samedi, 16 mai 2009
Entretien avec Christiane Pigacé

Archives de "Synergies Européennes" - 1990
Entretien avec Christiane Pigacé
propos recueillis par Jürgen Hatzenbichler et Helena Pleinert
Q.: Aujourd'hui, la démocratie est honorée comme un «veau d'or», disent ses adversaires. Mais est-il possible, de nos jours, de critiquer la démocratie ou de la refuser?
CP: Il faut d'abord voir ce que l'on entend par démocratie. Je crois qu'à notre époque, le politique, en fait, est saturé, comme sont saturées les institutions politiques, par les pouvoirs économiques entres autres. Donc le discours sur la démocratie est en fait un discours de légitimation, un discours de justification, qui ne fait que cacher l'absence de démocratie véritable. Il s'agit donc d'un leurre. Il y en a eu d'autres par le passé. Il y a eu des dieux, par exemple, qui cachaient les manœuvres des prêtres. De même, il n'y a pas aujourd'hui de démocratie véritable. Peut-être en Suisse, éventuellement, où il y a au moins des techniques de démocratie réelle qui sont en œuvre mais la Suisse est un tout petit Etat qui ne survit qu'à la suite d'une situation économique et politique très particulière. Les prétendues grandes démocraties actuelles, et par exemple la France, les Etats-Unis et l'Angleterre, ne sont évidemment pas des démocraties dans la mesure où, dans ces Etats, le peuple —j'entends par là l'ensemble des citoyens en état de participer au politique— ne participe pas réellement au politique puisqu'il n'a pas les moyens de participer au politique. Ni les moyens économiques ni les moyens sociaux.
Q: Donc toute démocratie réelle est «démocratie à la base» (Basisdemokratie)?
CP: Je dirais plutôt que la démocratie directe est une technique. Je veux dire qu'il s'agit d'un ensemble de techniques qui permettent au peuple de participer directement au politique. Je ne choisis aucune technique. Je préfère me référer au terme de «démocratie de base», ou «démocratie directe», qui est celui de démocratie substantielle. C'est-à-dire qu'il faut découvrir les bonnes techniques pour la bonne époque, afin que le peuple participe effectivement au politique, puisse y participer à tout moment, dans la mesure où chaque citoyen soit directement concerné par le politique et, pour cela, il faut que le peuple soit un véritable peuple, que le tissu social soit un tissu solide. Il faut aussi que chaque mouvement à l'intérieur du peuple ou à l'extérieur du peuple (contre le peuple) soit immédiatement transmis à travers les associations, à travers les différents réseaux qui construisent ce peuple, afin qu'il y ait une réaction immédiate qui n'exige même pas les techniques de la démocratie directe, qui exige simplement une adhésion, une adhésion exprimée.
Q: On peut effectivement imbriquer le concept de démocratie dans une tradition européenne, celle de la démocratie grecque, celle de la Rome républicaine, etc. Au regard de cette tradition, à quoi la démocratie actuelle devrait-elle ressembler?
CP: Vos deux exemples, celui de la Grèce et celui de Rome, sont de bons exemples. Car vous évoquez là un exemple de bonne démocratie et un exemple de mauvaise démocratie. Je crois que les Grecs ont des héritiers: ce sont les Anglo-Saxons. Et je crois que les Romains ont eu des héritiers: les peuples germaniques. La démocratie athénienne était essentiellement une démocratie formelle. Je crois que la démocratie athénienne s'est installée dans ses institutions pour amener au pouvoir une classe de marchands qui s'est opposée à une classe de propriétaires terriens. Je ne dis pas que c'était plus mal mais, enfin, ce n'était guère mieux. Alors que Rome qui ne s'est pas beaucoup préoccupée de mettre en avant le mot «démocratie», s'est, par contre, beaucoup préoccupée de mettre en avant le mot de «citoyen» et de faire en sorte que le citoyen et le peuple romain soient particulièrement respectés à l'intérieur et à l'extérieur de la Cité. Je ne voudrais pas entrer dans de trop longs développements, bien sûr, car cela ferait éclater le cadre de cette entrevue, mais dire que l'on perçoit des phénomènes tout-à-fait parallèles dans les démocraties germaniques primitives, où l'on saisit le politique de la même façon et où l'homme libre, en tant qu'il appartient au peuple, est de la même façon respecté. Parce qu'à travers lui, c'est le peuple que l'on respecte. Je crois qu'aujourd'hui il faudrait trouver des procédures pour parvenir à ce même respect et je ne pense pas que ce soit par les techniques sociales qui sont appliquées en France ou dans d'autres Etats que l'on puisse y parvenir. Au contraire, ces techniques, qui relèvent plutôt de la charité publique, n'expriment pas du tout ce droit essentiel du citoyen à être respecté et à participer à la vie publique. Donc une démocratie devrait être un lieu où existe une véritable société civile, c'est-à-dire une société où chaque citoyen soit mis en état de participer réellement à la vie publique et soit le premier personnage de cette vie publique, c'est-à-dire que l'homme politique soit un personnage qui, au contraire du citoyen, inspire immédiatement la méfiance, alors que le citoyen, a priori, ne doit inspirer que le respect.
Q: Mais qu'est-ce qui fait que l'on est citoyen dans ces modèles classiques ou germaniques? N'était-ce pas seulement les hommes libres qui avaient droit de cité, droit d'éligibilité et d'élection? Cette démocratie était donc très élitaire, très limitée...
CP: Je ne pense pas qu'elle était élitaire. Je pense que les circonstances historiques étaient différentes. On ne doit pas tant parler d'«homme libre» mais plutôt de «celui qui appartient au peuple». N'appartenaient pas au peuple ceux qui venaient en visiteurs et qui étaient reconnus comme «étrangers», avec un statut d'étranger: il s'agit des métèques à Athènes ou d'autres personnages ou les premiers plébéiens de Rome, par exemple, ou les esclaves. L'esclavage est chose reconnue dans toute l'Antiquité: je ne porterai pas de jugement de valeur sur l'esclavage ici mais j'ajouterai toutefois que l'esclavage était la contrepartie technique de la démocratie. Mais aujourd'hui il y a d'autres contreparties techniques: il y a le machinisme et la technologie qui ne nécessitent plus l'existence de l'esclavage. Donc, en fait, dans l'esprit du temps, tout membre du peuple était effectivement citoyen. L'homme libre, c'est le membre du peuple, c'est celui qui appartient au peuple. Et celui qui, appartenant au peuple, était reconnu comme libre a justement tout les devoirs et les droits du citoyen. Au demeurant, et à ce propos, je reviens à la question précédente pour donner une précision et montrer à quel point la hiérarchie entre le citoyen et l'Etat était inversée aux yeux des Anciens: dans la Rome antique, les fonctionnaires étaient souvent pris chez les esclaves ou chez les affranchis. Ce qui montre bien que le fonctionnariat n'était pas une dignité. C'était une servitude, au fond.
Q: On parle beaucoup aujourd'hui du «citoyen responsable» (mündiger Bürger), c'est-à-dire d'un citoyen capable de mesurer pleinement toutes les décisions prises à l'assemblée. Sans ce citoyen, la démocratie n'existe pas. Mais ce «citoyen responsable» existe-t-il?
CP: Si le citoyen ne tire ses droits, ses libertés et ses devoirs que du seul fait qu'il appartient au peuple, c'est-à-dire que c'est le peuple qui lui donne ses droits et ses devoirs et non l'inverse; de ce fait, le citoyen responsable n'a pas à prendre ses propres décisions, il a à participer à la décision commune, à la décision qui est prise pour le bien commun. C'est ce qui distingue l'homme libre dans le domaine privé du citoyen dans le domaine public et puis ensuite de l'homme politique lors de la crise, qui n'agit plus tout-à-fait comme un simple citoyen mais qui supportera éventuellement une responsabilité supérieure.
Q: Autre fondement de la démocratie moderne: les droits de l'homme. Ces droits de l'homme sont-ils quelque chose de réel ou relèvent-ils d'un mythe permanent?
CP: Lorsque l'on a posé cette question à René Cassin, au moment où il a mis au monde la Déclaration universelle des droits de l'Homme, lorsque, plus précisément, on lui a demandé s'il s'agissait bel et bien de droits, il a ri. Et il a répondu: «bien sûr que non, n'est-ce pas, il s'agit d'une tentative politique pour tendre vers quelque chose, mais il est évident que ce ne sont pas des droits». Et Michel Villey, qui ne peut nullement être soupçonné d'être un anti-démocrate primaire, avait formulé une critique, que je n'approuve pas sur tous les points, mais une critique très vigoureuse des droits de l'homme en tant que droits. Il est évident que les droits de l'homme sont une idéologie. Et une idéologie de justification, de légitimation, pour les Etats actuels qui se réclament de ces droits de l'homme. Mais pour que ces droits de l'homme puissent effectivement s'appliquer, il faudrait d'abord que l'on sache ce qu'est l'homme et ensuite qu'il y ait un système juridique capable de faire appliquer ces droits et qui n'existe, je crois, dans aucun Etat.
Q: Actuellement, en Allemagne, nous assistons à une discussion entre hommes de droite et anarchistes sur la question de l'Etat; les deux groupes de protagonistes critiquent la notion d'Etat au départ de la notion de peuple, de Volk. A votre avis quel est le rôle de l'Etat?
CP: L'Etat est la forme la plus élaborée de l'institution politique dans sa traduction juridique. L'Etat peut ne pas exister. Je veux dire par là que l'Etat est un phénomène récent. Le politique, en revanche, est quelque chose, que je ne qualifierais pas d'éternel —ce serait sans doute un peu excessif— mais est un phénomène presque aussi ancien que l'homme. A partir du moment où il y a eu des sociétés, ces sociétés ont eu à faire face à diverses difficultés, elles ont été, ipso facto, des sociétés politiques. Et ces sociétés ont été des sociétés politiques, parce qu'à l'intérieur de ces sociétés, il y a eu une reconnaissance, la reconnaissance de liens face à un danger commun. Et là il y a le peuple. Donc peuple et politique sont effectivement deux choses qui vont ensemble. Mais l'Etat ne va pas obligatoirement avec le peuple ni avec le politique. Parce que le politique permet l'usage de l'arbitraire, c'est la seule activité humaine où l'arbitraire soit autorisé. Or, les institutions politiques, aujourd'hui, sont figées dans l'institution étatique et ont été récupérées par des intérêts économiques et privés, ce qui induit qu'elles ne sont plus politiques par ce fait même. Et là, l'Etat est vraiment contre le peuple, parce que l'Etat se pose alors comme quelque chose d'étranger à l'intérieur du peuple. Donc je pense que, tout en demeurant fidèle à sa vocation politique, à son éventuelle vocation d'unité, d'union, de réunion communautaire face à un danger à un moment quelconque, un peuple peut fort bien se passer d'Etat.
Q: Vous affirmez donc le primat du politique contre le primat de l'économie...
CP: Non, pas réellement. Je veux dire qu'aujourd'hui, il y a primat de l'économie et l'Etat est là. Le problème, je crois, est celui de l'institution. L'institution est quelque chose de figé. Aussitôt qu'une institution est créée —je parle seulement des institutions politiques c'est-à-dire des institutions de superposition— elle se pose comme hautement symbolique par rapport à l'identité réelle d'un peuple; elle vit d'une vie propre, elle se détache peu à peu de la réalité concrète que constitue ce peuple; par là même, cette institution peut être la proie de n'importe qui; aujourd'hui, l'Etat en tant qu'institution, est la proie d'intérêts économiques. L'Etat n'a plus rien à voir avec le peuple. Et le politique n'est plus dans l'Etat. Le politique est ailleurs. Le politique peut être dans le terrorisme, dans le syndicalisme, dans la vie associative, dans la vie culturelle, parce que c'est là que le peuple se recrée mais le politique n'est certainement plus dans l'Etat parce que l'Etat, aujourd'hui, ne travaille plus qu'à défaire le peuple. Finalement, la tendance de l'Etat, on la voit très bien aujourd'hui: la tendance de l'Etat, c'est d'en arriver à une seule puissance mondiale, les Etats-Unis, entourées de puissances vassalles. Pourquoi des puissances vassalles? Parce que les Etats-Unis, seul Etat subsistant, gouvernent l'ONU. Les politologues aujourd'hui, et même les plus «démocrates», l'avouent volontiers, et pas seulement Julien Freund et Carl Schmitt avant lui. Ils avouent que tout Etat mondial serait un Etat policier et tout Etat policier est, par définition, contre le peuple.
Q: La démocratie, aujourd'hui, nous est présentée comme le bien absolu; la dictature, elle, fait désormais figure, de mal absolu. Peut-il y avoir une dictature nécessaire, qui amène au Bien?
CP: Oui. N'importe quelle forme du politique peut être bonne et nécessaire. Mais les Romains étant, pour nous, de grands instituteurs, nous retenons leur leçon: la dictature peut être excellente, à la condition expresse qu'elle dure peu et qu'elle soit associée à un objectif précis. Lorsque l'on utilise une bombe atomique, mieux vaut ne pas la faire exploser sur soi. Il faut la faire exploser aussi loin que possible, n'est-ce pas, et sur l'objectif qu'il faut détruire. Pas un autre. Donc la dictature, à un moment précis et pour une raison précise, peut se révéler nécessaire ou, plus simplement, il peut s'avérer impossible d'éviter une dictature. Mais la dictature est quelque chose qui correspond à des conditions politiques tout à fait particulières, qui ne sont pas du tout anti-démocratiques. Je veux dire qu'un régime qui empêche le peuple de s'exprimer, de s'épanouir et de survivre, comme les régimes parlementaires actuels, est beaucoup plus anti-démocratique et nocif pour le peuple qu'une dictature courte et éventuellement efficace. J'insiste: courte. Pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, je pense que s'il faut une dictature, il faut savoir exécuter le dictateur aussitôt après.
Q: Pensez-vous que la démocratie moderne, qui prend son envol avec la révolution française, est fondamentalement une idée de gauche?
CP: C'est un peu complexe. La révolution française a été un événement complexe parce qu'à peu près toutes les formes de régime que nous connaissons actuellement s'y sont exprimées. Il y avait encore des partisans de la monarchie, tant constitutionnelle qu'absolue; il y avait des démocrates libéraux, constitutionnels également; il y avait des démocrates autoritaires et plébiscitaires; il y avait ensuite des partisans d'une dictature plébiscitaire. Il y avait tout cela, en quelque sorte, en vrac. Et c'est effectivement de cette époque, de façon un peu arbitraire, que l'on date l'apparition de la démocratie comme gouvernement du peuple dans notre histoire. Je répète que c'est arbitraire; à deux points de vue: parce qu'il y a eu des exemples ailleurs de gouvernement du peuple, de démocratie, avant la révolution française; ensuite, parce qu'en fait, la première chose qu'ont fait les révolutionnaires après 1794, donc après une très courte période, qui a duré un peu plus d'un an, a été d'empêcher le peuple de gouverner. Le plus grand travail des révolutionnaires français, ou plutôt des soi-disant révolutionnaires français, et de leurs successeurs, a été d'empêcher la souveraineté du peuple de s'exprimer. Notamment en détournant le terme de nation, et en faisant de la nation un terme abstrait, quelque chose de tout-à-fait subjectif, vide de contenu réel, de manière à ce que le peuple ne puisse pas se reconnaître dans la nation. Donc effectivement, la démocratie moderne, qui, pour moi, n'est pas une démocratie, trouve sa source mythique dans la révolution française, mais c'est à tort. Je pense que la révolution française est porteuse du message d'une autre démocratie, que je veux bien faire mienne, mais, de celle-là, on a très peu parlé; en France, on en a reparlé bien sûr en 1815, en 1848, au début de la IIIième République, pendant toute la fin du siècle; ces démocrates-là sont bien entendu traités de «fascistes» ou d'«hommes de droite» parce qu'ils veulent redonner la parole au peuple et parce qu'ils ne sont pas parlementaristes.
Q: Les droits de l'homme, eux aussi, ont été formulés au cours de la période révolutionnaire en France. Ne sont-ils pas revenus en Europe, après un détour par l'Amérique, à la suite de la seconde guerre mondiale. Ne peut-on pas dire que nous avons affaire, ici, à une idée de la gauche européenne, qui nous est revenue avec les forteresses volantes, les tapis de bombes et de phosphore qui ont incendié les écoles et les baraquements des réfugiés?
CP: Je crois que cette idée est partie d'Amérique et non de France. Je veux dire par là que la première «déclaration des droits» est anglo-saxonne, plus précisément américaine. C'est une déclaration des droits plus universelle puisque la déclaration française est, ne l'oublions pas, une déclaration des droits de l'homme ET du citoyen. Et très rapidement, il sera clair que ce citoyen est le citoyen français. Au regard de cela, je ne vois pas ce que vous entendez par «gauche». Si l'on veut dire par là que la déclaration des droits de l'homme et l'idéologie des droits de l'homme est une idéologie favorable au peuple et favorable à la citoyenneté et à la souveraineté du peuple, on peut dire que cette déclaration et cette idéologie n'ont pas fait leurs preuves en ce sens. Je pense que ceux qui, en France, ont lancé la première déclaration des droits, étaient des anglophiles pour la plupart; ils essayaient, en quelque sorte, de synthétiser, avec l'esprit qui est toujours l'esprit français, un ensemble d'idées qu'ils avaient prises ou croyaient avoir reprises à l'Angleterre ou aux Etats-Unis. Mais ces idées étaient en fait conservatrices, dans le sens où elles étaient inspirées des constitutionalistes anglo-saxons. De toute façon, l'idéologie des droits de l'homme connaîtra deux interprétations, en France: une interprétation nationaliste et une interprétation internationaliste, plutôt mondialiste, qui va l'emporter avec l'appoint, effectivement, des Anglo-Saxons au moment de la première guerre mondiale, lorsque Wilson imposera son point de vue. Aujourd'hui, je pense que pour l'essentiel l'idéologie des droits de l'homme est une idéologie d'inspiration anglo-saxonne.
Q: Quelle serait alors l'interprétation nationaliste des droits de l'homme?
CP: En France, les droits de l'homme ont été défendus par les nationalistes, surtout face aux marxistes. Parce qu'aux yeux des nationalistes, les droits de l'homme et du citoyen étaient des droits gagnés par le peuple français au prix de son sang durant les nombreuses révolutions que le peuple français avait faites au cours du XIXième siècle. Ces droits gagnés par le peuple français devaient être défendus par le peuple français en tant que tels. L'internationalisme pour sa part, surtout dans sa mouture marxiste, se faisait le complice du capitalisme en jouant en quelque sorte l'internationale des travailleurs, réduits à l'état de prolétaires, contre les ouvriers français, parce que ces ouvriers avaient plus de droits que les autres et que, par égalitarisme, on voulait leur ôter ses droits ou une parte de ces droits. Donc pour les nationalistes français, il fallait aider les autres nationalistes —il y avait effectivement une inter-nationale, comme le dit Barrès dans Scènes et doctrines du nationalisme— car chaque peuple devait défendre les droits qu'il avait acquis en tant que peuple. Le mot citoyen a donc une grande importance. Je vous donne une précision historique, qui est capitale: le mouvement nationaliste est issu historiquement, dans toute l'Europe, d'un événement qui est la révolution française. Mais les nationalistes français sont issus de la révolution, alors que les nationalismes, ailleurs en Europe, se sont souvent faits contre la révolution. Ce qui fait que, pour des nationalistes français, il n'était pas du tout génant de s'approprier la révolution française. Nationalistes de tous les pays peuvent se rejoindre mais en sachant qu'il y a une route historique qui n'a pas été parcourue de la même manière.
Q: L'idée de démocratie, issue de la révolution française, est couplée à une idée d'égalitarisme: tous les hommes sont pareils, pourvus des mêmes facultés et des mêmes droits, légués par Dieu. Telle est l'idée que la plupart de nos contemporains se font de la démocratie. Tout le reste, pour eux, n'est pas de la démocratie, même si, pour vous, la démocratie a de toutes autres racines...
CP: Oui, j'en suis bien consciente, mais je ne pense pas qu'il y ait, à l'heure actuelle, de démocratie en Europe occidentale. Je pense qu'il y existe des régimes qui, sous couvert de démocratie, sont en fait des oligarchies, des oligarchies économiques. Quant à la révolution française, on lui a fait dire ce que l'on a bien voulu lui faire dire. L'idée de démocratie, telle qu'elle relève de la révolution française, est une idée qui est inspirée de la déclaration des droits de l'homme, bien évidemment. Mais cette déclaration est purement fictive, illusoire. Ce n'est pas elle qui a inspiré la véritable révolution française, c'est-à-dire celle de 1793 et de 1794, qui est effectivement la véritable révolution, où l'on insiste sur les aspects dynamiques, sur le pouvoir accordé au peuple, et non pas seulement sur des droits illusoires.
Q: Les démocraties actuelles se définissent comme les pôles opposés et absolus des systèmes totalitaires, de quelqu'idéologie qu'ils relèvent. Peut-on imaginer qu'un système de démocratie formelle puisse se muer en un totalitarisme?
CP: Vous m'obligez à faire du vocabulaire. C'est-à-dire qu'on évolue entre les deux conceptions de la démocratie, celles de la démocratie formelle et de la démocratie substantielle. Je vois mal comment une démocratie substantielle, c'est-à-dire une démocratie qui est respectueuse des identités, des différences, peut devenir totalitaire. Ce serait absolument incompatible. Une démocratie substantielle, par essence, ne peut jamais devenir totalitaire. Elle ne peut jamais être soumise à un monolithisme qu'il soit culturel, politique ou religieux. Son principe est le respect des différences. Sa force naît de l'accord commun autour du respect de ces différences. Par exemple de la reconnaissance par les régions de l'autorité politique, de la reconnaissance par les communes, par les villes, par les villages, de l'autorité des régions, de la reconnaissance, à l'intérieur des différentes villes, des associations, bref, de tout ce tissu humain. Donc une démocratie substantielle, si elle est vraiment une démocratie substantielle, ne peut pas être totalitaire. En revanche, ce que l'on appelle démocratie aujourd'hui, c'est-à-dire le régime dont nous parlions et qui a remplacé le peuple, a remplacé la souveraineté du peuple par une divinité que l'on appelle l'idéologie des droits de l'homme, peut être totalitaire et elle le montre. Elle a un effet décapant et uniformisant qui est absolu et c'est même le totalitarisme absolu puisque c'est un totalitarisme qui ne construit rien mais qui détruit.
Q: Dans les écrits de la «nouvelle droite» française, on repère sans cesse le concept d'«Etat organique». A quoi ressemblerait un tel Etat sur le plan du droit et des sciences politiques?
CP: Nous savons tous ce qu'est, scientifiquement parlant, une société organique. C'est une société où les parties s'expliquent par le tout et non l'inverse. D'un point de vue juridique, institutionnel, je ne pense pas qu'il y ait de règles. La seule règle, c'est la règle du politique. C'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait une hiérarchie des valeurs à l'intérieur de cette société, que cette hiérarchie transparaisse dans les institutions, qu'elles soient écrites ou non écrites, et que ces institutions permettent, puisqu'elles sont des institutions politiques, que la décision politique soit prise souverainement au moment venu. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de compliquer les choses au-delà de ce que je viens de vous dire.
Q: Parlons un petit peu de l'institution parlementaire. Dans un parlement, en théorie, siègent les représentants élus du peuple. Le parlement est de ce fait un reflet du peuple. Une assemblée où l'on prend des décisions qui vont dans le sens du bien du peuple. En réalité, nous avons souvent affaire aux représentants, non du peuple, mais des intérêts des lobbies. Comment pourrait-on réduire au minimum la représentation de ces lobbies au profit d'une représentation réellement populaire?
CP: Je pense qu'il n'y a pas de solution-miracle. On peut constater l'existence des lobbies et supprimer les lobbies. Et ensuite, le peuple se restructurera et reconstruira éventuellement ses réseaux. Mais, je le répète, il n'y a aucune solution-miracle. On peut admettre quelques freins. Par exemple, pour ce qui concerne l'élection d'un député. Un député, dans l'état actuel des choses, ne court plus aucun risque jusqu'à sa réélection. Bon, il est élu, il est très content d'être élu; ce qu'il doit alors essayer de faire: trouver d'autres électeurs pour être réélu. Et cela pourrait ne pas être les mêmes électeurs. Il est certain que si l'on pouvait prévoir des procédures a posteriori qui permettraient aux électeurs de ce député de le révoquer en cours de mandat, les risques encourus par le député seraient nombreux. C'est une procédure qui est appliquée dans certains Etats. On l'appelle la procédure de revocatio ad populum. Elle a notamment été appliqué à Rome. Elle prévoit un contrôle extrêmement étroit des activités financières de ce député ainsi que de ses faits et gestes pendant son mandat, assorti d'une sorte de procès qui lui serait fait après son mandat. Ce qui oblige le député à être plus attentif à la volonté de ses électeurs. Mais je ne crois pas que ce soit suffisant. Car s'il s'agit d'électeurs comme ceux d'aujourd'hui, c'est-à-dire des gens qui appartiennent à une société libérale ou issue du monde libéral, eh bien, ces électeurs ne seront qu'une somme d'individus qui voteront un peu au hasard. Donc, a priori, la condition indispensable à la formation d'institutions saines, c'est la réapparition d'un peuple sain, d'un véritable peuple et ce peuple, je ne peux pas le fabriquer d'un coup de baguette magique et aucune institution n'en est capable.
Q: Carl Schmitt a défini le concept du politique par celui de l'inimitié. Quel est le degré d'inimitié nécessaire à l'intérieur d'un système politique? Et comment cette inimité s'exprime-t-elle?
CP: Je pense que pour que le politique soit nécessaire, pour que l'institution politique soit nécessaire, il faut qu'effectivement un danger apparaisse. Mais je pense aussi que pour que l'institution politique apparaisse, l'amitié est au moins aussi nécessaire que l'inimitié. Parce que si l'on ne trouve pas d'amis contre l'ennemi, le politique n'apparaîtra jamais. Donc, il faut, sur ce point, compléter Carl Schmitt, par exemple par Koellreutter. C'est-à-dire compléter la notion d'ennemi par celle de «camarade dans le peuple». S'il y a un peuple qui s'ignore, parce qu'il n'a pas encore rencontré la nécessité de se manifester en tant que peuple, il aura l'occasion de se reconnaître comme tel quand l'ennemi apparaîtra. Mais s'il n'y a pas de peuple, l'ennemi peut apparaître et il n'y aura pas, je crois, de réaction politique. Donc amitié et inimitié sont nécessaires. Et l'on peut se trouver dans une société qui a tous les traits d'une société politique, durant des siècles, sans, je pense, qu'il y ait d'ennemi. C'est une chose possible. Je ne sais pas si une telle société ne tendrait pas à une certaine désagrégation.
Mais il y a beaucoup de définitions de l'ennemi. L'ennemi peut être un autre peuple, une puissance économique, un danger écologique, ou n'importe quelle sorte de danger, comme une épidémie, etc. On utilise beaucoup la façon dont Carl Schmitt a présenté, peut-être d'une manière un peu dure, sa définition de l'ennemi, pour dire: voilà il y a d'affreux fascistes qui voient des ennemis partout. Mais le fait est là: nous avons tous, tant que nous sommes, des ennemis partout. Les idéologues de gauche qui rejettent le plus vivement la pensée de Carl Schmitt sont les premiers à voir des ennemis partout à droite, chez les adversaires de l'écologie, chez les bellicistes, etc. Leur façon d'être pacifistes manifeste bien qu'ils ont un grand sens de l'ennemi, beaucoup plus vif que la plupart des nationalistes que je connais et qui cherchent au contraire à s'unir avec n'importe qui. Les gens de gauche, eux, passent leur temps à reconnaître l'ennemi.
Q: On parle beaucoup, trop même, des concepts de «gauche» et de «droite». Ils sont utilisés désormais universellement, mais ne décrivent plus guère une substance concrète. N'est-il pas temps d'introduire de nouvelles dichotomies, un nouveau vocabulaire instrumentalisable pour rendre compte de la complexité des enjeux politiques?
CP: Je pense qu'effectivement il y a tout un travail énorme à faire sur les concepts. Ce devrait être notre premier travail, peut-être. Le concept de «nationalisme», lui aussi, devrait être réétudié. De même que le concept de «socialisme». Tous ces concepts ont été forgés de façon un peu rapide au XIXième siècle. Pour la «droite» et la «gauche», de la même façon, ces concepts sont opératoires parce qu'on en connaît approximativement le sens. J'insiste: approximativement. Je crois, en effet, qu'il faudrait découvrir d'autres concepts aujourd'hui. Pas exactement les découvrir, plutôt les mettre en avant. Peut-être le concept d'«identité» que l'on pourrait opposer au concept d'«uniformisation». Ou le concept de «domination économique» que l'on pourrait opposer au concept de «solidarité politique». Mais ce ne sont là que des exemples: on pourrait en trouver beaucoup d'autres. En ce qui concerne la droite et la gauche, j'y ai réfléchi, pour un travail que j'avais à conduire il y a quelque temps sur les deux concepts; et la seule chose que je peux dire à ce sujet, c'est que, sous la révolution française, lors du vote sur le veto, les députés qui ont voté contre le veto, c'est-à-dire contre le roi, se sont mis à gauche, tandis que les autres se mettaient à droite. En France, c'est ce que nous avons de plus sûr sur la droite et sur la gauche. Après, les gens de droite ne sont devenus nationalistes que tout à la fin du XIXième siècle, alors que c'est la gauche qui était nationaliste au départ. Le socialisme était en principe à gauche mais, en fait, puisque les socialistes étaient en même temps nationalistes, on peut se demander, au regard des critères en vigueur de nos jours, s'ils n'étaient pas aussi à droite; le patriotisme s'est situé surtout à gauche aussi. Les idées sociales, par contre, ont été défendues par les contre-révolutionnaires et par les légitimistes. Ceux-ci ont été les premiers à les défendre. Il faut bien le dire, car telle est la vérité historique. Les concepts de droite et de gauche sont des concepts qui, historiquement, sont dépourvus de sens. Alors, si l'on voulait tout de même leur rechercher un sens étymologique, on pourrait se souvenir que, dans l'antiquité, et en particulier quand on lisait les augures, la gauche, c'était à la fois le mouvement et le désordre, c'est-à-dire simultanément quelque chose de positif et de négatif. Et la droite, c'était l'ordre et aussi l'immobilisme. Donc aussi, simultanément, quelque chose de positif et de négatif. Je crois que les concepts de droite et de gauche naissent de la révolution française dans la mesure où, au moment de la révolution, un grand désordre apparaît qui fait que la complémentarité nécessaire à toute société politique disparaît. En effet, à cette époque troublée de notre histoire, le mouvement et la conservation se séparent, alors que dans les sociétés humaines normales, ce sont des choses qui doivent coexister.
Q: Une dernière question: vous avez assez souvent utilisé le concept de «nationalisme», dans un sens relativement positif. Chez nous, dans le monde germanophone, le «nationalisme», et tout ce qui en relève, est tabouisé. Qu'en est-il en France? Est-ce différent?
CP: Pas tellement. Mais c'est effectivement un peu différent. Ceci dit, il y a une certaine marginalisation du nationalisme, tout de même. On doit l'admettre. Ensuite, les nationalistes ne sont pas d'accord entre eux. Ce qui complique beaucoup les choses. Ce désaccord vient du fait qu'ils ne mettent pas la même chose sous le mot «nationalisme». Ou parce que certains qui sont peut-être plus nationalistes que ceux qui se disent nationalistes, rejettent absolument cette appellation. Ce qui ne simplifie pas les choses.
Q: Madame Pigacé, merci de nous avoir accordé cet entretien.
00:05 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sciences politiques, politologie, philosophie | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
lundi, 11 mai 2009
Noltes neuer Streich
Ernst Nolte hat ein neues Buch geschrieben und erstes Presseecho erhalten. Das ist gut so und verwundert auch, denn gewöhnlich wird totgeschwiegen, was aus der Feder des im Historikerstreit medial unterlegenen Geschichtsdenkers stammt. Doch offenbar hat Ernst Nolte (dessen letzte Bücher zugegebenermaßen nichts Neues brachten) wieder einmal einen neuralgischen Punkt berührt, und nach gewissenhafter Prüfung hat man sich offenbar entschieden, ihm hier nicht unwidersprochen das Feld zu überlassen.
Es geht um den Islamismus als „dritte radikale Widerstansbewegung“ neben Bolschwismus und Faschismus. Damit verpackt Nolte den Islamismus in seine bekannte These vom kausalen Nexus zwischen den beiden Ideologien und erkennt in ihm Elemente von beiden wieder. Was Islamismus ist, erfahren wir in einer Fußnote:
Am einfachsten lässt sich der „Islamismus“ so definieren, dass er den kriegerischen und dogmatischen Aspekt des Islam, dem bereits im Koran ein friedenswilligerer und toleranterer Aspekt gegenübersteht, isoliert und dann ausschließlich hervorhebt. Insofern ist der Islamismus nichts anderes alsder zu seiner eigenen Radikalität gebrachte Islam.
Von daher stellt sich natürlich die Frage, was der Islamismus mit den anderen beiden Widerstandsbewegungen zu tun hat, die eine völlig andere Entstehungs- und Entfaltungsgeschichte haben. Nolte faßt daher am Anfang des Buches seine Charakterisierung des Marxismus und Nationalsozialismus zusammen und sieht in beiden „konservative Revolutionen“, die ein ursprüngliches Lebensverhältnis vor der Moderne retten und wiederherstellen wollten. Im Anschluß daran erzählt Nolte die Geschichte der Konfrontation des Islam mit der modernen Welt, beginnend mit der Landung Napoleons in Ägypten, über den Zionismus als entscheidende Herausforderung und endend mit dem Islamismus als Macht im gegenwärtigen Weltkonflikt.
In den oben erwähnten Rezensionen wird deutlich, daß Nolte mit seiner These zumindest Widerspruch provoziert. An der Begründung dieses Widerspruchs kann man ablesen, daß er mit seinen Überlegungen nicht daneben liegt. Hinzu kommt das Pathos des Verstehenwollens, das Nolte auszeichnet und das auf den Zeitgeist immer verstörend wirkt. Dem Journalisten(Jörg Lau in Die Zeit) bleibt nur die Empörung:
Nolte hält nicht etwa nur den Widerstand der Palästinenser gegen Vertreibung und Besatzung für legitim. Es kommt ihm vielmehr darauf an, den arabischen Antisemitismus zu verteidigen, den die extremsten Teile der islamistischen Bewegungen kultivieren.
Das ist der übliche Reflex. Nolte verteidigt hier gar nichts, er wagt nur eine gerechte Betrachtung einzufordern, die Ursachen und Auslöser benennt und so ein Verstehen auch des Islamismus möglich machen kann.
In eine ähnliche Richtung geht die Kritik des „Fachmanns“ Walter Laqueur in der Welt, der Nolte sowohl vorwirft, keine Ahnnung zu haben, als auch, nichts Neues zu schreiben. Das sieht Josef Schmid in seiner positiven Besprechung für das Deutschlandradio ganz anders:
Nolte präsentiert Zeitwissen und Verknüpfungen, die allein schon die Lektüre unerläßlich machen. Darüber hinaus eröffnet dieses Werk eine Sicht auf das noch bevorstehende 21. Jahrhundert. […] Ernst Nolte erwartet weniger einen Kampf der Kulturen, dafür aber einen Kampf konkurrierender Lebens- und Daseinsformen, des Islams wie der europäischen Moderne, um ihren universellen Geltungsanspruch. Er sieht ihn in einer Dimension, auf die wir nicht vorbereitet sind.
Nolte wird in vielen Abschnitten seinem Anspruch gerecht, ein Geschichtsdenker zu sein, also einer, der über den ganzen Einzelheiten und Handgreiflichkeiten die Idee sieht, wenn er einen Vorgang in den Zusammenhang stellt. Von dort aus lassen sich auch neue Einsichten über den europäischen Bürgerkrieg gewinnen, etwa wenn er die Revolution der Jungtürken 1908/1913
die erste jener handstreichartigen Machtübernahmen seitens einer Gruppe oder Partei sehr engagierter junger Männer [sieht], welche die Verhältnisse für unerträglich hielten und oftmals von dem Gefühl des Unrechts geleitet waren, das ihnen und Menschen ihrer Herkunft oder ihrer Lage in diesen Verhältnissen angetan wurde.
Nolte sieht in der Existenz Israels, des modernen Vorpostens in der arabischen Welt, den entscheidenden Grund für die „Verteidigungsaggressivität“ des Islam. Die eigenen Mängel werden nicht mit einer fehlenden Modernität erklärt, sondern als Folge eines Abfalls von der „reinen Lehre“. Dieses Moment läßt sich in allen drei Widerstandbewegungen auffinden. Nolte stellt uns damit einen Schlüssel zur Verfügung, der auch die Hintergründe der eigenen Sehnsucht nach Authentizität und Ursprünglichkeit aufschließen hilft. Es ist die Sehnsucht nach der heilen Welt, die hinter der Subjekt-Objekt-Spaltung liegt, die Zeit als sich „alle nach einer Mitte neigten“ (Gottfried Benn). Die Unerfüllbarkeit dieser Hoffnung ist zumindest tröstlich: Auch der Islamismus wird scheitern. Die Frage nach dem Zeitpunkt sollte für uns Ansporn sein, die Hände nicht in den Schoß zu legen.
Ernst Nolte: Die dritte radikale Widerstandsbewegung: Der Islamismus, Berlin: Landtverlag 2009, 412 Seiten, gebunden mit Schutzumschlag, 39.90 Euro. Zu beziehen bei Edition Antaios.
00:20 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, islamisme, islam, théorie politique, sciences politiques, histoire, politologie, politique, multiculturalisme, dialogue des civilisations | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
vendredi, 08 mai 2009
Le profezie di Tocqueville
Le profezie di Tocqueville

«Se cerco di immaginare il dispotismo moderno, vedo una folla smisurata di esseri simili ed eguali che volteggiano su se stessi per procurarsi piccoli e meschini piaceri di cui si pasce la loro anima».
Eppure i padri costituenti, all’indomani della rivoluzione, temevano l’utilizzo stesso della parola “democrazia”, considerata di sapore giacobino (quando non sovversivo). Personaggi come Hamilton e Adams appartenevano a quella corrente, inizialmente di gran lunga maggioritaria, che identificava negli ideali del governo elitario il modello funzionale alla nascente repubblica, e rigettavano la partitocrazia come un sistema nel quale «l’egoistico interesse viene eretto innanzi alle folle come fosse un pilastro della società» . Il modello politico che conseguiva da queste convinzioni era basato su un diritto di voto limitatissimo, includente meno del 2% dei cittadini. Quel numero esiguo di elettori (poco più di trentamila su tre milioni di abitanti) identificati per criterio di censo, avrebbe rappresentato nell’idea della classe dirigente rivoluzionaria quel bacino di uomini “illuminati” capaci di prendersi cura dell’intera nazione in nome del popolo.

«Gli spagnoli, con mostruosità senza precedenti, coprendosi di onta incancellabile, non sono giunti a sterminare la razza indiana e nemmeno a condividere i loro stessi diritti [...] Gli americani [...] hanno invece raggiunto questo doppio risultato con meravigliosa facilità, tranquillamente, legalmente e filantropicamente [...] mai nessuna più grande atrocità fu compiuta, e quel che è peggio, essa è il prodotto di uno Stato che si celebra come l’Impero della Libertà».
Vi è un’incontestabile verità da rilevare nella riflessione di Tocqueville: i giudizi sugli esiti dell’applicazione del sistema democratico nella sua interpretazione moderna sfiorano il limite della profezia. Non è un caso che l’ordine sociale in vigore presso i paesi che dalla democrazia americana sono più o meno indirettamente influenzati si basi proprio su antivalori quali il consumismo, l’egoismo ed il conformismo, camuffati dietro ad espressioni come “cultura del libero mercato”, “centralità della classe media” o “moderazione politica”. L’Occidente contemporaneo non soltanto ha realizzato le paure del pensatore francese, ma le ha radicalizzate, giungendo a farne veri e propri pilastri del suo modus vivendi.
Mettiamo a fuoco la realtà statunitense, autoreferenziale al punto da considerarsi “matrice” esportabile a qualsiasi latitudine.
LE ELEZIONI PRESIDENZIALI

La conseguenza strategica di questa prassi è che i candidati alla presidenza circoscrivono la loro azione a determinati “bacini elettorali”, lasciando da parte interi Stati (considerati già acquisiti dall’una o dall’altra parte) o addirittura ignorandoli perché poco incisivi. Ad esempio, nelle elezioni presidenziali del 2004 soltanto in 20 Stati (corrispondenti al 37% della popolazione) furono organizzate campagne elettorali impegnative, lasciando fuori dai giochi le tre circoscrizioni più popolose del paese: California e New York (roccaforti democratiche) e Texas (bacino repubblicano d’eccellenza). È inevitabile quindi che la stragrande maggioranza della popolazione si consideri semplicemente “fuori dai giochi” ed eviti di recarsi a votare, come dimostrano le statistiche riguardanti l’affluenza alle urne (linea gialla):
I dati mostrano chiaramente come nella maggior parte dei casi la partecipazione elettorale superi di poco la metà degli aventi diritto. A conferma della prassi di ignorare gli Stati più popolosi perché relativamente sicuri o ininfluenti ci sono le percentuali di voto di New York (dove usualmente si reca a votare meno della metà degli aventi diritto) e del Nevada (dove la media scende al 40%) nonché le statistiche generali sui votanti (che nel 2008 sono stati 132 milioni su un totale di 212 aventi diritto). A questi dati ne aggiungiamo un altro, fondamentale: lo status sociale dei votanti è in maggioranza individuabile nel ceto medio-alto.
Percentuali di questo tipo vengono interpretate da sedicenti analisti come sintomo di una raggiunta “maturità politica” del popolo americano.

Lo stesso sistema elettorale garantisce al duopolio PD-PR il controllo stabile dei loro “territori”, stabilisce entro quali limiti debba svolgersi il confronto fra i due gruppi di potere e preserva l’egemonia moderata da pericolose derive politiche alternative.
In sostanza: due gruppi di potere, sostenuti dai poteri forti dello Stato, dell’economia e della finanza, mantengono l’iniziativa politica escludendo qualsiasi istanza di rinnovamento, appoggiandosi alla classe media (tendenzialmente conservatrice anche quando vota democratico) ed avvalendosi di una legge elettorale che scoraggia il pluralismo reale.

Se estendiamo questo ragionamento ad una buona metà dei cittadini statunitensi, riesce piuttosto facile capire come mai circa cento milioni di americani neanche si preoccupano di iscriversi alle liste elettorali.
00:10 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théorie politique, sciences politiques, politologie, philosophie, 19ème siècle, france, etats-unis, histoire | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
jeudi, 07 mai 2009
Democrazia e guerra fredda: anatomia di un paradosso
Democrazia e guerra fredda: anatomia di un paradosso

Ovviamente i rappresentanti dei due modelli rivendicano ognuno la legittimità del definirsi “democratico”.
Le democrazie occidentali
I paesi cosiddetti occidentali, sotto la leadership militare, economica e politica degli Usa, sono tutti fautori di quelle che comunemente vengono definite democrazie parlamentari. Questi paesi ponevano e pongono tutt’ora come concetto cardine della loro democrazia le libertà individuali e la loro difesa in tutti i campi. In questa concezione la massima espressione di libertà è il voto per decidere i propri rappresentanti in parlamento e negli organi di governo territoriale.

Altro fattore che faceva degli Stati occidentali delle democrazie solo a parole è il fatto che (altro cardine del mondo occidentale) a vincere sia la cosiddetta maggioranza.
Nei paesi con una moltitudine di partiti nella scena politica, questo, di fatto, sta a significare che al governo, tranne in casi eccezionali, non vada affatto la rappresentanza della maggioranza dei cittadini, ma semplicemente i rappresentanti della minoranza più grande. Nei paesi a sistema proporzionale è poi necessario che queste “grandi minoranze” debbano allearsi con partiti teoricamente più vicini ideologicamente per raggiungere e mantenere il governo. Questo crea altri scenari paradossali con partiti che di fatto sono rappresentanti di una minima parte di cittadinanza che hanno il potere di ricatto politico verso i più grandi, e che possono in questo modo andare al governo a discapito di partiti ben più rappresentativi che si trovano però fuori dalla coalizione vincente.
L’unico caso in cui ad andare al governo è effettivamente la maggioranza, ossia chi si accaparra almeno un voto in più del 50% dei votanti, è quello dei sistemi bipolari in cui di fatto sono presenti solo due partiti ma, fuori dagli Usa, un terzo conta sempre qualcosa, come accade in Germania o Inghilterra. Ma anche qui il paradosso è enorme, in quanto la totalità della popolazione deve per forza riconoscersi in uno dei due schieramenti.
In tutti i casi, comunque, chi raggiunge la cosiddetta maggioranza, sia essa relativa o assoluta, lascia di fatto esclusa dal governo una fetta enorme della popolazione, rendendo il termine “governo del popolo” del tutto inadatto a descrivere il sistema di governo occidentale.
Le democrazie popolari
Paradossalmente gli Stati che durante la guerra fredda si avvicinavano di più al concetto vero di democrazia erano proprio gli Stati sotto influenza sovietica, i quali avevano dalla loro le cosiddette democrazie popolari.

In quest’ottica si cercò di reintrodurre il concetto di partecipazione attiva della popolazione alla politica, rendendo obbligatoria l’iscrizione al partito, vietando il più possibile la proprietà privata e rendendo, di conseguenza, tutto proprietà dello Stato, facendo sì che ogni lavoratore e ogni fabbrica lavorassero solo ed unicamente per il partito, in un’ottica che vedeva l’economia del tutto assoggettata al volere degli alti gradi del polit bureau che rappresentavano l’intera collettività.
Sebbene però questo sistema fosse, dal punto di vista teorico, più vicino al concetto di “governo del popolo” rispetto alla controparte occidentale, di fatto anche qui il popolo era del tutto estraneo non solo alle decisioni ma anche ai vantaggi del proprio lavoro. Essendo praticamente annullata la sfera individuale a discapito di quella collettiva, la politica economica attuata tramite i cosiddetti “piani quinquennali” non era affatto finalizzata al benessere economico e sociale dei lavoratori, ma piuttosto al benessere – appunto – dell’intera collettività, che – di fatto – era rappresentata dal partito e dallo Stato.
I paradossi dei due mondi

Ma ci sono altri e ben più grandi paradossi nei due sistemi.
Nell’ottica sovietica appena trattata, secondo la quale l’individuo è annullato nella collettività, il lavoratore diventa un ingranaggio per il benessere dello Stato e non per se stesso, facendo un lavoro di cui non vedrà mai personalmente i frutti, economici o politici, andando a ricostruire esattamente lo scenario criticato dallo stesso Marx, e facendo dell’economia dei paesi sovietici praticamente un capitalismo di Stato.
Ma il paradosso più grande forse riguarda proprio il mondo occidentale. La volontà esplicita di liberare l’economia e la finanza dal controllo dello Stato favorì non solo l’assoggettarsi delle politiche nazionali alle logiche di mercato, ma soprattutto favorì la creazione e il proliferare di una classe finanziaria internazionale che cercò e riuscì a gestire le politiche nazionali per i propri fini. Questo fece sì che lobbies sovra e inter-nazionali potessero controllare i governi, e che Stati con assai poca sovranità nazionale potessero essere governati di fatto da rappresentanti di aziende o multinazionali straniere. A conti fatti, il mondo occidentale risultò quindi attuare perfettamente il concetto di internazionalismo che il comunismo russo invece aveva abbandonato fin dai tempi in cui Stalin estromise a picconate Trotsky, attuando invece un gigantesco nazionalismo al servizio della Grande Russia.
Il terrore come mezzo di auto-sostentamento dei due modelli
Il clima di guerra fredda che iniziò fin dalla fine della guerra mondiale di certo aiutò il consolidarsi dei due modelli, che furono comunque contrastati per una ventina d’anni dai paesi non-allineati, i quali facevano riferimento a leaders popolari e nazionali come l’egiziano Nasser e l’argentino Perón.

Ma anche in Occidente si fece largo uso del terrore per mantenere lo status quo deciso a Jalta. Con il piano Marshall – di fatto – tutti i paesi europei divennero talmente legati alla politica statunitense, tanto da divenirne praticamente schiavi. Il quotidiano timore per l’imminente scoppio del conflitto nucleare costrinse gli Stati occidentali a fare quadrato dietro agli Usa, e ciò impedì di fatto qualunque forma di ricerca (o di ritorno) di una terza via, tanto politica quanto economica.

Gli stessi Usa, paladini della libertà, usarono l’arma del terrore durante l’epoca McCarthy e soffocarono nel sangue i tentativi di liberazione dalla loro influenza dai paesi dell’America Latina.
Di fatto il clima di continua tensione, certamente aiutato dall’impotenza politica dell’Onu che prevedeva diritto di veto tanto dagli Usa che dai sovietici, non fece altro che aiutare i due grandi colossi a reggersi in piedi nel dominio delle rispettive sfere d’influenza. Tensione che i due colossi fecero ben attenzione a non far mai esplodere e far andare fuori controllo, come dimostrano il sospetto assassinio del presidente Kennedy e il contemporaneo improvviso golpe contro il presidente Kruscev, proprio i due uomini politici che rischiarono di dar inizio alla guerra nell’episodio della crisi missilistica di Cuba.
00:15 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sciences politiques, politologie, politique, guerre froide, années 50, années 60, histoire, démocratie | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
lundi, 04 mai 2009
Tocqueville contre le nihilisme moderne
Tocqueville contre le nihilisme moderne
par Pierre Le Vigan - http://europemaxima.com/
On sait que Benjamin Constant distinguait dans un célèbre discours de 1819 la liberté des Anciens et la liberté des Modernes. La première réside dans la participation aux affaires publiques, la seconde dans la garantie des jouissances privées. Dans la première, il y a selon Constant « asservissement de l’existence individuelle au corps collectif ». C’est pourquoi il défend la seconde conception de la liberté, celle des Modernes. En un sens, la conception de Benjamin Constant a fondé un certain libéralisme. Il est toutefois patent qu’une autre grande figure libérale, ou plutôt peut-être devrait-on dire conservatrice, a souligné que la liberté des Modernes ne suffisait pas. Cette figure c’est Tocqueville. Il est constant que pour Tocqueville la liberté des Modernes même corrigée par la morale chrétienne ne suffit pas. « Les devoirs des hommes entre eux en tant que citoyens, les obligations des citoyens envers la patrie me paraissent mal définis et assez négligés dans la morale du christianisme. C’est là, ce me semble, le coté faible de cette admirable morale de même que le seul coté vraiment fort de la morale antique. » note Tocqueville (Lettre à Arthur de Gobineau, 5 septembre 1848).
Si la morale civique tend à disparaître c’est encore pour une raison que Tocqueville a parfaitement analysée. C’est du fait de la montée de l’individualisme. L’égalité de principe des hommes « abolit le prestige des noms pour lui substituer la force du nombre » note Finkielkraut. En conséquence se développe l’esprit moutonnier et le conformisme de masse dont nous voyons aujourd’hui les effets poussés à l’extrême. Plus les hommes sont égaux en principe plus se manifeste l’envie, la recherche du bien-être, l’hédonisme. Le régime des désirs tend à être la loi de l’économie. Ce « chacun pour soi » et ce désinvestissement de l’engagement civique et politique donne au despotisme toutes les chances de s’imposer. Il aggrave alors l’individualisme. « Il retire aux citoyens toute passion commune, tout besoin mutuel, toute nécessité de s’entendre, toute occasion d’agir ensemble ; il les mure, pour ainsi dire, dans la vie privée […]. La liberté seule, au contraire, peut combattre efficacement dans ces sortes de sociétés les vices qui leur sont naturels et les retenir sur la pente où elles glissent. Il n’y a qu’elle en effet qui puisse retirer les citoyens de l’isolement dans lequel l’indépendance même de leur condition les fait vivre, pour les contraindre à se rapprocher les uns des autres, qui les réchauffe et les réunisse chaque jour par la nécessité de s’entendre, de se persuader, et de complaire mutuellement dans la pratique d’affaires communes. Seule elle est capable de les arracher au culte de l’argent et aux petits tracas journaliers de leurs affaires particulières pour leur faire apercevoir et sentir à tout moment la patrie au-dessus et à côté d’eux ; seule elle substitue de temps à autre à l’amour du bien-être des passions plus énergiques et plus hautes, fournit à l’ambition des objets plus grands que l’acquisition des richesses, et crée la lumière qui permet de voir et de juger les vices et les vertus des hommes. » (L’Ancien régime et la Révolution).
Si chacun ne se saisit pas de la liberté, une liberté de faire, une liberté des Anciens, et non une simple liberté de ne pas être contrôlé, encadré par l’État, la liberté des Modernes, alors le despotisme menace d’autant plus fortement que la société est justement démocratique. Tocqueville remarque : « Je pense que l’espèce d’oppression dont les peuples démocratiques sont menacés ne ressemblera à rien de ce qui l’a précédée dans le monde ; nos contemporains ne sauraient en trouver l’image dans leurs souvenirs. Je cherche en vain en moi-même une expression qui reproduise exactement l’idée que je m’en forme et la renferme ; les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent point. La chose est nouvelle, il faut donc tâcher de la définir, puisque je ne peux la nommer. Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine ; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux et ne les voit pas ; il les touche et ne les sent point ; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul, et, s’il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie. Au-dessus d’eux s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? » (De la démocratie en Amérique). Tocqueville peut ainsi conclure : « Le despotisme me parait particulièrement à redouter dans les âges démocratiques. » Face au triomphe conjoint de l’individualisme et du despotisme, la société s’atomise, comme avait bien vu Tocqueville. C’est ce que le « Comité invisible » aura bien défini quelque cent cinquante ans après sa mort, dans L’insurrection qui vient (La Fabrique, 2007) : « Le couple est comme le dernier échelon de la grande débâcle sociale. C’est l’oasis au milieu du désert humain. On vient y chercher sous les auspices de l’« intime » tout ce qui a si évidemment déserté les rapports sociaux contemporains : la chaleur, la simplicité, la vérité, une vie sans théâtre ni spectateur. » Avant de préciser que le couple n’échappe pas à la tourmente de la société-machine et marchandise.
Notre monde, Tocqueville nous a aidé à le penser. Tocqueville n’est ni libéral – il ne croit pas que l’intérêt général soit la simple somme des intérêts particuliers, ni rousseauiste – il ne croit pas à l’unanimité du peuple qui ne parlerait que d’une seule voix. Tocqueville est bien plutôt un ancêtre de Hannah Arendt et de sa notion d’une démocratie excédant radicalement toute idéologie des droits de l’homme. C’est aussi avec cent cinquante ans d’avance un formidable critique du nihilisme du règne contemporain de la marchandise et de l’équivalence généralisée des biens culturels et des œuvres d’art.
Pierre Le Vigan
00:15 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politologie, sciences politiques, théorie politique, philosophie, france, 19ème siècle, nihilisme, modernité | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
dimanche, 26 avril 2009
Furet/Nolte: fascisme et communisme

Archives de "SYNERGIES EUROPEENNES" - 1997
Furet & Nolte : fascisme et communisme
Chez Plon est paru Fascisme et communisme de François Furet et Ernst Nolte. Voici un extrait de la présentation: «Cet essai, qui réunit huit lettres échangées entre François Furet et l'historien allemand Ernst Nolte, constitue une sorte de prolongement au livre majeur de François Furet, Le passé d'une illusion. En réponse aux pages consacrées par Furet à l'analyse du fascisme et du nazisme chez Nolte, ce dernier entreprit de préciser et de développer une interprétation qui, lors de sa parution voilà dix ans, avait déclenché la plus importante controverse historique de l'après-guerre en Europe. Mais ce texte est davantage qu'une réflexion contradictoire entre deux grands historiens. Il propose une lecture de l'histoire du XXième siècle hors des sentiers battus à partir d'un événement fondateur, la guerre de 1914, et des liens qui unissent les trois "tyrannies" du siècle le fascisme, le nazisme et le communisme. Il s'agit de comprendre et d'expliquer l'étrange fascination que ces mouvements idéologiques et politiques ont exercée tout au long du siècle ». A propos de la liberté de la recherche historique, F. Furet écrit: « Rien n'est pire que de vouloir bloquer la marche du savoir, sous quelque prétexte que ce soit, même avec les meilleures intentions du monde. C'est d'ailleurs une attitude qui n'est pas tenable à la longue, et qui risquerait d'aboutir à des résultats inverses de ceux qu'elle prétend rechercher. C'est pourquoi je partage votre hostilité au traitement législatif ou autoritaire des questions historiques. L'Holocauste fait hélas partie de l'histoire du XXième siècle européen. Il doit d'autant moins faire l'objet d'un interdit préalable que bien des éléments en restent mystérieux et que l'historiographie sur le sujet n'en est qu'à son commencement » (P. MONTHÉLIE).
François FURET et Ernst NOLTE, Fascisme et communisme, 1998. 146 pages. 89 FF. Editions Plon.
00:05 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théorie politique, fascisme, communisme, totalitarisme, politologie, histoire, sciences politiques, livre | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
mardi, 07 avril 2009
Le communautarisme américain

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995
Université d'été de la F.A.C.E. - 1995
Résumé des interventions
Le communautarisme américain
(intervention de Robert Steuckers)
Le communautarisme américain d'aujourd'hui, c'est-à-dire tout le débat entre sociologues visant à réhabiliter la notion de “communauté” aux Etats-Unis, est une réponse tardive au néo-libéralisme et une redécouverte des liens communautaires. Conscients de la faillite et de l'impasse que sont l'individualisme et le collectivisme, les sociologues de la “nouvelle gauche” cherchent désormais à restaurer la logique communautaire. La plupart de ces nouveaux “communautariens” américains tâtonnent: ils tentent de vulgariser et d'adapter un discours qui a été parfaitement “scientificisé” en Europe avec Otto von Gierke, Ferdinand Tönnies (Communauté et société) et François Perroux. Mais cet héritage précieux de la sociologie avait été refoulé au profit de conceptions très “sociétaires” ou très “technocratiques” des agrégats humains. Les sociologues américains de la tradition “communautarienne” aujourd'hui émergente ont constaté, devant la déliquescence des villes américaines, devant la criminalité galopante, que leur société basculait dans l'anomie totale, vu la disparition de tous les référents sous les coups de l'hyper-modernité.
D'où le triple constat de cette nouvelle école sociologique et philosophique:
1) Les Etats-Unis sont une société sans référents, parce qu'elle est une société d'immigrés qui ont rompu avec leurs traditions ancestrales, sans en avoir reconstruit d'autres;
2) Or les Etats-Unis veulent être une société pleinement démocratique; mais une démocratie n'est viable que s'il existe au préalable des vertus civiques, c'est-à-dire une sorte de bloc d'idées incontestables, impliquant des droits et des devoirs. Les vertus civiques réclamées par toute démocratie saine sont l'avatar contemporain de la virtus des Romains, de la virtù de Machiavel et de la vertu de Montesquieu.
3) Pour que ces vertus civiques demeurent vivantes, dynamiques, adaptables aux circonstances, il faut que demeurent les liens, valeurs et comportements traditionnels; d'où la notion d'un “progrès” —qui effacerait définitivement ces legs irrationnels du passé pour qu'advienne un bien définitif, rationnel, raisonnable et épuré— n'est plus défendable.
C'est sur base de ce triple constat que la sociologie récente aux Etats-Unis lance un appel aux citoyens pour qu'ils renouent avec leurs traditions, mais cet appel demeure assez vague et imprécis quand on le compare à la profondeur d'analyse d'un Tönnies ou d'un Perroux. Nous préférerions retourner à la rigueur de Tönnies et de Perroux, mais cette rigueur n'est plus directement accessible, même en milieu académique, c'est pourquoi nous sommes contraints en pratique de revenir dans le débat sur la “communauté” par cette “petite porte” —la seule qui ne soit pas condamnée— qu'est le communautarisme américain actuel.
Autre aspect intéressant de ce débat: il permet de dépasser le paralysant clivage “gauche/droite”, étant donné, justement, que les “communautariens”, s'ils viennent en majorité de la “gauche”, viennent aussi assez souvent d'une droite “axiologique” ou “aristotélo-thomiste”. Le communautarisme permet de rassembler tous ceux qui s'opposent au libéralisme radical, à l'hyper-individualisme et au culte de l'argent, revenu sur l'avant-scène avec Thatcher et Reagan. A l'époque du grand avènement du néo-libéralisme, de la fin des années 70 à l'entrée de Reagan à la Maison Blanche, les théories de Hayek et des Chicago Boys avaient triomphé de celles de John Rawls, consignées dans un ouvrage célèbre à l'époque, A Theory of Justice (1979). Rawls critiquait la notion de contrat aliénant ma liberté de citoyen, déléguant mes pouvoirs naturels à une instance appelée à barrer la route au chaos (guerre civile). Pour Rawls, le fait de déléguer ainsi ses propres pouvoirs ruine les ressorts coopératifs naturels de toute la société. Pour dépasser cet effet pervers du contractualisme, il faut rendre vigueur aux normes traditionnelles, se débarrasser de cette philosophie anglo-saxonne qui estime que les normes et les valeurs découlent d'énoncés vides de sens. Le livre de Rawls provoque deux réactions: 1) Nozick et Buchanan définissent des normes toutes faites, jugées comme universellement valables et intangibles (origines néo-libérales de la political correctness); 2) il faut faire revivre les normes traditionnelles, donc redonner vie aux ressorts des communautés.
Parmi les nombreux protagonistes de ce nouveau “communautarisme”, citons Ben Barber, issu d'une gauche très activiste, engagée dans tous les combats depuis 68. Ben Barber oppose très justement le libéralisme à la démocratie. Le libéralisme signifie l'anarchie sociale, l'effilochement des tissus séculaires, la fin des institutions stables de la société (mariage, famille, etc.), l'anomie. La démocratie, si elle est forte, implique la participation, donc des agrégats humains aux ressorts naturels intacts, capables de s'adapter en souplesse à tous les contextes et à tous les coups du sort. Restaurer une démocratie forte, contre les effets dissolutifs du libéralisme, signifie accroître la participation des citoyens à tous les niveaux de décision, réactiver la citoyenneté. En effet, le libéralisme, issu du contractualisme, est une “démocratie faible”, dans le sens où il participe d'une épistémologie “newtonienne”, où le simplisme géométrique est de rigueur; le libéralisme est cartésien, dans le sens où il est déductif et où il ne considère comme pleinement citoyens que ceux qui adhèrent religieusement à quelques vérités abstraites, alors que le “communautarisme” est amené à définir le citoyen comme le ressortissant d'un Etat qui a une histoire particulière et a déployé des valeurs spécifiques, particularités et spécificités qui fondent justement la concrétude de la citoyenneté. Le libéralisme postule un homme dépolitisé (qui a délégué ses pouvoirs potentiels à une instance supérieure), ce qui est une aberration aux yeux de l'ancien militant gauchiste Ben Barber. Il faut donc opérer un retour à la Polis antique, où le citoyen se situe dans une histoire, où il intervient et participe. Le libéralisme, soit la “démocratie faible”, génère des pathologies: atomisation sociale, chaos, anomie, expédiant de la dictature, passivité des citoyens. Une démocratie réelle, soit une démocratie forte, commencent par des “assemblées de voisins” (5000 citoyens décrète Barber), reliées entre elles par des “coopératives de communication” (rendues possibles par les progrès en télécommunications). Ben Barber propose ce modèle pour les Etats-Unis, société où aucune tradition ne subsiste et où aucune tradition particulière ne peut s'imposer à la majorité. D'autrs communautariens parle de “faire éclore partout des sphères de justice”. Un débat passionnant que les “Bons Européens” doivent brancher sur les legs communautaires de leurs propres histoires et sur l'appareil conceptuel que nous lèguent Otto von Gierke, Tönnies et Perroux.
(résumé de Catherine NICLAISSE).
00:05 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sociologie, politologie, sciences politiques, théorie politique, etats-unis, philosophie | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
jeudi, 02 avril 2009
Vilfredo Pareto et la circulation des élites

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995
Université d'été de la F.A.C.E. (juillet 1995):
Résumé des interventions
Jeudi 27 juillet 1995
Vilfredo PARETO et la circulation des élites
(Intervention d'Enrico Galmozzi, traduite par Alessandra Colla)
Cet exposé est aussi une présentation de la revue Origini, éditée conjointement par Alessandra Colla, le Centro Culturale Orion et Sinergie Europee, qui vient de sortir un gros dossier sur Vilfredo Pareto.
Si des institutions scientifiques, comme celles qui gravitent autour de la maison d'édition Droz ou des Cahiers Vilfredo Pareto, à Genève et à Lausanne, ont continué, imperturbables, à éditer Pareto et ses exégètes ou continuateurs, en Italie, un voile est tombé sur son œuvre, jugé trop “à droite”, voire “pré-fasciste”, alors que la sociologie était jugée, à tort, comme un héritage exclusif des gauches. Pareto a donc toujours été plus accusé que lu, plus cité (à partir de sources secondaires) qu'étudié. Après les décès de Raymond Aron et de Julien Freund, qui ont été ses meilleurs disciples, l'étude de l'œuvre parétienne est entrée, elle aussi, en dormition; avec la récente étude de Bernard Valade, on peut espérer son retour dans l'université française (cf. Pareto: la naissance d'une autre sociologie, PUF, 1990).
Dans le cadre de nos travaux, il est bon de rappeler quelques termes de la sociologie de Pareto:
- L'élite est la classe élue, un petit groupe qui se détermine seul, qui se montre capable d'influencer la masse, qui devient aussi, par le truchement du phénomène de la “circulation des élites” le groupe dominant au sein d'une société ou d'un Etat.
- Les résidus, sont des sentiments permanents, irrationnels, qui conditionnent les hommes individuellement et collectivement, et déterminent leurs actions non-logiques. Ce sont les traditions, les héritages, les stratifications dues à la religion, aux droits anciens, aux préjugés.
- Les actions logiques, sont des raisonnements dérivés de l'observation des faits.
- Les actions non-logiques, relèvent, elles, des résidus.
Le fondement de l'œuvre de Pareto est une critique de l'idéologie, en somme, une volonté d'arracher les masques que se donne la praxis sociale pour retrouver le fonctionnement réel de la société et l'analyser crûment, sans aucun recours aux dérivatifs idéologico-philosophiques habituels. Dans le sillage de Pareto, le terme “idéologie” a été employé dans un sens polémique: les faits réels sont recouverts par un voile de nature idéologique, qui justifie l'existence d'appareils de pouvoir qui sont souvent efficaces en phase initiale de déploiement, mais qui s'usent avec le temps, pour tomber ensuite dans une caducité problématique, enrayant la bonne marche de la société et barrant la route aux forces innovantes. Pareto veut forger une méthode d'investigation scientifique de ce processus, afin que les forces innovantes puissent disposer d'un instrument critique imparable et jeter bas les forces déclinantes avant qu'elles ne figent une société et ne finissent par la tuer. Pour Pareto, il ne s'agit pas tant de refuser a priori toutes les mystifications idéologiques, car celles-ci se justifient dans la mesure où il y a une véritable demande sociale de mystification. Mais il faut que cette mystification serve un fonctionnement optimal de la société. Si elle ne justifie plus qu'un fonctionnement caduc, elle doit disparaître au plus vite. La mystification efficace est “mythe” au sens sorélien du terme, et correspond aux besoins réels de la société, fournissant un fondement axiologique pour maintenir harmonieusement un équilibre entre la masse et les élites; la mystification déployée comme écran devant une société en déclin ou un appareil politique figé est manipulation.
La politique est donc un lieu privilégié de la fiction, une fiction qui assure un équilibre des forces en jeu entre la masse et les élites. Pareto, pessimiste, méprise la démocratie parlementaire qui oblitère les spontanéités populaires, y compris quand elle prévoit le plébiscite (qui est une action de violence masquée par la légalité). Ce mépris marque une rupture radicale avec la conception optimiste du contrat social, dominante au 19ième siècle, et avec le positivisme d'un Auguste Comte. Ce dernier pensait que l'on pouvait obtenir une connaissance rationnelle de la société, or celle-ci se développe imprévisiblement: elle est un organisme en quête d'un équilibre et, en tant que telle, elle se soustrait à tous les calculs que libéraux, optimistes, positivistes, eudémonistes, progressistes, etc. ont cru benoîtement être des lois immuables dans le fonctionnement des sociétés humaines, en tous temps et en tous lieux.
Le pessimisme de Pareto interdit les jugements de valeur simplistes. Quand une élite nouvelle renverse une élite caduque ou moisie, cela ne signifie pas qu'elle est moralement meilleure: plus simplement, elle fonctionne mieux au moment où elle accède au pouvoir. Elle incarne une rupture avec l'ancienne culture dominante et ses traditions. La théorie parétienne de la circulation des élites permet de penser un équilibre dynamique, une médiation qui, si elle est acceptée comme telle, empêche un bouleversement paroxystique et total de la société. Si les gouvernants acceptent la théorie de la circulation des élites et donc la caducité graduelle de tout pouvoir, ils coopteront et accepteront à leurs côtés les représentants des challengeurs, induisant de la sorte une rotation souple des élites. Les élites n'ont donc jamais duré au cours de l'histoire; elles ont pris le pouvoir dans leur phase de jeunesse, elles se sont usées en cours de maturité et elles ont sombré dans leur phase de vieillesse.
Pareto est toutefois inquiet en voyant s'installer le pouvoir de l'argent, la ploutocratie. L'économie omniprésente vide toutes les relations sociales de sens, elle détache les hommes de la religion, des traditions, des histoires nationales, toutes instances qui conférent du sens et à l'intérieur desquelles s'opéraient les contestations amenant les changements de pouvoir. La disparition des instances porteuses de sens va figé les processus de circulation et de rotation des élites.
(cf. Origini, n°11, textes consacrés à Pareto et édités sous la direction d'Enrico Galmozzi; disponible à l'adresse belge de “Synergies”, prix: 25 FF ou 150 FB, port compris).
00:05 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sciences politiques, théorie politique, politologie, italie, synergies européennes, sociologie, économie | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
vendredi, 27 mars 2009
Machiavelli's Stellingen over Staat en Politiek
00:15 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sciences politiques, politologie, politique, théorie politique, philosophie, 16ème siècle, renaissance, italie | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
jeudi, 26 mars 2009
La figure du "Katechon" chez Carl Schmitt

