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samedi, 04 février 2017

The Coming Clash With Iran

When Gen. Michael Flynn marched into the White House Briefing Room to declare that “we are officially putting Iran on notice,” he drew a red line for President Trump. In tweeting the threat, Trump agreed.

His credibility is now on the line.

And what triggered this virtual ultimatum?

Iran-backed Houthi rebels said Flynn, attacked a Saudi warship and Tehran tested a missile, undermining “security, prosperity, and stability throughout the Middle East,” placing “American lives at risk.”

But how so?

The Saudis have been bombing the Houthi rebels and ravaging their country, Yemen, for two years. Are the Saudis entitled to immunity from retaliation in wars that they start?

Where is the evidence Iran had a role in the Red Sea attack on the Saudi ship? And why would President Trump make this war his war?

As for the Iranian missile test, a 2015 U.N. resolution “called upon” Iran not to test nuclear-capable missiles. It did not forbid Iran from testing conventional missiles, which Tehran insists this was.

Is the United States making new demands on Iran not written into the nuclear treaty or international law — to provoke a confrontation?

Did Flynn coordinate with our allies about this warning of possible military action against Iran? Is NATO obligated to join any action we might take?

Or are we going to carry out any retaliation alone, as our NATO allies observe, while the Israelis, Gulf Arabs, Saudis and the Beltway War Party, which wishes to be rid of Trump, cheer him on?

Bibi Netanyahu hailed Flynn’s statement, calling Iran’s missile test a flagrant violation of the U.N. resolution and declaring, “Iranian aggression must not go unanswered.” By whom, besides us?

The Saudi king spoke with Trump Sunday. Did he persuade the president to get America more engaged against Iran?

Senate Foreign Relations Committee Chairman Bob Corker is among those delighted with the White House warning:

“No longer will Iran be given a pass for its repeated ballistic missile violations, continued support of terrorism, human rights abuses and other hostile activities that threaten international peace and security.”

The problem with making a threat public — Iran is “on notice” — is that it makes it almost impossible for Iran, or Trump, to back away.

Tehran seems almost obliged to defy it, especially the demand that it cease testing conventional missiles for its own defense.

This U.S. threat will surely strengthen those Iranians opposed to the nuclear deal and who wish to see its architects, President Hassan Rouhani and Foreign Minister Mohammad Javad Zarif, thrown out in this year’s elections.

If Rex Tillerson is not to become a wartime secretary of state like Colin Powell or Dean Rusk, he is going to have to speak to the Iranians, not with defiant declarations, but in a diplomatic dialogue.

Tillerson, of course, is on record as saying the Chinese should be blocked from visiting the half-dozen fortified islets they have built on rocks and reefs in the South China Sea.

A prediction: The Chinese will not be departing from their islands, and the Iranians will defy the U.S. threat against testing their missiles.

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Wednesday’s White House statement makes a collision with Iran almost unavoidable, and a war with Iran quite possible.

Why did Trump and Flynn feel the need to do this now?

There is an awful lot already on the foreign policy plate of the new president after only two weeks, as pro-Russian rebels in Ukraine are firing artillery again, and North Korea’s nuclear missile threat, which, unlike Iran’s, is real, has yet to be addressed.

High among the reasons that many supported Trump was his understanding that George W. Bush blundered horribly in launching an unprovoked and unnecessary war in Iraq.

Along with the 15-year war in Afghanistan and our wars in Libya, Syria, and Yemen, our 21st-century U.S. Mideast wars have cost us trillions of dollars and thousands of dead. And they have produced a harvest of hatred of America that was exploited by al-Qaida and ISIS to recruit jihadists to murder and massacre Westerners.

Osama’s bin Laden’s greatest achievement was not to bring down the twin towers and kill 3,000 Americans but to goad America into plunging headlong into the Middle East, a reckless and ruinous adventure that ended her post-Cold War global primacy.

Unlike the other candidates, Trump seemed to recognize this.

It was thought he would disengage us from these wars, not rattle a saber at an Iran that is three times the size of Iraq and has as its primary weapons supplier and partner Vladimir Putin’s Russia.

When Barack Obama drew his red line against Bashar Assad’s use of chemical weapons in Syria’s civil war, and Assad appeared to cross it, Obama discovered that his countrymen wanted no part of the war that his military action might bring on.

President Obama backed down — in humiliation.

Neither the Ayatollah Khamenei nor Trump appears to be in a mood to back away, especially now that the president has made the threat public.

jeudi, 26 janvier 2017

Pourquoi l'ont-ils tué?

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Bob Woodward:

Ex: http://www.decryptnewsonline.com 

Mouammar Kadhafi voit le jour en 1942. C’est un jeune Bédouin – aux origines anecdotiques - issu d’une famille si pauvre qu’il avait à peine de quoi se nourrir. Il est toutefois décrit comme brillant à l’école. Il réussit à étudier en quatre années seulement le programme de six années du cycle primaire. Il apprend avec une facilité qui étonne ses camarades et ses enseignants. Très vite, il dégage autour de lui une sorte d'autorité naturelle et une fierté qui contraste avec son cadre de vie très modeste. Féru de lecture, il fait la connaissance des grands personnages qui ont fait l'histoire du monde et de l’Afrique : Abraham Lincoln, le général de Gaulle, Mao Zedong, Patrice Lumumba et surtout Gamal Abdel Nasser le leader égyptien dont il s’inspire particulièrement. L'environnement politique de l'époque est marqué par une série d'évènements dans le monde arabe : la guerre d'Algérie, l'agression de l'Égypte, la bataille du Liban, la question palestinienne, la révolution au Yémen, la présence sur le sol libyen des bases militaires américaines et britanniques, l'état misérable du peuple libyen, victime d’un règne monarchique gangrené par la corruption et le népotisme. Autant de facteurs qui amènent Kadhafi à se sentir « investi d’une mission » celle de libérer son pays de la domination étrangère, de la pauvreté et des inégalités.

En 1963, Kadhafi obtient son baccalauréat de philosophie, mais refuse de travailler dans les compagnies pétrolières. Il a autre chose en tête. Il crée un groupe de jeunes pour entrer à l’école militaire de Benghazi, pas pour devenir des soldats de métier, mais pour infiltrer l’institution et s’en servir pour mener la révolution. Six ans plus tard, il prend le pouvoir avec ses compagnons d’armes, le 1er septembre 1969, à l’occasion d’un coup d’Etat sans effusion de sang. Mouammar Kadhafi n’est alors qu’un jeune officier de 27 ans. Son rêve de transformer la Libye peut commencer. Il durera tout le temps de son action aux commandes de son pays : 42 ans, et s’étendra sur l’Afrique.

Mouammar Kadhafi se révèle rapidement être un nationaliste souverainiste habité par l’idée de protéger son pays et de faire bénéficier à son peuple les revenus tirés des ressources pétrolières et gazières, jusqu’alors détournés et dilapidés par un régime corrompu, celui du Roi Idriss et les compagnies pétrolières. Le jeune pilote est particulièrement choqué face à la luxure et l’indécence déployée au cours des festins organisés dans son pays par les compagnies pétrolières et les autorités à côté d’une population qui manque pratiquement de tout. Kadhafi est un souverainiste. Il rejette tous les impérialismes, aussi bien l’impérialisme américain que l’impérialisme soviétique dont le côté athée » choque sa conscience de « croyant ». Ce refus du communisme, en pleine période de Guerre froide, va d’ailleurs l’épargner des ennuis avec les Occidentaux qui ne voyaient pas en lui une menace là où les leaders ouvertement communistes d’Amérique latine et d’Afrique étaient des cibles à abattre. Il parvient à contrôler les ressources de son pays et à renégocier les contrats là où les pays alignés derrière l’une ou l’autre des superpuissances disposaient des marges de manœuvres assez limitées. Il nationalise les principaux secteurs de la vie économique libyenne, moyennant compassassions. Dans le secteur pétrolier, les négociations sont ardues, mais en 1971, Kadhafi réussit ce qu’aucun autre pays pétrolier n’avait réussi auparavant : imposer aux compagnies pétrolières une augmentation des prix du brut. Le mouvement va faire des émules dans les pays de l’OPEP.

19799.jpgPour la première fois, le peuple libyen se réapproprie les richesses de son pays. Le revenu annuel qui était de 2 milliards 223 millions de dollars en 1973 passe à 6 milliards en 1974, pour atteindre 8,87 milliards de dollars en 1977. Des centaines de milliers de familles libyennes voient leur condition de vie s'améliorer considérablement. Sous le roi Idriss, la Libye était parmi les pays les plus pauvres de la planète. 94% de la population était analphabète. La mortalité infantile était parfois de 40%. Kadhafi va transformer un pays et un peuple tout entier. Et pas seulement la Libye. L’argent du pétrole libyen va financer plusieurs causes à travers le monde, notamment la cause du peuple palestinien et la lutte des Noirs en Afrique du Sud. La Libye est ainsi le premier pays que visite le leader de la lutte contre l’Apartheid, Nelson Mandela, dès sa sortie de prison en 1994. Kadhafi permet à l’Afrique de connaître sa première révolution technologique en finançant le premier satellite de télécommunication RASCOM-QAF1 permettant aux pays africains de se rendre indépendants des réseaux satellitaires occidentaux et d’économiser plus de 500 millions de dollars (ou de les faire perdre aux compagnies occidentales).

La Libye investit plusieurs milliards de dollars dans les secteurs variés des économies des pays africains. Contrairement aux Occidentaux qui investissent principalement dans l’industrie extractive, Tripoli investit dans les secteurs primaires (agriculture, élevage) et tertiaire (banques, hôtels, services), principalement dans les pays les plus pauvres du Continent. La Libye lance le chantier de trois organismes financiers qui devraient contribuer à asseoir l'émancipation monétaire et financière de l'Afrique : la Banque africaine d'investissement (BAI), le Fonds monétaire africain (FMA) avec un capital de 42 milliards de dollars et la Banque centrale africaine (BCA). Outre le rachat des dettes et engagements contractés auprès des Institutions financières internationales, le développement de ces trois organismes devait permettre aux pays africains d'échapper aux diktats de la Banque mondiale et du FMI et marquer la fin du franc CFA. Une émancipation que l’Occident voit de très mauvais œil.

Trois attentats terroristes ont valu à Kadhafi d’être présenté comme la figure emblématique du terrorisme international : l’attentat contre la discothèque La Belle, à Berlin, en 1986, l’attentat contre un avion de la Pan Am au-dessus du village écossais de Lockerbie en 1988 et l’attentat contre le DC10 d’UTA en 1989 au-dessus du Niger. Tant d' évènements tragiques pour lesquels ils avaient été injustement imputés à l’Etat libyen !

L’attentat de Berlin est le premier de la série. Il a failli coûter la vie à Kadhafi suite à la réaction du président américain Ronald Reagan. Ce dernier, dès son arrivée à la Maison Blanche, en 1981, s’était mis en tête l’idée d’éliminer le Guide libyen qu’il qualifiait en pleine Guerre froide, d’« agent de Moscou », « l’homme le plus dangereux du monde » ou encore « le chien enragé du Moyen-Orient ». L’attentat, non revendiqué, servit de justification aux bombardements américains sur Benghazi et Tripoli, dans la nuit du 15 avril 1986. Kadhafi en sortit indemne, mais une de ses filles fut tuée tandis que sa femme et ses sept enfants furent blessés. Qui a commandité cet attentat ? En tout cas, le procès ouvert en Allemagne a abouti au verdict selon lequel aucun élément probant ne permettait d’établir la responsabilité de Kadhafi dans cette affaire.

Vient ensuite l’attentat de Lockerbie. L'attentat du vol Pan Am 103 a eu lieu le 21 décembre 1988 contre un Boeing 747-100 de l'ancienne compagnie américaine Pan American World Airways, qui assurait la liaison Londres – New York. Il explosa au-dessus du village de Lockerbie en Écosse et causa la mort de 270 personnes. Patrick Mbeko revient sur l’historique des enquêtes et fait remarquer que les éléments recueillis par les enquêteurs américains, Britanniques et Allemands s’orientaient vers la piste des services secrets syriens et iraniens. L’enquête va connaitre un tournant dans les années 1990 suite à l’implication de l’enquêteur du FBI Tom Thurman laissant tous les observateurs ébahis. La piste libyenne fit, depuis, privilégiée. Pourquoi ? L’abandon de la piste syro-iranienne s’imposait au vu d’un gros embarras en perspective. Il existe un monde ténébreux où barbouzes et grand banditisme s’entremêlent si dangereusement que même la justice préfère ne pas voir « ce qu’il ne faut pas voir ». La Libye devint ainsi le coupable idéal, et tout fut mis en œuvre pour lui faire endosser la responsabilité d’un crime qu’elle n’avait pas commis. Tripoli subissait à peine les conséquences de l’affaire de Lockerbie qu’une autre affaire, celle du DC10 d’UTA, était mise à sa charge. Pour rappel, le 19 septembre 1989, soit neuf mois après la tragédie de Lockerbie, le DC-10 du vol UT 772 de la compagnie UTA assurant le trajet Brazzaville-Paris via N'Djamena, explose au-dessus du désert du Ténéré, au Niger. Tous les passagers et membres d’équipage sont tués. Parmi les victimes, des Français et l’épouse de l'ambassadeur des États-Unis au Tchad. La Libye n’avait aucune raison de s’en prendre à la France puisque la guerre du Tchad dans laquelle les deux pays étaient directement impliqués était en voie de règlement. L’auteur attribue l’abandon de la piste syro-iranienne à une alliance de circonstance entre les puissances occidentales et la Syrie durant la Guerre du Golfe et la volonté de ne pas exposer des alliés impliqués dans le dossier des otages au Liban.

kadhafi-jeune.jpgSur les accusations de terrorisme, des années plus tard, les langues se sont déliées et plusieurs preuves sont que la Libye fut injustement accusée des deux attentats. Mais le pays fut contraint de payer : 200 millions de francs d’indemnités aux familles des victimes françaises de l’UTA et 2,7 milliards de dollars aux familles des victimes de Lockerbie. Un acte souvent brandi comme un aveu de culpabilité. En réalité, la Libye perdait beaucoup de revenus suite aux sanctions qui lui avaient été imposées : 24 milliards de dollars. En payant 2,7 milliards de dollars et en reprenant sa place dans le concert des nations, Tripoli s’inscrivait dans la logique froide de la realpolitik : privilégier ses intérêts. Ce geste de décrispation permit à la Libye de redevenir un Etat fréquentable à une époque où il valait mieux ne pas figurer sur la liste des Etat de l’axe du mal. Parallèlement, ce geste de décrispation permit à la Libye d’attirer massivement des investisseurs étrangers dans son secteur pétrolier et même les dirigeants occidentaux. La lune de miel fut néanmoins de courte durée. En cause : le printemps arabe.

Il est nécessaire de remonter à l’épicentre du mouvement des contestations populaires : la petite ville tunisienne de Sidi Bouzid et son héros malheureux Mohamed Bouazizi, le jeune marchand des quatre-saisons immolé le 17 décembre 2010 après avoir été frappé et humilié par une policière, Fayda Hamdi, selon la version véhiculée. Il fait remarquer que les récits ne collent pas à la réalité. Le jeune homme immolé ne s’appelait pas Mohamed Bouazizi, mais Tarek Bouazizi. Il n’était pas diplômé d’université, il n’avait même pas passé son bac. Sur place, à Sidi Bouzid, la population a déjà fait disparaître les traces d’un jeune homme qui aurait pourtant dû être célébré comme une fierté nationale. Pourquoi ? On peut s’interroger sur la spontanéité des révoltes et l’attitude indolente des forces de sécurités pourtant habituées à réprimer violemment les contestataires du régime. De fil en aiguille,il est important de déconstruire l’histoire convenue du « printemps arabe ». On peut remarquer que, si l’étincelle est partie de la Tunisie profonde, sans que personne ne comprenne vraiment qui étaient les tireurs de ficelles en arrière fond, c’est en Libye et en Syrie que le vrai visage des instigateurs du « printemps arabe » est apparu au grand jour, balayant au passage l’invective de la « théorie du complot ». Ce qui s’est passé en Tunisie et en Egypte non pas d’une colère spontanée des masses populaires, mais l’exécution des plans préparés à l’avance.

Dès 2007, les jeunes tunisiens et Egyptiens avaient reçu une série de formations initiées par le CANVAS (Centre for Applied Non Violence), une organisation basée sur les principes tactiques de Gene Sharp. Il s’agissait d’étendre aux pays du monde arabe les expériences réussies dans les anciens pays communistes où les Etats-Unis avaient fait renverser des présidents alliés de Moscou, derrière les révolutions colorées. Les autorités tunisiennes, égyptiennes et libyennes n’avaient ainsi rien vu venir. Le rôle joué par les Etats-Unis en arrière-plan est si déterminant que l’auteur décide de renommer ces évènements : « PRINTEMPS AMÉRICAIN DANS LE MONDE ARABE » et non « printemps arabe ».

Arrive le tour de la Libye, un pays qui, contrairement à la Tunisie et à l’Egypte, n’entretient pas de coopération militaire avec les Etats-Unis. Kadhafi avait fait fermer les bases militaires américaines et britanniques sur le sol libyen dès 1970. Les hauts gradés libyens ne pouvaient donc pas obtempérer aux consignes de l’extérieur. Par conséquent, contrairement à la Tunisie et à l’Egypte, où les manifestations étaient globalement pacifiques et maîtrisées, en Libye, les manifestations pacifiques sont accompagnées de graves violences armées. Les casernes et les commissariats sont attaqués par des unités commandos particulièrement efficaces au combat. Des canons anti-aériens apparaissent. D’où viennent toutes ces armes et ces combattants particulièrement aguerri ? Dans un premier temps Kadhafi donne l’ordre de ne pas réagir et de laisser s’exprimer la colère populaire. Il adopte des mesures sociales et fait même libérer des prisonniers politiques. Mais, rapidement, il perd le contrôle de vastes régions qui passent sous contrôle des groupes islamistes, alors alliés de circonstance de l’OTAN. Lorsqu’il tente de reprendre le contrôle de la situation, il se heurte à la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU autorisant la mise en place d'une une zone d'exclusion aérienne. Cette résolution, qui ne concernait que Benghazi, sera rapidement violée puisque c’est un déluge de bombes et de missiles qui s’abat sur toute la Libye, ainsi qu’une offensive au sol, jusqu’au renversement du gouvernement libyen, ce que l’ONU n’avait pas autorisé. L’auteur décrit les dernières heures de Kadhafi comme un moment de trahison ultime, une traque. Alors qu’il avait obtenu l’aval de l’OTAN pour quitter le pays et s’installer en Afrique du Sud, son convoi fut saccagé par un missile Hellfire tiré par un drone américain et deux bombes de 200 kg larguées par un mirage français. Il parvint à survivre avec une poignée de fidèles mais tomba entre les mains des miliciens de Misrata. La suite, ce sont les images de lynchage qui feront le tour du monde. C’est aussi le discrédit du principe de « responsabilité de protéger » comme le fut celui de « l’intervention humanitaire en Somalie ».

En effet, « protéger la population libyenne » fut la raison brandie au Conseil de sécurité de l’ONU pour justifier l’intervention des pays de l’OTAN en Libye. Lorsqu’on regarde ce qu’est devenue la Libye, difficile d’obtenir un consensus international en évoquant, à nouveau, « la responsabilité de protéger ». Depuis, à l’ONU, Russes et Chinois bloquent les projets de résolution initiés par les Occidentaux, notamment sur la Syrie, en rappelant le précédent libyen. Barack Obama a reconnu que la Libye est le plus grand regret de sa présidence tandis que les parlementaires britanniques ont étrillé l’ancien président français Nicolas Sarkozy et l’ancien Premier ministre britannique David Cameron dans un rapport sur la guerre en Libye.

« Vous avez voulu la paix, vous avez voulu la liberté, vous voulez le progrès économique. La France, la Grande-Bretagne, l'Europe seront toujours aux côtés du peuple libyen », avait promis le 15 septembre 2011 le président Nicolas Sarkozy à Benghazi devant l'euphorie d’une foule acquise à l’avènement d'une « nouvelle Libye ». Cinq ans plus tard, la Libye s’est littéralement décomposée. Pire, les Libyens qui ont survécu aux bombardements de l’OTAN seront des milliers à mourir lentement pour avoir respiré sans le savoir les microparticules d'uranium volatilisées dans l'air, tandis que nombreux vont donner naissance à des enfants mal formés, sans bras, sans jambes… conséquence des bombes à uranium appauvri larguées sur le pays. L’occasion de rappeler ce qu’était la Libye avant la guerre.

Lorsque débute la crise, le niveau de vie de la population libyenne n'a rien à envier à celui des populations occidentales. C'est le pays qui avait l'indice de développement humain le plus élevé du continent africain. Le PIB/hab était de 13.300 $, soit loin devant l'Argentine, l'Afrique du Sud et le Brésil. La croissance dépassait les 10% et le PIB/hab augmentait de 8,5%. La Jamahiriya était un Etat social où des biens publics étaient mis à la disposition de la population : l'électricité et l'eau à usage domestique étaient gratuites ; tout le monde avait accès à l'eau potable. Les banques libyennes accordaient des prêts sans intérêts ; les libyens ne payaient pratiquement pas d'impôts. La TVA n'existait pas. La dette publique représentait 3,3 % du PIB contre 84,5 % pour un pays comme la France, 88,9 % pour les États-Unis et 225,8 % pour le Japon. Le système public de santé, gratuit, était aux normes européennes, tout comme le système éducatif (le taux d'alphabétisation moyen était de 82,6 %). Les meilleurs étudiants libyens poursuivaient leurs études supérieures à l'étranger en bénéficiant d'une bourse du gouvernement. Les produits d'alimentation pour les familles nombreuses étaient vendus moitié prix sur présentation du livret de famille. Les voitures importées d'Asie et des États-Unis étaient vendues à prix d'usine. Le prix d'un litre d'essence coûtait à peine 8 centimes d'euros. Le pays, en dépit des sanctions qui lui avaient été imposées, avait tout de même réussi à constituer des fonds souverains à hauteur de 200 milliards de dollars placés dans des banques étrangères, occidentales notamment, et gérés par un organisme public, la Libyan Investment Authority (LIA), contrairement aux accusations faisant état d’enrichissement personnel. Peu de dirigeants au monde peuvent revendiquer un bilan pareil.

Par ailleurs, la Libye de Kadhafi fut un solide bouclier contre les vagues migratoires puisque de nombreux migrants sub-sahariens, notamment, choisissaient de s’installer en Libye au lieu de tenter la traversée de la Méditerranée. Et non seulement. Kadhafi fut un bouclier contre la circulation des terroristes islamistes qu’il combattait, bien avant les attentats du 11 septembre 2001. La Libye est le premier pays à avoir lancé, dès 1998, un mandat d'arrêt international contre Ben Laden pour un double assassinat perpétré, en 1994, contre deux fonctionnaires allemands sur le sol libyen. Mais tout au long de la campagne de l’OTAN contre la Libye, et même après, aucune des réalisations susmentionnées n'a été relevée et les populations occidentales n'en savent presque rien. Elles ne sauront jamais que celui qui leur a été présenté par leurs dirigeants et médias comme un méchant dictateur dilapidant les deniers publics de son pays, était en réalité un homme qui a énormément investi dans le bien-être de son peuple et protégé l’Europe des vagues migratoires et des mouvements terroristes.

La Libye est aujourd’hui un pays complètement ruiné. Trois gouvernements et une multitude de groupes terroristes se disputent le contrôle du pays. L'enlèvement du premier ministre Ali Zeidan à Tripoli, le 10 octobre 2013, est un triste exemple du climat chaotique qui règne dans le pays. Les dirigeants de la première heure du CNT ont fui le pays pour se réfugier à l’étranger. Les meurtres et les attentats sont devenus monnaie courante, contraignant des centaines de milliers de Libyens à trouver refuge dans d'autres villes ou dans les pays voisins. Les attentats ainsi que l'escalade des combats se succèdent dans tout le pays. Même le consulat des Etats-Unis à Benghazi a été la cible d'une attaque à l'arme lourde qui a coûté la vie à l'ambassadeur Christopher Stevens, torturé, sodomisé puis assassiné. Les violences et l'insécurité persistante ont poussé la plupart des pays occidentaux à évacuer leurs ressortissants et à fermer leurs représentations diplomatiques.

Tout le monde s'en va, y compris l'ONU et bon nombre d'ONG, relève l’auteur. Plus d'un million de migrants sont arrivés en Europe en 2015, au terme de périples périlleux. L'opération de sauvetage à grande échelle de l'UE a secouru près de 100 000 embarcations de fortune en Méditerranée. Malgré les efforts déployés, au moins 3 000 migrants libyens ont péri en mer. Le trafic de drogue a explosé, faisant de l'ex-Jamahiriya un pays de transit de la drogue, essentiellement à destination d'Europe... Le pays est devenu le nouvel eldorado des groupes intégristes islamistes. Dès le lendemain de la chute de Kadhafi, Al-Qaïda en a profité pour hisser son drapeau au-dessus du palais de justice de Benghazi. AQMI se promène dans le grand sud. Les islamistes d'Ansar al-Sharia se sont implantés à Benghazi et Derna, tandis que l’État islamique / Daesh a profité de l'insécurité permanente dans le pays pour s'y implanter.

Se pose naturellement la question de savoir si la guerre et l’élimination physique de Kadhafi valaient vraiment la peine. L’auteur estime que dans la logique des stratèges occidentaux, la destruction de la Libye et l’élimination de Kadhafi sont, paradoxalement, « une bonne opération ». Les efforts de Kadhafi pour sortir l’Afrique de l’extrême dépendance vis-à-vis de l’Occident constituaient une menace pour des puissances qui prospère sur le sous-développement et la misère des Africains. Une indépendance économique de l’Afrique et quelque chose d’inacceptable comme le rappelle le professeur Maximilian Forte cité par l’auteur : « L'intervention en Libye est aussi une façon d'envoyer un message aux autres États-nations africains (…) qu'il y a des limites dans lesquelles ils doivent opérer ». S'ils se lancent dans un processus de défiance nationaliste et anti-impérialiste, il pourrait y avoir des conséquences qui ne sont plus de l'ordre de l'hypothèse.

Un message glaçant dont on apprécie la froideur en repensant à la menace du président Sarkozy aux chefs d’Etat africains qui envisageaient de se rendre à Tripoli pour proposer une médiation de l’UA[48] : leur avion sera « flingué » !

mercredi, 25 janvier 2017

Le Japon se prépare-t-il à la guerre ?

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Bob Woodward:

Ex: http://www.decryptnewsonline.com 

A partir d'aujourd'hui, les forces d'autodéfense nippones se livrent à des exercices pour anticiper un conflit militaire entre les deux rives du détroit de Formose. L’armée japonaise va effectuer un exercice de simulation d’affrontement militaire entre la Chine et Taïwan, avec la participation en tant qu’observateur de l’armée américaine, a selon l’agence de presse Kyodo.

« Aucun déploiement de troupe n’aura lieu et le scénario est celui d’une réponse des Etats-Unis et du Japon à un conflit militaire« , a indiqué Kyodo.

Selon une source du gouvernement japonais, le but de l’exercice est de vérifier comment les membres de l’armée devraient s’acquitter de nouvelles tâches autorisées en vertu de la nouvelle loi japonaise sur la sécurité dans le déclenchement d’une situation considérée comme menaçant sérieusement la paix et la sécurité du pays, a précisé l’agence de presse japonaise.

De son côté, le ministère chinois des affaires étrangères a rappelé à Tokyo que « la question de Taïwan est une affaire interne de la Chine et nous espérons que le Japon sera très prudent dans ses paroles et ses actes (…) et ne fera rien qui compromettrait la paix régionale et la stabilité« .

« Je pense que cela montre qu’un monde stable est la dernière chose que certains veulent au Japon », a considéré la porte-parole du ministère Hua Chunying. Cette annonce vient compliquer un peu plus la situation.

L’armée taïwanaise a également réalisé des exercices militaires en vue d’une guerre contre la Chine continentale, alors que les relations entre les deux rives de Taïwan restent difficile.

Cet exercice japonais, en présence d’observateur américain, n’apaise en rien les craintes de Beijing, qui doit composer avec une nouvelle administration américaine, ayant déjà rompu avec quatre décennies de relations diplomatique, en prenant un appel téléphonique de la dirigeante taïwanaise Tsaï Ing-wen. Or selon la a source du gouvernement japonais, l’exercice était prévu avant que Donald Trump ne prenne ses fonctions, le 20 janvier.

D’après le reportage de l’agence japonaise, les forces d’autodéfense du Japon (l’armée) feront cet exercice simulé du lundi 23 au vendredi 27 janvier 2017, en présence de militaires américains y participant en tant qu’observateur.

C’est un scénario qui depuis quelques semaines s’invite dans les discussions d’experts et de diplomates : un affrontement militaire entre la Chine et Taïwan. Le Japon vient mettre son grain de sel dans le débat en menant, à partir d’aujourd’hui et jusqu’à la fin de la semaine, des exercices de simulation en cas de conflit entre les deux rives du détroit de Formose. Aucun déploiement de troupes n’aura lieu. Tokyo entend vérifier comment, en cas de clash, les forces d’autodéfense nippones (SDF) effectueraient leurs nouvelles tâches autorisées par la loi de sécurité entrée en vigueur en mars dernier.

Jusqu’à présent, les SDF japonaises n’avaient pas pour mission d’intervenir en dehors des frontières de l’archipel. Si elles l’ont fait par le passé, à de très rares exceptions, c’était uniquement pour des motifs humanitaires. Dorénavant, au nom du principe de «l’autodéfense collective», Tokyo peut fournir un soutien logistique à d’autres forces armées, même si le Japon n’est pas directement menacé.
Coup de fil et coup de sang

En novembre, les SDF et les GI’s de la marine américaine ont d’ailleurs effectué leurs premiers exercices conjoints. Cette semaine, des observateurs américains assisteront aux simulations japonaises qui sonnent comme une nouveauté. Jusqu’à présent, ces entraînements concernaient essentiellement le Japon.

Ainsi, il était fréquent que le ministère de la Défense communique sur des opérations visant à reconquérir une île ou à la défendre contre un agresseur. Le nom était rarement mentionné mais tout le monde comprenait que le Japon surveillait de très près l’évolution autour de l’archipel des Senkaku, nationalisé par Tokyo en 2012, que la Chine revendique en l’appelant «les îlots Diaoyu». Cette fois, les Japonais quittent donc leurs eaux territoriales pour croiser dans des mers chargées en revendications.

L’exercice simulé intervient au moment où les relations entre la Chine et Taiwan connaissent un nouveau pic de tensions. L’échange téléphonique en décembre du président élu Donald Trump avec la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen a alarmé Pékin. En prenant l’appel de Tsai Ing-wen, Trump a rompu avec près de quatre décennies de politique américaine qui respectait le principe de la «Chine unique» selon lequel tout Etat entretenant des relations diplomatiques avec Pékin ne peut en avoir simultanément avec Taïpei.

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Depuis 1949 et l’installation sur l’île des nationalistes de Tchang Kaï-chek, les Chinois considèrent Taiwan – indépendante de facto – comme une province renégate qui doit repasser, selon eux, sous le contrôle du continent. Depuis l’élection de Tsai Ing-wen l’année dernière, la Chine n’a cessé les mises en garde et les pressions sur la première présidente élue dans la seule démocratie du monde chinois. Depuis sa victoire, Tsai Ing-wen a appelé le régime chinois à «respecter l’intégrité de l’île». En septembre 1954, alors même que l'acte final de la conférence de Genève allait régler la guerre d'Indochine, Mao Zedong intimait à Zhou Enlai l'ordre de mettre au premier plan la «libération» de Taiwan: «Nous avons eu tort de ne pas nous consacrer à la tâche de libérer Taiwan juste après le cessez-le-feu en Corée; si nous tergiversons encore, nous commettrons une sérieuse erreur politique.» De novembre 1954 à mai 1955, un déluge d'obus s'abattit sur les petites îles tenues par le régime nationaliste, et l'armée populaire de libération s'empara des îles Dachen au nez et à la barbe de l'armada américaine dépêchée dans le détroit de Taiwan. Les Etats-Unis finirent toutefois, en mars 1955, par menacer publiquement d'employer des armes nucléaires tactiques contre la Chine en cas d'agression ultérieure, et notamment contre les îles de Quemoy et de Matsu, beaucoup mieux défendues. En avril 1955, la Chine mit fin à la crise quand Zhou Enlai, depuis le sommet afro-asiatique de Bandung, proclama son désir de paix avec les Etats-Unis.

En août 1958, vingt-quatre heures après que le président Eisenhower eut proposé à Nikita Khrouchtchev le premier sommet soviéto-américain de la guerre froide, et une réduction des armements nucléaires, Mao Zedong déclenchait une deuxième crise dans le détroit de Formose: à nouveau, une pluie d'obus s'abattit contre les petites îles fortifiées détenues par les nationalistes, provoquant la mobilisation de la VIIe Flotte dans le détroit. Après quelques semaines critiques pendant lesquelles les îles furent en danger sérieux, les Américains réussirent à établir une ligne de ravitaillement à Quemoy, y débarquant publiquement, entre autres, des mortiers susceptibles de lancer des charges nucléaires tactiques. Dès lors, l'offensive chinoise perdait toute chance de réussir: mais les bombardements continuèrent de façon intermittente pendant plus d'une décennie.

Ces précédents doivent aujourd'hui être examinés avec soin. D'abord, dans les deux cas, c'est à cause d'une détente internationale que la Chine populaire passa à l'offensive contre la Chine nationaliste, et le monde extérieur fut totalement surpris. En 1954, Mao ne pouvait supporter de voir la question de Taiwan sombrer dans l'oubli, alors que d'autres conflits asiatiques de la guerre froide trouvaient une solution. En 1958, la crise de Quemoy et de Matsu lui permettait de s'opposer à la coexistence pacifique qui s'amorçait entre les deux Grands.

Au début du mois, la Chine a dépêché son unique porte-avions, le Liaoning, dans le détroit de Taiwan, déclenchant l’envoi d’avions de reconnaissance par Taiwan. Il y a vingt ans, les deux rives du détroit avaient traversé une grave crise. Pékin avait tiré plusieurs salves de missiles dans les eaux territoriales taïwanaises au moment où le gouvernement de Lee Teng-hui multipliait les déclarations pro-démocratiques et que le pays s’apprêtait à voter. Alliés de Taïwan, les Etats-Unis avaient alors expédié une partie de leur flotte dans les eaux de la mer de Chine.

Aujourd’hui la Chine de Xi Jinping affirme de plus en plus son hégémonie sur les mers de la région. Et elle entend «défendre ses intérêts fondamentaux dans le cadre des affaires intérieures de la Chine», comme l’a rappelé vendredi Hua Chunying, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères qui réagissait à l’annonce des exercices simulés japonais. «Pour certaines personnes au Japon, il semble que la paix est la dernière chose qu’elles souhaitent. […] Nous espérons que le Japon pourra mesurer ses paroles et ses actes sur les questions liées à Taïwan […] et éviter d’envoyer un signal erroné aux forces indépendantes de Taiwan.»

De son côté, l’archipel du nationaliste Shinzo Abe a musclé sa diplomatie et armé sa défense depuis quatre ans. Tout en se posant en «contributeur proactif pour la paix», le Japon s’est montré plus présent dans le Pacifique, multipliant les discours ainsi que les aides techniques et financières aux pays de la région en butte à l’hégémonie chinoise. Avec Taiwan, quatrième partenaire commercial du Japon, Tokyo a renforcé ses relations.

Avant même son élection, Tsai Ing-wen s’était rendue en visite dans l’archipel au grand dam de Pékin. Fin décembre, un parlementaire japonais membre du parti libéral démocrate, Keisuke Suzuki, défendait des liens plus forts entre les deux archipels et l’idée d’une coopération militaire plus étroite. «L’existence d’un Taiwan libre est fondamentale pour la sécurité du Japon. A partir du moment où Taiwan subit trop de fortes pressions de la Chine continentale, c’est aussi un problème pour la sécurité nationale du Japon lui-même.»

Taiwan s’est lancé dans un programme de développement de son arsenal militaire, notamment de sous-marin. Les Etats-Unis suggèrent dorénavant à Taïpei d’augmenter ses budgets de défense. Il y a quelques jours, les troupes taïwanaises ont organisé, elles aussi, des exercices grandeur nature pour se préparer à une attaque chinoise.

mardi, 24 janvier 2017

Zbiegniew Brzezinsky brise son échiquier et prône un rapprochement US-Russie-Chine

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Zbiegniew Brzezinsky brise son échiquier et prône un rapprochement US-Russie-Chine

Ex: http://electrosphere.blogspot.com 

Dans la fureur des duels électoraux, un article publié au printemps 2016 par Zbiegniew Brzezinski est passé complètement inaperçu. Dans « Toward a Global Realignment » (The American Interest), le plus influent artisan de la politique étrangère américaine recommande vivement aux Etats-Unis d'assumer leur repli et de se réconcilier avec la Russie et la Chine afin de « redéfinir une architecture mondiale du pouvoir »... et de gérer conjointement les futurs risques et crises sécuritaires dans le monde arabo/musulman en particulier, et dans le tiers-monde en général. 
 
Zbigniew Kazimierz Brzezinski est né en 1928 à Varsovie (Pologne). Son père diplomate était en poste au Canada lorsque le pacte germano-soviétique fut signé et ne put donc rentrer avec sa famille au bercail. Plus tard, « Zbieg Brzez » épousa  Emilie-Anne Benes, nièce de l'ancien président tchécoslovaque Edvard Benes. Ce parcours personnel expliquerait-il, parmi d'autres facteurs, son aversion profonde pour l'URSS et/ou la Russie ?
 
Après avoir consacré sa carrière académique à étudier le totalitarisme soviétique et à forger une vision géostratégique sur le rôle prépondérant de l'Amérique dans le monde, Brezinski gravit les échelons au département d'Etat et en devint le secrétaire sous l'administration Jimmy Carter (1977-1981). Il fut également membre du Council of Foreign Relations (CFR), du National Endowment for Democracy (NED), de divers think tanks et organismes spécialisés dans la défense et/ou la politique étrangère, eut l'oreille du président George Bush père au plus fort de la chute de l'URSS, et conseilla le futur président Barack Obama en affaires étrangères au cours de sa campagne électorale.
 
Son très fameux ouvrage « Le Grand Echiquier. L'Amérique et le reste du monde » figure parmi les livres de chevet des présidents américains, secrétaires d'Etat et chefs du Pentagone, et imprègne fortement la politique étrangère et de défense des Etats-Unis. 
 
Ces extraits ont été volontairement sélectionnés pour leur clarté et leur percussion mais ne sauraient résumer à eux seuls cette œuvre très dense :
 
strategic-vision-book-cover.jpg« Il est indispensable que l’Amérique contre toute tentative de restauration impériale au centre de l’Eurasie […] Le choix européen est la seule perspective géostratégique réaliste qui permettra à la Russie de retrouver un rôle international et les ressources nécessaires pour engager sa modernisation. Par Europe, nous entendons l'ensemble géopolitique uni par le lien transatlantique et engagé dans l'élargissement de l'Union européenne et de l'OTAN [...] Telle est l'alliance qui profitera à la Russie et lui évitera de s'enfoncer dans un isolement géopolitique néfaste [...] Du point de vue américain. la Russie paraît vouée à devenir un problème : si sa faiblesse exclut de la considérer comme un partenaire, les forces qu'elle conserve ne nécessitent pas l'application de soins d'urgence. [...] Même si une alliance stratégique solide de la Russie avec la Chine ou avec l'Iran a peu de chances de se concrétiser, l'Amérique doit éviter de détourner Moscou de son meilleur choix géopolitique [...] Par ailleurs, les Chinois se montrent sensibles aux réserves doctrinales que les États-Unis émettent à l'égard de leur régime national. La Chine considère donc les Etats-Unis comme le principal obstacle à sa quête d'une prééminence mondiale, mais égaIement à l'affirmation de sa prédominance globale. Dans ces conditions, la collision entre la Chine et les Etats-Unis est-elle inévitable? [...] Quelle forme concrète et acceptable du point de vue américain doit revêtir la montée de la Chine en tant que puissance régionale dominante et quelles limites doit-on fixer à ses aspirations au statut de puissance globale? [...] En réalité, si la Chine s'oppose aux États-Unis, ce n'est pas tant à cause des actions de ces derniers qu'en raison de la position qu'ils occupent aujourd'hui. La Chine considère que les Etats-Unis exercent une hégémonie sur le monde et que leur présence même dans la région, qui repose sur la domination du Japon, contribue à restreindre l'influence chinoise [...] Aussi, en raison de ce qu'ils sont et de leur simple présence, les Etats-Unis deviennent involontairement l'adversaire de la Chine au lieu d'être leur allié naturel. »
 
Néanmoins, tout semble indiquer que l'Europe ne constitue plus le meilleur choix géopolitique pour la Russie en pleine résurgence stratégique malgré une économie stagnante... et qui se rapproche d'une Chine devenue aussi incontournable qu'ambitieuse dans la zone Asie-Pacifique et détenant désormais le premier PIB mondial.
 
L'alliance stratégique en formation accélérée de ces deux puissances, sous la pression d'une « quasi guerre froide 2.0 » les opposant aux Etats-Unis, laissent présager un condominium ou hinterland eurasien tant appréhendé par Zbieg.
 
En outre, l'annexion de velours de la Crimée - opération menée "en-dessous du niveau de la guerre" (cf. Michel Goya), le naufrage de l'Ukraine et la guerre en Syrie ont considérablement redoré le blason de la Russie, qui renforce de surcroît ses liens avec la Turquie, l'Iran et les pétromonarchies du Golfe arabe. Les visées territoriales de Pékin en Mer de Chine méridionale et le retrait des Etats-Unis du Traité Trans-Pacifique (également conçu pour un encerclement commercial du « Dragon Rouge ») offrent à la Chine d'immenses marges de manoeuvre pour consolider son influence et sa puissance dans l'espace asiatique.
 
Last but not least, les Etats-Unis ont sévèrement pâti des errements stratégiques des administrations W.Bush et Obama (Afghanistan, Irak, Libye, Ukraine, Syrie) et grandement entamé leur crédibilité sur la scène internationale.
 
Ce tableau général a certainement incité Zbieg à réviser ses fondamentaux : « l'ère de leur domination mondiale prenant fin, les Etats-Unis doivent prendre la main pour redéfinir l’architecture du pouvoir mondial. » | Vers un réalignement mondial (The American Interest)
 
zbig2ndCH-0_SR212,320_.jpgMuni d'une grille de lecture américano-centrée et donc quelque peu hérétique pour l'observateur extérieur, le théoricien de 88 ans dresse ses cinq vérités essentielles :

- Les Etats-Unis resteront une superpuissance tous azimuts mais compte tenu de la complexité des évolutions géopolitiques et des équilibres régionaux, ne sont plus « une puissance impériale globale. »

 - La Russie vit la douloureuse phase finale de son empire post-soviétique mais, pour peu qu'elle fasse preuve de sagesse, deviendra probablement un état-nation européen de premier plan. 

- La Chine émerge en future rivale de l'Amérique, renforce lentement mais sûrement sa puissance technologique, militaire et navale, se garde de toute confrontation trop coûteuse et trop risquée avec l'Amérique, mais doit finement manoeuvrer sur sa scène intérieure afin de ne pas entraver son succès économique. 

- L'Europe ne comptera pas parmi les poids lourds de la scène internationale mais jouera un « rôle constructif » en faveur du bien-être commun, contre les menaces transnationales, au sein de l'OTAN, et dans la résolution de la crise Russie-Ukraine. 

- Le monde musulman demeure violemment tourmenté par un traumatisme post-colonial et mu par des motivations religieuses à la fois fédératrices et très clivantes, du fait notamment des schismes séculaires au sein de l'islam.
 
Qu'entend Zbieg par "architecture mondiale du pouvoir" ? Serait-ce plutôt une architecture trilatérale de sécurité supervisée par les Etats-Unis, la Russie et la Chine ? S'agit-il d'une future gestion conjointe des crises & risques sécuritaires dans le monde ? Impliquera-t-elle une reconnaissance implicite des zones d'influence propres à chaque grande puissance assortie d'une entente mutuelle de non-ingérence ? Que deviennent l'OTAN, l'OCS et les Nations-Unies dans ces perspectives ?
 
« Considérées ensemble comme un cadre unifié, ces cinq vérités nous disent que les États-Unis doivent prendre la tête du réalignement de l'architecture mondiale du pouvoir afin que la violence qui éclate au cœur ou au-delà du monde musulman – et, éventuellement, dans le tiers-Monde - soit contenue sans détruire l'ordre global […] Les souvenirs politiques longtemps réprimés alimentent en grande partie l'éveil soudain et explosif provoqué par les extrémistes islamiques au Moyen-Orient. Mais ce qui se passe au Moyen-Orient aujourd'hui peut être le début d'un phénomène plus vaste à venir en Afrique, en Asie... »
 
Dans ce contexte impossible, les Etats-Unis, la Russie et la Chine (qui devra être plus audible et plus active face aux futures crises) feraient mieux s'accommoder de leurs zones d'influences respectives, de développer une solide coopération triangulaire, et entreprendre la même démarche avec des puissances régionales du monde arabo/musulman, et ce, afin d'élaborer un cadre élargi de stabilité internationale.
 
Zbieg insiste sur la nécessité d'extirper l'Arabie Saoudite du wahhabisme et propose d'inclure dans ce vaste programme « les alliés européens […] qui peuvent encore être très utiles à cet égard. »
 
Pour couronner cette drastique réinvention de ses classiques, il émet une mise en garde sur l'usage obsessionnel de la force, probablement à l'intention de ses cadets et de leurs homologues russes et chinois :
 
zbig-BOOOOL320_SR208,320_.jpg« L’alternative à une vision constructive, et spécialement la recherche d’une issue militaire et idéologique imposée unilatéralement ne peut que prolonger inanité et autodestruction. Pour l’Amérique, la conséquence peut être un conflit durable, de la lassitude et même possiblement un retrait démoralisant sur un isolationnisme pré-XXème siècle. Pour la Russie, cela pourrait signifier une défaite majeure, augmentant la probabilité d’une subordination, d’une manière ou d’une autre, à la prédominance chinoise. Pour la Chine, cela peut annoncer une guerre, non seulement avec les Etats-Unis mais aussi, peut-être séparément, avec le Japon ou l’Inde, ou les deux. Et, dans tous les cas, une phase longue de guerres ethniques, quasi religieuses, au travers de tout le Moyen-Orient avec un fanatisme auto-justifié qui engendrerait des effusions de sang dans et hors de la région, et une cruauté croissante partout. »
 
Henry Kissinger, autre gourou de la politique étrangère américaine et ancien secrétaire d'Etat (sous les administrations Richard Nixon et Gerald Ford), avait précédé Zbiegniew Brezinski dans « Do We Achieve World Order Through Chaos or Insight? » (Der Spiegel) et remettait sérieusement en question la politique étrangère de l'administration Obama. Depuis peu, il conseille le président Trump en vue d'un rapprochement graduel avec la Russie. 
 
Quels regards portent les chancelleries européennes sur ces futurs conditionnels ? Que deviendraient le destin, l'influence et les intérêts de l'Europe si cette architecture trilatérale de sécurité (Etats-Unis, Russie, Chine) prenait forme ?
 
En savoir + :
1.    Zbiegniew Brzezinski : Toward a Global Realignment (The American Interest)
2. Zbiegniew Brzezinski : Le Grand Echiquier. L'Amérique et le reste du monde (Fayard/Pluriel)
3.    Trump signe l’acte de retrait des Etats-Unis du Partenariat transpacifique (Le Monde)
4.  Henry Kissinger : 'Do We Achieve World Order Through Chaos or Insight?' (Der Spiegel)
5.    Kissinger, a longtime Putin confidant, sidles up to Trump (Politico)
 
 
 

dimanche, 22 janvier 2017

Come ha perso la Russia un intero continente

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Come ha perso la Russia un intero continente

 

Pochi sanno che circa trecento anni fa, la Russia, aveva la possibilità di diventare l'unica potenza del mondo, estendendosi su due continenti.


Diverse spedizioni lungo tutto l'Impero avevano portato a conquistare vari possedimenti in un altro continente: erano l'Alaska, le isole Aleutine, l'arcipelago Alexander, la fortezza di Elisabetta alle Hawaii ed il famoso Fort Ross della California. Perché la Russia ha perso queste ricchezze?

Nel 1648 Semen Dedznev organizzò una spedizione per l'esplorazione di nuove rotte marittime. Un gruppo di coraggiosi marinai, che presero il largo dalle coste della Siberia, dopo breve tempo, incapparono letteralmente nelle coste americane. A causa della costa rocciosa, una delle scialuppe naufragò, ma fu proprio lì che Dedznev decise di fondare il primo insediamento russo, Kingovej.

Dopo un secolo, il mercante di Irkutsk Gregorij Shelichov decise di ritentare l'impresa di Dedznev, ponendo come obiettivo finale della spedizione, la creazione di un saldo fortino, da cui sarebbe stato possibile partire per esplorare tutta la zona circostante. Il 14 agosto 1784 la flotta delle tre navi, chiamate "i Tre santi", "San Simeone" e "San Michael", raggiunse l'Alaska. Dopo quattro anni di insediamento sull'isola Kodiak, il luogo ricevette ufficialmente il nome di Porto Pavlovskij.

Nel 1799 lì fu fondata la prima città destinata a diventare la Capitale russa d'America. Il primo gruppo di coloni era costituito da 200 russi e 1000 aleuti, che dopo poco si abituarono a chiamare Novo Archangelsk casa.

Nel 1810 in California i possedimenti erano vari e ne approfittò il visionario ricercatore russo Ivan Kuskov. Comprò parte della terra formalmente spagnola dagli abitanti indiani. L'11 settembre del 1812 Kuskov pose la prima pietra della famosa fortezza di Ross, primo avamposto russo più meridionale in Nord America. I primi inquilini del suo insediamento fortificato furono 95 russi e 80 indiani. Con una convenzione anglo-russa del 1825 furono regolati i confini britannici e russi sul continente. Per comodità fu scelta la dorsale delle Montagne Rocciose, che si estendeva per vaste aree deserte. Per ragioni ancora sconosciute, i russi non hanno mai rischiato di attraversare l'altra parte delle montagne, dove per mezzo secolo le vaste pianure non furono attraversate da alcun colono.

Nel gennaio 1841 la fortezza di Ross fu acquistata da John Sutter, intelligente e lungimirante imprenditore americano, successivamente soprannominato "imperatore della California". Allora la resa è stata incondizionata e la Russia ha ufficialmente dichiarato la perdita di interesse per una zona così importante geopoliticamente. Gli storici ancora oggi dibattono strenuamente sulle cause di vendita dell'Alaska. In un modo o nell'altro, nel 1867 il Governo americano acquistò tutta l'Alaska per 7 200 000 dollari. Ed è così che è finita la storia dei russi che hanno perso la loro occasione di estendersi su due o tre continenti.
 

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mercredi, 18 janvier 2017

«La Russie, un cliché hostile. Histoire d’une diabolisation»

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«La Russie, un cliché hostile. Histoire d’une diabolisation»

Un livre de Hannes Hofbauer

par Jochen Scholz*

Ex: http://www.zeit-fragen.ch/fr 

Hofbauer-Feindbild-Russland-500.jpgLe livre de Hannes Hofbauer est sorti juste à temps, comme s’il avait encore fallu d’une preuve criante supplémentaire. Le Parlement européen a voté une résolution non contraignante, par 304 voix contre 179, avec 208 abstentions: «Résolution du Parlement européen sur la communication stratégique de l’Union visant à contrer la propagande dirigée contre elle par des tiers.»1 A première vue, cela semble défensif. En réalité, il s’agit du soutien de la «Task-Force pour la communication stratégique de l’UE» et de son «Disinformation Digest»2 c’est-à-dire du monopole d’interprétation de l’actualité politique internationale.
La résolution «demande à chaque Etat membre de mettre à la disposition de ses citoyens les deux bulletins d’information hebdomadaires de la Task Force de l’Union sur la communication stratégique, ‹The Disinformation Digest› et ‹The Disinformation Review›, afin de sensibiliser le grand public aux méthodes de propagande utilisées par des tiers».

La Russie est visée

C’est avant tout la Russie qui est visée, comme on peut le lire dans le «Disinformation Digest» du service diplomatique européen. Ce n’est pas sans raison. Depuis onze ans, la chaîne de télévision internationale Russia Today (RT) prend de plus en plus d’ampleur et d’acceptation dans les pays «occidentaux». La politique et les médias nationaux se voient de plus en plus dans une situation où leur monopole d’interprétation de l’actualité politique internationale sur les questions litigieuses entre la Russie et les Etats de l’UE/OTAN est remis en question. La qualité très professionnelle du travail des journalistes du groupe RT et la présentation vivante des émissions, mais aussi la transmission d’informations exclues dans les médias occidentaux contribuent à cela. Le fait que cette résolution de l’UE met dans le même sac les médias russes, la propagande des terroristes islamistes du soi-disant «Etat islamique» et leurs vidéos montrant des décapitations est plus que bizarre: elle met ainsi les médias russes sur le même niveau que les tueurs de masse. L’endoctrinement des citoyens de l’UE n’est heureusement pas tel qu’ils ne le réalisent pas, d’autant plus que le cliché hostile de la Russie attisé dans les grands médias n’a, selon tous les sondages, jusqu’à présent pas montré les effets désirés.

«L’inimitié crée des clichés hostiles»

Hannes Hofbauer a trouvé une formule d’une grande clarté pour expliquer au lecteur le lien entre la situation politique et la russophobie: «L’inimitié crée des clichés hostiles.» (p. 13) L’auteur ne se réfère pas seulement à la situation actuelle, mais retourne à la source de l’«image diffamant la Russie et les Russes» apparue au XVe siècle: c’est l’image de la Russie «asiatique et barbare» réutilisée à maintes reprises et dans de nombreuses variations comme un stéréotype par des créateurs de clichés hostiles. A l’aide du schisme de 1054, l’auteur montre que l’église catholique y a sa part de culpabilité. Depuis, l’église romaine d’Orient et avec elle l’église russe orthodoxe ne comptaient depuis plus comme communautés chrétiennes mais comme «refuges des apostats». Au XVIe siècle, l’Université de Cracovie jouait un rôle important parmi les institutions de formation. En l’an 1500, son influent recteur Johannes Sacranus désigna les Russes comme «peuple hérétique entretenant des rapports avec les Turcs.»

Le rôle de la Pologne

L’identité nationale du royaume de Pologne de l’époque, comme défenseur de l’«avant-mur de la chrétienté», semble avoir ses répercussions encore bien au-delà. Aujourd’hui encore et de manière renforcée depuis plusieurs années déjà, on critique le modèle de société et de politique russe, sous sa forme séculaire, dans les médias occidentaux. Dans la Pologne moderne, ces racines historiques sont particulièrement visibles dans les relations entre les gouvernements polonais et la Fédération de Russie depuis l’époque de Lech Walesa. Hofbauer explique de façon plausible que la grande influence de l’Université de Cracovie sur les «intellectuels» européens – selon la dénomination actuelle – de l’époque forma le mycélium dont se nourrit en Europe occidentale encore aujourd’hui l’image de la Russie comme «asiatique» dans le sens de «barbare».
Cependant, l’image négative de la Russie n’est pas née dans les discussions intellectuelles de l’époque indépendamment des intérêts de politique de puissance de l’Union polono-lituanienne face au duché moscovite. Au contraire, les professeurs savants fournirent l’amplificateur idéologique pour la propagande. Le regard quotidien sur les médias phares actuels montre une image assez semblable à l’observateur actuel des relations de l’UE et de l’OTAN avec le président Poutine. Le modèle n’a guère changé au cours des siècles. Le livre analyse les conflits et les guerres notamment du XIXe et du XXe siècles de manière à ce que le lecteur obtienne, dans une sorte de mouvement rapide, un résumé historique des évènements principaux des deux périodes avec les intentions stratégiques et les motivations des acteurs.
Cette analyse est également utile pour diriger le regard du lecteur sur les conflits actuels en Syrie, en Ukraine, en Libye, au Caucase et dans la mer de Chine ainsi qu’au-delà de la perspective ponctuelle et quotidienne, sur la perspective géopolitique globale caractérisée par le déclin relatif des Etats-Unis et parallèlement l’émergence d’Etats telle la Chine.

La cupidité envers les matières premières russes

 En tant qu’historien économique, Hannes Hofbauer est très attentif au rapport entre l’image purement négative et russophobe du pays avec ses gigantesques gisements de matières premières et les intérêts économiques et géopolitiques de l’Occident, notamment des Etats-Unis. On reconnaît ainsi, dans notre siècle actuel et le précédent, le recours à un modèle historique. Car dans les époques où les intérêts russes et occidentaux étaient en harmonie – comme ce fut le cas par moments au XIXe siècle entre la Prusse/le Reich allemand/Habsbourg et l’empire des Tsars – l’image de la Russie en tant qu’«incarnation du mal» n’existait que chez les «héros de l’histoire spirituelle allemande». Les dynasties, au contraire, voyaient le Tsar comme allié face aux agissements démocratiques.

Le rôle des intellectuels occidentaux

La russophobie indirectement transportée de génération en génération par les intellectuels occidentaux libéraux est prête à être réactivée à tout moment par les élites politiques, comme cela s’est fait au préalable de la Première Guerre mondiale. L’auteur nous montre que cela n’a guère changé: l’histoire des rapports entre l’Occident et la Russie après la fin de la guerre froide et la dissolution de l’Union soviétique en sont la preuve.

La stratégie de choc des années 90

Sous le président Eltsine, le régime présidentiel de la Russie exécuta sagement la transition de l’ancienne économie planifiée soviétique vers l’économie de marché capitaliste, selon les recettes recommandées par le FMI et les économistes américains Jeffrey Sachs et David Lipton selon le «consensus washingtonien».3 Ce fut une véritable stratégie de choc. Une grande partie de la population russe se retrouva dans une extrême pauvreté, l’espérance de vie diminua rapidement, d’anciens komsomols malins prirent le contrôle d’anciens combinats d’Etat et aidèrent les entreprises occidentales pétrolières et gazières à accaparer des parts majoritaires des grands groupes énergétiques anciennement étatiques. En même temps, l’Etat russe affaibli ne fut pas capable de faire face à l’élargissement de l’OTAN vers l’Est bien que cela fût une violation claire des promesses données à Gorbatchev en 1990 par le secrétaire d’Etat américain, James Baker.4
A l’époque, la couverture médiatique et les commentaires sur la Fédération de Russie étaient légèrement condescendants mais rarement aussi blessants et visant le bas de la ceinture que c’est le cas aujourd’hui. Car ni la Russie d’Eltsine ne s’opposa à l’élargissement de l’OTAN vers l’Est, ni ce pays affaibli n’était en état d’empêcher la guerre contre la République fédérale de Yougoslavie en 1999. Il semblait que ce n’était plus qu’une question de temps jusqu’à ce que les néolibéraux installés par Jeffrey Sachs et Co. à la pointe de l’économie et de la politique réussiraient à intégrer la Russie dans l’orbite occidentale. Donc, il n’y avait pas de raisons de soutenir, face au public occidental, une attitude méprisante envers un futur membre du club.

La résurrection de «la théorie du Heartland»

Cela changea rapidement avec l’entrée en fonction du président Vladimir Poutine, largement inconnu jusqu’alors. Dans l’un de ses importants discours de politique étrangère, le 25 septembre 2001 au Bundestag allemand,5 il proposa à l’UE d’unifier ses moyens «avec les hommes, le territoire et les ressources naturelles russes ainsi qu’avec le potentiel économique, culturel et défensif de la Russie.» Avec la formule «d’un espace économique commun de Lisbonne à Vladivostok»,6 Poutine réitéra cette offre et contrecarra ainsi les visions stratégiques des Etats-Unis pour l’Europe, basées sur la théorie du Heartland7établie par Halford Mackinder, et qui étaient le thème d’une conférence organisée par le Secrétariat d’Etat américain à Bratislava en 2000.8 Ce qu’on présenta aux hommes politiques d’Europe orientale fin avril 2000, était le concentré des analyses d’un groupe de travail de l’«Americain Enterprise Institute» proche des Républicains. Ce groupe de travail, dénommé «Project for the New American Century», publia en septembre de la même année son analyse principale «Rebuilding America’s Defenses»9 élaborée par les principaux néoconservateurs depuis plusieurs années.

Le président Poutine s’oppose

La consolidation politique, économique et sociale de la Fédération de Russie entreprise par le président Poutine dès son premier mandat10 ainsi que la récupération du contrôle des entreprises stratégiques importantes en rapport avec sa conception d’une coopération dans le cadre d’une union économique eurasiatique avec l’UE mena à la première vague de propagande antirusse dans la politique et les médias occidentaux. La puissance dominante occidentale s’est, à cette fin, servie d’atlantistes déclarés de l’UE, tels des 115 politiciens et intellectuels «inquiets» ayant adressé une lettre ouverte totalement hypocrite, aux chefs d’Etats et de gouvernements occidentaux.11

Entretemps: propagande hystérique contre la Russie

Dans le dernier chapitre de son livre, Hofbauer fait de façon très concentrée le lien – à l’aide d’évènements concrets des dix dernières années (Géorgie, Ukraine) – entre les espérances constamment déçues des Etats-Unis et de ses «vassaux tributaires» européens (Brzezinski, «The Grand Chessboard») d’intégrer la Russie dans la sphère transatlantique et la campagne de dénigrement toujours croissante, se rapprochant de l’hystérie, contre la Russie et notamment ad personam contre Poutine.
Le même modèle se retrouve dans la couverture médiatique et les commentaires ainsi que les accusations des hommes politiques quand il s’agit de la Syrie, dont l’acuité croissante va de pair avec la baisse des espérances de l’Occident d’aboutir à un changement de régime en Syrie. Voici que le cercle se referme au début duquel se trouve le XVe siècle: lorsque les élites occidentales ne se voient pas en état de contrôler la Russie, elles mettent en marche la machinerie de diffamation.

Glissements tectoniques dans les rapports de forces globaux

La raison pour l’importance de ce livre est que l’Europe en entier – et pas seulement l’UE – doit trouver une voie dans le contexte des glissements tectoniques des rapports de forces globaux,12 afin de pouvoir contribuer par ses forces culturelles et économiques au développement d’un ordre mondial basé sur des fondements coopératifs et pacifiques. Le fait que la Fédération de Russie y jouera un rôle prépondérant est évident de par sa géographie et ses ressources. Ce qui est en jeu en Eurasie pour les générations futures s’ensuit du plaidoyer de l’ancien directeur politique du ministère des Affaires étrangères allemandes, qui fût par la suite ambassadeur de l’Allemagne à Pékin pendant six ans et qui, actuellement, est président directeur de la fondation Quandt: «La diplomatie par de nouveaux moyens. La ‹nouvelle route de la soie› chinoise devrait avoir une priorité stratégique pour l’UE.»13 Une ambiance empoisonnée par les médias serait contre-productive pour ce gigantesque projet. Je souhaite donc de nombreux lecteurs pour ce livre de Hannes Hofbauer.    •

*    Jochen Scholz est ancien lieutenant-colonel de la Bundeswehr et fut pendant quelques années au service de l’OTAN à Bruxelles. Plus tard, pendant la guerre contre la Yougoslavie, il servit au ministère allemand de la Défense. C’est là qu’il réalisa que les discours officiels des responsables politiques, décrivant de graves violations des droits de l’homme par la Serbie, ne correspondaient pas aux rapports des spécialistes sur place. C’est à cause de ces mensonges des hommes politiques qu’il quitta le SPD en 1999.

1    www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONS...
2    https://eeas.europa.eu/topics/eu-information-russian/9506...
3    https://de.wikipedia.org/wiki/Washington_Consensus
4    Zelikow, Phillip/ Rice, Condoleezza. Sternstunden der Diplomatie, Berlin 1997, p. 257
5    www.bundestag.de/parlament/geschichte/gastredner/putin/pu...
6    www.sueddeutsche.de/wirtschaft/2.220/putin-plaedoyer-fuer...
7    https://de.wikipedia.org/wiki/Heartland-Theorie
8    Lettre de Willy Wimmer adressée au Chancelier fédéral Schröder, sur: www.nachdenkseiten.de/?p=22855
9    www.informationclearinghouse.info/pdf/RebuildingAmericasD...
10    www.bpb.de/internationales/europa/russland/135734/grafike...
11    http://web.archive.org/web/20070811110517/http://www.newa...
12    Cf. «ReOrient. Globalwirtschaft im Asiatischen Zeitalter» par André Gunder Frank: http://mediashop.at/buecher/reorient
13    https://zeitschrift-ip.dgap.org/de/article/getFullPDF/27469 und http://deutsche-wirtschafts-nachrichten.de/2016/10/03/par...

mardi, 17 janvier 2017

Théâtre d’ombres : le nouveau Grand Jeu en Eurasie

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Théâtre d’ombres :
le nouveau Grand Jeu en Eurasie

L’approche occidentale du « diviser pour régner » face aux rivaux mondiaux est obsolète à l’ère des Nouvelles routes de la soie

Par Pepe Escobar

Source Asia Times & http://lesakerfrancophone.fr 

Ainsi, en plein cœur de Bali, fasciné après une conversation sérieuse avec un dukun – un maître spirituel – j’étais sidéré : ce devrait être un nouveau Yalta, le cadre parfait pour un sommet Trump–Xi–Poutine fixant les paramètres à venir d’un nouveauGrand Jeu en constante évolution en Eurasie.

La culture balinaise ne fait aucune distinction entre le séculier et le surnaturel – sekala et niskala. Sekala est ce que nos sens peuvent discerner. Niskala est ce qui ne peut pas être détecté directement mais seulement suggéré, comme les mouvements géopolitiques massifs qui nous attendent.

Captif de la vitesse vertigineuse de l’ici et maintenant, l’Occident a encore beaucoup à apprendre d’une culture très évoluée qui a prospéré il y a cinq mille ans le long des rives de la rivière Sindhu – maintenant Indus – dans ce qui est actuellement le Pakistan, puis a migré de l’empire Majapahit de Java vers Bali au XIVe siècle sous la pression de l’avancée de l’islam.

Dans la conception hindou-balinaise de la structure cosmique, l’homme est une sorte de modèle à l’échelle de l’univers. L’ordre est personnifié par les dieux, le désordre personnifié par les démons de la terre. Il s’agit du dharma et du adharma.

Adharma règne sans contrôle en Occident.

Dans la philosophie religieuse hindou-balinaise, pour chaque force positive il y a un contrepoids, une force destructrice. Les deux sont inséparables – coexistant en équilibre dynamique. Le dualisme occidental est si peu sophistiqué par rapport à cela.

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Dans le Suthasoma – un grand poème épique bouddhiste Mahayana composé dans le centre de Java à l’époque où le bouddhisme se mêlait joyeusement avec l’hindouisme shivaïste – nous trouvons un vers exceptionnel : « Bhineka tunggal ika » c’est différent, mais c’est un.

C’est aussi la devise de l’Indonésie, blasonnée dans ses armoiries, sous l’oiseau mythique doré Garuda. C’est un message d’unité, comme le « E pluribus unum »américain. Maintenant, il ressemble plus à un message anticipant l’intégration eurasienne via les Nouvelles routes de la soie ; ce n’est pas par hasard si Xi Jinping a officiellement lancé la route de la soie maritime en 2013 en Indonésie.

Avec l’ère Trump sur le point de commencer, la conjoncture géopolitique actuelle ressemble à – et se ressent comme – un immense Wayang kulit, un jeu d’ombre balinais.

L’origine historique du jeu d’ombre se trouve très probablement en Inde, bien qu’on le trouve partout en Asie. Le bien et le mal coexistent dans le jeu d’ombre, mais l’hindouisme cherche à représenter le choc comme une sorte de partenariat bizarre.

Kulit signifie peau, couvrant. Wayang est la marionnette, faite de peau de vache, peinte et munie de bâtons que le dalang – le maître de marionnettes – manipule à volonté.

Chaque performance Wayang kulit est une histoire racontée par un dalang [marionnettiste] à travers des voix qu’il doit imiter, des ombres sur un écran et de la musique d’ambiance. Le dalang – sorte de prêtre – incarne tous les personnages et doit connaître par cœur les histoires qu’il raconte.

Seuls quelques individus en Occident peuvent être qualifiés de dalangs – en particulier dans la sphère géopolitique. Les dalangs réels sont en fait totalement invisibles, enfouis profondément dans le niskala. Mais nous avons leurs émissaires, les dalangs visibles, experts médiatiques et vénérés.

Le taureau blanc et la fille asiatique

Maintenant, comparez le jeu d’ombre balinais – représentant sekala et surtout niskala – avec l’approche made-in-Occident ; le fil d’Ariane qui pourrait, peut-être, nous guider hors du labyrinthe géopolitique actuel en utilisant un concept excessivement révéré : la logique.

D’abord, un rembobinage. Revenons à la naissance de l’Occident, en Europe. La légende nous raconte qu’un beau jour Zeus a jeté son œil vagabond sur une fille aux grands yeux brillants : Europe. Un peu plus tard, sur une plage de la côte phénicienne, un taureau blanc extraordinaire s’est présenté. Europe, intriguée, se rapproche et commence à caresser le taureau ; bien sûr, c’était Zeus déguisé. Le taureau emporta alors Europe et se dirigea vers la mer.

Zeus eut trois fils avec Europe – à qui il légua une lance qui ne manquait jamais sa cible. Un de ces fils, comme nous le savons tous, était Minos, qui construisit un labyrinthe. Mais surtout, ce que la légende nous a enseigné, c’est que l’Occident est né d’une fille – Europe – venue d’Orient.

La question est maintenant de savoir qui trouvera le fil d’Ariane pour nous sortir du labyrinthe, qui, cinq siècles après l’ère de la Découverte – dirigée par l’Occident – nous a conduits au déclin, avec en tête de file son chef, les États-Unis.

L’administration Obama, leader de l’Ouest « de l’arrière », a contre-attaqué avec un pivot vers l’Asie – lire confinement de la Chine – et une guerre froide 2.0 par la diabolisation de la Russie. L’ensemble du projet de l’UE fait face à un effondrement total. Le mythe de la supériorité culturelle et politique européenne / occidentale – cultivé au cours des cinq derniers siècles – est réduit en poussière, si l’on considère « toutes les immensités de la vague asiatique », comme l’écrit Yeats dans son poème The Statues. Ce sera certainement le siècle de l’Eurasie.

Une voie cohérente aurait été ce que Poutine a proposé en 2007 – un emporium unifié du commerce continental de Lisbonne à Vladivostok. L’idée a ensuite été reprise et élargie par les Chinois via le concept de One Belt, One Road (OBOR).

Au lieu de cela, l’administration Obama, menant l’Occident « de l’arrière », a contre-attaqué avec un pivot vers l’Asie et une Guerre froide 2.0.

Écoutez les dalangs occidentaux

Et cela nous mène, à la veille d’une nouvelle ère géopolitique possible, à ce que les dalangs occidentaux les plus visibles peuvent concocter dans le niskala.

Sekala se manifeste, dans les secteurs de l’État profond des États-Unis, par une hystérie hors de contrôle 24/7, à propos des actes russes diaboliques, avec les néocons/néolibérauxcons et les vestiges de l’administration Obama poussant la guerre froide 2.0 à ses limites. Pourtant niskala, où opèrent Henry Kissinger et Dr. Zbigniew Brzezinski , « Grand échiquier », est l’endroit où s’élaborent les concepts de l’action réelle. Ce n’est pas un secret que l’urbain, cérébral, et légendaire Kissinger conseille maintenant Trump. La stratégie à long terme pourrait être qualifiée, classiquement, de Diviser pour régner, mais légèrement remixée dans ce cas : une tentative de briser le partenariat stratégique Russie-Chine en s’alliant au nœud théoriquement le plus faible, la Russie, pour mieux contenir le nœud le plus fort, la Chine.

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D’un « Nixon en Chine » à un « Trump à Moscou »

Il est évident que les vains sycophantes dans le style de Niall Ferguson vont auréoler le rusé Kissinger de couronnes hagiographiques, inconscients du fait que Kissinger pourrait monter dans un manège plus rentable, sous la forme d’un business en plein essor pour son cabinet d’expertise florissant Kissinger Associates Inc., qui est aussi membre de US-Russia Business Council, côte à côte avec ExxonMobil, JPMorgan Chase et le champion du Big Pharma, Pfizer.

Pour résumer : on oublie les révolutions de couleur et autres régime change, pour laisser la place à un confinement bienveillant.

Il y a près d’un an, Kissinger avait déjà prononcé un discours sur la façon dont Washington devrait traiter Moscou :

« Les intérêts à long terme des deux pays exigent un monde qui transforme les flux contemporains turbulents en un nouvel équilibre qui sera de plus en plus multipolaire et mondialisé […] La Russie doit être perçue comme un élément essentiel de tout équilibre mondial, et non pas principalement comme une menace pour les États-Unis. » 

Un Kissinger multipolaire prônant que la Russie n’est « pas une menace » – on se demande pourquoi, à l’époque, la machine Clinton n’a pas accusé le vieil homme d’être, lui aussi, un otage de la romance avec Poutine.

De plus, quelques mois avant la victoire de Trump, mais en contraste marqué avec Kissinger, Brzezinski s’est trouvé dans un profond état d’alerte rouge, alarmé par « l’érosion des avantages technico-militaires des États-Unis », comme détaillé par exemple dans ce rapport du CNAS.

Brzezinski a sombrement affirmé l’évidence que l’infériorité militaire des États-Unis « signerait la fin du rôle mondial de l’Amérique » et que le résultat serait « très probablement un chaos mondial ».

Sa solution pour les États-Unis était alors « de façonner une politique dans laquelle au moins l’un des deux États potentiellement menaçants devient un partenaire dans la quête d’une stabilité d’abord régionale et ensuite plus large, et donc de contenir le rival le moins prévisible mais potentiellement le plus susceptible de passer en tête. À l’heure actuelle c’est la Russie, mais à plus long terme, cela pourrait être la Chine. »

Alors vous avez compris, encore et toujours diviser pour régner, afin de contrer les menaces indisciplinées.

Brzezinski, après la débâcle de la machine Clinton et d’Obama , n’est plus qu’un perdant pitoyable. Il a donc été obligé de rebattre légèrement les cartes. Contrairement à Kissinger, et fidèle à sa russophobie enragée, sa devise Diviser pour régner consiste à séduire la Chine pour l’éloigner de la Russie, assurant ainsi que « l’influence américaine est maximisée ».

Dans une prévisible, et bien occidentale, contemplation de son nombril, Brzezinski suppose que la Chine ne peut pas choisir d’aller contre les États-Unis, car il est « dans son intérêt d’appartenir à l’ensemble dominant ». Pourtant, l’« ensemble dominant » n’est plus les États-Unis, c’est l’intégration eurasienne.

Les Nouvelle routes de la soie, ou OBOR, représentent le seul vaste projet d’intégration géoéconomique et géopolitique sur le marché. Alors que Kissinger peut rester, sans doute, l’ultime dalang de la realpolitik, Brzezinski, le mentor d’Obama est toujours otage de Mackinder. La direction chinoise, quant à elle, est déjà bien en avance sur Mackinder et Alfred Mahan. Les nouvelles routes de la soie visent à intégrer, par le commerce et les communications, non seulement le Heartland (One Belt), mais aussi le Rimland (One Road, la route maritime de la soie).

Un partenariat avec l’Union économique eurasienne (EEU) sera essentiel à l’ensemble du projet. Peu de gens se souviendront que lors de la crise de folie de la Guerre froide 2.0, en septembre dernier, le Forum économique de l’Est s’activait à Vladisvostok, avec Poutine proposant un « espace d’économie numérique » dans toute l’Asie-Pacifique et la Chine s’engageant à participer davantage au développement de l’Extrême-Orient russe.

Ce que nous voyons sans doute maintenant, ce sont les deux principaux dalangs occidentaux, Kissinger et Brzezinski, essayant de s’adapter à la nouvelle normalité – l’intégration eurasienne via les Nouvelles routes de la soie (OBOR) et l’Union économique eurasienne  (EEU) – en proposant des versions contradictoires et bienveillantes de la devise Diviser pour régner, alors que les services de renseignement américains continuent de s’accrocher, dans un désespoir agité, à l’ancien paradigme de la confrontation.

Comme piliers principaux – la Triple Entente ? – de l’intégration eurasienne, Moscou, Pékin et Téhéran sont très conscients de la présence d’un étranger, porteur de cadeaux, tapi dans niskala. Un étranger visant, en vrac, Moscou qui trahirait Téhéran en Syrie et sur l’accord nucléaire ; Moscou qui se séparerait de Pékin ; Pékin qui trahirait Téhéran ; et toutes sortes de permutations intermédiaires du théâtre d’ombre entre la contention et le pillage.

Ce sera l’histoire principale à suivre tout au long des Routes de la soie. Selon la parole mémorable de Yeats, « un miroir reflété dans un miroir, voilà tout le spectacle. » Pourtant, le spectacle doit continuer – avec les dalangs d’Est et d’Ouest lâchés dans le niskala profond.

Bienvenue dans le Tournoi des ombres du XXIe siècle.

Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues : a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009), Empire of Chaos (Nimble Books) et le petit dernier, 2030, traduit en français.

Traduit et édité par jj, relu par Catherine pour le Saker Francophone.

 

dimanche, 15 janvier 2017

Trump ne pourra pas compromettre l'alliance russo-chinoise

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Trump ne pourra pas compromettre l'alliance russo-chinoise

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu 

Dès ses premières déclarations d'intention, Donald Trump avait indiqué qu'il se donnait deux buts en politique internationale: se rapprocher de Moscou après deux tiers de siècle de guerre froide, refuser une prétendue volonté de domination chinoise dans les domaines économiques et géo-stratégiques. Ce refus pourrait aller jusqu'à des affrontements militaires avec la Chine, sinon une véritable guerre. De fait Trump a programmé un renforcement sensible des moyens navals et nucléaires américains. Ceci n'aurait de sens que dans cette perspective, à supposer exclue dorénavant une guerre avec la Russie.
Les chroniqueurs se sont évidemment tous demandé comment ces deux buts pourraient être compatibles, compte tenu des liens plus qu'étroits qui associent Moscou et Pékin depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine. Même si en Russie certains craignent que ne s'établisse une compétition avec la Chine, bientôt seconde puissance économique mondiale, où la Russie serait perdante, la supériorité militaire et spatiale russe rétablirait l'équilibre.

Les liens et les échanges Moscou/Pékin sont nombreux et portent sur des domaines de première importance géopolitique. Nous y avons souvent fait allusion. Ils ont été développés notamment dans le cadre du Brics et de l'Organisation de coopération de Shanghai. Concrètement, ceci s'est traduit par le concept d'Eurasie, nouvel ensemble multinational pouvant rivaliser avec les pays de la zone dollar sous contrôle de Washington et bien évidemment avec l'Europe sous sa forme actuelle.

On peut d'ailleurs penser que la partie de l'establishment américain qui a poussé Trump au pouvoir et qui le soutiendra dorénavant vise, par le rapprochement promis avec Poutine, à ne pas être exclue des perspectives futures offertes par l'Eurasie. Ceci compte tenu de la plus grande résilience probable de celle-ci face aux crises mondiales prévisibles résultant du réchauffement climatique et de la disparition d'une partie des espèces vivantes. Les autres parties du monde, notamment l'Amérique du Nord à l'exception notable du Canada, l'Afrique et malheureusement pour elle l'Europe, n'y échapperont pas pour leur part.

Dans la perspective de ces crises, la Chine attachera une grande valeur à ses relations avec la Russie, sa partenaire essentielle dans le développement de l'Eurasie. La Chine est déjà en surnombre démographique et en voie d'asphyxie compte tenu d'un développement industriel concentré dans ses parties côtières. A tous égards l'Eurasie sera pour elle un poumon indispensable.

En ce qui concerne la Russie, celle-ci perçoit bien que malgré ses nombreuses supériorités notamment dans les domaines scientifiques et militaires, elle ne pourra pas seule faire vivre l'Eurasie, ceci bien que l'essentiel du territoire de celle-ci soit russe. C'est seulement dans le cadre d'une coopération compétitive avec la Chine que les deux pays y arriveront.

Trump s'illusionnerait donc s'il pensait pouvoir séparer Moscou et Pékin, dans tous les domaines essentiels tout au moins. L'Amérique, à laquelle il espère rendre toute sa force, n'y arriverait pas.

Dans le cadre de sa longue conférence de presse de fin d'année 2016, Vladimir Poutine a remarqué que « ce que nous avons entre la Russie et la Chine est bien plus qu'un simple partenariat stratégique » “What we have between Russia and China is more than just a strategic partnership.”

Si Trump ne l'a pas compris, et espère recourir à la vieille politique américaine du Diviser pour régner  afin de séparer la Russie et la Chine, il irait à de graves déconvenues. Au plan militaire, on ajoutera que la Russie, la Chine et leur troisième partenaire important dans l'ensemble eurasiatique, l'Iran, se sont déjà mis d'accord sur une politique de défense commune.

Ceci veut dire que Trump, qui outre la Chine a décidé de s'opposer à l'Iran, irait là encore à l'échec Comme l'on peut penser qu'il est pragmatique, il s'adaptera très vite à cette réalité, dans les faits sinon dans les discours.

vendredi, 13 janvier 2017

An Ancient Route Rolls On: Questions For Peter Frankopan, Author Of 'The Silk Roads'

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An Ancient Route Rolls On: Questions For Peter Frankopan, Author Of 'The Silk Roads'

The Silk Roads, A New History of the World, by Peter Frankopan, Hardcover, 645 pages, purchase
 
Ex: http://www.npr.org 

frankopan.jpgThe very mention of the Silk Roads creates an instant image: camel caravans trudging through the high plains and deserts of central Asia, carrying silks, spices and philosophies to Europe and the larger Mediterranean. And while these ancient routes may remain embedded in our imagination, they have, over the past few centuries, slowly faded inIMPORTANCE. The region today is home to despotic regimes, failing states and endless conflict. But historian Peter Frankopan thinks that the Silk Roads "are rising again."

In his new book, The Silk Roads, Frankopan has created something that forces us to sit up and reconsider the world and the way we've always thought about it. Western scholarship, he argues, has long ignored the routes linking Europe to the Pacific, the areas he calls "the axis on which the globe spun." So he has chosen to focus firmly on the Silk Roads, for what he calls "a new history of the world."

The book takes us by surprise right from the start: It begins not with the Greeks or the Romans, but with the Persian Empire — Frankopan writes that the Greeks and Romans, when they thought to expand, moved east toward the riches of Persia, rather than north or west into Europe. In an email conversation, Frankopan tells me that he wanted to explore exchange between the East and the West of everything from ideas and beliefs to food andFASHION. "Incidentally, it's not just luxury goods that I track — silks, textiles, spices, ceramics and slaves — but violence and disease, too," he says. "For example, the pathways followed by the Mongols and the Black Death were identical."

As you worked on this book, what struck you as the most important contributions the Silk Roads made to world history?

One thing that I was particularly interested in is the spread of faith along the Silk Roads. All the great global religions — Judaism, Christianity, Islam, Buddhism and Hinduism, as well as lots of otherIMPORTANT but less well-known belief systems — spread along the web of routes crisscrossing the spine of Asia.

I was also very struck by the scale of the white slave trade in the early Middle Ages — huge numbers of men, women and children were trafficked from Europe to the east in return for silver. I think readers will be surprised by that. But most of all is the fact that the Silk Roads keep on being involved all the time in more or less everything: they play the lead role in the expeditions of Columbus, who was trying to connect to the trade routes of the east; they were crucial to the origins of World War I — whose origins were firmly based in Asia, even though the trigger came from the assassination of Franz Ferdinand in Sarajevo.

There is a profound significance to the origins of the Holocaust, too, for example: Documents relating to German agricultural production and needs show that the decision to invade the Soviet Union was closely linked to taking control of the wheat fields of the rich lands lying north of the Black and Caspian Seas. The failure to "extract" the expected harvests from what is now Ukraine and Southern Russia led to discussions first about how to feed back in German controlled territories and then about who to feed. Those in prison camps found their calories reduced and then cut altogether; the jump to genocide was directly linked to the failure of the campaigns in the east.

We just don't look at this region at all — so have never thought to join up all these dots before.

You write, "We are seeing the signs of the world's center of gravity shifting — back to where it lay for millennia." But some argue that the world's center is shifting not toward the Silk Roads but farther East — toward China, Southeast Asia and India.

I can't speak for those who believe that the center of gravity is moving elsewhere. Many seem to think China and/or India exist in a bubble and can be looked at on their own. But I am much more interested in how China engages with Russia, with Iran, with the Middle East and with Central Asia — as well as with Southeast Asia. And that, by the way, is how China itself sees the world. China's signature foreign policy for the next 30 years is ... essentially the construction of a series of new Silk Roads.

China has dramatically rising energy needs as its middle classes grow in number and prosperity. So pipelines bringing oil and gas from mineral-rich countries like Kazakhstan, Turkmenistan and Iran have been or are being built to help fuel China's growth. And as a historian, it gives me no small pleasure to realize that those pipelines follow the same paths that traders bringing goods followed 2 1/2 thousand years ago.

Nishant Dahiya is NPR's Asia Editor

samedi, 07 janvier 2017

Asie : dessous des cartes et nouvelle donne

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Asie: dessous des cartes et nouvelle donne

par Rémy Valat, historien

Ex: http://metamag.fr 

Les foyers de développements économiques ou civilisationnels, les zones où se nouent le destin de l’humanité (ou d’une partie de celle-ci) n’ont cessé d’évoluer au cours de l’histoire.

Il y a encore moins de 50 ans l’Occident dictait sa loi sur le monde. La fin des conflits coloniaux et la chute du bloc soviétique ont favorisé l’essor de puissances issues du Tiers-Monde, pays qui pour la plupart se trouvent en Asie. C’est la trajectoire des pays asiatiques et la nouvelle donne géopolitique dans cette région que nous dessine avec brio, Jean-Christophe Victor * (que l’on ne présente plus) dans la dernière publication de la série « Le dessous des cartes » (éditions Tallandier-Arte, 2016), un ouvrage tiré de l’émission éponyme diffusée sur la chaîne Arte.

Comme le souligne l’auteur, l’Asie pose d’emblée un problème de définition géographique et culturel, mais ce qui la caractérise aujourd’hui c’est l’essor économique de quasiment tous les pays de la région (à l’exception de la Corée du Nord). Un envol qui a eu pour impact de déplacer le centre du monde de l’Occident vers l’Extrême Orient et le Pacifique. L’Asie est et restera dans les prochaines décennies la zone mondiale la plus peuplée (50,5% en 2050 pour 56,5% aujourd’hui), à la seule différence que l’Inde dépassera la Chine à l’horizon 2025-2030, et deviendra le pays ayant la population la plus nombreuse de la planète. Toutefois, la transition démographique frappe les grandes puissances de la région, la baisse du taux de natalité et le vieillissement de la population menacent la croissance économique chinoise et a déjà atteint ceux du Japon.

En Asie, le développement est inégal et injuste et l’écart entre riches et pauvres ne cesse de se creuser dans des pays souvent (et à des niveaux divers) gangrenés par la corruption (en particulier en Inde et en Chine) : en Chine, 11% de la population (150 millions d’individus vivent sous le seuil de pauvreté) ; en 2012 l’Asie de l’Est (7%) et du Sud (18%) était la région du monde la plus défavorisée après l’Afrique sub-saharienne. Autre résultat de l’urbanisation et de l’essor économique asiatiques : la pollution et la dégradation de l’environnement. La Chine brûle annuellement 50% de la production mondiale de charbon et est devenu le premier marché mondial de véhicules particuliers. Les images de Pékin sous le « smog » nous sont devenues familières. L’environnement, et en particulier l’eau, relèvent des priorités vitales pour les pays traversés par les grands fleuves nourriciers, fleuves ayant pour source la région hymalayenne sous contrôle chinois. Or Pékin n’est pas signataire de la Convention des Nations unies sur les utilisations des cours d’eaux internationaux (1997), entrée en vigueur en 2014, ce qui laisse planer le risque d’un détournement de cette richesse au détriment des pays en aval des fleuves, en particulier les pays arrosés par le Mékong (Birmanie, Laos, Thaïlande, Cambodge Viêtnam). Un motif supplémentaire de tensions et de conflits.

La soif de matières premières, carburée par les tensions (souvent anciennes) entre pays voisins, aiguise les rancoeurs et pousse à la militarisation et à la revendication territoriale. Mais, si les conflits entre grandes puissances sont larvés, les affrontements sont surtout internes : mouvements séparatistes, identitaires et religieux (en particulier les affrontements entre populations musulmanes et bouddhistes), voire insurrectionnels marxistes (naxalistes indiens). Sans compter la rivalité sino-américaine, matérialisée par des accords de partenariats militaires et économiques rivaux et un renforcement du potentiel militaire, que tempère de réciproques besoins commerciaux..

Pour approfondir sue ce vaste sujet, Jean-Christophe Victor, donne une excellente bibliographie en langue française et anglaise. Je conseillerais également l’excellent ouvrage, plus classique sur la forme et destiné aux classes préparatoires aux grandes écoles, coordonné par Vincent Thébault : Géopolitique de l’Asie (Nathan, régulièrement réédité). Une touche personnelle pour conclure : « Le dessous des cartes » fait partie des rares émissions intelligentes du paysage audiovisuel français : merci à Jean-Christophe Victor pour cette bouffée d’oxygène dans l’univers pollué de l’ « Entertainment »….

*Fils de l’explorateur polaire Paul-Emile Victor, grand amoureux de la Polynésie, Jean-Christophe Victor est mort subitement dans la nuit du 27 au 28 décembre à Montpellier, à l’âge de 69 ans, des suites d’une crise cardiaque. Ethnologue et brillant pédagogue, il s’est particulièrement illustré par une forme originale de présentation télévisée des concepts géopolitiques à partir de cartes. Nous avons tous regardé un soir son émission Le Dessous des Cartes. Elle a inspiré nombre de professeurs d’Histoire du secondaire et on retrouve son influence directe dans une revue intéressante comme Carto  disponible dans tous les kiosques. Sans carte, on ne saurait en effet gagner une quelconque bataille qu’elle soit militaire, culturelle ou climatique. Notre collaborateur Rémy Valat lui rend ici l’hommage qu’il se doit. ML

JEAN-CHRISTOPHE VICTOR, LE DESSOUS DES CARTES », ÉDITIONS TALLANDIER-ARTE, 2016, 224 PAGES, 300 CARTES, 14,90€
VINCENT THÉBAULT, GÉOPOLITIQUE DE L’ASIE ÉDITIONS NATHAN, 352 PAGES, 33.90€

vendredi, 06 janvier 2017

L’eau sale dans les «guerres propres» occidentales Par Maxime Chaix

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L’eau sale dans les «guerres propres» occidentales

L’instrumentalisation de l’eau dans les conflits armés est une tactique plurimillénaire. Selon le géographe Philippe Boulanger, dès l’Antiquité, « le détournement des eaux [est] recommandé par le stratège chinois Sun Tse dans L’Art de la guerre (Ve siècle av. J.-C.), ou par le stratège romain Frontin dans Les stratagèmes (Ier siècle apr. J.-C.) ». D’après l’historien Jean-Nicolas Corvisier, il existe dans la Grèce antique « une certaine conscience de ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas durant les conflits (…) : ne pas utiliser des armes interdites ; ne pas empoisonner les eaux ; ne pas priver d’eau une Cité (…) Toutefois, si ces pratiques sont réprouvées, elles sont loin d’être inconnues. Certaines ont même fini par se banaliser avec le temps. (…) En revanche, l’interdit sur l’empoisonnement des eaux est beaucoup plus respecté ». 2 500 ans plus tard, et malgré le développement du Droit international humanitaire depuis un siècle et demi, le recours à des tactiques illégales qui transforment l’eau en arme est une constante dans les guerres occidentales, qu’elles soient ouvertes (Irak, Kosovo, Libye…) ou clandestines (Yémen, Syrie…).

En septembre 2016, le Huffington Post rapporta qu’une « une station de pompage fournissant de l’eau aux quartiers d’Alep-Est tenus par les rebelles [avait] été détruite par des bombardements », ajoutant que les adversaires de Bachar el-Assad avaient « répondu en fermant une station approvisionnant le reste de la ville, laissant deux millions de personnes sans accès à l’eau potable. » Un an auparavant, dans un texte cosigné par cinq parlementaires français, le député syrien Boutros Merjaneh et le journaliste franco-libanais Nader Allouche dénoncèrent le fait que « les groupes armés à Alep, qui ont pris possession de la station de pompage et d’épuration de l’eau, [avaient] décidé de couper l’accès à [cette ressource vitale], dont ils [privaient] intentionnellement la population d’Alep, qui compte encore 2,5 millions d’habitants. » Rappelant les « relations privilégiées de la France avec les belligérants et leurs parrains » du Golfe, ils incitèrent en vain les autorités françaises à s’opposer à cette manœuvre des milices anti-Assad.

Depuis la fin décembre, le même processus d’instrumentalisation militaire de l’eau est à l’œuvre dans la région de Damas, chaque camp se renvoyant la responsabilité de cette situation tragique qui affecte près de 5 millions de civils. Comme l’a rapporté le site israélien YNetNews.com, en se basant sur des informations de Reuters, « la source d’Aïn el-Fijé, qui fournit 65 % des réserves d’eau de Damas, a été bloquée par les rebelles ; ces derniers auraient également contaminé l’eau avec du carburant », tandis que les opposants à Bachar el-Assad accusent l’armée syrienne d’avoir bombardé la station de pompage de cette ville. Durant ce conflit, les milices rebelles autant que les forces loyalistes ont utilisé l’eau potable pour déstabiliser l’ennemi, ce qui a durement touché la population. Sachant que l’État français et ses alliés soutiennent l’opposition anti-Assad, ils se sont abstenus de protester lorsque la rébellion a empêché des millions de personnes d’accéder à l’eau potable, tout en dénonçant les crimes de l’armée syrienne et de ses soutiens. À l’aune de l’Histoire récente, cette complaisance occidentale face à de telles méthodes n’est pas surprenante, puisque les systèmes nationaux de distribution d’eau ont été systématiquement visés durant les « guerres propres » des puissances de l’OTAN (Golfe, Yougoslavie, Afghanistan, Libye), et dans les « guerres inavouables » où elles sont clandestinement impliquées (Yémen, Syrie).

Yougoslavie, Afghanistan : des guerres « propres » et « humanitaires » ?

Lancée en 1999, la guerre du Kosovo est la première application moderne du concept de « guerre humanitaire », autrement qualifiée d’« intervention d’humanité ». Or, comme l’a souligné l’universitaire Jean-Baptiste Jeangène Vilmer – qui est pourtant un défenseur de la doctrine de « Responsabilité de Protéger » (R2P) appliquée en Libye –, « la campagne aérienne de l’OTAN au Kosovo a été une catastrophe humanitaire. Elle constitue encore aujourd’hui l’un des cas les plus exemplaires de violation du principe de proportionnalité. La majorité des purges a eu lieu après le début des bombardements, et on a des raisons de croire qu’ils les ont accélérées. Lord Carrington lui-même, ancien ministre des Affaires étrangères britannique, Secrétaire général de l’OTAN et président de la Conférence Européenne sur la Yougoslavie, pense que ce sont les bombardements qui ont causé le nettoyage ethnique. » Moins connues de l’opinion publique, d’autres conséquences négatives de cette intervention militaire sont à déplorer, et elles discréditent la notion orwellienne de « guerre propre » popularisée en 1991, durant l’opération Tempête du désert.

En janvier 2001, un rapport de l’Assemblé parlementaire du Conseil de l’Europe dénonça l’impact écologique de cette campagne de l’OTAN en Serbie et au Kosovo. D’après ce document, « entre le 24 mars et le 5 juin 1999, 78 sites industriels et 42 installations énergétiques en Yougoslavie ont été endommagés par les bombardements et les frappes de missiles [, ce qui a] entraîné une grave contamination de l’air, de l’eau et du sol par des substances dangereuses. » Cet impact environnemental ne s’est pas limité à la Yougoslavie, « qui possède des nappes phréatiques d’importance européenne ; leur contamination peut avoir des incidences négatives à de grandes distances du territoire yougoslave. La situation est d’autant plus grave que les capacités d’auto-épuration des eaux souterraines sont nettement inférieures à celles des cours d’eau », selon les auteurs de ce rapport – qui soulignèrent également l’impact nocif des munitions à l’uranium appauvri. En outre, la destruction des infrastructures fournissant l’électricité ou l’eau potable – telles que les stations d’épuration –, ont massivement affecté les civils, ces frappes visant à encourager un rejet populaire de Slobodan Milosevic, alors Président de la République fédérale de Yougoslavie. Titrant que ces opérations réduisaient les Serbes à des « hommes des cavernes », le New York Times rapporta qu’« après deux mois de bombardements, qui commencèrent le 24 mars [1999], une OTAN désireuse de paralyser l’effort de guerre serbe s’[attaqua] intensivement au réseau électrique de ce pays, et les réserves d’eau dépendant des pompes électriques en [souffrirent] considérablement. Les bombes hautement explosives [causèrent] des dommages permanents à ces deux systèmes. »

Deux ans plus tard, à la suite du 11-Septembre, « Tony Blair et Georges W. Bush [appelèrent] de leurs vœux la formation d’une coalition militaro-humanitaire avant d’attaquer l’Afghanistan ». Les opérations furent lancées quelques semaines après ces attentats. À l’époque, les infrastructures garantissant l’accès à l’eau potable dans ce pays furent également visées par les avions de la coalition occidentale, qui frappèrent notamment les réseaux et les installations électriques permettant aux civils d’extraire l’eau de leur sol. Durant cet automne 2001, le peuple afghan venait de subir trois années consécutives de sécheresse. De ce fait, le cabinet de recherches énergétiques Frost & Sullivan souligna que ces frappes de l’OTAN suscitaient « de vives préoccupations en termes de santé publique et d’hygiène, puisque les villes [et les villages afghans avaient] besoin d’électricité pour pomper l’eau ». Ce pays entrait alors dans sa troisième décennie de guerre ininterrompue, ce qui avait délabré le système national d’assainissement des eaux et d’irrigation. S’ils n’en sont pas à l’origine, les bombardements occidentaux en Afghanistan ont aggravé une situation déjà critique, alors que ce pays traversait une crise de l’eau qui a persisté jusqu’à présent.

Comme s’en est récemment alarmé le médecin humanitaire Teck Young Wee, « partout sur cette planète, les enfants devraient pouvoir accéder à l’eau [potable]. Mais dans un Afghanistan “démocratique”, qui est soutenu par la communauté internationale et qui est le pays “le plus frappé par des drones”, Zuhair n’est qu’une personne parmi les 73 % de citoyens afghans qui n’ont pas accès à de l’eau potable et propre. Quelque chose me contrariait alors : puisque l’État afghan et les gouvernements alliés ne semblent pas vraiment préoccupés par la résolution des causes premières de cette crise de l’eau, de celle de l’environnement et de bien d’autres [fléaux], que pouvions-nous faire, [mon ONG] et moi-même ? » Ainsi, malgré les dizaines de milliards de dollars investis par la communauté internationale dans la reconstruction de ce pays – dont une part substantielle a été détournée à des fins de corruption –, l’accès à l’eau potable reste un problème majeur pour les trois quarts des Afghans.

Sur le long terme, les tactiques ciblant les infrastructures d’assainissement et de distribution de l’eau peuvent avoir des conséquences désastreuses sur les populations (maladies infectieuses, pandémies, cancers, pénuries…). Or, considérant le manque d’études épidémiologiques sur cette question, il est impossible de mesurer l’impact de ces politiques, qui échappent souvent à l’attention médiatique. Il est donc difficile de sensibiliser l’opinion sur ces méthodes mortifères et illégales. En effet, selon l’article 54 du Protocole I additionnel aux Conventions de Genève de 1949, de tels actes constituent des crimes de guerre. Dans certains cas, ils peuvent même être considérés comme des tactiques génocidaires s’ils engendrent la « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle », en vertu de l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, qui fut adopté par les Nations-Unies en 1948. Puisqu’elles ont induit le recours prémédité à des tactiques de privation d’eau potable ayant gravement affecté plusieurs millions de civils, nous allons expliquer dans quelle mesure les guerres du Golfe, de Libye et du Yémen pourraient entrer dans ce dernier cas de figure.

En Irak, l’eau est une « arme de destruction massive » depuis 1991

Au début de l’année 1991, les États-Unis, la France et leurs alliés lancèrent en Irak ce qui était présenté par CNN et d’autres médias occidentaux comme une « guerre propre », mais qui s’est avérée bien plus sale qu’on ne la décrivait. À l’époque, les images des puits de pétrole en feu ont marqué l’opinion, et l’on se rappelle donc qu’en janvier 1991, « Saddam Hussein [ordonna] la destruction des sites d’exploitation pétrolière dans le but de créer une pollution marine, le dysfonctionnement des usines de traitement de l’eau salée et des obstacles à un possible débarquement de la coalition. Les forces irakiennes [mirent] le feu à 60 puits de pétrole le 21 janvier, puis jusqu’à 613 (sur 732 dynamités) à la fin de février, produisant une catastrophe écologique équivalant à 12 fois (…) le désastre de l’Exxon Valdez en Alaska en 1989 [, selon le Pentagone] ». Peu évoqué dans les médias grand public – contrairement à ces sabotages de l’armée irakienne –, un fait historique encore plus dérangeant échappe à la mémoire collective, et discrédite totalement cette notion de « guerre propre ».

En effet, selon l’expert britannique Nafeez Ahmed, « des chiffres de l’ONU jamais remis en question démontrent qu’environ 1,7 million de civils irakiens sont morts à cause [du] régime de sanctions (…) imposé par l’Occident [à la fin de la guerre du Golfe], dont près de la moitié étaient des enfants. Il semblerait que cette abondance de morts ait été intentionnelle. Parmi les biens interdits par les sanctions de l’ONU, l’on peut recenser des produits chimiques et des équipements essentiels au fonctionnement du système national de traitement des eaux de l’Irak. Un document secret de l’Agence de Renseignement militaire du Pentagone (DIA) (…) a été découvert par le Professeur Thomas Nagy, qui enseigne à l’École de Commerce de l’Université George Washington. Selon lui, ce document constitue “un plan de génocide contre le peuple irakien”. » Toujours selon Nafeez Ahmed, « dans son article scientifique (…), le Professeur Nagy expliqua que ce document de la DIA révélait, dans “les moindres détails, une méthode parfaitement opérationnelle pour ‘délabrer complètement le système de traitement des eaux’ d’une nation entière” pendant une décennie. Par conséquent, la politique de sanctions créerait “les conditions favorables à une vaste propagation de maladies, dont des épidémies de grande ampleur (…) liquidant ainsi une vaste portion du peuple irakien”. »

D’autres sources confirment cette politique génocidaire et son caractère intentionnel, dont la lettre adressée en mai 2000 par le parlementaire américain Tony Hall à la secrétaire d’État Madeleine Albright. Comme s’en alarmait alors ce représentant au Congrès, « je partage les inquiétudes de l’UNICEF face à la détérioration permanente des systèmes d’assainissement et d’approvisionnement de l’eau sur la santé des enfants [irakiens]. Première cause de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans, les maladies diarrhéiques ont dorénavant atteint des proportions épidémiques, et elles touchent quatre fois plus de personnes qu’en 1990. Les restrictions frappant les contrats dans le secteur de l’eau et de l’assainissement sont la première raison de la hausse des maladies et des décès. Sur les 18 contrats concernés, 17 interdictions ont été imposées par le gouvernement des États-Unis. (…) [Madame Albright,] je vous implore de reconsidérer votre décision [d’interdire ces contrats], car les maladies et les décès sont la conséquence inévitable de ne pouvoir ni consommer de l’eau potable, ni s’assurer une hygiène minimale. »

Quatre ans plus tôt, en mai 1996, une journaliste de l’émission télévisée 60 Minutes rappela à la secrétaire d’État Madeleine Albright que cette politique de sanctions imposée par les puissances occidentales avait tué « un demi-million » d’enfants irakiens en 5 ans, selon des estimations de l’UNICEF. Visiblement choquée par ces chiffres, elle lui demanda si cela « en valait la peine ». Sans hésiter, la secrétaire d’État lui répondit par l’affirmative, ce qu’elle regrettera des années plus tard, mais sans démentir ce lourd bilan. En d’autres termes, Madeleine Albright reconnut puis confirma la responsabilité centrale du gouvernement des États-Unis dans ce qui constitue un génocide au regard du Droit pénal international. Depuis ces aveux, aucun dirigeant occidental n’a été inquiété pour ce crime de grande ampleur, et l’Irak continue de s’enfoncer dans le chaos depuis l’invasion illégale de cette nation en 2003. À l’époque, selon le New Yorker, les soldats américains « découvrirent un pays brisé par les sanctions. Les centrales électriques vacillaient, les canaux d’irrigation étaient bouchés, les ponts et les routes tombaient en ruine ; dans leur majorité, les infrastructures semblaient avoir été improvisées. Le gouvernement des États-Unis dépensa ensuite des milliards de dollars pour les reconstruire. »

Malgré les sommes colossales investies dans la reconstruction de ce pays, les conditions de vie de la majorité des Irakiens restent catastrophiques, notamment en termes d’accès à l’eau potable. Selon le dernier rapport annuel du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) relatif à l’Irak – qui a été publié un an avant l’offensive de Mossoul –, « les besoins humanitaires [dans ce pays] sont énormes, et ils sont en croissance permanente. L’accès aux services de santé essentiels représente un besoin immédiat pour 8,5 millions de personnes. À travers le pays, 6,6 millions de personnes ont un besoin urgent d’accéder à l’eau, à des installations sanitaires et à de l’aide en termes d’hygiène. (…) Les systèmes de distribution hydrique et d’assainissement des eaux usées sont délabrés, ce qui amplifie le risque de crises majeures de santé publique. » Depuis lors, selon les dernières estimations de l’OCHA, les conditions de vie de la population se sont encore dégradées, ce qui n’a pas empêché l’Irak de redevenir un producteur et un exportateur majeur de pétrole. « Mission accomplished ».

En Libye, quand la « guerre humanitaire » assoiffe la population

En 2011, vingt ans après le lancement de l’opération Tempête du désert, l’OTAN est intervenue en Libye au nom de la « Responsabilité de Protéger ». Quatre ans plus tard, pour citer à nouveau Nafeez Ahmed, « de nombreux commentateurs parlent de la crise de l’eau qui s’aggrave à travers [ce pays], sachant que les besoins dépassent la production. Certains ont souligné le contexte environnemental de raréfaction de l’eau due aux changements climatiques. Or, ils ont ignoré le fait que [la Grande Rivière Artificielle (GRA),] le complexe système national d’irrigation patiemment construit et développé depuis des décennies afin de régler ce problème, fut délibérément ciblé et dégradé par l’OTAN. (…) En septembre [2011], (…) l’UNICEF rapporta que la destruction partielle de la GRA avait laissé 4 millions de Libyens sans eau potable. [En 2016,] la GRA est toujours en mauvais état, et la crise de l’eau en Libye continue de s’aggraver. »

Ces dernières années, d’autres experts ont confirmé une probable intensification de cette crise. Les raisons qu’ils invoquent pour l’expliquer sont principalement d’ordre naturel, telles que la rareté de l’eau dans cette région désertique. Or, les frappes de l’OTAN ont fortement détérioré le système national de distribution de l’eau en Libye, tout en retardant le développement de la GRA. En 2016, si l’on se base sur les estimations de l’OCHA, « environ 680 000 personnes [dans ce pays nécessitaient] une aide humanitaire pour satisfaire leurs besoins basiques en consommation d’eau et en hygiène (…) Par ailleurs, le traitement des eaux usées [était] de plus en plus préoccupant, en particulier pour les demandeurs d’asile et les migrants. » Selon le spécialiste des questions environnementales Kieran Cooke, le système de la GRA « pourrait s’effondrer si le chaos en Libye perdure – aboutissant à une pénurie chronique d’eau potable qui affecterait des millions de personnes ».

Comme l’avait rapporté Bloomberg.com en mai 2015, les problèmes d’accès à l’eau en Libye sont également dus aux coupures d’électricité engendrées par le délabrement du système électrique national et les affrontements continuels entre milices rivales. La campagne de l’OTAN ayant engendré ce chaos sécuritaire et la destruction partielle des infrastructures libyennes, elle fut donc un facteur central d’aggravation de cette crise de l’eau qui menace l’avenir de ce pays. De toute évidence, le recours à cette tactique fut intentionnel, puisque les frappes contre ces équipements ne constituèrent en aucun cas des bavures, mais des attaques planifiées et assumées par l’état-major de l’OTAN. Au Yémen, des méthodes similaires de destruction intentionnelle des infrastructures d’assainissement et de distribution de l’eau sont employées par la « coalition arabe ». Bien qu’étant central, le rôle des États occidentaux dans ces opérations n’est toutefois pas assumé, sachant que cette guerre ne peut être justifiée par les motifs humanitaires attrayants qui ont légitimé l’intervention en Libye.

Au Yémen, un désastre humanitaire aggravé par les puissances de l’OTAN

Avant le conflit qui oppose depuis mars 2015 la coalition dirigée par l’Arabie saoudite aux rebelles houthis, le Yémen était déjà répertorié parmi les nations devant affronter les pénuries d’eau les plus graves. D’après certains experts, les nappes phréatiques de ce pays pourraient d’ailleurs être épuisées dès cette année. Dans un tel contexte, la guerre de la « coalition arabe » contre les Houthis a exacerbé une crise humanitaire qui préexistait, avec l’appui décisif mais confidentiel d’au moins trois États occidentaux. En effet, comme l’a souligné Régis Soubrouillard en avril 2015, le Pentagone, la Direction du Renseignement Militaire (DRM) et la DGSE aident l’armée saoudienne à planifier ses bombardements et à sélectionner ses cibles, notamment au moyen de renseignements satellitaires. En mai 2016, dans Le Figaro, le grand reporter George Malbrunot confirma l’implication clandestine de militaires français dans cette guerre, un haut gradé anonyme lui ayant affirmé que la France était « très discrètement cobelligérante », fournissant des « dossiers d’objectifs » ou effectuant des « missions de reconnaissance (…) non seulement par satellite, mais aussi avec des avions ». L’engagement direct des États-Unis et de la Grande-Bretagne dans ce conflit est mieux couvert par la presse anglo-saxonne, et il ne se limite pas à des ventes d’armements. En effet, des officiers militaires de ces deux pays aident notamment leurs alliés locaux à planifier leurs opérations. La « coalition arabe » est donc une expression qui masque, intentionnellement ou non, le rôle majeur des gouvernements américain, français et britannique dans cette offensive aux conséquences humanitaires désastreuses – notamment en termes d’accès à l’eau potable.

Comme l’a rapporté Amnesty International en février dernier, « j’ai été témoin de ce que les Yéménites endurent – voir des corps tirés des décombres à Sanaa ou des restes humains parmi les gravats jonchant le site d’une station d’épuration visée par une frappe aérienne à Hajja ». En janvier 2016, l’UNICEF expliquait que « les enfants représentent au moins la moitié des 2,3 millions de personnes déplacées de leur foyer, et au moins la moitié des 19 millions de personnes qui s’efforcent chaque jour de trouver de l’eau potable ; (…) Les services publics de santé, d’eau et d’assainissement ont été décimés et ne peuvent pas répondre aux besoins toujours croissants d’une population désespérée. » Ainsi, des millions de civils yéménites subissent les conséquences des bombardements massifs d’infrastructures civiles par la « coalition arabe ». Ces opérations aggravent le manque chronique d’eau potable, ce qui favorise l’émergence ou la propagation d’épidémies de maladies diarrhéiques et de choléra. En d’autres termes, les dirigeants occidentaux ayant décidé d’appuyer secrètement cette offensive sont juridiquement coresponsables de l’aggravation d’un désastre humanitaire dans la nation la plus pauvre du Moyen-Orient. En effet, ces opérations limitent considérablement l’accès à l’eau potable dans un pays qui connaissait déjà des difficultés structurelles dans ce domaine, sans parler des pénuries de nourriture suscitée par les bombardementsd’infrastructures agroalimentaires et le blocus imposé par la « coalition arabe ».

Dans les « guerres propres », des millions de malades et d’assoiffés 

Dans les pays de l’OTAN, la guerre au Yémen passe au second plan. En revanche, l’indignation politico-médiatique s’est massivement concentrée sur Alep-Est, ce qui est paradoxal puisque la reprise de ces quartiers par les forces syriennes et leurs alliés représente une défaite militaire majeure pour al-Qaïda. À Mossoul, le même objectif est recherché par la coalition dirigée par les États-Unis, mais l’offensive contre Daech « a longuement piétiné » et les civils paient un lourd tribut dans cette opération, qui pourrait encore durer plusieurs mois. Dans ce contexte orwellien – où les jihadistes sont décrits comme « modérés » ou « extrémistes » en dépit de leur idéologie commune –, les opinions occidentales s’indignent des exactions de Bachar el-Assad et de ses soutiens, mais n’ont majoritairement pas conscience de l’implication de leurs gouvernements respectifs dans ce qui pourrait constituer des crimes de guerre, voire de génocide, au Yémen et dans les autres conflits étudiés à travers cet article.

Secrètement engagées dans des guerres inavouables au Levant et dans la Péninsule arabique, les puissances de l’OTAN y ont soutenu une coalition arabe et des mercenaires salafistes notoirement insensibles aux Conventions de Genève et aux droits de l’Homme. Entre autres actes de barbarie, ces forces sunnites ont empêché des millions de personnes d’accéder à l’eau potable. Plus globalement, depuis 1991, les États occidentaux ont affirmé conduire des « guerres propres » en Irak, en Yougoslavie, en Afghanistan et en Libye. Or, durant ces opérations, les infrastructures fournissant l’eau à la population ont été massivement et intentionnellement dégradées, engendrant des crises humanitaires ayant affecté des millions de civils. Et comme nous l’avons souligné, les pénuries d’eau courante ne sont que l’un des innombrables fardeaux imposés aux peuples « libérés » par ces offensives. De ce fait, et malgré les risques majeurs induits par sa présidence, il est plutôt rassurant que Donald Trump rejette les politiques de « changement de régime », qui sont hors de contrôle depuis le 11-Septembre, et qui ont provoqué la plupart des catastrophes humanitaires décrites dans cet article. Néanmoins, au vu de son hostilité ouverte à l’égard de la Chine, des ex-généraux bellicistes qui domineront son équipe de sécurité nationale, et de sa volonté de durcir la guerre contre Daech en assouplissant les règles d’engagement au détriment des civils, tempérons notre optimisme et gardons à l’esprit que les promesses n’engagent que celles et ceux qui les reçoivent.

PAR MAXIME CHAIX 

Journaliste indépendant, traducteur de Peter Dale Scott, être humain engagé.

Source: https://blogs.mediapart.fr/maxime-chaix/blog/050117/l-eau...

jeudi, 05 janvier 2017

Patrick MBEKO - 42 ans de lutte de l'Occident contre Kadhafi

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Patrick MBEKO - 42 ans de lutte de l'Occident contre Kadhafi

Conférence de Patrick MBEKO au Cercle Aristote le 31 octobre 2016 :
"42 ans de lutte de l'Occident contre Kadhafi".

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Pourquoi l’US Navy est-elle à quai ?

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Pourquoi l’US Navy est-elle à quai?

Ex: http://www.dedefensa.org 

On sait depuis longtemps, – en fait, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondial, – que l’US Navy veille à garder en déploiement opérationnel un certain nombre de ses groupes de porte-avions, autour de cette unité centrale du contrôle des mers qu’est devenu le grand porte-avions d’attaque (CVA pour l’US Navy). Il s’agit d’une planification très complexe aujourd'hui parce que le nombre de CVA est réduit à dix et qu’un certain nombre d’entre eux doivent se trouver en relâche technique, soit pour une simple raison d’une nécessaire interruption du service pour repos et entretien courant, soit pour des périodes d’entretien plus fondamental (mise en radoub), soit pour des stades de modernisation, des réparations, etc.

Avec les CVA modernes, extrêmement complexes et d’un entretient délicat, ces périodes d’immobilisation s’allongent et rendent encore plus complexe la planification, alors que les crises ne cessant d’éclater et de se développer dans le monde. Quoi qu’il en soit, la Navy essaie d’avoir trois ou quatre unités en déploiements opérationnels en même temps sur toutes les mers du monde et selon les nécessités stratégiques du moment ; ces dernières années, des situations se sont présentées où ces déploiements simultanés étaient réduits à deux groupes, dans de courtes périodes intermédiaires où un CVA avait quitté sa zone opérationnelle alors qu’un autre se trouvait sur le point d’y arriver. Mais la situation actuelle est complètement originale et étrange : aucun déploiement opérationnel de CVA, une “première” depuis 1945, à la très forte signification stratégique et symbolique même si cette situation ne devrait durer que d’une à trois semaines.

Infowars.com s’empare de la nouvelle pour en faire une interrogation sur son sens politique et caché : pourquoi l’administration Obama a-t-elle ordonné ce repli de l’US Navy et ne se pourrait-il pas que cette mesure préparât une opération de type-falseflag d'ici le 20 janvier et la prestation de serment de Trump ?

« In what can only be described as a disproportionate appropriation of U.S. Navy assets, a blatant breach of standard protocol, and a possible set up for a false flag operation — the entire U.S. Navy aircraft carrier group, 10 active carriers, have returned to port and are now all sitting ducks. According to information displayed on GoNavy.jp, which tracks the current locations of all active aircraft carriers, the Obama Administration has ordered every single active U.S. aircraft carrier home.

» About 6000 sailors from the USS Dwight D. Eisenhower strike group returned to Norfolk, Virginia “out of nowhere” Friday, just ahead of New Year’s, after CVN69’s deployment on June 1. “The Eisenhower’s replacement carrier, the USS George H.W. Bush, was delayed by more than six months in the shipyards and will not be able to replace the Ike until early” 2017, Navy officials say. [...]

» Additionally it’s important to note that radio talk show host Alex Jones has warned of a possible impending false flag, one that may come before President-elect Trump takes office.

» Could something be brewing on the horizon? »

C’est essentiellement à partir d’une enquête faite par FoxNews et difffusée le 31 décembre 2016 qu’il est apparu que l’US Navy se trouvait dans cette posture. Le texte que donne FoxNews en complément de son reportage filmé reste assez confus à cause du mélange des explications techniques et budgétaires et des arguments de communication que donnent les officiels contactés. Il semblerait que cette situation ne durerait formellement qu'une semaine, à l'issue de laquelle le USS Carl-Vinson quitterait sa base et son port d’attache de San Diego pour aller prendre position dans le Pacifique ou éventuellement dans l’Océan Indien (ce qui demandera un certain temps et ne comblera réellement le “vide stratégique” que vers le 20 janvier, – justement...).

Voici quelques extraits du texte de FoxNews :

« For the next week, not only will there be no U.S. Navy aircraft carrier in the Middle East, but there will be no American aircraft carriers deployed at sea anywhere else in the world, despite a host of worldwide threats facing the United States. [...]

» While there is no U.S. aircraft carrier in the Middle East right now, there is a large deck U.S. Navy amphibious assault ship with thousands of Marines on board as well as helicopters and some jets to respond to a crisis, according to officials. [...] In the meantime, the Navy tells Fox News the U.S. military has other jets available to make up for the aircraft carrier gap in the Middle East and elsewhere in the world. The Navy can also “surge” a carrier now in port to deploy if necessary. But the absence of a deployed U.S. Navy aircraft carrier, long seen as a symbol of American power projection, is noteworthy. It is believed to be the first time since World War II that at least one U.S. aircraft carrier has not been deployed. [...]

» It’s not the first time there was a carrier gap in the Middle East. Last fall, the U.S. Navy relied on a French aircraft carrier to fill the void when the USS Theodore Roosevelt returned home. At the time it was the first gap in carrier coverage in the Middle East since 2007.

» Other factors contribute to the U.S. Navy not having an aircraft carrier deployed anywhere in the world right now. [...] The congressionally mandated budget cuts known as sequestration have also been felt on the waterfront since 2011. After billions of dollars were cut from the Navy’s budget, ships such as the George H.W. Bush were forced to prolong their time in the shipyards, which had a ripple effect down the line. If the Bush had left the shipyard on time, she would have relieved the Ike in the Gulf or the Mediterranean, officials tell Fox News. »

On observera que les deux interprétations diffèrent notablement, Infowars.com posant aussitôt l’hypothèse d’un “coup” de l’administration Obama et FoxNews se contentant d’exposer les arguments de la Navy, tout en mettant en évidence le caractère stratégique extraordinaire de la situation qui symbolise bien le déclin de la puissance stratégique US. Il reste que cette occurrence effectivement extraordinaire se produit dans une séquence de grande tension aux USA, avec deux présidents, le sortant et le nouvel élu, en position d’affrontement jusqu’au 20 janvier et l’inauguration officielle du président Trump.

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Bien qu’une coïncidence reste effectivement possible, l’argument d’une situation provoquée ne peut être complètement rejetée, loin s’en faut. La Navy planifie de loin la situation de ses CVA, et il paraît plutôt étonnant qu’elle ait laissé se faire ce “vide” stratégique extraordinaire en plein processus de transition du pouvoir, dans une période où, en général, les forces armées US ont plutôt tendance, sinon mission de montrer leur puissance alors que le pouvoir politique est dans une position constitutionnellement incertaine. Cette remarque s'accompagne par ailleurs dans notre chef de la précision que nous sommes plutôt en complet désaccord sur l’énoncé de l’article d’Infowars.com selon lequel “l’administration Obama a ordonné que tous les porte-avions d’attaque de l’US Navy regagne leurs ports d’attache” (« ...the Obama Administration has ordered every single active U.S. aircraft carrier home... »). Une direction politique ne peut donner un tel ordre secrètement, surtout sur un temps très réduit comme l’article le laisse entendre, et l’US Navy de son côté ne se prêterait certainement pas à une manœuvre à long terme, demandant une planification à mesure, sans soulever l’aspect politique et stratégique complètement extraordinaire, sinon extraordinairement suspect de la chose dans la période actuelle de transition et de tension ; bref, il est difficile à des comploteurs, fussent-ils américanistes et de l’administration Obama, de jouer avec des groupes de porte-avions d’attaque comme l’on dirige des drones liquidateurs à 7.000 kilomètres de distance.

Il existe par contre une autre possibilité, qui est que l’US Navy ait volontairement effectué une telle planification pour priver le commandement civil d’une capacité importante de frappe, au cas où une opération de provocation (par exemple contre la Syrie) aurait été lancée pour tenter de déstabiliser, par exemple soit la candidature Trump, soit le président-élu Trump. (L’exemple choisi [Trump] est en fait le seul cas possible impliquant l’hypothèse d’une “opération de provocation” au vu de la distribution des pouvoirs, des candidats, de leurs programmes, etc., tout au long de la campagne USA-2016.) L’US Navy avait réalisé une opération de cette sorte, d’une façon politiquement très claire derrière les arguments techniques qui avaient permis de dégarnir les capacités d’attaque contre l’Iran dans la période 2006-2007, alors que les extrémistes de l’administration Bush (Cheney & sa clique) réclamaient une attaque contre l’Iran. De simples dispositions techniques, avec des procédures de remplacement arrangées dans un sens adéquat en modulant les déplacements des porte-avions avaient permis de réduire la présence de l’US Navy à deux, voire un seul CVA au large de l’Iran en juillet-août 2007, au moment le plus intense de la possibilité d’une attaque ; cette présence était absolument insuffisante pour le dispositif aérien et de soutien technique nécessaire à l’attaque stratégique envisagée. (On retrouve des traces de cette opération notamment dans le F&C du 18 juillet 2007 sur « Le porte-avions volant », tandis que de nombreuses autres références renvoient à un conflit ouvert entre des chefs du JCS et de l’US Navy, – les amiraux Mullen et Fallon particulièrement, – et les extrémistes de l’administration GW Bush.)

Avec cette référence à l’esprit, on peut effectivement donner une signification politique à cette situation stratégique extraordinaire de l’US Navy, au moins pendant cette période vitale et très tendue de la transition. On sait depuis longtemps, au moins dans la période depuis 9/11, que les militaires US ont été la fraction du pouvoir la moins encline au déclenchement d’un conflit et, en général, aux diverses politiques bellicistes développées avec ce zèle par les pouvoirs politiques et certains services de sécurité. Par ailleurs, cette même situation stratégique de l’US Navy sert de rappel utile, de la part des militaire, des promesses du candidat Trump de restaurer l’outil militaire US dans toute sa puissance. Enfin, pour couronner cette addition d’arguments qui ont une logique commune mais qui sont finalement contradictoires dans leur signification à long terme, la situation actuelle de “vide stratégique” de l’US Navy renforce le choix supposé de l’administration Trump d’abandonner une politique belliciste et d’interventionnisme extérieur... Puisque, décidément et preuve par les CVA de la Navy, il s’avère que les USA n’en ont plus les moyens...

lundi, 02 janvier 2017

Alain Corvez sur la Syrie et ses enjeux géopolitiques

 

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Dextra et ses militants vous souhaite une excellente année 2017 ! 
 
Et pour commencer cette année sur les chapeaux de roues nous recevrons 
Alain Corvez
Qui nous parlera de la Syrie et ses enjeux géopolitiques ! 
 
Au Molière
12, rue de Buci 75006 Paris 
 
Vendredi 6 janvier 19h 
 
Une bonne résolution de l’année 2017 : 
Venez nombreux et à l’heure !

L'Amérique ne renoncera pas à sa politique anti-russe en Afghanistan

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L'Amérique ne renoncera pas à sa politique anti-russe en Afghanistan

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu 

Une rencontre dont les médias français ont peu parlé s'est tenue à Moscou le 27/12 entre représentants de la Russie, de la Chine et du Pakistan. Ils se sont mis d'accord pour obtenir de l'ONU le retrait de certaines personnalités afghanes d'une liste recensant des Afghans soumis à sanction compte tenu de leur aide aux Talibans en Afghanistan 1).
 
La rencontre a par ailleurs recommandé  l'instauration d'un « dialogue  pacifique » entre le gouvernement de Kaboul et les Talibans. Ceux-ci, présentés notamment par les Etats-Unis comme des terroristes à éliminer (ce que d'ailleurs ils n'ont jamais réussi à faire) devraient au contraire être considérés, selon les conclusions de la rencontre à Moscou, comme des auxiliaires efficaces contre l'emprise d'un Etat islamique (EI) de plus en plus présent en Afghanistan.

Le ministre russe des affaires étrangères a exhorté en conséquence Kaboul à se montrer plus coopératif avec le mouvement taliban, compte tenu de la montée croissante dans le pays de la branche afghane de l'EI. L'on comprend bien que la Russie comme la Chine veuillent lutter en Afghanistan et dans les régions voisines contre l'extrémisme de l'EI, qui s'en prend directement à leurs intérêts. Au contraire les Talibans, jusqu'ici accusés (non sans raisons d'ailleurs) de radicalisme religieux et d'une phobie anti-féministe spectaculaire, se révèlent infiniment moins dangereux que l'EI sur ces deux points.

Le président afghan actuel Ashraf Ghani aurait du se montrer satisfait de cet engagement trilatéral en faveur du combat qu'il est censé mener contre l'EI, bien plus menaçant pour lui que ne le sont ce qui reste de Talibans. Mais s'était sans compter sans les Etats-Unis dont le principal souci a été et reste de lutter contre l'influence russe dans la région. Ce n'est pas principalement le désir de défendre une démocratie à l'occidentale à Kaboul qui les conduit mais celui de se préserver l'accès futur aux richesses minières considérables de l'Afghanistan. Dans ce but, en dehors d'un maintien de plus en plus impopulaire d'une force militaire dans les principaux centres stratégique, ils ont déployé des moyens considérables, par l'intermédiaire de la CIA et des « forces spéciales », pour convaincre Ashraf Ghani de rester dans le rang, c'est-à-dire de s'opposer à tout retour de l'influence russe dans le pays.

Or Ashraf Ghani s'était doté d'un vice-président, un certain Rashid Dostum, qui déplaisait de plus en plus à Washington par son ouverture supposée à la Russie. Celui-ci était un chef de guerre, « war lord » qui ne se faisait pas remarquer par une grande aptitude à représenter l'idéal démocratique tel que conçu par les Américains. Mais pour ceux-ci son principal défaut était qu'il commençait à s'opposer à la politique américaine de plus en plus mal supportée par différents groupes tribaux. Au contraire, il semblait prêter une oreille favorable aux ouvertures russes et turques en faveur d'une Afghanistan plus ouverte à la coopération avec ses voisins asiatiques et potentiellement avec Moscou. Aussi avait-il fait l'objet de campagnes incessantes dans les médias américains dénonçant son « warlordisme ».

Finalement Washington a pu obtenir le principe de son éviction par Ashraf Ghani et son remplacement par Gulbuddin Hekmayar, un autre war lord qui ne le cède en rien en férocité à Dostum. Il a fait assassiner un grand nombre de ses rivaux. Quant aux moeurs, il est devenu populaire par son fondamentalisme islamique radical et sa recommandation d'inonder d'acide les femmes réticentes à se voiler. Ceci ne l'avait pas empêché de bénéficier d'un appui constant de la CIA, de ses dollars et de ses livraisons d'armes.

L'on comprend que la Russie et son alliée la Turquie, sans mentionner la Chine et le Pakistan, ne soient pas enthousiasmés par le retour d'un radicalisme proche du terrorisme à Kaboul. Certes, ces pays ne sont pas moins intéressés que les Etats-Unis par un futur possible accès aux richesses minières afghanes. Mais leur principal souci est la lutte contre un EI à leur porte. Un faible président Ashraf Ghani sous contrôle d'un vice président tel que Gulbuddin Hekmayar ne peut à cet égard que les inquiéter.

On se demandera si l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche entrainera une révision de la stratégie américaine en Afghanistan. Les intérêts stratégiques des Etats-Unis dans la région toute entière ne laisseront sans doute pas à Donald Trump d'autre choix que continuer dans ce domaine la politique d'Obama. Quant aux Européens, qui fournissent encore malgré leurs réticences des moyens militaires pour une prétendue lutte contre les Talibans, ils ne seront pas consultés.

1) Voir notamment https://www.geo.tv/latest/125224-Russia-China-Pakistan-ag...

 

samedi, 31 décembre 2016

Wordt Orbán Europese schakel tussen Trump en Poetin?

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Wordt Orbán Europese schakel tussen Trump en Poetin?

door Prof. Dr. László Marácz

Ex: http://www.elsevier.nl 

De jihadistische aanslag op de kerstmarkt in Berlijn laat zien dat West-Europa de ‘sense of urgency’ mist om met terreur om te gaan. De aanslag had plaats tegen de achtergrond van de geopolitieke veranderingen in de wereld, die na de inauguratie van de Amerikaanse ‘president-elect’ Donald daadwerkelijk vorm zullen krijgen, schrijft László Marácz.

Onthutsend was de houding van de Duitse autoriteiten daags na de aanslag. Op de persconferentie hielden zij vol dat zij geen fouten hadden gemaakt en dat het geenszins duidelijk was dat het om een jihadistische aanslag ging.

Reis door West-Europa

In plaats van het zwartste scenario te nemen dat er wel degelijk een ernstige terroristische actie had plaatsgevonden, vervielen de Duitse autoriteiten wederom in de Keulse ontkenningsreflex. Dit keer geen zevendaagse verdoezeling – er waren doden en gewonden gevallen – maar het verspreiden van mist. Al de Al-Qa’ida-achtige aspecten wezen echter vanaf de eerste minuut onmiskenbaar op een jihadistische aanslag.

De Tunesische migrant kon na zijn daad in Berlijn nog in dezelfde stad een moskee bezoeken, in Nijmegen of een andere Nederlandse stad een SIM-kaart ophalen (of kreeg hij deze aangereikt?), door België, Frankrijk en Italië reizen.

Nota bene door België en Frankrijk die verstrikt zijn geraakt in de war on terror. Deze terrorist was vuurwapengevaarlijk, zoals later in Milaan bleek. Zelfs bij een losgebroken crimineel vermeldt de politie nog weleens dat hij/zij vuurwapengevaarlijk is. Niets van dit alles in West-Europa.

Visegrad-landen sceptisch tegenover Merkel

De Visegrad-landen of V4 (Hongarije, Slowakije, Polen, Tsjechië) hebben vanaf september 2015 sceptisch gestaan tegenover het opendeurenbeleid van de Duitse bondskanselier Angela Merkel, die er zelf maar geen afstand van kan nemen.

Het valt niet te ontkennen dat haar beleid aantoonbaar de terreuraanslagen in Parijs, Brussel en Berlijn en veel andere steden in West-Europa, in de kaart heeft gespeeld. Ook nu nog arriveren er dagelijks 3.000 migranten in Duitsland. De Duitse autoriteiten geven daarin toe dat het onmogelijk is om van dergelijke aantallen de identiteit vast te stellen.

Trump vindt Poetin minder gevaarlijk dan jihadisme

De Amerikaanse president-elect Donald Trump beschouwt Rusland en Poetin als een minder gevaarlijke vijand voor het Westen dan het jihadisme. Daar valt alles voor te zeggen. Uit zijn aangekondigde benoemingen wijst niets op politieke naïviteit, maar juist op een nieuwe Amerikaanse geopolitieke agenda.

Vanuit die agenda bezien is de V4 een veel betrouwbaarder partner in de strijd tegen illegale migratie en het jihadisme dan West-Europa onder Duitse leiding. De V4-landen hebben hun krachten gemobiliseerd en defensie-structuren opgebouwd om illegale migratie en jihadisme buiten de deur te houden.

Orbán ontvangt Trump

Trumps agenda blijft niet bij retoriek. Viktor Orbán, de Hongaarse premier die zich heeft ingezet voor het succes van de V4, zal in februari van het nieuwe jaar door de nieuwe president worden ontvangen.

Voor zijn bezoek zal de Russische president Poetin in Boedapest zijn opwachting maken. De nieuwe alliantie Trump-Orbán-Poetin zal zeker meer werk gaan maken van het bestrijden van illegale migratie en jihadisme dan die van Obama-Clinton-Merkel. Die alliantie heeft Europa juist in gevaar gebracht.

László Marácz

Prof. Dr. László Marácz is verbonden aan de afdeling Europese studies van de Universiteit van Amsterdam. Zijn ouders kwamen na de Hongaarse Opstand in 1956 als vluchteling naar Nederland.

Syrie: la quadruple défaite de l’Occident

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Syrie: la quadruple défaite de l’Occident

par Georges Gourdin

Ex: http://www.nice-provence.info 

Nous dénonçons régulièrement dans nos colonnes l’erreur stratégique majeure de la France qui s’est engagée du côté américain dans les manœuvres de déstabilisation du Moyen Orient. Nous prévoyions dans notre article du 28 février 2015, Hollande et Valls appellent les jeunes au djihad en Syrie, que « la France paierait cher ses erreurs ». Nous espérions le 18 mars 2015 que la France puisse encore retrouver son chemin de Damas. Hélas, il n’en a rien été. Après le dernier sursaut de notre pays lorsque Jacques Chirac et Dominique de Villepin ont refusé en 2003 d’accompagner les Américains dans une guerre fomentée par eux en Irak, nous nous sommes embourbés jusqu’au bout avec ceux-ci, d’abord avec Sarkozy en Libye, puis avec Hollande en Syrie.

Nous paierons très cher une quadruple défaite en Syrie : défaites militaire, politique, économique et médiatique.

Défaite militaire

Les rebelles dits « modérés », armés, financés, formés par la coalition américano-saoudienne ne sont pas parvenus à renverser Bachar El Assad, soutenu par la Russie et l’Iran. La reprise douloureuse de la ville stratégique d’Alep marque la défaite de cette tentative de putsch militaire.
Ce ne sont pas seulement ces « djihadistes modérés » qui ont capitulé à Alep, c’est cette coalition douteuse entre l’OTAN et les Saoudiens soutenue également par les Israéliens. La reddition, le 16 décembre 2016, du bunker d’Alep-Est révèle la réalité de cette improbable alliance. Bien que la presse de propagande occidentale ait tu cet événement, les forces gouvernementales syriennes ont fait prisonniers une centaine d’officiers étrangers qui pilotaient les manœuvres militaires djihadistes. Les premiers noms de ceux-ci ont commencé à être diffusés, semant la panique à l’OTAN qui avait délégué sans autorisation 14 officiers, parmi lesquels des Américains bien sûr, mais également des Britanniques, des Allemands et des Français. C’est à cet éclairage qu’il faut comprendre la réunion précipitée à huis clos à l’ONU le 17 décembre.
Les Russes et les Syriens vont négocier cher ces prisonniers encombrants pour l’OTAN.

Défaite politique

Hollande n’est pas Chirac et Fabius n’est pas Villepin. Plusieurs observateurs avisés dénonçaient le zèle déployé par le gouvernement français à renverser le régime syrien. D’une part parce-qu’aucun débat parlementaire ne s’est tenu sur ce sujet majeur, d’autre part parce qu’il s’agit d’une ingérence militaire hostile à l’encontre d’un mays souverain, avec lequel la France entretenait peu de temps auparavant, des relations amicales. La France a trahi Bachar El Assad, comme elle a trahi Mouammar Khadafi.
Quatre députés courageux retrouvaient bien le chemin de Damas en février 2015, mais ils étaient aussitôt unanimement condamnés par la Police de la Pensée.
La « coalition occidentale » a commis une lourde faute en sous-estimant la Russie. Celle-ci n’ayant pas réagi lors de la destitution de Khadafi, l’OTAN pensait que la Russie serait impuissante également en Syrie. Mais d’une part la Russie dispose d’une base navale en Syrie, à Tartous, qu’elle ne pouvait abandonner. Et d’autre part les Occidentaux ont sous-estimé les avancées technologiques de l’armement russe. Ils ont découvert stupéfaits que les Russes disposaient d’armes au moins aussi sophistiquées que celles de l’OTAN.
Cette série d’erreurs de nos dirigeants occidentaux se paiera très cher car les pays de la « coalition occidentale » ont généré dans les mentalités syriennes une haine que plusieurs générations n’effaceront pas. La France pouvait jouer un rôle particulier au Moyen-Orient compte tenu de son histoire en Syrie et au Liban. Elle a tout perdu, et pour longtemps.

Défaite économique

Par voie de conséquence elle sera exclue de la reconstruction de ce pays. La Russie d’abord, mais aussi l’Iran et la Chine profiteront de l’aubaine.
Le gazoduc que le Qatar voulait faire passer par la Syrie pour alimenter l’Europe est la véritable cause de cette guerre. Robert Kennedy Junior, neveu de l’ancien président, publie un article très complet et très documenté sur le sujet (hélas, non traduit, bien entendu). Toutes ces vies humaines détruites, toutes ces atrocités, ces cités détruites, toute cette barbarie pour un gazoduc. La Russie continuera, malgré les manigances meurtrières américano-qataris, à alimenter l’Europe en gaz.
La Russie dispose des deuxièmes plus importantes réserves prouvées de gaz naturel, derrière l’Iran. Deux puissances qui sortent victorieuses de ce conflit. Sous la pression la France achète du gaz de schiste aux États-Unis, mais les approvisionnements ne sont pas aussi pérennes que ceux de nos grands fournisseurs : Norvège (38,1 %), Russie (12 %), Pays-Bas (10,8 %), Algérie (9,5 %). En outre le gaz américain est plus onéreux à cause de son transport en méthaniers à travers l’Atlantique.
Bref, tout faux également sur le plan économique. Et ce n’est pas tout.

Défaite médiatique

La victoire de l’armée gouvernementale syrienne met à jour la gigantesque manipulation médiatique qui a accompagné tout le conflit et qui s’est déchaînée ces dernières semaines lors de la reconquête d’Alep.
Tous les médias officiels dénonçaient les atrocités des troupes de Bachar El Assad sur les civils, les ruptures des cessez-le-feu unilatéraux, le véto de la Russie à la mise en place d’une trève. Bachar El Assad « le boucher » (selon les propos de Manuel Valls) massacrait son propre peuple avec l’appui du tyran de Moscou.
Or que découvre-t-on à présent dans les quartiers reconquis ? Une foule en liesse qui acclame l’armée de libération, un bunker pour les officiers de la « coalition occidentale »(1), la messe de Noël qui peut à nouveau être célébrée par les Chrétiens d’Orient. Mais on découvre aussi des geôles où l’on torturait les prisonniers et où l’on crucifiait les Chrétiens, on découvre des charniers et des drapeaux de Daesh, on entend des témoignages innombrables d’abus sexuels, notamment sur les très jeunes filles.
« On » nous aurait donc menti ? Délibérément, systématiquement, grossièrement ?
La presse alternative prend sa revanche sur les médias de la propagande qui se discrédite chaque jour tandis que la presse de réinformation acquiert une crédibilité supplémentaire(2). Les Français comprennent à quel point ils sont bernés par des mensonges permanents de la classe dirigeante.

C’est bien le seul point positif de tous ces événements dramatiques.

Georges Gourdin

[NDLR] Notre photo à la une est reprise du site christianophobie.fr, et comporte le commentaire suivant :
Après avoir été nettoyée autant que faire se peut, on a pu célébrer, pour la première fois depuis cinq ans, une messe de Minuit dans la cathédrale maronite en partie détruite par des bombardements islamistes.

(1) Faites un test tout simple et très rapide : tapez les deux mots « Alep » et « bunker » dans un moteur de recherche. Le résultat est édifiant : pas un seul média convenu n’apparaît. Seule la presse alternative traite cette information pourtant importante.
(2) Continuez de lire Nice Provence Info, le premier site régional de réinformation en Provence : vous avez bien raison !

vendredi, 30 décembre 2016

Russophobie et haine de Poutine : les chiens aboient

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Russophobie et haine de Poutine: les chiens aboient

par Guillaume Faye

Ex: http://www.gfaye.com

En effet ”les chiens aboient, la caravane passe ”, c’est-à-dire que Moscou ne se laisse pas impressionner. La majorité des médias occidentaux a présenté l’intervention russe en Syrie comme une entreprise criminelle et impérialiste. C’est dans la logique stratégique de la diabolisation de Poutine ; le but  est d’entraver le rétablissement de la Russie comme puissance internationale. Inventer une menace militaire russe, répéter que la Russie vit sous une dictature, prétendre que la Crimée a été annexée et l’Ukraine agressée – prétexte des sanctions occidentales, totalement contre–productives – tout cela fait partie d’une politique pensée dès 2011 pour relancer la guerre froide mais aussi pour contrer le ”mauvais exemple” idéologique que donne la Russie de Poutine : patriotisme, restauration des valeurs traditionnelles, refus de l’idéologie gaucho– libertaire, populisme, défense de l’identité nationale, etc. La nouvelle Russie incarne tout ce que qu’abhorrent les classes dirigeantes occidentales, oligarchies coupées de leurs peuples. (1)

L’intervention russe en Syrie : mensonges et réalités

La reprise d’Alep par les troupes et les alliés chiites de Bachar el–Assad, aidés de manière décisive par l‘aviation et des détachements russes, a donné lieu à des accusations de « crimes de guerre » contre des populations civiles ; Vladimir Poutine a été accusé d’être le premier responsable, en tant que principal soutien d’ Assad. Ce dernier n’est certes pas un enfant de chœur mais il n’est pas pire que d’autres grands amis d’un Occident qui ferme par exemple les yeux sur les massacres que commet l’Arabie au Yémen. Les médias occidentaux ont exagéré, mensonges à l’appui, les exactions d’Assad, au cours de cette guerre civile, et caché des faits gênants.

 La propagande anti-russe a dissimulé que les massacres de civils, femmes et enfants, commis à Alep, ne l’ont pas été par les troupes d’Assad et ses alliés ou par l’aviation russe, mais par des tirs d’artillerie des ”gentils rebelles”, qui sont en réalité des islamistes fanatisés. Ils sont armés par les Américains, les Saoudiens et les monarchies du Golfe. Les assassins ne sont pas ceux qu’on croit.

La Russie est clouée au pilori, alors que tout le monde sait bien que toute opération militaire aérienne – y compris celles que mène la France, sous le commandement du suzerain américain – donne lieu à des dégâts collatéraux. On n’a jamais accusé de « crimes de guerre » les dirigeant  américains, alors que, depuis un peu plus de 70 ans, l’USAF a, au nom de la ”guerre juste”, commis le plus grand nombre de massacres de civils et de destructions de toute l’histoire. Les derniers en date concernaient la Serbie et l’Irak.

Dans cette affaire, les États–Unis et le gouvernement français qui lui obéit prennent objectivement le parti de l’islamisme sunnite terroriste, qui devrait être l’ennemi principal. Il l’est en parole – par la bouche de M. Le Drian – mais pas dans les faits. Ivan Rioufol remarquait justement et courageusement : « la menace que fait courir aux démocraties le totalitarisme islamique mériterait une riposte qui ne vient pas. Au contraire : les ”rebelles” islamistes d’Alep–Est (Syrie), soutenus par Al–Qaida, le sont aussi par les États–Unis et la France, qui se désolent de leur défaite. Cette inconséquence hisse Vladimir Poutine, protecteur des chrétiens d’Orient ciblés par les djihadistes, en leader respectable » (Le Figaro, 16/12/2016).     

Quant à l’ ASL (Armée syrienne libre) qui combat Assad, financée par l’Occident, il s’agit de troupes très louches, à la frontière du terrorisme islamiste, susceptibles de changer de camp comme de chemise. En voulant maintenir (pour l’instant…) Assad et les Alaouites au pouvoir en Syrie, la Russie joue la carte de la stabilité.

Si les Russes n’étaient pas intervenus pour empêcher la chute d’Assad, la Syrie serait devenue un enfer islamiste. Assad aurait été remplacé par Dae’ch et le chaos fondamentaliste se serait installé. Avec toutes les conséquences que l’on devine en Occident.

Provocations occidentales contre la nouvelle Russie

Ce sont d’ailleurs les interventions américaines en Irak, qui ont déstabilisé le Moyen–Orient et favorisé l’islamisme. C’est depuis la chute de Saddam Hussein que les chrétiens d’Orient sont éradiqués. L’Occident, suicidaire, a allumé le feu, là où la Russie veut l’éteindre. À ce propos, il faut rappeler la genèse de la nouvelle guerre froide (voulue) entre les gouvernements européens et leur suzerain d’outre Atlantique et la Russie de Poutine.

Après la chute de l’URSS en 1991, la Russie, dirigée par le faible Eltsine, en perte de puissance, a été dominée par les États–Unis  qui cherchaient à la neutraliser et à la vassaliser. Le réveil russe, opéré grâce à Poutine, n’a pas été accepté par les dirigeants occidentaux. On a donc inventé une ”menace russe”. La stratégie choisie, élaborée par la CIA et les planificateurs de l’Otan – américains et européens obéissants– fut celle de la provocation. Avec deux cibles : la Géorgie et l’Ukraine. En promettant à ces deux pays, contrairement aux engagements pris envers les Russes en plein désarroi lors de disparition de l’URSS, de les intégrer dans l’Union européenne et dans l’Otan, en sachant que ces deux hypothèses étaient absurdes économiquement et stratégiquement.

Le but de la provocation occidentale était seulement d’amener les Russes à réagir violemment, afin de créer un espace conflictuel. Mais cette stratégie a échoué, non seulement à cause de la mollesse et de l’indécision du président Obama qui devait gérer une situation décidée par d’autres que lui, mais aussi parce que le gouvernement de Poutine, contrairement à celui de Eltsine, a procédé à un redressement de la puissance russe et a décidé de ne pas se laisser impressionner et de ne pas céder. 

Trump et la Russie : promesses et contradictions

Normalement, lorsque Donald Trump entrera en fonction fin janvier 2017, il rompra avec cette politique sournoisement pro–islamique, anti–israélienne et russophobe de l’administration Obama. Mais, il faut surtout espérer que, suivant son programme révolutionnaire de politique étrangère, il osera une convergence USA–Russie, en rupture complète avec la politique des États–Unis depuis 1945. Si Donald Trump tient parole et résiste aux puissantes forces qui veulent infléchir sa politique, ce rapprochement avec la Russie, virage à 90°, sera un bouleversement majeur dans la géopolitique mondiale. Très hostile à Pékin, le nouveau président américain, s’il est bien conseillé – car il ne brille pas par sa subtilité –  peut  créer un séisme : une alliance Washington–Moscou (Trump–Poutine) constituerait une redistribution mondiale de toutes les cartes. Avec, à la clé, la fin de l’atlantisme. Les castes politiques et médiatiques européennes seraient déstabilisées, ne sachant plus à quel saint se vouer.  Un axe Amérique–Europe–Russie est au bout de cette logique qui passe au dessus des petits calculs des dirigeants européens qui seraient complètement dépassés. L’Europe est le maillon faible. Les promesses de Trump – comme je l’ai déjà dit dans ce blog– sont tellement porteuses de bouleversements fondamentaux qu’on se demande si elles sont sérieuses et si elles pourront être tenues.     

Le sérieux problème auquel se heurtera Trump après sa prise de fonctions le 20 janvier est qu’il devra concilier sa volonté affichée de se rapprocher de la Russie avec  l’implication de cette dernière aux côtés de l’Iran : coopération dans la guerre en Syrie, livraisons d’armes, etc. bref, relations au beau fixe. Car Trump, tout comme le gouvernement israélien, veut rompre avec la politique d’Obama favorable à Téhéran et dénoncer l’accord sur le nucléaire. Cette contradiction  – s’allier avec l’ami d’un ennemi –  sera très difficile à gérer.

Vladimir Poutine a récemment déclaré, voulant réinstaurer la Russie comme très grande puissance : « Nous devons renforcer le potentiel militaire de nos forces nucléaires stratégiques, en particulier avec des installations de missiles qui puissent pénétrer tous les systèmes de défense anti–missiles existants et futurs. » Allusion au ”bouclier anti–missiles” installé par les Américains en Europe centrale… Peut-être Poutine a–t–il voulu répondre à son imprévisible ”ami”, le futur président Trump, qui avait fait savoir, quelques jours auparavant, prenant le contrepied des positions d’Obama : « Les États–Unis doivent considérablement renforcer et étendre leurs capacités nucléaires, en attendant le moment où le monde deviendra raisonnable ». Il aurait confié à Mika Brzezinski de MSNBC : « Qu’il y ait donc une course aux armements ! On les surpassera à tous les coups et on leur survivra tous. » Bref, les choses ne sont pas claires.

Le déshonneur du gouvernement français

Les médias et le gouvernement français considèrent Poutine comme un affreux autocrate. En refusant de le recevoir à l’inauguration de la cathédrale orthodoxe de Paris, M. Hollande a commis une très grave faute diplomatique, obéissant probablement à un ordre venu d’outre Atlantique. Le président français n’a même pas humilié M. Poutine ou la Russie, c’est la France et son indépendance qu’il a humiliées.  

Mais, dans le même temps, Ségolène Royal, ministre représentante de l’État, aux obsèques de Fidel Castro, a fait officiellement l’éloge de ce tyran assassin, petit Staline tropical. Donc Poutine est infréquentable pour l’État français, pas le criminel Castro.

Le record de gaffes détenu par Mme Royal n’est pas en cause ; toutes les semaines, elle en commet une sur tous les sujets. Ce qui est en cause, c’est que la France, les gouvernements européens et l’UE, qui diabolisent le Kremlin, entretiennent d’étroites relations (intérêts financiers et corruption obligent) avec des monarchies du Golfe absolutistes et tyranniques, en fermant les yeux sur leurs exactions : notamment l’Arabie saoudite et le Qatar. L’adoration des ”droits de l’homme” est un culte à géométrie variable.

Ambiguïtés et reculades de François Fillon

 François Fillon, qui espère être élu président, commence déjà à se démarquer de Poutine, après avoir pris une position pro–russe en demandant l’arrêt des sanctions et la reprise d’un dialogue avec Moscou. Il a été très gêné que le président russe fasse son éloge. Poutine avait qualifié Fillon, de « grand professionnel qui se distingue fortement des hommes politiques de la planète ».   François Fillon avait pris partie pour la Russie en reconnaissant que c’est le parlement ukrainien qui refuse de voter l’accord sur l’autonomie des parties orientales russophones de l’Ukraine. Mais très rapidement, il a reculé. Passer la marche arrière est une habitude chez ce ”pilote de course” autoproclamé.   

Son porte–parole et conseiller, Jérôme Chartier, a cru bon préciser le 18 décembre : « ils se connaissent et se respectent mais ce ne sont pas des amis ». Être l’ ”ami” de Poutine est infâmant.  Si M. Fillon est élu, on peut parier qu’il trouvera un prétexte pour changer d’option et ne pas exiger une levée des sanctions de l’UE contre la Russie. 

Le gagnant de la primaire a fait cette déclaration d’allégeance humiliante à Washington, empreinte d’une russophobie bas de gamme : « l’intérêt de la France n’est évidemment pas de changer d’alliance en se tournant vers la Russie plutôt que les États–Unis. […] Nous sommes les alliés des États–Unis, nous partageons avec les États–Unis des valeurs fondamentales que nous ne partageons pas avec les Russes et nous avons une alliance de sécurité avec les États–Unis, donc nous n’allons pas la remettre en cause » (débat télévisé du 24 novembre l’opposant à Alain Juppé). Quelle soumission… Et en même temps, le pseudo pilote de course parle de « retisser un lien avec la Russie et l’amarrer à l’Europe ». Il juge la politique de Hollande « absurde » qui « conduit Moscou à se durcir, à s’isoler, à actionner les réflexes nationalistes ». Il affirme  que la Russie, puissance nucléaire, est « un pays dangereux si on le traite comme nous l’avons traité depuis cinq ans . Propos contradictoires,  où l’on change d’avis comme de chemise sans affirmer une véritable position

Victoire géostratégique de la Russie

 Le 20 décembre, réunis à Moscou, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense russes, iraniens et turcs ont déclaré conjointement que « le combat contre le terrorisme » était leur objectif et non pas de renverser le régime de Bachar el–Assad. C’est un camouflet pour les États–Unis et l’Union européenne, pour qui l’expulsion d’Assad est un préalable, et qui n’ont même pas été invités à la réunion de Moscou. La victoire du  Kremlin est totale puisqu’il a réussi à faire renoncer la Turquie à sa volonté d’éliminer Assad. Seul Poutine décidera de son sort. Sergueï Shoïgou, ministre russe de la Défense, a déclaré que les Occidentaux avaient tout faux, ayant totalement échoué au Moyen–Orient et « n’avaient plus d’influence sur le terrain »

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La victoire de la stratégie de Poutine en Syrie et au Moyen Orient enrage les Occidentaux, d’autant plus que la Russie, par ce biais, a réussi à redevenir une puissance internationale pour tous les pays du monde. « Les Russes se substituent aux Américains comme grande puissance de référence de la région », note Renaud Girard en parlant du Moyen–Orient (Le Figaro, 20/12/2016).

 Les relations ”amicales ” entre la Russie et la Turquie sont factices et calculées. Les deux puissances sont rivales depuis des siècles, les Sultans contre les Tzars. Le Kremlin joue une carte machiavélienne vis–à–vis de la Turquie du néo-sultan Erdogan qui voudrait ressusciter la puissance ottomane. La Russie s’est réconciliée avec la Turquie malgré l’incident aérien où un avion russe a été abattu. Et l’assassinat d’Andreï Karlov, ambassadeur à Ankara, le 19 décembre, a peut-être des causes très louches et tortueuses, dans lesquelles le pouvoir turc  est impliqué pour faire pression sur la Russie. Il est possible aussi qu’il s’agisse tout simplement d’une négligence du pouvoir turc, qui n’a pas su repérer le policier tueur. Ce qu’il faut retenir de cette partie d’échecs, c’est que la Russie a pu rallier à sa stratégie un pays pilier de l’Otan, la Turquie. Ce qui inflige un douloureux revers à la politique mondiale américaine. Le Kremlin a arraché à Washington un de ses alliés, pardon, un de ses vassaux.

 Mais bien entendu, le Kremlin n’a pas commis l’erreur de céder, comme l’UE, au chantage des Turcs pour admettre sur son territoire des centaines de milliers de réfugiés !    

Pour le système, la menace russe est d’abord idéologique

La Russie de Poutine est devenue l’ennemie (bien plus que la Russie soviétique !) parce qu’elle restaure et incarne des valeurs et des principes de patriotisme, d’enracinement et de traditions, honnies par l’idéologie dominante à l’Ouest. Poutine est détesté parce qu’il semble s’inspirer du Tzar Alexandre III, qui s’appuyait sur l’Église orthodoxe et le populisme (c’est–à–dire l’esprit du peuple) et pratiquait l’autorité souveraine. Les oligarchies occidentales ont la hantise de la démocratie directe ou ”césarisme”, ou encore ”populisme” – dont le bonapartisme et le vrai gaullisme furent des déclinaisons – qui menacent leur pouvoir.      

Donc, la russophobie des castes politiques dirigeantes et des médias occidentaux s’explique pour des raisonsidéologiques et non pas pour des raisons géostratégiques de menace militaire – totalement inventée– de la Russie. Ce dont ils ont peur, c’est que l’exemple du régime russe actuel, les valeurs qu’il défend n’influencent les opinions publiques occidentales, lassées par le décadentisme, et les dangereux partis ”populistes”. Le FN et d’autres abominables partis d’ ”extrême–droite” ne sont-ils pas pro-russe ? Paradoxe suprême : de même que pour l’ancien pouvoir soviétique, l’exemple du capitalisme occidental du ”monde libre” représentait un péril, de même, pour les pouvoirs occidentaux actuels, l’exemple du patriotisme et de l’idéologie identitaire de la Russie de Poutine constitue un très grave danger d’influence et d’encouragement des mouvements ”populistes” honnis.    

Poutine dérange parce qu’il défend une idéologie patriote qui est détestée par l’hyperclasse médiatique, politique, ”intellectuelle” et culturelle occidentale, idolâtre du cosmopolitisme. Poutine et le gouvernement russe ne sont pas du tout ciblés par les oligarchies parce qu’ils représentent un régime tyrannique ou qu’ils risqueraient de déclencher une agression militaire contre leurs voisins. Personne ne croit à cette hypothèse stupide, même la propagande de l’Otan qui la diffuse pourtant en permanence.  C’est encore moins crédible que l’attaque de l’Occident par l’URSS, menace agitée du temps de Brejnev. Poutine essaie de restaurer la dimension spirituelle de la souveraineté, héritée de l’ère tsariste, associant orthodoxie religieuse et pouvoir patriote fort. Avec le recours aux grandes figures historiques russes, comme le prince Vladimir, équivalent chez nous de Jeanne d’Arc. On comprend que cela soit diabolique aux yeux de la majorité de nos journalistes et politiciens.

(1) Voir autres articles de ce blog sur les rapports entre la Russie et l’Occident.

What is Henry Kissinger Up To?

The English language Russian news agency, Sputnik, reports that former US Secretary of State Henry Kissinger is advising US president-elect Donald Trump how to “bring the United States and Russia closer together to offset China’s military buildup.”

If we take this report at face value, it tells us that Kissinger, an old cold warrior, is working to use Trump’s commitment to better relations with Russia in order to separate Russia from its strategic alliance with China.

China’s military buildup is a response to US provocations against China and US claims to the South China Sea as an area of US national interests. China does not intend to attack the US and certainly not Russia.

Kissinger, who was my colleague at the Center for Strategic and International studies for a dozen years, is aware of the pro-American elites inside Russia, and he is at work creating for them a “China threat” that they can use in their effort to lead Russia into the arms of the West. If this effort is successful, Russia’s sovereignty will be eroded exactly as has the sovereignty of every other country allied with the US.

At President Putin’s last press conference, journalist Marat Sagadatov asked if Russia wasn’t already subject to forms of foreign semi-domination: “Our economy, industry, ministries and agencies often follow the rules laid down by international organizations and are managed by consulting companies. Even our defense enterprises have foreign consulting firms auditing them.” The journalist asked, “if it is not the time to do some import substitution in this area too?”

Every Russian needs to understand that being part of the West means living by Washington’s rules. The only country in the Western Alliance that has an independent foreign and economic policy is the US.

All of us need to understand that although Trump has been elected president, the neoconservatives remain dominant in US foreign policy, and their commitment to the hegemony of the US as the uni-power remains as strong as ever. The neoconservative ideology has been institutionalized in parts of the CIA, State Department and Pentagon. The neoconservatives retain their influence in media, think tanks, university faculties, foundations, and in the Council on Foreign Relations.

We also need to understand that Trump revels in the role of tough guy and will say things that can be misinterpreted as my friend, Finian Cunningham, whose columns I read, usually with appreciation, might have done.

I do not know that Trump will prevail over the vast neoconservative conspiracy. However, it seems clear enough that he is serious about reducing the tensions with Russia that have been building since President Clinton violated the George H. W. Bush administration’s promise that NATO would not expand one inch to the East. Unless Trump were serious, there is no reason for him to announce Exxon CEO Rex Tillerson as his choice for Secretary of State. In 2013 Mr. Tillerson was awarded Russia’s Order of Friendship.

As Professor Michel Chossudovsky has pointed out, a global corporation such as Exxon has interests different from those of the US military/security complex. The military/security complex needs a powerful threat, such as the former “Soviet threat” which has been transformed into the “Russian threat,” in order to justify its hold on an annual budget of approximately one trillion dollars. In contrast, Exxon wants to be part of the Russian energy business. Therefore, as Secretary of State, Tillerson is motivated to achieve good relations between the US and Russia, whereas for the military/security complex good relations undermine the orchestrated fear on which the military/security budget rests.

Clearly, the military/security complex and the neoconservatives see Trump and Tillerson as threats, which is why the neoconservatives and the armaments tycoons so strongly opposed Trump and why CIA Director John Brennan made wild and unsupported accusations of Russian interference in the US presidential election.

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The lines are drawn. The next test will be whether Trump can obtain Senate confirmation of his choice of Tillerson as Secretary of State.

The myth is widespread that President Reagan won the cold war by breaking the Soviet Union financially with an arms race. As one who was involved in Reagan’s effort to end the cold war, I find myself yet again correcting the record.

Reagan never spoke of winning the cold war. He spoke of ending it. Other officials in his government have said the same thing, and Pat Buchanan can verify it.

Reagan wanted to end the Cold War, not win it. He spoke of those “godawful” nuclear weapons. He thought the Soviet economy was in too much difficulty to compete in an arms race. He thought that if he could first cure the stagflation that afflicted the US economy, he could force the Soviets to the negotiating table by going through the motion of launching an arms race. “Star wars” was mainly hype. (Whether or nor the Soviets believed the arms race threat, the American leftwing clearly did and has never got over it.)

Reagan had no intention of dominating the Soviet Union or collapsing it. Unlike Clinton, George W. Bush, and Obama, he was not controlled by neoconservatives. Reagan fired and prosecuted the neoconservatives in his administration when they operated behind his back and broke the law.

The Soviet Union did not collapse because of Reagan’s determination to end the Cold War. The Soviet collapse was the work of hardline communists, who believed that Gorbachev was loosening the Communist Party’s hold so quickly that Gorbachev was a threat to the existence of the Soviet Union and placed him under house arrest. It was the hardline communist coup against Gorbachev that led to the rise of Yeltsin. No one expected the collapse of the Soviet Union.

The US military/security complex did not want Reagan to end the Cold War, as the Cold War was the foundation of profit and power for the complex. The CIA told Reagan that if he renewed the arms race, the Soviets would win because the Soviets controlled investment and could allocate a larger share of the economy to the military than Reagan could.

Reagan did not believe the CIA’s claim that the Soviet Union could prevail in an arms race. He formed a secret committee and gave the committee the power to investigate the CIA’s claim that the US would lose an arms race with the Soviet Union. The committee concluded that the CIA was protecting its prerogatives. I know this because I was a member of the committee.

American capitalism and the social safety net would function much better without the drain on the budget of the military/security complex. It is correct to say that the military/security complex wants a major threat, not an actual arms race. Stateless Muslim terrorists are not a sufficient threat to such a massive US military, and the trouble with an actual arms race, as opposed to a threat, is that the US armaments corporations would have to produce weapons that work instead of cost overruns that boost profits.

The latest US missile ship has twice broken down and had to be towed into port. The F-35 has cost endless money, has a variety of problems and is already outclassed. The Russian missiles are hypersonic. The Russian tanks are superior. The explosive power of the Russian Satan II ICBM is terrifying. The morale of the Russian forces is high. They have not been exhausted from 15 years of fighting without much success pointless wars against women and children.

Washington, given the corrupt nature of the US military/security complex, can arms race all it wants without being a danger to Russia or China, much less to the strategic alliance between the two powers.

The neoconservatives are discredited, but they are still a powerful influence on US foreign policy. Until Trump relegates them to the ideological backwaters, Russia and China had best hold on to their strategic alliance. Anyone attempting to break this alliance is a threat to both Russia and China, and to America and to life on earth.

lundi, 26 décembre 2016

Mar del Sur de China: historia geopolítica de un conflicto en curso

Alessandro Maria Raffone

Ex: http://www.elespiadigital.com 

El Mar del Sur de China tiene una superficie total de aproximadamente 3.500.000 kilometros cuadrados, y está situado al sur del Mar de China Oriental. Delimita al norte con la costa sur de China, y el estrecho de Formosa, al este con las Islas Filipinas, al sudeste con Borneo y el estrecho de Karimata, y al oeste con Vietnam y Camboya. En esta vasta extensión de mar, la tercera más grande en el mundo, hay numerosos pequeños archipiélagos disputados ya desde hace mucho tiempo por los diferentes países que los rodean.

En este artículo se examinará la historia geopolítica del contencioso para controlar las islas Spratly, Paracelso y Pratas. Ya los nombres atribuidos a estos lugares son utilizados en la batalla por el dominio, porque cada país involucrado en la disputa les ha dado un nombre diferente.

Las Spratly son llamadas en chino Nansha Qundao (Archipiélago Arenoso del Sur), en vietnamita Quan Dao Truong Sa (Largas Arenas), en tagalo Kapaluan ng Kalayaan (Archipiélago de la Libertad), y como lo demuestra esta terminología, son disputadas por la República Socialista de Vietnam, la República Popular China, la República Nacional de China (Taiwán), por el Reino de Malasia, por el Reino de Brunei y por la República de las Filipinas.

Estas islas, que no alcanzan los 5 km² de superficie total, se encuentran dispersas en un área de 410.000 km². Su valor económico reside en los yacimientos petrolíferos de los fondos marinos frente a las islas, la recolección de guano, y las posibilidades de pesca y de explotación turística. Su importancia geopolítica radica en la posibilidad de instalar bases navales, tanto para unidades de superficie como para unidades subacuáticas, bases aéreas y baterías de misiles tierra-aire, con los cuales amenazar en conjunto las rutas comerciales y militares de los otros países de la zona.

En la actualidad, la subdivisión del archipiélago, de facto, no de iure, contempla a la República Nacionalista de China, a través de la Ciudad de Kaohsiung, controlar una isla y un arrecife de 0, 46 km²; a Malasia, a través del Estado de Sabah, controlar una isla artificial, cinco rocas y un banco de arena de 0,06 km²; a Filipinas, a través de la provincia de Palawan, siete islas, y dos arrecifes de 0,84 km²; a China, con la provincia de Hainan, ocho atolones; y, finalmente, a Vietnam, con la provincia de Khanh Hoa, siete islas, dieciséis arrecifes y tres bancos de arena de un total de 0, 40 km². Estos países aplican a sus porciones de las Spratly todos los derechos conferidos por la ZEE (Zona Económica Exclusiva), es decir, la gestión completa de los recursos naturales, la jurisdicción en materia de instalaciones y el uso de estructuras artificiales o fijas, protección y conservación del medio marino e investigación científica.

La República Popular de China ha utilizado el control de las islas para aumentar su fuerza militar en la zona. Hasta la fecha, Pekín posee una marina militar inferior a sus ambiciones geopolíticas y al poder de Estados Unidos y de sus aliados en la región. Basta pensar, por ejemplo, que China tiene un solo portaaviones, el Liaoning, que desplaza 60 mil toneladas y puede transportar cuarenta aviones, superior, sí, al portahelicópteros japonés Izumo, de 30 mil toneladas, pero netamente inferior en comparación al portaaviones estadounidense Ronald Reagan, con sus 100.000 toneladas y sus noventa aviones. Con el fin de superar esta brecha, cuantitativa y cualitativa, los líderes militares de Pekín se vieron obligados a pensar en una nueva estrategia, que los llevó a transformar, en las Spratly, las barreras sumergidas y las líneas de arena en islas con pistas de aterrizaje, puertos, hospitales y cuarteles, duplicando, y a veces incluso triplicando sus atolones. Los trabajos comenzaron a partir de 2013-2014 y pronto permitirán a Pekín tener una verdadera red de pequeños portaaviones insumergibles, con la cual podrán ampliar el radio de acción de sus aviones hasta Australia y las bases de Estados Unidos en las Filipinas.

Las Islas Paracelso son un grupo de atolones en disputa por parte de Vietnam, Taiwán y la República Popular China, y están situados al sur de la isla china de Hainan y al este de Vietnam. Con una superficie total de 7.75 km², controlada en la actualidad, como veremos más adelante, casi en su totalidad por Pekín desde 1974.

En la isla más grande, Woody Island, hay cerca de un millar de chinos, entre pescadores y personal militar, de hecho, las islas, siendo a menudo afectadas por los tifones y con un clima tropical, son ricas en yacimientos petrolíferos y de gas natural, lo que que ha provocado el interés de muchas compañías energéticas que operan en la zona. En los tiempos modernos las Paracelso fueron señaladas como chinas en los mapas geográficos de la dinastía Qing (1644-1912) y de la Primera República China (1912-1949), mientras en los mapas geográficos de la dinastía vietnamita Nguyen (1802-1945), estaban señalados como formando parte del país indochino.

En 1932, Francia, que gobernaba en ese momento en Vietnam, declaró el archipiélago anexo a Indochina, y para hacer valer mejor sus derechos construyó una estación meteorológica en la isla Pattle. Japón no reconoce la anexión con el argumento de que tanto Francia como Gran Bretaña habían reconocido las islas como pertenecientes a China en 1900 y 1921, y afirmando que, puesto que el Imperio del Sol Naciente estaba en guerra con China desde 1937 (segunda guerra chino-japonesa), las islas podían ser invadidas en cuanto eran legítimo botín de guerra. En 1939, Japón pasó a los hechos y quitó a los franceses el control de las Paracelso, ocupándolas hasta el final de la Segunda Guerra Mundial.

En la Declaración de El Cairo, resultado de la Conferencia de El Cairo, en la que tomaron parte Franklin Delano Roosevelt, Winston S. Churchill y Chiang Kai Shek, un pasaje del 27 de noviembre 1943 dice: "Nuestro objetivo [es decir, el de los Estados Unidos de América, Gran Bretaña y la República de China] es que Japón sea privado de todas las islas que ha ocupado o secuestrado desde el comienzo de la Primera guerra Mundial en 1914, y todos los territorios chinos que los japoneses invadieron, tales como Manchuria, Formosa y Pescadores, serán restituidos a la República de China". El paso es muy importante porque a través del texto de la presente Declaración, reconfirmada en la cláusula número ocho de la Declaración de Potsdam, de 26 de julio de 1945, Pekín puede reclamar hoy las islas del Mar del Sur de China.

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A finales de 1945, Japón firmó con Taiwán, con la China nacionalista, un acuerdo por el que el primero renunciaba definitivamente a todas las reclamaciones sobre Taiwán, las Spratly y las Paracelso, y en 1952 Tokyo reconoció a la república nacionalista china la soberanía sobre las Spratly y las Paracelso. Sin embargo, después de la Segunda Guerra Mundial, las Paracelso aún permaneceron en manos de los colonialistas franceses hasta 1956, cuando estos útimos fueron reemplazados por los vietnamitas del Sur, no reconocidos sin embargo por los otros países interesados en el archipiélago.

En 1974 esta situación incierta dio lugar a un choque entre una escuadra naval de Vietnam del Sur y una escuadra naval china cerca del grupo Crescent, una serie de atolones de las Paracelso. El choque vio la victoria china que hundió a los vietnamitas una corbeta, dañando seriamente tres fragatas, causando cincuenta y tres muertos y dieciséis heridos. Los chinos informaron de cuatro corbetas dañadas, y dieciocho muertes. Después de esta victoria el dominio chino fue indiscutible, tanto que hoy los chinos no sólo tienen bases militares y sitios civiles en las Paracelso, como ya se ha señalado, sino que también impiden a los pescadores vietnamitas acercarse a las islas, dañando así la economía vietnamita, no habiendo reconocido todavía de iure la soberanía sobre estas islas.

En este sentido, cabe recordar que la decisión de la petrolera china CNOOC de instalar en las Paracelso una plataforma petrolífera en mayo de 2014, provocó una violenta protesta anti-china en todo Vietnam que tuvo como consecuencia la muerte y las lesiones de muchas personas, y daños económicos a ambos países involucrados.

Las Pratas, en chino Dongsha Qundao (Archipiélago arenoso oriental), están situados a unos 350 kilómetros al sureste de Hong Kong. Se componen de tres islas que forman juntas un anillo de coral que rodea una laguna con una superficie de 1,74 km². Son disputadas por las dos Chinas y actualmente pertenecen de facto a Taiwán, que las añadió administrativamente a la provincia de Kaohsiung, el Distrito de Qijjin. Están deshabitadas, aunque de vez en cuando son visitadas por personal militar y por biólogos y científicos que estudian la flora y la fauna del lugar. Fueron mencionadas por primera vez hace cerca de mil años en el libro chino "Guangzhou Ji", escrito por Pei Yuan, durante la dinastía Jin. Desde entonces, los pescadores chinos han estado pescando en las aguas ricas en peces del pequeño archipiélago. Sólo durante los años treinta y cuarenta, las Pratas estuvieron bajo ocupación japonesa.

A la luz de este examen, es evidente que el control del Mar del Sur de China jugará un papel cada vez más importante para la asunción, o no, de Pekín como una superpotencia mundial.

vendredi, 23 décembre 2016

AfD-Geopolitik: Wirtschaftsbeziehungen zwischen Deutschland und Russland gefährden US-Hegemonie

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AfD-Geopolitik: Wirtschaftsbeziehungen zwischen Deutschland und Russland gefährden US-Hegemonie

Am 8.12.2016 trafen sich die AfD Bayern und das AfD-Mittelstandsforum Bayern im Generalkonsulat der Russischen Föderation zu einer weiteren Runde der Münchner konsularischen Gespräche. Der bayerische AfD-Landesvorsitzende Petr Bystron, der Russische Generalkonsul Dr. Sergey Ganzha, der bayerische AfD-Programmkoordinator Klaus Rosenauer und der Bundesvorsitzende des AfD-Mittelstandsforums, Hans-Jörg Müller, diskutierten aktuelle Fragen zur deutsch-russischen Außen- und Wirtschaftspolitik. Hochrangige Vertreter des bayerischen AfD-Landesvorstandes, des bayerischen AfD-Mittelstandsforums und interessierte Mitglieder wie Uli Henkel waren mit von der Partie. Über die Details des Gedankenaustausches wurde Stillschweigen vereinbart.

Hans-Jörg Müller ist seit über 20 Jahren im deutsch-russischen Geschäft tätig – mit dem Schwerpunkt mittelständischer Investitionen im Osten - und gilt zu Recht als führender Russlandexperte in der AfD, wenn es um die wirtschaftspolitische Zusammenarbeit geht. Im Nachgang zu den konsularischen Gesprächen schildert er seine Gedanken, wie es insgesamt um die deutsch-russische Zusammenarbeit in der Wirtschaft bestellt ist und welche Perspektiven sie hat - die NEUE SEIDENSTRASSE als Rückgrat eines einheitlichen Wirtschaftsraumes von Lissabon bis Wladiwostok wird die siechende EU als neue Wachstumsregion ablösen.

Videoquelle: https://www.youtube.com/watch?v=PBzzg...

jeudi, 15 décembre 2016

LES CONSÉQUENCES GÉOPOLITIQUES DE LA CHUTE IMMINENTE D’ALEP ET DE LA VENTE DE 19,5% D’ ACTIONS DE ROSNEFT AU QATAR

par le Général Jean-Bernard PINATEL

Ex: http://www.geopolitique-geostrategie.fr 

La Bataille d’Alep marque un tournant décisif dans le conflit syrien. Le maintien au pouvoir de Bachar el-Assad n’est plus un préalable à la fin du conflit. Les Russes ont désormais toutes les cartes en main pour imposer leur solution. Cette victoire des forces syriennes appuyées par la Russie contre les islamistes radicaux va avoir des conséquences géopolitiques considérables pour le Moyen-Orient et pour l’Europe. Le premier effet concret s’est traduit hier, 10 décembre 2016, par la vente de 19,5% des actions de Rosneft au Qatar.

La Turquie avait anticipé cette victoire. Erdogan, dès le 9 août, était allé à Canossa, pardon à Saint-Pétersbourg, après avoir exprimé ses « regrets » à Vladimir Poutine fin de juin concernant le sukkoi 24 abattu par son aviation. Poutine lui a rendu la politesse le 10 octobre en se rendant à Istanbul où les deux chefs d’Etat ont réaffirmé leur engagement à mener à bien le projet de gazoduc russo-turc TurkStream, qui doit acheminer le gaz russe vers l’Europe en passant par la mer Noire, ainsi qu’à la construction par la Russie de la première centrale nucléaire turque.


De leur côté, confrontés à l’efficacité de l’intervention militaire russe de septembre 2015 qui contrastait avec les atermoiements d’Obama en Syrie et le peu d’efficacité de son action de soutien militaire à l’Irak, les dirigeants qataris comprenaient que leur stratégie de soutien aux Frères musulmans et aux wahhabites en Syrie allait les conduire à leur perte. Et que dorénavant, pour vendre leur gaz à l’Europe, il faudrait trouver un accord avec la Russie car c’est elle qui a les cartes en main pour autoriser ou interdire la construction d’un gazoduc terrestre pour acheminer son gaz vers les pays de l’Union européenne. [1]
Après une première visite de l’émir Tamim bin Hamad Al Thani à Moscou en janvier 2016, ce rapprochement s’est traduit, le 6 septembre, par la signature d’un accord militaire entre les deux pays, au cours d’une visite du ministre qatari de la Défense, Khalid bin Mohammad Al Attiyah, à l’occasion du Forum international militaire et technique « ARMÉE-2016″, à Moscou. « Nous avons signé un accord de coopération militaire avec la Russie, mais il ne comprend pas l’achat d’armes », a ainsi indiqué Saoud Bin Abdallah al-Mahmoud, l’ambassadeur du Qatar à Moscou. Toutefois, s’agissant d’éventuels contrats d’armement, rien n’est fermé du côté de Doha, le diplomate ayant assuré que son gouvernement examinerait cette « possibilité » [2].

Mais l’acte majeur de ce rapprochement à la portée géopolitique considérable s’est traduit hier, samedi 10 décembre 2016, par la conclusion d’un accord de vente de 19,5% des actions de Rosneft à la « Qatar Investment Authority (QIA) » Cette vente s’est faite au prix de 11,37 milliards de dollars qui rentrent dans les caisses de l’Etat Russe qui en avait bien besoin. Le Qatar est désormais le second actionnaire de Rosneft après l’État russe.
Pour comprendre la signification géopolitique exceptionnelle de cet accord, un rappel historique et économique s’impose.


Trois pays – la Russie, l’Iran et le Qatar – possèdent 50% des réserves mondiales de gaz naturel [3]. Les trois sont désormais alliés économiquement et stratégiquement, ce qui marque l’échec de la stratégie de l’Union européenne de diversification de ses sources d’approvisionnement de gaz naturel inspirée et voulue par les Etats-Unis et l’OTAN. En effet, la Russie est déjà le premier fournisseur de l’Union européenne avec 40 % des importations, qui représentent 20 % de la consommation totale de gaz de l’Union européenne. Compte tenu de la hausse de la consommation dans l’Union européenne et de l’épuisement du gisement gazier en Mer du Nord, cette dépendance énergétique de l’UE vis-à-vis de la Russie devrait fortement s’accroître dans les prochaines années. La Commission européenne estimait en effet que, d’ici 2040, 70 % des besoins énergétiques de l’UE devraient être assurés par les importations, contre 50 % aujourd’hui. Cette dépendance était inacceptable pour les stratèges américains pour lesquels la création d’une Eurasie annoncerait la fin de leur suprématie mondiale et l’arrivée d’un troisième grand acteur sur la scène mondiale qui perturberait leur tête à tête d’adversaire-partenaire avec la Chine.


Pour les stratèges américains et les atlantistes européens, le Qatar avec 24300 milliards de m3 de réserves prouvées qui lui assurent 154 ans de production au rythme actuel, était la solution. A condition toutefois de construire un gazoduc, car la liquéfaction et le transport en bateau via le détroit d’Ormuz et le canal de Suez rendaient le gaz qatari non concurrentiel avec le gaz russe. Selon des informations du journal libanais Al-Akhbar publiées en 2012, les Qataris avaient établi un plan, approuvé par l’administration Obama et l’UE visant à construire un gazoduc vers l’Europe via la Syrie. Ce gazoduc terrestre aurait traversé l’Arabie Saoudite, puis la Jordanie, en évitant l’Irak pour arriver à Homs en Syrie, d’où il aurait bifurqué dans trois directions : Lattaquié sur la côte syrienne, Tripoli au nord du Liban, et une troisième branche via la Turquie vers l’Europe. Mais Bachar El Assad refusait d’autoriser ce transit.

Désormais, les cartes sont redistribuées et rien ne s’oppose plus à ce que le gaz qataris rejoigne en Turquie le gazoduc TurkStream et vienne alimenter les besoins énergétiques de l’Union européenne. Dans un proche avenir parions que les européens vont lever leurs sanctions économiques contre la Russie.


Il aura fallu une guerre de 5 ans, des centaines de milliers de morts en Syrie, des attentats terroristes en Europe pour que s’impose par la force ce qui aurait dû se décider par la raison. Car tant dans la lutte contre l’Islam radical que sur le plan économique l’alliance russe est vitale pour que la voix de l’Europe existe à nouveau sur la scène internationale.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Pour certains auteurs ce projet de gazoduc et le refus d’Assad de le laisser traverser la Syrie aurait été un des facteurs déterminants de la guerre en Syrie traversant l’Arabie Saoudite, puis la Jordanie, en évitant l’Irak pour arriver à Homs en Syrie, d’où il aurait bifurqué dans trois directions : Lattaquié sur la côte syrienne, Tripoli au nord du Liban, et une troisième branche via la Turquie vers l’Europe.

[2] En savoir plus sur : Zone Militaire.

par Jean-Bernard PINATEL, le 12 Déc 2016, dans Analyses, Syrie

jeudi, 08 décembre 2016

Géopolitique du Salafisme: L’épée et l’idée en fusion

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Géopolitique du Salafisme: L’épée et l’idée en fusion

Ex: http://www.perspectivesmed.ma 
Une littérature foisonnante fait grand cas du salafisme pour expliquer les dérives djihadistes qui marquent de leur sceau l’actualité internationale. Mais quid de cette mouvance rigoriste maternée par le wahhabisme né dans les terres arides du Hedjaz ? C’est en remontant les aiguilles de l’Histoire que le phénomène salafiste pourrait être finement appréhendé. Histoire d’apporter l’éclairage nécessaire sur les ressorts géopolitiques sur lesquels s’articule une pensée guerrière. 
Le salafisme est apparu dans la moitié du 18ème siècle dans l’oasis d’Al-Dariya, situé à 60 kilomètres de Riyad, capitale du Royaume d’Arabie Saoudite. Il est né du pacte conclu entre Mohammed Ben Ibn Abdel Wahhab, théologien, disciple d’Ibn Taymiyya, homme religieux kurde du 13ème siècle, prônant la diffusion de la pensée Hanbalite, qui interdit toute forme d’innovation, et toute interprétation rationnelle (Al-Ijtihad) des textes sacrés et Mohamed Ibn Saoud Al-Mouqrin, émir de la tribu des Banous Hanifa en 1744. Cette fusion entre le sabre et la doctrine va trouver des soutiens extérieurs, notamment celui des Anglais et plus tard des Français. Les intérêts des deux puissances européennes dans la pénétration de la Région sont multiples : le déclin de l’Empire Ottaman, baptisé  » l’homme malade », l’amélioration de leurs réseau commercial et l’endiguement des Russes qui visaient l’accès aux Mers chaudes.
Pendant ce temps, les Al–Saoud avaient commencé la conquête de la totalité du Nedjd, partie Nord Est de la péninsule Arabique. Leur l’offensive militaire était rapide mais à cause de leurs querelles intestines, ils furent défaits à deux reprises par le gouverneur Ottoman Mohamed Ali Pacha (gouverneur de l’Egypte sous l’Empire Ottoman). Les Turcs et leurs Alliés locaux ne parvenaient ni à éradiquer les racines de ce renouveau Salafisme rigoriste et violent ni ce nationalisme fédératif des tribus arabes (voir les mécanismes de la Assabiya chez Ibn Khaldoun). Dans cet environnement instable et complexe, le général Napoléon Bonaparte profita de sa courte expédition en Egypte (1789/1802) et tissa des contacts précieux avec les Saoudiens pendant leur guerre tribale avec les autres tribus. L’objectif de l’initiative française dans le contexte de l’époque était d’établir une alliance militaire avec la tribu bédouine des Al-Saoud anti-Ottomane et aussi les gouverneurs des Al-Rachid à Nadjd et Haïl et Les Hachémites du Hedjaz (région de l’Ouest de l’Arabie), qui abrite les lieux sacrés de l’islam (la Mecque et Médine).

Cette convoitise régionale a donné naissance à la fameuse théorie militaire ottomane dite de la « pomme « , contre la théorie française dite de « la tenaille » inventée par Bonaparte. De l’autre côte, les Anglais qui avaient installé des comptoirs dans les pays du Golfe, soutenaient les Al-Saoud chassés à deux reprises de leur fiefs par les Ottomans. Après leur défaite, les Saoudiens vont trouver refuge au Koweït d’où ils menèrent leurs raids éclairs contre les Turcs et leurs alliés. L’émir Abdelaziz ben Abderrahmane Al-Saoud, héritier du trône de la dynastie, décida en 1906, grâce à l’appui des Anglais de reconstruire la royauté de ses ancêtres, en chassant ses ennemis historiques, les tribus des Al-Rachid et les Chérifs Hachémites de la Mecque et de Médine, au moment ou toutes les puissances Occidentales étaient occupées par la Première guerre mondiale. Ce relâchement international concernant le Moyen Orient, a permis la fondation du Royaume des Al-Saoud de l’entre deux guerres, avec comme constitution le Coran et la Sunna. Projet conçu par le théologien Mohammed Ibn Abdel Wahhab (le Wahhabisme est un terme inadéquat). Le lien scellé en 1744 entre les deux familles va prendre la forme d’un État organisé et structuré, grâce à l’appui des occidentaux présents dans la Région. En effet, en 1912, le Roi Abdelaziz organisa les bédouins en Ikhwans (fratries ou frères), le pouvoir politique et religieux est ainsi partagé entre les Al-Saoud et les Al- Sheikh descendants du prêcheur Ibn Abdelwahab selon un équilibre particulier : les premiers accaparent le pouvoir politique, militaire et économique, alors que les seconds sont devenus responsables du pourvoir cultuel, social et judicaire.

Le Salafisme est réapparu sous une forme nouvelle (islam politique) au début du 20ème siècle. Cependant, cet État n’avait aucune stratégie de conquête globale, ni d’un prosélytisme au delà de son environnement immédiat. Le roi Abdelaziz Al Saoud rêvait toujours de l’eau comme le souligne un Hadith cité dans le Sahih Al Boukhari rapportant que le Prophète Mohammed disait « Oh peuple de Nedjd, vous dormez sur l’or », terme signifiant « or noir », en référence au pétrole!La rencontre du fondateur de l’Arabie Saoudite moderne avec les Occidentaux, particulièrement les Américains, a transformé cette entité en puissance régionale, couronnée par la signature d’un traité de solidarité et de défense avec le président Américain Roosevelt en 1944, (traité Quincy). Cette entente va renverser la donne géopolitique du Moyen Orient, accentuant le retrait progressif des Anglais et des Français de la région.

À cet égard, les Etats-Unis se sont engagés à protéger la Monarchie des Al-Saoud, la contre partie étant la préservation des intérêts géostratégiques et surtout énergétiques de cette grande puissance pendant soixante ans. Cette nouvelle alliance a conforté les croyances de l’homme fort de l’Arabie, en déclarant à ses sympathisants: « Allah est là Haut et les Américains sont en bas » pour contourner la gêne occasionnée par ce traité signé avec les mécréants. C’est grâce à deux ingénieurs américains que le pétrole va être découvert en 1932, ce qui a profondément attristé le Roi Saoudien qui s’attendait à la découverte de l’eau! En effet, la découverte des plus grandes réserves d’énergies fossiles mondiales dans la Péninsule Arabique bouleversa la configuration géopolitique du Moyen-Orient. La dynastie saoudienne et ce depuis sa création, était toujours impliquée dans tous les conflits du Moyen-Orient ; accords franco -britanniques de Sykes-Picot en 1916, création de l’Etat d’Israël en 1948, naissance de la Ligue Arabe en 1945, la guerre du Yémen en 1962, la guerre d’Afghanistan en 1979, le conflit Irako-Iranien, l’occupation du Koweït en 1993 et, enfin, l’invasion Américaine de l’Irak en 2003, et dont les conséquences sont toujours d’actualité.

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A partir de 1979, les Saoudiens se sont retrouvés en face d’un autre ennemi régional, l’Iran Shiite qui menaçait les fondements idéologiques du wahhabisme. Paradoxalement, le pétrole ne va pas servir cette monarchie naissante pendant les premières décennies, elle va plutôt s’appuyer sur les recettes du pèlerinage et du commerce Inter-régional, à tel point que le roi Abdelaziz a voulu créer une sorte de Vatican pour les lieux Saints musulmans, mais personne n’avait accepté son offre qui à mon sens était visionnaire, courageuse et révolutionnaire.

En 1952, le régime de Nasser avait déclaré la guerre à l’association des Frères Musulmans créée en 1928. De ce fait, les militaires égyptiens étaient considérés à Riyad comme un danger potentiel pour la survie et la stabilité de l’État Saoudien. De son coté, le colonel Gamal Abdel Nasser ne cachait pas son alliance avec l’URSS et sa haine contre ce qu’il appelait « les valets de l’impérialisme dans le monde arabe ».
Cette situation de rivalité interarabe, poussera les salafistes saoudiens à former une alliance stratégique avec la confrérie des Frères musulmans. Ces derniers vont fournir aux Saoudiens des élites et des bras nécessaires pour contrecarrer la menace nassérienne. Dans ce cadre là, les wahhabites créèrent un axe islamique puissant et international appelé Ligue du Monde islamique. Cette opposition des deux alliés salafistes contre le panarabisme a abouti à la division du Monde arabe entre deux camps rivaux : les progressistes et les modérés.

Dans le même sillage, l’utilisation de l’arme du pétrole dans cette bataille, va nourrir la doctrine extrémiste des salafistes toutes tendances confondues, qui débouchera par la suite sur un projet d’islam politique à travers le Monde. Cette idéologie politique s’est appuyée sur trois piliers stratégiques : La Ligue du Monde Islamique (construction de mosquées et de centres culturels dans les cinq continents), l’Organisation de la Conférence Islamique OACI et l’OPAEP. Pendant cet épisode crucial dans l’histoire arabe, on remarque que les Frères musulmans avaient joué un rôle déterminant dans le recrutement, la formation, la conversion et l’embrigadement de milliers de jeunes dans le monde. Plusieurs d’entre eux étaient envoyés dans différents théâtres de crise. Cette évolution historique souligne que le mouvement Salafiste n’était pas actif uniquement dans le Moyen-Orient. D’autres mouvements de même nature apparaissent au Maghreb et au Sahel. Tous se sont inspirés de la pensée du théologien kurde Ibn
Taimiyya.
L’association des Oulémas en Algérie en 1924, la révolution du Rif en 1915, le mouvement Salafiste des oulémas de l’université de Fès 1944. En Libye et au Sahel, la Zaouiya Sennoussiya fut le fer de lance de la résistance anticoloniale. La séparation entre les Frères musulmans et les Wahhabites, va s’officialiser en 2011. Les Wahabbites avaient accusé la Confrérie Frèriste d’ avoir élaboré un projet secret visant à déstabiliser les monarchies du Golfe avec la complicité des Américains.Cet événement coïncida avec le Printemps arabe qui a consolidé les groupes Takfiristes et Djihadistes les plus radicaux dont la doctrine jette l’anathème sur les deux frères ennemis salafistes et sur toute la planète .À ce sujet, les Wahhabites ont soupçonné l’Occident de miser sur les fréristes. Selon eux, ils sont les seuls dont les membres sont éduqués et partiellement occidentalisés pouvant créer une hiérarchie forte au sein du monde Sunnite.
À cet égard, les Frères musulmans disposent d’une véritable structure riche et secrète, capable d’accepter une normalisation avec l’État Hébreu au Moyen-Orient. Ils pourraient aussi installer une forme de démocratie à l’occidentale dans les pays arabes (Tunisie).En conclusion et dans une vision prospective, on pense que le duel actuel entre les deux protagonistes renforce Daech et ses semblables. Les ultras -radicaux ont situé leur combat contre tous au niveau du verbe et de l’image, plus haut que la stratégie habituelle conçue par les salafistes eux-mêmes. Dans ce même ordre d’idée, on remarque que tous les acteurs de l’islam politique privilégient la négation réciproque plutôt que le compromis. Les Frères musulmans marquent beaucoup de points en leur faveur car leur discours pénètre facilement les esprits des jeunes scolarisés et disposent d’une capacité d’adaptation considérable d’un réseau large et d’une communication très dynamique.

mercredi, 07 décembre 2016

"Geopolitics of East Asia" by Robert Steuckers

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Euro Rus 15th Round Table "Geopolitics of East Asia" by Robert Steuckers

samedi, 03 décembre 2016

L'OCS se diversifie et s'agrandit

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L'OCS se diversifie et s'agrandit

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu 

Nous avons vu, dans un article précédent (Offensive de la Chine à l'APEC, Asia Pacific Economic Cooperation (APEC) http://www.europesolidaire.eu/article.php?article_id=2373&r_id=&t=Offensive%20de%20la%20Chine%20%E0%20l%27APEC que face à la déroute de Barack Obama se révélant incapable d'imposer aux Etats asiatiques une Trans Pacific Coopération (TPP) sous le contrôle de Washington, la Chine n'avait pas tardé à exploiter le vide ainsi créé.
 
Sans attendre, elle a entrepris de proposer aux membres de l'OCS (Organisation de coopération de Shanghai), au delà d'une coopération en matière de sécurité et de défense, restée assez timide, un effort supplémentaire d'intégration dans les domaines économiques et financiers.

Durant le quinzième sommet de l'OCS, tenu début novembre 2016, le Premier ministre chinois, Li Keqiang, a proposé à ses membres l'établissement d'une zone de libre échange commercial et la création une banque régionale de développement, qui augmentera l'influence de Pékin et de Moscou sur une région qui, de l'avis des stratèges américains eux-mêmes, définira finalement la capacité de Moscou et Pékin à retirer aux Etats-Unis leur ancienne hégémonie globale.

L'OCS, qui couvre environ 300 millions de kilomètres carrés, 60 % de toute l'Eurasie et abrite un quart de la population mondiale. Elle est composée de la Chine, de la Russie, du Kazakhstan, du Kirghizistan, du Tadjikistan et de l'Ouzbékistan. L'Inde et le Pakistan sont dans un processus d'adhésion qui devrait se conclure au sommet d'Astana, qui se tiendra en juin 2017 

Aujourd'hui, non seulement Washington n'a plus de contrôle sur cette zone, mais les Chinois mènent, avec les Russes, la construction d'un réseau économique et financier majeur concernant tous les pays de la région. Il s'agit comme nous l'avions plusieurs fois signalé, d'établir une zone de libre-échange entre les membres de l'OCS visant l'intégration horizontale des chaînes de production de la région eurasienne. À une époque où la Chine accélère la réorientation de son économie vers son marché intérieur, en vue de réduire la prévalence des investissements à l'extérieur dans son modèle de croissance, il est de première importance pour les autres pays de l'OCS de faire de même. Ils ne veulent plus rester des zones d'exportation de main d'oeuvre à bas salaires et de matière première non transformée, afin de s'orienter vers la production de produits à forte valeur ajoutée.

Par ailleurs l'élimination des barrières tarifaires pourrait permettre aux pays de l'OCS d'augmenter les flux commerciaux et les investissements avec les blocs régionaux constitués par les économies émergentes, l'Union eurasienne économique (UEE, composée de la Russie, de la Biélorussie, du Kazakhstan, de l'Arménie et du Kirghizistan) ou l'Association des nations de l'Asie du Sud-est (ASEAN)

Au cours de la réunion avec ses homologues de l'OCS, Li a promu la mise en service d'une banque régionale de développement, et d'un fonds de crédit spécial. Il s'agirait de répondre aux besoins de financement de la région eurasienne  De telles structures, si elles voyaient rapidement le jour, s'ajouteraient aux institutions financières précédemment mises en place par la Chine, la Nouvelle Banque de développement des BRICS et la Banque asiatique d'investissement dans l'infrastructure (AIIB).

Ces diverses initiatives participent à l'objectif principal de canalisation de l'épargne des pays émergents vers le financement de l'initiative économique internationale la plus ambitieuse, entreprise par la Chine sous le nom de Nouvelle Route de la Soie : « Une Ceinture, une Route », un vaste réseau de transport reliant les pays de l'Est, du Sud, et du Sud-est asiatique avec le Moyen-Orient et l'Afrique du nord jusqu'à l'Europe. Nous avons plusieurs fois souligné l'importance de ce projet. Alors que dans les pays occidentaux, les épargnes provenant des couches favorisées bénéficient non pas à l'investissement productif , mais aux manœuvres spéculatives du secteur financier, le projet de Nouvelle Route de la Soie permettra une intégration des investissements productifs provenant des pays touchés, en vue de réaliser ce que tant l'Amérique que l'Union européenne ont depuis longtemps renoncé à faire.

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On peut espérer que des pays européens comme l'Allemagne et la Grande Bretagne, qui avaient dès le début décidé de coopérer avec ces différents projets eurasiatiques en bravant les foudres d'Obama, ne resteront pas au stade des intentions. La France, malheureusement, obnubilée par un anti-poutinisme radical, n'est pas pour le moment encore en état de suivre cette voie prometteuse.