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dimanche, 19 décembre 2010

Mouvements et résistances

Mouvements et résistances

Ex: http://www.mecanopolis.org/

A l’aube de la guerre civile généralisée en Europe, un bref constat semble nécessaire. Les forces dictatoriales contrôlant les processus qui fondent notre réalité quotidienne se sont récemment doté de nouveaux atouts. Des atouts qui, évidemment, ont été patiemment maturé en partie grâce à la distillation de propagandes diverses et variées. Le but recherché est (et a toujours été) le même : étendre l’Empire. De Jules César à David Rockefeller & consorts, les choses n’ont vraisemblablement que peu changé. Les moyens sont différents, mais le but reste le même.

Les moyens sont devenus suffisamment subtils pour entretenir un conditionnement social et mental permanent. Conséquence : L’extrême Majorité des revendications proposées par les collectifs, associations citoyennes, etc., sont en réalité voulues par et pour le système. La promesse de la « mondialisation heureuse » et sans-frontiériste a fait du chemin depuis Médecins Sans Frontières et Bernard Kouchner. Il ne s’agit plus seulement de se servir des maux de l’humanité pour introduire le droit d’ingérence (1) mais également de créer et/ou reprendre chaque combat pour étendre la globalisation de l’Empire.

Face aux quelques États rebelles persistants, Wikileaks (2), la CIA et les associations dites « de défense des droits de l’homme » (mais jamais des droits de l’homme *et du citoyen*), développent une propagande digne des heures les plus sombres de l’occident moderne. Pendant ce temps, la crise économique persiste et l’éclatement des Nations européennes s’active. Et ceci, au profit de l’euro-régionalisme, qui permet notamment la création de patrouilles policières et militaires binationales : A la frontière franco-espagnole (3), franco-allemande (4), etc. (645 soldats allemands d’ici 2012 en Alsace). Combien de temps avant que ces patrouilles ne deviennent intégralement européennes puis mondiales ? Mais surtout, combien de temps avant qu’elles disposent des derniers moyens technologiques à l’initiative de la Rand Corporation ? (5)

En parallèle, les « révolutions » menées par les différentes factions politiques se révèlent toutes plus naïves les unes que les autres : de la CNT à Attac, en passant par M. Mélenchon et son pseudo-combat contre le groupe le Siècle. Les prétendants au titre de « force d’opposition » ne manquent pas et recyclent continuellement les mêmes thèmes moraux : antifascisme, antiracisme, féminisme, anti-libéralisme, tiers-mondisme, etc. ; alibis de leur incapacité à proposer une véritable solution au problème. C’est pourtant le rôle que la « gauche » devrait jouer. Rôle qu’elle ne peut manifestement plus jouer, tant ses outils d’analyses sont à des années lumières de la réalité politique et sociale.

Un point commun à tous les prétendus opposants au système les réunit dans leur incompétence, celui de l’incapacité d’analyser la situation, et de se servir d’outils justes et limpides. Combien d’entre-eux appellent à la critique du libéralisme, sans jamais avoir pris conscience qu’il s’agit d’autre chose ? Le libéralisme n’a jamais appelé à la privatisation des biens publics ni à la mise en place d’une économie de marché mondialisée. Le libéralisme s’érige contre la surcharge législative qui est un étau pour l’homme. Dans un système libéral : les lois doivent êtres peu nombreuses, claires et connues. Soit tout le contraire de ce à quoi nous assistons : la normativité à tout prix.

Le néo-libéralisme quant à lui, qui n’a pour fonction que de coaliser les États alliés au système de domination mondiale, impose à ces derniers l’intégration des communautés et autres lobbys. Ces derniers donnent leur(s) avis, et cela à l’encontre du bien commun. En France, cela pose évidemment un problème constitutionnel, mais tout a été fait pour passer outre. En effet, la République est censée être indivisible et anticommunautaire, et ainsi garantir l’égalité de chaque citoyen et cela peu importe son origine, sa communauté ou ses possibles orientations personnelles. Mais, c’est exactement l’inverse qui se produit. Et l’Europe suit la même trame : Chaque lobby souhaite y imposer sa loi. Il y a donc une volonté farouche de poser des règles et des ordonnances là où il n’y en avait pas auparavant – ce qui est précisément l’inverse du libéralisme.

Comment expliquer que les forces d’oppositions persistent dans leur incompétente critique ? Leurs porte -paroles sont bien souvent issus du monde universitaire, que l’on sait être particulièrement reclus, voire sectaire. L’école des hautes études en sciences sociales (EHESS), et dont la création n’aurait pas été possible sans l’appui financier de la Fondation Rockefeller, forme nombre de ces chercheurs incapables de trouver le moindre début de solution aux problématiques actuelles. (6) Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’ils ne puissent sérieusement analyser la situation – encore moins disposer d’outils d’analyse perspicaces. Alors il se recyclent en défenseurs d’un ordre moral, qui n’a aucun rapport avec les véritables valeurs de la gauche progressiste. Au contraire, ils adoptent une posture réactionnaire typiquement totalitaire sur le plan idéologique. Rappelons-leurs que les penseurs, politiciens et chercheurs sont là pour servir le bien commun et non pour fixer les règles à suivre. C’est en cela que le système peut être bien plus pernicieux que ce que l’on croit : Il se présente sous de multiples formes.

On ne peut donc rien attendre de ce système, ni des partis politiques. Les quelques authentiques opposants au système de domination ne seront jamais élus, et n’obtiendront jamais suffisamment de couverture médiatique pour instruire la population. Nous le savons. Que reste-il donc ? Que faire face à la gravité d’une telle situation ?

Il est temps de s’allier, de se réunir – non pas pour combattre un système imbattable – mais pour organiser une résistance active : celle de l’avenir, de la vie. Il est temps de se demander ce dont on a réellement besoin pour la vie, de s’organiser afin de ne pas avoir à subir la dictature à venir. Combien de temps avant qu’une police mondiale équipée des derniers nano-drones et autres futures armes nécro-technologiques, vienne s’occuper de chaque opposant réel au système ?

Peu de temps. Trop peu de temps. Il est inutile d’énumérer les nuisances produites par le système de domination mondiale, elles sont trop nombreuses, trop insidieuses, pour pouvoir en comprendre le sens. On pourrait même se demander si elles sont vraiment assimilables pour un esprit humain ? L’homme a son destin entre les mains, c’est donc à nous – personnes un minimum lucides – de montrer la voie : Ne plus avoir peur de revenir à la source de la vie humaine, avoir le courage de se libérer de l’aliénation matérialiste, retourner à ce qui est sain, vrai, assimilable même pour un enfant de 8 ans encore jeune et innocent.

Julien Teil, pour Mecanopolis

Notes :

(1) A ce propos, lire Impérialisme humanitaire de Jean Bricmont

(2) Article du NouvelObs et du Réseau Voltaire

(3) Police : la coopération franco-espagnole

(4) En Alsace, installation délicate mais symbolique de soldats allemands

(5) A la recherche du nouvel ennemi, 2001-2025 : Rudiments d’histoire contemporaine ; Pièces et Main d’œuvre

(6) Les sciences sociales françaises sous perfusion de la CIA, RéseauVoltaire


The Return of Carl Schmitt

The Return of Carl Schmitt

 Scott Horton

 

"Woe unto him who has no enemy, for at the Last Judgment I shall be his enemy."
- Carl Schmitt, Ex Captivitate Salus (1950)

 

Schmitt_nomos_de_la_terre-23a63.jpgA recent study points to 108 deaths in detention in the War on Terror, with a substantial part clearly linked to the Bush Administration’s controversial new coercive interrogation practices. Some of the most egregious cases involve the CIA. In this week’s New Yorker, Jane Mayer takes a close look at one case – that of Manadel al-Jamadi. Approximately two years ago, Jamadi died at the infamous Abu Ghraib prison near Baghdad. His death was quickly ruled a homicide, a CIA investigation found clear indicia of criminal wrongdoing, and with that the matter was placed in the hands of Paul McNulty – the U.S. Attorney for the Eastern District of Virginia and now the Bush Administration’s new nominee to serve as Deputy Attorney General. Since that time, from all appearances nothing has been done – the file has languished “in a Justice Department drawer,” in the words of one of Mayer’s informants.

Mayer, whose earlier writings have greatly contributed to the public understanding of the detainee abuse scandal, astutely recognizes the wide-ranging significance of the case. Justice in a homicide case is important enough, but this case raises another and potentially far more troublesome question: Has the Department of Justice been corrupted by its “torture memoranda”? Would a prosecution expose indelible links between the crime and the highest echelons of the Department of Justice? The question is not far-fetched. Indeed, its potential to rock the Bush Administration dwarfs that of the Plamegate scandal. As Marty Lederman established in a lengthy series of posts, the “torture memoranda” served a concrete double function: they overcame Agency objections that certain interrogation techniques violated the law (by furnishing an Attorney General opinion that they were lawful), and they offered effective impunity to CIA agents who uses these techniques. I caution that this is the function they were intended to serve. Whether memoranda of the Office of Legal Counsel can actually shield those who rely on them from prosecution is doubtful.

Let us assume that the techniques employed on Jamadi – including the likely fatal “Palestinian hanging” approach – were within the scope of the torture memoranda. Were charges to be brought against the agent who had custody of Jamadi and used the fatal technique, he would certainly plead the torture memoranda as an affirmative defense. Confronted with such claims, a truly independent prosecutor would have to consider the possibility that the authors of these memoranda counseled the use of lethal and unlawful techniques, and therefore face criminal culpability themselves. That, after all, is the teaching of United States v. Altstötter, the Nuremberg case brought against German Justice Department lawyers whose memoranda crafted the basis for implementation of the infamous “Night and Fog Decree.” Who can imagine Paul McNulty, now nominated to serve as Alberto Gonzales’ deputy, undertaking such an investigation of his boss? Hence, McNulty’s dilemma is understandable, but his failure to act should not be lightly dismissed.

Mayer’s article raises fair and compelling questions about McNulty’s handling of the Jamadi homicide case – and about the role of the Department of Justice in the investigation of detainee homicides generally.

But Mayer’s article is significant for another reason. It sheds new light on one of two of the “torture memoranda” which is not yet in the public domain, but has long been viewed as critical to understanding the inhumane practices that became commonplace in Iraq beginning in the fall of 2003.



A March [14], 2003, classified memo was “breathtaking,” the same source said. The document dismissed virtually all national and international laws regulating the treatment of prisoners, including war-crimes and assault statutes, and it was radical in its view that in wartime the President can fight enemies by whatever means he sees fit. According to the memo, Congress has no constitutional right to interfere with the President in his role as Commander-in-Chief, including making laws that limit the ways in which prisoners may be interrogated. Another classified Justice Department memo, issued in August, 2002, is said to authorize numerous “enhanced” interrogation techniques for the C.I.A. These two memos sanction such extreme measures that, even if the agency wanted to discipline or prosecute agents who stray beyond its own comfort level, the legal tools to do so may no longer exist. Like the torture memo, these documents are believed to have been signed by Jay Bybee, the former head of the Office of Legal Counsel, but written by a Justice Department lawyer, John Yoo, who is now a professor of law at Berkeley.



As has been noted in this space before, the March 14, 2003 Yoo memorandum has assumed a “Rosetta Stone” quality. It was transmitted to the Department of Defense as advice at a critical juncture – as the Iraq War moved off the drawing boards and into reality, and questions were repeatedly raised about how the Geneva Conventions were to be applied. But that's not all. Mayer's article now suggests the existence of other advice which explicitly addressed the situation in Iraq:

By the summer of 2003, the insurgency against the U.S. occupation of Iraq had grown into a confounding and lethal insurrection, and the Pentagon and the White House were pressing C.I.A. agents and members of the Special Forces to get the kind of intelligence needed to crush it. On orders from Secretary of Defense Donald Rumsfeld, General Geoffrey Miller, who had overseen coercive interrogations of terrorist suspects at Guantánamo, imposed similar methods at Abu Ghraib. In October of that year, however—a month before Jamadi’s death—the Justice Department’s Office of Legal Counsel issued an opinion stating that Iraqi insurgents were covered by the Geneva Conventions, which require the humane treatment of prisoners and forbid coercive interrogations. The ruling reversed an earlier interpretation, which had concluded, erroneously, that Iraqi insurgents were not protected by international law.



SCHMITT_HamletHecuba_MED.gifDocuments which have circulated in connection with the Fay/Jones and Taguba Reports made clear that following the issuance of high-level legal advice outside normal Department of Defense channels, command authorities in Iraq no longer considered the Geneva Conventions to restrain them in their handling of detainees. Internal email traffic among military intelligence units is consistent: Once you label the insurgent detainees as “terrorists,” “they have no rights, Geneva or otherwise.” It seems highly improbable that officers carefully trained in the Geneva rules would suddenly discard them on their own initiative. To the contrary, it is reasonably clear that instructions to that effect were transmitted from a very high source. The Yoo memoranda are critical to understanding what happened, and the March 14, 2003 combined with the initial OLC advice concerning treatment of insurgents in Iraq are likely the most significant pieces of the puzzle not yet in place.

But where exactly did Yoo come up with the analysis that led to the purported conclusions that the Executive was not restrained by the Geneva Conventions and similar international instruments in its conduct of the war in Iraq? Yoo’s public arguments and statements suggest the strong influence of one thinker: Carl Schmitt.

The Friend/Foe Paradigm
Perhaps the most significant German international law scholar of the era between the wars, Schmitt was obsessed with what he viewed as the inherent weakness of liberal democracy. He considered liberalism, particularly as manifested in the Weimar Constitution, to be inadequate to the task of protecting state and society menaced by the great evil of Communism. This led him to ridicule international humanitarian law in a tone and with words almost identical to those recently employed by Yoo and several of his colleagues.


Beyond this, Yoo’s prescription for solving the “dilemma” is also taken straight from the Schmittian playbook. According to Schmitt, the norms of international law respecting armed conflict reflect the romantic illusions of an age of chivalry. They are “unrealistic” as applied to modern ideological warfare against an enemy not constrained by notions of a nation-state, adopting terrorist methods and fighting with irregular formations that hardly equate to traditional armies. (Schmitt is, of course, concerned with the Soviet Union here; he appears prepared to accept that the Geneva and Hague rules would apply on the Western Front in dealing with countries such as Britain and the United States). For Schmitt, the key to successful prosecution of warfare against such a foe is demonization. The enemy must be seen as absolute. He must be stripped of all legal rights, of whatever nature. The Executive must be free to use whatever tools he can find to fight and vanquish this foe. And conversely, the power to prosecute the war must be vested without reservation in the Executive – in the words of Reich Ministerial Director Franz Schlegelberger (eerily echoed in a brief submission by Bush Administration Solicitor General Paul D. Clement), “in time of war, the Executive is constituted the sole leader, sole legislator, sole judge.” (I take the liberty of substituting Yoo’s word, Executive; for Schmitt or Schlegelberger, the word would, of course, have been Führer). In Schmitt’s classic formulation: “a total war calls for a total enemy.” This is not to say that in Schmitt’s view the enemy was somehow “morally evil or aesthetically unpleasing;” it sufficed that he was “the other, the outsider, something different and alien.” These thoughts are developed throughout Schmitt’s work, but particularly in Der Begriff des Politischen (1927), Frieden oder Pazifismus (1933) and Totaler Feind, totaler Krieg, totaler Staat (1937).

A Practical Guide to Evasion of the Geneva Conventions
Given this philosophical predisposition, how was a lawyer then to evade the application of the Geneva and Hague Conventions? Here an answer can be drawn not from Schmitt’s academic works, but from a series of determinations by the German General Staff which quite transparently reflected the influence of the then-Prussian State Councilor Carl Schmitt. A careful review of the original materials shows that the following rationales were advanced for decisions not to apply or to restrict the application of the Geneva Conventions of 1929 and the Hague Convention of 1907 during the Second World War:




(1) Particularly on the Eastern Front, the conflict was a nonconventional sort of warfare being waged against a “barbaric” enemy which engaged in “terrorist” practices, and which itself did not observe the law of armed conflict.
(2) Individual combatants who engaged in “terrorist” practices, or who fought in military formations engaged in such practices, were not entitled to protections under international humanitarian law, and the adjudicatory provisions of the Geneva Conventions could therefore be avoided together with the substantive protections.
(3) The Geneva and Hague Conventions were “obsolete” and ill-suited to the sort of ideologically driven warfare in which the Nazis were engaged on the Eastern Front, though they might have limited application with respect to the Western Allies.
(4) Application of the Geneva Conventions was not in the enlightened self-interest of Germany because its enemies would not reciprocate such conduct by treating German prisoners in a humane fashion.
(5) Construction of international law should be driven in the first instance by a clear understanding of the national interest as determined by the executive. To this end niggling, hypertechnical interpretations of the Conventions that disregarded the plain text, international practice and even Germany’s prior practice in order to justify their nonapplication were entirely appropriate.
(6) In any event, the rules of international law were subordinated to the military interests of the German state and to the law as determined and stated by the German Führer.


The similarity between these rationalizations and those offered by John Yoo in his hitherto published Justice Department memoranda and books and articles is staggering. It is of course possible that John Yoo came upon all of this on his own, like a scholar laboring in some parallel universe unaware of the work of others. Possible. But not probable.

It is more likely that Yoo’s work is a faithful, through crude and occasionally flawed interpretation of Schmitt. I say "crude" principally because Schmitt expresses from the outset the severest moral reservations about his concept of "demonization." It is, he fears, subject to "high political manipulation" which "must at all costs be avoided." The use of this technique, he writes, may only be available when "the survival of the people is at stake." Der Begriff des Politischen, pp. 20-33. Yoo expresses no comparable hesitation, preferring simply to place all confidence in the Executive, and justifying this implausibly in the writings of the Founding Fathers.

But Yoo's conclusions are rendered even more inexplicable by another point. After World War II was over and the full horror of what the Axis Powers had done was apparent, a consensus was reached to overhaul the Geneva Conventions with the express intention of repudiating the German evasions of the Conventions listed above. So, while these positions may have been arguable with respect to the two 1929 Geneva Conventions, they hardly could be invoked with respect to the 1949 Conventions. But Yoo continues to cite them, oblivious to the shifts in text and commentary that occurred in 1949.

So how does Yoo come by the work of Carl Schmitt, and why does he fail to acknowledge it in his publications? Yoo is currently a scholar in residence at the American Enterprise Institute, the center stage of the American Neoconservative movement. That movement traces itself back to Leo Strauss, the political philosopher who lived and taught for many years in Chicago. Though a Jew forced to flee Nazi Germany, Strauss was a lifelong admirer of Carl Schmitt, a scholar and teacher of his works. Moreover, Strauss’ early work in Germany played a key role in development of the Begriff des Politischen, and Schmitt’s intercession helped Strauss obtain a key scholarship that made his escape from Germany possible. Though arrested by the Americans and accused of complicity in Nazi crimes, Schmitt achieved a partial rehabilitation late in his life - thanks in large part to Leo Strauss. Indeed, Schmitt emerged as an essential part of the Neocon canon, and his work – including all the relatively obscure works cited here – were translated into English and published by the University of Chicago Press (also Yoo’s publisher). It is therefore hardly plausible to suggest that Yoo would be unfamiliar with the writings of Carl Schmitt. On the other hand, it is easy to surmise why he would fail to acknowledge his reliance on such a highly stigmatized writer. After all, Schmitt was a notorious antisemite best known for crafting the legal cover for Hitler's Machtergreifung.

Why Carl Schmitt Hates America
Carl Schmitt was a rational man, but he was marked by a hatred of America that bordered on the irrational. He viewed American articulations of international law as fraught with hypocrisy, and saw in American practice in the late nineteenth and early twentieth centuries a menacing new form of imperialism (“this form of imperialism… presents a particular threat to a people forced in a defensive posture, like we Germans; it presents us with the greater threat of military occupation and economic exploitation” he writes in 1932 – at a time of almost unprecedented American isolationism)(Die USA und die völkerrechtlichen Formen des modernen Imperialismus, p. 365). He saw in the peculiarly American notion of consensus-democracy an unsustainable foolishness, and in the Jeffersonian vision of small government with a maximum space for individual freedom a threat to his peculiar Catholic values.

Today, President Bush has again defended his indefensible treatment of detainees and claimed for himself rights that all his predecessors firmly disavowed. As president, he has cast aside the values of George Washington, Abraham Lincoln and Dwight Eisenhower – values on which the country was founded and built – and embraced instead those of Carl Schmitt, the lawyer who prostituted his genius to the cause of Fascism and fervently prayed for America’s destruction. What a great irony.

John Yoo and his colleagues present their critique of international humanitarian law as a validation of the sovereigntist tradition of the American Founding Fathers. That such claims can be taken seriously reflects a failure of critical thought in contemporary America. Yoo’s views on international humanitarian law have absolutely nothing to do with the Founding Fathers. They are a cheap, discredited Middle European import from the twenties and thirties. Viewed this way, it becomes increasingly clear where they would lead us.

mercredi, 15 décembre 2010

Nationalisme et populisme en Suisse

« Nationalisme et Populisme en Suisse. La radicalisation de la nouvelle UDC » de Oscar Mazzoleni

Ex: http://www.polemia.com/

 

mazzbouqu.jpgCe livre montre l’évolution étonnante de la situation politique de la Suisse. A partir de 1991, l’Union Démocratique du Centre (UDC ; en Suisse alémanique SVP : Schweizerische Volkspartei), passe de 11,9% des voix à 28,9% en 2007. Dans le même temps, les partis « bourgeois » démocrate chrétien et radical démocratique passent de 18 à 14% et de 21 à 15%. Les petits partis de droite comme l’Action Nationale ou le parti des Automobilistes disparaissent. La confiance dans les partis en général passe de 50 à 30%

. Le carré magique de l’UDC

Selon l’auteur, l’Union Démocratique du Centre s’est renouvelée, rajeunie et radicalisée en appliquant une « formule gagnante » originale. Cette formule gagnante correspond à quatre thèmes dominants :

  • - La critique de l’establishment et de la classe politique (pour Blocher, des bluffeurs prétentieux assoiffés de privilèges) au nom de la démocratie véritable ;
  • - La défense de l’exception suisse et de l’identité nationale, notamment face à l’Europe et surtout face à l’immigration ;
  • - Le libéralisme économique nuancé par la préférence nationale en matière sociale et la protection des agriculteurs ;
  • - Le conservatisme moral fondé sur la lutte contre l’insécurité notamment.

Tradition et innovation, conservatisme et modernité

Le leader de l’UDC, Christoph Blocher, déclare : « notre secret, c’est que nous avançons sciemment et avec conviction sur la voie que nous nous sommes tracés entre tradition et innovation, entre conservatisme et modernité », les traditions étant pour lui les raisons profondes du succès du pays. D’après l’auteur, Blocher a renouvelé les méthodes du parti à partir de sa section de Zurich. Il a des moyens financiers importants une presse non négligeable avec notamment l’hebdomadaire national de haut niveau « Weltwoche ». Il dispose aussi d’une puissante association « l’association pour une Suisse neutre et indépendante ». Il a su mobiliser la clientèle des déçus du système politique, des abstentionnistes et de nombreux jeunes tout en fidélisant ses partisans.

L’originalité aussi de l’Union Démocratique du Centre est sa participation au gouvernement avec deux conseillers fédéraux (ministres) sur 7 de 2003 à 2007 : Samuel Schmidt et Christoph Blocher. Ainsi, le parti est à la fois dans le gouvernement et dans l’opposition mais c’est dû au système consensuel suisse d’élection des conseillers fédéraux (ministres) où tout parti important est représenté.

L’UDC : un mouvement démocrate identitaire

A la fin, l’auteur s’interroge sur l’étiquette à donner à un tel parti. Il récuse les mots « extrême droite » ou « droite radicale » ou « national conservatisme » pour préférer le national populisme. En réalité, l’auteur ne veut pas franchir le pas et reconnaître le caractère profondément démocratique de l’UDC d’où le choix du mot dévalorisant de « populisme ». On est en présence d’un parti démocrate national ou démocrate identitaire. Mais sa « formule gagnante est non double mais quadruple : démocratie directe (critique de l’oligarchie au pouvoir), conservatisme des valeurs (critique du laxisme et discours sécuritaire notamment), libéralisme économique (critique du fiscalisme et de l’étatisme) et défense de la nation (face à une immigration incontrôlée notamment). Ce faisant, l’UDC a remporté des victoires électorales uniques dans l’histoire récente de la Suisse sans compter ses succès dans les initiatives et référendums qu’elle a suscité en profitant de l’atout de la démocratie directe.

Yvan Blot
02/12/2010

Oscar Mazzoleni, Nationalisme et populisme en suisse. la radicalisation de la nouvelle UDC, Presses polytechniques et universitaires romandes, Collection : le savoir suisse, 2008 ; 141 pages.

Correspondance Polémia – 07/12/2010

vendredi, 10 décembre 2010

Machtansprüche

Machtansprüche

Panajotis_Kondylis.gifDer existenzielle Ernst der Lage macht ... den Diskurs nicht nur unmöglich, sondern auch überflüssig, es sei denn, einer der Feinde zeigt sich geneigt, seine Identität (teilweise) aufzugeben bzw. die Objektivierung seiner Entscheidung zurückzunehmen.... Diesen Grundgegebenheiten kann niemand entgehen, so sehr er auch die Notwendigkeit des ’vernünftigen' Diskurses hervorhebt. Selbst dieser Akt hat aber einen polemischen Sinn, er... drückt... die Machtansprüche derjenigen aus, die die eigene starke Seite im Debattieren und Argumentieren erblicken, d.h. er artikuliert in sublimierter Form die Hoffnungen der Kleinbürger des Geistes, sie könnten härteren Kampfformen ausweichen, denen sie nicht gewachsen sind und in denen ihre Stimme und Existenz völlig bedeutungslos wäre.

Panajotis Kondylis, Macht und Entscheidung. Die Herausbildung der Weltbilder und die Wertfrage. Stuttgart, 1984.
 
Gefunden auf: http://rezistant.blogspot.com/

mardi, 07 décembre 2010

Amitié et patrie

Amitié et patrie

par Julien Freund

Ex: http://dhdc2917.eu/

« Du moment que la concorde est amitié, elle a également pour base une certaine identité des sentiments qui se concrétise dans la notion de patrie. Aucune collectivité ne saurait demeurer unie ni durer si ses membres n’éprouvent pas la nécessité de participer pour ainsi dire affectivement à l’ensemble social qu’ils constituent. Un pays sans patrimoine commun, qu’il soit d’ordre culturel, ethnique, linguistique ou autre, n’est qu’une création artificielle, incapable de résister aux épreuves de la politique. On a beau ironiser sur le concept de patrie et concevoir l’humanité sur le mode anarchique et abstrait comme composée uniquement d’individus isolés aspirant à leur seule liberté personnelle, il n’empêche que la patrie est une réalité sociale concrète, introduisant l’homogénéité et le sens de la collaboration entre les hommes. Elle est même une des sources essentielles du dynamisme collectif, de la stabilité et de la continuité d’une unité politique dans le temps. Sans elle, il n’y a ni puissance ni grandeur ni gloire, mais non plus de solidarité entre ceux qui vivent sur un même territoire. On ne saurait donc dire avec Voltaire, à l’article Patrie de son Dictionnaire philosophique que « souhaiter la grandeur de son pays, c’est souhaiter du mal à ses voisins ». En effet, si le patriotisme est un sentiment normal de l’être humain au même titre que la piété familiale, tout homme raisonnable comprend aisément que l’étranger puisse éprouver le même sentiment. Pas plus que l’on ne saurait conclure de la persistance de crimes passionnels à l’inanité de l’amour, on ne saurait prendre prétexte de certains abus du chauvinisme pour dénigrer le patriotisme. Il est même une forme de la justice morale. C’est avec raison qu’A. Comte a vu dans la patrie la médiation entre la forme la plus immédiate du groupement, la famille et la forme la plus universelle de la collectivité, l’humanité. Elle a pour raison le particularisme qui est inhérent au politique. Dans la mesure où la patrie cesse d’être une réalité vivante, la société se délabre non pas comme le croient les uns au profit de la liberté de l’individu ni non plus comme le croient d’autres à celui de l’humanité ; une collectivité politique qui n’est plus une patrie pour ses membres cesse d’être défendue pour tomber plus ou moins rapidement sous la dépendance d’une autre unité politique. Là où il n’y a pas de patrie, les mercenaires ou l’étranger deviennent les maîtres. Sans doute devons-nous notre patrie au hasard de la naissance, mais il s’agit d’un hasard qui nous délivre d’autres. »

Julien Freund, « Qu’est-ce que la politique ? », Le but spécifique du politique ; 4. La concorde intérieure et la prospérité. Points, 1967.

samedi, 04 décembre 2010

Violence & "Soft Commerce"

quentin.jpg

Violence & “Soft Commerce,” Part 1

Dominique VENNER

Translated by Greg Johnson / Ex: http://www.counter-currents.com/

Violence is not merely a matter of arms. For half a century, a world system has been imposed, the system of “soft commerce.” Soft as bombs. It dominates peoples under the guise of democracy, breaking down the most sacred customs. This new violence reigns thanks to the drugs of consumption and guilt. It is not, however, without resistance.

Georges Sorel is famous for having published his often reprinted Reflections on Violence in 1906.[1] A partisan of revolutionary socialism read by Lenin and Mussolini alike, Sorel made himself the apologist of violence as the motor of history.

In his essay, he worried about an anemic dearth of social violence that he thought he observed in Western Europe and in the United States:

Education is dedicated to so attenuate our tendencies to violence that we are instinctively led to think that any act of violence is a demonstration of a regression towards cruelty. . . . One has to wonder if there is not some silliness in the admiration of our contemporaries for softness.

These remarks, going back one century, could be from today. They certainly grab one’s attention and interest.

Less than ten years after Sorel’s morose report, the Great War commenced, showing something quite different from a general penchant for softness. This war was followed in Russia and Europe by a series of revolutions and civil wars, whose dominating feature was not peace. And the Second World War which followed, together with after-effects like the generalization of terrorism, was also not a demonstration of peaceful tendencies.

Europe in Dormition & Repentance

In other words, one is often misled by forecasts that imagine the future as an extension of the present. Under the effect of unexpected emotions or collective commotions, the softness or flabbiness of one time can suddenly be cast off in irresistible violence. The history of peoples and societies is not governed by a principle of continuity, but by unforeseeable accidents.

In Europe today (but not elsewhere), everything leads one to suppose that history with its violence and politics has reached its final end.  Those who have read my Siècle de 1914 (Century of 1914) know that I have interpreted the time that followed the Second World War as Europe’s entry into dormition after half a century of violent follies. This dormition is not unrelated to a project of culpabilization and demoralization without parallel.

With courage and clarity, this project was analyzed in 2003 by intellectuals worried by the rise in France of anti-Semitism because of Maghrebian immigration. According to these authors, this immigration had been supported by certain Jews who, “making a tragic mistake, believed in a possible alliance between the assertion of Jewish identity and the celebration of minorities and localisms, in short, of ‘the Other’ against the nation.”[2] Intense immigrationist propaganda was seen as an error.

But, the authors said, it was necessary to go back to the 1960s to find the roots of French and European demoralization, when the memory of the “Shoah was imposed as . . . a decisive reference mark of a culpability that does not concern just the Nazis but . . . everyone in Europe, the people as a whole.” For “the Shoah forbids the European people any historical hope and locks up them in remorse.” A disturbing report. Fifty years after, Europeans doze on, crushed by remorse, “outcasts of history.” For how long? That we do not know. But it cannot be forever.

Dreams of Happiness, “Soft Commerce,” &  Violence

In Europe, the anticipated end of history and dreams of hedonism cannot be isolated from a public discourse nourished by the myth of “soft commerce” invented long ago by Adam Smith.

What were its practical effects on lived history? The experience of the last two centuries shows that “soft commerce” is rarely a guarantee against violence. Least of all because it replaces politics (reason) with morality (emotion). Emotion sells more than reason. But, in addition to daydreams, it is often the purveyor of slaughter, both religious wars and in the ideological wars of the twentieth century.

In spite of Adam Smith’s promises, the intensive exercise of “soft commerce” on a global scale was accompanied by not exactly moderate amounts of violence. If one looks at the nineteenth century, there were, inter alia, the Opium Wars (1840–1842, 1858, 1860) in which France and Great Britain forced open the frontiers of China. This was necessary to give China the benefit of biblical morality and opium traffic, at the cost of the destruction of thousand year old traditions. Carried out for the profit of “soft commerce,” the Franco-British armed interventions eventually led China to a series of revolutions, which were preludes to the great slaughters of Maoism.[3]

One can chalk up many more colonial and national conflicts to the benefit of “soft commerce.” It played a large role in the two World Wars, which were not free of economic motives.[4] Globalizing the Anglo-American “free market” was not done without a little breakage . . . One of the more recent instances of damage, masked by moral and democratic justifications (a redundancy), is the war in Iraq begun in 2003. The control of an important source of hydrocarbons necessary to “soft commerce” is the likely reason that Saddam’s Iraq, a regime that was rather brutal (which is nothing unusual) but also stable, was put to fire and sword.

Notes

1. One of the contributions of Georges Sorel (1847–1922) to political thought is the concept of myth to designate the mobilizing images around which great historical movements are constituted (Nouvelle Revue d’Histoire, no. 13, pp. 20–22).

2. Article published in Le Monde, December 30, 2003, under the signature of Gilles Bernheim, chief rabbi and philosopher, Elisabeth de Fontenay, professor of philosophy, Philippe de Lara, professor of philosophy, Alain Finkielkraut, writer and professor, Philippe Raynaud, professor of philosophy, Paul Thibaud, essayist, Michel Zaoui, lawyer.

3. See La Chine et l’Occident, Nouvelle Revue d’Histoire no. 19, July–August 2005.

4. Georges-Henri Soutou, L’or et le sang. Les buts de guerre économiques de la Première Guerre mondiale (Paris: Fayard, 1989). We have discussed this subject in many issues of Nouvelle Revue d’Histoire, notably in nos. 14 and 32.

Source: http://www.dominiquevenner.fr/#/doux-commerce/3272231

Violence & “Soft Commerce,” Part 2

Now that “soft commerce” has been globalized since the end of the 20th century, one must grant that it has the advantage of a plasticity and a capacity for survival enjoyed by few regimes up to the present.

“Soft commerce” is sheathed in abstract concepts like “capitalism” or “liberalism.” But because those have been used for so many indigestible cuisines, their significance is exhausted. Another concept, more recent, is “cosmocracy.” It was coined by American authors and was taken up again by Samuel Huntington in his last book Who are We?[1] I myself have used it. It is explicit. It suggests the character that the globalist oligarchy acquired little by little since the 1960s.[2]

But let us return for a moment to the internal logic of “soft commerce.” What is its goal?  It is the individual financial profit of the capitalist, regardless of the cost to others. Having become dominant in our societies, this objective was promoted to the rank of supreme value, justifying everything, in particular what was at once condemned by common sense and the most elementary social morals. In the Communist Manifesto of 1848, Karl Marx aptly described the unlimited destructive power of the system that he called “bourgeois,” even though the personal behavior of many bourgeois individuals contradicted his thesis. Recall his famous lines:

Everywhere where it seizes power, the bourgeoisie trampled underfoot feudal, patriarchal, and idyllic relations. All the complex and varied ties which linked feudal man to his natural superiors, were mercilessly shattered so that no other tie remained between men but cold self-interest. . . . This constant social upheaval, this agitation, and this perpetual insecurity distinguish the bourgeois era from all preceding ones.

Marx was delighted by soft commerce’s constant pressures against the old European order. In this eyes, they presaged the advent of post-bourgeois society, i.e., of the communist utopia. They presaged a homogenized world and the end of history with a capital “H.” Marx was almost right. He just needed this nuance: “Soft commerce” has ultimately showed itself to be far more durable, although no less perverse, than the communist utopia, some aspirations of which it carries out by other means.

The Convergence between Communism and “Soft Commerce”

The convergence of the two systems was remarkably analyzed by Flora Montcorbier in a wrongfully forgotten book.[3] Economist and philosopher, with a vigorous clarity, she gives us a key to plausibly interpreting the organized chaos that replaced our traditional societies.

No one before her cared to understand the curious outcome of the cold war, the great upheaval. Exactly who won on this fake war? The United States, of course, and “soft commerce.” But also their common religion, the religion of Humanity (with a capital “H”), one, uniform, and universal. And it was not their only affinity.

What did the Communists want? They wanted a planned management of the wealth of humanity. They also wanted the creation of a new man, a rational and universal man, freed of the “obstacles” of roots, nature, and culture. They wanted, finally, to satisfy their hatred of concrete men, the bearers of difference; their hatred of old Europe, multiple and tragic.

And “soft commerce,” in other words, the American West, what did it want?[4] Pretty much the same thing. The differences were in their methods. Rejecting planning and forced collectivism (terror), “soft commerce” sees the financial market as the principal factor of economic rationality and the desired changes.

“Soft commerce,” another name for globalism, does not only share its radiant vision of the final goal with its Soviet brother and former enemy. To change the world, it must also change man, manufacture the Homo oeconomicus of the future, the zombie, the New Man: homogeneous, empty, possessed by the spirit of the universal and unlimited market. The zombie is happy. Happiness consists in satisfying all his desires, the desires caused by the market.

Notes

1. Samuel P. Huntington, Who Are We: The Challenges to America’s National Identity (New York: Simon and Schuster, 2005).

2. Dominique Venner, Le Siècle de 1914 (Paris: Pygmalion, 2006), ch. 10.

3. Flora Montcorbier, Le Communisme de marché [Communism and the Market] (Paris: L’Age d’Homme, 2000).

4. We do not confuse the “Western-American system” with Americans taken individually, who often suffer from it.

Source: http://www.dominiquevenner.fr/#/doux-commerce/3272231

Violence & “Soft Commerce,” Part 3

The System is Nourished by Fake Opposition

One of the characteristics of the system is that it is nourished by its seemingly most extreme opponents. If one is astonished by this surprising fact, one is forgetting that the opposition known as the “left” and the system share the religion of humanity and thirst for deconstruction; they are the same in essence. Thus nobody laughed when the papers of an implacable rebel (Guy Debord) were classified as a “national treasure” by the director of the National Archives in June 2009.

Explanation: “soft commerce” needs the counter-culture and its opposition to nourish the unlimited appetite for “pleasure without boundaries” which feeds the market. The fake rebellion of the cultural realm has been co-opted and institutionalized. The experiments of people who are more than a little crazy renew the language of advertising and haute couture which nourish innovation and excitement. The rights of minorities—ethnic, sexual, etc.—are also extended without limit since they constitute new markets and offer moral support to the system.

The unlimited is the horizon of “soft commerce.” It nourishes the work of moles in the realms of culture, the stage, teaching, the university, medicine, justice, or the prisons. Those who are naively indignant when delirious and repugnant buffooneries are extolled do not understand that they have been promoted to the rank of commodities, and as such they are both ennobled and essential.

The only dissent that the system cannot absorb is that which challenges the religion of humanity and stands for respecting diverse identities. The irreducible ones who cannot be dissolved by “soft commerce” are those who are attached to their city, their tribe, their culture, or their nation, and also honor the attachments of others.  This is why, in spite of their possible electoral representation in the European Parliament, these dissidents are subjected to rigid segregation (except in Italy).

This uncomfortable fate could lead them to think they have only one political option when the system is disrupted and distracted by an emergency, Politics might regain its rights.[1] Then “soft commerce” could be put back in the subordinate and dependent place where it belongs in a world in order.

Appendix: Two Different & Opposed Conceptions of the Economy: Adam Smith & Friedrich List.

Adam Smith (1723–1790). British economist born in Scotland. Traveling to France, he connected with the physiocrats (Turgot). In 1776 he completed his great work, An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations, which made him the theorist of economic liberalism. For Smith, the psychological engine of all economic activity is self-interest and the hedonist principle which drive men to seek maximum satisfaction with minimum effort. He believes in the spontaneity and beneficial character of economic activity (the “hidden hand” and “soft commerce”). It realizes the designs of Providence. The State must “laisser faire, laisser passer.” Adam Smith justifies international free trade which is appropriate for maritime powers like Great Britain and later the United States.

Friedrich List (1789–1846). German economist. Partisan of the abolition of tariff barriers between the German States (Zollverein), he could not make himself heard and thus exiled himself to the United States (1824), where he made a fortune. After his return to Germany, when the Zollverein was achieved (1834), he pioneered railroad construction. Ruined by a financial crisis, he committed suicide in 1846. He theorized the autarky of great spaces: an economy that is protectionist externally and liberal internally. Unlike Adam Smith, List did not believe in the mutual enrichment of nations by “soft commerce” but in eternal economic war. His principle, “strong economy and strong army,” would be applied by the great powers: The United States practiced protectionism while prohibiting it for the rest of the world.

