vendredi, 08 août 2008
Du symbolisme de la couleur safran en Inde

Karlheinz WEISSMANN:
Du symbolisme de la couleur safran en Inde
Les productions de “Bollywood” bénéficient depuis un petit temps déjà d’un engouement certain en Occident. Mais cet intérêt intellectuel n’est pas exempt d’une ironie un peu grinçante: on se moque de ce cinéma indien quand il aborde des thèmes que les Indiens prennent au sérieux, thèmes que l’on juge “dépassé” dans cet Occident qui allie permissivité et progressisme. Raison pour laquelle, il s’avèrera intéressant d’observer quelles réactions suscitera une nouvelle série intitulée “La couleur safran” dans les cinémas allemands. La série traite d’un aspect fort peu connu de la lutte indienne pour la liberté contre la domination coloniale britannique, d’une part, et de l’ampleur de la corruption et de l’arbitraire politique en Inde à l’heure actuelle, d’autre part. “La couleur safran” symbolise dès lors la nostalgie que cultive le peuple indien pour l’autonomie sociale et politique et pour la préservation de ses héritages.
L’Inde est restée jusque aujourd’hui le principal producteur de safran, avec l’Arabie Saoudite et le Maroc. Cette plante, dans la tradition, n’a pas qu’une signification pratique, elle est aussi un symbole. Cet honneur qu’on lui réserve dérive certes de sa rareté et de sa grande valeur; elle était déjà connue et appréciée dans les grandes cultures de l’antiquité, y compris dans l’espace méditerranéen. C’était un produit typique de l’Asie.
La rareté, et donc la cherté, du safran explique pourquoi on ne l’utilise en grande quantité qu’à des occasions exceptionnelles et lors d’importantes cérémonies. Lors de certaines fêtes, les femmes indiennes remplacent la marque qu’elles portent généralement sur le front par une marque de couleur safran. Le riz est de cette couleur lors des repas de mariage ou lors des fêtes données en l’honneur des dieux. Seuls les dieux disposent du safran en abondance, ce qui explique pourquoi les dieux du panthéon hindou sont souvent représentés avec une peau de couleur safran. Ceux qui se rapprochent d’eux, surtout les ascètes sadhous, peuvent porter des robes de cette couleur divine. C’est cette tradition vestimentaire que les moines bouddhistes et les Sikhs ont repris à leur compte pour leurs effets traditionnels.
La couleur safran demeure néanmoins une couleur propre aux cultes hindous. Sur le drapeau national indien, la bande supérieure est de couleur safran et y représente la religion dominante de l’Union Indienne. Le blanc du drapeau est la couleur des bouddhistes et le vert celle des Musulmans. Les rapports entre ces trois grandes religions ont toujours été tendus. Beaucoup d’Hindous pensent aujourd’hui que l’Inde devrait être un “Hindustan”, car seule la tradition immémoriale aryenne devrait guider la marche de la nation. D’après les protagonistes les plus radicaux de cette vision, tout véritable Indien devrait suivre les préceptes de la religion héritée des ancêtres.
Des groupes militants tels le “Shiv Sena”, l’ “Armée de Shiva”, argumentent de la sorte. On considère en Inde que leurs adeptes forment les “brigades safran” car ils défilent en portant des vêtements variant du jaune à l’orange, derrière des fanions consacrés aux dieux, également de couleur safran ou rouge. Ces fanions étaient déjà mentionnés dans le Bhagavadgita: aujourd’hui, on les orne de svastikas ou du signe désignant la syllabe sacrée “Om”, comme sur les temples. Certaines de ces formations militantes sont armées et leurs adversaires les désignent comme les “fascistes en safran”. On les accuse de perpétrer des attentats contre les Musulmans et les Chrétiens et de détruire des locaux ou des bâtiments appartenant à des adeptes de ces religions. Sur le long terme, ces actes de violence sont bien moins importants que le mouvement de fond qui “safranise” l’Inde, qui compénètre toute la société et que véhiculent ces groupes de militants hindouistes. Cet ensemble est coordonné par le “Sangh Parivar”, terme qui veut plus ou moins dire “la communauté nationale de tous les Hindous”, une organisation qui chapeaute un grand nombre de groupes et de formations et qui a été fondée en 1925 déjà, du temps de la colonisation britannique. Son influence croissante aujourd’hui s’explique parce qu’elle reçoit désormais l’appui et la protection du BJP au pouvoir (ou “Bharatiya Janata Party”). Le BJP, parti populaire hindou, s’est développé depuis que le Parti du Congrès a perdu de son influence; il est devenu la principale force politique à l’intérieur de l’Union Indienne. La croissance du BJP ne s’est pas soldée uniquement par un changement de parti au pouvoir mais surtout par une remise en question du concept de nation que Nehru et les autres chefs du Parti du Congrès avaient voulu promouvoir depuis l’indépendance de l’Inde.
La “couleur safran” ne symbolise donc pas l’Inde en tant que concept géographique, territorial, en tant qu’entité étatique, mais indique une revendication identitaire portée par la religion et la culture, capable d’une virulence explosive.
Karlheinz WEISSMANN.
(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°31-32/2006; trad. franç.: Robert Steuckers).
00:10 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : inde, nationalisme indien, hindouisme, hindous, affaires asiatiques, asie | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
mardi, 05 août 2008
J. Parvulesco: J. Koizumi et le grand réveil du Japon

Jean PARVULESCO
Junichiro Koizumi et le grand réveil du Japon
Il s'est donc en apparence définitivement refermé sur nous le formidable piège planétaire tendu par la conspiration mondiale des Etats-Unis et de ce qui se tient, dans l'ombre, derrière ceux-ci, saisissant dans ses mâchoires d'acier les nations de l'Europe grand-continentale et de l'Amérique Latine, dont la liberté vivante, le destin eschatologique et l'intégration politico-historique finale pourraient représenter très effectivement un péril absolument critique, un péril mortel pour le "grand dessein" en cours de l'impérialisme hégémonique américain, dont les préliminaires obscurcissent déjà l'horizon de la proche histoire mondiale à venir.
Cependant, alors que les nations encore libres de l'Europe de l'Ouest sembleraient avoir cessé de se débattre sous l'étreinte aliénante, dévastatrice, de la conspiration mondialiste à l'œuvre, des nations eurasiatiques grand-continentales, comme l'Inde et le Japon, viennent de se libérer de celle-ci, par leurs propres moyens, et de se donner —ou d'être en train de se donner— un autre destin, fondé sur leur propre liberté reconquise.
Car ce qu'Atal Béhari Vaypajee à réussi à faire en Inde, Junichiro Koizumi se trouve en train de le faire, aussi, au Japon : l'un et l'autre portés démocratiquement au pouvoir par des immenses vagues de prise de conscience national révolutionnaire, n'ont pas un seul instant hésité, une fois au pouvoir, d'entamer abruptement le processus de libération intérieure de leur pays de sous l'emprise subversive extérieure de la conspiration mondialiste.
Ainsi se fait-il que, tout comme la "Nouvelle Russie" de Vladimir Poutine, l'Inde d'Atal Béhari Vajpayee et le Japon de Junichiro Koizumi, se retrouvent, à l'heure actuelle, ensemble, sur la ligne de front de l'ébranlement sismique abyssal poussant le "Grand Continent" eurasiatique à retrouver son être propre et sa prédestinée originelle, archaïque, ébranlement qui suscite, mobilise, assure et affirme les fondations actives du mouvement de libération impériale engageant, en profondeur, l'ensemble du "Grand Continent" eurasiatique en train de se réveiller, et qui finalement l'emportera.
Dans un fort important article intitulé "Les relations récentes entre la Russie et l'Inde", Gilles Troude, chercheur au DESC de la Sorbonne , écrit, dans Géostratégiques (Paris) de mars 2001 : " ... face au monde unipolaire dominé par la puissance écrasante des Etats-Unis, qui ne connaissent plus aucun rival non seulement sur le plan économique, mais aussi dans les domaines militaire et politique, ne s'oriente-t-on pas lentement vers un triangle stratégique Inde-Chine-Russie, seul capable de rivaliser avec la super-puissance qui se veut maîtresse du monde?".
"C'est ce que redoutent les spécialistes américains en affaires internationales, qui ont perçu les signes d'une coopération accrue entre la Russie , la Chine et l'Inde, et d'un sentiment croissant dans ces trois pays, spécialement après la campagne de bombardements de l'OTAN en Yougoslavie au printemps 1999, que la puissance américaine devait d'une manière ou d'une autre être tenue en échec. Bien que ces trois pays soient encore très loin de fusionner en un Axe eurasien anti-OTAN, ces analystes se disent inquiets du fait de l'apparition d'une menace potentiellement très grave : une alliance qui regrouperait environ deux milliards et demi d'êtres humains, une puissance militaire formidable et un stock impressionnant d'armes nucléaires —puisque l'Inde est maintenant officiellement une puissance nucléaire— le ciment de cette coalition étant de contrer la domination globale de l'Amérique".
"Ce serait un désastre pour les Etats-Unis".
"Si ce tissu de relations progresse, a déclaré Charles William Maynes, président de la Fondation Eurasia , think tank basé à Washington, alors vous aurez le cœur continental du monde (heartland) —deux milliards de personnes en Chine et en Inde allié à la formidable puissance technologique que représente la Russie. Ce serait un désastre pour les Etats-Unis".
Et encore, Gilles Troude, tout en se méprenant sur le sens final de la situation politique propre, réelle, de la Chine actuelle et à venir, de la ligne de destin préconçue de celle-ci, qui l'exclut d'avance de l'unité, de la réintégration impériale grand-continentale eurasiatique, ne tient-il étrangement pas compte non plus dans ses analyses, du "grand réveil" national du Japon en train d'avoir lieu à l'heure présente. Dont le rôle apparaît déjà comme absolument décisif dans la mobilisation en cours d'un front grand-continental eurasiatique d'opposition politico-stratégique totale aux desseins de la conspiration mondialiste menée par Washington.
En réalité, c'est l'extraordinaire puissance vitale innée, profonde, secrète, du peuple japonais qui a rendu possible, et pu assurer l'avènement au pouvoir, à l'heure précise où il fallait que cela se fasse, de l'homme providentiel, du "concept absolu" qu'est Junichiro Koizumi, porteur charismatique du nouveau grand destin du Japon. Quelqu'un devait venir, et la volonté du peuple japonais a fait qu'il vienne.

Avec Junichiro Koizumi, la loi providentielle se trouve une nouvelle fois vérifiée qui veut que les pays finissent toujours par trouver les dirigeants prédestinés qu'ils méritent, et cela est entièrement certain aussi pour Vladimir Poutine et sa "Nouvelle Russie", tout comme pour Atal Béhari Vajpayee et l' "Inde Terminale" en train d'émerger actuellement à la face de l'histoire.
Aussi est-il grand temps que l'on finisse par comprendre, en Europe, qui est réellement Junichiro Koizumi, et de quel grand destin révolutionnaire est-il porteur.
Junichiro Koizumi, porteur d'un nouveau destin pour le Japon
Junichiro Koizumi est en effet l'homme chargé par le destin —et par 75 % des Japonais— d'opérer les retrouvailles finales du Japon d'aujourd'hui avec l'histoire antérieure du "Grand Japon", l'homme chargé de renouer avec l'identité impériale du Japon, intemporelle, que l'on avait dû faire semblant de suspendre le 15 août 1945, le jour de la "capitulation".
Car il est chose désormais notoire que Junichiro Koizumi se fait ouvertement prévaloir de sa fidélité tout entière à la ligne nationale, traditionnelle et impériale de son prédécesseur et maître à penser, l'ancien premier ministre, membre aussi du PDL, Yasuhiro Nakasone (1982-1987), qui, le premier, avait osé briser le tabou démocratique concernant le temple shintoïste Yasukuni, à Tokyo, en s'y rendant en pèlerinage le 15 août 1985. Ce qui avait provoqué alors une vague de violences protestataires, menées en sous-main par les services secrets politiques de la Chine communiste, dans plusieurs pays de l'Asie ayant connu l'occupation japonaise. Car le temple shintoïste Yasukuni, à Tokyo, est le très haut sanctuaire de la mémoire nationale japonaise, le symbole suprême de son identité profonde, intacte, hors d' atteinte, qui ne tient compte en rien de la vaste campagne de désinformation montée par les Etats-Unis après la fin de la dernière guerre au sujet des "culpabilités" du Japon.
De son côté, Junichiro Koizumi avait déjà affirmé, à plusieurs reprises, lui aussi, sa ferme intention de se rendre, le 15 août 2001, anniversaire de la "capitulation" du Japon en 1945, au temple Yasukuni, pour participer aux cérémonies religieuses "en hommage à la mémoire des héros tombés pour la défense du Japon". Un geste dont la portée symbolique apparaît comme évidente de par elle-même, et d'une évidence décisive. Et irréversible.
Mais, en fait, c'est le 13 août qu'il s'y est rendu, essayant ainsi de relativement désinvestir la montée des protestations plus ou moins artificiellement soulevée par sa décision. Car les forces réunies de la réaction et du Front Rouge s'étaient en effet saisies de l'occasion pour lancer un tir de barrage intensif contre la décision du premier ministre Junichiro Koizumi de se rendre officiellement en pèlerinage au temple Yasukuni. Mais rien n'y fait. Tout comme rien n'avait pu le convaincre de revenir sur son décret autorisant —et incitant— que les manuels scolaires d'histoire adoptent des positions ouvertement "révisionnistes" au sujet des "responsabilités" du Japon lors de la dernière guerre.
Situé au centre de Tokyo, près du Palais Impérial, sur la colline du Kudan, le temple shintoïste Yasukuni est en effet consacré à la mémoire des 2,5 millions de combattants japonais tombés face à l'ennemi, dont les âmes —y inclus celles des treize "criminels de guerre"— ou soi-disant tels— pendus par les Forces Américaines d'occupation, avec, en premier lieu, le général Hideki Tojo, le premier ministre de l'empereur Hirohito— s'y trouvent rassemblées, dans l'invisible, autour du miroir liturgique, suprêmement sacré, qui en constitue le pivot cosmique. Yasukuni est, dans l'invisible, une immense mer d'âmes en perpétuelle réverbération, veillant sur l'Empire.
Il est tout à fait certain qu'une majorité décisive de Japonais estiment que leur pays à été, lors de la dernière guerre, la victime d'un complot concerté, de dimensions planétaires, mené par les Etats-Unis, qui visaient à interdire la présence effective du Japon en Asie et dans le Pacifique; face à quoi, le Japon n'a rien fait d'autre que de se battre pour sa survie, aux abois, dans les termes d'un combat à la fois final et total. Dont on connaît la conclusion apocalyptique de Hiroshima et de Nagasaki.
Dans les dépendances du temple Yasukuni, un musée consacré à la mémoire nationale japonaise présente actuellement une grande exposition officielle intitulée "Comment nous avons combattu" (en anglais, "La guerre et les soldats du Japon"), exposition dont le témoignage fondamental est axé sur le souvenir des milliers de kamikazes ayant offert leurs jeunes vies pour la sauvegarde de l'Empire. "Rendez-vous à Yasukuni !", s'écriaient-ils en s'envolant pour le sacrifice suprême. Dans le film qui en montre les exploits héroïques, surhumains —divinisants, en termes de shintoïsme— on affirme : "Beaucoup de gens pensent que, dans la guerre d'il y a cinquante ans, le Japon avait été gravement dans son tort: cela est absolument faux. Ainsi le procès de Tokyo est-il nul et non avenu. Le commandant en chef de nos Armées, le général Hideki Tojo a été accusé de "crimes contre l'humanité" et pendu par les Forces Armées d'occupation, les Etats-Unis ayant été les seuls à exiger sa condamnation à mort. Il est temps que le Japon se réveille! Il est grand temps que le Japon reconnaisse la vraie réalité de sa propre histoire! Japon, réveille-toi!".
On sait que la doctrine de gouvernement de Junichiro Koizumi se trouve être fort proche de la vision d'ensemble qui est celle de Shintaro Ishihara, élu, en 1999, gouverneur de Tokyo avec une écrasante majorité, "par un vote quasi-plébiscitaire sur des positions ultra-nationalistes, anti-américaines, ouvertement partisan de la transformation du "Corps de Défense" en une nouvelle grande Armée Japonaise, et auteur d'un livre de grand succès, "Le Japon qui sait dire non", ainsi que d'un roman aux thèses non-conformistes, "La saison du soleil" (Tayô no kietsu). Et l'on sait également que le groupe de jeunes idéologues et des intellectuels qui se tiennent actuellement derrière Junichiro Koizumi est mené au combat par le professeur Fujiuka Nobukatsu, de l'Université de Tokyo, dont la pensée se veut orientée vers la recherche renouvelante, révolutionnaire, des fondations cachées constituant la prédestination originelle du Japon, du "Grand Japon".
Quant au train des réformes totalement bouleversantes que le premier ministre Junichiro Koizumi compte imposer, d'urgence, au Japon, la formule décisive appartient au professeur de l'Université de Tokyo, Yoshiro Tanaka, qui déclarait, récemment, que ce que l'on attend de celui-ci, c'est "qu'il fasse la "Troisième Révolution", après celles de l'ère des Meiji, et de l'après-guerre de 1945". Car, ainsi que nous en avertit Heizo Takenaka, ministre chargé de la politique économique dans l'actuel gouvernement de Junichiro Koizumi, "... si nous engageons maintenant les réformes qui s'imposent, nous devrons accepter aussi les douleurs qui s'ensuivront, et qui seront des plus grandes; mais, si ces réformes, nous les repoussions encore, cela peut nous mener directement à la mort". Car telle est, aujourd'hui, dans sa réalité immédiate, et la plus profonde, la situation socialo-économique du Japon qui, en fait, se trouve au bord du gouffre. Contrairement à toutes les apparences, et c'est bien ce qu'il faut quand même ne pas ignorer. Car des anciennes pesanteurs dissimulées sont à présent venues à échéance, et coûte que coûte il faudra faire face.
Le recours salvateur aux Forces Armées
Cependant, outre le train de réformes qui devront bouleverser de fond en comble les actuelles infrastructures politico-administratives et économiques du Japon, ce qui équivaut, en effet, à une rupture intérieure comme celle qui s'était produite à l'ère des Meiji, Junichiro Koizumi nourrit aussi —et sans doute surtout— le "grand dessein" de redonner aux Forces Armées nationales la place qui doit être fondamentalement la leur, c'est-à-dire tout à fait la première dans la configuration politico-historique du pays ayant retrouvé son propre centre de gravité en lui-même, hors de tout assujettissement, hors de toute ingérence ou domination étrangères.
Même si, pour cela, il faudrait que Junichiro Koizumi parvienne à faire réviser l'actuelle Constitution japonaise, dont le fameux "article 9" interdit au Japon de pouvoir disposer d'une "Armée Nationale". Or c'est bien ce à quoi Junichiro Koizumi est très fermement décidé à faire aboutir son action politique de gouvernement dont la clef de voûte est précisément constituée par le retour du Japon à son identité politico-militaire antérieure, avec tout ce que cela implique au niveau de la "grande histoire", des grandes décisions historiques et politiques immédiatement à venir, en Asie et dans le Pacifique et, aussi, dans le cadre des futurs choix du Japon par rapport à l'unité grand-continentale eurasiatique émergente.
Dans son retour qui n'est politiquement pas dépourvu de tout danger sur le coup même, mais qu'il entend poursuivre d'une manière tout à fait résolue, vers la reconstitution d'urgence des Forces Armées nationales du Japon, Junichiro Koizumi retrouve le mouvement fondamental de toute entreprise de salut et de délivrance nationale révolutionnaire face à la mainmise subversive, aliénante, des conspirations mondialistes et socialo-gauchistes d'infrastructure trotskiste —toujours "la réaction et le front rouge"— qui détiennent aujourd'hui très effectivement le pouvoir politique, économico-social et culturel partout dans le monde. En se tournant, comme il est en train de le faire, vers les Forces Armées nationales du Japon, Junichiro Koizumi ne fait, à son tour, que ce qu'avait fait Vladimir Poutine en Russie, Atal Béhari Vajpayee en Inde et Vojislav Kostuniça en Serbie, ce que tente de faire, souterrainement, à l'heure actuelle, Silvio Berlusconi en Italie: le recours aux Forces Armées est, toujours, la toute dernière chance des instances persistantes de l'Être en train de succomber aux manœuvres d'encerclement, de pénétration intérieure et d'anéantissement menées par les agences d'investissement et de désappropriation du non-être en marche vers l'établissement final de l'anti-monde et de l'Anti-Empire d'au-delà de la fin.
Et c'est ainsi que l'entreprise de redressement national révolutionnaire de Junichiro Koizumi, actuellement en cours, appartient déjà, en fait, au vaste front contre-stratégique grand-continental eurasiatique —et latino-américain aussi— d'opposition désormais irréversible à l'entreprise de subversion anti-historique accélérée poursuivie par la conspiration planétaire "mondialiste" au service de la "Superpuissance Planétaire" des Etats-Unis et de ce qui se tient caché derrière ceux-ci.
Car, en tout état de cause, il faudra comprendre que le retour de Junichiro Koizumi vers le recours aux Forces Armées représente, aussi, la décision sous-entendue —mais désormais sans retour— de l'éloignement et, à terme, de la rupture du pacte d'assujettissement implicite —à la fois sur le plan militaire, économique et idéologico-culturel— du Japon à l'égard des Etats-Unis, et, de par cela même, sa nouvelle orientation fondamentale, d'une part, vers l'Asie et le Pacifique et, d'autre part, vers le "Grand Continent" eurasiatique, et vers sa future adhésion —déjà décidée— à l'Axe grand-continental Paris-Berlin-Moscou.
Aussi dois-je faire état, à ce sujet, des confidences que vient de me faire Alexandre Douguine à la suite de son récent voyage officiel d'information au Japon, où il avait pu constater la très exceptionnelle attention avec laquelle des hautes instances politico-administratives du Ministère des Affaires Etrangères suivent aujourd'hui la marche en avant de certains projets européens grand-continentaux concernant la mise en situation, en premier lieu, de l'Axe Paris-Berlin-Moscou, projets auxquels le Japon serait disposé à apporter un soutien politico-diplomatique inconditionnel et suractivé: pour le Japon, la prolongation —et l'achèvement— de l'axe grand-continental européen Paris-Berlin-Moscou jusqu'à New Delhi et Tokyo constitue déjà une nécessité allant de soi, inéluctablement. De toutes les façons, pour aussi confidentielles qu'elles puissent se vouloir momentanément, la présence économique active et l'assistance politico-militaire du Japon en Inde est désormais une réalité de laquelle on ne saurait en aucun cas pas ne pas tenir compte d'une manière fort significative. Des grandes choses décisives sont en train de se passer là-bas, souterrainement, entre Tokyo et New Delhi, dont les conséquences ne tarderont pas d'agir en profondeur. Le tout sans doute à l'instigation, ou tout au moins avec l'aval agissant de Moscou, Vladimir Poutine s'y trouvant personnellement engagé dans la suite de cette entreprise de l'ombre: c'est la grande géopolitique, il faut le comprendre, qui constitue les fondements dissimulés de l'histoire en marche. Aujourd'hui comme hier.
Le tracé mystique de nos futurs combats
Tout concourt donc à prouver, déjà, que l'usage qu'entend faire Junichiro Koizumi du pouvoir qui vient de lui être démocratiquement confié par le peuple japonais, sera celui d'une reprise politico-historique révolutionnaire totale des destinées profondes de celui-ci, ouvertement reconnues comme telles ou ne fut-ce que partiellement tenues encore pour secrètes. Car il y a une eschatologie occulte de l'histoire nationale japonaise, dont les horizons intérieurs s'ouvrent à une double intelligence, à la fois supra-historique et cosmique, de ce monde-ci à son terme et de son au-delà caché: c'est ce qui constitue la véritable force supra-historique collective du Japon, et c'est aussi ce qui fait que le Japon s'identifie lui-même, totalement, à la conscience transcendantale commune de l'ensemble des peuples du "Grand Continent" eurasiatique, réunis dans la certitude visionnaire, préontologique, de la dimension fondamentalement eschatologique de l'histoire dans son ensemble final. La conscience archaïque commune, abyssale, des peuples du "Grand Continent" eurasiatique considère l'histoire comme le lieu même du salut supra-historique de la fin d'au-delà de la fin, la sainteté suprême étant, pour ces peuples, celle de l'héroïsme des combattants humains et suprahumains devant conduire à cette fin et au-delà de cette fin.
Aussi la réunification politique —la réintégration— grand-continentale eurasiatique mise actuellement en piste par le projet de l'axe contre-stratégique Paris-Berlin-Moscou-New Delhi-Tokyo devra-t-elle se trouver dédoublée, en profondeur, par une nouvelle prise de conscience commune quant à l'identité de la prédestination spirituelle, polaire, de l'ensemble des peuples de l'espace impérial eurasiatique. Or l'avènement de cette prise de conscience spirituelle, à la fois impériale et polaire eurasiatique, c'est ce que va constituer, désormais, la tâche des combattants idéologiques pour la plus Grande Europe et de leurs engagements politico-historiques de haut niveau. Une grande mystique combattante vient ainsi d'être née, qui à présent est en cours de développement révolutionnaire, "destinée à changer la face du monde".
Dans ce développement en cours, la part des "groupes géopolitiques" va devoir être des plus décisives: en effet, s'il y a une nouvelle prise de conscience civilisationnelle de dimensions grand-continentales eurasiatiques, ce sera en premier lieu aux "groupes géopolitiques" que celle-ci sera due, à leurs engagements héroïques de la période nocturne de la clandestinité, à leur travaux d'agitation, d'affermissement et d'affirmation révolutionnaire suractivée qu'ils devront livrer, à présent, en plein jour, une fois que la doctrine de la libération grand-continentale sera ouvertement appelée à devenir la volonté agissante de l'ensemble des peuples appartenant à l'espace originel d'une même communauté d'Être polaire et de destin eschatologique final.
Dans l'immense bataille révolutionnaire qui s'annonce pour une nouvelle prise de conscience historique commune de l'espace intérieur eurasiatique, les "groupes géopolitiques" seront donc les cellules de base de la marée montante de l'éthos vivant, de la conscientisation en marche vers le changement total, vers la transfiguration finale d'une civilisation à prédestination apocalyptique: la grande heure des "groupes géopolitiques" sera venue quand l'unité d'être de l'ensemble grand-continental eurasiatique sera reconnue comme la suprême valeur agissante de sa propre histoire terminale, en même temps que de sa propre histoire recommencée.
D'autre part, d'une manière plus concrète, plus immédiatement objective, il est tout à fait certain que, dans l'état actuel des choses, ce dont nous aurons le plus besoin, c'est d'un certain nombre de centres d'études, de recherches et de documentation (CERD) visant les profondeurs en même temps que réellement exhaustifs quand à leurs objectifs propres, d'un certain nombre de "foyers de rayonnement" au service de notre connaissance active, à jour, de la situation et des réalités actuelles de l'Inde, du Tibet et du Japon, de la partie à proprement parler asiatique du "Grand Continent", vers laquelle devront désormais se porter tous nos efforts de rapprochement, de réactualisation politico-historique et de ré-identification spirituelle de stade final avec ces peuples appartenant à la même communauté de destin profond.
D'ailleurs, le problème des relations continentales Europe/Asie n'est pas du tout nouveau. Déjà en 1940, dans son essai géopolitique aussi fondamental que décisif, Le bloc continental Europe Centrale-Eurasie-Japon, "imprimé mais non distribué", Karl Haushofer déplorait vivement l'absence flagrante, catastrophique, de centres européens d'étude et de recherches de haut niveau sur l'Inde, le Japon et l'Eurasie en général. Karl Haushofer pouvait cependant se féliciter de l'existence et des activités, à plusieurs égards exemplaires, de l'"Institut pour le Moyen et l'Extrême-Orient" de l'Italie mussolinienne, fonctionnant "sous la direction du Sénateur Gentile, de l'archiduc Tucci, du duc d'Avarna, fils de l'ancien ambassadeur d'Italie à la cour de Vienne".
Dans la situation d'émergence spéciale qui est la nôtre aujourd'hui, il faudrait donc qu'au moins six de ces Instituts pour le Moyen et l'Extrême-Orient soient installés d'urgence, deux en France, deux en Allemagne, un en Italie et un en Espagne. La Russie devant être, pour le moment, considérée à part, où plusieurs de ces genres d'Instituts existent déjà, et qu'il s'agirait alors plutôt de réorganiser, de restructurer et d'en intensifier les activités en cours d'une manière nouvellement significative.
Dans l'ensemble, la zone de problèmes concernant la Chine se devra d'être, cependant, étudiée à part, suivant une disposition d'esprit offensive, préventivement contre-stratégique. Car, située à l'intérieur de l'espace grand-continental eurasiatique, la Chine représente, pourtant, géopolitiquement, une tête de pont du monde "extérieur", "océanique". Relevant d'une vocation irréductiblement auto-centrée, la Chine se trouve de par cela même assujettie à l'"influence extérieure" des Etats-Unis et aux conspirations mondialistes anti-continentales, "océaniques", d'encerclement et d'investissement offensif du "Grand Continent" eurasiatique. La Chine se trouve préontologiquement engagée dans le camp ennemi du "Grand Continent", dans le "camp océanique" du Léviathan, du "non-être".
D'autre part, la rencontre finale entre les destinées spirituelles profondes de l'Europe et certaines prédestinations encore cachées de l'Asie se maintenant dans l'ombre ne trouvent-elles pas un domaine de jonction spécifique à travers des convergences ardentes qui s'imposent en matière de religion vivante, de religion en marche? N'est-ce pas dans l'invisible que viennent à se faire les grandes rencontres spirituelles, le Feu de l'Esprit ne se révèle-t-il pas irrationnellement dans les visions spéciales de ses élus secrets?
On sait que saint Maximilien Kolbe, le martyre d'Auschwitz, avait visionnairement pressenti le double cheminement de l'Inde et du Japon vers le catholicisme. Ayant lui-même séjourné au Japon, et notamment à Hiroshima et à Nagasaki —et l'on peut ainsi mieux comprendre les raisons du choix de ces deux villes pour cibles du feu nucléaire en août 1945, quand on sait qu'il s'agissait des deux villes catholiques du Japon— il y avait en effet acquis la certitude intérieure du grand avenir catholique du Japon.
En même temps, sans avoir pu réellement donner cours à son brûlant désir de se rendre personnellement comme missionnaire en Inde aussi, les relations personnelles de saint Maximilien Kolbe avec certains tenants de l'hindouisme initiatique l'avaient amené à penser la même chose de l'Inde: non pas dans les termes d'un raisonnement concerté, mais dans la perspective fondamentalement irrationnelle d'une vision spirituelle propre, d'une grâce de voyance à ce sujet, à laquelle il avait eu l'accès en tant que porteur d'une mission spéciale, ultérieure, décisive. Une mission occultement prophétique.
En ce qui concerne le Japon, il est vrai que le shintoïsme initiatique se prête à des rapprochements doctrinaux assez flagrants avec le grand catholicisme mystique. Dans la figure ensoleillante d'Amatarasu, ne pourrait-on pas distinguer une préfiguration enclose de l'Immaculée Conception? De même que les trois objets du culte impérial shintoïste —le "miroir", le "poignard" et le "joyaux"— pourraient également trouver des correspondances extrêmement révélatrices dans le catholicisme. Ainsi le "Miroir" —fondamentalement présent à Yasukuni— rappelle le Miroir du Cœur Immaculé de Marie, alors que le "Poignard" peut être identifié à l'Epée du Verbe Vivant. "Alors l'Impie se révèlera, et le Seigneur le fera disparaître par le souffle de sa bouche, l'anéantira par la manifestation de sa Venue", II Th., II, 8. Et, quant au "Joyau", cette figure polaire, centrale, conduit au mystère nuptial suprême de l'Aedificium Caritatis. Il faut savoir oser pénétrer derrière le voile.
Car c'est bien dans cet horizon spirituel ultime qu'il fait situer l'actuelle tentative révolutionnaire entreprise et poursuivie par Junichiro Koizumi au Japon, pays secret s'il en fut. Toutes ses initiatives politico-administratives comportent un dédoublement spirituel occulte, un répondant immédiat sur le plan de l'invisible. C'est l'autre monde qui, aujourd'hui, agit au Japon, à des fins très hautes.
Jean PARVULESCO.
00:05 Publié dans Jean Parvulesco | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : japon, littérature, jean parvulesco, asie, affaires asiatiques, océan pacifique | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
jeudi, 17 juillet 2008
Nehru et l'indépendantisme indien

Luigi Carlo SCHIAVONE:
Jawaharlal Nehru et l’indépendantisme indien
Jawaharlal Nehru, l’un des pères du mouvement national indien, publia une autobiographie en 1936, avec, pour objectif, outre de narrer la vie de celui qui deviendra le premier leader de l’Inde indépendante, de faire comprendre au lecteur quels furent les prémisses qui ont incité le peuple indien à s’unir contre l’oppresseur britannique. En effet, quand Nehru parlait de l’impérialisme britannique, il disait: “il était naturel et inévitable que le nationalisme indien réagisse un jour contre la domination étrangère”; mais Nehru demeurait néanmoins déconcerté par les positions des milieux intellectuels indiens qui, à la fin du 19ième siècle, semblaient tous avoir pleinement accepté l’idéologie impériale britannique. Pour Nehru, il s’agit d’une déviance due à l’influence considérable qu’exerçait l’établissement britannique sur le peuple indien, par le truchement du système scolaire qui cherchait systématiquement à souligner les mérites des colonisateurs, en soulignant toujours les lacunes de l’antique savoir indien. C’est dans un tel contexte, écrivait Nehru, que les étudiants indiens n’avaient aucune base rationnelle, aucun instrument conceptuel valide selon les critères du rationalisme occidental, pour contester les leçons administrées par leurs maîtres britanniques, à moins de se contenter d’un retour consolateur au nationalisme religieux, parce que, ajoutait Nehru, “au moins, dans la sphère religieuse et philosophique, les Indiens ne devaient céder la première place à aucun peuple de la Terre ”.
Après avoir pris acte de la situation, les premiers noyaux de dissidents indiens commencèrent à jeter la suspicion et à examiner en profondeur les affirmations de leurs professeurs britanniques. Ils réussirent ainsi à créer une véritable anthologie originale de matériaux conceptuels anti-britanniques, rédigés par des auteurs au ton modéré. C’est ainsi que le nationalisme indien a réussi, au départ, à se doter d’un corpus de fond, en matières politiques et économiques.
Mais, en dépit de cet acte de défi, Nehru déplore que ce corpus contestataire mais modéré finissait par acquérir une fonction spécifique dans le système de fonctionnement du pouvoir britannique. Cette fonctionnalité de la première contestation indienne découlait tout simplement des positions libérales de la plupart des membres du Congrès National Indien qui ne cherchaient en général qu’une seule chose: obtenir les plus hautes charges sans comprendre qu’ainsi rien ne changerait; simplement, les représentants officiels du “changement”, en cas de désordres, auraient été protégés par ceux-là même qu’ils tentaient de mettre échec et mat. Par ailleurs, les paroles critiques du leader Nehru à l’endroit des idées libérales sont bien claires: “L’idéologie libérale est incapable de comprendre l’idée de la liberté indienne dans la mesure où les positions de l’une et de l’autre sont fondamentalement irréconciliables”. La critique des jeunes étudiants nationalistes indiens aux“vieux messieurs” du système éducatif britannique, ne se limitait pas, toutefois, aux seuls établissements d’enseignement. Nehru entrevoyait dans les attitudes des Britanniques, à la fin du 19ième siècle, un fondement messianique, perceptible dans la conviction, autrefois partagée par d’autres peuples, de se prendre pour les “élus du Seigneur”, honneur accessible à tous ceux qui accepteraient de se faire encadrer par la classe dirigeante britannique, qui prétendait que son empire était l’instance représentatrice du Règne de Dieu sur la terre. Cette vision messianique justifiait la rudesse des punitions infligées dans les Dominions à tous ceux qui s’opposaient à la loi britannique.
“Comme les inquisiteurs du passé, ils se sentaient destinés à nous sauver, indépendamment du fait que nous le désirions ou non”. C’est avec ces mots que Nehru commence son chapître où il décrit les pratiques mises en oeuvre par les colonisateurs pour transformer l’Inde en le pays le plus brillamment adapté aux structures impériales anglaises. Sur le modèle britannique, les autorités coloniales avaient choisi un groupe d’Indiens, l’avaient formé, dans le but de soutenir les premiers balbutiements d’un Etat autonome; ces Indiens “homologués” étaient censés amener le pays au “self-government” et à la “liberté”, “mais, ajoute Nehru, auraient dû démontrer et garantir que ce self-government et cette liberté ne se seraient exercés que selon les desiderata des Britanniques”.
Au fil de son ouvrage, Nehru poursuit l’âpre critique qu’il adresse au système imposé à son pays par les colonisateurs anglais. Son analyse n’épargne personne, ni même l’immense majorité du peuple anglais, coupable, selon Nehru, de n’avoir jamais voulu véritablement comprendre l’Inde. Si l’on soulève le voile de misère et de déclin qui recouvre la terre indienne, considérée comme “la perle de la couronne britannique”, on peut encore découvrir la royauté intrinsèque de l’âme d’une vieille nation qui a pérégriné à travers les âges, en vivant des jours de gloire et de décadence, tout en restant toujours liée et attachée à sa très ancienne culture, tirant des ressources profondes de celle-ci force et vitalité, les partageant avec de nombreux pays. En s’appuyant sur ce constat, le premier futur leader de l’Inde indépendante se lance dans une surprenante comparaison avec l’Italie. Selon Nehru, les deux pays sont fils d’une culture plurimillénaire où le concept de nation, malgré les innombrables difficultés ou vicissitudes malheureuses, n’a jamais disparu, même s’il s’est abreuvé à d’autres sèves au fil des siècles. Exaltant les dons de Rome et de l’Italie, Nehru leur reconnait le mérite d’avoir toujours été les principaux centres de culture en Europe; il attribue, dans la foulée, les mêmes mérites à l’Inde en Asie. Les deux pays, selon Nehru, présentent bien des similitudes, y compris dans les malheurs: il rappelle ainsi que Metternich définissait l’Italie comme une simple “expression géographique”; bon nombre d’émules de cet homme politique autrichien ont considéré l’Inde de la même manière.
Après cette parenthèse sur l’Italie, Nehru, dans son ouvrage, revient sur le sort de son propre peuple. Il explique, avec moults détails, combien étroit est le rapport ancestral entre les Indiens et l’idée de leur propre nation, révélant, dans ces explications, toute cette verve politique, qui est la sienne, et qui l’a toujours distingué de Gandhi. Nehru parle de la “Bharat Mata”, de la “Mère Inde”. Il rappelle à ses lecteurs l’Inde d’avant la colonisation où il y avait certes d’innombrables conflits entre castes mais où subsistait, intensément, un vif et puissant lien commun, dont les traces étaient encore perceptibles dans l’Inde de son temps. Ces liens forts permettent d’articuler une résistance grâce à leur vitalité intrinsèque et, ajoute-t-il, il serait erroné de croire que cette vitalité est telle uniquement parce qu’elle découle d’une tradition plurimillénaire: ses origines, il faut plutôt les retrouver dans ce principe de soutien mutuel qui soude la communauté indienne toute entière quand il s’agit de faire face à de puissantes influences étrangères. Mais toute cette vigueur, pourtant, n’a pas permis de conserver la liberté et l’unité politique, ni l’une ni l’autre de ces valeurs n’ayant été considérées jusqu’alors comme dignes de soutenir des efforts constants. C’est cette négligence qui est responsable des souffrances successives du peuple indien, négligence dont les sources doivent être recherchées dans un antique idéal indien qui n’a jamais glorifié les triomphe politique et militaire, a toujours méprisé l’argent et ceux qui l’accumulaient, en n’accordant honneur et respect qu’à ceux-là seuls qui servaient la communauté pour de maigres compensations congrues. Ces attitudes font que la communauté collabore au Bien Commun et l’honore, ce qui, selon Nehru, correspond à l’idéal socialiste, qu’il considère lui-même comme l’antidote au système capitaliste occidental. En effet, écrit-il, “il se pourrait bien que lorsque l’Inde se revêtira d’oripeaux nouveaux, parce que ses anciennes frusques sont usées et élimées, elle prendra pour modèle de ses nouveaux effets le mode socialiste de gérer la société, afin de la rendre plus conforme tant aux conditions actuelles qu’aux critères de sa pensée plurimillénaire. Les idées que l’Inde adoptera, elle devra les faire vivre et revivre sur son propre terreau”.
En août 1947, quand l’Inde accède enfin à l’indépendance, Nehru en devient le Premier Ministre et gardera cette fonction jusqu’à sa mort en 1964. Pendant toutes ces années, il a dû affronter une situation intérieure difficile, née des clivages profonds entre groupes ethniques et religieux et de la pauvreté chronique des zones rurales. Mais il a réussi, en même temps, a acquérir une grande popularité au niveau international, en se plaçant aux côtés de Tito et de Nasser, constituant ainsi, en quelque sorte, un triumvirat pour le mouvement des “pays non alignés”, patronant l’idée d’un Tiers Monde distinct de l’Est comme de l’Ouest, mouvement qui avait connu son apogée lors de la conférence afro-asiatique de Bandung en avril 1955.
Luigi Carlo SCHIAVONE.
(article paru dans le quotidien romain “Rinascita”, 15-16 septembre 2007; trad. franç.: Robert Steuckers).
00:05 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : inde, asie, affaires asiatiques, pakistan, eurasie, eurasisme, hindouisme | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
lundi, 14 juillet 2008
Un opuscule didactique sur le Tibet

Robert Steuckers:
Sur un opuscule didactique sur le Tibet
Paru en avril 2008, le volume sur le Tibet de la célèbre collection “Que sais-je?” des Presses Universitaires de France (n°3808) est dû à la plume de Claude B. Levenson, qui est une spécialiste incontestée de la région himalayenne, comme l’attestent les très nombreux ouvrages qu’elle a déjà consacrés au Tibet depuis une bonne vingtaine d’années. Le Tibet, constate-t-elle, est lié spirituellement à l’Inde, patrie d’origine du bouddhisme. Sa “Grande Porte” est celle qui donne sur le sud, sa porte de service est celle qui donne sur l’est, soit sur la Chine. La conquête chinoise a contribué à fermer de force cette porte méridionale et à faire de la “porte de service” la seule porte autorisée pour le Tibet sinisé.
L’auteur rappelle le long isolement du Tibet, surtout avant l’arrivée de l’expédition britannique de Younghusband en 1904, sur fond de rivalité en Asie entre l’Empire des Tsars et l’Empire britannique, maître des Indes. A l’époque, la France , dominant l’Indochoine dont les grands fleuves prennent leurs sources dans le massif tibétain, tentait timidement d’avancer au nord du Laos, avant d’abandonner toute initiative. Les Etats-Unis sont absents de la compétition: à l’époque, seule la Chine riveraine du Pacifique les intéresse, en tant que débouché potentiel, avec des dizaines de millions de consommateurs en perspective. C’est dans le cadre de la seconde guerre mondiale que le Tibet commence à susciter leurs intérêts stratégiques car la maîtrise des voies de communication dans l’Himalaya leur aurait permis d’apporter un soutien logistique sans faille aux nationalistes de Tchang Kai Tchek, aux prises avec les Japonais d’abord, avec les armées communistes de Mao ensuite.
Après l’indépendance de l’Inde en 1947 et l’éclatement de l’ancien Raj britannique en un Etat musulman (le Pakistan) et un Etat hindou (l’Inde), Mao, dès son accession au pouvoir en 1949, est le premier, et le seul finalement, à comprendre l’enjeu géopolitique primordial que représente le Tibet, “Toit du Monde”. Il mènera, dès le début de son pouvoir sur la Chine , une politique d’expansion vers le Tibet, que poursuivront ses successeurs d’avant et d’après le passage de la Chine à l’économie globale de marché. Sa tâche a été aisée: il a bénéficié, dans les années 50, du soutien soviétique; l’Angleterre, épuisée par la seconde guerre mondiale, et les Etats-Unis se retranchent derrière l’avis de Nehru, qui, lui, préfère garder la neutralité face à la Chine. Nehru n’avait d’ailleurs pas les moyens de pratiquer une autre politique, l’Inde étant coincée entre deux entités musulmanes, les deux Pakistan, l’occidnetal et l’oriental (qui deviendra le Bengla Desh), avec un front coûteux pour une puissance en voie de développement, situé dans l’Himalaya, au Cachemire, jusqu’à 6000 m d’altitude. Dans ce contexte, nehru parie sur une hypothétique fraternité sino-indienne sous le signe de l’anti-impérialisme. Il faudra attendre la pénétration inattendue de troupes chinoises dans l’Aksaï Chin (au nord-ouest de l’Inde) en 1962 et le conflit sino-indien qui s’ensuivit aussitôt, pour modifier la position indienne et faire fondre comme neige au soleil l’idée d’un partenariat anti-impérialiste entre New Delhi et Pékin. Récemment, en cette première décennie du 21ième siècle, les revendicatios chinoises sur l’Arunachal Pradesh, jadis territoire tibétain, envenimment encore davantage les relations déjà tendues entre les deux nouveaux géants économiques de l’Asie.
L’Inde craint d’être prise en tenaille par une alliance sino-pakistanaise, où Karachi autorise les Chinois à construire un solide appui naval en Mer d’Arabie, à l’ouest de l’Inde. Ensuite, l’Inde a toutes les raisons de craindre d’autres mouvements stratégiques chinois allant au détriments de ses intérêts géopolitiques: le passage de l’ancien royaume du Népal à une république d’inspiration plus ou moins néo-maoïste et l’appui de la Chine à la junte birmane qui, elle, autorise la marine de Pékin à mouiller dans les bases des Iles Cocos dans le Golfe du Bengale (qu’on ne confondra pas avec les Iles Cocos administrées par l’Australie, plus au sud dans l’Océan Indien; les Cocos birmanes, où la Chine entretient des bases navales, se situent au nord de l’archipel indien des Andamanes).
La question du Tibet ressurgit à l’avant-plan de l’actualité dès la mise en oeuvre de la voie ferrée Pékin-Lhassa en 2006, 47 ans après l’annexion complète et définitive du Tibet à la Chine et la fuite du Dalaï-Lama en Inde. Grâce à ce système de communication classique —les voies de chemin de fer et leur tracé demeurent encore et toujours des enjeux et des atouts stratégiques de premier ordre— la Chine peut renforcer encore sa présence au Tibet, y acheminer plus rapidement davantage de troupes ou d’ouvriers le long de la frontière tibéto-indienne et peser ainsi lourdement sur le Sud de l’Asie, de l’Indochine au Pakistan.
L’enjeu le plus important, selon Claude B. Levenson, reste toutefois la maîtrise du “Château d’eau de l’Asie” que représente le Tibet. La Chine a besoin d’eau potable en abondance pour alimenter ses villes tentaculaires, pour obtenir une autarcie alimentaire (seule garante de l’indépendance réelle d’une puissance) en irriguant des zones semi-désertiques au nord et au nord-est du Tibet, pour pallier la pollution de ses fleuves suite à une industrialisation anarchique et trop rapide, peu soucieuse de critères écologiques. Par ailleurs, il y a les projets hydrauliques chinois, ceux des méga-barrages, réalisés, en voie de réalisation ou au stade de la planification. Ces travaux sont qualifiés de “pharaoniques” par notre auteur. Ces barrages gigantesques en amont des grands fleuves d’Asie, dont les rives hébergent 47% de la ppulation du globe, risquent bien de placer l’ensemble territorial indien, birman, thai et indochinois entièrement sous la coupe de la Chine , abstraction faite des catastrophes écologiques possibles. L’Inde et le Bengla Desh, par exemple, craignent principalement un détournement des eaux du Brahmapoutre qui les mettrait tous deux à la merci des Chinois. Le Vietnam craint, pour sa part,un détournement des eaux du Mékong. En 2000, les régions indiennes de l’Himanchal Pradesh et de l’Arunachal Pradesh ont été brutalement inondées par des eaux venues du Tibet: il a fallu attendre 2006 pour que les Chinois avouent avoir construit des barrages, responsables de cette catastrophe. Les voisins de la Chine craignent essentiellement ce genre de politique du “fait accompli”.
Pour conclure, quelle attitude prendre face à la question tibétaine? A l’évidence, les Etats-Unis jouent aujourd’hui, avec leur cynisme habituel, la carte de la liberté tibétaine pour mettre des bâtons dans les roues d’une Chine qui, par ses investissements, prend trop d’importance dans la vie économique américaine ou se montre trop autarcique pour permettre la pénétration de son marché par les Etats-Unis et les multinationales. Face à cette problématique, nous sommes évidemment du côté chinois, toute puissance ou tout bloc de nations ayant le droit de se créer une autarcie alimentaire et industrielle. Cependant, une Chine qui tiendrait l’Inde entièrement sous sa coupe, en ne lui laissant plus aucune marge de manoeuvre, ne va pas dans le sens de nos intérêts: raisonnant en termes d’espace indo-européen, récapitulant dans notre synthèse géopolitique les raisonnements stratégiques du général tsariste puis bolchévique Senassarev et de l’indépendantiste indien Roy, la voie doit être libre du coeur germanique de l’Europe au sous-continent indien, en passant par les plaines scythes d’Ukraine et l’ancien espace indo-européen (sarmate, etc.) d’Asie centrale avant son occupation par les peuplades turco-mongoles; aucune intervention d’une géopolitique globale non indo-européenne ne peut briser la ligne Rotterdam-Calcutta, que cette intervention soit turco-mongole (partant d’Oulan Bator pour s’élancer jusqu’au Bosphore) ou arabo-sémitique (partant du coeur du désert arabique pour s’élancer vers le Maghreb et l’Espagne, d’un côté, et vers le Turkestan chinois, de l’autre). A fortiori, nous ne pourrons tolérer l’émergence d’une Chine sortant de son pré carré, où elle était toujours sagement restée, pour créer ex nihilo une nouvelle dynamique géo-spatiale partant du Tibet pour s’élancer vers le sud indien, vers le Turkestan ex-soviétique et atteindre ainsi l’Oural et les zones de peuplement kalmouk sur le cours inférieur de la Volga , empruntant le même chemin que les hordes turco-mongoles. Dans ce cas, il y aurait lieu de parler d’un réel “péril jaune”. Les rodomontades sinophobes du Kaiser Guillaume II, à l’époque du siège des légations par les Boxers en 1900, finiraient-elles par acquérir un sens, face à une Chine saisie par la démesure de l’industrialisation outrancière et de l’expansion économique néo-libérale et globaliste?
Robert STEUCKERS.
(Claude B. LEVENSON, “Le Tibet”, PUF (QSJ?, n°3808), Paris, avril 2008).
17:35 Publié dans Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : géopolitique, eurasie, asie, affaires asiatiques, tibet, chine, stratégie | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
mercredi, 11 juin 2008
Les Etats-Unis financent l'agitation tibétaine

Les Etats-Unis financent l’agitation tibétaine
D’après un article de la “Süddeutsche Zeitung” (SDZ), le caucus “National Endowment for Democracy” (NED), qui, bien que privé, reçoit de larges subsides du gouvernement américain, aurait payé, rien que l’an passé, 45.000 dollars à l’“International Tibet Support Network” (Réseau international de soutien au Tibet) qui a notamment coordonné les protestations très médiatisées contre les Jeux olympiques prévus cet été à Pékin, principalement à l’occasion des courses avec la flamme olympique.
L’argent du contribuable américain est allé dans l’escarcelle des groupes tibétains que le gouvernement chinois considère comme insurrectionnels. L’intermédiaire, assurant le transit des fonds, n’a pas toujours été la NED, mais elle l’a été souvent.
Rien qu’au cours de l’année 2006, cette organisation privée, selon ses propres déclarations, aurait versé 293.000 dollars à des groupes tibétains que Pékin accuse d’avoir co-planifié le soulèvement de Lhasa, il y a deux mois.
Sur le plan politique, ce soutien financier ne manque pas de piquant parce que la NED reçoit la plupart de ses subsides du Congrès américain. Les Etats-Unis financent ainsi directement des actions que Pékin juge déstabilisantes ou diffamantes à la veille des Jeux olympiques, explique le journaliste du SDZ.
Dans les années qui viennent de s’écouler, le Congrès a de fait libéré toujours davantage de fonds pour soutenir des “programmes de démocratisation” en Chine et au Tibet. Pour l’année 2006 seulement, le montant s’élève à 23 millions de dollars. Des organisations privées comme la NED sont devenues d’importants instruments de la politique étrangère américaine.
Le journal de Munich cite les propres paroles de l’ancien directeur de la NED, Weinstein: “Beaucoup d’actions que nous lançons maintenant auraient été secrètement menées, il y a vingt-cinq ans, par la CIA”. Les instituts américains de ce type auraient, poursuivent les rédacteurs de la SDZ, également soutenu financièrement la “révolution orange” en Ukraine et la “révolution des roses” en Géorgie, deux “remaniements politiques” clairement dirigés contre les intérêts de la Russie.
Le président du Venezuela, Hugo Chavez, a ouvertement reproché aux Etats-Unis de soutenir la violence au Tibet. En menant une telle politique, Washington entend saboter les Jeux olympiques de Pékin, a déclaré Chavez lors de l’un de ses discours, tenu récemment à Caracas. Les Etats-Unis veulent, par tous les moyens, fractionner le territoire actuellement sous souveraineté chinoise. Derrière les désordres du Tibet se profilent les intérêts de l’impérialisme américain, pense le président du Venezuela, qui a appelé à soutenir la Chine dans cette épreuve, de même que les Jeux olympiques.
K. KRIWAT.
(article tiré de DNZ/n°23/2008; source: Jean-François Susbielle, “China/USA – Der programmierte Krieg”; édition allemande de: J.-F. Susbielle, “Chine-USA. La guerre programmée. Le XXI° siècle sera-t-il le siècle de la revanche chinoise?”, First Editions, Paris, 2006,ISBN 2-75400-149-2).
00:10 Publié dans Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eurasie, eurasisme, asie, affaires asiatiques, stratégie, contre-stratégie, manipulations médiatiques | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook