Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 12 septembre 2011

Entretien avec Paul Gottfried

Entretien avec Paul Gottfried : les étranges métamorphoses du conservatisme

Propos recueillis par Arnaud Imatz

Ex: http://www.polemia.com/

gootfried.jpgProfesseur de Lettres classiques et modernes à l’Elizabethtown College, président du Henry Louis Mencken Club, co-fondateur de l’Académie de Philosophie et de Lettres, collaborateur du Ludwig von Mises Institute et de l’Intercollegiate Studies Institute, Paul Edward Gottfried est une figure éminente du conservatisme américain. Il est l’auteur de nombreux livres et articles sur notamment le paléo et néoconservatisme. Proche de Pat Buchanan, qui fut le candidat républicain malheureux aux primaires des présidentielles face à George Bush père (1992), Paul Gottfried a été l’ami de personnalités politiques comme Richard Nixon et intellectuelles prestigieuses telles Sam Francis, Mel Bradford, Christopher Lasch…

1. Au début des années 1970 vous sympathisiez avec le courant dominant du conservatisme américain. Quarante ans plus tard, le spécialiste notoire du conservatisme américain que vous êtes, déclare ne plus se reconnaître dans ce mouvement. Que s’est-il passé ?

L’explication tient dans le fait qu’il n’y a pas de véritable continuité entre le mouvement conservateur américain des années 1950 et celui qui a pris sa place par la suite. Sur toutes les questions de société, le mouvement conservateur actuel, « néo-conservateur », est plus à gauche que la gauche du Parti démocrate dans les années 1960. Depuis cette époque, et surtout depuis les années 1980, les néo-conservateurs [1] dominent la fausse droite américaine. Leur préoccupation essentielle, qui éclipse toutes les autres, est de mener une politique étrangère fondée sur l’extension de l’influence américaine afin de propager les principes démocratiques et l’idéologie des droits de l’homme.

2. Selon vous, les conservateurs authentiques croient en l’histoire et aux valeurs de la religion ; ils défendent la souveraineté des nations ; ils considèrent l’autorité politique nécessaire au développement de la personne et de la société. Aristote, Platon, Saint Thomas, Machiavel, Burke ou Hegel sont, dites vous, leurs références à des titres divers. Mais alors comment les néo-conservateurs, partisans de la croissance du PNB, du centralisme étatique, de la démocratie de marché, du multiculturalisme et de l’exportation agressive du système américain, ont-ils pu s’imposer?

J’ai essayé d’expliquer cette ascension au pouvoir des néo-conservateurs dans mon livre Conservatism in America. J’ai souligné un point essentiel : à l’inverse de l’Europe, les États-Unis n’ont jamais eu de véritable tradition conservatrice. La droite américaine de l’après-guerre n’a été, en grande partie, qu’une invention de journalistes. Elle se caractérisait par un mélange d’anticommunisme, de défense du libre marché et de choix politiques prosaïques du Parti républicain. Il lui manquait une base sociale inébranlable. Son soutien était inconstant et fluctuant. Dans les années 1950, le mouvement conservateur a essayé de s’enraciner parmi les ouvriers et les salariés catholiques ouvertement anti-communistes et socialement conservateurs. Mais à la fin du XXème siècle cette base sociale n’existait plus.

Les néo-conservateurs proviennent essentiellement de milieux juifs démocrates et libéraux. Antisoviétiques pendant la guerre froide, pour des raisons qui étaient les leurs, ils se sont emparés de la droite à une époque ou celle-ci était épuisée et s’en allait littéralement à vau-l’eau. J’ajoute que les conservateurs de l’époque, qui faisaient partie de l’establishment politico-littéraire et qui étaient liés à des fondations privées, ont presque tous choisi de travailler pour les néo-conservateurs. Les autres se sont vus marginalisés et vilipendés.

3. (…)

4. (…)

5. Vous avez payé le prix fort pour votre indépendance d’esprit. Vos adversaires néo-conservateurs vous ont couvert d’insultes. Votre carrière académique a été torpillée et en partie bloquée. La direction de la Catholic University of America a fait l’objet d’incroyables pressions pour que la chaire de sciences politiques ne vous soit pas accordée. Comment expliquez-vous que cela ait pu se produire dans un pays réputé pour son attachement à la liberté d’expression ?

Il n’y a pas de liberté académique aux États-Unis. La presque totalité de nos universités sont mises au pas ( gleichgeschaltet ) comme elles le sont dans les pays d’Europe de l’Ouest, pour ne pas parler du cas de l’Allemagne « antifasciste » ou la férule a des odeurs nauséabondes. Tout ce que vous trouvez en France dans ce domaine s’applique également à la situation de notre monde académique et journalistique. Compte tenu de l’orientation politique de l’enseignement supérieur aux États-Unis, je ne pouvais pas faire une véritable carrière académique.

6. (…)

7. (…)

8. Vos travaux montrent qu’en Amérique du Nord comme en Europe l’idéologie dominante n’est plus le marxisme mais une combinaison d’État providence, d’ingénierie sociale et de mondialisme. Vous dites qu’il s’agit d’un étrange mélange d’anticommunisme et de sympathie résiduelle pour les idéaux sociaux-démocrates : « un capitalisme devenu serviteur du multiculturalisme ». Comment avez-vous acquis cette conviction ?

Mon analyse de l’effacement du marxisme et du socialisme traditionnel au bénéfice d’une gauche multiculturelle repose sur l’observation de la gauche et de sa pratique aux États-Unis et en Europe. Le remplacement de l’holocaustomanie et du tiers-mondisme par des analyses économiques traditionnelles s’est produit avant la chute de l’Union soviétique. Au cours des années 1960-1970, les marqueurs politiques ont commencé à changer. Les désaccords sur les questions économiques ont cédé la place à des différends sur les questions culturelles et de société. Les deux « establishments », celui de gauche comme celui de droite, ont coopéré au recentrage du débat politique : la gauche s’est débarrassée de ses projets vraiment socialistes et la droite a accepté l’Etat protecteur et l’essentiel des programmes féministes, homosexuels et multiculturalistes. Un exemple : celui du journaliste vedette, Jonah Goldberg. Ce soi-disant conservateur a pour habitude de célébrer la « révolution féministe et homosexuelle » qu’il considère comme « un accomplissement explicitement conservateur ». Sa thèse bizarre ne repose évidemment sur rien de sérieux… Mais il suffit qu’une cause devienne à la mode parmi les membres du « quatrième pouvoir » pour qu’une pléiade de journalistes néo-conservateurs la présentent immédiatement comme un nouveau triomphe du conservatisme modéré.

9. Vos analyses prennent absolument le contrepied des interprétations néo-conservatrices. Vous rejetez comme une absurdité la filiation despotique entre le réformisme d’Alexandre II et le Goulag de Staline. Vous récusez comme une aberration la thèse qui assimile les gouvernements allemands du XIXème siècle à de simples tyrannies militaires. Vous réprouvez la haine du « relativisme historique » et la phobie de la prétendue « German connection ». Vous contestez l’opinion qui prétend voir dans le christianisme le responsable de l’holocauste juif et de l’esprit nazi. Vous dénoncez l’instrumentalisation de l’antifascisme « outil de contrôle au main des élites politiques ». Vous reprochez aux protestants américains d’avoir pris la tête de la défense de l’idéologie multiculturelle et de la politique culpabilisatrice. Vous affirmez que les chrétiens sont les seuls alliés que les Juifs puissent trouver aujourd’hui. Enfin, comble du « politiquement incorrect », vous estimez que la démocratie présuppose un haut degré d’homogénéité culturelle et sociale. Cela dit, en dernière analyse, vous considérez que le plus grave danger pour la civilisation occidentale est la sécularisation de l’universalisme chrétien et l’avènement de l’Europe et de l’Amérique patchworks. Pourquoi ?

En raison de l’étendue et de la puissance de l’empire américain, les idées qu’il propage, bonnes ou mauvaises, ne peuvent manquer d’avoir une influence significative sur les européens. Oui ! effectivement, je partage le point de vue de Rousseau et de Schmitt selon lequel la souveraineté du peuple n’est possible que lorsque les citoyens sont d’accords sur les questions morales et culturelles importantes. Dans la mesure où l’État managérial et les médias ont réussi à imposer leurs valeurs, on peut dire, qu’en un certain sens, il existe une forme d’homonoia aux États-Unis.

En fait, la nature du nationalisme américain est très étrange. Il est fort proche du jacobinisme qui fit florès lors de la Révolution française. La religion civique américaine, comme sa devancière française, repose sur la religion postchrétienne des droits de l’homme. La droite religieuse américaine est trop stupide pour se rendre compte que cette idéologie des droits de l’homme, ou multiculturaliste, est un parasite de la civilisation chrétienne. L’une remplace l’autre. Le succédané extraie la moelle de la culture la plus ancienne et pourrit sa substance.

Pour en revenir au rapide exposé que vous avez fait de mes analyses, je dirai que je suis globalement d’accord. Mais il n’est pas inutile de préciser pourquoi je considère aussi essentiel, aux États-Unis, le rôle du protestantisme libéral dans la formation de l’idéologie multiculturelle. Le pays est majoritairement protestant et la psychologie du multiculturalisme se retrouve dans le courant dominant du protestantisme américain tout au long de la deuxième moitie du XXème siècle. Bien sûr, d’autres groupes, et en particulier des intellectuels et des journalistes juifs ont contribué à cette transformation culturelle, mais ils n’ont pu le faire que parce que le groupe majoritaire acceptait le changement et trouvait des raisons morales de le soutenir. Nietzsche avait raison de décrire les juifs à demi assimilés comme la classe sacerdotale qui met à profit le sentiment de culpabilité de la nation hôte. Mais cette stratégie ne peut jouer en faveur des Juifs ou de tout autre outsider que lorsque la majorité se vautre dans la culpabilité ou identifie la vertu avec la culpabilité sociale. Je crois, qu’à l’inverse de la manipulation bureaucratique des minorités disparates et du lavage de cerveau des majorités, la vraie démocratie a besoin d’un haut degré d’homogénéité culturelle. Je suis ici les enseignements de Platon, Rousseau, Jefferson ou Schmitt, pour ne citer qu’eux.

10. Parmi les adversaires du néo-conservatisme, à coté des « vieux » conservateurs, souvent stigmatisés comme « paléo-conservateurs », on peut distinguer trois courants : le populisme, le fondamentalisme évangélique et le Tea Party. Pouvez-vous nous dire en quoi ces trois tendances diffèrent du vrai conservatisme ?

Je ne crois pas que l’on puisse trouver du « paléo-conservatisme » dans l’un ou l’autre de ces courants. Les membres du Tea Party et les libertariens sont des post-paléo-conservateurs. Les évangéliques, qui n’ont jamais partagé les convictions des vieux conservateurs, sont devenus les « idiots utiles » des néo-conservateurs, qui contrôlent les medias du GOP (Grand Old Party ou Parti Républicain). Actuellement, les « paléos » ont sombré dans le néant. Ils ne sont plus des acteurs importants du jeu politique. À la différence des libertariens, qui peuvent encore gêner les néo-conservateurs, les « paléos » ont été exclus de la scène politique. Faute de moyens financiers et médiatiques, ils ne peuvent plus critiquer ou remettre en cause sérieusement les doctrines et prétentions néo-conservatrices. Le pouvoir médiatique ne leur permet pas de s’exprimer sur les grandes chaînes de télévision. Ils ont été traités comme des lépreux, des « non-personnes », comme l’on fait les médias britanniques avec le British National Party. Pat Buchanan, qui fut un conseiller de Nixon, de Ford et de Reagan et qui est connu pour sa critique des va-t-en-guerre, a survécu, mais il est interdit d’antenne sur FOX, la plus grand chaîne de TV contrôlée par les néo-conservateurs. Il ne peut paraître que sur MSBNBC, une chaîne de la gauche libérale, où il est habituellement présenté en compagnie de journalistes de gauche.

11. Vous avez été traité d’antisémite pour avoir écrit que les néo-conservateurs sont des vecteurs de l’ultra-sionisme. En quoi vous différenciez-vous du sionisme des néo-conservateurs ?

Les néo-conservateurs sont convaincus que seule leur conception de la sécurité d’Israël doit être défendue inconditionnellement. Il est pourtant tout-à-fait possible d’être du côté des israéliens sans mentir sur leur compte. Que les choses soient claires : il n’y a aucun doute que les deux parties, les israéliens et les palestiniens, se sont mal comportés l’un vis-à-vis de l’autre. Cela dit, c’est une hypocrisie scandaleuse, une tartufferie révoltante, que de refuser à d’autres peuples (disons aux Allemands et aux Français) le droit à leur identité historique et ethnique pour ensuite traiter les Juifs comme un cas particulier, parce qu’ils ont connu des souffrances injustes qui les autoriseraient à conserver leurs caractères distinctifs.

12. Quels livres, revues ou sites web représentatifs du conservatisme américain recommanderiez-vous au public francophone ?

Je recommanderai mon étude la plus récente sur le mouvement conservateur  Conservatism in America  (Palgrave MacMillan, 2009) et le livre que je suis en train de terminer pour Cambridge University Press sur Leo Strauss et le mouvement conservateur en Amérique. Vous trouverez également les points de vue des conservateurs, qui s’opposent aux politiques des néo-conservateurs, sur les sites web : www.americanconservative.com 
www.taking.com [2]

13. Vos amis les néo ou postsocialistes Paul Piccone et Christopher Lasch, estimaient que les différences politiques entre droite et gauche se réduisent désormais à de simples désaccords sur les moyens pour parvenir à des objectifs moraux semblables ? Considérez-vous aussi que la droite et la gauche sont inextricablement mêlées et que les efforts pour les distinguer sont devenus inutiles ?

Je suis tout-à-fait d’accord avec mes deux amis aujourd’hui décédés. Les différences politiques entre droite et gauche se réduisent de nos jours à des désaccords insignifiants entre groupements qui rivalisent pour l’obtention de postes administratifs. En fait, ils ergotent sur des vétilles. Le débat est très encadré ; il a de moins en moins d’intérêt et ne mérite aucune attention. J’avoue que j’ai de plus en plus de mal à comprendre l’acharnement que mettent certains droitistes - censés avoir plus d’intelligence que des coquilles Saint-Jacques - à collaborer aux activités du Parti Républicain et à lui accorder leurs suffrages. Plutôt que d’écouter les mesquineries mensongères d’une classe politique qui ne cesse de faire des courbettes au pouvoir médiatique, je préfère encore assister à un match de boxe.

14. Dans les années 1990, deux universitaires néo-conservateurs ont soulevé de farouches polémiques en Europe : Francis Fukuyama, qui a prophétisé le triomphe universel du modèle démocratique, et Samuel Huntington, qui a soutenu que le choc des civilisations est toujours possible parce que les rapports internationaux ne sont pas régis par des logiques strictement économiques, politiques ou idéologiques mais aussi civilisationnelles. Ce choc des civilisations est-il pour vous une éventualité probable ou un fantasme de paranoïaque?

Je ne vois pas une différence fondamentale entre Fukuyama et Huntington. Les deux sont d’accords sur la nature du Bien : l’idéologie des droits de l’homme, le féminisme, le consumérisme, etc. La principale différence entre ces deux auteurs néo-conservateurs est que Fukuyama (du moins à une certaine époque car ce n’est plus le cas aujourd’hui) était plus optimiste qu’Huntington sur la possibilité de voir leurs valeurs communes triompher dans le monde. Mais les deux n’ont d’autre vision historique de l’Occident que le soutien du consumérisme, les revendications féministes, l’égalitarisme, l’inévitable emballage des préférences américaines urbaines c’est-à-dire le véhicule valorisant du hic et nunc.

Je ne doute pas un instant que si la tendance actuelle se poursuit les non-blancs ou les antichrétiens non-occidentaux finiront par occuper les pays d’Occident. Ils remettront en cause les droits de l’homme, l’idéologie multiculturaliste et la mentalité qui les domine aujourd’hui. Les nations hôtes (qui ne sont d’ailleurs plus des nations) sont de moins en moins capables d’assimiler ce que le romancier Jean Raspail appelle « un déluge d’envahisseurs ». En fait, l’idéologie des droits de l’homme n’impressionne vraiment que les chrétiens égarés, les Juifs et les autres minorités qui ont peur de vivre dans une société chrétienne traditionnelle. Pour ma part, je doute que l’idéologie ou le patriotisme civique de type allemand puisse plaire au sous-prolétariat musulman qui arrive en Europe. Cette idéologie ne risque pas non plus d’avoir la moindre résonance sur les latino-américains illettrés qui se déversent sur les États-Unis. Dans le cas ou les minorités revendicatrices deviendraient un jour le groupe majoritaire, une fois les immigrés parvenus au pouvoir, il y a bien peu de chances pour qu’ils s’obstinent à imposer les mêmes doctrines multiculturelles. En quoi leurs serviraient-elles ?

15. Vous avez anticipé ma dernière question sur les risques que devront affronter l’Europe et l’Amérique au XXIème siècle…

Je voudrais quand même ajouter quelques mots. La dévalorisation systématique du mariage traditionnel, qui reposait hier sur une claire définition du rôle des sexes et sur l’espoir d’une descendance, est la politique la plus folle menée par n’importe quel gouvernement de l’histoire de l’humanité. Je ne sais pas où cette sottise égalitariste nous conduira mais le résultat final ne peut être que catastrophique. Peut être que les musulmans détruiront ce qui reste de civilisation occidentale une fois parvenus pouvoir, mais je doute qu’ils soient aussi stupides que ceux qui ont livré cette guerre à la famille. Si ça ne tenait qu’à moi, je serai ravi de revenir au salaire unique du chef de famille. Et si on me considère pour cela anti-libertarien et anticapitaliste, je suppose que j’accepterai cette étiquette. Je ne suis pas un libertarien de cœur mais un rallié à contrecœur.

Propos recueillis par Arnaud Imatz
31/08/2011

Notes :

[1] Les figures les plus connues du conservatisme américain de l’après-guerre furent M. E. Bradford, James Burnham, Irving Babbitt, le premier William Buckley (jusqu’à la fin des années 1960), Will Herberg, Russell Kirk, Gerhart Niemeyer, Robert Nisbet, Forrest McDonald et Frank Meyer. Celles du néo-conservatisme sont Daniel Bell, Allan Bloom, Irving Kristol, S. M. Lipset, Perle, Podhoretz, Wattenberg ou Wolfowitz (N.d.A.I.).
[2] Dans son livre Conservatism in America, Paul Gottfried recommande trois autres sources qui peuvent aussi être consultées avec profit : l’enquête de George H. Nash, The Conservative Intellectual Movement in America Since 1945 (2ème éd., Wilmington, DE : ISI, 1996), l’anthologie de textes de Gregory L. Schneider, Conservatism in America Since 1930 (New York, New York University Press, 2003) et l’encyclopédie publiée par l’Intercollegiate Studies Institute, American Conservatism : An Encyclopedia (ISI, 2006), (N.d.A.I.).

Correspondance Polémia - 5/08/2011

lundi, 08 août 2011

Il segreto dei padri fondatori

Il segreto dei padri fondatori

di Luca Leonello Rimbotti

Fonte: mirorenzaglia [scheda fonte]


 

hegger_fondo-magazine-306x450.jpgGli  Stati Uniti sono un groviglio che nasconde un intrigo. Il groviglio è la mentalità fanaticamente esclusivista che recarono con sé i Padri pellegrini che fondarono, all’inizio del Seicento, le prime comunità puritane del New England. Essi erano febbrilmente convinti di dover portare nel mondo la verità biblica, che fosse con le buone o con le cattive. L’intrigo è invece la congiura massonica di sovversione mondiale del potere, che ben presto si saldò al puritanesimo nel corso del Settecento, andando a costituire un’esplosiva miscela di intollerante invasività. Noi sappiamo che, da quei tempi lontani, un unico disegno fondamentalista muove all’azione gli eredi di quella duplice formula puritano-massonica: la conquista dichiarata del mondo, l’assoggettamento delle popolazioni del pianeta al potere degli “eletti” di Geova e del Grande Architetto, la costruzione del tempio universale di Salomone.

Cosa sia questo “tempio”, quanto di spirituale esso racchiuda, è ben detto dalla struttura del templarismo bancario cui appartengono, da sempre, le amministrazioni americane, a cominciare dalla potente loggia Skull and Bones, di cui erano membri i Bush. L’obiettivo del potere mondiale che queste sette si son date, sin dagli esordi, lo si raggiunge servendosi dell’infiammata parola di predicatori che agiscono in maniera martellante dai pulpiti mass-mediatici, quando basti. Quando non basti, ci si rivolge senza indugio alla soccorrevole intercessione della più brutale violenza, ad esempio elargendo ai popoli riottosi le note somministrazioni di napalm, il santo argomento che negli ultimi decenni numerose nazioni hanno potuto apprezzare in qualità di concreto sostegno al diritto, che una ristretta casta cosmopolita si riserva, di erigere una repubblica universale a sua misura.

Come ognuno sa, quando si parla degli Stati Uniti, non sono in ballo né la “democrazia” né la “libertà”, né tantomeno l’“uguaglianza”. Ciò che conta è l’imposizione di “diritti” concreti (accesso al denaro, al potere, alle risorse, al controllo sociale) veicolati sotto specie di “diritti” individuali di facciata, ma alla cui fruizione sono deputati soltanto i membri della setta mondialista. Nicholas Hagger, studioso inglese delle culture nazionali e storico affermato, ha recentemente scritto Il segreto dei padri fondatori. La nascita degli Stati Uniti fra puritani, massoni e la creazione del Nuovo Ordine Mondiale (Arethusa). Un libro che si inserisce in un filone, minoritario ma di valore, presente da svariati anni sul mercato delle idee ed inteso a strappare la maschera dalla faccia dello zio Sam, per presentarlo per quello che è: un impostore travestito da salvatore. Ricordiamo, solo a titolo d’esempio, libri come Il sistema per uccidere i popoli di Guillaume Faye o Un paese pericoloso di John Kleeves (entrambi pubblicati anni fa dalla Società Editrice Barbarossa), ma anche Gli eletti di Dio. Lo spirito religioso dell’America (Editori Riuniti) del giornalista Marco Nese. Proprio in quest’ultimo, ad esempio, si trova scritto in quale maniera la sindrome elettiva degli antichi e degli attuali puritani non abbia per nulla in vista una democrazia sociale, quanto piuttosto una “repubblica teocratica” su base oligarchica, strumento diretto di una ristretta minoranza di fondamentalisti, che si spacciano con virulenza come possessori di un mandato universale, intorno al quale veniamo assicurati che si tratta della diretta volontà del Geova biblico. Quella che normalmente la si direbbe una patologia da alienati è divenuta la giustificazione di un gigantesco potere che avanza pretese di universalità, e che ottiene incredibili riscontri di assuefazione e persino di condivisione, attraverso lo strumento della minaccia e dell’intimidazione, oppure dei beni materiali diffusi, col miraggio dei quali si registra l’ammorbidimento dell’opinione pubblica internazionale.

Che, per i Padri pellegrini, si trattasse di mentalità alienata di emarginati fanatizzati dal Libro, è cosa sulla quale gli studiosi paiono concordi. Un pugno di invasati, sfuggiti all’anglicanesimo nazionalista elisabettiano, è alle origini dell’insediamento sul territorio altrui nel Nuovo Mondo, attuato dopo una prima fase di oculato etnocidio locale. Un pugno, invece, di freddi e lucidi programmatori, i massoni sbarcati in America un secolo più tardi, è all’origine dell’organizzazione politica di quella volontà di dominazione mondiale, che i puritani, da soli e con la sola recita dei versetti biblici, mai sarebbero riusciti a trasformare in sonante realtà planetaria.

Hagger, a darci la misura di quanto profondi fossero e siano gli intrecci fra l’universalismo puritano e il cosmopolitismo massonico, scrive chiaro e tondo che «si può affermare che la filosofia puritana fosse in realtà rosacrociana». Fra il puritanesimo anglo-olandese, all’origine del millenarismo americano, e il ginepraio massonico e illuminista settecentesco (Illuminati di Baviera, Rosacroce, Giacobiti, Priorato di Sion, templarismi vari, neo-catarismi, etc.) correva un unico filo. Si trattava di erigere la Nuova Sion in terra vergine, dopo che il tentativo di sovvertire i poteri tradizionali in Europa (ad es. contro i Borbone o i Tudor) era per il momento fallito. Poiché: «L’ordine di Weishaupt fu finanziato dalla casa sionista dei Rothschild e da altri quattro ebrei» e il rabbino Adam Weishaupt – guida degli Illuminati – ebbe secondo Hagger una decisiva influenza sui puritani americani, entrò in contatto con lo stesso Benjamin Franklin e condizionò in chiave massonica l’afflato rivoluzionario dei coloni americani. Si preparò il terreno alla fase storica della rivoluzione. E di Franklin sappiamo, come scrive Hagger, che «dopo essere stato a lungo un sionista rosacroce, era stato inviato a Parigi nel dicembre 1776 come ambasciatore coloniale per chiedere aiuto militare e finanziario».

Legami stretti fra la massoneria illuminista e il puritanesimo. Legami ideologici, oltre che operativi. Il sogno massonico e quello biblista venivano fatti coincidere: il tempio di Salomone e la Nuova Sion potevano essere costruiti senz’altro nel Nuovo Mondo, ma ugualmente nel Vecchio si potevano organizzare le prime rivoluzioni, i primi sforzi per svellere lo Stato nazionale a forte tenuta e sostituirlo con lo Stato massonico a direttiva puritana. La coincidenza temporale fra la rivoluzione americana e quella francese parla da sola. Al culmine, il piano sovversivo mondiale: «Le direttive che Weishaupt ricevette furono quelle di unirsi con i templari, deporre i Borboni in Francia e dar forma alla Nuova Atlantide sionista baconiana nel Nuovo Mondo». Da allora anche i ciechi hanno potuto vedere che l’installazione del massonismo puritano negli USA e la sua alleanza con l’illuminismo francese hanno significato prima di tutto la lotta contro l’Europa, percepita come il primo, grande ostacolo al piano mondialista: guerra alla Spagna nel 1898, due guerre mondiali con utilizzo di massacro aereo scientifico e bomba atomica umanitaria, poi franca imposizione del modello cosmopolita ed etnopluralista, “patriottismo costituzionale”, sudditanza militare ed economica. Il tutto, sempre gestito in coppia dalla premiata agenzia internazionale America-Francia, con zelante succursale inglese: parliamo dell’Occidente atlantista, la rovina dell’Europa, la sua maledizione. Oggi, ad esempio nel caso della fasulla guerra anti-libica, con Obama e Sarkozy sembra di rivedere all’opera Franklin e Lafayette, e si ha la più plateale conferma che l’analisi di Hagger coglie nel segno.

Non si tratta, infatti, di vicende storiche che seguano vie casuali. Si tratta di un programma secolare di sovversione e di erezione di un potere unico mondiale, che liquidi le entità politiche solide e insedi il massonismo universale. Come ha scritto Carlo Marroni sul Sole-24 Ore, riferendosi proprio al libro di Hagger: «l’ascesa degli Stati Uniti non è stato un evento aleatorio ma un piano strategico progettato da un’élite massonica fin dagli albori della nuova Repubblica». Il “Grande Oriente d’America” guida la mano politica delle amministrazioni americane: e poco, anzi nulla importa che queste siano repubblicane o democratiche, nere o bianche o magari domani ispaniche o gialle. Ciò che importa è che l’unico obiettivo, quello fissato tra Seicento e Settecento, vada a compimento: repubblica mondiale gestita dall’oligarchia cosmopolita che, attraverso la gestione della finanza internazionale, si assicuri la “elezione divina” di governare il mondo.

L’unificazione di progetto puritano e progetto massonico in un unico piano poteva dirsi compiuta alla fine del secolo XVIII. Quei fanatici eversori vollero anche dare simboli eloquenti alla loro opera: la capitale Washington costruita con la planimetria templare della squadra e del compasso, ad esempio. Oppure la piramide e l’occhio del Grande Orologiaio, che ti fissa minaccioso dalla banconota da un dollaro. Tutto questo ha voluto significare una sfida essenzialmente anti-europea. Il Gran Maestro George Washington sapeva ciò che faceva. E con lui lo sapevano i suoi generali, i quali «praticamente tutti erano massoni templari», come attesta Hagger. Tirando le somme: era davvero tutta propaganda lo slogan dell’Asse sulla “congiura ebraico-massonico-plutocratica”? O non era invece, quella formula di lotta, uno sguardo profetico sull’abisso, la denuncia di un feroce piano di morte, il tentativo di salvare la nostra civiltà con la forza della disperazione? Ognuno, che non sia cieco e sordo, può rispondersi da solo.



Tante altre notizie su www.ariannaeditrice.it

lundi, 04 avril 2011

Das tragische Scheitern des "Postkommunismus" in Osteuropa

Das tragische Scheitern des »Postkommunismus« in Osteuropa

Dr. Rossen Vassilev

Im vergangenen Jahr stürzte sich kurz vor Heiligabend ein Ingenieur des öffentlich-rechtlichen Fernsehens aus Protest gegen die umstrittene Wirtschaftspolitik von einer Balustrade im rumänischen Parlament, als der Ministerpräsident des Landes dort gerade eine Rede hielt. Der Mann überlebte den Selbstmordversuch und soll vor seinem Sprung gerufen haben: »Sie nehmen unseren Kindern das Brot aus dem Mund! Sie haben uns um unsere Zukunft gebracht!« Der Demonstrant, der in ein Krankenhaus gebracht wurde, trug ein T-Shirt mit der Aufschrift »Sie haben uns um unsere Zukunft gebracht« und wurde später als der 41-jährige Adrian Sobaru identifiziert. Seiner Familie war vor Kurzem im Rahmen der letzten Haushaltskürzungen die staatliche Hilfe für seinen autistischen Sohn im Teenageralter gestrichen worden…

Mehr: http://info.kopp-verlag.de/hintergruende/geostrategie/dr-...

lundi, 03 janvier 2011

Guillaume Faye dit tout...

 

Guillaume Faye dit tout...

00:15 Publié dans Nouvelle Droite | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : guillaume faye, nouvelle droite, idéologie, droite | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 27 décembre 2010

?Existio una Konservative Revolution en Espana?

¿EXISTIÓ UNA KONSERVATIVE REVOLUTION EN ESPAÑA?
 
Ortega y Gasset y las generaciones de combate
Sebastian J. Lorenz
 
Si en algo están de acuerdo los cronistas que han escrito sobre la Konservative Revolution –como Mohler, Locchi, Steuckers, Pauwels o Romualdi, entre otros- es que aquel movimiento espiritual e intelectual manifestado a través de las ideas-imágenes (Leitbild) y expresado por el oxímoron “revolución - conservación” (fórmula poco afortunada pero con arraigo) no fue exclusivamente un fenómeno alemán, sino que también registrará diversos ritmos e impulsos –siempre de forma individual, nunca organizada- por todo el viejo continente europeo.
Así que, a poco que estemos dispuestos a escarbar en el frágil tejido europeo de entreguerras, siempre encontraremos algún nuevo autor que encaja con los parámetros generales que han sido descritos para los “revolucionario conservadores”: nunca llegará a ser como la lista de integrantes del movimiento alemán estudiada por Mohler, pero esta labor de investigación nos trasladaría a países como Francia, Italia, Bélgica, Holanda, Suecia, Rumanía e, incluso, Rusia.
En su famoso “manual” sobre la Konservative Revolution en Alemania (inédito en español), Armin Mohler avala la tesis según la cual la “revolución conservadora” no habría sido un movimiento exclusivamente alemán, sino un fenómeno político que abarca a toda Europa. En un breve recorrido por los países europeos apunta varios nombres (Dostoyevski, Sorel, Barrés, Pareto, Lawrence, por citar algunos de ellos). ¿Y en España? Al filósofo, político y escritor Miguel de Unamuno y, una generación después, a Ortega y Gasset. Unamuno se movía en un terreno ideológico que fue compartido, por ejemplo, por otros intelectuales de la época como Ganivet, Baroja, Azorín o Maeztu: el rechazo espiritual (irracionalista) de las corrientes materialistas decimonónicas, esto es, el nacionalismo centralizador e imperialista, el socialismo deshumanizante, la democracia, el liberalismo, el progresismo, el cientifismo y la industrialización.
Transversalizando las ideas y las imágenes de este grupo de pensadores, con la recepción global –pero nunca homogénea ni uniforme- de la filosofía nietzscheana, comprobamos cómo triunfa en todos ellos el recurso a una palangenesis de renacimiento o “regeneración española y europea” que tenía como precursor a Donoso Cortés y, posteriormente a esta generación, a Ortega y Gasset como pensador y propagador. Y precisamente por él comenzaremos este estudio, después de unas consideraciones generales para situacionar el contexto histórico y político del fenómeno “revolucionario-conservador” y “euro-regeneracionista” español.
Si hubo algo parecido en España a la Konservative Revolution alemana, este movimiento/pensamiento de lo ideo-imaginario” –por el valor otorgado a las imágenes- debió surgir necesariamente a partir de la crisis generacional de 1898. Pensemos que 1900 es el año de la muerte de Nietzsche y unos diez años antes de esta fecha es el momento que puede tomarse como punto de partida en la recepción de su pensamiento por una corriente filosófica espiritualista y culturalista que transversaliza toda Europa (también en 1900 se traduce el primer libro de Nietzsche al español). En palabras de Julián Marías, el mejor conocedor de la obra de Ortega, “una época intelectual de espléndida y admirable porosidad”.
No hay que esperar, pues, a 1918 –fin del primer acto de la guerra civil europea- como hace Armin Mohler, para encajarla en la catástrofe weimariana, ni tampoco a la implementación nietzscheana de Heidegger. Volviendo a España, los representantes más interesantes de esta corriente, como ya se podido intuir, son Unamuno, Baroja, y Maeztu, con la continuidad otorgada por Ortega y la radicalidad estética de Giménez Caballero.
El libro de Marcigiliano I Figli di Don Chisciotte realiza un aceptable estudio sobre las referencias ideológicas de la Revolución Conservadora española: de Ortega y Gasset, Menéndez Pelayo, Unamuno, junto a otros ideólogos más politizados como Giménez Caballero o Ledesma Ramos, o los historiadores Menéndez Pidal, Américo Castro y Sánchez Albornoz. En cualquier caso, los únicos estudios sobre la influencia europea en estos autores españoles apuntan, especialmente, al protagonismo, por ejemplo, de Maurras y Barrès, más que a los “revolucionario-conservadores” alemanes.
Y, desde luego, este “singular” conservadurismo revolucionario ibérico tendrá, como es lógico, unas notas definitorias que lo separan del resto de fenómenos europeos: la ausencia del sentimiento de catástrofe tras la primera guerra mundial (sustituido por el desastre de 1898 por la pérdida del imperio colonial tras la guerra contra los norteamericanos), la trascendencia otorgada al catolicismo tradicionalista, si bien en forma de agonismo como Unamuno o de agnosticismo como Ortega (frente al luteranismo, el paganismo o el retorno a la religión indoeuropea, incluso frente a ciertas desviaciones del misticismo y del esoterismo, tan extendido en centroeuropa) y, finalmente, el pan-hispanismo iberoamericano (junto al europeismo como retorno español al continente).
Resulta, por otra parte, muy significativo que Alain de Benoist , líder intelectual de la Nouvelle Droite francesa y asiduo visitante de los autores y lugares comunes de la Konservative Revolution alemana (efectuando una necesaria revisión, reinterpretación y actualización), no haya prestado especial atención al pensamiento revolucionario-conservador español , excepto –eso sí, en una posición relevante- a Ortega y Gasset, del que publicó la versión francesa de La rebelión de las masas, a Bosch Gimpera por sus estudios sobre El problema indoeuropeo, y a Donoso Cortés (Ensayo sobre el catolicismo, el liberalismo y el socialismo), seguramente por su crítica del liberalismo y la modernidad desde una contrarrevolucionaria perspectiva teológico-política y su interpretación europea efectuada por Carl Schmitt, cuya obra fue introducida en España por Eugenio D´Ors.
En opinión de Carlos Martínez-Cava, nuestra “generación del 98” fue una avanzada en el tiempo a lo que en la Europa de entreguerras, en el período 1919-1933, significaron las conocidas "Revoluciones Conservadoras" europeas en sus distintas y variadas manifestaciones culturales. Se pueden encontrar puntos en común, incluso de origen. Tanto en España, como en la “Revolución Conservadora” alemana, se parte de un desastre militar y de una situación sociopolítica interna caótica. Y en ambos casos, los regímenes y conflictos posteriores llegaron incluso a dar con la cárcel o muerte de sus componentes. Recordemos en España a Maeztu o a Machado, y en Alemania a Niekisch o Jünger.
Martínez-Cava formula un análisis comparativo entre la filosofía de la “generación del 98” y la RC alemana, afirmando que, del mismo modo que dentro de ambas corrientes no existió la homogeneidad, al existir diversas tendencias, la comparación entre ambas tampoco es unívoca, pero sí permite establecer puntos de conexión en común que las une para el proyecto colectivo de la resurrección de Europa como potencia y rectora de la civilización. A saber:
En primer lugar, el eterno retorno y el mito. En ambas corrientes se percibe la historia desde una perspectiva cíclica (Evola, Spengler) o esférica (Nietzsche, Jünger, Mohler), por oposición a la concepción lineal común propia del cristianismo y el liberalismo.
En segundo lugar, el nihilismo y la regeneración. Se tiene la consideración de vivir en un interregno, de que el viejo orden se ha hundido con todos sus caducos valores, pero los principios del nuevo todavía no son visibles y se hace necesaria una elaboración doctrinal que los ponga de relieve.
En tercer lugar, la creencia en el individuo, si bien como parte indisoluble de una comunidad popular y no en el sentido igualitario de la revolución francesa, que lleva a propugnar un sobrehumanismo aristocrático y una concepción jerárquica de la sociedad humana e, incluso, de las civilizaciones.
En cuarto lugar, la renovación religiosa. La “Revolución Conservadora” alemana tuvo un carácter marcadamente pagano (espiritualismo contra el igualitarismo cristiano). Esta religiosidad no fue ajena a España, como pueden ser los casos de Azorín y Baroja. Y de signo diferente, agónicamente católica, en los casos de Unamuno y Maeztu, o agnóstica en el de Ortega. En cualquier caso, representaban una “salida de la religión”, es decir, la incapacidad de las confesiones para estructurar la sociedad.
En quinto lugar, la lucha contra el decadente espíritu burgués. Las adversas condiciones bélicas, el frío mercantilismo y la gran corrupción administrativa provocaron, como reacción, el nacimiento de un espíritu aguerrido y combativo para barrer las caducas morales.
En sexto lugar, el comunitarismo orgánico. Se buscaba una referencia en la historia popular para dar vida a nuevas formas de convivencia. Esa comunidad del pueblo no obedecería a principios constitucionales clásicos, ni mecanicistas, ni de competitividad, sino a leyes orgánicas naturales.
En séptimo lugar, la búsqueda de nuevas formas de Estado. Alemanes y españoles, igual que el resto de europeos, con diferencias en el tiempo, rechazaron las formas políticas al uso y propugnaron un decisionismo y el establecimiento de la soberanía económica en grandes espacios autocentrados o autárquicos como garantía de la efectiva libertad nacional.
Y en último lugar, el reencuentro con un europeísmo enraizado en las tradiciones de nuestros antepasados (los indoeuropeos), no enfrentado a los nacionalismos de los países históricos ni a las regiones étnicas, y planteado como una aspiración ideal de convivencia futura, con independencia de la forma institucional que pudiese adquirir.

vendredi, 24 décembre 2010

Die ungewöhnliche Beziehung von Ernst Jünger und Erich Mühsam

erich-muehsam-540x540.jpg

Kreuzweiser Austausch
Die ungewöhnliche Beziehung von Ernst Jünger und Erich Mühsam

Von Lars-Broder Keil (Friedrichshagen)

Ex: http://www.friedrichshagener-dichterkreis.de/


"Mühsam lernte ich bei Ernst Niekisch kennen, den ich häufig aufsuchte. Ich glaube, auch Toller war an jenem Abend dabei. Sie kannten sich aus der Zeit der Münchener Räterepublik, mit der sich die Linke eine ähnliche Absurdität wie später die Rechte mit dem Kapp-Putsch leistete. Wir kamen in ein angeregtes Gespräch, Mühsam begleitete mich auf dem Heimwege. Er war Bohemien vom Schlage Peter Hilles, weltfremder Anarchist, verworren, kindlich-gutmütig. (...) Er redete in flatterndem Mantel wild, beinahe schreiend auf mich ein, so daß sich die Passanten nach der seltsamen Erscheinung umwandten, die an einen großen unbeholfenen Vogel erinnerte. Wir tauschten einige Briefe, bis kurz vor seiner Verhaftung; schreckliche Gerüchte sickerten bald über sein Schicksal durch." (1)
Diese Schilderung seiner ersten Begegnung mit Erich Mühsam (1878-1934), die um 1930 herum stattfand, hielt Ernst Jünger (1895-1998) am 24. August 1945 in seinem Tagebuch fest. Glaubt man Jüngers Eintrag, blieb es nicht bei dieser Begegnung. Es ist eine Beziehung, die ungewöhnlich, fast unwahrscheinlich anmutet: der linke Anarchist Erich Mühsam und der bis heute umstrittene konserverative Schriftsteller und Käferforscher Ernst Jünger.

Schwierige Spurensuche

Erich Mühsam wurde 1878 in Berlin geboren, wuchs aber in Lübeck auf. Nachdem er dort eine Glosse über den Direktor seiner Schule in einer SPD-Zeitung veröffentlicht hatte, flog er wegen "sozialistischer Umtriebe" von der Schule und begann eine Apothekerlehre. 1900 zog er nach Berlin, fand Anschluss an die Neue Gemeinschaft der Gebrüder Heinrich und Julius Hart sowie an die Literatur-Bohemeszene und freundete sich mit Gustav Landauer an. In Friedrichshagen arbeitete er ab 1902 für die anarchistische Zeitung "Armer Teufel", bis er 1904 zu seinen Wanderjahren durch Europa aufbrach. Diese führten ihn schließlich nach München, wo sich Mühsam ab 1909 niederließ. 1918 beteiligte er sich führend an der Gründung der Münchener Räterepublik und musste nach deren Niederschlagung ins Gefängnis, wo er bis Ende 1924 einsaß. Anschließend zog Mühsam wieder nach Berlin und gab dort die Monatzeitschrift "Fanal" heraus. 1933 von der SA verhaftet, wurde er nach schweren Misshandlungen 1934 im KZ Oranienburg ermordet.
Ernst Jünger wurde 1895 in Heidelberg geboren. Wie ein Großteil seiner Generation meldete er sich 1914 als Kriegsfreiwilliger. Er wurde mehrfach verwundet und ausgezeichnet. Mehr als das prägte ihn die Materialschlacht an der Front, die er in Büchern, wie "In Stahlgewittern" (1920), verarbeitete. Auffallend dabei: zum einen die nüchternen Schilderungen des Grauens, andererseits die Begeisterung für den militärischen Kampf. Dieser Stil sowie die Mitarbeit in nationalistischen und militanten Gruppierungen wie Zeitschriften brachten ihm den Ruf des demokratiefeindlichen Reaktionärs und Kriegsverherrlichers ein. Dabei war auch der junge Jünger, wie viele seiner Generation, jemand, der sich erst durch den Krieg verändert hatte und der auch ein Suchender war: "Mein Weltbild besitzt durchaus nicht mehr jene Sicherheit, wie sollte das auch möglich sein bei der Unsicherheit, die uns seit Jahren umgibt", schrieb er über seine Kriegserlebnisse im Buch "Der Kampf als inneres Erlebnis" (1922). Mitte der 20er-Jahre begann er Philosophie und Zoologie zu studieren, brach das Studium aber 1926 ab und lebte seitdem als Schriftsteller - unterbrochen durch seinen Militäreinsatz im zweiten Weltkrieg, den er unter anderem im Stab des Militärbefehlshabers in Paris verbrachte. 1944, nach dem missglückten Attentat auf Hitler, wurde Jünger aus der Armee entlassen. Der Autor zahlreicher Bücher, Tagebücher und Essays starb 1998 im Alter von 103 Jahren.
Leider sind die Briefe Mühsams an Jünger vernichtet - unter welchen Bedingungen dies geschah, soll zu einem späteren Zeitpunkt beschrieben werden. Daher lässt sich auch nichts über den Inhalt sagen. Neben dem etwas ausführlicheren Eintrag von 1945 tauchen nur wenige kurze Hinweise auf Mühsam in Jüngers Tagebüchern auf. Im Eintrag vom 10. September 1943 schrieb er über Mühsam, dass dieser "eine kindliche Neigung zu mir gefasst hatte" und dass man ihn "auf so schauerliche Weise ermordete". Am Ende findet sich die Einschätzung: "Er war einer der besten und gutmütigsten Menschen, denen ich begegnet bin." (2). Kurz erwähnte Jünger ihn noch am 20. Oktober 1972 und 20. Mai 1980 (3). Am 19. November 1989 notierte Jünger: "Hans Jürgen Frh. von der Wense (1894-1955). Ich lese in seinen Tagebüchern Notizen über die Novemberrevolution von 1918 und deren Folgen bis zur Niederschlagung der Münchner Räterepublik; sie erinnern mich an Gespräche mit Beteiligten wie Niekisch, Toller und Mühsam." (4)
Mühsam wiederum erwähnte weder in seinen Erinnerungen noch in Briefen seine Beziehung zu Jünger. Von der Bekanntschaft kündet lediglich der Eintrag im Notizkalender von 1930: "15.1. Begegnung mit Ernst Jünger bei Rudolf Schlichter" (5). Das Aussparen der Beziehung zu Jünger mag daran liegen, dass sie nur lose war und er ihr keine so große Bedeutung beigemesssen hat - was angesichts der verschiedenen Weltbilder der beiden nicht verwunderlich sein dürfte. Doch offenbar hinderte sie das nicht, Gespräche zu führen. Mehr Aufschluss könnte Mühsams Nachlass geben, doch der ist zu einem großen Teil zerstört. Chris Hirte, ein Mühsam-Biograf und -kenner, wundert sich über die Beziehung nicht. Zum einen habe sich Mühsam in seiner Zeitschrift "Fanal" ausführlich mit Kriegsliteratur befasst, und Jünger war einer der wichtigsten Vertreter. Zum anderen habe Mühsam viel Wert auf Kontakte quer durch alle Gruppierungen gelegt und mit diesen ausführlich kommuniziert, besonders gern mit prominenten Zeitgenossen, zu denen Jünger damals schon gehörte. Unter Mühsams Bekannten stammten laut Hirte viele aus dem bürgerlichen Lager. Ideologische Barriere gab es für den Anarchisten Mühsam hier offenbar nicht.
Auffallend an Jüngers knappen Überlieferungen der Kontakte ist der wohlwollende Ton, mit dem er über den "Friedrichshagener" Mühsam spricht. Daher scheint es interessant, das Klima zu beschreiben, das damals Treffen zwischen linken und rechten Intellektuellen möglich machte. Verzichtet wird, vor allem aus Platzgründen, auf eine Analyse der relevanten Werke Jüngers, die aber genannt werden sowie auf eine tiefere Analyse der nationalistischen Strömungen, die in der Beziehung eine Rolle spielen. Zu diesen gibt es eine erschöpfende Literatur.

Niekisch als Bindeglied der Beziehung

Wie in Jüngers Tagebuch angedeutet, war Ernst Niekisch (1889-1967) das Bindeglied in dieser ungewöhnlichen Beziehung. Niekisch, Sohn eines Feilenhauermeisters und in Schlesien geboren, las in seiner Jugendzeit neben Klassikern auch die Werke der Moderne von Gerhart Hauptmann, Henrik Ibsen, Frank Wedekind und Max Halbe, die zum Teil prägend für die "Friedrichshagener" waren. Er lernte Erich Mühsam zusammen mit Gustav Landauer 1918 während der Zeit der Räterepublik in München kennen, an der sich alle drei aktiv mitwirkten. Niekisch beschreibt Mühsam in dieser Zeit als sprudelnden, witzigen Geist, "ein guter Mensch, aber so ausgesprochen literarischer Bohemien, daß sich niemand ihn in einer würdigen Amtsposition vorstellen konnte" (6). Letztere Bemerkung zielt auf einen Versuch von Mühsam, sich selber als Volksbeauftragter für das Auswärtige im Kabinett der Räterepublik vorzuschlagen. Landauer war für Niekisch eine "geistig überlegene Persönlichkeit" (7), ein außerordentlicher und gedankenvoller Redner (8).
Die Zusammenarbeit lockerte sich mit dem Rücktritt von Niekisch vom Posten des Präsidenten des Zentralrats der Arbeiter-, Bauern- und Soldatenräte Bayerns. Trotzdem unterzeichnete er einen Aufruf zugunsten des seit 1919 inhaftierten Mühsam, der ärztliche Hilfe brauchte. Kurze Zeit später trafen sich beide wieder - in der Festungshaft. Dort zettelte Mühsam unter den Häftlingen einen Streik an, bei dem Essenreste auf die Gänge geworfen wurden. Niekisch, der angesichts der Lebensmittelknappheit dieser Zeit eine "schlechte Presse" für diese Aktion befürchtete, brach den Streik und säuberte am dritten Tag mit Hilfe anderer Häftlinge die Flure (9). Mühsam zeigte sich verbittert über die Streikbrecher und nannte Niekisch und dessen Umfeld in seinen Tagebüchern verächtlich die "Intellektuellen" (10).

Niekisch trat nach seiner Entlassung in den Schuldienst ein, war Landtagsabgeordneter der USPD und folgte im November 1922 dem Ruf in den Hauptvorstand des Deutschen Textilarbeiterverbandes nach Berlin, schied aber 1926 im Streit mit der SPD aus dem gewerkschaftlichen Verband aus und ging nach Dresden. Dort schloss er sich der Alten Sozialdemokratischen Partei (ASP) an und gab die Zeitschrift "Widerstand. Blätter für sozialistische und nationalrevolutionäre Politik" heraus.
Über diese Herausgeberschaft und die ASP bekam er zunehmend Kontakt zu bündischen Kreisen, zu reaktionären Gruppierungen, beispielsweise zum Jungdeutschen Orden, zu Konservativen, wie den ehemaligen Korpsstudenten Friedrich Hielscher, der zum Thema "Nietzsche und der Rechtsgedanke" promoviert hatte und sich später diffusen sozialrevolutionär-nationalistischen Tendenzen näherte, sowie zu bürgerlichen Intellektuellen, etwa zu Friedrich Georg Jünger, ein Bruder von Ernst Jünger (11).
Auf die Jünger-Brüder war Niekisch durch den Philosophen Alfred Baeumler gestoßen, der zugleich Mitglied des Kampfbundes für deutsche Kultur von Alfred Rosenberg war. Baeumler lobte Ernst Jünger als einen Mann, "der die technischen Tendenzen der Zeit in vollem Umfange begriffen habe" und nicht mehr in rückständiger Bürgerlichkeit stecke (12). Dies war wohl der Anlass, Jünger 1926 zur Mitarbeit am "Widerstand" aufzufordern, wie aus einem Brief Ernst Jüngers an seinen Bruder hervorgeht (13). 1927 erschien der erste Artikel.
Im Herbst des gleichen Jahres, so berichtet Niekisch in seinen Erinnerungen, sei er mit Baeumler nach Berlin gereist, der dann einen Besuch bei Jünger angeregt habe. Jünger habe beide freundlich in seiner Wohnung in der Nähe der Warschauer Brücke empfangen. "Wir tranken Kaffee und unterhielten uns über politische Vorgänge jener Tage", erinnert sich Niekisch (14).

Allerdings scheint er sich im Jahr geirrt zu haben, da Baeumler die Jüngers erst 1928 kennenlernte und auch die Briefe erst aus diesem Jahr stammen (15). Ob nun 1927 oder 1928, nach dem ersten Treffen entwickelte sich jedenfalls ein, laut Niekisch, freundschaftlicher Verkehr, gelegentlich schrieb Jünger für den "Widerstand" Aufsätze, und als Niekisch wieder nach Berlin zog, trafen sich beide, etwa bei einer Besprechung des Kreises "Neuer Nationalisten" mit dem Verleger Ernst Rowohlt oder bei Niekisch zu Hause. Bei einem dieser Besuche kam es dann zum Kontakt zwischen Mühsam und Jünger.
Jünger in Berlin

Rund sechs Jahre, von 1927 bis 1933, lebte Ernst Jünger in Berlin. Nach seinen Büchern über den Ersten Weltkrieg war er zum Hoffnungsträger und Wortführer der Gegner der Weimarer Republik im rechten Spektrum geworden.
Die unter dem Begriff "Neuer Nationalismus" zusammengefassten Gruppierungen bekannten sich einmütig zur Nation und einem wehrhaften Staat. Doch Jünger begann schnell, sich von den radikal-militanten Kreisen zu lösen. Wie schon die jungen Intellektuellen zur Jahrhundertwende zog Jünger das Geschehen der pulsierenden Hauptstadt an. Jünger versuchte sich in bohemhaftem Lebensstil, wohnte in möblierten Zimmern, wanderte nachts durch die Straßen, hielt seine Beobachtungen fest, nahm gelegentlich an Trinkfesten teil. Er suchte Kontakt zu Vertretern aller Couleur, zu Nationalisten und Rechten, beispielsweise zu Friedrich Hielscher und Otto Strasser, zu Linken, wie Bertolt Brecht, Erich Mühsam, Ernst Toller und zu Rudolf Schlichter, der Jünger 1929 und noch einmal 1937 porträtierte (16).
Der Maler, Zeichner und Schriftsteller Rudolf Schlichter (1890-1955), bei dem Mühsam laut seinem Notizkalender auch Jünger traf, erregte Anfang der 20er-Jahre mit seiner Plastik des an der Decke schwebenden "Preußischen Erzengels" in Uniform und Schweinskopf Aufsehen. Etwa 1927 wurde der kommunistische Künstler als genauer Zeichner der Berliner Halbwelt bekannt, war unter anderem mit George Grosz und Bert Brecht befreundet. Durch die Begegnung mit seiner späteren Frau Speedy wandte sich Schlichter jedoch dem Katholizismus und Nationalismus zu. In dieser Phase lernte er auch Ernst Jünger kennen, der den Maler sehr schätzte. Die erste Begegnung fand wahrscheinlich beim Verleger Rowohlt statt, der, wie Jünger notierte, "sich ein Vergnügen daraus machte, pyrotechnische Mischungen auszutüfteln, besonders an seinen Geburtstagen" (17).

Links-Rechts-Dialoge

Für die Weimarer Jahre war ein Wirrwarr von rechten und linken Gruppen, Bünden, intellektuellen Zirkeln und Sammlungsbewegungen kennzeichnend, die weniger in festen Organisationsformen oder gar Ortsverbänden agierten. Meist handelte es sich um Mitarbeiter einer Zeitschrift, die sich um den Herausgebe scharrten. Die Akteure waren oft junge, unzufriedene Kriegsteilnehmer, die nach einer Neuorientierung, einem "neuen politischen Leitbild eines nationalen Selbstbewusstseins" suchten - und zwar jenseits vom Parteiengezänk. (18). Die Frontgeneration der 1890-1905 Geborenen kritisierte und bekämpfte die Ideen des Liberalismus und des Parteiensystems. Sie stellten die Bindung an eine fast mystisch anmutende Nation in den Mittelpunkt, grenzten sich aber vom Nationenbegriff patriotischer Prägung ab.
Was bewegte die "rechten" Strömungen, die unter Begriffen wie Nationalrevolutionäre zusammengefasst wurden, zum gemeinsamen Vorgehen? Jürgen Danyel nannte auf einer Tagung der Evangelischen Akademie Berlin 1990 über den so genannten "Gegner"-Kreis drei wesentliche Handlungsanreize: Zum einen werden die Aktivitäten als Reaktion auf die Modernisierungprozesse der 20er-Jahre verstanden und auf die Erkenntnis, Anschluss an politische Massenbewegungen gewinnnen zu müssen. Allerdings waren die Vertreter des Nationalismus zumeist Einzelgänger und stolz auf ihre Isolierung. Geradezu mit Verachtung wiesen sie die Möglichkeit ab, sich von den großen politischen Strömungen tragen zu lassen. Sie sahen sich in Opposition, als Individualisten und auf dem Weg, für sich den Begriff Konservatismus neu zu definieren. Zweitens prägten die Strömungen das "Gemeinschaftserlebnis Krieg" und die revolutionären Nachkriegsauseinandersetzungen sowie das "Unvermögen zur sozialen Integration in eine ihnen fremde bürgerliche Welt". Drittens schließlich führte die nationale und soziale Problemlage Deutschlands nach 1918 zu einer Politisierung, verbunden mit dem Aufbegehren gegen die eigene bürgerliche Herkunft - gerade im letzten Punkt finden sich verblüffende Parallelen zu den "Friedrichshagener Dichtern" und den Motiven ihres Handelns um die Jahrhundertwende.
Die nationale Problematik bildete das Dach der oft gegensätzlichen Strömungen. Betont wurde der Charakter der "Bewegung", favorisiert eine "Verbindung von Nationalismus und Sozialismus", in der die Arbeiterschaft eine historische Trumpfkarte im Rahmen einer umfassenden Gesellschaftsveränderung werden sollte. "Rechte" wie "Linke" fanden auch eine gemeiname Basis in der Ablehnung des westlichen Imperialismus, dessen Hauptsymbol für sie der Versailler Vertrag war (19). Im Unterschied zum Marxismus bekannten sich die Nationalrevolutionäre, und besonders deren nationalbolschewistische Strömung, zu Nation und Staat (20).
In der außenpolitischen Betrachtung sympathisierten die Strömungen mit der nicht am Versailler Vertragswerk beteiligten Sowjetunion - mit einer häufig diffusen Zuneigung und Verklärung. So nutzte auch Jünger die Einladungen der "Gesellschaft zum Studium der russischen Planwirtschaft". Im Ergebnis entstand seine 1932 erscheinende theoretische Schrift "Der Arbeiter", die Unverständnis im rechten Lager und heftige Kontroversen auslöste.
Wechsel zwischen den Lagern und Kontakte waren nicht selten. In Gesprächszirkeln aller Art trafen sich offizielle und oppositionelle Kommunisten, sozialistische und konservative Intellektuelle, parteitreue bis parteifeindliche Nationalsozialisten. Bei allen Unterschieden, ja Hass zwischen den Flügeln, zog die gemeinsame Radikalität des Gefühls und des Denkens an.
Vor diesem Hintergrund sind auch die Kontakte zwischen Jünger und Mühsam zu sehen. Nach Ansicht des Jünger-Biographen Heimo Schwilk fühlte sich der nationalrevolutionäre Autor zu Personen hingezogen, die die herrschende Verhältnisse in Frage stellten, zu einem Radikalismus der Tat neigten, um aus der beengten Sphäre des Bürgerlichen auszubrechen. Auch Jünger verspürte früh diesen Drang, meldete sich als Jugendlicher in der Fremdenlegion, "ein früher, instiktiver Protest gegen die Mechanik der Zeit", nannte er diesen Schritt später. Eine mehr selbst-analytische Verarbeitung des ersten Ausbrechens lag jahrelang als unveröffentlichtes Manuskript in seinem Schreibtisch. Es trug den bezeichnenden Titel "Die letzte sentimentale Reise oder die Schule der Anarchie" (21) und wurde 1936 als "Afrikanische Spiele" veröffentlicht.
Mühsam wiederum suchte in seiner Vorstellung, die Regierung durch eine Revolution abzulösen, nach tatbereiten Leuten, um sie gegen die Weimarer Republik zu mobilisieren. Die meinte er offenbar auch unter den Vertretern der Nationalrevolutionäre zu finden, deren Wille zu Aktionen ihm näher lag, als das abwartende Verhalten der Funktionäre von SPD und KPD, die auf Parlamentarismus setzten, schätzt Mühsam-Forscher Hirte ein. Jünger zählte sich selbst zu den Nationalrevolutionären, bezeichnete sich öffentlich aber erst Anfang der 80er-Jahre so.
Das mag daran liegen, dass Jünger, der sich auf besondere Weise als elitärer Einzelkämpfer verstand, Distanz zu den Gruppen gewahrt hatte, weil er Zuordnung als Vereinnahmung verstand. Bereits als der "Arbeiter" erschien, hatte er sich aus dem aktiven Geschehen zurückgezogen, "in die Innerlichkeit", wie Niekisch das bezeichnete.
Trotzdem hielt er weiter Kontakt. Als das NS-Regime an die Macht kam, nahm Jünger beispielsweise Niekisch kurzzeitig bei sich auf und kümmerte sich nach dessen Verhaftung um die Niekisch-Familie.

Vernichtung der Mühsam-Briefe

Die Beschreibung der Kontakte zwischen Ernst Jünger und Ernst Niekisch hätte ergiebiger ausfallen können, wenn Jünger nicht so vorsichtig gewesen wäre. Als die Nationalsozialisten die Macht in Deutschland ergriffen und ihre Gegner zu verhaften begannen, vernichtete er in einer hektischen Aktion einen Teil seiner umfangreichen Briefsammlung und Tagebuchaufzeichnungen. Darunter auch die wenigen Briefe von Mühsam, die laut Jünger "harmlos waren wie der Mann selbst" und später die Briefe von Ernst Niekisch, bei dem Jünger Mühsam kennengelernt hatte. Mehrfach bedauerte er die Lücken, "die vor allem dadurch entstanden sind, daß ich in Anfällen von Nervosität Papiere verbrannt habe". Aber Jünger wusste um die Sprengwirkung, wenn sie bei ihm gefunden worden wären. "Wenn meine Bekannten durch mich Schwierigkeiten hatten, so galt das auch umgekehrt, es fand kreuzweis ein Austausch statt. Der Umgang mit Niekisch, Mühsam, Otto Strasser, Hofacker, Schulenburg, Heinrich von Stülpnagel und anderen warf ein ungünstiges Licht auf mich", schrieb er rückblickend in seinem Tagebuch am 24. August 1945. Wie recht er mit dieser Annahme hatte, musste Jünger kurze Zeit nach dem Vernichten der Briefe erfahren. Eines Abends, er saß in seiner Steglitzer Wohnung und las Beardsleys "Venus und Tannhäuser", klingelte es an der Tür. Zwei Gestapo-Beamte traten ein, überhörten Jüngers Frage nach den Ausweisen und begannen in den Zimmern nach Waffen und verbotenen Papieren zu wühlen. Jüngers Buch "Der Arbeiter" im Regal schien ihr Misstrauen zu fördern. Dann kamen sie zu ihrem Anliegen und fragten nach den Briefen von Erich Mühsam. Jünger reichte ihnen seine Briefmappe "H-M", in denen die Briefe Mühsams fehlten, aber nicht die von Hitler und Hess, und hielt die Reaktion der Beamten in seinem Tagebuch fest: "Sie begannen zu blättern, stießen dabei gleich auf einige Namen, die hoch im Kurs standen, und brachen ihr Unternehmen ab." (22)

Im nächsten Heft: Jünger und der Individualanarchismus von John Henry Mackay und Max Stirner

Quellen:

  1. Ernst Jünger: Die Hütte im Weinberg, Jahre der Okkupation, In: Strahlungen II., Verlag Klett-Cotta, Stuttgart, 1979, S. 516 f.)
  2. Ernst Jünger: Das zweite Pariser Tagebuch, In: Strahlungen II..., S. 146
  3. Ernst Jünger: Siebzig verweht II, Verlag Klett-Cotta, Stuttgart, 1981, S. 97 und S. 610ff.
  4. Ernst Jünger: Siebzig Verweht IV, Verlag, Stuttgart, 1981, S. 383
  5. Chris Hirte: "Erich Mühsam", Verlag Neues Leben Berlin, 1985, S. 419
  6. Ernst Niekisch: Gewagtes Leben, Kiepenheuer & Witsch, Köln-Berlin, S. 43
  7. ebenda, S.68
  8. ebenda, S.78
  9. ebenda, S.96
  10. Erich Mühsam: Tagebücher 1910-1924, Deutscher Taschenbuch Verlag, München, 1994, S.240f.
  11. Ernst Jünger in Selbstzeugnissen und Bilddokumenten, Rowohlt Verlag, S.41
  12. Ernst Niekisch: Gewagtes Leben, S. 187
  13. Friedrich Georg Jünger: Briefwechsel mit Rudolf Schlichter, Ernst Niekisch und Gerhard Nebel, Klett-Cotta Verlag, Stuttgart, 2001, S. 59
  14. Ernst Niekisch: Gewagtes Leben..., S.187
  15. F.G. Jünger, S.59f.
  16. Horst Mühleisen: Ernst Jünger in Berlin, Frankfurter Buntbücher 20, S. 5
  17. Ernst Jünger und Rudolf Schlichter, Briefe 1935-1955, Klett-Cotta Verlag, Stuttgart, 1997, S. 307f.
  18. Jürgen Danyel: Alternativen nationalen Denkens vor 1933, In: Der "Gegner"-Kreis im Jahre 1992/33, Evangelische Akademie Berlin, 1990, S. 76
  19. ebenda, S.69
  20. Das Projekt Ernst Jünger, In: Forum Wissenschaft, I/95, S. I ff.
  21. Ernst Jünger in Selbstzeugnissen..., S. 12
  22. Ernst Jünger: Die Hütte im Weinberg..., S. 516 f.

 

mercredi, 15 décembre 2010

Les dissidents de l'Action Française: Georges Valois

Archives 2008

Les dissidents de l’Action française : Georges Valois

Ex: http://www.egaliteetreconciliation.fr/

De Sorel à Maurras

valois.jpgPresque oublié aujourd’hui, Georges Valois fut l’un des écrivains politiques importants du début du siècle. Ayant dû abandonner ses études à l’âge de quinze ans, à cause de ses origines populaires, il avait été rapidement attiré par les milieux de gauche. Il commença par fréquenter différents groupes de tendance libertaire : L’Art social, de Charles-Louis Philippe, Les Temps nouveaux, de Jean Grave, L’Humanité nouvelle, de Charles Albert et Hamon. Parmi les collaborateurs de la revue qu’animait L’Humanité nouvelle figurait notamment Georges Sorel, qui devait exercer sur Valois une influence décisive. « Lorsque Sorel entrait (au comité de rédaction de la revue), écrit Valois dans D’un siècle à l’autre, il y avait un frémissement de l’intelligence chez les assistants et l’on se taisait. Nous l’écoutions. Ce n’étaient pas ses cinquante ans qui nous tenaient en respect, c’était sa parole. Sorel, forte tête de vigneron au front clair, l’œil plein de bonté malicieuse, pouvait parler pendant des heures sans que l’on songeât a l’interrompre ».

De quoi parlait ainsi Sorel ? Sans doute de ce qui lui tenait le plus à cœur : de la lutte, révolutionnaire, de l’avenir des syndicats, menacés non seulement par la ploutocratie capitaliste au pouvoir, mais aussi par le conformisme marxiste de la social-démocratie. Sans renier l’essentiel de la doctrine marxiste, Sorel reprochait notamment â l’auteur du Capital sa vision trop schématique de la lutte de classes, et sa méconnaissance des classes moyennes. Et il craignait par-dessus tout l’influence des intellectuels et des politiciens dans le mouvement ouvrier. Le mouvement ouvrier devait préserver son autonomie, et c’est à ce prix seulement qu’il pourrait donner naissance à l’aristocratie d’une société nouvelle. Son mépris de la médiocrité bourgeoise, à laquelle il opposait la vigueur populaire, triomphant dans le syndicalisme révolutionnaire, avait conduit Sorel à l’antidémocratisme. La démocratie n’était pour lui que le triomphe des démagogues, dont la justification la plus abusive. était le mythe du Progrès. C’est ainsi qu’un penseur primitivement situé à l’extrême-gauche se rapprochait sans l’avoir expressément cherché, des théoriciens réactionnaires, condamnant eux aussi, au nom de leurs principes, la démocratie capitaliste.

Influencé par Sorel, et aussi par la pensée de Proudhon et de Nietzsche, Georges Valois écrivit son premier livre : L’Homme qui vient, philosophie de l’autorité. C’était l’œuvre d’un militant syndicaliste révolté par la corruption démocratique, aspirant à un régime fort. Ce régime, Georges Valois pensait que ce devait être la monarchie : il la concevait « comme un pouvoir réalisant ce que la démocratie n’avait pu faire contre la ploutocratie ». Ayant présenté son manuscrit à Paul Bourget, celui-ci le communiqua à Charles Maurras. Telle fut l’origine des relations entre l’ancien socialiste libertaire et le directeur de L’Action française.

Relatant après sa rupture avec Maurras son premier contact avec celui-ci, Valois écrivait : « C’est sur le problème économique et social que nous nous heurtâmes immédiatement. Dans la suite, Maurras s’abstint de renouveler cette dispute. Sa décision avait été prise ; il avait compris qu’il était préférable de m’associer à son œuvre et de m’utiliser en s’efforçant de m’empêcher de produire toute la partie de mon œuvre qu’il n’acceptait pas » (1). On comprend sans peine que ce que Valois gardait d’esprit socialiste et révolutionnaire n’ait pas convenu à Maurras. Il ne faut pas oublier cependant qu’à cette époque, Maurras s’exprimait en termes fort sévères contre le capitalisme, auquel il opposait l’esprit corporatif de l’ancien régime. Tout en défendant les principes d’ordre et d’autorité, il n’hésitait pas à défendre les syndicats contre le faux ordre et l’autorité abusive des dirigeants républicains. C’est ainsi que Maurras fut le seul grand journaliste de droite à flétrir la sanglante répression organisée par Clemenceau, président du Conseil, contre les grévistes de Draveil, dans les derniers jours de juillet 1908 :

« Cuirassiers, dragons et gendarmes », écrivait Maurras dans L’Action française, se sont battus comme nos braves troupes savent se battre. À quoi bon ? Pourquoi ? Et pour qui ? « Nous le savons. C’est pour que le vieillard à peine moins sinistre que Thiers, à peine moins révolutionnaire, puisse venir crier à la tribune. qu’il est l’ordre, qu’il est la propriété, qu’il est le salut. Nous ne dirons pas à ce vieillard sanglant qu’il se trompe. Nous lui dirons qu’il ment. Car il a voulu ce carnage. Cette tuerie n’est pas le résultat de la méprise ou de l’erreur. On ne peut l’imputer à une faute de calcul. Il l’a visée... Ce fidèle ministre d’Édouard VII ne mérite pas d’être flétri en langue française. L’épithète qui lui revient, je la lui dirai en anglais, où elle prendra quelque force : Bloody ! »

Les jours suivants, Maurras écrivait encore :

« La journée de Draveil a été ce que l’on a voulu qu’elle fût. M. Clemenceau n’a pratiqué ni le système du laisser-faire ni le système des justes mesures préventives, parce que dans les deux cas, surtout dans le second, il y avait d’énormes chances d’éviter cette effusion de sang qu’il lui fallait pour motiver les arrestations de vendredi et pour aboutir à l’occupation administrative et à la pénétration officielle de la Confédération générale du travail » (2).

Il est normal que le Maurras de cette époque ait pu attirer Georges Valois. Il attira aussi, pendant quelque temps, Georges Sorel lui-même : « Je ne pense pas, écrivait ce dernier à Pierre Lasserre en juin 1909, que personne (sauf probablement Jaurès) confonde l’ardente jeunesse qui s’enrôle dans l’Action française avec les débiles abonnés du Gaulois ». Il voyait dans le mouvement de Charles Maurras la seule force nationaliste sérieuse. « Je ne suis pas prophète, disait-il à Jean Variot. Je ne sais pas si Maurras ramènera le roi en France. Et ce n’est pas ce qui m’intéresse en lui. Ce qui m’intéresse, c’est qu’il se dresse devant la bourgeoisie falote et réactionnaire, en lui faisant honte d’avoir été vaincue et en essayant de lui donner une doctrine ». En 1910, Sorel écrivait à Maurras pour le remercier de lui avoir envoyé son Enquête sur la monarchie. « Je suis, disait-il notamment, depuis longtemps frappé de la folie des auteurs contemporains qui demandent à la démocratie de faire un travail que peuvent seules aborder les royautés pleines du sentiment de leur mission » (3).

Cependant, Sorel gardait ses distances vis-à-vis de l’Action française. Georges Valois avait au contraire adhéré au mouvement peu de temps après sa première rencontre avec Maurras. On trouve l’expression de ses idées à l’époque dans La révolution sociale ou le roi et dans L’Enquête sur la monarchie et la classe ouvrière. Le titre du premier de ces essais suffit à montrer la rupture de Valois avec les formations de gauche. La thèse de Valois est que la Révolution de 1789 n’a pas été le triomphe de la bourgeoisie contre le peuple, comme on le dit souvent, mais le triomphe de « déclassés de toutes les classes » aussi bien contre la bourgeoisie que contre le peuple et l’aristocratie. Sans doute les républicains surent-ils se concilier une partie de la bourgeoisie, plus spécialement celle « qui, au temps de Louis-Philippe et sous l’Empire, voit sa puissance économique s’accroître avec une rapidité extrême, c’est-à-dire la bourgeoisie industrielle, urbaine, qui fait à ce moment un effort de production énorme et se croit volontiers dominatrice » (4). Mais en fait cette bourgeoisie a été dupée par les politiciens qui gouvernaient en son nom. Après avoir séparé cette bourgeoisie urbaine des agriculteurs. les politiciens républicains ont excité le peuple contre elle. Et la bourgeoisie qui domine vraiment l’État n’est pas cette bourgeoisie dupée, c’est celle de ce que Maurras appelle « les quatre États confédérés » : les Juifs, les Métèques, les Protestants et les Maçons.

La trahison socialiste

Ce phénomène politique, remarque Valois, échappe au prolétariat, qui n’est pas représenté par les siens au Parlement. Il y a en France un parti socialiste, mais Valois pense, comme Georges Sorel et Édouard Berth, que ce parti ne vaut pas mieux que les autres partis républicains, qu’il est d’ailleurs le complice des partis dits bourgeois. Et il cite à ce sujet l’opinion de Sorel dans ses Réflexions sur la violence :

« Une agitation, savamment canalisée, est extrêmement utile aux socialistes parlementaires, qui se vantent, auprès du gouvernement et de la riche bourgeoisie, de savoir modérer la révolution ; ils peuvent ainsi faire réussir les affaires financières auxquelles ils s’intéressent, faire obtenir de menues faveurs à beaucoup d’électeurs influents, et faire voter des lois sociales pour se donner de l’importance dans l’opinion des nigauds qui s’imaginent que ces socialistes sont de grands réformateurs du droit. Il faut, pour que cela réussisse, qu’il y ait toujours un peu de mouvement et qu’on puisse faire peur aux bourgeois » (5).

Bref, les dirigeants socialistes dupent la classe ouvrière, exactement comme ceux des partis républicains libéraux dupent la classe bourgeoise ; ce ne sont pas de véritables anti-capitalistes, mais les serviteurs d’un capitalisme étranger, auquel ils sacrifient le mouvement syndical. « C’est pourquoi, écrit Valois, les républicains nourrissent une hostilité irréductible à l’égard du mouvement syndicaliste, et c’est ce qui doit montrer à nos camarades qui sont profondément pénétrés de la nécessité de l’action syndicale que l’État républicain et l’organisation syndicale ouvrière sont deux faits qui s’excluent l’un l’autre » (6). Certains militants syndicalistes en sont d’ailleurs convaincus, et ils préfèrent l’action directe à une action s’exerçant par l’intermédiaire des pouvoirs publics. Valois se déclare d’accord avec eux, mais il entend leur faire admettre que leur esprit de classe n’est nullement incompatible, bien au contraire, avec l’adhésion à la monarchie.

Ce n’est pas, précise Valois, la violence révolutionnaire qui peut effrayer les militants monarchistes, qui comptent dans leurs rangs plus de non-possédants que de possédants. Les monarchistes rejettent la révolution sociale parce qu’elle représente l’extension à la vie économique de l’erreur politique démocratique, parce qu’elle introduirait la démagogie au cœur de la production. Il y aurait sans doute une réaction contre les conséquences de cette démagogie, mais les travailleurs en seraient les premières victimes : « Il se constituerait rapidement, dans chaque groupe de producteurs, une petite aristocratie qui régnerait sur la masse par la terreur et la corruption, embrigaderait une sous-aristocratie par de menues faveurs, et imposerait ainsi à la majorité la même loi de travail qu’imposent aujourd’hui les capitalistes, et en profiterait » (7). De plus, la révolution entraînerait la disparition de l’or, lequel constitue une garantie irremplaçable. Pour en retrouver, les révolutionnaires devraient faire appel aux capitalistes soi-disant favorables à leur cause, c’est-à-dire aux capitalistes juifs. « C’est vers eux, écrit Valois, que l’on se tournera pour résoudre le problème de la circulation des produits interrompue par l’absence d’or, et si l’on ne songe pas à eux tout d’abord, leurs agents, juifs et non juifs, seront chargés de diriger les pensées vers eux. On leur demandera de l’or, et ils le prêteront ; ils le prêteront en apparence sans exiger de garanties, mais en s’assurant en fait des garanties solides ». Les travailleurs ne se libéreraient d’une exploitation nationale que pour tomber sous le joug d’une exploitation internationale, plus dangereuse parce que plus puissante. « Il est probable qu’un terrible mouvement antisémite se développerait et se manifesterait par le plus beau massacre de Juifs de l’histoire ; mais les Juifs feraient alors appel aux armes étrangères pour leur défense, et se maintiendraient avec le concours de l’étranger, avec qui ils dépouilleraient la nation toute entière » (8). N’oublions pas que ces lignes furent écrites peu après l’affaire Dreyfus, en un temps où l’antisémitisme le plus frénétique fleurissait dans de vastes secteurs de l’opinion française.

L’appel au roi, solution sociale

Pour éviter ce remplacement de l’exploitation présente par une exploitation plus dure encore, Valois ne voit qu’une solution : l’appel au roi. Le roi ne saurait être le défenseur d’une seule classe sociale ; il est l’arbitre indépendant et souverain dont toutes les classes ont besoin pour défendre leur intérêt commun. Il ne peut souhaiter que la prospérité générale de la nation, et donc la prospérité de la classe ouvrière. « Il sait que des bourgeois, ou des politiciens qui n’ont aucune profession avouable, ne peuvent en aucune manière représenter le peuple des travailleurs ; pour connaître les besoins de la classe ouvrière, il appelle donc dans ses conseils les vrais représentants de cette classe, c’est-à-dire les délégués des syndicats, des corporations, des métiers. Le roi doit donc non seulement favoriser, mais provoquer le développement intégral de l’organisation ouvrière, en faisant appel à ce qui lui donne son caractère rigoureusement ouvrier : l’esprit de classe. En effet, pour que les républiques ouvrières envoient auprès du roi leurs vrais représentants, il faut qu’elles soient impénétrables à tout élément étranger à la classe ouvrière ; il faut donc que les travailleurs aient une vive conscience de classe qui les amène à repousser instinctivement les politiciens, les intellectuels et les bourgeois fainéants qui voudraient pénétrer parmi eux pour les exploiter » (9).

L’esprit de classe ainsi envisagé ne conduit donc pas à la lutte de classe au sens marxiste du terme, il n’est pas question d’établir la dictature du prolétariat ; la bourgeoisie a un rôle nécessaire à jouer dans la société nationale, et il importe qu’elle joue ce rôle en développant au maximum l’effort industriel. Les ouvriers ont besoin de patrons, et même, dit Valois, de patrons « durs », car la classe ouvrière préfère infiniment des capitalistes ardents au travail, et sachant rémunérer les services rendus, que des patrons « philantropiques », dont l’attitude est pour elle offensante. Autrement dit, l’égoïsme vital du producteur est préférable à la bienveillance du paternaliste, à condition que cet égoïsme soit orienté dans le sens de l’intérêt national.

Telles étaient les idées que Georges Valois tentait de répandre dans les milieux ouvriers. Certaines réponses au questionnaire qu’il avait adressé à des personnalités syndicalistes sur la Monarchie et la classe ouvrière le fortifièrent dans ses convictions. Ces personnalités étaient en effet d’accord avec lui pour penser que « le régime républicain parlementaire est incompatible avec l’organisation syndicale, et que la République est essentiellement hostile aux classes ouvrières » (10). La raison de cet état de choses résidait pour Valois dans le libéralisme hérité de 89, ennemi des associations ouvrières détruites par la loi Le Chapelier. Mais il prenait soin de montrer que le socialisme n’était pas un remède aux maux du libéralisme. « Les systèmes socialistes collectivistes, écrivait-il, développent les principes républicains, transportent le principe de l’égalité politique dans l’économie, et, construits en vue d’assurer à tous les hommes des droits égaux et des jouissances égales, ils refusent aux citoyens, comme le fait l’État républicain, le droit de « se séparer de la chose publique par un esprit de corporation ». En face de la collectivité propriétaire de tous les biens, en face de l’État patron, les travailleurs sont privés du droit de coalition. Ils devront subir les conditions de travail qui seront établies par la collectivité, pratiquement par l’État, c’est-à-dire par une assemblée de députés, et ils ne pourront les modifier que par l’intermédiaire de leurs députés... » (11).

Refusant l’étatisme socialiste, Valois condamnait également l’anarchie, celle-ci refusant les disciplines syndicales aussi bien que toutes les autres, et étant « en rébellion aussi bien contre les nécessités de la production que contre les lois des gouvernements ».

Les syndicats doivent avant tout se défendre contre la pénétration d’éléments qui tentent de les politiser. Valois s’inquiète à ce propos de l’évolution de la Confédération générale du travail, victime des conséquences d’une centralisation abusive : « Mille syndicats, cinquante fédérations, réunis par leurs chefs dans un seul organisme, loin de leurs milieux naturels, installés dans des bureaux communs, où pénètre qui veut, sont sans défense contre la bande de journalistes, d’intellectuels et de politiciens sans mandat qui envahissent les bureaux, qui rendent des services personnels aux fonctionnaires syndicaux, recherchent leur amitié et leur demandent, non l’abandon de leurs principes mais une collaboration secrète. Le péril pour le syndicalisme est là » (12).

Pour rendre à la vie syndicale son vrai caractère, il faut revenir à la vie corporative : non pas ressusciter les anciennes corporations, mais fonder de nouvelles associations professionnelles répondant aux nécessités modernes. Toutefois, Valois est formel sur ce point : aucune nouvelle vie corporative ne sera possible tant que la démocratie parlementaire ne sera pas remplacée par la monarchie.

Valois à l’Action française

Les idées politiques et sociales de Georges Valois s’accordaient donc exactement avec celles de Maurras et de L’Action française. Cependant Maurras ne fit pas immédiatement appel à lui pour traiter des questions économiques et sociales dans sou journal : il préférait dans ce domaine la collaboration de disciples de La Tour du Pin, plus modérés ou plus effacés que Valois. Ce dernier chercha à s’exprimer dans des publications autonomes. La création d’une revue réunissant des syndicalistes et des nationalistes, La Cité française, fut décidée. Georges Sorel, qui avait promis sa collaboration, rédigea lui-même la déclaration de principe. « La démocratie confond les classes, y lisait-on, afin de permettre à quelques bandes de politiciens, associés à des financiers ou dominés par eux, l’exploitation des producteurs. Il faut donc organiser la cité en dehors des idées démocratiques, et il faut organiser les classes en dehors de la démocratie, malgré la démocratie et contre elle. Il faut réveiller la conscience que les classes doivent posséder d’elles-mêmes et qui est actuellement étouffée par les idées démocratiques. Il faut réveiller les vertus propres à chaque classe, et sans lesquelles aucune ne peut accomplir sa mission historique » (13).

Mais la Cité française ne fut qu’un projet. Selon Pierre Andreu, historien de Georges Sorel, c’est l’Action française, « voulant s’assurer à la faveur d’une querelle Valois-Variot une sorte de mainmise occulte sur l’avenir de la revue », qui empêcha celle-ci de voir le jour. Les jeunes « soréliens » de l’Action française ne se découragèrent pas, et en mars 1911, Valois créait avec Henri Lagrange le Cercle Proudhon. Les plus audacieux, et les plus ouverts des jeunes intellectuels de l’Action française furent attirés par ce groupe, dont Maurras approuvait les intentions. Mais Georges Sorel se montrait maintenant sceptique sur la possibilité de. défendre la pensée syndicaliste en subissant trop étroitement l’influence maurrassienne. L’éclatement de la guerre de 14 mit un terme à cette tentative de réunion des éléments monarchistes et syndicalistes.

Cette tentative portait cependant quelques fruits. Georges Valois prit la parole dans les congrès de l’Action française de 1911, 1912 et 1913, afin d’expliquer aux militants « bourgeois » du mouvement les raisons pour lesquelles ils devaient souhaiter l’alliance des syndicalistes, victimes du régime démocratique. Ses interventions obtinrent un grand succès, ce qui n’est pas surprenant, car le tempérament « révolutionnaire » des militants d’Action française leur permettait de comprendre le point de vue de Valois, même lorsqu’il faisait appel à des notions ou à des principes assez éloignés, du moins en apparence, de leurs propres convictions traditionalistes.

D’autre part, Valois fut bientôt appelé à diriger une maison d’édition, la Nouvelle librairie nationale, destinée à grouper les auteurs membres ou amis de l’Action française. Maurras, Daudet, Bainville, Bourget et aussi Maritain et Guénon, furent parmi les auteurs de cette maison, qui devait subsister jusqu’en 1927. Mobilisé en 1914, Valois put reprendre son activité en 1917. Outre la direction de la Nouvelle librairie nationale, il décida de donner une nouvelle impulsion à son action sociale. Il eut l’idée de créer des sociétés corporatives, et d’organiser des semaines - notamment du Livre et de la Monnaie - pour mieux faire comprendre la portée concrète de ses idées. « Tout cela, écrira-t-il plus tard, était pour moi la construction de nouvelles institutions. Les gens de l’Action française n’y comprenaient absolument rien. Je cherchais le type nouveau des assemblées du monde moderne. Pendant que les gens de l’Action française continuaient de faire des raisonnements, je travaillais à la construction de ces institutions ».

En parlant de la sorte des « gens d’Action française », Georges Valois vise évidemment les dirigeants et les intellectuels du mouvement, et non ses militants, auprès desquels il jouissait d’une importante audience. Il se heurtait en effet à une certaine méfiance de la part des comités directeurs de l’Action française, qui n’avaient sans doute jamais pris très au sérieux les intentions du Cercle Proudhon. Pour éclaircir la situation, Valois eut un entretien avec Maurras et Lucien Moreau. Il déclara à Maurras que, selon lui, il fallait maintenant préparer la prise du pouvoir, et ne plus se contenter de l’action intellectuelle. Il lui demanda s’il avait un plan de réalisation de ses idées. « Maurras, écrit-il, fut extrêmement embarrassé par mes questions. Il nous fit un discours d’une demi-heure pour me démontrer que, nécessairement, il avait toujours pensé à faire ce qu’il disait. Je lui demandais des ordres, il n’en donna aucun. Alors je lui indiquai un plan et lui déclarai qu’il était absolument impossible de faire adhérer les Français à la monarchie ; que la seule chose possible était de sortir du gâchis parlementaire par une formule pratique, de faire une assemblée nationale et d’y poser les questions fondamentales » (14).

Il y avait donc eu, chez Valois, une évolution assez sensible par rapport à ses positions d’avant 1914. À ce moment-là, il ne s’employait pas seulement à faire comprendre aux monarchistes traditionalistes la légitimité du syndicalisme, mais aussi à faire comprendre aux syndicalistes la nécessité de la monarchie. En 1922, l’idée de rallier les élites du monde du travail à la solution monarchiste lui semblait donc assez vaine. D’autre part, il ne s’intéressait plus seulement aux forces ouvrières, mais, semble-t-il, à l’ensemble des forces économiques du pays. Le doctrinaire élargissait son horizon, peut-être parce que les nécessités de l’action l’obligeaient à le faire.

Son idée principale était de lancer à travers toute la France une « convocation des États généraux », créant ainsi la représentation réelle des forces nationales, par opposition à la représentation artificielle du parlementarisme. Maurras pouvait difficilement être contre un principe aussi conforme à sa doctrine, et notamment à sa fameuse distinction entre le pays réel et le pays légal. Il donna donc son accord pour ce projet. Celui-ci n’eut qu’un commencement de réalisation, l’assassinat par une militante anarchiste du meilleur ami de Valois à l’Action française, Marius Plateau, ayant interrompu le travail en cours. Les autres dirigeants de l’Action française étaient plus ou moins hostiles au projet de Valois, auquel ils préféraient la préparation de leur participation aux élections de 1924. Mais à ces élections, les candidats de l’Action française furent largement battus.

C’est alors que Georges Valois songea à mener son combat en marge de l’Action française, sans rompre cependant avec celle-ci. Il prépara notamment « une action en direction des Communistes, pour extraire des milieux communistes des éléments qui n’étaient attachés à Moscou que par déception de n’avoir pas trouvé jusque-là un mouvement satisfaisant pour les intérêts ouvriers ». Naturellement, l’action comportait une large participation ouvrière à tout le mouvement, par incorporation de militants ouvriers au premier rang du mouvement (15). Pour appuyer cette action, Valois décidait de créer un hebdomadaire, Le Nouveau Siècle.

Dans le premier numéro du journal, paru le 25 février 1925, on peut lire une déclaration que vingt-huit personnalités - parmi lesquelles Jacques Arthuys, Serge André, René Benjamin, André Rousseaux, Henri Ghéon, Georges Suarez, Jérôme et Jean Tharaud, Henri Massis - ont signée aux côtés de Valois. Le Nouveau Siècle, y lit-on notamment, est fondé pour « exprimer l’esprit, les sentiments, la volonté » du siècle nouveau né le 2 août 1914. Il luttera pour les conditions de la victoire, que l’on a volée aux combattants : « Un chef national, la fraternité française, une nation organisée dans ses familles, ses métiers et ses provinces, la foi religieuse maîtresse d’elle-même et de ses œuvres ; la justice de tous et au-dessus de tous ».

« Nous travaillerons, disent encore les signataires, à former ou à reformer les légions de la victoire, légions de combattants, de chefs de familles, de producteurs, de citoyens ». On peut penser qu’il s’agit de faire la liaison entre différents mouvements nationaux tels que l’Action française, les Jeunesses patriotes et quelques autres. Mais le 11 novembre de cette même années 1925, Georges Valois annonce la fondation d’un nouveau mouvement, le Faisceau, qui sera divisé en quatre sections : Faisceau des combattants, Faisceau des producteurs, Faisceau civique et Faisceau des jeunes.

La ressemblance avec le fascisme italien est évidente. Valois a d’ailleurs salué l’expérience italienne avant de fonder son parti. Le mouvement fasciste, dit-il, est « le mouvement par lequel l’Europe contemporaine tend à la création de l’État moderne ». Ce n’est pas une simple opération de rétablissement de l’ordre : c’est la recherche d’un État nouveau qui permettra de faire concourir toutes les forces économiques au bien commun. Mais Valois souligne le caractère original du mouvement : « Le fascisme italien a sauvé l’Italie en employant des méthodes conformes au génie italien, le fascisme français emploiera des méthodes conformes au génie français ».

valois2livre.jpgMaurras se fâche

Maurras n’avait pas fait d’objections à ce que Valois entreprit un effort parallèle à celui de l’Action française. Valois fut bientôt désagréablement surpris de voir que Maurras cherchait à faire subventionner L’Action française par le principal commanditaire de son propre hebdomadaire, qu’il avait lui-même encouragé à aider l’Action française à un moment donné. D’autres difficultés surgirent. Maurras reprocha à Valois l’orientation qu’il donnait à sa maison d’édition. Mais Valois eut surtout le sentiment que les campagnes de son hebdomadaire « concernant les finances, la monnaie et la bourgeoisie », déplaisaient souverainement, sinon à L’Action française elle-même, du moins à certaines personnalités politiques ou financières avec lesquelles L’Action française ne voulait pas se mettre en mauvais termes. Un incident vint transformer ces difficultés en pure et simple rupture. Tout en animant son hebdomadaire, Valois continuait à donner des articles à L’Action française. Maurras lui écrivit à propos de l’un d’eux, regrettant de ne pas avoir pu supprimer cet article faute de temps, et se livrant à une vive critique de fond :

« Il suffit de répondre « non » à telle ou telle de vos questions pour laisser en l’air toute votre thèse. Il n’est pas vrai que « la » bourgeoisie soit l’auteur responsable du parlementarisme. Le régime est au contraire né au confluent de l’aristocratie et d’une faible fraction de la bourgeoisie (...) Les éléments protestants, juifs, maçons, métèques y ont joué un très grand rôle. L’immense, la déjà immense bourgeoisie française n’y était pour rien. Pour rien. « Maigre rectification historique ? Je veux bien. Mais voici la politique, et cela est grave. Depuis vingt-six ans, nous nous échinons à circonscrire et à limiter l’ennemi ; à dire : non, la révolution, non, le parlementarisme, non, la république, ne sont pas nés de l’effort essentiel et central du peuple français, ni de la plus grande partie de ce peuple, de sa bourgeoisie. Malgré tous mes avis, toutes mes observations et mes adjurations, vous vous obstinez au contraire, à la manœuvre inverse, qui est d’élargir, d’étendre, d’épanouir, de multiplier l’ennemi ; c’est, maintenant, le bourgeois, c’est-à-dire les neuf dixièmes de la France. Eh bien, non et non, vous vous trompez, non seulement sur la théorie, mais sur la méthode et la pratique. Vous obtenez des résultats ? Je le veux bien. On vous dirait en Provence que vous aurez une sardine en échange d’un thon. Je manquerais à tous mes devoirs si je ne vous le disais pas en toute clarté. Personne ne m’a parlé, je n’ai vu personne depuis que j’ai lu cet article et ai dû le laisser passer, et si je voyais quelqu’un, je le défendrais en l’expliquant, comme il m’est arrivé si souvent ! Mais, en conscience, j’ai le devoir de vous dire que vous vous trompez et que cette politique déraille. Je ne puis l’admettre à l’AF ».

Pour Georges Valois, l’explication de l’attitude de Maurras était claire : « Maurras et ses commanditaires avaient toléré ma politique ouvrière, tant qu’ils avaient pu la mener sur le plan de la littérature, mais du jour où je déclarais que nous passions à l’action pratique, on voulait m’arrêter net » (16).

Entre les deux hommes, une explication décisive eut lieu. Maurras reprocha notamment à Valois de détourner de l’argent de L’Action française vers son propre hebdomadaire. Valois contesta bien entendu cette affirmation, et démissionna de l’Action française et des organisations annexes de celle-ci auxquelles il appartenait.

La rupture était-elle fatale ? Y avait-il réellement incompatibilité totale entre la pensée de Maurras et celle de Valois ? Il est intéressant d’examiner à ce propos les « bonnes feuilles » d’un livre de Valois, parues dans l’Almanach de l’Action française de 1925 - c’est-à-dire un peu plus d’un an avant sa rupture avec celle-ci - livre intitulé : La révolution nationale. (Notons en passant que c’est probablement à Valois que le gouvernement du maréchal Pétain emprunta le slogan du nouveau régime de 1940).

Valois affirme d’abord que l’État français a créé une situation révolutionnaire, parce qu’il s’est révélé « totalement incapable d’imaginer et d’appliquer les solutions à tous les problèmes nés de la guerre ». Et selon Valois, cette révolution a commencé le 12 août 1914 avec ce que Maurras a appelé la monarchie de la guerre : c’est le moment où l’esprit héroïque s’est substitué à l’esprit mercantile et juridique. Mais après l’armistice, l’esprit bourgeois a repris le dessus, et cet esprit a perdu la victoire. Les patriotes le comprennent, ils se rendent compte qu’ils doivent détruire l’État libéral et ses institutions politiques, économiques et sociales, et le remplacer par un État national.

À l’échec du Bloc national - faussement national, selon Valois -, succède l’échec du Bloc des gauches. Ces deux échecs n’en font qu’un : c’est l’échec de la bourgeoisie, qu’elle soit conservatrice, libérale ou radicale. « La bourgeoisie s’est révélée impuissante, en France comme dans toute l’Europe, au gouvernement des États et des peuples ». Valois n’entend pas nier les vertus bourgeoises, qui sont grandes lorsqu’elles sont à leur place, c’est-à-dire dans la vie municipale et corporative, économique et sociale, mais il estime qu’elles ne sont pas à leur place à la tête de l’État. C’est qu’originairement, le bourgeois est l’homme qui a restauré la vie économique, dans des villes protégées par les combattants, qui tenaient les châteaux-forts et chassaient les brigands. Pour l’esprit bourgeois, de ce fait, « le droit, c’est un contrat, tandis que le droit, pour le combattant, naît dans le choc des épées. La loi bourgeoise a été celle de l’argent, tandis que la loi du combattant était celle de l’héroïsme ».

La paix ayant été restaurée, l’esprit bourgeois a voulu commander dans l’État. Or l’esprit bourgeois ne peut réellement gouverner : et le pouvoir est usurpé par les politiciens et la ploutocratie. L’illusion bourgeoise consiste à croire que la paix dépend de la solidarité économique, alors qu’elle dépend d’abord de la protection de l’épée. L’exemple de Rome le prouve : la paix romaine a disparu quand l’esprit mercantile l’a emporté sur l’esprit héroïque.

À la tête de l’État national dont rêve Valois, il y aura évidemment le roi, dont l’alliance avec le peuple sera le fruit de la révolution nationale. Et Valois veut espérer que certains Français, « qui paraissent loin de la patrie aujourd’hui », se rallieront à cette révolution, et notamment certains communistes : « Parmi les communistes, il y a beaucoup d’hommes qui ne sont communistes que parce qu’ils n’avaient pas trouvé de solution au problème bourgeois ». Le communisme leur dit qu’il faut supprimer la bourgeoisie, mais cette solution est absurde : la seule solution réaliste consiste à remettre les bourgeois à leur place, et au service de l’intérêt national. « Quand cette solution apparaît, le communiste est en état de changer ses conclusions, s’il n’a pas l’intelligence totalement fermée. Alors, il s’aperçoit qu’il n’est pas autre chose qu’un fasciste qui s’ignore ».

À l’époque où Valois écrit ces lignes, Mussolini est au pouvoir depuis deux ans. Valois n’ignore pas que son maître Georges Sorel est l’un des doctrinaires contemporains qui ont le plus fortement influencé le chef du nouvel Flat italien. Et il estime que le fascisme n’est pas un phénomène spécifiquement italien, qu’il y a dans le fascisme des vérités qui valent pour d’autres pays que l’Italie :

« Il y a une chose remarquable : le fascisme et le communisme viennent d’un même mouvement. C’est une même réaction contre la démocratie et la ploutocratie. Mais le communisme moscovite veut la révolution internationale parce qu’il veut ouvrir les portes de l’Europe à ses guerriers, qui sont le noyau des invasions toujours prêtes à partir pour les rivages de la Méditerranée. Le fasciste latin veut la révolution nationale, parce qu’il est obligé de vivre sur le pays et par conséquent d’organiser le travail sous le commandement de sa loi nationale ».

L’œuvre de la révolution nationale ne se limitera pas à la restauration de l’État ; celle-ci étant accomplie, la France prendra l’initiative d’une nouvelle politique européenne :

« Alors, sous son inspiration (la France), les peuples formeront le faisceau romain, le faisceau de la chrétienté, qui refoulera la Barbarie en Asie ; il y aura de nouveau une grande fraternité européenne, une grande paix romaine et franque, et l’Europe pourra entrer dans le grand siècle européen qu’ont annoncé les combattants, et dont les premières paroles ont été celles que Maurras a prononcées au début de ce siècle., lorsque par l’Enquête sur lu monarchie, il rendit à l’esprit ses disciplines classiques ».

Dans ce même Almanach de l’Action française, on peut lire également un reportage d’Eugène Marsan sur l’Italie de Mussolini. L’un des principaux dirigeants fascistes, Sergio Panunzio, ayant déclaré que le nouvel Etat italien devait être fondé sur les syndicats, Eugène Marsan commente :

« Une monarchie syndicale, pourquoi non ? Le danger à éviter serait un malheureux amalgame du politicien et du corporatif, qui corromprait vite ce dernier et rendrait vaine toute la rénovation. Puissent y songer tous les pays que l’on aime. Un siècle de palabre démocratique nous a tous mis dans un chaos dont il faudra bien sortir ».

Ce commentaire correspond exactement aux idées de Valois, telles que nous les avons examinées ci-dessus. Il faut noter également qu’il vient en conclusion d’un article extrêmement élogieux pour Mussolini et son régime. Or l’Almanach d’Action française était un organe officiel de celle-ci, les articles qui y paraissaient étaient évidemment approuvés par Maurras. Ce dernier avait-il changé d’avis sur l’Italie fasciste un an plus tard. en 1926 ? Rien ne permet de l’affirmer, au contraire : douze ans après, en 1937, Maurras lui-même publiait dans Mes idées politiques, un vibrant éloge du régime mussolinien. Remarquons encore que l’on peut lire dans ce même Almanach d’AF de 1925 un article d’Henri Massis figurant entre celui de Valois et celui de Marsan, sur « L’offensive germano-asiatique contre la culture occidentale », et dénonçant la conjonction du germanisme et de l’orientalisme contre la culture gréco-latine. On sait que Maurras voyait précisément dans le fascisme une renaissance latine, et qu’il comptait beaucoup sur le rôle qu’une Italie forte pourrait jouer dans une éventuelle union latine pour résister à la fois à l’influence germanique et à l’influence anglo-saxonne en Europe. La position de Georges Valois concernant le fascisme s’accordait donc avec ses propres vues.

C’est plutôt, semble-t-il, les positions de Valois en politique intérieure française qui provoquèrent son inquiétude. La lettre que nous avons citée prouve que l’« antibourgeoisisme » de Valois, admis par Maurras en 1925. lui parut inquiétant l’année suivante. Toutefois ce dissentiment d’ordre doctrinal aurait peut-être pu s’arranger, sans les malentendus qui s’accumulaient entre les dirigeants de l’Action française et Georges Valois. À tort ou à raison, certains membres des comités directeurs de l’Action française - et notamment Maurice Pujo - persuadèrent Maurras que Valois, loin de servir l’Action française, ne songeait qu’à s’en servir au profit de son action personnelle. Dans un tel climat, la rupture était inévitable.

L’heure du faisceau

Après avoir démissionné de l’Action française, Valois décida de fonder un nouveau mouvement politique : ce fut la création du Faisceau, mouvement fasciste français. La parenté du mouvement avec le fascisme italien se manifestait non seulement par sa doctrine. mais aussi par le style des militants, qui portaient des chemises bleues. Si Valois n’entraîna guère de militants d’Action française, il obtint en revanche l’adhésion d’un certain nombre de syndicalistes, heureux de sa rupture avec Maurras. À la fin de l’année 1925, le Faisceau bénéficiait de concours assez importants pour que Valois pût décider de transformer le Nouveau Siècle hebdomadaire en quotidien.

Mais, pour ses anciens compagnons de l’Action française, Georges Valois devenait ainsi un gêneur et même un traître, dont il fallait au plus vite ruiner l’influence. En décembre 1925, les camelots du roi réussirent à interrompre une réunion du Faisceau. Un peu plus tard, les militants de Valois se vengèrent en organisant une « expédition » dans les locaux de l’Action française. Le quotidien de Maurras déclencha une très violente campagne contre Valois, qu’il accusait d’être en rapport avec la police, d’avoir volé les listes d’adresses de l’Action française au profit de son mouvement, d’avoir indûment conservé la Nouvelle librairie nationale, d’émarger aux fonds secrets, et enfin d’être à la solde d’un gouvernement étranger, le gouvernement italien.

Après une année de polémiques, Valois intenta un procès à l’Action française. Ce fut l’un des plus importants procès de presse de cette époque : le compte-rendu des débats, réuni en volume, remplit plus de six cents pages. On entendit successivement les témoins de l’Action française et ceux de Valois. Rien n’est plus pénible que les querelles entre dissidents et fidèles d’un même mouvement, quel qu’il soit. De part et d’autre, les années de fraternité, de luttes communes pour un même idéal, sont oubliées : les dissentiments du présent suffisent à effacer les anciennes amitiés. Il en fut naturellement ainsi au procès Valois-Action française.

Nous n’évoquerons pas ici les discussions des débats, concernant mille et un détails de la vie du journal et du mouvement de Maurras. Nous dirons seulement que le compte-rendu du procès prouve que la querelle relevait davantage de l’affrontement des caractères que des divergences intellectuelles.

Les dirigeants de l’Action française insistèrent avant tout sur le « reniement » de Georges Valois, qui traitait Charles Maurras de « misérable » après l’avoir porté aux nues. L’un des avocats de l’Action française, Marie de Roux, donna lecture d’un hommage de Valois destiné à un ouvrage collectif, dans lequel le futur chef du Faisceau écrivait notamment :

« Maurras possède le don total du commandement. Ce n’est pas seulement ce don qui fait plier les volontés sous un ordre et les entraîne malgré ce mouvement secret de l’âme qui se rebelle toujours un peu au moment où le corps subit l’ordre d’une autre volonté. Le commandement de Maurras entraîne l’adhésion entière de l’âme ; il persuade et conquiert. L’homme qui s’y conforme n’a pas le sentiment d’être contraint, ni de subir une volonté qui le dépasse ; il se sent libre ; il adhère ; le mouvement où il est appelé est celui auquel le porte une décision de sa propre volonté. Il y a deux puissances de commandement : l’une qui courbe les volontés, l’autre qui les élève, les associe et les entraîne. C’est celle-ci que possède Maurras. Vous savez que c’est la plus rare, la plus grande et la plus heureuse » (17).

Celui qui avait écrit ces lignes avait-il vraiment commis les vilenies que lui reprochait l’Action française ? À distance, l’attitude de Valois ne semble pas justifier ce qu’en disaient ses anciens compagnons. Il avait tenté d’agir selon la ligne qui lui semblait la plus efficace ; Maurras ne l’avait pas approuvé, il avait repris sa liberté. Avait-il vraiment utilisé, pour sa nouvelle entreprise, les listes de l’Action française ? C’est assez plausible mais n’était-ce pas jusqu’à un certain point son droit, s’il estimait que Maurras ne tenait pas ses promesses et qu’il fallait le faire comprendre à ses militants ? L’affaire de la Nouvelle librairie nationale était complexe : Valois y tenait ses fonctions de l’Action française, mais il avait beaucoup fait pour la développer, et il était excusable de considérer que cette entreprise d’édition était plus ou moins devenue sienne. Quant aux accusations les plus graves - l’émargement aux fonds secrets, l’appartenance à la police et les subventions du gouvernement italien - l’Action française faisait état d’indices et de soupçons, plutôt que de preuves. On constatait que l’action de Valois devenu dissident de l’Action française divisait les forces nationalistes, on en concluait qu’elle devait avoir l’appui de la police politique ; celle-ci se réjouissait certainement de cet état de choses, mais cela ne suffisait pas à prouver qu’elle l’eût suscité. De même, les fonds relativement importants dont disposait Georges Valois pouvaient provenir aussi bien de capitalistes, désirant dans certains cas garder l’anonymat, que des fonds secrets. Les subventions du gouvernement italien étaient une autre hypothèse : Valois avait été reçu par Mussolini, il connaissait certaines personnalités du fascisme italien ; cela permettait des suppositions, et rien de plus.

Sans doute était-il gênant, pour Georges Valois, d’entendre rappeler l’éloge qu’il avait fait de l’homme qu’il traitait désormais de « misérable ». Mais on assistait, dans l’autre camp, à un phénomène analogue. Si Valois n’était plus pour Maurras, depuis la fondation du Faisceau, que « la bourrique Gressent, dit Valois » ou « Valois de la rue des Saussaies », il avait été tout autre chose peu de temps auparavant. Le 12 octobre 1925, Maurras, annonçant à ses lecteurs la fondation du Nouveau Siècle, s’exprimait en ces termes :

« Je n’ai pas la prétention d’analyser la grande œuvre de spéculation et d’étude que Valois accomplit dans les vingt ans de sa collaboration à l’Action française. Les résultats en sont vivants, brillants, et ainsi assez éloquents ! de la librairie restaurée et développée à ces livres comme Le Cheval de Troie, confirmant et commentant des actes de guerre ; des admirables entreprises de paix telles que les Semaines et les États généraux à ces pénétrantes et décisives analyses de la situation financière qui ont abouti à la Ligue du franc-or, et aux ridicules poursuites de M. Caillaux. Georges Valois, menant de front la pensée et l’action avec la même ardeur dévorante et le même bonheur, a rendu à la cause nationale et royale de tels services qu’il devient presque oiseux de les rappeler ».

La déviation mussolinienne

Valois sortit vainqueur de sa lutte judiciaire contre l’Action française. Les membres du comité directeur du mouvement qu’il avait poursuivis furent condamnés à de fortes amendes. Mais cette victoire judiciaire ne fut pas suivie d’une victoire politique.

À sa fondation, le Faisceau avait recruté un nombre important d’adhérents, et le journal Le Nouveau Siècle avait obtenu des collaborations assez brillantes. Mais ni le nouveau parti, ni le nouveau journal ne purent s’imposer de façon durable. En 1927, le Faisceau déclinait rapidement ; le Nouveau Siècle quotidien redevenait hebdomadaire, et disparut l’année suivante. Cet échec avait plusieurs causes. La violente campagne de l’Action française contre Valois impressionnait vivement les sympathisants de. celle-ci et l’ensemble des « nationaux ». Le style para-militaire, l’uniforme que Valois imposait à ses militants paraissaient ridicules à beaucoup de gens. D’autre part, l’opinion publique se méfiait d’un mouvement s’inspirant trop directement d’un régime politique étranger. Les bailleurs de fonds du mouvement et du journal s’en rendirent compte, et coupèrent les vivres à Valois. Celui-ci fut bientôt mis en accusation par certaines personnalités du mouvement : né d’une dissidence, le Faisceau eut lui-même ses dissidents, entraînés par l’un des fondateurs du mouvement, Philippe Lamour Valois restait avec quelques milliers de partisans ; ceux-ci se séparèrent finalement de lui, pour former un Parti fasciste révolutionnaire, dont l’existence ne fut pas moins éphémère que celle du Faisceau.

Valois s’était efforcé de rompre avec les schémas idéologiques de l’Action française, aussitôt après l’avoir quittée. Férocement antisémite au début de son action, il estimait en 1926 que la rénovation économique et sociale qu’il appelait de ses vœux ne pouvait aboutir sans la participation des Juifs :

« Supposez que les Juifs entrent dans ce prodigieux mouvement de rénovation de l’économie moderne, et vous vous rendrez compte qu’ils y joueront un rôle de premier ordre, et qu’ils hâteront l’avènement du monde nouveau. « À cause de leur appétit révolutionnaire. À cause également de vertus qui sont les leurs, et qui s’exercent avec le plus grand fruit dans une nation sachant les utiliser. « En premier lieu, la vertu de justice. Il est connu dans le monde entier que les Juifs ont un sentiment de la justice extraordinairement fort. « C’est ce sentiment de la justice qui les portait vers le socialisme. Faites que ce sentiment s’exerce vers le fascisme, qui, parallèlement au catholicisme, aura une action sociale intense, et vous donnerez un élément extraordinaire à la vie juive » (18).

Cet appel à la compréhension des « fascistes » envers les Juifs ne pouvait évidemment que déconcerter les anciens militants d’Action française que Valois avait groupés dans le Faisceau. D’autant plus qu’à cette ouverture envers Israël, Valois ajoutait quelques mois plus tard un renoncement à l’idéal monarchique au profit de la République :

« Nous avons tous au Faisceau le grand sentiment de 1789, la grande idée de la Révolution française et que résume le mot de la carrière ouverte aux talents. C’est-à-dire aux possibilités d’accession de tous aux charges publiques. Nous sommes ennemis de tout pouvoir qui fermerait ses propres avenues à certaines catégories de citoyens. Là-dessus nous avons tous la fibre républicaine » (19).

Regrettant de plus en plus d’avoir fait trop de concessions au capitalisme et à la bourgeoisie, Valois se montrait décidé à rompre avec la droite :

« Nous ne sommes ni à droite ni à gauche. Nous ne sommes pas pour l’autorité contre la liberté. Nous sommes pour une autorité souveraine forte et pour une liberté non moins forte. Pour un État fortement constitué et pour une représentation nouvelle régionale, syndicale, corporative. « Ni à gauche ni à droite. Et voulez-vous me laisser vous dire que nous ne voyons à droite aucun groupe, aucun homme capable de faire le salut du pays. Et que nous en voyons parmi les radicaux, les radicaux-socialistes et même chez les socialistes, mais que ceux-ci sont désaxés par des idées absurdes » (20).

Puis, non content d’avoir répudié le monde de droite, Georges Valois renoncera également à n’être « ni à droite, ni à gauche ». Il constatera en effet que ce dépassement des vieilles options classiques de la vie politique française et européenne est au-dessus de ses forces. Il avait espéré que le fascisme était précisément la solution pour un tel dépassement. Ce qu’il apprend de l’évolution italienne le déçoit profondément. Mussolini, estime-t-il, s’oriente maintenant « dans le sens réactionnaire ». Il voudrait que le fascisme français « puisse l’emporter sur un fascisme italien dévié, et que l’Europe tienne ce fascisme français pour le type du fascisme ». Mais il ne tardera pas à s’apercevoir qu’aucun avenir politique n’est possible pour ses amis et lui s’ils gardent les vocables de fascisme et de Faisceau, définitivement associés par les partis de gauche à la pire réaction.

L’échec de la République syndicale

Ce n’est donc pas pour le maintien d’une politique « ni à droite, ni à gauche » mais bien pour un retour à la gauche que Georges Valois va se décider. En mars 1928, à l’heure où Le Nouveau Siècle disparaît, Valois publie un Manifeste pour la République syndicale. Tout en affirmant que « le fascisme a accompli en France sa mission historique, qui était de disloquer les vieilles formations, de provoquer, au-delà des vieux partis, le rassemblement des équipes de l’avenir », l’ancien leader du Faisceau opte maintenant pour un État gouverné par les syndicats. En quoi il ne fait que revenir aux aspirations de sa jeunesse, d’avant la rencontre de Maurras.

La publication du Manifeste est rapidement suivi de la fondation par Valois et son fidèle ami Jacques Arthuys du Parti républicain syndicaliste. Parmi les personnalités qui donnent leur adhésion à cette nouvelle formation figure notamment René Capitant, futur ministre du général de Gaulle. Mais, de l’aveu même de Valois, ce parti ne sera en fait qu’un groupe d’études, sans influence comparable à celle du Faisceau.

Dès lors, Valois s’exprimera surtout à travers plusieurs revues, tout en continuant à publier des essais sur la conjoncture politique de son temps. Les revues qu’il suscitera s’appelleront Les Cahiers bleus, puis Les Chantiers coopératifs, et enfin Le Nouvel Âge. Parmi leurs collaborateurs, on doit citer notamment Pietro Nenni, le grand leader socialiste italien, Pierre Mendès-France, Bertrand de Jouvenel et Jean Luchaire : quatre noms qui suffisent à situer l’importance de l’action intellectuelle de Georges Valois dans les années de l’entre-deux-guerres.

Dans son étude sur Valois, M. Yves Guchet (21) remarque le caractère quasi-prophétique de certaines intuitions de ce dernier. C’est ainsi que dans Un nouvel âge de l’Humanité, Valois amorce une analyse de l’évolution du capitalisme que l’on trouvera plus tard chez des économistes américains tels que Berle et Means, et aussi Galbraith, dans Le nouvel état industriel. Mais le drame de Georges Valois est d’arriver trop tôt, dans un monde où certaines vérités ne seront finalement comprises ou reconnues qu’après de terribles orages.

Vers 1935, Valois tente de se faire réintégrer dans les formations de gauche. Il n’y parvient pas. Si l’Action française ne lui pardonne pas d’avoir renié la monarchie et d’être retourné au socialisme, les partis de gauche, eux, refusent d’oublier son passé. C’est en vain qu’il écrit à Marceau Pivert pour solliciter son admission au Parti socialiste : d’abord acceptée, sa demande sera finalement rejetée par les hautes instances de ce parti.

En fait, l’ancien fondateur du Faisceau est désormais condamné à l’hétérodoxie par rapport aux formations politiques classiques. Son anti-étatisme, notamment, le rend suspect aux animateurs du Front populaire. Valois pense comme eux que le communisme est intellectuellement et politiquement supérieur au fascisme, mais il estime que, tout comme les dirigeants italiens, les dirigeants soviétiques ont trahi leur idéal initial en construisant une société socialiste privée de liberté.

Brouillé avec la majorité de ses anciens amis - ceux de gauche comme ceux de droite - Valois épuise son énergie dans de nombreux procès contre les uns et les autres, tandis que son audience devient de plus en plus confidentielle. Qui plus est, sa pensée devient parfois contradictoire : ancien apologiste des vertus viriles suscitées par la guerre, il se proclame soudain pacifiste devant l’absurdité d’un éventuel conflit mondial, tout en reprochant à Léon Blum de ne pas soutenir militairement l’Espagne républicaine...

Georges Valois appartenait à cette catégorie d’esprits qui ne parviennent pas à trouver le système politique de leurs vœux, et dont le destin est d’être déçus par ce qui les a passionné. Mais c’était aussi, de toute évidence, un homme qui ne se résignait pas à la division de l’esprit public par les notions de droite et de gauche. Ce qui l’avait séduit avant tout, dans l’idée monarchique, c’était la possibilité de mettre un terme à cette division, d’unir les meilleurs éléments de tous les partis, de toutes les classes sociales, dans un idéal positif, à la fois national et social. Ayant constaté que l’idée monarchique se heurtait à trop d’incompréhension ou de méfiance dans certains milieux, et notamment dans le milieu ouvrier, il pensa que l’idée fasciste, étant une idée neuve et moderne, permettrait plus aisément l’union des meilleurs. Sans doute se remit-il mal de cette double déception.

Cette volonté d’unir les meilleures forces nationales existait aussi chez Charles Maurras, mais de manière plus théorique, plus abstraite. Convaincu d’avoir raison, d’avoir trouvé la doctrine la plus conforme à l’intérêt national, il se Préoccupait au fond assez peu de l’hostilité qu’il suscitait dans de très vastes secteurs de l’opinion française. Valois, au contraire, ne pouvait supporter la pensée que les meilleurs éléments populaires fussent hostiles à son propre combat politique. S’il en était ainsi, pensait-il, c’est qu’il y avait dans la doctrine elle-même quelque chose qui devait être modifié. Telle est l’explication psychologique de ses positions successives. En un mot, Valois voulait agir sur les masses, ce qui apparaissait à Maurras comme une tendance démagogique.

serant10.jpgAu moment où il fonda son mouvement, Valois était persuadé que l’Action française n’en avait plus pour bien longtemps. Ce fut le contraire : l’Action française, forte de sa doctrine et de son organisation, survécut largement au Faisceau. On peut conclure de cette erreur d’appréciation que les qualités proprement politiques de Valois étaient médiocres, et que l’Action française n’eut pas à regretter beaucoup son départ.

Et cependant, Valois voyait juste lorsqu’il se préoccupait d’accorder les idées politiques de Maurras avec les grands courants sociaux du début du siècle, et de compléter l’action politique par l’action sociale. Sans doute était-il très difficile de réunir, au sein d’un même mouvement, des éléments de l’aristocratie et de la bourgeoisie traditionaliste et des éléments du syndicalisme ouvrier et paysan : mais c’était bien dans cette direction qu’il fallait tenter d’agir. Maurras éprouvait peu d’intérêt pour les questions économiques et sociales : sa formule : « L’économique dépend du politique », lui servait d’alibi pour les ignorer. Mais un mouvement politique du vingtième siècle ne pouvait pas impunément négliger les grandes luttes sociales ; s’il les négligeait, il limitait son influence à certains milieux, consommant ainsi cette division de 1a nation qu’il réprouvait en principe.

Maurras, qui avait montré de la compréhension, de la sympathie même, pour l’action des syndicats vers 1914, semble s’y être beaucoup moins intéressé par la suite. Dans le monde ouvrier français et européen, l’influence de Marx l’avait emporté sur celle de Proudhon et de Sorel ; et la politisation du mouvement syndical se poursuivait clans le sens que l’on sait. Pour Maurras, le devoir était de combattre cette mauvaise politique à laquelle adhérait plus ou moins ardemment la classe ouvrière ; la défaite des partis de gauche permettrait la libération du syndicalisme français. Le monde ouvrier ne pouvait entendre un tel langage : il assimilait le combat contre les partis de gauche à un combat contre la classe ouvrière en elle-même. Telle était l’équivoque dont Valois, après Sorel, avait senti le danger, et qu’il avait voulu à tout prix éviter. Les succès de. ses conférences, les recherches du Cercle Proudhon, prouvaient que quelque chose dans ce sens était possible. En admettant que Maurras ait eu de bonnes raisons de prendre ses distances vis-à-vis de Valois, il commit probablement une erreur en réduisant la place des questions économiques et sociales dans son journal et dans la vie de son mouvement : le drame de l’Action française, comme des autres ligues nationalistes, fut de ne pas avoir de doctrine sociale précise à opposer aux campagnes du Front populaire.

Au lendemain de la Libération, on apprit que Georges Valois, arrêté par les Allemands pour son action dans un mouvement de résistance, était mort au camp de Bergen-Belsen. Son ami Jacques Arthuys, co-fondateur du Faisceau, ayant également choisi la Résistance, était lui aussi mort en déportation. Bientôt, l’un des premiers militants du Faisceau, fondateur en 193 ? d’un second mouvement fasciste français, Le Francisme, Marcel Bucard, tombait, lui, sous les balles de l’épuration après avoir été condamné pour collaboration. Le fascisme français dans son ensemble était assimilé à l’ « intelligence avec l’ennemi », et le mouvement de Georges Valois était oublié : Arthuys et lui-même furent de ces morts de la Résistance dont les partis politiques victorieux préféraient ne pas parler, puisqu’ils n’avaient pas été des leurs.

Paul Sérant in Les dissidents de l’Action française, Copernic, 1978, chapitre I, pp. 13-36.


Notes

1 - G. Valois, Basile ou la calomnie de la politique, Librairie Valois, 1927, introduction, p. X. 2 - C. Maurras, L’Action française, 1er et 4 août 1908. 3 - Cf. P. Andreu, Notre Maître, M. Sorel, Grasset, 1953, p. 325. 4 - G. Valois, Histoire et philosophie sociale – La révolution sociale ou le roi, Nouvelle librairie nationale, 1924, p. 288. 5 - Op. cit., p. 292. 6 - Ibid., p. 295. 7 - Ibid., p. 302. 8 - Ibid., pp. 307-308. 9 - Ibid., p. 313. 10 - Ibid., p. 356. 11 - Ibid., p. 360. 12 - Ibid., pp. 365-366. 13 - Cf. P. Andreu, Notre Maître, M. Sorel, pp. 327-328. 14 - G. Valois, Basile ou la calomnie de la politique, introduction, p. XVII-XVIII. 15 - Op. cit., p. XX. 16 - Ibid., p. XXX. 17 - Charles Maurras par ses contemporains, Nouvelle librairie nationale, 1919, pp. 43-44. 18 - Le Nouveau Siècle, 25 février 1926. 19 - Ibid., 21 juin 1926. 20 - Ibid., 28 novembre 1926. 21 - Y. Guchet, Georges Valois – L’Action française, le Faisceau, la République syndicale, éd. Albatros, 1975, pp. 206-207.

samedi, 27 novembre 2010

Les limites de l'utopie multiculturelle

Les limites de l'utopie multiculturelle

par Philippe d'Iribarne (CNRS)

Ex: http://www.polemia.com/

 

dyn010_original_512_759_jpeg__94544ecf36145dad866e1ac2d8f7f135.jpgLe projet d'instauration d'une société multiculturelle où les cultures, les religions, entreraient en dialogue, s'enrichissant mutuellement de leur diversité, a paru de nature à remplacer avec bonheur l'ancienne recherche d'assimilation de ceux qui venaient d'ailleurs. Les Pays-Bas, la Grande-Bretagne et quelques autres ont été en pointe dans ce domaine. Et voilà que le vent tourne. Comment comprendre la montée d'un populisme xénophobe dans une bonne partie de l'Europe ? Réaction de populations déstabilisées par la crise économique mondiale et en quête d'un bouc émissaire ? Ou effet des limites d'une utopie ?

Les exemples vivants de sociétés multiculturelles dotées d'une certaine pérennité ne manquent pas : l'ancien empire turc, la grande époque d'El Andalus ; de nos jours, le Liban, l'Inde, les Etats-Unis. Qu'ont-elles de commun ? Une forte ségrégation entre les diverses communautés qui les composent et de grandes inégalités. De leur côté, les sociétés que l'on célèbre pour leur aspect égalitaire, tels les sociétés d'Europe du Nord ou le Japon, sont traditionnellement marquées par une grande homogénéité culturelle. Et, là où, comme en Europe du Nord, cette homogénéité disparaît, le populisme xénophobe est en pleine expansion.

Deux raisons au moins rendent plus que difficile d'incarner le rêve d'une société multiculturelle qui serait peu ségrégée et égalitaire.

Pas de lois neutres au regard de la diversité des cultures

Il n'existe pas d'institutions, de lois (le système politique, le fonctionnement de la justice, le droit du travail, etc.), qui soient neutres à l'égard de la diversité des cultures. Dans les sociétés pleinement multiculturelles, le cadre légal et institutionnel (en particulier la législation de la famille) est fonction de l'appartenance communautaire de chacun. Fidèles à cette logique, certains proposent que, dans les pays européens, la charia régisse l'existence des populations d'origine musulmane. On est vite conduit, dans cette voie, à la coexistence de communautés dont chacune fournit un cadre à l'existence de ses membres et exerce un strict contrôle sur cette existence. L'enfermement communautaire qui en résulte paraît bien peu compatible avec l'idéal d'une société de citoyens vivant dans un espace public commun et dont chacun est libre de ses choix culturels dans une vie privée qu'il mène à l'abri de toute pression.

Société multiculturelle et forte ségrégation

De plus, dans une société à la fois multiculturelle et peu ségrégée, où aucun territoire spécifique n'est assigné à chaque communauté, une rencontre des cultures s'opère au quotidien au sein d'une large sphère sociale : dans l'habitat, à l'école, dans le monde du travail. La manière dont chacun mène son existence, le monde d'images, de sons, d'odeurs qu'il contribue ainsi à produire, affecte l'environnement matériel et symbolique où baignent ses concitoyens. Comme l'a montré Pierre Bourdieu dans La Misère du monde, la coexistence, dans un même espace, de populations dont les manières de vivre se heurtent (par exemple parce qu'elles ont des conceptions très différentes de la frontière entre l'univers des sons qui font partie d'une existence normale et celui des bruits qui insupportent) est source de vives tensions. Quelles que soient les politiques de mixité sociale et ethnique dans l'habitat, la liberté que conserve chacun de choisir son lieu de résidence dans la mesure de ces moyens conduit de fait toute société multiculturelle à une forte ségrégation. En France, même si on est encore loin de la logique de ghetto américaine, on a déjà des zones où plus des trois quarts des jeunes sont issus de l'immigration. Pendant ce temps, dans un monde du travail où le « savoir être » est l'objet d'exigences croissantes, où il s'agit de plus en plus de s'engager dans des collectifs au sein desquels il importe de s'entendre à demi-mot, où des formes contraignantes de hiérarchie s'imposent, le fait que certains ne soient pas prêts à se conformer aux attentes de la culture malgré tout dominante rend leur intégration problématique.

Ne pas mentir aux nouveaux venus

En fin de compte, l'utopie d'une société multiculturelle dissuade de tenir un discours de vérité aux nouveaux venus et à ceux qui en sont issus, de leur dire, en toute franchise, à quelles conditions ils pourront être reconnus comme membres à part entière de leur nouvelle patrie, de les aider à découvrir ses codes. L'ouverture à l'Autre doit inciter à accompagner avec humanité ceux qui doivent emprunter le chemin difficile de l'adaptation à un autre monde, non à leur mentir.

Philippe d'Iribarne
directeur de recherche au CNRS
Les Echos.fr
17/11/2010

Voir aussi : « Le renversement du monde –politique de la crise »

Correspondance Polémia – 22/11/2010

vendredi, 26 novembre 2010

Nazionalpopolari contro destra e sinistra

Nazionalpopolari contro destra e sinistra

LUCA LIONELLO RIMBOTTI

Ex: http://www.centroitalicum.it/

L’inutilità di stare a destra

pir12.jpgChiunque abbia a cuore il superamento del presente sistema liberaldemocratico, imperniato sul tradimento dei popoli a vantaggio del potere finanziario mondiale, e chiunque voglia agire nel nome di valori di socialità condivisa, di solidarismo anti-utilitario e di eredità bio-storica, non può seriamente prendere in considerazione l’opzione costituita dalle varie Destre oggi all’opera. Esse sono, senza eccezioni, colonne portanti del liberismo e dello sgretolamento identitario.


Chi si pone sul saliente della difesa della specificità della cultura di appartenenza, proponendosi di opporsi in qualche misura allo sfaldamento della società programmato dai signori della globalizzazione, non può vedere nelle Destre un alleato, ma un tenace oppositore. Al di là di scarne proposizioni di blanda, semimassonica e borghese “nazionalità” e al di là di un ottuso conservatorismo etico-religioso, il Centro-destra italiano ed europeo è un bacino di raccolta di tutto quanto è individualismo, frazionismo sociale, carrierismo, cosmopolitismo, idolatria finanziaria, conservatorismo sociale, identificazione con la peggiore idea di Occidente grande-capitalistico. Se c’è un concetto che appare estraneo a questo schieramento, è quello di popolo. All’interno della dittatura del pensiero unico mondiale – frutto della copula tra progressismo e liberalismo – le differenze e le peculiarità che rendono ogni popolo distinguibile dall’altro, e soprattutto lo rendono diverso dalla massa cosmopolita, vengono metodicamente smussate ed erose. Ma è proprio e soltanto il popolo che dovrebbe giustificare e condizionare ogni aspetto della politica intesa come gestione del benessere materiale e galvanizzazione dei giacimenti valoriali comunitari.


Il protagonismo dell’idea, dei bisogni e dei famosi “diritti” del popolo nei regimi liberaldemocratici è soltanto un’ingannevole perorazione di principio. Anzi, una confutazione. Poiché la sua presenza nelle carte costituzionali borghesi si rivela una truffa atroce, qualora si misurino questi attestati retorici con l’attacco quotidiano che viene portato proprio dalle Destre di ogni colorazione alle basi stesse del popolo e della sua esistenza come ceppo unitario e solidale. Persino la nozione di essenza identitaria popolare, persino l’esistenza biologica, antropologica, genetica dei popoli è messa in discussione non da ineluttabili moti tellurici o da imperscrutabili voleri divini, ma dalle scelte che vengono fatte giorno dopo giorno dai quei governi e partiti che antepongono gli interessi economici di cosche ristrette, di cerchie oligarchiche internazionaliste, al primario interesse di ogni popolo: che è, semplicemente e prima di tutto, quello di esistere.


Il diritto all’esistenza di ogni popolo sulla faccia della Terra è messo a repentaglio e minacciato sempre più da vicino proprio da quelle tali politiche di Destra che programmano e attuano con logica ferrea i flussi migratori, la dislocazione delle risorse nazionali, l’accaparramento delle energie e il dominio del mercato mondiale senza tenere in nessun conto la storia, la cultura, la geografia e la tradizione politica dei popoli: tutti elementi che rendono impossibile la vita di un popolo come comunità nazionale indipendente, in grado di aspettarsi un futuro.

 
La possibilità che qualche microcosmica Destra radicale, magari nominalmente nazionalpopolare e magari anche in buona fede, sia in grado di condizionare in qualche modo le Destre liberali ed economiche, limitando i danni da queste sistematicamente apportati ai residui di socialità e di tradizionalismo culturale, è risultata più volte nulla. L’inutilità di guardare a Destra, da un punto di vista nazionalpopolare, è evidente. È inutile aspettarsi qualcosa da chi lavora contro di noi. È inutile aspettarsi qualcosa da chi ha dimostrato di volere il contrario di ciò che noi vogliamo: l’esistenza dei popoli, la difesa delle loro differenze, la protezione delle culture, il predominio dei valori di legame su quelli di rapina economica.


Oggi una Destra popolare, identitaria, sociale, non esiste. Oggi la Destra si identifica con il conservatorismo borghese liberale più arrogante e aggressivo. Dice: ma i Poli sono due, o di qua o di là, nel mezzo non c’è spazio…la Sinistra non ci vuole, la Destra, almeno, qualche briciola la lascia cadere…Qui si tratta di capirsi: fare una politica servile senza un partito serio, senza classe dirigente, senza uomini, senza una base, senza uno straccio di programma alternativo, senza organizzazione e senza volontà antagonista, non è forse pretendere troppo? E in quali mani andrebbero le briciole lasciate generosamente cadere dagli oligarchi liberali? Un assessore qui? Un deputato là? È questa la via per l’affermazione dei significati nazionalpopolari? Una politica di Destra radicale, al momento, non esiste da nessuna parte, perché non esistono in maniera presentabile le organizzazioni, gli uomini, le idee e i seguaci…ce n’è abbastanza, perché si smetta di coltivare un miraggio nefasto. Devono ancora nascere il movimento, il clima storico, l’avanguardia, la strategia, le occasioni, affinché qualcosa di nazionalpopolare che respira e si muove sia riconoscibile ad occhio nudo, senza bisogno di lenti di ingrandimento…Al momento esistono protoplasmi, amebe, al più insetti di Destra radicale, non ancora strutture biologiche evolute, mancano gli organi sviluppati, manca una volontà antropologica che disponga di geni attivi, in grado di lottare per la sopravvivenza, per la crescita e magari per l’affermazione e il dominio nel bio-spazio del proprio habitat…nel frattempo…qualcuno potrebbe dire…forse basterebbe anche il solo porre mano alle idee, rinnovando, rilanciando, ripotenziando…Si è mai vista una rivoluzione senza un minimo di progetto e di retroterra ideologico? Ma, anche qui, sul terreno della formulazione teorica, non si colgono segnali di un’onda di ritorno, in forza della quale i valori rivoluzionario-conservatori di solito attribuiti alla Destra radicale mostrino di poter godere di un contesto credibile e di aggregazioni più vaste di quella dell’ambiente di nicchia. Mettersi sotto l’etichetta della Destra oggi può solo significare abdicare al ruolo storico che determinati ideali sociali e politici hanno svolto e ancora potrebbero svolgere, se diversamente veicolati e presentati a masse rese impolitiche a forza di bastonate liberali. L’etichetta di Destra porta alla sudditanza ai poteri forti della conservazione, dell’economicismo e dell’individualismo liberista. Che, poi, in ambienti circoscritti, all’esile ombra di questo o quel piccolo leader di provincia, si dica che continuino ad esser veicolati in qualche modo relazioni comunitarie, valori di legame, tradizionalismi nazionalpopolari, può interessare forse l’antropologia o la sociologia della Destra contemporanea, non può riguardare invece la rilevanza politica del fenomeno. Che, essendo sottotraccia, mimetico, iperminoritario, e dovendo usufruire per forza di linguaggi e comportamenti in codice, non ha veste pubblica, non ha rilevanza immaginale né tantomeno mediatica. In sostanza, non conta nulla, se non al livello di una ricreazione circoscritta, e tutta privata, di miti destituiti di visibilità e di forza politica.

La pericolosità di stare a destra


Per un movimento nazionalpopolare, che abbia qualche pretesa di radicalismo nazionale e sociale, mettersi sotto l’ombrello di un potere di Destra liberale sperando di cavarne qualche beneficio, è come per un condannato mettere la testa tra le mani del boia sperando in un salutare massaggio alla cervicale: pessima idea. Le recenti elezioni francesi, se ancora ce ne fosse stato bisogno, hanno dimostrato quello che sapevamo già: un buon dinamismo liberal-conservatore è sufficiente per prosciugare le velleità radicali. Proprio de Benoist ci ha recentemente ricordato che la batosta di Le Pen è stata figlia della strategia facile facile di Sarkozy. È bastato che un qualunque elemento partorito dal sistema, senza carisma, senza particolari programmi, senza alcuna idea innovatrice, con la faccia anonima del funzionario liberale – Sarkozy non è nulla di più di questo -, ma ben inserito nei poteri forti e ben garantito dalle centrali mondialiste appostate dietro di lui, è bastato che questo liquidatore della Destra radicale in nome della Destra moderata dicesse qualche parolina sulla Francia e sull’orgoglio di essere francesi, perché si vedesse il bacino elettorale di Le Pen prosciugarsi di brutto: «Storicamente parlando – ha scritto de Benoist -, in effetti, la destra dura non è mai stata battuta dalla sinistra, ma sempre dalla destra moderata, più abile a captare la sua eredità. Il grande errore di Le Pen è stato di non aver compreso in pieno questa minaccia e di non aver denunciato Sarkozy come suo avversario principale sin dall’inizio del gioco». Semplice, no?


Non è difficile immaginarsi ogni volta l’esito mortale, per uno schieramento di Destra radicale, che ha un abbraccio con la Destra borghese. Sono un centinaio d’anni che i movimenti nazional-rivoluzionari europei vengono regolarmente giocati dai loro finti patrocinatori liberal-moderati…eppure c’è ancora chi, nello sparuto campo della Destra radicale, si ostina a sperare che reggere la coda del liberista di turno porti fortuna…no, porta sfiga, molta sfiga…Ogni movimento nazionalpopolare europeo del secolo XX ha sempre trovato il proprio giustiziere tra le file non della Sinistra socialdemocratica o comunista, ma proprio del Centro-Destra liberale e conservatore: dal Falangismo alla Guardia di Ferro alle Croci Frecciate ai partiti collaborazionisti di Vichy…E anche il Fascismo e il Nazionalsocialismo, come sappiamo, trovarono gli ossi più duri e infidi proprio tra i liberali…e oggi, incredibilmente, si vogliono ancora e sempre replicare quelle storiche tragedie europee in forma di commedia o, più spesso, di farsa. Come è nel caso italiano.


Qui, d’altronde, oltre al vuoto politico, si registra nel campo della Destra “sociale” un deserto di idee che continua a non promettere nulla di buono. In assenza di una possibilità politica qualsivoglia, ci si aspetterebbe che i residui di intellettualità nazionalpopolare intagliassero almeno solide tavole dei valori, sfrondando i rami secchi qui, coltivando nuovi ributti là, cercando per quanto possibile di dar vita a un quadro di valori a forti tinte che all’alternativa aggiunga magari l’antagonismo, rafforzando i patrimoni, armando i dispersi retaggi, spendendo parole di fuoco, rianimando, tratteggiando scenari futuri, chiamando a raccolta con tutte le forze e attraverso tutti i canali disponibili…Nulla di tutto questo. Quei pochi libri che escono sulla “cultura di destra” fanno rimpiangere il “Manifesto dei conservatori” di prezzoliniana memoria. Al confronto, certe summae teoriche di recente impostazione rendono il conservatorismo di Prezzolini - intelligente ma trapassato da decenni, e comunque di inaccettabile individualismo - una travolgente valanga di futuristiche novità.

 
Cercare di fondere le due anime della Destra, quella borghese e liberale e quella antiborghese e rivoluzionaria, è un lavoro di cucitura che appartiene alla più retriva retroguardia ideologica…un lavoro nel quale dispiace che si sia azzardato ad esempio un Marcello Veneziani, il quale (capiamo il restyling, capiamo la casa editrice di regime, capiamo il momentaccio storico, ma è un po’ troppo…) sotto la voce “cultura di destra” usa fare un grande uso di Montesquieu, Vico e Gramsci…, ma inspiegabilmente non osa nominare neppure una volta, che so, per dire un nome, Mussolini pudore?...ritrosia?...imbarazzo?...cattiva gestione delle opportunità? Ma forse è vero…molti storici l’hanno già detto e ripetuto, Mussolini era più di Sinistra che di Destra…o forse tutte e due le cose insieme, o nessuna delle due, ma qualcosa di più della loro somma…eppure nel giro de “La Voce”, che è stato il nerbo della cultura politica italiana del Novecento, c’era anche lui, no? Perché censurarlo? Perché auto-censurarsi? La Destra borghese non cambia mai…la Destra borghese è questa, è anche paura, è anche e soprattutto nascondersi dietro le persiane…La borghesissima codardia della Destra è il motivo principale per cui alla conservazione e alla divulgazione dei patrimoni culturali rivoluzionario-conservatori vediamo provvedere la sfiatata “Sinistra-intelligente”, quella che, grazie ai suoi potentati economici e agli spazi lasciati liberi, è ancora capace di catturare, edulcorare, liftare, insinuandosi nei meandri più intimi dei nostri retaggi: è così che oggi la Sinistra sta cercando di ricostruire se stessa – un attimo prima di morire e sperando di far sopravvivere il proprio cadavere - dichiarandosi ora “reazionaria”, ora “antiegualitaria”, ora “tradizionalista”. È qualcosa di più di un gioco al massacro intellettuale. È il sintomo che la Sinistra, dopo il suo fallimento politico, e una volta constatata l’incapacità della Destra di difendere i suoi patrimoni culturali, annusa da vicino anche il proprio fallimento ideologico e culturale e, come tutti i disperati, si aggrappa a tutto quello che ancora mostra di esser saldo…Tanto per dire: il rilancio dei vari Jünger, Schmitt, Drieu, Céline…non è opera della Destra, ma della Sinistra; i migliori libri sulla rivoluzione fascista e sulla socialità nazionalsocialista non sono scritti da storici di Destra, ma di Sinistra; le pensate più originali su comunitarismo, reciprocità, antiutilitarismo, ancora una volta nascono sempre a Sinistra e solo dopo, a volte molto dopo, diventano pane per denti di Destra, e così via…


Stando così le cose, è evidente che, di questa Destra, un nazionalpopolare appena decente non sa che farsene. Meglio sarebbe tagliare i cordoni ombelicali che portano alla sicura e dimostrata asfissìa e guadagnare il campo aperto. Abbandonando il peso morto di un’etichetta che non ci appartiene, può essere che si ritrovino le coordinate per scrivere, dire, pensare, comunicare qualcosa di rivoluzionario dal punto di vista della tradizione.


Eppure, non dovrebbe essere impossibile: ci sono molti uomini con le mani su consistenti brandelli di potere e sottopotere che sanno di cosa stiamo parlando, ma, ogni volta, quando li si interroga su quale sia alla fin fine questa benedetta Destra, su dove stia di casa questa sfingea cultura di Destra, non riescono a tirar fuori altro che Croce, Gramsci o Gentile…questo è troppo, è davvero troppo anche per chi ha già da un pezzo capito che da quella parte non verrà mai nulla di buono.


Occorre dunque seppellire la Destra, la settaria, invidiosa, provinciale Destra dei nostri giorni, quella Destra dove formicolano il furbo, l’accattone delle idee altrui, il faccendiere, l’approfittatore, l’inetto velleitario, l’incolto nemico della cultura e dell’innovazione, il tanghero portaborse, il frazionista che non capisce nulla di politica e crea mortali trombosi nella circolazione degli ideali…seppelliamo questa infame Destra moderata…che, intanto, la Sinistra si sta già seppellendo da sola…Non più dunque il vecchio “al di là della Destra e della Sinistra”, ma un nuovissimo e risolutissimo contro: contro la Destra e contro la Sinistra…Quando non ci fossero più queste due cariatidi tubercolotiche a bloccare ogni possibilità di rimescolamento delle carte politiche, l’aria tornerebbe a farsi tersa, le idee tornerebbero a farsi nitide e leggibili e…hai visto mai…con un colpo di fortuna, i giochi potrebbero anche improvvisamente riaprirsi…


Le nuove sintesi? Le contaminazioni? La trasversalità? Tutti ottimi slogan, tutte parole non seguite dai fatti, tutte buone intenzioni atte a lastricare struggenti viali del tramonto: ma il meccanismo ha già da tempo dimostrato di non saper funzionare, neppure tra ristrettissime cerchie di opinionisti politici…
A sommesso parere di chi scrive, alla base di tutto c’è la parola popolo. Questa parola, già di per sé e senza nulla aggiungere, nasconde un programma, un’ideologia, un metodo politico, un potenziale di enorme aggregazione e un fine sociale sufficientemente chiari. E sufficientemente in grado, se opportunamente agitati con coraggio radicale e capacità innovativa, di smuovere l’immobile montagna della società narcotizzata dai controvalori liberali. Quando si troverà un capo politico in grado di parlare di popolo al popolo, quando si formerà un pugno di buoni divulgatori di questo concetto partendo dai bisogni reali e da quelli immaginali, si sarà trovata la chiave: allora non ci sarà più alcun bisogno di dirsi di Destra o di Sinistra. Una rivoluzione, oppure un cambio di sistema, o anche solo un semplice ma profondo ridisegno della geografia politica, che sia appena accettabile e in grado di incidere lasciando il segno, non hanno mai bisogno di darsi etichette da parlamento liberale anglosassone. Il nuovo non nasce da miserabili contrattazioni di corridoio o da avvilenti apparentamenti ad alto costo e a incasso zero. Il nuovo, quando è rivendicazione di arcaici diritti all’identità e alla vita, ha spalle grosse perché poggianti sull’eterno, avanza con la forza dell’ineluttabile, vive del sangue vivo della gente, si nutre di entusiasmo e di passione concreti, mobilitabili, che si possono toccare. Tutto questo è una potenza in senso letterale. Questa potenza aspetta solo che qualcuno coraggiosamente la evochi e la scateni al di sopra e contro tutti i mercanteggiamenti e i tradimenti liberali, quelli di Destra come quelli di Sinistra, così da dar vita all’ultima possibilità per il nostro destino europeo.

jeudi, 25 novembre 2010

L'Europe aveuglée par ses certitudes

L'Europe aveuglée par ses certitudes

Par Jean-Luc Gréau - Ex: http://fortune.fdesouche.com/

 

Plus cela change, plus c’est la même chose.

Deux années après la chute dans la pire récession de l’après-guerre, les dirigeants de l’Europe demeurent accrochés aux schémas de pensée qui ont guidé leur action depuis l’avènement du marché unique, puis de l’euro. Ils reprennent sans ciller des mots d’ordre ayant jalonné la période critique qui s’est achevée, en septembre 2008, par un double fiasco américain et européen.

Tout se passe comme si les faits, dont certains assurent qu’ils sont têtus, ne recelaient aucune leçon nouvelle grâce à laquelle l’Europe pourrait changer certaines de ses orientations antérieures.

 

On pourrait pourtant s’interroger sur le regard qu’on a eu jusqu’à présent en matière de surveillance des dettes. Car les critères de Maastricht, valables pour l’ensemble de l’Union européenne, ne traitent que des dettes publiques. Et la période récente a révélé leur arbitraire, puisque deux Etats parmi les moins endettés en 2007, l’Irlande (25% du PIB) et l’Espagne (40% du PIB), sont respectivement en faillite non déclarée et en faillite virtuelle.

La première est victime, après la chute de son secteur immobilier, de l’accumulation de mauvaises créances au sein de ses banques désormais nationalisées : les pertes bancaires remontent mécaniquement dans les comptes du Trésor public de Dublin, pris au piège de la folie de ses banquiers.

La deuxième, sinistrée elle aussi par son secteur immobilier et par les excès de l’endettement privé, s’est résolue, comme l’Etat irlandais, à une diète de la dépense publique que lui intiment les marchés financiers et que lui recommande une Commission européenne attachée à ses préceptes de bonne gestion comme à un fétiche. Mais elles ont déjà renoué avec une récession qui devrait ruiner leurs efforts.

Faut-il rappeler que les deux commissaires « compétents » pour les questions financières et budgétaires, durant la période critique, se nommaient Charles McCreevy, citoyen irlandais, et Joaquin Almunia, ressortissant espagnol ? A l’évidence, l’un et l’autre ignoraient ce qui était en jeu.

La cotation de l’euro fournit le deuxième thème de réflexion. Les Américains ont ouvert un conflit avec la Chine en autorisant l’administration à mettre en oeuvre une politique de protection commerciale destinée à rééquilibrer les échanges commerciaux avec les pays dotés d’un avantage monétaire disproportionné.

Or, les autorités européennes restent muettes sur le sujet, au prétexte qu’une banque centrale n’a pas compétence pour traiter de la question du change, et que, l’essentiel résidant dans la stabilité interne des prix, on doit s’accommoder du reste. Moyennant quoi, l’esquisse d’embellie économique en Europe est menacée, y compris dans les pays mieux armés.

L’Europe aurait pourtant deux leçons évidentes à tirer des derniers événements.

Premièrement, que les dettes privées sont à surveiller tout autant – sinon plus – que les dettes publiques, car ce sont elles qui ont fait le malheur de l’Irlande et de l’Espagne.

Deuxièmement, que la cotation de la monnaie reste un élément essentiel de la compétitivité. A l’ignorer, on précipitera le déclin du Vieux Continent.

Mais, pour que l’Europe puisse tirer ces leçons, il lui faudra sans doute d’autres « têtes » que celles qui la conduisent aujourd’hui.

L’Expansion

Union européenne... des aveugles

samedi, 13 novembre 2010

Por qué somos jovenes conservadores: a modo de manifiesto

Mensur_G%C3%B6ttingen_1837.jpg

 

Por qué somos jovenes conservadores: a modo de manifiesto

 

 por Giovanni B. Krähe

Ex: http://geviert.wordpress.com/

Hay lectores que leen este blog y se entusiasman por sus temas, pero luego se desaniman por culpa de los significados comunes y corrientes que escuchan del término conservador: un derechista, viejo, reaccionario, facho, burgués, liberal, ultramontano, pro-sistema, extremista, pasadista, filo-monárquico, ultra-derecha, anti-moderno, derechista “cavernario”, uno que “no quiere cambiar las cosas”, un defensor del status quo, del mundo de los “adultos”, de la iglesia, uno que le gusta la “mano dura”, un plebiscitario, un nacionalista, decisionista, un schmittiano, uno que se pasó “a lado oscuro de la fuerza” (que tal boludez), un “lobo de arriba”, uno lacayo de los “poderes fácticos”, etc, etc, etc. Dejo a la fantasía del lector realizar todas las posibles combinaciones que se usen en su país.

Estas etiquetas hábilmente utilizadas por anquilosados ideólogos de alcoba, llevan a nuestro lector a la duda, logrando que abandone ese primer entusiasmo que descubrió inicialmente. Nuestro lector termina claudicando espiritualmente frente a las sirenas del progresivismo, lo neo-, lo post-, lo “revolucionario”, lo “anti-sistema”, la “contra-cultura”, “la emancipación”, “el feminismo igualitario”, lo “glocal”, lo anti-. Todo lo que encuentre a la mano y le permita decir No, termina seduciéndolo. El primer prurito gratuito que encuentra es pasar por ateo. Al parecer, todas esas sirenas parecen ser las únicas formas que tienen los más jóvenes para hacerse aceptar por los propios coetáneos, para diferenciarse del grupo o para mendigar reconocimiento (a esto lo llaman con un nombre a efecto “militancia”, “compromiso”). Si colocamos juntos a todos los desencantados por igual, la derrota generacional es tan general y profunda a nivel espiritual que es típico encontrar una masa descarriada de escépticos, ateos, dandys libertarios, anarquista á la Ciorán, Gramscianos 2.0, de “rebeldes anti-sistema”, todos aglomerados al mejor postor. Muy raro es encontrar a un sólo joven de 20 – 25 años que se declare joven-conservador, de nueva derecha y sin pelos en la lengua, sin temor. “Soy de derecha y soy de sociales” parece ser la áurea consigna de aquellos universitarios solitarios que se resisten a vender su alma al prurito colectivo del momento, al novismo, al automatismo del Anti-. Ser un “libertario”, un “anarquista” un “post-moderno”, un “filósofo-pop”, querer pasar ahora, en tiempos de religión civil y catequismo liberal, por ser “menos” comunista, menos “utópico” y más “de neo-izquierda”, querer pasar siendo, en una palabra, un radical chic, se ha convertido en un automatismo, en una cuestión antropológica (Umberto Eco dixit).

La vieja derecha

En el caso de las posturas de vieja derecha, el vicio y las sirenas no son muy diferentes: las sirenas en este caso tienen que ver con la “tradición”, la “Überlieferung”, los caprichos de Sissí y Barbarossa, la capa del torero y la espada. En una palabra, el viejo derechista en LA cultiva el abolengo pseudo-ibérico en privado y el dandismo criollo en público. Peor aún si a todo esto se añade el anhelar un abolengo europeo, pues todo resulta tres veces lejano: de espíritu, de carácter y de distancia. En el peor de los casos, la sirena para el viejo derechista en LA es el entusiasmo por la “mano dura” o la nostalgia pasadista por viejos experimentos autoritarios. Para el viejo conservador en LA, es literalmente imposible ser conservador sin ser católico. Si las jóvenes generaciones tienen todos esos prejuicios mencionados al inicio sobre lo que es ser conservador, se debe en gran parte a esta miopía confesional de la vieja derecha latinoamericana autoritaria y ultramontana. Debido a esta miopía de los padres, las nuevas generaciones – no pudiendo negar su propia fe – tienen que crearse un Dios mundano a medida, un deísmo a medida, una fe a medida, una curiosidad por lo trascendente o lo religioso (o su rechazo, que vincula por igual) a medida de la propia subjetividad e intimidad. Hasta la primera rebeldía de estas generaciones a la segunda socialización (las instituciones, la ciudadanía) es menos que un remedo de las aporías y sinsabores de la primera rebeldía identitaria hacia los padres.  Gracias a esta intolerancia católico-confesional en LA, el joven termina abrazando, primero, el vicio meramente reactivo y gratuito del ateismo, para pasar luego al anti-modelo religioso por antonomasia: el mito político-romántico, (neo-) marxista o el dandismo del mito libertario-anarquista. Entre un polo viciado y el otro, el modesto, el discreto, encuentra el ocasionalismo liberal, el patriotismo humanista. Es suficiente que el jovencito ateo, el neo-izquierdista, pasen apenas los treinta años para descubrirse poco a poco un liberal “moderado”, un socialdemócrata blando, un liberal universalista astuto y movedizo (Vargas Llosa es el bio-pic por antonomasia). A partir de los treinta o se es un apocalíptico o un integrado (Eco). Dos mundos generacionales en LA, padres teístas e hijos deístas, que terminan siendo exactamente dos caras precisas de la misma moneda.

Después de todo, tanto en el caso del radicalismo chic de izquierda como en el dandismo criollo de vieja derecha, se trata de mendigar diferencia, definir estilos, pedir reconocimiento o fugar hacía la ideología culturológica de la otredad. ¿por qué la dureza? porque en sentido estrictamente politológico e político-sociológico, la dicotomía izquierda y derecha ya no explica nada del fenómeno de lo político. Decir “nueva derecha”, es más bien limes identitario, un inicio, una orientación para el lector atento. Frente a todo lo afirmado, nuestro lector se vuelve a preguntar ¿por qué debería ser, entonces, joven conservador? En un post anterior formulé rápidamente algunas ideas sobre el significado del ser conservador, del espíritu conservador, del ser joven conservador. Retomo lo escrito en aquel post. Quien leyó con atención, notó que no se trató de introducir una pauta sobre el pensamiento conservador como doctrina político-filosófica (se hará en su momento). Se trató simplemente de compartir una regla y un símbolo vivo, una bandera en alto, que represente el ser conservador como carácter. A esa regla, a esa bandera en alto, la definiremos con la siguiente imagen:

El espíritu conservador es la pura y simple admiración alrededor de nuestra propia finitud. Es aquella admiración permanente que conserva, en el tiempo, los frutos de aquella experiencia finita. El espíritu conservador cosecha el símbolo anunciado en ese evento y lo conserva en el íntimo misterio de su revés perpetuo, hace de aquel revés finalmente su piedad y su entusiasmo, su regla. El joven conservador sabe que la fuga permanente hacia “lo nuevo”, hacia el “mañana”, no es menos ingenua de esconderse detrás de un símbolo viejo del ayer, de un símbolo muerto. Solo un mito vivo puede pedirle que vuelva la mirada hacia el pasado, nunca un mito muerto. Porque solo el Ahora (Nun) es guía para el conservador, sólo ante el Ahora se postra y solo en el Ahora escrito claudica. Si alguna vez su corazón temblará de temor, dará dos pasos hacia atrás para observar mejor cómo crece el horror o la belleza de aquella verdad que lo espera al borde de sí mismo. Nunca fugará hacia el pasado muerto y sus fantasmas, nunca hacia un mañana innecesario. El tiempo del conservador es tiempo kairológico. El joven conservador es un peregrino del absoluto.

El espíritu conservador es un espíritu íntimamente joven, jungkonservativ y joven Romántico por antonomasia. A diferencia del aburridísimo (muchas veces incompetente) analista ideológico que no distingue entre conceptos básicos como poder y autoridad, el joven conservador es una alma silenciosa, sabe donde se oculta el poder, conoce la miseria del necesitado (no la hace parte de su identidad ideológica). El joven conservador no teme expresar sus sentimientos, su subjetividad, cuando es un símbolo, y no los fantasmas del intelecto práctico o racional, a guiar su Ahora. El pensamiento joven-conservador resulta ser, entonces, finalmente joven, porque es simplemente honorado por todos aquellos retos que la vida misma le exige y exalta. En este sentido, el joven conservador o la joven conservadora no claudican jamás ante la finitud de la existencia, sabiéndola inevitable: ambos conservan lo vivido en ella con suma admiración, haciendo de aquella experiencia un fruto reflexivo e intelectivo, pero también un estandarte silencioso, entre un Ahora y otro, entre un abismo y otro. Harto de pastar abismos, el pensamiento del joven-conservador es un pensamiento necesariamente fuerte, no por esto indelicado, sin virtud, sin gracia.

Descubrir el admirar jungkonservativ

Expresado mejor con las últimas palabras de una joven de 22 años, poetisa de origen francés, una joven conservadora y radical-aristocrática del Siglo XVIII, decapitada por rebelde un día de aquelarre, cerca del cementerio de Montrouge, en París. Antes de morir, escribió exaltada y visionaria lo siguiente. Se recupere el entusiasmo juvenil por la vida, el símbolo, más allá de la imagen, el tono o la metáfora (paráfrasis nuestra a partir de un manuscrito apócrifo):

Ser joven conservadora, radical, extremista, es dejarse atravesar por el viento, dejar que la existencia raye con los márgenes de nuestra propia libertad, que lo más intenso y descabellado nos escoga en yugo para siempre. Es sentir con la piel en flor los límites del ser al punto de toparse cara a cara con nuestros más íntimos límites, con la ruptura fatal que nos desnuda la piel. Mi canto es el canto ebrio, la gloria puntual, la llamada de la esclavitud más dura de lo justo y necesario, el espejo nuestro en el castigo esperado, el yugo que invade todo desde el cariño perpetuo. Que nuestros enemigos nos lancen ya, desde lo más alto y con el más íntimo desprecio, la sucia moneda de cobre con la mirada más rencorosa, siendo nosotros mismos la moneda, la mano, el desprecio, la súplica, el enemigo, la altura, la SED, el perdón. Porque salvaje e indómito es aquel Dios que enciende toda locura clarividente en nuestra llama VIVA, en nuestro AHORA, en nuestro mirar perpetuo, en nuestro admirar sincero; indómito es aquel Dios extraño que enciende exacto y puntual, de carmesí inapagable, nuestros corazón, deshojándose por esto, en su osadía, de rubor humano.

¡Desde la más ínfima ilusión de Libertad en cada ser humano individual, en cada albor que sopla centelleante sobre nosotros, por obra de la conciencia servil al borde de su próxima y amada oscuridad, se restaurará la legítima esclavitud del Espíritu en coro unánime y con la máxima y cruda imposición, porque lo más BELLO, lo más esplendoroso, lo más tierno, lo más sincero, OS perseguirá puntualmente a azotes sobre vuestro miserable JUBÓN de piel, curtido de tiempo…! Antes de recibir vuestro castigo humano, antes de entregar mi cuerpo a la oscuridad más sublime, yo les impogo a ustedes mi PERDÓN. Mi odio no está hecho de la medida de vuestra mundana cobardía. La gracia del acto puro en el perdón se desparramará en su luz sobre todos vuestros sucios cráneos y el yugo restaurará la legítima esclavitud del Espíritu, aquella que posee sin ninguna miserable liberalidad, ninguna, fuera de la oscura y amorosa coacción del Ahora, fuera de la corrupción de los principios en el ayer y el mañana! ¡La cima crecerá más aún por vosotros, seres que saben únicamente crecer horizontalmente, en VIL cópula; cada uno de ustedes seguirá en silencio, desde la volición unánime del Dios que llega del viento y nunca desde el desierto infame, la fe humana, aquella que será arreada por última vez a besos, a pesar de las guerras que vendrán después de mí. Se escuchará cantando finalmente, en procesión, mi nombre oculto!

Si el Dios se mantiene vivo, de pie, con la cabeza en alto, con el pie fijo y certero sobre la cerviz infame del Dios que viene del desierto, conservando intacto su dignidad celeste en el Ahora, es porque respira en el aire la profunda certeza de que un sólo joven conservador, UNO solo, y una sola joven conservadora, UNA sola, dignos de él y sólo de ÉL, existen.

Quien de antemano niega la grandeza y la capacidad del Dios, la inconmensurabilidad de la belleza que él reviste cuando decide arbitrariamente posarse en una sola hebra de mis cabellos al viento, en los labios del extraño o en la mirada misma de quien me recordará mañana, le cava una tumba al propio corazón: le forja un hoyo negro donde vivirá agonizando de Amor ausente. La fe y la voluntad en armonía perfecta mueven montañas inamovibles, derriban murallas y desconocen de todo límite, y por virtud del viento y del rubor, son omnipotentes. Porque aquel que se niega a dar camino a sus miserables pasos, se niega a soñar. Aquel que, en cambio, no aprende a seguir los pasos del Dios, se niega a ser el SUEÑO mismo. Solo el viento en el ahora es el camino, donde no mora Dios alguno.

El cielo está repleto de estrellas y cualquier zarza común cae ardiente llena de Dios hacia la tierra; y sólo aquel que ya ve llegar el fuego lento sobre la propia piel desnuda, se descalza completamente de Amor; los demás se sientan en torno a las cenizas del último corazón en llamas y arrancan contritos, en espera, las moras.

————————

imágenes:

Imagen: John Willian Waterhouse, Psyche Opening the Golden Box.

mercredi, 03 novembre 2010

La nouvelle gauche et le mépris des classes populaires

La nouvelle gauche et le mépris des classes populaires

Ex: http://unitepopulaire.over-blog.com/

GaucheCaviar.jpg« En France, c'est le film Dupont Lajoie (Yves Boisset, 1974) qui illustre de manière à la fois emblématique et caricaturale, l'acte de naissance d'une nouvelle gauche, dont le mépris des classes populaires, jusque-là assez bien maîtrisé, pourra désormais s'afficher sans le moindre complexe. C'est, en effet, au lendemain de la défaite sanglante du peuple chilien, défaite dont le pouvoir alors traumatisant est aujourd'hui bien oublié, que cette nouvelle gauche s'est progressivement résolue à abandonner la cause du peuple (dont chacun pouvait désormais mesurer les risques physiques que sa défense impliquait) au profit d'une réconciliation enthousiaste avec la modernité capitaliste et ses élites infiniment plus fréquentables. C'est alors, et alors seulement, que l'"antiracisme" (déjà présenté, dans le film de Boisset, comme une solution idéale de remplacement) pourra être méthodiquement substitué à la vieille lutte des classes, que le populisme pourra être tenu pour un crime de pensée et que le monde du showbiz et des médias pourra devenir la base d'appui privilégiée de tous les nouveaux combats politiques, aux lieux et place de l'ancienne classe ouvrière. »

 

Jean-Claude Michéa, "L’Empire du Moindre Mal : Essai sur la Civilisation Libérale " (Climats, 2007)

Walter Darré: Bio-Ecologia del Campesinado

WALTER DARRÉ: BIO-ECOLOGÍA DEL CAMPESINADO

Ex: http://imperium-revolucion-conservadora.blogspot.com/ 

Sebastian J. Lorenz
La antigua nobleza: sangre y tierra.
Walter Darré, alemán nacido en Argentina, autor de “El campesinado como fuente de vida la raza nórdica” y de “Nueva nobleza de sangre y suelo”, y creador de la doctrina conocida como “sangre y suelo” (Blut und Boden) que propugnaba una nueva nobleza de la raza nórdica ligada a la tierra y a la tradición campesina. Fue Reichsminister de Agricultura, líder del campesinado alemán (Reichsbauernführer) y Obergruppenführer-SS, en cuya calidad ostentó el cargo de director de la Oficina de la Raza y el Reasentamiento (Rasse und Siedlungshauptamt-RusHA). Darré contó con el apoyo de Himmler y de la Ahnenerbe, como se vio en capítulos anteriores, hasta que el propio Führer prescindió de sus servicios y depositó su confianza en los abastecimientos producidos gracias a los “planes cuatrienales” de Göering.
Darré no ocultó nunca un decidido nordicismo: «Es la raza germánica – la raza nórdica según la expresión en boga- quien ha insuflado la sangre y la vida de nuestra nobleza; es esta raza la que ha dictado sus costumbres … Pudiéndose demostrar el origen de esta raza localizada en el noroeste de Europa, se llegó a un acuerdo para dar a esta especie de hombres el nombre utilizado por las ciencias naturales de “raza nórdica, también se habla de “hombre nórdico”. Muchos alemanes auténticos se oponen todavía, en su fuero interno, a que se designe como “nórdico” lo que ellos han considerado toda su vida como germánico por auténticamente alemán … Es imposible hablar de “raza germánica” pues entonces llegaríamos a la falsa conclusión de que las culturas romana, griega, persa, etc, fueron creadas por los germanos. Necesitamos una concepción que exprese esta raza, que fue común a todos estos pueblos». A Darré no le gustaban las denominaciones de “arios” ni de “indogermanos”, por tratarse de designaciones exclusivamente lingüísticas, dándose el hecho de pueblos en los que se ha extinguido la “sangre nórdica” pero que conservan una lengua “indogermánica”. La “idea nórdica”, sin embargo, expresaba la raíz misma de lo alemán y de los pueblos europeos emparentados con él, más allá incluso de lo puramente germánico.
El “ideal de la raza nórdica” sólo podía tener un objetivo posible: «conseguir por todos los medios posibles que la sangre creadora en el cuerpo de nuestro pueblo, es decir, la sangre nórdica sea conservada y multiplicada, pues de eso depende la conservación y el desarrollo del germanismo». En consecuencia, la única conclusión para Darré es que «el hecho de que constatemos hoy un fuerte mestizaje en nuestro pueblo no es razón para continuar por el mismo camino. Es, al contrario, una razón para detener indirectamente el mestizaje designando claramente un resultado a alcanzar como objetivo de selección de nuestro pueblo. Hemos absorbido tanta sangre no-nórdica, que incluso si solamente reserváramos el matrimonio a las muchachas de sangre nórdica, conservaríamos todavía durante milenio en el cuerpo de nuestro pueblo partes de sangre no-nórdica suficientes para aportar el más rico alimento a la diversidad de los temperamentos creadores. Por lo demás, toda parcialidad en el terreno de la selección es compensada siempre por una aportación prudente de la sangre deseada, incluso si es no-nórdica, mientras que la purificación de las partes de sangre extraña en el protoplasma hereditario del pueblo devenido no creador por inconscientes mestizajes es difícil … Para inspirarnos nuevamente de la experiencia de la cría de animales, deduciremos que hay que educar al pueblo alemán para reconozca como objetivo al hombre nórdico y, particularmente, sepa discernir sus rasgos en un mestizo. La selección por el físico exterior tiene la ventaja de limitar los cruces; así se aleja de nuestro pueblo la sangre verdaderamente extranjera …». Veamos ahora cómo pensaba Darré efectuar la selección de la sangre nórdica a través de la fuente pura y original del campesinado germánico.
La nobleza del campesinado nórdico.
La ruptura entre Himmler y Darré respondió, además, a dos concepciones muy distintas sobre el alma de la raza germánica, que para el primero era, sin duda, la figura del guerrero nórdico conquistador (krieger) y, para el segundo, el campesino nórdico colonizador (bauer), que Hitler sintetizaría en su doctrina racial del espacio vital: soldados para conquistar y campesinos para cultivar. Y a estas dos cosmovisiones tan dispares se había llegado mediante una reinterpretación de la historia de los germanos: Darré rechazaba, por ejemplo, que la institución más característica del medievo germánico, el régimen feudal, fuera de tradición nórdica, porque era propia de unos francos carolingios, romanizados y cristianizados, frente a los cuales se situaban sus enemigos y paganos sajones, que sí representaban los auténticos sentimientos nórdicos de libertad personal y fidelidad a la tierra. La raza nórdica no era pues la del guerrero conquistador o del aventurero nómada, sino una raza de campesinos –armados, desde luego, cuando se presentaba la ocasión para el combate- dirigidos por una nobleza electa extraída de sus mismas fuentes agrarias. La contradicción ideológica interna del marxismo obrero, que triunfó en un país desindustrializado como Rusia, se reproducía inversamente en el nacionalsocialismo de inspiración campesina que se había impuesto en un país urbano e industrial como Alemania.
El romanticismo alemán construyó una imagen idealizada de los antiguos germanos, que basculaba entre el guerrero libre y el agricultor, como una especie de campesino-soldado (wehrbauer), arraigado en la tierra, dispuesto sólo a coger las armas para defender su solar o emprender la búsqueda de otros nuevos que cultivar. Esta tesis se separaba de otras visiones que hacían de los germanos unas tribus nómadas tremendamente belicosas, contraponiendo además la figura del germano pegado a su tierra, libre de contaminación física y espiritual, frente a la tradición urbana de la decadente civilización romana, a la moral parasitaria del judío o al nomadismo depredador de eslavos y mongoles. De esta manera, se producía una comunión mística entre la sangre y la tierra que, en un mundo rural idílico, debía ser el instrumento fundamental de purificación y conservación de la raza nórdica. Aunque el modelo campesino de Darré estaba diseñado para una “renordización interna” de la propia Alemania, tanto Hitler como Himmler pensaban implementarlo en la colonización y consiguiente “nordización” (aufnordung) de los territorios conquistados a los eslavos, como ya había sucedido en otras épocas anteriores gracias al ímpetu aniquilador y colonizador de la orden teutónica.
Evola constataba cómo el campesinado de Europa central había conservado una cierta dignidad que lo volvía diferente del de países meridionales y orientales. Darré veía en el campesino alemán fiel a su tierra la fuente de fuerzas más sana de la sangre, de la raza, del volk, una tradición que fundamentaba en las antiguas civilizaciones indoeuropeas. Ya S.H. Riehl había visto en el campesinado a la única capa social, junto a la nobleza terrateniente (Junkers), los únicos sustratos que no se encontraban desarraigados: sobre estas premisas fue forjándose la consigna según la cual “la tierra libera del dinero”, representándola con el clásico esquema del viejo campesino amante de su tierra pero endeudado con el prestamista enamorado de la usura. Por eso, Darré se ocupó de proponer medidas para evitar el éxodo urbano y el desarraigo del campesino, protegiendo no sólo las tierras contra la especulación, sino también contra el endeudamiento, mediante la institución llamada Hegehof: una propiedad hereditaria inalienable (Erbhof), transmisible al heredero más cualificado en el trabajo de la tierra, y que se conservaría a través de las generaciones por “la herencia del linaje en las manos de campesinos libres”.
Sangre y suelo, raza y tierra, son pues las dos coordenadas nucleares de la ideología campesina de Darré. La raza nórdica podía conservar su primacía sobre las demás por razón de la pureza de su sangre, debiendo para ello retornar a los principios sobre la tierra, el matrimonio y la familia que habían regido las antiguas tribus germánicas. «Para el germano, el suelo y la tierra son un miembro constitutivo más de la unidad del grupo familiar». El asentamiento en las tierras de los antepasados y las uniones entre individuos arraigados en las mismas garantizaba la integridad biológica, previniendo además la contaminación de sangre foránea procedente de otras razas, por cuanto éstas no se encuentran unidas por la herencia al solar patrio. La familia nórdica, cuya existencia estaría garantizada por una unidad agrícola suficiente, sería capaz de producir niños racialmente puros, garantizando el futuro de la raza. El ideal agrario de Darré identificaba al campesino con el noble, afirmando que en el origen de los pueblos germánicos no había distinción entre uno y otro, puesto que la “nobleza de la sangre” había sido aquélla que podía demostrar su más antiguo arraigo a las tierras nórdicas, pero el cristianismo, el igualitarismo afrancesado y el marxismo corrompieron el viejo ideal alemán de nobleza y mutaron las ancestrales leyes de la herencia promoviendo el reparto indiscriminado de la tierra y fomentando las uniones entre individuos de distintos linajes raciales.
La selección del campesinado nórdico.
Para Darré la verdadera noción de nobleza, en sentido germánico, debe caracterizarse por una selección de sus dirigentes sobre la base de “núcleos hereditarios seleccionados”. Darré advertirá que «si queremos organizar la nueva nobleza alemana de acuerdo con la concepción germánica, debemos procurar que nuestra actual nobleza no-germánica desde la Edad Media vuelva a los principios de la nobleza de los antiguos germanos, basada en los valores intrínsecos. Hay que proporcionarle los medios para conservar por herencia la sangre que ha demostrado su valía, para eliminar la sangre de calidad inferior y permitirle apropiarse, en caso de necesidad, de los nuevos caracteres de valor que surjan del pueblo». Para conservar esta unidad sanguínea «hay que fundamentarla en una materialidad nutricia: así, la propiedad del suelo es fundamento obligatorio de la familia germánica», porque el progreso de la civilización se perpetúa cuando los mejores se hacen cargo del cuidado de la tierra. En definitiva, «la tierra, para el pueblo alemán, es tanto una base sana para el mantenimiento y la renovación de su sangre, como un medio para alimentarse».
Para Günther, que se adhirió a la “tesis campesina” de Darré, «la nobleza germánica, al igual que toda nobleza indogermánica, ha tenido originariamente una base biológica, y la igualdad del linaje ha significado, alguna vez en los tiempos primigenios de estos pueblos, tanto como idéntico nivel de capacidad hereditaria e igual preeminencia de las características de la raza nórdica». De esta forma, un Estado de cuño germánico dependería de la existencia de una “nobleza de nacimiento”, de una capa dirigente de familias de “alto valor hereditario” que –según Günther- sólo puede lograrse recuperando los valores biológicos y anímicos de los antepasados de raza nórdica y garantizando su transmisión y perpetuación en las generaciones venideras.
Sin embargo, Darré considera que no podía crearse una nobleza de sangre, una aristocracia racial, sino por aplicación de la idea de selección a la reproducción humana, mediante la utilización de los conocimientos sobre la herencia, llegando a afirmar que la palabra “raza” (rasse) no debía aplicarse a los alemanes, debiendo usar el concepto de “especie” (art) –Darré hacía descender a los nórdicos de una especie divina-, si bien reconoce que “raza” había pasado a convertirse en una unidad de apreciación del hombre desde el punto de vista étnico. «Es solamente con todos los medios posibles que podrá conseguirse que la sangre creativa en el cuerpo de la nación, la sangre de los hombres de raza nórdica, sea mantenida e incrementada». Pero la cuestión no era, para Darré, aumentar indiscriminadamente el número de niños alemanes, sino de garantizar la pureza biológica de sus progenitores. Y por ello, la mujer se convertía en el centro de la supervivencia de la familia, debiendo ser consciente de que su misión consistía en la conservación, fomento y multiplicación de individuos raciales sanos, si bien con el apoyo material y espiritual del Estado y de la propia comunidad popular.
Por su parte, el hombre nórdico debía ser aleccionado sobre la forma de elegir a las mujeres para procrear, no sólo desde un punto de vista sexual, sino predominantemente racial: se crearían para ello oficinas de selección de las mujeres óptimas para tener hijos, separando a las que debían ser esterilizadas, y procurando, al mismo tiempo, que cada hombre pudiera tener descendencia con varias mujeres sin sufrir ningún reproche moral, pues la inmoralidad estaba en las relaciones con hembras de otras razas. «Desde el punto de vista de la selección –escribía Darré- nuestro pueblo debe primero clasificar a sus hombres según sus capacidades, pero debe exigirles escoger como esposas, dentro de lo posible, según su coeficiente de selección nórdica». Darré rechazaba el “espiritualismo racial” de Clauss o el posicionamiento de Günther relativo a una definición de lo nórdico más allá de lo puramente antropológico, pues consideraba que en la elección de una mujer no debe subestimarse la importancia racial de las cualidades corporales: «la selección por el físico exterior tiene la ventaja de limitar los cruces y así se aleja de nuestro pueblo la sangre verdaderamente extranjera, cuyo efecto resulta incalculable sobre la herencia sanguínea de la descendencia y del pueblo».
Para ello, Darré proponía una selección biológica de las ciudadanas alemanas aptas para fecundar: la primera clase comprendería a las mujeres cuyo matrimonio era deseable para la comunidad desde todos los puntos de vista, raciales y morales; la segunda clase incluía al resto de mujeres sin objeciones desde un punto de vista racial, con independencia de valoraciones morales; la tercera clase englobaría a aquellas mujeres irreprochables moralmente pero con taras hereditarias, a las que sólo podría permitirse el matrimonio en caso de previa esterilización; y la última comprendería a aquellas mujeres cuyo matrimonio debía impedirse tanto por motivos físicos como éticos, por no adecuarse a la naturaleza biopsíquica de la raza nórdica. En definitiva, la ecología genética de Darré pretendía cultivar alemanes campesinos desde la biología, pero no desde la sociología de las costumbres y de las tradiciones.

mardi, 12 octobre 2010

La influencia de la Nueva Derecha en los partidos "neopopulistas" europeos

 

LA INFLUENCIA DE LA NUEVA DERECHA EN LOS PARTIDOS "NEOPOPULISTAS" EUROPEOS

Joan Antón Mellón
Profesor de Ciencia Política de la UB
INTRODUCCIÓN
Los partidos neopopulistas europeos han consolidado su posición electoral ensus respectivos sistemas de partidos, e incluso en Italia la (LN) o en Austria el (FPÖ) han alcanzado el poder en coalición con otros partidos de derecha. Al respecto es ilustrativo los 5,5 millones de votos obtenidos por J.Mª Le Pen en la primera vuelta de las elecciones presidenciales francesas del 2002 o el 26,6% de votos obtenidos por el partido neopopulista suizo UDC en las elecciones parlamentarias de octubre del 2003. Su banderín de enganche es la xenofobia: «preferencia nacional» defienden los franceses FN y MNR; «Austria primero» propugna el FPÖ; hundir a cañonazos las embarcaciones de los emigrantes ilegales es la «propuesta política» que expuso en un mitin Umberto Bossi, líder de la LN italiana y ministro del gobierno italiano de S. Berlusconi; pero su influencia va más allá de su directa capacidad en las labores de gobierno o en la oposición, están influyendo decisivamente en las propuestas de otras subfamilias políticas de derechas1 al competir por la misma posible clientela electoral en unos mismos mercados políticos, es la denominada lepenización de los espíritus2. En última instancia rentabilizada políticamente por las organizaciones neopopulistas que se presentan como el original de las propuestas y no como remedos vergonzantes de éstas. Las organizaciones neopopulistas europeas han sido bien estudiadas en susvertientes sociológicas, organizativas e ideológicas. En mi opinión las tesis más incisivas y reveladoras se deben a las investigaciones de H.G. Betz, P.Perrineau, N. Mayer y R. Griffin, con una modesta contribución de quien escribe estas líneas3. Del profesor británico R. Griffin destaquemos su brillante análisis de que las propuestas neopopulistas pueden ser calificadas de «liberalismo etnocrático» y que constituyen una inteligente reconversión adaptativa (en una época de hegemonía de los valores democráticos) de los clásicos idearios de la extrema derecha. Sabemos quién vota a estas formaciones políticas y bastante del porqué, sin embargo está bastante inexplorado el terreno de cuáles son los referentes filosófico-ideológicos de los presupuestos xenofóbicos de las organizaciones neopopulistas. A esta relevante cuestión esta dedicado el presente artículo, si sabemos a partir de qué parámetros piensan los partidos xenofóbicos podremos contrarrestar su discurso desmontando sus argumentos base. He aquí nuestro objetivo central.
La Nueva Derecha Europea son los ideólogos que han actualizado los caducos discursos fascistas y ultranacionalistas del primer tercio del siglo XX. Son los revolucionarios conservadores del siglo XXI. Proporcionan, como veremos, legitimidad ideológica, entre otras, a las formaciones políticas neopopulistas.
I. ¿QUÉ Y QUIÉNES SON LA NUEVADERECHA EUROPEA?
La Nueva Derecha Europea (ND) está constituida por asociaciones cultural-políticas que se crean a imitación de la francesa Groupement de Recherche et dÉtudes pour la Civilisation Européenne (GRECE). Desde su fundación en1968 la ND francesa ha sido el faro teórico de sus homólogas europeas y su «maître à penser» Alain de Benoist el líder intelectual indiscutido. Dado que el combate de la ND es metapolítico, cultural los buques insignia de la flota de la ND siempre son revistas y, derivadas de ella, editoriales. En Francia la revista oficial es Éléments pour la culture européenne, en Italia, Trasgressioni, liderada por el politólogo Marco Tarchi, en Bélgica, Vouloir, dirigida por R.Steuckers, en el Reino Unido, Scorpion, con su hombre fuerte M. Walker y en España el alto funcionario del Ministerio de Educación Javier Esparza, director entre 1993 y 2000 (fecha del último número) de Hespérides. Todos ellos comparten unos mismos criterios culturales y políticos y, por ello, sus artículos más emblemáticos son intercambiados, traducidos y publicados por sus respectivas revistas. El núcleo central de sus convicciones radica en que tienen una visión de la naturaleza humana radicalmente opuesta a la tradición ilustrada. Para la ND el hombre es naturalmente desigual, agresivo, territorial y jerarquizado. No nace libre sino que la libertad es una conquista sólo alcanzable por los mejores, los cuales deben dirigir a la comunidad. Y ésta forja su destino en un combate constante contra todo tipode adversidades. Se es libre por superación personal y por pertenecer a una determinada comunidad que ha logrado preservar su soberanía. Para la ND los protagonistas de la Historia son los pueblos étnicamente homogéneos. De ahí que el enemigo principal, superado un visceral anticomunismo calificado de juvenil, sea el cristianismo por sus concepciones igualitarias y universalistas y el liberalismo por su radical visión individualista y anti-holística 4 del hombre. EE.UU como líder occidental mundial y potencia única, tras 1989, es el demonio a vencer, mientras que, en un terreno más abstracto, los Derechos Humanos son el gran objetivo a derribar.
En su opinión, obsoleta la frontera clásica entre la derecha y la izquierda, la nueva división radica entre los colaboradores y/o funcionarios del Sistema o tecno-estructura mundial y los partidarios de la recuperación de las raíces culturales de los diferentes pueblos del mundo para superar la decadencia y anomia actuales. En este heroico combate el papel que se otorga a si misma la ND es metapolítico, ser un laboratorio de ideas, agitar culturalmente y disputar al Sistema la hegemonía 5 ideológica (en cualquiera de las formas que adopta) para preparar unos nuevos planteamientos políticos rupturistas. Europa y el Tercer Mundo frente a EE.UU. Todo ideario político articulado elabora una utopía en la que se ven reflejados sus objetivos. La utopía de la ND sería una Europa libre de inmigrantes (o residiendo éstos temporalmente como ciudadanos sin acceso ala nacionalidad). Un mundo plural, heterogéneo, formado por comunidades homogéneas. Recuperada de la catástrofe igualitaria del cristianismo y su laicización racionalista ilustrada en cualquiera de sus manifestaciones: humanismo, liberalismo, marxismo 6; que se reconociera en su pasado indoeuropeo precristiano para decidir, libremente, su glorioso destino al recuperar su espiritualidad y su afán de lucha, sepultada por siglos de hegemonía de los valores mercantiles burgueses (materialistas y prosaicos) e igualitaristas.Fiel a estos planteamientos metapolíticos la ND se mantiene alejada de la lucha política partidista e incluso marca distancias y descalifica muchas de las propuestas de las formaciones políticas que más tienen en cuenta sus criterios de base: las formaciones políticas neopopulistas. Evidenciándose con ello queen el terreno de las ideas políticas es más relevante el uso político que se hacede ellas que las propias ideas.
II. ¿CUÁLES SON LOS OBJETIVOS DE LA ND?
La ND europea nace en Francia en la década de los sesenta del pasado siglo como un intento de reformulación del tradicional ultranacionalismo francés, traumatizado por las derrotas de los procesos de descolonización y deslegitimado por el colaboracionismo de Vichy. Además, sus planteamientos iniciales están también condicionados por la explosión ideológica y cultural de Mayo del 68 (7) y por la luz europeista que continua proyectando el Nacionalsocialismo en el universo ideológico de la extrema derecha y derecha radical, a pesar de su desaparición como régimen político en 1945. El ideario del Fascismo Clásico alemán proyecta su luz de estrella muerta igual que la proyecta el magma cultural que hizo posible, entre otros factores, su toma del poder en 1933 y su legitimación ideológico-cultural. Perdida la capacidad de seducción de los derrotados mitos fascistas es necesario substituirlos por otros. Es necesario una nueva Revolución Conservadora adaptada a una muy dura realidad para las Extremas Derechas y Derechas Radicales europeas: La Europa que resurge de sus cenizas despuésde 1945 se construye a partir de valores y criterios políticos antifascistas y profundamente democráticos; y la revelación propagandística de los horrores de los campos de exterminio ha evidenciado la intrínseca perversidad de los idearios fascistas.8 Dicha nueva Revolución Conservadora asume la radical crítica de la modernidad efectuada por los revolucionarios conservadores alemanes del primer tercio del Siglo XX: desprecian a Kant tanto como admiran a Nietzsche 9 y leen detenidamente los conservadores planteamientos metafísicos deHeidegger. Pero no sólo leen estos autores, sino todo aquello que pueda ser útil 10 ante su enorme tarea: redefinir la modernidad, ya que eso supone, en la segunda mitad del siglo XX, redefinir los conceptos de libertad y democracia en contra de las hegemónicas acepciones liberal-democráticas y socialdemócratas. En un largo proceso de estrategias y tácticas metapolíticas de destilación de ideas, alambicamiento de análisis 11 y proceso sincrético de síntesis global. Teniendo como objetivo que una cosmovisión alternativa a la ilustrada-burguesa se imponga en el mundo 12 y como medio el combate cultural-ideológico, en una muy inteligente, en mi opinión, utilización de un sistema ecléctico de disonancia cognitiva cultural. Se asume todo aquello que apoya,«demuestra» o «legitima» una determinada concepción del hombre y de la naturaleza y de las potencialidades de los seres humanos. Juzgados en su esencia como unos entes esencialmente: comunitarios, desiguales, agresivos, jerárquicos y territorializados. Condicionados por sus características biológicas, socialbiológicas y etnoculturales, pero libres para forjar su destino sino renuncian a su voluntad de poder como comunidades e individuos. La amplitud del objetivo estratégico de la ND (redefinición de la modernidad) y de la opción táctica escogida (intervención metapolítica) comportan una renuncia a la actividad política directa. Pueden permanecer puros, fieles a sus ideas. Dedicados a leer pensar y propagar. Algunos se cansan en este largo viaje, pero los auténticos representantes de las esencias de la ND como A. de Benoist, M. Tarchi o J. Esparza permanecen y no ingresan en los partidos neopopulistas o liberal-conservadores que, desde un primer momento, los esperan con los brazos abiertos, ávidos de intelectuales solventes. E incluso la ND francesa se permite despreciar al FN en general y a su líder J.Mª Le Pen de forma pública desde 1990 en particular por su populismo y su asunción del liberalismo.13 Tanto da; como la clase política sabe muy bien -y así lo apuntábamos previamente- más importante que las propias ideas es el uso político que se hace de ellas. En este sentido, conceptos como el «Derecho a la Diferencia»; planteamientos políticos como la «necesidad» de la creación de amplios movimientos comunitarios superadores de factores ideológicos y de clase; su visión del capitalismo como un sistema de producción idóneo si se lo supedita a control político; su óptica patriarcal; el planteamiento estratégico-táctico ninista (definirse como ni de derechas ni de izquierdas); la distinción jurídica entre ciudadano y nacional, entre otros factores, son asumidos de una determinada manera, política, por quienes los asimilan en sus planteamientos programáticos. De ahí que el mencionado «Derecho a la Diferencia» de la ND se convierte en la propagandística consigna del FN y el MNR «Preferencia Nacional».14 Al defenderse posturas radicales diferencialistas y antimulticulturales se potencia un racismo espiritual que se vulgariza en la xenofobia de los planteamientos políticos, culturales y jurídicos de las organizaciones neopopulistas. O la crítica radical de la ND al conjunto deideologías 15 se transforma, en su adaptación política de las organizaciones neopopulistas, en el rechazo de éstas a los otros partidos políticos en bloque,descalificando así la consustancial pluralidad de la democracia representativa.Son las concepciones nucleares de una Derecha Radical renovada, adaptada a las cambiantes realidades de los inicios del siglo XXI. La ND, por tanto, no ha transversalizado a la derecha y a la izquierda, «superándolas». Este análisis encierra, ideológicamente, una intencionalidad política que es más un deseo que una realidad: su análisis es que el fin tecnocrático de las ideologías (en la postmodernidad de un mundo globalizado) ha permitido resucitar una visión alternativa a la modernidad liberal- burguesa a la vez tradicional (pagana e indoeuropea) y futurista, aristocrática y armonicista. Una tercera vía 16 capaz de reconciliar, como la Ilustración no ha podido hacer, pares antagónicos.
La lúcida crítica que efectúan a las miserias de las sociedades occidentales (por ejemplo el papel mundial que juega lo que denominan Tecno-estructura, el déficit democrático, el anómico egotismo o la infantilización de la sociedad) no debe obnubilar nuestra capacidad de análisis del ideario de la ND francesa y de sus más débiles sucursales europeas. Denuncian y rechazan cualquier totalitarismo17 (cuyo origen, en su opinión, es el monoteísmo) pero lo hacen desde una perspectiva de superhombre nietzscheano, más allá del bien y el mal. Creen, como sus padres espirituales, que la sangre vale más que el oro; que la «forma de estar en el mundo» legitima cualquiera de sus actos, más allá del bien y el mal; que la libertad es un concepto práctico y político y que la voluntad de poder, como ley universal de la vida, establece quien es superior capaz y quien es débil e impotente.18 Y todo esto es lo que el antifascismo ha considerado como fascismo. Por tanto, mientras se escuchen ideas fascistas habrá que levantar la bandera del antifascismo y convencer a P.A. Taguieff recordándole que es suyo el siguiente análisis, tras comentar la ruptura explícita entre GRECE y el FN a partir de 1990 al calificar Benoist al FN de Extrema Derecha tradicional: «(...) cette rupture nimplique pas lannulation de limprégnation «greciste» du discours de certains responsables du Front National, formés dans la mouvance de la «Nouvelle droite».19 Igual opina M.Florentín: « (...) el Frente Nacional francés ha bebido muchos principios ideológicos en las fuentes del GRECE (...)» 20 A la ND no le gustarán las políticas que propugnan los partidos neopopulistas pero muchos de los cuadros neopopulistas comparten la cultura política de las publicaciones de la ND. Las ideas abstractas todo el mundo entiende que hay que darles forma y contenido para que puedan concretarse. Lo selecto se convierte en práctico no selecto al intentarse aplicarlas a la realidad. Por eso, inspirándonos en una reflexión de R. Griffin, podríamos preguntarnos si todo el inmenso horror de lo sucedido recientemente en la ex-Yugoslavia ¿no es el intento de construir sociedades etnicamente homogéneas, mediante una férrea y combativa voluntad de poder de una comunidad que recuerda su mítico pasado y quiere forjarse un destino como comunidad? 21 En última instancia la vieja propuesta del fascismo clásico de conseguir la armonía mediante una revolución cultural, espiritual y «nacional» es la propuesta, renovada, de la ND. Aunque ahora se acepte incluso la democracia, redefinida. Lo importante es acabar con la hegemonía del universalismo y del igualitarismo. De ahí que las propuestas liberales etnocráticas de las organizaciones neopopulistas sean la concreción política real de estas propuestas metapolíticas.22 El ideario de la ND, por tanto, es la filosofía política de la Derecha Radical europea actual, como en su día las concepciones de la Revolución Conservadora Alemana fueron uno de los decisivos basamentos ideológicos del ideario nazi. La misma inmensa diferencia que se dio entre E.Jünger y A. Hitler es la inmensa diferencia que existe hoy entre A. de Benoisty J.Mª Le Pen o B.Mégret. Todos ellos compartían y comparten una visión del mundo alternativa a la concepción ilustrada-liberal-socialista que afirma que es una verdad por sí misma que los hombres nacen iguales.
NOTAS:
1Véase Hainswort, P.: The Politics of the Extreme Right, Tiper, Londres, 2000.
2Véase Tevain, P. y Tissot, S.: Dictionaire de la Lépenisation des esprits, LEsprit Frappeur,2002.
3Antón Mellón, J.: «El neopopulismo en Europa occidental. Un análisis programáticocomparado: MNR (Francia), FPÖ (Austria) y LN (Italia), en Antón Mellón, J.(edit.): Las ideaspolíticas en el siglo XXI, Ariel, Barcelona, 2002.
4Las doctrinas holísticas propugnan que el todo es superior a la suma de las partes y poseecaracterísticas que le son propias.
5En el sentido en que da a este término el filósofo marxista italiano A. Gramsci.
6Recordemos al respecto que en capítulo 11 de Mi lucha A. Hitler descalifica como ideas modernas tanto al liberalismo como la democracia y el socialismo.
7La editorial de GRECE Le Labyrinthe ha publicado una obra al respecto: Le mai 68 de laNouvelle Droite.
8Por eso ha aparecido la corriente historiográfica denominada Negacionismo. Negando laexistencia del Holocausto se reafirma la no maldad intrínseca del ideario nazi.
9El objetivo general de Nietzsche y de la ND es idéntico: la substitución de los valores aluso, hegemónicos en Occidente, por otros que se creen superiores.
10«Practicando una lectura extensiva de la historia de las ideas, la ND no duda en recuperar aquellas que le parecen acertadas en cualquier corriente de pensamiento.» Benoist, A. de y Champetier, Ch.: Manifiesto: la Nueva Derecha en el año 2000.
11Por ejemplo para la ND el racismo (que denuncian en paralelo a una defensa de los inmigrantes aunque propugnan su regreso a sus países de origen) es un producto patológico delideal igualitario.
12Se pretende que lo espiritual predomine sobre lo material; lo idealista/altruista sobre lopragmático; lo heroico sobre lo prosaico; la generosidad sobre el cálculo constante; locomunitario sobre lo individual; el sacrificio sobre el hedonismo; el espíritu de aventura sobrela comodidad; el ánimo guerrero sobre el pacifismo; la jerarquía sobre la igualdad.
13Véase las publicaciones francesas Le Choc du mois, nº31(1990) y Les Dossiers delHistoire, nº82(!992).
14Analogía que ofrece pocas dudas. « (...) les formulations récents du national-populisme sonttributaires de lidéologie de la différence mise au point par la Nouvell droite.» Taguieff, P.A.:Sur la Nouvelle droite, Descartes, Paris,1994, p. 98.
15«Del marxismo al conservadurismo ultraliberal, pasando por todas las variedades del centrismo y de la socialdemocracia, uno se encuentra en presencia de la misma visión de lasociedad, del Estado y del hombre.» Benoist, A. de y Faye, G.: Las ideas de la Nueva Derecha,Ediciones Nuevo Arte Tor, Barcelona, 1986, p. 450.
16«(el Estado (...) dirige políticamente la economía sin intervenir administrativamente en sugestión. Esta concepción de una «economía dirigida» constituye la tercera vía entre el liberalismo del Estado mínimo y el socialismo del Estado nacionalizador y poli-intervencionista.» Benoist,A. de y Faye, G.: Las ideas de la Nueva Derecha, Op. Cit. 387.
17Véase Benoist, A.de: Communisme et nazisme 25 réflexions sur le totalitarisme au Xxesiècle(1817-1989). Le Labyrinthe, París,1989.
18En palabras del propio Nietzsche: «Aquí resulta necesario pensar a fondo y con radicalidady defenderse contra toda debilidad sentimental: la vida misma es esencialmente apropiación,ofensa, avasallamiento de lo que es extraño y más débil, opresión, dureza, imposición de formaspropias, anexión y al menos, en el caso más suave, explotación».Apud Tugendhat, Problemas,Gedisa, Barcelona, 2002, p. 86.
19Taguieff, P. A.: Sur la Nouvelle droite, Op. Cit. 346.
20Florentín, M.: Guía de la Europa Negra, Op.Cit.,82.
21Con independencia del hecho que, probablemente, S. Milosevic nunca haya leído nada deA. de Benoist.
22«Es necesario replantear el mundo en términos de conjuntos orgánicos de solidaridad real:de comunidades de destino continentales, de grupos nacionales coherentes y ópticamentehomogeneos por sus tradiciones, su geografía y sus componentes etnoculturales (...) Estas asociaciones de naciones son geopolíticamente posibles y supondrían la destrucción del marco económico-estratégico actual.» Faye, G.: «Pour en finir avec la civilisation occidentale», Éléments, núm. 34 (1980), 8-9.

vendredi, 08 octobre 2010

Werner Lass et Karl-Otto Paetel, deux nationaux-bolcheviques allemands

anb1.jpg

Werner Lass et Karl-Otto Paetel, deux nationaux-bolcheviques allemands

Moins connus qu’Ernst Niekisch, Werner Lass et Karl-Otto Paetel  sont deux figures atypiques du national-bolchevisme, décrit par Louis Dupeux comme le courant le plus fascinant  de la Révolution Conservatrice.

Au coeur de la jeunesse bundisch

Né à Berlin le 20 mai 1902, Werner Lass appartient aux Wanderwogel de 1916 à 1920. En 1923, il est élu chef du Bund Sturmvolk dont une partie s’unit, en 1926, avec la Schilljugend du célèbre chef de corps-francs Gehrardt Rossbach (1). En 1927, Lass  fait scission pour fonder la Freischar Schill, groupe bündisch dont Ernst Jünger devient rapidement le mentor (« Schirmherr ») et qui place au cœur de ses activités le « combat pour les frontières », les randonnées à l’étranger et la formation militaire (2).

D’octobre 1927 à mars 1928, Lass et Jünger s’associent pour éditer la revue Der Vormarsch (« L’Offensive »), créée en juin 1927 par un autre célèbre chef de corps-francs, le capitaine Ehrhardt. Désireux de dépasser les limites étroites du simple mouvement de jeunesse, il fonde le Wehrjugendbewegung ou Mouvement de jeunesse de défense. Il s’agit pour lui de lier la « dureté de l’engagement du soldat du front avec la force de réalisation et la profondeur du mouvement de jeunesse » afin de créer un nouveau type d’homme.

En août 1928, la Freischar Schill participe au Congrès mondial des organisations de jeunesse, à Ommen, en Hollande. Lass fait un coup éclat en protestant contre la « colonisation » de l’Allemagne et la non attribution d’un visa aux délégués russes. La même année il est emprisonné, accusé d’avoir participé à la révolte paysanne de Claus Heim qui secoue alors le Schlewig-Holstein, et son mouvement sera interdit dans plusieurs villes.

En 1929, la Freischar Schill entreprend des négociations avec le NSDAP, qui échouent du fait des prétentions exorbitantes de la Hitlerjugend. En septembre 1929, Lass fonde une ligue regroupant les membres les plus âgés, le Bund der Eidgenossen ou Ligue des Conjurés, qui adopte très vite des positions nationales-bolcheviques.

Die Kommenden et les nationalistes sociaux-révolutionnaires

Quelques mois plus tard, en janvier 1930, Werner Lass et Jünger prennent la direction de l’hebdomadaire Die Kommenden, qui exerce alors une grande influence auprès de toute la jeunesse bündisch. Lass y écrira de rares articles.

C’est à la rédaction de Die Kommenden qu’il croise la route d’une autre figure du national-bolchevisme des années 30 : Karl-Otto Paetel. Celui-ci est également né à Berlin, le 23 novembre 1906. Tout comme Lass, il a commencé à militer dans les rangs de la jeunesse bündisch, à la Deutsche Freishar et au Bund der Köngener. Issu d’un milieu très modeste, il a dû arrêter ses études quand la bourse dont il bénéficiait lui a été retirée après qu’il ai manifesté contre le plan Young. Esprit décidemment rebelle, il sera aussi exclu de la Deutsche Freishar, en 1930, à la suite d’un article jugé insultant envers le maréchal Hindenburg.

Animateur, de 1928 à 1930, du mensuel Das Junge Volk, Karl-Otto Paetel lie dans ses écrits, dès 1929, combat de libération nationale et lutte des classes : « Tout pour la nation !… Le mot d’August Winning, d’après lequel la lutte libératrice de la nation doit être le lutte du travailleur allemand mène ici à la seule conséquence possible : approuver la lutte des classes comme un fait, la pousser dans l’intérêt du peuple tout entier (…) l’emprunter comme une voie pour la victoire du nationalisme ».

En 1930, Paetel se voit proposer par Lass et Jünger la direction de Die Kommenden. Dans un article paru dans le premier numéro de l’année 1930, il appelle à « en faire un porte-parole de toutes les nouvelles impulsions et pensées qui partout sont à l’œuvre dans la jeune Allemagne, pour toutes les tentatives révolutionnaires de renouvellement » et à rejeter les « aboiements du libéralisme et de la réaction, en qui nous reconnaissons nos ennemis mortels » (3). Et d’assigner au journal une ligne résolument révolutionnaire : « Nous reprendrons à l’intérieur et à l’extérieur de l’espace allemand le combat contre le système de l’exploitation capitaliste, qui a toujours empêché l’intégration du prolétariat dans l’ensemble du destin allemand » (4).

Quelques mois plus tard, fin mai 1930, il crée le Gruppe sozialrevolutionarër nationalisten (Groupe des nationalistes sociaux-révolutionnaires). Une série d’articles, publiés dans le numéro du 27 juin 1930 présente la déclaration-programme du GSRN.  Pour Paetel, « le sens de toute économie est uniquement la couverture des besoins de la nation et non pas la richesse et le gain » (5). Il en appelle à une « révolution mondiale »,  considère le bolchevisme comme un mouvement de libération nationale et souhaite  l’alliance avec l’URSS pour faire pièce à l’esclavage exercé par les nations occidentales : « Nous nationalistes sociaux-révolutionnaires, nous en exigeons l’alliance avec l’Union soviétique . Nous voyons dans tous les peuples opprimés, à quelques races qu’ils appartiennent, nos alliés naturels »(6).

National-bolchevisme et national-socialisme

Pendant l’été 1930, Paetel est débarqué de Die Kommenden par les tenants d’un nationalisme plus classique. En janvier 1931, il lance le mensuel Die sozialistische Nation, qui se réclame du national-bolchevisme, prône la lutte des classes, la collaboration avec le PC et l’instauration de « l’Allemagne des conseils », et entend alors représenter « le secteur non marxiste, non matérialiste du front socialiste ». De son côté, Lass publie, en septembre 1932, une nouvelle revue, Der Umsturz (La Subversion), qui se veux l’organe « des nationalistes radicaux, des socialistes radicaux, des activistes révolutionnaires de toutes tendances » et se réclame ouvertement du national-bolchevisme. « Bolchevisme est présenté comme la quintessence de tout ce qui est destructeur et décomposant. Alors, c’est vrai, nous sommes nationaux-bolcheviks, car précisément, la voie de la nation ne passe que par cette destruction créatrice » (7) peut-on y lire.

L’orientation NB semble corroborée par les évènements des années 1930-1931, scission de l’aile gauche du NSDAP d’une part, politique « nationale » du KPD d’autre part. En ce qui concerne le NSDAP d’Hitler, les NB estiment qu’il s’est embourgeoisé. En 1931, Lass écrit ainsi : « Aujourd’hui au nationaliste convaincu du NSDAP peut seulement être accordé la tâche de radicaliser la large masse de la bourgeoisie et de contribuer au délitement national »(8). Rien de plus. Le 4 juillet 1930, Otto Strasser quitte le parti pour fonder la Communauté nationale-socialiste révolutionnaire. Mais très vite les NB se montrent critiques vis à vis des thèses strassériennes, stigmatisant son «  socialisme à 49 % »  et ses hésitations sur la question de l’alliance russe.

Le fossé entre NB et NS de gauche s’élargit encore du fait de l’espoir mis dans l’évolution du KPD. Le 24 août 1930, l’organe central, Die Rote Fahne, publie une « Déclaration programme pour la libération nationale et sociale du peuple allemand », qui accorde une large place à la question nationale. Il s’agit pour les communistes d’enrayer la radicalisation des classes moyennes, en développant une argumentation nationaliste appuyée sur un appel à une « alliance de classes » de tous les travailleurs contre le petit groupe de possédants capitalistes. Cette stratégie parvient à faire passer dans le camp communiste des nationalistes (9). Croyant naïvement qu’une ligne NB est à l’œuvre au KPD, Paetel multiplie les débats avec les communistes, prenant même la parole lors de leurs meetings. En 1932, il appelle même à voter pour le candidat communiste à l’élection présidentielle, Thaelmann . Début 1933, il publie un Manifeste national-bolchevik, dont les premiers exemplaires, imprimés le 29 janvier, sont distribués le soir même de l’arrivée au pouvoir d’Hitler.

Werner Lass sera arrêté, en mars 1933, pour détention d’explosifs et mis en prison. Après une instruction interrompue, la Freischar Schill et le Bund der Eidgenossen ayant été interdits, il intègre la Hitlerjugend, ce qui représente un cas unique parmi tous les chefs NB. Il en sera d’ailleurs exclu en 1934. De son côté, Paetel sera emprisonné à plusieurs reprises après l’arrivée au pouvoir d’Hitler, avant de parvenir à gagner Prague en 1935, puis la Scandinavie.

Edouard Rix

NOTES

 

(1)  Son nom perpétue le souvenir du major Schill, tombé au cours de la lutte de libération contre l’occupation napoléonienne.

(2) Ses jeunes membres subissent une formation paramilitaire selon le « Reibert », manuel de l’infanterie allemande.

(3) K.O. Paetel, « Unser Weg », Die Kommenden, 1930, n°1, p. 2.

(4) Idem.

(5) T. Münzen « Gwendsätzeiches zum sozialistischen Wirtschaftsarfbau », Die Kommenden, 1930, n°26, p. 307.

(6) K. Baumann, « Sozialistische Revolution », Die Kommenden, 1930, n°26, p. 301.

(7) « Wir Nationalbolchewisten », Der Umsturz, n°6-7.

(8) W. Lass, « Vom vormarsch des Nationalismus », Die Kommenden, 1931, n°7, p. 76.

(9) C’est le cas du capitaine Beppo Romer, chef du bund Oberland, du sous-lieutenant Richard Scheringer, directeur de la revue Aufbruch, de Bruno von Salomon, frère d’Ernst et dirigeant du Landvolkbewegung, ou encore d’Harro Schulze-Boyser, animateur du journal Der Gegner.

Source : Réfléchir & Agir, été 2008, n°29, pp. 48-49.

 

jeudi, 07 octobre 2010

Les origines du communisme expliquent bien des choses

Les origines du communisme expliquent bien des choses

red-flag.jpgDans quelques jours sortira de presse une réédition (1) que je crois capitale. Il s'agit en effet d'une "Histoire du communisme" publiée sous ce titre en 1848. Autrement dit, on y découvre le Communisme avant Marx. Ceci nous montre ce que va devenir à nouveau la même utopie. On se complaît à penser désormais que "Marx est mort". Pourtant nombre de bons esprits cherchent à le réhabiliter. Et, sous divers faux nez, ils tenteront de le faire de plus en plus impunément.

Pour plusieurs générations, et depuis un siècle, le mot communisme n'a eu de sens que pour désigner les disciples du prophète du British Museum. Plus précisément encore, parmi eux, il désigne ceux qui, à la suite de Lénine et de Trotski, ont choisi la violence "accoucheuse de l'Histoire". Tous les sympathisants de cette interprétation du marxisme professent, comme chacun devrait le savoir, un profond mépris pour la sociale démocratie. (2)

La même année, où le livre de Sudre était publié (3) paraissait le fameux Manifeste communiste. Il était écrit par Marx et Engels, à la demande d'une petite organisation révolutionnaire. Celle-ci s'appelait initialement la ligue des Justes. Or cette quasi secte prétendra dès lors rompre avec la grande tradition de l'utopie communiste, celle que Marx appelle dédaigneusement "socialisme utopique".

On sait la suite. Ou plutôt on croit la connaître. Car l'expérimentation marxiste puis léniniste ne fait que confirmer toute l'Histoire de l'Utopie ; elle n'en forme que la continuation.

Alfred Sudre en suit la trame, à partir du Platon de "La République", admirateur des institutions de Sparte et de la Crète. Dès l'échec de sa propre théorie, lui-même la remet en cause.

Il examine ensuite toutes les hérésies, folies, et autres aventures sectaires du Moyen Âge et de la Renaissance. Certaines, à tort, et Alfred Sudre le démontre, ont été accusées, – y compris les chrétiens de l'Antiquité tardive, y compris certains ordres monastiques, et aussi les cathares, – de vouloir l'abolition de la propriété privée. D'autres ont bel et bien préfiguré le bolchevisme. Ainsi les anabaptistes de Münzer, responsables de la terrible Guerre des paysans qui ravagea l'Allemagne du sud au XVIe siècle, propageront leur pestilence jusqu'en Amérique.

De même, l'Utopie de Thomas More, apparue en 1516 en Angleterre, contient en germe toutes les idées subversives ultérieures. Marx ne leur donnera qu'un vernis de théorie économique. Son apparente pertinence se veut tirée des fondateurs classiques de cette discipline : Adam Smith et David Ricardo. Le co-auteur du Manifeste lui-même reconnaît que sa pensée tend à associer l'économie anglaise, la philosophie dialectique allemande et ce qu'il considère comme le socialisme français.

Ce mot de "socialisme" est en effet apparu en France au XIXe siècle. Il revient à Pierre Leroux, auquel Alfred Sudre consacre son dernier chapitre de lui avoir donné en 1834 sa signification contemporaine.

Les représentants de celui-ci se trouvent particulièrement actifs, aux côtés de "communistes" et utopistes plus caractérisés, comme Cabet et Fourrier dans les milieux révolutionnaires français. Et ces derniers vont, précisément en cette même année 1848, où toute l'Europe est secouée d'une vague de révolutions, les unes nationales, les autres républicaines, mettre l'accent, d'une façon toute particulière sur la dimension sociale des événements. Ce dernier point, combiné avec d'autres intentions philosophiques, conférera au marxisme tel que nous l'avons connu, tel qu'il subsiste malheureusement encore dans une partie résiduelle de l'intelligentsia, son apparence d'originalité

De nos jours, 20 ans après l'effondrement du "communisme", le sens que le XXe siècle donnait à ce mot se trouve peu à peu oublié. Cette chose, ce fait sociologique que Jules Monnerot décrira en 1949 comme "l'entreprise" (3) marxiste-léniniste, ose dire de la dictature de son "parti" qu'elle correspond à celle du "prolétariat".

Il peut donc sembler à certains que rien de bien nouveau ne soit apparu dans la sphère des idées.

Auteur de cette "Histoire du communisme" avant Marx, Alfred Sudre montre à vrai dire la permanence, depuis l'Antiquité grecque et le Moyen Âge européen de deux familles de doctrines sociales dans l'Histoire des idées. Elles se sont affrontées, de tous temps, depuis "la République" de Platon.

Face à ceux qui, très majoritaires, reconnaissent le droit de propriété, s'affirment les partisans de la communauté. Les intéressées apprécieront beaucoup, de nos jours, que cette dernière doctrine consistât le plus souvent en la mise en commun, par les hommes, des biens mais aussi des femmes, considérées comme leur appartenant.

Parmi les mérites de cet ouvrage, on lui doit aussi un chapitre particulièrement passionnant, résumant les aspects les plus radicaux de l'œuvre de Pierre-Joseph Proudhon pour qui j'ai toujours éprouvé une grande tendresse. Alfred Sudre nous permet de retrouver des citations réjouissantes. Quand il aborde le point de vue de l'économiste, Proudhon devient lumineux, presque irréfutable.

Ici j'en choisirais une seule (4):
"Le communisme, pour subsister, supprime tant de mots, tant d'idées, tant de faits, que les sujets formés par ses soins n'auront plus le besoin de parler, de penser, ni d'agir : ce seront des huîtres attachées côte à côte, sans activité ni sentiment, sur le rocher de la fraternité. Quelle philosophie intelligente et progressive que le communisme !"
… mais je ne voudrais pas déflorer ce que le livre souligne par ailleurs.

Oui, les origines du communisme expliquent bien des choses.
JG Malliarakis

Apostilles
  1. Jusqu'au 15 octobre les lecteurs de l'Insolent peuvent commander directement ce livre de 459 pages proposé en souscription au prix franco de port de 18 euros. Il sera ultérieurement commercialisé au prix de 25 euros.
  2. On retrouve la trace d'un tel dédain à l'époque de la refondation du "nouveau" parti socialiste (c'est-à-dire de l'actuel), de son congrès fondateur d'Epinay, et du programme commun de 1972 rédigé par Jean-Pierre Chevènement. À noter que dès 1976, ce dernier osera assurer que "si le Général [De Gaulle] était vivant, il soutiendrait le programme commun de la gauche."
  3. Son sous-titre original le présente comme une "réfutation historique des utopies socialistes". Très rapidement épuisé, cet ouvrage reçut en mai 1849 le prix Montyon décerné l'Académie française et fit l'objet cette année-là d'une seconde édition aux dépens de Victor Lecou, rue de Bouloi, imprimé par Gustave Gratiot, rue de la Monnaie. Quoique réimprimé depuis, dans divers pays non-francophones, par procédé "anastatique", il avait été, durant des décennies, superbement ignoré de l'édition et plus encore des bibliographies parisiennes.
  4. Cf. sa "Sociologie du communisme" où, caractérisant cette aventure révolutionnaire il y voit (Tome Ier) "l'islam du XXe siècle"
  5. Cf. "Histoire du communisme avant Marx" par Alfred Sudre page 356.

Vous pouvez entendre l'enregistrement de cette chronique

sur le site de Lumière 101

00:10 Publié dans Livre, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, politique, idéologie, communisme, 19ème siècle, histoire | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 06 octobre 2010

Guillaume Faye's Archeofuturism in English Version ! A Must !

Guillaume Faye's Archeofuturism in English Version ! A Must !
This book is the most fundamental work by Guillaume Faye. Faye believes that the future of the Right requires a transcendence of the division between those who wish for a restoration of the traditions of the past, and those who are calling for new social and technological forms - creating a synthesis which will amplify the strengths and restrain the excesses of both: Archeofuturism. Faye also provides a critique of the New Right; an analysis of the continuing damage being done by Western liberalism, political inertia, unrestrained immigration and ethnic self-hatred; and the need to abandon past positions and dare to face the realities of the present in order to realise the ideology of the future. He prophesises a series of catastrophes between 2010 and 2020, brought about by the unsustainability of the present world order, which he asserts will offer an opportunity to rebuild the West and put Archeofuturism into practice on a grand scale.

Guillaume Faye: Archeofuturism (Hardback)

Product Description

Archeofuturism, an important work in the tradition of the European New Right, is finally now available in English. Challenging many assumptions held by the Right, this book generated much debate when it was first published in French in 1998. Faye believes that the future of the Right requires a transcendence of the division between those who wish for a restoration of the traditions of the past, and those who are calling for new social and technological forms - creating a synthesis which will amplify the strengths and restrain the excesses of both: Archeofuturism.

Faye also provides a critique of the New Right; an analysis of the continuing damage being done by Western liberalism, political inertia, unrestrained immigration and ethnic self-hatred; and the need to abandon past positions and dare to face the realities of the present in order to realise the ideology of the future. He prophesises a series of catastrophes between 2010 and 2020, brought about by the unsustainability of the present world order, which he asserts will offer an opportunity to rebuild the West and put Archeofuturism into practice on a grand scale.

Archeofuturism, an important work in the tradition of the European New Right, is finally now available in English. Challenging many assumptions held by the Right, this book generated much debate when it was first published in French in 1998. Faye believes that the future of the Right requires a transcendence of the division between those who wish for a restoration of the traditions of the past, and those who are calling for new social and technological forms - creating a synthesis which will amplify the strengths and restrain the excesses of both: Archeofuturism.

Faye also provides a critique of the New Right; an analysis of the continuing damage being done by Western liberalism, political inertia, unrestrained immigration and ethnic self-hatred; and the need to abandon past positions and dare to face the realities of the present in order to realise the ideology of the future. He prophesises a series of catastrophes between 2010 and 2020, brought about by the unsustainability of the present world order, which he asserts will offer an opportunity to rebuild the West and put Archeofuturism into practice on a grand scale.

This book is a must-read for anyone concerned with the course that the Right must chart in order to deal with the increasing crises and challenges it will face in the coming decades.

Guillaume Faye was one of the principal members of the famed French New Right organisation GRECE in the 1970s and '80s. After departing in 1986 due to his disagreement with its strategy, he had a successful career on French television and radio before returning to the stage of political philosophy as a powerful alternative voice with the publication of Archeofuturism. Since then he has continued to challenge the status quo within the Right in his writings, earning him both the admiration and disdain of his colleagues.

'Archeofuturism is thus both archaic and futuristic, for it validates the primordiality of Homer's epic values in the same breath that it advances the most daring contemporary science.' --Michael O'Meara, from the Foreword

Additional Information

Author Guillaume Faye
Full Title Archeofuturism: European Visions of the Post-Catastrophic Age
Binding Hardback
Publisher Arktos Media (2010)
Pages 249
ISBN 978-1-907166-10-5
Language English
Short Description This book is the most fundamental work by Guillaume Faye. Faye believes that the future of the Right requires a transcendence of the division between those who wish for a restoration of the traditions of the past, and those who are calling for new social and technological forms - creating a synthesis which will amplify the strengths and restrain the excesses of both: Archeofuturism. Faye also provides a critique of the New Right; an analysis of the continuing damage being done by Western liberalism, political inertia, unrestrained immigration and ethnic self-hatred; and the need to abandon past positions and dare to face the realities of the present in order to realise the ideology of the future. He prophesises a series of catastrophes between 2010 and 2020, brought about by the unsustainability of the present world order, which he asserts will offer an opportunity to rebuild the West and put Archeofuturism into practice on a grand scale.
Table of Contents Foreword by Michael O'Meara
A Note from the Editor
Introduction

1. An Assessment of the Nouvelle Droite
2. A Subversive Idea: Archeofuturism as an Answer to the Catastrophe of Modernity and an Alternative to Traditionalism
3. Ideologically Dissident Statements
4. For a Two-Tier World Economy
5. The Ethnic Question and the European
6. A Day in the Life of Dimitri Leonidovich Oblomov – A Chronicle of Archeofuturist Times

lundi, 27 septembre 2010

Conservadurismo revolucionario frete a neoconservadurismo

 CONSERVADURISMO REVOLUCIONARIO FRENTE A NEOCONSERVADURISMO

ReCons versus NeoCons

SEBASTIAN J. LORENZ
fidus-schwertwache.jpgBajo la fórmula “Revolución Conservadora” acuñada por Armin Mohler (Die Konservative Revolution in Deutschlan 1918-1932) se engloban una serie de corrientes de pensamiento contemporáneas del nacionalsocialismo, independientes del mismo, pero con evidentes conexiones filosóficas e ideológicas, cuyas figuras más destacadas son Oswald Spengler, Ernst Jünger, Carl Schmitt y Moeller van den Bruck, entre otros. La “Nueva Derecha” europea ha invertido intelectualmente gran parte de sus esfuerzos en la recuperación del pensamiento de estos autores, junto a otros como Martin Heidegger, Arnold Gehlen y Konrad Lorenz (por citar algunos de ellos), a través de una curiosa fórmula retrospectiva: se vuelve a los orígenes teóricos, dando un salto en el tiempo para evitar el “interregno fascista”, y se comienza de nuevo intentando reconstruir los fundamentos ideológicos del conservadurismo revolucionario sin caer en la “tentación totalitaria” y eludiendo cualquier “desviacionismo nacionalsocialista”.
Con todo, los conceptos de “revolución conservadora” y de “nueva derecha” no son, desde luego, construcciones terminológicas muy afortunadas. Por supuesto que la “revolución conservadora”, por más que les pese a los mal llamados “neconservadores” (sean del tipo Reagan, Bush, Thatcher, Sarkozy o Aznar), no tiene nada que ver con la “reacción conservadora” (una auténtica “contrarrevolución”) que éstos pretenden liderar frente al liberalismo progre, el comunismo posmoderno y el contraculturalismo de la izquierda. Pero la debilidad de la derecha clásica estriba en su inclinación al centrismo y a la socialdemocracia (“la seducción de la izquierda”), en un frustrado intento por cerrar el paso al socialismo, simpatizando, incluso, con los únicos valores posibles de sus adversarios (igualitarismo, universalismo, falso progresismo). Un grave error para los que no han comprendido jamás que la acción política es un aspecto más de una larvada guerra ideológica entre dos concepciones del mundo completamente antagónicas.
Tampoco la “nueva derecha” representa un nuevo tipo de política conservadora frente a la ya tradicional economicista, gestionaria y demoliberal, sino que se sitúa en algún lugar “neutro” (no equidistante) entre la derecha y la izquierda (extramuros de la política), como se desprende inmediatamente de la antología de textos de Alain de Benoist publicada por Áltera (“Más allá de la derecha y de la izquierda”). Recordemos que, cuando a Drieu La Rochelle le preguntaron por su adscripción política, jugando con la posición que ocupan en los parlamentos los distintos grupos políticos a la derecha o a la izquierda del presidente de la cámara, el pensador francés se situaba, precisamente, justo por detrás de éste. Toda una declaración de principios.
El propio Alain de Benoist, en la citada antología, se pregunta cuáles son las razones del retraimiento progresivo de la interferencia entre las nociones de derecha y de izquierda, precisando que «desde luego que la derecha quiere un poco más de liberalismo y un poco menos de política social, mientras que la izquierda prefiere un poco más de política social y un poco menos de liberalismo, pero al final, entre el social-liberalismo y el liberalismo social, no podemos decir que la clase política esté verdaderamente dividida» Y citando a Grumberg: «El fuerte vínculo entre el liberalismo cultural y la orientación a la izquierda por un lado, y el liberalismo económico y la orientación a la derecha por otro, podrían llevar a preguntarnos si estos dos liberalismos no constituyen los dos polos opuestos de una única e igual dimensión, que no sería otra que la misma dimensión derecha-izquierda.»
Pero seguramente ha sido Ernst Jünger (“El Trabajador”) quien mejor ha descrito estos conceptos políticos. El conservador genuino –escribe Jünger- no quiere conservar éste o aquél orden, lo que quiere es restablecer la imagen del ser humano, que es la medida de las cosas. De esta forma, «se vuelven muy parecidos los conservadores y los revolucionarios, ya que se aproximan necesariamente al mismo fondo. De ahí que sea siempre posible demostrar la existencia de ambas cualidades en los grandes modificadores, en las que no sólo derrocan órdenes, sino que también los fundan». Jünger observaba cómo se fusionan de una manera extraña las diferencias entre la “reacción” y la “revolución”: «emergen teorías en las cuales los conceptos “conservador” y “revolucionario” quedan faltamente identificados …, ya que “derecha” e “izquierda” son conceptos que se bifurcan a partir de un eje común de simetría y tienen sentido únicamente si se los ve desde él. Tanto si cooperan como si lo hacen al mismo tiempo, la derecha y la izquierda dependen de un cuerpo cuya unidad tiene que hacerse visible cuando un movimiento pasa del marco del movimiento al marco del estado.» Sin comentarios.
Por todo ello, queremos subrayar aquí que, con la denominación de “Nueva Derecha” –aunque no nos agrade tal calificación y optemos por la de “Conservadurismo Revolucionario”--, se hace referencia a un estilo ético y estético de pensamiento político dirigido al repudio de los dogmatismos, la formulación antiigualitaria, el doble rechazo de los modelos capitalista y comunista, la defensa de los particularismos étnicos y regionales, la consideración de Europa como unidad, la lucha contra la amenaza planetaria frente a la vida, la racionalización de la técnica, la primacía de los valores espirituales sobre los materiales. El eje central de la crítica al sistema político “occidental” lo constituye la denuncia del cristianismo dogmático, el liberalismo y el marxismo, como elementos niveladores e igualadores de una civilización europea, perdida y desarraigada, que busca, sin encontrarla, la salida al laberinto de la “identidad específica”. En el núcleo de esta civilización europea destaca la existencia del “hombre europeo multidimensional”, tanto al nivel biológico, que en su concepción sociológica reafirma los valores innatos de la jerarquía y la territorialidad, como al específicamente humano, caracterizado por la cultura y la conciencia histórica. Constituye, en el fondo, una reivindicación de la “herencia” –tanto individual como comunitaria-, fenómeno conformador de la historia evolutiva del hombre y de los pueblos, que demuestra la caducidad de las ideologías de la nivelación y la actualidad de la rica diversidad de la condición humana. Un resumen incompleto y forzado por la tiranía del espacio digital, pero que sirve al objeto de efectuar comparaciones.
Entre tanto, el “Neoconservadurismo” contrarrevolucionario, partiendo del pensamiento del alemán emigrado a norteamérica Leo Strauss, no es sino una especie de “reacción” frente a la pérdida de unos valores que tienen fecha de caducidad (precisamente los suyos, propios de la burguesía angloamericana mercantilista e imperialista). Sus principios son el universalismo ideal y humanitario, el capitalismo salvaje, el tradicionalismo académico, el burocratismo totalitario y el imperialismo agresivo contra los fundamentalismos terroristas “anti-occidentales”. Para estos neconservadores, Estados Unidos aparece como la representación más perfecta de los valores de la libertad, la democracia y la felicidad fundada en el progreso material y en el regreso a la moral, siendo obligación de Europa el copiar este modelo triunfante. En definitiva, entre las ideologías popularizadas por los “neocons” (neoconservadores en la expresión vulgata de Irving Kristol) y los “recons” (revolucionarios-conservadores, de mi cosecha) existe un abismo insalvable. El tiempo dirá, como esperaban Jünger y Heidegger, cuál de las dos triunfa en el ámbito europeo de las ideas políticas. Entre tanto, seguiremos hablando de esta original “batalla de las ideologías” en futuras intervenciones.
[Publicado por "ElManifiesto.com" el  20/08/2010]

jeudi, 15 juillet 2010

Foundations of Russian Nationalism

Foundations of Russian Nationalism

Robert Steuckers
 
Ex: http://www.counter-currents.com/
 

Medal of the Soviet Order of Alexander Nevsky, 1942

Translated by Greg Johnson

Throughout its history, Russia has been estranged from European dynamics. Its nationalism and national ideology are marked by a double game of attraction and revulsion towards Europe in particular and the West in general.

The famous Italian Slavist Aldo Ferrari points out that from the 10th to the 13th centuries, the Russia of Kiev was well-integrated into the medieval economic system. The Tartar invasion tore Russia away from the West. Later, when the Principality of Moscow reorganized itself and rolled back the residues of the Tartar Empire, Russia came to see itself as a new Orthodox Byzantium, different from the Catholic and Protestant West. The victory of Moscow began the Russian drive towards the Siberian vastness.

The rise of Peter the Great, the reign of Catherine the Great, and the 19th century brought a tentative rapprochement with the West.

To many observers, the Communist revolution inaugurated a new phase of autarkic isolation and de-Westernization, in spite of the Western European origin of its ideology, Marxism.

But the Westernization of the 19th century had not been unanimously accepted. At the beginning of the century, a fundamentalist, romantic, nationalist current appeared with vehemence all over Russia: against the “Occidentalists” rose the “Slavophiles.” The major cleavage between the left and the right was born in Russia, in the wake of German romanticism. It is still alive today in Moscow, where the debate is increasingly lively.

The leader of the Occidentalists in the 19th century was Piotr Chaadaev. The most outstanding figures of the “Slavophile” camp were Ivan Kireevski, Aleksei Khomiakov, and Ivan Axakov. Russian Occidentalism developed in several directions: liberal, anarchist, socialist. The Slavophiles developed an ideological current resting on two systems of values: Orthodox Christendom and peasant community. In non-propagandistic terms, that meant the autonomy of the national churches and a savage anti-individualism that regarded Western liberalism, especially the Anglo-Saxon variety, as a true abomination.

Over the decades, this division became increasingly complex. Certain leftists evolved towards a Russian particularism, an anti-capitalist, anarchist-peasant socialism. The Slavophile right mutated into  “panslavism” manipulated to further Russian expansion in the Balkans (supporting the Romanians, Serbs, Bulgarians, and Greeks against the Ottomans).

Among these “panslavists” was the philosopher Nikolay Danilevsky, author of an audacious historical panorama depicting Europe as a community of old people drained of their historical energies, and the Slavs as a phalange of young people destined to govern the world. Under the direction of Russia, the Slavs must seize Constantinople, re-assume the role of Byzantium, and build an imperishable empire.

Against the Danilevsky’s program, the philosopher Konstantin Leontiev wanted an alliance between Islam and Orthodoxy against the liberal ferment of dissolution from the West. He opposed all conflict between Russians and Ottomans in the Balkans. The enemy was above all Anglo-Saxon. Leontiev’s vision still appeals to many Russians today.

Lastly, in the Diary of Writer, Dostoevsky developed similar ideas (the youthfulness of the Slavic peoples, the perversion of the liberal West) to which he added a radical anti-Catholicism. Dostoevsky came to inspire in particular the German “national-Bolsheviks” of the Weimar Republic (Niekisch, Paetel, Moeller van den Bruck, who was his translator).

Following the construction of the Trans-Siberian railroad under the energetic direction of the minister Witte, a pragmatic and autarkical ideology of “Eurasianism” emerged that aimed to put the region under Russian control, whether directed by a Tsar or a Soviet Vojd (“Chief”).

The “Eurasian” ideologists are Troubetzkoy, Savitski, and Vernadsky. For them, Russia is not an Eastern part of Europe but a continent in itself, which occupies the center of the “World Island” that the British geopolitician Halford John Mackinder called the “Heartland.” For Mackinder, the power that managed to control “Heartland” was automatically master of the planet.

Indeed, this “Heartland,” namely the area extending from Moscow to the Urals and the Urals to the Transbaikal, was inaccessible to the maritime powers like England and the United States. It could thus hold them in check.

Soviet policy, especially during the Cold War, always tried to realize Mackinder’s worst fears, i.e., to make the Russo-Siberian center of the USSR impregnable. Even in the era of nuclear power, aviation, and transcontinental missiles. This “sanctuarization” of the Soviet “Heartland” constituted the semi-official ideology of the Red Army from Stalin to Brezhnev.

The imperial neo-nationalists, the national-Communists, and the patriots opposed Gorbachev and Yeltsin because they dismantled the Eastern-European, Ukrainian, Baltic, and central-Asian glacis of this “Heartland.”

These are the premises of Russian nationalism, whose multiple currents today oscillate between a populist-Slavophile pole (“narodniki,” from “narod,” people), a panslavist pole, and an Eurasian pole. For Aldo Ferrari, today’s Russian nationalism is subdivided between four currents: (a) neo-Slavophiles, (b) eurasianists, (c) national-Communists, and (d) ethnic nationalists.

The neo-Slavophiles are primarily those who advocate the theses of Solzhenitsyn. In How to Restore Our Russia?, the writer exiled in the United States preached putting Russia on a diet: She must give up all  imperial inclinations and fully recognize the right to self-determination of the peoples on her periphery. Solzhenitsyn then recommended a federation of the three great Slavic nations of the ex-USSR (Russia, Belarus, and Ukraine). To maximize the development of Siberia, he suggested a democracy based on small communities, a bit like the Swiss model. The other neo-nationalists reproach him for mutilating the imperial motherland and for propagating a ruralist utopianism, unrealizable in the hyper-modern world in which we live.

The Eurasianists are everywhere in the current Russian political arena. The philosopher to whom they refer is Lev Goumilev, a kind of Russian Spengler who analyzes the events of history according to the degree of passion that animates a people. When the people are impassioned, they create great things. When inner passion dims, the people decline and die. Such is the fate of the West.

For Goumilev, the Soviet borders are intangible but new Russia must adhere to the principle of ethnic pluralism. It is thus not a question of Russianizing the people of the periphery but of making of them definitive allies of the “imperial people.”

Goumilev, who died in June 1992, interpreted the ideas of Leontiev in a secular direction: the Russians and the Turkish-speaking peoples of Central Asia were to make common cause, setting aside their religious differences.

Today, the heritage of Goumilev is found in the columns of Elementy, the review of the Russian “New Right” of Alexandre Dugin, and Dyeïnn (which became Zavtra, after the prohibition of October 1993), the newspaper of Alexander Prokhanov, the leading national-patriotic writers and journalists. But one also finds it among certain Moslems of the “Party of Islamic Rebirth,” in particular Djemal Haydar. More curiously, two members of Yeltsin’s staff, Rahr and Tolz, were followers of Eurasianism. Their advice was hardly followed.

According to Aldo Ferrari, the national-Communists assert the continuity of the Soviet State as an historical entity and autonomous geopolitical space. But they understand that Marxism is no longer valid. Today, they advocate a “third way” in which the concept of national solidarity is cardinal. This is particularly the case of the chief of the Communist Party of the Russuan Federation, Gennady Zyuganov.

The ethnic nationalists are inspired more by the pre-1914 Russian extreme right that wished to preserve the “ethnic purity” of the people. In a certain sense, they are xenophobic and populist. They want people from the Caucasus to return to their homelands and are sometimes strident anti-Semites, in the Russian tradition.

Indeed, Russian neo-nationalism is rooted in the tradition of 19th century nationalism. In the 1960s, the neo-ruralists (Valentine Raspoutin, Vassili Belov, Soloukhine, Fiodor Abramov, etc.) came to completely reject “Western liberalism,” based on a veritable “conservative revolution”—all with the blessing of the Soviet power structure!

The literary review Nache Sovremenik was made the vehicle of this ideology: neo-Orthodox, ruralist, conservative, concerned with ethical values, ecological. Communism, they said, extirpated the “mythical consciousness” and created a “humanity of amoral monsters” completely “depraved,” ready to accept Western mirages.

Ultimately, this “conservative revolution” was quietly imposed in Russia while in the West the “masquerade” of 1968 (De Gaulle) caused the cultural catastrophe we are still suffering.

The Russian conservatives also put an end to the Communist phantasm of the “progressive interpretation of history.” The Communists, indeed, from the Russian past whatever presaged the Revolution and rejected the rest. To the “progressivist and selective interpretation,” the conservatives opposed the “unique flow”: they simultaneously valorized all Russian historical traditions and mortally relativized the linear conception of Marxism.

Bibliography

Aldo FERRARI, «Radici e prospettive del nazionalismo russe», in Relazioni internazionali, janvier 1994.

Robert STEUCKERS (éd.), Dossier «National-communisme», in Vouloir, n°105/108, juillet-septembre 1993 (textes sur les variantes du nationalisme russe d’aujourd’hui, sur le “national-bolchévisme” russe des années 20 et 30, sur le fascisme russe, sur V. Raspoutine, sur la polé­mique parisienne de l’été 93).

Gerd KOENEN/Karla HIELSCHER, Die schwarze Front, Rowohlt, Reinbeck, 1991.

Walter LAQUEUR, Der Schoß ist fruchtbar noch. Der militante Nationalismus der russi­schen Rechten, Kindler, München, 1993.

Mikhaïl AGURSKI, La Terza Roma. Il nazionalbolscevismo in Unione Sovietico,  Il Mulino, Bologne, 1989.

Alexandre SOLJENITSYNE, Comment réaménager notre Russie?, Fayard, Paris, 1990.

Alexandre DOUGUINE (DUGHIN), Continente Russia, Ed. all’insegna del Veltro, Parme, 1991. Extrait dans Vouloir n°76/79, 1991, «L’inconscient de l’Eurasie. Réflexions sur la pensée “eurasiatique” en Russie». Prix de ce numéro 50 FF (chèques à l’ordre de R. Steuckers).

Alexandre DOUGUINE, «La révolution conservatrice russe», manuscrit,  texte à paraître dans Vouloir.

Konstantin LEONTIEV, Bizantinismo e Mondo Slavo, Ed. all’insegna del Veltro, Parme, 1987 (trad. d’Aldo FERRARI).

N.I. DANILEVSKY, Rußland und Europa, Otto Zeller Verlag, 1965.

Michael PAULWITZ, Gott, Zar, Muttererde: Solschenizyn und die Neo-Slawophilen im heutigen Rußland, Burschenschaft Danubia, München, 1990.

Hans KOHN, Le panslavisme. Son histoire et son idéologie, Payot, Paris, 1963.

Walter SCHUBART, Russia and Western Man, F. Ungar, New York, 1950.

Walter SCHUBART, Europa und die Seele des Ostens, G. Neske, Pfullingen, 1951.

Johan DEVRIENDT, Op zoek naar de verloren harmonie – mens, natuur, gemeenschap en spi­ritualiteit bij Valentin Raspoetin, Mémoire, Rijksuniversiteit Gent/Université d’Etat de Gand, 1992 (non publié).

Koenraad LOGGHE, «Valentin Grigorjevitsj Raspoetin en de Russische traditie», in Teksten, Kommentaren en Studies, n°71, 1993.

Alexander YANOV, The Russian New Right. Right-Wing Ideologies in the Contemporary USSR, IIS/University of California, Berkeley, 1978.

Wolfgang STRAUSS, Rußland, was nun?, Österreichische Landmannschaft/Eckart-Schriften 124, Vienne, 1993.

Pierre PASCAL, Strömungen russischen Denkens 1850-1950, Age d’Homme/Karolinger Verlag, Vienne (Autriche), 1981.

Raymond BEAZLEY, Nevill FORBES & G.A. BIRKETT, Russia from the Varangians to the Bolsheviks, Clarendon Press, Oxford, 1918.

Jean LOTHE, Gleb Ivanovitch Uspenskij et le populisme russe, E.J. Brill, Leiden, 1963.

Richard MOELLER, Russland. Wesen und Werden, Goldmann, Leipzig, 1939.

Viatcheslav OGRYZKO, Entretien avec Lev GOUMILEV, in Lettres Soviétiques, n°376, 1990.

Thierry MASURE, «De cultuurmorfologie van Nikolaj Danilevski», in Dietsland Europa, n°3 et n°4, 1984 (version française à paraître dans Vouloir).

 

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2010/06/14/fondements-du-nationalisme-russe.html

samedi, 12 juin 2010

Nations et nationalismes (E. Hobsbawm)

Ex: http://www.scriptoblog.com/

Nations et nationalismes (E. Hobsbawm)

« Nations et nationalisme » est un recueil de conférences prononcées par l’historien Eric Hobsbawm en 1985.

Hobsbawm_Eric.jpgPour Hobsbawm, la nation est un mystère. Tant qu’on ne nous demande pas ce que c’est, nous le savons. Dès qu’on nous le demande, ça devient beaucoup moins évident. Aucune définition de « la nation » n’est valable pour toutes les nations et à toutes les époques – et certaines nations n’ont même pas de définition spécifique à un instant « T » : elles existent, mais personne n’arrive à dire ce qu’elles sont. En fait, le seul moyen de vérifier qu’une nation existe, c’est de s’assurer qu’il existe des gens, assez nombreux, qui estiment lui appartenir.

Le nationalisme paraît plus clair à Eric Hobsbawm. C’est une doctrine qui exige, en substance, que l’unité politique et l’unité nationale se recouvrent. En ce sens, la nation est, à ses yeux, indissociable au fond de l’Etat-nation (soit comme réalité, soit comme revendication). De fait, une nation se reconnaît au fait que des gens estiment lui appartenir et veulent défendre (ou instituer) un Etat qui la recouvre. Donc, pour dire les choses simplement, aux yeux d’Eric Hobsbawm, le nationalisme crée la nation – et non l’inverse. Et donc, puisque le nationalisme est un produit de la modernité, la nation (au sens où nous l’entendons aujourd’hui) est une notion moderne.

 

*

Cette définition de la nation s’est constituée progressivement, par un glissement sémantique étalé sur plusieurs siècles. La nation est, au départ, formée par les gens issue de la même lignée. C’est une manière de classer les gens racialement – par un ancêtre commun, ou un groupe d’ancêtres communs. Le concept est moins éloigné qu’on pourrait le croire de celui de patrie : pendant longtemps, être né à un endroit impliquait presque systématiquement qu’on descendait de gens eux-mêmes nés à cet endroit. Au début du XVIII° siècle encore, la nation désigne, dans la plupart des pays européens, une « petite patrie » dont on est issu par le lieu de naissance et, généralement, par le sang.

Au cours du XVIII° et surtout du XIX° siècle, progressivement, la nation émerge dans un sens nouveau : elle est une collectivité unifiée par l’Etat. Ce sens nouveau relègue  l’ancien signifié « nation » au signifiant « province ». Il y a déplacement du contenu des mots : le terme « nation » est en quelque sorte capturé par l’Etat, ce qui impose que, pour décrire l’ancien concept, on déplace insensiblement le périmètre d’un autre concept, « province », afin de lui donner un sens légèrement modifié. Amorcé sous la Révolution Française (très ambiguë sur la question nationale), ce jeu de translations conceptuelles est généralisé à l’Europe par les révolutions de 1830. La nation devient l’ensemble des membres d’une même nationalité, qui sont supposés désirer être dirigés par une partie d’eux-mêmes (Stuart Mill). Une assimilation non dite se constitue entre Etat, nation, peuple, et Peuple Souverain.

Dans une très large mesure, comme le montre Hobsbawm, il s’agit là d’une ruse conceptuelle : on permet, en créant un champ sémantique peu ou mal balisé, l’enclenchement d’un processus flou, un peu comme une mécanique dont les pièces s’ajustent les unes aux autres grâce au jeu excessif qu’on a toléré initialement, et qu’on réduit ensuite peu à peu. En France, par exemple, la « nation » des révolutionnaires est d’abord un concept purement politique (le Peuple Souverain, incarné dans l’Assemblée Législative), qui se teinte très vite d’une forme d’ethnicisme non racial, car fondamentalement linguistique (est français qui parle français et reconnaît le pouvoir de la Convention). Il y a donc une assimilation implicite entre nationalité (linguistique) et souveraineté populaire, assimilation dont le propos réel est de cautionner l’Etat, figure centrale du triptyque.

Le XIX° siècle est consacré en Europe à la généralisation de cette formule de pensée (en Allemagne, de 1813 à 1871 ; en Italie, de 1848 à 1865 ; en Autriche-Hongrie, en 1867, en Pologne, à partir de 1830). Cette généralisation recouvre toujours à peu près, au fond, les mêmes mécanismes profonds : le principe national s’impose parce qu’il permet à la bourgeoisie (alors nationale) de stabiliser le mouvement révolutionnaire (la nation détruit ou transforme le royaume, donc l’aristocratie, tout en interdisant la prolongation du mouvement jusqu’à la révolution prolétarienne). Sous cet angle, la nation du « nationalisme bourgeois » est un leurre (en lisant Hobsbawm, ici, on pense inévitablement au chef d’œuvre de Visconti, « Le guépard »).

Concrètement, au XIX° siècle, apparaît ainsi peu à peu, par un mélange de flou savamment entretenu dans le champ politique et de précision solide sur les catégories de l’économie, une certaine idée de la nation : un territoire d’une taille et d’une population suffisante pour constituer un marché adapté aux besoins du capitalisme de l’époque, doté d’une élite appuyée sur une tradition sérieuse (idéologie bourgeoise XIX° siècle du mérite), capable de se défendre militairement (voire de pratiquer l’impérialisme), et pourvue d’une homogénéité facilitant l’unification (langue en général). La « nation » au sens contemporain était née, issue du nationalisme bourgeois. Elle était, fondamentalement, pensée comme une étape vers l’unification mondiale sous la domination incontestée de la classe maîtresse du capital : la bourgeoisie.

*

Fondamentalement, donc, pour Hobsbawm, le nationalisme est une création bourgeoise. Mais, ajoute-t-il, cette création a été récupérée, détournée, assimilée en partie par les peuples.

Le leurre bourgeois valait aussi concession à la réalité vécue par les peuples. Il a correspondu aux intérêts des bourgeoisies nationales, mais limitait potentiellement les capacités du Marché à structurer, à travers  le capitalisme international, l’embryon d’une globalisation. Sous l’angle de l’analyse marxiste, la nation est donc le lieu d’une dialectique : leurre manipulé par les bourgeoisies nationales, elle est aussi un frein à l’émergence de la bourgeoisie transnationale. Grâce au nationalisme, la bourgeoisie nationale fabrique l’Etat dont elle a besoin ; mais comme cet Etat repose sur la notion de Peuple Souverain, il définit une volonté potentiellement rivale de celle constituée par l’alliance transnationale des bourgeoisies : unificatrice des marchés nationaux, l’idée nationale est potentiellement un frein au libre-échange promu par l’Empire Britannique. Du point de vue des économistes libéraux du XIX° siècle, la nation est un pis-aller en attendant l’économie mondiale intégrée – mais du point de vue des peuples, c’est aussi, potentiellement, un lieu de souveraineté. Cette communauté imaginée par la bourgeoisie peut donc, progressivement, être réinvestie par la vie réelle des peuples.

Comment ce réinvestissement se produit-il ? Comment la bourgeoisie gère-t-elle cette situation complexe, au fil de son histoire, jusqu’au milieu du XX° siècle ?

Pendant longtemps, le « nationalisme » a été pour les peuples, pour les nations (au sens ancien du terme), une idéologie impensable. Il repose sur la dimension quasi-mythique d’une langue unitaire qui, bien souvent, est le résultat d’une homogénéisation imposée. On a ainsi calculé qu’en 1860, seulement un Italien sur quarante utilisait l’Italien « pur », aujourd’hui celui qu’on écrit, comme langue d’usage quotidien. En 1789, un Français sur deux ne parlait pas le Français d’Île de France, et seulement un sur huit le parlait correctement.

En outre, le nationalisme suppose un niveau d’abstraction tout à fait incompatible avec  le vécu de populations fondamentalement paysannes. Hobsbawm s’attarde ici longuement sur les étymologies et documents historiques. Son observation la plus frappante : encore aujourd’hui, être russe, c’est être « russki », de « Rus », la patrie issue de la tradition médiévale « de toutes les Russies » (au pluriel) – le terme pour « la » Russie, « Rossyia », est un néologisme créé par les Tsars moscovites. Ainsi, pour un Russe, encore aujourd’hui, son pays est « Rossya » (« la » Russie) parce qu’étant « russki », il se rattache à sa « Rus » (« une » Russie, orthodoxe avant tout).

Pour les peuples, ce qui est réel, ce n’est donc pas la nation du nationalisme : ce sont des petites nations (provinces), reliées par l’appartenance à un même « monde mental » (la religion). C’est pourquoi, remarque Hobsbawm au passage, la « Sainte Russie » ne définit pas une « nation » au sens que ce terme a pris en Occident (elle n’est définie ni par la langue, ni par le Peuple Souverain, mais par l’inscription des terroirs dans un monde mental partagé). On en trouve une version fort différente, mais finalement tout aussi éloignée de la conception contemporaine de la « nation », dans le cas très particulier de la Suisse : unie ni par la langue, ni par l’ethnie, la Suisse l’est par un contrat reliant des cantons, le niveau d’homogénéisation restant très local. Dans les deux cas, l’architecture générale renvoie à une conception de la communauté charnelle très restreinte, encadrée par un « monde mental », ou par un « monde contractuel » supérieur, mais qui ne prétend pas traduire une réalité charnelle quotidienne.

Cette ancienne conception des très grands ensembles fédérateurs (assez proche au fond de celle du Royaume de France), antérieure au nationalisme, a été en Occident balayée avec la chute des monarchies de droit divin (en France, en 1789). Le nationalisme, idéologie bourgeoise (cf. ci-dessus) a permis de recycler une partie de cette mystique dans un cadre favorable à la domination bourgeoise. Mais ce recyclage implique qu’à l’intérieur de l’idéologie bourgeoise, des éléments fondamentalement extérieurs au monde bourgeois ont été importés.

D’où une situation fondamentalement chaotique, religion, communautarisme local et autres vecteurs d’identification collective venant constamment interagir avec la conception héritée du nationalisme bourgeois, pour la nourrir et, en même temps, la parasiter. Concrètement, la nation est certes  aujourd’hui structurée par la conscience partagée d’avoir appartenu à une entité politique durable ; mais cette conscience elle-même est éclatée entre divers niveaux, qui coexistent anarchiquement. En pratique, donc, l’organisation du monde bourgeois par l’échelon national est structurellement instable.

Cette instabilité implique que le contenu de l’idée nationale est constamment renégociable. Donc, il est susceptible, suivant les moments de l’Histoire, d’être investi soit par les bourgeoisies, soit par leurs adversaires. Le nationalisme, en ce sens, n’est pas un acteur de l’Histoire, mais un enjeu, un lieu où s’affrontent les véritables acteurs. Hobsbawm, ici, souligne que la « Nation » révolutionnaire de 1790-1793, en France, a constitué un cas d’école : à la fois inscription de tous les Français dans le cadre conceptuel produit par la bourgeoisie nationale, elle a, aussi, impliqué que ce cadre était théoriquement co-construit par tous les citoyens. En réalité, derrière la définition de la nation, se cache donc le combat pour la définition de sa définition. Le combat visible oppose les centralistes aux partisans de l’ancienne conception. Mais sous ce combat, un autre combat oppose, au sein des centralistes, ceux qui veulent la nation comme outil de la domination bourgeoise et ceux qui la veulent comme instrument d’encadrement et de dépassement de cette même domination.

Combat gagné par la bourgeoisie (Thermidor). Pour Hobsbawm, la démocratie bourgeoise a été au XIX° siècle et au début du XX°, fondamentalement, le cadre construit par la bourgeoisie pour rester maîtresse du nationalisme. Il s’agissait d’ouvrir au débat un espace clos, afin de le laisser s’épancher tout en le gardant sous contrôle. Ainsi, le patriotisme, potentiellement une force révolutionnaire, devint l’instrument d’une conception réactionnaire de la nation en devenir – d’où le chauvinisme, idéologie qui devait aider au déclenchement de la Première Guerre Mondiale, et son expression extrême, le racisme d’Etat.

En conclusion et pour résumer : aux yeux d’Hobsbawm, le patriotisme n’est pas, en soi, une idéologie bourgeoise. C’est une idéologie captée par la bourgeoisie – à travers les nationalismes d’Etat. Le caractère réactionnaire de l’idée de nation ne tient pas à la substance de cette idée (en elle-même assez évanescente), mais à la capacité que développa la bourgeoisie d’instrumentaliser le concept, et d’en maîtriser habilement l’investissement émotionnel collectif. D’où, exemple paroxystique souligné par Hobsbawm, la coexistence, dans les nationalismes des années 30, de fascisme, d’antifascisme, de droite et de gauche – comme si, à tout moment, dès qu’une tendance politique desserre son étreinte sur le manche du drapeau, la tendance opposée voulait s’en saisir.

*

Et maintenant ?

Hobsbawm commence, pour analyser la situation présente, par démolir méthodiquement le discours sur le déclin des nationalismes. En réalité, fait-il observer, avec l’explosion de la Yougoslavie et de l’URSS, le nombre d’entités souveraines se réclament plus ou moins ouvertement du principe des nationalités n’a cessé d’augmenter. Inversement, le monde musulman semble travaillé par une remise en cause des nationalismes arabes. Le mouvement n’est donc nullement homogène, et le principe des nationalités, fort ici, est affaibli là. Il n’y a ni déclin, ni expansion du nationalisme : il y a mutation.

C’est que le nationalisme est devenu, pour l’essentiel, une expression de défense face à la globalisation – alors qu’il avait été, par le passé, une offensive contre les structures locales. C’est donc toujours une force agie, mais au lieu de l’être par des bourgeoisies nationales qui veulent un marché national, elle l’est tantôt par une bourgeoisie transnationale qui veut détruire les Etats-nations (désormais dépassés) en soutenant des micro-nationalismes, tantôt par des opposants à la bourgeoisie transnationales, qui veulent eux préserver ces Etats, contre un gouvernement mondial latent.

L’ambiguïté du nationalisme, agi plus qu’acteur, s’est maintenue, mais elle le positionne sur un nouveau front, selon de nouveaux clivages. C’est pourquoi le nationalisme est de plus en plus difficile à penser comme il le fut jadis : la brique de base de l’internationalisme. Ce n’est plus une étape vers l’unification, c’est un frein à l’étape ultérieure. Investi par des revendications identitaires traduisant souvent une véritable panique face à un monde devenu totalement indéchiffrable, le nationalisme est devenu une idéologie défensive : telle est la thèse d’Eric Hobsbawm.

De toute évidence, c’est la thèse d’un adversaire des nationalismes – Hobsbawm voit en eux une fausse idée, simple leurre des véritables forces agissantes.

Mais c’est aussi, pour les nationalistes, la thèse d’un adversaire intelligent, qu’il faut lire et comprendre.

vendredi, 11 juin 2010

Par-delà droite et gauche (A. Imatz)

Par-delà droite et gauche (A. Imatz)

Récemment, quelques scriptoboys assistaient, en un lieu parisien bien connu, à une conférence sur Arnaud Imatz, auteur de « Par-delà droite et gauche, histoire de la grande peur des bien-pensants ». Conférence passionnante, sur un ouvrage passionnant.

Et donc, pour ceux qui n’habitent pas Paris et/ou n’ont pas le temps de bouquiner les 400 pages d’Arnaud Imatz, une note de lecture.

 

alicante2007_08.jpgL’hypothèse d’Arnaud Imatz est la suivante : nous découpons le champ politique entre conservateurs et révolutionnaires, mais ce découpage nous masque un autre clivage, potentiellement plus déterminant : celui qui oppose les partisans de l’enracinement, généralement non-conformistes, aux partisans du déracinement, généralement conformistes. Si ce découpage fallacieux est profondément planté dans nos esprits, c’est parce que l’ensemble des institutions s’acharnent à le cautionner. Il est entendu, une bonne fois pour toutes, que le débat politique doit opposer deux catégories l’une et l’autre essentialisées : « la gauche » et « la droite », les révolutionnaires et les conservateurs. Verrouillé d’abord par la gauche « officielle », qui a imposé son être propre en référence aux clivages possibles, le débat a ensuite été étouffé par une soft-idéologie individualiste, où une fausse opposition pseudo-démocratique entre la fausse-droite et la fausse-gauche (deux modes de gestion du même capitalisme) a servi de prison mentale encore plus efficace que l’ancienne opposition entre la vraie-droite (capitalisme libéral) et la vraie-gauche (socialisme dirigiste). L’intelligentsia « en place » témoigne, à travers ses reniements successifs, de la même fermeture à tout ce qui n’est pas elle-même : peu importe que ses utopies successives implosent, elle continue à se penser comme détentrice du sens de l’Histoire. Exit le communisme, voici le socialisme autogestionnaire. Exit le socialisme, voici la sacralisation des « Droits de l’homme » et l’antiracisme militant. Que l’enracinement puisse fédérer révolutionnaires et conservateurs autour d’une révolution conservatrice contre l’ordre cosmopolite, voilà qui ne doit pas être dit – à ceux qui le disent, tout système démultiplicateur de la parole est fermé, les médias sont interdits.

Qu’est-ce donc, en réalité, que ce « non conformisme » dont le pouvoir ne veut surtout pas, et qui unit, autour de l’enracinement, conservateurs et révolutionnaires ? C’est, pour résumer, la compréhension de la matrice de l’aliénation contemporaine comme relevant fondamentalement des catégories fondées par le rationalisme des Lumières – catégories qui nient au nom d’un impératif d’uniformité le sens et la valeur de l’identité et et celle de la différence. Pour le non-conformiste, par contre, la source des catastrophes du XX° siècle n’est pas dans l’affirmation des identités collectives, mais au contraire dans leur négation, négation qui les a faites revenir sous une forme pathologique. Pour le non-conformiste, les mécanismes du « progrès » reviennent à nier qu’il existe une dimension de l’homme au-dessus de la matière, et que l’humain peut donc, contre les illusions des progressismes tant marxistes que libéraux, déterminer ses déterminations.

Un schéma de société existe hors de celui où l’opposition « droite/gauche » a tendance à nous enfermer. Dans ce schéma « holiste », qui était celui des sociétés traditionnelles et communautaires, la totalité préexiste à la somme des parties, elle n’est pas construite par leur affrontement, elle l’évite en organisant l’englobement du contraire et l’inclusion du différent. Le non-conformisme s’est construit, historiquement, autour de la rencontre de ce schéma de pensée traditionnelle avec la dialectique hégélienne, qui veut que négation et négation de la négation produisent une totalité par synthèse-dépassement. Dans une très large mesure, le non-conformisme est une tentative pour reconstituer, à travers l’hégélianisme, la totalité socio-organique préexistante, que le rationalisme a détruite.

C’est justement parce qu’il propose une alternative au système que les deux pans du système, jadis vraie gauche et vraie droite, aujourd’hui fausse gauche et fausse droite, s’acharnent à nier l’existence du non-conformisme. Les doctrinaires au pouvoir veulent détruire toutes les communautés naturelles, nier les racines, faire de l’homme une pâte modelable. C’est le cadre général à l’intérieur duquel « gauche » et « droite » s’affrontent – ou plutôt, au fur et à mesure qu’on ne parvient plus à les identifier autour d’une ligne de partage claire sur la question de la plus-value, font semblant de s’affronter. Le non conformisme n’a pas sa place dans ce système précisément parce qu’il énonce une thèse étrangère au paradigme dans lequel la pensée institutionnelle est confinée : la légitimité des communautés naturelles. C’est pourquoi, lorsqu’il ne parvient plus à exclure les anticonformistes du débat, le bloc institutionnel les contraint systématiquement à choisir : sont-ils « de gauche », ou « de droite » ? Et lorsque les non-conformistes ne parviennent pas à répondre, pour toutes les raisons exposées ci-dessus, on les répute inexistants politiquement.

 

*

 

Pour démonter ce piège, Imatz propose de faire sortir de l’essentialisme les catégories de « gauche » et de « droite ».

Dans une perspective essentialiste, la gauche, c’est l’anthropologie optimiste issue du mythe du progrès, et la droite, c’est l’anthropologie pessimiste issue de l’Histoire longue. A gauche, le rêve de l’individu libéré du poids de la faute – à droite, le péché originel. A gauche, l’homme est un projet qu’on construit – à droite, c’est une donne qu’on gère. A gauche, une vision matérialiste et mécaniciste, qui veut uniformiser à tout prix – à droite, l’acceptation des paramètres complexes sous-jacents à une conception organiciste qui connaît et reconnaît la nécessité de l’altérité.

A cette perspective essentialiste qui dans une certaine mesure confond la droite avec le non-conformisme, Imatz oppose une vision historiciste et relativiste (au sens de : qui relativise ses propres analyses), vision selon laquelle « la gauche » et « la droite » sont en réalité des catégories conventionnelles et opératoires, et nullement des catégories signifiantes stables.

Imatz cite, par exemple, la question du colonialisme en France : il exista historiquement une droite colonialiste (par souci du prestige national), une droite anticolonialiste (par souci de bonne gestion, en fait néocolonialiste avant la lettre), une gauche colonialiste (par souci de « civiliser » les peuples colonisés) et une gauche anticolonialiste (par respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes). Le concept même de colonialisme ne fut pas stable dans l’Histoire, et à certaines phases, il devint presque indéfinissable tant gauche et droite le comprenaient différemment (exemple : en 1962, quand l’ancien colonialisme s’efface devant le néocolonialisme).

Autre exemple : l’antisémitisme, qui peut être de gauche (par égalitarisme) comme de droite (par crainte d’un élitisme rival), tout comme le philosémitisme peut être de gauche (pour défendre le petit juif opprimé) ou de droite (par solidarité avec la haute bourgeoisie juive). Et l’on voit aussi parfois les antisémites de droite, à certains moments de l’Histoire, échanger leurs arguments avec les philosémites de gauche, quand la question juive percute celle du sionisme – on peut être sioniste par philosémitisme ou par antisémitisme, et antisioniste par antisémitisme ou philosémitisme, si bien qu’une droite antisémite et une gauche philosémite peuvent se retrouver sur le pro-sionisme contre l’antisionisme partagé par une droite arabophile et une gauche antisémite !

De nombreux thèmes peuvent donner lieu à ce type de chassé-croisé ironique entre gauche et droite (le racisme, la « démocratie », la technocratie, le régionalisme, l’écologie…). Si bien qu’en pratique, quand on s’éloigne de la vision essentialiste pour s’intéresser à la vision historiciste, on finit par se dire que « gauche » et « droite » n’ont aucun sens. Ou plutôt : que le sens de ces concepts est tellement fluctuant, tellement peu stable dans sa dimension significative, que les signifiants en question doivent être redéfinis à chaque fois qu’on les emploie.

En face de ce vide conceptuel, les non-conformistes doivent répondre par la définition d’eux-mêmes, et s’installer non dans une réponse à la question « droite ou gauche », mais comme un point de référence par rapport auquel on définira droite et gauche. Il faut répondre à la question piégée du bloc institutionnel en le piégeant dans une question différente : la gauche est-elle conformiste ou non-conformiste, la droite est-elle conformiste ou non-conformiste ? Cette question en réponse déjoue le piège où le bloc institutionnel fait tomber le non-conformisme, piège qui consiste à essentialiser le concept de droite pour y enfermer un mouvement qui organiserait, s'il était libre, la rencontre entre l’univers mental de la tradition (associé classiquement à la droite) avec la reconnaissance des revendications du travail (associées classiquement à la gauche).

Ceci suppose, pour Imatz, d’opérer une critique approfondie de la sensibilité contre-révolutionnaire. Il faut en comprendre la dynamique interne : la conscience de la décadence, et surtout la conscience du fait qu’elle est inéluctable, dès lors qu’un principe d’égalité s’impose au détriment d’un principe élitiste. Et il faut comprendre comment cette sensibilité, qui dit une partie du Vrai, se combine de manière très complexe avec la préoccupation sociale caractéristique des légitimistes les plus contre-révolutionnaires, qui se sont dressés, au nom de l’Ancien Régime et de l’aristocratisme, contre l’injustice de la domination exercée par la bourgeoisie sur les classes laborieuses, et surtout contre l’inefficacité économique de cette domination incohérente.

C’est seulement une fois qu’on a saisi la genèse de la sensibilité contre-révolutionnaire, antibourgeoise par aristocratisme, qu’on peut comprendre la filiation du non-conformisme : la rencontre de l’esprit national et du projet socialiste. La droite contre-révolutionnaire, matrice du non-conformisme, s’est constituée initialement contre le projet libéral de la bourgeoisie. Par la suite, quand par expérience on séparera démocratie et liberté, les libéraux, devenus élitistes, apparaîtront comme des alliés de classe potentiels aux contre-révolutionnaires, et le libéralisme, né à gauche où il fréquentait l’idée nationale, glissera dans une alliance antinationale avec une fraction des milieux contre-révolutionnaire. Simultanément, l’exigence de progrès matériel envahira tout le champ de la gauche, ou presque, jusqu’à rejeter l’idée de la Nation au sens de communauté enracinée. Dès lors, une partie orpheline de la sensibilité contre-révolutionnaire (celle qui a refusé l’alliance avec les libéraux devenus secrètement antidémocrates) errera jusqu’à croiser une partie de la sensibilité orpheline de la sensibilité socialiste (celle qui a refusé de sacrifier la nation, la communauté charnelle, sur l’autel du progrès matériel). De cette rencontre entre la partie de la droite qui a refusé la liberté comme idole et la partie de la gauche qui a refusé le progrès comme idole naîtra le non-conformisme – le parti de ceux qui ont refusé de se conformer aux cultes parallèles des idoles Liberté et Progrès, pour conserver une vision juste, naturelle, enracinée, de leurs valeurs nationales et sociales.

 

*

 

Pour bien comprendre ce qu’est le non-conformisme, pour ne pas le confondre avec la simple addition du nationalisme doctrinaire et du socialisme doctrinaire (ce que fut largement le nazisme), il faut saisir la différence entre amour de la nation et nationalisme, entre préoccupation sociale et socialisme.

Le parti non-conformiste n’est pas « nationaliste » au sens où le nationalisme est, pour lui, une adaptation de l’individualisme à l’échelle nationale. Organiciste, il refuse le concept constructiviste et potentiellement mécaniciste de la nation comme corps d’associés, concept issu de la Révolution Française (Sieyès). C’est pourquoi, même en France, il fait une large place aux conceptions germaniques de la Gemeinschaft (communauté) comme sous-jacent indispensable à toute société, et s’il est souvent démocrate (exception : l’AF), il n’est jamais partisan du suffrage universel direct comme instrument de la démocratie.

Soucieux de reconstituer l’harmonie du peuple, il défend des conceptions sociales, mais pas socialistes, en ce sens qu’il récuse le culte du Progrès. L’accroissement indéfini des forces productives ne lui paraît pas bon en soi (ce qui ne veut pas dire qu’il soit mauvais en soi, mais simplement qu’il est bon ou mauvais selon l’usage qu’on en fait). Surtout, il ne combat pas le capitalisme parce que celui-ci serait un régime de propriété privée, mais au contraire parce qu’il constitue un premier pas vers le socialisme, c'est-à-dire vers l’abolition de la propriété privée. Pour lui, la propriété privée trouve sa source dans le travail, et c’est pourquoi le capitalisme, en coupant la propriété du travail, constitue déjà une forme de socialisme non su. Par nature, cette doctrine trouve très facilement des passerelles avec la gauche syndicale, celle qui refuse tout esprit doctrinaire et se méfie du matérialisme des intellectuels.

Ce non-conformisme commence à prendre forme à partir du « nouveau nationalisme », réputé de droite, cristallisé pour la première fois avec le général Boulanger. Il trouvera ensuite son expression intellectuelle dans les cercles, surtout français, qui lui donneront son nom, entre les deux guerres. En Espagne, on en trouvera un début de réalisation avec la Phalange de Jose Antonio Primo de Rivera. Il sera parfois soutenu par une fraction du capitalisme (le capital enraciné de l’industrie, par opposition au capital spéculatif mondialisé de la haute banque), comme par exemple avec Mosley en Angleterre – et il sera également alimenté depuis l’autre bord, par des transfuges de la gauche la plus radicale (Mussolini, franc-maçon socialiste, les SA de gauche en Allemagne). A des degrés divers, ces soutiens le dénatureront soit parce qu’ils étaient intéressés (dans le cas des capitalistes), soit parce qu’ils reposaient sur un malentendu (dans le cas des « gauchistes »). Une fois le pouvoir conquis avec de tels soutiens (Mussolini en Italie, Hitler en Allemagne), le non-conformisme sera toujours esquivé par les fascismes, qui se penseront plus comme l’addition de la droite et de la gauche que comme leur dépassement à proprement parler. Après la Seconde Guerre Mondiale, la sensibilité non-conformiste s’exprimera encore, en France, avec le gaullisme (en particulier dans son versant « social »).

Après mai 68, le non conformisme doit s’exprimer dans le champ qui devient de plus en plus important au sein du combat politique : le champ métapolitique, c'est-à-dire le domaine de la formation des idées en amont des idées elles-mêmes. C’est ce que fait, en France, le GRECE, que les médias s’empresseront d’enfermer dans l’étiquette « Nouvelle Droite », pour l’empêcher de se poser en dépassement non-conformiste. Le GRECE lui-même suit en fait une voie ambiguë. Son principal fondateur, A. de Benoist, se définit à la fin des années 70 comme nominaliste, donc potentiellement relativiste et individualiste. Le discours néo-païen se définit contre le christianisme, ce qui constitue une rupture avec la plupart des non-conformismes préexistants. Engagée initialement dans le « nationalisme européen », la tendance GRECE s’oppose à l’américanisation, et finit par se faire cannibaliser par ce combat, au point de se retrouver sur des positions universalistes et anti-impérialistes classiques. La pensée qui émerge de ce courant repose au final sur une série d’alternatives dont certaines paraissent critiquables, en particulier du point de vue des auteurs chrétiens. En particulier, l’affirmation selon laquelle le christianisme serait égalitaire et totalitaire par nature heurte la conception classique, pour laquelle la religion chrétienne est porteuse d’une vision du monde hiérarchique et d’un discours politique organiciste. Par son antichristianisme, la Nouvelle Droite renvoie donc au fond à une grille de lecture aujourd’hui contestée, le totalitarisme comme sécularisation du messianisme (Arendt, Aron), par opposition à une grille de lecture qui resitue le phénomène dans sa filiation, et l’appréhende d’abord comme le fils du rationalisme des Lumières (Soljenitsyne). Au final, on peut se demander, nous dit Imatz en substance, si le GRECE, isolé dans un contexte intellectuel imprégné par le gauchisme, n’a pas fini par être contaminé par le germe dont il se voulait le vaccin.

Un autre courant non-conformiste, moins connu, émerge à la même époque : le traditionalisme intégral des héritiers de René Guénon. Prenant le contrepied de la Nouvelle Droite, il récuse entièrement les grilles de lecture nominalistes, et se construit en référence aux conceptions les plus anciennes (société de castes, doctrine des deux pouvoirs), comme si des siècles de modernité n’avaient pas existé. Beaucoup plus stable idéologiquement, ce courant présente la faiblesse classique du jusqu’auboutisme : il est totalement coupé de la société dans laquelle il évolue – ce qui limite forcément son influence.

A partir de la fin des années 80, avec le lancement de la revue « Krisis », la Nouvelle Droite, désormais dirigée de facto par Alain de Benoist, s’éloigne de son positivisme initial, et se rapproche du traditionalisme. Mais cette tentative de synthèse ne débouche sur rien de concluant. Un courant de pensée qui formule des idées pendant deux décennies sans jamais les faire passer dans le réel social s’épuise nécessairement, et à partir des années 90, cette « nouvelle Nouvelle Droite » vivote à côté de divers groupes de réflexion et de quelques revues d’intérêt divers (Nationalisme et république, Terre et peuple, Vouloir et orientations). Que reste-t-il de la Nouvelle Droite ? Imatz ne répond pas à la question, mais on comprend très bien ce qu’il veut dire.

A l’époque où se formait ce courant prometteur voué à se disperser dans un marécage peut-être fécond ( ?), un autre courant naissait dans les milieux non-conformistes : le libéral conservatisme, très influencé par la révolution conservatrice dans sa version américaine « néoconservatrice » (comprendre : financée par la haute banque cosmopolite), et doté assez vite d’un centre actif, le Club de l’Horloge. Les libéraux-conservateurs du Club de l’Horloge doivent cependant en rabattre, par rapport au discours à l’emporte-pièce de leurs inspirateurs anglo-saxons. La sainte trinité néoconservatrice (esprit judéo-chrétien, capitalisme libéral, démocratie de marché) ne « prend » pas en France, pays de tradition catholique étatiste, depuis toujours porté à l’idéologisation des affrontements politiques. Conscients du fait que la mondialisation des néoconservateurs parle Anglais, les libéraux-conservateurs français vont tenter de définir une voie de conciliation entre nationalisme et libéralisme. Ils prônent un libéralisme associant la population au capitalisme (distribution d’actions), la liberté de l’enseignement, la destruction des systèmes de protection sociale - exaltation, en somme, de la liberté et de la responsabilité individuelle dans un cadre national – ce que sera le sarkozysme, au moins en paroles, pendant la campagne 2007, rappelle par certains côtés les thèses du Club de l’Horloge.

Cependant, pour Arnaud Imatz, le principal courant non-conformiste de la fin du XX° siècle n’est ni la Nouvelle Droite (confinée aux cercles intellos), ni le Club de l’Horloge (tenu en marge ou récupéré par les milieux capitalistes qui donnent le « la » dans la galaxie libérale). Le grand non-conformisme actuel, c’est le nouveau populisme. Cette réaction qui monte du peuple n’est pas ou très peu idéologisée. Elle traduit  d'une part l’attachement aux structures communautaires, et d’autre part la prise de conscience de la distance qui sépare les gouvernants des gouvernés. Resurgissement du solidarisme et de l’organicité, ce nouveau populisme est le contraire de l’individualisme issu de la modernité capitaliste. Il est la traduction politique de ce qui pousse vers l’autre, de ce qui pousse à aider l’autre. Il n’exclut donc que pour inclure, et n’est pas xénophobe, mais communautaire. Il offre, face à la régression néo-tribale, la possibilité d’une véritable refondation du sentiment d’appartenance – et c’est précisément pour cette raison qu’il est constamment combattu par l’oligarchie capitaliste, qui tente soit de l’interdire (quand elle ne le maîtrise pas, cf. l’histoire du FN), soit de le récupérer (cf. F. Bayrou, ou en Angleterre Tony Blair).

Imatz termine son bouquin par l’analyse du FN. Il le perçoit comme un phénomène certainement pas univoque, plutôt un lieu de compromis (difficile) entre une sensibilité national-populiste (qui reprend une partie des thématiques de la Nouvelle Droite, en les désintellectualisant) et une sensibilité libéral-conservatrice (qui fait de même avec les thématiques du Club de l’Horloge), tout en essayant de constituer un parti capable de surfer sur une vague populiste a-idéologique. Les deux sensibilités constitutives se combinent par ailleurs, de manière assez anarchique, avec les deux camps d’un clivage islamophile/islamophobe qui renvoie, implicitement, à la validation ou à l’invalidation de la thèse néoconservatrice du « choc des civilisations ». Confronté à l’agressivité permanente d’un système d’autant plus persécuteur qu’il se sait fragile, confronté aussi à la médiocrité des ambitions personnelles en interne, qui fait chambre de réverbération aux heurts entre grandes tendances idéologiques, confronté encore à la concurrence potentielle d’un courant souverainiste naissant, le FN de 2003 apparaît à Imatz comme une expérience intéressante, dont l’objectif secret est tout simplement la reconstruction de la société française, mais qu’il sera très, très difficile à conduire dans le contexte des années 2000.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’histoire récente ne lui a pas donné tout à fait tort !

 

*

 

Ce qui, de notre point de vue, rend le travail d’Arnaud Imatz intéressant, c’est qu’il permet de remettre en perspective la démarche qui est aujourd’hui celle, par exemple, des gens qui gravitent autour d’un modeste site comme Scriptoblog. Imatz ne crée pas de concept, ce n’est pas son propos. Il fait œuvre d’historien des idées, et montre d’où viennent fondamentalement les idées qui sont les nôtres : du refus du matérialisme, tant par une fraction de l’ancienne « vraie droite » que par une fraction de l’ancienne « vraie gauche ».

Imatz a le mérite de nous sortir de la perception des enjeux « depuis l’intérieur du débat ». Il nous permet de re-cartographier notre position en nous plaçant « au-dessus de la mêlée ». C’est un déplacement de point de vue créateur : en nous repositionnant à ce niveau de lecture, nous pouvons comprendre comment nous devons, à l’intérieur de la mêlée, nous placer pour que le pack, dans son ensemble, pousse exactement là où l’adversaire est faible.

 

mercredi, 09 juin 2010

Giovanni Gentile: Fascism's Ideological Mastermind

Mussolini’s ‘Significant Other’

Giovanni Gentile: Fascism’s Ideological Mastermind

 

Ex: http://magnagrece.blogspot.com/


Professore Giovanni Gentile: the “Philosopher of Fascism.”


“Philosophy triumphs easily over past, and over future evils, but present evils triumph over philosophy.” – François de La Rochefoucauld: Maxims, 1665


In writing the history of a country or of an ethnos, all too often even the most well-meaning people are tempted out of patriotism to embellish the truth by either building up the good or omitting certain ‘unsavory’ facts about the past. On an emotional level this is understandable. After all, in a certain sense an ethnic group is a vastly extended family. The country, on the other hand, can be considered a sizable prolongation of the borders of one’s home. Who but the crassest enjoys speaking ill of home and family?


Nevertheless, if one wishes to strive for accuracy and objectivity in their writings, one must inevitably confront the specter of those who, during the course of their lives, engaged in actions that today go against the grain of established social mores. Otherwise, one risks being exposed to the charge of chauvinism (or worse).


It has been the stated purpose of this writer to show the reader how his people, the DueSiciliani, have carved out a place for themselves in this world in spite of the loss of their homeland, the Kingdom of the Two Sicilies, to the forces of the Piedmontese and their allies in 1861. Thus far, I and other like-minded folk posting on this blog have written of the commendable members of our people who have significantly added to Western Civilization through their contributions to the arts, sciences, philosophy (and even sports).


Men like Ettore Majorana, Salvator Rosa, Vincenzo Bellini and “the Nolan”, Giordano Bruno have unquestionably made this world better by being in it.


Similarly, we have written of those whose legacies provoke more ambivalent feelings. Men like Paolo di Avitabile and Michele Pezza, the legendary “Fra Diavolo”, led lives that to this day are considered controversial.


It now falls to this writer the hapless task of telling the tale of one of our own who went down “the road less traveled” to a decidedly darker place in the chapters of history – among the creators of 20th century totalitarian movements. As the reader will soon see, this journey cost him friends, a loftier place in the history books, and eventually his life!


Giovanni Gentile was born in the town of Castelvetrano, Sicily on May 30th, 1875 to Theresa (née Curti) and Giovanni Gentile. Growing up, his grades were so good he earned a scholarship to the University of Pisa in 1893. Originally interested in literature, his soon turned to philosophy, thanks to the influence of Donato Jaja. Jaja in turn had been a student of the Abruzzi neo-Hegelian idealist Bertrando Spaventa (1817-1883). Jaja would “channel” the teachings of Spaventa to Gentile, upon whom they would find a fertile breeding ground.


During his studies he found himself inspired by notable pro-Risorgimento Italian intellectuals such as Giuseppe Mazzini, Antonio Rosmini-Serbati and Vincenzo Gioberti. However, he also found himself drawn to the works of German idealist and materialist philosophers like Johann Gottlieb Fichte, Karl Marx, Friedrich Nietzsche and especially Georg Hegel. He graduated from the University of Pisa with a degree in philosophy in 1897.


He completed his advanced studies at the University of Florence, eventually beginning his teaching career in the lyceum at Campobasso and Naples (1898-1906).


Benedetto Croce

Beginning in 1903, Gentile began an intellectual friendship with another noted philosopher from il sud: Benedetto Croce. The two men would edit the famed Italian literary magazine La critica from 1903-22. In 1906 Gentile was invited to take up the chair in the history of philosophy at the University of Palermo. During his time there he would write two important works: The Theory of Mind as Pure Act (1916) and Logic as Theory of Knowledge (1917). These works formed the basis for his own philosophy which he dubbed “Actual Idealism.”


Giovanni Gentile’s philosophy of Actual Idealism, like Marxism, recognized man as a social animal. Unlike the Marxists, however, who viewed community as a function of class identity, Gentile considered community a function of the culture and history in a nation. Actual Idealism (or Actualism) saw thought as all-embracing, and that no one could actually leave their sphere of thinking or exceed their own thought. This contrasted with the Transcendental Idealism of Kant and the Absolute Idealism of Hegel.


He would remain at the University of Palermo until 1914, when he was invited to the University of Pisa to fill the chair vacated by the death of his dear friend and mentor, Donato Jaja. In 1917, he wound up at the University of Rome, where in 1925 he founded the School of Philosophy. He would remain at the University until shortly before his murder.


After Italy’s humiliating defeat at the disastrous Battle of Caporetto in November, 1917, Gentile took a greater interest in politics. A devoted Nationalist and Liberal; he gathered a group of like-minded friends together and founded a review, National Liberal Politics, to push for political and educational reform.


Gentile’s writings and activism attracted the attention of future Fascist dictator Benito Mussolini. Immediately after his famous “March on Rome” at the end of October, 1922, Mussolini invited Gentile to serve in his cabinet as Minister of Public Instruction. He would hold this position until July, 1924. Surviving records show that on May 31st, 1923 Giovanni Gentile formally applied for membership in the partito nazionale fascista, the National Fascist Party of Italy.


With his new cabinet position Gentile was given full authority by Mussolini to reform the Italian educational system. On November 5th, 1923 he was appointed senator of the realm, a representative in the Upper House of the Italian Parliament. Gentile was now at the pinnacle of his political influence. With the power and prestige granted him by his new office, he began the first serious overhaul of public education in Italy since the Casati Law was passed in 1859.


Gentile saw in Mussolini’s authoritarianism and nationalism a fulfillment of his dream to rejuvenate Italian culture, which he felt was stagnating. Through this he hoped to rejuvenate the Italian “nation” as well. As Minister of Public Instruction Gentile worked laboriously for 20 months to reform what was most certainly an antiquated and backward system. Though successful in his endeavor, ironically, it was the enactment of his plan that caused his political influence to wane.


In spite of this, Mussolini continued to grant honors on him. In 1924, after resigning his post as Minister, “Il Duce” invited him to join the “Commission of Fifteen” and later the “Commission of Eighteen” basically in order to figure out how to make Fascism fit into the Albertine Constitution, the legal document that governed the state of Italy since its formation after the infamous Risorgimento in 1861.


On March 29th, 1925 the Conference of Fascist Culture was held at Bologna, in northern Italy. The précis of this conference was the document: the Manifesto of the Fascist Intellectuals. It was an affirmation of support for the government of Benito Mussolini, throwing a gauntlet down to critics who questioned Mussolini’s commitment to Italian culture. Among its signatories were Giovanni Gentile (who drew up the document), Luigi Pirandello (who wasn’t actually at the conference but publicly supported the document with a letter) and the Neapolitan poet, songwriter and playwright Salvatore Di Giacomo.


It was that last name that provoked a bitter dispute between Gentile and his erstwhile friend and mentor, Benedetto Croce. Responding with a document of his own on May 1st, 1925, the Manifesto of the Anti-Fascist Intellectuals, Croce made public for all to see his irreconcilable split (which had been brewing for some time) with the Fascist Party of Italy…and Giovanni Gentile. In his document he dismissed Gentile’s work as “…a haphazard piece of elementary schoolwork, where doctrinal confusion and poor reasoning abound.” The two men would never collaborate again.


From 1925 till 1944 Gentile served as the scientific director of the Enciclopedia Italiana. In June of 1932 in Volume XIV he published, with Mussolini’s approval (and signature) and over the Roman Catholic Church’s objections, the Dottrina del fascismo (The Doctrine of Fascism). The first part of the Dottrina, written by Gentile, was his reconciling Fascism with his own philosophy of Actual Idealism, thereby forever equating the two.


Giovanni Gentile approved of Italy’s invasion of Ethiopia in 1935. Though he found aspects of Hitler’s Nazism admirable, he disapproved of Mussolini allying Italy with Germany, believing Hitler’s intentions could not be trusted and that Italy would wind up becoming a vassal state. His views on this were shared by General Italo Balbo and Count Galeazzo Ciano, Mussolini’s son-in-law and Foreign Minister. Nevertheless, Gentile continued to support Mussolini. Since he recognized that Italy was a polity but not a nation in the true sense of the word, he believed “Il Duce’s” iron-fisted rule to be the only thing sparing the Italian pseudo-state from civil war.


With the collapse of Italy’s Fascist regime in September, 1943 and Mussolini’s rescue by Hitler’s forces, Gentile joined his emasculated master in exile at the so-called Italian Social Republic; an ad hoc puppet state created by Hitler in an ultimately futile attempt to shore up his rapidly crumbing 1,000-year Reich. Even then, he served as one of the principal intellectual defenders of what was obviously a failed political experiment.


On April 15, 1944 Professore Giovanni Gentile was murdered by Communist partisans led by one Bruno Fanciullacci. Ironically, he was gunned down leaving a meeting where he had argued for the release of a group of anti-Fascist intellectuals whose loyalty was suspect. He was buried in the Church of Santa Croce in Florence where his remains lie, perhaps fittingly, next to those of Florentine philosopher and writer Niccolò Machiavelli.


As one might imagine, after his death Gentile’s name was scorned if not forgotten entirely by historians. In recent years, however, scholars have begun to re-examine his legacy. Political theorist A. James Gregor (née Anthony Gimigliano), a recognized expert on Fascist and Marxist thought and himself an American of Southern Italian descent, believes that Gentile actually exerted a tempering influence on Italian Fascism’s proclivities towards violence as a political tool. This, he argues, is one (of several) of the reasons why Mussolini’s Italy never indulged in the more draconian excesses of Hitler’s regime.


Even his former friend and colleague Benedetto Croce later recognized the superior quality of Gentile’s scholarship and the quantity of his publications in the history of philosophy. Yet he differed sharply from him in political ideology and temperament. While both men forsook any loyalty to i Due Sicilie in favor of the pan-Italian illusion of the Risorgimento, they disagreed mightily as to the nature of the Italian state and to what course it should pursue.


For Gentile the actual idealist, the state was the supreme ethical entity; the individual existing merely to submit and merge his will and reason for being to it. Rebellion against the state in the name of ideals was therefore unjustifiable on any level. To Gentile, Fascism was the natural outgrowth of Actual Idealism.


Croce the neo-Kantian, on the other hand, argued forcefully the state was merely the sum of particular voluntary acts expressed by individuals (who were the center of society) and recorded in its laws. To Croce, Gentile’s metaphysical concepts regarding the state approached mysticism.


Thus, while both men have sadly been largely forgotten, even in the intellectual circles they once traversed, Croce’s legacy survives in a much better light than the man he once called friend.


Niccolò Graffio


Further reading:

  • A. James Gregor: Giovanni Gentile: Philosopher of Fascism; Transaction Publishers, 2001.
  • Giovanni Gentile and A. James Gregor (transl): Origins and Doctrine of Fascism: With Selections from Other Works; Transaction Publishers, 2002.
  • M.E. Moss: Mussolini’s Fascist Philosopher: Giovanni Gentile Reconsidered; Peter Lang Publishing, Inc., 2004.

samedi, 05 juin 2010

Sur les mythes de la Guerre d'Espagne

espagne4.jpg

 

 

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1989

 

Sur les mythes de la Guerre d'Espagne

Thomas KLEINSPEHN & Gottfried MER­GNER (Hrsg.), Mythen des Spani­schen Bürgerkriegs, Trotzdem Verlag, Grafenau-Döffingen, 1989, DM 22, 170 S., ISBN 3-922209-24-6.

 

La guerre civile espagnole a généré beaucoup de mythes tenaces. Dès 1936, aussitôt que claquè­rent les premiers coups de feu et que les premiers Junker 52 débarquèrent les troupes hispano-ma­rocaines de Franco en Andalousie, l'imagi­na­tion populaire et les officines de pro­pagande se mirent à produire du mythe à qui-mieux-mieux. Depuis la Commune de Paris de 1871, aucun évé­nement politique n'avait autant excité l'i­ma­gination de la classe ouvrière euro­péenne. Dès la fin des hostilités sur le terrain, la presse, les historiens et l'opinion publique ont repris ces discours mythifiants et élaboré quan­tité de va­riations à leur sujet. Le livre de Kleins­pehn et Mergner reprend les actes d'un colloque orga­nisé en 1987 à l'Université d'Oldenburg sur la Guerre d'Espagne. Succes­sivement, une émi­nente brochette de spécialistes aborde les mythes relatifs aux brigades et aux milices, à l'anar­cho-syndicalisme, au parti communiste qui a eu tant de «rénégats»... Dans un second volet, deux historiennes féminisantes mettent en évidence les difficultés des femmes dans la «révolution sociale» en œuvre sous la République et dans l'espace révolutionnaire de l'extrême-gauche es­pagnole. Enfin, troisième volet, les questions régionales de la péninsule ibérique, avec une analyse des mouvements basque et catalan. En conclusion, une critique serrée mais positive de l'obsession hispanique entretenue depuis cinq décennies par la gauche allemande quant à la Guerre d'Espagne. Ecrit par des personnalités de la gauche anarchisante allemande, cet ou­vrage constitue une brillante critique pro domo. Le livre, de surcroît est illus­tré de nombreux fac-similés d'affiches éditées à l'époque de la Guer­re Civile par des mouvements de l'extrême-gauche combattantes espagnoles. Elles témoi­gnent toutes d'un style futurisant, très épuré et très poignant.

 

 

mardi, 25 mai 2010

L'apport de G. Faye à la "Nouvelle Droite" et petite histoire de son éviction

lever_de_soleil.jpg

 

 

 Archives de SYNERGIES EUROPEENNES  - 1995

 

L’apport de Guillaume Faye à la « Nouvelle Droite » et petite histoire de son éviction

 

Par Robert STEUCKERS

 

I.

Guillaume Faye a été véritablement le moteur du GRECE, la principale organisation de la “Nouvelle Droite” en France au début des années 80. Porté par un dynamisme inouï, une fougue inégalée dans ce milieu, une vitalité débordante et un discours fait de fulgurances étonnantes et séduisantes, Guillaume Faye  —comme il aimait à le dire lui-même—  avait été fort marqué par la lecture des textes situationnistes de l'école de Guy Debord. En simplifiant outrancièrement, ou en voulant résumer le noyau essentiel/existentiel de sa démarche, nous pourrions dire qu'il dénonçait l'enlisement idéologique d'après 68, celui des Seventies et de l'ère giscardienne en France, qu'il le percevait comme un “spectacle” stupide, morne, sans relief. Faye est un homme qui entre en scène, quasi seul, entre la sortie des soixante-huitards et l'entrée des yuppies  reaganiens. 

 

Dans le numéro 2 de la revue éléments, qui fut et reste le moniteur du plus ancien cénacle de la “Nouvelle Droite” en France, regroupé autour de l'inamovible Alain de Benoist, on voit une photo du jeune Faye, âgé de 23 ans, au temps où il travaillait à l'Université dans le “Cercle Vilfredo Pareto”. Dans son ouvrage scientifique Sur la Nouvelle Droite,  Pierre-André Taguieff esquisse un bref historique de ce “Cercle Vilfredo Pareto” (p.183), dirigé par Jean-Yves Le Gallou, aujourd'hui député européen du Front National de Jean-Marie Le Pen. En 1970, le GRECE met sur pied son “Unité Régionale Paris-Ile-de-France” (URPIF), dont le “Cercle Vilfredo Pareto” est l'antenne au sein de l'“Institut d'Etudes Politique” (IEP) de Paris. Faye, ajoute Taguieff (op. cit., p.205), a animé ce Cercle Pareto de 1971 à 1973. C'est son premier engagement: Faye est donc d'emblée un homme neuf, qui n'est rattaché à aucun rameau de la droite française conventionnelle. Il n'a pas d'attaches dans les milieux vichystes et collaborationnistes, ni dans ceux de l'OAS, ni dans la mouvance “catholique-traditionaliste”. Il n'est pas un nationaliste proprement dit; il est un disciple de Julien Freund, de Carl Schmitt (dont il parlait déjà avec simplicité, concision et justesse dans les colonnes des Cahiers du Cercle Vilfredo Pareto),  de François Perroux, etc. On pourrait dire, si ce langage avait un sens en ultime instance, que Faye est, à l'intérieur même du GRECE, le représentant d'une “droite” au-delà des factions, d'une “droite régalienne”, qui pose sur tous les événements un regard souverain et détaché mais non dépourvu de fougue et de volonté “plastique”, qui trie en quelque sorte le bon grain de l'ivraie, le politique de l'impolitique. Ceux qui l'ont fréquenté, ou qui ont été ses collègues comme moi, savent qu'il se moquait sans cesse des travers de ces droites parisiennes, des attitudes guindées, des querelles de prestige de ceux qui affirmaient sans rire et avec beaucoup d'arrogance quelques idées simplistes  —parfois des nazisteries d'une incommensurable débilité, calquée sur celles des comic strips  américains—,  simplismes évidemment détachés de tout contexte historique et incapables de se mouler sur le réel. Qui se moquait aussi, non sans malice, de ceux qui, dans notre monde où se bousculent beaucoup de psychopathes, se composaient un personnage “sublime” (et souvent costaud, “supermaniste”) qui ne correspondait pas du tout à leur médiocrité réelle, parfois criante. Face aux nostalgies de tous ordres, Faye aimait à dire qu'il était “réalitaire et acceptant” et que seule cette attitude était fructueuse à long terme.  En effet, dès que le développement de la Nouvelle Droite, en tant que réseau de travail métapolitique, ou un engagement politique concret au RPR, au FN ou dans des groupes nationaux-révolutionnaires exigeait de la rigueur et de l'endurance, les mythomanes “supermanistes” disparaissaient comme neige au soleil, ou se recyclaient dans des groupuscules ténus où la mascarade et les psychodrames étaient  sans discontinuer à l'ordre du jour.

 

De méchantes intrigues en coulisses

 

Faye a produit son œuvre dans un milieu qui n'était pas le sien, qui ne se reconnaissait pas entièrement  —ou même pas du tout—  dans ce qu'il écrivait. Il donnait l'impression de flanquer à répétition de grands coups de pied dans la fourmilière, de chercher à choquer, espérant, par cette maïeutique polissonne, faire éclore une “droite” véritablement nouvelle, qui ne se contenterait pas de camoufler hâtivement son vichysme, son nationalisme colonialiste, son nazisme pariso-salonnard, ses pures ambitions matérielles ou son militarisme caricatural par quelques références savantes. Faye incarnait finalement seul la “Nouvelle Droite” parce qu'il n'avait jamais été autre chose. Presque tous ceux qui l'ont entouré dans son passage au GRECE et profité de son charisme, de son énergie, de son travail rapide et toujours pertinent, de la fulgurance de son intelligence, l'ont considéré finalement comme un étranger, un “petit nouveau” qu'on ne mettait pas dans les confidences, que l'on écartait des centres de commandement réels du mouvement, où quelques “anciens” prenaient des décisions sans appel. Faye était d'emblée dégagé de la cangue des “droites”, ses associés  —et surtout ceux qui le payaient (très mal)—  ne l'étaient pas. Naïf et soucieux d'abattre le maximum de travail, Faye ne s'est jamais fort préoccupé de ces méchantes intrigues de coulisses; pour lui, ce qui importait, c'était que des textes paraissent, que livres et brochures se répandent dans le public. Au bout du compte, il s'apercevra trop tard de la nuisance de cette opacité, permettant toutes les manipulations et tous les louvoiements  —opacité qui affaiblissait et handicapait le mouvement auquel il a donné les meilleures années de sa vie—  et finira victime des comploteurs en coulisse, sans avoir pu patiemment construire un appareil alternatif. Faye a bel et bien été victime de sa confiance, de sa naïveté et de sa non-appartenance à un réseau bien précis de la “vieille droite”, qui, dans le fond, ne voulait pas se renouveler et prendre le monde et la vie à bras le corps. Illusions, fantasmes, copinages et intrigues parisiennes prenaient sans cesse le pas sur la pertinence idéologique du discours, sur le travail d'élargissement et d'approfondissement du mouvement.

 

Au moment où la “Nouvelle Droite” surgit sous les feux de la rampe après la campagne de presse de l'été 1979, Faye se porte volontaire pour effectuer non-stop un “tour de France” des unités régionales du GRECE qui jaillissent partout spontanément. Grâce à son engagement personnel, à sa présence, à son verbe qui cravachait les volontés, il fait du GRECE une véritable communauté où se côtoient des “anciens” (venus de tous les horizons de la “droite”, catholiques intégristes et modérés exceptés) et des “nouveaux”, souvent des étudiants, qui saisissent et acceptent instinctivement la nouveauté de son discours, les choses essentielles qu'il véhicule. Faye, très attentif aux analyses sociologiques qui investiguent les modes, scrutent les mœurs, captent les ferments de contestation dès leur éclosion, devient tout naturellement l'idole des jeunes non-conformistes de la “droite” française  —auxquels se joignent quelques soixante-huitards différentialistes (inspirés par Robert Jaulin, Henri Lefebvre, Michel Maffesoli, les défenseurs du Tiers-Monde contre l'“homologation” capitaliste-occidentale) et d'anciens situationnistes—  qui rejettent les conventions sociales classiques (comme la religion), sans pour autant accepter les mièvreries de l'idéologie implicite des baba-cools de 68, matrice du conformisme que nous subissons aujourd'hui.

 

Epiméthéisme soft et prométhéisme hard

 

Si les lecteurs de Marcuse avaient parié pour une sorte d'épiméthéisme soft, d'érotisme orphique comme socle d'une anti-civilisation quasi paradisiaque, pour une contestation douce et démissionnaire, pour une négation permanente de toutes les institutions impliquant un quelconque “tu dois”, Faye, fusionnant contestation et affirmation, rejettant comme vaines, impolitiques et démissionnaires toutes les négations à la Marcuse, lançait un pari pour un prométhéisme hard, pour un érotisme goliard qui ponctuellement libère, en déployant une saine joie, ses adeptes des âpres tensions de l'action permanente, pour une affirmation permanente et impavide de devoirs et d'institutions nouvelles mais non considérées comme définitives. Marcuse et Faye contestent tous deux la société figée et les hiérarchies vieillottes des années 50 et 60, mais Marcuse tente une sortie définitive hors de l'histoire (qui a produit ces hiérarchies figées) tandis que Faye veut un retour à l'effervescence de l'histoire, croit à la trame conflictuelle et tragique de la vie (comme ses maîtres Freund, Monnerot et Maffesoli). Marcuse est démobilisateur (en croyant ainsi être anti-totalitaire), Faye est hyper-mobilisateur (pour échapper au totalitarisme soft qui étouffe les âmes et les peuples par extension illimitée de son moralisme morigéna­teur, tout comme le hiérarchisme abrutissant des conventions d'avant 68 étouffait, lui aussi, les spon­tanéités créatrices).

 

Cette vision à la fois contestatrice et affirmatrice sera donc véhiculée de ville en ville pendant plusieurs années, de 1979 à 1984, espace-temps où le GRECE a atteint son apogée, sous la direction d'Alain de Benoist, certes, mais surtout grâce au charisme de Guillaume Faye. Celui-ci marque de son sceau la revue éléments,  déterminant les thèmes et les abordant avec une fougue et un à-propos qui ne sont jamais plus revenus après son départ. Faye parti, puis, à sa suite Vial et Mabire (qui sont pourtant des hommes très différents de lui), éléments  se met littéralement à vasouiller; la revue perd son “trognon” et devient l'arène où s'esbaudissent très jeunes polygraphes,  médiocres paraphraseurs et  incorrigibles compilateurs, faux germanistes et faux philosophes, faux gauchistes et faux néo-fascistes, gribouilleurs d'éphémérides et esthètes falots. Et surtout quelques beaux échantillons de “têtes-à-claques” du seizième arrondissement. Faye lançait en effet quantités de thématiques nouvelles, généralement ignorées dans les rangs de la “droite la plus bête du monde”. Sur l'héritage initial de Science-Po et du Cercle Pareto, Faye  —qui a un contact très facile avec les universitaires au contraire d'Alain de Benoist—  greffe de la nouveauté, introduit sa propre interprétation de l'“agir communicationnel” de Habermas, des thèses des néo-conservateurs américains et de la sociologie anti-narcissique de Christopher Lash. Ensuite, rompant résolument avec l'“occidentalisme” des droites, Faye amorce, dans éléments  n°32, une critique de la civilisation occidentale, nouant ou renouant avec l'anti-occidentalisme des Allemands nationalistes ou conservateurs de l'époque de Weimar (Spengler, Niekisch, Sombart, etc.), avec les thèses en ethnologie qui stigmati­saient les “ethnocides” en marge de la civilisation techno-messianique de l'Occident (Robert Jaulin), et avec le Manifeste différentialiste  de Henri Lefèbvre (ex-théoricien du PCF et ancien disciple du surréaliste André Breton). L'occidentalisme, héritier d'une conception figée, fixiste, immobiliste, humanitariste, répétitive, psittaciste des Lumières, est une cangue, dont il faut se libérer;

est un frein à l'“agir communicationnel” (dont rêvait le jeune Habermas mais que Faye et ses vrais amis voudront restituer dans leur logique communautaire, identitaire et enracinée);

est une pathologie générant de fausses et inopérantes hiérarchies, qu'une rotation des élites devra jeter bas; est, enfin, selon la formule géniale de Faye, un “système à tuer les peuples”.

 

Mais si les critiques formulées par les tenants de l'Ecole de Francfort et par Faye refusent le système mis en place par l'idéologie des Lumières  —parce que ce système oblitère la Vie, c'est-à-dire notre Lebenswelt  (terme que reprend Habermas, à la suite de Simmel)—  ces deux écoles  —la nouvelle gauche, dont la revue new-yorkaise Telos  constitue la meilleure tribune; et la vraie  nouvelle droite, que Faye a incarné seul, sans être empêtré dans des nostalgismes incapacitants—  diffèrent dans leur appréciation de la “raison instrumentale”. Pour l'Ecole de Francfort, la rai­son instrumentale est la source de tous les maux: du capitalisme manchestérien à l'autoritarisme de l'Obrigkeitsstaat,  du fascisme à la mise hors circuit de la fameuse Lebenswelt, de l'éléctro-fascisme (Jungk) à la destruction de l'environnement. Mais la raison instrumentale donne la puissance, pensait Faye, et il faut de la puissance dans le politique pour faire bouger les choses, y compris restaurer notre Lebenswelt,  nos enracinements et la spontanéité de nos peuples. La différence entre la nouvelle droite (c'est-à-dire Faye) et la nouvelle gauche (en gros l'équipe de Telos)  réside toute entière dans cette question de la puissance, dont la raison instrumentale peut être un outil. Cette querelle a aussi été celle des sciences sociales allemandes (cf. De Vienne à Franfort, la querelle allemande des sciences sociales,  Ed. Complexe, Bruxelles, 1979): est-ce la raison instrumentale, qui met les valeurs entre parenthèses, ne pose pas de jugements de valeurs et pratique la Wertfreiheit  de Max Weber voire l'éthique de la responsabilité ou est-ce la raison normative, qui insiste sur les valeurs  —mais uniquement les valeurs “illuministes” de l'Occident moderne—  et développe ainsi une éthique de la conviction, qui doit avoir le dessus? Faye n'a pas exactement répondu à la question, dans le cadre du débat qui agitait le monde intellectuel à la fin des années 70 et au début des années 80, mais on sentait parfaitement, dans ses articles et dans Le système à tuer les peuples,  qu'il percevait intuitivement le hiatus voire l'impasse: que tant la raison instrumentale, quand elle est maniée par des autorités politiques qui ne partagent pas nos valeurs  (celle du zoon politikon  grec ou de l'hyperpolitisme romain) ni, surtout, nos traditions métaphysiques et juridiques, que la raison normative, quand elle nous impose des normes abstraites ou étrangères à notre histoire, sont oblitérantes et aliénantes. Ni la raison instrumentale ni la raison normative (il serait plus exact de dire la “raison axiologique”, dans le sens où la “norme” telle que la définit Carl Schmitt, est toujours une abstraction qui se plaque sur la vie, tandis que la valeur, pour Weber et Freund, est une positivité immuable qui peut changer de forme mais jamais de fond, qui peut faire irruption dans le réel ou se retirer, se mettre en phase de latence, et qui est l'apanage de cultures ou de peuples précis) ne sont oblitérantes ou aliénantes si le peuple vit ses valeurs et s'il n'est pas soumis à des normes abstraites qui, délibérément, éradiquent tout ce qui est spontané, corrigent ce qui leur paraît irrationnel et biffent les legs de l'histoire. Faye n'a pas eu le temps de se brancher sur les débats autour des travaux de Rawls (sur la justice sociale), n'a pas eu le temps de suivre le débat des “communautariens” américains, qui ont retrouvé les valeurs cimentantes en sociologie et entendent les réactiver. Et surtout, n'a pas suivi à la trace la grande aventure secrète des années 80, la redécouverte de l'œuvre de Carl Schmitt, en Allemagne, en Italie et aux Etats-Unis, la France restant grosso modo  en dehors de cette lame de fond qui traverse la planète entière. On ne sort du dilemme entre raison instrumentale et raison normative que si l'on retourne à l'histoire, qui offre des valeurs précises à des peuples précis, valeurs qui sont peut-être foncièrement subjectives mais sont aussi  objectives parce qu'elles sont les seules capables de structurer des comportements cohérents et durables dans la souplesse, de générer, au sein d'un peuple, ce qu'Arnold Gehlen appelait les “institutions”. Un peuple qui adhère et met en pratique ses propres valeurs obéit à des lois qui sont objectives pour lui seul, mais qui sont la seule objectivité pratique dans la sphère du politique; s'il obéit à des normes extérieures à lui, imposées par des puissances extérieures et/ou dominantes, la raison normative lui apparaîtra, consciemment ou inconsciemment, aliénante et la raison instrumentale, insupportable. Dans un tel cadre, s'il a oublié ses valeurs propres, le peuple meurt parce qu'il ne peut plus agir selon ses propres lois intérieures. Le système l'a tué.

 

L'influence déterminante de Henri Lefèbvre

 

Indubitable et déterminante est l'influence de Henri Lefebvre sur l'évolution des idées de Guillaume Faye; Henri Lefebvre fut un des principaux théoriciens du PCF et l'auteur de nombreux textes fondamentaux à l'usage des militants de ce parti fortement structuré et combatif. J'ai eu personnellement le plaisir de rencontrer ce philosophe ex-communiste français à deux reprises en compagnie de Guillaume Faye dans la salle du célèbre restaurant parisien “La Closerie des Lilas” que Lefebvre aimait fréquenter parce qu'il avait été un haut lieu du surréalisme parisien du temps d'André Breton. Lefebvre aimait se rémémorer les homériques bagarres entre les surréalistes et leurs adversaires qui avaient égayé ce restaurant. Avant de passer au marxisme, Lefebvre avait été surréaliste. Les conversations que nous avons eues avec ce philosophe d'une distinction exceptionnelle, raffiné et très aristocratique dans ses paroles et ses manières, ont été fructueuses et ont contribué à enrichir notamment le numéro de Nouvelle école sur Heidegger que nous préparions à l'époque. Trois ouvrages plus récents de Lefebvre, postmarxistes, ont attiré notre attention: Position: contre les technocrates. En finir avec l'humanité-fiction (Gonthier, Paris, 1967); Le manifeste différentialiste (Gallimard, Paris, 1970); De L'Etat. 1. L'Etat dans le monde moderne, (UGE, Paris, 1976).

 

Dans Position (op. cit.), Lefebvre s'insurgeait contre les projets d'exploration spatiale et lunaire car ils divertissaient l'homme de “l'humble surface du globe”, leur faisaient perdre le sens de la Terre, cher à Nietzsche. C'était aussi le résultat, pour Lefebvre, d'une idéologie qui avait perdu toute potentialité pra­tique, toute faculté de forger un projet concret pour remédier aux problèmes qui affectent la vie réelle des hommes et des cités. Cette idéologie, qui est celle de l'“humanisme libéral bourgeois”, n'est plus qu'un “mélange de philanthropie, de culture et de citations”; la philosophie s'y ritualise, devient simple cérémonial, sanctionne un immense jeu de dupes. Pour Lefebvre, cet enlisement dans la pure phraséologie ne doit pas nous conduire à refuser l'homme, comme le font les structuralistes autour de Foucault, qui jettent un soupçon destructeur, “déconstructiviste” sur tous les projets et les volontés politiques (plus tard, Lefebvre sera moins sévère à l'égard de Foucault). Dans un tel contexte, plus aucun élan révolutionnaire ou autre n'est possible: mouvement, dialectique, dynamiques et devenir sont tout simplements niés. Le structuralisme anti-historiciste et foucaldien constitue l'apogée du rejet de ce formidable filon que nous a légué Héraclite et inaugure, dit Lefebvre, un nouvel “éléatisme”: l'ancien éléatisme contestait le mouvement sensible, le nouveau conteste le mouvement historique. Pour Lefebvre, la philosophie parménidienne est celle de l'immobilité. Pour Faye, le néo-parménidisme du système, libéral, bourgeois et ploutocratique, est la philosophie du discours libéralo-humaniste répété à l'infini comme un catéchisme sec, sans merveilleux. Pour Lefebvre, la philosophie héraclitéenne est la philosophie du mouvement. Pour Faye, —qui retrouve là quelques échos spenglériens propres à la récupération néo-droitiste (via Locchi et de Benoist) de la “Révolution Conservatrice” weimarienne—  l'héraclitéisme contemporain doit être un culte joyeux de la mobilité innovante. Pour l'ex-marxiste et ex-surréaliste comme pour le néo-droitiste absolu que fut Faye, les êtres, les stabilités, les structures ne sont que les traces du trajet du Devenir. Il n'y a pas pour eux de structures fixes et définitives: le mouvement réel du monde et du politique est un mouvement sans bonne fin de structuration et de déstructuration. Le monde ne saurait être enfermé dans un système qui n'a d'autres préoccupations que de se préserver. A ce structuralisme qui peut justifier les systèmes car il exclut les “anthropes” de chair et de volonté, il faut opposer l'anti-système voire la Vie. Pour Lefebvre (comme pour Faye), ce recours à la Vie n'est pas passéisme ou archaïsme: le système ne se combat pas en agitant des images embellies d'un passé tout hypothétique mais en investissant massivement de la technique dans la quotidienneté et en finir avec toute philosophie purement spéculative, avec l'humanité-fiction. L'important chez l'homme, c'est l'œuvre, c'est d'œuvrer. L'homme n'est authentique que s'il est “œuvrant” et participe ainsi au devenir. Les “non-œuvrants”, sont ceux qui fuient la technique (seul levier disponible), qui refusent de marquer le quotidien du sceau de la technique, qui cherchent à s'échapper dans l'archaïque et le primitif, dans la marginalité (Marcuse!) ou dans les névroses (psychanalyse!). Apologie de la technique et refus des nostalgies archaïsantes sont bel et bien les deux marques du néo-droitisme authentique, c'est-à-dire du néo-droitisme fayen. Elles sortent tout droit d'une lecture attentive des travaux de Henri Lefebvre.

 

Mystification totale et homogénéisation planétaire

 

Dans Le manifeste différentialiste, nous trouvons d'autres parallèles entre le post-marxisme de Lefebvre et le néo-droitisme de Faye, le premier ayant indubitablement fécondé le second: la critique des processus d'homogénéisation et un plaidoyer en faveur des “puissances différentielles” (qui doivent quitter leurs positions défensives pour passer à l'offensive). L'homogénéisation “répressive-oppressive” est dominante, victorieuse, mais ne vient pas définitivement à bout des résistances particularistes: celles-ci imposent alors malgré tout une sorte de polycentrisme, induit par la “lutte planétaire pour différer” et qu'il s'agit de consolider. Si l'on met un terme à cette lutte, si le pouvoir répressif et oppresseur vainc définitivement, ce sera l'arrêt de l'analyse, l'échec de l'action, le fin de la découverte et de la création.

 

De sa lecture de L'Etat dans le monde moderne,  Faye semble avoir retiré quelques autres idées-clefs, notamment celle de la “mystification totale” concomitante à l'homogénéisation planétaire, où tantôt l'on exalte l'Etat (de Hobbes au stalinisme), tantôt on le méconnaît (de Descartes aux illusions du “savoir pur”), où le sexe, l'individu, l'élite, la structure (des structuralistes figés), l'information surabondante servent tout à tour à mystifier le public; ensuite l'idée que l'Etat ne doit pas être conçu comme un “achèvement mortel”, comme une “fin”, mais bien plutôt comme un “théâtre et un champ de luttes”. L'Etat finira mais cela ne signifiera pas pour autant la fin (du politique). Enfin, dans cet ouvrage, Faye a retenu le plaidoyer de Lefebvre pour le “différentiel”, c'est-à-dire pour “ce qui échappe à l'identité répétitive”, pour “ce qui produit au lieu de reproduire”, pour “ce qui lutte contre l'entropie et l'espace de mort, pour la conquête d'une identité collective différentielle”.

 

Cette lecture et ces rencontres de Faye avec Henri Lefebvre sont intéressantes à plus d'un titre: nous pouvons dire rétrospectivement qu'un courant est indubitablement passé entre les deux hommes, certainement parce que Lefebvre était un ancien du surréalisme, capable de comprendre ce mélange instable, bouillonnant et turbulent qu'était Faye, où se mêlaient justement anarchisme critique dirigé contre l'Etat routinier et recours à l'autorité politique (charismatique) qui va briser par la vigueur de ses décisions la routine incapable de faire face à l'imprévu, à la guerre ou à la catastrophe. Si l'on qualifie la démarche de Faye d'“esthétisante” (ce qui est assurément un raccourci), son esthétique ne peut être que cette “esthétique de la terreur” définie par Karl Heinz Bohrer et où la fusion d'intuitionnisme (bergsonien chez Faye) et de décisionnisme (schmittien) fait apparaître la soudaineté, l'événement imprévu et impromptu, —ce que Faye appelait, à la suite d'une certaine école schmittienne, l'Ernstfall—  comme une manifestation à la fois vitale et catastrophique, la vie et l'histoire étant un flux ininterrompu de catastrophes, excluant toute quiétude. La lutte permanente réclamée par Lefebvre, la revendication perpétuelle du “différentiel” pour qu'hommes et choses ne demeurent pas figés et “éléatiques”, le temps authentique mais bref de la soudaineté, le chaïros, l'imprévu ou l'insolite revendiqués par les surréalistes et leurs épigones, le choc de l'état d'urgence considéré par Schmitt et Freund comme essentiels, sont autant de concepts ou de visions qui confluent dans cette synthèse fayenne. Ils la rendent inséparable des corpus doctrinaux agités à Paris dans les années 60 et 70 et ne permettent pas de conclure à une sorte de consubstantialité avec le “fascisme” ou l'“extrême-droitisme” fantasmagoriques que l'on a prêtés à sa nouvelle droite, dès le moment où, effrayé par tant d'audaces philosophiques à “gauche”, à “droite” et “ailleurs et partout”, le système a commencé à exiger un retour en arrière, une réduction à un moralisme minimal, tâche infâmante à laquelle se sont attelés des Bernard-Henry Lévy, des Guy Konopnicki, des Luc Ferry et des Alain Renaut, préparant ainsi les platitudes de notre political correctness.

 

Quel nietzschéisme?

 

Reste à tenter d'expliquer le nietzschéisme de Faye et à le resituer vaille que vaille  —pour autant que cela soit possible—  dans le contexte du nietzschéisme français des années 60 à 80. Qu'est-ce qui distingue son nietzschéisme implicite (et parfois explicite) du nietzschéisme professé ailleurs, dans l'université française, chez les philosophes indépendants (voire marginaux) ou chez les autres protagonistes de la ND?

- Si le nietzschéisme de l'université est complexe, trop complexe pour être manié dans des associations de type métapolitique comme le GRECE;

- si les arabesques, méandres, rhizomes, agencements, transversales, multilinéarités et ritournelles d'un philosophe nietzschéen original et fécond comme Gilles Deleuze par exemple dévoilaient un vocabulaire aussi original que surprenant, mais qui demeurait largement incompris en dehors des facultés de philosophie à l'époque de gloire de la ND (elles n'auraient rencontré qu'incompréhension chez les non-philosophes, même à l'université; en Italie, Francesco Ingravalle a eu le mérite de dresser un excellent synopsis des approches nietzschéennes, en dégageant clairement l'apport de Deleuze; cf. F. Ingravalle, Nietzsche illuminista o illuminato? Guida alla lettura di Nietzsche attraverso Nietzsche,  Ed. di Ar, Padova, 1981);

- si les philosophes plus marginalisés, moins académiques et solitaires ont travaillé à fond des thématiques nietzschéiennes plus circonstancielles et nettement moins politisables ou métapolitisables;

- si les fragments, tantôt épars, tantôt concentrés, d'héritage extrême-droitiste, transposés spontanément dans la métapolitique maladroite des plus modestes militants de base des débuts du GRECE, concevaient un nietzschéisme fort hiératique, glacial et figé, prenant naïvement au pied de la lettre le discours sur le “Surhomme”, et surtout ses travestissements par la propagande cinématographique anglo-saxonne des deux guerres mondiales, où se mêlent des clichés comme le “Hun”, la “bête blonde”, la folie caricaturale de professeurs de génétique au rictus nerveux et à grosses lunettes et, enfin, la morgue attribuée aux officiers des corps francs ou des troupes d'assaut;

- si le “surhumanisme” de Giorgio Locchi, en tant que nietzschéisme solidement étayé dans les discours du GRECE, insistait sur le dépassement des avatars philosophiques et scientifiques de l'égalitarisme passif et niveleur issu du christianisme et transformé en “science” dans le sillage du positivisme puis du marxisme;

- si les thèses de Pierre Chassard sur l'anti-providentialisme de Nietzsche, annexées par le GRECE, en mal d'une interprétation originale du philosophe de Sils-Maria au début des années 70, insistaient, elles, sur l'impossibilité finale de créer un monde achevé, fermé, sans plus ni vicissitudes ni tragique ni effervescence ni conflictualité, le nietzschéisme personnel de Faye s'inscrirait plutôt dans cet espace aux contours flous, entre le rire et le tragique, mis en évidence par Alexis Philonenko, dans son approche de l'œuvre de Nietzsche (cf. A. Philonenko, Nietzsche. Le Rire et le Tragique,  LGF, 1995).

 

Pour Faye effectivement, la trame du monde est fondamentalement tragique, et restera telle, en dépit des vœux pieux, formulés par chrétiens, post-chrétiens, jus-naturalistes, etc.; à la suite de Jules Monnerot, qui a pensé systématiquement l'“hétérotélie”, c'est-à-dire le fait que l'on atteint toujours un objectif différent de celui qu'on s'était assigné dans ses rêves et ses projets, Faye écrit et affirme sans cesse que les efforts politiques, les constructions institutionnelles, les barrages que dressent maladroitement les censeurs qui veulent éviter toute redistribution des cartes, finiront toujours par être balayés, mais, avant cette disparition méritée et ce nettoyage nécessaire, les agitations, les colères, les objurgations, les admonestations de ceux qui veulent que les mêmes règles demeurent toujours en vigueur, pour les siècles des siècles, doivent susciter le rire de tous les réalitaires impertinents qui acceptent et affirment le tragique, la finitude de toutes choses. En ce sens, pour Faye, «le rire est la puissance nue, véritablement protéiforme», comme le définit Philonenko, qui ajoute, que, dans Ainsi parla Zarathoustra,  le rire est aussi “la clef qui ouvre toutes les serrures”, justement parce qu'il permet de sauter les obstacles qui, au fond, ne sont pas des obstacles, de regarder à travers les fissures ou au-delà des masses en apparence monolithiques. Nietzsche conçoit le rire, non comme une substance, mais comme une fonction métacritique  qui rend la vie possible (et la libère des pesanteurs et des anachronismes) et, avec elle, ajoute Philonenko, toute “existence authentique”, dans le sens où l'“authenticité”, ici, est synonyme de plénitude et de fulgurance innovante, tandis que toute routine, voire, chez Faye, toute tradition, quand elle se fige, est “inauthentique”, dépourvue d'intérêt. De là, la fascination qu'exerçaient sur Faye les réflexions post-nietzschéennes de Heidegger sur le triste “règne du on”, alors même que les écrivains français qui ont, chacun à leur manière, chanté les “voies royales”, n'ont guère influencé les réflexions du seul véritable penseur original de la ND.

 

Sauver la "Lebenswelt"

 

Nietzsche, et Faye inconsciemment à sa suite, imaginaient un rire qui, “effondrant les colonnes de la civilisation” (celle, rigide, désenchantée, que nous a léguée et nous impose l'Aufklärung, de plus en plus souvent par des méthodes policières), réaliserait le surhomme, c'est-à-dire le dépassement de la condition “humaine, trop humaine”, emprisonnée dans les cages de la légalité sans plus aucune légitimité, dans les cellules dorées d'une civilisation d'abondance matérielle et de lacunes spirituelles. C'est dans cette critique de la civilisation, non plus véhiculée par l'éros idyllique et néo-pastoraliste du “marcuso-rousseauisme”, mais par le rire et la polisonnerie, qu'il faut voir un parallèle avec une certaine révolution conservatrice allemande, qui, elle, récuse cette “civilisation” au nom de l'expérience à la fois traumatisante et exaltante des soldats de la première guerre mondiale ou au nom d'une foi orientale, asiatique ou russe-orthodoxe, modernisée en apparence sous les oripeaux du bolchevisme. La surhumanité nietzschéo-fayenne n'est donc pas une humanité impavide de gendarmes aux roides zygomatiques, musculeux et hiératiques (sauf, notable exception, dans certaines planches de sa bande dessinée aux thématiques contestées, intitulée Avant-Guerre), non pas, contexte spatio-temporel oblige, un duplicata anachronique du “nationalisme soldatique” des frères Jünger ou de Schauwecker, non pas un fidéisme traditionaliste teinté d'orientalisme, mais une surhumanité portée par une bande de joyeux polissons créatifs, impertinents, hors-normes. Les porteurs de “civilisation”, qui ont oublié le rire ou l'ont étouffé en eux, érigent des idoles de papier, des codes moraux, des conventions toutes cérébrales, qui sont justement celles qui oblitèrent et refoulent cette Lebenswelt,  cette évidence immédiate que seul le rire est capable de saisir, de capter, d'“en ouvrir toutes les serrures”. Cet engagement pour sauver la Lebenswelt est le leitmotiv qui permet de comprendre les engouements simultanés de Faye pour Heidegger, Habermas, Monnerot, Freund, Schmitt, Jünger (celui du Travailleur),  Simmel et sa synthèse personnelle entre tous ces philosophes, politologues et sociologues, en apparence très différents les uns des autres. Plus tard, Michel Maffesoli deviendra indubitablement l'universitaire qui hissera un corpus fort proche de cette vision fayenne  —fulgurante, dionysiaque et effervescente—  au niveau d'une philosophie et d'une sociologie pleinement reconnues par l'université, au niveau français comme au niveau international. Voilà ce qu'il fallait dire, me semble-t-il, sur le nietzschéisme dionysiaque de Faye, qui a marqué si profondément la ND de son sceau. Faye est en effet le penseur qui aurait pu, s'il avait travaillé et retravaillé ses intuitions selon les critères de la démarche académique, devenir un philosophe entre Freund et Maffesoli, c'est-à-dire un philosophe tenant compte des impératifs incontournables du politique mais sans absoluiser ces impératifs, en laissant toujours les portes grandes ouvertes aux manifestations de la Vie (de la Lebenswelt).  Si Freund, fidèle en cela à Carl Schmitt, ne perd pas trop de temps à s'apesantir sur les grouillements, éruptions, engouements qui pourraient donner mille et une fois prétexte à de l'“occasionalisme”, Maffesoli va parfois trop loin, nous semble-t-il, quand il survalorise des phénomènes de banlieue, comme les tribus, tout en annonçant une sorte de fin du politique dans le dionysiaque. Faye, qui a quitté la sphère sérieuse du politique, aurait pu faire cette jonction entre Freund et Maffesoli (qui fut l'élève de ce politologue alsacien), dans la mesure où, pour lui, le politique ne doit jouer qu'en cas d'Ernstfall (de situation dangereuse, exceptionnelle), en s'effaçant dès que le péril disparait. En cela, “le politique va et vient entre imperium et anarchie”, comme le soulignait Christiane Pigacé, elle aussi disciple de Julien Freund, lors de la Première Université d'été de la FACE en juillet 1993.

 

Exercices d'auto-dérision

 

Ce nietzschéisme-entre-rire-et-tragique, pari pour la “puissance nue” et “fonction métacritique”, avait aussi bien du mal à se faire comprendre, non pas auprès des militants jeunes du GRECE, fascinés par cette fougue, mais bien dans le “saint des saints” de ce mouvement, en son plus haut sommet, où ne brillait aucun soleil, où ne règnait aucune chaleur, mais où une humeur grincheuse crachait en permanence ses miasmes aussi malsains qu'indéfinissables dans une atmosphère déjà toute chargée de volutes nauséabondes de nicotine, où une mine toujours déconfite, une moue éructant sans discontinuer l'insulte gratuite, révélait en fait, aux lucides qui pouvaient le voir, une parodie fon­damentale que Nietzsche aurait copieusement brocardée. Les petites vanités d'un certain gourou ne toléraient nullement le développement d'une “métacritique” axée sur le “fou rire libérateur”, qui commence toujours par une saine capacité d'auto-dérision. Quant à Faye, il n'hésitait jamais à se mettre en scène, à s'amuser de ses propres images, fantasmes, goûts, de ses propres phrases qu'il poussait à l'absurde pour être sûr qu'elles ne s'enliseraient jamais dans une impasse intellectuelle, etc. En effet, pour se remettre en question, il faut être capable de penser jusqu'à l'absurde chaque idée qu'on développe, s'apercevoir à chaque instant du caractère dérisoire de ses vanités ou de ses fantasmes, du caractère ridicule des petits camouflages qu'on pratique dans le fol espoir de plaire un jour à la galerie, d'avoir une “image irréprochable” dans les médias du “système à tuer les peuples”, ce qui indique finalement que l'on n'a nul souci de ces peuples, en dépit des discours que l'on tient pour épater le public. Cet exercice d'auto-dérision, on a toujours été incapable de le faire, en ce  plus haut lieu du GRECE, qui prétendait évidemment n'être pas le GRECE, mais simple site de base fortuit et déconnecté d'une vague “stratégie personnelle” d'entrisme dans les médias et de participation aux débats (?) du Tout-Paris. Raison pour laquelle la machine, mise en place par quelque compilateur qui alignait citations et références dans le seul espoir de se faire valoir, a fini, “quelque part”, par tourner à vide.

 

Enfin, ce “nietzschéisme du rire” demeure à la base des démarches du Faye post-greciste: depuis le lancement du journal J'ai tout compris (1987-88), mêlant ironie grinçante, satire caustique, message politique et style branché, jusqu'aux émissions de Skyrock, avec leurs énoooormes canulars, ou encore les enquêtes désopilantes de l'Echo des Savannes  ou même de Paris-Match, où l'on a vu Faye dans le rôle du “Professeur Kervous”, ami de Bill Clinton fraîchement élu à la Maison Blanche, un Kervous au look soixante-huitard flanqué d'une sémillante secrétaire britannique “Mary Patch” (!!), qui se présente chez certains hommes et femmes politiques français pour leur demander, au nom de “Mr. President Bill Clinton”, s'ils sont prêts à poser leur candidature de “Secrétaire d'Etat aux affaires européennes”, dans la nouvelle “administration” américaine... Mais cette pratique de la “théorie métacritico-métapolitique” de la ND fayenne est une autre histoire, qui n'a pas exactement sa place dans la présente introduction.

 

II.

Mais comment ce Guillaume Faye, dont le charisme était indéniable, a-t-il été évincé du groupe auquel il a donné une véritable épine dorsale? Emblématique, son éviction prouve que la logique interne du mouvement GRECE a été et demeure une logique de l'éviction. Au fil de son histoire, ce mouvement a davantage exclu ses cadres qu'il n'en a recruté! Quelques esprits paranoïaques en déduisent que cette stratégie d'évictions successives a été appliquée “en service commandé”, pour empêcher la France de développer une idéologie radicalement critique à l'égard des anachronismes républicains, illuministes, juridiques et administratifs qui conduisent ce pays à l'assèchement intellectuel et à la pétrification institutionnelle, de façon à ce qu'aucun courant d'opinion suffisamment étayé ne réclame des réformes en profondeur ou n'articule les conditions d'une deuxième révolution française qui balaierait la bourgeoisie révolutionnaire institutionalisée, ses clubs d'inspiration illuministe et ses fonctionnaires omnipotents, comme les préfets qui gouvernent 95 départements sans être élus, en contradiction flagrante avec les principes démocratiques de l'Union Européenne! La thèse du “service commandé” est évoquée par un professeur mexicain Santiago Ballesteros Walsh, sans que je ne puisse avaliser sa démonstration... Effectivement, rien ne peut directement étayer la thèse de Ballesteros Walsh, ce qui ne doit pas nous empêcher de constater qu'en près de trente ans d'existence, la ND parisienne n'a proposé aucune réforme cohérente des institutions françaises, n'a pas approfondi le “régionalisme” ou la “subsidiarité” qui aurait pu servir de levier à une contestation globale du système jacobin, directement inspiré des Lumières, ni aucun projet de réforme économique, sur base du participationnisme gaullien, des thèses de François Perroux ou des hétérodoxes de la pensée économique. Ces omissions, ce refus persistant de ne pas aborder de tels sujets, sont pour le moins bizarres voire fort suspects. Faye n'a jamais cessé de réclamer l'inclusion de telles démarches dans le corpus de la ND. Est-ce la raison réelle de son éviction? Comme de l'éviction de tous les autres exclus?

 

Stratégie du dénigrement

 

Dans des discussions entre anciens du GRECE, on évoque souvent deux autres stratégies bizarres: la stratégie du marquage et celle du dénigrement. La stratégie du marquage consisterait ainsi à attirer des intellectuels dans le sillage de la ND pour qu'ils soient marqués à jamais et empêchés de poursuivre leurs recherches. La stratégie du dénigrement consiste, elle, à monter les militants les uns contre les autres, à les décrire comme “idiots” ou comme “fous” afin de contrecarrer à titre préventif toute collaboration autonome entre eux, au-delà de tout contrôle de la centrale. Ainsi, par exemple, à tel éditeur indépendant, on dira que “Steuckers (ou Faye ou Battarra, etc.) est un fou dangereux, voire un terroriste nazi-trotskiste et national-révolutionnaire, digne héritier de la narodnaïa volia russe (d'ailleurs, n'est-ce pas, son journal s'appelle Vouloir...)”, afin qu'il n'accepte pas de manuscrits de cet espèce de sous-Netchaïev de Steuckers, mais, de ce même brave éditeur, vingt minutes plus tard, la même personne dira à Steuckers, “c'est un doux crétin emberlificoté dans toutes les sectes ruralistes völkisch  les plus biscornues”, afin qu'on ne lui confie pas de manuscrit...

 

Il m'apparait utile, à la demande de quelques exclus notoires et de quelques anciens cadres du GRECE, plongés dans l'amertume depuis l'échec de leur réformisme constructif à l'intérieur du mouvement où ils militaient, de brosser un tableau récapitulatif de cette succession ininterrompue d'évictions, en insistant plus particulèrement sur celle de Faye.

 

Vivant et travaillant très près du “centre”, même s'il ne connaissait pas les véritables commanditaires de l'entreprise, comme aucun membre ni même aucun cadre ne les connaissaient, Faye n'a pas été suffisamment attentif à la fragilité de sa propre position; il a été naïf et confiant. Il était extérieur à ce milieu, il venait du dehors. Il n'a jamais été intégré par ceux qui se prétendaient “initiés”, il a toujours été considéré comme un “citron à presser”. L'indice le plus patent de cette non-appartenance au “noyau de base” est la médiocrité des salaires que percevait Faye. Je ne comprends toujours pas comment il a eu la faiblesse de se contenter d'une telle situation. Et d'avoir commis deux erreurs:

A. Avoir été trop confiant dans son propre charisme, avoir souvent travaillé trop vite, par fulgurances, individuellement, en n'étayant pas toujours ses textes de références adéquates, pour leur donner du poids. L'idéal aurait été un Faye épaulé par une équipe qui aurait exploré pour lui l'univers des bibliothèques, lui aurait transmis des bibliographies, des résumés de livres, aurait fréquenté pour lui des colloques universitaires et politiques, etc. Faye ne s'est pas entouré de personnes capables de faire de tels travaux pour lui. A moyen terme, ce sera sa perte.

 

Faye n'a pas ménagé sa porte de sortie

 

B. Ensuite, Faye ne s'est pas doté d'un instrument personnel et autonome, par exemple un cercle ou une revue, qui lui aurait fourni une porte de sortie, pour redémarrer son action seul en réaiguillant vers lui son public, récruté dans le cadre du GRECE. Faye n'a pas organisé le réseau de ses relations, ni entretenu de rapports structurés avec les personnalités qu'il a été amené à rencontrer, lors de ses nombreux périples. Après son éviction, Faye s'est retrouvé seul, sans fichier, sans tribune, sans ressources. Sa quête intellectuelle a dû s'arrêter pour le mouvement auquel il a impulsé tant de vigueur. L'ABC du cadre enseigne qu'il faut, en toutes circonstances, ménager sa porte de sortie, retomber sur ses pattes en cas d'éviction, réamorcer la dynamique en toute autonomie, au besoin contre ses anciens partenaires.

 

Ces quelques réflexions sur Faye nous obligent à retracer la chronologie de son itinéraire “greciste”. Comme l'écrit Taguieff (op. cit.), cet itinéraire commence dans le cadre du Cercle Vilfredo Pareto, dominé par la personnalité d'Yvan Blot (alias Michel Norey), aujourd'hui député européen pour le compte du FN français. Faye, qui travaillait alors pour l'industrie automobile, y apprend les techniques de l'orateur, sous l'impulsion d'un ancien militant de la droite radicale française, ayant abandonné tout militantisme. Incontestablement, Faye est un bon élève. Ce que je peux constater quand je le rencontre pour la première fois à Bruxelles en 1976, dans une salle de l'Hôtel Ramada, Chaussée de Charleroi, où il prononçait un fougueux discours sur “l'Europe, colonie des Etats-Unis”. D'emblée, à la suite de Giorgio Locchi qui avait composé un numéro de Nouvelle école  pour stigmatiser la main-mise américaine sur l'Europe et pour mettre en exergue les différences radicales entre le mental européen et le mental américain, Faye embraye sur cet anti-américanisme solidement étayé par le philosophe italien et rompt définitivement avec toutes les tentations “occidentalistes” de la droite française, y compris celles de certains rescapés d'Europe Action, le mouvement activiste des années 60, où bon nombre de cadres du GRECE initial avaient fait leurs premières armes.

 

En 1977-78, une première division frappe la ND, encore peu connue du grand public. D'une part, Yvan Blot, Jean-Yves Le Gallou, et quelques autres fondent le “Club de l'Horloge”, dont la stratégie sera d'investir les milieux politiques, professionnels (patronaux essentiellement) et les Grandes Ecoles de Paris (ENA, etc.), tandis qu'Alain de Benoist parie pour un “combat des idées”, dans la presse et les médias en général. Le Club de l'Horloge prend des options libérales ou nationales-libérales. Alain de Benoist a le mérite de rester en deçà de cette marche vers la “respectabilité”, qui annonce pourtant le retour du libéralisme dans les débats des années 80, mais il n'esquisse aucune alternative cohérente et structurée au giscardisme et aux éléments de sociale-démocratie qui compénètrent la société française, après la dispariton de De Gaulle. Faye refuse la logique libérale, au nom du discours qu'il a défendu dans les colonnes des Cahiers du Cercle Vilfredo Pareto.  Il pense que ses idées étatistes, autarcistes et “régaliennes” ne peuvent pas être défendues à la tribune du Club de l'Horloge et il reste avec de Benoist au GRECE. Ses motivations sont donc purement idéologiques. Son option n'est pas dictée par des intérêts matériels ou par des opportunités professionnelles.

 

Philippe Marceau entre alors en scène au GRECE et le structure avec une redoutable efficacité. Grâce à son dévouement et à sa générosité, Faye trouve un encadrement solide, à sa mesure. Marceau discipline le cheval fougueux qu'est Faye, il veille à ce qu'il soit payé convenablement. Faye donnera le meilleur de lui-même entre 1978 et 1982, quand il bénéficiera de la rigueur d'organisation imposée par Philippe Marceau. En outre, le GRECE marque des points à cette époque: il fonde les éditions Copernic en 1978 (qui feront lamentablement faillite en 1981), il investit la rédaction du Figaro-Magazine de Louis Pauwels. Faye est séduit, avec beaucoup d'autres, dont moi-même. Il pense que l'avenir est dans la “métapolitique”. A ce moment-là de l'histoire du mouvement, Marceau le croit aussi.

 

L'aventure d' "Alternative libérale"

 

Fin 1981, en dépit du discours anti-américain et anti-libéral officiel, Alain de Benoist développe une “stratégie personnelle”, cherchant sans doute à prendre le Club de l'Horloge de vitesse. Ce sera l'aventure d'“Alternative libérale”, projet ambitieux d'organiser un gigantesque colloque à Paris, avec l'appui du Figaro Magazine.  Ce colloque aurait dû rassembler tous les théoriciens français du libéralisme politique et économique, dont Raymond Aron, et leurs homologues et mentors américains, dont les Chicago Boys, etc. Au milieu de cet aréopage, devait s'insinuer Alain de Benoist himself.  Alerté par quelques bonnes consciences journalistiques, plusieurs participants pressentis refusent de prendre la parole si le “nazi” (?) de Benoist monte à la tribune. Les frais engagés sont tels que les organisateurs et les commanditaires ne peuvent plus reculer: Alain de Benoist est évincé. Le colloque a lieu. Le Figaro-Magazine  s'en fait l'écho. Mais “Alternative libérale” cesse d'exister au lendemain de la manifestation. Cette petite aventure en dit long sur la sincérité du leader de la ND: pour devenir vedette, il a été tout prêt à solder son anti-libéralisme, son anti-américanisme, à mettre au rencart son européisme ou ses positions néo-gaulliennes, sa germanophilie et son culte de la “révolution conservatrice”. Je me rappelle d'un Faye très sceptique et très dubitatif à l'époque... Il m'apparaissait désemparé, lui, l'honnête homme, qui avait toujours suivi ses idées plutôt que les opportunités politiciennes ou médiatiques... Désemparé de constater que d'autres étaient prêts à dire demain le contraire de ce qu'ils avaient toujours affirmé, pour un strapontin, une opportunité ou pour suivre une mode (parisienne). 

 

En janvier 1982, paraît un numéro d'éléments  titré “Mourir pour Gdansk?”. Alain de Benoist y refuse la logique occidentale (alors qu'il était prêt à y sacrifier un petit mois auparavant!!!), s'oppose aux maximalistes de l'OTAN qui s'inquiètent de la prise du pouvoir par Jaruselski en Pologne, détruit le mythe de l'ennemi soviétique, affirme que le système soviétique —qu'il n'avalise pas pour autant—  est moins dangereux pour la culture européenne que les modes et les films américains, mène en fait une guerre préventive contre le reaganisme qui vient d'accéder à la Maison Blanche. Cet anti-occidentalisme, bien construit et courageux, provoque la colère de Raymond Bourgine, directeur de Valeurs actuelles  et de Spectacle du Monde,  un hebdomadaire et un mensuel dans lesquels Alain de Benoist a fait ses premières armes et dont la plupart des rubriques de Vu de droite  sont issues. Alain de Benoist est chassé de la rédaction. C'est un premier gros échec du GRECE. Mais Alain de Benoist conserve sa “rubrique des idées” dans le Figaro-Magazine  (qu'il perdra quelques mois plus tard).

 

Marceau croit en un "réseau de clubs politiques"

 

Philippe Marceau voit que la situation se dégrade. Bon homme d'affaires, il constate que ses investissements dans le GRECE n'ont pas porté les fruits escomptés; son effort financier a été trop important pour les maigres résultats obtenus. Il estime vraisemblablement que les échecs successifs, que le mouvement vient d'encaisser, sont de mauvais augure (faillite de Copernic, échec d'“Alternative libérale”, éviction  hors des organes de presse de Bourgine, position chancelante du GRECE au Figaro-Magazine, moindre attention des médias, acharnement des adversaires, etc.). Marceau se rend compte qu'il n'a pas maîtrisé les “tares” du GRECE (“décideurs en coulisse”, mauvaise gestion des fonds, fantaisies et stratégies personnelles, incapacité de s'en tenir à une ligne précise, variations idéologiques au gré des modes, etc.). Il constate que les livres que d'aucuns lui ont promis d'écrire n'ont pas été écrits, que l'argent prévu doit servir à boucher d'autres trous, etc. Il en conclut à l'échec de la “métapolitique”. Il tente, à partir des réseaux et des fichiers du GRECE, de mettre sur pied des fora  régionaux, appelés à organiser l'opposition contre Mitterrand et les socialistes qui viennent de prendre le pouvoir lors des élections de mai et de juin 1981. Pour s'opposer aux socialistes et aux soixante-huitards qui accèdent aux postes de commandement de la société française, il faut un réseau de clubs politiques. Marceau pense que c'est là l'avenir. Mais les cartes politiques qu'il joue dans les milieux des gaullistes de droite ne donnent rien. Marceau doit dissoudre les fora  régionaux. Il quitte la scène. Le GRECE perd l'atout d'un redoutable organisateur et d'un mécène qui ne comptait jamais ses dons. Exit Marceau. Exit la rigueur et la discipline d'appareil. Marceau se retrouvera deux ans plus tard dans le parti de Le Pen, où sa générosité et son sens du travail peuvent donner le meilleur d'eux-mêmes.

 

Par le départ de cet homme exceptionnel, honnête et scrupuleux, Faye est déstabilisé. Il perd toute protection et toute garantie. Il n'a pas suivi Marceau; anti-libéral, peu attiré par les milieux politiques conservateurs en marge ou à l'intérieur du RPR, Faye croit encore à la “métapolitique”. On l'embobine. On lui fait miroiter un retour à la situation de 1978: nouvelle maison d'édition, création d'un nouvel hebdomadaire, etc. Début 1983, Faye, seul avec quelques amis, anime, en l'espace de huit mois, trois brillantes journées de son CRMC (Collectif de Réflexion sur le Monde Contemporain). Mais après ces trois journées d'une exceptionnelle qualité intellectuelle, le CRMC disparaît, Faye ne parvenant pas à conserver ce cercle qui aurait pu lui donner une pleine autonomie. Entre 1982 et 1985, il participe aux “Colloques d'Athènes”, organisés par le recteur de l'Université de la capitale grecque, Jason Hadjidinas, qui décédera prématurément, après l'avoir incité à reprendre des études et à rédiger un doctorat. Il donne des cours de sociologie de la sexualité à l'Université de Besançon. En 1985, à l'Université de Mons, il prend la parole à un grand colloque euro-arabe, où il donne incontestablement le ton, séduisant par ses talents oratoires le Père Michel Lelong, représentant du Vatican lors de cette initiative, lancée par le Professeur Safar! Le lendemain de ce colloque, quelques dizaines de cadres du GRECE se réunissent pour tenter un renouveau, l'IEAL (Institut Européen des Arts et des Lettres), qui n'aura malheureusement pas d'avenir. Mais après la mort de Jason Hadjidinas, qui l'encourageait paternellement et tentait vainement de corriger ses navrantes naïvetés, Faye est de plus en plus isolé. Il ne participe plus à de grands colloques, ni en France ni ailleurs. Sous le pseudonyme de Gérald Fouchet, il rédige d'excellents articles et d'exceptionnels entretiens dans Magazine Hebdo,  un news  dirigé par Alain Lefèvre. Mais Magazine Hebdo,  asphyxié par les publicitaires hostiles à la ND, doit cesser de paraître. Faye n'a plus d'autres revenus que son très maigre salaire de permanent du GRECE.  Les années 86 et 87 sont pour lui des années d'enlisement. Une propagande perfidement orchestrée le décrit à travers toute l'Europe comme un “exalté”, un “fou” et un “drogué”. Discours que j'ai personnellement, à ma grande stupéfaction, entendu chez Armin Mohler en juillet 1984. Partout, “on” avait répandu la légende d'un Faye un peu cinglé, niais aussi, et surtout d'un esprit brouillon dont “on” devait réécrire les articles...

 

Les suggestions de Jean-Claude Cariou

 

Juste avant le colloque de Mons et la disparition du Recteur Hadjidinas, le Secrétaire Général du GRECE de l'époque, Jean-Claude Cariou, garçon d'un dévouement exceptionnel confinant à la sainteté, tente de sauver les meubles. Il sait, parce qu'il organise, depuis son bureau de Paris, le programme des conférences, colloques et autres initiatives du mouvement en province, que, sans Faye, le GRECE est condamné à l'assèchement. Mais Faye est paralysé personnellement par le salaire insignifiant qu'il perçoit comme une aumône, comme l'os qu'on jette à un chien errant, depuis le départ du généreux Marceau. Cariou suggère une rénovation du mouvement, impliquant:

a) le paiement d'un salaire décent à Faye (ce qui est refusé par les nouveaux mécènes, deux gaillards à moitié analphabètes mais d'une incommensurable prétention); cette suggestion de Cariou montre combien Faye était dépendant et “assisté” (reproche qui lui a été maintes fois adressé). Il y a là une leçon à tirer pour tous les jeunes candidats au “combat métapolitique”.

b) un remaniement général des salaires et une maîtrise des comptes par un bureau régulièrement élu;

c) une contestation définitive du “pouvoir occulte”, c'est-à-dire la transparence.

d) un rajeunissement du mouvement.

 

Quelques jours après avoir formulé ces propositions raisonnables, Cariou est exclu, après une mise-en-scène grotesque, où il a dû comparaître devant une espèce de tribunal rassemblé à la hâte, composé de laquais totalement analphabètes qui hurlaient des slogans appris par cœur et ignoraient bien entendu tout des subtilités du “combat métapolitique” et des idées que leur mouvement était censé défendre. C'est là que toute la dimension parodique de l'aventure parisienne de la ND est apparue au grand jour. L'idée saugrenue de composer un tribunal de cette sorte démontre que les prétentions philosophiques de cette brochette d'individus immatures n'étaient que leurres. Le témoignage écrit qu'en laisse Cariou dans une lettre est éloquant: pendant que ces Fouquier-Tinville d'opérette vociféraient et éructaient, Alain de Benoist, blême, dans un état d'hyper-nervosité pitoyable, vasouillait seul dans son bureau adjacent, en attendant la fin du vaudeville. Quand ce fut terminé, le pontife est sorti de son antre  pour venir bafouiller à la victime: “ne fais pas un destroy contre moi”, répétant cette injonction trois ou quatre fois de suite, avec la trouille qui lui tordait les tripes. Mécaniquement. Pitoyablement. Avec un remord dans la voix qui ne sera que passager, comme tous ses remords. Le tort de Cariou a été de ne pas rire aux éclats devant ces guignols, de tirer sa révérence, en la ponctuant de ricanements homériques et de laisser ces misérables saltimbanques en plan, sans autre forme de procès. Histoire de leur faire entrevoir, ne fût-ce qu'un bref instant, leur finitude, leur déréliction. Et aussi de ne pas avoir conté sa mésaventure dans une brochure qu'on se serait fait un plaisir de distribuer. Cette négligence a permis aux analphabètes de contrôler le mouvement et de faire et de défaire les cadres au gré des humeurs de leurs cerveaux exigus. Triste involution.

 

Après Cariou, Gilbert Sincyr tentera de remettre de l'ordre dans la baraque. Mais comme Faye commençait à ruer dans les brancards et comme Alain de Benoist avait imposé la présence du néo-nazi Olivier Mathieu au Cercle “Etudes et Recherches”, seul apanage de Faye au GRECE, Gilbert Sincyr a rapidement quitté les lieux, dégoûté à son tour. L'université d'été 1986 est un fiasco, tourne à la pantalonnade sous la houlette de l'inénarrable Mathieu, l'homme d'Alain de Benoist à l'époque. Le colloque de novembre 1986 ne rassemble que peu de monde. Marco Tarchi (animateur de la ND italienne) et moi-même sommes rappelés à la rescousse pour étoffer ce colloque, où Faye prononce un discours qui révèle ses déceptions et ses rancœurs. Anecdote: un des analphabètes mobilisé quelques mois auparavant pour évincer le malheureux Cariou, qui souffrira terriblement de son éviction, fait fouiller le sac de mon épouse, la soupçonnant d'apporter une machine infernale pour faire sauter le colloque... Alain de Benoist, pourtant si soucieux de sa respectabilité, avait à cette époque l'art de se choisir de très singuliers collaborateurs. Cette anecdote trahit de manière exemplaire l'atmosphère de gaminerie para-militaire, de caporalisme et d'hystérie nazifiante qui pouvait règner dans ce milieu qui se voulait strictement intellectuel.

 

1987: rupture définitive

 

En 1987, Faye rompt définitivement tous les ponts qui l'unissait encore au GRECE. En mai de cette année-là, il rédige une proclamation (reproduite en annexe de cette édition), où il dresse sereinement le bilan de son engagement. Ce texte est empreint d'une grande sagesse, ce qui contredit tous les ragots colportés sur Faye, le décrivant comme “fou”, “alcoolique” et “drogué”. Dans le cadre de la ND, c'est à Bruxelles qu'il prononce sa dernière conférence, à la tribune du GRESPE de Rogelio Pete, en septembre 1987 dans un luxueux salon du prestigieux Hôtel Métropole. Thème: la soft-idéologie. Très calme et très méthodique, il nous a décrit les mécanismes de la “langue de coton” (Huyghe) et le totalitarisme mou que préparait ce langage édulcoré, annonciateur de notre actuelle “political correctness”. Dommage qu'il soit arrivé au Métropole flanqué du sulfureux Mathieu, qui n'a pas pu s'empêcher de parler du “soleil noir inscrit dans un cercle blanc sur fond rouge”. Type de dérapage lyrique que son chef avait dû grandement apprécier en privé avant de l'engager... Avoir invité Faye m'a valu quelques injures téléphonées par un militant inconditionnel du GRECE, réorganisé par les analphabètes qui avaient évincé Cariou... Sans doute des intimidations sur commande. Qui n'ont eu aucun effet.

 

En 1987, le médiéviste Pierre Vial quitte à son tour le GRECE pour devenir un cadre en vue du FN, privant les revues du mouvement métapolitique d'un souffle d'histoire, qu'elles ne récupereront plus jamais. A la suite de ce départ, la collaboration de Jean Mabire se raréfie puis disparaît définitivement, ôtant au mouvement des textes d'une rare lucidité littéraire. Mabire donnera ses chroniques et ses portraits d'écrivains à National-Hebdo, enrichissant cette feuille politique et polémique de “miniatures” littéraires, toutes de finesse et de pertinence.

 

Une cascade d'évictions

 

Voici donc la chronologie de l'éviction la plus spectaculaire dans l'histoire de la ND. Mais il y a eu d'au­tres départs forcés, comme celui de Giorgio Locchi, évincé en 1979, privant le mouvement d'un juge­ment philosophique sûr, qui lui avait donné son épine dorsale conceptuelle. Ensuite, la non-inté­gration d'Ange Sampieru, brillant juriste, constitutionaliste et économiste, un homme des “grandes écoles”, un “étatiste” et un critique pertinent du libéralisme. Puis le tir de barrage contre Thierry Mudry et Christiane Pigacé, empêchant l'irruption, dans le discours global de la ND, d'une histoire alternative, vé­ritablement centrée sur le peuple et le paysannat, et d'une philosophie politique directement puisée chez Julien Freund. En 1990, nous avons assisté à l'éviction du jeune Hugues Rondeau, l'animateur de “Nouvelle Droite Jeunesse”, qui avait réclamé mon retour. Très cultivé, Rondeau venait du gaullisme, avait un goût littéraire très sûr, un sens des valeurs et de l'esthétique, qui ne dérivait pas des manies habituelles des droites parisiennes. Ensuite, vint mon tour en 1992, à la suite de mises-en-scène que je ne décrirai pas par charité. Enfin, en 1993, Guillaume d'Erebe est à son tour jeté comme un malpropre, privant le mouvement d'un philosophe et politologue très bien écolé, bon connaisseur d'Althusser, de Spinoza, des hétérodoxies en économie, de Perroux et de Carl Schmitt. Le gâchis est immense. La ND s'est étiolée. La ND n'a intégré personne. Elle se meurt très lentement d'attrition; elle ne survit que par l'éclat de son passé (1978-1982). Elle survit par l'excellence des textes des exclus, quelles que soient par ailleurs leurs différences personnelles ou leurs positions intellectuelles (Faye, Sampieru, Locchi, Vial, Mabire,...), par les résidus d'organisation (Marceau) et de gentillesse (Cariou), semés par d'authentiques militants. Ce qui nous permet de dire que la “communauté” dont s'est toujours targué le GRECE ne vit que chez les exclus. La vraie communauté ND est en dehors de la structure qui vivote, où ne vasouillent plus que ses fossoyeurs. 

 

Un observateur impartial des mouvements politiques français me disait que la ND est typiquement parisienne, dans le sens où l'Action Française, le mouvement des surréalistes autour de Breton, les communistes français, ont vécu, eux aussi, de longues successions d'évictions. On dirait qu'il existe un modèle parisien d'“évictionnisme” pathologique que tous imitent là-bas, même inconsciemment. La ND n'échapperait donc pas à la règle.

 

Conclusion: ces évictions laissent beaucoup d'amertume, laissent le sentiment d'avoir été trompé, roulé dans la farine par quelques petits minables, de s'être égaré dans un mauvais vaudeville. La ND, dans ses discours anti-chrétiens, se moquait du précepte évangélique consistant à tendre la joue gauche quand on venait d'être souffleté sur la droite. N'acceptons donc pas benoîtement l'injustice, dans l'espoir d'obtenir ultérieurement le paradis, ou un “poste” dans un GRECE qui serait appelé à ressusciter. Il faut présenter la facture, celle de Faye et de Cariou surtout, celle de Marceau. Il faut désormais faire payer la note à ceux qui ont délibérément, pour des considérations d'ordre personnel ou pour des intérêts bassement matériels, brisé l'élan de la ND, brisé l'élan et les fulgurances de Faye, tué dans l'œuf l'éclosion de son habermassisme affirmateur. Il faut construire. Construire ce que Faye n'a pas eu l'occasion de construire. Rester fidèle, inébranlablement fidèle à sa mémoire, à ses idées, à son engagement de jadis. Voilà pourquoi nous sommes toujours là. Toujours dans nos bonnes œuvres. Avec, en nos têtes, l'adage de Guillaume d'Orange, dit le Taciturne: «Point n'est besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer».

 

Robert Steuckers,

octobre 1995.

lundi, 24 mai 2010

Gespräch mit Guillaume Faye

SYNERGON - BRUESSEL / DRESDEN / ZUERICH - FEBRUAR 2002

Gespraech mit Guillaume Faye

Dear Friends, Here one of the first interviews that Guillaume Faye gave to a German publisher, explaining his career in the New Right scene and giving some explanation about the trial he had to undergo last year for having published "La colonisation de l'Europe", a book that everyone should read anyway, if you agree or not. This interview was made before September 2001 and therefore doesn't mention the events of New York and Afghanistan. We'll try to make another interview of Faye as soon as possible to let you all know what is his point of view in front of the new war and the new alliances in the Old World.

Gespraech mit Guillaume Faye


fayePqNC.jpgGuillaume Faye, geboren 1949, ist als Schriftsteller und Publizist einer der bedeutendsten Theoretiker der "Neuen Rechten" in Frankreich und arbeitete bis 1987 u.a. bei den Zeitschriften "Élements" und "Nouvelle École". 1987 zog er sich von der "Neuen Rechten" zurück und arbeitete als Moderator beim Pariser Lokalradio "Skyrock", war Texteschreiber für Rockbands und Drehbuchautor. Seit Anfang der Neunziger Jahre arbeitet er bei "Synergies Européennes" sowie bei "Terre et Peuple" mit und ist zudem auch publizistisch wieder aktiv.

Das hier veröffentlichte Gespräch mit Guillaume Faye wurde am Rande der SYNERGON-Sommerakademie im August 2001 von Christian Desruelles und Sven Henkler geführt. Übersetzung: Christian Desruelles.

Guillaume Faye, wir haben gehört, daß Sie an einem neuen Buch arbeiten, das den Arbeitstitel "Die Konvergenz der Katastrophen" trägt. Was können Sie uns darüber bereits heute verraten?

Ich werde in diesem Buch zeigen, daß zum ersten Mal in ihrer ganzen Geschichte die westliche Zivilisation und die europäische Kultur vom Tode bedroht sind, denn zum ersten Mal stehen alle Anzeigen im roten Bereich und in naher Zukunft, so in etwa gegen 2010, 2015, wird sich eine Anzahl dramaturgischer Linien überschneiden. Ich lehne mich dabei an die "Katastrophentheorie" des französischen Mathematikers René Thom an. Die Katastrophe ist nicht die Apokalypse, die Katastrophe ist der abrupte Übergang in einen komplett anderen Systemzustand. Es wird eine Explosion geben, die wahrscheinlich die ganze Erde in Mitleidenschaft ziehen wird, die nicht die Menschheit in Gefahr bringen wird, bei der jedoch die europäische Kultur Gefahr läuft, ganz einfach zu verschwinden.

In früheren Zeiten konnte die europäische Kultur in bestimmten Bereichen, zu bestimmten Zeiten bedroht sein, denken wir an Wirtschaftskrisen oder an Kriege. Aber nie in ihrer Geschichte war sie in allen Bereichen und zur gleichen Zeit bedroht.

Ich will Ihnen ein Bild geben: Wir befinden uns auf der Titanic. Alles ist wunderbar: die Küche ist hervorragend, die Frauen sind bildhübsch, das Schiff ist hell erleuchtet, das Meer ist ruhig und das Wetter angenehm - und in einer Stunde werden wir alle tot sein. Und nur der Ausguck weiß es, er sieht den Eisberg kommen.

Zweites Bild: Sie haben gegen Mittag in ihrem Haus einen Kaminbrand - das ist nicht weiter schlimm. Sie haben die Zeit, das Feuer zu löschen. Wenn Sie sich um ein Uhr nachmittags den Fuß verstauchen, ist das ebenfalls nicht weiter schlimm, Sie können ihn verbinden. Wenn Sie um vier Uhr eine Überschwemmung im Keller haben, haben Sie alle Zeit der Welt, die Feuerwehr zu rufen. Wenn Sie nun aber um 18 Uhr gleichzeitig einen Kaminbrand, einen verstauchten Fuß und eine Überschwemmung im Keller haben, dann sind Sie verloren. Genau das aber kommt auf Europa und möglicherweise auf die ganzeWelt zu.

Wird es Kulturen, Gesellschaften geben, welche die Konvergenz der Katastrophen überstehen werden?

Natürlich. Zuerst aber lassen Sie mich die konvergierenden Linien der Katastrophen kurz beschreiben. Die erste Linie ist das ökologische Desaster, das die Erde zur Zeit erlebt und dessen Auswirkungen sich sehr bald und sehr brutal bei der Ernährungssituation und der Gesundheit der Menschen bemerkbar machen werden.

Die zweite Linie in dieser Dramaturgie ist die dritte große Offensive des Islam auf breitester Front, von Gibraltar bis nach Indonesien, und die Unterwanderung Europas durch den Islam und die Immigration. Wir wissen, daß wir in Frankreich ab dem Jahre 2010 mit einem echten ethnischen Bürgerkrieg rechnen müssen, der das Risiko der totalen Destabilisierung der Gesellschaft mit sich bringen wird.

Die dritte Linie ist der wahrscheinliche Zusammenbruch der europäischen Wirtschaft, ebenfalls so gegen 2010, verursacht durch zwei Faktoren: der erste Faktor ist die Überalterung der europäischen Bevölkerung, wodurch die aktiven Teile der Gesellschaft nicht mehr in der Lage sind, die Bedürfnisse des inaktiven Teils zu decken. Der zweite Faktor, den ich in meinem Buch vertieft behandeln werde, ist das fortschreitende Absinken der europäischen Wirtschaft auf das Niveau der Dritten Welt, das heute sichtbar seinen Anfang nimmt.

Die vierte Linie schließlich ist die Expansion des organisierten Verbrechens, Epidemien, die unkontrollierte Verbreitung nuklearen Materials, die wahrscheinlich in nuklearen Konfrontationen enden wird, die wachsende Unordnung in den internationalen Beziehungen und die Unfähigkeit der EU, etwas anderes zu sein als ein bürokratischer Hohlraum, die mögliche Konfrontation im pazifischen Raum zwischen den USA und dem aufstrebenden China.

Von all dem verschont bleiben werden die Völker mit dem "langen Gedächtnis", d.h. China und die islamische Welt. Der Westen ist leider ein "kurzlebiges Volk" geworden. Früher waren auch die europäischen "langlebige" Völker. Man muß sich im klaren darüber sein, daß materieller Reichtum selbstverständlich kein Glücksgarant ist, noch weniger allerdings wird er die Überlebensgarantie eines Volkes in der Zukunft sein.

Diese Katastrophen werden die hochtechnisierten anonymen Zivilisationen des Westens treffen, nicht aber die wahren Völker. Wir haben hier den Unterschied von Zivilisation und Kultur vor uns. Zivilisationen werden sterben - Kulturen werden leben. Die Frage ist: Will Europa wieder eine Kultur werden, will es, wenn Sie so wollen, die "Renaissance" oder will es als Zivilisation sterben? Dieses Problem habe ich in meinem Buch "L' Archéofuturisme" behandelt.

Angesichts all dieser Katastrophen, die uns bedrohen, Guillaume Faye, sind Sie da nicht zum verbitterten Pessimisten geworden?

Ich bin glücklich, wenn ich Pessimist bin. Denn die Optimisten gehen immer zugrunde, weil sie nicht sehen wollen, was um sie herum geschieht. Wohingegen die Pessimisten auf alles um sich herum achtgeben, namentlich auf Hindernisse und Herausforderungen. Wir krepieren an der Ideologie des Optimismus: die "love story" mit "happy end". Alles geht den Bach runter, aber irgendwie wird alles gut werden, denn wir sind ja Optimisten. Das nenne ich den Totalitarismus des Optimismus, lächeln ist obligatorisch, obwohl jedem einzelnen innerlich zum heulen ist. Im Gegenteil also, ich finde, eine Katastrophe ist eine wunderbare Herausforderung, sich zu regenerieren. Diese Katastrophe wird vielleicht das vierte Kulturzeitalter in Europa einleiten, wenn es denn zur Kultur noch fähig ist. Europa kann sterben oder aber auf neuer Grundlage wiedererstehen.

Selbstverständlich ist es für einen Kranken nicht gerade erfreulich, wenn man ihm mitteilt: "Mein Herr, Sie kommen jetzt unters Messer!" Ich freue mich, daß ab 2010 sehr gravierende Dinge geschehen werden, Dinge, die ich leider nicht mehr erleben werde. Schreckliches kommt auf uns zu, aber um so besser, kein Grund Trübsal zu blasen, das wird ein Stimulans sein, ein Faktor der Selektion für die Europäer, das Ende der bür-gerlichen Gesellschaft, der Sturm wird losbrechen.

Sie sprachen vorhin von einem vierten Kulturzeitalter. Wird das die Zeit des Nach-Chaos sein?

Das wissen wir nicht. Hier muß ich einen kleinen Exkurs in die Mathematik machen. Eine Katastrophe ist mathematisch betrachtet ein heftiger und abrupter Verlust des Gleichgewichts innerhalb eines Systems oder, wenn Sie so wollen, ein Zustandswechsel. Unter System ist dabei sehr vieles zu verstehen: eine Familie, ein Volk, alles, was in der einen oder anderen Form organisiert ist. Dieser Gleichgewichtsverlust endet in einem Chaos, dann kommt es zu einer Wiederherstellung des Gleichgewichts, einer Stabilisierung, mit anderen Worten, zu einem Nach-Chaos. Das ist gültig für jedes physikalische System und jede Kultur, das ist etwas universal Gültiges.

Es kann nun gut sein, daß die europäische Kultur, und ich betone, ich spreche in diesem Zusammenhang nur von ihr und nicht von der "Menschheit", für die dieses Risiko nicht besteht, im Chaos versinkt, daß es also für sie kein Nach-Chaos geben wird, daß sie verschwinden wird. Das kann sehr gut sein, den Untergang von Kulturen sehen wir tausendfach in der Geschichte der Menschheit. Ich mache mir im Moment keine Sorgen um China oder den Islam, aber ich mache mir große Sorgen um Europa, denn vergessen Sie nicht, in zwanzig Jahren werden wir nicht mehr in dieser Zivilisation leben, das ist sicher. Schon nur der Lebensstandard wird vermutlich sehr viel tiefer als heute sein. In meinem Buch "L'Archéofuturisme" habe ich ein Weltwirtschaftssystem der zwei Geschwindigkeiten beschrieben: eine Minderheit behält eine übertechnisierte Ökonomie, die über-wältigende Mehrheit aber wird sich in einem neuen Mittelalter wiederfinden, mit einem Lebensniveau, das demjenigen im Europa des 16. Jahrhunderts vergleichbar ist.

Ich habe dieses Modell vor kurzem an der Wirtschaftsfakultät der Universität Birmingham vorgestellt. Ich hatte Angst, von den Studenten und den Professoren dort für einen Idiot gehalten zu werden, aber mitnichten, als Hypothese wird es von ernstzunehmenden Ökonomen durchaus akzeptiert. Es ist nun an uns, die Zeit nach dem Chaos vorzubereiten, denn das Wesentliche ist nicht, einen Lebensstandard aufrechtzuerhalten, sondern dafür zu sorgen, daß die europäische Kultur und die europäischen Völker überleben können.

Kann die Kultur in Europa, wenn es sie nach der Zeit des allgemeinen Chaos noch geben sollte, China und der islamischen Welt die Stange halten?

fayeCdEM.jpgNatürlich, unter der Bedingung, daß das Problem der islamischen Präsenz in Europa gelöst sein wird, denn wir sind das Opfer der dritten Invasion in der Geschichte des Islam in Europa, und unter der Bedingung, daß die Europäer wieder Kinder haben werden und ihre Vitalität wiedererlangen, denn die größte Macht eines Volkes sind nicht die Atom-U-Boote, sondern seine Werte, die Zahl der Kinder und der Zusammenhalt innerhalb des Volkes, das sind die drei wichtigsten Waffen. Es sind heute die Waffen der Chinesen und der Muslime, aber es sind nicht die Waffen der westlichen Welt. Das westliche Modell ist nur scheinbar vor Kraft strotzend und die Hegemonialmacht, die Vereinigten Staaten, wird sich als Eintagsfliege entpuppen.

Für wen schreiben Sie Ihre Bücher?

Für zwei Kategorien von Publikum: für ein junges Publikum, das dieselben Werte hat wie ich, und das in diesen Ansichten bestärkt werden muß, dem ich Argumente und Anregungen liefere, und für ein neues Publikum, das sich aus allen Schichten zusammensetzt, das nicht in parteipolitischen Denkmustern festgefahren ist, das sich aber gewissermaßen den gesunden Menschenverstand bewahrt hat oder in einer klaren Weltanschauung verankert ist. Ich habe Vorträge mit hinsichtlich "political correctness" fürchterlichem Inhalt, z.B. zum Thema Einwanderung, vor einer Zuhörerschaft von Linksextremen gehalten, und die Leute waren einverstanden mit dem, was ich gesagt habe. Ein anderes Beispiel: Vor kurzem habe ich vor einem rein muslimischen Auditorium einen islamkritischen Vortrag gehalten. Die Leute kamen nachher zu mir und sagten: "Sie haben begriffen, was wir wollen, aber da Sie glücklicherweise der einzige sind, macht es ja nichts."

Ich ergreife jedoch nie Partei, Parteipolitik ist mir völlig egal. Das Kind beim Namen zu nennen ist heutzutage überall schwierig in Europa, in der Öffentlichkeit natürlich sowieso. Am ehesten ist dies möglich in Spanien und vor allem in Italien. In zweiter Linie kommen Belgien und Frankreich, obwohl ich nicht zu viel rühmen will; Sie wissen vielleicht, daß ich in Paris einen Prozeß am Hals habe und es also erwiesenermaßen nicht ratsam ist, sich zu weit aus dem Fenster zu lehnen. In der Schweiz und in Deutschland würde ich nie wagen, solche Sachen öffentlich zu sagen. Ich denke, in Italien ist es heute tatsächlich am einfachsten, sich frei zu äußern. In den USA ist alles möglich, ich kann alles und das Gegenteil davon sagen, aber es hat keine Wirkung und verpufft ungehört.

Ich füge hinzu, daß es normal ist, daß unsere Ideen in Konflikt geraten mit der Zensur. Zensur hat es zu jeder Zeit, überall und in unterschiedlicher Form gegeben. Wichtig ist, sie zu umgehen und nicht dumm in die aufgestellten Fallen zu tappen. Und gleichzeitig muß man mutig sein, es gibt Dinge, die man klar und deutlich sagen muß. Man darf es nicht machen wie die französische "Neue Rechte" um Alain de Benoist, die aus Angst, von der Pariser Intelligentsia nicht mehr zum Italiener eingeladen zu werden, Ansichten und Ideen der extremen Linken übernimmt, daß heißt beispielsweise den Kommunitarismus, die Befürwortung der Immigration und der multikulturellen Gesellschaft usw.

Vor einiger Zeit konnte man im Fernsehen junge Menschen auf der Straße sehen: in Genua und in den nordenglischen Städten Oldham und Bradford. Welche Jugendlichen würden Sie bevorzugen?

Tja, wenn Sie mich so direkt fragen, dann stehe ich natürlich auf Seiten der jungen Briten in Oldham und Bradford, weil sie sich gegen die Übergriffe junger muslimischer Pakistanis gewehrt haben, denn vergessen wir nicht, in Oldham hat alles mit einem Angriff auf einen weißen, hoch-dekorierten Kriegsveteranen begonnen, der sich in ein von Immigranten beherrschtes Quartier ver-irrt hatte.

Die jungen Leute in Genua hingegen sind Opfer einer Manipulation, sie behaupten, gegen die Globalisierung zu sein, im Grunde tun sie jedoch nichts anderes, als der Globalisierung in ihrer liberalen Variante die trotzkistische entgegenzustellen. Der beste Beweis dafür ist, daß sie für die Abschaffung aller Grenzen sind.

Diese Demonstrationen à la Mai ´68 in Genua sind in gewissem Sinne reines Theater. Wir haben es hier mit einem klassischen Beispiel für Manipulation der Akteure und Desinformation des Publikums zu tun. Phänomene dieser Art dienen dazu, die Aufmerksamkeit der Menschen von dem abzulenken, was heute wirklich geschieht. Aber es ist interessant, daß in der Berichterstattung über die Tumulte in Nordengland die Medien vom eigentlich wichtigen Ereignis ablenkten, von der Tatsache, daß Teile des englischen Volkes konkret auf den Beginn eines Bürgerkrieges reagierten und gegen das ihnen von Immigranten quasi auferlegte Verbot, die eigenen Quartiere zu betreten, aufbegehrten.

Sprechen wir von den Autoren und den Büchern, die auf Sie und Ihren Werdegang am meisten Einfluß gehabt haben...

Oh, da gibt es einige. Wirklich zutiefst geprägt haben mich Friedrich Nietzsche, ich muß es gestehen, und ein großer Teil der deutschen Philosophie: Heidegger natürlich, über welchen ich eine größere Arbeit geschrieben habe, auf eine ganz besondere Art und Weise auch Hegel oder all die Lebensphilosophen wie Ludwig Klages und Georg Simmel. Beeindruckt hat mich auch der Wahldeutsche Houston Stewart Chamberlain. Ich finde überhaupt, daß es geradezu ein kategorischer Imperativ ist, sich mit deutscher Philosophie auseinanderzusetzen, man kommt einfach nicht darum herum. Obwohl ich nicht alle Thesen nachvollziehen kann, muß ich auch Carl Schmitt und seinen französischen Schüler Julien Freund erwähnen. Dann die amerikanischen Soziologen Bell und Lasch. Franzosen kommen mir fast keine in den Sinn, ja, gut, Julien Freund, den ich schon erwähnt habe, bestimmt aber Raymond Ruyer, der nicht sehr bekannt ist.

Mein Buch "L' Archéofuturisme" ist aber inspiriert worden durch sein vor langer Zeit erschienenes Buch "Les cent prochains siècles". Von den Franzosen haben mich auch einige, ein wenig spezielle Denker geprägt, der bekannte Guy Debord etwa, der die ziemlich ulkige Schule der Situationisten gegründet hat, mit seinen Betrachtungen über die "Gesellschaft des Spektakels".

Wichtig sind mir auch Michel Maffesoli, übrigens ein Freund von mir, Jacques Derrida und Michel Foucault. Von den französischen Dichtern beeindruckt mich Jean de La Fontaine, der Dichter der Fabeln, das ist ganz außerordentlich. Ich liebe auch einige Bücher von Ernst Jünger, nicht alle, aber bestimmt "Auf den Marmorklippen" und "Eumeswil".

Alle die Autoren sprechen mich an, die dem Leben und der Wirklichkeit verpflichtet sind.

Stichwort "Wirklichkeit": Nach einer Zeit, als Sie sich der Wirklichkeit gestellt haben, als Sie Radio gemacht und auch Drehbücher geschrieben haben, als Sie auch eine zeitlang als Kassierer in einem Supermarkt gearbeitet haben, sind Sie 1998 wieder auf die Bühne der europäischen "Neuen Rechten" zurückgekehrt. Warum?

Aus zwei Gründen: einmal weil ich mich in der Welt des Showbusiness gelangweilt habe. Es gab da zu viele mittelmäßige Leute. Zweitens hatte ich genug, mich zu amüsieren und dabei zu nichts nutze zu sein. Meine Radiosendungen brachten es zwar auf zweieinhalb Millionen Zuhörer, dennoch konnte ich nicht mit ansehen, was um mich herum passierte. Ich konnte nicht zuschauen, wie Europa untergeht wie die Titanic. Das angenehme Leben war mit meiner Rückkehr natürlich zu Ende, aber ich bin heute viel glücklicher.

Guillaume Faye, Sie haben vorhin erwähnt, daß Sie in einen Gerichtsprozeß verwickelt sind?

Das ist sehr interessant. Dieser Prozeß zeigt, daß es in Europa kein positives Recht mehr gibt und wir zu einem Recht zurückkehren, das man als inquisitorisches oder subjektives Recht bezeichnen könnte: man beurteilt nicht mehr eine Handlung, sondern die Gesinnung.

Die Veröffentlichung meines Buch "La colonisation de l'Europe" hat mir diesen Prozeß eingebracht. Was die Behörden so schockiert hat ist, daß ich die Einwanderung Kolonisierung nenne. Es gibt in diesem Buch keinerlei Aufstacheln zum Rassenhaß, wir müssen uns halt einfach wehren, weil wir angegriffen werden.

Als das Buch erschienen war, wurde ich vor den Kadi zitiert. Ziel war es, meinen Verleger mittels einer enormen Geldstrafe finanziell zu ruinieren und mir Angst einzujagen und mich daran zu hindern weiterzuschreiben. Der Chefankläger warf mir Aufstachelung zum Rassenhaß vor, 178 Seiten von 300 fielen laut Anklage unter diesen Tatbestand. Mein Anwalt wandte ein, daß juristisch betrachtet eine Handlung, also eine tatsächliche Erfüllung des Tatbestandes vorliegen müsse: ich stehle, wenn ich jemandem etwas tatsächlich wegnehme; ich stachle zum Rassenhaß auf, wenn ich meine Leser dazu aufrufe, ein Messer zu nehmen, damit auf die Straße zu gehen und alle Immigranten, die ihnen begegnen, umzubringen. Die Antwort der Richterin auf diesen Einwand: "Es ist die allgemeine Atmosphäre, die dieses Buch bei der Lektüre verströmt, daran spürt man deutlich, daß sie hassen." Und das vor 200 Zuhörern im Gerichtssaal. Sie fuhr fort: "Und im übrigen steht schon im Vorwort ein skandalöser Satz." Den besagten Satz hatte Alexander Solschenizyn in einem Zeitungsinterview gesagt. Mein Anwalt meinte nachher, die Richterin habe vermutlich nicht einmal gewußt, wer Solschenizyn ist, und falls doch, dann zumindest nicht genau, ob er verboten ist oder nicht. Der Satz also lautet: "Wenn die Feder nicht wie ein Dolch ist, dann taugt sie nichts." Ich wollte mit diesem Zitat ausdrücken, daß, wenn ein Buch die Dinge nicht beim Namen nennt, es nichts wert ist. Sie aber sagt mir: "Sie sehen ja selbst, wenn Sie andere Autoren zitieren, dann kommt da sofort ein Dolch ins Spiel, das beweist doch ihre potentielle Gewalttätigkeit. Das heißt mit anderen Worten, daß Sie Ihren Lesern einflüstern, Menschen zu töten!"

Aber ich hatte zwei Entlastungszeugen: einen Afrikaner und einen Araber. Die Richterin meinte, das sei nun wahrhaft teuflisch von mir. Die Zeugen sagten, was ich in meinem Buch schreibe, sei noch nicht einmal die halbe Wahrheit. Nun, meinem Verleger und mir wurde je eine Buße von 50.000 französischen Franken aufgebrummt, aber ich habe Berufung gegen das Urteil eingelegt und notfalls ziehe ich das Urteil weiter an den französischen Kassationshof. Was auch immer geschehen mag, ich werde nicht zahlen und publizistisch eher noch eins draufgeben.

Eine letzte Frage: Stand hinter Ihrem Ausflug ins Showbusiness auch ein wenig die Absicht, den "Tiger zu reiten"?

Sie spielen da natürlich auf den Titel eines Werkes von Julius Evola an. Evola finde ich hochinteressant, aber im Gegensatz zu vielen seiner Leser sind es seine Zeitanalysen wie "Revolte gegen die moderne Welt", seine politischen und soziologischen Texte wie "Cavalcare la tigre", die mich faszinieren. Seine anderen, esoterischen Bücher zu begreifen, dafür halte ich mich persönlich für zu wenig intelligent.

Aber um Ihre Frage zu beantworten: Ja, ich glaube, das kann man so sagen. Du kannst eine Sache nur kritisieren, wenn Du dieser Sache auf den Grund gegangen bist. Du kannst die Gesellschaft kritisieren, wenn Du Dich in ihrem Zentrum aufgehalten hast, ohne Dich durch diese Gesellschaft korrumpieren zu lassen. Ich habe beobachtet, ich habe mitgemacht, ohne innerlich dabei beteiligt gewesen zu sein, in diesem Sinne habe ich den Tiger geritten, ja.

Herr Faye, wir danken Ihnen für dieses Gespräch.