Notes

1. Politics with a capital “P” designates the superior principles of power (to command, to judge, to protect. Politics with a small “p” designates practice.

jeudi, 02 décembre 2010

Atene dorica. Comunità gerarchica di popolo

Atene dorica. Comunità gerarchica di popolo

athenes-agora-grecque-11.jpgA sentire il poeta aristocratico Teognide (VI-V secolo a.C.), già ai suoi tempi si doveva parlare di crisi della Tradizione: a quel tipo di Junker greco, tutti i valori superiori sembravano esser crollati dinanzi all’affermazione del dèmos. Ci sono intellettuali della Grecia antica che fanno pensare a certi loro omologhi moderni. Difensori dei valori tradizionali, essi  interpretano la società a democrazia totalitaria del loro tempo come una caduta plebea e demagogica. Teognide o Pindaro, ad esempio, per diversi aspetti si assomigliano come gocce d’acqua a Jünger o a Evola: per loro un’aristocrazia democratica, estesa a tutto il popolo, è uno sproposito. Nessuno dei quattro ammise che la valenza politica dell’eguaglianza di stirpe affermatasi in modi diversi a Sparta e ad Atene, così come nel Reich del 1933, non era un principio di eguaglianza assoluta, ma l’allargamento della coscienza signorile all’intera comunità di popolo, per via del comune lignaggio di sangue. Per il reazionario, spesso difendere la casta vuol dire essere ostile al popolo.

 

 

La democrazia greca nulla ha da spartire con gli universalismi della moderna “democrazia” liberale, che di fatto è una tirannia del denaro in mano a oligarchi estranei al popolo, ridotto a massa livellata. La differenza sta tutta nel concetto cardinale che ad Atene la democrazia non è un diritto, ma un privilegio.

 

Per capire come in Grecia non solo Sparta, ma anche Atene fosse il centro di una concezione di democrazia anti-egualitaria ed etnicista, del tutto opposta all’idea moderna di “democrazia” parlamentare basata sui diritti individuali, basta dare uno sguardo agli ordinamenti di Pericle. È vero che l’epoca classica non vide più all’opera i venerandi ceppi nobiliari dell’epoca arcaica, già decaduti, ma è altrettanto vero che presentava ugualmente la volontà di preservare i retaggi bio-storici della Tradizione dorica, allargandoli all’intera comunità popolare, in una vera e propria specie di socialismo nazionale ante-litteram. Grandi politici come Clìstene, Cimone e Pericle, demagoghi a occhi reazionari, in realtà furono protagonisti di una lotta rivoluzionaria, intesa a proteggere con istituzioni sociali ferree l’identità atavica del popolo, di tutto il popolo, messa in pericolo dal procedere dei commerci e dai contatti con le altre popolazioni. Secondo Plutarco, Pericle, di carattere autoritario e carismatico, era un «capoparte popolare», tipico rappresentante della politica ateniese, gestita da Capi forniti di un Seguito personale, alla maniera della democrazia tribale germanica. Quello di Pericle, in particolare, fu un sistema di potere fondato sul sostegno diretto del popolo, senza intermediari istituzionali, e tutto basato sul prestigio del capo.

 

La cittadinanza, nell’Atene del V secolo, non era un pezzo di carta da mettere in mano al primo venuto, come accade oggi nella “democrazia” liberale. Pericle restrinse la legge precedente, che considerava cittadino chi fosse figlio di un genitore ateniese, e riservò il diritto di cittadinanza unicamente al figlio di entrambi i genitori ateniesi. Questa disposizione – risalente al 451 – si accompagnava al tassativo divieto di contrarre matrimoni misti, secondo una legislazione che prevedeva la condanna e la confisca dei beni per un Ateniese che avesse sposato una straniera e la riduzione in schiavitù per qualunque straniero si fosse ammogliato con una Ateniese. I divieti di immigrazione erano chiari: si tollerava soltanto la presenza dei meteci, stranieri-residenti privati dei diritti civili, cui si inibiva la facoltà di possedere terra, di ricoprire cariche pubbliche, di adire ai tribunali.

Per un’idea di quanto fosse egualitaria Atene, basta un piccolo esempio: l’omicidio di un Ateniese per mano di uno straniero comportava la messa a morte del colpevole, mentre l’omicidio di uno straniero per mano di un Ateniese era punito con una multa…insomma, nulla a che vedere con l’ideologia dei diritti individuali…Si ricordi che siamo nell’aureo V secolo, l’epoca di Platone, di Fidia, di Eschilo, di Sofocle: tutte persone così poco “democratiche” in senso moderno, da considerare del tutto ovvia la superiorità della loro civiltà rispetto a quelle “barbare”, e da vantare l’eccellenza non solo di ordinamenti comunitari apertamente discriminatori verso gli stranieri, ma pure dell’aggressivo imperialismo colonizzatore ateniese – attivo dalla Sicilia al Mar Nero – e persino del sistema schiavile, su cui Atene basava la propria economia e di cui, tra gli altri, Aristotele fece un celebre elogio.

 

E proprio da Aristotele sappiamo di un caso tipico, in cui certi stranieri giunti verso il 510 ad Atene per partecipare alla vita politica ne furono senz’altro allontanati perché non in grado di «dimostrare la loro discendenza dai più remoti antenati della società attica»: era questo il metodo del diapséphismos, la revisione delle liste elettorali in base alla «purezza della nascita». Qualcosa che, ad un confronto, fa apparire le leggi di Norimberga del 1935 – che, diversamente da quelle ateniesi, contemplavano numerose eccezioni, a cominciare dalla figura del Mischlinge, il sanguemisto, del tutto sconosciuta ad Atene – delle blande misure di magnanima tolleranza.

 

Platone definì bene il senso della democrazia ateniese: «un’aristocrazia con l’approvazione del popolo». Una democrazia, quindi, gerarchica, diretta e acclamatoria, in cui la isonomìa, cioè l’uguaglianza davanti alla legge, riguardava unicamente i nativi d’Attica, di cui si sollecitava la partecipazione politica e la mobilitazione, chiamandoli a condividere in assemblea pubblica le decisioni prese dal comando politico. Questo è il senso di ciò che è stato definito il “totalitarismo” delle istituzioni ateniesi, tutte incentrate sulla netta distinzione tra membri della polis ed estranei, sulla rude chiusura ad ogni assorbimento di stranieri, sulla centralità della fratrìa quale organismo parentale e insieme sorta di corporazione ereditaria. Un ricordo dell’arcaico ordinamento ateniese, in cui gli eupàtrides (i patrizi di “buona nascita”), gli agrìkoi (i contadini) e i demiùrgoi (gli artigiani) davano vita allo Stato organico etnico e corporativo.

 

Nell’Atene classica vigevano, ripotenziati da Pericle, gli arcaici presupposti dell’Atene dorica, in cui il legame di sangue veniva protetto lungo la linea ereditaria sia familiare che “nazionale”. Alla base di tutta la grecità troviamo il concetto di synghéneia, la fratellanza di sangue, che ad Atene – città e territorio uniti in un’unica koiné – veniva tutelata dalla legge e riproposta attraverso un fitto reticolo di legami sociali: le varie tribù in cui era suddiviso il dèmos si diramavano su base razziale vera e propria, con la fratrìa, e su base territoriale, con i dèmoi, racchiudendo il senso dell’antica filé dorica, la tribù clanica che legava l’individuo come membro di schiatta radicato al suolo. In questo quadro, così lontano dall’idea moderna di “democrazia”, c’era spazio anche per la difesa del klèros, il possedimento familiare inalienabile, nucleo della solidarietà di stirpe e di terra, secondo il ben noto “mito dell’autoctonia” attica. Come dire, un Blut und Boden in piena regola.

 

In realtà, la preponderanza della comunità sull’individuo era tale che, ad Atene, tutto veniva risolto comunitariamente, e la società inglobava il singolo in ogni aspetto della vita associata. Era lo “Stato” ad occuparsi, ad esempio, della gestione dei funerali, del mantenimento degli orfani, della regolamentazione della prostituzione o della vendetta familiare. Solo che lo “Stato” come lo intendiamo noi, ad Atene semplicemente non esisteva. Come ha scritto lo storico Brook Manville, ad Atene lo “Stato” erano tutti i cittadini: «La comunità non temeva l’intervento dello Stato: la comunità era, infatti, lo Stato». In altre parole, ad Atene ciò che contava non era lo Stato burocratico e anonimo, ma, detto con parola che rende bene l’idea, era il Volk.

 

Antonio Castronuovo, studioso della democrazia ateniese, ha riportato le enunciazioni del mito: «Noi siamo Greci puri e mai ci siamo mescolati coi barbari…non abbiamo contaminato il nostro sangue…», definendole una «vera attestazione di purezza etnica», cosicché «l’uomo attico vuole far credere che il ghénos, la stirpe, sia il primo livello di aggregazione comunitaria». E si ricorderanno le famose parole del Menesseno platonico: «Il primo fondamento della loro buona nascita sta nell’origine dei loro antenati, non straniera…».

Nell’Atene di Pericle vediamo insomma una società completamente “anti-democratica” in senso moderno e democratica in senso tradizionale: autarchia economica; gerarchia del rango sociale; privilegio esclusivo dell’appartenenza; solenne culto dei padri e degli eroi; mistica dell’ethnos ereditario; sacralizzazione del suolo patrio; libertà di popolo e non libertà dell’individuo; religione della guerra, dell’onore e del coraggio; culto della bellezza e della sanità psico-fisica; partecipazione totalitaria dei cittadini alla vita pubblica nelle liturgie assembleari; abbattimento del diaframma tra sfera pubblica e privata…e così via. Tutti valori rivendicati da Pericle in persona, in una celebre orazione dell’anno 431.

Quando, ancora oggi, sentiamo ripetere la secolare sciocchezza che Atene sarebbe statala culla della democrazia occidentale”, a stento si può reprimere una risata omerica. Ricordiamo solo le brevi parole di Ambrogio Donini, il famoso studioso di religioni: «La cosiddetta “democrazia greca” è un’invenzione della storiografia idealistico-borghese». Ad Atene, come a Sparta, non si aveva idea di cosa fossero il cosmopolitismo, i diritti individuali, l’eguaglianza universale, il pacifismo, il libertarismo, l’etnopluralismo e tutte le altre devastanti utopie della liberaldemocrazia. Ad Atene, come a Sparta, civiltà significava lotta eterna per difendere la propria identità contro tutte le aggressioni, quelle di fuori come quelle di dentro.

Luca Leonello Rimbotti

mercredi, 01 décembre 2010

La "tension psychologique insurrectionnelle"

La « tension psychologique insurrectionnelle »

Par Philippe Grasset

Ex: http://fortune.fdesouche.com/

(…) Dans Notes sur l’impossible “révolution” du 24 septembre 2009, sur dedefensa.org, était exprimée la conviction que les mouve

Honoré Daumier, "L'insurrection" (1860)

ments d’insurrection et de révolte auxquels nous avons l’habitude de nous référer sont définitivement dépassés parce que totalement inefficaces, voire contreproductifs.

Pour diverses raisons exposées dans l’analyse, de tels mouvements sont condamnés par avance s’ils prétendent obtenir directement un résultat décisif correspondant au but d’insurrection de ceux qui l’initient. Pour moi, c’est un fait indiscutable, même si le mouvement parvient à un résultat tangible.

 

(Résultats tangibles de telles actions, si elles pouvaient avoir lieu ? Soit changer le régime des retraites, soit, plus hypothétiquement, prendre d’assaut le Palais de l’Elysée et habiller Sarko en sans-culotte ou en scout du Secours Catholique ; soit même, pour des Irlandais colériques et qu’on sait être coriaces et courageux, des émeutes insurrectionnelles ne menant qu’au même cul de sac de la prise d’un pouvoir politique dont ils ne sauraient que faire puisque leur pays, comme les autres, n’est qu’un maillon du système et rien d’autre. Le seul cas où une action politique réelle peut donner directement un résultat décisif, par son caractère intrinsèque de psychologie insurrectionnelle réalisant effectivement une attaque contre le cœur de la psychologie du système, c’est l’éclatement de l’Amérique avec la destruction de l’American Dream qui s’ensuit, – perspective qui, soit dit en passant, ne doit pas nous paraître rocambolesque lorsqu’on lit le dernier article de Paul Krugman.)

Cette affirmation de “l’impossibilité d’une révolution” selon le sens classique ne doit certainement pas être prise comme une affirmation désespérée, désenchantée et nihiliste si vous voulez, mais simplement comme la prise en compte du fait que nous sommes dans une époque différente, où les forces en action sont complètement différentes de celles qu’on observait dans l’époque précédente (Epoque psychopolitique et plus du tout géopolitique, où il n’y a plus aucun rapport de cause à effet entre une action politique de rupture violente, même réussie, et un changement décisif du système).

Voilà mon postulat de base, qui s’applique essentiellement dans les pays du bloc occidentaliste-américaniste, – c’est-à-dire dans les seules situation où vous pouvez toucher le système au cœur ; dans ces conditions nouvelles, “toucher au cœur le système” deviendrait alors, plutôt qu’effectivement parvenir à sa destruction d’une façon directe, accélérer puissamment, voire décisivement, son mouvement de destruction interne déjà en cours, du fait de ses propres tares fondamentales.

Je vais tenter d’expliquer les caractères de cette nouvelle situation d’abord, ce qui peut être fait ensuite, comment ce qui peut être fait peut être exploité efficacement, sinon décisivement, enfin.

La psychologie, l’arme de l’insurrection

Je mets en avant bien entendu, avant toute chose, le facteur de la psychologie, qui est complètement essentiel dans mon propos. C’est par lui que tout passe, à cause de la puissance du système de la communication, instauré par le système général mais qui, à cause de ses spécificités contradictoires, joue un “double jeu”, alors que l’autre composante du système général, le système du technologisme, est dans une crise si profonde qu’elle pourrait être qualifiée de terminale, – ce qui est ma conviction.

(Sur ce dernier point, quelques mots… Je me demande chaque jour, chaque heure, chaque minute, comment on peut encore substantiver en termes de capacités politiques et militaristes également efficaces jusqu’à lui prêter un caractère de quasi invincibilité, un système dotée de cette puissante effectivement colossale, qui étouffe littéralement sous l’accumulation de centaines et de centaines de milliards de dollars annuels, qui est incapable de fabriquer un avion de combat [JSF], incapable de prendre une décision contractuelle [KC-X], incapable au bout de neuf ans de comprendre les données fondamentales absolument primaires de la guerre où elle se débat comme dans un pot de mélasse [Afghanistan], etc. Et l’on croirait, par exemple, qu’un excrément bureaucratique de plus [le “concept stratégique de l’OTAN”] irait changer quelque chose, sinon accroître encore le désordre général et la paralysie ossifiée de cette bureaucratie ? Il y a parfois l’impression qu’une telle observation du système par ceux qui professent leur immense aversion pour lui, témoigne également de la part de ces mêmes critiques d’une singulière fascination pour lui, comme une croyance paradoxale dans la magie de ce même système. C’est lui faire bien de l’honneur, et s’en informer fort mal.)

Poursuivons… Donc le système de la communication est un Janus. Il sert le système général mais, également, il le trahit joyeusement dès que les arguments auxquels il est sensible (sensationnalisme, méthodologie de l’effet, etc.) se retrouvent dans des appréciations contestataires du système, non par goût de la trahison mais par goût de l’apparat et de l’effet de ces informations, qui ont alors sa faveur puisqu’elles font marcher la machine (Vous savez, cette remarque désolée que fait parfois tel ou tel président, tel ou tel ministre, aux journalistes, même des journalistes-Pravda ses fidèles alliés : “mais pourquoi mettez-vous toujours l’accent sur les mauvaises nouvelles ?” Pardi, parce que c’est ça qui est “sensationnel”, qui fait marcher le système de la communication, et parce qu’il n’y a rien de mieux que les “mauvaises nouvelles” pour faire marcher le système, et qu’en plus il n’y a plus aujourd’hui que des “mauvaises nouvelles”).

Par conséquent, Janus est de tous les coups, il marche avec son temps (“il n’y a plus aujourd’hui que des mauvaises nouvelles”) et il est ainsi devenu, sans intention délibérée, la plus formidable machine à influencer les psychologies dans le sens de la déstructuration du système.

En répercutant les commentaires alarmistes des serviteurs du système concernant les dangers d’insurrection des populations de notre système pourtant si cajolées de mots ronflants, le système de la communication contribue grandement à créer un climat psychologique insurrectionnel. Mais ce climat n’engendre rien de décisif dans ce qu’on juge être décisif, – l’action “révolutionnaire”, – parce que nul ne sait comment s’insurger efficacement de cette façon-là.

C’est cette idée de cette situation sans précédent, qui renverse complètement les situations connues : hier, tout le monde savait ce que serait une “révolte”, c’est-à-dire par le moyen de la “violence révolutionnaire”, l’inconnue résidant dans le fait qu’on ignorait quand existerait une volonté ou une occasion de la faire ; aujourd’hui, tout le monde admet qu’il existe partout une volonté d’insurrection, l’inconnue résidant dans le fait qu’on ignore quelle forme pourrait et devrait prendre cette insurrection.

Alors, il y a partout des protestations, des manifestations, des initiatives spontanées parfois étranges, qui ne débouchent sur rien de définitif, et l’on s’en désole ; mais l’on n’a pas raison parce qu’elles ont aussi l’effet d’accroître constamment cette tension psychologique insurrectionnelle.

L’essentiel est dans ce bouillonnement psychologique. Prenez le cas d’Eric Cantona (voir le texte du 22 novembre 2010) ; type pas sérieux, Cantona, provocateur, people et ainsi de suite. Ce qui est accessoire en l’espèce – mais d’ailleurs sans préjuger des effets éventuels de cette “initiative spontanée” (retrait massif d’argent des banques), car nous ne sommes pas au bout de nos surprises –, c’est de prendre trop au sérieux la proposition de Cantona, en disant et expliquant “ça marchera”, ou bien “ridicule, ça ne marchera pas”.

Pour l’instant (cette restriction bien comprise), l’analyse de la chose n’a strictement aucun intérêt. Ce qui importe et rien d’autre, c’est la contribution involontaire de Cantona, idole people des foules, à la montée de la tension psychologique insurrectionnelle. On pourrait définir ce que je nomme “psychologie insurrectionnelle”, un exemple très précis et extrême à cet égard, dans un texte de l’écrivain et poète US Linh Dinh, sur OnLineJournal, le 15 novembre 2010.

Première phrase du texte : « Revolt is in the air » [La révolte est dans l'air]. Puis un long catalogue des révoltes qui pourraient avoir lieu aux USA, jusqu’à la sécession, jusqu’aux révoltes armées, etc., mais chaque fois avec l’observation que cela ne se fera pas, parce que la population est trop apathique, les conditions ne s’y prêtent pas, etc. Donc, constat pessimiste, sinon désespérant ?

Et puis cette conclusion, qui contredit tout le reste, – sauf la première phrase : «I have a feeling, however, that we may be nearing the end of being jerked back and forth like this, that even the most insensate and silly among us is about to explode » [J'ai le sentiment, toutefois, que nous pourrions bientôt finir d'être trimballés en avant et en arrière comme cela, que même le plus insensé et stupides d'entre nous est sur le point d'exploser].

…Tout cela conduisait, dans le même texte référencé (sur Cantona), à cette conclusion qui me paraît digne d’intérêt pour cette réflexion : «Peut-être déterminera-t-on finalement, selon l’évolution de ce “climat” de la recherche d’une nouvelle forme de révolte et de la tension psychologique que cela ne cesse de renforcer, que c’est le développement même de ce climat qui est, en soi, la nouvelle forme de la révolte…» (Encore une fois, le mot “révolte” n’aurait pas dû être employé, mais bien celui d’“insurrection”.)

Pour conclure cet aspect de l’analyse par une tentative de chronologie datée, je proposerais l’hypothèse que cette phase d’“insurrection psychologique” où nous sommes entrés est la phase suivante de l’évolution des peuples face à la grande crise de notre système et contre ceux qui servent encore ce système, après ce que je nommerais la phase de “résistance psychologique” qui s’est développée entre les années 2003-2004 et 2008-2009…

Cela correspond par ailleurs, et ceci n’est pas sans rapport avec cela, avec ce que j’estime être, dans l’année que nous terminons, l’entrée dans la phase active de la crise eschatologique du monde, cette crise qui se développe comme un volcan entre en activité vers son éruption, au travers de la pression des crises de l’environnement, des ressources, de la crise climatique, etc.

TINA pour nous aussi

Comment analyser d’une façon générale cette situation dans la perspective de ce qui devrait être fait, sinon de ce qui pourrait être fait ?

Je dirais que le but de l’“insurrection” ne doit pas être, n’est pas de “prendre le pouvoir” (c’est-à-dire le système, bien sûr), mais de “détruire” le pouvoir (le système). Il n’est même pas intéressant de l’“affaiblir” avant de le frapper, ce pouvoir, mais, au contraire, de le frapper pour le détruire alors qu’il est au faîte de sa puissance…

Car il est au faîte de sa puissance et le restera, y compris et surtout en conduisant lui-même son processus d’autodestruction, – plus il est puissant, plus sera puissant son processus d’autodestruction, – cela, à l’ombre d’une autre contradiction qui caractérise sa crise terminale : plus il est puissant, plus il est impuissant.

Mises à part les considérations humanitaires dont on connaît l’illusoire vertu et la grandiose inutilité, je dirais que le cynique qui veut la peau du système ne comprendrait pas une seconde ceux qui, se disant eux-mêmes adversaires du système, réclament à grands cris et espèrent ardemment le retrait américaniste d’Afghanistan, même pour les meilleurs motifs du monde.

Que l’OTAN et l’U.S. Army y restent, en Afghanistan, qu’elles y déploient toute leur puissance, tant il est évident qu’elles sont en train de se dévorer elles-mêmes, en aggravant chaque jour leur crise structurelle et la crise psychologique de ceux qui ordonnent et conduisent cette guerre sans but, sans motifs, sans commencement ni fin, sans rien du tout sinon la destruction de soi-même.

Et tout cela doit bien être compris pour ce qui est, au risque de me répéter, pour bien embrasser le caractère complètement inédit de cette situation…

Il n’y a là-dedans ni affrontement classique, ni une sorte de “guerre civile” au sens où nous l’entendons, ni “révolte” justement, comme j’en indiquais la définition au sens classique. Il y a une “attaque” qui est un mélange de pression psychologique et d’action désordonnée suscitées par cette pression psychologique et l’accentuant en retour, – et là, effectivement, nous abordons le champ de l’action qui est possible aujourd’hui, à la place des mouvements “révolutionnaires” classiques et totalement discrédités.

Cette attaque par la “pression psychologique insurrectionnelle” touche le système (ses représentants mais lui-même en tant qu’entité, dirait-on) dans sa propre psychologie, affaiblit cette psychologie dans le sens du déséquilibre, avec toutes les fautes qui en découlent, ce qui accélère effectivement le retournement de sa propre immense puissance contre lui-même.

En attaquant “le pouvoir” (le système), vous attaquez le système, comme l’indiquent justement les parenthèses ; vous n’attaquez pas des hommes mais un système (anthropotechnique si vous voulez, mais aussi bien anthropotechnocratique, etc.), dont j’ai déjà dit ma conviction qu’il évolue de façon absolument autonome, hors de tout contrôle humain, mais au contraire en entretenant une servitude humaine à son avantage, dont celle des dirigeants politiques est une des formes les plus actives.

Ce dernier point indique qu’à la limite, mais une limite qui prend de plus en plus d’importance dans le contexte, l’insurrection réclamée, qui est d’abord une “insurrection psychologique” manifestée par une tension grandissante, doit aussi, et peut-être d’abord, avoir comme objectif naturel de son influence, dans ce cas définie presque comme bienveillante, la psychologie des directions et élites politiques, comme pour venir à leur secours.

Dans cette situation extraordinaire et, contrairement à tous les dogmes et théories sur l’influence, la manipulation, etc., les dernières psychologies “sous influence” de la manipulation du système sont celles des directions et élites politiques, nullement celles des populations. Ces directions et élites politiques sont beaucoup plus prisonnières par auto conditionnement (virtualisme), par aveuglement ou par dérangement psychologique, que complices conscientes et cyniques.

La pression de l’“insurrection psychologique” des peuples doit agir sur elles pour affaiblir leur “dépendance” psychologique du système, pour subvertir leur démarche de soumission et leur position d’asservissement, – en vérité, et j’ironise à peine, pour les libérer, rien de moins…

Pour cette sorte d’action, dont la composante psychologique est essentielle, il faut des mouvements confus, incompréhensibles, parce que justement ces mouvements constituent une force psychologique insurrectionnelle brute semeuse de troubles sans fin dans les psychologies prisonnières du système, qui croient encore à la bonne ordonnance du système, qui craignent le désordre par dessus tout, et ce désordre commençant par la confusion psychologique.

Le seul but, – inconscient, bien plus que conscient, sans aucun doute, – de cette sorte d’action de ces “mouvements confus” est effectivement de “détruire” le pouvoir (le système) ; ces actions ont un aspect nihiliste qui se reflète dans leur confusion, mais ce nihilisme agit comme un contre feu, contre le nihilisme institutionnalisée du système, et elles acquièrent par logique contradictoire un aspect structurant antisystème extrêmement positif… Tout cela, comme vous le constatez, se déroule toujours dans le champ de la psychologie.

Bien entendu, il y a l’exemple de Tea Party. Ne nous lamentons pas si nous ne comprenons pas vraiment le but de Tea Party, bien au contraire ; surtout, surtout, il faut éviter tout jugement idéologique, de celui qu’affectionnent les vieilles lunes de notre establishment progressiste qui se donnent encore la sensation d’exister comme dans les belles années du XXème siècle, autour de la Deuxième Guerre mondiale, en agitant l’épouvantail de l’extrême droite et du “populisme”.

Politiquement, Tea Party c’est tout et rien, et c’est n’importe quoi, – et c’est tant mieux ; c’est, par contre, l’archétype du mouvement né d’une “psychologie insurrectionnelle”, qui doit être considéré pour cette dynamique, cette pression de l’insurrection psychologique qu’il fabrique et nullement pour ses motifs confus… L’on conviendra que tout cela n’est pas sans résultats, et quels résultats quand on voit l’évolution vertigineuse de la panique du système washingtonien.

Depuis le 2 novembre, l’establishment washingtonien ne cesse de grossir Tea Party, son action, son influence, bien plus que ne le justifieraient ses résultats aux élections. On construit à partir de lui des monstres qu’on pensait impossibles à Washington, comme l’annonce d’une aile “neo-isolationniste” au sein du parti républicain, laquelle, à force d’annonces et d’avertissements répétés, finit par exister vraiment.

On envisage des réductions dans le budget de la défense et Paul Krugman nous annonce un affrontement politique de rupture à Washington pour le printemps prochain, où Tea Party ne laissera sa place à personne. C’est cela, “détruire” le pouvoir (le système), le forcer à fabriquer lui-même, dans sa toute puissance, les monstres qu’il abomine et qui vont le dévorer. Et le moteur de tout cela, c’est bien la perception d’une irrésistible tension psychologique insurrectionnelle.

Enfin, dira-t-on en pianotant nerveusement sur la table, devant son écran d’ordinateur, lisant ce texte, où tout cela va-t-il mener ? L’esprit et la raison ne peuvent se départir de leur passion pour l’organisation du monde qui soit à leur mesure, où ils tiennent une place essentielle, dont ils peuvent proclamer la gloire à leur avantage… Bien entendu, la question est hors de propos. Pour l’instant on frappe, on frappe et on frappe encore, et l’on frappe principalement par cette pression psychologique insurrectionnelle…

Et le système fait le reste devant cette pression qu’il ne comprend pas mais qui l’enserre, il transforme son immense et invincible puissance en une force contre lui-même par des réactions stupides, absurdes, des maladresses extraordinaires.

Vous dites que le système est très, peut-être trop puissant ? Qui a parlé de le vaincre sur son terrain ? Surtout pas, il faut retourner contre lui, comme un gant, sa puissance énorme, comme le recommande l’honorable Sun tzi. Il s’effondrera ; d’ailleurs, cela est en cours, l’effondrement…

Et après ? Quel monde organiser? Oh, quelle ambition est-ce là… Laissez donc la montagne de fromage pourri et les murs de Jericho s’écrouler avant d’envisager ce qu’on peut mettre à la place, – non, pardon, avant d’envisager ce qui se mettra en place, de soi-même et irrésistiblement, par la grâce de forces puissantes.

Par cette formule, je veux avancer ceci : si l’hypothèse se vérifie et si la “pression psychologique insurrectionnelle” parvient effectivement à participer, sinon décisivement du moins considérablement, à la déstabilisation et à la déstructuration du système jusqu’à son effondrement, c’est que des forces fondamentales, supérieures à nous, auront évidemment favorisé cette issue qui n’est pas de l’empire de la raison, mais plutôt suggérée par l’intuition ; ces forces resteront présentes pour l’étape d’après la Chute et joueront leur rôle, fondamental à mesure…

Pour ce qui nous concerne, pour l’immédiat, nous autres brillants sapiens de l’espèce vulgum pecus, nous n’avons, à l’image du système, que la perspective TINA (There Is No Alternative) ; mais cela, dans une position de contre force, contre le système, car il n’y a pour nous pas d’alternative à la concentration de toutes nos forces dans le but ardent de la destruction d’un tel système, cette “source de tous les maux” dont l’unique but est aujourd’hui la destruction du monde.

Les sapiens revenus sur terre, à leur place, dans le chaos qu’ils ont tant contribué à créer, sont des acteurs parmi d’autres, et pas les plus grandioses, – certainement nous sommes cela, avec une bonne cure d’humilité à suivre, considérant le monstre extraordinaire que notre “génie” pleinement exprimé dans la modernité a contribué à créer.

Qu’ils s’en tiennent, les sapiens, à ce rôle qui n’est pas sans beauté ni dignité, comme l’est l’humilité devant l’ébranlement du monde dont nous ne tenons plus les fils. Ainsi bien compris, ce rôle n’est pas inutile.

Dedefensa

Un grand catholique: Carl Schmitt

Un grand catholique : Carl Schmitt

par Rémi Soulié

Ex: http://stalker.hautetfort.com/ 

Série: (Infréquentables, 6) - Tous les infréquentables.

Le texte de Rémi Soulié, ci-dessous légèrement amendé, a paru dans le numéro spécial de La Presse littéraire consacré aux écrivains infréquentables.

«Je tiens Carl Schmitt pour un profond penseur catholique…»
Jacob Taubes.


carl_schmitt9999.jpgAucun bricolage néo-kantien ne pourra longtemps masquer le nihilisme démocratique et la vacuité moderne – d’autant moins d’ailleurs que cet excellent lecteur de Kant que fut Jacobi diagnostiqua parmi les premiers la maladie nihiliste que les trois Critiques incubèrent fort peu de temps avant qu’elle ne se déclare. L’Europe, c’est-à-dire très exactement la chrétienté selon Novalis, ne pourra réagir qu’en opposant son antidote souverain : le catholicisme. On peut prendre la question dans tous les sens, ce n’est qu’en réactivant l’interrogation théologico-politique, comme l’ont compris Joseph de Maistre, Donoso Cortès, Carl Schmitt, mais aussi Leo Strauss et Jacob Taubes d’un point de vue juif, donc, en dernière analyse, chrétien, que l’on pourra faire rendre gorge au néant. L’adhésion très temporaire de Carl Schmitt au NSDAP (après d’ailleurs qu’il a mis tout Weimar en garde, dès 1932, sur le danger national-socialiste et l’urgence à interdire, par l’article 48 de la Constitution, les partis communiste et nazi) ne s’explique là encore que par la mystique au sens de Péguy – et non la politique: le catholique conséquent croyant en l’existence de l’univers invisible et donc des mauvais anges peut être abusé par les ruses et les séductions de l’Ennemi (au sens schmittien, d’une certaine façon, nous y reviendrons) jusqu’à prendre des vessies pour des lanternes et le point culminant du nihilisme actif (et non passif, celui-ci relevant de la juridiction démocratique) pour le paroxysme de la vérité. À la lettre oxymorique, il côtoie toujours les cimes des abîmes, comme un abbé Donissan ou un curé d’Ambricourt et à la différence de n’importe quel démocrate-chrétien. Les enfileurs de perles et les analystes du rien, hommes du ni oui ni non, font aujourd’hui écran au théologien politique, homme des affirmations absolues et des négations souveraines fidèle à l’Évangile («Que votre oui soit oui, que votre non soit non», Mt 5, 37) alors que ce dernier est évidemment requis par la tiédeur infernale. Le libéralisme, hostile à toute forme de vision, ne voit bien entendu se profiler aucune eschatologie à l’horizon de sa myopie : il rassemble l’alpha et l’oméga de l’Histoire – formule inadéquate quoique révélatrice de la parodie – dans l’alternance, le marché, l’hédonisme, le sentimentalisme et l’humanitarisme (ce que Schmitt appellera, non sans mépris, «la décision morale et politique dans l’ici-bas paradisiaque d’une vie immédiate, naturelle, et d’une «corporéité» sans problèmes» ou «les faits sociaux purs de toute politique»). Qui décidera de l’état d’exception en cas de guerre civile ? Le souverain, soit, personne (l’anti-personne démoniaque – en ceci, le désespoir demeure en politique une sottise absolue, puisque aussi bien le diable porte pierre).

Né en 1888 dans une famille catholique de Rhénanie lointainement originaire de Lorraine, le jeune Carl Schmitt se définit ainsi : «J’étais un jeune homme obscur, d’ascendance modeste […]. Je n’appartenais ni aux couches dirigeantes, ni à l’opposition […]. La pauvreté et la modestie sociale étaient les anges gardiens qui me tenaient dans l’ombre. C’était un peu comme si, me tenant dans un noir total […] j’avais depuis mon poste observé une pièce vivement éclairée […]. La tristesse qui me remplissait me rendait plus distant et suscitait chez les autres distance et antipathie. Pour les couches dirigeantes, quiconque ne vibrait pas à l’idée de les côtoyer était un corps étranger. Il s’agissait de s’adapter ou de se retirer. Je demeurai donc à l’extérieur.» Il poursuit : «Pour moi, la foi catholique est la religion de mes ancêtres. Je suis catholique non pas seulement par confession, mais par origine historique, et si j’ose dire, par la race» (où l’on notera, avec ce dernier terme, l’influence de Péguy).
Lecteur de L’Action Française, francophile, classique, latin, Carl Schmitt s’inscrit également dans la lignée des penseurs qui refusèrent l’absolutisation de la raison trop humaine aux côtés du Karl Barth commentateur de l’Épître aux Romains dans le domaine protestant ou de Martin Buber dans les études juives, fussent-elles hétérodoxes. Si, comme il l’affirme, tous les concepts fondamentaux de la théorie moderne de l’État sont des concepts théologiques sécularisés – ainsi, par exemple, de l’état d’urgence pensé en analogie avec le miracle puisque dans l’un et l’autre cas, la législation naturelle ou politique est rompue par ceux-là mêmes qui l’ont instituée –, seule la théologie permettra de cerner la vérité des sociétés qui croient s’être affranchies de l’une et de l’autre. Le libéralisme nie l’essence de la haute politique qui suppose, en termes schmittiens, un ennemi c’est-à-dire un conflit (chez les pères de l’Église et saint Augustin en particulier, l’Ennemi, c’est le Mauvais, ce qui peut être également le cas chez Schmitt dès lors que la dramaturgie historique oppose in fine le Christ et l’Antéchrist). En niant l’immortalité de l’âme ou en renvoyant cette croyance dans la sphère privée – ce qui revient au même –, le libéral tente de remplacer la tragédie par le vaudeville. La haute politique présuppose la croyance dans le péché originel, la discrimination de l’ami et de l’ennemi qu’elle induit, la dénonciation des leurres de l’Antéchrist – paix perpétuelle, harmonie universelle, gouvernement mondial («Vous savez vous-mêmes que le Jour du Seigneur arrive comme un voleur en pleine nuit. Quand les hommes se diront : Paix et Sécurité ! c’est alors que tout d’un coup fondra sur eux la perdition, comme les douleurs sur la femme enceinte, et ils ne pourront y échapper» (I Thessaloniciens, 5, 2-3) -, l’acceptation de notre condition de créature, donc d’être limité voué à la mort voire au «sérieux» du sacrifice, la décision, enfin, dont l’infaillibilité pontificale pourrait être l’un des modèles. Avec Donoso Cortès, Carl Schmitt considère que le libéralisme et la démocratie consistent soit à ne pas répondre à la question «le Christ ou Barrabas ?» en multipliant les motions de renvoi en commission ou, mieux, en créant une commission d’enquête, soit à y répondre nécessairement par la libération de Barabbas, comme Hans Kelsen en convient d’ailleurs mais pour s’en féliciter, c’est-à-dire par la mise à mort de Dieu – ou, dirait Benny Lévy d’un point de vue juif donc chrétien, par le «meurtre du Pasteur». (L’établissement de la République, en France, releva encore partiellement du domaine politique et donc non libéral puisque les républicains avaient désigné en l’Église catholique l’ennemi «schmittien», et c’était de bonne guerre cela va de soi; la «lutte millénaire entre le christianisme et l’islam» (La Notion de politique ) en est un autre exemple).
Comme aucun discours véridique ne peut être proféré sans que son auteur ne subisse d’une manière ou d’une autre la persécution de ceux-là mêmes à qui il s’adresse ou qu’il défend – toute l’histoire biblique l’atteste –, Schmitt, à l’instar de Maurras, souffrit par l’Église catholique. Sur un coup de tête, il épouse à Munich, pendant la Grande Guerre, une affreuse mythomane originaire de Bohême, Paula Dorotic, qui s’enfuit peu de temps après avec, comble de l’horreur, une partie de sa bibliothèque. Le mariage est annulé civilement le 18 janvier 1924 mais la «bureaucratie de célibataires» que peut être aussi la sainte Église catholique, apostolique et romaine refuse par deux fois d’annuler cette union malencontreuse. Schmitt se résout à se remarier et fut ainsi privé des sacrements jusqu’en 1950, date de la mort de sa seconde épouse. Voilà un signe supplémentaire attestant de son élection.
Excellent papiste, il prend la défense de l’Inquisition, même s’il déplore qu’elle ait été hélas pervertie par l’usage de la torture : «Ce fut une mesure terriblement humaine que la création du «droit inquisitorial» par le pape Innocent III. L’Inquisition fut sans doute l’institution la plus humaine qu’on puisse imaginer, puisqu’elle partait de l’idée qu’aucun accusé ne pouvait être condamné sans aveux […]. En termes d’histoire du droit, l’idée d’Inquisition ne peut guère être contestée, même aujourd’hui» (1).
(On ne s’étonnera pas qu’il argumente une fois encore dans des termes voisins de ceux de Péguy, dans un ordre comparable : «La politique de frapper les têtes (les mauvaises têtes) est une politique d’économie, et même la seule politique d’économie […]. Rien n’est humain comme la fermeté. C’est Richelieu qui est humain – et c’est Robespierre qui est humain. C’est la Convention nationale qui est en temps de guerre le régime de douceur et de tendresse. Et c’est l’Assemblée de Bordeaux et le gouvernement de Versailles qui est la brutalité de la brute et l’horreur et la cruauté. [… ] Tout mon vieux sang révolutionnaire me remonte et […] je ne mets rien au- dessus de ces excellentes institutions d’ancien régime, qui se nomment le Tribunal Révolutionnaire et le Comité de Salut Public et même je pense le Comité de Sûreté Générale… […] et je ne mets rien au-dessus de Robespierre dans l’ancien régime»).

Car Schmitt défendra bien entendu le Grand Inquisiteur contre l’orthodoxe Dostoïevski. En ces temps qui sont les derniers, autrement dit en régime apocalyptique, il écoute les derniers prophètes : «Remarquez-le bien, il n’y a déjà plus de résistances ni morales ni matérielles. Il n’y a plus de résistances matérielles : les bateaux à vapeur et les chemins de fer ont supprimé les frontières, et le télégraphe électrique a supprimé les distances. Il n’y a plus de résistances morales : tous les esprits sont divisés, tous les patriotismes sont morts […]. Il s’agit de choisir entre la dictature qui vient d’en bas et la dictature qui vient d’en haut : je choisis celle qui vient d’en haut, parce qu’elle vient de régions plus pures et plus sereines. Il s’agit de choisir, enfin, entre la dictature du poignard et la dictature du sabre : je choisis la dictature du sabre, parce qu’elle est plus noble».
Une chose est sûre : «Le monde avance à grands pas vers l’établissement du despotisme le plus violent et le plus destructeur que les hommes aient jamais connu […]. Je tiens pour assurer et évident que, jusqu’à la fin, le mal triomphera du bien et que le triomphe sur le mal sera, en quelque sorte, réservé à Notre Seigneur. Il n’est donc aucune période historique qui ne soit destinée à s’achever en catastrophe.»
Ainsi s’exprimait Donoso Cortès au parlement espagnol le 4 janvier 1849 dans son Discours sur la dictature. À Ernst Jünger, Schmitt confiera qu’il considère ce texte comme «le plus extraordinaire discours de la littérature mondiale sans excepter ni Périclès et Démosthène, ni Cicéron ou Mirabeau ou Burke».
Carl Schmitt continue de lire Dostoïevski, Sorel, Bloy, pour qui il a de la «vénération» – c’est lui qui introduit d’ailleurs Jünger à la lecture du Belluaire. Il saluera plus tard «la magnifique confrontation d’un Allemand avec Léon Bloy» dans le Journal de Jünger, qui est «le plus grand document de la spiritualité européenne contemporaine.» Comme tout homme bien né, Schmitt attend donc les Cosaques et le Saint-Esprit, soit, la Rédemption – d’où son influence sur Benjamin, qui lui envoie ses Origines du drame baroque allemand et l’assure de l’influence méthodologique de La Dictature sur ses propres réflexions esthétiques mais aussi de sa dette à l’endroit de sa «présentation de la doctrine de la souveraineté au XVIIe siècle», sur Leo Strauss également ou sur l’«archijuif» – comme il se définissait lui-même – Jacob Taubes. Une étude sérieuse des relations entre Carl Schmitt, les Juifs et le judaïsme, que l’on attend toujours (2), devrait également intégrer la notion cardinale de Nomos : si Schmitt se refuse de la traduire par «loi», ce qui pourrait être hâtivement interprété comme une oblitération du judaïsme, il la comprend à partir des trois catégories fondamentales qui y sont incluses – prendre, partager et paître – ce dernier terme engageant certes le Bon Pasteur christique mais également… David ou Moïse (3). Sans mythe structurant, les agnostiques modernes, eux, collaborent pendant ce temps à la damnation du monde tout en jacassant.
Mais c’est surtout par l’analyse de la figure essentielle du katékhon que Carl Schmitt manifeste une hauteur de vue et un sens aigu de l’Histoire toujours sainte dont la pertinence demeure bouleversante. Pour la comprendre, il faut se reporter à un passage particulièrement difficile de la deuxième Épître aux Thessaloniens de saint Paul concernant ce qui précèdera la parousie : «Il faut que vienne d’abord l’apostasie et que se révèle l’Homme de l’impiété, le Fils de la perdition […]. Et maintenant, vous savez ce qui le retient [tò katékhon], pour qu’il ne soit révélé qu’en son temps. Car le mystère de l’impiété est déjà à l’œuvre; il suffit que soit écarté celui qui le retient [ho katékhon] à présent. Alors se révèlera l’Impie, que le Seigneur Jésus détruira du souffle de sa bouche» (2, 3-9). Qui est ce Katékhon, ce «Rétenteur» ou «Retardateur» dont le rôle est ambigu puisqu’à la fois il empêche la survenue des catastrophes finales mais en même temps retarde d’autant la seconde venue du Christ en gloire et donc de la fin de l’histoire puis du Jugement ? Est-il personnel ? Impersonnel ? Saint Jérôme et saint Jean Chrysostome l’identifièrent avec l’Empire romain; dans la terminologie schmitienne, ce rôle semble tenu successivement par le dictateur commis ou souverain, le défenseur de la Constitution ou le Léviathan, ceci étant révélateur de sa propre hésitation entre la nécessité de conserver partiellement ce qui est et sa non moins nécessaire liquidation partielle ou totale (où Bloy s’impatiente, Schmitt temporise). Voilà pour l’interprétation positive. Sur un plan mystique, ce thème manifeste la nécessité de maintenir ouverte la brèche qui déchire la terre, monte au ciel et plonge en enfer, pendant le règne vermineux du dernier homme (règne possiblement antéchristisque, ce qui infirmerait la pérennité de l’action katékhontique). En elle est serti le roc de Pierre, le Corps visible de Jésus-Christ que cette tension ne parvient pas à écarteler. La mission katékhontique relève peut-être de l’Église catholique, et en particulier de l’ordre jésuite, comme Schmitt le suggère dans son Glossarium : elle seule détiendrait le pouvoir mystérieux de prononcer en même temps le «Marana Tha» de l’Apocalypse – «Viens, Seigneur Jésus !» – et la demande d’un délai de grâce (Schmitt sait que le temps n’est pensable qu’en terme de délai, comme tous les Juifs conséquents). D’une manière énigmatique, comme il convient d’évoquer ces questions, il écrit à Pierre Linn en 1932 : «Vous connaissez ma théorie du katékhon. Je crois qu’il y a en chaque siècle un porteur concret de cette force et qu’il s’agit de le trouver. Je me garderai d’en parler aux théologiens, car je connais le sort déplorable du grand et pauvre Donoso Cortès. Il s’agit d’une présence totale cachée sous les voiles de l’histoire». Jacob Taubes, grand interlocuteur de Schmitt, comprend simplement le katékhon, dans sa Théologie politique de Paul, comme une tentative de dominer le chaos par la forme.
À ceux qui prétendent que l’Église catholique a désamorcé la charge évangélique, Schmitt répond que la juridisation est la réalisation : «Car qu’est-ce que le droit ? La réponse de Hegel est : le droit est l’Esprit se rendant effectif. […] L’Église romaine est réalité historique». Théodore Paléologue a donc raison de considérer que «la politisation schmittienne du katékhon répond à la conviction que l’Esprit doit se rendre effectif et que toute idée chrétienne est une idée incarnée».
«Homme de contemplation», comme il se définissait lui-même, dont «le centre inoccupable» de la pensée «n’est pas une idée, mais un événement historique, l’Incarnation du Fils de Dieu», grand démystificateur des impuissances libérales et de leur juridisme – lequel ne serait que ridicule s’il n’était enclin au totalitarisme – Carl Schmitt a dénoncé le misérable «affect anti-romain» sous la domination duquel nous survivons. Comme Heidegger, dit Jacob Taubes, il a posé des questions fondamentales, en ceci précisément intolérables au libéralisme (qui ne tolère que les insignifiantes), d’où son éviction et la «récitation» obligatoire, dit toujours Taubes, de «l’ABC démocratique» qui doit s’en suivre. Schmitt définit «la clé secrète de toute [son] existence spirituelle et de toute [son] activité d’auteur» comme «le combat pour la radicalisation authentiquement catholique», laquelle constitue sans doute aussi le «savoir intègre» qu’il appelait de ses vœux, au service de la «pensée concrète de l’ordre». Une certitude néanmoins : «Jusqu’au retour du Christ, le monde ne connaîtra pas l’ordre».

Carl Schmitt est mort le dimanche de Pâques 7 avril 1985.

Notes
(1) En 1936 (N.d.a.), Schmitt s’inscrit ici dans la lignée de Joseph de Maistre pour qui «L’inquisition est, de sa nature, bonne, douce, conservatrice».
(2) Je ne méconnais pas l’étude de Raphaël Gross, Carl Schmitt et les Juifs (PUF, 2005, préface d’Yves-Charles Zarka, traduction de Denis Trierweiler) mais elle est hélas exclusivement à charge.
(3) Voir, à nouveau, le très beau livre de Benny Lévy, Le Meurtre du Pasteur (Grasset, 2002) mais, également, Rémi Soulié, Avec Benny Lévy (Le Cerf, 2009).

Bibliographie succincte
- Carl Schmitt, Théologie politique (Gallimard, 1988).
- Heinrich Meier, Carl Schmitt, Leo Strauss et la notion de politique. Un dialogue entre absents (Julliard, 1990).
- Sous la direction de Carlos-Miguel Herrera, Le droit, le politique. Autour de Max Weber, Hans Kelsen, Carl Schmitt (L’Harmattan, 1995).
- Jacob Taubes, La Théologie politique de Paul. Schmitt, Benjamin, Nietzsche et Freud, Seuil, 1999 et En divergent accord. À propos de Carl Schmitt (Payot, 2003).
- Théodore Paléologue, Sous l’œil du Grand Inquisiteur. Carl Schmitt et l’héritage de la théologie politique (Cerf, 2004).
- David Cumin, Carl Schmitt. Biographie politique et intellectuelle (Cerf, 2005).
- Gopal Balakrishnan, L’Ennemi. Un portrait intellectuel de Carl Schmitt (Éditions Amsterdam, 2006).

L'auteur
Rémi Soulié, né en 1968 en Rouergue. Essayiste, critique littéraire au Figaro Magazine, il a récemment consacré un essai à Benny Lévy (Le Cerf, 2009) et prépare une étude, De l'Histoire sainte : Joseph de Maistre, Donoso Cortès, Carl Schmitt.

mardi, 30 novembre 2010

La guerre des empires selon F. Lenglet

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La guerre des empires (F. Lenglet)

 

Pour François Lenglet (FL), la « guerre des empires » est inéluctable. L’hypothèse d’une alliance structurelle USA-Chine est, à ses yeux, une « bulle géopolitique » qui finira par exploser, et sans doute assez vite. Nous sommes d’accord, même si (on le verra plus loin), nous marquons quelques fortes divergences avec l’analyse de l’auteur, à notre avis trop pro-US.

La thèse, dans les  grandes lignes :

FL établit un parallèle inquiétant entre le rapport actuel Washington-Pékin et le rapport Londres-Berlin en 1899. Deux économies interdépendantes, l’une ayant longtemps été en avance sur l’autre, plus puissante et plus avancée. Puis, progressivement, l’économie «  à la remorque » se renforce, et finit par battre son alliée à son propre jeu. Dès lors, l’alliance n’est plus possible, parce qu’on ne sait plus qui est le maître de qui. La rivalité commence.

 

Les arguments qu’on oppose à ce parallèle ne satisfont par FL.

La Chine, se démocratiser ? Pur occidentalo-centrisme. Pour qui voit les choses du point de vue chinois, quel est le meilleur régime politique : une démocratie occidentale corrompue, dévorée par le cancer financier, virtualisée par le marketing tout puissant, ou un régime pékinois autoritaire, mais qui garantit à son peuple le doublement du PIB tous les sept ans ? A part le droit de vote, dont ils ne sauraient sans doute pas quoi faire, les Chinois n’ont rien à gagner à se « démocratiser », si la « démocratie » veut dire, concrètement, le règne de Goldman Sachs.

La Chine, puissance pacifique qui ne s’intéresse qu’à elle-même ? Niaiserie. Il existe un très fort ressentiment chinois. Pour Pékin, les guerres de l’opium et le « siècle de l’humiliation », qui suivit, jouent un peu le rôle du traité de Versailles dans l’Allemagne de Weimar : une honte, et surtout, une injustice. Les occidentaux ont souvent tendance à croire que leur suprématie mondiale de ces deux derniers siècles traduit un ordre des choses quasi-essentialisable. Illusion : c’est oublier qu’à l’échelle du temps long, le pays le plus développé et le plus puissant du monde a été, le plus souvent, la Chine. Et de cela, les Chinois, eux, se souviennent parfaitement.

Alors, USA, Chine : un fauteuil pour deux ?

Première question : comment en est-on arrivé là ?

FL commence par rappeler l’histoire des relations américano-chinoises. La visite de Nixon, en 1972, a été le coup d’envoi d’un partenariat USA/Chine qui, pour ne pas avoir été sans nuages, s’est bon an mal an maintenu pendant quatre décennies.

Au départ, pour les  USA, il s’agit surtout de contrer l’URSS. Exemple, l’opération Chestnut, lancée en 1979, permet aux Américains d’implanter une station d’écoute ultra-perfectionnée dans le désert occidental chinois. Pour écouter qui ? Les soviétiques, sur le point d’entrer en Afghanistan (où la CIA s’active, afin précisément d’attirer Moscou dans le piège). Face à l’enjeu représenté par le soutien chinois contre l’URSS, l’amitié avec Taiwan ne pèse pas lourd, aux yeux des conservateurs réalistes (Kissinger, puis Brzezinski).

Pour la Chine, dès le départ, l’alliance aigre-douce avec les USA est surtout une affaire économique  Pékin n’a pas vraiment besoin des investissements occidentaux (la Chine n’a jamais manqué de capital, parce qu’avec un coût du travail quasi-nul, on n’a pas besoin de capitaux importants pour produire – le travail, au besoin, fabrique le capital productif). Mais la Chine a en revanche désespérément besoin des technologies occidentales.

Dans les années 80, Deng lance donc la modernisation à marche forcée de l’économie chinoise, et pour récupérer de la technologie sans permettre l’implantation en profondeur des USA, il invente une solution aussi simple que redoutable : les « zones économiques spéciales », sorte de Far West chinois ultra-capitaliste, qui va servir de filtre (la technologie occidentale passe, mais, le pouvoir restant aux Chinois dans les joint-ventures, l’influence est bloquée). Les firmes américaines, qui pensent leur planification à beaucoup moins long terme que Pékin, vont se laisser attirer dans le piège, fascinées qu’elles sont par le gigantesque marché chinois. Un marché de dupe, où la dupe n’est pas celui qu’on croit : les capitalistes occidentaux sont persuadés qu’ils viennent de gagner la guerre contre leurs propres peuples (en mettant en concurrence le salarié occidental et l’esclave chinois) ; c’est vrai, mais ils ont aussi, sans le savoir, perdu la guerre à l’échelle géopolitique, contre une oligarchie rivale…

Quoi qu’il en soit sur le long terme, au fil des années 80-90, une sorte de symbiose s’instaure progressivement entre les deux géants. Pékin offre aux firmes US sa main d’œuvre quasiment illimitée, très bon marché et remarquablement docile. Les Américains, en retour, offrent la technologie, le savoir-faire, et un appui massif à la Chine pour son intégration dans l’économie mondiale (clause de la nation la plus favorisée, puis OMC).

Mais cette symbiose n’a jamais été sans ambiguïté et nuages. Dès 1982, les Chinois se sont rendu compte que, contrairement aux accords passés, la CIA construisait des réseaux sur leur sol (plus tard, cela débouchera sur la secte Falun Gong). Aussitôt, exploitant la diaspora, profitant de l’envoi aux USA de dizaines puis de centaines de milliers d’étudiants, ils bâtissent leurs propres réseaux (les services secrets chinois sont potentiellement plus puissants que la CIA elle-même – nous y reviendrons dans une note de lecture ultérieure).

Surtout, le mode de développement choisi par Pékin présente un inconvénient pour la population : une génération entière est sacrifiée. Le PIB chinois présente en effet, à partir de la fin des années 80, une structure tout à fait atypique : exportations gigantesques (jusqu’à 35 % certaines années, soit un taux d’extraversion absurde pour une économie de cette taille), investissement fabuleux (jusqu’à 50 % certaines années, un taux qui ferait presque passer le décollage japonais pour une entreprise au rabais !)… et, donc, obligatoirement, une part du PIB réservée à la consommation très faible (certaines années, à peine 20 %).

L’avantage de cette formule, évidemment, c’est que le développement des capacités productives se fait à une vitesse foudroyante. Si vous investissez 50 % de votre PIB, étant donné que dans les conditions chinoises, 5 points d’investissement rapportent à peu près 1 point de capacité productive, vous faîtes croître vos capacités de production de 10 % par an (ce que feront les Chinois pendant trente ans). Mais si en plus, vous exportez 30/35 % de votre PIB (pour accumuler des réserves de change et acheter, en réalité, de la technologie), il vous reste peu pour la consommation. Conséquence : les salaires versés aux ouvriers qui produisent pour l’investissement ou l’exportation n’ont pas de contrepartie dans le marché intérieur, et le risque de surchauffe inflationniste est permanent. La Chine pourrait en sortir en remplaçant les exportations par le marché intérieur, mais comme Pékin veut absolument acheter de la technologie (et de l’influence), le choix sera maintenu durablement en faveur de ce modèle qu’on pourrait qualifier de « stakhanovisme à l’échelle d’un pays-continent ».

Comme le rappelle FL, le « printemps de Pékin » en 1989 fut donc beaucoup plus une demande de remise en cause de ce modèle (moins d’exportation, plus de consommation) qu’une revendication démocratique (même si, peut-être du fait de l’existence de réseaux CIA, les étudiants pékinois mirent en avant la revendication politique stricto sensu). Et donc, la boucherie de Tian Anmen ne signifiait pas que le « communisme » était maintenu, mais plus simplement que la Chine, pour ne pas avoir à tolérer l’influence occidentale (en échange des technologies) continuerait à acheter du savoir-faire en exportant à tout va – au prix de sa « génération sacrifiée ».

Ce message, d’ailleurs, fut reçu en Occident : pour la galerie, Bush père prit quelques sanctions peu durables ; mais en arrière-plan, le très puissant lobby patronal US-China Business Council a parfaitement décodé Tian Anmen : pour lui, cela veut dire, tout simplement, que la Chine va poursuivre son développement en sacrifiant une génération, et qu’il y a donc beaucoup, beaucoup d’argent à gagner dans les « zones économiques spéciales ». De fait, ce qui s’est décidé à Tian Anmen, c’est donc une alliance objective entre l’oligarchie postcommuniste chinoise et l’oligarchie néolibérale US – alliance dont les consommateurs surendettés américains et les ouvriers surexploités chinois vont faire les frais (une analyse que, bien entendu, FL s’abstient de formuler aussi brutalement – ici, c’est nous qui décodons).

Les années 1990-2008 voient le triomphe de la « Chinamérique ». Les flux commerciaux croissent vertigineusement, au rythme de la bulle financière occidentale et de l’économie productive asiatique. Il en découle une période de forte croissance apparemment globale, en réalité purement chinoise ; l’Amérique réelle est en train d’imploser – même si, au départ, personne n’accepte de le voir.

Ici, FL propose une analyse qui, à notre humble avis, fait la part trop belle aux élites occidentales. Pour lui, les dirigeants du capitalisme occidental auraient toléré la dévaluation de 50 % du Yuan en 1994 parce qu’ils souhaitaient maintenir coûte que coûte les liens avec la Chine (et non, comme nous le pensons, parce qu’ils y voyaient un moyen d’intensifier la guerre de classes en Occident même). Idem, FL estime que lorsque les taux longs US n’ont pas immédiatement suivi la remontée des taux courts en 2005, les dirigeants US n’ont pas compris que cela venait des achats chinois de bons du trésor US (sans rire ?). Et il ajoute que la crise des subprimes trouve son origine dans le dérèglement du marché des taux par les achats chinois à partir de cette date, ce qui est tout simplement faux (l’explosion du marché des subprimes est antérieur de trois ans au décrochage des taux longs, il remonte à 2001/2002, et il trouve son origine dans les taux directeurs bas de la FED – lire à ce sujet « Crise ou coup d’Etat ? »).
Bref, l’analyse de FL fait à notre avis la part un peu trop belle au discours officiel US ; nous croyons quant à nous que les USA ont accepté le Yuan comme monnaie de guerre chinoise parce que cette monnaie de guerre était, aussi, celle de leur propre guerre, contre leurs propres peuples, en vue d’un ajustement brutal de la structure de classe.

Quoi qu’il en soit, le double marché de dupes s’est maintenu pendant deux décennies, de 1990 à 2008. Ni l’incident de 1994 (bâtiment chinois intercepté car soupçonné de livrer des armes chimiques à l’Iran), ni celui de 1999 (bombardement « par erreur » de l’ambassade de Chine à Belgrade lors de l’opération US/Otan pour le Kosovo) n’ont remis en cause les dynamiques commerciales formidables enclenchées par la « Chinamérique »…

Jusqu’au moment où ces dynamiques ont produit ce qu’elles devaient produire : le basculement du centre de gravité du capitalisme global. Voilà comment nous en sommes arrivés où nous sommes aujourd’hui.

Deuxième question : et où va-t-on, après ?

Fondamentalement, le heurt va opposer deux puissances qui sont, et l’une, et l’autre, des empires. Il ne faut pas ici tomber dans le simplisme : il n’y a pas d’un côté une puissance malsaine, de l’autre une puissance saine. Il y a deux systèmes de pouvoirs immenses, l’un sur le déclin (donc plus prédateur à court terme), l’autre en expansion (donc n’ayant pas besoin d’être prédateur à court terme), mais aussi brutaux l’un que l’autre.

Oui, oui, on sait, l’Amérique est « démocratique », pas la Chine – mais allez donc poser la question à Bagdad, vous allez voir… Et oui, oui, on sait, la Chine n’a pas attaqué de pays récemment – mais allez poser la question de son « émergence pacifique » aux millions d’esclaves qui triment dans ses usines, et là aussi, vous verrez…

FL nous apprend qu’en 1999, deux colonels de l’armée chinoise inventent le concept de « guerre hors limite », notion pratiquement identique au concept US du « Fourth Generation Warfare » : la guerre qui se déploie sur tous les fronts, en impliquant tous les aspects de la vie politique, économique et culturelle, parce que la confrontation directe, par l’armement, est devenue impensable (trop grande puissance de destruction). Et quand les USA inventent la « lutte contre le terrorisme » pour justifier leur impérialisme, la Chine conçoit la théorie de « l’émergence pacifique » pour désamorcer les critiques que son offensive économique tous azimuts pourraient susciter.

Chine et USA jouent chacun avec leurs atouts propres, mais en réalité, ils jouent sur le même échiquier, et avec des logiques de puissance précontraintes par la nature même de leur affrontement. Les Chinois font semblant de ne pas avoir de prétention à la domination globale (sauf quand il s’agit de mettre la main sur le pétrole du Soudan et du Tchad – alors là, on y va franchement, soutien militaire inclus), et les Américains font semblant de coopérer sans arrière-pensée (sauf quand une firme chinoise veut s’emparer d’Unocal – alors là, pas touche, il y va du contrôle US sur le pétrole d’Asie centrale…).

A ce petit jeu, la puissance montante part a priori gagnante. Plus grand marché du monde, Pékin va progressivement supplanter les USA comme le pays qui définit les normes (une des sources de la puissance US au XX° siècle). Ayant désormais refait l’essentiel de son retard technologique, la Chine n’a plus vraiment besoin des USA ; ce qu’elle achetait jusqu’ici à l’Ouest, c’était de la technologie ; mais désormais, la technologie, elle peut dans une large mesure la produire elle-même.

Plus structurant peut-être, le modèle de « socialisme de marché » inventé par Pékin (l’Etat possède en réalité l’outil de production, mais tolère l’enrichissement du management) semble, à ce stade, mieux fonctionner qu’un modèle US néolibéral en chute libre. Comme le rappelle FL, depuis 30 ans, la Chine fait exactement le contraire de ce qui est préconisé par le FMI – et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle s’en sort mieux que ceux qui ont obéi au « consensus de Washington ».

Privatiser l’économie, dit le FMI. Restructurer les entreprises d’Etat, répond Pékin. Libéraliser le compte de capital du pays, dit le FMI. Contrôle des changes, répond Pékin. Banque centrale indépendante, dit le FMI. Contrôle politique sur le crédit, répond Pékin.

Jusque dans la gestion de la crise financière, Pékin donne une leçon de pragmatisme et d’efficacité à l’Occident : sauver les banques, dit l’Occident ; relancer par l’économie productive, répond Pékin (l’UE sauve les créanciers de la Grèce, la Chine investit dans ses usines…).

En somme, pour FL, ce qui vient de se passer, en 2008, c’est une rupture d’environnement géostratégique : ce n’est pas la chute du capitalisme, non. C’est la chute du capitalisme occidental néolibéral. Un mur vient de tomber : celui que l’Occident avait érigé autour de son pouvoir global. La chute de ce mur-là joue, pour les Chinois, le rôle joué par la chute du Mur de Berlin pour les Occidentaux : l’annonce qu’on vient de gagner une guerre « de quatrième génération ». Nous ne dirons pas le contraire. Lire à ce sujet « Crise économique ou crise du sens ? ».

Conséquence  de cette rupture géostratégique : la « Chinamérique » va exploser.

Ici, deux théories s’opposent : le « découplage » (la Chine poursuivra sa croissance sans la « Chinamérique ») et la crise globale (les USA entraîneront la Chine dans leur faillite, car Pékin ne pourra pas maintenir sa croissance folle une fois la « Chinamérique » disparue).

Sur ce point précis, nous marquons un désaccord avec l’auteur de « La guerre des empires ».
FL prend position pour la crise globale, donc contre le « découplage ». Il invoque pour cela les premières conséquences de la crise, qui aura entraîné un effondrement des exportations chinoises (voir « Crise ou coup d’Etat ? »). La croissance chinoise réelle passe sensiblement sous le seuil des 8 % annuels (nécessaire pour éviter la hausse du chômage, dans un pays qui voit un gigantesque exode rural interne).
Pour notre part, nous doutons de la viabilité de cette analyse. Que dans un premier temps, la Chine subisse un ralentissement de croissance est évident, logique. Mais nous estimons que le marché intérieur chinois pourrait très rapidement prendre la relève des exportations ; encore une fois, ce qui explique la croissance chinoise, c’est un taux d’investissement énorme et des débouchés solvables (l’exportation) ; si les exportations calent, il reste le développement du marché intérieur, et rien n’empêche Pékin de le lancer, à présent, puisque l’acquisition des technologies est en passe d’être achevée (donc plus besoin des exportations pour financer l’acquisition de technologie), et les ressources financières existent (taux d’épargne élevé, réserves de change énorme : marché solvable).
Peut-être la crise US arrive-t-elle quelques années trop tôt pour la Chine ; mais à moyen terme, à notre avis, sauf problème écologique ou énergétique, on ne voit pas ce qui empêcherait la Chine de se développer par l’investissement et la consommation (lire, à ce sujet, « Crise économique ou crise du sens ? »).
Le fond du désaccord : FL pense que la relance chinoise par l’investissement va enclencher un cycle inflationniste ; à notre avis, il oublie que si la Chine développe son marché intérieur au lieu d’exporter, le risque social lié à la surchauffe va beaucoup baisser (puisque les salaires augmenteront avec l’inflation, laquelle sera contenue par un afflux de produits enfin destinés au marché intérieur). FL pense que la dette chinoise est trop importante pour développer le marché intérieur : à notre avis, il oublie qu’une dette totale (tous acteurs confondus) à 200 % du PIB (son estimation, à notre avis maximaliste) n’est pas insurmontable, si le taux d’épargne est élevé (il l’est en Chine) et, surtout, si la croissance permet de couvrir les intérêts (à ce stade, elle le permet). En outre, il ne faut pas négliger que les flux du commerce international peuvent très bien rebondir via les pays émergents entre eux (c’est d’ailleurs ce qui se passe depuis un an).
Bref, comme FL, nous croyons effectivement que la crise marque la fin d’un système : la mondialisation néolibérale occidentalo-centrée ; mais à la différence de cet auteur, nous estimons que la théorie du « découplage » est tout sauf absurde. Il ne s’agit pas de nier que la Chine va éprouver des difficultés (on ne reconvertit pas sans casse une industrie bâtie pour l’export), mais simplement d’estimer, tout bien considéré, que Pékin a de fortes chances de surmonter ces difficultés. Encore une fois, avec 10 % de croissance et un fort taux d’épargne, on couvre les intérêts d’une dette totale, tous acteurs confondus, à 200 % du PIB (situation chinoise). Alors qu’avec une croissance faible (2, 3 %), voire nulle, et une épargne anéantie, on ne couvre pas une dette totale (tous acteurs confondus) qui doit maintenant dépasser largement 300 % du PIB (situation US).
Donc, disons-nous, la Chine va souffrir – mais elle passera le cap (ce qui ne sera pas le cas des USA).
L’avenir dira qui avait raison…

FL est en revanche tout à fait intéressant quand il nous renseigne sur les premières étapes de l’explosion de la « Chinamérique ».

Du côté américain, deux tendances s’affrontent. Les « gentils garçons » veulent la paix avec la Chine (on les appelle les « panda huggers », les « embrasseurs de panda ») ; Obama, a priori, appartient à cette école « mondialisation avant tout » (son demi-frère est d’ailleurs marié à une chinoise), tout comme une bonne partie de son administration. Mais une autre tendance, qui prime au Congrès, « America first » en quelque sorte, veut la confrontation. Arme envisagée : le protectionnisme (enfin, on y vient) – la campagne de presse en cours aux USA sur la sécurité des biens fabriqués en Chine, ou encore les tentatives du Congrès pour faire accuser la Chine de manipulation monétaire, traduisent d’ailleurs une volonté de faire sentir aux Chinois que les « panda huggers » ne sont pas forcément les seuls à décider, à Washington.

On ne s’étonnera pas ici que l’administration Obama (financement : Soros donc Rothschild ; conseil stratégique : Brzezinski dont Rockefeller) soit « panda hugger » (finir de gagner la guerre de classes), tandis que le Congrès (soumis au vote de l’Amérique profonde et en partie financé par l’industrie US) soit nettement plus hard avec la Chine (préserver la puissance US)…

Du côté chinois, on prend progressivement conscience de sa puissance, et on teste le rival, à petites touches. Remise en cause du dollar comme monnaie de réserve mondiale (discours de Zhou Xiaochuan, gouverneur de la banque centrale chinoise). Pesée au sein du FMI en faveur d’une monnaie de réserve mondiale constituée d’un panier de monnaie. Accords avec des pays asiatiques qui officialisent le rôle de monnaie internationale régionale du Yuan.

Ce qu’il faut bien comprendre, en tout cas (et là-dessus, FL est très clair), c’est que le discours officiel sur la Chine « manipulatrice de monnaie » est surtout rhétorique. En réalité, les USA souhaitent d’un côté la réévaluation du Yuan (pour regagner des parts de marché), et la redoutent d’un autre côté (si le Yuan est réévalué, la puissance financière de Pékin, déjà considérable, deviendrait peut-être suffisante pour que la Chine remplace les USA comme première puissance monétaire du monde – ce qui lui permettrait de racheter les entreprises un peu partout, y compris en Occident).

En fait, Chine et USA sont, l’un comme l’autre, enfermés dans une manipulation commune qu’ils ont tolérée pour des raisons symétriques, et dont ils ne savent plus comment sortir.

Le problème, c’est qu’en sortant de cette manipulation commune, les USA et la Chine vont s’apercevoir qu’une fois le Yuan et le dollar convertibles, il n’y aura qu’un seul gagnant. Une des deux puissances va se trouver en situation de modeler l’économie mondiale – et il n’est pas du tout certain que ce soit les USA.

Conclusion de FL : tous les ingrédients sont réunis pour une nouvelle guerre planétaire – la quatrième (après les deux guerres mondiales et la guerre froide).

Troisième et dernière question : puisque ce qui vient, c’est une guerre, à quoi ressemblera cette guerre ?

Réponse : la « guerre sans limite », pour parler chinois, ou encore la « guerre de quatrième génération », pour parler US.

La guerre des mers : la Chine est en train  de construire une flotte capable de rivaliser avec l’US Navy. C’est logique : puisque les Chinois mettent la main sur les matières premières partout où ils peuvent, avec leurs réserves  de devise, ils veulent aussi pouvoir sécuriser les routes maritimes vers ces matières premières.

C’est aussi une mesure défensive : pour Pékin (que FL juge paranoïaque et que nous estimons simplement prudente), la Mer de Chine est un poste avancé. Surtout qu’il y a, au large, une bombe diplomatique prête à exploser : Taiwan, qui, en déclarant officiellement son indépendance, pourrait provoquer une intervention chinoise.

La Chine peut-elle rivaliser à termes avec la puissance militaire US ? Réponse : oui. Officiellement, Pékin dépense 10 fois moins que Washington en dépenses militaires (60 milliards de dollars contre 600 milliards). Mais la réalité serait, d’après FL, toute autre. Le chiffre réel des dépenses chinoises serait probablement du double du chiffre avoué, et comme les salaires chinois sont beaucoup plus faibles que les salaires US, on peut considérer que les 60 milliards officiels équivalent à 120 milliards réels au taux de change courant, et à 250 milliards à parité de pouvoir d’achat. Pékin dépenserait donc à peu près 40 % de ce que dépense Washington – et, en outre, n’ayant pas à financer d’expéditions coûteuses en Irak et en Afghanistan, ses dépenses d’équipement ne sont pas rognées par les dépenses de fonctionnement.

Au final, il semble peu probable que Pékin puisse jamais se donner les moyens de gagner une guerre conventionnelle contre les USA. Mais il est probable, en revanche, qu’elle puisse interdire à l’Amérique de considérer possible une victoire dans ce domaine.

Ce qui reportera le conflit vers d’autres théâtres d’opération, extérieurs à la sphère militaire…

La guerre du cyberespace : ils ont l’air malin, ceux qui annonçaient que l’Occident pouvait abandonner sans remord l’économie physique, puisqu’il allait gagner l’économie de la connaissance !

La Chine possède désormais le supercalculateur le plus puissant du monde. Elle possède aussi des entreprises performantes dans le secteur des télécoms. Elle compte 400 millions d’internautes. Elle forme chaque année des centaines de milliers d’ingénieurs dans les technologies de l’information. Le quart des tentatives de piratage observées dans le monde proviendrait de Chine. Le moteur de recherche Baidu domine Google en Chine même, tandis que les encyclopédies en ligne Baidu Baike et Hudong, contrôlée par le gouvernement chinois, n’ont même pas de concurrent (wikipedia est bloquée).

La Chine n’a pas le contrôle d’Internet, mais celui de son Internet. La Chine se met en situation de gagner, en tout cas sur son sol, la « guerre de l’information ». L’opération « faux SMS » conduite semble-t-il par la CIA en Iran, après la réélection d’Ahmadinedjad, n’est tout simplement pas « jouable » en Chine.

La guerre de l’or noir : la Chine n’a pas de pétrole. Pendant longtemps, ça ne l’a pas empêchée de dédaigner la grande stratégie globale : elle n’avait besoin du pétrole, n’ayant pas d’industrie. Cette période est révolue : la Chine va désormais se projeter à l’extérieur, contrairement à sa longue tradition, pour le pétrole (et d’autres matières premières).

Au total, et sur ces opérations récentes, la Chine s’est assurée l’exploitation de 8 milliards de barils hors de ses frontières (environ quatre ans de sa consommation au rythme actuel). Il est à noter que 30 % de cette manne vient d’Afrique… et 30 % d’Iran (où un seul champ représente 2,5 milliards de barils). Où l’on comprend pourquoi « l’axe du Mal » associe le Soudan et l’Iran…

En 2008, les investissements chinois à l’étranger ont dépassé 50 milliards de dollars, soit plus que les investissements étrangers en Chine. L’essentiel de cet effort porte sur les matières premières et les hydrocarbures.

La guerre du capital : la Chine n’a pas de pétrole, mais elle a tellement de devises qu’elle peut se permettre d’acheter bien d’autres choses encore.

On a récemment fait remarquer que l’évaluation de l’investissement nécessaire pour remettre en état l’ensemble du parc d’infrastructures des Etats-Unis (totalement délabré après 30 ans de néolibéralisme) correspond approximativement au montant des réserves de change chinoises. Ou pour le dire autrement (et cela donne une idée du raid financier qui se prépare potentiellement), les USA pourraient rembourser 20 ans de consommation de produits chinois à bas prix en vendant à la Chine… leurs ports, leurs routes, leurs aéroports, leurs ponts et leurs chemins de fer ! (où l’on comprend, encore une fois, que la réévaluation du Yuan est à la fois souhaitée et redoutée par Washington).

On n’en est pas là. Mais ça commence. Savez-vous que Volvo est, depuis quelques mois, une entreprise chinoise ? Et que si EDF s’est désengagée de l’électricité britannique, c’est parce que son concurrent chinois alignait les zéros ?

La guerre des modèles : le déluge d’argent chinois qui peut à tout moment fondre sur les entreprises occidentales va imposer au capital une révision drastique de son discours dominant (antiprotectionniste jusqu’ici). Ce n’est pas tant qu’il s’agisse de défendre le marché intérieur (les capitalistes occidentaux ne s’en préoccupent pas vraiment, ils pensent global avant tout) ; c’est qu’il va falloir défendre le contrôle exercé sur les entreprises par les institutions financières occidentales.

Cette défense va réhabiliter l’idée de compétition entre deux modèles. Non plus « la démocratie de marché » contre « l’économie dirigée par le Parti Unique », mais le néolibéralisme US contre le néo-colbertisme chinois. Or, dans cette guerre, il n’est pas certain que le modèle occidental prédomine. Si l’Amérique s’est longtemps imposée, rappelle FL, c’est parce qu’elle faisait rêver. Mais aujourd’hui, c’est la croissance chinoise qui fait rêver (en tout cas les peuples pauvres).

La Chine a d’ailleurs commencé cette guerre. Elle forme les élites des pays émergents. Il y a des milliers d’étudiants africains à Pékin. Partout, la Chine propose aux peuples longtemps dominés par l’Occident un modèle de rechange (lire la note de lecture sur « La Chinafrique »)… et cela ne se limite pas aux fonctions techniques ou d’encadrement intermédiaire : le directeur d’HEC s’est récemment étonné de la capacité des Chinois à rattraper leur retard dans la formation des gestionnaires !

La guerre culturelle : verrons-nous un jour un cinéma français proposer non plus trois films US (très bien faits) et un film français  (minable), mais trois films chinois (très bien faits) et un film français (toujours aussi minable) ? Pas impossible, même si c’est peut-être le seul terrain où les USA dominent encore …

Le mandarin va-t-il remplacer l’anglais comme langue la plus usitée  sur Internet ? Qui a répondu : jamais ? – perdu, c’est déjà le cas.

Pékin est pragmatique : pour développer l’apprentissage du chinois, le pouvoir chinois a copié rigoureusement le système des « alliances françaises », avec les « instituts Confucius » (60 dans le monde). En 2010, 30 millions de courageux ont entrepris l’apprentissage du Chinois (simplifié, tout de même – sinon, c’est dix ans d’études à raison de 4.000 idéogrammes par an).

Nous ne nous rendons pas compte de cet effort culturel, parce qu’il porte prioritairement sur la périphérie de l’Empire chinois. Pour l’instant, ce que veulent les dirigeants de Pékin, c’est réaffirmer leur prédominance culturelle sur les anciens Etats tributaires du système mandarinal.

Mais demain ?...

La guerre monétaire : Ce sera le terrain décisif. L’équation est simple : tant que le Yuan n’est pas réévalué, le dollar reste monnaie de réserve, mais l’Amérique implose. Le jour où le Yuan est réévalué, et où il devient convertible, il y aura deux monnaies de réserve possibles pour le monde (trois si l’euro existe encore, ce dont beaucoup doutent ici).

On en est peut-être très proche : voici un véritable symbole, la firme Mc Donald vient d’annoncer qu’elle s’endetterait en Yuans pour financer son implantation en Chine…

Le jour où le Yuan sera réévalué et convertible, on verra se produire un évènement décisif : les USA seront obligés soit d’emprunter en Yuan, ou, s’ils le font encore en dollars, de rembourser avec des dollars stabilisés, appuyés sur des actifs réels.

Ce jour-là, estime FL, l’Empire thalassocratique anglo-saxon aura perdu la suprématie mondiale. Et la guerre pourra opposer deux camps, parce qu’il y aura deux camps.

On pourra alors vérifier, pour la centième fois dans l’Histoire, que l’interdépendance économique ne garantit pas la paix. Au contraire : elle crée des opportunités de guerre, parce qu’elle oblige à définir le sens de la dépendance.

 

lundi, 29 novembre 2010

The Doctrine of Higher Forms

The Doctrine of Higher Forms

Sir Oswald MOSLEY

Ex: http://www.counter-currents.com/

1311427.jpgSince the war I have stressed altogether five main objectives. The true union of Europe; the union of government with science; the power of government to act rapidly and decisively, subject to parliamentary control; the effective leadership of government to solve the economic problem by use of the wage-price mechanism at the two key-points of the modern industrial world; and a clearly defined purpose for a movement of humanity to ever higher forms.

It is strange that in this last sphere of almost abstract thought my ideas have more attracted some of the young minds I value than my practical proposals in economics and politics. The reason is perhaps that people seek the ideal rather than the practical during a period in which such action is not felt to be necessary. This is encouraging for an ultimate future, in which through science the world can become free from the gnawing anxiety of material things and can turn to thinking which elevates and to beauty which inspires, but the hard fact is that many practical problems and menacing dangers must first be faced and overcome.

The thesis of higher forms was preceded by a fundamental challenge to the widely accepted claim of the communists that history is on their side. On the contrary, they are permanent prisoners of a transient phase in the human advance which modern science has rendered entirely obsolete. Not only is the primitive brutality of their method only possible in a backward country, but their whole thinking is only applicable to a primitive community. Both their economic thinking and their materialist conception of history belong exclusively to the nineteenth century. This thinking, still imprisoned in a temporary limitation, we challenge with thinking derived from the whole of European history and from the yet longer trend revealed by modern science. We challenge the idea of the nineteenth century with the idea of the twentieth century.

Communism is still held fast by the long obsolete doctrine of its origin, precisely because it is a material creed which recognizes nothing beyond such motives and the urge to satisfy such needs. Yet modern man has surpassed that condition as surely as the jet aircraft in action has overcome the natural law of gravity which Newton discovered. The same urge of man’s spiritual nature served by his continually developing science can inspire him to ever greater achievement and raise him to ever further heights.

The challenge to communist materialism was stated as follows in Europe: Faith and Plan:

What then, is the purpose of it all? Is it just material achievement? Will the whole urge be satisfied when everyone has plenty to eat and drink, every possible assurance against sickness and old age, a house, a television set, and a long seaside holiday each year? What other end can a communist civilization hold in prospect except this, which modern science can so easily satisfy within the next few years?

If you begin with the belief that all history can be interpreted only in material terms, and that any spiritual purpose is a trick and a delusion, which has the simple object of distracting the workers from their material aim of improving their conditions—the only reality—what end can there be even after every conceivable success, except the satisfaction of further material desires? When all the basic needs and wants are sated by the output of the new science, what further aim can there be but the devising of ever more fantastic amusements to titillate material appetites? If Soviet civilization achieves its furthest ambitions, is the end to be sputnik races round the stars to relieve the tedium of being a communist?

Communism is a limited creed, and its limitations are inevitable. If the original impulse is envy, malice, and hatred against someone who has something you have not got, you are inevitably limited by the whole impulse to which you owe the origin of your faith and movement. That initial emotion may be well founded, may be based on justice, on indignation against the vile treatment of the workers in the early days of the industrial revolution. But if you hold that creed, you carry within yourself your own prison walls, because any escape from that origin seems to lead towards the hated shape of the man who once had something you had not got; anything above or beyond yourself is bad. In reality, he may be far from being a higher form; he may be a most decadent product of an easy living which he was incapable of using even for self-development, an ignoble example of missed opportunity. But if the first impulse be envy and hatred of him, you are inhibited from any movement beyond yourself for fear of becoming like him, the man who had something which you had not got.

Thus your ideal becomes not something beyond yourself, still less beyond anything which now exists, but rather, the petrified, fossilized shape of that section of the community which was most oppressed, suffering, and limited by every material circumstance in the middle of the nineteenth century. The real urge is then to drag everything down toward the lowest level of life, rather than the attempt to raise everything towards the highest level of life which has yet been attained, and finally to move beyond even that. In all things this system of values seeks what is low instead of what is high.

So communism has no longer any deep appeal to the sane, sensible mass of the European workers who, in entire contradiction of Marxian belief in their increasing “immiseration,” have moved by the effort of their own trade unions and by political action to at least a partial participation in the plenty which the new science is beginning to bring, and towards a way of living and an outlook in which they do not recognize themselves at all as the miserable and oppressed figures of communism’s original workers.

The ideal is no longer the martyred form of the oppressed, but the beginning of a higher form. Men are beginning not to look down, but to look up. And it is precisely at this point that a new way of political thinking can give definite shape to what many are beginning to feel is a new forward urge of humanity. It becomes an impulse of nature itself directly man is free from the stifling oppression of dire, primitive need.

The ideal of creating a higher form on earth can now rise before men with the power of a spiritual purpose, which is not simply a philosophic abstraction but a concrete expression of a deep human desire. All men want their children to live better than they have lived, just as they have tried by their own exertions to lift themselves beyond the level of their fathers whose affection and sacrifice often gave them the chance to do it. This is a right and natural urge in mankind, and, when fully understood, becomes a spiritual purpose.

venus_milo_ac-grenoble.jpgThis purpose I described as the doctrine of higher forms. The idea of a continual movement of humanity from the amoeba to modern man and on to ever higher forms has interested me since my prison days, when I first became acutely aware of the relationship between modern science and Greek philosophy. Perhaps it is the very simplicity of the thesis which gives it strength; mankind moving from the primitive beginning which modern science reveals to the present stage of evolution and continuing in this long ascent to heights beyond our present vision, if the urge of nature and the purpose of life are to be fulfilled. While simple to the point of the obvious, in detailed analysis it is the exact opposite of prevailing values. Most great impulses of life are in essence simple, however complex their origin. An idea may be derived from three thousand years of European thought and action, and yet be stated in a way that all men can understand.

My thinking on this subject was finally reduced to the extreme of simplicity in the conclusion of Europe, Faith and Plan:

To believe that the purpose of life is a movement from lower to higher forms is to record an observable fact. If we reject that fact, we reject every finding of modern science, as well as the evidence of our own eyes. . . . It is necessary to believe that this is the purpose of life, because we can observe that this is the way the world works, whether we believe in divine purpose or not. And once we believe this is the way the world works, and deduce from the long record that it is the only way it can work, this becomes a purpose because it is the only means by which the world is likely to work in future. If the purpose fails, the world fails.

The purpose so far has achieved the most incredible results—incredible to anyone who had been told in advance what was going to happen—by working from the most primitive life forms to the relative heights of present human development. Purpose becomes, therefore, quite clearly in the light of modern knowledge a movement from lower to higher forms. And if purpose in this way has moved so far and achieved so much, it is only reasonable to assume that it will so continue if it continues at all; if the world lasts. Therefore, if we desire to sustain human existence, if we believe in mankind’s origin which science now makes clear, and in his destiny which a continuance of the same progress makes possible, we must desire to aid rather than to impede the discernible purpose. That means we should serve the purpose which moves from lower to higher forms; this becomes our creed of life. Our life is dedicated to the purpose.

In practical terms this surely indicates that we should not tell men to be content with themselves as they are, but should urge them to strive to become something beyond themselves. . . . To assure men that we have no need to surpass ourselves, and thereby to imply that men are perfect, is surely the extreme of arrogant presumption. It is also a most dangerous folly, because it is rapidly becoming clear that if mankind’s moral nature and spiritual stature cannot increase more commensurately with his material achievements, we risk the death of the world. . . .

We must learn to live, as well as to do. We must restore harmony with life, and recognize the purpose in life. Man has released the forces of nature just as he has become separated from nature; this is a mortal danger, and is reflected in the neurosis of the age. We cannot stay just where we are; it is an uneasy, perilous and impossible situation. Man must either reach beyond his present self, or fail; and if he fails this time, the failure is final. That is the basic difference between this age and all previous periods. It was never before possible for this failure of men to bring the world to an end.

It is not only a reasonable aim to strive for a higher form among men; it is a creed with the strength of a religious conviction. It is not only a plain necessity of the new age of science which the genius of man’s mind has brought; it is in accordance with the long process of nature within which we may read the purpose of the world. And it is no small and selfish aim, for we work not only for ourselves but for a time to come. The long striving of our lives can not only save our present civilization, but can also enable others more fully to realize and to enjoy the great beauty of this world, not only in peace and happiness, but in an ever unfolding wisdom and rising consciousness of the mission of man.

The doctrine of higher forms may have appealed to some in a generation acutely aware of the divorce between religion and science because it was an attempted synthesis of these two impulses of the human movement. I went so far as to say that higher forms could have the force of a science and a religion, in the secular sense, since it derived both from the evolutionary process first recognized in the last century, and from the philosophy, perhaps the mysticism, well described as the ‘eternal becoming’, which Hellenism first gave to Europe as an original and continuing movement still represented in the thinking, architecture and music of the main European tradition.

To simplify and synthesize are the chief gifts which clear thought can bring, and never have they been so deeply needed as in this age. A healing synthesis is required, a union of Hellenism’s calm but radiant embrace of the beauty and wonder of life with the Gothic impulse of new discoveries urging man to reach beyond his presently precarious balance until sanity itself is threatened. The genius of Hellas can still give back to Europe the life equilibrium, the firm foundation from which science can grasp the stars. He who can combine within himself this sanity and this dynamism becomes thereby a higher form, and beyond him can be an ascent revealing always a further wisdom and beauty. It is a personal ideal for which all can try to live, a purpose in life.

We can thus resume the journey to further summits of the human spirit with measure and moderation won from the struggle and tribulation of these years. We may even in this time of folly and sequent adversity gain the balance of maturity which alone can make us worthy of the treasures, capable of using the miraculous endowment, and also of averting the tempestuous dangers, of modern science. We may at last acquire the adult mind, without which the world cannot survive, and learn to use with wisdom and decision the wonders of this age.

I hope that this record of my own small part in these great affairs and still greater possibilities has at least shown that I have ‘the repugnance to mean and cruel dealings’ which the wise old man ascribed to me so long ago, and yet have attempted by some union of mind and will to combine thought and deed; that I have stood with consistency for the construction of a worthy dwelling for humanity, and at all cost against the rage and folly of insensate and purposeless destruction; that I have followed the truth as I saw it, wherever that service led me, and have ventured to look and strive through the dark to a future that can make all worth while.

Source: http://www.oswaldmosley.com/higher-forms.htm

dimanche, 28 novembre 2010

Josef Schüsslburner: Konsensdemokratie

Josef Schüßlburner: Konsensdemokratie
Felix MENZEL - http://www.sezession.de/

In der aktuellen Staffel der Reihe kaplaken hat der Jurist Josef Schüßlburner die „Konsensdemokratie“ hinterfragt. Sezession hat ihm drei Fragen dazu gestellt. Schüßlburner erklärt in diesem kurzen Gespräch, warum Deutschland ein Korrektiv zur linken Mitte braucht und wie es um die Erfolgsaussichten einer rechten Partei steht.

Herr Schüßlburner, wie wirkt es sich auf unseren Staat aus, wenn die großen Volksparteien kaum noch Unterschiede aufweisen?

18615_0.jpgDie ideologische Konvergenz der sich über die „Mitte“-Verortung für das Volk setzenden Volks-Parteien belegt, daß sich das „eherne Gesetz der Oligarchie“ (Robert Michels) durchgesetzt hat. Es hat sich eine politische Klasse mit einer einheitlichen Weltsicht gebildet, die sich gegenüber maßgeblichen Forderungen aus dem Wahlvolk, das die Oligarchie über eine „Konsensdemokratie“ zu vertreten beansprucht, immunisiert. Die Tendenz zur Oligarchie bestätigt an sich die rechte Weltsicht gegenüber linken „demokratischen“ Wunschvorstellungen, jedoch ist es zum Zwecke der Wahrung des demokratischen Charakters der parlamentarischen Demokratie erforderlich, diesem „ehernen Gesetz“ entgegenzuwirken. Die Linke hat kein Interesse, da sie ja die Ideologie der oligarchischen Mitte bestimmt.

Warum braucht eine funktionierende Demokratie eine starke Linke und eine starke Rechte?

Der offene Links-Rechts-Antagonismus wirkt dem „ehernen Gesetz der Oligarchie“ entgegen und garantiert den repräsentativen Charakter der parlamentarischen Demokratie. Die Tatsache, daß diese repräsentative Situation in der Bundesrepublik Deutschland nicht gegeben ist, ergibt sich auch aus offiziösen Verlautbarungen, wonach 30 Prozent der Bevölkerung etwa ein „geschlossenes rechtes Weltbild“ und dergleichen haben würden, was ja gerade bei einem Verhältniswahlrecht dazu führen müßte, daß etwa ein Drittel der Bundestagsabgeordneten ein solches Weltbild haben sollten.

Diese Divergenz von Volk und Repräsentanten zeigt auch, daß die Demokratie in der Bundesrepublik ihren klassischen Anspruch nicht einlöst, die Freiheit des Volkes zu garantieren. Diese Freiheit zeigt sich neben der Tatsache, daß man sich etwa als „rechts“ einstufen darf, ohne durch Antidiskriminierungsgesetze diskriminiert zu werden, nicht zuletzt daran, daß dem Wahlvolk klare Alternativoptionen zur Verfügung stehen, welche sich dann auch in politischen Entscheidungen niederschlagen.

Aufgrund der aktuellen Debatte um eine „Sarrazin-Partei“ muß natürlich noch eine Frage folgen: Glauben Sie, daß sich in den nächsten Jahren eine erfolgreiche Rechtspartei bilden könnte?

Der Verwirklichung einer normalen westlichen Demokratie mit einem freien und offenen Links-Rechts-Antagonismus stehen in der Bundesrepublik Deutschland starke Hindernisse entgegen. So sorgt das Konzept eines post-demokratischen „Europa“, das die Oligarchisierung beschleunigt, ohnehin dafür, daß die Wahlentscheidungen und damit das eigentlich demokratische Element immer weniger relevant werden, was allerdings mit einer ideologischen Aufwertung von Demokratie zu einer Zivilreligion einhergeht. Man muß auch einräumen, daß diese Zivilreligion der Oligarchie, die insbesondere in der „Bewältigung“ besteht, ihre Untertanen doch sehr im Griff hat. Vereinfacht: Ohne einen deutschen Berlusconi wird es nicht möglich sein, die nur freiheitliche Demokratie der linken Mitte in eine freie Demokratie des offenen Links-Rechts-Antagonismus zu überführen.

Vielen Dank für das Gespräch!

Comunità e Comunitarismo

Comunità e Comunitarismo

di Luca Lionello Rimbotti

Ex: http://www.centroitalicum.it/

index.jpgLa lotta che l’individualismo liberaldemocratico ha ingaggiato per demolire ogni realtà e rappresentazione comunitaria ha il significato di un finale regolamento di conti tra l’umano e il disumano. Al fondo, si apre una divaricazione tra visioni del mondo che è oltre la sociologia, oltre la storia, investendo l’antropologia e la vita di base di ognuno. Chi cura l’appartenere e percepisce il legame, avverte la precisa sensazione, e la avverte come verità di evidenze, che l’individuo è preceduto da qualcosa che lo connota e lo distingue, cioè la comunità che gli dona individuazione anche come singolo soggetto, e senza la quale l’essere non è appunto individuabile, non è descrivibile, non rivela nulla di sé, se non la solitudine astratta e il nonsenso concreto. Chi giudica che la società venga prima dell’individuo pensa socialmente, pensa comunitariamente, pensa plurale. Chi invece giudica che sia l’individuo a venire prima della società ragiona in termini di monade semplice e ottusa: l’essere umano assembrato casualmente, riunito in folla per necessità e bisogno. I “contrattualisti”, quei liberali che pensano la società come nata dall’incontro dei meri bisogni, costituiscono i grandi demolitori moderni dell’idea comunitaria. Coloro che da secoli tendono l’insidia ad ogni costituirsi di tessuti relazionali e di legami politici e metapolitici. Essi pensano unicamente entro categorie individuali: l’interesse, la sicurezza, il profitto.


Costoro sono ancora tra di noi a recare danno. Con le iniezioni di emigranti ad alto dosaggio il pensiero unico è vicino alla meta di creare un mondo di disgregazione, in cui abbia rilievo sociale unicamente l’individuo e invece alle comunità – storiche, geografiche, etniche – venga costantemente innalzata la forca, come a isole di conservatorismo, di oscurantismo, di razzismo da demonizzare e perseguitare. Dopotutto, ancora oggi è in pieno svolgimento la lotta ottocentesca tra la comunità e la società. E, come un paio di secoli fa, abbiamo i poteri centrali assolutisti che minano le realtà locali, le svellono e le annichiliscono a suon di immigrazione e di propaganda “multietnica”: il che vuol dire “anti-etnica”. La società è quel luogo in cui tutte le identità vengono negate e in cui la Modernità compie il suo prodigio cosmopolita. La comunità è al contrario quel luogo in cui l’identità viene protetta con le unghie e coi denti, in cui i patrimoni biostorici vengono rivendicati, le appartenenze si armano a difesa e si rinsaldano. Il dominio assoluto del pensiero neo-illuminista prevede la disintegrazione della realtà di popolo, alla quale si sostituisce quella di popolazione, la massa priva di volto e di carattere. «Storicamente, la filosofia illuminista – ha scritto recentemente de Benoist – se l’è presa prima di tutto con le comunità organiche, delle quali attaccava il modo di vita considerandolo impregnato di “superstizioni” irrazionali e di “pregiudizi”, proponendosi di sostituirle con una società di individui».
Questo lavoro secolare è prossimo alla realizzazione finale. Anche se, nel frattempo, qua e là per l’Europa si colgono sintomi di risveglio della “provincia” profonda, partiti “contadini” che nascono, movimenti di difesa etnica che sembrano muovere i primi passi, magari ottenendo anche buoni risultati elettorali a scorno dell’europeismo bancario e mondialista.


Il comunitarismo organico ha poco a che vedere con la linea di pensiero di eguale nome che ad esempio in America raccoglie qualche avversario del liberismo. Laggiù, si tratta ancora e di nuovo di un equivoco: far passare per anti-liberale ciò che è di fatto libertario e “democratico” nel senso deteriore, depotenziato, del termine. Il “comunitarismo” made in Usa è un balocco intellettuale nato in qualche campus, è il vezzo di qualche professor e l’esca di qualche outsider, non ha la sostanza di un retaggio concreto e non è per nulla radicato a realtà etniche e storiche connotate. Per comunitarismo, qui da noi in Europa, si intende da sempre un’altra cosa. L’appartenenza a una bio-storia con tanto di geografia, di lingua, di paesaggio e di tradizione. Non un metodo “democratico”, ma un fatto antropologico. In Europa, il comunitarismo non è un’opzione nata in aule universitarie di alternativa borghese, ma una realtà sgorgata dalla terra e dalla storia, un accumulo secolare che alla fine ha dato una somma totale: l’identità. In Europa la “regione” è un fatto. E l’autogoverno microcomunitario è storia. Gli assolutismi illuministi vecchi e nuovi negano questo fatto e questa storia, ma essi esistono ugualmente e vivono, più o meno sottotraccia. Gli imperi erano sistemi di “regioni”, di regionalismi comunitari, di città libere, di comunità di villaggio, di assemblee locali, di autogestione delle economie, di cooperazione sociale, di suddivisione del lavoro, di corporazoni di mestiere, di statuti autonomi, di competenze ereditate. L’Europa delle nazioni, nata dal feudalesimo comunitario, è il frutto della solidificazione politica delle diverse comunità viventi. I centralismi giacobini, adusi alla violenta negazione della “periferia”, oggi ripetono la loro aggressiva politica di spoliazione identitaria attraverso strumenti artificiali, semi-massonici, del tipo del baraccone mondialista di Bruxelles, epicentro della voluta dis-integrazione.
In Europa, persino le dittature totalitarie sono state fortemente comunitariste – in senso non solo nazionale, ma di territorialità locale. Ad onta di un potere centrale forte (ma che certi storici hanno invece definito “debole”), esse dettero fiato politico alla comunità di zona, alla regione, fino alla vallata o al territorio storico, al Gau, al Kreis, alla circoscrizione, al distretto. Per dire, persino il fascismo “centralista” e autoritario riconosceva le “piccole patrie”, incoraggiava il tradizionalismo locale, l’identificazione territoriale, addirittura i dialetti, i folcklori, gli immaginari contadini legati alla zolla, e al suo interno poterono avere il loro ruolo riconosciuto proto-leghismi ben strutturati, del tipo di “Strapaese”. Si santificavano i luoghi dell’identità, da Fiume alla Dalmazia, e si sacralizzavano i diversi ceppi etnici: le “forti genti del Cadore”, i “fanti della Peloritana”...E persino il Terzo Reich, anzi, proprio il Terzo Reich, con un imprinting di tipo propriamente neoimperiale, fece una politica di disgregazione dello Stato nazionale liberalmassonico e di riscoperta delle aggregazioni etniche: la Slovacchia, la Vallonia, le Fiandre, l’Austria tornata “marca orientale” come nel Medioevo, il Voralpenland – che, alla maniera di un Gianfranco Miglio quarant’anni dopo, concepiva solidarismi transnazionali, macroregionali, di aree geografiche omogenee – e si pensava niente di meno che a riesumare qualcosa come la Borgogna, l’Alvernia, il Gotenland, etc. Per dire, ai congressi del partito, si recitava una preghiera patriottica – lo Spatengruss – in cui ogni comunità di schiatta proclamava la sua provenienza (Pomerania, Slesia, Renania...) e recava una manciata della sua terra, da fondere simbolicamente a tutte le altre...e questo molto prima che Bossi raccogliesse nell’ampolla l’acqua del Po alle feste popolari della Lega Nord.... L’Europa nata dal crollo sovietico è andata spontaneamente in questa direzione, senza stare a sentire i diktat globalisti: gli Stati artificiali nati dai trattati di pace – come la Cecoslovacchia o la Jugoslavia – si sono disintegrati automaticamente e hanno dato vita a quello che già esisteva nel 1941: la Croazia, la Slovacchia, la Boemia- Cechia, la Serbia...persino l’Ucraina indipendente, quale l’aveva concepita lo Stato Maggiore guglielmino nel 1918, è risorta tale e quale. I nazionalismi oggi rilanciati, i regionalismi recentemente rianimati, dalla Corsica alle Fiandre, dalla Catalogna alla Padania alla Bretagna, sono il segnale di un comunitarismo di nuovo vivace e concreto, l’unico vero, l’unico storicamente rilevabile. Che bene o male è popolo, suolo comune e storia condivisa.


Tutto questo ci parla di due volontà, due direttrici in opposizione tra loro. Da un lato il termitaio di Cosmopoli, dall’altro la comunità. Dalla più grande, lo Stato nazionale o possibilmente un domani la federazione tra Stati polarizzati da un forte centro politico-simbolico, fino alla più piccola, la famiglia, il nucleo parentale, il ceppo ereditario. Cosa del tutto naturale è che i cosmopoliti abbiano in odio questo comunitarismo territoriale, che lo infamino quale rifugio di ogni male: gretto conservatorismo, causa di “frammentazione sociale”, di chiusura autistica al mondo...mentre la verità è all’opposto. Soltanto una matura consapevolezza identitaria, fortemente difesa e rinsaldata di fronte agli assalti della Modernità, è in grado di garantire continuità alle differenze. Dove regna l’indistinto, lì si ha davvero non il “multiculturalismo”, ma la soppressione di ogni cultura.


Contrariamente a quanto pensa de Benoist, non ritengo che l’ascesa recente delle comunità sia «concomitante all’esaurimento dello Stato nazionale ». Lo Stato nazionale, anche quello scompaginato dei nostri giorni, è tutt’altro che alla fine del suo ruolo storico. E i nuovi comunitarismi che sorgono al suo interno ne testimoniano, a mio parere, anziché il declino, il rafforzamento e l’immutato significato di essenziale contenitore. Come di cosa viva, che non sta in piedi per apparato burocratico, ma per convivenza conciliatrice tra realtà omogenee ma differenziate, simili ma non necessariamente uguali, che tendono all’affermazione, alla visibilità, al riconoscimento. Il regionalismo non nega, ma presuppone lo Stato nazionale. In assenza di qualche forma imperiale di Europa, o di un unico potere che gestisca l’autorità di tutto il continente – poiché l’autorità sovrana può essere solo una e indivisa - lo Stato nazionale è il perfetto veicolo delle differenziazioni comunitarie. In questo contesto, gli imbrogli lessicali, che tendono a separare concettualmente la comunità organica tradizionale da un supposto “comunitarismo” progressista, non fanno parte della scena storica, ma di quella di una tarda ideologia post-marxista, alla ricerca disperata di un rilancio qualsiasi. Sono asserzioni fuori contesto, che saltano a pie’ pari e per pregiudizio egualitarista ogni tratto qualificante, ogni centro di individuazione, in primis il dato etnico-biologico che dà forma fisica al contenuto culturale. Il “comunitarismo” che oggi ha qualche voce in capitolo negli Stati Uniti, è chiaramente un altro mondo, che nulla ha a che fare con il fenomeno europeo di cui ha usurpato il nome. Di là dall’Atlantico, chiunque può dirsi “comunitarista” a poco prezzo. Anche tra i più tenaci globalizzatori si può sempre trovare qualcuno che dica di avere una sfumatura un po’ diversa...come dire, meno appiattita sul liberismo, più “di base”, ma pur sempre alla maniera americana: “comunitaristi”, a quei livelli, si può essere senza alcun impegno, dai Clinton a certi confessionalismi bacchettoni, fino ai famosi neoconservatives...notoriamente portatori di un “comunitarismo” morale, chiesastico, alla quacchera, che nulla accomuna al senso della vera comunità solidale totale: questa prevede una stirpe ben connotata, un territorio, una tradizione, una Kultur. Il falso “comunitarismo” all’americana è un codice razionale, è la riproposta del vecchio “patto sociale” di sicurezza tra individui e gruppi, di matrice illuminista, è insomma la solita minestra sui “diritti”, è un tragico universalismo e non un sano e realistico relativismo. Riecheggia in queste formule il prepotere repubblicano dei giacobini e il patriottismo debole dei costituzionalisti puritani. Lo stesso MacIntyre, il campione di questa versione contraffatta di “comunitarismo”, che pure seziona l’universalismo liberale nelle tradizioni particolari e che parla di ritorno ad Aristotele, in fondo non fa che ripresentare la nostalgia americana – un po’ reazionaria e molto bigotta – per tutte quelle belle civic virtues celebrate dal Tocqueville...Aristotele, in tutto questo, davvero non c’entra. Lui aveva in mente un’altra cosa, la sua – se vogliamo dirla tutta - era la filosofia politica della comunità gerarchica e guerriera che non si vergogna di parlare chiaro, fino al punto di limitare il privilegio dell’appartenenza ai soli eredi di un retaggio antropologico preciso.


Poiché, tradizionalmente, per l’appunto, l’appartenenza alla comunità è un privilegio, e per nulla un diritto. Ciò che, in Europa, si è da qualche secolo incaricato di dare forma politica a questo privilegio è lo Stato nazionale. Può non piacere, ma è così. Qui il federalismo è altra cosa da quello americano. Il federalismo europeo è concettualmente e storicamente più un impero che una confederazione...lo stesso suono delle parole indica l’opposizione dei significati: da una parte, sacrale comunità giurata di eredi; dall’altra, profana aggregazione di individui per interesse, sulla base del contratto costituzionale. Due universi incomunicanti.


È chiaro che lo Stato nazionale a cui facciamo riferimento, come al migliore contenitore delle differenze di sotto-aggregazione regionalistica, non è quello liberaldemocratico. Questo si nega votandosi all’autodistruzione multietnica. Lo Stato nazionale, al contrario, se è “nazionale” di fatto e non di nome, non può non essere innestato sull’omogeneità di base delle sue componenti. Si ha in vista cioè una differenziazione tra simili, non una convivenza coatta tra dissimili. Oggi occorre diffidare di certi sposalizi morganatici tra post-marxisti e neo-liberali. Sono nozze d’interesse che producono una figliolanza ibrida e di sesso incerto: l’ideologia “comunitarista” così concepita rappresenta un ulteriore stadio di sfaldamento dei significati. La comunità vera e reale, e non quella disegnata sulle cattedre, vive nel segno di poche, ma certissime cose. Significa comunanza di nascita, di terra su cui si vive, di progetti e di destini condivisi, di lavoro inteso a tutti i livelli: dalla produzione materiale alla solidarietà sociale, dal volontariato reciproco alla protezione e alla sicurezza. E fino alla sovranità popolare vera, all’autogestione degli spazi, dei sistemi e dei programmi di vita. Il luogo è il recinto del legame. Un limes lo circonda, lo individua, lo rende percepibile. Questo luogo è lo spazio comunitario in cui un popolo vive e vuole vivere, creando la sua ineguagliabile, irripetibile identità.

samedi, 20 novembre 2010

Quella rivoluzione dal basso

La Riflessione di Albertoni, presidente del Consiglio regionale lombardo
Quella rivoluzione dal basso
Il pensiero di Miglio mai così attuale in questa fase storico-politica del paese

Ex: http://www.leganord.org/

Miglio-300x250.jpgLe idee politiche sono paragonabili a quei fiumi “carsici” che nei loro tortuosi e rapidi percorsi sprofondano nelle viscere delle montagne per riaffiorare, poi e a distanza di molti chilometri, improvvisamente e più impetuosi di prima.

È successo storicamente ed in forma davvero strabiliante con l’idea federale di Carlo Cattaneo e sta ora succedendo anche con le idee confederaliste di Gianfranco Miglio.
Non casualmente proprio a lui in vista dell’imminente discussione nel Consiglio Regionale della Lombardia del nuovo Statuto di Autonomia (già fissata per i giorni 11-12-13 marzo pv) sarà dedicato un importante Convegno di studio e di attualità istituzionale sabato 23 febbraio pv a Como (ore 15 – Hotel Palace – Lungolario Trieste, 16).
Al II Congresso della Lega Lombarda (tenuto ad Assago, Milano, il 12 dicembre 1993) venne presentato dall’eminente studioso comasco, allora già senatore eletto come indipendente nella lista della Lega Nord, il vitalissimo documento noto come “Decalogo di Assago”. L’architettura della Repubblica ivi disegnata prevedeva la libera associazione delle attuali 15 Regioni a Statuto Ordinario in tre “Macroregioni” e l’associazione ad esse delle cinque Regioni a Statuto Speciale. Da allora sono trascorsi quindici anni, che hanno registrato quattro fallimenti nel tentativo di realizzare una riforma significativa della Costituzione vigente: 1994, Commissione De Mita–Jotti; 1997, Commissione Bicamerale D’Alema; 2006 voto popolare contrario alla proposta federalista della “Devolution”; 2006-2008 costatata incapacità totale del Governo Prodi e della maggioranza di centro-sinistra persino di attuare l’unica riforma approvata e riguardante il Titolo V, Parte II, articoli 114-133 relativi a Comuni, Province, Città metropolitane e Stato.
Se facciamo un salto all’indietro e torniamo all’aprile 1999, Gianfranco Miglio (1918-2001) nel suo ultimo, lucidissimo Saggio intitolato al famoso “asino di Buridano”, prendendo atto di alcuni di questi fallimenti (di cui fu testimone), sostenne con convinzione che «[…] le Costituzioni omni-comprensive perderanno d’importanza, sostituite da pluralità di “Statuti”, raccordati fra loro dall’azione della giurisprudenza». E in chiusura dello stesso Saggio prevedeva che «[…] si dovrebbe cominciare con riforme modeste; le quali, a loro volta, rendono poi indispensabili altri cambiamenti, che alla fine approdano ad un ordinamento complessivo abbastanza nuovo ed organico.
Una specie di “riforma involontaria”, fatta in virtù di necessità pratiche quotidiane».
E’ quello che ha fatto e sta concludendo il Consiglio Regionale della Lombardia dal luglio 2006 ad oggi con il superamento della distinzione tra Regioni a Statuto Ordinario e Speciale, applicando l’articolo 116-III comma Costituzione e prevedendo in dodici fondamentali materie più ampie e complete autonomie (procedura già conclusa dalla Regione il 3 aprile 2007), ma anche con il Federalismo fiscale previsto dall’articolo 119-II comma Costituzione che prevede la “compartecipazione” della Regione e di Comuni, Province e Città metropolitane con lo Stato sul gettito fiscale prodotto dal territorio (“Progetto di legge al Parlamento” Rosi Mauro, approvato dalla Regione il 19 giugno 2007).
La conclusione di questa “rivoluzione dal basso” sarà alla metà del prossimo marzo con la prima approvazione del nuovo Statuto di Autonomia.
Le idee della Lega e quelle di Gianfranco Miglio scorrono, quindi, ora più impetuose che mai. Non è certo un caso che l’unica riforma costituzionale approvata e vigente, quella del 2001, che fu approvata dal solo centro-sinistra, rechi in sé una cospicua quota della irresistibile forza ideale e culturale del Federalismo. L’esempio che viene dalla Lombardia e dalle sue formali, trasparenti e grandemente condivise proposte di applicazione della riforma costituzionale del 2001 sta a dimostrare la seria possibilità di dare vita ad un ben diverso e riformatore “ordinamento politico e costituzionale” della Repubblica da realizzare in un futuro assai ravvicinato ma alla condizione di avere come interlocutori un Governo ed un Parlamento corretti e leali.

Articolo tratto da laPadania del 15/02/2008

vendredi, 19 novembre 2010

Miglio: "Un nuovo Federalismo per le identità"

Così Gianfranco Miglio rispondeva, nel 1993, a Massimo Cacciari
“Un nuovo Federalismo per le identità”
Per secoli la cultura europea ha ossessivamente coltivato i miti del centralismo statale

Questa lettera fu scritta nel 1993 da Gianfranco Miglio a Massimo Cacciari, nell’ambito dell’incalzante dibattito sul Federalismo.

Ex: http://www.leganord.org/

miglio.jpgGIANFRANCO MIGLIO
Caro Massimo, ho gradito la tua lettera, anche perché mi conferma che il nuovo impegno in campo amministrativo non cancellerà la tua preziosa partecipazione ai dibattiti in tema di pensiero politico.
Quello che ormai la cultura americana chiama il “nuovo federalismo “, è (come del resto anche tu riconosci) una vera e propria “rivoluzione”: è forse la più importante delle molteplici rivoluzioni che si intrecciano a illuminare la meravigliosa “fine secolo” in cui viviamo. Mentre il vecchio “federalismo” era uno strumento (tollerato) per generare, presto o tardi, uno Stato unitario il “nuovo federalismo” è un modello istituzionale creato per riconoscere, garantire e gestire le diversità. Per quattro secoli la cultura europea ha, ossessivamente, coltivato i miti dell’unità e dell’omogeneità, funzionali allo “Stato moderno”. Dentro lo Stato tutti uniti e solidali, nell’ordine e nella pace; fuori dello Stato la guerra e la legge della jungla. Prestissimo, nei miei “Arcana Imperii”, uscirà la traduzione dei libro di Patrick Riley sulla Volontà generale, in cui si scoprono le origini teologiche del mito dell’unità.
Con il declino dello Stato “unitario” (“nazionale”) tramontano anche i miti della sovranità e dei confini.
Circa la prima, ciò che contrassegna il vero ordinamento federale è la presenza di una pluralità di “sovranità”; almeno due: quella degli Stati- membri e quella dello Stato-federazione. Ma pluralità di sovranità equivalenti significa: nessuna sovranità.
Circa i “confini” essi sono uno sciagurato prodotto dello “Stato moderno” (e, prima ancora, dell’egemonia degli agrimensori nella costruzione del diritto romano di proprietà): prima del Seicento, e sopra tutto nel mondo medioevale, i confini non erano un “destino”.
Ma il flauto che guida la danza del cambiamento, è il (periodico!) declino del “patto politico” (fedeltà) e l’emergere del contratto-scambio. Il “federalismo”(dai tempi di Giovanni Althusio!) è sempre stato legato al primato del “contratto”: e un contratto non crea mai un potere “sovrano”, perché l’efficacia di un sistema di contratti riposa sul fatto che i contraenti hanno interesse ad osservarli, sotto pena di essere esclusi dalla convivenza di coloro i quali “scambiano”. La fortuna attuale del diritto internazionale “privato” nasce da qui, e non dal fatto che esista la Corte dell’Aja.
Noi stiamo entrando in un’età caratterizzata dal primato del “contratto” e dall’eclissi del patto di fedeltà (pensa alla fine dell’indissolubilità` del matrimonio!). Dopo due secoli di ossessivo e crescente appello al patto di fedeltà (e alla “politica”) il pendolo della storia ci porta verso l’individualismo e la libertà di contratto.
Già oggi dappertutto l’esercizio del potere decisionale ha perso il suo carattere di “Machtspruch”, di “pronuncia di potenza”, e ha preso la forma di “arbitrato” e di “negoziato”. E gli ordinamenti “federali” sono sistemi in cui si tratta e si negozia senza soste.
Un altro punto cruciale: poiché le “diversità” continuano ad evolversi e ad emergere, le Costituzioni federali saranno sempre più “a tempo determinato”, e non “atemporali” come il vecchio Stato unitario (fondato per l’eternità): saranno Costituzioni modificabili ogni trenta-cinquant’anni.
Ma la più grande rivoluzione che si compie sotto i nostri occhi, con il declino dello “Stato unitario” (sovrano e “nazionale”) è la ricomposizione della originaria “convivenza delle genti”: prima che nascesse lo “Stato moderno”, e la così detta “Comunità internazionale”, sul piano giuridico e concettuale, non c’era un “dentro” e un “fuori” – un “dentro” legittimo e legale, e un Risposta a Cacciari di Gianfranco Miglio Annttoollooggiiaa 142 - Quaderni Padani Anno VIl, N. 37/38 - Settembre-Dicembre 2001 “fuori” abbandonato alla legge del più forte (o del più fortunato) -. Tutte le regole erano prodotto non di istanze “sovrane” (pensa alla debolezza delle pronunce papali o imperiali) ma di relazioni contrattuali. Oggi la gestione dei problemi interni degli Stati tende sempre più ad assomigliare a quella delle controversie un tempo chiamate “internazionali”; e la svolta è stata rappresentata dalla fine del “bipolarismo”: apogeo dell’”ordine” statal-internazionale, e quindi dei vecchio sistema.
Sono queste considerazioni che vanno tenute presenti se si vuole capire il “nuovo federalismo” ed il suo significato storico: sopra tutto se si vuol distinguere il vero federalismo dal vari “autonomismi” e “regionalismi” in circolazione, che rappresentano soltanto travestimenti del vecchio Stato unitario.
Io sto concentrando tutte le mie idee a proposito di questi temi, in una “plaquette” Costituzione federale. La ragione contro il pregiudizio; ma la farò uscire dopo le elezioni: quando si aprirà (se si aprirà!) il dibattito sulle riforme costituzionali (che tu, giustamente, giudichi indispensabile).
Sono convinto che, fra quarant’anni, tutti gli ordinamenti dei paesi civili (tranne forse quello italiano) saranno “neofederali”.
Certo (come sempre) decisivo è il problema di fissare (riconoscere) i due punti di aggregazione (“cantone”, o come lo si vorrà chiamare, versus “autorità federale”) per fondare il rapporto dialettico permanente su cui poggerà il sistema. Non per attribuire all’uno o all’altro una inutile “sovranità”: perché il potere di decidere le controversie sarà intermittente e suscitato da una clausola del contratto di fondazione.
Tu hai ragione quando avverti che è molto importante determinare le funzioni e le strutture delle aggregazioni interne (a valle) dei soggetti membri della federazione (Municipi, Regioni, eccetera). È un capitolo tutto da inventare.
Ma qui debbo rivelarti un dubbio che mi rattrista: come si atteggerà la tecnica dell’antico “jus publicum europaeum” (vulgo: cosa faranno i giuspubblicisti) davanti al compito enorme di “reinventare” il nuovo modello di ordinamento politico europeo? Ho paura che la capacità creativa della nostra cultura giuridica sia ormai spenta, e che arrivi quindi priva di forze all’appuntamento con la storia. Spero di sbagliarmi.

Articolo tratto da laPadania del 14/02/2008

Se vogliamo le riforme dobbiamo farcele, perché nessuno le farebbe al nostro posto.
Numerose saranno le riforme della Costituzione che io intendo far partire dalla devoluzione.
Non è difficile sognare. È difficile, invece, sognare confrontandosi con la realtà per cambiarla.

Umberto Bossi

lundi, 15 novembre 2010

El neoliberalismo, la derecha y lo politico

El neoliberalismo, la derecha y lo político

Jéronimo MOLINA

Ex: http://www.galeon.com/razonespanola/

minerve.jpg1. Aquello que con tanta impropiedad como intención se denomina «a la derecha» se ha convertido, como el socialismo utópico y el liberalismo político en el siglo XIX, en el chivo expiatorio de la política superideologizada que se impuso en Europa desde el fin de la I guerra mundial. Entre tanto, «la izquierda», como todo el mundo sabe, se ha erigido en administradora «urbi et orbe» de la culpa y la penitencia del hemisferio político rival. La izquierda, consecuentemente, ha devenido el patrón de la verdad política; así pues, imperando universalmente la opinión pública, su infalibilidad no puede tomarse a broma. Por otro lado, la retahíla de verdades establecidas y neoconceptos políticos alumbrados por el «siglo socialista» no tiene cuento.

Removidas en su dignidad académica las disciplinas políticas polares (el Derecho político y la Filosofía política), caracterizadas por un rigor y una precisión terminológicas que hoy se nos antojan, al menos de momento, inigualables, el problema radical que atenaza al estudioso de la Ciencia política tiene una índole epistemológica, pues las palabras fallan en lo esencial y ni siquiera alcanzan, abusadas, a denunciar realidades. Agotado hasta la médula el lenguaje político de la época contemporánea, nadie que aspire a un mínimo rigor intelectual debe apearse del prejuicio de que «ya nada puede ser lo que parece». En esta actitud espiritual, dolorosamente escéptica por lo demás, descansa probablemente la más incomprendida de las mentalidades políticas, la del Reaccionario, que casi todo el mundo contrapone equívocamente al vicio del pensamiento político conocido como progresismo.

2. En las circunstancias actuales, configuradoras, como recordaba no hace mucho Dalmacio Negro, de una «época estúpida», lo último que se debe hacer, por tanto, es confiar en el sentido inmaculado de las palabras. Todas mienten, algunas incluso matan o, cuando menos, podrían inducir al suicidio colectivo, no ya de un partido o facción, sino de la «unidad política de un pueblo». Hay empero raras excepciones en la semántica política que curiosamente conducen al pensamiento hacia los dominios de la teología política (politische Theologie) cultivada por Carl Schmitt, Alvaro d'Ors y unos pocos más escritores europeos. Parece que en dicha instancia todavía conservan los conceptos su sentido. De la importancia radical de lo teológico político, reñida con la consideración que estos asuntos merecen de una opinión pública adocenada, pueden dar buena cuenta los esfuerzos del llamado republicanismo (Republicanism) para acabar con toda teología política, uno de cuyos postulados trascendentales es que todo poder humano es limitado, lo detente el Amigo del pueblo, el Moloch fiscal, la Administración social de la eurocracia de Bruselas o los guerreros filantrópicos neoyorquinos de la Organización de las Naciones Unidas. Este nuevo republicanismo, ideología cosmopolítica inspirada en el secularismo protestante adonde está llegando en arribada forzosa el socialismo académico, no tiene que ver únicamente con el problema de la forma de gobierno. Alrededor suyo, más bien, se ha urdido un complejo de insospechada potencia intelectual, un internacionalismo usufructuario de los viejos poderes indirectos, cuya fe se abarca con las reiterativas y, como recordaba Michel Villey, antijurídicas declaraciones universales y continentales de derechos humanos. Todo sea para arrumbar la teología política, reducto ultramínimo, junto al realismo y al liberalismo políticos tal vez, de la inteligencia política y la contención del poder. Ahora bien, este republicanismo cosmopolítico, que paradójicamente quiere moralizar una supuesta política desteologizada, no es otra cosa que una política teológica, íncubo famoso y despolitizador progeniado por Augusto Comte con más nobles intenciones.

3. A medida que el mito de la izquierda, el último de los grandes mitos de la vieja política, va desprendiéndose del oropel, los creyentes se ven en la tesitura de racionalizar míticamente el fracaso de su religión política secular. Una salida fácil, bendecida por casi todos, especialmente por los agraciados con alguna canonjía internacional, encuéntrase precisamente en el republicanismo mundial y pacifista, sombra ideológica de la globalización económica. Vergonzantes lectores del Librito Rojo y apóstatas venales de la acción directa predican ahora el amor fraternal en las altas esferas supraestatales y salvan de la opresión a los pueblos oprimidos, recordando a Occidente, una vez más, su obligación de «mourir pour Dantzig!». Estas actitudes pueden dar o acaso continuar el argumento de las vidas personales de los «intelectuales denunciantes», como llamaba Fernández-Carvajal a los «soixante huitards», mas resultan poca cosa para contribuir al sostenimiento de la paz y la armonía mundiales. Tal vez para equilibrar la balanza se ha postulado con grande alarde la «tercera vía», postrera enfermedad infantil del socialismo, como aconsejaría decir el cinismo de Lenin. Ahora bien, esta prestidigitante herejía política se había venido configurando a lo largo del siglo XX, aunque a saltos y como por aluvión. Pero no tiene porvenir esta huida del mito hacia el logos; otra cosa es que el intelectual, obligado por su magisterio, lo crea posible. Esta suerte de aventuras intelectuales termina habitualmente en la formación de ídolos.

Aunque de momento no lo parezca, a juzgar sobre todo por los artistas e intelectuales que marcan la pauta, la izquierda ha dejado ya de ser sujeto de la historia. ¿Cómo se explica, pues, su paradójica huida de los tópicos que constituyen su sustrato histórico? ¿A dónde emigra? ¿Alguien le ha encomendado a la izquierda por otro lado, la custodia de las fronteras de la tradición política europea? La respuesta conduce a la inteligencia de la autoelisión de la derecha.

Suena a paradoja, pero la huida mítico-política de la izquierda contemporánea parece tener como meta el realismo y el liberalismo políticos. Este proceso, iniciado hace casi treinta años con la aparición en Italia de los primeros schmittianos de izquierda, está llamado a marcar la política del primer tercio del siglo XXI. No cabe esperar que pueda ventilarse antes la cuestión de la herencia yacente de la política europea. Ahora bien, lo decisivo aquí, la variable independiente valdría decir, no es el derrotero que marque la izquierda, pues, arrastrada por la inercia, apenas tiene ya libertad de elección. Como en otras coyunturas históricas, heraldos de un tiempo nuevo, lo sustantivo o esencial tendrá que decidir sobre todo lo demás.

El horizonte de las empresas políticas del futuro se dibuja sobre las fronteras del Estado como forma política concreta de una época histórica. El «movimiento», la corrupción que tiraniza todos los asuntos humanos, liga a la «obra de arte» estatal con los avatares de las naciones, de las generaciones y, de manera especial, a los de la elite del poder. La virtud de sus miembros, la entereza de carácter, incluso el ojo clínico político determinan, como advirtió Pareto, el futuro de las instituciones políticas; a veces, como ha sucedido en España, también su pasado.

4. Precisamente, el cinismo sociológico paretiano -a una elite sucede otra elite, a un régimen otro régimen, etcétera- ayuda a comprender mejor la autoelisión de la derecha. La circulación de las elites coincide actualmente con el ocaso de la mentalidad político-ideológica, representada por el izquierdismo y el derechismo. En términos generales, la situación tiene algún parangón con la mutación de la mentalidad político-social, propia del siglo XIX. Entonces, las elites políticas e intelectuales, atenazadas por los remordimientos, evitaron, con muy pocas excepciones, tomar decisiones políticas. Llegó incluso a considerarse ofensivo el marbete «liberal», especialmente después de las miserables polémicas que entre 1870 y 1900 estigmatizaron el liberalismo económico. Son famosas las diatribas con que el socialista de cátedra Gustav Schmoller, factótum de la Universidad alemana, mortificó al pacífico profesor de economía vienés Karl Menger. Así pues, aunque los economistas se mantuvieron beligerantes -escuela de Bastiat y Molinari-, los hombres políticos del momento iniciaron transición al liberalismo social o socialliberalismo. La defección léxica estuvo acompañada de un gran vacío de poder, pues la elite europea había decidido no decidir; entre tanto, los aspirantes a la potestad, devenida res nullius. acostumbrados a desempeñar el papel de poder indirecto, que nada se juega y nada puede perder en el arbitrismo, creyeron que la política era sólo cuestión de buenas intenciones.

El mundo político adolece hoy de un vacío de poder semejante a aquel. La derecha, según es notorio, ha decidido suspender sine die toda decisión, mientras que la izquierda, jugando sus últimas bazas históricas, busca refugio en el plano de la «conciencia crítica de la sociedad». En cierto modo, Daniel Bell ya se ocupó de las consecuencias de este vacío de poder o «anarquía» en su famoso libro Sobre el agotamiento de las ideas políticas en los años cincuenta (1960). Al margen de su preocupación por la configuración de una «organización social que se corresponda con las nuevas formas de la tecnología», asunto entonces en boga, y, así mismo, con independencia de la reiterativa lectura de esta obra miscelánea en el sentido del anuncio del fin de las ideologías, Bell se aproximó a la realidad norteamericana de la izquierda para explicar su premonitorio fracaso. El movimiento socialista, del que dice que fue un sueño ilimitado, «no podía entrar en relación con los problemas específicos de la acción social en el mundo político del aquí y del ahora, del dar y tomar». La aparente ingenuidad de estas palabras condensa empero una verdad política: nada hay que sustituya al poder.

6. El florentinismo político de la izquierda, que en esto, como en otros asuntos, ha tenido grandes maestros, ha distinguido siempre, más o menos abiertamente, entre el poder de mando o poder político en sentido estricto, el poder de gestión o administrativo y el poder cultural, espiritual o indirecto. La derecha, en cambio, más preocupada por la cuestiones sustanciales y no de la mera administración táctica y estratégica de las bazas políticas, ha abordado el asunto del poder desde la óptica de la casuística jurídica política: legitimidad de origen y de ejercicio; reglas de derecho y reglas de aplicación del derecho; etcétera. La izquierda, además, ha sabido desarrollar una extraordinaria sensibilidad para detectar en cada momento la instancia decisiva y neutralizadora de las demás -pues el dominio sobre aquella siempre lleva implícito el usufructo indiscutido de la potestad-. De ahí que nunca haya perdido de vista desde los años 1950 lo que Julien Freund llamó «lo cultural».

En parte por azar, en parte por sentido de la política (ideológica), la izquierda europea más lúcida hace años que ha emprendido su peculiar reconversión a lo político, acaso para no quedarse fuera de la historia. Lo curioso es que este movimiento de la opinión se ha visto favorecido, cuando no alentado, por la «autoelisión de la derecha» o, dicho de otra manera, por la renuncia a lo político practicada sin motivo y contra natura por sus próceres.

La izquierda europea, depositaria del poder cultural y sabedora de la trascendencia del poder de mando, permítese abandonar o entregar magnánimamente a otros el poder de gestión o administrativo, si no hay más remedio y siempre pro tempore, naturalizando el espejismo de que ya no hay grandes decisiones políticas que adoptar. Resulta fascinante, por tanto, desde un punto de vista netamente político, el examen de lo que parece formalmente una repolitización de la izquierda, que en los próximos años, si bien a beneficio de inventario, podría culminar la apropiación intelectual del realismo y del liberalismo políticos, dejando al adversario -neoliberalismo, liberalismo económico, anarcocapitalismo- que se las vea en campo franco y a cuerpo descubierto con la «ciencia triste». Aflorarán entonces las consecuencias del abandono neoliberal de lo político.



Jerónimo Molina

dimanche, 14 novembre 2010

Communal Freedom and Democracy

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Communal Freedom and Democracy

Adolf Gasser’s attempt of a conceptual clarification

by Dr phil René Roca, historian, Switzerland

Ex: http://www.currentconcerns.ch/

The historian Adolf Gasser (1903 – 1985) suggests that democracy is a historically evolved but rather fragile achievement. In his major work “Gemeindefreiheit als Rettung Europas” (Communal freedom as the salvation of Europe)1 and in many further contributions he reflects on a definition of the term “democracy” which should be as comprehensive as possible. For Gasser the term has a historical, an ethical and an educational dimension. The term “communal freedom” is at the center of his considerations. Starting point of his theoretical considerations is a historical paper on “sound and fragile democracies” in Europe after World War I.

In 1919 all European states up to the Russian border were characterized by democratic structures. But during the next two decades the democratic beginnings disappeared in favor of authoritarian or totalitarian systems of government in many states. This could particularly be observed in states, which had introduced a democracy for the first time after World War I. Gasser does not consider the principal reason for this “widespread dying of European democracies” a foreign problem, but a domestic one. Democracy particularly failed in those states, in which it did not succeed to combine freedom and order to an “organic compound”. Those states, which had a specifically shaped democratic tradition, resisted the totalitarian temptation despite the world economic crisis and World War II. Among them were, besides the Anglo-Saxon countries USA and Great Britain, the Scandinavian states, Holland and Switzerland. This, Gasser says, proves that there are two kinds of democracies, sound ones and fragile ones:

“Therefore we are to refrain from claiming that somehow democracy as such or an interlinked economic system has failed. We rather have to keep in mind that the uniform term ‘democracy’ is a quite unrealistic abstraction. In reality the term democracy, like all other social auxiliary terms, reveals a different trait from country to country. ‘Democracy’ and ‘democracy’ can be rather different things despite corresponding constitutional features; particularly, its nature is determined by the spiritual-political attitude of the individual people. In other words: After all, democracy is not a matter determined by the kind of state order, but a matter determined by the people’s convictions.”2

Thus Gasser describes a feature, which makes it possible to differentiate clearly between the sound and the fragile democracies at any time. The terms “spiritual-political attitude” and “people’s convictions” illuminate an ethical dimension of democracy. To Gasser, this dimension is not ideationally inflated or ideologically curtailed, but linked with a fundamental structural feature. The feature is the organization of the communal and regional autonomy. All sound democracies, as different as they may be, have a

“traditional and extremely lively self-governing system of their local and regional subsidiary associations. Widespread decentralization of the administration: that is the essential characteristic of these ‹old and free people’s states›.”3

Gasser considers the contrast between decentralized and centralistic administrative systems to be the key to the problem, which explains why some democracies were successful and sustainable and others were not.
For Gasser, the starting point for decentralized public administration is the “free”4 commune, which has cooperative roots. The cooperative as “a particularly finely-woven organizing element”5 defines itself by the three so-called “selves”: self-governing, self-determination and self-help. If free communes, organized in such a manner, come together to build a state, this state is federal, thus structured in a decentralized way. The human dimension in this structure must be based on certain ethical principles. The people, based on their specific cultural background, develop into these socio-economic structures; they shape and advance them. The ethical principles provide the stability, security and predictability:

“State formations, which grew from bottom to top and which represent the concept of self-governing, are usually communities of a very special kind; because they are primarily held together by spiritual and ethical forces while power-political braces are subordinate.”6

The ethical dimension of communal freedom

With the description of different principles Gasser tries to define the ethical dimension more clearly. In this context, he speaks of a kind of “synthesis of civic watchfulness on the one hand and civic self-discipline on the other”7. This mental-moral dimension cannot simply be introduced by a written constitution. It does also not follow automatically, if a commune is free. In order to make this dimension humane, moral values are required, which are to be taught in education and set as an example within the political level. The free commune, Gasser writes, educates the citizens not to a quantitative, but to a qualitative way of civic thinking. This important element shows the commune as “autonomous small-scale organization”, as “a school for citizenship”8 in an educational context, which is both founded on values and creates them.
In the following Gasser’s different ethical principles will be described in more detail.

The principle of co-ordination

Civic community life is only possible in the context of an organizing principle. The two possible organizing principles are the principle of subordination and that of co-ordination. In other words, the principle of administration by authoritarian dominance opposes that of co-operative self-governing.

“Either the stately order becomes secured by an authoritarian command and power apparatus, or it is based on the free social will of a people’s collectivity.”9

In the first case the structure of the state develops essentially from top to bottom, in the second case from ground to top. Either the people have to get used to being commanded or (most of them) to obeying, or they are guided by the will to co-operate freely. In this context, Gasser mentions that there are of course mixed forms; however, all the examples show a certain tendency towards one of the two organizing principles.
For Gasser, the contrast “rule vs. cooperative” is the most important contrast social history knows. It sheds light on the most elementary foundations of human community life and has mental and moral consequences.

The principle of voluntariness

Co-operatively organized communes require free, social co-operation. The working together represents a synthesis of freedom and order and is possible only if the will to free collective co-operation is inseparably combined with the will to free collective integration. The free acceptance of voluntary and adjunct work in addition to the regular duties results in a militia system, which is indispensable for the smoothest possible social procedures on all national levels.

“A sound development of democracy on a large scale will only be possible where it is practiced and realized on a small scale every day.”10

The principle of shared responsibility

16.jpgThe voluntary cooperation, which is practiced within the manageable area of the commune, naturally leads to a further ethical principle, the principle of the shared responsibility. It develops, as Gasser expresses, an “internal bond to reality”,11 i.e. primarily to the commune, which shapes a “system of collective readiness to share responsibility and to political tolerance”.12 Freedom must combine itself with a feeling of duty for the public matters, because

“[…] where there is a lack of genuine will for responsibility, for shared responsibility, there is an immediate threat that freedom will dege nerate into bare individualism and egoism.”13

However, the individual does not completely dissolve in the collective; it must not subordinate to the community:

“Starting point of the cooperative, decentralized states is not the individual freedom, but the communal freedom. But there is a seed of individual freedom to be found inevitably in the communal freedom […].”14

The principle of the collective respect for law

A collective conviction of what is right is central to the communal freedom. Those national state systems that were developed from bottom to top, that are based on communal freedom, show a completely different development of the law than centralistic authoritarian states. The “ancient right” (or also the “ancient freedom”) developed in co-operative and decentralized political systems has become a tradition throughout the centuries, and in conflict situations it represents an important point of reference in each case. The old civic and legal education – often verbally delivered and condensed in a kind of customary law – was of great importance, because it was backed by the collective. This backing of the existing order, often expressed in rituals and symbols, is only possible if the order is considered to be absolutely legal in its basic outlines. If this legal order is to be changed and adapted, it is usually developed, but not destroyed.

The principle of collective confidence

According to Gasser, the co-operative combination of freedom and right creates forces of “outrageous moral strength”15. For Gasser, this is above all general political and social confidence. The individual’s readiness for confidence is a prerequisite for a collective fundament of trust. Under these circumstances, no communal citizen must fear a political breach of law by fellow citizens. This “being free from fear” represents a substantial characteristic of all co-operative and decentralized communities for Gasser. Where the communal freedom exists, people steadfastly stick to the decentralized organizing, self-governing principle, and usually native confidants are entrusted with certain executive functions. So bi-partisan readiness for confidence can develop, which leads to the acceptance of the democratic majority principle:

“Only from deep-rooted confidence in communalism, i.e. to the free community will, one is able to generally take it as natural that a majority considers the free will of a minority if possible – and a minority is for its part morally obliged to submit by its own free will to the free will of a people’s and a parliament majority.”16

The principle of collective tolerance

In the free commune, Gasser says, everyone is forced to compromise with the political opponent. If the communal citizen gets accustomed to being responsibly moderate in this small, assessable area, then “from the beginning strong forces of reconciliation and mediation are involved.”17
The “communal freedom” is not able to manufacture heavenly conditions. Human passions and feeling of hate remain components of human nature. However, these often destructive forces repeatedly encounter “wholesome barriers” in the free commune, which “diminish their political explosive effects”, Gasser states.18 One of these “barriers” is the readiness to compromise:

“Striving for clear compromises backed by genuine consideration for the justified vital interests and attitudes of our fellow citizens, also of those organized in other parties, must become second nature somehow, if the liberal democracy were to become a firmly rooted way of life.19

From this collective tolerance emerges a high readiness to accept good faith as a guiding value. Thus one cannot absolutely guarantee but effectively secure the inner and outer peace of a community nevertheless.

Conclusion: the principle of ethical collectivism

Gasser’s term “communal ethics” is determined by the described mental and moral principles, to which the individual must feel bound. For its existence and advancement, the free commune requires such a “collective will to bind oneself”20 or, expressed differently, an “ethical collectivism”21. Gasser thus sheds light on the “internal nature”22 of democracy and gives his definition a socio-psychological dimension by including ethical principles.
Gasser always refers to this dimension in his texts. He starts out from a positive concept of man: Man is good by nature.23 As a person, each human being has certain rights and duties and can establish his necessary social relations at best in the surroundings of a free commune. Thus people develop their skills and forces and are able to solve the problems together with others. Thus, the autonomous small areas form the basis, and take influence on greater stately regions, regardless of their structure.
“Moral bonds” secure the peace of a society against inside threats as well as threats from outside. All communal and federal democracies, built from bottom to the top, have a basically pacifist tendency, Gasser claims. With its synthesis of freedom and order, the decentralized structure including free communes reaches a degree of social justice, which curbs militarist and expansive forces. The individual is more content, feels safe and cannot easily be seduced to foreign policy war adventures.

Educational dimension of communal freedom

Finally the “educational dimension” of communal freedom is to be presented briefly, as Gasser repeatedly mentions it. For him, the commune is a “humanitarian school for citizenship”24 and in a lively democracy it serves an educational purpose which should not be underestimated:

“Only in an assessable, natural community the normal citizen is able to acquire what we use to call political sense of proportion, a feeling for the human proportions. It is the only place where he can learn to understand and consider the justified requests of his neighbors and their different ideas and interests in the daily discussion; it is the only place where the necessary minimum of communal structure develops on the ground of freedom, which is able to effectively impede the tendency to authoritarianism as well as to anarchy. In this sense autonomous small areas remain irreplaceable schools for citizenship, without which the free democratic state would wither from the roots.”25

A lively democracy does not only require educated humans, who master cultural techniques and who acquire certain abilities and skills and develop them. A democracy also requires as it were the people’s “emotional intelligence”.26 This intelligence must develop in the family first, as well as in the assessable, natural community first; later on it can also be effective beyond that sphere. As far as educational issues are concerned, Gasser always refers to the work of Heinrich Pestalozzi (1746 – 1827). In digesting and summarizing the different historical aspects and the ideas of progressive thinkers, Gasser can be called the actual discoverer of the “small region” and “assessability” as the basic conditions of a working democracy. Therefore it is certainly worthwhile to apply his ideas, modified by new research, to the question how direct democracy was historically developed in Switzerland.•

Translation Current Concerns

1 Adolf Gasser, Gemeindefreiheit als Rettung Europas. Grundlinien einer ethischen Geschichtsauffassung, Second, grossly extended edition, Basel 1947, p. 7–12.
2 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 10.
3 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 10f.
4 Gasser uses the term “free” or “freedom” in the context of a national political category of the “commune” quite comprehensively. He does not limit it to the political rights of co-determination. Those were limited in Switzerland in the “ancient régime” to the citizens of a single commune, i.e. they were exclusive. Only in times of the Helvetica and then again during Regeneration the rights of co-determination were extended on a cantonal level. Women were excluded longest.
5 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 15.
6 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 17.
7 Adolf Gasser, Bürgermitverantwortung als Grundlage echter Demokratie, in: Gasser,A., Staatlicher Grossraum und autonome Kleinräume, Basel 1976, p. 43
8 Adolf Gasser, Staatlicher Grossraum und autonome Kleinräume, Basel 1976, p. 147
9 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 12
10 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 11
11 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 19
12 Adolf Gasser, Der europäische Mensch in der Gemeinschaft, in: Gasser, A., Staatlicher Grossraum und autonome Kleinräume, Basel 1976, p. 4
13 Gasser, Bürgermitverantwortung, p. 33
14 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 27
15 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 20
16 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 97
17 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 24
18 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 24
19 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 24
20 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 16
21 Gasser, Der europäische Mensch …, p. 4
22 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 10
23 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 255
24 cf. Adolf Gasser, Die Schweizer Gemeinde als Bürgerschule (1959), in: Gasser, A., Staatlicher Grossraum und autonome Kleinräume, Basel 1976, p. 85–91
25 Adolf Gasser, Zum Problem der autonomen Kleinräume. Zweierlei Staatsstrukturen in der freien Welt, in: Aus Politik und Zeitgeschichte, Attachment to the weekly magazine Das Parlament, vol. 31/77, p. 4
26 cf. Daniel Goleman, Emotional Intelligence, New York, 1996

Adolf Gasser

The Swiss historian Adolf Gasser (1903–1985) completed his studies in Heidelberg and Zurich with doctorates in history and classical philology. From 1928 to 1969 he taught as a grammar school teacher in Basel. In the course of his lectureships he became private lecturer in 1936 and an adjunct professor in 1942; from 1950 to 1985 he taught as an extraordinary professor for constitutional history at the University of Basel. After World War II he started an active lecturing activity in the Federal Republic of Germany. Gasser was joint founder of the Council of European Municipalities and Regions, from 1953 to 1968 he was a Liberal member of the Grand Council of Basel, and he was a president of the FDP of the canton Basel.
 

His works include (published in German language, all titles are translated here for better understanding):
– The territorial development of Switzerland. Confederation 1291–1797, 1932
– History of the People’s Freedom and Democracy, 1939
– Communal freedom as salvation of Europe, 1943
– On the foundations of the state, 1950

El organicismo de Maetzu

El organicismo de Maeztu

Pedro Carlos Gonzàlez Cuevas

Ex: http://www.galeon.com/razonespanola/

1. EL CORPORATIVISMO INGLES

maeztu.jpgEn 1912, Maeztu había empezado a interesarse por las ideas sindicalistas y corporativistas que comenzaban a dominar en algunos círculos intelectuales europeos. No encontró, desde luego, el sindicalismo revolucionario de raíz soreliana un simpatizante en Maeztu, quien rechazó de plano sus actitudes violentas y, sobre todo, un irracionalismo tomado de Bergson; era «antiintelectual y antiinteligente», heredero de la «sofistería moderna»1. Se equivocaban, además, Sorel y sus acólitos en la percepción de la realidad social, al sostener, como el marxismo, la visión dicotómica de las clases sociales; lo que suponía, tanto a nivel teórico como práctico, una enorme simplificación, que prescindía de sectores tan decisivos como el campesinado y toda la clase media -comerciantes, industriales, pequeños rentistas, intelectuales, etc.-. El fundamento real del sindicalismo, por el contrario, era la pluralidad de las clases sociales, que, a través de sus organizaciones sindicales, se disponían a defender sus intereses. «Se funda en que las clases sociales son muchas. Y en esta multiplicidad de intereses de clase es necesario precisar y concretar los de la clase obrera, si ha de evitarse que los trabajadores tomen por propios los intereses de otras clases sociales2.

Al lado del sindicalismo revolucionario existía otro, de carácter conservador, defendido en Gran Bretaña por Hilaire Belloc y los hermanos Chesterton; en Francia por León Duguit. Maeztu consideraba a esta tendencia mucho más seria que la anterior. No obstante, rechazaba, por entonces, los planteamientos de Duguit, cuyo «solidarismo» tanto influiría en la gestación de La crisis del humanismo. El corporativismo de Duguit significaba, para el Maeztu todavía liberal, un intento de retorno a la Edad Media, ya que pretendía reducir al individuo a una mera dimensión profesional, aboliendo la individual y política, es decir, la subjetividad, producto de la emancipación lograda desde el Renacimiento3. Chesterton y Belloc eran comparables a Charles Maurras y León Daudet4.

Con todo, tanto los sindicalistas revolucionarios como los conservadores incidían en aspectos reales de la vida social; en particular su insistencia en el carácter objetivo de las clases sociales como portadoras de intereses materiales específicos, que los parlamentos de las sociedades liberales, anclados todavía en una filosofía social profundamente individualista, se obstinaban en ignorar, incluso en marginar: «La idea política se trueca en retórica que cubre un interés; el interés rapaz se cubre con piel de cordero. Todo por no reconocer al hombre su doble carácter de profesional y de hombre, de miembro de una clase y de miembro de la comunidad»5.

Como ya habían propugnado los krausistas, el corporativismo podía servir de correctivo al individualismo liberal; y, por otra parte, a la racionalización del pluralismo social. En ese sentido, Maeztu abogaba por un sistema de tipo bicameral, que diera asiento diferenciado a la representación corporativa. Una de las cámaras se organizaría mediante el sufragio universal; mientras que la otra se basaría en la representación por clases, profesiones y grupos de interés, «hacendados, industriales, comerciantes, labradores, obreros, abogados, médicos, personal pedagógico, etc»6.

A este tipo de corporativismo tampoco era ajeno su contacto con los intelectuales reunidos en torno a la revista «The New Age», que dirigía el antiguo fabiano Alfred Richard Orage; quien, con la ayuda económica del dramaturgo Bernard Shaw, había logrado sacarla a la luz en 19077. «The New Age» se convirtió en el órgano doctrinal del socialismo guildista, iniciado bajo la inspiración de William Morris y John Ruskin; y cuyo origen más próximo se encontraba en los escritos del arquitecto Arthur Joseph Penty, sobre todo en The Restoration of the guild system, en donde abogaba por el retorno del artesanado, y la producción simple bajo la inspiración reguladora de los «gremios». Dos miembros de «The New Age» Samuel George Hobson y Alfred Richard Orage -su director- aprovecharon las ideas de Penty, que también colaboraba en la revista, convirtiéndolas en algo diferente. Ninguno de ellos compartía el medievalismo de Penty; y eran partidarios de las nuevas formas de producción y concebían los gremios como grandes agencias democráticamente controladas para encargarse de la industria8.

El «guildismo» se oponía tanto al marxismo como al socialismo de raíz fabiana, cuyo estatismo rechazaba. Sobre la base de empresas organizadas en cooperativas de producción elevaba un sistema social que confiaba al Estado un papel subsidiario, es decir, el cuidado de las funciones de interés general, dejando la solución de los otros problemas a las comunidades inferiores. Así, las funciones que abandonaba el Estado eran ocupadas por la guilda, que era, en la concepción de Hobson, una asociación de todos los trabajadores, de todas las categorías de la administración, de la dirección y de la producción en la industria. Dentro de la revista existían, sin embargo, diferentes orientaciones y tendencias. Mientras Hobson y Orage defendían una estructura gremial que controlase y organizase la producción bajo la inspección del Estado; otros, como Cole, se mostraban contrarios a la idea de Estado soberano y proponían la doctrina del «pluralismo», basada en el principio de «función»9.

Esta teoría, sobre la que Maeztu edificaría su doctrina de la sociedad defendida en La crisis del humanismo, suponía indudablemente un desafío a las ideas dominantes sobre el sistema demoliberal y el gobierno representativo y, según reconocería el propio Cole, podía armonizarse perfectamente tanto con el liberalismo como con un ideario de carácter antiliberal10.

Para Maeztu, el guildismo era, y así lo expresó en una carta a su amigo Ortega, un auténtico reto intelectual, dado que aún no estaba suficientemente teorizado, tarea que él se proponía abordar: «El socialismo gremial tiene una ventaja y una desventaja. No está aún pensado. Hay que inventarlo»11.

«The New Age» se convirtió en un importante centro de discusión sobre temas económicos, sociales y filosóficos, donde acudían y colaboraban intelectuales de distinta militancia política e ideológica. Allí conoció al poeta Ezra Pound12, a los hermanos Chesterton, Percy Widham Lewis, Hilaire Belloc, Orage, Penty, etc. Maeztu simpatizó con Orage, a quien consideraba un pensador carente de originalidad, pero de gran capacidad de divulgación, que «pulió, fijó y dio esplendor a cuantas percibió y le parecían interesantes por ser nuevas»13. La influencia de Penty fue mucho mayor en Maeztu, sobre todo, por sus críticas a la civilización industrial. Penty le enseñó «la necesidad de restaurar la supremacía del espíritu sobre el culto supersticioso de las máquinas a que fian los modernos sus esperanzas de un mundo mejor»14.

De la misma forma, el «distributismo» de Belloc, que insistía como Penty, en la restauración de la pequeña propiedad, del artesanado y de los gremios, mediante la creación de juntas de oficios y profesiones, tuvo influencia en la ulterior trayectoria política e intelectual de Maeztu. Se trataba del «mayor enemigo que ha encontrado en Inglaterra la propaganda socialista y el defensor más brillante de la única alternativa democrática al colectivismo, a saber: el Estado distributivo, es decir, un Estado en que la riqueza se halle distribuida entre la inmensa mayoria de los ciudadanos»15.

Mención aparte merece, por su impronta en Maeztu, la figura de otro de los colaboradores de «The New Age», el escritor y filósofo Thomas Ernst Hulme. Miembro de una comoda familia, Hulme había nacido en Endon, en 1883; y se educó en prestigiosos colegios de Cambridge, de donde fue expulsado por su carácter pendenciero y bohemio. Luego, residió en Canadá y Bruselas. Amigo de Henri Bergson, gracias a su ayuda logró la readmisión en Cambridge16. Hulme era conocido entonces como traductor de las obras de su amigo Bergson y de las Reflexiones sobre la violencia de George Sorel. Amigo de Ezra Pound y colaborador de «The New Age», su perspectiva ideológica era deudora del intuionismo de Bergson, de las ideas estéticas de Charles Maurras y Pierre Lasserre, y de las críticas de Sorel al hedonismo y relativismo característicos de la sociedad finisecular. Hulme sostenía que la cultura moderna, cuyos orígenes se encontraban en el Renacimiento, llevaba a la Humanidad hacia un callejón sin salida. El humanismo renacentista supuso la eliminación radical del distanciamiento medieval del hombre con la civitas terrena y del mundo natural con respecto al sobrenatural. Y, en consecuencia, su principal error consistió en destruir la objetividad de los valores, interpretándolos «en términos de categorías de vida»; lo que conducía a un peligroso relativismo ético17. Por contra, el pensamiento medieval, a diferencia del humanismo, tenía por base la objetividad de los valores y la imperfección radical del hombre; y ello en virtud de los principios religiosos que le servían de fundamento. A la luz de los principios religiosos, el hombre aparecía, no como la medida de todas las cosas, sino como un ser radicalmente imperfecto, lastrado por el pecado original, al que solo mediante la disciplina y la religión podía conseguirse algo de valor. Ello tenía su manifestación en el arte, en las diferencias entre la vitalidad del arte renacentista y la tendencia a la abstracción del medieval. El resurgir de la abstracción, con su simbolismo geométrico y desantropomorfizado, presagiaba el ocaso del humanismo y la vuelta a los principios tradicionales de servidumbre a supuestos suprahumanos.

Tanto el humanismo como la ética medieval habían sufrido, a lo largo del XVIII y XIX, una renovación, que llevaba a una contínua confrontación entre el romanticismo, como concreción estética y política del sinuoso proceso de desarrollo de la subjetividad que arranca del Renacimiento, y el clasicismo, con su perspectiva pesimista, que llevaba a supuestos políticos de carácter conservador, como habían propugnado Charles Maurras y Pierre Lasserre. En ese sentido, Hulme estaba convencido de que se iba gestando en el interior de la cultura contemporánea un profundo cambio ideológico que llevaba a un renacimiento del espíritu clásico frente a los supuestos relativistas del proyecto de la modernidad; y ello era visible en los escritos de George Sorel: «Hay muchos -señalaba- que empiezan a estar desilusionados de la democracia liberal y pacifista, aunque huyan de la ideología opuesta a causa de sus asociaciones reaccionarias. Para estas gentes, Sorel, revolucionario en economía, pero clásico en ética, puede resultar un liberador»18.

Fiel a sus ideas, Hulme murió luchando en Francia durante la Gran Guerra, cerca de Newport el 28 de septiembre de 1917. Comentando la huella que Hulme dejó en su pensamiento, Maeztu afirmó que su influencia no se redujo al ámbito doctrinal y filosófico; fue importante también su ejemplo de heroismo y valor cívico «sobreponiéndose a las flaquezas de la carne»19.

La huella de Hulme fue perceptible igualmente en figuras cimeras de la intelectualidad inglesa: T.S. Eliot, Ezra Pound, David H. Lawrence, etc20.





2. «LA CRISIS DEL HUMANISMO», O EL APOCALIPSIS DE LA MODERNIDAD



Así, el estallido de la Gran Guerra sorprendió a Maeztu en plena evolución ideológica. Su opción, sin embargo, no fue dudosa, y a pesar de su admiración intelectual por Alemania, estuvo en todo momento a favor de Inglaterra. El vasco nunca dudó de la victoria final de Gran Bretaña y sus aliados: «Inglaterra -dirá a Ortega en una carta- ha estado dormida en estos años, pero empieza a despertar. Y, no lo dude usted, acabará por ganar la guerra»21. No obstante, celebraba que España permaneciese neutral en el conflicto; hecho que atribuyó a la presión de los intelectuales y de las clases populares frente «a la germanofilia de las clases conservadoras22»

Su progresivo cambio de perspectiva ideológica tuvo su concreción en la fundamentación religiosa-católica de su militancia aliadófila. Alemania era la representante de la «herejía germánica», consecuencia directa de la Reforma protestante y su doctrina de la justificación por la fe, frente a la doctrina católica del pecado original y la justificación por las obras. El luteranismo había afirmado la dominación del sujeto en lo relativo a la capacidad de atenerse a sus propias intelecciones; y en consecuencia, dejó al hombre libre de ataduras de orden ético y moral. La consecuencia lógica de aquel proceso fue la independencia del Estado en relación a la autoridad ética de la Iglesia, debido a los principios subjetivistas que le servían de base. Libre de cualquier poder ajeno a sí mismo, se convirtió con Hegel en un valor completamente autónomo; lo cual explicaba la crueldad de los alemanes a lo largo del conflicto23.

Pero la guerra no era sólo producto de esa mentalidad religiosa; y mucho menos de las disputas entre imperios rivales. Ni Francia, ni Gran Bretaña, ni Rusia habían amenazado el poder de Alemania. El estallido de la guerra había sido, muy al contrario, producto de la voluntad de la nobleza, el Ejército y el Kaiser para conservar su hegemonía en el interior de Alemania frente al empuje de la burguesía, los intelectuales y la clase obrera24.

Enviado como corresponsal al frente, Maeztu se mostró, en algunas de sus crónicas, entusiasmado por el espectáculo de la guerra. Y es que pensaba que las consecuencias sociales del conflicto podían ser, a la larga, positivas, porque la convivencia en las trincheras contribuiría poderosamente al establecimiento de vínculos permanentes entre las distintas clases sociales. Además, la guerra enseñaría a «trabajar mejor y más deprisa, y con mejor organización, disciplina y solidaridad25. El propio Ejército se había convertido en el modelo de sociedad jerárquica, estable y disciplinada: «No es lo justo que los hombres desiguales sean tratados como iguales. Lo justo es que se dé lo suyo a cada uno y el respeto a todos. Aquí, en el Ejército, el soldado es soldado y el general es general». Al mismo tiempo, volvía a aparecer en sus escritos el elemento nietzscheano de su juventud. La guerra era incluso un factor de regeneración moral, tanto a nivel individual como colectivo, porque suscitaba el impulso heroico: «El cañoneo entiende la sangre. Se vive como un redoble permanente. Se recupera el sentido de la aventura. Las historias dejan de ser historias. Se es uno mismo historia. Y aunque no se vea nada desde nuestro agujero, se siente uno mismo centro de la Historia»26.

Bajo la impresión del desarrollo del conflicto, Maeztu redactó en 1916, a partir de una serie de escritos publicados en «The New Age» y otros diarios y revistas, Autority, liberty and function in the light of the war, traducido posteriormente, en 1919, al español con el título de La crisis del humanismo. Los principios de autoridad, libertad y función a la luz de la guerra27.

El punto de partida de la obra era la dramática situación en la que se debatían las sociedades europeas, cuya raíz se encontraba en el subjetivismo y relativismo característicos de la modernidad. En el Renacimiento se había generado un sentimiento fuertemente mundano del hombre, que comenzaba a hallarse confinado en la esfera y dimensión de lo puramente corporal, en los acontecimientos vitales; y, en consecuencia, tuvo lugar la aparición de un nuevo tipo de hombre, seguro de su individualidad, que lo define todo, y, por lo tanto, cada vez más alejado de la transcendencia. La individualidad se encontró libre de frenos, y la ética se antropoformizó, relativizándose. El hombre se convirtió, pues, en «un esclavo de sus propias pasiones». Y en este relativismo ético se encuentra la génesis de los dos errores característicos de la modernidad, dominante en las sociedades contemporáneas: el liberalismo y el socialismo. El liberalismo tenía como sustrato el individualismo atomista que no contemplaba otra fuente de certeza y de moralidad que el individuo aislado; sobre la cual era imposible fundamentar una sociedad bien organizada. De la misma forma, el socialismo, a pesar de sus diferencias ideológicas con el liberalismo, tenía su raíz última en el relativismo subjetivista, sustituyendo la arbitrariedad individual por la del Estado, error en el que igualmente habían caído Hegel y la mayoría de la intelligentsia alemana. El proyecto socialista convertía en el único propietario de los medios de producción al Estado, que, de esta forma asumía en relación a la sociedad civil las funciones de juez y parte, encarnados en una burocracia despótica, cuya situación era, en el fondo, análoga, incluso más tiránica, a la de la vieja oligarquía del dinero.

Frente a todo ello, Maeztu propugnaba la superación del relativismo inherente al proyecto de la modernidad, mediante el retorno al principio de la «objetividad de las cosas». Continuando su evolución ideológica iniciada en su interpretación de la filosofía kantiana, en la que, como sabemos, encontró los supuestos absolutos que transcienden a la relatividad asociada al mundo empírico, Maeztu se decide por el intento de renovación de la vieja pretensión ontológica de entender el mundo bajo el signo de un idealismo objetivo y de volver a ensamblar metafísicamente los momentos de la razón disociados en la evolución cultural del mundo moderno, como medio para poner coto a la desintegración de la jerarquía de los valores comúnmente aceptados. Como ya hizo Hulme. Maeztu toma, para ello, de George E. Moore la noción de «bien objetivo», de valor intrínseco de la objetividad de los principios morales. La objetividad de las cosas abre a los hombres el acceso al mundo suprahistórico. Cuando Maeztu hace referencia a la «primacía de las cosas» se refiere a los valores eternos, que se encuentran por encima de la subjetividad y del mundo material, tales como la Verdad, la Justicia, el Amor y el Poder, cuya unidad se encarna en Dios. Desde esta perspectiva, se llega a la conclusión de que el hombre no se encuentra en el mundo para seguir su personal arbitrio, sino como servidor de esos valores objetivos. Tal es el supuesto en el que descansa el «clasicismo cristiano», debelador del romanticismo y del humanismo, de su ilusoria creencia, sobre todo, en la bondad natural del hombre. El catolicismo era consciente de que el optimismo antropológico conducía a la disolución social; y sólo mediante la autoridad que domeñara su naturaleza corrupta, consecuencia del pecado original, podía conseguirse la armonía y la estabilidad.

Sobre la base de esté moral objetiva, era posible edificar una teoría objetiva de la sociedad. Maeztu se sirve para ello, de las aportaciones de León Duguit, en cuanto éste negaba la noción de derecho subjetivo individual y admite los derechos objetivos, nacidos de la función de cada uno en el conjunto social. La organización de la sociedad en torno al principio de «función» puesta al servicio de los valores objetivos conduce a una estructura gremialista. El conflicto entre autoridad y libertad, individuo y sociedad es superado mediante la restauración de los gremios, que servirían de corrección tanto al individualismo anárquico de los liberales como a la burocracia despótica de los socialistas y estatistas.

Maeztu entiende por «gremio» una asociación autónoma e independiente del Estado, en la que se encuentran organizadas todas las clases sociales y grupos de interés. La razón de ser del gremialismo es la pluralidad de clases sociales y sus respectivos intereses. El principio «funcional» comprende todas las actividades del hombre y sanciona cada una de ellas con los derechos correspondientes a la «función». En el reparto de funciones y competencias se encuentra la garantía de las libertades reales. Maeztu se inclina por las tesis propias del «pluralismo» británico frente al concepto de soberanía estatal. No había razón alguna para dar por buena la tesis del poder soberano del Estado, ni nadie que mirara con los ojos la realidad social podía admitir la existencia de la voluntad general de Rousseau o la estatolatría de Hegel. Antes al contrario, la sociedad ofrecía el espectáculo de una multitud de grupos y corporaciones, dueños cada uno de su propia esfera y servidores de sus diversos fines y funciones. De esta forma, Maeztu se muestra partidario de una cierta forma de anarquismo legal, es decir, de la relativa disolución de los poderes del Estado, donde pueden ser ejercidos directamente por los ciudadanos y las instituciones gremiales.

El contenido de La crisis del humanismo en modo alguno pasó inadvertido para sus contemporáneos. Quizá fue Salvador de Madariaga, amigo de Maeztu por aquel entonces e igualmente relacionado con los escritores de «The New Age»28, el primer comentarista de la obra, que no dudó en calificar de «excelente»29. En un sentido igualmente elogioso, se manifestó el escritor catalán Eugenio d'Ors, que vio en La crisis una «excelente y nueva teorización del gremialismo»30. Años después, Antonio Sardinha, líder intelectual del Integralismo Lusitano, la consideró breviario de pensamiento tradicionalista, por su insistencia en el principio del pecado original y en la instauración de un sistema gremial31.

La crisis del humanismo despertó igualmente el interés de los católicos. No era para menos; dado que hasta entonces Maeztu había sido uno de los representantes del liberalismo intelectual en España. Pero la valoración de sus contenidos fue, en gran medida, ambivalente. Así, Rafael García y García de Castro -futuro obispo de Granada- vio en ella el afortunado abandono por parte de Maeztu de los principios liberales; pero también le reprochó una insuficiente asimilación de la dogmática católica. Maeztu valoraba en mayor medida los factores menos transcendentes del catolicismo, es decir, la jerarquía, el culto y la propagación de los sentimientos de identidad y de comunidad. En el fondo, parecía que para Maeztu la religión brotaba más de una «necesidad de coherencia social» que de «las relaciones del hombre con Dios»32.

La crítica de las izquierdas fue más dura. Luis Araquistain le reprochó sus objeciones al socialismo. Lejos de configurar un absolutismo de Estado, era un absolutismo de la sociedad. No obstante, la idea más combatida por Araquistain fue la de objetividad de las cosas y su primacía, cuya consecuencia podía ser, a su juicio, una regresión hacia un sistema de carácter teocrático, «a una civilización como la china, o a una sociedad tan estéril y terrible como algunas congregaciones religiosas»33. Otro socialista, Fernando de los Ríos, se apresuró a dejar bien claro que su interpretación del Renacimiento -sustentada en su obra El sentido humanista del socialismo- era por entero diferente a la de Maeztu. Por otra parte denunciaba el principio de «función» como puramente «formalista», sin contenido real, pues resultaba incompatible tanto con el sistema capitalista como con el socialista34.

Con mayor acritud se expresó el discípulo de Giner de los Ríos e institucionista de pro, Francisco Rivera Pastor, quien, recordando la anterior compenetración de Maeztu con el pensamiento moderno, consideró La crisis como una regresión intelectual. Ahora, Maeztu aparecía como un auténtico tradicionalismta negador del progreso y defensor del pecado original; todo lo cual equivalía políticamente al «ruralismo, a los arcaicos latifundios patriarcalistas, a la concepción pseudoaristocrática de una decadente república platónica…»35.

Más recientemente, La crisis del humanismo ha sido vista, al menos por algunos historiadores del pensamiento español contemporáneo, como precedente ideológico del fascismo e incluso del régimen del general Franco. Así, José María de Areilza calificó la obra como «lejana predicción de los fascismos europeos»36. Posterioremente, Salvador de Madariaga -cuyas alabanzas a La crisis del humanismo ya conocemos- sostendrá una tesis semejante en su discutible ensayo España. La obra de Maeztu era «una de las primeras y mejores definiciones del Estado autoritario funcional que se ha escrito en Europa»; y llama al escritor vasco «precursor del falangismo y aún quizás del fascismo»37. En la misma línea, el historiador marxista Manuel Tuñón de Lara afirma que Maeztu, se adelanta a Mussolini en la concepción de una «sociedad sindicalista»38.

¿Qué decir de tales aseveraciones? Ante todo, destacar su superficialidad. En el caso de Areilza, su opinión era comprensible en un momento, como 1941, de exaltación totalitaria, tras el final de la guerra civil. Madariaga, por su parte, fue siempre un historiador sumamente superficial, que, salvo en su célebre biografía de Bolívar, no pasó del afán divulgativo39. La opinión de Tuñón de Lara, como de costumbre en la obra de este autor, era más política que propiamente historiográfica. Se trataba, en el fondo, de interpretar a Maeztu como fascista; y con él al sistema político nacido de la guerra civil.

En ninguno de los casos, hubo un análisis mínimamente serio de la obra. Y es que, a diferencia de lo sustentado por estos autores, la concepción corporativista de Maeztu dista mucho de ser favorable a cualquier forma de totalitarismo, pues uno de sus aspectos centrales consiste en la limitación del poder estatal, que se reduce, en la práctica, a la función de armonizar la vida social. De hecho, uno de los grandes teóricos del totalitarismo, Carl Schmitt, vio en el guildismo y en el pluralismo británicos, base de la concepción social de Maeztu, una teoría que encubría el dominio político de los «poderes indirectos» frente a la soberanía estatal40.

Por otra parte, las reflexiones de Maeztu se inscribían claramente en la crisis del Estado liberal de Derecho característica del período posterior a la Gran Guerra, que implicó la creación de nuevos marcos institucionales de distribución de poder que llevaban a un desplazamiento en favor de las fuerzas sociales organizadas de la economía y la sociedad en detrimento de un parlamentarismo debilitado41. Como en el resto de Europa, la sociedad española -si bien con cierto retraso, dado su menor desarrollo económico- comenzó a articularse en organizaciones que representaban, desde distintos prismas ideológicos, los diversos grupos e intereses sociales. Este proceso de «corporativización» fue clave tanto por el desarrollo que experimentaron como por el protagonismo que lograron las distintas asociaciones42.



Pedro Carlos González Cuevas

dimanche, 07 novembre 2010

A Forgotten Thinker On Nation-States vs. Empire

A Forgotten Thinker On Nation-States vs. Empire

Paul Gottfried

Ex: http://www.freespeechproject.com/

Carl_Schmitt_-_The_Enemy_bigger_crop.jpgGerman legal theorist Carl Schmitt (1888-1985[!]) has enjoyed a widespread following among European academics and among that part of the European Right that is most resistant to Americanization. In the U.S. it is a different matter. Outside of the editors and readers of Telos magazine, which has heavily featured his work, Schmitt's American groupies are becoming harder and harder to find.

My intellectual biography of this thinker, which Greenwood Press published in 1990, has sold rather badly. An earlier, much denser biography, by Joseph W. Bendersky, put out by Princeton in 1983, obtained a broader market. In the eighties, academically well-connected commentators, including George Schwab, Ellen Kennedy, Gary Ulmen, and Bendersky, built up for Schmitt a scholarly reputation on these shores by trying to relate his thought to then-contemporary political issues. This caused so much concern among American global democrats that The New Republic (August 22, 1988) published a grim tirade by Stephen Holmes against the Schmittian legacy. An echo could be found in the New York Review of Books (May 15, 1997), in a screed by another neoconservative, Mark Lila. Though the Schmitt scholars sent in responses, the New York Review would not publish any of them. Apparently the political conversation in Midtown Manhattan is not broad enough to include non-globalists.

Schmitt is properly criticized for having joined the Nazi Party in May 1933. But he clearly did so for opportunistic reasons. Attempts to draw a straight line between his association with the Party and his writings of the twenties and early thirties, when he was closely associated with the Catholic Center Party, a predecessor of the Christian Democrats, ignore certain inconvenient facts. In 1931 and 1932, Schmitt urged Weimar president Paul von Hindenburg to suppress the Nazi Party and to jail its leaders. He sharply opposed those in the Center Party who thought the Nazis could be tamed if they were forced to form a coalition government. While an authoritarian of the Right, who later had kind words about the caretaker regime of Franco, he never quite made himself into a plausible Nazi. From 1935 on, the SS kept Schmitt under continuing surveillance.

There are two ideas raised in Schmitt's corpus that deserve attention in our elite-decreed multicultural society. In The Concept of the Political (a tract that first appeared in 1927 and was then published in English in 1976 by Rutgers University) Schmitt explains that the friend/enemy distinction is a necessary feature of all political communities. Indeed what defines the "political" as opposed to other human activities is the intensity of feeling toward friends and enemies, or toward one's own and those perceived as hostile outsiders.

This feeling does not cease to exist in the absence of nation-states. Schmitt argued that friend/enemy distinctions had characterized ancient communities and would likely persist in the more and more ideological environment in which nation-states had grown weaker. The European state system, beginning with the end of the Thirty Years War, had in fact provided the immense service of taming the "political."

The subsequent assaults on that system of nation-states, with their specific and limited geopolitical interests, made the Western world a more feverishly political one, a point that Schmitt develops in his postwar magnum opus Nomos der Erde (now being translated for Telos Press by Gary Ulmen). From the French Revolution on, wars were being increasingly fought over moral doctrines - most recently over claims to be representing "human rights." Such a tendency has replicated the mistakes of the Age of Religious Wars. It turned armed force from a means to achieve limited territorial goals, when diplomatic resources fail, to a crusade for universal goodness against a demonized enemy.

A related idea treated by Schmitt is the tendency toward a universal state (a “New World Order”?). Such a tendency seemed closely linked to Anglo-American hegemony, a theme that Schmitt took up in his commentaries during and after the Second World War.

German historians in the early twentieth century had typically drawn comparisons between, on the one side, Germany and Sparta and, on the other, England (and later the U.S.) and Athens - between what they saw as disciplined land powers and mercantile, expansive naval ones. The Anglo-American powers, which relied on naval might, had less of a sense of territorial limits than landed states. Sea-based powers had evolved into empires, from the Athenians onward.

But while Schmitt falls back, at least indirectly, on this already belabored comparison, he also brings up the more telling point: Americans aspire to a world state because they make universal claims for their way of life. They view "liberal democracy" as something they are morally bound to export. They are pushed by ideology, as well as by the nature of their power, toward a universal friend/enemy distinction.

Although in the forties and fifties Schmitt hoped that the devastated nation-state system would be replaced by a new "political pluralism," the creation of spheres of control by regional powers, he also doubted this would work. The post-World War II period brought with it polarization between the Communist bloc and the anti-Communists, led by the U.S. Schmitt clearly feared and detested the Communists. But he also distrusted the American side for personal and analytic reasons. From September 1945 until May 1947, Schmitt had been a prisoner of the American occupational forces in Germany. Though released on the grounds that he played no significant role as a Nazi ideologue, he was traumatized by the experience. Throughout the internment he had been asked to give evidence of his belief in liberal democracy. Unlike the Soviets, in whose zone of occupation he had resided for a while, the Americans seemed to be ideologically driven and not merely vengeful conquerors.

Schmitt came to dread American globalism more deeply than its Soviet form, which he thought to be primitive military despotism allied with Western intellectual faddishness. In the end, he welcomed the "bipolarity" of the Cold War, seeing in Soviet power a means of limiting American "human rights" crusades.

A learned critic of American expansionists, Schmitt did perceive the by-now inescapably ideological character of American politics.

In the post-Cold War era, despite the irritation he arouses among American imperialists, his commentaries seem fresher and more relevant than ever before.    

Paul Gottfried is Professor of Humanities at Elizabethtown College, PA. He is the author of After Liberalism and Carl Schmitt: Politics and Theory.  

mardi, 02 novembre 2010

Tradition et Révolution

Tradition et Révolution

par Edouard RIX

Ex: http://tpprovence.wordpress.com/

Pour quoi combattons-nous ? Cette question fondamentale, tout soldat politique doit se la poser. Aussi contradictoire que cela puisse paraître, nous sommes tentés de répondre que nous luttons pour la Tradition et la Révolution.

LA TRADITION

Tout d’abord, il ne faut pas confondre la Tradition avec les traditions, c’est-à-dire les us et coutumes.

La Tradition désigne l’ensemble des connaissances d’ordre supérieur portant sur l’Etre et ses manifestations dans le monde, telles qu’elles nous ont été léguées par les générations antérieures. Elle porte non pas sur ce qui a été donné une fois dans un temps et un espace déterminés, mais sur ce qui est toujours. Elle admet une variété de formes -les traditions-, tout en restant une dans son essence. On ne saurait la confondre avec la seule tradition religieuse, car elle couvre la totalité des activités humaines -politique, économie, social, etc…

A la suite de Joseph de Maistre, de Fabre d’Olivet et, surtout, de René Guénon, Julius Evola parle d’une «Tradition primordiale» qui, historiquement, permettrait d’envisager l’origine concrète d’un ensemble de traditions. Il s’agirait d’une «tradition hyperboréenne», venue de l’Extrême Nord, située au commencement du présent cycle de civilisation, en particulier des cultures indo-européennes.

Du point de vue d’Evola, «une civilisation ou une société est traditionnelle quand elle est régie par des principes qui transcendent ce qui n’est qu’humain et individuel, quand toutes ses formes lui viennent d’en haut et qu’elle est toute entière orientée vers le haut». La civilisation traditionnelle repose donc sur des fondements métaphysiques. Elle est caractérisée par la reconnaissance d’un ordre supérieur à tout ce qui est humain et contingent, par la présence et l’autorité d’élites qui tirent de ce plan transcendant les principes nécessaires pour asseoir une organisation sociale hiérarchiquement articulée, ouvrir les voies vers une connaissance supérieure et enfin conférer à la vie un sens vertical.

Le monde moderne est quant à lui, à l’opposé du monde de la Tradition qui s’est incarné dans toutes les grandes civilisations d’Occident et d’Orient. Lui sont propres la méconnaissance de tout ce qui est supérieur à l’homme, une désacralisation généralisée, le matérialisme, la confusion des castes et des races.

LA REVOLUTION

Quant au terme Révolution, il doit être rapporté à sa double acception. Dans son sens actuel, le plus couramment utilisé, Révolution veut dire changement brusque et violent dans le gouvernement d’un Etat. La Révolution française et la Révolution russe de 1917 en sont l’illustration parfaite.

Toutefois, au sens premier, Révolution ne signifie pas subversion et révolte, mais le contraire, à savoir retour à un point de départ et mouvement ordonné autour d’un axe. C’est ainsi que, dans le langage astronomique, la révolution d’un astre désigne précisément le mouvement qu’il accomplit en gravitant autour d’un centre, lequel en contient la force centrifuge, empêchant ainsi l’astre de se perdre dans l’espace infini.

Or nous sommes aujourd’hui à la fin d’un cycle. Avec la régression des castes, descente progressive de l’autorité de l’une à l’autre des quatre fonctions traditionnelles, le pouvoir est passé des rois sacrés à une aristocratie guerrière, puis aux marchands, enfin aux masses. C’est l’âge de fer, le Kalî-Yuga indo-aryen, âge sombre de la décadence, caractérisé par le règne de la quantité, du nombre, de la masse, et la course effrénée à la production, au profit, à la richesse matérielle.

Etre pour la Révolution aujourd’hui, c’est donc vouloir le retour de notre civilisation européenne à son point de départ originel, conforme aux valeurs et aux principes de la Tradition, ce qui passe, pour reprendre l’expression de Giorgio Freda, par « la désintégration du système» actuel, antithèse du monde traditionnel auquel nous aspirons.

Edouard Rix, Le Lansquenet, automne 2002, n°16.

mardi, 26 octobre 2010

Démocratie directe: la grande peur des bien-pensants!

Démocratie directe : la grande peur des bien-pensants !

 

landsgemeinde1.jpgEx: http://www.polemia.com/

La Fondation pour l’innovation politique (Fondapol), créée par Jérôme Monod, organise, le 16 octobre 2010, à Lille, un colloque sur « Ce que le web fait à la démocratie représentative ». Un sujet dont l’intitulé paraît étroit (quid de la démocratie directe ?) et craintif.

Ce qui a conduit Yvan Blot, contributeur régulier de Polémia, et président de l’Association « Agir pour la démocratie directe » à proposer à la Fondapol une étude purement factuelle sur la démocratie directe. Il s’agissait d’un parangonnage portant sur les expériences suisse allemande italienne et américaine Un sujet intéressant d’autant que depuis 2008 la constitution française prévoit la possibilité d’organiser des référendums d’initiative populaire (à condition toutefois que la demande soit formulée par un cinquième des membres du Parlement et un dixième des électeurs).
Polémia

La peur du peuple

La réponse négative qu’il a reçue du Secrétaire général de la Fondapol, Mathieu Zagrodzki, est très révélatrice :

« Après réflexion et concertation approfondies, nous estimons que notre priorité aujourd’hui est de défendre la démocratie représentative. Notre sentiment est que la démocratie directe constitue l’une de ces voies de passage qui favorisent aujourd’hui l’expression du populisme, le risque le plus élevé se trouvant dans la rencontre entre cette procédure de décision et les questions très sensibles posées par l’immigration, comme l’a démontré le récent exemple de la votation citoyenne en Suisse sur l’interdiction des minarets. A l’heure où les divisions au sein de la société tendent à s’accroître, l’appropriation de la décision publique par des communautés locales nous semble plus de nature à créer de nouveaux problèmes qu’à fournir des solutions. En outre, une fondation pro-européenne comme la nôtre ne peut soutenir le développement de référendums locaux sans songer aux risques de blocage de l’intégration européenne qu’ils pourraient générer. Nous préférons ainsi vous annoncer à ce stade notre décision de ne pas engager le travail que vous nous proposez. »

Démocratie réelle ou démocratie de façade ?

La réponse d’Yvan Blot met les pieds dans le plat :
« Merci de votre franche réponse qui me permet de mieux situer les contours de l'oligarchie gouvernante actuelle. Vous savez fort bien que la démocratie représentative est une façade : les lois sont faites par les hauts fonctionnaires (dont je suis) et par les lobbies et médias qui gravitent autour, et certainement pas par les députés (je l'ai été). Le choix réel n'est pas aujourd'hui entre la démocratie dite représentative et la démocratie directe mais entre l'oligarchie actuelle et la démocratie réelle qui doit comporter à la fois des éléments directs et représentatifs comme en Suisse.

Les grandes menaces d'aujourd'hui, endettement des Etats jusqu'à la faillite par exemple, ne sont pas le fruit du « populisme» mais des décisions des oligarques régnants. Ceux-ci nous mènent à la catastrophe et c'est alors que vous verrez le triomphe du populisme qui vous fait peur. Quant à l'Europe, vouloir l'intégrer à marche forcée en ignorant les peuples, c'est bâtir sur du sable.

Forces oligarchiques contre forces démocratiques

Nos opinions divergent donc clairement. Je crois que l'idéologie oligarchique que vous incarnez ressemble à celle de l'Ancien Régime en 1789. J'espère que les événements qui vont produire sa chute de façon inévitable seront le moins violents possible. Je crains qu'en refusant la démocratisation de notre système politique, l'oligarchie qui s'approprie actuellement le pouvoir ne creuse sa propre tombe. C'est déjà arrivé dans l'histoire. L'attitude réactionnaire, même affublée du masque du progressisme, est une attitude perdante.

Je suis ravi de ce dialogue révélateur des forces oligarchiques et démocratiques en présence. J'espère au moins qu'elles pourront dialoguer et que la tentation de la censure des voix des citoyens ne l'emportera pas : toute censure est vaine et vaincue à terme. »

Yvan Blot
06/10/2010

Correspondance Polémia – 15/10/2010

lundi, 25 octobre 2010

Néolibéralisme et euthanasie des classes moyennes

Néolibéralisme et euthanasie des classes moyennes

Ex: http://www.mecanopolis.org/

Par Bernard Conte

Pendant que le néolibéralisme fait son travail de sape, nos élites complices, grassement rémunérées, tentent de détourner l’attention des populations. À l’instar des prestidigitateurs, elles pointent des faits, des « évidences », des idées, des théories… pour mieux dissimuler la réalité et manipuler les opinions.

Après avoir longtemps nié le phénomène du laminage des classes moyennes en Occident, les néolibéraux – de « gauche », comme de « droite »2 [1] – l’admettent, au moins implicitement, aujourd’hui. Mais pour eux, ce phénomène serait tout à fait « naturel », car il se doublerait de l’apparition et de l’essor de classes moyennes au Sud et plus particulièrement dans les pays émergents.

Quoi de plus équitable ? Les pays du Sud n’ont-ils pas un « droit » inaliénable au développement et leurs populations ne peuvent-elles prétendre à « s’embourgeoiser » à leur tour ? La mondialisation néolibérale, tant décriée, aurait des effets positifs sur les classes moyennes au Sud. Face à la dynamique inéluctable de délocalisation des classes moyennes au Sud, les réactions égoïstes des « petits » bourgeois du Nord visant à protéger leur niveau de vie – en s’attachant à leurs privilèges, en revendiquant, en manifestant dans les rues, par exemple – seraient aussi vaines qu’inutiles, voire, à la limite, racistes.

Ce discours est totalement biaisé car la dynamique des classes moyennes suit un cycle au cours duquel elle passe par une phase de croissance, suivie d’une période de décroissement. Ces périodes sont déterminées par la nature des liens entre les classes moyennes et le capital. Pendant la phase ascendante, la classe moyenne prospère parce qu’elle est « l’alliée » du capital. Lorsqu’elle devient son « ennemie », la classe moyenne périclite. Dans les deux cas, c’est l’État, entre les mains de la classe politique, qui gère la production ou la destruction de la classe moyenne.

La dynamique cyclique des classes moyennes : entre densification et éclaircissement

Au cours des Trente glorieuses au Nord et pendant la période du développement introverti3 [2] au Sud, la classe moyenne s’est densifiée, avec plus ou moins d’intensité, dans de nombreuses zones de la planète. L’adoption de politiques néolibérales, de désinflation compétitive au Nord et d’ajustement structurel au Sud, a inversé la tendance en éclaircissant les rangs des classes moyennes. Cette évolution donne à penser que la dynamique des classes moyennes suit une trajectoire cyclique.

L’évolution de la classe moyenne en Afrique : l’exemple de la Côte d’Ivoire

L’expérience de la Côte d’Ivoire, pendant et après le « miracle » économique, illustre bien cette dynamique. Sous l’égide de son Président, Félix Houphouët-Boigny, la Côte d’Ivoire a mis en œuvre un modèle de développement « au caractère libéral et ouvert officiellement affirmé, devait présenter trois étapes successives : le capitalisme privé étranger, le capitalisme d’État, avant la relève par le capitalisme privé national, encouragé par un processus de rétrocession. La stratégie industrielle retenue était la substitution des importations. La politique industrielle s’est appuyée sur l’État et les intérêts français dont les profits étaient garantis par le code des investissements promulgué en 1959 et par la protection du marché interne4 [3] ».

Il s’agissait, pour l’État, de susciter l’apparition d’une classe « motrice », moyenne et supérieure, qui puisse prendre en main le développement national. À cette fin, l’État a mis en œuvre une stratégie multiforme notamment fondée sur :

  1. l’éducation – formation : « en 1960, l’État consacrait 22% de son budget à la formation ; cette proportion passait à 33% en 1973, pour atteindre 54,9% en 19835 [4] ».
  2. l’ivoirisation du capital et de l’emploi (et particulièrement des cadres) par la relève des étrangers dans la fonction publique, dans le secteur de l’immobilier et des PME et dans les grandes entreprises (le plus souvent filiales de sociétés transnationales) ainsi que par l’extension de l’appareil d’État et du secteur public6 [5].

« L’appareil d’État sert de précurseur, de trait d’union et de tremplin à l’intégration des nationaux aux postes économiques. L’État joue le rôle d’agent moteur, créant les conditions de l’accès aux participations économiques, ne se substituant jamais à l’initiative privée là où elle existe, et toujours de manière à ce que ces initiatives soient compatibles avec les orientations du passé. La promotion des nouvelles initiatives tend à se faire dans des secteurs réservés7 [6] ».

Ainsi, grâce à l’action publique, les classes moyennes émergent. Par exemple, « avec un effectif de 78 000 emplois en janvier 1978, l’Administration est le premier employeur du pays. Comme le secteur parapublic représente pour sa part 61 000 emplois (y compris les sociétés d’économie mixte) c’est près de 40 % de l’emploi moderne qui est, directement ou indirectement, contrôlé par l’État8 [7] ». De même, dans son étude sur l’emploi en Côte d’Ivoire, Françoise Binet dénombre, en 1978, 4 832 patrons d’entreprises à Abidjan dont 41,2 % sont ivoiriens9 [8]. Ces chiffres traduisent l’émergence et la densification progressive de classes moyennes salariées et entrepreneuriales au cours des Vingt glorieuses (ou du miracle ivoirien), aussi marquées par un taux de croissance du PIB réel d’environ 7 % par an en moyenne, une performance qui a engendré l’entrée de la Côte d’Ivoire dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire selon la classification de la Banque mondiale. Dans les années 1970, la Côte d’Ivoire bénéficie du niveau de vie le plus élevé d’Afrique de l’Ouest.

Le tournant se situe au début des années 1980 avec la chute des cours internationaux du cacao et du café, principales exportations de la Côte d’Ivoire. A partir de 1981, s’ouvre la période de l’ajustement. En raison de l’intangibilité revendiquée de la parité du franc CFA vis-à-vis du franc français, l’ajustement sera tout d’abord désinflationniste (en termes réels ), puis en 1994, il comportera la dévaluation de 50 % du CFA. Les mesures d’abaissement de la dépense publique, de réduction des effectifs de la fonction publique, la privatisation, la disparition pure et simple d’entreprises publiques ou d’entreprises liées à l’industrialisation par substitution des importations… vont se traduire par un appauvrissement de la majorité de la population avec un creusement des inégalités. En considérant l’indice du PIB réel par habitant égal à 100 en 1980, sa valeur n’était plus que de 79,7 en 198810 [9]. La réduction des emplois publics grossit les rangs du secteur informel et inverse le flux de l’exode rural: « en ce début des années 1990, nombre d’autochtones, montés dans les villes car ayant bénéficié du programme gouvernemental de 1978, dit d’ivoirisation de la fonction publique, sont forcés de revenir dans leurs villages d’origine suite à la suppression de nombreux emplois administratifs11 [10] ». Ces populations, appartenant à la classe moyenne « ajustée », « compressée », sont victimes d’un déclassement. On assiste à « l’extension de la pauvreté et à l’accroissement des inégalités12 [11] ». L’augmentation de la pauvreté, qui en « 2008 a atteint un seuil critique de 48,9 % contre seulement 10 % en 198513 [12] », traduit le fait que la classe moyenne se paupérise.

En Côte d’Ivoire, de l’indépendance à la fin des années 1970, la classe moyenne s’est constituée dans le cadre du modèle de développement mis en œuvre par Félix Houhpouët-Boigny. Cette classe a vu ses rangs s’éclaircir progressivement avec les programmes d’ajustement structurel néolibéraux. On observe cette même dynamique sous d’autres cieux.

Argentine : « la classe moyenne est détruite14 [13] »

En Amérique Latine, l’exemple de l’Argentine révèle que la période des ajustements a délité la classe moyenne nombreuse qui s’était constituée auparavant. En effet, jusqu’à la fin des années 1970, « l’Argentine était une société relativement bien intégrée – tout au moins si on la compare aux autres pays d’Amérique Latine – caractérisée par une vaste classe moyenne, résultat d’un processus de mobilité sociale ascendante dont la continuité n’avait jamais été remise en cause15 [14] ». A partir des années 1980, la classe moyenne se délite. «  On observe notamment l’entrée dans le monde de la pauvreté d’individus issus de la classe moyenne : il s’agit des « nouveaux pauvres » dont le nombre a cru de 338 % entre 1980 et 199016 [15] ». Cette tendance s’est poursuivie, si bien qu’en janvier 2002, le Président argentin nouvellement élu, Eduardo Duhalde, révélait « qu’en 2001, la classe moyenne [avait] perdu 730 000 argentins, venus grossir les rangs des 15 millions de pauvres, soit 40 % de la population du pays17 [16] ». A cette occasion, le Chef de l’État déclarait : « la classe moyenne est détruite18 [17] ».

La fin du « miracle » asiatique et le laminage des classes moyennes

En Asie du Sud-Est, de 1970 à 1995, les pays émergents ont enregistré une forte croissance économique, si bien que l’on a parlé de « miracle ». Au cours de cette période, une classe moyenne essentiellement urbaine a progressivement émergé. La grave dépression de 1997-1998 a fortement impacté « la classe moyenne des pays du Sud-Est asiatique [qui] a payé le prix fort de cette crise : de nombreuses personnes ont perdu simultanément leur emploi et les économies de plusieurs années19 [18] ». Le phénomène tend à se poursuivre avec la crise actuelle. En Corée du Sud par exemple, la crise actuelle (2008) « évoque celle de 1998. Du coup, les jeunes se ruent vers les sociétés d’État, où les emplois sont plus stables. En une décennie, la classe moyenne coréenne a diminué de 10 %. Beaucoup forment aujourd’hui une nouvelle classe de pauvres20 [19] ».

Au Nord : l’euthanasie progressive des classes moyennes

Au Nord, depuis le début des années 1980, on assiste à « l’euthanasie » de la classe moyenne constituée pendant les Trente glorieuses21 [20]. Aux États-Unis, « s’il existe un point sur lequel les années 1980 ont réussi à créer un accord (de toute façon a posteriori) entre des économistes de différentes tendances, c’est précisément sur la diminution quantitative de la classe moyenne : « the big squeeze » de l’économie domestique située au niveau des revenus intermédiaires, la mobilité vers le bas des « cols blancs », les dumpies (downwardly mobile professionals selon la définition de Business Week) ont remplacé les yuppies plus connus du début des années 198022 [21] ». La tendance au délitement a été masquée, jusqu’à la crise des « sous-primes », grâce à « un accès au crédit excessivement laxiste » qui « a permis à une grande partie des ménages moins nantis de maintenir un niveau de vie aisé » et qui « a généré ce qu’on pourrait appeler une ‘fausse classe moyenne’ aux États-Unis23 [22] ». En Allemagne, selon une étude scientifique récente de l’institut DIW, au cours des dix dernières années, « les classes moyennes se sont « rétrécies24 [23] » car elles sont « les perdantes des transformations qu’a subi la répartition des revenus au cours de la dernière décennie25 [24] ». En France, la dynamique d’atrophie des classes moyennes est moins perceptible, en raison de l’existence initiale d’un État-providence renforcé et de sa plus lente destruction. Louis Chauvel montre que, pendant les Trente glorieuses, l’ascenseur social a permis à un grand nombre de jeunes, issus du milieu agricole ou ouvrier, d’accéder à la classe moyenne qui s’est développée rapidement au cours de cette période26 [25]. C’était l’âge d’or de la classe moyenne en France. Mais, à partir du début des années 1980, la situation se détériore progressivement. « Sans nier l’importance des difficultés des classes populaires et de ceux qui font face à la marginalisation sociale, c’est au tour des catégories centrales de la société d’expérimenter une forme de précarité civilisationnelle27 [26] ».

Il apparaît que les classes moyennes se sont développées dans des lieux et à des moments différents, pendant des périodes de durée variable, mais caractérisées par une croissance économique relativement élevée. Lorsque l’environnement s’est révélé moins favorable, ces classes moyennes sont entrées en crise. La dynamique des classes moyennes semble suivre une chronologie caractérisée par une période de croissance, prolongée par une phase de décroissement.

Dans cette hypothèse, il est utile de s’interroger sur les facteurs explicatifs de la dynamique cyclique des classes moyennes.

Quelques pistes de réflexion sur les déterminants de la dynamique cyclique des classes moyennes

Notre hypothèse suggère que l’on assiste, dans le temps, à une montée des classes moyennes suivie de leur décrue. Une raison de cette trajectoire pourrait se situer dans le rôle ambigu des classes moyennes dans le processus de développement. En effet, les classes moyennes apparaissent à la fois comme un facteur de développement économique et comme un frein à la croissance des profits. Le cheminement cyclique pourrait s’expliquer par un échelonnement différencié dans le temps des effets précités. Dans tous les cas, il apparaît que l’évolution de la classe moyenne est intimement liée à l’intervention de l’État. C’est l’État (ou plutôt les élites politiques au pouvoir) qui décide de (dé)règlementer et de légiférer pour promouvoir ou enrayer le développement de la classe moyenne. La loi est (presque) toujours instrumentalisée pour servir les intérêts du capital qui peuvent coïncider avec ceux de la classe moyenne à un moment donné et en diverger à une autre période. En cas de convergence d’intérêts, la loi favorise la densification de la classe moyenne, en cas de divergence, la loi organise l’euthanasie de la classe moyenne jugée inutile, hostile et coûteuse pour le capital.

La classe moyenne « alliée » du capitalisme industriel

Dans certaines circonstances, la classe moyenne apparaît comme un facteur de développement de par son impact sur l’offre et sur la demande. Par exemple, au cours de la période des Trente glorieuses, la classe moyenne (intégrant une bonne partie de la classe ouvrière) a largement participé au bon fonctionnement du système fordiste, caractérisé par la production de masse et la consommation de masse. Pour son développement, le capitalisme industriel avait besoin d’un grand marché ainsi que de capacités productives résidentes pour l’approvisionner.

La classe moyenne a tenu un rôle important dans la création et le soutien de la demande tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Grâce à un pouvoir d’achat en progression régulière, elle a consommé des quantités croissantes de biens et de services standardisés, mais elle a aussi accepté de payer un prix plus élevé pour la « qualité », ce qui a stimulé l’investissement pour l’innovation, la différenciation et la commercialisation de nouveaux biens et services28 [27].

Du côté de l’offre, certains considèrent la classe moyenne comme un vecteur important de l’entrepreneuriat et de l’innovation des petites entreprises. La classe moyenne s’est aussi constituée à partir de la main-d’œuvre qualifiée dont les entreprises et l’État (l’État providence) avaient besoin pour leur développement. Grâce à l’effort d’éducation – formation, ladite classe a fourni le capital humain nécessaire tout en permettant à une masse d’individus issus de milieux modestes de rejoindre ses rangs. Au total, « la classe moyenne apparaît comme la source de tous les intrants requis pour assurer la croissance en termes d’économie néoclassique – idées nouvelles, accumulation du capital physique et accumulation du capital humain29 [28] ».

Ainsi, les Trente glorieuses ont scellé un compromis (une « alliance ») temporaire entre la classe moyenne, essentiellement salariée, et le capital industriel. La superposition géographique des aires de production et de consommation était un élément décisif du compromis. Grosso modo, ce qui était essentiellement produit au Nord était consommé au Nord. Ce faisant, la fraction de la valeur ajoutée à laquelle les capitalistes renonçaient dans le processus productif, pour la verser sous forme de salaire direct et indirect, revenait dans leur escarcelle lors de l’achat des biens et services par les salariés. En d’autres termes, le salaire était à la fois un coût et un vecteur de profit pour l’entreprise. La coïncidence géographique de la production et de la consommation engendrait un cercle vertueux conduisant au développement autocentré.

Dans une certaine mesure, on a constaté la mise en place de compromis similaires dans les pays du Sud, au cours de la période du nationalisme – clientéliste, notamment caractérisé par l’industrialisation par substitution des importations. En Côte d’Ivoire, par exemple, le compromis initiateur de la classe moyenne était fondé sur la redistribution de la rente agricole issue des filières cacao-café, sur le développement du secteur industriel ainsi que sur les apports d’aide extérieure30 [29]. Le capital international récupérait la rente par le biais des importations et de la production nationale qu’il assurait majoritairement.

Lorsque le contexte évolue, les intérêts des protagonistes peuvent se mettre à diverger et le compromis peut être remis en cause. Dans ce cas, la classe moyenne et le capital deviennent ennemis.

La classe moyenne « ennemie » du capitalisme financier

La survenance d’une série d’évènements va graduellement modifier le contexte de l’économie mondiale : la fin du système de taux de change fixes en 1971, les chocs pétrolier de 1973 et de 1979, la stagflation, la crise de la dette des pays du Sud en 1982, la chute du mur de Berlin et l’implosion du bloc soviétique. L’évolution va permettre l’accélération et l’approfondissement de la mondialisation néolibérale, financière et économique.

Le capitalisme se financiarise et la production industrielle est relocalisée principalement sur le continent asiatique qui dispose d’une main d’œuvre à très bas salaires. La désindustrialisation frappe les pays du Nord31 [30], mais également les pays du Sud32 [31] qui avaient, dans le cadre du nationalisme – clientéliste, adopté des stratégies d’industrialisation par substitution des importations.

Le libre-échange permet d’inonder les marchés de produits à bas prix qui concurrencent (de façon déloyale ?) les productions nationales, révélant leur défaut de « compétitivité ». (Re)devenir compétitif33 [32] implique l’abaissement des coûts de production directs et indirects. Cette démarche passe par la réduction des salaires réels, des avantages sociaux… et, plus généralement, des dépenses « clientélistes » (assimilées à de la corruption) et des dépenses liées à l’État providence (présentées comme inéquitables, car essentiellement corporatistes).

Sous prétexte de concurrence, il s’agit de rehausser les profits. Pour ce faire, il convient d’ajuster les structures économiques et sociales nationales aux règles du « laisser-faire » – « laisser-passer », étendu à l’ensemble de la planète. « Parmi la population, comme les pauvres le sont trop et que les riches sont exemptés34 [33], c’est sur la classe moyenne que reposera l’essentiel de la charge de l’ajustement35 [34] ».

Ainsi, la classe moyenne devient « l’ennemie » du capitalisme financiarisé car son existence injustifiée – puisque sous d’autres cieux, des populations assurent les mêmes tâches productives à moindre coût – réduit les profits. Le capitalisme dénonce le compromis conclu précédemment et fait procéder à l’euthanasie de la classe moyenne parasite. Pour ce faire, l’intervention de l’État, guidée par les élites politiques complices, apparaît indispensable.

La classe moyenne produite ou détruite par l’État

L’intervention de l’État est impérative pour assurer le développement de la classe moyenne ou son euthanasie, car c’est lui qui légifère, règlemente, incite, réprime… contrôlant ainsi, plus ou moins directement, une large part de la production et de la redistribution des richesses. L’État prend et donne, fait et défait, tricote et détricote… Par le biais de la loi, du secteur public, de la fiscalité – redistribution…, l’État façonne, corrige et adapte la structure sociale nationale. Les élites politiques (issues du suffrage universel en démocratie) assurent la direction de l’État, proposent et votent les lois. Ce sont donc lesdites élites politiques nationales qui portent la responsabilité de la densification ou de l’éclaircissement de la classe moyenne.

Durant la phase ascendante du cycle, le compromis entre le capital et la classe moyenne autorise les élites politiques à œuvrer en sa faveur. L’État intervient pour assurer un bien-être accru par la loi et la réglementation, pour créer des emplois, pour mettre en place des services publics de qualité…, ce qui a pour effet de densifier la classe moyenne36 [35] tout en permettant au capital de se valoriser pleinement. On assiste à la construction de l’État providence et de l’État nationaliste – clientéliste. Au cours de cette phase, dans les pays du Sud, une bonne partie du surplus dégagé sur le territoire national, principalement sous forme de rente (agricole, minière, énergétique…), est mobilisé par l’État et distribué sur place. C’est la période des « Pères de la nation » (Houphouet-Boigny, N’Krumah, Nyerere…). Au Nord, le fordisme permet la croissance autocentrée, génératrice de surplus largement redistribué. Sur le plan politique, le climat est assez serein. En effet, en démocratie, les élites politiques émanent, pour une large part, de la classe moyenne. Elles fondent leur discours sur les concessions, obtenues ou à négocier avec les capitalistes37 [36], au profit de la classe moyenne essentiellement. De ce fait, la classe politique se trouve relativement en phase avec l’électorat38 [37].

Au cours de la période descendante du cycle, qui coïncide avec la divergence des intérêts du capital et de la classe moyenne, l’État œuvre à la destruction de cette dernière. Cela signifie la défaisance39 [38] des dispositifs mis en place au cours de la période précédente : l’État providence au Nord et l’État nationaliste – clientéliste au Sud. En régime démocratique, cette démarche présente un risque majeur pour les élites dirigeantes qui doivent mettre en œuvre des politiques contraires aux intérêts de leur électorat traditionnel40 [39]. Le contournement de cet obstacle politique implique l’atomisation du pouvoir de l’Etat central41 [40], l’organisation de la démocratie virtuelle42 [41], la promotion de l’idéologie du marché, la manipulation de l’opinion publique, le changement des élites par leur internationalisation43 [42]… Les élites, au pouvoir ou susceptible d’y accéder, réunies autour du projet néolibéral (monétariste ou ordolibéral) qu’elles déclinent avec le vocabulaire propre à leur position « officielle » sur l’échiquier politique, produisent un discours étriqué et peu différencié, qui tente de cacher la réalité de la dynamique de paupérisation du plus grand nombre, imposée par le capitalisme financiarisé. Le fossé se creuse entre la classe politique et les électeurs qui expriment leur désintérêt par une abstention massive aux scrutins électoraux. Malgré cela, les élites s’impliquent de plus en plus au service du capital contre les populations et particulièrement contre la classe moyenne. Pour elles, les règles du marché qui sont censées récompenser les prudents44 [43] et sanctionner les téméraires ne s’appliquent pas aux capitalistes financiers. La crise de 2008, montre que les élites ont fait en sorte que « les téméraires semblent être les bénéficiaires de la crise qu’ils ont provoquée, tandis que le reste de la société [et particulièrement la classe moyenne] porte le fardeau de leur insouciance45 [44] ». L’instrumentalisation de l’État et des institutions supranationales au service du capitalisme financiarisé engendre une crise globale de légitimité des élites, qu’elles soient nationales ou internationales.

Au total, selon que la classe moyenne sert ou dessert le capital, les élites utilisent l’État pour en densifier ou pour en éclaircir les rangs.

Conclusion

De nombreux scientifiques et commentateurs ont souligné l’importance des classes moyennes dans le processus de développement. Les performances des pays du G7 qui, de 1965 à 2004 ont représenté une part quasi stable de 65 % du PIB mondial peuvent être, en grande partie, attribuées à une classe moyenne nombreuse46 [45]. « Ce sont les classes moyennes qui ont bâti l’économie française du XXème siècle ; elles en ont été les plus grandes bénéficiaires47 [46] ». Plus généralement, « sur le long terme (200 ans), l’économie de marché occidentale a resserré les inégalités entre les classes sociales [et] ce sont les classes moyennes qui ont le plus bénéficié de ce resserrement des inégalités48 [47] ». La tendance s’inverse à partir de la fin des années 1970 avec la mondialisation néolibérale qui lamine progressivement les classes moyennes. Face à ce constat, d’aucuns49 [48] avancent que la « réduction » des classes moyennes dans certaines zones géographiques serait surcompensée par la densification de ces mêmes classes dans d’autres zones du globe.

On s’interroge sur l’apparition et la densification des classes moyennes dans les pays émergents (Chine, Inde…). Selon notre analyse, dans un contexte de mondialisation néolibérale, de libre-échange, de déréglementation, de libre mouvement des capitaux… et de non-intervention incitatrice et protectrice de l’État, les classes moyennes ne seront qu’un phénomène éphémère. En effet, le marché mondial mettant en concurrence tous les peuples, les revenus sont forcément plafonnés par la nécessité de rester compétitifs par rapport aux nouveaux entrants sur ledit marché (par exemple : la Chine par rapport au VietNam…, etc). Dans ces conditions, une classe moyenne ne peut se développer durablement. Dès que, dans un pays, les revenus atteignent un certain seuil, les coûts de production deviennent trop élevés pour affronter la concurrence tant sur le marché national que mondial. Les productions concernées sont alors délocalisées vers des pays ou des régions plus compétitives, où se créent des embryons de classe moyenne au « détriment » de celle du pays d’origine. Il s’agit d’une sorte de jeu à somme nulle où l’un gagne ce que l’autre perd50 [49].

Pour se densifier durablement, la classe moyenne a besoin de l’intervention incitatrice et protectrice de l’État qui ne peut intervenir dans un contexte de mondialisation néolibérale. Il faut donc réhabiliter l’État. De plus, les élites politiques à la tête de l’État (ou susceptibles de l’être) doivent privilégier les intérêts de la classe moyenne par rapport à ceux du capital.

Depuis de nombreuses années, l’expérience nous montre qu’au niveau mondial – à quelques rares exceptions près51 [50] – les élites au pouvoir, au capital social internationalisé, semblent plutôt être à la solde du capital financier. Cela signifie que l’avenir radieux des classes moyennes implique le changement des élites qui ne se fera certainement pas sans violence52 [51].

Benard Conte, pour Mecanopolis [52]

Bernard Conte est économiste politique et maître de conférences à l’Université Montesquieu-Bordeaux IV 

Visiter le blog de Bernard Conte [53]

Notes :

1 [54] Cet article est une version épurée d’une communication [55] présentée au Congrès des études africaines en France, CEAN – IEP de Bordeaux, septembre 2010.
2 [56] En France, on les nomme : droite « bling bling » et gauche « caviar », sur le plan des idées politiques, une épaisseur de moins d’un cheveu les sépare.
3 [57] Au Sud pendant cette période, « de nombreux pays optent pour un développement introverti en mettant en œuvre des stratégies d’industrialisation par substitution des importations (ISI), aptes à lutter contre la détérioration des termes de l’échange (DTE). Il s’agit de remplacer progressivement les importations de produits manufacturés par la production nationale dans une stratégie de remontée de filière. Pour ce faire, le marché domestique doit être protégé (au moins temporairement) et l’État joue un rôle majeur dans la mise en œuvre de ladite stratégie (state-led-development) », Bernard Conte, Clientélisme, ajustement et conflit [58], Bordeaux, CED, DT n° 101, 2004, p. 1.
4 [59] Bernard Conte, Clientélisme, ajustement et conflit, op. cit. p. 5.
5 [60] Bernard Conte, La division internationale du travail et le développement interne : le cas de la Côte d’Ivoire, op. cit. p. 359.
6 [61] Ibidem, p. 321-376.
7 [62] Bonnie Campbell, « Quand l’ivoirisation secrète une couche dominante », Le Monde diplomatique, novembre 1981.
8 [63] République de Côte d’Ivoire, Ministère du plan, Plan de développement économique social et culturel, 1981-1985, Abidjan, 1982, p. 744.
9 [64] Bilan national de l’emploi en Côte d’Ivoire, Ministère des relations extérieures, Etudes et documents, n° 47, Paris, mai 1982, p. 132.
10 [65] Jean-Paul Azam, La faisabilité politique de l’ajustement en Côte d’Ivoire (1981 – 1990), (version révisée n°3) études du Centre de développement, OCDE, Paris, 1994, p. 71.
11 [66] « Cote d’Ivoire, compétition capitaliste aigüe autour de la répartition de la rente issue de l’exploitation des ressources naturelles », La lettre de mouvement communiste, n° 15 ; janvier 2005, http://www.mouvement-communiste.com/pdf/letter/LTMC0515.pdf [67] consulté le 19 août 2010.
12 [68] Denis Cogneau et Sandrine Mesplé-Somps, L’économie ivoirienne, la fin du mirage ? Dial, Paris, Document de travail DT/2002/18, Décembre 2002, p. 88.
13 [69]Afrik.com, « Côte d’Ivoire : la pauvreté atteint le seuil critique de 48,9 % », 6 janvier 2009,
http://www.afrik.com/breve15294.html [70] consulté le 19 août 2010.
14 [71] Gabriel Kessler, « L’expérience de paupérisation de la classe moyenne argentine », Cultures & Conflits, 35, 1999, http://www.conflits.org/index173.html [72] Consulté le 17 juillet 2010. Le délitement de la classe moyenne s’observe aussi au Brésil, cf. par exemple : Larissa Morais, «  La classe moyenne brésilienne », Jornal do Brasil, 12 mai 2004, traduction Elizabeth Borghino pour Autres Brésils, http://www.autresbresils.net/spip.php?article73 [73] consulté le 8 août 2010.
15 [74] Gabriel Kessler, « L’expérience de paupérisation de la classe moyenne argentine », art.cit.
16 [75] Idem.
17 [76] Latinreporters.com, « Argentine: le péroniste Eduardo Duhalde, 5e président en deux semaines », http://www.latinreporters.com/argentinepol020102.html [77] , consulté le 1er août 2010.
18 [78] Idem. Le délitement de la classe moyenne s’observe aussi au Brésil, cf. par exemple : Larissa Morais, «  La classe moyenne brésilienne », Jornal do Brasil, 12 mai 2004, traduction Elizabeth Borghino pour Autres Brésils, http://www.autresbresils.net/spip.php?article73 [73] consulté le 8 août 2010.
19 [79] Geneviève Brunet, « Crise des pays émergents. De bons élèves lourdement punis », L’Hebdo, http://www.hebdo.ch/crise_des_pays_emergents_de_bons_elev... [80] consulté le 1er août 2010. Voir aussi : John Evans, « Impact social de la crise asiatique. » Le Monde diplomatique, mai 1998, pp. 3.
20 [81] Alain Wang, « Asie : la crise frappe les classes moyennes », », Courriercadres.com http://www.courriercadres.com/content/asie-la-crise-frapp... [82] 19 mars 2009, consulté le 2 août 2010.
21 [83] Cf. Bernard Conte, La Tiers-Mondialisation de la planète [84], Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2009.
22 [85] Christian Marazzi, « Middle-class confusion de terme, confusion de concept », Collectif d’analyse politique, http://cap.qc.ca.edu/a-la-redecouverte-du-concept-de-clas... [86] Première publication en juillet 1994, Mise en ligne le lundi 7 juillet 2003, consulté le 2 août 2010.
23 [87] Marc-André Gagnon, « La ‘fausse classe moyenne’ piégée », Le journal des alternatives, http://www.alternatives.ca/fra/journal-alternatives/publications/archives/2009/vol-15-no-8-mai-2009/article/la-fausse-classe-moyenne-piegee 30 avril 2009 [88], consulté le 2 août 2010.
24 [89] « Elles constituent désormais moins des deux tiers de la société », Cf. note suivante.
25 [90] Cidal, « L’érosion des classes moyennes se poursuit en Allemagne », Centre d’information et de documentation sur l’Allemagne, Paris, http://www.cidal.diplo.de/Vertretung/cidal/fr/__pr/actual... [91] , publié le 17/06/2010, consulté le 4 août 2010. L’étude est disponible à cette adresse : http://www.diw-berlin.de/documents/publikationen/73/diw_0... [92]
26 [93] Louis Chauvel, Les classes moyennes à la dérive, Paris, Seuil, 2006.
27 [94] Louis Chauvel, « Classes moyennes, le grand retournement », Le Monde, 3 mai 2006. p. 24.
28 [95] Kevin Murphy, Andrei Shleifer et Robert Vishny, “Income Distribution, Market Size and Industrialization,” Quarterly Journal of Economics, (août 1989), p. 537-564.
29 [96] Homi Kharas, The emerging middle class in developing countries [97], Working Paper n° 285, Paris, OCDE, Development Centre, janvier 2010, p. 7. Traduction de l’auteur.
30 [98] Cf. Bernard Conte, « Côte d’Ivoire : du clientélisme ‘éclairé’ au clientélisme ‘appauvri’ », Strategic-Road.com, 19/04/2003, http://www.strategic-road.com/pays/pubs/cote_divoire_clie... [99] consulté le 27 août 2010.
31 [100] « [En France], de 1997 à 2007, la part de l’industrie dans le PIB est passée de 18,4% à 12,1% et les emplois industriels ont diminué de 2 millions en trente ans », Pascal Salin, « Faut-il craindre la désindustrialisation ? », La Tribune, 10/03/2010.
32 [101] « L’ajustement structurel a contribué, contrairement à ce que laisse entendre le FMI, à la désindustrialisation de l’Afrique », Joseph Stiglitz, « L’Afrique doit compter davantage sur elle-même », Les Afriques, 08/02/2010, http://www.lesafriques.com/actualite/joseph-stiglitz-l-af... [102] consulté le 26/08/2010.
33 [103] La compétitivité devient obsessionnelle. Cf. par exemple : T. Biggs, M. Miller, M. Otto, C. et G. Tyler, « Africa Can Compete! Export Opportunities and Challenges for Garments and Home Products in the European Market, » World Bank – Discussion Papers 300, World Bank. 1996.
34 [104] Les riches sont les seuls censés produire de la croissance, il faut les protéger, par exemple grâce à un « bouclier » fiscal.
35 [105] Bernard Conte, « Le oui irlandais débloque l’Europe ordolibérale », Contre Info.info, 10/10/2009, http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2835 [106] consulté le 27/08/2010.
36 [107] Au Chili, « les couches moyennes ont joui d’une redistribution favorable – à l’intérieur de l’ensemble des salariés – des dépenses publiques dans les domaines de la santé, de l’éducation et surtout du logement, sous les différents gouvernements démocratiques qui ont précédé la dictature », Rosa Jimenez et René Urbina, « Les avatars des couches moyennes dans le Chili d’aujourd’hui [108] », in. Tiers-Monde, 1985, tome 26, n° 101. Classe moyenne : la montée et la crise, p. 154-174. citation p. 161.
37 [109] Il semble que les capitalistes soient prêts à accorder la majorité des concessions, car elles vont dans le sens de la marche du fordisme et du nationalisme – clientéliste.
38 [110] Les promesses électorales peuvent être globalement tenues.
39 [111] C’est à dessein que j’emploie le terme du vocabulaire financier « défaisance », car il s’agit d’une exigence du capitalisme financier.
40 [112] En régime « moins » démocratique, la démarche peut conduire au conflit, éventuellement armé. Cf. Bernard Conte, « Afrique de l’Ouest : clientélisme, mondialisation et instabilité », Paris, Encyclopaedia Universalis, 2004, p. Du même auteur : « La responsabilité du FMI et de la Banque mondiale dans le conflit en Côte d’Ivoire [113] », Etudes internationales, vol. XXXVI, n° 2, juin 2005. p. 219-228.
41 [114] Cf. Bernard Conte, La Tiers-Mondialisation de la planète, op. cit. p. 194-199.
42 [115] Ibidem, p. 199-203.
43 [116] Cf. Yves Dezalay et Bryant G. Garth. La mondialisation des guerres de palais. Paris, Le Seuil, 2002 ; Zbigniew Brzezinski, Between Two Ages : America’s Role in the Technetronic Era, New York, Viking Press, 1970.
44 [117] Ceux qui prennent des risques « calculés » par opposition à ceux qui prennent des risques « inconsidérés ».
45 [118] George Friedman, “The Global Crisis of Legitimacy”, Stratfor, global intelligence, 4 mai 2010. http://www.stratfor.com/weekly/20100503_global_crisis_leg... [119] consulté le 19 août 2010. Traduction libre.
46 [120] “Underpinning the performance of the G7, and indeed driving the global economy, is a large middle class”, Homi Kharas, The emerging middle class in developing countries, op. cit.
47 [121] Xavier Théry, « Comment les classes moyennes ont divorcé des élites », Marianne 2, 27/09/2009, http://www.marianne2.fr/Comment-les-classes-moyennes-ont-... [122] consulté le 30/08/2010.
48 [123] Ibidem.
49 [124] Les néolibéraux évidemment.
50 [125] Par contre, le capital est toujours gagnant.
51 [126] On peut citer le Venezuela.
52 [127] Les révolutions ont souvent eu pour origine la classe moyenne.


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Swami Vivekananda e il suo tempo, tra modernità e tradizione

Swami Vivekananda e il suo tempo, tra modernità e tradizione

Elena BORGHI

Ex: http://www.eurasia-rivista.org/

Swami Vivekananda e il suo tempo, tra modernità e tradizione

Il quadro storico

Il periodo storico in cui visse ed operò Swami Vivekananda, la seconda metà dell’Ottocento, fu per l’India un momento particolarmente intenso.

Sul piano politico, caratterizzò questi anni il passaggio del governo dell’India dalla Compagnia delle Indie Orientali alla Corona inglese, che assunse il controllo diretto del Paese nel 1858, a seguito del Mutiny. Considerato da alcuni il primo scoppio del fervore nazionalista ed indipendentista, questo evento ebbe come principali conseguenze un’ondata terribile di violenze e la deriva ancor più autoritaria del governo inglese in India. Certamente, la rivolta fu indicativa del carattere predatorio della Compagnia e del livello di esasperazione da essa indotto nella popolazione, che cominciava a mal sopportare il peso del dominio inglese. Se, infatti, il regime coloniale trasformava gradualmente l’India in una nazione moderna – introducendo infrastrutture, reti di comunicazione, organizzazione della burocrazia e della società civile – d’altro canto il Paese pagava un prezzo altissimo in termini economici, sociali e politici.

Sul piano economico, l’India subì in questo periodo la devastazione causata dai legami sproporzionati tra centro e periferia dell’impero, che distrussero la preesistente economia, anche se, per quanto sfrenato, lo sfruttamento economico dell’India garantiva alla Gran Bretagna guadagni complessivamente piuttosto limitati. L’apporto fondamentale della colonia, infatti, rimase sempre la sua funzione di bacino potenzialmente inesauribile di reclutamento di uomini per l’esercito inglese in India, per l’apparato burocratico coloniale e per l’indentured labour, il sistema di “lavoro a contratto” che sostituì gli schiavi africani con migliaia di contadini e braccianti indiani, trasferiti nelle piantagioni e nelle miniere dei luoghi più disparati, legati a contratti che mascheravano uno stato di effettiva schiavitù.

Questi erano tra gli aspetti che, naturalmente, contribuivano a disintegrare il tessuto sociale indiano; vi si aggiungeva il portato del bagaglio ideologico introdotto dal regime coloniale, che cooperò enormemente alla cristallizzazione delle differenze castali e religiose e, dunque, alla frammentazione della società indiana in una miriade di blocchi contrapposti ed ostili, chiusi a livello endogamico, regolati da criteri gerarchici e definiti su basi di purezza razziale e rituale.


I movimenti di riforma

Di pari passo con il potere coloniale, cresceva lo scontento ed il senso di inadeguatezza di alcune categorie, perlopiù intellettuali di classe media ed estrazione urbana, figli di un’educazione di stampo occidentale, dalla cui iniziativa scaturì quel processo di rinnovamento sociale e culturale – nonché di ridefinizione identitaria, presa di coscienza nazionale e critica del regime coloniale – che investì l’India nel periodo in esame.

Si trattò di un periodo di fermento culturale e di tentativi di riforma sociale e religiosa, volti a ripensare le pratiche considerate più aberranti della tradizione hindu (come la sati, l’immolazione delle vedove sulla pira del marito, o il matrimonio infantile), a diffondere un’istruzione di tipo moderno, a ridiscutere la condizione femminile. Motore e scopo ultimo di questi movimenti era l’acquisizione di strumenti atti ad affrontare «l’esibita superiorità dell’Occidente cristiano nei confronti della cultura e delle religioni indiane»1, come dimostrarono, in particolare, le misure a favore dell’istruzione femminile. Auspicate dai riformatori per motivi che poco avevano a che fare con il reale desiderio di apportare miglioramenti alla generale condizione delle donne, queste misure si rivelarono, in realtà, necessarie ad altri scopi: confutare le teorie europee – secondo le quali la discriminazione cui erano sottoposte le donne in India e la loro condizione erano immagine dell’arretratezza del Paese in generale –, dando prova dell’adeguatezza dell’India all’autogoverno; creare “nuove donne indiane” capaci di essere mogli e madri più adatte alle necessità (pratiche, ma anche identitarie e d’immagine) della classe emergente, e di socializzarne i valori e le aspirazioni, pur entro i confini della tradizione patriarcale, che restava per i riformatori un punto fermo e indiscutibile.2

In ambito religioso, la riforma si concretizzò nelle figure di alcuni pensatori e nella fondazione di istituzioni, volte a rivedere le più grandi tradizioni indiane – hindu e musulmana – alla luce di uno spirito più moderno e razionale.

È tra questi riformatori che si colloca Vivekananda, al secolo Narendranath Datta, nato in quella Calcutta all’epoca centro della vita politica e culturale del Paese, e in una famiglia di scienziati e pensatori illustri.

Fin da bambino profondamente interessato ai temi dell’Hinduismo e della meditazione e dotato di un carisma e di una passione per la ricerca della verità inusuali per la sua età, Narendranath ricevette un’istruzione di stampo occidentale, appassionandosi in particolare alla filosofia, e coltivando allo stesso tempo lo studio della poesia sanscrita, dei testi sacri e degli scritti del riformatore suo contemporaneo Rammohan Ray.

Razionale, dedito al ragionamento logico e sprezzante dei dogmi religiosi tradizionali, Narendranath si avvicinò al Brahma Samaj, l’istituzione fondata a Calcutta nel 1828 da Rammohan Ray al fine di operare una trasformazione dello Hinduismo in senso moderno, depurando la religione dalle pratiche più barbare ed introducendo nello studio della stessa il principio di ragione. Narendranath, affascinato dalle arringhe dei riformatori che facevano parte del movimento, sembrava destinato ad una carriera del tutto simile, borghese e socialmente impegnata, fino a quando un incontro introdusse nel suo percorso un cambiamento di rotta.


Da Narendranath a Vivekananda

Era il 1880, quando Narendranath incontrò per la prima volta Ramakrishna, il sacerdote officiante di un tempio situato a Dakshineshwar, un sobborgo di Calcutta, e dedicato ad una forma del dio Shiva, che veniva lì adorato insieme alla dea Kali. Brahmano di estrazione contadina, con un’istruzione limitata cui sopperivano buon senso, mitezza e profonda devozione, costui era un rinunciante di eccezionale spessore, un rappresentante della corrente mistica della bhakti, la “devozione”, e un punto di riferimento per gli intellettuali bengalesi, affascinati dalla schiettezza dei suoi insegnamenti.

Quell’incontro provocò un imponente cambiamento nella vita del giovane Narendranath, che in pochi anni, durante i quali proseguì nel tentativo di conciliare il materialismo delle scienze occidentali e lo spiritualismo in cui lo precipitavano i momenti a Dakshineshwar, divenne il discepolo prediletto di Ramakrishna. Come il suo Maestro, divenne un Advaitavedantin, un sostenitore dell’indirizzo dottrinale del non-dualismo, che predicava l’unità tra Sé individuale e Assoluto. Da questi insegnamenti Narendranath avrebbe in seguito derivato la convinzione della divinità degli esseri umani, dunque la considerazione di tutte le forme dell’esistenza quali manifestazioni dello spirito divino.

Nel 1886 Ramakrishna, dopo aver iniziato i discepoli alla loro nuova condizione di sanyasin3, indicò Narendranath come loro guida. Fu così che egli divenne Vivekananda, “colui che ha la beatitudine della discriminazione spirituale”. Due anni più tardi Vivekananda cominciò la sua vita di parivrajaka, “monaco errante”, partendo per un pellegrinaggio che durò anni, un viaggio solitario compiuto a piedi sulle strade polverose dell’India, dallo Himalaya fino a Kanyakumari. Questa esperienza fornì a Vivekananda una conoscenza profonda del Paese, quale non aveva mai posseduto. Alla fine del viaggio, quando finalmente raggiunse Kanyakumari, Vivekananda rifletté su tutto quello che aveva visto: «Un Paese dove milioni di persone vivono dei fiori della pianta mohua, e un milione o due di sadhu e circa cento milioni di brahmani succhiano il sangue di queste persone, senza fare il minimo sforzo per migliorare la loro condizione, è un Paese o l’inferno? È quella una religione, o la danza del diavolo?»4

Partito con l’obiettivo di portare unità tra le varie sette e confessioni indiane, radunandole sotto l’ombrello del messaggio vedantico, Vivekananda comprese che al suo Paese servivano istruzione e cibo, più che insegnamenti religiosi. Ripensò a quel che aveva sentito dire alcuni mesi prima, circa l’organizzazione a Chicago del World’s Parliament of Religions, un congresso che avrebbe ospitato rappresentanti di ogni religione del mondo; Vivekananda decise che si sarebbe recato negli Stati Uniti, per predicare il messaggio vedantico e chiedere in cambio il sostegno economico necessario a fondare in India istituzioni educative e caritative per le classi più svantaggiate.

Pochi mesi più tardi ebbe inizio la sua missione in Occidente, che lo vide tenere innumerevoli conferenze e radunare intorno a sé molti sostenitori.


Un pensiero moderno e rivoluzionario

Attualizzando gli aspetti religioso-filosofici della dottrina vedantica, all’interno di un pensiero in cui la speculazione teorica e dogmatica veniva costantemente riportata alle necessità pratiche del suo tempo e del suo luogo – percepite come urgenti ed imprescindibili –, Vivekananda divenne l’esempio di una nuova tipologia di riformatore, capace di coniugare gli insegnamenti ancestrali del pensiero vedantico con l’attualità dell’India più comune. Questa narrazione, dunque – a differenza di quelle costruite da altri riformatori, che auspicavano un ripensamento, quando non un distacco, della “tradizione” sociale e religiosa, sentita come ostacolo al “progresso” –, non presupponeva una revisione in chiave filo-occidentale del bagaglio culturale e religioso indiano, bensì glorificava quel passato, proponendolo come la chiave che avrebbe aperto all’India le porte della giustizia sociale, dell’istruzione, dello sviluppo materiale e spirituale.

«La società più grande è quella in cui le verità più alte diventano concrete»5, sosteneva Vivekananda, facendo riferimento alla necessità di costruire una società strutturata in modo da permettere la realizzazione della divinità umana. Da questa convinzione di base, derivata dalla filosofia vedantica, egli ricavò il suo progetto di società utopica, che si sarebbe retta sul pilastro dell’uguaglianza tra gli uomini. Il fatto che egli ritenesse necessarie all’avverarsi di questa idea da un lato la diffusione dell’istruzione – che doveva diventare di massa, affinché gli strati più svantaggiati acquisissero forza e coscienza del proprio valore – e, dall’altro, la soppressione di ogni privilegio – politico, economico o religioso che fosse – dimostra il carattere rivoluzionario del pensiero di Vivekananda. Diversamente da molti suoi contemporanei, egli non era disposto a prevedere risultati parziali; eppure, l’imponenza di questo progetto e il suo carattere utopico non compromettevano in alcun modo la fede di Vivekananda nella sua realizzabilità.

«Pane! Pane! Non credo in un Dio che non riesce a darmi il pane in questo mondo, mentre mi promette la beatitudine eterna nei cieli! Bah! L’India deve essere affrancata, i poveri devono essere nutriti, l’istruzione deve essere diffusa, e la piaga del potere sacerdotale deve essere eliminata».6

Anche nel suo rapporto ideale con l’Occidente Vivekananda differiva dal resto dei riformatori: non prevedendo né una forma di riverente assimilazione ai suoi valori, né il rifiuto astioso di essi, egli auspicava una sorta di collaborazione e di mutuo scambio di eccellenze: «Direi che la combinazione della mente greca, rappresentata dall’energia dell’Europa, e della spiritualità hindu darebbe origine a una società ideale in India. […] L’India deve imparare dall’Europa la conquista del mondo esteriore, e l’Europa deve imparare dall’India la conquista del mondo interiore. Allora non ci saranno hindu ed europei: ci sarà un’umanità ideale, che ha conquistato entrambi i mondi, quello esterno e quello interno. Noi abbiamo sviluppato una parte dell’umanità, e loro un’altra. È l’unione delle due ciò cui dobbiamo aspirare».7

Ancora, la modernità del pensiero di Vivekananda si espresse nella sua considerazione del gesto filantropico che, come in ambito cristiano, fino a quel momento era stato reputato dal sistema hindu tradizionale una questione privata tra donatore e beneficiario. Egli fu il primo a proporre un’etica del seva (il “servizio”) istituzionalizzata – così come è divenuta la filantropia, un po’ ovunque nel mondo, in tempi recenti –, con lo scopo di garantire una ripartizione equa e il più possibile estesa di azioni di solidarietà nei confronti di persone bisognose: “Fare del bene agli altri è l’unica grande religione universale”8, sosteneva Vivekananda, accordando alla pratica del seva un significato che andava ben oltre la semplice azione filantropica. Teorizzò, inoltre, che la figura sociale più autorevole in India – e dunque più adatta a diffondere un pensiero in certo modo rivoluzionario – era quella del sanyasin. Mentre i suoi contemporanei proponevano modelli borghesi, di uomini d’alta casta colti e mondani, o figure eroiche della tradizione storica e religiosa indiana, Vivekananda individuava nel monaco, nell’asceta e nel rinunciante la sede della saggezza e della credibilità presso il popolo; era a queste figure, estranee ai meccanismi del potere, all’avidità e al perseguimento dell’interesse personale, che Vivekananda avrebbe affidato il compito di diffondere il messaggio, dimostrando ancora una volta l’intransigenza che guidava il suo pensiero.

Su questi pilastri poggiava la Ramakrishna Mission, istituita da Vivekananda a fine secolo quale organizzazione impegnata in ambito sociale e strettamente connessa alla vita del monastero dell’Ordine di Ramakrishna, i cui monaci fondevano nella propria esperienza quotidiana lavoro sociale e pratica spirituale – due aspetti che, completandosi a vicenda, fungevano l’uno da motore dell’altro. Intervenendo inizialmente soprattutto in ambito educativo e nella lotta alla povertà, la Ramakrishna Mission cominciò così in quegli anni il suo servizio all’India, che Vivekananda descriveva in termini angosciati:

«Fiumi ampi e profondi, gonfi e impetuosi, affascinanti giardini sulle rive del fiume, da fare invidia al celestiale Nandana-Kanana; tra questi meravigliosi giardini si ergono, svettanti verso il cielo, superbi palazzi di marmo, decorati da preziose finiture; ai lati, davanti e dietro, agglomerati di baracche, con muri di fango sgretolati e tetti sconnessi […]; figure emaciate si aggirano qua e là coperte di stracci, con i volti segnati dai solchi profondi di una disperazione e di una povertà vecchie di secoli […]; questa è l’India dei nostri giorni!

[…] Devastazione causata da peste e colera; malaria che consuma le forze del Paese; morte per fame come condizione naturale; carestie mortali che spesso danzano il loro macabro ballo; un kurukshetra di malattie e miseria, un enorme campo per le cremazioni disseminato dalle ossa della speranza perduta.

[…] Un agglomerato di trecento milioni di anime, solo apparentemente umane, gettate fuori dalla vita dall’oppressione della loro stessa gente e delle nazioni straniere, dall’oppressione di coloro che professano la loro stessa religione e di coloro che predicano altre fedi; pazienti nella fatica e nella sofferenza e privati di ogni iniziativa, come schiavi, senza alcuna speranza, senza passato, senza futuro, desiderosi solo di mantenersi in vita in qualche modo, per quanto precario; di natura malinconica, come si confà agli schiavi, per i quali la prosperità dei loro simili è insopportabile. […] Trecento milioni di anime come queste brulicano sul corpo dell’India come altrettanti vermi su una carcassa marcia e puzzolente. Questo è il quadro che si presenta agli occhi dei funzionari inglesi».9

Costituito inizialmente da appena una dozzina di monaci, nei cento e più anni che ci separano dalla sua fondazione l’Ordine di Ramakrishna è oggi un movimento transnazionale di proporzioni enormi, simbolo di pace ed ecumenismo, fondato sulla pratica del servizio disinteressato come metodo per la realizzazione del divino e caratterizzato da un approccio razionale alla religione – considerata non un apparato ritualistico ma una scienza dell’essere e del divenire –, da una tradizione colta e dall’efficacia dei suoi interventi in campo sociale.

Definiscono Ramakrishna Mission e Ramakrishna Math (rispettivamente la componente pratica del movimento e l’organizzazione monastica) le tre caratteristiche che sono state segni distintivi di Vivekananda e del suo operato e che, risultando a tutt’oggi innovative, dimostrano la statura di un riformatore illuminato, rivoluzionario per il tempo e il luogo in cui visse: la modernità – che si esprime nell’attualizzazione dei principi vedantici, e nel collocare nel presente il pensiero guida dell’operato di queste istituzioni; l’universalità – data dal rivolgersi non ad un unico Paese o ad uno specifico gruppo di persone, ma all’umanità intera; e la concretezza – che risiede nel porre i principi teorici e spirituali a servizio del miglioramento delle quotidiane condizioni di vita delle persone.


* Elena Borghi, dottoressa in Studi linguistici e antropologici sull’Eurasia e il Mediterraneo (Università “Ca’ Foscari” di Venezia), è autrice di Sai Baba di Shirdi. Il santo dei mille miracoli (Red, Milano 2010) e Vivekananda. La verità è il mio unico dio (Red, Milano 2009)


1 Torri, M., Storia dell’India, Editori Laterza, Roma-Bari 2000, p. 453.

2 Jayawardena, K., Feminism and Nationalism in the Third World, Zed Books, Londra 1986.

3 Asceta errabondo, che ha rinunciato ad ogni piacere mondano e ad ogni forma di possesso materiale ed umano, per dedicarsi unicamente al conseguimento della liberazione, il moksha. Il monaco rinunciante trascorre la propria vita in solitario cammino, elemosinando il cibo, coltivando il silenzio e il raccoglimento, inaccessibile ad ogni desiderio e ad ogni umana debolezza. La contemplazione dello Spirito supremo, il distacco, la disciplina e la meditazione profonda sono i suoi compiti, che lo preparano ad abbandonare per sempre la dimora terrena ed il corpo mortale, liberandolo dal ciclo di rinascita e rimorte.

4 The complete Works of Swami Vivekananda, Mayavati Memorial Editing, Advaita Ashrama, Calutta 1992-95, vol. VI, p. 254.

5 Ibid., vol. II, p. 85.

6 Ibid., vol. IV, p. 368.

7 Ibid., vol. V, p. 216.

8 Ibid., vol. IV, p. 403.

9 Ibid., vol. V, p. 441-442.

samedi, 23 octobre 2010

La crise de la laïcisation et le retour de la théologie politique

La crise de la laïcisation et le retour de la théologie politique

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Par Paolo Becchi

Un des piliers de l’Occident moderne a été décrit de manière exemplaire par Max Weber comme un processus de rationalisation et de désenchantement du monde. Ce modèle d’identité laïque du monde moderne n’a pas seulement entraîné l’éclatement de la métaphysique en diverses sciences mais également la relégation au domaine privé de la conscience individuelle de la religion et, d’une ma­nière plus générale, des valeurs et des normes. Parallèlement à l’apparition du positivisme scientiste axé sur le paradigme rationnel d’une science axiologiquement neutre, on a assisté à la perte de la dimension publique de la religion qui, comme l’éthique, a été réduite à une affaire privée. Contrairement à la rationalité de la science et de la technique, les choix éthiques et religieux reposent sur des décisions individuelles issues de sentiments personnels, et finalement irrationnels.

 

Depuis longtemps, l’éthique essaie de se détacher de ce schéma. Mentionnons ici John Rawls et sa théorie de la justice, Hans Jonas et son principe de responsabilité et Karl-Otto Appel et son éthique de la discussion. C’est chez ces auteurs que les efforts pour trouver une ultime justification rationnelle ont atteint leur point culminant. Leurs tentatives de réhabiliter la philosophie pratique (en partie seulement chez Jonas) rencontraient un horizon dépourvu de transcendance. Il semblait que le bon Dieu eût perdu sa fonction et le paradigme de Weber, du moins en ce qui concerne la religion, devait continuer à ne pas être mis en doute. L’éthique pouvait sans difficulté devenir publique mais la religion restait dans le domaine privé.

Cependant en raison du fait incon­testable que, ces dernières années, le sentiment religieux avait pénétré sous diverses formes dans le domaine public, cette façon de penser est entrée en crise. Ce phénomène nouveau a produit ce qu’on peut appeler une «réhabilitation de la théologie politique». Pour beaucoup de personnes, cela signifie un dangereux retour en arrière, voire un grand danger pour la démocratie. Mais à mon avis, la démocratie est aujourd’hui menacée par tout autre chose, par exemple quand il suffit à une agence de notation américaine d’élever la voix pour ­mettre l’Union européenne à genoux. Quoi qu’il en soit, il ne se passe pas de jour sans que la presse ne publie un plaidoyer en faveur de la raison laïque, lequel fait renaître un fatras idéologique néo-rationaliste tout à fait inapte à permettre de comprendre la réalité. Mais la question principale reste la suivante: L’Occident est-il sérieusement menacé par la théologie politique ou le paradigme de la laïcisation poussé à ses extrémités est-il au bord de l’effondrement? Voici quelques idées à ce sujet.

L’absence de Dieu, ou du moins sa relégation loin des événements humains, doit être remplacée par le report de sa toute-puis­sance sur l’homo creator. C’est la dernière étape audacieuse de la laïcisation. La vo­lonté humaine devient une copie de la volonté di­vine.

La recherche obstinée d’une libération de toute dépendance extérieure, caractéristique du monde moderne, se révèle actuellement être l’illusion d’une liberté absolue créant les monstres d’une quête de pouvoir qui se dresse non seulement contre la nature extérieure mais aussi contre la nature intérieure, c’est-à-dire la nature humaine. Le fait de se libérer de la transcendance, le caractère absolu donné à l’immanence ont pour conséquence paradoxale un avilissement de ­l’homme. Et pour citer Nietzsche, «il semble que l’homme soit arrivé à une pente qui descend, – il roule toujours plus loin du centre…». De sujet dominateur qu’il était, il est devenu un objet dominé, un instrument passif et sans dé­fense servant à réaliser des expériences techniques de plus en plus sophistiquées et consternantes.

Il s’agit là du projet du génie génétique et de ses nombreux partisans, projet qui représente le plus grand danger de notre ­époque car il remet véritablement en question la survie de l’homme sur Terre. Nous sommes tous reliés les uns aux autres mais prisonniers de ce réseau. Présents partout et nulle part, nous avons déjà perdu le sens de l’espace et nous sommes sur le point de perdre le sens du temps. L’espèce humaine semble avoir atteint le point final de son évolution et une nouvelle réalité se prépare déjà: la création d’une espèce nouvelle, post-humaine, grâce à une intervention directe dans le code génétique de l’espèce actuelle. Peut-on faire quelque chose contre cette évolution insensée vers le néant?

A cet égard, l’éthique et le droit montrent leur faiblesse: Dans les époques de grand danger, on a besoin d’un antidote plus efficace. Et je ne pense pas à la théologie poli­tique au sens d’un instrumentum regni, c’est-à-dire à une reconquête de la religion en tant que simple servante du pouvoir politique. L’ouverture à la transcendance, refoulée et pourtant toujours présente, pourrait peut-être se révéler une importante force motivante. En effet, l’intangibilité de l’homme peut-elle être fondée autrement que par une redécouverte, éventuellement sous forme de théologie négative, cette catégorie du sacré dont on s’est débarrassé trop vite?

Avant qu’il ne devienne un sujet avec Descartes, l’homme n’avait jamais trouvé sa mesure en lui-même, dans le fundamentum inconcussum de sa propre assurance, mais dans l’espace religieux. Afin d’éviter qu’aujourd’hui le processus d’absolutisation de l’homme, le mythe du surhomme, ne se transforme paradoxalement en son anéantissement total, nous devrions redécouvrir le sens religieux de nos limites et le frisson éprouvé devant le sacré en tant qu’ultime horizon du sens. La rationalité ne suffit pas, elle doit se nourrir de quelque chose qu’elle ne peut pas produire elle-même.

Certes, il serait naïf de penser qu’on peut combattre le nihilisme qui gagne du terrain grâce à une synthèse entre la foi et la connaissance. Dans les premiers siècles de notre culture, c’est effectivement la synthèse, réa­lisée par la théologie, entre le christianisme et le platonisme qui l’a emporté sur le premier nihilisme (celui de la gnose). Mais, après le scepticisme radical de ­Nietzsche et de ­Heidegger, cela paraît maintenant impos­sible. Nous devons nous accommoder de l’ab­sence de Dieu, de la présence de cette ab­sence. Mais cela ne signifie de loin pas que «tout soit possible», que l’évolution soit maintenant entre les mains de la volonté de puis­sance d’un homme qui, pour prendre la place de Dieu, irait jusqu’à mettre en jeu son propre avenir. Cela signifie plutôt que nous ne pouvons pas nous empêcher de vivre dans une perspective de doute radical dans lequel il n’y a pas de certitudes et de garanties métaphysiques ultimes mais uniquement une quête de sens permanente. Ce sens n’est pas introduit dans les choses par l’homme mais il existe et l’homme est seul à pouvoir le découvrir.

Dieu ne nous a pas légué son rôle de créateur mais a créé l’homme «à son image» et lui a par là même prêté une dignité transcendante grâce à laquelle il a pu occuper une place particulière dans la nature. Avant toute valeur et au-delà, la référence à la spécificité de la condition humaine, c’est-à-dire à sa signification ontologique, nous permettra peut-être de freiner, voire de stopper la course folle de la société biotechnologique vers l’autodestruction. Cela représente peut-être un espoir pour les générations futures: nous n’avons pas le droit de les priver de la dignité qui nous caractérise et de faire de l’espèce humaine une antiquité dans l’histoire de l’évolution.

Paolo Becchi

Traduction : Horizons et Débats [2]

Paolo Becchi est chargé de cours de philosophie du droit à l’Université de Gênes depuis 1999. Depuis octobre 2006, il est titulaire de la chaire de philosophie du droit et de l’Etat à l’Université de ­Lucerne.

Ses nombreuses activités de chercheur et d’intervenant lors de congrès l’ont mis en contact constant avec la culture juridique de langue allemande. Aussi a-t-il traduit en italien des ouvrages de Hegel, de Hans Jonas et de Kurt Seelmann. Il est membre de l’Istituto Italiano di Bioetica, de la Hans-Jonas-Gesellschaft, de la direction de l’Institut für angewandte Ethik (Grünstadt), de l’Interdisziplinäres Zentrum Medizin-Ethik-Recht de l’Université Martin-Luther de Halle-Wittenberg, du comité scientifique des Rechtsphilosophische Hefte et rédacteur de la revue Ragion Pratica. Ses principaux domaines de recherches sont la philosophie du droit de Hegel, celle des Lumières, l’histoire de l’élaboration des codes aux XVIIIe et XIXe siècles, et certains sujets de bioéthique et de droit de la médecine.

 


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La Laïcité décérébrée de la France et l'avenir politique de l'Europe

La laïcité décérébrée de la France et l’avenir politique de l’Europe

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Par Manuel de Diéguez

 Face au messianisme conquérant d’une démocratie placée sous le joug d’un empire planétaire de la « liberté » et de la « justice », l’Europe asservie oppose depuis bientôt trois quarts de siècle un repli stratégique illusoire. Triste camp retranché, en vérité, qu’une apologie désespérée des simples « cultures », piteuse retraite dans la multiplicité et la diversité des folklores censés opposer la barrière infranchissable des régions à l’expansion apostolique et vassalisatrice d’un empire victorieux ! Toutes les civilisations vaincues recourent au stratagème d’un panégyrique éploré et stérile de leur passé glorieux. On croit repousser les Tamerlan de l’histoire à seulement cultiver des fleurs de grand prix, on croit terrasser les barbares à les enivrer de parfums qu’ignorent leurs narines. Les trésors pillés du musée de Bagdad fleurent bon dans les foires et sur les marchés du Nouveau Monde. L’Occident oubliera-t-il que la seule civilisation insubmersible est née à Athènes ?

 

Elle n’avait pas de joyaux somptueux à étaler aux regards ; son seul glaive était celui de la raison. Alors, les premières victoires des argumentations rigoureuses ont couronné les enchaînements de la dialectique, alors le diadème de la logique est devenu pour toujours le casque et la tiare de la civilisation mondiale. La pensée rationnelle de demain triomphera-t-elle des cultures décérébrées de notre temps?

Les premiers architectes du discours raisonné avaient compris que la démocratie serait philosophique ou ne serait pas. Les théocraties ne pensent pas – leurs dieux savent tout – tandis que le pouvoir des masses populaires combat un ennemi plus difficile à vaincre que les idoles – l’opinion publique. Du moins les prêtres disposaient-ils d’un noyau dur de l’entendement politique dont ils avaient reçu l’armure en héritage et dont les ancêtres avaient fait étinceler les cuirasses, tandis que la démocratie guerroie avec le chaos cérébral du plus grand nombre, ce qui la condamne à demeurer à jamais minoritaire et désarmée sur l’agora.

Parmi les capitulations cérébrales des civilisations qu’entraîne leur chute dans la servitude politique, la première est celle de la laïcité française, qui a renoncé au scalpel de la pensée critique et qui donnera demain à une France en voie de décérébration une place de choix au musée des « arts premiers » du quai Branly.

C’est au cœur de ce naufrage de la raison que je me suis demandé si l’Europe vassalisée par la  » doxa  » du clergé des modernes quittera l’horticulture culturelle dans laquelle elle s’est peureusement réfugiée. J’ai donc imaginé un dialogue serré entre la laïcité au bistouri d’un apprenti-philosophe et celle d’un républicain culturaliste, afin de tenter d’illustrer la tragédie du dépérissement de l’encéphale de la France.

1- La laïcité et les croyances religieuses

Le fantassin de la laïcité nationale: Voyez-vous, Monsieur, la ruine de la République de l’intelligence tient à l’asthénie politique de la laïcité. Comment voulez-vous fonder l’unité morale et intellectuelle d’un pays dont le culte de la raison avait pourtant bâti les premiers autels, comment voulez-vous convertir aux droits et aux pouvoirs de la méthode le peuple des logiciens de 1789 si nous renonçons à former les générations montantes à l’école d’un discours raisonné? Hélas, notre pauvre éducation nationale n’initie plus les enfants aux principes qui guidaient la droiture de l’intelligence française – elle se contente de charger leur mémoire de savoirs tout bêtement exacts.

Le philosophe : Fort bien, Monsieur, mais comment définissez-vous la laïcité?

Le fantassin : La laïcité, c’est la tolérance à l’égard de toutes les religions de la terre, la laïcité, c’est le respect que professe notre civilisation à l’égard de toutes les croyances sacrées qui rendent désormais le monde aussi providentiellement divers que du temps du polythéisme, la laïcité c’est la substitution de la bénédiction républicaine à la bénédiction apostolique. Tous les catéchismes et tous les mythes sacrés en bénéficieront dorénavant – et, dans le même temps, quel élan unanime du genre humain vers la compréhension rationnelle du monde si la laïcité, c’est également et tout à la suite la proclamation sans ambages de la séparation radicale des catéchèses ecclésiales et des Etats rationnels!

Le philosophe : Je crains de rencontrer la résistance d’une première casemate fortifiée sur le chemin de l’œcuménisme que suivra votre raison en promenade; car je doute de la cohérence cérébrale d’une laïcité que vous placez maintenant sur la même route fleurie que la théologie prospère des Eglises. Qu’est-ce que votre tolérance équitablement partagée entre les droits de la logique d’Euclide et celle de la Révélation? Par quel raisonnement d’une rigueur exemplaire, je l’espère, fondez-vous le rayonnement de la France rationnelle dans le monde sur un postulat philosophique contradictoire par nature et par définition? Car vous nous présentez les attraits d’une tolérance complaisante aux dieux dont un long usage de leurs bénédictions a certifié la pédagogie. Mais leurs doctrines se trouvent en guerre les unes avec les autres. Comment votre tolérance se présentera-t-elle, dans le même temps, en porte-parole assermenté de la vigueur et de la cohérence de la pensée républicaine? La logique universelle dont la raison véritable est armée déploiera-t-elle par centaines les banderoles d’une légitimation générale des usages et des traditions les plus absurdes?

Le fantassin : Tout Etat responsable se fonde sur une raison responsable. Comment défendez-vous une laïcité politiquement irresponsable et, par conséquent, incivique?

Le philosophe : Fort bien: vous avouez que votre tolérance n’est pas philosophique pour un sou, mais seulement politique en diable; vous avouez que les démocraties l’ont adoptée pour le seul motif qu’elles l’ont jugée payante, donc de nature à défendre l’ordre public à peu de frais. Mais alors, comment annoncerez-vous tout à trac aux croyants les plus convaincus, donc aux citoyens persuadés de la pertinence de leur orthodoxie religieuse , que la République consent non point à valider franchement, mais seulement à « tolérer » hypocritement leur erreur et qu’elle met beaucoup d’habileté politique à plaquer le masque de la charité sur le visage d’une France devenue tartufique des pieds à la tête?

Si vous avez affaire à des cervelles pour lesquelles deux et deux font cinq, pourquoi renoncez-vous si vite à réfuter leur aberration? Tout simplement, parce que vous savez bien que les croyances religieuses sont tenaces et même indéracinables, de sorte que vous vous dites qu’il appartient à tout Etat de sens rassis de les accepter du bout des lèvres, donc de renoncer à faire régner de force les théorèmes des géomètres de la condition humaine dans les têtes rebelles à en écouter les prémisses et les conclusions. Mais c’est assurer seulement la paix civile que d’édicter l’interdiction pure et simple de débattre sérieusement de la nature des dieux. En politique, ce n’est pas la logique, mais seulement la politique qui dit ce qui est rationnel et ce qui ne l’est pas. Votre tolérance est donc feinte et contrefaite du seul fait qu’elle n’est pas honnêtement légitimable dans l’ordre des sciences et des savoirs reconnus, votre laïcité décérébrée n’est rien de plus que la forme du machiavélisme que l’éducation nationale des démocraties a lovée au cœur d’une Liberté rendue secrètement acéphale, mais fière de la vacuité cérébrale de son civisme.

2 – La laïcité et la logique

Le fantassin : Ne savez-vous pas que la séparation de l’Eglise et de l’Etat commence sur les bancs de l’école et qu’elle repose entièrement sur l’enseignement, dès le plus jeune âge, des droits de la raison, donc sur l’initiation des enfants aux pouvoirs de l’argumentation logique? Comment la France de notre génération déverserait-elle les principes d’une logique cacochyme dans les têtes innocente de la génération suivante?

Le philosophe : Dans ce cas, dites-moi, je vous prie, comment vous édifiez sans le dire et en catimini une République que vous avez amputée en coulisses de l’esprit de logique de la France, dites-moi, je vous prie, ce qu’il en est d’une nation que vous ne prétendez laïque que pour rire? Quel sens faut-il donner à votre refus masqué, mais catégorique d’exercer pleinement les droits de la pensée rationnelle? L’autorité régalienne qu’exerce votre laïcité retorse et contrefaite, vous en déguisez non moins pieusement la doctrine que l’Eglise fait monter le pain de sa dogmatique dans le four de sa sainteté. Mais qu’est-ce qu’un Etat tellement illogique qu’il renoncera non moins fermement qu’une tyrannie cauteleuse ou une théologie impérieuse à convaincre l’adversaire par des démonstrations serrées et conduites en bon ordre? Que vous placiez l’autorité de votre despotisme sur un trône terrestre ou céleste, ce sera toujours à un maître que vous obéirez. Croyez-vous vraiment que la France laïque pourra s’offrir longtemps le luxe de jeter la pensée logique par-dessus bord, croyez-vous vraiment que la République fera de l’irrationnel le levain de sa foi aussi aisément que l’Eglise reçoit la manne de la Révélation dans ses ciboires?

Le fantassin : L’arbitraire s’accompagne toujours d’une oppression. Je ne vois pas de quelle oppression les croyants auraient à se plaindre au sein de notre République. Ce sont la Monarchie de Juillet, la Restauration et le second Empire qui ont mis en place une dictature catéchétique, si j’en crois une éducation nationale qui me l’a enseigné sur les bancs de l’école laïque.

Le philosophe : Imaginez un instant une France dans laquelle la religion catholique, apostolique et romaine aurait retrouvé dans leur plénitude, primo, l’exercice de la puissance publique, secundo, l’autorité du clergé sur la société civile, tertio, les moyens de la hiérarchie sacerdotale de régner sur les esprits dont elle disposait sous la monarchie; puis, imaginez que cet Etat armé de nouveau et jusqu’aux dents des droits de son ciel, que cet Etat, dis-je, daigne vous accorder une grâce particulière, celle de vous damner de votre propre chef; imaginez, de surcroît, que ce sceptre d’une fausse liberté soit censé vous élever au rang d’élu d’un Dieu résigné – celui que le progrès continu des savoirs rationnels dans le siècle contraindrait, de son propre aveu, à vous décorer des insignes de son propre accommodement aux prétentions effrontées du profane. Dans ce cas, ne s’agirait-il pas exclusivement, pour les représentants assermentés de leurs dogmes aux abois, de sauvegarder bon gré mal gré les apparences d’un ordre public et d’une unité théologiques de la nation, alors que celle-ci serait censée avoir chu dans les affres du temporel et se trouverait livrée aux tortures de la damnation aux yeux du Saint Siège? Que diriez-vous de tant de bienveillance et de bénignité apparente d’une Eglise de ce genre à votre égard, de tant de clémence et de condescendance du Vatican pour votre hérésie, de tant de mépris de Rome sous l’affichage benoît de sa charité?

Et maintenant, prenez la situation inverse, celle d’une République devenue maîtresse des lieux. Ne sera-t-elle pas contrefaite à son tour, une laïcité frappée de l’interdiction doctrinale de réfuter le péché d’ignorance et de sottise dans les écoles publiques, ne sera-t-elle pas hypocrite, elle aussi, une raison républicaine dont le refus de raisonner se parera d’une sagesse politique souveraine ? Mais croyez-moi, les fidèles ne sont pas dupes des gages de votre fausse bonté. Ils préfèreraient que vous tiriez le fer que d’assister au spectacle de vos dérobades sous l’apprêt de vos bénédictions laicisées.

3 – La laïcité respectueuse

Le fantassin : Je ne vois pas comment la laïcité respecterait les croyances religieuses de bonne foi si elle leur infligeait l’humiliation de les réfuter sur le pré. Les bons républicains n’ont pas d’autre choix que de laisser l’ épée au fourreau.

Le philosophe : Dans ce cas, je vois se dessiner à l’horizon une difficulté morale de plus forte taille encore que la difficulté cérébrale, celle de la définition du respect. Est-ce respecter les peuplades primitives de s’incliner bien bas devant leurs grigris? Est-ce respecter un interlocuteur que de demeurer bouche cousue devant lui, mais de n’en penser pas moins? Est-ce respecter un ignorant que de juger inguérissable sa sottise? Voyez le coup de force inavoué que vous cachez sous les dehors trompeurs de votre respect: vous laissez l’illettré croupir dans son trou, mais vous tranchez les armes à la main de l’étendue des pouvoirs intellectuels et politiques que vous concédez à son idole. Ce sera à votre seule initiative que le totem se verra signifier votre interdiction pure et simple de se mêler de politique au sein de la République. Vous réduisez les apanages de l’amulette du ciel au droit que vous lui accordez de dresser l’oreille aux prières de ses adorateurs; mais ces derniers, vous les parquez dans leurs demeures ou leurs temples et vous ratatinez les prérogatives de leur culte au point de leur interdire de jamais se manifester au grand jour et sur la voie publique. Mais, dans le même temps, vous renoncez prudemment à convaincre les croyants de l’inanité de leur théologie.

Le fantassin : La République ne réfute les dieux que dans la mesure où la nécessité s’en impose aux démocraties rationnelles. Les juifs ont réfuté les idoles des païens, non point jusqu’à les proclamer inexistantes, mais seulement en tant qu’impuissantes, donc inutiles, puisque non profitables à leur politique; les chrétiens sont allés un peu plus loin – les dieux trop anthropomorphes à leurs yeux étaient ridicules et ne pouvaient exister. Mais leurs connaissances psychologiques des dieux rentables n’allait pas jusqu’à psychanalyser la politique de l’idole panoptique qu’ils s’étaient donnée. Pourquoi voulez-vous que la République réfute une divinité autrefois omnipotente et omnisciente, mais qui n’est plus enseignée ni dans les écoles publiques, ni dans les écoles confessionnelles, puisque les manuels scolaires ont été déniaisés dans les deux institutions et que tous les enseignants reconnus sont désormais habilités par des diplômes laïcs?

Le philosophe : Que voilà un beau prétexte pour mettre un terme à la conquête de la connaissance scientifique du genre simiohumain! A ce compte, nous ne saurons jamais ni pourquoi les ancêtres ont cru en leurs faux dieux pendant trois millénaires, alors qu’ils excellaient déjà dans les arts et les sciences, ni pourquoi nous croyons encore en trois fantômes qui trépasseraient aussitôt dans l’ordre politique si nous leur retirions leurs fourches du diable et leurs marmites infernales – ce dont les Eglises se gardent bien.

Quelle est la solidité de votre prétendue science de tous les dieux ou d’un seul si elle vous interdit encore de vous mêler résolument de leurs affaires dans la cité et de leur fermer le caquet? Elle est infirme, votre anthropologie critique si elle vous autorise à ne condamner les idoles que superficiellement, donc sans oser les citer à comparaître devant votre tribunal, faute, me semble-t-il, de vous trouver en mesure de rédiger l’acte d’accusation qui répondrait à la question de savoir pourquoi l’encéphale des évadés de la zoologie sécrète des dieux ; elle est manchote, votre science du simianthrope si elle n’ose prêter une oreille même distraite au Céleste enraciné au plus secret de l’inconscient du singe vocalisé. Mais si votre judicature n’est pas suffisamment légitimée à vos propres yeux, comment pouvez-vous prétendre respecter un ciel auquel vous interdisez pourtant d’autorité de mettre le nez dans les affaires de votre République? Pourquoi ne daignez-vous pas réduire sa folie a quia ? Les chrétiens ont osé ridiculiser les autels des païens et anéantir leurs simulacres sacrés. Pourquoi reculez-vous devant la superbe des trois dieux uniques qui vous font délirer, alors qu’ils ne se chamaillent qu’avec les atouts que vous leur avez mis entre les mains? Comment se fait-il que vous les saluiez d’un hochement de tête et que vous poursuiviez votre chemin en détournant les yeux? Craignez-vous d’en apprendre davantage sur l’homme et sur la politique qu’à réfuter Neptune ou Apollon?

Et puis, votre laïcité au petit pied a-t-elle seulement des titres à se proclamer citoyenne si vous vous contentez de remplacer les fausses allégations de Jupiter par la prosternation des Français et de leur Ministère de l’éducation nationale devant le mutisme apeuré de l’intelligence de la France? Qu’avez-vous fait du cerveau de la nation depuis 1905? Puisque nous savons, nous, que l’idole à trois têtes devant laquelle notre espèce continue de s’agenouiller n’a d’autre domicile que les boîtes osseuses en folie des déments qui les adorent, l’honnêteté qui inspire l’esprit de logique de la République exige pour le moins que nous consentions à les extraire des cervelles et à en exposer les effigies sur les places publiques.

4 – La République aux cent têtes

Le fantassin : Si Périclès avait ordonné la séparation de l’Eglise et de l’Etat, il lui aurait bien fallu sauver les apparences de la foi à Athènes; et comment les aurait-il sauvées sans imposer le silence, du moins en public, aux prêtres de Zeus, d’Athéna, de Mars et de Poséidon ? Allez-vous redonner à l’Eglise de France le droit de haranguer et même d’ameuter les citoyens dans la rue ? Nous avons mis deux siècles à seulement limiter quelque peu le pouvoir immense dont disposait l’Eglise sous la monarchie et qui lui permettait d’égarer le faible entendement des foules de l’époque ; et maintenant vous prétendez tout subitement redonner au clergé gallican le droit de tromper les sots, et cela sous le prétexte, absurde par définition, selon lequel le droit naturel des dévots devenus républicains serait de nous faire entendre leurs arguties avec la même docilité pieuse qu’ils doivent, eux, à leur ignorance et à leur naïveté ! Mais vous savez bien que si vous mettez face à face un savant et un ignorant et si vous demandez au public de les départager, ce sera toujours le plus bavard et le plus malin qui se verra couronné des lauriers du vainqueur. Si l’astrologie était enseignée dans nos écoles, la moitié des Français croiraient à l’astrologie. Comment pouvez-vous redonner tous leurs droits aux idoles, et cela au nom même de la laïcité?

Le philosophe : Tiens, tiens, vous voilà tout allumé d’une saine indignation philosophique , vous voilà monté sur le pont d’une raison plus logicienne! Mais vous éludez encore la vraie question, qui n’est pas de combattre sur le front des droits de l’ignorance et de la sottise, mais de préciser ce qu’il en coûtera à la raison incohérente du XXIe siècle que vous nous préparez, vous qui videz la laïcité du contenu qui la définit, vous qui la rendrez si fièrement irrationnelle à son tour qu’elle vous reconduira tout droit à la même capitulation de la pensée logique que la théologie du Moyen Age. Savez-vous que, plus d’un siècle après la séparation de l’Eglise et de l’Etat, un tiers des Français croit encore dur comme fer en l’existence du paradis et de l’enfer? Vous estimez qu’il n’est pas digne d’une République de la raison de perdre son temps à réfuter des totems. Mais savez-vous que les concepts se totémisent à leur tour et qu’on ne devient un spéléologues des profondeurs de l’inconscient de la « raison » elle-même que si l’on a appris à observer les idoles verbifiques qui trônent dans les têtes?

Le fantassin : Sachez , Monsieur le philosophe, que la République ne viole pas les consciences, sachez que la démocratie compte sur les progrès constants de la raison dans le monde, même si ces progrès doivent se révéler d’une lenteur désespérante, sachez que la France refuse tout net de fonder les droits de la pensée rationnelle sur le recours à la force.

Le philosophe : Mais, mon bon Monsieur, qui vous parle de faire appel à la force des baïonnettes ? Votre laïcité faussement revêtue des apanages d’une République d’avant-garde, mais engagée sur le front de bataille de la raison totémisée du monde actuel, votre laïcité, dis-je, refuse avec persévérance d’honorer les droits attachés depuis Voltaire à l’exercice de la pensée critique; et votre refus de décrypter la totémisation rampante de la raison des modernes et d’en connaître la généalogie suffira grandement à fonder votre espèce de liberté intellectuelle sur un obscurantisme condamné à ignorer les ressorts anthropologiques de vos idéalités sacralisées. Vous avez beau jeu de vous faire une gloire de garder vos gendarmes dans leurs casernes si votre pacification cérébrale de la France repose sur votre censure des conquêtes de la postérité du siècle des Lumières. Je vois les mâchoires discrètement sacerdotalisées de votre République verbifique dévorer à belles dents les « hérésies » de la raison combattante de demain.

Qu’en est-il de la raison de la France rousseauiste dont vous bénissez encore les ciboires et les cierges ? Vous êtes les nouveaux naturistes ; c’est pourquoi vous croyez n’avoir pas à vous mettre sur la piste de la divinité même fatiguée de votre temps. Vous ne refusez que les théologiens qui ont minutieusement recensé les traits de leur idole à l’école de deux millénaires de leur doctrine. Vous avez seulement dépassé les théoriciens du ciel qui vous dessinaient les contours abrupts ou amollis de leur roi dans les nues et sur la terre. Ceux-là, pourquoi se tueraient-ils à faire semblant d’apprendre les secrets d’une idole dont ils prétendent connaître les arcanes en long et en large et depuis tant de siècles? Mais vous, pourquoi n’avez-vous pas connaissance des rouages du dieu Liberté qui rôde dans les couloirs de votre République et qui fait fumer vos sacrifices sur les autels du langage devant lesquels votre démocratie ensanglantée se prosterne?

5 – La quête de la raison

Le fantassin : Où voulez-vous en venir?

Le philosophe : Vous le savez bien : si la République se prélassait dans les aîtres d’ une raison accomplie, donc arrivée à bon port, croyez-vous que la France demeurerait un Etat intellectuellement vivant? La pensée suit son chemin de croix. Il lui est interdit de prendre place sur le bateau ivre que sa rivale, la théologie, croit conduire d’une main sûre. Jamais le paradis de la vérité rationnelle ne rivalisera à armes égales avec celui d’une mythologie exercée, elle, à s’enfermer de génération en génération et de siècle en siècle dans des fortins inattaquables. Mais s’il appartient à la République de la raison de poursuivre inlassablement son voyage, comment fonderiez-vous l’ordre public sur une forme nouvelle de la paresse d’esprit, celle que vous avez baptisée la tolérance au pays d’Alice? Sous le masque de votre tolérance, j’y reviens, je vois un refus sacerdotal de faire progresser la connaissance des secrets redoutables du genre humain, je vois l’orgueil et la peur à travers les trous du manteau de votre parcelle de raison.

Le fantassin : J’ai foi en l’avenir de la science, Monsieur, j’ai foi en l’élan naturel que la révolution française a donné à l’intelligence dans le monde entier. Comment ne vaincrait-elle pas un adversaire tapi derrière les murailles fissurées de ses dogmes? Comment ne terrasserait-elle pas les régiments de la peur à l’école des légions aguerries d’une logique dont rien ne saurait arrêter la marche?

Le philosophe : Que voilà un beau stratège! J’ai déjà dit que les religions n’ont pas à fortifier sans relâche leurs châteaux forts, puisqu’elles ont disqualifié d’avance et à jamais les armes présentes et futures de leurs agresseurs. Est-il une stratégie plus assurée de l’emporter à tous coups que de n’avoir en rien à réfuter des arguments? Mais voyez comme nous sommes à la peine: si nous n’allons pas défier l’ennemi dans ses retranchements, si nous n’ouvrons pas une brèche dans ses rangs, si nous suspendons un seul instant nos assauts sur un champ de bataille qui nous est étranger, si nous n’observons pas la rouille qui menace sans cesse nos propres armes, si nous ne fortifions pas sans relâche nos propres campements à l’école des dangers de la pensée vivante, donc faillible, nous tomberons dans la même léthargie cérébrale qui, depuis l’âge des premiers singes raisonneurs, donne à la foi la citadelle inviolable de sa somnolence pour trésor. Ce ne sont pas des légions sous les armes que nous combattons, c’est le sommeil du genre humain. Croyez-moi, cet ennemi-là dispose de ressources dont vous mesurez mal l’étendue. Si vous n’y prenez garde, une laïcité à l’usage de Paul et Virginie et que vous croyez encore habile à naviguer entre les récifs périra beaucoup plus rapidement que la paresse d’esprit des croyances dont les Bernardin de Saint Pierre de la démocratie auront renoncé à combattre les ténèbres, parce qu’il est dans la nature d’une raison bucolique de périr corps et biens dans la stagnation, tandis que les religions prospèrent à servir de havres tranquilles à une humanité avide de s’engourdir.

Le fantassin : Monsieur, ne pensez-vous pas que votre philosophie d’une laïcité périlleuse et sans cesse au combat conduira l’humanité tout entière à l’anarchie? « De l’audace, encore de l’audace et toujours de l’audace », disait Danton. Mais quels Etats et quelles sociétés peuvent-ils se condamner à faire progresser sans fin leur apostolat? Ne vaut-il pas mieux administrer prudemment la boîte osseuse de la France et des Français, quitte à la laisser faire escale dans une rade trop tranquille, s’il est mortel de la livrer précipitamment aux risques de la navigation en haute mer? Car enfin, si la République socratique que vous appelez de vos vœux était vouée à approfondir sans relâche la connaissance la plus angoissante des secrets du genre humain et si la science de notre évolution en panne se révélait de plus en plus mortelle pour la cité, n’en viendrions-nous pas à nous demander pourquoi il existe des religions messianiques, donc pourquoi notre espèce se forge des dieux prometteurs, donc pourquoi elle s’enivre de songes tour à tour euphoriques et terrifiants, donc pourquoi les évadés de la nuit animale se montrent bien souvent, je vous le concède, plus prêts à prendre les armes pour défendre les rêves qui comblent leurs attentes que leurs pauvres lopins sur la terre ? Est-il de sage politique finaliste, Monsieur, d’expédier la sotériologie républicaine et la démocratie édénique siéger dans le royaume du salut par le savoir si, décidément, les extases du vrai savoir sont incompatibles avec les exigences de l’action?

6 – Le regard sur le Dieu des singes

Le philosophe : Je ne vous le fais pas dire! Voyez-vous, depuis la parution de L’origine des espèces de Darwin en 1859 et de l’Interprétation des songes de Freud en 1900, ce n’est plus l’astronomie minusculisée de Copernic qui se voit frappée d’interdit par tous les Etats du monde, mais la spectrographie anthropologique du Dieu de la délivrance que nos ancêtres adoraient. Au XVIIIe siècle, c’était encore le récit de la création qui commençait de se trouver réfuté par les encyclopédistes ; aujourd’hui, c’est la croyance en l’existence même d’une idole soi-disant rédemptrice, mais aux châtiments sauvages et aux récompenses trompeuses, d’une idole de la délivrance qui se révèle scindée entre trois cervelles calculatrices, trois morales intéressées, trois théologies harponneuses, trois clergés gros et gras, trois hameçons catéchétiques, trois codes pénaux en lambeaux, une idole qui se révèle un totem aussi sanglant que stupide et que nos anthropologues relèguent dans le paléolithique. Votre laïcité sera bonne à jeter aux orties si, cent six ans après la loi de séparation de l’Eglise et de l’ Etat, elle n’ose pas davantage démontrer les duperies du ciel que Descartes ne s’est risqué à défendre l’héliocentrisme quatre-vingts ans après la parution du De Revolutionibus du grand Polonais. Qu’en est-il de l’animal politique coincé entre ses béatitudes et ses tortures infernales et que nous appelons « Dieu »?

Le fantassin : Vous allez un peu fort ! Vous avez de la chance que la République ait aboli la sainte inquisition et ses bûchers!

Le philosophe : La raison est à l’école des blasphèmes et des sacrilèges. Voyez dans quel abîme de l’ignorance et de la sottise vous vous précipitez si, près d’un demi-millénaire après le procès de Galilée, vous prétendez priver la République des saintes profanations de la raison de demain. Car vous allez substituer aux pouvoirs d’un ciel abêti et cruel les apanages, régaliens à leur tour, des Etats auto- idéalisés à l’école des artifices de leur propre verbiage. Si vous vous décidez à faire débarquer dans nos écoles la connaissance anthropologique de la sauvagerie de tous les dieux, quel portrait de la barbarie de nos ancêtres que le spectacle du monstre céleste qui se faisait offrir leur chair et leur sang sur ses offertoires et auquel nos malheureux ascendants payaient le tribut de la rédemption de leurs squelettes! Si la République devenait le nouvel Isaïe de la raison du monde, comme nous jetterions allègrement aux orties le garant de l’éternité de nos ossatures! Voyez comme nous sommes loin du petit séisme astronomique qui a bouleversé la boîte crânienne des théologiens du cosmos il y a un demi-millénaire, voyez comme notre siècle sera celui du chambardement de la science du fonctionnement cérébral de notre espèce ou ne sera pas. Souvenez-vous de ce que les décadences sont toujours liées aux paniques de la pensée. Ce sera au prix de la décadence de la civilisation mondiale de l’intelligence que vous porterez votre laïcité acéphale sur les fonts baptismaux des formes nouvelles de l’ignorance du monde. Mais peut-être la vraie France fécondera-t-elle la conque osseuse d’une humanité encore en devenir.

7 – L’homme et l’imaginaire

Le fantassin : Comment démontrez-vous l’inexistence, sous quelque forme spatiale que ce soit, du Dieu des sacrifices sanglants dans un univers devenu multidimensionnel? Et puis, même si l’idole n’existait que dans les esprits, songez qu’un Dieu privé de ses foudres et de sa chambre des tortures désarmerait la République des châtiments. Retirerez-vous son glaive dans l’imaginaire à la France dite « des armes et des lois »?

C’est pourquoi je me demande si la République, elle, se trouve ailleurs que dans le cerveau des Français. Je vous défie de jamais rencontrer ce personnage au coin de la rue; mais si vous soutenez qu’il se cacherait dans les articles de la Constitution, qu’il se ferait voir davantage en chair et en os sur les bancs de l’Assemblée nationale, que son corps serait visible sous l’uniforme des agents de la force publique, que les robes noires des magistrats et des ténors du Barreau manifesteraient sa réalité physique, vous me répondrez que la France et son Etat ne sont présents que sous l’os frontal des habitants de ce pays et que la géographie se refuse à porter secours aux attentes de l’esprit et du cœur. La question se réduit donc, me semble-t-il, à celle de savoir pourquoi les dieux ont eu d’abord des bras et des jambes, puis se sont réduits à un souffle dans l’éther, alors que la France ne se gêne pas de donner le change et de faire croire qu’elle existe indépendamment de la foi de ses fidèles et qu’elle aurait donc besoin de l’étoffe de ses drapeaux et des rubans de ses décorations pour bien montrer qu’elle n’arbore des signes et des signaux que pour se prouver à elle-même qu’elle n’est ni une vapeur, ni un simple acteur de l’esprit.

Mais ne pensez-vous pas que l’humanité a besoin de substantifier des personnages mentaux et que la politique veut rencontrer son propre corps collectif et le concrétiser dans l’imaginaire afin de s’en faire un interlocuteur public? Mais alors, ne pensez-vous pas que le dieu des cierges et des ciboires est construit sur le même modèle? Voyez comme il a besoin de cérémonies, de rites, de chasubles, de crosses d’évêques et de régiments de prêtres pour exister, lui aussi, à l’exemple de la France!

Le philosophe : Vous voyez bien que la dissection anthropologique de « Dieu » nous éclaire sur la vie des Etats et des hommes dans l’imagination patriotique et religieuse confondues! Songez que le simianthrope est un animal né social et que, de la fourmi aux abeilles et aux loups, les animaux socialisés par la nature se révèlent hiérarchisés, donc placés par leur capital psychogénétique sous les ordres d’un chef à la fois réel et imaginaire, de sorte qu’ils se sentent appelés par leur propre dédoublement cérébral à se ranger docilement sous un sceptre bicéphale et à en respecter les commandements bifaces avec une docilité ou une indocilité qu’ils appellent leur liberté ou leur servitude. Puis le lent grossissement de la conque osseuse du singe évolutif au cours des âges l’a nécessairement conduit à se demander ce qu’il adviendrait de ses chefferies physiques et mentales s’il n’avait pas de harpon pour capturer et domestiquer l’air, la mer et les étendues célestes.

C’est pourquoi une simiohumanité devenue peu ou prou post-zoologique à la rude école d’apprentissage des millénaires de ses songes s’est donné dans les nues des maîtres fabuleux et de plus en plus proportionnés à l’extension de son environnement oculaire et mental. Mais comment retirer leur casquette aux idoles si je suis un animal dédoublé entre son corps et ses songes ? Quand la difficulté de séparer Poséidon de la mer et Apollon du soleil est devenue plus difficile que de séparer Hermès du commerce, il nous a bien fallu reléguer Zeus dans un au-delà du monde visible, mais sans lui retirer pour autant les cordes qui nous rattachent à lui. Nous en avons profité pour attribuer au glaive sanglant de la justice de Zeus des qualités morales et politiques de plus en plus incompatibles avec sa fonction de président de nos tribunaux et de garde-chiourme de nos prisons. Depuis lors, trois idoles carcérales et séraphiques à souhait sont devenues les étais, les poutres de soutènement et les recours du singe qu’épouvante le vide et le silence de la geôle de l’immensité dans laquelle il se trouve enfermé.

Le fantassin : Vous vous demandez donc comment nous allons désensauvager l’idole des singes sans la réduire à une potiche politique.

Le philosophe : Je me demande avant tout comment nous arracherons la République aux griffes d’un empire étranger si notre laïcité en était réduite à recourir aux armes de la raison rudimentaire des ancêtres. Etes-vous sûr que votre laïcité acéphale se révèlera l’instrument d’un asservissement moins complaisant de la France et de l’Europe à l’empire américain qu’une idole trop hâtivement désarmée? Autrement dit, sommes-nous condamnés à retourner aux dieux primitifs pour survivre ou bien allons-nous nous donner un Dieu de l’intelligence? Mais ce Dieu-là, comment le ferons-nous « exister »?

Le fantassin : Fort bien, fort bien ; mais pourquoi croyez-vous que Socrate a bu dans un esprit patriotique la ciguë mortelle dont les archontes de la ville ont jugé de sage politique de lui tendre la coupe? Ne pensez-vous pas que ce philosophe indocile a compris le danger pour la philosophie elle-même de tomber dans une misanthropie incivique si elle ne scellait pas une alliance docilement patriotique et indissoluble avec les Etats de son temps ? Votre « Dieu » de l’intelligence, sur quelle balance pèserez-vous la supériorité de son encéphale?

8 – La sainteté de la raison

Le philosophe : Vous admettez donc que si la sagesse politique la plus médiocre était l’âme véritable de la laïcité, il nous faudrait négocier la bancalité cérébrale de la République d’aujourd’hui avec les archontes . Mais ne croyez-vous pas que les vrais guerriers de la laïcité se mettent à l’école et à l’épreuve de la ciguë socratique?

Le fantassin : Bon, entrons encore davantage dans les sacrilèges de votre dialectique de la sainteté de la raison: certes, la France socratique ne saurait rendre la raison de notre siècle aussi ignorante et aveugle que la bonne et sotte théologie de nos ancêtres. Mais si nous lui fournissions des arguments acérés, croyez-vous que nous nous serons mis à l’abri pour si peu? Qui nous assurera que nous ne courrons pas à bride abattue vers l’autre danger que vous avez évoqué, celui de tomber dans un second Moyen Age? Comment les peurs qu’on prend pour des garde-fous ou des sauve-qui-peut protègeraient-ils les démocraties des audaces fécondes, donc selon vous, des blasphèmes créateurs que prononcera la raison? Vous dites que si une Liberté fondée sur le refus d’accorder ses droits à la pensée critique devait se rendre aussi catéchétique dans les coulisses que sa rivale dans le ciel, le tour serait venu, pour la fille aînée d’une raison privée de votre bistouri, d’enfanter un obscurantisme du XXIe siècle. Vous dites que cet obscurantisme de la dernière cuvée se prétendra faussement laïc et démocratique à souhait. Mais comment démontrez-vous que seul le scalpel d’une laïcité résolument pensante protègera la France des attraits du faux messianisme de la démocratie américaine. Comment démontrez-vous qu’une laïcité timide serait l’arme d’une vassalisation irrésistible de l’Europe?

Le philosophe: Ne voyez-vous pas que le culte d’une raison démocratique amputée conduira le monde moderne à un tartuffisme de la liberté politique aussi contrefait que le culte précédent, qui livrait les vaincus à leur vainqueur sous les couleurs d’une divinité faussement irénique et toujours complice du plus fort, ne voyez-vous pas que votre France se prosternera devant les idoles du langage forgées sur l’enclume des idéalités politiques du Nouveau Monde, ne voyez-vous pas que les totems du triomphateur se révèleront non moins redoutables que les grigris dont la monarchie fleurissait ses autels, ne voyez-vous pas que votre République d’une laïcité décérébrée armera de pied en cap un clergé bureaucratique auquel sa piété docile servira d’échine aussi flexible que celle du clergé chrétien, ne voyez-vous pas que votre scolastique des droits de l’homme enfantera une classe dirigeante fière de sa demi « raison » politique, ne voyez-vous pas que votre sacerdoce de la Liberté distribuera les nouveaux bénéfices ecclésiastiques dont la fonction publique déversera la manne et le pactole, ne voyez-vous pas que le nouvel esprit d’orthodoxie qui s’imposera au cœur de l’Etat de demain sera forgé sur l’enclume des idéaux de la démocratie américaine?

9 – Un double examen de conscience

Parvenus à cette auberge, le dialogue entre nos deux bretteurs a marqué une pause. Le fantassin se disait que si la guerre entre une laïcité devenue acéphale sur les autels des idéalités de la République devait mettre en danger la sainteté toute verbale des démocraties de la Liberté, le genre humain se vaporiserait dans des abstraction pseudo rédemptrices et que le danger de se prosterner devant des idoles verbales forgées par les démocraties auto-idéalisées serait aussi grand que de retourner au vocabulaire du Moyen Age. De son côté, le philosophe s’interrogeait maintenant avec angoisse sur le sort politique qui menaçait la science anthropologique encore au berceau dont il rêvait. Le tribunal des idéalités était-il appelé à se changer en un nouveau saint office? La censure idéologique interdirait-elle de formuler les méthodes de décryptage des secrets théologiques du singe rêveur? L’évolution cérébrale dangereusement pseudo rationnelle de l’animal parlant le reconduirait-elle à châtier les nouveaux blasphèmes de la pensée?

Certes, la généalogie critique de l’espèce de raison que sécrète l’encéphale simiohumain allait permettre de spectrographier les personnages verbaux que les semi évadés de la zoologie encensent dans leur tête et dans leur cœur. Mais une République tolérante à l’égard du sacrilège socratique accepterait-elle la déconfiture du  » Dieu  » mimétique qui se regardait depuis tant de siècles dans le miroir que sa créature lui tendait? La France n’était pas près de jeter à la casse l’idole vieillie qui conduisait l’Europe à la décadence; au contraire, elle jugeait préférable de la requinquer un instant afin qu’elle renforçât les chaînes que le conquérant lui avait attachées aux chevilles.

Et pourtant il était bien évident que les Etats européens condamnés à se refléter dans leurs identités collectives magnifiées par le ciel de leur servitude politique et religieuse seraient conduits à la dissolution pure et simple. Certes, un continent qui demeurerait sous la tutelle de ses songes sacrés allait tomber dans l’ignorance et la sottise des vassaux qui proclament toujours que leur défaite serait l’expression de la volonté impénétrable de l’idole de leur vainqueur; mais une humanité indocile et qui saurait qu’elle n’a décidément jamais eu d’autre interlocuteur qu’elle-même serait-elle encore de taille à fonder l’éthique de sa résurrection sur son abandon dans le vide de l’immensité ? Le fantassin de la laïcité se tourna vers son ami le philosophe:

- Ne pensez-vous pas, Monsieur, lui dit-il, que si la République et le cosmos n’avaient plus de gouvernail à se partager, nous ferions naufrage ensemble?

Le philosophe lui répondit :

- Je ne me résignerai jamais à boiter sans fin entre les félicités de la bêtise et les désespoirs de l’intelligence.

Et le dialogue reprit pour quelques instants encore.

10 – Comment pousser Dieu dans le dos ?

Le fantassin : Je vous concède que « Dieu » n’était qu’un malheureux apprenti pédagogue. Nos ancêtres encore dans l’enfance s’échinaient de siècle en siècle à la double tâche de porter humblement sa casaque dans leurs prières et à le déniaiser à l’école de leur intelligence naissante; et il est vrai qu’ils l’ont éduqué avec suffisamment de succès d’une époque à l’autre qu’ils l’ont rendu au moins égal en esprit aux plus sages de ses créatures. Mais où puisaient-ils les ressources cérébrales qui leur permettraient de lui attribuer peu à peu des qualités morales et intellectuelles en progrès sur les précédentes? Quand le flair politique de leur créateur mythique, fort médiocre à l’origine, eut appris peu à peu à égaler celui de tous les Machiavel de sa théologie , quand sa science de l’avenir cérébral de sa créature eut fait pâlir d’envie les plus grands docteurs de son Eglise, pourquoi ne s’est-on pas demandé de quelle intelligence ses prophètes nourrissaient leurs performances cérébrales et quelles étaient les armes du bord qui leur avaient permis d’installer progressivement dans le cosmos une divinité capable de se perfectionner lentement?

Le philosophe : Réjouissez-vous, Monsieur, c’est précisément sur ce modèle que la République fonctionne en réalité dans les têtes. La démocratie, elle aussi, tente sans relâche de porter remède à ses infirmités. Les sachant inguérissables par nature, cette théologienne invétérée gesticule sur les planches d’un théâtre croulant sous les détritus. Mais si vous mettez en parallèle les ahanements respectifs d’un « Dieu » fatigué et d’une République calquée sur les progrès poussifs de son intelligence, ne disposerez-vous pas d’un programme transcendant aux soubresauts irrationnels de l’Histoire?

11 – L’intelligence ascensionnelle

Le philosophe se disait maintenant qu’un regard de l’intelligence ascensionnelle du simianthrope pourrait faire aller de l’avant et parallèlement l’encéphale du créateur fabuleux d’autrefois et la matière grise de sa malheureuse créature; car celle-ci demeurait obstinément emboîtée dans son propre effigie dûment célestifiée. Qu’en était-il d’une idole et d’une République tellement calquées l’une sur l’autre qu’on les voyait courir de conserve parmi les ruines du monde et rivaliser d’ambition à lui donner une direction? Certes, « Dieu » n’avait jamais été qu’une idole à dégrossir dans les laboratoires du devenir; et si on la plaçait au-dessus de ses adorateurs, c’était seulement afin d’apprendre plus facilement à se regarder progressivement du dehors. Mais n’est-ce pas devenir « divin », si je puis dire, que d’apprendre à porter un regard de haut et de loin sur les animaux sacrés dont nos ancêtres avaient peuplé le cosmos et qu’ils appelaient des dieux? Quand on a su qu’il s’agissait d’idoles à décoder, on est parvenu à courir à leurs côtés, puis à surplomber leurs ateliers. Si la laïcité enfantait un regard toujours provisoire sur l’infirmité cérébrale et morale des trois dieux uniques, ne deviendrait-elle pas l’Isaïe des modernes?

Imaginons donc une République future et qui se serait armée d’un télescope dont le miroir réfléchirait ensemble le tortionnaire souterrain et le vaporisateur de nos ancêtres. Quelle comète de l’intelligence de l’humanité ! Nos ancêtres peuplaient les nues d’animaux politiques sauvages et difformes. Quels forgerons d’un « Dieu » bancal sommes-nous inconsciemment demeurés au sein d’une République à laquelle Socrate enseigne un « Connais-toi » perpétuellement ouvert – celui que la philosophie ne cessera jamais de demeurer à elle-même. A nous de savoir si nous délivrerons ce diamant de sa gangue.

Quand le fantassin de la laïcité pensante et le philosophe se séparèrent, le premier était armé d’un regard d’anthropologue sur les abysses des Républiques, le second d’une spéléologie du genre simiohumain plus inachevable que jamais.

Manuel de Diéguez, le 3 octobre 2010

Manuel de Diéguez est un philosophe français d’origine latino-américaine et suisse.

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