La figure du “Katechon” chez Schmitt
(intervention du Prof. Dr. Fabio Martelli - Université d'été de la FACE, 1995)
Dans sa Théologie politique (1922), la figure du katechon est celle qui, par son action politique ou par son exemple moral, arrête le flot du déclin, la satanisation totale de ce monde de l'en-deçà. Catholique intransigeant, lecteur attentif du “Nouveau Testament”, Schmitt construit sa propre notion du katechon au départ de la Deuxième Lettre aux Thessaloniciens de Paul de Tarse. Le Katechon est la force (un homme, un Etat, un peuple-hegemon) qui arrêtera la progression de l'Antéchrist. Schmitt valorise cette figure, au contraire de certains théologiens de la haute antiquité qui jugeaient que la figure du katechon était une figure négative parce qu'elle retardait l'avènement du Christ, qui devait survenir immédiatement après la victoire complète de l'Antéchrist. Schmitt fonde justement sa propre théologie civile, après avoir constaté cette différence entre les théologiens qui attendent, impatients, la catastrophe finale comme horizon de l'advenance de la parousie, d'une part, et, ceux qui, par le truchement d'une Theologia Civilis tirée en droite ligne de la pratique impériale romaine, veulent pérenniser le combat contre les forces du déclin à l'œuvre sur la Terre, sans trop se soucier de l'avènement de la parousie. Les sociétés humaines, politiques, perdent progressivement leurs valeurs sous l'effet d'une érosion constante. Le katechon travaille à gommer les effets de cette érosion. Il lutte contre le mal absolu, qui, aux yeux de Schmitt et des schmittiens, est l'anomie. Il restaure les valeurs, les maintient à bout de bras. Le Prof. Fabio Martelli a montré comment la notion de Katachon a varié au fil des réflexions schmittiennnes: il rappelle notamment qu'à l'époque de la “théologie de la libération”, si chère à certaines gauches, où un Dieu libérateur se substituait, ou tentait de se substituer, au Dieu protecteur du statu quo qu'il avait créé, Schmitt sautait au-dessus de ce clivage gauche/droite des années 60-70, et aussi au-dessus des langages à la mode, pour affirmer que les pays non-industrialisés (du tiers-monde) étaient en quelque sorte le katechon qui retenait l'anomie du monde industriel et du duopole USA/URSS. Finalement, Schmitt a été tenté de penser que le katechon n'existait pas encore, alors que l'anomie est bel et bien à l'œuvre dans le monde, mais que des “initiés” sont en train de forger une nouvelle Theologia Civilis, à l'écart des gesticulations des vecteurs du déclin. C'est de ces ateliers que surgira, un jour, le nouveau katechon historique, qui mènera une révolution anti-universaliste, contre ceux qui veulent à tout prix construire l'universalisme, arrêter le temps historique, biffer les valeurs, et sont, en ce sens, les serviteurs démoniaques et pervers de l'Antéchrist.
(résumé de Robert Steuckers; ce résumé ne donne qu'un reflet très incomplet de la densité remarquable de la conférence du Prof. Fabio Martelli, désormais Président de Synergies Européennes-Italie; le texte paraîtra in extenso dans Vouloir).
00:05 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théorie politique, politologie, sciences politiques, philosophie, révolution conservatrice, catholicisme, carl schmitt, théologie politique, théologie, weimar | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
jeudi, 19 mars 2009
Une "nouvelle gauche" contre la vulgate des Lumières

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995
Une “nouvelle gauche” contre la vulgate des Lumières
Nous assistons à l'avènement d'une gauche inattendue. Elle s'oppose à la vulgate des Lumières, base de la “political correctness”, elle s'insurge contre l'emprise étouffante de l'économisme, elle est “contextualiste” dans le sens où elle ne rejette pas nécessairement tous les nationalismes, elle est résolument “communautaire”, elle fait recours aux traditions, même, parfois, sous leurs aspects ésotériques.
Il y a déjà quelque temps qu'une certaine gauche (spécialement en France), que certains intellectuels déçus de leur parcours politico-philosophique marxiste et social-démocrate sont partis en quête d'arguments nouveaux, vers d'autres horizons spirituels. Ils ont toutefois gardé le meilleur de leur ancienne vision-du-monde: une aversion à l'égard de la culture libérale, fondée sur l'individualisme. Mais ils ont abandonné les recettes collectivistes et préfèrent le “communautaire” qu'ils avaient pourtant abjuré comme un “irrationalisme”. Aujourd'hui, ils affirment et démontrent que toute intégration sociale est déterminée par des valeurs spirituelles. C'est-à-dire que toute intégration est “holiste” et nullement “contractualiste”. On préfère désormais Ferdinand Tönnies à Jean-Jacques Rousseau.
Vu ces glissements et ces évolutions, le dialogue est donc possible avec ces intellectuels de gauche qui ont désormais des références fécondes. Ces cénacles et ces hommes courageux ne poussent toutefois pas l'audace trop loin: ils restent sur des positions égalitaristes, nivelleuses, qui ne permettent pas aux communautés, qu'ils rêvent de rétablir dans leur plénitude conviviale, de retrouver une véritable articulation organique. Des communautés non hiérarchisées, sans épine dorsale hiérarchique, risquent d'être des communautés figées, répétitives, sans vie intérieure. Lugubre perspective! Qui ne distinguera pas ce “communautarisme” de la massification actuelle, où les individus ne sont plus que de petits rouages. Autre obstacle que ces nouvelles gauches ne peuvent franchir: elles sont incapables, semble-t-il, de formuler une critique définitive des racines de la modernité mercantiliste.
Mais voici le catalogue des “nouveaux hérétiques”.
Les néo-tribalistes
“Le temps des tribus” est le titre d'un essai de 1989, qui n'est pas passé inaperçu. L'auteur en est le sociologue de gauche Michel Maffesoli, un des plus ardents théoriciens du nouveau communautarisme, des petites agrégations, comme les bandes de jeunes par exemple. Au contractualisme qui est un lien très faible, trop faible, Maffesoli oppose une sorte d'“élan vital” bergsonien, force irrationnelle d'intégration sociale: c'est ce qu'il appelle aussi le solidarisme orgiaque, où corps et âmes s'attirent et fusionnent. Maffesoli semble s'inspirer davantage d'une catégorie de Pareto, celle des “résidus”, voire celle des “actions non-logiques” que du concept de “Gemeinschaft” chez Tönnies.
Autre théoricien “communautariste”: Pietro Barcellona, ex-député du PCI. Dans ses écrits, l'anti-individualisme sort carrément des canons de l'idéologie des Lumières. La modernité et ses dérivés sociaux d'inspiration économiciste (le communisme par exemple) n'ont pas ressenti de culpabilité pour avoir fait disparaître les valeurs cimentant la solidarité. Ç'aurait été, explique le juriste Barcellona, une position “trop nostalgique et réductrice”. Barcellona n'épargne cependant pas le mercantilisme et le consumérisme. Et cet ancien député du PCI écrit, dans L'individualismo proprietario: «Le travailleur évolue désormais dans un monde de consommation à la recherche du succès personnel qui lui permettra de se présenter comme acquéreur dans des super-marchés fantasmagoriques, où le pur décor se substitue à la dignité et à l'orgueil de classe».
Les anti-occidentaux
Serge Latouche défend les positions les plus radicales en ce qui concerne la contestation du modèle occidental de vie et de développement. Dans L'occidentalisation du monde, il démasque purement et simplement le projet impérialiste et libéral-capitaliste qui éradique à coup de télévision les valeurs spirituelles résiduaires dans les pays du tiers-monde. Ainsi disparaissent chez ces peuples leur raison de vivre. L'Occident pour Latouche est une anti-culture: «Il donne des droits aux citoyens les plus efficaces. Il est tout le contraire d'une culture impliquant une dimension holiste qui procure une solution au défi de l'existence à tous ses membres». Que faire, dès lors, pour sortir de l'homogénéisation? Repartir, affirme l'ancien gauchiste, des micro-communautés, y compris les micro-communautés ethniques, qui ont été expulsées du marché.
Anti-occidentaliste encore plus farouche que Latouche: le linguiste américain Noam Chomsky, philosophe favori des gauches dures aux Etats-Unis. «Qui connaît les décisions les plus importantes prises lors des négociations du GATT ou du FMI, et qui ont pourtant un impact certain au niveau du monde entier? Et qui connaît les décisions des grandes multinationales, ou des banques internationales, ou des sociétés d'investissement qui régulent la production, le commerce et la vie de tant de pays?». Chomsky estime que cette opacité est la tare majeure du libéral-capitalisme, avec la globalisation de l'économie et l'impérialisme militaire sous la bannière Stars and Stripes. C'est contre cet expansionisme militaire américain que Chomsky a consacré son dernier livre 501: la conquête continue.
Les anti-scientistes
Il a rompu avec le communisme dans les années 50. Mais cette rupture ne l'a pas empêché de rêver à un “nouveau départ”, au-delà des “thérapies” du libéral-capitalisme. Nous voulons parler d'Edgar Morin, qui, dans un de ses derniers essais, nous met en garde contre le péril du scientisme, derrière lequel se profile une ombre totalitaire. En 1992, Morin déclarait: «Je crains un système qui puisse contrôler la population. Je pense aux manipulations génétiques et aux manipulations cérébrales. Une certaine fanta-science pourrait se transformer en science appliquée». Edgar Morin va bien au-delà d'une simple démolition du dogme scientiste: il en arrive à augurer une véritable révolution conservatrice: «Aujourd'hui, il nous faut associer deux notions opposées, celles de conservation et de révolution. Nous devons également nous abreuver aux sources du passé: Homère, Platon et Bouddha sont encore radiactifs».
Les “archaïsants” de la gauche
Il y a tout juste un an, à l'âge de 61 ans, mourrait l'historien américain Christopher Lasch. Il avait été un mythe pour la gauche italienne jusqu'il y a peu d'années. Lui aussi, comme Caillé, Morin, Maffesoli et Latouche, avait abandonné les canons de l'idéologie des Lumières et les idéologèmes économicistes, pour partir à la recherche des fondements de la solidarité, de ses principes spirituels. Aucun “pacte social” n'a jamais pu pallier aux réalités d'ordre communautaire telles la famille, la nation, le sens du devoir, toutes rejetées par les gauches sous prétexte qu'elles étaient “réactionnaires” ou “petites-bourgeoises”. La position de Lasch pourrait se définir comme étant une sorte de “radicalisme populiste”. Face à ce “communautarisme” prémoderne, le sociologue français Alain Caillé cultive un nostalgisme à peine voilé, tout en restant bien campé sur des positions égalitaires, typiques de la gauche. Il est un théoricien de l'anti-utilitarisme, le chef de file du MAUSS (Mouvement Anti-Utilitariste dans les Sciences Sociales). Depuis quelques années, il a ouvert un dialogue avec Alain de Benoist et la “Nuova Destra” italienne [tandis que le secrétaire d'Alain de Benoist, Charles Champetier, déploie mille et une astuces pour l'imiter et le paraphraser]. Dans l'orbite du MAUSS, on trouve également, outre Caillé, Latouche et Morin. Dans son essai le plus important, ce sociologue français condamne la logique du “donner-pour-avoir” et exalte, en contrepartie, la logique archaïque du don, ce qui lui permet, ou l'oblige, à réévaluer le rôle des cultures traditionnelles où «l'on se préoccupe davantage de la cohésion que du profit».
Les solidaristes du travail
Le capitalisme contre le capitalisme. Le modèle anglo-saxon des Etats-Unis contre le modèle rhénan nord-européen. L'individualisme du boursicotier contre le communautarisme des entreprises. Le sociologue Michel Albert, au départ de ses positions sociales-démocrates, explique dans son best-seller Capitalisme contre capitalisme les raisons de la supériorité sociale et économique du modèle “communautaire” allemand face au modèle ultra-libériste qui ne considère l'entreprise que comme une simple “commodité”, comme un bien vendable et interchangeable. La supériorité sociale du “modèle rhénan” réside dans sa capacité d'opérer une médiation entre biens spirituels (fidélité, amitié, communauté, honneur, générosité) et biens de marché, exclusivement commercialisables. Michel Albert donne un exemple: «Les religions en Allemagne sont des institutions non commerciales. Aux Etats-Unis, elles font recours à des formes de plus en plus sophistiquées de publicité et de marketing».
«Le travail à temps plein est terminé»: cette phrase programmatique figure dans l'introduction de Lavorare meno per lavorare tutti (Travailler moins pour que tous puissent travailler) de Guy Aznar, beaucoup lu à gauche aujourd'hui. Aznar est heureux de saluer la restitution à l'individu d'une portion de sa vie où il peut appartenir à ses amis, pratiquer la coopération libre et gratuite, s'adonner à des activités échappant à la logique de l'argent et du marché. Aznar suggère une sortie hors de l'emprise totale du travail à temps plein avec ses dégénérescences (utilitarisme, mercantilisme, efficacité à tout prix, massification, déracinement total). Dans cette optique, suggérer la réduction des horaires de travail n'est pas seulement une mesure pour lutter contre le chômage.
Les “nationaux-communautaires” scandaleux
Hans Magnus Enzensberger est l'un des intellectuels historiques de la gauche allemande. Il est aujourd'hui en rupture de ban avec ses anciens camarades, parce qu'il ne cesse plus de lancer des affirmations en faveur de l'identité nationale. Ses théories ont fini, en Allemagne, par être mises directement en accusation sous prétexte qu'elles cautionnaient des “filons philosophico-idéologiques” marginalisés par les bien-pensant: idéologues de na “nouvelle droite”, positions politiques d'un Ernst Nolte. Mais un interview accordé au Spiegel a fait un scandale encore plus retentissant. Dans cet interview, Botho Strauss, dramaturge de l'école fondée jadis par Adorno, souligne la nécessité de forger en Allemagne une “nouvelle droite” non libérale et conservatrice, attentive aux thèmes “communautaires”.
Les “ésotériques”
Dans l'archipel de la culture de gauche, on a vu émerger une petite île et on tente déjà d'en interdire l'accès. Tant elle recèle de l'hérésie. Mais elle est pourtant bien inaccessible à la majorité des post-communistes et néo-communistes qui demeurent tous de formation étroitement laïque, fidèles à l'idéologie des Lumières et au scientisme. Dans cette “île”, on peut professer des idées issues des traditions ésotériques, alchimiques, gnostiques. Inouï! Deux auteurs sont particulièrement sensibles à ces thématiques. Le premier, c'est Attilio Mangano, un ancien communiste ultra, attiré désormais par le mythe, les religions et la spiritualité des cultures centre-européennes (Mitteleuropa). Mangano est un partisan fermement convaincu du retour aux valeurs communautaires pré-modernes: ou, plus exactement, aux aspects ludiques de la fête, aux liens magiques qui lient les personnes à la nature, à l'orgiaque. L'autre auteur sensible aux thèmes ésotériques est Luciano Parinetto. Il a étudié l'alchimie (ses principaux écrits sont: Alchimia e utopia et Solilunio) et s'est réfugié dans cette discipline traditionnelle pour sortir de l'aliénation née de la modernité. Mais cette démarche nous semble tout de même un peu “forcée”, dans la mesure où il nous semble bien difficile de concilier l'utopisme marxiste anti-spirituel et anti-initiatique avec l'ars regia.
Les théologiens
Les théologiens de la nouvelle gauche hérétiques sont deux, et ils sont très différents l'un de l'autre. Le philosophe Massimo Cacciari, communiste et bourgmestre de Venise, a courageusement dépassé les clivages culturels. Au-delà du marxisme, au-delà des dogmes de l'idéologie des Lumières, Cacciari propose un itinéraire post-nihiliste nous permettant de sortir à la fois de la pensée négative et de nous ouvrir à la théologie et à la mystique.
C'est une façon de pousser la philosophie plus en avant, de la faire aller au-delà de l'orbite qui lui est généralement assignée. Dans ce cas, on pourrait effectivement hasarder des parallèles originaux. En sortant la mystique de son isolement, on retourne au néo-platonisme. En voulant dépasser le seuil de la philosophie, on revient en quelque sorte à l'idéalisme magique de Julius Evola.
Un autre intellectuel de la gauche italienne, Carlo Formenti, veut replacer les fondements de la philosophie dans leur dimension théologique.
Les anti-racistes différentialistes
Intellectuel français manifestant des sympathies pour le PS, Pierre-André Taguieff mène depuis longtemps déjà une bataille contre les insuffisances révélatrices du discours anti-raciste. Outre le racisme “mixophobe”, Taguieff dénonce le racisme “universaliste”, qui procède à l'arasement de toutes les différences. L'universalisme est raciste, en somme, parce qu'il projette d'imposer par voie d'impérialisme, un modèle unique. Il est en ce sens l'anti-chambre culturelle du colonialisme.
Francesco COLOTTA.
(texte tiré de Linea, II, 4, mai 1995; adresse: Via Federico Confalonieri 7, I-00.195 Roma; abonnement annuel: 30.000 Lire; trad. franç.: Robert Steuckers).
00:05 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, gauche, socialisme, école de francfort, lumières, illuminisme, libéralisme, italie | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
mercredi, 18 mars 2009
Machiavelli: gewetenloze opportunist of realist?
00:15 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politologie, sciences politique, philosophie, renaissance, italie, philosophie politique, 16ème siècle, 15ème siècle | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
mardi, 17 mars 2009
Visite chez Gianfranco Miglio (mai 1995)

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995
Visite chez Gianfranco Miglio (mai 1995)
Rapport rédigé par Robert Steuckers
- Le Prof. Miglio commence par un constat pessimiste: l'Europe, dit-il, semble avoir raté son rendez-vous avec l'histoire, avoir épuisé ses potentialités historiques. Les esprits politiques européens semblent désormais incapables de créer des formes nouvelles. Au temps de la révolution française, on assistait en Europe à une véritable effervescence créatrice: les projets de constitution, les visions originales du politique fusaient de toutes parts, en France comme en Allemagne. Puis, de la Restauration à nos jours, il n'y a plus eu que répétition des vieilles formules. Au temps où il donnait encore des cours, le Prof. Miglio rappelait toujours à ses étudiants que l'agencement des choses politiques se calquait sur l'organisation naturelle de la famille. Idem pour les entreprises. Aujourd'hui, nous avons en face de nous le résultat de multiples transformations, qui nous ont sans cesse éloignés du “patron” familial. Tout bouge et virevolte à une vitesse de plus en plus accrue, sauf les modèles politiques qui restent immuables, bizarrement figés dans un monde extraordinairement kaléidoscopique.
- L'URSS, avant son effondrement, a représenté l'Etat moderne dans sa perfection conceptuelle. Mais ce modèle d'Etat a éclaté parce qu'il ne correspondait plus aux impératifs du monde actuel (cf. François Furet). L'Etat moderne n'est plus possible parce qu'il est anachronique: voilà la grande leçon de l'effondrement soviétique. Le problème que nous devons résoudre? Dépasser les legs de cet Etat moderne, dépasser les pulsions idéologiques qui ont conduit à l'étatisme soviétique, pour construire une forme d'Etat reposant sur des concepts diamétralement opposés. Au lieu de l'Etat central et homologuant de mouture jacobine ou soviétique, nous devons penser et mettre sur pied l'Etat fédéral qui n'annule pas les forces à l'œuvre spontanément et naturellement dans les sociétés mais les fédère et les réconcilie, pour en extraire toutes les dynamiques positives.
- Parallèlement à l'effondrement soviétique, nous assistons à l'enlisement du parlementarisme, dans sa forme la plus conventionnelle. En Italie, cette forme politique est désormais dépassée. Les débordements de la partitocratie italienne sont une illustration éclatante de cet état de choses. Mafias et circuits parallèles se sont emparés de la machine politique et ont détaché l'Italie de la tradition européenne. La partitocratie, telle que l'Italie la connait, est l'état final, l'état décadent, du parlementarisme. Comment court-circuiter ce processus involutif? En ancrant territorialement les partis. En Italie, le Nord est fédéraliste, le Centre est résolument à gauche (PDS), le Sud est à droite (AN). Ces trois régions doivent former des “cantons”, organisés selon les idéologies dominantes au sein de leur population respective.
- La “cantonalisation” de l'Italie ne sera pas une chose facile. Certes, il faut obliger les partis à s'ancrer sur un territoire et à abandonner la prétention de vouloir gérer l'ensemble de la péninsule italique, y compris les régions où ils demeurent minoritaires. Selon mon projet, nous aurions des majorités confortables, bien profilées, dans chaque canton, sans que nous n'ayions à recourir à des coalitions fragiles et boîteuses. Or, dans l'Italie centralisée actuelle, on ne peut dégager aucune majorité claire: il faut des coalitions, qui sont négociées et renégociées à l'infini, qui reposent sur des compromis qui ne résolvent rien. Au dessus des cantons, je prévois un exécutif sous la forme d'un Directoire de cinq ou six membres, avec un gouverneur du Sud animé par une idéologie de droite, un gouverneur du Centre dont le cœur est à gauche et un gouverneur du Nord fédéraliste. C'est dans le cadre du Directoire que les partis devront négocier la politique fédérale de l'Italie toute entière, sans que les habitants des régions n'aient à subir les effets pervers des coalitions et des compromis.
- Prenons l'exemple de la France de De Gaulle. Ce dernier n'est pas tombé après 68 parce que les Français ont refusé le fédéralisme dans la mouture qu'il avait imaginé. De Gaulle est tombé parce que le personnel politique craignait qu'il ne jugule définitivement le poids excessif du Parlement des politiciens (De Gaulle voulait un Parlement des partis, des régions et des professions, du moins au niveau du Sénat). Son projet constitutionnel visait à réduire l'importance des partis dans la vie politique, car, tout en se réclamant d'une idéologie “moderne”, ils finissent par tuer l'Etat moderne, l'enserrent et l'étouffent dans des réseaux idéologico-financiers qui constituent, tous ensemble, une sorte de totalitarisme mou et bien camouflé.
- Je préfère parler de fédéralisme que de subsidiarité. En effet, même si l'on a tendance à confondre de bonne foi ces deux notions dans l'Europe d'aujourd'hui, elles sont sémantiquement différentes: le fédéralisme cherche à maintenir les autonomies et à fédérer leurs forces; le principe de subsidiarité recèle un risque: il délègue à des échelons supérieurs ce que les échelons inférieurs sont incapables de réaliser par leurs propres forces. Dans la pratique de la délégation, on peut, inconsciemment, reconstruire un Etat central qui garde plus ou moins un aspect décentralisé, une façade pseudo-fédéraliste. La subsidiarité implique une hiérarchie des compétences qui peut rapidement redevenir contraignante: les Etats-Unis, l'Australie, etc. présentent des fédéralismes subsidiaires qui mettent en fin de compte au pas les multiples différences qui sont à l'œuvre dans la société. Les traditions historiques et les spécificités régionales ou ethniques ne survivent nullement dans un fédéralisme de ce type. Et cela, c'est un appauvrissement. Ce fédéralisme subsidiaire reconstruit donc un Etat unitaire, consolide un pouvoir qui converge vers le haut et réclame une allégence très forte. La subsidiarité risque de reconstituer une pyramide des pouvoirs. Le fédéralisme pur, lui, recherche le consensus. Pour lui, la majorité doit résulter du consensus à la base. Les fédéralismes américain et ouest-allemand (= fédéralisme coopératif) permettent une prépondérance du niveau fédéral (c'est-à-dire le sommet de la hiérarchie générée par la subsidiarité) sur les niveaux intermédiaires (états, Länder), voire une intervention du fédéral contre l'Etat ou le Land, au profit du local. Le fédéralisme de Gianfranco Miglio est plus soucieux de l'autonomie administrative.
- L'Etat moderne prétend être souverain: en réalité, il négocie sans arrêt et multiplie les compromis. La constitution fédérale, que le Prof. Miglio appelle de ses vœux, devra formaliser les rapports de forces qui existent dans la réalité. Le personnage-clef dans le système fédéral de Gianfranco Miglio est le Président fédéral. En Suisse, le vrai Président est en fait le premier conseiller (du Bundesrat), car il en a les capacités et parfois le charisme. En Italie, les constitutionnalistes doivent imaginer un Président de la fédération qui soit élu directement mais où le pouvoir appartient de fait au Conseil (ou “Directoire”).
- Quand une région a l'impression de payer plus que sa part, elle demande automatiquement une constitution fédérale. C'est un enseignement de l'histoire qui se vérifie très souvent. Les peuples tolèrent mal les formes de parasitisme. Karl Marx a eu raison de démontrer que certaines classes sociales vivaient aux crochets des autres: les capitalistes de l'imaginaire communiste parasitent les classes populaires. Ce constat, dont on ne peut nier la validité, a fait la force du marxisme. La leçon générale à tirer de ce constat marxien, c'est que tout système politique doit veiller à installer des signaux d'alarme pour prévenir toute consolidation des tendances au parasitisme. La quintessence du fédéralisme, qui attribue à chacun son dû et rien que son dû, c'est l'hostilité au parasitisme. La grande tâche de la science politique de demain, ce sera d'énoncer une théorie générale des rapports parasitaires.
- Les grands Etats modernes unifiés n'ont pas connu de processus d'unification paritaire. L'Italie, qui est un pays composite et pluriel, existe en tant qu'Etat unitaire parce que l'armée piémontaise a forgé cette unité manu militari au 19ième siècle. L'Allemagne est le produit de la Prusse et de son armée. C'est aussi le Nord qui a fait l'unité germanique, avec ses généraux et ses économistes, qui ont organisé d'abord une Zollunion. L'avenir de l'Europe est germanique. L'économie allemande est le moteur de notre continent. L'habilité des diplomates et des politiciens français et britanniques a essayé, tout au long de ce siècle, d'isoler et d'étouffer l'Allemagne, de la couper en deux. Tous ces efforts se sont soldés par un échec. La puissance allemande est invincible, en dépit des défaites militaires. Français et Britanniques ont eu la consolation de la victoire. Dans les faits, c'est l'Allemagne qui n'a cessé de s'imposer. Mais les Allemands ont appris à modérer leurs enthousiasmes, à réduire une certaine arrogance qui les avait tant desservis. L'Allemagne ne cherche plus à profiter vite de ses atouts. Elle a acquis les vertus de la patience. Elle écoute. Elle attend. Face à l'Italie, elle ne cherche pas à profiter de la volonté d'autonomie et de la germanophilie du Nord. Les Allemands souhaitent, dans le fond, que l'Italie reste unie et faible. Ils préfèrent malgré tout maintenir les classes politiciennes parasitaires du Sud, car le potentiel de l'Italie du Nord est énorme et risque de leur porter ombrage. Un Nord détaché du reste de l'Italie serait comme un Japon accroché au Sud de l'Europe. L'Allemagne n'est pas encore capable de gérer une telle situation. Avec les Anglais, les Etats-Unis sont les pires ennemis de l'unification européenne. Ils feront tout pour la freiner. Un jour, dans un cours que le Prof. Miglio donnait à l'Institut Hopkins à Florence, il a dit que le monde aurait été bien différent si les Sudistes (les Confédérés) avaient gagné la Guerre de Sécession. Ils n'auraient pas eu la force d'unir le continent nord-américain et nous aurions eu aujourd'hui, là-bas, une mosaïque d'Etats sans danger pour l'Europe: une Union (le Nord), une Confédération, un Texas et une Californie indépendants, un Alaska russe, un Canada britannique et peut-être un Québec indépendant fortement lié à la France. Ces Etats n'auraient pas pu intervenir aux côtés des Anglais et des Français en 1917, ce qui aurait éliminé définitivement l'ingérence de ces deux puissances anti-européennes à l'Ouest du Continent. Guillaume II aurait réalisé son plan d'unification européenne, suggéré au début du siècle, y compris à la France et nous n'aurions pas dû subir le bolchévisme, le fascisme et le nazisme. L'Europe n'aurait connu qu'une variante centre-européenne de démocratie, n'aurait pas subi les parenthèses totalitaires ni l'effroyable saignée de 39-45.
- Sur le plan macro-économique, les pôles importants de l'Europe contemporaine sont l'Allemagne, la France (surtout ses régions de l'Est), la Catalogne et l'Italie du Nord. Une articulation économique entreces pôles actifs et dynamiques existe d'ores et déjà. Il faut lui adjoindre une articulation militaire. L'expansion économique et pacifique allemande reprendra son cours naturel le long de l'axe fluvial danubien.
00:05 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politologie, italie, théorie politique, sciences politiques, politique, fédéralisme, européisme | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
lundi, 16 mars 2009
Cosmopolitan Democracy and Its Failure in Provinding a Political Identity
Cosmopolitan Democracy
and
Its Failure in Providing a Political Identity
The political theory in the 1980s was marked by the ’struggle’ between communitarians and liberals. This debate was waged in the name of local social embededdness in the first case and in the name of certain universal moral standards applicable to all human beings equally in the case of the latter (1). Cosmopolitanism, as one of the strands of liberal thought, also possibly falls under the communitarian attack. However, this essay does not focus on the evaluation of normative claims made by these two opposing sides, but rather questions cosmopolitan democracy in its capability to create a viable political system. The nationality will be considered here as one of the possible political identities that a political community can take, not as the one which is somehow required for a properly functioning society. The argument which we will try to defend here will be that cosmopolitan democracy is not able to provide a political identity to its citizens because of its aspiration towards the universal political membership. The greatest problem with cosmopolitanism comes precisely from this failure to realize that the practice of politics is necessarily contradictory to political all-inclusiveness. Or in other words, we will argue that the political membership encompassing all ‘humanity’ cannot provide the political identity for a political community of any form, whether the community is democratic or not. This criticism will be based on the definition of politics which we will try to promote here and which claims that one of the fundamental dimensions of the political is having an enemy. Since the cosmopolitan democrats claim to provide the political membership to everyone, they deny the possibility of having a political enemy and hence also rhetorically deny their political nature. We will try to show that what is the result of cosmopolitans’ effort is not the universal political inclusion, but merely the inability to admit that some persons are again in fact excluded.
This substantial claim obviously requires of us to take several steps. Thus, we will first outline the main features and aspirations of cosmopolitanism and cosmopolitan democracy and also mention the key authors in the debate. Second, we will try to grapple with the definition of politics outlined above and suggest how the friend-enemy dichotomy is essential to any political community. This will be done with the help of the work of the German jurist Carl Schmitt. Lastly, we will use this definition of politics in trying to show how the cosmopolitan democracy fails in its effort of providing one political identity for all human beings.
Cosmopolitanism and Cosmopolitan Democracy
Essentially, cosmopolitanism is a claim that there is some essential moral connection that binds together all human beings. The word itself is derived from the Greek Κόσμος (universe) and Πόλις (city). Kosmopolités is thus someone who claims to be a ‘universal’ citizen. Historically one of the first cosmopolitans was perhaps Socrates. He was accused by his contemporaries of ‘corrupting the youth’ because of his questioning of the established Athenian norms in the name of universal reason (2). Most historical accounts however trace back the first cosmopolitanism to the Cynic Diogenes, who when questioned about his origins replied that he is the ‘citizen of the world’ (3). Also the Greek and Roman Stoics of the third century AD are famous for their specific version of cosmopolitanism. The Stoic moral ideal was to treat the humanity as a moral whole, although they also recognized that ’serving all human beings equally well is impossible’ (4), and hence the best one could do was to serve well one’s own polis first (5).
Most of the contemporary cosmopolitan theorists however trace back their argument to the Prussian philosopher Immanuel Kant and especially to his essay on ‘Perpetual Peace’ (6). Already in his work Grounding for the Metaphysics of Morals, Kant claimed that human beings become autonomous moral agents only if they act according to the universal moral precepts (7). In other words, Kant argued that ‘we can only express our true nature [qua moral beings] when we act out of a sense of justice’ (8). Or also, according to Kant we are only ‘rational’ if our moral norms on the basis of which we act could be universalised. This is perfectly expressed when Kant formulates his third maxim:
‘… every rational being must so act as if he were through his maxim always a legislating member in the universal kingdom of ends’ (9).
A neo-Kantian restatement of the principles of universal justice that tries to avoid such metaphysics was recently provided for instance by John Rawls (10), and in return strongly criticised by communitarians (11). In practical terms, a cosmopolitanism of this kind is also present in the Universal Declaration of Human Rights (its concepts of universal human ‘dignity’ and ‘inalienable worth’ of human beings) or in the contemporary principles of the doctrine of humanitarian intervention (12).
These theories form the basis for the universalism of cosmopolitans. In one way or another, cosmopolitans argue that if human beings are somehow bound together by their capacity to reason, we could derive from that reason alone certain norms applicable indiscriminately to all of them. And hence, establish the universal (cosmopolitan) law based on such principles derived from reason.
Cosmopolitan democracy therefore denotes the effort to politically institutionalise cosmopolitan moral beliefs. More specifically, cosmopolitan democracy promotes a blueprint for the democratic cosmopolitan order at the global level. It is important to note that this does not necessarily suggest the creation of a world state. There are different versions of institutional cosmopolitanism and only a small number of them promote the idea of world state itself (13). Thus for instance David Held and Danielle Archibugi are the proponents of global cosmopolitan governance, arguing for the large-scale reform of the United Nations and entrenchment of the cosmopolitan rule of law within regional parliaments (14). Garrett W. Brown and Fernando Tesón follow Kant and support the federation of cosmopolitan republics (15), Seyla Benhabib proposes to establish cosmopolitanism through ‘democratic iterations’ (16), while others like Jürgen Habermas, Jeremy Waldron, or Allen Buchanan suggest that constitutional cosmopolitanism would be just enough (17).
For the purpose of our analysis it is not necessary to distinguish the differences between these diverging accounts. The important fact to realize is that in their own particular way, all these approaches claim that their form of cosmopolitan democracy is suited to efficiently institutionalize the moral norms of cosmopolitanism. Hence although all cosmopolitans are not trying to establish one set of political institutions for everyone, they are trying to ensure that the international principles of justice will be based on equal legal recognition of human beings. When we say that cosmopolitans promote the ‘universal political inclusion’ we thus mean only this – that in their own particular way, cosmopolitan democrats require that all political institutions in the world recognize the universal principles of cosmopolitan law and incorporate them into their policy making. We will now focus on the definition of politics to show that any of these approaches ultimately fails in providing such universal political inclusion.
Politics and the political
Although the answers to what politics amounts to are ‘essentially contested’ as Colin Hay suggests (18), most of the authors seem to follow one common strand of thinking. And that is the assumption that politics is somehow specific only to the nature of man - that politics as an activity fundamentally arises out of plurality of opinion of how we should organise the society around us. Aristotle thus notably mentioned that man is zoon politikón, a social animal whose nature is completed only through his interaction with the ’significant others’ within the society. The Ancient Greeks therefore associated, contrary to modern day liberal thinkers, politics with the realm of freedom, since it was the only realm where the individual was given the opportunity to influence the development of the community as a whole (20).
In this regard, politics is in the first place an activity of making a choice between contesting claims for the social good. By definition, it arises only in a collective of people (be it family, association, trade union or state), which is put up before a problem of making a decision between competing courses of action. By this definition, politics is thus not bound to a particular arena – that of government for instance – but it is a process of solving such conflicts that can arise anywhere within society. Anthony Giddens thus argues that politics is essentially the ‘transformatory capacity’ of making a particular decision between competing courses of action authoritative for the community as a whole (21). Colin Hay similarly notes a close relationship between power and politics and postulates that politics is about:
‘ … context-shaping, about the capacity of actors to redefine the parameters of what is socially … possible for others. [It is] the ability of actors (whether individual or collective) to “have an effect” upon the context which defines the range of possibilities of others’ (22).
Another important factor is thus that politics always differentiates between the internal and external – the members and non-members. Whereas the members of a political community accept the decisions made by the decision-making body (be it a parliament, an assembly of citizens, or a monarch) as authoritative and therefore legally binding, the non-members do not. Some sort of allegiance of a person towards that particular political community is therefore necessary for him to voluntarily regard himself as subject to its laws and obligations. This is precisely the point of dispute between communitarians and liberals-cosmopolitans, since the first group would question the capability of an allegiance towards a universal cosmopolitan set of legal norms, due to their abstract nature (23). What concerns us here however is solely that distinction between the internal and external politics. Cosmopolitans are obviously trying to abolish that distinction and make every politics internal politics (24). But is that possible?
Internally, the law in most of the contemporary liberal democratic regimes ensures that some rights of its citizens are always protected, partly even in case of criminals. Or in the direst cases, in case of terrorist attacks or when one citizen threatens the life of the other, the liberal democratic official authorities are allowed to violate the most essential freedom of all – the right to life.
Is Cosmopolitan Democracy a political regime?
What we need to notice is that the person who transgressed the law in such a way always needs to be exempt from that legal norm which assures the protection of lives of the others. In the cases of immediate danger, we cannot protect the terrorists’ lives themselves since that would simply entail our annihilation. In other words – the legal status of a ‘terrorist’ is defined as someone to whom the laws of the political community no longer apply. Simply, if to be a citizen today means to be endowed also with a certain set of rights (25), the terrorist is not a citizen in the proper sense of the word, since his behaviour can no longer be regulated within the bounds of the law of that particular community. To be a ‘domestic’ terrorist means to forfeit the rights of citizenship and become a non-member – an outside enemy of the political body, which threatens its established order. In practical terms, there is no distinction between such terrorist and a person who was not a member of that particular political community in the first place.
What comes from this is that all-inclusive political membership is not possible. A political community, whether local or global, always needs to presuppose a threat to its own existence. In case of the current Westphalian state system, the threat might come from inside our outside. For cosmopolitans, there is only inside but that does not mean that cosmopolitanism eliminates the possibility of having an enemy.
This is the line of reasoning first put forward by the German jurist Carl Schmitt, who has famously argued that at the heart of politics is the distinction between friend and enemy, that it is actually the reason for the existence of politics (26). Schmitt thus argued:
‘The political entity presupposes the real existence of an enemy and therefore coexistence with another political entity. As long as a state exists there will thus always be in the world more than just one state. A world state which embraces the entire globe and all of humanity cannot exist’ (27).
In other words, although cosmopolitans legally establish a universal legal order, they are not able to include everyone within it (although their claim is that they do so). They always need to count with at least one other political entity – and that is those who disagree with the cosmopolitan legal norms and threaten them. The argument that in a cosmopolitan democracy the rule of the ‘universal human rights’ is established is nothing but an intellectual sleight of hand. As we have shown, humanity as a political unit cannot exist, since politics presupposes the exclusion of those who threaten the norms of the political community from its protection. As Carl Schmitt notes, the hard fact is
‘that wars are waged in the name of humanity is not a contradiction of this simple truth; quite the contrary, it has an especially intensive political meaning. When a state fights its political enemy in the name of humanity, it is not a war for the sake of humanity, but a war wherein a particular state seeks to usurp a universal concept against its military opponent. At the expense of its opponent, it tries to identify itself with humanity in the same way as one can misuse peace, justice, progress, and civilization in order to claim these as one’s own and to deny the same to the enemy’ (28).
The logical conclusion to which cosmopolitanism leads is that those who threaten the cosmopolitan law cannot be humans (because for cosmopolitans ‘every’ human is the claimant to the cosmopolitan human rights). For cosmopolitan democracy to be properly ‘cosmopolitan’, that is all-inclusive, it would have to give up its own unacknowledged political nature – which would mean giving the same rights also to its own enemies. But that would be a political hara-kiri in the proper sense of the world, because a political community which does not protect anyone is a contradiction in terms and has no reason for existence.
The similar problem comes across when we consider the case of ‘pacifism’. A pacifist, someone who wants war to disappear, can also take two different approaches. He can either deny that pacifism has any enemies and wait for a pacifist world order to simply unfold by itself, or he can start to wage the ‘war to end all wars’ to eliminate those who threaten the world peace. But that only betrays the fully political nature of pacifism and amounts to the conceptual contradiction in what it means to be a pacifist (prevent wars to happen). Even in the case of a potential victory of a pacifist over his enemies, he will need to ensure that resurgent enemies will be again dealt with or that a civil war will be suppressed.
We thus have to return to what was mentioned in the introduction. Cosmopolitanism might well function as a certain moral aspiration. We might well conceive of it as a certain worthy standard of moral behavior how humans should ideally behave. Nevertheless its prescriptions can never be realized in the actual political practice, neither in the form of a world state, and neither as a universal legal order. Hence, one thing is to give the support to a certain cosmopolitan idea of universal hospitality (29), the idea that every stranger in need needs our help by the virtue of our being able to sympathise with him, and the other is the argument that we can give equal rights to all human beings in a universal polity. Which is precisely what cosmopolitanism requires of us to do. This alone already goes against the established law practice in many Western countries, since it is acknowledged that in a case of road accident for instance, the person has the obligation to give help only if the life of his own or his family is not threatened. Which obviously amounts to the tacit acknowledgement that particular attachments are naturally stronger as those to universal, abstract constructs. To demand the people to act otherwise is not just impossibility, but it also swings the door open for all kinds of political ‘reformers’ who could claim to have solely the cosmopolitan precepts on mind, in establishing their enlightened despotisms based on the concept of ‘universal reason’.
Conclusion
It was argued that no political organization can be ‘universal’ or cosmopolitan in the sense of equal treatment of all human beings according to some moral norms. So long as the political opposition will entail the political opposition between human beings any pretention to cosmopolitanism or universal political membership is false or worse, consciously hypocritical. We therefore did not question cosmopolitanism on its normative grounds but merely on the basis of its own internal aspiration in providing the universal political membership for all human beings. The answer is therefore not that politics require a national or ethnic identity for its function (although perhaps some communitarians would claim otherwise), but that it always requires a political one. As a political identity always means the adoption of a certain set of norms and things we consider worthy in our political community to be – of the political - a political identity in turn always entails the willingness to protect that political community against those who might threaten it. Cosmopolitan democracy, as based on the argument that it provides the political identity of a human being, equally to everyone just because of their humanity, must therefore necessarily fail in its effort.
Notes
<!--[if gte mso 9]> Normal 0 false false false EN-GB X-NONE X-NONE <![endif]--><!--[if gte mso 9]> <![endif]--> <!--[endif]-->
- For an overview of the debate see Stephen Mulhall and Adam Swift, Liberals and communitarians (Oxford, Blackwell, 1996).
- Moses I. Finley, Democracy Ancient and Modern (New Brunswick and London, Rutgers University Press, 1988), pp. 110-141.
- Eric Brown, ‘Hellenistic Cosmopolitanism’ in M. L. Gill and P. Pellegrin (eds), A Companion to Ancient Philosophy (Oxford, Blackwell, 2006), pp. 549-558.
- Cosmopolitanism, http://plato.stanford.edu/entries/cosmopolitanism/ (2006, accessed 1 December 2008).
- Ibid.
- Immanuel Kant, ‘Perpetual Peace’ in H. Reiss (ed), Kant’s Political Writings (Cambridge, Cambridge University Press, 1970). Kant is directly referred to for instance by David Held, Democracy and the Global Order: From the Modern State to Cosmopolitan Governance (Cambridge, Polity Press, 1995), Danielle Archibugi, ‘Cosmopolitical Democracy’, New Left Review, 4, pp. 137-150, or Garrett W. Brown, ‘State Sovereignty, Federation and Kantian Cosmopolitanism’, European Journal of International Relations, 11 (2005), pp. 495-522. For an overview for instance W. E. Scheuerman, ‘Cosmopolitan Democracy and the Rule of Law’, Ratio Juris, 15 (2002), pp. 439-457.
- Immanuel Kant, Grounding for the Metaphysics of Morals (Indianapolist, Hackett Publishing, 1993).
- Michael Sandel, Liberalism and the Limits of Justice (Cambridge, Cambridge University Press, 1982), p. 22.
- Immanuel Kant, Grounding for the Metaphysics of Morals (Indianapolist, Hackett Publishing, 1993), p. 43.
- John Rawls, A Theory of Justice (London, Oxford University Press, 1973).
- Michael Sandel, Liberalism and the Limits of Justice.
- John Williams, ‘The Ethical Basis of Humanitarian Intervention, the Security Council and Yugoslavia’, International Peacekeeping, 6 (1999), pp. 1-23.
- Among them are for instance Rafaelle Marchetti, Global Democracy: For and Against (London and New York, Routledge, 2008); or Luis Cabrera, Political Theory of Global Justice: A Cosmopolitan Case for the World State (New York, Routledge, 2004).
- Danielle Archibugi, ‘Cosmopolitical Democracy’, pp. 137-150; David Held, Democracy and the Global Order, David Held, ‘The Transformation of Political Community: Rethinking Democracy in the Context of Globalization’ in I. Shapiro and C. Hacker-Cordón (eds), Democracy’s Edges (Cambridge, Cambridge University Press, 1999), pp. 84-111; or David Held, ‘Cosmopolitanism: Globalisation tamed?’, Review of International Studies, 29 (2003), pp. 465-480.
- Garrett W. Brown, ‘State Sovereignty, Federation and Kantian Cosmopolitanism’, pp. 495-522; Fernando Tesón, Humanitarian Intervention: An Inquiry into Law and Morality (Dobbs Ferry, N.Y., Transnational Publishers, 2005).
- Seyla Benhabib, Another Cosmopolitanism: Hospitality, Sovereignty, and Democratic Iterations (Oxford, Oxford University Press, 2006), pp. 13-81.
- Jürgen Habermas, The Postnational Constellation (Cambridge, Polity Press, 2001); Jeremy Waldron, ‘Minority Cultures and the Cosmopolitan Alternative,’ University of Michigan Journal of Law Reform 25 (1992), pp. 751-93; Allen Buchanan and Robert E. Keohane, ‘The Preventive Use of Force: A Cosmopolitan Institutional Proposal’, Ethics & International Affairs, 18 (2004), pp. 1-22.
- Colin Hay, Political Analysis (2002), pp. 69-75.
- See Moses I. Finley, Democracy Ancient and Modern (New Brunswick and London, Rutgers University Press, 1988).
- Kurt Raaflaub, The Discovery of Freedom in Ancient Greece (Chicago and London, The University of Chicago Press, 2004), pp. 166-202.
- Anthony Giddens, A Contemporary Critique of Historical Materialism (London, Macmillan Press, 1981).
- Colin Hay, Political Analysis, p. 74.
- This is the argument put forward for instance by Anthony D. Smith, Nations and Nationalism in a Global Era (Cambridge, Polity Press, 1995).
- Which is put forward as the idea of ‘universal citizenship’, see Gerard Delanty, Citizenship in a Global Age: Society, Culture, Politics (Buckingham and Philadelphia, Open University Press, 2000), pp. 51-67.
- On such modern conception of citizenship see Gerard Delanty, Citizenship in a Global Age: Society, Culture, Politics (Buckingham and Philadelphia, Open University Press, 2000), pp. 9-22.
- Carl Schmitt, The Concept of the Political (Chicago and London, The University of Chicago Press, 1996).
- Carl Schmitt, The Concept of the Political, p. 53.
- Ibid., p. 54.
- <!--[if !supportFootnotes]-->The moral argument put forward by Kant in ‘Perpetual Peace’.
Bibliography
Archibugi, D. ‘Cosmopolitical Democracy’, New Left Review, 4, pp. 137-150.
Benhabib, S., Another Cosmopolitanism: Hospitality, Sovereignty, and Democratic Iterations (Oxford, Oxford University Press, 2006), pp. 13-81.
Brown, E., ‘Hellenistic Cosmopolitanism’ in M. L. Gill and P. Pellegrin (eds), A Companion to Ancient Philosophy (Oxford, Blackwell, 2006), pp. 549-558.
Brown, G. W., ‘State Sovereignty, Federation and Kantian Cosmopolitanism’, European Journal of International Relations, 11 (2005), pp. 495-522.
Brown, G. W., ‘Cultural Difference and the Idea of Kantian Cosmopolitan Law’, Unpublished paper prepared by Dr Garrett W. Brown (Sheffield, University of Sheffield, 2007), pp. 1-18.
Buchanan, A., and Keohane, R. E., ‘The Preventive Use of Force: A Cosmopolitan Institutional Proposal’, Ethics & International Affairs, 18 (2004), pp. 1-22.
Cabrera, L., Political Theory of Global Justice: A Cosmopolitan Case for the World State (New York, Routledge, 2004).
Delanty, G., Citizenship in a Global Age: Society, Culture, Politics (Buckingham and Philadelphia, Open University Press, 2000).
Finley, M. I., Democracy Ancient and Modern (New Brunswick and London, Rutgers University Press, 1988), pp. 110-141.
Giddens, A., A Contemporary Critique of Historical Materialism (London, Macmillan Press, 1981).
Habermas, J., The Postnational Constellation (Cambridge, Polity Press, 2001).
Hay, C., Political Analysis (Basingstoke, Palgrave, 2002).
Held, D., Democracy and the Global Order: From the Modern State to Cosmopolitan Governance (Cambridge, Polity Press, 1995).
Held, D., ‘Cosmopolitanism: Globalisation tamed?’, Review of International Studies, 29 (2003), pp. 465-480.
Held, D., ‘The Transformation of Political Community: Rethinking Democracy in the Context of Globalization’ in I. Shapiro and C. Hacker-Cordón (eds), Democracy’s Edges (Cambridge, Cambridge University Press, 1999), pp. 84-111.
Heidegger, M., Being and Time (transl. John Macquarrie & Max Robinson) (Oxford, Blackwell, 1962).
Kant, I., ‘Perpetual Peace’ in H. Reiss (ed), Kant’s Political Writings (Cambridge, Cambridge University Press, 1970).
Kant, I., Grounding for the Metaphysics of Morals (Indianapolist, Hackett Publishing, 1993).
Marchetti, R., Global Democracy: For and Against (London and New York, Routledge, 2008).
Mulhall, S. and Swift, A., Liberals and communitarians (Oxford, Blackwell, 1996).
Raaflaub, K., The Discovery of Freedom in Ancient Greece (Chicago and London, The University of Chicago Press, 2004).
Sandel, M., Liberalism and the Limits of Justice (Cambridge, Cambridge University Press, 1982).
Scheuerman, W. E., ‘Cosmopolitan Democracy and the Rule of Law’, Ratio Juris, 15 (2002), pp. 439-457.
Schmitt, C., The Concept of the Political (Chicago and London, The University of Chicago Press, 1996).
Smith, A. D., Nations and Nationalism in a Global Era (Cambridge, Polity Press, 1995).
Taylor, C., Hegel and Modern Society (Cambridge, Cambridge University Press, 1979).
Waldron, J., ‘Minority Cultures and the Cosmopolitan Alternative,’ University of Michigan Journal of Law Reform 25 (1992), pp. 751-93.
Williams, J., ‘The Ethical Basis of Humanitarian Intervention, the Security Council and Yugoslavia’, International Peacekeeping, 6 (1999), pp. 1-23.
This essay was written by the author as a part of his undergraduate course at the University of Sheffield.
00:29 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : europe, cosmopolitisme, identité politique, politique, réflexions personnelles | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
W. Sombart: Perché negli Stati Uniti non c'è il socialismo
Werner Sombart
Il libro della settimana: Werner Sombart, Perché negli Stati Uniti non c’è il socialismo
di Carlo Gambescia
Leggere un libro di Werner Sombart è come degustare quei vini, che più invecchiano più si fanno apprezzare. E’ perciò sicuramente meritoria l’idea di ripubblicare Perché negli Stati Uniti non c’è il socialismo? ( Bruno Mondadori, Milano 2006, pp. XXXVIII-153, euro 15,00, con prefazione di Guido Martinotti e traduzione dal tedesco di Giuliano Geri, entrambe nuove di zecca).
Quando uscì per la prima volta in Italia nel 1975 (Edizioni Etas), con una prefazione di Alessandro Cavalli, ci si interrogava ancora positivamente sulle potenzialità del socialismo nel mondo, e in particolare, sulla “anomalia americana”. Un questione che aveva così incuriosito Sombart, reduce nel 1905 da un viaggio negli Stati Uniti, fino al punto di scrivervi sopra un libro, uscito nel 1906.
Se le date, e soprattutto le accelerazioni della storia, hanno un senso, si può dire, che quello che è accaduto tra il 1905 (anno della prima rivoluzione russa) e il 1975 (anno in cui gli Stati Uniti escono, e con le ossa rotte, dalla guerra vietnamita), non è ancora niente rispetto a quel che accadrà tra 1976 e il 2006: dalla caduta del comunismo all’ascesa degli Stati Uniti a unica potenza mondiale.
Perciò se oggi Sombart miracolosamente tornasse in vita non potrebbe più considerare il socialismo, come una specie di orizzonte obbligato: come il naturale prolungamento del capitalismo. Perciò la sua domanda non potrebbe più essere la stessa: perché non c’è il socialismo negli Stati Uniti, dal momento che non c’è più socialismo nel resto del mondo…
In tal senso, mentre trent’anni fa, il testo sombartiano doveva essere letto avidamente dal socialista “inquieto” per tracciare il rapido identikit, di un capitalismo pericoloso, ma comunque battibile, oggi lo stesso libro deve essere divorato dal capitalista “quieto”, sicuro di sé, perché vittorioso. E che come Narciso, gode immensamente, nel guardarsi allo specchio, fornitogli un secolo fa da Sombart.
Insomma, il grande sociologo tedesco - di qui la classicità del suo studio - ci spiega, in modo indiretto, perché il capitalismo ha vinto… Anche se, si può aggiungere, per il famoso principio delle accelerazioni storiche di cui sopra, solo per il momento…
Ma veniamo al libro.
Per Sombart il capitalismo americano è una specie di spugna, capace di assorbire le menti di uomini e donne di ogni razza e cultura. In che modo? Dando a tutti la possibilità di arricchirsi. Detta così l’affermazione sombartiana può sembrare banale. Ma si deve prestare attenzione all’idea di “possibilità” : nel senso dell’essere possibile che una cosa avvenga. Ma anche, proprio perché si tratta di una possibilità, che un certa cosa non avvenga. Di più: il continuare a credervi, anche dopo un certo numero di fallimenti personali, implica una fede nel successo quasi religiosa.
Ma ascoltiamo Sombart: “Se il successo è il dio davanti al quale l’americano recita le sue preghiere, allora la sua massima aspirazione sarà quella di condurre una vita gradita al suo dio. Così, in ogni americano - a cominciare dallo strillone che vende i giornali per strada - cogliamo un’irrequietezza, una brama e una smaniosa proiezione verso l’alto e al di sopra degli altri. Non è il piacere di godere appieno della vita, non è la bella armonia di una personalità equilibrata possono dunque essere l’ideale di vita dell’americano, piuttosto questo continuo ‘andare avanti’. E di conseguenza la foga, l’incessante aspirazione, la sfrenata concorrenza in ogni campo. Infatti, quando un individuo insegue il successo deve costantemente tendere al superamento degli altri; inizia così una steeple chase, una corsa a ostacoli (…). Questa psicologia agonistica genera al suo interno il bisogno di totale libertà di movimento. Non si può individuare nella gara il proprio ideale di vita e desiderare di avere mani e piedi legati: L’esigenza del laissez faire fa parte perciò di quei dogmi o massime che (…) si incontrano inevitabilmente ‘quando si scava in profondità nello spirito del popolo americano’ ” (p. 17).
Ovviamente, Sombart colloca queste costanti psicologiche e culturali nell’alveo di una società ricca di risorse naturali lontana anni luce dal feudalesimo europeo, e le cui élite sono almeno formalmente aperte a tutti. Una società, ricca e libera, dove ogni rapporto economico e politico è affrontato in termini di interessi individuali e mai di classe. Da questo punto di vista sono molto interessanti e attuali le pagine dedicate alla posizione politica, sociale ed economica dell’operaio americano, il cui tenore di vita, già a quei tempi, nota Sombart, “lo rend[e] più simile al nostro ceto medio borghese, anziché al nostro ceto operaio” (p. 125).
Come del resto è significativo quel che viene osservato a proposito dell’appartenenza politica ai due grandi partiti “tradizionali”, il repubblicano e il democratico. Scrive Sombart: “ La natura e le caratteristiche dei grandi partiti (…), tanto la loro organizzazione esterna, quanto la loro assenza di principi, quanto ancora la loro panmixie sociale (…) influenzano nettamente le relazioni tra i partiti tradizionali e il proletariato. Innanzitutto nel senso che agevolano oltremodo l’appartenenza del proletariato a quei partiti tradizionali. Perché in essi non va vista un’organizzazione classista, un organismo che antepone specifici interessi di classe, ma un’associazione sostanzialmente indifferente che persegue fini condivisibili anche, come abbiamo potuto vedere, dai rappresentanti del proletariato (la caccia alle cariche pubbliche!)” (p. 69).
E lo stesso discorso, può essere esteso ai sindacati e alle associazioni professionali, dal momento, nota Sombart, che “ mentre da noi [in Germania] gli individui migliori e più dinamici finiscono in politica, in America, i migliori e più dinamici si dedicano alla sfera economica e nella stessa massa prevale, per la medesima ragione, una “supervalutazione dell’elemento economico: perché è seguendo questo principio che si pensa di poter raggiungere in forma piena l’obiettivo al quale si aspira”: il successo sociale. Non c’è alcun Paese, conclude Sombart, “nel quale il godimento del frutto capitalistico da parte della popolazione sia così diffuso” (p. 18).
Perciò, una volta chiuso il libro, non possono non essere chiare le ragioni della vittoria del capitalismo made in Usa su quasi tutti i fronti: ideologia del successo e individualismo concorrenziale, ma anche “fame” di consumi sociali. Curioso, su quest’ultimo punto, il vezzoso ritratto sombartiano delle operaie americane dell’epoca: “Qui l’abbigliamento, in particolare tra le ragazze, diventa semplicemente elegante: in più di una fabbrica ho visto operaie in camicette chiare, addirittura di seta bianca; quasi mai si recano in fabbrica senza il cappello” (p.126).
Siamo davanti all’ idealizzazione del capitalismo americano? Un Sombart che come Gozzano sembra rinascere non nel 1850 ma nel 1905… Non tanto, se pensiamo alle segrete cure che oggi hanno nel vestire, le impiegate e le operaie. Il modello non è più solo americano.
Allora, tutto bene quel che finisce bene? Sombart, nonostante tutto, pensava che il socialismo (magari in veste socialdemocratica) si sarebbe comunque imposto anche negli Stati Uniti. Soprattutto una volta spariti “gli spazi aperti”, come disponibilità di terre libere (il Grande Ovest), sui quali far sciamare, come liberi agricoltori, i “soldati-operai” dell’ “esercito industriale di riserva”. Infatti, secondo il sociologo tedesco, la “consapevolezza di poter diventare in qualsiasi momento un libero agricoltore” riusciva a trasformare “da attiva in passiva ogni opposizione emergente a questo sistema economico”, troncando “sul nascere ogni agitazione anticapitalistica” (p.151).
Tuttavia le terre libere sono state occupate, e il capitalismo Usa è ancora lì, più forte che mai. A meno che l’attuale frontiera americana in realtà non racchiuda ben più vasti territori. E che perciò la crescente espansione economica degli Stati Uniti (gli alti tassi di sviluppo e l’elevato tenore di vita dei suoi ceti medi) sia attualmente pagata in dollari sonanti dai paesi più deboli politicamente, ma ricchi di risorse naturali. Si pensi all’America Latina, e alle cosiddette economie “dollarodipendenti”.
Se così fosse, l’ ottimo vino sombartiano avrebbe un retrogusto amarognolo.
Fonte: http://carlogambesciametapolitics.blogspot.com/
Article printed from Altermedia Italia: http://it.altermedia.info
URL to article: http://it.altermedia.info/storia/il-libro-della-settimana-werner-sombart-perche-negli-stati-uniti-non-ce-il-socialismo_3346.html
00:20 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sciences politiques, politique, politologie, théorie politique, révolution conservatrice, socialisme, allemagne, socialisme allemand, etats-unis | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
Mai 1995: Intervention de R. Steuckers à Milan sur la personnalité de J. Thiriart

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995
Intervention de Robert Steuckers à Milan sur la personnalité de Jean Thiriart (mai 1995)
L'éclatement de la seconde guerre mondiale survient quand Jean Thiriart à 18 ans et qu'il a derrière lui une adolescence militante à l'extrême-gauche. Il vivra la toute première phase de sa vie d'adulte pendant la grande guerre civile européenne. Comme tous les hommes de sa génération, de sa tranche d'âge, il sera, par la force des choses, marqué en profondeur par la propagande européiste de l'Axe, et, plus précisément, par celle que distillait dans l'Europe occupée, la revue berlinoise Signal, éditée par le catholique européiste Giselher Wirsing, qui fera une très grande carrière dans la presse démocrate-chrétienne conservatrice après 1945. Comment cette propagande a-t-elle pu avoir de l'effet sur un garçon venu de l'“autre bord”, du camp anti-fasciste, du camp qui avait défendu les Républicains espagnols pendant la guerre civile de 36-39? Tout simplement parce que le mythe européen des nationaux-socialistes avait remplacé le mythe de l'Internationale prolétarienne, la solidarité entre Européens, prônée par Signal, ne différait pas fondamentalement, à première vue, de la solidarité entre prolétaires marxistes, car le monde extra-européen, à cet époque, ne comptait pas beaucoup dans l'imaginaire politique. Il faudra attendre la guerre du Vietnam, la décolonisation, la fin tragique de Che Guevara et l'idéologie de 68 pour hisser le tiers-mondisme au rang de mythe de la jeunesse. A cette époque, l'appel à une solidarité internationale en vaut un autre, qu'il soit national-socialiste européen ou marxiste internationaliste.
A la différence de l'internationalisme prolétarien de l'extrême-gauche belge d'avant 1940, l'“internationalisme” européiste de Signal replace la solidarité entre les nations dans un cadre plus réduit, un cadre continental, qui, du coup, apparaît plus rapidement réalisable, plus réaliste, plus compatible avec les impératifs de la Realpolitik. Plus tard, en lisant les textes de Pierre Drieu La Rochelle, ou en entendant force commentaires sur son option européiste, le jeune Thiriart acquiert la conviction que, désormais, plus aucune nation européenne ne peut prétendre s'isoler du continent et du monde sans sombrer dans un déclin misérable. Face aux puissances détentrices de grands espaces, telles les Etats-Unis ou l'URSS de Staline, les vieilles nations européennes, pauvres en terres, risquent très vite de devenir de véritables “nations prolétaires” face aux “nations riches”, clivage bien mis en exergue, dès les années 20, par Moeller van den Bruck, Karl Haushofer, et le fasciste italien Bartollotto.
En 1945, cette vision s'effondre avec le IIIième Reich et le partage de Yalta, qui se concrétise rapidement et culmine avec le blocus de Berlin et le coup de Prague en 1948. Thiriart connaît la prison pour collaboration. En 1947, il en sort et travaille dans l'entreprise d'optique de son père.
En 1952, la lecture d'un ouvrage du journaliste économique Anton Zischka frappe son imagination. Il s'intitule Afrique, complément de l'Europe et propose une fusion des potentiels européens et africains pour faire pièce aux deux grands, alors que les empires coloniaux sont encore intacts. Au même moment, Adenauer, Schumann et De Gasperi jettent les premiers fondements de l'Europe économique en forgeant un instrument, la CECA, la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier. A la suite des accords “Benelux”, les premières frontières sont supprimées entre les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg. Pour les anciens fidèles de l'Axe, du moins ceux dont l'engagement était essentiellement dicté par un européisme inconditionnel, ces ouvertures constituent une vengeance discrète mais réelle de leur idéologie. Mais Dien-Bien-Phu tombe en 1954, au moment où se déclenche la Guerre d'Algérie qui durera jusqu'en 1962, et avant que les premiers troubles du processus d'Indépendance du Congo n'éclatent en 1959. Cette effervescences et cette succession de tragédies jettent les européistes, toutes tendances confondues, dans le désarroi et surtout dans un contexte politique nouveau.
Thiriart croit pouvoir exploiter le mécontentement des rapatriés et des déçus de l'aventure coloniale, en se servant d'eux comme d'un levier pour mettre à bas le régime en place, accusé d'avoir été réimporté en Europe par les armées américaines et de ne pas se conformer aux intérêts réels de notre continent. Deux structures seront mises sur pied pour encadrer ce mécontentement: le MAC (Mouvement d'Action Civique) et le CADBA (Comité d'Action et de Défense des Belges d'Afrique). Après le reclassement des anciens colons belges dans de petits boulots en métropole, Thiriart perd une base mais conserve suffisamment d'éléments dynamiques pour lancer son mouvement «Jeune Europe», qui ne dissimule plus ses objectifs: œuvrer sans relâche à l'avènement d'un bloc européen, débarrassé des tutelles américaine et soviétique. Pour atteindre cet objectif, Jeune Europe suggère essentiellement une géopolitique et un “physique politique”. Avec ces deux batteries d'instruments, l'organisation compte former une élite politique insensible aux engouements idéologiques circonstantiels, affirmatrice du politique pur.
Sur le plan géopolitique, Jeune Europe, surtout Thiriart lui-même, élaborera des scénarii alternatifs, visant à long terme à dégager l'Europe de ses assujettissements. C'est ainsi que l'on a vu Thiriart proposer une alliance entre l'Europe et le monde arabe, afin de chasser la 6ième Flotte américaine de la Méditerranée, à donner aux industries européennes de nouveaux débouchés et à la forteresse Europe une profondeur stratégique afro-méditerranéenne. Ensuite, Thiriart envisage une alliance entre l'Europe et la Chine, afin d'obliger l'URSS à ouvrir un second front et à lâcher du lest en Europe de l'Est. Mais cette idée d'alliance euro-chinoise sera reprise rapidement par les Etats-Unis: en 1971, Kissinger s'en va négocier à Pékin; en 1972, Richard Nixon est dans la capitale chinoise pour normaliser les rapports sino-américains et faire pression sur l'URSS. Surtout parce que les Etats-Unis cherchaient à mieux contrôler à leur profit les mines du Katanga (le Shaba actuel), même contre leurs alliés belges, Thiriart avait sans cesse dénoncé Washington comme l'ennemi principal dans le duopole de Yalta; il ne pouvait admettre le nouveau tandem sino-américain. Dès 1972, Thiriart préconise une alliance URSS/Europe, qui, malgré le duopole de Yalta, était perceptible en filigrane dans ces textes des années 60. Thiriart avait notamment critiqué la formule de Charles De Gaulle («L'Europe jusqu'à l'Oural»), estimant que l'ensemble russo-soviétique ne pouvait pas être morcelé, devait être pensé dans sa totalité, et que, finalement, dans l'histoire, le tracé des Monts Ourals n'avait jamais constitué un obstacle aux invasions hunniques, mongoles, tatars, etc. L'idée d'une «Europe jusqu'à l'Oural» était un bricolage irréaliste. Si l'Europe devait se réconcilier avec l'URSS, elle devait porter ses frontières sur le fleuve Amour, le Détroit de Béring et les rives du Pacifique.
Mais durant toute la décennie 70, Thiriart s'est consacré à l'optique, s'est retiré complètement de l'arène politique. Il n'a pu peaufiner sa pensée géopolitique que très lentement. En 1987, cependant, une équipe de journalistes américains de la revue et de la télévision “Plain Truth” (Californie), débarque à Bruxelles et interroge Thiriart sur sa vision de l'Europe. Il développe, au cours de cet interview, une vision très mûre et très claire de l'état géopolitique de notre planète, à la veille de la disparition du Rideau de Fer, du Mur de Berlin et de l'effondrement soviétique. Les Etats-Unis restent l'ennemi principal, mais Thiriart leur suggère un projet viable: abandon de la manie de diaboliser puérilement leurs adversaires, deal en Amérique latine, abandon de la démesure, efforts pour avoir des balances commerciales équilibrées, etc. Thiriart parle un langage très lucide, jette les bases d'une pratique diplomatique raisonnable et éclairée, mais ferme et résolue.
00:05 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : européisme, europe, affaires européennes, nationalisme révolutionnaire, nationalisme européen, théorie politique, histoire, belgique | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
dimanche, 15 mars 2009
L'économique: réflexions du Prof. Julien Freund
L'économique: réflexions du Professeur Julien Freund
Le terme “économie” désigna, pendant des temps immémoriaux, «tout ensemble d'éléments organisé en vue d'un résultat harmonieux» (1), accompagné de l'idée que cette économie atteint sa perfection par... l'économie des moyens. D'où l'ambigüité soulignée par l'historien Jean-Claude Perrot, entre l'administrateur et le “grippe-sous”. Lorsque Montchrétien emploie le titre “Traité de l'économie politique” en 1615, il accole pour la première fois des termes traditionnellement isolés. Le vocabulaire reste cependant limité jusqu'au XVIIIième siècle où commencent les grands débats sur le luxe, la population, le commerce, l'impôt, l'équilibre de la balance.
Montchrétien trace un domaine qui définit l'économie “en extansion”. Partant de la production domestique et de la division du travail, l'économie politique traite du commerce et des échanges internationaux, des biens et services et de la monnaie, propose des règles de politique économique. Depuis, on aborde l'économie à partir des divers actes ou opérations qui constituent l'objet de sa recherche. L'activité économique d'une société se définit par l'ensemble des opérations par lesquelles ses membres produisent, répartissent, consomment des biens et des services.
L'approche “en extension” soulève trois remarques:
- On emploie le terme “extension” pour souligner que l'économie est présentée à partir d'un domaine d'activités particulières: actes de production, répartition, consommation, énumérés dans un ordre correspondant à une certaine logique.
- Les activités économiques sont liées aux autres activités sociales. Toute activité sociale implique l'échange et l'usage de biens et de services. En ce sens, chacune relève, pour partie, de l'analyse économique.
- La définition oriente vers une réflexion sur les seules activités. Elle demeure insuffisante.
Une définition alternative, “en compréhension”, présente l'histoire de l'activité économique comme celle d'une lutte contre les conditions naturelles et la rareté des biens et services. L'objet de l'économie politique est d'expliquer la manière dont les hommes organisent leurs efforts en vue de satsifaire leurs besoins individuels et collectifs. Selon cette définition, trois notions sont à prendre en considération: l'effort et le travail organisé; les besoins; la lutte contre la rareté. On se heurte ici à deux limites:
- L'obligation de rejeter dans les ténèbres la macroéconomie keynésienne et l'œuvre de Marx. La première traite de l'emploi du facteur travail en situation d'excédent: les chômeurs. La seconde, “critique de l'économie politique”, accuse celle-ci d'être l'idéologie d'un système socio-économique. Thème que Necker avait déjà abordé dans son traité Sur la législation et le commerce des grains où il notait: «Il n'est que trop fréquent de voir confondre l'intérêt des propriétaires avec celui de l'agriculture... l'intérêt des négociants avec celui du commerce... autant d'objets qu'il est nécessaire de distinguer... Les propriétaires, de très bonne foi, célèbrent au nom du bien public toutes les lois qui ne sont faites que pour eux... Il est des libertés derrière lesquelles est placé l'esclavage de la multitude (2)».
- La légitimité sociale de certains désirs et de préférences particulières est posée explicitement par la notion de besoin. Un vêtement est simultanément une protection contre les intempéries, un élément de pudeur (ou d'impudeur), un signe de statut social, un outil d'ostentation, un matériau d'esthétique, etc. Un code culturel en précise l'usage, en sorte que les besoins sont imbriqués à une perception plus vaste de la place d'une personne dans la société.
Le domaine économique est donc difficile à définir. De grands auteurs, tels Schumpeter dans son Histoire de l'analyse économique, préfèrent, admettre d'emblée l'existence de phénomènes économiques, sans les circonscrire. La comparaison des sociétés dans le temps et dans l'espace sera toujours difficile, car s'il existe obligatoirement un aspect économique dans chaque société, il ne commence ni ne finit au même niveau.
Les obstacles rencontrés dans la recherche d'une définition suggèrent d'aborder la question sous un autre angle: une conceptualisation aussi rigoureuse que possible. Par là, nous entendons qu'il faut dégager le concept d'économie de tout emploi où il pourrait subsumer des éléments contradictoires. Une présentation sémantique très claire est proposée par Julien Freund dans le cadre de la théorie des essences et des dialectiques qui s'efforce de caractériser les activités humaines sur la base de leurs implications intrinsèques.
L'ESSENCE DE L'ÉCONOMIQUE (3)
Existe-t-il des critères permettant de repérer l'économique dans n'importe quelle société, indépendamment de son immersion dans les diverses activités pratiques liées à une époque ou à un espace? Les conditions préalables de l'activité économique, ou présupposés, sont ce qui lui est essentiel et qui permettent de la repérer dans la complexité des péhnomènes sociaux. Au-delà, l'essence d'une activité désigne «une réalité qui dure à travers le temps et qui ne disparaît pas sous l'action de circonstances» (4). Ce qui ne disparaît pas avec le temps ou les circonstances et contribue à faire l'histoire des hommes doit être ancré dans la nature humaine. On est fondé alors de parler d'une donnée, quelque chose d'inhérent à l'homme en tant que tel et qui ne peut se transformer en autre chose. La pratique d'une activité économique répond enfin à un but, une finalité spécifique irréductible aux autres dimensions de la nature humaine et de la trame sociale. La finalité spécifique de l'économie s'accompagne de moyens particuliers auxquels on ne peut éviter de faire appel pour la réaliser.
Au total, pour caractériser l'essence de l'économique, il faut en extraire trois dimensions: la donnée, les présupposés, la finalité. La donnée définit le fondement de l'activité, ses tenants. La finalité précise l'aboutissement, le but que se fixent les hommes lorsqu'ils s'adonnent à la pratique de l'économie. Les présupposés caractérisent les conditions d'exercice de l'activité économique. Le trilogie: donnée, présupposés, finalité, définit la logique interne de l'économique par rapport à l'homme.
1. La Donnée
La donnée de l'économie, son fondement, réside dans le besoin, même si la notion n'est pas explicitée par la plupart des auteurs qui se gardent bien de rien dire sur la nature du besoin et se cantonnent à une représentation purement formaliste, quoique deux courants aient consacré des développements substantiels à la notion: l'école marginaliste, dans la seconde moitié du XIXième siècle; Marx et les marxistes.
Un phénomène tel que le besoin ne se comprend pas à travers la question indécidable de savoir si les hommes agissent par intérêt, mais en observant la diversité et la permanence d'une notion qui se compose de deux dimensions: psychophysiologique; philosophique (5).
- Au plan psychophysiologique, le besoin exprime un manque accompagné d'une tendance à y faire face. On rencontre une tension entre l'intérieur de l'homme et son environnement qui se traduit par diverses manifestations et par exemple la lassitude. Dès le niveau psychosociologique émerge l'ambivalence du besoin. Le manque est indissociable de son contraire: la satiété. Les deux pôles, inséparables, entraînent les mêmes effets: violence, fatigue, etc.
- Au plan philosophique, le besoin, manifestation vitale, éveille l'attention vis-à-vis de la totalité de la vie. Il sort de la dimension quantitative pour entrer dans le champ de la conscience où il prend la forme du désir soumis aux châtoiements de l'évaluation. La manière de satisfaire les désirs met en branle la gamme des sentiments et l'intensité de la volonté. Le sage qui cherche à supprimer les désirs pour réduire son insatisfaction agit sur les besoins eux-mêmes et exerce sa volonté pour les moduler de façon à n'éprouver plus que ceux qu'il est effectivement possible de satisfaire. Le besoin est toujours satisfait dans un univers doté d'objets et de relations: institutions, rites, culture, etc. L'analyse du besoin est indissociable d'une bonne connaissance de l'environnement dans ses multiples dimensions.
Le besoin est une contrainte. En tant que donnée, il est la réalité non économique qui fonde l'économie. Le premier fait de l'histoire humaine est que l'homme mange. Mais la simple jouissance d'un objet, comme le ferait un cueilleur de fruits dormant à la belle étoile et s'abreuvant au cours d'eau, ne fonde pas l'activité économique. Celles-ci prend naissance dans l'effort et le travail nécessaire à la production. Il faut du désir pour accepter de s'astreindre à une activité conduisant à la satsifaction.
2. Les présupposés
Les présupposés sont au nombre de trois:
- La relation de la rareté et de l'abondance;
- La relation de l'utile et du nuisible;
- La relation de maître à esclave.
* Relation rareté/abondance. L'économie ne part pas d'une abondance donnée. Son rôle est de la produire. La plasticité des besoins donne à l'abondance le statut de problème éternel. L'abondance peut exister pour certains biens ou caractériser la vie de quelques groupes humains. Mais d'autres raretés existent ou naissent et des populations baignent dans la pénurie.
Les relations caractéristiques de ce présupposé sont l'échange, relation égalitaire par l'intermédiaire du prix, et la hiérarchie, en particulier celles des pouvoirs d'achat, pouvoir dans le système des échanges. La nature de l'échange importe peu. Entre individus ou organisations, de statut privé ou collectif, l'essentiel réside dans la relation.
* Relation utile/nuisible. L'utilité de chaque chose désigne le point de vue subjectif de l'homme: son appréciation. Mais l'économie n'est pas commandée par l'usage ou la jouissance. L'utilité à considérer est celle qui nécessite un effort pour obtenir le bien satisfaisant un besoin. Dès lors elle est relative, différentielle, car l'ascète par exemple dénie toute utilité à divers biens. Le superflu, le luxe, le gaspillage, sont du domaine économique au même titre que le non rentable, les prestations multiples telles que loisirs, vacances, protection, etc. Toutes ces dimensions font appel à l'idée d'effort d'acquisition, de comparaison entre avantages et inconvénients de leur recherche ou d'un renoncement. De plus, ils font vivre des secteurs entiers.
* Relation maître/esclave. Aristote fut le premier à soulever le caractère indépassable de cette relation. Il est impossible d'élaborer une économie concrète sans exploitation de l'homme par l'homme, sans servitude. La relation maître/esclave correspond à la hiérarchie présente dans toute activité organisée. Seigneur comparé à serf, patron comparé à employé, la hiérarchie est interne aux activités économiques et dépend de la division du travail, phénomène croissant avec la spécialisation technique. La question de fond: pourquoi faut-il produire? met en mouvement l'organisation du travail, l'innovation technique, la gestion efficace, les prélèvements sur l'environnement. La relation hiérarchique est le fondement de la production.
3: La finalité
Le but spécifique de l'économie est le bien-être, à distinguer des finalités abstraites et générales, atemporelles et absolues: bonheur et justice, égalité. Les fins ultimes mettent en œuvre d'autres caractéristiques de l'homme et de la société. Un but est concret et réalisable, dans un temps et sur un espace précis. Dès lors, l'idée de bien-être est une variable historique liée au niveau de développement économique d'une société. La notion prend un sens dépendant des possibilités du moment, des conditions de sa réalisation, de la représentation que nous nous en faisons. Le niveau de bien-être sera fonction de la multiplicité des besoins que nous pouvons satisfaire selon nos goûts personnels et de l'intensité des efforts à fournir pour bénéficier des moyens de satisfaire nos besoins du moment. La mesure du bien-être est donc relative aux personnes ou aux groupes, et on ne peut définir, de façon uniforme ou autoritaire, ce que doit être le bien-être pour chacun. Créer les conditions favorables est le seul but auquel peut prétendre l'économie.
Frédéric VALENTIN.
Notes:
(1) Jean-Claude PERROT, Une histoire intellectuelle de l'économie politique, Editions de l'EHESS, 1992, p.68.
(2) Jean-Claude PERROT, op. cit., p. 93.
(3) Julien FREUND, L'essence de l'économique, Presses Universitaires de Strasbourg, 1993, 160 p.
(4) Julien FREUND, Philosophie et sociologie, Cabay, Louvain-la-Neuve, 1984, p. 24.
(5) Julien FREUND, «Théorie du besoin», in: Politique et impolitique, Sirey, 1987, Chap. 23.
00:05 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sciences politiques, politologie, théorie politique, politique, économie, philosophie, sciences économiques | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
mercredi, 11 mars 2009
A propos du décisionnisme

ARCHIVES DE SYNERGIES EUROPEENNES - 1995
A propos du décisionnisme
Le décisionnisme est, comme son nom l'indique, une pensée en termes de décision. Le décisionniste est l'homme politique qui veut décider, aboutir à une décision, c'est-à-dire à un acte de volonté qui a ses ressorts en lui-même et qui est vierge de toute compromission. Le décisionniste, en conséquence, s'oppose à toutes les formes de compromis que permet le libéralisme. Carl Schmitt, catholique et conservateur, est sans nul doute celui qui, parmi les tenants de la “révolution conservatrice”, a pensé le décisionnisme de la manière la plus conséquante. Chez les penseurs nationaux-révolutionnaires de la même époque, on trouve également des décisionnistes.
Pour Carl Schmitt, ce qui est important, c'est «que dans la simple existence d'une autorité réellement autoritaire, il y ait de la décision, et que toute décision soit valable et valide, car dans les choses les plus essentielles [du politique], il est plus imoportant de savoir que quelqu'un décide, que de savoir comment cette décision est décidée» (1). Il s'agit donc de poser une “décision” en soi, en pleine souveraineté. L'Etat, à l'époque de Carl Schmitt, du moins dans le domaine du politique, est le moyen le plus approprié pour poser de telles décisions; c'est lui qui incarne la souveraineté qui est, en fait, rien d'autre que le “monopole de la décision” (2). Il s'agit de reconnaître le bien-fondé, l'utilité pratique, l'excellence, de la décision absolue, c'est-à-dire de la décision pure, non raisonnée, qui n'est pas le produit d'une discussion, qui n'a nul besoin de se justifier, qui jaillit du néant (3). L'essence de l'Etat apparaît ici clairement, parce qu'il est le vecteur premier de la décision, devient de la sorte le moyen le plus précieux pour contrer, à l'intérieur, la guerre civile que déclenchent les idéologies et les intérêts contradictoires. «L'essence de l'Etat réside en ceci, qu'il y ait [par lui] une décision» (4).
La particularité de Carl Schmitt, dans le cadre de cette “révolution conservatrice” mise en exergue par Armin Mohler, c'est, qu'en tant que penseur catholique, il voit toujours Dieu trôner au-dessus de tout. D'où son constat: «Tous les concepts prégnants des doctrines modernes de l'Etat sont des concepts théologiques sécularisés» (5). Toutefois, le Règne de Dieu n'est pas de ce monde, où c'est l'homme qui gouverne, où c'est l'homme qui est le fondateur des valeurs. Mais comment réalise-t-on concrètement les valeurs, comment établit-on les lois? Schmitt ne cesse de citer l'Anglais Thomas Hobbes, en acceptant ses théorèmes: «Auctoritas, non veritas facit legem» (6). L'autorité est la source des lois, car le pouvoir lui en donne la force, c'est elle qui pose les décisions qui génèrent les lois. C'est au départ de cette conception de Hobbes, que la “révolution conservatrice” allemande a opté pour les systèmes autoritaires, parce qu'ils éliminent les querelles intérieures et les bannissent de la “communauté organique”.
Chez les nationaux-révolutionnaires, que Mohler classe aussi dans la “révolution conservatrice”, il y a donc aussi des décisionnistes. Le concept de décision a fasciné cette gauche non-conformiste, si bien que l'hebdomadaire du mouvement “Widerstand” (= Résistance) d'Ernst Niekisch portait le titre d'Entscheidung (= Décision). Ce n'est pas un hasard. Chez Niekisch, par d'arrière-plan théologique, au contraire de Schmitt. Le décisionnisme de Niekisch découle d'une position fondamentaliste absolue. Niekisch exige la “décision permanente”, car l'“idéologie de Widerstand” équivaut à une “protestation allemande” contre le “romanisme”, à une option pour l'Est contre l'Ouest, pour l'éthique prussienne du service contre le libéralisme (7). Cette protestation tous azimuts, incessante, permanente, exige, selon Niekisch, une “nouvelle attitude humaine”, une promptitude à accepter et à supporter un “destin héroïque”. Pour généraliser cette attitude contestatrice permanente, il faut recruter des hommes qui soient “déjà saisis par l'esprit du futur” (8). Niekisch accuse et brocarde l'éternelle indécision allemande: «Il existe une lenteur, une lourdeur, une faiblesse typiquement allemandes, qui, sans cesse, cherche, en louvoyant, à échapper à la décision nécessaire» (9). Mais le devoir éthique de trancher, donc de décider, de prendre littéralement le taureau par les cornes, personne ne peut l'éviter, le refuser.
Sur le plan littéraire, l'exigence de décision se retrouve, à un degré de radicalité encore plus élevé, chez Ernst Jünger, qui, à cette époque, appartenait encore aux cercles nationaux-révolutionnaires, et était une figure de proue du “nouveau nationalisme”. Il écrivait: «C'est pourquoi cette époque exige une vertu entre toutes: celle du décisionnisme. Il s'agit de pouvoir vouloir et de pouvoir croire, sans se référer au contenu que cette volonté et cette foi se donnent» (10). Cet appel de Jünger est un appel à la “décision en soi”. Chez Jünger, la décision est couplée à un désir ardent de nouveauté, au désir d'une révolution, d'où les éléments de nihilisme ne sont pas totalement absents. Chez lui, la décision est toute imprégnée de l'esprit des “orages d'acier”: elle est quasi synonyme de “mobilisation totale”. «Notre espoir repose sur les hommes jeunes, qui souffre de fièvre, parce qu'ils sont dévorés par le pus verdâtre du dégoût, notre espoir repose dans les âmes saisies par la grandezza, dans les âmes que nous voyons errer dans les sinuosités de l'ordre des auges. Notre espoir repose en une révolution qui s'opposerait à la domination du confort, en une révolution visant à détruire le monde des formes, en une révolution qui a besoin d'explosifs pour nettoyer et vider notre espace vital, afin qu'il y ait la place pour une nouvelle hiérarchie» (11).
Le décisionnisme est en tant que tel une méthode, plus exactement une méthode de critique sociale, une méthode finalement assez proche de la théorie critique utilisée par les gauches nouvelles. Mais il peut bien entendu étoffer l'arsenal d'une nouvelle droite, qui devrait en être l'héritière et la continuatrice, car de larges segments de la “neue Rechte” allemande sont d'ores et déjà influencés par Carl Schmitt. En effet, la critique du déclin du politique à l'ère du libéralisme, formulée par Carl Schmitt en 1922, reste d'une étonnante actualité: «Aujourd'hui rien n'est plus moderne que la lutte contre le politique. Les financiers américains, les techniciens de l'industrie, les socialistes marxistes, les révolutionnaires anarcho-syndicalistes, s'unissent pour exiger que soit éliminée la domination immatérielle du politique sur la matérialité de la vie économique. Il ne devrait plus y avoir que des tâches organisationnelles, techniques, économiques et sociologiques, mais il ne pourrait plus y avoir de problèmes politiques. Le mode aujourd'hui dominant de la pensée économico-technique n'est déjà plus capable de percevoir la pertinence d'une idée politique. L'Etat moderne semble être vraiment devenu ce que Max Weber voyait se dégager de lui: une grande entreprise. En général, [dans ce contexte libéral], on ne comprend une idée politique que lorsque ses tenants sont parvenus à prouver à une certaine catégorie de personnes qu'elles ont un intérêt économique direct et tangible à l'instrumentaliser à leur profit. Si, dans ce cas d'instrumentalisation, le politique disparaît et sombre dans l'économique, ou dans le technique ou l'organisationnel, par ailleurs, il s'épuise dans les intarissables discours ressassant à l'envi les banales généralités que l'on ne cesse d'ânonner sur la “culture” ou sur la “philosophie de l'histoire”, discours définissant au nom de critères esthétiques l'air du temps tantôt comme classique, tantôt comme romantique ou comme baroque, en hypnotisant les “beaux esprits”. Ce basculement dans l'économique ou ce discours [“cultureux”], passe à côté du noyau réalitaire de toute idée politique, de toute décision qui, en tant que décision, est toujours d'une plus haute élévation morale. La signification réelle que revêtent en fait les philosophes de l'Etat contre-révolutionnaires, réside entièrement dans la dimension conséquente de leur démarche, laquelle repose sur la décision, [baigne dans l'incandescance de la décision]. Ces philosophes contre-révolutionnaires mettent si fort l'accent sur l'instant intense de la décision qu'ils annulent finalement l'idée de légitimité, à partir de laquelle, pourtant, ils avaient amorcé leurs réflexions» (12).
Le déclin du politique découle de l'évitement systématique des décisions. La modernité passe de fait à côté de la décision essentielle, de la décision qui fonde le concept du politique, c'est-à-dire de la décision qui aboutit à la désignation de l'ami et de l'ennemi. «C'est ainsi que Carl Schmitt définit la modernité: elle est oublieuse du politique. Dans cette perspective, le communisme et le capitalisme apparaissent pour ce qu'ils sont: les deux pôles complémentaires d'une même positivité impolitique, qui constitue le terminus ad quem d'une objectivisation mécaniciste du social, à l'œuvre depuis le XVIIième siècle» (13).
Jürgen HATZENBICHLER.
(traduction française: Robert STEUCKERS).
Notes:
(1) Carl SCHMITT, Politische Theologie, Berlin, 1990, p. 20.
(2) Ibid., p.71.
(3) Ibid., p.83.
(4) Ibid., p.71.
(5) Ibid., p.49.
(6) Ibid., p.44.
(7) Ce nom dérive de celui du mensuel Widerstand, dirigé par Niekisch.
(8) cf. Uwe SAUERMANN, Ernst Niekisch und der revolutinäre Nationalismus, München, 1985, pp. 173 & ss.
(9) Ernst NIEKISCH, cité par Friedrich KABERMANN, Widerstand und Entscheidung eines deutschen Revolutionärs, Köln, 1973, p. 165.
(10) Ernst NIEKISCH, Widerstand, Krefeld, 1982, p. 164.
(11) Ernst JÜNGER, Das abenteurliche Herz - Erste Fassung, Stuttgart, 1987, p. 110.
(12) E. JÜNGER, ibid., pp. 113 & ss.
(13) C. SCHMITT, ibid., pp. 82 & ss.
00:05 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, théorie politique, sciences politiques, politologie, carl schmitt, conservatisme, droite, nouvelle droite, synergies européennes, allemagne | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
mardi, 10 mars 2009
Peron y el socialismo nacional
Perón y el socialismo nacional
Ex: http://elfrentenegro.blogspot.com/

LA EMPRESA PARA QUIEN LA TRABAJA
por Javier Iglesias
El texto que sigue ha sido reeditado en Barcelona (1998) por la Asociación Alternativa Europea. Su autor, de origen español, era dirigente del peronismo, lider del Movimiento de los Sin Techo bonaerense cuando, en septiembre de 1996, fue asesinado en la capital argentina en una emboscada tendida por la policía menemista.
Introducción
Las realizaciones y conquistas sociales del Peronismo en su primera etapa de gobierno (1946-1955), son tantas y tan importantes que, entre los propios seguidores de dicho Movimiento, es común interpretarlas como el fruto de una Revolución totalmente realizada; una especie de "Edad de Oro" de los trabajadores y del Pueblo argentino que, con algunas variaciones de detalle, puede y debe recuperarse mediante la organización y la lucha.
Paradójicamente esa versión del Peronismo como una Revolución "concluida" que hay que repetir y recuperar, no coincide en lo más mínimo con lo que pensaban aquellos que la llevaron a cabo en el pasado, ni mucho menos y en especial, con los planteamientos del mismo General Juan Domingo Perón. Para todos ellos, la riquísima experiencia política, económica y social del periodo 1943-1955 es apenas el inicio de una transformación revolucionaria mucho más profunda y, por lo que se refiere a lo económico, el verdadero comienzo de un proceso de gradual socialización de los medios de producción.
Que ese objetivo socializante es afirmado explícitamente y desde un principio por importantes sectores del Movimiento Peronista, puede probarse con la simple lectura de los estatutos de la CGT aprobados en su Congreso Extraordinario de abril de 1950. En su Preámbulo, después de afirmar que "la Doctrina Peronista, magistralmente expuesta por su creador, el General Juan Perón, define y sintetiza las aspiraciones fundamentales de los trabajadores argentinos y les señala la verdadera doctrina, con raíz y sentido nacional, cuya amplia y leal aplicación ha de forjar una Patria Justa, Libre y Soberana", fundamentan esa definición ideológica en el hecho de que:
"El proceso de realización tiende hacia la gradual socialización de los medios de producción y en cambio impone al proletariado el deber de participar y gravitar desde el terreno sindical para afianzar las conquistas de la Revolución Peronista, para consolidarlas en el presente y ensancharlas en el futuro". [1]
La inequívoca definición del Movimiento Obrero Argentino -calificado habitualmente por el General Perón como la "columna vertebral" del Peronismo- no es, por otra parte, una simple declaración sectorial. En ocasión tan importante como el 1º de mayo de 1952, en su alocución a los legisladores argentinos con motivo de la inauguración del 86º periodo ordinario de sesiones del Congreso Nacional, el propio Líder justicialista también afirma tajantemente:
"Así como la clase de los hombres que trabajan va substituyendo a los representantes del individualismo capitalista en el panorama político, también la clase de los hombres que trabajan va substituyendo progresivamente a las empresas individualistas, con las nuevas organizaciones de tipo cooperativo. Ello significa que los trabajadores, por la natural evolución económica de nuestro sistema, van adquiriendo progresivamente la propiedad directa de los bienes capitales de la producción, del comercio y de la industria. Este camino, por el que avanzan ya los trabajadores argentinos, tiene un largo pero fecundo recorrido y posibilitará el acceso del pueblo a la conducción de su propia economía. El viejo ideal del pueblo, en la plena posesión de sus derechos políticos, sociales y económicos, se realizará entonces, y en aquel momento la justicia social alcanzará la cumbre de sus objetivos totales y la doctrina peronista será la más bella y absoluta de las realidades". [2]
Que el Peronismo fundacional aspiraba a la total socialización de "los bienes capitales de la producción, del comercio y de la industria" resulta, pues, irrefutable, más allá del ritmo de esa socialización; ritmo que, como es natural, depende más de la cambiante relación de fuerzas nacional e internacional que de cuestiones ideológicas o esquemas teoricistas de salón.
Tercera Posición
Cuando, a partir de los propios textos peronistas, afirmamos que el Peronismo apunta hacia la socialización de los medios de producción, ¿estamos coincidiendo con la acusación del "nacionalismo" fascistizante y antiperonista según la cual el Justicialismo sería "un movimiento que sale del capitalismo y camina hacia el comunismo"? [3] Obviamente no. Los creadores de la Doctrina Peronista siempre recalcaron su carácter de "Tercera Posición"; sus postulados anticapitalistas pero, a la vez, diferentes de los del colectivismo totalitario y burocrático marxista. En el ya citado discurso del 1º de mayo de 1952 es también Perón el que recalca magistralmente ese "tercerismo" económico peronista:
"Para el capitalismo la renta nacional es producto del capital y pertenece ineludiblemente a los capitalistas. El colectivismo cree que la renta nacional es producto del trabajo común y pertenece al Estado, porque el Estado es propietario total y absoluto del capital y del trabajo. La doctrina peronista sostiene que la renta del país es producto del trabajo y pertenece por lo tanto a los trabajadores que la producen." [4]
El Peronismo no confunde, por lo tanto, socialización con estatización. Es anticapitalista pero pretende, a diferencia del marxismo, no la entrega de los medios de producción a un gigantesco Estado-Patrón dictatorial sino directamente a los propios trabajadores. Se trata de una concepción con mucha semejanza con lo que posteriormente será conocido como "socialismo autogestionario" [5] aunque también puede considerarse emparentada a las posiciones del anarcosindicalismo y del "sindicalismo revolucionario" europeo anterior a la Segunda Guerra Mundial; algo que han destacado recientes estudios ideológicos imparciales como los de Cristián Buchruker: "Más que del socialismo clásico, el peronismo en gestación adoptó ideas fundamentales del anarcosindicalismo hispano-francés, el cual ya tenía una tradición no despreciable en el gremialismo argentino. Se trata aquí de dos exigencias: a) el directo protagonismo político del sindicato (no por mediación del partido) sobre todo a través de la huelga general como instrumento de acción; y b) el objetivo lejano de una administración de los medios de producción por los sindicatos mismos." [6].
Postmarxismo revolucionario
Debe destacarse, por otra parte, que el "tercerismo" peronista no implica necesariamente "equidistancia" con respecto al capitalismo y al comunismo. En ello es igualmente diáfano Perón:
"Pensamos que tanto el capitalismo como el comunismo son sistemas ya superados por el tiempo. Consideramos al capitalismo como la explotación del hombre por el capital y al comunismo como la explotación del individuo por el Estado. Ambos 'insectifican' a la persona mediante sistemas distintos. Creemos más; pensamos que los abusos del capitalismo son la causa y el comunismo el efecto. Sin capitalismo el comunismo no tendría razón de ser, creemos igualmente que, desaparecida la causa, se entraría en el comienzo de la desaparición del efecto." [7]
Es decir: el objetivo del Peronismo no es otro que hacer desaparecer el capitalismo -la "causa" de todos los problemas económicos, políticos y sociales- lo que, por si mismo, impedirá que surja un "efecto" indeseado: el capitalismo estatal "insectificante" comunista. Esta distinción es enormemente importante porque hoy, ante el pase de las burocracias ex-comunistas de la URSS y Europa del Este al bando capitalista encabezado por los archibandidos yanquis, no faltan pícaros supuestamente "peronistas" que declaran "superada" la Tercera Posición y "recomiendan" la "aceptación del triunfo capitalista". A esos proveedores de coartada de la claudicación y el más infame renunciamiento, les conviene repasar las luminosas enseñanzas de Perón y la compañera Evita: "El peronismo no puede confundirse con el capitalismo, con el que no tiene ningún punto de contacto. Eso es lo que vió Perón, desde el primer momento. Toda su lucha se puede reducir a esto: en el campo social, lucha contra la explotación capitalista." [8].
El Peronismo, por lo tanto, se enfrenta implacablemente al capitalismo más allá de si el comunismo existe o no. Su rivalidad con el marxismo es en el terreno de la eficacia revolucionaria: ver quién consigue derribar finalmente al injusto sistema capitalista. De ahí las precisas orientaciones del General Perón: "Nosotros somos la cabeza del movimiento nacional revolucionario. A ningún partido o movimiento se le debe permitir colocarse en una actitud más 'revolucionaria' que la nuestra. El día que eso ocurriera, habríamos perdido nuestra 'razón de ser' como movimiento, al ser reemplazados en la conducción popular. A los justicialistas que se coloquen en actitudes 'conformistas' o 'conciliadoras' para con el sistema imperante en nuestra patria, hay que expulsarlos del Movimiento sin miramientos. Son enemigos del pueblo y por lo tanto, enemigos nuestros." [9].
La deserción de las cúpulas marxistas -ya sean socialdemócratas o comunistas- del frente revolucionario al que supuestamente pertenecían, resuelve en la práctica el pleito entre Peronismo y marxismo al probar que el único anticapitalismo y antiimperialismo posible en la actualidad es el corporizado en Movimientos Nacional-Populares y Terceristas de Liberación: auténtico Peronismo argentino, bolivarianos de Venezuela, fundamentalismo revolucionario islámico de las naciones y pueblos musulmanes, resistencia armada torrijista panameña, etc. Los escasos núcleos que, con mejores deseos que resultados, aún intentan seguir aferrados a la vieja liturgia tradicional comunista, antes o después abandonarán las marchitas y superadas banderas del comunismo para integrarse lisa y llanamente a las pujantes fuerzas del nacionalismo popular revolucionario y de la Tercera Posición.
Proceso de socialización
Siendo el General Perón el conductor de un proceso revolucionario real y no un utopista de gabinete, es lógico que el grueso de su producción teórica más que dedicarse a teorizar sobre la sociedad futura se concentre en los problemas prácticos de un gobierno de liberación nacional y social o, tras la contrarrevolución oligárquica de 1955, en la lucha concreta para la recuperación del poder por parte del pueblo argentino. Eso no significa que el proceso de socialización por el propugnado sea tan a largo plazo que se convierta en una simple e inoperante expresión de deseos o fórmula retórica. De hecho el máximo dirigente justicialista expone en forma constante y repetida las fórmulas específicas que, a su juicio, revestirá ese proceso de socialización no estatista. Un interesante aporte doctrinario en ese sentido es el vertido en una larga conferencia concedida en 1970 al periodista uruguayo Carlos María Gutiérrez, corresponsal de Prensa Latina. Ante la pregunta "¿usted cree que además habría de ir, en el caso de la toma del poder, a la destrucción de ese tipo de estructuras burguesas; digamos, de la libre empresa, para emplear el término corriente? ¿Ir más allá de lo que se fue entre 1950 y 1955?", Perón responde sin la menor duda: "Nosotros lo estábamos haciendo, pero lo estábamos haciendo a través de un sistema. Que ya había empresas... Las cervecerías del país estaban todas en manos de una cooperativa del sindicato de cerveceros. Yo pensaba hacer lo mismo con los ferrocarriles, en cuanto suprimiera el déficit; entregarlos al sindicato de los ferrocarriles. Y había fábricas, como... De la Lanera del Sur... la... no me acuerdo cómo se llama, que ya estaban sobre ese sistema.
La concepción es ésta: un promotor de empresa emplea cien millones para promover una empresa. Hasta que él ha retirado esos cien millones más su interés, esa empresa debe ser exclusivamente de él. Pero cuando ha retirado su capital, más un interés razonable, esa empresa ya no es de él; es de todos los que la trabajan. Esa es la concepción cooperativista de la empresa. Por ese sistema, usted va llevando todo hacia cooperativas; cooperativas donde trabajan patrones, obreros y todos, pero que trabajan en la producción.
Ahora, si eso no se hace en todas las empresas, el Estado, al final tendrá que hacerse cargo de aquellas donde no se ha realizado." [10].
Se trata de una cita tan extensa como instructiva que nos muestra un modo (no el único propuesto por Perón) de llegar gradual e incruentamente a la entrega de los bienes de producción a los trabajadores; recalca la concepción cooperativista-sindical de ese proceso de socialización y, a la vez, recuerda ejemplos concretos con los que el Peronismo en el poder avanzó en ese sentido.
Cooperativas y Peronismo
La concepción de las formas cooperativistas de propiedad como uno de los medios principales de socialización no estatista de la economía es lógica "porque -como recalca Perón- es un ideal justicialista que todo el proceso económico quede en manos de los 'hombres que trabajan' y el sistema cooperativo tiende a ello." [11].
Que no se trata de una mera declaración retórica salta a la vista si comparamos, por ejemplo, las cifras relativas al cooperativismo argentino entre 1946 y 1951. Entre esas fechas, el número de cooperativas pasa de 1.299 a 2.400, el número de asociados de 500.000 a 800.000, el capital suscrito (en millones de m$n) de 95 a 350, y las operaciones efectuadas (también en m$n) de 361 a 2.000. O dicho sea de otro modo: en apenas cinco años el sector cooperativo aumenta en un 100% en su número, en un 60% en asociados, en un 260% del capital suscrito, y en un 440 por ciento de las operaciones realizadas.
Este gigantesco salto se profundiza aún más a partir de 1952 y, sobre todo, con la promulgación del Segundo Plan Quinquenal. En su exposición del 1º de mayo de ese año, el General Perón muestra esa línea estratégica en lo económico: "Las cooperativas agrarias han merecido nuestro total apoyo, como que ellas son, en la economía social de la doctrina peronista, unidades de acción económica que realizan el acceso de los hombre que trabajan a la posesión total del instrumento y del fruto de sus esfuerzos. La ayuda crediticia a las cooperativas alcanzó en el quinquenio a la suma de 1.000 millones de pesos y va en progresivo aumento. Señalo como norma tendida hacia el futuro la de preferir en el crédito a las organizaciones cooperativas sobre las empresas de carácter individual. Llegaremos progresivamente a dejar en manos de la organización cooperativa agraria todo el proceso económico de la producción. No debe haber en el país un sólo agricultor que no sea cooperativista, porque la organización cooperativa es al trabajador agrario lo que la organización sindical es al trabajador industrial, sin que esto signifique que la industria no pueda organizarse en forma cooperativa." [12].
La cooperativización-socialización total de los medios de producción es, por lo tanto, un objetivo explícito del Peronismo. Esa cooperativización se concentra en un principio sobre todo en el terreno agrario, por ser ésta un área económica de más fácil socialización y donde, además, existe una notable tradición de organizaciones cooperativas previa al Justicialismo, pero se expande hasta lograr el fin señalado por Juan Domingo Perón: las "cooperativas como unidades básicas justicialistas para la organización nacional de la producción, la industria y el comercio." [13].
Estado Revolucionario
La defensa que el Peronismo hace del modelo cooperativo de organización económica, no puede ni debe confundirse con las fantasías reformistas que sobre las cooperativas tienen grupos pequeñoburgueses como los diversos desprendimientos del Partido Socialista del reputado gorila Juan B. Busto. El Movimiento Nacional de Liberación creado por Perón, al contrario que dichos grupos socialdemócratas, sabe que, aunque parezca una perogrullada recordarlo, el sistema capitalista está creado para que triunfen los capitalistas y, por tanto: "Los fracasos del cooperativismo, en tiempos de la economía capitalista, son explicables y perfectamente lógicos: una cooperativa, exponente perfecto de economía social, no podía conciliar sus intereses ni podía enfrentarse con los monopolios del capitalismo." [14]. Para evitar eso hace falta un ordenamiento político y social, un Estado, que cambie las "reglas de juego" capitalistas y las sustituya por otras de tipo revolucionario, popular, anticapitalista y pro-cooperativista, ya que "indudablemente el movimiento cooperativo no puede ir adelante sin el apoyo del Gobierno. En todas las partes del mundo las cooperativas han fracasado cuando han tenido en contra al Gobierno." [15].
En concreto, ello implica:
1º) Arrebatar a la oligarquía el control sobre los sectores claves de la economía. Según la Constitución Justicialista de 1949, en su artículo 40, esos sectores clave son la importación y exportación, minerales, caídas de agua, yacimientos de petróleo, de carbón y de gas, y las demás fuentes naturales de energía, con excepción de los vegetales, así como los servicios públicos. Corresponde su propiedad, en un principio, al Estado aunque, como ya vimos, a medida que avanza el proceso revolucionario parte de esas actividades pueden pasar a manos de los trabajadores del sector por medio de sus cooperativas obreras o sindicatos. Es posible también, como muestra el caso de SEGBA, la existencia de formas intermedias de cogestión obrero-estatal así como empresas con conducción tripartita: Estado-trabajadores-usuarios.
2ª) Una planificación indicativa que, sin caer en los errores centralistas burocráticos de la planificación de tipo estatista-comunista, impida que con el viejo cuento del "mercado libre" acaben manipulando la economía un puñado de grandes empresas extranjeras o nativas: "La cacareada 'libertad de la economía' no ha pasado nunca de ser una ficción, desde que, a la economía o la dirige el Estado o la hacen, en su lugar, los grandes consorcios capitalistas, con la diferencia de que el primero puede hacerlo en beneficio del pueblo; en cambio, los segundos lo hacen generalmente en su perjuicio." [16].
3º) Formas de apoyo directo del Estado a las cooperativas y empresas sindicales, lo que incluye desde apoyo crediticio preferencial hasta la contratación directa por parte del Estado en aquellas tareas que éste suele descargar en las empresas capitalistas. Aquí conviene recordar una directísima afirmación del General Perón ante miembros del Comité Central y delegados regionales de la CGT que visitaron la Residencia Presidencial de Olivos el 9 de agosto de 1950: "El Gobierno está dispuesto a dar a las cooperativas obreras la oportunidad para que hagan negocios que les permitan ganar mucho dinero; en lugar de dárselos, como se hacía antes, a entidades capitalistas.".
4º) El combate en el terreno ideológico contra las supervivencias de la mentalidad individualista burguesa, fomentando el conocimiento de las formas de economía social y cooperativista, especialmente entre la juventud. El Segundo Plan Quinquenal, por ejemplo, en su apartado IV.G.14 sostiene: "La difusión de los principios del cooperativismo y la constitución de cooperativas escolares y estudiantiles serán auspiciadas por el Estado a fin de contribuir a la formación de la conciencia nacional cooperativista y prestar servicios útiles a los alumnos." [17].
Socialización integral
Cuando anteriormente recordábamos que para el General Perón las cooperativas debían tender a convertirse en las "unidades básicas justicialistas para la organización nacional de la producción, la industria y el comercio", queda claro que la socialización-cooperativización que el Peronismo propugna no se reduce al nivel de cada empresa o unidad económica de producción. Esto es así porque si bien la entrega de todas las empresas a sus propios técnicos y trabajadores autoorganizados en cooperativas, impide tanto la explotación del hombre por el hombre (capitalismo), como la explotación del hombre por el Estado (comunismo) no por ello resuelve todos los problemas de la economía. Para empezar, no asegura la igualdad de oportunidades puesto que existen sectores económicos más productivos que otros y, dentro de cada sector económico, empresas más grandes y más chicas, más modernas y más atrasadas, etc. Tampoco se garantiza una real solidaridad nacional desde el momento en que si esas empresas cooperativizadas se desenvuelven en el marco de una economía de mercado necesariamente se provocará una brutal competencia entre las empresas, considerando cada colectivo obrero o cooperativa un rival en la búsqueda del beneficio a los otros colectivos obreros cooperativos.
Para evitar esos posibles efectos negativos el General Perón impulsa no cooperativas aisladas sino "la unversalización de la organización cooperativa" [18] mediante la Federación de Cooperativas de cada rama de producción. Éstas, estructuradas democráticamente y desde abajo hacia arriba, permiten que cada empresa sea gestionada de un modo directo y sin burocracias externas por sus propios técnicos y trabajadores, pero, a la vez, crea canales solidarios de redistribución de los beneficios generales para apoyar a aquellas cooperativas obreras asociadas que, por diversas razones, tienen que sufrir desventajas objetivas ajenas al trabajo o la gestión de su colectivo laboral: implantación en provincias alejadas del circuito comercial, catástrofes naturales...
Hay que resaltar que, como detalla Perón el 13 de octubre de 1952 en una exposición ante representantes de las cooperativas agropecuarias, esas Federaciones de Cooperativas no engloban sólo a una rama económica sino que participan de un modo directo en todo el proceso productivo y de comercialización. En el caso de esas mismas cooperativas agrarias, Perón propugna concretamente los siguientes campos de acción: "El gobierno aspira a que las cooperativas agropecuarias constituyan las unidades básicas de la economía social agraria y participen, primero: en el proceso colonizador y en la acción estatal tendiente a lograr la redistribución de la tierra en unidades económicas sociales adecuadas. Segundo: que participen en el proceso productivo mediante la utilización racional de los elementos básicos del trabajo agropecuario: maquinaria agrícola, galpones ferroviarios, silos, elevadores de granos, semillas, etc., etc. Tercero: que participen también en el proceso interno de comercialización de las cosechas de sus asociados, para lo cual el Estado auspiciará el acceso de los productores organizados a los centros de consumo, mercados oficiales, proveedurías, etc. Cuarto: que participen en el proceso de la industrialización regional primaria de la producción agropecuaria de sus asociados. Sexto: que participen en la acción estatal tendiente a suprimir toda intermediación comercial innecesaria. Séptimo: que participen en la fijación de precios básicos y precios diferenciales que se fijarán a favor de las cooperativas agropecuarias. Octavo: que participen en la redistribución de los márgenes de utilidad que se obtengan con motivo de la comercialización. Noveno: que participen en la acción social directa a cumplirse en forma integral en beneficio de los productores agropecuarios; y, décimo: el Estado auspicia la organización de un sistema nacional unitario de cooperativas de productores agropecuarios que represente a todos los productores del país y defienda sus intereses económicos y sociales." [19].
Se trata, por lo tanto, de una estructuración integral de la economía que, partiendo de las cooperativas autónomas y descentralizadas, engloba el proceso de producción en su conjunto, racionalizando ese mismo proceso productivo, abaratando costos e impidiendo que cada sector de la cadena productiva y de comercialización compita con los otros. Con decir que para el Líder Justicialista "el gobierno está dispuesto a prestar la ayuda más extraordinaria para que las cooperativas instalen sus propias fabricaciones de herramientas y maquinarias agrarias" [20], está todo dicho. Cada Federación de Cooperativas o "Sistema Nacional Unitario de Cooperativas" además de englobar a todas las cooperativas de ese sector económico, coordina el proceso de producción en su conjunto: desde la producción propiamente dicha a la comercialización, pasando por el transporte y hasta la fabricación de bienes y elementos necesarios.
Empresas sindicales
Las cooperativas federadas no son el único método de socialización impulsado por el Peronismo. En la antes citada entrevista concedida por el General Perón a Carlos María Gutiérrez, el creador del Peronismo menciona un tipo especial de cooperativas: la cooperativa de sindicatos. En éstas, la coordinación de las distintas empresas cooperativizadas se da mediante la organización sindical que, de un modo natural, alcanza a toda la rama de producción. Se alcanza así la vieja tesis del sindicalismo revolucionario, que tanta influencia tuviera en el Movimiento Obrero pre-peronista, y que desde la Carta de Amiens (1916) había proclamado que "el sindicato actualmente nada más que un grupo de resistencia, será en el futuro responsable de la producción y distribución, bases de la organización social" [21]. Como ese modelo de cooperativización sindicalista es más fácil de aplicar en la industria, sector más importante de la economía argentina, es por ello lógico que sea ese mismo modelo el que tienda a predominar en el ideario peronista de tal manera que Perón llega a definir al Estado Peronista futuro como un "Estado Sindicalista" [22].
Las cooperativas o empresas sindicales han sido denominadas a veces también como "Empresas Comunitarias". En "Fundamentos de Doctrina Nacional Justicialista", texto de la "Escuela Superior de Conducción Política del Movimiento Nacional Justicialista" (entre paréntesis, entidad nada sospechosa de "desviaciones izquierdistas") se define de la siguiente forma a la Empresa Comunitaria:
"Considerada en su aspecto funcional, la empresa es una comunidad jerarquizada de productores, diversamente especializados, que aúnan esfuerzos para fabricar determinado artículo o prestar determinado servicio, valiéndose para ello de las herramientas o máquinas que impone la técnica moderna. Considerada, por el contrario, en su aspecto legal, esta misma empresa no pasa, hoy en día, de un mero capital que compra máquinas, materias primas y trabajo. Pura ficción. Pues si con un golpe de varita mágica se suprimieran los dueños del capital, la empresa seguiría funcionando sin la menor perturbación, mientras que pararía y desaparecería si se eliminasen los productores. No basta, por lo tanto, mejorar el nivel de vida del proletariado. No basta dar al productor el lugar que le corresponde en la Comunidad. No resuelve nada cambiar el sistema capitalista sustituyendo la oligarquía burguesa por una oligarquía burocrática. Lo que hace falta es suprimir el salariado, devolviendo a la empresa, aprehendida en su realidad orgánica, la posesión y, de ser posible, la propiedad de su capital, así como la libre disposición del fruto de su trabajo. Cualquier ente social -individuo, grupo o comunidad- tiene el derecho natural de poseer los bienes que le son imprescindibles para subsistir y realizarse plenamente. El municipio, por ejemplo, tiene naturalmente derecho a la propiedad de la vía pública o de la red de alumbrado. El municipio en sí, no la suma de sus habitantes. Cuando alguien viene a instalarse en una ciudad, no tiene que comprar su parte de calle ni de usina; ni la vende cuando se va. La empresa es también un ente social independiente de sus integrantes individuales del momento. Es ella la que tiene que ser dueña de su capital, al que encontrará y usufructuará el productor entrante y dejará para sucesor el productor saliente. Esto vale tanto para la empresa industrial como para la empresa agropecuaria. Los reformistas pequeños burgueses que quieren lotear las unidades orgánicas de nuestro campo fomentan el minifundio y la miseria. La tierra debe ser de quienes la trabajan, como las máquinas de quienes trabajan con ellas. Tal principio no supone, en absoluto, el parcelamiento de la propiedad de los instrumentos de la producción, sino la supresión de la propiedad individualista de bienes que otros -individuos o grupos- necesitan. O sea la supresión del parasitismo en todas sus formas. Eliminado el parasitismo capitalista, las clases desaparecerán 'ipso facto'. No habrá más burgueses ni proletarios, sino productores funcionalmente organizados y jerarquizados en sus empresas. El gremio perderá entonces el carácter clasista que le ha impuesto una lucha necesaria cuya responsabilidad no lleva y volverá a convertirse en una federación de empresas comunitarias, con el patrimonio asistencial que necesita y los poderes legislativo y judicial que definirán sus fueros. En cada gremio, un banco distribuirá el crédito entre las empresas, dentro del marco de la planificación y conducción económica del Estado nacional. La Revolución Justicialista no busca, pues, llegar a una componencia entre capitalismo individualista y capitalismo estatal, ni 'mejorar las relaciones entre capital y trabajo'. Repudia íntegramente cualquier forma de explotación del hombre por el hombre y quiere volver, en todos los campos, al orden social natural. Es éste el sentido de nuestra Tercera Posición." [23].
Las cooperativas sindicales o empresas comunitarias, por lo tanto, coinciden con las cooperativas "tradicionales" en que la propiedad no pertenece a un capitalista individual burgués o al Estado-patrono, pero, a la vez, se diferencian de esas mismas cooperativas en que la propiedad no es divisible ya que pertenece íntegramente a la comunidad laboral de técnicos y trabajadores que las componen. Además, volvemos a recalcarlo, la solución peronista no es sólo a nivel microeconómico (socialización de la empresa) sino también a nivel macroeconómico (socialización global de la economía).
Conducción económica de la Nación
Lo que denominamos socialización "global" o "integral" de la economía es otro de los rasgos que diferencia al Peronismo tanto del capitalismo como del comunismo. Para el General Perón:
"La doctrina económica que sustentamos establece claramente que la conducción económica de un país no debe ser realizada individualmente, que esto conduce a la dictadura económica de los trusts y monopolios capitalistas. Tampoco debe ser realizada por el Estado, que convierte la actividad económica en burocracia, paralizando el juego de sus movimientos naturales. El Justicialismo, siempre en su tercera posición ideológica, sostiene que la conducción económica de la Nación debe ser realizada conjuntamente por el gobierno y por los interesados, que son los productores, comerciantes, industriales, los trabajadores y aun los consumidores; ¡vale decir, por el gobierno y por el pueblo organizado! Mientras esto no se realice plenamente, el gobierno cometerá los errores propios de toda conducción unilateral y arbitraria por más buena voluntad que tenga." [24].
Estas indicaciones, que se refieren a la etapa de transición del Peronismo (cuando aún existe un importante sector económico privado), no suponen, ni mucho menos, que el Líder de la Revolución Nacional argentina oculte el objetivo final anticapitalista de su proyecto. De ahí que, a continuación de lo anterior, aclare: "Nosotros queremos compartir con los intereses privados la conducción económica de la República, pero exigimos que esos intereses se coloquen en la línea peronista que apunta a nuestros dos grandes objetivos económicos: la economía social y la independencia económica, porque ellos son mandato soberano que el pueblo nos ha impuesto y que nosotros tenemos que cumplir de cualquier manera: con la colaboración de las fuerzas económicas si es posible, o enfrentándolas, si ellas no quieren compartir con nosotros el mandato del pueblo soberano. En esta tierra no reconocemos, señores, más que una sola fuerza soberana: la del pueblo. Todas las demás están para servirla. Cualquiera que intente invertir este valor fundamental está, por ese solo hecho, atentando contra el primero, básico y esencial principio del peronismo; atenta, por lo tanto, contra el pueblo y está, por otra parte, fuera de la Constitución Nacional que rige el derrotero de la República (...) Es necesario que nadie se llame a engaño: la economía capitalista no tiene nada que hacer en nuestra tierra. Sus últimos reductos serán para nosotros objeto de implacable destrucción." [25].
La conclusión es que, ya sea con la participación de las organizaciones empresariales (en la etapa de transición) o sin ellas (cuando el Peronismo ha logrado su objetivo económico de entregar los medios de producción a los propios trabajadores autoorganizados), existe una planificación democrática e indicativa en la que participan el gobierno, los trabajadores (mediante los sindicatos, federaciones de cooperativas y de empresas comunitarias), organizaciones de usuarios de servicios y consumidores y todo tipo de organizaciones libres del Pueblo. Se evitan así los errores burocráticos de una planificación burocrática y ultracentralizada como la comunista y, por otro lado, se da un margen de maniobra relativamente grande al mercado [26].
Estado Sindicalista
Pero no sólo el Estado Justicialista va delegando gradualmente funciones económicas en las organizaciones de trabajadores. De hecho el Peronismo apunta a la socialización de la economía y del poder por lo que esas mismas organizaciones de trabajadores, federadas democráticamente desde la empresa hasta subir a nivel nacional, acaban asumiendo la representación y control político gradual del país: "La representación política tiene una función esencial que cumplir en el juego de la verdadera democracia que nosotros propugnamos. Pero también sostengo, como un principio indiscutible que emana de la experiencia política de los últimos tiempos, entre nosotros y en el mundo entero, que tan esenciales como las organizaciones políticas son, en el juego de la verdadera democracia, las organizaciones sindicales. No existe contradicción en nuestra doctrina cuando afirmamos que éste indudablemente es un momento de transición de los Estados políticos a los Estados de estructura sindical (...) La afirmación del derecho a la cooperación con el gobierno del país que nosotros reconocemos, propugnamos y realizamos para las organizaciones sindicales no excluye el derecho de ningún otro argentino; pero en la misma medida en que todos los ciudadanos del país vayan integrando la única clase de argentinos que debe existir en esta tierra: la clase de hombres que trabajan, la representación política dejará de serlo en el antiguo y desprestigiado sentido de la palabra, para adquirir el nuevo sentido peronista de su dignidad." [27].
La socialización de la economía y del poder, por lo tanto, van íntimamente ligadas y, como sagazmente afirmará Perón en un texto de 1968, ambos aspectos no se pueden jamás desligar ya que, en última instancia, los partidos demoliberales (instrumentos burgueses de deformación y control de la voluntad popular) son una consecuencia del capitalismo y, por lo tanto, sin acabar con el capitalismo es imposible sustituirlos por un nuevo y más efectivo tipo de democracia de los trabajadores: "Los que saben 'tomar el rábano por las hojas' y son partidarios de erradicar la política, suelen intentar hacerlo por decreto, sin percatarse que es muy difícil 'matar a nadie por decreto' cuando las causas siguen generando sus efectos, porque poca importancia tiene la existencia legal cuando está sometida la existencia real. Para que desaparezcan las entidades demoliberales, es preciso que antes desaparezca el demoliberalismo. En el mundo de nuestros días, al desaparecer paulatinamente el sistema capitalista, vienen desapareciendo también los partidos demoliberales, que son su consecuencia. Resulta lo más anacrónico cuando se atenta contra esas formaciones políticas mientras por otro lado se trata de afirmar por todos los medios el sistema que los justifica. La intención de dejar a los pueblos sin ninguna representación no es nueva ni es original porque todas las dictaduras lo intentan, pero la Historia demuestra elocuentemente que, cuando ello se produce, las consecuencias suelen ser funestas para las mismas dictaduras que lo promueven." [28].
Al contrario que el demoliberalismo capitalista y burgués, el Peronismo busca "una democracia directa y expeditiva" [29], pero a ella no se llega por dictaduras totalitarias de tipo fascista o marxista, sino por la profundización de esa misma democracia política y su extensión al terreno económico mediante la socialización directa (y no estatista) de los medios de producción. Se trata evidentemente, de un proceso largo, complejo y gradual del que, con sincera modestia, Perón reconoce haber iniciado tan sólo los primeros pasos: "Entre lo político y lo social el mundo se encuentra en un estado de transición. Tenemos la mitad sobre el cuerpo social y la otra mitad sobre el cuerpo político. El mundo se desplaza de lo político a lo social. Nosotros no estamos decididamente ni en un campo ni en el otro; estamos asistiendo al final de la organización política y al comienzo de la organización social (...) Es decir, todo ese proceso se va realizando. Yo no puedo abandonar el partido político para reemplazarlo por el movimiento social. Tampoco puedo reemplazar el movimiento social por el político. Los dos son indispensables. Si esa evolución continúa, nosotros continuaremos ayudando a la evolución. Cuando llegue el momento propicio le haremos un entierro de primera, con seis caballo, al partido político y llegaremos a otra organización. Pero estamos en marcha hacia el Estado Sindicalista, no tengan la menor duda." [30].
La democracia fabril y la autogestión de la economía irá, por lo tanto, sustituyendo gradualmente a los partidos políticos que no tienen porqué ser prohibidos o ilegalizados ya que, dejados de lado por los ciudadanos-productores, lanquidecerán y desaparecerán como cáscaras vacías.
¿Utopía Peronista?
¿Hasta qué punto puede llegar esa socialización de la economía y el poder propugnada por el Peronismo? De hecho el General Perón, y con él la mayoría de teóricos justicialistas, se han negado siempre a elaborar complejísimas elucubraciones al respecto por ser revolucionarios y no utopistas o futurólogos. Además: "La apelación a la utopía es, con frecuencia, un cómodo pretexto cuando se quiere rehuir las tareas concretas y refugiarse en un mundo imaginario; vivir en un futuro hipotético significa deponer las responsabilidades inmediatas. También es frecuente presentar situaciones utópicas para hacer fracasar auténticos procesos revolucionarios. Nuestro modelo político propone el ideal no utópico de realizar dos tareas permanentes: acercar la realidad al ideal y revisar la validez de ese ideal para mantenerlo abierto a la realidad del futuro." [31].
Desde esa perspectiva, desde la visión de un modelo "ideal" al que acercar la realidad y a revisar a la luz de esa misma realidad, puede ser de cierto interés la descripción que del socialismo nacional peronista hace, en la década de los 70, la hoy desaparecida "Tendencia Nacional y Popular del Peronismo":
"El socialismo nacional es el proyecto dentro del cual el pueblo argentino ejercerá un poder decisivo por sí y ante sí en los niveles del Estado, la empresa y la universidad a través del control obrero de los medios de producción, de comunicación y de educación. Es un socialismo de autogestión en el que cada fábrica, cada taller, cada laboratorio, aula o biblioteca se transforma en una célula política con poder de crítica y de control sobre la planificación nacional y la acción política interior y exterior. El socialismo nacional es la democratización absoluta del aparato informativo y la apertura integral de la capacitación técnica a la masa obrera. Es la formación de un partido capaz de emitir todos los impulsos ideológicos necesarios para que en cada momento del proceso el pueblo esté presente, real e intensamente, en la elaboración de las supremas decisiones nacionales. Es la asamblea del pueblo que transforma esos impulsos en leyes populares. Es el Estado técnico-planificador que concierta toda la actividad informativa y prospectiva desde y hacia las estructuras sociales y económicas descentralizadas. Socialismo nacional significa plena vigencia de la opinión comunitaria a través de consejos de producción, servicios y educación. Es la empresa bajo control del colectivo obrero. Es la universidad gobernada por profesores revolucionarios, investigadores y estudiantes. Es la alianza de la universidad y la empresa socializada y sometida al régimen de autogestión. Socialismo nacional es, en suma, participación total, justicia para los trabajadores y dominio del pueblo de todos los resortes de acción política." [32].
Peronismo de los trabajadores
Críticas de detalle al margen, el texto anterior puede considerarse una interesante aproximación a una economía peronista plenamente realizada aunque, volvemos a repetirlo, si en el Peronismo no abundan descripciones detalladas de ese tipo es porqué, a imitación de su fundador, la tarea esencial es imponer en la práctica un modelo político, económico y social que parta de la realidad actual para crear esa realidad nueva. Una realidad que, en un principio, no es aún socialista sino nacional y popular ya que la Argentina preperonista (como reconoce el propio Lenin en su célebre "El Imperialismo, Etapa Superior del Capitalismo" [33]) era una virtual "colonia comercial" británica. Por ello mismo, y sin necesidad de basarse en textos extranjeros, Perón afirma tajantemente que la tarea previa de cualquier revolucionario no era y no es otra que lograr quebrar esas cadenas imperialistas y recuperar la autodeterminación nacional, ya sea frente al imperialismo inglés del pasado o el imperialismo yanqui actual, que recolonizó la Argentina precisamente a partir del derrocamiento militar del Gobierno Popular Peronista en 1955:
"La felicidad de nuestro Pueblo y la felicidad de todos los pueblos de la tierra, exigen que las naciones cuya vida constituyen sean socialmente justas. Y la justicia social exige, a su vez, que el uso y la propiedad de los bienes que forman el patrimonio de la comunidad se distribuyan con equidad. Pero mal puede distribuir equitativamente los bienes de la comunidad un país cuyos intereses son manejados desde el exterior por empresas ajenas a la vida y al espíritu del Pueblo cuya explotación realizan. ¡La felicidad del Pueblo exige, pues, la independencia económica del país como primera e ineludible condición!" [34].
Consecuencia lógica del carácter antiimperialista de la revolución argentina durante su primera etapa es que la contradicción central no es "socialismo o capitalismo" sino "Patria o colonia", "Nación o Imperio", "Liberación o Dependencia". Sectores patrióticos y antiimperialistas, aunque no necesariamente defensores de un socialismo nacional tal cual lo entendía el General Perón, pueden y deben participar activamente en ese verdadero Movimiento Nacional de Liberación que es el Peronismo. Más aún, toda la historia del Peronismo puede reducirse a un esfuerzo doble, genialmente ejemplificado por la conducción de Perón: de un lado ampliar al máximo el Peronismo y su campo político y social de influencia; de otro lado generar los "anticuerpos" organizativos e ideológicos de masas suficientes como para que esa misma amplitud no acabe generando desviacionismos de "derecha" o de "izquierda", o frenando el impulso revolucionario del Movimiento de masas. Y aquí viene como anillo al dedo recordar una de las más conocidas cartas del General Perón a la Juventud Peronista: "No intentamos de ninguna manera sustituir a un hombre por otro; sino un sistema por otro sistema. No buscamos el triunfo de un hombre o de otro, sino el triunfo de una clase mayoritaria, y que conforma el Pueblo Argentino: la clase trabajadora. Y porque buscamos el poder, para esa clase mayoritaria, es que debemos prevenirnos contra el posible 'espíritu revolucionario' de la burguesía. Para la burguesía, la toma del poder significa el fin de su revolución. Para el proletariado -la clase trabajadora de todo el país- la toma del poder es el principio de esta revolución que anhelamos, para el cambio total de las viejas y caducas estructuras demoliberales. (...) Si realmente trabajamos por la Liberación de la Patria, si realmente comprendemos la enorme responsabilidad que ya pesa sobre nuestra juventud debemos insistir en todo lo señalado. Es fundamental que nuestros jóvenes comprendan, que deben tener siempre presente en la lucha y en la preparación de la organización que: es imposible la coexistencia pacífica entre las clases oprimidas y opresoras. Nos hemos planteado la tarea fundamental de triunfar sobre los explotadores, aun si ellos están infiltrados en nuestro propio movimiento político." [35].
La Tercera Posición justicialista no es, por lo tanto, un pálido capitalismo reformista "de rostro humano" ni una mezcla arbitraria de capitalismo y marxismo. Es una solución revolucionaria e integral: "El objetivo central de la 'Tercera Posición' puede resumirse así: 'Socializar sin disolver la personalidad, socializar sin extinguir la independencia de la conciencia individual frente al estado, socializar sin confundir totalmente individuo y sociedad, sociedad y estado." [36].
El General Perón, con su lenguaje siempre más sencillo y comprensible, lo sabrá decir de otra forma: "No todo es pan en esta vida. El trabajador debe no sólamente sembrar el trigo y amanasar el pan sino conquistar una posición, desde la cual puede dirigir la plantación y la fabricación del pan." [37].
Vigencia revolucionaria del Peronismo
En 1983, a poco de recuperar la democracia política en la Argentina, un estudioso del Justicialismo aseguraba con notable perspicacia sobre el Movimiento Peronista:
"En el aspecto ideológico se presentan, en términos sintéticos, tres grandes opciones: a) la de la alvearización bajo el modelo de un partido de inspiración social-cristiana o laborista, ésta última con cierta tradición en el Movimiento; b) la opción por el partido de vanguardia, contenida en las formulaciones del proyecto foquista guerrillero; c) la orientación hacia una democracia autogestionaria de los trabajadores que parte de las experiencias de lucha del justicialismo para articular democracia, lucha obrera y cuestión nacional." [38].
Dichas opciones, a grosso modo, se corresponden con tres interpretaciones históricas diferentes sobre la Doctrina Peronista:
a) Aquellos que se conforman con una reedición más o menos actualizada del periodo 1944-55, es decir: un capitalismo nacional autónomo, independiente con respecto al imperialismo, con fuertes rasgos democrático-populares y altamente distributivo. En esta visión que podríamos denominar "histórica" o "tradicional" del Peronismo deben ubicarso no sólo las fracciones "social-cristiana", "socialdemócrata" o "laborista", sino también ciertas corrientes "nacionalistas", incluso "fascistizantes" (que desdeñan los aspectos democráticos del pensamiento de Perón) o el autodenominado "nacionalismo popular revolucionario peronista", formalmente más "izquierdista" y en la práctica más combativo pero que, respecto a sus objetivos finales, no supera los límites de todo este espacio peronista.
b) El Peronismo fuertemente "heterodoxo" continuador de la pequeña burguesía peronizada en la decada del '60 y que, en diferentes grados y proporciones intenta amalgamar Peronismo y elementos ideológicos extraños a la tradición justicialista: planteamientos filocastristas o maoizantes, foquismo, "nueva izquierda" de los '60, etc. Esta corriente, hoy muy debilitada tras la derrota montonera, intenta ir más allá de la experiencia de 1945-55 pero el Socialismo Nacional que propugna tiene excesiva influencia marxista por lo que choca con la "lógica" del grueso del Peronismo que, generalmente con razón, tiende a visualizarlo como excesivamente en los bordes del Peronismo, con un pié dentro y otro en dirección a las sectas antiperonistas.
c) Quienes entienden que el desarrollo natural del Peronismo es una "democracia autogestionaria de los trabajadores" surgida no por introducción de una ideología o construcción teórica ajena al Peronismo sino como desarrollo de los planteamientos teóricos del propio General Perón y de la experiencia y memoria histórica del conjunto del Movimiento (y no sólo de fracciones internas "de vanguardia"). Esta corriente, por su mismo apego al "sentido común" de las bases y cuadros históricos del Peronismo y, además, ante la bancarrota histórica del marxismo (que salpica a la "izquierda peronista") neo o postmoderna, es la única que, hoy por hoy, puede hegemonizar a la militancia más combativa y consecuente del Movimiento, impidiendo la reedición de enfrentamientos fraticidas internos como los de la década del '70. Más aún, como esta corriente "revolucionaria ortodoxa" o "revolucinaria tercerista" (por reivindicar explícitamente el anticapitalismo del Peronismo, pero también su antimarxismo) surge de la "profundización" del Peronismo "tradicional" y no, como en el caso del montonerismo, de su negación, su posibilidad de desarrollo es enorme; en especial porqué ante una camarilla liberal que usurpa la conducción del Justicialismo pero niega todos sus postulados históricos (nos referimos, obviamente al menemismo) todos los sectores del Peronismo pueden actuar en conjunto durante un largo tiempo más allá de sus matices: "laboristas", "social-cristianos", "socialdemócratas", "nacionalistas", "nacionalistas populares revolucionarios" y "terceristas revolucionarios". El crecimiento de esta última tendencia depende, por lo tanto, más que de la prédica diferenciadora e ideologista, de la conducción práctica de todas y cada una de las luchas y su resultado organizativo.
Notas
1. Este Preámbulo puede consultarse en Julio Godio, El Movimiento Obrero Argentino (1943-1955), Ed. Legasa, Bs. As., 1990, pp. 211 y ss.
2. Juan Domingo Perón, Mensaje del Presidente de la Nación Argentina General Juan Domingo Perón al inaugurar el 86º Periodo Ordinario de Sesiones del Honorable Congreso Nacional, Subsecretaría de Informaciones de la Presidencia de la Nación, 1952, pp. 125-126.
3. Julio Meinville, Política Argentina 1949-1956, p. 284 (artículo del 29 de junio de 1951).
4. Juan Domingo Perón, op. cit., p. 47.
5. El término "autogestión" fue introducido en Francia a fines de los años 60 para designar un modo de socialismo no estatista, caracterizado por la "gestión directa" de la empresa por sus propios trabajadores, y no por los capitalistas privados o el Estado. Junto a esa concepción "restringida" de la autogestión (económica y reducida a nivel de empresa) existe otra concepción más amplia, y también más próxima al pensamiento del General Perón, que entiende la autogestión no sólo en el plano económico sino también, y a la vez, en el terreno político; socialización de la economía y el poder. La autogestión "integral" tiene entre sus antecedentes a diversas expresiones no marxistas del Movimiento Obrero europeo (asociacionismo de Proudhon, socialismo utópico de Fourier, anarcosindicalismo y sindicalismo revolucionario español, italiano y francés, guildismo inglés), corrientes marxistas diferenciadas del stalinismo y el trotskismo (consejistas, "titismo" yugoeslavo), pensadores revolucionarios cristianos (Mounier, Lebret) y ciertos Movimientos de Liberación del Tercer Mundo (el Frente de Liberación Nacional argelino durante la etapa de Ben Bella, la "Ujamaa" de Nyerere en Tanzania, la Revolución Nacional de Velasco Alvarado en Perú, determinados planteamientos del General Torrijos en Panamá, etc.). Se tratan, en todo caso, de diversos modelos nacionales que, hasta el momento, no se han consolidado por razones de orden político: relación de fuerzas nacional e internacional, etc.
6. Cristián Buchrucker, Nacionalismo y Peronismo, Ed. Sudamericana, Bs. As., 1987, p. 318.
7. J.D. Perón, La Fuerza es el Derecho de las Bestias, 1958, p. 14.
8. Eva Perón, "Historia del Peronismo" (curso de 1951), en Clases y Escritos Completos (1946-1955), Ed. Megafón, Bs. As., 1987, Tomo III, p. 98.
9. Juan Domingo Perón, Breve Historia de la Problemática Argentina, Ed. Claridad, Bs. As., 1989, p. 151 (transcripción de una serie de entrevistas concedidas a Eugenio P. Rom en 1967).
10. Juan Domingo Perón en Carlos María Gutiérrez, Reportaje a Perón. Diálogo sobre la Argentina Ocupada, Schapire Editor, Bs. As., 1974, p. 79.
11. Juan Domingo Perón, Mensaje del Presidente..., op. cit., p. 83.
12. Ibid., pp. 82-83.
13. Ibid., p. 57.
14. Ibid., p. 38.
15. Juan Domingo Perón, discurso ante horticultores bonaerenses en la Casa de Gobierno, 21 de septiembre de 1951.
16. Juan Domingo Perón, Los Vendepatria. Las pruebas de una Traición, Ed. Freeland, Bs. As., 1974, p. 166 (la primera edición es de 1957)
17. 2º Plan Quinquenal, Subsecretaría de Informaciones de la Presidencia de la Nación, Bs. As., 1953, p. 89.
18. Juan Domingo Perón, discurso ante representantes de cooperativas agrarias, 13 de octubre de 1952. Reproducido íntegramente en Mundo Peronista, Bs. As., n. 33, 15 de noviembre de 1952, p. 44.
19. Ibid., pp. 44-45.
20. Ibid., p. 45.
21. La progresiva "nacionalización" del Movimiento Obrero Argentino en el periodo de la "Década Infame" y su posterior influencia en el naciente Peronismo puede comprobarse en Hiroshi Matsushita, Movimiento Obrero Argentino (1930- 1945), Hyspamérica, Bs. As., 1983.
22. Sobre la influencia de la doctrina sindicalista revolucionaria en el Peronismo y el concepto de "Estado Sindicalista" en el General Perón ver la segunda parte del presente estudio: Sindicalismo Revolucionario Peronista, Ed. Guerra Gaucha, Bs. As.
23. Escuela Superior de Conducción Política del Movimiento Nacional Justicialista, Fundamentos de Doctrina Nacional Justicialista, Eds. Realidad Política, Bs. As., 1985, pp. 103-104.
24. Juan Domingo Perón, Mensaje del Presidente..., op. cit., p. 67.
25. Ibid. pp. 68-69.
26. No se trata, obviamente, del delirio liberal-menemista de la "economía popular de mercado", versión disfrazada de la "economía social (?) de mercado" del infame Alsogaray. Sin embargo, en experiencias socialistas autogestionarias bastante desarrolladas, como es el caso de la Yugoslavia de Tito, la práctica demostró la imposibilidad de una planificación total y la necesidad, dentro de una planificación indicativa, de ciertas formas de mercado libre que, al no existir grandes monopolios ni diferencias económicas destacadas, es realmente eso: libre. Ver D. Bilandzic y S. Tokovic, Autogestión (1950-1976), El Cid Editor, Bs. As., 1976.
27. Juan Domingo Perón, Mensaje al Presidente..., op. cit.. pp. 122-123.
28. Juan Domingo Perón, La Hora de los Pueblos, Ed. Distribuidora Baires, Bs. As., 1974, p. 130 (la primera edición es de 1968).
29. "Por otra parte, la democracia de nuestro tiempo no puede ser estática, desarrollada en grupos cerrados de dominadores por herencia o por fortuna, sino dinámica y en expansión para dar cabida y sentido a las crecientes multitudes que van igualando sus condiciones y posibilidades a las de los grupos privilegiados. Esas masas ascendentes reclaman una democracia directa y expeditiva que las viejas ya no pueden ofrecerles", Ibid., p. 14.
30. Juan Domingo Perón, discurso ante escritores asociados a la Confederación Argentina de Intelectuales, reproducido por Hechos e Ideas, Bs. As., n. 77, agosto de 1950.
31. Juan Domingo Perón, Modelo Argentino para el Proyecto Nacional, Ediciones Realidad Política, Bs. Aires, 1986, p. 88 (esta obra es el discurso pronunciado el 1º de mayo de 1974 por el General Perón ante la Asamblea Legislativa al inaugurar el 99º periodo de sesiones ordinarias del Congreso, así como el proyecto que presentó al mismo).
32. Este manifiesto, de junio de 1972, se encuentra reproducido como anexo en varios autores, Peronismo: de la Reforma a la Revolución, A. Peña Lillo Editor, Bs. As., 1972, pp. 187 y ss.
33. "No sólo existen los dos grupos fundamentales de países -los que poseen colonias y las colonias-, sino también, es característico de la época, las formas variadas de países dependientes que desde un punto de vista formal, son políticamente independientes, pero que en realidad se hallan envueltos en las redes de la dependencia financiera y diplomática. A una de estas formas de dependencia, la semicolonia, ya nos hemos referido. Un ejemplo de otra forma lo proporciona la Argentina.", V. I. Lenin, El Imperialismo, Etapa Superior del Capitalismo, Ed. Anteo, Bs. As., 1975, pp. 105-106. La edición original es de 1916.
34. Juan Domingo Perón, Mensaje del Presidente..., op. cit., p. 31.
35. Carta de Juan Domingo Perón a la Juventud Peronista, octubre de 1965. Reproducida en Roberto Baschetti, Documentos de la Resistencia Peronista (1955-1970), Puntosur Eds., Bs. As., 1988, pp. 222-223.
36. Salvador Ferla, La Tercera Posición Ideológica y Apreciaciones Sobre el Retorno de Perón, Ed. Meridiano, Bs. As., 1974, p. 23.
37. Juan Domingo Perón, discurso ante representantes obreros, 24 de febrero de 1949. Citado en Habla Perón (selección de textos), Ed. Realidad Política, Bs. As., 1984, p. 106.
38. Jorge Luis Bernetti, El Peronismo de la Victoria, Ed. Legasa, Bs. As., 1983, pp. 210-211. Por "alverización" se entiende un proceso de "domesticación" e integración al Sistema, similar al que Alvear realizará con la Unión Cívica Radical a la muerte de Hipólito Yrigoyen.
00:05 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théorie politique, politique, amérique latine, amérique du sud, argentine, péronisme, justicialisme | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
Fédéralisme écologique

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995
Fédéralisme écologique
Dans l'archipel vert, tous sont plus ou moins d'accord, du moins en théorie, pour dire que le fédéralisme est la projection politique la plus adéquate pour traduire le mot d'ordre de Commoner, “penser globalement, agir localement”, mot d'ordre répété à satiété chez tous les activistes de l'écologie. En réalité, rien n'a été fait dans ce sens: les verts politiques ont accumulé des retards considérables et sont désormais obligés de céder cette thématique localiste à des forces différentes et hétérogènes, situées à droite, au centre et à gauche. Ces forces instrumentaliseront à leur manière ce mot d'ordre qui aurait dû être le point fort des mouvements écologistes d'Europe, leur thème idéologique le plus attractif.
Au contraire, aux Etats-Unis, où, forcément, les contradictions du modèle de développement occidental sont plus fortes, un groupe écologiste bien charpenté, réuni autour d'hommes également connus en Europe, tels Gary Snyder, Kirkpatrick Sale et, surtout, Peter Berg, ont su conjuguer l'écologisme au localisme; ils ont ainsi donné vie au mouvement biorégionaliste. Le BIORÉGIONALISME propose une restructuration complexe et complète de l'organisation territoriale —pour le bien non seulement des êtres humains mais de toute la biosphère— remettant en question les frontières arbitraires entre les Etats; ils combattent au nom du principe d'auto-détermination des peuples; ensuite, ils redessinent les autonomies et les complémentarités sur base des identités et des différences naturelles et culturelles, depuis la plus simple, soit la communauté locale, jusqu'à la plus complexe, Gaia, soit la planète Terre. Plus exactement, le biorégionalisme, qui songe à changer le nom du mouvement qu'il représente en “Habitants de la Terre”, considère à nouveau la Terre comme une créature vivante, et se perçoit comme une modalité “sacrée” de dialogue avec Gaia et avec les créatures qui vivent en elle, comme une modalité qui implique respect et admiration, et éveille un sens des limites qui empêche tout abus.
Tout cela n'est possible que si l'on cultive une sensibilité nouvelle vis-à-vis des spécificités propres aux lieux et aux cultures, si l'on développe une loyauté politique à l'endroit du territoire où l'on vit; sensibilité et loyauté qui doivent s'associer à des pratiques économiques et sociales identitaires, étrangères au contractualisme mercantile. La pluralité des identités communautaires, l'internationale des patries, évitent les risques de décentrage du pouvoir et, par conséquent, les risques de colonialisme ou d'impérialisme.
La notion de complémentarité et le développement d'un réseau serré de relations inter-communautaires —sur les modes de la subsidiarité et de l'interdépendance— pourraient définir bientôt le projet d'un véritable FÉDÉRALISME ÉCOLOGIQUE. Le problème de fond, c'est de repenser le monde, non plus “à partir de l'Occident”, de son universalisme et de son monisme centraliste, face auxquels tout le reste du monde n'est que périphérie ou colonie: il s'agit surtout de comprendre qu'“en tout lieu, il y a un centre de monde” et que, pour chaque homme, il y a une identité personnelle et communautaire, un monde propre, un territoire humain spécifique, naturel et culturel. C'est la raison pour laquelle le biorégionalisme, bien que né en Amérique du Nord, est un produit d'exportation à 100%. De toute évidence, ce nouvel “isme” n'est pas une “boîte fermée”: les différences historiques, culturelles et sociales entre l'Italie et les Etats-Unis sont telles qu'elles pourraient rendre toute greffe impraticable. Mais il n'est pas question d'un simple transfert: nous avons affaire à une idéologie née “ouverte”, qui se contredirait elle-même si elle prétendait fournir des préceptes absolus, de nature idéologique, posés comme universellement valides.
La perspective biorégionaliste voit dans l'Etat-Nation moderne une institution récente dans l'histoire et, simultanément, le perçoit comme obsolète. L'Etat-Nation s'est imposé à la suite d'une longue lutte acharnée contre les autonomies locales, en transformant le citoyen, jadis agent actif dans le processus de la décision politique (comme dans la polis grecque et le Burg médiéval), en récepteur passif de biens et de services. Il a changé les politiciens: de responsables de la communauté, ils sont devenus les représentants formels des intérêts des groupes économiques et sociaux précis. Certes, il ne sera pas simple d'esquisser les grandes lignes d'un système politico-constitutionnel complet basé sur les principes du biorégionalisme, pouvant se substituer aux modèles actuels en Europe.
Pourtant il est d'ores et déjà possible d'affirmer qu'un éventuel fédéralisme biorégionaliste italien ne saurait oublier que les populations de la péninsule italique possèdent des frontières géographiques déjà bien déterminées, dont la pertinence dérive en grande partie des vicissitudes historiques: en Italie, les identités collectives se sont formées au fil des siècles et elles sont immédiatement reconnaissables dans les dialectes et dans les rythmes de la parole, qui, à leur tour, correspondent à des différences parfois somatiques, à des éléments de culture bien circonscrits, souvent reliquats d'identités très anciennes. On parle des Ligures, des Celtes, des Vénètes, des Etrusques, des Latins, des Picènes, des Ombres, des Samnites, voire des Osques, des Lucanes et des Bruzzes... Nous pouvons, chez nous, individuer des souches ethniques qui, en dépit d'un processus continu de dissolution et de coagulation, n'ont finalement jamais disparu, tant est fort leur enracinement sur un territoire “propre”.
Le fédéralisme biorégionaliste ne pourra que prendre la mesure de ces réalités profondes en Italie, qui sont d'ordres culturel et écologique tout à la fois. Il devra proposer un double niveau d'institutions.
La RÉGION, où prédomine l'élément culturel, et la COMMUNE, encastrée dans une “biorégion”. Tout projet de type biorégionaliste en Italie conduit à agir politiquement pour stimuler les forces locales et, en conséquence, revaloriser toutes les structures construites à la mesure des communautés concrètes de voisinage ou de proximité, ou basées sur des facteurs culturels immédiats et partagés. Les métropoles, c'est-à-dire les villes de plus de 2000 ou 3000 habitants, devront-elles dès lors être considérées comme incompatibles par rapport au projet biorégionaliste?
Si l'on parle de régions et de communes, sur le plan opératif, on se réfère à des entités existantes, mais, on devra aussi, nécessairement, proposer des divisions nouvelles ou des reconstitutions en entités redessinées, partout où le postule la renaissance de la dynamique politique, culturelle et locale. Dans la vision biorégionaliste, la commune assume un rôle de tout premier plan; elle devra donc bénéficier d'un haut degré de souveraineté et d'intangibilité, jusqu'à une autonomie financière et fiscale concrète, une autonomie judiciaire et même législative. La région devra donc tout à la fois être “formée de” et “divisée en” communes.
C'est clair: ce discours interpelle fortement l'Etat unitaire, surtout dans les régions frontalières. Si les Occitans, les Tyroliens ou d'autres utilisent le biorégionalisme pour créer des nouvelles réalités institutionnelles transétatiques en zones alpines, ou si la Sardaigne et la Sicile revendiquent dans cette optique un statut de nations à part entière, leurs démarches n'auront de valeur et de raison historique que par rapport à un gouvernement central. Pour le reste, garder l'unité entre des entités géorégionales à l'intérieur d'un même Etat fédéral, sera toujours la tâche d'une raison historique, sans laquelle l'unité n'est possible que comme dominium du centre ou d'une partie sur toutes les autres.
Eduardo ZARELLI & Lorenzo BORRÉ.
(article paru dans Pagine Libere, février 1995).
00:00 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : terroirs et racines, racines, terroirs, régions, régionalisme, autonomies, fédéralisme, sciences politiques, politologie, philosophie | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
vendredi, 06 mars 2009
"Continente Indiano" - Entre Nomos y Anomos
"Continente Indiano"Entre nomos y anomosIntroducción al libro de Eduardo Hernando, Pensando Peligrosamente: el Pensamiento reaccionario y los dilemas de la democracia deliberative Tres paradigmas históricos, a cual más pesimista, dominan el atribulado horizonte de este fin de milenio y de siglo, el "más sangriento de toda la historia cristiana", al decir de Juan Pablo II. El primero (1992) el neohegeliano del yanqui nipón Francis Fukuyama, funcionario de la Oficina de Planificación Política del Departamento de Estado Americano y analista de la Rand Corporation. El segundo (1993) el de uno de los nuevos superhombres de Harvard, Samuel P. Huntington, americano también, Director del John M. Olin Institute for Strategic Studies, el mismo que patrocinó a Fukuyama, y ex-director del ya más que polémico Council of Foreign Relations. En éste se persigue las huellas de Spengler. El tercero (1992), menos difundido hasta ahora, el de un filósofo casi ignorado fuera de los círculos más selectos de Europa: el griego Panajotis Kondylis, quien ya desde 1984 se había hecho valer entre los grandes pensadores de hoy por causa de su ensayo sobre Poder y Decisión (Macht und Entscheiund). Kondylis es profesor en Heidelberg y discípulo de Conze. Se suele citar, entre otros, a Nietzsche, Karl Marx y Carl Schmitt como los inspiradores de Panajotis Kondylis. En poco menos de ocho años la tesis de Fukuyama ha sido proclamada ya urbi et orbi. El argumento central deriva sus rumbos entre Hegel y Nietszche y se aplica a la consumación de la historia desde la doble caída del soviet y el muro: el ingreso a una era en que la victoria de la democracia liberal y el capitalismo se hacen ya irreversibles. Paradójicamente la victoria que anuncia no es la del oscurantismo y el conservatismo social que asociara el marxismo al capitalismo burgués. Sino la de la Revolución Burguesa en Sí Misma ---la americana y francesa--- paralizada hasta hoy, en sus logros,. por la resistencia de fuerzas arcaizantes, mitificadoras y utópicas que representara el marxismo. Ante el desconcierto de las viejas izquierdas, en el neoliberalismo revolución y reacción invierten de este modo sus signos. Los conflictos que el mundo pudiera seguir contemplando en los años futuros no serán ya otra cosa que insignificantes querellas entre fuerzas que encarnan antiguos valores, en fase de descomposición, y la fuerza progresista del liberalismo, la democracia representativa y el mercado imparables que --desde los Estados Unidos de América-- encarnan la posthistoria sin fin de un mundo unicultural y monohegemónico al que el mismo Fukuyama reconoce, por fin, como un "futuro que no tiene futuro" y que se pierde en el tedio de ideales vacíos y pragmatismo hedonístico. En el horizonte ideológico brumoso y teutónico en que buscan moverse los tres paradigmas, el modelo de Huntington perfila más bien un Ragnarok o Batalla Final. Los actores principales en el mundo que nace serán --- nos anuncia--- no ya las superpotencias como antes sino los estados centrales de las ocho civilizaciones que juzga primarias: la euro-norteamericana, la europeo-oriental o eslava, la islámica, la confuciana, la budista, la japonesa, la latinoamericana y la africana. Se comportan --sostiene-- como gigantescas "placas tectónicas" que inevitablemente chocaran entre sí, dando lugar a una serie interminable de convulsiones y guerras que modelarán el siglo que nace. Entre tanto, los pueblos con cultura común se están acercando. Los países de culturas plurales se desintegran o enfrentan desgarradoras tensiones. En este nuevo mundo, la política local termina centrada en el conflicto de lo étnico; la política mundial en el de lo civilizatorio a más grandes escalas. Panajotis Kondylis, más esencialmente germano --tal vez justo a causa de su origen helénico-- se esfuerza por trascender de la bruma teutónica a la luz hiperbórea. Más que Fukuyama y que Huntington, sale al encuentro de pensadores insignes de nuestra tradición filosófica que ejercen influencia notable sobre el pensamiento de Schmitt. Como con la juventud hegeliana a Cieszkowski, le preocupa, ante todo, la relación entre la teoría y la praxis, el divorcio entre la existencia y el texto y entre las lógicas, frecuentemente antagónicas que éstos imponen. La polisemia, universalmente confusa, contradictoria y en el fondo vacía, que revela el examen empírico de nociones comunes como libertad, democracia, liberalismo o libre mercado y que manda y comanda los conflictos de la era ¿es accidental o inherente a la condición del lenguaje en los tiempos modernos? ¿no es acaso ---hace eco a Schmitt-- inherente a la misma palabra --particularmente en el campo político-- el sentido polémico?. Kondylis evade sistemáticamente la trampa que las abstracciones imponen, refugiandose en el hombre concreto colocado en una situación histórica dada. "Sólo hay existencias humanas colocadas en situaciones concretas, que actúan y reaccionan específicamente en cada ocasión; una de esas acciones y reacciones específicas consiste, según la terminología habitual, en concebir ideas o apropiarse de ellas. Ahora bien, las ideas no intervienen inmediatamente, sino que son sólo las existencias humanas las que van a actuar, en nombre de esas ideas, en el interior de sociedades organizadas. Igualmente, las combinaciones de ideas son la obra de existencias humanas que se fundan sobre su propia relación con otras existencias. En fin, las ideas no son ni vencedoras ni vencidas: su victoria o su derrota representan simbólicamente el dominio o la sumisión de ciertas existencias humanas", sostiene. "El pensamiento y el lenguaje cuentan entre los instrumentos de la afirmación de sí mismo". "Seguramente, es posible morir por `la' verdad -pero solamente por la nuestra, es decir, la que coincide con nuestra propia identidad". La lógica del combate o --más bien la relación amigo-enemigo como piensa Carl Schmitt define una relación ontológica que trasciende a la ideología y al texto. Lo que cuenta, por eso, en último término, en la era que empieza, no debiera buscarse en la lógica del discurso triunfante --mera imagen lingüística en el plano virtual--- sino en la de su relación con la praxis de la que la separa y enfrenta una brecha creciente. El antagonismo y la incoherencia crecientes entre idealización y existencia, entre el lenguaje moral y la acción de la fuerza. Sobre la base de estas incongruencias Kondylis avisora un escenario distinto en el que las fuerzas en juego son más bien las que representan a "pequeños y grandes". Una lucha orientada de un lado a imponer un esquema uniforme, abstracto y formal en el orden global sobre una negación de las existencias y diferencias humanas concretas y reales; y del otro a afirmar el derecho de las pequeñas naciones a sus propias demandas de libertad y democracia o derechos humanos en los términos propios que sus identidades derivan. Y es que como lo advierte en forma temprana el ultramontano De Maistre quien sostuvo no haber conocido nunca hombres sino simplemente alemanes, griegos, persas o franceses: "…une constitution qui est faite pour toutes les nations, n´est faite pour aucune: cést une pure abstraction, une oeuvre scolastique fait pour exercer l´esprit d´après une hypothése idéale, et qu´il faut adresser à l´homme, dans les espaces imaginaires oú il habite". El racionalismo instrumental del mundo técnico, la racionalidad utilitarista del Estado de derecho, el individualismo atomista y la impersonalización de los vínculos humanos que ésto trae consigo configuran el peor enemigo de la paz en los tiempos futuros y serán ---según lo percibe Kondylis--- factores cruciales en una reemergencia masiva de nacionalismos e identidades históricas. A pesar de las diferencias de sus enfoques y aproximaciones específicas los tres paradigmas con los que he elegido en estas páginas presentar el horizonte filosófico que abre el milenio concuerdan en la identificación de una fuerza corrosiva que socava desde sus raices mismas todos los futuros previsibles. Es la fuerza ---o antifuerza--- de la anomia o descomposición moral que afecta las bases de la nueva sociedad desde el momento mismo en que nace. "A Fukuyama le preocupa el egoísmo y el excesivo individualismo de las sociedades liberales, su implacable erosión de todas las formas de comunidad y de moral social. Para funcionar debidamente, las sociedades liberales dependen de tradiciones culturales no liberales o preliberales, especialmente las que se basan en la religión. Y son precisamente estas tradiciones las que el liberalismo socava. Si todo el mundo se está volviendo liberal, todo el mundo también se está volviendo amoral" comenta Krishan Khumar. "Los liberales lockeanos como… Jefferson o Franklin…no vacilaron en afirmar que la libertad requería la creencia en Dios. El contrato social entre individuos con intereses propios racionales, en otras palabras, no se sostenía por sí mismo sino que necesitaba una creencia suplementaria en castigos y premios divinos". "La decadencia ha ocurrido no a pesar de los principios liberales, sino a causa de ellos…no será posible ningún fortalecimiento de la vida comunitaria a menos que los individuos… acepten la vuelta a ciertas formas históricas de la intolerancia" citaba a Fukuyama yo, de mi parte, unos años atrás Y ahí donde Fukuyama deja abierta esa puerta de la intolerancia a cuya apertura se hará cada vez más favorable en sus escritos y libros posteriores, Samuel Huntington se impone el abrirla desde una perspectiva distinta. Gobiernos y pueblos de todo el mundo se enfrentan hoy a una crisis de identidad ---sostiene--- que resuelven redefiniéndola en términos culturales. Como resultado de este proceso, la política mundial está siendo reconfigurada a lo largo de líneas culturales. La esencia de los conflictos actuales en el mundo ---dice-- es de naturaleza cultural y los puntos de fricción son aquellos donde distintas civilizaciones entran en contacto. La imagen apropiada ---insiste--- sería la de las placas tectónicas que, al chocar, unas se superponen, otras se hunden, pero, en todo caso, producen graves perturbaciones. Samuel Huntington, frasea esta geología ficticia de tal modo que termina convirtiendola en un instrumento de homogenización o arrasamiento universal de las diversidades culturales en su esencia ---fundamentalmente religiosa--- bajo el argumento inexorable de que ni la realización del estado de democracia universal ni la del mercado abierto globalizado que considera inseparables del espíritu de la civilización euro-norteamericana podría realizarse sino bajo la cobertura de un solo liderazgo en lo politico y la imposición de un único sistema de creencias, de valores y conductas ---es decir de religión--- que garantizara en lo esencial la uniformidad de la cultura planetaria. "Uno de los rasgos más definitorios de la Modernidad es el odio a la diversidad cultural. Para la Modernidad sólo puede existir una Cultura, la suya propia. La Modernidad es etnocida por definición y sustancia. Hoy los Estados Unidos se están lanzando a una lucha titánica para eliminar y destruir las grandes culturas que aún subsisten en nuestro planeta. Como nuevos jacobinos a escala planetaria, su objetivo -ya formalmente declarado y asumido- no es otro que el de extirpar de la superficie del planeta todo vestigio de diversidad cultural", según un reciente comentario a propósito del horizonte que Huntington propone. "El fracaso de los grandes dogmas de la democracia de masas puede conducir no sólo a un largo y salvaje desorden, sino también a un orden brutal donde la política, reducida a la distribución de bienes, impondría por la fuerza una severa disciplina con el fin, precisamente, de realizar esta tarea. Podría entonces conservarse el ideal de la igualdad y seguir interpretándolo en el sentido democrático y material, pero no se podrá hacer lo mismo con las actitudes hedonistas que están en la base del consumo de masas en las democracias occidentales...", sostiene Kondylis por su parte.. "la manera en que la sociedad mundial afronte el problema de la anomia influirá considerablemente sobre la estructura del orden mundial futuro y sobre el carácter de las próximas guerras". Sugiere en otro lugar que la combinación de democracia de masas y ética universalista podría conducir a una biologización de lo político -una reducción de la política a la simple lucha por la supervivencia. Del pensamiento de Kondylis se deriva una conclusión que era de esperar. Las preocupaciones de Huntington y de Fukuyama no pasan de ser la manifestación de un ansia frustrada de control que se niega a sí misma en su propio principio: ahí donde la autoridad temporal ---que por su propia naturaleza es de orden externo y que arraiga en el dominio de las fuerzas materiales--- y la autoridad moral ---que por su propia naturaleza es de orden interno y de raiz espiritual--- han sido extrañadas del logos, del telos y el nomos que constituyen su principio de armonía en el orden humano, se extiende inevitablemente en la tierra la oscuridad de Saurón y Mordor estableciendo el dominio de Anomos y el Imperio de Anomia. El problema de la anomia no es, por cierto, una preocupación exclusiva de la escuela sociológica positivista de Durkheim sino que se encuentra entretejido de manera inextricable no solo en la discusión metapolítica de pensadores como Schmitt (¿cómo hablar del nomos sin ocuparse de la anomia?), en las teopolíticas de los ultramontanos como De Maistre, Chateaubriand, De Bonald, Donoso y otros más y, por supuesto en las puramente teológicas de quienes se han ocupado de la escatología o doctrina apocalíptica sobre cuyo tema han llegado ahora a coincidir los pensadores seculares de fin de milenio. En el otro extremo de la durkheimiana discusión sobre los indicadores estadísticos de descomposición social y las tasas de suicidio se encuentra, más allá de las fronteras entre la latinidad y la ortodoxia una larga tradición de exégesis de los textos paulinos de Tesalonisences y las profecías de Daniel que ha sido compartida en occidente por grandes pensadores como Isaac Newton y en el oriente por filósofos como Nikolai Danilevsky, Vladimir Soloviev y sus seguidores actuales. Es esta una tradición teopolítica a la que De Maistre no fue ajeno sin duda y con la que con seguridad debió familiarizarse durante las largas noches blancas en las que transcurrieron las veladas de su exilio de San Petersburgo. Su más expresión más explícita está contenida en el texto paulino que sirve de epígrafe a estas páginas y que en libre y moderna traducción puede leerse en éstos términos: "Vosotros sabeís qué es el [ katejón] que impide que se muestre [el apocalipsis de] la secreta anomia… y si es retirado eso que le retiene [el katéjon] el anomos se mostrará abiertamente". Presentando mis excusas a traductores más hábiles, destaco que las palabras griegas anomia, katejón y anomos, son las que nuestras biblias suelen traducir como "iniquidad", "obstáculo, impedimento o sello" y "hombre de iniquidad" o "anticristo". Me limitaré aquí a reproducir el comentario de Alexander Dughin, uno de los más destacados pensadores geopolíticos en la Rusia Postrevolucionaria: "on the teological and soteriologic function of the Emperor, based on the 2nd message of Saint Apostle Paul to Ptessalonicians, in which the question was about the “holding one”, “catejón", the “holding one” is identified by the orthodox Christian exegetes with the Orthodox Christian Emperor and the Orthodox Christian Empire. Catholicism from the beginning - i.e. right after the defection from the united Church - took another model instead of the symphonic (caesarian-papist) one , in which the authority of Roman Pope spread also onto the spheres, which were strictly referred to Basileus's competence in the symphonic scheme. Catholicism broke the providential harmony between the temporal and spiritual dominions, and, according to the Christian doctrine, fell into heresy". Resulta iluminado, con ésto, el núcleo profundamente escatológico que se oculta tras las formas filosóficas, ideológicas, políticas y aun jurídicas que se muestran en la más o menos agitada superficie de esta discusión sobre el telos de la evolución y del progreso que se prolonga ya por lo menos dos siglos en las sociedades de origen latino y helénico; y que, desde una armazón teológica encubierta por la jerga cientista de las disciplinas sociales de la postrevolución francesa, articula aspectos tan varios de nuestro pensamiento moderno como los que atañen al ultramontanismo, al socialismo utópico, al sinarquismo de Saint Yves, al positivismo sansimoniano y al de Comte, al hegelianismo y a la juventud hegeliana, a los mesianismos politicos de Towianski y de Mickievicz, a los utopìsmos evangélicos y protestantes del siglo XIX, a la ortodoxia paneslávica, al marxismo, al bolchevismo, al nazismo con su aspiración joaquimita y last but not least a las nuevas ideologías seculares de fin del milenio y a los omnipresentes delirios del New Age. Los nuevos caminos que se abren a la investigación de estos últimos doscientos años perturbados ahora ya no por el fantasma del comunismo sino por el de la anomia encuentran sus primeros exploradores hoy día en las investigaciones de Elinor Schaffer, Laurence Dickey. Krishan Kumar, Christopher Norris, Frank Kermode, Edward W. Said y otros muchos más. Sus precursores en Löwith y en Blumenberg. Sostuvo el primero: "La irreligión del progreso sigue siendo una especie de religión que se deriva de la fe cristiana en una meta [telos] futura y en la que se sustituye un eschatón definido y trascendente por uno indefinido e inmanente". Pero, una vez establecido, consolidado y confirmado el Reino de Anomia y de Anomos, ésto es el de la "iniquidad", "in-equidad" o "injusticia", aquel en el que las libertades devienen abstracciones y la vida cuotidiana termina por la fuerza y el dinero sometida a una coacción férrea y tiránica, donde los privilegios no se someten más a la medida del deber ni los deberes se acompañan de los derechos respectivos, donde los lazos naturales que vinculan los hombres en una humanidad compartida quedan todos disueltos y el individuo -aislado en tal forma-- es sometido al desamparo total, donde la rectitud de la moral y la eficacia de la fuerza se mantienen en una contradicción insoluble en la que se desgarran las almas…¿a qué es a lo que deberemos llamar reaccionario?. Eduardo Hernando Nieto, en este libro, nos provée un intento de respuesta: "es ésto finalmente --dice-- lo que representa el pensamiento verdaderamente reaccionario, una Reacción franca ante una acción que convierte esta realidad en un virtual choque entre una cosmovisión ideológica (revolución) y una tradición metapolítica (catolicismo)". Una cosmovisión ideológica ---ésto es, el mero producto de una doxa, una opinión especulativa que aspira a hacerse autónoma frente a la Razón que por necesidad la trasciende. Y una tradición metapolítica, ésto es anclada en un principio trascendente, ese Logos que ya la Ilustración nos dió por perdido y que resplandece por Sí en las tinieblas como eterno garante de unidad y armonía entre espíritu y carne. Llegados al momento preciso al que Nietszche ---cien años atrás--- hablando de historia,.describió como "la línea de la nada", la fuerza misma de las cosas impone la inversión de valores que se hallan ya en su totalidad trastocados en este patético fin de una civilización que ha perdido su norte. Si, como Fukuyama pretende, en el neoliberalismo revolución y reacción invierten sus signos, la Reacción se hace entonces Revolución finalmente. Se muestra inquebrantable, por fin, como una vocación cada vez más consciente por la restauración del sello, el katéjon en el que se constituye la armonía de espíritu y carne, de la razón moral y la fuerza, de derecho y deber, de colectividad e individuo y en el que se hace nuestra humanidad, en su plenitud, epifánica. Una inversión del hegelianismo epigonal y decadente de Fukuyama y Huntington como la que ya anticipaba Cieszkowski, anticipandose también a Karl Marx al reclamar el retorno de la teoría a la praxis y la rehabilitación de la materia y la carne en la justicia social y económica y como aquella en la que señalaron caminos de encuentro entre trabajo y espíritu, pensadores de la talla de Ernst Jünger y Ernst Niekisch. Nos conduzca, en la espera, el optimismo de Schmitt: "El nuevo nomos de nuestro planeta crece irresistiblemente. Muchos no ven ahí mas que muerte y destrucción. Algunos creen vivir el fin del mundo. En realidad, lo que estamos viviendo es el fin de una relación hecha ya antigua. El viejo nomos entra en decadencia y con él todo un sistema de medidas, de conceptos y hábitos adquiridos. Pero lo que viene no tiene por qué ser pura desmesura, ni una nada enemiga de todo nomos. Pueden emerger justas medidas y pueden tomar forma proporciones razonables, incluso en medio del combate cruel entre las antiguas y las nuevas fuerzas. También aquí existen dioses que gobiernan. Inmensa es su grandeza". El hombre, semejanza e imagen de los dioses --anuncia--- volverá a ser la medida de todas las cosas. Fernando Fuenzalida Vollmar Referencias:Blumenberg, Hans: The Legitimacy of the Modern Age, Cambridge, Mass.1985 |
00:15 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : géopolitique, amérique latine, amérique du sud, amérique, politique internationale | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
mercredi, 04 mars 2009
E. Todd: "Le protectionnisme est l'antidote à la guerre"
EMMANUEL TODD : « LE PROTECTIONNISME EST L’ANTIDOTE A LA GUERRE »
Ex: http://unitepopulaire.org/
« Le libre-échange est responsable de la crise dans laquelle nous sommes plongés. Il tire les salaires vers le bas et attise les conflits sociaux. Il faut sortir de ce système, mais de façon réfléchie, en se donnant du temps. Je ne suis pas un dogmatique buté. Aujourd'hui, c'est le libre-échange, avec sa théorie des avantages comparatifs, qui nous conduit à la guerre. Le protectionnisme est l'antidote à la guerre.
C'est l'Europe qui doit être le moteur de ce nouveau projet économique. Le continent européen a une économie relativement saine. Il produit ce qu'il faut d'exportations pour financer ses importations de matières premières. Le protectionnisme est la meilleure manière de se protéger – ce n'est pas un gros mot – de la pression exercée par les salaires des pays émergents. Et ce, pour permettre en Europe une relance des salaires et de la demande. (...)
Le centre de gravité économique dans le monde a repassé l'Atlantique. Il est en Europe, et plus particulièrement en Allemagne. Or les Européens ne font pas preuve de responsabilité face à cette mission qui est la leur. Ils ont le prétexte de la division, mais en vérité ils sont aussi dans un état de manque de réflexion économique, qui est probablement encore pire que celui des Américains. Ils se comportent comme des enfants qui ne veulent pas devenir adultes. Ils ne peuvent pas se contenter de mettre en place un protectionnisme européen à moyen et long terme, ils doivent s'accepter en tant que régulateurs hégémoniques dans le monde sur le plan économique. (...)
La crise de 1929 a produit le Front populaire en France, le New Deal aux Etats-Unis, le nazisme en Allemagne, un conservatisme un peu mou en Angleterre. On devrait assister, compte tenu d'une certaine dérive oligarchique, avec beaucoup d'inégalités des revenus, à l'émergence d'un mélange de lutte des classes et des générations. On a vu la crise des banlieues en France, et aujourd'hui les événements de Grèce. »
Emmanuel Todd, interviewé par Le Matin, 14 décembre 2008
LE LIBRE-ECHANGE OU LA DÉMOCRATIE : IL FAUT CHOISIR – LA FIN D’UN CYCLE – LE RÉVEIL EN FORCE DU PROTECTIONNISME CHINOIS
00:31 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, protectionnisme, économie, affaires européennes, politique internationale | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
mardi, 24 février 2009
Proudhon: Etre gouverné...

Être gouverné
“Être gouverné, c’est être gardé à vue, inspecté, espionné, dirigé, légiféré, réglementé, parqué, endoctriné, prêché, contrôlé, estimé, apprécié, censuré, commandé, par des êtres qui n’ont ni titre, ni la science, ni la vertu…
Être gouverné, c’est être à chaque transaction, à chaque mouvement, noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, coté, cotisé, patenté, licencié, autorisé, admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé.
C’est sous prétexte d’utilité publique et au nom de l’intérêt général être mis à contribution, exercé, rançonné, exploité, monopolisé, concussionné, pressuré, mystifié, volé ; puis, à la moindre réclamation, au premier mot de plainte, réprimé, amendé, vilipendé, vexé, traqué, houspillé, assommé, désarmé, garrotté, emprisonné, fusillé, mitraillé, jugé, condamné, déporté, sacrifié, vendu, trahi, et pour comble, joué, berné, outragé, déshonoré.
Voilà le gouvernement, voilà sa justice, voilà sa morale ! Et qu’il y a parmi nous des démocrates qui prétendent que le gouvernement a du bon ; des socialistes qui soutiennent, au nom de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, cette ignominie ; des prolétaires qui posent leur candidature à la présidence la République !”
Pierre-Joseph Proudhon, “Idée générale de la révolution au XIXe siècle”
00:10 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anarchisme, proudhon, gouvernance, théorie politique, histoire politique, politique | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
dimanche, 15 février 2009
De la théologie politique américaine

Nikolaj-Klaus von Kreitor:
De la théologie politique américaine
«C’est un paradoxe flagrant de l’histoire de voir comment un nationalisme précis (et particulièrement puissant) se déclare non seulement “prophétique” mais aussi universel, tout en se matérialisant dans de nombreux actes d’expension ou d’interventionnisme».
Anders Stephenson*
L’éminent juriste allemand Carl Schmitt a caractérisé l’idéologie de l’expansionnisme et de l’impérialisme américains comme une théologie politique, qui est en même temps totalitaire, dogmatique et pseudo universaliste, et qui s'ingénie à faire l'équation —avec le zèle et la ferveur d’un Torquemada— entre l’intérêt international particulier des Etats-Unis et l’intérêt du genre humain.
Hans Morgenthau remarque que l’universalisme est une idéologie qui répond aux besoins de l’impérialisme et de l’expansionnisme. L’expansionnisme est sans cesse en opposition avec l’ordre international dominant et le statu quo existant. L’expansionnisme doit prouver que le statu quo qu’il cherche à vaincre mérite d’être vaincu et que la légitimité morale qui, dans l’esprit de beaucoup, est attachée aux choses telles qu'elles sont, sera finalement obligée de céder face à un principe de plus grande moralité, tout en faisant appel à une nouvelle distribution de pouvoir (1). «Jusqu’à présent, vu que les idéologies typiques de l’impérialisme utilisent des concepts de droit, elles ne peuvent faire référence de manière correcte au droit international positif, c’est-à-dire au droit international tel qu’il existe aujourd’hui. Dans le domaine du droit, c’est la doctrine du droit naturel, c’est-à-dire du droit comme il devrait être [et non pas tel qu'il est, ndt], qui répond aux besoins idéologiques de l’impérialisme… Lorsque la politique impérialiste expansionniste n’est pas dirigée contre un statu quo en particulier, fruit d’une guerre perdue, mais tend à s'accroître à l'appel d'un vide de pouvoir qui invite à la conquête, elle avance tout un arsenal d’idéologies morales / moralisantes qui ont évidemment pour corollaire de remplacer le simple appel à un “droit naturel juste” contre “un droit positif injuste” par le devoir, inévitable, de conquérir le pays récalcitrant (2).
La doctrine de la “destinée manifeste”
L’objectif principal de l’idéologie impérialiste est de faire l'équation entre les aspirations politiques d’une nation précise, d'une part, et les lois morales qui gouvernent l’univers, d'autre part; nous avons là une idéologie spécifiquement anglo-saxonne pour habiller les aspirations particulières et les actions impérialistes d'un objectif moral, qui correspondrait aux lois de l’univers. Cette idéologie a d'abord été typiquement britannique, mais elle a été perfectionnée et absoluisé par les Etats-Unis. «Le fait que savoir que les nations soient soumises à la loi morale est une chose, mais prétendre savoir avec assurance ce qui est bon et mauvais dans les relations entre les nations, est d’un autre ressort. Il y a un monde de différence entre la croyance que toutes les nations sont sous le couvert du jugement de Dieu, impénétrable au genre humain, et la conviction blasphématrice que Dieu est toujours de son côté et que ce que cette puissance alliée à Dieu veut pour elle-même ne peut pas connaître l'échec, parce que cette volonté est aussi celle de Dieu» (3).
L'exemple d'école d’un tel blasphème se retrouve dans l’assertion du Président McKinley qui affirmait que l’annexion des Philippines (et la série de massacres de civils qui s'ensuivit) était un signe de la providence divine. Cette conquête et ces massacres avaient été entrepris après que le président ait reçu un signe de la Providence. L’Amiral Dewey revendiquait le fait que la conquête des Philippines était un gage d’approbation divine. «Je devrais dire que la main de Dieu y était pour quelque chose» (4).
Les arguments avancés pour justifier la conquête des Philippines se concentraient sur des thèmes religieux. «Ces thèmes s'exprimaient par les mots devoir et destinée. Selon le premier terme, refuser l’annexion des Philippines aurait signifié omettre d'accomplir une obligation divine et solennelle. Selon le second terme, l’annexion des Philippines en particulier et l’expansion en général étaient inévitables et irrésistibles» (5); dans cette optique, l’expansionnisme impérial américain était une “destinée manifeste” sous le signe de la Providence.
Une doctrine calviniste
La doctrine calviniste devient ainsi une arme idéologique pour la guerre d’agression et l’expansionnisme. «Les victoires rapides gagnées par les forces américaines ont renforcé les positions psychologiques des impérialistes. L’impression de commettre un acte répréhensible ne se renforce que si l’action contestable est suivie de revers. Inversement, la mauvaise conscience diminue ipso facto si le projet est exécuté avec brio. L'échec s'interprète comme une punition de la Providence; mais la réussite, telle que la décrit le schéma calviniste, se perçoit comme le signe extérieur d’un état de grâce intérieur… Le «devoir», disait le Président McKinley, «détermine la destinée». Tandis que le devoir signifie que nous avons une obligation morale, la destinée signifie que nous allons certainement remplir cette obligation, que la capacité à le faire nous est inhérente. Notre histoire a toujours été une histoire ininterrompue d'expansion; notre pays était toujours parvenu autrefois à s'étendre, ainsi il était certain qu'il réussirait de la même façon dans le futur. La force d’expansion est un héritage national et “racial”, un besoin intérieur, irrésistible et profond… La Providence a été vraiment indulgente envers nous en nous procurant des réussites si fructueuses que nous commettrions un péché si nous n’acceptions pas les responsabilités que l’on nous a demandé d’assumer» (6).
L’impérialisme américain a développé une puissante théologie de l'élection. L’idée américaine d'élection historique ou providentielle, inhérente à la doctrine de la Destinée Manifeste, a fait en sorte que Dieu et la géopolitique fusionnent en un tout parfaitement instrumentalisable; la doctrine procure ainsi la «légitimité» à la conquête et l’expansionnisme.
Un charabia moraliste et religieux
Le charabia moral et religieux de la doctrine de la Destinée Manifeste, tellement américain dans son sens primitif profond, est facile à évacuer car elle n'est qu'un bric-à-brac idéologique. Malgré sa nature de bric-à-brac, cet abominable bricolage est devenu l'assise de la théologie politique et de la politique étrangère américaines. L’expansionnisme impérialiste se voyait élevé au rang d’obligation positive, au rang de devoir. Plus l’expansionnisme était impitoyable, plus on le justifiait par une approbation divine. La volonté des impérialistes américains était d’égaler la volonté de Dieu. L’impérialisme est devenu «une vertu dérivée de l’appel de Dieu». Rester en deçà équivalait à «rejeter la guidance divine». Le Sénateur Albert J. Beveridge déclara un jour que «Dieu n’a pas passé son temps pour rien durant un millier d’années à préparer les peuples anglophones pour qu'ils ne se livrent à rien d'autre qu'une vaine et ridicule auto-contemplation et auto-admiration. Non! Il a fait de nous les maîtres-organisateurs du monde pour établir des systèmes ordonnés là où régnait le chaos. Il a fait de nous des virtuoses de la bonne gouvernance pour que nous puissions, le cas échéant, gérer la politique chez les peuples sauvages et les peuples séniles» (7).
Pris dans la spirale du destin
Le thème de la destinée était un corollaire du thème du devoir. A maintes reprises, on a déclaré que l’expansion était le résultat d’une «tendance cosmique», que «c’était le destin», que c’était «la logique inexorable des événements», etc. La doctrine qui affirme que l’expansion est inévitable a bien sûr été longtemps familière aux Américains; nous savons ô combien la Destinée Manifeste a été invoquée au cours du 19ième siècle. Albert Weinberg souligne, toutefois, que cette expression prend un nouveau sens dans les années 90. Auparavant, destinée signifiait, dans son sens premier, que l’expansion américaine, quand on le voulait, pouvait être contrecarrée par d'autres qui pouvaient se mettre en travers de notre chemin. Au cours des années 90, le sens de cette notion de “Destinée Manifeste” a légèrement évolué; elle finit pas vouloir signifier que “les Américains ne pouvaient pas, par leur propre volonté, refuser cette expansion”, car ils étaient pris, qu'ils le veuillent ou non, dans la spirale du destin. Nous faisions montre d'une certaine réticence. Ce n’était pas tout à fait ce que nous voulions faire; c’était ce que nous devions faire. Notre politique agressive se voyait implicitement définie comme obligatoire, comme le fruit, non pas de nos propres envies, mais d’un besoin objectif (ou de la volonté de Dieu) (8). La destinée a toujours eu une destination, et la destination correspondait à l’expansionnisme géopolitique; ainsi la source de l’impérialisme américain était le désir de Dieu donné aux élus pour destinée.
La mythologie politique de la Doctrine de Monroe
Kenneth M. Coleman définit le corollaire politique (et géopolitique) de la doctrine de la Destinée Manifeste, soit la doctrine Monroe, comme une mythologie politique : «Une mythologie politique a émergé parmi les Nord-Américains pour justifier la réalité de leur hégémonie dans les Amériques. La doctrine Monroe constitue un exemple quasi paradigmatique de la création d'un mythe politique accompagnant la création de l’empire américain. Il apparaissait nécessaire, à l'époque, de trouver une sorte de véhicule rhétorique par lequel on puisse suggérer non pas une intention expansionniste, mais une auto-abnégation… Dès ses débuts, la doctrine Monroe a été un artifice rhétorique conçu pour réconcilier les valeurs affirmées, c'est-à-dire celles qui évoquent le désintéressement et l'abnégation des Américains, avec leurs intentions expansionnistes réelles qui visent à réaliser leurs intérêts stratégiques et économiques majeurs. Ainsi la première caractéristique dans la définition d'une mythologie politique est son actualité… L’hégémonie, tout comme l’Empire, postule la création d’une mythologie légitimante… Dans le cas d'un Empire, la mythologie doit faire raisonner les Américains comme suit : «Nous vous dirigeons parce qu’il est dans votre intérêt que ce soit nous qui le fassions»… Dans le cas d'une hégémonie, la mythologie doit générer la croyance que les relations existantes sont bénéfiques aux partenaires et que ceux qui ne les perçoivent pas comme telles sont malavisés ou intrinsèquement mauvais...» (9).
Le message normatif de la Doctrine de Monroe
La mythologie politique, qui sous-tend les diverses formes d'hégémonie, se distingue des autres mythologies, dans le sens où elle nie l’existence de la domination politique et économique. Elle est similaire à la mythologie de l’impérialisme parce qu'elle affirme que les relations existantes sont justes, appropriées, inévitables, ou défendables de manière sur le plan des normes… La doctrine Monroe renferme un message normatif… qui dit que les causes actuelles, défendues par l'Amérique, sont justes, moralement défendables, et en accord avec les plus grands principes d’un ordre politique supérieur à d’autres ordres politiques (10) et que l’impérialisme américain sert un but moral plus élevé, celui de la Destinée Manifeste laquelle a été préalablement fixée par Dieu lui-même. Kenneth M. Coleman cite Salvador de Madariaga qui décrit la nature de la doctrine Monroe selon les termes suivants: «Je sais seulement deux choses à propos de la doctrine Monroe: l’une est qu’aucun Américain que j’ai rencontré ne sait ce que c’est; l’autre est qu’aucun Américain que j’ai rencontré ne consentirait à ce que l'on tergiverse à son propos… J’en conclus que la doctrine Monroe n’est pas une doctrine mais un dogme… pas un seul dogme, mais bien deux, à savoir: le dogme de l’infaillibilité du Président américain et le dogme de l’immaculée conception de la politique étrangère américaine» (11).
Les intérêts des Etats-Unis sont les intérêts de l'humanité toute entière
Croire que les Américains sont un peuple choisi par Dieu, pour amorcer une expansion sans fin, était inhérent tant à la doctrine de la Destinée Manifeste qu'à la doctrine de Monroe. «Le terme qui a servi à prendre ce sens de moral, du moins sur le plan de l’expansion géographique, est celui de “Destinée Manifeste”; il révèle la certitude calviniste avérée : Dieu révélera au monde ceux qui assureront Sa grâce et les rendra prospères». Si les Etats-Unis représentent la Terre Promise du Peuple Choisi, alors « il est absolument impossible de concevoir une situation dans laquelle les intérêts du genre humain ne sont pas tout à fait identiques à ceux des Etats-Unis. En faisant montre d'une telle présomption, l’opposition à la Destinée Manifeste (des Etats-Unis) n’était pas une simple opposition politique —elle ne représentait pas une quelconque différence d’opinion et se posait plutôt comme une hérésie, en révolte contre les gens choisis par Dieu lui-même… Si les autorités des Etats-Unis —les autorités choisies par les gens favorisés par Dieu lui-même— étaient en faveur d'une politique donnée, alors critiquer la justice ou la moralité de cette politique s'avérait moralement impossible» (12).
Dans cette optique, il faut se souvenir de la conclusion de Werner Sombart qui disait que «le calvinisme est la victoire du judaïsme sur la chrétienté» et que «l’Amérique est la quintessence du judaïsme». L’immoralité politique de la doctrine de la “Destinée Manifeste”, l’expansionnisme géopolitique, sous la forme d'une conquête de territoires, telle que la revendique la doctrine de Monroe, et l’impérialisme économique, tel qu'il se manifeste sous la forme de la politique des “portes ouvertes” (Open Doors Policy), deux options qui ont été fusionnées par la suite sous la dénomination de “wilsonisme” (Doctrine de Wilson), sont en fait des traductions simplistes et malveillantes de la vieille immoralité talmudique, repérable dans l'histoire.
Carl Schmitt a souligné que la transformation de la doctrine de Monroe, à partir d’un Grossraum ("grand espace") concret, en un principe universel, c’est-à-dire la “théologisation” d’un impérialisme américain spécifique et particulier, en une doctrine mondialiste universelle, qui doit inéluctablement déboucher sur une puissance-monde unique et absolument dominante, une “Capital Power”, laquelle “servirait” les intérêts du genre humain. Cette transformation d'un impérialisme particulier en un mondialisme sans alternative est aussi le commencement de la “théologisation” des objectifs politiques étrangers américains (13). Ce processus de “théologisation” a débuté au cours de la présidence de Théodore Roosevelt, mais le Président Woodrow Wilson fut le premier à élever la doctrine de Monroe au rang d'un principe mondial, à véritablement “mondialiser” une doctrine qui, auparavant, était censée se limiter au seul hémisphère occidental, panaméricain. Dans la moralité calviniste, talmudique et axée sur la Prédestination de Woodrow Wilson, l'idée-projet de la domination mondiale de l'Amérique devient la substance même de son plaidoyer pour une doctrine de Monroe à appliquer au monde entier.
L'immoralité foncière de Wilson le “moraliste”
Un cas à mentionner : le slogan américain de la «Destinée Manifeste» a servi à accroître l'aire d'application de la doctrine de Monroe par le biais du principe de l'autodétermination des peuples qu’a utilisé le Président Wilson lors de la Conférence de Paix de Paris (Versailles), pour accroître de fait —et subtilement— les sphères d'influence anglo-saxonne et pour créer un Cordon Sanitaire autour de l’Allemagne et de la Russie Soviétique en Europe, un Cordon Sanitaire composé d’Etats tampons. Évidemment, le Président Wilson, dans son empressement à faire valoir en Europe le droit à l’autodétermination, n’a jamais dénoncé la doctrine de Monroe qui incarnait, à son époque, dans l'hémisphère américain, la négation absolue de ce droit qu’il proclamait au bénéfice des petits peuples des anciens môles impériaux d'Europe centrale et orientale. En fait, ce qu’il a voulu dire en parlant du droit à l'autodétermination était clairement démontré en 1914 déjà, lorsque l’Amérique, renversant le gouvernement élu au Mexique, a bombardé la ville mexicaine de Vera Cruz, tuant ainsi des centaines de civils. Après le bombardement qui, par la suite, a conduit à la chute du gouvernement mexicain et à l’installation d’un fantoche à la solde des Etats-Unis, le Président Wilson, en mettant l’accent sur la soi-disant identité entre la politique américaine et la justice universelle, a convaincu le monde que «les Etats-Unis ont renversé le pouvoir mexicain pour rendre service à l'humanité» (14) (sic!). Le Président Wilson croyait sincèrement au rôle providentiel, désigné par Dieu, des Etats-Unis pour diriger le monde.
Aujourd’hui, si l’on regarde la situation de la Yougoslavie, on peut constater qu’une fois encore le principe pseudo-universel du droit à l’autodétermination a été utilisé comme un moyen idéologique pour renverser un statu quo existant, via un règlement frontalier en Europe, alors que les frontières européennes avaient été définitivement reconnues et acceptées comme telles par les Accords d’Helsinki. De même, ce fameux droit à l'autodétermination, inventé jadis par Wilson, a servi à légitimer les atrocités musulmanes lors de la guerre en Bosnie d’abord, puis celles, innommables, des bandes armées islamistes, terroristes et mafieuses des Albanais du Kosovo; en fait, ces bandes d'irréguliers musulmans sont l’équivalent européen des “Contras” du Nicaragua, armés, entraînés et subsidiés par les Etats-Unis. L'Europe est désormais traitée de la même manière que les anciennes républiques latino-américaines.[ndt : Pire, dans le cas de la Bosnie et du Kosovo, les dirigeants des principales puissances européennes ont applaudi et participé à ces horreurs, en posant, via les relais médiatiques, les assassins bosniaques et albanais comme des héros de la liberté ou des défenseurs des droits de l'homme].
Quand l'Allemagne hitlérienne reprenait à son compte les concepts forgés par Wilson
Ironie historique : l’Allemagne nazie avait emprunté, en son temps, de nombreux concepts idéologiques venus d'Amérique. Ainsi, l’Allemagne nazie fondait ses requêtes pour réviser le statu quo du Traité de Versailles, d'abord sur le principe d’égalité que le Traité de Versailles avait violé. Les juristes allemands ont pris conscience que le droit international en place n’était rien d’autre que l’universalisation de l’hégémonie anglo-saxonne, et, partant, la “théologisation” de l’intérêt national américain en particulier. Ces juristes allemands se sont donc mis à parler d’un nouveau droit international qui servirait l’intérêt national allemand, comme le droit en place servait les intérêts nationaux américains. Ce nouveau droit, favorable aux intérêts allemands, utiliserait également le concept d'un “nouvel ordre mondial juste” destiné à justifier l’expansionnisme germanique et à préparer le renversement du statu quo international, qui s'était établi après la guerre de 14-18.
Les principes de bases de la théologie politique américaine peuvent se résumer comme suit:
◊ a) L’intérêt national des Etats-Unis s'universalise dans le but de devenir l’intérêt universel du genre humain ou de la communauté internationale. Par conséquent, l’expansionnisme impérialiste américain est alors vu comme un avancement de la race humaine, une promotion de la démocratie, luttant contre le totalitarisme, etc. Les intérêts américains, le droit international, et la moralité internationale deviennent équivalents. Ce qui sert les intérêts américains est posé, avec une incroyable effronterie, comme des actes visant ou poursuivant les desseins de la morale et du droit, dans tous les cas de figure (15).
Délégitimer les intérêts nationaux des autres pays
b) Par conséquent, l’universalisation de l’intérêt national américain, sa légitimation transnationale —une façade allant au-delà de toutes les légitimités concrètes— conduit à délégitimer les intérêts nationaux des autres pays. A travers la doctrine de Monroe, les pays latino-américains se voyaient refuser l'expression de leurs intérêts nationaux, du moins ceux qui différaient de ou s'opposaient à l’intérêt national américain. Quoi qu'il en soit, une analyse historique objective montre clairement que l’intérêt national authentique des pays latino-américains s'opposent, en règle générale et par nécessité, à l’intérêt national des Etats-Unis. L’effet de la doctrine de Monroe était que les pays latino-américains cessent d’exister politiquement, en devenant des protectorats et des nations captives au sens propre du terme.
c) Avec le Pacte Briand-Kellog, les Etats-Unis amorcèrent l'étape suivante dans la globalisation de leur théologie politique. Les guerres menées au départ d’intérêts nationaux différents de ceux des Etats-Unis se voyaient étiquetées comme des “guerres d'agression”, tandis que les guerres agressives menées par les Etats-Unis étaient considérées comme des “guerres justes”. Les réserves émises par les Etats-Unis quant au Pacte de Kellog revêtent une importance particulière : les Etats-Unis se réservent le droit d’être seuls juges de ce qui constitue une guerre d’agression. La doctrine américaine de reconnaissance et de non-reconnaissance des Etats est également significative : les Etats-Unis se réservent le droit d’être les seuls juges pour décider quel Etat doit être reconnu ou non et quels sont les motifs qui les amènent à reconnaître un Etat ou non. Ces motifs équivalent à l’intérêt national des Etats-Unis. Pour voir à quels dangers et quelle absurdité grotesque, cette équivalence peut mener s'observe dans l’exemple historique de la non-reconnaissance par les Etats-Unis de la Chine après 1949, alors qu'ils reconnaissaient le régime fantoche de Tchang Kai Tchek, qu'ils avaient installé et qu'ils contribuaient à maintenir. Les Etats-Unis ont utilisé leur doctrine de non-reconnaissance, bloquant l’admission de la Chine aux Nations Unies, dans le but précis de saboter les Nations Unies et aussi pour s’assurer, par cet artifice, deux sièges au Conseil de Sécurité des Nations Unies, la Chine de Tchang Kai Tchek leur étant dévotement inféodée.
d) L’utilisation idéologique du concept de guerre —et les principes de reconnaissance et de non-reconnaissance— mène également à la déshumanisation médiatique des adversaires de l'Amérique : l'ennemi n'est plus un ennemi qui défend à égalité ses intérêts nationaux, mais un paria international.
e) La conséquence finale du développement de la théologie politique américaine est l’identification du droit international —le Droit des Nations— avec le système de l’impérialisme américain. La source de ce droit international n'étant, dans un tel contexte de "nouvel ordre mondial", plus rien d'autre que la volonté géopolitique et stratégique des Etats-Unis. Un tel "droit international" (?) n’est vraiment plus le Droit des Nations, au sens classique et habituel du terme, mais bien le droit du pays le plus fort, l’incarnation de l’hégémonie et de l’expansionnisme américains. L’intérêt national des Etats-Unis reçoit un statut d'universalité dans le "nouvel ordre mondial" et passe pour représenter l’intérêt de la communauté internationale. En outre, les Etats-Unis eux-mêmes deviennent un sujet omnipotent et transnational, s'universalisent, sans cesser d'être eux-mêmes et rien qu'eux-mêmes, représentant sans médiation la communauté mondiale tout entière.
Les autres Etats n'existent plus que comme entités non politiques
La théologie politique américaine est incompatible en soi, non seulement avec le principe de l’égalité des Etats et avec celui de leur souveraineté individuelle, mais aussi avec toute organisation qui se prétend être une organisation internationale réelle comme les Nations Unies. Dans le "nouvel ordre mondial", les Etats ne peuvent exister que comme entités non-politiques; les prérogatives de toute instance politique et territoriale concrète et réelle, telle que nous les trouvons énumérées et définies dans et par la terminologie de Carl Schmitt, sont réservées uniquement aux Etats-Unis, de même que le droit y afférent, de les exercer. Et une organisation internationale ne peut exister que si elle n'est plus rien d'autre qu'un équivalent fonctionnel de l'Organisation des Etats Américains (OAS), c’est-à-dire qu'une telle organisation internationale ne peut plus être autre chose qu'une façade multilatérale pour légitimer le désir hégémonique américain. L’historien britannique Edward Hallet Carr remarque, dans son livre, The Twenty Years' Crisis - 1919-1939, publié à l’origine en 1939, que, juste un peu avant l’entrée des Etats-Unis dans la première guerre mondiale, dans un discours au Sénat sur les objectifs de la guerre, le Président Wilson expliquait que les Etats-Unis, jadis, avaient été «fondés pour le bien de l’humanité» (16) (sic!). Wilson affirmait catégoriquement: «Ce sont des principes américains, ce sont des politiques américaines… Ce sont les principes du genre humain et ils doivent prédominer» (17). Carr souligne que «les déclarations de ce personnage viennent essentiellement d’hommes d’Etat anglo-saxons et d'écrivains. Il est vrai, ajoute Carr, que lorsqu’un national-socialiste important certifiait que «tout ce qui est profitable au peuple allemand est juste, tout ce qui fait du mal au peuple allemand est mauvais», il proposait quasiment la même équation entre l’intérêt national et le droit universel, équation qui avait déjà été établie par Wilson pour les pays de langue anglaise».
Les deux explications de Carr
Carr a donné deux explications alternatives à ce processus d'universalisation de l’intérêt national particulier. La première explication se retrouve fréquemment dans la littérature politique des pays continentaux : elle avance que les peuples de langue anglaise sont de vieux maîtres dans l’art de concevoir leurs intérêts nationaux égoïstes comme l'expression pure et simple du bien général, et que ce genre d’hypocrisie est une particularité spéciale et caractéristique de la façon de penser des Anglo-Saxons. La seconde explication était plus sociologique : les théories sur la moralité sociale sont toujours le produit d’un groupe dominant, qui s’identifie d'emblée à la communauté prise dans son ensemble et qui possède des moyens que ne possèdent pas les groupes ou individus subordonnés pour imposer leur point de vue sur la vie dans la communauté. Les théories de la moralité internationale sont, pour les mêmes raisons et en vertu du même processus, le produit des nations hégémoniques et/ou des groupes de nations dominantes. Durant les cent dernières années, et plus particulièrement depuis 1918, les nations de langue anglaise ont formé le groupe dominant dans le monde; les théories actuelles de la moralité internationale ont été choisies par eux pour perpétuer leur suprématie et se sont généralement d'abord exprimées dans l’idiome qui leur est propre (18).
Le vocabulaire de l'émancipation
Autre aspect important de la théologie politique : la pratique de mythifier et d'idéaliser l’expansionnisme américain pour en faire une moralité internationale universelle. Quelles sont les caractéristiques de la mythologie universaliste? C’est de transformer la signification de la réalité politique classique (ndt : aristotélicienne et nationale-étatique) pour n'en faire qu'une illusion chimérique, de facture répressive, et, en conséquence, de neutraliser et de délégitimer le langage politico-étatique (national) ou tout acte de résistance contre l'universalisme américain. En d’autres termes, la mythologie politique de facture universaliste consiste toujours à confisquer le réel, à l'éliminer et l'évacuer. Dans ce contexte, le langage articulé de l'ère étatique nationale, ou les actes de résistance, affirmés par ceux qui refusent cette logique universaliste, offrent peu de résistance, car leur contenu se voit neutralisé par la théologie politique universaliste. Pour paraphraser Roland Barthes (19), la théologie politique est expansive; elle s’invente elle-même sans cesse. Elle tient compte de tout; de tous les aspects des relations internationales, de la diplomatie, du droit international. Les pays opprimés ne sont rien : ils ne produisent qu'un langage, le cas échéant, celui de leur émancipation, or cette émancipation a déjà été délégitimée à l'avance. L’oppresseur, en l'occurrence les Etats-Unis, sont tout, leur langage politico-théologique a été élevé au rang de dogme. En d’autres termes, dans le cadre de la théologie politique, les Etats-Unis ont le droit exclusif de produire le méta-langage qui vise à pérenniser l’hégémonie américaine. La théologie politique, en tant que mythe, nie le caractère empirique de la réalité politique; ainsi la résistance à cette théologie hégémonique doit viser à recréer et à émanciper la réalité empirique.
Un méta-langage qui accepte pour argent comptant les slogans de la propagande
Durant la marche en avant de l’expansionnisme américain, déjà tout entière contenue dans la doctrine de Monroe et dans ses nombreuses extensions, en particulier durant la Guerre Froide avec sa justification idéologique, on pouvait lire dans des documents tels le NSC-68, qu'une destruction et une idéologisation du langage politique devaient s'accomplir et l'ont été. L’histoire de la Guerre Froide a débouché sur le fait que les Américains anglophones sont tombés dans le jargon propagandiste de l'ancienne idéologie et pratique panaméricaines, avec sa propension à accepter pour argent comptant les slogans, les simplifications, les mensonges et les clichés pompeux tels que le "totalitarisme", la "défense de la démocratie", le "péril rouge", etc.
L’expansionnisme américain et les machinations coloniales d’une Amérique perfide ont précisément inclus de force des sémantèmes nouveaux dans le langage, des sémantèmes dont Washington avait besoin pour exprimer ou camoufler vaille que vaille sa sauvagerie, déguisée en universalisme au service du genre humain; l'objectif préventif est de délégitimer toute résistance potentielle et légitimer à l'avance la conquête et l’hégémonie. Les Etats-Unis ont imposé une subversion planétaire du langage et c'est sur la base de cette gigantesque falsification que l’Amérique contemporaine a été éduquée.
Un gigantesque mur de mythes
Pour paraphraser George Steiner, les dirigeants de l’Amérique construisent entre l’esprit américain et la réalité empirique un gigantesque "mur de mythes". Au fur et à mesure, les mots ont perdu leur sens originel et ont acquis les contenus sémantiques propres de la théologie politique universaliste, manipulée par Washington. Le langage est devenu une falsification générale, à tel point qu'il n’est plus capable de saisir ou d’exprimer la vérité. Les mots sont devenus des instruments de mensonge et de désinformation, des convoyeurs de fausseté, servant à bétonner l’hégémonie. «Le langage n’était pas seulement infecté par ces colossales bêtises, il était sommé d'imposer les innombrables mensonges [de la propagande]» (20), d’endoctriner et de persuader les Américains que les nombreux actes visant à mettre des nations entières hors jeu, ainsi que le droit international, que les agressions militaires et les crimes de guerre en Corée, au Vietnam et, plus récemment, au Panama et en Irak, ont servi la cause des grands principes "humanitaires". La subversion du langage par la théologie politique américaine fait en sorte que la vérité empirique ne puisse plus être dite, et érige un mur de silence et de mensonge, qui a pour résultat inattendu l’effondrement de la langue anglaise, héritée de l'histoire, au profit du jargon panaméricain, pure fabrication récente. Et lorsque la langue « a été piquée de mensonges, seule la vérité la plus crue peut la purifier» (21).
Des torrents de parlottes moralisantes
Il est un phénomène américain très étrange que l’on ne retrouve pas en Europe : un Homme de Dieu —d’ordinaire un prêtre— qui s’avère charlatan. Eh bien, dans l’arène politique, après la fin de la première guerre mondiale, le Président Wilson était un de ces "Hommes de Dieu" qui voilait l’expansionnisme américain par des torrents de parlottes moralisantes. Pour Wilson, les Etats-Unis détenaient un rôle, que leur avait dévolu la Providence, celui de diriger le monde. Le wilsonisme était l’origine et la personnification du totalitarisme américain universaliste. A présent, dans l’après-Guerre Froide et l’après-Yalta, nous avons affaire à un nouveau Wilson, un petit Wilson, soit le Président Clinton, qui, à son tour, réveille le torrent de parlottes moralisantes de son prédécesseur; lui aussi se pose comme "Homme de Dieu", et a pris sa place dans la course à l’expansionnisme universaliste, de facture néo-wilsonienne, en utilisant la même vieille notion de Destinée Manifeste et la même théologie politique, cette fois sous les oripeaux du "nouvel ordre mondial". Mais une fois de plus, les concepts de la théologie politique universaliste américaine se dévoilent pour ce qu'ils sont : l’opium de la communauté internationale.
Nikolaj-Klaus von KREITOR.
(http://mid.diplomat.ru/wwwb/main/messages/1220.html... ; trad. fr. : LA).
notes :
*Anders Stephenson Manifest Destiny. American expansion and the Empire of Right (Hill and Wang, New-York, 1995).
(1) Hans J. Morgenthau, Politics Among Nations (Alfred A. Knopf, New-York, 1948) p. 64.
(2) Hans J. Morgenthau, Politics Among Nations, ibid., p. 65.
(3) Hans J. Morgenthau, Politics Among Nations, aux éditions Stanley Hoffman; Contemporary Theory in International Relations (Prentice Hall, Inc, Englewood Cliffs, 1960) p. 61.
(4) Louis A. Coolidge, An Old Fashioned Senator: Orville H. Platt (New-York, 1910) p. 302.
(5) Richard Hofstadter, The Paranoid Style in American Politics (The University of Chicago Press, Chicago, 1965) p. 174.
(6) Richard Hofstadter, ibid. pp. 175, 176, 177.
(7) Claude G. Bowers, Beveridge and the Progressive Era (New-York, 1932)
p. 121.
(8) Richard Hofstadter, ibid. p. 177.
(9) Kenneth M. Coleman, The Political Mythology of the Monroe Doctrine:Reflection on the Social Psychology of Domination, pp. 99, 100, 110
(10) M. Coleman, ibid. pp. 97, 103.
(11) M. Coleman, ibid. p. 102. Coleman quotes after Salvado de Madariaga Latin America Between the Eagle and th eBear (Praeger, New-York, 1962) p. 74
(12) Coleman, ibid. pp. 105, 109.
(13) Carl Schmitt, Grossraum gegen Universalismus in Position und Begriffe im Kampf mit Weimar-Genf-Versailles 1923-1939 (Duncker & Humblot, Berlin, 1988) pp. 295-303.
(14) Edward Hallet Carr, The Twenty Year’s Crisis 1919-1939 (Harper Torchbooks, New-York, 1964) p. 78; aussi R.S. Baker Public Papers of Woodrow Wilson: The New Democracy.
(15) Voir sur ce sujet: Kenneth W. Thompson, Toynbee and the Theory of International Poitics, aux editions Hoffman, Contemporary Theory in International Relations, ibid., p. 97.
(16) Editions R. S. Baker, Public Papers of Woodrow Wilson: The New Democracy pp. 318-319.
(17) Edward Hallet Carr, The Twenty Year Crisis, ibid. p. 79; aussi Toynbee, Survey of International Affairs, 1936, p. 319.
(18) Edward Hallet Carr, ibid., pp. 79, 80.
(19) Roland Barthes, Mythologies (Hill and Wang, New-York, 1987) pp. 131, 148, 149.
(20) Georg Steiner, A Reader, (Oxford University Press, New-York, 1984), p. 212.
(21) Georg Steiner, ibid. p. 219.
00:05 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théorie politique, politique, etats-unis, fondamentalisme, religion, théologie, théologie politique | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
vendredi, 13 février 2009
Het vergeten conservatisme
00:11 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : conservatisme, conservatisme anglais, angleterre, philosophie, révolution française, 18ème siècle | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook