grand journaux, sur les chaînes de télévision et dans les radios, mais aussi sur la Toile, son idéologie, ses préjugés récurrents et sa vision déformée de la réalité.

Comme le phénomène de réfraction de la lumière décrit par les physiciens, celui de la réfraction de l’information existe bel et bien. En effet, avant de parvenir aux yeux ou aux oreilles du lecteur, du téléspectateur ou de l’auditeur, un fait brut est traité par des professionnels de l’information  qui imposent leur credo en diffusant l’information.

Citons pêle-mêle, dans les méthodes de présentation des faits le propre tempo du journaliste, sa grille d’analyse idéologique presque toujours dans l’air du temps (antiracisme, repentance, mondialisation, rupture avec la tradition) mais aussi l’emploi d’un vocabulaire en adéquation avec le politiquement correct. Et n’oublions pas les intérêts corporatistes, électoraux ou bassement publicitaires défendus par les médias dominants.

Autant de raisons, donc, pour défendre, face à cette domination d’une information volontairement orientée,  le concept de réinformation qui remet l’actualité dans une autre perspective en évitant ainsi les innombrables chausse-trappes du politiquement correct.

Travail de re-traitement de l’actualité permettant d’apprécier chaque fait au plus près de sa juste valeur, la réinformation consiste tout d’abord à mener un travail de sélection de l’information.

Qu’est-ce qu’un événement ?  Un fait dont les médias ont choisi de parler. Mais pour quelle raison et en fonction de quels intérêts ont-ils précisément mis en valeur, ou au contraire, occulté tel ou tel événement ?

La deuxième action de la réinformation doit conduire à rechercher et  à découvrir la face cachée des événements. Par exemple, l’analyse détaillée d’un résultat électoral, l’identité réelle des délinquants (s’agissant d’un fait divers) en disent souvent plus qu’un long discours. Mais tout cela n’est rien sans une réflexion menée sur le classement et la hiérarchie des informations : pourquoi tel ou tel événement est-il monté en épingle simultanément à la Une des hebdos et à l’ouverture du « 20 heures » ? Pourquoi s’acharne-t-on, souvent à la veille d’une consultation électorale d’importance, à passer en boucle tel ou tel événement ou à cacher volontairement tel ou tel autre qui serait susceptible de modifier le choix des électeurs ?

A ces différentes démarches s’ajoute la mise en perspective des événements  afin de faire apparaître, dans tel ou tel décryptage de l’actualité, les faits occultés, mis de côté ou caricaturés.

A l’heure où l’image est souvent plus parlante que le texte, à l’heure où la télévision impose son rythme, le bon réinformateur doit savoir ce que montre ou ce que cache une image. Les techniques pour influencer l’opinion sont simples. Le cadrage de l’image est le plus couramment utilisé : un plan étroit donne facilement une impression de foule, un plan large laisse une impression de vide. Des méthodes pas très différentes, finalement, des opérations de détournement de photos couramment pratiquées en Chine communiste ou en Union soviétique dans les années 1950 quand un apparatchik avait cessé de plaire… ou de vivre.

Autre démarche d’une réinformation efficace, c’est l’analyse du vocabulaire employé par les médias dominants, un vocabulaire piégé et truffé de mots trompeurs, de néologismes, de mots subliminaux et autres mots tabous ou sidérants destinés, en fait, à paralyser les défenses immunitaires ou, au contraire, à réveiller les instincts grégaires. Exemple : « Dans les banlieues sensibles de notre pays, les jeunes ont respecté la tradition de la Saint-Sylvestre et se sont livrés à quelques violences urbaines en brûlant des voitures en compagnie de sans-papiers. Ces incidents ont  suscité des propos  nauséabonds tenus par une poignée d’homophobes racistes et xénophobes. Réaction unanime de rejet de la classe politique, des associations homosexuelles et du monde citoyen. » Fermez le ban ! Enfin, seuls le croisement de l’information et la multiplication des éclairages, lecture croisée par exemple de la presse régionale, nationale et étrangère ou consultation de sites Internet « libres » permettent une plus complète appréciation des faits. Ce rapide passage en revue des différentes démarches nécessaires à une bonne réinformation ont conduit les responsables de Polémia à organiser cette Journée de la réinformation autour de quatre principaux axes :

1/ Un approfondissement nécessaire de ce concept de réinformation, notion nouvelle dans notre famille de pensée et qui a vu sa première concrétisation dans la mise en place du Bulletin de réinformation, sur Radio Courtoisie. C’est la raison pour laquelle les différents orateurs présents ont choisi  de mettre l’accent  sur les points suivants :

– La définition de l’évènement, avec Grégoire Gambier ;
– La bataille du vocabulaire avec décodage de la Novlangue, par Michel Geoffroy ;
– Comment échapper aux emballements médiatiques, par René Schleiter ;
– Le respect de la langue française : l’exigence de la forme au service de la rigueur du fond, par Anne Dufresne ;
– L’information équitable, par Jean Pierre Fabre-Bernadac.

Par ailleurs, deux tables rondes consacrées aux thèmes des blogs comme outils de la réinformation et aux techniques de la réinformation permettront à chacun de participer au débat général. Nous avons choisi, en invitant Javier Ruiz Portella de donner la parole à un ami espagnol qui, de l’autre côté des Pyrénées, mène un combat identique pour la bataille des idées.

Enfin, Jean-Yves Le Gallou conclura les travaux de notre journée par une intervention sur le thème d’ »Un gramscisme technologique ».

2/ Cette journée de la réinformation doit être aussi pour vous l’occasion de mieux faire connaître autour de vous ce nouveau concept en diffusant d’une part ces travaux qui seront bientôt publiés, en communiquant ensuite les références du site POLEMIA entièrement renouvelé dans sa forme, enfin en faisant écouter à vos proches et à vos amis le Bulletin de réinformation diffusé cinq jours par semaine sur Radio Courtoisie.

3/ Nous devons également, au cours de cette réunion, trouver de nouveaux moyens d’application de ce concept et cela aussi bien dans notre vie quotidienne, où nous sommes tous confrontés à une désinformation permanente ainsi qu’à un travestissement de la réalité, que dans le domaine économique, littéraire ou spirituel. 

4/ Enfin, et votre présence est là pour le prouver, ces premières rencontres de la réinformation feront date dans la volonté que nous avons de réunir toutes celles et tous ceux qui, à des titres divers, entendent mener le bon combat en défendant la liberté de l’esprit et en offrant à tous de nouveaux moyens et de nouvelles clefs pour penser librement sans l’emprise de la tyrannie médiatique des imposteurs du politiquement correct.

 

Françoise Monestier