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lundi, 28 mars 2022

Armée européenne : première étape sur le très long chemin vers la liberté vis-à-vis des USA ?

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Armée européenne : première étape sur le très long chemin vers la liberté vis-à-vis des USA ?

Alessandro Cavallini

Source: https://electomagazine.it/esercito-europeo-primo-passettino-sulla-lunghissima-strada-della-liberta-dagli-usa/?utm_source=twitter&utm_medium=social&utm_campaign=ReviveOldPost

Certains analystes ont commencé à parler du retour de la guerre froide à la suite du conflit russo-ukrainien. En effet, à première vue, cela semble être le cas : d'un côté, Poutine stigmatise la politique de l'OTAN, tandis que de l'autre, tous les pays européens sont unis dans un seul front occidental, avec les États-Unis, condamnant unanimement l'agression de la Russie. Pourtant, quelque chose sur le Vieux Continent évolue dans une autre direction, vers une plus grande autonomie européenne vis-à-vis des États-Unis.

Dans le sillage du conflit, la formation d'une armée européenne a été accélérée et devrait voir le jour en 2023. Un document spécial, la boussole stratégique, a également été rédigé. Il indique les étapes à suivre, en premier lieu les scénarios stratégiques dans lesquels le bataillon européen pourra opérer : une vaste zone, allant des Balkans à la Méditerranée asiatique et à l'Afrique. Les soldats enrôlés devraient être environ 5000 à partir de l'année prochaine avec des exercices réguliers, puis devenir pleinement opérationnels en 2024, soit un an plus tôt que prévu initialement.

Évidemment, les points critiques de cette opération sont nombreux. Tout d'abord, le faible nombre de personnel envisagé. Ensuite, il y a la question cruciale de la dépendance à l'égard de l'OTAN. Aujourd'hui, sur les 30 pays membres de l'Alliance atlantique, 25 sont membres de l'Union européenne. Comment Bruxelles pourra-t-elle se libérer des diktats de l'encombrant vainqueur de la Seconde Guerre mondiale ?

C'est là qu'intervient l'autre limite majeure de l'Union européenne actuelle, qui, si elle n'est pas résolue, ne conduira jamais à une véritable armée européenne et pas seulement à une façade. Aujourd'hui, l'UE, malgré quelques bonnes intentions, n'est toujours qu'une structure économique, comme à l'époque de la CEE. Lorsqu'il s'agit de politique étrangère, qui est la question la plus importante pour un État véritablement souverain, le Conseil de l'UE doit voter ses décisions à l'unanimité. Cela signifie que, quelle que soit la difficulté de mettre tout le monde d'accord, chaque État membre de l'UE a le même poids politique. Le Luxembourg, par exemple, peut opposer son veto à une décision de politique étrangère exactement de la même manière que l'Allemagne.

C'est là que devrait commencer une réforme sérieuse de l'architecture européenne actuelle. Le problème de l'UE n'est pas, comme le disent les anti-européens de noantri, une absence de démocratie (c'est vrai en Italie, où les pouvoirs du Parlement en sont privés de facto depuis des années...) mais exactement le contraire : un excès de démocratie, entendu comme une vision égalitaire des pays membres. Il serait nécessaire de créer une Union européenne complètement différente, où le poids politique des différentes nations varierait en fonction de leur taille, de leur histoire, de leur capacité industrielle, etc. Ce n'est qu'ainsi que l'Europe cessera d'être une simple structure bureaucratique-administrative et deviendra réellement un État efficace et un acteur d'importance internationale.

Ces dernières années, divers hommes politiques du Vieux Continent ont évolué dans ce sens. Même les différents accords avec la Russie, qui sont aujourd'hui montrés du doigt comme étant de connivence avec le "dictateur Poutine", étaient en fait fonctionnels à la perspective d'une plus grande indépendance et autonomie de l'Europe par rapport aux États-Unis. Aujourd'hui, cependant, la guerre a dérapé et le risque est précisément de redevenir les vassaux de Washington, avec l'excuse que l'Occident tout entier est en guerre contre le tsar de Moscou. Mais l'histoire n'est jamais définitive et souvent, dans les situations les plus imprévisibles, des opportunités se cachent. L'Europe sera-t-elle capable de tourner la situation de guerre actuelle à son avantage ? Si elle veut redevenir une puissance, elle n'a pas d'alternative : elle doit accélérer la politique d'unité politique sur le continent et assumer la structure d'un véritable État, avec sa propre politique étrangère et sa propre armée régulière et nombreuse. Sinon, il n'y a pas d'issue : nous resterons soumis aux maîtres atlantiques, sans tenir compte des véritables intérêts qui ont poussé Poutine à entrer en Ukraine. Comme toujours, il s'agit de prendre sur ses épaules le poids de son propre destin. C'est à nous de nous libérer du joug américain, nous ne pouvons continuer à espérer un sauveur extérieur, qui au final ne serait rien d'autre que notre nouveau maître.

vendredi, 18 mars 2022

Neutralité et défense nationale: Réalité et vision

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Neutralité et défense nationale: Réalité et vision

Andreas Mölzer

Source: https://andreasmoelzer.wordpress.com/2022/03/17/neutralitat-und-landesverteidigung-realitat-und-vision/

Selon des sondages récents, un peu plus de 70% des Autrichiens sont favorables au maintien de la neutralité. Et presque autant de personnes sondées sont favorables à ce que notre république alpine fasse partie d'un système de défense européen. Seule une minorité, quasi insignifiante, est donc favorable à l'adhésion à une OTAN dominée par les États-Unis.

En fait, il y a un peu plus de 20 ans, sous la coalition ÖVP-FPÖ de Wolfgang Schüssel et Susanne Riess-Passer, une brève période a laissé entrevoir une européanisation du pacte de l'Atlantique Nord et donc une émancipation des Européens de la domination américaine. A l'époque, il semblait que l'OTAN pouvait évoluer vers une alliance de défense réduite aux pays de l'UE. L'achat des 24 Eurofighters par la coalition ÖVP-FPÖ - en fait, il s'agissait d'un gouvernement FPÖ-ÖVP - devait être une sorte de contribution autrichienne à une défense européenne de l'espace aérien et les Battlegroups de l'Union européenne, dont il était question à l'époque, auraient probablement été conçus comme le noyau d'une armée européenne. La question de savoir comment une telle armée européenne aurait fonctionné compte tenu du potentiel militaire des deux puissances nucléaires que sont la Grande-Bretagne et la France n'avait même pas été abordée à l'époque. En tout état de cause, une armée européenne dotée du potentiel nucléaire des deux puissances atomiques d'Europe aurait pu développer la force nécessaire pour égaler les autres grandes puissances militaires.

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Non, il en a été autrement : malgré tous les échecs militaires et le chaos militaire que les forces armées américaines ont dû affronter lors de leurs opérations globales en l'Afghanistan et en Amérique latine, la domination américaine au sein du pacte de l'Atlantique Nord n'a pas seulement perduré, elle s'est même renforcée. Sous la présidence de Donald Trump, les Américains semblaient se replier sur la doctrine Monroe et sur une "splendide désolation". Aujourd'hui, sous le président démocrate Biden, les choses sont à nouveau très différentes, notamment en ce qui concerne l'adversaire géopolitique russe. Historiquement, ce sont les présidents américains démocrates qui ont le plus souvent engagé l'Amérique dans des guerres et des conflits militaires mondiaux. Joe Biden n'est qu'un de ceux-là et, avec l'élargissement considérable de l'OTAN vers l'Est, dans des territoires de l'ancien pacte de Varsovie, voire de l'ex-Union soviétique, il a quasiment encerclé la Russie. Les réactions de l'Union européenne, mais aussi des puissances européennes les plus fortes, la France et l'Allemagne, ainsi que du Royaume-Uni, qui s'est retiré de l'UE, dans le conflit armé actuel autour de l'Ukraine, montrent clairement que les Européens suivent ici, au sein de l'OTAN, les directives américaines de manière absolument servile.

Les Européens, en particulier les Allemands, mais aussi les Autrichiens neutres, ont été secoués par la guerre en Ukraine dans la mesure où ils ont dû admettre que leurs armées respectives n'étaient en aucun cas capables de se défendre et qu'elles n'avaient rien à opposer à d'éventuelles attaques extérieures. Bien qu'il n'y ait eu, et qu'il n'y ait toujours, aucun signe ou indice d'une intention russe d'attaquer des pays de l'UE ou des membres de l'OTAN, ce rappel à l'ordre semble avoir été fructueux et très nécessaire. Le gouvernement allemand, dirigé par Olaf Scholz, a immédiatement promis 100 milliards d'euros pour le réarmement du gouvernement fédéral, et même l'Autriche s'est soudainement montrée prête à augmenter le budget minimal de la défense. Et puis, il y a même eu des voix au sein de la République alpine qui ont déclaré que seule une adhésion à l'OTAN pourrait apporter la sécurité au pays.

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Nous savons maintenant que la neutralité perpétuelle, que nous avons acceptée sous la pression soviétique dans le contexte du traité d'État, est devenue au fil des ans une partie de l'identité autrichienne, apparemment appréciée par la majorité de la population. Du point de vue de la politique de sécurité, il s'agissait bien sûr d'un mensonge pendant la guerre froide, car même à cette époque, l'armée fédérale n'aurait pas été en mesure de résister à une attaque du Pacte de Varsovie. Dans le secret des cercles de l'armée autrichienne, on savait à l'époque qu'en cas de guerre, on n'aurait pu que lancer un appel à l'aide à l'OTAN et qu'on aurait peut-être été en mesure de résister brièvement. Et cela ne s'est pas du tout amélioré depuis la fin de la guerre froide.

En tant que membre de l'Union européenne, entouré de membres de l'OTAN, on pensait, à Vienne, y compris dans les cercles de l'armée fédérale, que la défense militaire du pays ne devait plus vraiment être prise au sérieux. L'armée fédérale était au mieux une organisation de protection civile, un bon corps de pompiers, qui devait fournir des services d'assistance en cas de catastrophe et, le cas échéant, intercepter les migrants illégaux lors d'une mission d'assistance à la frontière.

Au moyen d'innombrables réformes depuis l'ère Kreisky, l'armée a été amaigrie au cours de longues décennies, son armement est obsolète, le concept de milice a été purement et simplement mis au placard et même l'obligation générale de servir a été remise en question à un moment donné. La possibilité d'effectuer un service civil et les critères trop prudents appliqués lors de la sélection des conscrits ont de toute façon fortement érodé cette obligation générale de servir. C'est ainsi que l'armée de terre n'est aujourd'hui que partiellement opérationnelle, qu'elle ne dispose ni d'armes modernes ni d'une surveillance aérienne réellement opérationnelle, et qu'elle aurait à peine les carburants nécessaires pour les véhicules et les munitions nécessaires pour une intervention.

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Au vu de ces faits, et donc en ce qui concerne la neutralité et l'état de préparation effectif du pays à la défense, il convient de développer des stratégies d'avenir qui, d'une part, rendent la République réellement apte à se défendre et qui, d'autre part, permettent la mise en place d'un système de sécurité et de défense militaire européen, qui aurait dû être mis en place depuis longtemps. Si les belles paroles des responsables politiques devaient effectivement se concrétiser et si un budget adéquat devait être alloué à la défense nationale, l'armée fédérale devrait être réarmée le plus rapidement possible - ce qui devrait sans aucun doute prendre des années - sur le modèle suisse. Des investissements massifs devraient être consacrés à l'équipement et à la formation des cadres, qui constituent en quelque sorte le noyau d'une armée de milice à large spectre en tant qu'armée professionnelle.

Pour une telle armée de milice, le service militaire obligatoire devrait être étendu à l'obligation générale de servir pour tous les jeunes citoyens. Dans le cadre de ce service obligatoire, les jeunes hommes et les jeunes femmes devraient être obligés d'effectuer un an de service de solidarité civique, soit dans le cadre du service militaire, soit dans le cadre du service social et de la protection civile. Il n'y a pas d'argument valable pour que cette obligation de service ne s'applique pas aux femmes, étant donné que l'égalité entre les hommes et les femmes doit être imposée depuis longtemps dans tous les domaines juridiques et sociaux. Il va de soi qu'une telle armée de milice serait ouverte aux femmes de manière tout à fait équivalente et qu'elle devrait être dotée de certains avantages de nature financière par rapport aux services sociaux et à ceux du domaine de la protection civile, afin de garantir les effectifs correspondants. Une telle armée de milice, dotée d'un équipement moderne et d'une formation optimale, avec une armée professionnelle en son cœur, devrait avoir la volonté et la capacité de défendre le pays de manière autonome. Elle serait ainsi également garante de la neutralité militaire de l'Autriche, tant que celle-ci est maintenue.

Si l'Union européenne était en mesure de devenir un "acteur mondial", également du point de vue de la politique de sécurité, cela nécessiterait naturellement de s'émanciper des Américains. Que cela passe par une européanisation du traité de l'Atlantique Nord ou par un retrait des Européens de ce traité est secondaire. Même si une sorte de communauté de valeurs transatlantique des grandes puissances démocratiquement organisées, c'est-à-dire les États-Unis et l'Europe, doit continuer à exister, une action autonome de l'Union européenne en matière de politique de sécurité et de géopolitique serait indispensable comme condition préalable à la sauvegarde de ses propres intérêts. Et ce serait bien sûr aussi la condition pour abandonner la neutralité autrichienne sur le plan militaire au profit d'une participation à une armée de l'UE.

Depuis l'adhésion à l'UE, la thèse selon laquelle la neutralité de l'Autriche subsiste, mais qu'elle serait obsolète au profit d'une solidarité européenne en cas d'urgence militaire, est quelque peu éloignée de la réalité. En cas de création d'un système européen de sécurité et de défense, dont l'armée autrichienne ferait partie, notre neutralité serait sans doute caduque, tout comme celle des autres pays de l'UE jusqu'ici neutres, à savoir l'Irlande, la Suède et la Finlande.

Les propos tenus ces jours-ci par l'ancien haut responsable militaire Höfler, selon lesquels l'Autriche n'aurait actuellement que deux possibilités, à savoir un réarmement adéquat de l'armée fédérale ou l'adhésion à l'OTAN, seraient donc dépassés. Un réarmement approprié et efficace de notre armée, avec maintien provisoire de la neutralité jusqu'à la création d'un système de sécurité et de défense paneuropéen, serait plutôt la seule possibilité réaliste, mais aussi visionnaire, de maintenir la stabilité de la politique de sécurité du pays. Et cette armée devrait alors être intégrée dans ce système de sécurité européen et pourrait y développer une puissance militaire utile en tant que partie intégrante et contribution de l'Autriche. Le rêve pseudo-pacifiste d'une paix éternelle a fait long feu, nous le voyons ces jours-ci. Les exigences en matière de politique de sécurité pour notre République, mais aussi pour l'Europe commune, doivent maintenant être satisfaites au plus vite. Sinon, nous risquons, non seulement l'Autriche, mais aussi les pays de l'Union européenne dans leur ensemble, de devenir des profiteurs de troisième ordre de la politique mondiale.

Autriche: "Nous avons actuellement une neutralité au rabais"

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Autriche: "Nous avons actuellement une neutralité au rabais"

Le brigadier à la retraite Günter Polajnar sur la neutralité et les besoins d'investissement de la Bundesheer autrichienne

Source: https://zurzeit.at/index.php/wir-haben-derzeit-eine-diskont-neutralitaet/

Monsieur le Brigadier, quelles leçons l'Autriche doit-elle tirer de la guerre en Ukraine en ce qui concerne la défense nationale et l'armée fédérale ?

Günter Polajnar : Tous les politiciens rivalisent à nouveau d'interventions sur le "budget famélique" de l'armée fédérale autrichienne, comme par exemple : "Nous devons investir dans notre défense nationale plus qu'auparavant, au moins, etc ... !"

J'entends les mots, mais je n'y crois pas ! Chaque gouvernement de ces dernières décennies a laissé des traces essentiellement partisanes dans la structure de l'armée fédérale autrichienne, qui est donc passée d'une réforme à l'autre en titubant. La stratégie politique des partis a toujours été plus importante pour nos gouvernements que la nécessité de la politique de défense ! Klaudia Tanner (ÖVP), notre actuelle ministre de la Défense, en a fourni un exemple particulièrement frappant : En 2020, elle voulait tout juste réduire au minimum la mission principale de la défense nationale (car la fameuse "bataille des chars dans le Marchfeld" n'aura plus jamais lieu). Au lieu de cela, notre armée fédérale devait, malgré sa neutralité, être transformée selon le "modèle suisse" en un corps d'assistance technique légèrement armé pour des missions d'assistance. Or, depuis le 24 février 2022, des chars russes circulent et tirent dans l'Ukraine voisine et maintenant (minuit cinq), quelle surprise, la chère Madame parle soudain d'un "incroyable besoin de rattrapage" !

Autres exemples de la volonté de défense autrichienne : Herbert Scheibner (FPÖ) a dû avaler en 2002, après un "petit déjeuner avec l'éminent chancelier", les Eurofighter Typhoon du chancelier Schüssel de l'époque au lieu de la solution bien plus raisonnable du Gripen suédois (photo, ci-dessous) proposée par l'état-major (entre autres à cause de l'infrastructure de chantier suffisamment disponible à l'époque, d'origine suédoise) !

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Juste avant les élections nationales de 2006, Günther Platter (ÖVP) a suspendu les exercices de milice et en a fait le point culminant de sa carrière de ministre. Pour couronner le tout, il a réduit de moitié la capacité de mobilisation de l'armée et a supprimé les exercices. Enfin, Norbert Darabos (SPÖ), objecteur de conscience déclaré, était prévu pour le ministère de l'Intérieur lors du changement de gouvernement en 2007. Cependant, l'ancien chancelier Schüssel a imposé Platter comme ministre de l'Intérieur. Darabos est donc devenu, à notre grand regret, le ministre suivant de la Défense.
Il s'est immédiatement mis au travail, a réalisé le vœu le plus cher de Gusenbauer (SPÖ) et a marginalisé la défense aérienne, qui était de toute façon quasiment inexistante, en réduisant encore considérablement le nombre des Eurofighters, déjà mal aimés, à un nombre honteux et ridicule de 15 unités.

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Pour couronner le tout, cet appareil a été rétrogradé au rang d'avion-école tout juste utilisable, sans capacité de combat de nuit. Sous Hans-Peter Doskozil (SPÖ), dans le sillage de la crise migratoire de 2015/16, un budget un peu plus élevé a de nouveau été obtenu pour l'armée, et Thomas Starlinger a été le dernier ministre fédéral de la Défense nationale dans le gouvernement d'experts avant le gouvernement Kurz de 2020, qui, en tant que spécialiste reconnu, avait le courage et probablement la compétence d'aborder clairement les vérités désagréables et de les mettre sur la table des débats. Ainsi, ce triste éventail de nombreux échecs et de mauvaises décisions se referme sur la phrase de Marcus Tullius Cicero, qui reste malheureusement toujours d'actualité : "Si vis pacem, para bellum" ou "Si tu veux la paix, prépare la guerre" !

Le Bgdr i. R. Günter Polajnar a commandé la 7e brigade de chasseurs (Photo : Bundesheer)

Pendant des années, voire des décennies, l'armée fédérale a été traitée en parent pauvre par les politiques et sous-dotée financièrement. Aujourd'hui, les politiques se sont engagés à augmenter le budget de l'armée. Pensez-vous que l'armée fédérale obtiendra désormais les moyens dont elle a besoin ?

Polajnar : Il n'est pas facile de répondre à cette question ! Comme nous l'avons déjà dit, la stratégie politique des partis, leur cuisine intérieure, a toujours été plus importante que les besoins de la politique de défense. J'ai toujours entendu toutes ces promesses d'augmentation des investissements pour la défense nationale lorsqu'il y avait le feu au lac !

Oui, notre armée jouit d'un certain prestige, mais principalement en raison de ses nombreuses interventions en cas de catastrophe et d'assistance, ainsi que de ses fréquentes opérations de protection des frontières en rapport avec les réfugiés cherchant à entrer illégalement sur le territoire, mais pas vraiment pour la mission principale pour laquelle elle est censée être prioritaire, à savoir la défense nationale.

La responsabilité principale de ce dilemme n'incombe pas aux citoyens, mais surtout à nos hommes et femmes politiques, qui n'agissent en tant qu'État que lorsqu'il y a le feu à la baraque et qu'il serait nécessaire et donc raisonnable de disposer de pompiers prêts à intervenir. Mais contrairement aux pompiers, qui n'interviennent que pour minimiser les dégâts, une armée bien équipée devrait déjà servir à prévenir le "feu" imminent.

Pour faire court, je ne pense pas que la défense nationale soit une priorité à long terme, en raison de l'expérience intense que j'ai acquise dans le cadre de cette politique essentiellement partisane, qui fait passer ses propres intérêts avant l'intérêt général et dont l'objectif est de maximiser l'électorat.

Les principaux responsables de ce dilemme sont les hommes et les femmes politiques qui n'ont agi que lorsque le feu avait été allumé.

Selon vous, où faut-il mettre l'accent sur la défense nationale dans les années à venir ? La défense contre les cyber-attaques, la protection des infrastructures critiques ou autre?

Polajnar : Je dois malheureusement avouer que je ne peux peut-être pas répondre à cette question de manière aussi compétente que je le souhaiterais, étant donné que je suis à la retraite depuis un certain temps déjà. Il me manque donc simplement un état des lieux actuel, mais je vais faire de mon mieux. La culture stratégique de l'Autriche en matière de défense militaire repose sur deux points essentiels :

    - L'hypothèse qu'il n'y aura pas de conflit militaire sur le sol autrichien, et
    - qu'en cas d'urgence, l'Autriche neutre et non-alignée pourra tout de même compter sur le soutien de ses alliés.
    - De ces deux hypothèses clés découle la tendance de la classe politique autrichienne à utiliser l'armée fédérale sur le territoire national principalement pour des tâches secondaires telles que des missions d'assistance. Une défense militaire efficace n'est pas nécessaire et il n'est donc pas nécessaire d'y consacrer des ressources financières supplémentaires.
    - Que peut-on attendre de cette "pensée quasi-stratégique" pour l'avenir ?
    - Il est très probable qu'une réforme ou une restructuration de l'armée fédérale dans l'esprit de la "culture de défense autrichienne habituelle" impliquera de toute façon toujours plus de mise en scène que d'amélioration effective des performances militaires. Le sous-financement chronique des forces armées fait partie intégrante de cette culture, et même les conflits armés dans notre voisinage immédiat (comme en Yougoslavie en 1991) n'ont pas permis d'amorcer un changement de mentalité. Or, pour armer efficacement la République contre de nouveaux dangers, il faut non seulement une nouvelle définition de la guerre et de la paix et une nouvelle doctrine, mais aussi et surtout un soutien budgétaire à plus grande échelle.
    - Pour la raison susmentionnée, on ne peut pas non plus supposer que de nouveaux concepts opérationnels dans les domaines de la cyberdéfense ou de la défense contre les drones contribueront de manière significative à la défense militaire du pays.
    - Pour des raisons financières et de sécurité géographique, ces nouvelles priorités seront très probablement des programmes ponctuels, sans effet à grande échelle et avec de faibles capacités techniques militaires. Pour augmenter efficacement la capacité de combat de l'ensemble des forces armées et les rendre réellement opérationnelles sur le plan militaire conventionnel pour le XXIe siècle, il y aurait une multitude d'investissements à réaliser, y compris dans la guerre électronique ou dans la mise en réseau de tous les systèmes d'information de commandement, qui devraient être effectués en liaison avec cette dernière pour obtenir une valeur ajoutée militaire. La cyberdéfense ne fonctionne pas sans un renseignement efficace en matière de télécommunications et d'électronique.

En fin de compte, les attaques futures ne seront pas unidimensionnelles, mais très probablement multidimensionnelles, comme l'infiltration d'infrastructures critiques par des forces spéciales associées à des drones et soutenues par des cyberattaques ciblées. La nouvelle priorité ne doit donc en aucun cas signifier le désarmement de toutes les autres capacités.

Compte tenu de l'invasion russe en Ukraine, la neutralité est également un sujet de préoccupation en Autriche. L'Autriche devrait-elle envisager d'adhérer à l'OTAN ?

Polajnar : Notre neutralité au rabais actuelle ne protège pas, l'Autriche a objectivement deux options principales, à savoir une neutralité armée honnête ou l'adhésion à l'OTAN, mais subjectivement, je pense que nous n'avons qu'une seule option :
Mettre fin à notre parasitisme politicien irresponsable, dire enfin adieu à cette "neutralité en forme de clin d'œil" au cœur d'une Europe entièrement inféodée l'OTAN et, au lieu de cela, s'engager clairement en faveur d'une volonté d'affirmation de la politique de défense selon le modèle suisse, comme l'exigeait à l'origine la loi sur la neutralité, parce que l'Autriche a signé le 15 décembre 2009 un accord de paix avec l'OTAN. Après de longues et difficiles négociations, l'Autriche a obtenu son traité d'État et donc son indépendance le 1er mai 1955, et "dans le but d'affirmer en permanence son indépendance vis-à-vis de l'extérieur et de garantir l'inviolabilité de son territoire, l'Autriche déclare de son plein gré sa neutralité perpétuelle. L'Autriche la maintiendra et la défendra par tous les moyens à sa disposition".

Parce que je rejette catégoriquement la "position phéacienne" des Autrichiens et l'inconstance de nos politiciens qui font sans cesse des allers-retours sans jamais trancher ! Si, au lieu de l'OTAN actuelle - dont les États-Unis sont l'acteur principal -, une communauté de défense exclusivement européenne devait un jour se développer, il faudrait alors réévaluer cette nouvelle situation stratégique !

L'entretien a été mené par Bernhard Tomasachitz.

samedi, 19 février 2022

Guerre en mosaïque et opérations à tous les niveaux

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Guerre en mosaïque et opérations à tous les niveaux

Leonid Savin

Source: https://www.geopolitica.ru/article/mozaichnaya-voyna-i-operacii-vo-vseh-sferah

Les doctrines militaires et les méthodes de guerre changent constamment et s'adaptent aux conditions actuelles et aux conflits futurs anticipés. Les États-Unis modernisent constamment leurs documents doctrinaux à cet égard.

Dans le présent document, nous mettons en lumière plusieurs concepts étroitement liés qui ont constitué des doctrines de travail dans l'armée américaine ces dernières années et qui visent à restructurer les capacités du Pentagone et des alliés.

Opérations multi-domaines

La première étape de l'examen sera le concept d'opérations multi-domaines (c'est-à-dire dans plusieurs domaines). Il est détaillé dans un document d'une centaine de pages publié en décembre 2018, intitulé U.S. Army Training and Doctrine Command [i]. L'avant-propos, rédigé par Mark Milley, président des chefs d'état-major interarmées des forces armées américaines, indique explicitement que "les concurrents stratégiques tels que la Russie et la Chine font la synthèse des nouvelles technologies avec leur analyse de la doctrine et des opérations militaires.

Ils déploient des capacités pour combattre les États-Unis à travers de multiples couches de confrontation dans tous les domaines - espace, cyber, air, mer et terre. "Le défi militaire auquel nous sommes confrontés, dit-il, consiste à surmonter les multiples couches de confrontation dans tous les domaines afin de maintenir la cohérence de nos opérations".

En fait, le Pentagone a identifié ses adversaires comme étant la Russie et la Chine. Alors que la Russie modernise ses forces armées à des fins défensives, les États-Unis l'envisagent avec leur propre logique et y voient la préparation d'un conflit militaire dans un avenir proche. D'où également les déclarations actuelles sur l'invasion imminente de l'Ukraine par Moscou.

Naturellement, la Russie ne va attaquer personne, mais les États-Unis se préparent déjà à briser la capacité de défense de notre pays par des moyens militaires, ce qui est l'un des objectifs pour lesquels cette charte a été émise. Il est souligné à plusieurs reprises que "en fin du présent document, la Russie est la menace principale" [ii].

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Alors, que représente en théorie la conduite d'opérations multi-domaines ?

L'idée centrale est la suivante: c'est l'armée américaine, en tant qu'élément de la force interarmées, qui mène des opérations multi-domaines pour gagner la compétition ; si nécessaire, les unités de l'armée pénètrent et désactivent les systèmes anti-accès/déni de zone (A2/AD) de l'ennemi et utilisent la liberté de manœuvre qui en résulte pour atteindre les objectifs stratégiques (victoire) et ensuite forcer un retour à la compétition à des conditions plus favorables.

En d'autres termes, ils parlent de mener des opérations spéciales et de sabotage réellement derrière les lignes de l'ennemi ou dans un territoire sous son contrôle. Les États-Unis disposent d'un Commandement des opérations spéciales distinct, il est donc quelque peu étrange de voir leurs tâches prioritaires transférées à des unités de l'armée.

Le document indique que les principes des opérations multi-domaines reposent sur le principe selon lequel l'armée relève les défis posés par les opérations chinoises et russes dans le cadre de la concurrence et des conflits en appliquant trois principes interdépendants : la posture de force alignée, les formations multi-domaines et la convergence.

La posture de force alignée est une combinaison de la posture et de la capacité à manœuvrer sur des distances stratégiques. Les formations multi-domaines ont la capacité, l'aptitude et l'endurance nécessaires pour opérer dans plusieurs domaines dans des espaces contestés contre un adversaire presque égal.

La convergence est l'intégration rapide et continue des capacités à travers les domaines, le spectre électromagnétique et l'environnement d'information, qui optimise les effets pour une supériorité sur l'ennemi par une synergie inter-domaines et des formes d'attaque multiples, le tout rendu possible par un commandement de mission et une initiative disciplinée. Les trois principes de solution sont complémentaires et communs à toutes les opérations multi-domaines, même si la façon dont ils sont mis en œuvre varie d'un niveau à l'autre et dépend de la situation opérationnelle spécifique.

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Les forces combinées, telles que conçues par les auteurs, sont destinées à vaincre les adversaires et à atteindre les objectifs stratégiques dans le cadre d'une compétition, d'un conflit armé et lors du retour à la compétition. Ce passage rappelle un ancien manuel de campagne de l'armée américaine, selon lequel la guerre n'est pas seulement menée pendant un conflit armé, mais aussi avant, en temps de paix et après le retour à la paix. Cela ne s'applique pas seulement aux ennemis, mais aussi aux alliés et aux forces neutres. Dans le nouveau document, l'état de paix est changé en état de concurrence.

La Russie est mentionnée 159 fois dans le document, tandis que la Chine est mentionnée 82 fois, c'est-à-dire deux fois moins. Pendant ce temps, d'autres pays que les analystes américains aiment lier à la présence ou aux intérêts russes, comme la Syrie et la Géorgie, sont utilisés une fois chacun, tandis que l'Ukraine l'est trois fois. Taiwan n'est pas du tout mentionné.

Cela suggère implicitement que la défense de l'Ukraine ou de la Géorgie (ainsi que de Taïwan) n'intéresse pas les États-Unis en tant que partenaires à aider. Le véritable objectif est de créer une force militaire si performante qu'elle puisse briser les défenses de la Russie et/ou de la Chine.

On y décrit de manière assez détaillée ce que la Russie fait et pourrait faire en cas de conflit armé. Il est noté que "le centre de gravité opérationnel des actions de la Russie dans une lutte concurrentielle est l'intégration étroite de la guerre de l'information, de la guerre non conventionnelle et des forces armées conventionnelles. La capacité d'utiliser tous les éléments de manière coordonnée offre à la Russie un avantage en matière d'escalade, dans lequel toute réponse amicale s'accompagne d'une réponse plus puissante.

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Dans le cadre de la compétition, l'escalade la plus extrême est une transition vers un conflit armé qui favorise un adversaire ayant la capacité de mener une attaque devant le fait accompli avec ses forces armées conventionnelles. La capacité démontrée de mettre en œuvre le fait accompli donne de la crédibilité aux récits d'information russes.

La combinaison de la guerre de l'information, de la guerre non conventionnelle et des forces conventionnelles et nucléaires offre à la Russie une confrontation politique et militaire dans laquelle elle peut obtenir des objectifs stratégiques qui n'impliquent pas un conflit armé avec les États-Unis.

La guerre de l'information et la guerre non conventionnelle contribuent à déstabiliser la sécurité régionale, mais sont insuffisantes à elles seules pour atteindre tous les objectifs stratégiques de la Russie. Cet avantage dans l'escalade fourni par les forces conventionnelles complète la guerre de l'information et la guerre non conventionnelle, permettant à la Russie de conserver l'initiative dans la compétition" [iii].

La référence au fait accompli fait clairement référence aux événements de 2014 et au retour de la Crimée à la Russie. Et l'utilisation du terme "centre de gravité" suggère une continuation du discours caractéristique de la pensée stratégique militaire américaine des années 1990. Dans l'ensemble, la Russie a fait l'objet de nombreuses pages décrivant les capacités techniques, militaires et politiques du point de vue de l'armée américaine. Outre la Russie et la Chine, la Corée du Nord et l'Iran sont mentionnés comme des menaces.

Cependant, que suggèrent les concepteurs d'opérations multi-domaines pour un scénario de guerre hypothétique avec la Russie et la Chine ?

Tout d'abord, le besoin de manœuvrer de manière indépendante, tout en poursuivant les opérations dans un environnement de campagne de théâtre contesté. "Une manœuvre indépendante indique une formation ayant l'aptitude, la capacité et l'initiative d'opérer dans les contraintes de l'environnement opérationnel".

Les formations multi-domaines ont la capacité organique de se soutenir et de se défendre jusqu'à ce qu'elles reprennent contact avec les unités voisines et de soutien. Ils sont soutenus par des capacités telles que des signatures visuelles et électromagnétiques réduites, des canaux de communication redondants protégés du brouillage ennemi, des exigences logistiques réduites, un soutien médical amélioré, des réseaux de soutien multiples, des capacités robustes d'appui aux manœuvres et un camouflage multi-domaines.

Les brigades, les divisions et les corps d'armée, en particulier, ont besoin d'un commandement de mission organique, de reconnaissance et de reconnaissance ainsi que de la capacité de soutenir des opérations offensives sur plusieurs jours malgré des lignes de communication hautement contestées"  (iv].

Le deuxième est le feu de combat inter-domaines. "La capacité de tir inter-domaines offre des options aux commandants et augmente la résilience au sein de la force interarmées pour surmonter la séparation fonctionnelle temporaire imposée par les systèmes de déni et de refus de zone de l'ennemi.

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En plus des défenses aériennes et antimissiles modernisées et des capacités de tir au sol à longue portée, les formations multi-domaines fournissent des capacités de tir inter-domaines grâce à des systèmes aériens, des systèmes de défense avancés, une défense aérienne et une reconnaissance multicouches, des dispositifs EOD, des munitions multi-spectrales guidées par capteurs, des capacités liées à la cybernétique, à l'espace et à l'information.

Les tirs inter-domaines comprennent les capacités de renseignement et de reconnaissance nécessaires pour les exploiter, ce qui peut inclure une combinaison de capacités organiques et d'accès à des ressources externes. Les tirs interdomaines sont combinés aux progrès nécessaires en matière de mobilité et de létalité dans les futures plates-formes aériennes et terrestres, les réseaux de communication et le traitement des données (vitesse et volume) pour fournir une capacité de manœuvre interdomaines"[v].

Il est également question d'améliorer la qualité du personnel. Ici, il y a un parti pris clair en faveur des nouvelles technologies et un accent sur l'expertise requise dans la main-d'œuvre. "Les capteurs biotechniques qui surveillent la condition humaine et les changements de performance améliorent la compréhension que les commandants ont de leurs unités, éclairent les décisions concernant le rythme et l'intensité des opérations et aident les unités à maintenir et à rétablir leur force physique et psychologique.

Les interfaces homme-machine soutenues par l'intelligence artificielle et le traitement des données à grande vitesse augmentent la vitesse et la précision de la prise de décision humaine. L'utilisation de capacités multi-domaines exige de l'armée qu'elle attire, forme, retienne et recrute des chefs et des soldats qui possèdent collectivement une quantité et une profondeur importantes de connaissances techniques et professionnelles"[vi].

Le document s'appuie sur la convergence et les synergies inter-domaines, reflétant les stratégies de combat antérieures du département de la Défense des États-Unis.

"Le concept d'accès aux opérations interarmées (JOAC) repose sur la thèse de la synergie interdomaines - l'utilisation complémentaire ou simplement additive de capacités dans différents domaines de telle sorte que chacune renforce l'efficacité et compense les vulnérabilités des autres pour établir une supériorité dans une certaine combinaison de domaines qui fournira la liberté d'action nécessaire à l'exécution de la mission"[vii].

Le concept d'accès pour les opérations unifiées implique plus d'intégration entre les domaines et à des niveaux inférieurs que jamais auparavant.

L'utilisation de la synergie inter-domaines à des niveaux de plus en plus bas sera essentielle pour créer le tempo, qui est souvent crucial pour exploiter les capacités locales fugaces afin de perturber un système ennemi. Le JOAC envisage également une intégration plus poussée et plus souple que jamais des opérations dans l'espace et le cyberespace dans les espaces traditionnels de combat aérien, maritime et terrestre.

Ce concept, à son tour, s'appuie sur le précédent concept de pierre angulaire des opérations interarmées (CCJO)[viii].

Il décrit un futur environnement opérationnel caractérisé par l'incertitude, la complexité et le changement rapide. Comme solution à ces conditions, le CCJO propose un processus d'adaptation opérationnelle impliquant une combinaison dynamique de quatre grandes catégories d'activités militaires : le combat, la sécurité, l'engagement et les secours, et la récupération.

Les opérations de combat immédiat reposent sur la neutralisation des systèmes de combat à longue portée de l'ennemi (défenses aériennes, installations de missiles balistiques), le suivi des manœuvres des troupes, la collecte et le traitement rapides de données provenant de différentes zones, la frappe des capacités de renseignement de l'autre camp et l'attaque des cibles à partir de différentes sphères (c'est-à-dire l'utilisation synchrone de différents types de troupes et d'armes).

9788413523569.gifLe général de l'armée de terre à la retraite David Perkins, qui était à la tête du Training and Doctrine Command, a déclaré dans une interview que le concept de bataille multi-domaine était autrefois appelé "du vieux vin dans une nouvelle bouteille" ou "une bataille air-sol sur des stéroïdes".

Une doctrine assez proche est le Joint All-Domain Command and Control (JADC2), un concept du ministère américain de la Défense visant à connecter les capteurs de tous les services militaires - Air Force, Army, Marine Corps, Navy et Space Force - en un seul réseau. Traditionnellement, chacun des services militaires développait son propre réseau tactique qui était incompatible avec les réseaux des autres services (c'est-à-dire que les réseaux de l'armée de terre ne pouvaient pas communiquer avec les réseaux de la marine ou de l'armée de l'air).

Les responsables du DOD ont fait valoir que les conflits futurs pourraient exiger que les décisions soient prises en quelques heures, minutes ou potentiellement secondes, par rapport au processus actuel de plusieurs jours d'analyse de l'environnement opérationnel et d'émission de commandements. Ils ont également fait valoir que l'architecture actuelle de commandement et de contrôle du ministère est insuffisante pour répondre aux exigences de la stratégie de défense nationale.

L'étude du Congrès américain sur le sujet a cité la technologie du service de covoiturage d'Uber comme analogie. "Uber combine deux applications différentes - une pour les passagers et une pour les conducteurs. À partir de la position des utilisateurs respectifs, l'algorithme d'Uber détermine la meilleure correspondance en fonction de la distance, du temps de trajet et des passagers (entre autres variables).

L'application fournit ensuite facilement au conducteur les indications à suivre, conduisant le passager à sa destination. Uber s'appuie sur les réseaux cellulaires et Wi-Fi pour la transmission de données afin de faire correspondre les conducteurs et de fournir des instructions de conduite. "[ix]

Et les opérations unifiées tous domaines (JADO) sont une évolution du concept des opérations multi-domaines (MDO). Il est dit que "JADO incorpore l'énorme potentiel d'une force véritablement intégrée (le point central de MDO) et met à jour le concept pour inclure plusieurs aspects critiques de la façon dont l'OTAN cherche à conduire les opérations futures. Le JADO déplace le centre d'intérêt du "multi-domaine", dans lequel les services individuels ont opéré pendant des décennies, et le ramène à la résolution des défis des opérations interarmées.

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En outre, étant donné la complexité des systèmes et des capacités interconnectées couvrant plusieurs domaines dans les forces armées d'aujourd'hui, on pourrait faire valoir que la structuration traditionnelle des services basée sur leur domaine opérationnel principal pourrait ne pas s'avérer très utile dans de nombreux scénarios futurs.

Il est probable que le vainqueur sera une force capable de manœuvrer facilement dans tous les domaines et de s'y déplacer de manière synchronisée à une vitesse que l'adversaire ne pourra pas égaler. Compte tenu de ces considérations, il est facile de conclure que le fait d'accorder trop d'importance au domaine réduit l'attention portée à la tâche conjointe de plusieurs services travaillant ensemble de manière transparente dans plusieurs domaines. "[x]

La guerre des mosaïques

En 2017, un nouveau concept de "guerre en mosaïque" a été annoncé aux États-Unis. Le terme a été inventé par Thomas J. Burns, ancien directeur de la Direction de la technologie stratégique de la DARPA, et son ancien adjoint Dan Patt.

Cette théorie est fondamentalement différente du modèle traditionnel des "systèmes de systèmes", que Burns et Patt considèrent comme défectueux car il limite souvent de manière inhérente l'adaptabilité, l'évolutivité et l'interopérabilité.

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Dans une interview, Patt a déclaré : "Le terme "système de systèmes" est souvent utilisé pour décrire des capacités qui ont été conçues dès le départ pour travailler ensemble et fonctionner comme un tout, même s'il y a de nombreux composants - un peu comme le concept d'un puzzle, où de nombreuses pièces spécialement conçues s'emboîtent de manière unique pour former une image cohérente.

L'application des processus classiques de conception et de validation à un "système de systèmes" peut entraîner l'impossibilité d'apporter des modifications futures au système, car chaque pièce est conçue et intégrée de manière unique pour remplir un rôle particulier, et les longs délais de développement nécessaires pour examiner comment chaque modification affecte l'ensemble du système.

La guerre des mosaïques envisage la possibilité d'une composition ascendante, où des éléments individuels (systèmes existants ou nouveaux), comme les carreaux individuels d'une mosaïque, s'assemblent pour créer un effet d'une manière non envisagée auparavant, potentiellement de façon dynamique. Ce concept est conçu pour révolutionner les cycles temporels et l'adaptabilité des capacités militaires"[xi].

La clé sera de combiner les unités avec et sans équipage, de partager les capacités et de permettre aux commandants d'appeler à l'action de manière transparente depuis la mer, la terre ou les airs, selon la situation et quelle que soit la force armée qui fournit la capacité.

Un exemple dans l'aviation serait une série de drones accompagnant une formation de combat typique de quatre chasseurs. L'un des robots ailés pourrait être là uniquement pour brouiller les radars ou utiliser d'autres équipements de guerre électronique.

Un autre peut avoir une charge utile d'armes. Un troisième peut avoir un ensemble de capteurs et un quatrième peut agir comme un leurre. Au lieu de quatre points sur le radar, l'ennemi en voit huit, et il n'a aucune idée des capacités offertes par chacun d'eux[xii].

Dans un autre exemple, le groupe d'opérations spéciales A, derrière les lignes ennemies, découvre un lanceur de missiles sol-air inconnu jusqu'alors. Il a communiqué sa position par radio et le système de commande et de contrôle a automatiquement recherché le meilleur moyen de détruire la cible. Il peut s'agir d'une brigade de l'armée voisine, d'un sous-marin ou d'un avion de patrouille de chasse. Un ordre est envoyé et la meilleure plate-forme pour la mission est appelée à frapper.

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Le problème est que chacune de ces plateformes est actuellement conçue pour sa propre mission spécifique. Un autre problème consiste à faire travailler ensemble un grand nombre d'éléments divers et flexibles.

Le concept lui-même semble être né des problèmes d'incompatibilité de certains équipements de combat aux États-Unis. Par exemple, le F-22 Raptor et le F-35 Joint Strike produits par la même société Lockheed Martin avaient des liaisons de données incompatibles.

Dans l'ensemble, la guerre mosaïque est similaire dans sa conception à d'autres concepts de guerre en vogue, tels que les "systèmes de systèmes" ou les opérations multi-domaines conjointes.

La voie de la confrontation

Dans l'ensemble, nous voyons des modèles assez similaires qui diffèrent dans certains détails. Comme l'indique une étude récente, "les concepts de guerre future tels que la mosaïque, le commandement et le contrôle unifiés tous domaines (JADC2) et le système avancé de gestion de la bataille (ABMS) reposeront sur des réseaux d'information et des programmes d'intégration avancés basés sur des logiciels comme base opérationnelle.

Le succès dans les conflits de demain dépendra largement de la façon dont les combattants seront capables d'utiliser et d'adapter tout, des systèmes de contrôle des avions aux ensembles de capteurs, en passant par les réseaux et les aides à la décision. Pour gagner dans un espace de combat dynamique et contesté, les combattants doivent être capables de reprogrammer et de reconfigurer leurs systèmes d'armes, leurs capteurs et leurs réseaux" [xiii].

Il est possible que ces doctrines et concepts soient transformés en quelque chose de nouveau dans un avenir proche. Le travail à ce sujet est déjà en cours. Une étude du Conseil atlantique (une organisation indésirable dans la Fédération de Russie), préparée en tant que projet pour une future stratégie de défense nationale américaine et publiée en décembre 2021, identifie quatre points clés qui, selon les auteurs, devraient être adoptés comme un impératif pour les États-Unis et les partenaires de l'OTAN.

"Le département de la défense doit désormais être compétitif et s'engager dans une guerre hybride offensive. Les États-Unis doivent réagir là où il y a une concurrence avec la Chine et la Russie aujourd'hui, principalement en jouant un rôle plus actif dans la concurrence en zone grise. En conséquence, le Pentagone devrait adopter le paradigme de la concurrence comme un continuum allant de la coopération au conflit armé en passant par la concurrence.

Mais embrasser le continuum n'est pas suffisant ; le ministère de la Défense, en collaboration avec des partenaires interagences le cas échéant, doit se défendre plus agressivement et prendre des mesures offensives dans la zone grise conformément aux valeurs américaines. Taking Advantage articule le concept du continuum de la concurrence et formule des recommandations à l'intention du ministère de la Défense pour façonner l'environnement informationnel et la concurrence dans le cyberespace.

- Les hostilités futures doivent être coopératives, combinées et englober tous les domaines. Les conflits futurs devraient exiger une meilleure intégration de tous les services militaires américains et se dérouleront sur terre, en mer, dans les airs, dans l'espace et le cyberespace, ainsi que sur l'ensemble du spectre électromagnétique.

Elle sera également menée en étroite coordination avec les alliés et les partenaires, qui constituent collectivement l'un des plus grands avantages des États-Unis par rapport à leurs principaux concurrents. Un nouveau concept opérationnel couvrant ce futur champ de bataille est nécessaire.

Tirer parti de l'avantage introduit le "concept de guerre combinée". Il s'agit d'un concept de guerre global, interarmées et combiné, qui englobe dès le départ le rôle, les capacités, ainsi que ceux des alliés et des partenaires.

- Le ministère de la Défense doit créer une force capable de dominer les conflits armés de l'avenir. Le futur champ de bataille sera axé sur les données, mis en réseau et évoluera rapidement. Tant les États-Unis que leurs concurrents stratégiques investissent activement dans des armes cinétiques et non cinétiques révolutionnaires, notamment les vecteurs hypersoniques, les systèmes de combat autonomes, l'énergie dirigée et les outils cybernétiques.

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Si ces armes permettront de neutraliser ou de détruire plus facilement des cibles, trouver ces cibles sera un défi plus immédiat. Par conséquent, les guerres de l'avenir seront probablement remportées par le camp qui saura le mieux exploiter les données disponibles dans tous les domaines et priver un adversaire de la possibilité de faire de même. Saisir l'avantage articule des priorités d'investissement claires pour construire cette force - et des priorités d'aliénation pour se la permettre.

- Le ministère de la Défense doit équilibrer sa structure de forces en passant d'un commandement centralisé à un modèle plus orienté vers le monde. Alors que les États-Unis modifient leur orientation générale, passant du contre-terrorisme à la compétition stratégique, la structure de leurs forces mondiales doit changer en conséquence. L'ère des déploiements multiples et longs par rotation dans la zone de responsabilité du Commandement central est révolue.

Une autre solution consiste à tirer parti de l'introduction d'un modèle de posture équilibré, différencié et en "treillis" qui déplacerait les types d'actifs nécessaires vers l'Indo-Pacifique et l'Europe et s'appuierait sur une structure de défense plus étroitement alignée avec les alliés et les partenaires, réduisant ainsi les risques associés au rééquilibrage américain."[xiv]

En somme, si le réoutillage technique de l'armée américaine est une question de capacité de défense de routine qui dépend de nouveaux types d'armes, les accents géopolitiques sur le théâtre de guerre possible et les futurs adversaires sont un choix politique. Et les doctrines actuelles suggèrent que Washington s'est engagé sur la voie de la confrontation.

Notes:

 

[i]               The U.S. Army in Multi-Domain Operations 2028. TRADOC Pamphlet 525-3-1. U.S. Army Training and Doctrine Command, December 6, 2018.

[ii]              Ididem. Р. vi.

[iii]            Ididem. Р. 11.

[iv]            Ididem. Р. 19.

[v]             Ididem.

[vi]            Ididem. Р. 20.

[vii]           Joint Operational Access Concept (JOAC). Departament of Defense, 17 January 2012. https://dod.defense.gov/Portals/1/Documents/pubs/JOAC_Jan...

[viii]          Department of Defense, Capstone Concept for Joint Operations, v3.0, 15 Jan 2009.

[ix]            Joint All-Domain Command and Control(JADC2). Congressional Research Service, July 1, 2021.

                https://sgp.fas.org/crs/natsec/IF11493.pdf

[x]          All-Domain Operations in a Combined Environment.

                https://www.japcc.org/portfolio/all-domain-operations-in-...

[xi]            Stew Magnuson. DARPA Pushes ‘Mosaic Warfare’ Concept // National Defense, 11/16/2018.

                https://www.nationaldefensemagazine.org/articles/2018/11/...

[xii]          Brad D. Williams. DARPA’s ‘mosaic warfare’ concept turns complexity into asymmetric advantage // Fifth Domain, August 14, 2017.

                https://www.fifthdomain.com/dod/2017/08/14/darpas-mosaic-...

[xiii]          David A. Deptula, Heather Penney. Speed is Life: Accelerating the Air Force’s Ability to Adapt and Win. Policy Paper, Vol. 28, July 2021. Р. 1.

[xiv]          Clementine G. Starling, Lt Col Tyson K. Wetzel, and Christian S. Trotti. SEIZING THE ADVANTAGE: A Vision for the Next US National Defense Strategy. Washington: Atlantic Council. December 2021. Р. 21.

jeudi, 28 octobre 2021

L'OTAN développe des techniques de guerre cognitive

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L'OTAN développe des techniques de guerre cognitive

Leonid Savin

Ex: https://www.geopolitica.ru/article/nato-razrabatyvaet-metody-vedeniya-kognitivnoy-voyny

L'Innovation pour l'excellence en matière de défense et de sécurité (IDEaS), également appelée "Innovation Hub", basée au Canada, joue un rôle de premier plan dans ce domaine. Toutefois, ce centre ne figure pas sur la liste des centres d'excellence de l'OTAN officiellement accrédités, comme le Centre de cyberdéfense en coopération de Tallinn ou le Centre de sécurité énergétique de Vilnius. L'OTAN ne souhaitant probablement pas attirer l'attention sur son travail, elle opère de manière "autonome".

Certes, cette approche de dissimulation a été couronnée de succès, puisque les fils d'actualité montrent que le centre a commencé à fonctionner dès 2017.

Les objectifs officiellement déclarés ne diffèrent pas beaucoup des travaux d'autres centres similaires de l'OTAN. Ils sont décrits dans des phrases générales et représentent:

- Accès à une large communauté d'experts, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'OTAN ;

- Une plateforme collaborative en ligne pour l'interaction avec la communauté ;

- Une base de connaissances sur tous les sujets abordés par le Centre d'innovation ;

- Documents sur les solutions innovantes pour relever les défis futurs de l'OTAN et des capacités nationales ;

- Des occasions d'expliquer les problèmes, de poser des questions ou de proposer des solutions.

Le site web énumère sept domaines dans lesquels le Centre travaille. Il s'agit de l'éducation et de la formation, des mécanismes de prise de décision, du cyberespace, des initiatives humanitaires, de l'information et de la désinformation, des systèmes autonomes et de la stratégie. Cependant, le thème le plus récurrent dans plusieurs domaines à la fois est la guerre cognitive. Fin 2020, le centre a publié une étude sur ce sujet, dont l'auteur est François de Cluzel.

La préface du document indique que "l'esprit humain est désormais considéré comme un nouveau champ de bataille. Avec le rôle croissant de la technologie et la surcharge d'informations, les capacités cognitives individuelles ne suffiront pas à assurer une prise de décision éclairée et opportune, ce qui a conduit à un nouveau concept de guerre cognitive, qui est devenu ces dernières années un terme récurrent dans la terminologie militaire... La guerre cognitive a une portée universelle, de l'individu aux États et aux organisations multinationales. Elle utilise des techniques de désinformation et de propagande visant à épuiser psychologiquement les récepteurs d'information. Chacun y contribue, à des degrés divers, consciemment ou inconsciemment, et cela permet d'acquérir des connaissances inestimables sur la société, en particulier les sociétés ouvertes comme celles de l'Occident. Cette connaissance peut alors facilement être utilisée comme une arme... Les outils de la guerre de l'information, auxquels s'ajoutent les "neuro-armes", élargissent les perspectives technologiques futures, suggérant que le domaine cognitif sera l'un des champs de bataille de demain. Cette perspective est encore renforcée par le développement rapide des nanotechnologies, des biotechnologies, des technologies de l'information, des sciences cognitives et de la compréhension du cerveau."

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Bien sûr, ces technologies et l'intérêt qu'elles suscitent d'un point de vue militaire ne sont pas nouveaux. Les agences américaines DARPA et IARPA sont engagées dans ces domaines depuis de nombreuses années. Mais dans ce cas, cette approche est reconnue comme une stratégie prometteuse pour les guerres futures par l'OTAN. Et les neuro-armes en tant que composante importante de l'armée

Le rapport fournit un certain nombre de définitions. "La guerre cognitive est une guerre d'idéologies qui cherche à saper la confiance qui sous-tend toute société... La désinformation exploite la vulnérabilité cognitive de ses cibles, en profitant de peurs ou de croyances préexistantes qui les prédisposent à accepter des informations fausses.

Pour cela, l'agresseur doit avoir une compréhension claire des dynamiques sociopolitiques en jeu et une connaissance précise du moment et de la manière de pénétrer afin d'exploiter au mieux ces vulnérabilités.

La guerre cognitive exploite les vulnérabilités innées de l'esprit humain en raison de la manière dont il est conçu pour traiter l'information, qui a bien sûr toujours été utilisée dans la guerre. Cependant, en raison de la rapidité et de l'omniprésence de la technologie et de l'information, l'esprit humain n'est plus capable de traiter le flux d'informations.

Ce qui différencie la guerre cognitive de la propagande, c'est que chacun participe, en grande partie involontairement, au traitement de l'information et à la formation des connaissances d'une manière sans précédent. Il s'agit d'un changement subtil mais significatif. Alors que les individus se soumettaient passivement à la propagande, ils y contribuent désormais activement.

L'exploitation des connaissances humaines est devenue une industrie de masse. Et les nouveaux outils d'intelligence artificielle devraient bientôt offrir aux propagandistes des possibilités radicalement élargies de manipuler l'esprit humain et de modifier le comportement humain."

Le rapport parle également de l'économie comportementale, qui se définit comme une méthode d'analyse économique qui applique une compréhension psychologique du comportement humain pour expliquer la prise de décision économique.

Comme le montre la recherche sur la prise de décision, le comportement devient de plus en plus computationnel.

Sur le plan opérationnel, cela signifie l'utilisation massive et méthodique des données comportementales et le développement de techniques d'approvisionnement actif en nouvelles données. Avec l'énorme quantité de données (comportementales) que chacun génère en grande partie sans notre consentement ou sans que nous en soyons conscients, de nouvelles manipulations sont facilement réalisables.

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Les grandes entreprises de l'économie numérique ont mis au point de nouvelles méthodes de collecte de données qui permettent de sortir des informations personnelles que les utilisateurs n'ont pas nécessairement l'intention de divulguer.

Et les données redondantes sont devenues la base de nouveaux marchés prédictifs appelés publicité ciblée.

"Voici les origines du capitalisme de surveillance dans une brassée sans précédent et lucrative : la redondance comportementale, la science des données, l'infrastructure physique, la puissance de calcul, les systèmes algorithmiques et les plateformes automatisées", indique le document.

Et tout cela a déjà été mis au point par des géants occidentaux comme Facebook, Google, Amazon, Microsoft et d'autres. Ce n'est pas une coïncidence s'ils ont été critiqués à plusieurs reprises à la fois pour avoir imposé un monopole et pour avoir utilisé une manipulation basée sur les données des utilisateurs. Et comme ils coopèrent tous activement avec les agences de sécurité américaines en tant que contractants, cela crée un risque de manipulation délibérée pour les utilisateurs du monde entier.

Il a également été suggéré que l'absence de réglementation de l'espace numérique profite non seulement aux régimes de l'ère numérique, qui peuvent exercer une influence importante non seulement sur les réseaux informatiques et les corps humains, mais aussi sur l'esprit de leurs citoyens, mais qu'elle peut également être utilisée à des fins malveillantes, comme l'a démontré le scandale Cambridge Analytica.

Le modèle numérique de Cambridge Analytica décrivait comment combiner les données personnelles avec l'apprentissage automatique à des fins politiques en profilant des électeurs individuels pour les cibler avec des publicités politiques personnalisées.

En utilisant les techniques de sondage et de psychométrie les plus avancées, Cambridge Analytica a en fait pu collecter une énorme quantité de données sur les gens qui lui ont permis de comprendre, grâce à des informations économiques, démographiques, sociales et comportementales, ce que chacun d'entre eux pensait. Cela a littéralement ouvert une fenêtre dans l'esprit des gens pour l'entreprise.

L'auteur écrit que "la gigantesque collecte de données organisée par la technologie numérique est désormais largement utilisée pour identifier et anticiper le comportement humain. Les connaissances comportementales sont un atout stratégique. L'économie comportementale adapte la recherche psychologique aux modèles économiques, créant ainsi une vision plus précise des interactions humaines".

Pendant ce temps, de nombreuses entreprises américaines de ce type continuent tranquillement à opérer en Russie et à collecter les données de nos citoyens.

Un autre aspect intéressant relevé dans l'étude sur la guerre cognitive est la cyberpsychologie, qui se situe à la jonction de deux grands domaines : la psychologie et la cybernétique. Comme il a été dit, " tout cela concerne la défense et la sécurité, et tous les domaines qui sont importants pour l'OTAN dans sa préparation à la transformation. La cyberpsychologie, axée sur l'élucidation des mécanismes de la pensée et des concepts, des usages et des limites des systèmes cybernétiques, est une question clé dans le vaste domaine des sciences cognitives. L'évolution de l'intelligence artificielle introduit de nouveaux mots, de nouveaux concepts, mais aussi de nouvelles théories qui englobent l'étude du fonctionnement naturel des humains et des machines qu'ils créent, et qui sont désormais totalement intégrées dans leur environnement naturel (anthropotechnique). Les hommes de demain devront inventer une psychologie de leur rapport aux machines. Mais le défi consiste à développer également une psychologie des machines, des logiciels dotés d'une intelligence artificielle ou des robots hybrides. La cyberpsychologie est un domaine scientifique complexe qui englobe tous les phénomènes psychologiques liés aux technologies évolutives correspondantes ou affectés par elles. La cyberpsychologie étudie la façon dont les humains et les machines s'influencent mutuellement, et explore comment la relation entre les humains et l'intelligence artificielle modifiera l'interaction humaine et la communication inter-machine."

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Le rapport met également en évidence les aspects problématiques de la pensée humaine. Elle indique que "les biais cognitifs peuvent conduire à des jugements inexacts et à une mauvaise prise de décision, ce qui peut provoquer une escalade involontaire ou empêcher l'identification rapide des menaces. Comprendre les sources et les types de biais cognitifs peut aider à réduire les malentendus et à développer des stratégies plus efficaces pour répondre aux tentatives des adversaires de tirer parti de ces biais.

En particulier, le cerveau :

- Ne peut pas déterminer si une information particulière est correcte ou incorrecte ;

- Est utilisé pour déterminer rapidement la validité des messages en cas de surcharge d'informations ;

- A tendance à croire que les déclarations ou les messages qu'il a déjà entendus sont vrais, même s'ils peuvent être faux ;

- Accepte les affirmations comme vraies si elles sont étayées par des preuves, sans tenir compte de l'authenticité de ces preuves".

Il y a également une section sur la Russie. Comme d'autres études de ce type, la référence au rôle de la Russie sert plutôt à justifier le besoin de fonds pour développer des neuro-armes et des techniques de guerre cognitive afin de garantir que l'OTAN ne soit pas dépassée par ses adversaires.

En juin 2021, le Centre a publié une autre étude sur la guerre cognitive.

Il fournit déjà une formulation claire de la terminologie, indiquant que le concept de guerre cognitive a été adopté par l'OTAN.

"La guerre cognitive est une approche globale des armes qui combine les capacités de guerre non cinétique de la cybernétique, de l'information, de l'ingénierie psychologique et sociale pour gagner sans combat physique. Il s'agit d'un nouveau type de guerre, défini comme l'utilisation de l'opinion publique par des acteurs extérieurs comme une arme. Ceci est fait pour influencer et/ou déstabiliser une nation. Ces attaques peuvent être considérées comme une matrice : elles englobent le petit nombre et le grand nombre, influencent les pensées et les actions, visent des cibles allant de la population entière à des mesures individuelles, entre des communautés et/ou des organisations. Les attaques visent à modifier ou à renforcer les pensées. La manière dont elle est menée diffère des domaines plus traditionnels de la guerre. La guerre de l'information tente de contrôler ce que le public cible voit, la guerre psychologique contrôle ce que le public cible ressent, la cyberguerre tente de perturber les capacités technologiques des pays cibles, tandis que la guerre cognitive se concentre sur le contrôle de la façon dont le public cible pense et réagit."

Ce document présente un certain nombre de technologies permettant d'améliorer les performances de l'OTAN. Le premier consiste en des outils de guerre électronique cognitive (GEE) du "monde réel". Il s'agit de l'utilisation de systèmes cognitifs, de l'intelligence artificielle ou de l'apprentissage automatique pour améliorer le développement et le fonctionnement des technologies de guerre électronique (GE) pour la communauté de la défense. Plus proche de la guerre automatisée, elle diffère d'un véritable système cognitif où les plans ont été élaborés en fonction des pensées et du comportement que l'on attendrait de ses adversaires. Il se compose de deux types d'outils CRB. La première est non cinétique et utilise les systèmes REB pour modifier les pensées/comportements de l'ennemi en ciblant ses systèmes d'information/influence. La guerre cinétique, quant à elle, utilise ces systèmes pour modifier les pensées et le comportement de l'ennemi en affectant directement son système nerveux.

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Une deuxième technologie est la bio-impression en 3D à partir de tissus neuronaux... Une autre technologie est le simulateur de performance cognitive en réalité virtuelle. Intégrant l'entraînement en réalité virtuelle et l'analyse des données neuronales, cette approche améliore les performances humaines dans les missions militaires. Il associe la réalité virtuelle à des capteurs d'électroencéphalographie (EEG) et à des systèmes de contrôle humain pour améliorer les performances en analysant les données neurales acquises pendant l'entraînement. Le travail dans un environnement stressant impose souvent des exigences supplémentaires aux individus, faisant de la cognition humaine le facteur le plus important. L'objectif est d'accroître la productivité opérationnelle. Le casque de l'utilisateur est équipé de capteurs qui collectent des données EEG pendant certains tours et tout au long du jeu. Dans le test de Stroop, on demande à l'utilisateur de tirer sur des cibles en trois séries distinctes, exposées à des distractions et à un temps croissant. Après chaque tour, l'utilisateur est placé dans une "salle de repos" où son niveau de stress peut revenir à la ligne de base avant d'être soumis à un autre tour du test. Un rapport de suivi détaillé permet de suivre les résultats techniques et tactiques tels que la précision, la prise de décision et l'excitation. Tout cela s'articule autour d'une évaluation unique des performances à la fin de la simulation. Chaque session est mesurée, stockée et analysée dans un système de contrôle manuel, où les données sont affichées à l'aide d'un tableau de bord virtuel.

Cette dernière technologie consiste en l'informatique et la technologie quantique. C'est le seul moyen de traiter des ensembles de données disparates gigantesques et d'obtenir rapidement des données analytiques. À l'avenir, il sera essentiel de pouvoir effectuer une stimulation neuronale à l'échelle nanométrique chez l'homme."

Nous pouvons donc constater que les experts scientifiques de l'OTAN prennent très au sérieux l'introduction de nouvelles méthodes de guerre fondées sur les dernières avancées dans diverses sciences. Incidemment, les premières victimes des innovations en matière de guerre cognitive, développées par l'OTAN, ont été les Canadiens. Les citoyens de ce pays ont été utilisés comme des cobayes, inconscients de la manipulation à laquelle ils étaient soumis.

En avril 2020, un plan de propagande a été élaboré et mis en œuvre, et l'épidémie de Covid-19 a servi de couverture à ce plan. Bien que les Forces armées canadiennes aient déjà reconnu que "les opérations d'information, les politiques et les doctrines de ciblage sont conçues pour les adversaires et ont une application limitée dans le concept national".

Le plan élaboré par le Commandement des opérations interarmées du Canada, également connu sous le nom de CJOC, reposait sur des méthodes de propagande similaires à celles utilisées pendant la guerre en Afghanistan. La campagne appelait à "façonner" et "utiliser" l'information. Le CJOC a fait valoir que le dispositif d'opérations d'information était nécessaire pour prévenir la désobéissance civile parmi les Canadiens pendant la pandémie de coronavirus et pour renforcer les messages du gouvernement sur le problème.

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Une initiative distincte, sans rapport avec le plan du CJOC mais supervisée par des officiers de renseignement des Forces armées canadiennes, consistait à recueillir des informations à partir de comptes de médias sociaux accessibles au public en Ontario. Des données ont également été collectées sur les réunions de Black Lives Matter et les leaders de BLM. Les officiers supérieurs de l'armée ont affirmé que ces informations étaient nécessaires pour assurer le succès de l'opération Laser, la mission des Forces armées canadiennes visant à aider les foyers de soins de longue durée touchés par le COVID-19, et à contribuer à la distribution de vaccins dans certaines communautés du Nord. Bien sûr, après que l'information ait été rendue publique dans les médias canadiens, peu de gens ont cru ces excuses, car elles n'étaient absolument pas convaincantes. Enfin, il convient de noter que la conférence du réseau d'innovation de l'OTAN a déjà été programmée pour le 9 novembre. Et le 30 novembre, la conférence du Défi Innovation de l'OTAN se tiendra en Ontario. Cela indique que les développements de la guerre cognitive de la part de l'Occident vont se poursuivre.

samedi, 27 mars 2021

Iran contre Israël : une guerre secrète explose en mer

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Iran contre Israël : une guerre secrète explose en mer

Par Lorenzo Vita

Ex : https://it.insideover.com/

La base d'Aitlit, en Israël, est l'un des endroits les plus inaccessibles au monde. Des eaux cristallines, un maquis méditerranéen et un château des croisés font de cette portion du territoire israélien un véritable joyau de nature et d'histoire. Mais personne ne peut la visiter. A quelques mètres de la forteresse d'Aitlit se trouve en effet le quartier général de l'unité la plus redoutable de la marine israélienne: le Shayetet 13. Une unité qui a vu le jour aussi grâce à la contribution fondamentale de notre Dixième Flotille. Certains des meilleurs éléments de la marine italienne sont arrivés en Israël afin de former les hommes qui devront constituer les unités d'élite de la marine de l’Etat hébreu. Mais en plus des hommes, la marine israélienne a importé d'Italie des moyens et des techniques de combat: bateaux à moteur, esquifs explosifs et tactiques de sabotage - les mêmes qui avaient terrorisé la Royal Navy dans toute la Méditerranée - sont désormais entre les mains des commandants militaires de l'État juif. Un "savoir-faire" qui a servi à la flottille 13 d’Israël pour mener à bien la première véritable grande opération de son histoire: le naufrage du navire égyptien Emir Farouk. Pour former le groupe de saboteurs il y avait une vieille connaissance de la Décima: Fiorenzo Capriotti.

Cette prémisse historique nous permet de comprendre l'importance qu'a toujours eue la guerre menée par Israël à l’aide de ces moyens. Et elle nous relie directement à notre époque, avec l'escalade croissante qui  s’amorce entre l'État juif et l'Iran dans les eaux entourant le Moyen-Orient. Le golfe Persique, la mer d'Arabie, la mer Rouge et la Méditerranée orientale elle-même sont devenus ces dernières années de véritables théâtres de guerre de "basse intensité", où se déroule un conflit secret et d'une importance fondamentale impliquant les meilleurs services d'Israël et de la République islamique d'Iran.

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L'attaque rapportée hier par les médias israéliens - un missile aurait frappé un porte-conteneurs appartenant à une société de Haïfa alors qu'il naviguait de la Tanzanie vers l'Inde - n'est que le dernier épisode d'une longue série. Fin février déjà, le gouvernement israélien avait accusé l'Iran d'avoir frappé un autre navire, le Mv Helios Ray, l'obligeant à effectuer des réparations dans le port de Dubaï. Un épisode plutôt obscur, étant donné que les enquêtes se poursuivent et que Téhéran, évidemment, nie toute implication. Mais c'est un événement qui s'inscrit dans une dynamique de guerre qui n'est certainement pas nouvelle, ni pour Israël ni pour l'Iran. Tant en termes d'attaques de navires que de méthodes.

Ces dernières semaines, deux enquêtes, l'une du Wall Street Journal et l'autre du quotidien israélien Haaretz, ont établi que depuis au moins 2019, la marine israélienne a mené des attaques contre des cargos iraniens à destination de la Syrie. Selon l'enquête d'Amos Harel, il y aurait eu des dizaines d'attaques israéliennes contre les pétroliers et les cargos de Téhéran. "Les navires iraniens partent des ports du sud de l'Iran et traversent la mer Rouge, passant par le canal de Suez pour rejoindre la Méditerranée", explique-t-il à Haaretz, "leur port de destination est généralement Banias, dans le nord de la Syrie, qui est situé entre les deux plus grands ports de la côte syrienne, Tartous et Lattaquié". Beaucoup d’observateurs se sont demandés pourquoi ces attaques n'ont jamais été signalées par Damas, Téhéran ou les commandements israéliens eux-mêmes. La réponse pourrait être double. D'une part, Israël n'aurait jamais pu admettre de frapper des navires en Méditerranée, près de Suez et en mer Rouge, car cela aurait révélé un conflit dans une zone où des milliers de navires transitent chaque année. D'autre part, l'Iran et la Syrie ne pourraient pas avouer avoir contourné les sanctions en faisant circuler des navires chargés de pétrole, d'armes et d'autres produits de contrebande. Le seul aveu tacite, du moins du côté israélien, est représenté par l'augmentation exponentielle des honneurs et des médailles pour les hommes de la marine: en l'absence de campagnes évidentes, il est possible qu'il y ait eu des opérations secrètes derrière elles.

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Des opérations dans lesquelles, très probablement, est impliquée précisément la Flottille 13, le Shayetet. Comme l'écrit Gianluca Di Feo dans Repubblica, les commandos "n'auraient pas utilisé d'explosifs, se limitant à saboter les hélices, les gouvernails et autres équipements des pétroliers". Un choix qui génère ipso facto un conflit de basse intensité qui, pourtant, pourrait parfaitement s’inscrire dans les méthodes utilisées par l'élite israélienne. Et qui pourrait également remonter au même type d’escalade amorcée par l'Iran dans le golfe Persique au cours des années précédentes, lorsqu'une série d'enlèvements, de sabotages et de mystérieuses explosions avaient mis en péril le transit naval dans le détroit d'Ormuz. La différence, cependant, réside dans le secret. Cela est très probablement dû aussi au niveau technologique atteint par Israël qui, en ce qui concerne les opérations des forces spéciales, est certainement parmi les premières armées au monde à les mettre en oeuvre.

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Une source qualifiée a évoqué à InsideOver la possibilité que des véhicules pilotés à distance aient également été utilisés, sans qu'il soit nécessaire de saboter le navire en utilisant l'élément humain. Cela les différencierait des forces des Pasdarans, qui ont plutôt été repérées en train de placer des explosifs sur la ligne de flottaison d'une cible. Mais dans tous les cas, poursuit la source, il est important de prendre en considération le type de sabotage perpétré. Un drone, ou tout autre moyen, peut, le cas échéant, appliquer une charge explosive avec un système de fixation magnétique. Les cas de sabotage d’hélices et de gouvernails sont différents, car, au contraire, ils tendent à nécessiter l'action d’un être humain qui doit alors effectuer un travail complexe et, surtout, s’avérer capable de réagir aux facteurs inconnus de la mission. Évidemment, ce type d'attaque ne peut être réalisé qu'avec un navire stationnaire dans un port ou éloigné de la côte mais au mouillage. En revanche, pour les attaques à l’aide missiles, le navire peut aussi être en route. Le navire israélien Lori naviguait en mer d'Arabie, tandis que le Shahr e Kord naviguait au large des côtes israéliennes lorsqu'un incendie s'est déclaré dans les conteneurs.

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En tout cas, le conflit clandestin risque de se transformer de plus en plus en une dangereuse guerre froide impliquant l'une des régions les plus importantes du monde. L'administration de Joe Biden risque d'être entraînée dans un conflit de faible intensité qui rend néanmoins impossible la poursuite des négociations en vue de trouver un accord sur le programme nucléaire iranien et sur la question connexe des missiles de la République islamique. Les risques d'escalade affectent directement le commerce du pétrole, du gaz liquéfié et même de toutes les autres marchandises. Et ils se multiplient. On l'a vu avec Suez: il suffit de rien pour provoquer un effet domino très dangereux pour le monde entier. Et dans ce cas, ce ne sont pas seulement les compagnies marchandes qui seraient concernées, mais aussi les flottes militaires qui n'auraient besoin que d'une seule erreur pour déclencher un gigantesque incendie.

samedi, 20 mars 2021

Des robots de Rossum à l'intelligence artificielle

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Des robots de Rossum à l'intelligence artificielle

par Leonid SAVIN

https://orientalreview.org/  

Le 25 janvier 2021 marque le centenaire de la première de la pièce de théâtre R.U.R. (Rossum's Universal Robots) de l'écrivain tchèque de science-fiction Karel Čapek. Cette courte œuvre a anticipé les livres ultérieurs sur le sujet, ainsi que les films cyberpunk et post-apocalyptiques comme Terminator et Alien: Covenant. Les robots universels de Rossum ont été conçus comme des assistants des humains, mais après un certain temps, ils se rebellent et détruisent la race humaine, à l'exception d'un ouvrier d'usine, dont ils ont besoin pour recréer leur propre espèce.

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Karel Capek.

Le mot "robot" s'est rapidement banalisé et a été appliqué à des mécanismes dotés d'un ensemble limité de fonctions programmables et nécessitant un diagnostic, un entretien et une réparation. Plus récemment, cependant, notamment après le développement des ordinateurs et des cyber-technologies, des discussions sont déjà en cours pour savoir si les machines peuvent penser et prendre des décisions sur un pied d'égalité avec les personnes.

Les dernières réalisations en matière de robotique et d'informatisation ne sont nulle part plus demandées que dans l'armée, notamment aux États-Unis, où des centres spéciaux ont été créés pour développer des programmes, des applications et du matériel spécifiques. De nombreux laboratoires de l'armée américaine, du corps des Marines, de la marine et de l'armée de l'air, avec l'aide de contractants et des principales institutions du pays, mènent à bien les prototypes de modèles avancés - toute cette technologie doit servir les nouvelles guerres que Washington prévoit de déclencher à l'avenir.

Les récentes avancées dans ce domaine sont révélatrices.

Le navire sans équipage Ghost Fleet Overlord a récemment parcouru 4700 miles nautiques avec succès et a participé à l'exercice Dawn Blitz, où il a opéré de manière autonome pendant presque tout le temps.

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Ceux qui s'inquiètent de la puissance croissante de la Chine proposent d'utiliser de tels systèmes pour toutes les relations futures avec l'APL: utiliser des drones suicide sous-marins pour attaquer les sous-marins chinois, par exemple. Les États-Unis parlent déjà de robots de combat sous-marins et de surface qui seraient en cours de développement par l'armée chinoise et que les Chinois appellent une "Grande Muraille sous-marine". C'est pourquoi ils suggèrent d'établir une parité avec les Chinois ou de les surpasser d'une manière ou d'une autre.

Les efforts de la Chine dans ce domaine montrent que la disponibilité de nouveaux types d'armes ne donne aux États-Unis aucune garantie que ces systèmes ne seront pas mis en service par d'autres pays. Par exemple, l'apparition de drones de combat dans un certain nombre de pays a obligé les États-Unis à développer des méthodes et des stratégies pour contrer les drones.

Ainsi, en janvier 2021, le département de la défense américain a publié une stratégie pour contrer les petits systèmes d'aéronefs sans pilote : cette stratégie s'alarme de l'évolution de la nature de la guerre et de la concurrence croissante, qui constituent toutes deux des défis pour la supériorité américaine.

bio-groen.pngLe lieutenant général Michael Groen, directeur du Joint Artificial Intelligence Center du ministère américain de la défense, évoque la nécessité d'accélérer la mise en œuvre de programmes d'intelligence artificielle à usage militaire. Selon lui, "nous pourrions bientôt nous retrouver dans un espace de combat défini par la prise de décision basée sur les données, l'action intégrée et le rythme. En déployant les efforts nécessaires pour mettre en œuvre l'IA aujourd'hui, nous nous retrouverons à l'avenir à opérer avec une efficacité et une efficience sans précédent".

Le Centre interarmées d'intelligence artificielle du Pentagone, créé en 2018, est désormais l'une des principales institutions militaires développant des "logiciels intelligents" pour les futurs systèmes d'armes, de communication et de commandement.

L'intelligence artificielle est désormais le sujet le plus discuté au sein de la communauté de recherche de la défense américaine. C'est une ressource qui peut aider à atteindre certains objectifs, comme permettre aux drones de voler sans supervision, de recueillir des renseignements et d'identifier des cibles grâce à une analyse rapide et complète.

On suppose que le développement de l'intelligence artificielle entraînera une concurrence féroce, car l'IA elle-même se distingue de nombreuses technologies passées par sa tendance naturelle au monopole. Cette tendance au monopole exacerbera les inégalités nationales et internationales. Le cabinet d'audit Pricewaterhouse Coopers prévoit que "près de 16.000 milliards de dollars de croissance du PIB pourraient découler de l'IA d'ici à 2030", dont 70 % pour les seuls États-Unis et la Chine. Si la rivalité est le cours naturel des choses, alors pour les entreprises qui utilisent l'intelligence artificielle à des fins militaires ou pour des technologies à double usage, la considérer de cette manière semblera tout à fait logique. Il s'agira d'un nouveau type de course aux armements.

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Sur le plan éthique, toutefois, les systèmes d'intelligence artificielle militaires pourraient être impliqués dans la prise de décisions visant à sauver des vies ou à prononcer des condamnations à mort. Ils comprennent à la fois des systèmes d'armes autonomes létaux, capables de sélectionner et d'engager des cibles sans intervention humaine, et des programmes d'aide à la décision. Certaines personnes plaident activement en faveur de l'inclusion de machines dans un processus décisionnel complexe. Le scientifique américain Ronald Arkin, par exemple, affirme que non seulement ces systèmes ont souvent une meilleure connaissance de la situation, mais qu'ils ne sont pas non plus motivés par l'instinct de conservation, la peur, la colère, la vengeance ou une loyauté mal placée, suggérant que, pour cette raison, les robots seront moins susceptibles de violer les accords de paix que les personnes.

Certains pensent également que les fonctions de l'intelligence artificielle peuvent transformer la relation entre les niveaux tactique, opérationnel et stratégique de la guerre. L'autonomie et la mise en réseau, ainsi que d'autres technologies, notamment la nanotechnologie, la furtivité et la biogénétique, offriront des capacités de combat tactique sophistiquées au sol, dans les airs et en mer. Par exemple, des bancs de véhicules sous-marins autonomes concentrés à des endroits précis de l'océan pourraient compliquer les actions secrètes des sous-marins qui assurent actuellement une frappe de représailles garantie par les puissances nucléaires. Par conséquent, d'autres plateformes tactiques pourraient également avoir un impact stratégique.

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L'amélioration de la manœuvrabilité est également liée à l'intelligence artificielle. Celle-ci comprend, entre autres, des logiciels et des capteurs qui permettent aux robots d'être autonomes dans des endroits dangereux. C'est l'un des moteurs de l'utilisation de systèmes autonomes par l'armée. L'armée américaine fonde de grands espoirs sur l'autonomie des machines, car elle pourrait offrir une plus grande flexibilité aux personnes qui commandent et combattent aux côtés des robots. Les développeurs américains espèrent passer de 50 soldats soutenant un drone, un véhicule terrestre sans pilote ou un robot aquatique, comme c'est le cas actuellement, à un paradigme où une seule personne soutiendrait 50 robots.

Mais l'intelligence artificielle pourrait aussi créer de sérieux problèmes. L'intelligence artificielle militaire pourrait potentiellement accélérer le combat au point que les actions des machines dépassent les capacités mentales et physiques de ceux qui prennent les décisions dans les postes de commandement d'une guerre future. Par conséquent, la technologie dépassera la stratégie, et les erreurs humaines et de la machine se confondront très probablement - avec des conséquences imprévisibles et involontaires.

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Une étude de la RAND Corporation, qui examine l'influence des machines à penser sur la dissuasion en cas de confrontation militaire, met en évidence les graves problèmes qui pourraient survenir si l'intelligence artificielle était utilisée sur le théâtre de la guerre. Sur la base des résultats des jeux réalisés, il a été démontré que les actions entreprises par une partie, que les deux joueurs percevaient comme ‘’désescalatoires’’, étaient immédiatement perçues par l'intelligence artificielle comme une menace. Lorsqu'un joueur humain retire ses forces afin de désamorcer une situation, les machines sont les plus susceptibles de percevoir cela comme un avantage tactique qui doit être consolidé. Et lorsqu'un joueur humain faisait avancer ses forces avec une détermination évidente (mais pas hostile), les machines avaient tendance à percevoir cela comme une menace imminente et à prendre les mesures appropriées. Le rapport a révélé que les joueurs devaient faire face à la confusion non seulement de ce que pensait leur ennemi, mais aussi de la perception de l'intelligence artificielle de leur ennemi. Les joueurs devaient également faire face à la façon dont leur propre intelligence artificielle pouvait mal interpréter les intentions humaines, qu'elles soient amicales ou hostiles.

En d'autres termes, l'idée contenue dans la pièce de Karel Čapek sur les robots est toujours d'actualité : il est impossible de prévoir le comportement de l'intelligence artificielle. Et si les robots "intelligents" ont un usage militaire, alors ils pourraient aussi devenir un danger pour leurs propriétaires. Même aux États-Unis, certains militaires sceptiques se rangent dans le camp des traditionalistes qui pensent que de telles innovations, imaginées par des utopistes de la Silicon Valley seront nuisibles à la politique de l'État américain.

samedi, 13 février 2021

De Mao au monde multipolaire : l'évolution de la doctrine militaire chinoise

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De Mao au monde multipolaire: l'évolution de la doctrine militaire chinoise

Par Lorenzo Ghigo

Ex : https://geopol.pt

Suite à la crise du modèle international unipolaire et à son énorme croissance économique et technologique, la République populaire de Chine (RPC) est le grand prétendant à l'hégémonie internationale aujourd’hui exercée par les États-Unis. Cette volonté chinoise s’exprime également au niveau militaire. La présence croissante des États-Unis en Asie, la crise persistante à Hong Kong et les relations avec Taïwan ont conduit le gouvernement chinois à abandonner l'isolationnisme qui caractérisait sa politique étrangère au début des années 2000, au profit d'une politique plus affirmée.

La stratégie de la Chine est basée sur la défense et la poursuite des intérêts nationaux, en assurant la sécurité intérieure et extérieure, la souveraineté nationale et le développement économique. Sous le gouvernement de Xi Jinping, le progrès technologique est considéré comme une occasion importante de relancer la nation chinoise et son rôle sur la scène internationale. Au cœur du projet du dirigeant chinois se trouve la création d'un nouvel ordre sinocentrique fondé, au moins formellement, sur des relations d'égalité avec les autres États et visant à la constitution d'"une Asie harmonieuse".

518cB6uGp7L.jpgLa nouvelle doctrine militaire chinoise est à toutes fins utiles une redécouverte et une extension des théories de L'Art de la guerre de Sun Tzu. L'objectif tactique est de conditionner l'esprit et la volonté de l'ennemi dans un cadre stratégique en constante évolution en profitant de situations favorables grâce à divers stratagèmes et tromperies. La pensée militaire chinoise se caractérise par une approche indirecte, il existe chez les Chinois une vision holistique des objectifs qui, contrairement à l'Occident, ne se concentre pas sur une cible spécifique mais sur l'ensemble du système, et le recours à la force doit être utilisé dans le cadre d'une stratégie à long terme en intégrant les sphères militaire et civile, en utilisant la guerre hybride et la cyberguerre dans la conduite des opérations de guerre traditionnelles. L'Armée populaire de libération est en effet en train de développer des capacités opérationnelles et technologiques incroyables dans le cyberespace, non seulement en ce qui concerne l'espionnage et l'acquisition d'informations sensibles, mais aussi en ce qui concerne les attaques sur les infrastructures critiques pendant les conflits armés. La RPC considère le contrôle du cyberespace comme une prérogative essentielle pour affirmer son pouvoir national.

L'armée n'est plus appelée à préparer des guerres menées à grande échelle sur le territoire chinois, mais plutôt des guerres limitées, tant sur le plan de l'entité des objectifs politiques que sur celui de l'intensité de la violence, soit des guerres à mener dans des zones périphériques et circonscrites, principalement des conflits régionaux à forte informatisation.

L'approche maoïste de la guerre semble avoir été définitivement abandonnée, les forces armées sont dépolitisées et, bien que l'influence du parti communiste chinois soit encore forte, on ne peut plus parler d'une armée populaire, mais d'une armée d’élite spécialisée et professionnelle dans les opérations militaires. De plus, en consolidant ses frontières, la Chine a renoncé à une défense stratégique en profondeur, en utilisant une stratégie de projection de forces sur les mers, et d'influence politique dans d’autres pays asiatiques.

Le texte Unristricted Warfare publié par les colonels Qiao Liang et Wang Xiangsui a apporté une contribution notable à la nouvelle doctrine stratégique de la RPC. Cet ouvrage, qui dans l'édition américaine prend le sous-titre de China's Master Plan to Destroy America, prescrit les règles et les stratégies de conduite des conflits contemporains dans le but de défendre les intérêts nationaux en exploitant les nouvelles possibilités offertes par la mondialisation et l'évolution technologique. Le concept de guerre sans restriction prévoit une multiplication de nouveaux types d'armes et que chaque endroit peut devenir un champ de bataille. L'armée, pour faire face aux nouveaux conflits, doit mener des batailles adaptées à ses armes et adapter ses armes à la nouvelle bataille.

Dans le manuel Zhànlüè xué (Science de la stratégie), compilé par le département de recherche stratégique de l'Académie des sciences militaires, il est affirmé que "les champs de bataille sur terre, sur mer, dans les airs, dans l'espace extra-atmosphérique, dans l'espace électromagnétique ne font qu'un ; les combats et les opérations sur chaque champ de bataille sont des conditions pour les combats et les opérations sur les autres".

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Cette vision est basée sur des actions de guerre hybride, qui impliquent non seulement des capacités militaires mais aussi l'application d'un concept holistique de défense nationale par la coopération des secteurs civil et militaire. Les stratèges chinois développent également la doctrine Shashou Jian ("club de fer"), qui vise à dominer l'espace physique et cybernétique en désarmant l'ennemi et en l'empêchant d'être une menace pour l'intérêt national. Ce concept repose sur la nécessité de développer une capacité militaire capable de désarmer l'adversaire avant qu'il ne puisse frapper. L'utilisation d'armes hautement technologiques, de missiles, de cyberarmes, de bombes intelligentes, de drones, est finalisée pour annuler la puissance de feu ennemie.

Toujours à la lumière des conséquences dramatiques de la récente pandémie, la Chine doit se préparer à un scénario international incertain et indéterminé, caractérisé par de nouveaux types de conflits, de nouvelles menaces, de nouvelles technologies, de nouveaux champs de bataille et de nouvelles stratégies.

Publié à l'origine dans Osservatorio Globalizzazione

dimanche, 13 septembre 2020

Le nouveau visage de la guerre : vers la quatrième génération

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Le nouveau visage de la guerre : vers la quatrième génération

par William S. Lind

 
Article original de William S. Lind , publié en octobre 2009 sur le site Global Guerillas 
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

La tâche principale du soldat en temps de paix est de se préparer efficacement à la prochaine guerre. Pour ce faire, il doit anticiper ce que sera la prochaine guerre. C’est une tâche difficile qui devient de plus en plus difficile. Le Général allemand Franz Uhle-Wettler écrit :

Auparavant, un commandant pouvait être certain qu’une guerre future ressemblerait aux guerres passées et présentes. Cela lui permettait d’analyser les tactiques appropriées du passé et du présent. Le commandant de troupe d’aujourd’hui n’a plus cette possibilité. Il sait seulement que quiconque ne parvient pas à adapter les expériences de la dernière guerre perdra sûrement la prochaine.

Co-auteurs : colonel Keith Nightengale (États-Unis), Capitaine John F. Schmitt (USMC), Colonel Joseph W. Sutton (USA), et le lieutenant-colonel Gary I. Wilson (USMCR)

Publication originale : Gazette du corps des Marines, Octobre 1989, pages 22-26 

La question centrale

Si nous examinons l’évolution de la guerre à l’ère moderne, nous voyons trois générations distinctes. Aux États-Unis, l’armée de terre et le corps des Marines s’attaquent maintenant au passage à la troisième génération. Cette transition est tout à fait positive. Cependant, la guerre de troisième génération a été conceptuellement développée par l’offensive allemande au printemps 1918. Elle a maintenant plus de 70 ans. Cela suggère quelques questions intéressantes : N’est-il pas temps qu’une quatrième génération apparaisse ? Si oui, à quoi pourrait-elle ressembler ? Ces questions sont d’une importance capitale. Quiconque est le premier à reconnaître, comprendre et mettre en œuvre un changement de génération peut obtenir un avantage décisif. À l’inverse, une nation qui tarde à s’adapter au changement générationnel s’expose à une défaite catastrophique.

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Notre objectif ici est moins de répondre à ces questions que de les poser. Néanmoins, nous allons proposer quelques réponses provisoires. Pour commencer à voir ce qu’elles pourraient être, nous devons replacer les questions dans leur contexte historique.

Trois générations de guerre

Alors que le développement militaire est généralement un processus évolutif continu, l’ère moderne a connu trois bassins versants dans lesquels le changement a été dialectiquement qualitatif. Par conséquent, le développement militaire moderne comprend trois générations distinctes.

La guerre de première génération reflète les tactiques de l’époque du mousquet à âme lisse, la tactique de la ligne et de la colonne. Ces tactiques ont été développées en partie en réponse à des facteurs technologiques – la ligne maximisait la puissance de feu, l’exercice rigide était nécessaire pour générer une cadence de tir élevée, etc. – et en partie en réponse aux conditions et aux idées sociales, par exemple, les colonnes des armées révolutionnaires françaises reflétaient à la fois l’élan de la révolution et le faible niveau d’entraînement des troupes enrôlées. Bien que rendus obsolètes par le remplacement du canon lisse par le mousquet à canon rayé, les vestiges des tactiques de la première génération subsistent aujourd’hui, notamment dans un désir de linéarité fréquemment rencontré sur le champ de bataille. L’art opérationnel de la première génération n’existait pas en tant que concept, bien qu’il ait été pratiqué par des commandants à titre individuel, notamment Napoléon.

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La guerre de la deuxième génération était une réponse au mousquet à canon rayé, aux chargeurs de culasse, aux fils barbelés, à la mitrailleuse et au tir indirect. Les tactiques étaient basées sur le feu et le mouvement, et elles restaient essentiellement linéaires. La défense essayait toujours d’empêcher toute pénétration, et lors de l’attaque, une ligne dispersée latéralement avançait par petits groupes. Le principal changement par rapport aux tactiques de la première génération a peut-être été la forte dépendance au tir indirect ; les tactiques de la deuxième génération ont été résumées dans la maxime française, « l’artillerie conquiert, l’infanterie occupe ». La massification de la puissance de feu a remplacé la massification des effectifs. Les tactiques de deuxième génération sont restées la base de la doctrine américaine jusqu’aux années 1980, et elles sont toujours pratiquées par la plupart des unités américaines sur le terrain.

Si les idées ont joué un rôle dans le développement des tactiques de deuxième génération (en particulier l’idée de dispersion latérale), la technologie a été le principal moteur du changement. La technologie s’est manifestée à la fois qualitativement, par exemple par une artillerie plus lourde et des avions de bombardement, et quantitativement, par la capacité d’une économie industrialisée à mener une bataille de matériel (Materialschlacht).

La deuxième génération a vu la reconnaissance et l’adoption officielles de l’art opérationnel, d’abord par l’armée prussienne. Là encore, les idées et la technologie ont été les moteurs du changement. Les idées sont issues en grande partie des études prussiennes sur les campagnes de Napoléon. Parmi les facteurs technologiques, von Moltke a réalisé que la puissance de feu tactique moderne exigeait des batailles d’encerclement et a voulu exploiter les capacités du chemin de fer et du télégraphe.

La guerre de troisième génération est également une réponse à l’augmentation de la puissance de feu sur le champ de bataille. Cependant, sa force motrice était avant tout celle des idées. Conscients qu’ils ne pouvaient pas l’emporter dans un concours de matériel en raison de leur base industrielle plus faible pendant la Première Guerre mondiale, les Allemands ont développé des tactiques radicalement nouvelles. Basées sur la manoeuvre plutôt que sur l’attrition, les tactiques de troisième génération ont été les premières à être véritablement non linéaires. L’attaque reposait sur l’infiltration pour contourner et faire s’effondrer les forces de combat de l’ennemi plutôt que de chercher à les approcher directement et à les détruire. La défense était en profondeur et invitait souvent à la pénétration, ce qui préparait l’ennemi à une contre-attaque.

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Alors que les concepts de base des tactiques de troisième génération étaient en place à la fin de 1918, l’ajout d’un nouvel élément technologique – les chars – a marqué un changement majeur au niveau opérationnel pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce changement était une guerre éclair. Dans la blitzkrieg, la base de l’art opérationnel s’est déplacée du lieu (comme dans l’approche indirecte de Liddell-Hart) au temps. Ce changement n’a été explicitement reconnu que récemment dans les travaux du colonel John Boyd, retraité de l’armée de l’air, et dans sa théorie « OODA (observation- orientation- décision- action) « .

Nous voyons donc deux grands catalyseurs de changement dans les nouveautés générationnelles précédentes : la technologie et les idées. Quelle perspective tirons-nous de ces changements antérieurs alors que nous envisageons une quatrième génération de guerre ?

Les éléments qui se perpétuent

Les changements générationnels antérieurs, en particulier le passage de la deuxième à la troisième génération, ont été marqués par une insistance croissante sur plusieurs idées centrales. Quatre d’entre elles semblent susceptibles de se transmettre à la quatrième génération, et même d’étendre leur influence.

La première concerne les ordres de mission. Chaque changement générationnel a été marqué par une plus grande dispersion sur le champ de bataille. Le champ de bataille de la quatrième génération est susceptible d’inclure l’ensemble de la société de l’ennemi. Une telle dispersion, associée à ce qui semble être une importance accrue pour les actions de très petits groupes de combattants, exigera que même le niveau le plus bas opère avec souplesse sur la base de l’intention du commandant.

La deuxième est la diminution de la dépendance à l’égard d’une logistique centralisée. La dispersion, associée à une valeur accrue accordée au rythme, exigera un degré élevé de capacité à vivre du terrain et de l’ennemi.

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Troisièmement, il faut mettre davantage l’accent sur les manœuvres. La masse, en hommes ou en puissance de feu, ne sera plus un facteur déterminant. En fait, la masse peut devenir un inconvénient car elle sera facile à cibler. Les forces petites, très manœuvrables et agiles auront tendance à dominer.

Quatrièmement, l’objectif est de faire s’effondrer l’ennemi intérieurement plutôt que de le détruire physiquement. Les cibles comprendront des éléments tels que le soutien de la population à la guerre et la culture de l’ennemi. L’identification correcte des centres de gravité stratégiques de l’ennemi sera très importante.

En termes généraux, la guerre de quatrième génération semble être largement dispersée et largement indéfinie ; la distinction entre la guerre et la paix sera floue au point de disparaître. Elle sera non linéaire, peut-être au point de ne pas avoir de champs de bataille ou de fronts définissables. La distinction entre « civil » et « militaire » pourrait disparaître. Les actions se produiront simultanément dans toute la profondeur de tous les participants, y compris leur société en tant qu’entité culturelle et non pas seulement physique. Les grandes installations militaires, telles que les aérodromes, les sites de communication fixes et les grands quartiers généraux, deviendront rares en raison de leur vulnérabilité ; il peut en aller de même pour leurs équivalents civils, tels que les sièges du gouvernement, les centrales électriques et les sites industriels (y compris les industries du savoir et de la fabrication). Le succès dépendra fortement de l’efficacité des opérations conjointes, car les limites entre la responsabilité et la mission deviennent très floues. Là encore, tous ces éléments sont présents dans la guerre de troisième génération ; celle de quatrième génération ne fera que les accentuer.

Potentiel technologique de la quatrième génération

Si nous combinons les caractéristiques générales de la guerre de quatrième génération mentionnées ci-dessus avec les nouvelles technologies, nous voyons une ébauche possible de la nouvelle génération. Par exemple, l’énergie dirigée peut permettre à de petits éléments de détruire des cibles qu’ils ne pourraient pas attaquer avec des armes à énergie conventionnelle. L’énergie dirigée peut permettre d’obtenir des effets EMP (impulsion électromagnétique) sans explosion nucléaire. La recherche sur la supraconductivité suggère la possibilité de stocker et d’utiliser de grandes quantités d’énergie dans de très petits conteneur. Sur le plan technologique, il est possible qu’un très petit nombre de soldats puisse avoir le même effet sur le champ de bataille qu’une brigade actuelle.

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Le développement de la robotique, des véhicules pilotés à distance, de la faible probabilité d’interception des communications et de l’intelligence artificielle pourrait offrir la possibilité de modifier radicalement les tactiques. À son tour, la dépendance croissante à l’égard de ces technologies pourrait ouvrir la porte à de nouvelles vulnérabilités, telles que la vulnérabilité aux virus informatiques.

De petits éléments très mobiles, composés de soldats très intelligents armés d’armes de haute technologie, peuvent parcourir de vastes zones à la recherche de cibles critiques. Les cibles peuvent être plus dans le secteur civil que dans le secteur militaire. Les termes « avant-arrière » seront remplacés par « ciblé – non ciblé ». Cela pourrait à son tour modifier radicalement la manière dont les services militaires sont organisés et structurés.

Les unités combineront les fonctions de reconnaissance et de frappe. Des moyens « intelligents » à distance, dotés d’une intelligence artificielle préprogrammée, pourraient jouer un rôle clé. Parallèlement, les plus grandes forces défensives pourraient être la capacité à se cacher et à duper ces moyens.

Les niveaux tactique et stratégique se mélangeront à mesure que l’infrastructure politique et la société civile de l’adversaire deviendront des cibles sur le champ de bataille. Il sera d’une importance capitale d’isoler l’ennemi de sa propre patrie car un petit nombre de personnes sera capable de faire de grands dégâts en très peu de temps.

Les dirigeants devront être maîtres à la fois de l’art de la guerre et de la technologie, une combinaison difficile car deux mentalités différentes sont en jeu. Les principaux défis auxquels seront confrontés les commandants à tous les niveaux comprendront la sélection des cibles (qui sera une décision politique et culturelle, et pas seulement militaire), la capacité de se concentrer soudainement à partir d’une très grande dispersion, et la sélection de subordonnés capables de gérer le défi d’une supervision minimale ou nulle dans un environnement en évolution rapide. Un défi majeur consistera à gérer l’énorme surcharge potentielle d’informations sans perdre de vue les objectifs opérationnels et stratégiques.

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Les opérations psychologiques peuvent devenir l’arme opérationnelle et stratégique dominante sous la forme d’une intervention dans les médias/informations. Des bombes logiques et des virus informatiques, y compris des virus latents, peuvent être utilisés pour perturber les opérations civiles et militaires. Les adversaires formés aux techniques de la guerre de quatrième génération seront habiles à manipuler les médias pour modifier l’opinion nationale et mondiale au point que le recours habile aux opérations psychologiques empêchera parfois l’engagement de forces de combat. L’une des principales cibles sera le soutien de la population ennemie à son gouvernement et à la guerre. Les informations télévisées peuvent devenir une arme opérationnelle plus puissante que les divisions blindées.

Ce type de guerre de haute technologie de quatrième génération peut porter en elle les germes de la destruction nucléaire. Son efficacité pourrait rapidement éliminer la capacité d’un adversaire doté de l’arme nucléaire à mener une guerre de manière conventionnelle. La destruction ou la perturbation des capacités industrielles vitales, de l’infrastructure politique et du tissu social, associée à des changements soudains dans l’équilibre des pouvoirs et aux émotions qui en découlent, pourrait facilement conduire à une escalade vers les armes nucléaires. Ce risque peut dissuader les puissances nucléaires de se livrer à une guerre de quatrième génération, tout comme il dissuade les grandes puissances conventionnelles de se livrer à une guerre conventionnelle aujourd’hui.

Il convient de mettre en garde contre la possibilité d’une quatrième génération à base technologique, du moins dans le contexte américain. Même si l’état de la technique permet une quatrième génération de haute technologie et ce qui n’est pas clairement le cas [en 1989, depuis …, NdT], la technologie elle-même doit être traduite en armes qui soient efficaces dans le combat réel. À l’heure actuelle, notre processus de recherche, de développement et d’acquisition a beaucoup de mal à effectuer cette transition. Il produit souvent des armes qui incorporent des technologies de pointe non pertinentes au combat ou trop complexes pour fonctionner dans le chaos du combat. Trop d’armes dites « intelligentes » fournissent des exemples ; en combat, elles sont faciles à contrer, échouent de par leur propre complexité ou imposent des exigences impossibles à leurs opérateurs. Le processus américain actuel de recherche, de développement et d’acquisition pourrait tout simplement ne pas être en mesure d’assurer la transition vers une quatrième génération d’armes militairement efficaces.

Une quatrième génération potentielle menée par des idées

La technologie a été le principal moteur de la deuxième génération de guerres ; les idées ont été le principal moteur de la troisième. Une quatrième génération basée sur les idées est également envisageable.

Depuis environ 500 ans, l’Occident a défini la guerre. Pour qu’une armée soit efficace, elle devait généralement suivre les modèles occidentaux. La force de l’Occident étant la technologie, il peut avoir tendance à concevoir une quatrième génération en termes technologiques.

Cependant, l’Occident ne domine plus le monde. Une quatrième génération peut émerger de traditions culturelles non occidentales, telles que les traditions islamiques ou asiatiques. Le fait que certaines régions non occidentales, comme le monde islamique, ne sont pas fortes en matière de technologie peut les amener à concevoir une quatrième génération par le biais d’idées plutôt que de technologies.

La genèse d’une quatrième génération basée sur les idées peut être visible dans le terrorisme. Cela ne veut pas dire que le terrorisme est une guerre de quatrième génération, mais plutôt que certains de ses éléments peuvent être des signes indiquant une quatrième génération.

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Certains éléments du terrorisme semblent refléter les « séquelles » de la guerre de troisième génération, déjà mentionnées. Les terroristes les plus efficaces semblent opérer sur la base d’ordres de mission généraux qui se ramènent au niveau du terroriste individuel. Le « champ de bataille » est très dispersé et comprend l’ensemble de la société de l’ennemi. Le terroriste vit presque entièrement sur le territoire et le dos de l’ennemi. Le terrorisme est essentiellement une question de manœuvre : la puissance de feu du terroriste est faible, mais le lieu et le moment où il l’applique sont critiques.

Il faut noter deux éléments supplémentaires qui se perpétuent, car ils peuvent être des « signaux » utiles pointant vers la quatrième génération. Le premier est un élément de l’effondrement de l’ennemi. Il s’agit d’un déplacement de l’attention du front de l’ennemi vers ses arrières. Le terrorisme doit chercher à faire s’effondrer l’ennemi de l’intérieur car il n’a guère la capacité (du moins à l’heure actuelle) d’infliger des destructions massives. La guerre de première génération s’est concentrée, sur le plan tactique et opérationnel (lorsque l’art opérationnel était pratiqué), sur le front de l’ennemi, ses forces de combat. La guerre de la deuxième génération est restée tactiquement frontale, mais au moins dans la pratique prussienne, elle s’est concentrée opérationnellement sur l’arrière de l’ennemi en mettant l’accent sur l’encerclement. La troisième génération a déplacé l’accent tactique ainsi que l’accent opérationnel vers l’arrière de l’ennemi. Le terrorisme va encore plus loin dans cette voie. Il tente de contourner entièrement l’armée de l’ennemi et de frapper directement sa patrie sur des cibles civiles. Dans l’idéal, l’armée de l’ennemi n’a tout simplement pas d’importance pour le terroriste.

Le deuxième signe est la façon dont le terrorisme cherche à utiliser la force de l’ennemi contre lui. Ce concept de guerre venant du « judo » [ou aïkido, NdT] commence à se manifester dans la deuxième génération, dans la campagne et la bataille d’encerclement. Les forteresses de l’ennemi, telles que Metz et Sedan, deviennent des pièges mortels. Il est poussé plus loin dans la troisième génération où, sur la défensive, un camp essaie souvent de laisser l’autre pénétrer, de sorte que son propre élan le rend moins apte à se retourner et à faire face à une contre-attaque.

Les terroristes utilisent contre elle la liberté et l’ouverture d’une société libre, ses plus grandes forces. Ils peuvent se déplacer librement au sein de notre société tout en travaillant activement à la subvertir. Ils utilisent nos droits démocratiques non seulement pour pénétrer, mais aussi pour se défendre. Si nous les traitons dans le cadre de nos lois, ils bénéficient de nombreuses protections ; si nous les abattons simplement, les informations télévisées peuvent facilement les faire apparaître comme des victimes. Les terroristes peuvent mener efficacement leur forme de guerre tout en étant protégés par la société qu’ils attaquent. Si nous sommes contraints de mettre de côté notre propre système de protection juridique pour faire face aux terroristes, ceux-ci remportent une autre sorte de victoire.

Le terrorisme semble également représenter une solution à un problème qui a été généré par les changements générationnels précédents, mais qui n’a été réellement traité par aucun d’entre eux. Il s’agit de la contradiction entre la nature du champ de bataille moderne et la culture militaire traditionnelle. Cette culture, incarnée dans les grades, le salut aux uniformes, les exercices, etc., est en grande partie un produit de la guerre de la première génération. C’est une culture de l’ordre. À l’époque où elle a évolué, elle était en accord avec le champ de bataille, qui était lui-même dominé par l’ordre. L’armée idéale était une machine parfaitement huilée, et c’est ce que la culture militaire de l’ordre cherchait à produire.

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Cependant, chaque nouvelle génération a apporté un changement majeur vers un champ de bataille en désordre. La culture militaire, qui est restée une culture de l’ordre, est devenue contradictoire avec le champ de bataille. Même dans la guerre de troisième génération, la contradiction n’a pas été insoluble ; la Wehrmacht l’a efficacement surmontée, en maintenant extérieurement la culture traditionnelle de l’ordre tout en démontrant au combat la capacité d’adaptation et la fluidité qu’exige un champ de bataille désordonné. Mais d’autres armées, telles que celle des Britanniques, ont moins bien réussi à gérer la contradiction. Elles ont souvent tenté de transposer la culture de l’ordre sur le champ de bataille avec des résultats désastreux. À Biddulphsberg, par exemple, lors de la guerre des Boers, une poignée de Boers a vaincu deux bataillons de la Garde britannique qui se sont battus comme à la parade.

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La contradiction entre la culture militaire et la nature de la guerre moderne confronte un service militaire traditionnel à un dilemme. Les terroristes résolvent ce dilemme en éliminant la culture de l’ordre. Les terroristes n’ont pas d’uniformes, d’exercices, de saluts ou, pour la plupart, de grades. Potentiellement, ils ont ou pourraient développer une culture militaire conforme à la nature désordonnée de la guerre moderne. Le fait que leur culture générale puisse être non occidentale peut faciliter ce développement.

Même au niveau de l’équipement, le terrorisme peut indiquer des signes de changement de génération. En règle générale, une génération plus âgée a besoin de ressources beaucoup plus importantes pour parvenir à une fin donnée que celle qui suit. Aujourd’hui, les États-Unis dépensent 500 millions de dollars pièce pour des bombardiers furtifs. Une bombe furtive d’un terroriste est une voiture avec une bombe dans le coffre – une voiture qui ressemble à toutes les autres voitures.

Le terrorisme, la technologie et au-delà

Encore une fois, nous ne suggérons pas que le terrorisme est la quatrième génération. Ce n’est pas un phénomène nouveau et, jusqu’à présent, il s’est avéré largement inefficace. Cependant, que voyons-nous si nous combinons le terrorisme avec certaines des nouvelles technologies dont nous avons parlé ? Par exemple, cette efficacité pourrait-elle être celle du terroriste si sa voiture piégée était le fruit du génie génétique plutôt que d’explosifs puissants ? Pour démontrer encore davantage le potentiel de notre quatrième génération, que se passerait-il si nous combinions le terrorisme, la haute technologie et les éléments supplémentaires suivants ?

  • Une base non nationale ou transnationale, telle qu’une idéologie ou une religion. Nos capacités de sécurité nationale sont conçues pour fonctionner dans le cadre d’un État-nation. En dehors de ce cadre, elles rencontrent de grandes difficultés. La guerre contre la drogue en est un exemple. Comme le trafic de drogue n’a pas de base d’État-nation, il est très difficile de l’attaquer. L’État-nation protège des barons de la drogue mais ne peut pas les contrôler. Nous ne pouvons pas les attaquer sans violer la souveraineté d’une nation amie. Un attaquant utilisant des technologies de type quatrième génération pourrait bien agir de la même manière, comme le font déjà certains terroristes du Moyen-Orient.
  • Une attaque directe sur la culture de l’ennemi. Une telle attaque fonctionne aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur. Elle peut contourner non seulement l’armée de l’ennemi, mais aussi l’État lui-même. Les États-Unis souffrent déjà beaucoup d’une telle attaque culturelle sous la forme du trafic de drogue. La drogue attaque directement notre culture. Ils ont le soutien d’une puissante « cinquième colonne », les acheteurs de drogue. Ces derniers court-circuitent tout l’appareil d’État malgré nos meilleurs efforts. Certains éléments idéologiques en Amérique du Sud voient la drogue comme une arme ; ils l’appellent le « missile balistique intercontinental du pauvre ». Ils apprécient le trafic de drogue non seulement pour l’argent qu’il rapporte et qui nous permet de financer la guerre contre nous-mêmes, mais aussi pour les dommages qu’il cause aux Nord-Américains détestés.

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  • Une guerre psychologique très sophistiquée, notamment par la manipulation des médias, en particulier des informations télévisées. Certains terroristes savent déjà comment jouer à ce jeu. Plus largement, les forces hostiles pourraient facilement tirer profit d’une production importante de reportages télévisés – le fait que, à la télévision, les pertes de l’ennemi peuvent être presque aussi dévastatrices sur le front intérieur que les pertes de l’ami. Si nous bombardons une ville ennemie, les images de civils ennemis morts, diffusées dans tous les salons du pays au journal télévisé du soir, peuvent facilement transformer ce qui aurait pu être un succès militaire (en supposant que nous ayons également atteint la cible militaire) en une grave défaite.

Tous ces éléments existent déjà. Ils ne sont pas le produit du « futurisme », du regard dans une boule de cristal. Nous nous demandons simplement à quoi nous ferions face s’ils étaient tous combinés. Une telle combinaison constituerait-elle au moins les débuts d’une guerre de quatrième génération ? L’une des idées qui suggère qu’ils pourraient l’être est que les militaires de la troisième (pour ne pas parler de la deuxième) génération semblent avoir peu de capacités contre une telle synthèse. Ceci est typique des changements de génération.

Le but de cet article est de poser une question, et non d’y répondre. Les réponses partielles suggérées ici peuvent en fait s’avérer être de fausses pistes. Mais compte tenu du fait que la guerre de troisième génération a maintenant plus de 70 ans, nous devrions nous poser la question suivante : que sera la quatrième génération ?

William S. Lind

vendredi, 11 septembre 2020

Vers l'autodéfense ? Entretien avec Eric Werner

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Vers l'autodéfense ?

Entretien avec Eric Werner

Ex: https://cocardeetudiante.com

L’été Orange mécanique que la France a vécu a mis au centre du débat politique le concept d’ « ensauvagement », repris jusqu’au sommet de l’État par le ministre de l’Intérieur. Pour remédier à ce phénomène, l’appel à un renforcement de l’État et à un tour de vis régalien est la solution la plus largement partagée, du moins celle qui paraît aller de soi. Or, à Palavas-les-Flots, à Bordeaux, ou encore à Nantes, des citoyens, désabusés de la dégradation de leur environnement quotidien, se sont constitués en collectifs pour prendre en charge eux-mêmes leur sécurité. Une même unanimité condamne cette voie vers l’ « autodéfense », considérée comme le début de la fin d’une société. Mais faut-il être si inquiet ?

ob_c081c3_autodefense-werner.jpgNous avons posé un certain nombre de questions au philosophe et essayiste suisse Eric Werner, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et ayant enseigné la philosophie politique à l’Université de Genève. Rédacteur à L’Antipresse, contributeur régulier de la revue Elements, il a publié récemment Légitimité de l’autodéfense: Quand peut-on prendre les armes? aux éditions Xenia (2019, 109 p.).


Question 1 : Dans votre ouvrage, vous analysez l’effacement, dans nos sociétés occidentales, de la frontière entre la guerre et la paix, et le mélange des deux états. L’actualité française est marquée par une succession dramatique d’agressions et d’homicides ultra-violents, aux motifs dérisoires et dont les auteurs sont quasi-systématiquement étrangers, « migrants » ou d’origine étrangère. Le concept d’ « ensauvagement » vous semble-t-il opérant pour analyser et comprendre ce phénomène ?

Eric Werner : Effectivement, la frontière entre la guerre et la paix tend à s’effacer, ce qui fait qu’on ne sait plus trop aujourd’hui par où elle passe. C’est très flou. Mais il faut aller plus loin encore. C’est la question même de savoir si l’on est en paix ou en guerre qui apparaît aujourd’hui dépassée. Elle l’est pour une raison simple, c’est que tout, aujourd’hui, est guerre. La guerre est devenue « hors limites » (pour reprendre le titre du livre de Qiao Liang et Wang Xiangsui). Il n’y a plus dès lors à se demander si l’on est en paix ou en guerre. Car a priori l’on est en guerre. C’est le cas en particulier au plan interne. Il y a différentes manières de qualifier l’état de choses actuel en France, mais on pourrait se demander si la référence à la paix civile est bien encore la plus appropriée.

Entrons un peu maintenant dans les détails. Vous parlez d’ « agressions et d’homicides ultra-violents, aux motifs dérisoires ». Plus ils sont dérisoires, plus évidemment on est amené à se demander si la véritable motivation ne serait pas d’ordre politique. Sauf que cette motivation ne s’affiche pas toujours ouvertement. On peut en revanche se référer au contexte : djihad, indigénisme, surenchères post- ou décoloniales, iconoclasme, culture Woke, etc. Rappelons également la formule de Clausewitz : la guerre, poursuite de la politique par d’autres moyens. La criminalité en elle-même n’est pas la guerre. Elle ne le devient que lorsqu’elle devient un moyen de la politique. Mais alors, très clairement, le devient. On pourrait se demander si ce n’est pas aujourd’hui le cas.
Autre point à considérer : on est en présence d’un phénomène évolutif. Pour l’instant encore, les agressions et les meurtres dont vous parlez (auxquels il faudrait ajouter les viols collectifs, les profanations d’églises et de cimetières, d’innombrables actes de vandalisme, probablement aussi un certain nombre d’incendies, etc.) relèvent de la micro-criminalité (ou encore d’une criminalité « moléculaire »). Autrement dit, ils restent dispersés dans le temps et dans l’espace, ne constituent donc pas encore un ensemble d’un seul tenant. Mais il est tout à fait concevable qu’ils le deviennent un jour, ne serait-ce qu’au travers de la contagion mimétique. Vous-même le relevez d’ailleurs, ils tendent aujourd’hui à se multiplier. C’est le cas en particulier dans les centre-villes, jusqu’ici relativement épargnés. Relevons au passage l’inexistence, ou quasi-inexistence, de la réponse policière, avec pour conséquence le développement d’un  sentiment d’impunité poussant les voyous et les criminels à se montrer toujours plus agressifs et entreprenants. Bref, on a de bonnes raisons de penser qu’à un moment donné, une « coagulation », se fera,  la micro-criminalité en question se transmuant alors en émeute (à l’échelle d’un quartier, d’abord, puis d’une ville). L’événement n’est pas complètement inédit. Rappelons pour mémoire les émeutes raciales de 2005 en région parisienne (avec des débordements jusqu’au cœur de la capitale). C’est une deuxième étape de l’évolution. Mais il peut y en avoir encore une troisième. Du niveau de l’émeute on peut ensuite passer à celui de l’insurrection. L’émeute s’étend dès lors à l’ensemble du territoire. C’est ce qui s’était passé, par exemple, en 1789. Rien ne dit que le processus actuel ira jusqu’à son terme, mais on ne saurait a priori en exclure la possibilité. Tout dépend de ce que décideront ou non de faire les victimes potentielles : se défendront-elles ou non ? En 1789, elles s’attendaient si peu à ce qui leur arriva qu’elles n’eurent pas le temps seulement de se poser la question. Et donc ne se défendirent pas. C’est bien montré par Taine dans Les Origines de la France contemporaine.

Je réponds par là même à votre question sur l’ensauvagement. Cette terminologie est évidemment inadéquate. Les voyous et les criminels qui agressant aujourd’hui les personnes dans la rue et souvent les tuent, ne le font pas parce qu’ils seraient soi-disant retournés à l’état sauvage. Ils font la guerre, c’est tout. La guerre, que je sache, ne s’est jamais signalée par son caractère particulièrement humain ou civilisé.

Question 2 : L’État ne semble pas prendre la mesure de la gravité de la situation, ne serait-ce que dans le choix des mots de ses responsables (« incivilités ») ou dans l’absence de traitement des causes profondes de cette ultraviolence et de l’insécurité permanente. Peut-on dire qu’en France, le pacte social entre l’Etat et ses citoyens est rompu ? 

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E. W : L’Etat ne semble pas prendre la mesure de la gravité de la situation, dites-vous. Il en a au contraire tout a fait pris la mesure, puisqu’il est lui-même à l’origine de cet état de choses, ne serait-ce qu’en l’ayant laissé se développer comme il l’a fait. Mais on pourrait aussi le soupçonner de l’avoir lui-même mis en place. En tout cas, il n’a rien fait pour en empêcher ou seulement même freiner la mise en place (par un meilleur contrôle des frontières, par exemple, ou encore en veillant à ce que les voyous et les criminels se voient appliquer les peines prévues par la loi : ce qui, on le sait, n’est jamais le cas). Sauf qu’il ne le qualifierait pas, quant à lui, de « grave ». Comme il lui est à tous égards hautement profitable, au moins le pense-t-il (c’est pour cette raison même qu’il l’a laissée se mettre en place), il le qualifierait plutôt de réjouissant.

En revanche une question se pose : dans quelle mesure entend-t-il aller plus loin encore dans cette direction ? Dans mon Avant-guerre civile, je défendais l’idée suivant laquelle les dirigeants étaient prêts à aller jusqu’à l’extrême limite séparant l’avant-guerre civile de la guerre civile, mais pas au-delà. Ils ne voulaient pas basculer dans la guerre civile. C’est une thèse qu’on pouvait encore défendre en 1999 (date de la publication de la première édition de l’ouvrage), peut-être encore en 2015 (date de la deuxième édition). J’hésiterais peut-être à le faire en 2020. On a parfois le sentiment que les dirigeants actuels seraient désormais prêts à franchir la ligne de démarcation. Ce thème est développé avec brio par Laurent Obertone dans son roman d’anticipation, Guérilla. Obertone décrit une guerre civile hypothétique, avec en arrière-plan l’Etat qui tire les ficelles, et en fin de compte empoche la mise. Il s’agit là d’une œuvre de fiction, mais le décryptage qu’elle suggère de la stratégie actuelle de l’Etat, plus exactement encore des personnels qui, tout au sommet de l’Etat (ou dans ses profondeurs, comme on voudra), prennent les décisions dans un certain nombre de domaines retient l’attention. – Quant au pacte social entre l’Etat et ses citoyens, il n’y a, bien entendu, plus de pacte depuis longtemps, puisque depuis longtemps également l’Etat ne protège plus ses citoyens. Mais ce n’est pas seulement le cas en France : c’est le cas également  en nombre d’autres pays européens.

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Question 3 : Avec la vague d’attaques djihadistes que la France a subie depuis 2015, souvent conduites de manière tout à fait « artisanale » (attaques au couteau), l’idée d’une reprise en main de sa défense par le citoyen lui-même a gagné du terrain dans les esprits. Le citoyen, ou un regroupement de citoyens, est-il l’échelon le plus efficace aujourd’hui pour assurer la protection du peuple français ?

E. W : Le plus efficace, je ne sais pas. De toutes les manières, il n’y en a pas d’autre. A partir du moment où l’Etat n’assure plus la protection du citoyen, ce dernier récupère ipso facto son droit naturel à l’autodéfense. Il n’y a pas de décision particulière à prendre à ce sujet, cela se fait automatiquement. Soit l’Etat fait ce qu’il lui revient de faire (c’est le pacte social qui le lui impose), et donc protège le citoyen, soit il ne le fait pas, en quel cas le citoyen récupère son droit à l’autodéfense. Maintenant, il peut aussi ne pas l’utiliser. Mais ce n’est pas parce qu’il ne l’utilise pas qu’il ne l’a pas récupéré. La question que vous posez doit donc être reformulée. On peut ne pas vouloir se défendre, c’est tout à fait possible. Mais qu’est-il préférable : se défendre ou ne pas se défendre ? Personnellement je réponds : se défendre, et cela pour au moins deux raisons : 1) L’agresseur préférerait le contraire, que je ne me défende pas. Je ferai donc ce qu’il n’a pas envie que je fasse : je me défendrai. 2) L’expérience historique montre qu’on a bien davantage de chances de rester entier et vivant en se défendant qu’en ne se défendant pas. On le voit en particulier durant les périodes de révolution et de guerre civile. Les gens qui ne se défendent pas sont à peu près sûrs de mourir. Ceux, en revanche, qui se défendent ont une petite chance au moins de s’en tirer.

« En choisissant de se défendre plutôt que de ne pas le faire, on ne se confronte pas seulement à l’agresseur mais à l’Etat, qui directement ou non protège l’agresseur. »

Après, il y a manière et manière de se défendre. On décide en fonction de chaque situation. Dans mon livre sur l’autodéfense, j’insiste en particulier sur le fait qu’en choisissant de se défendre plutôt que de ne pas le faire, on ne se confronte pas seulement à l’agresseur mais à l’Etat, qui directement ou non protège l’agresseur. Théoriquement l’Etat reconnaît le droit à la légitime défense, mais cette reconnaissance, justement, n’est que théorique : en fait, il ne le reconnaît pas. Il ne laisse même rien passer dans ce domaine. Il faut donc faire très attention à ce qu’on fait (et dit). Je n’affirme pas qu’il ne faut rien faire. Mais il faut être prudent, discret, plutôt en retrait (je pense en particulier ici à l’Internet). Le problème a souvent été abordé dans le cinéma américain. Je pense en particulier au film de Peter Hyams, La nuit des juges, sorti dans les années 80.  – Un mot enfin sur la « protection du peuple français ». Je crois que si vous réussissez à vous protéger vous-mêmes (vous-même en tant qu’individu, éventuellement groupe d’individus), c’est déjà beaucoup.

Question 4 : La notion de citoyen-soldat, ou l’idée de confier à l’individu les moyens de sa défense, restent néanmoins particulièrement mal perçues en Europe, très vite associées à l’image de « milices » sans foi ni loi ou conduisant nécessairement à des « carnages » de tireurs fous à la sauce états-unienne. Comment expliquez-vous cette diabolisation de l’autodéfense et du port d’arme ?

E. W : Qu’y a-t-il là de si surprenant ? Vous attendriez-vous peut-être à ce que l’Etat et les médias à sa solde les enjolivent ou en fassent l’apologie ? Si l’Etat leur était favorable, cela se saurait. Il leur est en réalité totalement hostile. C’est peut-être même la chose du monde à laquelle il est le plus hostile. Cela étant, puisque vous évoquez les Etats-Unis, il faut aussi rappeler que la situation en la matière est profondément différente des deux côtés de l’Atlantique. Aux Etats-Unis le droit de porter des armes est considéré comme un droit fondamental (2ème amendement de la constitution), en certains Etats, même, comme un devoir. Les citoyens ont le devoir d’être armés et de se défendre quand ils sont attaqués. C’est l’inverse exactement en Europe. On vous recommande avec la plus grande fermeté de ne pas vous défendre. C’est un très lourd handicap pour les Européens. Les Européens partent de beaucoup plus bas dans ce domaine que les Américains.

Question 5 : Sous les effets conjugués de la mondialisation libérale, de la perte de souveraineté au bénéfice d’instances supranationales, et de l’immigration massive, la cité « France » est de plus en plus une chimère, et le beau mot de « citoyen » a été dépossédé de son sens. Vous expliquez dans votre essai que la sentence « je réplique donc je suis » peut redonner à la citoyenneté et à la loi (nomos) leurs lettres de noblesse, comment ?

E. W : D’une manière générale, la guerre civile a pour effet de redistribuer les cartes, de remettre les compteurs à  zéro. Elle offre ainsi l’occasion d’une refondation. C’est ce qu’explique Giorgio Agamben dans son essai sur la stasis, autrement dit la guerre civile (La guerre civile : Pour une théorie politique de la stasis, Editions Points, 2015). La stasis, écrit-il, « est un paradigme politique coessentiel à la cité ». On est dans un cycle mort-résurrection. La cité meurt avec la stasis, mais la stasis est en même temps ce qui la fait renaître de ses cendres. Elle renaît évidemment autre. Ce n’est plus la même cité qu’auparavant. Mais renaît. Concrètement, on sort de l’état de nature pour en revenir à l’état civil. Un nouveau pacte social est conclu entre de nouveaux citoyens (en l’espèce, citoyens-soldats). On pourrait aussi se référer à Machiavel. Dans Un air de guerre (Xenia, 2016), j’explique que, pour Machiavel, c’est la guerre elle-même qui rend apte à la guerre. On n’a donc pas besoin d’être apte à la guerre pour la faire. La guerre elle-même nous y éduque. Or l’aptitude à la guerre n’est pas sans lien avec un certain nombre de vertus proprement civiques: courage, empathie, dévouement au bien commun, etc. Il est vrai qu’au point de départ, il y a une décision personnelle : se défendre et donc répliquer, plutôt que rester passif et ne pas répliquer. Le choix de se défendre précède la guerre qui rend apte à la guerre.

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Question 6 : Diriez-vous qu’aujourd’hui l’Etat, tel qu’il est et agit, représente le principal obstacle à la bonne vie et la protection du citoyen ?

E. W : On peut le dire comme ça. On pourrait aussi dire que l’Etat est aujourd’hui l’ennemi prioritaire. Ce n’est bien entendu pas le seul ennemi : il y en quantité d’autres. Mais c’est l’ennemi prioritaire. Si on ne l’écarte pas en priorité, on n’écartera pas non plus les autres, ne serait-ce que parce qu’il est leur allié et les protège. Ce n’est pas être anarchiste que de le dire. Personnellement je ne suis pas anarchiste. Je reconnais tout à fait l’utilité de l’Etat, et à certains égards, même, sa nécessité. On a tout à fait besoin de lui, par exemple, pour résister à une invasion étrangère. Mais je ne suis pas non plus un inconditionnel de l’Etat. L’Etat n’est pas a priori mon ami. Il ne l’est que s’il se conduit en conformité avec le pacte social, qui lui fait obligation de protéger le citoyen. Autrement non, il ne l’est pas. Il l’est encore moins quand il m’agresse, comme c’est de plus en plus le cas aujourd’hui. Il est alors mon ennemi, et que cela lui plaise ou non je prends toutes les mesures que j’estime utiles et nécessaires pour me protéger contre lui.

vendredi, 04 septembre 2020

Pas de souveraineté européenne sans défense commune

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Pas de  souveraineté  européenne sans défense commune

par le Général Vincent Desportes

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Cet article est du général Vincent Desportes ancien directeur de l'Ecole de Guerre Professeur des universités associé à Sciences Po Paris. Notre observation: qui dans l'Union européenne, actuellement dominée par les intérêts américains, prendrait le risque de soutenir cette position?

Mali, Méditerranée orientale, Niger et même cyberespace... Les situations de conflits apparaissent partout et l'Europe semble les bras ballants.  Elle doit assumer une stratégie de puissance.

Dans la succession des crises qui secouent le monde, que fait l'Europe ? Rien, ou trop peu. Tension politique en Biélorussie, chantage turc aux réfugiés, coup d'Etat au Mali, chaos guerrier en Libye, autodestruction du Yémen : l'Europe, première puissance économique, regarde presque passive se régler des problèmes qui la concernent au premier chef ! Au plan international, elle paraît absente et compte sur d'autres pour garantir ses lendemains.

Face à des Etats-Unis erratiques, une Russie agressive, une Chine conquérante, face à des menaces sécuritaires émergentes et de nouveaux défis stratégiques, l'Europe doit balayer ses illusions pour saisir le monde tel qu'il est, forgé de souverainetés et de puissances. Et si nous, Français, voulons rester ce que nous entendons être, notre discours et nos actes ne peuvent qu'être européens.

Un nouvel environnement stratégique

Premier constat : le démantèlement du monde créé à San Francisco en 1945, tué par ceux qui l'ont créé. Dès l'origine, le ver était dans le fruit. L'architecture multilatérale du 26 juin 1945 supposait l'égalité des membres et leur acceptation du principe de souveraineté limitée. Très vite, les Etats-Unis ont estimé que leur « destinée manifeste » leur demandait de dominer le monde : ils n'avaient donc pas à se plier à la règle qu'ils avaient eux-mêmes établie. Ils la rejettent aujourd'hui : le multilatéralisme serait la source de tous leurs maux.

9782717858426-475x500-1.jpgSecond constat : la croissance des tensions militaires. En 2019, les dépenses militaires mondiales ont atteint leur apex depuis la fin de la Guerre Froide. Le budget militaire des Etats-Unis, avec 732 milliards de dollars en 2019, en augmentation de 5,3%, représente 38% du total. Celui de la Chine, en hausse constante, est avec 261 milliards de dollars le deuxième mondial, cinq fois ce qu'il était il y a quinze ans. L'Inde a accru son budget de 6,8% pour le porter à 71,1 milliards de dollars. En Europe, la Russie fait la course en tête, augmentant son budget de 4,5% : avec à 65,1 milliards de dollars, elle se situe dans le top 5 des puissances militaires.

Troisième constat : la franche détérioration de la relation transatlantique. Son histoire a toujours été subordonnée à la vision des Etats-Unis : une Europe solide mais vassale, sans leadership, qui ne leur fasse pas d'ombre. Leur but ? Maintenir l'Europe en constant devenir ! Les Etats-Unis n'ont jamais aidé les Européens à s'affirmer et parler d'une seule voix, les en décourageant même. Depuis 2017, le phénomène s'est accéléré. Le président américain retire ses troupes de Syrie sans concertation avec ses alliés européens contre lesquels il mène sa guerre commerciale. Il fait l'apologie du BREXIT et critique l'OTAN. Au plus fort de la pandémie, la règle a été celle de l'égoïsme et de l'indifférence envers ses alliés traditionnels.

Quatrième constat : la montée dominatrice de la puissance chinoise. La volonté de son président est claire : faire de son pays la première puissance économique et militaire en 2049. La Chine veut imposer son modèle dans un nouvel ordre mondial dont les Etats-Unis et l'Europe auraient perdu le leadership. Encore récemment, les dirigeants occidentaux balayaient ces réalités dérangeantes. Ce n'est plus possible : la dépendance est devenue criante dans les domaines industriels et ceux des ressources critiques.

Peut-on croire au retour de l'Amérique ?

Le découplage Europe-Etats-Unis peut-il être corrigé ? Non : nous appartenons déjà à deux planètes différentes. Ecoutons le président des Etats-Unis : « America first only » ou pire : « Je crois que l'Union Européenne est un ennemi pour les Etats Unis ». Inexorablement ceux-ci se tournent vers le Pacifique. De plus en plus asiatiques, de plus en plus hispaniques, de moins en moins « caucasiens », les Américains deviennent chaque jour un peu moins européens : dès 2040, la population d'origine européenne sera devenue minoritaire. Ce pivot vers l'Asie ne traduit d'ailleurs que la réalité stratégique. Les Etats-Unis, affranchis de leur dépendance énergétique à l'égard du Proche-Orient, connaîtront de brefs regains d'intérêt pour l'Europe, mais pas d'illusions : même avec Biden, la tendance ne s'inversera pas. Le président Obama se disait déjà le premier président du Pacifique ...

9782717844344-200x303-1.jpgIl est donc fort hasardeux pour l'Europe de lier son destin à celui des Etats-Unis. Pourtant, plus le parapluie américain est une chimère, plus les Européens s'y accrochent ; hélas, en leur donnant un faux sentiment de sécurité, l'OTAN est devenue un frein politique à l'unité européenne et un ferment de déresponsabilisation. Elle est, en ce sens, devenue une menace pour la sécurité de la France et de l'Europe.

Le monde a besoin d'Europe.

L'Europe est-elle nécessaire ? D'évidence oui, puisque l'Occident a perdu son leader, les Etats-Unis ayant trahi leurs pères fondateurs et leurs alliés comme d'ailleurs les principes philosophiques et moraux qui ont fait leur grandeur.

Pour combler cette déliquescence, notre monde dérégulé a besoin de l'Europe, une Europe mature, née d'affrontements fraternels meurtriers, puis des « Lumières », puis de massacres encore, une Europe devenue raisonnable, pôle de sagesse et d'équilibre par le sang versé, porteuse des valeurs humanistes, dans un monde qui court au gouffre.

L'Europe est aussi nécessaire à chacune de nos nations : isolément, elles sont toutes trop faibles pour survivre, protéger leur culture, leur art de vivre, leur liberté. Sans union, demain, nous serons livrés à des entreprises et technologies chinoises, des logiciels américains, nous nous abreuverons de sous-culture américaine et n'aurons plus le choix que de subir.

Cependant, pour être utile, l'Europe doit parler au monde. Le peut-elle ? Ses rêves congénitaux l'ont mal préparée à affronter les défis futurs : elle est encore un acteur aphone parce que la puissance militaire est un facteur clef de l'indépendance et que la sienne est inexistante. Pour être entendue, l'Europe doit être militairement forte puisque la voix des nations ne porte qu'en fonction du calibre de leurs canons, vérité regrettable mais éternelle.

Peut-on rêver encore d'une défense française ?

C'est un rêve mortifère. La construction de l'Europe de la défense relève d'un impératif d'échelle : en termes de défense, celle des nations est dépassée. Une puissance moyenne ne peut plus se doter d'un système de défense cohérent, comme ce fut le cas jusqu'au milieu du XXème siècle.

strategie.pngD'abord en raison de l'expansion continue des domaines de conflictualités, de la terre hier au cyberespace aujourd'hui, et demain dans tout nouvel espace conquis par l'homme. Or, à l'expansion des espaces de guerre ne correspond nullement celui des budgets militaires : aucun Etat européen n'est plus en mesure de constituer en solo une capacité d'action substantielle dans chacun des espaces d'affrontement.

Ensuite en raison de l'explosion du coût des équipements. Chaque nouvelle génération multiplie leur prix par dix au moins. Tout Etat est donc contraint de réduire ses parcs à chaque saut générationnel ou d'accepter le décrochage technologique. La conséquence ? Sauf pour les superpuissances, le choix est simple : accepter un système de défense échantillonnaire affaibli de larges déficiences capacitaires, ou bien opter pour le rétablissement de la cohérence au niveau supranational. Pour les nations européennes, il est donc techniquement nécessaire de retrouver là l'exhaustivité qui leur manque.

C'est ici qu'apparaît à nouveau la nécessité d'une défense européenne, car ce niveau supranational doit être fiable et ce n'est plus le cas de l'Alliance atlantique.

Construire la défense de l'Europe ... pour l'Europe et par l'Europe

Aujourd'hui, les États-Unis fournissent, selon les secteurs, 70 à 100 % des capacités de l'Alliance: ce niveau de dépendance est dangereux. Pourtant, l'Union européenne, malgré les chocs que constituèrent entre 2015 et 2017, les attentats terroristes, les attaques cyber ou l'afflux incontrôlé de migrants, reste toujours aussi mal préparée à la gestion d'une crise de sécurité sur son sol ou à sa périphérie.

Les pays européens auraient donc tout intérêt à affermir leur contribution à cette mission de sécurité collective. Il leur faut rationaliser des appareils militaires comportant aujourd'hui autant de redondances que de carences capacitaires. Faute de convergence des programmations nationales, les dépenses militaires des États européens ont un médiocre rendement, la recherche de défense est sous financée, la relève des grands équipements est problématique : il faut donc européaniser les processus d'acquisition des équipements militaires mais aussi consolider la base industrielle et technologique de défense de l'Union. C'est vital pour l'équipement de nos armées comme pour l'industrie européenne. En outre, que ce soit pour la gestion de crises civiles ou les opérations militaires, les outils de planification, de conduite et de commandement de la PSDC sont inadaptés : l'UE a besoin de sa propre « tour de pilotage » des crises.

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La croissance économique européenne s'est faite dans une merveilleuse insouciance devenue mortifère. Hédonistes aveugles, les Européens sont tout simplement sortis de l'histoire ; il vaudrait mieux qu'ils y entrent à nouveau, mais non par une porte dérobée. Leur salut suppose que ce soit en puissance.

La principale illusion européenne était le caractère facultatif de la force : les évolutions dangereuses du monde doivent nous ramener au réalisme. Voulons-nous que les Etats-Unis continuent à nous dicter ce que doit être notre position vis- à-vis de la Chine ? Voulons-nous conserver notre statut de vassal, ou souhaitons-nous compter dans le monde et influer sur son devenir ? Les questions sont simples : quelle volonté, quels moyens, quels buts ? Changeons de paradigme : l'Europe économique doit devenir politique et géopolitique.

La souveraineté de nos États suppose la recherche parallèle de l'autonomie stratégique aux niveaux national et européen. Ils sont complémentaires : la souveraineté européenne n'est pas un substitut à la souveraineté nationale mais son indispensable complément, voire sa condition. Nos vieilles nations ne pourront exister que dans et par l'Europe. Il y a 60 ans, à l'Ecole Militaire, Charles de Gaulle le martelait : « Il faut que la défense de la France soit française ». Eh bien il faut aujourd'hui que la défense de l'Europe soit européenne.

Général (2S) Vincent DESPORTES
Ancien directeur de l'Ecole de Guerre
Professeur des universités associé à Sciences Po Paris

 

Source : www.asafrance.fr

mardi, 23 juin 2020

Al principio fue... la guerra

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Al principio fue... la guerra

Traducción de Juan Gabriel Caro Rivera

Ex: https://www.geopolitica.ru

Fragmento de un libro inédito sobre la guerra.

El antiguo filósofo griego Heráclito afirmó que la guerra (en griego Polemos es el nombre de un antiguo dios griego, quien, junto con su hija Alala, se encuentra en el séquito de los dioses de la guerra, y este término se convirtió en la forma de designar una gran variedad de tipos de conflictos) es el padre de todas las cosas. "Todo surge en virtud de los opuestos... son los opuestos los que conducen al surgimiento (del cosmos), esto es lo que se llama guerra, mientras que lo que destruye el mundo se llama armonía y paz", dijo otro filósofo helénico Diógenes Laercio (1). El término "guerra" aplicado al universo también fue utilizado por los teólogos cristianos. En particular por Máximo el Confesor, comentando uno de los capítulos de Dionisio el Areopagita, dice que "lo concebible y lo sentido, es decir lo que se forma es lo que surge de los opuestos mismos, que están en paz unos con otros... Esta es la guerra interna que el Creador inventó sabiamente" (2).

Herakleitos-Hayatı.jpgSi hablamos de las causas de la guerra, entonces Platón las vio en la riqueza de la gente. Aristóteles argumentó que las guerras se libraban para vivir en paz. Algo similar fue expresado por el antiguo pensador chino Sun Tzu, quien calificó la guerra como una lucha para obtener ganancias. Su diferencia con otros tipos de conflicto era que cuando los ejércitos entran en una confrontación, este tipo de lucha termina siendo la más difícil. Además del hecho de que este método es el menos rentable, también es el más inseguro. Según el trabajo de Sun Tzu, el primer lugar en las prioridades de la guerra es preservar el país del enemigo, y solo en el segundo es su destrucción. De manera similar se piensa en el ejército del enemigo: debe ser derrotado solo cuando no hay forma de conquistarlo. Por lo tanto, "el objetivo principal (del arte de la guerra) debería ser la subyugación de otros Estados sin entrar en un conflicto militar: el ideal completo de la victoria se refleja aquí" (3).

Muchas ideas sobre la guerra se basaron en puntos de vista religiosos y espirituales. El hinduismo politeísta consideraba la guerra como un fenómeno natural normal, una ley del dharma que todos los creyentes deben seguir, independientemente de la casta a la que pertenezcan. En uno de los capítulos del Mahabharata, que habla sobre la batalla en el campo de los Kaurava, Krishna responde a la pregunta de Arjuna sobre cómo matar a sus seres queridos explicándole las leyes cósmicas de la reencarnación, la mortalidad de la vida terrenal y la inmortalidad: 

Lo igual no es razonable: lo igual nunca sucede 

Lo mismo quien mata como aquel a quien matan. 

Para el Espíritu no hay muerte, así como tampoco hay nacimiento, 

Y no hay sueño, y no hay despertar (4).

Otra epopeya india, el "Ramayana", refleja el plan cosmogónico de los dioses: estos decidieron encarnar en la tierra para derrotar al señor demonio Ravana, que una vez fue un gran asceta y un regalo de Brahma, sorprendido por sus hazañas, que eligió el poder sobre los dioses y los rakshasas.

Incluso los himnos sagrados de los hindúes están plagados de llamados a los dioses supremos, pidiéndoles que envíen la victoria sobre sus enemigos (5). Se creía que el dios del trueno y la guerra, Indra, atravesó las fortalezas enemigas con su mazo relampagueante, y que el dios del fuego Agni los quemó con sus llamas. Y en sánscrito, los términos dasa / dasyusignificaban tanto tribus hostiles de la población local como demonios. También hay descripciones de las batallas victoriosas de Indra contra el demonio Vritra y los Asuras. Sin embargo, por otro lado, muchos mitos narran que los dioses y los asuras, de hecho, están relacionados entre sí.

Según los expertos en el hinduismo y la cultura india antigua, las guerras eran una condición para la existencia de los arios y, en su modelo del mundo, la guerra tenía un significado religioso. “Existía la idea de que los enemigos del rey ario eran asesinados directamente por Dios, la mayoría de las veces por Indra. Cuando dos tribus arias luchaban entre ellas, cada una de ellas intentaba atraer a Indra a su lado con la ayuda de oraciones y sacrificios. Antes del inicio de una expedición militar, se realizaba un sacrificio. El rey sacrificaba a la víctima; se creía que esto le daba fuerza en la batalla. La batalla con los propios enemigos se basaba en la idea del sacrificio: los enemigos eran sacrificados a los dioses arios... Por lo tanto, la guerra se incluyó en el alcance de la ley cósmica del universo – rta” (6). El historiador de las religiones rumano, Mircea Eliade, propuso un intento de explicar racionalmente tal fenómeno, cantado en varias epopeyas. Como señala, “la Edad del Hierro se caracterizaba por una alternancia continua de guerras y masacres, de esclavitud y empobrecimiento casi completo. En la India, y no solo en ella, toda la mitología conecta a los fabricantes de hierro con diferentes tipos de gigantes y demonios: todos son enemigos de los dioses que representan otros siglos y otras tradiciones" (7).

main-qimg-7cd13c4e0b7e9fbc89aa4e7e855855e0.jpgLa escuela filosófica del tradicionalismo también consideró la manifestación del conflicto como un reflejo de las leyes universales. “La razón principal de la guerra, desde cualquier punto de vista, es considerada como el fin del desorden y la restauración del orden; en otras palabras, la unificación de lo plural por medios que pertenecen al mundo de la pluralidad misma... Según este entendimiento, la guerra no está limitada únicamente a la condición humana, expresa el proceso cósmico de reintegración de lo manifiesto en la unidad original; Por eso, desde el punto de vista de la manifestación misma, esta reintegración parece destrucción” (8). Además, el papel de catalizador de las cualidades espirituales fue algo atribuido a la guerra. Proporciona a una persona un despertar en sí mismo del héroe que duerme dentro. "La guerra permite que una persona se dé cuenta de la relatividad de la vida humana y, por lo tanto, aprenda la ley de que existe algo "más que la vida", por lo tanto, la guerra siempre tiene un significado espiritual antimaterialista", decía el destacado representante de la escuela del tradicionalismo Julius Evola (9). El filósofo italiano también habló de la necesidad de combatir al enemigo interno, que era una sed animal por la vida y lo extrapolaba a un enemigo externo (10).

Al igual que en los sagrados himnos indios, en la antigua Europa también existía la idea de que los dioses ayudan a las personas a librar guerras. La Ilíada de Homero describe con gran detalle cómo la enemistad entre los dioses olímpicos puede tener un efecto en las acciones combatientes de los pueblos, y cómo varios dioses simpatizan con los héroes y los ayudan personalmente en el campo de batalla. La diosa Pallas Athena en la antigua Grecia era considerada la patrona de las guerras justas, mientras que Ares lo era de las guerras traicioneras y sangrientas que se luchaban por el bien de la guerra en sí misma. También estaba la diosa Nike, que estaba a cargo de la victoria, en la mayoría de los casos, llegaba a la conclusión lógica del conflicto armado a favor de una de las partes. En otras culturas, hasta el establecimiento del cristianismo, también existieron complejos mitológicos significativamente arraigados en la estructura social. En Europa, el dios supremo era Odín (Wotan), considerado el santo patrón de las alianzas militares. Según varios investigadores, este dios no estaba incluido originalmente en el panteón supremo, y el aumento de su importancia específica se asocia con el fortalecimiento de las alianzas militares y la división de la idea inicial de la vida futura. El reino de los muertos se transfiere al cielo para los elegidos: los valientes guerreros que cayeron en la batalla (11). Por lo tanto, Odín superó a Thor (Donar), uno de los ases, el dios del trueno y la guerra, que era el protector de los dioses y de las personas frente a los monstruos y gigantes (12).

phpThumb_generated_thumbnailjpg.jpgLas profundas conexiones entre la cultura y la guerra en varias sociedades fueron estudiadas por el crítico cultural holandés Johan Huizinga en su estudio clásico Homo Ludens. Tanto la batalla sangrienta como los torneos en los festivales tenían ciertas reglas y se percibían como parte de la idea inicial del juego. Existían restricciones incluso si al enemigo no se le reconocía una naturaleza humana (bárbaros, demonios, herejes), pero luego se impusieron ciertas restricciones en nombre del honor. "Hasta el momento, tales restricciones se basaban en el derecho internacional, que expresaba el deseo de incluir la guerra en la esfera de la cultura" (13). La formación de la etiqueta en las artes marciales junto a los líderes militares y los duelo en la época medieval también se asocia con esto. Incluso la guerra se definió de manera diferente. Si se trataba de un conflicto de caballeros contra caballeros, era Guerre, pero si los caballeros se oponían a todas las demás enemigos, era Guerre guerroyante y no se consideraba una guerra como tal. En las guerras modernas, Huizinga observaba los rudimentos de tratar la guerra como un juego honesto y noble: este es un intercambio de regalos y cortesías, aunque a veces, sin embargo, toma la forma de una sátira. Huizinga también introdujo una tipología especial de la guerra, basada en el concepto de "agón" (competencia, un término aparentemente asociado con la palabra "ágora", asamblea popular). Así, el tipo de guerra agonal incluye aquellos "cuando los beligerantes comienzan a verse como un adversario que lucha por lo que tiene derecho" (14). Además de la agonal, existe la esfera sagrada de la guerra, cuando la guerra se considera en la esfera del deber sagrado y el honor. Y ambos tipos de guerra son difíciles de separar el uno del otro. Huizinga también notó una conexión etimológica, refiriendo la antigua palabra alemana oorlog (guerra) al reino sagrado, lo que indica que el significado de las palabras correspondientes a oorlog fluctúa entre el destino, la lucha frente al destino y cuando la alianza jurada por el juramento expira.

En las guerras del siglo XX, Huizinga vio directamente la emasculación del factor del juego y se preguntó qué elegirían las personas en el futuro: la acción volitiva como algo serio o la acción como un juego (15). La guerra como un estado de excepción (Ernstfall) niega la naturaleza de la competencia y obedece a nuevos principios, pasa de la relación final a la rabia más terrible. El culturólogo holandés también criticó el modelo bipolar de "amigo-enemigo" de Carl Schmitt, ya que el concepto del otro pertenecía solo a estas dos categorías. El Inimicus se convirtió en el hostis, el enemigo simplemente se convirtió en un extraño, en cierto sentido, un obstáculo, y esto redujo toda la gravedad, la profundidad y, en cierto sentido, la belleza del conflicto a una relación casi mecánica. Además, unas de las características modernos de la guerra, la propaganda, no se corresponde a la atmósfera del juego y, en el mejor de los casos, resulta ser su simulacro. "La propaganda que quiere penetrar en cada parte de la vida actúa por medios diseñados para provocar reacciones histéricas en las masas, y por lo tanto, incluso cuando toma la forma de un juego, no puede actuar como una expresión moderna del espíritu del juego, sino solo como su falsificación" (16).

Notas:

1 Фрагменты ранних греческих философов. Ч.1. – М.: Наука, 1989, с. 201 (Fragmentos de los primeros filósofos griegos. Parte 1. - M .: Nauka, 1989, pág. 201).

2 Мистическое богословие восточной церкви. – Харьков: Фолио, 2001. С. 552-553 (La teología mística de la iglesia oriental. - Jarkov: Folio, 2001.S.552-553).

3 У-Цзин. Семь военных канонов Древнего Китая. СПб.: ИГ Евразия, 2001, с.195 (Wu Ching. Siete cánones militares de la antigua China. San Petersburgo: IG Eurasia, 2001, p. 195).

4 Махабхарата. Рамаяна. М.: Художественная литература, 1974, с.175 (Mahabharata Ramayana M .: Ficción, 1974, p.175).

5 Que podamos conquistar presas en las batallas con el enemigo,

¡Obteniendo una parte para hacernos famosos entre los dioses!

I, 73 p. 90 K Agni.

Queremos pedir la felicidad del generoso Indra,

El más valiente para capturar presas en esta batalla,

(De Dios), quien nos escucha, amenazante - para el apoyo en las batallas,

¡Matar enemigos, ganar recompensas!

III, 50. К Индре. С. 339.

6 Ригведа. Мандалы I-IV. – М.: Наука, 1999, С. 456 (Rig veda. Mandalas I-IV. - M.: Nauka, 1999, S. 456).

7 Подробнее См. Мирча Элиаде. Азиатская алхимия. – М.: Янус-К, 1998 (Para más detalles, vease Mircea Eliade. Alquimia asiática - M.: Janus-K, 1998.).

8 Генон Рене. Символика креста. – М.: Прогресс-Традиция, 2004, С.77 (René Guénon. El simbolismo de la cruz. - M .: Progreso-Tradición, 2004, P.77).

9 Эвола Ю. Метафизика войны. – Тамбов, 2008, с. 9 (Julius Evola. Metafísica de la guerra. - Tambov, 2008, p. nueve).

10 Ibíd. С. 45.

11 Мифы народов мира. Т.2. – М.: Большая Российская Энциклопедия, 1998, с. 241 (Mitos de los pueblos del mundo. T.2 - M .: Gran Enciclopedia Rusa, 1998, pág. 241).

12 En las mitologías de otros pueblos, como se sabe, también había deidades correspondientes responsables de la guerra. Dado que el estudio de los mitos en relación con diversas formas de conflicto no es nuestro estudio central, nos limitamos a mencionar solo algunos episodios.

13 Хейзинга Йохан. Homo ludens/Человек играющий. – СПБ.: Азбука-Классика, 2007, с.130. (Johan Huizinga. Homo ludens / Man playing. - SPB.: Alphabet-Classic, 2007, p.130).

14 Ibid, с. 131.

15 Sin embargo, las guerras que tuvieron lugar en las últimas décadas tuvieron elementos obvios del juego. La emisión de bombardeos en vivo durante las campañas de Irak, el uso de simuladores de computadora para entrenamiento militar, la creación de un juego de rol basado en combates reales. - L.S.

16 Ibid, с. 285.

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mercredi, 03 juin 2020

5G, nouveau terrain de la course aux armements

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5G, nouveau terrain de la course aux armements

 
 
Auteur : Manlio Dinucci
Ex: http://www.zejournal.mobi

À la base aérienne Nellis au Nevada -annonce le Pentagone- commencera en juillet la construction d’un réseau expérimental 5G, qui deviendra opérationnel en janvier 2021.

Dans cette base s’est déroulée en mars dernier la Red Flag, la plus importante manoeuvre aérienne des États-Unis, à laquelle ont participé des forces allemandes, espagnoles et italiennes. Ces dernières étaient composées aussi de chasseurs F-35 qui -communique l’Aéronautique militaire- ont été “intégrés aux meilleurs dispositifs de l’aviation militaire américaine” afin d’”exploiter au maximum les potentialités des aéronefs et des systèmes d’armes en dotation”, y compris à coup sûr les nucléaires. À la Red Flag de 2021 seront probablement déjà en fonction, pour être testés dans un environnement réel, des réseaux mobiles 5G formés de tours montables et démontables en moins d’une heure pour être rapidement transférés selon l’opération en cours.

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La base Nellis.

La base Nellis est la cinquième sélectionnée par le Pentagone pour expérimenter l’utilisation militaire de la 5G : les autres se trouvent dans l’Utah, en Georgie, en Californie et dans l’Etat de Washington.

Un document du Service de recherche du Congrès (National Security Implications of Fifth Génération 5G MobileTechnologies, 22 mai 2020) explique que cette technologie de cinquième génération de la transmission mobile de données peut avoir “de nombreuses applications militaires”. L’une d’elles concerne les “véhicules militaires autonomes”, c’est-à-dire les véhicules robotiques aériens, terrestres et navals en capacité d’effectuer de façon autonome les missions d’attaque sans même être pilotés à distance. Ceci requiert le stockage et l’élaboration d’une énorme quantité de données qui ne peuvent pas être effectuées uniquement à bord du véhicule autonome. La 5G permettra à ce type de véhicule d’utiliser un système extérieur de stockage et élaboration de données, analogue à l’actuel Cloud pour le stockage personnel de dossiers. Ce système peut rendre possibles de “nouveaux concepts opérationnels militaires”, tel celui de l’”essaim” dans lequel chaque véhicule se relie automatiquement aux autres pour effectuer la mission (par exemple d’attaque aérienne d’une ville ou attaque navale d’un port ).

La 5G permettra de rendre plus puissant tout le système de commandement et contrôle des forces armées étasuniennes à une échelle mondiale : actuellement -explique le document- il utilise les communications par satellite mais, à cause de la distance, le signal prend un certain temps pour arriver, provoquant des retards dans l’exécution des opérations militaires. Ces retards seront pratiquement éliminés par la 5G. Celle-ci aura un rôle déterminant notamment dans l’utilisation des armes hypersoniques qui, dotées aussi de têtes nucléaires, circulent à une vitesse supérieure à 10 fois celle du son.

La 5G sera aussi extrêmement importante pour les services secrets, rendant possibles des systèmes de contrôle et d’espionnage beaucoup plus efficaces que les actuels. “La 5G est vitale pour conserver les avantages militaires et économiques de l’Amérique”, souligne le Pentagone.

Particulièrement avantageux est le fait que “la technologie émergente 5G, commercialement disponible, offre au Département de la Défense l’opportunité de bénéficier à moindres coûts de ce sytème pour ses propres exigences opérationnelles”. En d’autres termes le réseau commercial de la 5G, réalisé par des sociétés privées, se trouve utilisé par les forces armées étasuniennes avec une dépense beaucoup plus basse que celle qui serait nécessaire si le réseau était réalisé uniquement à des fins militaires. Ceci se passe aussi dans d’autres pays.

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On comprend donc que le contentieux sur la 5G, en particulier entre États-Unis et Chine, ne fait pas partie de la seule guerre commerciale. La 5G crée un nouveau terrain de la course aux armements, qui se déroule moins sur le plan quantitatif que qualitatif. Ceci n’est pas abordé par les médias et largement ignoré même par les critiques de cette technologie, qui concentrent leur attention sur les possibles effets nocifs pour la santé. Engagement certes de grande importance, mais qu’il faut unir à celui s’opposant à l’utilisation militaire de cette technologie, financée à leur insu par les utilisateurs ordinaires des téléphones portables de cinquième génération.

Traduit par Marie-Ange Patrizio

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lundi, 11 mai 2020

Comment devenir un Mentat

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Comment devenir un Mentat

par Michel Goya

Ex: https://lavoiedelepee.blogspot.com

9200000021166011.jpgDans l’univers de Dune, les Mentats sont des maîtres dans l’emploi de tous les moyens, généralement violents, pour atteindre un but stratégique face à des adversaires souvent très ressemblants. Ce sont les équivalents imaginaires des plus grands capitaines des siècles passés comme des actuels Grands maîtres internationaux (GMI) d’échecs ou des 9e dan de go. Par extension, on baptisera Mentat les super-tacticiens de classe internationale. En devenir un n’est pas chose aisée.

Un super-tacticien est-t-il intelligent ?

En première hypothèse, on pourrait imaginer que les Mentats bénéficient d’un quotient d’intelligence très supérieur à la moyenne, en entendant le QI comme la mesure de la capacité à utiliser la mémoire de travail [MT] pour résoudre des problèmes combinatoires. Cette hypothèse n’est en fait que très imparfaitement confirmée. Les différentes études réalisées sur les joueurs d’échecs n’établissent pas de corrélation nette entre le QI et le niveau d’expertise aux échecs. Certaines tendant même à démontrer une corrélation négative chez les débutants, les plus intelligents ayant tendance à moins s’entraîner que les autres. Ce n’est qu’au niveau Elo (du nom d’Apard Elo) le plus élevé qu’un lien semble être établi, mais sans que l’on sache trop si les capacités combinatoires sont indispensables pour atteindre ce niveau… ou si c’est la pratique assidue des échecs qui a développé ces capacités. En réalité, les deux facteurs, intelligence et niveau d’expertise, ne sont tout simplement pas indépendants l’un de l’autre.

Toujours d’un point de vue cognitif, on sait  depuis les années 1960 que les experts aux jeux d’échecs ou de go ne se distinguent pas des novices par une capacité à calculer de nombreux coups à l’avance, mais à organiser leurs connaissances pour analyser une configuration donnée et orienter la réflexion vers les meilleurs coups à jouer. En 1973, Wester Chase et Herbert Simon ont demandé à des joueurs d’échecs de niveau différents de regarder pendant 5 secondes des photos de configurations échiquéennes et de les restituer ensuite. Les configurations présentées étaient soit parfaitement aléatoires, les pièces étant placées au hasard, soit tirées de parties réelles. Dans le premier cas, on ne constata pas de différences notables dans les restitutions des différents joueurs. Novices, joueur de club et maîtres disposaient en moyenne correctement 4 pièces de l’échiquier, ce qui correspond sensiblement à la capacité de la mémoire de travail (manipulation maximum de sept objets). Dans le second cas en revanche, les novices placèrent toujours en moyenne 4 pièces, les joueurs de club 8 et le maître 16. L’apparition de « sens » dans ces configurations réelles transformait la vision des maîtres qui ne considéraient plus des pièces, mais des groupes de 2 à 5 pièces liées entre elles par des relations nécessaires, et baptisés chunks. C’est toute la différence entre mémoriser et restituer 32 chiffres aléatoires et 4 numéros de téléphone connus et étiquetés.

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Reconnaître des chunks implique donc évidemment de les avoir parfaitement mémorisés auparavant. Le problème est que ceux-ci peuvent être incroyablement nombreux. Selon une autre étude de Simon, on ne peut prétendre à être grand maître d’échecs sans en connaître au moins 50 000. Ces chunks assimilés presque toujours grâce à de parties vécues ou apprises sont également le plus souvent organisés en réseaux statiques ou en enchaînements. L’art du maître d’échecs consiste donc surtout dans l’appel judicieux à des enchaînements qui ressemblent à la situation à laquelle on fait face et à leur adaptation intelligente. Sous contrainte de temps, cette heuristique tactique combine un processus inconscient de recherche dans la mémoire profonde et un processus conscient d’analyse. Le processus inconscient lui-même s’accélère avec l’habitude et, de manière plus subtile, le succès. On sait, en effet depuis les travaux d’Antonio Damasio, que tous les souvenirs ont un marquant émotionnel (en fait chimique). Les souvenirs avec reçu un marquant de plaisir viennent plus facilement à la surface que les négatifs, qui, eux, ont tendance à être refoulés. Le succès est un soutien à la mémoire et donc au succès.

Au bilan, sur une partie d’échecs moyenne où chaque joueur joue environ 40 coups, il prend au maximum une dizaine de vraies décisions. Cela correspond sensiblement aux décisions d’un général dans une journée de bataille, en fonction de la souplesse de son armée, du chef antique qui prenait rarement plus de deux décisions (jusqu’à quatre pour Alexandre le Grand, un des premiers grands Mentats) jusqu’aux commandants de grandes unités blindées modernes qui ont pu aller jusqu’à 6 ou 7. Un processus de décision similaire a d’ailleurs été observé dans un très grand nombre de domaines tels que le sport, la musique, l’expertise médicale.

En soutien de la mémoire de travail, il faut donc aussi faire intervenir la mémoire et le travail, beaucoup de travail.

9200000059272012.jpgLa gloire se donne au bout de 10 000 heures de travail

Dans une étude d’Anders Ericsson sur les élèves de la prestigieuse Académie de musique Hanns Eisler de Berlin, trois groupes de musiciens ont été distingués en fonction de leur niveau. Ericsson calcula que les membres du groupe d’élite avaient une moyenne de 10 000 heures de pratique, le second groupe 8 000 et la 3e, 4 000, avec pour chaque groupe des écarts-types assez réduits. Selon Ericsson qui appliqua ces résultats à plusieurs autres disciplines, il faut dix ans de travail quotidien pour devenir un expert. Pour être un expert international, il en faut certainement plus. En analysant, la carrière de 40 grands maîtres internationaux d’échecs, Nikolai Grotius a montré en 1976 qu’il leur avait fallu en moyenne 14 années pour atteindre ce niveau, avec un écart de 4 ans. Quand on demande à Gary Kasparov, un des six hommes ayant (depuis 1970) atteint ou dépassé le seuil des 2 800 points Elo, comment il était devenu champion du monde, il répond habituellement qu’il lui a fallu apprendre 8 000 parties par cœur. Il lui aura fallu dix ans depuis sa première inscription dans un club pour devenir GMI et quinze pour être champion du monde.

L’énorme investissement nécessaire pour parvenir d’expert de classe internationale pose évidemment un certain nombre de problèmes. Bien souvent, il impose de commencer dès l’enfance, ce qui implique un environnement favorable. Si Mozart était né dans une famille de paysans, il n’y aurait jamais eu de Don Giovanni. Comme Jean-Sébastien Bach, il est né dans une famille de musiciens et a largement bénéficié de l’aide de son père. Léopold Mozart a rapidement décelé les dons de son fils, l’a mis en présence de plusieurs instruments et l’a aidé à composer dès l’âge de six ans. Pour autant, la première œuvre personnelle qui soit considérée comme un chef-d’œuvre (numéro 9, K.271) n’a été réalisée qu’à 21 ans, dix ans après son premier concerto.

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Jusqu’à l’ère des révolutions, la grande majorité des Mentats est issue d’un processus de formation familiale aristocratique. Outre son éducation intellectuelle  et physique très militarisée, le jeune Alexandre suit son père dans ses campagnes en Grèce et, à 17 ans, commande sa cavalerie à Chéronée. Il obtient son chef-d’œuvre contre Darius III à Gaugamèles en -331, à seulement 25 ans, mais aussi après un long apprentissage.

Les Mentats de l’époque classique apprennent très tôt la chose militaire et avec, pour la seule armée française, 174 batailles livrées pendant la période, trouvent toujours une occasion de s’illustrer. Turenne est envoyé à 14 ans et sur sa demande aux Pays-Bas pour y voir ce qui se fait de mieux alors en matière d’art militaire. Il reçoit un premier commandement à l’âge de 15 ans, mais ne dirige vraiment seul sa première bataille que dix ans plus tard. Il reçoit la distinction de Maréchal de France à 33 ans avec encore trente ans de service devant lui. À 13 ans, Maurice de Saxe a déjà un précepteur militaire particulier et arpente son premier champ de bataille. Il reçoit le commandement d’un régiment à l’âge de 15 ans et se bat pour la première fois l’année suivante. Il va connaître la guerre pendant encore pendant 36 années.

Ce mélange de talents, de chance, d’investissement personnel, d’environnement favorable et de multiples combats permet, malgré la faiblesse numérique de la population de recrutement, de former de nombreux Mentats au service, parfois changeant, des Princes. Dans un contexte très proche de celui de l’univers de Dune, l’époque classique sécrète aussi de grands diplomates qui peuvent être classés comme Mentats. Certains même cumulent les rôles comme le Maréchal de Villars. Il existe aussi des souverains Mentats comme Gustave-Adolphe Ier ou Frédéric II.

Le contrepoint de ce processus familial et monopolistique d’apprentissage est qu’il n’incite pas à mettre en place un système institutionnel de formation qui serait concurrent et pourrait s’ouvrir à d’autres classes. Les écoles militaires sont de fait plutôt réservées à la petite noblesse avec normalement peu de perspectives d’atteindre les plus hautes fonctions. Napoléon et beaucoup de ses maréchaux en sont issus.

247px-1801_Antoine-Jean_Gros_-_Bonaparte_on_the_Bridge_at_Arcole.jpgVainqueur de 32 batailles, capable de dicter simultanément à 4 secrétaires sur 4 sujets différents et dont l’abbé Sieyes disait : «il sait tout, il fait tout, il peut tout», Napoléon a dix ans lorsqu’il entre à l’école militaire de Brienne et seize à l’École des cadets de l’École militaire. Il ne s’y distingue pas par ses résultats  scolaires. Il est même plutôt médiocre, sauf en mathématiques, et on peut même estimer que vivant aujourd’hui, il n’aurait pas réussi le concours de Saint-Cyr. En revanche, c’est un énorme lecteur qui dévore tout ce qui a trait à la guerre dans la bibliothèque de l’école. Lorsqu’il connaît sa première gloire au siège de Toulon, en 1793 à l’âge de 24 ans, Napoléon connaît par cœur presque toutes les batailles de son temps. Celui qui disait que « l’inspiration n’est le plus souvent qu’une réminiscence », continue par la suite à accumuler les « chunks » en lisant et en pratiquant, le plus souvent, seul, la simulation tactique à l’aide d’armées de plomb. Toutes choses égales par ailleurs, la bibliothèque de Brienne a changé le monde.

Il est vrai aussi que cette même bibliothèque était ouverte à tous les autres élèves de l’école et que Napoléon est sans doute le seul qui y courait à chaque récréation. Comme le dira de Gaulle «la gloire se donne seulement à ceux qui l’on rêvé» et acceptent d’y consacrer au moins 10 000 heures.

Peut-on être toujours habile face au changement permanent ?

Avec ses 225 batailles françaises, la période de la révolution et l’Empire marque la fin d’un âge d’or des Mentats. La période qui suit est en effet moins favorable aux super-tacticiens.

Contrairement au jeu d’échecs dont les règles et le matériel ne changent pas, l’art de la guerre est, comme la médecine, une discipline dont les paramètres évoluent. Jusqu’aux révolutions politiques et économiques des XVIIIe et XIXe, ces paramètres évoluaient peu. On pouvait faire une carrière militaire complète avec les mêmes hommes, les mêmes armes et sensiblement les mêmes méthodes. À partir de cette époque, les sociétés, et donc les armées, se transforment à une vitesse inédite et perceptible. À partir de 1861, l’armée française change de règlement de manœuvre tous les douze ans en moyenne afin de tenter de rester adaptée aux évolutions multiples du temps. Désormais, les soldats ne font plus la guerre qu’ils jouaient lorsqu’ils étaient enfants et désormais ils devront se remettre en cause régulièrement, source de troubles et de tensions. Dans une époque qui détourne son regard du passé pour considérer le progrès et l’avenir, la lente maturation d’un apprentissage fondée dès l’enfance sur l’étude des classiques se trouve prise en défaut.

Partant de la nécessité politique et sociale de l’ouverture des carrières selon des principes d’égalité, mais aussi du postulat que les capacités à commander ne sont pas innées, mais acquises, les futurs Mentats sont progressivement presque tous recrutés sur concours. Le problème, en France particulièrement, est que ces épreuves ne servent qu’à juger de connaissances scolaires, comme si on sélectionnait les futurs champions d’échecs, voire des sportifs de haut niveau, à l’âge de 20 ans sur des épreuves de français ou de mathématiques. Cela importe peu dans l’esprit scientiste de l’époque.  La maîtrise des « lois » de la guerre, en fait des principes tactiques relativement évidents, et de méthodes de raisonnement tactique rigoureuses, doit permettre de résoudre tous les problèmes tactiques.

Il est vrai qu’avec des armées de plus en plus importantes en volume, avec une puissance de feu qui s’accroît sans cesse pour une mobilité tactique inchangée, les batailles ont tendance à se dilater dans l’espace et le temps. Les fronts évoluent sur des centaines de kilomètres, mais se rigidifient à chaque point de contact. La violence des combats impose une dispersion des forces et donc une décentralisation croissante. La capacité à raisonner une manœuvre descend progressivement du chef de bataillon en 1871 au sergent-chef de groupe en 1917. À l’autre bout de l’échelle, l’analyse rigoureuse des événements et la gestion de ces forces énormes imposent au sommet la création de machines pensantes appelées États-majors et d’une technocratie militaire.

280px-Louis_de_Grandmaison.pngLe processus institutionnel s’efforce de s’adapter à cette complexité croissante. Dans l’entre deux guerres 1871 -1914, à l’imitation des Prussiens, la France ajoute des étages (École supérieure de guerre puis Centre des hautes militaires) aux écoles initiales à son système de sélection et de formation. Un officier peut passer sept ou huit ans en école de formation. Cela n’empêche par le colonel de Grandmaison dans ses fameuses conférences de 1911 d’oublier complètement des choses comme les engins motorisés volants et terrestres ou les nouvelles technologies de l’information, éléments qui se sont développés dans les armées lorsqu’il était à l’École supérieure de guerre et à l’État-major de l’armée et qu’il ne connaît pas. Cela n’empêche pas non plus 40 % des généraux de 1914, dont les trois-quarts de commandants de corps d’armée, d’être limogés pour inaptitude manifeste. L’enseignement militaire de l’époque, même s’il hésite en permanence entre former des officiers d’état-major et des décideurs, a pourtant bien pris en compte la nécessité d’un apprentissage tactique en profondeur. Jamais les officiers ne autant fait d’exercices sur cartes ou sur le terrain que pendant cette période, mais cette spécialisation s’avère finalement néfaste à partir d’un certain seuil, car elle empêche de voir tout ce qui bouge autour de sa discipline et qui va avoir une influence sur elle. C’est ainsi qu’à force d’accumuler les connaissances sur un sujet donné nous devenons ignares (texte mentat, Dune) ou au moins peu adaptatifs.

Il suffit alors de quelques mois de la Grande Guerre pour rendre obsolètes toutes ces années d’enseignement tactique. On découvre alors que l’on a besoin d’officiers supérieurs qui soient capables de comprendre les évolutions de leur temps. La manœuvre n’est plus simplement la manipulation de pions tactiques sur un champ de bataille, c’est aussi la capacité à adapter ces mêmes pions à des contextes changeants, qu’il s’agisse des innovations autour de soi ou de la projection dans des milieux étrangers. Gallieni et Lyautey auraient pu montrer la voie avec leurs campagnes coloniales très éloignées de la manière « métropolitaine », mais celles-ci sont méprisées par les puristes. Le général Bonnal se moque des «opérations du fameux Balmaceda ou la retraite de Bang-Bo», tout en enseignant à l’École de guerre des « principes » qui vont s’avérer inefficaces et meurtriers. Pétain avait également une vue assez juste des évolutions de la guerre en Europe avant 1914  et c’est incontestablement celui qui s’y est le mieux adapté après. Il ne commande pourtant qu’une modeste brigade (et par intérim) et s’apprête à partir la retraite au moment où débute le conflit. La suite du XXe siècle consacre la revanche des hommes cultivés et imaginatifs sur les technocrates militaires.

Mentats et technocratie 

Le blocage de la Première Guerre mondiale est dépassé de deux manières qui constituent autant d’axes pour le renouveau de la manœuvre et donc de la tactique. Le premier axe concerne l’infanterie qui retrouve de la souplesse avec des méthodes de commandement décentralisées et de la puissance de feu portative. Cette voie est celle des Allemands, dont les divisions d’assaut de 1918 vont dix fois plus vite que les unités de 1916. Le deuxième est l’art opératif, qui est essentiellement français et s’appuie, entre autres, sur les premières unités motorisées. Celles-ci permettent de se déplacer plus rapidement d’un point à l’autre du front, et donc d’avoir une manœuvre à cette échelle, mais ne modifient guère le combat débarqué.

Wolfgang_Willrich_-_Porträt_Erwin_Rommel,_1941.jpgLes unités allemandes sont par la suite « dopées » par la généralisation d’engins de combat à moteur et de moyens de transmissions « légers ». Les divisions d’assaut deviennent des panzerdivisions commandées par les héros de 1918 alors que l’art opératif français étouffe plutôt la recherche d’une excellence tactique. De Rommel à Sharon en passant par O’Connor et Leclerc pour les plus connus, on voit donc ainsi apparaître pendant un peu plus d’une trentaine d’années une nouvelle génération de super-tacticiens capables d’obtenir à nouveau des victoires spectaculaires, voire décisives. Le développement de parades antichars et l’intégration des unités motorisées redonnent aussi du lustre aux opératifs comme Patton, Slim, Mac Arthur ou, à une autre échelle, Joukov.

En parallèle de ces nouveaux hussards, la voie de la manœuvre de l’infanterie légère perdure avec les armées communistes asiatiques de Chu Teh, Lin Piao ou Giap. En terrain difficile, en Corée ou au Tonkin, ces fantassins l’emportent même à plusieurs reprises sur les « hussards » motorisés. En réponse, le Royaume-Uni et surtout la France développent à leur tour une manœuvre de l’infanterie légère, avec des maîtres comme Bigeard. On notera que beaucoup de ces nouveaux Mentats ne sont pas issus du processus institutionnel, mais sont des amateurs mobilisés ou volontaires qui se révèlent et apprennent autant au combat qu’au-dehors.

L’apparition des « atomiques » perturbe ce renouveau des Mentats. Malgré les réflexions sur le « champ de bataille atomique », il faut se rendre à l’évidence que cette arme est trop écrasante pour permettre une manœuvre cohérente. Elle est même confisquée par la politique aux militaires et paralyse pour un temps l’idée d’un affrontement en Europe semblable à celui de la Seconde Guerre mondiale. Cette transformation est particulièrement flagrante en France où le corps blindé-mécanisé est adossé dans une position sacrificielle et où notion de victoire tactique s’efface au profit de celle de dissuasion. Même lorsque Soviétiques et Américains renouvellent brillamment leurs doctrines tactiques dans les années 1970-80 pour envisager à nouveau le combat conventionnel, l’armée française refuse de s’y intéresser, tout en menant il est vrai de nombreuses, mais petites interventions  en Afrique.

La fin de la guerre froide laisse les armées occidentales dans une position de force relative qu’elle n’avait plus depuis le début de la Première Guerre mondiale. Si les États-Unis en profitent pour asseoir leur puissance, l’Union européenne saisit l’occasion pour désarmer à grande vitesse et satisfaire son désir d’impuissance. Entre les deux, l’armée française balance. Lorsque l’anesthésie domine, elle est engagée dans des opérations de maintien de la paix où il n’est nul besoin de tacticiens puisqu’il n’y a pas d’ennemi, avec les résultats que l’on sait. Lorsqu’il faut suivre les Américains, on revient à une conception plus classique de la force, mais soit dans un cadre dissymétrique, comme face à l’Irak, la Serbie ou la Libye de Kadhafi, où il s’agit plus de gérer sa supériorité de moyens que de conduire des manœuvres habiles, soit dans un cadre symétrique, comme en Afghanistan où on retrouve la nécessité d’une vision élargie des situations. Si certains officiers se distinguent à cette occasion, la structure fragmentée des opérations leur interdit pratiquement de renouveler les expériences victorieuses. Le chef actuel doit réussir du premier coup et au moindre coût. Il est difficile dans ces conditions de former des Mentats audacieux et riches d’expérience (ce qui revient un peu au même) et la tentation est très forte de les remplacer par un pilotage très étroit depuis Paris, comme si des membres de plus en plus petits impliquaient un cerveau de plus en plus gros. Il est à craindre que le dernier Mentat français s’appelle Centre de planification et de conduite opérationnelle (CPCO).

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vendredi, 01 mai 2020

Un futur char de combat allemand-français?

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Un futur char de combat allemand-français?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

L'Allemagne et la France ont signé deux accords pour lancer le développement en commun d'un nouveau char de combat, dit système de combat terrestre (Main Ground Combat System) destiné à remplacer dans les années 2030 les chars Leopard 2 allemands et Leclerc français.

Le projet sera conduit sous un leadership allemand. Il associera comme partenaires principaux les trois entreprises Rheinmetall, KMW et Nexter qui formeront une coentreprise. Rappelons que Nexter S.A. est un groupe industriel de l'armement appartenant à l'État français. Il fabrique du matériel militaire pour le combat terrestre, aéroterrestre, aéronaval et naval. Il est issu de différentes entités du groupe GIAT industries qui en devient la holding de tête.

Le ministère de la Défense allemand vient d'annoncer mardi la signature de deux accords par les deux partenaires : un accord-cadre (framework agreement) suivi d'un accord de mise en œuvre (implementing agreement). Ce dernier permettra de passer un contrat pour une étude de définition de l'architecture du futur système. Cette commande est un préalable au développement de démonstrateurs technologiques, qui serviront à évaluer le MGCS, selon les besoins et exigences allemandes et françaises,

Les coûts de développements encore mal précisés sont estimés aujourd'hui à un minimum de 1,5 milliard d'euros pour parvenir aux phases de réalisation et d'industrialisation à partir de 2028. Ceci ne comprend évidemment pas les coûts de fabrication. 

Le marché européen potentiel serait de 100 Milliards d'euro. Les industriels visent également de nombreuses commandes à l'exportation. L'enjeu est donc majeur pour eux. Le MGCS servira aussi de plate forme pour divers types d'engins blindés plus polyvalents. Il s'agit du concept dit multi-plateformes associant des systèmes sous pilotage humain et d'autres complètement automatisés.

Du côté allemand, on considère que ce programme devrait compenser l'appel de l'Allemagne au F-18 américain pour renouveler sa flotte de Tornado, au lieu de s'adresser au français Dassault qui pouvait fournir des Rafales de nouvelle génération considérés comme bien plus performants.

Est-ce à dire que le projet d'une Défense européenne franco-allemande qui échapperait au contrôle du Pentagone pourrait ainsi se préciser ? Paris l'espère mais Berlin, malgré l'accord de principe donné sur ce sujet par la chancelière Merkel à Emmanuel Macron, reste, semble-t-il encore, très réticent.

Note 

En attendant 2040 et l'entrée en service de MGCS, KMW et Nexter (KNDS) continuent de préparer l'European Main Battle Tank (EMBT), résultant de l'union entre un Leclerc et un Leopard 2 dévoilé en juin 2018 lors du dernier salon Eurosatory. A compter de 2025, l'EMBT pourrait devenir une solution intermédiaire pour les pays dont le remplacement des flottes ne pourra pas attendre vingt années de plus ou dont le budget s'avérerait trop serré pour acquérir le MGCS.

lundi, 27 avril 2020

Développer une mentalité de guerrier

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Développer une mentalité de guerrier

Ex: https://survivreauchaos.blogspot.com
 
Je ne sais pas en ce qui vous concerne mais je trouve que la situation dans notre pays se détériore à grande vitesse, en particulier pour ce qui concerne le nombre des "incivilités" de nos aliens, et leur dureté.

Nous assistons de plus en plus souvent à des actes criminels d'une violence inouïe, que le Gouvernement est désormais incapable de contenir et de châtier, quand bien même il en aurait l'intention.

A vrai dire, je pense que nous sommes assis sur une cocotte-minute au bord de l'explosion, et qu'il ne faudra pas attendre très longtemps pour que le couvercle nous saute aux fesses...

Aujourd'hui, chaque manifestation, pour quelque motif que ce soit, nous offre son lot de dégradations, de voitures brûlées, et de vitrines brisées. Les règlements de compte se font désormais à l'arme de guerre et en pleine rue, les agressions de toute nature se multiplient à une vitesse folle, nos filles se font violer à tire-larigot, et comme si cela ne suffisait pas, nous faisons rentrer chaque jour de nouveaux contingents de criminels en puissance !

En fait, tous les motifs sont bons pour passer au délit, même les plus futiles. 1500 voitures brûlées, tel est le triste résultat des "célébrations" de la Saint Sylvestre dans notre beau pays. Un sacré début d'année pour ceux qui triment chaque jour au boulot en échange d'une maigre pitance et qui en plus, perdent en une nuit le moyen de s'y rendre ! Mais il est clair qu'avec leur cinquantaine de véhicules de fonction, tous payés par ceux-là qui, justement, triment chaque jour, nos marionnettes au pouvoir n'ont que faire de telles considérations.

A cela, nous n'y pouvons rien, du moins à notre niveau. Ce que nous pouvons faire, par contre, c'est nous préparer pour les temps difficiles. Pour les prochains combats. Dans notre corps, notre âme, et notre esprit.

C'est le propos de cet article.
"Sur cent hommes, dix ne devraient même pas être là, quatre-vingts sont juste des cibles, neuf sont de vrais combattants, et nous avons de la chance de les avoir, car ce sont eux qui font la bataille. Ah, mais l'un, c'est un guerrier, et lui ramènera les autres."
Cette pensée d'Héraclite, déjà citée lors d'articles précédents, montre bien l'extrême rareté des véritables guerriers sur les théâtres d'opérations, y compris, dans une moindre mesure, parmi les soldats professionnels. Si une telle chose était vraie à son époque, on peut facilement imaginer à quel point elle l'est plus encore aujourd'hui. Quels seraient les pourcentages actuels, après deux générations pizza-canapé-télévision ? Mieux vaut peut-être ne pas chercher à savoir.

Cet article traite donc de la manière de développer une Mentalité de guerrier, de la conserver, et de la mettre en oeuvre dans notre vie. Ceci dans le but de posséder un esprit suffisamment fort pour le jour où les lumières vont s'éteindre, même s'il reste de moins en moins de temps.

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Acquérir une Mentalité de guerrier

Lorsqu'on parle de "mentalité de guerrier", on l'associe presque toujours à l'agressivité et la détermination dans un combat armé. Or une telle mentalité signifie bien plus que cela, de même qu'elle implique un domaine bien plus vaste que celui des seuls affrontements en arme.

Une mentalité du guerrier consiste d'abord dans la capacité à surmonter les défis et l'adversité au quotidien. Elle consiste à posséder, comprendre et utiliser un ensemble de compétences physiques ET psychologiques qui permettent à un être humain d'être efficace, adaptatif et persistant. Une telle mentalité combinera de façon optimale la prise de décision, les techniques psychologiques, ainsi que les compétences physiques et tactiques apprises à l'entraînement et/ou par l'expérience.

Le but d'un guerrier est d'intégrer le psychologique à l'entraînement physique et tactique pour ajouter une dimension souvent négligée, mais nécessaire pour atteindre la performance maximale d'une compétence. C'est pour cela que les forces d'élite travaillent aussi dur. Il ne s'agit pas de "briser" la volonté des nouvelles recrues, comme les gauchistes et autres pacifistes aiment à dire, mais de développer la résistance mentale indispensable au soldat professionnel. Car si vous n'entraînez pas cette dernière activement, vous ne serez pas devenu un guerrier complet, peu importe les aptitudes physiques que vous auriez pu développer par ailleurs.

Vous découvrirez, avec un entraînement adéquat, que vous pouvez acquérir le pouvoir de surmonter n'importe quel obstacle et de changer vos résultats. Ce faisant, vous ferez ressortir l'esprit guerrier qui est en vous.

Si vous vous considérez comme un individu autonome et capable, alors vous devez agir suivant une mentalité de guerrier. Par vos pensées, vos actions, votre entraînement et vos capacités, vous travaillez à devenir une incarnation de la mentalité guerrière. Ce n'est pas quelque chose dont vous devez vous préoccuper seulement si vous exercez une profession martiale. Dans la grande tradition Française de l'autonomie individuelle, nous devrions tous être des individus capables et autonomes. Alors nous serons à même de nous protéger nous-même, ainsi que notre famille et nos enfants.

Ce qui est souvent oublié est le fait que l'acquisition de la mentalité guerrière et des compétences associées ne relève pas seulement de capacités tactiques. En fait, le développement d'un état d'esprit guerrier est un processus de construction du caractère qui débordera du cadre martial, pour bénéficier à tous les domaines de la vie professionnelle et privée.

Dans ce but, nous devrons travailler les qualités suivantes :

• La condition physique et la force
• Des compétences en auto-défense et au combat à main nue
• Des compétence aux armes
• Des compétences en tactique et stratégie
• Du courage physique et moral

Ce qui est souvent négligé, mais essentiel à un véritable état d'esprit guerrier :

• La capacité à résoudre les problèmes et à prendre des décisions
• La performance sous le stress
• La résilience psychologique
• La volonté de gagner
• La capacité de travailler en équipe
• Des qualités de meneur
• La conscience de la situation
• Des compétences en communication

Vous devez activement travailler ces compétences et qualités afin d'investir dans vous-même. Ceux d'entre nous qui les ont développées en rejoignant l'armée ou les FO et en servant ont dû le faire par un travail acharné. Bien entendu, d'autres professions développent aussi de telles qualités, peut-être sous une forme moins directement tactique. Quelles que soient l'activité que vous auriez pu exercer, l'important est de continuer à les travailler. Personne ne peut se reposer sur ses lauriers. Rien de moins qu'un engagement à cela, et vous perdez votre temps.

Si vous souhaitez évoluer vers un état d'esprit guerrier complet, vous devez considérer la manipulation d'armes à feu comme une simple progression vers un entraînement tactique plus complexe. Beaucoup de survivalistes se cantonnent dans une zone qu'ils affectionnent en particulier, ce qui leur est préjudiciable et ne permet pas non plus de développer l'ensemble des compétences et qualités mentionnées ci-dessus. Le but des stages et autres formations à la survie est de "sortir de sa zone de confort" afin de permettre ce processus.

Le principal malentendu parmi ceux qui "tirent" ou "cognent" est qu'ils ne réalisent pas que la capacité d'atteindre une cible est nécessaire mais pas suffisante pour développer l'état d'esprit guerrier et les connaissances tactiques réelles. L'adresse au tir ne confère aucune compétence tactique en soi. Ce qu'il faut vraiment, c'est pouvoir tirer, bouger, et communiquer dans un environnement de combat. Ce sont des mots très simples en apparence, mais ils décrivent parfaitement la complexité de l'entraînement tactique.

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Être un guerrier, maintenant

Si vous voulez gagner la guerre, vous devez être un guerrier. Il en va de même pour les autres domaines, y compris la vie de tous les jours. Nous sommes tous capables d'adopter un état d'esprit guerrier, c'est juste une question d'engagement.

La plupart des gens ne comprennent pas ce que signifie être un guerrier. Ils pensent que c'est le genre de chose que des connards égoïstes diraient d'eux-mêmes, ceux-là mêmes qui ont besoin de justifier la façon misérable dont ils traitent les autres.

Un tel comportement est le contraire d'une mentalité de guerrier. Les véritables guerriers se mettent en danger pour les gens qu'ils servent. Un guerrier est complètement concentré, discipliné et agressif, non par égoïsme, mais au nom des autres.

Chaque général a un président à qui il doit rendre des comptes, et dans votre cas, votre président est votre compagnon d'armes, votre groupe, ou votre famille. Ce sont les gens que vous représenterez lorsque vous irez vous battre, et si vous voulez qu'ils gagnent, vous devez comprendre ces trois lois de la guerre.

Règle 1 : N'agissez que lorsque cela vous est bénéfique

"Si c'est à votre avantage, avancez ; sinon, restez là où vous êtes... Un royaume qui a été détruit une fois ne peut plus jamais renaître ; de même les morts ne peuvent jamais être ramenés à la vie. " - Sun Tzu

Tout acte comporte des risques. Quitter votre emploi pour partir vous installer à la campagne, investir votre argent dans une nouvelle entreprise, voire choisir une nouvelle orientation ou de nouveaux équipements pour être plus autonome : tout cela invite à l'inconnu dans votre vie.

Avant de faire quoi que ce soit, pesez le pour et le contre. Si la balance ne penche pas massivement vers le pour, alors abstenez-vous.

C'est une question de discipline. Prendre un risque parce que vous trouvez quelque chose d'intéressant, et non parce que vous voyez l'avantage que cela vous procure, est un geste indiscipliné. Au fur et à mesure que les obstacles vont surgir - ce qu'ils ne manqueront pas de faire - votre intérêt s'estompera. Vous aurez du mal à maintenir la discipline nécessaire pour continuer, et vous finirez par échouer.

En pesant le pour et le contre, vous savez à quoi ressemble la victoire, et vous êtes prêt à surmonter tout ce qui pourrait vous empêcher de la remporter. C'est une manifestation de l'état d'esprit guerrier.

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Règle 2 : savoir ce qui libère la bête en vous

Nous avons tous des périodes où nous sommes proche de notre vitesse de pointe, où nous pensons avec acuité, où nous agissons rapidement, où nous sommes complètement concentré sur la tâche à accomplir. On peut appeler cela le mode "bête sauvage".

Pour être un guerrier, vous devez trouver ce qui déclenche la "bête" qui est en vous, et l'intégrer à votre routine.

Pour certains, ce sera par le physique. Ils vont se lever tous les matins à 5h00, se plonger dans un bain glacé, et poursuivre par une heure de sport. Tout cela, avant même de partir au travail.

Quand le corps est engagé à ce niveau, on sait qu'il pourra supporter 6 à 8 heures en "mode animal". La poussée d'endorphine va le porter durant toute la journée.

Pour d'autres, ce sera la méditation. Pour vous, ce pourrait être quelque chose de différent. Ce qui est important, c'est que vous trouviez ce qui débloque l'animal qui est en vous, et que vous le systématisiez pour pouvoir opérer au plus haut niveau chaque jour.

Chaque guerrier suit un rituel avant d'aller au combat, et quand vous trouvez le vôtre, vous avez d'autant plus de chances de sortir victorieux.

Règle 3 : s'engager à atteindre son objectif sans honte

Aucune campagne militaire réussie ne commence avec un objectif vague. Aucun général ne dit : "Nous voulons globalement gagner plus de batailles que nous n'en perdons". Il faut avoir une vision claire de la victoire que l'on veut.

La plupart des gens le comprennent intuitivement, mais ils se sentent mal à l'aise à l'idée de s'engager aussi intensément dans la réalisation de leurs objectifs. Ils ont peur de ce que les autres vont dire, d'être étiqueté comme une personne qui "se prend trop au sérieux".

Imaginez un commando qui réduit son intensité au combat parce que quelqu'un lui a dit que c'était "inapproprié"...

Vous devez faire deux choses :

1. Accepter que les personnes qui jugent de votre ambition et de votre orientation puissent ne pas être des acteurs clés dans votre vie.

2. Bloquer les périodes où vous êtes concentré à 100 % sur votre travail.

Pensez-vous que les soldats répondent aux appels Facebook pendant les combats ? Lorsqu'ils sont engagés, ils le sont pleinement. Rien ne les distrait. Vous avez besoin de ce même niveau d'engagement mental.

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On peut appeler cela : "passer en mode clandestin". Tous les membres de votre famille et de votre entourage devraient savoir que lorsque vous agissez en mode clandestin, vous êtes plus ou moins injoignable. Ce que vous faites pendant cette période devrait être le plus important, parce que vous êtes complètement engagé dans le combat.

On pourrait penser que l'on sacrifierait sa vie personnelle en vivant de cette façon, mais c'est en fait le contraire qui est vrai. Parce que vous êtes capable d'opérer à un tel niveau, vous pourrez alors vous consacrer entièrement à votre famille lorsque vous remonterez pour prendre l'air.

Les vendredis soirs en famille, les rendez-vous avec votre femme ou votre compagne, les matchs de football avec les enfants, rien de tout cela ne doit être interrompu par le travail, parce que vous savez qu'il n'y a pas moyen d'être à mi-chemin dans une fusillade.

Vos enjeux sont trop élevés pour être autre chose qu'un guerrier

Être un guerrier revient à prendre les relations au sérieux. Vos relations avec vos clients, vos relations avec vos concurrents, vos relations avec vous-même et vos relations avec votre famille.

Un échec dans l'une de ces relations peut ruiner votre vie. Il ne s'agit pas là d'une hyperbole. Je veux dire littéralement que votre vie entière peut être minée si vous n'accordez pas assez d'importance à l'une de ces relations.

Heureusement, pour adopter un état d'esprit guerrier, il suffit d'avoir un carnet de notes et un peu de courage. Dans les heures qui suivent, vous pourriez mettre sur papier vos objectifs quotidiens, une nouvelle routine pour débloquer la bête qui est en vous, et un calendrier pour organiser votre vie professionnelle et familiale.

Ensuite, la seule chose qui vous sépare de la vie de guerrier est votre engagement.

Alors engagez-vous.

6 stratégies pour développer une mentalité de guerrier

1- Fuir les oiseaux de mauvaise augure. Lorsque nous recevons de mauvaises nouvelles ou que nous traversons une période traumatisante, notre réaction naturelle est d'aller chercher du soutien auprès des autres. Bien que la sensibilisation soit importante, le fait de savoir vers qui nous tourner pour nous soutenir l'est encore plus

Les situations difficiles nous plongent dans notre état le plus vulnérable. Nous avons besoin du soutien de ceux qui peuvent nous élever et nous faire avancer. Dans ces moments, nous avons besoin du soutien de ceux qui sont plus forts que nous.

2- Sortir le plus rapidement possible de la question du "pourquoi moi ?". Il est dans la nature humaine de perdre le contrôle et se sentir victime des circonstances. Lorsque les choses changent radicalement, un processus de deuil est souvent nécessaire pour finalement accepter la nouvelle réalité. Ce processus peut inclure le déni, la colère, le deuil et enfin l'acceptation.

3- Maîtriser la peur. La peur est aussi une réponse naturelle aux nouvelles et aux situations qui changent la vie. Pourtant, nous devrions toujours nous souvenir qu'il ne s'agit que d'une émotion, et rien d'autre. Si nous lui donnons du pouvoir - si l'on entre dans le processus du "que va-t-il arriver si..." - alors nous devenons paralysés. Il n'y a pas de temps pour l'inertie ou l'inaction.

72febf815e2a313f7edb19c5446a2daa--soldati-army-soldier.jpg4- Chercher une nouvelle "tribu". Lorsque les règles et les paramètres de notre vie quotidienne changent, nous devons créer un groupe - ou intégrer une structure existante - de manière à savoir que nous ne sommes pas seuls. Ceci afin de pouvoir prendre des décisions éclairées fondées sur des connaissances et des faits, plutôt que sur l'émotion. Nous avons besoin de gens comme nous.

Nos autres tribus pourraient ne pas comprendre, ou même approuver. Ce n'est pas notre problème. Notre guérison et nos progrès dépendent de l'obtention d'un soutien adéquat.

5- Prendre le contrôle de la situation. Ce n'est peut-être pas la situation que vous auriez choisie, mais c'est VOTRE situation. Choisissez d'en prendre le contrôle. Soit nous contrôlons nos circonstances (même les plus difficiles), soit elles nous contrôlent.

6- Se rappeler qu'une situation ne nous définit pas. Votre situation actuelle n'est qu'un morceau du canevas qu'est votre vie, un épisode passager plus ou moins bref. A une certaine époque, j'ai failli mourir de faim et de soif, littéralement. Une fois l'épreuve passée, je ne suis pas devenu boulimique pour autant. Certaines personnes que je connais luttent contre la dépression ; elles ne sont pas la dépression. Plusieurs de mes relations ont connu un échec commercial ou un divorce. Ils sont plus que leur situation professionnelle ou conjugale.

Nous avons le pouvoir de décider de la façon dont nous coexistons avec notre nouvelle réalité, de la mesure selon laquelle elle nous définit. La vie offre à tous autant que nous sommes un mélange de bon et de mauvais. La manière dont tout cela se manifeste dépend en grande partie de nos perspectives et de notre état d'esprit. Nous ne sommes pas nos luttes. Elles ne sont qu'une partie des personnes extraordinaires que nous sommes.

C'est en intégrant et en développant ces nouvelles habitudes que nous acquérons un état d'esprit guerrier. Il ne s'agit pas seulement de dégainer le plus vite, ou de cogner le plus fort ; il s'agit de développer les qualités à la fois mentales et physiques qui permettront de tirer le meilleur parti de nos compétences et de nos savoir-faire, le jour où notre vie ou celles de nos proches en dépendront...

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mercredi, 01 avril 2020

Hirô Onoda: Patriotisme total

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Hirô Onoda: Patriotisme total

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Le 16 janvier 2014 s’éteignait à Tokyo à l’âge respectable de 91 ans Hirô Onoda. Il fut certainement l’ultime porteur des principes fondateurs de l’esprit samouraï, le dernier Japonais à avoir sacrifié sa vie pour la grande idée impériale.

Le Lys noir de feu Rodolphe Crevelle en date du 21 juin 2012 présentait cet incontestable héros contemporain. Le titre du texte claquait tel un défi lancé à la moraline ambiante : « Comment gagner une guerre mondiale quand on est seul… » Hirô Onoda appartient à ces conscrits nippons qui, faute de moyens de transmission appropriés, ignorèrent la défaite de leur pays en 1945 et continuèrent à combattre sur des îles, plus ou moins isolées, de l’aire Asie – Pacifique.

ddec8b10a614ec28fd1a4c696aa7df5d.jpgJeune lieutenant à la fin du conflit, Hirô Onoda rejoint l’île occidentale de Lubang aux Philippines. Instruit auparavant dans une école de guérilla à Futamata, il reçoit des ordres explicites : 1) ne jamais se donner la mort, 2) désorganiser au mieux l’arrière des lignes ennemies une fois que l’armée impériale se sera retirée, 3) tout observer dans l’attente d’un prochain débarquement japonais.

Ce pratiquant de kendô de 22 ans prend très à cœur sa mission. Il s’exaspère en revanche du piètre état physique et moral de ses compatriotes sur place. « Je me retrouvais là sans aucun pouvoir, avec des troupes désordonnées dont aucun soldat ne comprenait rien aux bases de la guérilla que nous aurions à mener sous peu (p. 90). » Son enthousiasme martial contraste avec le défaitisme latent des plus anciens.

Hirô Onoda et trois autres militaires commencent leurs raids dès que les Yankees investissent Lubang. Si l’un d’eux finit par faire défection et se rend, ses trois compagnons de guerre persistent à lutter. Ils restent fidèles au « serment de continuer le combat. C’était le début du mois d’avril 1946 et nous constituions la seule force japonaise de résistance présente à Lubang (p. 120) ». Pendant vingt-neuf ans, Hirô Onoda mène ainsi une vie de camouflage, une existence furtive, sur le qui-vive, une survie permanente. La prouesse est remarquable. À son arrivée, sa « première impression de Lubang fut que c’était un terrain difficile pour y mettre en œuvre la guérilla (p. 74) ».

Hirô Onoda voit successivement ses deux derniers frères d’armes tombés au combat face aux Étatsuniens, à la police locale ou à des habitants de plus en plus téméraires. Les autorités de Manille et de Tokyo emploient divers moyens pour leur faire comprendre la fin des hostilités. Sans succès. « Nous ne pouvions pas nous résoudre à croire que la guerre était finie. Nous pensions que l’ennemi forçait des prisonniers à participer à leur supercherie (p. 117). » Malgré les tracts parachutés dans la jungle, les journaux nippons laissés volontairement bien en évidence près des sentiers et même des émissions radio écoutées grâce à un transistor volé, aucun ne consent à déposer les armes. « Nous avions juré que nous résisterions aux démons américains et anglais jusqu’à la mort du dernier d’entre nous (p. 177). » Pourquoi ? Parce qu’« il était de notre devoir de tenir le coup jusqu’à ce que la Sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale soit solidement établie (pp. 168 – 169) ».

ab0cf960a730e775cb2fd4c97eecfe99.jpgModèle d’abnégation patriotique totale, bel exemple d’impersonnalité active, Hirô Onoda est alors certain qu’en cas d’invasion du Japon, « les femmes et les enfants se battraient avec des bâtons en bambou, tuant un maximum de soldats avant de mourir. En temps de guerre, les journaux martelaient cette résolution avec les mots les plus forts possibles : “ Combattez jusqu’au dernier souffle ! ”, “ Il faut protéger l’Empire à tout prix ! ”, “ Cent millions de morts pour le Japon ! ” (pp. 177 – 178) ». Ce n’est que le 9 mars 1974 que le lieutenant Onoda arrête sa guerre dans des circonstances qu’il reviendra au lecteur de découvrir.

Devenu éleveur de bétail au Brésil où vit depuis le XIXe siècle une forte communauté japonaise, Hirô Onoda retourne ensuite au Japon pour enseigner aux jeunes déformés par le monde moderne les techniques morales et pratiques de survie. Il ne se renia jamais. Préfacier et traducteur d’Au nom du Japon (La manufacture de livres, 2020, 317 p., 20,90 €), le Tokyoïte Sébastien Raizer qualifie ce livre de « récit hors du commun [… qui] se lit comme la plus haletante des aventures humaines (p. 7) ».

Un « bo-bo » du XIVe arrondissement de Paris ou du Lubéron y verra sûrement le témoignage d’un fanatisme ardent. Il ne comprendra pas qu’Au nom du Japon est avant tout une formidable leçon de volonté, de courage, de fidélité et d’honneur. Un très grand ouvrage !

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 166.

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lundi, 09 mars 2020

Marie von Clausewitz

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Marie von Clausewitz

Non sono solito leggere biografie, ma in questo caso ero molto curioso di affrontare il testo e godermelo fino alla fine per due motivi. Pur essendo una biografia, per me era come leggere e conoscere meglio un autore e un’opera che considero fondamentale per capire la natura della guerra. Secondariamente, il testo mi ha riportato in luoghi che ho visitato e vissuto e che quindi hanno fatto riemergere nella mia mente vivi e piacevoli ricordi.


Il libro di cui vi voglio parlare è Marie von Clausewitz: The Woman Behind the Making of On War di Vanya Eftimova Bellinger, un testo molto interessante che affronta un tema del tutto originale, ovvero la figura di Marie von Brühl, moglie del generale prussiano Carl von Clausewitz il più noto pensatore sulla guerra. Il tema diventa veramente centrale dal momento che la figura che emerge dalle pagine del libro ha chiaramente un carattere e una statura intellettuale importante con un ruolo non secondario nella stesura dell’opera principale di Clausewitz, il Vom Kriege, oltre che, come noto, nella sua pubblicazione postuma dopo la morte prematura dell’autore.


Marie von Brühl nacque nel 1779 da una nobile famiglia originaria della Turingia ma con forti legami con le terre prussiane orientali, ora in Polonia, e con la corte di Dresda. Era, quindi, a tutti gli effetti una nobildonna del tempo con tutto ciò che ne consegue, ovvero ottima educazione (anche relativamente alle lingue visto che parlava fluentemente l’inglese per via di alcuni legami famigliari) e ottime entrature anche nella corte di Berlino che frequenterà assiduamente fino alla morte sopraggiunta nel 1836.


Questo aspetto mette subito in luce una profonda differenza tra lei e il marito, poiché Clausewitz, originario della cittadina di Burg, era sì un nobile ma era un titolo che aveva ottenuto suo padre per vie burocratiche e che andava confermato (cosa che avvenne negli anni successivi anche per merito dell’intercessione di Marie). Il divario sociale tra i due era quindi notevole, la madre di lei, per esempio, all’inizio non approvò la relazione. Il diverso lignaggio ebbe ripercussioni poi anche sul diverso grado di educazione, Clausewitz era certamente un uomo colto e che amava leggere, ma la preparazione di cui godette Marie era superiore per ciò che concerne sia le lingue sia i modi e i comportamenti nelle lettere ufficiali piuttosto che a corte.


L’autrice riesce a creare una vivida immagine della coppia grazie a due aspetti. Primo, utilizza l’epistolario di Marie ritrovato qualche anno fa e ciò le permette di avere a disposizione diverso materiale inedito in grado di gettare luce su aspetti nuovi o poco conosciuti. Pur non essendo un epistolario completo, e con il grande limite di non coprire tutti quei periodi in cui la coppia, vivendo insieme, non aveva necessità di scriversi, resta una fonte fondamentale per capire meglio la personalità di Clausewitz, le dinamiche di coppia, così come i loro interessi.


Dalle lettere emerge chiaramente come la coppia condividesse importanti interessi politici e come Marie sia stata un elemento importante per la carriera di Carl spronandolo e cercando appoggi tra i suoi contatti a corte. Lei lo ha sempre appoggiato nelle sue scelte che spesso lo portavano lontano per via della carriera militare e questo ha rinsaldato sempre più il legame tra loro. Anche la scelta di Carl di raggiungere l’esercito russo e combattere contro Napoleone, quando la Prussia invece si alleò con il francese, fu sofferta ma condivisa perché entrambi condividevano la stessa visione politica nazionalista prussiana in netta contrapposizione con il piano egemonico di Bonaparte.


clausewitz,marie von clausewitz,art militaire,militaria,guerre,histoire,allemagneLa visione politica dei due è molto simile ed emerge costantemente nelle lettere. Il libro ne segue le tracce nel quadro di quegli anni burrascosi che fu l’inizio dell’800 con le guerre napoleoniche la disfatta di Jena (14 ottobre 1806), la sconfitta e l’umiliazione prussiana che scossero gli animi della coppia (che in quel periodo non era ancora sposata, il matrimonio venne celebrato il 17 dicembre 1810 a Berlino presso la Marienkirche visitabile ancora oggi in pieno centro). Questo permette all’autrice di ricostruire in modo preciso le vicende della Prussia, e in genere dell’Europa di quegli anni, inserendovi quindi la maturazione delle idee politico-strategiche di Clausewitz oltre che ovviamente le vicende amorose dei due.
Il secondo aspetto importante è che l’autrice, che ha ripercorso i luoghi della coppia (dalla cittadina natale di Burg fino a Berlino) è che inserisce quella coppia, sicuramente particolare già all’epoca (per il divario sociale tra i due, ma anche per la particolare personalità di Marie), nel dibattito politico della Prussia facendo emergere i contatti con vari personaggi di spicco dello schieramento anti-napoleonico, ma soprattutto le forti e ampie riflessioni politiche che i due erano sicuramente impegnati a fare tra loro, ma anche nei salotti bene della nobiltà prussiana.


Marie appare quindi una donna sui generis rispetto all’immagine della classica nobildonna di inizio Ottocento perché era sì colta, ma aveva maturato un vivo e attivo interesse per la politica, un fatto certamente non comune (come a volte mette in luce l’autrice). Era inoltre impegnata in prima persona in quei dibattiti, ma anche nella vita militare sia per seguire il marito sia per scelta personale. Infatti, è significato il passaggio del testo in cui si ricostruisce il periodo in cui Marie per cercare di rimanere più vicina a Carl, impegnato nelle campagne belliche, e di essere di aiuto nello sforzo bellico prussiano scende in campo in prima persona. Ovviamente non imbracciando un arma, ma occupandosi dei feriti (per esempio durante l’assedio della cittadella di Spandau a Berlino, altro luogo che consiglio vivamente di visitare) e collaborando, dalle lettere non è chiaro in che ruolo, con il locale ospedale militare. Se da un lato all’epoca era relativamente normale che le mogli degli ufficiali seguissero in mariti, dall’altro è chiaro come non fosse normale per una donna che frequentava quotidianamente il re e la corte trovarsi a svolgere mansioni simili a un infermeria da campo.


Marie dunque era sicuramente una donna diversa dalle sue contemporanee e lo dimostra poi ancora una volta dopo la morte del marito, avvenuta improvvisamente per colpa di un’epidemia di colera nel 1831, quando prende in mano il manoscritto del Vom Kriege e le altre opere di Carl per sistemarle e mandarle in stampa. Lei aveva sempre spinto il marito sia verso la carriera militare sia nella stesura dell’opera. Dalle lettere emerge chiaramente il coinvolgimento di Marie in alcune riflessioni di Carl così come il suo sosteno morale per continuare a scrivere. Marie, quindi, conosceva bene sia l’opera sia il pensiero del marito e si trovò a dover completare in qualche modo il lavoro. Purtroppo anche lei morirà presto, nel 1836, e non riuscirà a vedere l’intera opera pubblicata, ma quella che noi oggi leggiamo è quella riassemblata da Marie partendo dai fogli di Carl.


Insomma il libro di Vanya Eftimova Bellinger è sicuramente originale per il tema trattato, interessante da un punto di vista storico, poiché ricostruisce le vicende della Prussia del primo Ottocento e cruciale per chi vuole studiare con maggiore profondità la vita e il lavoro di Clausewitz.

dimanche, 08 mars 2020

US Wages Biological War Against China

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US Wages Biological War Against China

Ex: https://journal-neo.org

Shocking news just in from India is enough to make one’s blood run cold. A professor of Molecular Biology in New Delhi’s Jawaharlal Nehru University, Anand Ranganathan, and his colleagues published a preprint (which has not been peer-reviewed as yet) about their research on the novel coronavirus (2019-nCoV) from China.   They discovered a possible link between it and other similar known coronaviruses circulating in animals (such as bats and snakes), and found HIV virus-like insertions in 2019-nCoV.   No other well-studied coronaviruses have such a structure. Hence, their research hints at the possibility that the virus was designed and could be used to wage biological warfare. China’s National Health Commission has reported 31,161 confirmed cases of coronavirus. And on 7 February, there were 31,452 individuals infected with 2019-nCoV worldwide, and 638 had succumbed to the disease.

In light of these recent developments, it seems apt to remind our readers that a fierce, take-no-prisoners type of trade war is currently ongoing between the United States and China. And in the midst of this confrontation, as if by a wave of a magic wand, a coronavirus outbreak started in the PRC, which has already caused enormous damage to the Chinese economy and has considerably weakened Beijing’s bargaining position at the negotiating table.

Bloomberg reported that Chinese stocks plummeted when markets reopened and called these developments “the worst rout since 2015.” For ten days China’s and Hong Kong’s financial markets had been closed on account of the Lunar New Year holiday celebrations nation-wide. And the more than 8% fall in key stock indices has been linked to the coronavirus outbreak.  Share prices of telecommunication, technology and extractive companies are decreasing the most. Crude oil, iron ore and ferrous metal futures fell by 7%, 6.5 % and 6 % respectively. Copper, and crude and palm oil also sank by the maximum daily limit allowed on the Chinese markets.  Fang Rui, the Managing Director at Shanghai WuSheng Investment Management Partnership, said: “A lot of people in the market have not been through situations like today, and you can’t blame people for wanting cash when they feel like their health is at risk.”

Even before the coronavirus outbreak, many experts reported that, recently, Washington, in contravention of international law, was actively developing biological weapons in its numerous laboratories located in the United States as well as abroad. In November of last year, Secretary of the Security Council of Russia Nikolai Patrushev, who is well-versed on the topic, sounded the alarm about this and described key threats to security of many nations of the world. One section of his article addressed policies “aimed at the destruction of the unified humanitarian space” and at sowing division within the CIS (the Commonwealth of Independent States) and the CSTO (the Collective Security Treaty Organization), and also referred to the establishment of laboratories by the United States in CIS countries. “Of particular concern are the Pentagon’s activities aimed at creating biological laboratories across the globe, first of all in CIS countries, which study infectious diseases and can be used to develop biological weapons,” Nikolai Patrushev wrote. Later on, there were reports that more than 200 U.S. biological laboratories began operations worldwide. And some are situated in Azerbaijan, Armenia, Georgia, Kazakhstan, Moldova, Uzbekistan and Ukraine.

In his comments about the research conducted by the Indian scientists, Igor Nikulin, a former advisor to the United Nations commission on chemical and biological weapons, pointed out that China’s medical staff had started treating individuals infected with the novel coronavirus with HIV medicines with some success.  In his interview with newspaper Moskovskij Komsomolets, he said that 2019-nCoV was a weaponized version of the coronavirus, and that there was not a shred of doubt it had been designed for a specific purpose. As scientists are working on a vaccine against this novel virus, medical workers remind the public that the same means for treating the flu should be used to fight this disease.

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The main question is who benefits from the fact that yet another epidemic has put a powerful nation such as China off its stride. If we recall the famous “highly likely” tactic unceremoniously used by UK’s former Prime Minister Theresa May to tie the supposed poisoning of Skripal family members to Russia, then the answer to the aforementioned question is obvious: “The outbreak caused by the novel coronavirus (2019-nCoV) that struck China is most likely beneficial to the United States.” And the worse the situation is for Beijing, the better it is for Washington, especially since the outlook for the epidemic looks bleak for now. For example, some experts claim that if the efforts to stop the spread of the virus fail, 250 million residents of China could succumb to the disease!

Notably, 2019-nCoV has even “got to” U.S. tech giant Apple since its production facilities are located just 500 km away from the “epicenter” of the coronavirus, the city of Wuhan. And now, according to the Nikkei Asian, production of popular iPhones could be halted. The Starbucks Corporation has also ended up in a difficult situation. On account of the quarantine, it was forced to close more than half of its 4,000 cafes operating in China (incidentally, the PRC is the second biggest market for the company after the United States).

Still, for some reason Americans do not seem like true victims of the outbreak, especially Apple Inc., after all, its leadership was advised by Donald Trump himself to move its productions facilities to the United States at the very beginning of the trade and economic stand-off between the USA and the PRC. One is even left with the impression that the U.S. President was seemingly able to see the future just as a clairvoyant might. However, a more likely explanation is that he must have simply decided to punish all the U.S. companies whose heads had chosen not to listen to his persistent “recommendations” to relocate their production facilities to the USA. And admittedly, both Apple and Starbucks got truly unlucky.

The same, however, cannot be said about the U.S. political establishment, which is making an enormous effort to bring the upstart, China, to its knees. And why should these attempts be purely economic in nature?  After all, anything goes in this type of conflict, and even if the United States chooses to use prohibited means of warfare or weapons, it is quite clear that no Americans will end up among the defendants for such crimes at the International Court of Justice.

We could remind our readers that this would not be the first time the United States used biological and chemical weapons. During the Vietnam War, the U.S. military spread about 72 million liters of herbicide Agent Orange (to remove foliage), including 44 million liters of this defoliant contaminated with 2,3,7,8-tetrachlorodibenzo-p-dioxin (TCDD) over South Vietnam. TCDD is a persistent organic pollutant that, on entering a human body with water or food, causes various diseases of the liver and blood, birth defects and problems during pregnancy. After American troops had used the herbicide, tens of thousands people died after the war. Altogether, approximately 4.8 million Vietnamese were affected by the spread of the chemical, including 3 million direct victims of the defoliant.

The current coronavirus outbreak and the media hype associated with it have already caused enormous damage not only to the economy of China but that of many other nations of the world.  Flights have been cancelled, production halted, logistics disrupted and fairs have lacked attendees. The epidemic in the PRC has forced more and more large companies to change their plans and improvise. The sudden decrease in air traffic to and from China and the rest of the world has not only reduced revenues of airlines and airports (affected by fewer passengers and flights) but also caused serious problems for companies from various spheres.  President of the World Bank Group David Malpass has said as much, and also alerted the public to the fact that the global economy was “poised to decelerate more than previously estimated” at least in the first half of 2020. He also reminded us that many Chinese goods were transported to destinations worldwide via passenger planes, which is why, at present, companies are forced to quickly adjust their logistics routes based on current conditions.

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Coronavirus is, for instance, more dangerous for Germany’s economy than for its people.  Some consequences of it are Lufthansa cancels all of its flights to the PRC, the German travel industry loses its Chinese clients and German companies halt production in China. Due to the outbreak, businesses start to sustain losses.  Mostly fairly well-off Chinese visitors go to Germany, and based on the total amount of money they spend on travel and stay in this country, citizens of the PRC take second place among other foreign nationals. According to German media sources, annually, the Chinese spend approximately 6 billion Euros on transport, accommodation, food and shopping in Germany.

Many tourist attractions in Germany will lack tourists from the PRC in the nearest future. Having pointed out the importance of visitors from China for Germany’s retail, travel and entertainment industries, Petra Hedorfer, the head of GNTB (the German National Tourism Board), expressed hope, in a special press release, that the situation would soon return to normal, and reminded the public that the peak season for Chinese tourists coming to Germany was summer. Hence, these sectors could potentially recoup their losses that will start to grow in the nearest future.

All of this prompted German newspaper Handelsblatt to conclude that Donald Trump was a destructive force, and that three years of his presidency were enough to undermine the current world order, and the trust in the World Trade Organization, NATO and the Paris Agreement. And now we can add waging biological warfare against intransigent rivals to this list – by hook or by crook as the saying goes.

Viktor Mikhin, corresponding member of the Russian Academy of Natural Sciencesexclusively for the online magazine “New Eastern Outlook.

jeudi, 30 janvier 2020

El concepto de Defensa Integral

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El concepto de Defensa Integral

Ex: https://www.geopolitica.ru

Defensa Integral - Concepto

Entiendo el concepto de Defensa Integral como se refiere la comprensión, intervención y control de la mayor cantidad de variables mensurables vinculadas a la preservación de la soberanía del Estado, entendiendo que la Soberanía, en tanto poder efectivo del Estado sobre el territorio, deviene del Pueblo y de éste a su Gobierno, en pleno uso de las facultades constitucionales previstas en tanto gobierno electo. 

Por ello la Defensa Integral incluye no sólo aspectos militares, sino también otros que coadyuvan al mantenimiento de la gobernabilidad, aspecto fundamental para lograr los objetivos que el Gobierno Electo se ha propuesto. 

Defensa Integral - Esquema

Elementos de la Defensa Integral

Militar

El objetivo del desarrollo de las capacidades militares es la disuasión militar. La Directiva de Política de Defensa Nacional (DPDN), Decreto 1714/2009, y norma complementaria (Decreto 2645/2014), establece que la defensa nacional tendrá el carácter defensivo, autónomo y cooperativo. 

En el marco de la DPND, se plantea abordaje en dos áreas: Equipamiento y Formación ideológica. 

Formación Ideológica

Se plantea la necesaria revisión de los contenidos brindados en los establecimientos de formación militar de Oficiales y Suboficiales de todas las Armas, incluyendo los de educación superior:

  • Escuela de Oficiales de la Armada
  • Escuela de Suboficiales de la Armada
  • Escuela Naval Militar 
  • Liceo Naval Militar Almirante Brown 
  • Colegio Militar de la Nación
  • Escuela Superior de Guerra (Argentina)
  • Instituto Social Militar
  • Escuela de Aviación Militar
  • Liceo Aeronáutico Militar
  • Los Liceos militares de todo el país.

La carencia de una concepción geopolítica adecuada a nuestra realidad queda manifestada en la falta de “conciencia de clase” militar, donde el modelo a seguir continúa siendo el de los países de la OTAN, pese a que tenemos una parte de nuestro territorio ocupado por una base de la Alianza del Atlántico Norte en las Islas Malvinas. Se desprecia lo popular, los gobiernos populistas, se continúa con el cultivo de formación clasista y oligárquica, con una concepción de “Patria” indeterminada, alejada de lo popular y lo concreto. 

Equipamiento

El equipamiento de nuestras FFAA debe estar acorde a nuestra realidad geopolítica. No podemos seguir adquiriendo material militar de países de la OTAN, puesto que es una contradicción a nuestro reclamo de soberanía sobre las Islas Malvinas. Por ello los caminos que se plantean son los siguientes:

•  Potenciación de Capacidades

Mediante el apoyo político y de recursos materiales y humanos a la Industria de la Defensa, sea estatal (FADEA, FAMA) o privada (Cicaré, etc.).

• Adquisición

En la nueva concepción de Defensa Integral, la adquisición debe realizarse priorizando a países fuera de la órbita de OTAN, que proveen material más accesible y mantenimiento coordinado (en su mayoría), como Rusia y China. La renovación del equipamiento de las tres Armas principales puede lograrse progresivamente a través de convenios con estos países, donde ya hay voluntad de hacerlo 

Ideológica

Los vaivenes del populismo latinoamericano, el pase de la cima a la sima, responden a procesos que si bien han permitido el acceso a los derechos de grandes sectores de la población, no han podido modificar la matriz cultural de los ciudadanos, quienes en gran parte, siguen adaptando las formas del lenguaje y reflexión de los sectores de poder ajenos a los intereses nacionales y populares. 

De allí que en estos cuatro años debe darse una fuerte batalla en el campo cultural a fin de consolidar el proceso democrático y popular, en tanto justicia social, para perfilar un modelo de país no sólo en el plano económico, sino en el cultural. 

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La batalla cultural o guerra ideológica se plantea en dos frentes: 

• Medios de Comunicación

La batalla cultural debe disputarse en el plano de los medios de comunicación, fortaleciendo los pequeños los medios de comunicación aliados, a la vez que reaplicando la Ley de Servicios de Comunicación Audiovisual, con el fin de debilitar a los grandes grupos monopolísticos comunicacionales que forman ideología y no permiten la reflexión, tanto en forma directa a sus televidentes, oyentes o lectores como cuando son utilizados como agencias de prensa por los medios de comunicación del interior del país. Una vez aprobada la Ley de Solidaridad y Reactivación Productiva y consolidado la actualización de retenciones a las exportaciones, sería apropiado continuar con lo planteado anteriormente.  

La batalla comunicacional también se da desde la comunicación no tradicional, en particular redes sociales, donde el rol de los trolls o centros de difusión de mensajes maliciosos y noticias falsas o falaces (fake news) juega un rol importante a la hora de formar opinión en los sectores medios.

• Políticas Educativas

La centralidad del Estado posibilita la implementación de las políticas educativas tendientes a librar la batalla cultural en el ámbito de las Instituciones Educativas. Los planes, programas y proyectos planteados entre 2003 y 2015 adolecieron de instrumentos de control efectivo, su aplicación dependió del interés de cada ministro de educación provincial y las jornadas de actualización docentes fueron y siguen siendo formas de perder el tiempo en forma organizada. Es menester que los procesos de implementación, monitoreo y evaluación de las políticas públicas sean efectivos a fin de proveer las herramientas para el debate racional de ideas en alumnos primarios y secundarios, así como docentes. 

Infraestructura

La Defensa Integral implica orientar todo el potencial del Estado a proteger el gobierno democráticamente elegido, en tanto proyección de la soberanía popular, lo que incluye las obras públicas que favorezcan la defensa, protección, integración y proyección del Estado Argentino. 

La obra pública es una importante herramienta de reactivación de la demanda agregada, por lo que es conveniente priorizar aquellas que favorezcan la ocupación efectiva del territorio, la integración cultural y comercial, la protección de las fronteras y la proyección económica y cultural de la República Argentina a países limítrofes, especialmente a Uruguay, Paraguay y Bolivia. 

Política

La defensa del Gobierno del Estado también se logra consolidando el poder político democráticamente logrado y fortaleciendo a los actores políticos del proyecto nacional popular en territorios hostiles donde no son gobierno. 

Con las herramientas existentes y en forma coordinada y planificada, es posible asesorar y supervisar la gestión política de referentes propios a fin de minimizar los daños de gestión que minen su imagen y caudal electoral. 

Es necesario también brindar asesoramiento político para la construcción de poder democrático a aquellos referentes que disputan gobiernos municipales y provinciales gobernados por espacios políticos ajenos a la concepción política filosófica del Gobierno Nacional. 

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dimanche, 26 janvier 2020

Des chercheurs pris dans la guerre biologique

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Des chercheurs pris dans la guerre biologique

par Etienne Aucouturier

Ex: http://www.geopolintel.fr

Que feriez-vous si le gouvernement vous demandait d’effectuer des recherches visant à défendre les populations contre des épidémies intentionnelles ? Au cours du XXe siècle, nombre de chimistes et biologistes civils, confrontés à cette question, ont accepté de collaborer secrètement, même si cela signifiait souvent aussi développer et produire les armes biologiques à combattre.

En janvier dernier, le virologue David Evans et son équipe de l’université d’Alberta, au Canada, indiquaient, dans la revue PLoS One, qu’ils avaient réussi à produire, à petit budget, une variante du virus de la variole. Conçue sur la base de séquences d’ADN trouvées sur Internet – qui provenaient du virus responsable de la forme chevaline de la variole –, l’initiative visait à produire un vaccin plus efficace contre cette maladie. Six mois plus tôt, la revue Science mettait déjà en garde contre cette recherche, alors en cours, qui pouvait donner l’occasion à des terroristes de produire à peu de frais des armes biologiques.

De fait, depuis que la période de l’après-Guerre froide a sonné le glas de la bipolarité politique du monde, ce que l’on nomme aujourd’hui le bioterrorisme préoccupe les États, particulièrement depuis l’épisode dit des « lettres à l’anthrax », au cours duquel, en octobre 2001, diverses institutions, dont des rédactions de journaux, avaient reçu des lettres contenant des bacilles de la maladie du charbon.

Certes, dès les premières décennies du xxe siècle, les États qui en avaient les capacités s’étaient lancés dans une course aux armements biologique et chimique, mais de nos jours, un nouvel aspect est venu renforcer l’inquiétude des dirigeants à ce sujet : la crainte de voir émerger des capacités de destruction sortant du cadre étatique. Le très grand nombre de canulars et les tentatives avérées de bioterrorisme des trente dernières années – dont celles des sectes Rajneesh à The Dalles, dans l’Oregon, en 1984 et Aum à Kameido, au Japon, en 1993 –, conjointement avec la fin de la Guerre froide et l’avènement d’Internet, laissent penser que l’arme biologique, l’arme atomique du pauvre comme la surnomment souvent les militaires, représenterait une menace sans précédent.

Le fait qu’une revue scientifique alerte sur les risques bioterroristes liés à une étude montre que le monde scientifique a fait siennes ces craintes. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Si dès les années 1950, profondément marqués par l’emploi de la bombe atomique, les physiciens du domaine ont pris acte des enjeux éthiques et politiques de leurs recherches, pendant ce temps, les chimistes, biologistes et médecins concernés par l’usage militaire de leurs travaux ne dénonçaient que marginalement les recherches sur les armes biologiques et chimiques, sans doute à cause de leur caractère plus secret et des usages moins catastrophiques ou spectaculaires qui en étaient faits.

Pourtant, ces armes ont été développées et utilisées dès le début du xxe siècle, soit bien avant l’arme nucléaire, et ce grâce à l’expertise scientifique et médicale de nombre d’entre eux. Un minutieux travail de recherche dans les archives militaires françaises, mais aussi dans d’autres fonds comme les archives de la direction de l’institut Pasteur, nous a en effet récemment permis de montrer que, en France, ces armes ont fait l’objet d’une collaboration continue des militaires avec des scientifiques et médecins civils, membres d’institutions de premier plan.

Du roquefort aux nuages artificiels

at.jpgLa France a été pionnière dans le domaine des armes biologiques et chimiques. Dès la première décennie du XXe siècle, un chimiste français renommé, Auguste Trillat, inventeur du formol quelques années auparavant, brevetait certes un procédé de fabrication industrielle du roquefort, mais posait aussi les bases de la production intentionnelle d’épidémies à l’aide de nuages artificiels microbiens.

Bien avant la Première Guerre mondiale, le pays avait entrepris des recherches à visée militaire sur les armes chimiques. Mais c’est pendant cette guerre que les Français, puis les Allemands, firent pour la première fois usage de gaz de combat. Les armes dites biologiques furent elles aussi utilisées, mais de façon marginale, plutôt en tant que moyens de sabotage (pour tuer du bétail ou des animaux de transport) qu’en tant qu’armes de destruction massive, ou visant massivement les humains. Néanmoins, la menace de guerre bactériologique que ces attaques rendaient plus tangible fit avancer les recherches sur les méthodes de désinfection et de prophylaxie (l’ensemble des mesures à prendre pour prévenir les maladies). Trillat, devenu en 1905 chef du service des recherches appliquées à l’hygiène de l’institut Pasteur, à Paris, joua ainsi un rôle fondamental dans la création du programme français d’armement biologique et chimique après la Première Guerre mondiale.

En 1922, lui qui avait été pionnier tant dans la production de nuages artificiels déclencheurs d’épidémies, pour lesquelles il avait étudié les conditions atmosphériques propices à leur développement, que dans la recherche de méthodes de désinfection chimique à grande échelle, fut sollicité pour donner les lignes directrices de ce nouveau programme, sous la forme d’un rapport commandé l’année précédente par le ministère de la Guerre. Dès lors s’installa une collaboration continue entre institutions de recherche civiles et militaires. Les recherches sur les armes chimiques et biologiques requérant des compétences et des équipements similaires, les institutions et chercheurs mobilisés travaillaient en commun sur les deux systèmes, qu’il s’agisse de la recherche, du développement ou de la production.

L’institut Pasteur, ainsi que de nombreuses institutions scientifiques et médicales françaises de premier plan, dont le Muséum national d’histoire naturelle et le Collège de France, participèrent à ce programme par l’intermédiaire de certains de leurs membres éminents, comme les chimistes Charles Moureu (Collège de France), Marcel Delépine (faculté de pharmacie) et André Job (Conservatoire national des arts et métiers), travaillant sous contrats secrets avec la sphère militaire.

Dans le monde, la crainte que les guerres du futur voient s’amplifier le caractère de guerre totale qu’avait pris la Grande Guerre conduisit les principales nations occidentales, mais aussi le Japon, à préparer en temps de paix, dès l’entre-deux-guerres, les moyens de défendre – et d’attaquer – non plus seulement les combattants, mais les populations de nations entières. À cette même époque, des rumeurs issues de la presse britannique sur des essais secrets de dispersion d’agents biologiques effectués par des agents secrets allemands dans le métro parisien achevèrent de convaincre l’opinion publique et l’État français de la nécessité de prendre au sérieux cette menace. La réorganisation de la France en nation armée, souhaitée au plus haut niveau de l’État, conduisit à la production de moyens offensifs et défensifs de guerre chimique, biologique, puis, après la Seconde Guerre mondiale, nucléaire.

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L’activité secrète de la poudrerie du Bouchet

La poudrerie du Bouchet, à Vert-le-Petit, au sud de Paris dans l’actuelle Essonne, devint graduellement le centre névralgique d’un réseau de recherche et développement d’armes biologiques et chimiques, incluant d’autres institutions civiles et militaires. Elle demeure de nos jours, sous le nom de Centre d’études du Bouchet, le centre du ministère des Armées dédié à la défense contre les menaces biologiques et chimiques, et l’un des rares sites en France (et dans le monde) à disposer d’un laboratoire de niveau de sécurité P4. Peu à peu, la France rassembla ainsi secrètement, sous l’appellation d’armes spéciales, un arsenal de nouveaux moyens offensifs et défensifs, étudiés et développés avec l’apport constant de l’expertise scientifique et médicale civile.

En 1947, une Commission médicale de défense contre la guerre moderne vit le jour afin de mieux centraliser les études relatives aux armes spéciales, de reconstruire une défense nationale incluant ces armes et de tirer parti des recherches scientifiques civiles ainsi que des renseignements issus des réseaux scientifiques internationaux de chercheurs. Mixte, cette commission était composée de militaires et de savants de premier plan, pour beaucoup médecins des facultés de médecine ou chercheurs de l’institut Pasteur. Entre autres membres, Léon Binet, doyen de la faculté de médecine de Paris, Robert Debré, président de l’Institut national d’hygiène, ou Jacques Tréfouël, directeur de l’institut Pasteur, prenaient part aux discussions secrètes de la commission et répondaient secrètement à diverses commandes militaires. Les laboratoires civils entreprirent ainsi une grande diversité d’études sur, par exemple, le mode d’action des trilons (les gaz neurotoxiques Sarin, Tabun et Soman), la possibilité de vacciner contre la radioactivité ou encore celle de potentialiser les effets délétères d’aérosols de bacilles du charbon en les combinant avec des métaux lourds.

Les décennies suivantes, l’ouverture à la sphère civile des recherches sur les armes spéciales se referma partiellement, le gouvernement préférant concentrer ses forces sur l’arme nucléaire. Mais de nombreux chercheurs continuèrent de travailler sur financement militaire, à des fins prophylactiques ou non, leur expertise demeurant indispensable, s’agissant par exemple des études sur la polyvaccination. À titre indicatif, en 1967, le nombre d’animaux de laboratoire destinés en France à l’expérimentation d’agents chimiques et biologiques de guerre (20 000 souris, 20 000 rats, 5 000 cobayes, 2 000 lapins et 50 singes) représentait 10 % de l’utilisation actuelle par an d’animaux à des fins scientifiques.

Outre la motivation patriotique mise en avant par certains scientifiques pour justifier leur collaboration à ces programmes, la relation mutuellement bénéficiaire entre l’armée et les hommes de science en France explique sa pérennité. Ainsi, en 1972, Jacques Monod, alors directeur de l’institut Pasteur, écrivait au ministre de la Défense nationale Michel Debré qu’il serait souhaitable de renforcer et formaliser les liens entre l’armée et l’institut Pasteur, qui formait alors selon lui « la quasi-totalité des médecins-biologistes de l’armée ».

Des essais mystérieux en Algérie

Les armes testées au moins depuis les années 1930 à l’ouest du Sahara algérien (ainsi que dans certains centres d’expérimentation métropolitains, notamment près de Bourges) continuèrent de l’être jusqu’à la fin des années 1970. Notamment, on fit exploser des obus, roquettes et grenades chargés en agents biologiques ou chimiques pour mesurer leurs effets en situation réelle. La nature exacte et l’étendue des essais effectués secrètement en Algérie dans les deux décennies qui suivirent les accords d’Évian (1962) demeurent à ce jour peu connues et font donc régulièrement l’objet de spéculations légitimes de la part des populations concernées, craignant que les sites n’aient pas été parfaitement dépollués. Néanmoins ces essais ont eu lieu et ont participé de l’expertise française dans le domaine des armes chimiques et biologiques.

Ainsi, de l’aube du xxe siècle au début des années 1970, la France a développé et produit, à des échelles variables selon les époques et les priorités politico-militaires, des poisons synthétiques ou non, destinés, d’une part, à être utilisés en temps de guerre contre les hommes, les animaux et les plantes, mais aussi, d’autre part, à tester leurs effets à grande échelle pour mieux s’en prémunir en situation opérationnelle.

Les autres nations développées n’ont pas été en reste au cours du xxe siècle. Le Royaume-Uni, le Japon, les États-Unis, l’URSS, le Canada, les Pays-Bas, Israël, l’Afrique du Sud et d’autres ont aussi eu, à des fins diverses et des échelles variables, leur programme de guerre biologique et chimique. Le Japon, lorsqu’il occupait la Mandchourie avant la Seconde Guerre mondiale, a par exemple effectué de cruels essais sur les populations chinoises locales. Les États-Unis ont, à l’issue de cette guerre, secrètement récupéré les données que les Japonais avaient récoltées. Et, dans le cadre de la Guerre froide, l’URSS serait aussi entrée en lice avec son ambitieux programme Biopreparat, selon des transfuges russes tels que Ken Alibek ou Vladimir Pasechnik.

Parmi les scientifiques, mais aussi les militaires, il semble qu’un consensus ait perduré quant à la nécessité de maintenir une forme de politique de santé publique secrète pour défendre les populations contre les armes biologiques et chimiques. En France comme ailleurs, cependant, cette dimension avouable de leur action était contrebalancée par une contribution simultanée à des programmes souvent offensifs. Cette forme de politique de « santé publique inversée » – selon l’expression d’un de ses critiques de la fin des années 1960, le Britannique Robin Clarke – a placé les scientifiques et médecins devant un dilemme moral : collaborer secrètement avec les armées de leur pays pour prémunir des populations civiles contre des épidémies intentionnelles, au risque de contribuer en même temps à les doter de moyens offensifs en pratiquant des recherches non divulguées sur des agents pathogènes naturels ou synthétiques. Il semblait ainsi irresponsable de refuser cette collaboration autant qu’il l’était de l’accepter, et tout aussi irresponsable de publier les résultats des recherches comme de ne pas les publier. La réponse récurrente des scientifiques à ce dilemme, en France au moins, a majoritairement consisté à jouer le jeu du secret.

JBS-Haldane.jpgDe même, rares ont été les avocats de l’usage des sciences biomédicales pour la guerre. Si quelques scientifiques comme le généticien britannique John Burdon Sanderson Haldane (photo), dans les années 1920, ou des militaires tels que le brigadier général Jacquard Hirshorn Rothschild, après la Seconde Guerre mondiale, ont entrevu dans l’utilisation des connaissances en physiologie un moyen de rendre la guerre plus humaine (en introduisant la possibilité d’utiliser des agents non létaux plutôt que des armes conventionnelles aux effets moins prévisibles, comme les explosifs), la sélection précise des effets physiologiques des armes est demeurée une inclusion contre-nature de la science et de la médecine dans la guerre (tandis que des armes conventionnelles aux effets moins prévisibles sont restées autorisées).

Aujourd’hui, les armes biologiques et chimiques continuent de faire l’objet d’un dilemme moral récurrent pour la biomédecine. On ne s’improvise pas savant militaire : les chercheurs se lancent rarement dans une carrière médicale ou scientifique en vue de produire des systèmes d’arme ou de prémunir les populations nationalescontre des armes biologiques et chimiques. Aussi la sphère militaire a-t-elle toujours besoin de l’expertise de chercheurs civils et continue-t-elle, selon les périodes, à les inclure secrètement dans des programmes militaires ou à financer des travaux d’intérêt militaire.

La responsabilité des chercheurs civils est d’autant plus grande que sans expertise physiologique, la distinction entre les agents chimiques ou biologiques bénins et malins est impossible. La connaissance précise du fonctionnement du corps (humain, mais aussi d’autres animaux ou de végétaux) et de ses interactions avec des substances ou agents exogènes est essentielle pour caractériser une substance ou un agent comme un poison. À tel point que les armes biologiques et chimiques devraient être rassemblées sous un même terme, « armes physiologiques », qui insisterait plus sur la sélectivité de leurs effets que sur le moyen utilisé pour les obtenir.

Et demain ?

Sauf à adopter une anthropologie optimiste fondée sur une confiance universelle, il semble difficilement pensable qu’un État soucieux de la sécurité de sa population et du droit humanitaire international ne cherche pas à mobiliser ses scientifiques en vue de secrètement préparer sa défense, donc en effectuant des recherches sur un maximum d’agents malins et sur leurs antidotes. Il résulte de cette tension entre la vocation universaliste de la science et les circonstances politiques qu’il reste difficile de nos jours de distinguer les recherches à vocation défensive de celles à vocation offensive : se défendre contre des poisons implique en effet d’en disposer afin de trouver des antidotes. Et par conséquent d’anticiper les menaces en maintenant une recherche biomédicale et militaire de pointe. Si le cadre législatif international tend à préserver un statu quo entre les États, comme c’est le cas de la dissuasion nucléaire, le cadre géopolitique de l’après-Guerre froide tend quant à lui à laisser planer la menace d’une utilisation moins prévisible ou identifiable de ces armes empoisonnantes par des groupes privés ou non étatiques.

Cela d’autant que les avancées scientifiques et techniques des dernières décennies – notamment Internet, les nanotechnologies et l’utilisation des big data en médecine – sont susceptibles de conférer à des États comme à des entités privées des moyens de guerre biologique sans précédent, en accroissant la possibilité de sélectionner précisément les effets physiologiques ainsi que les éventuelles populations cibles.

Par exemple, nombre d’hôpitaux sont aujourd’hui dotés de biobanques où sont stockées et parfois partagées à grande échelle les données de patients consentants (notamment génétiques) et leurs échantillons biomédicaux. Ces biobanques constituent une avancée considérable pour la recherche biomédicale. Néanmoins, elles présentent aussi le risque qu’à la faveur d’une instabilité politique d’un État y ayant accès ou d’une privatisation de leur gestion (que l’OCDE préconise depuis 2001), le rêve d’un partage global des progrès de la biomédecine ne se transforme en un cauchemar militaro-industriel. Il est donc plus que jamais nécessaire que les citoyens s’emparent de la question de la guerre biologique, dont les enjeux relèvent tant de la sécurité militaire que des sécurités sanitaire et alimentaire.

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Armes chimiques et armes « bio »

Aujourd’hui, la terminologie militaire établit une distinction entre les armes chimiques et les armes biologiques, fondée sur les substances utilisées. Cette distinction à des visées juridiques et tactiques. Les deux types d’armes ne sont pas interdits de la même manière ni depuis la même époque, et leur usage diffère. Pourtant, ils n’ont pas toujours été dissociés.

Parmi les textes de loi emblématiques à ce sujet, au milieu du xixe siècle, pendant la guerre de Sécession, fut adopté le code Lieber (1863) qui interdit, entre autres pratiques cruelles, l’usage de poisons dans la guerre. Mais à l’issue de la Première Guerre mondiale, une légère nuance est apparue dans le Protocole de Genève (1925) : il spécifia qu’il était interdit d’utiliser des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et des moyens bactériologiques. Cette dissociation juridique en germe devint effective dans la seconde moitié du XXe siècle, avec la signature en 1972 de la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction. Les armes chimiques sont ainsi demeurées sans interdiction spécifique autre que celle du Protocole de Genève jusqu’en 1993, lorsque la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’usage des armes chimiques et sur leur destruction fut adoptée.

Qu’est-ce qui distingue fondamentalement ces deux types d’armes ? Les toxines biologiques (la ricine, par exemple) étant fonctionnellement équivalentes à des armes chimiques, la distinction juridique est faite en vertu de leur origine. Les toxines biologiques sont ainsi qualifiées de biologiques en ce qu’elles ne sont pas des produits de la synthèse chimique, mais sont trouvées telles quelles dans la nature. Elles sont issues du vivant. Il en est de même des autres agents biologiques : bactéries, virus, champignons, et autres agents pathogènes non synthétiques sont inclus dans la catégorie des armes de guerre biologique. D’un point de vue juridique, les armes biologiques sont donc comparables… aux produits alimentaires dits « issus de l’agriculture biologique ». En revanche, toute reproduction de toxine biologique par chimie de synthèse relève du droit des armes chimiques…

Ainsi, la subdivision juridique des poisons prévus pour un usage guerrier est discutable à bien des égards. Elle a vraisemblablement eu pour fonction de permettre aux États concernés, dans la seconde moitié du XXe siècle, de poursuivre des recherches, développements et productions d’armes chimiques en toute liberté.

Etienne Aucouturier​​​​​​​

 

jeudi, 16 janvier 2020

In Praise of Rome’s Citizen Soldiers

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In Praise of Rome’s Citizen Soldiers

They fought for home and family, which was preferable to professional mercenaries only in it for the emperor's spoils.

Killing for the Republic: Citizen Soldiers and the Roman Way of War, Steele Brand, Johns Hopkins University Press, 370 pages

Steele Brand is a historian who pays not even lip service to historical determinism. The Roman Republic collapsed, Brand says, because of deliberate choices made by “grasping, ambitious and amoral” leaders who took advantage of a debased “culture” that became more “perfectly suited to autocracy” than to freedom. Brand’s book should be read with care by Americans as our republic enters its twilight, as the ambitions of our political class replace the traditions of our ancestors.

Readers of many tastes will receive great enjoyment from Brand’s book. For those interested in general history, Brand provides a readable, engaging political history of the Roman Republic from the Roman kings to the rise of Augustus. He overlays a fascinating account of the development of Roman military strategy, tactics, weaponry, and chain of command, as well as providing detailed accounts of some of the most important battles of the Roman Republic, such as Sentinum, New Carthage, Pynda, Mutina, and Philippi. He also opens a window into the public spiritedness, or “civic virtue,” of the typical soldier of the Republic, who loved Rome, not out of greed or ambition, but because it protected his “little platoon,” his family and his farm. Fighting for the things these soldiers loved concretely made them particularly lethal.

killing.jpgThe book, moreover, is stocked with well-selected quotes from great writers and historians of the time, such as Livy, Plutarch, Polybius, and Cicero, who were contemporaries of, or even participants in, the greatest events of the Republic. I have read all these authors, though I must admit that Brand gave me new appreciation for their writings by placing them firmly in their historical context.

What’s really not to be missed in the book are the last 100 pages, which provide a riveting account of the vicious political jockeying and outright civil wars that came in the wake of the assassination of Julius Caesar. While the historical events of the 1st century B.C. are not analogous to America’s current political turmoil, i.e. Donald Trump is not Julius Caesar, there are recognizable character flaws common to both the men who were willing to overthrow the Roman constitutional order and our current hubristic political class.

The Roman and American situations run parallel in that republics fall apart when the ambitions of amoral actors create such partisan rancor that they create competing claims of “legitimacy.” When political opponents become existential outlaws or are seen as wholly illegitimate, the nation slouches toward civil war. Here in America, magnanimity in politics is replaced by viciousness. And in the 1st century B.C., questions of political legitimacy put the Roman army into play: “At a time when Roman soldiers were being given conflicting information about who was legitimate, any commander became fair game for desertion, betrayal, or assassination if he behaved incompetently or failed to look out for their interests.”

Refreshingly, Brand is a partisan for the Roman Republic. He believes that a mixed regime, with both popular and aristocratic elements, is far preferable to vesting all political power in an emperor. And he believes that a citizen-soldier army that fights for its farms and families is preferable to a professional, mercenary army that fights for the booty dispensed by that emperor. Julius Caesar, he says, “deserves his place in history alongside other great generals like Cyrus, Alexander, Attila, Genghis Khan, Cortés, and Napoleon, but like them, he was nothing short of a monster.”

Brand ominously points out that most of the Framers of the U.S. Constitution, as well as Thomas Jefferson, were fans of the great Roman republican figures, such as Brutus and Cicero, while Americans today are more likely to be fans of Caesar, who is “admired as an exemplar of courage, decisiveness, skill, genius, and good fortune.” It is somewhat disconcerting that the American imagination now prefers the one to the other.

Finally, while Brand acknowledges that the Roman Republic sometimes pushed other people around, its constant warfare seems not to have been a general symptom of imperialism but a historical necessity. “During the time frame in which Rome rose to power,” he writes, “international state systems were declining or totally absent, and anarchy and lawlessness were at their peak. Law, justice, order and peace were impossible to maintain in a Hobbesian world where every state was as militaristic as the next.”

Unlike post-Cold War America, where a foreign invasion is unthinkable, the Roman Republic had been viciously sacked by the Gauls and nearly destroyed by Hannibal in the Second Punic War. For most of the Republic’s existence, “forever war” was a necessity, not a choice; in the contemporary American case, forever war is not a necessity, but a choice.

That said, when the virtue of many of the leading figures in Rome became debauched, the presence of a large military was undoubtedly a factor in the demise of the Republic. When the Republic displayed a crisis of legitimacy, the army turned on itself and “these citizen-soldiers were no longer killing for the Republic. They were killing it.”

There is a parallel danger in contemporary America. We now have a gigantic military-intelligence-industrial complex that seems to question the legitimacy of a duly-elected president and is willing to scheme unconstitutionally for his demise. A large-scale politicization of our huge national security establishment would be an ominous development indeed. When the ethos of that national security community has degenerated from the nonpartisan statesmanship of a George Marshall to the scheming partisanship of a John Brennan, it is apparent that the recovery of genuine statesmanship is the only thing that can save us from the Roman Republic’s fate.

William S. Smith is research fellow and managing director at the Center for the Study of Statesmanship at The Catholic University of America. His latest book is Democracy and Imperialism, published by the University of Michigan Press.

dimanche, 12 janvier 2020

Guerre: s'adapter pour vaincre

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Guerre: s'adapter pour vaincre

par Thibault LAVERNHE

Ex: https://metainfos.fr

Au cours des XIXe, XXe et déjà XXIe siècles, les organisations militaires du monde – et singulièrement les armées occidentales – ont été marquées par le sceau de l’évolution rapide, qu’elle soit technologique, doctrinale ou culturelle. Sous l’effet de l’adversité, du progrès scientifique ou des évolutions sociales, les armées, sans exceptions, ont eu à relever très régulièrement des défis existentiels dont elles sont ressorties profondément changées.

9791021004306-xs.jpgEn prenant sept cas d’école de la conduite du changement dans les armées, Michel Goya propose ainsi avec S’adapter pour vaincre une analyse des rouages de l’adaptation des grandes structures militaires sous la pression de leur époque : qu’il s’agisse de l’ascension de l’armée prussienne au XIXe siècle, de la métamorphose de l’armée française durant la Première Guerre mondiale, du déclin de la Royal Navy au cours de la première moitié du XXe siècle ou encore de la confrontation de l’US Army avec la guerre moderne à partir de 1945, l’animateur du blog La Voie de l’épée met à chaque fois en lumière les inducteurs de la mue de la Pratique (avec un grand « P » sous la plume de l’auteur) au sein de ces organisations complexes. Car, pour Michel Goya, « faire évoluer une armée, c’est faire évoluer sa Pratique », cette même Pratique étant « le point de départ et d’arrivée du cycle de l’évolution ».

Ce faisant, l’officier des troupes de marine propose une lecture de l’évolution militaire, comme le confluent de l’adaptation des structures et de l’innovation en leur sein. L’adaptation, d’abord, c’est-à-dire la gestion de la tension entre les ressources que la Nation consent à ses armées, d’une part, et les missions données par la politique, d’autre part ; gérer cette tension, c’est chercher à augmenter les ressources jusqu’à un certain point où celles-ci ne suffisent plus, ouvrant ainsi la voie à un changement de méthode, c’est-à-dire à l’innovation. L’innovation, ensuite, comme forme ultime de l’adaptation, qu’il s’agisse d’innovation radicale (qui préserve le « noyau noble » d’une organisation militaire) ou de rupture (qui aboutit à une transformation de ce « noyau noble »).

515uMMkKlkL._AC_UL320_SR214,320_.jpgAu-delà de la rétrospective historique, le principal intérêt de l’ouvrage est ainsi l’analyse percutante que livre Michel Goya sur les conditions d’apparition de cette innovation au sein d’une structure militaire. S’adapter pour vaincre montre comment les innovations de rupture ne viennent pas souvent de l’intérieur – contrairement à l’innovation dite « continue » – mais sont généralement imposées de l’extérieur, sous la pression de l’ennemi par exemple. On y voit également les viscosités et les biais cognitifs à l’œuvre, que ce soit l’effet générationnel des décideurs, la propension des armées à reproduire des modèles connus, la rivalité entre les services d’une même armée ou encore l’illusion de pouvoir piloter de manière centralisée le cycle du changement. Le rôle du politique pour faire passer les évolutions de rupture est également mis en avant, tout comme l’importance de créer les conditions de l’émergence d’un courant de pensée libre de réflexion non institutionnelle – que l’auteur considère d’ailleurs comme une forme indispensable de « réserve » opérationnelle pour les temps mauvais. On retiendra enfin l’importance pour une organisation militaire de pouvoir expérimenter, grâce à un surplus de ressources matérielles et de temps libre, comme ce fut le cas notamment dans les décennies qui précédèrent la Première Guerre mondiale : « Plus les unités disposent de temps libre et de moyens autonomes, et plus ce capital d’adaptation rapide est important. Inversement, plus les moyens sont comptés, surveillés et centralisés, et plus l’armée devient rigide. »

Servies par la clarté habituelle du propos de Michel Goya, les sept tranches d’histoire intellectuelle et militaire qui défilent sous nos yeux combleront à la fois les amateurs d’histoire militaire et les officiers désireux de disposer de repères pour mieux « penser l’innovation » dans les armées. Et à ceux qui auront aimé S’adapter pour vaincre, on ne saurait trop recommander de se plonger dans le récent ouvrage de Trent Hone Learning War (1), qui ajoute à sa manière une huitième fresque à l’ouvrage de Michel Goya, en décrivant l’adaptation de l’US Navy entre 1898 et 1945.


(1) Trent Hone : Learning War – The evolution of fighting doctrine in the U.S. Navy, 1898-1945 ; USNI Press, 2019 ; 402 pages.

Source : Revue de la Défense nationale n°826, janvier 2020.

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samedi, 28 décembre 2019

Les Etats-Unis et leur guerre des drones

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Les Etats-Unis et leur guerre des drones

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Beaucoup ignorent que les industries miliaires américaines se sont depuis quelques années spécialisées dans la production de drones ou UAV armés.

Il s'agit en l'espèce le plus souvent d'engins de grande taille, dotés de plusieurs dizaines d'heures d'autonomie et capables d'atteindre des objectifs situés à plusieurs centaines de km puis de revenir à leur base. Mais de nombreux autres sont des hélicoptères à plusieurs rotors capables au besoin de vols stationnaires de longue durée. Les plus petits sont utilisés dans des attaques urbaines, y compris dans celles d'appartements.

Ils ont télépilotés, même à grande distance, par des pilotes militaires résidant à terre dans des bases protégées. Ils peuvent être porteurs d'armements divers, toujours meurtriers, tels des missiles ou des bombes. Certains sont dotés de mitrailleuses ou de canons leur permettant d'attaquer d'autres drones ou plus simplement des objectifs à terre. Ils sont aussi porteurs de caméras électroniques très performantes utilisées pour la géolocalisation visuelle ou l'observation.

Le plus connu est le General Atomics MQ-9 Reaper (image) qui est de plus en plus vendu à des pays alliés, dont la France. Mais il s'agit aujourd'hui d'un appareil qui préoccupe de moins en moins les militaires américains. Ils lui préfèrent des engins plus performants dont les caractéristiques ne sont pas publiques.

L'on sait que le complexe militaro-industriel américain s'intéresse aujourd'hui au domaine des drones militaires plutôt qu'à celui des avions de combat. Le Pentagone laisse volontiers les Russes, avec aujourd'hui les diverses génération de Sukhois, se donner une nette supériorité.

Ce que l'on sait moins est que les Etats-Unis mènent actuellement un nombre importants de conflits locaux, dans lesquels ils utilisent essentiellement des drones, en Afghanistan, Pakistan, Iraq, Yemen, Somalie, Syrie et Libye. Selon certaines sources, la CIA aurait établi une liste beaucoup plus longue de pays, notamment en Afrique de l'ouest, dans lesquels l'armée américaine se tiendrait prête à utiliser des drones militaires si elle le jugeait opportun. Certains objectifs possibles auraient même été identifiés au sein des Etats européens.

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Ce que l'on sait encore moins, du fait que les témoignages civils sont encore rares et censurés, est que l'emploi de ces drones, comme l'on pouvait s'y attendre, entraîne la mort de très nombreux civils, femmes et enfants notamment. Il y a tout lieu de supposer que ces morts de civils constituent un élément de dissuasion prioritaire recherché par l'armée américaine, au lieu d'en être comme jusqu'à présent une conséquence regrettable.

Concernant les morts de civils, à ce jour, seul le New York Times a publié un article consacrée à un drame dont l'on avait inévitablement parlé vu son caractère public, la mort en Afghanistan d'une femme qui venait d'accoucher et de ses enfants, revenant de l'hôpital et tués par un drone américain. Dans cet article, le New York Times reconnaît que, selon des chiffres fournis par la mission spéciale des Nations Unis, plus de 4.000 civils avaient été tués dans ce pays par des frappes aériennes américaines dans les seuls derniers mois de 2029. Mais il s'agissait de victimes de bombardements aériens. L'emploi de drones n'avait pas été mentionné.

Note

Sur les drones on pourra lire

https://fr.wikipedia.org/wiki/Drone
https://en.wikipedia.org/wiki/Unmanned_aerial_vehicle

16:46 Publié dans Actualité, Défense, Militaria | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : états-unis, drones, défense, militaria | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 25 décembre 2019

La militarisation de l'espace

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La militarisation de l'espace

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Le 20 décembre 2019, Donald Trump a promulgué un « 2020 National Defense Authorization Act » qui crée une nouvelle force militaire, l'United States Space Force s'ajoutant à l'US Army, l' Air Force, la Navy, les Marines et les Coast Guards.

Il a expliqué ceci en disant que l'espace allait devenir un nouveau domaine d'affrontement entre puissances et que les Etats-Unis devaient y assurer une présence militaire adéquate. Il ne l'a pas dit expressément, mais il visait en particulier les présences dans l'espace de la Russie et de la Chine, voire prochainement celles de la Corée du Nord . 

Un article très détaillé de Wikipedia (sans doute inspiré officiellement par Washington), précise ce que seront les attributions et les moyens de cette Force Spatiale des Etats-Unis. On s'y reportera. Mais à quoi pourra servir en réalité cette nouvelle Force ?

L'espace est déjà abondamment pourvu en satellites militaires. On désigne de ce nom des satellites artificiels utilisés dans un objectif militaire, satellites de reconnaissance identifiant un territoire ennemi et les objectifs potentiels qui s'y trouvent, satellite d'alerte précoce permettant de détecter le lancement de missiles balistiques, satellites de télécommunications militaires, satellites de navigation sécurisés destinés à la marine et à l'aviation. Les satellites militaires les plus récents peuvent avoir un rôle antisatellite, emporter des armes antisatellites capables de troubler les communications des satellites ennemis ou le cas échéant les détruire par abordage. Il va de soi qu'ils peuvent porter des bombes dites orbitales, capables d'exploser dans l'espace et d'avoir un effet destructeur considérable sur les territoires ennemis.

Par ailleurs les satellites militaires sont commandés du sol par des équipes hautement spécialisées, opérant dans des espaces protégés. Il s'agit donc déjà d'une force militaire organisée, qui se distingue nécessairement des autres forces terrestres ou navales.

Il est donc légitime de se demander pour quelles raisons créer cette nouvelle force?  Le premier objectif doit être vraisemblablement, en l'officialisant et lui donnant un nom, d'augmenter les moyens budgétaires et en personnels déjà affectés à l'espace militaire. Mais il s'agit certainement aussi d'avertir la Russie et surtout la Chine que les Etats-Unis ne les laisseront pas développer de nouveaux moyens militaires dans l'espace sans réagir de la même façon. Pékin l'a d'ailleurs compris  en accusant les Etats-Unis de poursuivre et d'accélérer la transformation de l'espace en un futur champ de bataille.

On peut craindre que ceci ne se produise de toutes façons. En cas de conflit entre grandes puissances, l'espace et les moyens qu'il comporte seront nécessairement utilisés. De plus, il n'est pas exclu que ce soit aussi la Lune et ultérieurement Mars et ses satellites qui servent de terrains d'affrontement.

La Lune se trouvera ainsi divisée en territoires dont les grandes puissances spatiales se seront donné la propriété et dont elles voudront se réserver la jouissance, notamment en termes d'exploitation des ressources naturelles considérables qui s'y trouvent.

Elles y installeront des stations permanentes pouvant éventuellement être habitées par périodes, sinon en permanence. Il s'agira aussi de bases militaires.

On lira à ce sujet un article du général français Jean-Vincent Brisset dans Atlantico